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(Quinze heures vingt-et-une minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Présentation de motions non annoncées.
L'honorable député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le
nom de M. Loubier soit substitué d'une manière permanente
à celui de M. Boivin, comme membre de la commission de la Fonction
publique.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Commission sur la liberté de la presse
M. LEVESQUE: M. le Président, comme en vertu de l'article 145 de
notre nouveau règlement, la commission de l'Assemblée nationale
ne -peut créer de commission spéciale et que ce pouvoir
appartient à la Chambre, il faudrait faire motion à l'article
"motions non annoncées", et c'est ce que je fais à ce moment,
afin d'instituer la commission parlementaire spéciale sur la
liberté de presse.
Alors, je vous demanderais, M. le Président, si c'est bien votre
opinion que je doive le faire, malgré que dans le rapport du... article
145, M. le Président, parce qu'en vertu du rapport qui a
été déposé par le député de Roberval,
il est mentionné que la commission de l'Assemblée nationale a
désigné les membres des commissions spéciales.
UNE VOIX: C'est 146, je crois.
M. LEVESQUE: Alors, je fais la correction, 146. Avec le magnifique
volume, M. le Président, que vous nous avez remis, il nous sera
maintenant permis de référer au règlement d'une
façon assez efficace et je m'empresse de le faire pour lire 146: "Une
commission spéciale peut être instituée avec
désignation de ses membres par une résolution de
l'Assemblée indiquant l'objet à l'étude." Et c'est
pourquoi je propose, M. le Président, qu'une commission spéciale
de onze membres soit instituée avec pouvoir d'entendre des
témoins, d'en assigner si besoin est, et de siéger pendant
l'ajournement de la Chambre, pour poursuivre l'examen du problème de la
liberté de presse, des faits qui peuvent la mettre en danger et
d'examiner si les lois de la province en assurent la protection. Que MM. Bacon,
Bourassa, Cloutier (Ahuntsic), Cloutier (Montmagny), Drolet, Hardy, L'Allier,
Laurin, Leduc, Tremblay (Chicoutimi) et Veilleux forment ladite commission.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Commission des corporations professionnelles
M. LEVESQUE: M. le Président, je présume que la motion qui
a été faite et qui apparaît au procès-verbal
relativement à la commission des corporations professionnelles est
légalement instituée. Les membres, d'ailleurs, en ont
été désignés dans le rapport du
député de Roberval.
Projets de loi déférés en
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, compte tenu des nouvelles
dispositions de notre règlement, je fais motion pour que les projets de
loi nos 35, 36 et 37 soient déférés à la commission
de l'Education, des Affaires culturelles et des Communications, afin d'en
poursuivre l'étude.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que le projet
de loi no 64, déféré à la commission parlementaire
de l'Agriculture et de la Colonisation sous l'empire des anciens
règlements, soit déféré à la commission de
l'Agriculture et de la Colonisation créée en vertu de l'article
140 de nos nouveaux règlements.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, pour les mêmes motifs, je
fais également motion pour que le projet de loi privé no 118,
concernant la ville de Saint-Laurent, soit déféré à
la commission des Affaires municipales.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, qu'il me soit permis de faire
motion pour qu'à la commission de la Fonction publique, le nom de M.
Bourassa soit substitué à celui de M. Lafrance.
M. LE PRESIDENT: D'une manière permanente?
M. LEVESQUE: Pour le moment du moins. D'une manière permanente,
pour le moment.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. BURNS: M. le Président, qu'il me soit permis de faire motion
pour qu'à la commission de l'Education, des Affaires culturelles et des
Communications, le nom de M. Léger soit substitué au nom de M.
Charron.
M. LAURIN: D'une manière permanente également.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Motion de suspension de l'application d'une
règle de procédure
M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai l'intention de proposer une
motion d'urgence et, à cette fin, je vous avais prévenu, au
début de la séance, que cette motion serait
présentée en vertu de l'article 85 de nos règlements qui
comporte une motion de suspension de l'application d'une règle de
procédure. Pour la bonne compréhension de cette nouvelle
procédure, on me permettra de lire cet article 85. "1. L'application
d'une règle de procédure prévue aux paragraphes 2 et 3 de
l'article 3 du règlement, peut être suspendue à la suite
d'une motion annoncée du leader parlementaire du gouvernement indiquant
l'objet pour lequel elle est suspendue. "2. Quand la motion de suspension de
l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence c'est le
cas présentement, M. le Président elle n'a pas à
être annoncée et elle doit contenir un exposé des motifs
qui prouvent l'urgence et justifient la suspension de l'application des
règles. Le débat sur cette motion est limité à deux
heures partagées équitablement par le président entre les
représentants des divers partis reconnus à la suite d'une
conférence avec les leaders parlementaires de chacun de ces partis. "3.
Cette motion ne peut être ni amendée ni divisée."
M. le Président, c'est en vertu de ces dispositions de notre
règlement que je vous ai prié de convoquer une conférence
des leaders parlementaires. C'est ce qui s'est produit il y a quelques minutes.
C'est, d'ailleurs, ce qui explique le retard que nous avons eu à
entreprendre nos travaux aujourd'hui.
UNE VOIX: Partiellement.
M. LEVESQUE: Partiellement, non;
A la suite de cette rencontre, il a été convenu, comme
vous le savez... Devrais-je plutôt, M. le Président, vous demander
de nous faire part, à ce moment-ci, du résultat de cette
conférence?
M. LE PRESIDENT: Lors de cette rencontre, il a été convenu
de déroger légèrement aux règles de l'article 85,
deuxième paragraphe. Le temps alloué à chacun des partis
reconnus, convenu d'une manière unanime entre les quatre leaders
parlementaires des partis reconnus, est le suivant: parti ministériel,
60 minutes, y compris le droit de réplique; 30 minutes à
l'Opposition officielle; 20 minutes au parti du Ralliement créditiste;
20 minutes au Parti québécois, ce qui fait un total de 130
minutes, soit deux heures dix minutes.
M. BURNS: M. le Président, j'ai soulevé le problème
à la conférence des leaders parlementaires mais vous aviez
réservé votre décision, à savoir si des
députés indépendants voulaient intervenir. Est-ce que
votre décision prévoit du temps pour eux?
UNE VOIX: Deux minutes!
M. VINCENT: As-tu deux minutes?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, si ma mémoire est bonne, c'est
vous-même qui avez soulevé le problème. Je n'ai
passé aucune remarque, préférant les réserver
à ce moment-ci pour vous signaler mon opposition parce que plus tard,
dans le cours de la discussion, les députés indépendants
pourront participer au débat et, suivant l'article 85,
deuxièmement, il est bien spécifié que le temps est
réparti entre les partis reconnus.
Dans les circonstances, M. le Président, je vous demanderais
d'observer cette règle impérative de notre règlement
à l'endroit des députés indépendants.
M. SAMSON: M. le Président, pourrais-je vous demander une
directive? Etant donné que vous avez mentionné vous-même au
début de votre exposé que vous aviez dérogé quelque
peu aux dispositions de l'article 85, c'est en vertu de cette dérogation
que je voudrais vous demander que les députés indépendants
aient aussi le droit de parole à cette occasion. Sinon, je vous
demanderais d'inscrire que je me sens bâillonné par les membres de
l'Opposition.
M. BURNS: M. le Président, en ce qui concerne notre groupe
politique, nous donnerions notre consentement à ce que les
députés indépendants puissent se voir allouer une
période de temps pour s'exprimer dans ce débat, même si,
comme l'a dit le député de Maskinongé, le texte de
l'article 85, lorsqu'on le lit, ne laisse pas de droit, semble-t-il, aux
députés indépendants. Mais quant à nous, nous vous
donnerions notre consentement à ce qu'une période de temps soit
allouée aux députés indépendants.
M. LE PRESIDENT: Si on respecte à la lettre l'article 85,
deuxièmement, il est bien dit
que ce partage doit se faire entre les partis reconnus.
J'avais l'intention de demander... La seule porte de sortie que
j'aurais, ce serait le consentement unanime de la Chambre. Est-ce qu'il y
aurait consentement à ce que... S'il n'y a pas consentement...
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez de faire une
suggestion qui pourrait peut-être être agréée, nous
pourrions nous entendre pour qu'un député indépendant ait
cinq minutes, un seul, et que les quatre s'entendent pour
déléguer celui qui prendra la parole.
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Etant
donné qu'il ne semble pas que nous allons en arriver à une
conclusion et à une entente, et que je crois comprendre que le nouveau
règlement est à titre expérimental, je vous demanderais
s'il n'y a pas d'entente de prévue et si nous ne sommes pas en
voie de nous entendre que nous nous basions plutôt sur le vrai
règlement, parce que nous sommes actuellement à
expérimenter un nouveau règlement qui n'a pas encore
été accepté par voie de motion de l'Assemblée
nationale.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'il y a consentement
unanime?
M. LOUBIER: Non.
M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que je
pourrais demander au député de Montcalm s'il a l'intention
d'adresser la parole sur la motion?
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, en quelques mots, je crois
que tous les députés devraient avoir des droits égaux en
cette Chambre. Ils sont élus pour tenter de représenter l'opinion
des gens de leur circonscription et je crois qu'il serait très
malheureux pour les institutions parlementaires qui nous régissent de
bâillonner ou d'empêcher pour une raison ou pour une autre
les...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
Ma question a été bien simple. J'aimerais une
réponse aussi simple. Est-ce que vous avez l'intention de prendre la
parole oui ou non?
M. MASSE (Montcalm): Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Je demande s'il y a consentement unanime à ce
que le député de Rouyn-Noranda ait cinq minutes et le
député de Montcalm cinq minutes? S'il n'y a pas consentement
unanime...
DES VOIX: Oui.
M. PAUL: N'oui, M. le Président!
M. LE PRESIDENT: II est quinze heures trente-cinq minutes, le parti
ministériel aura 60 minutes, le...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mettez la rondelle au jeu.
M. LE PRESIDENT: ... parti de l'Opposition officielle: 30 minutes; le
Ralliement créditiste: 20 minutes; le Parti québécois: 20
minutes; le député de Rouyn-Noranda: 5 minutes; le
député de Montcalm: 5 minutes.
L'honorable leader...
UNE VOIX: Aurèle! M. AUDET: Aurèle?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs. A l'ordre!
Le leader parlementaire du gouvernement.
Grève du secteur public
Motion en vue de l'adoption d'une loi
M. Gérard-D. Lévesque
M. LEVESQUE: M. le Président, nous vivons présentement
dans la province, une situation que nous pouvons qualifier de grave et il est
de mon intention de proposer une motion qui serait de nature à nous
permettre d'adopter sans délai, un projet de loi pour assurer le respect
de la loi et le retour au travail des employés des secteurs public et
parapublic.
M. le Président, nous savons que les négociations sont
maintenant rompues. Nous arrivons bientôt à la fin de la
deuxième semaine de grève générale. Pour tous ceux
qui considèrent objectivement la situation, on peut dire que cette
dernière est généralement intenable et inacceptable.
J'espère qu'au cours de ce débat forcément
limité sur la question de l'urgence de la situation, quelques-uns de mes
collègues pourront faire le point et ajouter certains chiffres ou une
certaine appréciation, une certaine évaluation sur les conditions
particulières de leur secteur.
Dans le cas des hôpitaux, on connaît la situation faite aux
malades, la situation faite aux vieillards dans certaines institutions, aux
handicapés; dans les commissions scolaires, dans les collèges on
s'inquiète de la situation grave dans laquelle se trouvent les
étudiants, la menace qui pèse sur leur année scolaire.
Dans la fonction publique, inutile de dire que l'administration est
généralement paralysée. Si on considère de plus les
incidences que cela a sur le secteur privé, on peut dire que plusieurs
emplois à travers la province sont compromis.
Les syndiqués eux-mêmes, en grand nombre, réclament
le retour au travail. Ceux qui doivent, dans tous les divers secteurs, assurer
à la population un minimum de continuation sont, souvent, physiquement
épuisés. Devant une
situation comme celle-ci, que je ne veux pas dramatiser mais que toute
la population connaît aussi bien que nous et d'une façon souvent
plus spectaculaire, il ne nous reste qu'à accomplir notre devoir. Nous
savons, de plus, que plusieurs cadres, plusieurs non-syndiqués n'ont pu
franchir les lignes de piquetage, que souvent les services essentiels n'ont pas
été maintenus, que des injonctions sont souvent
ignorées.
Inutile, M. le Président, de brosser un tableau plus complet. Je
crois que tous et chacun d'entre nous réalisons l'urgence de mettre fin
à une situation qui, comme je l'ai dit il y a quelques instants, devient
inacceptable. Il reste que tous les efforts ont été faits par le
gouvernement et ses représentants.
J'en profite pour souligner les efforts considérables et jusqu'au
bout poursuivis par l'équipe de nos négociateurs et
particulièrement par le ministre de la Fonction publique et ses
collègues du comité ministériel.
Il n'y a eu, tout au long, dans l'attitude du gouvernement, dans
l'attitude de son premier ministre, dans l'attitude des membres du gouvernement
et de tous ceux à qui incombait le devoir de répondre à la
présente situation, ni panique, ni emportement, ni provocation, mais
seulement le désir ardent d'en arriver à une solution
négociée.
Toutes les mesures ont été prises, tous les efforts ont
été faits et il ne reste maintenant, M. le Président,
qu'à déclarer, devant la situation que nous connaissons
aujourd'hui, il n'y a, pour le gouvernement, qu'à remplir son devoir et
de présenter à cette Chambre cette motion qui demande la
suspension des règles de procédure afin de procéder, sans
plus de délais, avec cependant la plus grande objectivité,
à l'adoption d'une loi pour assurer le respect de la loi
générale et assurer le retour au travail des employés des
secteurs public et parapublic.
En conséquence, M. le Président, je propose que, vu
l'état de crise dans la province, causé par la grève
générale des employés syndiqués des secteurs public
et parapublic; il y a urgence, premièrement, d'adopter le projet de loi
numéro 19, pour assurer le respect de la loi et le retour au travail de
ses employés; deuxièmement, de suspendre les articles
numéros 23, 29, 30, 32, quatrièmement, sixièmement et
septièmement, 38, 58, 78, 88, 89, 117, 127, 128, 129, 138 et 179 du
règlement, que de plus, la commission plénière fasse
rapport, après une période maximale de trois heures
d'étude; troisièmement, que l'Assemblée siège, sans
interruption, jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner, tous les
jours de la semaine, sauf le dimanche, avec suspension des travaux de dix-huit
heures à vingt heures, qu'à toutes ses séances, l'ordre du
jour soit celui qui est prévu pour le mardi, par l'article 34 du
règlement, et ce jusqu'à l'adoption du projet de loi
numéro 19.
M. BURNS: M. le Président, simplement une question, pas sur la
motion. Le leader a-t-il des copies à nous fournir de cette motion?
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, le leader du gouvernement vient
de décrire la situation de façon générale,
l'état qu'il a qualifié de crise grave.
Je ne voudrais pas reprendre ce qu'il a dit pour ne pas prolonger le
débat. Si je fais simplement cette mention, c'est qu'il m'apparaît
nécessaire, en indiquant pourquoi il y a urgence que l'arrêt de
travail cesse dans le secteur particulier des Affaires sociales comme dans
l'ensemble des secteurs public et parapublic, que cette évaluation soit
faite avec le plus d'objectivité possible.
En premier lieu, je voudrais faire un bref rappel des faits, parce que
je crois que ce rappel des faits est important quant à la conclusion
relativement à l'état d'urgence. Nous avons connu un premier
arrêt de travail, le 28 mars dernier. Depuis cette date, dans les
hôpitaux généraux, de façon générale,
face à la possibilité d'un nouvel arrêt de travail, les
administrations hospitalières ont été obligées de
limiter le taux d'occupation à des niveaux variant entre 35 p.c, 40 p.c,
50 p.c. et aussi limiter de façon appréciable les services rendus
à la population dans les consultations externes dans les services
d'urgence.
Donc, cette situation dure depuis plus de trois semaines en ce qui a
trait aux hôpitaux généraux, de façon
générale. Egalement, dans le domaine des hôpitaux
généraux et des autres institutions dans le secteur des Affaires
sociales, j'ai fait état, lors du bilan que j'ai présenté
ici mardi, du harcellement auquel les institutions ont été
soumises depuis ce premier arrêt de travail. Cela a compliqué
grandement leur administration. Cela, a contribué à la fatigue du
personnel et a créé dans bien des cas un climat
d'insécurité pour les patients.
Depuis le 11 avril, soit depuis dix jours maintenant, nous subissons un
second arrêt de travail dans ce secteur. En premier lieu, le
ministère des Affaires sociales est demeuré tout à fait
inaccessible. Il ne nous a pas été possible de traverser les
lignes de piquetage pour avoir accès à l'édifice du
ministère. On peut imaginer qu'après une période de dix
jours, pour un ministère qui est dans un secteur comptant plus de 1,000
institutions, c'est-à-dire dont l'action est extrêmement
décentralisée et qui comptent sur l'appui du ministère au
plan financier et à divers plans, que le rattrapage qu'il y aura
à effectuer va être extrêmement difficile et
également que le bon fonctionnement de ce système
décentralisé devient de plus en plus difficile à mesure
que l'arrêt de travail se poursuit.
Dans les hôpitaux généraux, depuis ce se-
cond arrêt de travail, évidemment le taux d'occupation a
dû, dans bien des cas, être réduit à un niveau
inférieur à celui que j'ai mentionné. Egalement, nous
avons vécu, depuis ce second arrêt de travail, toute une
série de circonstances très difficiles pour la population, soit
la fermeture à certains moments de services d'urgence, face à
l'impossibilité devant laquelle les médecins se trouvaient de
pénétrer à l'intérieur des institutions.
J'admets qu'il nous a été possible, par
négociations, dans certains cas, de rétablir la situation assez
rapidement. Dans d'autres cas, les délais ont été plus
longs. Mais on peut imaginer, dans des cas comme celui de l'hôpital
Maisonneuve, quels dangers, quels risques la population courait devant la
fermeture des services d'urgence de l'importance de ceux d'un hôpital de
cette nature.
Egalement, depuis ce second arrêt de travail, le personnel en
place, le personnel que les syndicats ont consenti à laisser
pénétrer dans les institutions connaît une fatigue
croissante. Egalement, de nombreuses institutions ont eu des problèmes
d'approvisionnement, des problèmes de renouvellement de la literie et de
tout ce qui leur est nécessaire pour un bon fonctionnement avec les
dangers qui pouvaient se présenter sur ce plan. Je crois que j'ai
déjà fait mention du problème particulier que nous avons
eu avec la buanderie communautaire ici, à Québec.
Dans les hôpitaux chroniques et psychiatriques, l'état des
patients, comme je l'ai mentionné, est susceptible dans bien des
cas, on nous a fait état du fait que leur état pouvait
régresser ou régressait de régresser. Ceci se
comprend, parce que ces patients, dans le cas des malades psychiatriques, dans
le cas des malades chroniques également, nous avons des gens dont
l'équilibre mental est affecté dans une certaine mesure à
cause de leur état, se sont vus dans les mains de personnes inconnues,
face à des mouvements très différents, des habitudes
très différentes de celles auxquelles ils sont habitués.
C'est pourquoi je puis dire que, dans leur cas, leur état est
susceptible d'avoir régressé dans un certain nombre de cas.
Egalement, on nous rapporte qu'à mesure que le problème de
l'entretien des malades se poursuit, des problèmes de plaies de lit sont
susceptibles de se développer. Dans ce secteur également,
particulièrement dans ce secteur, on nous rapporte aussi la fatigue du
personnel. Donc, ici, nous avons vécu une situation extrêmement
pénible étant donné qu'il s'agit là, sans
contredit, des plus démunis de la société et des plus
malheureux aussi. C'était la raison pour laquelle le gouvernement avait
cru nécessaire, dans tous les cas où il n'avait pas
été possible de négocier l'entrée de personnel pour
le maintien des services essentiels, de prendre des injonctions dans le cas de
ces institutions pour malades chroniques et psychiatriques.
Dans le cas de centres d'accueil, la situation que je viens de
décrire, en ce qui a trait aux institutions pour malades psychiatriques
et pour malades chroniques, est à peu près analogue. Ici, nous
avons eu des difficultés, comme je l'ai déjà
mentionné, de façon particulière, quant à
l'entrée de bénévoles parce que, pour le bon soin
d'enfants, de déficients mentaux, de certaines catégories
d'enfants affectés de problèmes majeurs, la présence de
bénévoles n'était que d'une aide extrêmement
limitée.
Donc, si nous faisons le bilan, nous voyons qu'il est à peu
près le même que celui que j'ai décrit mardi. Mais, ce qui
est extrêmement important de retenir, à mon sens, c'est la raison
pour laquelle j'ai voulu faire ce retour, c'est qu'il s'agit d'une situation
qui est sérieuse depuis le premier arrêt de travail. Depuis ce
premier arrêt de travail, nous pouvons dire que, graduellement, cette
situation a eu pour effet de limiter, toujours davantage, le droit des citoyens
à des services de santé, à des services sociaux, droit qui
vient d'être nouvellement reconnu dans la loi no 65.
Je veux faire également état, très
brièvement, de la situation dans les bureaux d'aide sociale. Des
questions ont été posées en Chambre. J'ai donné
l'état de la question. J'ai dit que, pour ce mois-ci, il n'y avait pas
de problème quant à l'émission des chèques. Mais
nous ne pouvons ignorer que les bureaux, qui ne peuvent fonctionner, ne peuvent
répondre, par conséquent, aux urgences, aux cas de
dépannage et que, cette situation se maintenant trop longtemps, des
problèmes particuliers peuvent en résulter.
On m'a fait état, par exemple, hier, de la possibilité
qu'un bénéficiaire de la Loi de l'aide sociale, s'il ne
reçoit pas son chèque, soit l'objet d'une saisie de ses biens. Je
ne veux pas m'étendre plus longtemps sur ce problème particulier
mais je crois qu'on peut imaginer facilement quel type de situation peut
résulter si la situation continue de durer telle qu'elle est dans ce
secteur également.
Je voudrais aussi mentionner le problème que nous avons
vécu dans nos laboratoires. Nos laboratoires de Montréal
étant fermés depuis le début de l'arrêt de travail,
malgré tous nos efforts pour négocier l'entrée de
personnel, nous n'avons pu obtenir aucun résultat avec la
conséquence que les échantillons qui étaient dans ce
laboratoire au moment de l'arrêt de travail sont évidemment
perdus. Encore là, au plan du dépistage de maladies et il
s'agit ici d'un problème sérieux nous devons accuser un
retard et des problèmes de nature particulière.
J'ai aussi mentionné, à la suite de ce bilan, mardi, et je
le répète parce que je crois qu'il s'agit là d'un
élément important également, que de nombreux
problèmes humains ont résulté de cet arrêt de
travail: anxiété chez les personnes qui ne pouvaient visiter des
malades, des parents, des amis. Egalement, nous devons rappeler le fait que ce
bilan que nous traçons est celui qu'il nous est possible
d'établir à partir de la
situation dans les établissements mais nous ne pouvons dresser un
bilan de la situation de personnes hors des établissements qui font face
à des problèmes au plan des services de santé et des
services sociaux, qui peuvent être, dans bien des cas, des
problèmes relativement sérieux.
Alors la situation ne s'est pas brusquement
détériorée depuis hier, je l'ai mentionné. C'est
une situation qui est sérieuse depuis le début du premier
arrêt de travail. Si nous avons jugé que cette situation devait
durer malgré tous les sacrifices qu'elle imposait à la
population, malgré ce qu'elle exigeait du personnel qui est resté
en place pour le fonctionnement des institutions, c'est que, comme l'a
mentionné le premier ministre, comme l'ont mentionné les
ministres de la Fonction publique et du Travail, nous avions foi, en tout
premier lieu, en une solution à ce conflit ou à ce
problème, par la voie de la négociation. Nous avons aussi voulu,
dans la limite où il était possible de le faire, respecter le
droit de grève, ce droit de grève, comme je viens d'essayer de le
démontrer, entrant, dans une certaine mesure, en conflit avec le droit
à des services de santé et à des services sociaux, droits
qui viennent d'être reconnus de façon formelle dans la loi 65.
Le dernier point que je voudrais faire ressortir, c'est
l'impossibilité, à ce moment et depuis la nuit dernière,
de pouvoir continuer de croire en une solution négociée à
ce conflit. Ici, le ministre de la Fonction publique ou d'autres de mes
collègues, à l'occasion des discussions qui suivront, ou en
d'autres occasions, pourront aller beaucoup plus en détail.
Je voudrais simplement rappeler, M. le Président, les efforts qui
ont été faits de la part du gouvernement afin qu'il soit clair
que, si nous avons connu cette situation dans le domaine des affaires sociales,
que si nous l'avons laissé continuer, c'est que, d'autre part, nous
faisions des efforts tout aussi considérables pour en arriver à
une solution le plus rapidement possible.
Les offres du gouvernement ont été
présentées depuis fort longtemps, offres qui, je crois, comme
tous mes collègues, étaient des offres justes. Egalement,
malgré le fait que ces offres nous apparaissaient justes et
équitables, une offre additionnelle a été
présentée lundi dernier et une nouvelle offre conditionnelle a
été formulée mardi de cette semaine.
Malgré tout ceci, malgré les efforts constants du ministre
de la Fonction publique, de ses fonctionnaires, des fonctionnaires d'autres
ministères comme celui des Affaires sociales, ces efforts se sont
avérés vains.
Le ministre de la Fonction publique pourra donner plus de détails
évidemment, mais pour moi la conclusion très claire que j'ai
tirée et c'est pourquoi je puis affirmer sans aucune
hésitation que la solution négociée à ce moment ici
apparaissait impossible c'est que le front commun dans ses
réponses aux dernières offres remet en cause ou exige de discuter
des politiques qui ne peuvent que faire l'objet de décisions
gouvernementales ou de cette Chambre.
Et c'est pourquoi malgré tous ces efforts la nuit
dernière nous avons dû faire rapport au cabinet ce matin
qu'il était impossible d'en arriver à une solution
négociée. Devant cette impossibilité, il n'est plus
possible de tolérer que la situation se détériore
davantage dans les affaires sociales, que le droit des citoyens aux services de
santé et aux services sociaux soit limité comme il continue
d'être limité, comme il l'a été depuis le premier
arrêt de travail et aussi qu'il n'est plus possible de demander, devant
une telle situation, au personnel, au prix d'efforts et de fatigue
considérables, d'assurer le fonctionnement des institutions au cours des
trois dernières semaines.
M. le Président, c'est ainsi que j'en conclus qu'il y a urgence
de prendre les mesures qui feront en sorte que les employés du secteur
des Affaires sociales de même que les employés des secteurs public
et parapublic retournent au travail.
M. BURNS: Question de règlement.
M. le Président, à ce moment-ci j'ai l'intention
d'invoquer le règlement. Je m'excuse de ne pas l'avoir fait auparavant,
mais j'ai été obligé de lire et de décortiquer la
motion assez longue que le leader parlementaire a déposée. De
toute façon, en vertu de l'article 41, un député peut en
tout temps signaler une violation de règlement, et selon moi la motion
qui est devant nous est absolument irrecevable en vertu du règlement
qu'on appelle maintenant le code Lavoie, de nos règles
parlementaires.
Tout d'abord, ma première question de règlement est
double: si on examine la motion, elle s'applique au texte même de
l'article 85 de notre règlement. L'article 85, je pense, fait une nette
distinction entre deux situations différentes, la première
étant lorsque la Chambre décide de mettre de côté
certaines de ses règles sur une motion annoncée,
c'est-à-dire une motion que le leader aurait normalement mise au
feuilleton aujourd'hui et qui aurait été débattue
demain.
Donc, ce n'est pas en vertu de ce paragraphe que nous siégeons ou
que nous examinons la présente motion. C'est donc en vertu du
deuxième paragraphe qui dit: "Quand la motion de suspension de
l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence..." qu'on n'a pas
besoin d'avis de motion. Donc, c'est en vertu de ça que le leader du
gouvernement a l'intention de faire adopter sa motion.
Selon nous, la première motion qui aurait dû être
faite est une motion pour constater l'urgence. Or, si je regarde la motion
faite par le député de Bonaventure, on voit que les deux
problèmes sont mêlés et je reviens au texte de la motion:
"Je propose que, vu l'état de crise de la province causé par la
grève générale des employés syndiqués des
secteurs public et parapublic, il y a urgence de..."
Il aurait fallu, à mon humble avis, faire
d'abord une motion pour déclarer qu'il y avait urgence. Et
là-dessus, je vous le soumets, le texte de notre nouveau
règlement c'est déjà peut-être une des
premières lacunes qu'on y trouve n'est peut-être pas clair
là-dessus.
Donc, à mon avis, il y aurait une certaine ambiguïté
à ce niveau-là et à ce moment-là on doit se
référer au texte de l'article 3 de notre règlement qui
dit: La procédure de l'Assemblée nationale du Québec est
réglée, premièrement, par les lois, deuxièmement,
par le règlement, troisièmement, par des règlements
adoptés pour la durée d'une seule session, quatrièmement,
par des ordres spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont
l'effet est limité aux matières pour lesquelles ils sont
votés et, cinquièmement, par les précédents
établis par suite de l'interprétation des lois et du
règlement.
Donc et c'est la première fois que nous avons je me
réfère au cinquièmement à faire face
à cette situation en vertu du nouveau règlement. Je ne peux pas
m'appuyer en cas d'ambiguïté de notre règlement sur les
précédents puisque, M. le Président, vous constaterez
vous-même que vous n'avez jamais eu l'occasion de rendre une
décision sur ce point-là, c'est-à-dire sur l'article 85,
depuis le 1er avril.
Alors, à ce moment-là, je dois lire l'article 4 qui dit:
"Dans un cas prévu par les règles de procédure ou dans un
cas de divergence d'opinion sur l'interprétation d'une règle de
procédure." Il y a sûrement divergence, M. le Président,
entre l'attitude du leader parlementaire et la mienne en tout cas. Dans un cas
de divergence d'interprétation d'une règle de procédure,
le président décide en tenant compte des usages de
l'Assemblée depuis son origine. Bon, je vais aller encore plus loin, M.
le Président, que les usages et c'est là que notre fameux code
vert revient sur la table.
Le règlement qui était en vigueur avant le 1er janvier,
à l'article 219, était beaucoup plus spécifique et
beaucoup plus clair à cet égard et on retrouvait la même
distinction qu'on retrouve actuellement à l'article 85,
c'est-à-dire, d'une part, que la suspension expresse ou implicite d'une
règle doit être préalablement annoncée si elle est
proposée par motion principale. C'est le cas de l'article 85,
premièrement. Et deuxièmement, on disait: La suspension peut
cependant être proposée par motion principale non annoncée,
si la Chambre a préalablement, sur une motion non annoncée
donc 13, c'est clair qu'il y a deux motions différentes et contenant un
exposé de motifs suffisants déclaré qu'il y a
urgence de se prononcer sur cette suspension.
Je pense qu'il est clair, d'une part, qu'il y a ambiguïté
dans le texte de 85, qu'il n'y a pas de précédent auquel on peut
se référer, que par conséquent on doit se
référer aux usages antérieurs au 1er avril, l'usage
antérieur étant clairement consacré par un texte du
règlement, c'est-à-dire l'article 219. Ce règlement dit
que, dans un cas comme celui qui nous confronte actuellement, on doit d'abord
étudier la ques- tion de la déclaration d'urgence et qu'ensuite,
si cette première motion est adoptée, on peut faire la motion
pour mettre de côté certaines règles. Ce sont deux
questions tout à fait séparées et, d'ailleurs, c'est
très logique que ça soit ainsi.
La deuxième question de règlement, M. le Président,
que j'ai à invoquer et relativement à l'irrecevabilité
absolue, à mon avis, des mots qui terminent le deuxième
paragraphe de la motion. En plus, si vous voulez, il y a la raison que je vous
ai mentionnée tantôt concernant la non-recevabilité de
cette motion, mais à mon avis il y en a une qui est encore plus grave et
c'est celle qui se retrouve par les mots: "Que de plus, la commission
plénière fasse rapport après une période maximum de
trois heures d'étude."
M. le Président, dans notre nouveau règlement, il y en a
une clôture. Il y en a un système de guillotine ou de
bâillon. J'ai déjà...
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BURNS: M. le Président, c'est encore sur ma question de
règlement. Il invoque le règlement sur la question de
règlement. Je pourrai peut-être invoquer le règlement sur
sa...
M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. J'ai le droit. On verra.
Oui, oui.
Voici, M. le Président, je ne veux pas, en vertu de l'article 100
qui me le défend, imputer des motifs au député de
Maisonneuve, mais il est clair qu'il s'agit présentement d'un point de
procédure qui au fond est de nature dilatoire.
D est clair que si on veut regarder objectivement l'article 85, on voit
de toute évidence...
M. BURNS: M. le Président, il répondra à ma
question de règlement tantôt. Je n'ai pas terminé toute
l'affaire.
M. LEVESQUE: D'accord.
M. BURNS: Ce n'est pas sur quelque chose que je viens de dire.
M. LE PRESIDENT: Vous pourrez parler sur la question de
règlement.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas l'intention d'en parler, parce que vous le
savez, c'est clair comme de l'eau de roche. Deuxièmement, lorsqu'il
parle de recevabilité...
M. BURNS: Bien oui, mais M. le Président, qu'est-ce que c'est sa
question de règlement?
M. LEVESQUE: Un instant je parle du deuxième point, j'ai
laissé le premier point. Un peu moins nerveux!
M. BURNS: En vertu de quel article m'interrompez-vous?
M. LEVESQUE: Le député de Maisonneuve vient de parler,
à l'instant même, d'une question de recevabilité et il
entre dans le propre même, dans le contenu de la motion que j'ai
déposée. Il aura l'occasion de le faire lorsqu'il aura à
se prononcer, s'il le désire, sur l'urgence ou non ou la façon
dont cette motion demande la suspension des règles. Qu'il soit d'accord
ou non, c'est une autre chose.
M. BURNS: Ce n'est pas une question de règlement, cela.
M. LEVESQUE: Je dis, M. le Président, qu'il touche au fond de la
motion et tout ce qu'il dit présentement, c'est simplement pour retarder
les travaux de la Chambre.
M. BURNS: M. le Président, je ne demanderai même pas au
leader parlementaire de retirer ses paroles, lesquelles me prêtent des
intentions. C'est son droit et de toute façon, j'ai la conscience claire
et c'est tout ce qui m'occupe.
En ce qui me concerne, quels que soient les énoncés que le
leader parlementaire puisse faire à propos de mes intentions de mettre
des mesures dilatoires dans le débat, ce n'est pas du tout cela. En tout
cas, il le croira et les autres le croiront s'ils le veulent aussi. Je ne
discute pas du fond de la motion, pas du tout. Je vous dis, M. le
Président, que d'une part l'article 85, tel qu'on doit le lire,
déclare qu'il doit y avoir une déclaration d'urgence avant qu'on
puisse passer par une motion non annoncée; autrement, cela n'a aucun
sens. Là, nous serons limités à discuter et l'urgence et
l'à-propos de mettre de côté telle et telle règle.
C'est pour cela, ce n'est que pour cela et cela a d'autant plus d'importance
que le débat est limité à deux heures. C'est pour cela que
je soulève cette question de règlement-là. Libre au leader
parlementaire de m'imputer toutes les intentions qu'il voudra.
Je ne touche pas au fond, M. le Président. Le deuxième
point est celui-ci. Le texte dit: De plus, la commission plénière
doit faire rapport après une période maximum de trois heures
d'étude. Je dis que c'est contraire à l'économie
même de notre règlement actuel. Je ne parle pas de l'ancien. Je
n'entrerai pas dans le fond, sur le bien-fondé ou non qu'il y ait
clôture, qu'il y ait guillotine, qu'il y ait bâillon ou appelons
cela comme on le voudra dans ce débat-ci, je n'entre pas dans le
bien-fondé même. Je me réfère tout simplement
à l'esprit du règlement de clôture de notre nouveau
règlement, plus précisément à l'article 161. A
l'article 161, on dit: Lorsqu'une commission a étudié le projet
pendant une période de temps correspondant à l'importance et
à la longueur du projet, le leader parlementaire du gouvernement peut,
sans avis, proposer une motion énonçant les modalités d'un
accord il n'y a pas eu d'accord, évidemment conclu entre
les leaders parlementaires du parti reconnu au cours d'une conférence
convoquée par le président, à la demande du leader
parlementaire du gouvernement. Cette motion est décidée
immédiatement, sans débat ni amendement.
Deuxième paragraphe: Si, à la suite de la convocation de
la conférence des leaders, une entente n'a pu être conclue, le
leader parlementaire du gouvernement le déclare à
l'Assemblée et, après un avis d'un jour franc, il propose que le
rapport de la commission soit présenté à
l'Assemblée dans le délai qu'il indique. Je vous dis, M. le
Président, que l'économie même de ce texte-là... Je
trouve cela particulièrement grave, si on crée un écart
à ce moment-ci, dès la première fois qu'on testera notre
règlement relativement au règlement de clôture; dès
cette première fois, si on interprète de façon trop large
ce texte-là, à mon avis c'est l'institution parlementaire
elle-même qui va en souffrir à long terme. Comme je l'ai
déjà dit, les vraies choses vont se dire ailleurs que dans cette
Chambre, si c'est cela qui arrive avec le nouveau règlement.
A mon avis, il est très clair que l'article 161 présuppose
que le règlement de clôture ne puisse intervenir qu'à la
suite... Le texte est clair: Lorsqu'une commission a étudié...
Donc, il faut qu'il y ait eu un geste de posé, c'est l'esprit du
règlement de clôture. Si on commence à dire, parce que le
texte ne dit pas cela, qu'une commission se propose d'étudier... Si on
interprète ce texte-là d'une façon si large, à mon
avis, le petit livre en question ne vaudra pas grand-chose avant longtemps. Les
gens qui viendront parler ici, cela ne voudra pas dire grand-chose non plus
puisque, à tout bout de champ, quand le gouvernement le décidera,
il pourra déclarer que le problème va se régler en tant
d'heures.
On n'a même pas la chance... C'est pour cela que je dis que c'est
contraire à l'économie de ce règlement-là. Surtout,
c'est ma préoccupation, le texte de l'article 161 est restrictif de
droit.
Or, M. le Président, en vertu de toutes les règles
d'interprétation, je n'ai pas à insister là-dessus, nous
dirons que n'importe quel texte qui restreint les droits de quelqu'un et
c'en est un doit être interprété, lui, de
façon restrictive, c'est-à-dire de couvrir plutôt la
solution où ça ne s'applique pas...
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Ma
motion, la motion que j'ai présentée devant cette Chambre, a pour
objet de suspendre tel et tel article et de suspendre, de limiter
l'étude en commission plénière, c'est l'objet de la motion
que j'ai présentée. Le temps qu'il utilise présentement
pour dire que je ne devrais pas faire ça, que ma motion devrait
être autre n'est pas une question de règlement, je n'ai pas
attaqué le règlement par cette motion, ce que dit le
député de Maisonneuve n'a rien qui touche à la
validité et à la recevabilité de la motion, c'est
simplement du temps qui normalement devrait être pris pour
parler sur le fond de la motion et, ce qu'il fait présentement,
c'est d'essayer de rajouter au temps qu'on lui a accordé ensemble, sur
lequel on a convenu dans une conférence des leaders parlementaires.
DES VOIX: A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président.
M. LEVESQUE: J'insiste, M. le Président, de nouveau, sur le fait
que j'ai proposé que, vu telle et telle situation d'urgence, on ne parle
pas d'une situation normale, on demande la suspension des règles de
procédure, on demande...
M. BURNS: Je vais vous en parler.
M. LEVESQUE: ... qu'on ne soit pas limité dans les heures
d'étude du projet de loi.
M. BURNS: M. le Président, il aura le droit de me répondre
tantôt.
M. LEVESQUE: J'ai le droit d'exprimer mon point de vue.
M. BURNS: Je n'ai pas fini, attendez donc!
M. LEVESQUE: Un instant, justement je m'oppose et c'est là mon
point d'ordre. Je m'oppose à ce qu'on fasse indirectement ce qu'on a
convenu directement de faire et voilà l'objet de mon point de
règlement. On veut mettre en cause l'économie du
règlement, ce n'est pas le temps de le faire. On a passé des mois
à parler de ce règlement. Que veut-on faire? On veut parler de la
motion. Qu'on parle de la motion, qu'on prenne les vingt minutes en vertu du
règlement, à la suite d'une conférence qui a
été tenue et dans laquelle a participé celui-là
même qui vient de s'exprimer qui a convenu, pour son parti, d'un temps de
vingt minutes et, présentement, il parle justement du fond de la
motion.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je reconnais que le point de
règlement soulevé par le leader du gouvernement a son sens parce
que je crois que, peut-être involontairement, le député de
Maisonneuve s'est aventuré au fond de la question justement. S'il est
d'opinion que la motion du leader du gouvernement est trop draconienne, ce
qu'il fait actuellement, en somme, il débat du fond de la question, il
pourra en parler dans sa période de temps.
De toute façon, écoutez...
M. BURNS: Je n'ai qu'une chose à dire, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Je vaisvous accorder la parole mais brièvement
et strictement sur la question de règlement sans aller au fond de la
question.
M. BURNS: D'accord, M. le Président, je réitère que
ce n'est pas du tout, et je ne ris même pas quand je dis ça, pour
faire perdre le temps de la Chambre que je fais ça. Nous avons conclu
une entente avec les autres partis et nous allons la respecter, sur le fond,
nous parlerons nos vingt minutes, point. C'est clair, que ce soit bien compris
et, si le leader du gouvernement veut lancer le débat sur ce ton alors
que ce n'est pas du tout mon intention, il en portera la responsabilité
tantôt.
M. LE PRESIDENT: La question de règlement.
M. BURNS: Je veux tout simplement, en terminant... J'ai parlé de
deux choses jusqu'à maintenant et je ne me prononçais pas sur le
fond quand je disais qu'il fallait interpréter l'existence même de
161 de façon restrictive. D'accord? J'ai parlé également
de l'ambiguïté de l'article 85. Je vous parle d'une
troisième chose qui, à mon avis, est archi-importante, et
là je reviens, encore une fois, même au texte de l'article 85 sur
une partie où il est clair. L'article 85, et c'est le titre de cette
section X: Motion de suspension de l'application d'une règle de
procédure. J'insiste beaucoup sur le mot de suspension. Or, que fait la
motion? Si nous lisons dans le texte d'ailleurs, c'est bien clair que
cette motion-là a l'intention de suspendre une règle existante,
non d'en imposer une, pas du tout et quelle nouvelle règle nous
impose-t-on? on nous impose justement une nouvelle règle qui
n'existe pas dans notre règlement actuel, la nouvelle règle
disant que la commission plénière fasse rapport au bout de trois
heures. J'ai beau chercher ça dans notre règlement, ça n'y
est pas.
Donc, ce n'est plus une motion de suspension des règles de
procédure, c'est une motion pour imposition. D'accord elle en suspend.
Cela suspend les articles 23, 29, 30, 32, 38, 58, 78, etc. C'est vrai. Mais, en
plus de cela, cela nous ajoute une nouvelle règle. Cela non plus n'est
pas dans l'esprit de cette motion. Ce n'est pas dans l'esprit du texte de
l'article 85...
M. LEVESQUE: On parle du fond, M. le Président.
M. BURNS: Vous répondrez. Vous aurez tout le temps pour
répondre, si vous voulez. L'article 85 dit tout simplement que
l'application d'une règle de procédure prévue aux
paragraphes 2 et 3 de l'article 3 du règlement peut être
suspendue. Moi, je demande quelle règle on suspend par le bout de phrase
qui dit que la commission plénière ne siège pas plus que
trois heures. Cela n'existe nulle part dans notre règlement. Ce qui
existe, c'est le texte de l'article 161 auquel je vous ai
référé tantôt.
Je ne vois pas comment cette motion qui autorise la suspension d'une
règle puisse en créer une nouvelle. Ce n'est pas cela du
tout.
Alors, si le leader, après que la motion pour suspension d'une
règle a été adoptée, a l'intention de nous en
amener une nouvelle, il le fera. Le règlement prévoit comment il
doit le faire. Il le fera à ce moment.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres députés qui
désireraient parler sur cette question de règlement?
DES VOIX: Non.
M. LE PRESIDENT: J'ai remarqué que l'argumentation du
député de Maisonneuve se divise en deux parties. Dans son premier
point, il rejetterait ou me demanderait de rejeter la motion du fait qu'elle
contient deux éléments et qu'il s'agit d'une motion à deux
volets, si vous voulez: La question d'urgence, d'une part, et la question de
suspension de l'application des règles, d'autre part.
Personnellement, je serai satisfait de la rédaction ce
sera difficile de l'être autrement de l'article 85, 2o.
Personnellement et dans l'esprit de ceux qui ont travaillé à la
rédaction de ce règlement, c'est que nous avons voulu fondre dans
une seule motion les deux motions qui existaient préalablement en vertu
de l'article 219 de l'ancien règlement. Nous voulions fondre ces deux
motions: la question d'urgence qu'il y avait avant et la question de suspension
d'une règle. Du moins, c'était l'intention des codificateurs. La
preuve en est que, si on lit le troisième paragraphe de l'article 5, on
a mis une prohibition de division de la motion, ce qui n'existait pas
auparavant. Au troisième paragraphe: "Cette motion ne peut être ni
amendée ce qui existait auparavant, mais on a ajouté
ni divisée", pour prévoir justement ce double volet.
Par contre, si le député de Maisonneuve établit que
la rédaction telle quelle n'est pas parfaite, je suis peut-être
prêt à l'accepter et, lorsque ces règlements deviendront,
un jour, s'il y a lieu, définitifs, il y aura peut-être lieu de
modifier la forme de la rédaction de l'article. Personnellement, je dois
vous dire que l'intention de ceux qui ont travaillé à la
codification, c'était bien de fondre dans une seule motion les deux
motions qui existaient auparavant; l'urgence et la suspension de l'application
d'une règle.
Deuxièmement, à l'effet qu'il ne serait pas permis
d'ajouter une certaine restriction sur la longueur de l'étude du travail
de la commission plénière, je reconnais qu'il s'agit d'une motion
d'urgence. C'est tout à fait exceptionnel, c'est une question
extraordinaire qui arrive à l'occasion, une fois par session et souvent
une fois par deux ou trois ans dans des moments de crise comme celle que nous
vivons actuellement.
Comme je le disais tout à l'heure, le député de
Maisonneuve reconnaît peut-être à cette motion un
élément draconien. Il y a autre chose dans la suspension d'autres
règles qui est également draconien comme le fait de siéger
après onze heures jusqu'à trois, quatre, cinq, six ou sept heures
du matin et même deux ou trois jours de suite s'il y a lieu. C'est
vraiment exceptionnel. C'est exceptionnel également en dehors du
règlement que les étapes du projet de loi, la première, la
deuxième et la troisième et l'étude en commission se
fassent à la même séance. C'est également draconien.
Je reconnais que le fait de cette limite de trois heures est peut-être
draconien, mais, personnellement, je crois qu'il s'agit d'une situation tout
à fait exceptionnelle. S'il y a un aspect draconien ou odieux dans la
motion, c'est au gouvernement d'en prendre la responsabilité
vis-à-vis de l'opinion publique.
Pour cette raison, je considère cette motion comme totalement et
parfaitement recevable.
M. BURNS: M. le Président, simplement une directive. J'ai
posé également un troisième point où, à
toutes fins pratiques, je vous posais la question: Est-ce que la motion pour
suspension d'une règle peut ajouter une nouvelle règle? Je pense
que vous n'y avez pas répondu.
M. LE PRESIDENT: Je serais d'avis que c'est légal parce qu'on
pourrait même mettre que le projet ne subirait qu'une seule lecture et,
personnellement, je crois que ce serait valable.
L'honorable ministre de l'Education.
M. François Cloutier
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, maintenant qu'une
querelle de procédure aussi malvenue que stérile est
terminée, vous me permettrez d'en arriver au coeur des problèmes
que traverse actuellement notre société. Il semble que tous les
partis politiques n'y soient pas sensibles, malheureusement.
Je désire intervenir pour souligner l'urgence de la situation
consécutive à cet arrêt de travail d'où la
nécessité d'une action aussi ferme que rapide. Le leader
parlementaire nous a tracé un tableau d'ensemble. Le ministre des
Affaires sociales nous a parlé du secteur hospitalier et du
bien-être social. Je me limiterai au secteur de l'éducation.
Il y a deux jours, dans le cadre d'une déclaration
ministérielle, je faisais le point. La situation n'a fait qu'empirer
depuis. Les écoles et les collèges sont fermés de
façon générale et ceci, comme je le soulignais, à
la fin de l'année scolaire. Même les enseignants qui ne sont pas
en grève sont incapables d'observer leur rythme d'activité
ordinaire pour l'excellente raison qu'ils ne peuvent accéder aux
institutions où ils travaillent.
Certaines mesures, qui ressemblent fort à des
représailles, semblent être prises actuellement contre certaines
institutions privées. Les conséquences de cet état de fait
se font déjà sentir sur le rendement scolaire et on peut croire
que,
dans certains cas, l'année risque d'être compromise.
Le problème, je tiens à le souligner, est peut-être
plus grave au niveau collégial qu'aux niveaux élémentaire
ou secondaire. En effet, aux niveaux élémentaire et secondaire,
les commissions scolaires ont toute latitude d'aménager leurs horaires
et il sera sans doute possible de prolonger un peu l'année sans que les
élèves en souffrent. En revanche, au niveau collégial,
alors que deux périodes de 82 jours sont prévues, lesquelles
périodes doivent être observées pour que l'année
soit à la fois valable et valide, il faudra probablement envisager une
prolongation de cette année scolaire. Ceci va se traduire par des
problèmes, en particulier sur le plan de l'emploi des étudiants
et également sur le plan de leurs revenus.
D'ailleurs, ces derniers commencent déjà à s'agiter
et, ce faisant, ils manifestent beaucoup de maturité. A certains
endroits, ils ont réclamé qu'on leur donne des cours revendiquant
ainsi un droit qu'on leur a reconnu. Ce droit, c'est le droit à
l'éducation. Notre réforme scolaire a eu justement pour objectif
de permettre à tous les enfants du Québec d'accéder
à l'éducation. Nous sommes passés d'un système
axé vers l'élite vers un système qui vise à
permettre à tous de s'instruire. L'école a cessé
d'être un instrument de promotion individuelle pour devenir un instrument
de promotion collective.
Est-il possible qu'un gouvernement puisse laisser une situation comme
celle-là pourrir sans intervenir? Bien sûr, ce qui se passe dans
le secteur scolaire peut peut-être paraître moins spectaculaire que
dans le secteur hospitalier. Cependant, non seulement touche-t-il aux droits
dont je viens de vous parler mais il détermine également tout un
ensemble de situations individuelles, de drames quotidiens, je n'hésite
pas à le dire, qui laissent toujours des traces, en particulier chez les
étudiants qui sont en cours de formation de leur
personnalité.
Nous sommes en présence d'une grève légale. On peut
s'interroger sur les modalités de son exercice. Nous nous interrogerons
très certainement. Mais cependant, il est clair qu'une
société ne peut permettre que l'exercice d'un droit qui a
été consenti rentre en conflit avec l'exercice des droits les
plus fondamentaux.
Parce qu'une société ne peut le permettre, j'abonde dans
le sens qui vous a été indiqué et je vote en faveur de
cette motion de suspension des procédures pour l'excellente raison que,
dans le secteur qui me concerne comme dans les autres, secteurs, M. le
Président, les limites du tolérable sont atteintes.
M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable ministre de la Fonction
publique.
M. Jean-Paul L'Allier
M. L'ALLIER: M. le Président, je n'ai pas beaucoup de choses
à ajouter à ce qu'ont dit mes collègues, le leader
parlementaire, le ministre des Affaires sociales et le ministre de l'Education,
pour indiquer qu'il y a maintenant urgence, pour cette Assemblée et tous
les partis qui y siègent, à voir quelles sont les mesures
à prendre afin de garantir le respect des droits, comme l'a dit mon
collègue de l'Education, fondamentaux de la société.
C'est évidemment difficile pour moi, et c'était difficile
hier également, de constater qu'après les efforts
considérables que nous avons faits pour en arriver à une solution
négociée d'un problème qui est, en fait, un
problème de renouvellement d'un contrat de travail, qui est une question
de savoir quelles seront les conditions de travail des employés des
secteurs public et parapublic, d'en arriver à constater l'échec,
à ce moment-ci, de la négociation.
J'ai répété tellement de fois, au cours de ce
conflit, que la solution négociée était la solution
idéale, tant pour l'Etat que pour les citoyens, et aussi, et
peut-être surtout, pour les travailleurs des secteurs public et
parapublic, que je suis convaincu qu'il sera possible de continuer, à un
moment donné, cette recherche d'une entente.
Quoi qu'il en soit, malgré que nous avons fait connaître,
il y a un an, les principes fondamentaux et essentiels sur lesquels s'appuyait
la politique gouvernementale, la constatation que nous avons dû faire
hier soir est à l'effet qu'il n'était pas possible,
raisonnablement, de percevoir, pour un avenir immédiat, une solution
négociée du conflit, négociée dans
l'intérêt des travailleurs mais aussi parce que c'est aussi notre
reponsabilité, comme gouvernement, dans l'intérêt de l'Etat
et de la collectivité. C'est ce qui m'amène à souligner le
caractère d'urgence que revêt l'étude, par cette
Assemblée, des mesures qui devraient être prises.
Il y a urgence, précisément, parce qu'une grève
dure depuis neuf jours, qu'elle a des conséquences dans la fonction
publique, conséquences qui sont peut-être difficiles à
évaluer aussi précisément que dans le secteur des affaires
sociales ou dans le secteur de l'éducation mais qui n'en sont pas moins
grandes. Une grève dure depuis neuf jours. C'est une grève
légale. Comme l'a dit le ministre de l'Education, on peut se poser des
questions sur les modalités d'exercice de cette grève. On peut
certainement constater, à ce stade-ci, qu'il faudra revoir, le plus
calmement possible et en dehors de périodes de conflit, l'ensemble de
ces mécanismes. Cette grève, donc, qui s'exerce comme un moyen de
pression sur l'employeur, le gouvernement, les commissions scolaires, les
corporations hospitalières, touche d'abord et avant tout, quoi qu'on en
dise, la population, et souvent la population la plus faible, qu'il s'agisse
notamment des malades qui sont dans les hôpitaux pour malades chroniques
ou pour malades psychiatriques, qu'il s'agisse des étu-
diants ou des élèves dans les écoles, qu'il
s'agisse des assistés sociaux qui n'ont pas accès aux services
réguliers des bureaux d'aide sociale.
Il s'agit d'une grève dans les secteurs public et parapublic, et
par définition, dans les services à la population. S'il avait
été possible au cours des derniers jours d'entrevoir cette
solution que nous avons recherchée par tous les moyens, il aurait
été possible de concevoir que cette pression s'est exercée
et d'une façon positive. Cependant, nous ne pouvons pas prévoir
l'issue négociée de ce conflit. Et la priorité de tous les
membres de cette Assemblée est maintenant de voir de quelle façon
il sera possible de protéger et de redonner aux citoyens l'ensemble des
services publics auxquels ils ont droit.
C'est en fait la responsabilité du gouvernement et de
l'Assemblée nationale que de prendre sans délai des mesures pour
arrêter la détérioration des services et pour les
rétablir régulièrement. Un gouvernement et une
Assemblée nationale qui n'agiraient pas ainsi, qui seraient dans
l'incertitude ou qui s'abstiendraient, feraient preuve, à mon avis,
d'inconscience et d'irresponsabilité face à la population.
Nous devons donc maintenant étudier ces mesures. Nous devons les
étudier en tenant compte de l'évolution, bien sûr, des
relations de travail dans le secteur public. Nous devons les étudier
également, et surtout, en tenant compte de la protection des droits de
chaque citoyen du Québec aux services publics.
Je souscris donc à cette motion et j'espère
qu'au-delà des questions de procédure et de parti chaque membre
de cette Assemblée qui représente une partie de la population
québécoise n'aura, dans les heures de débat qui suivront,
à l'esprit rien d'autre que l'intérêt de chacun des
citoyens que nous représentons ici.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER: M. le Président, ce n'est sûrement pas de
gaieté de coeur que j'aurai à faire des remarques, des
constatations et peut-être des propos qui apparaîtront d'une
certaine cruauté ou brutalité à l'endroit du gouvernement
et des membres du gouvernement.
J'ai écouté le ministre de la Fonction publique qui, je
pense, avec une certaine émotion et nous le comprenons à
la suite du travail énorme qu'il a dû abattre depuis quelques
jours dans des circonstances extrêmement difficiles j'ai compris
dans les propos du ministre, que sa fonction avait été
extrêmement difficile, extrêmement complexe et qu'il était,
pour lui, souverainement difficile de supporter la motion
présentée par le leader et surtout que l'aboutissement de longs
mois de négociation se révèlent d'une façon aussi
désagréable et aussi difficile à accepter pour lui.
Mais, M. le Président, si le rôle de l'Opposition est
difficile, il n'en demeure pas moins que l'Opposition doit prendre toutes ses
responsabilités et l'Opposition n'est pas là pour encenser le
gouvernement ou souligner les mérites du gouvernement ou le
féliciter des bons coups qu'il pourrait poser.
Le rôle de l'Opposition, dans toute son ingratitude, est surtout
de démontrer des défaillances, des imperfections, les maladresses
du gouvernement et, en même temps, d'essayer, de façon très
positive, de faire des suggestions pour améliorer à
différents niveaux la situation.
J'ai écouté le leader parlementaire, le ministre des
Affaires sociales, le ministre de l'Educa-tion, le ministre de la Fonction
publique et j'ai nettement l'impression, que ces gens-là sortent d'un
cauchemar et que ce n'est que cet après-midi qu'ils se rendent compte de
toute la gravité de la situation. Ce n'est que cet après-midi
qu'ils ouvrent les yeux pour constater jusqu'à quel point c'était
sérieux, c'était grave et c'était urgent. Jusqu'à
hier, M. le Président, aucun des membres du gouvernement n'affirmait
qu'il y avait urgence.
J'ai même fait répéter, à un moment
donné, et seul le ministre de l'Education, oui, a employé des
expressions, hier, pour démontrer qu'il y avait urgence, qu'il y avait
également sur le plan des négociations une situation tellement
difficile que ça devenait alarmant. Mais c'est à peu près
le seul et on s'est bien défendu de l'autre côté de la
Chambre, lorsque j'ai souligné que la situation était alarmante,
que la situation était dramatique; les ministériels disaient
non.
Et le ministre de la Fonction publique disait: Non, ce n'est pas
alarmant. Ce n'est pas dramatique. Le ministre des Affaires sociales, disait:
Non, ce n'est pas si dramatique que ça. Evidemment, avec son langage
extrêmement violent, le ministre des Affaires sociales nous disait que
c'était sérieux, que ce n'était pas la situation normale
rêvée, mais que, de toute façon, tout était
passablement sous contrôle.
Or, le même homme, à quelques heures, a des expressions
aussi claires que celles-ci: Pour les hôpitaux, à venir jusqu'au
11 avril, c'était à 30 p.c. ou 40 p.c, 50 p.c. de
capacité, mais depuis le 11 avril le taux a diminué
davantage...
M. CASTONGUAY: C'est publié dans les journaux.
M. LOUBIER: ... ce qui devient une situation très très
difficile. Pour ce qui a trait au ministère, il dit: Vous comprendrez,
M. le Président, que la situation est très très
sérieuse, puisque c'est inaccessible depuis plusieurs jours et que nous
avons, d'une façon ou d'une autre, à voir à la bonne
administration de 1,000 institutions et je vous préviens, c'est toujours
le ministre qui parle, que le rattrapage sera extrêmement difficile. Il a
dit également que, dans les cliniques d'urgence, qu'il y avait eu
à
certains endroits des situations extrêmement pénibles.
Il nous dit également et je pourrais citer, M. le
Président qu'au niveau des malades psychiatriques, eh bien que
c'est extrêmement difficile. Or, le ministre de l'Education est un peu
plus conséquent que ses collègues, puisqu'il reprend sensiblement
les mêmes propos qu'il a tenus il y a à peine quelques heures.
Mais, de toute façon, je pense que ces gens-là viennent de sortir
d'un cauchemar et qu'ils viennent de se rendre compte que c'est
extrêmement grave, non seulement pour les syndiqués, non seulement
pour une classe en particulier, mais pour toute la population
québécoise, dans sa santé publique, dans sa
sécurité publique et dans son économie.
M. le Président, cette motion à caractère d'urgence
est un peu dramatique sur les bords. Elle aurait pu facilement être
évitée parce que la motion du leader ministériel est
malheureusement un constat d'échec des ministres de la Fonction
publique, malheureusement, du Travail, de l'Education, des Affaires sociales,
des Finances et du premier ministre. La motion du leader est aussi une
confession de jugement. Lorsqu'on nous dit que tous les efforts c'est le
leader parlementaire qui disait cela ont été fournis et
posés, il va plus loin, que toutes les mesures ont été
prises, c'est absolument faux.
Peut-être tous les efforts ont-ils été posés
par un homme, celui de la Fonction publique, peut-être, oui, mais est-ce
que toutes les mesures ont été prises? Non, M. le
Président. Cette motion du leader parlementaire démontre un
degré d'immaturité que je ne qualifierai pas de la part du
gouvernement mais qui pourrait peut-être rejoindre une faiblesse
chronique du gouvernement, un manque de prévoyance, d'imagination, de
leadership, une indécision congénitale de la part du
gouvernement. Le gouvernement aurait pu facilement prendre des mesures qui
auraient évité une tournure aussi peu agréable et rentable
pour quelque partie que ce soit, la partie syndicale ou la partie
patronale.
La motion du leader parlementaire invoque l'urgence, oui. Nous avons
l'impression si on me permettait de procéder par images
que les loups viennent de sortir du bois, que les membres du gouvernement
agissent un peu comme des bêtes fauves blessées, traquées
et cernées de toutes parts. C'est un peu à la façon de
chiens enragés que l'on veut mordre un peu partout et ne pas manquer son
coup. Si on avait voulu accepter les propositions que je faisais je le
dis sans aucune vanité à l'époque, le 8 et le 28
mars qu'on lise les débats de la Chambre et dans un
communiqué de presse de la semaine dernière, avant la prise de
position du Parti québécois, je proposais des
mécanismes.
Depuis un mois, je demande qu'il y ait convocation immédiate de
la commission de la Fonction publique pour entendre les parties.
A-t-on répondu à cet appel? Non, M. le Président.
Deuxièmement, je proposais que s'il y avait impasse globale, on pourrait
au moins avoir les donnés du problème, on pourrait au moins,
nous, les représentants du peuple, les syndiqués eux-mêmes
et toute la population, par le truchement de la commission parlementaire de la
Fonction publique, avoir les deux versions. Aussi refusé.
J'ai proposé également, en cas d'impasse à la suite
de cette convocation de la commission de la Fonction publique, qu'on demande
à tous les employés de retourner au travail, qu'il y ait un
moratoire de trois mois afin de permettre aux parties patronale et syndicale de
négocier de façon sérieuse et assidue à
l'intérieur d'un calendrier défini, que l'on accorde à
tous les employés qui reviendraient au travail 5 p.c. de façon
uniforme. Le gouvernement a agi, à ce moment-là", comme des
sourds et muets. J'ai répété cette invitation la semaine
dernière; pas une seule réaction, il n'y avait pas d'urgence, ce
n'était pas alarmant, même hier.
J'avais proposé, le 8 mars, le 28 mars, le 13 avril, le 14 avril
à la télévision, dans des communiqués de presse,
etc., qu'au bout de trois mois, s'il y avait encore blocage
systématique, l'on réfère le tout à un tribunal de
travail ad hoc ou à un autre organisme ou qu'on réfère
à une autre législation pour que la sentence devienne
exécutoire.
Rien de la part du gouvernement. On vient nous dire aujourd'hui que
toutes les mesures ont été prises, jamais. Je pense que toutes
ces propositions que j'ai faites étaient marquées au coin du
réalisme, de la logique et permettaient de dépolluer le climat et
auraient évité surtout l'état de grève
générale que l'on connaît depuis quelques jours et auraient
évité aussi à certains personnages des écarts de
langage tels que l'on met le peuple sur un volcan, auraient évité
des outrages au tribunal, auraient également évité des
sentences extrêmement sévères avec emprisonnement et des
amendes qui sont énormes en argent, auraient évité que les
parties se jettent inconsidérément dans la démagogie. On
s'y est refusé, durant toute cette période de temps.
Il y a eu, je le dis amicalement, de la part de mes amis du Parti
québécois, une crise de conscience. Le gouvernement, lui c'est
une crise de puberté qu'il traverse. Du côté du Parti
québécois, c'était une crise de conscience. Mais
même là, il y a eu de la part du Parti québécois des
suggestions de faites aussi, lorsqu'après avoir rencontré leur
confesseur et réglé leur crise de conscience, ils ont fait des
suggestions même si ce n'étaient pas les mêmes suggestions
venant du chef en dehors, du chef en dedans et tout ce que vous voudrez, il y a
eu des suggestions, le gouvernement n'a pas écouté, n'a pas
entendu et, à un moment donné, il y a eu des propositions
solidairement et conjointement présentées par les trois partis de
l'Opposition, mais il n'y avait pas urgence, ce n'était pas grave, ce
n'était pas dramatique.
Or, j'ai nettement l'impression que le gouvernement a totalement
manqué de réalisme,, d'esprit de décision. Il n'a pas
pris, au bon moment, les décisions qu'il s'imposait de prendre. Que le
gouvernement cesse donc d'être traumatisé par certains
ténors au Québec! Que le gouvernement cesse donc d'essayer de
ménager le chou et la chèvre continuellement! Que le gouvernement
cesse de chanter même si on appelle ça Pepin, Laberge et
Charbonneau et compagnie! Quand le gouvernement va-t-il enfin se
réveiller pour placer, non pas de façon matraquée, mais
des mécanismes permanents prévoyant des situations comme telles
ou au moins utiliser les mécanismes qui sont en place.
Je pense que nous assistons à une escalade aujourd'hui et
souventefois dans des paroles démentielles. J'ai écouté,
entre autres, Pepin, Laberge et Charbonneau. Charbonneau, lui, ce
n'était pas compliqué: Un appel aux armes, nous allons
régler ça. Du côté de Pepin, on continue à
dire: Ne respectez pas les injonctions, ne respectez pas la loi, peu importent
les décisions du gouvernement. Le gouvernement est complice de ces
écarts et de ces excès de langage et je vous dis pourquoi.
Pourquoi, à ce moment-là, n'a-t-il pas voulu? Qu'avait-il
à cacher? Pourquoi n'a-t-il pas voulu que la partie syndicale et la
partie patronale viennent faire entendre leur version à la commission de
la Fonction publique pour que nous puissions permettre à ces gens
d'exprimer leur point de vue et de dire quels étaient les motifs de ce
blocage systématique?
Tout ce que nous connaissons depuis quelques jours et ce qui est plus
grave encore, ce climat déprimant qu'on est en train d'instaurer en
permanence au Québec, tout ce que nous connaissons est dû à
l'inertie, l'imprévoyance, l'inconséquence du gouvernement
actuel. Encore une fois, c'est un gouvernement de pompiers qui a attendu que
les petits feux prennent comme il le faut et on a dit: On n'interviendra pas
tout de suite. Nous allons déléguer le ministre de la Fonction
publique pour aller souffler sur les petits feux et nous allons attendre,
ça va se régler.
On a même attendu que les feux prennent d'autres dimensions pas
mal plus alarmantes. Là, on a délégué d'autres
ministres pour essayer de prêter main-forte au ministre de la Fonction
publique. A un moment donné, d'une minute à l'autre,
littéralement à quelques instants, on vient de découvrir
que toute la maison est en feu. C'est la panique. On brûle toutes les
étapes qui auraient pu être traversées de façon
démocratique, de façon équitable pour les parties en
cause. On brûle toutes les étapes d'un seul coup et on
procède à rebours, à l'envers. On donne d'abord le coup de
matraque et après, on dit: On verra, on vous soignera. Probablement que
c'est ce qui va arriver, M. le Président.
Est-ce qu'on peut qualifier cela d'une administration qui, à
chaque jour, essaie de régler les problèmes quotidiens, sans
tenir compte d'au- cune planification, sans prévoir la mise en place ou
l'utilisation ce qui est encore plus grave des mécanismes
qui pourraient dépolluer le climat et qui auraient pu, en l'occurrence,
faciliter énormément un règlement et ainsi faciliter le
travail du ministre de la Fonction publique.
M. le Président, la motion présentée par le leader
parlementaire vient trop tard et elle vient d'une façon que je pourrais
qualifier de geste posé à l'agonie, in extremis, de la part du
gouvernement. Je pense qu'il est important de constater que le gouvernement,
encore une fois, a livré aux députés de cette Chambre une
motion d'urgence sans que nous ayons en main, au moins sur le plan
confidentiel, le projet de loi qu'il s'apprête à nous soumettre.
Sans que nous l'ayons en main, pour nous montrer, encore là, qu'on
pourra taxer...
M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais simplement, sans
interrompre le chef de l'Opposition officielle, lui rappeler que chacun des
députés a maintenant le texte en main.
M. LOUBIER: Non, je regrette.
M. BURNS: Nous ne l'avons pas.
M. ROY (Beauce): Nous ne l'avons pas.
M. LEVESQUE: Alors, les inscriptions n'ont pas été...
UNE VOIX: Vous l'avez envoyé à la presse entre-temps.
M. LEVESQUE: Ah! voici.
M. DEMERS: Ce n'est pas encore urgent. On a le temps. Cela ne presse
pas. Prenez votre temps.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... page par page.
M. LOUBIER: M. le Président, c'est aujourd'hui que l'on apprend,
de la bouche de certains ministres, qu'il y a des enfants au Québec qui
ont droit à l'éducation. Lorsque j'ai tenu ces propos, hier et
avant-hier, on disait: Un instant, un instant, ce n'est pas si urgent que cela.
Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on se rend compte que, dans les affaires sociales,
il y a des malades qui doivent être soignés et qu'ils ont un droit
strict à être soignés. On vient d'apprendre cela
aujourd'hui. Eux, ils viennent de réaliser cela aujourd'hui. Ils
viennent de réaliser, après que nous l'eussions dit hier et
avant-hier, que les malades, les étudiants, les enseignants, les
assistés sociaux sont tenus en otages. Ils viennent de se rendre compte
de cela aujourd'hui. Qu'est-ce qui s'est passé cette nuit?
Un des ministres qui est intervenu dit que la situation ne s'est pas
brusquement modifiée.
Bien, qu'est-ce qui se passe alors? Pourquoi ne pas avoir recouru
à des mécanismes en place? Pourquoi ne pas avoir fait appel
à ce moratoire, à la commission de la Fonction publique et
accorder 5 p.c. et prévoir qu'il y ait rencontre entre la partie
patronale et la partie syndicale, devant les députés,
représentants du peuple?
M. le Président, je serais tenté d'être encore
beaucoup plus sévère dans mon jugement quant à l'attitude
du gouvernement ou plutôt quant à l'indécision chronique du
gouvernement et qui agit in extremis avec des moyens qui sont
réputés et reconnus comme étant extraordinaires.
Je serais extrêmement malheureux d'être dans la peau du
ministre de la Fonction publique. Je serais démoli littéralement
parce que, depuis des mois et des mois, même hier, le ministre de la
Fonction publique disait partout qu'il ne fallait pas recourir à une loi
matraque, qu'il espérait que la seule façon valable était
encore la négociation et que cela pouvait se régler de cette
façon.
M. le Président, on n'a même pas donné l'occasion
aux négociateurs du gouvernement et aux négociateurs de la partie
syndicale de se faire entendre à l'intérieur d'une commission
où doivent régner la sérénité,
l'objectivité et où, à ce moment-là, et les
syndiqués, et tous les Québécois et les
représentants du peuple auraient pu avoir une meilleure perception de ce
problème, auraient pu analyser, de façon beaucoup plus
sérieuse et objective, qui des deux parties manquait de réalisme.
Est-ce la partie patronale? Est-ce la partie syndicale? Eh bien, on . n'a
même pas voulu se rendre à ces demandes qui étaient
extrêmement raisonnables et qui auraient évité cette
grève que nous connaissons depuis quelques jours. Cela a
été demandé, les premières fois, au cours du mois
de mars. Je l'ai réitéré la semaine dernière.
Pourquoi, encore une fois, s'est-on refusé et pourquoi aujourd'hui
traverser à vive allure et d'une façon furieusement
accélérée toutes les étapes que l'on aurait pu
connaître à ce moment-là et qui auraient fort bien pu
régler ce différend ou ce conflit majeur à l'avantage de
toutes les parties sans que nous ayons eu à connaître toute cette
perturbation sur le plan social, sur le plan économique?
M. le Président, je termine en disant que nous voterons en faveur
de la motion du gouvernement. Mais je donnerai mon consensus avec un certain
dédain, sans aucun enthousiasme. J'accorderai mon consensus parce que le
gouvernement aura, lui seul, à supporter l'odieux de son
inconséquence, de son inaction, de son inertie, de son
imprévoyance. Cela appartiendra au peuple de juger les actes
posés à l'article de la mort et d'une façon
désespérée de la part du gouvernement. Cela lui apprendra
aussi qu'il appartient au peuple de juger le gouvernement.
Notre devoir, aujourd'hui, dans les circonstances où cela nous
est présenté, nous ne pouvons faire autrement, c'est tout
simplement d'essayer d'accélérer, de collaborer, non pas au sens
péjoratif, de façon positive pour que justement ce que nous
disions il y a des jours et des jours, que les enfants avaient un droit strict
et sacré à l'éducation, que les malades avaient un droit
strict et sacré à être soignés, que les
employés du gouvernement avaient un droit strict à leur travail
aussi. Eh bien, nous votons pour éviter que cette conflagration
pourrisse davantage le climat social que nous connaissons au Québec.
Mais, M. le Président, encore une fois, je dis au gouvernement
qu'il est encore temps de se réveiller, il est encore temps de faire
preuve de cohérence, d'esprit de décision. J'invite le premier
ministre à se donner un peu d'épine dorsale et à prendre
des décisions quand l'intérêt supérieur des
Québécois est en jeu, de cesser de piétiner sur place, de
cesser sous prétexte que peut-être le temps, peut-être dame
nature, peut-être la providence d'Ottawa, peut-être un gouvernement
parallèle, peut-être on ne sait pas qui, quelle force
extérieure viendra régler ces problèmes à lui qui
sont les problèmes des Québécois.
Que le premier ministre sache donc qu'au Québec nous avons besoin
non pas d'une fermeté qui rejoindrait l'arbitraire et qui matraquerait
tout le monde, mais nous avons besoin d'un gouvernement qui a de l'épine
dorsale, d'un gouvernement qui a de la suite dans les idées, d'un
gouvernement qui est là pour administrer non pas à la petite
journée, mais d'un gouvernement qui est là pour planifier,
à moyen terme et à court terme, en fonction du bien commun, d'un
gouvernement qui est là pour placer des mécanismes qui
évitent des situations telles que celle que nous connaissons.
M. le Président, je voterai, avec regret, en faveur de cette
motion parce qu'à ce moment-là, je pense justement à tous
ces enfants, je pense justement à tous ces malades qui ont des droits
à l'éducation, à la santé. Je pense
également aux fonctionnaires et aux syndiqués parce que notre
parti politique, M. le Président, notre char n'est attaché ni au
syndicat, ni au patronat, ni à un secteur en particulier. Mais, par
exemple, nous ne sommes pas non plus les marionnettes d'ultimatums, d'où
que viennent ces ultimatums. Qu'ils viennent d'Ottawa, qu'ils viennent des
syndicats ou qu'ils viennent du patronat, nous donnons la preuve, M. le
Président, que notre formation politique n'est liée à
aucun organisme comme tel, n'adore aucun veau d'or comme institution, que nous
sommes là pour la défense des syndiqués et non pas de
chefs syndicaux, que nous sommes là pour la défense des
étudiants, des jeunes et des Québécois,
indépendamment des institutions parce que nous ne sommes pas des
esclaves. Nous ne sommes liés ni psychologiquement, ni d'aucune
façon à quelque organisme que ce soit et quelque institution que
ce soit mais nous avons voulu, depuis des semaines, éviter de donner
une tournure démagogique à ce débat. Nous avons
fait des propositions sérieuses, M. le Président, tellement
sérieuses que les autres formations politiques ont fait consensus sur
ces propositions. Nous regrettons lamentablement l'attitude négative du
gouvernement.
Encore une fois, M. le Président, si je pouvais moi aussi
terminer par une motion d'urgence, je présenterais une motion pour que
les membres du gouvernement puissent au moins retrouver un peu plus
d'épine dorsale, un peu plus d'esprit de décision et puissent
également retrouver du sens pratique, de la logique, du bon sens et
qu'on fasse ensemble une croisade pour que le premier ministre puisse enfin
prendre ses responsabilités de façon déterminée, de
façon agressive et que le premier ministre montre autant
d'énergie, dans des circonstances comme celle que nous connaissons
actuellement, qu'il en a démontré au Colisée pour le
projet de la baie James et que le premier ministre démontre autant
d'énergie dans un contexte comme celui d'aujourd'hui qu'il en a
démontré dimanche dernier au banquet de nos amis d'en face. A ce
moment-là, le premier ministre en avait de la fermeté, il en
avait de l'énergie, il en avait de l'esprit de décision. Qu'il
garde donc toujours cette vitesse de croisière et qu'il garde donc
toujours cette image. A ce moment-là, je pense qu'on ne connaîtra
pas des situations aussi pourries et pourrissantes que celles que nous avons
traversées.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef intérimaire du Ralliement
créditiste.
M. Armand Bois
M. BOIS: On peut être intérimaire et on peut être
aussi très bon infirmier. Je vous remercie beaucoup, M. le
Président.
La situation d'aujourd'hui me fait penser un peu au cas... Est-ce que je
dérange mes bons amis d'en face, M. le Président?
M. GARNEAU: On essaie de comprendre.
M. BOIS: Ah bon! Cela viendra. Vous verrez tout à l'heure.
M. VEZINA: Parlez en français!
M. GARNEAU: Intérimaire et infirmier, je ne vois pas très
bien. J'aimerais avoir des explications.
M. BOIS: M. le Président, la situation de ce jour me fait penser
au groupe de personnes dont une seule aurait frappé un rucher rempli
d'abeilles. Naturellement, tout le monde commence à se frapper parce que
les abeilles ne frappent pas qu'une seule personne. Elles piquent tout le
monde.
M. DEMERS: C'est bon pour les rhumatismes!
M. BOIS: Absolument. C'est même indispensable. A la suite de tout
ceci, il y a un fonctionnaire de la Voirie qui est tout près et, croyant
faire son devoir, croyant que c'est un état d'urgence, il prend une
bonne pelle et il commence à assommer tout le monde avec une loi de la
matraque. Les choses aujourd'hui en sont rendues à un point où
pour avoir entendu pendant beaucoup plus de douze mois si ce n'est
l'effort qui a été réellement fait pour les
négociations pendant les quelques dernières semaines le
gouvernement est acculé à réaliser que le gigantisme qu'il
a lui-même créé surtout dans ces dernières
années, et particulièrement pendant les deux dernières
années est en voie de lui jouer un tour extrêmement
crucial.
On s'est dépêché durant les dernières
années d'adopter des lois d'union de ministères, des lois
d'augmentation de bénéfices qui amènent chez l'Etat la
création d'organismes qui, un de ces jours, lui laisseront simplement le
privilège de perdre le contrôle de la situation, parce que le
colosse est trop gros et que le gouvernement n'est pas fait pour
l'administrer.
A l'heure actuelle le débat qui est demandé aujourd'hui
par le gouvernement est justement celui que nous avions tellement
suggéré, même mardi dernier, et pourtant on nous l'apporte
aujourd'hui, alors qu'il y a deux jours on ne semblait absolument rien voir. On
croit qu'aujourd'hui le gouvernement est aux abois parce qu'il a marché
sur une ruche d'abeilles.
Nous sommes à l'heure actuelle à envisager une situation
et à apporter une loi qui permettrait de légiférer sur des
conséquences. Avant de voir les conséquences, est-ce qu'on ne
pourrait pas établir des causes, des faits que MM. les ministres
concernés ont tout à l'heure décrits comme étant
des cas de situations extrêmement graves?
De notre côté nous les comprenons, mais cependant nous
n'admettons pas que la députation ait été obligée
d'attendre des mois avant d'avoir des informations précises et
explicites, comme nous avons été obligés de le faire, soit
d'aller puiser ailleurs pour obtenir des documents qui réellement
permettent d'analyser la situation et surtout sur le cas de l'employé,
du fonctionnaire et du parafonctionnaire en particulier.
Aussi longtemps que nous allons garder ce débat à
l'intérieur de la Chambre, au lieu de le sortir et de l'amener devant
une commission comme nous l'avions suggéré nous aussi
depuis déjà assez longtemps nous serons la cause d'un
prolongement de conflit inutile autant pour les fonctionnaires publics et
para-publics, autant pour le peuple et aussi ça va créer un
conflit qui définitivement sera stérile pour la gloire de
certains chefs syndicaux et du gouvernement lui-même.
A l'heure actuelle, devant une situation de faits, il semble que si on
donne des chaînes aux hommes ils se font un plaisir de s'enchafner
eux-mêmes avec, et c'est précisément le cas du
gouvernement provincial. Le gouvernement libéral est pris avec un
problème qu'il a créé et qu'il essaie de régler,
alors que depuis des mois les citoyens chantent et répètent,
à qui veut les entendre sur les rues: Cela va aller mal si on ne
règle pas notre affaire. Il va y avoir du trouble, il y aura ci et
ça. Et pourtant qui a bougé dans le gouvernement, parmi nos
honorables amis d'en face? Personne. Si on fait le tour des principales
sociétés mêmes, on va constater que dans bien des cas les
négociations réelles n'ont commencé que depuis à
peine trois ou quatre semaines et après avoir siégé
pendant quelque 25 heures, on réalise qu'il n'y aura que deux ou trois
paragraphes de la prochaine convention qui auront été
entérinés.
Cette situation fait que le gouvernement va bénéficier
bientôt de l'influence néfaste qu'il crée en
s'ingérant lui-même l'administrateur de trop de choses concernant
la province de Québec. Aujourd'hui nous constatons nous aussi que
certains chefs ouvriers peuvent se servir d'un état de faits pour se
construire eux-mêmes du prestige personnel, politique et public.
Mais nous ne sommes pas assez dupes pour ne pas réaliser non plus
que le gouvernement libéral actuel fait la même chose, en faisant
retarder les négociations et par ce fait même en sauvant autant de
millions par jour, sur le budget global de l'administration.
Ce que nous condamnons, c'est l'inertie du présent gouvernement
libéral, lequel devrait régler le conflit et aurait dû le
régler depuis longtemps en le déférant à une
commission, soit la commission de la Fonction publique ou encore à une
commission ad hoc. Quels seront les effets? A l'heure actuelle, le ministre des
Affaires sociales nous a parlé tout à l'heure de la situation qui
est assez difficile dans les institutions hospitalières. C'est vrai,
nous sommes au courant de cette chose-là, mais en réalité
comment est-elle provoquée?
Elle est simplement provoquée parce qu'on a fait grandir des
organismes gouvernementaux à un tel point, que lorsqu'on veut
négocier pour rendre le salaire de l'individu qui est le fonctionnaire,
conforme aux réalités économiques de notre époque,
on ne sait pas juger sur les causes mais sur les effets, M. le
Président.
Ce qu'on veut faire à l'heure actuelle, or. veut simplement
amener un correctif pour enfermer les Québécois dans leur
complaisance et leur faire simplement réaliser l'importance d'une
grève, l'importance d'une loi matraque, au lieu de leur faire
réaliser l'importance réelle qu'il y aurait à corriger
chez nous un système économique qui est vraiment la cause de ce
domaine...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! De même que pour l'honorable chef de
l'Opposition officielle, j'ai manifesté beaucoup de largesse et je n'ai
pas voulu appliquer d'une façon trop rigoureuse le débat ou la
règle de pertinence du débat. J'ai fait la même chose pour
le chef intérimaire du Ralliement créditiste. Toutefois, je ne
voudrais pas et c'est pourquoi je l'invite à ce stade-ci
je ne voudrais pas quand même que le débat sur cette motion soit
pour lui l'occasion de remettre en cause tout le système
économique, toute la politique du gouvernement.
Je pense que ce n'est ni l'endroit, ni le temps et c'est pourquoi tout
en maintenant la même latitude que j'ai accordée au chef de
l'Opposition officielle, j'inviterais quand même le chef du Ralliement
créditiste, à s'en tenir à la pertinence du débat,
c'est-à-dire s'il y a urgence ou non à ce que l'on suspende les
règles normales pour passer à l'étude d'une loi.
M. BOIS: Je vous remercie de votre appel, M. le Président. J'ai
bien l'intention de suivre vos recommandations, mais cependant je me vois quand
même forcé par l'urgence de la situation, non pas de juger
seulement de l'effet désastreux mais aussi la cause. Je crois et
notre mouvement le croit aussi qu'il y a dans ce que nous voyons et ce
que nous constatons maintenant et qui constitue l'urgence de la motion du
leader parlementaire, qu'un peuple qui est sincère a besoin beaucoup
plus de modèles d'enseignement que de lois spécifiques ou encore
de déclaration d'état d'urgence pour se grandir et en fait se
stabiliser.
Alors, en autant que nous voyons la situation, il est très bien
de décrire ici, avec des larmes, je crois bien, l'état de fait
qui existe à l'heure actuelle. Nous sommes au courant de la situation,
mais d'un autre côté, ce n'est pas en matraquant les victimes,
qu'il faudra aussi refuser de s'en prendre aux causes. Les causes ont quand
même amené l'état qui existe à l'heure actuelle. Et
nous croyons que plusieurs mois, sans négociation, de la part du
gouvernement libéral a amené définitivement sur un point
particulier la conséquence que nous subissons présentement et il
est un fait notoire: si personne ne fait enquête, et si personne n'est
allé dans la rue pour s'informer, si personne n'est allé
auprès des mouvements pour constater l'état qui existe
présentement, eh bien, nous y sommes allés.
Et c'est curieux qu'on nous recommande partout que, si le gouvernement,
à la suite de cette déclaration d'urgence, pourrait amener le
débat à la commission parlementaire de la Fonction publique,
laquelle pourrait discuter de l'instauration d'un tribunal spécial pour
régler le cas avec des pouvoirs exécutoires. On serait surpris;
peut-être que demain matin les syndiqués eux-mêmes seraient
les premiers à demander à leur chef du mouvement le retour
immédiat au travail.
Je suis certain que si on se donnait vraiment la peine d'aller au fond
des choses, nous n'aurions pas à parler des effets et nous aurions
l'avantage, à cette commission, de discuter vraiment de tous les
problèmes qui affectent les
fonctionnaires et les employés du parafonc-tionnarisme. A l'heure
actuelle, on oublie de parler de la cause des malheurs d'un peuple et on veut
surtout s'en tenir à cet état qui, pour nous, ne corrigera
absolument rien demain matin parce que ce sera encore une question de quelques
mois et le tout sera à recommencer.
Nous nous demandons vraiment si le gouvernement désire
avoir le sens du bien commun, qu'il oublie pour quelques moments les lois qui
sont trop rigides et qui, demain, peuvent amener un état de
bouleversement dont toute la population aura vraiment à souffrir
pourquoi il a attendu aussi tard pour agir d'une façon coercitive, comme
on veut le faire dans tant de domaines, afin d'essayer de corriger un
système malade en dépersonnalisant l'individu et en rejetant le
blâme seulement sur un groupe particulier, qu'on l'appelle le groupe des
chefs syndicaux même si je ne les bénis pas alors
qu'en réalité c'est l'employé, le fonctionnaire
lui-même qui souffre de la situation.
Nous, du Ralliement créditiste du Québec, vous demandons,
M. le Président, d'aller surtout en commission parlementaire. Nous
approuverons cette motion de débat d'urgence mais veuillez croire que
nous avons des restrictions certaines quant à l'apport de
bénéfices sociaux immédiats qu'entraînerait une loi
qui serait d'une rigidité absolue ou encore une loi où lu nombre
a nécessairement l'avantage lorsqu'il est question de
négociations. Quand je parle de ce nombre, c'est le gouvernement
lui-même qui l'a créé durant les dernières
années afin de s'auto-bâillonner. C'est cela que le gouvernement a
fait, il s'est forgé lui-même les chaînes de sa propre
misère en créant des organismes administratifs qu'aujourd'hui il
n'est plus capable de contrôler et dont il n'a qu'à se plaindre de
la misère qui se produit.
Il est vrai que la situation hospitalière est extrêmement
grave, il est vrai que la situation dans les écoles est très
grave. Il y a des milliers d'écoliers qui, justement, ne pourront pas
bénéficier des résultats voulus dans leurs examens
postscolaires. Cependant, à qui la faute? Depuis deux ans, nous
réclamons un débat d'urgence, en demandant au gouvernement
d'arrêter de préparer de ces monstres qu'aujourd'hui il va devoir
enchaîner par des règlements ou des lois particulières.
Nous constatons l'état de fait et nous réalisons,
après avoir rencontré les personnes intéressées,
que si le gouvernement libéral y mettait un peu du sien à l'heure
actuelle, d'ici deux ou trois jours il serait peut-être surpris de revoir
ses employés au travail et cela beaucoup plus vite qu'il ne le croit. Ce
n'est pas seulement par des lois d'imposition ou encore par des lois
extrêmement rigides qu'on amène les nations à agir, mais
c'est pas l'enseignement et l'enseignement se fait par des mesures de gros bon
sens et non pas par de la coercition, même si certains croient que c'est
un moyen pour renverser l'Etat du Québec et son gouvernement.
Je ne crois pas que ce soit la façon d'obtenir la sympathie de
toute la population demain matin.
Si on amène un état subversif en voulant corriger trop
tard et à la dernière minute une situation qui a stagné
dans un étang pestilentiel depuis plusieurs mois on ne corrigera
absolument rien et le tout sera à recommencer dans les quelques mois qui
seront déjà près d'une prochaine négociation.
Je voudrais terminer en mentionnant un fait extrêmement simple,
c'est que nous du Ralliement créditiste nous recherchons, avant tout, le
bien commun et nous devons mentionner que de la part des fonctionnaires comme
de la part de n'importe quel citoyen du Québec, un homme sans pouvoir
financier est un homme sans droit.
Est-ce que vraiment, en donnant seulement des droits à un groupe
particulier, nous allons régler le problème financier? Nous ne le
croyons pas tellement. Pour régler le problème financier, il
faudrait que nous, du Parlement, soyons plus en mesure de constater les faits
et d'étudier toutes les offres qui ont été faites et c'est
surtout ce à quoi nous voulons nous arrêter parce que, encore
là, nous ne croyons pas qu'une loi de bâillon sera la meilleure
solution, même si nous croyons et approuvons le débat d'urgence et
que c'était grand temps de l'apporter.
Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, les rumeurs couraient
déjà depuis quelques heures que le gouvernement avait l'intention
de déposer un projet de loi dont le but éventuel serait de
régler, au sens large du mot, le conflit qui l'oppose actuellement aux
syndicats du front commun. De sorte que plusieurs gens, je pense, s'attendaient
au dépôt du projet de loi. Personnellement, je m'y attendais
aussi, mais je ne croyais sûrement pas que le gouvernement aurait
l'audace de précéder le dépôt de ce projet de loi
par cette fameuse motion de suspension des règles de la Chambre qui est
devenue, à toutes fins utiles, on aurait peut-être pu en
changer le nom dans notre nouveau règlement la motion
préalable à toute loi forçant le retour au travail. Nous
avons connu cette motion à l'occasion du bill 38 qui forçait le
retour au travail des employés de la construction et nous l'avons
également connue dans le cas très particularisé du projet
de loi numéro 15 pour la grève de la construction à
Sept-Des et, encore une fois, de façon quasi sacramentelle, on nous
ramène une motion du même style, encore plus forte dirais-je, mais
en tout cas, du même style parce qu'il y a un conflit dans la fonction
publique.
Je m'étonne d'autant plus de cette motion
suspendant les règles de la Chambre et je pense que le
député de Bellechasse l'a souligné lui-même
tantôt qu'il y a quelques heures à peine, le ministre de la
Fonction publique et l'ensemble du cabinet ne semblaient pas inquiets outre
mesure de l'urgence de discuter du problème et pour bien me rassurer que
j'avais bien compris le ministre de la Fonction publique il y a deux jours,
j'ai sorti la transcription de ce qu'il a dit en Chambre: "IL est
évident que la grève a des effets sur le fonctionnement de
l'administration québécoise et plusieurs projets, du fait de la
grève, sont mis en veilleuse ainsi que la machine administrative qui est
paralysée dans l'ensemble du gouvernement à la suite de la
grève." Première constation. Mais c'est ici que je suis le plus
étonné, quand je lis les lignes qui suivent: "Toutefois, la
situation n'est pas critique et la population n'a pas eu à en souffrir
directement puisque les services essentiels ont pourvu à l'urgence, dans
la très grande majorité des cas. Jusqu'à maintenant, nous
n'avons pas eu à déplorer de vandalisme majeur, suite à
cette grève en cours dans le secteur de la fonction publique. La
situation semble calme, à cet égard, et les rapports nous
parvenant ne nous indiquent aucun mouvement contraire en ce sens. "Nous
souhaitons, quant à nous, que la situation demeure sur ce point
c'est le ministre qui s'exprime celle qu'elle est. Parce que ce n'est
pas en procédant à des gestes d'énerve-ment que, de
quelque façon, la situation pourrait d'un côté comme de
l'autre s'améliorer."
Je n'en croyais pas mes yeux quand j'ai lu cela. Par la suite, quand
j'ai entendu le leader du gouvernement et les autres ministres, y compris le
ministre de la Fonction publique, venir nous dire deux jours plus tard, parce
que la transcription que je vous ai lue est celle du 18 avril 1972, plus
précisément à 15 h 25, je n'en croyais pas mes oreilles
d'entendre le leader du gouvernement venir nous dire, maintenant que les
négociations sont rompues: II y a urgence. Apparemment, hier soir, un
comité ministériel aurait rencontré les syndicats pour
recevoir leur proposition ou leur réponse à la dernière
offre patronale et de là, il y aurait eu interruption ou suspension des
négociations. C'est de là, semble-t-il, qu'on doit conclure qu'il
y a urgence d'apporter un projet de loi forçant le retour au travail.
Bien, cela ne me convainc pas du tout qu'il y a urgence. Cela me convainc
d'autant moins que je me demande de qui je dois prendre la parole. Il y a un
règlement qui me dit que je dois prendre la parole des gens en face,
quand ils s'expriment. Est-ce que c'est la parole du ministre de la Fonction
publique? Est-ce que le ministre de la Fonction publique, quand il nous disait,
il y a deux jours, que la situation était calme et que tout était
sous contrôle, mentait à la Chambre? S'il ne mentait pas à
la Chambre, qu'est-ce qu'il y a de changé depuis deux jours pour que
cela devienne soudainement quelque chose d'urgent?
Surtout par les informations que nous avons de part et d'autre sur cette
fameuse rencontre d'hier soir, la chose qui aurait supposément
modifié la situation et qui rendrait tout à fait urgent le fait
d'adopter un projet de loi, c'est le bris ou l'interruption des
négociations. Or, qui a brisé les négociations? Qui a
interrompu les négociations? Moi, jusqu'à maintenant, on ne m'a
pas dit que ce n'était pas le gouvernement qui les avait interrompues.
D'ailleurs, je suis plutôt porté à croire que c'est le
gouvernement qui a interrompu les négociations, puisque, depuis hier
soir, on entend MM. Laberge, Pépin, Charbonneau dire que la solution est
une solution négociée et qu'ils sont encore prêts à
négocier.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. BURNS: Riez! Vous pouvez toujours rire! Riez! Cela fait mal quand on
dit des vérités de cette nature. Cela fait mal. Cela fait
tellement mal que cela fait dilater le pancréas de certains
"back-benchers".
M. BOURASSA: Est-ce que le député me permet une question?
Le député dit qu'ils sont encore prêts à
négocier. Mais, pourquoi n'ont-ils pas fait une contreproposition
à celle qu'on leur a faite à deux reprises?
M. BURNS: M. le Président, je ne peux pas répondre au nom
des syndicats, je vous dis simplement ce que j'ai entendu.
M. LACROIX: Alors, taisez-vous!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: C'est immanquable, M. le Président, quand on reproche
quelque chose au gouvernement à un moment donné dans cette
situation, il y a des gens qui s'énervent en arrière.
Heureusement que, sur les premiers bancs, je vois le ministre de la Justice, le
ministre des Affaires sociales. Ils sont calmes eux.
M. LACROIX: Vous n'êtes pas au forum.
M. BURNS: Alors, les arrières-bancs devraient suivre l'exemple
des premiers bancs. J'étais à dire que, pour ma part, je ne suis
pas convaincu que celui ou celle des deux parties qui a brisé les
négociations, c'est le gouvernement. Je ne suis pas prêt à
dire cela. Je suis même prêt à dire le contraire, que
l'impression générale qui nous est donnée, c'est que le
gouvernement est allé, hier soir, pour entendre les
récriminations des syndicats et une fois cela terminé, on s'est
dit: C'est tout. C'est de même que cela marche. Le gouvernement, l'Etat
employeur, assis dans ses deux sièges, les utilise tous les deux en
même temps, maintenant. Non seulement il les utilise tous les deux en
même
temps, mais, comme je le disais tantôt, il a l'audace d'utiliser
une procédure exceptionnelle pour régler un problème.
Si on avait écouté, mardi dernier, la demande unanime des
trois partis d'Opposition, et je pense, comme je le mentionnais aussi il y a
deux jours, l'attente qui existe chez la population que quelque chose se fasse,
mais qu'au moins, on prenne tous les moyens avant de procéder au moyen
ultime, on aurait, il y a deux jours, convoqué une commission
parlementaire.
Je serais peut-être mieux placé, ainsi que tous les membres
de cette Chambre, pour juger s'il y a véritablement urgence.
Actuellement, cela m'est, je pense, très difficile de me prononcer sur
cette urgence. Surtout, je ne peux pas oublier qu'il y a deux jours le ministre
de la Fonction publique disait les choses que j'ai citées
tantôt.
En ce qui nous concerne, M. le Président, je pourrais
peut-être faire un aparté sur ce que le député de
Bellechasse disait. Le fait que nous n'ayons pas tous les moyens pour nous
prononcer sur l'urgence, il ne s'agit pas d'une crise de conscience, comme le
député de Bellechasse le disait tantôt.
M. LOUBIER: Si le député de Maisonneuve...
M. BURNS: Si nous sommes...
M. LOUBIER: ... sur un ton bien amical, c'est le chef de
l'extérieur du Parti québécois qui a déclaré
partout que le parti était déchiré par une crise de
conscience.
M. BURNS: C'est un journaliste qui a dit ça.
M.. LOUBIER: Pas déchiré? Il s'est rempli.
Secoué.
M. BURNS: M. le Président, je dis simplement qu'en ce qui nous
concerne, il n'y a pas de crise de conscience vis-à-vis de ce
problème-là.
M. LOUBIER: Ah bon! M. BURNS: Je pense... M. BOURASSA: Vous êtes
optimiste.
M. LACROIX: II faudrait d'abord lui trouver une conscience!
M. BURNS: ... que c'est plutôt le chef de l'Unité
Québec qui devrait, parce que c'est un phénomène normal...
D'aileurs, le député de Bourget, qui s'y connaît, m'a
expliqué le processus. C'est un phénomène normal pour
quelqu'un de projeter chez d'autres ses propres problèmes!
M. LOUBIER: M. le Président...
M. BURNS: Cela les rend moins gros! M. LOUBIER: ... en vertu de
l'article... M. BURNS: Cela les rend moins gros!
M. LOUBIER: ... 100, un point de règlement. En vertu de l'article
100, on n'a pas le droit de tenir des propos séditieux, on n'a pas le
droit de me prêter des motifs et on n'a pas le droit, surtout, de me
faire psychanalyser par le chef résiduaire du Parti
québécois!
M. BURNS: M. le Président, c'est tout simplement mon
inquiétude qui m'a fait en parler au député de Bourget. Je
sais bien que ce n'est pas à la demande du... Mais parlant de cette
crise de conscience, je pense que le chef de l'Unité-Québec en
vit une crise de conscience. Il nous dit, pendant 25 minutes, que c'est
absolument incompréhensible que le gouvernement fonctionne comme
ça et, à la toute fin, il nous dit que son groupe va voter pour
cette motion. Je pense qu'on a une crise de conscience, à ce
moment-là. En plus, il nous dit qu'il va voter avec dédain. Bien,
pour ma part, quand j'ai du dédain à l'égard de quelque
chose, je ne vote pas en faveur. J'ai le même dédain...
M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement.
J'ai le droit, en vertu de l'article 96 de nos règlements...
M. BURNS: Non, M. le Président.
M. LOUBIER: ... de donner une correction...
M. BURNS: Une question de règlement.
M. LOUBIER: ... immédiate aux propos que l'on...
M. LE PRESIDENT: Avec la permission de l'opinant.
M. BURNS: Je ne consens pas, M. le Président.
M. LOUBIER: Alors, ce sera après.
M. BURNS: II le fera après. Tout cela pour dire que, moi aussi,
c'est avec dédain que je regarde cette motion qui est mise sur la table.
Sauf, je vais être logique avec le sentiment que m'inspire cette motion
et je vais voter contre la motion qui est devant nous sur la table,
actuellement.
M. le Président, une des raisons pour lesquelles nous voterons
contre, c'est que non seulement on ne nous a pas démontré
clairement l'urgence mais encore, ce qui est pire, on n'a pas utilisé
tous les moyens avant d'arriver à l'étude de ce projet de loi. Le
moyen que nous mentionnions, la commission parlementaire de la Fonction
publique, pourquoi ne l'a-t-on pas
utilisé? Nous aurions pu, hier, étudier ça et nous
serions drôlement mieux informés sur la situation. Là, nous
avons eu un point de vue partisan. Ne nous le cachons pas, c'est partisan. La
personne qui donne des rapports sur la situation des négociations
je veux bien prendre sa parole selon les règles de la procédure
parlementaire mais il ne faut pas oublier non plus que c'est non
seulement un membre de cette Chambre qui nous donne son opinion, c'est aussi
une partie impliquée dans la négociation puisque c'est le
gouvernement qui est une des deux parties. Alors, je trouve cela
incompréhensible qu'on ait simplement escamoté cette
séance d'information, d'abord. Et, comme je le mentionnais l'autre jour,
peut-être une séance de la commission parlementaire de la Fonction
publique aurait pu servir d'élément médiateur dans la
situation comme cela s'est fait dans le passé.
En plus de cela mis à part le phénomène de
l'urgence puisque les deux problèmes sont mêlés selon votre
décision, je n'ai pas à la critiquer à ce stade-ci
mais je mentionne simplement que vu qu'il y a deux aspects à la
motion.
Il y avait l'aspect urgence mais il y a aussi l'aspect de la suspension
des règles. Nous n'avons jamais pu comprendre, M. le Président,
pourquoi, à moins qu'une situation extrême le justifie et
de par les dires des ministres eux-mêmes, cela ne semble pas être
cela on doive mettre de côté des règles de la
Chambre, celles qui nous permettent d'étudier les projets de loi avec le
temps qu'ils méritent, et encore une fois, comme nous le rappelions
à l'occasion du bill 15, surtout dans un domaine où ce sont
d'abord, et avant tout des relations humaines qui sont réglées.
Ici, nous avons une raison additionnelle, surtout quand une des deux parties
est celle qui propose la procédure de mettre de côté les
règles de la Chambre.
M. le Président, nous ne pouvons pas non plus souscrire à
la demande qui apparaît dans cette motion, de limiter à trois
heures le débat en commission plénière de ce projet de loi
dont on nous distribue copie, actuellement, et au sujet duquel je n'ai pas
l'intention de parler. Mais j'ai quand même eu le temps de remarquer, M.
le Président, que ce projet de loi comportait au moins 18 articles. On
nous limitera, dans cette Chambre, les 36 députés de
l'Opposition, à discuter pendant trois heures sur 18 articles. Dieu
sait, par exemple, ce que cela peut prendre de temps. Sans me
référer spécifiquement à ce débat, je sais,
par exemple, qu'en commission plénière sur le bill 23, nous en
sommes déjà rendus à deux jours de débat et nous ne
sommes pas rendus à l'article 5.
M. le Président, à moins que le gouvernement veuille nous
dire que le problème de la négociation dans la fonction publique
n'est pas un problème important, que la grève actuelle n'est pas
un problème important et que cela doive s'escamoter à n'importe
quelle heure du jour ou de la nuit, si nous devons siéger à trois
heures, ce matin, encore, sur ce projet de loi, que le gouvernement nous dise
que cela n'est pas grave. C'est peut-être cela qu'il veut nous dire par
sa motion. Mais, en ce qui me concerne, M. le Président, j'ai trop
conscience que nous, posons des gestes importants, en cette Chambre, quand nous
adoptons un projet de loi. C'est ce pourquoi la population nous a
envoyés ici. C'est ce pourquoi il n'y a pas unanimité dans cette
Chambre. C'est parce qu'il y a toujours différents points de vue qui
apparaissent dans la population. Nous avons conscience que nous devons les
faire valoir, comme d'ailleurs, je pense, les autres partis de l'Opposition
font valoir un certain aspect de l'éventail idéologique de la
population.
Comment, M. le Président, pourrons-nous le faire valoir
véritablement, ce point de vue, lorsqu'on nous dit d'avance, lorsqu'une
des deux parties, qui est mêlée au problème, fixe les
règles du jeu à sa manière?
M. le Président, je trouve malheureux que, dès la
première occasion, ce nouveau règlement que vous avez
tenté de mettre en vigueur j'ai été un de ceux qui
vous ont félicité pour le travail que vous y avez mis
qu'on l'utilise justement de façon à détourner
complètement l'intention véritable qui était à la
base de ce règlement, c'est-à-dire l'intention de rendre plus
efficaces les procédures de la Chambre.
Efficacité ne veut pas nécessairement dire, M. le
Président, rapidité, ne veut pas nécessairement dire
précipitation, ne veut pas nécessairement dire affolement, ne
veut pas dire non plus, comme le disait le ministre de la Fonction publique,
énervement devant une situation conflictuelle.
M. le Président, c'est à regret que je dis que nous ne
pourrons pas voter en faveur de cette motion. Le regret, croyez-moi, est
beaucoup plus profond que le fait que je sache d'avance que la motion sera
adoptée, puisqu'elle est proposée par un parti qui en
représente 70 et qui est appuyé par les deux autres partis de
l'Opposition. Je le fais tout simplement parce que je pense qu'à long
terme, ce genre de mesure devient nocif à l'idée même du
parlementarisme. Je pense qu'à long terme, on s'en apercevra
j'espère pas trop tard M. le Président.
M. LOUBIER: M. le Président, sur le point de règlement 97
je m'étais trompé d'un article je voulais tout
simplement dire au député de Maisonneuve qui se demandait
pourquoi à la suite de mes propos je voterais en faveur de la motion. Il
y a bien des médecines qui nous sont prescrites par nos savants
collègues, les disciples d'Esculape, et ce n'est pas bon à
prendre, on n'aime pas ça. J'ai dit au député que j'ai
pris la peine de signaler que ce n'était pas à mon sens la
meilleure mesure que le gouvernement pouvait prendre, mais il faut tout de
même réaliser et je réponds à la
question du député que la responsabilité de
gouverner, l'initiative des mesures, ça vient du gouvernement.
Je peux discuter de la qualité des mesures apportées, mais
je reproche tellement de fois au gouvernement de ne pas prendre de
décisions, quand il en prend une qu'elle soit...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Gouin.
M. Guy Joron
M. JORON : Je voudrais prendre quelques-unes des quelques minutes
qui...
M. PAUL: Sur un point de règlement. Je regrette, mais l'honorable
député de Maisonneuve a commencé son discours à 5 h
23, il l'a terminé à 5 h 42; par conséquent l'honorable
député de Gouin n'aurait qu'une minute. C'est pour lui rendre
service...
M. LE PRESIDENT: Trois minutes.
M. BURNS: J'ai vérifié auprès du secrétaire
adjoint. Il me dit qu'il reste trois minutes sur le vingt minutes qui
m'était alloué.
M. LE PRESIDENT: D'accord. L'honorable député de
Gouin.
M. JORON: En trois minutes, je veux seulement faire ressortir le point
suivant. C'est que ce que le gouvernement est en train de faire en ce moment
est un précédent fort dangereux, et je ne sais pas s'il a
mesuré tout le risque inclus dans ce précédent-là.
Qu'est-ce qui se passe? Le gouvernement est impliqué dans une
négociation, c'est l'une des deux parties. Incapable de gagner son point
ou de négocier, le gouvernement se retourne de bord, change de chapeau
et, dans son rôle de législateur cette fois-là vient
demander aux députés ici, aux législateurs d'enlever
à la partie à laquelle il faisait face dans les
négociations sa principale arme de défense, c'est-à-dire
son droit de grève.
En faisant ça, nous croyons que le gouvernement agit
motivé simplement pour des raisons d'ordre politique et des raisons
d'ordre d'image. Il veut profiter d'une occasion pour pouvoir montrer qu'il a
artificiellement une certaine force, qu'il n'a pas peur, qu'il est capable
d'agir.
Après la faiblesse que le gouvernement précédemment
avait montré dans d'autres circonstances de crise et notamment en
octobre 1970 on pourrait peut-être comprendre qu'il ait le besoin
de se refaire une face, mais c'est uniquement la motivation qu'il y a
derrière l'actuelle motion et la façon de procéder du
gouvernement. Et on pense que c'est très grave quand un gouvernement est
rendu pour des raisons d'image à faire courir à long terme
à toute une société le danger suivant: le danger d'avilir
cette institution qu'est le Parlement et de provoquer une bonne partie de la
population, allant mettre l'autorité en doute.
Et c'est peut-être ce que produira dans les jours qui viennent ou
dans les semaines qui viennent, le geste que vous posez. Sachez qu'à ce
moment-là, c'est vous qui en porterez la responsabilité.
M. LACROIX: Allez donc faire un petit tour de Mercedes.
UNE VOIX: Allez voir vos élus du FLQ.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, à notre avis, quand la maison
est en feu ce n'est pas le temps de chercher, de tenir une assemblée
générale, pour savoir quelle sorte de pompier fait notre affaire,
pour savoir également ou pour connaf-tre qui a mis le feu.
Il s'agit d'abord d'éteindre le feu, puis après ça
on ouvre des enquêtes, pour connaître qui est le responsable, qui a
mis le feu et c'est pourquoi nous allons voter pour et en faveur de cette
motion de suspension des règlements, parce qu'il y a urgence. Il y a
certainement urgence, M. le Président. Non seulement il y a urgence
aujourd'hui, mais on est déjà une semaine en retard. Il y a
déjà une semaine qu'on aurait dû prendre des
responsabilités. C'est la grève générale et comme
c'est la première grève générale au Québec,
c'est la première expérience que nous vivons, alors nous avons
cru bon d'attendre nous aussi, un certain temps, afin de savoir si
réellement il y avait possibilité d'une solution
négociée.
Les événements nous prouvent qu'il n'y a pas de
possibilité actuellement de solutions négociées. Qui en
est le responsable? C'est peut-être parce que l'une ou l'autre des deux
parties n'est pas de bonne foi. C'est peut-être en fait parce que les
deux parties ne sont pas de bonne foi dans ce conflit, on ne le sait pas et on
en discutera quand arrivera la discussion sur la loi qui nous est
présentée.
Mais, il y a une chose qui nous paraît certaine, c'est qu'il y a
tellement urgence qu'actuellement même les syndiqués, les
salariés, les ouvriers, ceux qui devraient constituer l'équipe de
piquetage, qui ne sont pas là présentement, ne sont pas aux
alentours du Parlement, comme on nous l'avait annoncé. On nous en avait
annoncé 30,000 ou 60,000 pour mardi et peut-être une trentaine de
mille pour aujourd'hui. Il n'y en a pas quinze en avant du Parlement
présentement. Alors ce sont les syndiqués, ce sont ceux qui sont
actuellement en grève qui revendiquent le plus en faveur du retour au
travail.
Ce sont les petits salariés, ce sont ceux qui ne gagnent pas cher
qui revendiquent le plus en
faveur du retour au travail parce qu'ils ont besoin de leur paye de la
dernière quinzaine. Ils ont besoin de continuer à vivre, ils ont
des familles qui leur demandent de retourner au travail, parce qu'ils sont
conscients de la réalité. La réalité, c'est qu'il
vaut mieux avoir le salaire qu'on a que n'avoir rien sur une ligne de piquetage
ou d'attendre que l'union paye après la troisième semaine une
certaine part de ce qu'ils ont retiré depuis des années de ces
ouvriers.
M. le Président, on peut dire que si le projet de loi nous
plaît, nous voterons en faveur. S'il ne nous plaît pas, nous aurons
le loisir de voter contre ou de discuter contre, mais comme on vient juste de
nous le faire parvenir, nous nous réservons de donner notre point de vue
lorsque nous serons en discussion de ce projet de loi. Mais je vous dis que
nous considérons qu'il y a urgence, parce que, justement, dans le
domaine des hôpitaux ou dans le domaine de l'éducation, alors
qu'on nous crie depuis des années, le droit à la santé, le
droit aux services de santé pour tous et pour chacun des citoyens du
Québec, le droit à l'éducation pour tous et pour chacun
des étudiants du Québec, alors qu'on nous a crié ça
depuis des années, eh bien, depuis deux semaines il n'y a pas de droit
à la santé pour tous et pour chacun au Québec, il n'y a
pas de droit à l'éducation pour les étudiants du
Québec. C'est un droit qui leur est enlevé, parce qu'on veut
respecter un droit que nous avons donné, que nous avons donné,
pas nous, parce que je devrais dire que le gouvernement libéral a
donné. C'est un droit de grève dans le secteur public. C'est dur
pour le gouvernement libéral d'aujourd'hui d'être obligé
d'adopter une loi, parce que le gouvernement libéral
antécédent a posé des gestes peut-être un peu trop
hâtifs, des gestes qui ont lié ce gouvernement d'aujourd'hui, mais
en démocratie, ce sont les parlementaires qui doivent, lorsque tout ne
va pas, ce sont les parlementaires qui doivent prendre leurs
responsabilités.
Nous sommes de ceux-là qui ne refuseront pas de prendre leurs
responsabilités, même si ça fait mal, même si cela
peut se traduire, en termes de vote pour les prochaines élections,
à quelques pertes. Aucun des parlementaires en cette Chambre ne doit se
soustraire à ses responsabilités. Nous devons y aller, en notre
âme et conscience, devant la situation qui existe présentement,
pas devant ce qui existerait si on avait agi de telle ou de telle autre
façon.
Devant ce que nous connaissons présentement, devant ce qui se
produit présentement, devant les préjudices causés
à la population du Québec, devant les préjudices qui sont
causés même aux syndiqués qui font partie de ces syndicats
dont les chefs ont recommandé de ne pas respecter la loi, c'est le plus
grave de toute l'histoire car on n'a pas le droit de se permettre de
recommander à des gens de ne pas respecter la loi. Les lois sont faites,
par les parlementaires élus par le peuple, pour être
respectées. Si on n'aime pas ces lois, changeons le gouvernement qui les
a faites, changeons les lois; mais aussi longtemps que ces lois-là sont
en vigueur, nous avons le devoir non seulement de les respecter mais d'inciter
la population à les respecter.
M. le Président, cinq minutes ce n'est pas long, mais cela m'a
fait plaisir de parler en votre présence.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.
M. Marcel Masse
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, la motion qui est devant
nous, la motion du leader du gouvernement est, à mon avis, un acte de
réaction et non un acte d'action. D'ailleurs, depuis le début de
cette négociation, il en est ainsi. Le gouvernement, depuis le
début de cette reprise de la session, par la voix la plus
autorisée de ses ministres impliqués dans cette
négociation, que ce soit le ministre de la Fonction publique ou des
secteurs très affectés comme celui du ministère de la
Santé ou du ministère de l'Education, ont, à diverses
reprises devant cette Chambre, informé les parlementaires qu'ils
s'inquiétaient de l'état de la situation dans le secteur public.
Ds nous ont informé qu'il n'y avait rien d'urgent, qu'il n'y avait rien
d'extraordinaire, qu'il n'y avait rien d'alarmant dans les situations.
Voilà qu'aujourd'hui le gouvernement introduit une motion
d'urgence qui, tout en suspendant l'ensemble des règlements de cette
Chambre, va introduire un projet de loi dont nous ne pouvons pas parler pour
l'instant mais qui, on a tout lieu de le croire, sera un projet de loi qui
affectera la procédure de cette négociation de façon
fondamentale. S'il en est ainsi, le ministre de la Fonction publique vient,
devant cette Chambre, de faire un constat d'échec de ces étapes
de négociation normale.
Y a-t-il urgence de sauter des étapes normales dans la
négociation d'autres parlementaires ont exprimé des doutes
à ce sujet et j'ai écouté attentivement et les membres du
gouvernement, et les membres des diverses formations politiques de l'Opposition
qui ont exprimé, pour ces derniers, des doutes importants quant à
l'urgence qu'il y avait de suspendre tous les travaux pour introduire ce projet
de loi.
Quand disait-on la vérité en cette Chambre? Lorsque les
ministres du gouvernement nous informaient et par ce fait-même
informaient la population qu'il n'y avait pas lieu de crier à
l'alarme et qu'au contraire la population devait être calme et les
négociations se situer dans le contexte tel que prévu par les
lois de ce Parlement. Quand disait-on la vérité? A ces occasions
ou au contraire depuis quelques heures alors que le gouvernement crie à
l'alarme, crie à l'urgence et demande au Parlement de suspendre les lois
que ce même Parlement avait votées.
Gouverner c'est prévoir, et il aurait pu être prévu
par le gouvernement que les lois étaient inapplicables, c'était
à cette époque de les suspendre, à l'intérieur d'un
climat social plus normal, nous aurions pu entendre les diverses parties. On a
préféré laisser aller les lois parce qu'on a jugé
que ces lois étaient bonnes et voilà maintenant que, sans que
nous soyons informés, tous les partis en présence, on nous
demande de suspendre tous les règlements de cette Chambre, on introduit
une motion pour présenter un projet de loi qui mettra fin à un
certain nombre des lois actuelles.
Je ne peux pas, pour toutes ces raisons, après avoir
écouté, tant les membres du gouvernement que ceux de
l'Opposition, voter en faveur de cette motion d'urgence me fiant, au contraire,
à la parole du gouvernement d'il y a 24 heures.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. Raymond Garneau
M. GARNEAU: M. le Président, les énoncés que j'ai
entendus de la part des membres de l'Opposition sont la preuve évidente
que l'attitude du gouvernement a été sage, que l'attitude du
gouvernement a été raisonnable.
M. LEGER: L'attitude "Lesage".
M. GARNEAU: Que cette attitude a été raisonnable. D'une
part, les centrales syndicales nous disent que nous allons trop loin, que nous
n'avons pas fait tous les efforts pour négocier et d'un autre
côté, les partis de l'Opposition nous disent que nous aurions
dû agir beaucoup plus tôt, régler le conflit beaucoup plus
tôt. Je pense que l'attitude du gouvernement, depuis le début du
conflit, je le répète, a été celle d'un
gouvernement raisonnable qui, compte tenu de l'ampleur du problème
à régler, a voulu agir avec prudence, mais aussi avec
fermeté.
Avec prudence, parce qu'il s'agissait d'un conflit qui touche
au-delà de 210,000 syndiqués et par delà les cadres et le
personnel non syndiqué, 280,000 personnes, 280,000 citoyens
québécois. Il y a dans cette province des lois qui existent. D y
a des droits qui ont été donnés à certains
individus, à des groupes d'individus, soit le droit à la
négociation et le droit de grève.
Pour nous du gouvernement, il s'agissait de jouer franchement,
loyalement, le jeu de la négociation. Nous avons tenté tous les
efforts, et Dieu sait jusqu'à quel point le ministre de la Fonction
publique a été persévérant, patient, conciliant
pour éviter par son attitude, par ses propos, que le climat à la
table des négociations puisse être envenimé de quelque
manière que ce soit, afin que les négociations puissent se
poursuivre avec le maximum de chances de réussite.
Force nous est de constater qu'après plu- sieurs séances
de négociations, d'abord l'an dernier, le ministre de la Fonction
publique a expliqué pendant plusieurs heures, avec les conseillers de
son ministère, aux différents groupes représentant les
syndicats la politique salariale du gouvernement, les propositions que nous
faisions, les principes sur lesquels s'appuyaient ces propositions. Il y a eu,
par la suite, période de réflexion de part et d'autre et
subséquemment, dépôt, aux différentes tables de
négociations sectorielles, d'offres salariales précises
s'appuyant sur cette politique que le gouvernement avait mise de l'avant.
Je ne voudrais pas entrer dans tous les dédales de la
négociation, tous les passages à travers lesquels cette
négociation s'est poursuivie, mais, disons que dans un effort
additionnel, le gouvernement, par la voix du ministre de la Fonction publique,
avait indiqué à plusieurs reprises qu'il ne croyait pas dans la
magie de la table centrale. Toutefois, pour bien indiquer jusqu'à quel
point nous étions prêts à tenter tous les efforts de
négociation dans les cadres des lois et des règlements existants,
nous avons quand même accepté cette chance, cette
possibilité de la table centrale.
A la table centrale, quatre sujets avaient été mis de
l'avant: la sécurité d'emploi, le régime de
l'assurance-salaire, le régime de retraite et les propositions
monétaires. Les discussions ont eu lieu pendant plusieurs heures,
plusieurs jours, à la période de Pâques, des discussions
ont eu lieu en comités restreints, et le gouvernement a fait de
nouvelles propositions.
La réponse que nous avons reçue de la part des centrales
syndicales, qui a été connue par la voie des journaux autant
qu'elle nous a été transmise par nos négociateurs,
était à l'effet que la proposition gouvernementale, qui avait
pour but d'améliorer le salaire des plus petits salariés,
était un pas positif, un pas en avant vers l'atteinte d'une solution
négociée. Après cette déclaration, après
cette attitude positive, les leaders du front commun ont décidé
c'était leur droit d'entreprendre une tournée
à travers la province et, la réponse à ce qu'ils avaient
qualifié d'un geste positif a été de déclencher une
grève générale illimitée.
Evidemment, pour un gouvernement, c'était un sujet
extrêmement délicat et difficile à régler parce
qu'il s'agissait, encore une fois, pour les membres de ces syndicats d'un droit
qui leur était donné par nos lois. Il n'aurait pas
été sage, je pense, pas raisonnable de la part du gouvernement de
ne pas tenter, même à l'intérieur de cette grève, de
trouver des solutions car, en soi, cette grève était
légale même si la façon de faire le piquetage, à mon
sens, n'a pas respecté les normes du code du travail. Mais
néanmoins, nous avons voulu, encore une fois, mettre les chances du
côté de la négociation par une action prudente,
mesurée. Finalement, au début de cette semaine, même si la
partie syndicale n'avait pas fait de contreproposition, nous avons
décidé d'ajouter à la partie monétaire un
montant substantiel pour indiquer, encore une fois, que lorsque nous
parlions de négociations, nous étions quand même
sincères, que nous étions loyaux.
La réponse de la partie syndicale, malheureusement, n'est pas
venue et pour hâter les discussions, le comité ministériel
a rencontré les dirigeants syndicaux. Nous nous sommes bien
aperçus, M. le Président, là je me demande jusqu'à
quel point même il y avait un mandat entre les mains des chefs syndicaux
pour négocier, nous nous sommes aperçus, dis-je, avec grand
regret, que la négociation... Est-ce que je dois constater qu'il est six
heures?
M. LOUBIER: Voici, nous ne voulons pas être
désagréables à l'endroit du ministre. Mais il faut tout de
même étudier le projet de loi qu'il nous a remis il y a quelques
minutes.
M. LEVESQUE: Oui, oui.
M. LOUBIER: Ce n'est que sur l'heure du dîner que nous pourrons le
faire.
M. LEVESQUE: C'était entendu, d'ailleurs je ne sais pas si
le chef de l'Opposition officielle est au courant avec les leaders
parlementaires et nous avions convenu que nous pourrions même
dépasser six heures, le dernier discours étant celui du ministre
des Finances. Nous voterons immédiatement après.
Quand à la première lecture, c'est simplement la lecture
des notes explicatives. La deuxième lecture aura lieu après,
à la reprise.
M. LOUBIER: Je comprends l'argument du leader parlementaire, sauf qu'il
doit convenir avec nous que le texte nous a été remis il y a
à peine quelques minutes.
M. LEVESQUE: Nous reviendrons à huit heures et quart, dans ce
cas.
M. LOUBIER: Nous aimerions bien prendre au moins une heure pour
étudier le projet de loi article par article.
M. LEVESQUE: C'est très bien. Nous reviendrons à huit
heures et quart.
M. LOUBIER: Si le ministre des Finances nous dit qu'il n'en a que pour
deux ou trois minutes, je n'ai pas d'objection.
M. GARNEAU: De toute façon, nous sommes limités par le
temps.
M. le Président, lors de cette rencontre d'hier soir le
ministre de la Fonction publique l'a clairement indiqué tout à
l'heure nous avons, à notre grand regret, constaté qu'il
n'y avait pas de solution possible du côté de la
négociation.
Compte tenu de la situation, le gouvernement, à qui le
comité ministériel a fait rapport, a décidé d'agir
de la façon dont il l'a fait cet après-midi.
M. le Président, il y a urgence. Le ministre des Affaires
sociales, le ministre de l'Education et le ministre de la Fonction publique ont
donné les raisons pour lesquelles il fallait maintenant agir. Il y a
également d'autres raisons que je voudrais souligner et surtout celle
qui implique directement les salariés de l'Etat.
Si l'on constate, M. le Président, qu'après neuf jours de
grève, un employé ordinaire qui vaque à ses occupations et
qui n'est ni dans les classes privilégiées, ni dans les classes
les plus défavorisées prenons le salaire moyen de $100 par
semaine a perdu neuf jours de travail. Il a donc perdu $180 de paie.
Pour être capable, M. le Président, par des propositions
monétaires accrues, de répondre à cette demande qui
consisterait à donner suffisamment d'addition à la masse
monétaire pour pouvoir donner aux employés un salaire
suffisamment élevé pour qu'ils rentrent dans leur argent dans une
année, cela voudrait dire qu'il faudrait accroître la masse
monétaire de 3.4 p.c. La masse monétaire étant de
$1,800,000,000, cela voudrait dire qu'il faudrait ajouter $427 millions
à la masse monétaire pour répondre à cette demande,
sur la base de trois ans.
M. PAUL: Us sont payés quand même, eux autres!
M. GARNEAU: M. le Président, c'est évidemment une
situation que, en tant que ministre des Finances, je ne saurais pouvoir
envisager. C'est pourquoi je crois qu'il faut agir maintenant parce que la
situation a assez duré. Les travailleurs québécois qui
sont à l'emploi du gouvernement, dans les secteurs public ou parapublic,
ont droit à leur revenu. Je pense que, par delà
l'entêtement, je dirais, de certains chefs syndicaux, qui ont
défendu des théories, des thèses ils ont de la
difficulté, maintenant, à faire marche arrière je
pense que par delà l'orgueil de ces leaders syndicaux, qui ne veulent
pas perdre la face, nous avons, nous, comme membres du Parlement, comme
responsables élus, l'obligation de protéger par-delà la
tête des dirigeants syndicaux, les syndiqués eux-mêmes, leur
donner ce privilège, ce droit qu'ils ont de recevoir leur
traitement.
Dans ce domaine, en tant que ministre des Finances, j'ai la
responsabilité avec le ministère de la Fonction publique de la
paie des fonctionnaires. Durant le premier ou le deuxième jour de
grève, évidemment nous ne savions pas combien de temps cela
durerait et nous n'avons pas approfondi les possibilités qu'il y avait
de pouvoir distribuer le chèque de paie aux employés du
gouvernement, surtout dans le secteur des fonctionnaires, étant
donné que dans le secteur hospitalier chaque administration est
séparée et les conditions pouvaient être
différentes.
Nous aurions aimé être capables de payer les gens qui ont
besoin de leur chèque en fin de semaine pour faire l'épicerie,
qui ont besoin de leur paie pour subvenir aux besoins de leur
famille. Le porte-parole du gouvernement a demandé aux leaders
syndicaux la possibilité d'en venir à une entente pour laisser
passer les lignes de piquetage aux cadres pour être capables de faire les
vérifications minimums pour donner les chèques. Et en plus nous
avons dit pour ne pas forcer les syndiqués à briser les lignes de
piquetage: Nous allons aller les leur donner sur les lignes de piquetage. Ils
ont dit: Non. Nous n'avons pas été en mesure de distribuer la
paie. Je ne pouvais pas, au ministère des Finances, m'assurer que les
fonctionnaires responsables puissent entrer au bureau et sortir les
chèques, aller les porter aux chefs de secteur dans les
différents ministères pour la donner aux employés.
Je pense que là, du côté des employés, du
côté des fonctionnaires syndiqués, il y a une urgence que
j'aimerais souligner avec beaucoup d'ampleur et dire qu'aujourd'hui nous avons
encore tenté un effort additionnel parce qu'il y a une autre fin de
semaine qui s'en vient et tout ça retarde encore une fois de plusieurs
jours peut-être la possibilité de distribuer cette paie. Nous
avons tenté, par la voie de personnes interposées, de rencontrer
des chefs des syndicats locaux d'en venir à une entente pour laisser
passer un nombre minimum de personnes pour distribuer les chèques. Ces
chefs pourtant, qui font des déclarations à la radio et à
la télévision, n'avaient même pas l'autorité
d'accepter, il fallait qu'ils demandent aux grands seigneurs qui étaient
en haut, de savoir s'ils pouvaient accepter.
M. VINCENT: Ils sont effectivement hauts.
M. GARNEAU: Non pas un règlement, pas un coup de matraque, qu'on
puisse distribuer à leurs syndiqués les chèques de paie
qu'ils ont gagnés. Je pense qu'il s'agit là d'une raison
additionnelle pour laquelle il nous faut agir rapidement pour être en
mesure, comme je l'ai indiqué, de protéger, par-delà les
leaders syndicaux, les syndiqués eux-mêmes et leur donner la paie
qu'ils ont gagnée.
C'est pourquoi, M. le Président, j'ajoute cet argument
additionnel à celui et à ceux fournis par le ministre des
Affaires sociales, de l'Education et de la Fonction publique, pour indiquer
qu'il nous fait maintenant agir. Les gouvernements ont été
élus pour prendre des décisions, la population jugera en temps
opportun si notre décision a été bonne ou mauvaise.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: M. le Président, je demande un vote enregistré,
mes cinq députés sont là.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
M. LEVESQUE: Nous sommes prêts, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Alors tout le monde est prêt?
Vote.
Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever s'il
vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy,
Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Tessier, Tremblay (Bourassa), Parent,
Harvey (Jonquière), Quenneville, L'Allier, Cloutier (Ahuntsic), Tetley,
Drummond, Lacroix, Bienvenue, Cournoyer, Fournier, Goldbloom, Mailloux,
Cadieux, Arsenault, Vaillancourt, Vézina, Théberge, Perreault,
Brown, Blank, Brisson, Séguin, Saindon, Picard, Pearson, Leduc, Fraser,
Fortier, Assad, Bacon, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson,
Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière,
Marchand, Pelletier, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate,
Veilleux, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny),
Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Gauthier,
Simard (Témiscouata), Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Roy
(Lévis), Béland, Guay, Samson, Audet.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever s'il vous plaît;
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Lau-rin, Burns, Léger, Charron,
Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm).
M. LE SECRETAIRE: Pour: 80
Contre: 8
M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
M. LEVESQUE: Première lecture, M. le Président, du projet
de loi 19.
M. LE PRESIDENT: Proposé par vous-même?
M. LEVESQUE: Par le premier ministre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la première
lecture du projet de loi no 19.
Projet de loi no 19
M. LEVESQUE: Loi assurant la reprise des services dans le secteur
public.
M. LE PRESIDENT: Loi assurant la reprise des services dans le secteur
public.
M. BOURASSA: Ce projet de loi a pour objet de mettre fin à la
grève qui sévit présentement dans le secteur public. Ordre
est donné aux grévistes de retourner au travail à compter
de minuit et une minute le 22 avril 1972 et aux
employeurs de les reprendre à la même date. La commission
parlementaire siégera à compter du 25 avril 1972 et fera rapport
au plus tard le 15 mai 1972. A défaut d'entente entre le syndicat et
l'employeur avant le 1er juin 1972, le gouvernement décrétera, au
plus tard le 30 juin, les conditions de travail des salariés jusqu'au 30
juin 1974.
M. LOUBIER: Si je comprends bien, c'est la commission de la Fonction
publique qui se réunira?
M. BOURASSA: Oui et j'ai une petite correction à faire, M. le
Président, c'est au plus tard jusqu'au 30 juin 1972.
M. LOUBIER: Oui, mais la commission dont il est fait mention est 'la
commission de la Fonction publique?
M. BOURASSA: Oui.
M.LEVESQUE: La commission parlementaire de la Fonction publique.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. BURNS: M. le Président, en vertu de l'article 113 je ne
demanderai pas de vote enregistré mais je vais demander, pour les
mêmes raisons que nous avons voté contre la motion d'urgence, que
notre dissidence soit enregistrée. Je parle au nom des sept
députés du Parti québécois.
M. LE PRESIDENT: On pourrait peut-être prendre le même
vote.
M. BURNS: II faudrait demander au député de Montcalm,
c'est lui qui décide.
M. MASSE (Montcalm): Même vote, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Même vote.
M. LEVESQUE: M. le Président, en vertu de quel numéro la
première lecture est-elle appelée à être
votée?
M. BURNS: C'est une motion de fond, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a pas de débat en
première lecture mais il peut y avoir un vote.
M. LEVESQUE : Je voudrais simplement savoir l'article avant de...
M. CHARRON: Article 113.
M. LESSARD: Voulez-vous qu'on vous donne des cours?
M.LEVESQUE: L'article 113 est pour la question du vote mais pour la
question de la première lecture?
M. BURNS: C'est l'article 119, M. le Président.
On dit que la motion, elle, est décidée sans débat.
Donc, pour qu'il y ait décision, il faudrait quand même qu'il y
ait un vote.
M.LEVESQUE: Enfin, c'est-à-dire que, si nous acceptons
l'interprétation comme ça, il faudra que nous vivions avec la
première lecture de cette façon là,
M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement
soulevée, je ne demande pas de tenir un débat, je demande
simplement que la dissidence soit adoptée.
M. LEVESQUE: Je comprends.
M. BURNS: Mais ça implique un vote quand l'article 119 dit
qu'elle doit être décidée. Je ne vois pas comment ça
va être décidé sinon par un vote.
M. LEVESQUE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! La motion de
première lecture est adoptée par le vote de 80 contre 8.
M. PAUL: C'est ça.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture même séance.
M. BOURASSA: M. le Président, je demande l'ajournement du
débat à...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La suspension.
M. BOURASSA: La suspension à huit heures quinze.
M. LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à
vingt heures quinze minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 19)
Reprise de la séance à 20 h 17
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
M. BOURASSA: M. le Président...
M. BURNS: Question de règlement, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
Appel au règlement M. Robert Burns
M. BURNS: Ce n'est pas parce que le ministre des Institutions
financières s'est approché de moi avec son règlement que
cela m'a fait penser de soulever une question de règlement. J'y avais
pensé avant. Mais ce n'était sans doute pas la même chose
qu'il voulait soulever.
M. le Président, je remarque que le premier ministre, qui est
parrain du projet de loi, s'apprête à se lever. Donc, j'imagine
qu'il s'apprête à faire son discours de deuxième lecture,
n'est-ce pas?
Devant cela, je soulève une question de règlement. Etant
donné la motion qui a été faite cet après-midi, qui
a été adoptée à 80 contre 8, étant
donné les articles qui ont été écartés, donc
par voie de conséquence ceux qui ne l'ont pas été, je vous
réfère à l'article 119 qui, lui n'a pas été
écarté. L'article 119 se lit comme suit: "La motion de
première lecture d'un projet de loi est la présentation du texte
du projet à l'assemblée. Le député qui la propose
lit les notes explicatives accompagnant le projet de loi ou en donne un
résumé." Tout cela a été fait. Je continue: "La
motion est décidée sans débat ni amendement et la
deuxième lecture est inscrite aux affaires du jour de la séance
suivante sous réserve de l'exception prévue à l'article
120." L'exception qui est prévue à l'article 120, je n'ai pas
besoin de la lire, c'est pour déférer, avant la deuxième
lecture, un projet de loi à une commission parlementaire.
A ce stade-ci, je vous soumets que nous n'avons pas le droit de
procéder à la deuxième lecture de ce projet de loi,
étant donné qu'il a été lu en première
lecture, que l'article 119 n'a pas été mis de côté.
D'autre part, prévoyant déjà une argumentation autre, je
vais vous référer à l'article 117. C'est probablement
là-dessus que certaines personnes vont vous dire qu'à cause du
fait que l'article 117, lui, a été écarté, qu'on
puisse passer immédiatement à la deuxième lecture, je
prétends que non. L'article 117 nous dit simplement que les
étapes de la discussion d'un projet ont lieu à des séances
différentes, sauf que la deuxième lecture et l'étude en
commission, etc.
C'est la procédure, c'est le procédé
général où on doit avoir des séances
différentes, les diverses étapes d'un projet de loi.
Si nous avions voulu passer immédiatement à la
deuxième lecture, nous aurions dû écarter aussi l'article
119. A mon avis, la motion qui a été adoptée cet
après-midi, avec le résultat que vous connaissez, ne vous
autorise pas à entendre immédiatement la discussion du projet de
loi en deuxième lecture.
C'est le point de règlement que j'ai l'intention de soulever, M.
le Président.
M. LEVESQUE: M. le Président, justement en vertu de l'article
117, d'ailleurs je crois bien que je n'ai pas le droit, d'après
l'article 100, de qualifier l'attitude du député de Maisonneuve.
D'ailleurs,...
M. BURNS: Je m'en balance de toute façon.
M. LEVESQUE: II s'en balance, mais les six autres membres...
M. BURNS: Je m'en contre..., vous savez quoi.
M. LEVESQUE: ... de son parti semblent également s'en balancer!
Avant qu'ils ne le balancent, qu'il me permette simplement de lui rappeler que
l'article 117 a été suspendu de la volonté de 100 des 108
membres de l'Assemblée nationale. L'article 117 a pour effet de
permettre que plus d'une lecture soit étudiée et
adoptée...
M. BURNS: Bien d'accord avec vous. M. LEVESQUE: ... à la
même séance. M. BURNS: Oui, oui.
M. LEVESQUE: Si on lit l'article 117, on voit que les étapes de
la discussion d'un projet de loi ont lieu à des séances
différentes. M. le Président, nous avons demandé à
l'Assemblée nationale si elle était d'accord pour faire
disparaître ou suspendre l'effet de cette disposition. C'est à un
vote que vous connaissez, M. le Président, que l'Assemblée s'est
prononcée en faveur de la suspension de cette règle.
La règle à laquelle réfère
présentement le député de Maisonneuve n'est qu'une
règle auxiliaire, incidente et non pas principale. On a cherché
des poux, M. le Président, pour essayer de faire de la
procédurite. Voici un exemple. D'ailleurs, c'est tellement gênant
qu'il est le seul du Parti québécois en Chambre ce soir pour
faire de telles procédures!
M. le Président, ces gens qui prétendent vouloir
moderniser le parlementarisme,...
M. BURNS: Où était le premier ministre cet
après-midi?
M. LEVESQUE: ... à avoir un parlementarisme qui
réponde...
M. BURNS: Où sont vos ministres, ce soir?
M. LEVESQUE: ... vraiment aux aspirations de la population, voilà
que cet homme, seul de son parti,...
M. BURNS: Bien, va t'asseoir à ton siège!
M. LEVESQUE: Où sont les autres? Ils sont absents parce qu'ils
sont gênés de cette façon de procéder de leur leader
parlementaire. Si on a apporté de nouveaux règlements, on a
accepté qu'il y ait possiblement des façons de critiquer ou de
trouver quelques trous à la procédure. Vous-même, M. le
Président, et tous les autres leaders parlementaires qui ont
été présents aux études qui ont
précédé l'adoption de ce nouveau règlement ont dit
qu'à la lumière de l'étude des différents projets
de loi, qu'à la lumière de l'expérience, on accepterait de
faire certaines modifications de forme.
Présentement, on s'accroche sur une règle accessoire,
auxiliaire, subordonnée pour essayer d'empêcher la majorité
qui s'est prononcée, d'ailleurs, d'une façon claire et
précise, de pouvoir donner suite à un voeu non pas seulement du
Parlement mais de la population du Québec dans son ensemble.
Lorsque la motion, qui a été adoptée avec une
majorité écrasante, a permis que les étapes de la
discussion d'un projet de loi aient lieu à la même séance,
M. le Président, vous êtes vous-même lié et vous
n'avez pas le choix. La majorité écrasante, en cette Chambre,
formée de la grande majorité des députés, des
partis, des partis reconnus en plus d'un groupe fort impressionnant...
M. BURNS: En plus d'un groupe inconnu! M. LESSARD: Du
soixante-treizième!
M. LEVESQUE: ... qui s'est également prononcé, M. le
Président, vous êtes vous-même lié par cette
décision de la Chambre. Quelles que soient les petites poussières
de procédurite...
M. BURNS: C'est le groupe des $5,000!
M. LEVESQUE: ... qui restent de l'ancien règlement et qui sont
très présentes dans l'esprit de celui qui vient de
s'élever, dans une mesure d'appel au règlement, M. le
Président, vous n'avez pas le choix. Je crois que vous devez, sans nous
laisser perdre davantage de temps, surtout du temps précieux pour la
population du Québec, vous prononcer immédiatement et faire
comprendre au député de Maisonneuve que non seulement la Chambre
en a assez mais que la population du Québec en a assez.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, avec beaucoup de calme, je voudrais
tout simplement attirer votre attention sur une interprétation
obligatoire de notre règlement, et je m'excuse auprès de mon
honorable ami le député de Maisonneuve de ne pas partager son
point de vue.
M. BURNS: Cela ne me surprend pas, vous allez toujours au secours du
gouvernement.
M. PAUL: M. le Président, j'attirerai d'abord votre attention sur
l'article 2 de notre règlement actuel, parce que je vais toujours au
secours du bon sens et de la logique. Ce qu'il y a de pire et ce qui est plus
grave, c'est qu'il y en a qui se sentent visés de l'autre
côté, et je parlais pour mon groupe.
Je dis donc qu'il faut lire bien attentivement l'article 2 de notre
règlement. Il se lit comme suit: "Les règles
d'interprétation prévues à la Loi d'interprétation
s'appliquent au règlement en autant qu'elles ne sont pas incompatibles
avec ses dispositions".
Cet après-midi, M. le Président, j'allais dire M.
le règlement Lavoie la Chambre a voté sur une motion
proposée par le leader du gouvernement aux fins de mettre de
côté certaines dispositions de notre règlement. Il faut
s'arrêter pour se rappeler que la motion présentée par le
leader du gouvernement avait pour effet de mettre des dispositions de notre
règlement de côté en vue d'étudier une question
urgente.
La motion du député de Maisonneuve est tardive, parce que
si je me rappelle, juste avant la suspension pour le dîner, après
que le résultat du vote eut été communiqué vous
vous êtes levé et vous avez déclaré: Deuxième
lecture, même séance. A ce moment-là, il aurait fallu que
le député de Maisonneuve se levât pour tenter d'apporter au
soutien de sa thèse les arguments qu'il ne nous a
présentés que ce soir.
Et je voudrais également, en me référant maintenant
à la loi 1 des Statuts refondus du Québec, article 51.
Parce qu'en vertu de l'article 2, les règles de la loi de
l'interprétation s'appliquent.
Or, l'article 51, M. le Président, dit ceci: "Chaque fois qu'il
est inscrit qu'une chose sera faite ou doit être faite, l'obligation de
l'accomplir est absolue." Par conséquent, cet après-midi, le
leader du gouvernement nous a demandé de mettre de côté
certains articles de notre règlement, et spécialement l'article
117 qui ne prévoit qu'une lecture d'un projet de loi à la
même séance.
Par conséquent, du fait que nous avons mis de côté
cette règle de 117, il faut donc se rapporter conformément
à l'article 2 de notre règlement à l'article 56 de la loi
de l'interprétation qui dit que c'est absolu que l'on doit franchir les
deux étapes, et même les trois étapes, du projet de loi 19
dont nous avons adopté la première lecture avant l'ajournement
pour le dîner.
Ce n'est pas tout. Il faut de plus, M. le Président, se
référer encore à la loi première de
nos statuts, à l'article 57 qui dit ceci: "L'autorisation de
faire une chose comporte tous les pouvoirs nécessaires à cette
fin." Or, cet après-midi, la Chambre s'est prononcée pour que
nous puissions étudier et éventuellement adopter ou rejeter une
loi qui nous est proposée par le leader du gouvernement.
Alors, du fait, M. le Président, que nous avons
décidé de procéder avec l'étude d'un projet de loi
et qui, d'ailleurs, a été accepté pour étude en
deuxième lecture après que vous-même l'avez
décrété et déclaré, il ne reste donc plus
aucune possibilité à cette Chambre de mettre de côté
l'article 57 de la loi 1 des Statuts refondus du Québec.
Considérant les dispositions de l'article 2 de notre
règlement, des articles 51 et 57 de la loi 1 de l'interprétation,
en regard du vote qui a été tenu cet après-midi, en raison
que vous avez appelé à la même séance la
deuxième lecture du projet de loi, je vous soumets bien respectueusement
que la motion du député de Maisonneuve est pour le moins tardive,
pour ne pas dire davantage.
M. LE PRESIDENT: Une question...
M. BURNS: Sur le point, M. le Président, c'est qu'il y a des
aspects nouveaux et je ...
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Maisonneuve a parlé sur la question de règlement.
M. BURNS: Oui, oui.
M. LEVESQUE: II a parlé, et son droit de parole est
expiré. S'il y en a d'autres qui veulent parler sur le point de
règlement invoqué par le député de
Maisonneuve...
M. BURNS: J'aimerais ça que le leader m'explique à quelle
place dans le règlement j'ai épuisé mon droit de parole
sur l'affaire du règlement.
M. LEVESQUE: C'est lui qui veut s'en référer au
règlement continuellement et s'en tenir aux questions de
procédure...
M. BURNS: Qu'il me dise à quelle place je n'ai pas le droit de
parler, c'est à vous de décider.
M. LEVESQUE: S'il veut s'en tenir aux questions de procédure, M.
le Président, qu'il s'en tienne lui-même. Il a exprimé son
point de vue, le député de Maskinongé ainsi que celui qui
vous parle ont parlé sur la question de règlement et à ce
moment-ci, M. le Président, les autres députés dans cette
assemblée ont droit de parole, mais quant au député de
Maisonneuve, au député de Maskinongé et à celui qui
vous parle, nous avons utilisé notre droit de parole.
M. LEVER: Qu'est-ce que vous faites debout?
M. BURNS: M. le Président, j'invoque l'article 97.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Sur la question, je crois que le
député de Maisonneuve me posait une question en vertu de
l'article 96, je pense bien, mais si vous voulez invoquer l'article 97, c'est
votre droit, monsieur, pour rétablir les faits.
M. BURNS: D'abord, M. le Président, je dois dire au départ
très clairement, que, peu importe ce que le leader parlementaire, je le
dis pour tout le reste de la séance qui risque de durer assez tard, mais
peu importe ce que le leader parlementaire tentera de m'inputer comme
intention, je ne tenterai même pas d'y répondre. S'il veut situer
le débat à ce niveau si peu élevé, bien à ce
moment-là je vais le laisser l'emporter lui-même, je vais le
laisser prendre sa responsabilité à ce niveau-là.
Ce n'est pas du tout à ce niveau-là et je dois dire
que contrairement à ce qu'on a dit et c'est là-dessus que
j'invoquais l'article 97, si on se rappelle très bien les étapes
qui sont survenues au moment de la discussion avant l'ajournement pour le
dîner, on a eu un vote sur une motion et immédiatement
après, vous avez remis la parole au premier ministre lequel s'est
levé et il a dit: Je demande la suspension du débat.
Bon, ça prend à mon avis tout de suite là...
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BURNS: Cela tient compte immédiatement...
M. LEVESQUE: J'invoque le règlement, c'est lui-même, le
député de Maisonneuve qui a invoqué le règlement et
qui a fait son point. Vous avez bien compris, M. le Président ce qu'il a
eu à dire, et personne ne l'a interrompu à ce
moment-là.
J'ai eu l'occasion de répondre sur le point de règlement,
le député de Maskinongé également. Ce que le
député de Maisonneuve tente de faire présentement, c'est
de compléter son argumentation.
A ce moment-là, M. le Président, je vous dis que vous
êtes lié par le règlement, et que vous n'avez pas le droit
de lui donner la parole. Il y a encore 104 ou 105 députés dans
cette Chambre qui ont le droit de parole avant le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, en vertu du règlement vous avez
le droit de me redonner la parole, en vertu de l'article 44. Si vous me dites
que vous êtes satisfait, M. le Président, c'est d'accord, je ne
parlerai plus, mais je pense que
vous n'êtes pas satisfait des argumentations. Je vous demande
simplement de m'entendre sur deux points très simples, très
précis.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! C'est très délicat.
Le député de Maisonneuve comprendra très bien qu'il n'a
pas de droit de réplique sur une question de règlement, en vertu
de l'article 96, il n'a le droit de parler qu'une seule fois.
Par contre, je serais prêt à rendre ma décision. Si
vous voulez prendre votre place et demander la parole, je suis prêt
à vous accorder la parole. Sur la question de règlement.
M. LEGER: M. le Président, à l'article 41 il est bien
indiqué que, pour répondre à l'argumentation du
député de Maskinongé, un député peut, en
tout temps, signaler une violation du règlement mais il doit le faire
sans retard, en se limitant rigoureusement, dans son exposé, au point
soulevé.
M. le Président, il est entendu qu'il fallait attendre la
première occasion de le faire et c'était à l'occasion de
la présentation de la deuxième lecture...
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.
Est-il député, celui qui vient de sortir? Est-ce les nouvelles
procédures du Parti québécois que d'avoir des gens, des
étrangers qui viennent jusqu'aux banquettes des députés,
permettant ainsi que le Parti québécois ait des privilèges
tels que jamais on a vus dans cette Chambre, que ces recherchistes qui entrent
impunément?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, j'invoque une question de
privilège.
M. LE PRESIDENT: Oui, je vous ai donné la parole.
M. BURNS: Cela n'a aucun sens. Le leader du gouvernement ne
reconnaît même pas un page qui vient de me remettre un message. Au
moins, ouvrez-vous les yeux, c'était un page qui m'a remis le
message.
M. LEVESQUE: II n'est pas en uniforme.
M. BURNS: Voyons donc, il n'est pas en uniforme. Ce n'est pas de ma
faute, cela.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: C'est un page qui nous remet régulièrement les
messages.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. BURNS: Ne soyez pas si malades que ça.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: Quelques mots parce que n'étant pas encore un expert en
procédure, je dois quand même soulever un court point, c'est que,
si le gouvernement a jugé bon, dans la présentation de sa motion,
d'exclure l'article 138 et qu'on n'a pas exclu l'article 119, c'est donc dire
que cet article doit s'appliquer comme tel. C'est la raison majeure pour
laquelle II est bien mentionné que la motion de deuxième lecture
doit être faite une deuxième journée, et non pas dans la
même journée, et aussi on a enlevé une partie du
règlement, on a cru bon d'enlever alors qu'on a laissé aller
l'ensemble des articles.
Alors, si on veut s'astreindre à enlever une partie, c'est donc
dire qu'il faut accepter que des parties la partie qu'on a
enlevée est la suivante à l'article 138: "et la reprise est
fixée à la séance subséquente." C'est la raison
pour laquelle, si on veut faire un cas général en excluant une
partie, il faut admettre que l'article 119 doit être appliqué tel
quel.
Rejet de l'appel au règlement
M. LE PRESIDENT: Messieurs, à la suite de l'argumentation du
leader parlementaire du gouvernement, donnant son interprétation sur
l'article 117, l'argumentation de l'honorable député de
Maskinongé sur la loi d'interprétation et également,
considérant quand même l'esprit plus que la lettre de la motion
qui a été adoptée cet après-midi, si on
considère qu'on a suspendu l'article 30 qui nous permet de siéger
après 23 heures, si on considère qu'on a suspendu l'article 32
septièmement qui fait disparaître la période des questions
à la présente séance, si on fait disparaître
l'article 78 qui élimine même les motions d'ajournement du
débat, 117 qui est certainement l'article de base qui permet toutes les
étapes du projet de loi dans la même séance. En plus, le
troisième paragraphe de la motion que l'on semble oublier, dans mon
argumentation, en plus de l'argumentation en droit du leader parlementaire du
gouvernement et du député de Maskinongé; l'esprit, en
somme, qui doit primer et c'était écrit textuellement dans
notre ancien règlement sur la lettre, le troisième
paragraphe qui devient un ordre de la Chambre qui a été
adopté et voté cet après-midi, que l'Assemblée
siège sans interruption jusqu'à ce qu'elle décide de
s'ajourner tous les jours de la semaine, sauf les dimanches, avec suspension
des travaux de dix-huit heures à vingt heures, qu'à toutes ces
séances, l'ordre du jour soit celui qui est prévu pour le mardi
par l'article 34 du règlement et ce jusqu'à l'adoption du projet
de loi numéro 19, ç'a été la motion adoptée
par la Chambre cet après-midi et je pense bien qu'en l'occurrence ma
décision est à l'effet que nous pouvons procéder
aujourd'hui dans la même séance à toutes les étapes
de l'étude du projet de loi numéro 19.
Débat de deuxième lecture M. Robert
Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, je dois dire que j'ai de la
difficulté à comprendre les raisons pour lesquelles le
député de Maisonneuve s'obstine, depuis le début de
l'après-midi, à vouloir retarder un projet de loi qui, j'en suis
convaincu, est voulu et désiré le plus rapidement possible par
l'immense majorité de la population.
J'espère, M. le Président, par ces procédures
dilatoires, que le député de Maisonneuve n'a pas
d'arrière-pensée. Je lui demanderais de garder son calme et son
sang-froid.
M. BURNS: Gardez le vôtre, ça va bien aller.
M. BOURASSA: II est des circonstances où la notion
d'intérêt public doit primer sur toutes les autres. Cette
préséance de l'intérêt public devient alors une
question de justice, d'équité et de paix sociale. Nous en sommes
là, M. le Président. C'est là l'objet de ce projet de loi.
Le gouvernement est le gardien de l'intérêt public. C'est sa
responsabilité première. Il ne peut abandonner à d'autres
cette responsabilité. Il ne peut non plus permettre que
l'intérêt public passe au second plan de ses
préoccupations. Voilà pourquoi ce projet de loi, au-delà
de toutes les autres considérations, est devenu nécessaire et
essentiel. Le gouvernement a négocié de bonne foi. A deux
reprises même, il a fait des offres en vue d'améliorer notamment
et principalement le sort des petits salariés. Nous avons acquis la
conviction que dans l'état actuel du dossier, les négociations ne
pouvaient plus se poursuivre sur la base des conditions existantes.
Depuis le début, le gouvernement a négocié et,
à ce titre, on a des preuves concrètes et précises
jusqu'à même hier soir où quatre ministres ont tenu
à rencontrer les négociateurs de la partie syndicale afin de voir
s'il n'était pas possible d'en arriver à une entente par la
négociation.
Je tiens à signaler et à remercier les négociateurs
gouvernementaux, le comité interministériel et
particulièrement le ministre de la Fonction publique et
député des Deux-Montagnes qui, jusqu'à la limite de ses
forces, a essayé d'en arriver, avant cette loi, à une solution
négociée. Même si nous espérons toujours, comme il
l'a dit lui-même, d'en arriver encore à une solution
négociée au cours des semaines prochaines sans avoir à
recourir à un décret.
Des millions de Québécois directement ou indirectement
sont pénalisés par cette grève. Des personnes
complètement innocentes ou étrangères au conflit en sont
sérieusement affectées. La question que tous les
Québécois et que le gouvernement doit se poser :
Jusqu'où le gouvernement doit-il aller, en respectant les droits
des groupes particuliers, en prenant des risques vis-à-vis l'ensemble de
la population? Le gouvernement doit chercher à concilier les
intérêts légitimes de tous les groupes de la
société. Mais il arrive un moment, toutefois, où c'est le
devoir du gouvernement de trancher entre l'intérêt d'un groupe et
l'intérêt collectif. Nous croyons que ce moment est arrivé
et que personne dans cette Assemblée nationale ne contestera que le
gouvernement doit trancher du côté de l'intérêt
collectif.
Ce projet de loi met fin à la grève mais ne met pas fin
à la négociation. Les leaders syndicaux ont dit, il y a une
dizaine ou une douzaine de jours, que c'était une grève
illimitée. Mais je pense que ce n'est pas aux leaders syndicaux à
décider de la durée de la grève lorsque l'ensemble de la
population peut être affectée. C'est au gouvernement et c'est
à l'Assemblée nationale, elle-même, qui représente
la population à décider quand une grève doit se terminer,
et c'est ce que nous faisons.
M. BURNS: Est-ce que le premier ministre me permet une question?
DES VOIX: Non.
M. BOURASSA: Avec plaisir.
M. BURNS: Est-ce que ce n'est pas ça une grève
illimitée, une grève qui peut se terminer à n'importe
quelle date, c'est-à-dire à la date où les
syndiqués le décident? N'est-ce pas ça une grève
illimitée?
M. BOURASSA: M. le Président, le député doit se
souvenir que les dirigeants syndicaux, si nous voulons essayer d'être
calmes dans cette discussion importante, ont dit qu'il y aurait une
grève illimitée, jusqu'à la victoire. C'est ce qu'ils ont
dit.
M. BURNS: Illimitée. C'est une date
indéterminée.
M. BOURASSA: De toute façon, M. le Président, mardi il y
aura réunion de la commission parlementaire. J'espère que nous
pourrons avoir, à ce moment-là, une discussion aussi sereine,
éclairée et documentée que possible. Il est souhaitable,
nous le voulons, en arriver à une entente aussi rapidement que possible,
avant le 1er juin. Sinon, quelqu'un devra décider. Je pense que
lorsqu'on a à se demander qui doit décider, dans une question
comme celle-là, eh bien c'est le gouvernement élu par la
population qui doit prendre cette décision à la lumière
des discussions qui auront eu lieu entre-temps, à la lumière de
toutes les représentations qui auront été faites, à
la lumière de toutes les rencontres qui auront eu lieu entre les deux
parties et à la lumière, évidemment, du bien
collectif.
Il faut se rendre compte, tout de même, M.
le Président, j'aborde un aspect de la question, des limites
financières de l'Etat. Nous avons fait le ministre des Finances
l'a énoncé mardi dernier un effort considérable
d'assainissement des finances publiques, un effort, dirais-je, sans
précédent depuis une douzaine d'années. Si l'on examine,
par exemple, la réduction des taux de croissance dans des secteurs
importants et majeurs, nous voyons le résultat des efforts concrets du
gouvernement. Si l'on examine, d'une façon plus détaillée
et plus précise, le budget, nous voyons, par exemple, que les
immobilisations, dans presque leur totalité, sont financées par
des emprunts. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que les dépenses
courantes, y compris les salaires de tous les employés du secteur
public, sont financées par des revenus fiscaux. Alors, à quelles
conclusions peut-on en arriver?
On doit en arriver à ce que, si nous augmentons ces
dépenses courantes, nous devons nécessairement, dans une
économie fondamentalement saine, augmenter les revenus courants, soit
les taxes, ou diminuer les dépenses courantes dans d'autres secteurs.
C'était le choix du gouvernement.
Alors que nous sommes l'une des provinces les plus taxées au
Canada, nous n'avons pas le droit et nous avons pris la décision de ne
pas augmenter les impôts, pour la troisième année
consécutive. Encore là, je suis convaincu que l'immense
majroité de la population a été d'accord au sujet de notre
décision de ne pas augmenter les impôts.
L'autre point de cette alternative, M. le Président,
c'était quoi? C'était de réduire des dépenses, des
dépenses que nous avons déjà comprimées au maximum,
comme je l'ai mentionné tantôt. Mais il y a des dépenses
qui sont incompressibles, à la lumière d'une justice sociale,
comme celles de l'assistance sociale ou celles qui sont affectées
à la relance économique.
M. le Président, on n'a qu'à se référer
à une déclaration du chef du Parti québécois
lui-même, M. René Lévesque, qui disait, à Thetford
Mines, il y a quelques semaines j'aimerais que le député
de Maisonneuve soit là pour m'enten-dre qu'il ne voyait pas
pourquoi ce seraient les salariés qui gagnent moins de $100 par semaine
qui devraient financer, par des hausses de taxes, ceux qui gagnent plus de
$100. C'est également le chef du Parti québécois, M.
René Lévesque, qui disait à Thetford Mines qu'il ne voyait
pas pourquoi ce sont ceux qui travaillent 32 heures par semaine qui
bénéficieraient des sacrifices de ceux qui travaillent plus de 40
heures par semaine. C'est le chef du Parti québécois
lui-même, parti qui, aujourd'hui, s'oppose à l'adoption de cette
loi. Voilà une autre contradiction que nous devons constater, M. le
Président.
Si ce projet de loi n'est pas adopté, M. le Président,
nous pouvons voir toutes les conséquences qui peuvent en résulter
pour la popula- tion, qui ont été énoncées avec
combien de clarté et d'objectivité par les ministres
impliqués.
Nous sommes un gouvernement et un parti profondément
attachés au syndicalisme. Il n'est pas question, dans ce projet de loi,
de s'opposer au syndicalisme.
M. CHARRON: Celle-là, elle était bonne!
M. BOURASSA: Le Parti libéral, M. le Président, a
donné des preuves de son attachement au syndicalisme.
M. CADIEUX: Le député de Saint-Jacques avait la
couche!
M. CHARRON: Le bill 15, le bill 19, le bill 38!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs!
M. BOURASSA: M. le Président, nous considérons que le
syndicalisme est un moyen irremplaçable de contribuer au progrès
social. Mais quand même, il est de notre devoir de corriger les abus qui
se produisent. Quand on voit toute une population affectée par la
grève que nous connaissons, quand on voit des étudiants qui
peuvent manquer leur année scolaire, quand on voit les dommages à
la propriété qui ont été faits, quand on voit que
des injonctions ne sont pas respectées, quand on voit qu'il y a du
piquetage illégal, quand on voit que des ententes qui ont
été signées ne sont également pas
respectées, quand on voit, M. le Président, qu'on défie
ouvertement le respect de la loi, le gouvernement et le chef du gouvernement
dit: Assez! C'est assez!
M. le Président, on sait comment il est important pour le
Québec, pour atteindre ses objectifs sociaux, pour atteindre ses
objectifs dans tous les secteurs, d'avoir cette relance économique. Nous
commençons à peine, à la suite de tous les
événements que nous avons connus, à remonter la
côte. On voit que, pour la première fois, depuis plusieurs
années, le taux de croissance des investissements privés, au
Québec, est plus élevé que dans les autres régions.
On voit également qu'il y a une baisse du chômage, ici, alors
qu'il y a une augmentation dans les autres régions du Canada. Ce sont
des faits qui nous permettent d'être raisonnablement optimistes sur
l'avenir. Mais il est de notre responsabilité à nous, du
gouvernement, de pouvoir maintenir cette confiance, de pouvoir maintenir cette
situation. Elle est un peu moins difficile qu'elle l'était, un peu
à cause de toutes les mesures que nous avons prises.
J'espère que les chefs syndicaux n'ont pas choisi la politique du
pire. J'espère que leurs gestes n'ont pas pour but de créer un
climat tel au Québec qu'il soit plus difficile de surmonter les
obstacles qui sont déjà tellement sérieux et
je pense que la population du Québec dans son ensemble est
complètement d'accord sur la politique à la fois prudente et
dynamique du gouvernement vis-à-vis de tous les secteurs.
Si nous regardons le projet de loi lui-même, nous voyons que le
projet de loi dans son ensemble essaie de résoudre le problème
immédiat. Il y a la reprise des services et le retour au travail
dès samedi matin. Nous avons examiné toute cette question durant
plusieurs heures, et nous sommes venus à la conclusion et le
ministre des Affaires sociales l'a expliqué ce matin qu'il
fallait que la reprise du travail se fasse dès samedi matin.
Nous avons également inscrit dans le projet de loi l'obligation
à tous de prendre les moyens appropriés pour le retour au travail
et la reprise des services. Jusqu'à une nouvelle entente, ou à
défaut, il y aura un décret pour les conditions de travail qui
prévaudront et qui seront celles des dernières conventions
collectives applicables. Il y a prohibition du lock-out, de la grève et
des ralentissements d'activité.
Nous avons, en tenant compte des propositions qui ont été
faites, et en tenant compte de l'utilité que ça peut comporter,
convoqué la commission parlementaire pour le mardi 25 avril 1972. Le
mandat de cette commission parlementaire sera de recevoir les explications sur
la situation des négociations d'ententes collectives entre les
associations de salariés et les employeurs.
A défaut d'entente collective avant le 1er juin 1972, le
lieutenant-gouverneur fixe par décret le 30 juin les conditions de
travail jusqu'au 30 juin 1974. Le décret et je tiens à
exprimer ça très clairement devra tenir compte des
dernières offres patronales, c'est-à-dire qu'aussitôt que
l'entente aura été signée, que ce soit à la suite
d'une négociation ou par décret, il y aura
rétroactivité et cette rétroactivité tiendra compte
de toutes les ententes patronales.
Je n'ai pas l'intention d'insister sur la situation qui prévaut
dans les différents secteurs puisque les ministres responsables, au
cours de l'après-midi,ont signalé très clairement et mis
en relief les problèmes qui existaient tant dans le secteur des
hôpitaux, de l'enseignement ou de la fonction publique.
On m'a rapporté certaines déclarations qui auraient
été faites par les chefs syndicaux à l'effet qu'ils
recommanderaient de ne pas respecter la loi. Il est normal que je
vérifie ces déclarations. Je crois que, si c'est le cas, c'est
une attitude complètement disproportionnée et sans
précédent.
A entendre certains chefs syndicaux, les conditions de travail qui sont
celles des salariés du secteur public friseraient l'esclavage,
contrairement à ce que dit le chef du Parti québécois.
Alors que, si nous examinons ces conditions de travail quant aux heures de
travail, quant aux jours fériés, quant à tous les autres
secteurs et tout ce qui a été proposé par le
ministère de la Fonction publique, on peut certainement dire qu'elles
sont comparables et dans certains cas supérieures à celles du
secteur privé.
C'est vrai qu'il faut améliorer et c'est l'intention du
gouvernement dans certains secteurs où il y a des
problèmes plus aigus. Mais comment les chefs syndicaux peuvent-ils
justifier une telle attitude? S'ils sont de vrais démocrates, s'ils
croient foncièrement à l'essence même de la
démocratie, ils vont demander le respect de cette loi, parce que qui
peut nier sérieusement au Québec actuellement que l'immense
majorité de la population exprimée par le vote de cet
après-midi n'est pas d'accord sur la loi que nous présentons pour
la reprise du travail samedi matin?
C'est avec regret que j'ai entendu certains propos de chefs syndicaux
qui, il faut l'admettre, depuis, dans certains cas, une
génération, se battent pour améliorer le sort des
travailleurs, qui ont contribué, indirectement peut-être, à
toute cette législation qui, depuis dix ans dans le domaine de
l'éducation, dans le domaine de la santé, dans le domaine des
relations de travail ont amélioré le sort des
défavorisés.
Je pense qu'on ne peut pas admettre les abus de langage auxquels ils se
prêtent depuis quelques mois. Il n'y a aucune espèce de
proportion, comme je le disais, entre la situation des travailleurs
impliqués, entre les efforts qui sont faits par les différents
gouvernements depuis dix ans et les propos qu'ils tiennent.
M. le Président, j'aurai l'occasion, soit en comité
plénier, soit en réplique puisqu'en comité
plénier nous pourrons discuter tous les articles de
répondre à certains arguments qui ont été
apportés cet après-midi. J'ai écouté le chef de
l'Opposition. Il a proposé, cet après-midi ou il y a quelques
jours, un arbitrage, si j'ai bien compris. Certaines suggestions ont
été acceptées de notre part, dans un domaine où 40
p.c. du budget est affecté à des salaires. On ne peut pas
être d'accord sur la conception d'un arbitrage qui pourrait faire qu'un
tiers, qui n'est pas élu par la population, qui n'a pas de
responsabilité parlementaire ou ministérielle, pourrait, par sa
décision, forcer le gouvernement à hausser les impôts.
Il y a un grand principe que connaît le chef de l'Opposition: No
taxation without représentation. Il me comprend: pas de
représentation. Il n'y a pas de pouvoir de taxation sans
responsabilité parlementaire, si on me permet cette traduction. Or, ce
que propose le chef de l'Opposition, c'est d'aller à l'encontre d'un
principe établi par tous les Parlements.
On a suggéré, depuis quelques jours, la réunion de
la commission parlementaire mais on n'a pas dit si on était pour la
poursuite ou la fin de la grève, ou le retour au travail. Nous acceptons
de convoquer la commission parlementaire pour mardi. On n'a pas
précisé, à ma connaissance, qu'on était pour le
retour au travail immédiat.
M. LOUBIER: M. le Président, le 28 mars et au cours de la semaine
dernière, j'ai justement
proposé qu'il y ait retour au travail, séance de la
commission parlementaire de la Fonction publique, qu'on accorde
uniformément 5 p.c, qu'il y ait un moratoire de trois mois, que par la
suite, on trouve un mécanisme pour rendre la décision
exécutoire.
Or, vous avez pu voir dans ma suggestion tout ce que vient de mentionner
le premier ministre, le 28 mars et la semaine dernière au cours d'un
communiqué de presse et mardi de cette semaine.
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le chef de l'Opposition
voudrait dire qu'il aurait proposé une loi de retour au travail à
ce moment-là?
M. PAUL: Pas de loi.
M. LOUBIER: Non, M. le Président, parce que la première
fois que j'en ai parlé, il n'y avait pas grève et c'est pour cela
que j'insistais pour qu'il y ait convocation de la commission parlementaire de
la Fonction publique, et peut-être que ça aurait justement
évité la conflagration que l'on a actuellement.
M. BOURASSA: M. le Président, c'est une hypothèse
qu'émet le chef de l'Opposition. De toute façon, la partie
patronale a négocié jusqu'au bout, y compris avec quatre
ministres, mais jamais je n'ai entendu, d'aucun des partis d'opposition, de
mettre fin à la grève par une loi comme celle que nous apportons,
même si les trois partis étaient favorables à la
réunion de la commission parlementaire, ce qui est nouveau. Nous avons
intégré cela dans notre loi.
M. le Président, nous avons, dans plusieurs cas, agi. Que ce soit
dans le domaine de l'industrie de la construction, que ce soit également
dans le domaine de la grève des médecins il y a deux ans ou dans
les éléments qui sont survenus sur la Côte-Nord avec le
bill 15.
Donc, chaque fois que le gouvernement a eu à prendre ses
responsabilités, quels que soient les salariés en cause, le
gouvernement n'a pas hésité à les assumer. Mais là,
nous avons conclu, M. le Président, qu'avec tous les risques que
comportait une grève comme celle-là, il était de notre
devoir d'agir immédiatement, et comme l'a dit le ministre de l'Education
cet après-midi, les limites de l'intolérable avaient
été atteintes.
M. le Président, je suis convaincu que chaque membre de
l'Assemblée nationale admettra qu'un malaise profond existe, par la
suite de toutes ces lois spéciales depuis quelques années, dans
le domaine des relations de travail qui touchent les secteurs public ou
parapublic.
Loin de s'amenuiser, ce malaise augmente ou s'accentue d'année en
année. On ne pourra s'en convaincre qu'à constater froidement le
fait que la présente loi constitue la neuvième du genre à
être présentée au Québec depuis quatre ans. Que ce
soit le bill 25, celle pour la Commission des transports de Montréal, la
police de Montréal, l'industrie de la construction, les services
médicaux, secteurs public et parapublic, etc.
Il ne s'agit pas de savoir qui, du régime de relations de travail
ou des hommes qui l'animent, est fautif. Il importe simplement de se rendre
compte d'une situation que toute société responsable ne saurait
laisser durer, sans compromettre gravement son avenir. Plus que jamais nous
vivons dans un monde où chacun des partenaires sociaux doit être
conscient des possibilités des autres et faire preuve de
maturité. Plus que jamais, les libertés fondamentales, comme le
droit de grève par exemple ne sont significatives dans les faits que
s'ils sont exercés en tenant compte des diverses composantes de la
société et de leur interdépendance.
Ces réalités, bien sûr, s'assimilent davantage par
l'expérience vécue que par l'examen théorique d'un
régime de vie sociale. Néanmoins, il faut admettre que, compte
tenu des difficultés particulières que pose
l'établissement de relations de travail harmonieuses dans les secteurs
public et parapublic, élaboration d'une politique salariale,
aménagement du cadre général des politiques poursuivies,
lesquelles sont difficilement négociables au sens strict du terme,
impact sur le secteur privé de la détermination des tâches
et de la structure d'emploi consenti, mécanisme d'exercice libre de la
liberté d'association, détermination des services essentiels et
autres. Les outils prévus et façonnés par les diverses
lois du travail, n'ont pas donné le résultat escompté.
Aussi, le gouvernement est convaincu qu'un réexamen complet et en
profondeur des mécanismes de relations de travail, dans les secteurs ou
services publics et parapublics, s'impose et il en prend l'engagement ferme. Ce
réexamen toutefois devra être entrepris dans une atmosphère
plus sereine lorsque le conflit visé par la présente loi aura
trouvé une solution selon les votes qui sont prévus par cette
loi.
M. le Président, j'en appelle à la responsabilité
de tous, parlementaires, syndiqués, notre gouvernement s'attelle avec la
plus grande énergie à faire avancer la société
québécoise dans tous les secteurs. Nous sommes
déterminés à poursuivre cette lutte comme nous l'avons
fait depuis deux ans. Nous sommes confiants, M. le Président, de
réussir, parce que, comme nous, la population du Québec veut le
respect de la loi, le bien-être de tous les travailleurs et le
progrès ordonné de nos institutions. Je souhaite une adoption
rapide et massive de ce projet de loi, parce qu'il nous parait fondamentalement
conforme à l'intérêt de tous les
Québécois.
M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.
M. LOUBIER: M. le Président.
M. LEVESQUE: M. le Président, sur une question de
privilège, simplement un instant. Je
m'excuse auprès du chef de l'Opposition officielle, c'est qu'il
s'est passé un incident il y a quelques minutes, alors que j'avais
mentionné qu'il y avait la présence d'un étranger dans
cette Chambre, qui n'était pas un page et on m'a dit qu'il s'agissait
d'un page.
Alors, M. le Président, j'ai pris certains renseignements et il
ne n'agit pas d'un page. Il s'agit simplement de quelqu'un qui avait
été emprunté, à un bureau, pour agir comme page.
Alors je tiens à faire cette rectification, parce que je ne voudrais pas
que le...
M. DEMERS: Est-ce que ce serait un espion?
M. LEVESQUE: Bien là! Mais, M. le Président, j'accepte que
les besoins de la cause ce soir ont fait qu'il puisse agir comme tel, mais
lorsque j'ai fait la remarque, j'étais en droit de le faire.
M. LEGER: M. le Président...
M. LESSARD: J'aurais une information, est-ce que ça veut dire que
le leader parlementaire retire l'impression...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a aucun débat sur une question
de privilège.
M. LESSARD: J'invoque le règlement, M. le Président.
UNE VOIX: Debout.
M. LE PRESIDENT: Vous invoquez le règlement ou quoi. Est-ce que
vous invoquez le règlement?
M. LESSARD: Oui, M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. LE PRESIDENT: Sur quel sujet?
M. LESSARD: Au sujet d'une question de privilège qui a
été soulevée tout à l'heure. On a tout simplement
laissé l'impression dans cette Chambre qu'il s'agissait d'un
recherchiste du Parti québécois.
M. HARVEY (Chauveau): Burns a menti une fois de plus.
M. LESSARD: Je demande tout simplement si cela veut dire que le leader
parlementaire retire cette impression-là qu'il a laissé tomber
sur la Chambre tout à l'heure.
M. HARVEY (Chauveau): Bien non, il donne des précisions.
M. LEVESQUE: M. le Président, si on veut aller plus loin avec
cela, le leader parlementaire du Parti québécois a fait parader
ce jeune homme, l'a amené ici près de mon bureau et a dit: Je
vous présente le page. C'est aller un peu loin comme provocation, et
c'est pourquoi j'ai cru bon de soulever une question de privilège.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER: Les dernières interventions me laissaient perplexes
parce que, lorsque l'on parlait du page, je me demandais si on parlait,
à un moment donné, du discours qui vient d'être
prononcé par le premier ministre et qu'on y faisait une relation.
M. HARVEY (Chauveau): Que vous êtes donc sérieux, vous
êtes sérieux!
M. LEVESQUE: Vous devriez "l'oublier"! M. LACROIX: Un trou, une
cheville.
M. LOUBIER: M. le Président, vous connaissez mon calme proverbial
et vous comprendrez pourquoi, à la suite de l'intervention toujours
marquée au coin de l'intelligence assez scintillante du
député de Chauveau qui n'est même pas à son
siège que j'ai pris un instant...
M. HARVEAY (Chauveau): Je vous remercie du compliment.
M. LOUBIER: ... pour ne pas faire en sorte que ce débat tourne en
foire.
M. le Président, le premier ministre vient de faire un discours
qui est à l'image, je pense, de sa personnalité. Le premier
ministre l'a fait, je le sais, en toute honnêteté. Le premier
ministre a tenté...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En toute naï-veté.
M. LOUBIER: ... de convaincre les membres de cette Chambre que toutes
les mesures avaient été prises, que tous les efforts avaient
été fournis par le gouvernement pour en arriver à une
entente heureuse avec la partie syndicale. Je me suis rendu compte qu'une
grande partie de son intervention a été consacrée, avec
beaucoup de naïveté, à une énumération de
voeux pieux et de principes qui rallient, j'en suis sûr, l'assentiment de
tous les membres de cette Chambre.
Il n'y a pas un seul membre de l'Assemblée nationale qui soit
contre la notion voulant que le gouvernement soit le gardien de
l'intérêt public, que l'intérêt public doit passer en
premier lieu, que le gouvernement doit avoir de la bonne foi dans ses actions,
etc. Cela a été la première partie:
énumération de principes et de voeux pieux qui ne
soulèvent aucune réplique, aucun commentaire des membres de cette
Chambre.
La seconde partie de son intervention a été
consacrée littéralement à des commerciaux pour le Parti
libéral. Si vous avez remarqué, M. le Président, au cours
de mon intervention aujourd'hui, et même au cours de toutes mes
interventions, j'évite d'identifier Unité-Québec aux
propos que je tiens parce qu'à ce moment-là j'ai un rôle
à remplir comme chef de l'Opposition et je ne veux pas me servir de la
Chambre pour faire de la publicité facile autour d'une formation
politique. Le premier ministre a utilisé maintes expressions: que le
Parti libéral, depuis qu'il est là, est en train d'assurer la
relance économique, que le Parti libéral n'a pas imposé de
taxes pour la troisième année, que le Parti libéral tend
vers un taux de croissance économique qui serait à la
satisfaction de tous les Québécois et qui cadrerait avec le
même tempo de croissance économique des autres provinces, etc.
Très peu de remarques ont été faites sur la loi
elle-même.
En second lieu, là où j'ai été
désarmé, comme tous les membres de cette Chambre, je pense, c'est
lorsque le premier ministre n'a pas du tout mentionné le fait que le
gouvernement avait en main, bien avant aujourd'hui, tous les mécanismes
qui auraient pu rapprocher les parties, qui auraient pu permettre aux membres
de l'Assemblée nationale, comme je le disais cet après-midi,
à tous les syndiqués, à tous les Québécois,
d'être bien au fait de la question, de connaître toutes les
implications des offres de la partie patronale et également les motifs
du refus de la partie syndicale d'accepter.
Le premier ministre a écarté du revers de la main cette
possibilité, ce soir, et je pense que le premier ministre a
également évité de nous départager ou de nous
tracer jusqu'où allaient également les responsabilités de
l'Etat patron et jusqu'où allaient les responsabilités et les
devoirs de l'Etat législateur. Il a fait appel à la collaboration
des membres de cette Chambre, il a fait appel à la collaboration des
chefs syndicaux. C'est un autre voeu pieux qui n'est assis sur aucune preuve de
sérieux que pourrait offrir le gouvernement, et je suis persuadé
que si le front commun avait été invité il y a quinze
jours ou trois semaines à venir faire entendre son propre son de cloche
à la commission parlementaire de la Fonction publique, il aurait
accepté cette invitation et la partie patronale aurait pu, elle aussi,
faire entendre sa voix et dans ce climat serein d'objectivité où
chacune des parties se serait sentie à l'aise d'exprimer sa thèse
et où chacune des parties aurait pu être interrogée par les
membres de la commission parlementaire de la Fonction publique. Il est
possible, puisqu'il n'y avait pas grève, lorsque j'ai proposé,
pour la première fois, la mise en action de ces mécanismes,
qu'à ce moment-là, à la suite des séances de la
commission parlementaire de la Fonction publique, il y ait eu amorce d'une
entente véritable et basée sur de sérieuses
négociations.
Mais, qu'a-t-on fait, depuis un bout de temps? La partie syndicale a
accusé le gouvernement de manquer de bonne foi dans ses
négociations, de manquer de sérieux. D'autre part, la partie
patronale, en l'occurrence le gouvernement accusait le front commun
d'être de mauvaise foi, de ne pas négocier sur des bases
sérieuses. Et là, on jouait à la balle avec les 210,000
syndiqués et avec tous les Québécois, on se lançait
la balle. Si on avait, à ce moment-là, accepté la
proposition que j'ai faite, dès le début du mois de mars, que
j'ai réitérée le 28 mars, que j'ai
réitérée encore la semaine dernière, nous n'aurions
pas, ce soir, à juger de l'à-propos, de la qualité de la
loi que le gouvernement nous présente parce qu'il n'y aurait
probablement pas eu nécessité d'une telle loi.
Deuxièmement, j'ai proposé, à maintes reprises,
depuis des semaines, qu'il y ait un moratoire qui aurait pu être de trois
mois. Je l'ai suggéré à nouveau, il y a une semaine; je
l'ai suggéré mardi un moratoire de trois mois qui
aurait permis, à ce moment-là, aux chefs syndicaux, au front
commun, de demander aux syndiqués le retour immédiat au travail,
qui aurait pu être accordé illico, sur le champ, instanter, comme
dirait le député de Chicoutimi, aurait pu être
accordé un 5 p.c. uniforme d'augmentation pour tous les syndiqués
et d'autres avantages qui étaient agréés par les parties
et au bout de trois mois, j'ai suggéré, depuis des semaines,
inlassablement, partout, à chaque fois que j'en ai eu l'occasion,
qu'à la suite de ce moratoire de trois mois, s'il n'y avait pas entente,
qu'on réfère cet autre moment d'impasse ou ce cul-de-sac,
à un tribunal de travail ad hoc ou je disais même à un
autre organisme qui pourrait être accepté réciproquement et
conjointement par la partie syndicale et par la partie patronale.
Mais on n'a pas pris en considération ces suggestions.
Aujourd'hui, on essaie de se couvrir du chef de l'Opposition pour dire: Nous
acceptons passablement des suggestions que le chef de l'Opposition a faites.
Parce que, en définitive, nous accordons la convocation de la commission
parlementaire de la Fonction publique. Ce sera mardi. Nous acceptons aussi une
forme de moratoire, mais ce sera environ de deux mois. Une chose que le chef de
l'Opposition n'a pas demandé ou d'autres, cela aurait été
une loi d'exception, une loi matraque comme l'a toujours qualifiée le
ministre de la Fonction publique.
Oui, je dis qu'on a pris les suggestions que j'ai faites, mais on les a
toutes tournées à l'envers. On a pris la charrue et on a
attaché le boeuf en arrière. On procède à rebours,
de sorte que les suggestions que j'ai proposées à l'époque
ont été, à mon sens, tellement mal comprises qu'en premier
lieu, on brûle toutes les étapes que j'avais tracées et on
tombe tout de suite sur la loi matraque.
Or, quand le premier ministre essaie d'argu-
menter qu'il serait impensable que l'on confie à une tierce
partie le soin d'engager des sommes importantes du gouvernement au nom du
gouvernement et qu'il dit que cela n'a aucun sens et que cela pèche
contre tous les principes de droit parlementaire, tous les principes reconnus
dans les autres provinces au Canada. Je dis au premier ministre, encore
là, que ses conseillers pourraient peut-être lui
révéler que ce n'est pas un précédent. J'ai
cité, l'autre jour, des cas, même au moment où nous sommes
dans cette Chambre. Il y a l'avocat, Me Art. Maloney, de Toronto, qui sert
d'arbitre entre la ville de Toronto et les éboueurs de la ville de
Toronto pour en arriver à un arbitrage acceptable.
Nous avons eu, il n'y a pas si longtemps, le gouvernement
fédéral qui s'est servi du juge Gold, pour régler le
conflit qui l'opposait aux employés des ports nationaux. On a remis au
juge Gold le soin de trancher le litige et le soin d'apporter une solution qui
serait acceptable par les deux parties. Or, je suis contre le principe des lois
d'exception. Je suis contre le principe des lois d'urgence. Je suis contre le
principe des lois adoptées à toute vapeur. Je suis, en fait,
contre le principe d'un gouvernement qui administre à la petite
journée. C'est la cinquième ou la sixième loi d'exception
d'urgence que l'on présente. Est-ce que cela va finir ces lois
d'urgence, ces lois d'exception, ces lois à la vapeur, ces lois in
extremis? Est-ce qu'on ne se dirige pas dans le Québec avec un
gouvernement qui va laisser pendre le glaive ou la matraque sur la tête
de tous les Québécois ou de tous les secteurs? Il y a un
problème dans le domaine de la construction. Le bill no 15 qui est
convoqué. Tous les règlements tombent. Il faut régler cela
à la vapeur encore une fois.
Il y a un problème actuellement, un problème qui pourrit,
pas depuis un mois, pas depuis deux mois, pas depuis cinq mois, depuis huit ou
neuf mois. On se rend compte que les négociations, pour quelque raison
que ce soit, n'avançaient pas, n'avancent pas. Il y a à peine un
mois, à tort ou à raison, la partie syndicale dit, il n'y a pas
eu de négociation sérieuse depuis des mois et des mois de la part
de la partie patronale. La partie patronale répond immédiatement
que c'est la faute de la partie syndicale qui n'a pas voulu s'entendre, qui a
tergiversé, qui a piétiné, qui a été de
mauvaise foi du début à la fin.
M. le Président, je dis que c'est évident, étant
patron et étant législateur, que cela devient un paradoxe. Cela
devient d'une complexité inouïe.
Il est bien évident que le ministre de la Fonction publique, qui
a la charge des négociations, est en même temps lié par la
solidarité ministérielle et que même s'il voulait coiffer,
pour un bon moment, le chapeau de l'Etat bon patron, il est obligé,
lié et soudé, irrémédiablement, à la
solidarité ministérielle. Là, il faut qu'il se place sur
la tête l'autre chapeau de l'Etat législateur. Nous savons que
c'est une situation difficile; nous savons que c'est d'une complexité
inouie. Mais pourquoi prétendre qu'un arbitrage serait impossible
après le moratoire de trois mois? Il faudrait confier, à ce
moment-là, à un tribunal de travail ad hoc ou à un autre
organisme dont les structures et le but seraient définis conjointement
par les deux parties, la partie syndicale et la partie patronale. A ce
moment-là, il est bien évident que l'on pourrait demander et
s'entendre pour que l'arbitre ou ce tribunal ait à donner une sentence
tenant compte de certains critères établis d'avance. A ce
moment-là, la partie syndicale, le front commun se sentirait au moins
sécurisé; il n'aurait pas, à ce moment-là,
l'impression que l'Etat bon patron va négocier un bout de temps et que
si ça ne fonctionne pas, c'est l'Etat législateur qui va
intervenir à coups de bâton. On pourrait même, pour un
moment donné, demander au ministre du Travail d'agir et de le
désouder, de le désolidariser de l'équipe
ministérielle et le faire servir d'arbitre, si cela est
agréé par les deux parties.
On pourrait même confier, éventuellement, ce ne sont que
des suggestions, au Protecteur du citoyen de la province le soin de trancher le
litige ou à un autre personnage qui serait agréé, avec des
conseillers; on tracerait, à ce moment-là, préalablement,
en vertu de quels critères il faudrait rendre la sentence.
M. le Président, je pense que nous sommes véritablement
pris dans un étau. Je comprends les difficultés qu'ont à
rencontrer les membres du gouvernement. Je le sais. Et je sais que, dans ce
domaine, surtout dans ce domaine extrêmement névralgique, qu'il
est important d'agir avec prudence, avec mesure, avec
sérénité. Et il est également urgent et important
de donner l'assurance à l'autre partie. Dieu sait si je ne veux, en
aucun moment, me faire le défenseur de mes amis Pepin, Chartrand,
Charbonneau et tout ce groupe-là. Vous le savez. Mais je dis qu'il est
important, au-delà des intérêts de certaines personnes dans
le monde syndical, de protéger les syndiqués eux-mêmes. Le
premier ministre disait qu'il était en amour avec le syndicalisme. Cela
a fait rire plusieurs membres de cette Chambre. Je dirai, comme je l'ai
répété à maintes reprises, que le syndicalisme doit
passer ce stade des revendications, que le syndicalisme doit être
intégré véritablement dans une articulation bien faite de
notre économie au Québec, que le syndicalisme doit être un
agent positif de l'économie et non pas un instrument de sabotage de
l'économie au Québec, que le syndicalisme doit être un
agent positif au même palier que le patronat et le gouvernement. C'est
là qu'est le défi actuellement que nous avons à relever
dans le Québec, à coordonner ces trois forces pour qu'ils
agissent et deviennent des partenaires dans la relance économique du
Québec.
M. le Président, nous sommes d'accord avec ces
énoncés de principe faits par le premier
ministre. Mais je suis extrêmement surpris que le premier ministre
n'ait pas, avant aujourd'hui... Je ne reviendrai pas sur le chapelet de
blâmes que j'ai adressés, que j'ai récités au
gouvernement, cet après-midi, sur un ton très calme et
très serein, sans aucune animosité ni dans la voix, ni dans les
mots. Mais...
M. BOURASSA: Vous avez été inspiré par mon
discours.
M. LOUBIER: M. le Président, je n'ai pas besoin de rappeler au
premier ministre que ce climat de flottement, d'incertitude, ce climat
extrêmement déprimant dans lequel on vit, actuellement, au
Québec, est la résultante d'une indécision
congénitale du gouvernement, d'un manque de leadership, d'un manque
d'esprit de décision et de réalisme.
M. le Président, je dis qu'encore là, les loups sont
sortis du bois cette nuit. Et là, vous voyez arriver les ministres
les mêmes, pas d'autres, les mêmes ministres qui hier
et avant hier disaient: Un instant! Ne partez pas en peur! Le climat n'est pas
si mauvais que cela, dans le Québec. Ce n'est pas alarmant. Voyons donc!
Le ministre de la Fonction publique, d'un langage très rassurant, nous
disait avec bonhomie, le sourire sur les lèvres: Un instant! Je n'ai pas
parlé de situation dramatique, de situation alarmante. La situation est
relativement bonne.
Et quand j'ai entendu, comme je le disais cet après-midi,
l'honorable ministre des Affaires sociales qui, avec les intonations
percutantes qu'on lui connaît, M. le Président, affirmait de sa
voix cadencée qu'il n'y avait rien d'anormal, que c'était
sérieux mais qu'il n'y avait pas urgence, ce n'était pas
dramatique. Et ce matin, M. le Président, ils se sont
réveillés. Ils sont sortis de leur cauchemar. Et là,
monsieur, ils se sont rendus compte que cela urgeait. Savez-vous à qui
ils m'ont fait penser, M. le Président? C'est notre ami Néron, je
pense, ou César, qui jouait de la flûte alors que Rome
brûlait. C'est Néron. Vous comprenez, M. le Président, que
je n'ai pas connu intimement tous ces gens-là!
Mais, M. le Président, le premier ministre, depuis des semaines,
et d'une façon encore plus mélodieuse dimanche soir, jouait de la
flûte à l'hôtel Reine Elizabeth, Il essayait de charmer, M.
le Président, tous les petits serpentins qui se trouvaient sur les
lieux.
UNE VOIX: Mme Johnson!
M. LOUBIER: Pendant que Québec brûlait, le premier ministre
jouait du charme.
UNE VOIX: Mme Johnson?
M. LOUBIER: Pardon? Vous avez dit Mme Johnson? Oui. J'ai trouvé
cela amusant la photographie montrant le premier ministre et Mme Johnson en
train de se faire la bise. Et je me suis dit, M. le Président: C'est la
première fois que je vois Mme Johnson, en public, embrasser un premier
ministre. Mais passons.
M. le Président, on s'est réveillé. Et là on
arrive, aujourd'hui, on a brûlé toutes les étapes, on a
brûlé tous les vaisseaux, et on s'insurge de constater que la
réaction des chefs syndicaux est extrêmement violente.
C'est une réaction, M. le Président, que je condamne avec
la même force que le premier ministre. Il est impensable et inacceptable
que ce soient trois ou quatre individus qui veuillent saboter toute
l'économie, au Québec, sans tenir compte de
l'intérêt commun. Je condamne ces réactions violentes, ces
écarts de langage, ces défis à la justice, à
l'autorité. Il ne faut pas admettre que le Québec chante et danse
devant Pepin, Laberge, Charbonneau et compagnie. Sur cela, je suis d'accord
avec le premier ministre. Mais il faut savoir jusqu'à quel degré,
par exemple, le gouvernement, à cause de son incurie, de son inertie, de
son inconséquence, de son imprévoyance et mettez-en, M. le
Président, ait un degré de complicité dans cette
réaction.
M. le Président, je suis persuadé que si le gouvernement
avait prêté l'oreille à nos suggestions qui datent de
plusieurs semaines et qui ont été réitérées
au cours des dernières semaines, que si le gouvernement avait
porté une oreille attentive à nos suggestions, si nous avions
passé par le canal de la commission parlementaire de la Fonction
publique, si ultérieurement on n'avait pas déformé la
suggestion que nous avons faite d'un moratoire de trois mois et, à ce
moment-là, qu'on l'aurait appliqué parce qu'il n'y avait pas
grève, il n'y avait pas conflagration, c'est probablement pour ça
que le gouvernement n'agissait pas, parce qu'il n'y avait pas de conflagration
et qu'il est habitué à agir strictement quand ça
brûle partout et quand les dégâts se font de plus en plus
considérables.
Il est à se demander également si ça n'était
pas prévu par quelqu'un de laisser pourrir la situation à un tel
point qu'on arriverait avec une loi matraque et disant qu'il n'y a plus d'autre
issue. Il faut se demander si, dans l'esprit de certaines personnes, ce
n'était pas une stratégie pensée longuement d'avance.
Je dis qu'il est évident que le gouvernement n'a pas voulu avant
aujourd'hui poser des gestes positifs, se servir des mécanismes
existants et également adopter les formules que nous proposions, qu'il
adopte aujourd'hui après les avoir déformées, après
ne pas avoir respecté une certaine chronologie qui était
indispensable pour assurer que cette trinité de suggestions puisse avoir
une application heureuse et puisse permettre également un accord ou
encore une entente entre la partie syndicale et la partie patronale qui aurait
été acceptable.
Je pense que le premier ministre doit se rendre compte de la situation
et il s'en rend compte, j'en suis persuadé. Connaissant la
sincérité du ministre de la Fonction publique, je suis
persuadé que pour lui la tournure des événements est
dramatique, lui qui depuis des mois et des semaines surtout, jour et nuit, et
je le sais, s'est vidé littéralement, a consacré toutes
ses énergies, tous ses efforts pour essayer véritablement de
déboucher sur une solution négociée. Et pourquoi ses
autres collègues du cabinet ne l'ont-ils pas aidé en ce sens
qu'on aurait pu mettre en place, en vigueur et en application la commission de
la Fonction publique et d'autres moyens?
Je n'assiste pas, comme vous le comprendrez bien, au caucus de mes amis
d'en face, mais est-ce que le caucus aussi n'aurait pas joué un jeu qui
aurait obligé le premier ministre parce que les
députés de tous les partis de cette Chambre commençaient
à être impatients, ne connaissant pas les deux revers de la
médaille le premier ministre n'a-t-il pas décidé
trop rapidement et trop tard de prendre une décision aussi radicale,
alors qu'il aurait pu et qu'il pourrait encore, s'il veut
respecter le sens de la motion que je ferai en terminant, pourrait encore faire
en sorte que ce conflit ne soit ni sur le plan social, ni sur le plan syndical,
ni sur le plan économique un des détours les plus marquants de
l'histoire du Québec et qu'il ne soit pas non plus un des chapitres qui
vont faire en sorte que dans l'avenir on connaîtra encore des horizons de
plus en plus assombris?
Je pense que le premier ministre me permettra de terminer en faisant
appel au sens des responsabilités des gens du front commun, comme il l'a
fait tout à l'heure pour tous les députés de cette
Chambre. Je me permettrais de dire au premier ministre que nous, de ce
côté-ci de la Chambre, nous faisons également appel au
premier ministre.
Nous faisons appel au premier ministre pour que, dans un effort
suprême, ultime, les ponts ne soient pas coupés totalement, pour
éviter, M. le Président, que l'on continue, parce qu'on a attendu
évidemment, on a attendu qu'il y ait des sentences
sévères, on a attendu également qu'il y ait des
emprisonnements, on a attendu également qu'il y ait des explosions de
langage, en fait, on a attendu que le feu soit pris partout et que l'affolement
commence à s'emparer de différentes parties, soit syndicale ou
patronale pour certaines personnes, pour poser un geste. Mais, si le premier
ministre veut bien, ce soir, dans un dernier effort, et je pense que ce serait
à la gloire du premier ministre, ce serait également
démontrer au front commun, aux syndiqués, aux
Québécois, à tous les députés, que
jusqu'à la dernière minute tous les députés de
cette Chambre trouvaient odieuse la loi matraque. Et jusqu'à la
dernière minute, les députés de cette Chambre ont voulu,
dans un effort concerté et collectif, tenter un dernier rapprochement
possible avant cette loi d'urgence et d'exception.
Motion d'amendement
M. LOUBIER: Et conformément, M. le Président, aux
dispositions de l'article 123 de notre règlement, je propose,
appuyé par le député de Maskinongé, que la
deuxième lecture du projet de loi 19, loi assurant la reprise des
services dans le secteur public, n'ait pas lieu maintenant, mais dans quatre
heures.
Et M. le Président, voici pourquoi. C'est qu'à ce
moment-là le premier ministre pourrait rencontrer, avec le ministre de
la Fonction publique, et s'il le veut, inviter les chefs des partis reconnus
pour rencontrer une dernière fois les représentants du front
commun et leur proposer ceci: Premièrement, qu'ils fassent un appel
à tous les syndiqués pour un retour immédiat au travail.
Que, deuxièmement, il y aura mardi, convocation de la commission
parlementaire de la Fonction publique. Que, troisièmement, il y aura
également un moratoire de deux mois et qu'on accordera
immédiatement des garanties solides à tous les syndiqués
qu'ils auront un minimum d'offres telles qu'elles ont été
formulées vers la fin des négociations, si l'on peut encore
qualifier ces pourparlers de négociations, et à ce
moment-là, qu'au bout de trois mois, un organisme indépendant, ou
encore là, s'il y avait impasse absolue, si le gouvernement refuse ma
suggestion d'un tribunal de travail ad hoc ou d'un autre organisme
indépendant qui pourrait rendre objectivement, et à la
lumière de certains critères, une sentence exécutoire
à la satisfaction des parties, si le premier ministre s'y refuse,
à cette troisième suggestion, qu'à ce moment-là on
sache que la loi que l'on présente ce soir deviendra en vigueur et c'est
la proposition que je fais au premier ministre, appuyé par le
député de Maskinongé.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, je ne conteste pas la bonne foi du
chef de l'Opposition en présentant sa motion. Il est indéniable,
mais je dois lui dire qu'hier soir nous avons tenté un ultime effort,
avec tous les ministres composant le comité interministériel, que
jamais il n'a été question de la part de la partie syndicale
qu'ils étaient prêts à faire un retour au travail, et que
même s'il y avait ce retour au travail, rien ne nous dit qu'il n'y aurait
pas une nouvelle grève dans deux ou trois semaines.
Le ministre des Affaires sociales a expliqué comment, même
si la grève ne dure que depuis deux semaines, nous avons
été dans un état de quasi-grève depuis cinq ou six
semaines, étant donné la première grève
générale d'une journée qui avait eu lieu et étant
donné les problèmes dans les conditions d'admissibilité
des hôpitaux.
Alors nous avons examiné, M. le Président, tout ce que
propose le chef de l'Opposition. C'est à la lumière du même
esprit qui l'anime, qu'hier soir nous avons accepté, même si
auparavant nous avions refusé que des ministres siègent à
la table de négociation, cette dernière rencontre. Pour mettre de
l'ordre d'une façon réelle et non pas purement
éphémère, nous avons décidé d'arriver avec
ce projet de loi qui permet, comme le dit le chef de l'Opposition, la
convocation de la commission parlementaire. On arrive aux mêmes objectifs
du chef de l'Opposition, mais avec plus de sécurité pour la
population.
M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le premier ministre me
permettrait... D'abord, je ne voudrais pas que le premier ministre me fasse
injure en disant que ce sont mes suggestions en fait qui sont appliquées
puisqu'on arrive aux mêmes objectifs. J'ai dit justement tantôt que
les suggestions que j'ai faites sont justement placées à rebours
et que ce n'est pas du tout comme ça qu'on aurait pu assurer une bonne
négociation et un dénouement heureux.
J'ai une question à poser au premier ministre. Est-ce que le
premier ministre a proposé hier, au front commun le moratoire, la
commission de la Fonction publique qui siégerait mardi?
Deuxièmement, qu'il y aurait un moratoire de trois mois, retour au
travail immédiat, garantie minimale des offres, de telles offres sur le
plan de la sécurité d'emploi, sur le plan des salaires, etc.
Est-ce que le premier ministre veut dire à cette Chambre qu'il aurait
proposé déjà ces trois formes ou ces trois formules de
solution au chef du front commun et que ç'aurait été
refusé?
M. BOURASSA: M. le Président, nous avons fait tel que ç'a
m'a été rapporté, nous avons fait de nouvelles
propositions à deux reprises et, comme ç'a m'a été
rapporté, il n'y a pas eu de contrepropositions qui ont
été faites par la partie syndicale, d'aucune façon.
M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre n'a pas
répondu à ma question. Est-ce que le premier ministre ou un des
ministres qui a assisté pourrait me répondre, s'il y a eu, aux
chefs du front commun, aux représentants du front commun,
premièrement, la proposition suivante de faite? Vous allez demander aux
syndiqués de retourner au travail immédiatement. Nous allons
convoquer pour mardi prochain ou il aurait pu faire pour aujourd'hui
cette convocation-là ou demain la commission de la Fonction
publique. Nous allons avoir un moratoire de deux mois, de trois mois.
Entre-temps, ayez la garantie et l'assurance que vous avez au moins sur le plan
de la sécurité d'emploi, sur le plan salarial, etc., des offres
qui ont été faites par le ministre de la Fonction publique et au
sujet desquelles il n'y aurait pas eu de contreproposition. C'est ça que
je veux savoir.
M. BOURASSA: M. le Président, nous avons examiné toutes
ces possibilités et j'ai répondu en partie tantôt, je le
crois, à la question du chef de l'Opposition...
M. LOUBIER: La proposition au front commun.
M. BOURASSA: Non, j'ai dit que le gouvernement avait
décidé que, si on accepte une partie de la proposition du chef de
l'Opposition, c'est que la grève peut reprendre dans deux mois ou dans
trois mois. Non, parce que le chef de l'Opposition ne propose pas la fin, la
suspension du droit de grève dans la convention collective. Or, à
la lumière des faits qui nous ont été soumis, il y a cinq
ans ou six ans, je pense, lors de la grève des hôpitaux, vous avez
fait une loi au bout de trois semaines...
M. LOUBIER: Parce qu'on était pris avec la loi de 1965.
M. BOURASSA: Oui, d'accord. Alors, au bout de trois semaines, vous avez
fait une loi pour mettre un terme à la grève. Nous, il y a eu dix
jours, pour...
M. LOUBIER: Non, pas du tout...
M. CLOUTIER (Montmagny): Pas une loi.
M. LOUBIER: ...deuxièmement, pour la Régie des alcools, la
RAQ, il y a eu convocation de la commission de la Fonction publique, et
ça s'est réglé...
M. LE PRESIDENT; A l'ordre! A l'ordre! Alors, je comprends que tous les
députés sont désireux, sont dans l'esprit de la motion
d'urgence, veulent accélérer les travaux et nous ne sommes pas
encore rendus en comité plénier.
M. LOUBIER: Si le premier ministre me permet, est-ce qu'il pourrait
faire ces propositions, en dernier recours, à la partie syndicale...
M. LEVESQUE: M. le Président, je pense que le premier ministre a
permis deux ou trois questions.
Je crois qu'il serait un peu imprudent, à ce moment-ci, de
permettre ce genre de débat. Je crois que d'autres députés
ont l'intention de participer au débat, et si chacun avait cette
latitude, je me demande, M. le Président, comment on finirait.
M. LE PRESIDENT: Nous en sommes à la motion d'amendement de
l'honorable chef de l'Opposition et j'inviterais les membres de cette Chambre
intéressés à parler sur la motion strictement à le
faire. Je rappelle bien que le débat doit maintenant être
circonscrit à l'opportunité de retarder de quatre heures
l'étude de cette motion de deuxième lecture.
M. LOUBIER: Pour qu'il y ait rencontre avec la partie syndicale et que
les propositions soient faites dans le sens que j'ai signalé tout
à l'heure.
M. BOURASSA: La rencontre a eu lieu hier.
M. LOUBIER: Vous n'avez pas fait les propositions dont on parle.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef intérimaire du Ralliement
créditiste.
M. Armand Bois
M. BOIS: M. le Président, à la suite de l'amendement que
vient de proposer l'honorable chef de l'Opposition officielle, nous aurions
certainement des commentaires à faire en vue de retarder de quatre
heures la reprise du débat sur la loi no 19.
Nous aurions des commentaires à l'appui de cette motion, lesquels
nous pourrions résumer comme ceci: Dans le moment, nous croyons qu'une
injustice sociale, causée en partie par certains chefs ouvriers et en
partie par le gouvernement, ne peut certainement pas être corrigée
par une autre injustice sociale, soit par un projet de loi comme le projet de
loi 19. Nous sommes au courant que certains chef ouvriers, je l'avais
déjà mentionné au mois d'octobre, quand j'avais
parlé des bilans des grandes centrales syndicales... Ici, je ne veux pas
attaquer l'humbre ouvrier, je ne veux pas attaquer les chefs ouvriers
intermédiaires, loin de là. Ce sont simplement ceux qui dirigent
le mouvement et qui ont le droit de parole au nom de tous en n'étant que
trois, la sainte Trinité.
D'un autre côté, le gouvernement a motivé
lui-même une telle demande de la part du chef de l'Opposition officielle
en retardant, d'une façon recherchée ou pas, les
négociations pendant une période qui, à l'heure actuelle,
en est rendue au treizième mois. Le but recherché par la loi qui
nous est présentée peut être très bon, mais il est
cependant défectueux. A l'heure actuelle, on se permet et c'est
sur quoi nous appuyons la motion d'ignorer les droits de l'individu.
C'est justement ces choses-là qui sont en mesure de nous amener une
grève générale.
On a parlé de diverses motivations de la part du gouvernement. Le
premier ministre a été extrêmement explicite, mais n'est-ce
pas la fin de la liberté lorsqu'on prévoit qu'à un moment
donné on favorisera, par un projet de loi qu'on adopterait aussi vite et
sans y apporter plus d'attention, simplement l'avènement d'une
véritable dictature socialiste au Québec. Je vais
l'expliquer.
Une des raisons pour motiver le retard à appliquer cette loi est
que l'on met en cause le concept même de la démocratie. Est-ce
que, vraiment, les employés gouvernementaux ne peuvent ou ne pourraient
obtenir les mêmes privilèges du code du travail que les autres
ouvriers? D'après nos renseignements, il ne semble pas que cela
s'appliquerait intégralement et dans tous les endroits. Le projet de loi
mérite d'être retardé aussi parce qu'il est antinational et
antisocial; antisocial parce que, même en défendant
présumément le mieux-être de la population, on ne fait que
prouver une injustice criante à l'endroit de plus de 200,000
fonctionnaires en prouvant que les retards apportés par les
négociations ne sont pas aujourd'hui une excuse pour apporter une loi
matraque.
M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement. Je
ne voudrais pas être désagréable à l'endroit du chef
intérimaire du parti du Ralliement créditiste du Québec,
mais vous avez signalé tout à l'heure qu'il fallait s'en tenir,
je pense, aux termes et à l'essence et au sens de la motion. Or, je
pense que le député de Saint-Sauveur pourrait prononcer ces
propos à l'occasion de l'étude de la loi ou de son discours en
réponse à celui du premier ministre. Mais, si l'on permet
à chaque député de débouler son discours qu'il
avait préparé pour la loi elle-même, je vais changer ma
motion et mettre 14 heures au lieu de 4 heures.
M. LE PRESIDENT: En écoutant attentivement l'honorable chef
intérimaire du Ralliement créditiste, j'ai eu les mêmes
doutes que le chef de l'Opposition officielle et même si, à
certains moments, dans ses phrases, le chef intérimaire parle de vitesse
quant à l'adoption de la loi, il est bien clair que l'ensemble de ses
propos s'attaque au fond de la loi.
Alors, je l'inviterais à ne pas nous parler du fond de la loi, du
principe de la loi, mais bien de nous dire plutôt pourquoi cette
étude devrait être retardée de quatre heures.
M. BOIS: M. le Président, j'apprécie la remarque du chef
de l'Opposition officielle, cependant ce n'est quand même pas ma faute
s'il a demandé quatre heures au lieu de demander six ou huit heures.
M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer au chef intérimaire que
quatre heures ou quatorze heures ne changent rien quant à la
règle de pertinence du débat.
M. BOIS: Alors, M. le Président, je continue mes brèves
remarques en demandant surtout ceci: Est-ce qu'à l'heure actuelle
et ça je pense bien que ça fait partie de la motion d'amendement
les chefs syndicaux sont de connivence avec le gouvernement ou le
gouvernement ne l'est-il pas avec eux? Le gros de ma question est justement ce
qui nous permettrait de retarder...
M. GARNEAU: Mettez-en, mais ne foulez pas.
M. BOIS: ... l'étude du projet de loi lui-même pour une ou
deux journées de plus, ce qui donnerait au gouvernement le
privilège de convoquer la commission...
M. TREMBLAY (Bourassa): Nous voulons Camille.
M. BOIS: Nous le savons que vous le voulez, ce n'est pas un
problème. En autant que je suis concerné, je sais pourquoi.
Alors, M. le Président, les désirs du gouvernement sont
très perceptibles et je les apprécie parce que ça
démontre la situation actuelle et je trouve que nous devons
définitivement exiger de la part du gouvernement qu'il y ait rencontre
le plus tôt possible afin de justifier la demande d'amendement qui nous
est faite.
De plus, nous voulons absolument que la commission parlementaire se
réunisse après, avec en vue la convocation d'un tribunal
spécial et nous aurons l'occasion d'en parler plus tard. Je vous
remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef parlementaire du Parti
québécois.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, malgré que la motion
présentée par le député de Bellechasse nous semble
être un pis aller, dans les circonstances, étant donné que
nous aurions préféré que le délai soit beaucoup
plus grand, nous nous sentons quand même obligés de l'appuyer
parce que, malgré le petit nombre d'heures qui est inclus dans cette
motion pour l'adoption du projet en deuxième lecture, cette motion nous
semble apporter deux éléments qui corrigeraient, malgré
tout, bien que d'une façon minime, ce que comporte d'odieux, à
nos yeux, ce projet de loi. Le premier, c'est que quand même ceci nous
permettrait de pallier le secret absolu dans lequel on a voulu entourer les
négociations entre l'Etat patron et la partie syndicale.
Nous avons déploré ce secret à plusieurs reprises.
Nous l'avons déploré à plusieurs titres, parce qu'il
s'agissait des fonds publics. Lorsqu'il s'agit des fonds publics, il nous
semble que lorsqu'un conflit a atteint la situation d'impasse, il revient non
pas seulement à l'Etat patron d'être au courant des
négociations, d'être au courant des offres et des contre-offres du
jeu dialectique des propositions et descontreproposi-tions, mais il revient
à tous les élus du peuple de connaître exactement le
déroulement des négociations.
Evidemment, le chef de l'Opposition officielle n'a pas mentionné
dans sa motion que les chefs des partis reconnus auraient le droit de parole
pendant cette rencontre. Il a cantonné le rôle des partis reconnus
à celui d'observateur. Cela me paraît insuffisant et
déplorable en un sens, puisque j'aurais aimé quand même que
les chefs de partis reconnus aient le droit d'intervenir et même de
proposer dans ce cercle restreint des hypothèses, des propositions.
Mais, malgré tout, même si nous n'avons pas ce droit de parole, je
pense qu'il serait quand même très important, psychologiquement,
que les chefs des partis reconnus soient là comme observateurs. Puisque
ceci pourrait situer nos interventions ultérieures dans un cadre
beaucoup plus réaliste et dans un cadre d'une information beaucoup plus
véridique et beaucoup plus complète.
J'entendais tout à l'heure le premier ministre répondre au
député de Bellechasse: Le front commun ne nous a fait aucune
contreproposition. J'aimerais, pour ma part, assister à cette
réunion et voir le premier ministre demander aux chefs des centrales
syndicales, aux chefs du front commun si, véritablement, ils n'ont pas
fait de contrepropositions, s'il est vrai, par exemple, que les chefs des
centrales syndicales n'ont pas offert au gouvernement de les rencontrer
à nouveau, à une heure ultérieure au cours de la
journée actuelle ou au cours de la journée qui suivra. J'aimerais
connaître, j'aimerais entendre de la bouche des dirigeants du front
commun quelles sont les objections qu'ils ont eues à la dernière
proposition gouvernementale, l'indication des contrepropositions qu'ils n'ont
peut-être pas faites mais qu'ils auraient faites à un stade
ultérieur.
Il nous semble, au point où nous en sommes rendus, qu'il est
absolument essentiel qu'au moins les chefs des partis reconnus soient au
courant, soient tenus informés de ces renseignements absolument
indispensables à la poursuite d'un débat cohérent et
logique.
Donc, pour cette première raison de dévoilement partiel du
secret au stade où en sont rendues les négociations, il me semble
que le gouvernement devrait accepter cette proposition du député
de Bellechasse, même si, encore une fois, pour notre part, nous aurions
souhaité que le délai soit beaucoup plus long et que le
rôle imparti aux chefs des partis reconnus ne soit pas simplement celui
d'observateur, mais celui d'observateur participant.
Deuxièmement, nous sommes d'accord avec cette proposition pour
une raison, cette fois, symbolique. C'est que tout ce qui peut retarder
l'adoption d'une loi d'urgence, l'adoption d'une loi spéciale nous
paraît digne d'être soutenue, parce que cela marquera ainsi notre
profonde réprobation pour ces lois d'exception qui sont
présentées depuis trop souvent dans cette Chambre depuis quelques
années et qui constituent, au fond, une violation par le gouvernement
lui-même des lois qu'il a acceptées dans le passé. Jamais
nous n'insisterons assez pour blâmer un gouvernement de passer outre
toutes les fois qu'un débat atteint une proportion qui dépasse un
certain degré, de passer outre aux lois que les gouvernements
antérieurs, que ce gouvernement lui-même a adoptées,
à la suite d'études très sérieuses, à la
suite de débats qui
s'appuyaient sur une connaissance d'une réalité qui lui
avait été soumise par toutes les parties en cause.
Donc, pour cette deuxième raison qui est plus symbolique,
évidemment, que fondée sur des faits précis, nous
appuierons également cette proposition du député de
Bellechasse. Encore une fois, si nous avions eu l'occasion de présenter
une motion d'ajournement avant le député de Bellechasse, il est
probable que notre proposition aurait été formulée en
termes plus larges qui aurait permis un corridor, qui aurait permis une plus
grande latitude d'action aux divers partis de l'Opposition, qui aurait permis
un élargissement de la discussion, un approfondissement de la
discussion, qui aurait peut-être permis la présentation
d'hypothèses de travail, qui nous aurait permis à la longue,
peut-être d'éviter cette loi d'urgence, cette loi d'exception.
Encore une fois, je ne peux que le déplorer et, dans les
circonstances, M. le Président, notre groupe se ralliera à la
proposition du député de Bellechasse.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi. J'ai
reconnu à la fois l'honorable ministre de la Fonction publique et
l'honorable député de Chicoutimi.
L'honorable député de Chicoutimi.
M. Jean-Noël Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais dire
quelques mots pour appuyer la proposition faite par le député de
Bellechasse.
Cette motion est logique parce qu'elle s'articule aux propos que le chef
d'Unité-Québec a tenus cet après-midi lorsqu'il a reconnu
l'urgence de procéder à la mise en place de mesures qui
permettraient de mettre fin à la grève qui sévit
actuellement au Québec et dont souffrent tous les citoyens, à
commencer par les syndiqués eux-mêmes.
Le chef de notre parti a fait, ce matin, cet après-midi et ce
soir, une démonstration assez éloquente sur l'inertie du
gouvernement. Il a démontré, de façon évidente, que
si l'on en était réduit à devoir examiner un projet de
loi, qui est un projet de loi d'urgence, c'est que le gouvernement n'avait pas
utilisé tous les moyens et tous les recours qui sont à sa
disposition.
Le gouvernement s'est réveillé, ce matin, pour
découvrir que le Québec était dans une situation
d'urgence, qu'il y avait crise grave, que la situation devenait, de minute en
minute ou d'heure en heure, dramatique et qu'il fallait procéder, le
plus tôt possible, à présenter un projet de loi pour mettre
fin à la grève.
Ce projet de loi, M. le Président, le chef de notre parti l'a
dit, est un projet de loi extrêmement brutal. Nous avons, cependant,
reconnu, avec la majorité des membres de cette Chambre, qu'il y avait
urgence. Et c'est parce qu'il y a urgence que le député de
Bellechasse a inséré dans sa motion une disposition demandant que
ledit projet de loi soit retardé de quatre heures.
Le député de Bourget a dit tantôt que quatre heures,
ce n'était pas suffisant, que c'était bien peu de temps. Mais il
me semble que quatre heures c'est beaucoup lorsqu'on pense que nous devrons, si
le gouvernement ne se rend pas à notre demande, adopter un projet de loi
qui forcera les syndiqués à retourner au travail et qui nous
forcera, nous, à donner notre approbation ou à refuser notre
approbation alors que nous n'avons pas tous les renseignements disponibles,
alors que nous ne disposons pas de tous les éléments qui nous
permettraient de porter un jugement serein, objectif, un jugement
éclairé sur la situation. Tout ce que nous savons du conflit,
tout ce que nous savons des propositions qui ont été faites, de
part et d'autre, c'est ce que le ministre de la Fonction publique nous en a
dit, c'est ce que les chefs des syndicats nous ont dit, c'est ce que les
journaux en ont rapporté.
Dans ce chassé-croisé de déclarations, de
contradictions, vous comprendrez qu'il est difficile aux législateurs,
aux observateurs de l'extérieur, qui n'ont pas participé aux
travaux des négociations et, du reste, qui n'avaient pas le droit d'y
participer, enfin, ils ne sont pas partie liée à ces
négociations... Tout ce que nous en savons, M. le Président, ce
sont les échos qui nous sont parvenus par le gouvernement, par les
syndicats ou par les divers moyens de diffusion.
Mais nous n'avons pas vu, nous n'avons pas pu suivre le
déroulement des négociations. Nous ne savons pas exactement de
quelle façon les propositions du gouvernement ont été
présentées à la table centrale et aux tables sectorielles.
Nous ne connaissons pas, non plus, quelles ont été les
réactions des syndicats, des représentants du front commun. Nous
ne savons pas du tout non plus, M. le Président, de quelle façon
les contrepropositions du front commun ont été faites et comment
elles ont été reçues par le ministre de la Fonction
publique et par ses collègues qui, hier soir, de toute urgence, se sont
réunis pour essayer d'éteindre, comme le disait le chef de
l'Opposition, le feu.
Ainsi donc, M. le Président, parce que nous reconnaissons qu'il y
a urgence, nous considérons qu'un délai de quatre heures est
quand même suffisant pour permettre aux parties de se rapprocher,
d'essayer de se rapprocher, pour permettre aux parties de connaître le
texte de la loi et pour permettre aux parties d'utiliser les moyens qu'a
suggérés, depuis longtemps, le chef de l'Opposition.
Tout à l'heure, le chef de l'Opposition a posé une
question très précise au premier ministre. Il lui a
demandé si ce que lui-même avait proposé à la
Chambre, cela avait été proposé par le gouvernement
à la table des négociations et lors de la rencontre d'hier soir.
Nous n'avons pas eu de réponse. Il semble que ce soit non. Pendant
ce délai de quatre heures, M. le Président, le
gouvernement pourrait, avant que d'appliquer sa loi matraque, reprendre les
propositions du chef de l'Opposition, les reprendre dans l'ordre, les soumettre
aux représentants du front commun afin que ceux-ci...
M.BOURASSA: M. le Président, le député parle d'une
loi matraque. Cela veut donc dire que toutes les lois présentées
par les différents gouvernements sur des sujets analogues étaient
des lois matraques?
M. PAUL: On va vous en parler tantôt.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous aurons l'occasion
de reprendre ce sujet. Mais je dis tout de suite au premier ministre je
le dis parce que je l'ai déjà dit, et je le répète
que je n'aime pas les lois d'exception, même si le gouvernement
dont j'ai été membre a été obligé d'en
adopter, à cause de l'incurie du gouvernement qui avait
précédé le nôtre et qui n'avait pas mis en place, au
moment où il a donné le droit de grève dans le secteur
public, des mécanismes de négociation qui eussent permis
d'éviter les conflits majeurs que nous connaissons à l'heure
actuelle.
Ce n'est que progressivement, à l'usage, que nous nous sommes
rendu compte que cela faisait défaut, que nous n'étions pas munis
de tout ce dont nous avions besoin pour permettre une utilisation du droit de
grève qui soit conforme aux intérêts des travailleurs, des
syndiqués en même temps qu'aux intérêts du public,
des citoyens en général.
M. le Président, l'avantage de ce délai, de cette sorte
d'ajournement que propose le chef de l'Opposition, c'est qu'il permettrait au
premier ministre, aux membres du cabinet et aux députés du parti
du gouvernement de réhabiliter le ministre de la Fonction publique, qui
a été humilié publiquement, aujourd'hui, par la
présentation de ce projet de loi, qui a été humilié
parce que le caucus a voulu adopter la ligne dure...
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... et que le premier ministre a
cédé devant les pressions du caucus, au mépris...
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement !
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. BOURASSA: M. le Président, je ne sais pas si le nouveau
règlement permet de dire que ce que vient de mentionner le
député de Chicoutimi sont des mensonges purs et simples, disons
que ce sont des inexactitudes. Ce n'est pas parce que, dans notre parti, le
caucus a une importance qu'il n'a pas dans les autres partis qu'on doit dire
qu'il n'y a pas solidarité dans le Parti libéral.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux bien croire le
premier ministre. Je ne veux pas insister là-dessus. Mais
personnellement, si j'étais à la place du ministre de la Fonction
publique, je me sentirais profondément humilié...
UNE VOIX: II va répondre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... par l'attitude du premier ministre, par
celle de ses collègues et par celle du caucus.
Pardon? Est-ce que le ministre de la Fonction publique a une
question?
M. L'ALLIER: J'ai dit: Une chance que le député de
Chicoutimi n'est pas à ma place, parce que la négociation serait
terminée depuis longtemps, compte tenu de la ligne que prend son parti
face au syndicalisme.
M. LOUBIER: M. le Président, sur une question de
privilège. J'ai dit à maintes reprises et je le
répète qu'il est vrai que notre parti n'est soudé
et n'a les mains liées par quelque organisme que ce soit, qu'il soit
patronal, qu'il soit syndical. Nous ne sommes pas au service d'institutions,
nous sommes au service des citoyens. Et j'ai défini tout à
l'heure quelle était la conception du syndicalisme. J'ai dit que
c'était un élément essentiel dans notre économie.
J'ai dit également que ça devait être une force positive,
que ça devait être sur le même palier que le patronat et le
gouvernement et que ça devait être trois partenaires dans
l'économie du Québec, et non pas des antagonistes ou des
ennemis.
Mais je pense que le député de Deux-Montagnes, au lieu de
procéder à des insinuations de ce genre, affaiblit...
M. CHOQUETTE: Est-ce que nous n'entendions pas tout à l'heure le
député de Chicoutimi, alors que le chef de l'Opposition est en
train d'humilier son collègue en interrompant son discours?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition officielle
a posé la question de privilège. Je l'ai laissé
procéder comme il se doit, mais c'est qu'il est en train de faire un
discours. Je pense qu'il a suffisamment rétabli les faits sans
être obligé d'argumenter très longuement sur la position
officielle de son parti, sur sa philosophie syndicale.
M. LOUBIER: Pas du tout, M. le Président, je pense qu'une
accusation peut être très courte, mais que, pour donner
véritablement une bonne compréhension de notre définition
de nos approches ou de notre perception du
syndicalisme, je me demande si je peux dans dix secondes
répondre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Justement l'honorable chef de l'Opposition
officielle vient de m'ouvrir la porte. Ce n'est pas le temps en ce moment pour
le chef...
M. LOUBIER: Je la referme tout de suite.
M. LE PRESIDENT: ...de l'Opposition officielle de donner,
précisément ce que je venais de dire, la position officielle de
son parti ou de lui-même sur le problème du syndicalisme. Il a, je
pense, rétabli les faits assez brièvement à la suite d'une
intervention hors d'ordre de l'honorable ministre de la Fonction publique et je
pense que tout le monde a compris ce qu'il y avait à comprendre.
M. LOUBIER: Vous êtes satisfait, M. le Président, de ma
mise au point.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi. Et je
lui rappelle que, s'il n'y avait pas eu d'interruption, son droit de parole
serait épuisé. Tenant compte des interruptions, et étant
très généreux, je lui dis qu'il aura épuisé
son droit de parole à 10 h 20.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai encore quatre minutes pour faire
comprendre au ministre de la Fonction publique que la proposition du chef de
l'Opposition a précisément pour but de respecter le syndicalisme.
C'est une démonstration du grand respect qu'a le chef de notre parti
pour les droits des syndiqués. Et si j'ai tout à l'heure
insisté sur le fait que cette dernière tentative que nous faisons
aiderait le ministre de la Fonction publique à se réhabiliter, il
me semble qu'il ne devrait pas le prendre comme il l'a pris.
Le ministre de la Fonction publique aura le loisir de me
répondre. Il nous dira ce qui s'est passé. Nous en croirons ce
que nous voudrons. Mais j'insiste sur le bon sens de la proposition du chef de
l'Opposition; un délai ultime qui permettrait au ministre de la Fonction
publique et à ses collègues d'essayer encore une fois de
régler le problème, de faire accepter certaines modalités
temporaires de règlement avant que de nous obliger à nous
prononcer sur un projet de loi qui est extrêmement brutal et dont
à ce moment-là le ministre de la Fonction publique lui-même
portera la responsabilité et en raison duquel il se fera traiter
à son tour d'antisyndicaliste.
C'est pour le protéger que je lui dis ça, c'est pour
l'aider que je lui dis ça, c'est encore une fois pour venir à la
rescousse d'un gouvernement faiblard, d'un gouvernement qui manque de
leadership, d'une absence de gouvernement, comme l'a dit le chef de
l'Opposition aujourd'hui qui a attendu jusqu'à la dernière
minute, qui a refusé toutes nos propositions concrètes et qui, ce
soir, par le truchement d'un projet de loi, nous les représente à
rebours, à l'envers du bon sens et s'apprête à nous
demander d'endosser un geste brutal qui démontrera, encore une fois,
qu'il n'intervient que lorsque les choses sont gâtées, que
lorsqu'il n'y a pas moyen de faire autrement et qu'il n'intervient que
lorsqu'il a brûlé un autre de ses ministres comme c'est le cas du
ministre de la Fonction publique.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, je n'ai pas l'intention d'être
très long. Vous voyez, M. le Président, avec quel sérieux
nos collègues d'en face écoutent les propos que nous faisons de
bonne foi, animés d'un désir sincère, nous aussi, de
participer à un règlement de cette situation quasi anarchique qui
existe actuellement au Québec.
M. le Président, durant les négociations, nous avons
constamment entendu le ministre de la Fonction publique nous dire que le moyen
normal du règlement du conflit était la négociation.
Encore mardi de cette semaine, nous avons entendu le ministre de la Fonction
publique faire la même déclaration; il était sincère
comme il l'est encore ce soir, M. le Président. Je ne mets aucunement en
doute la sincérité du gouvernement dans la présentation de
son projet de loi, même si nous pouvons différer d'opinion sur les
moyens pris pour régler la situation qui existe actuellement au
Québec.
M. le Président, le chef de l'Opposition a présenté
une motion; nous avons tenu compte, dans la présentation de cette motion
d'amendement, que nous sommes dans un débat d'urgence; nous sommes dans
l'étude d'une loi d'urgence et le chef de l'Opposition, tout à
l'heure, a fait appel au sens commun et aux responsabilités des chefs
des grandes centrales syndicales. Il a fait appel au sens des
responsabilités des ministres. Tous les députés, ce soir,
ont conscience des heures difficiles et graves que nous sommes appelés
à traverser. Si ça chatouille le premier ministre de voir qu'il
n'est pas le parrain de telle motion, en vertu de notre règlement, le
chef de l'Opposition va se lever, il va...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse auprès de l'honorable
député de Maskinongé, mais je voudrais rappeler aux
honorables membres de cette Chambre l'article 25 de notre règlement qui
demande aux députés de prendre leur place, leur siège et
de garder silence à moins d'avoir obtenu la permission de parler.
L'honorable député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je n'ai aucun doute que nous allons
voir bientôt le ministre
des Terres et Forêts reprendre son fauteuil; nous allons voir le
député de Taillon prendre son fauteuil; nous allons voir le
ministre d'Etat attaché à l'environnement prendre son fauteuil;
nous allons également voir d'autres collègues, le
député de Saint-Jean prendre son fauteuil...
UNE VOIX: L'Islet.
M. PAUL: ... nous allons voir le député de L'Islet s'en
aller à son fauteuil. De toute façon, M. le Président, je
suis sûr qu'on va vous écouter; je vous en remercie.
M. le Président, comme de raison je n'ai pas voulu blesser la
modestie du leader du gouvernement.
Nous disions donc que le gouvernement ne doit pas rejeter par un simple
Caprice du revers de la main, la proposition extrêmement sérieuse
du chef de l'Opposition. C'est la première fois, dans l'histoire
parlementaire du Québec, que nous avons une motion aux fins de retarder
la deuxième lecture d'un projet de loi que de quatre heures. Nous
restons dans le climat, dans le caractère d'urgence de l'adoption de
cette loi. Et, tous les chefs syndicaux sont présents à
Québec. Sûrement qu'ils ne sont pas sans réaliser, eux
aussi, la grarvité de la situation. Je ne puis pas croire un seul
instant qu'ils ne regrettent pas les paroles qu'ils ont lancées et qui
pourraient leur attirer des ennuis disons que je suis excessivement
pondéré en prononçant de telles paroles. Je suis sûr
qu'en face des événements, devant un appel unanime de
l'Assemblée nationale, ils vont réaliser que, de deux choses,
l'une ou l'autre va se produire. Ou bien la loi que certains qualifient de
matraque ou reprise immédiate des négociations avec retour au
Travail des employés de la fonction publique, des services publics et
parapublics. A ce moment-là, nous aurons atteint notre objectif. Tous
les députés veulent, ce soir, mettre fin au conflit qui existe
entre, d'une part, l'employeur Etat et d'autre part, les syndiqués. On
nous reprochera certaines remarques comme celles faites par le
député de Bellechasse, le député de Chicoutimi et
nous avons vu les députés d'en face nous dire: Vous avez
voté trois lois d'exception, vous aussi. M. le Président, lorsque
nous avons voté le bill 25, le gouvernement n'était pas partie
à la grève; il était payeur, mais non pas partie.
La deuxième loi d'exception que nous avons votée,
c'était pour mettre fin à la grève du transport à
Montréal, à la toute fin de l'Expo universelle de 1967. Le
gouvernement n'était pas partie. La troisième loi, c'était
pour mettre fin à la grève des policiers de la ville de
Montréal, le 7 ou 8 octobre 1969. Et, encore là, le gouvernement
n'était pas partie. Mais, dans cette loi, le gouvernement est partie
à un conflit et nous voulons trouver une solution. Je suis certain que,
dans un délai de quatre heures, il y a possibilité pour que le
ministre de la Fonction publique, pour le premier ministre et pour tous
ceux-là, le ministre des Finances, le ministre des Affaires sociales, le
ministre de l'Education de rencontrer à nouveau les chefs du front
commun, en présence des chefs des partis d'Opposition qui ne seront
là que comme observateurs. Si cette rencontre ne produit pas d'effet, M.
le Président, nous reviendrons dans quatre heures pour continuer
l'adoption de la loi. Et on va nous dire que c'est une mesure dilatoire sans
chance de succès Je vois le ministre des Finances qui fait signe que
non.
M. GARNEAU: Ce n'est pas une mesure dilatoire, c'est une mesure remplie
de naïveté.
M. PAUL: M. le Président, je remercie le ministre des Finances,
mais, j'espère qu'il ne croit pas être le seul à avoir
assez de vertu pour être capable de régler tous les
problèmes que nous avons au Québec.
M. GARNEAU: M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai
prétendu.
M. PAUL: II y en a eu des situations de la part du gouvernement qui l'a
précédé, et nous n'avons jamais refusé des
suggestions valables de la part de son chef à lui, alors qu'il
n'était que son secrétaire; le chef de l'Opposition, l'honorable
Jean Lesage.
M. GARNEAU: C'est un homme compétent.
M. PAUL: II est tellement compétent que c'est encore lui qui vous
dirige et vous gouverne. Vous n'êtes pas capable de prendre vos
responsabilités.
M. GARNEAU: Elle est vieille.
M.PAUL: Levez-vous donc, apportez donc des arguments sérieux.
M. GARNEAU: Attendez et continuez, on va y aller tout à
l'heure.
M. PAUL: Voyez, M. le Président, comme ils sont nerveux.
M. LOUBIER: Vous ne l'appelez pas à l'ordre, M. le
Président, quand c'est le ministre des Finances...
M.PAUL: Je comprends qu'en vertu de l'article 40...
M. LOUBIER: ... quand il y a des gens qui ne sont pas assis à
leur siège, quand le ministre des Finances interrompt à huit ou
dix reprises le député de Maskinongé confortablement
assis. Vous regardez cela d'un oeil amusé, c'est fort.
M. LE PRESIDENT: Peut-être que l'honorable chef de l'Opposition ne
me croira pas, mais je n'ai rien entendu de la part du ministre des
Finances.
DES VOIX: Vous êtes sourd.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Vous êtes sourd.
M. LOUBIER: M. le Président, je vous ai déjà dit...
Je m'excuse.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je déclare que
vous êtes sourd publiquement.
M. LE PRESIDENT: Non, c'est que le ministre des Finances parlait trop
bas, probablement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II parle très mal, alors?
M. PAUL: M. le Président, je vous inviterais à lire
l'article 40, et j'inviterais tous les députés à ne pas
parler afin de ne pas vous déranger dans votre lecture et surtout dans
la compréhension de cet article. J'espère qu'avec le nouveau
règlement nous n'aurons pas la même attitude de votre part qu'avec
l'ancien règlement, et j'en passe.
M. le Président, nous lançons cet appel de bonne foi au
gouvernement. Nous avons encore foi dans le sens des responsabilités des
chefs syndicaux. Donnons-leur donc une dernière chance. Si ça ne
fait pas, nous adopterons la loi et ils seront les seuls à supporter les
conséquences d'une législation qu'ils veulent, M. le
Président. Ils la veulent. C'est beau d'inviter les syndiqués
à ne pas respecter la loi dans le but de ne pas compromettre en ce
moment, les discussions possibles que le gouvernement voudra offrir aux chefs
du front commun. Je n'insiste pas davantage sur ce point et j'espère que
l'occasion ne me sera pas fournie, dans le cours de cette séance,
d'élaborer davantage sur ce point.
Voilà pourquoi, M. le Président, nous appuyons avec
empressement la motion du député de Bellechasse, chef de
l'Opposition, qui jusqu'ici a été logique dans son attitude
à défendre les syndiqués et ce même au
détriment des intérêts des chefs syndicaux.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, nous comprenons évidemment que
l'honorable chef de l'Opposition a présenté une motion
d'amendement visant à retarder la deuxième lecture de ce bill
à quatre heures. Cela fait presque une heure déjà que
l'amendement a été proposé alors, je me contenterai de
quelques brèves remarques afin de ne pas étendre le débat
davantage.
Je voudrais rappeler que nous aimerions être conséquents
avec les discours que j'ai prononcés cet après-midi à
l'effet que j'avais déjà l'impression que ce règlement,
par la loi que nous n'aimons personne, était déjà une
semaine en retard. Nous avons établi, par le vote des membres de cette
Chambre, l'urgence. Si je me rappelle bien, le vote de 80 contre 8
établissait assez clairement que suivant les membres de cette Chambre,
il y avait état d'urgence.
Je voudrais rappeler également qu'en 1970, au mois d'octobre ou
de novembre, nous avions également voté une loi et ce fut
voté à l'unanimité, si ma mémoire est bonne. Cette
loi obligeait le retour au travail des médecins dans la province de
Québec. Nous l'avions voté à l'unanimité parce que,
si je me rappelle bien, il y avait un danger pour la santé publique du
fait que les médecins spécialistes n'étaient pas au
travail.
Cette argumentation est suffisante pour nous convaincre qu'il nous
fallait donner suite dans l'immédiat au projet de loi qui nous
était proposé et je le considérais comme draconien
personnellement mais, devant deux intérêts devant les
intérêts, qui étaient discutables, des médecins
spécialistes, devant les intérêts de la population, devant
le danger pour la santé publique qui nous était
présenté, nous avions convenu de ne pas porter opposition
à cette loi.
Or, nous avons ce même danger qui est répété
aujourd'hui. Ce ne sont pas les médecins qui constituent ce danger parce
qu'ils sont prêts, à toute heure, à faire leur devoir mais
les événements malheureux que nous connaissons, la grève
générale fait qu'actuellement il y a un danger pour la
santé publique au Québec en plus de tous les autres dangers, ce
qui fait qu'il y a une réelle urgence.
Je pourrai vous en parler plus longuement dans mon discours de
deuxième lecture. J'ai préparé quelques notes à cet
effet mais, pour le moment, je considère qu'il y a urgence mais
également je constate que l'amendement présenté par
l'honorable chef de l'Opposition est un ultime effort, un effort de
dernière heure qui serait tenté. Ce n'est pas quatre heures de
plus ou quatre heures de moins qui feront la différence car, si cet
effort ne donnait aucun résultat, la loi serait quand même
adoptée dans les délais prévus pour qu'elle prenne force
à la date et à l'heure prévues. Ce qui veut dire qu'en
principe ou en pratique cela ne changerait rien si cet ultime effort ne donne
pas de résultat.
Or, comme il n'y a qu'un délai de quatre heures pour savoir si
oui ou non l'honorable chef de l'Opposition a eu un bon jugement, en
prétendant que ces quatre heures pouvaient permettre un
déblocage, permettre d'empêcher que les parlementaires soient
obligés d'adopter cette loi pour régler le conflit,
évidemment, on ne le sait pas, on peut prétendre qu'avec les
attitudes que nous connaissons par l'entremise
des media d'information des chefs syndicaux, on pourrait
prétendre que ces quatre heures ne donneraient rien ou ne changeraient
rien. Mais je pense que nous avons quand même le devoir de leur laisser
le bénéfice du doute. Si ça ne change rien, nous serons
d'autant plus en conscience d'appuyer la loi.
S'il y a quelque chose de changé, je pense que tout le monde sera
fier d'avoir pu éviter d'adopter une telle loi pour régler le
problème.
Comme je le dis, c'est une tentative de dernière heure qui peut
nous apporter un changement qui fera plaisir à tout le monde y compris
les syndiqués ou qui pourra nous permettre de juger et de
déclarer que nous n'avions pas d'autre choix, que nous avons tout
essayé, si on nous demandait un délai de quarante-huit heures ou
de trois jours, cinq jours, deux semaines, trois semaines, à ce
moment-là, ça pourrait être différent, mais on nous
demande un délai de quatre heures. Qu'est-ce que ça peut changer
à ce stade-ci? En fait, le Parlement ne risque rien, les
députés ne risquent rien d'attendre quatre heures. Il y aurait
peut-être, d'un autre côté, l'avantage que ça puisse
se régler sans que nous soyons obligés de continuer. A ce
moment-là, je suis certain que le premier ministre, s'il y avait un
déblocage, tel que le prétend le chef de l'Opposition, se ferait
un plaisir de retirer sa loi et ça ferait plaisir à tout le monde
aussi parce que nous ne votons pas cette loi pour le plaisir de voter une
loi... Si nous l'avons devant nous c'est parce que nous considérons, de
façon majoritaire, qu'il n'y a pas moyen de faire autrement.
Mais, si la suggestion qui nous est apportée par l'honorable chef
de l'Opposition permettait ce déblocage, je pense que nous nous devons
d'accorder le bénéfice du doute aux chefs syndicaux. Nous nous
devons de permettre cette rencontre, quelles que soient les personnes qui y
assistent, qu'on permette ou non aux chefs des différents partis de
cette Chambre d'assister à la réunion, j'y attache peu
d'importance, mais qu'on permette au moins une dernière rencontre. En
acceptant la motion d'amendement du chef de l'Opposition, nous permettrions
cette dernière rencontre. Nous permettrions cette dernière
manoeuvre ou cette manoeuvre de dernière heure qui pourrait
peut-être changer l'ensemble du problème et qui pourrait
peut-être nous éviter d'être obligés d'adopter cette
loi qui ne fait plaisir à personne. Il n'y a aucun député
dans cette Chambre qui aime être obligé d'adopter des lois comme
celle-là.
J'ai vécu l'expérience du bill no 38. Nous avons
voté pour le bill no 38, parce que, en conscience, nous nous devions de
l'appuyer. Mais quand même, après que ces choses sont
passées, il reste qu'il faut interpréter, auprès de la
population, nos gestes. Ce n'est pas toujours facile. Alors, si on peut
éviter de poser le geste que nous sommes à poser
présentement par l'adoption de la loi no 19, si on peut l'éviter,
je pense que notre devoir est de l'éviter ou, du moins, tenter de
l'éviter.
C'est pourquoi nous allons appuyer la motion de l'honorable chef de
l'Opposition.
M. Clément Vincent
M. VINCENT: M. le Président, avant que l'honorable ministre de la
Fonction publique prenne la parole, je voudrais intervenir pendant quelques
instants et avec vous constater qu'il semble présentement se faire
l'unanimité de tous les partis d'Opposition en faveur de la motion
présentée par l'honorable chef de l'Opposition. Il semble
également que le gouvernement se prépare à rejeter cette
proposition ou, du moins, c'est ce que nous a laissé entendre tout
à l'heure le premier ministre. Nous espérons qu'au cours de ces
quelques instants qui ont précédé mon intervention et qui
précèdent l'intervention du ministre de la Fonction publique, le
gouvernement va se raviser et qu'il va accepter la proposition du chef de
l'Opposition.
Le premier ministre a mentionné tout à l'heure qu'il y
avait eu cet ultime effort hier soir, lorsqu'un comité
ministériel a rencontré les représentants du front commun.
M. le Président, hier soir, il y avait le ministre de la Fonction
publique, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Education et le
ministre des Finances. Mais, alors il n'y avait pas de projet de loi
déposé en première lecture. Il n'y avait pas non plus,
comme l'a suggéré le chef de l'Opposition, la présence du
premier ministre, la présence du chef de l'Opposition officielle et la
présence des chefs des deux autres partis reconnus. Si cette suggestion
ou cette motion était acceptée par le gouvernement, cela signifie
que les principaux responsables de l'Assemblée nationale, du pouvoir
législatif, soit le premier ministre, le chef de l'Opposition et les
chefs des autres partis, assistaient à cette réunion et
démontreraient jusqu'à quel point l'Assemblée nationale
est intéressée à éviter tout affrontement majeur et
offrir une dernière chance au gouvernement, aux représentants du
front syndical et, au même moment également, en présence
des chefs de partis, le premier ministre pourrait offrir le moratoire de deux
mois ou de trois mois.
Dès le retour au travail, certaines conditions seraient offertes,
garanties aux syndiqués. Comme le disaient le chef de l'Opposition
officielle et les autres députés qui m'ont
précédé, le premier ministre pourrait offrir que la
commission parlementaire siège immédiatement ou mardi et que le
tout soit discuté. Nous verrions une force un peu spéciale
rencontrer les représentants de tous les groupes. Il ne faudrait pas
qu'encore une fois le gouvernement soit le seul à faire le pas parce
qu'il y a quand même 55 p.c. des représentants élus dans
cette Chambre qui, jusqu'à ce moment, favorisent la motion du chef de
l'Opposition officielle. Je suis certain que cette planche lancée au
ministre
de la Fonction publique, il ne peut faire que l'accepter pour retourner
devant le front commun avec ses appuis autour de lui, faire une proposition
concrète, remettre ce projet de loi dans les tiroirs et ne pas
l'utiliser.
Ainsi, M. le Président, les syndiqués ou les
employés de la Fonction publique, les employés des services
parapublics pourraient retourner immédiatement au travail, recevoir des
avantages, voir leurs problèmes se discuter à la commission
parlementaire de la Fonction publique et voir également que le
Parlement, par l'entremise des chefs de parti, par l'entremise du premier
ministre, a pris au sérieux cette situation qui, présentement,
est très pénible à supporter.
Je crois que le ministre de la Fonction publique devrait faire accepter,
par ses collègues du gouvernement, la proposition du chef de
l'Opposition officielle qui, d'ailleurs comme l'a souligné le
député de Chicoutimi ou le député de
Maskinongé, pourrait être retirée si le gouvernement veut
en faire sa propre motion. Nous n'avons aucune objection à ce que la
motion soit retirée et prise au nom du gouvernement si c'est là
l'intention du gouvernement. Le seul objectif que nous avons, c'est que,
pendant cette période de quatre heures, nous puissions rencontrer le
front commun, revenir devant l'Assemblée nationale ou même ne pas
revenir du tout, laisser de côté le projet de loi, pour tenter
l'ultime effort qui serait beaucoup plus intéressant, beaucoup plus fort
que celui d'hier soir parce qu'hier soir vous aviez quand même seulement
quatre représentants du cabinet. Eh bien, cette nuit, nous aurions, en
plus de cela, le premier ministre et les principaux responsables, qui
siègent ici, à l'Assemblée nationale, de chacun des partis
politiques.
Donc, avant que le ministre de la Fonction publique nous dise ce qu'il
en pense, eh bien qu'il analyse le bien-fondé de cette motion. Je suis
certain qu'il a même l'intention de l'accepter.
M. LACROIX: ... à ceux qui assassineront la...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
M. LACROIX: ... démocratie avec. M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, il me fait plaisir d'appuyer la motion
faite par le député de Bellechasse. Je tiens, dès le
départ, à circonstan-cier. En ce qui me concerne, j'aurais
préféré que nous fassions une motion à l'effet que
l'étude de ce projet de loi soit suspendue et que la commission
parlementaire se réunisse. Mais peu importe, je pense qu'il ne s'agit
pas de faire de guerre de clocher, à ce stade-ci, puisque l'article 123
nous dit qu'un seul amendement est possible. Puisque le chef de l'Opposition
l'a faite, j'y souscrirai entièrement parce que je pense que c'est au
moins un dernier effort, une dernière tentative que nous faisons pour
voir véritablement si tous les moyens ne doivent pas être
épuisés avant qu'un projet de loi de cette nature soit
adopté.
M. le Président, on m'accuse évidemment souvent
d'être le conseiller juridique de la CSN et quoi que ce soit. Je n'ai pas
à renier mes origines, mais malheureusement, je ne peux pas me dorer de
ce titre de procureur de la CSN. Mais il reste quand même que par acquit
de conscience, j'ai communiqué, après que le député
de Bellechasse ait fait sa motion, avec les leaders du front commun. Je leur ai
soumis la demande qui était faite devant cette Chambre. Je leur ai dit
qu'en ce qui nous concernait, nous serions d'accord sauf que, de mon
côté, j'aimerais savoir d'avance quelle serait leur intention, au
cas où cette demande serait acceptée. La réponse m'est
revenue très rapidement. On m'a dit, du côté des trois
chefs du front commun, MM. Pepin, Laberge et Charbonneau, qu'ils étaient
entièrement d'accord à venir rencontrer les chefs de parti dans
le cadre de la motion du député de Bellechasse, si elle
était acceptée.
M. le Président, je fais cette déclaration ayant pris
d'avance la précaution de leur demander si j'avais la permission de le
dire en Chambre. On m'a dit que oui. A ce moment-là, je pense qu'il y a
déjà une barrière qui est tombée, celle qu'on tente
de nous faire valoir depuis le début de l'après-midi, que ces
gens ne veulent pas discuter, que ces gens ont fini de discuter, que ces gens
auraient, aux dires du leader du gouvernement et des autres ministres qui se
sont exprimés, fermé la porte complètement sur toute
négociation.
Je. dis, M. le Président, qu'avec l'assurance que, dans les
quatre heures, nous les convoquerons ils ne sont pas tellement loins,
ils sont ici, à Québec, actuellement, tous les trois et
ils seront probablement, dans moins d'une heure, présents et ils
pourront avoir, avec les représentants des partis, des discussions que
nous croyons être nécessaires, à ce stade-ci, avant de
poser un geste que je considère très grave, d'une gravité
qu'il me semble que des gens qui semblent avoir de l'expérience, comme
le député de Bonaventure, qui siègent en cette Chambre
depuis plusieurs années, devraient savoir qu'un geste de cette nature a
une importance telle qu'on doit au moins, avant de le poser, prendre tous les
moyens pour ne pas être obligé de battre sa coulpe après
l'avoir fait.
Je n'entrerai pas dans le débat qui devrait être fait en
deuxième lecture mais je peux peut-être lancer simplement la
phrase suivante, qui résumerait peut-être, éventuellement,
une intervention de ma part beaucoup plus structurée, en deuxième
lecture: Je pense qu'un tel projet de loi, à toutes fins pratiques, est
une négation du droit de négocier, dans la fonction publique.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. BURNS: On verra tantôt. Laissez faire les ah! On en discutera
tantôt. Je ne vais pas plus loin que cela. Mais ma première
opinion, en lisant ce projet de loi, c'est qu'on dit: A l'avenir, de la
négociation, dans la fonction publique, il n'y en aura plus. C'est cela
que cela veut dire.
Si c'est ce que ce projet de loi veut dire, M. le Président, et
si je me trompe, on me le dira tantôt, en deuxième lecture. On me
dira: Le député de Maisonneuve se trompe dans son
évaluation de la loi. Mais j'ai bien hâte qu'on me donne des
arguments pour m'expliquer cela.
En attendant, il y a quand même des gens, ici, de ce
côté de la Chambre, qui ont dit, à plusieurs reprises:
Posez d'autres gestes avant de faire cela. Qu'on ait voté pour ou
contre, peu importe. Cela n'a aucune espèce d'importance, à mon
avis, à ce stade-ci. Ce qu'on sait, c'est que les trois partis de
l'Opposition, c'est avec beaucoup de réticence et, dans un certain cas,
avec dissidence, qu'ils ont vu adopter la motion d'urgence pour étudier
ce projet de loi. Donc, on se dit: Qu'on fasse un ultime dernier effort, au
moins, de rencontrer ces gens. Je trouve que c'est très raisonnable, ce
que le député de Bellechasse nous demande. Il n'y a rien de
farfelu là-dedans. Le député de Bonaventure, leader du
gouvernement, ne pourra pas dire que la motion du député de
Bellechasse est faite uniquement dans le but de retarder, que c'est une motion
dilatoire. Je trouve qu'à sa face même, cette motion en est une de
bonne foi. Je demande aux gens de l'autre côté de la Chambre,
j'implore les ministres responsables, s'il en reste encore, de penser
véritablement à ce geste qu'ils vont poser.
Une question? Oui, je suis prêt.
M. L'ALLIER: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question au député? Comme il a communiqué avec les chefs
du front commun, est-ce que les chefs du front commun lui ont indiqué
leur intention de modifier substantiellement leur position quant à la
proposition que nous avons faite et quant aux questions fondamentales que nous
leur avons posées au moment de venir à cette rencontre?
M. BURNS: Je ne me reconnais pas de talent de médiateur à
un point tel que j'aurais réussi à obtenir une réponse
satisfaisante pour le ministre actuellement. Je n'ai fait qu'un
téléphone qui a duré deux minutes.
M. LACROIX: Vous ne contrôlez pas vos clients?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: Ce n'est pas grave, lui, c'est le genre d'argument ad hominem
qui est à peu près à la hauteur du député
des Iles-de-la-Madeleine. Cela ne me surprend pas.
M. LACROIX: Est-ce que vous êtes d'accord qu'on leur remette une
chaîne scapulaire pour qu'ils assassinent la démocratie et la
liberté au Québec?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: C'est au nom de la raison que j'ai tenté de m'adresser
à cette Chambre, et c'est au nom de la raison que j'implore le
gouvernement d'accepter la motion du député de Bellechasse
à laquelle nous souscrivons entièrement et pas parce que c'est le
député de Bellechasse qui l'a faite, pas parce que les trois
partis d'Opposition sont d'accord avec ça, pas parce que ce sont les
centrales syndicales qui sont impliquées. Parce que tantôt un tel
projet de loi adopté à la vapeur, sans prendre toutes les
précautions nécessaires je ne veux pas être le
prophète de malheur mais va causer des perturbations dans le
milieu de relations patronales-ouvrières à travers tout le
Québec.
Et ça c'est une responsabilité qui est très lourde.
Je voudrais au moins que le gouvernement se rende compte de ça. Et si
c'est le bordel complet dans les relations patronales-ouvrières à
travers la province pour les quelques années à venir, il ne
faudra peut-être pas se poser de questions. Mais moi, j'aime mieux me les
poser avant les questions. J'aime mieux qu'on dise: On aura tenté cet
ultime effort. On aura examiné et il y aura eu au moins trois personnes
de ce côté-ci de la Chambre qui auront rencontré en
présence de l'interlocuteur à la table de négociation,
_c'est-à-dire le gouvernement, il ne faut jamais l'oublier non plus dans
ce débat-là, il ne faut jamais oublier que l'interlocuteur dans
les négociations s'adonne à être le proposeur du projet de
loi. Cela aussi, c'est important. Et il me semble que le quatre heures en
question puisque nous avons décidé que nous
siégerons toute la nuit là-dessus il n'est pas tellement
grave. C'est pour ça que je dis que la proposition faite par le
député de Bellechasse est tout à fait raisonnable. Qu'on
ne vienne pas me dire qu'elle est faite dans un but dilatoire, celle-là.
Parce qu'on retarde de quoi? De quatre heures. Peut-être même pas,
comme dit le député de Bellechasse, si jamais les choses vont
bien, c'est possible que ça aille mieux, que ça prenne moins de
temps que ça.
Si nous avions dit: Retardez l'adoption du projet de loi d'un mois,
d'accord, nous aurions dit que c'est une motion dilatoire. Ce n'est pas du tout
le cas. Et, surtout, le chef de l'Opposition officielle nous dit pourquoi il
veut ça. C'est quand même quelque chose de très
raisonnable. Je vois mal que quelque député que ce soit dans
cette Chambre n'accepte pas cette chose-là.
Et, encore une fois, je ne pourrai jamais insister suffisamment sur ce
point-là, surtout que l'interlocuteur à la table de
négociation est le même qui va poser le geste de dire: C'est fini
cette grève-là, rentrez au travail et voici la situation et nous
allons la régler de telle et telle façon. Et si ça ne
marche pas éventuellement,
bien les voici vos conditions de travail. Le lieutenant-gouverneur en
conseil, c'est-à-dire le cabinet des ministres en a décidé
ainsi. Je dis que c'est une responsabilité archilourde et archigrave que
le gouvernement ne devrait pas prendre avant de s'assurer d'au moins ce dernier
pas-là.
Je fais appel tout simplement à la raison des ministres, et
surtout qu'on ne nous dise pas en votant contre cette motion-là que les
efforts que le ministre de la Fonction publique a faits depuis au-delà
d'un mois sont nuls.
Qu'on ne nous dise surtout pas que le ministre de la Fonction publique,
et c'est ça qu'on va nous dire si on vote contre cette motion-là,
a servi de cobaye au gouvernement en gardant une figure détendue, une
figure non alarmiste et je l'en ai félicité l'autre jour pour
ça. Je continue à le féliciter pour ça parce que
c'est très difficile de tenir l'attitude qu'il a tenue.
Qu'on ne nous dise pas, par un vote négatif, que le ministre de
la Fonction publique est un ministre qui a servi de cobaye au gouvernement et
qu'une fois qu'il a été utilisé pour les fins qu'on
voulait l'utiliser, on le jette au panier comme on a jeté d'autres
ministres dans le passé.
Je ne voudrais pas ça, parce qu'en l'occurrence ça
s'adonne à être un des ministres que de ce côté-ci de
la Chambre, on respecte. M. le Président, c'est le dernier appel que je
fais au gouvernement. S'il vous plaît, pensez-y avant de voter contre
cette motion-là.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, le gouvernement n'est pas sans
se rendre compte, suite à la motion de l'honorable député
de Bellechasse, chef de l'Opposition officielle, qu'il y a une unanimité
du côté de l'Opposition pour demander un délai de quatre
heures avant que la Chambre ait à se prononcer sur la deuxième
lecture de ce projet de loi.
Je pense, M. le Président, que cette demande est plus que
raisonnable, c'est même un miniminimum. Il est normal que les membres de
cette Chambre veulent savoir, et qu'ils doivent savoir. On a devant nous le
projet de loi no 19, un projet de loi avec des dents. Nous demandons au
gouvernement de nous informer, et je m'explique difficilement pourquoi le
gouvernement refuserait justement de nous accorder un mini-délai de
quatre heures, alors que nous venons d'entendre par la bouche de l'honorable
député de Lafontaine...
UNE VOIX: De Maisonneuve.
M. ROY (Beauce): ... de Maisonneuve, que les trois chefs syndicaux sont
à Québec et qu'ils sont prêts à venir rencontrer les
représentants de cette Chambre, membres des différents partis qui
composent l'ensemble de la Chambre. M. le Président, il y aurait une
offre qui pourrait être faite, et l'offre qui pourrait être faite,
à ce moment-là, pourrait être faite à la
lumière de l'opposition, parce qu'à l'heure actuelle, nous devons
nous baser uniquement sur ce que le gouvernement nous a dit.
Mais laissez-moi vous dire, M. le Président, que j'ai
énormément de doutes sur ce que le gouvernement nous dit, parce
que lorsque nous rencontrons des fonctionnaires, lorsque nous rencontrons des
employés d'hôpitaux, lorsque nous rencontrons des dirigeants
locaux de syndicats, nous avons une toute autre version que celle que nous
donne le gouvernement.
M. le Président, avant de voter pour ou contre un tel projet de
loi, je pense qu'il est logique, il est normal, il est tout simplement
honnête pour les partis d'Opposition, de demander au gouvernement d'en
savoir davantage. Or, M. le Président, si nous avons un gouvernement qui
se veut dynamique, comme il le dit, qui se veut soucieux du respect des droits
démocratiques, des droits de la Chambre, comme il le dit et le
déclare, je pense que le gouvernement ne devrait pas avoir peur de faire
un peu de lumière sur ce conflit qui, à l'heure actuelle, cause
un préjudice très sérieux à tous les fonctionnaires
du gouvernement et qui cause un préjudice très grave
également à tout l'ensemble de la population du
Québec.
Nous savons, M. le Président, que le gouvernement a des
responsabilités, mais nous savons aussi, et je ne suis pas prêt
à encenser qui que ce soit, que le gouvernement a confié des
responsabilités lorsqu'il a édicté ces lois syndicales,
ces lois de relations patronales-ouvrières, et les chefs syndicaux
locaux ou les grands chefs syndicaux ont également des
responsabilités envers leurs membres.
Nous voulons savoir, M. le Président, s'il y a de la mauvaise
volonté quelque part et où est cette mauvaise volonté. Je
pense que ce délai de quatre heures demandé par l'honorable chef
de l'Opposition et appuyé par l'honorable député de
Saint-Sauveur tout à l'heure, est tout simplement logique et normal dans
les circonstances. Et, puisque nous avons accepté la motion d'urgence,
parce que nous la réclamions depuis fort longtemps, que la discussion
vienne enfin devant cette Chambre pour que nous puissions en être
informés.
M. le Président, en ce qui nous concerne, nous n'avons aucune
objection, nous sommes prêts, frais et dispos, pour prendre quatre heures
supplémentaires, pour rencontrer ces personnes, afin que nous puissions
adopter la loi s'il y a lieu dans les délais prévus dans le
projet de loi lui-même.
Alors, M. le Président, devant ces faits, je ne puis
m'empêcher d'appuyer sans réserve, la motion du
député de Bellechasse, chef de l'Opposition, mais de demander au
gouverne-
ment un peu de compréhension, et demander au gouvernement aussi,
de faire preuve de son sens de responsabilité. Le gouvernement a des
comptes à rendre, M. le Président, nous avons, en tant
qu'élus mandatés du peuple, nous avons un mandat très
précis.
Nous avons des responsabilités qui nous ont été
confiées...
M. L'ALLIER: Est-ce que le député de Beauce me permet une
question?
M. ROY (Beauce): Oui, je le permets.
M. L'ALLIER: Est-ce que je pourrais poser une question au
représentant du parti du Ralliement créditiste? Il est libre de
ne pas me répondre. Est-ce que le représentant du parti
créditiste pourrait me dire si lui-même ou quelqu'un de son parti
a rencontré depuis un an des représentants du front commun pour
discuter avec eux de leur politique en matière salariale et de leur
position dans les négociations?
M. ROY (Beauce): Je pourrais peut-être, répondre au
ministre, par une autre question. Est-ce que le ministre nous a permis de les
rencontrer? C'est justement le point que nous voulons, le gouvernement a un
mandat envers la population, il a le mandat justement d'administrer la
province. Il a le mandat également...
M. L'ALLIER: Parce que la question est soulevée pour vous autres
aussi.
M. ROY (Beauce): ... et la chance, M. le Président, de nous
permettre de les rencontrer. Une fois que nous les aurons rencontrés, il
me fera plaisir de répondre à la question du ministre. Or, le
gouvernement nous a présenté une loi, parce qu'il a affamé
la population, il sait que la population à l'heure actuelle est rendue
au bout...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'en reviens à la
motion. Alors, on nous présente un projet de loi, d'accord. On nous
présente un projet de loi. Nous demandons quatre heures
supplémentaires, pour permettre de rencontrer les chefs syndicaux, les
représentants de la partie syndicale, afin que nous puissions savoir
à quoi nous en tenir, parce que ce que le gouvernement veut de
l'Opposition et je tiens à le dire, il veut que nous endossions sa
politique.
Or, quant à nous, nous n'endosserons pas sa politique, sans au
moins savoir ce à quoi ça nous engage, et c'est pourquoi nous
appuyons la motion du député de Bellechasse.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.
M. Marcel Masse
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, quelques mots à
l'appui de la motion du député de Bellechasse. Je pense que le
projet de loi no 19 introduit dans cette Chambre est en large partie
basée sur la seule information que nous fournit l'une des deux parties
à la table de négociation, c'est-à-dire la partie
gouvernementale.
Or, une loi n'a que la force non pas de ceux qui la vote, mais de ceux
qui l'acceptent, particulièrement de ceux à qui cette loi est
destinée. Il est important pour nous, parlementaires, avant de prendre
une position devant ce projet de loi, d'entendre également l'autre
partie à cette table de négociation, pour savoir ce que l'autre
partie a à nous transmettre, comme sa vérité et son
information. L'information que nous a transmise le député de
Maisonneuve à la suite d'un téléphone avec les
représentants du front commun ne fait que nous confirmer que le
gouvernement devrait reviser sa position et accepter ce délai de quatre
heures, afin de permettre aux représentants des parties de rencontrer
les représentants du syndicat face à ceux du gouvernement et de
pouvoir être en mesure de juger quant aux positions des deux parties.
Et, de toute façon, le gouvernement ne peut pas invoquer qu'il y
aurait là un retard dans le retour au travail des syndiqués
puisque son projet de loi lui-même fixe ce retour uniquement à
samedi. Ce n'est donc pas une question d'heures. De toute façon,
même si nous votions la loi en quelques minutes, elle ne s'appliquerait
pas avant samedi. Nous avons donc amplement le temps pour inscrire ces quatre
heures de rencontre entre les parties. Comment le danger, surtout dans un
climat social surchauffé, c'est d'amener les parlementaires avec des
arguments qui quelquefois frisent la démagogie, d'amener les
parlementaires à craindre supposément la population qui serait
contre eux, plutôt que de leur permettre de poser ici un jugement et des
actes en toute sérénité.
Nous ne sommes pas ici pour être bousculés par qui que ce
soit mais pour prendre acte d'un projet de loi, pour connaître la
situation qui a amené ce projet de loi, ensuite de cela, en toute
lucidité et connaissance de cause de se prononcer sur ce projet de
loi.
Voilà pourquoi j'appuie cette motion du député de
Bellechasse. Il y en aura beaucoup d'autres motions qui pourront être
proposées par des députés de cette Chambre pour bonifier
le texte que nous avons, pour bonifier la motion que nous discutons en
deuxième lecture. Mais, nous ne pouvons pas, en vertu des
règlements, et quant à moi, cette motion du chef de l'Opposition
pourrait permettre à tous les parlementaires et permettre
également aux membres du parti ministériel qui n'ont pas
assisté aux dernières réunions du Château Fron-
tenac, de prendre connaissance de l'état réel du dossier
et non pas seulement se laisser pousser par une population surchauffée,
par un climat que nous dénoncerons et également pour des raisons
que nous énoncerons, lorsque viendra la deuxième lecture sur le
fond du projet de loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M.CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je trouve que
l'intervention du député de Maisonneuve est suffisamment
importante pour que j'intervienne, à ce moment-ci, à l'appui de
la motion du député de Bellechasse, pour demander au ministre de
la Fonction publique de réfléchir encore quelques instants, avant
de s'adresser à cette Chambre.
J'avais cru comprendre, tout à l'heure, par l'intervention des
différents députés et par les réactions du ministre
de la Fonction publique, qu'il s'apprêtait à prendre en
sérieuse considération cette motion; motion pour permettre,
pendant cette courte période de temps, une rencontre ultime qui aurait
pu être bénéfique. Par les deux questions qu'a
posées le ministre de la Fonction publique, il y a quelques instants, je
m'aperçois qu'il n'est pas encore convaincu de l'importance d'accepter
cette motion et de permettre que cette rencontre ait lieu.
M. le Président, très brièvement, à l'appui
de cette demande que tous les partis d'Opposition en cette Chambre
considèrent non seulement absolument normale, mais je pense absolument
nécessaire, non seulement dans le contexte actuel, mais aussi pour la
suite, pour ce qui viendra après, quand nous aurons à adopter une
législation et à vivre avec cette législation. Pour ma
part, M. le Président, j'avais causé avec le député
de Maisonneuve, avant qu'il ne prenne la parole et à la suite du
dépôt de la motion par le député de Bellechasse, je
lui ai demandé, sans le savoir, s'il avait eu l'occasion de converser
avec les chefs syndicaux pour savoir ce qu'ils pensaient de cette motion. Parce
que s'il ne l'avait pas fait, je considérais cette motion assez
importante pour le faire moi-même, pour entrer en communication avec eux
et leur demander ce qu'ils pensaient de cette suggestion, tellement je la
considère importante. S'il y en a un dans cette Chambre qui
connaît les chefs syndicaux et leurs réactions, c'est celui qui
vous parle. Parce que je suis peut-être celui qui a négocié
le plus avec eux, durant quatre ans. J'ai négocié avec eux en
1966, durant trois semaines, durant la grève des hôpitaux. J'ai
négocié avec eux à différentes reprises. Je les
avais rencontrés à différents moments, pour d'autres
conflits dans lesquels ils n'étaient pas impliqués directement
mais auxquels ils s'intéressaient, comme la grève des
médecins spécialistes, la grève des médecins
internes, la grève des radiologistes, la grève des institutions
privées, un certain moment ou dans certains secteurs de la santé.
Je n'ai pas perdu confiance, malgré tout ce qu'on dira et toutes les
apparences, je n'ai pas perdu confiance dans le sens des responsabilités
des chefs syndicaux. Je crois que si toute la Chambre, ensemble, tous les
partis se donnaient le mot pour accepter cette suggestion qui ne retarde en
rien les travaux de la Chambre, qui ne retarde en rien les objectifs que nous
voulons atteindre.
Je pense que nous aurions posé un geste qui aurait effectivement,
devant l'opinion publique, montré que l'Assemblée nationale est
capable de prendre ses responsabilités et si l'une des parties prend ses
responsabilités, il est important aussi que les autres les prennent, les
chefs syndicaux qui auront à porter, devant l'opinion publique, la
responsabilité de leur décision et de leur réaction.
C'est tout cela que nous devons prendre en considération à
ce moment-ci, et je ne crois pas qu'un délai de quatre heures, de la
façon dont il est proposé, avec le mandat que nous allons confier
à ce groupe qui va rencontrer les chefs syndicaux, il ne s'agit pas de
négocier, contrairement à ce qu'on a pu laisser entendre, il y a
un instant, durant cette courte période de quatre heures que l'on
demande, mais qui peut ne durer que deux heures tellement les parties sont
près l'une de l'autre physiquement, ici à Québec. Il ne
s'agit pas de négocier mais de savoir si les chefs syndicaux, dans le
contexte actuel, avec la proposition de l'Assemblée nationale, sont
prêts à éviter qu'une législation ne soit
présentée à ce moment-ci, que les employés
retournent au travail, que la commission de la Fonction publique se
réunisse pour que nous entendions les parties, que l'on puisse porter un
jugement et à ce moment-là, je crois que l'opinion publique,
comme ç'a été fait à d'autres moments, devant la
commission parlementaire, fera que la balance penchera d'un côté
ou de l'autre, et si le gouvernement a raison dans son attitude, il aura
l'appui des partis de l'Opposition et l'opinion publique aidant, je pense qu'il
y aura possibilité que le conflit se règle sans que nous
n'apportions une législation spéciale.
Je fais appel à tous les membres de cette Chambre,
particulièrement aux ministres qui ont rencontré les chefs
syndicaux. Je voyais, il y a un instant, le ministre du Travail qui n'est pas
encore intervenu dans le débat, je pense que le ministre du Travail
devrait ajouter son mot, lui aussi qui connaît bien la mentalité
et la réaction des chefs syndicaux, qu'il devrait ajouter son
témoignage à ceux que nous avons entendus depuis quelques
instants en cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, je voudrais appuyer, à mon
tour, la motion du député de Bellechasse, en poussant un peu plus
loin l'argumentation que mon collègue, le député de
Maisonneuve, a apportée et apporter en même temps la bonne
nouvelle du fait que la partie syndicale était consentante à
entrer dans la proposition faite par le chef d'Unité-Québec. Ce
qui m'intéresse dans la proposition de délai, si court soit-il,
proposée par le député de Bellechasse, c'est bien
sûr l'ultime effort, l'ultime tentative, avant de se mettre à
discuter de cette loi immonde qu'est le projet de loi 19, c'est avant tout, une
occasion de quatre heures, mentionnée dans la motion même du
député de Bellechasse, pour la partie, ministérielle,
partie patronale du conflit, de réfléchir, sur la gravité
du geste qu'il pose et qu'il se prépare à poser par la loi 19.
Peut-être qu'en rencontrant, ne serait-ce que deux heures, comme vient de
le dire le député de Montmagny, la partie syndicale et
connaissant de façon physique la réaction que se prépare
à avoir ce milieu et derrière ce milieu, toute la partie de
l'opinion publique qui l'appuie, de peser la gravité du geste qu'aucun
talent oratoire des membres de l'Opposition serait capable, il me semble, ce
soir, de faire comprendre à la partie patronale qui siège en face
de nous. En écoutant cet après-midi les différents
ministres intervenant sur la motion de débat d'urgence, j'ai reconnu une
émotion assez mal contenue dans la voix du ministre de la Fonction
publique et je tiens à lui dire, ce soir, en toute
honnêteté, parce que, de toute façon, comme l'a dit mon
collègue, le député de Maisonneuve, le ministre de la
Fonction publique est certainement un des deux ou trois du cabinet de ce
côté de la Chambre qui reçoit notre respect le plus total.
Je m'apercevais dans la voix et les propos mêmes du député
de Deux-Montagnes, l'aveu d'un échec et l'aveu d'une fin. Bien sûr
que le gouvernement vient de l'abandonner, lui aussi, maintenant, comme on a
abandonné l'ancien ministre de l'Education sur le projet de loi 28, et
comme on avait abandonné le ministre de la Justice dans le conflit avec
les policiers.
Il est évident que quand un "back lash" se prépare au sein
d'un caucus, peut-être que le ministre de la Fonction publique a mal
choisi le caucus auquel il appartient, c'est désormais son
problème, mais quand le "back lash" se fait sentir au sein d'un caucus,
la peau d'un ministre importe bien peu et ce n'est pas le premier ministre que
le cabinet actuel laisse tomber.
Dommage que ce soit un homme de la qualité du
député de Deux-Montagnes, je vais le dire; dommage que ce soit
celui qui, depuis un mois et il ne se surprendra pas de me l'entendre
dire en Chambre, je le lui ai dit privément avait tenu comme
ministre de la Fonction publique une conduite presque irréprochable
depuis... Il avait tout le temps com- pris l'immense défi qu'aurait le
Québec de traverser à travers cette crise, l'occasion unique de
traverser une crise sociale avec des gains plutôt qu'avec des pertes
comme c'est malheureusement notre habitude avec ce gouvernement. Lui seul avait
compris et jusqu'à ce que le caucus vienne beugler sa haine et sa rage,
M. le Président, il avait été le leader incontesté
du gouvernement sur cette question. Je l'avais compris, M. le Président,
cet après-midi en l'entendant; dommage que sa carrière soit
désormais terminée.
Je l'avais compris également, M. le Président, mais
difficilement en entendant le ministre des Affaires sociales se prêter
à un jeu auquel je ne l'avais pas entendu souvent se prêter.
M. CASTONGUAY: Je vais lui répondre tantôt.
M. CHARRON: II me semble, M. le Président, que la motion du
député de Bellechasse permettrait peut-être au ministre des
Affaires sociales de revenir d'une façon aussi modérée que
possible sur les propos quil a tenus cet après-midi et sur la
gravité du geste qu'il se prépare à poser lui-même
en endossant, j'admets bien, à reculons la politique gouvernementale
qu'il se trouve à supporter par sa présence au cabinet. Mais je
voudrais surtout, M. le Président...
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'invoque une question de
privilège, un point de privilège ou de règlement, je ne
sais pas. Le député me prête des intentions, il me dit que
j'accepte à contrecoeur la politique gouvernementale...
M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement.
J'invoque le règlement, c'est 97, M. le Président. Et comme vous
l'avez dit cet après-midi...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. BURNS: ... c'est après
le débat.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si j'ai bien compris, c'est une question de
privilège parce que...
M. BURNS: On est en train d'établir des faits.
M. LE PRESIDENT: Non, il dit qu'on lui prête certaines... je pense
bien. J'essaie de donner à tout le monde l'occasion, surtout sur les
questions de privilège.
M. CASTONGUAY: Le député me dit que j'accepte à
contrecoeur la politique du gouvernement, l'attitude du gouvernement en cette
matière. C'est faux! Et je lui demanderais de corriger ou de retirer ses
paroles.
M. BURNS: M. le Président, il y a une chose qu'on peut faire,
c'est une distinction à l'article 100 entre "prêter des
intentions" et d'abord c'est, comme vous le savez, M. le Président, le
paragraphe 9 qui dit: "d'impliquer des motifs indignes à un
député ou de refuser d'accepter sa parole". Le
député de Saint-Jacques, actuellement, interprète
l'intervention et c'est parfaitement son droit, interprète
l'intervention si vous me permettez, M. le Président du
ministre des Affaires sociales, de cet après-midi. Et je pense que c'est
parfaitement son droit.
Si le ministre des Affaires sociales considère qu'il a
été mal cité ou mal rapporté, c'est pour ça,
M. le Président, qu'on a l'existence de l'article 97. Le ministre des
Affaires sociales pourra rétablir les faits après et il pourra
dire: J'ai été mal cité. Mais le député de
Saint-Jacques n'impute pas d'intentions indignes, méchantes, de la part
du ministre des Affaires sociales.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Maisonneuve sait
d'une manière tout à fait pertinente qu'il y a une énorme
latitude dans les questions de privilège et je pense que tout le monde
en Chambre, de tous les côtés, dans tous les groupes, a même
abusé de la fameuse question de privilège et on reconnaît
une très large latitude en l'occurrence. Je vois peut-être un peu
malvenu ce débat qu'on semble soulever sur l'intervention d'une question
de privilège que je considère... Ecoutez, le ministre des
Affaires sociales rétablit les faits, rétablit une accusation du
député de Saint-Jacques à l'effet écoutez,
c'est une question de privilège que le député de
Saint-Jacques je n'ai pas les paroles exactes à l'effet
que l'honorable ministre des Affaires sociales avec... Ce ne sont pas les
termes exacts, je crois. Vous ne l'avez pas plus que moi.
Je pense bien qu'on pourrait considérer cet incident clos du fait
que l'honorable ministre des Affaires sociales a rétabli les faits et a
bien établi sa position dans l'étude ou sa position dans cette
politique actuelle du gouvernement. Je pense bien qu'il n'y a pas lieu de
soulever un débat sur cette question.
M. CHARRON: M. le Président, j'accepte la parole du ministre des
Affaires sociales s'il endosse complètement et intégralement le
projet de loi 19 et la position du gouvernement. Il sera jugé, lui
aussi, non plus comme une exception brillante à l'intérieur du
cabinet mais comme au niveau ras du cabinet. Et il fera partie aussi du
jugement que la population aura à y porter.
M. LEGER: Ras.
M. CHARRON: Mais finalement, M. le Président, ce qu'il y a
d'utile dans la motion du député de Bellechasse, outre le temps
de réflexion qu'elle vient apporter, c'est qu'elle pourrait permettre au
ministre de l'Education d'apporter certainement d'autres propos que ceux qu'il
nous a apportés depuis le début du conflit. J'ai trouvé
extrêmement superficielle l'analyse qu'il en a faite,
superficialité à laquelle je devrai m'habituer. Mais il reste
quand même que l'intervention du ministre de l'Education, dans ce genre
de conflit, et la rencontre qu'il pourrait avoir ce soir...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je voudrais souligner au
député de Saint-Jacques que son droit de parole de dix minutes,
il devrait l'employer d'une autre manière; je connais tout à fait
son talent. Il oublie complètement la motion qui est devant la
Chambre.
M. CHARRON: J'étais rendu là.
M. LE PRESIDENT: Ecoutez, quand même! Est-ce que je pourrais vous
aider à y aller plus vite?
M. CHARRON: Alors, respectueusement, je reprendrai ma phrase où
j'en étais. Si la motion du député de Bellechasse
était acceptée ce soir et qu'on avait cette rencontre de quatre
heures avec les dirigeants syndicaux, proposée à la partie
patronale qui est en face de nous, il se pourrait peut-être que le
ministre de l'Education je dis peut-être atteignit une
profondeur plus grande que celle qu'il a atteinte dans ses propos depuis le
début et qu'il ne maquille pas la position gouvernementale de la
façon qu'il l'a fait depuis le début de ce conflit.
Vous voyez toute l'utilité de la motion du député
de Bellechasse: donner l'occasion de réfléchir à un
gouvernement qui ne le fait pas souvent, donner l'occasion de planifier
à un gouvernement qui n'en n'a pas l'habitude, donner l'occasion
à un gouvernement d'être à l'écoute de ce qu'il y a
de plus vivant dans la population du Québec, ce dont il ne nous a jamais
donné signe.
Ceci posé, M. le Président, plus toutes les chances de
solutions pacifiques et calmes du conflit que comporterait cette rencontre avec
les leaders syndicaux font que, sans aucune espèce d'hésitation,
j'appuie la motion du député de Bellechasse.
M. LE PRESIDENT: L'Honorable député de Saint-Maurice.
M. Philippe Demers
M. DEMERS: M. le Président, j'appuierai, moi aussi, la motion
d'amendement du chef de notre parti, le député de Bellechasse.
Les raisons que j'entends évoquer ont, probablement, été
ressassées une à une. Mais je considère que pour le
gouvernement c'est une planche de salut assez unique que d'avoir cet avantage.
Quoi qu'il en soit et quelle que soit sa décision, il restera, dans
l'opinion des gens, que la loi qui
est proposée, ce sont ni plus ni moins les recommandations que le
chef de l'Unité-Québec avait faites antérieurement, prises
un peu à rebours, à l'envers, mais cela revient à
ça.
Ce soir, dans un effort ultime, les trois Oppositions qui, il faut
l'avouer, ne sont pas toujours du même avis même les quatre
ou cinq Oppositions, on a même vu nos indépendants se rallier
d'une façon élégante, des gens qui avaient voté
contre l'urgence trouvent assez urgent de convoquer les trois chefs de file du
front commun pour venir discuter avec le gouvernement encore une fois.
C'est...
M. BACON: Aurèle n'a pas parlé encore.
M. DEMERS: J'aimerais que le député de
Trois-Rivières me donne le temps de m'exprimer et, tantôt, s'il se
sent assez "verbeux" pour rajouter quelque chose, il aura beau pérorer
avec le talent qu'on lui connaît.
M. le Président, la réunion des trois chefs du front
commun avec le gouvernement, que le gouvernement les revoie avec les chefs des
partis, s'il y a possibilité, mais si cela les gêne, qu'ils
fassent cela entre eux. De toute façon, je ne suis pas à cheval
sur ces règlements. Mais je voudrais qu'on se parle encore une fois
parce qu'actuellement la Chambre a été saisie, la Chambre est au
courant, tous les députés de cette Chambre savent qu'hier soir il
y a eu un "party" au Château Frontenac où ils étaient
exclus. On aimerait que, dans cette Chambre, avec les représentants du
peuple, les représentants du monde syndical puissent parler une fois
pour toutes étant donné qu'on a refusé la rencontre de la
commission parlementaire de la Fonction publique qui a été
demandée depuis le 8 mars et a été redemandée par
tout le monde en cette Chambre.
Je voudrais que le gouvernement comprenne et qu'il ne risque pas de
porter l'odieux d'avoir refusé, ce soir, alors que tout le monde,
à part eux.
Cela doit commencer à être inquiétant, un peu, pour
un gouvernement, lorsque toutes les Oppositions se réunissent: 55 p.c.
de la population, ce soir. Vous me direz 72 députés mais 55 p.c.
de la population disent au gouvernement: Attention! Attention! Casse-cou.
Demain, il sera trop tard. Vous voulez casser les reins au syndicat, faites
attention de ne pas vous les casser. C'est important.
Non que j'affectionne ces bons amis du front commun, M. le
Président, ah! non mais je trouve, ce soir, qu'il faut éviter le
pire. Il faut qu'on étudie sérieusement, dans cette Chambre,
toutes les avenues, tout ce qui s'offre d'aboutissement.
Je demanderais, s'il m'était permis, M. le Président, dans
un sous-amendement mais c'est défendu qu'on tienne un
caucus du Parti libéral. Il y a de l'inquiétude, de l'autre
côté. Il y a de l'inquiétude. On se questionne. On se dit:
Oup! Si on s'était trompé. L'inquiétude est née. Le
ministre des Affaires sociales a moins d'assurance. Le ministre de la Justice
rit mais ce n'est pas comme d'habitude. Il y a du jaune, un peu, dans son
sourire.
M. CHOQUETTE: C'est parce que c'est vous qui parlez.
M. DEMERS: Le ministre des Finances, ses grosses piastres, il les a
comptées ce matin. Il a dit qu'il n'avait plus rien mais il aurait
peut-être quelque chose pour régler cela. Cela va coûter
quelque chose que d'attendre encore. Pensez-y donc! A part cela, si vous avez
peur que cela lui donne du mérite, vous balayerez cela. Vous direz que
c'est vous autres. Cela ne nous fait rien, à nous autres. Nous avons
d'autres moyens de nous faire de la publicité. Nous avons assez
d'être l'Opposition et le gouvernement en même temps, n'arrangez
pas cela pour nous faire mourir.
M. LACROIX: Vous avez bien réussi le 29 avril 1970!
M. DEMERS: Pardon?
M. LACROIX: Vous avez bien réussi le 29 avril 1970.
M. DEMERS: Oui, oui. Mais nous allons nous reprendre. Laissez faire.
Vous n'avez pas réussi partout.
M. LACROIX: Vous êtes à l'écoute du peuple.
M. DEMERS: Où il n'y a pas eu de Brinks, où il n'y a pas
eu 100,000 "jobs", où les gens n'ont pas été assez
naïfs, vous avez passé à côté. Là, ils
vous connaissent: 100,000 "jobs", 100,000 piqueteurs. Cela marche, votre
affaire.
La réunion des trois Oppositions, c'est symbolique en cette
Chambre, M. le Président. Cela ne se rencontre pas à tous les
jours. Même les indépendants. Pensons-y donc!
Réfléchissons. On dépolitise complètement. Vous
avez entendu toutes les Oppositions. Le député de Maisonneuve a
téléphoné. Cela a l'air d'être ses amis, les gars du
syndicat, car il les a trouvés tout de suite. Pour moi, il a une ligne
directe avec eux autres. Il les a trouvés tout de suite, cela s'est fait
dans deux minutes. On a eu le rapport et ils sont prêts à venir.
Prenons un quart d'heure, pendant que nous mangerons des sandwiches, et
discutez donc de cela. Moi, je ne veux pas y aller. Mais je voudrais que,
demain matin, par exemple, dans la province de Québec, tout le monde ne
se haïsse pas, qu'on puisse vivre en paix. Il y aurait moyen. C'est le
sens de mon intervention.
Le petit caucus libéral, pendant que vous mangerez des
sandwiches, pensez-y! Cela vous ôterait des inquiétudes. Le
ministre de la Fonction publique s'est tué à la tâche
il est
blême, il ne lui reste plus une goutte de sang dans la face
pour essayer de sauver un gouvernement qui s'en va. Il y a des limites d'en
demander à un homme. Arrangez donc cela pour qu'il puisse, lui aussi
dormir, ce soir, comme du monde. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. Charles Tremblay
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, l'Assemblée
nationale, ce soir, a à prendre une décision importante. Nous
avons actuellement, devant nous, une loi que nous a présentée le
gouvernement, loi espérant régler le conflit de la fonction
publique. Par contre, le chef d'Unité-Québec nous a
proposé un amendement pour suspendre les débats pendant quatre
heures, afin de nous permettre de rencontrer les chefs des centrales
syndicales, pour essayer, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de trouver un
joint à quelque part, un filon qui nous mènerait à une
solution sans l'imposition de cette loi.
C'est pour cela, M. le Président, que j'appuie la motion du chef
d'Unité-Québec. Je dis au gouvernement que, ce soir, avant de
penser, avant d'être convaincu de régler le mécontentement
de 210,000 fonctionnaires, avant de penser de régler ce
mécontentement par une loi, le gouvernement devrait prendre la
dernière chance peut-être qu'on lui offre.
C'est-à-dire la dernière chance de prouver sa bonne foi
dans les négociations, de prouver surtout aux membres de l'Opposition
que tout ce que le premier ministre nous a dit est vrai. Et si le gouvernement
actuel refuse de rencontrer les chefs des centrales syndicales, moi
personnellement je me poserai des questions et je me dirai que le gouvernement
avait probablement quelque chose à cacher aux membres de l'Opposition.
Et je me dirai que peut-être que le premier ministre n'a pas tout dit aux
membres de l'Opposition.
Je ne veux pas avoir à me poser ces questions à partir de
demain, parce que 210,000 fonctionnaires dans la rue, c'est faux de dire que
c'est peut-être 20 ou 25 personnes qui mènent ces gars-là.
C'est parce que ces 210,000 employés du gouvernement qui sont
mécontents, qui sont entrés dans le front commun et qui sont
sortis dans la rue, à la surprise du gouvernement, qui depuis des mois
nous disait que c'étaient trois ou quatre chefs syndicaux qui montaient
la tête des gens. Il y en a 210,000 dans la rue.
Et on ne règle pas un problème social comme ça en
imposant une loi comme celle que nous présente le gouvernement. Et si le
gouvernement refuse l'amendement du chef de l'Unité-Québec...
M. BOURASSA: ... commission parlementaire.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai pas permis au premier ministre de me
poser des questions. Laissez-moi finir mon discours. E-coutez ce que
l'Opposition vous dit. Prenez des conseils de l'Opposition. Cela peut
être salutaire pour vous parfois. Parce que, si le gouvernement refuse
cet amendement, il ne pourra plus jamais dire qu'il a tenté la
dernière chance avant d'imposer une loi aux fonctionnaires du
gouvernement du Québec. Jamais plus le gouvernement ne pourra le dire.
Et la population ne croira pas le gouvernement, parce qu'il aura refusé
une rencontre qui a été organisée. Le député
de Maisonneuve a communiqué avec les chefs des centrales syndicales. Ils
sont prêts à venir nous rencontrer d'ici une demi-heure, au plus
d'ici une heure.
Que le gouvernement y pense sérieusement et qu'il
réfléchisse à cet amendement. C'est peut-être sa
dernière chance d'éviter une loi qui sera catastrophique pour les
fonctionnaires et pour le gouvernement actuel. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. Jacques Veilleux
M. VEILLEUX: Je n'avais pas l'intention d'intervenir sur la motion
d'amendement de l'honorable député de Bellechasse; mais, comme le
disait tout à l'heure mon collègue de Saint-Maurice, il me semble
que les membres du Parti libéral se posent des questions sur la motion.
Il est vrai que je m'en suis posé, notamment après
l'exposé du député de Montmagny. Mais j'ai eu l'occasion
d'écouter le président de la CEQ à la
télévision et après les propos qu'il a tenus sur ce qu'il
pensait d'une commission parlementaire comme celle de la Fonction publique, je
dois demander aux membres de l'Assemblée nationale de battre la motion
de l'honorable député de Bellechasse et de passer
immédiatement au projet de loi, parce que "ça urge". Merci.
M. LOUBIER: M. le Président, en vertu des règlements 101
et 171, est-ce que je pourrais poser une question au député?
M. VEILLEUX: Allez.
M. LOUBIER: Quels sont les propos tenus par M. Charbonneau concernant la
commission parlementaire de la Fonction publique?
M. VEILLEUX: Lorsqu'un président d'une centrale syndicale,
à un moment comme celui que nous vivons à l'heure actuelle, se
permet de dire qu'une commission parlementaire ne sert que de façade,
étant donné que ça n'a absolument aucun pouvoir; qu'on se
pose même la question et je me pose sérieusement la question, si
le président de la CEQ va même se présenter mardi à
la commission parlementaire, d'après les propos qu'il a tenus, alors,
face à une telle
attitude, je ne vois pas pourquoi les membres de cette Chambre iraient
perdre et je pèse bien les mots que je dis quatre heures
à une commission parlementaire pour entendre un représentant
syndical qui a tenu des propos comme il a tenus tout à l'heure sur le
fonctionnement, sur la force que peut avoir une commission parlementaire comme
la Fonction publique.
M. LOUBIER: Est-ce que le député pourrait me permettre une
autre question?
M. VEILLEUX: Oui.
M. LOUBIER: Si les autres présidents des deux autres centrales
n'ont pas fait de déclarations dans ce sens-là, pourquoi le
député baserait-il son argumentation sur strictement une
appréciation de M. Charbonneau?
DES VOIX: Le front commun.
M. VEILLEUX: Tout simplement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
DES VOIX: Le front commun.
M. VEILLEUX: Je dirais au député de Bellechasse, chaque
soir qu'est venu à la télévision un chef syndical, il
parlait toujours au nom du front commun. Quand M. Laberge venait, il parlait au
nom du front commun, quand M. Pepin se présentait à la
télévision, il parlait au nom du front commun, et ce soir, M.
Charbonneau parlait au nom du front commun parce qu'il disait aussi ce que
feraient durant la nuit les conseils d'administration des trois centrales
syndicales.
M. LOUBIER: M. le Président, si je prenais la dialectique...
M. L'ALLIER: M. le Président...
M. LOUBIER: ... du député de Saint-Jean, je pourrais dire
que nous parlons tout de même au nom de 55 p.c. de la population
aujourd'hui.
DES VOIX: Non.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.
M. Jean-Paul L'Allier
M. L'ALLIER: M. le Président, toute cette longue discussion a son
origine dans une proposition simple présentée par le chef de
l'Opposition. J'éviterai de qualifier, pour ne pas, à cette
heure-ci des travaux de cette Chambre, créer d'animosité et parce
que j'ai beaucoup de respect pour le chef de l'Opposition, cette proposition de
simpliste ou de démagogique.
C'est une proposition qui peut paraître séduisante à
quiconque n'a pas suivi avec quelque attention, depuis un an, le
déroulement des négociations. C'est une proposition, à
première vue, qui laisse entendre que le gouvernement s'est conduit
d'une façon irresponsable en fermant lui-même la porte à
tout contact et à toute négociation, alors qu'il y avait encore
espoir.
C'est une proposition et c'est une motion qui dénote je
parle ici pour Unité-Québec et le parti créditiste en
particulier une absence totale de connaissance du dossier.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Parce que vous avez...
M. L'ALLIER: On se plaint, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. L'ALLIER: ... et le député de Chicoutimi est celui qui
se plaint le plus souvent de n'être pas informé. J'ai fait
régulièrement le point en cette Chambre. Deuxièmement, le
député de Chicoutimi n'est pas obligé de me croire, nous
avons communiqué avec tous les partis pour leur offrir toute la
documentation fournie au front commun depuis un an. Ce sont des milliers de
pages.
Si le système de courrier à Unité-Québec ne
fonctionne pas, au Parti québécois, on pourra vous dire qu'ils
ont reçu cette liste et qu'ils y ont fait appel.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. L'ALLIER: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pose la question de privilège, M. le
Président. Ce que vient de...
M. LEVESQUE: M. le Président, une question de
privilège.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, un instant! Ne vous énervez
pas! Vous avez humilié un ministre, il est en train de s'expliquer; on
va l'écouter paisiblement. Mais le ministre de la Fonction publique n'a
pas le droit de dire ce qu'il vient de dire, que je ne serais pas
informé. Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que nous
n'étions informés que par le truchement d'une source, celle du
gouvernement. Je ne mets pas en doute la bonne foi du ministre de la Fonction
publique.
M. L'ALLIER: Je n'avais pas fini, M. le Président, mon
intervention sur ce point.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ces papiers-là.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. L'ALLIER: Si le député de Chicoutimi est satisfait de
l'information que nous lui avons fournie, j'en suis très heureux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous en voulons d'autres.
M. L'ALLIER: Si, cependant, il n'a pas d'informations suffisantes du
côté du front commun, je ne vois pas comment il pourrait me le
demander à moi, d'ailleurs, il ne me l'a pas demandé. Je
reviendrai sur ce point tout à l'heure.
Quant à nous, parce que c'est ici que je dois m'adresser en cette
assemblée, nous avons offert toute l'information qui avait
été transmise aux centrales syndicales.
Depuis un an que ces discussions et ces négociations sont
amorcées avec le front commun, le front commun a eu largement le temps,
et il en a profité, de faire connaître à la population son
point de vue, aussi bien que le gouvernement peut le faire.
On sait que depuis presque une semaine, tous les soirs pendant un quart
d'heure, le front commun prend un quart d'heure pour communiquer à la
population tel ou tel point, telle ou telle chose. Il a eu aussi une
émission d'une demi-heure. Je sais que le gouvernement a aussi fait de
l'information. Nous avons fait de ce côté, quant à nous, ce
que nous croyons utile de faire. Ce que je veux dire, M. le Président,
c'est ceci sur cette motion.
On présente cette motion comme étant une chance ultime de
négociation, c'est-à-dire de règlement, donc de
négociation.
M. LOUBIER: Bien non, vous n'avez pas compris.
M. L'ALLIER: M. le Président... M. PAUL: II n'a pas encore
compris. M. L'ALLIER: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre est fatigué.
M. L'ALLIER: M. le Président, vous êtes fatiguant aussi, M.
Tremblay.
M. LOUBIER: J'invoque le règlement. On n'a tout de même pas
le droit de donner les motifs à la motion qui n'apparaissent même
pas dans la motion et de prétendre, à ce moment-là, que
l'on présente la motion sans information, de qualifier qu'elle est
simpliste, qu'elle est démagogique, etc. Je pense que je dois faire
appel à ce moment-là à votre intervention et que le
ministre ne doit pas perdre les pédales.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs!
Le ministre de la Fonction publique.
M. L'ALLIER: M. le Président, je ne prêterai aucune
intention à aucun membre de cette Chambre. On me permettra toutefois
d'avoir une opinion sur la motion qui est présentée.
M. PAUL: Très bien.
M. LOUBIER: Faites donc ça calmement là, sans perdre les
pédales!
M. L'ALLIER: Ce n'est pas moi qui m'énerve, M. le chef de
l'Opposition!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. L'ALLIER: Je vais donc tenter de parler comme il me l'a offert tout
à l'heure, sous la bienveillante protection du député de
Chicoutimi, parce que, je me souviens bien, il m'a offert sa protection.
M. PAUL: Vous en avez besoin d'ailleurs. UNE VOIX: Cela fait tout un
"body-guard"
M. L'ALLIER: M. le Président, on propose une motion à
l'effet de suspendre le débat pendant quatre heures. Le nombre d'heures
exact pourrait être trois, cinq, six, un temps très court. Si je
me trompe dans ce que je dis, que le chef de l'Opposition me corrige sur ce
point de sa motion qui est de permettre au chef du gouvernement et au chef de
l'Opposition de rencontrer les représentants du front commun, pour leur
proposer un moratoire de trois mois, une commission parlementaire et un
règlement immédiatement applicable qui est un réajustement
à 5 p.c.
Est-ce que je peux savoir du chef de l'Opposition si c'est exact?
M. LOUBIER: Ce que j'ai proposé, M. le Président,
c'est...
M. LE PRESIDENT: Avec le consentement de la Chambre, allez.
M. LOUBIER: ... qu'il y ait d'abord une rencontre avec les
représentants du front commun, le premier ministre, le ministre de la
Fonction publique et les différents chefs de parti de l'Opposition ou
d'autres ministres. Que, premièrement, on demande aux
représentants de la partie syndicale, si elle accepte de demander et
d'exiger que tous les employés gouvernementaux retournent
immédiatement au travail, le tout subordonné aux conditions
suivantes, c'est qu'ils ont, dès le départ, la garantie que les
offres faites au moment où on se parle, par la partie patronale, seront
respectées et que ce sera un minimum au moins de garantie pour tous les
syndiqués.
Que, deuxièmement, il y ait convocation de la commission
parlementaire de la Fonction publique, mardi, qu'il y ait séance,
version des deux parties syndicale et patronale et simultanément un
moratoire de deux mois ou de trois mois. J'avais toujours envisagé trois
mois mais disons qu'en l'occurrence je me rallierais à deux mois.
Après les deux mois, s'il y a encore impasse et si on se retrouve
devant un cul-de-sac, j'ai proposé soit la formation d'un tribunal de
travail ad hoc, composé de membres acceptés et acceptables par la
partie patronale et la partie syndicale et dont la sentence serait
exécutoire. Le tribunal ad hoc aurait, à ce moment-là,
à respecter certains critères établis préalablement
ou encore un autre mécanisme que pourrait trouver le gouvernement mais
qui donnerait l'assurance aux syndicats, au front commun de
l'objectivité, de l'impartialité de cet organisme ou encore de
cette structure d'arbitrage qui permettrait de donner satisfaction aux deux
parties en cause actuellement et selon des critères établis
préalablement, qui tiennent compte de la capacité de payer des
Québécois, qui tiennent compte de la conjoncture
économique, qui tiennent compte de toutes les conséquences que
pourrait entraîner telle ou telle offre gouvernementale.
M. L'ALLIER: Très bien, M. le Président, j'ai bien
compris.
M. LOUBIER: Et après tout cela, s'il y a lieu, une loi.
M. L'ALLIER: M. le Président, nous avons... M. DEMERS: C'est
compliqué.
M. L'ALLIER: Non, ce n'est pas compliqué. Je vais l'expliquer
lentement pour que vous compreniez bien, parce que je ne pourrai pas
l'expliquer deux ou trois fois. A vous entendre, on a l'impression qu'on a tout
le temps devant nous et effectivement, on a tout le temps devant nous.
M. PAUL: Les syndicats savent cela.
M. L'ALLIER: La question qui est au fond de la motion du
député de Bellechasse est d'abord et avant tout une question
d'information, du côté syndical, sur le dernier point des
négociations et, deuxièmement, c'est aussi une question de
crédibilité dans la réponse faite en Chambre par le
gouvernement, suite à la dernière rencontre de négociation
que nous avons eue avec le front commun.
Une des dernières phrases qui aient été dites lors
de cette rencontre, si ma mémoire est exacte, après que les
représentants du front commun nous aient dit qu'il leur était
impossible de considérer comme base de règlement les propositions
ultimes que nous avions faites la veille, dans la matinée à sept
heures, quelqu'un a demandé: Qu'est-ce qui se passe, maintenant? Un des
trois chefs de centrales syndicales a déclaré,
présumément au nom des autres: La grève continue.
Nous avons fait des propositions, nous avons, pendant six heures, en
présence de nos négociateurs et de nos porte-parole, qui sont
aussi ceux de la Fédération des commissions scolaires du
Québec, qui représente l'ensemble des commissaires et des
commissions scolaires également élus par les mêmes gens qui
nous élisent pour des fins d'administration scolaire et avec leur
accord, des porte-parole qui sont également les représentants de
l'Association des hôpitaux, nous avons fait des propositions qui
comportent des sommes d'argent additionnelles aux offres déjà
faites et qui comportent également l'application d'un certain nombre de
principes qui sont énoncés dans la politique salariale du
gouvernement qui a été distribuée en cette Chambre en mars
1971, notamment sur les points suivants.
M. LOUBIER: M. le Président, je m'excuse, je dois soulever un
point de règlement. Le ministre pourrait fort bien, à l'occasion
de la deuxième lecture, faire cet exposé qui touche au fond
même du problème.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER: M. le Président, il est carrément en
dehors...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. L'ALLIER: M. le Président, je regrette. J'essaie de faire tous
les efforts possible pour parler sérieusement de cette question. On
n'est pas dans une foire, il faut parler sérieusement d'une question
sérieuse. C'est la première fois que le Québec vit une
grève de cette envergure. Si je parle de négociation alors qu'au
moment de sa motion, au moment de son exposé tout à l'heure, le
chef de l'Opposition a cru nécessaire de faire des remarques un peu
désobligeantes à l'endroit de l'épouse de l'ex-premier
ministre Johnson, cela se rapproche quand même davantage ici du
débat.
M. LOUBIER: M. le Président, une question de privilège. Ce
n'est pas une remarque désobligeante que j'ai faite, j'ai
été provoqué par le ministre des Finances et je n'ai fait
qu'informer les membres de cette Chambre d'une constatation que j'avais faite
moi-même. Point.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.
M. L'ALLIER: Nous avons donc fait une proposition et le point auquel je
veux en venir, M. le Président, c'est que la rencontre ultime que semble
souhaiter l'Opposition, effective-
ment elle a eu lieu, pour moi l'Opposition, c'est ce qu'il y a en face.
Cette rencontre ultime que semble souhaiter l'Opposition elle a effectivement
eu lieu quant à nous, hier. C'est le gouvernement qui doit assumer la
responsabilité de cette négociation. Je comprend que les partis
de l'Opposition souhaitent être informés des deux
côtés, c'est dans ce sens-là que j'ai posé la
question tout à l'heure au député du Ralliement
créditiste, à savoir s'il avait fait, depuis un an, des efforts
pour rencontrer le front commun et se faire expliquer la politique salariale du
gouvernement. Quoi qu'il en soit, nous n'en sommes pas, après neuf jours
et demi de grève, alors que nous avons fait une proposition mardi matin,
proposition qui était disponible depuis la veille, après deux
heures de caucus, il semble que les chefs syndicaux n'aient pas
été disponibles à ce moment-là, nous avons fait une
proposition mardi matin. Le front commun syndical nous a demandé un
certain délai pour étudier, cette proposition a été
étudiée, ils nous ont demandé une rencontre à
quatre heures de l'après midi, nous avons proposé qu'à
cette rencontre assistent les membres du comité ministériel pour
réduire à néant le délai de communication, de
consultation et de décision entre nos porte-parole et nous-mêmes.
Cette rencontre nous a été demandée par les
représentants du front commun présumément pour nous donner
une réponse à nos propositions. La réponse qui nous a
été donnée est négative sur des points majeurs,
premièrement la question de sécurité d'emploi chez les
enseignants, la position du gouvernement est à l'effet, non pas
d'accorder la sécurité d'emploi chez les enseignants et dans le
domaine scolaire mais bien, par des mécanismes de recyclage, bureaux
sectoriels et intersectoriels de placement, de même que par une
adjonction assez considérable d'argent aux prestations
d'assurance-chômage qui seraient versées en cas de non-emploi, de
faire en sorte que ce personnel puisse, sur une période d'une
année, réintégrer le marché du travail, soit dans
l'enseignement, soit ailleurs. Nous avons fait des propositions salariales qui
sont basées sur des principes fondamentaux à savoir que c'est au
gouvernement qu'il appartient de déterminer quelles sont les
hiérarchies d'emploi au sein des secteurs public et parapublic. C'est au
gouvernement qu'il appartient de déterminer quels sont les
échelons à l'intérieur des emplois et comment les emplois
sont classés les uns par rapport aux autres à l'intérieur
des secteurs public et parapublic. C'est une prérogative de
gouvernement. Nous l'avons exercée cette prérogative. Le front
commun nous dit: Non, vous allez nous donner l'argent, et à un moment
donné ou l'autre de la convention, nous allons nous-mêmes le
répartir suivant ce que nous jugeons opportun.
Ceci est contraire aux principes fondamentaux de la politique salariale
du gouvernement, connue par le front commun depuis plus d'un an maintenant. Ces
principes ont été discutés avec le front commun. Nous
avons eu, à la table centrale au-delà de vingt jours de
négociation intensive. Nos négociateurs ont passé
là la fin de semaine de Pâques, avec les représentants du
front commun. La grève a été déclenchée.
Nous avons fait deux propositions presque coup sur coup.
Ces propositions ont été refusées et n'ont
été suivies d'aucune contreproposition valable. On a fait
certaines suggestions, certaines approches. La question que nous avions
posée était la suivante: Est-ce que la proposition globale que
nous avons faite mardi matin peut constituer pour vous une base de
règlement? La réponse a été non.
Ce conflit ne peut se régler que par la négociation ou
par, ultimement, comme deuxième solution et moins bonne solution, je
l'admets, par décret ou loi. En présentant aujourd'hui un projet
de loi, j'aurai l'occasion de parler sur le projet de loi, nous voulons
ménager du temps de négociation avant de recourir à
l'imposition de conditions de travail. Il nous est cependant apparu, comme
gouvernement et comme gouvernement responsable de cette négociation, que
le temps pour discuter et négocier, si nous ne pouvons pas nous entendre
sur des minimum acceptables et permettant une continuation et un aboutissement
rapide des négociations, était écoulé. J'ai
souhaité, hier, avoir avec moi mes collègues pour qu'ils puissent
déceler des éléments positifs qui auraient pu conduire
à une poursuite intensive des négociations. Nous y étions
disposés. Nous avons même quitté cette salle à 2 h
10 hier matin.
Par ailleurs, lorsque nous avons quitté cette salle, le
porte-parole du gouvernement a dit, en présence de tous les membres du
front commun qui ont assisté à cette rencontre, ils
étaient neuf, il leur a dit: Vous pouvez communiquer avec moi en tout
temps. La porte est restée ouverte, et elle l'est encore. Si les
représentants du front commun ont des propositions à faire qui
sont des positions susceptibles d'une base de règlement et conformes aux
principes dont un Etat ne peut pas se départir pour administrer, qu'ils
nous fassent ces propositions. Qu'ils les fassent, le porte-parole est
là pour le faire.
M. PAUL: C'est ça qu'on demande.
M. L'ALLIER: J'ai vérifié, il y a cinq minutes. Je
regrette, vous ne faites pas encore partie du gouvernement. Le porte-parole du
gouvernement j'ai vérifié il y a cinq minutes n'a
reçu, lui, aucune communication du front commun. C'est le canal de
négociation, et c'est celui-là qu'il faut respecter.
M. LOUBIER: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre?
M. L'ALLIER: Très brève?
DES VOIX: Non, non.
M. LOUBIER: Est-ce que c'est ce canal que vous avez respecté hier
à la rencontre au sommet?
M. L'ALLIER: Ah oui! Je suis très heureux de le souligner. Parce
que, précisément, la rencontre que nous avons eue hier a
été conduite par le porte-parole du gouvernement et par les
négociateurs du gouvernement. C'est ce que j'ai tenté
d'exposer...
M. LOUBIER: On pourrait le faire ce soir aussi.
M. L'ALLIER: C'est ce que j'ai tenté d'expliquer tout à
l'heure au chef de l'Opposition en disant que le comité
ministériel a assisté à la rencontre, afin de
réduire le décalage normal qui existe lorsque nous sommes ici et
que les porte-parole sont en négociation. Ils doivent faire des caucus,
nous faire rapport. Nous décidons, et nous voyons ce qu'il y a à
ajuster dans le mandat. Pour réduire à néant ce
délai de communication entre ceux qui donnent les mandats et qui ont la
responsabilité de les donner et ceux qui doivent les négocier,
nous avons assisté à la rencontre. Nous avons, pendant cette
rencontre, fait plusieurs caucus. Des fonctionnaires étaient autour de
nous à tous les niveaux, de tous les ministères impliqués
pour travailler sur des propositions, sur des chiffres, sur des analyses,
pendant toute cette rencontre. Ils le font depuis des mois. Ils le font pour
l'Etat et pour la collectivité québécoise.
Ceci dit, je peux, de ma place ici à l'Assemblée
nationale, et mes collègues le ministre des Finances, le ministre des
Affaires sociales, le ministre de l'Education pourront en témoigner, je
peux affirmer avec toute la responsabilité que cela suppose que nous
avons constaté, hier, qu'il n'y avait pas possibilité d'en
arriver dans un délai raisonnable ou même appréciable,
à une solution négociée de ce conflit, à moins que,
du côté du front commun il y ait un assouplissement
considérable de sa position et que l'on accepte de respecter des
principes qui sont inhérents à la gestion et à la gouverne
d'un Etat.
Nos communications sont ouvertes. Nous sommes disposés à
recevoir cet appel du front commun qui modifierait substantiellement cette
position et qui les amènerait à considérer comme
raisonnable la proposition ultime que nous avons faite, après neuf jours
de grève. Je dois cependant, comme ministre de la Fonction publique
et on est libre du côté de l 'Opposition de mettre en jeu
ma crédibilité; on est libre de dire: M. le ministre on ne vous
croit pas, c'est tellement important qu'on veut l'entendre nous aussi je
dis à ce moment-là aux membres de l'Opposition qu'ils sont aussi,
eux, libres de communiquer avec le représentant du front commun pour
avoir toutes les informations et toutes les explications qu'ils souhaitent.
Quant à nous, cette négociation est notre responsabilité
mais elle est cependant la responsabilité de l'ensemble de cette
assemblée de voir à ce que, face à la situation actuelle,
le bien commun et l'intérêt de l'ensemble de la population, de
chacune de ces personnes que nous représentons dans nos comtés,
élèves, malades, malades chroniques, soit sauvegardé.
C'est ce que nous souhaitons faire maintenant. Nous avons proposé la
commission parlementaire, nous l'avons proposée pour mardi...
M. PAUL: Je fais appel au règlement. Je regrette d'être
désagréable à l'honorable ministre. Premièrement,
80 p.c. de nos propos n'étaient pas conformes aux dispositions de
l'article 99 de notre règlement. Deuxièmement, les derniers
propos du ministre ont pour effet d'étudier le principe du projet de
loi. Troisièmement, je dois vous rappeler que son droit de parole est
expiré, depuis longtemps.
M. L'ALLIER: M. le Président, sur le troisième
point...
M. PAUL: M. le Président, je regrette, le droit de parole de
l'honorable ministre est expiré.
M. L'ALLIER: Sur un appel du règlement, M. le Président.
J'avais cru comprendre aux paroles du premier ministre c'est un point
technique le leader parlementaire de l'Opposition pourra le poser. Je
prenais la parole en vertu de l'article 67, deuxièmement, et l'article
95, deuxièmement, qui permet...
M. PAUL: M. le Président, si on veut jouer avec le
règlement, il faut le faire d'une façon plus subtile et non aussi
bêtement que cela.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
Je reconnais que le droit de parole est sans doute expiré,
même s'il y a eu des interventions... Non, je reconnais que son droit de
parole est expiré. Sur un sujet de cette envergure, est-ce qu'il y a
consentement unanime à ce qu'il y ait quelques minutes
supplémentaires? Ou, je suis prêt à retirer le droit de
parole...
M. PAUL: M. le Président, s'il y avait eu moins d'attaques,
ç'aurait été oui, mais c'est non.
M. L'ALLIER: M. le Président, on n'est pas prêt à
entendre le ministre de la Fonction publique, alors qu'on souhaiterait entendre
les représentants du front commun.
M. PAUL: Deuxième lecture.
M. Claude Castonguay M. CASTONGUAY: M. le Président, la mo-
tion qu'a faite le député de Bellechasse le chef de
l'Opposition a un attrait évident elle a rallié,
semble-t-il, les multiples oppositions. Je ne doute pas qu'elle ait
été faite de bonne foi. Seulement, elle me parait inacceptable et
les raisons sont simples. Je vais les donner aussi brièvement que
possible. Après tous les efforts, au plan des négociations, qui
ont été faits, devant l'approche d'un arrêt de travail
possible, nous avons demandé à nos institutions de
négocier avec les syndicats les conditions nécessaires au
maintien des services essentiels et en temps opportun. Dans un bon nombre de
cas cette négociation a donné lieu à des résultats
tout à fait négatifs, impossibilité d'en arriver à
une entente, alors qu'il s'agit de services, je pense que je n'ai pas besoin de
le rappeler, qui présentent un caractère essentiel.
Dans d'autres cas, il y a eu entente, mais lors des deux arrêts de
travail on a remis en cause, aux lignes de piquetage, de toutes sortes de
façons, les ententes qui avaient été conclues.
Egalement, M. le Président, dans les cas où il n'y avait
pas eu entente sur les services essentiels et particulièrement dans des
cas où il s'agissait de malades chroniques, de malades psychiatriques
où il n'est pas possible de baisser le taux d'occupation des
hôpitaux, nous avons jugé nécessaire, d'ailleurs tout comme
l'avait fait le gouvernement précédent, de prendre des
injonctions et ceci n'avait aucun autre but que d'assurer la santé, la
sécurité de ces patients. Vous avez vu, vous-même, M. le
Président, ce qui est arrivé à ces injonctions. Les
journaux l'ont rapporté. C'est de l'information qui est disponible
à toute la population. Et vous avez vu ce qu'on en a fait. En plus, les
lignes de piquetage dans bien des cas se sont avérées des lignes
de blocage. On a refusé les approvisionnements. On a refusé
l'entrée des médecins. Les chefs des syndicats étaient au
courant de cette situation. Ils auraient pu faire preuve d'un peu plus de sens
commun et permettre que la situation soit corrigée. Cela n'a pas
été fait. Nous avons fait tous les efforts. Nous en sommes rendus
au terme. Pour ma part, je n'accepterais pas qu'au terme d'une rencontre qui
pourrait avoir lieu cette nuit, un engagement ou une demande de la part des
chefs de syndicats que les travailleurs rentrent au travail. Je ne
l'accepterais pas à cause du dossier qu'ils ont monté au cours
des trois dernières semaines.
J'aurais un mot à dire, suite aux propos qu'a faits le
député de Saint-Jacques tantôt. C'est la raison, une des
raisons, pour laquelle j'endosse pleinement, sans aucune réserve, le
fait qu'il y a urgence et le fait que nous devons adopter le projet de loi qui
a été déposé.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
DES VOIX: Debout!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, avant d'intervenir sur cette motion,
j'attendais la réponse du ministre de la Fonction publique pour savoir
exactement s'il avait l'intention de donner un oui ou un non à cette
motion. Mais, je ne m'attendais pas à la réponse que vient de
nous donner le ministre des Affaires sociales. Cet après-midi
juste pour souligner un mot, car je sais que j'entre dans la discussion de
deuxième lecture le ministre des Affaires sociales nous a
parlé d'une situation sérieuse, c'est différent d'une
situation urgente. Mardi, le ministre des Affaires sociales nous avait dit que
tous les problèmes qui s'étaient présentés au
début de la grève et avaient été résolus en
grande partie. Ce soir, le ministre des Affaires sociales vient de nous dire
que c'est vrai qu'il y a urgence. Mais moi, je trouve qu'il y a quand
même parce que je sais que c'est un ministre sérieux, le
ministre des Affaires sociales une certaine disproportion entre ce qu'on
nous a dit depuis le début de ce conflit et ce qu'on vient de nous dire
ce soir et qu'on ne nous a pas dit cet après-midi.
M. BOURASSA: On va rétablir les faits tantôt.
M.LESSARD: M. le Président, nous reviendrons sur ce point au
cours de la deuxième lecture parce qu'il ne s'agit pas de la discussion
de la motion. La motion qui nous est présentée n'a pas pour but
comme telle de s'empêtrer dans une solution possible. Le
député de Bellechasse a présenté toutes les
possibilités, toutes les formules.
Ce qu'il s'agit de savoir, c'est à quelles conditions il serait
possible d'empêcher que soit adoptée une telle loi, parce que
ça fait déjà pas mal de fois qu'on règle toujours
les problèmes sociaux au Québec par des lois spéciales
avec des conséquences extrêmement néfastes. On est en train
de créer...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saguenay
parlera de la loi lorsque nous serons en deuxième lecture. Pour le
moment, qu'il parle de la motion du député de Bellechasse.
M.LESSARD: M. le Président, je suis toujours sur la motion et
j'essaie de dire comment il est important, actuellement, pour le gouvernement
d'accepter la motion qui nous est présentée par le
député de Bellechasse, par le chef de l'Opposition officielle. Et
pour ça, M. le Président, il faut prendre conscience des gestes
qu'on pose; il faut prendre conscience du geste que nous poserons tout à
l'heure lorsque nous passerons à la deuxième lecture du projet de
loi; il faut prendre conscience des perturbations sociales, des perturbations
que cela peut créer dans les relations humaines, tant au niveau des
enseignants qu'au niveau de la fonction publique, qu'au niveau des
hôpitaux. Il y a des coûts humains, M. le Président, qui ne
peuvent pas se calculer lorsqu'on prend une décision aussi importante
que celle-là.
Car le but de la motion du député de Bellechasse, c'est
d'essayer de savoir à quelles conditions il est possible
d'empêcher cette loi spéciale. Il faut dire, M. le
Président, que le climat d'hier soir n'est pas du tout celui de ce soir.
Il faut dire, qu'il y a actuellement une loi spéciale qui vient de nous
être présentée. Il faut dire, M. le Président, que
l'opinion publique actuellement est véritablement informée du
problème qui se pose. Il faut dire, que la situation, si on acceptait
cette motion du chef de l'Unité-Québec, que les
responsabilités des syndicats seraient extrêmement importantes et
extrêmement graves.
Il s'agit d'essayer de partager les responsabilités et le
député de Montmagny l'a soulevé, ce
problème-là. Si, par exemple, avec l'information qui était
donnée aux trois chefs des partis de l'Opposition, avec la
présence des responsables ministériels, avec ces
informations-là, M. le Président, ça nous permettait, nous
autres en tout cas, d'avoir les informations nécessaires; ça nous
permettait, députés de l'Opposition, membres de cette Chambre,
représentant quand même 55 p.c. de la population, d'être
capables ou non d'endosser les politiques gouvernementales à ce
sujet.
Je comprends que c'est la responsabilité du gouvernement de
décider. Mais, M. le Président, il reste qu'il s'agit là
d'un problème humain, d'un problème important, d'un
problème qui risque comme on le disait tout à l'heure
d'annuler toute négociation possible dans l'ave- nir. Il ne
s'agit pas, de ne pas croire ou de croire les responsables ministériels
qui ont négocié; il s'agit peut-être d'avoir une
évaluation différente d'une situation. C'est tout simplement
ça.
Le ministre de la Fonction publique nous dit : Toutes les
négociations, actuellement, c'est impossible de les reprendre; qu'on est
actuellement rendu à un cul-de-sac. D'un autre côté, les
chefs syndicaux accepteraient de se rendre discuter avec les responsables
ministériels. D s'agit d'un moyen ultime mais pourquoi ne serait-ce pas
accepté? De toute façon, le projet de loi simplement pour
souligner que c'est samedi matin que la loi entrera en vigueur cette
affaire-là, veut dire qu'on peut facilement accepter encore
quatre heures de répit. La responsabilité de chacun, lorsque ce
moyen ultime aura été utilisé, pourra être
partagée et les chefs de l'Opposition pourront à ce
moment-là informer les députés de chaque parti de ce qui
s'est passé lors de cette discussion-là. C'est quand même
important de le savoir. C'est ce qu'on ne sait pas.
On nous demande d'endosser une politique gouvernementale. On nous
demande d'endosser un projet de loi, mais nous n'avons pas exactement les
informations nécessaires.
Nous avons sans doute des informations de part et d'autre, mais est-ce
qu'il ne serait pas possible de poser un jugement différent sur la
situation? Est-ce qu'il ne serait pas possible d'obliger, par exemple, par ce
dernier recours, la partie syndicale, peut-être par la pression de
l'opinion publique, d'accepter ultimement une dernière
possibilité, une dernière offre gouvernementale?
M. le Président, c'est important, ces quatre heures. Il y a un
paradoxe qu'on vit continuellement dans cette Chambre, c'est que, quand il y a
des choses sérieuses qui se discutent, on suspend tous les
règlements. Quand il y a des choses sérieuses, on passe le
rouleau compresseur. Quand il y a des choses sérieuses, M. le
Président, il faut aller vite, le feu est pris et il faut
l'éteindre.
C'est pourtant lorsque se présente une situation sérieuse,
une situation alarmante, il faudrait prendre tout le temps nécessaire
pour étudier les projets de loi, il faudrait prendre tout le temps
nécessaire pour l'étudier sereinement. Il me paraît que ce
n'est pas dans des projets de loi ordinaires qui ne transforment pas
complètement une situation qu'on devrait utiliser tous les moyens de la
procédure qui nous permettent de réfléchir lentement, de
réfléchir sérieusement.
C'est justement dans une situation comme celle-là que nous vivons
ce soir, que nous devrions avoir tous les moyens nécessaires pour
réfléchir sereinement. Or, cette motion, M. le Président,
qui vous est présentée comme dernier recours, permettrait de
savoir exactement, du moins d'apprécier, quelles sont de part et
d'autres les positions, d'apprécier les volontés ou les
désirs des chefs syndicaux, de savoir si,
véritablement, ils sont responsables de la situation, si,
véritablement, ils en veulent une loi spéciale.
S'ils en veulent une, M. le Président, ils en seront
responsables, tant devant l'opinion publique que devant leurs syndiqués.
Je ne crois pas, et je reviens à ce qu'a dit un de mes anciens
collègues de syndicat, avec lequel j'ai travaillé. Il disait tout
à l'heure que les déclarations d'un chef syndical, de M.
Charbonneau de la CEQ, nous permettaient de dire non à la proposition
qui était amenée par le député de Bellechasse.
Je ne crois pas, M. le Président, qu'on puisse se fier
actuellement à un enregistrement de télévision qui a pu
être fait cet après-midi ou hier, et on ne peut pas se fier non
plus à un seul chef actuellement parce qu'on sait quel est le climat
social qui existe actuellement. On sait quel est le climat qui existe à
l'intérieur de l'Assemblée nationale et je pense qu'avant de
refuser des propositions qui viendraient de la part du chef
d'Unité-Québec, de la part du Parti québécois ou de
la part du chef des créditistes, les chefs syndicaux y penseraient
à deux et à trois reprises avant de refuser peut-être le
retour au travail, avant...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay a
épuisé son droit de parole.
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Je vous remercie, M. le Président, j'ai
demandé la parole en vertu de l'article 97 parce qu'il me semble que,
malgré tous les efforts que j'ai faits, aussi bien mardi que cet
après-midi, pour être aussi consistant et clair que possible, le
député de Saguenay n'a pas compris ou voit une contradiction dans
mes propos.
Mardi après-midi, j'ai dit que la situation était
sérieuse. Cet après-midi, j'ai redit qu'elle était
sérieuse et qu'il y avait eu une certaine détérioration.
Simplement, il y a une distinction très importante entre mardi et jeudi
après-midi, et voici laquelle. C'est que mardi, nous croyions encore
à la possibilité d'une solution par la voie de la
négociation.
Cet après-midi, ou jeudi après-midi, cette solution
n'apparaissait plus possible, le droit aux services de santé qui
étaient limités depuis un certain temps à cause du respect
du droit de grève, la nécessité de rechercher la solution
négociée n'apparaissant plus possible, il nous a fallu maintenant
passer à l'autre étape, et c'est la distinction que j'ai
essayé de faire cet après-midi.
Je n'ai pas donné un portrait plus tragique de la situation jeudi
après-midi que je l'ai fait mardi après-midi. Et je rappelle
qu'en vertu de l'article 97, mon intervention ne peut engendrer un
débat. Alors merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.
M. Guy Joron
M. JORON: M. le Président, même si nous avons entendu deux
ministres prendre la parole sur la motion du député de
Bellechasse, j'ose croire que l'opinion définitive du gouvernement n'en
est pas scellée pour autant. Effectivement, le ministre des Affaires
sociales, et le ministre de la Fonction publique ont tous les deux fait porter
leur intervention sur le point suivant. Ils ont tous les deux fait état,
si vous voulez, témoigné d'une frustration qui est bien
compréhensible. J'essaie de me penser dans leur position, et je le
comprends. Ce n'est pas facile pour un ministre responsable de la santé
publique, de vivre les dernières semaines au Québec.
Ce n'est pas facile non plus pour le ministre de la Fonction publique,
d'autre part d'avoir à faire face, d'avoir à négocier
ardument la plus importante grève dans l'histoire du Québec.
Cela, je le comprends. Que ces deux hommes-là soient un peu
exaspérés, exacerbés et puis qui croient en
l'inutilité...
M. BOURASSA: La population aussi.
M. JORON: ... de poursuivre encore, ne serait-ce que pour quatre heures,
j'ai tendance à le croire, mais je pense que ce qu'ils ont
oublié, c'est que ce dont il s'agit ici, ce n'est pas de poursuivre les
négocaitons. Entendons-nous bien là-dessus. La motion n'a pas la
prétention de dire que, dans les quatre heures supplémentaires,
ce qui n'a pas pu être accompli dans les semaines
précédentes, le serait nécessairement.
Ce que la motion vise, et là-dessus le ministre de la Fonction
publique se trompait quand il disait: Le canal de communication normale demeure
toujours ouvert. Le téléphone est là, puis il n'a pas
sonné. Seulement le contexte est différent. Là, on ne
parle plus de négociation à ce moment-là. On n'a pas la
prétention de faire aboutir les négociations, ce soir, dans
l'espace de ces quatre heures-là. Ce dont on parle, c'est dans un
contexte tout à fait nouveau, dans le cadre d'une loi qui vient
d'être présentée devant l'Assemblée nationale, une
loi d'urgence.
C'est ça qu'on veut éviter. Cette motion-là n'a pas
l'intention de faire aboutir instantanément les négociations.
Elle voudrait, elle souhaiterait éviter une loi d'urgence, une loi
spéciale qui peut avoir puis ça je ne veux pas revenir
là-dessus ce n'est pas le sujet de la motion comme telle
mais les conséquences qu'on sait, puis je n'insisterai pas
là-dessus outre mesure.
A ce point-là, je suis persuadé que le gouvernement comme
tous les autres partis de l'Opposition voudrait l'éviter, si
c'était possible, cette loi spéciale là. Elle a quelque
chose de désagréable, pour employer le mot le plus doux. Personne
n'aime ça des lois de ce genre-là. Je suis convaincu que le
gouvernement n'aime pas ça. Là, le député de
Bellechasse par sa motion
amène une petite possibilité et c'en est une quand
même, non pas de faire que les négociations aboutissent, mais
peut-être que la grève prenne fin, par une entente sur la reprise
des négociations la semaine prochaine, dans un climat
différent.
Peut-être que, de leur propre chef, le front commun
déciderait de mettre fin à la grève, sans qu'on ait besoin
de le faire par une loi spéciale. Vous savez, M. le Président, il
ne faudrait pas présumer de la mauvaise foi des chefs syndicaux. Cela,
on n'a pas le droit...
M. LEDUC: Présumer de la mauvaise foi des chefs syndicaux? On
n'en présume pas, on l'a devant nous.
M. JORON: ... de faire ça. Un chef syndical qui négocie
dans le cadre d'un contrat c'est une chose. Mais, placé devant la
responsabilité qui leur incomberait ce soir c'est une toute autre
affaire, je le répète. Là il ne s'agit plus de faire
aboutir des négociations.
Il s'agit d'éviter une loi spéciale qui serait un
précédent dangereux par son ampleur parce qu'elle couvre toute la
fonction publique au Québec. Il ne faut pas présumer que
placés devant un état de crise nouveau un contact qui
n'existait pas hier soir, pendant les négociations au Château
Frontenac placés devant ce nouveau contexte, je pense qu'il
serait inadmissible de ne pas croire en la responsabilité accrue, qui
arrive toujours dans les états de crise. Nous vivons une crise, nous
sommes au bord d'une loi spéciale et tout le monde a
intérêt à l'éviter, les chefs syndicaux les
premiers, même si tactiquement quelquefois ils peuvent penser qu'à
court terme cela pourrait leur être utile. A long terme, je suis
sûr qu'ils sont persuadés de la nécessité de
l'éviter.
Cette conscience et cette responsabilité accrues, on n'a pas le
droit de présumer au départ de leur mauvaise foi, pourquoi ne pas
leur donner cette chance-là? Je comprends ce que les ministres ont dit.
D'aucune façon cela ne contredit l'argumentation que je présente.
Les deux mêmes ministres qui ont fait état de leur frustration
dans les négociations pourraient quand même admettre, même
tout de suite, que dans ce nouveau contexte on pourrait donner ces quatre
heures supplémentaires non pas dans l'espoir de voir les
négociations aboutir par magie mais tout simplement pour éviter
une loi spéciale.
En terminant, je fais un appel tout particulier au premier ministre, au
chef du gouvernement qui a une responsabilité très grande. On est
au bord d'une décision très importante dans l'histoire du
Québec. Je comprends la position du premier ministre, c'est un homme
politique comme nous tous. Selon la tactique, il y a une tentation qui se
présente à lui, celle de plaire à l'opinion publique qui a
hâte de voir la grève se terminer. Je ne le dis pas
péjorativement parce que tous les hommes politiques, tous ceux qui font
de la politique sont sujets à ce genre de tentation et je ne voudrais
pas qu'ils y succombent. En même temps, il y a une autre voie qui s'offre
à lui, celle de devenir conciliateur, devenir celui qui aura
évité, par cet ultime effort, au Québec peut-être de
mettre un point final au droit de grève dans la fonction publique. C'est
peut-être à cela que ça peut aboutir aussi.
Le premier ministre a l'occasion d'être le conciliateur. Le climat
social au Québec est déjà bien assez difficile comme il
est là, tout le monde en est convaincu et tout le monde l'a
déjà dit à une occasion ou à une autre.
M. TREMBLAY (Bourassa): II a été gâté, cela
devait arriver.
M. JORON: Vous avez, plusieurs ici, blâmé certains secteurs
de la population; parfois, c'étaient les syndicats, parfois,
c'étaient d'autres, des marginaux. On voyait apparaître cette
attitude de raidissement au Québec, ces appels à la violence, les
je-ne-veux-plus-rien-savoir et il-ne-reste-plus-rien, le
dialogue-ne-marche-plus, on-ne-veut-plus-en-entendre-parler. Vous avez
même dénoncé cela, tous ici, nous avons
dénoncé cela à maintes occasions. Il ne faudrait pas,
comme Assemblée nationale, comme Parlement, que ce soir on se mette
à embarquer exactement dans la même sorte de jeu qu'on
dénonçait hier.
Il y a des choses à faire au Québec, il y a assez de
choses importantes, dans toutes sortes de domaines, je n'ai pas besoin
d'insister sur les domaines favoris du premier ministre, sur tout ce qu'on a
à construire dans le domaine économique. Je voudrais faire
ressortir que ces choses-là, au Québec, vont devoir se faire
ensemble; elles vont devoir se faire avec les chefs syndicaux, avec les
syndiqués. C'est bien dommage! A l'appui de cette motion, à cause
de cette nécessité d'avoir à faire des choses ensemble au
Québec, il ne faudrait pas faire apparaître les chefs syndicaux
comme des ennemis. Ce sont des adversaires de négociation, j'en
conviens, mais plus globalement ce sont quand même des
Québécois, ce sont quand même des partenaires du
Québec. N'allons pas nous en faire des ennemis à un moment si
grave, c'est l'appel que je fais au premier ministre.
Il y a assez de divisions qui, dans le passé et encore
aujourd'hui, ont séparé les Québécois que je
n'aimerais pas que ce Parlement, ce soir, aille creuser de nouveaux
fossés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. Yvon Brochu
M. BROCHU: M. le Président, c'est avec beaucoup de
sérénité que j'aimerais, à ce moment-ci, faire une
brève intervention sur la motion présentée par le chef de
l'Opposition.
M. BOURASSA: Pensez à vos électeurs, et elle sera
brève.
M. BROCHU: Tout d'abord, je pense que je ne perdrai pas de temps
à répondre au premier ministre.
M. BOURASSA: Vos électeurs vous en tiendront compte, par exemple.
Allez-y!
M. BROCHU: J'ai un certain travail à faire, je le fais. Je ne
pense pas que ce soit le premier ministre qui m'empêchera de prendre la
parole.
M. le Président, je voudrais souligner que c'est avec beaucoup de
sérénité que je veux intervenir et je suis surpris de voir
le premier ministre réagir aussitôt sans qu'il y ait raison de
réaction, puisqu'il n'y avait pas eu action préalable.
Quant à la motion, je n'ai pas été surpris ni de
son but ni de son essence puisque nous en avions discuté dans notre
groupement politique avec le leader parlementaire et avec le chef du Ralliement
créditiste, le député de Saint-Sauveur et nous avions
l'intention de travailler en ce sens-là.
Je pense que présentement il nous faut regarder froidement la
situation. Que se passe-t-il? C'est que tout le monde, je pense, on peut le
dire honnêtement, souffre de la présente situation, les
syndiqués en souffrent, la population et je pense que le gouvernement
aussi et, au bout de la ligne, j'ai fortement l'impression que dans le chemin
dans lequel nous nous orientons, personne ne sortira gagnant. J'aimerais
ajouter qu'il ne s'agit pas, je pense, pour une partie ou l'autre en cause
actuellement, de gagner ou de ne pas gagner mais plutôt d'être
juste et surtout réaliste.
A mon sens, nous avons absolument besoin de cette ultime tentative ou de
ce dernier effort pour concilier les parties en cause au moins sur une entente
de principe. C'est une question aussi d'honnêteté intellectuelle,
pour nous du côté de l'Opposition puisque nous en avons fait la
demande, la commission parlementaire n'a pas été convoquée
afin que toute la lumière nécessaire puisse être faite sur
la situation. Donc, partant de ce fait, nous n'avons pas, non plus, tous les
éléments opportuns dont nous aurions besoin pour être en
mesure d'arrêter un jugement de valeur complet sur toute la
situation.
La commission parlementaire que nous avons demandée n'a pas
été accordée. Donc, il reste à ce moment, deux
parties en cause, les chefs syndicaux et le gouvernement qui est lui-même
partie de la négociation, d'où à mon sens le besoin de
cette rencontre de quatre heures comme dernière tentative et quant
à nous pour faire une lumière beaucoup plus complète sur
la situation.
Cependant, j'aimerais mentionner que ce n'est pas là le point
majeur qui motive ma prise de position face à l'acceptation que j'ai
l'inten- tion de faire de cette motion. Nous allons effectivement vers une loi
d'exception assez grave. Je suis d'accord que la situation globale au
Québec est également grave en elle-même puisqu'elle se
présente pour la première fois, mais je pense que nous ne pouvons
pas demeurer des gens pleinement responsables sans d'abord mettre en oeuvre
toutes les possibilités imaginables avant d'aller à une loi
d'exception qui, dans les circonstances, prend un caractère tout
à fait extrême et pourrait peut-être ne pas atteindre le but
que le gouvernement prévoit en apportant ce projet de loi si on s'en
tient aux faits ou au but énoncés. Je ne parle pas des autres
motifs ou des autres buts qu'il pourrait y avoir en arrière.
Une telle rencontre avec les chefs d'Opposition, le chef du Ralliement
créditiste l'a déjà dit, pourrait décongestionner
le climat des négociations, pourrait alléger l'atmosphère
de ces négociations puisqu'il faut bien regarder la
réalité en face. C'est une question de fait.
Depuis longtemps, le parti ministériel négocie seul avec
les chefs syndicaux, d'où une certaine escalade et certains maux, je
pense, de part et d'autre aussi qu'il faut peut-être comprendre. Ecoutez,
j'essaie d'être objectif dans la situation.
Prenons simplement un exemple de négociation, si vous voulez,
dans un ménage, face à un problème. Avant d'aller au
divorce, on peut peut-être avoir recours à quelqu'un de
l'extérieur qui, justement, pourra peut-être apporter des
lumières nouvelles et surtout changer l'atmosphère.
Je dis que, dans la situation présente, avant d'aller à
une situation de divorce définitive, pourquoi, en toute
honnêteté, n'essayons-nous pas ensemble, parce que c'est un
problème qui regarde toute la population, d'en arriver à
éviter ce divorce qui pourrait, au contraire, apporter de nouvelles
escalades et offrir les services d'une rencontre que je crois tout à
fait valable?
Je ne veux pas, par cet exemple, ramener le problème à sa
plus simple expression. Mais je pense quand même que c'est une question
de jugement et de réalité, parce que des parties qui sont
enfermées dans des locaux et qui négocient depuis un certain
temps, c'est normal qu'on en vienne à ne plus voir la situation du
même angle, d'où certains maux qui n'ont pas lieu d'être en
circonstances normales.
M. le Président, compte tenu de ces faits que j'essaie d'exprimer
le plus honnêtement possible face à la situation, pourquoi
aurait-on peur d'une telle rencontre? Ce serait la dernière. Si le
gouvernement revient de cette rencontre pas plus avancé qu'avant, avec
une telle négociation, il serait peut-être un peu plus en droit de
prendre une position définitive ou, du moins, de présenter un
projet de loi qui est quand même le portrait d'une position
définitive.
Face à la loi éventuelle, une telle rencontre pourrait
peut-être donner lieu au moins à une entente de principe. Je ne
veux pas dire ici
qu'on peut aller dans tous les détails, qu'on peut régler
toutes les situations. Non et ce ne serait pas du tout le but de la rencontre,
enfin d'après ce que je vois de la motion. Mais simplement
peut-être une entente de principe, une décongestion de la
situation où le gouvernement pourrait offrir certaines garanties, y
compris celle de la commission parlementaire pleinement mandatée, et
où les chefs syndicaux aussi pourraient faire leur part du chemin.
Sinon, le gouvernement est parti dans ce sens-là, il s'est engagé
dans cette voie, il obligera les travailleurs, par sa loi, à entrer de
force. Cela équivaudrait uniquement à contenir une situation,
à mettre un contenant autour d'une situation qui demeurerait purement et
simplement non réglée. Cela pourrait être de nature aussi
à envenimer les futures négociations, puisqu'on veut continuer
à négocier. Alors pourquoi encarcaner une situation et dire qu'on
va négocier après plutôt que de favoriser un sain climat de
négociation et que les chefs syndicaux demandent simplement à
leurs travailleurs de réintégrer les cadres de leurs emplois?
Le recours à des mesures législatives telles qu'elles nous
ont été offertes peut forcer des travailleurs en grève
à reprendre le travail. Mais cela peut paraître en contradiction
aussi avec le droit de grève accordé aux travailleurs et aux
salariés par le code du travail. Est-ce que ce sera mieux, après
une loi de la sorte, pour le climat des négociations?
M. le Président, je pense que mon droit de parole est
expiré. Je crois que c'est une question de justice. J'ai essayé
le plus honnêtement possible, face à la situation, de
démontrer le point de vue du Ralliement créditiste du
Québec et la façon dont nous voyons cette situation, la
façon dont nous voulons surtout collaborer pour le mieux-être de
la population et que la situation se règle dans son ensemble.
M. le Président, c'est de bonne foi, je crois, que la motion a
été présentée. Si le chef de l'Opposition
officielle ne l'avait pas faite, le chef du Ralliement créditiste ou le
leader parlementaire l'aurait faite. C'est en toute bonne foi que nous avons
voulu participer à ce débat afin de mettre un terme à une
escalade qui n'a peut-être pas lieu d'être. Merci, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
M. François Cloutier
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, la motion du chef de
l'Opposition officielle procède, sans aucun doute, d'un désir
sincère d'en venir à une solution. Si je ne connaissais pas son
habilité légendaire, j'aurais tendance à le taxer de
naiveté.
En effet, cette motion ne tient pas compte de l'évolution des
négociations jusqu'ici. Le chef de l'Opposition avait peut-être
l'excuse de ne pas avoir suffisamment d'informations. Mais, depuis que le
ministre de la Fonction publique a repassé, devant l'Assemblée
nationale, les différentes étapes de cette négociation,
cette excuse ne peut pas tenir. Je n'ai pas l'intention de revenir sur ce
cheminement qui a été admirablement expliqué. Je n'ai pas
l'intention, non plus, de revenir sur la description qui vous a
été donnée de cette soirée de jeudi au cours de
laquelle le comité ministériel a rencontré les chefs
syndicaux.
Les positions auxquelles nous avons été confrontés
se sont révélées parfaitement irréconciliables. Y
aurait-il eu une chance d'en arriver à une solution et, surtout, d'en
arriver à une reprise du travail, à une fin de cette grève
dont nous avons pu établir l'urgence, que nous ne serions certainement
pas ici à la veille de présenter, en deuxième lecture, une
loi d'exception.
On a invoqué, à quelques reprises, en particulier le
député de Gouin, le fait que nous étions, ce soir, dans un
contexte nouveau. Eh bien! je soutiens, M. le Président, que ce n'est
pas exact. Le contexte est nouveau, peut-être, en ce sens qu'il y a une
loi devant l'Assemblée nationale. Mais il n'est pas nouveau en ce sens
que le problème a été parfaitement posé devant les
chefs syndicaux. Et n'allez pas sous-estimer leur valeur et leur
habilité. Ils ont compris et ils ont évalué les risques
qu'ils prenaient. En quelque sorte, les jeux se sont faits à ce
moment-là et ils ont fait, en même temps, leur lit.
Pourquoi ont-ils évalué les risques? Parce que le
porte-parole gouvernemental a bel et bien expliqué que les propositions
du gouvernement, compte tenu d'un certain nombre d'acco-modements, compte tenu
d'un certain nombre d'aménagements, constituaient des propositions
ultimes et traduisaient l'effort que le gouvernement pouvait consentir,
étant donné ses obligations et de ses responsabilités
vis-à-vis de la population.
A ce moment-là, devant ce qui constituait...
M. LAURIN: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Bien sûr.
M. LAURIN: Est-ce que vous avez ajouté, lorsque vous dites que
les chefs syndicaux ont très bien compris, que c'était une
proposition ultime? Est-ce que vous avez ajouté que si cette base de
règlement n'était pas acceptée, il y aurait une loi
spéciale, une loi d'exception dans les heures qui suivraient?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Si le député de Bourget ne m'avait
pas interrompu, j'arrivais justement à cette étape. A cause de
l'estime que je lui porte, je lui ai tout de même permis de me poser sa
question.
Le problème, par conséquent, a été
parfaite-
ment posé. Le porte-parole gouvernemental a expliqué que
la proposition que nous présentions constituait, je dois le
répéter, une proposition ultime compte tenu d'accommodements et
d'aménagements possibles qui semblaient, d'ailleurs, susciter beaucoup
d'intérêt de leur part. Devant l'impossibilité de
réconcilier nos positions respectives, les chefs syndicaux ne pouvaient
pas ne pas évaluer que la seule solution qui restait était une
solution législative. J'avoue que nous n'avons pas, parce que le
contexte ne s'y prêtait pas, dit spécifiquement que nous
présenterions une loi spéciale. Cependant, c'est manifester la
dernière naïveté que de s'imaginer que ces gens-là ne
pouvaient pas en être conscients.
De plus, il aurait été parfaitement irresponsable de
parler ainsi, puisque le mandat du comité ministériel
était d'aller chercher une réponse et, ensuite, de se
référer au conseil des ministres qui, lui seul, pouvait prendre
une décision, le cas échéant. Comment aurions-nous pu
préjuger d'une telle décision? A ce moment-là, tous les
journalistes qui suivent de près la chose politique au Québec
avaient déjà envisagé cette hypothèse.
Par conséquent, je crois, en tant que membre de ce comité
ministériel et je pense, en ayant discuté avec mes
collègues, que je peux également parler en leur nom, que ce
mercredi soir, qui restera une soirée historique, les chefs syndicaux se
sont trouvés placés devant leurs problèmes et ont dû
assumer leurs responsabilités. Il reste au gouvernement d'assumer les
siennes. Les siennes, c'est de prendre tous les moyens nécessaires pour
mettre fin à une grève qui est de plus en plus dangereuse pour
notre collectivité.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre me permet une question?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Bien sûr, si le règlement me le
permet.
M. PAUL: Vu que votre droit de parole n'est pas expiré,
pourriez-vous prendre deux minutes pour parler de la motion?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, je voudrais, en quelques mots, appuyer
la motion du chef de l'Opposition officielle, justement à cause de
l'importance du geste que le gouvernement veut poser en présentant cette
loi qui est, il va sans dire, un geste ultime.
La motion du chef de l'Opposition officielle a justement pour but
d'éviter au gouvernement de poser ce geste ultime. M. le
Président, on pose un geste ultime quand tous les moyens ont
été utilisés. La motion actuelle est un des moyens qui
peut éviter ce geste déplorable et aussi pourrait permettre de
relancer une nouvelle négociation dans des circonstances
différentes.
Contrairement à ce que le ministre de l'Education vient de nous
dire, je pense que la conclusion même de ce que le ministre vient de dire
nous amène, justement, à cette conclusion complètement
différente de la sienne. On lui a posé la question suivante : Au
moment de cette soirée mémorable, où on a
négocié pour la dernière fois, est-ce qu'on a dit
spécifiquement qu'il y aurait une loi qui terminerait cette
négociation? Le ministre disait: C'est inconcevable de le dire. Les
chefs syndicaux sont suffisamment au courant et expérimentés pour
l'avoir deviné.
DES VOIX: La motion!
M. LEGER: M. le Président, on sait très bien que, dans les
négociations, il y a une différence entre ce que l'on dit et ce
que l'on retient.
M. LACROIX: Vous parlez pour ne rien dire!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. LEGER: Dans cette négociation, on n'a pas
spécifiquement dit qu'une loi matraque s'en venait. Je pense, M. le
Président, que, dans une négociation, on avance quand chaque pas
a été bien clairement défini.
M. TREMBLAY (Bourassa): J'invoque le règlement, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Une question de règlement!
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, c'est un non-sens. Il y
a une motion d'ajournement de quatre heures et là, le
député parle encore de la loi. Pour l'amour du bon Dieu, qu'on
revienne à la motion! Nous voulons nous coucher ce soir. Si nous voulons
nous coucher, ne le laissez pas aller. D est dans un champ de patates. Il est
dans les affaires municipales.
M. LEGER: M. le Président, si le député est
fatigué, je n'ai aucune objection...
M. TREMBLAY (Bourassa): Nous ne sommes pas à Pointe-aux-Trembles,
nous sommes à Québec.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!
M. LEGER: Si le député est fatigué, qu'il aille se
coucher.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Que le député parle de la
motion!
M, LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!
L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je vois très bien que le
député de Bourassa ne suivait pas ce que j'étais en train
de dire. C'est exactement dans la motion puisque nous proposons ce délai
de quatre heures qui permettrait, justement, de discuter parce que le contexte
est différent. Comme le député ne suivait pas, je lui
pardonne cet écart. Il n'a rien compris de ce que j'ai dit.
M. TREMBLAY (Bourassa): Je comprends, ne soyez pas inquiet.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEGER: Une autre affirmation du ministre de l'Education, M. le
Président, disait justement que, si on est arrivé à la
décision qu'il n'y avait plus autre chose à faire, c'est qu'il
n'y avait absolument aucun moyen d'arriver à une solution
négociée. M. le Président, c'est en contradiction directe
avec ce que le premier ministre disait tantôt, puisqu'il disait que cette
loi était justement pour permettre le retour au travail, mais ça
ouvrait encore les négociations.
M. BOURASSA: II n'y a aucune contradiction. Le député n'a
rien compris une fois de plus.
M. LEGER: Je demanderais au premier ministre de relire ce qu'il a dit.
Il a bien dit que ça ne fermait pas la négociation avec la loi
qu'il nous présente.
M. BOURASSA: Le ministre de la Fonction publique a dit la même
chose. C'est clair que la négociation demeure possible puisque nous
convoquons la commission parlementaire. Mais il y a une loi pour arrêter
la grève.
M. LEGER: Si le gouvernement a décidé qu'il était
absolument impossible de continuer la négociation et qu'il a fait ses
efforts, sa présentation et son offre ultime, comment peut-il concilier
qu'une commission parlementaire mardi aura quelque chance de succès si
le gouvernement n'a plus rien à mettre et à proposer
premièrement?
Comment le gouvernement peut-il concilier justement que, s'il n'y a pas
une occasion de reprendre les négociations par la proposition qui est
justement faite par le député, chef de l'Opposition officielle,
comment se peut-il qu'il y ait de réelle négociation? C'est
absolument impensable parce que la situation dans laquelle le gouvernement
place les syndicats les oblige non seulement à ne plus négocier,
mais à attendre le décret que le gouvernement voudra bien faire
à la fin de la période qui se terminera le 30 juin.
M. LACROIX: ... que vous allez essayer de faire comprendre quelque
chose.
M. LEGER: Je pense que le gouvernement a une responsabilité mais
qu'au-dessus du gouvernement il y a le Parlement et le Parlement actuellement
n'a pas été informé du point de vue de l'autre partie
à la négociation. Le député et ministre de
l'Education disait que nous devrions être très bien
renseignés parce que le ministre de la Fonction publique nous a
expliqué son point de vue. C'est un point de vue et c'est la raison pour
laquelle nous croyons qu'il devrait y avoir une possibilité de rencontre
ce soir, selon la proposition du chef de l'Opposition officielle, pour
permettre aux chefs des partis de rencontrer dans un contexte différent
les chefs syndicaux avec les négociateurs pour pouvoir ensemble
être au courant des deux aspects de la question.
Je dois dire quand même au gouvernement que c'est la
première fois depuis qu'en 1965 on a adopté une loi permettant la
grève, qu'on passe justement par une loi et non pas accepter une
négociation. Qu'on se rappelle la grève de l'Hydro, qu'on se
rappelle la grève de la Régie des alcools, la grève de la
police provinciale.
M. CADIEUX: La motion, M. le Président.
M. LEGER: Dans chaque cas, on a réussi, et c'est pour ça
qu'il faut nécessairement permettre la continuation des
négociations par cette rencontre possible de quatre heures. Parce que
pour une fois le gouvernement sera obligé de prouver à la
population qu'il n'a pas su, lui, gouverner à l'intérieur des
lois qui sont faites. Le gouvernement avait passé une loi en 1965
permettant aux syndiqués de la Fonction publique le droit de
grève. Il enlève, une fois pour toutes par cette loi, la
possibilité non seulement du droit de grève mais de la
négociation dans la Fonction publique.
Je termine là-dessus en disant que cette loi matraque
démontrera la faiblesse du gouvernement qui n'aura pas su administrer
à l'intérieur de sa loi et qu'il a dû prendre une loi pour
écraser les négociateurs et de prendre de son côté
la force, et non pas permettre aux gens qui sont pris dans le conflit de
négocier et de se servir de la loi pour trouver une meilleure
solution.
Quand on accorde le droit de grève, on ne l'enlève pas
tout simplement parce qu'une des parties négociatrices ne peut pas
réussir...
M. LE PRESIDENT: La motion, s'il vous plaît!
M. TREMBLAY (Bourassa): ... à votre caisse électorale, je
suppose.
M. LEGER: ... à s'entendre. Je termine...
M. LACROIX: ... pour aller dans un hôpital dans les conditions
actuelles... pour Saint-Jean-de-Dieu, vous seriez mûr, vous.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LEGER: ... en proposant au premier ministre de bien vouloir
sérieusement considérer la proposition du chef de l'Opposition
officielle que nous appuyons pour éviter de poser un geste fatal aux
négociateurs dans la fonction publique.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député
de Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, en quelques phrases seulement
j'aimerais signifier mon accord sur la motion présentée par le
député de Bellechasse.
Le député de Saint-Jean, dans sa courte intervention, a
ouvert une porte toute grande et il nous a signifié avoir capté
à la télévision que les chefs syndicaux ne croyaient pas
aux commissions parlementaires ou, quelque chose comme ça.
M. le Président, justement ce que cette motion demande au
gouvernement j'espère que ce sera accepté c'est
d'avoir la chance d'entendre ces chefs syndicaux venir nous le dire. Ce que
l'on demande au gouvernement, c'est qu'une dernière rencontre ait lieu,
avant l'adoption de ce projet de loi qu'on appelle matraque.
On demande souvent si tous les moyens, dans une négociation, ont
été épuisés, afin de trouver une entente.
M. TREMBLAY (Bourassa): La motion du chef de l'Opposition c'était
quatre heures.
M. GUAY: C'est peut-être justement cette motion qui est le moyen.
Bien sûr que je ne crois pas non plus, avec les chefs...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que je pourrais demander un peu de
silence pour être capable de déterminer si le député
est dans l'ordre ou non?
M. GUAY: Je disais donc, M. le Président, que cette motion est
peut-être un des moyens, et il n'a pas été tenté ce
moyen-là, ça vaut peut-être la peine d'essayer. Bien
sûr que je ne crois pas, ce matin, à un mariage en blanc avec la
partie patronale et la partie syndicale. Peut-être pas un mariage en robe
longue, mais il y a peut-être lieu de croire à des
fiançailles, une amorce de solution.
M. le Président, je crois que ça vaut la peine de tenter
le coup. J'écoutais le premier ministre et je l'ai
écouté religieusement il a dit que le gouvernement
était pauvre. On le sait. Il l'a répété ce soir, il
l'a reconfirmé. Or, pour une fois que ce moyen-là ne coûte
rien, absolument rien, je me demande, pour une fois que ça
coûterait si bon marché, pourquoi le gouvernement n'accepte pas?
J'appuie cette motion-là, et je l'appuie à deux mains, et je ne
veux pas présumer les intentions du gouvernement, mais j'espère
qu'il l'acceptera. Et je dis, en terminant, si le gouvernement a
démontré la même attitude à la table des
négociations que celle qu'il démontre devant cette
motion-là, il ne faut pas se surprendre que les négociations
aient été constamment rompues.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. Raymond Garneau
M. GARNEAU: M. le Président, j'ai écouté avec une
certaine attention, et parfois avec beaucoup d'attention, les propos qui ont
été tenus par les membres de l'Opposition et vous me permettrez
de me surprendre. Surtout, en premier lieu, de l'attitude du Ralliement des
créditistes, enregistré ou non, face à ce débat.
S'il nous était possible de comparer le débat d'aujourd'hui,
celui que nous avons eu sur la motion d'urgence et celui que nous avons
présentement sur la motion du chef de l'Opposition, il nous
apparaîtrait immédiatement qu'il y a, dans l'attitude de certain
groupe politique, une contradiction absolument flagrante.
D'un côté, s'il y a un parti politique en cette Chambre qui
nous parle contre les syndicats, à plusieurs reprises, c'est bien le
groupe du Ralliement des créditistes. Il s'agit de référer
à certains discours de leur chef vénéré qui vient
d'Ottawa pour voir les propos qu'il tient habituellement contre les chefs
syndicaux et le syndicalisme en général.
UNE VOIX: Peloton d'exécution.
M. GARNEAU: Aujourd'hui, devant la motion du chef de l'Opposition pour
demander de reporter de quatre heures le vote de cette deuxième lecture
du projet de loi et engager par un certain mécanisme des consultations
avec des gens qui ont une responsabilité parlementaire, mais qui n'ont
pas de responsabilités sur le plan de l'exécutif et de
l'administration, voici que ce parti politique se contredit d'une façon
flagrante avec ses propos de cet après-midi, et là, fait une
profession de foi vis-à-vis le syndicalisme.
Cette double face du parti créditiste, M. le Président,
m'apparaît être une façon de pouvoir servir
différentes clientèles, le même mets apprêté
avec des sauces différentes, suivant les gens auxquels il parvient.
M. ROY (Beauce): La motion.
M. GARNEAU: Nous avons maintenu...
M. SAMSON: M. le Président me permettrait-il une question.
M. GARNEAU: ... je n'ai pas touché au... J'ai parlé, ce
n'est pas ça que j'ai dit, je n'ai pas voulu parler
d'"enregistré".
M. SAMSON: Est-ce que vous me permettriez une question bien simple?
M. GARNEAU: Oui.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre constate que, si les ministres avaient
daigné laisser l'Assemblée nationale à dix heures moins
quart quand on a commencé à discuter la motion, ils seraient
revenus avant même qu'on ait fini de la discuter?
M. GARNEAU: M. le Président, ce n'est pas du tout la question sur
laquelle je veux faire le point. Evidemment ce serait possible, M. le
Président, ç'aurait été éventuellement
possible de dire pour le gouvernement: Oui, on va prendre quatre heures puis on
va aller voir ces messieurs. Mais ce que je veux dire, au Ralliement
créditiste, c'est pour ça que je ne sais pas lequel est
enregistré, c'est pour ça que je mets de côté le
député de Rouyn-Noranda et son collègue qui est
derrière lui.
M. SAMSON: M. le Président, s'il ne sait pas faire cette
différence-là, je comprends pourquoi ils ne savent pas quoi faire
de l'autre côté.
M. GARNEAU: Bien, cela ne nous a pas paru clair.
M. ROY (Beauce): La différence non plus.
M. GARNEAU: M. le Président, ce que je veux mentionner, c'est
que, si nous avions accepté cette proposition du chef de l'Opposition
d'avoir des rencontres avec les chefs syndicaux, nous aurions à ce
moment-là reçu le blâme en dehors de cette Chambre, de
plusieurs députés du Ralliement créditiste qui auraient
dit qu'on est allé se mettre à genoux devant les chefs syndicaux
mais qu'eux, s'ils avaient été au pouvoir, ils se seraient tenus
debout, parce que ce sont toujours les propos que nous tiennent les amis du
Ralliement créditiste.
M. ROY (Beauce): Le député n'a pas le droit de nous
prêter des intentions et il le sait.
M. GARNEAU: On ne vous en prêtera pas, vous ne seriez pas capables
de les remettre.
M. ROY (Beauce): Vous payez tellement d'intérêt qu'on n'en
serait pas surpris.
M. GARNEAU: Mais vous avez des intérêts à nous
emprunter, par exemple.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GARNEAU: II apparaît évident qu'il y a dans cette motion
du chef de l'Opposition, une apparence de grande
générosité. Je dis bien une apparence de grande
générosité, parce que moi qui ai vécu quelque temps
dans cette Chambre, je n'ai jamais vu et je ne prête pas d'intention au
chef de l'Opposition, le règlement me le défend, mais je peux
m'interroger quand même et constater, en réfléchissant tout
haut, jusqu'à quel point il y a habileté dans la motion que nous
a présentée le chef de l'Opposition.
Je pense que c'est une habileté qui confirme bien que ce parti
politique, contrairement à ce que disait le député de
Saint-Maurice tout à l'heure, ce n'est pas le gouvernement qui a besoin
d'une planche de salut, mais l'Unité-Qué-bec qui a besoin d'une
planche de salut dans ce débat fondamental, que nous avons ce soir,
à savoir le retour au travail des employés des secteurs public et
parapublic. Nous ne pouvons pas accepter cette motion.
M. LOUBIER: M. le Président, j'invoque le règlement.
UNE VOIX: Quel article?
M. LOUBIER: Article 100 si ça fait votre affaire. Si ça ne
fait pas votre affaire, feuilletez, prenez n'importe lequel.
M. le Président,...
UNE VOIX: C'est du Laberge.
M. LOUBIER: ... le député de Jean-Talon depuis le
début n'a traité aucunement de la recevabilité, du
bien-fondé ou du "mal-fondé" de la motion que j'ai
présentée et, encore une fois, M. le Président je suis
médusé par l'attitude parce qu'en aucun moment vous n'avez
jugé bon, comme vous l'avez fait pour les députés du Parti
québécois et les députés de notre mouvement, de le
rappeler à l'ordre. Encore une fois je dois m'interroger sur l'attitude
que vous prenez selon des opinants. Je vous demanderai de le faire.
M. GARNEAU: M. le Président, sur un point de règlement, il
me semble que mes propos s'inscrivent totalement dans la proposition du chef de
l'Opposition. Ce que je veux faire ressortir, c'est que cette motion n'a pas de
raison d'être à ce stade-ci du débat, parce qu'elle ne
constituerait qu'une façon de sortir du pétrin des partis
politiques qui veulent être capables de ménager la chèvre
puis le chou. C'est ça que je veux dire.
M. LOUBIER: M. le Président, j'éviterai de qualifier les
propos du ministre des Finances mais il est en train de ramener le niveau de ce
débat à de la vulgaire politicaillerie. Lui seul en portera les
conséquences.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Finances.
M. GARNEAU: M. le Président, s'il y a quelqu'un qui a
tenté de faire de la politique avec ce débat, depuis que le chef
parlementaire de notre parti a introduit sa motion, ce sont les gens en face de
nous. On veut être pour et contre en même temps. Cela traduit le
sens des propos qu'a utilisés le député de
Maskinongé lorsqu'à une demande de la présidence il a dit:
Noui.
La proposition qu'on nous fait ce soir, de reporter de quatre heures
l'adoption en deuxième lecture, c'est le "noui"
d'Unité-Québec qui n'a pas le courage de prendre position.
M. LOUBIER: M. le Président, encore là j'admire votre
spontanéité à rappeler le député de
Jean-Talon à l'ordre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il y a quand même des limites!
Premièrement, je tiens à dire immédiatement que mon
attitude ici ou à la table ne sera pas dictée par des menaces
voilées, directement ou indirectement.
Deuxièmement, j'ai écouté le ministre des Finances.
Dans mon opinion, il n'était pas hors d'ordre. Si l'un des membres de
cette Chambre, de quelque côté qu'il soit, considérait
qu'il était hors d'ordre, c'était d'attirer mon attention et de
m'en faire la preuve. L'article 40 dit que, lorsque le président
considère qu'un député est hors d'ordre, il doit, motu
proprio, intervenir. Encore faut-il qu'il considère que le
député est hors d'ordre.
C'est ce que je viens de dire. Je n'ai pas considéré que
le ministre des Finances était hors d'ordre. Si l'un des
députés était conscient qu'il était hors d'ordre,
c'était de me le soumettre et j'aurais pris en considération ses
remarques.
L'honorable ministre des Finances.
M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement. Je
dois vous signaler que le ministre des Finances a commencé à
parler à une heure juste. Il est une heure dix, et il n'y a absolument
rien, dans nos règlements, qui vous permette de tenir compte des
mini-débats à l'intérieur des propos tenus par le ministre
des Finances. Je vous inviterais à accorder la parole à un autre
opinant parlant, cette fois, conformément à l'article 99 de notre
règlement sur la pertinence du débat.
M. GARNEAU: M. le Président, sur un rappel au règlement.
C'est la deuxième fois que le chef de l'Opposition fait un rappel au
règlement, depuis le début de mes remarques, il y avait
différentes façons d'attaquer ou de réfléchir sur
le sens de la motion, la portée de cette motion et d'apporter les points
de vue qui nous paraissent valables dans cette discussion, compte tenu du
contexte de la discussion.
Des arguments ont été donnés par le ministre...
M. PAUL: M. le Président, sur un nouveau rappel au
règlement. J'ai signalé tout à l'heure que le droit de
parole du ministre des Finances était expiré. Il est de votre
devoir ce n'est pas suivant votre opinion mais suivant le texte du
règlement à l'article 40 de signaler au ministre que son
droit de parole est expiré. Ce n'est pas difficile, levez-vous.
M. GARNEAU: M. le Président, je ne suis pas sur le fond...
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances avait dit, d'une
façon très claire, qu'il parlait sur une question de
règlement...
M. PAUL: L'avez-vous écouté?
M. LE PRESIDENT: ... et non pas sur la motion elle-même.
Parlez-vous sur la question de règlement?
M. GARNEAU: Sur la question de règlement, M. le Président.
Je n'ai pas l'intention de vous demander d'enlever, du temps qui était
mis à ma disposition, les interruptions que j'ai eues. Je veux parler
sur le rappel au règlement, parce qu'il me sera peut-être
donné, à moi comme à d'autres membres dans cette Chambre,
d'avoir à intervenir sur des motions.
Il y a différentes façons d'attaquer l'étude d'une
telle motion, il y avait le fond de la motion que certains de mes
collègues ont traité d'une façon fort pertinente, je
crois, le ministre de la Fonction publique, celui de l'Education et le ministre
des Affaires sociales. Ce qu'ils ont dit complétait, touchait le fond,
mais je pense qu'il y a un aspect quand même qu'il était permis de
développer dans le cadre de nos règlements et c'est
l'interprétation qu'un membre de cette Chambre peut faire sur la
situation qui peut provoquer la présentation d'une motion.
M. PAUL: M. le Président, un autre rappel au règlement, le
règlement prévoit que lorsqu'un député est
rappelé deux fois à l'ordre, vous le nommez, c'est de valeur que
nous ne puissions pas vous nommer. Ecoutez le ministre des Finances, il est
encore à discuter au fond.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si on interprète d'une façon
rigoureuse et à la lettre le règlement...
M. LESSARD: Comme vous avez fait pour le député de
Saguenay.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Si on
interprète d'une façon rigoureuse et à la lettre le
règlement, il est exact que les interruptions ou les rappels au
règlement ne
doivent pas être déduits du temps. Toutefois, je tiens
à rappeler à la Chambre et je pense que c'est mon devoir
que toujours, d'une façon absolument continue, on a déduit
du temps de parole les rappels au règlement.
M. LOUBIER: M. le Président, je regrette, mais je pense que je
dois vous signaler que le député de Saguenay a été
interrompu, il y a quelques instants, alors qu'il avait la parole, à
deux ou trois reprises, et même par le président. Vous vous
êtes levé, M. le Président, avec une
spontanéité fabuleuse pour lui rappeler que c'était
terminé et que son temps était fait et qu'il n'avait plus aucun
mot à dire.
M. LE PRESIDENT: Votre exemple est très mal choisi, parce que
j'ai été ici tout le temps que le député de
Saguenay a parlé et j'ai précisément pris la peine
d'ajouter un certain nombre de minutes à ses dix minutes à cause
des interruptions.
M. LOUBIER: M. le Président, je m'excuse, mais ce n'est encore
là...
M. GARNEAU: M. le Président, pour mettre fin au débat, je
cesse de parler et sur le point de règlement et sur la question de fond,
je pense que de la façon que j'avais abordé la question, j'avais
l'impression d'être absolument dans le règlement, mais compte tenu
de la situation, de l'heure qu'il est actuellement, je n'ai pas l'intention de
continuer.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement, article 97. Un
député qui prend la parole pour donner des explications sur un
discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que,
lorsque le discours qui les provoque, est terminé. Alors, comme le
discours de l'honorable ministre des Finances est terminé, le ministre
de l'endettement, assistant commis aux finances, je veux tout simplement lui
dire que lorsqu'il nous a prêté des propos de contradiction tout
à l'heure, il n'y a pas eu de contradiction ni dans nos propos ni dans
notre attitude. Nous avons voté en faveur de la motion d'urgence, parce
que nous estimions qu'il y avait urgence et nous l'avions réclamé
avant aujourd'hui mais lorsqu'il s'est agit de la motion de l'honorable
député de Bellechasse, c'est une autre chose et nous avions le
droit d'adopter une attitude concernant la motion de l'honorable
député de Bellechasse.
DES VOIX: Vote.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmorency.
M. Louis Vézina
M. VEZINA: M. le Président, j'ai écouté avec
très peu d'intérêt certaines interventions, je ne vous le
cache pas, d'autres avec un très vif intérêt et je voudrais
limiter la nature de mes propos à tenter d'approfondir un des arguments
qui a été soulevé par un très grand nombre
d'opinants des multiples oppositions à l'appui de la motion du chef de
l'Opposition.
Or, cet argument, c'est de dire que pour une des rares fois en cette
Chambre les multiples oppositions étaient toutes du même avis.
J'ai été invité par le député de Montmagny
à bien réfléchir sur cette question et je l'ai fait et
j'ai l'intention de vous livrer les conclusions auxquelles je suis
arrivé. Pourquoi les oppositions sont-elles d'accord, du même
avis? Pourquoi cette unité de pensée soudaine parmi les multiples
oppositions sur la motion du député de Bellechasse? Il est
évident que c'est peut-être le début de la
réalisation de rumeurs qui veulent qu'une faction créditiste
s'unisse à Unité-Québec, c'est peut-être le
début de la rumeur qui veut qu'une autre partie
d'Unité-Québec s'unisse au PQ...
M. ROY (Beauce): La motion, M. le Président. J'invoque le
règlement.
M. VEZINA: C'est peut-être une de ces multiples raisons pour
lesquelles les opinants de l'Opposition sont tous d'accord sur la motion du
député de Bellechasse. Il faut scruter. Je sais que telles que
présentées pour le ou les ralliements ou "déraillements"
créditistes, ces quatre heures suggérées dans la motion,
ce sont quatre heures de négociation additionnelles, pour nos amis de
l'Opposition officielle, ce sont quatre heures d'information additionnelles et,
pour nos amis du Parti québécois, ce sont peut-être quatre
heures d'insurrection additionnelles.
M. LOUBIER: M. le Président...
M. VEZINA: Une minute!
M. LOUBIER: Bon, si vous préférez que je...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Arrivez au point de règlement.
M. LOUBIER: Si vous préférez que je relève les
propos du député pour fin de correction à la fin...
M. LE PRESIDENT: A la fin. L'honorable député de
Montmorency.
M. LOUBIER: Très bien.
M. VEZINA: M. le Président, je dis donc que même si, dans
les secondes qui suivent, nous étions tous d'accord pour adopter cette
motion,
nous avons déjà eu la réponse des trois colombes du
front commun. C'est non, ils ne sont pas intéressés à nous
rencontrer, ni en commission parlementaire, ni pendant quatre heures de la
nuit. Quand j'entendais le chef parlementaire du Parti québécois
dire qu'il manquait d'information, alors qu'hier soir, il a
siégé, lui, avec M. Louis Laberge. Il en a des informations.
Qu'il exécute les ordres du front commun. D'accord, c'est son droit.
Quand j'entends dire qu'il manque d'information, c'est leur devoir de
s'informer auprès du front commun. Pourquoi on ferait leur boulot?
Sommes-nous devenus front commun?
M. le Président, à moins que cette province ne devienne,
avec ou sans quatre heures de jeu, le foyer de l'anarchie, il est grand temps
et cela presse de cesser de tergiverser de quatre heures en quatre heures comme
on a trop connu au Québec certains gouvernements qui "amateuri-saient"
les problèmes en les remettant de quatre heures en quatre heures, de
quatre mois en quatre mois et de quatre ans en quatre ans souvent.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas le temps de vous
dégriser.
M. VEZINA: Je suggère, M. le Président, que c'est une
motion qui, à son mérite, est tout à fait inacceptable,
qui ne reflète pas l'image de l'esprit de décision du
gouvernement actuel.
M. LOUBIER: M. le Président, je voudrais invoquer l'article 97
pour corriger certains écarts de langage du sympathique
député de Montmorency. D'abord, il a mentionné...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas pour corriger. C'est pour peut-être
faire une mise au point sur les paroles du député de
Bellechasse.
M. PAUL: C'est ça. D'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça.
M. PAUL: Et, par le même coup, ce serait bon de le corriger.
M. LOUBIER: Quand le député de Montmorency prétend
que le but de la motion est inspiré ou est motivé par
l'affirmation d'un manque d'information de la part des partis de l'Opposition,
c'est absolument faux. J'ai pris la peine de le signaler dans mon
exposé. Deuxièmement, quand le député de
Montmorency mentionne que les trois colombes ne sont pas
intéressées à rencontrer les partis d'Opposition et les
représentants du gouvernement, il a été prouvé hors
de tout doute par le député de Maisonneuve que le front commun
était intéressé à nous rencontrer.
M. le Président, je ne voudrais pas faire une assemblée
contradictoire avec le député de Montmorency, mais je lui dirai
que, si on avait agréé ou accepté notre motion dès
le début, déjà la rencontre aurait eu lieu et
peut-être qu'on serait arrivé à une autre solution que
celle que nous avons actuellement.
DES VOIX: Vote! Vote!
M. HARVEY (Jonquière): Le négociateur est dans la
galerie.
M. BURNS: M. le Président, en vertu de l'article 97...
M. LE PRESIDENT: En vertu de l'article 97...
M. BURNS: ... en vertu de l'article 97, respecté,
c'est-à-dire après que l'opinant a parlé, je tiens
à rétablir le fait suivant. C'est que, malgré ce que vient
de dire le député de Montmorency, je tiens à
réaffirmer que j'ai communiqué avec les personnes
concernées au front commun et que...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: De toute façon, le député qui vient de
parler ne comprend strictement rien à ce qui se passe... Cela ne pose
pas de problème.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: Le député de Montmorency n'a pas le droit, je
pense, de ne pas prendre ma parole, d'après nos règlements.
Je tiens à réaffirmer que j'ai communiqué avec le
front commun et non seulement les leaders du front commun étaient
prêts je dis "étaient" parce que d'après les
interventions gouvernementales, il semble que le gouvernement a peur de
rencontrer le front commun à rencontrer le gouvernement et les
trois chefs d'Opposition, mais ils sont aussi prêts à rencontrer
même seulement les trois chefs d'Opposition si le gouvernement a peur
d'être présent à la rencontre.
DES VOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: M. le Président, je demande le vote
enregistré.
DES VOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable
chef de l'Opposition officielle veuillent bien se lever s'il vous
plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi),
Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Gagnon,
Croisetière, Deniers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Bois, Roy
(Beauce), Latulippe, Brochu, Béland, Guay, Laurin, Burns, Léger,
Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm), Samson,
Audet.
M. LE PRESIDENT: Que celle et ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever s'il vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette,
Castonguay, Pinard, Garneau, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Tremblay (Bourassa),
Harvey (Jonquière), Simard (Richelieu), Quen-neville, L'Allier, Cloutier
(Ahuntsic), Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Fournier,
Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Arsenault, Coiteux, Vézina,
Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Séguin, Saindon,
Picard, Leduc, Fraser, Fortier, Assad, Bacon, Caron, Carpentier, Cornellier,
Dionne, Faucher, Gias-son, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance,
Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pépin,
Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux.
M. LE SECRETAIRE: Pour: 29 Contre: 59
M. LE PRESIDENT: La motion est rejetée.
Reprise du débat de deuxième
lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
M. Armand Bois
M. BOIS: M. le Président, je remercie M. le premier ministre
d'annoncer que lui perd son temps. Si lui le perd, je crois bien que nous nous
ne perdons pas le nôtre.
M. BOURASSA: J'espère.
M. BOIS: Sur le plan pratique, je pense bien que le gouvernement croit
avoir fait un bon geste, sur le plan politique ainsi que sur le plan
stratégique, c'est sans doute un geste extrêmement malheureux et
qui leur sera très onéreux.
Je voudrais vous entretenir du projet de loi et mentionner ce que
j'avais commencé à dire tout à l'heure qu'on ne corrige
pas une injustice sociale par une autre. Alors, le projet de loi en soi, tel
qu'il est fait, est quelque chose d'un style marteau, ça s'applique
extrêmement bien après tous les événements que nous
avons vécus sur le plan social au point de vue fonctionnarisme. Mais
d'un autre côté je pense bien que le but recherché peut
sembler extrêmement bon, mais qu'à la langue ça se montrera
défectueux.
Pour autant que nous sommes concernés, nous croyons... Est-ce que
je vous dérange dans vos causeries, messieurs?
M. VEILLEUX: Allez.
M. BOIS: Pour autant que nous sommes concernés, nous croyons
absolument que le gouvernement a perdu sur le plan stratégique une
occasion manifeste ici de retarder un peu le projet de loi, celui que je veux
actuellement discuter, parce que c'était une belle occasion de faire
perdre la face aux chefs des mouvements syndicaux. Et le gouvernement l'a
manquée.
Le projet de loi, en général, est une mesure de
détresse qui est produite par un gouvernement au bord du
désespoir comme une personne qui est ensevelie vivante et qui crie pour
obtenir dé l'air. La liberté se conserve ou s'acquiert de deux
façons. Et je pense qu'à l'heure actuelle, sur le plan
gouvernemental, nous ne faisons aucune occasion, c'est plutôt un recul ou
une perte, tandis que, sur le plan ouvrier, sur le plan du fonctionnarisme
encore, ça ne donnera rien.
Le gouvernement, n'ayant accordé aucune période pratique
de conciliation, brime donc lui-même les lois qui ont été
échaf audées depuis de très nombreuses années
à l'égard des employés de l'industrie et ce manque de
privilèges qui est accordé dans plusieurs domaines du
fonctionnarisme brime à tel point les droits des individus que certains
des employés gouvernementaux ne peuvent obtenir les mêmes
avantages que d'autres gens obtiennent ailleurs, soit
par des conciliations ou encore par des arbitrages obligatoires.
Nous croyons quand même que le projet de loi 19 qui est mis en
discussion ici, même s'il peut avoir du bon dans l'immédiat, peut
apporter au gouvernement provincial une victoire extrêmement temporaire,
c'est-à-dire à la majorité libérale du
Québec.
Le premier ministre nous déclarait cet après-midi qu'il ne
peut faire négocier des tierces personnes à cause du budget
provincial. Je pose encore la même question que celle que j'ai
posée en réponse au discours d'ouverture de l'Assemblée
nationale: Est-ce que nous devons vivre suivant nos besoins ou suivant nos
moyens? Les moyens sont une chose extrêmement facultative parce que
ça dépend simplement de la faculté de compter de notre
ministre des Finances ou, comme le disait si bien notre leader parlementaire,
de notre commis à la trésorerie de l'Etat.
Nous trouvons qu'à l'heure actuelle ce projet de loi est encore
une autre mesure qui est assurément de nature à amener le
gouvernement à fonctionner simplement par des décrets et c'est
là où nous constatons que le parti majoritaire en cette Chambre,
M. le Président, est en voie d'amener un Etat qui, effectivement, devra
tout à l'heure se brancher seulement sur des mesures socialistes, s'il
veut résister aux coups et devra, éventuellement, recourir
à l'autorité qui, en tout temps, deviendra abusive, s'il veut
administrer la province d'une façon adéquate. Pourquoi amener une
loi d'un tel genre, qui, même si elle est commode pour mettre
peut-être certains chefs d'union à leur place, ne guérira
rien au point de vue de l'employé, au point de vue du personnel ainsi
qu'au point de vue des chefs de section, parmi les officiers syndicaux. A la
longue, le gouvernement y perdra la face, parce qu'il sera obligé
d'être toujours de plus en plus sévère avec tous les
monstres qu'il a créés, malgré tous les conseils que nous
avons pu lui donner, depuis les deux dernières années. Je vous
remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, dans son discours de
présentation du projet de loi, que le ministre de la Fonction publique a
été très content de refiler au premier ministre, pour
épargner son image future, le député de Mercier a fait
exactement le discours que nous attendions de lui. C'est-à-dire qu'il a
utilisé absolument tous les lieux communs, les clichés et les
poncifs que l'on pouvait attendre en pareilles circonstances, pour masquer les
intentions cachées du gouvernement. Il a commencé par dire que ce
projet de loi était voulu par la population et que c'est seulement au
nom de l'intérêt public qu'il le présentait. Le chef du
gouvernement ne pouvait évidemment pas utiliser un autre langage. Par la
suite, se rappelant qu'au Québec, la politique se fait avec des
sentiments, il a tenté d'éveiller de susciter, d'intensifier tous
les sentiments de frustration, d'inquiétude, de désarroi que
pouvait provoquer une grève qui se poursuit maintenant depuis
près de deux semaines, afin de faire avaler à la population cette
autre loi d'exception qu'il présentait. Il a accumulé à
cet effet toutes les déclarations traditionnelles, en attirant
l'attention de la population sur les souffrances des innocents: les malades,
les vieillards et les handicapés. Cela me rappelait un certain discours
du 16 octobre que j'ai entendu, lorsqu'un premier ministre du Canada adoptait
exactement la même attitude, et je dois vous avouer que j'ai
été très étonné que dans sa litanie, le
premier ministre n'ait pas mentionné les gérants de caisses
populaires, les enfants et les fermiers, car là, le tableau aurait
été vraiment complet. Il y en aurait eu pour tout le monde et la
population aurait pu prendre en pitié toutes catégories de
personnes, dans tous les secteurs de la population.
Je pense, M. le Président, que cet appel exagéré,
désordonné aux sentiments, aux frustrations, aux émotions
de la population, se situe aux antipodes de la véritable politique qui
consiste en un examen rationel, ordonné des différents
problèmes, à partir de leur racine en passant par les
mécanismes qui permettent à ces racines de produire leurs effets
et jusqu'à les implications pour l'avenir. C'est là substituer
l'émotionalisme à la rationalité, à la raison
raisonnante. Le premier ministre nous a souvent habitués à ce
régime, puisque c'est un gouvernement ainsi qu'un premier ministre qui
pense d'abord et avant tout à l'image qu'il doit projeter dans la
population et qui se fait de la politique une conception telle, qu'elle
constitue parfois une négation de ce qui constitue l'essence
supérieure de la politique, c'est-à-dire l'examen d'un
problème à partir de ses origines jusqu'à son terme
marqué au coin de la plus grande rigueur intellectuelle.
Par la suite, le député de Mercier nous a servi des
arguments que l'on pouvait attendre de lui, par exemple, lorsqu'il nous a dit
que la loi spéciale qu'il présentait n'empêcherait en rien
la négociation puisqu'il y avait quand même commission
parlementaire instituée et que cette commission parlementaire se
réunirait dès mardi de la semaine prochaine.
Cependant, le premier ministre a omis de se rappeler les notes
explicatives qu'il nous avait lues en première lecture. De ces notes
explicatives, il ressort que la commission parlementaire n'a pas
été instituée pour continuer les négociations mais,
bien au contraire, tout simplement pour entendre certaines parties, un peu
comme un juge demande à un témoin qu'il cite pour outrage au
tribunal s'il a des raisons à présenter pour lesquelles il ne
serait pas condamné. En fait, si nous relisons les notes explicatives
du
projet de loi, nous voyons très bien qu'au troisième
paragraphe il est dit que la commission parlementaire de la Fonction publique
"recevra des explications" et non pas continuera des négociations,
"recevra des explications relatives à la négociation des ententes
collectives". On voit très bien que la négociation ne peut plus
se continuer, les conditions psychologiques autant que législatives
étant d'ailleurs changées, mais qu'on s'attend, simplement, que
les syndicats, c'est-à-dire l'autre partie vienne faire son baroud
d'honneur devant la commission et explique les raisons pour lesquelles elle
aurait dû ne pas être condamnée à cette loi
spéciale, à cette loi d'exception qui lui est infligée
parce que, supposément, elle aurait fait des erreurs, se serait
livrée à des abus qui lui ont fait encourir la vindicte du
pouvoir exécutif, la vindicte du gouvernement, avant même que
toute la population ait pu les entendre publiquement, comme on aurait
peut-être pu les entendre en comité restreint, si la motion du
député de Bellechasse avait été acceptée. Ce
n'est donc pas, contrairement à ce que dit le premier ministre, une
négociation qui se continuera mais simplement une sorte de processus
purement formel où on entendra des accusés venir à la
barre se défendre rétroactivement contre toutes les accusations
que le gouvernement a lancées contre eux, depuis plusieurs jours
d'ailleurs, pour ne pas dire plusieurs semaines, et en particulier ce soir lors
du débat de la motion du député de Bellechasse.
Il est donc faux de dire, M. le Président, que la
négociation va se continuer. C'est au contraire un simulacre de
négociation qui se continuera. La véritable négociation
est terminée depuis que la loi spéciale a été
présentée et tout ce qui reste sera purement une logomachie
absolument stérile et qui ne peut apporter aucun résultat.
Bien sûr, M. le Président, le premier ministre, comme il
est d'usage en pareille matière, se défend bien de vouloir s'en
prendre au syndicalisme dont il reconnaît qu'il a dans son histoire
passée, et particulièrement récente, qui a remporté
des victoires au bénéfice des petits salariés,
précisément, au bénéfice de ceux qui étaient
les plus exploités par la société capitaliste. Bien
sûr, comme tous les autres avant lui, il se défend bien de vouloir
s'en prendre au syndicalisme. Il prétend ne vouloir s'en prendre qu'aux
abus du syndicalisme et en particulier aux abus des chefs syndicaux. Ceci ne
peut pas nous faire illusion, puisque ce sont des paroles que nous avons
souvent entendues dans la bouche de tous ceux qui, au fond, s'en sont pris au
véritable coeur des institutions qu'ils prétendaient
soutenir.
Le premier ministre, d'ailleurs, à la suite des quelques exemples
qu'il a cités pour montrer que les syndicats avaient abusé des
pouvoirs qu'on leur avait accordés, a eu cette phrase à
l'emporte-pièce qui est destinée à devenir lapidaire et
que probablement tous les journaux reprendront demain: Assez! c'est assez! Une
formule qui est propre à emporter l'adhésion de toute la
population, surtout une population qui souffre, qui est exacerbée,
exaspérée, et qui a hâte qu'on mette fin à ses
difficultés.
Il reste qu'on pourrait opposer à cette phrase lapidaire une
autre phrase lapidaire qui serait beaucoup plus exacte en l'occurence: Trop!
c'est trop! C'est-à-dire que le gouvernement, et il serait aisé
de le prouver, en l'occurence a toujours agi trop peu et trop tard.
C'est-à-dire que les concessions qu'il a faites, il les a faites
toujours trop tard, comme par exemple l'octroi de la table unique, ou trop peu
puisque les concessions qu'il a faites au fond, même si on a voulu les
gonfler, même si on a voulu les exagérer, ne constituent que de
bien faibles concessions par rapport à celles qu'il aurait pu faire.
Enfin, le premier ministre a tenté de diviser l'Opposition, a
tenté de diviser chacun des partis contre lui-même c'est de
bonne guerre, tous les politiciens font ainsi pour tenter de montrer que
l'Opposition n'est pas cohérente, que les oppositions ne sont pas
consistantes et qu'en l'occurence c'est simplement le bloc monolithique
gouvernemental qui a raison, puisque les oppositions non seulement sont
divisées entre elles, mais qu'elles sont aussi divisées de
l'intérieur.
Il a voulu prétendre, par exemple, qu'il y avait une
disparité d'opinions à l'intérieur de chacun des partis
d'opposition et en particulier à l'intérieur du groupe dont je
fais partie, alors que ce qu'il veut présenter comme des
disparités constitue plutôt des angles différents, des
facettes diverses sous lesquels on veut présenter un problème,
des facettes qui, bien loin de se contredire, au contraire, s'harmonisent,
s'équilibrent, s'articulent et sont plutôt propres à faire
avancer l'examen d'un dossier et ouvrir des voies de solution à un
problème complexe.
De la même façon, le premier ministre se montrant, quelque
peu démagogique en cela, a dit: Même si les oppositions ont toutes
demandé une commission parlementaire avant que nous proposions une loi
spéciale, il reste qu'aucun des partis d'opposition n'a
préconisé le retour au travail.
M. le Président, c'est là une fausseté absolue,
puisque le groupe dont je fais partie a précisément
recommandé un retour au travail des grévistes, mais assorti de
certaines conditions. Dans notre cas, ces conditions étaient la
convocation d'une commission parlementaire avant toute présentation de
loi spéciale, afin que tous les élus du peuple puissent
participer à l'examen du problème, présenter leurs
hypothèses, servir de médiateurs, d'arbitres et faire avancer,
selon les voies normales, la solution d'un problème.
L'autre condition était qu'on accorde plus d'importance au
principe de la sécurité d'emploi, qu'on en étudie
davantage les modalités d'application non seulement à
l'intérieur du secteur de l'enseignement, mais également dans une
perspective intersectorielle, l'autre condi-
tion étant finalement que le gouvernement précise
davantage ses offres monétaires, précise davantage si ses offres
monétaires étaient temporaires dans une étape
déterminée des négociations ou, au contraire, finales et
augmente ses offres monétaires de façon à ce que la
population sache jusqu'à quel point ces offres constituaient toute la
réserve que le gouvernement avait consitué à cette fin ou,
au contraire, constituaient simplement une étape dans la voie normale
des négociations.
Notre groupe a dit, il y a déjà près d'une semaine,
que nous recommandions le retour au travail si chacune de ces trois conditions
était respectée par le gouvernement.
Or, M. le Président, presqu'aucune de ces conditions n'a
été remplie par le gouvernement puisque la commission
parlementaire doit siéger après et non pas avant la
présentation du projet de loi, puisque le principe de la
sécurité d'emploi n'a pas été véritablement
discuté en public de façon que nous soyons véritablement
informés de ce qui s'est passé à ce sujet et puisque nous
savons maintenant que l'offre salariale que l'on a faite, si elle était
finale dans l'esprit de ceux qui la proposaient, n'a peut-être pas
été perçue comme finale par ceux qui la recevaient.
Dans ces conditions, l'on ne peut pas dire que le premier ministre a
raison de nous reprocher de ne pas avoir recommandé le retour au travail
des grévistes puisque les conditions, qui nous paraissaient tomber sous
le sens commun, que nous avions mises à ce retour au travail n'ont pas
été véritablement respectées.
Evidemment, le premier ministre termine son exposé en disant,
comme tous les premiers ministres qui l'ont précédé, que
les lois spéciales provoquent chez lui un malaise, que ce malaise doit
être étudié quant à ses origines et qu'il faudrait
que la situation ne se répétât plus, qu'il faudrait
procéder à un réaménagement complet de toute la
structure de la législation du travail, particulièrement en ce
qui concerne les secteurs public et parapublic. Mais combien de fois n'avons
nous pas entendu, de la part des chefs du gouvernement, et en particulier de ce
chef de gouvernement, pareilles promesses, pareils voeux pieux? Cependant, ce
gouvernement est quand même au pouvoir depuis deux ans; étant
donné que nous en sommes maintenant à la troisième ronde
de négociation, étant donné que nous connaissons les
difficultés que peut poser l'application du droit qui a
été accordé aux centrales syndicales en 1965, il me semble
que la situation était assez connue lorsque ce gouvernement a pris le
pouvoir pour qu'il procédât sans plus attendre à ce
réaménagement complet de la législation du travail, en ce
qui concerne précisément le secteur public et le secteur
parapublic. Pourtant, il n'en a rien fait et maintenant, il voudrait venir nous
faire porter le blâme à nous de l'Opposition et aussi à
l'opposition qu'il a rencontrée à la table syndicale pour son
incurie, pour sa carence. C'est un reproche que, pour ma part, je n'accepte pas
et je pense bien qu'aucun des partis d'Opposition ici ne l'accepte. Il est
facile de projeter sur les autres ses insuffisances, il est facile d'accuser
les autres d'insuffisances dont on s'est soi-même rendu coupable mais la
population, avec son bon sens traditionnel, ne sera quand même pas dupe
de ce stratagème et elle saura bien placer la culpabilité
là où elle réside vraiment.
Je voudrais aller tout de suite au fond des choses, je voudrais tout de
suite me plonger au coeur du débat. Ce qui me paraît être en
question dans ce qui nous occupe maintenant depuis plus de huit heures, ce
n'est pas tellement le différend qui oppose le gouvernement aux
centrales syndicales, aux 210,000 syndiqués. Ce qui me parait être
véritablement en cause et je pense que les interventions des
ministres que nous avons entendus ce soir nous éclairent de plus en plus
sur cet aspect ce qui est véritablement en cause, en
l'occurrence, ce qui est remis en question, c'est le droit de grève des
syndiqués du secteur public et du secteur parapublic. Je pense que le
député de Rouyn-Noranda a mis le doigt, cet après-midi,
beaucoup plus rapidement que n'importe quel autre sur cet aspect essentiel du
débat lorsqu'il a déclaré tout uniment, bien clairement,
que ce droit de grève était véritablement au coeur du
débat, que lui personnellement ne l'aurait peut-être pas
accordé en 1965 et que le moment est peut-être venu de
reconsidérer ce droit de grève, étant donné la
façon dont il a été appliqué, étant
donné les difficultés, les conflits auxquels il a donné
lieu pour les divers gouvernements qui se sont succédé.
Ceci m'apparaît être vraiment au coeur" du débat,
ceci m'apparaît en tout cas beaucoup plus important que chacun des
éléments du conflit que l'on a signalés au cours du
présent débat, car si l'on passe en revue, M. le
Président, les éléments principaux de la politique du
gouvernement, on se rend compte que chacun de ces éléments est
discutable, qu'on peut dire beaucoup de choses en faveur de la position du
gouvernement ou contre la proposition du gouvernement. On peut contester la
politique salariale du gouvernement, on peut en contester les principes, on
peut en contester la perception que s'en fait le gouvernement. De la même
façon, on peut contester la politique salariale, les offres salariales
du gouvernement; on peut dire qu'elles n'ont pas été assez-
généreuses ou qu'elles n'ont pas porté sur les bonnes
catégories d'emplois; on peut discuter la hiérarchie des postes,
l'appariement des postes. Il y aurait beaucoup de choses à dire et, de
fait, beaucoup de choses se sont dites lors des séances de
négociation. On pourrait, par exemple, dire que le gouvernement a
lâché, en fin de compte, assez peu de lest au cours des
négociations puisque ce qu'il a laissé de lest est
rattrapé par les économies que lui ont rapportées les neuf
ou dix jours de grève qui se sont écoulés depuis le
début.
On peut dire aussi beaucoup de choses pour ou contre le principe de la
sécurité d'emploi quant aux façons dont ce principe doit
être appliqué. De la même façon, on peut dire
beaucoup de choses pour ou contre le type précis d'assurance-salaire ou
de caisse-retraite qu'a présenté le gouvernement.
En réalité, M. le Président, c'est une autre des
raisons pour lesquelles on peut mettre en opposition le président du
Parti québécois avec ce que certains autres ont dit. C'est la
raison pour laquelle on peut mettre en opposition les déclarations de
tel ou tel député puisque, précisément, il s'agit
là de problèmes complexes. Tous ces quatre problèmes que
je viens de mentionner sont très complexes. Et c'est la raison
d'ailleurs pour laquelle nous avons demandé qu'il y ait une commission
parlementaire avant le règlement du conflit, pour que chacun des
députés, ici, puisse faire valoir ses vues et ceci, incidemment,
M. le Président, constituerait précisément une
revalorisation du rôle du député. Parce que je suis
convaincu que tous les députés, y compris les
députés libéraux, auraient des opinions très
valables à faire valoir sur chacun des quatre points très
importants que j'ai mentionnés.
Mais, au fond, ce n'est pas tellement ça qui est important. Car,
si le gouvernement a fait son lit comme il l'a fait ce soir, s'il a pris la
décision d'interrompre les négociations et s'il a pris la
décision de présenter une loi spéciale, c'est que sous ces
problèmes il y en avait un autre plus important qui était
sous-jacent, qui motivait, qui postulait tous les autres qui se
présentent, qui leur donnait leur coloration et qu'au fond, tant qu'on
n'a pas touché à ce problème de base, à ce
problème fondamental du droit de grève dans le secteur public,
peut-être que nous sommes dans une position assez difficile pour traiter
de ces quatre autres problèmes très importants que l'on a dit
être au centre de la négociation actuelle.
Donc, ce qui nous apparaît essentiel dans ce débat, c'est
la question du droit de grève qui a été accordé en
1965 aux employés des secteurs public et parapublic en deux
étapes successives, c'est-à-dire d'abord dans les services
publics et, ensuite, par la loi de la Législature qui l'accordait aux
fonctionnaires. Et ce qui nous apparaît très important
également, c'est ce qui découle de ce droit de grève,
c'est-à-dire les mécanismes de négociation en vertu
desquels ce droit de grève doit être aménagé, doit
être articulé dans le concret lorsqu'un conflit menace. Ce qui
nous apparaît essentiel, c'est cette double articulation d'un droit et de
ses modalités d'application.
Il nous semble, M. le Président, que le gouvernement s'est
comporté, depuis le tout début, comme s'il voulait enlever ce
droit de grève aux syndiqués.
Peut-être que ce n'était pas conscient, mais la logique
interne de sa démarche, la logique interne des actions qui ont
été prises ne peut être interprétée que dans
une optique où il est évident que le gouvernement s'est rendu
compte, beaucoup trop tard à mon avis, que ce droit de grève, tel
qu'il avait été accordé en 1965, constituait, de plus en
plus, une gageure, un pari, une sorte de quadrature du cercle une impasse dont
les conséquences devenaient de plus en plus nocives. Tout s'est
déroulé comme si le gouvernement, encore une fois, consciemment
ou inconsciemment, manoeuvrait, s'engageait dans des directions qui ne
pouvaient que le faire aboutir à cette négation du droit de
grève ou, plutôt, à ce retour en arrière qui
l'amènerait à enlever quelque chose qu'il avait
déjà accordé.
Il l'a fait, comme souvent l'inconscient le fait, par une
stratégie extrêmement savante, une stratégie très
habile et ceci dans un but évident et très précis. C'est
que, lorsqu'on enlève un droit acquis qui est cher à un aussi
grand nombre de personnes 210,000 syndiqués, mais il y a beaucoup
d'autres syndiqués du Québec il faut le faire de
façon qu'on puisse le faire accepter par la population, d'une
façon qui rende cette démarche gouvernementale plausible,
acceptable et souhaitable. Et il nous semble que, précisément, la
stratégie, consciente ou inconsciente du gouvernement, a eu ces
caractéristiques et ne pouvait que déboucher sur l'objectif que
j'ai signalé. Nous sommes conscients, par exemple, de cette campagne
antisyndicale qui couve et a couvé à feu doux, avec parfois des
exacerbations dans les sphères gouvernementales depuis plus de deux ans
maintenant.
Nous sommes très conscients, et nous le savons d'après ce
que les journalistes nous ont révélé sur les caucus, qu'il
existe, chez nos amis d'en face, un très grand nombre de faucons qui
voient, dans les chefs syndicaux, des empêcheurs de tourner en rond, des
gens qui nuisent à la société, des gens qu'il faut mettre
à la raison, en somme des gens qui font courir à la
société des dangers de plus en plus grands. On a vu,
également, qu'une autre des facettes de cette stratégie pouvait
consister à négocier, sans trop se presser, lentement, en mettant
entre les diverses séances de négociation des intervalles assez
prolongées. On pouvait considérer aussi, comme autre
élément de cette stratégie, la réaction
scandalisée que provoquait la façon dont certaines injonctions
étaient reçues, certaines injonctions qui, d'ailleurs
étaient facilement obtenues, trop facilement accordées
peut-être. On pouvait le voir également par la façon dont
on montait en épingle...
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député...
M. LAURIN: ... chacun des éléments de la
détérioration de la situation, surtout dans les hôpitaux.
On pouvait le voir également dans certains discours du chef du
gouvernement qui, à la faveur de pénibles négociations et
des grèves qui ont suivi, se présentait à la popula-
tion comme le champion du "law and order", qui dénonçait
l'anarchie, qui dénonçait le chaos, qui mettait en garde la
population contre cette anarchie et ce chaos et qui se présentait comme
le rempart de l'ordre, le rempart de la stabilité et qui invitait la
population à fustiger, à condamner ceux qui mettaient en danger
cet ordre établi.
On pouvait voir aussi un autre élément de cette
stratégie dans la détermination farouche, qui ne s'est jamais
démentie, du gouvernement à entourer les négociations d'un
certain secret. C'est-à-dire que le gouvernement ne
révélait que ce qu'il voulait de ce qui se passait à la
séance de négociation et persistait à refuser toutes les
demandes que nous lui avons faites ici, de ce côté-ci de la
Chambre, de convoquer la commission parlementaire afin que nous puissions
élargir le champ de notre information, approfondir l'examen de la
situation.
Nous voyons un autre élément de cette stratégie
dans cette rupture des négociations et, finalement, dans cette loi
spéciale qui, il faut bien le dire, M. le Président, constitue,
en fin de compte, une imposition unilatérale par un Etat employeur qui,
tout à coup, sans autre, devient un Etat législateur, des
conditions de travail et des conditions de rémunération d'un
groupe très important de travailleurs.
Tous ces éléments mis ensemble, M. le Président,
nous paraissent des moyens qui s'articulent en vue d'une fin, des moyens qui ne
pouvaient aboutir qu'à la fin que nous connaissons aujourd'hui et qui
constitue, à toutes fins pratiques, un retour en arrière et la
négation d'un droit que l'on avait accordé il y a à peine
quelques années.
Il importe, à ce stade, M. le Président, de revenir
précisément en arrière et de revenir surtout à
cette époque où ce droit a été accordé. Vous
vous rappelez, M. le Président, que lorsque ce droit a été
accordé, en 1964, il a fait l'objet de commentaires très nombreux
dans la presse, dans l'opinion, et que même le premier ministre du temps
n'a accepté, finalement, d'accorder ce droit aux syndiqués,
qu'avec la plus grande réticence. Nous nous rappelons sa
déclaration lapidaire qui a fait le tour de la presse, à
l'époque: La reine ne négocie pas avec ses sujets. Pourtant,
après moult discussions, représentations, conciliabules,
rencontres, le premier ministre du temps a changé d'avis. Il a
changé son fusil d'épaule, et il a accordé, finalement, ce
qu'il refusait. Il a adoré ce qu'il avait brûlé.
Il faut se demander, M. le Président, pourquoi un premier
ministre qui paraissait tellement résolu à ne pas accorder ce
droit l'a finalement accordé. Je crois, pour ma part, qu'il l'a
accordé pour des raisons probantes, des raisons impérieuses.
Puisque son sentiment allait à l'encontre de ce droit, s'il l'a
finalement accordé, ce n'est pas sans y avoir sérieusement
réfléchi. Je ne me rappelle pas toutes les raisons qu'il a
données, à ce moment-là. Peut-être craignait-il un
nombre exagéré de grèves illégales, peut-être
craignait-il une détérioration plus grande de l'ordre public en
n'accordant pas ce droit plutôt qu'en l'accordant, peut-être
croyait-il qu'il était plus civilisé d'aménager les
relations de travail, dans ce secteur, plutôt que de consentir à
la perpétuation du climat de la jungle.
De toute façon, M. le Président, le premier ministre du
temps a accordé ce droit, malgré ses réticences, croyant
que ce droit pouvait être aménagé pour le plus grand bien
de la communauté.
D'ailleurs, M. le Président, il avait raison, puisque ce droit a
été utilisé à deux reprises, par la suite, dans les
deux premières rondes de négociation. Le député de
Montmagny le rappelait tout à l'heure avec pertinence. Ce droit a
été utilisé deux fois, sans que jamais les gouvernements
n'aient à recourir à une loi spéciale. Je ne dis pas que
les négociations ont été faciles dans ces deux
premières rondes de négociation. Il y a eu quelques
épisodes malheureux, il y a eu même des grèves, mais le
gouvernement a quand même négocié, a négocié
avec persistance, a négocié avec patience, avec intelligence et
finalement, après quelque temps, ces négociations ont
porté fruit sans que le gouvernement ait eu à recourir à
des lois spéciales.
Est-ce à dire, M. le Président, que le mécanisme
n'était pas bon? Je pense qu'à deux reprises, nous avons
prouvé que ce mécanisme était bon, quoique imparfait. Mais
les gouvernements étaient peut-être meilleurs que celui que nous
avons actuellement. C'est peut-être la raison pour laquelle on a eu du
succès et qu'on a pu éviter cette loi d'exception que chacun,
ici, s'entend à déplorer. Si le mécanisme a
été utilisé avec succès à deux reprises,
c'est donc qu'on avait un bon instrument mais qu'il était imparfait,
qu'il fallait, bien sûr, continuer à l'aménager. Mais ceci
n'a pas été fait.
Les améliorations, d'ailleurs, qu'il aurait fallu apporter
à ce droit de grève, dans le secteur public, à ce
mécanisme de négociation, sont devenues assez évidentes au
cours des deux négociations antérieures.
Beaucoup de chroniqueurs du travail en particulier, j'ai lu plusieurs
articles sur le sujet, ont montré les points cruciaux, les points nodaux
où il aurait fallu apporter des améliorations. Par exemple,
lorsque ce droit de grève a été accordé, il y avait
une multitude de tables de négociation. Tout le monde, à ce
moment-là, s'est entendu pour réclamer une réduction du
nombre des tables, une sectorisation des tables. Et même le premier
ministre Johnson a dit que la troisième ronde de négociation
devrait se poursuivre autour d'une table unique, puisque c'était inscrit
dans la logique même du processus.
Le gouvernement n'a pas voulu écouter ces spécialistes du
droit du travail. Et tout ce qu'il nous a présenté c'est une loi
46 qui, bien sûr,
regroupait des tables de travail, amenait une certaine sectorisation des
tables du travail. Mais il n'a pas voulu aller jusqu'à la table unique
que préconisait un ancien premier ministre qui, lui, avait
été pris précisément avec une grève et qui
savait ce dont il parlait.
Mais le gouvernement, avec sa morgue habituelle, n'a pas voulu
écouter les leçons d'un autre premier ministre qui en valait bien
d'autres. Et il n'a pas voulu aller jusqu'au bout du principe. Et il n'a
accordé la table unique que bien tard, que trop tard, au moment
où il avait déposé lui-même toutes ses offres, au
moment où il ne pouvait plus reculer, puisque ces offres faisaient
partie du budget qu'il avait présenté par ses estimations
budgétaires et par le discours du budget qui devait venir.
A ce moment-là il s'était lui-même barré les
jambes. Il lui était impossible de revenir en arrière et, comme
on l'a dit à plusieurs reprises ce soir, il devenait impossible aux
syndiqués d'entamer en quoi que ce soit la politique budgétaire
du gouvernement, droit d'ailleurs qu'on ne leur reconnaissait pas.
Un autre secteur où il aurait fallu apporter une
amélioration, c'est la définition et la négociation des
services essentiels. Depuis le temps que ce droit de grève est
accordé, on devrait savoir ce que c'est qu'un service essentiel dans les
services publics et parapublics. Depuis sept ans qu'on lutte avec ce
problème, on devrait quand même avoir eu l'occasion de
déterminer quels sont ces services essentiels. On aurait dû les
négocier avec les syndicats. On aurait dû les discuter dans une
atmosphère de calme avec tous les spécialistes, ce qui aurait
permis d'en arriver à une définition claire et acceptable par
toutes les parties de ces services essentiels, bien avant que ça
chauffe, bien avant qu'on soit obligé de parler de ces services
essentiels dans une atmosphère survoltée, comme celle que nous
connaissons actuellement.
Là aussi les gouvernements n'ont rien fait et
particulièrement ce gouvernement-ci n'a rien fait, alors qu'il avait
à sa disposition un ministre du Travail qui est un spécialiste du
monde du travail. Mais peut-être ce ministre était-il trop
occupé à régler toutes sortes de grèves, à
éteindre toutes sortes de feux pour mettre ses fonctionnaires au travail
et faire en sorte que nous puissions définir, avant que l'urgence
n'éclate, ces services essentiels et faire accepter cette
définition par négociation aux deux parties
concernées.
Là aussi je crois que le gouvernement doit être
blâmé sévèrement pour son imprévoyance, pour
la façon dont il n'a pu préciser, alors qu'il en était
temps, ces services essentiels.
Un autre secteur où il aurait fallu faire des
améliorations, c'est dans le mécanisme de négociation
lui-même. Il y a longtemps qu'on dit qu'on commence à
négocier beaucoup trop tard, qu'on attend toujours qu'il y ait conflit,
que ça chauffe pour régler sous le coup de la passion, sous le
coup de l'émotion, avec l'appui d'une opinion publique qui demande que
tout arrête, que tout cesse au plus tôt.
Il aurait fallu que des mécanismes soient ajoutés pour que
la négociation commence avant même la fin de l'expiration d'une
convention collective. Plusieurs mois avant que cette convention n'expire. Il
aurait fallu, une fois...
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député permettrait une
question?
M. LAURIN: A condition que ça ne m'enlève pas du
temps.
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député sait exactement
à quel moment la partie syndicale a soumis ses contrepropositions au
gouvernement?
M. LAURIN: J'y viendrai.
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député sait que c'est environ
il y a deux mois?
M. LAURIN: J'y viendrai, je ne l'ignore pas. Mais de toute
façon...
M. CHOQUETTE: Alors, ça aurait été facile de
commencer à négocier avant.
M. LAURIN: ... dans le cadre général de la
législation du travail, un ministère du Travail qui se veut
compétent et responsable aurait dû amender la loi, de façon
à ce que cette négociation commence beaucoup plus tôt,
avant l'expiration des conventions. Une fois la négociation
commencée, la loi aurait dû prévoir une période de
conciliation préventive, et d'ailleurs, peut-être aussi d'autres
mécanismes aussi dont on n'a jamais entendu parler dans cette Chambre
depuis qu'on parle de cette grève, comme la nomination d'un
médiateur extraordinaire à un moment donné. Dût ce
médiateur, être le ministère du Travail qui, pour quelque
temps, aurait pu être détaché du gouvernement pour servir
de médiateur, comme il l'a si bien fait dans d'autres grèves.
Et enfin, la loi aurait dû prévoir la convocation d'une
commission parlementaire à un certain moment donné, pour que
l'Etat patron, qui veut se transformer en Etat législateur, le fasse en
s'adjoignant les services de ses députés de l'Opposition qui
constituent, autant que lui, l'Etat législateur, qui constituent autant
que lui des gens responsables qui représentent les intérêts
de toute la collectivité, qui ont quelque chose à dire, qui ont
une compétence, qui sont capables d'aider l'Etat législateur qui
cesse d'être l'Etat patron, à régler les problèmes
avant qu'il ne soit trop tard.
Rien de cela, M. le Président, n'est apparu dans la
législation du travail, et là aussi, il faut
sévèrement blâmer le gouvernement. Ce que je viens de
mentionner, ce sont les causes lointaines du conflit actuel, ce sont les causes
lointai-
nes du pourrissement actuel des négociations, ce sont les causes
lointaines de cette loi spéciale que nous sommes obligés,
aujourd'hui, d'adopter, et c'est parce que le gouvernement n'a pas prévu
tout cela, parce qu'il n'a pas agi en temps opportun, que nous sommes
aujourd'hui obligés, nous législateurs, de faire quelque chose
que nous n'aimons pas, c'est-à-dire passer une loi spéciale.
Si gouverner, c'est prévoir, comme ceci est marqué dans
tous les traités d'économie politique, on peut dire que ce
gouvernement n'a pas prévu et que dans les deux ans qu'il a
été au pouvoir, il aurait dû apporter une attention
beaucoup plus grande à ces mécanismes de relations de travail, au
lieu de se contenter d'éteindre les feux comme il l'a fait.
D'ailleurs, M. le Président, il serait très
intéressant de repasser toutes les étapes de ce conflit pour en
faire une critique rigoureuse, non pas seulement pour attaquer le gouvernement,
mais surtout pour en tirer des leçons pour l'avenir. Et là, on
verrait d'une part toutes les preuves de ces failles, de ces faiblesses du
mécanisme législatif, et d'autre part on verrait aussi ce
cheminement inconscient vers la solution draconienne qui nous est
imposée aujourd'hui.
Par exemple, on peut dire, et je pense que le gouvernement l'admettra
avec nous, que les syndicats ont quand même abordé cette ronde de
négociation de façon beaucoup plus rationnelle et rigoureuse que
par le passé. Leur préparation technique était beaucoup
plus poussée, leurs dossiers étaient mieux
préparés. Et cette création même du front commun
montrait qu'ils avaient pris les leçons des rondes de négociation
antérieures et que ce front commun qui constitue un actif, une
réalisation très importante pour l'avenir, qui mettait le
Québec en avance sur bien d'autres provinces du Canada, et même
sur d'autres pays, constituait quelque chose de très utile qui aurait pu
être utilisé d'une façon beaucoup plus
bénéfique.
Le gouvernement, pour sa part, n'a pas fait le même geste, comme
je le disais tout à l'heure. Il s'est contenté de regrouper un
certain nombre de tables, mais il n'a accordé la table unique que
beaucoup trop tard. Bien sûr, il a accordé une discussion sur les
principes qui devaient le guider dans la présente négociation.
Une discussion sur les grands principes, comme par exemple qu'on ne doit pas
discuter de la politique budgétaire du gouvernement, car, autrement, il
faudrait l'accorder à tous les autres groupes, qu'il faut fixer la norme
des salaires, non pas sur ceux qui reçoivent les salaires les plus
élevés, mais sur la moyenne la meilleure, que pour travail
égal, il faut payer salaire égal. Mais tous principes auraient pu
être discutés avec beaucoup plus d'avantages à une table
unique d'abord, et à une étape bien antérieure à
laquelle ils ont été discutés.
D'ailleurs, on a peut-être pu se rendre compte qu'il ne s'agissait
pas d'une véritable discussion, qu'on présentait ces principes,
mais qu'on disait en même temps, c'est à prendre ou à
laisser, peut-être que vous pouvez nous donner vos opinions, mais il
n'est pas sûr que nous en tiendrons compte parce que nous sommes
tellement convaincus de la justesse de nos vues, on daigne vous informer de ces
principes, mais ils ne sont pas négociables.
Je n'invente rien, M. le Président, ce sont des choses qu'on a
lues dans tous les journaux à l'époque, ces principes ne sont pas
négociables.
On les présente à l'autre partie, à la partie
adverse, mais c'est à prendre ou à laisser puisque le
gouvernement a fait son lit sur ces principes, et nous ne changerons pas notre
attitude.
Il en fut de même, M. le Président, dans la
présentation des offres, et c'est ici que je vais répondre au
ministre de la Justice. La présentation des offres du gouvernement s'est
faite par secteurs et cette présentation a été
étalée sur plusieurs mois, alors que la logique du cheminement
telle qu'elle ressortait des dernières négociations aurait
exigé que le gouvernement présente ses offres beaucoup plus
tôt et en même temps puisqu'on se dirigeait vers une
négociation entre deux fronts communs, front commun patronal d'une part
et front commun syndical de l'autre.
Il aurait été beaucoup plus logique, beaucoup plus sain,
de présenter ces offres plus tôt et en bloc, de la même
façon qu'on aurait dû exiger la même chose du front commun
syndical. Et c'est la raison pour laquelle, à mon avis, le syndicat n'a
présenté ses contrepropositions qu'après que toutes les
offres gouvernementales ont été faites, car il voulait
probablement présenter une proposition qui tienne compte de toutes ces
offres puisque dans l'esprit du front commun syndical, il fallait en discuter
à une table unique.
C'était donc une démarche absolument logique, et je ne
vois pas pourquoi on devrait les en blâmer. C'est plutôt le
gouvernement qui aurait dû présenter ses offres plus tôt et
en vrac et accorder la table unique, afin que la négociation qui a eu
lieu huit mois après ait lieu plusieurs mois plus tôt. Passons
quand même. La négociation a malgré tout commencé,
même si elle commençait sous des auspices peu favorables et il
n'est d'ailleurs pas étonnant que peu de progrès ait
été enregistré.
Finalement, le gouvernement a accepté la demande que nous lui
faisions, que les syndicats lui faisaient, une table centrale. Même si
elle est venue très tard, cette- concession était quand
même une concession importante. Mais, malheureusement, dans le peu de
temps où les négociations se sont poursuivies à cette
table centrale on n'a pu discuter vraiment que deux des principaux aspects du
conflit, c'est-à-dire le quantum monétaire offert par le
gouvernement et la sécurité d'emploi. On n'a guère eu le
temps de parler d'autre chose et en ce qui concerne ce
quantum, il faut quand même bien avouer, M. le Président,
que les concessions n'ont pas été unilatérales.
J'entendais tout à l'heure divers ministres faire état des
concessions, le premier ministre en particulier, faire état des
concessions que le gouvernement avait faites à l'intention des petits
salariés. Il reste quand même que ces concessions se chiffrent
à $40 millions, alors qu'assez rapidement au cours des
négociations, les syndicats ont fait des concessions majeures de $400
millions qui réduisaient considérablement l'écart qui les
séparait du gouvernement. Ce qui démontre M. le Président,
qu'avec des négociations, on réussit à avancer. Il y a du
"give and take" , comme disent les Anglais, et avec le temps on finit par
rapprocher les écarts. Je ne serais pas surpris que même au cours
de, cette dernière rencontre, qui a eu lieu hier, il y ait eu des
indications de la part des syndicats qu'ils étaient prêts à
réduire encore davantage cet écart entre les propositions
gouvernementales et leurs contrepropositions.
Quant à la sécurité d'emploi, il est bien
évident que, dès le début, on s'est heurté à
des difficultés majeures, sur lesquelles nous aurions souhaité
être mieux informés. En ce qui concerne les avantages sociaux, M.
le Président, comme je le disais tout à l'heure, on n'a pas
véritablement eu le temps d'en discuter, puisque ce plan a
été offert par le gouvernement très tard, au début
de mars, alors que ceci constitue un des aspects majeurs du présent
problème.
Il faut bien comprendre, M. le Président que quand on
présente un plan d'avantages sociaux aussi important qui va changer
toutes les conditions de travail et de rémunération des
travailleurs sur des aspects qu'ils ont toujours considérés comme
majeurs, il faut comprendre que les syndicats demandent à
réfléchir.
Nous connaissons la complexité actuarielle de ces plans
d'assurance-salaire, de ces plans de caisse-retraite et avant que les syndicats
puissent étudier l'offre gouvernementale, présenter des
contrepropositions, il faut quand même leur laisser au moins un peu du
temps que le gouvernement a mis pour préparer ses propres plans. On me
dit que ça lui a pris deux ans. Il faudrait donc lui laisser un certain
nombre de mois, ce qui veut dire qu'il aurait fallu présenter cette
proposition gouvernementale beaucoup plus tôt qu'on ne l'a
présentée afin de laisser le temps à l'autre partie
d'étudier rigoureusement cette offre et de faire sa contre-offre.
Là aussi, il me semble que nous subissons les effets de ce retard.
De toute façon, il faut bien passer là aussi. Il y a eu
détérioration de la situation, on a vu une grève d'une
journée les négociations ont repris, il y a eu peu de
progrès aux diverses tables sectorielles et même à la table
centrale, il y a eu ensuite cette grève qu'on a dit illimitée
puisque, précisément, elle pouvait cesser d'un jour à
l'autre si les parties venaient à se rapprocher, les injonctions sont
apparues, elles ont été très nombreuses, les services
essentiels ont été mis en danger au début, il y a eu
flottement et puis il y a eu une stabilisation, comme le ministre des Affaires
sociales y a fait allusion cet après-midi. De toute cela, il ressort une
constatation que je voudrais vous soumettre. Jusqu'à plus ample
informé, les syndicats n'ont pas abusé de leur droit, d'une
façon générale, ils n'ont pas abusé de leur droit
de grève, ils n'ont pas abusé de leur droit de piquetage.
Je sais bien qu'il y a eu ces incidents malheureux qu'on nous a
signalés mais il ne faudrait quand même pas faire de l'exception
la règle. Quand il s'agit de 210,000 syndiqués, je ne pense pas
que l'on puisse dire, à la lumière des quelques exemples qu'on
nous a rapportés, que les syndicats n'ont pas à ce point
abusé de leur droit de grève, de leur droit de piquetage qu'ils
méritent qu'on leur enlève. Bien sûr, une grève fait
mal. Une grève fait mal dans le secteur privé surtout quand ce
secteur privé intéresse notre vie concrète, quotidienne,
dans ses aspects les plus immédiats. Il est sûr qu'une
grève dans le secteur public fait encore plus mal mais le
législateur avait prévu qu'une grève dans le secteur
public, surtout si on envisageait déjà un front commun, ferait
mal.
Si le législateur l'a quand même accordée, c'est que
précisément il devait y avoir, pour contrebalancer ces
inconvénients, des avantages ou des droits qui constituaient
également des enjeux importants. Ces enjeux sont importants pour les
employés du secteur public autant que pour les employés du
secteur privé. Il s'agit, pour eux comme pour les autres, de
négocier des conditions de travail, des conditions de
rémunération qui soient justes, travail sur lequel ils comptent
pour gagner leur vie, pour gagner la vie de leur famille, pour se
développer, pour mener une vie décente et digne. Bien sûr,
ceux qui ne sont pas des syndiqués du secteur public peuvent passer
assez légèrement sur ces enjeux, sur ces exigences, sur ces
impératifs mais il reste que pour ceux qui sont là, dans ces
secteurs public et parapublic, ces conditions de travail, ces conditions de
rémunération, ces conditions de retraite sont quand même
très importantes. Les objectifs qu'ils poursuivent, ils ont le droit de
les poursuivre. Les impératifs qui commandent leur action, ils ont le
droit de les pousser le plus qu'ils peuvent.
C'est dans cette perspective qu'il nous aurait fallu étudier
à la commission parlementaire les principales demandes des syndicats,
que ce soient les $100 par semaine, que ce soit la sécurité
d'emploi, que ce soient les avantages sociaux. Je ne dis pas que, pour notre
part, nous aurions souscrit à toutes les demandes syndicales ou
même à l'essentiel des demandes syndicales mais il aurait
été important qu'au moment où l'Etat patron passait la
main parce qu'il s'était rendu compte qu'il était dans une
impasse, que nous, qui représentons aussi la collectivité, qui
sommes responsables de ce
budget, de ces ressources qui arrivent à l'Etat sous forme de
taxes, qui sommes responsables de la bonne gestion de la société
à un titre moindre mais réel, il aurait été
important que nous puissions parler de toutes ces conditions puisqu'elles font
partie de ces objectifs que poursuit tout homme en ce monde,
c'est-à-dire mener une vie qui puisse non seulement lui permettre de
subvenir à ses besoins essentiels, mais lui permettre de se
développer, lui et les membres de sa famille, de mener une vie
décente et digne.
Au lieu de cela, on a soigneusement rendu impossible cet
élargissement, cet approfondissement de l'examen de la situation, au
lieu de cela on a laissé durer une grève dont les
inconvénients sont sérieux, je le reconnais, mais une
grève qui au fur et à mesure qu'elle persistait faisait la preuve
que l'Etat patron devait passer la main à l'Etat législateur qui
comprend tous les députés de cette Chambre. Mais le gouvernement
a préféré être seul à mener le combat, a
préféré être le seul à prendre toute la
responsabilité comme s'il ne voulait pas nous permettre, nous de
l'Opposition, d'apporter notre contribution à ce débat.
Je pense que, de cette façon, le gouvernement s'est privé
d'un excellent mécanisme, qui a fait ses preuves dans des grèves
antérieures, qui a fait la preuve de son utilité, par exemple,
lors de la grève de la Commission des transports de Montréal,
lors de la grève de la construction où, malgré
l'incrédulité de tous, il est venu lors des séances de la
commission parlementaire, aussi bien des parties qui ont été
entendues que des divers partis de l'Opposition, des suggestions qui ont
aidé le gouvernement à bonifier sa législation et à
promouvoir ainsi davantage la cause de la paix sociale.
En préférant le secret, en préférant tenir
les partis d'Opposition loin de toute cette négociation, je pense que le
gouvernement s'est privé d'une médiation qui aurait
été très utile, qui aurait été opportune et
qui lui aurait peut-être permis d'éviter de nous présenter
aujourd'hui cette loi spéciale.
Aujourd'hui, on veut nous faire croire que s'il y a rupture des
négociations, c'est purement la faute de la partie syndicale. On nous
demande en somme de croire les yeux fermés tout ce que les ministres
nous ont dit ce soir. Malgré tout le respect qu'on peut avoir pour eux,
malgré que nous n'avons aucune raison de mettre en doute ce qu'ils nous
disent, il reste qu'ils sont juge et partie, il reste qu'à la longue, au
cours de ces négociations ils ont pu épouser des
préjugés et que, leur jugement a pu être coloré et
réfléchi dans une certaine direction. C'est tout à fait
humain, tout à fait normal. C'est pourquoi il aurait peut-être
été utile d'amener dans le débat des gens au jugement
moins coloré, non gauchis par tout ce qu'ils avaient vu ou entendu, qui
auraient pu apporter un coup d'oeil frais, des hypothèses nouvelles, des
facettes imprévues à cet examen d'un problème et qui
auraient pu aider le gouvernement à mieux s'acquitter de ses
responsabilités, à mieux les assumer et arriver à une
solution peut-être meilleure.
De la façon j'ai demandé tout à l'heure au ministre
de l'Education: Est-ce que la partie adverse a été
informée que c'était là l'offre finale du gouvernement?
Est-ce que la partie adverse a été informée que si cette
offre qui était finale n'était pas acceptée il y avait
menace très proche d'une loi d'exception? Le ministre de l'Education a
été obligé de me répondre que ce langage, s'il
avait été tenu, avait été tenu dans des termes
sibyllins qui ne pouvaient être compris que par des négociateurs
syndicaux chevronnés.
Si, par la suite, le gouvernement dans l'imposition unilatérale
des conditions de travail qu'il sera appelé fatalement à faire,
est amené à faire d'autres concessions monétaires ou
à modifier ses positions sur la sécurité d'emploi, il fera
ainsi la preuve qu'il pouvait encore négocier puisque même
après la loi d'urgence il est capable d'apporter des offres nouvelles,
des avantages nouveaux. Ceci montrera, après coup, a posteriori qu'il
n'y avait pas de raison de rompre les négociations, qu'on aurait pu
pousser davantage, continuer plus longtemps le dialogue, ce qui montre bien que
l'acte qu'on nous présente aujourd'hui n'était pas fatal et qu'on
aurait pu procéder autrement.
De cela aussi, je pense que la population pourra accuser le
gouvernement, pourra le lui reprocher de n'avoir pas mis en oeuvre tous les
moyens nécessaires, de n'avoir pas épuisé toutes les
mesures possibles. De toute façon, on nous présente une loi
spéciale aujourd'hui. Même si on nous dit plusieurs
ministres nous l'ont dit que les conditions de faits ne sont pas
tellement pires qu'il y a deux jours. Même le ministre des Affaires
sociales nous disait que, s'il était d'accord avec la position du
gouvernement, ce n'était pas que la situation s'était tellement
détériorée, mais c'est parce qu'il lui semblait qu'il n'y
avait plus de chance d'arriver à un règlement par voie de
négociation. Il n'y avait plus de chance d'en arriver à un
règlement négocié. Ce n'est donc pas tellement le ministre
des Affaires sociales qui est d'accord avec le gouvernement, mais c'est
plutôt un membre du cabinet qui, comme tout autre membre du cabinet,
trouve que la chance d'un règlement négocié est de plus en
plus lointaine, et c'est à ce titre qu'il souscrit à la
décision du gouvernement et qu'il en est solidaire.
Ce n'est donc pas pour des raisons qui intéressent proprement ou
surtout le secteur social. Au fond, c'est pour des raisons politiques. De la
même façon, on peut déplorer ici que le gouvernement ait
présenté une loi qui couvre l'ensemble du secteur public et
parapublic. S'il est vrai que c'est dans les hôpitaux que la situation
est la plus sérieuse, s'il est vrai que c'est pour les handicapés
sociaux, pour les assistés sociaux, surtout ceux qui ont un besoin
urgent de dépannage que la situation est la plus difficile, on
aurait dû être logique et présenter une loi qui touche
uniquement les hôpitaux ou encore, une loi qui aurait touché
uniquement les services essentiels. J'ai encore cinq minutes.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je n'étais pas ici, et le
secrétaire adjoint me dit que l'honorable député a
commencé son intervention à 1 h 40. Alors, s'il y a consentement
unanime...
M. LAURIN: J'en ai encore pour quatre minutes.
DES VOIX: Non.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?
DES VOIX: Non.
UNE VOIX: Super-oraison.
M. LAURIN: Super-oraison.
M. LE PRESIDENT: Bien, ça va être clair. Est-ce qu'il y a
consentement unanime oui ou non?
DES VOIX: Non.
M. LE PRESIDENT: II n'y a pas consentement unanime.
L'honorable député de Montcalm.
M. Marcel Masse
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, je n'ai pas l'intention
dans les quelques minutes que le règlement m'autorise à faire une
vue en détail de cette négociation et de ce projet de loi qui
nous est présenté par le gouvernement. Mais, il y a quand
même un certain nombre de remarques d'ordre général que
j'aimerais formuler aux membres de cette assemblée.
Pour la première fois depuis 1965, l'Assemblée nationale
est saisie d'un projet de loi qui va autoriser le gouvernement à
intervenir directement, après avoir suspendu des lois existantes, dans
un domaine de ses propres relations de travail. En effet, depuis que le
Parlement du Québec autorisait les fonctionnaires des secteurs public et
parapublic à avoir le droit de grève, il n'est jamais
arrivé que le Parlement ait à intervenir dans ce domaine des
relations de travail par voie de législation. En 1965, le premier
ministre Lesage, à l'époque, a réussi des
négociations à l'intérieur des lois telles que
votées par le Parlement et qui accordaient le droit de grève aux
secteurs publics et parapublics.
En 1968-1969, nous avons connu une deuxième ronde de
négociation à l'intérieur des lois telles que nous les
connaissons actuellement et qui ont réussi ces négociations, sans
pour autant suspendre le droit de grève. Voilà que, cette fois,
le gouvernement se voit obligé de suspendre le droit de grève et
d'imposer par décret, à toutes fins pratiques, une convention
collective sans qu'elle soit pour autant négociée jusqu'à
son point final.
Certes, à plusieurs reprises, le Parlement a dû intervenir
dans des domaines publics ou parapublics, tels les transports à la ville
de Montréal, le secteur des policiers à la ville de
Montréal ou d'autres domaines, quasi publics, comme le secteur de la
construction pour l'ensemble du Québec ou d'autres lois de ce genre.
Mais il n'est jamais arrivé qu'il ait eu à intervenir, depuis
1965, dans ce secteur important qui est le sien propre et avec lequel il se
doit de négocier. On a fait allusion, à quelques reprises, au
bill no 25. Bien, ce n'était pas du tout ce problème-là.
Au contraire, le gouvernement se donnait l'obligation d'intervenir dans cette
négociation à la table de négociation. C'est le contraire
de ce qui se produit.
Pourquoi en est-il advenu ainsi? On a dit, dans la population, à
plusieurs reprises: II faut enlever le droit de grève aux
fonctionnaires. Mais attention, le droit de grève n'existe pas pour
certaines catégories de fonctionnaires et, pourtant, il faut admettre
que ce sont dans ces secteurs que, depuis 1965, la grève a eu lieu le
plus souvent, soit par des arrêts de travail, de toute façon,
illégaux, par du ralentissement ou des journées d'étude ou
quelque chose de semblable.
C'est la première fois que nous avons à intervenir dans le
domaine même des fonctionnaires. Est-ce que l'on peut conclure pour
autant que cela réglerait tout le problème de la
négociation collective dans les domaines public et paraplic? Si le droit
de grève n'existait pas pour les fonctionnaires alors qu'au contraire,
à sa face même depuis 1965, ce sont dans les domaines où la
loi interdisait le droit de grève que les grèves ont eu lieu et,
pour la première fois, nous assistons à une grève tout
à fait légale dans un domaine où nous l'avons
consacrée, le Parlement, depuis 1965. Nous décidons, après
quelques jours, de suspendre cette grève. Faisons attention. Les
sentiments de la collectivité ne sont pas nécessairement toujours
imbus de la réalité, particulièrement dans ce
domaine-là.
M. le Président, si nous avons à intervenir aujourd'hui,
si on prend la parole des ministres, tel qu'ils nous ont présenté
le dossier, c'est que dans un domaine particulier, celui des services publics,
il n'y a pas entente. C'est parce que, dans les services publics, il n'y a pas
d'entente que nous sommes amenés à suspendre, pour l'ensemble des
secteurs public et parapublic, le droit de grève normal dans cette
négociation.
La loi de 1965 prévoyait, dans le domaine des fonctionnaires, que
les parties devaient s'entendre sur les services essentiels avant de faire la
grève; par extension, on peut prétendre que dans les services
parapublics le même
principe devrait jouer. Si c'est réellement le problème,
pourquoi le gouvernement ne présente-t-il pas un projet de loi pour
corriger ce problème, un projet de loi qui définirait quels sont
les services essentiels, tels qu'on les connaît actuellement, qui
prévoirait l'établissement d'un tribunal pour les cas douteux et
qui obligerait ces gens, par la loi, à rentrer au travail, laissant
à tous les autres qui ne sont donc pas des services essentiels,
l'exercice normal de leur négociation? Pourquoi aller enlever le droit
de grève dans tous les domaines et non pas simplement dans le domaine
des services essentiels? C'est là qu'est le problème et c'est
pour cela qu'aujourd'hui le ministre des Affaires sociales vient nous expliquer
que dans les hôpitaux il y a un problème, que le ministre de
l'Education vient nous expliquer qu'il y a un problème. Ce
problème, il est toujours dans les services essentiels. Et ce qui a
manqué à la loi de 1965, c'est de ne pas avoir défini plus
clairement ce que sont les services essentiels. Souvenons-nous
particulièrement qu'en 1965, lorsque le gouvernement de l'époque
avait négocié avec le syndicat la liste des services essentiels,
il avait demandé, comme service essentiel, l'autorisation de garder le
jardinier du lieutenant-gouverneur. Depuis cette époque, nous avons
convenu, de part et d'autre, que le jardinier du lieutenant-gouverneur, bien
que service important de l'Etat, n'était pas pourtant un service
essentiel.
Il y a eu, depuis ce temps, trois expériences qui permettent et
aux syndicats et à l'Etat de mieux définir ce que sont les
services essentiels. Un projet de loi qui aurait tout simplement fait une telle
proposition est un projet de loi qui n'aurait pas suspendu la
négociation, qui n'aurait pas suspendu le droit de grève pour
l'ensemble des autres secteurs et qui aurait répondu à
l'inquiétude de la population face au manque de services essentiels.
Egalement, le gouvernement nous présente un projet de loi et, par
ce projet de loi, il saute des étapes.
Entre le gouvernement et ses syndiqués, à diverses
reprises, il y a eu des difficultés d'entente, il y a eu des
négociations ardues et nous avons été obligés
d'inventer un nouveau mécanisme qui n'apparaissait pas dans la loi de
1965, ç'a été la commission parlementaire. Le gouvernement
ne semble pas avoir confiance dans la commission parlementaire pour aider
à la solution du conflit. Je pense que le gouvernement nie l'histoire
récente de la commission parlementaire de la Fonction publique dans ces
négociations. A deux reprises, pour le moins, soit dans une
négociation entre le gouvernement et les employés de la RAQ
à l'époque, une deuxième négociation entre le
gouvernement et les employés de la CEQ dans le secteur scolaire,
à deux reprises, la commission parlementaire a aidé à la
solution, sans être pour autant obligée de suspendre les lois, a
aidé les parties à se rapprocher. Je peux témoigner pour
avoir été à ces deux commissions-là. La RAQ, une
grève qui a duré presque six mois, qui a été
réglée non pas une loi suspendant le droit de grève des
gens de la RAQ, mais par une commission parlementaire qui a duré
plusieurs jours et qui a aidé les parties à se rapprocher. Dans
le domaine de la CEQ, il a fallu 14 commissions parlementaires, ici même
dans le parlement de Québec, pour aider les parties à se
rapprocher.
Nier la commission parlementaire, nier l'utilité de la commission
parlementaire dans ce conflit actuellement, c'est nier l'utilité des
instruments que nous avons mis sur pied, de peine et de misère au
Parlement du Québec...
M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député
de Montcalm me permettrait une question?
M. MASSE (Montcalm): ... pour assurer un dialogue entre les parties,
sans pour autant suspendre l'exercice du droit de grève.
M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Montcalm me
permettrait une question?
Il parle des 14 séances de la commission parlementaire dans le
cas de la CEQ. Quel a été le règlement, sinon le bill
25?
M. MASSE (Montclam): M. le Président, il me fait plaisir
je ne veux pas donner une leçon d'histoire, mais ce sont deux choses
différentes. Le bill 25 a été adopté par le
Parlement au mois de février 1967 et la commission parlementaire dont je
parle a eu lieu à l'automne 1969. Alors, il n'y a pas de commune mesure
entre les deux. Pour de plus amples explications, si ça ne vous fait
rien, je le ferai en arrière du rideau après. Ce n'est pas du
tout la même chose.
M. COITEUX: M. le Président, est-ce que le député
de l'ancien comté de Montcalm me permettrait une question?
M. MASSE (Montcalm): Je le suis encore. Jusqu'en 1974 et après on
verra.
M. COITEUX: Ce soir j'étais présent. Le
député de Montcalm semble apporter une énorme importance
à la commission parlementaire. Comme le député l'a
mentionné lors de son intervention, j'ai entendu moi-même, ce
soir, Charbonneau dire: C'est de la foutaise.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, premièrement...
M: COITEUX: C'est justement, je vous demande quelles sont les valeurs
des commissions parlementaires.
M. MASSE (Montcalm): Premièrement, ce n'est pas une question.
Deuxièmement, je ne l'ai pas entendu et, troisièmement, ce n'est
pas
là qu'est le problème. On ne peut pas, parce que M.
Charbonneau a dit telle phrase, nier pour autant l'utilité d'une
commission parlementaire qui, de toute façon, ne siège pas et n'a
pas siégé. Je pense qu'il faut faire attention, c'est de croire
qu'automatiquement la commission parlementaire n'aide pas à
résoudre les problèmes. A deux reprises, elle a dû se
réunir et à deux reprises elle a aidé à rapprocher
les parties dans des conflits extrêmement difficiles, sans pour autant
avoir été obligés de réunir le Parlement pour
suspendre l'exercice du droit de grève. Pourquoi cette fois-ci? Pourquoi
cette fois-ci le gouvernement repousse-t-il du pied ou de la main, je ne sais,
pourquoi repousse-t-il l'utilisation de la commission parlementaire? Est-ce que
c'est parce qu'il est trop tard? Si c'est parce qu'il est trop tard, il aurait
pu réunir ladite commission parlementaire, il y a quinze jours, il y a
trois semaines, il aurait pu se servir de cet instrument, tant pour informer la
population, pour informer les parlementaires, pour aider les parties à
se rapprocher. S'il est trop tard aujourd'hui, compte tenu de la non-existence
des services essentiels, qu'il décrète lesdits services
essentiels dans un projet de loi dont j'ai parlé tout à l'heure
et qu'il réunisse la commission parlementaire. Parce que, dans le projet
de loi actuel, nous allons réunir la commission parlementaire, mardi
prochain, mais ce n'est plus du tout dans le même esprit qu'il y a
quelques années. C'est une commission parlementaire qui va
écouter des parties qui n'ont plus intérêt à
négocier, puisque de toute façon l'Etat sait fort bien que c'est
dans la loi que l'ensemble de ces propositions seront
décrétées, sans pour autant qu'elles soient
négociées. Le syndicat sait fort bien, lui aussi, que peut
importent ses arguments, peu importe l'information qu'il transmettra aux
parties, que de toute façon, si le gouvernement n'est pas d'accord, il
n'a qu'à laisser passer le temps et puis tout s'appliquera directement
au mois de juin.
Ce n'est plus le même type de commission parlementaire et il ne
faudra pas juger de l'utilisation de l'autre genre de commission parlementaire
par le résultat de ce que nous aurons dans ce projet de loi.
Je m'explique difficilement pourquoi le gouvernement a refusé
l'utilisation de la commission parlementaire. Est-ce qu'il était si peu
convaincu de la valeur de son dossier? Est-ce qu'il était si peu
convaincu des réponses qu'il fournissait aux syndicats? Est-ce qu'il
était si peu convaincu de la solidité de sa politique salariale
cette fois-ci? Est-ce qu'il était si peu convaincu de la ventilation du
budget de l'Etat qu'il a refusé de soumettre aux parlementaires...
M. L'ALLIER: M. le Président, est-ce que le député
me permettrait une question?
M. MASSE (Montcalm): Oui, M. le Président.
M. L'ALLIER: Je viens d'entendre le député de Montcalm
dire: Est-ce que le gouvernement était si peu convaincu de sa politique
salariale cette fois-ci? Peut-il me dire si les gouvernements
antérieurs, à sa connaissance, ont déjà eu des
politiques salariales annoncées, comme nous l'avons fait, et en fait
connues des parties avant la négociation?
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avons négocié.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, s'il y a quelqu'un qui peut
en témoigner...
M. L'ALLIER: Non, non, ma question n'est pas du tout maligne, elle
s'adresse au député de Montcalm...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais nous les avons
négociées.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas la première fois, la seconde
fois.
M. L'ALLIER: Vous n'en aviez pas, mais vous les avez
négociées.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que, la première
fois, cela n'avait pas fait l'objet de négociations. La seconde fois,
oui.
DES VOIX: A l'ordre!
M. TETLEY: II a perdu son droit de parole, M. le Président.
M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement.
Depuis quand peut-on crier derrière votre fauteuil, comme vient de le
faire le ministre des Institutions financières? Est-ce suivant nos
règles d'étiquette parlementaire?
M. LE PRESIDENT: Non seulement c'est contre l'étiquette
parlementaire, mais c'est complètement contre le règlement et je
rappelle à l'ordre l'honorable ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: Pourquoi?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.
M. TETLEY: Pourquoi, M. le Président?
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, pour revenir à la
question qui était posée, le gouvernement avait une politique
salariale, il a fait connaître cette politique salariale, il s'est rendu
à la commission parlementaire, il l'a expliquée, il l'a
négociée, il l'a discutée avec les parties en
présence des journalistes aux tables
sectorielles à l'époque, en présence des
parlementaires et le gouvernement n'a pas craint je ne dis pas que le
gouvernement craint d'exposer sa politique salariale je me demande s'il
craint. Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c'est que le gouvernement a
repoussé l'institution de la commission parlementaire où il
aurait pu nous convaincre, convaincre la population qu'il avait raison.
Je pense que cela est regrettable. Cette fois, on impose un projet de
loi qui, à toutes fins pratiques, nie le droit d'association et le droit
de négociation dans le secteur public et le secteur parapublic et ce
projet de loi ne règle rien. Il ne règle rien de la situation
actuelle et ne règle rien pour l'avenir. Le gouvernement devra revenir
rapidement dans les mois qui suivront avec un projet de loi rétablissant
un nouveau régime de travail dans le domaine public et le domaine
parapublic.
Je ne veux pas me prononcer sur les propositions ni du gouvernement ni
des syndicats. Ce n'est pas le lieu pour le faire. Nous aurons l'occasion
à la commission parlementaire d'entendre les parties et, à la
suite de cela, de pouvoir juger des propositions et des contrepro-positions qui
sont formulées.
Je vois que le temps court vite à ce qu'il semble, mais
j'aimerais quand même dire, en terminant, ceci: Ce n'est pas le lieu non
plus pour juger des écarts de langage, des erreurs de stratégie
qui ont été faits de la part du gouvernement ou de la part des
chefs syndicaux. Comme n'importe quel parlementaire de cette Chambre, je
regrette que les injonctions n'aient pas été respectées,
je regrette que des erreurs de stratégie aient été faites
d'un côté comme de l'autre, mais une chose est certaine, dans
quelques heures, on peut croire que ce projet de loi sera accepté.
Même s'il ne règle rien, même s'il crée un
néant pour un certain nombre de mois et qu'il obligera le gouvernement
à présenter un nouveau projet de loi, même si un certain
nombre de syndiqués sont convaincus de la réalité de leurs
demandes, même si un certain nombre de fonctionnaires qui ont
travaillé dans cette négociation sont frustrés de ne pas
la voir se terminer normalement, j'espère pour l'avenir des relations de
travail dans les secteurs public et parapublic que les chefs syndicaux
accepteront le projet de loi non pas de gaieté de coeur, peut-être
en le discutant, mais accepteront quand même et permettront à tous
les syndiqués du secteur public et du secteur parapublic de retrouver,
tel que la loi l'oblige, samedi prochain, leur poste au service de l'Etat et de
la collectivité.
Il est peut-être regrettable que la loi soit passée, mais
je pense que, pour l'ensemble des fonctionnaires et de l'Etat, il serait
important que tous et chacun respectent la loi, même si nous ne sommes
pas d'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais, en tout premier
lieu, faire quelques commentaires sur un des aspects du projet de loi, non pas
celui qui consiste à ordonner le retour au travail, mais plutôt
l'autre qui touche aux mécanismes suivant ce retour au travail.
Pour préciser, premièrement, et pour rétablir
certains faits qui ont été énoncés ici, la
convocation de la commission de la Fonction publique n'empêche pas que la
négociation se poursuive en parallèle. Dès le moment
où nous avons quitté les représentants des trois
centrales, dans la nuit de mercredi à jeudi, le chef négociateur
du gouvernement leur a dit très clairement qu'il était toujours
disponible et qu'ils pouvaient communiquer avec lui en tout temps.
Maintenant, on va me dire évidemment: Ce mécanisme ou
cette possibilité de négociation, pendant que la commission
parlementaire siège, est une possibilité théorique. Et
ici, je ne voudrais pas m'attarder dans une longue discussion dans l'absolu sur
ce point, mais plutôt rappeler que, dans le cas de la grève des
médecins, un mécanisme qui présentait beaucoup d'analogie
avec le présent mécanisme, qui ne prévoyait même pas
la convocation de la commission parlementaire, mais qui invitait les parties
à négocier, a permis que des conventions soient signées,
et ceci, avant l'expiration du délai qui était prévu dans
la loi.
Je conviens que les délais étaient plus longs, mais on
doit se souvenir que la période des négociations avait
été beaucoup plus courte, qu'il s'agissait d'une première
négociation, et malgré tout, même si cette loi a
été adoptée au cours du mois d'octobre, si ma
mémoire est bonne, dès le mois de décembre, nous signions
certaines des conventions.
Ici, j'apporte donc, et c'est le but pour lequel je le fais, un exemple
qui montre que cette possibilité de négociation en
parrallèle, surtout si l'on se rappelle l'étude extrêmement
attentive que nous avons faite des demandes syndicales, les longs délais
qui se sont déroulés depuis la présentation des offres du
gouvernement, il me semble qu'il y a là un mécanisme qui n'est
pas purement théorique.
Je voudrais aussi toucher un autre point, M. le Président,
à la fois le député de Bourget et le député
de Montcalm ont semblé dire que le problème des mécanismes
des services essentiels, en fait, était au coeur de ce conflit et qu'il
aurait été beaucoup plus prévoyant, de la part du
gouvernement, de définir ces services essentiels ou encore, au moment de
ce présent arrêt de travail, de présenter un projet de loi
touchant ces services essentiels.
Or, M. le Président, nous avons négocié avec les
syndicats, dans bien des cas, ce que devaient constituer les services
essentiels et la façon d'assurer ces services essentiels. Dans chaque
ministère, ce problème prend une forme différente et je ne
vois pas exactement comment il
serait possible de prévoir, une fois pour toutes, ou même
une fois à un moment donné, dans un règlement ou dans un
texte législatif ou même dans une entente pour une période
à venir qui pourrait être assez longue, ce que pourraient
être, d'abord, les services essentiels et ensuite la façon de les
assurer.
Il y a les saisons qui importent, il y a la durée d'un conflit
qui peut changer la nature des problèmes que pose le maintien des
services essentiels et de nombreux autres problèmes.
Nous avons voulu dans ce cas, pour ne pas imposer des règles,
négocier avec les parties, avec les syndicats, les façons
d'assurer le maintien de ces services essentiels et je peux dire que, quant
à moi, dans le ministère chez nous, pour ne citer que cet
exemple, nous en sommes arrivés après négociation à
une entente, alors le problème n'était pas là.
Le problème a été l'impossibilité d'avoir
accès au ministère. Alors, la négociation beaucoup plus
hâtive, la préparation d'un texte législatif, toute autre
formule n'aurait rien changé à ce problème ou à
cette situation que je viens de décrire. Je conviens qu'il s'agit
là d'un problème qui est difficile, mais je ne peux accepter
qu'on le situe au coeur du présent conflit, qu'on lui donne l'importance
qu'on lui donne présentement. Et c'est dans ce contexte qu'il
m'apparaît important de situer le présent projet de loi,
c'est-à-dire par rapport à d'autres lois, par rapport au
problème que je viens de poser et également, évidemment
par rapport à la situation qui a été décrite.
Maintenant, on a fait justement état de l'avenir dans le secteur.
On a aussi accusé le gouvernement d'une certaine imprévoyance,
face au difficile problème des relations de travail, dans le domaine des
services publics et parapublics. Et je crois bien que c'est presque devenu un
lieu commun que de dire qu'il y a là évidemment un malaise et
nous l'admettons bien franchement. Le premier ministre l'a dit très
clairement, lorsqu'il a prononcé son discours de deuxième lecture
sur ce projet de loi.
Mais, il est facile de dégager certains aspects des
difficultés que présentent les relations de travail dans les
secteurs public et parapublic. Il est facile aussi de dégager ceux qui
en apparence peuvent donner l'impression que le gouvernement a
été imprévoyant. Simplement, je voudrais rappeler d'autres
faits et tirer une conclusion qui montre que le portrait ou la supposée
imprévoyance du gouvernement peut être vue d'une façon bien
différente.
Premièrement, on se rend compte et ce
phénomène est relativement nouveau que dans le type de
société dans laquelle nous vivons, l'interdépendance est
un phénomène dont on devient de plus en plus conscient.
L'interdépendance entre les groupes, interdépendance entre les
mécanismes de fonctionnement aussi bien au plan social qu'au plan
économique dans notre société. Et ce nouveau
phénomène que l'on a perçu vient de donner lieu à
une nouvelle manifestation qui est assez récente, c'est-à-dire un
pouvoir qui apparaît disproportionné à des petits groupes
de travailleurs et qu'ils savent utiliser d'une façon beaucoup plus
raffinée à mesure que les mois passent. Egalement, un nouveau
phénomène qui apparaft de plus en plus clairement il me semble,
c'est que l'exercice du droit de grève et les commentaires que je fais
ne m'orientent pas vers un type d'exercice dont l'objectif, comme on l'a
laissé entendre, ou l'objectif du gouvernement est nécessairement
de restreindre le droit de grève. Un nouvel aspect du droit de
grève, un aspect qui apparaît de plus en plus clairement du droit
de grève dans les services public et parapublic, est celui de la
limitation d'autres droits qui se situent à un niveau tout aussi
important: le droit à l'éducation, le droit à la
santé, le droit au travail, etc.
Il s'agit là d'une situation en pleine évolution. J'ai lu,
comme d'autres dans cette Chambre l'ont fait, bien des auteurs qui ont
analysé la question, bien des auteurs qui disent qu'il faudrait trouver
à notre époque un moyen plus raffiné que le droit de
grève, pour permettre aux travailleurs de faire part de leur
insatisfaction au cours d'une négociation et de le démontrer
d'une façon claire.
Le problème, c'est que personne n'a encore fait une suggestion
concrète. Le gouvernement est placé devant cette situation; il
s'agit à la fois d'un domaine extrêmement complexe, en pleine
évolution, et aussi un secteur qui, malgré toutes les analyses
qui ont pu en être faites, à ma connaissance, n'ont pu
dégager, par la voie d'analyses, d'études, de nouveaux
mécanismes.
Nos lois du travail n'apportent pas, nous en convenons le premier
ministre l'a dit et d'autres l'ont dit du côté du gouvernement
dans les secteurs public et parapublic un cadre parfaitement
approprié, bien au contraire, qui permette d'apporter toujours les
réponses adéquates aux difficultés bien
particulières que présentent la distribution des services dans le
domaine public et dans le domaine parapublic. C'est la raison pour laquelle,
devant l'ampleur du conflit que nous vivons, que nous avons vécu au
cours des dernières semaines, le premier ministre disait, au cours de
son allocution sur ce présent projet de loi, que le gouvernement est
convaincu de la nécessité d'un réexamen complet et en
profondeur des mécanismes des relations de travail dans ces
secteurs.
On peut nous dire: Pourquoi n'avez-vous pas commencé plus
tôt? Je crois que, sur ce point, si nous avions lancé cette
opération alors que nous étions engagés, peu de temps
après notre mandat dans la négociation, la préparation de
la négociation, le développement d'une politique salariale, etc.,
en parallèle, nous aurions pu fausser les règles du jeu. Il nous
apparaît que c'est plutôt dans un climat un peu plus serein,
après l'expérience que nous avons vécue, que ce
réexamen devra être fait. Quant aux mécanismes,
évidemment nous devrons y songer et les
exposer très clairement lorsqu'ils seront mis sur pied.
Il y a également c'est le dernier point que je voudrais
faire ressortir dans toute cette question au moment où nous
étudions ce projet de loi, projet de loi qu'il n'est évidemment
pas agréable de présenter, que ce soit par le premier ministre ou
par un ministre, c'est le type de projet de loi qui n'est pas agréable
à présenter. On peut imaginer que, malgré le fait que nous
sommes à cette étape-ci, malgré aussi l'ampleur du conflit
que nous avons traversé, il peut en résulter des aspects
positifs. Un aspect que j'ai à l'esprit est le suivant. A mon sens,
après avoir traversé une telle crise, les syndiqués
devraient, eux également, ne pas uniquement attendre que le gouvernement
ou un mécanisme quelconque d'étude réévalue, avec
tous les groupements intéressés, le fonctionnement, l'orientation
de tout ce secteur. Eux également, en tant que syndiqués, doivent
à mon sens se poser des questions quant à l'orientation de leur
syndicat, quant au fonctionnement de leur syndicat et aussi quant à
l'action de leur syndicat.
Si ce conflit convainquait les syndiqués d'agir ainsi, tous, il
me semble que c'est un aspect extrêmement positif qui pourrait se
dégager de ce conflit parce que le syndicalisme est un mécanisme
essentiellement démocratique. Il est évident qu'une des parties
des difficultés que nous connaissons provient également des
tensions à l'intérieur des syndicats. Il y a là, à
mon sens, c'est clair, une dimension du problème. Il serait faux de le
cacher et de dire que c'est uniquement le gouvernement qui a manqué de
prévoyance. Il y a également, à l'intérieur du
syndicalisme au Québec, des problèmes et ces problèmes
trouveront une solution d'autant plus valable qu'elle sera apportée de
l'intérieur.
C'est l'aspect qu'il m'apparaft important de faire ressortir.
J'espère bien sincèrement qu'après un tel conflit les
membres des syndicats s'interrogeront quant à l'orientation de leur
syndicat, quant au type d'action dans lequel ils s'engagent, quant au
fonctionnement de ces syndicats.
Evidemment, en terminant, M. le Président, je ne peux que
m'associer à ceux qui l'ont fait et inviter le plus sincèrement
possible les employés du gouvernement, tout le personnel, dans le
secteur parapublic ou dans les divers secteurs parapublics, à retourner
au travail, à suivre l'ordre qui leur sera donné par cette
Chambre de retourner au travail et leur rappeler qu'ils ont une
responsabilité toute particulière quant au bon fonctionnement, au
cours des prochaines semaines, des établissements dans lesquels ils
travaillent.
M. LE PRESIDENT (Picard): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. Jean-Noël Tremblay
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais faire
quelques observations sur le projet de loi qui est devant nous. Il s'agit d'une
loi d'urgence et le chef de l'Opposition a expliqué, cet
après-midi, les raisons qui obligeaient le gouvernement à
soumettre cette loi à notre examen. Je ne reviendrai pas sur ces
raisons, je veux simplement souligner que, si nous acceptons ce projet de loi,
nous l'acceptons comme un pis-aller dans l'optique du bien commun, dans le but
de mettre fin, le plus tôt possible, à un conflit dont commence
à souffrir tragiquement l'ensemble des citoyens du Québec.
Tous ceux qui ont parlé ont fait une étude de la
situation, ont essayé de trouver les causes lointaines et les causes
prochaines, les causes immédiates de ce conflit. Il y a deux aspects
dans ce conflit, il y a un aspect à court terme et un aspect à
long terme. Le ministre des Affaires sociale a, tout à l'heure,
indiqué quelle est, selon lui, la façon dont on devrait
envisager, dans l'avenir, les relations patronales ouvrières et
particulièrement les relations de l'Etat avec ses employés. C'est
l'aspect éloigné de la question, mais aspect extrêmement
important puisque la loi qui est soumise à notre examen remet
véritablement en cause le droit de grève dans les secteurs public
et parapublic.
Cela remet en cause ce droit et cela forcera les citoyens, les
syndicats, le gouvernement, l'ensemble des parlementaires à
réexaminer cette question, ce problème fondamental, de l'avenir
du syndicalisme dans le Québec et de l'orientation du syndicalisme
particulièrement en ce qui concerne ses relations avec l'Etat. Il est
bien évident que chacun de nous reconnaît le droit de
grève, reconnaît le droit d'association et ne veut pas priver qui
que ce soit de ce droit qui a été reconnu aux employés de
l'Etat en 1964, qui s'est étendu, par la suite, à d'autres
secteurs mais droit, qui permet l'usage de certains moyens au sujet desquels
aujourd'hui on s'interroge.
Ce droit de grève, cette forme de syndicalisme, dans les domaines
public et parapublic, ont besoin d'être repensés, dans une optique
de concertation avec l'Etat, dans une optique de collaboration avec l'Etat.
Pendant des années, que ce soit dans le domaine privé
comme dans le domaine public, on a toujours pratiqué ici un syndicalisme
revendicateur. Cela était nécessaire à l'époque.
C'était une étape qu'il fallait absolument franchir, mais je
crois que la situation étant ce qu'elle est aujourd'hui, notre
syndicalisme doit s'orienter vers une forme de collaboration très
étroite avec l'Etat et, comme le dit et le répète depuis
longtemps le chef de l'Opposition, le syndicalisme doit devenir un agent
positif de l'économie, un agent positif qui travaille avec
l'Etat au maintien de l'ordre, de la sécurité en vue de la
promotion du bien commun.
C'est là l'aspect éloigné des effets, des
conséquences de la loi qui nous est présentée et qu'il
nous faudra examiner. Mais il y a aussi le problème à court
terme. Tout à l'heure, le député de Bourget a fait une
analyse fort lucide de la situation. Il a examiné les causes lointaines,
les raisons du conflit actuel, etc. Il a apporté des points de vue fort
intéressants. Mais il me paraît qu'il a oublié un aspect
important du conflit actuel. Parce que par-delà les exigences qui sont
formulées, exigences de salaires, de conditions de travail, de
sécurité d'emploi, etc, il y a un problème qui, en
réalité, s'exprime dans une sorte d'épreuve de force
contre le gouvernement, contre l'Etat employeur. Cela provient du fait qu'il
existe dans le conflit actuel et c'est peut-être un aspect sur lequel on
n'a pas encore insisté, il existe un substrat idéologique. C'est
qu'il y a à l'intérieur des syndicats, particulièrement
à la tête des syndicats, je parle de certains chefs syndicaux et
je ne veux pas faire leur procès ici, il y a des hommes qui ont une
conception de l'Etat, qui ont une conception de l'économie, qui ont une
conception du système économique qui doit nous régir qui
est différente de celle du gouvernement actuel et de celle de la grande
majorité des citoyens du Québec.
C'est ce qui s'exprime à l'heure actuelle, de façon
indirecte, via les négociations qui ont abouti à l'impasse que
nous connaissons et forcé le gouvernement à nous proposer le
projet de loi que nous étudions ce matin.
Cet aspect idéologique est important. Il ne faut pas le
négliger. Il est important que nous nous interrogions sur le
bien-fondé de ceux qui prétendent que notre système
économique est mauvais, que notre système social est mauvais et
qu'il faut le changer et qui utilisent les droits qui leurs sont reconnus, le
droit qui leur est reconnu de faire la grève pour faire triompher une
idéologie plutôt que d'obtenir pour les syndiqués qu'ils
représentent des meilleures conditions de vie, de salaire, de travail,
etc. C'est là un des aspects du problème que l'on semble oublier.
C'est certainement une des raisons qui a provoqué le raidissement de la
partie syndicale contre les propositions de l'Etat employeur.
Il y a épreuve de force. Il y a conflit, et ce conflit, en
apparence, semble résider uniquement dans des domaines palpables,
immédiats qui se traduisent en termes d'argent ou en termes de
bénéfices marginaux ou de conditions de travail ou de salaires.
Mais je crois que ce qui est encore plus important dans ce conflit que
l'objectif que recherchent les chefs de centrales syndicales est avant tout un
objectif idéologique.
Il nous faut nous en aviser, nous demander si les syndicats ont raison
de mettre en cause le système et nous demander si nous, nous avons
raison de défendre une autre idéologie, un autre système
économique. Lorsque cette loi aura été mise en vigueur,
lorsque le temps sera venu d'examiner l'ensemble du problème, il faudra
se pencher sur cette question, poser le problème dans ses termes exacts.
Est-ce que les syndicats, est-ce que ce qu'on appelle actuellement le front
commun recherche des objectifs à court terme, c'est-à-dire le
règlement d'un conflit qui permettrait à ceux qu'il
représente, ceux au nom de qui il parle d'avoir de meilleurs conditions
de vie, de travail et de salaire ou si ce qu'il recherche ce n'est pas le
triomphe d'une idéologie dont l'objectif est de changer fondamentalement
le régime économique sous lequel nous vivons à l'heure
actuelle?
C'est là, à mon sens, un aspect de la situation qu'il va
nous falloir examiner, au sujet de laquelle nous allons devoir nous interroger
parce qu'en réalité ce conflit remet en cause, d'une part, le
droit de grève dans les secteurs public et parapublic mais davantage il
remet en cause tout le système économique. Et la pression que le
front commun a voulu mettre et l'union de centrales qui, jusqu'alors,
s'étaient souvent déchirées, s'étaient souvent
entretuées, j'emploie le mot au sens figuré du terme, cette union
provient précisément de la volonté d'un certain nombre de
personnes qui veulent changer le rapport de force qui existait entre l'Etat et
les citoyens qu'il représente et au nom desquels il parle.
Mais les chefs syndicaux, lorsqu'ils pensent en ces termes, oublient
qu'ils ne regroupent pas l'ensemble des travailleurs du Québec, qu'ils
n'en regroupent, en fait, qu'une partie relativement peu importante
numériquement, qu'ils ne recouvrent pas l'ensemble de tous les secteurs
non syndiqués des travailleurs au Québec. Cette grève, M.
le Président, cette impasse, ce cul-de-sac, ces difficultés
auxquelles nous avons à faire face vont nous obliger à
réexaminer toute la question, à nous demander si les
mécanismes qui régissent nos relations patronales
ouvrières, que ce soit dans le secteur privé comme dans le
secteur public, correspondent à une évolution de la
société québécoise, si les lois que nous avons dans
le domaine des relations patronales ouvrières ont suivi
l'évolution de la population, l'évolution de la pensée
sociale des citoyens.
Je ne veux pas, M. le Président, ce soir, faire le procès
de qui que ce soit. J'insiste simplement sur cet aspect idéologique du
conflit qui va bien au-delà de l'aspect technique, de l'aspect
matériel que l'on semble percevoir à prime abord. Il y a
ça, d'accord. Mais au-delà de cela, il y a, en fait et à
ce point de vue le gouvernement s'en est rendu compte, la remise en question de
la responsabilité de l'Etat en matière de gestion des fonds
publics. Je sais que les demandes syndicales, en ces derniers jours, se sont
faites pressantes, qu'elles ont été formulées de
façon exorbitante, qu'on est même allé jusqu'à
demander que l'Etat remette une masse d'argent à des syndicats pour que
ceux-ci, ensuite, la distribuent à leur façon. Cela, c'est
remettre en cause le droit et le pouvoir de l'Etat de gérer les
fonds publics, d'être, en fait, un gouvernement responsable.
Il faut, M. le Président, dans l'examen du conflit, tenir compte
de toutes ces considérations.
Je ne veux pas, M. le Président, prolonger plus longuement les
observations que je voulais faire. Je tiens à déclarer que la loi
qui nous est présentée est une loi d'urgence, que si nous
l'adoptons, nous l'adoptons parce que le gouvernement, n'ayant pas voulu
épuiser tous les moyens qui étaient à sa disposition, a
été, à un moment donné, hier et ce matin,
obligé de recourir à un moyen de force. Le gouvernement portera
la responsabilité de ses actes. Chacun des ministériels qui a
parlé a dit: Nous porterons la responsabilité de nos actes.
D'accord. Mais que l'on n'oublie pas ceci: ce conflit aura des suites, des
conséquences. Il aura une séquelle. Nous aurons à panser
des plaies. Nous aurons à repenser l'ensemble des problèmes
sociaux à la lumière de l'évolution sociale du
Québec. C'est cela qui est important, c'est cela qu'il est important de
retenir parce que, de toute façon, nous nous en rendons compte, nous
allons être obligés d'accepter ce projet de loi.
Nous l'acceptons, M. le Président, à contrecoeur comme,
même pas un moindre mal mais comme, si je peux me servir d'une expression
qui n'est pas tout à fait conforme aux règles de la langue
française, le pire des pis-aller. C'est le gouvernement qui nous oblige
à cela, pour toutes les raisons que le chef de l'Opposition a
exposées ce matin, pour toutes les raisons que le gouvernement
lui-même nous a données, en nous indiquant comment il avait
tardé à percevoir la gravité de la situation.
La loi qui est apparue ce matin me rappelait, M. le Président, un
vers de Racine, dans Athalie. Ce projet de loi a été conçu
"pendant l'horreur d'une profonde nuit". C'est de cette nuit que nous
espérons voir le gouvernement sortir pour examiner, avec tous les
parlementaires, en commission parlementaire, l'ensemble des problèmes
des relations patronales-ouvrières, particulièrement les
problèmes des relations de l'Etat employeur avec ses
employés.
M. le Président, si nous acceptons de donner notre
agrément à un pareil projet de loi, c'est que nous sommes
conscients de la gravité de la situation, gravité dont le
gouvernement s'est rendu compte hier matin, c'est parce que nous voulons que
les syndiqués puissent retrouver des conditions normales de vie mais
nous maintenons nous aurons l'occasion d'y revenir en commission
que le gouvernement a bien des raisons d'améliorer cette loi,
d'accorder, en vertu de cette loi, les garanties dont parlait le chef de
l'Opposition, aujourd'hui, afin que, si nous avons à nous
résigner à accepter ce projet de loi, au moins certaines
assurances soient données, afin que ceux qui seront les victimes de
cette loi n'en subissent pas des préjudices irréparables.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, j'avoue bien franchement que, lorsque
le gouvernement a renversé la motion de l'Opposition, tantôt, j'ai
été un peu désappointé. Mais j'ai eu une
communication, depuis, c'est-à-dire pendant que le débat se
déroulait, à l'effet que l'un des chefs du front commun
déclarait aux nouvelles, hier soir, que la commission parlementaire ne
vaut rien.
M. MAILLOUX: On nous l'a dit.
M. SAMSON: Je suis un peu moins désappointé, parce que
nous constatons et nous sommes en droit de nous poser la question, à
savoir si les chefs de ce front commun recherchent pour leurs syndiqués
réellement une solution. S'ils étaient à la recherche
d'une solution, j'ai l'impression qu'il y aurait eu un certain rapprochement,
mais à la lumière de ce que j'ai entendu des autres orateurs de
l'Opposition, et à la lumière également de ce qui
paraît dans les journaux depuis quelques jours, notamment en date du 17
avril dernier et en date du 20 c'était hier des articles
qui se lisent comme suit, dans L'Action du 17 avril dernier: "La CSN propose un
nouveau document à ses membres."
Et un autre dans Le Devoir du 20 avril: "Un Québec souverain,
socialiste proposé à 98,000 syndiqués de la FTQ." Cela
fait peut-être partie un peu du problème qui nous est amené
ici cette nuit. C'est que peut-être que les chefs de ce front commun ne
recherchent pas la solution que les syndiqués recherchent.
Peut-être que ces chefs du front commun veulent imposer, et au
gouvernement et à la population et à leurs syndiqués, des
idéologies politiques que ni le gouvernement, ni la population, ni
même leurs syndiqués veulent partager.
Et c'est assez révélateur, dans L'Action du 17 avril
dernier, l'article commence comme suit: "Socialisme au Québec ne sera
pas identique à celui de Cuba, de la Chine, du Chili, c'est d'abord dans
la tradition des luttes ouvrières québécoises, dans les
leçons qu'on peut en tirer qu'il faut chercher l'inspiration et le
souffle nécessaires à la lutte pour le socialisme." Nous allons
avoir, soyons tranquilles, notre socialisme à nous autres, bien
québécois, canadien-français. Ils nous le promettent.
Plus loin on poursuit: "C'est le document auquel M. Charles Gagnon a
notamment travaillé." Vous reconnaissez là une vedette
typiquement québécoise, vedette du drame d'octobre 1970.
M. VEILLEUX: L'allié de Vallières.
M. SAMSON: Ce sont quand même des
choses que nous voyons depuis quelque temps. Et plus loin on cite:
"Contre les faiblesses du mouvement syndical, le document incite enfin les
travailleurs à mettre sur pied des fronts communs intersyndicaux
permanents de manière à hâter la fusion éventuelle
des centrales syndicales." C'est là où on veut en venir.
Et dans un autre article, sur le même sujet: "Ils ont ainsi
préconisé en attendant la fusion éventuelle des centrales
syndicales la création de fronts communs." Cela, c'est
déjà ce qui est proposé à des syndiqués en
congrès.
Et en date d'hier j'aurais pu dire aujourd'hui si le débat
ne s'était pas éternisé, si nous avions pu siéger
à des heures raisonnables, comme on le fait normalement; mais comme il
est déjà rendu presque quatre heures du matin le 20 avril,
là c'est au tour du conseil central de Montréal, de la FTQ: "Le
Conseil du travail de Montréal (CTM) qui regroupe quelque 98,000
syndiqués (FTQ) de la région métropolitaine a
annoncé officiellement hier qu'il tiendrait ce soir et ce week-end sur
le thème de la libération le congrès d'orientation auquel
s'était engagé M. Marcel Perrault lors de son accession à
la présidence de l'organisme..." Et plus loin: "L'objectif du
congrès est très net. Nous voulons refaire du CTM, le Conseil du
travail de Montréal, l'instrument de libération socio-politique
nécessaire pour affronter la conjoncture actuelle."
Et plus loin: "M. Perrault, qui est aussi président des postiers
montréalais (FTQ) a ensuite remis à la presse les documents de
travail qui seront à la disposition des congressistes. Ils comportent
notamment une déclaration de principe qui, sous le titre "Pour la
liberté" définit trois objectifs généraux:
instauration d'un socialisme démocratique; gestion des entreprises par
les travailleurs; indépendance du Québec, avec le français
comme seule langue officielle.
Or, cela démontre très clairement qu'il y a, comme le
disait tantôt le député de Chicoutimi, en dessous de tout
cela, une lutte qui est autre, qui poursuit d'autres buts que le bien des
syndiqués. Qui poursuit d'autres buts que les revendications
légitimes des syndiqués. Si ce n'étaient que des
revendications légitimes des syndiqués, je pense qu'il y aurait
eu moyen d'arriver à des ententes sans que nous soyons obligés de
passer une loi d'exception. Il n'y a personne qui aime passer une loi
d'exception et j'ai l'impression qu'à chaque fois qu'on adopte une loi
d'exception on confirme de plus en plus que le gouvernement doit ou est en voie
d'opérer ou de gouverner par lois d'exception. Ce n'est pas normal. Ces
choses-là devraient être prévues et nous croyons, pour
nous, que si nous sommes obligés d'adopter cette loi aujourd'hui c'est
parce qu'il y a extrême urgence. Mais, une fois pour toutes, allons-nous
enfin nous servir de cette leçon pour modifier notre code du travail de
fond en comble, s'il le faut? Mais n'ayons pas peur d'aller le modifier.
N'ayons pas peur, parce que, de plus en plus, il est reconnu que la
grève n'est pas le moyen par excellence pour donner aux syndiqués
ce qu'ils demandent, ou pour leur donner accession à leurs justes
revendications.
Au Québec, il me semble que, par tradition, on veuille toujours
rester un petit peu en arrière des autres. Nous subissons, nous vivons,
depuis quelques années, avec les grèves en avant de tout, pendant
qu'ailleurs on pense déjà que les grèves ne sont plus des
armes efficaces. Et c'est dans le journal d'hier matin, 20 avril, le Journal de
Québec, un gros titre: Les grèves ne sont plus des armes
efficaces. Parlant devant une commission sénatoriale chargée par
M. Nixon d'étudier les possibilités d'abolir le droit de
grève dans le domaine des transports, M. George Meaney, président
de la puissante centrale syndicale AFL-CIO, a laissé entendre hier qu'il
ne croyait plus à la valeur de la grève dans le monde du travail,
bien qu'il la considère comme un des droits fondamentaux du travailleur
salarié.
Dans son exposé, M. Meaney a déclaré notamment que
les grèves ne sont plus les armes efficaces qu'elles ont
déjà été entre les mains des ouvriers. Les besoins
de ces derniers sont en effet augmentés disproportionnellement avec la
capacité des syndicats à les payer en temps de conflit. Est-ce
que cela ne nous permet pas d'ouvrir les yeux un peu? Est-ce que cela ne nous
permet pas d'entrevoir ou de voir un peu ce qui se passe réellement?
Lorsqu'on voit, près des bâtisses, les gens qui font la "picket
line", il y a aussi ce qui se passe en dessous. Et ce qui se passe en dessous,
la rumeur voulant que le front commun ou que les syndicats qui composent ce
front commun n'ont peut-être pas les moyens de financer à partir
de la troisième semaine de grève, elle n'est peut-être pas
si mauvaise que cela, cette rumeur. Il y a déjà plusieurs
journaux qui l'ont rapportée, à l'effet que s'il y avait une
troisième semaine de grève, à partir de la
troisième semaine de grève, le syndicat qui est obligé de
financer, à ce moment-là, $20 par semaine ou un peu plus pour des
gens mariés, n'est pas capable de le financer. Le chef de cette
puissante centrale syndicale l'a dit carrément. Ils ne sont pas capables
de financer les grèves. C'est pourquoi on voit toujours, dans les
mouvements de grève, un mouvement de grève pour les premiers
quinze jours et après cela on essaie de revenir au travail pour
permettre aux syndiqués d'aller regagner un peu d'argent pour les
ramener en grève après, pour continuer constamment ce mouvement
de malaise social que nous connaissons. Cela nous permet de voir jusque
là, je pense.
Il continue en disant: "Le leader syndical a révélé
que l'organisation qu'il dirige est à étudier de nouveaux moyens
de pression et de nouveaux modes de négociation qui permettraient
à la fois d'éliminer des confrontations patronales syndicales
trop violentes et de laisser à chacune des parties la possibilité
entière d'obtenir satisfaction".
Voilà la solution que tous recherchent, la
possibilité d'obtenir entière satisfaction. Cela, c'est
recherché par la partie patronale et c'est recherché par la
partie syndicale ordinairement, mais aussi au Québec c'est
recherché, je pense, par la partie patronale mais c'est recherché
par les syndiqués mais ça ne semble pas l'être par les
chefs des syndicats. C'est là qu'il faut faire la différence.
Parmi ces moyens, il semble que ce soit la soumission des deux parties
adverses à la décision finale d'un comité d'arbitrage
absolument neutre. Alors voilà que ce chef de la puissante centrale
syndicale AFL-CIO vient rejoindre les propositions que l'on fait
déjà des créditistes depuis longtemps. Il rejoint ces
propositions que nous faisons à l'effet que nous devrions
considérer, et ceci de façon très sérieuse, la
possibilité de refondre complètement notre code du travail et la
possibilité qu'après une période de négociation
maximum, automatiquement le conflit, s'il n'y a pas signature d'une convention
collective, automatiquement le conflit soit porté devant les tribunaux
du travail. Je ne pense pas à ce moment-ci lorsque je dis les tribunaux
du travail, je ne pense pas au système actuel d'arbitrage, je pense que
nous devrions avoir un système de tribunaux du travail avec des juges
dans tous les districts judiciaires et des juges nommés étant
spécialisés en relations de travail puis si, au moment où
vous les nommez, ils ne sont pas spécialisés, voyez à les
spécialiser avant qu ils entrent en fonction, pour qu'ils connaissent
des relations de travail et qu'ils sachent ce à quoi ils ont à
faire face, quand ils ont à faire face à un conflit ouvrier.
Alors, cela permettrait, dans tous les districts judiciaires du
Québec, d'avoir un tribunal du travail qui est toujours prêt
à prendre en délibéré une cause qui lui sera
soumise. Mais que le tribunal du travail aussi ait un délai maximum,
pour reporter sa décision avec un droit de recours à un tribunal
central un droit d'appel. C'est normal, je pense. Mais, à la suite de ce
droit d'appel, que cette décision, que la décision de ce tribunal
d'appel soit une décision exécutoire et finale et cela liera les
deux parties en cause, la partie patronale et la partie syndicale.
M. le Président, on se sert des tribunaux dans tous les autres
domaines, tous les autres conflits qui sont soumis aux tribunaux et on croit,
parce que je pense qu'on n'a pas trouvé encore de meilleurs moyens du
moins, que c'est là la seule façon de pouvoir faire
reconnaître ces droits. Or, si c'est bon dans tous les autres domaines,
dans le domaine du travail, ce le serait aussi et ça rendrait inutile
l'exercice du droit de grève tel que nous le connaissons actuellement,
parce qu'il ne faut pas, M. le Président, mal nous interpréter,
quand nous disons qu'on doit changer cette méthode, ça ne veut
pas dire qu'on doit enlever le droit de grève et puis qu'on doit laisser
les syndiqués sans avoir au moins un médium de
revendications.
Si on dit qu'il y a possibilité de rendre inutile ce droit de
grève, c'est parce qu'on doit changer le droit de grève par
quelque chose de meilleur, quelque chose qui garantira aux syndiqués,
aux ouvriers, aux salariés, qui garantira qu'ils obtiendront justice.
Actuellement ce n'est pas comme ça qu'on se sert du droit de
grève. Ce n'est pas pour leur faire obtenir justice, c'est pour
poursuivre des buts qui ne sont pas les buts poursuivis par les
syndiqués et c'est ça la différence.
M. le Président, je pense que, dans le cas présent, nous
nous apercevons que c'est clair et net que les chefs de syndicat ont
donné des directives complètement à l'encontre de ce
qu'est le vrai droit de grève. Ils ont le droit de grève, mais
les chefs de syndicat, eux, ont donné des directives dans les cas
où il y aurait des injonctions de ne pas respecter les injonctions. Or,
c'est ça, M. le Président, c'est une des raisons pour lesquelles
nous nous devrons, en conscience, de considérer l'état d'urgence
dans lequel nous vivons présentement.
Et, lorsque les chefs de syndicat ont incité les ouvriers
à ne pas respecter les injonctions, ils étaient parfaitement
conscients, à ce moment-là, qu'ils incitaient les ouvriers, ils
incitaient les salariés à ne pas respecter la loi. Ils en
étaient parfaitement conscients. D'ailleurs, M. le Président, ils
ont pris soin de faire une tournée à travers la province, de
rencontrer les syndiqués en assemblée publique, ils ont pris soin
d'échauffer les cerveaux autant qu'ils étaient capables avant de
lancer tous ces gens-là sur le sentier de la grève
générale. Parce que, s'ils n'avaient pas fait une tournée
provinciale, déjà, au début, les syndiqués auraient
refusé. Et d'ailleurs des syndiqués eux-mêmes m'ont dit que
la façon dont le vote de grève a été pris,
c'était un peu difficile pour eux de voter pour ou contre la
grève. Certains syndiqués m'ont dit qu'en certains secteurs on
leur demandait par un vote secret: Acceptez-vous les offres telle ou
telle offre, je ne sais trop, je n'ai pas vu le bulletin oui ou non? Si
le salarié dit: On accepte l'offre, ça équivalait à
ne pas faire la grève et, s'il disait: Non, on n'accepte pas l'offre,
ça équivalait à dire: On a un vote de grève. Si
c'est comme ça qu'on prend un vote de grève je ne pourrais
pas l'affirmer, M. le Président, honnêtement, mais on me l'a
rapporté et si c'est comme ça, réellement, que
ça se prend un vote de grève, je me demande s'ils avaient un
mandat pour la faire. Je me demande s'ils avaient un mandat parce que de plus
en plus on constate que ce sont les syndiqués eux-mêmes qui nous
demandent de retourner au travail. Et la preuve que nous avons de ça,
c'est que les lignes de piquetage sont vides, alors qu'on nous annonce 30,000,
40,000, 50,000 ou 60,000 syndiqués en avant du Parlement, on n'en a pas;
alors qu'on nous annonce, dans ma région et là je suis en
mesure de parler en connaissance de cause qu'il y aura des centaines de
travailleurs à la porte, par exemple, de tel édifice du
gouvernement ou à la porte de tel
autre édifice du gouvernement, je constate parce que je
suis allé sur les lieux qu'il n'y en a pas tellement et ceux qui
sont là y sont M. le Président, excusez l'expression
en maugréant contre le syndicat parce qu'ils ne veulent pas faire
la grève, ils veulent retourner au travail.
On m'a confié que, s'ils n'écoutaient pas les directives
du syndicat, ils pouvaient s'attendre à des représailles. Alors,
devant ces situations, devant ces représailles
appréhendées, évidemment les syndiqués vont faire
le piquetage. Mais, ils n'y vont pas parce qu'ils le veulent, ils y vont parce
qu'ils sont obligés par la force. Ce sont ces choses-là, M. le
Président, que nous pouvons éviter mais, attention, il ne faut
pas nous servir de l'occasion pour faire une loi spéciale qui serait sur
le dos des travailleurs. Ce serait inacceptable. Si on est obligé de la
faire, c'est parce qu'il y a urgence je sais que le ministre du Travail
n'a pas eu le temps de réviser le code du travail, il n'a pas eu assez
de temps durant la période de grève mais il faudra que
ça se fasse. Aujourd'hui, c'est la grève générale
dans le secteur public mais, demain, ce sera autre chose qui viendra perturber
le climat économique et social du Québec. Et c'est pourquoi, M.
le Président, les suggestions que nous faisons de remplacer le
mécanisme actuel par un mécanisme permanent qui donnerait justice
aux travailleurs, qui donnerait justice aux salariés, nous le maintenons
et nous le demandons et ce, dans les plus brefs délais.
Et en terminant, M. le Président parce que j'ai
l'impression que vous voulez me signaler que mon temps est terminé
je réitère que, si nous acceptons cette loi-là,
avant d'aller à l'extrême limite, que le gouvernement
considère les demandes que nous avons faites à l'effet d'accorder
un minimum de $100 par semaine. Qu'on pense aux gagne-petit, qu'on pense
à celui qui a le plus de misère dans notre société.
Pensez à celui-là et je pense, M. le Président, que si on
pense aux gagne-petit, les autres évidemment sont moins dans la
misère mais on pensera à eux aussi. Je vous demande et je demande
au gouvernement, même s'il est obligé d'adopter une loi
spéciale, de ne pas abuser de sa force de gouvernement, de ne pas en
abuser et de donner aux travailleurs salariés du secteur public, et
surtout aux gagne-petit, je vous demande de leur donner le minimum de $100 par
semaine.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. William Tetley
M. TETLEY: M. le Président, je crois qu'il n'y a qu'une seule
question ce soir, c'est la suivante: Notre gouvernement a-t-il le droit de
suspendre le droit de grève? Avons-nous le droit dans les circonstances?
Je vous avoue que c'est un problème difficile, c'est un jugement
très important et je crois qu'il est nécessaire d'être
solidaires et aussi certains de notre décision.
Il y a en effet trois questions: Quand un gouvernement peut-il suspendre
le droit de grève? La deuxième question: Par quels moyens? Il y a
deux moyens, une loi spéciale et aussi des injonctions...
DES VOIX: La loi.
M. TETLEY: Je parle sur le principe du bill. Troisième question:
Qui doit décider? Est-ce tout simplement le gouvernement, le Parlement
ou un arbitre ou qui d'autre? J'avoue que la question primordiale et les trois
questions que je viens d'énoncer sont très difficiles. Evidemment
mes réponses et les réponses du gouvernement sont les suivantes:
Nous avons ce droit, sinon le devoir, dans les cas d'urgence et je crois qu'il
y a certainement une situation d'urgence aujourd'hui. Les moyens? Nous avons
essayé des injonctions et je crois que le moyen qu'il nous reste, c'est
une loi spéciale. Qui doit décider? Je crois que ce n'est pas
tout simplement le gouvernement mais le Parlement et c'est pourquoi nous avons
devant nous, ce soir, cette loi.
Je suis très content de noter qu'un membre assez important du
Parti québécois est du même avis. Je cite M. Jacques
Parizeau, vice-président du Parti québécois dans
Québec-Presse du 27 février 1972 dans une chronique hebdomadaire.
Cette semaine-là, sa chronique était intitulée toujours
"Parizeau en liberté." Il était le seul évidemment en
liberté dans le temps, mais aussi le sous-titre était: "La
grève dans les services publics". En effet, c'est le sujet devant nous
ce soir. M. Parizeau a répondu à ces trois questions. Je vais le
citer et je suis certain que le député bâtonnier de
Maskinongé sait très bien que j'ai raison dans le nouveau
règlement de citer les journaux, un droit que je n'avais pas
autrefois.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais inviter mon honorable ami
à faire une distinction entre un député bâtonnier,
un bâtonnier et un député. Ne vous mêlez pas.
M. TETLEY: En tout cas vous avez tous ces ordres et titres et j'en suis
très content. Voici la réponse de M. Parizeau à la
première question. Quand un gouvernement doit-il suspendre le droit de
grève? Page 19 de sa chronique: "Evidemment, dans certains cas, on peut
avoir à suspendre le droit de grève pour des raisons de
circonstances ou d'urgence parce que, pendant quelques jours, la
sécurité ou la santé sont directement menacées ou
parce qu'une situation critique a été atteinte."
Il faut noter qu'il avait dit: On peut suspendre le droit de
grève pour des raisons de circonstances ou d'urgence. Le ministre des
Affaires sociales a parlé de la situation d'urgen-
ce dans les hôpitaux. Nous connaissons tous cette situation. Le
ministre de l'Education a aussi parlé de la situation dans les
écoles, suivant son opinion. Il y a aussi le ministre de la Fonction
publique qui a donné son opinion sur le plan général.
Je crois que nous avons rempli les conditions de M. Parizeau et je vais
citer la réponse de M. Parizeau à la deuxième question:
Par quels moyens? "L'injonction, comme dans le cas de la grève des
manuels à Montréal pendant une tempête de neige ou une loi
spéciale du Parlement sont alors des recours normaux dans la mesure
où les gouvernements n'en abusent pas". Il a parlé et
c'est la même citation, une suit l'autre d'une situation d'urgence
pendant quelques jours à cause d'un manque de sécurité
où des circonstances... pendant quelques jours. Cela fait quelques
semaines que nous faisons face à la situation actuelle. Et il a dit que
l'injonction et la loi spéciale sont des recours normaux. Je crois que
c'est la réponse à la deuxième question: Par quels moyens
le gouvernement doit-il agir?
La troisième question est la suivante: Qui doit décider? A
la même page, M. Parizeau a répondu clairement. Il faut donc que
le gouvernement, comme employeur, tienne solidement la barre lorsqu'il a
l'impression que la limite est atteinte. Est-ce qu'il a dit le Parlement? Non,
il a dit: Le gouvernement, lorsqu'il a l'impression, le gouvernement. Et notre
gouvernement a décidé, notre gouvernement a même pris,
évidemment suivant la loi, la décision de la présenter au
Parlement et nous avons un débat qui est, j'espère,
démocratique.
Mr. President, I would like to speak in English because there are many
English-speaking citizens of Quebec who are involved in this strike,
particularly teachers. We have an important and heavy responsibility as Members
of this Government and as Members of this Parliament because the Government has
given this responsibility in part to us all. We are going to vote on this
question. We must decide when, and if necessary, to apply a special law to
withdraw the right to strike in this Province.
As I have said, I am not ever sure of any decision I make or that others
make and this is a difficult decision. I believe, however, that we have, as Mr.
Parizeau has clearly pointed out, a case of urgency. I believe the
circumstances have been clearly outlined by the Minister of the "Fonction
publique", by the Minister of Education and by the Minister of Social Affairs.
I can say that in the ministry of Financial Institutions we are suffering
greatly, perhaps even more than in some of the ministries I have mentioned. We
have for ten or more days been unable to reply to requests for incorporations.
Quebec incorporates 6,000 or 7,000 new companies a year.
We have lost, perhaps, 100 to 200 companies because of the strike. We
have also affected our reputation. We have been unable to answer insurance
companies. We have been unable to answer the financial market. The Securities
Commission is not operating. Business is going elsewhere. We, and I speak also
of my predecessors who have not been of our Government, have been able to
incorporate compagnies quicker than in other provinces and in Ottawa. Ottawa
incorporates 1,400 to 1,500 companies a year and in Quebec we incorporate 6,000
or 7,000. We do not want that ratio to change.
Mr. President, there is an ever greater problem. It is the problem of
the Government taking its responsibility, stopping at some point the strike
which is an expression of discontent, stopping the violence. People have the
right to express their discontent. As the Member for Rouyn-Noranda said: How
violent must their discontent be and is there any benefit from a violent
demonstration? Does it not cause violence in others?
Now, I believe, Mr. President, it is now the time to take this difficult
but important decision. The Province, and I think the world is divided between
what are called "hawks and doves". The hawks are the people, in America, who
want the war in Vietnam, the doves want peace. In the similar situation of this
strike, there are some who want very strong police intervention and others want
temperance and temperate action.
I congratulate the Minister of the Fonction publique for his temperate
cool response to every aggressive and violent remark and action that has been
made. He has gone to the very limit. But in the words of Mr. Parizeau: "When
the employer believes or has the impression that the limit has been attained
"que la limite est atteinte", then we must act.
Mr. President, I think the limit, in my view, without pretending to be
an authority but having watched this dispute carefully, having studied it,
having missed no chance to take part in any discussions as Member of the
Government, I am convinced that now is the time to act with the same coolness
that the Minister of the Fonction publique has always shown to adopt the law
which has certain sanctions in it but not every cruel sanction and to insist
that the people go back to work. We then negociate in two places. First, with
the Unions, at any time, in any place, and also in Parliament, in our
parliamentary commission.
M. le Président, j'avoue encore que la décision est
difficile mais cette décision est peut-être la plus importante
parmi toutes celles que nous aurons à prendre cette année et
parmi celles que nous avons déjà prises depuis les graves
événements d'octobre 1970. Mais il faut prendre la
décision. Je crois que le débat, très calme ce soir, est
une preuve...
UNE VOIX: C'est le matin.
M. TETLEY: ... pardon, ce matin, à qua-
tre heures cinq minutes que les quatre partis du Parlement sont
conscients de leurs responsabilités et que la population va suivre cette
sérénité et ce calme de notre gouvernement.
Donc, M. le Président, j'appuie, avec toutes mes forces...
UNE VOIX: On s'en doutait!
M. LAFONTAINE: II appuie de toutes ses forces mais c'est dur à
appuyer quand même.
M. TETLEY: J'espère que j'aurai aussi l'appui du
député de Labelle. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. Guy Joron
M. JORON: M. le Président, j'avoue que le ministre des
Institutions financières a posé des questions pertinentes, a bien
situé quelques-unes des questions que le débat de ce soir
soulève. Je pense cependant que, dans les réponses qu'il a
apportées, il a mal interprété les citations, par exemple,
de M. Parizeau.
Deux questions étaient posées. Il disait que la suspension
du droit de grève, par exemple, pouvait être
considérée quand la limite ou le seuil de tolérance, si
vous voulez, était atteint. Nous pensons qu'après neuf jours
cette limite n'était pas atteinte, d'autant plus qu'on n'avait pas fait
l'utilisation, l'essai de tous les moyens qu'on avait à sa disposition,
en particulier je ne veux pas revenir trop longuement là-dessus
sur cet outil de négociation, si vous voulez, qu'est la
commission parlementaire. Mais cela, des orateurs, avant moi, l'ont
déjà mentionné.
D'autre part, l'une des questions posées était à
l'effet de savoir quand il y avait urgence dans un domaine particulier qui
mettait en danger la sécurité ou la santé publique, par
exemple. Bien que nous n'ayons pas eu, par la voix du ministre de la
Santé, les preuves concluantes que cet état de crise si grave
existait dans le domaine de la santé, je dirais ceci: Si cet état
grave existait, à ce moment-là, la façon de
procéder nous aurait semblé être une loi spéciale,
s'il devait y en avoir une, suspendant le droit de grève mais là
où il y avait un bobo, c'est-à-dire dans le domaine de la
santé, là où la crise était grave, mais pas pour
couvrir tout l'ensemble du secteur public.
Parce que, en effet, qui est visé par cette loi et quelle
importance cela a-t-il? Je pense qu'il est important qu'on y
réfléchisse quelques instants. Les syndiqués en cause dans
le conflit, les syndiqués qui sont touchés par l'effet de cette
loi représentent 10 p.c. de toute la main-d'oeuvre du Québec,
représentent aussi le quart de tous les syndiqués du
Québec. Contrairement à ce qu'a souligné un peu plus
tôt le député de Chicoutimi, quand il parlait du nombre
relativement faible de syndiqués par rapport à la main-d'oeuvre
totale qu'il y avait au Québec et me référant à une
publication du mois de février du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, on sait que le nombre de syndiqués voisine autour de 40
p.c, à l'heure actuelle. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un nombre
relativement faible, surtout quand on sait que la syndicalisation est la plus
forte dans les domaines qui ont le plus de répercussions sur
l'économie. Là où la syndicalisation est faible, par
exemple, dans le domaine des services privés, des services personnels,
des petits commerces, on peut comprendre. C'est facilement
compréhensible. C'est un secteur beaucoup plus difficilement syndicable,
si vous voulez. Alors si on faisait la proportion des ouvriers qui sont
syndiqués par rapport à ceux qui sont facilement syndicables, on
peut dire qu'une bonne partie et la plus importante partie de la main-d'oeuvre
syndicable, au Québec, est déjà syndiquée.
Là, on parle du corps de tous les syndiqués du
Québec, ce soir, soit 10 p.c. de la main-d'oeuvre. Qu'est-ce qu'on leur
fait, à ces syndiqués? Quel est l'effet de la loi? A toutes fins
pratiques, on suspend le droit de grève, pas seulement temporairement.
Je pense que c'est le ministre des Affaires sociales lui-même, qui a
été le premier intervenant du côté
ministériel, qui a touché du doigt le vrai problème et qui
n'a pas eu peur, même s'il l'a dit de façon un peu voilée,
et qui l'a quand même dit. C'est cela qui est en cause. C'est le droit de
grève, point.
Evidemment, il l'a présenté avec son flegme habituel, avec
son ton modéré, avec sa voix charmante, ainsi de suite. Il reste
quand même que ce soir, pour la première fois je pense
qu'il est important qu'on le note le ministre des Affaires sociales
s'est en quelque sorte démasqué.
C'était un homme au sujet duquel planait le plus
d'ambiguité parmi les principaux ministres depuis deux ans. On l'a,
à tort ou à raison, ou sans trop savoir parfois, qualifié
de progressiste, de ci ou de ça. Je pense que le témoignage qu'il
nous a livré ce soir est très important et il faut le
souligner.
Il a lui-même remis en cause le droit de grève. Point,
à la ligne. Non seulement dans une situation d'urgence, non seulement
dans le secteur public, le droit de grève lui-même. En cette sorte
qu'on le note aussi, c'est très intéressant à voir
il rejoignait les propos de celui que je me permets de qualifier comme
le plus réactionnaire en cette Chambre, et je veux parler du
député de Rouyn-Noranda, qui dans un autre ton et dans une autre
forme a dit exactement la même chose, du même acabit, exactement de
la même idéologie. Cela, c'est une révélation et
nous allons nous en souvenir longtemps, nous ne la passerons pas sous
silence.
On enlève donc, à toutes fins utiles, et certains ont eu
au moins le courage de l'affirmer, le droit de grève. Point, à la
ligne.
C'est bien clair dans le projet de loi, on est en train de dire aux
syndicats: N'essayez plus jamais la grève dans le secteur public. On
endure neuf jours, on n'essaye pas de commission parlementaire et on ne bouge
pas à part ça et après ça, clang! Il n'y en aura
plus de droit de grève, je ne pense pas. Cela veut dire la fin du droit
de grève dans ce secteur-là. C'est ça qui est l'enjeu.
Est-ce habile de faire un tel geste à un moment où dans
l'histoire de notre société l'autorité est remise en cause
ainsi que la légitimité du Parlement? On vient de reculer
à 1964, il ne faut pas l'oublier. Le premier ministre Lesage, à
l'époque, avait eu la phrase célèbre: "La reine ne
négocie pas avec les sujets." Il s'était ravisé par la
suite.
D'autres gouvernements ont traversé la même épreuve
parce que c'en est une, je l'admets mais avec succès, sans
jamais aller aussi loin que de revenir à la situation d'avant 1964.
Le gouvernement qui est devant nous ce matin, lui, n'a pas
été capable de traverser l'épreuve que le gouvernement
Lesage avait une fois traversée et ensuite le gouvernement Johnson en
1968. C'est ce qu'a souligné d'ailleurs l'ancien ministre de la Fonction
publique, qui lui a eu le même problème que le
député de Deux-Montagnes il y a trois ou quatre ans. Si
ç'a été possible à ce moment-là, comment se
fait-il que c'est impossible aujourd'hui? Qu'est-ce qu'il y a de
changé?
Il y a quelque chose de changé, qu'a souligné
indirectement le député de Chicoutimi quand il a dit:
Derrière tout ça il y a des aspects idéologiques qui ne
sont pas mentionnés. Il a parlé, à mots couverts, de
certaines revendications des chefs syndicaux en dehors du cadre de la
négociation.
Le député de Rouyn-Noranda, lui aussi, a parlé des
aspects idéologiques. Il avait d'ailleurs commencé son
intervention en nous disant qu'il avait reçu une communication dont il
voulait nous faire part. J'ai tout de suite cru à un coup de
téléphone de Gilberte Côté-Mercier ou quelque chose
du genre. Après l'avoir entendu, j'en étais convaincu.
Il s'est livré à une chasse aux sorcières
épouvantable: le socialisme, Charles Gagnon, tous les faux-fuyants,
toutes les maudites excuses pour ne pas parler du problème, la chasse
aux sorcières classique. Tout pour éviter les vraies
responsabilités.
L'aspect idéologique dont j'ai parlé n'est pas du tout
celui qu'a mentionné le député de Rouyn-Noranda. Le
gouvernement poursuit des fins idéologiques dans le geste qu'il pose ce
soir. Pas les syndicats. Les syndicats étaient pris dans une
négociation bien précise, sur des points bien précis: $100
par semaine, sécurité d'emploi, etc, sur lesquels le gouvernement
n'a pas bougé. Il n'était pas pris dans un conflit
idéologique.
Mais le gouvernement, lui, pose un geste idéologique en remettant
le droit de grève en question, un geste idéologique grave de
conséquences. Il fait son lit. Le ministre des Affaires sociales se
démasque. D'autres se démasquent. C'est ça qu'il est
important de retenir. Quelles conséquences que ça a?
Permettez-moi, pour l'illustrer, d'insister un peu sur les 10 p.c. de la
main-d'oeuvre qui sont concernés dans ce conflit.
Prenons les deux cas qui regroupent le plus d'employés. Excluons
les hôpitaux, et retenons les professeurs et les fonctionnaires. Vous
vous rappellerez peut-être, vous excuserez ce rappel historique, ce qui
se passait au Québec en 1960? Que se disait-on à cette
époque-là?
On se disait: On a besoin de faire des efforts dans l'éducation.
Il y a un premier ministre qui était allé jusqu'à dire
qu'on était un peuple de non-instruits, ce n'était
peut-être pas très habile, c'était peut-être un peu
vrai par contre. En l'espace d'une génération, on a assis toute
une génération sur les bancs d'école.
Le nombre d'élèves dans le secondaire est passé de
70,000 à 400,000. Il y avait un effort considérable à
faire dans l'éducation, on l'a fait. En même temps, on s'est dit:
On veut entreprendre des choses au Québec et être capable de les
mettre en oeuvre, ne serait-ce que celui du domaine de l'éducation.
Il faut donc une fonction publique. Les deux choses, rappelez-vous
ça, d'importance à l'époque, c'était se donner un
système d'éducation moderne, se donner un Etat moderne via une
fonction publique. Les deux professions que l'on a le plus voulu valoriser
à cette époque-là, c'était la fonction publique et
l'enseignement. On a mis les efforts là-dedans, on y a mis le prix, on a
fait des appels pour attirer du monde. Il a fallu valoriser la profession.
Valoriser la profession, ça voulait dire, entre autres, en 1964, leur
donner le droit de grève. Cela faisait aussi partie de tout
ça.
Et qu'est-ce qu'on est en train de faire aujourd'hui? Les deux groupes,
dans notre société, par qui toute la modernisation du
Québec s'est construite, deviennent les victimes, ce matin, par le
projet de loi qui est devant nous. Ce sont eux qu'on pénalise pour avoir
été les instruments de modernisation du Québec. Ce sont
eux qui vont en subir les conséquences.
Quelle est la démoralisation, la démobilisation ou enfin,
je ne sais pas comment la qualifier, qui va se produire dans ces deux
professions-là, et quel sera ensuite l'effet sur l'Etat et sur la
société en général? J'aime autant ne pas y
penser.
Est-ce qu'on est obligé de faire ça? Prenons un exemple,
la question de la sécurité d'emploi des enseignants. Le
gouvernement a fait valoir le point suivant. Il dit: La natalité baisse
au Québec, les statistiques nous montrent qu'il y aura moins
d'élèves au secondaire, au collégial et ainsi de suite
dans tant d'années. Donc, forcément, le nombre de professeurs va
baisser.
Cela, on le sait. Alors, on dit: Si on s'engage
à la sécurité d'emploi, on va rester poignés
avec "un gang" de gars à ne rien faire. Est-ce que c'est juste de relier
la dénatalité et le nombre d'élèves dans les
écoles au problème plus large de l'éducation?
Nous, nous avons réclamé depuis déjà un bout
de temps, d'accorder cette sécurité d'emploi, parce que ce n'est
pas faire du "feather-bedding", comme on dit dans le domaine de
l'éducation. Ce sont possiblement les gens que l'on peut le plus
facilement transporter dans d'autres secteurs d'activité, des gens qui
sont recyclables le plus facilement. A-t-on même besoin de les
déplacer du domaine de l'éducation si on ouvre, et qui oserait
contester que ce n'est pas une priorité au Québec, si on ouvre le
secteur de l'éducation des adultes?
Il y aura peut-être moins de jeunes, parce que la natalité
a baissé dans les écoles. Mais qui oserait prétendre ici
que l'éducation est une marchandise qui n'est plus en demande au
Québec et qui n'est pas en demande croissante en plus. Le besoin
d'éducation des adultes et tout ça, vous ne me direz pas que le
gouvernement aurait le front de prétendre que l'éducation n'est
pas une marchandise dont la demande sera croissante au Québec dans les
années à venir.
M. PAUL: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: Mes hommages, M. le Président, mes félicitations;
c'est la première fois que vous occupez un tel poste. Je voudrais vous
rappeler l'article du règlement que je sais que vous connaissez fort
bien, et qui oblige tout opinant à prononcer, à traiter du sujet
qui est soumis pour étude à l'Assemblée nationale.
Et j'écoute avec beaucoup d'intérêt mon bon ami, le
député de Gouin. Quand il parle de notre système
d'éducation en général, je sais que c'est pour finalement
rattacher ce système à l'oeuvre des éducateurs dans le
Québec. Je voudrais vous demander si vous allez tolérer un tel
écart dans les propos soutenus par l'honorable député de
Gouin.
M. JORON: M. le Président, je vais le rassurer, le rattachement
s'en vient. J'y étais. Le voilà!
M. LE PRESIDENT: J'étais assuré d'avance qu'il suivrait
votre avis.
M. JORON: Le rattachement est le suivant. Ce n'est visiblement pas une
excuse, c'est donc qu'il y a quelque chose derrière tout cela,
derrière le projet de loi du gouvernement. Il y a un aspect
idéologique. L'abolition du droit de grève. Il y a plus que cela
aussi. Prenons l'exemple des enseignants: la main-d'oeuvre dans ce
secteur-là augmente et on veut la restreindre, par le moindre attrait
qu'aura forcément cette profession et la fonction publique une fois
qu'on y aura enlevé le droit de grève, une fois qu'on aura
vécu le traumatisme de ces mois-ci. Cela est relié, à mon
avis, à une volonté ferme, implicite, et manifeste du
gouvernement par bien des exemples depuis deux ans, depuis que ce
gouvernement-là est au pouvoir, et encore plus par le dernier budget,
une volonté, dis-je, de diminuer, de réduire progressivement mais
graduellement le rôle de l'Etat dans notre société.
Je pense que c'est catastrophique si on ne s'en rend pas compte et si on
laisse le gouvernement s'engager dans cette voie-là. Qu'est-ce que cela
annonce? L'extinction graduelle, à long terme, du seul pouvoir, du seul
instrument relativement puissant que les Québécois avaient dans
les mains, pour forger ou orienter quelque peu leur avenir.
Il y a tant de facteurs, que ce soit économique ou autres, dans
notre société, qui sont contrôlés de
l'étranger. Il restait un instrument puissant: l'Etat. Tranquillement,
on est en train de le saboter. On diminue son importance. On l'a vu dans le
budget. On démoralise la fonction publique, les enseignants, tout s'en
va tranquillement vers une espèce de petit Etat médiéval.
C'est presque un retour aux années d'avant 1960. Et tout cela sous des
airs de modernisme. Un premier ministre qui se prétend, non pas lui,
parce qu'il n'a jamais eu le front de le faire, mais enfin, ses publicistes qui
l'ont prétendu économiste et toutes sortes de trucs comme
cela.
M. le Président, je pense que la loi qui est devant nous, ce
matin, est d'une gravité considérable. Y souscrire, c'est en
quelque sorte cela ne paraît pas, à première vue,
mais c'est là un des geste qui tranquillement relèguent l'Etat du
Québec à une espèce de petit rôle municipal.
En terminant, j'endosserais ce qu'a déjà dit le
député de Chicoutimi en cette Chambre: On finira par dire du
premier ministre du Québec que c'est le plus jeune maire de la plus
grosse municipalité d'Amérique! C'est un Etat qui s'amenuise au
jour le jour, tranquillement. C'était pourtant le seul instrument sur
lequel pouvaient compter les Québécois. Chaque jour qui passe,
chaque nouvelle loi, on le sabote un peu davantage. On ne pourra certainement
pas voter pour une loi semblable.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, nous avons devant nous un
projet de loi que nous a présenté le gouvernement, projet de loi
no 19: Loi assurant la reprise des services dans le secteur public. Evidemment,
au cours de cette deuxième lecture, nous avons l'obligation et la
responsabilité de voter pour ou contre ce projet de loi.
Lorsqu'on examine la situation de près, lorsqu'on examine le
projet de loi tel que présenté, lorsqu'on examine l'ensemble du
problème que nous avons envisagé, il est évident qu'il y a
des principes qui militeraient pour que nous votions pour le projet de loi. Il
s'agit du respect de l'ordre et du respect de l'autorité, ce que nous
avons toujours admis.
Par contre, il y a d'autres principes, dans ce projet de loi, qui nous
amèneraient, qui nous porteraient et qui nous obligeraient à
voter contre ce projet de loi. Parmi ces principes, c'est celui du droit des
individus et du droit des citoyens. Nous aurions également des raisons,
compte tenu des circonstances, de voter en faveur de ce projet de loi comme il
y aurait d'autres raisons de voter contre ce projet de loi et c'est ce que je
vais tenter d'énumérer au cours de mon intervention.
Nous nous trouvons en face d'une grève des secteurs public et
parapublic au Québec pour la première fois dans notre histoire.
Certains éditorialistes ont même écrit dans les journaux
récemment que c'était le premier fait de ce genre à se
produire en Amérique du Nord. Si nous examinons les conséquences
de cette grève, il est évident que les conséquences sont
tragiques; nous les déplorons au plus haut point. Il y a des gens qui
sont actuellement privés de services de santé, de services
médicaux qu'ils ont droit d'avoir, pour lesquels ils ont payé. Le
gouvernement, le présent comme celui qui l'a
précédé, a garanti des droits à tous, sans
distinction de fortune, des droits égaux aux services de santé,
comme on a promis des droits égaux à l'éducation et
autres.
Le gouvernement, après avoir tout accaparé, après
avoir tout pris sous sa responsabilité, se trouve aujourd'hui dans une
négociation globale. En écoutant le discours du premier ministre
tout à l'heure, j'ai pu me rendre compte que, même s'il disait que
le gouvernement devait tenir compte de la préséance de
l'intérêt privé et qu'il devait regarder la justice
sociale, c'est drôle que le gouvernement parle de la
préséance de l'intérêt privé et de la justice
sociale uniquement lorsqu'il est mal pris, lorsqu'il est en dernier recours. Le
premier ministre nous a dit que c'était au gouvernement de
décider quand une grève doit se terminer. Je dirai que c'est
d'abord le rôle du gouvernement d'éviter la grève.
Le premier ministre nous a souligné de plus les limites
financières de l'Etat; de plus il nous a dit c'est curieux, on
n'avait pas eu l'impression d'entendre le même discours il y a deux jours
que la province de Québec était la plus taxée au
Canada. C'était un aveu du gouvernement et le gouvernement nous dit
aujourd'hui qu'il est mal pris, qu'il est en face d'une grève alors
qu'hier, avant-hier, la semaine dernière, il ne semblait pas y avoir de
problèmes au Québec. Cette grève est la conséquence
de quoi? Cette grève est la conséquence d'un vote pris à
la suite d'une négociation collective qui a traîné en
longueur, pendant des semaines, des mois et même depuis plus d'un an.
Quel sorte do vote les syndiqués de la fonction publique et de la
fonction parapublique ont-ils pris? Quel est le bulletin de vote qu'on leur a
présenté? Etes-vous en faveur de la grève oui ou non ou si
on leur a demandé tout simplement s'ils étaient en faveur des
propositions de leur syndicat ou s'ils étaient contre les offres
patronales?
Sur quel bulletin de vote était-il indiqué que les gens
avaient à se prononcer pour ou contre la grève? Pourtant, on nous
dit que les gens ont voté pour la grève et nous avons la
grève au Québec. Depuis que nous siégeons en cette
Chambre, depuis bientôt deux ans, à plusieurs reprises le
gouvernement est venu avec des lois matraques pour régler des situations
explosives. A chaque fois, nous avons demandé au gouvernement d'amender
le code du travail, d'organiser des mécanismes de négociation. A
chaque fois, nous avons demandé au gouvernement de prendre des
dispositions en vue d'apporter certains amendements et certains correctifs dans
le système afin d'éviter cette situation. A chaque fois que nous
avons voté en faveur de ces projets de loi, chaque fois le gouvernement
n'a jamais donné suite aux recommandations que nous avions faites de
façon que nous nous trouvons toujours devant le même
problème.
C'est la situation dans laquelle nous sommes présentement, c'est
la situation dans laquelle nous serons encore dans six mois, c'est la situation
dans laquelle nous serons encore dans un et dans deux ans.
Il y a un droit fondamental et le gouvernement devrait s'interroger et
s'examiner. Chaque individu d'une société a un droit fondamental
à la sécurité économique et ce droit fondamental
est également conditionné par les conditions de travail humaines
et obtenues sans entrave à la liberté individuelle. Nous
réclamons souvent: Sécurité et liberté pour les
individus. Aujourd'hui le gouvernement est obligé de
légiférer en fonction de la sécurité du public du
Québec mais aux dépens de quoi? Aux dépens de la
liberté d'un certain groupe d'individus qui ont tout de même
choisi de se donner des structures syndicales pour pouvoir avoir de meilleures
conditions de travail parce qu'on se rappellera dans quelles conditions de
travail les fonctionnaires travaillaient dans la province de Québec
avant qu'ils soient syndiqués.
Je ne suis pas prêt à pardonner aux syndicats et surtout
à certains chefs syndicaux. Nos gouvernements, au lieu de prendre leurs
responsabilités en matière économique, pour tâcher
de permettre aux individus d'avoir un droit à la sécurité
économique à l'intérieur d'un système
économique sain, à l'intérieur d'une administration saine,
à l'intérieur d'une administration d'un gouvernement qui prenait
ses responsabilités, le gouvernement, dans ce domaine-là comme il
a fait dans d'autres temps, il a confié ses
responsabilités à d'autres, il a organisé des lois
ouvrières et il a dit aux syndicats: Nous vous donnons des
responsabilités de voir à la sécurité
économique des travailleurs et à voir à négocier de
meilleures conditions de travail.
On a donné des responsabilités aux syndicats mais le seul
pouvoir qu'on leur a donné a été de prendre les employeurs
du secteur privé à la gorge et de dire: Payez ou nous allons
fermer vos usines. Le gouvernement a administré cette salade pendant
combien d'années pour nos industriels et nos employeurs au
Québec? Aujourd'hui le gouvernement subit la même médecine
que les employeurs, que nos industriels, que nos commerçants au
Québec ont subie grâce aux lois gouvernementales depuis un
très grand nombre d'années et le gouvernement ne peut pas
accepter cette médecine pour lui, la médecine qu'il a
imposée aux autres. On a obligé nos entreprises au Québec,
par des lois ouvrières, à donner des sécurités
économiques à leurs employés alors que nos entreprises au
Québec n'avaient pas cette sécurité. C'est le
problème au Québec. Mais il est bien évident que, chaque
fois que nous en avons parlé en cette Chambre, ça fatiguait, on
ne veut pas toucher le problème. Là, ça va bien mieux. On
trouve des coupables à la situation, on laisse traîner des
conflits en longueur, on laisse affamer la population et après ça
on leur offre un sandwich, les gens sont tellement affamés que,
même s'il y a de l'arsenic dans le sandwich, on le mange quand même
tellement on a faim. C'est une loi arsenic que le gouvernement est à
présenter à la population du Québec, c'est la loi que le
gouvernement nous présente à l'heure actuelle. C'est vraiment
honteux d'en être rendus à cette situation.
Si un industriel procédait de cette façon dans la province
de Québec, que dirait le gouvernement, que diraient les ouvriers? Le
gouvernement oblige les autres à exécuter les lois de travail,
les conditions de travail mais le gouvernement lui, non. Lui, il se vote des
lois d'exception et il a tellement laissé tramer la situation
qu'aujourd'hui il est obligé de demander à l'Opposition de
l'endosser s'il vous plaît, pour l'amour!
M. BOURASSA: Nous ne vous demandons rien.
M. ROY (Beauce): Vous le soumettez à la Chambre.
Le gouvernement était au courant depuis fort longtemps que la
situation actuelle se préparait. J'ai ici un article de journal du 10
novembre 1971 dans lequel...
Je prendrai mes responsabilités, M. le ministre du Revenu, quand
le temps sera venu et je puis vous assurer que je n'aurai pas peur de les
prendre.
M. VEZINA: Symphorien, assieds-toi. M. ROY (Beauce): M. le
Président,...
M. HARVEY (Jonquière): Personne ne vous a demandé de voter
pour.
M. ROY (Beauce): On dit ici devant 2,500 personnes le 10 novembre
1971.
M. VEZINA: Qui ça, quel journaliste? M. ROY (Beauce): Le journal
L'Action.
M. LE PRESIDENT (Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. VEZINA: C'est ça, les actions de la bourse.
M. ROY (Beauce): La violence contre la violence et la grève s'il
le faut! Plus de 2,500 syndiqués des secteurs public et parapublic
avaient envahi hier soir le patro Roc-Amadour. C'est à Québec
pour l'information du député de Montmorency.
M. VEZINA: Je connais ça.
M. ROY (Beauce): Aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une situation
où certains individus, du fait que le gouvernement a manqué
à son devoir et à ses responsabilités, ont des pouvoirs
tels qu'ils se promènent pour dire qu'il faut casser le régime.
Ils s'en vantent. Ils prennent toutes les dispositions et, aujourd'hui, il est
évident et nous l'admettons il y a des députés et
des membres de cette Chambre qui l'ont dit que nous avons à faire
face à un conflit idéologique. C'est vrai. Mais est-ce qu'une loi
de ce genre va régler un conflit idéologique? Je dis qu'elle ne
fait que l'aggraver. Le gouvernement a la responsabilité de
prévoir ce qui pourra arriver par la suite.
Nous avons des problèmes économiques. Nous avons
demandé hier soir, pendant quatre heures de débat, que le
gouvernement nous donne quatre heures pour permettre de rencontrer les
dirigeants du front commun de façon que nous puissions avoir... M. le
Président, est-ce que j'ai le droit de parole ou si ce sont eux qui ont
le droit de parole?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Vu l'heure
avancée, je pourrais permettre à tous les honorables
députés qui voudront parler, lorsque le temps sera venu, au moins
à chacun vingt minutes, mais laissez s'il vous plaît à tous
et chacun leur droit de parole.
L'honorable député de Beauce.
M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Beauce me permettrait
une question? Est-ce qu'il était présent lorsqu'on a
discuté des quatre heures tout à l'heure? Nous avons
décidé qu'on ne s'en occupait pas. Passez donc au fond du
sujet.
M. ROY (Beauce): M. le Président, si le député de
Saint-Jean avait été en Chambre, il se
serait aperçu que j'ai toujours été en Chambre.
J'ai passé la nuit en Chambre.
M. VEILLEUX: J'ai toujours été en Chambre aussi.
M. ROY (Beauce): Alors, pourquoi me poser cette question? Je disais donc
que le gouvernement avait ses responsabilités. Nous le savons. Mais si
administrer c'est prévoir, quand est-ce que le gouvernement du
Québec a prévu dans ce domaine? Quels sont les mécanismes
qui ont été mis en place pour la négociation? Quand a-t-on
parlé d'arbitrage? Il n'a jamais été question d'arbitrage
dans ce conflit. Je dis que le gouvernement, lorsque nous avons demandé
ce soir d'entendre les représentants du front commun devant cette
Chambre, afin que nous puissions être informés et avoir leur
version pour être capables de faire le point, pour être capables de
faire des propositions afin de trouver un moyen terme pour régler cette
situation sans être dans l'obligation d'adopter une loi matraque, le
gouvernement a été d'une intransigeance telle devant nous que
nous n'avons absolument rien obtenu. Je me demande pourquoi le gouvernement a
si peur de nous permettre de les rencontrer et de constater nous-mêmes et
même de compromettre certaines personnes si elles sont de mauvaise foi.
Je dis bien, si elles sont de mauvaise foi, de les compromettre. Non, non, on
n'a pas voulu.
On nous demande de nous prononcer sur le projet de loi qui nous est
présenté. Le gouvernement nous a dit que l'arbitrage
n'était pas possible parce que le gouvernement ne peut prendre le risque
qu'une personne interposée puisse, à un moment donné,
recommander des dépenses additionnelles au gouvernement. Comme je viens
de le dire, si ce n'est pas pour le gouvernement, pourquoi l'impose-t-on dans
l'entreprise privée, dans l'industrie ou ailleurs? Si le principe est
bon à un endroit, il est bon à un autre. S'il n'est pas bon dans
un endroit, pourquoi serait-il bon à l'autre?
M. COURNOYER: Est-ce que je pourrais poser...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de
règlement?
M. COURNOYER: Non, juste une question. Est-ce que j'ai le droit de poser
une question au député?
M. LE PRESIDENT: S'il y consent.
M. COURNOYER: Est-ce que je peux lui demander la permission?
M. ROY (Beauce): Je peux permettre des questions mais à condition
qu'elles soient exclues de mon temps de parole.
M. COURNOYER: Vous venez de dire qu'on impose l'arbitrage dans le
domaine privé, est-ce que c'est ici au Québec ou si c'est
ailleurs? Est-ce qu'il s'agit de l'arbitrage des griefs ou de l'arbitrage des
différends? Je veux savoir.
M. ROY (Beauce): J'ai parlé de l'arbitrage en
général.
Ce n'est un secret pour personne qu'une grève se préparait
dans le secteur de la fonction publique et parapublique. Depuis le mois de
janvier, en ce qui nous concerne, nous avions même prévu environ
dix jours de grève. Comment se fait-il que nous avions prévu dix
jours de grève? Lorsque nous connaissons l'état des finances du
gouvernement provincial, lorsque nous connaissons, d'autre part, les
coûts additionnels que cela pouvait entraîner, une autre question
que nous pouvons nous poser: Quelle somme d'argent le gouvernement a-t-il
économisée pendant cette période de grève pour lui
permettre justement d'augmenter les salaires des fonctionnaires de la fonction
publique ou encore de la fonction parapublique? Nous n'en savons pas tellement,
M. le Président, nous ne sommes pas tellement au courant de ces chiffres
mais nous pouvons tout de même présumer qu'il y a tout de
même quelques dizaines de millions qui ont été
économisés pendant cette grève.
Or, M. le Président, le gouvernement, suite aux questions que
nous avons posées, suite aux interventions que nous avons faites en
cette Chambre, il y a eu énormément de contradictions. Qui
croire, M. le Président? Qui croire? Et pourtant, aujourd'hui, nous en
sommes rendus à la dernière extrémité, à la
dernière limite.
Or, M. le Président, je dirai donc que, ce problème de
grève de la fonction publique et de la fonction parapublique, il est
évident que nous la déplorons. L'excellent comptable qui est
à ma droite me dit que le gouvernement avait économisé
quelque $38 millions. Voyez, M. le Président, nous ne sommes pas les
seuls à partager cette opinion.
M. le Président, il est à se demander sérieusement
avec quelle sincérité le gouvernement a agi en face de cette
situation. Il est important de se le demander. Pour quelle raison
attendons-nous toujours à la dernière minute avec une petite loi
matraque? M. le Président, c'est la situation dans laquelle nous sommes
placés, la situation à laquelle nous devons faire face. Lorsque
le gouvernement aura accepté cette loi, que va-t-il se passer? Il va y
avoir le retour au travail, d'accord; il va y avoir une négociation qui
va se faire. On nous dit que la commission de la fonction publique va
être convoquée et qu'à ce moment-là nous pourrons
entendre les parties en cause. A ce moment-là, on nous dit que, s'il n'y
a pas moyen de s'entendre dans la loi, tout simplement que le gouvernement va
adopter un décret qui va faire force de verdict de tribunal qui sera
appliqué dans le Québec.
M. le Président, je me demande sérieusement si le
gouvernement ne cherche pas justement ce
prétexte pour se justifier d'administrer encore par
décret. Qu'est-ce que les gens vont dire si le gouvernement administre
par décret dans ce domaine? Qu'est-ce que la population du Québec
va penser? Quelle va être la réaction? Est-ce qu'à ce
moment-là le gouvernement n'invite pas autrement dit les grands chefs de
syndicat, les membres du front commun, à crier au scandale, à
renforcer leur puissance pour laisser une lueur d'espoir aux ouvriers à
l'effet qu'ils ont peut-être plus de chance du côté de ces
grands chefs syndicaux que du côté du gouvernement. A ce
moment-là, M. le Président, nous voyons toujours deux forces qui
s'affrontent et le gouvernement, lorsqu'il arrive dans une situation comme
telle, se doit de sauver la face d'abord, sauver ses piastres ensuite et aussi
ça fait l'affaire lorsqu'on trouve des coupables au lieu de
régler des problèmes à la base.
M. le Président, c'est le problème que nous avons à
affronter et je dis que nous ne réglerons pas les problèmes
économiques au Québec par des lois ouvrières ou par des
conventions collectives. Je dis de plus, M. le Président, que dans le
budget 71/72 c'est là que je m'interroge sur la
sincérité du gouvernement il n'y a jamais eu de
crédits de demandés devant la Chambre pour permettre justement
une négociation...
M. BACON: C'est faux!
M. ROY (Beauce): ... il n'y avait pas de crédits dans le budget
71/72...
M. BACON: C'est faux!
M. ROY (Beauce): ... de demandés en vue de la négociation
de la fonction publique et de la fonction parapublique. Il n'y en a pas eu; il
y a des questions qui ont été posées et l'honorable
député de Trois-Rivières n'a qu'à relire le journal
des Débats.
M. BACON: Le ministre des Finances l'a dit.
M. ROY (Beauce): II aura seulement à relire le journal des
Débats.
M. BACON: Vous ne comprenez rien.
M. ROY (Beauce): M. le Président, il est évident que le
gouvernement est mal placé, il est évident que le gouvernement
est vulnérable et la situation dans laquelle il se trouve, je dis qu'il
s'est mal placé lui-même et, aujourd'hui, s'il pouvait se faire
endosser par certains partis d'Opposition, ça lui permet de gagner la
cause et ça lui permet aussi de sauver une partie de son prestige qu'il
veut garder à l'intérieur de la province. Je pense qu'en face de
ces faits, nous avons quand même des responsabilités dont celle de
dire au gouvernement: C'est assez. Le premier ministre a dit que c'était
assez au mois de mai pour la grève, mais nous, nous disons:
C'est assez de légiférer de cette façon. C'est
assez, M. le Président. Il va falloir que le gouvernement prenne
d'autres dispositions. Il va falloir que le gouvernement réoriente sa
législation. Il va falloir que le gouvernement se décide d'avoir
des pouvoirs économiques pour mieux légiférer et pour
orienter l'économie du Québec de façon à ne pas
toujours reporter les problèmes sur le dos des autres ou encore trouver
des coupables, accuser les autres, créer des conflits sociaux, à
l'intérieur du Québec et essayer de s'excuser de son propre
manque d'initiative ou encore de son manque de responsabilité.
M. le Président, devant ces faits, je dis qu'il y a des principes
dans ce projet de loi no 19 que nous ne pouvons accepter, parce qu'il y a des
dispositions qui sont totalement arbitraires et qui ouvrent la porte vers une
législation qui est déjà commencée, depuis deux
ans, en cette Chambre, de façon qu'on donne de plus en plus de pouvoirs
à l'administration par décret. Le gouvernement est en train de se
donner toutes les structures nécessaires pour essayer de permettre aux
socialistes, qui rêvent de prendre le pouvoir, d'être capables
d'installer une telle dictature socialiste au Québec et c'est le
gouvernement actuel qui en est le plus fidèle artisan.
M. VEILLEUX: Les vingt minutes sont passées.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.
M. Alfred Croisetière
M. CROISETIERE: M. le Président, ce n'est certainement pas avec
un sourire et une gaieté de coeur que nous nous apprêtons à
participer affirmativement à l'adoption du projet de loi qui est devant
nous, c'est-à-dire le bill 19, un projet de loi intitulé "Loi
assurant la reprise des services dans le secteur public". Essentiellement, il
constitue un ordre aux salariés des secteurs public et parapublic de
retourner au travail, à compter de minuit ce soir, puisque nous sommes
à cinq heures du matin. Cela n'est pas prévu dans le projet de
loi.
M. le Président, pour quelle raison passons-nous ce projet de
loi?_ Est-ce que le gouvernement a trop attendu? N'a-t-il pas pris conscience
du problème plus tôt, à la suggestion du chef de
l'Opposition et d'autres qui étaient intéressés dans le
projet et qui avertissaient le gouvernement d'un conflit, d'un aboutissement
auquel, aujourd'hui, nous faisons face?
Ayant milité, au-delà de vingt ans, dans le monde
syndical, j'aimerais faire un retour dans le passé, pour voir comment
ça fonctionnait, à ce moment-là.
M. VEZINA: Voulez-vous remonter à Gérard Picard?
M. CROISETIERE: Non, mais je vais remonter à cette époque.
Si le député de Montmorency veut attendre mon exposé, il
verra à ce moment-là.
M. PAUL: ... se prévaloir des dispositions de l'article 40 pour
inviter ceux qui habituellement siègent du même côté
que vous pour que les dispositions de l'article 25 de notre règlement
soient bien observées et où il est dit que, pendant le cours des
séances, les députés prennent la place qui leur a
été désignée par le président, demeurent
assis et gardent silence, à moins d'avoir obtenu la parole, ils doivent
éviter tout ce qui est de nature à nuire à l'expression
d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée.
UNE VOIX: Alors, pourquoi parlez-vous?
M. PAUL: Voici, M. le Président, n'y aurait-il pas
possibilité d'inviter les collègues qui en ont trop de cette
législation de se retirer, d'aller se reposer? Quant à nous, nous
sommes intéressés et nous voulons écouter tous les
opinants de quelque parti politique qu'ils soient et je suis sûr que les
députés tiendront la même attitude et c'est ainsi que nous
pourrons rapporter réellement progrès.
M.,CROISETIERE: Alors je disais donc, M. le Président, en faisant
un retour aux sources ou au début du syndicalisme au Québec, nous
devons nous interroger: Quelles sont les raisons d'être du syndicalisme?
Premièrement, il vient à la suite d'un besoin.
Deuxièmement, il est bon pour autant qu'il est bien administré.
Troisièmement, quand les chefs syndicaux deviennent plus politiciens que
syndicalistes et je veux dire politique personnelle ils faussent
complètement la raison d'être du syndicat.
Dans cette optique, si on tenait pour acquis le début du
syndicalisme au Québec et que nous le transportions à ce
moment-ci, en 1972, nous verrions là un syndicalisme dirigé qui
frôle un peu l'anarchie puisque nous avons actuellement des chefs qui
conseillent à leurs syndiqués de défier l'autorité
établie.
C'est triste de voir que le gouvernement est obligé de prendre
des injonctions pour que les syndiqués retournent au travail et que
malgré tout ceux-ci défient l'autorité. Le front commun,
j'ai l'impression que, dans son durcissement, il fait erreur de conseiller
à ses syndiqués de poser des gestes de cette nature.
Il est triste également de voir des syndiqués, des gens
qui gagnent $2,500, $3,000 obligés par un vote qu'ils ont pris d'appuyer
des gestes que nous connaissons actuellement et qui, dans cette optique, seront
pénalisés par un projet de loi que le gouvernement nous soumet
à ce moment-ci.
Ce projet de loi a des dents et d'autres orateurs qui m'ont
précédé l'ont souligné, il est vrai. Par contre, il
mentionne aussi qu'à un moment donné si, à défaut
d'ententes collectives, les associations ne s'entendent pas avec la partie
patronale, un décret sera stipulé. Un décret est toujours
obscur à l'avance puisque nous n'en connaissons pas la portée
ainsi que sa confection.
A ce stade-ci, nous avons raison de nous inquiéter des gestes qui
vont être posés par le gouvernement par la suite car nous ne
savons pas actuellement les suites des négociations qui vont continuer.
J'aimerais demander au gouvernement, et en particulier au ministre du Travail
de reconsidérer tous les mécanismes du code du travail, en
particulier du droit de grève, parce que nous sommes pour le droit de
grève, c'est un droit acquis qui a été accordé aux
syndiqués et nous voulons protéger ces droits acquis à ces
employés. Les chefs syndicaux, eux, savent se protéger, à
l'intérieur de leurs mouvements, mais les syndiqués, étant
manipulés assez souvent par différents organismes, sont à
la merci et des patrons et de leurs chefs syndicaux.
C'est avec tristesse que nous sommes ici ce matin face à ce
projet de loi et je n'aimerais pas que tout le fardeau retombe sur les
employés du secteur public et du secteur parapublic.
Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.
M. Jean-Paul L'Allier
M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais parler très
brièvement, en deuxième lecture, sur ce projet de loi. On a fait,
au cours de chacun des discours, des commentaires sur le droit de grève,
sur la façon dont le droit de grève est exercé, sur les
modalités que le gouvernement aurait pu prendre pour éviter qu'il
y ait grève, pour éviter qu'il y ait des abus de la grève,
etc.
Je me référerai plus particulièrement aux parties
des interventions que j'ai entendues personnellement, pour faire quelques brefs
commentaires. D'abord, il ne faut pas exagérer de façon
négative la portée du projet de loi qui est devant nous. Il est
exact que c'est un projet de loi qui suspend l'exercice du droit de
grève dans les secteurs public et parapublic.
Il est aussi exact que ce projet de loi impose des sanctions qui se sont
retrouvées, par ailleurs, dans d'autres projets de loi de même
nature et c'est également exact que le projet de loi, s'il
prévoit une commission parlementaire pendant laquelle les parties
pourraient se faire entendre, prévoit également qu'à un
moment donné le gouvernement devra assumer une responsabilité que
le fonctionnement normal et régulier des relations de travail partage
habituellement entre l'employeur et l'employé, à savoir la
détermination des conditions de travail.
Il n'est dans aucun cas l'intérêt premier du gouvernement
que d'avoir à imposer ou à déterminer ultimement et
unilatéralement les conditions de travail de ses employés des
secteurs public et parapublic. C'est cependant la responsabilité
de l'Etat, non pas d'imposer ses conditions de travail, mais de faire en sorte
que ces droits individuels ces droits individuels étant
regroupés dans les unités syndicales et formant des blocs
extrêmement importants, blocs de pression, blocs de négociation
s'exercent quand même à l'intérieur de droits
fondamentaux de la collectivité et de l'ensemble des citoyens.
Si nous avons voulu, depuis le début de ce conflit,
indépendamment des analyses rétroactives que l'on peut faire sur
telle ou telle position gouvernementale, à savoir que le gouvernement
aurait dû accepter bien avant la commission parlementaire, une table
centrale de négociation, je pourrai revenir en détail sur ces
points lors de la commission parlementaire.
Si nous avons voulu, dis-je, vivre et jusqu'au bout, en fait, l'exercice
d'un droit légal des travailleurs, celui du droit de grève dans
les services publics, c'était précisément parce que nous
considérions essentiel que ce soient le syndicalisme et les syndicats
eux-mêmes qui assument pleinement les responsabilités et les
conséquences de l'action syndicale.
L'Etat n'a pas à se substituer à cette
responsabilité syndicale et, si l'action syndicale a des
conséquences désastreuses dans les services publics, sur
l'ensemble de la population ou sur des secteurs particuliers de la population,
c'est en fait, non pas à la collectivité d'en assumer la
responsabilité même si elle doit les subir, c'est au syndicalisme
qu'il appartient de se discipliner, si je peux employer l'expression, de vivre
le syndicalisme à l'intérieur de règles qui sont
d'ailleurs au code du travail, de faire en sorte que ce droit de grève
et que les droits, généralement des travailleurs regroupés
dans les syndicats, s'exercent tels qu'ils ont été
prévus.
On aura remarqué, M. le Président, que tout au cours de
cette grève générale, la première que nous vivons,
en fait, le gouvernement n'a pas insisté sur les aspects techniquement
légaux de la façon dont le droit de grève a
été exercé. Les cadres, dans les édifices
gouvernementaux avaient, en principe et en droit, le droit d'aller travailler.
Dans bien des cas, sinon dans la majorité des cas, ils ne l'ont pas
fait. Les services essentiels auraient pu être assurés dans
d'autres institutions si on avait permis à tous ceux qui ne sont pas
touchés par l'ordre de grève de se rendre sur le lieu de travail
et d'y exercer leurs fonctions en assumant, temporairement, certaines fonctions
normalement assumées par le personnel en grève. Cela n'a pas
été le cas. Ce que nous voulons, aujourd'hui, par ce projet de
loi, ce n'est pas de sanctionner telle ou telle action syndicale, ce n'est pas
de juger et de punir telle ou telle action syndicale, mais c'est bien
plutôt de revoir dans le contexte que nous avons indiqué à
savoir que la négociation à ce stade-ci ne nous apparaît
plus devoir ou pouvoir, dis-je, être conduite à terme dans un
délai suffisamment raisonnable et dans un délai que nous pouvons
identifier dans le temps, nous permettant, en conscience, et comme responsable
de l'Etat, d'assumer pendant ce temps que nous ne connaissons pas, la
continuation d'une grève qui a des effets de détérioration
lente et quelquefois accélérée, même si on peut
constater occasionnellement des améliorations, mais, de toute
façon, des effets d'abord et avant tout sur l'ensemble de la
population.
Ce projet de loi, il faut que les membres de cette Chambre, la
population en général, les syndiqués eux-mêmes le
considèrent comme un geste responsable de l'Assemblée nationale
et du gouvernement face au bien commun, un geste responsable et en même
temps mesuré qui ne met pas en cause pour l'avenir, quoi qu'on en dise,
le droit de grève dans les secteurs publics qui devra cependant
être un point de départ à une réflexion intense et
intensive que nous devrons conduire et à laquelle tout le monde devrait
participer en vue d'un réaménagement de l'ensemble des
mécanismes de relations de travail dans les secteurs public et
parapublic, des façons d'exercer les droits des travailleurs dans les
secteurs public et parapublic, et d'une façon générale des
principes fondamentaux de chaque travailleur, de chaque unité syndicale
dans les secteurs public et parapublic.
Nous ne voulons pas, ici, infirmer le droit des travailleurs. Nous
voulons tout simplement prendre des mesures qui permettront à la
population de retrouver des services qui, à son point de vue, au point
de vue de chaque citoyen, sont tous des services essentiels. Du point de vue
d'un citoyen, une école est, dans son ensemble, un service essentiel. Un
hôpital est un service essentiel. Les services administratifs sont, dans
leur ensemble, des services essentiels. Du point de vue du consommateur, du
point de vue du citoyen qui a droit à ces services, l'ensemble des
services publics sont des services essentiels. Si on se place du point de vue
syndical dans le cadre de l'exercice d'un droit de grève, il est
évident que les services essentiels n'ont pas le même sens.
Nous devons, aujourd'hui, à ce stade-ci, nous préoccuper
du bien-être de la population. C'est pourquoi le projet de loi est
présenté. Il faudra, du côté syndical, que ce projet
de loi soit reçu de la façon la plus positive possible de
façon à permettre à la commission parlementaire d'entendre
les parties. On a indiqué qu'on aurait pu le faire auparavant.
L'argument que j'ai invoqué à ce moment-là était
celui de savoir s'il y avait négociations en cours.
Tant et aussi longtemps que les parties se parlent et négocient,
il n'est pas nécessaire qu'il y ait d'intervention extérieure et
cela de l'aveu même des parties en cours de négociation.
Nous aurons cette commission parlementaire ensuite et, même
pendant cette commission parlementaire, rien n'empêchera les parties de
se parler et de poursuivre cette négociation. On dit qu'une
épée de Damoclès pèse sur la tête du
syndicat, que les conditions de travail pourront
être imposées. Un gouvernement responsable ne pourrait pas
honnêtement et de bonne foi refuser de poursuivre la négociation
dans la mesure où il accepte aujourd'hui de dire qu'il y a encore place
pour de la négociation. De la négociation ne veut pas
nécessairement dire débourser des cents ou se faire arracher, par
hold-up ou autrement, des sommes d'argent. La négociation veut dire des
réaménagements, bien sûr, que ce soit dans les fonctions,
dans les hôpitaux ou ailleurs.
La négociation veut dire la détermination de certaines
sommes à certaines catégories de personnes. Lorsque le chef du
Parti québécois a demandé, tout à l'heure, si le
gouvernement avait avisé la partie syndicale que ses offres
étaient finales et que si elles n'étaient pas acceptées,
il y aurait législation. Nous avons dit à la partie syndicale que
le gouvernement avait fait un effort ultime et nous n'avons jamais parlé
d'offre finale et complète pour la bonne et simple raison que le
travail, aux différentes tables sectorielles, n'est pas
complété, que la négociation y est en cours et qu'à
ces tables de négociation en particulier il est encore des choses
à faire de part et d'autre.
Par ailleurs, nous avons indiqué aux représentants du
front commun, sur les questions en discussion à la table centrale, que
si nous ne pouvions renoncer à certains principes fondamentaux,
notamment au niveau de la politique salariale, il était possible, sur
d'autres questions, de procéder à de nouveaux aménagements
en contrepartie, par ailleurs, de certaines concessions syndicales qui ne sont
pas toujours des concessions pécuniaires, ces concessions n'étant
pas également toujours les plus importantes. Il s'agit donc d'une
situation où, à mon avis, il y a encore place pour de la
négociation, il y a encore place pour des échanges parce que la
négociation n'est pas de venir améliorer sa position tout en ne
donnant rien.
Le gouvernement a fait, coup sur coup, deux offres. Ces offres ont
été reçues, n'ont pas été acceptées
et n'ont été suivies d'aucune contre-proposition.
M. DEMERS: Sur une question de règlement. Le ministre a
réussi un tour de force de dimension assez considérable. Il a
endormi d'une façon définitive le ministre de l'environnement et
il a hypothéqué sérieusement le sommeil du ministre de la
Justice.
M. L'ALLIER: M. le Président, je peux, à cette
heure-ci...
M. LE PRESIDENT (Giasson): Question de règlement
refusée.
M. L'ALLIER: ... tenter de parler un peu plus bas pour faire en sorte
que ceux qui sont intéressés puissent entendre et que les autres
puissent se reposer. Je voudrais très brièvement terminer mon
intervention en disant que je ne suis pas d'accord avec le chef du Parti
québécois qui dit que, si le gouvernement ajoute, à
compter d'aujourd'hui et après la commission parlementaire, par exemple,
à ces offres, il aura démontré alors qu'il y avait encore
place aujourd'hui pour de la négociation. C'est ce que j'ai cru
comprendre de son intervention.
Pour ma part, si le gouvernement, dans le processus des
négociations qui pourraient et qui devraient, à mon avis, se
poursuivre après la commission parlementaire, si le gouvernement
améliore ses positions, c'est qu'il aura, en contrepartie, obtenu du
côté syndical des concessions qui, si on regarde le tout,
donneront une convention collective ou, en définitive, des conditions de
travail encore plus acceptables aux syndiqués.
Le député de Montcalm, très brièvement, a
fait allusion à la commission parlementaire pour régler le
problème. La commission parlementaire n'est pas, contrairement à
ce qu'il a dit, d'abord un mécanisme de négociation.
La négociation, telle qu'elle se conduit maintenant, à un
niveau aussi élevé et aussi complexe que celui, par exemple,
d'une table centrale, est une affaire, qu'on le veuille ou non, de techniciens.
A certains moments, c'est davantage le travail des techniciens qui compte. Il
est évident que certaines grandes questions peuvent être
évaluées par une commission parlementaire, mais, avec tout le
respect que je dois aux parlementaires, je crois qu'une commission
parlementaire est d'abord faite pour informer les membres de la commission
parlementaire et leur permettre de donner des avis, suivant le point de vue
parlementaire sur la question qui est débattue. Ce n'est pas d'abord un
mécanisme de négociation, ça a pu servir dans le
passé et, bien sûr, on voit que les conclusions
générales de ces commissions parlementaires ont été
de dire, après un jour ou deux, aux deux parties: Retournez donc
à la table de négociation!
La commission parlementaire, si c'est un élément positif,
ce n'est pas un élément de négociation et nous sommes en
processus de négociation. Le projet de loi que nous présentons
et je termine sur ce point avant de faire allusion à la question
soulevée par le député de Rouyn-Noranda sur les $100 par
semaine maintenant, à mon avis, ne va pas à l'encontre des
principes fondamentaux qui sont les principes fondamentaux du syndicalisme, pas
plus qu'il ne va à l'encontre des principes fondamentaux que s'est
donnés le front commun. Il ne va pas à l'encontre des principes
fondamentaux du syndicalisme parce qu'il n'enlève pas le droit de
grève, il le suspend et comme mon collègue, le ministre des
Institutions financières le disait, la suspension du droit de
grève, à certains moments, est la solution normale lorsque
l'intérêt public est en jeu. C'était une citation de
l'économiste Jacques Parizeau. C'est ce que nous faisons dans une
première partie du projet
de loi. Le fait de suspendre temporairement l'exercice du droit de
grève n'enlève pas de droits fondamentaux aux travailleurs
québécois. Par ailleurs, ce projet de loi ne touche pas non plus
aux principes fondamentaux du front commun dans la mesure
précisément où il n'impose pas maintenant les conditions
de travail des employés mais permet une marge de négociation et
permet un espoir de règlement négocié.
Le député de Rouyn-Noranda, après avoir fait des
observations sur un certain nombre de sujets en indiquant notamment que les
syndiqués étaient forcés de faire du piquetage, etc., a
soulevé le problème de la responsabilité syndicale et de
la responsabilité des membres de syndicat. Il appartient d'abord et
avant tout aux syndiqués, aux travailleurs eux-mêmes de
réformer les institutions syndicales s'ils considèrent qu'elles
ne correspondent pas à leurs aspirations et s'ils considèrent
qu'ils sont brimés. Il ne faut pas que d'autres groupes de la
société se substituent à eux pour ce faire, il faut
qu'eux-mêmes le fassent s'ils veulent vraiment avoir des unités
représentatives dans les cas où ils croient qu'ils n'en n'ont
pas.
Par ailleurs, et je termine là-dessus, le député de
Rouyn-Noranda a dit: Donnez donc au moins $100 par semaine. C'est un beau geste
qui ne repose sur rien à moins que l'on ne puisse imprimer ses propres
$100 effectivement.
Cent dollars par semaine, ça peut être un objectif de
revenu minimum garanti. Il faut le situer, cependant, dans le contexte
économique où nous vivons. Si on pense $100 par semaine, pour ma
part, je préfère penser en termes d'objectif de salaire minimum
garanti mais non pas pour d'abord et avant tout les employés des
secteurs public et parapublic mais pour l'ensemble des travailleurs du
Québec qui se situent en dessous du seuil de pauvreté. Une somme
de $100 par semaine, on me dit que c'est le seuil de pauvreté pour deux
adultes et deux enfants dans une unité familiale. Lorsqu'on demande $100
par semaine pour tous les travailleurs des secteurs public et parapublic, cette
notion ne peut entrer en ligne de compte et il ne s'agit pas de revenir ici
à la notion du salaire familial. Lorsqu'on parle de $100 par semaine,
par ailleurs, il faut bien constater que les dernières propositions que
nous avons déposées font qu'en fait de convention collective
virtuellement aucun travailleur de secteur public ne touchera moins de $2.54 ou
$2.55 l'heure. C'est-à-dire que, pour ceux qui travaillent 40 heures par
semaine, ils auront effectivement $100 par semaine.
Mais il est impossible, sur cette base, d'accorder de façon
inconsidérée, sans pondération, ce traitement à
ceux qui font soit 40 heures, soit 37 heures, soit 32 heures par semaine. Or,
dans la Fonction publique, une semaine de travail est de 32 heures et
demie.
Nous avons proposé à ceux qui sont les gagne-petit des
augmentations de salaire plus grandes que celles que nous proposons aux autres.
Puisqu'il s'agit de revenu, nous leur avons proposé d'augmenter d'une
heure, deux heures ou trois heures leur semaine de travail,
précisément pour leur permettre d'accéder à un
revenu supérieur. On nous dit: Ecoutez, il n'est pas question
d'augmenter la semaine de travail lorsqu'elle est à 37 heures et demie
ou à 35 heures ou à 32 heures. C'est un choix qu'il faut faire.
Alors qu'il y a effectivement, on le constate, du chômage, il est
évident que quelqu'un qui gagne $80 par semaine, si on lui donne la
chance de travailler deux heures de plus alors qu'il travaille actuellement
pendant 35 heures, il pourrait peut-être souhaiter faire ces deux heures
et gagner $92 ou $88 par semaine. C'est son choix.
Quoi qu'il en soit, je termine là-dessus mon intervention pour
donner mon accord à ce projet de loi en deuxième et en
troisième lecture. Le front commun syndical, je le dis parce que je ne
serai peut-être pas là tout à l'heure, a mené une
action d'envergure, une action de pression et une action de négociation.
Je n'ai pas, à ce stade-ci, à porter de jugement sur le front
commun et dire si c'était un front commun de pression ou si
c'était un front commun de négociation. Il ne m'appartient pas de
juger maintenant de cette question.
On peut cependant rappeler ici un certain nombre de chiffres
précis qui devraient nous amener à pondérer les jugements
que l'on peut porter sur le projet de loi qui est devant cette
assemblée. On se souviendra que, le 9 mars, le front commun faisait
voter les syndiqués des secteurs public et parapublic sur une
proposition qui était la suivante? Vous acceptez les offres patronales
initiales et non négociées ou vous ne les acceptez pas et vous
donnez mandat au front commun de prendre tous les moyens pour atteindre ces
objectifs.
Je ne crois pas, avec tout le respect que je dois aux travailleurs
québécois des secteurs public et parapublic, que ce mandat
comportait l'exercice de quelques moyens illégaux pour atteindre les
objectifs du front commun. Je serais éminemment surpris que ceux qui ont
voté contre les offres patronales et, en conséquence, pour
l'utilisation de la grève et de tout autre moyen de pression, voulaient,
en donnant ce mandat, inclure dans ce tout autre moyen de pression
l'utilisation de gestes illégaux de la part de leur
représentant.
Par ailleurs, il faut se souvenir que ce vote a été pris
sur cette proposition, que des 210,000 travailleurs syndiqués, un
certain nombre s'est abstenu je ne me souviens exactement du pourcentage
je crois qu'il était de 10 p.c. ou de 12 p.c. d'abstention et
que, parmi ceux qui ont voté, 68.5 p.c. ont voté pour les moyens
de pression et la grève et contre les offres patronales.
C'est-à-dire qu'au total, je crois que c'est autour de 120,000 ou
125,000 personnes sur 210,000 qui ont voté contre les offres
patrona-
les et pour l'utilisation par le front commun de moyens de pression, y
compris la grève.
Encore une fois, je ne crois pas qu'il y ait là mandat d'utiliser
des moyens illégaux ou de poser des gestes illégaux sciemment et
volontairement pour atteindre les objectifs du front commun. Donc, 120,000 ou
125,000 personnes sur 210,000 disent nous refusons les offres patronales,
offres non négociées, offres initiales qui ont, depuis,
été améliorées.
Je voudrais enfin souligner qu'à ces 210,000 personnes, il faut
ajouter environ 40,000 travailleurs des secteurs public et parapublic qui sont
dans des syndicats avec lesquels nous négocions et nous devons
négocier et qui ne sont pas inclus dans les 210,000 du front commun. Il
y a, en fait, dans le secteur public, 250,000 personnes environ qui sont
syndiquées. Ajoutez à cela le personnel de cadre et vous arrivez
facilement à 275,000 ou à 280,000 personnes. Donc, sur 280,000
travailleurs syndiqués et non syndiqués des secteurs public et
parapublic, il y en a 210,000 qui ont eu le choix de se prononcer.
Sur les 210,000, il y en a environ 120,000 qui ont refusé les
offres initiales et voté pour la grève. Le geste que nous posons
maintenant peut, pour ceux qui ont voté pour la grève et pour
ceux qui sont satisfaits de l'action de leur syndicat, peut-être
être une diminution de ce qu'ils considèrent être leur
liberté, indépendamment des besoins de la société.
Mais pour les autres, nous avons aussi la responsabilité de faire
respecter leur droit au travail et c'est ce principe également qui doit,
pendant une période qui permet la négociation, être
respecté.
Je termine en disant qu'il nous faudra, comme je l'ai dit tout à
l'heure, revoir, en période froide, l'ensemble de nos mécanismes
et les objectifs poursuivis dans les relations de travail afin que les
relations de travail, dans les secteurs public et parapublic, deviennent
effectivement un élément positif de la collectivité du
Québec et de la construction du Québec. Il faut, dans notre
société où les rapports de force évoluent, changent
de forme, trouver les aménagements qui font que travailleurs et autres
groupes de la société puissent additionner leurs efforts
plutôt que de les opposer dans la destruction.
DES VOIX: Très bien!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, après douze heures et demie de
débat sur une question de cette ampleur, il est bien évident que
la question est sérieuse et que nous devons tenter, avant que le
gouvernement ne pose le geste final de l'amener à
réfléchir et à ne pas utiliser maladroitement, par la
force de sa majorité, cette loi matraque. Nous désirons apporter
le plus d'arguments possible pour amener le gou- vernement à
réaliser que cette loi qu'il présente aujourd'hui ne
répond pas aux exigences de la situation.
La situation est sérieuse mais elle est sérieuse surtout
ici, en Chambre, où la décision qui se prend peut gâcher
irrémédiablement l'avenir du syndicalisme dans le secteur de la
fonction publique. Il y a des secteurs au Québec, actuellement,
où il y a une urgence possible. C'est la raison pour laquelle, s'il
fallait absolument, pour le gouvernement actuel, amener une loi d'urgence, nous
aurions été d'accord pour une loi d'urgence sur les services
essentiels aux hôpitaux. Mais de là, M. le Président,
à enlever un droit de grève à un groupe si important, tant
par sa quantité que par ce qu'il représente au Québec,
comme le disait si bien le député de Gouin tantôt, je pense
que c'est le pavé de l'ours parce qu'on veut régler un
problème actuel qui est beaucoup plus petit que le problème qu'on
aura sur les bras après l'impact d'une loi matraque.
M. le Président, durant cette période de
négociation, on est arrivé, à un certain moment, à
la conclusion qu'il fallait absolument arrêter ces négociations et
passer une loi d'urgence. C'est sans précédent que des offres
gouvernementales, faites sur la table, sont brusquement anéanties par un
acte d'autorité. C'est la première fois qu'un gouvernement qui
avait accordé le droit de grève, pendant une négociation,
alors qu'il est lui-même partie à cette négociation,
amène son argument final: Plus de négociation parce qu'il y a
urgence.
M. le Président, tenter de jouer sur les sentiments de la
population qu'on croit discerner, soit les meilleurs ou les pires sentiments,
afin simplement d'essayer de garder ou de propager une fausse image de
popularité, je pense que l'on joue un jeu dangereux sur le dos de
210,000 syndiqués, au Québec.
M. le Président, durant près d'un an, on aurait pu
commencer à repenser une nouvelle convention collective. Au lieu de
cela, systématiquement, un peu plus à tous les jours, par tous
les moyens et dans tous les coins du Québec, on a essayé de
déprécier les syndicats dans l'opinion publique parce qu'ils sont
les adversaires des amis du pouvoir. C'est la raison pour laquelle, quand le
premier ministre, dans son discours, tantôt, a déclaré
qu'il était un gouvernement préoccupé du bien des
syndicats, nous avons eu un éclat de rire spontané.
M. le Président, quand on sait que, depuis un an, on a
essayé et on a un peu réussi à donner une image
négative du syndicalisme au Québec, quand au moment précis
où on commençait les négociations dans le domaine de la
fonction publique, le gouvernement était beaucoup plus
préoccupé de son image que de réellement négocier.
Il a fait faire un sondage, dans l'opinion publique, pour savoir si la position
du gouvernement était populaire ou pas. On n'a pas essayé de
régler les problèmes. On a essayé de savoir, si cela
faisait paraftre plus mal. Qui
était le plus mal vu de la population? Etait-ce l'image que les
syndicats donnaient ou l'image du gouvernement? L'image est ce qui compte en
premier, M. le Président.
M. le Président, quand un chef d'Etat est appelé à
gouverner, et qu'il est un chef d'Etat, il s'occupe du bien
général, même s'il est obligé de se mouiller et
peut-être perdre un peu de son image. Dans la situation actuelle, pour
nous, du Parti québécois nous l'avons dit tantôt
il était une période de temps où nous nous posions
des questions dans ce conflit. Mais à un moment donné, il faut se
mouiller et je pense qu'il faut être logique avec soi-même.
Même si, actuellement, comme toute grève n'est pas populaire,
celle que nous avons devant les yeux n'est certainement pas très
populaire. Mais le gouvernement, en voulant faire adopter une loi matraque,
désire s'attirer une meilleure popularité qui faisait
défaut au détriment de la plus grande logique. De notre
côté, nous devons, nous, du Parti québécois, avoir
le courage de défendre des principes qui ne sont peut-être pas vus
par des gens qui subissent cette grève mais qui seront vus par la suite,
quand ils auront perçu que les syndiqués ont perdu le droit de
grève.
M. le Président, il faut d'abord qu'on soit logique avec notre
désir d'être un parti qui défend les intérêts
des travailleurs et penser à l'avenir lointain des travailleurs. M. le
Président, il ne faut pas désirer la popularité à
tout prix pour gagner des voix. Comme le disait si bien un député
en face de moi, qui a l'habitude de parler crûment: Quand la prudence est
partout, le courage est nulle part. C'est le député des
Iles-de-la-Madeleine qui avait dit cela. Je dois dire qu'actuellement cela
prend du courage pour essayer de déceler, dans un moment où la
population est peut-être indisposée par une grève, pour ne
pas perdre les pédales et pour ne pas se laisser, dans une
émotion du moment, adopter une loi que les gens regretteront par la
suite quand l'effet émotif sera passé.
M. le Président, le même député avait dit
autre chose également. A ce moment-ci, je me permettrai justement de lui
répéter les mots qu'il avait dits. Il avait dit, dans une
situation analogue, alors qu'il était dans l'Opposition s'il veut
suivre avec moi, j'espère qu'il est à la même page
que le gouvernement, à ce moment-là, avait manqué à
son devoir parce qu'il n'avait pas recouru à tous les moyens mis
à sa disposition pour régler la situation lorsqu'il a
refusé d'entendre toutes les personnes aptes à l'éclairer,
en ne convoquant pas le comité de la Chambre, comme nous le demandons
aujourd'hui. A ce moment-là, c'était le comité de
l'Education, comme le lui avait suggéré l'Opposition à ce
moment-là. Ce qu'il proposait au gouvernement, c'est ce que nous avons
proposé aujourd'hui. C'est donc dire que l'on voit les choses
différemment quand on est d'un côté de la Chambre ou de
l'autre.
M. LACROIX: Avez-vous lu le discours suivant? C'était celui de M.
René Lévesque.
M. LEGER: Nous avons tout lu ça et c'est la raison pour laquelle
nous sommes obligés de réaliser que le député des
Iles-de-la-Madeleine, à ce moment-là, était dans la
situation inverse. Aujourd'hui il ne veut pas de commission parlementaire, il
en voulait à ce moment-là. Ce qui était bien à ce
moment-là ne l'est plus aujourd'hui.
Chaque fois qu'un Parlement dans un pays démocratique peut se
passer d'une loi d'exception qui suspend des droits fondamentaux des citoyens,
je pense qu'il doit ne pas la passer. Et nous passons actuellement à
cette étape malheureuse qui est de suspendre les droits tout simplement
parce que le gouvernement, une partie à la négociation, a
jugé qu'il y avait d'une part urgence et que d'autre part on ne pouvait
plus négocier.
J'ai dit tantôt qu'il y a peut-être des secteurs où
il y aurait urgence très bientôt. Passons donc une loi sur les
services essentiels, où il peut y avoir urgence. Mais ce n'est pas tout
le domaine de la négociation de la Fonction publique qui est en
urgence.
Il y a une différence entre ce qui est sérieux et ce qui
est urgent. Un deuxième point disait que les négociations ne
pouvaient plus continuer. Et c'est ce que nous trouvons absolument impensable
qu'au lieu de demander une commission parlementaire avant, permettant
d'écouter les parties en cause, on demande une commission parlementaire
après, alors que les gens concernés n'auront aucun pouvoir de
négociation et seront obligés de recevoir les miettes que le
gouvernement veut tout simplement leur donner et attendre que le décret
que le gouvernement présentera à la fin, soit autour du 30
juin.
Je pense que l'état des négociations a
démontré un déséquilibre des forces. D'un
côté nous avions les syndicats qui représentaient les
membres de la Fonction publique syndiqués. Ils avaient comme arme la
grève. Et d'un autre côté nous avions un gouvernement qui
avait aussi ses négociateurs et il avait lui, de son côté,
continuellement la possibilité d'amener une loi matraque, ce qui causait
complètement un déséquilibre des forces.
Et actuellement nous vivons cette étape où les
syndiqués n'auront plus maintenant la possibilité de
négocier, puisque le gouvernement leur enlève la seule arme
qu'ils avaient pour créer un certain équilibre des forces.
En ce qui nous concerne, nous espérons que le gouvernement, avant
d'adopter cette loi-là, acceptera de la reconsidérer et sinon
d'accepter certains amendements que nous proposerons lors de la commission
plénière et, si, malgré tout cela le gouvernement passe sa
loi, il posera à ce moment-là un geste qui sera pesé, qui
sera étudié par la population, qui pourra par la suite
juger à long terme ce geste que le gouvernement aura
posé.
Quant à nous, étant opposés à cette loi nous
voulons cependant qu'à la suite si cette loi est adoptée
les gens concernés obéissent à la loi et retournent
au travail. Nous ne pensons pas qu'il serait bon d'utiliser la
désobéissance civile, parce que je pense qu'il faut quand
même accepter que, quand une loi est adoptée, même si elle
est mauvaise, il faut l'accepter et utiliser d'autres moyens pour la corriger.
Nous avons montré les faiblesses de cette loi, l'iniquité de
cette loi et, si elle est adoptée, je pense que par la suite,
malheureusement il faudra se soumettre, il faudra que les gens acceptent la
loi, d'un autre côté le gouvernement subira par la suite les
conséquences du geste qu'il a posé.
Durant toutes ces négociations-là, le gouvernement, au
lieu de négocier, a fait appel au sentimentalisme de la population, en
faisant état non pas des problèmes des syndiqués, mais des
malaises de la grève. Mais c'est normal, une grève est là
justement pour déranger et utiliser ainsi un droit de pression pour
négocier. Mais quand la grève est là, c'est sûr
qu'il y a des malaises.
Le gouvernement n'a parlé que des malaises qui étaient les
conséquences de cette grève. Mais les responsables de ces
malaises-là sont des deux côtés de la table de
négociation, surtout le gouvernement qui ne voulait pas négocier,
en plus des syndicats qui avaient utilisé le droit de grève pour
faire bouger le gouvernement.
Le gouvernement n'a songé durant cette négociation
qu'à polir son image. On enlève par cette loi le droit de
grève. Qu'est-ce qu'on donne par la suite en échange? Qu'est-ce
qu'on peut donner aux syndiqués alors qu'ils reviendront à la
commission parlementaire, si ce n'est d'attendre que le patron, l'Etat
employeur leur dise: Voici ce que nous condescendons à vous donner?
M. le Président, le gouvernement a provoqué le conflit que
nous vivons parce qu'il n'a pas su prévoir et qu'il a laissé se
détériorer la situation. Il a refusé de bouger, il a
refusé de trouver une solution dans la négociation. Il
s'entête, M. le Président, en disant que les syndiqués
manquaient de souplesse en n'acceptant pas les offres gouvernementales alors
que lui avait toujours derrière ses propositions la force de la loi que
possède l'Etat qui est en même temps un Etat administrateur ou
patron et un Etat législateur.
Son attitude a amené la crise et je pense que le gouvernement ne
sortira pas victorieux avec cette loi, parce que la population saura le juger.
Il n'a pas pu, durant la période de son règne, faire au moins
autant que les gouvernements précédents qui avaient
accepté de résoudre les conflits avec un droit de grève
dans la fonction publique. Il n'a pas pu se sortir, par la négociation,
de cette situation. Il a fallu qu'il fasse montre de sa faiblesse en utilisant
la force pour régler le conflit au lieu d'utiliser la négociation
que la loi permettait.
Je termine en disant que nous sommes opposés à
cette...
M. BOURASSA: Je voudrais demander au député d'être
plus concis, si c'était possible.
M. LEGER: M. le Président, je sais qu'à cette heure-ci le
premier ministre a de la difficulté à rassembler ses idées
et qu'il est difficile de comprendre ce qu'on peut lui apporter, mais, M. le
Président, je dois quand même dire...
M. LACROIX: Vous êtes en train de vous regarder dans un
miroir.
M. LEGER: ... quant à nous, nous allons voter contre cette loi
que nous ne pouvons accepter, mais que, par la suite, si malheureusement elle
est acceptée et qu'on n'accepte même pas nos amendements, nous
espérons que les gens concernés obéiront à la loi,
observeront la loi, mais qu'elle jugera le gouvernement qui a passé
cette mauvaise loi.
M. LACROIX: M. le Président,... immédiatement l'article
97, étant donné que le député qui vient de parler,
a mentionné, a relevé des propos que j'aurais tenus lundi le 13
février 1967, lors de l'étude du bill 25, mais...
M. LAURIN: M. le Président, le député des
Iles-de-la-Madeleine a cité l'article 99, je crois que...
M. LACROIX: 97. M. LAURIN: 97.
M. LACROIX: Je m'excuse, j'ai prononcé... Il me semble que
j'avais dit 97 également. Je pense qu'à cette heure-ci, il y a
des députés qui entendent des voix.
M. LESSARD: C'est parce qu'on entend mal.
M. LACROIX: Mais de toute façon, M. le Président, comme le
député ne m'a cité qu'une partie du discours que j'avais
prononcé à ce moment-là, je voudrais rectifier le fait
qu'il s'agissait du bill 25 qui comportait deux éléments
très distincts. Le parti auquel j'appartenais, l'Opposition à ce
moment-là, nous avions demandé au gouvernement de scinder le bill
en deux puisqu'il s'agissait, en un premier temps, du retour à
l'école des enfants, et deuxièmement, il s'agissait de la grille
des salaires proposée aux professeurs.
Ce n'était pas tout à fait le même contexte que nous
connaissons...
M. DEMERS: Est-ce que le député des Iles-de-la-Madeleine
me permettrait une question?
M. LACROIX: Oui, certainement.
M. DEMERS: II ne s'agissait pas aussi de faire plaisir au
député de Laurier?
M. LACROIX: Pardon?
M. DEMERS: II ne s'agissait pas, dans le temps, de faire plaisir au
député de Laurier?
M. LACROIX: Non, parce que le député de Laurier avait
parlé après moi et avait tenu à peu près les
mêmes propos que j'avais tenus.
M. DEMERS: Mais je parle du "scindage" du bill, quand on a scindé
le bill.
M. LACROIX: Vous n'êtes pas flatteur pour le député
de Laurier. Le député de Saint-Maurice veut mêler les
cartes un peu, mais, M. le Président, aujourd'hui, nous ne connaissons
pas la même situation, il s'agit de problèmes que nous
connaissons, dans le domaine hospitalier, dans le domaine de l'éducation
et dans le domaine du fonctionnarisme. Comme plusieurs l'ont mentionné
précédemment, particulièrement le ministre de la Fonction
publique, le premier ministre et beaucoup d'autres orateurs qui m'ont
précédé, le droit de grève, c'est le Parti
libéral qui l'a donné aux fonctionnaires. A ce moment-là,
il n'y avait pas beaucoup d'autres possibilités puisque les
fonctionnaires, les professeurs et les autres groupes des services public et
parapublic utilisaient les journées d'étude. Alors le
gouvernement n'avait absolument aucun recours pour rétablir la
situation. Avec le droit de grève qui a été donné
aux fonctionnaires, je suis bien prêt à dire que ce n'est
peut-être pas la meilleure loi pour laquelle j'ai voté. De toute
façon, avec une loi on peut au moins faire en sorte de
rétablir...
M. LEGER: II y en a une autre qui s'en vient et qui ne sera pas la
meilleure non plus.
M. LACROIX: ... les faits en la corrigeant par une autre loi. Quant au
droit de grève, je pense...
M. LEGER: On le donne puis on "dédonne".
M.LACROIX: ... qu'il est né d'un besoin puisque, pendant de
nombreuses années, le travail a été exploité par le
capital.
Aujourd'hui, nous connaissons l'extrême opposé et je crois
qu'il appartient au gouvernement, à ceux qui sont responsables, qui
gouvernent de façon responsable de rétablir un équilibre
qui permette à toutes les parties de vivre en bonne harmonie.
Naturellement, on ne corrige pas une injustice par une autre injustice.
Je ne crois pas que dans ce projet de loi on défende complètement
le droit de grève, mais seulement on le réglemente de
façon à pouvoir travailler. A l'heure actuelle, on
s'aperçoit qu'il n'y a pas moyen de s'entendre par négociation
immédiate et le problème dans les hôpitaux, le
problème dans les écoles, le problème dans la fonction
publique sont des problèmes immédiats, réels et je crois
qu'il faut les corriger immédiatement.
M. LE PRESIDENT: Je reconnais l'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. BACON: Donnes-y, Aurèle! M. Aurèle Audet
M. AUDET: Vous me permettrez, M. le Président, d'apporter
quelques remarques au sujet de cette loi spéciale et vous entendrez
certainement un son de cloche autre que celui que vous venez d'entendre de
l'autre côté de la Chambre.
Enfin, le gouvernement s'est décidé d'apporter une loi
pour mettre fin à cette grève que la grande majorité de la
population ne veut pas, principalement les travailleurs, les syndiqués,
comme le disait si bien cet après-midi le député de
Rouyn-Noranda. Nous constatons que cette loi spéciale que le
gouvernement nous propose aujourd'hui arrive cependant beaucoup trop tard car
nous devons noter que le grand mal est fait et que cette mesure additionnelle
de dernier recours vient justement mettre fin à cette grève qui
n'aurait jamais dû avoir lieu.
Le gouvernement l'a vu venir de loin, cette grève
générale. Il aurait eu amplement le temps de l'arrêter en
posant exactement le même geste qu'il pose aujourd'hui de toute
façon. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait plus tôt? Etait-il tellement
nécessaire, par cette grève, d'accorder autant d'importance
à ces trois hors-la-loi en leur laissant la gouverne du
Québec?
Je vois d'ici ces trois chefs syndicaux savourant ces signes
avant-coureurs d'un gouvernement ouvrier qui n'est pas sans hanter l'esprit de
ces chefs socialistes en utilisant avec joie cette grève
générale qu'on leur a offerte comme un test type de ce qu'aurait
pu être leur prochain coup d'Etat.
Mais cette grande importance qu'on a donnée à nos trois
étoiles syndicales, qu'a-t-elle coûté à notre
population et surtout aux syndiqués du Québec qui nous ont
prouvé leur grand désenchantement, ainsi qu'à nos
étudiants, nos malades et le reste de la population?
Je répète que cette grève aurait dû
être évitée pour ainsi empêcher de bien tristes
événements de se produire. Plusieurs personnes de ma
région, pour ne mentionner que celle-là, étant de grands
malades ont forcément...
M. DEMERS: ... majorité.
M. AUDET: M. le Président, je ne parle pas d'un malade comme le
député de Trois-Rivières, il est malade...
M. DEMERS: C'est certainement la majorité.
M. BACON: Ils ne doivent pas rire, c'est certain.
M. AUDET: ... de grands malades ont été
forcément...
UNE VOIX: Pour qui ont-ils voté?
M. AUDET: ... retournés dans leur foyer pour succomber dans les
quelques heures qui ont suivi.
M. DEMERS: Cela nettoie la place!
M. AUDET: A la suite de ces incidents révoltants, le gouvernement
a bien voulu prendre quelques injonctions pour des services essentiels, mais
nous avons vu les fauteurs de trouble inviter les employés de ces
institutions à ne pas respecter la loi.
Peut-on accepter, M. le Président, semblable sabotage de nos lois
par ces chefs syndicaux épris du désir de causer du
désordre dans notre société. Ainsi, je considère
que le gouvernement n'a pas été à la hauteur de la
situation en subissant ce chantage aussi longtemps, en permettant à
d'aussi fâcheux événements de se produire.
Nous pouvons maintenant prouver que cette grève n'aura rien
réglé et ce sera finalement les négociations qui viendront
placer la dernière touche au règlement de l'entente qui se
signera, sans aucun doute nous l'espérons, avant l'application d'aucun
décret. Il est à espérer que le gouvernement en a eu pour
son argent de cette grève générale et qu'à l'avenir
le gouvernement se montrera plus responsable en changeant cette politique de
droit de grève par une meilleure politique de négociation, avec
un code de travail révisé, avec un tribunal du travail impartial
qui aurait, en temps utile, l'autorité de trancher les questions
après avoir jugé sainement les intérêts de toutes
les parties en cause.
Il est impensable d'espérer que deux parties en cause puissent
négocier, sans accroc, s'il n'y a pas un libre arbitre qui vient, en
toute impartialité, aider ces antagonistes à accepter une mesure
de juste milieu. C'est dans cet esprit que nous voterons en faveur de cette loi
spéciale, espérant que le gouvernement saura apporter, à
l'avenir, des mesures bénéfiques dans le sens que nous lui
suggérons et ce pour de meilleures et brèves ententes entre le
patron et l'employé.
Je m'en voudrais, de finir mon intervention sans essayer de faire
comprendre au gouvernement que tous ces troubles que nous vivons... M. le
Président, je demanderais un peu de silence, s'il vous plaît.
DES VOIX: Voilà de l'eau.
M. AUDET: Merci. Je m'en voudrais de terminer mon intervention sans
essayer de faire comprendre au gouvernement que tous ces troubles que nous
vivons présentement, que toutes ces tribulations qui s'intensifient de
semaine en semaine ont des indicences découlant d'un système
économique malade et dont nous subissons depuis si longtemps les effets
néfastes de décadence à la moderne.
UNE VOIX: La banque du Canada.
M. AUDET: Je suis sûr, M. le Président, que nos amis d'en
face comprennent très bien l'aboutissement néfaste du cercle
vicieux qui s'opère en permanence dans les négociations continues
de nouveaux contrats de travail qui nous conduisent, de façon
irréversible, vers une inflation que rien ne peut plus contrôler
et retenir. Il est à se demander si l'emballement de ce système
économique dépassé pourra encore nous conduire longtemps
vers ce chaos de la misère, de l'insécurité au sein de
l'abondance et cela même avec des revenus de plus en plus
élevés. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
M. Clément Vincent
M. VINCENT: M le Président, nous en sommes au 21 avril, cinq
heures et cinquante minutes du matin, à discuter d'un projet de loi
intitulé Loi assurant la reprise des services dans le secteur public. Il
est vrai, M. le Président, que la majorité des parlementaires
accepteront ce projet de loi comme dernière issue à une situation
créée depuis quelques mois.
Il est vrai que l'immense majorité de la population acceptera ce
projet de loi. Il est vrai également, j'en suis convaincu, qu'une
majorité des fonctionnaires, qu'une majorité de tous ceux qui
sont dans les services parapublics accepteront le retour au travail.
Au cours de la journée, la population se dira: Le gouvernement a
passé un projet de loi et maintenant la chose est réglée.
Il reste cependant que même si la majorité de la population
accepte le projet de loi, même si la majorité du Parlement accepte
le projet de loi, il n'en reste pas moins que la majorité de la
population se posera des questions sérieuses sur l'efficacité,
d'une part, du gouvernement et sur l'efficacité, d'autre part, de nos
dirigeants syndicaux. D'abord, si nous regardons les conventions collectives
dans le secteur de la fonction publique, nous remarquons que la convention
collective de travail entre le gouvernement du Québec et le Syndicat des
professionnels du Québec est expirée depuis le 21 février
1971. Cette convention collective était en vigueur à compter du
24 mars 1968 jusqu'au 21 février 1971. Donc, 14 mois aujourd'hui que la
convention collective est expirée et, suivant le projet de loi qu'on
nous demande de voter, il s'écoulera encore deux mois au minimum avant
que réellement cette unité syndicale sache à quoi s'en
tenir.
Si nous regardons maintenant la convention collective de travail en ce
qui concerne l'unité-ouvriers, cette convention collective est
entrée en vigueur le 28 mars 1968 pour expirer le 28 mars 1971. Donc,
treize mois que cette convention collective est expirée et il faudra
encore deux mois au minimum avant que l'unité-ouvriers de la fonction
publique sache à quoi s'en tenir exactement.
Si nous regardons maintenant la convention collective de travail pour
l'unité-fonctionnaires, cette convention collective également
expirait le 28 mars 1971. Et c'est là que la population, même si
elle accepte majoritairement qu'à ce moment-ci, à cause de la
situation actuelle, nous passions un tel projet de loi, c'est là que la
population doit se poser des questions sur l'efficacité du gouvernement
et sur l'efficacité de nos dirigeants syndicaux.
Pourquoi pendant cette période, dans un cas, de quatorze mois, on
n'en est pas arrivé à trouver une solution, on n'en est pas
arrivé à une entente pour éviter d'abord une grève
générale et ensuite pour éviter que le Parlement ou
l'Assemblée nationale soit obligé de passer une
législation.
La population doit également se poser des questions très
sérieuses sur différents sujets. La population va se demander
s'il n'y a pas possibilité de définir les services essentiels
minimums dans tous les secteurs des services publics. Pourquoi les
employés-cadres ou les employés non syndiqués, les
employés dits confidentiels ne peuvent-ils pas entrer au travail,
même s'il y a une grève générale? C'est pour cette
raison que même si nous devons, à ce moment-ci, avec une certaine
réticence, voter en faveur de la loi, qu'il faut dire pourquoi nous en
sommes rendus à ce point. D'abord, si le gouvernement actuel, pendant
cette période de quatorze mois, et plus spécialement pendant le
dernier mois, avait suivi les conseils de notre formation politique, conseils
donnés par la bouche du chef de l'Unité-Québec.
Dès le 8 mars dernier, il y a plus d'un mois et demi, si on avait
convoqué la commission parlementaire de la Fonction publique, nous
aurions pu entendre de la bouche du gouvernement et également par
l'entremise des chefs syndicaux la raison de ce retard
inconsidéré à en venir à une entente, surtout en ce
qui concerne les employés de la Fonction publique.
Egalement, au cours de ces discussions à la commission
parlementaire de la Fonction publique, nous aurions pu être
éclairés sur l'organisation matérielle des services
essentiels minimums dans tous les secteurs publics. Egalement, nous aurions pu
être éclairés sur ce qu'on qualifie d'employés
cadres ou encore de personnel non syndiqué.
C'est qu'au cours d'une convention collective, de la période
couverte par une convention collective, il y a un certain nombre
d'employés qui, du consentement de la partie patronale et de la partie
syndicale, ne sont pas cotisés, ne font pas partie des syndicats pour
des raisons qui sont stipulées dans la convention collective. A ce
moment-ci, je me pose la question. Pourquoi ces employés qui, de part et
d'autre, sont acceptés comme étant soit des employés
cadres ou des employés syndiqués, lorsqu'il arrive une
grève générale, pourquoi ne leur permet-on pas d'entrer
dans les édifices du gouvernement, d'entrer dans les hôpitaux,
d'entrer dans toutes les autres institutions? Est-ce qu'il y a une raison
majeure qui a empêché les syndicats ou les piqueteurs de laisser
ces personnes traverser les lignes de piquetage? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu
possibilité que le gouvernement ou l'agent négociateur du
gouvernement en vienne à une entente avec les représentants
syndicaux pour laisser au moins ces personnes assurer le fonctionnement minimum
des services essentiels du gouvernement du Québec ou des institutions
parapubliques?
Si le gouvernement, avant d'amener ce projet de loi qui, comme je le
répète, est la dernière issue, c'est la seule façon
en ce moment de sortir de l'impasse, soit en votant le bill no 19. Il n'y a
plus aucune autre façon. Nous avions proposé, hier soir, une
alternative au bill no 19. Avant de discuter du bill no 19, on avait
suggéré une alternative qui, à notre sens, était
logique, valable, Elle a été refusée par
l'assemblée nationale. Je n'y reviendrai pas. Mais si le bill no 19 qui
doit assurer en quelque sorte le retour au travail de tous les employés
de la Fonction publique et du secteur parapublic, si c'est l'objectif du bill
no 19, il sera accepté par l'ensemble de la population.
Comme c'est l'objectif du bill no 19, il sera accepté mais il
reste quand même que la population va se poser de sérieuses
questions et je le répète, sur l'efficacité
gouvernementale.
Maintenant, si nous en sommes rendus à ce point, le gouvernement
devra certainement donner de sérieuses raisons aux membres de la
commission parlementaire et par l'entremise de ces membres, à la
population du Québec. Parce que la population du Québec qui a
vécu cette grève, qui l'a subie, les fonctionnaires de tous les
secteurs de l'activité publique qui ont vécu et subi cette
grève demanderont au gouvernement, aux agents négociateurs, aux
chefs syndicaux, de se préparer à ne pas tomber à nouveau
dans la même situation dans deux ans, en 1974.
On dit, dans le projet de loi: A défaut d'ententes entre
syndicats et employeurs avant le 1er juin 1972, le gouvernement
décrétera les conditions de travail des salariés jusqu'au
30 juin 1974. Cela veut dire que pendant deux ans, nous aurons une nouvelle
convention collective qui va être un an et demi en retard. Pendant deux
ans, nous procéderons avec cette nouvelle convention collective. Mais
nous sommes en droit de demander, même après l'adoption de ce
projet de loi que nous votons avec réticence, au gouvernement,
dès ce soir, au cours de cette période de deux ans, de se
préparer à définir les
services essentiels minimums dans tous les secteurs de l'activité
publique ou les services publics pour que ce soit défini, une fois pour
toutes, qu'on n'ait pas à en discuter à tous les deux ans ou
à tous les trois ans. Egalement, qu'on s'entende dans cette convention
collective, lorsqu'il discutera en commission parlementaire, sur les personnes
qui peuvent et qui doivent assurer les services essentiels et qui ne sont pas
syndiqués et qui, advenant un autre conflit, pourront assurer le bon
fonctionnement des différents ministères, des différentes
institutions.
M. le Président, je termine là-dessus en disant que, pour
ma part, étant favorable au retour au travail de tous les
employés du secteur public dès ce soir, minuit, je voterai en
faveur de ce projet de loi et j'accepte que la commission parlementaire de la
Fonction publique ne reçoive pas seulement les explications mais fasse
également des suggestions. Mais là où je suis plus
réticent, c'est lorsqu'on nous dit que le gouvernement
décrétera les conditions de travail des salariés.
A ce moment-là, il faudra agir avec beaucoup de
précautions car le gouvernement étant partie liée avec ses
employés, il devient également l'arbitre et le juge. Cela, c'est
très dangereux. C'est pourquoi la commission parlementaire, en plus de
recevoir des explications, devra faire des suggestions et ces suggestions
devront également être acceptées par le gouvernement.
Donc, je termine en vous disant qu'avec ce projet de loi qui permettra
le retour au travail de tous les employés des secteurs publics, que ce
retour se fasse dans l'ordre et également que tous nos fonctionnaires,
que toutes les personnes qui sont présentement en grève
acceptent, peut-être pas tous de bonne grâce, ce projet de loi
comme étant une solution ultime à un problème qui trame
depuis quatorze mois et, malheureusement, il en mettra la responsabilité
sur le dos du gouvernement actuel.
M. LE PRESIDENT (Phaneuf): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, c'est la première fois que
j'ai à intervenir aussi tôt ou aussi tard dans une journée
et je ne suis pas le dernier de mon groupe puisque malgré l'heure
matinale ou tardive à laquelle nous nous trouvons, les sept
députés du Parti québécois sont encore
présents.
Nous n'avons pas tous utilisé notre droit de parole.
M. le Président, vous ne vous surprendrez pas non plus si je fais
porter l'essentiel de mes remarques sur un domaine précis du secteur
actuellement paralysé, soit celui de l'éducation, puisque depuis
quelques mois, j'ai à m'en occuper plus particulièrement, au sein
de mon parti.
En lisant le projet de loi no 19 et, surtout, en essayant d'en
extrapoler les conséquences sur la vie collective des
Québécois, j'ai nettement l'impression qu'une fois de plus, c'est
l'avenir de l'éducation ou, si vous voulez, c'est une bonne partie de sa
qualité qui est à nouveau sûrement compromise, sinon
irrémédiablement gâtée par certaines dispositions et
l'esprit même du projet de loi no 19, ce qui devrait impliquer je
pense que cela a été réussi tout au cours du débat
qui nous a occupés cette nuit que comme conséquence
immédiate, dans l'esprit de tous, la sérénité en
même temps que le sérieux du débat ne devraient pas
être écartés. Je dis cela pour les députés
mais je le dis aussi pour la partie syndicale qui, à l'heure où
l'on se parle, est certainement encore en train d'échafauder sa propre
stratégie de réponse à cet acte unilatéral et
brutal du patron et en même temps, aussi, à toute la population et
la société. Je crois que nous sommes tous tellement conscients
qu'elle est responsable, cette société, en très grande
partie, de ce qui se passe inévitablement que cette
société a sa responsabilité comme l'a fait d'une
façon un peu grossière le premier ministre dans son discours de
présentation, qu'on ait la tentation de jouer sur ces sentiments qu'on
croit discerner dans la population, en ce moment. Et quand je dis sentiments,
je veux dire aussi bien les meilleurs que les pires.
Il y a certainement de très bons sentiments qui courent dans la
population actuellement, soit celui de vouloir la sécurité
publique, celui de vouloir la paix sociale. Je ne crois pas qu'il y ait un seul
membre, pas une seule personne, à moins qu'elle soit complètement
irresponsable, qui puisse en vouloir à la population, ce matin, au bout
de dix ou douze jours de grève, de vouloir une paix sociale dans le
Québec. Ce sont des sentiments que l'on peut signaler et que le premier
ministre aurait pu, normalement signaler, sans s'y vautrer comme il l'a
fait.
Aussi, il y a d'autres sentiments au sein de la population où il
peut devenir malhonnête, où il peut devenir extraordinairement bas
et facile de jouer, ceux de sa sécurité personnelle telle que
définie par autrui, sa sécurité individuelle. Je vous
raconterai à cet effet, M. le Président, une anecdote qui
révèle un sentiment profond que le bill 19 n'a pas
écarté. J'ai connu des gens je vois l'ancien
député de Saint-Jacques, ministre du Travail, qui a
été mêlé à plusieurs conflits
opposés de toutes les façons irrémédiables,
à peu près comme le député des Iles-de-la-Madeleine
peut l'être, à n'importe quel conflit de travail. N'importe quel
droit légal de grève utilisé par les ouvriers devenait
automatiquement blâmable, à l'exception de quand cela les
concernait personnellement. Je suis convaincu que dans la population,
actuellement, celle qui est affectée par le fait que les enfants ne vont
pas à l'école, celle qui est affectée par le fait que des
malades, à l'hôpital, sont ses parents ou ses proches amis, et qui
sont par le fait même
opposés à la grève, ne le seraient pas. Aussi
facilement qu'ils sont contre , ils pourraient être pour si un membre de
leur famille était un des 210,000 ou si un membre de leur famille
était un de ceux qui ne gagnent pas encore $100 par semaine.
C'est facile de jouer sur ces sentiments, à un moment
donné. J'aurais espéré du chef de l'Etat
québécois une intervention autrement plus élevée
que celle qu'il a faite, qui était un petit peu plus
réservée à une autre classe de citoyens, de
députés que celle qu'on peut attendre d'un premier ministre.
Son intervention est faite, elle est désormais dans les annales
du Québec, elle fait partie de l'anthologie de la démagogie que
nous aurons un jour à ériger et elle fait désormais partie
également de ce débat.
A chaque fois que le Québec rencontre ou a à traverser une
de ces crises, comme celle que tente de régler le projet de loi 19, il y
a toujours et je ne suis pas le plus vieux Québécois pour le
rappeler, mais j'ai suffisamment d'expérience pour le savoir, il y a
toujours une menace de réapparition d'une vieille peur ou d'une vieille
valeur séculaire qui est celle de la recherche du confort facile. Et la
preuve est faite, je pense, depuis l'ouverture de ce débat, en
particulier depuis hier après-midi à trois heures, que cette
valeur séculaire, ce retour aux clichés faciles, cette tentation
des solutions médiocres, le parti gouvernemental actuel s'en
nourrit.
Il est très facile de faire du vent alentour des malades et des
orphelins. Comme il est très facile de verser des larmes autour du droit
sacré des enfants à l'éducation. Comme il est très
facile de se gargariser de l'importance des l'ouverture immédiate du
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, bien
sûr.
La partie vraie qui existe dans ce gargarisme n'est pas niable. C'est
vrai qu'il serait important pour le Québec que les ministères
fonctionnent, que les écoles fonctionnent. C'est vrai qu'il serait
important que les hôpitaux connaissent un fonctionnement normal. Mais
à partir de cela, à partir de cette vérité
primordiale qu'aucun individu de bon sens ne saurait nier, il arrive que les
démagogues du pouvoir utilisent cette partie vraie et l'amplifie ou la
produit en plusieurs dimensions, au point que ce qui était
désormais vrai devient pour n'importe quel membre du sens commun une
vérité à condamner.
L'utilisation désordonnée et abusive, maladroite et
fondamentalement parfois malhonnête de ce qui est une partie vraie de la
réalité peut obliger des gens qui eux ne veulent pas se
prêter à ce jeu, à condamner et à faire comme si la
partie vraie n'existait pas. C'est malheureusement la tentation vers laquelle
pousse aujourd'hui l'action gouvernementale, c'est la tentation vers laquelle
pousse cette action des syndicats qui sont présentement en action.
Je suis convaincu que quelle que soit la décision de la partie
syndicale comme réaction au projet de loi 19, il faudra escompter que le
premier geste a été posé par la partie patronale qui
siège en face de nous et que s'ils en viennent je ne le souhaite
pas à prôner la désobéissance civile, c'est
qu'ils auront été poussés à un extrémisme
par un autre, tout simplement.
J'ai écouté depuis la reprise de la session chacune des
interventions du ministre de l'Education. J'ai essayé de trouver ce qui
lui tenait lieu de pensée. Et j'ai essayé également de
découvrir dans les clichés qu'il apportait une philosophie. Celle
que j'ai vue était une des plus antiques et des plus
dépassées. On essayait de maintenir dans ce débat
l'illusion que l'enseignant doit fonctionner par pure vocation
désincarnée, qu'il doit être l'âme
généreuse par excellence dans une société, à
cause des enfants qu'on lui a mis dans les mains, de ces âmes pures qu'on
l'appelle à former. J'ai presque entendu les frères des Ecoles
chrétiennes. C'est une image...
M. LACROIX: ... certainement pas bien réussie.
M. CHARRON: M. le Président, pour cervelles étroites,
j'allais justement en parler lorsque le député des
Iles-de-la-Madeleine m'a interrompu, pour cervelles étroites, mais fort
peu réaliste pour le Québec de 1972, avec cette importante classe
sociale ou cet important groupe de travailleurs que sont les travailleurs de
l'éducation syndiqués et organisés derrière la
Corporation des enseignants du Québec.
Je pense que la mauvaise image de l'enseignant ou l'image antique,
ancestrale et complètement dépassée qu'on essaie de
véhiculer, dans un conflit où nous faisons face à une
organisation moderne de travailleurs de l'éducation, ne vient que
fausser le débat et n'a que pour résultat premier de produire la
loi 19. Il est très facile, et je l'ai entendu des dizaines de fois,
d'espérer de l'enseignant des vertus de noblesse, de résignation,
d'angélisme, de dispositions personnelles, de charité
chrétienne, etc.
Chacun a fait appel à ce groupe de travailleurs
québécois de toutes les vertus imaginables, alors que je suis
convaincu qu'aucun autre secteur de la vie publique du Québec n'a
prouvé qu'il était capable d'offrir. Je ne sais pas encore sur
quelle philosophie on se base, sur quelle conception de la
société on puisse reposer pour exiger de cette catégorie
spéciale de citoyens des vertus, un dévouement, une absolue
négation des intérêts professionnels et personnels.
Jamais je n'ai vu autant d'acharnement à l'exiger de cette
classe-là comme on puisse l'exiger d'une autre classe de la
société. D'où ça vient? Je ne le sais pas. Je ne
suis peut-être pas assez vieux, M. le Président, je l'admets, pour
savoir à quelle époque de notre histoire collective ça
peut relever comme philosophie. Mais il est clair que dans le débat
actuel, ça transpire encore, c'est caché derrière un
vocabulaire
moderne, mais il est certain que, quand on parle des enseignants, on a
comme subsconscient, on a comme façon cachée dont personne ne
parle le fait qu'il est légitime d'exiger de cette classe de
travailleurs plus que l'on en exige des autres.
Personnellement, encore aujourd'hui, avec toutes les
responsabilités du poste que j'occupe, je veux dire que je ne sais pas
pourquoi, je ne sais pas où se base cette philosophie et pourquoi on
peut exiger plus de ces gens-là qu'on en exige de d'autres classes de
citoyens.
Il est facile après ça, après s'être
roulé dans cette philosophie-là de s'indigner artificiellement,
d'essayer d'avoir des convictions qui vont déteindre sur d'autres, mais
de ne jamais remettre en question ce vieil a priori qui craque de partout,
à tout esprit conscient, que l'enseignant a une fonction spéciale
et que par le fait même, il n'est pas un travailleur comme les
autres.
Au fond, je crois, quand je vois l'acharnement et l'attachement qu'on
met à défendre cette conception absolument périmée,
qu'au fond, ce qu'on conteste, c'est l'organisation professionnelle de
travailleurs syndiqués dans le domaine de l'éducation. On
n'accepte pas encore ce phénomène-là et si on l'accepte
bien par la prime, parce qu'un jour, le même parti qui gouverne encore a
accepté que la reine négocie avec ses sujets, on essaie par
d'autres moyens de réduire ce droit-là à sa plus stricte
expression.
On essaie par des arguments philosophiques de réduire la
portée d'un droit qu'on a reconnu par la force des choses, et parce
qu'un jour, le parti qui est actuellement au pouvoir a été,
pendant un certain temps, véhicule de réforme sociale, ce qu'il
n'est plus aujourd'hui.
M. le Président, est-ce que c'est cette philosophie ou cette
conception qui a mené à l'échec, aussi bien à la
table centrale qu'à la table sectorielle dans le domaine de
l'éducation et qui nécessiterait aujourd'hui la loi 19? Je crois
que oui, en bonne partie.
Je crois que cette conception a présidé aux
négociations. Je n'ai qu'à regarder, nous aurons l'occasion
à une autre étape de regarder les offres patronales en
matière de sécurité d'emploi pour les enseignants, pour
voir qu'on est loin de la phisolophie moderne qu'on devrait avoir dans ce
domaine-là et qu'on essaie encore de maintenir la philosophie
ancestrale.
Est-ce que c'est la faute des syndicats si on a fait un échec au
niveau de la table sectorielle comme au niveau de la table centrale? Je me suis
posé la question. Je suis d'avis que les syndicats, dans ce domaine,
n'ont pas fait d'abus; ils ont exercé un droit strict qui leur a
été reconnu par une loi de ce Parlement il y a quelques
années et ils n'en ont pas fait d'abus. Est-ce qu'ils ont fait des
erreurs de stratégie? Oui, M. le Président, et je pense que je
peux le dire en toute honnêteté. L'amitié que nous pouvons
porter à cette catégorie de travailleurs syndiqués peut
impliquer à un moment donné une certaine franchise. Je crois que
depuis l'ouverture du conflit, il y a eu des erreurs de stratégie
syndicale qui ont peut-être profité au patron actuel qui est,
comme par hasard, le législateur et qui profite à un moment
donné de l'impasse de négociation pour intervenir à titre
de législateur.
Mais je crois suffisamment la santé démocratique des
organisations syndicales pour me dire que les erreurs de stratégie, les
mauvaises orientations données par les leaders syndicaux, il y en a eu
dans le présent conflit; ils seront jugés par les membres des
syndicats, en temps et lieu, par les structures qui leur sont données et
ce n'est pas à moi de les faire. Mais je puis affirmer ici que des
stratégies syndicales foncièrement maladroites ont
été employées au cours du présent conflit et n'ont
fait, à cette occasion, que le jeu du patron qui, aujourd'hui, se
prépare à adopter la loi 19.
M. le Président, s'ils ont fait des erreurs, est-ce qu'ils les
ont faites les premiers? Est-ce qu'on se rend compte, aujourd'hui, au moment
où on se prépare du côté patronal, en face de nous,
à obliger la partie syndicale à entrer selon les conditions
fixées, à tout ce qu'on a demandé à cette
partie-là depuis quelques années? Est-ce qu'on se prépare,
est-ce qu'on sait, de ce côté de la Chambre, où le patron
est représenté, tous les efforts qu'on a demandés dans le
domaine de la réforme de l'éducation à cette classe de
syndiqués? Est-ce qu'on se rappelle encore ce qu'on a fait à
cette classe de syndiqués au moment du bill 25? Est-ce qu'on sait encore
tous les règlements multiples du ministère de l'Education qui
sont venus affecter la vie professionnelle, la vie d'organisation syndicale de
ce groupe de travailleurs?
Je pense juste au dernier émis par le ministère de
l'Education, le règlement no 7, qui impliquait sous le couvert d'une
humanisation de l'école une surcharge de travail de 35 minutes par jour
pour les enseignants au niveau secondaire. Ils l'ont négocié, de
façon unilatérale par la partie patronale. Est-ce qu'on se rend
compte que si, aujourd'hui, on assiste à une réaction de
salariés de la part de gens de qui on espérait un
dévouement et une disponibilité totale, c'est que la partie
patronale et gouvernementale puisque c'est la même l'a
forcé, l'a réduit à ce comportement au cours du
développement de notre système d'éducation.
M. le Président, tout le monde a reçu des
télégrammes au cours de la crise, c'est bien sûr, chacun
nous appelant à des gestes contradictoires. J'invite simplement ceux qui
ont reçu à vérifier également les
télégrammes venant de la part d'enseignants et qui devaient
certainement, qu'ils soient justifiés ou non à l'esprit de
chacun, il y a certainement une chose indubitable dans le contenu de ces
télégrammes. C'est qu'ils sont porteurs d'une indignation
explosive et qui devrait faire réfléchir la partie patronale qui
est aussi la partie gouvernementale avant d'adopter la loi 19.
Le malheur de la loi 19, M. le Président, c'est que non seulement
compromet-elle...
M. LEVESQUE: Le temps est expiré.
M. LE PRESIDENT: Je demanderais à l'honorable
député de Saint-Jacques de conclure dans un bref délai. Le
temps alloué est de vingt minutes et son temps est
écoulé.
M. CHARRON: Très bien, M. le Président. UNE VOIX: C'est
fini, c'est fini.
M. CHARRON: Le président m'a demandé de conclure, je
conclus en une phrase, M. le Président, je dis qu'une législation
qui va aussi loin par rapport à des êtres humains, dans une
société démocratique, on a oublié dangereusement
dans la loi 19 qu'elle doit être préparée avec eux et non
pas contre eux. Qu'on doit leur donner le loisir d'y penser autant que
possible, la voir venir et surtout d'y contribuer parce que ce sont eux qui
auront à vivre avec elle. Si on n'a pas ce respect et si on oublie de
l'avoir, malgré que les circonstances soient pénibles mais pas
inexcusables, on risque alors de provoquer les réactions qui se
préparent dans le milieu syndical actuellement. Le vice fondamental de
la loi 19, M. le Président...
M. LAFRANCE: Cela fait deux phrases... M. BACON: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.
M. Paul-A. Latulippe
M. LATULIPPE: M. le Président, à peine quelques phrases.
Merci.
Dans la crise actuelle, M. le Président, il est bien
évident que, nous aussi, nous sommes favorables au retour au travail
immédiat. Nous reconnaissons que les négociations ont
été rompues dans des conditions qu'il est difficile
d'apprécier et qui nous semblent, dans une certaine mesure,
injustifiables. Nous reconnaissons que l'administration publique est
paralysée, que tout le monde a à en souffrir, que les
syndiqués eux-mêmes, en vaste majorité, du moins ceux de
mon comté, sont désireux de retourner au travail, que les
services essentiels n'ont pas été maintenus et que même les
injonctions prononcées n'ont pas été respectées tel
que l'aurait souhaité le législateur.
Cependant, M. le Président, de l'aveu même du ministre de
la Fonction publique, le législateur a quand même tardé
énormément, surtout le gouvernement a énormément
tardé à désavouer la situation actuelle de telle sorte que
nous nous sommes retrouvés dans cette grève
générale avec l'extériorisation d'une crise de la
société dont la portée a d'abord un aspect politique et
d'autre part un aspect économique. Un aspect politique qui est
amorcé par l'attitude même des grands chefs syndicaux qui semblent
accorder plus d'importance à la promotion politique du pouvoir des
unions ou encore en quelque sorte de leur propre pouvoir, pour en arriver
à exercer un jour un patronat sur toute la situation pour consacrer
définitivement l'avènement de leur propre idéologie. Car
ils ne se cachent point, M. le Président, pour manifester ouvertement
qu'ils travaillent maintenant à la promotion d'un socialisme d'ici.
Dans notre société, M. le Président, il faut
reconnaître qu'il y a quatre pouvoirs fondamentaux. Il y a d'abord le
pouvoir politique qui se redistribue dans des pouvoirs exécutifs,
législatifs et judiciaires. Il y a ensuite le pouvoir religieux ensuite
le pouvoir économique et ce contrepouvoir, le pouvoir des unions et
enfin le pouvoir idéologique.
Dans la crise actuelle, M. le Président, le pouvoir des unions se
prépare à bloquer et le pouvoir politique et le pouvoir
économique en vue d'exercer, comme je le disais tout à l'heure,
un patronat politique sur la situation actuelle. Les choses sont telles que
certains membres de cette chambre ont avancé l'idée que le
pouvoir des unions s'attardait maintenant à prôner même le
non-respect de la loi. Pour ma part je ne m'étonne pas d'une
détérioration aussi accentuée de notre
société.
Elle est, en quelque sorte, la conséquence de la décadence
du pouvoir politique lui-même, qui comme vous le savez sans doute est le
résultat des suites de la révolution tranquille au Québec
qui s'est manifestée essentiellement par l'effondrement du pouvoir
religieux qui avait servi jusqu'alors de point d'appui de l'ordre moral et de
point d'appui de l'ordre politique et de point d'appui de l'ordre social.
Par voie de conséquences, le prestige politique est fortement
menacé et que de ce fait, notre société elle-même se
retrouve dans une situation explosive qui a les caractéristiques de la
crise que nous vivons maintenant. Ce n'est pas pas hasard que nous en sommes
arrivés à vivre la situation que nous connaissons aujourd'hui. En
fait, la crise s'est amorcée depuis le début du
libéralisme parce que c'est une société en transformation
que nous vivons comme toutes les générations qui nous ont
précédé. Nous vivons, dans notre société,
une crise qui, à mon point de vue, se répartit sur trois grands
plans, soit au plan politique, social et culturel, lesquels se manifestent de
différentes façons. Si j'avais à les analyser dans leur
forme essentielle, j'oserais dire que la crise politique est, en
définitive, une mystique de la liberté qui tend à
s'incarner dans les individus et dans les institutions et dans notre mode de
pensée tandis que la crise sociale découle de cette pensée
profonde que l'homme est essentiellement matière et que comme tel il est
malléable. Cela découle de la philosophie même de Marx,
découle de la philosophie socialiste.
La crise actuelle confronte ces deux grandes idéologies. Bien
sûr, je ne veux pas entrer trop dans les détails de cet ordre mais
il n'en reste pas moins que la crise que nous vivons n'est pas
le fruit du hasard et qu'elle a été engendrée sur
des siècles, des années, et qu'elle est à la base le fruit
de constructions et d'institutionnalisations de certaines allégeances
qui ne servent pas l'homme d'une façon adéquate.
Je disais tout à l'heure que la crise actuelle avait une
dimension politique, qu'elle se traduit essentiellement par le non respect de
la loi, et que le législateur par cette loi, n'amènera pas
nécessairement les belligérants à accepter ou à se
nourrir d'une façon intrinsèque des conclusions où l'on
veut arriver ou des buts poursuivis avec le bill 19.
A mon point de vue, la grande faiblesse du projet de loi que nous sommes
à étudier réside dans le fait que nous sommes à
jouer le jeu même de ceux que nous voulons mater. Nous sommes en train
d'en faire des martyrs à leurs propres yeux, aux yeux des syndicalistes
avoués, qui travaillent pour la promotion d'une cause et non pour la
promotion du syndicalisme comme tel, d'une cause politisée, alors, je me
dois donc de répudier ou de condamner le bill 19 quoique étant
d'accord qu'il faut passer une loi pour assurer la reprise des services dans le
secteur public.
Cependant, je trouve que la présente loi va trop loin parce
qu'elle permet au grands chefs syndicaux de politiser le débat à
leur avantage.
Je trouve que c'est une faiblesse, et là-dessus, j'aurais
beaucoup aimé et j'estime que le gouvernement aurait eu un immense
avantage de confondre les chefs syndicaux en acceptant la proposition de
l'honorable chef de l'Opposition. Ils auraient manifestement avoué leur
faiblesse et du coup, auraient travaillé à l'affermissement de
l'autorité du législateur.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si vous me permettez, je voudrais signaler
à l'honorable député qu'il ne peut pas quand même
discuter d'une motion qui a déjà été rejetée
par la Chambre. Je lui demanderais de maintenir ses propos.
M. BACON: C'est très bien, M. le Président. M. LAFRANCE:
C'est beau, M. le Président.
M. LATULIPPE: Comme deuxième point, le présent conflit a
une dimension économique parce que, d'une part, de la bouche même
du ministre des Finances, l'Etat n'a pas les fonds requis pour répondre
aux exigences des syndiqués. C'est peut-être dû au fait que
l'Etat ne s'est jamais préoccupé de se donner un véritable
pouvoir économique afin d'appuyer ses politiques, même dans le
domaine salarial.
D'autre part, je suis de ceux qui croient qu'une augmentation de salaire
dans le secteur public devra, dans les conditions actuelles
nécessairement, se compenser, c'est-à-dire l'équivalent en
taxes et autres retenues de telle sorte que la réalité des gains
nets ne sera que très peu appréciable. C'est pourquoi je
réclame comme tous les opinants de mon parti une refonte totale de notre
système économique pour que l'Etat se donne un pouvoir
économique capable d'appuyer ses politiques, quels que soient les
besoins auxquels il aura à faire face.
J'estime que la présente loi remet en cause l'essence même
de la démocratie et que, sans réforme économique ou
financière adéquate, nous ne spéculons que sur les effets
du malaise et que le problème restera entier, car nous n'aurons pas
touché aux causes qui résident justement dans un système
financier inadéquat qui sert mal l'individu et l'Etat.
J'estime de plus qu'il est dangereux de tenter de vouloir régler
le conflit actuel exclusivement par l'autorité de la législation.
Bien sûr, les décrets ont l'immense avantage d'économiser
énormément de temps, mais il n'en reste pas moins qu'ils
remettent en cause toute l'économie de nos lois du travail et qu'ils
constituent à notre point de vue un précédent suffisamment
dangereux, compte tenu de la situation et des intentions voilées de nos
grands chefs syndicaux.
C'est pourquoi nous aurions préféré de loin un
tribunal du travail avec des sentences et exécution obligatoires en vue
d'amener un règlement de la situation et légiférer si vous
voulez par une autorité qui ne sera pas une des parties en cause dans le
présent conflit.
J'ose espérer qu'il sera possible dans l'avenir d'éviter
pareil conflit en prenant dès aujourd'hui des mesures qui s'imposent
pour réformer le système et le code du travail et
également, penser à accepter l'idée du tribunal du travail
dans l'avenir pour des négociations qui tarderont à aboutir tant
dans le secteur public que privé. Merci beaucoup, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, quand on a affaire à un
gouvernement sans échine, sans leadership, amorphe, tâtonneux,
hésitant, sans planification, nous sommes obligés de
siéger à des heures indues, comme nous le faisons
actuellement.
M. le Président, cela fait l'affaire du gouvernement que nous
soyons actuellement à étudier une loi spéciale car,
d'ailleurs, c'était l'idéal rêvé pour ce
gouvernement en place qui, par manque de prévoyance, n'a pas
demandé au ministre du Travail d'apporter les amendements qu'il fallait
au code du travail pour mettre en place un mécanisme nécessaire
pour hâter ou pour aboutir à une solution dans la
négociation. Non, ce n'est pas le ministre du Travail qui a
manqué à son devoir. On ne l'a pas consulté. Qu'a fait
l'ex-institueur en chef de la province, l'ancien ministre de l'Education? Il a
été aux prises avec le problème du monde enseignant durant
près
d'une année. Il n'a absolument rien fait. Il est resté
amorphe. Qu'a fait le ministre de la Fonction publique? Il a été
le seul à respecter intégralement le droit de grève que
l'un des gouvernements précédents a donné aux ouvriers.
Aujourd'hui on nous demande de brimer ce droit. On nous invite à passer
une législation à toute vapeur. Pourquoi? Parce que l'incendie
est pris, parce que c'est la conflagration dans le monde de l'éducation,
dans le monde de la santé, le tout par suite du manque de clairvoyance
des hommes en place.
M. le Président, le gouvernement était
intéressé à présenter une législation
consécutive à une grève qui va enrichir le trésor
du ministre des Finances d'environ $38 millions et nous avons une explication
au fait que nous n'avons pas eu de hausse de taxe cette année au
Québec. Riez tant que vous voudrez mais levez-vous donc les "back
benchers" et exprimez-vous donc sur ce projet de loi. Vous êtes
affectés comme nous le sommes dans nos comtés, nous aussi. Nous
en avons eu des plaintes. Nous en avons eu des problèmes à
régler ou du moins nous avons tenté de les régler. Depuis
minuit hier soir, nous voyons les "back benchers" qui dorment aux corneilles
plutôt que de se lever et d'exprimer leur opinion et de parler librement
sur le projet de loi...
M. VEILLEUX: Où sont les vôtres?
M. PAUL: ... qui nous est soumis en deuxième lecture.
M. VEILLEUX: Où sont les vôtres?
M. PAUL: M. le Président, invitez-les à parler à
leur tour. Vous m'avez donné le droit de parole. Nous sommes à
étudier, M. le Président, le présent projet de loi en
deuxième lecture.
M. HARVEY (Jonquière): II est allé dormir dans son lit,
lui.
M. PAUL: Qui?
M. HARVEY (Jonquière): Vous.
M. PAUL: Non. Vous n'êtes qu'un menteur. Vous n'êtes qu'un
menteur. Je ne retirerai pas mes paroles.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. HARVEY (Jonquière): ... sur une question de
privilège.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu...
M. HARVEY (Jonquière): Le député de
Maskinongé vient d'affirmer...
M. LE PRESIDENT: ... sur une question de privilège.
M. HARVEY (Jonquière): ... que je suis un menteur en cette
Chambre. Il prétend qu'ici, les "back benchers", comme il les a
appelés, dormaient en Chambre. Je me tournais et je n'en voyais pas un
seul qui dormait. S'il me qualifie de menteur, il est plus menteur que moi.
M. PAUL: M. le Président, en voilà un autre qui devrait
avoir le courage de se lerver et de parler sur le projet de loi...
M. HARVEY (Jonquière): Qui vous dit que je ne parlerai pas?
M. PAUL: ... nous expliquer pourquoi on n'a pas voulu accepter les
recommandations de toutes les oppositions de convoquer à temps la
commission parlementaire de la Ponction publique. Je vais vous laisser le
temps, M. le Président, de vous arranger avec votre micro!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Messieurs,
à l'ordre!
J'inviterais quand même tous les députés de cette
Chambre et celui qui adressait la parole, en fonction de notre
règlement, de ne pas employer des paroles qui pourraient provoquer
certains députés à donner peut-être des
interventions qui ne seraient pas souhaitables à ce moment-ci.
J'inviterais l'honorable député à continuer de parler sur
la deuxième lecture de ce projet de loi.
L'honorable député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je comprends que cela vous
intéresse. Je veux les réveiller. C'est un gouvernement
d'endormis que nous avons. Il est temps d'agir.
M. VEZINA: Duplessis ne ferait pas mieux!
M. PAUL: Tiens, regardez donc, il a dormi pendant trois heures et il se
réveille celui-là.
Je dis, M. le Président, que le gouvernement aurait dû se
rendre à l'invitation que lui a faite le chef de l'Opposition, le chef
du Ralliement du crédit social, le chef du Parti
québécois, le chef résiduaire, celui' qui est en Chambre
et convoquer la commission parlementaire pour avoir l'avantage d'entendre la
version de la partie syndicale. Encore cette nuit nous avons tendu une branche
de rameau au gouvernement. Il n'a pas voulu la prendre. Et ça va
être beau dans la négociation mardi prochain lorsqu'ils vont se
présenter devant la commission parlementaire et qu'on va prendre
connaissance des déclarations et je cite le ministre des Affaires
sociales, feuillet R/938, page 1 qui dit ceci: "On a refusé
l'entrée des médecins, les chefs des syndicats étaient au
courant de cette situation. Ils auraient pu faire preuve d'un peu plus de sens
commun et de permettre que ces condi-
tions soient rétablies. Cela n'a pas été fait."
Mais c'est drôle, c'est spontané ça cette
situation-là. Ils ont essayé de nous endormir comme ils ont
endormi les négociateurs de la partie syndicale depuis qu'on est
prétendument en négociation. "Nous avons fait tous les efforts.
Nous en sommes rendus au terme. Pour ma part je n'accepterai pas qu'une
rencontre, qui pourrait avoir lieu cette nuit, un engagement ou une demande de
la part des chefs de syndicats que les travailleurs rentrent au travail. Je ne
l'accepterai pas à cause du dossier" remarquez bien, M. le
Président, ceux qui ont un dossier ordinairement, ce sont les criminels
qu'ils ont monté au cours des trois dernières
semaines.
M. VEZINA: Aussi drôle que Symphorien!
M.PAUL: Pourriez-vous fermer votre boîte, vous êtes trop
jeune pour vous mêler de ça, vous n'avez pas le courage de vous
lever.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. PAUL: M. le Président, le ministre de la Fonction publique
disait ceci: "Ils sont illogiques, je vais vous le prouver, M. le
Président." Le ministre de la Fonction publique disait: "Hier il n'y
avait pas possibilité d'en arriver à une entente dans un
délai raisonnable ou même appréciable à une solution
négociée de ce conflit.". Feuillet R/937 page 1. Nous
avons eu, mon ministre préféré, le ministre des Finances
qui dit ceci: "Les négociations ne pouvant plus se poursuivre sur la
base des conditions existantes, conciliations devenues réellement
inefficaces et impossibles et nos offres ont été
définitives." On veut faire siéger la commission parlementaire
mardi, pourquoi? Je vais vous le dire, M. le Président. Parce qu'on a un
gouvernement qui aime à mêler l'exécutif au
législatif. C'est ça, M. le Président, on la veut cette
loi-là. Peut-être que les chefs des centrales syndicales la
veulent la loi, mais le gouvernement la veut également. Et il a tout
fait pour nous la présenter et nous placer dans une situation telle que
nous sommes et nous seront obligés de voter pour la loi. Nous avons
raison et nous sommes obligés de condamner la façon
j'allais dire hypocrite, je n'ai pas le droit de le dire pour le moins
curieuse...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sournoise.
M. PAUL: ... sournoise amenez-en des qualificatifs mon cher
collègue inique avec la quelle le gouvernement a
procédé pour présenter cette législation. Depuis
deux ans nous voyons un gouvernement qui procède par décret. Nous
avons un gouvernement qui s'immisce constamment dans le législatif et
dans le judiciaire et le pouvoir législatif voit son autorité
s'effriter d'année en année au bénéfice du pouvoir
exécutif. En effet, rares sont maintenant les loi adoptées sans
que l'Assemblée nationale ne délègue à
l'exécutif le pouvoir d'adopter des règlements qui viennent
parfaire les dispositions des lois elles-mêmes. Or, ces pouvoirs de
réglementation prennent chaque année une importance accrue. Le
pouvoir législatif ne semble pas réaliser que ce ne sont plus les
pouvoirs de réglementation qu'il délègue à
l'exécutif mais bien des pouvoirs législatifs véritables
qui permettent au lieutenant-gouverneur en conseil de modifier même les
lois existantes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La loi 23.
M.PAUL: La loi 23, à l'article 5. On reviendra. On ne peut pas en
parler, mais je glisse en passant. Je ne fais pas de chute, par exemple!
...
M. PINARD: Papa préparé, prépare toi!
M. PAUL: Si l'on veut un exemple de pareille affirmation, on n'a
qu'à examiner les pouvoirs délégués par
l'Assemblée nationale au cabinet des ministres, par l'article 129 du
bill 65, et je continue. Savez-vous qui a dit cela, M. le Président?
C'est un de nos confrères, estimé, respecté de tous, le
bâtonnier Yvon Jasmin, qui a déclaré cela en
présence du ministre de la Justice et apparemment, il n'a pas
aimé cela.
M. VEZINA: Vous direz à Jasmin que c'est un trou de cul, quant
à moi!
M. PAUL: Vous n'étiez seulement pas là, fermez-vous donc
la boite, vous!
M. le Président, vous n'intervenez pas, en vertu de l'article 40,
vous le laissez faire, le député de Montmorency, parler de son
siège et beugler.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre. Je n'ai pas encore la
préscience et je ne pouvais pas deviner que l'honorable
député de Montmorency...
M. PAUL: Vous ne l'avez pas vu? Je continue.
Voici, M. le Président, pourquoi nous sommes forcés de
voter pour la loi, malgré toutes les astuces qui l'entourent dans sa
présentation, parce que nous sommes pour le droit de l'éducation
à l'enfant. Nous sommes pour le droit aux malades de se faire soigner et
nous sommes également contre l'esclavage que certains chefs syndicaux
exercent actuellement contre les syndiqués, soit du service public ou
des services parapublics.
Nous allons voter contre! C'est impossible, c'est impossible! Nous
allons être obligés de voter pour. C'est la seule issue pour
permettre aux enfants de retourner à l'école lundi matin; pour
permettre aux malades d'être soignés dès
demain matin dans les hôpitaux. Il y a une personne que certains
reconnaissent comme une autorité qui s'est prononcée sur le
sujet. Sauf pour les éternelles Cassandre de l'antisyndicalisme, ce qui
rend la décision particulièrement délicate, c'est que la
grève est légale et que la loi d'exception équivaudrait,
par conséquent, à l'abrogation effective d'un droit reconnu.
Pourtant, si cela ne débloque pas à la suite de ces fragiles
contacts des deux derniers jours, il est sûr qu'il faudra bientôt
en arriver là. Dixit, le vieux, vieux chef du Parti
québécois, édition récente du Journal de
Québec du mercredi 19...
M. HARVEY (Jonquière): Quel âge a-t-il?
M. PAUL: C'est le plus vieux chef politique du Québec!
M. VEILLEUX: II n'est pas jeune!
M. LAFRANCE: En tout cas, il n'a plus de cheveux!
M. PAUL: Alors, je dis, M. le Président, que c'est une personne
que certains considèrent en autorité. Le mercredi 19 avril 1972,
dans une chronique d'un journal dont le représentant Raspoutine n'est
pas ici. Je dis que nous allons être obligés de voter pour la loi
avec regret, parce que nous avons à coeur de retourner les enfants
à l'école, mais nous invitons le gouvernement, dès
maintenant, à prendre ses responsabilités et à
prévenir d'autres incendies. C'est dommage que les incendies ne
relèvent pas de mon bon ami, le ministre des Transports, parce
qu'à l'unanimité, nous de l'Opposition, nous le nommerions
pompier honoraire de l'Assemblée nationale! ...
UNE VOIX". Vous pouvez le nommer quand même!
M. PAUL: Je dis, M. le Président, que nous devons inviter le
gouvernement à bouger un peu.
M. PINARD: Ne m'invitez pas à vous arroser!
M. PAUL: Le ministre du Travail, pour qui nous avons beaucoup d'estime,
j'espère qu'il va être capable de vendre ses excellents
amendements proposés ou projetés au code du Travail, afin que
nous ne soyons pas dans l'obligation de vivre d'autres lois d'urgence.
C'est la marque de commerce de l'ancien gouvernement, la sixième
loi depuis le 12 juin 1969. Certains nous ont reproché d'en avoir
adopté trois lois d'urgence. Je vais le répéter parce
qu'il y en a un grand nombre qui dormait.
M. VEZINA: Elles étaient toutes urgentes. M. PAUL: Oui, elles
étaient toutes urgentes.
M. VEZINA: Parce que vous étiez un an en retard tout le
temps.
M. PAUL: Mais excepté que lorsqu'on était au pouvoir, on a
réglé le problème...
M. VEZINA: Vous étiez un an en retard tout le temps...
M. PAUL: ... des négociations sans adopter des lois.
M. VEZINA: ... dans tous les domaines puis même il a
été un temps où votre parti était vingt ans en
retard.
M. PAUL: Pourriez-vous vous asseoir? M. le Président, faites-le
donc asseoir celui-là, ce jeune blanc-bec.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je rappelle l'honorable député
de Montmorency à l'ordre.
M. PAUL: ... et que ceux qui ont hésité à
défendre vont se présenter, ils vont soutenir les principes que
nous pouvons retrouver dans cette loi 19. Je regrette, Dieu merci, pour ceux
qui ne partagent pas mes idées, ils sont contents que ça
achève. Moi, M. le Président, je regrette, ça ne fait que
commencer et ce n'est pas de cette façon, en imposant une
législation de la manière que le gouvernement nous l'a
présentée, que nous allons entretenir un climat de bonnes
relations dans les services public et parapublic. Et je voterai moralement
contre les méthodes du gouvernement et c'est avec regret que je serai
dans l'obligation, pour sauvegarder le droit d'éducation, le droit des
malades et pour la paix et la justice sociale, je serai moralement et je
voterai pour le projet de loi, avec cependant beaucoup de regrets.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, mon collègue de
Saint-Jacques, tout à l'heure, a tenté d'analyser un certain
nombre de clichés qui étaient énumérés bien
souvent, par des députés de cette Chambre et qui concernaient les
enseignants. Il y a, M. le Président, aussi un certain nombre de
clichés que nous entendons, concernant les chefs syndicaux depuis le
début de cette discussions, qui m'apparaissent tout simplement
relevés du XIXe siècle du moins du début du XXe
siècle.
Quand on parle de hors-la-loi au sujet des chefs syndicaux, quand on
parle de l'esclavage des syndiqués vis-à-vis des chefs syndicaux,
quand on parle, M. le Président, que trois chefs syndicaux peuvent
réussir à conserver 210,000 en grève, ça
m'apparaît être ces ressurgeances de l'élite traditionnelle
du XIXe siècle qui apparaît
toujours ou qui veut toujours tenter la population, de sauver ce pauvre
peuple de non-instruits, qu'il dédaigne par ses affirmations parce que
ces gens-là n'auraient même pas la conscience, n'auraient
même pas les capacités intellectuelles de pouvoir distinguer
entre, simplement des hors-la-loi et des gens qu'ils élisent à
des postes qu'ils ont choisis eux-mêmes.
Quand je compare la démocratie qui existe dans les syndicats, je
constate malheureusement que cette démocratie-là, bien souvent,
existe beaucoup plus, est beaucoup plus réelle que la démocratie
que nous pouvons vivre, nous ici, à l'Assemblée nationale. Pour
avoir vécu moi-même à l'intérieur d'un syndicat
pendant dix ans, je peux affirmer quelles nombreuses consultations les chefs
syndicaux font avant de prendre des décisions.
Je peux affirmer que contrairement à certains partis politiques,
que ces chefs syndicaux sont élus bien démocratiquement par des
délégués qui sont eux-mêmes des
délégués régionaux, qui sont eux-mêmes
élus au niveau régional par des syndiqués dont les...
ça c'est la bêtise.
M. BRISSON: Nommez-les!
M. LESSARD: ... des gens qui ne comprennent rien, ces gens-là, M.
le Président, je pense bien que mon ancien collègue, le
syndicaliste de Saint-Jean pourrait aussi lui-même aussi comme ancien
chef syndical l'affirmer. Ou bien s'il n'est pas capable de l'affirmer, cela
veut dire que lui aussi a été un chef syndical qui a soumis
à l'esclavage ses syndiqués.
M. VEILLEUX: Je suis ici, j'écoute.
M. LESSARD: M. le Président, je n'ai jamais eu peur de dire en
face ce que je pensais du député de Saint-Jean qui est tout
simplement en train de renier les principes qu'il a prônés pendant
de nombreuses années comme chef syndical dans sa région.
M. LAFRANCE: Parce qu'il est revenu à la raison.
M. LESSARD: J'attends, M. le Président, que vous demandiez
l'ordre.
M. le Président, je pense bien que la démocratie syndicale
se compare avantageusement à la démocratie qui existe dans la
nomination de certains députés et aussi avec la démocratie
qu'utilisent ou que font certains députés qui ne prennent
même pas la peine annuellement d'aller rencontrer leurs électeurs
et qui se présentent devant la population, devant leur population
seulement à tous les quatre ans. M. le Président, une chance que
les gens des Iles-de-la-Madeleine ne voient pas comment se comporte le
député de cette région, parce que je pense qu'ils ne
l'éliraient pas à nouveau après les élections.
Heureusement il est loin de ses électeurs...
M. LACROIX: Je n'ai pas honte de me comparer au fou de Saguenay.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: Heureusement il est loin de ses électeurs et il les
rencontre peu souvent...
M. LACROIX: Plus souvent que vous. M. LE PRESIDENT: Le projet de loi
19.
M. LESSARD: Oui, M. le Président. Alors, il existe un certain
nombre de clichés comme ceux-là, comme le député de
Saint-Jacques en a dénoncé un certain nombre tout à
l'heure vis-à-vis les enseignants. Jamais je ne croirai que dans la
situation du Québec d'aujourd'hui, que dans les fonctionnaires du
gouvernement, que dans les enseignants, que dans les travailleurs au niveau des
hôpitaux, jamais je ne croirai que ces gens sont tellement
incompétants, que ces gens sont tellement peu instruits, que ces gens
sont tellement insoucients qu'ils peuvent vivre continuellement sous
l'esclavage des décisions prises unilatéralement par des chefs
syndicaux.
Je pense que c'est mépriser la population
québécoise, c'est mépriser les syndiqués du
Québec que d'affirmer de telles choses. On l'affirmait lors du bill 38
au moment où on avait à discuter du problème de la
construction. Justement, M. le Président, si nous nous battons avec
autant d'acharnement contre ce nouveau projet de loi d'exception, c'est parce
que ce n'est pas le premier. C'est parce que ce gouvernement libéral qui
est au pouvoir depuis seulement deux ans nous a déjà soumis
quatre lois d'exception... six, de toute façon moi je pense au
bill 38, loi des médecins, bill 15, bill 9, cette fois c'est la
quatrième fois qu'on nous présente une loi d'exception et on est
en train, depuis deux ans, de perturber le climat social du Québec par
ces lois d'exception. On est en train, M. le Président, de briser toutes
les lois qui existaient et qui ont été acceptées librement
et unanimement par tous les députés de cette Chambre.
Il est juste qu'on puisse exiger, de la part des syndiqués,
qu'ils se soumettent à la loi mais il est aussi juste qu'on demande au
moins aussi à ceux qui font des lois de respecter les lois qu'ils ont
eux-mêmes faites librement. Encore une fois, si on se bat avec
acharnement contre cette loi c'est parce que nous ne croyons pas que cette loi
puisse régler les véritables problèmes.
Nous ne croyons pas que cette loi puisse amener, enfin après un
certain nombre d'années, dans le climat des relations humaines, des
relations de travail, la paix sociale qui est nécessaire dans
l'éducation, dans l'enseignement, en particulier, qui est
nécessaire au niveau des hôpitaux, qui est nécessaire dans
la fonction publique. Je pense que cette loi va apporter bien plus de
conséquences néfastes qu'elle va apporter d'avantages. Il faut
quand même, avant de présenter une loi d'exception,
qu'il existe une situation sociale extrêmement
perturbée.
Je voudrais ici faire une distinction qui m'apparait assez fondamentale.
Une loi spéciale est exigée lorsque la situation est à un
point tel que c'est la seule solution pour la corriger.
M. BOURASSA: Quelqu'un l'a dit avant vous.
M. LESSARD: Ma distinction va venir, M. le premier ministre. Nous avons
tenté, depuis mardi dernier, de savoir quelle était la situation
sociale dans les hôpitaux, quelle était la situation sociale dans
les écoles et dans la fonction publique. Toutes les fois que nous avons
soulevé des questions, on nous a répondu que la situation
n'était pas alarmante. Le premier ministre lui-même, dans sa
déclaration au peuple du Québec, disait ceci. Il analysait, en
fait, les différents secteurs...
M. BOURASSA: Jusqu'à présent.
M. HARVEY (Chauveau): Sur un point de règlement, M. le
Président. Je voudrais savoir si l'honorable député de
Saguenay n'aurait pas dépassé le temps permis pour faire son
exposé. M. le Président, je vous pose la question.
M. LESSARD: J'ai l'impression, M. le Président, qu'étant
donné sa situation...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois rappeler à l'honorable
député de Chauveau qu'il arrive parfois que la
réalité ne corresponde pas aux impressions. L'honorable
député de Saguenay.
M. HARVEY (Chauveau): En effet puisqu'on dirait que cela fait plus de
deux heures qu'il nous adresse la parole.
M. LESSARD: M. le Président, il arrive aussi que certains
députés, de par leur situation, ne sont pas capables au moins
avant de se lever pour affirmer que mon temps est écoulé n'ont.
même pas la précaution de regarder l'horloge et c'est probablement
à cause que ces gens-là sont endormis comme d'habitude.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, c'est l'interlocuteur qui
nous endort.
M. LESSARD: M. le Président, qu'il s'assoie.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Saguenay.
M. LESSARD: C'est le premier ministre qui disait ceci: Dans le cas de la
fonction publique et des enseignants, il est certain que cela cause beaucoup
d'inconvénients mais on ne peut pas dire que jusqu'à
présent il y a un danger grave pour la sécurité et la
santé publiques. C'est véritablement le législateur qui
parle. Le secteur le plus délicat et le plus difficile est
incontestablement celui des hôpitaux. C'est pourquoi nous avons
déjà pris des actions très précises dans ce
secteur.
Donc, il n'y a pas de situation alarmiste en ce qui concerne les
secteurs de l'éducation, les secteurs de la fonction publique. Dans les
hôpitaux, il a fallu qu'on prenne des injonctions pour permettre que la
situation se normalise. Le ministre de la Santé nous disait
lui-même mardi que cette situation était devenue normale. Pourquoi
le ministre de la Santé, qui nous disait que ces situations
étaient les premières situations difficiles qui s'étaient
soulevées et que ces situations s'étaient maintenant
stabilisées.
Pourquoi le ministre de la Santé nous affir-me-t-il maintenant la
nécessité d'une loi d'urgence? Parce que, dit-il, il lui
apparaît que les négociations sont devenues impossibles. C'est
là, M. le Président, que le législateur qui est d'abord
responsable de la sécurité publique, qui est d'abord responsable
d'amener les syndiqués, les syndicats à donner des services
d'urgence. M. le Président, lorsque le législateur devient
négociateur, à ce moment-là, il ne voit que le chapeau du
patron puis il impose une loi telle que ça existe actuellement, telle
qu'on nous la propose actuellement. Je crois, M. le Président, que cette
situation est extrêmement dangereuse, parce que continuellement, depuis
deux ans, ce gouvernement-là n'a jamais été capable de
régler des problèmes selon les lois qui existent. Ce gouvernement
a toujours été dans l'obligation de ne pas respecter les lois
qu'il avait lui-même acceptées ou que les gouvernements
précédents avaient acceptées et il a dû imposer des
lois spéciales en perturbant le climat social et le climat des relations
humaines.
Le plus odieux qu'on puisse voir dans cette loi, c'est qu'on n'a
même pas pris la précaution... A l'ordre, M. le Président.
Les balayeurs là... On va soulever une injonction.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je tiens à avertir l'honorable
député de Saguenay que je n'ai pas juridiction.
M. LESSARD: M. le Président, c'est qu'on n'a même pas pris
la précaution, contrairement à d'autres voies
précédentes, de reconnaître au moins les ententes qui
avaient été acceptées, les paragraphes qui avaient
été acceptés, les conditions de travail qui avaient
été acceptées de part et d'autre, tant par les
syndiqués que par le gouvernement. On n'a même pas pris cette
précaution qui m'apparait essentielle, normale tel qu'on l'a fait
lorsqu'on a accepté le bill 38. On n'a même pas pris la
précaution de reconnaître au moins avant d'exiger que ces gens
rentrent au travail, de reconnaître au moins, une augmentation de salaire
moyenne. On dit, M. le Président, à ces gens-là: Rentrez
maintenant à genoux, c'est fini, vous rentrez mainte-
nant à genoux. Vous on vous suspend l'arme que vous avez, le
droit de grève on vous l'enlève exactement comme on l'a fait pour
le bill 25. Mais, on dit, M. le Président, on va former une commission
parlementaire, mais par contre, le ministre de l'Education nous a dit que
c'était l'offre ultime. Qu'est-ce donc qu'on va avoir à offrir
à la table de cette commission parlementaire? Qu'est-ce donc qu'on va
pouvoir avoir à négocier? Absolument rien. La commission
parlementaire n'est qu'un paravant et c'est dans ce sens-là,
contrairement à ce qu'affirmait le député de Saint-Jean,
c'est dans ce sens-là que M. Conrad Charbonneau, chef de la CEQ, est
intervenu ce soir ou hier soir à la...
M. VEILLEUX: Pas Conrad, Yvon!
M. LESSARD: ... le président de la CEQ disait que la commission
parlementaire, après une loi spéciale, ne valait absolument rien
et c'est exactement...
M. LACROIX: Qu'est-ce qu'il connaît là-dedans, lui?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: Vous en connaissez beaucoup vous, mais d'une vue
étroite et insignifiante des problèmes sociaux du
Québec.
M.,LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: Vous vous regardez dans un miroir, triste petit
individu.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: M. le Président, ça revient tout simplement
à dire ceci: Qu'on reconnaît le droit de grève, un droit de
grève fictif, un droit de grève formel, mais un droit de
grève par exemple qu'on ne pourra tout simplement plus utiliser, parce
que le gouvernement n'a maintenant comme négociateur et à la fois
comme législateur, tout simplement qu'à retarder les
négociations, qu'à bloquer les négociations.
Immédiatement, le gouvernement se présente devant nous,
sans le justifier comme on l'a fait. Il nous dit: Voici, il faut absolument
présenter une loi spéciale. Le gouvernement sait ce qu'il veut.
Le gouvernement s'est justement soumis encore une fois à l'aile
réactionnaire du Parti libéral qui veut tout simplement faire
disparaître le droit de grève dans la Fonction publique.
C'est exactement ce qu'on veut et c'est probablement ce que le
gouvernement atteindra s'il n'arrive pas à créer une situation
sociale telle que le bordel, comme a dit le député de
Maisonneuve, se développera dans les relations de travail et il sera
impossible de créer un véritable climat qui serait normal, avec
des gens avec lesquels il va falloir travailler.
Au moins, si on avait pris la précaution de conserver les moyens
normaux, les moyens de discussion qui sont prévus dans nos
règlements. On a tout suspendu. On veut passer cette loi en utilisant le
rouleau compresseur, en utilisant la fatigue des députés. Cette
loi est exactement à l'image et à la ressemblance de ce
gouvernement. Un gouvernement impuissant, un gouvernement incapable, un
gouvernement inefficace, un gouvernement qui ne peut planifier, un gouvernement
qui ne peut prévoir les problèmes sociaux du Québec et qui
utilise toujours des lois matraques pour essayer d'écraser les
travailleurs, d'écraser la population québécoise. Tout
simplement parce qu'il réussit à créer autour d'un climat
qui, au début nous apparaît comme étant normal, un climat
tellement hystérique et comme le disait le député de
Saint-Jacques, ce qui apparaît normal à une époque
donnée, le droit de grève apparaît anormal. Les gens sont
prêts, comme on l'a fait lors de la crise d'octobre en 1970, à
accepter n'importe quelle mesure dangereuse pour la démocratie, parce
qu'on a développé une peur hystérique, basée sur
les instincts de la population et non pas basée simplement sur la raison
de la population. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Lavoie): L'honorable ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Jean Cournoyer
M. COURNOYER: M. le Président, avec un tel accueil de la part de
la Chambre, c'est un peu gênant. Le ministre du Travail, dans ce
conflit... Voici, je vais boutonner mon veston. J'ai l'air d'un pompier comme
ça. On me dit que je mets mon habit de pompier de temps à autre.
Cela m'arrive aussi de mettre mon habit de pompier. Seulement, aujourd'hui,
j'ai l'impression que j'ai participé avec un certain degré
d'enthousiasme à ce genre de débat qui porte sur une situation
conflictuelle que je ne voudrais pas qualifier de tragique, puisqu'elle l'a
été suffisamment qualifiée ce soir.
Je dis ce soir, mais pourtant nous sommes bien à 7 h 20 du matin.
Il y a certaines choses que le ministre du Travail se doit de dire ou de
mentionner à la Chambre. D'abord, on a mentionné tantôt le
fait que le ministre du Travail n'était pas intervenu. Pour être
bien clair dans cette situation, je pense que ces accusations ou ces mentions
ont besoin du mérite qu'on précise le sens de la non intervention
du ministre du Travail dans ce conflit jusqu'ici, du moins publiquement.
Lors de la dernière ronde de négociation, celle qui a
précédé celle dans laquelle nous nous trouvons
aujourd'hui, il y a eu plusieurs conflits qui n'ont pas tous
dégénéré dans une situation de grève, comme
celle que nous vivons, mais certains d'entre eux ont
dégénéré dans des situations de grève.
Il y a eu la Régie des alcools qui a vécu une
grève de six mois lors de la dernière ronde de
négociation. Pendant ces rondes de négociation, il y a eu bien
sûr l'intervention normale du ministère du Travail par ses
conciliateurs. Et il est arrivé que le simple fait pour le ministre du
Travail et son personnel de participer au Conseil exécutif de la
province de Québec, que ce simple fait ait été
interprété par les gens d'en face comme étant une
impossibilité de jouer le rôle conciliateur qui est habituellement
dévolu au ministère du Travail.
Dans des cas où le gouvernement est impliqué et il l'est
impliqué d'une façon formelle, le bill 46 a placé le
gouvernement nettement à la table des négociations des
hôpitaux alors qu'il l'était très informellement lors du
dernier voyage. Dans le cas où le gouvernement est impliqué, le
ministre du Travail fait partie du gouvernement, il fait partie de
l'exécutif de la province et en ce sens, étant solidaire des
décisions du Conseil exécutif, il lui apparaît comme
impossible de jouer son rôle ailleurs qu'au Conseil exécutif.
Comme par voie de conséquence, les fonctionnaires du
ministère du Travail répondent habituellement au ministre et que
possiblement on puisse interpréter des instructions ou puisse penser
qu'il y a des instructions qui viennent du ministre pour que le conciliateur
joue différemment son rôle dans ces cas-là qu'il le joue
dans des cas où le gouvernement du Québec n'est pas
impliqué, il nous est apparu comme extrêmement important, vu le
rôle que le ministère du Travail doit continuer de jouer dans les
autres secteurs où le gouvernement n'est pas impliqué, de ne pas
compromettre ce rôle du ministère du Travail dans les domaines
où ça va bien en faisant jeter des doutes sur
l'intégrité, sur la méthode suivie par les conciliateurs
du ministère du Travail.
Je pense que bien qu'ayant été accusé de ne pas
suivre la loi ou le code du travail, j'ai pu très certainement jouer,
non pas des jeux de fou, mais prendre des précautions qu'il est inutile
de mentionner à la Chambre. Les précautions que j'avais prises,
c'était d'abord de m'assurer que les fonctionnaires de mon
ministère, vu l'expérience qu'ils avaient vécue lors des
derniers conflits, étaient satisfaits de ne pouvoir jouer dans ces
conflits le rôle qu'ils jouent habituellement dans les conflits du
secteur privé. Satisfaits de ceci, on pouvait nommer un conciliateur, ce
qui a été fait. Il est au dossier. Mais aucune des parties, que
je sache, n'a insisté vu qu'elles ont compris que le ministère du
Travail ne pouvait pas jouer le même rôle dans ces cas qu'il joue
ailleurs dans l'entreprise privée. Aucune des parties n'a insisté
pour que nous intervenions davantage que dans le genre d'intervention que nous
avons faite.
Il est donc clair que je devais mentionner ce fait à la Chambre.
Il est clair aussi qu'ayant participé à deux gouvernements, je
suis un de ceux qui a cette chance, j'ai vécu d'autres
expériences dans l'autre gouvernement et j'ai...
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?
UNE VOIX: Non.
M. COURNOYER: Oui, je permets la question.
M. BURNS: Bien, je vais poser la question au ministre, non pas au
pas-intelligent qui a dit non là-bas.
Je comprends très bien les arguments que vous venez de donner
relativement à la nomination d'un conciliateur.
Mais est-ce que votre ministère a considéré la
possibilité de nommer ce qu'on appelle un super médiateur ou
conciliateur venant de l'extérieur de la fonction publique?
M. COURNOYER: Disons que cette requête nous a été
faite dans un cas particulier, dans le secteur hospitalier, par l'Association
des hôpitaux du Québec et par, bien sûr, les syndicats
représentant les employés d'hôpitaux du Québec, une
requête pour faire nommer quelqu'un par le ministre du Travail.
Seulement j'ai vécu j'allais le dire dans d'autres
temps, une autre époque de négociations, dans des fonctions qui
étaient quand même un peu différentes de celles que j'ai
aujourd'hui comme ministre du Travail. Je fus, un jour, ministre de la Fonction
publique et ministre du Travail en même temps. Je fus en même temps
négociateur du gouvernement dans le cas des négociations avec les
enseignants de l'élémentaire et du secondaire. Nous avons eu
là des expériences où nous avons fait l'éventail
possible et impossible de la médiation spéciale. Nous avons
retenu les services de M. le juge Lippé, vous vous en souvenez. M.
Jean-Charles Simard, M. le juge, est venu passer un bon soixante jours avec
nous et en plus, nous avons eu, bien sûr, le juge Bousquet qui avait
été nommé conciliateur extraordinaire, suite aux mauvaises
expériences publiques, pas nécessairement parce que nos
conciliateurs ne pouvaient pas ou ne tentaient pas de jouer un certain
rôle mais mauvaises expériences publiques de mon ministère
dans le cas de la Régie des alcools en particulier.
Nous avons fait ces expériences, déjà, à
tous les niveaux. Même le négociateur ou le conciliateur le plus
extraordinaire fait face à des difficultés d'un ordre tel qu'il a
à réapprendre des dossiers et au lieu d'aider réellement
les parties, comme il le fait habituellement, lorsque les problèmes sont
très petits, il nuit habituellement au bon déroulement ou au
déroulement plus rapide des négociations.
Vous allez me dire que j'ai porté un jugement de valeur mais il
m'aurait été facile, en nommant un médiateur
extraordinaire, de lui donner un mandat de ne faire autre chose que de
s'asseoir et de présider des assemblées. Mais il ne m'aurait pas
été facile, compte tenu des
expériences du passé, de trouver ce médiateur
extraordinaire dont on parle.
Il faut se souvenir qu'on en a brûlé quelques-uns, des
médiateurs extraordinaires, dans ces secteurs publics. On en a
brûlé à la CECM, on en a brûlé aussi à
la CTCUM, on en a brûlé au gouvernement et je doute que ceux que
nous connaissons, vous et moi, aient accepté de prendre des mandats
aussi importants et imposants qui mettent de côté de leurs
préoccupations habituelles.
Vous allez me dire que c'est une excuse après coup. Non, cela a
été pensé, M. le Président. C'est dans ce contexte
que je dis: Nous aurions pu jouer notre rôle différemment. Mais je
suis partie du gouvernement. J'ai pensé, et je pense que si jamais il
vous arrive à tous, de l'autre côté de la Chambre,
d'être partie du gouvernement, ce qui peut vous arriver...
UNE VOIX: Cela ne sera pas long!
M. COURNOYER: Moi, cela a été long et pas long. Je suis
encore là et j'ai été débarqué une fois.
Mais ayant été partie du gouvernement, il est impensable que le
ministre du Travail soit possiblement interprété comme
étant en désaccord avec le gouvernement duquel il fait partie, de
quelque manière que ce soit, directement ou indirectement. Lorsqu'une
décision sort du conseil exécutif, vous pouvez être
assurés que ce n'est pas le ministre du Travail qui va la contester
publiquement. C'est à l'intérieur du cabinet que tous les
ministres font leur travail. Le ministre de la Fonction publique fait son
travail, tout le monde fait son travail à l'intérieur du cabinet,
pour en arriver à ce genre de décision, aujourd'hui.
Ce genre de décision, vous pouvez bien comprendre qu'il
répugne particulièrement au ministre du Travail mais il
répugne également aux autres de mes collègues, qui ont
été obligés de prendre ce genre d'attitude. Encore une
fois, je pense que je saisis l'argument du député de Saguenay,
nous sommes placés dans des situations d'administrer par des
législations spéciales. Cela n'est pas gai.
Seulement il vaut mieux administrer parfois par des lois
spéciales tout en tentant l'impossible pour que les lois
générales s'appliquent d'une façon décente. Sachez
bien que c'est la première fois et souvenons-nous en que
le Québec vit un conflit aussi majeur, tellement important, pas
dramatisé, mais impliquant tellement de monde et tellement de ressources
que même ceux qui démocratiquement ou autrement je ne
questionne pas la façon dont on a pu commander la grève
ont pu penser qu'il leur a échappé des mains
présentement.
Il y a 210,000 personnes, plus les 45,000, etc., qui ne gagnent pas leur
vie aujourd'hui. En plus des autres effets sur l'économie du
Québec, en plus des effets on peut peut-être ne pas vouloir
dramatiser, mais quand les hôpitaux sont habituellement remplis à
craquer, qu'on est obligé de les tenir pendant deux semaines à
200 lits quand on en a 400, il y a quelque chose qui ne va pas dans la
santé du peuple, ou bien on est moins malade maintenant ce qui me
surprendrait énormément ou bien il y a quelque chose qui ne va
pas dans la santé du peuple. Et je ne dramatise rien, je pense que c'est
une situation que vous pouvez avoir constatée vous-même.
Cela n'est pas pensable qu'on ait des hôpitaux, qu'on les ait
construits aussi gros, qu'on les garde fermés et qu'on pense que
ça va bien dans la santé du peuple. Ce n'est pas pensable non
plus que dans le domaine de l'enseignement on puisse songer un instant que
quelle que soit la raison de la perte de la dispensation de l'enseignement que
ça cause un certain traumatisme chez les enfants.
Que ce soit une journée ou deux jours de grève, ou
à cause de la tempête de neige, ou à cause de conflagration
quelconque, de toute façon les années scolaires sont construites
d'une telle manière qu'elles comportent un certain nombre de jours
d'enseignement en fonction d'un certain programme qui doit être
réalisé si on veut que quelqu'un sorte des écoles un
jour.
Effectivement, c'est comme ça que ça marche et je pense
que, sans vouloir dramatiser la situation, il faut penser à un moment
donné que peut-être il y a d'autres solutions que
celles-là. Peut-être qu'il y en a d'autres, peut-être que
nous pourrions retarder davantage en discutant encore avec les dirigeants
syndicaux de la possibilité de rouvrir, mais ça n'est pas
ça
Le problème qui a été discuté entre les
quatre ministres et ils l'ont dit, ça n'a pas été la
réouverture des écoles, ça n'a pas été la
réouverture des hôpitaux, la réouverture des services
gouvernementaux, ç'a été strictement la constatation, une
constatation pour voir si effectivement on pouvait espérer que la
négociation à ce moment-ci et pendant la grève, pouvait se
faire suffisamment rapidement pour éviter qu'aujourd'hui ou lundi le
gouvernement soit obligé de prendre des mesures de cet ordre.
La constatation des ministres, bien sûr, c'est une constatation
qui a été faite honnêtement, plus honnêtement que
ça moi je ne peux pas questionner les ministres qui ont
été là, ni mettre en doute leur parole. Tout ce que je
sais, c'est que si on recommence à discuter du rapport
maftre-élèves pendant une nuit, c'est de ça qu'on
discuterait encore aujourd'hui vendredi, samedi et dimanche, lundi, mardi et
mercredi.
Je me souviens qu'on en a discuté pendant treize séances
de la commission parlementaire avec M. Laliberté et qu'à la fin
du compte on ne s'est pas entendu. Mais il y a eu treize séances de
commission parlementaire, on a pu quand même discuter du rapport
maître-élèves et les enseignants n'étaient toujours
pas en grève à l'époque. Mais on en discutait à la
commission parlementaire.
Aujourd'hui les enseignants sont en grève, les employés
des hôpitaux sont en grève. On doit
tenter l'impossible pour négocier. Bien sûr le texte de la
loi actuellement peut nécessiter des amendements qui pourraient tendre
à satisfaire davantage les préoccupations normales des
députés. Je pense que la principale préoccupation de tout
le monde ici c'est que les injonctions n'ayant pas été
respectées ça c'est clair que la loi soit au moins
respectée. Il faut la rendre plus respectable, si elle n'est pas
respectable dans l'opinion de la population. Cela, ça ne me fait
rien.
Je suis prêt à rendre ma loi plus respectable. Ce n'est pas
ma loi, c'est la loi du gouvernement. Mais n'importe quelle de nos lois nous
sommes obligés de les rendre plus respectables. Mais faisons-les de
telle manière, à mon sens, qu'on la complète.
Je n'ouvre pas la porte à la négociation, je dis: Elle est
conçue, cette loi, pour permettre une période de
négociation au bout de laquelle il faut bien arriver, comme le disait le
député de Nicolet tantôt, avec quelque chose qui
règle quelque chose. Mais la responsabilité gouvernementale, je
n'ai pas politisé ce conflit, il est essentiellement politique.
Peut-être pas avec des idéologies, comme le disait le
député de Maskinongé, peut-être pas des
idéologies différentes. Mais il est foncièrement politique
puisqu'il implique la discussion de 40 p.c. du budget de la province, et qu'il
implique en même temps tous les services que le gouvernement donne
à sa population, et qu'il doit assurer ces services d'une manière
ou d'une autre.
La décision, si elle doit être politique, je pense qu'il
n'est pas à discuter du fond, mais le "terminus" à de quoi.
Là où comment ça se finit est strictement une
décision politique avec laquelle le gouvernement actuel tombera ou
restera debout aux prochaines élections. C'est la responsabilité
du gouvernement de mettre un terme, à un moment donné, à
des discussions qui, de toute façon, sont elles-mêmes, par leur
longueur et leur assiduité, susceptibles de détériorer
davantage le climat social au Québec.
Quand une personne ou des groupes de personnes n'ont pas de
modifications à leur convention collective depuis douze, treize ou
quatorze mois, et qu'ils attendent encore leur rétroactif,
souvenons-nous que s'il y a 4.8 p.c. d'offert, c'est parce qu'il y a eu 2.8
p.c. selon l'évaluation du gouvernement, qui sont causés par
l'augmentation du coût de la vie. Il a été augmenté
l'année passée, il doit y avoir quelqu'un en dessous pour
l'année passée au moins.
Effectivement, si on prolonge davantage les débats, M. le
Président, pas ici, je parle des débats en négociation, on
doit mettre des termes à ceci. Cela me répugne, comme ministre du
Travail, d'être obligé de faire ça. Cela me répugne
de participer à une prise de décision comme celle-là. Mais
normalement le gouvernement, s'il doit prendre des responsabilités qui
sont d'ordre politique, il ne faut quand même pas négliger
l'obligation que le Parlement a, à mon sens, de lui donner l'obligation
de prendre des responsabilités d'ordre politique.
Et quand il s'agit du budget de $40 millions, il n'y a pas de changement
draconien, remarquez, quant aux pouvoirs du gouvernement. Ordinairement, il
aurait pu négocier sans vous en parler, les 40 p.c. du budget, avec le
syndicat de la Fonction publique. La seule méthode, c'est qu'un terme
doit être mis à un moment donné, je n'aime pas ça,
mais si le conflit a assez duré, à un moment donné, tout
le monde va être heureux qu'on arrête d'en discuter, parce
qu'autrement, ce n'est pas drôle pour la société, et
ça m'énerve personnellement de voir que possiblement demain ou
aujourd'hui, les chefs syndicaux pourraient dire ce qu'on a
répété et qu'on peut lire dans les journaux, qu'on ne
respectera pas une loi de cet ordre.
Je veux que ce soit calme. Je pense que le débat a
été plus ou moins serein depuis le début. Il a
été serein, je dois le constater. H doit rester serein par
l'Assemblée nationale si nous ne voulons pas qu'il se transforme dans
l'avenir. Il doit aussi comporter, comme ordre de responsabilité, que
nous ne devons pas et je pense qu'en ceci je rejoins certaines des idées
qui ont été énoncées tantôt, nous ne devons
pas blâmer seulement les dirigeants syndicaux.
D y a des structures syndicales, prenez-en ma parole et peut-être
que ces structures syndicales ont été la cause du fait qu'on n'a
pas réglé le problème encore aujourd'hui. Je n'excuse pas
ceux qui ont pris des attitudes contre les injonctions. Je ne les excuserai
jamais. Ils ont une responsabilité, ils auraient dû suivre les
injonctions. On peut cependant espérer que, compte tenu de ce besoin
généralement exprimé par à peu près tout le
monde, sauf sur les moyens, compte tenu de ce besoin de services de la
population, les dirigeants syndicaux, s'ils ne peuvent pas s'exclamer et dire
qu'ils sont bien heureux avec la nouvelle loi, diront : On va essayer d'en
faire l'expérience jusqu'à sa date limite et peut-être
qu'on n'aura pas besoin du droit de grève.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
M. Jean-Louis Béland
M. BELAND: M. le Président, suite au dépôt de ce
projet de loi assurant la reprise des services dans le secteur public, je ne
puis faire autre, moi aussi, qu'apporter mon son de cloche. Les
Québécois vivent depuis un certain temps sous une tension
d'insécurité collective. Avec les années l'autorité
a accepté la prostitution intellectuelle de façon continue. Que
fait-on du respect des droits des individus et de leur liberté au
Québec depuis un bout de temps? Lorsque l'on constate, dans la situation
actuelle, que 90 p.c. des syndiqués désirent retourner au
travail...
M. LESSARD: Est-ce que je pourrais poser une question?
M. BELAND: Allez, M. le député.
M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez me dire à quelle place vous
avez pris vos statistiques que 90 p.c. des gens sont actuellement en
grève veulent retourner au travail?
M. BELAND: Vous verrez au fur et à mesure de mon exposé,
M. le député.
M. BACON: II est cachotier. M. LESSARD: C'est le suspense.
M. BELAND: Quant à ce qui concerne notre parti, nous sommes en
faveur il va s'en dire...
UNE VOIX: Symphorien.
M. BELAND: ... de l'institution d'un tribunal du travail, car c'est
nécessaire pour discuter de ces problèmes cruciaux. A
l'intérieur du gouvernement actuel et là je pose tout simplement
une question est-ce que l'on trouve le type parfait d'hommes aux mains
vides où s'il y en a eu dans le passé qui ont eu également
des genres de boîtes de tôle entre deux oreilles qui étaient
également vides? M. le Président, le gouvernement donne
l'idée du mépris de l'autorité en refusant de l'être
cette autorité tant désirée et, conséquemment, ne
peut que refuser d'analyser les causes des problèmes de base qu'il y
aurait à corriger. Ce qui est désiré présentement,
c'est nul autre que l'ordre.
Si l'on analysait brièvement les tests que font nos propres
enfants lorsqu'ils sont jeunes, sur nous-mêmes les parents, qu'est-ce
qu'ils font à un certain âge, en très bas âge? A un
moment donné, lorsqu'ils ne sont pas ou lorsque nous les parents nous
refusons de leur donner quelque chose, ils nous piquent une crise comme
diraient plusieurs. Je pense que c'est un test de l'autorité que le
Québec vit présentement. La différence, ce que d'une part,
le gouvernement est pris à l'intérieur d'un étau, parce
que ce n'est pas ceux qui sont en face de nous qui dirigent les destinés
du Québec, ils n'en sont que le reflet.
M. le Président, j'ai écouté avec attention hier le
discours magistral de l'honorable premier ministre. Il nous a parlé de
stabilité administrative. Est-ce qu'on ne pourrait pas, nous maintenant,
parler d'autres sortes de stabilité: stabilité bien assise sur
les chaises, d'inactivisme, de façon stagnante de procéder? Il
n'y a pas de pire eau que l'eau stagnante, comme on peut voir souvent. La
section de fonctionnaires qui sont stables, dans le moment, cela est une autre
chose. Il y a une certaine quantité de fonctionnaires qui depuis un bon
bout de temps sont dans un état où leur revenu est stable, et ce
n'est pas normal. Il y en a une certaine quantité qui a un très
bas revenu et qui ne voit pas le jour et c'est peut-être ceux
là qui justement crient le plus fort présentement et qui ont
raison eh bien pour ceux-là il faut s'arrêter de
façon bien spéciale.
Quand on parle de choses stagnantes, quand on parle de la situation
actuelle dans le présent conflit, je me demande si en analysant la
situation en général il ne sera pas nécessaire, à
un moment donné, que nos honorables ministres suivent des cours de
recyclage pour réapprendre quelles sont les priorités dans le
gouvernement du Québec. L'autorité c'est quoi, si son devoir
n'est pas justement d'administrer en fonction du bien commun?
J'écoutais justement d'autres allégations du premier
ministre. Lorsqu'il parlait des limites financières de l'Etat du
Québec, de réduction du taux de croissance, il parlait
également d'une réduction des dépenses dans certains
domaines. Pourquoi, par exemple, n'a-t-il pas parlé de réduction
des possibilités de récupération dans un Québec qui
devrait voir se développer ses richesses naturelles par les
Québécois et pour les Québécois? A ce
moment-là, il y aurait moins de grève.
Il est entendu qu'une des deux parties sont des syndicats, trois
centrales syndicales. A la suite de quoi ces centrales syndicales sont-elles
nées? Je dois dire, à prime abord, que moi-même, pendant
quinze ans, j'ai fait partie de syndicats agricoles et de syndicats forestiers.
J'ai été fier de travailler comme militant à
l'intérieur de ces syndicats. Pourquoi? Ce fut tout simplement à
la suite d'abus de certaines autorités, de certains patrons, mais pas de
tous. Ces certains patrons, malheureusement pour plusieurs travailleurs,
avaient la bénédiction du gouvernement du temps.
Je pense qu'il faut réfléchir sérieusement. Le
gouvernement laisse pourrir les situations dans le monde du travail et ensuite,
il se dit obligé de recourir à une loi matraque. Il crée
une situation et, ensuite, il fait mine de rester très surpris; il
institue alors une loi matraque. Nous, du Ralliement créditiste, voulons
un retour au travail, mais un retour au travail normal, avec la certitude qu'on
accordera aux fonctionnaires un salaire d'abord ajusté et ensuite avec
une augmentation selon l'augmentation du coût de la vie continuelle. On
veut le retour au travail, on veut également que la commission
parlementaire de la Fonction publique siège. On veut tout cela, mais on
veut aussi que cette commission ait une date limite afin de pouvoir
compléter les ententes.
Vous allez me dire que nous voyons justement ces choses dans le projet
de loi, pour ne pas y aller de façon très claire parce que je
dois rester sur le principe, M. le Président. La grève n'a pas sa
raison d'être dans un pays ou une province supposément en pleine
croissance comme la nôtre, comme l'a dit souventefois le premier
ministre. Le gouvernement libéral actuel est à instaurer un
régime ou un système où tout le monde va se sentir
bientôt comme à l'intérieur d'une cage de fer où
tous les individus seraient au service d'un système avec
boulets aux pieds dans une cage de ter rouillée au-dessus de
laquelle il y aurait peut-être une autre petite cage, dorée
celle-là, et habitée par une petite clique qui aurait le droit de
vie ou de mort sur tous les individus. C'est cela, l'agencement d'un
régime socialiste. Les syndicats sont nés on le dit
souvent et c'est vrai d'abus de quelques employeurs, je l'ai dit
tantôt.
Pour la protection des employés, ils n'avaient pas le choix. Les
employés, depuis longtemps et même aujourd'hui, pour se
protéger, s'il n'y avait pas de syndicat, il faudrait certainement en
créer et cela presserait.
Ces choses que nous avons vues dans le passé ou ces quelques
employeurs bénis par l'Etat, le gouvernement a amené cette
frustration des individus, cette incertitude, le gouvernement indirectement a
fait développer ce durcissement des employés contre l'Etat, cette
fois-là employeur.
Si on retourne dans le temps, Louis XIV a réussi, de façon
très subtile déjà, à amener sous son
contrôle, 400 petits royaumes de la France. Je me demande, M. le
Président, si je dérange certains députés dans le
coin.
DES VOIX: Oui.
M. BELAND: Parce que je ne voudrais déranger aucun
député.
M. LOUBIER: Vous devez déranger Louis XIV.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
UNE VOIX: Si tu te la fermais, tu nous dérangerais pas mal
moins.
M. BELAND: Je continue, M. le Président. Je disais que Louis XIV
a réussi de façon subtile.
M. CADIEUX: Un grand roi.
M. BELAND: A réunir 400 petits royaumes de la France mais en
même temps, en dépit de ses 50,000 serviteurs environ dans ses
meilleurs années, les dernières années de sa vie, son
armée montée sur 6,000 chevaux, c'était
l'époque...
M. CADIEUX: Louis Laberge, c'est quel numéro lui?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELAND: Après plusieurs années de règne, il fut
quand même un jour guillotiné.
M. CADIEUX: M. le Président, ils n'ont jamais lu, ces
gars-là.
M. BELAND: S'il y a plusieurs députés de cette Chambre qui
n'ont jamais lu l'Histoire...
M. LOUBIER: M. le Président, je viens d'apprendre que Louis XIV
aurait été guillotiné!
M. BELAND: Vous n'avez qu'à lire, l'honorable chef de
l'Opposition officielle.
M. CADIEUX: M. le Président, Louis Laberge, c'est quel
numéro?
M. BELAND: D'autre part, le gouvernement guillotine le moral des
démunis de la société...
M. LEDUC: Le moral ou la morale?
M. BELAND: ... le moral de ceux qui sont au-dessous du seuil de la
pauvreté au Québec, et Dieu sait s'il y en a...
M. CADIEUX: En as-tu encore pour bien longtemps?
M. BELAND: ... et qui n'ont pas l'espoir de voir leur situation
s'améliorer. M. le Président, allez-vous rappeler à
l'ordre ces honorables très fins d'en face?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CADIEUX: M. le Président, je m'excuse mais c'est long en
maudit, par exemple.
M. BELAND: Nombreux sont ceux à l'intérieur du
fonctionnarisme qui n'ont pas de sécurité d'emploi, de
possibilité d'avancement. A-t-on offert de corriger cette situation?
Combien de personnes au Québec sont affectées par la
présente grève? On parle du chiffre populaire de 210,000.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Pourrais-je demander à tous les
honorables députés qui n'ont pas la parole présentement de
prendre leur règlement et de lire l'article 25 tout en écoutant
le député de Lotbinière?
M. BELAND: Merci, M. le Président. Je comprends qu'on voit
souvent dans les livres aussi, et c'est très bien dit: Heureux les creux
car le royaume des cieux est à eux.
M. CADIEUX: Tu vas aller au ciel, le creux!
M. BELAND: Nous parlons présentement, et très souvent, des
210,000 personnes qui se trouvent dans la présente grève mais par
contre, si nous gardons à l'esprit que pour chacune de ces personnes, il
y a au moins trois autres personnes à charge...
M. VEZINA: Nous voulons Audet.
M. BELAND: ... cela fait quatre personnes en tout pour chacune. Cela
fait un chiffre assez prestigieux et sans compter aussi les autres secteurs qui
sont affectés. Le gouvernement,
par son manque de politique, a allumé le feu de
l'inquiétude à cause de sa nonchalence au niveau des
négociations, ce feu a pris des proportions alarmantes. Ce même
gouvernement faisait mine, encore mardi, encore mercredi, de ne rien voir de ce
qui se passait tout hypocrite qu'il est et maintenant, il veut
jeter un mélange d'eau et de gasoline avec ce projet de loi, en vue de
tenter d'éteindre ce feu.
Mais par là, il ne règle rien, car il n'apporte pas de
correctif aux causes.
Il faut se demander à ce moment-ci si le gouvernement a quelque
chose à cacher. Il faut se demander s'il n'y a pas une certaine
connivence en dessous avec quelques personnes, probablement les trois
têtes syndicales, mais pas avec les syndiqués par exemple, je
tiens à le dire.
Maintenant, M. le Président, lorsqu'on parle de front commun,
veut-on parler de la réunion de ces trois centrales syndicales ou si
l'on veut parler d'un autre front commun, par son manque d'autorité, un
autre front commun, par le manque de réalisme de l'équipe
gouvernementale? Je crois que cela est vrai que l'équipe
ministérielle "a le front commun". Le gouvernement n'a pas prévu
que viendrait la situation qui existe présentement. C'est
extraordinaire.
M. VEZINA: ... à part cela.
M. BELAND: Présentement ou depuis un bon bout de temps, on
administre à la petite semaine. C'est pour cela qu'on est rendu à
la situation présente.
M. CADIEUX: Un bon bout de quoi?
M. BELAND: On aurait pu éviter ce projet de loi en créant
des mécanismes...
M. BOIS: M. le Président, je m'excuse d'interrompre mon
confrère. Serait-il possible de renvoyer au bon endroit ceux qui
vraiment n'ont aucune discipline, s'il vous plaît?
M. LAFRANCE: Sortez.
M. VEZINA: N'aboyez pas et sortez.
M. LE PRESIDENT: J'espère que l'honorable chef intérimaire
du Ralliement créditiste ne me demande pas d'appliquer certaines
méthodes qu'il connaît bien? M. le député de
Lotbinière.
M. BELAND: Merci, M. le Président. Je cromprends que tout le
monde s'endort, c'est peut-être parce que nos gens d'en face sont
très inquiets de la situation présente, et c'est leur
façon de s'exprimer à eux. M. le Président, le
gouvernement, par ce projet de loi, passe comme un genre de rouleau
compresseur. D a la même réaction, et je présume qu'il aura
la même réaction, qu'une balle de caoutchouc pleine, que l'on
essaie d'écraser avec notre pied et qui nous remonte sur le nez...
M. CADIEUX: Voulez-vous répéter? Je n'ai pas compris.
M. BELAND: ... et je pense que c'est cela qui va arriver au
gouvernement.
M. le Président, depuis un certain temps...
M. CADIEUX: Voulez-vous répéter? Je n'ai pas compris
l'histoire de la balle.
M. BELAND: On ne répète pas pour les sourds.
M. BOIS: M. le Président, pourrais-je mentionner que les barils
creux résonnent mieux que ceux qui sont pleins?
M. VEZINA: L'honorable député de Saint-Sauveur assis.
M. BELAND: M. le Président, en terminant je dis simplement ceci:
Lundi, les enfants doivent retourner à l'école, les enseignants
aussi, les malades physiques doivent être soignés. Je comprends
que dans cette Chambre il y a certains malades mentaux, mais que voulez-vous.
Je leur pardonne. Les fonctionnaires de la voirie aussi...
UNE VOIX: C'est une prophétie.
M. BELAND: ... si on ne veut pas se tuer sur nos routes
peut-être principalement sur nos routes de campagne les
fonctionnaires de l'Hydro-Québec, et le reste, et le reste... doivent
retourner au travail. Je finirai par cette pensée, M. le
Président, et cette fois-ci à l'adresse du gouvernement. Une
toute petite pensée. Ceux qui ne comprenaient pas tout à l'heure,
j'espère qu'ils se déboucheront les oreilles et écouteront
attentivement.
M. CADIEUX: C'est des balounes.
M. BELAND: C'est que la vérité échappe à qui
refuse de la croire possible, elle se refuse à qui prétend la
posséder. Merci, M. le Président.
M. BACON: Qui a dit cela?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. Charles Tremblay
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, à huit heures
du matin, vendredi matin nous siégeons depuis trois heures jeudi
après-midi je pense que tous les membres de l'Assemblée
nationale actuellement peuvent constater que nous récoltons la faillite
du gouvernement actuel dans sa politique de négo-
ciation avec les employés de la fonction publique et
parapublique. Si nous en sommes venus à cette situation, où le
gouvernement nous présente une loi spéciale, la loi no 19 pour
forcer les employés des services publics à rentrer au travail, je
pense qu'il y a des causes à ça.
Il y a certainement eu une escalade dans le Québec depuis environ
un an, une escalade qui a eu pour résultat de nous amener dans la
situation que nous vivons présentement. C'est assez curieux de voir du
côté ministériel avec quel sérieux certains
députés prennent la situation, avec quel sérieux ils
analysent la situation. Quand il s'agit du droit de grève pour tous les
fonctionnaires du gouvernement, des secteurs public et parapublic, et qu'on
voit des gens qui n'ont même pas gardé leur lucidité
d'esprit pour pouvoir porter un jugement sur un projet de loi et se prononcer
eux-mêmes pour ou contre un projet de loi qui a pour conséquence
de rentrer au travail 210,000 fonctionnaires,...
M. LACROIX: ... les vôtres, là-dedans, aussi dans cette
condition-là.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... à qui on va imposer un
règlement par décret, à qui on enlève un droit de
grève qui leur a été accordé, qu'il y ait des
députés, dans cette Assemblée, qui trouvent cela
drôle, qui s'amusent et qui décident du sort de 250,000
travailleurs du Québec, franchement, c'est un peu scandaleux.
M. LACROIX: Démagogie!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis content de voir qu'il n'y a à
peu près pas de public dans les galeries parce que j'aurais honte de
décider d'une situation aussi importante, de discuter d'un cas aussi
grave et de voir des membres de l'Assemblée nationale qui font les
"clowns" et qui s'amusent...
M. LACROIX: Vous êtes-vous regardé?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... pendant qu'on décide du sort de
toute une population. Souvent, si on analysait les causes du problème
que nous vivons actuellement, peut-être que chacun de nous aurait des
responsabilités à prendre. Dans tous les projets de loi, dans
toutes les circonstances qui se présentent à l'Assemblée
nationale, plusieurs des ministres, des députés, des membres de
l'Opposition profitent des circonstances pour essayer de détruire la
réputation de chefs syndicaux qui gouvernent les centrales syndicales,
qui sont là à des postes électifs, qui ont
été nommés par les membres, démocratiquement, alors
qu'on sait que les syndicats le sont en vertu de la loi qui sont
certifiés par le ministère du Travail, que tout est fait
légalement, démocratiquement. Chaque fois qu'on en a l'occasion,
on bûche et on détruit non seulement le mouvement syndical mais la
réputation de ceux qui ont été nommés pour conduire
le mouvement syndical.
M. BIENVENUE: Le député me permettrait-il une
question?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.
M. BIENVENUE: Le député prétend-il que nous
détruisons la réputation de ceux qui enjoignent les citoyens
à ne pas respecter la loi?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'ai dit,
tantôt, qu'il y avait eu une escalade dans le Québec qui avait
créé un climat psychologique qui ne pouvait pas nous
empêcher d'en arriver à un affrontement comme celui que nous
subissons présentement.
Vous avez vu dans des discours, même le chef de
l'Unité-Québec qui parcourt la province de Québec depuis
quatre ou cinq mois, vous l'avez entendu, vous l'avez lu dans les journaux,
vous l'avez écouté à la radio, à la
télévision, cette campagne de dénigrement contre les chefs
syndicaux, contre les centrales syndicales pour essayer de semer le doute chez
les syndiqués...
M. BACON: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... soi-disant que les chefs syndicaux
trempaient dans les cotisations, quand on disait que les centrales syndicales
retiraient $40 millions par année de cotisation tandis que c'est faux.
Ce n'est pas même le tiers, et il n'y a pas un membre dans les centrales
syndicales qui ne soit pas capable d'avoir le résultat, le compte rendu
des rentrées, des dépenses d'une centrale syndicale.
M. LEDUC: Parlons des gars de Lapalme.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On fait de la sorte la guerre aux centrales
syndicales depuis des mois. Aujourd'hui, on dit: C'est drôle, ils
durcissent leurs positions. Ils sont durs vis-à-vis le gouvernement. On
les a provoqués. C'est cela le résultat de la situation que nous
vivons depuis trois heures hier après-midi. Il est huit heures, et nous
discutons du problème des employés de la fonction publique.
M. LEDUC: Assoyez-vous, on va régler le cas.
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce qui vient d'en arrière, cela ne
m'intéresse pas.
M. LEDUC: Ce qui vient d'en avant cela ne m'intéresse pas.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est pour cela que, quand le gouvernement
nous arrive avec une loi à la dernière minute comme cela, il faut
cesser de dire...
UNE VOIX: De parler.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... que la responsabilité appartient
aux chefs syndicaux,
aux centrales syndicales et aux syndiqués. Il faut cesser de dire
que les gens qui travaillent dans le parlement ici que ce soit des
opérateurs d'élévateurs, que ce soient des
secrétaires qui font du piquetage en avant du parlement sont des
bandits quand ce sont des gens qui exercent un droit qui leur a
été accordé par la Législature, par un gouvernement
antérieur. Aujourd'hui, on dit: M. Laberge, M. Pepin, M. Charbonneau
sont très impolis envers le gouvernement, envers le ministre, envers le
ministre de la Fonction publique, envers le chef d'Unité-Québec,
quand cela fait six mois qu'on les provoque, six mois qu'on essaie de
détruire leur réputation et on essaie de détruire le
mouvement syndical dans le Québec. C'est cela qu'on essaie de faire. Il
y a probablement des forces occultes qu'on ne connaît pas qui ont
intérêt à détruire cela. Il y a encore des patrons
dans le Québec qui aimeraient employer de la main d'oeuvre à
$1.50 et $2 l'heure et à $70 par semaine, comme cela se faisait
autrefois. C'est cela qui se passe dans le Québec actuellement. On n'en
est pas conscient, nous les élus du peuple. C'est notre
responsabilité de respecter les organismes qui ont été
créés en vertu de lois du gouvernement et qui ont
été créés et mis là démocratiquement,
mais non pas essayer de les détruire, de les traiter de bandits, de
voleurs, de gens qui trempent dans les cotisations et qu'on devrait forcer les
centrales syndicales à présenter un bilan devant
l'Assemblée Nationale pour savoir ce qu'ils font de l'argent de leurs
membres. Ils sont tellement purs, les partis politiques, tous les partis
politiques dans la province de Québec, est-ce qu'ils donnent un bilan
public de leurs dépenses et de leurs revenus? Et on va exiger cela des
centrales syndicales depuis cinq ou six mois? Aujourd'hui, on dit: Les gars
sont durs, les gars sont révoltés contre le gouvernement. On dit:
Les gars ne sont pas démocrates. Ce sont des hors-la-loi, comme disait
le député d'Abitibi-Ouest. C'est comme cela qu'on
réfléchit, c'est comme cela qu'on agit à la
légère.
M. AUDET: Question de privilège, M. le Président.
M. BACON: A l'ordre!
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest, sur une
question de privilège.
M. AUDET: Cette fois, M. le Président, je n'ai pas fait d'erreur
lorsque j'ai qualifié ces chefs syndicaux de hors-la-loi, parce qu'ils
ne suivent pas la loi.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela on pourrait en discuter
longuement...
M. LAFRANCE: Non, non, pas besoin.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... mais en tout cas on va vous laisser
à vos opinions politiques. Je sais que je ne suis pas capable de vous
convertir à d'autre chose que ce que vous avez énoncé tout
à l'heure dans votre discours. On s'inquiète, on dit: Les
centrales syndicales, même en commission parlementaire, lorsqu'on a
discuté d'un bill, le bill 64, loi du syndicalisme agricole, on a
même eu l'audace de dire: II faudrait inclure dans la loi l'obligation
pour l'association accréditée de déposer devant le
gouvernement son bilan financier.
Qu'est-ce qu'ils font avec l'argent des membres? J'ai vécu 20 ans
dans le monde syndical. J'ai encore des rapports des centrales syndicales chez
nous, je peux vous les apporter ici à l'Assemblée nationale.
M. BACON: Vous avez peur de les rendre publics.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Et je peux vous dire quelles sont les
entrées et les sorties d'argent dans un an. Je blâme le chef de
l'Unité-Québec d'avoir dit à la radio et à la
télévision, dans des conférences de presse, que les
centrales syndicales avaient des revenus de $40 millions par année et
qu'on ne savait pas ce qu'elles en faisaient; d'essayer de semer le doute chez
les membres, que ces gens-là rampaient dans la crèche et dans la
caisse de l'organisation.
Vous, des vieux partis politiques, allez-vous permettre de donner des
leçons d'honnêteté dans l'administration d'un budget? C'est
presque une honte vis-à-vis de la population, c'est presque une insulte.
Ces gens-là sont là et les membres ont le droit de savoir
d'où vient l'argent et où va l'argent. Et on leur donne ces
rapports-là.
Je les ai toujours eus pendant vingt ans.
M. SAINDON: Ce n'est pas faire un débat, ça.
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Je pense qu'il va falloir que nous cessions
d'attaquer les chefs syndicaux, d'attaquer les centrales syndicales comme si
c'étaient des organismes qui font partie de la pègre.
UNE VOIX: C'est vrai.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais, réveillez-vous un peu et soyez
conscients. Ces organismes-là ont été créés
en vertu des lois. J'ai syndiqué des gens, moi, j'ai contribué
à la syndicalisation des employés de l'Hydro-Québec, et
nous avons marché suivant la loi, nous avons eu une certification et
nous avons négocié. Nous avons fait une grève
légale et nous avons toujours été des gens qui
étaient dans la légalité. Mais on provoque ces
gens-là.
J'en ai rencontré, des représentants syndicaux. Ils nous
disent: Quand est-ce que les politiciens vont se mêler de leurs
affaires?
M. LACROIX: Epouvantable hypocrisie!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, vous n'avez pas le droit d'aller vous
inférer dans les finances d'un organisme qui se finance lui-même
et qui fait rapport à ses membres. C'est ça l'inconscience de
certains députés.
M. BIENVENUE: J'invoque le règlement.
M. LACROIX: Qu'est-ce que font les anarchistes des syndicats?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Sur un appel au règlement.
M. BIENVENUE: M. le Président, je ne retrouve nulle part dans les
principes de ce projet de loi quoi que ce soit qui donne ouverture au discours
que tient depuis un quart d'heure le député de Sainte-Marie, et
je vous demande de le rappeler à l'ordre.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pourtant, je pensais que le
député de Matane voulait me poser une question.
M. BIENVENUE: La réponse est trop longue.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): La réponse n'est pas trop longue. Je
pense que les réflexions que je fais aujourd'hui sont
nécessaires. Et chacun d'entre nous devrait mettre le chapeau s'il peut
le coiffer. Comprenez-vous ce que je vous dis? Les membres du gouvernement,
mettez le chapeau, et réfléchissez un peu. Vous tapez sur la
tête d'organismes qui sont démocratiques...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'inviterais le député de
Sainte-Marie à revenir à l'objet du projet de loi.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je parle du bill 19. Tous les gens ici ont
parlé de toutes sortes de choses à propos du bill 19, et je parle
des syndicats, de la situation présente, de la loi d'exception que nous
faisons ce matin pour régler un problème de 210,000
fonctionnaires qui ne règlera absolument rien dans le Québec. On
va avoir tout simplement des fonctionnaires mécontents qui vont
continuer à critiquer le gouvernement, qui vont continuer à
lutter pour revendiquer et qui vont continuer à essayer d'avoir mieux en
fait de salaire, de conditions de travail, de bénéfices
marginaux, mais j'ai vécu ça ces problèmes-là. J'ai
vécu sur les piquets de grève, et quand ça allait bien
à la conciliation ou à la négociation, il y avait toujours
un politicien qui ne se mêlait pas de son affaire et qui faisait des
déclarations pour jeter de la gazoline sur le feu et venir gâter
toute la patente.
C'est ça qu'on fait depuis des mois dans l'Assemblée
nationale, à l'occasion de la crise d'octobre.
Lorsque nous avons adopté le bill 15, vous avez eu des gens ici,
le chef de l'Unité-Québec, puis le leader parlementaire qui ont
fait des discours incendiaires contre les chefs syndicaux, c'est pour cela
qu'aujourd'hui ils se radicalisent.
M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement et
vous demande de rappeler à nouveau à l'ordre le
député de Sainte-Marie.
M. LE PRESIDENT: Alors, pour la deuxième fois, je demande au
député de Sainte-Marie de s'en tenir au bill 19.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, cessons de faire les
vierges offensées, les faux purs, les gens sans tache, sans reproche qui
n'ont jamais trempé dans rien. Les autres, ce sont tous des croches et
tous des bandits à les entendre parler. Je pense que les partis
politiques n'ont pas tellement de leçons à donner aux centrales
syndicales et aux chefs syndicaux.
M. BACON: On le comprend dans le vôtre.
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, je termine
là-dessus. Le bill 19 ne réglera rien. Il va peut-être
forcer les gens à rentrer au travail, mais ces gens vont être
frustrés et ça ne réglera pas leur problème.
Remarquez bien ce que je vous dis là. Ce problème-là va
surgir tôt ou tard puis on aura encore plus de difficulté à
le régler que présentement. C'est pour cela que nous voterons
contre le bill 19.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle sur un
point de règlement.
M. LOUBIER: M. le Président, j'invoque le règlement
puisqu'en vertu du règlement je peux facilement faire les corrections
qui s'imposent à la suite de propos tenus par le député
qui vient de prendre la parole. D'abord le député m'a, d'une
façon pas très honnête, pris à partie pour des
déclarations que j'ai faites, pas que j'aurais faites, que j'ai faites
dans le passé à maintes reprises, que j'ai
répétées il y a à peine quelques heures dans cette
Chambre, que je répéterai demain en dehors de la Chambre.
Lorsqu'il dit que c'est une campagne de dénigrement, j'aimerais
signaler à l'attention de ce député que, lors d'une
réunion tenue le 6 mars, ici à Québec, et telle que
reproduite dans les journaux dont le Soleil, M. Dion, qui est tout de
même trésorier de la CSN, M. Dalpé, qui est tout de
même vice-président de la CSN, ont déclaré
textuellement ceci: "Les centrales sont plus intéressées à
l'argent des syndiqués qu'à la défense des
intérêts des syndiqués."
UNE VOIX: C'est ça.
M. LOUBIER: Et il est vrai, et c'est pourtant le vice-président
de la CSN et le trésorier de la CSN, bien je continue à...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: Sur un rappel au règlement.
M. BURNS: M. le Président, si le chef de l'Opposition
protocolaire veut rétablir des faits en vertu de l'article 97, il doit
se borner, selon le texte de l'article 97, à donner des explications sur
son discours le texte dit clairement "Les explications doivent
être brèves, ne doivent apporter aucun élément
nouveau dans la discussion et elles ne doivent pas engendrer un
débat?
Je pense que c'est la première fois que l'on parle de MM. Dion,
Dalpé et telle autre personne de cet acabit qu'on veut amener dans le
débat. Si c'est ça qu'on veut faire, on ouvre un débat. Le
chef de l'Opposition protocolaire n'a qu'une chose à faire, c'est
d'expliquer comment le député de Sainte-Marie l'a mal
cité, comment le député de Sainte-Marie l'a mal
interprété, mais pas d'amener de nouvelles choses dans le
débat, parce que, dès lors, nous serions parfaitement
autorisés, c'est d'ailleurs la sagesse de ce règlement, à
tenter d'ouvrir un autre débat là-dessus, s'il amène de
nouvelles choses, de nouveaux éléments dans le débat. Ce
n'est pas du tout l'intention de l'article 97, c'est de rétablir ce que
le député de Sainte-Marie aurait présumément mal
compris ou mal cité. C'est ce qu'il doit faire. Qu'il ne nous
amène pas de nouvelles affaires là-dedans.
M. LOUBIER: Pour vous faciliter la décision, M. le
Président, j'accepte les propos tenus par un des résidus de
l'opposition résiduaire.
Mais, M. le Président, je voudrais tout de même signaler
et là je m'en tiens strictement aux propos du
député de Sainte-Marie parce que je me rends compte que je
pourrais amener une foule de faits qui me donneraient raison, mais on ne veut
pas les entendre.
De toute façon, c'est bien le député de
Sainte-Marie qui a dit qu'il était indécent de demander aux
centrales syndicales, de déposer annuellement leur bilan. C'est bien
ça? Qu'il était deuxièmement impensable, inacceptable que
la demande soit faite par des hommes politiques. Or, M. le Président,
aux Etats-Unis, les centrales syndicales déposent leur bilan
annuellement. Il y a une législation. C'est accessible à tous les
Américains. C'est accessible également à tous les
syndiqués.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, est-ce que je peux
rétablir les faits sur une question de privilège? Sur une
question de privilège je veux rétablir les faits.
M. BACON: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai dit du chef
d'Unité-Québec, que lorsqu'il demandait aux centrales syndicales
de déposer un bilan, en même temps il les accusait de
détournements de fonds puis de tremper dans les cotisations des
syndiqués.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Maintenant j'inviterais le
député de Richmond...
M. LOUBIER: Un instant. Je viens justement de rapporter des propos. Je
n'aurais qu'à lui citer les gars de Lapalme, une foule d'autres
exemples, qui nous donnent raison de tenir ces propos.
M. LESSARD : Présentez donc le bilan de l'Union Nationale, de vos
enquêtes Salvas. Présentez-là, de 1936 à 1968. Vous
n'êtes pas capables de présenter de bilan de votre caisse
électorale.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Un rappel au règlement. A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. LOUBIER: J'ai offert de le présenter, et j'ai invité
les chefs syndicaux à venir le 22 février et ils ne sont pas
venus.
M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Un rappel au règlement le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement pour une
raison bien simple. Je pense que nous nous perdons dans un dédale de
discussions, et je souhaiterais en ce qui me concerne, que l'atmosphère
calme, détendue, sereine qui a présidé au débat,
qui dure déjà depuis un certain nombre d'heures, continue. Je
pense que si vous laissez au chef de l'Opposition protocolaire, la
possibilité de répondre constamment à des choses qui n'ont
pas été soulevées et non pas de rétablir des faits
en vertu de l'article 97, on va ouvrir un débat puis on va se retrouver
encore dans trois ou quatre heures à savoir: qui a dit vrai, qui a dit
faux.
En ce qui me concerne, M. le Président, je pense que si le chef
de l'Opposition protocolaire a des choses à dire pour rétablir
les faits, qu'il le fasse, je n'ai aucune espèce d'objection, qu'il le
fasse, mais qu'il se borne à ça, qu'il ne soulève pas de
débat. C'est rien que là-dessus, c'est la seule intervention.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande au député...
M. LOUBIER: M. le Président, est-ce qu'on me permet d'apporter
des preuves à l'appui des propos que je tiens pour dire que oui il y a
du détournement, oui il y a vraiment... oui il y a un manque de...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: Ce n'est pas du tout ça, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande au chef de l'Opposition
officielle de se conformer aux dispositions de l'article 97 et de s'en tenir
exactement à l'énoncé qui avait été faite
par le député de Sainte-Marie.
M. LOUBIER: II a dit que c'était faux de prétendre qu'il y
ait des détournements, que c'était faux de les accuser de
détournement. Je les ai accusés, les gars de Lapalme les ont
accusés, Dion les a accusés, le trésorier de la CSN...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement...
M. LOUBIER: ... et c'est lui qui mène l'enquête,
Dalpé, le vice-président de la CSN...
M. BURNS: J'invoque le règlement encore une fois, M. le
Président. Moi, je croyais le député de Bellechasse
beaucoup plus, je ne dirais pas intelligent, mais beaucoup plus apte à
comprendre le cadre du texte de l'article 97. Il ne s'agit pas pour lui de
commencer à nous donner tous les arguments en faveur de sa position. Il
s'agit pour lui, en vertu de l'article 97, de dire comment il se fait que le
député de Sainte-Marie aurait dit des choses qui ne sont pas
exactes, qu'il aurait mal citées, qu'il aurait mal
interprétées. Il s'agit pas qu'il donne les arguments
derrière ce qu'on a cité au sujet du député de
Bellechasse. C'est rien que ça, M. le Président. Moi ça ne
me fais rien, mais en tout cas moi je vais m'opposer constamment, dès
que le député de Bellechasse va partir dans cette
ligne-là.
M. LOUBIER: M. le Président, comment voulez-vous que je sois
prisonnier à un tel point, d'un texte de règlement...
M. BURNS: Soulevez-le donc.
M. LOUBIER: ... quand le député a parlé vingt
minutes de temps et durant vingt minutes, s'en référait aux
accusations que portait le député de Bellechasse. Et je n'aurais
pas le droit à ce moment-là...
M. LEGER: Avez-vous été mal cité, oui ou non? La
question est là.
M. LOUBIER: C'était faussement, sans rai- son, j'ai donné
chaque fois et à chaque admission des raisons, des motifs, des
précisions à l'appui des propos que je tenais et des accusations
précises que je portais contre Pepin, Chartrand, Laberge et compagnie,
et ce n'est pas fini parce que je ne suis pas prêt à me lier
d'amitié avec ces gens-là.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond,
l'incident est clos.
M. Yvon Brochu
M. BROCHU: M. le Président, nous sommes encore une fois
placés devant une loi d'exception qu'est le bill 19. J'aimerais ici
faire quelques remarques sur un problème double ou à deux
facettes, si vous voulez, que pose la présentation d'un tel projet de
loi à ce moment-ci.
Le problème se pose à deux niveaux. D'abord, au niveau du
gouvernement parce qu'au niveau du Québec, et ce depuis quelques
années, l'autorité est remise en cause, à
différents paliers et de différentes façons.
Deuxièmement, le problème aussi qui est soulevé par la
présente situation met en cause également toute la question du
syndicalisme au niveau de la province de Québec. Présentement, de
ce côté, on peut sérieusement s'interroger sur les buts
poursuivis par les représentants du front commun syndical. Sans vouloir
ici m'engager immédiatement sur le bien-fondé des exigences
syndicales comme telles, j'aimerais cependant jeter un coup d'oeil rapide sur
les principes qui sous-tendent l'action syndicale présente.
Il est évident, je pense, qu'en regroupant leurs forces, les
centrales syndicales visent directement à obtenir un pouvoir au niveau
décisionnel dans le présent conflit, c'est-à-dire au
niveau gouvernemental précisément.
Ce front commun constitue donc une première étape vers une
action politique directe du mouvement syndical. Il s'agit, en effet, d'une
nouvelle forme de syndicalisme que certains chefs syndicaux tentent d'inculquer
au Québec à leurs membres. Si, par exemple, au lieu de vouloir se
substituer au pouvoir politique, on s'efforçait sérieusement
d'aider les élus du peuple à résoudre les problèmes
auxquels nous avons à faire face présentement, peut-être
que les solutions finales pourraient être quelque peu différentes
et aussi répondre aux besoins et aux aspirations véritables des
syndiqués tout en respectant les droits de tous les citoyens du
Québec en matière de santé, en matière
d'éducation et également en matière de fonctionnement
normal de tout l'appareil gouvernemental.
De ce côté, un bref coup d'oeil sur l'histoire nous
révèle que les changements sociaux violents ne sont pas de
véritables changements en profondeur susceptibles de stabiliser une
situation en faveur des citoyens qui ont à la vivre. La
révolution française, par exemple, trancha la tête du roi
et de plusieurs autres pour présenter la nouvelle république
quelques années plus tard à Napoléon.
Par ailleurs, les tsars de Russie furent remplacés par les
soviets, une dictature d'un homme remplacée par une dictature à
trois. Les slogans vides de sens de ces deux révolutions nous font voir
au nom du peuple au pouvoir que ce sont
encore les plus farfelus qui prirent, de fait, le pouvoir.
Toute cette situation, comme l'a mentionné tout à l'heure
mon collègue, le député de Frontenac, n'est pas née
d'un hasard, mais d'une non-prévision du gouvernement des
événements possibles, puisque gouverner doit être de
prévoir, je pense que les situations sont demeurées trop
longtemps sans solution et sans que l'on prévoie des mécanismes
avant que les problèmes surgissent.
D'un côté, le gouvernement a démissionné de
son autorité, et pour reprendre, par la suite, le terrain perdu, il a
voulu établir, comme c'est le cas pour le bill 19, des contrôles
excessifs pour assurer une autorité qui était de moins en moins
présente. Et ce qui m'étonne le plus, devant le présent
projet de loi obligeant les employés du secteur public et parapublic
à réintégrer le travail, c'est l'illogisme qui le
sous-tend.
Le gouvernement a bel et bien reconnu le droit de grève aux
employés de ce secteur. Je ne me prononce pas ici sur le
bien-fondé de cette loi, mais il reste un fait, c'est que le droit de
grève leur est acquis. Or, c'est le même parti qui a voulu
reconnaître ce droit de grève qui est le premier aujourd'hui,
à la première grève qui se présente dans ce
secteur, à vouloir apporter une loi spéciale afin de forcer ces
travailleurs à réintégrer les cadres de leurs emplois.
Or, devant une telle situation, je me pose de sérieuses
questions, et je demande aux députés ministériels de bien
réfléchir sur cette situation, parce que une journée on
accorde et on reconnaît un droit acquis à un groupe de
travailleurs, et le lendemain, lorsque ce même groupe de travailleurs
utilise ce droit reconnu, on l'enlève par une mesure spéciale,
par une mesure imposée.
M. le Président, la solution, à mon sens, a beaucoup trop
tardé, et je pense que j'aurais pu prononcer les mêmes propos il y
a cinq mois, il y a six mois, il y a un an, et il y a même deux ans,
parce que tout était prévu pour que les conventions collectives
soient échues au même moment, pour avoir cette force dont on
prétend disposer présentement dans les négociations.
Donc, si ce qu'on peut appeler les autorités en place avaient
vraiment voulu signifier une intention précise de remédier
à un problème qui allait se présenter, on aurait fort bien
pu, dès lors, établir certains processus ou certains
mécanismes, afin de prévenir une situation comme celle que nous
vivons à l'heure actuelle.
Plusieurs choses se sont passées dans ce conflit. Il y a eu, de
part et d'autre, de nombreux échanges, parfois justifiés, parfois
peut-être plus difficilement justifiables. Par contre un principe demeure
à mon sens: les faits. Et, pour ne prendre qu'un exemple dans le domaine
de l'éducation, le gouvernement aimerait que son autorité soit
confirmée. Mais, une vraie autorité dans le sens complet du mot,
n'a même pas besoin de s'imposer par aucune mesure draconienne,
puisqu'elle est reconnue en partant des principes de la
réalité.
Et dans le domaine de l'éducation, par exemple, simplement au
niveau du recyclage pour les enseignants, on demandait, il y a deux, trois ou
quatre ans aux enseignants de suivre leurs cours de recyclage et au bout de ces
mêmes cours-là, on ne reconnaît plus les crédits.
On dit: Messieurs, vous recommencerez. On arrive dans le secteur de la
sécurité d'emploi, encore le même phénomène,
phénomène qu'on ne retrouve même pas dans l'industrie
privée parce qu'au bout de six mois, trois mois, l'employé a une
certaine permanence et il est reconnu alors que dans un secteur aussi important
que celui de l'éducation on ne peut l'avoir. Alors, est-ce qu'on peut
reprocher devant...
M. VEILLEUX: C'est faux!
M. BROCHU: ... une telle situation, à des individus de manifester
leur mécontentement face à une non-reconnaissance de cette sorte?
Et, j'irai plus loin parce qu'à mon sens, même si la
présente loi est adoptée telle qu'elle, elle ne règle
strictement rien parce qu'elle n'équivaut à rien d'autre
simplement qu'à édifier un contenu pour embrigader ou emprisonner
un contenu qui ne changera pas du tout.
A présent, M. le Président, si on touche un peu aussi
à cette nouvelle forme de syndicalisme qui se veut être
directement une action politique, on peut se demander aussi pourquoi et ce
n'est pas simplement un hasard parce que peut-être les gens, de
façon générale ou d'une façon assez marquée
quand même, ont peut-être de moins en moins confiance dans les
patentes des vieux partis politiques puisque leur participation ne trouve pas
de débouché ou encore qu'ils ne puissent pas participer de
façon satisfaisante afin que leurs voix soient entendus et qu'ils soient
vraiment des actifs à part entière.
Dans le même sens, on peut aussi se demander si, dans notre
appareil gouvernemental, si dans notre façon de légiférer,
il n'y a pas un fossé trop large et trop creux qui existe entre un
pouvoir législatif et la réalité des entités
québécoises de nos citoyens.
Le présent projet de loi ne me plaît guère
non pas parce que je suis contre le retour au travail parce qu'effectivement je
suis pour le retour au travail et je pense que les syndiqués veulent
réintégrer leur emploi, ce qui est normal parce que je
pense qu'au bout de la ligne aucune grève qui a duré un tant soit
peu n'a vraiment été payante si on parle au point de vue du
salaire pour qui que ce soit.
Je suis également pour le retour au travail au niveau de la
population parce qu'elle a aussi des droits acquis, elle a droit aux services
de santé, elle a droit à l'éducation et elle a droit
à ce que l'appareil gouvernemental fonctionne normalement.
Donc, ce n'est pas sur ce principe que je situerai mon désaccord
face à ce projet de loi parce que sur ce principe, je pense que tout le
monde veut que l'activité revienne normale au Québec.
Je pense que nous devons aller plus loin que ce qui est
présenté aujourd'hui pour la pure et simple raison que ça
demeure quand même une mesure temporaire et que le problème ne
sera nullement réglé et qu'on demeure exposé à ce
qu'il revienne cette année, l'an prochain ou dans deux ans. Je pense, de
façon globale, qu'il faudrait que le gouvernement tienne compte d'une
formule possible qui soit davantage celle d'une participation à tous les
niveaux, de sorte qu'on puisse respecter cette évolution d'une
société québécoise moderne, en ébullition,
qui s'en va vers de nouvelles structures, qui s'en va peut-être vers de
nouvelles formes de pensées mais qui a quand même besoin
d'être homogène, si vous voulez dans son mode d'action ou dans son
but.
Je pense que si on établit clairement le processus de
démarche d'une nation, d'un pays ou de quelque organisme que ce soit, si
on s'entend sur le but, et si on a une participation normale, les gens
deviennent motivés et sont engagés dans leur action et je pense
que c'est le prix qu'il faudra mettre, cette participation véritable
pour arriver à ce qu'on trouve des solutions à long terme
à des problèmes et non pas des solutions imposées à
court terme qui ne règlent pratiquement rien.
M. le Président, c'est le sens de l'intervention des quelques
remarques que je voulais faire sur ce projet de loi. Comme je vous ai
mentionné de façon générale sur le premier
principe, je suis entièrement d'accord sur le retour au travail, parce
que tout le monde le désire. Cependant, je ne peux accepter la loi telle
que présentée parce qu'elle est illogique avec ce que nous
connaissons. On reconnaît un droit d'un côté, et le
lendemain on étouffe ce droit ou on étouffe ceux qui ont eu ce
droit acquis en leur imposant une mesure dictée d'en haut pour qu'ils
réintègrent le travail. Je pense que c'est ce principe-là,
si on accepte le bill 19 tel que proposé, on reconnaît un
précédent fort dangereux, parce que demain, dans tout autre
secteur où il y a des droits acquis, on peut revenir et se servir du
même principe pour brimer la liberté des individus ou encore pour
brimer leurs droits acquis. C'est pour ces raisons, au nom de ce principe, que
je m'inscris en faux contre la philosophie qui sous-tend ce projet de loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. Jacques Veilleux
M. VEILLEUX: M. le Président, ce n'est pas sans
appréhension que j'interviens quelques minutes dans ce débat de
deuxième lecture du projet de loi 19. J'interviens, et je serai
nécessai- rement jugé parce que je pose ce geste. Je serai
jugé par les syndicats de mon comté, sans aucun doute. C'est un
droit que je ne leur conteste pas. Ce jugement peut cependant être
intéressé. Mais ce n'est pas de là que viendra le
véritable jugement. Mon juge sera le public du comté de
Saint-Jean, ce sont les électeurs qui m'ont démocratiquement
élu, ce sont eux qui diront un jour si j'ai eu raison d'intervenir dans
ce débat. Le secteur public, pas plus que le secteur privé, n'est
au-dessus du bien commun de la santé et de la sécurité
publique. Aucun membre de cette Chambre ne peut, lui non plus, être
au-dessus du bien commun. Au contraire, nous sommes tous les serviteurs de la
population du Québec et plus particulièrement des citoyens de
chacun de nos comtés.
M. le Président, depuis le début de la semaine, je voyais
de par l'expérience que j'avais acquise précédemment, lors
du bill 25 en 1967, et lors de la dernière négociation, en 1969,
je voyais venir l'impasse dans laquelle on se retrouve aujourd'hui. Il est
facile d'incomber la faute de cette impasse, soit exclusivement au patron,
comme quelques-uns le font, soit exclusivement aux syndicats et aux
syndiqués. Je crois que, lorsque éclate un conflit, des erreurs
sont commises parfois de part et d'autre, simplement peut-être par une
parole prononcée à un moment non propice, ce qui cause de la part
de l'autre partie une réaction qui n'est peut-être pas celle qui
normalement se serait tenue.
J'ai communiqué, M. le Président, depuis lundi, avec de
nombreux électeurs de mon comté et, hier soir, à l'heure
du souper, plus spécialement j'ai communiqué avec une dizaine'
d'enseignants de mon comté, des enseignants électeurs,
quelques-uns libéraux, quelques-uns péquistes, quelques-uns
uniquistes. Je regrette pour les membres du Ralliement créditiste, il
n'y a pas encore d'enseignant créditiste à Saint-Jean. Tous, M.
le Président...
UNE VOIX: II y en a, et vous ne le savez même pas.
M. VEILLEUX: M. le Président, quelle que soit leur
allégeance politique, m'ont dit qu'ils étaient dans un
cul-de-sac. Ils m'ont dit qu'il était temps que le gouvernement prenne
des mesures appropriées pour reprendre le travail. Quelques-uns,
à l'heure où je parle, n'ont peut-être pas l'intention de
réintégrer leur travail, tel que le stipule la loi. Si je regarde
les manchettes du journal de ce matin, est-ce que cette manchette n'est que
l'imagination d'un journaliste ou le reflet exact de la parole d'un des trois
chefs syndicaux, M. Laberge? Mais, M. le Président, je convie les
syndiqués, avant de décider de désobéir à
une loi du Parlement, d'y penser sérieusement; d'y penser
sérieusement et surtout les enseignants affiliés à la CEQ
parce que moi, M. le Président, je me souviens de 1969. Il est
vrai, comme le disait le député de
Montcalm cette nuit, qu'il n'y a pas eu de loi spéciale pour
régler le conflit en 1969, et je me souviens, M. le Président,
très bien de l'ambiance qui existait la journée où la
décision a été prise au conseil provincial de la CEQ
d'accepter les offres patronales.
A ce moment-là, M. le Président, les enseignants du
Québec avaient posé un geste collectif qui s'appelait la
démission. Et c'était, M. le Président, une course
affolée pour remettre à nos patrons, les commissaires
d'école, ces démissions, geste accompli dans une action
provinciale. Nous nous sommes retrouvés, M. le Président, avec
300 enseignants sans emplois. Dix de ces enseignants étaient de mon
syndicat à Saint-Jean. J'ai reçu un télégramme de
l'Association des enseignants me rappelant la ferveur syndicale qui m'animait
à l'époque pour justement défendre la justice, faire
régner la justice dans le milieu de l'enseignement à Saint-Jean.
C'est justement, M. le Président, parce que j'étais soucieux, en
1969, de faire régner la justice dans le milieu de l'enseignement que
j'ai refusé à l'époque de remettre, moi aussi, mon contrat
à la commission scolaire afin de régler à Saint-Jean les
dix renvois. Quelques jours après, le problème était
réglé, les commissaires d'école acceptaient de reprendre
à Saint-Jean les dix enseignants. Ce n'est qu'à ce
moment-là que j'ai posé le geste de remettre mon contrat, moi
aussi, entre les mains de la commission scolaire.
C'est au nom de cette ferveur syndicale qui m'animait en 1969, et qui
m'anime encore en 1972, que je demande aux enseignants d'obéir à
cette loi. D'obéir à cette loi, M. le Président, parce
qu'on en est rendu à un point et là je n'attaque pas les
syndiqués, je n'attaque pas le principe du syndicalisme mais j'en
suis sérieusement à me poser la question à savoir si le
représentant, le président de la Corporation des enseignants du
Québec a réellement l'intention, ou a eu réellement
l'intention de venir jusqu'ici de négocier au nom et pour les
enseignants. Car il ne faudrait quand même pas oublier...
M. LESSARD: Est-ce que je peux poser une question au
député? Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. VEILLEUX: Si vous voulez je vais terminer et, à la fin, cela
me fera plaisir, si vous me posez une question, d'y répondre.
Lors de la dernière séance de négociation, le
représentant syndical qui négociait la sécurité
d'emploi des enseignants, qui essayait de négocier le rapport
martre-élèves des enseignants, n'était malheureusement pas
le président de la Corporation des enseignants du Québec mais
était le président de la Fédération des
travailleurs du Québec, M. Louis Laberge.
J'en suis rendu, M. le Président, à me demander si le
président de la CEQ connaît réellement les besoins des
enseignants. J'ai vécu le problème de la sécurité
d'emploi chez les enseignants à Saint-Jean. Les trois ans où
j'étais président du syndicat, les commissions scolaires ont mis
à la porte dix enseignants. Selon les règles et les lois
prévues au code du travail soit dans le code des lois de
l'Education j'ai réussi et ce sans trop de difficulté
à faire réintégrer ces dix enseignants parce que les
commissaires d'écoles n'avaient pas de motif raisonnable pour les mettre
à la porte.
Quand j'ai entendu tout à l'heure le député de
Richmond dire que jamais l'enseignant ne pouvait acquérir une
sécurité d'emploi, mais que, par contre, le travailleur dans
l'industrie privée pouvait avoir cette sécurité d'emploi,
le député de Richmond n'est pas du tout au courant parce que
l'enseignant, quand même, c'est long pour acquérir la permanence,
je suis d'accord avec ça, deux ans et huit mois, c'est long mais au bout
de deux ans et huit mois, il acquiert une permanence et une
sécurité d'emploi.
L'offre faite par le gouvernement à la table de
négociation, du moins dans le secteur de la régionale
Honoré-Mercier, protège pour au moins cinq ans à venir
tous les enseignants. Et quand on en est rendu, comme me le disait un
électeur enseignant avec qui je communiquais ce soir, il disait, nous
avons un problème, il y a une institutrice qui enseignait la
septième année, comme l'an prochain les élèves de
sixième n'iront plus en septième mais iront directement en
huitième, l'institutrice ne veut pas enseigner au secondaire, elle
voudrait continuer à enseigner au niveau de la septième
année. Ce n'est quand même pas ça la sécurité
d'emploi. J'avais l'occasion aussi de discuter avec des cadres du
ministère de l'Education et l'on me disait que lorsqu'un enseignant dans
une commission scolaire perd son emploi à défaut
d'élèves, on lui donnait priorité pour enseigner aux
adultes ou aux chômeurs le soir. Je crois que si les commissions
scolaires, si le ministère de l'Education, à défaut
d'élèves, permet à ces enseignants d'enseigner d'abord aux
adultes, permet en plus d'investir une certaine somme d'argent qui permettra
à l'enseignant concerné de se recycler pendant une période
de quatre ou cinq mois, avec quasi plein salaire, je crois qu'il n'y a aucun
secteur de l'activité humaine, hors la fonction publique, où un
travailleur peut avoir une telle sécurité. C'est pour ça
que j'ai fait cette intervention, dans le but uniquement de demander aux
enseignants, à tous les autres syndiqués du Québec, avant
de dire qu'ils désobéiront ou avant d'accepter de
désobéir à une loi, je les convie à exiger de leur
syndicat local une explication nette, claire et précise des offres
gouvernementales de cette semaine parce que, depuis le début de cette
action provinciale légale concertée, je puis vous dire qu'au
moins à Saint-Jean, à l'Association des enseignants
d'Honoré-Mercier, il n'y a pas eu, depuis, d'assemblée
dûment convoquée pour expliquer les offres patronales et pour
permettre aux enseignants d'Honoré-Mercier de reviser peut-être
leurs positions face à une décision qu'ils avaient prise le 9
mars dernier.
Je sais de bonne part qu'il y a au moins 50 enseignants de mon
comté qui, hier matin, ont exigé de l'exécutif du
syndicat, duquel je fais encore partie, de convoquer une assemblée parce
qu'ils veulent avoir des renseignements que je mentionnais tout à
l'heure.
Compte tenu de ces renseignements qui pourraient être
donnés par les syndicats locaux, j'ai confiance M. le Président,
que les représentants syndicaux des associations locales donneront
ou donnent une bonne information à leurs syndiqués.
Je suis conscient, M. le Président, que les syndiqués du
Québec n'accepteront pas de désobéir à la loi,
réintégreront leur travail et je dis aux enseignants de la CEQ de
ne pas oublier que leur centrale syndicale en a laissé 300 sur le
pavé en 1969, mais que la présente loi oblige les patrons
à reprendre tous les syndiqués affiliés à la CEQ
à l'emploi de ces commissions scolaires, avant le début du
conflit.
M. le Président, par une loi qu'on donne dans un retour au
travail, la sécurité à tous les syndiqués du
Québec, ce qu'une corporation syndicale n'a pas été
capable de faire en 1969. Et je ne vous raconterai pas, M. le Président,
quelle formule (que je qualifie de malhonnête) à ce
moment-là, quelques individus à l'intérieur de cette
centrale ont prise pour justement laisser 250 à 350 enseignants, sans
travail et sans revenu, parce qu'elle n'a pas été capable de se
tenir debout.
M. le Président, je crois qu'il est temps que les membres de
cette assemblée, parce qu'on a eu un éventail d'arguments, soit
pour ou soit contre, je crois qu'il est temps, au nom des électeurs qui
nous ont tous élus, de décider en notre âme et conscience,
du projet de loi qui est devant nous. Moi, M. le Président, je me dois
de voter en faveur de ce projet de loi.
M. LESSARD: Vous avez accepté tout à l'heure que je pose
une question. Est-ce que le député accepte encore?
Alors le député a été membre d'un conseil
provincial, membre de la CEQ et qu'il affirmait tout à l'heure que le
président de la CEQ ne représentait pas dans les
négociations les véritables intérêts des
enseignants. Est-ce que le député est encore conscient
aujourd'hui qu'il existe au niveau de la CEQ des associations d'école,
des structures régionales, le conseil provincial à qui
constamment les négociateurs provinciaux et le président de la
Corporation des enseignants du Québec doivent faire rapport?
M. VEILLEUX: M. le Président, je ne conteste pas les dires de
l'honorable député de Saguenay. Je voulais tout simplement dire
que je trouvais curieux que le président de la centrale syndicale
concernée ne soit pas capable lui-même à la table
provinciale, de défendre les intérêts de ses membres mais
les faisait défendre par le président d'une autre centrale
syndicale c'est ça que j'ai dit.
M. LE PRESIDENT (Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.
Le député de Dorchester...
M. GUAY: M. le Président,...
M. BROCHU: En vertu de nos règlements, qu'il me soit permis de
rétablir des faits qui ont été soulignés dans
l'exposé du député de Saint-Jean. J'invoque l'article 97,
pour l'information de certains membres de cette Chambre. M. le
Président, pour ce qui est de la sécurité d'emploi
j'aimerais simplement le mentionner le député de
Saint-Jean disait que je n'étais pas au courant de la situation et enfin
que je parlais à travers mon chapeau. Il n'y a pas de permanence
effectivement avant deux ans et huit mois, ce qui veut dire qu'un enseignant ne
peut avoir aucun recours pour se défendre si des problèmes se
posent avant cette période de temps, ce qui est complètement
anormal. Et je réfère à l'article 219 de la Loi de
l'instruction publique, ce qui veut dire qu'un professeur peut être en
conflit de personnalité avec son directeur au bout d'un an et demi, deux
ans même de travail, et être expulsé sans pouvoir avoir
aucun recours.
Alors, M. le Président, je voulais rectifier cette
situation-là et la sécurité d'emploi englobe beaucoup plus
large que ça puisqu'elle comprend aussi de vouloir reconnaître
l'ancienneté d'abord en commençant par le poste, ensuite
l'école, la commission scolaire et par territoire et aussi qu'on cesse
de chambarder les programmes. Alors, c'était simplement pour
spécifier que j'étais un peu au courant de la situation et que,
pour ma part en tout cas, ce qui n'est pas le cas du député de
Saint-Jean, les professeurs ne sont pas venus vider les ordures du parterre de
ma maison c'était peut-être parce qu'il avait vraiment bien
compris la situation.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: Très brièvement, étant donné que
plusieurs députés de cette Chambre ont eu l'occasion de se
prononcer sur le projet de loi numéro 19 que le gouvernement a
essayé de passer à la faveur de la nuit.
M. le Président, depuis plusieurs heures que nous discutons de ce
projet de loi et il a suscité, je pense bien, je ne dirais pas un
nombre record d'interventions, mais presque, ceci souligne
l'intérêt que suscite ce projet de loi.
Or, brièvement, ce qu'on n'aime pas dans les agissements du
gouvernement, c'est qu'il se coiffe d'un chapeau de paille et joue à
l'enfant pauvre quand il joue le rôle d'employeur ou de patron et il se
retourne de côté, se coiffe d'un casque d'acier antiémeute
pour adopter des lois d'exception. On a comme exemple le bill 19.
M. le Président, cela veut dire à peu près ceci,
qu'à l'avenir, ça sert à quoi de vouloir ou
de tenter une négociation? Le gouvernement n'a qu'à tenir
ses positions et, bien sûr, il y aura à ce moment-là des
négociations rompues et le gouvernement pourra se retourner et adopter
une loi d'exception, le marteau, la faucille à la main. On en a des
exemples dans d'autres domaines c'est-à-dire la construction, les
garagistes. On en a parlé cette semaine. De toute façon, c'est le
gouvernement qui a le gros bout du bâton. Evidemment, c'est le
problème de l'Etat employeur. J'ajouterai que l'Etat est mauvais
employeur puisqu'il ne semble même pas être en mesure de conclure
un contrat de travail avec ses propres employés. Ceci,
nécessairement, est la conséquence du système qu'on a
décrit au cours du débat.-J'ajoute que ce n'est pas en matraquant
les victimes qu'on va régler le problème. Réussir une
entente dans le domaine des relations de travail, cela semble un tour de force
de plus en plus difficile à réussir.
On pose toujours la question suivante, lorsqu'il s'agit de
négociations: Est-ce que tous les moyens ont été
essayés? Plusieurs membres de la Chambre ont eu l'occasion d'intervenir
et d'en parler. Plusieurs membres également ont semblé imputer
les ruptures des négociations plutôt à une partie
qu'à une autre.
M. le Président, j'aimerais apporter ici un exemple de
difficulté de négociations, là où il n'y a pas eu
de partie syndicale mais uniquement des parties gouvernementales. Je pense bien
que tout le monde a entendu parler de la conférence de Paris. Cette
conférence de Paris s'éternise. Elle s'est ouverte le 31 mai 1968
et, en trois ans de négociations, le seul différend qu'on a pu
résoudre portait sur la forme de la table. Ceci, pour prouver
jusqu'à quel point on peut être porté à croire que
les parties ne veulent vraiment pas négocier. On dit ceci: Durant 77
jours de négociations à la table carré adoptée
à titre d'essai les délégués des pourparlers de
Paris ont tenu les menuisiers et le monde en haleine quant à la forme
finale de la table de conférence. Finalement, ils adoptèrent une
table ronde.
Or, si dans certains cas de négociations, cela prend plus de 60
jours uniquement pour s'asseoir à la table, on est porté à
imaginer, évidemment, que le gouvernement dans sa faible
prévoyance a attendu beaucoup trop tard avant d'engager les
négociations, si cette convention collective était
terminée depuis si longtemps.
Alors, on est en droit de blâmer le gouvernement de ne pas avoir
tenté des négociations plus tôt ou plus à bonne
heure.
Il faut bien s'entendre sur le fait que nous désirons le retour
au travail. On le souhaite de tout coeur, mais on l'aurait souhaité dans
des conditions beaucoup plus normales qui ont été décrites
très bien par mes collègues.
Ce projet de loi spéciale matraque no 19, pour ma part, je ne
puis pas non plus l'accepter pour différentes raisons, et nous aurons
l'occasion d'y revenir en commission.
DES VOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, le ministre du Revenu parle trop fort,
je pense que ma voix ne pourra pas porter plus haut.
M. HARVEY (Jonquière): J'écoute.
M. BURNS: J'espère que vous écouterez, parce que
malheureusement il y a très peu de ministres à cette heure que
nous n'avons pas choisie, M. le Président.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, s'il y a des
ministres qui sont absents, ils ont fait exactement comme le
député de Maisonneuve, ils sont allés déjeuner.
M. BURNS: Voici, M. le Président, après cet apport
très positif au débat de la part du député de
Jonquière, je peux dire maintenant que je n'ai l'intention d'intervenir
que très brièvement dans le débat de deuxième
lecture, simplement peut-être pour rappeler une chose.
En 1964, le projet de loi qui, à l'époque, s'appelait le
projet de loi no 54 qui est devenu le code du travail sous un gouvernement
libéral a reconnu le droit de grève dans les services publics. Il
y a eu beaucoup de tergiversations à ce moment-là,
c'est-à-dire que plusieurs parties ont refusé d'accepter le droit
de grève dans les services publics et, d'autre part, vous avez du
côté syndical une demande unanime de régler un
problème qui tramait depuis longtemps.
Ce qui existait antérieurement à 1964, c'est que, dans les
services publics, lorsqu'une convention collective ne pouvait être
réglée entre les parties, vous aviez l'arbitrage obligatoire. Le
premier ministre du temps, qui s'appelait M. Lesage, avait prononcé ces
fameuses paroles qui maintenant sont citées, et que tout le monde
connaît: "La Reine ne négocie pas avec ses sujets". Parce que, si
on acceptait, d'une part, la négociation dans les services publics,
autres que ceux du gouvernement de l'Etat du Québec, il fallait
éventuellement s'attendre que la syndica-lisation puisse poursuivre son
cours jusqu'aux employés de l'Etat du Québec.
A ce moment-là, les fonctionnaires et ouvriers du gouvernement
étaient représentés par ce qu'on appelle une association
de boutique, une association qui était beaucoup plus versée dans
les loisirs et dans les sports de ses membres que dans les conditions de
travail, que ce soit les intérêts économiques, sociaux,
moraux, peu importe, mais c'était beaucoup plus au niveau des sports et
loisirs que cette association fonctionnait.
Tout d'un coup arrive ce qu'on appelle la syndicalisation
véritable. Les employés se for-
ment un syndicat qui est encore actuellement accrédité
pour les employés de la Fonction publique à l'emploi du
gouvernement.
Et c'est là que vient la fameuse phrase que je citais
tantôt de la part de M. Lesage: "La reine ne négocie pas avec ses
sujets." Remarquez qu'il a été obligé de ravaler d'autres
affaires que celle-là. Celle-là, il l'a ravalée puisqu'il
a accordé le droit de grève un peu plus tard, mais il avait aussi
dit, avant: "II n'y aura jamais, sous un gouvernement que je dirigerai
je suis très bref, M. le Président, c'est tout simplement pour
illustrer une constance d'illogismes un ministère de
l'Education." Il y en a eu un sous un gouvernement qu'il a dirigé et la
reine a négocié avec ses sujets à la suite de l'adoption,
en 1964, du droit de grève pour les services publics et, dans
l'année suivante, pour les employés du gouvernement.
C'est peut-être une chose, ç'a peut-être l'air
fallacieux de rapporter ce problème, mais je pense qu'il est assez
important, d'autre part, de le poser immédiatement et de dire que
personne n'a "kidnappé" M. Lesage. Personne ne l'a menacé de le
fusiller. Personne n'a créé de l'intimidation auprès de
l'Assemblée nationale lorsque ces deux lois de 1964 et 1965 ont
été adoptées. Il n'y a personne, sinon, peut-être,
un "lobby" syndical, comme il y a sans doute eu un "lobby" patronal, sans aucun
doute. Et je me souviens qu'à cette époque, le "lobby" syndical
avait été fait en grande partie par un ministre
fédéral qui s'appelle Jean Marchand et qui était à
ce moment-là président de la Confédération des
syndicats nationaux.
C'était tout à fait dans l'ordre. Les deux "lobbies" se
confrontaient; on a décidé que grève ou, du moins, droit
de grève il y aurait dans la fonction publique et même droit de
grève il y aurait chez les employés du gouvernement.
M. le Président, je pense qu'à cette époque,
c'était tout à fait logique qu'on accorde le droit de
grève puisque le droit de grève il ne faut pas se le
cacher est un droit auxiliaire, un droit corollaire ou un droit
ancillaire, si vous voulez, au droit d'association en matière de
relations de travail. Cela semble retourner aux sources que de dire que si on
accorde à des travailleurs le droit de faire la grève, il faut
nécessairement leur accorder un droit qui est même, M. le
Président, reconnu par le code criminel, qu'on appelle le droit de
coercition. Je sais que le député de Matane comprend très
bien ce que cela veut dire, lui qui, pendant de nombreuses années, a
été procureur de la couronne.
Dans le code criminel, le droit de coercition est prohibé, sauf
dans un cas, c'est lorsque ce sont des travailleurs qui font une coercition
dans l'intérêt des conditions de travail qu'ils réclament.
Cela a peut-être l'air de remonter, encore une fois, aux calendes
grecques ou quoi que ce soit, de rappeler cela, mais c'est très
important parce que, à mon avis, on ne doit jamais oublier que le droit
d'association est intimement lié au droit de grève. Ce sont deux
choses qui existent de façon concommittente; ce sont deux choses qui
existent comme conséquences l'une de l'autre parce que, dans le domaine
des relations de travail, comment peut-on défendre le droit
d'association dans le but et c'est toujours ça qui est le droit
d'association de défendre les intérêts
économiques, sociaux et moraux, si le syndicat ou l'association en
question n'a pas la possibilité de faire valoir son droit?
Or, qu'est-ce que l'employeur a comme possibilité? Il a une
possibilité qui est bien simple. Il dit: Je t'offre un emploi et du
côté syndical, le syndicat dit: Je t'offre du travail.
A partir du moment où l'employeur veut exercer une pression, il
n'a qu'une chose à dire. Une fois qu'il a dit non et que le syndicat
n'accepte pas, il n'a qu'une chose à dire: Je te refuse l'emploi. Du
côté syndical, le syndicat n'a qu'une chose à dire: Je te
refuse le travail. C'est cela qui est la relation entre le capital et le
travail. Il ne faut pas avoir peur des mots. C'est exactement cela. Et, quand
on parle de relation entre le capital et le travail, on parle, en ce qui
concerne le côté syndical, du droit de grève. C'est ce que
cela veut dire.
Le droit de grève, dans la fonction publique et dans le groupe
parapublic, en ce qui nous concerne tout le monde l'admet et, à cet
instant, je n'ai entendu personne intervenir pour nous dire que le droit de
grève a été exercé de façon illégale,
que le droit de grève n'a pas été exercé au sens de
la Loi de la fonction publique ou du code du travail. On pourra nous dire que
des injonctions ont été outrepassées, de l'opinion du
ministre de la Justice, puisqu'il a porté des plaintes, mais on n'a pas
passé à côté des règles établies, soit
dans le code du travail ou soit dans la Loi de la fonction publique, concernant
le droit de grève. Encore une fois, on est dans cette suite tout
à fait logique: l'association qui se forme selon un droit qu'elle a,
qu'un groupe de salariés a de former une association, qui obtient
nécessairement, même sanctionné par voie d'exception au
niveau du code criminel, le droit de coercition, c'est-à-dire le droit
de grève, et qui, en plus de cela, se plie à des conditions
établies par des lois de juridiction de l'Etat du Québec et qui
entre en grève. C'est cela la situation telle qu'on la prend au moment
où on nous la présente.
Cette situation-là, elle est d'autant plus surprenante quand on
arrive à l'étude du projet de loi no 19. Qu'on se rende compte
d'une chose, c'est la troisième négociation. C'est la
troisième ronde de négociation, comme on se plaît à
le dire, dans la fonction publique. A deux occasions antérieurement
à la présente on a réussi à régler le
problème sans aucune intervention législative. Et je parle de la
négociation de la deuxième ronde qui est arrivée aux
alentours des années 1968 et l'autre qui est arrivée aux
alentours des années 1965.
A ces deux occasions-là, et sous deux gouvernements
différents, on a réussi à régler le problème
des employés de l'Etat sans être obligé d'intervenir. Vous
allez me dire: Ils ne sont pas allés en grève. Je vais vous dire:
Les gouvernements, à l'époque, ont fait en sorte qu'ils n'aillent
pas en grève. Et c'est cela qui est bien important.
Aujourd'hui, cela a peut-être l'air bien gentil et bien "smart" de
dire: Nous autres, on est poigné avec une grève, et dans le
temps, ils n'en ont pas eue. Il faut quand même se dire: Comment se
fait-il que ces deux gouvernements précédents, un libéral
et un de l'Union Nationale, ont réussi. Cela a beau faire sourire le
député de Bonaventure; moi, je ne sourirais pas du tout, du tout,
je ne sourirais pas du tout.
M. LEVESQUE: II faut être sérieux. Je n'ai même pas
écouté depuis le début les remarques du
député de Maisonneuve.
M. BURNS: II serait bon que vous écoutiez, parce que vous sauriez
sur quoi vous votez éventuellement.
M. LEVESQUE: Je sais exactement ce qu'il dit, ce qu'il veut dire, ce
qu'il a dit et ce qu'il dira.
M. BURNS: II y a des gens qui souffrent de l'omniscience ici. Bravo! Je
les laisse souffrir de ça.
DES VOIX: Vote!
M. BURNS: En ce qui me concerne, je trouve ça un peu dramatique,
et encore plus quand j'entends le leader parlementaire qui, lui, a
amorcé toute cette procédure et qui dit qu'il ne prend même
pas la peine d'écouter les députés d'opposition.
M. LEVESQUE: Le ministre de la Justice va vous répondre.
M. BURNS: II me répondra. Mais je trouve ça grave quand
même, je trouve que c'est une admission. D'ailleurs, je tirerai quelques
conclusions sur ces admissions, éventuellement. Mais une drôle
d'admission qu'un ministre qui en plus d'être ministre est vice-premier
ministre, c'est-à-dire qu'il remplace le premier ministre et qu'il ne
soit même pas capable, à cette heure-ci même s'il est
neuf heures vingt même si ça fait plusieurs heures que nous
siégeons, de retrouver suffisamment de sens pour écouter ce qu'un
député de l'Opposition peut dire. Ce n'est que ça qui
m'étonne.
M. le Président, je reviens...
M. LE PRESIDENT: C'est parce que je veux rappeler au
député de Maisonneuve qu'il ne lui reste que quatre minutes. S'il
passe trop de temps en dehors de la motion, il ne lui en restera pas beaucoup
pour traiter du fond.
M. BURNS: Vous dites, M. le Président, qu'il me reste quatre
minutes? Je vais aller directement.
On dit que je fais un spectacle. Ce n'est pas du tout le cas. Durant les
quatre minutes qui me restent, je vais dire que non seulement je trouve comme
plusieurs députés, comme le député de Richmond,
comme le député de Saguenay l'a mentionné, et comme le
député de Bellechasse l'a mentionné, extraordinaire qu'une
fois sur trois négociations, le gouvernement qui se retrouve partie
à cette négociation et qui joue dans deux sièges, joue
dans le siège de ce qu'on appelle la partie et dans l'autre siège
de ce qu'on appelle le juge, se retrouve l'Etat employeur, l'Etat
législateur à jouer sur les deux tableaux en même temps. Je
trouve ça inconcevable, et je trouve que c'est une admission de
faiblesse renforcée par le fait que les deux gouvernements
antérieurs, eux au moins, ont réussi à passer au travers
de la situation sans être obligés de revenir devant la
Législature, devant l'Assemblée nationale, pour forcer un retour
au travail, et je trouve ça d'autant plus grave que cet employeur qui
s'appelle le gouvernement n'a pas utilisé comme nous l'avons tous dit,
tous les moyens avant d'arriver...
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, le député de
Maisonneuve me permettrait-il une question?
M. BURNS: Je lui permets la questions, M. le Président, en autant
qu'on soit un petit peu plus large à mon égard au point de vue de
ma période de temps.
Si ma période de temps est très strictement
observée, je vais malheureusement refuser à mon bon ami le
député de Chauveau, je vais être obligé de lui
refuser.
M. HARVEY (Chauveau): Je serai bref.
M. BURNS: Je vais être obligé, parce que votre leader
parlementaire vient de dire qu'il va être strict à mon
égard. Alors, je refuse, malheureusement.
En ce qui me concerne, je serais prêt à accepter la
question du député de Chauveau, mais le leader me dit qu'il va
être strict à mon égard. Alors, je suis obligé de
refuser.
Alors, M. le Président, je veux tout simplement dire, en
terminant, que cette attitude de la part du gouvernement, menée par un
leader parlementaire qui, actuellement, est beaucoup plus occupé
à voir quelle couverture les journaux donnent à ce débat
qu'au débat lui-même qui est actuellement préoccupé
à lire, je ne sais pas quel journal, je dois lui dire ceci
qu'actuellement le gouvernement, par son projet de loi, est en train de
décréter, carrément et ouvertement, la fin des
négociations dans le domaine des services public et parapublic. C'est
aussi simple que ça, parce qu'il est très clair qu'une fois cette
loi votée, comme le disait le député de Richmond
tantôt, c'est un précédent grave qui est
créé.
Une fois qu'il sera créé, n'importe quel gouvernement,
qu'il soit libéral, qu'il soit Unité-Québec, qu'il soit
créditiste et peut-être même, avec toute notre bonne foi,
qu'il soit Parti québécois, on sera peut-être tenté,
d'utiliser cette même méthode, cette même maudite
méthode que je dois dire, qui va être toute simple, qui va
être toute gentille, qui va dire tout simplement, comme je suis parti et
que je m'adonne aussi par hasard, à être législateur, je
n'aurai qu'une chose à faire, c'est de refuser toute possibilité
de compromis, de rendre concret un blocage des négociations et qu'une
fois que j'aurai obtenu ça, il ne me restera plus rien qu'une chose,
c'est de me servir de mon autre arme, qui s'appelle mon arme de
législateur, de l'utiliser et de décréter, c'est ce que ce
projet de loi fait, des conditions de travail.
A ce moment-là j'aimerais bien qu'un ministre, de l'autre
côté de la Chambre, explique comment ce projet de loi n'abolit pas
purement et simplement le syndicalisme dans la fonction publique. Selon mon
humble opinion, c'est ce que ça donne. C'est pour ça, M. le
Président, que nous ne pouvons pas être d'accord sur un projet de
loi, on l'a souvent employé cette expression: projet de loi matraque.
Mais s'il y en a eu un projet de loi matraque, M. le Président, c'est
bien le projet de loi no 19. C'est bien celui-là qui est
asséné par et l'employeur et le législateur. En ce qui me
concerne c'est absolument inacceptable.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: Est-ce que j'ai utilisé mon temps, M. le
Président?
M. LE PRESIDENT: Vous avez dépassé de deux minutes.
M. BURNS: En deux mots, M. le Président, cette loi-là, il
n'y a qu'un mot: c'est dégueulasse. .
M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais commencer mon
intervention, là où le député de Maisonneuve s'est
arrêté et lui poser la question suivante, non pas pour qu'il me
réponde mais pour y répondre moi-même: Si on devait suivre
sa logique jusqu'à son ultime conclusion, est-ce que ceci ne voudrait
pas dire qu'en aucune circonstance, étant donné que le
gouvernement est d'une part une des parties au conflit de travail qui a lieu
dans le secteur public et qu'il est d'autre part législateur, est-ce que
ça ne voudrait pas dire que le gouvernement ne devrait jamais intervenir
dans un conflit de travail, dans une grève qui a trop duré dans
le secteur public et le secteur parapublic?
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. LAFRANCE: Non.
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
DES VOIX: Non.
M. CHOQUETTE: Si ce n'est pas pris sur mon temps.
M. BURNS: Non, c'est seulement une question. Il a le droit de me
refuser, mais s'il accepte, ça me ferait plaisir.
M. CHOQUETTE: Très bien.
M. BURNS: Alors, M. le Président, tout simplement, je demande au
ministre: Est-ce qu'il a compris, dans mes propos, que je disais que le
gouvernement à tout prix ne devrait pas intervenir? S'il a compris, je
lui pose la deuxième question: Est-ce qu'il n'a pas compris le
début de mon exposé, qui disait que tous les moyens n'ont pas
été pris avant qu'on en arrive à cette
solution-là?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je veux bien croire que le
député de Maisonneuve puisse faire des reproches au gouvernement,
à ceux qui ont eu la responsabilité des négociations dans
les secteurs public et parapublic, et qu'il peut accumuler en somme sur le
gouvernement toutes les fautes possibles et imaginables, avant les
événements, avant le dépôt du bill 19. Mais ceci
n'est pas réellement pertinent au débat, puisque la question est
de savoir si le gouvernement a le droit, si le gouvernement est
justifié, si le gouvernement a même le devoir d'arrêter un
conflit qui met en danger tout le secteur public et le secteur parapublic.
Alors quand même l'Opposition ferait des reproches que
d'abord je ne nie complètement, parce qu'à mon sens, ceux qui ont
eu la responsabilité de la poursuite des négociations au niveau
gouvernemental, ont fait un travail aux yeux des observateurs impartiaux, un
travail d'une qualité exceptionnelle alors même si on
devait en somme par souci de débat ou enfin pour indiquer comment on en
est arrivé à cette situation, même si on devait
démontrer qu'il y a eu des fautes commises, ceci n'infirmerait pas le
droit et même la justification du gouvernement d'intervenir dans une
situation qui se détériore alors que nous sommes dans le
dixième jour de la grève dans les secteurs public et parapublic
du Québec.
Alors, si on devait par conséquent suivre le raisonnement du
député de Maisonneuve, à cause de la situation dans
laquelle le gouvernement se trouve, c'est-à-dire à la fois
employeur et législateur, il aurait les mains attachées et il ne
pourrait pas intervenir parce que ceci serait
en quelque sorte un conflit d'intérêts, alors qu'on lui
reconnaît le droit d'intervenir, pourtant, dans d'autres domaines, entre
autres dans le domaine de l'éducation. On lui a reconnu le droit
d'intervenir dans le domaine des transports à Montréal et dans
divers autres secteurs clefs de la vie économique et sociale du
Québec.
Alors, je dis donc, M. le Président, que toutes les
prémisses juridiques et philosophiques et historiques du discours du
député de Maisonneuve sont inexactes dans ce sens que la
prémisse essentielle du député de Maisonneuve c'est que le
droit de grève dans les secteurs public et parapublic est un droit
absolu, est un droit en somme tellement lié au droit d'association et au
droit de négociation, qu'il faut lui reconnaître la qualité
d'un droit absolu auquel même le législateur ne peut pas toucher.
Eh bien, là je soumets qu'il s'agit d'une absurdité à tous
les points de vue, et sur le plan pratique, si on devait suivre la logique du
député de Maisonneuve, même si toutes les circonstances
devaient justifier une intervention gouvernementale, en vertu de la logique du
député de Maisonneuve, ceci empêcherait le gouvernement
d'agir. Alors, c'est là en somme la preuve qu'à se situer le
débat au niveau abstrait et théorique où le
député de Maisonneuve l'a situé, il ne rejoint pas du tout
la réalité.
Alors, dans mon intervention je n'ai pas l'intention de faire
l'état de la situation concrète telle qu'elle se présente
aujourd'hui, je pense que mes honorables collègues l'ont décrie
avec passablement de détails et qu'en somme, dans cette Chambre nous
sommes majoritairement d'avis que le moment est arrivé d'une
intervention gouvernementale pour arrêter un conflit qui risque d'avoir
des conséquences graves sur la santé, sur l'éducation et
sur le gouvernement du Québec. Cela, c'est notre conviction et je pense
que nous avons non seulement le droit d'intervenir en vertu des grands
principes que je vais développer tout à l'heure, mais que nous en
avons même le devoir dans les conditions actuelles.
M. le Président, ce que je voudrais surtout faire dans mon
intervention, c'est situer le droit de grève dans son contexte
historique et son contexte juridique. Le droit de grève est un droit,
comme l'a dit le député de Maisonneuve et à ce
point de vue je reconnais que la première partie de son intervention
n'était pas dénuée de valeur mais le droit de
grève s'est développé en conjonction avec le droit
d'association. Pardon?
M. BURNS: On n'est pas toujours dans les patates.
M. CHOQUETTE: Pas toujours. Le droit de grève s'est
développé en conjonction avec le droit d'association. Si on se
rappelle bien, au XIXe siècle, les employeurs ont fait des causes contre
des employés qui s'étaient groupés en association et qui
avaient fait des grèves et on a présenté ces causes en
vertu du code criminel. Plus tard la législation est venue
reconnaître aux travailleurs le droit de s'associer en syndicats, le
droit d'être reconnu par l'employeur et de négocier avec lui des
conditions de travail, et d'utiliser le moyen de pression, la grève,
pour amener l'employeur à signer l'accord, ou pour l'employeur
d'utiliser le lock-out pour inciter ses employés également
à reconnaître des conditions de travail. Ceci est le schéma
général du développement dans le secteur privé, et
si je dois reconnaître que le droit de grève est en
général lié au droit d'association, je ne peux pas dire la
même chose lorsqu'il s'agit du secteur public, lorsqu'il s'agit du
secteur parapublic. Parce que dans ce domaine-là, si on se reporte
à notre propre situation telle qu'elle prévalait il y a dix ans
ou quinze ans, nous avions dans le secteur public un régime où il
n'y avait pour ainsi dire aucune reconnaissance même d'association
du droit d'association parce que les fonctionnaires ne pouvaient pas
négocier une convention collective avec leur employeur, à
fortiori n'avaient-ils pas le droit de grève?
Dans le secteur de l'éducation, comme le sait le
député de Maisonneuve, et le secteur des hôpitaux, on avait
un régime de négociations donc on avait reconnu le droit
d'association des travailleurs mais on ne leur avait pas reconnu le
droit de grève et on avait remplacé ce droit de grève par
un arbitrage avec sentence obligatoire.
Or, il y eut, comme tout le monde le sait, vers les 1960, un mouvement
de remise en question de cette structure juridique s'appli-quant aux relations
de travail dans le secteur public et on est allé vers un droit de
grève limité au maintien des services essentiels, ce qui, en
passant, indique que le droit de grève n'est pas absolu, à mon
sens.
Alors, que s'est-il passé? Eh bien, on a assisté depuis
cette époque à la fusion de tous les employeurs dans les trois
grands secteurs que j'ai indiqués tout à l'heure. Tout d'abord,
l'Etat et ses employés ont été mis face à face par
la Loi de la fonction publique, adoptée en 1964. Et c'est la loi
même de la fonction publique qui accrédite le Syndicat des
fonctionnaires, et dans le secteur hospitalier, eh bien, c'est à la
faveur de la grève de 1966 que tout le secteur hospitalier a
été réuni sous un chapeau, sous une unité. Dans le
domaine de l'éducation, eh bien, c'est le bill 25 qui a réuni
tous les employeurs, commissions scolaires, avec l'Etat en un secteur.
Donc, l'Etat se trouvait devant trois secteurs dans le domaine public
qui avaient été fusionnés et où on reconnaissait le
droit de grève. De là, que s'est-il produit? Il s'est produit
qu'il y a eu le développement de ce front commun où les trois
unités syndicales se sont unies en une seule pour les fins de la
négociation des conditions dans le secteur public et, aujourd'hui, alors
qu'on insiste du côté du Parti québécois sur le fait
que le droit de grève serait un droit absolu,
on insiste dans des circonstances où le gouvernement est
obligé de faire face à la réunion conjointe de tous les
syndiqués du secteur public et du secteur parapublic. Je pense que le
Parti québécois dans son argumentation a perdu le sens des
proportions. Il insiste sur, en somme, le fait que le droit de grève
serait absolu, ce qui, à mon sens, n'est pas vrai, et il insiste dans
des conditions où le gouvernement du Québec est obligé de
négocier avec un ensemble extrêmement puissant par le nombre et
par les domaines dans lesquels ces travailleurs exercent leur activité
parce qu'il s'agit évidemment des domaines qui sont ceux des
nécessités de la société et de l'Etat. Ai-je besoin
à ce sujet de rappeler que sur le plan de la santé, sur le plan
de l'éducation, sur le plan gouvernemental même, ces domaines sont
clés?
Si la situation le justifie et compte tenu de ce que le droit de
grève n'est pas absolu et peut-être remplacé par d'autres
modes de règlement de conflit, l'intervention du gouvernement du
Québec et du Parlement vaut au plan juridique, au plan historique, et
elle se justifie par la situation que nous vivons à l'heure
actuelle.
Car ce n'est pas le droit de grève qui est le droit absolu,
à mon sens, c'est le droit de discuter et de trouver des conditions de
travail qui soient acceptables et convenables aux deux parties. Je serais bien
plus prêt de reconnaître un droit absolu à la
négociation et à la discussion, de reconnaître la valeur de
ce droit qu'un droit de grève.
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. CHOQUETTE: Non. A moins que le député me donne du
temps, mais je ne permets pas d'interruption.
M. BURNS: Bien, il vous reste cinq grosses minutes encore.
M. CHOQUETTE: Non.
Dans le secteur public, compte tenu qu'il ne s'agit pas exclusivement
des intérêts de l'employeur, et ceci saute aux yeux à mon
sens, il s'agit de l'intérêt des patients dans les
hôpitaux.
Il s'agit de l'intérêt des enfants dans les écoles.
Il s'agit de l'intérêt des citoyens comme administrés du
gouvernement. Alors s'agissant d'intérêts en somme de tiers par
rapport aux parties qui négocient, je dis qu'il est clair et
évident, que le droit d'arrêter toute activité dans ces
domaines ne peut en aucune circonstance avoir un caractère absolu.
C'est donc dire, M. le Président, que le bill 19 qui est
présenté devant cette Chambre, ne devrait pas prendre l'allure et
que ça n'est qu'une caricature de la part de nos amis d'en face, si on
tente de le faire passer, pour une loi matraque qui d'une part termine à
jamais le droit de grève, d'autre part qui terminerait toute
négociation et finalement, comme le disait le député de
Maisonneuve, tout à l'heure qui mettrait fin au syndicalisme dans la
fonction publique.
C'est une exagération monumentale...
M. BURNS: C'est ça qui va arriver, vous allez voir. Je fais une
petite prédiction, c'est ça qui va arriver.
M. CHOQUETTE: M. le Président, c'est une exagération
monumentale de la part du Parti québécois et peut-être de
certains autres députés d'autres partis qui ne voient pas en
somme le contexte général dans lequel tout cela se passe et qui
ne sont pas capables de percevoir que, dans le domaine des relations de
travail, les principes sont au minimum, qu'il s'agit, la plupart du temps,
d'interventions qui ont un caractère pratique. Ici, je m'adresse
secrètement à l'expérience du député de
Maisonneuve dans le domaine des relations de travail.
Le député de Maisonneuve sait très bien que, dans
le domaine du travail, ce n'est pas la place des grands principes, c'est la
question des solutions pratiques. C'est le monde des solutions pratiques.
M. BURNS: C'est justement pour ça que vous avez pris des
injonctions, je pense. C'est justement pour ça que vous avez pris des
ordonnances en vertu de la règle nisi. C'est pour ça que vous
avez fait mettre du monde en prison, je suppose. Est-ce pour ça?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. CHOQUETTE: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: ... je m'attendais pas à cette explosion du
député de Maisonneuve.
M. BURNS: II y a un gars qui vient de me parler des choses pratiques,
qu'est-ce que vous voulez?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ferais remarquer au député
de Maisonneuve...
M. CHOQUETTE: ... va se sentir bien mal vu.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Je crois que le
député de Maisonneuve fait actuellement ce qu'il reproche souvent
aux autres. A l'ordre!
M. BURNS: II vient de faire mettre du monde en prison là, pour
six mois, à partir d'hier.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je ferai mon devoir, ce n'est pas
le député de Maisonneuve qui va m'en empêcher.
M. BURNS: Venez parler de problèmes pratiques, là. On va
en parler de problèmes pratiques là actuellement. Parlons-en de
problèmes pratiques.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je rappelle à l'ordre le
député de Maisonneuve s'il vous plaît.
M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneuve est manifestement
ému à ce moment-ci et je lui...
M. BURNS: Non, parce qu'il y a des choses que je n'accepte pas qu'on
nous...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je rappelle à l'ordre une
deuxième fois le député de Maisonneuve.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je cherchais à expliquer
que, quand on fait, on examine la situation du point de vue du droit
d'association, du droit de négociation et du droit de grève ou de
"lock-out" ou de moyens de pression, on est devant des problèmes d'ordre
pratique et non des problèmes d'ordre théorique.
Et j'essayais d'expliquer au député de Maisonneuve que,
nous situant dans le monde du pratique, il fallait tenir en
considération les personnes qui sont les administrées des trois
secteurs, des secteurs public et parapublic, et qui ont eux besoin d'une
intervention de la part du gouvernement.
M. le Président, le député de Maisonneuve a
semblé exploser à l'égard de certaines actions judiciaires
qui ont été prises. Je ne ferai pas de commentaires, M. le
Président, excepté que les procédures qui ont
été engagées l'ont été légalement.
Elles n'ont eu que pour objet de faire respecter les lois, les tribunaux de
première instance se sont prononcés, des appels ont
été logés et, par conséquent, notre système
judiciaire résoudra ces problèmes et ceci à mon sens dans
le meilleur intérêt à la fois de la société
et des parties qui sont concernées.
Je conclus mon intervention en disant ceci: En nous situant donc devant
le problème tel qu'il nous a été décrit par nos
collègues principalement responsables des trois secteurs
intéressés, je ne vois pas comment le gouvernement peut se
croiser les mains et s'abstenir d'intervenir dans le conflit actuel, et au
moins commander le retour au travail à bref délai.
Il me semble que c'est là le devoir du gouvernement, et
même si ceci doit causer un problème de conscience à la
Chambre parce qu'il est exact que l'Etat est ici législateur et
employeur, ce dilemme, cette difficulté, ce problème de
conscience, doit néanmoins être résolu et dans le sens de
l'intérêt public. Et, actuellement, l'intérêt public
demande le retour au travail. Merci.
M. BURNS: M. le Président, en vertu de l'article 97, je voudrais
tout simplement rétablir des faits qui ont été mal
interprétés de la part du ministre de la Justice dans mon
intervention.
Le ministre de la Justice tente de me faire dire des choses que je n'ai
pas dites, c'est-à-dire que le droit de grève est absolu.
D'ailleurs, si je disais ça, ça voudrait dire que les policiers
provinciaux ont un droit de grève absolu. Je n'ai pas admis ça,
je pense. Nulle part dans mon intervention je n'ai dit ça. Même si
le gouvernement règle ce genre de grève de façon beaucoup
plus à l'amiable que le genre de grève que nous avons
actuellement, évidemment, c'est leur bouclier à ce maudit
système.
M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est une rectification ou un plaidoyer pour me
répondre?
M. LE PRESIDENT: Je crois que vous allez engendrer un nouveau
débat, ce qui n'est pas permis.
M. BURNS: Je n'irai pas plus loin, M. le Président, j'ai
parlé du bouclier du système. J'arrêterai d'en parler
immédiatement. Tout le monde sait que les policiers sont les boucliers
du système.
M. le Président, je veux tout simplement dire ceci: J'ai
été mal interprété dans ce sens que je trouve
absolument ahurissant de la part d'un gouvernement. C'est ce que j'ai dit. Je
répète ce que j'ai dit ou du moins le sens de ce que j'ai dit si
le ministre ne l'a pas compris. J'ai dit que le droit de grève dans la
fonction publique a été accordé par un gouvernement, que
des règles ont été posées c'est pour
ça que j'ai parlé de grève légale, peut-être
que le ministre ne comprend pas ça, j'ai parlé de grève
légale et...
M. CHOQUETTE: Vous êtes spaghetti comme votre chef, spaghetti
comme le député de Bourget.
M. BURNS: M. le Président, je dis tout simplement que ce droit de
grève dans les circonstances, je n'ai pas peur de le dire, est absolu.
Qu'on joue les règles du jeu, c'est ce que j'ai dit.
M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est absolu ou si ce n'est pas absolu?
M. BURNS: M. le Président, il y a des règles et elles sont
absolues tant que vous n'amenderez pas la loi et tant que vous n'aurez pas le
courage de le faire.
M. CHOQUETTE: Vous avez dit le contraire. Vous venez de vous contredire
en une phrase.
M. BURNS: Pas du tout! Pas du tout! M. CHOQUETTE: Mais oui!
M. BURNS: Je n'ai pas dit que le droit de grève en soi
l'était. J'ai dit que le droit de grève en ce qui concerne les
fonctionnaires est absolu tant que vous n'aurez pas le courage de venir devant
cette Chambre et d'amender ce droit de grève. Tant que vous n'aurez pas
le courage de dire à la population...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
DES VOIX: Vote!
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, juste un mot étant
donné que je suis le dernier à parler, comme droit de
réplique cela met fin au débat de deuxième lecture. J'ai
écouté depuis treize heures ou quatorze heures les discours
interminables des membres de l'Opposition. Tout ce que je puis dire, M. le
Président, c'est que je n'ai pas changé d'avis. Je suis quand
même surpris de voir l'attitude des membres du Parti
québécois parce que leur chef, ce matin, dans le Journal de
Montréal, dit qu'il y a 90 p.c. des citoyens qui sont d'accord pour un
projet de loi de retour au travail.
M. CHARRON: En vertu de l'article 97, est-ce que je peux rétablir
les faits?
DES VOIX: Vote! Vote!
UNE VOIX: C'est faux! Il affirme des faussetés.
M. CHARRON: Sur une question de privilège, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Question de privilège. A l'ordre!
Brièvement. Et vous allez me prouver qu'il s'agit de vos
privilèges.
UNE VOIX: II a menti à la Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Allez-y! Allez-y!
M. CHARRON: M. le Président, l'interprétation qu'a faite
le député de Mercier du texte publié ce matin est
erronée. Ce qui est contenu dans l'article c'est que
l'écoeurement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Quelle est la question de
privilège?
M. CHARRON: La question de privilège, M. le Président,
c'est d'avoir trompé la Chambre en disant que le chef du Parti
québécois avait réclamé 90 p.c. ... Ce qui est dit
dans le texte, c'est que l'écoeurement de la situation dont est aussi
responsable le gouvernement dont il se dit le chef, c'est ça les 90 p.c.
... les gens se trouvent...
M. BOURASSA: Je n'ai pas dit qu'il avait réclamé, j'ai dit
qu'il avait constaté que 90 p.c. de la population...
M. LESSARD: La crise d'octobre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Cette motion est-elle
adoptée?
M. BURNS: Nous demandons le vote enregistré, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont en
faveur de l'adoption de cette motion de deuxième lecture veuillent bien
se lever s'il vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy,
Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Harvey
(Jonquière), Simard (Richelieu), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond,
Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Cournoyer, Fournier, Goldbloom, Mailloux,
Cadieux, Arsenault, Coiteux, Vaillancourt, Vézina, Perreault, Brown,
Blank, Brisson, Saindon, Picard, Leduc, Fortier, Assad, Bacon, Berthiaume,
Caron, Carpentier, Cornellier, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde
(Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy,
Pelletier, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux, Loubier,
Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine,
Gagnon, Croisetière, Gauthier, Simard (Témiscouata), Audet.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever s'il vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Drolet,
Brochu, Béland, Guay, Laurin, Burns, Léger, Charron, Joron,
Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm).
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LE SECRETAIRE: Pour: 67. Contre: 15.
M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que le projet
de loi soit maintenant référé à la commission
plénière.
M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement.
Cela prend une motion, je pense.
M. LE PRESIDENT: Oui, oui, il y a une motion. Le leader parlementaire du
gouvernement propose que le projet de loi no 19 soit
envoyé en commission plénière. Cette motion
est-elle adoptée?
M. BURNS: M. le Président, elle n'est pas adoptée tout de
suite.
M. le Président, notre nouveau règlement
prévoit...
UNE VOIX: Ah!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS: M. le Président, s'il y en a qui sont fatigués,
vous pouvez leur dire d'aller se coucher et on va pouvoir parler entre
adultes.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, j'ai été bien gentil
jusqu'à maintenant, je n'ai ennuyé personne. Ce n'est
peut-être pas l'heure de son lever, ce n'est pas ma faute.
M. le Président, je veux tout simplement dire que, par notre
règlement, normalement, à moins qu'il y ait une motion comme
celle qui est devant nous actuellement, nous devons passer par la commission
parlementaire. Selon nous, l'étape normale serait l'étape normale
du règlement, c'est-à-dire celle de la commission parlementaire
parce qu'elle nous permettrait à ce moment-ci évidemment
le projet de loi en deuxième lecture a été adopté,
nous n'avons pas à revenir dessus mais ça nous permettrait
quand même, si la commission parlementaire avait lieu de pouvoir demander
aux parties, non pas mardi prochain, tel que le dit le projet de loi, mais
dès ce matin, de venir nous rencontrer. C'est ce pourquoi je me pose de
très sérieuses questions sur l'utilité de passer en
commission plénière plutôt qu'en commission parlementaire
de la Fonction publique comme normalement cela aurait dû être fait
en vertu de notre règlement.
Je vais simplement poser le problème: Est-ce que, encore une
fois, après plusieurs représentations de la part de toutes les
Oppositions, le gouvernement se refuse ce dernier recours avant que le projet
de loi soit adopté? Nous avons demandé la commission
parlementaire avant même qu'il soit question d'un projet de loi. Et
encore une fois, les trois partis de l'Opposition l'ont demandée. Nous
avons demandé, à la toute dernière limite, par un
amendement du député de Bellechasse, une suspension de quatre
heures pour rencontrer les parties. Cela nous a été
refusé, encore une fois. Et là, à ce moment-ci, selon la
procédure normale, on pourrait aller en commission parlementaire et
entendre les parties. Et, encore une fois, semble-t-il, c'est une autre voie
d'évitement que le gouvernement choisit. Quand nous disons et
nous nous posons tout haut la question est-ce que le gouvernement a
peur, avant l'adoption de sa loi, de faire face aux arguments des chefs syndi-
caux? De plus en plus, on commence à être convaincu que c'est dans
l'affirmative qu'on doit répondre à cette question.
M. le Président, je pose simplement le problème. Nous ne
ferons pas de longs débats là-dessus, mais nous
considérons que, véritablement, si dans le processus de
l'adoption de ce projet de loi on doit véritablement consulter avant,
mais non pas après, il me semble que c'est l'endroit idéal pour
consulter.
Pour paraphraser le député de Rouyn-Noranda qui est
très fort en dictons étrangers, lui parle de pompier, il
faut éteindre le feu d'abord je vais vous dire, M. le
Président: II ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du
bain! C'est ce qu'on est en train de faire: On vide le bain et on jette le
bébé avec! Cela ne me fait rien, mais c'est une question que je
me pose tout haut. Est-ce qu'on doit faire cela?
M. PAUL: M. le Président, s'il avait été possible
d'entendre les témoins à la commission parlementaire après
la deuxième lecture du projet de loi, nous aurions été
favorables à l'appui de la motion, de faire des remarques dans le
même sens que celles de l'honorable député de Maisonneuve.
Mais comme la référence à la commission parlementaire de
la Fonction publique n'aurait pour résultat et que pour champ de travail
que celui qui est déterminé par la commission
plénière de l'Assemblée nationale, je vous donne les
raisons pour lesquelles nous ne nous opposons pas à ce que le projet de
loi soit référé pour étude à la commission
plénière de la Chambre, de l'Assemblée.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Pour notre part, conscients de la situation, M. le
Président, nous ne pouvons pas endosser les propos des
préopinants qui nous ont précédés. Cependant, M. le
Président...
M. BOURASSA: ... pas dit la même chose.
M. LATULIPPE: ... nous ne croyons pas que cela changerait grand-chose
à l'heure actuelle.
M. BOURASSA: Ils n'ont pas dit la même chose.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Adopté.
Commission plénière
M. BLANK (président de la commission plénière): A
l'ordre, messieurs!
M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement, étant
donné que les règles spéciales
de procédure qui ont été adoptées nous
limite à trois heures de débats, en commission
plénière, sauf erreur, que vous confirmiez que c'est bien trois
heures?
Pour faire connaître immédiatement deux amendements que
nous avons à faire, ce sont les seuls d'ailleurs, j'aimerais tout
simplement les déposer, M. le Président, et en faire parvenir une
copie à chacun des chefs des partis. Ce sont des amendements concernant
l'article 5 et l'article 10 du projet de loi.
M. LE PRESIDENT: ... adopté.
M. BURNS: Non, une minute. M. le Président, est-ce que je peux
vous demander au départ, en toute bonne foi, étant donné
que nous sommes ici à l'arrière de vous à toutes fins
pratiques, que vous regardiez de notre côté avant de dire
adopté, d'accord?
M. LE PRESIDENT: D'accord. J'ai pensé que vous n'aviez aucune
objection...
M. BURNS: Non, j'ai des remarques à faire sur l'article 1.
M. LE PRESIDENT: D'accord. Vous avez la parole.
M. BURNS: Je peux les faire maintenant? M. le Président,...
M. LOUBIER: Si le député de Maisonneuve le permet, c'est
que nous avions exactement le même amendement à soumettre et nous
faisons nôtre celui qui le soumet, parce qu'il est absolument conforme
à ce que nous voulions entériner...
M. LE PRESIDENT: Lequel des deux?
M. BURNS: Ce seront des amendements, je n'ai aucune objection que l'on
puisse dire que ce sont des amendements...
M. PAUL: Oui, mais dans le 10 on va peut être vous rejoindre.
M. BURNS: Conjoint de l'Unité-Québec et du Parti
Québécois. C'est peut être cela l'unité. M. le
Président, sur l'article 1...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: L'article 1 c'est beaucoup plus, j'aimerais savoir, d'abord
à quel ministre. Est-ce que c'est au premier ministre ou au ministre des
Finances que je dois m'adresser ou au ministre du Travail que je vois sur les
premières banquettes pour cette discussion?
M. BOURASSA: Tout dépend de la question.
M. BURNS: Alors, je vais vous poser le problème tel qu'il se pose
à mon avis, c'est une question beaucoup plus qu'autre chose. Si je lis
à l'article 1, paragraphe a) la définition du salarié, je
ne vois nulle part les employés de l'Hydro-Québec, de la
Commission hydro-électrique du Québec, première
constatation. Deuxième constatation, c'est qu'à moins d'avoir mal
compris le ministre de la Fonction publique au cours des semaines qui ont
précédé, les employés de l'Hydro-Québec sont
considérés par le gouvernement comme des employés qui sont
liés par la politique salariale du gouvernement.
Est-ce que je vais trop vite? Je ne vais pas trop vite, M. le premier
ministre?
M. BOURASSA: L'Hydro-Québec n'est pas couverte par la loi.
M. BURNS: Bon, je fais peut être erreur, mais quand je lis la
définition du mot "salarié", je ne vois pas les employés
de l'Hydro-Québec et les employeurs eux sont définis par le
paragraphe b), lequel définit une personne, c'est-à-dire un
employeur est une personne qui emploie un salarié, donc qu'on se
réfère au paragraphe a). Donc, le paragraphe a) à mon avis
est le coeur de la définition du mot "salarié". Sauf erreur, je
n'ai pas vu et si j'ai mal lu ce texte-là, j'aimerais qu'on me
l'indique.
Ma première constatation, M. le ministre du Travail, c'est que je
pense que les employés de l'Hydro-Québec ne sont pas
désignés dans la définition du mot "salarié".
M. COURNOYER: C'est exact.
M. BURNS: S'ils ne sont pas définis, est-ce qu'on peut me
confirmer ou infirmer le fait qu'ils sont liés par la politique
salariale du gouvernement et une troisième question, parce que ces trois
questions sont liées ensemble, s'ils sont pris dans la politique
salariale, qu'est-ce qu'il advient d'eux à partir du moment de
l'adoption de cette loi-là et le côté pratique de cette
question-là a son application de la façon suivante. Ces
employés-là sont actuellement visés par une injonction qui
les empêche de faire la grève pour une période de 80
jours.
Or cette période-là c'est assez important qu'on le sache,
expire antérieurement encore une fois,sauf erreur, à la date
où le gouvernement aura le droit de décréter des
conditions de travail. Donc, est-ce qu'on doit dire immédiatement aux
employés de l'Hydro-Québec, qu'ils ne sont pas couverts par cette
loi et, soit dit en passant, je ne vous demande pas de les couvrir. Je suis
contre le principe de la loi qui vient d'être adoptée. On a
voté contre, etc.
Ce n'est pas dans ce sens-là. Je veux savoir quel sort ces
employés-là qui sont quand même un nombre dans les dizaines
de milliers d'employés la publicité dit 12,012 mais en
tout cas j'imagine que ça inclut les cadres mais il y
a quand même plusieurs milliers d'employés qui sont
visés à l'Hydro-Québec. Et comme à un moment
donné, pour une raison qui leur appartient à eux seuls, de
décider, ils ont décidé de se retirer du front commun,
à ce moment-là, semble-t-il, le gouvernement ne les voyant pas en
grève, les voyant respecter l'injonction, s'est dit: Ce ne sont pas des
employés des domaines public et parapublic et Dieu sait qu'en ce qui me
concerne, ce sont des employés du domaine au mo ins parapublic.
C'est une compagnie de la couronne, c'est une corporation de la
couronne. Au même titre d'ailleurs que la Société des
alcools du Québec. Et là je me pose des questions, comme sans
doute à l'heure actuelle, des employés de l'Hydro-Québec
se posent la question: Qu'est-ce qu'il advient de nous dans cette
situation-là? Est-ce qu'on devra leur dire qu'après l'expiration
des délais imposés par l'injonction qui les vise, ils devront
eux, de leur côté, repartir en grève, pour essayer, si
jamais ils ne sont pas satisfaits? Remarquez, s'ils sont satisfaits, tant
mieux, il n'y aura pas de problème. Ils vont signer une convention
collective, mais je parle du cas, je mets ça au pire. S'ils ne sont pas
satisfaits, est-ce qu'ils devront se mettre en grève? C'est important
pour eux, à ce moment-ci, de savoir quelle est l'opinion du gouvernement
concernant l'application quant à eux de la politique salariale,
c'est-à-dire qu'à mon humble avis, ce serait un
élément de décision ou un élément dont ils
devraient tenir compte dans leur décision de retourner en grève
s'ils sont insatisfaits, l'élément étant qu'ils sont ou
qu'ils ne sont pas couverts par la politique salariale. Je sais que le ministre
du Travail sait parfaitement ce que je veux dire quand je pose la question de
cette façon-là.
M. COURNOYER: Le ministre du Travail comprend parfaitement la question.
Ma première réponse, le ministre du Travail va répondre:
Non, ils ne sont absolument pas inclus dans le contexte de la loi
spéciale.
M. BURNS: D'accord.
M. COURNOYER: La raison n'est pas que l'Hydro-Québec et le
gouvernement n'ont pas de relations. Ils ne sont pas en grève. Il va de
soi qu'ils ne sont pas dans le bill 46 qui a été adopté et
le ministère de la Fonction publique n'a rien à voir avec eux
officiellement. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de conversation entre les
officiers du ministère de la Fonction publique et l'Hydro-Québec.
Je pense qu'il va de soi qu'il y en ait étant donné que c'est un
secteur public.
Quant à savoir s'ils sont liés par la politique salariale
du gouvernement, je viens de dire que le ministère de la Fonction
publique, n'ayant rien à dire officiellement dans les relations de
Travail à l'Hydro-Québec, je ne sache pas qu'une loi lie
l'Hydro-Québec aux politiques salariales du gouvernement.
M. BURNS: Mais je m'excuse d'insister sur ce problème-là,
parce que la réponse du ministre est évidemment très
habile, remarquez, très claire aussi. Je veux savoir. Ecoutez, ce ne
sont pas des farces que je fais. Je veux savoir, je vais vous la poser encore
plus clairement que ça, M. le ministre, la question.
Imaginons une situation, tout le problème du front commun
étant réglé, à un chiffre hypothétique,
disons pour ne choquer personne, à 8.5 p.c. Cela ne vise personne
là, 8.5 p.c. d'augmentation. Cela va? Bon. Les 8.5 p.c. s'appliquant aux
employés régis par les conventions collectives du front commun,
est-ce que les employés de l'Hydro-Québec formellement ou non
seront liées à ces fameux 8.5 p.c. d'augmentation si c'est
ça l'augmentation qu'on donne aux employés du front commun. C'est
rien que ça. Le ministre peut me dire facilement et je comprends qu'il
ne me ment pas quand il me dit ça.
Il peut me dire, quant à nous: C'est une affaire
complètement à part. Mais vous savez fort bien, M. le ministre,
M. le premier ministre surtout peut-être le premier ministre le
sait-il davantage que les emprunts de l'Hydro-Québec étant
garantis par le gouvernement québécois, il est bien
évident que le gouvernement québécois a un certain
intérêt sur ce qui se passe à l'Hydro. Le contraire ne
serait pas normal.
Si cet intérêt se traduit par une dictée même
occulte, c'est-à-dire non officielle, sans que le premier ministre ou le
ministre du Travail ou de la Fonction publique, dise officiellement: Vous ne
dépasserez pas les 8.5 p.c. que nous avons offerts à nos
employés, je veux savoir si en fait ces employés doivent savoir
qu'ils sont liés par ça et je vous demande de ne pas tourner
autour du pot. Je vous demande de répondre directement à la
question: Est-ce que l'Hydro-Québec est normalement ou virtuellement,
factuellement liée par l'offre qui sera faite...
M. BOURASSA: Légalement, non.
M. BURNS: C'est une réponse que je ne vais pas qualifier, mais
lé premier ministre sait fort bien que c'est une réponse qui ne
me satisfait pas. Légalement, c'est évident, nous écartons
ça. Maintenant, en dehors du terme légalement est-elle
lié?
M. BOURASSA: Pour nous, c'est la loi qui compte.
M. BURNS: Je ne le demande pas dans mon intérêt à
moi, je ne suis pas un employé de l'Hydro-Québec, et je ne le
serai probablement jamais, malheureusement, mais il y a des employés qui
se la posent, cette question. Il serait peut-être bon qu'à ce
stade-ci on y réponde sans faire des détours.
M. COURNOYER: Les négociations actuellement à
l'Hydro-Québec sont conduites par
l'Hydro-Québec. On sait fort bien que, déjà, la
formule de salaire est différente à l'Hydro-Québec,
l'offre de 6 p.c. pour 18 mois a été faite à
l'Hydro-Québec et 6 p.c. pour une deuxième période de 18
mois a été faite par l'Hydro-Qué-bec. Je sais que c'est un
arrangement différent de chiffres tandis qu'ici on parlait de 4.8 p.c,
4.8 p.c., 4.8 p.c. Il peut y avoir des modifications dont on a parlé
récemment. Il est donc clair que, quand on parle de chiffres dans
l'absolu comme ça, qu'il n'y a pas de liaison ou d'autorité
morale du gouvernement sur l'Hydro-Québec, sur l'aménagement des
sommes d'argent qu'elle s'approprie.
M. BURNS: Je vais vous poser une question suggestive. Je pense que c'est
permis ici, des questions suggestives. Dois-je comprendre que quelles que
soient les offres qui seront faites par l'Hydro-Québec, sur le plan
monétaire à ses employés, le gouvernement n'interviendra
pas?
M. COURNOYER: Allez donc comprendre ça!
M. BURNS: C'est-à-dire que je dois comprendre le contraire.
M. BOURASSA: Pas tout à fait.
M. BURNS: Dois-je comprendre que toute offre... Ecoutez, je n'essaie pas
de faire le fin avec vous autres, je pense que c'est plutôt vous autres
qui essayez de faire les fins avec moi. Moi, j'essaie d'avoir une
réponse la plus précise possible. Je vais inverser ma question.
Dois-je comprendre que toute offre qui sera faite par l'Hydro-Québec
sera au moins visée ou examinée par le gouvernement quant
à la recevabilité, quant à son veto.
M. BOURASSA: II y a des relations assez étroites entre
l'Hydro-Québec et le gouvernement, ç'a toujours existé. Je
suppose que l'Hydro-Québec...
M. BURNS: Pourquoi ne le dites-vous pas clairement, M. le premier
ministre, que vous allez dire à l'Hydro: Non, n'offre pas ce
montant-là, parce que ça va nous fourrer sur notre politique
salariale.
M. BOURASSA: L'autonomie de l'Hydro-Québec, j'ai
déjà dit à plusieurs reprises que je la respectais, mais
il est clair qu'il doit quand même y avoir un minimum de
cohérence. C'est pourquoi il y a eu un rétrécissement
depuis quelques années, entre l'ensemble des institutions d'Etat, et
l'autonomie de l'Hydro-Québec demeure.
M. BURNS: II y a véritablement une relation entre la politique
salariale du gouvernement et ce qui pourra être offert à
l'Hydro-Québec. C'est ça que je dois comprendre.
M. BOURASSA: Une certaine relation.
M. COURNOYER: II faut tenir pour acquis qu'il y a une influence de la
politique salariale gouvernementale sur les politiques salariales de
l'Hydro.
M. BURNS: Très importante.
M. COURNOYER: J'ai dit hier: une influence dépendant des
circonstances.
M. BURNS: Cela a pris du temps, mais je pense que j'ai eu ma
réponse.
M. LE PRESIDENT: Article 1 a); adopté, b)?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai des petits amendements peu
importants: insérer dans la neuvième ligne du paragraphe a),
avant le mot "ou", ce qui suit: "des services communautaires hospitaliers de
Québec". Ce ne sont pas des amendements importants: insérer dans
la première ligne du paragraphe c), après le mot "association",
le mot "accréditée".
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce à l'article 1?
M. BOURASSA: Article 1 a).
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, ce serait une
information que je voudrais demander au ministre du Travail.
M. BOURASSA: Vous avez la liste? M. BURNS: Oui, oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Dans le projet de loi, vous avez ici,
section 1, interprétation on dit: dans la présente loi, à
moins que le contexte n'indique un sens différent, les mots et
expressions suivants signifient, et là vous avez la définition du
mot salarié. Et un salarié au sens du code du Travail qui est
dans l'article a) on parle des employés d'hôpitaux, des
employés des services sociaux, des centres d'accueil, de la fonction
publique au sens de la Loi de la fonction publique.
Actuellement, les employés de la Voirie sont en grève.
Où trouvez-vous ici dans cet article-là, un libellé ou
quelque chose qui inclut les employés de la Voirie. Où sont-ils
dans la définition du mot salarié ici?
M. COURNOYER: Dans la Loi de la fonction publique.
M. LE PRESIDENT: Article 1 adopté tel qu'amendé. Article
b).
M. BOURASSA: L'article 1 est adopté, je pense, avec les
amendements. Est-ce que le
député de Beauce a des amendements à faire sur
l'article 1? L'article 1 est adopté.
M. ROY (Beauce): Article 1, ça va.
M. BOURASSA: Avec les deux amendements mineurs.
M. LE PRESIDENT: Article 2.
M. VINCENT: M. le Président, à l'article 2, j'aurais une
question à poser au premier ministre, question peut-être
hypothétique mais qui touche tout de même une situation qui
pourrait se produire. Supposons que quelqu'un employé d'hôpital
serait parti hier midi pour la fin de semaine, qu'il reviendrait lundi ou mardi
ne sachant pas ce qui se passe.
M. BOURASSA: C'est écrit: "aux conditions habituelles".
M. VINCENT: Oui, mais...
M. PAUL: Ce n'est pas habituel.
M. VINCENT: Parce que, si je me souviens bien, quand nous avions
adopté la loi forçant les médecins à revenir au
travail, nous avions à ce moment-là fait une exception.
M. BOURASSA: Suivant les chiffres ou les cadres?
M. VINCENT: Oui, mais supposons par exemple que cette personne-là
serait partie hier midi, dans ses fonctions ordinaires, elle aurait dû
travailler dans un hôpital, samedi, mais que pour une raison ou pour une
autre, elle n'est pas au courant, elle n'a pas entendu parler qu'il y a
grève.
Elle est partie quelque part là...
M. BOURASSA: Mauvaise foi. Je ne vois pas de problème, mais il
faudrait quand même que l'employeur soit drôlement...
M. PAUL: Elle est exposée quand même à des
sanctions.
M. VINCENT: Elle est exposée, parce qu'en vertu de
l'article...
M. PAUL: Elle sera au moins sujette à l'enquête.
M. VINCENT: Parce qu'en vertu de l'article 11 c'est en vertu de
l'article 16, c'est ça. Non je demanderais simplement de
vérifier ce...
M. BOURASSA: Mais il n'y a pas, j'en discute avec le ministre des
Affaires sociales qui disons qui est particulièrement impliqué
dans le cas du secteur hospitalier, puis disons...
M. CASTONGUAY: Bien je peux, M. le Président, indiquer que, dans
le cas des médecins, il ne s'agit pas de travailleurs salariés ni
de travailleurs non salariés qui n'ont pas respecté des heures de
travail.
M. VINCENT: C'est parce que quand nous avions adopté une loi
spéciale pour demander aux médecins le retour au travail, c'est
à ce moment-là que nous avions également soulevé la
possibilité, si un médecin était absent, à
l'extérieur du pays, et qu'il ne pouvait pas physiquement se
présenter à minuit ou à telle heure du jour, nous avions
stipulé une exemption pour éviter que ce médecin soit
accusé d'avoir enfreint un article de la loi.
M. CASTONGUAY: Oui, mais il y avait et j'y viens, M. le
Président une différence assez marquée dans ce cas,
et si vous vous souvenez, nous avions demandé que le retour au travail
s'effectue le lundi. Nous avions aussi donné une définition de ce
que constituait l'exercice habituel de leur profession et c'est la raison pour
laquelle aussi nous avions dû aller dans ce type de dispositions, par ce
que la définition de ce constitue l'exercice habituel de leur occupation
ou de leur profession aurait pu placer dans une situation embêtante, ceux
qui au moment de la mise en vigueur de la loi auraient pu à ce
moment-là se retrouver à l'extérieur du pays ou du
Québec, alors qu'ici ce sont des salariés qui sont liés
par un contrat de travail et qui doivent en vertu de ce contrat de travail,
répondre aux conditions stipulées dans ce contrat.
Maintenant, j'imagine et là je déborde les
interprétations, je ne suis pas en mesure d'entrer dans ce type
d'interprétations qu'il serait intéressant de
connaître un spécialiste des relations de travail ou quelqu'un qui
a de meilleures connaisances juridiques que les miennes, si on
interprète de façon stricte ce type de dispositions.
M. PAUL: M. le Président, le ministre des Affaires sociales est
assez honnête pour dire que, sur ce domaine-là, il n'ose pas se
prononcer. Il peut arriver qu'une personne doive faire face à une
plainte, nul ne peut ignorer la loi, et s'il se présente devant le
juge...
M. BOURASSA: Je m'excuse, c'est seulement le Procureur
général qui peut poursuivre en vertu de l'article 5.
M. PAUL: On sait comment ça se présente. Au point de vue
pratique, M. le Président, on sait comment ces plaintes-là sont
portées. Je ne veux pas blâmer le processus de plaintes de la part
des procureurs de la couronne, mais il arrivera, M. le Président, qu'un
individu sera devant les tribunaux et il ne pourra invoquer comme
défense: J'ignorais la loi. Et à ce moment-là, il devra
nécessairement retenir les
services d'un avocat, parce qu'il n'y a pas de juge qui accepterait ce
plaidoyer qui en fait n'en serait pas un.
Alors, c'est ce point qu'a soulevé à bon droit le
député de Nicolet et je me demande si le premier ministre, avec
toute la batterie d'experts qu'il a avec lui dans le moment, ne consentirait
pas à ce que ce...
M. BOURASSA: De bons experts.
M. PAUL: ... C'est clair, ils ont travaillé pour nous avant.
Alors, ce n'est pas difficile de travailler pour vous maintenant.
L'expérience acquise...
M. BOURASSA: Vous nous faites peur, là.
M. PAUL: ... avec le peu d'efficacité que vous avez, ce n'est pas
une grosse tâche pour eux. D'ailleurs, M. le Président, je
m'excuse, le premier ministre m'a fait dire des choses que je pensais, que je
ne voulais pas dire, mais que je suis heureux d'avoir dites.
Alors, c'est là le problème. Sûrement, le ministre
du Travail M. le conseiller Chouinard, M. Bolduc, M. Héroux, pardon,
pourra certainement suggérer au premier ministre et, là, il ne
comprendra rien, mais je suis sûr qu'il peut facilement transmettre les
informations que pourront lui communiquer ses conseillers juridiques.
Qu'on suspende, M. le Président. Peut-être que nous faisons
erreur, nous faisons confiance beaucoup plus aux conseillers du premier
ministre en la matière, qu'au premier ministre lui-même.
M. BOURASSA: Bien, c'est évident que c'est une question
technique. On peut parler de finances publiques, ce serait
différent.
M. PAUL: M. le Président, j'ai été, je n'ai rien
enlevé au premier ministre. Je lui ai dit en ce domaine.
M. BOURASSA: D'accord.
M. PAUL: II ne peut pas être polyvalent.
M. BOURASSA: Moi, je fais plus confiance également en ce domaine
au leader parlementaire. C'est pourquoi je vais accepter...
M. PAUL: Je n'ose pas, M. le Président, parce que ça nous
arrive bien des fois, de faire d'excellentes suggestions au premier ministre.
Il ne les accepte pas. Il est obligé...
M. BOURASSA: Oui, oui.
M. PAUL: ... de nourrir le remords pendant des mois de temps.
M. BOURASSA: J'ai M. Cournoyer qui me suggère d'ajouter... Vous
l'aviez oublié tantôt parmi mes experts.
M. PAUL: Ah non! c'est le premier que j'ai salué. La
hiérarchie des valeurs, M. le Président, c'est un ministre, vous
avez le secrétaire du conseil exécutif, vous avez un
spécialiste en la personne de M. Rioux, c'est pour cela que j'ai dit:
une batterie d'experts.
UNE VOIX: II avait quand même mentionné tous ceux qui
avaient pris de l'expérience chez nous.
M. BOURASSA: ...ajouter: "à moins d'impossibilité dont la
preuve lui incombe".
M. VINCENT: Cela, c'est beaucoup mieux.
M. PAUL: Ce n'est pas encore trop trop beau, mais c'est plus facile.
M. BOURASSA: Bon d'accord. Article deux adopté? "à moins
d'impossibilité dont la preuve lui incombe". Trois?
M. LE PRESIDENT: Trois? M. BOURASSA: Adopté.
M.PAUL: Un instant, vous êtes rendus à quoi?
M. BOURASSA: Trois, pas d'amendement? Le député de Beauce
n'a pas d'amendement?
M. ROY (Beauce): Pas d'amendement.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Quatre? Adopté. A cinq, il y a un
amendement?
M. BURNS: M. le Président, l'amendement que je désire
proposer à l'article cinq, apparemment, qu'il est conjointement fait par
l'Unité-Québec et notre groupe...
M. PAUL: Pas cela.
M. BURNS: Moi, je pensais que cela pouvait vous aider. Cet amendement
est à l'effet suivant que l'article cinq soit modifié en ajoutant
la fin de la phrase à la fin de la phrase suivante. Toutefois ces
conditions doivent, quant aux salaires, inclure les dernières offres
patronales. M. le Président, je veux très brièvement
expliquer le sens de cet amendement. L'article cinq dit que jusqu'à ce
que les conditions de travail des salariés auront été
établies suivant la loi ou le décret suivant le cas, en vertu de
la loi cela peut être fait soit par une espèce de médiation
par l'entremise d'une commission parlementaire ou s'il n'y a pas d'entente par
le décret éventuellement, les salariés ainsi que leurs
employeurs dans ces cas-là et jusqu'à ce que cela arrive sont
liés par des conditions de travail
prévues aux dernières conventions collectives qui leur
étaient applicables, alors. M. le Président, nous savons
actuellement, à la suite des déclarations ministérielles
du ministre de la Fonction publique entre autres, du premier ministre aussi,
que des offres monétaires ont été faites à ces
employés-là. Je me dis ceci et je résonne tout haut en
disant: Cette loi est déjà suffisamment vexatoire à
l'égard des employés qui sont visés,
c'est-à-dire...
M. BOURASSA: C'est un point de vue...
M. BURNS: ... écoutez, elle est adoptée. Je ne discute pas
du problème, je dis...
M. BOURASSA: ... parce qu'ils perdent de l'argent tous les jours avec la
grève.
M. BURNS: ... je précède... Oui, ils perdent de l'argent,
mais c'est quand même eux qui ont décidé cela par un vote,
on n'entrera pas là-dedans. Mais, c'est quand même un vote
qu'eux-mêmes ont pris. Jusqu'à maintenant, le gouvernement ne nous
a pas prouvés que ce vote-là n'était pas libre et
volontaire.
M. BOURASSA: Non, mais un vote sui generis. D'accord.
M. BURNS: En tout cas, peu importe, moi cela ne me fait rien. Je peux
entrer dans ce débat, mais je n'ai pas l'intention...
M. BOURASSA: Non, non, il est 11 heures moins quart.
M. BURNS: ... je n'ai pas l'intention de le faire. Je sais. On va
prendre le temps, même si on a bousculé les choses, mais, je me
place dans les souliers d'un de ces employés-là qui a
déjà, jusqu'à un certain point, si vous me passez
l'expression, investi quelques jours de grève, au-delà d'une
semaine de grève, bientôt deux semaines de grève et qu'on
lui dise, alors qu'il en avait le droit de poser le geste et encore une
fois je ne reviens pas sur le principe il avait le droit de le poser, ce
geste. L'Assemblée nationale, elle, décide de le forcer à
retourner au travail. Mais, il me semble que c'est un minimum décent de
lui donner au moins, quitte à ne pas le lier à cela, puisqu'il va
y avoir d'autres négociations, puisqu'il va y avoir d'autres processus
qui vont l'amener à une décision ou à une convention
collective finale, mais qu'on ne le lie pas à ce qui existait avant,
mais qu'on lui donne au moins ce qui lui est offert. A moins que le
gouvernement nous dise qu'au cours de ce processus-là il changerait
d'idée, et il voudrait le diminuer mais je pense que ce n'est pas du
tout l'intention du gouvernement, ce serait de l'aberration complète que
d'avoir une approche comme celle-là. Parce que cela veut dire que
là, véritablement, on veut provoquer les gens. Alors, comme ce
n'est pas l'inten- tion du gouvernement de provoquer les gens, je pense que
cela lui est très facile d'accepter que les offres qui sont faites
actuellement sur le plan salarial soient au moins appliquées au moment
du retour au travail. Et là-dessus, le gouvernement...
M. BOURASSA: Est-ce que le député voudrait
répéter sa question juste précisément, parce
que...
M. BURNS: Je me dis que ce n'est sûrement pas la question. La
question, c'est que ça n'est sûrement pas, c'était
plutôt une constatation, parce que j'accorde un minimum d'intelligence
à ce gouvernement.
M. BOURASSA: C'est réciproque.
M. BURNS: Non, non, ce n'est pas méchamment que je dis ça,
mais je dis que...
M. DEMERS: Vous êtes généreux, tout de
même.
M. BURNS: ... n'importe quel gouvernement, n'importe quel employeur,
prendrait une attitude qui dirait bien maintenant que la grève est
réglée, en l'occurrence par la force, bien au moins je vais
partir les employés aux offres que je leur avais effectivement faites et
je m'apprêtais à dire, et c'est important je pense que le premier
ministre écoute ça, parce qu'il n'était peut-être
pas au fait de ce problème-là.
C'est qu'il y a des précédents qui existent. Le
gouvernement de M. Johnson en 1967 avait réglé le retour au
travail, par une loi semblable, par un bill qui s'appelait bill 1, Loi assurant
les services de transport...
M. PAUL: Le 20 octobre 1967.
M. BURNS: ... le 20 octobre. A ce moment-là, nous étions
dans des fonctions différentes, Le député de
Maskinongé et moi-même, mais...
M. PAUL: Vous m'avez fait perdre un voyage en Afrique.
M. BURNS: ... nous étions quand même concernés, par
ce problème-là. Or, dans cette loi je n'ai malheureusement
pas la référence aux Statuts refondus mais je pense qu'il
y a suffisamment de personnes en Chambre ici qui étaient là
à ce moment-là, pour confirmer qu'au moins les ententes qui
étaient faites devaient être considérées comme
existantes ou comme amendant les conventions collectives telles qu'on tente de
les perpétuer par l'article 5.
Vous avez eu également, et là je n'irai pas tellement loin
parce que je ne suis pas tellement certain mais il me semble que
dans le cas du bill 38, forçant le retour au travail des employés
de la construction, sauf erreur, on faisait la même chose. On assurait un
minimum
d'entente qui était déjà faites. Alors, au moins,
les employés retournaient au travail, avec quelque chose de mieux qu'une
ancienne convention. Et l'argument, quand je dis que c'est vexatoire, ce n'est
pas de façon péjorative que je le dis. Je pourrais pleurer
pendant des heures sur le principe qui est déjà adopté. Je
n'ai plus à revenir là-dessus, mais il y a une chose quand
même qui est importante, c'est que cette loi-là impose des
obligations et aux syndiqués et aux syndicats et aux centrales
syndicales, en plus de les amputer d'un de leurs droits, qui s'appelle le droit
de grève. Et on dit: A l'avenir, vous allez...
M. BOURASSA: Pour la durée de la convention collective.
M. BURNS: Pour la durée de la convention d'accord.
M. BOURASSA: II faut être précis.
M. BURNS: H ne faut pas partir en peur, là-dessus. Je veux qu'on
en discute justement dans une atmosphère sereine. Alors, je dis comment
accepterions nous, de forcer ces salariés à retourner au travail,
sans au moins leur donner parce que là ce serait vraiment jouer
au chat et à la souris sans au moins leur donner ce que le
gouvernement leur a déjà offert, qui est quelque chose de tout
à fait normal, à mon avis. Qu'on leur dise: Vous retournez au
travail on vous avait offert je ne sais pas moi de 4.5 p.c. à 5
p.c. et quelques fractions et vous retournez au travail avec ça. Je ne
vois pas pourquoi ça ne se ferait pas.
M. BOURASSA: Je n'ai pas entendu l'amendement du député de
Maisonneuve. Je pense...
M. BURNS: Je peux la répéter, M. le Président.
Est-ce que je peux la répéter?
M. BOURASSA: Je sais j'en ai discuté tantôt avec les
députés, sauf le Ralliement créditiste, mais ils doivent
être d'accord sur ça.
M. BURNS: On dit tout simplement que ces conditions...
M. ROY (Beauce): Avec quoi?
M. BURNS: On dit tout simplement... Soit dit en passant, j'ai remis des
copies au premier ministre, au début je pense...
UNE VOIX: Avez-vous suivi le débat?
M. BURNS: ... à tous les représentants de partis et
ça dit tout simplement que ces conditions de travail doivent, quant au
salaire, inclure les dernières offres patronales. C'est exactement ce
que je viens de dire. Si vous avez offert 4.8 p.c. d'augmentation, pour la
première année, bien ça devrait être inclus à
leur retour au travail.
M. BOURASSA: C'est clair qu'ils vont l'avoir. Il n'est pas question,
avant même que ça soit dans le projet de loi.
DES VOIX: Ce n'est pas dans la loi.
M. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer? Durant même la
rédaction du projet de loi, j'ai demandé si ce n'était pas
possible de faire un tel geste qui m'apparaissait normal et légitime, et
on m'a expliqué que c'était extrêmement complexe, qu'on
ferait tout... J'ai demandé qu'on mette tout en oeuvre pour essayer de
le faire, mais que c'était extrêmement complexe, qu'il y avait 600
échelles de salaire. Je ne sais pas si c'est exactement le cas, mais
j'ai demandé qu'on fasse le nécessaire pour que, le plus
tôt possible, les gens puissent bénéficier de cette
rétroactivité. D'ailleurs, on reprend la question à
l'article 10.
M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de
Maskinongé. Le problème que nous allons discuter à
l'article 10 n'est pas du tout il y a une nuance le même
cas. On s'attaque strictement au cas du problème salarial.
M. BOURASSA: Du "timing". Si je comprends bien, dans l'article 5, c'est
le "timing". Est-ce qu'on attend le décret ou est-ce qu'on le fait tout
de suite?
M. BURNS: Non, ce n'est pas tellement ça, M. le Président.
Ce que nous disons à l'article 5, tel que rédigé
actuellement, c'est les employés de la fonction publique retournent au
travail, avec ce qu'ils avaient, lors de l'expiration de leur convention
collective. C'est ça qu'on dit. Mais, nous, on veut tout simplement
ajouter ceci. C'est bon...
M. BOURASSA: Bien oui, mais on l'a fait.
M. BURNS: ... ça, gardez leur leur convention collective puisque
vous les retournez au travail, mais en plus au moins donnez leur au point de
vue salarial ce que vous leur avez offert jusqu'à maintenant.
M. BOURASSA: Si ce n'est pas une question de "timing", de temps. Moi je
croyais qu'il y avait un élément de ne pas attendre en juin et
j'ai donné instruction pour qu'on le fasse le plus tôt possible,
qu'on donne la rétroactivité. Si ce n'est pas une question de
temps, si c'est une question tout à fait légitime et normale
d'inclure ce qui a déjà été offert, il n'y a
personne à l'Assemblée nationale qui va être opposé
à ça, puis le chef du gouvernement le premier.
J'ai dit que l'article 10, qu'on a discuté tantôt, sur une
base privée, l'article 10 tient compte de cela, le décret doit
tenir compte.
M. BURNS: L'article 10 traite des choses qui vont le dire
postérieurement, M. le premier
ministre. C'est assez différent. Là, on règle la
situation lors du retour au travail. Si on lit bien l'article 5 je
n'insiste pas de façon inutile là-dessus mais le texte ne
dit pas ce que le premier ministre vient de nous annoncer. Il dit que,
jusqu'à ce que les conditions de travail des salariés aient
été établies suivant la loi, ou par décret suivant
l'article 10, ce qui est bien différent là. Vous avez deux choses
tout à fait différentes, les salariés ainsi que les
employeurs sont liés par les conditions de travail prévues aux
dernières conventions collectives qui leur étaient
applicables.
Alors, en somme, si moi je suis sorti en grève comme
employé du secteur public, avec un salaire de $83 par semaine, ce que
ça veut dire dans le fond, sur le plan salarial, c'est que je retourne
au travail avec $83 par semaine et non pas avec $83 augmentés de 5.5
p.c, tel que l'offre a été faite par le gouvernement.
M. BOURASSA: M. le Président, ce que je dis, c'est que et
je l'ai expliqué pour des raisons pratiques et techniques mes
conseillers pourront donner, c'est impossible de le faire tout de suite, mais
j'ai demandé de faire l'impossible pour que ce soit
réalisé le plus tôt possible.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais essayer, dans des mots
simples, de faire comprendre au premier ministre, la portée de
l'amendement proposé par le député de Maisonneuve. Quant
à nous, nous avions un amendement qui se serait lu comme suit: "Ces
conditions de travail étant modifiées dans les dernières
offres patronales", nous rejoignons, nous acceptons le texte de l'amendement
proposé par le député de Maisonneuve.
M. le Président, qu'on le veuille ou non, l'entrée en
vigueur de cette loi va frustrer des gens, des salariés, des
syndiqués. Il faut tout faire, prendre tous les moyens.
M. BOURASSA: C'est ça qu'on fait. Le député est au
courant qu'actuellement les bureaux sont...
M. PAUL: Le premier ministre, il y a peut-être cinq minutes, nous
avait invités à lui donner la chance de compléter son
argumentation, j'espère que le premier ministre voudra bien me laisser
compléter.
Il y a des gens qui vont être frustrés s'ils sont
légalement obligés de retourner au travail et que, d'un autre
côté, ils reçoivent et j'espère que cette
nouvelle sera démentie ou que l'attitude sera modifiée de la part
des chefs syndicaux une invitation de ne pas retourner au travail. Le
premier ministre ne conviendrait-il pas qu'il sera plus facile, pour les
syndiqués, pour les travailleurs, de retourner au travail avec
l'assurance qu'ils recevront au moins ce qui était contenu dans les
dernières offres patronales ou du gouvernement?
Cela n'amène aucun déboursé d'argent
immédiatement de la part du gouvernement.
M. BOURASSA: Ce n'est pas ça qui est en cause. Si le
député peut me permettre bien amicalement, c'est qu'actuellement,
depuis dix jours, les bureaux sont fermés et les ordinateurs ne
fonctionnent pas.
M. PAUL: Ce n'est pas ça.
M. BOURASSA: Bien oui, mais...
M. PAUL: Nous ne voulons pas, nous ne demandons pas...
M. LESSARD: C'est une question de principe.
M. PAUL: ... que les employés soient payés
rétroactivement depuis le 28 mars en théorie, je crois. A toutes
fins pratiques, c'est peut-être le 1er avril, nous demandons tout
simplement que le principe ou l'augmentation de salaire, les dernières
offres gouvernementales soient garanties dans un texte.
Il va de soi, M. le Président, que c'est impossible de payer dans
un délai de dix, quinze jours, trois semaines, peut-être un mois,
cette rétroactivité qui d'ailleurs peut être appelée
à être modifiée suivant le résultat des
dernières négociations qui auront lieu. H faut, M. le
Président, prendre tous les moyens.
M. BOURASSA: L'article 10 prévoit ça.
M. PAUL: Non, M. le Président, ce n'est pas ça que
l'article 10 dit. Nous voulons tout simplement une garantie écrite,
à l'endroit des employés qu'ils retireront, qu'ils seront
assurés de retirer au moins en augmentation de salaire, ce que le
gouvernement a offert par ses dernières offres. C'est ça que l'on
demande au chef du gouvernement et au gouvernement. Nous ne demandons pas le
paiement immédiat et les employés vont facilement
comprendre M. le Président, ils vont espérer que les
négociations qui vont résulter, nous le souhaitons, de la
rencontre devant la commission parlementaire, vont déboucher sur une
entente finale.
Il serait regrettable, que ce soit le lieutenant-gouverneur en conseil
qui impose un décret. Nous regretterions je comprends que c'est
compris dans la loi, c'est stipulé dans la loi mais nous
souhaitons tous, que les négociations finissent par la signature d'une
convention collective volontaire de la part des parties contractantes. Mais
nous voulons, M. le Président, que les ouvriers quels qu'ils soient, les
salariés au sens de la définition de la loi, retournent au
travail demain matin, avec l'assurance de recevoir au moins une augmentation de
salaire équivalente aux dernières offres patronales ou
gouvernementales. C'est ça, la portée de la motion d'amendement
proposée par le
député de Maisonneuve et que nous avions, nous aussi,
l'intention de soumettre au gouvernement.
Nous ne demandons pas le paiement rétroactif dans un délai
x, nous demandons tout simplement la consécration écrite d'un
principe qui est celui d'une augmentation de salaire équivalente
à au moins celle qui fut offerte par le gouvernement dans ses
dernières offres.
M. ROY (Beauce): Avant que le premier ministre réponde à
cette demande, étant donné qu'il a demandé tout à
l'heure si nous serions d'accord, je pense qu'il est tout simplement
élémentaire, tout à fait normal, que le gouvernement nous
donne cette garantie. Nous n'avions pas préparé d'amendement
à l'article 5, mais nous voulions justement souligner ce point à
l'article 10, parce qu'à la fin de l'article 10, dernier paragraphe, ce
décret doit tenir compte des dernières offres patronales.
Alors, on ne dit pas, dans ce dernier paragraphe, si le gouvernement
s'engage à garantir au moins les dernières offres patronales. On
dit tout simplement que le gouvernement doit tenir compte... Jusqu'à
quel point on doit en tenir compte? Sur ce point, M. le Président, nous
sommes entièrement d'accord avec cette proposition. Nous estimons que le
gouvernement devrait justement, avant l'adoption de cet article, donner
l'assurance que les fonctionnaires publics ou encore dans le secteur
parapublic, sachent au moins qu'avec l'adoption de cette loi matraque, qu'au
moins ils retournent au travail avec de meilleures conditions de travail que
celles qu'ils avaient.
M. GARNEAU: M. le Président, le premier ministre a indiqué
tout à l'heure que lorsque nous avons travaillé à la
rédaction de ce projet de loi, nous avions tenté de trouver une
formule juridique qui pourrait traduire le principe qui est mis de l'avant par
les différents partis de l'Opposition.
Evidemment, les membres du gouvernement et les députés de
ce côté-ci de la Chambre ne sont pas complètement
imbéciles, non plus. Nous savons bien qu'il serait
préférable, si nous pouvions sur le plan juridique trouver une
formule qui couvre...
M. DEMERS: Ce sont des génies en liberté!
M. GARNEAU: ... exactement le point que vous voulez trouver. Je ne suis
pas un expert en législation, mais il y a des experts en
législation ici, qui connaissent la technique législative et qui
connaissent également la complexité de bien définir ce que
sera, dans chacune des échelles de salaire, l'application de l'offre
monétaire qui a été faite, parce que ç'avait
été une offre globale qui avait également des
contre-propositions, ou un préambule et qui peut être
interprétée évidemment après négociation,
pour être bien définie d'une façon précise, ce que
signifie, par exemple, pour l'agent de bureau échelon 3, grade 2, je ne
le sais pas, l'application dans ce cas-là de la politique salariale.
Et, si nous avions été capables de trouver une formule
juridique pour bien traduire ça, nous l'aurions fait avec plaisir, parce
que c'est ça que nous voulons faire. C'est ça que nous voulons,
parce que les offres monétaires que nous avons faites d'une façon
globale, parce que nous en étions à la table centrale, nous ne
les avons pas faites pour le plaisir de la chose, nous étions conscients
que c'était à l'intérieur du mandat monétaire qui
avait été donné par le Conseil du trésor et le
conseil des ministres à nos négociateurs. C'était compris
dans les prévisions de dépenses que nous avions
déposées à l'Assemblée nationale le 16 mars
dernier. C'est donc dire que sur le plan de l'engagement moral, cet
engagement-là il est total et nous aurions aimé encore une fois
pouvoir l'inclure dans le projet de loi, mais encore là j'ai envie de
reposer la question à M. Chouinard. Y a-t-il moyen de trouver une
formule juridique qui nous couvre? Il me dit non. J'ai demandé tout
à l'heure à M. Bolduc: Y a-t-il moyen de trouver une façon
de décrire ça dans la loi, pour être bien certain que ce ne
soit pas une source de conflit puis de discussions inutiles par la suite? C'est
là qu'est le problème, mais le premier ministre l'a dit tout
à l'heure, et je le répète.
Je pense bien que d'autres de mes collègues pourraient le faire.
C'est un engagement formel du gouvernement, mais ce n'est pas une objection de
principe. C'est une objection technique que nos conseillers nous disent de ne
pas être capables de résoudre sur le plan technique. C'est la
raison pour laquelle, nous n'avons pas cru opportun de le mettre dans le projet
de loi, mais c'est effectivement un engagement absolument certain du
gouvernement de traduire, lorsque tous les calculs auront été
faits et détaillés dans les quelque 100 échelles de
salaire du secteur hospitalier et de la fonction publique, de la
Société des alcools, des autres régies gouvernementales et
de la fonction publique, de traduire ça évidemment dans des taux
de salaire et faire bénéficier le plus rapidement possible, par
la suite, chacun des salariés des secteurs public et parapublic qui sont
inclus, couverts par cette loi, des offres monétaires qui ont
été déposées, de même que les autres
avantages qui ont été déposés jusqu'ici à la
table de négociation et qui pourraient, au cours de la discussion qui
doit suivre ou qui seront poursuivies probablement en commission parlementaire
qui va suivre. Les accommodements qui pourront peut-être être
agréés de part et d'autre, tant par la partie patronale que par
la partie syndicale, en ce qui regarde, par exemple, la définition des
postes dans les hôpitaux, qui peut avoir une implication monétaire
et qui permettent au gouvernement d'ajouter certaines améliorations
à ces offres patronales, compte tenu d'autres concessions qui pourraient
être faites au cours des discussions avec les représentants des
différents syndicats concernés...
II y aura, évidemment, une foule d'améliorations qui
pourraient être apportées sur le plan technique et qui pourraient
avoir une influence sur la définition du taux de salaire de chacune de
ces échelles. C'est la raison pour laquelle, même si nous prenons
l'engagement formel de faire bénéficier les employés, et
le plus rapidement possible, des dernières offres patronales, qu'il y a,
semble-t-il, une impossibilité de pouvoir ouvrir, d'une façon
satisfaisante, sur le plan technique, le principe ou l'objectif qui est
visé. Ce n'est certainement pas de la mauvaise foi de la part du
gouvernement. Imaginez-vous bien que nous aurions que des désavantages
à vouloir défendre une telle attitude. Mais c'est tout simplement
une difficulté technique et si, au cours de la discussion, des
conseillers nous trouvent cette formule qui soit satisfaisante, et sur le plan
législatif et sur le plan technique, nous serions bien heureux de
l'accepter. Mais cela fait déjà plusieurs heures qu'ils sont
à la recherche de cette formule et ils n'ont pas été
capables, actuellement, d'en écrire une qui pourrait couvrir toutes ces
difficultés.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président...
M. LESSARD: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: ... je comprends qu'actuellement le gouvernement n'ait pas
calculé ou transmis dans des cas concrets l'offre globale qui a
été faite aux travailleurs de la Fonction publique, aux
syndiqués, aux travailleurs dans l'enseignement. Cependant, je comprends
que c'est un engagement formel que le ministre des Finances vient de faire.
Mais on ne demande pas ici de faire le calcul à l'article 5. On demande,
tout simplement, d'inscrire à l'article 5 le principe de
reconnaître au moins ce qui a été gagné lors d'une
négociation acceptée de part et d'autre, ce qui a
déjà été gagné: les clauses
paraphées.
Lors de la discussion de tout à l'heure, le premier ministre nous
disait que c'était prévu à l'article 10. Ce n'est pas
prévu à l'article 10. A l'article 10, si on regarde l'article de
façon absolue, on peut même arriver au cas extrême où
le gouvernement impose, tout simplement par décret, exactement les
mêmes conditions de travail qui existaient auparavant. On sait que le
gouvernement ne le fera pas. Mais on veut, par exemple, essayer d'obtenir au
moins, de la part du gouvernement, cette reconnaissance de principe qui
m'apparaît en tout cas, je ne suis pas un "procédurier", et
je ne suis pas un avocat être possible d'inscrire à
l'intérieur de l'article 5. C'est-à-dire que ce qui a
été gagné, en ce qui concerne les salaires, au moins soit
reconnu, en principe, explicitement dans l'article 5. Comme on le disait
tantôt, il y a quand même des syndiqués qui sont
obligés, par la force, par une loi spéciale, d'entrer au travail.
Ces gens sont frustrés. Ces gens vont étudier la loi. Ces gens ne
verront pas inscrit, explicitement, dans l'article 5, que les batailles pour
lesquelles au moins ils se sont mis en grève, que la bataille qu'ils ont
faite auprès du gouvernement n'est même pas reconnue, en
principe.
Alors, il me semble qu'il est quand même possible de pouvoir faire
un texte juridique pour reconnaître ce principe. Sans ça, ces gens
pourront, comme je le sais, peut-être à cause de mauvaises
informations, peut-être parce qu'ils n'auront pas lu l'engagement formel
du ministre des Finances, interpréter la loi très
restrictive-ment, de telle sorte qu'ils se sentiront d'autant plus
frustrés parce qu'ils entreront au travail en n'ayant même pas
là l'assurance qu'ils vont entrer au travail avec l'idée que le
gouvernement leur reconnaît au moins les points qu'ils auront
gagnés.
Il me semble que cela se fait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais, au sujet
de cet amendement qui a été suggéré, poser d'abord
une question au ministre des Finances. Il a parlé, tout à
l'heure, de l'augmentation que le gouvernement est prêt à accorder
aux salariés. Est-ce que, dans son esprit, prenons un chiffre global,
disons 5 p.c., ces 5 p.c. s'appliqueront pour chacun des salariés des
secteurs public et parapublic?
M. GARNEAU: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que, dans l'esprit du gouvernement,
l'offre qui a été faite comportait, pour chacun des
salariés, une augmentation minimale de, disons, 5 p.c, pour prendre un
chiffre?
M. GARNEAU: ... je ne voudrais pas commettre d'erreur et induire cette
Chambre en erreur. Si le chiffre que prend le député de
Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Hypothétiquement.
M. GARNEAU: ... est un chiffre hypothétique parce qu'il y a
différentes catégories. Il y en a qui auront beaucoup plus que
ça. Il y en a qui vont avoir 13 p.c. ou 14 p.c; le minimum, pour les
gens qui sont hors de l'échelle, je crois que la dernière offre
était de 3 p.c. Alors, si le chiffre est un exemple, je dis oui. Si le
député voulait y référer plus tard, je voudrais
qu'il y réfère à titre d'exemple.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): D'exemple, oui.
M. GARNEAU: Dans ce cas-là, je réponds dans
l'affirmative.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon. Alors, M. le Président, le
ministre nous fournit une explication qui, à prime abord, peut susciter,
dans son esprit, certaines inquiétudes. Il est évident que l'on
va devoir tenir compte de certaines échelles, de l'expérience,
etc. Mais dans l'amendement qui est proposé, il n'est pas question de
pourcentage.
M. PAUL: C'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On demande simplement d'inclure, dans
l'article de la loi, une garantie qui stipulerait que le gouvernement demande
aux employés de retourner au travail, qu'ils vont être
régis par la convention collective qui les régissait jusqu'au
moment où elle a expiré, qu'ils ont donc ces garanties plus une
garantie additionnelle correspondant aux offres patronales.
M. PAUL: C'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne comprends pas, ici, aux dernières
offres patronales. Ces offres patronales ont été faites de bonne
foi, disons. Elles ont été faites de façon formelle,
officielle. Elles ont été connues. Elles ont été
publiées. Je ne comprends pas que les juristes aient autant de scrupules
parce que ce que nous demandons, par l'amendement, ce n'est pas de
définir par le truchement d'un texte de loi un ensemble
d'échelles, de mécanismes qui coifferaient chacune des
catégories d'employés qui vont bénéficier des
avantages que le gouvernement offre par ses propositions. Nous demandons
simplement que soit inscrite, de façon formelle et d'une façon
générale et globale, la garantie suivante. Toutefois, ces
conditions doivent, quant aux salaires, inclure les dernières offres
patronales. Il n'y a pas un seul salarié de l'Etat qui va
interpréter cela autrement que comme nous le demandons,
c'est-à-dire que comme une garantie qui correspond à ce que le
gouvernement a déjà offert dans ses dernières
propositions. Je ne vois absolument aucune difficulté juridique puisque,
dans l'application, on sait très bien qu'il va falloir tenir compte de
toutes les échelles de salaires, de tous les mécanismes. J'ajoute
quelque chose à l'intention du ministre ici. Le député de
Saguenay l'a évoqué sans le dire de façon expresse.
J'entendais, il y a quelques minutes à peine, une émission de
radio où un reporter disait ceci: Les employés de l'Etat sont
obligés de retourner au travail aux mêmes conditions qui
étaient celles qui les régissaient en vertu de la dernière
convention collective qui est expirée, qu'ils n'ont obtenu du
gouvernement aucune garantie d'augmentation. C'est ce qu'un nouvelliste, tout
à l'heure, déclarait sur les ondes d'un poste de radio que je
n'ai pas eu le temps d'identifier. Je l'ai écouté comme cela dans
mon bureau, au secrétariat, en haut.
Alors, vous voyez tout de suite à quelle interprétation on
peut se livrer si le gouvernement ne déclare pas formellement, dans le
contexte de loi, qu'il accorde cette garantie additionnelle. Je ne comprends
absolument pas le scrupule des juristes. On ne leur demande pas de
procéder à une mécanique extrêmement
compliquée. On leur demande simplement d'inclure dans un texte de loi
une garantie qui, globalement, recouvre cette réalité des
dernières propositions patronales qui ont été
soumises.
M. BOURASSA: M. le Président, c'est qu'on nous souligne qu'il y a
600 arrangements salariaux et...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, M. le Président, nous le
comprenons. Qu'il y en ait 600, 700, 800, un million, trois millions ou
100,000, pour prendre un chiffre que le premier ministre aime beaucoup, cela ne
change rien au fait que nous voudrions que le gouvernement rassure
immédiatement ses employés en donnant cette garantie globale. Je
ne vois aucune difficulté juridique. Je suis habitué, quand
même, à la technique législative sans être un juriste
aussi expert que le sous-ministre, M. Chouinard. Je ne vois aucune
difficulté technique, puisque le gouvernement ne définit pas, par
le moyen de chiffres précis, ce que chaque employé pourrait
retirer. Il déclare tout simplement sa volonté de s'en tenir aux
garanties qui sont contenues dans ses dernières propositions à la
table de négociation.
Alors, je demande au ministre de le demander aux juristes. Il y a quand
même ici des juristes. Il y a des avocats et mon collègue peut le
dire, il n'y a aucun problème de technique juridique là-dedans.
Il n'y a aucun problème de technique législative. Le gouvernement
demande aux employés de retourner au travail. Il les soumet à des
conditions qui sont celles des conventions collectives expirées et il
ajoute ceci: Toutefois, ces conditions doivent, quant aux salaires, inclure les
dernières offres patronales. Cela, c'est global et cela ne met
absolument pas en cause toute la mécanique qu'évoquait, tout
à l'heure, le premier ministre.
Il me semble que ce n'est pas sorcier, que ce n'est pas demander quelque
chose de difficile. C'est simple et c'est très clair. Je suis sûr
que le ministre des Finances comprend l'argumentation que je lui soumets parce
que déjà, je le mets en garde, on interprète, sur les
ondes de la radio, cela va être comme cela dans les journaux, vous allez
le voir, et on va dire: Les employés de l'Etat n'ont rien
gagné.
On va me dire qu'à l'article 10 il y a une proposition: "Ce
décret doit tenir compte des dernières offres patronales." Bien,
il faut, pour être conséquent, que l'article 5 comporte la
même disposition que l'article 10, puisque l'un ne vas pas sans
l'autre.
Alors, je répète que les scrupules des juristes me
paraissent relever d'une sorte de purisme légaliste qui ne s'explique
pas dans les circonstances.
M. GARNEAU: M. le Président, je voudrais revenir sur le point. Je
pense que le député de Chicoutimi me donne une preuve, en tout
cas à moi, assez frappante que ce n'est certainement pas par mesquinerie
ou pour des raisons mesquines ou politiques que le gouvernement a
présenté l'article 5, tel qu'il est là, parce que
justement on aurait beaucoup d'avantages à pouvoir répondre,
strictement sur le plan politique, je le prends sous cet aspect, et à
l'indiquer dans le projet de loi.
Mais la dernière offre gouvernementale, puisqu'on se
réfère au principe général de l'offre
déposée par le gouvernement à la table centrale, comprend
19 pages de texte qui incorporent des principes autres que des taux de salaire
précis. Il y a, d'abord, un préambule qui couvre trois points: la
question de la définition des postes dans le secteur des affaires
sociales, surtout dans le domaine hospitalier; la question de la classification
des employés de la Fonction publique; la question de la
sécurité d'emploi dans le secteur de l'éducation et des
conditions de séparation s'il y a un surplus de personnel. Comment
traduire? Ce que je veux souligner, c'est encore là les avis que nous
donnent nos conseillers, c'est qui va avoir à porter le jugement sur la
valeur, en taux de salaire, par exemple des cinq ou six pages qui
étaient l'offre de principe sur l'assurance-salaire.
Qui va avoir à interpréter le principe qui sera inclus
dans la loi...?
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, une question
d'information. Ce sont les dernières offres du gouvernement aux
fonctionnaires. On suppose que le front commun aurait accepté les offres
dont vous venez de faire mention. Il aurait fallu que ce soit traduit par des
chiffres. Quant à ces offres-là, le paragraphe, ici, garantit
tout simplement aux fonctionnaires que ces offres-là, ils vont les
avoir. S'ils les avaient acceptées sans grève, sans entrer au
travail par une loi spéciale, il aurait fallu que ces calculs-là
soient faits, que ce soit traduit dans des chiffres et qu'on dise: Voici, c'est
ça, l'offre.
Ils ont dû la comprendre s'ils l'ont refusée. Cela s'est
discuté à la table. C'est tout simplement que le paragraphe, ici,
l'amendement, garantit aux grévistes que ces offres vont leur être
accordées. C'est tout simplement cela. Il ne s'agit pas de les mettre
dans la loi.
M. GARNEAU: Bien oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On n'a même pas besoin de savoir
quelles sont les offres, parce que ça garantit les dernières
offres.
M. JORON: Le ministre me permet-il une question qui se rattache à
cela? Si on demande l'article 5 tel qu'on le propose cela fait
référence à un autre texte, forcément, puisqu'on
dit selon les dernières offres patronales; or les dernières
offres patronales existent quel- que part par écrit; je pense que c'est
le texte que vous avez devant vous n'est-il pas suffisant que cet
article-là fasse tout simplement référence à
l'autre texte, et qu'on n'ait pas besoin d'incorporer dans l'amendement les 19
pages dont vous parlez?
M. GARNEAU: M. le Président, si, après la commission
parlementaire, les discussions se poursuivaient et que le gouvernement et la
partie syndicale décidaient, d'un commun accord, de laisser tomber deux
ou trois points de la dernière offre patronale, comment pourrions-nous
en arriver, à un moment donné, à une entente finale?
Evidemment, ça pourrait être contesté devant les tribunaux,
pour évaluer. Disons que nous laissons tomber la question des postes,
c'était une condition essentielle à l'offre pécuniaire que
nous avions déposée, comment, à un moment donné,
réglerions-nous, en pratique, cette question-là, à savoir
combien d'argent nous devons enlever dans les $32.9 millions que nous avons
déposés à la table centrale pour la convention collective
de trois ans? Parce que nous avons convenu, de part et d'autre, de respecter la
définition du poste telle qu'elle est convenue présentement dans
la convention collective existante. C'est ça le problème qui,
à un moment donné, devrait être interprété
par les tribunaux. C'est ce qu'on me dit.
Evidemment, je ne sais pas si, au cours des discussions qu'on a, nos
conseillers juridiques ont trouvé des formules.
UNE VOIX: On cherche.
M. GARNEAU: Mais c'est ça le problème.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre des Finances peut me
répondre franchement? Est-ce qu'il a lu l'amendement que nous
proposons?
M. GARNEAU: M. le Président...
M. PAUL: Est-ce que le ministre des Finances a lu dans...
M. GARNEAU: J'en ai lu deux ou trois, je ne sais pas de qui venaient les
amendements.
M. PAUL: D'abord, on va commencer par s'entendre sur le bon. D'abord, on
discute toujours sur l'article 5.
M. GARNEAU: Oui.
M. PAUL: D'accord. Quand le ministre nous parle des
bénéfices marginaux, d'assurance et de ces clauses-là,
est-ce que le ministre pourrait s'arrêter? Je comprends qu'après
avoir passé une nuit mouvementée on "intellige" plus
difficilement. Il est bien spécifié que la garantie
demandée n'a trait qu'aux salaires, et non pas à
tous les bénéfices marginaux dont vient de parler le
ministre des Finances. L'amendement proposé par le député
de Maisonneuve n'affecte que les salaires.
Il se lit comme ceci... Voulez-vous que je parle encore? Je ne le
reproche pas au ministre, il n'aura rien compris parce qu'il y en a un autre
qui lui parle. C'est ça la maison, la tour de Babel qui existe dans le
gouvernement, c'est ça.
M. BOURASSA: Je vous écoute moi, monsieur.
M. PAUL: Vous en avez une preuve vous-même, M. le
Président.
M. BOURASSA: Je vous écoute là.
M. PAUL: C'est encore pire. Si le premier ministre me dit qu'il
m'écoute, c'est pour le coup que je vais doublement hésiter. Pas
parce qu'il n'aurait pas une compétence en matière
économique, je m'incline, mais en matière juridique, j'aime mieux
M. Chouinard, j'aime mieux M. Cournoyer...
M. BOURASSA: Ne faites pas de motion de divisibilité.
M. PAUL: ... M. Rioux, il y en a sûrement d'autres. Ce sont des
spécialistes. M. Tremblay, je suis sûr qu'il a compris, lui. Le
député de Bourassa a compris, ce qui n'est pas peu dire, et M.
Tremblay également.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Tremblay (Bourassa).
M. PAUL: Je dis donc, M. le Président, que nous ne
désespérons pas qu'enfin il y ait encore une petite
lumière qui fonctionne de l'autre côté, pour comprendre des
mots simples. Je suis sûr que le ministre des Affaires sociales, le futur
maire de Saint-Féréol, je suis sûr que, M. le
Président...
M. CASTONGUAY: Je voudrais simplement apporter une correction. Avec le
regroupement futur de certaines municipalités, je ne crois pas que ce
que vous dites va se produire dans un avenir immédiat.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tant mieux!
M. PAUL: Je suis heureux, M. le Président, que le ministre
envisage de rayonner dans un territoire plus vaste.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Que d'englober le champ de golf!
M. PAUL: M. le Président, comme la stratégie est à
s'établir, j'ai l'impression qu'enfin on a compris un petit peu. Sinon,
c'est devenu alarmant et désespérant.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Ils sont en train de prendre les quatre heures
qu'on leur avait demandées cette nuit.
M. BOURASSA: On a une proposition à faire. Mais est-ce que,
disons pour qu'elle soit complètement satisfaisante pour nos amis d'en
face, on ne pourrait pas passer aux articles 6, 7 et 8?
M. PAUL: On n'osait pas vous le demander parce que c'est vous qui menez,
apparamment.
M. BOURASSA: M. le Président, je fais une suggestion amicale au
leader parlementaire.
M. PAUL: C'est une excellente suggestion que nous acceptons, celle de
suspendre l'article 5. Quand le premier ministre, M. le Président,
emploie un sourire comme celui-là pour s'exprimer, ça commence
à être dangereux pour les 100,000 nouveaux emplois.
M. BOURASSA: Après 24 heures...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela sent la baie James.
M. BOURASSA: Après 24 heures de débat,... 6,
adopté?
M. LE PRESIDENT: Article 6?
M. PAUL: Article 6, oui.
M. LE PRESIDENT: Article 7?
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 8?
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 9?
M.PAUL: Adopté.
M. BOURASSA: Article 10, c'est comme 5. Article 11?
UNE VOIX: Article 10, M. le Président...
M. BOURASSA: Les articles 5 et 10 sont la même chose, on va
revenir.
M. BURNS: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Les articles 5 et 10 sont suspendus.
M. BURNS: Vous le suspendez? Mais est-ce que je peux? Je ne discuterai
pas du fond, mais je pense que ce sont deux problèmes distincts.
Même si on le suspend, ne nous énervons pas, je veux seulement
vous dire que, dans vos discus-
sions, M. le Premier ministre, il faudra penser qu'il s'agit de deux
problèmes différents, l'article 5 étant ce qui arrive au
moment du retour au travail et l'article 10 étant ce qui arrive au
moment d'un décret, si décret il y a.
Or, ce sont deux étapes différentes, il faudra y penser.
Je n'ai pas d'objection à le laisser en suspens, je n'ai pas du tout
d'objection là-dessus. Mais je voudrais quand même qu'on comprenne
que ce sont deux situations puisque le premier ministre m'avait dit
tantôt: Peut-être que le problème va être
réglé par l'article 10, mais je ne pense pas que ce soit
exactement le même problème. D'accord?
M. BOURASSA: Nous allons revenir sur les articles 5 et 10, c'est le
problème commun partout.
M. BURNS: D'accord, on suspend l'article 10 aussi.
M. LE PRESIDENT: Article 10, suspendu. Article 11?
M. PAUL: Adopté, 11, quant à nous, M. le
Président.
M. BURNS: M. le Président, en ce qui me concerne, je n'ai pas
d'autres amendements, j'ai déposé les autres amendements.
UNE VOIX: Si vous voulez commencer à faire un "filibuster"...
M. BOURASSA: L'article 11, remplacer dans la première ligne le
mot "quiconque" par les mots "tout salarié qui". Article 11,
adopté?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tel qu'amendé. Tel que brillamment
amendé par le premier ministre.
M. BOURASSA: Cela, c'est encore mieux. M. PAUL: Qui a été
un excellent lecteur.
M. BOURASSA: Article 12, remplacer dans la première ligne le
chiffre 7 par le chiffre 6. Remplacer dans la cinquième ligne le chiffre
7 par le chiffre 6.
M. PAUL: Est-ce que c'est en économie qu'on trouve ça?
M. BOURASSA: Article 12, adopté tel qu'amendé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tel qu'amendé par le "coconomiste"!
M. BOURASSA: II y en a bien des amendements. Article 13, remplacer dans
la huitième ligne du premier alinéa le chiffre 7 par le chiffre
6.
UNE VOIX: Adopté tel qu'amendé. M. BOURASSA: Un
instant.
M. PAUL: Le premier ministre s'en va d'une vitesse...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'une vitesse de croisière un peu
inaccoutumée!
M. PAUL: On se croirait dans la réalisation de la baie James!
M. BOURASSA: Article 14, remplacer dans la quatrième ligne les
mots "une personne" par les mots "un salarié".
M. PAUL: Un instant.
M. BOURASSA: Adopté tel qu'amendé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant. Article 14.
M. BOURASSA: Article 15, adopté? M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non.
M. PAUL: Un instant.
M. BOURASSA: Est-ce que le Ralliement créditiste a des
amendements?
UNE VOIX: Un instant.
M. PAUL: Est-ce qu'un individu aura le droit d'emprunter de la Banque du
Canada pour payer les $50,000 d'amende?
M. ROY (Beauce): Demandez cela au premier ministre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II ne le sait pas, le premier ministre.
M. ROY (Beauce): Adopté.
M. TREMBLAY (Bourassa): Le député de Lévis va faire
des prêts sans intérêts.
M. VINCENT: L'article 16, c'est le procureur général
contre le procureur général.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que le premier ministre aurait
une objection à reconnaître une compétence de son
ministère, un brillant avocat...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui est allé jusqu'en cour
Suprême.
M. PAUL: ... qui est allé jusqu'en cour Suprême? Est-ce
qu'il aurait une objection à remplacer le procureur
général par le Solliciteur général?
M. BOURASSA: Et quelle est la raison de...?
M.PAUL: Voici, c'est parce que le Solliciteur général a eu
une brillante carrière devant les tribunaux, il a d'abord toujours
procédé par ascension: cour Provinciale...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ascension descendante.
M.PAUL: ...cour Supérieure, cour d'Appel, cour Suprême, et
finalement cour des commissaires.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ascension descendante.
M. PAUL: Je fais tout simplement la suggestion au premier ministre, je
n'insiste pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour revaloriser le cabinet, tout
simplement.
M. BOURASSA: Je m'abstiens de commentaire, M. le Président.
M. PAUL: Très bien.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très bien.
M. BOURASSA: Adopté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, qui ne dit mot consent. Vous ne
reconnaissez pas la compétence du Solliciteur général.
M. BOURASSA: Au contraire, M. le Président. Nous ne sommes pas
pour commencer un débat là-dessus, d'abord, tout le monde va
être d'accord pour reconnaître la compétence...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Article 17, M. le Président.
M. BOURASSA: ... du Solliciteur général.
M. PAUL: Au détriment du ministre de la Justice, je m'oppose.
M. BOURASSA: Article 17.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 18.
M. PAUL: Un instant, il ne faut pas adopter l'article 18, M. le
Président, si les articles 5 et 10 ne sont pas adoptés.
M. BOURASSA: Vous avez raison.
M. GARNEAU: M. le Président, je pense que sur l'article 5, il y a
une formule qui pourra peut-être être acceptable sur le plan
juridique et technique, c'est le ministre du Travail qui l'a entre les mains.
Il faudrait peut-être qu'il en fasse lecture.
M. BOURASSA: On va la vérifier une dernière fois. Le
leader pourrait peut-être aller voir...
M.PAUL: M. le Président, ils ont assez de misère à
se comprendre. Je ne suis pas pour aller les mêler.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre peut faire son discours de
première lecture.
M. BOURASSA: Même chose que la deuxième lecture. Nous
allons suspendre pour cinq minutes.
M. LE PRESIDENT: Suspension de cinq minutes.
UNE VOIX: Je vais aller conseiller le premier ministre !
M. LE PRESIDENT (Pilote): A l'ordre, messieurs!
M. BOURASSA: J'ai la petite formule à lire étant
donné que...
M, le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province
a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la
Chambre.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable premier ministre me permet une question?
Pourrait-il me dire en vertu de quoi cette lecture qu'il vient de faire est
faite en commission plénière?
M. BOURASSA: L'article 54 de la Loi de la législature...
M. PAUL: Je voudrais poser à nouveau ma question à
l'honorable premier ministre.
M. LOUBIER: Vous êtes comme Jeanne d'Arc, vous écoutez des
voix, c'est dangereux!
M. PAUL: Le premier ministre peut-il nous dire en vertu de quel article
de notre règlement il se permet de lire une prière aussi auguste
en commission plénière? Ne croit-il pas, avec toute
l'expérience parlementaire qu'il possède, que ladite
prière aurait dû être lue à une autre étape de
nos travaux parlementaires?
M. BOURASSA: M. le Président, disons que...
M. PAUL: Quant à nous, M. le Président, on vous donne
notre consentement.
M. BOURASSA: M. le Président, nous avons considéré
les amendements qui étaient suggérés. Ce que nous
voulions, nous-mêmes, apporter, malheureusement, nous ne pouvons pas
accepter littéralement les amendements qui étaient
proposés par l'Opposition pour des raisons pratiques et techniques sur
lesquelles vous êtes
d'accord, je crois. Alors, l'amendement que nous avons fait, c'est que
l'article 5 est modifié en ajoutant l'alinéa suivant: "Les
dernières offres et propositions, de même que les conditions qui
les accompagnent, soumises aux associations de salariés par. les
employeurs avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont
maintenues sous réserve des modifications qui peuvent être
convenues entre les parties et aucune clause paraphée ne peut être
modifiée sans le consentement des parties signataires."
M. PAUL: Vous n'avez rien compris, vous, mais ça ne fait
rien.
M. BOURASSA: C'est le fruit d'un travail laborieux.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, je suis prêt à accepter
l'intention du gouvernement, c'est-à-dire que le gouvernement ne veut
pas, par son article 5, amener au travail les employés à des
conditions moindres que celles qui existaient, sauf que je tiens à faire
remarquer que le texte, à la façon dont il est
rédigé, peut laisser entendre que les employés retournent
au travail avec des conditions moindres, c'est-à-dire des conditions
moins avantageuses que lorsqu'ils sont entrés en grève,
simplement, d'abord, par ignorance des propositions et des offres
précises du gouvernement, dans le détail.
Deuxièmement, par le fait même de ce texte qui dit: "Les
dernières offres et propositions, de même que les conditions qui
les accompagnent, soumises aux associations des salariés par les
employeurs avant l'entrée en vigueur de la présente loi, sont
maintenues sous réserve des modifications, etc". Bon.
Je vous pose le problème hypothétique suivant: Qu'est-ce
qui arrive si, par hasard, au niveau de la sécurité d'emploi ou,
prenons un cas plus concret encore, au niveau des jours de maladie
accumulés? On joue dans le nombril, là, on touche au
problème. Cela en est un. Alors d'accord? Nous nous comprenons? Les
offres et propositions, en matière... Non, non, on ne se contera pas de
peurs. On va parler franchement. Vos offres, en matière de jours de
congé de maladie, sont des offres inférieures à ce qui
existait. Vous allez me dire: Cela dépend comment on les
interprète parce qu'il y a l'assurance-salaire, etc. Bon, je suis
prêt à admettre cela. Ce n'est pas cela que je veux discuter. Mais
il reste quand même qu'aux yeux des syndiqués, actuellement, et en
tout cas, moi, si j'étais syndiqué, je trouverais votre offre
inférieure.
Aux yeux des syndiqués, actuellement, votre proposition sur le
problème des jours de maladie accumulés est inférieure
à ce qui existe. Je relis le texte maintenant sachant que cette
proposition est inférieure: Les dernières offres et propositions,
y compris celle qui dit que les jours de maladie ne sont plus accumulables,
pourront servir en cas de pré-retraite, pourront servir dans les deux
jours avant l'assurance-salaire, etc. D'accord, qu'est-ce qui arrive avec ces
propositions? Elles sont maintenues, elles sont intégrées.
M. COURNOYER: Non, M. le Président. M. BURNS: On vient juste de
diminuer...
M. COURNOYER: Je pense que c'est une question
d'interprétation.
M. BURNS: Bien oui, bien oui. Ecoutez, c'est...
M. COURNOYER: Je peux mentionner l'intention qui est derrière
cela.
M. BURNS: Je connais très bien, M. le ministre votre intention.
Je n'ai pas du tout l'intention de vous imputer des intentions.
M. COURNOYER: Ce qui n'est pas notre intention, c'est de modifier ici,
à ce moment-ci, les offres qui ont été faites aux
syndicats. Qu'elles soient inférieures à ce qu'ils ont
actuellement ou qu'elles soient supérieures à ce qu'ils ont
actuellement, l'intention n'est pas de les modifier par cette description, ni
de les augmenter, ni de les diminuer. C'est de les maintenir telles qu'elles
ont été faites.
On dit: D'abord, les clauses paraphées, nous n'y toucherons pas.
Nous nous engageons à ne pas modifier les clauses paraphées. Je
pense que cela a été un des problèmes. On a
réglé quelque chose avec vous et cela ne marche plus. Les autres,
l'état de la question est entier. Ils ont demandé plus. Le
gouvernement a offert moins. Je n'étais pas là. Je ne connais pas
du tout le dossier, je ne sais pas ce qu'il y a dedans. Vous le connaissez
probablement mieux que moi, M. le député de Maisonneuve.
Effectivement, ce que je recherche, c'est de dire: Les gars, je ne vous ferai
pas des offres inférieures à celles qui vous ont
déjà été faites, même si, dans celles qui ont
déjà été faites, il est clair que, clause par
clause, il y a peut-être des aménagements différents sur
une base globale.
M. BURNS: Ecoutez, cela me fait de la peine de vous le dire, M. le
ministre. Je crois, je tiens pour acquis tout ce que vous dites
là-dessus et je sais que ce n'est pas l'intention du gouvernement de
diminuer les offres mais on va se parler bien franchement. Entre les personnes
à qui je m'adresse, actuellement, je m'excuse si cela choque des gens
qui sont dans les banquettes arrière, actuellement, parce que nous
sommes en commission, il s'adonne qu'il y a des technocrates. Ne nous choquons
pas! Les technocrates, c'est une bébelle dont tout le monde souffre
éventuellement.
M. BOURASSA: Si on n'en avait pas, que ferait-on? Vous autres y
compris?
M. BURNS: On ferait pitié. Il s'agit de les contrôler, par
exemple.
M. BOURASSA: Vous en avez un bon, de votre...
M. BURNS: II ne s'agit pas de les laisser prendre le dessus.
M. BOURASSA: Vous en avez un bon de votre côté.
M. BURNS: Nous en avons de très bons, d'accord, comme vous en
avez de très bons, comme les personnes qui sont derrière vous,
actuellement, qui en sont de très bons. Il n'y a aucun problème.
Mais parce que, à un moment donné, la personne qui a à
défendre une politique est ignorante de la situation, encore une fois,
sans intention péjorative de ma part, parce que cette personne est
ignorante de la situation, elle ne doit pas accepter comme valeur absolue ce
que disent les technocrates.
Je m'excuse, mais je n'accepterai jamais cette position-là. Je
trouve que le premier ministre est trop intelligent, je trouve que le ministre
des Finances est trop intelligent, que le ministre du Travail et le
ministre...
M. BOURASSA: Le ministre de la Justice.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il ne faudrait pas que ce soit une
distribution de prix.
M. BURNS: Je vais arrêter là, j'étais pour
arrêter à celui qui le mérite plus que les autres. Le
ministre des Affaires sociales est trop intelligent pour...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): IL arrête là. Le ministre de la
Justice?
M. BURNS: J'ai parlé de ces personnes-là...
M. CHOQUETTE: Vous oubliez le président de la Chambre.
M. BURNS: II n'est pas présent, je ne vois pas pourquoi je
parlerais de lui. Ils sont trop intelligents pour se laisser mener par des
problèmes d'ordre typiquement technocratique. A mon avis, ce texte peut
être très dangereux entre les mains de technocrates. C'est aussi
simple que cela.
Je ne veux pas éterniser le débat inutilement, je dis tout
simplement que je ne vois pas, dans ce texte-là, à moins que des
experts comme Me Chouinard m'expliquent que j'ai mal compris, là, je
pourrais faire amende honorable.
M. BOURASSA: Vous allez vous soumettre aux technocrates.
M. BURNS: S'il me convainc que j'ai tort, à ce moment-là
je dirai que je me suis trompé et je n'aurai aucune gêne. Je ne
vois pas, dans le texte actuel, ce qui est véritablement l'intention du
gouvernement et des oppositions. Nous avons fait conjointement des
représentations dans ce style et je ne pense pas que ce soit...
M. CHOQUETTE: Me permettez-vous une question?
M. BURNS: Oui, je permets une question.
M. CHOQUETTE: Vous avez cité tout à l'heure, au
début de votre intervention, le cas d'une caisse de maladie et vous avez
dit que, conformément aux nouvelles et dernières offres du
gouvernement il y aurait, semble-t-il, suivant ce que vous avez affirmé,
une régression par rapport aux avantages qui existaient
précédemment.
Est-ce qu'il veut que les employés retournent au travail suivant
les conditions qui prévalaient avant nos offres globales qui, à
mon sens, en général sont plus avantageuses que ce qui pouvait
exister globalement précédemment ou s'il veut qu'ils retournent
au travail suivant les dernières offres gouvernementales? Il faut
choisir l'un ou l'autre, on ne peut pas être à cheval entre les
deux. Je pense que le texte présenté par le premier ministre
satisfait premièrement au fait que pour le moment, à la
rentrée au travail il n'y a pas de perte par rapport à la
situation qui prévalait hier ou au moment de la grève, mais par
contre, le gouvernement s'engage à faire en sorte que globalement ses
offres seront au niveau de ce qui a été offert dans les
dernières contrepropositions. Je crois qu'il faut choisir entre l'un ou
l'autre et la formule présentée me semble la seule acceptable
puisqu'il faut quand même, vu que la négociation va continuer,
présumer que le front commun va faire des contrepropositions et qu'il
peut y avoir des modifications qui vont s'inscrire dans le cadre des
dernières offres gouvernementales.
Je pense que le député, au fond, devrait être
satisfait de la proposition présentée par le premier
ministre.
M. BURNS: M. le Président, je ne peux pas être satisfait
des offres faites. Y a-t-il moyen de vous convaincre que je n'essaie pas de
trouver des poux dans votre affaire?
M. BOURASSA: Totalement de bonne foi, nous sommes d'accord.
M. TREMBLAY (Bourassa): Cela fait une demi-heure qu'il parle et il n'a
rien dit. Il nous parle des technocrates, bon !
M. BURNS: C'est ce que vous dites. Ce n'est pas du tout de mauvaise
foi.
M. TREMBLAY (Bourassa): Pas du tout? Qu'est-ce que c'est?
M. BURNS: Y en a-t-il qui n'ont pas fait leur dodo? Lisant le texte et
lisant l'intention qui apparaissait dans notre amendement, que ce soit notre
amendement ou un autre texte, cela ne m'importe absolument pas. L'important,
c'est l'intention derrière. Le texte actuel, de la façon qu'il
est rédigé, fait revivre et intègre aux conventions
collectives les offres et propositions du gouvernement. Je vous ai cité
un exemple, je pourrais vous en citer d'autres mais l'exemple le plus flagrant
est au niveau des congés de maladie.
Avec ce texte-là, votre proposition sur les congés de
maladie est intégrée à la convention collective, à
mon avis je peux me tromper et de l'avis aussi des
syndiqués, semble-t-il, est inférieur à ce qui existe
actuellement. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Je serais
obligé, à ce moment-là, par mon amendement qui veut
améliorer la situation, de consacrer une dégradation ou une
rétrogradation de la situation.
M. L'ALLIER: Disons, M. le Président, que je ne veux pas...
M. BURNS: Je suis sûr que ce n'est pas ce que vous voulez.
M. L'ALLIER: Ce n'est pas non plus... M. BURNS: Disons-le, à ce
moment-là.
M. L'ALLIER: ... mon intention ou l'intention du gouvernement de
modifier les offres qui ont été faites. Si, dans les offres qui
ont été faites, on demande, comme gouvernement, une
réduction, admettons que c'est une réduction qu'on demande...
M. BURNS: II n'y a rien qui s'applique avec cela.
M. L'ALLIER: Ce n'est pas l'intention. M. BURNS: Dites-le dans votre
texte.
M. L'ALLIER: Si je prends l'article 5, M. le Président...
Oublions, pour un instant, l'article 10. Ce que je maintiens ici, ce sont mes
offres telles qu'elles ont été formulées, je ne maintiens
pas autre chose. Je ne sais plus comment le dire à mon honorable
collègue, cher collègue, etc.
M. BURNS: Avec tout le respect que j'ai pour vous, M. le ministre, votre
texte ne dit pas cela. Votre texte ne dit pas ce que vous me dites
présentement. Faites-moi un texte qui dise ce que vous êtes en
train de dire, et je vais dire "bravo" et je vais applaudir. Nous allons
l'accepter.
M. L'ALLIER: Dans quelle partie...
M. BURNS: II ne dit pas cela, il parle des dernières offres.
M. L'ALLIER: Lisons-le.
M. BURNS: Bien oui, lisons-le tranquillement, sans
s'énerver...
M. L'ALLIER: C'est cela, je ne m'énerve pas.
M. BURNS: ... sans que le député de Bourassa, qui a le
goût d'aller dormir à une heure moins quart, n'intervienne. Qu'on
continue à discuter cela à ce niveau-ci. On dit: Ler
dernières offres et propositions, de même que les conditions qui
les accompagnent. C'est beaucoup dire, cela.
M. L'ALLIER: Bon, c'est quoi "les conditions qui les accompagnent" pour
vous?
M. BURNS: Je ne le sais pas.
M. L'ALLIER: Si c'est une question de définition... Moi, je le
sais. Je vais essayer, mon cher collègue...
M. BURNS: Je vais vous donner un exemple, l'assurance-salaire.
M. L'ALLIER: Oui, d'accord, je prends l'exemple.
M. LE PRESIDENT: Y aurait-il possibilité qu'il n'y ait qu'une
seule personne à la fois?
M. L'ALLIER: Oui, M. le Président, mais nous négocions
présentement. C'est à peu près cela qui nous arrive.
M. LE PRESIDENT: Je pense que le député de Maisonneuve a
exposé...
M. BURNS: Non, je vais l'écouter.
M. L'ALLIER: Ici, il ne s'agit pas des conditions de travail, il s'agit
des conditions comme, par exemple, celui qui est le plus frais à notre
mémoire à nous, parce que les derniers documents soumis à
la partie syndicale l'ont été lundi ou mardi. Cette offre
comporte une augmentation de traitement si, effectivement, nous avons fait des
modifications ou si nous avons obtenu une mobilité accrue dans les
postes, dans les hôpitaux en particulier. Je pense que cela s'applique
aux particuliers.
Si, par hasard, aujourd'hui un texte de la loi voulait dire que les
avantages accrus, c'est-à-dire 5.3 p.c, consentis à des
salariés, en deuxième année de convention à tout le
monde, ces avantages je les consacre, isolément, de la condition dont
j'avais assorti cette offre globale à la partie syndicale. Je ne peux
pas me permettre de modifier cela à ce moment-ci, dans le contexte d'une
loi. Ce que j'essaie de faire par le texte, surtout par le mot "condition",
c'est qu'il y a des conditions qui ont été assorties à peu
près à toutes les tables. On peut
parler, par exemple, du plan de pension, les augmentations
conditionnelles à certains réajustements de plan de pension, etc.
Je ne peux pas consacrer les avantages offerts sans penser également
à certains réajustements peut-être à la baisse
si je pouvais porter un jugement, je le porterais de certains
plans en existence soit par des lois, soit par des conventions collectives,
actuellement.
Ce sont juste les offres, telles qu'elles ont été
formulées, ce n'est pas les offres je ne peux pas le dire au nom
des autres définitives. Nous ouvrons la porte à une
négociation, donc, ces offres-là pourraient être
modifiées à la table de négociation, pendant que
siégerait la commission parlementaire ou après, avant que le
gouvernement ne soit appelé à adopter le décret dont il
est question à l'article 10.
M. CASTONGUAY: Maintenant, je sais que le député de
Maisonneuve a compris mais pour que ce soit bien clair pour tous les autres et
surtout pour l'extérieur, parce que je sais que les autres
députés ont compris, pour que le terme "condition" soit
très clair, il ne se réfère pas à des conditions de
travail, ce sont des conditions qui assortissent les offres et propositions.
D'accord?
M. BURNS: D'accord, j'ai très bien compris cela.
M. CASTONGUAY: J'avais dit que vous aviez compris.
M. JORON: Si vous permettez, je voudrais poser une question. Cela va
peut-être éclaircir certains de nos problèmes. Dans le
premier amendement qu'on soumettait, on voulait que, lundi matin, au retour au
travail, le régime salarial des gens, de ceux qui vont retourner au
travail, soit celui des dernières offres patronales.
L'amendement que vous suggérez est le suivant.
M. BOURASSA: II faut le déterminer.
M. JORON: Dites-moi si on le comprend bien. Lundi matin, le
régime salarial qui va s'appliquer est le même que l'ancienne
convention. Vous dites, d'autre part, par le paragraphe que vous ajoutez que
les dernières offres que vous avez faites sont maintenues et que les
négociations repartent de là, que cela ne modifie d'aucune
façon le régime salarial entre lundi prochain et le moment
où une entente négociée ou décrétée
aura lieu. C'est cela?
M. L'ALLIER: II est très clair que nous n'avons pas l'intention
de modifier, par l'effet de la loi elle-même, les conditions de travail
des salariés. Nous ne voulons pas non plus avoir l'air de retourner six
mois en arrière et dire qu'on recommence tout à zéro. On
veut garantir que les offres que nous avons faites, on ne les enlève pas
par la loi. Telles qu'elles ont été faites, cependant...
M. BOURASSA: Avec des conditions...
M. L'ALLIER: ... avec les conditions de travail applicables, c'est assez
difficile pour moi de regarder à quinze tables en même temps si,
effectivement, il est possible de mettre en vigueur les salaires de la semaine
prochaine.
M. LOUBIER: M. le Président...
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse auprès du
député de Bellechasse, ce sera très bref, ça va
durer une minute. Je comprends l'argumentation du ministre du Travail et du
ministre des Affaires sociales et du premier ministre sur ce problème.
Je sais fort bien que notre proposition, à l'origine, visait à
protéger les nouvelles offres salariales, sauf que selon le nouveau
texte, j'y vois un danger quant à des offres qui sont d'ordre
mécanique, non monétaires, quelles qu'elles soient.
Si le gouvernement était prêt à ajouter à ce
texte-là une simple phrase disant là, je laisse aux
experts le soin de la rédiger parce que c'est vraiment un premier jet
que le présent texte ne doit pas être
interprété comme étant inférieur au texte qui
existait à l'expiration des conventions collectives, si on a cela, il
n'y a aucune espèce de problèmes, il n'y a aucun problème.
Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. BOURASSA: Le député, avec son expérience
juridique, considérablement supérieure à la mienne,
comment peut-il interpréter ceci puisqu'il y a un ensemble de conditions
de travail qui seront discutées, qu'il va y avoir une augmentation de
salaire? Il peut y avoir, de la part de l'assurance-salaire ou du régime
de retraite, d'autres conditions d'établies. On me dit que,
juridiquement, c'est impossible d'écrire un texte comme
celui-là.
Nous croyons, avec l'amendement que nous apportons, que le gouvernement
démontre clairement qu'il veut respecter l'esprit de ce qu'il voulait
lui-même faire et ce que l'ensemble des députés veut
faire.
M. BURNS: M. le Président, je me rends compte, de par les
règles qui nous sont imposées par le débat, que nous
serons bientôt forclos pour parler.
M. BOURASSA: C'est intéressant, M. le Président, c'est une
discussion intéressante.
M. BURNS: Si, d'avance, on me garantissait qu'on ne me dira pas de me
fermer la boîte sur l'autre problème, que je veux essayer de
discuter avec autant d'objectivité, je suis prêt à
continuer d'en discuter. En ce qui me concerne, je vais arrêter
immédiatement parce que je sais
que je n'aurai pas le temps de discuter de l'article 10 si on continue
à discuter de celui-ci.
M. CASTONGUAY: Votre suggestion, si on la comprend bien, pourrait-elle
être satisfaite par un texte qui dirait que la présente convention
collective continue de s'appliquer? C'est cela que vous dites, en fait. Vous
dites qu'on ne peut pas retourner en arrière.
M. BURNS: Oui. Remarquez que c'était cela, à l'origine.
Votre texte disait: Les présentes conventions collectives ou les
conventions collectives expirées continuent à s'appliquer. Nous
disions: Pour les conditions salariales, les dernières offres du
gouvernement s'appliquent ou s'ajoutent à ces conventions
collectives.
M. CHOQUETTE: Oui, mais ce n'est pas clause par clause ou
problème par problème.
M. BURNS: Ecoutez, si vous voulez être plus précis, si vous
avez peur de problèmes monétaires, je parle des problèmes
d'ordre de salaire. Je vous l'ai expliqué quand je vous ai soumis mon
amendement. J'ai dit: Si vous avez offert 5.5, 4.8 ou je ne sais pas quoi, que
ces 4.8 continuent de s'appliquer sur les salaires qui existaient en vertu de
l'ancienne convention collective sans limitation ou sans restriction quant
à la possibilité de négocier ultérieurement.
Je vous dis immédiatement, que plutôt que de me faire dire
que je n'ai pas le temps de parler de l'article 10, parce que je le trouve
encore plus important, je préfère cesser la discussion
là-dessus.
M. COURNOYER: II n'y a pas de problème, continuez.
M. BURNS: En autant que le premier ministre me dise qu'on ne me limitera
pas aux trois heures en question, et c'est le dernier argument.
UNE VOIX: Robert, ils ne veulent pas.
M. BURNS: II va falloir que j'aie plus que la...
M. COURNOYER: II n'y a pas de problème.
M. BURNS: Vous voyez, M. le Président, il y a déjà
un ministre qui a hâte d'aller se coucher qui me dit: Non, il n'en est
pas question. Alors, j'arrête la discussion sur l'article 5.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, est-ce qu'on
pourrait, je pense, interpréter l'attitude du gouvernement de la
façon suivante. Est-ce que le gouvernement est disposé à
geler les offres conditionnelles au stade des négociations où
c'était rendu, à les geler et à les laisser dans cet
état-là et à donner la garantie que ça n'ira pas
à l'intérieur des offres, ou d'une façon inférieure
aux offres données. Je pense que les offres du gouvernement
étaient conditionnelles au stade des négociations où
c'était rendu. Parce que j'ai l'impression que la partie syndicale,
à ce moment-là, avait dans certains champs particuliers,
différentes options à exercer. Et c'est ce qui fait que les
offres gouvernementales ou de la partie patronale pouvaient être
conditionnelles aux différentes options que pouvait choisir la partie
syndicale. Je me demande s'il ne serait pas acceptable de trouver une
formulation quelconque pour geler les offres patronales dans l'état
où elles étaient subordonnées aux conditions qui pouvaient
être retenues, suivant les options qu'aurait pu exercer la partie
syndicale. Disons par exemple que si la partie syndicale avait le choix entre
deux ou trois options, pour la sécurité d'emploi par exemple,
où on prévoit que pour les premières semaines,
relativement à un professeur qui devrait être écarté
des cadres permanents, qu'on lui accorde 80 p.c. pour quelques semaines, qu'on
lui accorde 40 p.c. pour quelques autres semaines etc. C'était une
option qu'avait à exercer ou à accepter la partie syndicale mais,
à ce moment-là, c'était dans l'ambiance d'une foule de
conditions et subordonnées à des options de la partie syndicale.
Je me demande s'il ne serait pas plus logique, actuellement, d'essayer
d'articuler ou de définir dans le texte de loi que les offres patronales
conditionnelles et subordonnées aux options de la partie syndicale
seraient gelées dans l'état où elles étaient au
moment où elles ont été faites de façon assez
formelle. Parce qu'en fait, c'est ce que voulait souligner le
député de Maisonneuve, c'est qu'il ne veut pas que les offres
patronales rendues à tel niveau des négociations et où il
y avait acceptation de principe et éventail d'options, que tout
ça ne soit pas mis de côté et qu'on demeure dans ce
même état-là et qu'on demeure gelé à cet
état des négociations et à ce stade d'options et de
conditions. C'est-à-dire qu'on ne pourrait pas arriver avec des options
ou avec des conditions qui seraient inférieures ou moindres que celles
qui ont été négociées ou acceptées, au
moment où on discute de l'adoption de ces articles.
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition vient de résumer exactement
le sens de notre amendement que nous avons rédigé ensemble. J'en
ai parlé au téléphone avec le ministre de la Fonction
publique. De notre côté, c'est la proposition que nous faisons et
nous pouvons passer à la suggestion du député de
Maisonneuve à l'article 10 qui reprend un peu le même
problème.
M. BURNS: M. le Président, sur l'article 10...
M. LE PRESIDENT: L'article 5 est adopté tel qu'amendé?
M. BOURASSA: Adopté, oui.
L'article 8: Insérer dans la deuxième ligne après
le mot "recevoir" ce qui suit: "Les représentants des associations de
salariés et de ceux des employeurs".
M. LE PRESIDENT: Alors, discussion sur l'amendement du premier
ministre.
M. BURNS: M. le Président, à moins qu'il y ait quelque
chose sur l'article 9, je vais passer à l'article 10
immédiatement parce que je le considère encore plus
important.
M. BOURASSA: Le député se rend compte des
difficultés d'écrire des choses par les questions qui se
posent.
M. BURNS: Je comprends très bien le problème, et c'est
d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je ne veux pas tourner le fer
dans la plaie on s'objectait à ce que cette loi qui a quand
même une importance majeure soit adoptée à la toute
vapeur.
M. BOURASSA: En commission parlementaire, mardi.
M. BURNS: Je ne reviendrai pas là-dessus. On pourrait
peut-être corriger des choses, mais j'espère qu'on pourra corriger
des choses.
M. LE PRESIDENT: L'article 8 est adopté tel qu'amendé.
M. BURNS: II y en a une à laquelle je tiens encore plus
qu'à l'article 5, c'est notre amendement.
M. LE PRESIDENT: Où en sommes-nous? M. BURNS: On est rendu
à l'article 10.
M. LE PRESIDENT: C'est cela. L'amendement de l'article 8 est
adopté?
M. BURNS: Oui, en ce qui me concerne, l'article 9 aussi.
M. BOURASSA: II a été adopté tantôt,
l'article 9.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On avait suspendu les articles 5 et 10.
M. BURNS: L'article 10. A l'article 10, encore une fois, je voudrais
qu'on sache qu'il n'y a aucune partisanerie dans l'intervention que je veux
faire. L'article 10 nous dit que, s'il n'y a pas d'entente collective entre les
associations salariées et les employeurs, avant le 1er juin, le
lieutenant-gouverneur en conseil détermine par décret, au plus
tard le 30 juin 1972, les conditions de travail des salariés jusqu'au 30
juin 1974. Ce décret a l'effet d'une sentence arbitrale qui aurait
été rendue en vertu du code du travail, dès l'expiration
des conventions collectives expirées. Nous vous avons proposé, M.
le Président, un texte qui dit: Ce décret en remplacement de la
dernière phrase ou du dernier paragraphe qui dit: Ce décret doit
tenir compte des dernières offres patronales. On vous suggère de
remplacer ça par le texte suivant: "Ce décret doit accorder aux
salariés des avantages au moins égaux à ceux que
comportent les dernières conventions collectives qui leur étaient
applicables modifiées pour tenir compte des offres salariales faites par
les employeurs, avant le 1er juin 1972, ainsi que des clauses
agréées par les parties avant cette date." A cela, on nous a fait
une contreproposition je pense que c'est le texte du gouvernement
je le dis: "Ce décret doit contenir toutes les clauses paraphées
par les parties avant le 1er juin 1972 et tenir compte des dernières
offres, propositions et conditions visées à l'article 5." Selon
moi, on parle de deux choses tout à fait différentes. Ce que
notre amendement vise, c'est de protéger au moins les droits acquis. Ne
nous le cachons pas. C'est pour ça que le débat qui a eu lieu
à l'article 5 pourrait très bien avoir lieu à l'article
10, au cas où il y aurait un décret. S'il n'y a pas de
décret, à ce moment-là, ce sera une solution
négociée entre les deux. Il y aura des possibilités que
même l'amendement qui vient d'être adopté sur division soit
changé entre les parties. De sorte que l'article 5 en ce qui me concerne
a une importance moindre que l'article 10. L'article 10, M. le
Président, a une gravité telle et je voudrais que tous les
députés en cette Chambre, ministériels ou non, se rendent
compte de ce que veut dire l'article 10 tel que rédigé
actuellement. Cela veut dire j'aimerais bien que le ministre du Travail
m'écoute parce que c'est un des interlocuteurs qui va savoir exactement
ce que je veux dire
M. BOURASSA: ... avec votre texte?
M. BURNS: Oui. J'aimerais bien que le ministre du Travail
m'écoute et que le premier ministre m'écoute là-dessus, ce
que veut dire le texte actuel et même le texte supposément ou
proposé par le gouvernement comme modification, en dernier lieu. Ce que
ça veut dire, c'est que le gouvernement a la main haute, ça c'est
très important, a la main haute même sur les droits acquis.
Cela veut dire que le gouvernement pourrait, théoriquement
je ne veux pas prêter d'intention à personne mais
théoriquement le gouvernement pourrait empêcher toute forme de
règlement d'ici au 30 juin. Et là, ayant empêché
toute forme de règlement, décider que c'est lui qui, à
l'avenir, va décréter les conditions de travail lesquelles vont
être si c'est une de ses propositions inférieures
à certains égards. Je trouve cela absolument grave.
Déjà je n'accepte pas les règles du jeu, à l'effet
que la partie soit juge et partie en même temps. Je ne l'accepte
pas mais cela a été adopté et je n'ai plus le
choix. Mais au moins, la partie qui fausse les règles du jeu devrait au
moins dire: Je ne pourrai pas aller plus bas que ça. Là-dessus,
M. le Président, en conférence privée avec le premier
ministre, on en a discuté. J'avais compris que le premier ministre nous
donnait son accord à ce principe, c'est ce que j'ai compris. A moins que
le premier ministre me dise que j'ai mal compris ce qu'il m'a dit.
M. BOURASSA: M. le Président, sous réserve des effets
pratiques ou du caractère faisable juridiquement de la proposition.
M. BURNS: II va falloir qu'on parle clairement puis qu'on dise
franchement les choses, M. le premier ministre. Quand on s'est parlé
tantôt je n'ai pas. l'intention de dire ce qu'on s'est dit dans les
débats mais on a parlé sur un plan dans le fond
très technique, on a examiné le texte techniquement. On s'est dit
qu'est-ce que chacune des deux parties actuellement voyait dans ce
problème. J'ai compris que le premier ministre au nom du gouvernement me
disait: II n'y a pas de problème, il n'était pas question de
descendre plus bas de ce qui existait actuellement. Le texte que nous proposons
dit exactement que les avantages qui apparaîtront dans la nouvelle
conventioncollecti-ve seront au moins égaux à ce qui existe
actuellement. Je pèse bien mes mots, cela peut être, M. le
Président et M. le premier ministre, une des causes de
l'obéissance, non pas de la désobéissance, mais de
l'obéissance civile à la loi que nous sommes en train d'adopter.
Ce n'est aucunement une menace. Si le député de Bourassa ne
comprend pas, ce n'est pas de ma faute. Je pense que ce que je dis là
c'est très sérieux. Le fait que ce texte, que le texte
lui-même, je m'en fous je m'en balance que ce soit le même texte
que je propose, je suis prêt à le retirer si l'idée
derrière le texte que nous proposons est respectée, je vais dire
d'accord je retire mon texte. Mais je dis ceci et je vous demande de ne pas
penser que je vous charrie quand je vous dis cela, que ce texte-là est
peut-être un élément très important dans le respect
de la loi qu'on est en train d'accepter. Ce sont les seules remarques que j'ai
à vous faire. Je ne vois pas pourquoi un gouvernement de bonne foi qui
dit: On est prêt à prendre nos employés, on est prêt
à les faire rentrer au travail, on est prêt à leur donner
des conditions, on est prêt, après qu'ils seront retournés,
à discuter avec eux. Je ne vois pas un gouvernement de bonne foi qui
dise tout cela et qu'il ne soit pas capable de dire en même temps: On
accepte que ce ne sera pas plus bas que ce qu'ils ont actuellement. C'est cela
que dit notre gouvernement.
M. BOURASSA: Comment écrire cela?
M. BURNS: Comment écrire cela, M. le premier ministre; c'est bien
simple c'est notre amendement et je le relis: "Ce décret doit accorder
aux salariés des avantages au moins égaux on ne vous dit
pas plus forts on vous dit: au moins égaux à ceux que
comportent les dernières conventions collectives qui leur étaient
applicables modifiées pour tenir compte des offres salariales etc.
M. BOURASSA: Le député est au courant que certaines
choses...
M. BURNS: Ecoutez. Est-ce que vous voulez... La question est bien
simple, est-ce que vous voulez, par le décret qu'éventuellement
vous adopteriez si les mécanismes ne fonctionnent pas entre les deux,
est-ce que par ce décret-là vous voulez diminuer les conditions
de travail actuellement existantes?
M. BOURASSA: Bien non, dans l'ensemble non, mais il peut y avoir des
choses...
M. BURNS: Je ne vous demande pas de rouler avec la question, encore une
fois.
Je vous demande simplement: Est-ce que vous voulez diminuer ces
conditions-là? Si vous me dites non, vous n'avez aucun, aucun
problème à accepter l'amendement que j'ai proposé. Et,
d'ailleurs, M. le Premier ministre, je vous rappelle encore une fois, je
n'aime pas cela parler de conversation privée mais c'était quand
même dans le cadre de faire avancer le débat, d'éviter que
cela dure plus longtemps que nous nous en sommes parlés à
l'extérieur de la Chambre j'ai compris que vous étiez
entièrement d'accord avec l'idée que sous-tendait cet
article-là. Pourquoi ne le dirions-nous pas? Pourquoi ne dirions-nous
pas que lors de la mise en vigueur, par cette loi, des ententes collectives
passées ce ne sera pas long, M. le ministre lors de la
mise en vigueur de ces ententes-là, que, au moins, on ne descendra pas
plus bas. C'est cela, dans le fond, que dit le texte. On ne descendra pas plus
bas que ce qui existe actuellement.
M. GARNEAU: Plus bas que quoi?
M. BURNS: Que les avantages seront au moins égaux. C'est
seulement cela que nous vous demandons. Si vous êtes capables de vous
engager à cela, vous êtes capables d'accepter notre texte. Je ne
vois pas pourquoi vous ne seriez pas capables d'accepter cela ou un autre texte
qui voudrait dire la même chose.
M. PICARD: Une petite question...
M. BOURASSA: J'ai dit, comme le député de Maisonneuve, que
nous avons discuté, et je l'avais d'ailleurs dit dans mon discours de
deuxième lecture, qu'il n'était pas question de diminuer les
conditions de travail des employés du secteur public. C'est un principe,
je pense,
avec lequel tous les membres de l'Assemblée nationale seront
entièrement d'accord. Là, il s'agit de trouver un texte juridique
et là, cela dépasse ma spécialité
peut-être pas celle du député de Maisonneuve on me
soumet qu'avec certains textes, il est possible que n'importe lequel
salarié puisse contester devant la Cour s'il arrive un aspect ou un
autre dans la négociation et que cela peut compliquer
considérablement l'application de la loi. Alors, nous examinons d'autres
textes. Je fais une proposition, quitte à ce qu'on en discute à
la commission parlementaire si on ne peut pas accepter ce que nous proposons
quitte à le réviser mardi après-midi à la
commission parlementaire lorsque nous aurons eu un peu plus de temps parce que
nous siégeons quand même depuis 24 heures sans interruption pour
voir s'il n'y a pas lieu...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse auprès ce ne
sera pas long, M. le député.
M. LE PRESIDENT: II y avait le ministre des Finances et le
député d'Olier.
M. GARNEAU: Je voudrais poser une question au député de
Maisonneuve, parce que j'ai nettement l'impression qu'actuellement le
rôle qu'il joue est celui d'un négociateur de la partie syndicale.
C'est un peu cela que j'ai l'impression qu'il fait, et je ne vous blâme
pas. remarquez bien...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement...
M. GARNEAU: Ecoutez, attendez. Laissez-moi donc! Est-ce que j'ai dit des
insultes au député de Maisonneuve?
M. BURNS: ... article 100, paragraphe 9, M. le Président. Est-ce
assez pour vous?
M. GARNEAU: Mais...
M. BURNS: Non, je ne suis pas fatigué du tout, mais je n'aime
pas...
M. GARNEAU: Je ne vous ai pas dit d'insultes.
M. BURNS: M. le Président, le débat s'est tenu à un
niveau assez élevé; je voudrais qu'il reste à ce
niveau-là. Qu'on ne commence pas à me parler du fait que je
négocie pour la partie syndicale, et pour ceux qui voudraient prendre ma
parole, je vais leur dire que je ne suis pas, absolument pas payé par
les syndicats pour ce que je fais ici. Est-ce qu'on peut écarter
ça, s'il vous plaît?
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas cela d'ail- leurs que le ministre a dit.
L'article 9 dit: "Imputer des motifs indignes à un député
ou de refuser d'accepter sa parole." Or, je n'ai rien vu d'indigne dans ce que
le ministre dit. Il dit que la formulation employée par le ministre
ressemble à une négociation. Il n'a rien dit de plus. Je ne vois
pas ce qu'il y a d'indigne là-dedans.
M. GARNEAU: De toute façon, je vais essayer d'employer d'autres
termes. La question que je veux poser au député de Maisonneuve
est la suivante. Quand il parle des conditions, est-ce qu'il parle des
conditions contenues dans les dernières offres et c'est ce que
reflète le texte de loi à venir jusqu'à maintenant ou s'il
veut que dans ces dernières offres, on prenne les conditions salariales
et qu'on enlève les autres conditions qui étaient incluses dans
cette offre globale? C'est la question que je lui pose. Il voudrait qu'on
gèle dans la loi tout ce qui est plus, et il voudrait qu'on
enlève tout ce qui était la concession que l'on demandait
à la partie syndicale pour faire des offres salariales plus
élevées. C'est la question que je pose au député de
Maisonneuve lorsqu'il nous dit: Prenez mon texte. C'est cela que je ne
comprends pas dans sa proposition. Je veux être bien certain parce qu'il
s'agit dans cette proposition-là et, vous le savez autant que moi
de plusieurs dizaines de millions de dollars. C'est important pour le
gouvernement de savoir exactement à quoi il s'engage s'il accepte la
proposition que vous faites parce que, uniquement dans le régime de
retraite, il y a au moins une dizaine de millions de dollars là-dedans
qui peuvent être répartis sur deux ans, trois ans, quatre ans,
cinq ans.
Cela, c'est négociable. Mais quand même, il est bien
important de savoir, à la dernière minute, en discutant pendant
cinq ou six minutes additionnelles, on en arrive à un texte qui,
à un certain moment, vous fait réaliser après coup que
cela a des implications financières considérables. C'est la
raison pour laquelle je veux savoir: Est-ce qu'il sépare les deux ou
prend-il l'offre globale?
M. BURNS: Ce que...
M. PICARD: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Olier.
M. PICARD: C'est le point que je voulais soulever et la question que je
voulais poser au député de Maisonneuve. Est-ce qu'il accepterait
d'ajouter deux mots à son texte lorsqu'il parle des conditions "prises
globalement"? Alors, il n'est pas question de scinder les conditions normatives
et les conditions salariales. Parce que, là, c'est du moins
l'impression que j'ai vous essayez.de prendre tout ce qui est bon, toute
la crème du gâteau, dans toutes les conditions salariales et dans
les autres, vous
dites: N'allez pas plus bas que ce qui existait avant. Il arrive un
certain moment, que certaines conditions salariales sont accordées mais
à condition qu'on change certaines autres conditions qui apparaissaient
déjà à la convention collective. Si vous pouvez ajouter
"prises globalement", cela serait avantageux. Je comprends tout le
problème. Plus avantageux que cela ne l'était auparavant, si on
prend les offres gouvernementales comme un tout et non pas prendre seulement
les parties qui font votre affaire.
M. LE PRESIDENT: II y avait l'honorable député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): J'avais demandé la parole tout à l'heure
sur l'article 10 mais c'était sur un autre point de l'article 10, sur un
autre point, sur le même article, pour permettre à l'honorable
député de...
M. LOUBIER: Je pense, M. le Président, que le
député de Maisonneuve a exprimé tout à l'heure
d'une façon assez explicite quel était, au moins en gros, le fond
de la proposition qu'il avait faite. C'est que nous voudrions, et je pense
à ce moment-là être dans l'ordre, que la situation
globalement et sans faire de jeux de mots ou sans essayer de verser dans toutes
les technicités, c'est que la situation des négociations,
globalement comme le disait le député de Olier, c'est que cela
demeure telle quelle et littéralement gélatinée et qu'on
ne puisse pas à ce moment-là, à la lumière des
options qui sont offertes par les offres gouvernementales à la partie
syndicale, que toutes les offres qui sont faites, suivant l'éventail
donné par le gouvernement, suivant des options que pourraient choisir la
partie syndicale, c'est qu'à ce moment-là, tout soit gelé
au niveau où sont rendues les négociations actuellement et qu'on
ne puisse pas régresser ou offrir quelque chose de moindre, tant sur le
plan salarial que sur le plan sécurité d'emploi que sur tout les
autres plans, qu'on ne puisse pas remettre en cause ou en discussion, tous les
projets qui avaient été accomplis au cours des
négociations de sorte qu'à la fin de toutes ces
négociations, suivant les conditions, suivant le contexte, suivant
l'éventail des options données, il y ait la même
liberté d'acceptation de la part de la partie syndicale mais que,
d'autre part, de la partie patronale, qu'il n'y ait pas à ce
moment-là, retrait des avantages, des options que la partie patronale
avait offerte à ce moment-là. Je pense que c'est l'esprit qui se
dégage des propositions du député de Maisonneuve. Et en ce
qui me concerne, j'appuie entièrement l'esprit des propositions du
député de Maisonneuve. A ce moment-là, je pense qu'on
pourrait donner une garantie minimale aux syndiqués qu'en retournant au
travail, ils ne remettent pas en question les négociations dès le
début ou encore qu'il ne remettent pas en question les conditions, les
options, les avantages qui ont été proposés par la partie
patronale.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Nous sommes tellement d'accord quant à
l'exposé du chef de l'Opposition, que c'est le raisonnement qui a
sous-tendu l'amendement déjà apporté à l'article 5.
Voici que le gouvernement dit: Nous allons maintenir nos dernières
propositions. Alors, je trouve que l'argumentation du chef de l'Opposition, si
bien fondée soit telle, est partagée entièrement de
côté-ci de la Chambre. Il n'y a pas d'ambiguité ou
d'équivoque. Le problème est réglé; les offres sont
là, et elles seront maintenues. Là on prend le problème
par l'autre bout. Le premier bout était l'article 7,
c'est-à-dire: Pour le moment, est-ce que l'on maintient nos offres?
C'est ce que dit le texte qui a été adopté. L'autre bout
du problème, c'est ce que contiendra le décret. Là, il y a
des problèmes, mais il me semble qu'il n'est pas nécessaire, en
somme, cela n'infirme pas du tout... Supposons que le dernier alinéa de
l'article 10 soit rédigé de la façon qui est
suggérée n'infirme pas du tout le premier amendement
adopté par la Chambre à l'unanimité qui dit...
M. LOUBIER: Non, mais les deux amendements ou les deux articles se
sous-tendent et doivent avoir une certaine cohérence. Je pense qu'il
s'agit tout simplement d'une question de formulation qui assurerait une
certaine concordance entre l'article 5 et l'article 10. Parce que nous nous
rendons compte, comme le disait fort à propos le ministre de la Justice
que, sur l'esprit, sur le principe même, nous nous entendons tous, le
député de Maisonneuve, celui qui parle actuellement et le
gouvernement. Mais il s'agit d'arriver à une formulation telle qu'il y
ait une concordance entre l'article 5 et l'article 10, surtout dans l'esprit,
pour au moins assurer cette garantie minimale qui, à mon sens, est
absolument essentielle pour aboutir à des négociations qui
seraient dans un climat favorable pour les deux parties qui s'affrontent
actuellement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. JORON: M. le Président, je vais essayer de résumer une
dernière fois le point qu'on essaie de faire valoir là-dedans. On
est dans un contexte où le gouvernement s'apprête à faire
passer une loi d'exception. Ce qu'on veut, c'est qu'il ne profite pas de cette
occasion pour pouvoir, dans quelque temps, par un décret,
détruire des choses qui ont été négociées
dans le passé et qui sont dans l'actuelle convention collective. On veut
au moins protéger cet acquis. Ce n'est pas difficile à
comprendre.
M. BOURASSA: Ce n'est pas exact. Nous en avons discuté une heure
de temps. Nous avons essayé de rassembler les opinions. Nous nous
apercevons que c'est très complexe à la lumière de la
discussion, parce que c'est hautement technique et que cela a toutes sortes
d'implications juridiques. Notre interprétation, c'est que l'amendement
que je dépose, cela représente ce que j'ai dit dans
l'Assemblée ou ce que j'ai pu dire en discutant. L'article 10 est
modifié en remplaçant le deuxième alinéa par le
suivant: "Ce décret doit contenir toutes les clauses paraphées
par les parties avant le 1er juin 1972 et tenir compte des dernières
offres, propositions, conditions visées à l'article 5".
Evidemment, je peux me tromper, mais en quoi ceci ne donne pas la
garantie qui est demandée?
M. BURNS: M. le Président, ce sont deux choses tout à fait
différentes. Je m'excuse, j'avoue ma faiblesse, c'est peut-être
moi qui ne suis pas assez clair pour vous faire comprendre ce que je pense.
Mais, à mon avis, ce sont deux choses tout à fait
différentes. Partons d'abord de l'article 5 et de l'article 10. Les deux
articles 5 et 10 sont d'abord deux choses différentes. L'article 5 dit
ce qui arrivera quand les employés retourneront au travail.
M. BOURASSA: ... le principe de l'article 5 à l'article 10.
M. BURNS: D'accord, laissez-moi terminer. L'article 5 nous dit ce que
les employés auront quand ils retourneront au travail. On dit: "les
propositions et les dernières offres" du gouvernement. Qu'on amende le
texte. Dans les propositions et dans les offres du gouvernement, il y a
peut-être des choses qui sont inférieures à la convention
collective. Correct? Cela est fort possible. Je ne dis pas qu'il y en a, mais
je dis que c'est possible.
Or, nous l'avons laissé de côté l'article 5, parce
qu'à mon avis c'est moins grave. Il y a toujours moyen de se rattraper
par la négociation. Mais l'article 10, lui, il n'y a pas tellement de
façons de se rattraper par la négociation, parce que c'est le
gouvernement qui va décider. C'est le gouvernement qui va imposer par
décret des conditions de travail.
M. BOURASSA: Pas si la négociation réussit.
M. BURNS: Non, écoutez, je vais au pire. Ce n'est pas moi qui
vais au pire, c'est la loi qui y va. La loi dit que, s'il n'y a pas d'entente,
il y a un décret. Alors, je suis obligé d'en tenir compte, parce
que la loi en a tenu compte.
Si jamais il n'y a pas d'entente, moi je ne voudrais pas que le
gouvernement se place dans une position absolument inconcevable de
décider d'une réduction soyons clairs, et disons-le
clairement aussi des conditions de travail. C'est le
lieutenant-gouverneur en conseil qui va décider ça...
M. BOURASSA: Ce que demande le député...
M. BURNS: ... qui va décider que les conditions ne seront
même pas égales, même pas au moins égales
comme dit notre amendement à ce qui existait dans les conventions
collectives antérieures.
M. BOURASSA: ... c'est de tenir compte des offres, propositions,
conditions qui ont été déposées.
M. BURNS: M. le Président, il y a quelques juristes dans cette
Chambre et je pense qu'à moins de se mettre la tête dans le sable,
ils vont tous vous dire, y compris le premier ministre qui est aussi, je pense,
un juriste en tout cas il en porte le titre...
M. BOURASSA: ... longtemps, longtemps.
M. BURNS: ... que les mots "tenir compte" ça ne veut pas dire
grand-chose dans un texte. Cela ne veut pas dire beaucoup de choses dans un
texte. Si je tiens compte de ça, ça ne veut pas dire que je suis
obligé d'appliquer ça. Il n'y a pas un juriste ici qui va venir
me contredire et je mets au défi qui que ce soit qui est au courant des
règles d'interprétation, qui pourra me dire que les mots "en
tenant compte de..." veulent dire que je suis obligé de suivre
ça. Cela ne veut pas dire ça, du tout.
M. BOURASSA: L'article 5 les maintient.
M. BURNS: L'article 5 les maintient lors du retour au travail, c'est
ça qui est le problème. Ce sont deux choses différentes.
L'article 5, c'est pour le retour au travail et l'article 10 est à
l'effet que, si jamais il n'y a pas entente après le retour au travail,
il y ait un décret du gouvernement.
Et à la rigueur, si on veut pousser la farce au bout, on peut
dire facilement que l'employé qui gagnait $2.50, le décret peut
dire qu'il va gagner à l'avenir $2 l'heure. C'est ce que veut dire ce
texte-là. C'est-y assez vache? Et c'est sûr que ce n'est pas
ça que le gouvernement veut faire. Et s'il ne veut pas faire ça,
qu'il nous le dise clairement, qu'il le mette dans un texte, qu'on le sache! Et
que les gars qui doivent rentrer samedi le sachent eux autres! Et
peut-être que ça va vous aider à les faire rentrer les
gars, samedi. Peut-être qu'autrement ils ne rentreront pas.
M. LOUBIER: Le premier ministre se rend compte que c'est une question de
formulation en fait. Je pense que, sur l'esprit et sur les objectifs que nous
voulons atteindre, nous sommes tous d'accord. Il y a une question de
formulation qui à un moment donné pourrait, par le texte que l'on
pourra employer, donner une obligation ou encore permettre au gouver-
nement un certain degré d'arbitraire et c'est ça qui nous
embête actuellement.
Est-ce que le premier ministre me permettrait de faire une suggestion ou
certaines remarques? Lorsqu'on dit "tiendra compte", il n'y a aucun engagement
formel de la part du gouvernement à accepter ou à ratifier, ou
à se lier, tandis que, si on acceptait, par exemple l'expression "devra"
ou "doit tenir compte" mais d'une façon mieux articulée avec le
reste ou avec tout le contexte de la phrase qui est faite, pour au moins lier
le gouvernement. Je pense qu'à ce moment-là on ne s'en remettra
pas strictement à la discrétion du gouvernement.
Il faudrait éviter, autrement dit, dans la formulation, que ce
soit une coloration strictement discrétionnaire aux mains du
gouvernement. Il y a une nuance qui pourrait, je pense, être
corrigée assez facilement.
M. BOURASSA: Quelle est la suggestion du chef de l'Opposition? De
changer "tenir compte".
M. LOUBIER: C'est-à-dire qu'il ne faudrait pas que, dans la
formulation, il y ait une implication ou encore une signification de
discrétion de la part du gouvernement, de la partie patronale en
occurence.
Il faudrait trouver une formulation telle que la partie patronale soit
véritablement liée dans le texte et dans l'esprit du texte, au
moins aux garanties minimales qui sont en relation directe avec les offres
globales qui ont été faites par le gouvernement,
subordonnées et conditionnées à l'éventail des
options qui avaient été présentées.
M. BOURASSA: Respecter, est-ce que c'est plus fort que tenir compte?
M. BURNS: C'est pas mal mieux. M. LOUBIER: Je pense que ça
irait.
M. BOURASSA: M. le Président, respecter est plus fort que tenir
compte.
M. CHARRON: II faudrait peut-être quand même que...
M. BOURASSA: On en est rendu à émettre l'esprit. Tout le
monde est d'accord sur les objectifs, c'est une question
d'interprétation juridique de termes.
M. CHARRON: Le premier ministre me permettra de lui donner à la
fois raison et tort avec son nouveau...
M. BOURASSA: La première partie de...
M. CHARRON: Qu'est-ce que ça serait pour le gouvernement que de
respecter les dernières offres patronales? Qu'est-ce que ça
serait de plus que de tenir compte?
M. BURNS: Sur l'amendement ou sur le texte?
M. BOURASSA: Sur notre amendement.
Je pense qu'il faut quand même peut-être mettre un terme
à quatre heures de discussion, mais moi je suis convaincu, et je peux
l'exprimer très clairement, que l'amendement que nous avons soumis
satisfait les demandes ou l'esprit des demandes qui ont été
faites par les trois partis de l'Opposition et qui étaient celles
également du gouvernement, tel que je l'ai annoncé dans mon
discours en deuxième lecture.
M. LOUBIER: Je regrette, encore une fois, que le premier ministre
assaisonne ses propos d'une façon assez partisane. Il a tenté
depuis le début d'agir avec beaucoup de sérénité,
mais je ne vois pas ce que vient faire un engagement électoral dans la
discussion que nous tenons actuellement.
J'aimerais beaucoup mieux que le premier ministre...
M. BOURASSA: Je m'excuse, il y a confusion. Ce que j'ai dit, c'est que
j'avais dit au cours du débat de deuxième lecture il y a
confusion sur un mot j'ai dit au cours de mon discours de
deuxième lecture qu'il n'était pas question pour les
employés du secteur public et du secteur parapublic d'avoir des offres
inférieures. Jp dis là que l'amendement que nous avons soumis,
avec la proposition, à la suite de la suggestion du député
de Maisonneuve qui trouvait que "tenir compte" n'était pas assez fort ou
donnait trop de liberté de manoeuvre, que le terme "respecter", quant
à nous, représentait l'esprit de ce qui était
demandé de la part du Parti québécois, de
l'Unité-Québec et du Ralliement créditiste, et ce que nous
voulions, nous.
M. JORON: Une ultime fois.
M. LOUBIER: M. le Président, moi je pourrais, à ce
moment-là, me satisfaire de cette formulation et tenant compte du fait
que le premier ministre prend un engagement solennel qu'il ne peut pas traduire
dans le texte de la loi...
M. BOURASSA: Nous essayons depuis deux heures.
M. LOUBIER: ... à l'effet que les garanties minimales de
l'état des négociations et des avantages qui avaient
été donnés à ce moment-là seront
intégralement respectées. Parce que je sais fort bien qu'il ne
peut pas traduire son engagement comme premier ministre, il ne peut pas non
plus traduire sa promesse comme premier ministre dans un texte de loi, mais je
sais fort bien qu'à cause de l'enregistrement de tous les débats,
que le premier ministre se sentirait lié comme chef du gouvernement
à
tous les propos que nous tenons relativement aux amendements que nous
proposons.
M. JORON: Une dernière fois. Le "respecter" évidemment est
plus fort que le "tenir compte". Cela oblige au minimum aux dernières
offres que vous avez déposées. Mais ça ne correspond pas
du tout à l'amendement qu'on propose, parce que, dans ces nouvelles
offres globales, il se peut que dans certains secteurs il y ait des
catégories d'employés qui tombent à quelque chose de moins
que l'actuelle convention collective.
Notre amendement visait à assurer comme plancher minimum
l'actuelle convention collective. C'est très différent,
ça.
M. BOURASSA: M. le Président, disons que j'essaie de garder
l'esprit aussi clair que possible après 24 heures de discussion. Mais,
quant à moi, nous avons apporté deux amendements tenant compte de
ce que nous recherchions tous ensemble, et j'ai dit, et je le
répète, qu'il n'est pas question pour les employés des
secteurs public et parapublic d'être traités d'une façon
inférieure, loin de là, à ce qu'ils ont été
traités avant cette loi.
M. JORON: Est-ce que je pourrais reformuler cela une dernière
fois qui va peut-être apparaître claire au premier ministre? A son
amendement à l'article 10 et qui se termine par "... et respecter les
dernières offres, propositions et conditions visées à
l'article 5." nous ajouterions ceci: "... ainsi que les dernières
conventions collectives qui leur étaient applicables."
M. CHOQUETTE: ... absurdité, c'est contradictoire.
M. JORON: Si c'est votre jugement, c'est que vous êtes en train de
nous dire qu'il y a effectivement des catégories d'employés qui
vont tomber en dessous de ce qu'ils ont dans le moment. Vous venez de le dire.
Bien oui.
M. BURNS: C'est ce que vous dites.
M. CHOQUETTE: Je pense qu'on doit considérer ceci. C'est que,
dans les dernières offres gouvernementales, il n'y a pas de
régression sur les conditions de travail d'ensemble s'appli-quant
à aucune des catégories visées par les conventions
collectives. Par conséquent, j'admets qu'il peut y avoir des
réajustements sous certains aspects de certains bénéfices
par rapport à d'autres. Mais, au total, je pense qu'on peut tenir pour
acquis que l'ensemble des fonctionnaires et des employés du secteur
parapublic couverts par les dernières offres gouvernementales
reçoivent tous des avantages supérieurs par rapport à
leurs conditions existant avant ces offres.
Donc, on ne peut pas astreindre le gouverne- ment à la fois au
respect de ces dernières offres et en même temps au respect des
conditions qui prévalaient avant qu'on fasse ces offres-là, et
des conditions qui existaient dans la fonction publique et dans le secteur
public. Cela serait une contradiction. C'est une absurdité, et seul le
député de Gouin ne la voit pas.
M. JORON: Je regrette, mais la contradiction que vous voyez, elle
n'existe pas. Nous ne vous disons pas de respecter les deux en même
temps, nous vous disons que l'une sert de plancher. Ce n'est pas difficile de
comprendre. Un plancher, vous savez ce que c'est. Cela en est un, ça.
Comme condition minimum.
Mais vous, vous avez dit une contradiction par contre, vous avez dit
que, dans l'ensemble, en gros, elles étaient plus favorables. Et en
même temps vous dites que, dans chacun des cas, elles le sont au moins
plus favorables.
M. CHOQUETTE: Pour les individus.
M. JORON: A ce moment-là si vous dites ça, qu'est-ce qui
vous empêche de signer notre amendement? C'est exactement ce qu'il
dit.
M. CHOQUETTE: La raison est celle-ci. Admettons par exemple qu'un
employé reçoit une augmentation de 4.8 p.c. par année,
etc.
Je ne connais pas, remarquez, tous les détails techniques, mais
mettons que, sous certains aspects, il y a d'autres conditions de travail qui
ont été modifiées et qui représentent une
régression pour cette condition de travail par rapport à la
condition qui existait précédemment. C'est là où il
y a contradiction. On ne peut pas couvrir les deux en même temps. Alors
il nous faut nous brancher: soit le plancher, comme vous le dites, dans les
dernières offres gouvernementales ou soit le plancher dans les
conditions de travail existantes à l'arrêt de travail. Il faut
choisir l'un ou l'autre.
Je pense qu'on a tout intérêt à choisir les
dernières offres gouvernementales comme plancher parce qu'il est
manifeste qu'elles représentent un progrès pour tout le monde
même si, sous certains aspects et dans certaines conditions, elles
peuvent être inférieures par rapport à ce qui existait.
Je pense que, si le député voit cet aspect du
problème il va se rallier, en somme, au moins à l'esprit de la
formulation de l'amendement proposé par le premier ministre. Mais, pour
le texte, il peut trouver que ce n'est pas autant qu'il le voudrait.
M. BURNS: M. le Président, il ne faut pas oublier une chose.
Pardon?
M. CHOQUETTE: Même si pour le texte, le député
pourrait trouver que ce n'est pas autant qu'il voudrait, il va au moins se
rallier à l'esprit de la proposition du premier ministre.
M. BURNS: Je ne peux pas me rallier à l'esprit de la proposition
du premier ministre, pour une simple et unique raison, c'est que toute
l'argumentation que vous venez de tenir est faite en vue de me faire comprendre
qu'il y a des employés qui vont y perdre, à cette convention
collective. Oui, il y en a des employés. Je vous affirme qu'il y en a.
Si ce n'est pas votre intention, dites-nous le clairement par un texte. C'est
cela que nous vous disons. Si vous ne voulez pas que des individus se
retrouvent... Parce que, théoriquement, je l'ai dit tantôt, on
pourrait, avec un texte comme celui-là, retrouver une situation
où un employé qui gagnait $2.50 l'heure se retrouve avec $2
l'heure.
M. CHOQUETTE: Donnez-nous un cas.
M. BURNS: Je ne vous donnerez pas de cas, je vous dis que c'est possible
avec cela. Je vais vous donner le cas d'ensemble où, à un moment
donné, vous seriez obligés... Vous demandez un cas, M. le
ministre de la Justice, je vais vous en donner un. Si jamais le gouvernement
acceptait, par exemple, le minimum de $100. C'est un point qui est en
discussion. Le ministre du Travail sait fort bien ce que cela veut dire, un
"pattern" d'échelle salariale. Il sait fort bien ce que veut dire une
espèce d'échelle graduée. Cela va drôlement fatiguer
l'échelle que quelqu'un, à un moment donné, se retrouve
à $100 là-dedans, alors que ce quelqu'un gagnait $80, $82 ou $75.
Et il y a peut-être des ajustements qui se feront, dans l'échelle,
à cause de cela. Si ces ajustements, dans l'échelle, se font au
détriment de MM. X, Y et Z qui gagnent actuellement $111, que
voulez-vous que je vous dise? Il est possible que, pour la cohérence
interne de l'échelle salariale, on se retrouve à dire à M.
Untel, qui gagne $111 : II va falloir qu'à l'avenir ton poste vaille
$108 par semaine.
M. BOURASSA: Avez-vous un exemple de cela? Pouvez-vous donner un seul
exemple de cela?
M. BURNS: Je vous donne un exemple hypothétique.
M. BOURASSA: M. le Président, je viens d'en discuter.
M. BURNS: Ne partons pas en peur! Une minute!
M. BOURASSA: Evidemment, il y a toute la question de la
sécurité d'emploi qui est à part. Mais
indépendamment de la sécurité d'emploi, on m'assure...
M. BURNS: La sécurité d'emploi, ce que les syndicats vous
demandent, c'est mieux que ce qu'ils ont. Alors vous n'avez pas de
problème.
M. BOURASSA: Pour la question salariale...
M. BURNS: Vous n'avez pas de problème à accepter que ce
soit au moins égal à ce qui existait.
M. BOURASSA: Pour la question salariale, strictement parlant, on vient
de me dire qu'il n'est pas question qu'une offre soit faite...
M. BURNS: Je ne vous parle pas juste de la question salariale. Je vous
donne l'exemple le plus évident, la question salariale. Mais je vous en
ai donné un autre tantôt. Qu'est-ce qui arrive à MM. X, Y
et Z qui, eux, ont déjà 102 jours de maladie
d'accumulés...
M. BOURASSA: Vous laissez tomber la question salariale, là.
M. BURNS: ... qui sont sur le point d'arriver à leur retraite.
Qu'est-ce qui leur arrive?
M. BOURASSA: Vous laissez tomber la question purement salariale. Il
n'est plus question de diminution du salaire.
M. BURNS: Nous ne parlons plus de la question salariale. J'en ai
parlé à l'article 5. Je vous parle des conditions de travail
prévues à la convention collective, soit le minimum de
départ pour le décret. Cela, je n'en parle plus. Vous ferez ce
que vous voudrez après. Vous ferez ce que vous voudrez avec cela. Je
vais juste vous dire une dernière chose. Je trouve cela indécent,
même si vous n'exercez pas ce droit, que vous vous arrogiez le droit
éventuel, qui peut-être ne se réalisera pas, de
décider de conditions de travail de vos employés qui,
possiblement, seront inférieures à ce qu'elles sont actuellement.
Cela, je vous avoue qui si cela arrive, on s'en reparlera à ce
moment-là. Cela va être grave en maudit.
M. GARNEAU: M. le Président, là, le débat prend une
tournure qui nous oblige à intervenir sur un ton fort différent.
Depuis le début de la discussion en commission plénière,
des deux côtés de la Chambre, nous avons tenté de discuter
de bonne foi, loyalement, des amendements qui pourraient être de nature
à assurer ou à traduire l'esprit que nous avions, nous du
gouvernement. Les exposés qui nous avaient été faits au
début de cette discussion de la part de certains membres de l'Opposition
s'inscrivaient dans ce cadre. Mais là le député de
Maisonneuve s'engage sur un terrain qui m'apparait complètement
différent et qui prend une allure totalement politique à mon
point de vue.
Actuellement, ce que le député de Maisonneuve essaie de
faire, c'est d'enregistrer dans le journal des Débats des
hypothèses qu'il sait...
M. BURNS: C'est ça que ça vous prend pour comprendre. Que
voulez-vous?
M. GARNEAU: ... je pense, lui-même, ne pas être vraies. Le
premier ministre lui-même s'est engagé à ce que, dans le
cadre de cette loi et nous l'avons traduit dans des articles que
les dernières offres patronales prises dans leur ensemble avec les
conditions qui étaient assorties à ces offres-là bien que
le gouvernement s'engageait à ce qu'elles ne soient pas moindres
à partir de la décision finale qui sera prise s'il n'y avait pas
entente. Attendez, vous aurez votre droit de parole, il reste encore du
temps.
M. le Président, il m'apparaît nettement que, du
côté du Parti québébois, on est à
préparer la sortie de la Chambre pour faire un débat sur la place
publique et continuer à même des arguments que si nous n'y
répondons pas maintenant, il pourra interpréter à ce
moment-là notre silence comme étant un engagement. A venir
jusqu'à aujourd'hui les membres du Parti québécois ont
tenté d'agir avec beaucoup de naiveté, tout bonnement comme cela,
en agissant tout innocemment, mais on parle d'une vingtaine de millions de
dollars actuellement et vous pensez qu'on va croire votre naiveté? Non,
monsieur le Président, quant à moi, l'attitude du Parti
québécois depuis le début, au début en tout cas,
pour moi, je l'ai prise de bonne foi. Mais, depuis quelque temps, c'est une
attitude de politiciens qui tentent actuellement de se préparer une
sortie de la Chambre pour pouvoir aller sur le "hausting" après et dire:
Ah! je l'ai dit ça, regardez c'est dans le journal des Débats, ni
le premier ministre, ni le ministre des Finances, ni le ministre du Travail,
aucun membre du parti ministériel n'a apporté des remarques, n'a
apporté des réflexions.
M. le Président, l'expérience que j'ai vécue depuis
cette négociation et les arguments qu'on a servis me prouvent hors de
tout doute ce qu'on a tenté du côté du Parti
québécois de négocier pour le Front commun, et je ne nie
pas cette possibilité et ce droit de l'avoir fait. Cependant, je
voudrais qu'il soit bien entendu que nous ne sommes pas dupes, de ce
côté-ci de la Chambre, parce qu'ils nous ont servi des arguments
qui ont été servis depuis le début aux tables de
négociations. Mais ce n'est pas le temps à ce moment-ci, quelques
minutes avant que ne se clôture ce débat, sur cette loi de faire
marche arrière et de penser que toutes les négociations qui
durent depuis un an seraient abolies par un petit amendement couvert de
naiveté en tout cas avec la physionomie de la naiveté. En ce qui
me concerne, je pense qu'il convenait, c'était à mon sens, ma
responsabilité, comme ministre des Finances qui a à suivre
l'évolution des engagements financiers du gouvernement et ce que cela
représente pour les contribuables autant que pour les salariés
parce que les négociations qui ont cours depuis déjà un
an, nous avons eu des témoignages de la part des chefs syndicaux comme
quoi il y avait eu des pas positifs faits par la partie patronale. Même
au départ, les interprétations qu'on a faites de notre politique
salariale dans ses principes, on nous a dit : Ils sont tellement bien faits,
tellement étoffés, tellement bien préparés qu'on
n'a rien à dire contre, et on a essayé de trouver d'autres
façons d'agir. Je ne nie pas cela, c'est de bonne guerre dans les
négociations. Mais, quand même, il y a eu des témoignagnes
malgré tout cela qui montraient que les offres patronales étaient
positives et les additions qu'on a faites dans la période de
Pâques lorsque nous avons augmenté, par exemple, le pourcentage
d'augmentation aux petits salariés de 4.8 p.c. à 5.5 p.c. pour
donner un rythme de croisière plus rapide afin d'atteindre cette limite
de $100 par semaine plus rapidement dans le cas des employés qui
travaillaient 40 heures par semaine. Cela a été accepté
par les syndicats comme étant un geste positif. Nous avons,
malgré le fait que les syndicats n'ont pas fait de contreproposition
à cette offre-là, nous avons déposé de nouveau une
offre globale qui contient 19 pages de texte et qui couvre non seulement la
question salariale où nous avons ajouté $32.9 millions de plus
mais qui couvre des avantages additionnels du côté du
régime de retraite, du côté de l'assurance salaire, du
côté de la sécurité d'emploi...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. GARNEAU: ... on va venir nous faire accroire aujourd'hui que ces
offres-là qui ont été déclarées positives
seraient moindres que celles qu'il y avait avant. Il y a toujours une
limite.
M. BURNS: Fermez-lui la gueule, et je vais parler.
J'invoque le règlement, M. le Président, nous sommes en
train de parler de l'article 10. Je ne vois pas en quoi le ministre des
Finances est en train de parler de l'article 10, c'est-à-dire celui qui
parle d'un décret éventuel. Exactement le cadre du débat
de l'article 10. J'aimerais bien savoir en quoi il nous parle d'un
décret éventuel.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!
M. BURNS: II n'y a pas "d'à l'ordre", je suis en train de vous
dire exactement ce que j'en pense.
M. LE PRESIDENT: Je suis en mesure de me prononcer sur la question de
règlement.
M. BURNS: Voyons donc! ça va faire! Depuis quelque temps,
ça commence à ne pas être drôle.
M. LE PRESIDENT: Je déclare que votre question de
règlement est non fondée. L'honorable ministre des Finances.
M. GARNEAU: M. le Président, la preuve que j'essaie de faire,
c'est que toute l'argumen-
tation du député de Maisonneuve était à
l'effet que si nous appliquions les dernières offres patronales, prises
d'une façon globale et telle que spécifiée dans l'article
10, si nous appliquions ces offres-là il se pourrait peut-être,
hypothétiquement, que des gens soient moins bien traités
après la signature du décret qu'avant.
Ma thèse, M. le Président je pense que vous l'avez
reconnu est à l'effet de tenter de prouver que ce que dit le
député de Maisonneuve n'est pas possible. Tant et aussi longtemps
que le débat m'a semblé demeurer sur le plan technique, j'ai
poursuivi la discussion. Mais là, M. le Président, je ne peux pas
laisser passer...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! A votre siège si
vous voulez parler.
M. GARNEAU: M. le Président, je ne peux pas laisser passer ces
remarques de la part du député de Maisonneuve et du
député de Rouyn.
Je pense que l'attitude du gouvernement à venir jusqu'à
date dans ce conflit a été une attitude raisonnable, positive.
Les offres que nous avons faites, tant à la période de
Pâques que les offres que nous avons faites mardi dernier, étaient
des améliorations sensibles aux conditions de travail des
employés des secteurs public et parapublic. Que ce soit par exemple le
régime de retraite, on reconnaîtra qu'actuellement au-delà
de 100,000 salariés du secteur public ne bénificient pas du
régime de retraite. Si nous appliquions l'article 10, tel
qu'amendé sur proposition du premier ministre, ces gens-là
retireraient des bénifices additionnels en terme de
sécurité additionnelle pour eux et pour leur famille. C'est donc
une addition, c'est donc quelque chose de positif comparativement à la
situation présente. Si on prend, par exemple, du côté de
l'assurance-salaire parce que le député de Maisonneuve en a
parlé et il a tracé un cas hypothétique, dans la
proposition que nous avons faite et qui se trouve maintenant incluse dans
l'article 10 tel que modifié, il est dit ceci. Il prenait l'exemple d'un
fonctionnaire qui était à la veille de prendre sa retraite et qui
pourrait peut-être perdre des bénéfices. A la page 6 de
cette proposition, il est bien dit "que les bénifices qui sont au nom
d'un employé", il ne peut pas les perdre. Les droits acquis sont
protégés de ce côté-là.
Evidemment, si, dans la négociation, on trouve des
aménagements pour ce qui est de l'avenir qui sont encore plus
avantageux, je n'ai pas d'objections, mais à partir de la proposition
que nous avons là, il y a au moins l'avantage suivant pour les gens qui
sont malades pendant un an, qui ont supposément quinze ou vingt jours de
maladie d'accumulés, la proposition telle qu'elle est là, si elle
était respectée, ces gens-là recevraient 90 p.c. de leur
salaire pendant tout le temps que courrerait leur maladie, d'autant plus que
cela reprend tout de suite l'année suivante. Ils repartent avec la
même banque. C'est donc une addition, M. le Prési- dent, à
la situation qui prévaut actuellement. Qu'on ne vienne pas essayer de
nous faire accroître qu'hypothétiquement des salariés des
secteurs public et parapublic seraient maltraités avec cela.
M. le Président, cela fait assez longtemps que je suis dans ce
dossier. Au moment où j'étais ministre de la Fonction publique,
on a commencé à travailler à ce dossier-là,
à tous les points de vue, au point de vue du salaire, au point de vue
des conditions de travail, du régime de retraite, de
l'assurance-salaire, on a commencé à préparer ce dossier.
Mon collègue le ministre de la Fonction publique a poursuivi ce dossier.
Qu'on ne vienne pas me faire accroire aujourd'hui, à la veille de
terminer l'étude de cette loi, que des situations hypothétiques
pourraient se poser, et qu'en fait cela tout naïvement.
Cela fait assez longtemps, M. le Président, que je suis dans
cette arène politique, même si ce n'était pas comme
député, pour voir venir les pianos, surtout s'ils sont de cette
grosseur-là.
Si on prend les autres conditions, M. le Président, au niveau de
la sécurité d'emploi, parce que c'est une autre des propositions
qui est contenue dans cette déclaration du mois de...
M. BURNS: Article 10, on discute de l'article 10.
M. GARNEAU: Bien oui, mais ce que je veux dire, c'est qu'après
l'application de l'article 10, il y a une foule de travailleurs du secteur
public qui seraient mieux traités qu'ils le sont actuellement, et ce que
j'essaie de démontrer c'est que l'attitude du Parti
québécois à date n'était pas correcte lorsqu'il
parlait supposément d'hypothèse. Un professeur qui, actuellement,
pour une raison ou l'autre, est remercié de son emploi ne
bénéficie pas des avantages qui sont contenus dans la
dernière proposition que nous avons déposée...
M. BURNS: Non, il n'y a même pas de sécurité
d'emploi.
M. GARNEAU: Attendez, laissez-moi finir, j'achève, il me reste
une minute, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: De toutes façons, j'avertis immédiatement
que le député de Beauce demande la parole depuis trois quarts
d'heure, que le débat achève et que c'est lui qui aura la parole
après le ministre des Finances.
M. GARNEAU: Alors je conclus, M. le Président. Si un professeur,
actuellement, perdait son emploi ou avait perdu son emploi avant cette
négociation, il n'avait pas les bénéfices marginaux qui
sont contenus dans cette proposition de mardi dernier faite à la table
et qui
sont inclus dans l'article 10 qu'on discute présentement. Je dis
que ces professeurs-là seront mieux traités après qu'ils
ne sont traités présentement, parce que la proposition que nous
avons faite est plus avantageuse que la situation présente. Ce que je
veux dire en terminant, c'est que la situation ou l'attitude du Parti
québécois durant les dernières trente minutes de la
discussion a fait tourner le débat, qui avait été
sérieux, sur le plan politique et, pour ma part, je ne connais pas
parfaitement le dossier, mais je le connais assez et qui a quand
même...
M. CHARRON: ... qui aime bien faire de la politique.
M. GARNEAU: ... oui, une petite expérience politique. Je ne me
ferai pas passer des sapins comme celui que le Parti québécois
était en train de nous préparer.
M. JORON: M. le Président, j'invoque le règlement. En
vertu du règlement, en vertu de l'article 97, je veux rétablir
les faits. Dans son emportement, le ministre des Finances nous a fait dire que
nous avions prétendu que, globalement, les offres et les propositions
étaient inférieures à la convention collective actuelle.
C'est faux, nous n'avons jamais dit cela.
Nous n'avons jamais prétendu que, globalement, les offres
étaient inférieures à la situation actuelle. Il faut le
rétablir. Ce que nous avons prétendu permettez-moi de le
rappeler une dernière fois pour que ce soit bien clair pour tout le
monde c'est que dans certains cas, et personne ne l'a nié, les
employés pouvaient peut-être changer de catégorie, changer
de classe, ainsi de suite, et se retrouver dans une situation
inférieure. Si vous prétendez le contraire, vous n'avez
qu'à accepter notre amendement.
M. LE PRESIDENT: Les faits sont rétablis, très bien.
L'honorable député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je vous remercie. Alors, dans
l'article 10 il y a deux paragraphes. Je vais revenir au dernier paragraphe.
J'ai demandé la parole depuis un certain temps, suite au débat
qui est commencé depuis à peu près une heure, dans lequel
on parle des offres patronales globales, on parle des demandes syndicales
globales, parce que, nous aussi, de ce côté de la Chambre, nous
aurions quelque chose à dire. Nous avons justement des chiffres,
même. C'est la raison pour laquelle nous aurions aimé je ne
veux pas refaire un débat sur la question qui a été
discuté hier soir mais nous aurions aimé justement que les
choses qui se discutent actuellement puissent être discutées avant
que le projet de loi ait été voté. De toutes
façons, puisqu'on a permis un assez long débat, il faudrait tout
de même en tant que représentant de notre groupement politique,
dire également ce qu'on pense de tout cela.
Nous avons des preuves que, dans bien des cas, les offres du
gouvernement sont inférieures à celles qui existaient.
M. BOURASSA: Nommez-les.
M. ROY (Beauce): Oui. Régie des alcools, cas des manoeuvres.
Actuellement, ils gagnent cas des alcools d'abord $2.46 l'heure;
le document préparé par le gouvernement montre $2.43. Il y a
d'autres conditions. Il y a autre chose qu'on demande, par exemple, à
des camionneurs. Je pourrais faire un discours d'à peu près une
demi-heure seulement sur le petit document que nous avons, et nous en avons
d'autres. J'estime qu'à la suite des propos qu'a tenus le premier
ministre tout à l'heure et nous y reviendrons en commission
parlementaire le premier ministre semble bien intentionné en ce
qui a trait aux droits acquis, au moins les avantages que les employés
avaient dans l'ancienne convention.
J'espère, M. le Président, que ce ne sera pas le
même engagement que le premier ministre avait pris en Chambre concernant
les permis de la Société des alcools, c'est-à-dire
concernant la vente du cidre de pomme pour magasins ou succursales de magasins
Steinberg.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEDUC: Vous êtes dans les pommes.
M. ROY (Beauce): M. le Président, c'est tout simplement un but et
un souhait et j'espère que l'honorable premier ministre, sur ce
point-là, nous assurera et nous prouvera que ces paroles qu'il nous a
dites cet après-midi va donner satisfaction à tous les membres de
cette Chambre et aux employés qui attendent que le gouvernement agisse.
Or, M. le Président, nous aurions eu un amendement à proposer sur
l'article 10...
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait possibilité qu'on se
prononce sur l'amendement du premier ministre avant d'amener un autre
amendement?
M. BOURASSA: Tel qu'amendé avec "respecté" au lieu de
"tenir compte".
M. LE PRESIDENT: Alors, l'amendement du premier ministre est
adopté?
M. BURNS: Un instant, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: C'est votre amendement à vous?
M. BURNS: Je m'excuse mais le premier amendement qui a été
déposé, c'est le mien.
M. LE PRESIDENT: Votre amendement qui a été
déposé, je regrette, mais je le déclare irrecevable parce
qu'il contient des dépenses
d'argent et vous n'avez pas droit de le faire comme
député. L'amendement du premier ministre.
Est-ce que la Chambre se prononce sur l'amendement du premier
ministre?
M. BURNS: M. le Président, on saura de quel côté
vous avez été élu.
M. LE PRESIDENT: Adopté sur division. Cela, c'est un fait bien
réel, je ne pense pas que...
M. BURNS: C'est un fait bien clair, c'est bien évident, à
part cela, c'est de plus en plus évident. Je pense qu'on va
régler cette affaire-là avant longtemps.
M. LE PRESIDENT: L'amendement du premier ministre est adopté sur
division et nous revenons à l'article 10 tel qu'amendé.
M. ROY (Beauce): Alors, je disais, M. le Président, que nous
avions eu un amendement à proposer, mais je pense que le
règlement et l'économie des lois ne nous permettent pas de
proposer un tel amendement parce qu'il changerait, en quelque sorte, le
principe même de la loi et c'est la raison pour laquelle nous avions
voté contre cette loi en deuxième lecture. Alors, nous aurions
préféré que l'article 10 soit remplacé plutôt
qu'à défaut d'entente collective entre les associations, etc.,
soit remplacé par un mécanisme, autrement dit une
rédaction qui permettrait la création d'un tribunal du travail,
accepté par les deux parties d'un commun accord ainsi que la nomination
d'un président impartial, accepté par les deux parties,
nomination d'un arbitre de chaque côté et que la sentence rendue,
qu'elle soit unanime ou majoritaire, soit exécutoire et sans appel.
Alors, nous aurions préféré que cet article soit
remplacé par celui-là mais il est évident que nous
admettons, nous en sommes conscients, qu'il change même le principe de la
loi.
Alors, devant ces faits, M. le Président, c'étaient les
observations que nous avions à faire, à porter à la
connaissance du gouvernement lors de l'étude de cet article à ce
stade-ci. Alors, ceci termine nos observations sur l'article no 10. Sur
division.
M. LE PRESIDENT: Article 10 adopté tel qu'amendé, sur
division. Article 18? Adopté.
M. BOURASSA: En terminant, pour signaler, essayer de résumer en
quelques mots les amendements qui ont été apportés, je
voudrais qu'on se rende compte de l'extrême complexité des
discussions. Je comprends que c'est déjà arrivé à
quelques reprises mais je pense qu'on ne peut pas demander au gouvernement,
disons très rapidement, de s'engager sur des textes dont il n'est pas
certain de ses applications juridiques.
M. BURNS: Cela a affaire à quoi, en commission
plénière, le discours du premier ministre.
M. BOURASSA: Je peux le faire en troisième lecture.
M. BURNS: Bon, faites-le donc en troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission
plénière a adopté le projet de loi no 19 avec des
amendements.
M. BLANK (président): Le rapport est-il adopté?
Adopté.
Le premier ministre propose maintenant l'adoption en troisième
lecture du bill 19.
Troisième lecture M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: Juste deux mots, M. le Président, pour reprendre ce
que je disais tantôt. Nous avons essayé et je pense que nous avons
démontré la plus grande ouverture d'esprit possible
vis-à-vis de toutes les suggestions qui nous ont été
faites. Nous sommes conscient de l'importance de ce projet de loi-là.
Nous l'avons déposé à regret étant donné une
situation qui a été largement décrite par tous les
intéressés et je pense qu'il est fondamental, maintenant, que ce
projet de loi-là soit adopté et appliqué aussi rapidement
que possible comme étant conforme à l'intérêt des
Québécois.
Je voudrais terminer, M. le Président, en disant qu'il ne
constitue quand même qu'une première étape, que mardi
prochain il y aura une réunion de la commission parlementaire et que,
quant à moi, avec les membres du cabinet, nous sommes fermement
désireux de régler ce conflit par négociation. C'est une
position permanente du gouvernement d'essayer de régler par
négociation. Il a fallu adopter un projet de loi pour arrêter une
grève qui devenait extrêmement dangereuse pour la
sécurité et la santé publiques mais il reste que la
position du gouvernement demeure de rechercher par tous les moyens possibles la
négociation et d'éviter le décret et je m'engage, quant
à moi, à prendre tous les moyens nécessaires pour essayer
d'atteindre cet objectif.
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER: M. le Président, je pense qu'il me sera permis, en
troisième lecture et après la motion du premier ministre, de
reprendre tous les propos que j'ai tenus lors de la motion
présentée, motion d'urgence, pour l'ajournement des travaux de la
Chambre et étudier le projet de loi soumis par le gouvernement,
considérations que j'ai soumises à l'endroit des
députés de cette Chambre au cours de mon intervention en
deuxième lecture et je pourrais, à ce moment-là, tout
simplement référer, et les députés de cette
Chambre, et les Québécois et les syndiqués, aux remarques
que je faisais aux différents stades des procédures
parlementaires concernant ce projet de loi.
Je tiens tout simplement, en quelques mots, à dire que le premier
ministre vient de faire un autre aveu, une autre confession de jugement, en
disant que c'est avec beaucoup de regret qu'il a déposé ce projet
de loi. C'est ce que nous avions dit préalablement, c'est ce que nous
avions essayé de pressentir par les suggestions qui avaient
été faites de façon unanime par les trois partis de
l'Opposition et à ce moment-là, il y a déjà un
mois, il y a déjà quinze jours, il y a déjà une
semaine, nous avions voulu suggérer au gouvernement un processus ou des
mécanismes qui auraient pu éviter ce regret superficiel
exprimé par la bouche du premier ministre à déposer le
projet de loi tel quel, parce qu'il reconnaît implicitement que ce projet
de loi est extraordinaire, tant dans sa portée que dans sa conception.
Le premier ministre vient d'avouer devant les députés et devant
tous les Québécois que lui-même a une certaine
répugnance à présenter cette loi d'urgence, cette loi
d'exception. Le premier ministre vient de faire l'aveu qu'il a agi encore une
fois, à la façon de pompiers qui, de façon urgente,
doivent aller éteindre des incendies. Je pense que le premier ministre a
fait remarquer aux membres de cette Chambre que ce n'était qu'une
première étape, que l'adoption de ce projet de loi d'exception
d'urgence, alors que nous, nous prétendions, de ce côté-ci
de la Chambre et de façon unanime, que ce devait être justement la
dernière étape à franchir, l'ultime étape, l'ultime
recours, que ce projet de loi matraquant pour les syndiqués et
également sur le plan psychologique qui était, je pense, une
perturbation qui laisse des centaines de milliers de Québécois
sur le doute. Le premier ministre prétend que c'est la première
étape alors que nous, nous réitérons qu'il a
brûlé toutes les étapes qui devaient conduire à
l'aboutissement de cette dernière étape, de ce dernier recours,
de cette mesure in extremis. Je n'ai qu'à réitérer mon
regret, mon désapointement devant l'attitude du gouvernement qui a
obéi beaucoup plus à l'émotivité, à la
pression de l'opinion publique, qui a attendu que certains contextes
socio-économiques lui soient favorables avant de poser le geste
ultime.
Eh bien, M. le Président, je n'ai qu'à déplorer, au
nom de mes collègues et au nom, je pense sans me prétendre
le représentant ou le porte-parole de tous les membres de l'Opposition,
je pense que je me fais le reflet fidèle de l'appréciation et du
jugement de tous les membres de l'Opposition que le gouvernement a agi
encore une fois comme un gouvernement de pompiers et je n'ai qu'à
réitérer ce regret de voir que cette première étape
dans l'esprit du premier ministre aurait dû être la dernière
et elle aurait dû être consécutive et subséquente
à la convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique
permettant aux partis d'exposer, d'une façon sereine et objective, leur
point de vue parce qu'actuellement la partie syndicale sera prisonnière,
M. le Président, se sentira littéralement bousculée, se
sentira littéralement dans une position de faiblesse étant
donné tous les discours qui ont été prononcés par
des ministres responsables qui ont porté un jugement très
sévère à l'endroit de la partie syndicale.
Je dis, M. le Président, que ce projet de loi,
présenté à regret à pleine vapeur, au moins nous
permet d'atteindre, même si nous condamnons la qualité de
l'instrument, la qualité du moyen ou du canal offert par le
gouvernement, de régulariser la vie sociale et économique au
Québec. Surtout, il permettra aux étudiants, aux malades,
à tous les Québécois, même si c'est d'une
façon absolument imparfaite, pour ne pas dire indécente,
même si nous le condamnons dans la formule de présentation,
même si nous le condamnons dans le processus d'action ou de prise de
position du gouvernement, au moins nous atteindrons cet objectif qui
était envisagé par tous les membres de cette Chambre, de pouvoir
rétablir, dans le Québec, un train de vie normal et permettre
à toutes les classes de la société de
bénéficier des lois qui sont inhérentes à chacune
de ces classes.
Eh bien, M. le Président, je termine en disant que je voterai
pour l'adoption de ce projet de loi, mais encore une fois, je
répète que ce sera avec infiniment de réserves, avec un
certain sentiment de dédain, mais comme j'ai à choisir entre deux
maux, je choisis le moindre et je voterai en faveur de l'adoption de ce projet
de loi.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, sur la motion de
troisième lecture, proposée par l'honorable premier ministre,
celui-ci nous a déclaré avoir fait un effort de
compréhension, nous l'admettons. Mais, nous admettons également,
si nous voulons être honnête avec nous-mêmes, que ce fut trop
peu et beaucoup trop tard.
Dans ce projet de loi, il y avait deux grands principes, comme nous
l'avons dit. Il y a d'abord le principe de retour au travail que nous admettons
et nous estimons qu'il est d'une grande nécessité que les
employés retrounent au travail pour que les gens puissent
bénéficier des services auxquels ils ont droit mais il ne
faudrait tout de même pas oublier que cette grève a
été votée et déclenchée à
l'intérieur des lois existantes. C'est là le problème
auquel nous avons à faire face. Les créditistes se sont toujours
prononcés contre toute forme de dictature. Le gouvernement, sans amender
les lois de travail, sans faire quoi que ce soit, nous présente une loi
de dictature, une loi pour corriger une
situation à très court terme en évitant de prendre,
à moyen terme et à long terme, des mesures en vue de corriger une
situation qui ne fait que s'aggraver de mois en mois et d'année en
année au Québec.
M. le Président, le gouvernement actuel récolte les
conséquences du gigantisme qui a été créé au
Québec depuis les années 1960. L'Etat est devenu l'administrateur
par excellence et c'est pourquoi je m'étonne un peu de l'attitude de
certains membres de cette Chambre. L'Etat est devenu employeur et on veut que
l'Etat, dans certains milieux, devienne employeur davantage. L'Etat est
législateur, naturellement c'est son rôle mais, évidemment,
l'Etat est arbitre lui-même. Or, employeur, législateur, arbitre
ayant les pouvoirs judiciaires. C'est de l'étatisme pur et simple et,
comme le gouvernement est incapable d'assumer ses responsabilités du
fait que les pouvoirs économiques lui échappent, nous nous
trouvons dans des conséquences et dans des situations aussi
pénibles que celles que nous avons vécues au cours de la
semaine.
M. le Président, le gouvernement ne peut pas accepter les
règles du jeu qu'il impose lui-même par ses lois dans l'entreprise
privée, dans l'industrie et dans le commerce. Nous disons que cette loi,
loin de corriger une situation à moyen terme, loin d'empêcher un
conflit idéologique qui ne fait que s'accentuer, tout simplement a pour
effet et pour conséquence de consolider davantage et de faire la
promotion de deux dictatures: dictature de l'Etat, d'une part, et dictature
syndicale, d'autre part. Et en face de ces deux dictatures, il y a des
affrontements et la paix sociale est en danger.
M. le Président, nous avons hâte, en ce qui nous concerne,
que l'Etat commence à légiférer en fonction des besoins
des individus et non pas en fonction des besoins des systèmes et des
structures. Les systèmes doivent exister au service des hommes et je
trouve malheureux que notre législation oblige les hommes à
servir le système.
Je termine mes observations là-dessus. J'ose espérer que
nous retrouverons au Québec, dès demain, dimanche et la semaine
prochaine, cette paix sociale et je souhaite que le gouvernement révise
ses positions. Et je souhaite que le gouvernement agisse en toute
célérité lors de la commission parlementaire et que le
gouvernement se montre compréhensif envers les employés de
l'Etat. Parce qu'il ne faudrait tout de même pas oublier, M. le
Président, que les employés de l'Etat sont les plus proches
collaborateurs du gouvernement. Comment voulez-vous qu'il y ait un climat de
confiance, un climat d'harmonie et un climat de bonne coordination en vue d'une
saine administration au Québec si l'Etat, d'une part, est radicalement
contre ou encore organise des conflits avec ses employés qui ont pour
mission d'exécuter ses ordres?
M. le Président, j'ose espérer que le gouver- nement
prendra ses responsabilités. Le premier ministre semble très bien
disposé, après 23 heures de débat. J'ose espérer
que nous avons réussi à le convaincre, que nous avons
réussi à convaincre ses collègues de façon que,
dès la semaine prochaine, ce même gouvernement travaille à
repenser sa philosophie, travaille à repenser son administration et
toute son orientation politique, sociale et économique au Québec
de façon que nos Québécois puissent connaître plus
de prospérité, connaître la sécurité et
pouvoir garder la liberté pour laquelle nos ancêtres ont
lutté pendant si longtemps.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. M. Camille
Laurin
M. LAURIN: M. le Président, fatigués mais rebondissants de
vitalité en raison des convictions qui nous animent, nous nous trouvons
à la fin d'un débat de près de 24 heures, suscités
par une loi d'exception qui répugne de la façon la plus profonde
et je dirais la plus apocalyptique qui soit à nos conceptions
démocratiques.
Ce débat s'est terminé en commission
pléniè-re par une lutte acharnée menée par tous les
partis et, en particulier par le Parti québécois, pour tenter
d'atténuer à la dernière heure, en dernière
analyse, quelques-unes des dispositions les plus dangereuses de ce projet de
loi afin que le Parti québécois, en particulier, conscient de ses
responsabilités à l'endroit de la société, fasse
tous les efforts que sa conscience exigea de lui pour favoriser la paix
sociale.
Malgré tous les efforts que nous avons faits en ce sens, M. le
Président, nous sommes obligés de constater que, comme dans
toutes les phases ultérieures, nous nous sommes heurtés à
une sorte de préjugé de la part du gouvernement qui ne veut rien
entendre que ses propres voix à l'exemple de Jeanne d'Arc.
C'est donc à la fin de ce débat, M. le Président,
avec un profond pessimisme que nous nous résignerons à l'adoption
de ce projet de loi puisque nous constituons une minorité dans ce
Parlement. Qu'il nous soit permis, malgré tout, M. le Président,
de signaler que ce 21 avril demeurera un jour très sombre dans les
annales des relations de travail au Québec et, en particulier, dans
l'histoire du syndicalisme québécois. Qu'il nous soit permis de
dire, M. le Président, à la fin de ce débat, que nous
trouvons odieux et absolument inacceptable qu'on fasse entrer les 200,000
syndiqués des secteurs public et parapublic aux mêmes conditions
qui prévalaient avant les négociations sans qu'on puisse
même les faire bénéficier des offres gouvernementales
déjà faites, sans qu'on puisse les faire bénéficier
des articles déjà paraphés. C'est là un
précédent, M. le Président, dans l'histoire des relations
de travail au Québec et c'est un précédent scandaleux qui
va contribuer pour beaucoup à la détérioration du climat
social au Québec et le gouvernement n'aura pas
à accuser les chefs syndicaux ou les syndiqués de cette
détérioration parce qu'il en aura été le premier
artisan. Et je l'avertis à l'avance que nous ne tolérerons pas
qu'il transporte, qu'il projette sur d'autres la culpabilité qui est la
sienne en l'occurrence puisque nous aurons fait tous les efforts pour lui
éclaircir les méninges et pour le mettre en face de ses
responsabilités.
Ce que nos déplorons également, M. le Président,
dans une deuxième perspective, c'est que le gouvernement a
élaboré dans ce projet de loi 19 un chef-d'oeuvre
d'équivoque, un chef-d'oeuvre d'ambiguïté, en divertissant
à ses propres fins politiques, partisanes, une institution aussi
importante que celle d'une commission parlementaire telle que prévue par
nos règlements. Une commission parlementaire, M. le Président, ne
peut être efficace que lorsqu'elle peut se réunir avant qu'on
puisse adopter le principe d'un projet de loi; elle ne peut être efficace
que dans la mesure où, avant que le législateur se soit
prononcé, on puisse être en possession de toutes les informations
que les parties concernées peuvent nous apporter; elle ne peut
être efficace que dans la mesure où tous les partis de cette
Chambre, ou tous les députés de cette Chambre peuvent faire
valoir leurs opinions personnelles, leurs expériences personnelles afin
d'éclairer le gouvernement, c'est-à-dire le pouvoir
exécutif.
L'équivoque de ce projet de loi, et que nous déplorons,
c'est que la commission parlementaire a été divertie de ces
faits, c'est que la commission parlementaire a été
complètement vidée de tout son sens puisqu'on ne la convoque
qu'après qu'on a enlevé aux syndicats la principale arme qui leur
aurait permis de se présenter à cette commission parlementaire
dans une stature qui est digne d'un homme libre, c'est-à-dire debout. On
force les syndiqués, les chefs syndicaux à se présenter
à cette commission parlementaire après qu'on les a
blessés, après qu'on les a humiliés, après qu'on
les a forcés à se mettre à genoux devant les diktats
gouvernementaux, après qu'on leur a enlevé le seul outil, le seul
instrument qui donnait une certaine force à leur argumentation,
après qu'on leur a enlevé le seul droit et les seuls
mécanismes qu'un gouvernement libéral antérieur leur avait
donnés.
C'est là, M. le Président, le fin du fin, le chef-d'oeuvre
de l'ambiguïté. Mais, heureusement, dans la société
québécoise aujourd'hui, il y a des hommes assez lucides pour
dénoncer ces stratagèmes, ces duperies et je suis sûr que
la population québécoise ne sera pas dupe très longtemps
de ces pseudo-habilités d'un gouvernement qui s'accroche au pouvoir avec
tous les petits moyens qu'il est réduit à employer à
l'heure actuelle.
Ce que nous déplorons, M. le Président, c'est qu'on ait
humilié inutilement des centaines de milliers d'hommes qui sont au
service de l'Etat, qui ne demandent qu'à servir l'Etat et qui, à
cause de ce stratagème qu'on a employé à leur endroit,
pourront peut-être revenir au travail mais n'auront pas la même
ardeur au travail, n'auront peut-être pas le même souci de l'Etat,
n'auront peut-être pas le même enthousiasme dans l'accomplissement
de leur devoir.
Un troisième point que nous déplorons, M. le
Président, c'est que le gouvernement, à toutes fins pratiques,
malgré toutes les défenses qui nous ont été
apportées, qui nous seront apportées, a aboli le droit de
grève et les mécanismes de négociation dans les secteurs
public et parapublic. Parce que cette loi, ainsi que tout ce qui l'a
précédé, ainsi que tout le cheminement que nous avons pu
suivre durant des semaines, nous montre comment des gens intelligents, comment
des gens roués peuvent s'y prendre pour saper, pour saboter, pour abolir
d'une façon plausible un droit absolument fondamental qui est le droit
de grève. Il n'a suffi pour cela, M. le Président, que
d'obéir à la stratégie suivante: d'abord, on
négocie, on négocie très lentement, on négocie
également dans le secret, en prenant bien garde de mettre tous les
partis d'opposition à l'abri de tout ce qui peut se passer dans le
secret des salles de négociation; ensuite, on bâtit une
atmosphère, par exemple, comme celle que nous avons vue ces jours
derniers où on a fait croire à une sorte d'insurrection
appréhendée, où il y avait des milliers de policiers
partout, où on bâtissait un climat surchauffé, un climat
survolté, afin d'énerver la population. On oppose après
cela une sorte de droit, des conflits hypothétiques de droits. Le droit,
par exemple, de grève, le droit de grève qui a été
accordé à d'autres droits; le droit à la santé, le
droit à l'éducation qu'on dit aussi impératifs que les
autres. Et, après qu'on a bâti tout ce mécanisme,
après qu'on a bâti tout ce château en Espagne, on conclut
qu'il est absolument impossible d'en arriver à une entente et que la
seule conclusion qui s'impose c'est la solution qui est imposée d'une
façon unilatérale par le gouvernement.
Ce qui revient à dire, M. le Président, que le droit de
grève qu'un gouvernement antérieur avait accordé il y a
près de sept ans et qui a été appliqué avec
succès à deux occasions, ce droit de grève ainsi que les
mécanismes de négociation qui s'ensuivent devient une sorte de
droit fictif, une sorte de droit formel qui ne correspond à absolument
plus rien de réel. On peut dire, M. le Président, à la fin
de cet examen de 24 heures, que nous avons été joués, que
nous avons été floués, que dans toute cette
négociation les dés ont été pipés à
l'avance par des gouvernementaux qui savaient très bien où ils
allaient.
Nous pouvons dire, M. le Président, que c'est l'employeur, en
l'occurrence le gouvernement, qui a tout réglé comme un
maître de ballet; il a amené cette Chambre petit à petit
là où il voulait qu'elle arrive; il lui a fait jouer le
pas-de-deux ou le pas-de-quatre ou le pas-de-vingt qu'il voulait pour que, en
définitive, nous en arrivions au résultat qui est celui que
nous
connaissons aujourd'hui et celui qui sera dans tous les journaux demain
matin et qui sera surtout dans la conscience des travailleurs syndiqués
du Québec, non seulement les 210,000 du secteur public mais tous les
syndiqués du Québec.
Les conditions de retour au travail ont été
déterminées unilatéralement par le gouvernement, par
l'employeur, premièrement. Deuxièmement, il n'y aura plus jamais
de négociation sérieuse, réelle dans le secteur public et
dans le secteur parapublic. Car, ce à quoi nous assistons aujourd'hui,
c'est à un retour en arrière, c'est à une
régression. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est à
une manifestation évidente de changement où un gouvernement ne
respecte même pas ses lois, revient en arrière, désavoue un
ancien gouvernement et se fige dans une attitude réactionnaire.
Notre seul espoir c'est qu'après la longueur de ce débat,
après tous les appels que tous les partis d'opposition ont
lancés, après cette rumeur qui est montée d'un peu
partout, le gouvernement, même une fois la loi adoptée, se ravise,
sinon complètement du moins partiellement et essaie de faire amende
honorable dans toute la mesure du possible, au moins lorsque cette commission
parlementaire post mortem se réunira, pour qu'il essaie, en utilisant
tous les stratagèmes et dans un sens progressif et positif, cette fois,
des stratagèmes pour essayer de réparer toutes les erreurs qu'il
a faites depuis une année, qu'il essaie quand même avec les moyens
qui sont à sa disposition de faire régner, de ramener quand
même un peu de justice dans ce secteur des services publics et
parapublics et qu'il essaie, à la suite de toutes les suggestions que
nous venons de lui faire aujourd'hui en commission plénière,
à réparer les injustices qui peuvent s'ensuivre des
décisions qu'il vient de prendre.
Car, ce n'est qu'à cette seule condition que nous pourrons, non
pas réparer toutes les erreurs passées mais, au moins,
éviter le pire, que nous pourrons au moins empêcher que le climat
social se dégrade davantage et que la population pourra croire que ce
gouvernement est voué non pas aux intérêts d'une classe qui
exploite depuis trop longtemps notre société, mais aux
intérêts de toute la collectivité
québécoise.
M.BOURASSA: Je crois, M. le Président, que l'insomnie ne va pas
au député de Bourget. En l'entendant parler, j'avais l'impression
qu'il s'intoxiquait à mesure qu'il parlait.
Je voudrais dire relever une fausseté, lorsqu'il dit que les
employés des secteurs public et parapublic vont rentrer aux mêmes
conditions. C'est faux, en vertu même du projet de loi que nous avons
discuté et que nous avons même clarifié avec les
amendements que nous avons apportés tantôt. C'est une mise au
point que je voulais. Le projet de loi a été voté, a
été présenté en pensant à toute la
population du Québec y compris les syndiqués.
M. LAURIN: Cela reste à prouver devant la population.
M. LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
Vote de troisième lecture
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
Que celle et ceux qui sont en faveur de cette motion de troisième
lecture veuillent bien se lever s'il vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy,
Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Tremblay
(Bourassa), Harvey (Jonquière), Simard (Richelieu), Quenneville,
Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre,
Toupin, Cournoyer, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Coiteux, Vaillancourt,
Vézina, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Séguin, Saint-Germain,
Saindon, Picard, Pearson, Leduc, Fraser, Assad, Bacon, Berthiaume, Caron,
Carpentier, Cornellier, Faucher, Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance,
Lamontagne, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate,
Veilleux, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny),
Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Gauthier,
Simard (Témiscouata), Audet.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Drolet,
Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Laurin, Burns, Charron, Joron,
Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm).
M. LE SECRETAIRE: Pour: 69 Contre: 15
M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
M. LEVESQUE: Vous me permettrez, M. le Président, de remercier
tous ceux qui ont eu à oeuvrer, dans les dernières 24 heures,
ici, à l'Assemblée nationale, particulièrement les
officiers de la Chambre et tout le personnel de l'Assemblée nationale,
l'équipe du journal des Débats, le personnel du Café du
parlement, les membres de la tribune de la presse ainsi que tous les
collègues de l'Assemblée nationale. Vous me permettrez de leur
dire nos plus
sincères remerciements ainsi qu'à vous, évidemment,
M. le Président. Nous vous remercions particulièrement, vous et
vos collaborateurs.
M. le Président, la loi que nous venons d'adopter sera
sanctionnée dans les minutes qui suivront. J'invite les autres partis
à déléguer leur représentant. Cette loi comporte la
convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique. Cette
réunion se tiendra au Salon rouge, après les affaires du jour,
mardi prochain, vers quatre heures de l'après-midi. Les convocations
seront faites dans les heures qui suivent, bien que ce soit suffisamment
public, pour que les représentants, tel que la loi le prévoit,
des associations de salariés ainsi que les représentants des
employeurs soient convoqués pour fournir les explications dont pourront
avoir besoin les membres de la commission de la Fonction publique.
M. le Président, je crois bien que nous pouvons maintenant
procéder à l'ajournement de la Chambre.
M. PAUL: M. le Président, y aurait-il possibilité de
savoir du leader du gouvernement si c'est son intention de faire siéger
l'Assemblée mardi après-midi ou s'il proposera l'ajourne- ment de
l'Assemblée pour permettre aux députés d'assister à
la séance de la commission parlementaire de la Fonction publique?
M. LEVESQUE: M. le Président, l'Assemblée va continuer
comme d'habitude à siéger. Cette décision fait suite
à des consultations que j'ai eues avec divers membres de cette
Chambre.
M. PAUL: Le menu?
M. LEVESQUE: Le menu serait l'étude de crédits et/ou des
projets de loi au nom du ministre de l'Agriculture.
M. PAUL: Serait-ce trop vous demander que de préciser un peu
l'étude des crédits?
M. LEVESQUE: Ce sont les quatre qui ont été
déjà annoncés.
M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à
mardi, quinze heures.
M. LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi,
quinze heures.
(Fin de la séance à 14 h 48)