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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 20 avril 1972 - Vol. 12 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures vingt-et-une minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le nom de M. Loubier soit substitué d'une manière permanente à celui de M. Boivin, comme membre de la commission de la Fonction publique.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Commission sur la liberté de la presse

M. LEVESQUE: M. le Président, comme en vertu de l'article 145 de notre nouveau règlement, la commission de l'Assemblée nationale ne -peut créer de commission spéciale et que ce pouvoir appartient à la Chambre, il faudrait faire motion à l'article "motions non annoncées", et c'est ce que je fais à ce moment, afin d'instituer la commission parlementaire spéciale sur la liberté de presse.

Alors, je vous demanderais, M. le Président, si c'est bien votre opinion que je doive le faire, malgré que dans le rapport du... article 145, M. le Président, parce qu'en vertu du rapport qui a été déposé par le député de Roberval, il est mentionné que la commission de l'Assemblée nationale a désigné les membres des commissions spéciales.

UNE VOIX: C'est 146, je crois.

M. LEVESQUE: Alors, je fais la correction, 146. Avec le magnifique volume, M. le Président, que vous nous avez remis, il nous sera maintenant permis de référer au règlement d'une façon assez efficace et je m'empresse de le faire pour lire 146: "Une commission spéciale peut être instituée avec désignation de ses membres par une résolution de l'Assemblée indiquant l'objet à l'étude." Et c'est pourquoi je propose, M. le Président, qu'une commission spéciale de onze membres soit instituée avec pouvoir d'entendre des témoins, d'en assigner si besoin est, et de siéger pendant l'ajournement de la Chambre, pour poursuivre l'examen du problème de la liberté de presse, des faits qui peuvent la mettre en danger et d'examiner si les lois de la province en assurent la protection. Que MM. Bacon, Bourassa, Cloutier (Ahuntsic), Cloutier (Montmagny), Drolet, Hardy, L'Allier, Laurin, Leduc, Tremblay (Chicoutimi) et Veilleux forment ladite commission.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Commission des corporations professionnelles

M. LEVESQUE: M. le Président, je présume que la motion qui a été faite et qui apparaît au procès-verbal relativement à la commission des corporations professionnelles est légalement instituée. Les membres, d'ailleurs, en ont été désignés dans le rapport du député de Roberval.

Projets de loi déférés en commission

M. LEVESQUE: M. le Président, compte tenu des nouvelles dispositions de notre règlement, je fais motion pour que les projets de loi nos 35, 36 et 37 soient déférés à la commission de l'Education, des Affaires culturelles et des Communications, afin d'en poursuivre l'étude.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi no 64, déféré à la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation sous l'empire des anciens règlements, soit déféré à la commission de l'Agriculture et de la Colonisation créée en vertu de l'article 140 de nos nouveaux règlements.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, pour les mêmes motifs, je fais également motion pour que le projet de loi privé no 118, concernant la ville de Saint-Laurent, soit déféré à la commission des Affaires municipales.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, qu'il me soit permis de faire motion pour qu'à la commission de la Fonction publique, le nom de M. Bourassa soit substitué à celui de M. Lafrance.

M. LE PRESIDENT: D'une manière permanente?

M. LEVESQUE: Pour le moment du moins. D'une manière permanente, pour le moment.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BURNS: M. le Président, qu'il me soit permis de faire motion pour qu'à la commission de l'Education, des Affaires culturelles et des Communications, le nom de M. Léger soit substitué au nom de M. Charron.

M. LAURIN: D'une manière permanente également.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Motion de suspension de l'application d'une règle de procédure

M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai l'intention de proposer une motion d'urgence et, à cette fin, je vous avais prévenu, au début de la séance, que cette motion serait présentée en vertu de l'article 85 de nos règlements qui comporte une motion de suspension de l'application d'une règle de procédure. Pour la bonne compréhension de cette nouvelle procédure, on me permettra de lire cet article 85. "1. L'application d'une règle de procédure prévue aux paragraphes 2 et 3 de l'article 3 du règlement, peut être suspendue à la suite d'une motion annoncée du leader parlementaire du gouvernement indiquant l'objet pour lequel elle est suspendue. "2. Quand la motion de suspension de l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence — c'est le cas présentement, M. le Président — elle n'a pas à être annoncée et elle doit contenir un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et justifient la suspension de l'application des règles. Le débat sur cette motion est limité à deux heures partagées équitablement par le président entre les représentants des divers partis reconnus à la suite d'une conférence avec les leaders parlementaires de chacun de ces partis. "3. Cette motion ne peut être ni amendée ni divisée."

M. le Président, c'est en vertu de ces dispositions de notre règlement que je vous ai prié de convoquer une conférence des leaders parlementaires. C'est ce qui s'est produit il y a quelques minutes. C'est, d'ailleurs, ce qui explique le retard que nous avons eu à entreprendre nos travaux aujourd'hui.

UNE VOIX: Partiellement.

M. LEVESQUE: Partiellement, non;

A la suite de cette rencontre, il a été convenu, comme vous le savez... Devrais-je plutôt, M. le Président, vous demander de nous faire part, à ce moment-ci, du résultat de cette conférence?

M. LE PRESIDENT: Lors de cette rencontre, il a été convenu de déroger légèrement aux règles de l'article 85, deuxième paragraphe. Le temps alloué à chacun des partis reconnus, convenu d'une manière unanime entre les quatre leaders parlementaires des partis reconnus, est le suivant: parti ministériel, 60 minutes, y compris le droit de réplique; 30 minutes à l'Opposition officielle; 20 minutes au parti du Ralliement créditiste; 20 minutes au Parti québécois, ce qui fait un total de 130 minutes, soit deux heures dix minutes.

M. BURNS: M. le Président, j'ai soulevé le problème à la conférence des leaders parlementaires mais vous aviez réservé votre décision, à savoir si des députés indépendants voulaient intervenir. Est-ce que votre décision prévoit du temps pour eux?

UNE VOIX: Deux minutes!

M. VINCENT: As-tu deux minutes?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, si ma mémoire est bonne, c'est vous-même qui avez soulevé le problème. Je n'ai passé aucune remarque, préférant les réserver à ce moment-ci pour vous signaler mon opposition parce que plus tard, dans le cours de la discussion, les députés indépendants pourront participer au débat et, suivant l'article 85, deuxièmement, il est bien spécifié que le temps est réparti entre les partis reconnus.

Dans les circonstances, M. le Président, je vous demanderais d'observer cette règle impérative de notre règlement à l'endroit des députés indépendants.

M. SAMSON: M. le Président, pourrais-je vous demander une directive? Etant donné que vous avez mentionné vous-même au début de votre exposé que vous aviez dérogé quelque peu aux dispositions de l'article 85, c'est en vertu de cette dérogation que je voudrais vous demander que les députés indépendants aient aussi le droit de parole à cette occasion. Sinon, je vous demanderais d'inscrire que je me sens bâillonné par les membres de l'Opposition.

M. BURNS: M. le Président, en ce qui concerne notre groupe politique, nous donnerions notre consentement à ce que les députés indépendants puissent se voir allouer une période de temps pour s'exprimer dans ce débat, même si, comme l'a dit le député de Maskinongé, le texte de l'article 85, lorsqu'on le lit, ne laisse pas de droit, semble-t-il, aux députés indépendants. Mais quant à nous, nous vous donnerions notre consentement à ce qu'une période de temps soit allouée aux députés indépendants.

M. LE PRESIDENT: Si on respecte à la lettre l'article 85, deuxièmement, il est bien dit

que ce partage doit se faire entre les partis reconnus.

J'avais l'intention de demander... La seule porte de sortie que j'aurais, ce serait le consentement unanime de la Chambre. Est-ce qu'il y aurait consentement à ce que... S'il n'y a pas consentement...

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez de faire une suggestion qui pourrait peut-être être agréée, nous pourrions nous entendre pour qu'un député indépendant ait cinq minutes, un seul, et que les quatre s'entendent pour déléguer celui qui prendra la parole.

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Etant donné qu'il ne semble pas que nous allons en arriver à une conclusion et à une entente, et que je crois comprendre que le nouveau règlement est à titre expérimental, je vous demanderais — s'il n'y a pas d'entente de prévue et si nous ne sommes pas en voie de nous entendre — que nous nous basions plutôt sur le vrai règlement, parce que nous sommes actuellement à expérimenter un nouveau règlement qui n'a pas encore été accepté par voie de motion de l'Assemblée nationale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. LOUBIER: Non.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que je pourrais demander au député de Montcalm s'il a l'intention d'adresser la parole sur la motion?

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, en quelques mots, je crois que tous les députés devraient avoir des droits égaux en cette Chambre. Ils sont élus pour tenter de représenter l'opinion des gens de leur circonscription et je crois qu'il serait très malheureux pour les institutions parlementaires qui nous régissent de bâillonner ou d'empêcher pour une raison ou pour une autre les...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

Ma question a été bien simple. J'aimerais une réponse aussi simple. Est-ce que vous avez l'intention de prendre la parole oui ou non?

M. MASSE (Montcalm): Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je demande s'il y a consentement unanime à ce que le député de Rouyn-Noranda ait cinq minutes et le député de Montcalm cinq minutes? S'il n'y a pas consentement unanime...

DES VOIX: Oui.

M. PAUL: N'oui, M. le Président!

M. LE PRESIDENT: II est quinze heures trente-cinq minutes, le parti ministériel aura 60 minutes, le...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mettez la rondelle au jeu.

M. LE PRESIDENT: ... parti de l'Opposition officielle: 30 minutes; le Ralliement créditiste: 20 minutes; le Parti québécois: 20 minutes; le député de Rouyn-Noranda: 5 minutes; le député de Montcalm: 5 minutes.

L'honorable leader...

UNE VOIX: Aurèle! M. AUDET: Aurèle?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs. A l'ordre!

Le leader parlementaire du gouvernement.

Grève du secteur public

Motion en vue de l'adoption d'une loi

M. Gérard-D. Lévesque

M. LEVESQUE: M. le Président, nous vivons présentement dans la province, une situation que nous pouvons qualifier de grave et il est de mon intention de proposer une motion qui serait de nature à nous permettre d'adopter sans délai, un projet de loi pour assurer le respect de la loi et le retour au travail des employés des secteurs public et parapublic.

M. le Président, nous savons que les négociations sont maintenant rompues. Nous arrivons bientôt à la fin de la deuxième semaine de grève générale. Pour tous ceux qui considèrent objectivement la situation, on peut dire que cette dernière est généralement intenable et inacceptable.

J'espère qu'au cours de ce débat forcément limité sur la question de l'urgence de la situation, quelques-uns de mes collègues pourront faire le point et ajouter certains chiffres ou une certaine appréciation, une certaine évaluation sur les conditions particulières de leur secteur.

Dans le cas des hôpitaux, on connaît la situation faite aux malades, la situation faite aux vieillards dans certaines institutions, aux handicapés; dans les commissions scolaires, dans les collèges on s'inquiète de la situation grave dans laquelle se trouvent les étudiants, la menace qui pèse sur leur année scolaire. Dans la fonction publique, inutile de dire que l'administration est généralement paralysée. Si on considère de plus les incidences que cela a sur le secteur privé, on peut dire que plusieurs emplois à travers la province sont compromis.

Les syndiqués eux-mêmes, en grand nombre, réclament le retour au travail. Ceux qui doivent, dans tous les divers secteurs, assurer à la population un minimum de continuation sont, souvent, physiquement épuisés. Devant une

situation comme celle-ci, que je ne veux pas dramatiser mais que toute la population connaît aussi bien que nous et d'une façon souvent plus spectaculaire, il ne nous reste qu'à accomplir notre devoir. Nous savons, de plus, que plusieurs cadres, plusieurs non-syndiqués n'ont pu franchir les lignes de piquetage, que souvent les services essentiels n'ont pas été maintenus, que des injonctions sont souvent ignorées.

Inutile, M. le Président, de brosser un tableau plus complet. Je crois que tous et chacun d'entre nous réalisons l'urgence de mettre fin à une situation qui, comme je l'ai dit il y a quelques instants, devient inacceptable. Il reste que tous les efforts ont été faits par le gouvernement et ses représentants.

J'en profite pour souligner les efforts considérables et jusqu'au bout poursuivis par l'équipe de nos négociateurs et particulièrement par le ministre de la Fonction publique et ses collègues du comité ministériel.

Il n'y a eu, tout au long, dans l'attitude du gouvernement, dans l'attitude de son premier ministre, dans l'attitude des membres du gouvernement et de tous ceux à qui incombait le devoir de répondre à la présente situation, ni panique, ni emportement, ni provocation, mais seulement le désir ardent d'en arriver à une solution négociée.

Toutes les mesures ont été prises, tous les efforts ont été faits et il ne reste maintenant, M. le Président, qu'à déclarer, devant la situation que nous connaissons aujourd'hui, il n'y a, pour le gouvernement, qu'à remplir son devoir et de présenter à cette Chambre cette motion qui demande la suspension des règles de procédure afin de procéder, sans plus de délais, avec cependant la plus grande objectivité, à l'adoption d'une loi pour assurer le respect de la loi générale et assurer le retour au travail des employés des secteurs public et parapublic.

En conséquence, M. le Président, je propose que, vu l'état de crise dans la province, causé par la grève générale des employés syndiqués des secteurs public et parapublic; il y a urgence, premièrement, d'adopter le projet de loi numéro 19, pour assurer le respect de la loi et le retour au travail de ses employés; deuxièmement, de suspendre les articles numéros 23, 29, 30, 32, quatrièmement, sixièmement et septièmement, 38, 58, 78, 88, 89, 117, 127, 128, 129, 138 et 179 du règlement, que de plus, la commission plénière fasse rapport, après une période maximale de trois heures d'étude; troisièmement, que l'Assemblée siège, sans interruption, jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner, tous les jours de la semaine, sauf le dimanche, avec suspension des travaux de dix-huit heures à vingt heures, qu'à toutes ses séances, l'ordre du jour soit celui qui est prévu pour le mardi, par l'article 34 du règlement, et ce jusqu'à l'adoption du projet de loi numéro 19.

M. BURNS: M. le Président, simplement une question, pas sur la motion. Le leader a-t-il des copies à nous fournir de cette motion?

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, le leader du gouvernement vient de décrire la situation de façon générale, l'état qu'il a qualifié de crise grave.

Je ne voudrais pas reprendre ce qu'il a dit pour ne pas prolonger le débat. Si je fais simplement cette mention, c'est qu'il m'apparaît nécessaire, en indiquant pourquoi il y a urgence que l'arrêt de travail cesse dans le secteur particulier des Affaires sociales comme dans l'ensemble des secteurs public et parapublic, que cette évaluation soit faite avec le plus d'objectivité possible.

En premier lieu, je voudrais faire un bref rappel des faits, parce que je crois que ce rappel des faits est important quant à la conclusion relativement à l'état d'urgence. Nous avons connu un premier arrêt de travail, le 28 mars dernier. Depuis cette date, dans les hôpitaux généraux, de façon générale, face à la possibilité d'un nouvel arrêt de travail, les administrations hospitalières ont été obligées de limiter le taux d'occupation à des niveaux variant entre 35 p.c, 40 p.c, 50 p.c. et aussi limiter de façon appréciable les services rendus à la population dans les consultations externes dans les services d'urgence.

Donc, cette situation dure depuis plus de trois semaines en ce qui a trait aux hôpitaux généraux, de façon générale. Egalement, dans le domaine des hôpitaux généraux et des autres institutions dans le secteur des Affaires sociales, j'ai fait état, lors du bilan que j'ai présenté ici mardi, du harcellement auquel les institutions ont été soumises depuis ce premier arrêt de travail. Cela a compliqué grandement leur administration. Cela, a contribué à la fatigue du personnel et a créé dans bien des cas un climat d'insécurité pour les patients.

Depuis le 11 avril, soit depuis dix jours maintenant, nous subissons un second arrêt de travail dans ce secteur. En premier lieu, le ministère des Affaires sociales est demeuré tout à fait inaccessible. Il ne nous a pas été possible de traverser les lignes de piquetage pour avoir accès à l'édifice du ministère. On peut imaginer qu'après une période de dix jours, pour un ministère qui est dans un secteur comptant plus de 1,000 institutions, c'est-à-dire dont l'action est extrêmement décentralisée et qui comptent sur l'appui du ministère au plan financier et à divers plans, que le rattrapage qu'il y aura à effectuer va être extrêmement difficile et également que le bon fonctionnement de ce système décentralisé devient de plus en plus difficile à mesure que l'arrêt de travail se poursuit.

Dans les hôpitaux généraux, depuis ce se-

cond arrêt de travail, évidemment le taux d'occupation a dû, dans bien des cas, être réduit à un niveau inférieur à celui que j'ai mentionné. Egalement, nous avons vécu, depuis ce second arrêt de travail, toute une série de circonstances très difficiles pour la population, soit la fermeture à certains moments de services d'urgence, face à l'impossibilité devant laquelle les médecins se trouvaient de pénétrer à l'intérieur des institutions.

J'admets qu'il nous a été possible, par négociations, dans certains cas, de rétablir la situation assez rapidement. Dans d'autres cas, les délais ont été plus longs. Mais on peut imaginer, dans des cas comme celui de l'hôpital Maisonneuve, quels dangers, quels risques la population courait devant la fermeture des services d'urgence de l'importance de ceux d'un hôpital de cette nature.

Egalement, depuis ce second arrêt de travail, le personnel en place, le personnel que les syndicats ont consenti à laisser pénétrer dans les institutions connaît une fatigue croissante. Egalement, de nombreuses institutions ont eu des problèmes d'approvisionnement, des problèmes de renouvellement de la literie et de tout ce qui leur est nécessaire pour un bon fonctionnement avec les dangers qui pouvaient se présenter sur ce plan. Je crois que j'ai déjà fait mention du problème particulier que nous avons eu avec la buanderie communautaire ici, à Québec.

Dans les hôpitaux chroniques et psychiatriques, l'état des patients, comme je l'ai mentionné, est susceptible — dans bien des cas, on nous a fait état du fait que leur état pouvait régresser ou régressait — de régresser. Ceci se comprend, parce que ces patients, dans le cas des malades psychiatriques, dans le cas des malades chroniques également, nous avons des gens dont l'équilibre mental est affecté dans une certaine mesure à cause de leur état, se sont vus dans les mains de personnes inconnues, face à des mouvements très différents, des habitudes très différentes de celles auxquelles ils sont habitués. C'est pourquoi je puis dire que, dans leur cas, leur état est susceptible d'avoir régressé dans un certain nombre de cas.

Egalement, on nous rapporte qu'à mesure que le problème de l'entretien des malades se poursuit, des problèmes de plaies de lit sont susceptibles de se développer. Dans ce secteur également, particulièrement dans ce secteur, on nous rapporte aussi la fatigue du personnel. Donc, ici, nous avons vécu une situation extrêmement pénible étant donné qu'il s'agit là, sans contredit, des plus démunis de la société et des plus malheureux aussi. C'était la raison pour laquelle le gouvernement avait cru nécessaire, dans tous les cas où il n'avait pas été possible de négocier l'entrée de personnel pour le maintien des services essentiels, de prendre des injonctions dans le cas de ces institutions pour malades chroniques et psychiatriques.

Dans le cas de centres d'accueil, la situation que je viens de décrire, en ce qui a trait aux institutions pour malades psychiatriques et pour malades chroniques, est à peu près analogue. Ici, nous avons eu des difficultés, comme je l'ai déjà mentionné, de façon particulière, quant à l'entrée de bénévoles parce que, pour le bon soin d'enfants, de déficients mentaux, de certaines catégories d'enfants affectés de problèmes majeurs, la présence de bénévoles n'était que d'une aide extrêmement limitée.

Donc, si nous faisons le bilan, nous voyons qu'il est à peu près le même que celui que j'ai décrit mardi. Mais, ce qui est extrêmement important de retenir, à mon sens, c'est la raison pour laquelle j'ai voulu faire ce retour, c'est qu'il s'agit d'une situation qui est sérieuse depuis le premier arrêt de travail. Depuis ce premier arrêt de travail, nous pouvons dire que, graduellement, cette situation a eu pour effet de limiter, toujours davantage, le droit des citoyens à des services de santé, à des services sociaux, droit qui vient d'être nouvellement reconnu dans la loi no 65.

Je veux faire également état, très brièvement, de la situation dans les bureaux d'aide sociale. Des questions ont été posées en Chambre. J'ai donné l'état de la question. J'ai dit que, pour ce mois-ci, il n'y avait pas de problème quant à l'émission des chèques. Mais nous ne pouvons ignorer que les bureaux, qui ne peuvent fonctionner, ne peuvent répondre, par conséquent, aux urgences, aux cas de dépannage et que, cette situation se maintenant trop longtemps, des problèmes particuliers peuvent en résulter.

On m'a fait état, par exemple, hier, de la possibilité qu'un bénéficiaire de la Loi de l'aide sociale, s'il ne reçoit pas son chèque, soit l'objet d'une saisie de ses biens. Je ne veux pas m'étendre plus longtemps sur ce problème particulier mais je crois qu'on peut imaginer facilement quel type de situation peut résulter si la situation continue de durer telle qu'elle est dans ce secteur également.

Je voudrais aussi mentionner le problème que nous avons vécu dans nos laboratoires. Nos laboratoires de Montréal étant fermés depuis le début de l'arrêt de travail, malgré tous nos efforts pour négocier l'entrée de personnel, nous n'avons pu obtenir aucun résultat avec la conséquence que les échantillons qui étaient dans ce laboratoire au moment de l'arrêt de travail sont évidemment perdus. Encore là, au plan du dépistage de maladies — et il s'agit ici d'un problème sérieux — nous devons accuser un retard et des problèmes de nature particulière.

J'ai aussi mentionné, à la suite de ce bilan, mardi, et je le répète parce que je crois qu'il s'agit là d'un élément important également, que de nombreux problèmes humains ont résulté de cet arrêt de travail: anxiété chez les personnes qui ne pouvaient visiter des malades, des parents, des amis. Egalement, nous devons rappeler le fait que ce bilan que nous traçons est celui qu'il nous est possible d'établir à partir de la

situation dans les établissements mais nous ne pouvons dresser un bilan de la situation de personnes hors des établissements qui font face à des problèmes au plan des services de santé et des services sociaux, qui peuvent être, dans bien des cas, des problèmes relativement sérieux.

Alors la situation ne s'est pas brusquement détériorée depuis hier, je l'ai mentionné. C'est une situation qui est sérieuse depuis le début du premier arrêt de travail. Si nous avons jugé que cette situation devait durer malgré tous les sacrifices qu'elle imposait à la population, malgré ce qu'elle exigeait du personnel qui est resté en place pour le fonctionnement des institutions, c'est que, comme l'a mentionné le premier ministre, comme l'ont mentionné les ministres de la Fonction publique et du Travail, nous avions foi, en tout premier lieu, en une solution à ce conflit ou à ce problème, par la voie de la négociation. Nous avons aussi voulu, dans la limite où il était possible de le faire, respecter le droit de grève, ce droit de grève, comme je viens d'essayer de le démontrer, entrant, dans une certaine mesure, en conflit avec le droit à des services de santé et à des services sociaux, droits qui viennent d'être reconnus de façon formelle dans la loi 65.

Le dernier point que je voudrais faire ressortir, c'est l'impossibilité, à ce moment et depuis la nuit dernière, de pouvoir continuer de croire en une solution négociée à ce conflit. Ici, le ministre de la Fonction publique ou d'autres de mes collègues, à l'occasion des discussions qui suivront, ou en d'autres occasions, pourront aller beaucoup plus en détail.

Je voudrais simplement rappeler, M. le Président, les efforts qui ont été faits de la part du gouvernement afin qu'il soit clair que, si nous avons connu cette situation dans le domaine des affaires sociales, que si nous l'avons laissé continuer, c'est que, d'autre part, nous faisions des efforts tout aussi considérables pour en arriver à une solution le plus rapidement possible.

Les offres du gouvernement ont été présentées depuis fort longtemps, offres qui, je crois, comme tous mes collègues, étaient des offres justes. Egalement, malgré le fait que ces offres nous apparaissaient justes et équitables, une offre additionnelle a été présentée lundi dernier et une nouvelle offre conditionnelle a été formulée mardi de cette semaine.

Malgré tout ceci, malgré les efforts constants du ministre de la Fonction publique, de ses fonctionnaires, des fonctionnaires d'autres ministères comme celui des Affaires sociales, ces efforts se sont avérés vains.

Le ministre de la Fonction publique pourra donner plus de détails évidemment, mais pour moi la conclusion très claire que j'ai tirée — et c'est pourquoi je puis affirmer sans aucune hésitation que la solution négociée à ce moment ici apparaissait impossible — c'est que le front commun dans ses réponses aux dernières offres remet en cause ou exige de discuter des politiques qui ne peuvent que faire l'objet de décisions gouvernementales ou de cette Chambre.

Et c'est pourquoi — malgré tous ces efforts la nuit dernière — nous avons dû faire rapport au cabinet ce matin qu'il était impossible d'en arriver à une solution négociée. Devant cette impossibilité, il n'est plus possible de tolérer que la situation se détériore davantage dans les affaires sociales, que le droit des citoyens aux services de santé et aux services sociaux soit limité comme il continue d'être limité, comme il l'a été depuis le premier arrêt de travail et aussi qu'il n'est plus possible de demander, devant une telle situation, au personnel, au prix d'efforts et de fatigue considérables, d'assurer le fonctionnement des institutions au cours des trois dernières semaines.

M. le Président, c'est ainsi que j'en conclus qu'il y a urgence de prendre les mesures qui feront en sorte que les employés du secteur des Affaires sociales de même que les employés des secteurs public et parapublic retournent au travail.

M. BURNS: Question de règlement.

M. le Président, à ce moment-ci j'ai l'intention d'invoquer le règlement. Je m'excuse de ne pas l'avoir fait auparavant, mais j'ai été obligé de lire et de décortiquer la motion assez longue que le leader parlementaire a déposée. De toute façon, en vertu de l'article 41, un député peut en tout temps signaler une violation de règlement, et selon moi la motion qui est devant nous est absolument irrecevable en vertu du règlement qu'on appelle maintenant le code Lavoie, de nos règles parlementaires.

Tout d'abord, ma première question de règlement est double: si on examine la motion, elle s'applique au texte même de l'article 85 de notre règlement. L'article 85, je pense, fait une nette distinction entre deux situations différentes, la première étant lorsque la Chambre décide de mettre de côté certaines de ses règles sur une motion annoncée, c'est-à-dire une motion que le leader aurait normalement mise au feuilleton aujourd'hui et qui aurait été débattue demain.

Donc, ce n'est pas en vertu de ce paragraphe que nous siégeons ou que nous examinons la présente motion. C'est donc en vertu du deuxième paragraphe qui dit: "Quand la motion de suspension de l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence..." qu'on n'a pas besoin d'avis de motion. Donc, c'est en vertu de ça que le leader du gouvernement a l'intention de faire adopter sa motion.

Selon nous, la première motion qui aurait dû être faite est une motion pour constater l'urgence. Or, si je regarde la motion faite par le député de Bonaventure, on voit que les deux problèmes sont mêlés et je reviens au texte de la motion: "Je propose que, vu l'état de crise de la province causé par la grève générale des employés syndiqués des secteurs public et parapublic, il y a urgence de..."

Il aurait fallu, à mon humble avis, faire

d'abord une motion pour déclarer qu'il y avait urgence. Et là-dessus, je vous le soumets, le texte de notre nouveau règlement — c'est déjà peut-être une des premières lacunes qu'on y trouve — n'est peut-être pas clair là-dessus.

Donc, à mon avis, il y aurait une certaine ambiguïté à ce niveau-là et à ce moment-là on doit se référer au texte de l'article 3 de notre règlement qui dit: La procédure de l'Assemblée nationale du Québec est réglée, premièrement, par les lois, deuxièmement, par le règlement, troisièmement, par des règlements adoptés pour la durée d'une seule session, quatrièmement, par des ordres spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont l'effet est limité aux matières pour lesquelles ils sont votés et, cinquièmement, par les précédents établis par suite de l'interprétation des lois et du règlement.

Donc et c'est la première fois que nous avons — je me réfère au cinquièmement — à faire face à cette situation en vertu du nouveau règlement. Je ne peux pas m'appuyer en cas d'ambiguïté de notre règlement sur les précédents puisque, M. le Président, vous constaterez vous-même que vous n'avez jamais eu l'occasion de rendre une décision sur ce point-là, c'est-à-dire sur l'article 85, depuis le 1er avril.

Alors, à ce moment-là, je dois lire l'article 4 qui dit: "Dans un cas prévu par les règles de procédure ou dans un cas de divergence d'opinion sur l'interprétation d'une règle de procédure." Il y a sûrement divergence, M. le Président, entre l'attitude du leader parlementaire et la mienne en tout cas. Dans un cas de divergence d'interprétation d'une règle de procédure, le président décide en tenant compte des usages de l'Assemblée depuis son origine. Bon, je vais aller encore plus loin, M. le Président, que les usages et c'est là que notre fameux code vert revient sur la table.

Le règlement qui était en vigueur avant le 1er janvier, à l'article 219, était beaucoup plus spécifique et beaucoup plus clair à cet égard et on retrouvait la même distinction qu'on retrouve actuellement à l'article 85, c'est-à-dire, d'une part, que la suspension expresse ou implicite d'une règle doit être préalablement annoncée si elle est proposée par motion principale. C'est le cas de l'article 85, premièrement. Et deuxièmement, on disait: La suspension peut cependant être proposée par motion principale non annoncée, si la Chambre a préalablement, sur une motion non annoncée — donc 13, c'est clair qu'il y a deux motions différentes et contenant un exposé de motifs suffisants — déclaré qu'il y a urgence de se prononcer sur cette suspension.

Je pense qu'il est clair, d'une part, qu'il y a ambiguïté dans le texte de 85, qu'il n'y a pas de précédent auquel on peut se référer, que par conséquent on doit se référer aux usages antérieurs au 1er avril, l'usage antérieur étant clairement consacré par un texte du règlement, c'est-à-dire l'article 219. Ce règlement dit que, dans un cas comme celui qui nous confronte actuellement, on doit d'abord étudier la ques- tion de la déclaration d'urgence et qu'ensuite, si cette première motion est adoptée, on peut faire la motion pour mettre de côté certaines règles. Ce sont deux questions tout à fait séparées et, d'ailleurs, c'est très logique que ça soit ainsi.

La deuxième question de règlement, M. le Président, que j'ai à invoquer et relativement à l'irrecevabilité absolue, à mon avis, des mots qui terminent le deuxième paragraphe de la motion. En plus, si vous voulez, il y a la raison que je vous ai mentionnée tantôt concernant la non-recevabilité de cette motion, mais à mon avis il y en a une qui est encore plus grave et c'est celle qui se retrouve par les mots: "Que de plus, la commission plénière fasse rapport après une période maximum de trois heures d'étude."

M. le Président, dans notre nouveau règlement, il y en a une clôture. Il y en a un système de guillotine ou de bâillon. J'ai déjà...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BURNS: M. le Président, c'est encore sur ma question de règlement. Il invoque le règlement sur la question de règlement. Je pourrai peut-être invoquer le règlement sur sa...

M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. J'ai le droit. On verra. Oui, oui.

Voici, M. le Président, je ne veux pas, en vertu de l'article 100 qui me le défend, imputer des motifs au député de Maisonneuve, mais il est clair qu'il s'agit présentement d'un point de procédure qui au fond est de nature dilatoire.

D est clair que si on veut regarder objectivement l'article 85, on voit de toute évidence...

M. BURNS: M. le Président, il répondra à ma question de règlement tantôt. Je n'ai pas terminé toute l'affaire.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. BURNS: Ce n'est pas sur quelque chose que je viens de dire.

M. LE PRESIDENT: Vous pourrez parler sur la question de règlement.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas l'intention d'en parler, parce que vous le savez, c'est clair comme de l'eau de roche. Deuxièmement, lorsqu'il parle de recevabilité...

M. BURNS: Bien oui, mais M. le Président, qu'est-ce que c'est sa question de règlement?

M. LEVESQUE: Un instant je parle du deuxième point, j'ai laissé le premier point. Un peu moins nerveux!

M. BURNS: En vertu de quel article m'interrompez-vous?

M. LEVESQUE: Le député de Maisonneuve vient de parler, à l'instant même, d'une question de recevabilité et il entre dans le propre même, dans le contenu de la motion que j'ai déposée. Il aura l'occasion de le faire lorsqu'il aura à se prononcer, s'il le désire, sur l'urgence ou non ou la façon dont cette motion demande la suspension des règles. Qu'il soit d'accord ou non, c'est une autre chose.

M. BURNS: Ce n'est pas une question de règlement, cela.

M. LEVESQUE: Je dis, M. le Président, qu'il touche au fond de la motion et tout ce qu'il dit présentement, c'est simplement pour retarder les travaux de la Chambre.

M. BURNS: M. le Président, je ne demanderai même pas au leader parlementaire de retirer ses paroles, lesquelles me prêtent des intentions. C'est son droit et de toute façon, j'ai la conscience claire et c'est tout ce qui m'occupe.

En ce qui me concerne, quels que soient les énoncés que le leader parlementaire puisse faire à propos de mes intentions de mettre des mesures dilatoires dans le débat, ce n'est pas du tout cela. En tout cas, il le croira et les autres le croiront s'ils le veulent aussi. Je ne discute pas du fond de la motion, pas du tout. Je vous dis, M. le Président, que d'une part l'article 85, tel qu'on doit le lire, déclare qu'il doit y avoir une déclaration d'urgence avant qu'on puisse passer par une motion non annoncée; autrement, cela n'a aucun sens. Là, nous serons limités à discuter et l'urgence et l'à-propos de mettre de côté telle et telle règle. C'est pour cela, ce n'est que pour cela et cela a d'autant plus d'importance que le débat est limité à deux heures. C'est pour cela que je soulève cette question de règlement-là. Libre au leader parlementaire de m'imputer toutes les intentions qu'il voudra.

Je ne touche pas au fond, M. le Président. Le deuxième point est celui-ci. Le texte dit: De plus, la commission plénière doit faire rapport après une période maximum de trois heures d'étude. Je dis que c'est contraire à l'économie même de notre règlement actuel. Je ne parle pas de l'ancien. Je n'entrerai pas dans le fond, sur le bien-fondé ou non qu'il y ait clôture, qu'il y ait guillotine, qu'il y ait bâillon ou appelons cela comme on le voudra dans ce débat-ci, je n'entre pas dans le bien-fondé même. Je me réfère tout simplement à l'esprit du règlement de clôture de notre nouveau règlement, plus précisément à l'article 161. A l'article 161, on dit: Lorsqu'une commission a étudié le projet pendant une période de temps correspondant à l'importance et à la longueur du projet, le leader parlementaire du gouvernement peut, sans avis, proposer une motion énonçant les modalités d'un accord — il n'y a pas eu d'accord, évidemment — conclu entre les leaders parlementaires du parti reconnu au cours d'une conférence convoquée par le président, à la demande du leader parlementaire du gouvernement. Cette motion est décidée immédiatement, sans débat ni amendement.

Deuxième paragraphe: Si, à la suite de la convocation de la conférence des leaders, une entente n'a pu être conclue, le leader parlementaire du gouvernement le déclare à l'Assemblée et, après un avis d'un jour franc, il propose que le rapport de la commission soit présenté à l'Assemblée dans le délai qu'il indique. Je vous dis, M. le Président, que l'économie même de ce texte-là... Je trouve cela particulièrement grave, si on crée un écart à ce moment-ci, dès la première fois qu'on testera notre règlement relativement au règlement de clôture; dès cette première fois, si on interprète de façon trop large ce texte-là, à mon avis c'est l'institution parlementaire elle-même qui va en souffrir à long terme. Comme je l'ai déjà dit, les vraies choses vont se dire ailleurs que dans cette Chambre, si c'est cela qui arrive avec le nouveau règlement.

A mon avis, il est très clair que l'article 161 présuppose que le règlement de clôture ne puisse intervenir qu'à la suite... Le texte est clair: Lorsqu'une commission a étudié... Donc, il faut qu'il y ait eu un geste de posé, c'est l'esprit du règlement de clôture. Si on commence à dire, parce que le texte ne dit pas cela, qu'une commission se propose d'étudier... Si on interprète ce texte-là d'une façon si large, à mon avis, le petit livre en question ne vaudra pas grand-chose avant longtemps. Les gens qui viendront parler ici, cela ne voudra pas dire grand-chose non plus puisque, à tout bout de champ, quand le gouvernement le décidera, il pourra déclarer que le problème va se régler en tant d'heures.

On n'a même pas la chance... C'est pour cela que je dis que c'est contraire à l'économie de ce règlement-là. Surtout, c'est ma préoccupation, le texte de l'article 161 est restrictif de droit.

Or, M. le Président, en vertu de toutes les règles d'interprétation, je n'ai pas à insister là-dessus, nous dirons que n'importe quel texte qui restreint les droits de quelqu'un — et c'en est un — doit être interprété, lui, de façon restrictive, c'est-à-dire de couvrir plutôt la solution où ça ne s'applique pas...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Ma motion, la motion que j'ai présentée devant cette Chambre, a pour objet de suspendre tel et tel article et de suspendre, de limiter l'étude en commission plénière, c'est l'objet de la motion que j'ai présentée. Le temps qu'il utilise présentement pour dire que je ne devrais pas faire ça, que ma motion devrait être autre n'est pas une question de règlement, je n'ai pas attaqué le règlement par cette motion, ce que dit le député de Maisonneuve n'a rien qui touche à la validité et à la recevabilité de la motion, c'est simplement du temps qui normalement devrait être pris pour

parler sur le fond de la motion et, ce qu'il fait présentement, c'est d'essayer de rajouter au temps qu'on lui a accordé ensemble, sur lequel on a convenu dans une conférence des leaders parlementaires.

DES VOIX: A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président.

M. LEVESQUE: J'insiste, M. le Président, de nouveau, sur le fait que j'ai proposé que, vu telle et telle situation d'urgence, on ne parle pas d'une situation normale, on demande la suspension des règles de procédure, on demande...

M. BURNS: Je vais vous en parler.

M. LEVESQUE: ... qu'on ne soit pas limité dans les heures d'étude du projet de loi.

M. BURNS: M. le Président, il aura le droit de me répondre tantôt.

M. LEVESQUE: J'ai le droit d'exprimer mon point de vue.

M. BURNS: Je n'ai pas fini, attendez donc!

M. LEVESQUE: Un instant, justement je m'oppose et c'est là mon point d'ordre. Je m'oppose à ce qu'on fasse indirectement ce qu'on a convenu directement de faire et voilà l'objet de mon point de règlement. On veut mettre en cause l'économie du règlement, ce n'est pas le temps de le faire. On a passé des mois à parler de ce règlement. Que veut-on faire? On veut parler de la motion. Qu'on parle de la motion, qu'on prenne les vingt minutes en vertu du règlement, à la suite d'une conférence qui a été tenue et dans laquelle a participé celui-là même qui vient de s'exprimer qui a convenu, pour son parti, d'un temps de vingt minutes et, présentement, il parle justement du fond de la motion.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je reconnais que le point de règlement soulevé par le leader du gouvernement a son sens parce que je crois que, peut-être involontairement, le député de Maisonneuve s'est aventuré au fond de la question justement. S'il est d'opinion que la motion du leader du gouvernement est trop draconienne, ce qu'il fait actuellement, en somme, il débat du fond de la question, il pourra en parler dans sa période de temps.

De toute façon, écoutez...

M. BURNS: Je n'ai qu'une chose à dire, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je vaisvous accorder la parole mais brièvement et strictement sur la question de règlement sans aller au fond de la question.

M. BURNS: D'accord, M. le Président, je réitère que ce n'est pas du tout, et je ne ris même pas quand je dis ça, pour faire perdre le temps de la Chambre que je fais ça. Nous avons conclu une entente avec les autres partis et nous allons la respecter, sur le fond, nous parlerons nos vingt minutes, point. C'est clair, que ce soit bien compris et, si le leader du gouvernement veut lancer le débat sur ce ton alors que ce n'est pas du tout mon intention, il en portera la responsabilité tantôt.

M. LE PRESIDENT: La question de règlement.

M. BURNS: Je veux tout simplement, en terminant... J'ai parlé de deux choses jusqu'à maintenant et je ne me prononçais pas sur le fond quand je disais qu'il fallait interpréter l'existence même de 161 de façon restrictive. D'accord? J'ai parlé également de l'ambiguïté de l'article 85. Je vous parle d'une troisième chose qui, à mon avis, est archi-importante, et là je reviens, encore une fois, même au texte de l'article 85 sur une partie où il est clair. L'article 85, et c'est le titre de cette section X: Motion de suspension de l'application d'une règle de procédure. J'insiste beaucoup sur le mot de suspension. Or, que fait la motion? Si nous lisons dans le texte — d'ailleurs, c'est bien clair que cette motion-là a l'intention de suspendre une règle existante, non d'en imposer une, pas du tout et quelle nouvelle règle nous impose-t-on? — on nous impose justement une nouvelle règle qui n'existe pas dans notre règlement actuel, la nouvelle règle disant que la commission plénière fasse rapport au bout de trois heures. J'ai beau chercher ça dans notre règlement, ça n'y est pas.

Donc, ce n'est plus une motion de suspension des règles de procédure, c'est une motion pour imposition. D'accord elle en suspend. Cela suspend les articles 23, 29, 30, 32, 38, 58, 78, etc. C'est vrai. Mais, en plus de cela, cela nous ajoute une nouvelle règle. Cela non plus n'est pas dans l'esprit de cette motion. Ce n'est pas dans l'esprit du texte de l'article 85...

M. LEVESQUE: On parle du fond, M. le Président.

M. BURNS: Vous répondrez. Vous aurez tout le temps pour répondre, si vous voulez. L'article 85 dit tout simplement que l'application d'une règle de procédure prévue aux paragraphes 2 et 3 de l'article 3 du règlement peut être suspendue. Moi, je demande quelle règle on suspend par le bout de phrase qui dit que la commission plénière ne siège pas plus que trois heures. Cela n'existe nulle part dans notre règlement. Ce qui existe, c'est le texte de l'article 161 auquel je vous ai référé tantôt.

Je ne vois pas comment cette motion qui autorise la suspension d'une règle puisse en créer une nouvelle. Ce n'est pas cela du tout.

Alors, si le leader, après que la motion pour suspension d'une règle a été adoptée, a l'intention de nous en amener une nouvelle, il le fera. Le règlement prévoit comment il doit le faire. Il le fera à ce moment.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désireraient parler sur cette question de règlement?

DES VOIX: Non.

M. LE PRESIDENT: J'ai remarqué que l'argumentation du député de Maisonneuve se divise en deux parties. Dans son premier point, il rejetterait ou me demanderait de rejeter la motion du fait qu'elle contient deux éléments et qu'il s'agit d'une motion à deux volets, si vous voulez: La question d'urgence, d'une part, et la question de suspension de l'application des règles, d'autre part.

Personnellement, je serai satisfait de la rédaction — ce sera difficile de l'être autrement — de l'article 85, 2o. Personnellement et dans l'esprit de ceux qui ont travaillé à la rédaction de ce règlement, c'est que nous avons voulu fondre dans une seule motion les deux motions qui existaient préalablement en vertu de l'article 219 de l'ancien règlement. Nous voulions fondre ces deux motions: la question d'urgence qu'il y avait avant et la question de suspension d'une règle. Du moins, c'était l'intention des codificateurs. La preuve en est que, si on lit le troisième paragraphe de l'article 5, on a mis une prohibition de division de la motion, ce qui n'existait pas auparavant. Au troisième paragraphe: "Cette motion ne peut être ni amendée — ce qui existait auparavant, mais on a ajouté — ni divisée", pour prévoir justement ce double volet.

Par contre, si le député de Maisonneuve établit que la rédaction telle quelle n'est pas parfaite, je suis peut-être prêt à l'accepter et, lorsque ces règlements deviendront, un jour, s'il y a lieu, définitifs, il y aura peut-être lieu de modifier la forme de la rédaction de l'article. Personnellement, je dois vous dire que l'intention de ceux qui ont travaillé à la codification, c'était bien de fondre dans une seule motion les deux motions qui existaient auparavant; l'urgence et la suspension de l'application d'une règle.

Deuxièmement, à l'effet qu'il ne serait pas permis d'ajouter une certaine restriction sur la longueur de l'étude du travail de la commission plénière, je reconnais qu'il s'agit d'une motion d'urgence. C'est tout à fait exceptionnel, c'est une question extraordinaire qui arrive à l'occasion, une fois par session et souvent une fois par deux ou trois ans dans des moments de crise comme celle que nous vivons actuellement.

Comme je le disais tout à l'heure, le député de Maisonneuve reconnaît peut-être à cette motion un élément draconien. Il y a autre chose dans la suspension d'autres règles qui est également draconien comme le fait de siéger après onze heures jusqu'à trois, quatre, cinq, six ou sept heures du matin et même deux ou trois jours de suite s'il y a lieu. C'est vraiment exceptionnel. C'est exceptionnel également en dehors du règlement que les étapes du projet de loi, la première, la deuxième et la troisième et l'étude en commission se fassent à la même séance. C'est également draconien. Je reconnais que le fait de cette limite de trois heures est peut-être draconien, mais, personnellement, je crois qu'il s'agit d'une situation tout à fait exceptionnelle. S'il y a un aspect draconien ou odieux dans la motion, c'est au gouvernement d'en prendre la responsabilité vis-à-vis de l'opinion publique.

Pour cette raison, je considère cette motion comme totalement et parfaitement recevable.

M. BURNS: M. le Président, simplement une directive. J'ai posé également un troisième point où, à toutes fins pratiques, je vous posais la question: Est-ce que la motion pour suspension d'une règle peut ajouter une nouvelle règle? Je pense que vous n'y avez pas répondu.

M. LE PRESIDENT: Je serais d'avis que c'est légal parce qu'on pourrait même mettre que le projet ne subirait qu'une seule lecture et, personnellement, je crois que ce serait valable.

L'honorable ministre de l'Education.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, maintenant qu'une querelle de procédure aussi malvenue que stérile est terminée, vous me permettrez d'en arriver au coeur des problèmes que traverse actuellement notre société. Il semble que tous les partis politiques n'y soient pas sensibles, malheureusement.

Je désire intervenir pour souligner l'urgence de la situation consécutive à cet arrêt de travail d'où la nécessité d'une action aussi ferme que rapide. Le leader parlementaire nous a tracé un tableau d'ensemble. Le ministre des Affaires sociales nous a parlé du secteur hospitalier et du bien-être social. Je me limiterai au secteur de l'éducation.

Il y a deux jours, dans le cadre d'une déclaration ministérielle, je faisais le point. La situation n'a fait qu'empirer depuis. Les écoles et les collèges sont fermés de façon générale et ceci, comme je le soulignais, à la fin de l'année scolaire. Même les enseignants qui ne sont pas en grève sont incapables d'observer leur rythme d'activité ordinaire pour l'excellente raison qu'ils ne peuvent accéder aux institutions où ils travaillent.

Certaines mesures, qui ressemblent fort à des représailles, semblent être prises actuellement contre certaines institutions privées. Les conséquences de cet état de fait se font déjà sentir sur le rendement scolaire et on peut croire que,

dans certains cas, l'année risque d'être compromise.

Le problème, je tiens à le souligner, est peut-être plus grave au niveau collégial qu'aux niveaux élémentaire ou secondaire. En effet, aux niveaux élémentaire et secondaire, les commissions scolaires ont toute latitude d'aménager leurs horaires et il sera sans doute possible de prolonger un peu l'année sans que les élèves en souffrent. En revanche, au niveau collégial, alors que deux périodes de 82 jours sont prévues, lesquelles périodes doivent être observées pour que l'année soit à la fois valable et valide, il faudra probablement envisager une prolongation de cette année scolaire. Ceci va se traduire par des problèmes, en particulier sur le plan de l'emploi des étudiants et également sur le plan de leurs revenus.

D'ailleurs, ces derniers commencent déjà à s'agiter et, ce faisant, ils manifestent beaucoup de maturité. A certains endroits, ils ont réclamé qu'on leur donne des cours revendiquant ainsi un droit qu'on leur a reconnu. Ce droit, c'est le droit à l'éducation. Notre réforme scolaire a eu justement pour objectif de permettre à tous les enfants du Québec d'accéder à l'éducation. Nous sommes passés d'un système axé vers l'élite vers un système qui vise à permettre à tous de s'instruire. L'école a cessé d'être un instrument de promotion individuelle pour devenir un instrument de promotion collective.

Est-il possible qu'un gouvernement puisse laisser une situation comme celle-là pourrir sans intervenir? Bien sûr, ce qui se passe dans le secteur scolaire peut peut-être paraître moins spectaculaire que dans le secteur hospitalier. Cependant, non seulement touche-t-il aux droits dont je viens de vous parler mais il détermine également tout un ensemble de situations individuelles, de drames quotidiens, je n'hésite pas à le dire, qui laissent toujours des traces, en particulier chez les étudiants qui sont en cours de formation de leur personnalité.

Nous sommes en présence d'une grève légale. On peut s'interroger sur les modalités de son exercice. Nous nous interrogerons très certainement. Mais cependant, il est clair qu'une société ne peut permettre que l'exercice d'un droit qui a été consenti rentre en conflit avec l'exercice des droits les plus fondamentaux.

Parce qu'une société ne peut le permettre, j'abonde dans le sens qui vous a été indiqué et je vote en faveur de cette motion de suspension des procédures pour l'excellente raison que, dans le secteur qui me concerne comme dans les autres, secteurs, M. le Président, les limites du tolérable sont atteintes.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. Jean-Paul L'Allier

M. L'ALLIER: M. le Président, je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter à ce qu'ont dit mes collègues, le leader parlementaire, le ministre des Affaires sociales et le ministre de l'Education, pour indiquer qu'il y a maintenant urgence, pour cette Assemblée et tous les partis qui y siègent, à voir quelles sont les mesures à prendre afin de garantir le respect des droits, comme l'a dit mon collègue de l'Education, fondamentaux de la société.

C'est évidemment difficile pour moi, et c'était difficile hier également, de constater qu'après les efforts considérables que nous avons faits pour en arriver à une solution négociée d'un problème qui est, en fait, un problème de renouvellement d'un contrat de travail, qui est une question de savoir quelles seront les conditions de travail des employés des secteurs public et parapublic, d'en arriver à constater l'échec, à ce moment-ci, de la négociation.

J'ai répété tellement de fois, au cours de ce conflit, que la solution négociée était la solution idéale, tant pour l'Etat que pour les citoyens, et aussi, et peut-être surtout, pour les travailleurs des secteurs public et parapublic, que je suis convaincu qu'il sera possible de continuer, à un moment donné, cette recherche d'une entente.

Quoi qu'il en soit, malgré que nous avons fait connaître, il y a un an, les principes fondamentaux et essentiels sur lesquels s'appuyait la politique gouvernementale, la constatation que nous avons dû faire hier soir est à l'effet qu'il n'était pas possible, raisonnablement, de percevoir, pour un avenir immédiat, une solution négociée du conflit, négociée dans l'intérêt des travailleurs mais aussi parce que c'est aussi notre reponsabilité, comme gouvernement, dans l'intérêt de l'Etat et de la collectivité. C'est ce qui m'amène à souligner le caractère d'urgence que revêt l'étude, par cette Assemblée, des mesures qui devraient être prises.

Il y a urgence, précisément, parce qu'une grève dure depuis neuf jours, qu'elle a des conséquences dans la fonction publique, conséquences qui sont peut-être difficiles à évaluer aussi précisément que dans le secteur des affaires sociales ou dans le secteur de l'éducation mais qui n'en sont pas moins grandes. Une grève dure depuis neuf jours. C'est une grève légale. Comme l'a dit le ministre de l'Education, on peut se poser des questions sur les modalités d'exercice de cette grève. On peut certainement constater, à ce stade-ci, qu'il faudra revoir, le plus calmement possible et en dehors de périodes de conflit, l'ensemble de ces mécanismes. Cette grève, donc, qui s'exerce comme un moyen de pression sur l'employeur, le gouvernement, les commissions scolaires, les corporations hospitalières, touche d'abord et avant tout, quoi qu'on en dise, la population, et souvent la population la plus faible, qu'il s'agisse notamment des malades qui sont dans les hôpitaux pour malades chroniques ou pour malades psychiatriques, qu'il s'agisse des étu-

diants ou des élèves dans les écoles, qu'il s'agisse des assistés sociaux qui n'ont pas accès aux services réguliers des bureaux d'aide sociale.

Il s'agit d'une grève dans les secteurs public et parapublic, et par définition, dans les services à la population. S'il avait été possible au cours des derniers jours d'entrevoir cette solution que nous avons recherchée par tous les moyens, il aurait été possible de concevoir que cette pression s'est exercée et d'une façon positive. Cependant, nous ne pouvons pas prévoir l'issue négociée de ce conflit. Et la priorité de tous les membres de cette Assemblée est maintenant de voir de quelle façon il sera possible de protéger et de redonner aux citoyens l'ensemble des services publics auxquels ils ont droit.

C'est en fait la responsabilité du gouvernement et de l'Assemblée nationale que de prendre sans délai des mesures pour arrêter la détérioration des services et pour les rétablir régulièrement. Un gouvernement et une Assemblée nationale qui n'agiraient pas ainsi, qui seraient dans l'incertitude ou qui s'abstiendraient, feraient preuve, à mon avis, d'inconscience et d'irresponsabilité face à la population.

Nous devons donc maintenant étudier ces mesures. Nous devons les étudier en tenant compte de l'évolution, bien sûr, des relations de travail dans le secteur public. Nous devons les étudier également, et surtout, en tenant compte de la protection des droits de chaque citoyen du Québec aux services publics.

Je souscris donc à cette motion et j'espère qu'au-delà des questions de procédure et de parti chaque membre de cette Assemblée qui représente une partie de la population québécoise n'aura, dans les heures de débat qui suivront, à l'esprit rien d'autre que l'intérêt de chacun des citoyens que nous représentons ici.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: M. le Président, ce n'est sûrement pas de gaieté de coeur que j'aurai à faire des remarques, des constatations et peut-être des propos qui apparaîtront d'une certaine cruauté ou brutalité à l'endroit du gouvernement et des membres du gouvernement.

J'ai écouté le ministre de la Fonction publique qui, je pense, avec une certaine émotion — et nous le comprenons à la suite du travail énorme qu'il a dû abattre depuis quelques jours dans des circonstances extrêmement difficiles — j'ai compris dans les propos du ministre, que sa fonction avait été extrêmement difficile, extrêmement complexe et qu'il était, pour lui, souverainement difficile de supporter la motion présentée par le leader et surtout que l'aboutissement de longs mois de négociation se révèlent d'une façon aussi désagréable et aussi difficile à accepter pour lui.

Mais, M. le Président, si le rôle de l'Opposition est difficile, il n'en demeure pas moins que l'Opposition doit prendre toutes ses responsabilités et l'Opposition n'est pas là pour encenser le gouvernement ou souligner les mérites du gouvernement ou le féliciter des bons coups qu'il pourrait poser.

Le rôle de l'Opposition, dans toute son ingratitude, est surtout de démontrer des défaillances, des imperfections, les maladresses du gouvernement et, en même temps, d'essayer, de façon très positive, de faire des suggestions pour améliorer à différents niveaux la situation.

J'ai écouté le leader parlementaire, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Educa-tion, le ministre de la Fonction publique et j'ai nettement l'impression, que ces gens-là sortent d'un cauchemar et que ce n'est que cet après-midi qu'ils se rendent compte de toute la gravité de la situation. Ce n'est que cet après-midi qu'ils ouvrent les yeux pour constater jusqu'à quel point c'était sérieux, c'était grave et c'était urgent. Jusqu'à hier, M. le Président, aucun des membres du gouvernement n'affirmait qu'il y avait urgence.

J'ai même fait répéter, à un moment donné, et seul le ministre de l'Education, oui, a employé des expressions, hier, pour démontrer qu'il y avait urgence, qu'il y avait également sur le plan des négociations une situation tellement difficile que ça devenait alarmant. Mais c'est à peu près le seul et on s'est bien défendu de l'autre côté de la Chambre, lorsque j'ai souligné que la situation était alarmante, que la situation était dramatique; les ministériels disaient non.

Et le ministre de la Fonction publique disait: Non, ce n'est pas alarmant. Ce n'est pas dramatique. Le ministre des Affaires sociales, disait: Non, ce n'est pas si dramatique que ça. Evidemment, avec son langage extrêmement violent, le ministre des Affaires sociales nous disait que c'était sérieux, que ce n'était pas la situation normale rêvée, mais que, de toute façon, tout était passablement sous contrôle.

Or, le même homme, à quelques heures, a des expressions aussi claires que celles-ci: Pour les hôpitaux, à venir jusqu'au 11 avril, c'était à 30 p.c. ou 40 p.c, 50 p.c. de capacité, mais depuis le 11 avril le taux a diminué davantage...

M. CASTONGUAY: C'est publié dans les journaux.

M. LOUBIER: ... ce qui devient une situation très très difficile. Pour ce qui a trait au ministère, il dit: Vous comprendrez, M. le Président, que la situation est très très sérieuse, puisque c'est inaccessible depuis plusieurs jours et que nous avons, d'une façon ou d'une autre, à voir à la bonne administration de 1,000 institutions et je vous préviens, c'est toujours le ministre qui parle, que le rattrapage sera extrêmement difficile. Il a dit également que, dans les cliniques d'urgence, qu'il y avait eu à

certains endroits des situations extrêmement pénibles.

Il nous dit également — et je pourrais citer, M. le Président — qu'au niveau des malades psychiatriques, eh bien que c'est extrêmement difficile. Or, le ministre de l'Education est un peu plus conséquent que ses collègues, puisqu'il reprend sensiblement les mêmes propos qu'il a tenus il y a à peine quelques heures. Mais, de toute façon, je pense que ces gens-là viennent de sortir d'un cauchemar et qu'ils viennent de se rendre compte que c'est extrêmement grave, non seulement pour les syndiqués, non seulement pour une classe en particulier, mais pour toute la population québécoise, dans sa santé publique, dans sa sécurité publique et dans son économie.

M. le Président, cette motion à caractère d'urgence est un peu dramatique sur les bords. Elle aurait pu facilement être évitée parce que la motion du leader ministériel est malheureusement un constat d'échec des ministres de la Fonction publique, malheureusement, du Travail, de l'Education, des Affaires sociales, des Finances et du premier ministre. La motion du leader est aussi une confession de jugement. Lorsqu'on nous dit que tous les efforts — c'est le leader parlementaire qui disait cela — ont été fournis et posés, il va plus loin, que toutes les mesures ont été prises, c'est absolument faux.

Peut-être tous les efforts ont-ils été posés par un homme, celui de la Fonction publique, peut-être, oui, mais est-ce que toutes les mesures ont été prises? Non, M. le Président. Cette motion du leader parlementaire démontre un degré d'immaturité que je ne qualifierai pas de la part du gouvernement mais qui pourrait peut-être rejoindre une faiblesse chronique du gouvernement, un manque de prévoyance, d'imagination, de leadership, une indécision congénitale de la part du gouvernement. Le gouvernement aurait pu facilement prendre des mesures qui auraient évité une tournure aussi peu agréable et rentable pour quelque partie que ce soit, la partie syndicale ou la partie patronale.

La motion du leader parlementaire invoque l'urgence, oui. Nous avons l'impression — si on me permettait de procéder par images — que les loups viennent de sortir du bois, que les membres du gouvernement agissent un peu comme des bêtes fauves blessées, traquées et cernées de toutes parts. C'est un peu à la façon de chiens enragés que l'on veut mordre un peu partout et ne pas manquer son coup. Si on avait voulu accepter les propositions que je faisais — je le dis sans aucune vanité — à l'époque, le 8 et le 28 mars — qu'on lise les débats de la Chambre — et dans un communiqué de presse de la semaine dernière, avant la prise de position du Parti québécois, je proposais des mécanismes.

Depuis un mois, je demande qu'il y ait convocation immédiate de la commission de la Fonction publique pour entendre les parties.

A-t-on répondu à cet appel? Non, M. le Président. Deuxièmement, je proposais que s'il y avait impasse globale, on pourrait au moins avoir les donnés du problème, on pourrait au moins, nous, les représentants du peuple, les syndiqués eux-mêmes et toute la population, par le truchement de la commission parlementaire de la Fonction publique, avoir les deux versions. Aussi refusé.

J'ai proposé également, en cas d'impasse à la suite de cette convocation de la commission de la Fonction publique, qu'on demande à tous les employés de retourner au travail, qu'il y ait un moratoire de trois mois afin de permettre aux parties patronale et syndicale de négocier de façon sérieuse et assidue à l'intérieur d'un calendrier défini, que l'on accorde à tous les employés qui reviendraient au travail 5 p.c. de façon uniforme. Le gouvernement a agi, à ce moment-là", comme des sourds et muets. J'ai répété cette invitation la semaine dernière; pas une seule réaction, il n'y avait pas d'urgence, ce n'était pas alarmant, même hier.

J'avais proposé, le 8 mars, le 28 mars, le 13 avril, le 14 avril à la télévision, dans des communiqués de presse, etc., qu'au bout de trois mois, s'il y avait encore blocage systématique, l'on réfère le tout à un tribunal de travail ad hoc ou à un autre organisme ou qu'on réfère à une autre législation pour que la sentence devienne exécutoire.

Rien de la part du gouvernement. On vient nous dire aujourd'hui que toutes les mesures ont été prises, jamais. Je pense que toutes ces propositions que j'ai faites étaient marquées au coin du réalisme, de la logique et permettaient de dépolluer le climat et auraient évité surtout l'état de grève générale que l'on connaît depuis quelques jours et auraient évité aussi à certains personnages des écarts de langage tels que l'on met le peuple sur un volcan, auraient évité des outrages au tribunal, auraient également évité des sentences extrêmement sévères avec emprisonnement et des amendes qui sont énormes en argent, auraient évité que les parties se jettent inconsidérément dans la démagogie. On s'y est refusé, durant toute cette période de temps.

Il y a eu, je le dis amicalement, de la part de mes amis du Parti québécois, une crise de conscience. Le gouvernement, lui c'est une crise de puberté qu'il traverse. Du côté du Parti québécois, c'était une crise de conscience. Mais même là, il y a eu de la part du Parti québécois des suggestions de faites aussi, lorsqu'après avoir rencontré leur confesseur et réglé leur crise de conscience, ils ont fait des suggestions même si ce n'étaient pas les mêmes suggestions venant du chef en dehors, du chef en dedans et tout ce que vous voudrez, il y a eu des suggestions, le gouvernement n'a pas écouté, n'a pas entendu et, à un moment donné, il y a eu des propositions solidairement et conjointement présentées par les trois partis de l'Opposition, mais il n'y avait pas urgence, ce n'était pas grave, ce n'était pas dramatique.

Or, j'ai nettement l'impression que le gouvernement a totalement manqué de réalisme,, d'esprit de décision. Il n'a pas pris, au bon moment, les décisions qu'il s'imposait de prendre. Que le gouvernement cesse donc d'être traumatisé par certains ténors au Québec! Que le gouvernement cesse donc d'essayer de ménager le chou et la chèvre continuellement! Que le gouvernement cesse de chanter même si on appelle ça Pepin, Laberge et Charbonneau et compagnie! Quand le gouvernement va-t-il enfin se réveiller pour placer, non pas de façon matraquée, mais des mécanismes permanents prévoyant des situations comme telles ou au moins utiliser les mécanismes qui sont en place.

Je pense que nous assistons à une escalade aujourd'hui et souventefois dans des paroles démentielles. J'ai écouté, entre autres, Pepin, Laberge et Charbonneau. Charbonneau, lui, ce n'était pas compliqué: Un appel aux armes, nous allons régler ça. Du côté de Pepin, on continue à dire: Ne respectez pas les injonctions, ne respectez pas la loi, peu importent les décisions du gouvernement. Le gouvernement est complice de ces écarts et de ces excès de langage et je vous dis pourquoi. Pourquoi, à ce moment-là, n'a-t-il pas voulu? Qu'avait-il à cacher? Pourquoi n'a-t-il pas voulu que la partie syndicale et la partie patronale viennent faire entendre leur version à la commission de la Fonction publique pour que nous puissions permettre à ces gens d'exprimer leur point de vue et de dire quels étaient les motifs de ce blocage systématique?

Tout ce que nous connaissons depuis quelques jours et ce qui est plus grave encore, ce climat déprimant qu'on est en train d'instaurer en permanence au Québec, tout ce que nous connaissons est dû à l'inertie, l'imprévoyance, l'inconséquence du gouvernement actuel. Encore une fois, c'est un gouvernement de pompiers qui a attendu que les petits feux prennent comme il le faut et on a dit: On n'interviendra pas tout de suite. Nous allons déléguer le ministre de la Fonction publique pour aller souffler sur les petits feux et nous allons attendre, ça va se régler.

On a même attendu que les feux prennent d'autres dimensions pas mal plus alarmantes. Là, on a délégué d'autres ministres pour essayer de prêter main-forte au ministre de la Fonction publique. A un moment donné, d'une minute à l'autre, littéralement à quelques instants, on vient de découvrir que toute la maison est en feu. C'est la panique. On brûle toutes les étapes qui auraient pu être traversées de façon démocratique, de façon équitable pour les parties en cause. On brûle toutes les étapes d'un seul coup et on procède à rebours, à l'envers. On donne d'abord le coup de matraque et après, on dit: On verra, on vous soignera. Probablement que c'est ce qui va arriver, M. le Président.

Est-ce qu'on peut qualifier cela d'une administration qui, à chaque jour, essaie de régler les problèmes quotidiens, sans tenir compte d'au- cune planification, sans prévoir la mise en place ou l'utilisation — ce qui est encore plus grave — des mécanismes qui pourraient dépolluer le climat et qui auraient pu, en l'occurrence, faciliter énormément un règlement et ainsi faciliter le travail du ministre de la Fonction publique.

M. le Président, la motion présentée par le leader parlementaire vient trop tard et elle vient d'une façon que je pourrais qualifier de geste posé à l'agonie, in extremis, de la part du gouvernement. Je pense qu'il est important de constater que le gouvernement, encore une fois, a livré aux députés de cette Chambre une motion d'urgence sans que nous ayons en main, au moins sur le plan confidentiel, le projet de loi qu'il s'apprête à nous soumettre. Sans que nous l'ayons en main, pour nous montrer, encore là, qu'on pourra taxer...

M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais simplement, sans interrompre le chef de l'Opposition officielle, lui rappeler que chacun des députés a maintenant le texte en main.

M. LOUBIER: Non, je regrette.

M. BURNS: Nous ne l'avons pas.

M. ROY (Beauce): Nous ne l'avons pas.

M. LEVESQUE: Alors, les inscriptions n'ont pas été...

UNE VOIX: Vous l'avez envoyé à la presse entre-temps.

M. LEVESQUE: Ah! voici.

M. DEMERS: Ce n'est pas encore urgent. On a le temps. Cela ne presse pas. Prenez votre temps.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... page par page.

M. LOUBIER: M. le Président, c'est aujourd'hui que l'on apprend, de la bouche de certains ministres, qu'il y a des enfants au Québec qui ont droit à l'éducation. Lorsque j'ai tenu ces propos, hier et avant-hier, on disait: Un instant, un instant, ce n'est pas si urgent que cela. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on se rend compte que, dans les affaires sociales, il y a des malades qui doivent être soignés et qu'ils ont un droit strict à être soignés. On vient d'apprendre cela aujourd'hui. Eux, ils viennent de réaliser cela aujourd'hui. Ils viennent de réaliser, après que nous l'eussions dit hier et avant-hier, que les malades, les étudiants, les enseignants, les assistés sociaux sont tenus en otages. Ils viennent de se rendre compte de cela aujourd'hui. Qu'est-ce qui s'est passé cette nuit?

Un des ministres qui est intervenu dit que la situation ne s'est pas brusquement modifiée.

Bien, qu'est-ce qui se passe alors? Pourquoi ne pas avoir recouru à des mécanismes en place? Pourquoi ne pas avoir fait appel à ce moratoire, à la commission de la Fonction publique et accorder 5 p.c. et prévoir qu'il y ait rencontre entre la partie patronale et la partie syndicale, devant les députés, représentants du peuple?

M. le Président, je serais tenté d'être encore beaucoup plus sévère dans mon jugement quant à l'attitude du gouvernement ou plutôt quant à l'indécision chronique du gouvernement et qui agit in extremis avec des moyens qui sont réputés et reconnus comme étant extraordinaires.

Je serais extrêmement malheureux d'être dans la peau du ministre de la Fonction publique. Je serais démoli littéralement parce que, depuis des mois et des mois, même hier, le ministre de la Fonction publique disait partout qu'il ne fallait pas recourir à une loi matraque, qu'il espérait que la seule façon valable était encore la négociation et que cela pouvait se régler de cette façon.

M. le Président, on n'a même pas donné l'occasion aux négociateurs du gouvernement et aux négociateurs de la partie syndicale de se faire entendre à l'intérieur d'une commission où doivent régner la sérénité, l'objectivité et où, à ce moment-là, et les syndiqués, et tous les Québécois et les représentants du peuple auraient pu avoir une meilleure perception de ce problème, auraient pu analyser, de façon beaucoup plus sérieuse et objective, qui des deux parties manquait de réalisme. Est-ce la partie patronale? Est-ce la partie syndicale? Eh bien, on . n'a même pas voulu se rendre à ces demandes qui étaient extrêmement raisonnables et qui auraient évité cette grève que nous connaissons depuis quelques jours. Cela a été demandé, les premières fois, au cours du mois de mars. Je l'ai réitéré la semaine dernière. Pourquoi, encore une fois, s'est-on refusé et pourquoi aujourd'hui traverser à vive allure et d'une façon furieusement accélérée toutes les étapes que l'on aurait pu connaître à ce moment-là et qui auraient fort bien pu régler ce différend ou ce conflit majeur à l'avantage de toutes les parties sans que nous ayons eu à connaître toute cette perturbation sur le plan social, sur le plan économique?

M. le Président, je termine en disant que nous voterons en faveur de la motion du gouvernement. Mais je donnerai mon consensus avec un certain dédain, sans aucun enthousiasme. J'accorderai mon consensus parce que le gouvernement aura, lui seul, à supporter l'odieux de son inconséquence, de son inaction, de son inertie, de son imprévoyance. Cela appartiendra au peuple de juger les actes posés à l'article de la mort et d'une façon désespérée de la part du gouvernement. Cela lui apprendra aussi qu'il appartient au peuple de juger le gouvernement.

Notre devoir, aujourd'hui, dans les circonstances où cela nous est présenté, nous ne pouvons faire autrement, c'est tout simplement d'essayer d'accélérer, de collaborer, non pas au sens péjoratif, de façon positive pour que justement ce que nous disions il y a des jours et des jours, que les enfants avaient un droit strict et sacré à l'éducation, que les malades avaient un droit strict et sacré à être soignés, que les employés du gouvernement avaient un droit strict à leur travail aussi. Eh bien, nous votons pour éviter que cette conflagration pourrisse davantage le climat social que nous connaissons au Québec.

Mais, M. le Président, encore une fois, je dis au gouvernement qu'il est encore temps de se réveiller, il est encore temps de faire preuve de cohérence, d'esprit de décision. J'invite le premier ministre à se donner un peu d'épine dorsale et à prendre des décisions quand l'intérêt supérieur des Québécois est en jeu, de cesser de piétiner sur place, de cesser sous prétexte que peut-être le temps, peut-être dame nature, peut-être la providence d'Ottawa, peut-être un gouvernement parallèle, peut-être on ne sait pas qui, quelle force extérieure viendra régler ces problèmes à lui qui sont les problèmes des Québécois.

Que le premier ministre sache donc qu'au Québec nous avons besoin non pas d'une fermeté qui rejoindrait l'arbitraire et qui matraquerait tout le monde, mais nous avons besoin d'un gouvernement qui a de l'épine dorsale, d'un gouvernement qui a de la suite dans les idées, d'un gouvernement qui est là pour administrer non pas à la petite journée, mais d'un gouvernement qui est là pour planifier, à moyen terme et à court terme, en fonction du bien commun, d'un gouvernement qui est là pour placer des mécanismes qui évitent des situations telles que celle que nous connaissons.

M. le Président, je voterai, avec regret, en faveur de cette motion parce qu'à ce moment-là, je pense justement à tous ces enfants, je pense justement à tous ces malades qui ont des droits à l'éducation, à la santé. Je pense également aux fonctionnaires et aux syndiqués parce que notre parti politique, M. le Président, notre char n'est attaché ni au syndicat, ni au patronat, ni à un secteur en particulier. Mais, par exemple, nous ne sommes pas non plus les marionnettes d'ultimatums, d'où que viennent ces ultimatums. Qu'ils viennent d'Ottawa, qu'ils viennent des syndicats ou qu'ils viennent du patronat, nous donnons la preuve, M. le Président, que notre formation politique n'est liée à aucun organisme comme tel, n'adore aucun veau d'or comme institution, que nous sommes là pour la défense des syndiqués et non pas de chefs syndicaux, que nous sommes là pour la défense des étudiants, des jeunes et des Québécois, indépendamment des institutions parce que nous ne sommes pas des esclaves. Nous ne sommes liés ni psychologiquement, ni d'aucune façon à quelque organisme que ce soit et quelque institution que ce soit mais nous avons voulu, depuis des semaines, éviter de donner

une tournure démagogique à ce débat. Nous avons fait des propositions sérieuses, M. le Président, tellement sérieuses que les autres formations politiques ont fait consensus sur ces propositions. Nous regrettons lamentablement l'attitude négative du gouvernement.

Encore une fois, M. le Président, si je pouvais moi aussi terminer par une motion d'urgence, je présenterais une motion pour que les membres du gouvernement puissent au moins retrouver un peu plus d'épine dorsale, un peu plus d'esprit de décision et puissent également retrouver du sens pratique, de la logique, du bon sens et qu'on fasse ensemble une croisade pour que le premier ministre puisse enfin prendre ses responsabilités de façon déterminée, de façon agressive et que le premier ministre montre autant d'énergie, dans des circonstances comme celle que nous connaissons actuellement, qu'il en a démontré au Colisée pour le projet de la baie James et que le premier ministre démontre autant d'énergie dans un contexte comme celui d'aujourd'hui qu'il en a démontré dimanche dernier au banquet de nos amis d'en face. A ce moment-là, le premier ministre en avait de la fermeté, il en avait de l'énergie, il en avait de l'esprit de décision. Qu'il garde donc toujours cette vitesse de croisière et qu'il garde donc toujours cette image. A ce moment-là, je pense qu'on ne connaîtra pas des situations aussi pourries et pourrissantes que celles que nous avons traversées.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef intérimaire du Ralliement créditiste.

M. Armand Bois

M. BOIS: On peut être intérimaire et on peut être aussi très bon infirmier. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

La situation d'aujourd'hui me fait penser un peu au cas... Est-ce que je dérange mes bons amis d'en face, M. le Président?

M. GARNEAU: On essaie de comprendre.

M. BOIS: Ah bon! Cela viendra. Vous verrez tout à l'heure.

M. VEZINA: Parlez en français!

M. GARNEAU: Intérimaire et infirmier, je ne vois pas très bien. J'aimerais avoir des explications.

M. BOIS: M. le Président, la situation de ce jour me fait penser au groupe de personnes dont une seule aurait frappé un rucher rempli d'abeilles. Naturellement, tout le monde commence à se frapper parce que les abeilles ne frappent pas qu'une seule personne. Elles piquent tout le monde.

M. DEMERS: C'est bon pour les rhumatismes!

M. BOIS: Absolument. C'est même indispensable. A la suite de tout ceci, il y a un fonctionnaire de la Voirie qui est tout près et, croyant faire son devoir, croyant que c'est un état d'urgence, il prend une bonne pelle et il commence à assommer tout le monde avec une loi de la matraque. Les choses aujourd'hui en sont rendues à un point où pour avoir entendu pendant beaucoup plus de douze mois — si ce n'est l'effort qui a été réellement fait pour les négociations pendant les quelques dernières semaines — le gouvernement est acculé à réaliser que le gigantisme qu'il a lui-même créé — surtout dans ces dernières années, et particulièrement pendant les deux dernières années — est en voie de lui jouer un tour extrêmement crucial.

On s'est dépêché durant les dernières années d'adopter des lois d'union de ministères, des lois d'augmentation de bénéfices qui amènent chez l'Etat la création d'organismes qui, un de ces jours, lui laisseront simplement le privilège de perdre le contrôle de la situation, parce que le colosse est trop gros et que le gouvernement n'est pas fait pour l'administrer.

A l'heure actuelle le débat qui est demandé aujourd'hui par le gouvernement est justement celui que nous avions tellement suggéré, même mardi dernier, et pourtant on nous l'apporte aujourd'hui, alors qu'il y a deux jours on ne semblait absolument rien voir. On croit qu'aujourd'hui le gouvernement est aux abois parce qu'il a marché sur une ruche d'abeilles.

Nous sommes à l'heure actuelle à envisager une situation et à apporter une loi qui permettrait de légiférer sur des conséquences. Avant de voir les conséquences, est-ce qu'on ne pourrait pas établir des causes, des faits que MM. les ministres concernés ont tout à l'heure décrits comme étant des cas de situations extrêmement graves?

De notre côté nous les comprenons, mais cependant nous n'admettons pas que la députation ait été obligée d'attendre des mois avant d'avoir des informations précises et explicites, comme nous avons été obligés de le faire, soit d'aller puiser ailleurs pour obtenir des documents qui réellement permettent d'analyser la situation et surtout sur le cas de l'employé, du fonctionnaire et du parafonctionnaire en particulier.

Aussi longtemps que nous allons garder ce débat à l'intérieur de la Chambre, au lieu de le sortir et de l'amener devant une commission — comme nous l'avions suggéré nous aussi depuis déjà assez longtemps — nous serons la cause d'un prolongement de conflit inutile autant pour les fonctionnaires publics et para-publics, autant pour le peuple et aussi ça va créer un conflit qui définitivement sera stérile pour la gloire de certains chefs syndicaux et du gouvernement lui-même.

A l'heure actuelle, devant une situation de faits, il semble que si on donne des chaînes aux hommes ils se font un plaisir de s'enchafner eux-mêmes avec, et c'est précisément le cas du

gouvernement provincial. Le gouvernement libéral est pris avec un problème qu'il a créé et qu'il essaie de régler, alors que depuis des mois les citoyens chantent et répètent, à qui veut les entendre sur les rues: Cela va aller mal si on ne règle pas notre affaire. Il va y avoir du trouble, il y aura ci et ça. Et pourtant qui a bougé dans le gouvernement, parmi nos honorables amis d'en face? Personne. Si on fait le tour des principales sociétés mêmes, on va constater que dans bien des cas les négociations réelles n'ont commencé que depuis à peine trois ou quatre semaines et après avoir siégé pendant quelque 25 heures, on réalise qu'il n'y aura que deux ou trois paragraphes de la prochaine convention qui auront été entérinés.

Cette situation fait que le gouvernement va bénéficier bientôt de l'influence néfaste qu'il crée en s'ingérant lui-même l'administrateur de trop de choses concernant la province de Québec. Aujourd'hui nous constatons nous aussi que certains chefs ouvriers peuvent se servir d'un état de faits pour se construire eux-mêmes du prestige personnel, politique et public.

Mais nous ne sommes pas assez dupes pour ne pas réaliser non plus que le gouvernement libéral actuel fait la même chose, en faisant retarder les négociations et par ce fait même en sauvant autant de millions par jour, sur le budget global de l'administration.

Ce que nous condamnons, c'est l'inertie du présent gouvernement libéral, lequel devrait régler le conflit et aurait dû le régler depuis longtemps en le déférant à une commission, soit la commission de la Fonction publique ou encore à une commission ad hoc. Quels seront les effets? A l'heure actuelle, le ministre des Affaires sociales nous a parlé tout à l'heure de la situation qui est assez difficile dans les institutions hospitalières. C'est vrai, nous sommes au courant de cette chose-là, mais en réalité comment est-elle provoquée?

Elle est simplement provoquée parce qu'on a fait grandir des organismes gouvernementaux à un tel point, que lorsqu'on veut négocier pour rendre le salaire de l'individu qui est le fonctionnaire, conforme aux réalités économiques de notre époque, on ne sait pas juger sur les causes mais sur les effets, M. le Président.

Ce qu'on veut faire à l'heure actuelle, or. veut simplement amener un correctif pour enfermer les Québécois dans leur complaisance et leur faire simplement réaliser l'importance d'une grève, l'importance d'une loi matraque, au lieu de leur faire réaliser l'importance réelle qu'il y aurait à corriger chez nous un système économique qui est vraiment la cause de ce domaine...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! De même que pour l'honorable chef de l'Opposition officielle, j'ai manifesté beaucoup de largesse et je n'ai pas voulu appliquer d'une façon trop rigoureuse le débat ou la règle de pertinence du débat. J'ai fait la même chose pour le chef intérimaire du Ralliement créditiste. Toutefois, je ne voudrais pas — et c'est pourquoi je l'invite à ce stade-ci — je ne voudrais pas quand même que le débat sur cette motion soit pour lui l'occasion de remettre en cause tout le système économique, toute la politique du gouvernement.

Je pense que ce n'est ni l'endroit, ni le temps et c'est pourquoi tout en maintenant la même latitude que j'ai accordée au chef de l'Opposition officielle, j'inviterais quand même le chef du Ralliement créditiste, à s'en tenir à la pertinence du débat, c'est-à-dire s'il y a urgence ou non à ce que l'on suspende les règles normales pour passer à l'étude d'une loi.

M. BOIS: Je vous remercie de votre appel, M. le Président. J'ai bien l'intention de suivre vos recommandations, mais cependant je me vois quand même forcé par l'urgence de la situation, non pas de juger seulement de l'effet désastreux mais aussi la cause. Je crois — et notre mouvement le croit aussi — qu'il y a dans ce que nous voyons et ce que nous constatons maintenant et qui constitue l'urgence de la motion du leader parlementaire, qu'un peuple qui est sincère a besoin beaucoup plus de modèles d'enseignement que de lois spécifiques ou encore de déclaration d'état d'urgence pour se grandir et en fait se stabiliser.

Alors, en autant que nous voyons la situation, il est très bien de décrire ici, avec des larmes, je crois bien, l'état de fait qui existe à l'heure actuelle. Nous sommes au courant de la situation, mais d'un autre côté, ce n'est pas en matraquant les victimes, qu'il faudra aussi refuser de s'en prendre aux causes. Les causes ont quand même amené l'état qui existe à l'heure actuelle. Et nous croyons que plusieurs mois, sans négociation, de la part du gouvernement libéral a amené définitivement sur un point particulier la conséquence que nous subissons présentement et il est un fait notoire: si personne ne fait enquête, et si personne n'est allé dans la rue pour s'informer, si personne n'est allé auprès des mouvements pour constater l'état qui existe présentement, eh bien, nous y sommes allés.

Et c'est curieux qu'on nous recommande partout que, si le gouvernement, à la suite de cette déclaration d'urgence, pourrait amener le débat à la commission parlementaire de la Fonction publique, laquelle pourrait discuter de l'instauration d'un tribunal spécial pour régler le cas avec des pouvoirs exécutoires. On serait surpris; peut-être que demain matin les syndiqués eux-mêmes seraient les premiers à demander à leur chef du mouvement le retour immédiat au travail.

Je suis certain que si on se donnait vraiment la peine d'aller au fond des choses, nous n'aurions pas à parler des effets et nous aurions l'avantage, à cette commission, de discuter vraiment de tous les problèmes qui affectent les

fonctionnaires et les employés du parafonc-tionnarisme. A l'heure actuelle, on oublie de parler de la cause des malheurs d'un peuple et on veut surtout s'en tenir à cet état qui, pour nous, ne corrigera absolument rien demain matin parce que ce sera encore une question de quelques mois et le tout sera à recommencer.

Nous nous demandons vraiment — si le gouvernement désire avoir le sens du bien commun, qu'il oublie pour quelques moments les lois qui sont trop rigides et qui, demain, peuvent amener un état de bouleversement dont toute la population aura vraiment à souffrir — pourquoi il a attendu aussi tard pour agir d'une façon coercitive, comme on veut le faire dans tant de domaines, afin d'essayer de corriger un système malade en dépersonnalisant l'individu et en rejetant le blâme seulement sur un groupe particulier, qu'on l'appelle le groupe des chefs syndicaux — même si je ne les bénis pas — alors qu'en réalité c'est l'employé, le fonctionnaire lui-même qui souffre de la situation.

Nous, du Ralliement créditiste du Québec, vous demandons, M. le Président, d'aller surtout en commission parlementaire. Nous approuverons cette motion de débat d'urgence mais veuillez croire que nous avons des restrictions certaines quant à l'apport de bénéfices sociaux immédiats qu'entraînerait une loi qui serait d'une rigidité absolue ou encore une loi où lu nombre a nécessairement l'avantage lorsqu'il est question de négociations. Quand je parle de ce nombre, c'est le gouvernement lui-même qui l'a créé durant les dernières années afin de s'auto-bâillonner. C'est cela que le gouvernement a fait, il s'est forgé lui-même les chaînes de sa propre misère en créant des organismes administratifs qu'aujourd'hui il n'est plus capable de contrôler et dont il n'a qu'à se plaindre de la misère qui se produit.

Il est vrai que la situation hospitalière est extrêmement grave, il est vrai que la situation dans les écoles est très grave. Il y a des milliers d'écoliers qui, justement, ne pourront pas bénéficier des résultats voulus dans leurs examens postscolaires. Cependant, à qui la faute? Depuis deux ans, nous réclamons un débat d'urgence, en demandant au gouvernement d'arrêter de préparer de ces monstres qu'aujourd'hui il va devoir enchaîner par des règlements ou des lois particulières.

Nous constatons l'état de fait et nous réalisons, après avoir rencontré les personnes intéressées, que si le gouvernement libéral y mettait un peu du sien à l'heure actuelle, d'ici deux ou trois jours il serait peut-être surpris de revoir ses employés au travail et cela beaucoup plus vite qu'il ne le croit. Ce n'est pas seulement par des lois d'imposition ou encore par des lois extrêmement rigides qu'on amène les nations à agir, mais c'est pas l'enseignement et l'enseignement se fait par des mesures de gros bon sens et non pas par de la coercition, même si certains croient que c'est un moyen pour renverser l'Etat du Québec et son gouvernement.

Je ne crois pas que ce soit la façon d'obtenir la sympathie de toute la population demain matin.

Si on amène un état subversif en voulant corriger trop tard et à la dernière minute une situation qui a stagné dans un étang pestilentiel depuis plusieurs mois on ne corrigera absolument rien et le tout sera à recommencer dans les quelques mois qui seront déjà près d'une prochaine négociation.

Je voudrais terminer en mentionnant un fait extrêmement simple, c'est que nous du Ralliement créditiste nous recherchons, avant tout, le bien commun et nous devons mentionner que de la part des fonctionnaires comme de la part de n'importe quel citoyen du Québec, un homme sans pouvoir financier est un homme sans droit.

Est-ce que vraiment, en donnant seulement des droits à un groupe particulier, nous allons régler le problème financier? Nous ne le croyons pas tellement. Pour régler le problème financier, il faudrait que nous, du Parlement, soyons plus en mesure de constater les faits et d'étudier toutes les offres qui ont été faites et c'est surtout ce à quoi nous voulons nous arrêter parce que, encore là, nous ne croyons pas qu'une loi de bâillon sera la meilleure solution, même si nous croyons et approuvons le débat d'urgence et que c'était grand temps de l'apporter.

Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, les rumeurs couraient déjà depuis quelques heures que le gouvernement avait l'intention de déposer un projet de loi dont le but éventuel serait de régler, au sens large du mot, le conflit qui l'oppose actuellement aux syndicats du front commun. De sorte que plusieurs gens, je pense, s'attendaient au dépôt du projet de loi. Personnellement, je m'y attendais aussi, mais je ne croyais sûrement pas que le gouvernement aurait l'audace de précéder le dépôt de ce projet de loi par cette fameuse motion de suspension des règles de la Chambre qui est devenue, à toutes fins utiles, — on aurait peut-être pu en changer le nom dans notre nouveau règlement — la motion préalable à toute loi forçant le retour au travail. Nous avons connu cette motion à l'occasion du bill 38 qui forçait le retour au travail des employés de la construction et nous l'avons également connue dans le cas très particularisé du projet de loi numéro 15 pour la grève de la construction à Sept-Des et, encore une fois, de façon quasi sacramentelle, on nous ramène une motion du même style, encore plus forte dirais-je, mais en tout cas, du même style parce qu'il y a un conflit dans la fonction publique.

Je m'étonne d'autant plus de cette motion

suspendant les règles de la Chambre —et je pense que le député de Bellechasse l'a souligné lui-même tantôt — qu'il y a quelques heures à peine, le ministre de la Fonction publique et l'ensemble du cabinet ne semblaient pas inquiets outre mesure de l'urgence de discuter du problème et pour bien me rassurer que j'avais bien compris le ministre de la Fonction publique il y a deux jours, j'ai sorti la transcription de ce qu'il a dit en Chambre: "IL est évident que la grève a des effets sur le fonctionnement de l'administration québécoise et plusieurs projets, du fait de la grève, sont mis en veilleuse ainsi que la machine administrative qui est paralysée dans l'ensemble du gouvernement à la suite de la grève." Première constation. Mais c'est ici que je suis le plus étonné, quand je lis les lignes qui suivent: "Toutefois, la situation n'est pas critique et la population n'a pas eu à en souffrir directement puisque les services essentiels ont pourvu à l'urgence, dans la très grande majorité des cas. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu à déplorer de vandalisme majeur, suite à cette grève en cours dans le secteur de la fonction publique. La situation semble calme, à cet égard, et les rapports nous parvenant ne nous indiquent aucun mouvement contraire en ce sens. "Nous souhaitons, quant à nous, que la situation demeure sur ce point — c'est le ministre qui s'exprime — celle qu'elle est. Parce que ce n'est pas en procédant à des gestes d'énerve-ment que, de quelque façon, la situation pourrait d'un côté comme de l'autre s'améliorer."

Je n'en croyais pas mes yeux quand j'ai lu cela. Par la suite, quand j'ai entendu le leader du gouvernement et les autres ministres, y compris le ministre de la Fonction publique, venir nous dire deux jours plus tard, parce que la transcription que je vous ai lue est celle du 18 avril 1972, plus précisément à 15 h 25, je n'en croyais pas mes oreilles d'entendre le leader du gouvernement venir nous dire, maintenant que les négociations sont rompues: II y a urgence. Apparemment, hier soir, un comité ministériel aurait rencontré les syndicats pour recevoir leur proposition ou leur réponse à la dernière offre patronale et de là, il y aurait eu interruption ou suspension des négociations. C'est de là, semble-t-il, qu'on doit conclure qu'il y a urgence d'apporter un projet de loi forçant le retour au travail. Bien, cela ne me convainc pas du tout qu'il y a urgence. Cela me convainc d'autant moins que je me demande de qui je dois prendre la parole. Il y a un règlement qui me dit que je dois prendre la parole des gens en face, quand ils s'expriment. Est-ce que c'est la parole du ministre de la Fonction publique? Est-ce que le ministre de la Fonction publique, quand il nous disait, il y a deux jours, que la situation était calme et que tout était sous contrôle, mentait à la Chambre? S'il ne mentait pas à la Chambre, qu'est-ce qu'il y a de changé depuis deux jours pour que cela devienne soudainement quelque chose d'urgent?

Surtout par les informations que nous avons de part et d'autre sur cette fameuse rencontre d'hier soir, la chose qui aurait supposément modifié la situation et qui rendrait tout à fait urgent le fait d'adopter un projet de loi, c'est le bris ou l'interruption des négociations. Or, qui a brisé les négociations? Qui a interrompu les négociations? Moi, jusqu'à maintenant, on ne m'a pas dit que ce n'était pas le gouvernement qui les avait interrompues. D'ailleurs, je suis plutôt porté à croire que c'est le gouvernement qui a interrompu les négociations, puisque, depuis hier soir, on entend MM. Laberge, Pépin, Charbonneau dire que la solution est une solution négociée et qu'ils sont encore prêts à négocier.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BURNS: Riez! Vous pouvez toujours rire! Riez! Cela fait mal quand on dit des vérités de cette nature. Cela fait mal. Cela fait tellement mal que cela fait dilater le pancréas de certains "back-benchers".

M. BOURASSA: Est-ce que le député me permet une question? Le député dit qu'ils sont encore prêts à négocier. Mais, pourquoi n'ont-ils pas fait une contreproposition à celle qu'on leur a faite à deux reprises?

M. BURNS: M. le Président, je ne peux pas répondre au nom des syndicats, je vous dis simplement ce que j'ai entendu.

M. LACROIX: Alors, taisez-vous!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: C'est immanquable, M. le Président, quand on reproche quelque chose au gouvernement à un moment donné dans cette situation, il y a des gens qui s'énervent en arrière. Heureusement que, sur les premiers bancs, je vois le ministre de la Justice, le ministre des Affaires sociales. Ils sont calmes eux.

M. LACROIX: Vous n'êtes pas au forum.

M. BURNS: Alors, les arrières-bancs devraient suivre l'exemple des premiers bancs. J'étais à dire que, pour ma part, je ne suis pas convaincu que celui ou celle des deux parties qui a brisé les négociations, c'est le gouvernement. Je ne suis pas prêt à dire cela. Je suis même prêt à dire le contraire, que l'impression générale qui nous est donnée, c'est que le gouvernement est allé, hier soir, pour entendre les récriminations des syndicats et une fois cela terminé, on s'est dit: C'est tout. C'est de même que cela marche. Le gouvernement, l'Etat employeur, assis dans ses deux sièges, les utilise tous les deux en même temps, maintenant. Non seulement il les utilise tous les deux en même

temps, mais, comme je le disais tantôt, il a l'audace d'utiliser une procédure exceptionnelle pour régler un problème.

Si on avait écouté, mardi dernier, la demande unanime des trois partis d'Opposition, et je pense, comme je le mentionnais aussi il y a deux jours, l'attente qui existe chez la population que quelque chose se fasse, mais qu'au moins, on prenne tous les moyens avant de procéder au moyen ultime, on aurait, il y a deux jours, convoqué une commission parlementaire.

Je serais peut-être mieux placé, ainsi que tous les membres de cette Chambre, pour juger s'il y a véritablement urgence. Actuellement, cela m'est, je pense, très difficile de me prononcer sur cette urgence. Surtout, je ne peux pas oublier qu'il y a deux jours le ministre de la Fonction publique disait les choses que j'ai citées tantôt.

En ce qui nous concerne, M. le Président, je pourrais peut-être faire un aparté sur ce que le député de Bellechasse disait. Le fait que nous n'ayons pas tous les moyens pour nous prononcer sur l'urgence, il ne s'agit pas d'une crise de conscience, comme le député de Bellechasse le disait tantôt.

M. LOUBIER: Si le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Si nous sommes...

M. LOUBIER: ... sur un ton bien amical, c'est le chef de l'extérieur du Parti québécois qui a déclaré partout que le parti était déchiré par une crise de conscience.

M. BURNS: C'est un journaliste qui a dit ça.

M.. LOUBIER: Pas déchiré? Il s'est rempli. Secoué.

M. BURNS: M. le Président, je dis simplement qu'en ce qui nous concerne, il n'y a pas de crise de conscience vis-à-vis de ce problème-là.

M. LOUBIER: Ah bon! M. BURNS: Je pense... M. BOURASSA: Vous êtes optimiste.

M. LACROIX: II faudrait d'abord lui trouver une conscience!

M. BURNS: ... que c'est plutôt le chef de l'Unité Québec qui devrait, parce que c'est un phénomène normal... D'aileurs, le député de Bourget, qui s'y connaît, m'a expliqué le processus. C'est un phénomène normal pour quelqu'un de projeter chez d'autres ses propres problèmes!

M. LOUBIER: M. le Président...

M. BURNS: Cela les rend moins gros! M. LOUBIER: ... en vertu de l'article... M. BURNS: Cela les rend moins gros!

M. LOUBIER: ... 100, un point de règlement. En vertu de l'article 100, on n'a pas le droit de tenir des propos séditieux, on n'a pas le droit de me prêter des motifs et on n'a pas le droit, surtout, de me faire psychanalyser par le chef résiduaire du Parti québécois!

M. BURNS: M. le Président, c'est tout simplement mon inquiétude qui m'a fait en parler au député de Bourget. Je sais bien que ce n'est pas à la demande du... Mais parlant de cette crise de conscience, je pense que le chef de l'Unité-Québec en vit une crise de conscience. Il nous dit, pendant 25 minutes, que c'est absolument incompréhensible que le gouvernement fonctionne comme ça et, à la toute fin, il nous dit que son groupe va voter pour cette motion. Je pense qu'on a une crise de conscience, à ce moment-là. En plus, il nous dit qu'il va voter avec dédain. Bien, pour ma part, quand j'ai du dédain à l'égard de quelque chose, je ne vote pas en faveur. J'ai le même dédain...

M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement. J'ai le droit, en vertu de l'article 96 de nos règlements...

M. BURNS: Non, M. le Président.

M. LOUBIER: ... de donner une correction...

M. BURNS: Une question de règlement.

M. LOUBIER: ... immédiate aux propos que l'on...

M. LE PRESIDENT: Avec la permission de l'opinant.

M. BURNS: Je ne consens pas, M. le Président.

M. LOUBIER: Alors, ce sera après.

M. BURNS: II le fera après. Tout cela pour dire que, moi aussi, c'est avec dédain que je regarde cette motion qui est mise sur la table. Sauf, je vais être logique avec le sentiment que m'inspire cette motion et je vais voter contre la motion qui est devant nous sur la table, actuellement.

M. le Président, une des raisons pour lesquelles nous voterons contre, c'est que non seulement on ne nous a pas démontré clairement l'urgence mais encore, ce qui est pire, on n'a pas utilisé tous les moyens avant d'arriver à l'étude de ce projet de loi. Le moyen que nous mentionnions, la commission parlementaire de la Fonction publique, pourquoi ne l'a-t-on pas

utilisé? Nous aurions pu, hier, étudier ça et nous serions drôlement mieux informés sur la situation. Là, nous avons eu un point de vue partisan. Ne nous le cachons pas, c'est partisan. La personne qui donne des rapports sur la situation des négociations — je veux bien prendre sa parole selon les règles de la procédure parlementaire — mais il ne faut pas oublier non plus que c'est non seulement un membre de cette Chambre qui nous donne son opinion, c'est aussi une partie impliquée dans la négociation puisque c'est le gouvernement qui est une des deux parties. Alors, je trouve cela incompréhensible qu'on ait simplement escamoté cette séance d'information, d'abord. Et, comme je le mentionnais l'autre jour, peut-être une séance de la commission parlementaire de la Fonction publique aurait pu servir d'élément médiateur dans la situation comme cela s'est fait dans le passé.

En plus de cela — mis à part le phénomène de l'urgence puisque les deux problèmes sont mêlés selon votre décision, je n'ai pas à la critiquer à ce stade-ci — mais je mentionne simplement que vu qu'il y a deux aspects à la motion.

Il y avait l'aspect urgence mais il y a aussi l'aspect de la suspension des règles. Nous n'avons jamais pu comprendre, M. le Président, pourquoi, à moins qu'une situation extrême le justifie — et de par les dires des ministres eux-mêmes, cela ne semble pas être cela — on doive mettre de côté des règles de la Chambre, celles qui nous permettent d'étudier les projets de loi avec le temps qu'ils méritent, et encore une fois, comme nous le rappelions à l'occasion du bill 15, surtout dans un domaine où ce sont d'abord, et avant tout des relations humaines qui sont réglées. Ici, nous avons une raison additionnelle, surtout quand une des deux parties est celle qui propose la procédure de mettre de côté les règles de la Chambre.

M. le Président, nous ne pouvons pas non plus souscrire à la demande qui apparaît dans cette motion, de limiter à trois heures le débat en commission plénière de ce projet de loi dont on nous distribue copie, actuellement, et au sujet duquel je n'ai pas l'intention de parler. Mais j'ai quand même eu le temps de remarquer, M. le Président, que ce projet de loi comportait au moins 18 articles. On nous limitera, dans cette Chambre, les 36 députés de l'Opposition, à discuter pendant trois heures sur 18 articles. Dieu sait, par exemple, ce que cela peut prendre de temps. Sans me référer spécifiquement à ce débat, je sais, par exemple, qu'en commission plénière sur le bill 23, nous en sommes déjà rendus à deux jours de débat et nous ne sommes pas rendus à l'article 5.

M. le Président, à moins que le gouvernement veuille nous dire que le problème de la négociation dans la fonction publique n'est pas un problème important, que la grève actuelle n'est pas un problème important et que cela doive s'escamoter à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, si nous devons siéger à trois heures, ce matin, encore, sur ce projet de loi, que le gouvernement nous dise que cela n'est pas grave. C'est peut-être cela qu'il veut nous dire par sa motion. Mais, en ce qui me concerne, M. le Président, j'ai trop conscience que nous, posons des gestes importants, en cette Chambre, quand nous adoptons un projet de loi. C'est ce pourquoi la population nous a envoyés ici. C'est ce pourquoi il n'y a pas unanimité dans cette Chambre. C'est parce qu'il y a toujours différents points de vue qui apparaissent dans la population. Nous avons conscience que nous devons les faire valoir, comme d'ailleurs, je pense, les autres partis de l'Opposition font valoir un certain aspect de l'éventail idéologique de la population.

Comment, M. le Président, pourrons-nous le faire valoir véritablement, ce point de vue, lorsqu'on nous dit d'avance, lorsqu'une des deux parties, qui est mêlée au problème, fixe les règles du jeu à sa manière?

M. le Président, je trouve malheureux que, dès la première occasion, ce nouveau règlement que vous avez tenté de mettre en vigueur — j'ai été un de ceux qui vous ont félicité pour le travail que vous y avez mis — qu'on l'utilise justement de façon à détourner complètement l'intention véritable qui était à la base de ce règlement, c'est-à-dire l'intention de rendre plus efficaces les procédures de la Chambre.

Efficacité ne veut pas nécessairement dire, M. le Président, rapidité, ne veut pas nécessairement dire précipitation, ne veut pas nécessairement dire affolement, ne veut pas dire non plus, comme le disait le ministre de la Fonction publique, énervement devant une situation conflictuelle.

M. le Président, c'est à regret que je dis que nous ne pourrons pas voter en faveur de cette motion. Le regret, croyez-moi, est beaucoup plus profond que le fait que je sache d'avance que la motion sera adoptée, puisqu'elle est proposée par un parti qui en représente 70 et qui est appuyé par les deux autres partis de l'Opposition. Je le fais tout simplement parce que je pense qu'à long terme, ce genre de mesure devient nocif à l'idée même du parlementarisme. Je pense qu'à long terme, on s'en apercevra — j'espère pas trop tard — M. le Président.

M. LOUBIER: M. le Président, sur le point de règlement 97 — je m'étais trompé d'un article — je voulais tout simplement dire au député de Maisonneuve qui se demandait pourquoi à la suite de mes propos je voterais en faveur de la motion. Il y a bien des médecines qui nous sont prescrites par nos savants collègues, les disciples d'Esculape, et ce n'est pas bon à prendre, on n'aime pas ça. J'ai dit au député que j'ai pris la peine de signaler que ce n'était pas à mon sens la meilleure mesure que le gouvernement pouvait prendre, mais il faut tout de même réaliser — et je réponds à la

question du député — que la responsabilité de gouverner, l'initiative des mesures, ça vient du gouvernement.

Je peux discuter de la qualité des mesures apportées, mais je reproche tellement de fois au gouvernement de ne pas prendre de décisions, quand il en prend une qu'elle soit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON : Je voudrais prendre quelques-unes des quelques minutes qui...

M. PAUL: Sur un point de règlement. Je regrette, mais l'honorable député de Maisonneuve a commencé son discours à 5 h 23, il l'a terminé à 5 h 42; par conséquent l'honorable député de Gouin n'aurait qu'une minute. C'est pour lui rendre service...

M. LE PRESIDENT: Trois minutes.

M. BURNS: J'ai vérifié auprès du secrétaire adjoint. Il me dit qu'il reste trois minutes sur le vingt minutes qui m'était alloué.

M. LE PRESIDENT: D'accord. L'honorable député de Gouin.

M. JORON: En trois minutes, je veux seulement faire ressortir le point suivant. C'est que ce que le gouvernement est en train de faire en ce moment est un précédent fort dangereux, et je ne sais pas s'il a mesuré tout le risque inclus dans ce précédent-là. Qu'est-ce qui se passe? Le gouvernement est impliqué dans une négociation, c'est l'une des deux parties. Incapable de gagner son point ou de négocier, le gouvernement se retourne de bord, change de chapeau et, dans son rôle de législateur cette fois-là vient demander aux députés ici, aux législateurs d'enlever à la partie à laquelle il faisait face dans les négociations sa principale arme de défense, c'est-à-dire son droit de grève.

En faisant ça, nous croyons que le gouvernement agit motivé simplement pour des raisons d'ordre politique et des raisons d'ordre d'image. Il veut profiter d'une occasion pour pouvoir montrer qu'il a artificiellement une certaine force, qu'il n'a pas peur, qu'il est capable d'agir.

Après la faiblesse que le gouvernement précédemment avait montré dans d'autres circonstances de crise — et notamment en octobre 1970 — on pourrait peut-être comprendre qu'il ait le besoin de se refaire une face, mais c'est uniquement la motivation qu'il y a derrière l'actuelle motion et la façon de procéder du gouvernement. Et on pense que c'est très grave quand un gouvernement est rendu pour des raisons d'image à faire courir à long terme à toute une société le danger suivant: le danger d'avilir cette institution qu'est le Parlement et de provoquer une bonne partie de la population, allant mettre l'autorité en doute.

Et c'est peut-être ce que produira dans les jours qui viennent ou dans les semaines qui viennent, le geste que vous posez. Sachez qu'à ce moment-là, c'est vous qui en porterez la responsabilité.

M. LACROIX: Allez donc faire un petit tour de Mercedes.

UNE VOIX: Allez voir vos élus du FLQ.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, à notre avis, quand la maison est en feu ce n'est pas le temps de chercher, de tenir une assemblée générale, pour savoir quelle sorte de pompier fait notre affaire, pour savoir également ou pour connaf-tre qui a mis le feu.

Il s'agit d'abord d'éteindre le feu, puis après ça on ouvre des enquêtes, pour connaître qui est le responsable, qui a mis le feu et c'est pourquoi nous allons voter pour et en faveur de cette motion de suspension des règlements, parce qu'il y a urgence. Il y a certainement urgence, M. le Président. Non seulement il y a urgence aujourd'hui, mais on est déjà une semaine en retard. Il y a déjà une semaine qu'on aurait dû prendre des responsabilités. C'est la grève générale et comme c'est la première grève générale au Québec, c'est la première expérience que nous vivons, alors nous avons cru bon d'attendre nous aussi, un certain temps, afin de savoir si réellement il y avait possibilité d'une solution négociée.

Les événements nous prouvent qu'il n'y a pas de possibilité actuellement de solutions négociées. Qui en est le responsable? C'est peut-être parce que l'une ou l'autre des deux parties n'est pas de bonne foi. C'est peut-être en fait parce que les deux parties ne sont pas de bonne foi dans ce conflit, on ne le sait pas et on en discutera quand arrivera la discussion sur la loi qui nous est présentée.

Mais, il y a une chose qui nous paraît certaine, c'est qu'il y a tellement urgence qu'actuellement même les syndiqués, les salariés, les ouvriers, ceux qui devraient constituer l'équipe de piquetage, qui ne sont pas là présentement, ne sont pas aux alentours du Parlement, comme on nous l'avait annoncé. On nous en avait annoncé 30,000 ou 60,000 pour mardi et peut-être une trentaine de mille pour aujourd'hui. Il n'y en a pas quinze en avant du Parlement présentement. Alors ce sont les syndiqués, ce sont ceux qui sont actuellement en grève qui revendiquent le plus en faveur du retour au travail.

Ce sont les petits salariés, ce sont ceux qui ne gagnent pas cher qui revendiquent le plus en

faveur du retour au travail parce qu'ils ont besoin de leur paye de la dernière quinzaine. Ils ont besoin de continuer à vivre, ils ont des familles qui leur demandent de retourner au travail, parce qu'ils sont conscients de la réalité. La réalité, c'est qu'il vaut mieux avoir le salaire qu'on a que n'avoir rien sur une ligne de piquetage ou d'attendre que l'union paye après la troisième semaine une certaine part de ce qu'ils ont retiré depuis des années de ces ouvriers.

M. le Président, on peut dire que si le projet de loi nous plaît, nous voterons en faveur. S'il ne nous plaît pas, nous aurons le loisir de voter contre ou de discuter contre, mais comme on vient juste de nous le faire parvenir, nous nous réservons de donner notre point de vue lorsque nous serons en discussion de ce projet de loi. Mais je vous dis que nous considérons qu'il y a urgence, parce que, justement, dans le domaine des hôpitaux ou dans le domaine de l'éducation, alors qu'on nous crie depuis des années, le droit à la santé, le droit aux services de santé pour tous et pour chacun des citoyens du Québec, le droit à l'éducation pour tous et pour chacun des étudiants du Québec, alors qu'on nous a crié ça depuis des années, eh bien, depuis deux semaines il n'y a pas de droit à la santé pour tous et pour chacun au Québec, il n'y a pas de droit à l'éducation pour les étudiants du Québec. C'est un droit qui leur est enlevé, parce qu'on veut respecter un droit que nous avons donné, que nous avons donné, pas nous, parce que je devrais dire que le gouvernement libéral a donné. C'est un droit de grève dans le secteur public. C'est dur pour le gouvernement libéral d'aujourd'hui d'être obligé d'adopter une loi, parce que le gouvernement libéral antécédent a posé des gestes peut-être un peu trop hâtifs, des gestes qui ont lié ce gouvernement d'aujourd'hui, mais en démocratie, ce sont les parlementaires qui doivent, lorsque tout ne va pas, ce sont les parlementaires qui doivent prendre leurs responsabilités.

Nous sommes de ceux-là qui ne refuseront pas de prendre leurs responsabilités, même si ça fait mal, même si cela peut se traduire, en termes de vote pour les prochaines élections, à quelques pertes. Aucun des parlementaires en cette Chambre ne doit se soustraire à ses responsabilités. Nous devons y aller, en notre âme et conscience, devant la situation qui existe présentement, pas devant ce qui existerait si on avait agi de telle ou de telle autre façon.

Devant ce que nous connaissons présentement, devant ce qui se produit présentement, devant les préjudices causés à la population du Québec, devant les préjudices qui sont causés même aux syndiqués qui font partie de ces syndicats dont les chefs ont recommandé de ne pas respecter la loi, c'est le plus grave de toute l'histoire car on n'a pas le droit de se permettre de recommander à des gens de ne pas respecter la loi. Les lois sont faites, par les parlementaires élus par le peuple, pour être respectées. Si on n'aime pas ces lois, changeons le gouvernement qui les a faites, changeons les lois; mais aussi longtemps que ces lois-là sont en vigueur, nous avons le devoir non seulement de les respecter mais d'inciter la population à les respecter.

M. le Président, cinq minutes ce n'est pas long, mais cela m'a fait plaisir de parler en votre présence.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.

M. Marcel Masse

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, la motion qui est devant nous, la motion du leader du gouvernement est, à mon avis, un acte de réaction et non un acte d'action. D'ailleurs, depuis le début de cette négociation, il en est ainsi. Le gouvernement, depuis le début de cette reprise de la session, par la voix la plus autorisée de ses ministres impliqués dans cette négociation, que ce soit le ministre de la Fonction publique ou des secteurs très affectés comme celui du ministère de la Santé ou du ministère de l'Education, ont, à diverses reprises devant cette Chambre, informé les parlementaires qu'ils s'inquiétaient de l'état de la situation dans le secteur public. Ds nous ont informé qu'il n'y avait rien d'urgent, qu'il n'y avait rien d'extraordinaire, qu'il n'y avait rien d'alarmant dans les situations.

Voilà qu'aujourd'hui le gouvernement introduit une motion d'urgence qui, tout en suspendant l'ensemble des règlements de cette Chambre, va introduire un projet de loi dont nous ne pouvons pas parler pour l'instant mais qui, on a tout lieu de le croire, sera un projet de loi qui affectera la procédure de cette négociation de façon fondamentale. S'il en est ainsi, le ministre de la Fonction publique vient, devant cette Chambre, de faire un constat d'échec de ces étapes de négociation normale.

Y a-t-il urgence de sauter des étapes normales dans la négociation d'autres parlementaires ont exprimé des doutes à ce sujet et j'ai écouté attentivement et les membres du gouvernement, et les membres des diverses formations politiques de l'Opposition qui ont exprimé, pour ces derniers, des doutes importants quant à l'urgence qu'il y avait de suspendre tous les travaux pour introduire ce projet de loi.

Quand disait-on la vérité en cette Chambre? Lorsque les ministres du gouvernement nous informaient — et par ce fait-même informaient la population — qu'il n'y avait pas lieu de crier à l'alarme et qu'au contraire la population devait être calme et les négociations se situer dans le contexte tel que prévu par les lois de ce Parlement. Quand disait-on la vérité? A ces occasions ou au contraire depuis quelques heures alors que le gouvernement crie à l'alarme, crie à l'urgence et demande au Parlement de suspendre les lois que ce même Parlement avait votées.

Gouverner c'est prévoir, et il aurait pu être prévu par le gouvernement que les lois étaient inapplicables, c'était à cette époque de les suspendre, à l'intérieur d'un climat social plus normal, nous aurions pu entendre les diverses parties. On a préféré laisser aller les lois parce qu'on a jugé que ces lois étaient bonnes et voilà maintenant que, sans que nous soyons informés, tous les partis en présence, on nous demande de suspendre tous les règlements de cette Chambre, on introduit une motion pour présenter un projet de loi qui mettra fin à un certain nombre des lois actuelles.

Je ne peux pas, pour toutes ces raisons, après avoir écouté, tant les membres du gouvernement que ceux de l'Opposition, voter en faveur de cette motion d'urgence me fiant, au contraire, à la parole du gouvernement d'il y a 24 heures.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. Raymond Garneau

M. GARNEAU: M. le Président, les énoncés que j'ai entendus de la part des membres de l'Opposition sont la preuve évidente que l'attitude du gouvernement a été sage, que l'attitude du gouvernement a été raisonnable.

M. LEGER: L'attitude "Lesage".

M. GARNEAU: Que cette attitude a été raisonnable. D'une part, les centrales syndicales nous disent que nous allons trop loin, que nous n'avons pas fait tous les efforts pour négocier et d'un autre côté, les partis de l'Opposition nous disent que nous aurions dû agir beaucoup plus tôt, régler le conflit beaucoup plus tôt. Je pense que l'attitude du gouvernement, depuis le début du conflit, je le répète, a été celle d'un gouvernement raisonnable qui, compte tenu de l'ampleur du problème à régler, a voulu agir avec prudence, mais aussi avec fermeté.

Avec prudence, parce qu'il s'agissait d'un conflit qui touche au-delà de 210,000 syndiqués et par delà les cadres et le personnel non syndiqué, 280,000 personnes, 280,000 citoyens québécois. Il y a dans cette province des lois qui existent. D y a des droits qui ont été donnés à certains individus, à des groupes d'individus, soit le droit à la négociation et le droit de grève.

Pour nous du gouvernement, il s'agissait de jouer franchement, loyalement, le jeu de la négociation. Nous avons tenté tous les efforts, et Dieu sait jusqu'à quel point le ministre de la Fonction publique a été persévérant, patient, conciliant pour éviter par son attitude, par ses propos, que le climat à la table des négociations puisse être envenimé de quelque manière que ce soit, afin que les négociations puissent se poursuivre avec le maximum de chances de réussite.

Force nous est de constater qu'après plu- sieurs séances de négociations, d'abord l'an dernier, le ministre de la Fonction publique a expliqué pendant plusieurs heures, avec les conseillers de son ministère, aux différents groupes représentant les syndicats la politique salariale du gouvernement, les propositions que nous faisions, les principes sur lesquels s'appuyaient ces propositions. Il y a eu, par la suite, période de réflexion de part et d'autre et subséquemment, dépôt, aux différentes tables de négociations sectorielles, d'offres salariales précises s'appuyant sur cette politique que le gouvernement avait mise de l'avant.

Je ne voudrais pas entrer dans tous les dédales de la négociation, tous les passages à travers lesquels cette négociation s'est poursuivie, mais, disons que dans un effort additionnel, le gouvernement, par la voix du ministre de la Fonction publique, avait indiqué à plusieurs reprises qu'il ne croyait pas dans la magie de la table centrale. Toutefois, pour bien indiquer jusqu'à quel point nous étions prêts à tenter tous les efforts de négociation dans les cadres des lois et des règlements existants, nous avons quand même accepté cette chance, cette possibilité de la table centrale.

A la table centrale, quatre sujets avaient été mis de l'avant: la sécurité d'emploi, le régime de l'assurance-salaire, le régime de retraite et les propositions monétaires. Les discussions ont eu lieu pendant plusieurs heures, plusieurs jours, à la période de Pâques, des discussions ont eu lieu en comités restreints, et le gouvernement a fait de nouvelles propositions.

La réponse que nous avons reçue de la part des centrales syndicales, qui a été connue par la voie des journaux autant qu'elle nous a été transmise par nos négociateurs, était à l'effet que la proposition gouvernementale, qui avait pour but d'améliorer le salaire des plus petits salariés, était un pas positif, un pas en avant vers l'atteinte d'une solution négociée. Après cette déclaration, après cette attitude positive, les leaders du front commun ont décidé — c'était leur droit— d'entreprendre une tournée à travers la province et, la réponse à ce qu'ils avaient qualifié d'un geste positif a été de déclencher une grève générale illimitée.

Evidemment, pour un gouvernement, c'était un sujet extrêmement délicat et difficile à régler parce qu'il s'agissait, encore une fois, pour les membres de ces syndicats d'un droit qui leur était donné par nos lois. Il n'aurait pas été sage, je pense, pas raisonnable de la part du gouvernement de ne pas tenter, même à l'intérieur de cette grève, de trouver des solutions car, en soi, cette grève était légale même si la façon de faire le piquetage, à mon sens, n'a pas respecté les normes du code du travail. Mais néanmoins, nous avons voulu, encore une fois, mettre les chances du côté de la négociation par une action prudente, mesurée. Finalement, au début de cette semaine, même si la partie syndicale n'avait pas fait de contreproposition, nous avons décidé d'ajouter à la partie monétaire un

montant substantiel pour indiquer, encore une fois, que lorsque nous parlions de négociations, nous étions quand même sincères, que nous étions loyaux.

La réponse de la partie syndicale, malheureusement, n'est pas venue et pour hâter les discussions, le comité ministériel a rencontré les dirigeants syndicaux. Nous nous sommes bien aperçus, M. le Président, là je me demande jusqu'à quel point même il y avait un mandat entre les mains des chefs syndicaux pour négocier, nous nous sommes aperçus, dis-je, avec grand regret, que la négociation... Est-ce que je dois constater qu'il est six heures?

M. LOUBIER: Voici, nous ne voulons pas être désagréables à l'endroit du ministre. Mais il faut tout de même étudier le projet de loi qu'il nous a remis il y a quelques minutes.

M. LEVESQUE: Oui, oui.

M. LOUBIER: Ce n'est que sur l'heure du dîner que nous pourrons le faire.

M. LEVESQUE: C'était entendu, d'ailleurs — je ne sais pas si le chef de l'Opposition officielle est au courant — avec les leaders parlementaires et nous avions convenu que nous pourrions même dépasser six heures, le dernier discours étant celui du ministre des Finances. Nous voterons immédiatement après.

Quand à la première lecture, c'est simplement la lecture des notes explicatives. La deuxième lecture aura lieu après, à la reprise.

M. LOUBIER: Je comprends l'argument du leader parlementaire, sauf qu'il doit convenir avec nous que le texte nous a été remis il y a à peine quelques minutes.

M. LEVESQUE: Nous reviendrons à huit heures et quart, dans ce cas.

M. LOUBIER: Nous aimerions bien prendre au moins une heure pour étudier le projet de loi article par article.

M. LEVESQUE: C'est très bien. Nous reviendrons à huit heures et quart.

M. LOUBIER: Si le ministre des Finances nous dit qu'il n'en a que pour deux ou trois minutes, je n'ai pas d'objection.

M. GARNEAU: De toute façon, nous sommes limités par le temps.

M. le Président, lors de cette rencontre d'hier soir — le ministre de la Fonction publique l'a clairement indiqué tout à l'heure — nous avons, à notre grand regret, constaté qu'il n'y avait pas de solution possible du côté de la négociation.

Compte tenu de la situation, le gouvernement, à qui le comité ministériel a fait rapport, a décidé d'agir de la façon dont il l'a fait cet après-midi.

M. le Président, il y a urgence. Le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Education et le ministre de la Fonction publique ont donné les raisons pour lesquelles il fallait maintenant agir. Il y a également d'autres raisons que je voudrais souligner et surtout celle qui implique directement les salariés de l'Etat.

Si l'on constate, M. le Président, qu'après neuf jours de grève, un employé ordinaire qui vaque à ses occupations et qui n'est ni dans les classes privilégiées, ni dans les classes les plus défavorisées — prenons le salaire moyen de $100 par semaine — a perdu neuf jours de travail. Il a donc perdu $180 de paie. Pour être capable, M. le Président, par des propositions monétaires accrues, de répondre à cette demande qui consisterait à donner suffisamment d'addition à la masse monétaire pour pouvoir donner aux employés un salaire suffisamment élevé pour qu'ils rentrent dans leur argent dans une année, cela voudrait dire qu'il faudrait accroître la masse monétaire de 3.4 p.c. La masse monétaire étant de $1,800,000,000, cela voudrait dire qu'il faudrait ajouter $427 millions à la masse monétaire pour répondre à cette demande, sur la base de trois ans.

M. PAUL: Us sont payés quand même, eux autres!

M. GARNEAU: M. le Président, c'est évidemment une situation que, en tant que ministre des Finances, je ne saurais pouvoir envisager. C'est pourquoi je crois qu'il faut agir maintenant parce que la situation a assez duré. Les travailleurs québécois qui sont à l'emploi du gouvernement, dans les secteurs public ou parapublic, ont droit à leur revenu. Je pense que, par delà l'entêtement, je dirais, de certains chefs syndicaux, qui ont défendu des théories, des thèses — ils ont de la difficulté, maintenant, à faire marche arrière — je pense que par delà l'orgueil de ces leaders syndicaux, qui ne veulent pas perdre la face, nous avons, nous, comme membres du Parlement, comme responsables élus, l'obligation de protéger par-delà la tête des dirigeants syndicaux, les syndiqués eux-mêmes, leur donner ce privilège, ce droit qu'ils ont de recevoir leur traitement.

Dans ce domaine, en tant que ministre des Finances, j'ai la responsabilité avec le ministère de la Fonction publique de la paie des fonctionnaires. Durant le premier ou le deuxième jour de grève, évidemment nous ne savions pas combien de temps cela durerait et nous n'avons pas approfondi les possibilités qu'il y avait de pouvoir distribuer le chèque de paie aux employés du gouvernement, surtout dans le secteur des fonctionnaires, étant donné que dans le secteur hospitalier chaque administration est séparée et les conditions pouvaient être différentes.

Nous aurions aimé être capables de payer les gens qui ont besoin de leur chèque en fin de semaine pour faire l'épicerie, qui ont besoin de leur paie pour subvenir aux besoins de leur

famille. Le porte-parole du gouvernement a demandé aux leaders syndicaux la possibilité d'en venir à une entente pour laisser passer les lignes de piquetage aux cadres pour être capables de faire les vérifications minimums pour donner les chèques. Et en plus nous avons dit pour ne pas forcer les syndiqués à briser les lignes de piquetage: Nous allons aller les leur donner sur les lignes de piquetage. Ils ont dit: Non. Nous n'avons pas été en mesure de distribuer la paie. Je ne pouvais pas, au ministère des Finances, m'assurer que les fonctionnaires responsables puissent entrer au bureau et sortir les chèques, aller les porter aux chefs de secteur dans les différents ministères pour la donner aux employés.

Je pense que là, du côté des employés, du côté des fonctionnaires syndiqués, il y a une urgence que j'aimerais souligner avec beaucoup d'ampleur et dire qu'aujourd'hui nous avons encore tenté un effort additionnel parce qu'il y a une autre fin de semaine qui s'en vient et tout ça retarde encore une fois de plusieurs jours peut-être la possibilité de distribuer cette paie. Nous avons tenté, par la voie de personnes interposées, de rencontrer des chefs des syndicats locaux d'en venir à une entente pour laisser passer un nombre minimum de personnes pour distribuer les chèques. Ces chefs pourtant, qui font des déclarations à la radio et à la télévision, n'avaient même pas l'autorité d'accepter, il fallait qu'ils demandent aux grands seigneurs qui étaient en haut, de savoir s'ils pouvaient accepter.

M. VINCENT: Ils sont effectivement hauts.

M. GARNEAU: Non pas un règlement, pas un coup de matraque, qu'on puisse distribuer à leurs syndiqués les chèques de paie qu'ils ont gagnés. Je pense qu'il s'agit là d'une raison additionnelle pour laquelle il nous faut agir rapidement pour être en mesure, comme je l'ai indiqué, de protéger, par-delà les leaders syndicaux, les syndiqués eux-mêmes et leur donner la paie qu'ils ont gagnée.

C'est pourquoi, M. le Président, j'ajoute cet argument additionnel à celui et à ceux fournis par le ministre des Affaires sociales, de l'Education et de la Fonction publique, pour indiquer qu'il nous fait maintenant agir. Les gouvernements ont été élus pour prendre des décisions, la population jugera en temps opportun si notre décision a été bonne ou mauvaise.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: M. le Président, je demande un vote enregistré, mes cinq députés sont là.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

M. LEVESQUE: Nous sommes prêts, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Alors tout le monde est prêt?

Vote.

Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Tessier, Tremblay (Bourassa), Parent, Harvey (Jonquière), Quenneville, L'Allier, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Cournoyer, Fournier, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Arsenault, Vaillancourt, Vézina, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Séguin, Saindon, Picard, Pearson, Leduc, Fraser, Fortier, Assad, Bacon, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Pelletier, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Samson, Audet.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît;

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Lau-rin, Burns, Léger, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm).

M. LE SECRETAIRE: Pour: 80

Contre: 8

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

M. LEVESQUE: Première lecture, M. le Président, du projet de loi 19.

M. LE PRESIDENT: Proposé par vous-même?

M. LEVESQUE: Par le premier ministre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la première lecture du projet de loi no 19.

Projet de loi no 19

M. LEVESQUE: Loi assurant la reprise des services dans le secteur public.

M. LE PRESIDENT: Loi assurant la reprise des services dans le secteur public.

M. BOURASSA: Ce projet de loi a pour objet de mettre fin à la grève qui sévit présentement dans le secteur public. Ordre est donné aux grévistes de retourner au travail à compter de minuit et une minute le 22 avril 1972 et aux

employeurs de les reprendre à la même date. La commission parlementaire siégera à compter du 25 avril 1972 et fera rapport au plus tard le 15 mai 1972. A défaut d'entente entre le syndicat et l'employeur avant le 1er juin 1972, le gouvernement décrétera, au plus tard le 30 juin, les conditions de travail des salariés jusqu'au 30 juin 1974.

M. LOUBIER: Si je comprends bien, c'est la commission de la Fonction publique qui se réunira?

M. BOURASSA: Oui et j'ai une petite correction à faire, M. le Président, c'est au plus tard jusqu'au 30 juin 1972.

M. LOUBIER: Oui, mais la commission dont il est fait mention est 'la commission de la Fonction publique?

M. BOURASSA: Oui.

M.LEVESQUE: La commission parlementaire de la Fonction publique.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BURNS: M. le Président, en vertu de l'article 113 je ne demanderai pas de vote enregistré mais je vais demander, pour les mêmes raisons que nous avons voté contre la motion d'urgence, que notre dissidence soit enregistrée. Je parle au nom des sept députés du Parti québécois.

M. LE PRESIDENT: On pourrait peut-être prendre le même vote.

M. BURNS: II faudrait demander au député de Montcalm, c'est lui qui décide.

M. MASSE (Montcalm): Même vote, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Même vote.

M. LEVESQUE: M. le Président, en vertu de quel numéro la première lecture est-elle appelée à être votée?

M. BURNS: C'est une motion de fond, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a pas de débat en première lecture mais il peut y avoir un vote.

M. LEVESQUE : Je voudrais simplement savoir l'article avant de...

M. CHARRON: Article 113.

M. LESSARD: Voulez-vous qu'on vous donne des cours?

M.LEVESQUE: L'article 113 est pour la question du vote mais pour la question de la première lecture?

M. BURNS: C'est l'article 119, M. le Président.

On dit que la motion, elle, est décidée sans débat. Donc, pour qu'il y ait décision, il faudrait quand même qu'il y ait un vote.

M.LEVESQUE: Enfin, c'est-à-dire que, si nous acceptons l'interprétation comme ça, il faudra que nous vivions avec la première lecture de cette façon là,

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement soulevée, je ne demande pas de tenir un débat, je demande simplement que la dissidence soit adoptée.

M. LEVESQUE: Je comprends.

M. BURNS: Mais ça implique un vote quand l'article 119 dit qu'elle doit être décidée. Je ne vois pas comment ça va être décidé sinon par un vote.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! La motion de première lecture est adoptée par le vote de 80 contre 8.

M. PAUL: C'est ça.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture même séance.

M. BOURASSA: M. le Président, je demande l'ajournement du débat à...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La suspension.

M. BOURASSA: La suspension à huit heures quinze.

M. LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 19)

Reprise de la séance à 20 h 17

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

M. BOURASSA: M. le Président...

M. BURNS: Question de règlement, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

Appel au règlement M. Robert Burns

M. BURNS: Ce n'est pas parce que le ministre des Institutions financières s'est approché de moi avec son règlement que cela m'a fait penser de soulever une question de règlement. J'y avais pensé avant. Mais ce n'était sans doute pas la même chose qu'il voulait soulever.

M. le Président, je remarque que le premier ministre, qui est parrain du projet de loi, s'apprête à se lever. Donc, j'imagine qu'il s'apprête à faire son discours de deuxième lecture, n'est-ce pas?

Devant cela, je soulève une question de règlement. Etant donné la motion qui a été faite cet après-midi, qui a été adoptée à 80 contre 8, étant donné les articles qui ont été écartés, donc par voie de conséquence ceux qui ne l'ont pas été, je vous réfère à l'article 119 qui, lui n'a pas été écarté. L'article 119 se lit comme suit: "La motion de première lecture d'un projet de loi est la présentation du texte du projet à l'assemblée. Le député qui la propose lit les notes explicatives accompagnant le projet de loi ou en donne un résumé." Tout cela a été fait. Je continue: "La motion est décidée sans débat ni amendement et la deuxième lecture est inscrite aux affaires du jour de la séance suivante sous réserve de l'exception prévue à l'article 120." L'exception qui est prévue à l'article 120, je n'ai pas besoin de la lire, c'est pour déférer, avant la deuxième lecture, un projet de loi à une commission parlementaire.

A ce stade-ci, je vous soumets que nous n'avons pas le droit de procéder à la deuxième lecture de ce projet de loi, étant donné qu'il a été lu en première lecture, que l'article 119 n'a pas été mis de côté. D'autre part, prévoyant déjà une argumentation autre, je vais vous référer à l'article 117. C'est probablement là-dessus que certaines personnes vont vous dire qu'à cause du fait que l'article 117, lui, a été écarté, qu'on puisse passer immédiatement à la deuxième lecture, je prétends que non. L'article 117 nous dit simplement que les étapes de la discussion d'un projet ont lieu à des séances différentes, sauf que la deuxième lecture et l'étude en commission, etc.

C'est la procédure, c'est le procédé général où on doit avoir des séances différentes, les diverses étapes d'un projet de loi.

Si nous avions voulu passer immédiatement à la deuxième lecture, nous aurions dû écarter aussi l'article 119. A mon avis, la motion qui a été adoptée cet après-midi, avec le résultat que vous connaissez, ne vous autorise pas à entendre immédiatement la discussion du projet de loi en deuxième lecture.

C'est le point de règlement que j'ai l'intention de soulever, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, justement en vertu de l'article 117, d'ailleurs je crois bien que je n'ai pas le droit, d'après l'article 100, de qualifier l'attitude du député de Maisonneuve. D'ailleurs,...

M. BURNS: Je m'en balance de toute façon.

M. LEVESQUE: II s'en balance, mais les six autres membres...

M. BURNS: Je m'en contre..., vous savez quoi.

M. LEVESQUE: ... de son parti semblent également s'en balancer! Avant qu'ils ne le balancent, qu'il me permette simplement de lui rappeler que l'article 117 a été suspendu de la volonté de 100 des 108 membres de l'Assemblée nationale. L'article 117 a pour effet de permettre que plus d'une lecture soit étudiée et adoptée...

M. BURNS: Bien d'accord avec vous. M. LEVESQUE: ... à la même séance. M. BURNS: Oui, oui.

M. LEVESQUE: Si on lit l'article 117, on voit que les étapes de la discussion d'un projet de loi ont lieu à des séances différentes. M. le Président, nous avons demandé à l'Assemblée nationale si elle était d'accord pour faire disparaître ou suspendre l'effet de cette disposition. C'est à un vote que vous connaissez, M. le Président, que l'Assemblée s'est prononcée en faveur de la suspension de cette règle.

La règle à laquelle réfère présentement le député de Maisonneuve n'est qu'une règle auxiliaire, incidente et non pas principale. On a cherché des poux, M. le Président, pour essayer de faire de la procédurite. Voici un exemple. D'ailleurs, c'est tellement gênant qu'il est le seul du Parti québécois en Chambre ce soir pour faire de telles procédures!

M. le Président, ces gens qui prétendent vouloir moderniser le parlementarisme,...

M. BURNS: Où était le premier ministre cet après-midi?

M. LEVESQUE: ... à avoir un parlementarisme qui réponde...

M. BURNS: Où sont vos ministres, ce soir?

M. LEVESQUE: ... vraiment aux aspirations de la population, voilà que cet homme, seul de son parti,...

M. BURNS: Bien, va t'asseoir à ton siège!

M. LEVESQUE: Où sont les autres? Ils sont absents parce qu'ils sont gênés de cette façon de procéder de leur leader parlementaire. Si on a apporté de nouveaux règlements, on a accepté qu'il y ait possiblement des façons de critiquer ou de trouver quelques trous à la procédure. Vous-même, M. le Président, et tous les autres leaders parlementaires qui ont été présents aux études qui ont précédé l'adoption de ce nouveau règlement ont dit qu'à la lumière de l'étude des différents projets de loi, qu'à la lumière de l'expérience, on accepterait de faire certaines modifications de forme.

Présentement, on s'accroche sur une règle accessoire, auxiliaire, subordonnée pour essayer d'empêcher la majorité qui s'est prononcée, d'ailleurs, d'une façon claire et précise, de pouvoir donner suite à un voeu non pas seulement du Parlement mais de la population du Québec dans son ensemble.

Lorsque la motion, qui a été adoptée avec une majorité écrasante, a permis que les étapes de la discussion d'un projet de loi aient lieu à la même séance, M. le Président, vous êtes vous-même lié et vous n'avez pas le choix. La majorité écrasante, en cette Chambre, formée de la grande majorité des députés, des partis, des partis reconnus en plus d'un groupe fort impressionnant...

M. BURNS: En plus d'un groupe inconnu! M. LESSARD: Du soixante-treizième!

M. LEVESQUE: ... qui s'est également prononcé, M. le Président, vous êtes vous-même lié par cette décision de la Chambre. Quelles que soient les petites poussières de procédurite...

M. BURNS: C'est le groupe des $5,000!

M. LEVESQUE: ... qui restent de l'ancien règlement et qui sont très présentes dans l'esprit de celui qui vient de s'élever, dans une mesure d'appel au règlement, M. le Président, vous n'avez pas le choix. Je crois que vous devez, sans nous laisser perdre davantage de temps, surtout du temps précieux pour la population du Québec, vous prononcer immédiatement et faire comprendre au député de Maisonneuve que non seulement la Chambre en a assez mais que la population du Québec en a assez.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, avec beaucoup de calme, je voudrais tout simplement attirer votre attention sur une interprétation obligatoire de notre règlement, et je m'excuse auprès de mon honorable ami le député de Maisonneuve de ne pas partager son point de vue.

M. BURNS: Cela ne me surprend pas, vous allez toujours au secours du gouvernement.

M. PAUL: M. le Président, j'attirerai d'abord votre attention sur l'article 2 de notre règlement actuel, parce que je vais toujours au secours du bon sens et de la logique. Ce qu'il y a de pire et ce qui est plus grave, c'est qu'il y en a qui se sentent visés de l'autre côté, et je parlais pour mon groupe.

Je dis donc qu'il faut lire bien attentivement l'article 2 de notre règlement. Il se lit comme suit: "Les règles d'interprétation prévues à la Loi d'interprétation s'appliquent au règlement en autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec ses dispositions".

Cet après-midi, M. le Président, — j'allais dire M. le règlement Lavoie — la Chambre a voté sur une motion proposée par le leader du gouvernement aux fins de mettre de côté certaines dispositions de notre règlement. Il faut s'arrêter pour se rappeler que la motion présentée par le leader du gouvernement avait pour effet de mettre des dispositions de notre règlement de côté en vue d'étudier une question urgente.

La motion du député de Maisonneuve est tardive, parce que si je me rappelle, juste avant la suspension pour le dîner, après que le résultat du vote eut été communiqué vous vous êtes levé et vous avez déclaré: Deuxième lecture, même séance. A ce moment-là, il aurait fallu que le député de Maisonneuve se levât pour tenter d'apporter au soutien de sa thèse les arguments qu'il ne nous a présentés que ce soir.

Et je voudrais également, en me référant maintenant à la loi 1 des Statuts refondus du Québec, article 51.

Parce qu'en vertu de l'article 2, les règles de la loi de l'interprétation s'appliquent.

Or, l'article 51, M. le Président, dit ceci: "Chaque fois qu'il est inscrit qu'une chose sera faite ou doit être faite, l'obligation de l'accomplir est absolue." Par conséquent, cet après-midi, le leader du gouvernement nous a demandé de mettre de côté certains articles de notre règlement, et spécialement l'article 117 qui ne prévoit qu'une lecture d'un projet de loi à la même séance.

Par conséquent, du fait que nous avons mis de côté cette règle de 117, il faut donc se rapporter conformément à l'article 2 de notre règlement à l'article 56 de la loi de l'interprétation qui dit que c'est absolu que l'on doit franchir les deux étapes, et même les trois étapes, du projet de loi 19 dont nous avons adopté la première lecture avant l'ajournement pour le dîner.

Ce n'est pas tout. Il faut de plus, M. le Président, se référer encore à la loi première de

nos statuts, à l'article 57 qui dit ceci: "L'autorisation de faire une chose comporte tous les pouvoirs nécessaires à cette fin." Or, cet après-midi, la Chambre s'est prononcée pour que nous puissions étudier et éventuellement adopter ou rejeter une loi qui nous est proposée par le leader du gouvernement.

Alors, du fait, M. le Président, que nous avons décidé de procéder avec l'étude d'un projet de loi et qui, d'ailleurs, a été accepté pour étude en deuxième lecture après que vous-même l'avez décrété et déclaré, il ne reste donc plus aucune possibilité à cette Chambre de mettre de côté l'article 57 de la loi 1 des Statuts refondus du Québec.

Considérant les dispositions de l'article 2 de notre règlement, des articles 51 et 57 de la loi 1 de l'interprétation, en regard du vote qui a été tenu cet après-midi, en raison que vous avez appelé à la même séance la deuxième lecture du projet de loi, je vous soumets bien respectueusement que la motion du député de Maisonneuve est pour le moins tardive, pour ne pas dire davantage.

M. LE PRESIDENT: Une question...

M. BURNS: Sur le point, M. le Président, c'est qu'il y a des aspects nouveaux et je ...

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Maisonneuve a parlé sur la question de règlement.

M. BURNS: Oui, oui.

M. LEVESQUE: II a parlé, et son droit de parole est expiré. S'il y en a d'autres qui veulent parler sur le point de règlement invoqué par le député de Maisonneuve...

M. BURNS: J'aimerais ça que le leader m'explique à quelle place dans le règlement j'ai épuisé mon droit de parole sur l'affaire du règlement.

M. LEVESQUE: C'est lui qui veut s'en référer au règlement continuellement et s'en tenir aux questions de procédure...

M. BURNS: Qu'il me dise à quelle place je n'ai pas le droit de parler, c'est à vous de décider.

M. LEVESQUE: S'il veut s'en tenir aux questions de procédure, M. le Président, qu'il s'en tienne lui-même. Il a exprimé son point de vue, le député de Maskinongé ainsi que celui qui vous parle ont parlé sur la question de règlement et à ce moment-ci, M. le Président, les autres députés dans cette assemblée ont droit de parole, mais quant au député de Maisonneuve, au député de Maskinongé et à celui qui vous parle, nous avons utilisé notre droit de parole.

M. LEVER: Qu'est-ce que vous faites debout?

M. BURNS: M. le Président, j'invoque l'article 97.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Sur la question, je crois que le député de Maisonneuve me posait une question en vertu de l'article 96, je pense bien, mais si vous voulez invoquer l'article 97, c'est votre droit, monsieur, pour rétablir les faits.

M. BURNS: D'abord, M. le Président, je dois dire au départ très clairement, que, peu importe ce que le leader parlementaire, je le dis pour tout le reste de la séance qui risque de durer assez tard, mais peu importe ce que le leader parlementaire tentera de m'inputer comme intention, je ne tenterai même pas d'y répondre. S'il veut situer le débat à ce niveau si peu élevé, bien à ce moment-là je vais le laisser l'emporter lui-même, je vais le laisser prendre sa responsabilité à ce niveau-là.

Ce n'est pas du tout à ce niveau-là — et je dois dire que contrairement à ce qu'on a dit — et c'est là-dessus que j'invoquais l'article 97, si on se rappelle très bien les étapes qui sont survenues au moment de la discussion avant l'ajournement pour le dîner, on a eu un vote sur une motion et immédiatement après, vous avez remis la parole au premier ministre lequel s'est levé et il a dit: Je demande la suspension du débat.

Bon, ça prend à mon avis tout de suite là...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BURNS: Cela tient compte immédiatement...

M. LEVESQUE: J'invoque le règlement, c'est lui-même, le député de Maisonneuve qui a invoqué le règlement et qui a fait son point. Vous avez bien compris, M. le Président ce qu'il a eu à dire, et personne ne l'a interrompu à ce moment-là.

J'ai eu l'occasion de répondre sur le point de règlement, le député de Maskinongé également. Ce que le député de Maisonneuve tente de faire présentement, c'est de compléter son argumentation.

A ce moment-là, M. le Président, je vous dis que vous êtes lié par le règlement, et que vous n'avez pas le droit de lui donner la parole. Il y a encore 104 ou 105 députés dans cette Chambre qui ont le droit de parole avant le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, en vertu du règlement vous avez le droit de me redonner la parole, en vertu de l'article 44. Si vous me dites que vous êtes satisfait, M. le Président, c'est d'accord, je ne parlerai plus, mais je pense que

vous n'êtes pas satisfait des argumentations. Je vous demande simplement de m'entendre sur deux points très simples, très précis.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! C'est très délicat. Le député de Maisonneuve comprendra très bien qu'il n'a pas de droit de réplique sur une question de règlement, en vertu de l'article 96, il n'a le droit de parler qu'une seule fois.

Par contre, je serais prêt à rendre ma décision. Si vous voulez prendre votre place et demander la parole, je suis prêt à vous accorder la parole. Sur la question de règlement.

M. LEGER: M. le Président, à l'article 41 il est bien indiqué que, pour répondre à l'argumentation du député de Maskinongé, un député peut, en tout temps, signaler une violation du règlement mais il doit le faire sans retard, en se limitant rigoureusement, dans son exposé, au point soulevé.

M. le Président, il est entendu qu'il fallait attendre la première occasion de le faire et c'était à l'occasion de la présentation de la deuxième lecture...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Est-il député, celui qui vient de sortir? Est-ce les nouvelles procédures du Parti québécois que d'avoir des gens, des étrangers qui viennent jusqu'aux banquettes des députés, permettant ainsi que le Parti québécois ait des privilèges tels que jamais on a vus dans cette Chambre, que ces recherchistes qui entrent impunément?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, j'invoque une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: Oui, je vous ai donné la parole.

M. BURNS: Cela n'a aucun sens. Le leader du gouvernement ne reconnaît même pas un page qui vient de me remettre un message. Au moins, ouvrez-vous les yeux, c'était un page qui m'a remis le message.

M. LEVESQUE: II n'est pas en uniforme.

M. BURNS: Voyons donc, il n'est pas en uniforme. Ce n'est pas de ma faute, cela.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: C'est un page qui nous remet régulièrement les messages.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. BURNS: Ne soyez pas si malades que ça.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Quelques mots parce que n'étant pas encore un expert en procédure, je dois quand même soulever un court point, c'est que, si le gouvernement a jugé bon, dans la présentation de sa motion, d'exclure l'article 138 et qu'on n'a pas exclu l'article 119, c'est donc dire que cet article doit s'appliquer comme tel. C'est la raison majeure pour laquelle II est bien mentionné que la motion de deuxième lecture doit être faite une deuxième journée, et non pas dans la même journée, et aussi on a enlevé une partie du règlement, on a cru bon d'enlever alors qu'on a laissé aller l'ensemble des articles.

Alors, si on veut s'astreindre à enlever une partie, c'est donc dire qu'il faut accepter que des parties — la partie qu'on a enlevée est la suivante à l'article 138: "et la reprise est fixée à la séance subséquente." C'est la raison pour laquelle, si on veut faire un cas général en excluant une partie, il faut admettre que l'article 119 doit être appliqué tel quel.

Rejet de l'appel au règlement

M. LE PRESIDENT: Messieurs, à la suite de l'argumentation du leader parlementaire du gouvernement, donnant son interprétation sur l'article 117, l'argumentation de l'honorable député de Maskinongé sur la loi d'interprétation et également, considérant quand même l'esprit plus que la lettre de la motion qui a été adoptée cet après-midi, si on considère qu'on a suspendu l'article 30 qui nous permet de siéger après 23 heures, si on considère qu'on a suspendu l'article 32 septièmement qui fait disparaître la période des questions à la présente séance, si on fait disparaître l'article 78 qui élimine même les motions d'ajournement du débat, 117 qui est certainement l'article de base qui permet toutes les étapes du projet de loi dans la même séance. En plus, le troisième paragraphe de la motion que l'on semble oublier, dans mon argumentation, en plus de l'argumentation en droit du leader parlementaire du gouvernement et du député de Maskinongé; l'esprit, en somme, qui doit primer — et c'était écrit textuellement dans notre ancien règlement — sur la lettre, le troisième paragraphe qui devient un ordre de la Chambre qui a été adopté et voté cet après-midi, que l'Assemblée siège sans interruption jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner tous les jours de la semaine, sauf les dimanches, avec suspension des travaux de dix-huit heures à vingt heures, qu'à toutes ces séances, l'ordre du jour soit celui qui est prévu pour le mardi par l'article 34 du règlement et ce jusqu'à l'adoption du projet de loi numéro 19, ç'a été la motion adoptée par la Chambre cet après-midi et je pense bien qu'en l'occurrence ma décision est à l'effet que nous pouvons procéder aujourd'hui dans la même séance à toutes les étapes de l'étude du projet de loi numéro 19.

Débat de deuxième lecture M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, je dois dire que j'ai de la difficulté à comprendre les raisons pour lesquelles le député de Maisonneuve s'obstine, depuis le début de l'après-midi, à vouloir retarder un projet de loi qui, j'en suis convaincu, est voulu et désiré le plus rapidement possible par l'immense majorité de la population.

J'espère, M. le Président, par ces procédures dilatoires, que le député de Maisonneuve n'a pas d'arrière-pensée. Je lui demanderais de garder son calme et son sang-froid.

M. BURNS: Gardez le vôtre, ça va bien aller.

M. BOURASSA: II est des circonstances où la notion d'intérêt public doit primer sur toutes les autres. Cette préséance de l'intérêt public devient alors une question de justice, d'équité et de paix sociale. Nous en sommes là, M. le Président. C'est là l'objet de ce projet de loi. Le gouvernement est le gardien de l'intérêt public. C'est sa responsabilité première. Il ne peut abandonner à d'autres cette responsabilité. Il ne peut non plus permettre que l'intérêt public passe au second plan de ses préoccupations. Voilà pourquoi ce projet de loi, au-delà de toutes les autres considérations, est devenu nécessaire et essentiel. Le gouvernement a négocié de bonne foi. A deux reprises même, il a fait des offres en vue d'améliorer notamment et principalement le sort des petits salariés. Nous avons acquis la conviction que dans l'état actuel du dossier, les négociations ne pouvaient plus se poursuivre sur la base des conditions existantes.

Depuis le début, le gouvernement a négocié et, à ce titre, on a des preuves concrètes et précises jusqu'à même hier soir où quatre ministres ont tenu à rencontrer les négociateurs de la partie syndicale afin de voir s'il n'était pas possible d'en arriver à une entente par la négociation.

Je tiens à signaler et à remercier les négociateurs gouvernementaux, le comité interministériel et particulièrement le ministre de la Fonction publique et député des Deux-Montagnes qui, jusqu'à la limite de ses forces, a essayé d'en arriver, avant cette loi, à une solution négociée. Même si nous espérons toujours, comme il l'a dit lui-même, d'en arriver encore à une solution négociée au cours des semaines prochaines sans avoir à recourir à un décret.

Des millions de Québécois directement ou indirectement sont pénalisés par cette grève. Des personnes complètement innocentes ou étrangères au conflit en sont sérieusement affectées. La question que tous les Québécois et que le gouvernement doit se poser :

Jusqu'où le gouvernement doit-il aller, en respectant les droits des groupes particuliers, en prenant des risques vis-à-vis l'ensemble de la population? Le gouvernement doit chercher à concilier les intérêts légitimes de tous les groupes de la société. Mais il arrive un moment, toutefois, où c'est le devoir du gouvernement de trancher entre l'intérêt d'un groupe et l'intérêt collectif. Nous croyons que ce moment est arrivé et que personne dans cette Assemblée nationale ne contestera que le gouvernement doit trancher du côté de l'intérêt collectif.

Ce projet de loi met fin à la grève mais ne met pas fin à la négociation. Les leaders syndicaux ont dit, il y a une dizaine ou une douzaine de jours, que c'était une grève illimitée. Mais je pense que ce n'est pas aux leaders syndicaux à décider de la durée de la grève lorsque l'ensemble de la population peut être affectée. C'est au gouvernement et c'est à l'Assemblée nationale, elle-même, qui représente la population à décider quand une grève doit se terminer, et c'est ce que nous faisons.

M. BURNS: Est-ce que le premier ministre me permet une question?

DES VOIX: Non.

M. BOURASSA: Avec plaisir.

M. BURNS: Est-ce que ce n'est pas ça une grève illimitée, une grève qui peut se terminer à n'importe quelle date, c'est-à-dire à la date où les syndiqués le décident? N'est-ce pas ça une grève illimitée?

M. BOURASSA: M. le Président, le député doit se souvenir que les dirigeants syndicaux, si nous voulons essayer d'être calmes dans cette discussion importante, ont dit qu'il y aurait une grève illimitée, jusqu'à la victoire. C'est ce qu'ils ont dit.

M. BURNS: Illimitée. C'est une date indéterminée.

M. BOURASSA: De toute façon, M. le Président, mardi il y aura réunion de la commission parlementaire. J'espère que nous pourrons avoir, à ce moment-là, une discussion aussi sereine, éclairée et documentée que possible. Il est souhaitable, nous le voulons, en arriver à une entente aussi rapidement que possible, avant le 1er juin. Sinon, quelqu'un devra décider. Je pense que lorsqu'on a à se demander qui doit décider, dans une question comme celle-là, eh bien c'est le gouvernement élu par la population qui doit prendre cette décision à la lumière des discussions qui auront eu lieu entre-temps, à la lumière de toutes les représentations qui auront été faites, à la lumière de toutes les rencontres qui auront eu lieu entre les deux parties et à la lumière, évidemment, du bien collectif.

Il faut se rendre compte, tout de même, M.

le Président, j'aborde un aspect de la question, des limites financières de l'Etat. Nous avons fait — le ministre des Finances l'a énoncé mardi dernier — un effort considérable d'assainissement des finances publiques, un effort, dirais-je, sans précédent depuis une douzaine d'années. Si l'on examine, par exemple, la réduction des taux de croissance dans des secteurs importants et majeurs, nous voyons le résultat des efforts concrets du gouvernement. Si l'on examine, d'une façon plus détaillée et plus précise, le budget, nous voyons, par exemple, que les immobilisations, dans presque leur totalité, sont financées par des emprunts. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que les dépenses courantes, y compris les salaires de tous les employés du secteur public, sont financées par des revenus fiscaux. Alors, à quelles conclusions peut-on en arriver?

On doit en arriver à ce que, si nous augmentons ces dépenses courantes, nous devons nécessairement, dans une économie fondamentalement saine, augmenter les revenus courants, soit les taxes, ou diminuer les dépenses courantes dans d'autres secteurs. C'était le choix du gouvernement.

Alors que nous sommes l'une des provinces les plus taxées au Canada, nous n'avons pas le droit et nous avons pris la décision de ne pas augmenter les impôts, pour la troisième année consécutive. Encore là, je suis convaincu que l'immense majroité de la population a été d'accord au sujet de notre décision de ne pas augmenter les impôts.

L'autre point de cette alternative, M. le Président, c'était quoi? C'était de réduire des dépenses, des dépenses que nous avons déjà comprimées au maximum, comme je l'ai mentionné tantôt. Mais il y a des dépenses qui sont incompressibles, à la lumière d'une justice sociale, comme celles de l'assistance sociale ou celles qui sont affectées à la relance économique.

M. le Président, on n'a qu'à se référer à une déclaration du chef du Parti québécois lui-même, M. René Lévesque, qui disait, à Thetford Mines, il y a quelques semaines — j'aimerais que le député de Maisonneuve soit là pour m'enten-dre — qu'il ne voyait pas pourquoi ce seraient les salariés qui gagnent moins de $100 par semaine qui devraient financer, par des hausses de taxes, ceux qui gagnent plus de $100. C'est également le chef du Parti québécois, M. René Lévesque, qui disait à Thetford Mines qu'il ne voyait pas pourquoi ce sont ceux qui travaillent 32 heures par semaine qui bénéficieraient des sacrifices de ceux qui travaillent plus de 40 heures par semaine. C'est le chef du Parti québécois lui-même, parti qui, aujourd'hui, s'oppose à l'adoption de cette loi. Voilà une autre contradiction que nous devons constater, M. le Président.

Si ce projet de loi n'est pas adopté, M. le Président, nous pouvons voir toutes les conséquences qui peuvent en résulter pour la popula- tion, qui ont été énoncées avec combien de clarté et d'objectivité par les ministres impliqués.

Nous sommes un gouvernement et un parti profondément attachés au syndicalisme. Il n'est pas question, dans ce projet de loi, de s'opposer au syndicalisme.

M. CHARRON: Celle-là, elle était bonne!

M. BOURASSA: Le Parti libéral, M. le Président, a donné des preuves de son attachement au syndicalisme.

M. CADIEUX: Le député de Saint-Jacques avait la couche!

M. CHARRON: Le bill 15, le bill 19, le bill 38!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

M. BOURASSA: M. le Président, nous considérons que le syndicalisme est un moyen irremplaçable de contribuer au progrès social. Mais quand même, il est de notre devoir de corriger les abus qui se produisent. Quand on voit toute une population affectée par la grève que nous connaissons, quand on voit des étudiants qui peuvent manquer leur année scolaire, quand on voit les dommages à la propriété qui ont été faits, quand on voit que des injonctions ne sont pas respectées, quand on voit qu'il y a du piquetage illégal, quand on voit que des ententes qui ont été signées ne sont également pas respectées, quand on voit, M. le Président, qu'on défie ouvertement le respect de la loi, le gouvernement et le chef du gouvernement dit: Assez! C'est assez!

M. le Président, on sait comment il est important pour le Québec, pour atteindre ses objectifs sociaux, pour atteindre ses objectifs dans tous les secteurs, d'avoir cette relance économique. Nous commençons à peine, à la suite de tous les événements que nous avons connus, à remonter la côte. On voit que, pour la première fois, depuis plusieurs années, le taux de croissance des investissements privés, au Québec, est plus élevé que dans les autres régions. On voit également qu'il y a une baisse du chômage, ici, alors qu'il y a une augmentation dans les autres régions du Canada. Ce sont des faits qui nous permettent d'être raisonnablement optimistes sur l'avenir. Mais il est de notre responsabilité à nous, du gouvernement, de pouvoir maintenir cette confiance, de pouvoir maintenir cette situation. Elle est un peu moins difficile qu'elle l'était, un peu à cause de toutes les mesures que nous avons prises.

J'espère que les chefs syndicaux n'ont pas choisi la politique du pire. J'espère que leurs gestes n'ont pas pour but de créer un climat tel au Québec qu'il soit plus difficile de surmonter les obstacles qui sont déjà tellement sérieux et

je pense que la population du Québec dans son ensemble est complètement d'accord sur la politique à la fois prudente et dynamique du gouvernement vis-à-vis de tous les secteurs.

Si nous regardons le projet de loi lui-même, nous voyons que le projet de loi dans son ensemble essaie de résoudre le problème immédiat. Il y a la reprise des services et le retour au travail dès samedi matin. Nous avons examiné toute cette question durant plusieurs heures, et nous sommes venus à la conclusion — et le ministre des Affaires sociales l'a expliqué ce matin — qu'il fallait que la reprise du travail se fasse dès samedi matin.

Nous avons également inscrit dans le projet de loi l'obligation à tous de prendre les moyens appropriés pour le retour au travail et la reprise des services. Jusqu'à une nouvelle entente, ou à défaut, il y aura un décret pour les conditions de travail qui prévaudront et qui seront celles des dernières conventions collectives applicables. Il y a prohibition du lock-out, de la grève et des ralentissements d'activité.

Nous avons, en tenant compte des propositions qui ont été faites, et en tenant compte de l'utilité que ça peut comporter, convoqué la commission parlementaire pour le mardi 25 avril 1972. Le mandat de cette commission parlementaire sera de recevoir les explications sur la situation des négociations d'ententes collectives entre les associations de salariés et les employeurs.

A défaut d'entente collective avant le 1er juin 1972, le lieutenant-gouverneur fixe par décret le 30 juin les conditions de travail jusqu'au 30 juin 1974. Le décret — et je tiens à exprimer ça très clairement — devra tenir compte des dernières offres patronales, c'est-à-dire qu'aussitôt que l'entente aura été signée, que ce soit à la suite d'une négociation ou par décret, il y aura rétroactivité et cette rétroactivité tiendra compte de toutes les ententes patronales.

Je n'ai pas l'intention d'insister sur la situation qui prévaut dans les différents secteurs puisque les ministres responsables, au cours de l'après-midi,ont signalé très clairement et mis en relief les problèmes qui existaient tant dans le secteur des hôpitaux, de l'enseignement ou de la fonction publique.

On m'a rapporté certaines déclarations qui auraient été faites par les chefs syndicaux à l'effet qu'ils recommanderaient de ne pas respecter la loi. Il est normal que je vérifie ces déclarations. Je crois que, si c'est le cas, c'est une attitude complètement disproportionnée et sans précédent.

A entendre certains chefs syndicaux, les conditions de travail qui sont celles des salariés du secteur public friseraient l'esclavage, contrairement à ce que dit le chef du Parti québécois. Alors que, si nous examinons ces conditions de travail quant aux heures de travail, quant aux jours fériés, quant à tous les autres secteurs et tout ce qui a été proposé par le ministère de la Fonction publique, on peut certainement dire qu'elles sont comparables et dans certains cas supérieures à celles du secteur privé.

C'est vrai qu'il faut améliorer — et c'est l'intention du gouvernement — dans certains secteurs où il y a des problèmes plus aigus. Mais comment les chefs syndicaux peuvent-ils justifier une telle attitude? S'ils sont de vrais démocrates, s'ils croient foncièrement à l'essence même de la démocratie, ils vont demander le respect de cette loi, parce que qui peut nier sérieusement au Québec actuellement que l'immense majorité de la population exprimée par le vote de cet après-midi n'est pas d'accord sur la loi que nous présentons pour la reprise du travail samedi matin?

C'est avec regret que j'ai entendu certains propos de chefs syndicaux qui, il faut l'admettre, depuis, dans certains cas, une génération, se battent pour améliorer le sort des travailleurs, qui ont contribué, indirectement peut-être, à toute cette législation qui, depuis dix ans dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé, dans le domaine des relations de travail ont amélioré le sort des défavorisés.

Je pense qu'on ne peut pas admettre les abus de langage auxquels ils se prêtent depuis quelques mois. Il n'y a aucune espèce de proportion, comme je le disais, entre la situation des travailleurs impliqués, entre les efforts qui sont faits par les différents gouvernements depuis dix ans et les propos qu'ils tiennent.

M. le Président, j'aurai l'occasion, soit en comité plénier, soit en réplique — puisqu'en comité plénier nous pourrons discuter tous les articles — de répondre à certains arguments qui ont été apportés cet après-midi. J'ai écouté le chef de l'Opposition. Il a proposé, cet après-midi ou il y a quelques jours, un arbitrage, si j'ai bien compris. Certaines suggestions ont été acceptées de notre part, dans un domaine où 40 p.c. du budget est affecté à des salaires. On ne peut pas être d'accord sur la conception d'un arbitrage qui pourrait faire qu'un tiers, qui n'est pas élu par la population, qui n'a pas de responsabilité parlementaire ou ministérielle, pourrait, par sa décision, forcer le gouvernement à hausser les impôts.

Il y a un grand principe que connaît le chef de l'Opposition: No taxation without représentation. Il me comprend: pas de représentation. Il n'y a pas de pouvoir de taxation sans responsabilité parlementaire, si on me permet cette traduction. Or, ce que propose le chef de l'Opposition, c'est d'aller à l'encontre d'un principe établi par tous les Parlements.

On a suggéré, depuis quelques jours, la réunion de la commission parlementaire mais on n'a pas dit si on était pour la poursuite ou la fin de la grève, ou le retour au travail. Nous acceptons de convoquer la commission parlementaire pour mardi. On n'a pas précisé, à ma connaissance, qu'on était pour le retour au travail immédiat.

M. LOUBIER: M. le Président, le 28 mars et au cours de la semaine dernière, j'ai justement

proposé qu'il y ait retour au travail, séance de la commission parlementaire de la Fonction publique, qu'on accorde uniformément 5 p.c, qu'il y ait un moratoire de trois mois, que par la suite, on trouve un mécanisme pour rendre la décision exécutoire.

Or, vous avez pu voir dans ma suggestion tout ce que vient de mentionner le premier ministre, le 28 mars et la semaine dernière au cours d'un communiqué de presse et mardi de cette semaine.

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le chef de l'Opposition voudrait dire qu'il aurait proposé une loi de retour au travail à ce moment-là?

M. PAUL: Pas de loi.

M. LOUBIER: Non, M. le Président, parce que la première fois que j'en ai parlé, il n'y avait pas grève et c'est pour cela que j'insistais pour qu'il y ait convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique, et peut-être que ça aurait justement évité la conflagration que l'on a actuellement.

M. BOURASSA: M. le Président, c'est une hypothèse qu'émet le chef de l'Opposition. De toute façon, la partie patronale a négocié jusqu'au bout, y compris avec quatre ministres, mais jamais je n'ai entendu, d'aucun des partis d'opposition, de mettre fin à la grève par une loi comme celle que nous apportons, même si les trois partis étaient favorables à la réunion de la commission parlementaire, ce qui est nouveau. Nous avons intégré cela dans notre loi.

M. le Président, nous avons, dans plusieurs cas, agi. Que ce soit dans le domaine de l'industrie de la construction, que ce soit également dans le domaine de la grève des médecins il y a deux ans ou dans les éléments qui sont survenus sur la Côte-Nord avec le bill 15.

Donc, chaque fois que le gouvernement a eu à prendre ses responsabilités, quels que soient les salariés en cause, le gouvernement n'a pas hésité à les assumer. Mais là, nous avons conclu, M. le Président, qu'avec tous les risques que comportait une grève comme celle-là, il était de notre devoir d'agir immédiatement, et comme l'a dit le ministre de l'Education cet après-midi, les limites de l'intolérable avaient été atteintes.

M. le Président, je suis convaincu que chaque membre de l'Assemblée nationale admettra qu'un malaise profond existe, par la suite de toutes ces lois spéciales depuis quelques années, dans le domaine des relations de travail qui touchent les secteurs public ou parapublic.

Loin de s'amenuiser, ce malaise augmente ou s'accentue d'année en année. On ne pourra s'en convaincre qu'à constater froidement le fait que la présente loi constitue la neuvième du genre à être présentée au Québec depuis quatre ans. Que ce soit le bill 25, celle pour la Commission des transports de Montréal, la police de Montréal, l'industrie de la construction, les services médicaux, secteurs public et parapublic, etc.

Il ne s'agit pas de savoir qui, du régime de relations de travail ou des hommes qui l'animent, est fautif. Il importe simplement de se rendre compte d'une situation que toute société responsable ne saurait laisser durer, sans compromettre gravement son avenir. Plus que jamais nous vivons dans un monde où chacun des partenaires sociaux doit être conscient des possibilités des autres et faire preuve de maturité. Plus que jamais, les libertés fondamentales, comme le droit de grève par exemple ne sont significatives dans les faits que s'ils sont exercés en tenant compte des diverses composantes de la société et de leur interdépendance.

Ces réalités, bien sûr, s'assimilent davantage par l'expérience vécue que par l'examen théorique d'un régime de vie sociale. Néanmoins, il faut admettre que, compte tenu des difficultés particulières que pose l'établissement de relations de travail harmonieuses dans les secteurs public et parapublic, élaboration d'une politique salariale, aménagement du cadre général des politiques poursuivies, lesquelles sont difficilement négociables au sens strict du terme, impact sur le secteur privé de la détermination des tâches et de la structure d'emploi consenti, mécanisme d'exercice libre de la liberté d'association, détermination des services essentiels et autres. Les outils prévus et façonnés par les diverses lois du travail, n'ont pas donné le résultat escompté.

Aussi, le gouvernement est convaincu qu'un réexamen complet et en profondeur des mécanismes de relations de travail, dans les secteurs ou services publics et parapublics, s'impose et il en prend l'engagement ferme. Ce réexamen toutefois devra être entrepris dans une atmosphère plus sereine lorsque le conflit visé par la présente loi aura trouvé une solution selon les votes qui sont prévus par cette loi.

M. le Président, j'en appelle à la responsabilité de tous, parlementaires, syndiqués, notre gouvernement s'attelle avec la plus grande énergie à faire avancer la société québécoise dans tous les secteurs. Nous sommes déterminés à poursuivre cette lutte comme nous l'avons fait depuis deux ans. Nous sommes confiants, M. le Président, de réussir, parce que, comme nous, la population du Québec veut le respect de la loi, le bien-être de tous les travailleurs et le progrès ordonné de nos institutions. Je souhaite une adoption rapide et massive de ce projet de loi, parce qu'il nous parait fondamentalement conforme à l'intérêt de tous les Québécois.

M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.

M. LOUBIER: M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, sur une question de privilège, simplement un instant. Je

m'excuse auprès du chef de l'Opposition officielle, c'est qu'il s'est passé un incident il y a quelques minutes, alors que j'avais mentionné qu'il y avait la présence d'un étranger dans cette Chambre, qui n'était pas un page et on m'a dit qu'il s'agissait d'un page.

Alors, M. le Président, j'ai pris certains renseignements et il ne n'agit pas d'un page. Il s'agit simplement de quelqu'un qui avait été emprunté, à un bureau, pour agir comme page. Alors je tiens à faire cette rectification, parce que je ne voudrais pas que le...

M. DEMERS: Est-ce que ce serait un espion?

M. LEVESQUE: Bien là! Mais, M. le Président, j'accepte que les besoins de la cause ce soir ont fait qu'il puisse agir comme tel, mais lorsque j'ai fait la remarque, j'étais en droit de le faire.

M. LEGER: M. le Président...

M. LESSARD: J'aurais une information, est-ce que ça veut dire que le leader parlementaire retire l'impression...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a aucun débat sur une question de privilège.

M. LESSARD: J'invoque le règlement, M. le Président.

UNE VOIX: Debout.

M. LE PRESIDENT: Vous invoquez le règlement ou quoi. Est-ce que vous invoquez le règlement?

M. LESSARD: Oui, M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: Sur quel sujet?

M. LESSARD: Au sujet d'une question de privilège qui a été soulevée tout à l'heure. On a tout simplement laissé l'impression dans cette Chambre qu'il s'agissait d'un recherchiste du Parti québécois.

M. HARVEY (Chauveau): Burns a menti une fois de plus.

M. LESSARD: Je demande tout simplement si cela veut dire que le leader parlementaire retire cette impression-là qu'il a laissé tomber sur la Chambre tout à l'heure.

M. HARVEY (Chauveau): Bien non, il donne des précisions.

M. LEVESQUE: M. le Président, si on veut aller plus loin avec cela, le leader parlementaire du Parti québécois a fait parader ce jeune homme, l'a amené ici près de mon bureau et a dit: Je vous présente le page. C'est aller un peu loin comme provocation, et c'est pourquoi j'ai cru bon de soulever une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: Les dernières interventions me laissaient perplexes parce que, lorsque l'on parlait du page, je me demandais si on parlait, à un moment donné, du discours qui vient d'être prononcé par le premier ministre et qu'on y faisait une relation.

M. HARVEY (Chauveau): Que vous êtes donc sérieux, vous êtes sérieux!

M. LEVESQUE: Vous devriez "l'oublier"! M. LACROIX: Un trou, une cheville.

M. LOUBIER: M. le Président, vous connaissez mon calme proverbial et vous comprendrez pourquoi, à la suite de l'intervention toujours marquée au coin de l'intelligence assez scintillante du député de Chauveau — qui n'est même pas à son siège — que j'ai pris un instant...

M. HARVEAY (Chauveau): Je vous remercie du compliment.

M. LOUBIER: ... pour ne pas faire en sorte que ce débat tourne en foire.

M. le Président, le premier ministre vient de faire un discours qui est à l'image, je pense, de sa personnalité. Le premier ministre l'a fait, je le sais, en toute honnêteté. Le premier ministre a tenté...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En toute naï-veté.

M. LOUBIER: ... de convaincre les membres de cette Chambre que toutes les mesures avaient été prises, que tous les efforts avaient été fournis par le gouvernement pour en arriver à une entente heureuse avec la partie syndicale. Je me suis rendu compte qu'une grande partie de son intervention a été consacrée, avec beaucoup de naïveté, à une énumération de voeux pieux et de principes qui rallient, j'en suis sûr, l'assentiment de tous les membres de cette Chambre.

Il n'y a pas un seul membre de l'Assemblée nationale qui soit contre la notion voulant que le gouvernement soit le gardien de l'intérêt public, que l'intérêt public doit passer en premier lieu, que le gouvernement doit avoir de la bonne foi dans ses actions, etc. Cela a été la première partie: énumération de principes et de voeux pieux qui ne soulèvent aucune réplique, aucun commentaire des membres de cette Chambre.

La seconde partie de son intervention a été consacrée littéralement à des commerciaux pour le Parti libéral. Si vous avez remarqué, M. le Président, au cours de mon intervention aujourd'hui, et même au cours de toutes mes interventions, j'évite d'identifier Unité-Québec aux propos que je tiens parce qu'à ce moment-là j'ai un rôle à remplir comme chef de l'Opposition et je ne veux pas me servir de la Chambre pour faire de la publicité facile autour d'une formation politique. Le premier ministre a utilisé maintes expressions: que le Parti libéral, depuis qu'il est là, est en train d'assurer la relance économique, que le Parti libéral n'a pas imposé de taxes pour la troisième année, que le Parti libéral tend vers un taux de croissance économique qui serait à la satisfaction de tous les Québécois et qui cadrerait avec le même tempo de croissance économique des autres provinces, etc.

Très peu de remarques ont été faites sur la loi elle-même.

En second lieu, là où j'ai été désarmé, comme tous les membres de cette Chambre, je pense, c'est lorsque le premier ministre n'a pas du tout mentionné le fait que le gouvernement avait en main, bien avant aujourd'hui, tous les mécanismes qui auraient pu rapprocher les parties, qui auraient pu permettre aux membres de l'Assemblée nationale, comme je le disais cet après-midi, à tous les syndiqués, à tous les Québécois, d'être bien au fait de la question, de connaître toutes les implications des offres de la partie patronale et également les motifs du refus de la partie syndicale d'accepter.

Le premier ministre a écarté du revers de la main cette possibilité, ce soir, et je pense que le premier ministre a également évité de nous départager ou de nous tracer jusqu'où allaient également les responsabilités de l'Etat patron et jusqu'où allaient les responsabilités et les devoirs de l'Etat législateur. Il a fait appel à la collaboration des membres de cette Chambre, il a fait appel à la collaboration des chefs syndicaux. C'est un autre voeu pieux qui n'est assis sur aucune preuve de sérieux que pourrait offrir le gouvernement, et je suis persuadé que si le front commun avait été invité il y a quinze jours ou trois semaines à venir faire entendre son propre son de cloche à la commission parlementaire de la Fonction publique, il aurait accepté cette invitation et la partie patronale aurait pu, elle aussi, faire entendre sa voix et dans ce climat serein d'objectivité où chacune des parties se serait sentie à l'aise d'exprimer sa thèse et où chacune des parties aurait pu être interrogée par les membres de la commission parlementaire de la Fonction publique. Il est possible, puisqu'il n'y avait pas grève, lorsque j'ai proposé, pour la première fois, la mise en action de ces mécanismes, qu'à ce moment-là, à la suite des séances de la commission parlementaire de la Fonction publique, il y ait eu amorce d'une entente véritable et basée sur de sérieuses négociations.

Mais, qu'a-t-on fait, depuis un bout de temps? La partie syndicale a accusé le gouvernement de manquer de bonne foi dans ses négociations, de manquer de sérieux. D'autre part, la partie patronale, en l'occurrence le gouvernement accusait le front commun d'être de mauvaise foi, de ne pas négocier sur des bases sérieuses. Et là, on jouait à la balle avec les 210,000 syndiqués et avec tous les Québécois, on se lançait la balle. Si on avait, à ce moment-là, accepté la proposition que j'ai faite, dès le début du mois de mars, que j'ai réitérée le 28 mars, que j'ai réitérée encore la semaine dernière, nous n'aurions pas, ce soir, à juger de l'à-propos, de la qualité de la loi que le gouvernement nous présente parce qu'il n'y aurait probablement pas eu nécessité d'une telle loi.

Deuxièmement, j'ai proposé, à maintes reprises, depuis des semaines, qu'il y ait un moratoire qui aurait pu être de trois mois. Je l'ai suggéré à nouveau, il y a une semaine; je l'ai suggéré mardi — un moratoire de trois mois — qui aurait permis, à ce moment-là, aux chefs syndicaux, au front commun, de demander aux syndiqués le retour immédiat au travail, qui aurait pu être accordé illico, sur le champ, instanter, comme dirait le député de Chicoutimi, aurait pu être accordé un 5 p.c. uniforme d'augmentation pour tous les syndiqués et d'autres avantages qui étaient agréés par les parties et au bout de trois mois, j'ai suggéré, depuis des semaines, inlassablement, partout, à chaque fois que j'en ai eu l'occasion, qu'à la suite de ce moratoire de trois mois, s'il n'y avait pas entente, qu'on réfère cet autre moment d'impasse ou ce cul-de-sac, à un tribunal de travail ad hoc ou je disais même à un autre organisme qui pourrait être accepté réciproquement et conjointement par la partie syndicale et par la partie patronale.

Mais on n'a pas pris en considération ces suggestions. Aujourd'hui, on essaie de se couvrir du chef de l'Opposition pour dire: Nous acceptons passablement des suggestions que le chef de l'Opposition a faites. Parce que, en définitive, nous accordons la convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique. Ce sera mardi. Nous acceptons aussi une forme de moratoire, mais ce sera environ de deux mois. Une chose que le chef de l'Opposition n'a pas demandé ou d'autres, cela aurait été une loi d'exception, une loi matraque comme l'a toujours qualifiée le ministre de la Fonction publique.

Oui, je dis qu'on a pris les suggestions que j'ai faites, mais on les a toutes tournées à l'envers. On a pris la charrue et on a attaché le boeuf en arrière. On procède à rebours, de sorte que les suggestions que j'ai proposées à l'époque ont été, à mon sens, tellement mal comprises qu'en premier lieu, on brûle toutes les étapes que j'avais tracées et on tombe tout de suite sur la loi matraque.

Or, quand le premier ministre essaie d'argu-

menter qu'il serait impensable que l'on confie à une tierce partie le soin d'engager des sommes importantes du gouvernement au nom du gouvernement et qu'il dit que cela n'a aucun sens et que cela pèche contre tous les principes de droit parlementaire, tous les principes reconnus dans les autres provinces au Canada. Je dis au premier ministre, encore là, que ses conseillers pourraient peut-être lui révéler que ce n'est pas un précédent. J'ai cité, l'autre jour, des cas, même au moment où nous sommes dans cette Chambre. Il y a l'avocat, Me Art. Maloney, de Toronto, qui sert d'arbitre entre la ville de Toronto et les éboueurs de la ville de Toronto pour en arriver à un arbitrage acceptable.

Nous avons eu, il n'y a pas si longtemps, le gouvernement fédéral qui s'est servi du juge Gold, pour régler le conflit qui l'opposait aux employés des ports nationaux. On a remis au juge Gold le soin de trancher le litige et le soin d'apporter une solution qui serait acceptable par les deux parties. Or, je suis contre le principe des lois d'exception. Je suis contre le principe des lois d'urgence. Je suis contre le principe des lois adoptées à toute vapeur. Je suis, en fait, contre le principe d'un gouvernement qui administre à la petite journée. C'est la cinquième ou la sixième loi d'exception d'urgence que l'on présente. Est-ce que cela va finir ces lois d'urgence, ces lois d'exception, ces lois à la vapeur, ces lois in extremis? Est-ce qu'on ne se dirige pas dans le Québec avec un gouvernement qui va laisser pendre le glaive ou la matraque sur la tête de tous les Québécois ou de tous les secteurs? Il y a un problème dans le domaine de la construction. Le bill no 15 qui est convoqué. Tous les règlements tombent. Il faut régler cela à la vapeur encore une fois.

Il y a un problème actuellement, un problème qui pourrit, pas depuis un mois, pas depuis deux mois, pas depuis cinq mois, depuis huit ou neuf mois. On se rend compte que les négociations, pour quelque raison que ce soit, n'avançaient pas, n'avancent pas. Il y a à peine un mois, à tort ou à raison, la partie syndicale dit, il n'y a pas eu de négociation sérieuse depuis des mois et des mois de la part de la partie patronale. La partie patronale répond immédiatement que c'est la faute de la partie syndicale qui n'a pas voulu s'entendre, qui a tergiversé, qui a piétiné, qui a été de mauvaise foi du début à la fin.

M. le Président, je dis que c'est évident, étant patron et étant législateur, que cela devient un paradoxe. Cela devient d'une complexité inouïe.

Il est bien évident que le ministre de la Fonction publique, qui a la charge des négociations, est en même temps lié par la solidarité ministérielle et que même s'il voulait coiffer, pour un bon moment, le chapeau de l'Etat bon patron, il est obligé, lié et soudé, irrémédiablement, à la solidarité ministérielle. Là, il faut qu'il se place sur la tête l'autre chapeau de l'Etat législateur. Nous savons que c'est une situation difficile; nous savons que c'est d'une complexité inouie. Mais pourquoi prétendre qu'un arbitrage serait impossible après le moratoire de trois mois? Il faudrait confier, à ce moment-là, à un tribunal de travail ad hoc ou à un autre organisme dont les structures et le but seraient définis conjointement par les deux parties, la partie syndicale et la partie patronale. A ce moment-là, il est bien évident que l'on pourrait demander et s'entendre pour que l'arbitre ou ce tribunal ait à donner une sentence tenant compte de certains critères établis d'avance. A ce moment-là, la partie syndicale, le front commun se sentirait au moins sécurisé; il n'aurait pas, à ce moment-là, l'impression que l'Etat bon patron va négocier un bout de temps et que si ça ne fonctionne pas, c'est l'Etat législateur qui va intervenir à coups de bâton. On pourrait même, pour un moment donné, demander au ministre du Travail d'agir et de le désouder, de le désolidariser de l'équipe ministérielle et le faire servir d'arbitre, si cela est agréé par les deux parties.

On pourrait même confier, éventuellement, ce ne sont que des suggestions, au Protecteur du citoyen de la province le soin de trancher le litige ou à un autre personnage qui serait agréé, avec des conseillers; on tracerait, à ce moment-là, préalablement, en vertu de quels critères il faudrait rendre la sentence.

M. le Président, je pense que nous sommes véritablement pris dans un étau. Je comprends les difficultés qu'ont à rencontrer les membres du gouvernement. Je le sais. Et je sais que, dans ce domaine, surtout dans ce domaine extrêmement névralgique, qu'il est important d'agir avec prudence, avec mesure, avec sérénité. Et il est également urgent et important de donner l'assurance à l'autre partie. Dieu sait si je ne veux, en aucun moment, me faire le défenseur de mes amis Pepin, Chartrand, Charbonneau et tout ce groupe-là. Vous le savez. Mais je dis qu'il est important, au-delà des intérêts de certaines personnes dans le monde syndical, de protéger les syndiqués eux-mêmes. Le premier ministre disait qu'il était en amour avec le syndicalisme. Cela a fait rire plusieurs membres de cette Chambre. Je dirai, comme je l'ai répété à maintes reprises, que le syndicalisme doit passer ce stade des revendications, que le syndicalisme doit être intégré véritablement dans une articulation bien faite de notre économie au Québec, que le syndicalisme doit être un agent positif de l'économie et non pas un instrument de sabotage de l'économie au Québec, que le syndicalisme doit être un agent positif au même palier que le patronat et le gouvernement. C'est là qu'est le défi actuellement que nous avons à relever dans le Québec, à coordonner ces trois forces pour qu'ils agissent et deviennent des partenaires dans la relance économique du Québec.

M. le Président, nous sommes d'accord avec ces énoncés de principe faits par le premier

ministre. Mais je suis extrêmement surpris que le premier ministre n'ait pas, avant aujourd'hui... Je ne reviendrai pas sur le chapelet de blâmes que j'ai adressés, que j'ai récités au gouvernement, cet après-midi, sur un ton très calme et très serein, sans aucune animosité ni dans la voix, ni dans les mots. Mais...

M. BOURASSA: Vous avez été inspiré par mon discours.

M. LOUBIER: M. le Président, je n'ai pas besoin de rappeler au premier ministre que ce climat de flottement, d'incertitude, ce climat extrêmement déprimant dans lequel on vit, actuellement, au Québec, est la résultante d'une indécision congénitale du gouvernement, d'un manque de leadership, d'un manque d'esprit de décision et de réalisme.

M. le Président, je dis qu'encore là, les loups sont sortis du bois cette nuit. Et là, vous voyez arriver les ministres — les mêmes, pas d'autres, les mêmes ministres — qui hier et avant hier disaient: Un instant! Ne partez pas en peur! Le climat n'est pas si mauvais que cela, dans le Québec. Ce n'est pas alarmant. Voyons donc! Le ministre de la Fonction publique, d'un langage très rassurant, nous disait avec bonhomie, le sourire sur les lèvres: Un instant! Je n'ai pas parlé de situation dramatique, de situation alarmante. La situation est relativement bonne.

Et quand j'ai entendu, comme je le disais cet après-midi, l'honorable ministre des Affaires sociales qui, avec les intonations percutantes qu'on lui connaît, M. le Président, affirmait de sa voix cadencée qu'il n'y avait rien d'anormal, que c'était sérieux mais qu'il n'y avait pas urgence, ce n'était pas dramatique. Et ce matin, M. le Président, ils se sont réveillés. Ils sont sortis de leur cauchemar. Et là, monsieur, ils se sont rendus compte que cela urgeait. Savez-vous à qui ils m'ont fait penser, M. le Président? C'est notre ami Néron, je pense, ou César, qui jouait de la flûte alors que Rome brûlait. C'est Néron. Vous comprenez, M. le Président, que je n'ai pas connu intimement tous ces gens-là!

Mais, M. le Président, le premier ministre, depuis des semaines, et d'une façon encore plus mélodieuse dimanche soir, jouait de la flûte à l'hôtel Reine Elizabeth, Il essayait de charmer, M. le Président, tous les petits serpentins qui se trouvaient sur les lieux.

UNE VOIX: Mme Johnson!

M. LOUBIER: Pendant que Québec brûlait, le premier ministre jouait du charme.

UNE VOIX: Mme Johnson?

M. LOUBIER: Pardon? Vous avez dit Mme Johnson? Oui. J'ai trouvé cela amusant la photographie montrant le premier ministre et Mme Johnson en train de se faire la bise. Et je me suis dit, M. le Président: C'est la première fois que je vois Mme Johnson, en public, embrasser un premier ministre. Mais passons.

M. le Président, on s'est réveillé. Et là on arrive, aujourd'hui, on a brûlé toutes les étapes, on a brûlé tous les vaisseaux, et on s'insurge de constater que la réaction des chefs syndicaux est extrêmement violente.

C'est une réaction, M. le Président, que je condamne avec la même force que le premier ministre. Il est impensable et inacceptable que ce soient trois ou quatre individus qui veuillent saboter toute l'économie, au Québec, sans tenir compte de l'intérêt commun. Je condamne ces réactions violentes, ces écarts de langage, ces défis à la justice, à l'autorité. Il ne faut pas admettre que le Québec chante et danse devant Pepin, Laberge, Charbonneau et compagnie. Sur cela, je suis d'accord avec le premier ministre. Mais il faut savoir jusqu'à quel degré, par exemple, le gouvernement, à cause de son incurie, de son inertie, de son inconséquence, de son imprévoyance et mettez-en, M. le Président, ait un degré de complicité dans cette réaction.

M. le Président, je suis persuadé que si le gouvernement avait prêté l'oreille à nos suggestions qui datent de plusieurs semaines et qui ont été réitérées au cours des dernières semaines, que si le gouvernement avait porté une oreille attentive à nos suggestions, si nous avions passé par le canal de la commission parlementaire de la Fonction publique, si ultérieurement on n'avait pas déformé la suggestion que nous avons faite d'un moratoire de trois mois et, à ce moment-là, qu'on l'aurait appliqué parce qu'il n'y avait pas grève, il n'y avait pas conflagration, c'est probablement pour ça que le gouvernement n'agissait pas, parce qu'il n'y avait pas de conflagration et qu'il est habitué à agir strictement quand ça brûle partout et quand les dégâts se font de plus en plus considérables.

Il est à se demander également si ça n'était pas prévu par quelqu'un de laisser pourrir la situation à un tel point qu'on arriverait avec une loi matraque et disant qu'il n'y a plus d'autre issue. Il faut se demander si, dans l'esprit de certaines personnes, ce n'était pas une stratégie pensée longuement d'avance.

Je dis qu'il est évident que le gouvernement n'a pas voulu avant aujourd'hui poser des gestes positifs, se servir des mécanismes existants et également adopter les formules que nous proposions, qu'il adopte aujourd'hui après les avoir déformées, après ne pas avoir respecté une certaine chronologie qui était indispensable pour assurer que cette trinité de suggestions puisse avoir une application heureuse et puisse permettre également un accord ou encore une entente entre la partie syndicale et la partie patronale qui aurait été acceptable.

Je pense que le premier ministre doit se rendre compte de la situation et il s'en rend compte, j'en suis persuadé. Connaissant la

sincérité du ministre de la Fonction publique, je suis persuadé que pour lui la tournure des événements est dramatique, lui qui depuis des mois et des semaines surtout, jour et nuit, et je le sais, s'est vidé littéralement, a consacré toutes ses énergies, tous ses efforts pour essayer véritablement de déboucher sur une solution négociée. Et pourquoi ses autres collègues du cabinet ne l'ont-ils pas aidé en ce sens qu'on aurait pu mettre en place, en vigueur et en application la commission de la Fonction publique et d'autres moyens?

Je n'assiste pas, comme vous le comprendrez bien, au caucus de mes amis d'en face, mais est-ce que le caucus aussi n'aurait pas joué un jeu qui aurait obligé le premier ministre — parce que les députés de tous les partis de cette Chambre commençaient à être impatients, ne connaissant pas les deux revers de la médaille — le premier ministre n'a-t-il pas décidé trop rapidement et trop tard de prendre une décision aussi radicale, alors qu'il aurait pu — et qu'il pourrait encore, s'il veut — respecter le sens de la motion que je ferai en terminant, pourrait encore faire en sorte que ce conflit ne soit ni sur le plan social, ni sur le plan syndical, ni sur le plan économique un des détours les plus marquants de l'histoire du Québec et qu'il ne soit pas non plus un des chapitres qui vont faire en sorte que dans l'avenir on connaîtra encore des horizons de plus en plus assombris?

Je pense que le premier ministre me permettra de terminer en faisant appel au sens des responsabilités des gens du front commun, comme il l'a fait tout à l'heure pour tous les députés de cette Chambre. Je me permettrais de dire au premier ministre que nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous faisons également appel au premier ministre.

Nous faisons appel au premier ministre pour que, dans un effort suprême, ultime, les ponts ne soient pas coupés totalement, pour éviter, M. le Président, que l'on continue, parce qu'on a attendu évidemment, on a attendu qu'il y ait des sentences sévères, on a attendu également qu'il y ait des emprisonnements, on a attendu également qu'il y ait des explosions de langage, en fait, on a attendu que le feu soit pris partout et que l'affolement commence à s'emparer de différentes parties, soit syndicale ou patronale pour certaines personnes, pour poser un geste. Mais, si le premier ministre veut bien, ce soir, dans un dernier effort, et je pense que ce serait à la gloire du premier ministre, ce serait également démontrer au front commun, aux syndiqués, aux Québécois, à tous les députés, que jusqu'à la dernière minute tous les députés de cette Chambre trouvaient odieuse la loi matraque. Et jusqu'à la dernière minute, les députés de cette Chambre ont voulu, dans un effort concerté et collectif, tenter un dernier rapprochement possible avant cette loi d'urgence et d'exception.

Motion d'amendement

M. LOUBIER: Et conformément, M. le Président, aux dispositions de l'article 123 de notre règlement, je propose, appuyé par le député de Maskinongé, que la deuxième lecture du projet de loi 19, loi assurant la reprise des services dans le secteur public, n'ait pas lieu maintenant, mais dans quatre heures.

Et M. le Président, voici pourquoi. C'est qu'à ce moment-là le premier ministre pourrait rencontrer, avec le ministre de la Fonction publique, et s'il le veut, inviter les chefs des partis reconnus pour rencontrer une dernière fois les représentants du front commun et leur proposer ceci: Premièrement, qu'ils fassent un appel à tous les syndiqués pour un retour immédiat au travail. Que, deuxièmement, il y aura mardi, convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique. Que, troisièmement, il y aura également un moratoire de deux mois et qu'on accordera immédiatement des garanties solides à tous les syndiqués qu'ils auront un minimum d'offres telles qu'elles ont été formulées vers la fin des négociations, si l'on peut encore qualifier ces pourparlers de négociations, et à ce moment-là, qu'au bout de trois mois, un organisme indépendant, ou encore là, s'il y avait impasse absolue, si le gouvernement refuse ma suggestion d'un tribunal de travail ad hoc ou d'un autre organisme indépendant qui pourrait rendre objectivement, et à la lumière de certains critères, une sentence exécutoire à la satisfaction des parties, si le premier ministre s'y refuse, à cette troisième suggestion, qu'à ce moment-là on sache que la loi que l'on présente ce soir deviendra en vigueur et c'est la proposition que je fais au premier ministre, appuyé par le député de Maskinongé.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, je ne conteste pas la bonne foi du chef de l'Opposition en présentant sa motion. Il est indéniable, mais je dois lui dire qu'hier soir nous avons tenté un ultime effort, avec tous les ministres composant le comité interministériel, que jamais il n'a été question de la part de la partie syndicale qu'ils étaient prêts à faire un retour au travail, et que même s'il y avait ce retour au travail, rien ne nous dit qu'il n'y aurait pas une nouvelle grève dans deux ou trois semaines.

Le ministre des Affaires sociales a expliqué comment, même si la grève ne dure que depuis deux semaines, nous avons été dans un état de quasi-grève depuis cinq ou six semaines, étant donné la première grève générale d'une journée qui avait eu lieu et étant donné les problèmes dans les conditions d'admissibilité des hôpitaux.

Alors nous avons examiné, M. le Président, tout ce que propose le chef de l'Opposition. C'est à la lumière du même esprit qui l'anime, qu'hier soir nous avons accepté, même si auparavant nous avions refusé que des ministres siègent à la table de négociation, cette dernière rencontre. Pour mettre de l'ordre d'une façon réelle et non pas purement éphémère, nous avons décidé d'arriver avec ce projet de loi qui permet, comme le dit le chef de l'Opposition, la convocation de la commission parlementaire. On arrive aux mêmes objectifs du chef de l'Opposition, mais avec plus de sécurité pour la population.

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le premier ministre me permettrait... D'abord, je ne voudrais pas que le premier ministre me fasse injure en disant que ce sont mes suggestions en fait qui sont appliquées puisqu'on arrive aux mêmes objectifs. J'ai dit justement tantôt que les suggestions que j'ai faites sont justement placées à rebours et que ce n'est pas du tout comme ça qu'on aurait pu assurer une bonne négociation et un dénouement heureux.

J'ai une question à poser au premier ministre. Est-ce que le premier ministre a proposé hier, au front commun le moratoire, la commission de la Fonction publique qui siégerait mardi? Deuxièmement, qu'il y aurait un moratoire de trois mois, retour au travail immédiat, garantie minimale des offres, de telles offres sur le plan de la sécurité d'emploi, sur le plan des salaires, etc. Est-ce que le premier ministre veut dire à cette Chambre qu'il aurait proposé déjà ces trois formes ou ces trois formules de solution au chef du front commun et que ç'aurait été refusé?

M. BOURASSA: M. le Président, nous avons fait tel que ç'a m'a été rapporté, nous avons fait de nouvelles propositions à deux reprises et, comme ç'a m'a été rapporté, il n'y a pas eu de contrepropositions qui ont été faites par la partie syndicale, d'aucune façon.

M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre n'a pas répondu à ma question. Est-ce que le premier ministre ou un des ministres qui a assisté pourrait me répondre, s'il y a eu, aux chefs du front commun, aux représentants du front commun, premièrement, la proposition suivante de faite? Vous allez demander aux syndiqués de retourner au travail immédiatement. Nous allons convoquer pour mardi prochain — ou il aurait pu faire pour aujourd'hui cette convocation-là ou demain — la commission de la Fonction publique. Nous allons avoir un moratoire de deux mois, de trois mois. Entre-temps, ayez la garantie et l'assurance que vous avez au moins sur le plan de la sécurité d'emploi, sur le plan salarial, etc., des offres qui ont été faites par le ministre de la Fonction publique et au sujet desquelles il n'y aurait pas eu de contreproposition. C'est ça que je veux savoir.

M. BOURASSA: M. le Président, nous avons examiné toutes ces possibilités et j'ai répondu en partie tantôt, je le crois, à la question du chef de l'Opposition...

M. LOUBIER: La proposition au front commun.

M. BOURASSA: Non, j'ai dit que le gouvernement avait décidé que, si on accepte une partie de la proposition du chef de l'Opposition, c'est que la grève peut reprendre dans deux mois ou dans trois mois. Non, parce que le chef de l'Opposition ne propose pas la fin, la suspension du droit de grève dans la convention collective. Or, à la lumière des faits qui nous ont été soumis, il y a cinq ans ou six ans, je pense, lors de la grève des hôpitaux, vous avez fait une loi au bout de trois semaines...

M. LOUBIER: Parce qu'on était pris avec la loi de 1965.

M. BOURASSA: Oui, d'accord. Alors, au bout de trois semaines, vous avez fait une loi pour mettre un terme à la grève. Nous, il y a eu dix jours, pour...

M. LOUBIER: Non, pas du tout...

M. CLOUTIER (Montmagny): Pas une loi.

M. LOUBIER: ...deuxièmement, pour la Régie des alcools, la RAQ, il y a eu convocation de la commission de la Fonction publique, et ça s'est réglé...

M. LE PRESIDENT; A l'ordre! A l'ordre! Alors, je comprends que tous les députés sont désireux, sont dans l'esprit de la motion d'urgence, veulent accélérer les travaux et nous ne sommes pas encore rendus en comité plénier.

M. LOUBIER: Si le premier ministre me permet, est-ce qu'il pourrait faire ces propositions, en dernier recours, à la partie syndicale...

M. LEVESQUE: M. le Président, je pense que le premier ministre a permis deux ou trois questions.

Je crois qu'il serait un peu imprudent, à ce moment-ci, de permettre ce genre de débat. Je crois que d'autres députés ont l'intention de participer au débat, et si chacun avait cette latitude, je me demande, M. le Président, comment on finirait.

M. LE PRESIDENT: Nous en sommes à la motion d'amendement de l'honorable chef de l'Opposition et j'inviterais les membres de cette Chambre intéressés à parler sur la motion strictement à le faire. Je rappelle bien que le débat doit maintenant être circonscrit à l'opportunité de retarder de quatre heures l'étude de cette motion de deuxième lecture.

M. LOUBIER: Pour qu'il y ait rencontre avec la partie syndicale et que les propositions soient faites dans le sens que j'ai signalé tout à l'heure.

M. BOURASSA: La rencontre a eu lieu hier.

M. LOUBIER: Vous n'avez pas fait les propositions dont on parle.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef intérimaire du Ralliement créditiste.

M. Armand Bois

M. BOIS: M. le Président, à la suite de l'amendement que vient de proposer l'honorable chef de l'Opposition officielle, nous aurions certainement des commentaires à faire en vue de retarder de quatre heures la reprise du débat sur la loi no 19.

Nous aurions des commentaires à l'appui de cette motion, lesquels nous pourrions résumer comme ceci: Dans le moment, nous croyons qu'une injustice sociale, causée en partie par certains chefs ouvriers et en partie par le gouvernement, ne peut certainement pas être corrigée par une autre injustice sociale, soit par un projet de loi comme le projet de loi 19. Nous sommes au courant que certains chef ouvriers, je l'avais déjà mentionné au mois d'octobre, quand j'avais parlé des bilans des grandes centrales syndicales... Ici, je ne veux pas attaquer l'humbre ouvrier, je ne veux pas attaquer les chefs ouvriers intermédiaires, loin de là. Ce sont simplement ceux qui dirigent le mouvement et qui ont le droit de parole au nom de tous en n'étant que trois, la sainte Trinité.

D'un autre côté, le gouvernement a motivé lui-même une telle demande de la part du chef de l'Opposition officielle en retardant, d'une façon recherchée ou pas, les négociations pendant une période qui, à l'heure actuelle, en est rendue au treizième mois. Le but recherché par la loi qui nous est présentée peut être très bon, mais il est cependant défectueux. A l'heure actuelle, on se permet — et c'est sur quoi nous appuyons la motion — d'ignorer les droits de l'individu. C'est justement ces choses-là qui sont en mesure de nous amener une grève générale.

On a parlé de diverses motivations de la part du gouvernement. Le premier ministre a été extrêmement explicite, mais n'est-ce pas la fin de la liberté lorsqu'on prévoit qu'à un moment donné on favorisera, par un projet de loi qu'on adopterait aussi vite et sans y apporter plus d'attention, simplement l'avènement d'une véritable dictature socialiste au Québec. Je vais l'expliquer.

Une des raisons pour motiver le retard à appliquer cette loi est que l'on met en cause le concept même de la démocratie. Est-ce que, vraiment, les employés gouvernementaux ne peuvent ou ne pourraient obtenir les mêmes privilèges du code du travail que les autres ouvriers? D'après nos renseignements, il ne semble pas que cela s'appliquerait intégralement et dans tous les endroits. Le projet de loi mérite d'être retardé aussi parce qu'il est antinational et antisocial; antisocial parce que, même en défendant présumément le mieux-être de la population, on ne fait que prouver une injustice criante à l'endroit de plus de 200,000 fonctionnaires en prouvant que les retards apportés par les négociations ne sont pas aujourd'hui une excuse pour apporter une loi matraque.

M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement. Je ne voudrais pas être désagréable à l'endroit du chef intérimaire du parti du Ralliement créditiste du Québec, mais vous avez signalé tout à l'heure qu'il fallait s'en tenir, je pense, aux termes et à l'essence et au sens de la motion. Or, je pense que le député de Saint-Sauveur pourrait prononcer ces propos à l'occasion de l'étude de la loi ou de son discours en réponse à celui du premier ministre. Mais, si l'on permet à chaque député de débouler son discours qu'il avait préparé pour la loi elle-même, je vais changer ma motion et mettre 14 heures au lieu de 4 heures.

M. LE PRESIDENT: En écoutant attentivement l'honorable chef intérimaire du Ralliement créditiste, j'ai eu les mêmes doutes que le chef de l'Opposition officielle et même si, à certains moments, dans ses phrases, le chef intérimaire parle de vitesse quant à l'adoption de la loi, il est bien clair que l'ensemble de ses propos s'attaque au fond de la loi.

Alors, je l'inviterais à ne pas nous parler du fond de la loi, du principe de la loi, mais bien de nous dire plutôt pourquoi cette étude devrait être retardée de quatre heures.

M. BOIS: M. le Président, j'apprécie la remarque du chef de l'Opposition officielle, cependant ce n'est quand même pas ma faute s'il a demandé quatre heures au lieu de demander six ou huit heures.

M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer au chef intérimaire que quatre heures ou quatorze heures ne changent rien quant à la règle de pertinence du débat.

M. BOIS: Alors, M. le Président, je continue mes brèves remarques en demandant surtout ceci: Est-ce qu'à l'heure actuelle — et ça je pense bien que ça fait partie de la motion d'amendement — les chefs syndicaux sont de connivence avec le gouvernement ou le gouvernement ne l'est-il pas avec eux? Le gros de ma question est justement ce qui nous permettrait de retarder...

M. GARNEAU: Mettez-en, mais ne foulez pas.

M. BOIS: ... l'étude du projet de loi lui-même pour une ou deux journées de plus, ce qui donnerait au gouvernement le privilège de convoquer la commission...

M. TREMBLAY (Bourassa): Nous voulons Camille.

M. BOIS: Nous le savons que vous le voulez, ce n'est pas un problème. En autant que je suis concerné, je sais pourquoi. Alors, M. le Président, les désirs du gouvernement sont très perceptibles et je les apprécie parce que ça démontre la situation actuelle et je trouve que nous devons définitivement exiger de la part du gouvernement qu'il y ait rencontre le plus tôt possible afin de justifier la demande d'amendement qui nous est faite.

De plus, nous voulons absolument que la commission parlementaire se réunisse après, avec en vue la convocation d'un tribunal spécial et nous aurons l'occasion d'en parler plus tard. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef parlementaire du Parti québécois.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, malgré que la motion présentée par le député de Bellechasse nous semble être un pis aller, dans les circonstances, étant donné que nous aurions préféré que le délai soit beaucoup plus grand, nous nous sentons quand même obligés de l'appuyer parce que, malgré le petit nombre d'heures qui est inclus dans cette motion pour l'adoption du projet en deuxième lecture, cette motion nous semble apporter deux éléments qui corrigeraient, malgré tout, bien que d'une façon minime, ce que comporte d'odieux, à nos yeux, ce projet de loi. Le premier, c'est que quand même ceci nous permettrait de pallier le secret absolu dans lequel on a voulu entourer les négociations entre l'Etat patron et la partie syndicale.

Nous avons déploré ce secret à plusieurs reprises. Nous l'avons déploré à plusieurs titres, parce qu'il s'agissait des fonds publics. Lorsqu'il s'agit des fonds publics, il nous semble que lorsqu'un conflit a atteint la situation d'impasse, il revient non pas seulement à l'Etat patron d'être au courant des négociations, d'être au courant des offres et des contre-offres du jeu dialectique des propositions et descontreproposi-tions, mais il revient à tous les élus du peuple de connaître exactement le déroulement des négociations.

Evidemment, le chef de l'Opposition officielle n'a pas mentionné dans sa motion que les chefs des partis reconnus auraient le droit de parole pendant cette rencontre. Il a cantonné le rôle des partis reconnus à celui d'observateur. Cela me paraît insuffisant et déplorable en un sens, puisque j'aurais aimé quand même que les chefs de partis reconnus aient le droit d'intervenir et même de proposer dans ce cercle restreint des hypothèses, des propositions. Mais, malgré tout, même si nous n'avons pas ce droit de parole, je pense qu'il serait quand même très important, psychologiquement, que les chefs des partis reconnus soient là comme observateurs. Puisque ceci pourrait situer nos interventions ultérieures dans un cadre beaucoup plus réaliste et dans un cadre d'une information beaucoup plus véridique et beaucoup plus complète.

J'entendais tout à l'heure le premier ministre répondre au député de Bellechasse: Le front commun ne nous a fait aucune contreproposition. J'aimerais, pour ma part, assister à cette réunion et voir le premier ministre demander aux chefs des centrales syndicales, aux chefs du front commun si, véritablement, ils n'ont pas fait de contrepropositions, s'il est vrai, par exemple, que les chefs des centrales syndicales n'ont pas offert au gouvernement de les rencontrer à nouveau, à une heure ultérieure au cours de la journée actuelle ou au cours de la journée qui suivra. J'aimerais connaître, j'aimerais entendre de la bouche des dirigeants du front commun quelles sont les objections qu'ils ont eues à la dernière proposition gouvernementale, l'indication des contrepropositions qu'ils n'ont peut-être pas faites mais qu'ils auraient faites à un stade ultérieur.

Il nous semble, au point où nous en sommes rendus, qu'il est absolument essentiel qu'au moins les chefs des partis reconnus soient au courant, soient tenus informés de ces renseignements absolument indispensables à la poursuite d'un débat cohérent et logique.

Donc, pour cette première raison de dévoilement partiel du secret au stade où en sont rendues les négociations, il me semble que le gouvernement devrait accepter cette proposition du député de Bellechasse, même si, encore une fois, pour notre part, nous aurions souhaité que le délai soit beaucoup plus long et que le rôle imparti aux chefs des partis reconnus ne soit pas simplement celui d'observateur, mais celui d'observateur participant.

Deuxièmement, nous sommes d'accord avec cette proposition pour une raison, cette fois, symbolique. C'est que tout ce qui peut retarder l'adoption d'une loi d'urgence, l'adoption d'une loi spéciale nous paraît digne d'être soutenue, parce que cela marquera ainsi notre profonde réprobation pour ces lois d'exception qui sont présentées depuis trop souvent dans cette Chambre depuis quelques années et qui constituent, au fond, une violation par le gouvernement lui-même des lois qu'il a acceptées dans le passé. Jamais nous n'insisterons assez pour blâmer un gouvernement de passer outre toutes les fois qu'un débat atteint une proportion qui dépasse un certain degré, de passer outre aux lois que les gouvernements antérieurs, que ce gouvernement lui-même a adoptées, à la suite d'études très sérieuses, à la suite de débats qui

s'appuyaient sur une connaissance d'une réalité qui lui avait été soumise par toutes les parties en cause.

Donc, pour cette deuxième raison qui est plus symbolique, évidemment, que fondée sur des faits précis, nous appuierons également cette proposition du député de Bellechasse. Encore une fois, si nous avions eu l'occasion de présenter une motion d'ajournement avant le député de Bellechasse, il est probable que notre proposition aurait été formulée en termes plus larges qui aurait permis un corridor, qui aurait permis une plus grande latitude d'action aux divers partis de l'Opposition, qui aurait permis un élargissement de la discussion, un approfondissement de la discussion, qui aurait peut-être permis la présentation d'hypothèses de travail, qui nous aurait permis à la longue, peut-être d'éviter cette loi d'urgence, cette loi d'exception.

Encore une fois, je ne peux que le déplorer et, dans les circonstances, M. le Président, notre groupe se ralliera à la proposition du député de Bellechasse.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi. J'ai reconnu à la fois l'honorable ministre de la Fonction publique et l'honorable député de Chicoutimi.

L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais dire quelques mots pour appuyer la proposition faite par le député de Bellechasse.

Cette motion est logique parce qu'elle s'articule aux propos que le chef d'Unité-Québec a tenus cet après-midi lorsqu'il a reconnu l'urgence de procéder à la mise en place de mesures qui permettraient de mettre fin à la grève qui sévit actuellement au Québec et dont souffrent tous les citoyens, à commencer par les syndiqués eux-mêmes.

Le chef de notre parti a fait, ce matin, cet après-midi et ce soir, une démonstration assez éloquente sur l'inertie du gouvernement. Il a démontré, de façon évidente, que si l'on en était réduit à devoir examiner un projet de loi, qui est un projet de loi d'urgence, c'est que le gouvernement n'avait pas utilisé tous les moyens et tous les recours qui sont à sa disposition.

Le gouvernement s'est réveillé, ce matin, pour découvrir que le Québec était dans une situation d'urgence, qu'il y avait crise grave, que la situation devenait, de minute en minute ou d'heure en heure, dramatique et qu'il fallait procéder, le plus tôt possible, à présenter un projet de loi pour mettre fin à la grève.

Ce projet de loi, M. le Président, le chef de notre parti l'a dit, est un projet de loi extrêmement brutal. Nous avons, cependant, reconnu, avec la majorité des membres de cette Chambre, qu'il y avait urgence. Et c'est parce qu'il y a urgence que le député de Bellechasse a inséré dans sa motion une disposition demandant que ledit projet de loi soit retardé de quatre heures.

Le député de Bourget a dit tantôt que quatre heures, ce n'était pas suffisant, que c'était bien peu de temps. Mais il me semble que quatre heures c'est beaucoup lorsqu'on pense que nous devrons, si le gouvernement ne se rend pas à notre demande, adopter un projet de loi qui forcera les syndiqués à retourner au travail et qui nous forcera, nous, à donner notre approbation ou à refuser notre approbation alors que nous n'avons pas tous les renseignements disponibles, alors que nous ne disposons pas de tous les éléments qui nous permettraient de porter un jugement serein, objectif, un jugement éclairé sur la situation. Tout ce que nous savons du conflit, tout ce que nous savons des propositions qui ont été faites, de part et d'autre, c'est ce que le ministre de la Fonction publique nous en a dit, c'est ce que les chefs des syndicats nous ont dit, c'est ce que les journaux en ont rapporté.

Dans ce chassé-croisé de déclarations, de contradictions, vous comprendrez qu'il est difficile aux législateurs, aux observateurs de l'extérieur, qui n'ont pas participé aux travaux des négociations et, du reste, qui n'avaient pas le droit d'y participer, enfin, ils ne sont pas partie liée à ces négociations... Tout ce que nous en savons, M. le Président, ce sont les échos qui nous sont parvenus par le gouvernement, par les syndicats ou par les divers moyens de diffusion.

Mais nous n'avons pas vu, nous n'avons pas pu suivre le déroulement des négociations. Nous ne savons pas exactement de quelle façon les propositions du gouvernement ont été présentées à la table centrale et aux tables sectorielles. Nous ne connaissons pas, non plus, quelles ont été les réactions des syndicats, des représentants du front commun. Nous ne savons pas du tout non plus, M. le Président, de quelle façon les contrepropositions du front commun ont été faites et comment elles ont été reçues par le ministre de la Fonction publique et par ses collègues qui, hier soir, de toute urgence, se sont réunis pour essayer d'éteindre, comme le disait le chef de l'Opposition, le feu.

Ainsi donc, M. le Président, parce que nous reconnaissons qu'il y a urgence, nous considérons qu'un délai de quatre heures est quand même suffisant pour permettre aux parties de se rapprocher, d'essayer de se rapprocher, pour permettre aux parties de connaître le texte de la loi et pour permettre aux parties d'utiliser les moyens qu'a suggérés, depuis longtemps, le chef de l'Opposition.

Tout à l'heure, le chef de l'Opposition a posé une question très précise au premier ministre. Il lui a demandé si ce que lui-même avait proposé à la Chambre, cela avait été proposé par le gouvernement à la table des négociations et lors de la rencontre d'hier soir. Nous n'avons pas eu de réponse. Il semble que ce soit non. Pendant

ce délai de quatre heures, M. le Président, le gouvernement pourrait, avant que d'appliquer sa loi matraque, reprendre les propositions du chef de l'Opposition, les reprendre dans l'ordre, les soumettre aux représentants du front commun afin que ceux-ci...

M.BOURASSA: M. le Président, le député parle d'une loi matraque. Cela veut donc dire que toutes les lois présentées par les différents gouvernements sur des sujets analogues étaient des lois matraques?

M. PAUL: On va vous en parler tantôt.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous aurons l'occasion de reprendre ce sujet. Mais je dis tout de suite au premier ministre — je le dis parce que je l'ai déjà dit, et je le répète — que je n'aime pas les lois d'exception, même si le gouvernement dont j'ai été membre a été obligé d'en adopter, à cause de l'incurie du gouvernement qui avait précédé le nôtre et qui n'avait pas mis en place, au moment où il a donné le droit de grève dans le secteur public, des mécanismes de négociation qui eussent permis d'éviter les conflits majeurs que nous connaissons à l'heure actuelle.

Ce n'est que progressivement, à l'usage, que nous nous sommes rendu compte que cela faisait défaut, que nous n'étions pas munis de tout ce dont nous avions besoin pour permettre une utilisation du droit de grève qui soit conforme aux intérêts des travailleurs, des syndiqués en même temps qu'aux intérêts du public, des citoyens en général.

M. le Président, l'avantage de ce délai, de cette sorte d'ajournement que propose le chef de l'Opposition, c'est qu'il permettrait au premier ministre, aux membres du cabinet et aux députés du parti du gouvernement de réhabiliter le ministre de la Fonction publique, qui a été humilié publiquement, aujourd'hui, par la présentation de ce projet de loi, qui a été humilié parce que le caucus a voulu adopter la ligne dure...

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... et que le premier ministre a cédé devant les pressions du caucus, au mépris...

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement !

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. BOURASSA: M. le Président, je ne sais pas si le nouveau règlement permet de dire que ce que vient de mentionner le député de Chicoutimi sont des mensonges purs et simples, disons que ce sont des inexactitudes. Ce n'est pas parce que, dans notre parti, le caucus a une importance qu'il n'a pas dans les autres partis qu'on doit dire qu'il n'y a pas solidarité dans le Parti libéral.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux bien croire le premier ministre. Je ne veux pas insister là-dessus. Mais personnellement, si j'étais à la place du ministre de la Fonction publique, je me sentirais profondément humilié...

UNE VOIX: II va répondre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... par l'attitude du premier ministre, par celle de ses collègues et par celle du caucus.

Pardon? Est-ce que le ministre de la Fonction publique a une question?

M. L'ALLIER: J'ai dit: Une chance que le député de Chicoutimi n'est pas à ma place, parce que la négociation serait terminée depuis longtemps, compte tenu de la ligne que prend son parti face au syndicalisme.

M. LOUBIER: M. le Président, sur une question de privilège. J'ai dit à maintes reprises — et je le répète — qu'il est vrai que notre parti n'est soudé et n'a les mains liées par quelque organisme que ce soit, qu'il soit patronal, qu'il soit syndical. Nous ne sommes pas au service d'institutions, nous sommes au service des citoyens. Et j'ai défini tout à l'heure quelle était la conception du syndicalisme. J'ai dit que c'était un élément essentiel dans notre économie. J'ai dit également que ça devait être une force positive, que ça devait être sur le même palier que le patronat et le gouvernement et que ça devait être trois partenaires dans l'économie du Québec, et non pas des antagonistes ou des ennemis.

Mais je pense que le député de Deux-Montagnes, au lieu de procéder à des insinuations de ce genre, affaiblit...

M. CHOQUETTE: Est-ce que nous n'entendions pas tout à l'heure le député de Chicoutimi, alors que le chef de l'Opposition est en train d'humilier son collègue en interrompant son discours?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition officielle a posé la question de privilège. Je l'ai laissé procéder comme il se doit, mais c'est qu'il est en train de faire un discours. Je pense qu'il a suffisamment rétabli les faits sans être obligé d'argumenter très longuement sur la position officielle de son parti, sur sa philosophie syndicale.

M. LOUBIER: Pas du tout, M. le Président, je pense qu'une accusation peut être très courte, mais que, pour donner véritablement une bonne compréhension de notre définition de nos approches ou de notre perception du

syndicalisme, je me demande si je peux dans dix secondes répondre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Justement l'honorable chef de l'Opposition officielle vient de m'ouvrir la porte. Ce n'est pas le temps en ce moment pour le chef...

M. LOUBIER: Je la referme tout de suite.

M. LE PRESIDENT: ...de l'Opposition officielle de donner, précisément ce que je venais de dire, la position officielle de son parti ou de lui-même sur le problème du syndicalisme. Il a, je pense, rétabli les faits assez brièvement à la suite d'une intervention hors d'ordre de l'honorable ministre de la Fonction publique et je pense que tout le monde a compris ce qu'il y avait à comprendre.

M. LOUBIER: Vous êtes satisfait, M. le Président, de ma mise au point.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi. Et je lui rappelle que, s'il n'y avait pas eu d'interruption, son droit de parole serait épuisé. Tenant compte des interruptions, et étant très généreux, je lui dis qu'il aura épuisé son droit de parole à 10 h 20.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai encore quatre minutes pour faire comprendre au ministre de la Fonction publique que la proposition du chef de l'Opposition a précisément pour but de respecter le syndicalisme. C'est une démonstration du grand respect qu'a le chef de notre parti pour les droits des syndiqués. Et si j'ai tout à l'heure insisté sur le fait que cette dernière tentative que nous faisons aiderait le ministre de la Fonction publique à se réhabiliter, il me semble qu'il ne devrait pas le prendre comme il l'a pris.

Le ministre de la Fonction publique aura le loisir de me répondre. Il nous dira ce qui s'est passé. Nous en croirons ce que nous voudrons. Mais j'insiste sur le bon sens de la proposition du chef de l'Opposition; un délai ultime qui permettrait au ministre de la Fonction publique et à ses collègues d'essayer encore une fois de régler le problème, de faire accepter certaines modalités temporaires de règlement avant que de nous obliger à nous prononcer sur un projet de loi qui est extrêmement brutal et dont à ce moment-là le ministre de la Fonction publique lui-même portera la responsabilité et en raison duquel il se fera traiter à son tour d'antisyndicaliste.

C'est pour le protéger que je lui dis ça, c'est pour l'aider que je lui dis ça, c'est encore une fois pour venir à la rescousse d'un gouvernement faiblard, d'un gouvernement qui manque de leadership, d'une absence de gouvernement, comme l'a dit le chef de l'Opposition aujourd'hui qui a attendu jusqu'à la dernière minute, qui a refusé toutes nos propositions concrètes et qui, ce soir, par le truchement d'un projet de loi, nous les représente à rebours, à l'envers du bon sens et s'apprête à nous demander d'endosser un geste brutal qui démontrera, encore une fois, qu'il n'intervient que lorsque les choses sont gâtées, que lorsqu'il n'y a pas moyen de faire autrement et qu'il n'intervient que lorsqu'il a brûlé un autre de ses ministres comme c'est le cas du ministre de la Fonction publique.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, je n'ai pas l'intention d'être très long. Vous voyez, M. le Président, avec quel sérieux nos collègues d'en face écoutent les propos que nous faisons de bonne foi, animés d'un désir sincère, nous aussi, de participer à un règlement de cette situation quasi anarchique qui existe actuellement au Québec.

M. le Président, durant les négociations, nous avons constamment entendu le ministre de la Fonction publique nous dire que le moyen normal du règlement du conflit était la négociation. Encore mardi de cette semaine, nous avons entendu le ministre de la Fonction publique faire la même déclaration; il était sincère comme il l'est encore ce soir, M. le Président. Je ne mets aucunement en doute la sincérité du gouvernement dans la présentation de son projet de loi, même si nous pouvons différer d'opinion sur les moyens pris pour régler la situation qui existe actuellement au Québec.

M. le Président, le chef de l'Opposition a présenté une motion; nous avons tenu compte, dans la présentation de cette motion d'amendement, que nous sommes dans un débat d'urgence; nous sommes dans l'étude d'une loi d'urgence et le chef de l'Opposition, tout à l'heure, a fait appel au sens commun et aux responsabilités des chefs des grandes centrales syndicales. Il a fait appel au sens des responsabilités des ministres. Tous les députés, ce soir, ont conscience des heures difficiles et graves que nous sommes appelés à traverser. Si ça chatouille le premier ministre de voir qu'il n'est pas le parrain de telle motion, en vertu de notre règlement, le chef de l'Opposition va se lever, il va...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse auprès de l'honorable député de Maskinongé, mais je voudrais rappeler aux honorables membres de cette Chambre l'article 25 de notre règlement qui demande aux députés de prendre leur place, leur siège et de garder silence à moins d'avoir obtenu la permission de parler.

L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je n'ai aucun doute que nous allons voir bientôt le ministre

des Terres et Forêts reprendre son fauteuil; nous allons voir le député de Taillon prendre son fauteuil; nous allons voir le ministre d'Etat attaché à l'environnement prendre son fauteuil; nous allons également voir d'autres collègues, le député de Saint-Jean prendre son fauteuil...

UNE VOIX: L'Islet.

M. PAUL: ... nous allons voir le député de L'Islet s'en aller à son fauteuil. De toute façon, M. le Président, je suis sûr qu'on va vous écouter; je vous en remercie.

M. le Président, comme de raison je n'ai pas voulu blesser la modestie du leader du gouvernement.

Nous disions donc que le gouvernement ne doit pas rejeter par un simple Caprice du revers de la main, la proposition extrêmement sérieuse du chef de l'Opposition. C'est la première fois, dans l'histoire parlementaire du Québec, que nous avons une motion aux fins de retarder la deuxième lecture d'un projet de loi que de quatre heures. Nous restons dans le climat, dans le caractère d'urgence de l'adoption de cette loi. Et, tous les chefs syndicaux sont présents à Québec. Sûrement qu'ils ne sont pas sans réaliser, eux aussi, la grarvité de la situation. Je ne puis pas croire un seul instant qu'ils ne regrettent pas les paroles qu'ils ont lancées et qui pourraient leur attirer des ennuis — disons que je suis excessivement pondéré en prononçant de telles paroles. Je suis sûr qu'en face des événements, devant un appel unanime de l'Assemblée nationale, ils vont réaliser que, de deux choses, l'une ou l'autre va se produire. Ou bien la loi que certains qualifient de matraque ou reprise immédiate des négociations avec retour au Travail des employés de la fonction publique, des services publics et parapublics. A ce moment-là, nous aurons atteint notre objectif. Tous les députés veulent, ce soir, mettre fin au conflit qui existe entre, d'une part, l'employeur Etat et d'autre part, les syndiqués. On nous reprochera certaines remarques comme celles faites par le député de Bellechasse, le député de Chicoutimi et nous avons vu les députés d'en face nous dire: Vous avez voté trois lois d'exception, vous aussi. M. le Président, lorsque nous avons voté le bill 25, le gouvernement n'était pas partie à la grève; il était payeur, mais non pas partie.

La deuxième loi d'exception que nous avons votée, c'était pour mettre fin à la grève du transport à Montréal, à la toute fin de l'Expo universelle de 1967. Le gouvernement n'était pas partie. La troisième loi, c'était pour mettre fin à la grève des policiers de la ville de Montréal, le 7 ou 8 octobre 1969. Et, encore là, le gouvernement n'était pas partie. Mais, dans cette loi, le gouvernement est partie à un conflit et nous voulons trouver une solution. Je suis certain que, dans un délai de quatre heures, il y a possibilité pour que le ministre de la Fonction publique, pour le premier ministre et pour tous ceux-là, le ministre des Finances, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Education de rencontrer à nouveau les chefs du front commun, en présence des chefs des partis d'Opposition qui ne seront là que comme observateurs. Si cette rencontre ne produit pas d'effet, M. le Président, nous reviendrons dans quatre heures pour continuer l'adoption de la loi. Et on va nous dire que c'est une mesure dilatoire sans chance de succès Je vois le ministre des Finances qui fait signe que non.

M. GARNEAU: Ce n'est pas une mesure dilatoire, c'est une mesure remplie de naïveté.

M. PAUL: M. le Président, je remercie le ministre des Finances, mais, j'espère qu'il ne croit pas être le seul à avoir assez de vertu pour être capable de régler tous les problèmes que nous avons au Québec.

M. GARNEAU: M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai prétendu.

M. PAUL: II y en a eu des situations de la part du gouvernement qui l'a précédé, et nous n'avons jamais refusé des suggestions valables de la part de son chef à lui, alors qu'il n'était que son secrétaire; le chef de l'Opposition, l'honorable Jean Lesage.

M. GARNEAU: C'est un homme compétent.

M. PAUL: II est tellement compétent que c'est encore lui qui vous dirige et vous gouverne. Vous n'êtes pas capable de prendre vos responsabilités.

M. GARNEAU: Elle est vieille.

M.PAUL: Levez-vous donc, apportez donc des arguments sérieux.

M. GARNEAU: Attendez et continuez, on va y aller tout à l'heure.

M. PAUL: Voyez, M. le Président, comme ils sont nerveux.

M. LOUBIER: Vous ne l'appelez pas à l'ordre, M. le Président, quand c'est le ministre des Finances...

M.PAUL: Je comprends qu'en vertu de l'article 40...

M. LOUBIER: ... quand il y a des gens qui ne sont pas assis à leur siège, quand le ministre des Finances interrompt à huit ou dix reprises le député de Maskinongé confortablement assis. Vous regardez cela d'un oeil amusé, c'est fort.

M. LE PRESIDENT: Peut-être que l'honorable chef de l'Opposition ne me croira pas, mais je n'ai rien entendu de la part du ministre des Finances.

DES VOIX: Vous êtes sourd.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Vous êtes sourd.

M. LOUBIER: M. le Président, je vous ai déjà dit... Je m'excuse.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je déclare que vous êtes sourd publiquement.

M. LE PRESIDENT: Non, c'est que le ministre des Finances parlait trop bas, probablement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II parle très mal, alors?

M. PAUL: M. le Président, je vous inviterais à lire l'article 40, et j'inviterais tous les députés à ne pas parler afin de ne pas vous déranger dans votre lecture et surtout dans la compréhension de cet article. J'espère qu'avec le nouveau règlement nous n'aurons pas la même attitude de votre part qu'avec l'ancien règlement, et j'en passe.

M. le Président, nous lançons cet appel de bonne foi au gouvernement. Nous avons encore foi dans le sens des responsabilités des chefs syndicaux. Donnons-leur donc une dernière chance. Si ça ne fait pas, nous adopterons la loi et ils seront les seuls à supporter les conséquences d'une législation qu'ils veulent, M. le Président. Ils la veulent. C'est beau d'inviter les syndiqués à ne pas respecter la loi dans le but de ne pas compromettre en ce moment, les discussions possibles que le gouvernement voudra offrir aux chefs du front commun. Je n'insiste pas davantage sur ce point et j'espère que l'occasion ne me sera pas fournie, dans le cours de cette séance, d'élaborer davantage sur ce point.

Voilà pourquoi, M. le Président, nous appuyons avec empressement la motion du député de Bellechasse, chef de l'Opposition, qui jusqu'ici a été logique dans son attitude à défendre les syndiqués et ce même au détriment des intérêts des chefs syndicaux.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, nous comprenons évidemment que l'honorable chef de l'Opposition a présenté une motion d'amendement visant à retarder la deuxième lecture de ce bill à quatre heures. Cela fait presque une heure déjà que l'amendement a été proposé alors, je me contenterai de quelques brèves remarques afin de ne pas étendre le débat davantage.

Je voudrais rappeler que nous aimerions être conséquents avec les discours que j'ai prononcés cet après-midi à l'effet que j'avais déjà l'impression que ce règlement, par la loi que nous n'aimons personne, était déjà une semaine en retard. Nous avons établi, par le vote des membres de cette Chambre, l'urgence. Si je me rappelle bien, le vote de 80 contre 8 établissait assez clairement que suivant les membres de cette Chambre, il y avait état d'urgence.

Je voudrais rappeler également qu'en 1970, au mois d'octobre ou de novembre, nous avions également voté une loi et ce fut voté à l'unanimité, si ma mémoire est bonne. Cette loi obligeait le retour au travail des médecins dans la province de Québec. Nous l'avions voté à l'unanimité parce que, si je me rappelle bien, il y avait un danger pour la santé publique du fait que les médecins spécialistes n'étaient pas au travail.

Cette argumentation est suffisante pour nous convaincre qu'il nous fallait donner suite dans l'immédiat au projet de loi qui nous était proposé et je le considérais comme draconien personnellement mais, devant deux intérêts devant les intérêts, qui étaient discutables, des médecins spécialistes, devant les intérêts de la population, devant le danger pour la santé publique qui nous était présenté, nous avions convenu de ne pas porter opposition à cette loi.

Or, nous avons ce même danger qui est répété aujourd'hui. Ce ne sont pas les médecins qui constituent ce danger parce qu'ils sont prêts, à toute heure, à faire leur devoir mais les événements malheureux que nous connaissons, la grève générale fait qu'actuellement il y a un danger pour la santé publique au Québec en plus de tous les autres dangers, ce qui fait qu'il y a une réelle urgence.

Je pourrai vous en parler plus longuement dans mon discours de deuxième lecture. J'ai préparé quelques notes à cet effet mais, pour le moment, je considère qu'il y a urgence mais également je constate que l'amendement présenté par l'honorable chef de l'Opposition est un ultime effort, un effort de dernière heure qui serait tenté. Ce n'est pas quatre heures de plus ou quatre heures de moins qui feront la différence car, si cet effort ne donnait aucun résultat, la loi serait quand même adoptée dans les délais prévus pour qu'elle prenne force à la date et à l'heure prévues. Ce qui veut dire qu'en principe ou en pratique cela ne changerait rien si cet ultime effort ne donne pas de résultat.

Or, comme il n'y a qu'un délai de quatre heures pour savoir si oui ou non l'honorable chef de l'Opposition a eu un bon jugement, en prétendant que ces quatre heures pouvaient permettre un déblocage, permettre d'empêcher que les parlementaires soient obligés d'adopter cette loi pour régler le conflit, évidemment, on ne le sait pas, on peut prétendre qu'avec les attitudes que nous connaissons par l'entremise

des media d'information des chefs syndicaux, on pourrait prétendre que ces quatre heures ne donneraient rien ou ne changeraient rien. Mais je pense que nous avons quand même le devoir de leur laisser le bénéfice du doute. Si ça ne change rien, nous serons d'autant plus en conscience d'appuyer la loi.

S'il y a quelque chose de changé, je pense que tout le monde sera fier d'avoir pu éviter d'adopter une telle loi pour régler le problème.

Comme je le dis, c'est une tentative de dernière heure qui peut nous apporter un changement qui fera plaisir à tout le monde y compris les syndiqués ou qui pourra nous permettre de juger et de déclarer que nous n'avions pas d'autre choix, que nous avons tout essayé, si on nous demandait un délai de quarante-huit heures ou de trois jours, cinq jours, deux semaines, trois semaines, à ce moment-là, ça pourrait être différent, mais on nous demande un délai de quatre heures. Qu'est-ce que ça peut changer à ce stade-ci? En fait, le Parlement ne risque rien, les députés ne risquent rien d'attendre quatre heures. Il y aurait peut-être, d'un autre côté, l'avantage que ça puisse se régler sans que nous soyons obligés de continuer. A ce moment-là, je suis certain que le premier ministre, s'il y avait un déblocage, tel que le prétend le chef de l'Opposition, se ferait un plaisir de retirer sa loi et ça ferait plaisir à tout le monde aussi parce que nous ne votons pas cette loi pour le plaisir de voter une loi... Si nous l'avons devant nous c'est parce que nous considérons, de façon majoritaire, qu'il n'y a pas moyen de faire autrement.

Mais, si la suggestion qui nous est apportée par l'honorable chef de l'Opposition permettait ce déblocage, je pense que nous nous devons d'accorder le bénéfice du doute aux chefs syndicaux. Nous nous devons de permettre cette rencontre, quelles que soient les personnes qui y assistent, qu'on permette ou non aux chefs des différents partis de cette Chambre d'assister à la réunion, j'y attache peu d'importance, mais qu'on permette au moins une dernière rencontre. En acceptant la motion d'amendement du chef de l'Opposition, nous permettrions cette dernière rencontre. Nous permettrions cette dernière manoeuvre ou cette manoeuvre de dernière heure qui pourrait peut-être changer l'ensemble du problème et qui pourrait peut-être nous éviter d'être obligés d'adopter cette loi qui ne fait plaisir à personne. Il n'y a aucun député dans cette Chambre qui aime être obligé d'adopter des lois comme celle-là.

J'ai vécu l'expérience du bill no 38. Nous avons voté pour le bill no 38, parce que, en conscience, nous nous devions de l'appuyer. Mais quand même, après que ces choses sont passées, il reste qu'il faut interpréter, auprès de la population, nos gestes. Ce n'est pas toujours facile. Alors, si on peut éviter de poser le geste que nous sommes à poser présentement par l'adoption de la loi no 19, si on peut l'éviter, je pense que notre devoir est de l'éviter ou, du moins, tenter de l'éviter.

C'est pourquoi nous allons appuyer la motion de l'honorable chef de l'Opposition.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: M. le Président, avant que l'honorable ministre de la Fonction publique prenne la parole, je voudrais intervenir pendant quelques instants et avec vous constater qu'il semble présentement se faire l'unanimité de tous les partis d'Opposition en faveur de la motion présentée par l'honorable chef de l'Opposition. Il semble également que le gouvernement se prépare à rejeter cette proposition ou, du moins, c'est ce que nous a laissé entendre tout à l'heure le premier ministre. Nous espérons qu'au cours de ces quelques instants qui ont précédé mon intervention et qui précèdent l'intervention du ministre de la Fonction publique, le gouvernement va se raviser et qu'il va accepter la proposition du chef de l'Opposition.

Le premier ministre a mentionné tout à l'heure qu'il y avait eu cet ultime effort hier soir, lorsqu'un comité ministériel a rencontré les représentants du front commun. M. le Président, hier soir, il y avait le ministre de la Fonction publique, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Education et le ministre des Finances. Mais, alors il n'y avait pas de projet de loi déposé en première lecture. Il n'y avait pas non plus, comme l'a suggéré le chef de l'Opposition, la présence du premier ministre, la présence du chef de l'Opposition officielle et la présence des chefs des deux autres partis reconnus. Si cette suggestion ou cette motion était acceptée par le gouvernement, cela signifie que les principaux responsables de l'Assemblée nationale, du pouvoir législatif, soit le premier ministre, le chef de l'Opposition et les chefs des autres partis, assistaient à cette réunion et démontreraient jusqu'à quel point l'Assemblée nationale est intéressée à éviter tout affrontement majeur et offrir une dernière chance au gouvernement, aux représentants du front syndical et, au même moment également, en présence des chefs de partis, le premier ministre pourrait offrir le moratoire de deux mois ou de trois mois.

Dès le retour au travail, certaines conditions seraient offertes, garanties aux syndiqués. Comme le disaient le chef de l'Opposition officielle et les autres députés qui m'ont précédé, le premier ministre pourrait offrir que la commission parlementaire siège immédiatement ou mardi et que le tout soit discuté. Nous verrions une force un peu spéciale rencontrer les représentants de tous les groupes. Il ne faudrait pas qu'encore une fois le gouvernement soit le seul à faire le pas parce qu'il y a quand même 55 p.c. des représentants élus dans cette Chambre qui, jusqu'à ce moment, favorisent la motion du chef de l'Opposition officielle. Je suis certain que cette planche lancée au ministre

de la Fonction publique, il ne peut faire que l'accepter pour retourner devant le front commun avec ses appuis autour de lui, faire une proposition concrète, remettre ce projet de loi dans les tiroirs et ne pas l'utiliser.

Ainsi, M. le Président, les syndiqués ou les employés de la Fonction publique, les employés des services parapublics pourraient retourner immédiatement au travail, recevoir des avantages, voir leurs problèmes se discuter à la commission parlementaire de la Fonction publique et voir également que le Parlement, par l'entremise des chefs de parti, par l'entremise du premier ministre, a pris au sérieux cette situation qui, présentement, est très pénible à supporter.

Je crois que le ministre de la Fonction publique devrait faire accepter, par ses collègues du gouvernement, la proposition du chef de l'Opposition officielle qui, d'ailleurs comme l'a souligné le député de Chicoutimi ou le député de Maskinongé, pourrait être retirée si le gouvernement veut en faire sa propre motion. Nous n'avons aucune objection à ce que la motion soit retirée et prise au nom du gouvernement si c'est là l'intention du gouvernement. Le seul objectif que nous avons, c'est que, pendant cette période de quatre heures, nous puissions rencontrer le front commun, revenir devant l'Assemblée nationale ou même ne pas revenir du tout, laisser de côté le projet de loi, pour tenter l'ultime effort qui serait beaucoup plus intéressant, beaucoup plus fort que celui d'hier soir parce qu'hier soir vous aviez quand même seulement quatre représentants du cabinet. Eh bien, cette nuit, nous aurions, en plus de cela, le premier ministre et les principaux responsables, qui siègent ici, à l'Assemblée nationale, de chacun des partis politiques.

Donc, avant que le ministre de la Fonction publique nous dise ce qu'il en pense, eh bien qu'il analyse le bien-fondé de cette motion. Je suis certain qu'il a même l'intention de l'accepter.

M. LACROIX: ... à ceux qui assassineront la...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. LACROIX: ... démocratie avec. M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, il me fait plaisir d'appuyer la motion faite par le député de Bellechasse. Je tiens, dès le départ, à circonstan-cier. En ce qui me concerne, j'aurais préféré que nous fassions une motion à l'effet que l'étude de ce projet de loi soit suspendue et que la commission parlementaire se réunisse. Mais peu importe, je pense qu'il ne s'agit pas de faire de guerre de clocher, à ce stade-ci, puisque l'article 123 nous dit qu'un seul amendement est possible. Puisque le chef de l'Opposition l'a faite, j'y souscrirai entièrement parce que je pense que c'est au moins un dernier effort, une dernière tentative que nous faisons pour voir véritablement si tous les moyens ne doivent pas être épuisés avant qu'un projet de loi de cette nature soit adopté.

M. le Président, on m'accuse évidemment souvent d'être le conseiller juridique de la CSN et quoi que ce soit. Je n'ai pas à renier mes origines, mais malheureusement, je ne peux pas me dorer de ce titre de procureur de la CSN. Mais il reste quand même que par acquit de conscience, j'ai communiqué, après que le député de Bellechasse ait fait sa motion, avec les leaders du front commun. Je leur ai soumis la demande qui était faite devant cette Chambre. Je leur ai dit qu'en ce qui nous concernait, nous serions d'accord sauf que, de mon côté, j'aimerais savoir d'avance quelle serait leur intention, au cas où cette demande serait acceptée. La réponse m'est revenue très rapidement. On m'a dit, du côté des trois chefs du front commun, MM. Pepin, Laberge et Charbonneau, qu'ils étaient entièrement d'accord à venir rencontrer les chefs de parti dans le cadre de la motion du député de Bellechasse, si elle était acceptée.

M. le Président, je fais cette déclaration ayant pris d'avance la précaution de leur demander si j'avais la permission de le dire en Chambre. On m'a dit que oui. A ce moment-là, je pense qu'il y a déjà une barrière qui est tombée, celle qu'on tente de nous faire valoir depuis le début de l'après-midi, que ces gens ne veulent pas discuter, que ces gens ont fini de discuter, que ces gens auraient, aux dires du leader du gouvernement et des autres ministres qui se sont exprimés, fermé la porte complètement sur toute négociation.

Je. dis, M. le Président, qu'avec l'assurance que, dans les quatre heures, nous les convoquerons — ils ne sont pas tellement loins, ils sont ici, à Québec, actuellement, tous les trois — et ils seront probablement, dans moins d'une heure, présents et ils pourront avoir, avec les représentants des partis, des discussions que nous croyons être nécessaires, à ce stade-ci, avant de poser un geste que je considère très grave, d'une gravité qu'il me semble que des gens qui semblent avoir de l'expérience, comme le député de Bonaventure, qui siègent en cette Chambre depuis plusieurs années, devraient savoir qu'un geste de cette nature a une importance telle qu'on doit au moins, avant de le poser, prendre tous les moyens pour ne pas être obligé de battre sa coulpe après l'avoir fait.

Je n'entrerai pas dans le débat qui devrait être fait en deuxième lecture mais je peux peut-être lancer simplement la phrase suivante, qui résumerait peut-être, éventuellement, une intervention de ma part beaucoup plus structurée, en deuxième lecture: Je pense qu'un tel projet de loi, à toutes fins pratiques, est une négation du droit de négocier, dans la fonction publique.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BURNS: On verra tantôt. Laissez faire les ah! On en discutera tantôt. Je ne vais pas plus loin que cela. Mais ma première opinion, en lisant ce projet de loi, c'est qu'on dit: A l'avenir, de la négociation, dans la fonction publique, il n'y en aura plus. C'est cela que cela veut dire.

Si c'est ce que ce projet de loi veut dire, M. le Président, et si je me trompe, on me le dira tantôt, en deuxième lecture. On me dira: Le député de Maisonneuve se trompe dans son évaluation de la loi. Mais j'ai bien hâte qu'on me donne des arguments pour m'expliquer cela.

En attendant, il y a quand même des gens, ici, de ce côté de la Chambre, qui ont dit, à plusieurs reprises: Posez d'autres gestes avant de faire cela. Qu'on ait voté pour ou contre, peu importe. Cela n'a aucune espèce d'importance, à mon avis, à ce stade-ci. Ce qu'on sait, c'est que les trois partis de l'Opposition, c'est avec beaucoup de réticence et, dans un certain cas, avec dissidence, qu'ils ont vu adopter la motion d'urgence pour étudier ce projet de loi. Donc, on se dit: Qu'on fasse un ultime dernier effort, au moins, de rencontrer ces gens. Je trouve que c'est très raisonnable, ce que le député de Bellechasse nous demande. Il n'y a rien de farfelu là-dedans. Le député de Bonaventure, leader du gouvernement, ne pourra pas dire que la motion du député de Bellechasse est faite uniquement dans le but de retarder, que c'est une motion dilatoire. Je trouve qu'à sa face même, cette motion en est une de bonne foi. Je demande aux gens de l'autre côté de la Chambre, j'implore les ministres responsables, s'il en reste encore, de penser véritablement à ce geste qu'ils vont poser.

Une question? Oui, je suis prêt.

M. L'ALLIER: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au député? Comme il a communiqué avec les chefs du front commun, est-ce que les chefs du front commun lui ont indiqué leur intention de modifier substantiellement leur position quant à la proposition que nous avons faite et quant aux questions fondamentales que nous leur avons posées au moment de venir à cette rencontre?

M. BURNS: Je ne me reconnais pas de talent de médiateur à un point tel que j'aurais réussi à obtenir une réponse satisfaisante pour le ministre actuellement. Je n'ai fait qu'un téléphone qui a duré deux minutes.

M. LACROIX: Vous ne contrôlez pas vos clients?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Ce n'est pas grave, lui, c'est le genre d'argument ad hominem qui est à peu près à la hauteur du député des Iles-de-la-Madeleine. Cela ne me surprend pas.

M. LACROIX: Est-ce que vous êtes d'accord qu'on leur remette une chaîne scapulaire pour qu'ils assassinent la démocratie et la liberté au Québec?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: C'est au nom de la raison que j'ai tenté de m'adresser à cette Chambre, et c'est au nom de la raison que j'implore le gouvernement d'accepter la motion du député de Bellechasse à laquelle nous souscrivons entièrement et pas parce que c'est le député de Bellechasse qui l'a faite, pas parce que les trois partis d'Opposition sont d'accord avec ça, pas parce que ce sont les centrales syndicales qui sont impliquées. Parce que tantôt un tel projet de loi adopté à la vapeur, sans prendre toutes les précautions nécessaires — je ne veux pas être le prophète de malheur — mais va causer des perturbations dans le milieu de relations patronales-ouvrières à travers tout le Québec.

Et ça c'est une responsabilité qui est très lourde. Je voudrais au moins que le gouvernement se rende compte de ça. Et si c'est le bordel complet dans les relations patronales-ouvrières à travers la province pour les quelques années à venir, il ne faudra peut-être pas se poser de questions. Mais moi, j'aime mieux me les poser avant les questions. J'aime mieux qu'on dise: On aura tenté cet ultime effort. On aura examiné et il y aura eu au moins trois personnes de ce côté-ci de la Chambre qui auront rencontré en présence de l'interlocuteur à la table de négociation, _c'est-à-dire le gouvernement, il ne faut jamais l'oublier non plus dans ce débat-là, il ne faut jamais oublier que l'interlocuteur dans les négociations s'adonne à être le proposeur du projet de loi. Cela aussi, c'est important. Et il me semble que le quatre heures en question — puisque nous avons décidé que nous siégerons toute la nuit là-dessus — il n'est pas tellement grave. C'est pour ça que je dis que la proposition faite par le député de Bellechasse est tout à fait raisonnable. Qu'on ne vienne pas me dire qu'elle est faite dans un but dilatoire, celle-là. Parce qu'on retarde de quoi? De quatre heures. Peut-être même pas, comme dit le député de Bellechasse, si jamais les choses vont bien, c'est possible que ça aille mieux, que ça prenne moins de temps que ça.

Si nous avions dit: Retardez l'adoption du projet de loi d'un mois, d'accord, nous aurions dit que c'est une motion dilatoire. Ce n'est pas du tout le cas. Et, surtout, le chef de l'Opposition officielle nous dit pourquoi il veut ça. C'est quand même quelque chose de très raisonnable. Je vois mal que quelque député que ce soit dans cette Chambre n'accepte pas cette chose-là.

Et, encore une fois, je ne pourrai jamais insister suffisamment sur ce point-là, surtout que l'interlocuteur à la table de négociation est le même qui va poser le geste de dire: C'est fini cette grève-là, rentrez au travail et voici la situation et nous allons la régler de telle et telle façon. Et si ça ne marche pas éventuellement,

bien les voici vos conditions de travail. Le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire le cabinet des ministres en a décidé ainsi. Je dis que c'est une responsabilité archilourde et archigrave que le gouvernement ne devrait pas prendre avant de s'assurer d'au moins ce dernier pas-là.

Je fais appel tout simplement à la raison des ministres, et surtout qu'on ne nous dise pas en votant contre cette motion-là que les efforts que le ministre de la Fonction publique a faits depuis au-delà d'un mois sont nuls.

Qu'on ne nous dise surtout pas que le ministre de la Fonction publique, et c'est ça qu'on va nous dire si on vote contre cette motion-là, a servi de cobaye au gouvernement en gardant une figure détendue, une figure non alarmiste et je l'en ai félicité l'autre jour pour ça. Je continue à le féliciter pour ça parce que c'est très difficile de tenir l'attitude qu'il a tenue.

Qu'on ne nous dise pas, par un vote négatif, que le ministre de la Fonction publique est un ministre qui a servi de cobaye au gouvernement et qu'une fois qu'il a été utilisé pour les fins qu'on voulait l'utiliser, on le jette au panier comme on a jeté d'autres ministres dans le passé.

Je ne voudrais pas ça, parce qu'en l'occurrence ça s'adonne à être un des ministres que de ce côté-ci de la Chambre, on respecte. M. le Président, c'est le dernier appel que je fais au gouvernement. S'il vous plaît, pensez-y avant de voter contre cette motion-là.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, le gouvernement n'est pas sans se rendre compte, suite à la motion de l'honorable député de Bellechasse, chef de l'Opposition officielle, qu'il y a une unanimité du côté de l'Opposition pour demander un délai de quatre heures avant que la Chambre ait à se prononcer sur la deuxième lecture de ce projet de loi.

Je pense, M. le Président, que cette demande est plus que raisonnable, c'est même un miniminimum. Il est normal que les membres de cette Chambre veulent savoir, et qu'ils doivent savoir. On a devant nous le projet de loi no 19, un projet de loi avec des dents. Nous demandons au gouvernement de nous informer, et je m'explique difficilement pourquoi le gouvernement refuserait justement de nous accorder un mini-délai de quatre heures, alors que nous venons d'entendre par la bouche de l'honorable député de Lafontaine...

UNE VOIX: De Maisonneuve.

M. ROY (Beauce): ... de Maisonneuve, que les trois chefs syndicaux sont à Québec et qu'ils sont prêts à venir rencontrer les représentants de cette Chambre, membres des différents partis qui composent l'ensemble de la Chambre. M. le Président, il y aurait une offre qui pourrait être faite, et l'offre qui pourrait être faite, à ce moment-là, pourrait être faite à la lumière de l'opposition, parce qu'à l'heure actuelle, nous devons nous baser uniquement sur ce que le gouvernement nous a dit.

Mais laissez-moi vous dire, M. le Président, que j'ai énormément de doutes sur ce que le gouvernement nous dit, parce que lorsque nous rencontrons des fonctionnaires, lorsque nous rencontrons des employés d'hôpitaux, lorsque nous rencontrons des dirigeants locaux de syndicats, nous avons une toute autre version que celle que nous donne le gouvernement.

M. le Président, avant de voter pour ou contre un tel projet de loi, je pense qu'il est logique, il est normal, il est tout simplement honnête pour les partis d'Opposition, de demander au gouvernement d'en savoir davantage. Or, M. le Président, si nous avons un gouvernement qui se veut dynamique, comme il le dit, qui se veut soucieux du respect des droits démocratiques, des droits de la Chambre, comme il le dit et le déclare, je pense que le gouvernement ne devrait pas avoir peur de faire un peu de lumière sur ce conflit qui, à l'heure actuelle, cause un préjudice très sérieux à tous les fonctionnaires du gouvernement et qui cause un préjudice très grave également à tout l'ensemble de la population du Québec.

Nous savons, M. le Président, que le gouvernement a des responsabilités, mais nous savons aussi, et je ne suis pas prêt à encenser qui que ce soit, que le gouvernement a confié des responsabilités lorsqu'il a édicté ces lois syndicales, ces lois de relations patronales-ouvrières, et les chefs syndicaux locaux ou les grands chefs syndicaux ont également des responsabilités envers leurs membres.

Nous voulons savoir, M. le Président, s'il y a de la mauvaise volonté quelque part et où est cette mauvaise volonté. Je pense que ce délai de quatre heures demandé par l'honorable chef de l'Opposition et appuyé par l'honorable député de Saint-Sauveur tout à l'heure, est tout simplement logique et normal dans les circonstances. Et, puisque nous avons accepté la motion d'urgence, parce que nous la réclamions depuis fort longtemps, que la discussion vienne enfin devant cette Chambre pour que nous puissions en être informés.

M. le Président, en ce qui nous concerne, nous n'avons aucune objection, nous sommes prêts, frais et dispos, pour prendre quatre heures supplémentaires, pour rencontrer ces personnes, afin que nous puissions adopter la loi s'il y a lieu dans les délais prévus dans le projet de loi lui-même.

Alors, M. le Président, devant ces faits, je ne puis m'empêcher d'appuyer sans réserve, la motion du député de Bellechasse, chef de l'Opposition, mais de demander au gouverne-

ment un peu de compréhension, et demander au gouvernement aussi, de faire preuve de son sens de responsabilité. Le gouvernement a des comptes à rendre, M. le Président, nous avons, en tant qu'élus mandatés du peuple, nous avons un mandat très précis.

Nous avons des responsabilités qui nous ont été confiées...

M. L'ALLIER: Est-ce que le député de Beauce me permet une question?

M. ROY (Beauce): Oui, je le permets.

M. L'ALLIER: Est-ce que je pourrais poser une question au représentant du parti du Ralliement créditiste? Il est libre de ne pas me répondre. Est-ce que le représentant du parti créditiste pourrait me dire si lui-même ou quelqu'un de son parti a rencontré depuis un an des représentants du front commun pour discuter avec eux de leur politique en matière salariale et de leur position dans les négociations?

M. ROY (Beauce): Je pourrais peut-être, répondre au ministre, par une autre question. Est-ce que le ministre nous a permis de les rencontrer? C'est justement le point que nous voulons, le gouvernement a un mandat envers la population, il a le mandat justement d'administrer la province. Il a le mandat également...

M. L'ALLIER: Parce que la question est soulevée pour vous autres aussi.

M. ROY (Beauce): ... et la chance, M. le Président, de nous permettre de les rencontrer. Une fois que nous les aurons rencontrés, il me fera plaisir de répondre à la question du ministre. Or, le gouvernement nous a présenté une loi, parce qu'il a affamé la population, il sait que la population à l'heure actuelle est rendue au bout...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'en reviens à la motion. Alors, on nous présente un projet de loi, d'accord. On nous présente un projet de loi. Nous demandons quatre heures supplémentaires, pour permettre de rencontrer les chefs syndicaux, les représentants de la partie syndicale, afin que nous puissions savoir à quoi nous en tenir, parce que ce que le gouvernement veut de l'Opposition et je tiens à le dire, il veut que nous endossions sa politique.

Or, quant à nous, nous n'endosserons pas sa politique, sans au moins savoir ce à quoi ça nous engage, et c'est pourquoi nous appuyons la motion du député de Bellechasse.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. Marcel Masse

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, quelques mots à l'appui de la motion du député de Bellechasse. Je pense que le projet de loi no 19 introduit dans cette Chambre est en large partie basée sur la seule information que nous fournit l'une des deux parties à la table de négociation, c'est-à-dire la partie gouvernementale.

Or, une loi n'a que la force non pas de ceux qui la vote, mais de ceux qui l'acceptent, particulièrement de ceux à qui cette loi est destinée. Il est important pour nous, parlementaires, avant de prendre une position devant ce projet de loi, d'entendre également l'autre partie à cette table de négociation, pour savoir ce que l'autre partie a à nous transmettre, comme sa vérité et son information. L'information que nous a transmise le député de Maisonneuve à la suite d'un téléphone avec les représentants du front commun ne fait que nous confirmer que le gouvernement devrait reviser sa position et accepter ce délai de quatre heures, afin de permettre aux représentants des parties de rencontrer les représentants du syndicat face à ceux du gouvernement et de pouvoir être en mesure de juger quant aux positions des deux parties.

Et, de toute façon, le gouvernement ne peut pas invoquer qu'il y aurait là un retard dans le retour au travail des syndiqués puisque son projet de loi lui-même fixe ce retour uniquement à samedi. Ce n'est donc pas une question d'heures. De toute façon, même si nous votions la loi en quelques minutes, elle ne s'appliquerait pas avant samedi. Nous avons donc amplement le temps pour inscrire ces quatre heures de rencontre entre les parties. Comment le danger, surtout dans un climat social surchauffé, c'est d'amener les parlementaires avec des arguments qui quelquefois frisent la démagogie, d'amener les parlementaires à craindre supposément la population qui serait contre eux, plutôt que de leur permettre de poser ici un jugement et des actes en toute sérénité.

Nous ne sommes pas ici pour être bousculés par qui que ce soit mais pour prendre acte d'un projet de loi, pour connaître la situation qui a amené ce projet de loi, ensuite de cela, en toute lucidité et connaissance de cause de se prononcer sur ce projet de loi.

Voilà pourquoi j'appuie cette motion du député de Bellechasse. Il y en aura beaucoup d'autres motions qui pourront être proposées par des députés de cette Chambre pour bonifier le texte que nous avons, pour bonifier la motion que nous discutons en deuxième lecture. Mais, nous ne pouvons pas, en vertu des règlements, et quant à moi, cette motion du chef de l'Opposition pourrait permettre à tous les parlementaires et permettre également aux membres du parti ministériel qui n'ont pas assisté aux dernières réunions du Château Fron-

tenac, de prendre connaissance de l'état réel du dossier et non pas seulement se laisser pousser par une population surchauffée, par un climat que nous dénoncerons et également pour des raisons que nous énoncerons, lorsque viendra la deuxième lecture sur le fond du projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M.CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je trouve que l'intervention du député de Maisonneuve est suffisamment importante pour que j'intervienne, à ce moment-ci, à l'appui de la motion du député de Bellechasse, pour demander au ministre de la Fonction publique de réfléchir encore quelques instants, avant de s'adresser à cette Chambre.

J'avais cru comprendre, tout à l'heure, par l'intervention des différents députés et par les réactions du ministre de la Fonction publique, qu'il s'apprêtait à prendre en sérieuse considération cette motion; motion pour permettre, pendant cette courte période de temps, une rencontre ultime qui aurait pu être bénéfique. Par les deux questions qu'a posées le ministre de la Fonction publique, il y a quelques instants, je m'aperçois qu'il n'est pas encore convaincu de l'importance d'accepter cette motion et de permettre que cette rencontre ait lieu.

M. le Président, très brièvement, à l'appui de cette demande que tous les partis d'Opposition en cette Chambre considèrent non seulement absolument normale, mais je pense absolument nécessaire, non seulement dans le contexte actuel, mais aussi pour la suite, pour ce qui viendra après, quand nous aurons à adopter une législation et à vivre avec cette législation. Pour ma part, M. le Président, j'avais causé avec le député de Maisonneuve, avant qu'il ne prenne la parole et à la suite du dépôt de la motion par le député de Bellechasse, je lui ai demandé, sans le savoir, s'il avait eu l'occasion de converser avec les chefs syndicaux pour savoir ce qu'ils pensaient de cette motion. Parce que s'il ne l'avait pas fait, je considérais cette motion assez importante pour le faire moi-même, pour entrer en communication avec eux et leur demander ce qu'ils pensaient de cette suggestion, tellement je la considère importante. S'il y en a un dans cette Chambre qui connaît les chefs syndicaux et leurs réactions, c'est celui qui vous parle. Parce que je suis peut-être celui qui a négocié le plus avec eux, durant quatre ans. J'ai négocié avec eux en 1966, durant trois semaines, durant la grève des hôpitaux. J'ai négocié avec eux à différentes reprises. Je les avais rencontrés à différents moments, pour d'autres conflits dans lesquels ils n'étaient pas impliqués directement mais auxquels ils s'intéressaient, comme la grève des médecins spécialistes, la grève des médecins internes, la grève des radiologistes, la grève des institutions privées, un certain moment ou dans certains secteurs de la santé. Je n'ai pas perdu confiance, malgré tout ce qu'on dira et toutes les apparences, je n'ai pas perdu confiance dans le sens des responsabilités des chefs syndicaux. Je crois que si toute la Chambre, ensemble, tous les partis se donnaient le mot pour accepter cette suggestion qui ne retarde en rien les travaux de la Chambre, qui ne retarde en rien les objectifs que nous voulons atteindre.

Je pense que nous aurions posé un geste qui aurait effectivement, devant l'opinion publique, montré que l'Assemblée nationale est capable de prendre ses responsabilités et si l'une des parties prend ses responsabilités, il est important aussi que les autres les prennent, les chefs syndicaux qui auront à porter, devant l'opinion publique, la responsabilité de leur décision et de leur réaction.

C'est tout cela que nous devons prendre en considération à ce moment-ci, et je ne crois pas qu'un délai de quatre heures, de la façon dont il est proposé, avec le mandat que nous allons confier à ce groupe qui va rencontrer les chefs syndicaux, il ne s'agit pas de négocier, contrairement à ce qu'on a pu laisser entendre, il y a un instant, durant cette courte période de quatre heures que l'on demande, mais qui peut ne durer que deux heures tellement les parties sont près l'une de l'autre physiquement, ici à Québec. Il ne s'agit pas de négocier mais de savoir si les chefs syndicaux, dans le contexte actuel, avec la proposition de l'Assemblée nationale, sont prêts à éviter qu'une législation ne soit présentée à ce moment-ci, que les employés retournent au travail, que la commission de la Fonction publique se réunisse pour que nous entendions les parties, que l'on puisse porter un jugement et à ce moment-là, je crois que l'opinion publique, comme ç'a été fait à d'autres moments, devant la commission parlementaire, fera que la balance penchera d'un côté ou de l'autre, et si le gouvernement a raison dans son attitude, il aura l'appui des partis de l'Opposition et l'opinion publique aidant, je pense qu'il y aura possibilité que le conflit se règle sans que nous n'apportions une législation spéciale.

Je fais appel à tous les membres de cette Chambre, particulièrement aux ministres qui ont rencontré les chefs syndicaux. Je voyais, il y a un instant, le ministre du Travail qui n'est pas encore intervenu dans le débat, je pense que le ministre du Travail devrait ajouter son mot, lui aussi qui connaît bien la mentalité et la réaction des chefs syndicaux, qu'il devrait ajouter son témoignage à ceux que nous avons entendus depuis quelques instants en cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, je voudrais appuyer, à mon tour, la motion du député de Bellechasse, en poussant un peu plus loin l'argumentation que mon collègue, le député de Maisonneuve, a apportée et apporter en même temps la bonne nouvelle du fait que la partie syndicale était consentante à entrer dans la proposition faite par le chef d'Unité-Québec. Ce qui m'intéresse dans la proposition de délai, si court soit-il, proposée par le député de Bellechasse, c'est bien sûr l'ultime effort, l'ultime tentative, avant de se mettre à discuter de cette loi immonde qu'est le projet de loi 19, c'est avant tout, une occasion de quatre heures, mentionnée dans la motion même du député de Bellechasse, pour la partie, ministérielle, partie patronale du conflit, de réfléchir, sur la gravité du geste qu'il pose et qu'il se prépare à poser par la loi 19. Peut-être qu'en rencontrant, ne serait-ce que deux heures, comme vient de le dire le député de Montmagny, la partie syndicale et connaissant de façon physique la réaction que se prépare à avoir ce milieu et derrière ce milieu, toute la partie de l'opinion publique qui l'appuie, de peser la gravité du geste qu'aucun talent oratoire des membres de l'Opposition serait capable, il me semble, ce soir, de faire comprendre à la partie patronale qui siège en face de nous. En écoutant cet après-midi les différents ministres intervenant sur la motion de débat d'urgence, j'ai reconnu une émotion assez mal contenue dans la voix du ministre de la Fonction publique et je tiens à lui dire, ce soir, en toute honnêteté, parce que, de toute façon, comme l'a dit mon collègue, le député de Maisonneuve, le ministre de la Fonction publique est certainement un des deux ou trois du cabinet de ce côté de la Chambre qui reçoit notre respect le plus total. Je m'apercevais dans la voix et les propos mêmes du député de Deux-Montagnes, l'aveu d'un échec et l'aveu d'une fin. Bien sûr que le gouvernement vient de l'abandonner, lui aussi, maintenant, comme on a abandonné l'ancien ministre de l'Education sur le projet de loi 28, et comme on avait abandonné le ministre de la Justice dans le conflit avec les policiers.

Il est évident que quand un "back lash" se prépare au sein d'un caucus, peut-être que le ministre de la Fonction publique a mal choisi le caucus auquel il appartient, c'est désormais son problème, mais quand le "back lash" se fait sentir au sein d'un caucus, la peau d'un ministre importe bien peu et ce n'est pas le premier ministre que le cabinet actuel laisse tomber.

Dommage que ce soit un homme de la qualité du député de Deux-Montagnes, je vais le dire; dommage que ce soit celui qui, depuis un mois — et il ne se surprendra pas de me l'entendre dire en Chambre, je le lui ai dit privément — avait tenu comme ministre de la Fonction publique une conduite presque irréprochable depuis... Il avait tout le temps com- pris l'immense défi qu'aurait le Québec de traverser à travers cette crise, l'occasion unique de traverser une crise sociale avec des gains plutôt qu'avec des pertes comme c'est malheureusement notre habitude avec ce gouvernement. Lui seul avait compris et jusqu'à ce que le caucus vienne beugler sa haine et sa rage, M. le Président, il avait été le leader incontesté du gouvernement sur cette question. Je l'avais compris, M. le Président, cet après-midi en l'entendant; dommage que sa carrière soit désormais terminée.

Je l'avais compris également, M. le Président, mais difficilement en entendant le ministre des Affaires sociales se prêter à un jeu auquel je ne l'avais pas entendu souvent se prêter.

M. CASTONGUAY: Je vais lui répondre tantôt.

M. CHARRON: II me semble, M. le Président, que la motion du député de Bellechasse permettrait peut-être au ministre des Affaires sociales de revenir d'une façon aussi modérée que possible sur les propos quil a tenus cet après-midi et sur la gravité du geste qu'il se prépare à poser lui-même en endossant, j'admets bien, à reculons la politique gouvernementale qu'il se trouve à supporter par sa présence au cabinet. Mais je voudrais surtout, M. le Président...

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'invoque une question de privilège, un point de privilège ou de règlement, je ne sais pas. Le député me prête des intentions, il me dit que j'accepte à contrecoeur la politique gouvernementale...

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement. J'invoque le règlement, c'est 97, M. le Président. Et comme vous l'avez dit cet après-midi...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. BURNS: ... c'est après le débat.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si j'ai bien compris, c'est une question de privilège parce que...

M. BURNS: On est en train d'établir des faits.

M. LE PRESIDENT: Non, il dit qu'on lui prête certaines... je pense bien. J'essaie de donner à tout le monde l'occasion, surtout sur les questions de privilège.

M. CASTONGUAY: Le député me dit que j'accepte à contrecoeur la politique du gouvernement, l'attitude du gouvernement en cette matière. C'est faux! Et je lui demanderais de corriger ou de retirer ses paroles.

M. BURNS: M. le Président, il y a une chose qu'on peut faire, c'est une distinction à l'article 100 entre "prêter des intentions" et d'abord c'est, comme vous le savez, M. le Président, le paragraphe 9 qui dit: "d'impliquer des motifs indignes à un député ou de refuser d'accepter sa parole". Le député de Saint-Jacques, actuellement, interprète l'intervention et c'est parfaitement son droit, interprète l'intervention — si vous me permettez, M. le Président — du ministre des Affaires sociales, de cet après-midi. Et je pense que c'est parfaitement son droit.

Si le ministre des Affaires sociales considère qu'il a été mal cité ou mal rapporté, c'est pour ça, M. le Président, qu'on a l'existence de l'article 97. Le ministre des Affaires sociales pourra rétablir les faits après et il pourra dire: J'ai été mal cité. Mais le député de Saint-Jacques n'impute pas d'intentions indignes, méchantes, de la part du ministre des Affaires sociales.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Maisonneuve sait d'une manière tout à fait pertinente qu'il y a une énorme latitude dans les questions de privilège et je pense que tout le monde en Chambre, de tous les côtés, dans tous les groupes, a même abusé de la fameuse question de privilège et on reconnaît une très large latitude en l'occurrence. Je vois peut-être un peu malvenu ce débat qu'on semble soulever sur l'intervention d'une question de privilège que je considère... Ecoutez, le ministre des Affaires sociales rétablit les faits, rétablit une accusation du député de Saint-Jacques à l'effet — écoutez, c'est une question de privilège — que le député de Saint-Jacques — je n'ai pas les paroles exactes — à l'effet que l'honorable ministre des Affaires sociales avec... Ce ne sont pas les termes exacts, je crois. Vous ne l'avez pas plus que moi.

Je pense bien qu'on pourrait considérer cet incident clos du fait que l'honorable ministre des Affaires sociales a rétabli les faits et a bien établi sa position dans l'étude ou sa position dans cette politique actuelle du gouvernement. Je pense bien qu'il n'y a pas lieu de soulever un débat sur cette question.

M. CHARRON: M. le Président, j'accepte la parole du ministre des Affaires sociales s'il endosse complètement et intégralement le projet de loi 19 et la position du gouvernement. Il sera jugé, lui aussi, non plus comme une exception brillante à l'intérieur du cabinet mais comme au niveau ras du cabinet. Et il fera partie aussi du jugement que la population aura à y porter.

M. LEGER: Ras.

M. CHARRON: Mais finalement, M. le Président, ce qu'il y a d'utile dans la motion du député de Bellechasse, outre le temps de réflexion qu'elle vient apporter, c'est qu'elle pourrait permettre au ministre de l'Education d'apporter certainement d'autres propos que ceux qu'il nous a apportés depuis le début du conflit. J'ai trouvé extrêmement superficielle l'analyse qu'il en a faite, superficialité à laquelle je devrai m'habituer. Mais il reste quand même que l'intervention du ministre de l'Education, dans ce genre de conflit, et la rencontre qu'il pourrait avoir ce soir...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je voudrais souligner au député de Saint-Jacques que son droit de parole de dix minutes, il devrait l'employer d'une autre manière; je connais tout à fait son talent. Il oublie complètement la motion qui est devant la Chambre.

M. CHARRON: J'étais rendu là.

M. LE PRESIDENT: Ecoutez, quand même! Est-ce que je pourrais vous aider à y aller plus vite?

M. CHARRON: Alors, respectueusement, je reprendrai ma phrase où j'en étais. Si la motion du député de Bellechasse était acceptée ce soir et qu'on avait cette rencontre de quatre heures avec les dirigeants syndicaux, proposée à la partie patronale qui est en face de nous, il se pourrait peut-être que le ministre de l'Education — je dis peut-être — atteignit une profondeur plus grande que celle qu'il a atteinte dans ses propos depuis le début et qu'il ne maquille pas la position gouvernementale de la façon qu'il l'a fait depuis le début de ce conflit.

Vous voyez toute l'utilité de la motion du député de Bellechasse: donner l'occasion de réfléchir à un gouvernement qui ne le fait pas souvent, donner l'occasion de planifier à un gouvernement qui n'en n'a pas l'habitude, donner l'occasion à un gouvernement d'être à l'écoute de ce qu'il y a de plus vivant dans la population du Québec, ce dont il ne nous a jamais donné signe.

Ceci posé, M. le Président, plus toutes les chances de solutions pacifiques et calmes du conflit que comporterait cette rencontre avec les leaders syndicaux font que, sans aucune espèce d'hésitation, j'appuie la motion du député de Bellechasse.

M. LE PRESIDENT: L'Honorable député de Saint-Maurice.

M. Philippe Demers

M. DEMERS: M. le Président, j'appuierai, moi aussi, la motion d'amendement du chef de notre parti, le député de Bellechasse. Les raisons que j'entends évoquer ont, probablement, été ressassées une à une. Mais je considère que pour le gouvernement c'est une planche de salut assez unique que d'avoir cet avantage. Quoi qu'il en soit et quelle que soit sa décision, il restera, dans l'opinion des gens, que la loi qui

est proposée, ce sont ni plus ni moins les recommandations que le chef de l'Unité-Québec avait faites antérieurement, prises un peu à rebours, à l'envers, mais cela revient à ça.

Ce soir, dans un effort ultime, les trois Oppositions qui, il faut l'avouer, ne sont pas toujours du même avis — même les quatre ou cinq Oppositions, on a même vu nos indépendants se rallier d'une façon élégante, des gens qui avaient voté contre l'urgence trouvent assez urgent de convoquer les trois chefs de file du front commun pour venir discuter avec le gouvernement encore une fois. C'est...

M. BACON: Aurèle n'a pas parlé encore.

M. DEMERS: J'aimerais que le député de Trois-Rivières me donne le temps de m'exprimer et, tantôt, s'il se sent assez "verbeux" pour rajouter quelque chose, il aura beau pérorer avec le talent qu'on lui connaît.

M. le Président, la réunion des trois chefs du front commun avec le gouvernement, que le gouvernement les revoie avec les chefs des partis, s'il y a possibilité, mais si cela les gêne, qu'ils fassent cela entre eux. De toute façon, je ne suis pas à cheval sur ces règlements. Mais je voudrais qu'on se parle encore une fois parce qu'actuellement la Chambre a été saisie, la Chambre est au courant, tous les députés de cette Chambre savent qu'hier soir il y a eu un "party" au Château Frontenac où ils étaient exclus. On aimerait que, dans cette Chambre, avec les représentants du peuple, les représentants du monde syndical puissent parler une fois pour toutes étant donné qu'on a refusé la rencontre de la commission parlementaire de la Fonction publique qui a été demandée depuis le 8 mars et a été redemandée par tout le monde en cette Chambre.

Je voudrais que le gouvernement comprenne et qu'il ne risque pas de porter l'odieux d'avoir refusé, ce soir, alors que tout le monde, à part eux.

Cela doit commencer à être inquiétant, un peu, pour un gouvernement, lorsque toutes les Oppositions se réunissent: 55 p.c. de la population, ce soir. Vous me direz 72 députés mais 55 p.c. de la population disent au gouvernement: Attention! Attention! Casse-cou. Demain, il sera trop tard. Vous voulez casser les reins au syndicat, faites attention de ne pas vous les casser. C'est important.

Non que j'affectionne ces bons amis du front commun, M. le Président, ah! non mais je trouve, ce soir, qu'il faut éviter le pire. Il faut qu'on étudie sérieusement, dans cette Chambre, toutes les avenues, tout ce qui s'offre d'aboutissement.

Je demanderais, s'il m'était permis, M. le Président, dans un sous-amendement — mais c'est défendu — qu'on tienne un caucus du Parti libéral. Il y a de l'inquiétude, de l'autre côté. Il y a de l'inquiétude. On se questionne. On se dit: Oup! Si on s'était trompé. L'inquiétude est née. Le ministre des Affaires sociales a moins d'assurance. Le ministre de la Justice rit mais ce n'est pas comme d'habitude. Il y a du jaune, un peu, dans son sourire.

M. CHOQUETTE: C'est parce que c'est vous qui parlez.

M. DEMERS: Le ministre des Finances, ses grosses piastres, il les a comptées ce matin. Il a dit qu'il n'avait plus rien mais il aurait peut-être quelque chose pour régler cela. Cela va coûter quelque chose que d'attendre encore. Pensez-y donc! A part cela, si vous avez peur que cela lui donne du mérite, vous balayerez cela. Vous direz que c'est vous autres. Cela ne nous fait rien, à nous autres. Nous avons d'autres moyens de nous faire de la publicité. Nous avons assez d'être l'Opposition et le gouvernement en même temps, n'arrangez pas cela pour nous faire mourir.

M. LACROIX: Vous avez bien réussi le 29 avril 1970!

M. DEMERS: Pardon?

M. LACROIX: Vous avez bien réussi le 29 avril 1970.

M. DEMERS: Oui, oui. Mais nous allons nous reprendre. Laissez faire. Vous n'avez pas réussi partout.

M. LACROIX: Vous êtes à l'écoute du peuple.

M. DEMERS: Où il n'y a pas eu de Brinks, où il n'y a pas eu 100,000 "jobs", où les gens n'ont pas été assez naïfs, vous avez passé à côté. Là, ils vous connaissent: 100,000 "jobs", 100,000 piqueteurs. Cela marche, votre affaire.

La réunion des trois Oppositions, c'est symbolique en cette Chambre, M. le Président. Cela ne se rencontre pas à tous les jours. Même les indépendants. Pensons-y donc! Réfléchissons. On dépolitise complètement. Vous avez entendu toutes les Oppositions. Le député de Maisonneuve a téléphoné. Cela a l'air d'être ses amis, les gars du syndicat, car il les a trouvés tout de suite. Pour moi, il a une ligne directe avec eux autres. Il les a trouvés tout de suite, cela s'est fait dans deux minutes. On a eu le rapport et ils sont prêts à venir. Prenons un quart d'heure, pendant que nous mangerons des sandwiches, et discutez donc de cela. Moi, je ne veux pas y aller. Mais je voudrais que, demain matin, par exemple, dans la province de Québec, tout le monde ne se haïsse pas, qu'on puisse vivre en paix. Il y aurait moyen. C'est le sens de mon intervention.

Le petit caucus libéral, pendant que vous mangerez des sandwiches, pensez-y! Cela vous ôterait des inquiétudes. Le ministre de la Fonction publique s'est tué à la tâche — il est

blême, il ne lui reste plus une goutte de sang dans la face — pour essayer de sauver un gouvernement qui s'en va. Il y a des limites d'en demander à un homme. Arrangez donc cela pour qu'il puisse, lui aussi dormir, ce soir, comme du monde. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Charles Tremblay

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, l'Assemblée nationale, ce soir, a à prendre une décision importante. Nous avons actuellement, devant nous, une loi que nous a présentée le gouvernement, loi espérant régler le conflit de la fonction publique. Par contre, le chef d'Unité-Québec nous a proposé un amendement pour suspendre les débats pendant quatre heures, afin de nous permettre de rencontrer les chefs des centrales syndicales, pour essayer, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de trouver un joint à quelque part, un filon qui nous mènerait à une solution sans l'imposition de cette loi.

C'est pour cela, M. le Président, que j'appuie la motion du chef d'Unité-Québec. Je dis au gouvernement que, ce soir, avant de penser, avant d'être convaincu de régler le mécontentement de 210,000 fonctionnaires, avant de penser de régler ce mécontentement par une loi, le gouvernement devrait prendre la dernière chance peut-être qu'on lui offre.

C'est-à-dire la dernière chance de prouver sa bonne foi dans les négociations, de prouver surtout aux membres de l'Opposition que tout ce que le premier ministre nous a dit est vrai. Et si le gouvernement actuel refuse de rencontrer les chefs des centrales syndicales, moi personnellement je me poserai des questions et je me dirai que le gouvernement avait probablement quelque chose à cacher aux membres de l'Opposition. Et je me dirai que peut-être que le premier ministre n'a pas tout dit aux membres de l'Opposition.

Je ne veux pas avoir à me poser ces questions à partir de demain, parce que 210,000 fonctionnaires dans la rue, c'est faux de dire que c'est peut-être 20 ou 25 personnes qui mènent ces gars-là. C'est parce que ces 210,000 employés du gouvernement qui sont mécontents, qui sont entrés dans le front commun et qui sont sortis dans la rue, à la surprise du gouvernement, qui depuis des mois nous disait que c'étaient trois ou quatre chefs syndicaux qui montaient la tête des gens. Il y en a 210,000 dans la rue.

Et on ne règle pas un problème social comme ça en imposant une loi comme celle que nous présente le gouvernement. Et si le gouvernement refuse l'amendement du chef de l'Unité-Québec...

M. BOURASSA: ... commission parlementaire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai pas permis au premier ministre de me poser des questions. Laissez-moi finir mon discours. E-coutez ce que l'Opposition vous dit. Prenez des conseils de l'Opposition. Cela peut être salutaire pour vous parfois. Parce que, si le gouvernement refuse cet amendement, il ne pourra plus jamais dire qu'il a tenté la dernière chance avant d'imposer une loi aux fonctionnaires du gouvernement du Québec. Jamais plus le gouvernement ne pourra le dire. Et la population ne croira pas le gouvernement, parce qu'il aura refusé une rencontre qui a été organisée. Le député de Maisonneuve a communiqué avec les chefs des centrales syndicales. Ils sont prêts à venir nous rencontrer d'ici une demi-heure, au plus d'ici une heure.

Que le gouvernement y pense sérieusement et qu'il réfléchisse à cet amendement. C'est peut-être sa dernière chance d'éviter une loi qui sera catastrophique pour les fonctionnaires et pour le gouvernement actuel. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: Je n'avais pas l'intention d'intervenir sur la motion d'amendement de l'honorable député de Bellechasse; mais, comme le disait tout à l'heure mon collègue de Saint-Maurice, il me semble que les membres du Parti libéral se posent des questions sur la motion. Il est vrai que je m'en suis posé, notamment après l'exposé du député de Montmagny. Mais j'ai eu l'occasion d'écouter le président de la CEQ à la télévision et après les propos qu'il a tenus sur ce qu'il pensait d'une commission parlementaire comme celle de la Fonction publique, je dois demander aux membres de l'Assemblée nationale de battre la motion de l'honorable député de Bellechasse et de passer immédiatement au projet de loi, parce que "ça urge". Merci.

M. LOUBIER: M. le Président, en vertu des règlements 101 et 171, est-ce que je pourrais poser une question au député?

M. VEILLEUX: Allez.

M. LOUBIER: Quels sont les propos tenus par M. Charbonneau concernant la commission parlementaire de la Fonction publique?

M. VEILLEUX: Lorsqu'un président d'une centrale syndicale, à un moment comme celui que nous vivons à l'heure actuelle, se permet de dire qu'une commission parlementaire ne sert que de façade, étant donné que ça n'a absolument aucun pouvoir; qu'on se pose même la question et je me pose sérieusement la question, si le président de la CEQ va même se présenter mardi à la commission parlementaire, d'après les propos qu'il a tenus, alors, face à une telle

attitude, je ne vois pas pourquoi les membres de cette Chambre iraient perdre — et je pèse bien les mots que je dis — quatre heures à une commission parlementaire pour entendre un représentant syndical qui a tenu des propos comme il a tenus tout à l'heure sur le fonctionnement, sur la force que peut avoir une commission parlementaire comme la Fonction publique.

M. LOUBIER: Est-ce que le député pourrait me permettre une autre question?

M. VEILLEUX: Oui.

M. LOUBIER: Si les autres présidents des deux autres centrales n'ont pas fait de déclarations dans ce sens-là, pourquoi le député baserait-il son argumentation sur strictement une appréciation de M. Charbonneau?

DES VOIX: Le front commun.

M. VEILLEUX: Tout simplement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

DES VOIX: Le front commun.

M. VEILLEUX: Je dirais au député de Bellechasse, chaque soir qu'est venu à la télévision un chef syndical, il parlait toujours au nom du front commun. Quand M. Laberge venait, il parlait au nom du front commun, quand M. Pepin se présentait à la télévision, il parlait au nom du front commun, et ce soir, M. Charbonneau parlait au nom du front commun parce qu'il disait aussi ce que feraient durant la nuit les conseils d'administration des trois centrales syndicales.

M. LOUBIER: M. le Président, si je prenais la dialectique...

M. L'ALLIER: M. le Président...

M. LOUBIER: ... du député de Saint-Jean, je pourrais dire que nous parlons tout de même au nom de 55 p.c. de la population aujourd'hui.

DES VOIX: Non.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. Jean-Paul L'Allier

M. L'ALLIER: M. le Président, toute cette longue discussion a son origine dans une proposition simple présentée par le chef de l'Opposition. J'éviterai de qualifier, pour ne pas, à cette heure-ci des travaux de cette Chambre, créer d'animosité et parce que j'ai beaucoup de respect pour le chef de l'Opposition, cette proposition de simpliste ou de démagogique.

C'est une proposition qui peut paraître séduisante à quiconque n'a pas suivi avec quelque attention, depuis un an, le déroulement des négociations. C'est une proposition, à première vue, qui laisse entendre que le gouvernement s'est conduit d'une façon irresponsable en fermant lui-même la porte à tout contact et à toute négociation, alors qu'il y avait encore espoir.

C'est une proposition et c'est une motion qui dénote — je parle ici pour Unité-Québec et le parti créditiste en particulier — une absence totale de connaissance du dossier.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Parce que vous avez...

M. L'ALLIER: On se plaint, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. L'ALLIER: ... et le député de Chicoutimi est celui qui se plaint le plus souvent de n'être pas informé. J'ai fait régulièrement le point en cette Chambre. Deuxièmement, le député de Chicoutimi n'est pas obligé de me croire, nous avons communiqué avec tous les partis pour leur offrir toute la documentation fournie au front commun depuis un an. Ce sont des milliers de pages.

Si le système de courrier à Unité-Québec ne fonctionne pas, au Parti québécois, on pourra vous dire qu'ils ont reçu cette liste et qu'ils y ont fait appel.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. L'ALLIER: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pose la question de privilège, M. le Président. Ce que vient de...

M. LEVESQUE: M. le Président, une question de privilège.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, un instant! Ne vous énervez pas! Vous avez humilié un ministre, il est en train de s'expliquer; on va l'écouter paisiblement. Mais le ministre de la Fonction publique n'a pas le droit de dire ce qu'il vient de dire, que je ne serais pas informé. Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que nous n'étions informés que par le truchement d'une source, celle du gouvernement. Je ne mets pas en doute la bonne foi du ministre de la Fonction publique.

M. L'ALLIER: Je n'avais pas fini, M. le Président, mon intervention sur ce point.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ces papiers-là.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. L'ALLIER: Si le député de Chicoutimi est satisfait de l'information que nous lui avons fournie, j'en suis très heureux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous en voulons d'autres.

M. L'ALLIER: Si, cependant, il n'a pas d'informations suffisantes du côté du front commun, je ne vois pas comment il pourrait me le demander à moi, d'ailleurs, il ne me l'a pas demandé. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.

Quant à nous, parce que c'est ici que je dois m'adresser en cette assemblée, nous avons offert toute l'information qui avait été transmise aux centrales syndicales.

Depuis un an que ces discussions et ces négociations sont amorcées avec le front commun, le front commun a eu largement le temps, et il en a profité, de faire connaître à la population son point de vue, aussi bien que le gouvernement peut le faire.

On sait que depuis presque une semaine, tous les soirs pendant un quart d'heure, le front commun prend un quart d'heure pour communiquer à la population tel ou tel point, telle ou telle chose. Il a eu aussi une émission d'une demi-heure. Je sais que le gouvernement a aussi fait de l'information. Nous avons fait de ce côté, quant à nous, ce que nous croyons utile de faire. Ce que je veux dire, M. le Président, c'est ceci sur cette motion.

On présente cette motion comme étant une chance ultime de négociation, c'est-à-dire de règlement, donc de négociation.

M. LOUBIER: Bien non, vous n'avez pas compris.

M. L'ALLIER: M. le Président... M. PAUL: II n'a pas encore compris. M. L'ALLIER: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre est fatigué.

M. L'ALLIER: M. le Président, vous êtes fatiguant aussi, M. Tremblay.

M. LOUBIER: J'invoque le règlement. On n'a tout de même pas le droit de donner les motifs à la motion qui n'apparaissent même pas dans la motion et de prétendre, à ce moment-là, que l'on présente la motion sans information, de qualifier qu'elle est simpliste, qu'elle est démagogique, etc. Je pense que je dois faire appel à ce moment-là à votre intervention et que le ministre ne doit pas perdre les pédales.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs! Le ministre de la Fonction publique.

M. L'ALLIER: M. le Président, je ne prêterai aucune intention à aucun membre de cette Chambre. On me permettra toutefois d'avoir une opinion sur la motion qui est présentée.

M. PAUL: Très bien.

M. LOUBIER: Faites donc ça calmement là, sans perdre les pédales!

M. L'ALLIER: Ce n'est pas moi qui m'énerve, M. le chef de l'Opposition!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. L'ALLIER: Je vais donc tenter de parler comme il me l'a offert tout à l'heure, sous la bienveillante protection du député de Chicoutimi, parce que, je me souviens bien, il m'a offert sa protection.

M. PAUL: Vous en avez besoin d'ailleurs. UNE VOIX: Cela fait tout un "body-guard"

M. L'ALLIER: M. le Président, on propose une motion à l'effet de suspendre le débat pendant quatre heures. Le nombre d'heures exact pourrait être trois, cinq, six, un temps très court. Si je me trompe dans ce que je dis, que le chef de l'Opposition me corrige sur ce point de sa motion qui est de permettre au chef du gouvernement et au chef de l'Opposition de rencontrer les représentants du front commun, pour leur proposer un moratoire de trois mois, une commission parlementaire et un règlement immédiatement applicable qui est un réajustement à 5 p.c.

Est-ce que je peux savoir du chef de l'Opposition si c'est exact?

M. LOUBIER: Ce que j'ai proposé, M. le Président, c'est...

M. LE PRESIDENT: Avec le consentement de la Chambre, allez.

M. LOUBIER: ... qu'il y ait d'abord une rencontre avec les représentants du front commun, le premier ministre, le ministre de la Fonction publique et les différents chefs de parti de l'Opposition ou d'autres ministres. Que, premièrement, on demande aux représentants de la partie syndicale, si elle accepte de demander et d'exiger que tous les employés gouvernementaux retournent immédiatement au travail, le tout subordonné aux conditions suivantes, c'est qu'ils ont, dès le départ, la garantie que les offres faites au moment où on se parle, par la partie patronale, seront respectées et que ce sera un minimum au moins de garantie pour tous les syndiqués.

Que, deuxièmement, il y ait convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique, mardi, qu'il y ait séance, version des deux parties syndicale et patronale et simultanément un moratoire de deux mois ou de trois mois. J'avais toujours envisagé trois mois mais disons qu'en l'occurrence je me rallierais à deux mois.

Après les deux mois, s'il y a encore impasse et si on se retrouve devant un cul-de-sac, j'ai proposé soit la formation d'un tribunal de travail ad hoc, composé de membres acceptés et acceptables par la partie patronale et la partie syndicale et dont la sentence serait exécutoire. Le tribunal ad hoc aurait, à ce moment-là, à respecter certains critères établis préalablement ou encore un autre mécanisme que pourrait trouver le gouvernement mais qui donnerait l'assurance aux syndicats, au front commun de l'objectivité, de l'impartialité de cet organisme ou encore de cette structure d'arbitrage qui permettrait de donner satisfaction aux deux parties en cause actuellement et selon des critères établis préalablement, qui tiennent compte de la capacité de payer des Québécois, qui tiennent compte de la conjoncture économique, qui tiennent compte de toutes les conséquences que pourrait entraîner telle ou telle offre gouvernementale.

M. L'ALLIER: Très bien, M. le Président, j'ai bien compris.

M. LOUBIER: Et après tout cela, s'il y a lieu, une loi.

M. L'ALLIER: M. le Président, nous avons... M. DEMERS: C'est compliqué.

M. L'ALLIER: Non, ce n'est pas compliqué. Je vais l'expliquer lentement pour que vous compreniez bien, parce que je ne pourrai pas l'expliquer deux ou trois fois. A vous entendre, on a l'impression qu'on a tout le temps devant nous et effectivement, on a tout le temps devant nous.

M. PAUL: Les syndicats savent cela.

M. L'ALLIER: La question qui est au fond de la motion du député de Bellechasse est d'abord et avant tout une question d'information, du côté syndical, sur le dernier point des négociations et, deuxièmement, c'est aussi une question de crédibilité dans la réponse faite en Chambre par le gouvernement, suite à la dernière rencontre de négociation que nous avons eue avec le front commun.

Une des dernières phrases qui aient été dites lors de cette rencontre, si ma mémoire est exacte, après que les représentants du front commun nous aient dit qu'il leur était impossible de considérer comme base de règlement les propositions ultimes que nous avions faites la veille, dans la matinée à sept heures, quelqu'un a demandé: Qu'est-ce qui se passe, maintenant? Un des trois chefs de centrales syndicales a déclaré, présumément au nom des autres: La grève continue.

Nous avons fait des propositions, nous avons, pendant six heures, en présence de nos négociateurs et de nos porte-parole, qui sont aussi ceux de la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui représente l'ensemble des commissaires et des commissions scolaires également élus par les mêmes gens qui nous élisent pour des fins d'administration scolaire et avec leur accord, des porte-parole qui sont également les représentants de l'Association des hôpitaux, nous avons fait des propositions qui comportent des sommes d'argent additionnelles aux offres déjà faites et qui comportent également l'application d'un certain nombre de principes qui sont énoncés dans la politique salariale du gouvernement qui a été distribuée en cette Chambre en mars 1971, notamment sur les points suivants.

M. LOUBIER: M. le Président, je m'excuse, je dois soulever un point de règlement. Le ministre pourrait fort bien, à l'occasion de la deuxième lecture, faire cet exposé qui touche au fond même du problème.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER: M. le Président, il est carrément en dehors...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. L'ALLIER: M. le Président, je regrette. J'essaie de faire tous les efforts possible pour parler sérieusement de cette question. On n'est pas dans une foire, il faut parler sérieusement d'une question sérieuse. C'est la première fois que le Québec vit une grève de cette envergure. Si je parle de négociation alors qu'au moment de sa motion, au moment de son exposé tout à l'heure, le chef de l'Opposition a cru nécessaire de faire des remarques un peu désobligeantes à l'endroit de l'épouse de l'ex-premier ministre Johnson, cela se rapproche quand même davantage ici du débat.

M. LOUBIER: M. le Président, une question de privilège. Ce n'est pas une remarque désobligeante que j'ai faite, j'ai été provoqué par le ministre des Finances et je n'ai fait qu'informer les membres de cette Chambre d'une constatation que j'avais faite moi-même. Point.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. L'ALLIER: Nous avons donc fait une proposition et le point auquel je veux en venir, M. le Président, c'est que la rencontre ultime que semble souhaiter l'Opposition, effective-

ment elle a eu lieu, pour moi l'Opposition, c'est ce qu'il y a en face. Cette rencontre ultime que semble souhaiter l'Opposition elle a effectivement eu lieu quant à nous, hier. C'est le gouvernement qui doit assumer la responsabilité de cette négociation. Je comprend que les partis de l'Opposition souhaitent être informés des deux côtés, c'est dans ce sens-là que j'ai posé la question tout à l'heure au député du Ralliement créditiste, à savoir s'il avait fait, depuis un an, des efforts pour rencontrer le front commun et se faire expliquer la politique salariale du gouvernement. Quoi qu'il en soit, nous n'en sommes pas, après neuf jours et demi de grève, alors que nous avons fait une proposition mardi matin, proposition qui était disponible depuis la veille, après deux heures de caucus, il semble que les chefs syndicaux n'aient pas été disponibles à ce moment-là, nous avons fait une proposition mardi matin. Le front commun syndical nous a demandé un certain délai pour étudier, cette proposition a été étudiée, ils nous ont demandé une rencontre à quatre heures de l'après midi, nous avons proposé qu'à cette rencontre assistent les membres du comité ministériel pour réduire à néant le délai de communication, de consultation et de décision entre nos porte-parole et nous-mêmes. Cette rencontre nous a été demandée par les représentants du front commun présumément pour nous donner une réponse à nos propositions. La réponse qui nous a été donnée est négative sur des points majeurs, premièrement la question de sécurité d'emploi chez les enseignants, la position du gouvernement est à l'effet, non pas d'accorder la sécurité d'emploi chez les enseignants et dans le domaine scolaire mais bien, par des mécanismes de recyclage, bureaux sectoriels et intersectoriels de placement, de même que par une adjonction assez considérable d'argent aux prestations d'assurance-chômage qui seraient versées en cas de non-emploi, de faire en sorte que ce personnel puisse, sur une période d'une année, réintégrer le marché du travail, soit dans l'enseignement, soit ailleurs. Nous avons fait des propositions salariales qui sont basées sur des principes fondamentaux à savoir que c'est au gouvernement qu'il appartient de déterminer quelles sont les hiérarchies d'emploi au sein des secteurs public et parapublic. C'est au gouvernement qu'il appartient de déterminer quels sont les échelons à l'intérieur des emplois et comment les emplois sont classés les uns par rapport aux autres à l'intérieur des secteurs public et parapublic. C'est une prérogative de gouvernement. Nous l'avons exercée cette prérogative. Le front commun nous dit: Non, vous allez nous donner l'argent, et à un moment donné ou l'autre de la convention, nous allons nous-mêmes le répartir suivant ce que nous jugeons opportun.

Ceci est contraire aux principes fondamentaux de la politique salariale du gouvernement, connue par le front commun depuis plus d'un an maintenant. Ces principes ont été discutés avec le front commun. Nous avons eu, à la table centrale au-delà de vingt jours de négociation intensive. Nos négociateurs ont passé là la fin de semaine de Pâques, avec les représentants du front commun. La grève a été déclenchée. Nous avons fait deux propositions presque coup sur coup.

Ces propositions ont été refusées et n'ont été suivies d'aucune contreproposition valable. On a fait certaines suggestions, certaines approches. La question que nous avions posée était la suivante: Est-ce que la proposition globale que nous avons faite mardi matin peut constituer pour vous une base de règlement? La réponse a été non.

Ce conflit ne peut se régler que par la négociation ou par, ultimement, comme deuxième solution et moins bonne solution, je l'admets, par décret ou loi. En présentant aujourd'hui un projet de loi, j'aurai l'occasion de parler sur le projet de loi, nous voulons ménager du temps de négociation avant de recourir à l'imposition de conditions de travail. Il nous est cependant apparu, comme gouvernement et comme gouvernement responsable de cette négociation, que le temps pour discuter et négocier, si nous ne pouvons pas nous entendre sur des minimum acceptables et permettant une continuation et un aboutissement rapide des négociations, était écoulé. J'ai souhaité, hier, avoir avec moi mes collègues pour qu'ils puissent déceler des éléments positifs qui auraient pu conduire à une poursuite intensive des négociations. Nous y étions disposés. Nous avons même quitté cette salle à 2 h 10 hier matin.

Par ailleurs, lorsque nous avons quitté cette salle, le porte-parole du gouvernement a dit, en présence de tous les membres du front commun qui ont assisté à cette rencontre, ils étaient neuf, il leur a dit: Vous pouvez communiquer avec moi en tout temps. La porte est restée ouverte, et elle l'est encore. Si les représentants du front commun ont des propositions à faire qui sont des positions susceptibles d'une base de règlement et conformes aux principes dont un Etat ne peut pas se départir pour administrer, qu'ils nous fassent ces propositions. Qu'ils les fassent, le porte-parole est là pour le faire.

M. PAUL: C'est ça qu'on demande.

M. L'ALLIER: J'ai vérifié, il y a cinq minutes. Je regrette, vous ne faites pas encore partie du gouvernement. Le porte-parole du gouvernement — j'ai vérifié il y a cinq minutes — n'a reçu, lui, aucune communication du front commun. C'est le canal de négociation, et c'est celui-là qu'il faut respecter.

M. LOUBIER: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre?

M. L'ALLIER: Très brève?

DES VOIX: Non, non.

M. LOUBIER: Est-ce que c'est ce canal que vous avez respecté hier à la rencontre au sommet?

M. L'ALLIER: Ah oui! Je suis très heureux de le souligner. Parce que, précisément, la rencontre que nous avons eue hier a été conduite par le porte-parole du gouvernement et par les négociateurs du gouvernement. C'est ce que j'ai tenté d'exposer...

M. LOUBIER: On pourrait le faire ce soir aussi.

M. L'ALLIER: C'est ce que j'ai tenté d'expliquer tout à l'heure au chef de l'Opposition en disant que le comité ministériel a assisté à la rencontre, afin de réduire le décalage normal qui existe lorsque nous sommes ici et que les porte-parole sont en négociation. Ils doivent faire des caucus, nous faire rapport. Nous décidons, et nous voyons ce qu'il y a à ajuster dans le mandat. Pour réduire à néant ce délai de communication entre ceux qui donnent les mandats et qui ont la responsabilité de les donner et ceux qui doivent les négocier, nous avons assisté à la rencontre. Nous avons, pendant cette rencontre, fait plusieurs caucus. Des fonctionnaires étaient autour de nous à tous les niveaux, de tous les ministères impliqués pour travailler sur des propositions, sur des chiffres, sur des analyses, pendant toute cette rencontre. Ils le font depuis des mois. Ils le font pour l'Etat et pour la collectivité québécoise.

Ceci dit, je peux, de ma place ici à l'Assemblée nationale, et mes collègues le ministre des Finances, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Education pourront en témoigner, je peux affirmer avec toute la responsabilité que cela suppose que nous avons constaté, hier, qu'il n'y avait pas possibilité d'en arriver dans un délai raisonnable ou même appréciable, à une solution négociée de ce conflit, à moins que, du côté du front commun il y ait un assouplissement considérable de sa position et que l'on accepte de respecter des principes qui sont inhérents à la gestion et à la gouverne d'un Etat.

Nos communications sont ouvertes. Nous sommes disposés à recevoir cet appel du front commun qui modifierait substantiellement cette position et qui les amènerait à considérer comme raisonnable la proposition ultime que nous avons faite, après neuf jours de grève. Je dois cependant, comme ministre de la Fonction publique — et on est libre du côté de l 'Opposition de mettre en jeu ma crédibilité; on est libre de dire: M. le ministre on ne vous croit pas, c'est tellement important qu'on veut l'entendre nous aussi — je dis à ce moment-là aux membres de l'Opposition qu'ils sont aussi, eux, libres de communiquer avec le représentant du front commun pour avoir toutes les informations et toutes les explications qu'ils souhaitent. Quant à nous, cette négociation est notre responsabilité mais elle est cependant la responsabilité de l'ensemble de cette assemblée de voir à ce que, face à la situation actuelle, le bien commun et l'intérêt de l'ensemble de la population, de chacune de ces personnes que nous représentons dans nos comtés, élèves, malades, malades chroniques, soit sauvegardé. C'est ce que nous souhaitons faire maintenant. Nous avons proposé la commission parlementaire, nous l'avons proposée pour mardi...

M. PAUL: Je fais appel au règlement. Je regrette d'être désagréable à l'honorable ministre. Premièrement, 80 p.c. de nos propos n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article 99 de notre règlement. Deuxièmement, les derniers propos du ministre ont pour effet d'étudier le principe du projet de loi. Troisièmement, je dois vous rappeler que son droit de parole est expiré, depuis longtemps.

M. L'ALLIER: M. le Président, sur le troisième point...

M. PAUL: M. le Président, je regrette, le droit de parole de l'honorable ministre est expiré.

M. L'ALLIER: Sur un appel du règlement, M. le Président. J'avais cru comprendre aux paroles du premier ministre — c'est un point technique — le leader parlementaire de l'Opposition pourra le poser. Je prenais la parole en vertu de l'article 67, deuxièmement, et l'article 95, deuxièmement, qui permet...

M. PAUL: M. le Président, si on veut jouer avec le règlement, il faut le faire d'une façon plus subtile et non aussi bêtement que cela.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Je reconnais que le droit de parole est sans doute expiré, même s'il y a eu des interventions... Non, je reconnais que son droit de parole est expiré. Sur un sujet de cette envergure, est-ce qu'il y a consentement unanime à ce qu'il y ait quelques minutes supplémentaires? Ou, je suis prêt à retirer le droit de parole...

M. PAUL: M. le Président, s'il y avait eu moins d'attaques, ç'aurait été oui, mais c'est non.

M. L'ALLIER: M. le Président, on n'est pas prêt à entendre le ministre de la Fonction publique, alors qu'on souhaiterait entendre les représentants du front commun.

M. PAUL: Deuxième lecture.

M. Claude Castonguay M. CASTONGUAY: M. le Président, la mo-

tion qu'a faite le député de Bellechasse — le chef de l'Opposition a un attrait évident — elle a rallié, semble-t-il, les multiples oppositions. Je ne doute pas qu'elle ait été faite de bonne foi. Seulement, elle me parait inacceptable et les raisons sont simples. Je vais les donner aussi brièvement que possible. Après tous les efforts, au plan des négociations, qui ont été faits, devant l'approche d'un arrêt de travail possible, nous avons demandé à nos institutions de négocier avec les syndicats les conditions nécessaires au maintien des services essentiels et en temps opportun. Dans un bon nombre de cas cette négociation a donné lieu à des résultats tout à fait négatifs, impossibilité d'en arriver à une entente, alors qu'il s'agit de services, je pense que je n'ai pas besoin de le rappeler, qui présentent un caractère essentiel.

Dans d'autres cas, il y a eu entente, mais lors des deux arrêts de travail on a remis en cause, aux lignes de piquetage, de toutes sortes de façons, les ententes qui avaient été conclues.

Egalement, M. le Président, dans les cas où il n'y avait pas eu entente sur les services essentiels et particulièrement dans des cas où il s'agissait de malades chroniques, de malades psychiatriques où il n'est pas possible de baisser le taux d'occupation des hôpitaux, nous avons jugé nécessaire, d'ailleurs tout comme l'avait fait le gouvernement précédent, de prendre des injonctions et ceci n'avait aucun autre but que d'assurer la santé, la sécurité de ces patients. Vous avez vu, vous-même, M. le Président, ce qui est arrivé à ces injonctions. Les journaux l'ont rapporté. C'est de l'information qui est disponible à toute la population. Et vous avez vu ce qu'on en a fait. En plus, les lignes de piquetage dans bien des cas se sont avérées des lignes de blocage. On a refusé les approvisionnements. On a refusé l'entrée des médecins. Les chefs des syndicats étaient au courant de cette situation. Ils auraient pu faire preuve d'un peu plus de sens commun et permettre que la situation soit corrigée. Cela n'a pas été fait. Nous avons fait tous les efforts. Nous en sommes rendus au terme. Pour ma part, je n'accepterais pas qu'au terme d'une rencontre qui pourrait avoir lieu cette nuit, un engagement ou une demande de la part des chefs de syndicats que les travailleurs rentrent au travail. Je ne l'accepterais pas à cause du dossier qu'ils ont monté au cours des trois dernières semaines.

J'aurais un mot à dire, suite aux propos qu'a faits le député de Saint-Jacques tantôt. C'est la raison, une des raisons, pour laquelle j'endosse pleinement, sans aucune réserve, le fait qu'il y a urgence et le fait que nous devons adopter le projet de loi qui a été déposé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

DES VOIX: Debout!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, avant d'intervenir sur cette motion, j'attendais la réponse du ministre de la Fonction publique pour savoir exactement s'il avait l'intention de donner un oui ou un non à cette motion. Mais, je ne m'attendais pas à la réponse que vient de nous donner le ministre des Affaires sociales. Cet après-midi — juste pour souligner un mot, car je sais que j'entre dans la discussion de deuxième lecture — le ministre des Affaires sociales nous a parlé d'une situation sérieuse, c'est différent d'une situation urgente. Mardi, le ministre des Affaires sociales nous avait dit que tous les problèmes qui s'étaient présentés au début de la grève et avaient été résolus en grande partie. Ce soir, le ministre des Affaires sociales vient de nous dire que c'est vrai qu'il y a urgence. Mais moi, je trouve qu'il y a quand même — parce que je sais que c'est un ministre sérieux, le ministre des Affaires sociales — une certaine disproportion entre ce qu'on nous a dit depuis le début de ce conflit et ce qu'on vient de nous dire ce soir et qu'on ne nous a pas dit cet après-midi.

M. BOURASSA: On va rétablir les faits tantôt.

M.LESSARD: M. le Président, nous reviendrons sur ce point au cours de la deuxième lecture parce qu'il ne s'agit pas de la discussion de la motion. La motion qui nous est présentée n'a pas pour but comme telle de s'empêtrer dans une solution possible. Le député de Bellechasse a présenté toutes les possibilités, toutes les formules.

Ce qu'il s'agit de savoir, c'est à quelles conditions il serait possible d'empêcher que soit adoptée une telle loi, parce que ça fait déjà pas mal de fois qu'on règle toujours les problèmes sociaux au Québec par des lois spéciales avec des conséquences extrêmement néfastes. On est en train de créer...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saguenay parlera de la loi lorsque nous serons en deuxième lecture. Pour le moment, qu'il parle de la motion du député de Bellechasse.

M.LESSARD: M. le Président, je suis toujours sur la motion et j'essaie de dire comment il est important, actuellement, pour le gouvernement d'accepter la motion qui nous est présentée par le député de Bellechasse, par le chef de l'Opposition officielle. Et pour ça, M. le Président, il faut prendre conscience des gestes qu'on pose; il faut prendre conscience du geste que nous poserons tout à l'heure lorsque nous passerons à la deuxième lecture du projet de loi; il faut prendre conscience des perturbations sociales, des perturbations que cela peut créer dans les relations humaines, tant au niveau des enseignants qu'au niveau de la fonction publique, qu'au niveau des hôpitaux. Il y a des coûts humains, M. le Président, qui ne peuvent pas se calculer lorsqu'on prend une décision aussi importante que celle-là.

Car le but de la motion du député de Bellechasse, c'est d'essayer de savoir à quelles conditions il est possible d'empêcher cette loi spéciale. Il faut dire, M. le Président, que le climat d'hier soir n'est pas du tout celui de ce soir. Il faut dire, qu'il y a actuellement une loi spéciale qui vient de nous être présentée. Il faut dire, M. le Président, que l'opinion publique actuellement est véritablement informée du problème qui se pose. Il faut dire, que la situation, si on acceptait cette motion du chef de l'Unité-Québec, que les responsabilités des syndicats seraient extrêmement importantes et extrêmement graves.

Il s'agit d'essayer de partager les responsabilités et le député de Montmagny l'a soulevé, ce problème-là. Si, par exemple, avec l'information qui était donnée aux trois chefs des partis de l'Opposition, avec la présence des responsables ministériels, avec ces informations-là, M. le Président, ça nous permettait, nous autres en tout cas, d'avoir les informations nécessaires; ça nous permettait, députés de l'Opposition, membres de cette Chambre, représentant quand même 55 p.c. de la population, d'être capables ou non d'endosser les politiques gouvernementales à ce sujet.

Je comprends que c'est la responsabilité du gouvernement de décider. Mais, M. le Président, il reste qu'il s'agit là d'un problème humain, d'un problème important, d'un problème qui risque — comme on le disait tout à l'heure — d'annuler toute négociation possible dans l'ave- nir. Il ne s'agit pas, de ne pas croire ou de croire les responsables ministériels qui ont négocié; il s'agit peut-être d'avoir une évaluation différente d'une situation. C'est tout simplement ça.

Le ministre de la Fonction publique nous dit : Toutes les négociations, actuellement, c'est impossible de les reprendre; qu'on est actuellement rendu à un cul-de-sac. D'un autre côté, les chefs syndicaux accepteraient de se rendre discuter avec les responsables ministériels. D s'agit d'un moyen ultime mais pourquoi ne serait-ce pas accepté? De toute façon, le projet de loi — simplement pour souligner que c'est samedi matin que la loi entrera en vigueur cette affaire-là, — veut dire qu'on peut facilement accepter encore quatre heures de répit. La responsabilité de chacun, lorsque ce moyen ultime aura été utilisé, pourra être partagée et les chefs de l'Opposition pourront à ce moment-là informer les députés de chaque parti de ce qui s'est passé lors de cette discussion-là. C'est quand même important de le savoir. C'est ce qu'on ne sait pas.

On nous demande d'endosser une politique gouvernementale. On nous demande d'endosser un projet de loi, mais nous n'avons pas exactement les informations nécessaires.

Nous avons sans doute des informations de part et d'autre, mais est-ce qu'il ne serait pas possible de poser un jugement différent sur la situation? Est-ce qu'il ne serait pas possible d'obliger, par exemple, par ce dernier recours, la partie syndicale, peut-être par la pression de l'opinion publique, d'accepter ultimement une dernière possibilité, une dernière offre gouvernementale?

M. le Président, c'est important, ces quatre heures. Il y a un paradoxe qu'on vit continuellement dans cette Chambre, c'est que, quand il y a des choses sérieuses qui se discutent, on suspend tous les règlements. Quand il y a des choses sérieuses, on passe le rouleau compresseur. Quand il y a des choses sérieuses, M. le Président, il faut aller vite, le feu est pris et il faut l'éteindre.

C'est pourtant lorsque se présente une situation sérieuse, une situation alarmante, il faudrait prendre tout le temps nécessaire pour étudier les projets de loi, il faudrait prendre tout le temps nécessaire pour l'étudier sereinement. Il me paraît que ce n'est pas dans des projets de loi ordinaires qui ne transforment pas complètement une situation qu'on devrait utiliser tous les moyens de la procédure qui nous permettent de réfléchir lentement, de réfléchir sérieusement.

C'est justement dans une situation comme celle-là que nous vivons ce soir, que nous devrions avoir tous les moyens nécessaires pour réfléchir sereinement. Or, cette motion, M. le Président, qui vous est présentée comme dernier recours, permettrait de savoir exactement, du moins d'apprécier, quelles sont de part et d'autres les positions, d'apprécier les volontés ou les désirs des chefs syndicaux, de savoir si,

véritablement, ils sont responsables de la situation, si, véritablement, ils en veulent une loi spéciale.

S'ils en veulent une, M. le Président, ils en seront responsables, tant devant l'opinion publique que devant leurs syndiqués. Je ne crois pas, et je reviens à ce qu'a dit un de mes anciens collègues de syndicat, avec lequel j'ai travaillé. Il disait tout à l'heure que les déclarations d'un chef syndical, de M. Charbonneau de la CEQ, nous permettaient de dire non à la proposition qui était amenée par le député de Bellechasse.

Je ne crois pas, M. le Président, qu'on puisse se fier actuellement à un enregistrement de télévision qui a pu être fait cet après-midi ou hier, et on ne peut pas se fier non plus à un seul chef actuellement parce qu'on sait quel est le climat social qui existe actuellement. On sait quel est le climat qui existe à l'intérieur de l'Assemblée nationale et je pense qu'avant de refuser des propositions qui viendraient de la part du chef d'Unité-Québec, de la part du Parti québécois ou de la part du chef des créditistes, les chefs syndicaux y penseraient à deux et à trois reprises avant de refuser peut-être le retour au travail, avant...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay a épuisé son droit de parole.

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Je vous remercie, M. le Président, j'ai demandé la parole en vertu de l'article 97 parce qu'il me semble que, malgré tous les efforts que j'ai faits, aussi bien mardi que cet après-midi, pour être aussi consistant et clair que possible, le député de Saguenay n'a pas compris ou voit une contradiction dans mes propos.

Mardi après-midi, j'ai dit que la situation était sérieuse. Cet après-midi, j'ai redit qu'elle était sérieuse et qu'il y avait eu une certaine détérioration. Simplement, il y a une distinction très importante entre mardi et jeudi après-midi, et voici laquelle. C'est que mardi, nous croyions encore à la possibilité d'une solution par la voie de la négociation.

Cet après-midi, ou jeudi après-midi, cette solution n'apparaissait plus possible, le droit aux services de santé qui étaient limités depuis un certain temps à cause du respect du droit de grève, la nécessité de rechercher la solution négociée n'apparaissant plus possible, il nous a fallu maintenant passer à l'autre étape, et c'est la distinction que j'ai essayé de faire cet après-midi.

Je n'ai pas donné un portrait plus tragique de la situation jeudi après-midi que je l'ai fait mardi après-midi. Et je rappelle qu'en vertu de l'article 97, mon intervention ne peut engendrer un débat. Alors merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, même si nous avons entendu deux ministres prendre la parole sur la motion du député de Bellechasse, j'ose croire que l'opinion définitive du gouvernement n'en est pas scellée pour autant. Effectivement, le ministre des Affaires sociales, et le ministre de la Fonction publique ont tous les deux fait porter leur intervention sur le point suivant. Ils ont tous les deux fait état, si vous voulez, témoigné d'une frustration qui est bien compréhensible. J'essaie de me penser dans leur position, et je le comprends. Ce n'est pas facile pour un ministre responsable de la santé publique, de vivre les dernières semaines au Québec.

Ce n'est pas facile non plus pour le ministre de la Fonction publique, d'autre part d'avoir à faire face, d'avoir à négocier ardument la plus importante grève dans l'histoire du Québec. Cela, je le comprends. Que ces deux hommes-là soient un peu exaspérés, exacerbés et puis qui croient en l'inutilité...

M. BOURASSA: La population aussi.

M. JORON: ... de poursuivre encore, ne serait-ce que pour quatre heures, j'ai tendance à le croire, mais je pense que ce qu'ils ont oublié, c'est que ce dont il s'agit ici, ce n'est pas de poursuivre les négocaitons. Entendons-nous bien là-dessus. La motion n'a pas la prétention de dire que, dans les quatre heures supplémentaires, ce qui n'a pas pu être accompli dans les semaines précédentes, le serait nécessairement.

Ce que la motion vise, et là-dessus le ministre de la Fonction publique se trompait quand il disait: Le canal de communication normale demeure toujours ouvert. Le téléphone est là, puis il n'a pas sonné. Seulement le contexte est différent. Là, on ne parle plus de négociation à ce moment-là. On n'a pas la prétention de faire aboutir les négociations, ce soir, dans l'espace de ces quatre heures-là. Ce dont on parle, c'est dans un contexte tout à fait nouveau, dans le cadre d'une loi qui vient d'être présentée devant l'Assemblée nationale, une loi d'urgence.

C'est ça qu'on veut éviter. Cette motion-là n'a pas l'intention de faire aboutir instantanément les négociations. Elle voudrait, elle souhaiterait éviter une loi d'urgence, une loi spéciale qui peut avoir puis ça je ne veux pas revenir là-dessus — ce n'est pas le sujet de la motion comme telle — mais les conséquences qu'on sait, puis je n'insisterai pas là-dessus outre mesure.

A ce point-là, je suis persuadé que le gouvernement comme tous les autres partis de l'Opposition voudrait l'éviter, si c'était possible, cette loi spéciale là. Elle a quelque chose de désagréable, pour employer le mot le plus doux. Personne n'aime ça des lois de ce genre-là. Je suis convaincu que le gouvernement n'aime pas ça. Là, le député de Bellechasse par sa motion

amène une petite possibilité et c'en est une quand même, non pas de faire que les négociations aboutissent, mais peut-être que la grève prenne fin, par une entente sur la reprise des négociations la semaine prochaine, dans un climat différent.

Peut-être que, de leur propre chef, le front commun déciderait de mettre fin à la grève, sans qu'on ait besoin de le faire par une loi spéciale. Vous savez, M. le Président, il ne faudrait pas présumer de la mauvaise foi des chefs syndicaux. Cela, on n'a pas le droit...

M. LEDUC: Présumer de la mauvaise foi des chefs syndicaux? On n'en présume pas, on l'a devant nous.

M. JORON: ... de faire ça. Un chef syndical qui négocie dans le cadre d'un contrat c'est une chose. Mais, placé devant la responsabilité qui leur incomberait ce soir c'est une toute autre affaire, je le répète. Là il ne s'agit plus de faire aboutir des négociations.

Il s'agit d'éviter une loi spéciale qui serait un précédent dangereux par son ampleur parce qu'elle couvre toute la fonction publique au Québec. Il ne faut pas présumer que placés devant un état de crise nouveau — un contact qui n'existait pas hier soir, pendant les négociations au Château Frontenac — placés devant ce nouveau contexte, je pense qu'il serait inadmissible de ne pas croire en la responsabilité accrue, qui arrive toujours dans les états de crise. Nous vivons une crise, nous sommes au bord d'une loi spéciale et tout le monde a intérêt à l'éviter, les chefs syndicaux les premiers, même si tactiquement quelquefois ils peuvent penser qu'à court terme cela pourrait leur être utile. A long terme, je suis sûr qu'ils sont persuadés de la nécessité de l'éviter.

Cette conscience et cette responsabilité accrues, on n'a pas le droit de présumer au départ de leur mauvaise foi, pourquoi ne pas leur donner cette chance-là? Je comprends ce que les ministres ont dit. D'aucune façon cela ne contredit l'argumentation que je présente. Les deux mêmes ministres qui ont fait état de leur frustration dans les négociations pourraient quand même admettre, même tout de suite, que dans ce nouveau contexte on pourrait donner ces quatre heures supplémentaires non pas dans l'espoir de voir les négociations aboutir par magie mais tout simplement pour éviter une loi spéciale.

En terminant, je fais un appel tout particulier au premier ministre, au chef du gouvernement qui a une responsabilité très grande. On est au bord d'une décision très importante dans l'histoire du Québec. Je comprends la position du premier ministre, c'est un homme politique comme nous tous. Selon la tactique, il y a une tentation qui se présente à lui, celle de plaire à l'opinion publique qui a hâte de voir la grève se terminer. Je ne le dis pas péjorativement parce que tous les hommes politiques, tous ceux qui font de la politique sont sujets à ce genre de tentation et je ne voudrais pas qu'ils y succombent. En même temps, il y a une autre voie qui s'offre à lui, celle de devenir conciliateur, devenir celui qui aura évité, par cet ultime effort, au Québec peut-être de mettre un point final au droit de grève dans la fonction publique. C'est peut-être à cela que ça peut aboutir aussi.

Le premier ministre a l'occasion d'être le conciliateur. Le climat social au Québec est déjà bien assez difficile comme il est là, tout le monde en est convaincu et tout le monde l'a déjà dit à une occasion ou à une autre.

M. TREMBLAY (Bourassa): II a été gâté, cela devait arriver.

M. JORON: Vous avez, plusieurs ici, blâmé certains secteurs de la population; parfois, c'étaient les syndicats, parfois, c'étaient d'autres, des marginaux. On voyait apparaître cette attitude de raidissement au Québec, ces appels à la violence, les je-ne-veux-plus-rien-savoir et il-ne-reste-plus-rien, le dialogue-ne-marche-plus, on-ne-veut-plus-en-entendre-parler. Vous avez même dénoncé cela, tous ici, nous avons dénoncé cela à maintes occasions. Il ne faudrait pas, comme Assemblée nationale, comme Parlement, que ce soir on se mette à embarquer exactement dans la même sorte de jeu qu'on dénonçait hier.

Il y a des choses à faire au Québec, il y a assez de choses importantes, dans toutes sortes de domaines, je n'ai pas besoin d'insister sur les domaines favoris du premier ministre, sur tout ce qu'on a à construire dans le domaine économique. Je voudrais faire ressortir que ces choses-là, au Québec, vont devoir se faire ensemble; elles vont devoir se faire avec les chefs syndicaux, avec les syndiqués. C'est bien dommage! A l'appui de cette motion, à cause de cette nécessité d'avoir à faire des choses ensemble au Québec, il ne faudrait pas faire apparaître les chefs syndicaux comme des ennemis. Ce sont des adversaires de négociation, j'en conviens, mais plus globalement ce sont quand même des Québécois, ce sont quand même des partenaires du Québec. N'allons pas nous en faire des ennemis à un moment si grave, c'est l'appel que je fais au premier ministre.

Il y a assez de divisions qui, dans le passé et encore aujourd'hui, ont séparé les Québécois que je n'aimerais pas que ce Parlement, ce soir, aille creuser de nouveaux fossés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: M. le Président, c'est avec beaucoup de sérénité que j'aimerais, à ce moment-ci, faire une brève intervention sur la motion présentée par le chef de l'Opposition.

M. BOURASSA: Pensez à vos électeurs, et elle sera brève.

M. BROCHU: Tout d'abord, je pense que je ne perdrai pas de temps à répondre au premier ministre.

M. BOURASSA: Vos électeurs vous en tiendront compte, par exemple. Allez-y!

M. BROCHU: J'ai un certain travail à faire, je le fais. Je ne pense pas que ce soit le premier ministre qui m'empêchera de prendre la parole.

M. le Président, je voudrais souligner que c'est avec beaucoup de sérénité que je veux intervenir et je suis surpris de voir le premier ministre réagir aussitôt sans qu'il y ait raison de réaction, puisqu'il n'y avait pas eu action préalable.

Quant à la motion, je n'ai pas été surpris ni de son but ni de son essence puisque nous en avions discuté dans notre groupement politique avec le leader parlementaire et avec le chef du Ralliement créditiste, le député de Saint-Sauveur et nous avions l'intention de travailler en ce sens-là.

Je pense que présentement il nous faut regarder froidement la situation. Que se passe-t-il? C'est que tout le monde, je pense, on peut le dire honnêtement, souffre de la présente situation, les syndiqués en souffrent, la population et je pense que le gouvernement aussi et, au bout de la ligne, j'ai fortement l'impression que dans le chemin dans lequel nous nous orientons, personne ne sortira gagnant. J'aimerais ajouter qu'il ne s'agit pas, je pense, pour une partie ou l'autre en cause actuellement, de gagner ou de ne pas gagner mais plutôt d'être juste et surtout réaliste.

A mon sens, nous avons absolument besoin de cette ultime tentative ou de ce dernier effort pour concilier les parties en cause au moins sur une entente de principe. C'est une question aussi d'honnêteté intellectuelle, pour nous du côté de l'Opposition puisque nous en avons fait la demande, la commission parlementaire n'a pas été convoquée afin que toute la lumière nécessaire puisse être faite sur la situation. Donc, partant de ce fait, nous n'avons pas, non plus, tous les éléments opportuns dont nous aurions besoin pour être en mesure d'arrêter un jugement de valeur complet sur toute la situation.

La commission parlementaire que nous avons demandée n'a pas été accordée. Donc, il reste à ce moment, deux parties en cause, les chefs syndicaux et le gouvernement qui est lui-même partie de la négociation, d'où à mon sens le besoin de cette rencontre de quatre heures comme dernière tentative et quant à nous pour faire une lumière beaucoup plus complète sur la situation.

Cependant, j'aimerais mentionner que ce n'est pas là le point majeur qui motive ma prise de position face à l'acceptation que j'ai l'inten- tion de faire de cette motion. Nous allons effectivement vers une loi d'exception assez grave. Je suis d'accord que la situation globale au Québec est également grave en elle-même puisqu'elle se présente pour la première fois, mais je pense que nous ne pouvons pas demeurer des gens pleinement responsables sans d'abord mettre en oeuvre toutes les possibilités imaginables avant d'aller à une loi d'exception qui, dans les circonstances, prend un caractère tout à fait extrême et pourrait peut-être ne pas atteindre le but que le gouvernement prévoit en apportant ce projet de loi si on s'en tient aux faits ou au but énoncés. Je ne parle pas des autres motifs ou des autres buts qu'il pourrait y avoir en arrière.

Une telle rencontre avec les chefs d'Opposition, le chef du Ralliement créditiste l'a déjà dit, pourrait décongestionner le climat des négociations, pourrait alléger l'atmosphère de ces négociations puisqu'il faut bien regarder la réalité en face. C'est une question de fait.

Depuis longtemps, le parti ministériel négocie seul avec les chefs syndicaux, d'où une certaine escalade et certains maux, je pense, de part et d'autre aussi qu'il faut peut-être comprendre. Ecoutez, j'essaie d'être objectif dans la situation.

Prenons simplement un exemple de négociation, si vous voulez, dans un ménage, face à un problème. Avant d'aller au divorce, on peut peut-être avoir recours à quelqu'un de l'extérieur qui, justement, pourra peut-être apporter des lumières nouvelles et surtout changer l'atmosphère.

Je dis que, dans la situation présente, avant d'aller à une situation de divorce définitive, pourquoi, en toute honnêteté, n'essayons-nous pas ensemble, parce que c'est un problème qui regarde toute la population, d'en arriver à éviter ce divorce qui pourrait, au contraire, apporter de nouvelles escalades et offrir les services d'une rencontre que je crois tout à fait valable?

Je ne veux pas, par cet exemple, ramener le problème à sa plus simple expression. Mais je pense quand même que c'est une question de jugement et de réalité, parce que des parties qui sont enfermées dans des locaux et qui négocient depuis un certain temps, c'est normal qu'on en vienne à ne plus voir la situation du même angle, d'où certains maux qui n'ont pas lieu d'être en circonstances normales.

M. le Président, compte tenu de ces faits que j'essaie d'exprimer le plus honnêtement possible face à la situation, pourquoi aurait-on peur d'une telle rencontre? Ce serait la dernière. Si le gouvernement revient de cette rencontre pas plus avancé qu'avant, avec une telle négociation, il serait peut-être un peu plus en droit de prendre une position définitive ou, du moins, de présenter un projet de loi qui est quand même le portrait d'une position définitive.

Face à la loi éventuelle, une telle rencontre pourrait peut-être donner lieu au moins à une entente de principe. Je ne veux pas dire ici

qu'on peut aller dans tous les détails, qu'on peut régler toutes les situations. Non et ce ne serait pas du tout le but de la rencontre, enfin d'après ce que je vois de la motion. Mais simplement peut-être une entente de principe, une décongestion de la situation où le gouvernement pourrait offrir certaines garanties, y compris celle de la commission parlementaire pleinement mandatée, et où les chefs syndicaux aussi pourraient faire leur part du chemin. Sinon, le gouvernement est parti dans ce sens-là, il s'est engagé dans cette voie, il obligera les travailleurs, par sa loi, à entrer de force. Cela équivaudrait uniquement à contenir une situation, à mettre un contenant autour d'une situation qui demeurerait purement et simplement non réglée. Cela pourrait être de nature aussi à envenimer les futures négociations, puisqu'on veut continuer à négocier. Alors pourquoi encarcaner une situation et dire qu'on va négocier après plutôt que de favoriser un sain climat de négociation et que les chefs syndicaux demandent simplement à leurs travailleurs de réintégrer les cadres de leurs emplois?

Le recours à des mesures législatives telles qu'elles nous ont été offertes peut forcer des travailleurs en grève à reprendre le travail. Mais cela peut paraître en contradiction aussi avec le droit de grève accordé aux travailleurs et aux salariés par le code du travail. Est-ce que ce sera mieux, après une loi de la sorte, pour le climat des négociations?

M. le Président, je pense que mon droit de parole est expiré. Je crois que c'est une question de justice. J'ai essayé le plus honnêtement possible, face à la situation, de démontrer le point de vue du Ralliement créditiste du Québec et la façon dont nous voyons cette situation, la façon dont nous voulons surtout collaborer pour le mieux-être de la population et que la situation se règle dans son ensemble.

M. le Président, c'est de bonne foi, je crois, que la motion a été présentée. Si le chef de l'Opposition officielle ne l'avait pas faite, le chef du Ralliement créditiste ou le leader parlementaire l'aurait faite. C'est en toute bonne foi que nous avons voulu participer à ce débat afin de mettre un terme à une escalade qui n'a peut-être pas lieu d'être. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, la motion du chef de l'Opposition officielle procède, sans aucun doute, d'un désir sincère d'en venir à une solution. Si je ne connaissais pas son habilité légendaire, j'aurais tendance à le taxer de naiveté.

En effet, cette motion ne tient pas compte de l'évolution des négociations jusqu'ici. Le chef de l'Opposition avait peut-être l'excuse de ne pas avoir suffisamment d'informations. Mais, depuis que le ministre de la Fonction publique a repassé, devant l'Assemblée nationale, les différentes étapes de cette négociation, cette excuse ne peut pas tenir. Je n'ai pas l'intention de revenir sur ce cheminement qui a été admirablement expliqué. Je n'ai pas l'intention, non plus, de revenir sur la description qui vous a été donnée de cette soirée de jeudi au cours de laquelle le comité ministériel a rencontré les chefs syndicaux.

Les positions auxquelles nous avons été confrontés se sont révélées parfaitement irréconciliables. Y aurait-il eu une chance d'en arriver à une solution et, surtout, d'en arriver à une reprise du travail, à une fin de cette grève dont nous avons pu établir l'urgence, que nous ne serions certainement pas ici à la veille de présenter, en deuxième lecture, une loi d'exception.

On a invoqué, à quelques reprises, en particulier le député de Gouin, le fait que nous étions, ce soir, dans un contexte nouveau. Eh bien! je soutiens, M. le Président, que ce n'est pas exact. Le contexte est nouveau, peut-être, en ce sens qu'il y a une loi devant l'Assemblée nationale. Mais il n'est pas nouveau en ce sens que le problème a été parfaitement posé devant les chefs syndicaux. Et n'allez pas sous-estimer leur valeur et leur habilité. Ils ont compris et ils ont évalué les risques qu'ils prenaient. En quelque sorte, les jeux se sont faits à ce moment-là et ils ont fait, en même temps, leur lit.

Pourquoi ont-ils évalué les risques? Parce que le porte-parole gouvernemental a bel et bien expliqué que les propositions du gouvernement, compte tenu d'un certain nombre d'acco-modements, compte tenu d'un certain nombre d'aménagements, constituaient des propositions ultimes et traduisaient l'effort que le gouvernement pouvait consentir, étant donné ses obligations et de ses responsabilités vis-à-vis de la population.

A ce moment-là, devant ce qui constituait...

M. LAURIN: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Bien sûr.

M. LAURIN: Est-ce que vous avez ajouté, lorsque vous dites que les chefs syndicaux ont très bien compris, que c'était une proposition ultime? Est-ce que vous avez ajouté que si cette base de règlement n'était pas acceptée, il y aurait une loi spéciale, une loi d'exception dans les heures qui suivraient?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Si le député de Bourget ne m'avait pas interrompu, j'arrivais justement à cette étape. A cause de l'estime que je lui porte, je lui ai tout de même permis de me poser sa question.

Le problème, par conséquent, a été parfaite-

ment posé. Le porte-parole gouvernemental a expliqué que la proposition que nous présentions constituait, je dois le répéter, une proposition ultime compte tenu d'accommodements et d'aménagements possibles qui semblaient, d'ailleurs, susciter beaucoup d'intérêt de leur part. Devant l'impossibilité de réconcilier nos positions respectives, les chefs syndicaux ne pouvaient pas ne pas évaluer que la seule solution qui restait était une solution législative. J'avoue que nous n'avons pas, parce que le contexte ne s'y prêtait pas, dit spécifiquement que nous présenterions une loi spéciale. Cependant, c'est manifester la dernière naïveté que de s'imaginer que ces gens-là ne pouvaient pas en être conscients.

De plus, il aurait été parfaitement irresponsable de parler ainsi, puisque le mandat du comité ministériel était d'aller chercher une réponse et, ensuite, de se référer au conseil des ministres qui, lui seul, pouvait prendre une décision, le cas échéant. Comment aurions-nous pu préjuger d'une telle décision? A ce moment-là, tous les journalistes qui suivent de près la chose politique au Québec avaient déjà envisagé cette hypothèse.

Par conséquent, je crois, en tant que membre de ce comité ministériel et je pense, en ayant discuté avec mes collègues, que je peux également parler en leur nom, que ce mercredi soir, qui restera une soirée historique, les chefs syndicaux se sont trouvés placés devant leurs problèmes et ont dû assumer leurs responsabilités. Il reste au gouvernement d'assumer les siennes. Les siennes, c'est de prendre tous les moyens nécessaires pour mettre fin à une grève qui est de plus en plus dangereuse pour notre collectivité.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre me permet une question?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Bien sûr, si le règlement me le permet.

M. PAUL: Vu que votre droit de parole n'est pas expiré, pourriez-vous prendre deux minutes pour parler de la motion?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, je voudrais, en quelques mots, appuyer la motion du chef de l'Opposition officielle, justement à cause de l'importance du geste que le gouvernement veut poser en présentant cette loi qui est, il va sans dire, un geste ultime.

La motion du chef de l'Opposition officielle a justement pour but d'éviter au gouvernement de poser ce geste ultime. M. le Président, on pose un geste ultime quand tous les moyens ont été utilisés. La motion actuelle est un des moyens qui peut éviter ce geste déplorable et aussi pourrait permettre de relancer une nouvelle négociation dans des circonstances différentes.

Contrairement à ce que le ministre de l'Education vient de nous dire, je pense que la conclusion même de ce que le ministre vient de dire nous amène, justement, à cette conclusion complètement différente de la sienne. On lui a posé la question suivante : Au moment de cette soirée mémorable, où on a négocié pour la dernière fois, est-ce qu'on a dit spécifiquement qu'il y aurait une loi qui terminerait cette négociation? Le ministre disait: C'est inconcevable de le dire. Les chefs syndicaux sont suffisamment au courant et expérimentés pour l'avoir deviné.

DES VOIX: La motion!

M. LEGER: M. le Président, on sait très bien que, dans les négociations, il y a une différence entre ce que l'on dit et ce que l'on retient.

M. LACROIX: Vous parlez pour ne rien dire!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEGER: Dans cette négociation, on n'a pas spécifiquement dit qu'une loi matraque s'en venait. Je pense, M. le Président, que, dans une négociation, on avance quand chaque pas a été bien clairement défini.

M. TREMBLAY (Bourassa): J'invoque le règlement, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Une question de règlement!

M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, c'est un non-sens. Il y a une motion d'ajournement de quatre heures et là, le député parle encore de la loi. Pour l'amour du bon Dieu, qu'on revienne à la motion! Nous voulons nous coucher ce soir. Si nous voulons nous coucher, ne le laissez pas aller. D est dans un champ de patates. Il est dans les affaires municipales.

M. LEGER: M. le Président, si le député est fatigué, je n'ai aucune objection...

M. TREMBLAY (Bourassa): Nous ne sommes pas à Pointe-aux-Trembles, nous sommes à Québec.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. LEGER: Si le député est fatigué, qu'il aille se coucher.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. TREMBLAY (Bourassa): Que le député parle de la motion!

M, LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je vois très bien que le député de Bourassa ne suivait pas ce que j'étais en train de dire. C'est exactement dans la motion puisque nous proposons ce délai de quatre heures qui permettrait, justement, de discuter parce que le contexte est différent. Comme le député ne suivait pas, je lui pardonne cet écart. Il n'a rien compris de ce que j'ai dit.

M. TREMBLAY (Bourassa): Je comprends, ne soyez pas inquiet.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEGER: Une autre affirmation du ministre de l'Education, M. le Président, disait justement que, si on est arrivé à la décision qu'il n'y avait plus autre chose à faire, c'est qu'il n'y avait absolument aucun moyen d'arriver à une solution négociée. M. le Président, c'est en contradiction directe avec ce que le premier ministre disait tantôt, puisqu'il disait que cette loi était justement pour permettre le retour au travail, mais ça ouvrait encore les négociations.

M. BOURASSA: II n'y a aucune contradiction. Le député n'a rien compris une fois de plus.

M. LEGER: Je demanderais au premier ministre de relire ce qu'il a dit. Il a bien dit que ça ne fermait pas la négociation avec la loi qu'il nous présente.

M. BOURASSA: Le ministre de la Fonction publique a dit la même chose. C'est clair que la négociation demeure possible puisque nous convoquons la commission parlementaire. Mais il y a une loi pour arrêter la grève.

M. LEGER: Si le gouvernement a décidé qu'il était absolument impossible de continuer la négociation et qu'il a fait ses efforts, sa présentation et son offre ultime, comment peut-il concilier qu'une commission parlementaire mardi aura quelque chance de succès si le gouvernement n'a plus rien à mettre et à proposer premièrement?

Comment le gouvernement peut-il concilier justement que, s'il n'y a pas une occasion de reprendre les négociations par la proposition qui est justement faite par le député, chef de l'Opposition officielle, comment se peut-il qu'il y ait de réelle négociation? C'est absolument impensable parce que la situation dans laquelle le gouvernement place les syndicats les oblige non seulement à ne plus négocier, mais à attendre le décret que le gouvernement voudra bien faire à la fin de la période qui se terminera le 30 juin.

M. LACROIX: ... que vous allez essayer de faire comprendre quelque chose.

M. LEGER: Je pense que le gouvernement a une responsabilité mais qu'au-dessus du gouvernement il y a le Parlement et le Parlement actuellement n'a pas été informé du point de vue de l'autre partie à la négociation. Le député et ministre de l'Education disait que nous devrions être très bien renseignés parce que le ministre de la Fonction publique nous a expliqué son point de vue. C'est un point de vue et c'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il devrait y avoir une possibilité de rencontre ce soir, selon la proposition du chef de l'Opposition officielle, pour permettre aux chefs des partis de rencontrer dans un contexte différent les chefs syndicaux avec les négociateurs pour pouvoir ensemble être au courant des deux aspects de la question.

Je dois dire quand même au gouvernement que c'est la première fois depuis qu'en 1965 on a adopté une loi permettant la grève, qu'on passe justement par une loi et non pas accepter une négociation. Qu'on se rappelle la grève de l'Hydro, qu'on se rappelle la grève de la Régie des alcools, la grève de la police provinciale.

M. CADIEUX: La motion, M. le Président.

M. LEGER: Dans chaque cas, on a réussi, et c'est pour ça qu'il faut nécessairement permettre la continuation des négociations par cette rencontre possible de quatre heures. Parce que pour une fois le gouvernement sera obligé de prouver à la population qu'il n'a pas su, lui, gouverner à l'intérieur des lois qui sont faites. Le gouvernement avait passé une loi en 1965 permettant aux syndiqués de la Fonction publique le droit de grève. Il enlève, une fois pour toutes par cette loi, la possibilité non seulement du droit de grève mais de la négociation dans la Fonction publique.

Je termine là-dessus en disant que cette loi matraque démontrera la faiblesse du gouvernement qui n'aura pas su administrer à l'intérieur de sa loi et qu'il a dû prendre une loi pour écraser les négociateurs et de prendre de son côté la force, et non pas permettre aux gens qui sont pris dans le conflit de négocier et de se servir de la loi pour trouver une meilleure solution.

Quand on accorde le droit de grève, on ne l'enlève pas tout simplement parce qu'une des parties négociatrices ne peut pas réussir...

M. LE PRESIDENT: La motion, s'il vous plaît!

M. TREMBLAY (Bourassa): ... à votre caisse électorale, je suppose.

M. LEGER: ... à s'entendre. Je termine...

M. LACROIX: ... pour aller dans un hôpital dans les conditions actuelles... pour Saint-Jean-de-Dieu, vous seriez mûr, vous.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEGER: ... en proposant au premier ministre de bien vouloir sérieusement considérer la proposition du chef de l'Opposition officielle que nous appuyons pour éviter de poser un geste fatal aux négociateurs dans la fonction publique.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, en quelques phrases seulement j'aimerais signifier mon accord sur la motion présentée par le député de Bellechasse.

Le député de Saint-Jean, dans sa courte intervention, a ouvert une porte toute grande et il nous a signifié avoir capté à la télévision que les chefs syndicaux ne croyaient pas aux commissions parlementaires ou, quelque chose comme ça.

M. le Président, justement ce que cette motion demande au gouvernement —j'espère que ce sera accepté — c'est d'avoir la chance d'entendre ces chefs syndicaux venir nous le dire. Ce que l'on demande au gouvernement, c'est qu'une dernière rencontre ait lieu, avant l'adoption de ce projet de loi qu'on appelle matraque.

On demande souvent si tous les moyens, dans une négociation, ont été épuisés, afin de trouver une entente.

M. TREMBLAY (Bourassa): La motion du chef de l'Opposition c'était quatre heures.

M. GUAY: C'est peut-être justement cette motion qui est le moyen. Bien sûr que je ne crois pas non plus, avec les chefs...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que je pourrais demander un peu de silence pour être capable de déterminer si le député est dans l'ordre ou non?

M. GUAY: Je disais donc, M. le Président, que cette motion est peut-être un des moyens, et il n'a pas été tenté ce moyen-là, ça vaut peut-être la peine d'essayer. Bien sûr que je ne crois pas, ce matin, à un mariage en blanc avec la partie patronale et la partie syndicale. Peut-être pas un mariage en robe longue, mais il y a peut-être lieu de croire à des fiançailles, une amorce de solution.

M. le Président, je crois que ça vaut la peine de tenter le coup. J'écoutais le premier ministre — et je l'ai écouté religieusement — il a dit que le gouvernement était pauvre. On le sait. Il l'a répété ce soir, il l'a reconfirmé. Or, pour une fois que ce moyen-là ne coûte rien, absolument rien, je me demande, pour une fois que ça coûterait si bon marché, pourquoi le gouvernement n'accepte pas? J'appuie cette motion-là, et je l'appuie à deux mains, et je ne veux pas présumer les intentions du gouvernement, mais j'espère qu'il l'acceptera. Et je dis, en terminant, si le gouvernement a démontré la même attitude à la table des négociations que celle qu'il démontre devant cette motion-là, il ne faut pas se surprendre que les négociations aient été constamment rompues.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. Raymond Garneau

M. GARNEAU: M. le Président, j'ai écouté avec une certaine attention, et parfois avec beaucoup d'attention, les propos qui ont été tenus par les membres de l'Opposition et vous me permettrez de me surprendre. Surtout, en premier lieu, de l'attitude du Ralliement des créditistes, enregistré ou non, face à ce débat. S'il nous était possible de comparer le débat d'aujourd'hui, celui que nous avons eu sur la motion d'urgence et celui que nous avons présentement sur la motion du chef de l'Opposition, il nous apparaîtrait immédiatement qu'il y a, dans l'attitude de certain groupe politique, une contradiction absolument flagrante.

D'un côté, s'il y a un parti politique en cette Chambre qui nous parle contre les syndicats, à plusieurs reprises, c'est bien le groupe du Ralliement des créditistes. Il s'agit de référer à certains discours de leur chef vénéré qui vient d'Ottawa pour voir les propos qu'il tient habituellement contre les chefs syndicaux et le syndicalisme en général.

UNE VOIX: Peloton d'exécution.

M. GARNEAU: Aujourd'hui, devant la motion du chef de l'Opposition pour demander de reporter de quatre heures le vote de cette deuxième lecture du projet de loi et engager par un certain mécanisme des consultations avec des gens qui ont une responsabilité parlementaire, mais qui n'ont pas de responsabilités sur le plan de l'exécutif et de l'administration, voici que ce parti politique se contredit d'une façon flagrante avec ses propos de cet après-midi, et là, fait une profession de foi vis-à-vis le syndicalisme.

Cette double face du parti créditiste, M. le Président, m'apparaît être une façon de pouvoir servir différentes clientèles, le même mets apprêté avec des sauces différentes, suivant les gens auxquels il parvient.

M. ROY (Beauce): La motion.

M. GARNEAU: Nous avons maintenu...

M. SAMSON: M. le Président me permettrait-il une question.

M. GARNEAU: ... je n'ai pas touché au... J'ai parlé, ce n'est pas ça que j'ai dit, je n'ai pas voulu parler d'"enregistré".

M. SAMSON: Est-ce que vous me permettriez une question bien simple?

M. GARNEAU: Oui.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre constate que, si les ministres avaient daigné laisser l'Assemblée nationale à dix heures moins quart quand on a commencé à discuter la motion, ils seraient revenus avant même qu'on ait fini de la discuter?

M. GARNEAU: M. le Président, ce n'est pas du tout la question sur laquelle je veux faire le point. Evidemment ce serait possible, M. le Président, ç'aurait été éventuellement possible de dire pour le gouvernement: Oui, on va prendre quatre heures puis on va aller voir ces messieurs. Mais ce que je veux dire, au Ralliement créditiste, c'est pour ça que je ne sais pas lequel est enregistré, c'est pour ça que je mets de côté le député de Rouyn-Noranda et son collègue qui est derrière lui.

M. SAMSON: M. le Président, s'il ne sait pas faire cette différence-là, je comprends pourquoi ils ne savent pas quoi faire de l'autre côté.

M. GARNEAU: Bien, cela ne nous a pas paru clair.

M. ROY (Beauce): La différence non plus.

M. GARNEAU: M. le Président, ce que je veux mentionner, c'est que, si nous avions accepté cette proposition du chef de l'Opposition d'avoir des rencontres avec les chefs syndicaux, nous aurions à ce moment-là reçu le blâme en dehors de cette Chambre, de plusieurs députés du Ralliement créditiste qui auraient dit qu'on est allé se mettre à genoux devant les chefs syndicaux mais qu'eux, s'ils avaient été au pouvoir, ils se seraient tenus debout, parce que ce sont toujours les propos que nous tiennent les amis du Ralliement créditiste.

M. ROY (Beauce): Le député n'a pas le droit de nous prêter des intentions et il le sait.

M. GARNEAU: On ne vous en prêtera pas, vous ne seriez pas capables de les remettre.

M. ROY (Beauce): Vous payez tellement d'intérêt qu'on n'en serait pas surpris.

M. GARNEAU: Mais vous avez des intérêts à nous emprunter, par exemple.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GARNEAU: II apparaît évident qu'il y a dans cette motion du chef de l'Opposition, une apparence de grande générosité. Je dis bien une apparence de grande générosité, parce que moi qui ai vécu quelque temps dans cette Chambre, je n'ai jamais vu et je ne prête pas d'intention au chef de l'Opposition, le règlement me le défend, mais je peux m'interroger quand même et constater, en réfléchissant tout haut, jusqu'à quel point il y a habileté dans la motion que nous a présentée le chef de l'Opposition.

Je pense que c'est une habileté qui confirme bien que ce parti politique, contrairement à ce que disait le député de Saint-Maurice tout à l'heure, ce n'est pas le gouvernement qui a besoin d'une planche de salut, mais l'Unité-Qué-bec qui a besoin d'une planche de salut dans ce débat fondamental, que nous avons ce soir, à savoir le retour au travail des employés des secteurs public et parapublic. Nous ne pouvons pas accepter cette motion.

M. LOUBIER: M. le Président, j'invoque le règlement.

UNE VOIX: Quel article?

M. LOUBIER: Article 100 si ça fait votre affaire. Si ça ne fait pas votre affaire, feuilletez, prenez n'importe lequel.

M. le Président,...

UNE VOIX: C'est du Laberge.

M. LOUBIER: ... le député de Jean-Talon depuis le début n'a traité aucunement de la recevabilité, du bien-fondé ou du "mal-fondé" de la motion que j'ai présentée et, encore une fois, M. le Président je suis médusé par l'attitude parce qu'en aucun moment vous n'avez jugé bon, comme vous l'avez fait pour les députés du Parti québécois et les députés de notre mouvement, de le rappeler à l'ordre. Encore une fois je dois m'interroger sur l'attitude que vous prenez selon des opinants. Je vous demanderai de le faire.

M. GARNEAU: M. le Président, sur un point de règlement, il me semble que mes propos s'inscrivent totalement dans la proposition du chef de l'Opposition. Ce que je veux faire ressortir, c'est que cette motion n'a pas de raison d'être à ce stade-ci du débat, parce qu'elle ne constituerait qu'une façon de sortir du pétrin des partis politiques qui veulent être capables de ménager la chèvre puis le chou. C'est ça que je veux dire.

M. LOUBIER: M. le Président, j'éviterai de qualifier les propos du ministre des Finances mais il est en train de ramener le niveau de ce débat à de la vulgaire politicaillerie. Lui seul en portera les conséquences.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Finances.

M. GARNEAU: M. le Président, s'il y a quelqu'un qui a tenté de faire de la politique avec ce débat, depuis que le chef parlementaire de notre parti a introduit sa motion, ce sont les gens en face de nous. On veut être pour et contre en même temps. Cela traduit le sens des propos qu'a utilisés le député de Maskinongé lorsqu'à une demande de la présidence il a dit: Noui.

La proposition qu'on nous fait ce soir, de reporter de quatre heures l'adoption en deuxième lecture, c'est le "noui" d'Unité-Québec qui n'a pas le courage de prendre position.

M. LOUBIER: M. le Président, encore là j'admire votre spontanéité à rappeler le député de Jean-Talon à l'ordre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il y a quand même des limites! Premièrement, je tiens à dire immédiatement que mon attitude ici ou à la table ne sera pas dictée par des menaces voilées, directement ou indirectement.

Deuxièmement, j'ai écouté le ministre des Finances. Dans mon opinion, il n'était pas hors d'ordre. Si l'un des membres de cette Chambre, de quelque côté qu'il soit, considérait qu'il était hors d'ordre, c'était d'attirer mon attention et de m'en faire la preuve. L'article 40 dit que, lorsque le président considère qu'un député est hors d'ordre, il doit, motu proprio, intervenir. Encore faut-il qu'il considère que le député est hors d'ordre.

C'est ce que je viens de dire. Je n'ai pas considéré que le ministre des Finances était hors d'ordre. Si l'un des députés était conscient qu'il était hors d'ordre, c'était de me le soumettre et j'aurais pris en considération ses remarques.

L'honorable ministre des Finances.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement. Je dois vous signaler que le ministre des Finances a commencé à parler à une heure juste. Il est une heure dix, et il n'y a absolument rien, dans nos règlements, qui vous permette de tenir compte des mini-débats à l'intérieur des propos tenus par le ministre des Finances. Je vous inviterais à accorder la parole à un autre opinant parlant, cette fois, conformément à l'article 99 de notre règlement sur la pertinence du débat.

M. GARNEAU: M. le Président, sur un rappel au règlement. C'est la deuxième fois que le chef de l'Opposition fait un rappel au règlement, depuis le début de mes remarques, il y avait différentes façons d'attaquer ou de réfléchir sur le sens de la motion, la portée de cette motion et d'apporter les points de vue qui nous paraissent valables dans cette discussion, compte tenu du contexte de la discussion.

Des arguments ont été donnés par le ministre...

M. PAUL: M. le Président, sur un nouveau rappel au règlement. J'ai signalé tout à l'heure que le droit de parole du ministre des Finances était expiré. Il est de votre devoir — ce n'est pas suivant votre opinion mais suivant le texte du règlement à l'article 40 — de signaler au ministre que son droit de parole est expiré. Ce n'est pas difficile, levez-vous.

M. GARNEAU: M. le Président, je ne suis pas sur le fond...

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances avait dit, d'une façon très claire, qu'il parlait sur une question de règlement...

M. PAUL: L'avez-vous écouté?

M. LE PRESIDENT: ... et non pas sur la motion elle-même. Parlez-vous sur la question de règlement?

M. GARNEAU: Sur la question de règlement, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de vous demander d'enlever, du temps qui était mis à ma disposition, les interruptions que j'ai eues. Je veux parler sur le rappel au règlement, parce qu'il me sera peut-être donné, à moi comme à d'autres membres dans cette Chambre, d'avoir à intervenir sur des motions.

Il y a différentes façons d'attaquer l'étude d'une telle motion, il y avait le fond de la motion que certains de mes collègues ont traité d'une façon fort pertinente, je crois, le ministre de la Fonction publique, celui de l'Education et le ministre des Affaires sociales. Ce qu'ils ont dit complétait, touchait le fond, mais je pense qu'il y a un aspect quand même qu'il était permis de développer dans le cadre de nos règlements et c'est l'interprétation qu'un membre de cette Chambre peut faire sur la situation qui peut provoquer la présentation d'une motion.

M. PAUL: M. le Président, un autre rappel au règlement, le règlement prévoit que lorsqu'un député est rappelé deux fois à l'ordre, vous le nommez, c'est de valeur que nous ne puissions pas vous nommer. Ecoutez le ministre des Finances, il est encore à discuter au fond.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si on interprète d'une façon rigoureuse et à la lettre le règlement...

M. LESSARD: Comme vous avez fait pour le député de Saguenay.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Si on interprète d'une façon rigoureuse et à la lettre le règlement, il est exact que les interruptions ou les rappels au règlement ne

doivent pas être déduits du temps. Toutefois, je tiens à rappeler à la Chambre — et je pense que c'est mon devoir — que toujours, d'une façon absolument continue, on a déduit du temps de parole les rappels au règlement.

M. LOUBIER: M. le Président, je regrette, mais je pense que je dois vous signaler que le député de Saguenay a été interrompu, il y a quelques instants, alors qu'il avait la parole, à deux ou trois reprises, et même par le président. Vous vous êtes levé, M. le Président, avec une spontanéité fabuleuse pour lui rappeler que c'était terminé et que son temps était fait et qu'il n'avait plus aucun mot à dire.

M. LE PRESIDENT: Votre exemple est très mal choisi, parce que j'ai été ici tout le temps que le député de Saguenay a parlé et j'ai précisément pris la peine d'ajouter un certain nombre de minutes à ses dix minutes à cause des interruptions.

M. LOUBIER: M. le Président, je m'excuse, mais ce n'est encore là...

M. GARNEAU: M. le Président, pour mettre fin au débat, je cesse de parler et sur le point de règlement et sur la question de fond, je pense que de la façon que j'avais abordé la question, j'avais l'impression d'être absolument dans le règlement, mais compte tenu de la situation, de l'heure qu'il est actuellement, je n'ai pas l'intention de continuer.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement, article 97. Un député qui prend la parole pour donner des explications sur un discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que, lorsque le discours qui les provoque, est terminé. Alors, comme le discours de l'honorable ministre des Finances est terminé, le ministre de l'endettement, assistant commis aux finances, je veux tout simplement lui dire que lorsqu'il nous a prêté des propos de contradiction tout à l'heure, il n'y a pas eu de contradiction ni dans nos propos ni dans notre attitude. Nous avons voté en faveur de la motion d'urgence, parce que nous estimions qu'il y avait urgence et nous l'avions réclamé avant aujourd'hui mais lorsqu'il s'est agit de la motion de l'honorable député de Bellechasse, c'est une autre chose et nous avions le droit d'adopter une attitude concernant la motion de l'honorable député de Bellechasse.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmorency.

M. Louis Vézina

M. VEZINA: M. le Président, j'ai écouté avec très peu d'intérêt certaines interventions, je ne vous le cache pas, d'autres avec un très vif intérêt et je voudrais limiter la nature de mes propos à tenter d'approfondir un des arguments qui a été soulevé par un très grand nombre d'opinants des multiples oppositions à l'appui de la motion du chef de l'Opposition.

Or, cet argument, c'est de dire que pour une des rares fois en cette Chambre les multiples oppositions étaient toutes du même avis. J'ai été invité par le député de Montmagny à bien réfléchir sur cette question et je l'ai fait et j'ai l'intention de vous livrer les conclusions auxquelles je suis arrivé. Pourquoi les oppositions sont-elles d'accord, du même avis? Pourquoi cette unité de pensée soudaine parmi les multiples oppositions sur la motion du député de Bellechasse? Il est évident que c'est peut-être le début de la réalisation de rumeurs qui veulent qu'une faction créditiste s'unisse à Unité-Québec, c'est peut-être le début de la rumeur qui veut qu'une autre partie d'Unité-Québec s'unisse au PQ...

M. ROY (Beauce): La motion, M. le Président. J'invoque le règlement.

M. VEZINA: C'est peut-être une de ces multiples raisons pour lesquelles les opinants de l'Opposition sont tous d'accord sur la motion du député de Bellechasse. Il faut scruter. Je sais que telles que présentées pour le ou les ralliements ou "déraillements" créditistes, ces quatre heures suggérées dans la motion, ce sont quatre heures de négociation additionnelles, pour nos amis de l'Opposition officielle, ce sont quatre heures d'information additionnelles et, pour nos amis du Parti québécois, ce sont peut-être quatre heures d'insurrection additionnelles.

M. LOUBIER: M. le Président...

M. VEZINA: Une minute!

M. LOUBIER: Bon, si vous préférez que je...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Arrivez au point de règlement.

M. LOUBIER: Si vous préférez que je relève les propos du député pour fin de correction à la fin...

M. LE PRESIDENT: A la fin. L'honorable député de Montmorency.

M. LOUBIER: Très bien.

M. VEZINA: M. le Président, je dis donc que même si, dans les secondes qui suivent, nous étions tous d'accord pour adopter cette motion,

nous avons déjà eu la réponse des trois colombes du front commun. C'est non, ils ne sont pas intéressés à nous rencontrer, ni en commission parlementaire, ni pendant quatre heures de la nuit. Quand j'entendais le chef parlementaire du Parti québécois dire qu'il manquait d'information, alors qu'hier soir, il a siégé, lui, avec M. Louis Laberge. Il en a des informations. Qu'il exécute les ordres du front commun. D'accord, c'est son droit. Quand j'entends dire qu'il manque d'information, c'est leur devoir de s'informer auprès du front commun. Pourquoi on ferait leur boulot? Sommes-nous devenus front commun?

M. le Président, à moins que cette province ne devienne, avec ou sans quatre heures de jeu, le foyer de l'anarchie, il est grand temps et cela presse de cesser de tergiverser de quatre heures en quatre heures comme on a trop connu au Québec certains gouvernements qui "amateuri-saient" les problèmes en les remettant de quatre heures en quatre heures, de quatre mois en quatre mois et de quatre ans en quatre ans souvent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas le temps de vous dégriser.

M. VEZINA: Je suggère, M. le Président, que c'est une motion qui, à son mérite, est tout à fait inacceptable, qui ne reflète pas l'image de l'esprit de décision du gouvernement actuel.

M. LOUBIER: M. le Président, je voudrais invoquer l'article 97 pour corriger certains écarts de langage du sympathique député de Montmorency. D'abord, il a mentionné...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas pour corriger. C'est pour peut-être faire une mise au point sur les paroles du député de Bellechasse.

M. PAUL: C'est ça. D'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça.

M. PAUL: Et, par le même coup, ce serait bon de le corriger.

M. LOUBIER: Quand le député de Montmorency prétend que le but de la motion est inspiré ou est motivé par l'affirmation d'un manque d'information de la part des partis de l'Opposition, c'est absolument faux. J'ai pris la peine de le signaler dans mon exposé. Deuxièmement, quand le député de Montmorency mentionne que les trois colombes ne sont pas intéressées à rencontrer les partis d'Opposition et les représentants du gouvernement, il a été prouvé hors de tout doute par le député de Maisonneuve que le front commun était intéressé à nous rencontrer.

M. le Président, je ne voudrais pas faire une assemblée contradictoire avec le député de Montmorency, mais je lui dirai que, si on avait agréé ou accepté notre motion dès le début, déjà la rencontre aurait eu lieu et peut-être qu'on serait arrivé à une autre solution que celle que nous avons actuellement.

DES VOIX: Vote! Vote!

M. HARVEY (Jonquière): Le négociateur est dans la galerie.

M. BURNS: M. le Président, en vertu de l'article 97...

M. LE PRESIDENT: En vertu de l'article 97...

M. BURNS: ... en vertu de l'article 97, respecté, c'est-à-dire après que l'opinant a parlé, je tiens à rétablir le fait suivant. C'est que, malgré ce que vient de dire le député de Montmorency, je tiens à réaffirmer que j'ai communiqué avec les personnes concernées au front commun et que...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: De toute façon, le député qui vient de parler ne comprend strictement rien à ce qui se passe... Cela ne pose pas de problème.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Le député de Montmorency n'a pas le droit, je pense, de ne pas prendre ma parole, d'après nos règlements.

Je tiens à réaffirmer que j'ai communiqué avec le front commun et non seulement les leaders du front commun étaient prêts — je dis "étaient" parce que d'après les interventions gouvernementales, il semble que le gouvernement a peur de rencontrer le front commun — à rencontrer le gouvernement et les trois chefs d'Opposition, mais ils sont aussi prêts à rencontrer même seulement les trois chefs d'Opposition si le gouvernement a peur d'être présent à la rencontre.

DES VOIX: Vote!

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: M. le Président, je demande le vote enregistré.

DES VOIX: Vote!

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable chef de l'Opposition officielle veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Gagnon, Croisetière, Deniers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Béland, Guay, Laurin, Burns, Léger, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm), Samson, Audet.

M. LE PRESIDENT: Que celle et ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Simard (Richelieu), Quen-neville, L'Allier, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Fournier, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Arsenault, Coiteux, Vézina, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Séguin, Saindon, Picard, Leduc, Fraser, Fortier, Assad, Bacon, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Gias-son, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux.

M. LE SECRETAIRE: Pour: 29 Contre: 59

M. LE PRESIDENT: La motion est rejetée.

Reprise du débat de deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

M. Armand Bois

M. BOIS: M. le Président, je remercie M. le premier ministre d'annoncer que lui perd son temps. Si lui le perd, je crois bien que nous nous ne perdons pas le nôtre.

M. BOURASSA: J'espère.

M. BOIS: Sur le plan pratique, je pense bien que le gouvernement croit avoir fait un bon geste, sur le plan politique ainsi que sur le plan stratégique, c'est sans doute un geste extrêmement malheureux et qui leur sera très onéreux.

Je voudrais vous entretenir du projet de loi et mentionner ce que j'avais commencé à dire tout à l'heure qu'on ne corrige pas une injustice sociale par une autre. Alors, le projet de loi en soi, tel qu'il est fait, est quelque chose d'un style marteau, ça s'applique extrêmement bien après tous les événements que nous avons vécus sur le plan social au point de vue fonctionnarisme. Mais d'un autre côté je pense bien que le but recherché peut sembler extrêmement bon, mais qu'à la langue ça se montrera défectueux.

Pour autant que nous sommes concernés, nous croyons... Est-ce que je vous dérange dans vos causeries, messieurs?

M. VEILLEUX: Allez.

M. BOIS: Pour autant que nous sommes concernés, nous croyons absolument que le gouvernement a perdu sur le plan stratégique une occasion manifeste ici de retarder un peu le projet de loi, celui que je veux actuellement discuter, parce que c'était une belle occasion de faire perdre la face aux chefs des mouvements syndicaux. Et le gouvernement l'a manquée.

Le projet de loi, en général, est une mesure de détresse qui est produite par un gouvernement au bord du désespoir comme une personne qui est ensevelie vivante et qui crie pour obtenir dé l'air. La liberté se conserve ou s'acquiert de deux façons. Et je pense qu'à l'heure actuelle, sur le plan gouvernemental, nous ne faisons aucune occasion, c'est plutôt un recul ou une perte, tandis que, sur le plan ouvrier, sur le plan du fonctionnarisme encore, ça ne donnera rien.

Le gouvernement, n'ayant accordé aucune période pratique de conciliation, brime donc lui-même les lois qui ont été échaf audées depuis de très nombreuses années à l'égard des employés de l'industrie et ce manque de privilèges qui est accordé dans plusieurs domaines du fonctionnarisme brime à tel point les droits des individus que certains des employés gouvernementaux ne peuvent obtenir les mêmes avantages que d'autres gens obtiennent ailleurs, soit

par des conciliations ou encore par des arbitrages obligatoires.

Nous croyons quand même que le projet de loi 19 qui est mis en discussion ici, même s'il peut avoir du bon dans l'immédiat, peut apporter au gouvernement provincial une victoire extrêmement temporaire, c'est-à-dire à la majorité libérale du Québec.

Le premier ministre nous déclarait cet après-midi qu'il ne peut faire négocier des tierces personnes à cause du budget provincial. Je pose encore la même question que celle que j'ai posée en réponse au discours d'ouverture de l'Assemblée nationale: Est-ce que nous devons vivre suivant nos besoins ou suivant nos moyens? Les moyens sont une chose extrêmement facultative parce que ça dépend simplement de la faculté de compter de notre ministre des Finances ou, comme le disait si bien notre leader parlementaire, de notre commis à la trésorerie de l'Etat.

Nous trouvons qu'à l'heure actuelle ce projet de loi est encore une autre mesure qui est assurément de nature à amener le gouvernement à fonctionner simplement par des décrets et c'est là où nous constatons que le parti majoritaire en cette Chambre, M. le Président, est en voie d'amener un Etat qui, effectivement, devra tout à l'heure se brancher seulement sur des mesures socialistes, s'il veut résister aux coups et devra, éventuellement, recourir à l'autorité qui, en tout temps, deviendra abusive, s'il veut administrer la province d'une façon adéquate. Pourquoi amener une loi d'un tel genre, qui, même si elle est commode pour mettre peut-être certains chefs d'union à leur place, ne guérira rien au point de vue de l'employé, au point de vue du personnel ainsi qu'au point de vue des chefs de section, parmi les officiers syndicaux. A la longue, le gouvernement y perdra la face, parce qu'il sera obligé d'être toujours de plus en plus sévère avec tous les monstres qu'il a créés, malgré tous les conseils que nous avons pu lui donner, depuis les deux dernières années. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, dans son discours de présentation du projet de loi, que le ministre de la Fonction publique a été très content de refiler au premier ministre, pour épargner son image future, le député de Mercier a fait exactement le discours que nous attendions de lui. C'est-à-dire qu'il a utilisé absolument tous les lieux communs, les clichés et les poncifs que l'on pouvait attendre en pareilles circonstances, pour masquer les intentions cachées du gouvernement. Il a commencé par dire que ce projet de loi était voulu par la population et que c'est seulement au nom de l'intérêt public qu'il le présentait. Le chef du gouvernement ne pouvait évidemment pas utiliser un autre langage. Par la suite, se rappelant qu'au Québec, la politique se fait avec des sentiments, il a tenté d'éveiller de susciter, d'intensifier tous les sentiments de frustration, d'inquiétude, de désarroi que pouvait provoquer une grève qui se poursuit maintenant depuis près de deux semaines, afin de faire avaler à la population cette autre loi d'exception qu'il présentait. Il a accumulé à cet effet toutes les déclarations traditionnelles, en attirant l'attention de la population sur les souffrances des innocents: les malades, les vieillards et les handicapés. Cela me rappelait un certain discours du 16 octobre que j'ai entendu, lorsqu'un premier ministre du Canada adoptait exactement la même attitude, et je dois vous avouer que j'ai été très étonné que dans sa litanie, le premier ministre n'ait pas mentionné les gérants de caisses populaires, les enfants et les fermiers, car là, le tableau aurait été vraiment complet. Il y en aurait eu pour tout le monde et la population aurait pu prendre en pitié toutes catégories de personnes, dans tous les secteurs de la population.

Je pense, M. le Président, que cet appel exagéré, désordonné aux sentiments, aux frustrations, aux émotions de la population, se situe aux antipodes de la véritable politique qui consiste en un examen rationel, ordonné des différents problèmes, à partir de leur racine en passant par les mécanismes qui permettent à ces racines de produire leurs effets et jusqu'à les implications pour l'avenir. C'est là substituer l'émotionalisme à la rationalité, à la raison raisonnante. Le premier ministre nous a souvent habitués à ce régime, puisque c'est un gouvernement ainsi qu'un premier ministre qui pense d'abord et avant tout à l'image qu'il doit projeter dans la population et qui se fait de la politique une conception telle, qu'elle constitue parfois une négation de ce qui constitue l'essence supérieure de la politique, c'est-à-dire l'examen d'un problème à partir de ses origines jusqu'à son terme marqué au coin de la plus grande rigueur intellectuelle.

Par la suite, le député de Mercier nous a servi des arguments que l'on pouvait attendre de lui, par exemple, lorsqu'il nous a dit que la loi spéciale qu'il présentait n'empêcherait en rien la négociation puisqu'il y avait quand même commission parlementaire instituée et que cette commission parlementaire se réunirait dès mardi de la semaine prochaine.

Cependant, le premier ministre a omis de se rappeler les notes explicatives qu'il nous avait lues en première lecture. De ces notes explicatives, il ressort que la commission parlementaire n'a pas été instituée pour continuer les négociations mais, bien au contraire, tout simplement pour entendre certaines parties, un peu comme un juge demande à un témoin qu'il cite pour outrage au tribunal s'il a des raisons à présenter pour lesquelles il ne serait pas condamné. En fait, si nous relisons les notes explicatives du

projet de loi, nous voyons très bien qu'au troisième paragraphe il est dit que la commission parlementaire de la Fonction publique "recevra des explications" et non pas continuera des négociations, "recevra des explications relatives à la négociation des ententes collectives". On voit très bien que la négociation ne peut plus se continuer, les conditions psychologiques autant que législatives étant d'ailleurs changées, mais qu'on s'attend, simplement, que les syndicats, c'est-à-dire l'autre partie vienne faire son baroud d'honneur devant la commission et explique les raisons pour lesquelles elle aurait dû ne pas être condamnée à cette loi spéciale, à cette loi d'exception qui lui est infligée parce que, supposément, elle aurait fait des erreurs, se serait livrée à des abus qui lui ont fait encourir la vindicte du pouvoir exécutif, la vindicte du gouvernement, avant même que toute la population ait pu les entendre publiquement, comme on aurait peut-être pu les entendre en comité restreint, si la motion du député de Bellechasse avait été acceptée. Ce n'est donc pas, contrairement à ce que dit le premier ministre, une négociation qui se continuera mais simplement une sorte de processus purement formel où on entendra des accusés venir à la barre se défendre rétroactivement contre toutes les accusations que le gouvernement a lancées contre eux, depuis plusieurs jours d'ailleurs, pour ne pas dire plusieurs semaines, et en particulier ce soir lors du débat de la motion du député de Bellechasse.

Il est donc faux de dire, M. le Président, que la négociation va se continuer. C'est au contraire un simulacre de négociation qui se continuera. La véritable négociation est terminée depuis que la loi spéciale a été présentée et tout ce qui reste sera purement une logomachie absolument stérile et qui ne peut apporter aucun résultat.

Bien sûr, M. le Président, le premier ministre, comme il est d'usage en pareille matière, se défend bien de vouloir s'en prendre au syndicalisme dont il reconnaît qu'il a dans son histoire passée, et particulièrement récente, qui a remporté des victoires au bénéfice des petits salariés, précisément, au bénéfice de ceux qui étaient les plus exploités par la société capitaliste. Bien sûr, comme tous les autres avant lui, il se défend bien de vouloir s'en prendre au syndicalisme. Il prétend ne vouloir s'en prendre qu'aux abus du syndicalisme et en particulier aux abus des chefs syndicaux. Ceci ne peut pas nous faire illusion, puisque ce sont des paroles que nous avons souvent entendues dans la bouche de tous ceux qui, au fond, s'en sont pris au véritable coeur des institutions qu'ils prétendaient soutenir.

Le premier ministre, d'ailleurs, à la suite des quelques exemples qu'il a cités pour montrer que les syndicats avaient abusé des pouvoirs qu'on leur avait accordés, a eu cette phrase à l'emporte-pièce qui est destinée à devenir lapidaire et que probablement tous les journaux reprendront demain: Assez! c'est assez! Une formule qui est propre à emporter l'adhésion de toute la population, surtout une population qui souffre, qui est exacerbée, exaspérée, et qui a hâte qu'on mette fin à ses difficultés.

Il reste qu'on pourrait opposer à cette phrase lapidaire une autre phrase lapidaire qui serait beaucoup plus exacte en l'occurence: Trop! c'est trop! C'est-à-dire que le gouvernement, et il serait aisé de le prouver, en l'occurence a toujours agi trop peu et trop tard. C'est-à-dire que les concessions qu'il a faites, il les a faites toujours trop tard, comme par exemple l'octroi de la table unique, ou trop peu puisque les concessions qu'il a faites au fond, même si on a voulu les gonfler, même si on a voulu les exagérer, ne constituent que de bien faibles concessions par rapport à celles qu'il aurait pu faire.

Enfin, le premier ministre a tenté de diviser l'Opposition, a tenté de diviser chacun des partis contre lui-même — c'est de bonne guerre, tous les politiciens font ainsi — pour tenter de montrer que l'Opposition n'est pas cohérente, que les oppositions ne sont pas consistantes et qu'en l'occurence c'est simplement le bloc monolithique gouvernemental qui a raison, puisque les oppositions non seulement sont divisées entre elles, mais qu'elles sont aussi divisées de l'intérieur.

Il a voulu prétendre, par exemple, qu'il y avait une disparité d'opinions à l'intérieur de chacun des partis d'opposition et en particulier à l'intérieur du groupe dont je fais partie, alors que ce qu'il veut présenter comme des disparités constitue plutôt des angles différents, des facettes diverses sous lesquels on veut présenter un problème, des facettes qui, bien loin de se contredire, au contraire, s'harmonisent, s'équilibrent, s'articulent et sont plutôt propres à faire avancer l'examen d'un dossier et ouvrir des voies de solution à un problème complexe.

De la même façon, le premier ministre se montrant, quelque peu démagogique en cela, a dit: Même si les oppositions ont toutes demandé une commission parlementaire avant que nous proposions une loi spéciale, il reste qu'aucun des partis d'opposition n'a préconisé le retour au travail.

M. le Président, c'est là une fausseté absolue, puisque le groupe dont je fais partie a précisément recommandé un retour au travail des grévistes, mais assorti de certaines conditions. Dans notre cas, ces conditions étaient la convocation d'une commission parlementaire avant toute présentation de loi spéciale, afin que tous les élus du peuple puissent participer à l'examen du problème, présenter leurs hypothèses, servir de médiateurs, d'arbitres et faire avancer, selon les voies normales, la solution d'un problème.

L'autre condition était qu'on accorde plus d'importance au principe de la sécurité d'emploi, qu'on en étudie davantage les modalités d'application non seulement à l'intérieur du secteur de l'enseignement, mais également dans une perspective intersectorielle, l'autre condi-

tion étant finalement que le gouvernement précise davantage ses offres monétaires, précise davantage si ses offres monétaires étaient temporaires dans une étape déterminée des négociations ou, au contraire, finales et augmente ses offres monétaires de façon à ce que la population sache jusqu'à quel point ces offres constituaient toute la réserve que le gouvernement avait consitué à cette fin ou, au contraire, constituaient simplement une étape dans la voie normale des négociations.

Notre groupe a dit, il y a déjà près d'une semaine, que nous recommandions le retour au travail si chacune de ces trois conditions était respectée par le gouvernement.

Or, M. le Président, presqu'aucune de ces conditions n'a été remplie par le gouvernement puisque la commission parlementaire doit siéger après et non pas avant la présentation du projet de loi, puisque le principe de la sécurité d'emploi n'a pas été véritablement discuté en public de façon que nous soyons véritablement informés de ce qui s'est passé à ce sujet et puisque nous savons maintenant que l'offre salariale que l'on a faite, si elle était finale dans l'esprit de ceux qui la proposaient, n'a peut-être pas été perçue comme finale par ceux qui la recevaient.

Dans ces conditions, l'on ne peut pas dire que le premier ministre a raison de nous reprocher de ne pas avoir recommandé le retour au travail des grévistes puisque les conditions, qui nous paraissaient tomber sous le sens commun, que nous avions mises à ce retour au travail n'ont pas été véritablement respectées.

Evidemment, le premier ministre termine son exposé en disant, comme tous les premiers ministres qui l'ont précédé, que les lois spéciales provoquent chez lui un malaise, que ce malaise doit être étudié quant à ses origines et qu'il faudrait que la situation ne se répétât plus, qu'il faudrait procéder à un réaménagement complet de toute la structure de la législation du travail, particulièrement en ce qui concerne les secteurs public et parapublic. Mais combien de fois n'avons nous pas entendu, de la part des chefs du gouvernement, et en particulier de ce chef de gouvernement, pareilles promesses, pareils voeux pieux? Cependant, ce gouvernement est quand même au pouvoir depuis deux ans; étant donné que nous en sommes maintenant à la troisième ronde de négociation, étant donné que nous connaissons les difficultés que peut poser l'application du droit qui a été accordé aux centrales syndicales en 1965, il me semble que la situation était assez connue lorsque ce gouvernement a pris le pouvoir pour qu'il procédât sans plus attendre à ce réaménagement complet de la législation du travail, en ce qui concerne précisément le secteur public et le secteur parapublic. Pourtant, il n'en a rien fait et maintenant, il voudrait venir nous faire porter le blâme à nous de l'Opposition et aussi à l'opposition qu'il a rencontrée à la table syndicale pour son incurie, pour sa carence. C'est un reproche que, pour ma part, je n'accepte pas et je pense bien qu'aucun des partis d'Opposition ici ne l'accepte. Il est facile de projeter sur les autres ses insuffisances, il est facile d'accuser les autres d'insuffisances dont on s'est soi-même rendu coupable mais la population, avec son bon sens traditionnel, ne sera quand même pas dupe de ce stratagème et elle saura bien placer la culpabilité là où elle réside vraiment.

Je voudrais aller tout de suite au fond des choses, je voudrais tout de suite me plonger au coeur du débat. Ce qui me paraît être en question dans ce qui nous occupe maintenant depuis plus de huit heures, ce n'est pas tellement le différend qui oppose le gouvernement aux centrales syndicales, aux 210,000 syndiqués. Ce qui me parait être véritablement en cause — et je pense que les interventions des ministres que nous avons entendus ce soir nous éclairent de plus en plus sur cet aspect — ce qui est véritablement en cause, en l'occurrence, ce qui est remis en question, c'est le droit de grève des syndiqués du secteur public et du secteur parapublic. Je pense que le député de Rouyn-Noranda a mis le doigt, cet après-midi, beaucoup plus rapidement que n'importe quel autre sur cet aspect essentiel du débat lorsqu'il a déclaré tout uniment, bien clairement, que ce droit de grève était véritablement au coeur du débat, que lui personnellement ne l'aurait peut-être pas accordé en 1965 et que le moment est peut-être venu de reconsidérer ce droit de grève, étant donné la façon dont il a été appliqué, étant donné les difficultés, les conflits auxquels il a donné lieu pour les divers gouvernements qui se sont succédé.

Ceci m'apparaît être vraiment au coeur" du débat, ceci m'apparaît en tout cas beaucoup plus important que chacun des éléments du conflit que l'on a signalés au cours du présent débat, car si l'on passe en revue, M. le Président, les éléments principaux de la politique du gouvernement, on se rend compte que chacun de ces éléments est discutable, qu'on peut dire beaucoup de choses en faveur de la position du gouvernement ou contre la proposition du gouvernement. On peut contester la politique salariale du gouvernement, on peut en contester les principes, on peut en contester la perception que s'en fait le gouvernement. De la même façon, on peut contester la politique salariale, les offres salariales du gouvernement; on peut dire qu'elles n'ont pas été assez- généreuses ou qu'elles n'ont pas porté sur les bonnes catégories d'emplois; on peut discuter la hiérarchie des postes, l'appariement des postes. Il y aurait beaucoup de choses à dire et, de fait, beaucoup de choses se sont dites lors des séances de négociation. On pourrait, par exemple, dire que le gouvernement a lâché, en fin de compte, assez peu de lest au cours des négociations puisque ce qu'il a laissé de lest est rattrapé par les économies que lui ont rapportées les neuf ou dix jours de grève qui se sont écoulés depuis le début.

On peut dire aussi beaucoup de choses pour ou contre le principe de la sécurité d'emploi quant aux façons dont ce principe doit être appliqué. De la même façon, on peut dire beaucoup de choses pour ou contre le type précis d'assurance-salaire ou de caisse-retraite qu'a présenté le gouvernement.

En réalité, M. le Président, c'est une autre des raisons pour lesquelles on peut mettre en opposition le président du Parti québécois avec ce que certains autres ont dit. C'est la raison pour laquelle on peut mettre en opposition les déclarations de tel ou tel député puisque, précisément, il s'agit là de problèmes complexes. Tous ces quatre problèmes que je viens de mentionner sont très complexes. Et c'est la raison d'ailleurs pour laquelle nous avons demandé qu'il y ait une commission parlementaire avant le règlement du conflit, pour que chacun des députés, ici, puisse faire valoir ses vues et ceci, incidemment, M. le Président, constituerait précisément une revalorisation du rôle du député. Parce que je suis convaincu que tous les députés, y compris les députés libéraux, auraient des opinions très valables à faire valoir sur chacun des quatre points très importants que j'ai mentionnés.

Mais, au fond, ce n'est pas tellement ça qui est important. Car, si le gouvernement a fait son lit comme il l'a fait ce soir, s'il a pris la décision d'interrompre les négociations et s'il a pris la décision de présenter une loi spéciale, c'est que sous ces problèmes il y en avait un autre plus important qui était sous-jacent, qui motivait, qui postulait tous les autres qui se présentent, qui leur donnait leur coloration et qu'au fond, tant qu'on n'a pas touché à ce problème de base, à ce problème fondamental du droit de grève dans le secteur public, peut-être que nous sommes dans une position assez difficile pour traiter de ces quatre autres problèmes très importants que l'on a dit être au centre de la négociation actuelle.

Donc, ce qui nous apparaît essentiel dans ce débat, c'est la question du droit de grève qui a été accordé en 1965 aux employés des secteurs public et parapublic en deux étapes successives, c'est-à-dire d'abord dans les services publics et, ensuite, par la loi de la Législature qui l'accordait aux fonctionnaires. Et ce qui nous apparaît très important également, c'est ce qui découle de ce droit de grève, c'est-à-dire les mécanismes de négociation en vertu desquels ce droit de grève doit être aménagé, doit être articulé dans le concret lorsqu'un conflit menace. Ce qui nous apparaît essentiel, c'est cette double articulation d'un droit et de ses modalités d'application.

Il nous semble, M. le Président, que le gouvernement s'est comporté, depuis le tout début, comme s'il voulait enlever ce droit de grève aux syndiqués.

Peut-être que ce n'était pas conscient, mais la logique interne de sa démarche, la logique interne des actions qui ont été prises ne peut être interprétée que dans une optique où il est évident que le gouvernement s'est rendu compte, beaucoup trop tard à mon avis, que ce droit de grève, tel qu'il avait été accordé en 1965, constituait, de plus en plus, une gageure, un pari, une sorte de quadrature du cercle une impasse dont les conséquences devenaient de plus en plus nocives. Tout s'est déroulé comme si le gouvernement, encore une fois, consciemment ou inconsciemment, manoeuvrait, s'engageait dans des directions qui ne pouvaient que le faire aboutir à cette négation du droit de grève ou, plutôt, à ce retour en arrière qui l'amènerait à enlever quelque chose qu'il avait déjà accordé.

Il l'a fait, comme souvent l'inconscient le fait, par une stratégie extrêmement savante, une stratégie très habile et ceci dans un but évident et très précis. C'est que, lorsqu'on enlève un droit acquis qui est cher à un aussi grand nombre de personnes — 210,000 syndiqués, mais il y a beaucoup d'autres syndiqués du Québec — il faut le faire de façon qu'on puisse le faire accepter par la population, d'une façon qui rende cette démarche gouvernementale plausible, acceptable et souhaitable. Et il nous semble que, précisément, la stratégie, consciente ou inconsciente du gouvernement, a eu ces caractéristiques et ne pouvait que déboucher sur l'objectif que j'ai signalé. Nous sommes conscients, par exemple, de cette campagne antisyndicale qui couve et a couvé à feu doux, avec parfois des exacerbations dans les sphères gouvernementales depuis plus de deux ans maintenant.

Nous sommes très conscients, et nous le savons d'après ce que les journalistes nous ont révélé sur les caucus, qu'il existe, chez nos amis d'en face, un très grand nombre de faucons qui voient, dans les chefs syndicaux, des empêcheurs de tourner en rond, des gens qui nuisent à la société, des gens qu'il faut mettre à la raison, en somme des gens qui font courir à la société des dangers de plus en plus grands. On a vu, également, qu'une autre des facettes de cette stratégie pouvait consister à négocier, sans trop se presser, lentement, en mettant entre les diverses séances de négociation des intervalles assez prolongées. On pouvait considérer aussi, comme autre élément de cette stratégie, la réaction scandalisée que provoquait la façon dont certaines injonctions étaient reçues, certaines injonctions qui, d'ailleurs étaient facilement obtenues, trop facilement accordées peut-être. On pouvait le voir également par la façon dont on montait en épingle...

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député...

M. LAURIN: ... chacun des éléments de la détérioration de la situation, surtout dans les hôpitaux. On pouvait le voir également dans certains discours du chef du gouvernement qui, à la faveur de pénibles négociations et des grèves qui ont suivi, se présentait à la popula-

tion comme le champion du "law and order", qui dénonçait l'anarchie, qui dénonçait le chaos, qui mettait en garde la population contre cette anarchie et ce chaos et qui se présentait comme le rempart de l'ordre, le rempart de la stabilité et qui invitait la population à fustiger, à condamner ceux qui mettaient en danger cet ordre établi.

On pouvait voir aussi un autre élément de cette stratégie dans la détermination farouche, qui ne s'est jamais démentie, du gouvernement à entourer les négociations d'un certain secret. C'est-à-dire que le gouvernement ne révélait que ce qu'il voulait de ce qui se passait à la séance de négociation et persistait à refuser toutes les demandes que nous lui avons faites ici, de ce côté-ci de la Chambre, de convoquer la commission parlementaire afin que nous puissions élargir le champ de notre information, approfondir l'examen de la situation.

Nous voyons un autre élément de cette stratégie dans cette rupture des négociations et, finalement, dans cette loi spéciale qui, il faut bien le dire, M. le Président, constitue, en fin de compte, une imposition unilatérale par un Etat employeur qui, tout à coup, sans autre, devient un Etat législateur, des conditions de travail et des conditions de rémunération d'un groupe très important de travailleurs.

Tous ces éléments mis ensemble, M. le Président, nous paraissent des moyens qui s'articulent en vue d'une fin, des moyens qui ne pouvaient aboutir qu'à la fin que nous connaissons aujourd'hui et qui constitue, à toutes fins pratiques, un retour en arrière et la négation d'un droit que l'on avait accordé il y a à peine quelques années.

Il importe, à ce stade, M. le Président, de revenir précisément en arrière et de revenir surtout à cette époque où ce droit a été accordé. Vous vous rappelez, M. le Président, que lorsque ce droit a été accordé, en 1964, il a fait l'objet de commentaires très nombreux dans la presse, dans l'opinion, et que même le premier ministre du temps n'a accepté, finalement, d'accorder ce droit aux syndiqués, qu'avec la plus grande réticence. Nous nous rappelons sa déclaration lapidaire qui a fait le tour de la presse, à l'époque: La reine ne négocie pas avec ses sujets. Pourtant, après moult discussions, représentations, conciliabules, rencontres, le premier ministre du temps a changé d'avis. Il a changé son fusil d'épaule, et il a accordé, finalement, ce qu'il refusait. Il a adoré ce qu'il avait brûlé.

Il faut se demander, M. le Président, pourquoi un premier ministre qui paraissait tellement résolu à ne pas accorder ce droit l'a finalement accordé. Je crois, pour ma part, qu'il l'a accordé pour des raisons probantes, des raisons impérieuses. Puisque son sentiment allait à l'encontre de ce droit, s'il l'a finalement accordé, ce n'est pas sans y avoir sérieusement réfléchi. Je ne me rappelle pas toutes les raisons qu'il a données, à ce moment-là. Peut-être craignait-il un nombre exagéré de grèves illégales, peut-être craignait-il une détérioration plus grande de l'ordre public en n'accordant pas ce droit plutôt qu'en l'accordant, peut-être croyait-il qu'il était plus civilisé d'aménager les relations de travail, dans ce secteur, plutôt que de consentir à la perpétuation du climat de la jungle.

De toute façon, M. le Président, le premier ministre du temps a accordé ce droit, malgré ses réticences, croyant que ce droit pouvait être aménagé pour le plus grand bien de la communauté.

D'ailleurs, M. le Président, il avait raison, puisque ce droit a été utilisé à deux reprises, par la suite, dans les deux premières rondes de négociation. Le député de Montmagny le rappelait tout à l'heure avec pertinence. Ce droit a été utilisé deux fois, sans que jamais les gouvernements n'aient à recourir à une loi spéciale. Je ne dis pas que les négociations ont été faciles dans ces deux premières rondes de négociation. Il y a eu quelques épisodes malheureux, il y a eu même des grèves, mais le gouvernement a quand même négocié, a négocié avec persistance, a négocié avec patience, avec intelligence et finalement, après quelque temps, ces négociations ont porté fruit sans que le gouvernement ait eu à recourir à des lois spéciales.

Est-ce à dire, M. le Président, que le mécanisme n'était pas bon? Je pense qu'à deux reprises, nous avons prouvé que ce mécanisme était bon, quoique imparfait. Mais les gouvernements étaient peut-être meilleurs que celui que nous avons actuellement. C'est peut-être la raison pour laquelle on a eu du succès et qu'on a pu éviter cette loi d'exception que chacun, ici, s'entend à déplorer. Si le mécanisme a été utilisé avec succès à deux reprises, c'est donc qu'on avait un bon instrument mais qu'il était imparfait, qu'il fallait, bien sûr, continuer à l'aménager. Mais ceci n'a pas été fait.

Les améliorations, d'ailleurs, qu'il aurait fallu apporter à ce droit de grève, dans le secteur public, à ce mécanisme de négociation, sont devenues assez évidentes au cours des deux négociations antérieures.

Beaucoup de chroniqueurs du travail en particulier, j'ai lu plusieurs articles sur le sujet, ont montré les points cruciaux, les points nodaux où il aurait fallu apporter des améliorations. Par exemple, lorsque ce droit de grève a été accordé, il y avait une multitude de tables de négociation. Tout le monde, à ce moment-là, s'est entendu pour réclamer une réduction du nombre des tables, une sectorisation des tables. Et même le premier ministre Johnson a dit que la troisième ronde de négociation devrait se poursuivre autour d'une table unique, puisque c'était inscrit dans la logique même du processus.

Le gouvernement n'a pas voulu écouter ces spécialistes du droit du travail. Et tout ce qu'il nous a présenté c'est une loi 46 qui, bien sûr,

regroupait des tables de travail, amenait une certaine sectorisation des tables du travail. Mais il n'a pas voulu aller jusqu'à la table unique que préconisait un ancien premier ministre qui, lui, avait été pris précisément avec une grève et qui savait ce dont il parlait.

Mais le gouvernement, avec sa morgue habituelle, n'a pas voulu écouter les leçons d'un autre premier ministre qui en valait bien d'autres. Et il n'a pas voulu aller jusqu'au bout du principe. Et il n'a accordé la table unique que bien tard, que trop tard, au moment où il avait déposé lui-même toutes ses offres, au moment où il ne pouvait plus reculer, puisque ces offres faisaient partie du budget qu'il avait présenté par ses estimations budgétaires et par le discours du budget qui devait venir.

A ce moment-là il s'était lui-même barré les jambes. Il lui était impossible de revenir en arrière et, comme on l'a dit à plusieurs reprises ce soir, il devenait impossible aux syndiqués d'entamer en quoi que ce soit la politique budgétaire du gouvernement, droit d'ailleurs qu'on ne leur reconnaissait pas.

Un autre secteur où il aurait fallu apporter une amélioration, c'est la définition et la négociation des services essentiels. Depuis le temps que ce droit de grève est accordé, on devrait savoir ce que c'est qu'un service essentiel dans les services publics et parapublics. Depuis sept ans qu'on lutte avec ce problème, on devrait quand même avoir eu l'occasion de déterminer quels sont ces services essentiels. On aurait dû les négocier avec les syndicats. On aurait dû les discuter dans une atmosphère de calme avec tous les spécialistes, ce qui aurait permis d'en arriver à une définition claire et acceptable par toutes les parties de ces services essentiels, bien avant que ça chauffe, bien avant qu'on soit obligé de parler de ces services essentiels dans une atmosphère survoltée, comme celle que nous connaissons actuellement.

Là aussi les gouvernements n'ont rien fait et particulièrement ce gouvernement-ci n'a rien fait, alors qu'il avait à sa disposition un ministre du Travail qui est un spécialiste du monde du travail. Mais peut-être ce ministre était-il trop occupé à régler toutes sortes de grèves, à éteindre toutes sortes de feux pour mettre ses fonctionnaires au travail et faire en sorte que nous puissions définir, avant que l'urgence n'éclate, ces services essentiels et faire accepter cette définition par négociation aux deux parties concernées.

Là aussi je crois que le gouvernement doit être blâmé sévèrement pour son imprévoyance, pour la façon dont il n'a pu préciser, alors qu'il en était temps, ces services essentiels.

Un autre secteur où il aurait fallu faire des améliorations, c'est dans le mécanisme de négociation lui-même. Il y a longtemps qu'on dit qu'on commence à négocier beaucoup trop tard, qu'on attend toujours qu'il y ait conflit, que ça chauffe pour régler sous le coup de la passion, sous le coup de l'émotion, avec l'appui d'une opinion publique qui demande que tout arrête, que tout cesse au plus tôt.

Il aurait fallu que des mécanismes soient ajoutés pour que la négociation commence avant même la fin de l'expiration d'une convention collective. Plusieurs mois avant que cette convention n'expire. Il aurait fallu, une fois...

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député permettrait une question?

M. LAURIN: A condition que ça ne m'enlève pas du temps.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député sait exactement à quel moment la partie syndicale a soumis ses contrepropositions au gouvernement?

M. LAURIN: J'y viendrai.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député sait que c'est environ il y a deux mois?

M. LAURIN: J'y viendrai, je ne l'ignore pas. Mais de toute façon...

M. CHOQUETTE: Alors, ça aurait été facile de commencer à négocier avant.

M. LAURIN: ... dans le cadre général de la législation du travail, un ministère du Travail qui se veut compétent et responsable aurait dû amender la loi, de façon à ce que cette négociation commence beaucoup plus tôt, avant l'expiration des conventions. Une fois la négociation commencée, la loi aurait dû prévoir une période de conciliation préventive, et d'ailleurs, peut-être aussi d'autres mécanismes aussi dont on n'a jamais entendu parler dans cette Chambre depuis qu'on parle de cette grève, comme la nomination d'un médiateur extraordinaire à un moment donné. Dût ce médiateur, être le ministère du Travail qui, pour quelque temps, aurait pu être détaché du gouvernement pour servir de médiateur, comme il l'a si bien fait dans d'autres grèves.

Et enfin, la loi aurait dû prévoir la convocation d'une commission parlementaire à un certain moment donné, pour que l'Etat patron, qui veut se transformer en Etat législateur, le fasse en s'adjoignant les services de ses députés de l'Opposition qui constituent, autant que lui, l'Etat législateur, qui constituent autant que lui des gens responsables qui représentent les intérêts de toute la collectivité, qui ont quelque chose à dire, qui ont une compétence, qui sont capables d'aider l'Etat législateur qui cesse d'être l'Etat patron, à régler les problèmes avant qu'il ne soit trop tard.

Rien de cela, M. le Président, n'est apparu dans la législation du travail, et là aussi, il faut sévèrement blâmer le gouvernement. Ce que je viens de mentionner, ce sont les causes lointaines du conflit actuel, ce sont les causes lointai-

nes du pourrissement actuel des négociations, ce sont les causes lointaines de cette loi spéciale que nous sommes obligés, aujourd'hui, d'adopter, et c'est parce que le gouvernement n'a pas prévu tout cela, parce qu'il n'a pas agi en temps opportun, que nous sommes aujourd'hui obligés, nous législateurs, de faire quelque chose que nous n'aimons pas, c'est-à-dire passer une loi spéciale.

Si gouverner, c'est prévoir, comme ceci est marqué dans tous les traités d'économie politique, on peut dire que ce gouvernement n'a pas prévu et que dans les deux ans qu'il a été au pouvoir, il aurait dû apporter une attention beaucoup plus grande à ces mécanismes de relations de travail, au lieu de se contenter d'éteindre les feux comme il l'a fait.

D'ailleurs, M. le Président, il serait très intéressant de repasser toutes les étapes de ce conflit pour en faire une critique rigoureuse, non pas seulement pour attaquer le gouvernement, mais surtout pour en tirer des leçons pour l'avenir. Et là, on verrait d'une part toutes les preuves de ces failles, de ces faiblesses du mécanisme législatif, et d'autre part on verrait aussi ce cheminement inconscient vers la solution draconienne qui nous est imposée aujourd'hui.

Par exemple, on peut dire, et je pense que le gouvernement l'admettra avec nous, que les syndicats ont quand même abordé cette ronde de négociation de façon beaucoup plus rationnelle et rigoureuse que par le passé. Leur préparation technique était beaucoup plus poussée, leurs dossiers étaient mieux préparés. Et cette création même du front commun montrait qu'ils avaient pris les leçons des rondes de négociation antérieures et que ce front commun qui constitue un actif, une réalisation très importante pour l'avenir, qui mettait le Québec en avance sur bien d'autres provinces du Canada, et même sur d'autres pays, constituait quelque chose de très utile qui aurait pu être utilisé d'une façon beaucoup plus bénéfique.

Le gouvernement, pour sa part, n'a pas fait le même geste, comme je le disais tout à l'heure. Il s'est contenté de regrouper un certain nombre de tables, mais il n'a accordé la table unique que beaucoup trop tard. Bien sûr, il a accordé une discussion sur les principes qui devaient le guider dans la présente négociation. Une discussion sur les grands principes, comme par exemple qu'on ne doit pas discuter de la politique budgétaire du gouvernement, car, autrement, il faudrait l'accorder à tous les autres groupes, qu'il faut fixer la norme des salaires, non pas sur ceux qui reçoivent les salaires les plus élevés, mais sur la moyenne la meilleure, que pour travail égal, il faut payer salaire égal. Mais tous principes auraient pu être discutés avec beaucoup plus d'avantages à une table unique d'abord, et à une étape bien antérieure à laquelle ils ont été discutés.

D'ailleurs, on a peut-être pu se rendre compte qu'il ne s'agissait pas d'une véritable discussion, qu'on présentait ces principes, mais qu'on disait en même temps, c'est à prendre ou à laisser, peut-être que vous pouvez nous donner vos opinions, mais il n'est pas sûr que nous en tiendrons compte parce que nous sommes tellement convaincus de la justesse de nos vues, on daigne vous informer de ces principes, mais ils ne sont pas négociables.

Je n'invente rien, M. le Président, ce sont des choses qu'on a lues dans tous les journaux à l'époque, ces principes ne sont pas négociables.

On les présente à l'autre partie, à la partie adverse, mais c'est à prendre ou à laisser puisque le gouvernement a fait son lit sur ces principes, et nous ne changerons pas notre attitude.

Il en fut de même, M. le Président, dans la présentation des offres, et c'est ici que je vais répondre au ministre de la Justice. La présentation des offres du gouvernement s'est faite par secteurs et cette présentation a été étalée sur plusieurs mois, alors que la logique du cheminement telle qu'elle ressortait des dernières négociations aurait exigé que le gouvernement présente ses offres beaucoup plus tôt et en même temps puisqu'on se dirigeait vers une négociation entre deux fronts communs, front commun patronal d'une part et front commun syndical de l'autre.

Il aurait été beaucoup plus logique, beaucoup plus sain, de présenter ces offres plus tôt et en bloc, de la même façon qu'on aurait dû exiger la même chose du front commun syndical. Et c'est la raison pour laquelle, à mon avis, le syndicat n'a présenté ses contrepropositions qu'après que toutes les offres gouvernementales ont été faites, car il voulait probablement présenter une proposition qui tienne compte de toutes ces offres puisque dans l'esprit du front commun syndical, il fallait en discuter à une table unique.

C'était donc une démarche absolument logique, et je ne vois pas pourquoi on devrait les en blâmer. C'est plutôt le gouvernement qui aurait dû présenter ses offres plus tôt et en vrac et accorder la table unique, afin que la négociation qui a eu lieu huit mois après ait lieu plusieurs mois plus tôt. Passons quand même. La négociation a malgré tout commencé, même si elle commençait sous des auspices peu favorables et il n'est d'ailleurs pas étonnant que peu de progrès ait été enregistré.

Finalement, le gouvernement a accepté la demande que nous lui faisions, que les syndicats lui faisaient, une table centrale. Même si elle est venue très tard, cette- concession était quand même une concession importante. Mais, malheureusement, dans le peu de temps où les négociations se sont poursuivies à cette table centrale on n'a pu discuter vraiment que deux des principaux aspects du conflit, c'est-à-dire le quantum monétaire offert par le gouvernement et la sécurité d'emploi. On n'a guère eu le temps de parler d'autre chose et en ce qui concerne ce

quantum, il faut quand même bien avouer, M. le Président, que les concessions n'ont pas été unilatérales.

J'entendais tout à l'heure divers ministres faire état des concessions, le premier ministre en particulier, faire état des concessions que le gouvernement avait faites à l'intention des petits salariés. Il reste quand même que ces concessions se chiffrent à $40 millions, alors qu'assez rapidement au cours des négociations, les syndicats ont fait des concessions majeures de $400 millions qui réduisaient considérablement l'écart qui les séparait du gouvernement. Ce qui démontre M. le Président, qu'avec des négociations, on réussit à avancer. Il y a du "give and take" , comme disent les Anglais, et avec le temps on finit par rapprocher les écarts. Je ne serais pas surpris que même au cours de, cette dernière rencontre, qui a eu lieu hier, il y ait eu des indications de la part des syndicats qu'ils étaient prêts à réduire encore davantage cet écart entre les propositions gouvernementales et leurs contrepropositions.

Quant à la sécurité d'emploi, il est bien évident que, dès le début, on s'est heurté à des difficultés majeures, sur lesquelles nous aurions souhaité être mieux informés. En ce qui concerne les avantages sociaux, M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, on n'a pas véritablement eu le temps d'en discuter, puisque ce plan a été offert par le gouvernement très tard, au début de mars, alors que ceci constitue un des aspects majeurs du présent problème.

Il faut bien comprendre, M. le Président que quand on présente un plan d'avantages sociaux aussi important qui va changer toutes les conditions de travail et de rémunération des travailleurs sur des aspects qu'ils ont toujours considérés comme majeurs, il faut comprendre que les syndicats demandent à réfléchir.

Nous connaissons la complexité actuarielle de ces plans d'assurance-salaire, de ces plans de caisse-retraite et avant que les syndicats puissent étudier l'offre gouvernementale, présenter des contrepropositions, il faut quand même leur laisser au moins un peu du temps que le gouvernement a mis pour préparer ses propres plans. On me dit que ça lui a pris deux ans. Il faudrait donc lui laisser un certain nombre de mois, ce qui veut dire qu'il aurait fallu présenter cette proposition gouvernementale beaucoup plus tôt qu'on ne l'a présentée afin de laisser le temps à l'autre partie d'étudier rigoureusement cette offre et de faire sa contre-offre. Là aussi, il me semble que nous subissons les effets de ce retard.

De toute façon, il faut bien passer là aussi. Il y a eu détérioration de la situation, on a vu une grève d'une journée les négociations ont repris, il y a eu peu de progrès aux diverses tables sectorielles et même à la table centrale, il y a eu ensuite cette grève qu'on a dit illimitée puisque, précisément, elle pouvait cesser d'un jour à l'autre si les parties venaient à se rapprocher, les injonctions sont apparues, elles ont été très nombreuses, les services essentiels ont été mis en danger au début, il y a eu flottement et puis il y a eu une stabilisation, comme le ministre des Affaires sociales y a fait allusion cet après-midi. De toute cela, il ressort une constatation que je voudrais vous soumettre. Jusqu'à plus ample informé, les syndicats n'ont pas abusé de leur droit, d'une façon générale, ils n'ont pas abusé de leur droit de grève, ils n'ont pas abusé de leur droit de piquetage.

Je sais bien qu'il y a eu ces incidents malheureux qu'on nous a signalés mais il ne faudrait quand même pas faire de l'exception la règle. Quand il s'agit de 210,000 syndiqués, je ne pense pas que l'on puisse dire, à la lumière des quelques exemples qu'on nous a rapportés, que les syndicats n'ont pas à ce point abusé de leur droit de grève, de leur droit de piquetage qu'ils méritent qu'on leur enlève. Bien sûr, une grève fait mal. Une grève fait mal dans le secteur privé surtout quand ce secteur privé intéresse notre vie concrète, quotidienne, dans ses aspects les plus immédiats. Il est sûr qu'une grève dans le secteur public fait encore plus mal mais le législateur avait prévu qu'une grève dans le secteur public, surtout si on envisageait déjà un front commun, ferait mal.

Si le législateur l'a quand même accordée, c'est que précisément il devait y avoir, pour contrebalancer ces inconvénients, des avantages ou des droits qui constituaient également des enjeux importants. Ces enjeux sont importants pour les employés du secteur public autant que pour les employés du secteur privé. Il s'agit, pour eux comme pour les autres, de négocier des conditions de travail, des conditions de rémunération qui soient justes, travail sur lequel ils comptent pour gagner leur vie, pour gagner la vie de leur famille, pour se développer, pour mener une vie décente et digne. Bien sûr, ceux qui ne sont pas des syndiqués du secteur public peuvent passer assez légèrement sur ces enjeux, sur ces exigences, sur ces impératifs mais il reste que pour ceux qui sont là, dans ces secteurs public et parapublic, ces conditions de travail, ces conditions de rémunération, ces conditions de retraite sont quand même très importantes. Les objectifs qu'ils poursuivent, ils ont le droit de les poursuivre. Les impératifs qui commandent leur action, ils ont le droit de les pousser le plus qu'ils peuvent.

C'est dans cette perspective qu'il nous aurait fallu étudier à la commission parlementaire les principales demandes des syndicats, que ce soient les $100 par semaine, que ce soit la sécurité d'emploi, que ce soient les avantages sociaux. Je ne dis pas que, pour notre part, nous aurions souscrit à toutes les demandes syndicales ou même à l'essentiel des demandes syndicales mais il aurait été important qu'au moment où l'Etat patron passait la main parce qu'il s'était rendu compte qu'il était dans une impasse, que nous, qui représentons aussi la collectivité, qui sommes responsables de ce

budget, de ces ressources qui arrivent à l'Etat sous forme de taxes, qui sommes responsables de la bonne gestion de la société à un titre moindre mais réel, il aurait été important que nous puissions parler de toutes ces conditions puisqu'elles font partie de ces objectifs que poursuit tout homme en ce monde, c'est-à-dire mener une vie qui puisse non seulement lui permettre de subvenir à ses besoins essentiels, mais lui permettre de se développer, lui et les membres de sa famille, de mener une vie décente et digne.

Au lieu de cela, on a soigneusement rendu impossible cet élargissement, cet approfondissement de l'examen de la situation, au lieu de cela on a laissé durer une grève dont les inconvénients sont sérieux, je le reconnais, mais une grève qui au fur et à mesure qu'elle persistait faisait la preuve que l'Etat patron devait passer la main à l'Etat législateur qui comprend tous les députés de cette Chambre. Mais le gouvernement a préféré être seul à mener le combat, a préféré être le seul à prendre toute la responsabilité comme s'il ne voulait pas nous permettre, nous de l'Opposition, d'apporter notre contribution à ce débat.

Je pense que, de cette façon, le gouvernement s'est privé d'un excellent mécanisme, qui a fait ses preuves dans des grèves antérieures, qui a fait la preuve de son utilité, par exemple, lors de la grève de la Commission des transports de Montréal, lors de la grève de la construction où, malgré l'incrédulité de tous, il est venu lors des séances de la commission parlementaire, aussi bien des parties qui ont été entendues que des divers partis de l'Opposition, des suggestions qui ont aidé le gouvernement à bonifier sa législation et à promouvoir ainsi davantage la cause de la paix sociale.

En préférant le secret, en préférant tenir les partis d'Opposition loin de toute cette négociation, je pense que le gouvernement s'est privé d'une médiation qui aurait été très utile, qui aurait été opportune et qui lui aurait peut-être permis d'éviter de nous présenter aujourd'hui cette loi spéciale.

Aujourd'hui, on veut nous faire croire que s'il y a rupture des négociations, c'est purement la faute de la partie syndicale. On nous demande en somme de croire les yeux fermés tout ce que les ministres nous ont dit ce soir. Malgré tout le respect qu'on peut avoir pour eux, malgré que nous n'avons aucune raison de mettre en doute ce qu'ils nous disent, il reste qu'ils sont juge et partie, il reste qu'à la longue, au cours de ces négociations ils ont pu épouser des préjugés et que, leur jugement a pu être coloré et réfléchi dans une certaine direction. C'est tout à fait humain, tout à fait normal. C'est pourquoi il aurait peut-être été utile d'amener dans le débat des gens au jugement moins coloré, non gauchis par tout ce qu'ils avaient vu ou entendu, qui auraient pu apporter un coup d'oeil frais, des hypothèses nouvelles, des facettes imprévues à cet examen d'un problème et qui auraient pu aider le gouvernement à mieux s'acquitter de ses responsabilités, à mieux les assumer et arriver à une solution peut-être meilleure.

De la façon j'ai demandé tout à l'heure au ministre de l'Education: Est-ce que la partie adverse a été informée que c'était là l'offre finale du gouvernement? Est-ce que la partie adverse a été informée que si cette offre qui était finale n'était pas acceptée il y avait menace très proche d'une loi d'exception? Le ministre de l'Education a été obligé de me répondre que ce langage, s'il avait été tenu, avait été tenu dans des termes sibyllins qui ne pouvaient être compris que par des négociateurs syndicaux chevronnés.

Si, par la suite, le gouvernement dans l'imposition unilatérale des conditions de travail qu'il sera appelé fatalement à faire, est amené à faire d'autres concessions monétaires ou à modifier ses positions sur la sécurité d'emploi, il fera ainsi la preuve qu'il pouvait encore négocier puisque même après la loi d'urgence il est capable d'apporter des offres nouvelles, des avantages nouveaux. Ceci montrera, après coup, a posteriori qu'il n'y avait pas de raison de rompre les négociations, qu'on aurait pu pousser davantage, continuer plus longtemps le dialogue, ce qui montre bien que l'acte qu'on nous présente aujourd'hui n'était pas fatal et qu'on aurait pu procéder autrement.

De cela aussi, je pense que la population pourra accuser le gouvernement, pourra le lui reprocher de n'avoir pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires, de n'avoir pas épuisé toutes les mesures possibles. De toute façon, on nous présente une loi spéciale aujourd'hui. Même si on nous dit — plusieurs ministres nous l'ont dit — que les conditions de faits ne sont pas tellement pires qu'il y a deux jours. Même le ministre des Affaires sociales nous disait que, s'il était d'accord avec la position du gouvernement, ce n'était pas que la situation s'était tellement détériorée, mais c'est parce qu'il lui semblait qu'il n'y avait plus de chance d'arriver à un règlement par voie de négociation. Il n'y avait plus de chance d'en arriver à un règlement négocié. Ce n'est donc pas tellement le ministre des Affaires sociales qui est d'accord avec le gouvernement, mais c'est plutôt un membre du cabinet qui, comme tout autre membre du cabinet, trouve que la chance d'un règlement négocié est de plus en plus lointaine, et c'est à ce titre qu'il souscrit à la décision du gouvernement et qu'il en est solidaire.

Ce n'est donc pas pour des raisons qui intéressent proprement ou surtout le secteur social. Au fond, c'est pour des raisons politiques. De la même façon, on peut déplorer ici que le gouvernement ait présenté une loi qui couvre l'ensemble du secteur public et parapublic. S'il est vrai que c'est dans les hôpitaux que la situation est la plus sérieuse, s'il est vrai que c'est pour les handicapés sociaux, pour les assistés sociaux, surtout ceux qui ont un besoin

urgent de dépannage que la situation est la plus difficile, on aurait dû être logique et présenter une loi qui touche uniquement les hôpitaux ou encore, une loi qui aurait touché uniquement les services essentiels. J'ai encore cinq minutes.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je n'étais pas ici, et le secrétaire adjoint me dit que l'honorable député a commencé son intervention à 1 h 40. Alors, s'il y a consentement unanime...

M. LAURIN: J'en ai encore pour quatre minutes.

DES VOIX: Non.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

DES VOIX: Non.

UNE VOIX: Super-oraison.

M. LAURIN: Super-oraison.

M. LE PRESIDENT: Bien, ça va être clair. Est-ce qu'il y a consentement unanime oui ou non?

DES VOIX: Non.

M. LE PRESIDENT: II n'y a pas consentement unanime.

L'honorable député de Montcalm.

M. Marcel Masse

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, je n'ai pas l'intention dans les quelques minutes que le règlement m'autorise à faire une vue en détail de cette négociation et de ce projet de loi qui nous est présenté par le gouvernement. Mais, il y a quand même un certain nombre de remarques d'ordre général que j'aimerais formuler aux membres de cette assemblée.

Pour la première fois depuis 1965, l'Assemblée nationale est saisie d'un projet de loi qui va autoriser le gouvernement à intervenir directement, après avoir suspendu des lois existantes, dans un domaine de ses propres relations de travail. En effet, depuis que le Parlement du Québec autorisait les fonctionnaires des secteurs public et parapublic à avoir le droit de grève, il n'est jamais arrivé que le Parlement ait à intervenir dans ce domaine des relations de travail par voie de législation. En 1965, le premier ministre Lesage, à l'époque, a réussi des négociations à l'intérieur des lois telles que votées par le Parlement et qui accordaient le droit de grève aux secteurs publics et parapublics.

En 1968-1969, nous avons connu une deuxième ronde de négociation à l'intérieur des lois telles que nous les connaissons actuellement et qui ont réussi ces négociations, sans pour autant suspendre le droit de grève. Voilà que, cette fois, le gouvernement se voit obligé de suspendre le droit de grève et d'imposer par décret, à toutes fins pratiques, une convention collective sans qu'elle soit pour autant négociée jusqu'à son point final.

Certes, à plusieurs reprises, le Parlement a dû intervenir dans des domaines publics ou parapublics, tels les transports à la ville de Montréal, le secteur des policiers à la ville de Montréal ou d'autres domaines, quasi publics, comme le secteur de la construction pour l'ensemble du Québec ou d'autres lois de ce genre. Mais il n'est jamais arrivé qu'il ait eu à intervenir, depuis 1965, dans ce secteur important qui est le sien propre et avec lequel il se doit de négocier. On a fait allusion, à quelques reprises, au bill no 25. Bien, ce n'était pas du tout ce problème-là. Au contraire, le gouvernement se donnait l'obligation d'intervenir dans cette négociation à la table de négociation. C'est le contraire de ce qui se produit.

Pourquoi en est-il advenu ainsi? On a dit, dans la population, à plusieurs reprises: II faut enlever le droit de grève aux fonctionnaires. Mais attention, le droit de grève n'existe pas pour certaines catégories de fonctionnaires et, pourtant, il faut admettre que ce sont dans ces secteurs que, depuis 1965, la grève a eu lieu le plus souvent, soit par des arrêts de travail, de toute façon, illégaux, par du ralentissement ou des journées d'étude ou quelque chose de semblable.

C'est la première fois que nous avons à intervenir dans le domaine même des fonctionnaires. Est-ce que l'on peut conclure pour autant que cela réglerait tout le problème de la négociation collective dans les domaines public et paraplic? Si le droit de grève n'existait pas pour les fonctionnaires alors qu'au contraire, à sa face même depuis 1965, ce sont dans les domaines où la loi interdisait le droit de grève que les grèves ont eu lieu et, pour la première fois, nous assistons à une grève tout à fait légale dans un domaine où nous l'avons consacrée, le Parlement, depuis 1965. Nous décidons, après quelques jours, de suspendre cette grève. Faisons attention. Les sentiments de la collectivité ne sont pas nécessairement toujours imbus de la réalité, particulièrement dans ce domaine-là.

M. le Président, si nous avons à intervenir aujourd'hui, si on prend la parole des ministres, tel qu'ils nous ont présenté le dossier, c'est que dans un domaine particulier, celui des services publics, il n'y a pas entente. C'est parce que, dans les services publics, il n'y a pas d'entente que nous sommes amenés à suspendre, pour l'ensemble des secteurs public et parapublic, le droit de grève normal dans cette négociation.

La loi de 1965 prévoyait, dans le domaine des fonctionnaires, que les parties devaient s'entendre sur les services essentiels avant de faire la grève; par extension, on peut prétendre que dans les services parapublics le même

principe devrait jouer. Si c'est réellement le problème, pourquoi le gouvernement ne présente-t-il pas un projet de loi pour corriger ce problème, un projet de loi qui définirait quels sont les services essentiels, tels qu'on les connaît actuellement, qui prévoirait l'établissement d'un tribunal pour les cas douteux et qui obligerait ces gens, par la loi, à rentrer au travail, laissant à tous les autres qui ne sont donc pas des services essentiels, l'exercice normal de leur négociation? Pourquoi aller enlever le droit de grève dans tous les domaines et non pas simplement dans le domaine des services essentiels? C'est là qu'est le problème et c'est pour cela qu'aujourd'hui le ministre des Affaires sociales vient nous expliquer que dans les hôpitaux il y a un problème, que le ministre de l'Education vient nous expliquer qu'il y a un problème. Ce problème, il est toujours dans les services essentiels. Et ce qui a manqué à la loi de 1965, c'est de ne pas avoir défini plus clairement ce que sont les services essentiels. Souvenons-nous particulièrement qu'en 1965, lorsque le gouvernement de l'époque avait négocié avec le syndicat la liste des services essentiels, il avait demandé, comme service essentiel, l'autorisation de garder le jardinier du lieutenant-gouverneur. Depuis cette époque, nous avons convenu, de part et d'autre, que le jardinier du lieutenant-gouverneur, bien que service important de l'Etat, n'était pas pourtant un service essentiel.

Il y a eu, depuis ce temps, trois expériences qui permettent et aux syndicats et à l'Etat de mieux définir ce que sont les services essentiels. Un projet de loi qui aurait tout simplement fait une telle proposition est un projet de loi qui n'aurait pas suspendu la négociation, qui n'aurait pas suspendu le droit de grève pour l'ensemble des autres secteurs et qui aurait répondu à l'inquiétude de la population face au manque de services essentiels.

Egalement, le gouvernement nous présente un projet de loi et, par ce projet de loi, il saute des étapes.

Entre le gouvernement et ses syndiqués, à diverses reprises, il y a eu des difficultés d'entente, il y a eu des négociations ardues et nous avons été obligés d'inventer un nouveau mécanisme qui n'apparaissait pas dans la loi de 1965, ç'a été la commission parlementaire. Le gouvernement ne semble pas avoir confiance dans la commission parlementaire pour aider à la solution du conflit. Je pense que le gouvernement nie l'histoire récente de la commission parlementaire de la Fonction publique dans ces négociations. A deux reprises, pour le moins, soit dans une négociation entre le gouvernement et les employés de la RAQ à l'époque, une deuxième négociation entre le gouvernement et les employés de la CEQ dans le secteur scolaire, à deux reprises, la commission parlementaire a aidé à la solution, sans être pour autant obligée de suspendre les lois, a aidé les parties à se rapprocher. Je peux témoigner pour avoir été à ces deux commissions-là. La RAQ, une grève qui a duré presque six mois, qui a été réglée non pas une loi suspendant le droit de grève des gens de la RAQ, mais par une commission parlementaire qui a duré plusieurs jours et qui a aidé les parties à se rapprocher. Dans le domaine de la CEQ, il a fallu 14 commissions parlementaires, ici même dans le parlement de Québec, pour aider les parties à se rapprocher.

Nier la commission parlementaire, nier l'utilité de la commission parlementaire dans ce conflit actuellement, c'est nier l'utilité des instruments que nous avons mis sur pied, de peine et de misère au Parlement du Québec...

M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député de Montcalm me permettrait une question?

M. MASSE (Montcalm): ... pour assurer un dialogue entre les parties, sans pour autant suspendre l'exercice du droit de grève.

M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Montcalm me permettrait une question?

Il parle des 14 séances de la commission parlementaire dans le cas de la CEQ. Quel a été le règlement, sinon le bill 25?

M. MASSE (Montclam): M. le Président, il me fait plaisir — je ne veux pas donner une leçon d'histoire, mais ce sont deux choses différentes. Le bill 25 a été adopté par le Parlement au mois de février 1967 et la commission parlementaire dont je parle a eu lieu à l'automne 1969. Alors, il n'y a pas de commune mesure entre les deux. Pour de plus amples explications, si ça ne vous fait rien, je le ferai en arrière du rideau après. Ce n'est pas du tout la même chose.

M. COITEUX: M. le Président, est-ce que le député de l'ancien comté de Montcalm me permettrait une question?

M. MASSE (Montcalm): Je le suis encore. Jusqu'en 1974 et après on verra.

M. COITEUX: Ce soir j'étais présent. Le député de Montcalm semble apporter une énorme importance à la commission parlementaire. Comme le député l'a mentionné lors de son intervention, j'ai entendu moi-même, ce soir, Charbonneau dire: C'est de la foutaise.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, premièrement...

M: COITEUX: C'est justement, je vous demande quelles sont les valeurs des commissions parlementaires.

M. MASSE (Montcalm): Premièrement, ce n'est pas une question. Deuxièmement, je ne l'ai pas entendu et, troisièmement, ce n'est pas

là qu'est le problème. On ne peut pas, parce que M. Charbonneau a dit telle phrase, nier pour autant l'utilité d'une commission parlementaire qui, de toute façon, ne siège pas et n'a pas siégé. Je pense qu'il faut faire attention, c'est de croire qu'automatiquement la commission parlementaire n'aide pas à résoudre les problèmes. A deux reprises, elle a dû se réunir et à deux reprises elle a aidé à rapprocher les parties dans des conflits extrêmement difficiles, sans pour autant avoir été obligés de réunir le Parlement pour suspendre l'exercice du droit de grève. Pourquoi cette fois-ci? Pourquoi cette fois-ci le gouvernement repousse-t-il du pied ou de la main, je ne sais, pourquoi repousse-t-il l'utilisation de la commission parlementaire? Est-ce que c'est parce qu'il est trop tard? Si c'est parce qu'il est trop tard, il aurait pu réunir ladite commission parlementaire, il y a quinze jours, il y a trois semaines, il aurait pu se servir de cet instrument, tant pour informer la population, pour informer les parlementaires, pour aider les parties à se rapprocher. S'il est trop tard aujourd'hui, compte tenu de la non-existence des services essentiels, qu'il décrète lesdits services essentiels dans un projet de loi dont j'ai parlé tout à l'heure et qu'il réunisse la commission parlementaire. Parce que, dans le projet de loi actuel, nous allons réunir la commission parlementaire, mardi prochain, mais ce n'est plus du tout dans le même esprit qu'il y a quelques années. C'est une commission parlementaire qui va écouter des parties qui n'ont plus intérêt à négocier, puisque de toute façon l'Etat sait fort bien que c'est dans la loi que l'ensemble de ces propositions seront décrétées, sans pour autant qu'elles soient négociées. Le syndicat sait fort bien, lui aussi, que peut importent ses arguments, peu importe l'information qu'il transmettra aux parties, que de toute façon, si le gouvernement n'est pas d'accord, il n'a qu'à laisser passer le temps et puis tout s'appliquera directement au mois de juin.

Ce n'est plus le même type de commission parlementaire et il ne faudra pas juger de l'utilisation de l'autre genre de commission parlementaire par le résultat de ce que nous aurons dans ce projet de loi.

Je m'explique difficilement pourquoi le gouvernement a refusé l'utilisation de la commission parlementaire. Est-ce qu'il était si peu convaincu de la valeur de son dossier? Est-ce qu'il était si peu convaincu des réponses qu'il fournissait aux syndicats? Est-ce qu'il était si peu convaincu de la solidité de sa politique salariale cette fois-ci? Est-ce qu'il était si peu convaincu de la ventilation du budget de l'Etat qu'il a refusé de soumettre aux parlementaires...

M. L'ALLIER: M. le Président, est-ce que le député me permettrait une question?

M. MASSE (Montcalm): Oui, M. le Président.

M. L'ALLIER: Je viens d'entendre le député de Montcalm dire: Est-ce que le gouvernement était si peu convaincu de sa politique salariale cette fois-ci? Peut-il me dire si les gouvernements antérieurs, à sa connaissance, ont déjà eu des politiques salariales annoncées, comme nous l'avons fait, et en fait connues des parties avant la négociation?

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avons négocié.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, s'il y a quelqu'un qui peut en témoigner...

M. L'ALLIER: Non, non, ma question n'est pas du tout maligne, elle s'adresse au député de Montcalm...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais nous les avons négociées.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas la première fois, la seconde fois.

M. L'ALLIER: Vous n'en aviez pas, mais vous les avez négociées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que, la première fois, cela n'avait pas fait l'objet de négociations. La seconde fois, oui.

DES VOIX: A l'ordre!

M. TETLEY: II a perdu son droit de parole, M. le Président.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement. Depuis quand peut-on crier derrière votre fauteuil, comme vient de le faire le ministre des Institutions financières? Est-ce suivant nos règles d'étiquette parlementaire?

M. LE PRESIDENT: Non seulement c'est contre l'étiquette parlementaire, mais c'est complètement contre le règlement et je rappelle à l'ordre l'honorable ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: Pourquoi?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.

M. TETLEY: Pourquoi, M. le Président?

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, pour revenir à la question qui était posée, le gouvernement avait une politique salariale, il a fait connaître cette politique salariale, il s'est rendu à la commission parlementaire, il l'a expliquée, il l'a négociée, il l'a discutée avec les parties en présence des journalistes aux tables

sectorielles à l'époque, en présence des parlementaires et le gouvernement n'a pas craint — je ne dis pas que le gouvernement craint d'exposer sa politique salariale — je me demande s'il craint. Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c'est que le gouvernement a repoussé l'institution de la commission parlementaire où il aurait pu nous convaincre, convaincre la population qu'il avait raison.

Je pense que cela est regrettable. Cette fois, on impose un projet de loi qui, à toutes fins pratiques, nie le droit d'association et le droit de négociation dans le secteur public et le secteur parapublic et ce projet de loi ne règle rien. Il ne règle rien de la situation actuelle et ne règle rien pour l'avenir. Le gouvernement devra revenir rapidement dans les mois qui suivront avec un projet de loi rétablissant un nouveau régime de travail dans le domaine public et le domaine parapublic.

Je ne veux pas me prononcer sur les propositions ni du gouvernement ni des syndicats. Ce n'est pas le lieu pour le faire. Nous aurons l'occasion à la commission parlementaire d'entendre les parties et, à la suite de cela, de pouvoir juger des propositions et des contrepro-positions qui sont formulées.

Je vois que le temps court vite à ce qu'il semble, mais j'aimerais quand même dire, en terminant, ceci: Ce n'est pas le lieu non plus pour juger des écarts de langage, des erreurs de stratégie qui ont été faits de la part du gouvernement ou de la part des chefs syndicaux. Comme n'importe quel parlementaire de cette Chambre, je regrette que les injonctions n'aient pas été respectées, je regrette que des erreurs de stratégie aient été faites d'un côté comme de l'autre, mais une chose est certaine, dans quelques heures, on peut croire que ce projet de loi sera accepté. Même s'il ne règle rien, même s'il crée un néant pour un certain nombre de mois et qu'il obligera le gouvernement à présenter un nouveau projet de loi, même si un certain nombre de syndiqués sont convaincus de la réalité de leurs demandes, même si un certain nombre de fonctionnaires qui ont travaillé dans cette négociation sont frustrés de ne pas la voir se terminer normalement, j'espère pour l'avenir des relations de travail dans les secteurs public et parapublic que les chefs syndicaux accepteront le projet de loi non pas de gaieté de coeur, peut-être en le discutant, mais accepteront quand même et permettront à tous les syndiqués du secteur public et du secteur parapublic de retrouver, tel que la loi l'oblige, samedi prochain, leur poste au service de l'Etat et de la collectivité.

Il est peut-être regrettable que la loi soit passée, mais je pense que, pour l'ensemble des fonctionnaires et de l'Etat, il serait important que tous et chacun respectent la loi, même si nous ne sommes pas d'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais, en tout premier lieu, faire quelques commentaires sur un des aspects du projet de loi, non pas celui qui consiste à ordonner le retour au travail, mais plutôt l'autre qui touche aux mécanismes suivant ce retour au travail.

Pour préciser, premièrement, et pour rétablir certains faits qui ont été énoncés ici, la convocation de la commission de la Fonction publique n'empêche pas que la négociation se poursuive en parallèle. Dès le moment où nous avons quitté les représentants des trois centrales, dans la nuit de mercredi à jeudi, le chef négociateur du gouvernement leur a dit très clairement qu'il était toujours disponible et qu'ils pouvaient communiquer avec lui en tout temps.

Maintenant, on va me dire évidemment: Ce mécanisme ou cette possibilité de négociation, pendant que la commission parlementaire siège, est une possibilité théorique. Et ici, je ne voudrais pas m'attarder dans une longue discussion dans l'absolu sur ce point, mais plutôt rappeler que, dans le cas de la grève des médecins, un mécanisme qui présentait beaucoup d'analogie avec le présent mécanisme, qui ne prévoyait même pas la convocation de la commission parlementaire, mais qui invitait les parties à négocier, a permis que des conventions soient signées, et ceci, avant l'expiration du délai qui était prévu dans la loi.

Je conviens que les délais étaient plus longs, mais on doit se souvenir que la période des négociations avait été beaucoup plus courte, qu'il s'agissait d'une première négociation, et malgré tout, même si cette loi a été adoptée au cours du mois d'octobre, si ma mémoire est bonne, dès le mois de décembre, nous signions certaines des conventions.

Ici, j'apporte donc, et c'est le but pour lequel je le fais, un exemple qui montre que cette possibilité de négociation en parrallèle, surtout si l'on se rappelle l'étude extrêmement attentive que nous avons faite des demandes syndicales, les longs délais qui se sont déroulés depuis la présentation des offres du gouvernement, il me semble qu'il y a là un mécanisme qui n'est pas purement théorique.

Je voudrais aussi toucher un autre point, M. le Président, à la fois le député de Bourget et le député de Montcalm ont semblé dire que le problème des mécanismes des services essentiels, en fait, était au coeur de ce conflit et qu'il aurait été beaucoup plus prévoyant, de la part du gouvernement, de définir ces services essentiels ou encore, au moment de ce présent arrêt de travail, de présenter un projet de loi touchant ces services essentiels.

Or, M. le Président, nous avons négocié avec les syndicats, dans bien des cas, ce que devaient constituer les services essentiels et la façon d'assurer ces services essentiels. Dans chaque ministère, ce problème prend une forme différente et je ne vois pas exactement comment il

serait possible de prévoir, une fois pour toutes, ou même une fois à un moment donné, dans un règlement ou dans un texte législatif ou même dans une entente pour une période à venir qui pourrait être assez longue, ce que pourraient être, d'abord, les services essentiels et ensuite la façon de les assurer.

Il y a les saisons qui importent, il y a la durée d'un conflit qui peut changer la nature des problèmes que pose le maintien des services essentiels et de nombreux autres problèmes.

Nous avons voulu dans ce cas, pour ne pas imposer des règles, négocier avec les parties, avec les syndicats, les façons d'assurer le maintien de ces services essentiels et je peux dire que, quant à moi, dans le ministère chez nous, pour ne citer que cet exemple, nous en sommes arrivés après négociation à une entente, alors le problème n'était pas là.

Le problème a été l'impossibilité d'avoir accès au ministère. Alors, la négociation beaucoup plus hâtive, la préparation d'un texte législatif, toute autre formule n'aurait rien changé à ce problème ou à cette situation que je viens de décrire. Je conviens qu'il s'agit là d'un problème qui est difficile, mais je ne peux accepter qu'on le situe au coeur du présent conflit, qu'on lui donne l'importance qu'on lui donne présentement. Et c'est dans ce contexte qu'il m'apparaît important de situer le présent projet de loi, c'est-à-dire par rapport à d'autres lois, par rapport au problème que je viens de poser et également, évidemment par rapport à la situation qui a été décrite.

Maintenant, on a fait justement état de l'avenir dans le secteur. On a aussi accusé le gouvernement d'une certaine imprévoyance, face au difficile problème des relations de travail, dans le domaine des services publics et parapublics. Et je crois bien que c'est presque devenu un lieu commun que de dire qu'il y a là évidemment un malaise et nous l'admettons bien franchement. Le premier ministre l'a dit très clairement, lorsqu'il a prononcé son discours de deuxième lecture sur ce projet de loi.

Mais, il est facile de dégager certains aspects des difficultés que présentent les relations de travail dans les secteurs public et parapublic. Il est facile aussi de dégager ceux qui en apparence peuvent donner l'impression que le gouvernement a été imprévoyant. Simplement, je voudrais rappeler d'autres faits et tirer une conclusion qui montre que le portrait ou la supposée imprévoyance du gouvernement peut être vue d'une façon bien différente.

Premièrement, on se rend compte — et ce phénomène est relativement nouveau — que dans le type de société dans laquelle nous vivons, l'interdépendance est un phénomène dont on devient de plus en plus conscient. L'interdépendance entre les groupes, interdépendance entre les mécanismes de fonctionnement aussi bien au plan social qu'au plan économique dans notre société. Et ce nouveau phénomène que l'on a perçu vient de donner lieu à une nouvelle manifestation qui est assez récente, c'est-à-dire un pouvoir qui apparaît disproportionné à des petits groupes de travailleurs et qu'ils savent utiliser d'une façon beaucoup plus raffinée à mesure que les mois passent. Egalement, un nouveau phénomène qui apparaft de plus en plus clairement il me semble, c'est que l'exercice du droit de grève et les commentaires que je fais ne m'orientent pas vers un type d'exercice dont l'objectif, comme on l'a laissé entendre, ou l'objectif du gouvernement est nécessairement de restreindre le droit de grève. Un nouvel aspect du droit de grève, un aspect qui apparaît de plus en plus clairement du droit de grève dans les services public et parapublic, est celui de la limitation d'autres droits qui se situent à un niveau tout aussi important: le droit à l'éducation, le droit à la santé, le droit au travail, etc.

Il s'agit là d'une situation en pleine évolution. J'ai lu, comme d'autres dans cette Chambre l'ont fait, bien des auteurs qui ont analysé la question, bien des auteurs qui disent qu'il faudrait trouver à notre époque un moyen plus raffiné que le droit de grève, pour permettre aux travailleurs de faire part de leur insatisfaction au cours d'une négociation et de le démontrer d'une façon claire.

Le problème, c'est que personne n'a encore fait une suggestion concrète. Le gouvernement est placé devant cette situation; il s'agit à la fois d'un domaine extrêmement complexe, en pleine évolution, et aussi un secteur qui, malgré toutes les analyses qui ont pu en être faites, à ma connaissance, n'ont pu dégager, par la voie d'analyses, d'études, de nouveaux mécanismes.

Nos lois du travail n'apportent pas, nous en convenons — le premier ministre l'a dit et d'autres l'ont dit du côté du gouvernement — dans les secteurs public et parapublic un cadre parfaitement approprié, bien au contraire, qui permette d'apporter toujours les réponses adéquates aux difficultés bien particulières que présentent la distribution des services dans le domaine public et dans le domaine parapublic. C'est la raison pour laquelle, devant l'ampleur du conflit que nous vivons, que nous avons vécu au cours des dernières semaines, le premier ministre disait, au cours de son allocution sur ce présent projet de loi, que le gouvernement est convaincu de la nécessité d'un réexamen complet et en profondeur des mécanismes des relations de travail dans ces secteurs.

On peut nous dire: Pourquoi n'avez-vous pas commencé plus tôt? Je crois que, sur ce point, si nous avions lancé cette opération alors que nous étions engagés, peu de temps après notre mandat dans la négociation, la préparation de la négociation, le développement d'une politique salariale, etc., en parallèle, nous aurions pu fausser les règles du jeu. Il nous apparaît que c'est plutôt dans un climat un peu plus serein, après l'expérience que nous avons vécue, que ce réexamen devra être fait. Quant aux mécanismes, évidemment nous devrons y songer et les

exposer très clairement lorsqu'ils seront mis sur pied.

Il y a également — c'est le dernier point que je voudrais faire ressortir dans toute cette question — au moment où nous étudions ce projet de loi, projet de loi qu'il n'est évidemment pas agréable de présenter, que ce soit par le premier ministre ou par un ministre, c'est le type de projet de loi qui n'est pas agréable à présenter. On peut imaginer que, malgré le fait que nous sommes à cette étape-ci, malgré aussi l'ampleur du conflit que nous avons traversé, il peut en résulter des aspects positifs. Un aspect que j'ai à l'esprit est le suivant. A mon sens, après avoir traversé une telle crise, les syndiqués devraient, eux également, ne pas uniquement attendre que le gouvernement ou un mécanisme quelconque d'étude réévalue, avec tous les groupements intéressés, le fonctionnement, l'orientation de tout ce secteur. Eux également, en tant que syndiqués, doivent à mon sens se poser des questions quant à l'orientation de leur syndicat, quant au fonctionnement de leur syndicat et aussi quant à l'action de leur syndicat.

Si ce conflit convainquait les syndiqués d'agir ainsi, tous, il me semble que c'est un aspect extrêmement positif qui pourrait se dégager de ce conflit parce que le syndicalisme est un mécanisme essentiellement démocratique. Il est évident qu'une des parties des difficultés que nous connaissons provient également des tensions à l'intérieur des syndicats. Il y a là, à mon sens, c'est clair, une dimension du problème. Il serait faux de le cacher et de dire que c'est uniquement le gouvernement qui a manqué de prévoyance. Il y a également, à l'intérieur du syndicalisme au Québec, des problèmes et ces problèmes trouveront une solution d'autant plus valable qu'elle sera apportée de l'intérieur.

C'est l'aspect qu'il m'apparaft important de faire ressortir. J'espère bien sincèrement qu'après un tel conflit les membres des syndicats s'interrogeront quant à l'orientation de leur syndicat, quant au type d'action dans lequel ils s'engagent, quant au fonctionnement de ces syndicats.

Evidemment, en terminant, M. le Président, je ne peux que m'associer à ceux qui l'ont fait et inviter le plus sincèrement possible les employés du gouvernement, tout le personnel, dans le secteur parapublic ou dans les divers secteurs parapublics, à retourner au travail, à suivre l'ordre qui leur sera donné par cette Chambre de retourner au travail et leur rappeler qu'ils ont une responsabilité toute particulière quant au bon fonctionnement, au cours des prochaines semaines, des établissements dans lesquels ils travaillent.

M. LE PRESIDENT (Picard): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais faire quelques observations sur le projet de loi qui est devant nous. Il s'agit d'une loi d'urgence et le chef de l'Opposition a expliqué, cet après-midi, les raisons qui obligeaient le gouvernement à soumettre cette loi à notre examen. Je ne reviendrai pas sur ces raisons, je veux simplement souligner que, si nous acceptons ce projet de loi, nous l'acceptons comme un pis-aller dans l'optique du bien commun, dans le but de mettre fin, le plus tôt possible, à un conflit dont commence à souffrir tragiquement l'ensemble des citoyens du Québec.

Tous ceux qui ont parlé ont fait une étude de la situation, ont essayé de trouver les causes lointaines et les causes prochaines, les causes immédiates de ce conflit. Il y a deux aspects dans ce conflit, il y a un aspect à court terme et un aspect à long terme. Le ministre des Affaires sociale a, tout à l'heure, indiqué quelle est, selon lui, la façon dont on devrait envisager, dans l'avenir, les relations patronales ouvrières et particulièrement les relations de l'Etat avec ses employés. C'est l'aspect éloigné de la question, mais aspect extrêmement important puisque la loi qui est soumise à notre examen remet véritablement en cause le droit de grève dans les secteurs public et parapublic.

Cela remet en cause ce droit et cela forcera les citoyens, les syndicats, le gouvernement, l'ensemble des parlementaires à réexaminer cette question, ce problème fondamental, de l'avenir du syndicalisme dans le Québec et de l'orientation du syndicalisme particulièrement en ce qui concerne ses relations avec l'Etat. Il est bien évident que chacun de nous reconnaît le droit de grève, reconnaît le droit d'association et ne veut pas priver qui que ce soit de ce droit qui a été reconnu aux employés de l'Etat en 1964, qui s'est étendu, par la suite, à d'autres secteurs mais droit, qui permet l'usage de certains moyens au sujet desquels aujourd'hui on s'interroge.

Ce droit de grève, cette forme de syndicalisme, dans les domaines public et parapublic, ont besoin d'être repensés, dans une optique de concertation avec l'Etat, dans une optique de collaboration avec l'Etat.

Pendant des années, que ce soit dans le domaine privé comme dans le domaine public, on a toujours pratiqué ici un syndicalisme revendicateur. Cela était nécessaire à l'époque. C'était une étape qu'il fallait absolument franchir, mais je crois que la situation étant ce qu'elle est aujourd'hui, notre syndicalisme doit s'orienter vers une forme de collaboration très étroite avec l'Etat et, comme le dit et le répète depuis longtemps le chef de l'Opposition, le syndicalisme doit devenir un agent positif de l'économie, un agent positif qui travaille avec

l'Etat au maintien de l'ordre, de la sécurité en vue de la promotion du bien commun.

C'est là l'aspect éloigné des effets, des conséquences de la loi qui nous est présentée et qu'il nous faudra examiner. Mais il y a aussi le problème à court terme. Tout à l'heure, le député de Bourget a fait une analyse fort lucide de la situation. Il a examiné les causes lointaines, les raisons du conflit actuel, etc. Il a apporté des points de vue fort intéressants. Mais il me paraît qu'il a oublié un aspect important du conflit actuel. Parce que par-delà les exigences qui sont formulées, exigences de salaires, de conditions de travail, de sécurité d'emploi, etc, il y a un problème qui, en réalité, s'exprime dans une sorte d'épreuve de force contre le gouvernement, contre l'Etat employeur. Cela provient du fait qu'il existe dans le conflit actuel et c'est peut-être un aspect sur lequel on n'a pas encore insisté, il existe un substrat idéologique. C'est qu'il y a à l'intérieur des syndicats, particulièrement à la tête des syndicats, je parle de certains chefs syndicaux et je ne veux pas faire leur procès ici, il y a des hommes qui ont une conception de l'Etat, qui ont une conception de l'économie, qui ont une conception du système économique qui doit nous régir qui est différente de celle du gouvernement actuel et de celle de la grande majorité des citoyens du Québec.

C'est ce qui s'exprime à l'heure actuelle, de façon indirecte, via les négociations qui ont abouti à l'impasse que nous connaissons et forcé le gouvernement à nous proposer le projet de loi que nous étudions ce matin.

Cet aspect idéologique est important. Il ne faut pas le négliger. Il est important que nous nous interrogions sur le bien-fondé de ceux qui prétendent que notre système économique est mauvais, que notre système social est mauvais et qu'il faut le changer et qui utilisent les droits qui leurs sont reconnus, le droit qui leur est reconnu de faire la grève pour faire triompher une idéologie plutôt que d'obtenir pour les syndiqués qu'ils représentent des meilleures conditions de vie, de salaire, de travail, etc. C'est là un des aspects du problème que l'on semble oublier. C'est certainement une des raisons qui a provoqué le raidissement de la partie syndicale contre les propositions de l'Etat employeur.

Il y a épreuve de force. Il y a conflit, et ce conflit, en apparence, semble résider uniquement dans des domaines palpables, immédiats qui se traduisent en termes d'argent ou en termes de bénéfices marginaux ou de conditions de travail ou de salaires. Mais je crois que ce qui est encore plus important dans ce conflit que l'objectif que recherchent les chefs de centrales syndicales est avant tout un objectif idéologique.

Il nous faut nous en aviser, nous demander si les syndicats ont raison de mettre en cause le système et nous demander si nous, nous avons raison de défendre une autre idéologie, un autre système économique. Lorsque cette loi aura été mise en vigueur, lorsque le temps sera venu d'examiner l'ensemble du problème, il faudra se pencher sur cette question, poser le problème dans ses termes exacts. Est-ce que les syndicats, est-ce que ce qu'on appelle actuellement le front commun recherche des objectifs à court terme, c'est-à-dire le règlement d'un conflit qui permettrait à ceux qu'il représente, ceux au nom de qui il parle d'avoir de meilleurs conditions de vie, de travail et de salaire ou si ce qu'il recherche ce n'est pas le triomphe d'une idéologie dont l'objectif est de changer fondamentalement le régime économique sous lequel nous vivons à l'heure actuelle?

C'est là, à mon sens, un aspect de la situation qu'il va nous falloir examiner, au sujet de laquelle nous allons devoir nous interroger parce qu'en réalité ce conflit remet en cause, d'une part, le droit de grève dans les secteurs public et parapublic mais davantage il remet en cause tout le système économique. Et la pression que le front commun a voulu mettre et l'union de centrales qui, jusqu'alors, s'étaient souvent déchirées, s'étaient souvent entretuées, j'emploie le mot au sens figuré du terme, cette union provient précisément de la volonté d'un certain nombre de personnes qui veulent changer le rapport de force qui existait entre l'Etat et les citoyens qu'il représente et au nom desquels il parle.

Mais les chefs syndicaux, lorsqu'ils pensent en ces termes, oublient qu'ils ne regroupent pas l'ensemble des travailleurs du Québec, qu'ils n'en regroupent, en fait, qu'une partie relativement peu importante numériquement, qu'ils ne recouvrent pas l'ensemble de tous les secteurs non syndiqués des travailleurs au Québec. Cette grève, M. le Président, cette impasse, ce cul-de-sac, ces difficultés auxquelles nous avons à faire face vont nous obliger à réexaminer toute la question, à nous demander si les mécanismes qui régissent nos relations patronales ouvrières, que ce soit dans le secteur privé comme dans le secteur public, correspondent à une évolution de la société québécoise, si les lois que nous avons dans le domaine des relations patronales ouvrières ont suivi l'évolution de la population, l'évolution de la pensée sociale des citoyens.

Je ne veux pas, M. le Président, ce soir, faire le procès de qui que ce soit. J'insiste simplement sur cet aspect idéologique du conflit qui va bien au-delà de l'aspect technique, de l'aspect matériel que l'on semble percevoir à prime abord. Il y a ça, d'accord. Mais au-delà de cela, il y a, en fait et à ce point de vue le gouvernement s'en est rendu compte, la remise en question de la responsabilité de l'Etat en matière de gestion des fonds publics. Je sais que les demandes syndicales, en ces derniers jours, se sont faites pressantes, qu'elles ont été formulées de façon exorbitante, qu'on est même allé jusqu'à demander que l'Etat remette une masse d'argent à des syndicats pour que ceux-ci, ensuite, la distribuent à leur façon. Cela, c'est

remettre en cause le droit et le pouvoir de l'Etat de gérer les fonds publics, d'être, en fait, un gouvernement responsable.

Il faut, M. le Président, dans l'examen du conflit, tenir compte de toutes ces considérations.

Je ne veux pas, M. le Président, prolonger plus longuement les observations que je voulais faire. Je tiens à déclarer que la loi qui nous est présentée est une loi d'urgence, que si nous l'adoptons, nous l'adoptons parce que le gouvernement, n'ayant pas voulu épuiser tous les moyens qui étaient à sa disposition, a été, à un moment donné, hier et ce matin, obligé de recourir à un moyen de force. Le gouvernement portera la responsabilité de ses actes. Chacun des ministériels qui a parlé a dit: Nous porterons la responsabilité de nos actes. D'accord. Mais que l'on n'oublie pas ceci: ce conflit aura des suites, des conséquences. Il aura une séquelle. Nous aurons à panser des plaies. Nous aurons à repenser l'ensemble des problèmes sociaux à la lumière de l'évolution sociale du Québec. C'est cela qui est important, c'est cela qu'il est important de retenir parce que, de toute façon, nous nous en rendons compte, nous allons être obligés d'accepter ce projet de loi.

Nous l'acceptons, M. le Président, à contrecoeur comme, même pas un moindre mal mais comme, si je peux me servir d'une expression qui n'est pas tout à fait conforme aux règles de la langue française, le pire des pis-aller. C'est le gouvernement qui nous oblige à cela, pour toutes les raisons que le chef de l'Opposition a exposées ce matin, pour toutes les raisons que le gouvernement lui-même nous a données, en nous indiquant comment il avait tardé à percevoir la gravité de la situation.

La loi qui est apparue ce matin me rappelait, M. le Président, un vers de Racine, dans Athalie. Ce projet de loi a été conçu "pendant l'horreur d'une profonde nuit". C'est de cette nuit que nous espérons voir le gouvernement sortir pour examiner, avec tous les parlementaires, en commission parlementaire, l'ensemble des problèmes des relations patronales-ouvrières, particulièrement les problèmes des relations de l'Etat employeur avec ses employés.

M. le Président, si nous acceptons de donner notre agrément à un pareil projet de loi, c'est que nous sommes conscients de la gravité de la situation, gravité dont le gouvernement s'est rendu compte hier matin, c'est parce que nous voulons que les syndiqués puissent retrouver des conditions normales de vie mais nous maintenons — nous aurons l'occasion d'y revenir en commission — que le gouvernement a bien des raisons d'améliorer cette loi, d'accorder, en vertu de cette loi, les garanties dont parlait le chef de l'Opposition, aujourd'hui, afin que, si nous avons à nous résigner à accepter ce projet de loi, au moins certaines assurances soient données, afin que ceux qui seront les victimes de cette loi n'en subissent pas des préjudices irréparables.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, j'avoue bien franchement que, lorsque le gouvernement a renversé la motion de l'Opposition, tantôt, j'ai été un peu désappointé. Mais j'ai eu une communication, depuis, c'est-à-dire pendant que le débat se déroulait, à l'effet que l'un des chefs du front commun déclarait aux nouvelles, hier soir, que la commission parlementaire ne vaut rien.

M. MAILLOUX: On nous l'a dit.

M. SAMSON: Je suis un peu moins désappointé, parce que nous constatons et nous sommes en droit de nous poser la question, à savoir si les chefs de ce front commun recherchent pour leurs syndiqués réellement une solution. S'ils étaient à la recherche d'une solution, j'ai l'impression qu'il y aurait eu un certain rapprochement, mais à la lumière de ce que j'ai entendu des autres orateurs de l'Opposition, et à la lumière également de ce qui paraît dans les journaux depuis quelques jours, notamment en date du 17 avril dernier et en date du 20 — c'était hier — des articles qui se lisent comme suit, dans L'Action du 17 avril dernier: "La CSN propose un nouveau document à ses membres."

Et un autre dans Le Devoir du 20 avril: "Un Québec souverain, socialiste proposé à 98,000 syndiqués de la FTQ." Cela fait peut-être partie un peu du problème qui nous est amené ici cette nuit. C'est que peut-être que les chefs de ce front commun ne recherchent pas la solution que les syndiqués recherchent. Peut-être que ces chefs du front commun veulent imposer, et au gouvernement et à la population et à leurs syndiqués, des idéologies politiques que ni le gouvernement, ni la population, ni même leurs syndiqués veulent partager.

Et c'est assez révélateur, dans L'Action du 17 avril dernier, l'article commence comme suit: "Socialisme au Québec ne sera pas identique à celui de Cuba, de la Chine, du Chili, c'est d'abord dans la tradition des luttes ouvrières québécoises, dans les leçons qu'on peut en tirer qu'il faut chercher l'inspiration et le souffle nécessaires à la lutte pour le socialisme." Nous allons avoir, soyons tranquilles, notre socialisme à nous autres, bien québécois, canadien-français. Ils nous le promettent.

Plus loin on poursuit: "C'est le document auquel M. Charles Gagnon a notamment travaillé." Vous reconnaissez là une vedette typiquement québécoise, vedette du drame d'octobre 1970.

M. VEILLEUX: L'allié de Vallières.

M. SAMSON: Ce sont quand même des

choses que nous voyons depuis quelque temps. Et plus loin on cite: "Contre les faiblesses du mouvement syndical, le document incite enfin les travailleurs à mettre sur pied des fronts communs intersyndicaux permanents de manière à hâter la fusion éventuelle des centrales syndicales." C'est là où on veut en venir.

Et dans un autre article, sur le même sujet: "Ils ont ainsi préconisé en attendant la fusion éventuelle des centrales syndicales la création de fronts communs." Cela, c'est déjà ce qui est proposé à des syndiqués en congrès.

Et en date d'hier —j'aurais pu dire aujourd'hui si le débat ne s'était pas éternisé, si nous avions pu siéger à des heures raisonnables, comme on le fait normalement; mais comme il est déjà rendu presque quatre heures du matin — le 20 avril, là c'est au tour du conseil central de Montréal, de la FTQ: "Le Conseil du travail de Montréal (CTM) qui regroupe quelque 98,000 syndiqués (FTQ) de la région métropolitaine a annoncé officiellement hier qu'il tiendrait ce soir et ce week-end sur le thème de la libération le congrès d'orientation auquel s'était engagé M. Marcel Perrault lors de son accession à la présidence de l'organisme..." Et plus loin: "L'objectif du congrès est très net. Nous voulons refaire du CTM, le Conseil du travail de Montréal, l'instrument de libération socio-politique nécessaire pour affronter la conjoncture actuelle."

Et plus loin: "M. Perrault, qui est aussi président des postiers montréalais (FTQ) a ensuite remis à la presse les documents de travail qui seront à la disposition des congressistes. Ils comportent notamment une déclaration de principe qui, sous le titre "Pour la liberté" définit trois objectifs généraux: instauration d'un socialisme démocratique; gestion des entreprises par les travailleurs; indépendance du Québec, avec le français comme seule langue officielle.

Or, cela démontre très clairement qu'il y a, comme le disait tantôt le député de Chicoutimi, en dessous de tout cela, une lutte qui est autre, qui poursuit d'autres buts que le bien des syndiqués. Qui poursuit d'autres buts que les revendications légitimes des syndiqués. Si ce n'étaient que des revendications légitimes des syndiqués, je pense qu'il y aurait eu moyen d'arriver à des ententes sans que nous soyons obligés de passer une loi d'exception. Il n'y a personne qui aime passer une loi d'exception et j'ai l'impression qu'à chaque fois qu'on adopte une loi d'exception on confirme de plus en plus que le gouvernement doit ou est en voie d'opérer ou de gouverner par lois d'exception. Ce n'est pas normal. Ces choses-là devraient être prévues et nous croyons, pour nous, que si nous sommes obligés d'adopter cette loi aujourd'hui c'est parce qu'il y a extrême urgence. Mais, une fois pour toutes, allons-nous enfin nous servir de cette leçon pour modifier notre code du travail de fond en comble, s'il le faut? Mais n'ayons pas peur d'aller le modifier. N'ayons pas peur, parce que, de plus en plus, il est reconnu que la grève n'est pas le moyen par excellence pour donner aux syndiqués ce qu'ils demandent, ou pour leur donner accession à leurs justes revendications.

Au Québec, il me semble que, par tradition, on veuille toujours rester un petit peu en arrière des autres. Nous subissons, nous vivons, depuis quelques années, avec les grèves en avant de tout, pendant qu'ailleurs on pense déjà que les grèves ne sont plus des armes efficaces. Et c'est dans le journal d'hier matin, 20 avril, le Journal de Québec, un gros titre: Les grèves ne sont plus des armes efficaces. Parlant devant une commission sénatoriale chargée par M. Nixon d'étudier les possibilités d'abolir le droit de grève dans le domaine des transports, M. George Meaney, président de la puissante centrale syndicale AFL-CIO, a laissé entendre hier qu'il ne croyait plus à la valeur de la grève dans le monde du travail, bien qu'il la considère comme un des droits fondamentaux du travailleur salarié.

Dans son exposé, M. Meaney a déclaré notamment que les grèves ne sont plus les armes efficaces qu'elles ont déjà été entre les mains des ouvriers. Les besoins de ces derniers sont en effet augmentés disproportionnellement avec la capacité des syndicats à les payer en temps de conflit. Est-ce que cela ne nous permet pas d'ouvrir les yeux un peu? Est-ce que cela ne nous permet pas d'entrevoir ou de voir un peu ce qui se passe réellement? Lorsqu'on voit, près des bâtisses, les gens qui font la "picket line", il y a aussi ce qui se passe en dessous. Et ce qui se passe en dessous, la rumeur voulant que le front commun ou que les syndicats qui composent ce front commun n'ont peut-être pas les moyens de financer à partir de la troisième semaine de grève, elle n'est peut-être pas si mauvaise que cela, cette rumeur. Il y a déjà plusieurs journaux qui l'ont rapportée, à l'effet que s'il y avait une troisième semaine de grève, à partir de la troisième semaine de grève, le syndicat qui est obligé de financer, à ce moment-là, $20 par semaine ou un peu plus pour des gens mariés, n'est pas capable de le financer. Le chef de cette puissante centrale syndicale l'a dit carrément. Ils ne sont pas capables de financer les grèves. C'est pourquoi on voit toujours, dans les mouvements de grève, un mouvement de grève pour les premiers quinze jours et après cela on essaie de revenir au travail pour permettre aux syndiqués d'aller regagner un peu d'argent pour les ramener en grève après, pour continuer constamment ce mouvement de malaise social que nous connaissons. Cela nous permet de voir jusque là, je pense.

Il continue en disant: "Le leader syndical a révélé que l'organisation qu'il dirige est à étudier de nouveaux moyens de pression et de nouveaux modes de négociation qui permettraient à la fois d'éliminer des confrontations patronales syndicales trop violentes et de laisser à chacune des parties la possibilité entière d'obtenir satisfaction".

Voilà la solution que tous recherchent, la

possibilité d'obtenir entière satisfaction. Cela, c'est recherché par la partie patronale et c'est recherché par la partie syndicale ordinairement, mais aussi au Québec c'est recherché, je pense, par la partie patronale mais c'est recherché par les syndiqués mais ça ne semble pas l'être par les chefs des syndicats. C'est là qu'il faut faire la différence.

Parmi ces moyens, il semble que ce soit la soumission des deux parties adverses à la décision finale d'un comité d'arbitrage absolument neutre. Alors voilà que ce chef de la puissante centrale syndicale AFL-CIO vient rejoindre les propositions que l'on fait déjà des créditistes depuis longtemps. Il rejoint ces propositions que nous faisons à l'effet que nous devrions considérer, et ceci de façon très sérieuse, la possibilité de refondre complètement notre code du travail et la possibilité qu'après une période de négociation maximum, automatiquement le conflit, s'il n'y a pas signature d'une convention collective, automatiquement le conflit soit porté devant les tribunaux du travail. Je ne pense pas à ce moment-ci lorsque je dis les tribunaux du travail, je ne pense pas au système actuel d'arbitrage, je pense que nous devrions avoir un système de tribunaux du travail avec des juges dans tous les districts judiciaires et des juges nommés étant spécialisés en relations de travail puis si, au moment où vous les nommez, ils ne sont pas spécialisés, voyez à les spécialiser avant qu ils entrent en fonction, pour qu'ils connaissent des relations de travail et qu'ils sachent ce à quoi ils ont à faire face, quand ils ont à faire face à un conflit ouvrier.

Alors, cela permettrait, dans tous les districts judiciaires du Québec, d'avoir un tribunal du travail qui est toujours prêt à prendre en délibéré une cause qui lui sera soumise. Mais que le tribunal du travail aussi ait un délai maximum, pour reporter sa décision avec un droit de recours à un tribunal central un droit d'appel. C'est normal, je pense. Mais, à la suite de ce droit d'appel, que cette décision, que la décision de ce tribunal d'appel soit une décision exécutoire et finale et cela liera les deux parties en cause, la partie patronale et la partie syndicale.

M. le Président, on se sert des tribunaux dans tous les autres domaines, tous les autres conflits qui sont soumis aux tribunaux et on croit, parce que je pense qu'on n'a pas trouvé encore de meilleurs moyens du moins, que c'est là la seule façon de pouvoir faire reconnaître ces droits. Or, si c'est bon dans tous les autres domaines, dans le domaine du travail, ce le serait aussi et ça rendrait inutile l'exercice du droit de grève tel que nous le connaissons actuellement, parce qu'il ne faut pas, M. le Président, mal nous interpréter, quand nous disons qu'on doit changer cette méthode, ça ne veut pas dire qu'on doit enlever le droit de grève et puis qu'on doit laisser les syndiqués sans avoir au moins un médium de revendications.

Si on dit qu'il y a possibilité de rendre inutile ce droit de grève, c'est parce qu'on doit changer le droit de grève par quelque chose de meilleur, quelque chose qui garantira aux syndiqués, aux ouvriers, aux salariés, qui garantira qu'ils obtiendront justice. Actuellement ce n'est pas comme ça qu'on se sert du droit de grève. Ce n'est pas pour leur faire obtenir justice, c'est pour poursuivre des buts qui ne sont pas les buts poursuivis par les syndiqués et c'est ça la différence.

M. le Président, je pense que, dans le cas présent, nous nous apercevons que c'est clair et net que les chefs de syndicat ont donné des directives complètement à l'encontre de ce qu'est le vrai droit de grève. Ils ont le droit de grève, mais les chefs de syndicat, eux, ont donné des directives dans les cas où il y aurait des injonctions de ne pas respecter les injonctions. Or, c'est ça, M. le Président, c'est une des raisons pour lesquelles nous nous devrons, en conscience, de considérer l'état d'urgence dans lequel nous vivons présentement.

Et, lorsque les chefs de syndicat ont incité les ouvriers à ne pas respecter les injonctions, ils étaient parfaitement conscients, à ce moment-là, qu'ils incitaient les ouvriers, ils incitaient les salariés à ne pas respecter la loi. Ils en étaient parfaitement conscients. D'ailleurs, M. le Président, ils ont pris soin de faire une tournée à travers la province, de rencontrer les syndiqués en assemblée publique, ils ont pris soin d'échauffer les cerveaux autant qu'ils étaient capables avant de lancer tous ces gens-là sur le sentier de la grève générale. Parce que, s'ils n'avaient pas fait une tournée provinciale, déjà, au début, les syndiqués auraient refusé. Et d'ailleurs des syndiqués eux-mêmes m'ont dit que la façon dont le vote de grève a été pris, c'était un peu difficile pour eux de voter pour ou contre la grève. Certains syndiqués m'ont dit qu'en certains secteurs on leur demandait par un vote secret: Acceptez-vous les offres — telle ou telle offre, je ne sais trop, je n'ai pas vu le bulletin— oui ou non? Si le salarié dit: On accepte l'offre, ça équivalait à ne pas faire la grève et, s'il disait: Non, on n'accepte pas l'offre, ça équivalait à dire: On a un vote de grève. Si c'est comme ça qu'on prend un vote de grève — je ne pourrais pas l'affirmer, M. le Président, honnêtement, mais on me l'a rapporté — et si c'est comme ça, réellement, que ça se prend un vote de grève, je me demande s'ils avaient un mandat pour la faire. Je me demande s'ils avaient un mandat parce que de plus en plus on constate que ce sont les syndiqués eux-mêmes qui nous demandent de retourner au travail. Et la preuve que nous avons de ça, c'est que les lignes de piquetage sont vides, alors qu'on nous annonce 30,000, 40,000, 50,000 ou 60,000 syndiqués en avant du Parlement, on n'en a pas; alors qu'on nous annonce, dans ma région — et là je suis en mesure de parler en connaissance de cause — qu'il y aura des centaines de travailleurs à la porte, par exemple, de tel édifice du gouvernement ou à la porte de tel

autre édifice du gouvernement, je constate — parce que je suis allé sur les lieux — qu'il n'y en a pas tellement et ceux qui sont là y sont — M. le Président, excusez l'expression — en maugréant contre le syndicat parce qu'ils ne veulent pas faire la grève, ils veulent retourner au travail.

On m'a confié que, s'ils n'écoutaient pas les directives du syndicat, ils pouvaient s'attendre à des représailles. Alors, devant ces situations, devant ces représailles appréhendées, évidemment les syndiqués vont faire le piquetage. Mais, ils n'y vont pas parce qu'ils le veulent, ils y vont parce qu'ils sont obligés par la force. Ce sont ces choses-là, M. le Président, que nous pouvons éviter mais, attention, il ne faut pas nous servir de l'occasion pour faire une loi spéciale qui serait sur le dos des travailleurs. Ce serait inacceptable. Si on est obligé de la faire, c'est parce qu'il y a urgence — je sais que le ministre du Travail n'a pas eu le temps de réviser le code du travail, il n'a pas eu assez de temps durant la période de grève — mais il faudra que ça se fasse. Aujourd'hui, c'est la grève générale dans le secteur public mais, demain, ce sera autre chose qui viendra perturber le climat économique et social du Québec. Et c'est pourquoi, M. le Président, les suggestions que nous faisons de remplacer le mécanisme actuel par un mécanisme permanent qui donnerait justice aux travailleurs, qui donnerait justice aux salariés, nous le maintenons et nous le demandons et ce, dans les plus brefs délais.

Et en terminant, M. le Président — parce que j'ai l'impression que vous voulez me signaler que mon temps est terminé — je réitère que, si nous acceptons cette loi-là, avant d'aller à l'extrême limite, que le gouvernement considère les demandes que nous avons faites à l'effet d'accorder un minimum de $100 par semaine. Qu'on pense aux gagne-petit, qu'on pense à celui qui a le plus de misère dans notre société. Pensez à celui-là et je pense, M. le Président, que si on pense aux gagne-petit, les autres évidemment sont moins dans la misère mais on pensera à eux aussi. Je vous demande et je demande au gouvernement, même s'il est obligé d'adopter une loi spéciale, de ne pas abuser de sa force de gouvernement, de ne pas en abuser et de donner aux travailleurs salariés du secteur public, et surtout aux gagne-petit, je vous demande de leur donner le minimum de $100 par semaine.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières.

M. William Tetley

M. TETLEY: M. le Président, je crois qu'il n'y a qu'une seule question ce soir, c'est la suivante: Notre gouvernement a-t-il le droit de suspendre le droit de grève? Avons-nous le droit dans les circonstances? Je vous avoue que c'est un problème difficile, c'est un jugement très important et je crois qu'il est nécessaire d'être solidaires et aussi certains de notre décision.

Il y a en effet trois questions: Quand un gouvernement peut-il suspendre le droit de grève? La deuxième question: Par quels moyens? Il y a deux moyens, une loi spéciale et aussi des injonctions...

DES VOIX: La loi.

M. TETLEY: Je parle sur le principe du bill. Troisième question: Qui doit décider? Est-ce tout simplement le gouvernement, le Parlement ou un arbitre ou qui d'autre? J'avoue que la question primordiale et les trois questions que je viens d'énoncer sont très difficiles. Evidemment mes réponses et les réponses du gouvernement sont les suivantes: Nous avons ce droit, sinon le devoir, dans les cas d'urgence et je crois qu'il y a certainement une situation d'urgence aujourd'hui. Les moyens? Nous avons essayé des injonctions et je crois que le moyen qu'il nous reste, c'est une loi spéciale. Qui doit décider? Je crois que ce n'est pas tout simplement le gouvernement mais le Parlement et c'est pourquoi nous avons devant nous, ce soir, cette loi.

Je suis très content de noter qu'un membre assez important du Parti québécois est du même avis. Je cite M. Jacques Parizeau, vice-président du Parti québécois dans Québec-Presse du 27 février 1972 dans une chronique hebdomadaire. Cette semaine-là, sa chronique était intitulée toujours "Parizeau en liberté." Il était le seul évidemment en liberté dans le temps, mais aussi le sous-titre était: "La grève dans les services publics". En effet, c'est le sujet devant nous ce soir. M. Parizeau a répondu à ces trois questions. Je vais le citer et je suis certain que le député bâtonnier de Maskinongé sait très bien que j'ai raison dans le nouveau règlement de citer les journaux, un droit que je n'avais pas autrefois.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais inviter mon honorable ami à faire une distinction entre un député bâtonnier, un bâtonnier et un député. Ne vous mêlez pas.

M. TETLEY: En tout cas vous avez tous ces ordres et titres et j'en suis très content. Voici la réponse de M. Parizeau à la première question. Quand un gouvernement doit-il suspendre le droit de grève? Page 19 de sa chronique: "Evidemment, dans certains cas, on peut avoir à suspendre le droit de grève pour des raisons de circonstances ou d'urgence parce que, pendant quelques jours, la sécurité ou la santé sont directement menacées ou parce qu'une situation critique a été atteinte."

Il faut noter qu'il avait dit: On peut suspendre le droit de grève pour des raisons de circonstances ou d'urgence. Le ministre des Affaires sociales a parlé de la situation d'urgen-

ce dans les hôpitaux. Nous connaissons tous cette situation. Le ministre de l'Education a aussi parlé de la situation dans les écoles, suivant son opinion. Il y a aussi le ministre de la Fonction publique qui a donné son opinion sur le plan général.

Je crois que nous avons rempli les conditions de M. Parizeau et je vais citer la réponse de M. Parizeau à la deuxième question: Par quels moyens? "L'injonction, comme dans le cas de la grève des manuels à Montréal pendant une tempête de neige ou une loi spéciale du Parlement sont alors des recours normaux dans la mesure où les gouvernements n'en abusent pas". Il a parlé — et c'est la même citation, une suit l'autre —d'une situation d'urgence pendant quelques jours à cause d'un manque de sécurité où des circonstances... pendant quelques jours. Cela fait quelques semaines que nous faisons face à la situation actuelle. Et il a dit que l'injonction et la loi spéciale sont des recours normaux. Je crois que c'est la réponse à la deuxième question: Par quels moyens le gouvernement doit-il agir?

La troisième question est la suivante: Qui doit décider? A la même page, M. Parizeau a répondu clairement. Il faut donc que le gouvernement, comme employeur, tienne solidement la barre lorsqu'il a l'impression que la limite est atteinte. Est-ce qu'il a dit le Parlement? Non, il a dit: Le gouvernement, lorsqu'il a l'impression, le gouvernement. Et notre gouvernement a décidé, notre gouvernement a même pris, évidemment suivant la loi, la décision de la présenter au Parlement et nous avons un débat qui est, j'espère, démocratique.

Mr. President, I would like to speak in English because there are many English-speaking citizens of Quebec who are involved in this strike, particularly teachers. We have an important and heavy responsibility as Members of this Government and as Members of this Parliament because the Government has given this responsibility in part to us all. We are going to vote on this question. We must decide when, and if necessary, to apply a special law to withdraw the right to strike in this Province.

As I have said, I am not ever sure of any decision I make or that others make and this is a difficult decision. I believe, however, that we have, as Mr. Parizeau has clearly pointed out, a case of urgency. I believe the circumstances have been clearly outlined by the Minister of the "Fonction publique", by the Minister of Education and by the Minister of Social Affairs. I can say that in the ministry of Financial Institutions we are suffering greatly, perhaps even more than in some of the ministries I have mentioned. We have for ten or more days been unable to reply to requests for incorporations. Quebec incorporates 6,000 or 7,000 new companies a year.

We have lost, perhaps, 100 to 200 companies because of the strike. We have also affected our reputation. We have been unable to answer insurance companies. We have been unable to answer the financial market. The Securities Commission is not operating. Business is going elsewhere. We, and I speak also of my predecessors who have not been of our Government, have been able to incorporate compagnies quicker than in other provinces and in Ottawa. Ottawa incorporates 1,400 to 1,500 companies a year and in Quebec we incorporate 6,000 or 7,000. We do not want that ratio to change.

Mr. President, there is an ever greater problem. It is the problem of the Government taking its responsibility, stopping at some point the strike which is an expression of discontent, stopping the violence. People have the right to express their discontent. As the Member for Rouyn-Noranda said: How violent must their discontent be and is there any benefit from a violent demonstration? Does it not cause violence in others?

Now, I believe, Mr. President, it is now the time to take this difficult but important decision. The Province, and I think the world is divided between what are called "hawks and doves". The hawks are the people, in America, who want the war in Vietnam, the doves want peace. In the similar situation of this strike, there are some who want very strong police intervention and others want temperance and temperate action.

I congratulate the Minister of the Fonction publique for his temperate cool response to every aggressive and violent remark and action that has been made. He has gone to the very limit. But in the words of Mr. Parizeau: "When the employer believes or has the impression that the limit has been attained "que la limite est atteinte", then we must act.

Mr. President, I think the limit, in my view, without pretending to be an authority but having watched this dispute carefully, having studied it, having missed no chance to take part in any discussions as Member of the Government, I am convinced that now is the time to act with the same coolness that the Minister of the Fonction publique has always shown to adopt the law which has certain sanctions in it but not every cruel sanction and to insist that the people go back to work. We then negociate in two places. First, with the Unions, at any time, in any place, and also in Parliament, in our parliamentary commission.

M. le Président, j'avoue encore que la décision est difficile mais cette décision est peut-être la plus importante parmi toutes celles que nous aurons à prendre cette année et parmi celles que nous avons déjà prises depuis les graves événements d'octobre 1970. Mais il faut prendre la décision. Je crois que le débat, très calme ce soir, est une preuve...

UNE VOIX: C'est le matin.

M. TETLEY: ... — pardon, ce matin, à qua-

tre heures cinq minutes — que les quatre partis du Parlement sont conscients de leurs responsabilités et que la population va suivre cette sérénité et ce calme de notre gouvernement.

Donc, M. le Président, j'appuie, avec toutes mes forces...

UNE VOIX: On s'en doutait!

M. LAFONTAINE: II appuie de toutes ses forces mais c'est dur à appuyer quand même.

M. TETLEY: J'espère que j'aurai aussi l'appui du député de Labelle. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, j'avoue que le ministre des Institutions financières a posé des questions pertinentes, a bien situé quelques-unes des questions que le débat de ce soir soulève. Je pense cependant que, dans les réponses qu'il a apportées, il a mal interprété les citations, par exemple, de M. Parizeau.

Deux questions étaient posées. Il disait que la suspension du droit de grève, par exemple, pouvait être considérée quand la limite ou le seuil de tolérance, si vous voulez, était atteint. Nous pensons qu'après neuf jours cette limite n'était pas atteinte, d'autant plus qu'on n'avait pas fait l'utilisation, l'essai de tous les moyens qu'on avait à sa disposition, en particulier — je ne veux pas revenir trop longuement là-dessus — sur cet outil de négociation, si vous voulez, qu'est la commission parlementaire. Mais cela, des orateurs, avant moi, l'ont déjà mentionné.

D'autre part, l'une des questions posées était à l'effet de savoir quand il y avait urgence dans un domaine particulier qui mettait en danger la sécurité ou la santé publique, par exemple. Bien que nous n'ayons pas eu, par la voix du ministre de la Santé, les preuves concluantes que cet état de crise si grave existait dans le domaine de la santé, je dirais ceci: Si cet état grave existait, à ce moment-là, la façon de procéder nous aurait semblé être une loi spéciale, s'il devait y en avoir une, suspendant le droit de grève mais là où il y avait un bobo, c'est-à-dire dans le domaine de la santé, là où la crise était grave, mais pas pour couvrir tout l'ensemble du secteur public.

Parce que, en effet, qui est visé par cette loi et quelle importance cela a-t-il? Je pense qu'il est important qu'on y réfléchisse quelques instants. Les syndiqués en cause dans le conflit, les syndiqués qui sont touchés par l'effet de cette loi représentent 10 p.c. de toute la main-d'oeuvre du Québec, représentent aussi le quart de tous les syndiqués du Québec. Contrairement à ce qu'a souligné un peu plus tôt le député de Chicoutimi, quand il parlait du nombre relativement faible de syndiqués par rapport à la main-d'oeuvre totale qu'il y avait au Québec et me référant à une publication du mois de février du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, on sait que le nombre de syndiqués voisine autour de 40 p.c, à l'heure actuelle. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un nombre relativement faible, surtout quand on sait que la syndicalisation est la plus forte dans les domaines qui ont le plus de répercussions sur l'économie. Là où la syndicalisation est faible, par exemple, dans le domaine des services privés, des services personnels, des petits commerces, on peut comprendre. C'est facilement compréhensible. C'est un secteur beaucoup plus difficilement syndicable, si vous voulez. Alors si on faisait la proportion des ouvriers qui sont syndiqués par rapport à ceux qui sont facilement syndicables, on peut dire qu'une bonne partie et la plus importante partie de la main-d'oeuvre syndicable, au Québec, est déjà syndiquée.

Là, on parle du corps de tous les syndiqués du Québec, ce soir, soit 10 p.c. de la main-d'oeuvre. Qu'est-ce qu'on leur fait, à ces syndiqués? Quel est l'effet de la loi? A toutes fins pratiques, on suspend le droit de grève, pas seulement temporairement. Je pense que c'est le ministre des Affaires sociales lui-même, qui a été le premier intervenant du côté ministériel, qui a touché du doigt le vrai problème et qui n'a pas eu peur, même s'il l'a dit de façon un peu voilée, et qui l'a quand même dit. C'est cela qui est en cause. C'est le droit de grève, point.

Evidemment, il l'a présenté avec son flegme habituel, avec son ton modéré, avec sa voix charmante, ainsi de suite. Il reste quand même que ce soir, pour la première fois — je pense qu'il est important qu'on le note — le ministre des Affaires sociales s'est en quelque sorte démasqué.

C'était un homme au sujet duquel planait le plus d'ambiguité parmi les principaux ministres depuis deux ans. On l'a, à tort ou à raison, ou sans trop savoir parfois, qualifié de progressiste, de ci ou de ça. Je pense que le témoignage qu'il nous a livré ce soir est très important et il faut le souligner.

Il a lui-même remis en cause le droit de grève. Point, à la ligne. Non seulement dans une situation d'urgence, non seulement dans le secteur public, le droit de grève lui-même. En cette sorte — qu'on le note aussi, c'est très intéressant à voir — il rejoignait les propos de celui que je me permets de qualifier comme le plus réactionnaire en cette Chambre, et je veux parler du député de Rouyn-Noranda, qui dans un autre ton et dans une autre forme a dit exactement la même chose, du même acabit, exactement de la même idéologie. Cela, c'est une révélation et nous allons nous en souvenir longtemps, nous ne la passerons pas sous silence.

On enlève donc, à toutes fins utiles, et certains ont eu au moins le courage de l'affirmer, le droit de grève. Point, à la ligne.

C'est bien clair dans le projet de loi, on est en train de dire aux syndicats: N'essayez plus jamais la grève dans le secteur public. On endure neuf jours, on n'essaye pas de commission parlementaire et on ne bouge pas à part ça et après ça, clang! Il n'y en aura plus de droit de grève, je ne pense pas. Cela veut dire la fin du droit de grève dans ce secteur-là. C'est ça qui est l'enjeu.

Est-ce habile de faire un tel geste à un moment où dans l'histoire de notre société l'autorité est remise en cause ainsi que la légitimité du Parlement? On vient de reculer à 1964, il ne faut pas l'oublier. Le premier ministre Lesage, à l'époque, avait eu la phrase célèbre: "La reine ne négocie pas avec les sujets." Il s'était ravisé par la suite.

D'autres gouvernements ont traversé la même épreuve — parce que c'en est une, je l'admets — mais avec succès, sans jamais aller aussi loin que de revenir à la situation d'avant 1964.

Le gouvernement qui est devant nous ce matin, lui, n'a pas été capable de traverser l'épreuve que le gouvernement Lesage avait une fois traversée et ensuite le gouvernement Johnson en 1968. C'est ce qu'a souligné d'ailleurs l'ancien ministre de la Fonction publique, qui lui a eu le même problème que le député de Deux-Montagnes il y a trois ou quatre ans. Si ç'a été possible à ce moment-là, comment se fait-il que c'est impossible aujourd'hui? Qu'est-ce qu'il y a de changé?

Il y a quelque chose de changé, qu'a souligné indirectement le député de Chicoutimi quand il a dit: Derrière tout ça il y a des aspects idéologiques qui ne sont pas mentionnés. Il a parlé, à mots couverts, de certaines revendications des chefs syndicaux en dehors du cadre de la négociation.

Le député de Rouyn-Noranda, lui aussi, a parlé des aspects idéologiques. Il avait d'ailleurs commencé son intervention en nous disant qu'il avait reçu une communication dont il voulait nous faire part. J'ai tout de suite cru à un coup de téléphone de Gilberte Côté-Mercier ou quelque chose du genre. Après l'avoir entendu, j'en étais convaincu.

Il s'est livré à une chasse aux sorcières épouvantable: le socialisme, Charles Gagnon, tous les faux-fuyants, toutes les maudites excuses pour ne pas parler du problème, la chasse aux sorcières classique. Tout pour éviter les vraies responsabilités.

L'aspect idéologique dont j'ai parlé n'est pas du tout celui qu'a mentionné le député de Rouyn-Noranda. Le gouvernement poursuit des fins idéologiques dans le geste qu'il pose ce soir. Pas les syndicats. Les syndicats étaient pris dans une négociation bien précise, sur des points bien précis: $100 par semaine, sécurité d'emploi, etc, sur lesquels le gouvernement n'a pas bougé. Il n'était pas pris dans un conflit idéologique.

Mais le gouvernement, lui, pose un geste idéologique en remettant le droit de grève en question, un geste idéologique grave de conséquences. Il fait son lit. Le ministre des Affaires sociales se démasque. D'autres se démasquent. C'est ça qu'il est important de retenir. Quelles conséquences que ça a?

Permettez-moi, pour l'illustrer, d'insister un peu sur les 10 p.c. de la main-d'oeuvre qui sont concernés dans ce conflit.

Prenons les deux cas qui regroupent le plus d'employés. Excluons les hôpitaux, et retenons les professeurs et les fonctionnaires. Vous vous rappellerez peut-être, vous excuserez ce rappel historique, ce qui se passait au Québec en 1960? Que se disait-on à cette époque-là?

On se disait: On a besoin de faire des efforts dans l'éducation. Il y a un premier ministre qui était allé jusqu'à dire qu'on était un peuple de non-instruits, ce n'était peut-être pas très habile, c'était peut-être un peu vrai par contre. En l'espace d'une génération, on a assis toute une génération sur les bancs d'école.

Le nombre d'élèves dans le secondaire est passé de 70,000 à 400,000. Il y avait un effort considérable à faire dans l'éducation, on l'a fait. En même temps, on s'est dit: On veut entreprendre des choses au Québec et être capable de les mettre en oeuvre, ne serait-ce que celui du domaine de l'éducation.

Il faut donc une fonction publique. Les deux choses, rappelez-vous ça, d'importance à l'époque, c'était se donner un système d'éducation moderne, se donner un Etat moderne via une fonction publique. Les deux professions que l'on a le plus voulu valoriser à cette époque-là, c'était la fonction publique et l'enseignement. On a mis les efforts là-dedans, on y a mis le prix, on a fait des appels pour attirer du monde. Il a fallu valoriser la profession. Valoriser la profession, ça voulait dire, entre autres, en 1964, leur donner le droit de grève. Cela faisait aussi partie de tout ça.

Et qu'est-ce qu'on est en train de faire aujourd'hui? Les deux groupes, dans notre société, par qui toute la modernisation du Québec s'est construite, deviennent les victimes, ce matin, par le projet de loi qui est devant nous. Ce sont eux qu'on pénalise pour avoir été les instruments de modernisation du Québec. Ce sont eux qui vont en subir les conséquences.

Quelle est la démoralisation, la démobilisation ou enfin, je ne sais pas comment la qualifier, qui va se produire dans ces deux professions-là, et quel sera ensuite l'effet sur l'Etat et sur la société en général? J'aime autant ne pas y penser.

Est-ce qu'on est obligé de faire ça? Prenons un exemple, la question de la sécurité d'emploi des enseignants. Le gouvernement a fait valoir le point suivant. Il dit: La natalité baisse au Québec, les statistiques nous montrent qu'il y aura moins d'élèves au secondaire, au collégial et ainsi de suite dans tant d'années. Donc, forcément, le nombre de professeurs va baisser.

Cela, on le sait. Alors, on dit: Si on s'engage

à la sécurité d'emploi, on va rester poignés avec "un gang" de gars à ne rien faire. Est-ce que c'est juste de relier la dénatalité et le nombre d'élèves dans les écoles au problème plus large de l'éducation?

Nous, nous avons réclamé depuis déjà un bout de temps, d'accorder cette sécurité d'emploi, parce que ce n'est pas faire du "feather-bedding", comme on dit dans le domaine de l'éducation. Ce sont possiblement les gens que l'on peut le plus facilement transporter dans d'autres secteurs d'activité, des gens qui sont recyclables le plus facilement. A-t-on même besoin de les déplacer du domaine de l'éducation si on ouvre, et qui oserait contester que ce n'est pas une priorité au Québec, si on ouvre le secteur de l'éducation des adultes?

Il y aura peut-être moins de jeunes, parce que la natalité a baissé dans les écoles. Mais qui oserait prétendre ici que l'éducation est une marchandise qui n'est plus en demande au Québec et qui n'est pas en demande croissante en plus. Le besoin d'éducation des adultes et tout ça, vous ne me direz pas que le gouvernement aurait le front de prétendre que l'éducation n'est pas une marchandise dont la demande sera croissante au Québec dans les années à venir.

M. PAUL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: Mes hommages, M. le Président, mes félicitations; c'est la première fois que vous occupez un tel poste. Je voudrais vous rappeler l'article du règlement que je sais que vous connaissez fort bien, et qui oblige tout opinant à prononcer, à traiter du sujet qui est soumis pour étude à l'Assemblée nationale.

Et j'écoute avec beaucoup d'intérêt mon bon ami, le député de Gouin. Quand il parle de notre système d'éducation en général, je sais que c'est pour finalement rattacher ce système à l'oeuvre des éducateurs dans le Québec. Je voudrais vous demander si vous allez tolérer un tel écart dans les propos soutenus par l'honorable député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, je vais le rassurer, le rattachement s'en vient. J'y étais. Le voilà!

M. LE PRESIDENT: J'étais assuré d'avance qu'il suivrait votre avis.

M. JORON: Le rattachement est le suivant. Ce n'est visiblement pas une excuse, c'est donc qu'il y a quelque chose derrière tout cela, derrière le projet de loi du gouvernement. Il y a un aspect idéologique. L'abolition du droit de grève. Il y a plus que cela aussi. Prenons l'exemple des enseignants: la main-d'oeuvre dans ce secteur-là augmente et on veut la restreindre, par le moindre attrait qu'aura forcément cette profession et la fonction publique une fois qu'on y aura enlevé le droit de grève, une fois qu'on aura vécu le traumatisme de ces mois-ci. Cela est relié, à mon avis, à une volonté ferme, implicite, et manifeste du gouvernement par bien des exemples depuis deux ans, depuis que ce gouvernement-là est au pouvoir, et encore plus par le dernier budget, une volonté, dis-je, de diminuer, de réduire progressivement mais graduellement le rôle de l'Etat dans notre société.

Je pense que c'est catastrophique si on ne s'en rend pas compte et si on laisse le gouvernement s'engager dans cette voie-là. Qu'est-ce que cela annonce? L'extinction graduelle, à long terme, du seul pouvoir, du seul instrument relativement puissant que les Québécois avaient dans les mains, pour forger ou orienter quelque peu leur avenir.

Il y a tant de facteurs, que ce soit économique ou autres, dans notre société, qui sont contrôlés de l'étranger. Il restait un instrument puissant: l'Etat. Tranquillement, on est en train de le saboter. On diminue son importance. On l'a vu dans le budget. On démoralise la fonction publique, les enseignants, tout s'en va tranquillement vers une espèce de petit Etat médiéval. C'est presque un retour aux années d'avant 1960. Et tout cela sous des airs de modernisme. Un premier ministre qui se prétend, non pas lui, parce qu'il n'a jamais eu le front de le faire, mais enfin, ses publicistes qui l'ont prétendu économiste et toutes sortes de trucs comme cela.

M. le Président, je pense que la loi qui est devant nous, ce matin, est d'une gravité considérable. Y souscrire, c'est en quelque sorte — cela ne paraît pas, à première vue, mais c'est là un des geste qui tranquillement relèguent l'Etat du Québec à une espèce de petit rôle municipal.

En terminant, j'endosserais ce qu'a déjà dit le député de Chicoutimi en cette Chambre: On finira par dire du premier ministre du Québec que c'est le plus jeune maire de la plus grosse municipalité d'Amérique! C'est un Etat qui s'amenuise au jour le jour, tranquillement. C'était pourtant le seul instrument sur lequel pouvaient compter les Québécois. Chaque jour qui passe, chaque nouvelle loi, on le sabote un peu davantage. On ne pourra certainement pas voter pour une loi semblable.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi que nous a présenté le gouvernement, projet de loi no 19: Loi assurant la reprise des services dans le secteur public. Evidemment, au cours de cette deuxième lecture, nous avons l'obligation et la

responsabilité de voter pour ou contre ce projet de loi.

Lorsqu'on examine la situation de près, lorsqu'on examine le projet de loi tel que présenté, lorsqu'on examine l'ensemble du problème que nous avons envisagé, il est évident qu'il y a des principes qui militeraient pour que nous votions pour le projet de loi. Il s'agit du respect de l'ordre et du respect de l'autorité, ce que nous avons toujours admis.

Par contre, il y a d'autres principes, dans ce projet de loi, qui nous amèneraient, qui nous porteraient et qui nous obligeraient à voter contre ce projet de loi. Parmi ces principes, c'est celui du droit des individus et du droit des citoyens. Nous aurions également des raisons, compte tenu des circonstances, de voter en faveur de ce projet de loi comme il y aurait d'autres raisons de voter contre ce projet de loi et c'est ce que je vais tenter d'énumérer au cours de mon intervention.

Nous nous trouvons en face d'une grève des secteurs public et parapublic au Québec pour la première fois dans notre histoire. Certains éditorialistes ont même écrit dans les journaux récemment que c'était le premier fait de ce genre à se produire en Amérique du Nord. Si nous examinons les conséquences de cette grève, il est évident que les conséquences sont tragiques; nous les déplorons au plus haut point. Il y a des gens qui sont actuellement privés de services de santé, de services médicaux qu'ils ont droit d'avoir, pour lesquels ils ont payé. Le gouvernement, le présent comme celui qui l'a précédé, a garanti des droits à tous, sans distinction de fortune, des droits égaux aux services de santé, comme on a promis des droits égaux à l'éducation et autres.

Le gouvernement, après avoir tout accaparé, après avoir tout pris sous sa responsabilité, se trouve aujourd'hui dans une négociation globale. En écoutant le discours du premier ministre tout à l'heure, j'ai pu me rendre compte que, même s'il disait que le gouvernement devait tenir compte de la préséance de l'intérêt privé et qu'il devait regarder la justice sociale, c'est drôle que le gouvernement parle de la préséance de l'intérêt privé et de la justice sociale uniquement lorsqu'il est mal pris, lorsqu'il est en dernier recours. Le premier ministre nous a dit que c'était au gouvernement de décider quand une grève doit se terminer. Je dirai que c'est d'abord le rôle du gouvernement d'éviter la grève.

Le premier ministre nous a souligné de plus les limites financières de l'Etat; de plus il nous a dit — c'est curieux, on n'avait pas eu l'impression d'entendre le même discours il y a deux jours — que la province de Québec était la plus taxée au Canada. C'était un aveu du gouvernement et le gouvernement nous dit aujourd'hui qu'il est mal pris, qu'il est en face d'une grève alors qu'hier, avant-hier, la semaine dernière, il ne semblait pas y avoir de problèmes au Québec. Cette grève est la conséquence de quoi? Cette grève est la conséquence d'un vote pris à la suite d'une négociation collective qui a traîné en longueur, pendant des semaines, des mois et même depuis plus d'un an. Quel sorte do vote les syndiqués de la fonction publique et de la fonction parapublique ont-ils pris? Quel est le bulletin de vote qu'on leur a présenté? Etes-vous en faveur de la grève oui ou non ou si on leur a demandé tout simplement s'ils étaient en faveur des propositions de leur syndicat ou s'ils étaient contre les offres patronales?

Sur quel bulletin de vote était-il indiqué que les gens avaient à se prononcer pour ou contre la grève? Pourtant, on nous dit que les gens ont voté pour la grève et nous avons la grève au Québec. Depuis que nous siégeons en cette Chambre, depuis bientôt deux ans, à plusieurs reprises le gouvernement est venu avec des lois matraques pour régler des situations explosives. A chaque fois, nous avons demandé au gouvernement d'amender le code du travail, d'organiser des mécanismes de négociation. A chaque fois, nous avons demandé au gouvernement de prendre des dispositions en vue d'apporter certains amendements et certains correctifs dans le système afin d'éviter cette situation. A chaque fois que nous avons voté en faveur de ces projets de loi, chaque fois le gouvernement n'a jamais donné suite aux recommandations que nous avions faites de façon que nous nous trouvons toujours devant le même problème.

C'est la situation dans laquelle nous sommes présentement, c'est la situation dans laquelle nous serons encore dans six mois, c'est la situation dans laquelle nous serons encore dans un et dans deux ans.

Il y a un droit fondamental et le gouvernement devrait s'interroger et s'examiner. Chaque individu d'une société a un droit fondamental à la sécurité économique et ce droit fondamental est également conditionné par les conditions de travail humaines et obtenues sans entrave à la liberté individuelle. Nous réclamons souvent: Sécurité et liberté pour les individus. Aujourd'hui le gouvernement est obligé de légiférer en fonction de la sécurité du public du Québec mais aux dépens de quoi? Aux dépens de la liberté d'un certain groupe d'individus qui ont tout de même choisi de se donner des structures syndicales pour pouvoir avoir de meilleures conditions de travail parce qu'on se rappellera dans quelles conditions de travail les fonctionnaires travaillaient dans la province de Québec avant qu'ils soient syndiqués.

Je ne suis pas prêt à pardonner aux syndicats et surtout à certains chefs syndicaux. Nos gouvernements, au lieu de prendre leurs responsabilités en matière économique, pour tâcher de permettre aux individus d'avoir un droit à la sécurité économique à l'intérieur d'un système économique sain, à l'intérieur d'une administration saine, à l'intérieur d'une administration d'un gouvernement qui prenait ses responsabilités, le gouvernement, dans ce domaine-là comme il a fait dans d'autres temps, il a confié ses

responsabilités à d'autres, il a organisé des lois ouvrières et il a dit aux syndicats: Nous vous donnons des responsabilités de voir à la sécurité économique des travailleurs et à voir à négocier de meilleures conditions de travail.

On a donné des responsabilités aux syndicats mais le seul pouvoir qu'on leur a donné a été de prendre les employeurs du secteur privé à la gorge et de dire: Payez ou nous allons fermer vos usines. Le gouvernement a administré cette salade pendant combien d'années pour nos industriels et nos employeurs au Québec? Aujourd'hui le gouvernement subit la même médecine que les employeurs, que nos industriels, que nos commerçants au Québec ont subie grâce aux lois gouvernementales depuis un très grand nombre d'années et le gouvernement ne peut pas accepter cette médecine pour lui, la médecine qu'il a imposée aux autres. On a obligé nos entreprises au Québec, par des lois ouvrières, à donner des sécurités économiques à leurs employés alors que nos entreprises au Québec n'avaient pas cette sécurité. C'est le problème au Québec. Mais il est bien évident que, chaque fois que nous en avons parlé en cette Chambre, ça fatiguait, on ne veut pas toucher le problème. Là, ça va bien mieux. On trouve des coupables à la situation, on laisse traîner des conflits en longueur, on laisse affamer la population et après ça on leur offre un sandwich, les gens sont tellement affamés que, même s'il y a de l'arsenic dans le sandwich, on le mange quand même tellement on a faim. C'est une loi arsenic que le gouvernement est à présenter à la population du Québec, c'est la loi que le gouvernement nous présente à l'heure actuelle. C'est vraiment honteux d'en être rendus à cette situation.

Si un industriel procédait de cette façon dans la province de Québec, que dirait le gouvernement, que diraient les ouvriers? Le gouvernement oblige les autres à exécuter les lois de travail, les conditions de travail mais le gouvernement lui, non. Lui, il se vote des lois d'exception et il a tellement laissé tramer la situation qu'aujourd'hui il est obligé de demander à l'Opposition de l'endosser s'il vous plaît, pour l'amour!

M. BOURASSA: Nous ne vous demandons rien.

M. ROY (Beauce): Vous le soumettez à la Chambre.

Le gouvernement était au courant depuis fort longtemps que la situation actuelle se préparait. J'ai ici un article de journal du 10 novembre 1971 dans lequel...

Je prendrai mes responsabilités, M. le ministre du Revenu, quand le temps sera venu et je puis vous assurer que je n'aurai pas peur de les prendre.

M. VEZINA: Symphorien, assieds-toi. M. ROY (Beauce): M. le Président,...

M. HARVEY (Jonquière): Personne ne vous a demandé de voter pour.

M. ROY (Beauce): On dit ici devant 2,500 personnes le 10 novembre 1971.

M. VEZINA: Qui ça, quel journaliste? M. ROY (Beauce): Le journal L'Action.

M. LE PRESIDENT (Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. VEZINA: C'est ça, les actions de la bourse.

M. ROY (Beauce): La violence contre la violence et la grève s'il le faut! Plus de 2,500 syndiqués des secteurs public et parapublic avaient envahi hier soir le patro Roc-Amadour. C'est à Québec pour l'information du député de Montmorency.

M. VEZINA: Je connais ça.

M. ROY (Beauce): Aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une situation où certains individus, du fait que le gouvernement a manqué à son devoir et à ses responsabilités, ont des pouvoirs tels qu'ils se promènent pour dire qu'il faut casser le régime. Ils s'en vantent. Ils prennent toutes les dispositions et, aujourd'hui, il est évident et nous l'admettons — il y a des députés et des membres de cette Chambre qui l'ont dit — que nous avons à faire face à un conflit idéologique. C'est vrai. Mais est-ce qu'une loi de ce genre va régler un conflit idéologique? Je dis qu'elle ne fait que l'aggraver. Le gouvernement a la responsabilité de prévoir ce qui pourra arriver par la suite.

Nous avons des problèmes économiques. Nous avons demandé hier soir, pendant quatre heures de débat, que le gouvernement nous donne quatre heures pour permettre de rencontrer les dirigeants du front commun de façon que nous puissions avoir... M. le Président, est-ce que j'ai le droit de parole ou si ce sont eux qui ont le droit de parole?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Vu l'heure avancée, je pourrais permettre à tous les honorables députés qui voudront parler, lorsque le temps sera venu, au moins à chacun vingt minutes, mais laissez s'il vous plaît à tous et chacun leur droit de parole.

L'honorable député de Beauce.

M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Beauce me permettrait une question? Est-ce qu'il était présent lorsqu'on a discuté des quatre heures tout à l'heure? Nous avons décidé qu'on ne s'en occupait pas. Passez donc au fond du sujet.

M. ROY (Beauce): M. le Président, si le député de Saint-Jean avait été en Chambre, il se

serait aperçu que j'ai toujours été en Chambre. J'ai passé la nuit en Chambre.

M. VEILLEUX: J'ai toujours été en Chambre aussi.

M. ROY (Beauce): Alors, pourquoi me poser cette question? Je disais donc que le gouvernement avait ses responsabilités. Nous le savons. Mais si administrer c'est prévoir, quand est-ce que le gouvernement du Québec a prévu dans ce domaine? Quels sont les mécanismes qui ont été mis en place pour la négociation? Quand a-t-on parlé d'arbitrage? Il n'a jamais été question d'arbitrage dans ce conflit. Je dis que le gouvernement, lorsque nous avons demandé ce soir d'entendre les représentants du front commun devant cette Chambre, afin que nous puissions être informés et avoir leur version pour être capables de faire le point, pour être capables de faire des propositions afin de trouver un moyen terme pour régler cette situation sans être dans l'obligation d'adopter une loi matraque, le gouvernement a été d'une intransigeance telle devant nous que nous n'avons absolument rien obtenu. Je me demande pourquoi le gouvernement a si peur de nous permettre de les rencontrer et de constater nous-mêmes et même de compromettre certaines personnes si elles sont de mauvaise foi. Je dis bien, si elles sont de mauvaise foi, de les compromettre. Non, non, on n'a pas voulu.

On nous demande de nous prononcer sur le projet de loi qui nous est présenté. Le gouvernement nous a dit que l'arbitrage n'était pas possible parce que le gouvernement ne peut prendre le risque qu'une personne interposée puisse, à un moment donné, recommander des dépenses additionnelles au gouvernement. Comme je viens de le dire, si ce n'est pas pour le gouvernement, pourquoi l'impose-t-on dans l'entreprise privée, dans l'industrie ou ailleurs? Si le principe est bon à un endroit, il est bon à un autre. S'il n'est pas bon dans un endroit, pourquoi serait-il bon à l'autre?

M. COURNOYER: Est-ce que je pourrais poser...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement?

M. COURNOYER: Non, juste une question. Est-ce que j'ai le droit de poser une question au député?

M. LE PRESIDENT: S'il y consent.

M. COURNOYER: Est-ce que je peux lui demander la permission?

M. ROY (Beauce): Je peux permettre des questions mais à condition qu'elles soient exclues de mon temps de parole.

M. COURNOYER: Vous venez de dire qu'on impose l'arbitrage dans le domaine privé, est-ce que c'est ici au Québec ou si c'est ailleurs? Est-ce qu'il s'agit de l'arbitrage des griefs ou de l'arbitrage des différends? Je veux savoir.

M. ROY (Beauce): J'ai parlé de l'arbitrage en général.

Ce n'est un secret pour personne qu'une grève se préparait dans le secteur de la fonction publique et parapublique. Depuis le mois de janvier, en ce qui nous concerne, nous avions même prévu environ dix jours de grève. Comment se fait-il que nous avions prévu dix jours de grève? Lorsque nous connaissons l'état des finances du gouvernement provincial, lorsque nous connaissons, d'autre part, les coûts additionnels que cela pouvait entraîner, une autre question que nous pouvons nous poser: Quelle somme d'argent le gouvernement a-t-il économisée pendant cette période de grève pour lui permettre justement d'augmenter les salaires des fonctionnaires de la fonction publique ou encore de la fonction parapublique? Nous n'en savons pas tellement, M. le Président, nous ne sommes pas tellement au courant de ces chiffres mais nous pouvons tout de même présumer qu'il y a tout de même quelques dizaines de millions qui ont été économisés pendant cette grève.

Or, M. le Président, le gouvernement, suite aux questions que nous avons posées, suite aux interventions que nous avons faites en cette Chambre, il y a eu énormément de contradictions. Qui croire, M. le Président? Qui croire? Et pourtant, aujourd'hui, nous en sommes rendus à la dernière extrémité, à la dernière limite.

Or, M. le Président, je dirai donc que, ce problème de grève de la fonction publique et de la fonction parapublique, il est évident que nous la déplorons. L'excellent comptable qui est à ma droite me dit que le gouvernement avait économisé quelque $38 millions. Voyez, M. le Président, nous ne sommes pas les seuls à partager cette opinion.

M. le Président, il est à se demander sérieusement avec quelle sincérité le gouvernement a agi en face de cette situation. Il est important de se le demander. Pour quelle raison attendons-nous toujours à la dernière minute avec une petite loi matraque? M. le Président, c'est la situation dans laquelle nous sommes placés, la situation à laquelle nous devons faire face. Lorsque le gouvernement aura accepté cette loi, que va-t-il se passer? Il va y avoir le retour au travail, d'accord; il va y avoir une négociation qui va se faire. On nous dit que la commission de la fonction publique va être convoquée et qu'à ce moment-là nous pourrons entendre les parties en cause. A ce moment-là, on nous dit que, s'il n'y a pas moyen de s'entendre dans la loi, tout simplement que le gouvernement va adopter un décret qui va faire force de verdict de tribunal qui sera appliqué dans le Québec.

M. le Président, je me demande sérieusement si le gouvernement ne cherche pas justement ce

prétexte pour se justifier d'administrer encore par décret. Qu'est-ce que les gens vont dire si le gouvernement administre par décret dans ce domaine? Qu'est-ce que la population du Québec va penser? Quelle va être la réaction? Est-ce qu'à ce moment-là le gouvernement n'invite pas autrement dit les grands chefs de syndicat, les membres du front commun, à crier au scandale, à renforcer leur puissance pour laisser une lueur d'espoir aux ouvriers à l'effet qu'ils ont peut-être plus de chance du côté de ces grands chefs syndicaux que du côté du gouvernement. A ce moment-là, M. le Président, nous voyons toujours deux forces qui s'affrontent et le gouvernement, lorsqu'il arrive dans une situation comme telle, se doit de sauver la face d'abord, sauver ses piastres ensuite et aussi ça fait l'affaire lorsqu'on trouve des coupables au lieu de régler des problèmes à la base.

M. le Président, c'est le problème que nous avons à affronter et je dis que nous ne réglerons pas les problèmes économiques au Québec par des lois ouvrières ou par des conventions collectives. Je dis de plus, M. le Président, que dans le budget 71/72 — c'est là que je m'interroge sur la sincérité du gouvernement — il n'y a jamais eu de crédits de demandés devant la Chambre pour permettre justement une négociation...

M. BACON: C'est faux!

M. ROY (Beauce): ... il n'y avait pas de crédits dans le budget 71/72...

M. BACON: C'est faux!

M. ROY (Beauce): ... de demandés en vue de la négociation de la fonction publique et de la fonction parapublique. Il n'y en a pas eu; il y a des questions qui ont été posées et l'honorable député de Trois-Rivières n'a qu'à relire le journal des Débats.

M. BACON: Le ministre des Finances l'a dit.

M. ROY (Beauce): II aura seulement à relire le journal des Débats.

M. BACON: Vous ne comprenez rien.

M. ROY (Beauce): M. le Président, il est évident que le gouvernement est mal placé, il est évident que le gouvernement est vulnérable et la situation dans laquelle il se trouve, je dis qu'il s'est mal placé lui-même et, aujourd'hui, s'il pouvait se faire endosser par certains partis d'Opposition, ça lui permet de gagner la cause et ça lui permet aussi de sauver une partie de son prestige qu'il veut garder à l'intérieur de la province. Je pense qu'en face de ces faits, nous avons quand même des responsabilités dont celle de dire au gouvernement: C'est assez. Le premier ministre a dit que c'était assez au mois de mai pour la grève, mais nous, nous disons:

C'est assez de légiférer de cette façon. C'est assez, M. le Président. Il va falloir que le gouvernement prenne d'autres dispositions. Il va falloir que le gouvernement réoriente sa législation. Il va falloir que le gouvernement se décide d'avoir des pouvoirs économiques pour mieux légiférer et pour orienter l'économie du Québec de façon à ne pas toujours reporter les problèmes sur le dos des autres ou encore trouver des coupables, accuser les autres, créer des conflits sociaux, à l'intérieur du Québec et essayer de s'excuser de son propre manque d'initiative ou encore de son manque de responsabilité.

M. le Président, devant ces faits, je dis qu'il y a des principes dans ce projet de loi no 19 que nous ne pouvons accepter, parce qu'il y a des dispositions qui sont totalement arbitraires et qui ouvrent la porte vers une législation qui est déjà commencée, depuis deux ans, en cette Chambre, de façon qu'on donne de plus en plus de pouvoirs à l'administration par décret. Le gouvernement est en train de se donner toutes les structures nécessaires pour essayer de permettre aux socialistes, qui rêvent de prendre le pouvoir, d'être capables d'installer une telle dictature socialiste au Québec et c'est le gouvernement actuel qui en est le plus fidèle artisan.

M. VEILLEUX: Les vingt minutes sont passées.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.

M. Alfred Croisetière

M. CROISETIERE: M. le Président, ce n'est certainement pas avec un sourire et une gaieté de coeur que nous nous apprêtons à participer affirmativement à l'adoption du projet de loi qui est devant nous, c'est-à-dire le bill 19, un projet de loi intitulé "Loi assurant la reprise des services dans le secteur public". Essentiellement, il constitue un ordre aux salariés des secteurs public et parapublic de retourner au travail, à compter de minuit ce soir, puisque nous sommes à cinq heures du matin. Cela n'est pas prévu dans le projet de loi.

M. le Président, pour quelle raison passons-nous ce projet de loi?_ Est-ce que le gouvernement a trop attendu? N'a-t-il pas pris conscience du problème plus tôt, à la suggestion du chef de l'Opposition et d'autres qui étaient intéressés dans le projet et qui avertissaient le gouvernement d'un conflit, d'un aboutissement auquel, aujourd'hui, nous faisons face?

Ayant milité, au-delà de vingt ans, dans le monde syndical, j'aimerais faire un retour dans le passé, pour voir comment ça fonctionnait, à ce moment-là.

M. VEZINA: Voulez-vous remonter à Gérard Picard?

M. CROISETIERE: Non, mais je vais remonter à cette époque. Si le député de Montmorency veut attendre mon exposé, il verra à ce moment-là.

M. PAUL: ... se prévaloir des dispositions de l'article 40 pour inviter ceux qui habituellement siègent du même côté que vous pour que les dispositions de l'article 25 de notre règlement soient bien observées et où il est dit que, pendant le cours des séances, les députés prennent la place qui leur a été désignée par le président, demeurent assis et gardent silence, à moins d'avoir obtenu la parole, ils doivent éviter tout ce qui est de nature à nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée.

UNE VOIX: Alors, pourquoi parlez-vous?

M. PAUL: Voici, M. le Président, n'y aurait-il pas possibilité d'inviter les collègues qui en ont trop de cette législation de se retirer, d'aller se reposer? Quant à nous, nous sommes intéressés et nous voulons écouter tous les opinants de quelque parti politique qu'ils soient et je suis sûr que les députés tiendront la même attitude et c'est ainsi que nous pourrons rapporter réellement progrès.

M.,CROISETIERE: Alors je disais donc, M. le Président, en faisant un retour aux sources ou au début du syndicalisme au Québec, nous devons nous interroger: Quelles sont les raisons d'être du syndicalisme? Premièrement, il vient à la suite d'un besoin. Deuxièmement, il est bon pour autant qu'il est bien administré. Troisièmement, quand les chefs syndicaux deviennent plus politiciens que syndicalistes — et je veux dire politique personnelle — ils faussent complètement la raison d'être du syndicat.

Dans cette optique, si on tenait pour acquis le début du syndicalisme au Québec et que nous le transportions à ce moment-ci, en 1972, nous verrions là un syndicalisme dirigé qui frôle un peu l'anarchie puisque nous avons actuellement des chefs qui conseillent à leurs syndiqués de défier l'autorité établie.

C'est triste de voir que le gouvernement est obligé de prendre des injonctions pour que les syndiqués retournent au travail et que malgré tout ceux-ci défient l'autorité. Le front commun, j'ai l'impression que, dans son durcissement, il fait erreur de conseiller à ses syndiqués de poser des gestes de cette nature.

Il est triste également de voir des syndiqués, des gens qui gagnent $2,500, $3,000 obligés par un vote qu'ils ont pris d'appuyer des gestes que nous connaissons actuellement et qui, dans cette optique, seront pénalisés par un projet de loi que le gouvernement nous soumet à ce moment-ci.

Ce projet de loi a des dents et d'autres orateurs qui m'ont précédé l'ont souligné, il est vrai. Par contre, il mentionne aussi qu'à un moment donné si, à défaut d'ententes collectives, les associations ne s'entendent pas avec la partie patronale, un décret sera stipulé. Un décret est toujours obscur à l'avance puisque nous n'en connaissons pas la portée ainsi que sa confection.

A ce stade-ci, nous avons raison de nous inquiéter des gestes qui vont être posés par le gouvernement par la suite car nous ne savons pas actuellement les suites des négociations qui vont continuer. J'aimerais demander au gouvernement, et en particulier au ministre du Travail de reconsidérer tous les mécanismes du code du travail, en particulier du droit de grève, parce que nous sommes pour le droit de grève, c'est un droit acquis qui a été accordé aux syndiqués et nous voulons protéger ces droits acquis à ces employés. Les chefs syndicaux, eux, savent se protéger, à l'intérieur de leurs mouvements, mais les syndiqués, étant manipulés assez souvent par différents organismes, sont à la merci et des patrons et de leurs chefs syndicaux.

C'est avec tristesse que nous sommes ici ce matin face à ce projet de loi et je n'aimerais pas que tout le fardeau retombe sur les employés du secteur public et du secteur parapublic.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. Jean-Paul L'Allier

M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais parler très brièvement, en deuxième lecture, sur ce projet de loi. On a fait, au cours de chacun des discours, des commentaires sur le droit de grève, sur la façon dont le droit de grève est exercé, sur les modalités que le gouvernement aurait pu prendre pour éviter qu'il y ait grève, pour éviter qu'il y ait des abus de la grève, etc.

Je me référerai plus particulièrement aux parties des interventions que j'ai entendues personnellement, pour faire quelques brefs commentaires. D'abord, il ne faut pas exagérer de façon négative la portée du projet de loi qui est devant nous. Il est exact que c'est un projet de loi qui suspend l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic.

Il est aussi exact que ce projet de loi impose des sanctions qui se sont retrouvées, par ailleurs, dans d'autres projets de loi de même nature et c'est également exact que le projet de loi, s'il prévoit une commission parlementaire pendant laquelle les parties pourraient se faire entendre, prévoit également qu'à un moment donné le gouvernement devra assumer une responsabilité que le fonctionnement normal et régulier des relations de travail partage habituellement entre l'employeur et l'employé, à savoir la détermination des conditions de travail.

Il n'est dans aucun cas l'intérêt premier du gouvernement que d'avoir à imposer ou à déterminer ultimement et unilatéralement les conditions de travail de ses employés des

secteurs public et parapublic. C'est cependant la responsabilité de l'Etat, non pas d'imposer ses conditions de travail, mais de faire en sorte que ces droits individuels — ces droits individuels étant regroupés dans les unités syndicales et formant des blocs extrêmement importants, blocs de pression, blocs de négociation — s'exercent quand même à l'intérieur de droits fondamentaux de la collectivité et de l'ensemble des citoyens.

Si nous avons voulu, depuis le début de ce conflit, indépendamment des analyses rétroactives que l'on peut faire sur telle ou telle position gouvernementale, à savoir que le gouvernement aurait dû accepter bien avant la commission parlementaire, une table centrale de négociation, je pourrai revenir en détail sur ces points lors de la commission parlementaire.

Si nous avons voulu, dis-je, vivre et jusqu'au bout, en fait, l'exercice d'un droit légal des travailleurs, celui du droit de grève dans les services publics, c'était précisément parce que nous considérions essentiel que ce soient le syndicalisme et les syndicats eux-mêmes qui assument pleinement les responsabilités et les conséquences de l'action syndicale.

L'Etat n'a pas à se substituer à cette responsabilité syndicale et, si l'action syndicale a des conséquences désastreuses dans les services publics, sur l'ensemble de la population ou sur des secteurs particuliers de la population, c'est en fait, non pas à la collectivité d'en assumer la responsabilité même si elle doit les subir, c'est au syndicalisme qu'il appartient de se discipliner, si je peux employer l'expression, de vivre le syndicalisme à l'intérieur de règles qui sont d'ailleurs au code du travail, de faire en sorte que ce droit de grève et que les droits, généralement des travailleurs regroupés dans les syndicats, s'exercent tels qu'ils ont été prévus.

On aura remarqué, M. le Président, que tout au cours de cette grève générale, la première que nous vivons, en fait, le gouvernement n'a pas insisté sur les aspects techniquement légaux de la façon dont le droit de grève a été exercé. Les cadres, dans les édifices gouvernementaux avaient, en principe et en droit, le droit d'aller travailler. Dans bien des cas, sinon dans la majorité des cas, ils ne l'ont pas fait. Les services essentiels auraient pu être assurés dans d'autres institutions si on avait permis à tous ceux qui ne sont pas touchés par l'ordre de grève de se rendre sur le lieu de travail et d'y exercer leurs fonctions en assumant, temporairement, certaines fonctions normalement assumées par le personnel en grève. Cela n'a pas été le cas. Ce que nous voulons, aujourd'hui, par ce projet de loi, ce n'est pas de sanctionner telle ou telle action syndicale, ce n'est pas de juger et de punir telle ou telle action syndicale, mais c'est bien plutôt de revoir dans le contexte que nous avons indiqué à savoir que la négociation à ce stade-ci ne nous apparaît plus devoir ou pouvoir, dis-je, être conduite à terme dans un délai suffisamment raisonnable et dans un délai que nous pouvons identifier dans le temps, nous permettant, en conscience, et comme responsable de l'Etat, d'assumer pendant ce temps que nous ne connaissons pas, la continuation d'une grève qui a des effets de détérioration lente et quelquefois accélérée, même si on peut constater occasionnellement des améliorations, mais, de toute façon, des effets d'abord et avant tout sur l'ensemble de la population.

Ce projet de loi, il faut que les membres de cette Chambre, la population en général, les syndiqués eux-mêmes le considèrent comme un geste responsable de l'Assemblée nationale et du gouvernement face au bien commun, un geste responsable et en même temps mesuré qui ne met pas en cause pour l'avenir, quoi qu'on en dise, le droit de grève dans les secteurs publics qui devra cependant être un point de départ à une réflexion intense et intensive que nous devrons conduire et à laquelle tout le monde devrait participer en vue d'un réaménagement de l'ensemble des mécanismes de relations de travail dans les secteurs public et parapublic, des façons d'exercer les droits des travailleurs dans les secteurs public et parapublic, et d'une façon générale des principes fondamentaux de chaque travailleur, de chaque unité syndicale dans les secteurs public et parapublic.

Nous ne voulons pas, ici, infirmer le droit des travailleurs. Nous voulons tout simplement prendre des mesures qui permettront à la population de retrouver des services qui, à son point de vue, au point de vue de chaque citoyen, sont tous des services essentiels. Du point de vue d'un citoyen, une école est, dans son ensemble, un service essentiel. Un hôpital est un service essentiel. Les services administratifs sont, dans leur ensemble, des services essentiels. Du point de vue du consommateur, du point de vue du citoyen qui a droit à ces services, l'ensemble des services publics sont des services essentiels. Si on se place du point de vue syndical dans le cadre de l'exercice d'un droit de grève, il est évident que les services essentiels n'ont pas le même sens.

Nous devons, aujourd'hui, à ce stade-ci, nous préoccuper du bien-être de la population. C'est pourquoi le projet de loi est présenté. Il faudra, du côté syndical, que ce projet de loi soit reçu de la façon la plus positive possible de façon à permettre à la commission parlementaire d'entendre les parties. On a indiqué qu'on aurait pu le faire auparavant. L'argument que j'ai invoqué à ce moment-là était celui de savoir s'il y avait négociations en cours.

Tant et aussi longtemps que les parties se parlent et négocient, il n'est pas nécessaire qu'il y ait d'intervention extérieure et cela de l'aveu même des parties en cours de négociation.

Nous aurons cette commission parlementaire ensuite et, même pendant cette commission parlementaire, rien n'empêchera les parties de se parler et de poursuivre cette négociation. On dit qu'une épée de Damoclès pèse sur la tête du syndicat, que les conditions de travail pourront

être imposées. Un gouvernement responsable ne pourrait pas honnêtement et de bonne foi refuser de poursuivre la négociation dans la mesure où il accepte aujourd'hui de dire qu'il y a encore place pour de la négociation. De la négociation ne veut pas nécessairement dire débourser des cents ou se faire arracher, par hold-up ou autrement, des sommes d'argent. La négociation veut dire des réaménagements, bien sûr, que ce soit dans les fonctions, dans les hôpitaux ou ailleurs.

La négociation veut dire la détermination de certaines sommes à certaines catégories de personnes. Lorsque le chef du Parti québécois a demandé, tout à l'heure, si le gouvernement avait avisé la partie syndicale que ses offres étaient finales et que si elles n'étaient pas acceptées, il y aurait législation. Nous avons dit à la partie syndicale que le gouvernement avait fait un effort ultime et nous n'avons jamais parlé d'offre finale et complète pour la bonne et simple raison que le travail, aux différentes tables sectorielles, n'est pas complété, que la négociation y est en cours et qu'à ces tables de négociation en particulier il est encore des choses à faire de part et d'autre.

Par ailleurs, nous avons indiqué aux représentants du front commun, sur les questions en discussion à la table centrale, que si nous ne pouvions renoncer à certains principes fondamentaux, notamment au niveau de la politique salariale, il était possible, sur d'autres questions, de procéder à de nouveaux aménagements en contrepartie, par ailleurs, de certaines concessions syndicales qui ne sont pas toujours des concessions pécuniaires, ces concessions n'étant pas également toujours les plus importantes. Il s'agit donc d'une situation où, à mon avis, il y a encore place pour de la négociation, il y a encore place pour des échanges parce que la négociation n'est pas de venir améliorer sa position tout en ne donnant rien.

Le gouvernement a fait, coup sur coup, deux offres. Ces offres ont été reçues, n'ont pas été acceptées et n'ont été suivies d'aucune contre-proposition.

M. DEMERS: Sur une question de règlement. Le ministre a réussi un tour de force de dimension assez considérable. Il a endormi d'une façon définitive le ministre de l'environnement et il a hypothéqué sérieusement le sommeil du ministre de la Justice.

M. L'ALLIER: M. le Président, je peux, à cette heure-ci...

M. LE PRESIDENT (Giasson): Question de règlement refusée.

M. L'ALLIER: ... tenter de parler un peu plus bas pour faire en sorte que ceux qui sont intéressés puissent entendre et que les autres puissent se reposer. Je voudrais très brièvement terminer mon intervention en disant que je ne suis pas d'accord avec le chef du Parti québécois qui dit que, si le gouvernement ajoute, à compter d'aujourd'hui et après la commission parlementaire, par exemple, à ces offres, il aura démontré alors qu'il y avait encore place aujourd'hui pour de la négociation. C'est ce que j'ai cru comprendre de son intervention.

Pour ma part, si le gouvernement, dans le processus des négociations qui pourraient et qui devraient, à mon avis, se poursuivre après la commission parlementaire, si le gouvernement améliore ses positions, c'est qu'il aura, en contrepartie, obtenu du côté syndical des concessions qui, si on regarde le tout, donneront une convention collective ou, en définitive, des conditions de travail encore plus acceptables aux syndiqués.

Le député de Montcalm, très brièvement, a fait allusion à la commission parlementaire pour régler le problème. La commission parlementaire n'est pas, contrairement à ce qu'il a dit, d'abord un mécanisme de négociation.

La négociation, telle qu'elle se conduit maintenant, à un niveau aussi élevé et aussi complexe que celui, par exemple, d'une table centrale, est une affaire, qu'on le veuille ou non, de techniciens. A certains moments, c'est davantage le travail des techniciens qui compte. Il est évident que certaines grandes questions peuvent être évaluées par une commission parlementaire, mais, avec tout le respect que je dois aux parlementaires, je crois qu'une commission parlementaire est d'abord faite pour informer les membres de la commission parlementaire et leur permettre de donner des avis, suivant le point de vue parlementaire sur la question qui est débattue. Ce n'est pas d'abord un mécanisme de négociation, ça a pu servir dans le passé et, bien sûr, on voit que les conclusions générales de ces commissions parlementaires ont été de dire, après un jour ou deux, aux deux parties: Retournez donc à la table de négociation!

La commission parlementaire, si c'est un élément positif, ce n'est pas un élément de négociation et nous sommes en processus de négociation. Le projet de loi que nous présentons — et je termine sur ce point avant de faire allusion à la question soulevée par le député de Rouyn-Noranda sur les $100 par semaine — maintenant, à mon avis, ne va pas à l'encontre des principes fondamentaux qui sont les principes fondamentaux du syndicalisme, pas plus qu'il ne va à l'encontre des principes fondamentaux que s'est donnés le front commun. Il ne va pas à l'encontre des principes fondamentaux du syndicalisme parce qu'il n'enlève pas le droit de grève, il le suspend et comme mon collègue, le ministre des Institutions financières le disait, la suspension du droit de grève, à certains moments, est la solution normale lorsque l'intérêt public est en jeu. C'était une citation de l'économiste Jacques Parizeau. C'est ce que nous faisons dans une première partie du projet

de loi. Le fait de suspendre temporairement l'exercice du droit de grève n'enlève pas de droits fondamentaux aux travailleurs québécois. Par ailleurs, ce projet de loi ne touche pas non plus aux principes fondamentaux du front commun dans la mesure précisément où il n'impose pas maintenant les conditions de travail des employés mais permet une marge de négociation et permet un espoir de règlement négocié.

Le député de Rouyn-Noranda, après avoir fait des observations sur un certain nombre de sujets en indiquant notamment que les syndiqués étaient forcés de faire du piquetage, etc., a soulevé le problème de la responsabilité syndicale et de la responsabilité des membres de syndicat. Il appartient d'abord et avant tout aux syndiqués, aux travailleurs eux-mêmes de réformer les institutions syndicales s'ils considèrent qu'elles ne correspondent pas à leurs aspirations et s'ils considèrent qu'ils sont brimés. Il ne faut pas que d'autres groupes de la société se substituent à eux pour ce faire, il faut qu'eux-mêmes le fassent s'ils veulent vraiment avoir des unités représentatives dans les cas où ils croient qu'ils n'en n'ont pas.

Par ailleurs, et je termine là-dessus, le député de Rouyn-Noranda a dit: Donnez donc au moins $100 par semaine. C'est un beau geste qui ne repose sur rien à moins que l'on ne puisse imprimer ses propres $100 effectivement.

Cent dollars par semaine, ça peut être un objectif de revenu minimum garanti. Il faut le situer, cependant, dans le contexte économique où nous vivons. Si on pense $100 par semaine, pour ma part, je préfère penser en termes d'objectif de salaire minimum garanti mais non pas pour d'abord et avant tout les employés des secteurs public et parapublic mais pour l'ensemble des travailleurs du Québec qui se situent en dessous du seuil de pauvreté. Une somme de $100 par semaine, on me dit que c'est le seuil de pauvreté pour deux adultes et deux enfants dans une unité familiale. Lorsqu'on demande $100 par semaine pour tous les travailleurs des secteurs public et parapublic, cette notion ne peut entrer en ligne de compte et il ne s'agit pas de revenir ici à la notion du salaire familial. Lorsqu'on parle de $100 par semaine, par ailleurs, il faut bien constater que les dernières propositions que nous avons déposées font qu'en fait de convention collective virtuellement aucun travailleur de secteur public ne touchera moins de $2.54 ou $2.55 l'heure. C'est-à-dire que, pour ceux qui travaillent 40 heures par semaine, ils auront effectivement $100 par semaine.

Mais il est impossible, sur cette base, d'accorder de façon inconsidérée, sans pondération, ce traitement à ceux qui font soit 40 heures, soit 37 heures, soit 32 heures par semaine. Or, dans la Fonction publique, une semaine de travail est de 32 heures et demie.

Nous avons proposé à ceux qui sont les gagne-petit des augmentations de salaire plus grandes que celles que nous proposons aux autres. Puisqu'il s'agit de revenu, nous leur avons proposé d'augmenter d'une heure, deux heures ou trois heures leur semaine de travail, précisément pour leur permettre d'accéder à un revenu supérieur. On nous dit: Ecoutez, il n'est pas question d'augmenter la semaine de travail lorsqu'elle est à 37 heures et demie ou à 35 heures ou à 32 heures. C'est un choix qu'il faut faire. Alors qu'il y a effectivement, on le constate, du chômage, il est évident que quelqu'un qui gagne $80 par semaine, si on lui donne la chance de travailler deux heures de plus alors qu'il travaille actuellement pendant 35 heures, il pourrait peut-être souhaiter faire ces deux heures et gagner $92 ou $88 par semaine. C'est son choix.

Quoi qu'il en soit, je termine là-dessus mon intervention pour donner mon accord à ce projet de loi en deuxième et en troisième lecture. Le front commun syndical, je le dis parce que je ne serai peut-être pas là tout à l'heure, a mené une action d'envergure, une action de pression et une action de négociation. Je n'ai pas, à ce stade-ci, à porter de jugement sur le front commun et dire si c'était un front commun de pression ou si c'était un front commun de négociation. Il ne m'appartient pas de juger maintenant de cette question.

On peut cependant rappeler ici un certain nombre de chiffres précis qui devraient nous amener à pondérer les jugements que l'on peut porter sur le projet de loi qui est devant cette assemblée. On se souviendra que, le 9 mars, le front commun faisait voter les syndiqués des secteurs public et parapublic sur une proposition qui était la suivante? Vous acceptez les offres patronales initiales et non négociées ou vous ne les acceptez pas et vous donnez mandat au front commun de prendre tous les moyens pour atteindre ces objectifs.

Je ne crois pas, avec tout le respect que je dois aux travailleurs québécois des secteurs public et parapublic, que ce mandat comportait l'exercice de quelques moyens illégaux pour atteindre les objectifs du front commun. Je serais éminemment surpris que ceux qui ont voté contre les offres patronales et, en conséquence, pour l'utilisation de la grève et de tout autre moyen de pression, voulaient, en donnant ce mandat, inclure dans ce tout autre moyen de pression l'utilisation de gestes illégaux de la part de leur représentant.

Par ailleurs, il faut se souvenir que ce vote a été pris sur cette proposition, que des 210,000 travailleurs syndiqués, un certain nombre s'est abstenu — je ne me souviens exactement du pourcentage — je crois qu'il était de 10 p.c. ou de 12 p.c. d'abstention et que, parmi ceux qui ont voté, 68.5 p.c. ont voté pour les moyens de pression et la grève et contre les offres patronales. C'est-à-dire qu'au total, je crois que c'est autour de 120,000 ou 125,000 personnes sur 210,000 qui ont voté contre les offres patrona-

les et pour l'utilisation par le front commun de moyens de pression, y compris la grève.

Encore une fois, je ne crois pas qu'il y ait là mandat d'utiliser des moyens illégaux ou de poser des gestes illégaux sciemment et volontairement pour atteindre les objectifs du front commun. Donc, 120,000 ou 125,000 personnes sur 210,000 disent nous refusons les offres patronales, offres non négociées, offres initiales qui ont, depuis, été améliorées.

Je voudrais enfin souligner qu'à ces 210,000 personnes, il faut ajouter environ 40,000 travailleurs des secteurs public et parapublic qui sont dans des syndicats avec lesquels nous négocions et nous devons négocier et qui ne sont pas inclus dans les 210,000 du front commun. Il y a, en fait, dans le secteur public, 250,000 personnes environ qui sont syndiquées. Ajoutez à cela le personnel de cadre et vous arrivez facilement à 275,000 ou à 280,000 personnes. Donc, sur 280,000 travailleurs syndiqués et non syndiqués des secteurs public et parapublic, il y en a 210,000 qui ont eu le choix de se prononcer.

Sur les 210,000, il y en a environ 120,000 qui ont refusé les offres initiales et voté pour la grève. Le geste que nous posons maintenant peut, pour ceux qui ont voté pour la grève et pour ceux qui sont satisfaits de l'action de leur syndicat, peut-être être une diminution de ce qu'ils considèrent être leur liberté, indépendamment des besoins de la société. Mais pour les autres, nous avons aussi la responsabilité de faire respecter leur droit au travail et c'est ce principe également qui doit, pendant une période qui permet la négociation, être respecté.

Je termine en disant qu'il nous faudra, comme je l'ai dit tout à l'heure, revoir, en période froide, l'ensemble de nos mécanismes et les objectifs poursuivis dans les relations de travail afin que les relations de travail, dans les secteurs public et parapublic, deviennent effectivement un élément positif de la collectivité du Québec et de la construction du Québec. Il faut, dans notre société où les rapports de force évoluent, changent de forme, trouver les aménagements qui font que travailleurs et autres groupes de la société puissent additionner leurs efforts plutôt que de les opposer dans la destruction.

DES VOIX: Très bien!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, après douze heures et demie de débat sur une question de cette ampleur, il est bien évident que la question est sérieuse et que nous devons tenter, avant que le gouvernement ne pose le geste final de l'amener à réfléchir et à ne pas utiliser maladroitement, par la force de sa majorité, cette loi matraque. Nous désirons apporter le plus d'arguments possible pour amener le gou- vernement à réaliser que cette loi qu'il présente aujourd'hui ne répond pas aux exigences de la situation.

La situation est sérieuse mais elle est sérieuse surtout ici, en Chambre, où la décision qui se prend peut gâcher irrémédiablement l'avenir du syndicalisme dans le secteur de la fonction publique. Il y a des secteurs au Québec, actuellement, où il y a une urgence possible. C'est la raison pour laquelle, s'il fallait absolument, pour le gouvernement actuel, amener une loi d'urgence, nous aurions été d'accord pour une loi d'urgence sur les services essentiels aux hôpitaux. Mais de là, M. le Président, à enlever un droit de grève à un groupe si important, tant par sa quantité que par ce qu'il représente au Québec, comme le disait si bien le député de Gouin tantôt, je pense que c'est le pavé de l'ours parce qu'on veut régler un problème actuel qui est beaucoup plus petit que le problème qu'on aura sur les bras après l'impact d'une loi matraque.

M. le Président, durant cette période de négociation, on est arrivé, à un certain moment, à la conclusion qu'il fallait absolument arrêter ces négociations et passer une loi d'urgence. C'est sans précédent que des offres gouvernementales, faites sur la table, sont brusquement anéanties par un acte d'autorité. C'est la première fois qu'un gouvernement qui avait accordé le droit de grève, pendant une négociation, alors qu'il est lui-même partie à cette négociation, amène son argument final: Plus de négociation parce qu'il y a urgence.

M. le Président, tenter de jouer sur les sentiments de la population qu'on croit discerner, soit les meilleurs ou les pires sentiments, afin simplement d'essayer de garder ou de propager une fausse image de popularité, je pense que l'on joue un jeu dangereux sur le dos de 210,000 syndiqués, au Québec.

M. le Président, durant près d'un an, on aurait pu commencer à repenser une nouvelle convention collective. Au lieu de cela, systématiquement, un peu plus à tous les jours, par tous les moyens et dans tous les coins du Québec, on a essayé de déprécier les syndicats dans l'opinion publique parce qu'ils sont les adversaires des amis du pouvoir. C'est la raison pour laquelle, quand le premier ministre, dans son discours, tantôt, a déclaré qu'il était un gouvernement préoccupé du bien des syndicats, nous avons eu un éclat de rire spontané.

M. le Président, quand on sait que, depuis un an, on a essayé et on a un peu réussi à donner une image négative du syndicalisme au Québec, quand au moment précis où on commençait les négociations dans le domaine de la fonction publique, le gouvernement était beaucoup plus préoccupé de son image que de réellement négocier. Il a fait faire un sondage, dans l'opinion publique, pour savoir si la position du gouvernement était populaire ou pas. On n'a pas essayé de régler les problèmes. On a essayé de savoir, si cela faisait paraftre plus mal. Qui

était le plus mal vu de la population? Etait-ce l'image que les syndicats donnaient ou l'image du gouvernement? L'image est ce qui compte en premier, M. le Président.

M. le Président, quand un chef d'Etat est appelé à gouverner, et qu'il est un chef d'Etat, il s'occupe du bien général, même s'il est obligé de se mouiller et peut-être perdre un peu de son image. Dans la situation actuelle, pour nous, du Parti québécois — nous l'avons dit tantôt — il était une période de temps où nous nous posions des questions dans ce conflit. Mais à un moment donné, il faut se mouiller et je pense qu'il faut être logique avec soi-même. Même si, actuellement, comme toute grève n'est pas populaire, celle que nous avons devant les yeux n'est certainement pas très populaire. Mais le gouvernement, en voulant faire adopter une loi matraque, désire s'attirer une meilleure popularité qui faisait défaut au détriment de la plus grande logique. De notre côté, nous devons, nous, du Parti québécois, avoir le courage de défendre des principes qui ne sont peut-être pas vus par des gens qui subissent cette grève mais qui seront vus par la suite, quand ils auront perçu que les syndiqués ont perdu le droit de grève.

M. le Président, il faut d'abord qu'on soit logique avec notre désir d'être un parti qui défend les intérêts des travailleurs et penser à l'avenir lointain des travailleurs. M. le Président, il ne faut pas désirer la popularité à tout prix pour gagner des voix. Comme le disait si bien un député en face de moi, qui a l'habitude de parler crûment: Quand la prudence est partout, le courage est nulle part. C'est le député des Iles-de-la-Madeleine qui avait dit cela. Je dois dire qu'actuellement cela prend du courage pour essayer de déceler, dans un moment où la population est peut-être indisposée par une grève, pour ne pas perdre les pédales et pour ne pas se laisser, dans une émotion du moment, adopter une loi que les gens regretteront par la suite quand l'effet émotif sera passé.

M. le Président, le même député avait dit autre chose également. A ce moment-ci, je me permettrai justement de lui répéter les mots qu'il avait dits. Il avait dit, dans une situation analogue, alors qu'il était dans l'Opposition — s'il veut suivre avec moi, j'espère qu'il est à la même page — que le gouvernement, à ce moment-là, avait manqué à son devoir parce qu'il n'avait pas recouru à tous les moyens mis à sa disposition pour régler la situation lorsqu'il a refusé d'entendre toutes les personnes aptes à l'éclairer, en ne convoquant pas le comité de la Chambre, comme nous le demandons aujourd'hui. A ce moment-là, c'était le comité de l'Education, comme le lui avait suggéré l'Opposition à ce moment-là. Ce qu'il proposait au gouvernement, c'est ce que nous avons proposé aujourd'hui. C'est donc dire que l'on voit les choses différemment quand on est d'un côté de la Chambre ou de l'autre.

M. LACROIX: Avez-vous lu le discours suivant? C'était celui de M. René Lévesque.

M. LEGER: Nous avons tout lu ça et c'est la raison pour laquelle nous sommes obligés de réaliser que le député des Iles-de-la-Madeleine, à ce moment-là, était dans la situation inverse. Aujourd'hui il ne veut pas de commission parlementaire, il en voulait à ce moment-là. Ce qui était bien à ce moment-là ne l'est plus aujourd'hui.

Chaque fois qu'un Parlement dans un pays démocratique peut se passer d'une loi d'exception qui suspend des droits fondamentaux des citoyens, je pense qu'il doit ne pas la passer. Et nous passons actuellement à cette étape malheureuse qui est de suspendre les droits tout simplement parce que le gouvernement, une partie à la négociation, a jugé qu'il y avait d'une part urgence et que d'autre part on ne pouvait plus négocier.

J'ai dit tantôt qu'il y a peut-être des secteurs où il y aurait urgence très bientôt. Passons donc une loi sur les services essentiels, où il peut y avoir urgence. Mais ce n'est pas tout le domaine de la négociation de la Fonction publique qui est en urgence.

Il y a une différence entre ce qui est sérieux et ce qui est urgent. Un deuxième point disait que les négociations ne pouvaient plus continuer. Et c'est ce que nous trouvons absolument impensable qu'au lieu de demander une commission parlementaire avant, permettant d'écouter les parties en cause, on demande une commission parlementaire après, alors que les gens concernés n'auront aucun pouvoir de négociation et seront obligés de recevoir les miettes que le gouvernement veut tout simplement leur donner et attendre que le décret que le gouvernement présentera à la fin, soit autour du 30 juin.

Je pense que l'état des négociations a démontré un déséquilibre des forces. D'un côté nous avions les syndicats qui représentaient les membres de la Fonction publique syndiqués. Ils avaient comme arme la grève. Et d'un autre côté nous avions un gouvernement qui avait aussi ses négociateurs et il avait lui, de son côté, continuellement la possibilité d'amener une loi matraque, ce qui causait complètement un déséquilibre des forces.

Et actuellement nous vivons cette étape où les syndiqués n'auront plus maintenant la possibilité de négocier, puisque le gouvernement leur enlève la seule arme qu'ils avaient pour créer un certain équilibre des forces.

En ce qui nous concerne, nous espérons que le gouvernement, avant d'adopter cette loi-là, acceptera de la reconsidérer et sinon d'accepter certains amendements que nous proposerons lors de la commission plénière et, si, malgré tout cela le gouvernement passe sa loi, il posera à ce moment-là un geste qui sera pesé, qui sera étudié par la population, qui pourra par la suite

juger à long terme ce geste que le gouvernement aura posé.

Quant à nous, étant opposés à cette loi nous voulons cependant qu'à la suite — si cette loi est adoptée — les gens concernés obéissent à la loi et retournent au travail. Nous ne pensons pas qu'il serait bon d'utiliser la désobéissance civile, parce que je pense qu'il faut quand même accepter que, quand une loi est adoptée, même si elle est mauvaise, il faut l'accepter et utiliser d'autres moyens pour la corriger. Nous avons montré les faiblesses de cette loi, l'iniquité de cette loi et, si elle est adoptée, je pense que par la suite, malheureusement il faudra se soumettre, il faudra que les gens acceptent la loi, d'un autre côté le gouvernement subira par la suite les conséquences du geste qu'il a posé.

Durant toutes ces négociations-là, le gouvernement, au lieu de négocier, a fait appel au sentimentalisme de la population, en faisant état non pas des problèmes des syndiqués, mais des malaises de la grève. Mais c'est normal, une grève est là justement pour déranger et utiliser ainsi un droit de pression pour négocier. Mais quand la grève est là, c'est sûr qu'il y a des malaises.

Le gouvernement n'a parlé que des malaises qui étaient les conséquences de cette grève. Mais les responsables de ces malaises-là sont des deux côtés de la table de négociation, surtout le gouvernement qui ne voulait pas négocier, en plus des syndicats qui avaient utilisé le droit de grève pour faire bouger le gouvernement.

Le gouvernement n'a songé durant cette négociation qu'à polir son image. On enlève par cette loi le droit de grève. Qu'est-ce qu'on donne par la suite en échange? Qu'est-ce qu'on peut donner aux syndiqués alors qu'ils reviendront à la commission parlementaire, si ce n'est d'attendre que le patron, l'Etat employeur leur dise: Voici ce que nous condescendons à vous donner?

M. le Président, le gouvernement a provoqué le conflit que nous vivons parce qu'il n'a pas su prévoir et qu'il a laissé se détériorer la situation. Il a refusé de bouger, il a refusé de trouver une solution dans la négociation. Il s'entête, M. le Président, en disant que les syndiqués manquaient de souplesse en n'acceptant pas les offres gouvernementales alors que lui avait toujours derrière ses propositions la force de la loi que possède l'Etat qui est en même temps un Etat administrateur ou patron et un Etat législateur.

Son attitude a amené la crise et je pense que le gouvernement ne sortira pas victorieux avec cette loi, parce que la population saura le juger. Il n'a pas pu, durant la période de son règne, faire au moins autant que les gouvernements précédents qui avaient accepté de résoudre les conflits avec un droit de grève dans la fonction publique. Il n'a pas pu se sortir, par la négociation, de cette situation. Il a fallu qu'il fasse montre de sa faiblesse en utilisant la force pour régler le conflit au lieu d'utiliser la négociation que la loi permettait.

Je termine en disant que nous sommes opposés à cette...

M. BOURASSA: Je voudrais demander au député d'être plus concis, si c'était possible.

M. LEGER: M. le Président, je sais qu'à cette heure-ci le premier ministre a de la difficulté à rassembler ses idées et qu'il est difficile de comprendre ce qu'on peut lui apporter, mais, M. le Président, je dois quand même dire...

M. LACROIX: Vous êtes en train de vous regarder dans un miroir.

M. LEGER: ... quant à nous, nous allons voter contre cette loi que nous ne pouvons accepter, mais que, par la suite, si malheureusement elle est acceptée et qu'on n'accepte même pas nos amendements, nous espérons que les gens concernés obéiront à la loi, observeront la loi, mais qu'elle jugera le gouvernement qui a passé cette mauvaise loi.

M. LACROIX: M. le Président,... immédiatement l'article 97, étant donné que le député qui vient de parler, a mentionné, a relevé des propos que j'aurais tenus lundi le 13 février 1967, lors de l'étude du bill 25, mais...

M. LAURIN: M. le Président, le député des Iles-de-la-Madeleine a cité l'article 99, je crois que...

M. LACROIX: 97. M. LAURIN: 97.

M. LACROIX: Je m'excuse, j'ai prononcé... Il me semble que j'avais dit 97 également. Je pense qu'à cette heure-ci, il y a des députés qui entendent des voix.

M. LESSARD: C'est parce qu'on entend mal.

M. LACROIX: Mais de toute façon, M. le Président, comme le député ne m'a cité qu'une partie du discours que j'avais prononcé à ce moment-là, je voudrais rectifier le fait qu'il s'agissait du bill 25 qui comportait deux éléments très distincts. Le parti auquel j'appartenais, l'Opposition à ce moment-là, nous avions demandé au gouvernement de scinder le bill en deux puisqu'il s'agissait, en un premier temps, du retour à l'école des enfants, et deuxièmement, il s'agissait de la grille des salaires proposée aux professeurs.

Ce n'était pas tout à fait le même contexte que nous connaissons...

M. DEMERS: Est-ce que le député des Iles-de-la-Madeleine me permettrait une question?

M. LACROIX: Oui, certainement.

M. DEMERS: II ne s'agissait pas aussi de faire plaisir au député de Laurier?

M. LACROIX: Pardon?

M. DEMERS: II ne s'agissait pas, dans le temps, de faire plaisir au député de Laurier?

M. LACROIX: Non, parce que le député de Laurier avait parlé après moi et avait tenu à peu près les mêmes propos que j'avais tenus.

M. DEMERS: Mais je parle du "scindage" du bill, quand on a scindé le bill.

M. LACROIX: Vous n'êtes pas flatteur pour le député de Laurier. Le député de Saint-Maurice veut mêler les cartes un peu, mais, M. le Président, aujourd'hui, nous ne connaissons pas la même situation, il s'agit de problèmes que nous connaissons, dans le domaine hospitalier, dans le domaine de l'éducation et dans le domaine du fonctionnarisme. Comme plusieurs l'ont mentionné précédemment, particulièrement le ministre de la Fonction publique, le premier ministre et beaucoup d'autres orateurs qui m'ont précédé, le droit de grève, c'est le Parti libéral qui l'a donné aux fonctionnaires. A ce moment-là, il n'y avait pas beaucoup d'autres possibilités puisque les fonctionnaires, les professeurs et les autres groupes des services public et parapublic utilisaient les journées d'étude. Alors le gouvernement n'avait absolument aucun recours pour rétablir la situation. Avec le droit de grève qui a été donné aux fonctionnaires, je suis bien prêt à dire que ce n'est peut-être pas la meilleure loi pour laquelle j'ai voté. De toute façon, avec une loi on peut au moins faire en sorte de rétablir...

M. LEGER: II y en a une autre qui s'en vient et qui ne sera pas la meilleure non plus.

M. LACROIX: ... les faits en la corrigeant par une autre loi. Quant au droit de grève, je pense...

M. LEGER: On le donne puis on "dédonne".

M.LACROIX: ... qu'il est né d'un besoin puisque, pendant de nombreuses années, le travail a été exploité par le capital.

Aujourd'hui, nous connaissons l'extrême opposé et je crois qu'il appartient au gouvernement, à ceux qui sont responsables, qui gouvernent de façon responsable de rétablir un équilibre qui permette à toutes les parties de vivre en bonne harmonie.

Naturellement, on ne corrige pas une injustice par une autre injustice. Je ne crois pas que dans ce projet de loi on défende complètement le droit de grève, mais seulement on le réglemente de façon à pouvoir travailler. A l'heure actuelle, on s'aperçoit qu'il n'y a pas moyen de s'entendre par négociation immédiate et le problème dans les hôpitaux, le problème dans les écoles, le problème dans la fonction publique sont des problèmes immédiats, réels et je crois qu'il faut les corriger immédiatement.

M. LE PRESIDENT: Je reconnais l'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. BACON: Donnes-y, Aurèle! M. Aurèle Audet

M. AUDET: Vous me permettrez, M. le Président, d'apporter quelques remarques au sujet de cette loi spéciale et vous entendrez certainement un son de cloche autre que celui que vous venez d'entendre de l'autre côté de la Chambre.

Enfin, le gouvernement s'est décidé d'apporter une loi pour mettre fin à cette grève que la grande majorité de la population ne veut pas, principalement les travailleurs, les syndiqués, comme le disait si bien cet après-midi le député de Rouyn-Noranda. Nous constatons que cette loi spéciale que le gouvernement nous propose aujourd'hui arrive cependant beaucoup trop tard car nous devons noter que le grand mal est fait et que cette mesure additionnelle de dernier recours vient justement mettre fin à cette grève qui n'aurait jamais dû avoir lieu.

Le gouvernement l'a vu venir de loin, cette grève générale. Il aurait eu amplement le temps de l'arrêter en posant exactement le même geste qu'il pose aujourd'hui de toute façon. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait plus tôt? Etait-il tellement nécessaire, par cette grève, d'accorder autant d'importance à ces trois hors-la-loi en leur laissant la gouverne du Québec?

Je vois d'ici ces trois chefs syndicaux savourant ces signes avant-coureurs d'un gouvernement ouvrier qui n'est pas sans hanter l'esprit de ces chefs socialistes en utilisant avec joie cette grève générale qu'on leur a offerte comme un test type de ce qu'aurait pu être leur prochain coup d'Etat.

Mais cette grande importance qu'on a donnée à nos trois étoiles syndicales, qu'a-t-elle coûté à notre population et surtout aux syndiqués du Québec qui nous ont prouvé leur grand désenchantement, ainsi qu'à nos étudiants, nos malades et le reste de la population?

Je répète que cette grève aurait dû être évitée pour ainsi empêcher de bien tristes événements de se produire. Plusieurs personnes de ma région, pour ne mentionner que celle-là, étant de grands malades ont forcément...

M. DEMERS: ... majorité.

M. AUDET: M. le Président, je ne parle pas d'un malade comme le député de Trois-Rivières, il est malade...

M. DEMERS: C'est certainement la majorité.

M. BACON: Ils ne doivent pas rire, c'est certain.

M. AUDET: ... de grands malades ont été forcément...

UNE VOIX: Pour qui ont-ils voté?

M. AUDET: ... retournés dans leur foyer pour succomber dans les quelques heures qui ont suivi.

M. DEMERS: Cela nettoie la place!

M. AUDET: A la suite de ces incidents révoltants, le gouvernement a bien voulu prendre quelques injonctions pour des services essentiels, mais nous avons vu les fauteurs de trouble inviter les employés de ces institutions à ne pas respecter la loi.

Peut-on accepter, M. le Président, semblable sabotage de nos lois par ces chefs syndicaux épris du désir de causer du désordre dans notre société. Ainsi, je considère que le gouvernement n'a pas été à la hauteur de la situation en subissant ce chantage aussi longtemps, en permettant à d'aussi fâcheux événements de se produire.

Nous pouvons maintenant prouver que cette grève n'aura rien réglé et ce sera finalement les négociations qui viendront placer la dernière touche au règlement de l'entente qui se signera, sans aucun doute nous l'espérons, avant l'application d'aucun décret. Il est à espérer que le gouvernement en a eu pour son argent de cette grève générale et qu'à l'avenir le gouvernement se montrera plus responsable en changeant cette politique de droit de grève par une meilleure politique de négociation, avec un code de travail révisé, avec un tribunal du travail impartial qui aurait, en temps utile, l'autorité de trancher les questions après avoir jugé sainement les intérêts de toutes les parties en cause.

Il est impensable d'espérer que deux parties en cause puissent négocier, sans accroc, s'il n'y a pas un libre arbitre qui vient, en toute impartialité, aider ces antagonistes à accepter une mesure de juste milieu. C'est dans cet esprit que nous voterons en faveur de cette loi spéciale, espérant que le gouvernement saura apporter, à l'avenir, des mesures bénéfiques dans le sens que nous lui suggérons et ce pour de meilleures et brèves ententes entre le patron et l'employé.

Je m'en voudrais, de finir mon intervention sans essayer de faire comprendre au gouvernement que tous ces troubles que nous vivons... M. le Président, je demanderais un peu de silence, s'il vous plaît.

DES VOIX: Voilà de l'eau.

M. AUDET: Merci. Je m'en voudrais de terminer mon intervention sans essayer de faire comprendre au gouvernement que tous ces troubles que nous vivons présentement, que toutes ces tribulations qui s'intensifient de semaine en semaine ont des indicences découlant d'un système économique malade et dont nous subissons depuis si longtemps les effets néfastes de décadence à la moderne.

UNE VOIX: La banque du Canada.

M. AUDET: Je suis sûr, M. le Président, que nos amis d'en face comprennent très bien l'aboutissement néfaste du cercle vicieux qui s'opère en permanence dans les négociations continues de nouveaux contrats de travail qui nous conduisent, de façon irréversible, vers une inflation que rien ne peut plus contrôler et retenir. Il est à se demander si l'emballement de ce système économique dépassé pourra encore nous conduire longtemps vers ce chaos de la misère, de l'insécurité au sein de l'abondance et cela même avec des revenus de plus en plus élevés. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: M le Président, nous en sommes au 21 avril, cinq heures et cinquante minutes du matin, à discuter d'un projet de loi intitulé Loi assurant la reprise des services dans le secteur public. Il est vrai, M. le Président, que la majorité des parlementaires accepteront ce projet de loi comme dernière issue à une situation créée depuis quelques mois.

Il est vrai que l'immense majorité de la population acceptera ce projet de loi. Il est vrai également, j'en suis convaincu, qu'une majorité des fonctionnaires, qu'une majorité de tous ceux qui sont dans les services parapublics accepteront le retour au travail.

Au cours de la journée, la population se dira: Le gouvernement a passé un projet de loi et maintenant la chose est réglée. Il reste cependant que même si la majorité de la population accepte le projet de loi, même si la majorité du Parlement accepte le projet de loi, il n'en reste pas moins que la majorité de la population se posera des questions sérieuses sur l'efficacité, d'une part, du gouvernement et sur l'efficacité, d'autre part, de nos dirigeants syndicaux. D'abord, si nous regardons les conventions collectives dans le secteur de la fonction publique, nous remarquons que la convention collective de travail entre le gouvernement du Québec et le Syndicat des professionnels du Québec est expirée depuis le 21 février 1971. Cette convention collective était en vigueur à compter du 24 mars 1968 jusqu'au 21 février 1971. Donc, 14 mois aujourd'hui que la convention collective est expirée et, suivant le projet de loi qu'on nous demande de voter, il s'écoulera encore deux mois au minimum avant que réellement cette unité syndicale sache à quoi s'en tenir.

Si nous regardons maintenant la convention collective de travail en ce qui concerne l'unité-ouvriers, cette convention collective est entrée en vigueur le 28 mars 1968 pour expirer le 28 mars 1971. Donc, treize mois que cette convention collective est expirée et il faudra encore deux mois au minimum avant que l'unité-ouvriers de la fonction publique sache à quoi s'en tenir exactement.

Si nous regardons maintenant la convention collective de travail pour l'unité-fonctionnaires, cette convention collective également expirait le 28 mars 1971. Et c'est là que la population, même si elle accepte majoritairement qu'à ce moment-ci, à cause de la situation actuelle, nous passions un tel projet de loi, c'est là que la population doit se poser des questions sur l'efficacité du gouvernement et sur l'efficacité de nos dirigeants syndicaux.

Pourquoi pendant cette période, dans un cas, de quatorze mois, on n'en est pas arrivé à trouver une solution, on n'en est pas arrivé à une entente pour éviter d'abord une grève générale et ensuite pour éviter que le Parlement ou l'Assemblée nationale soit obligé de passer une législation.

La population doit également se poser des questions très sérieuses sur différents sujets. La population va se demander s'il n'y a pas possibilité de définir les services essentiels minimums dans tous les secteurs des services publics. Pourquoi les employés-cadres ou les employés non syndiqués, les employés dits confidentiels ne peuvent-ils pas entrer au travail, même s'il y a une grève générale? C'est pour cette raison que même si nous devons, à ce moment-ci, avec une certaine réticence, voter en faveur de la loi, qu'il faut dire pourquoi nous en sommes rendus à ce point. D'abord, si le gouvernement actuel, pendant cette période de quatorze mois, et plus spécialement pendant le dernier mois, avait suivi les conseils de notre formation politique, conseils donnés par la bouche du chef de l'Unité-Québec.

Dès le 8 mars dernier, il y a plus d'un mois et demi, si on avait convoqué la commission parlementaire de la Fonction publique, nous aurions pu entendre de la bouche du gouvernement et également par l'entremise des chefs syndicaux la raison de ce retard inconsidéré à en venir à une entente, surtout en ce qui concerne les employés de la Fonction publique.

Egalement, au cours de ces discussions à la commission parlementaire de la Fonction publique, nous aurions pu être éclairés sur l'organisation matérielle des services essentiels minimums dans tous les secteurs publics. Egalement, nous aurions pu être éclairés sur ce qu'on qualifie d'employés cadres ou encore de personnel non syndiqué.

C'est qu'au cours d'une convention collective, de la période couverte par une convention collective, il y a un certain nombre d'employés qui, du consentement de la partie patronale et de la partie syndicale, ne sont pas cotisés, ne font pas partie des syndicats pour des raisons qui sont stipulées dans la convention collective. A ce moment-ci, je me pose la question. Pourquoi ces employés qui, de part et d'autre, sont acceptés comme étant soit des employés cadres ou des employés syndiqués, lorsqu'il arrive une grève générale, pourquoi ne leur permet-on pas d'entrer dans les édifices du gouvernement, d'entrer dans les hôpitaux, d'entrer dans toutes les autres institutions? Est-ce qu'il y a une raison majeure qui a empêché les syndicats ou les piqueteurs de laisser ces personnes traverser les lignes de piquetage? Est-ce qu'il n'y aurait pas eu possibilité que le gouvernement ou l'agent négociateur du gouvernement en vienne à une entente avec les représentants syndicaux pour laisser au moins ces personnes assurer le fonctionnement minimum des services essentiels du gouvernement du Québec ou des institutions parapubliques?

Si le gouvernement, avant d'amener ce projet de loi qui, comme je le répète, est la dernière issue, c'est la seule façon en ce moment de sortir de l'impasse, soit en votant le bill no 19. Il n'y a plus aucune autre façon. Nous avions proposé, hier soir, une alternative au bill no 19. Avant de discuter du bill no 19, on avait suggéré une alternative qui, à notre sens, était logique, valable, Elle a été refusée par l'assemblée nationale. Je n'y reviendrai pas. Mais si le bill no 19 qui doit assurer en quelque sorte le retour au travail de tous les employés de la Fonction publique et du secteur parapublic, si c'est l'objectif du bill no 19, il sera accepté par l'ensemble de la population.

Comme c'est l'objectif du bill no 19, il sera accepté mais il reste quand même que la population va se poser de sérieuses questions et je le répète, sur l'efficacité gouvernementale.

Maintenant, si nous en sommes rendus à ce point, le gouvernement devra certainement donner de sérieuses raisons aux membres de la commission parlementaire et par l'entremise de ces membres, à la population du Québec. Parce que la population du Québec qui a vécu cette grève, qui l'a subie, les fonctionnaires de tous les secteurs de l'activité publique qui ont vécu et subi cette grève demanderont au gouvernement, aux agents négociateurs, aux chefs syndicaux, de se préparer à ne pas tomber à nouveau dans la même situation dans deux ans, en 1974.

On dit, dans le projet de loi: A défaut d'ententes entre syndicats et employeurs avant le 1er juin 1972, le gouvernement décrétera les conditions de travail des salariés jusqu'au 30 juin 1974. Cela veut dire que pendant deux ans, nous aurons une nouvelle convention collective qui va être un an et demi en retard. Pendant deux ans, nous procéderons avec cette nouvelle convention collective. Mais nous sommes en droit de demander, même après l'adoption de ce projet de loi que nous votons avec réticence, au gouvernement, dès ce soir, au cours de cette période de deux ans, de se préparer à définir les

services essentiels minimums dans tous les secteurs de l'activité publique ou les services publics pour que ce soit défini, une fois pour toutes, qu'on n'ait pas à en discuter à tous les deux ans ou à tous les trois ans. Egalement, qu'on s'entende dans cette convention collective, lorsqu'il discutera en commission parlementaire, sur les personnes qui peuvent et qui doivent assurer les services essentiels et qui ne sont pas syndiqués et qui, advenant un autre conflit, pourront assurer le bon fonctionnement des différents ministères, des différentes institutions.

M. le Président, je termine là-dessus en disant que, pour ma part, étant favorable au retour au travail de tous les employés du secteur public dès ce soir, minuit, je voterai en faveur de ce projet de loi et j'accepte que la commission parlementaire de la Fonction publique ne reçoive pas seulement les explications mais fasse également des suggestions. Mais là où je suis plus réticent, c'est lorsqu'on nous dit que le gouvernement décrétera les conditions de travail des salariés.

A ce moment-là, il faudra agir avec beaucoup de précautions car le gouvernement étant partie liée avec ses employés, il devient également l'arbitre et le juge. Cela, c'est très dangereux. C'est pourquoi la commission parlementaire, en plus de recevoir des explications, devra faire des suggestions et ces suggestions devront également être acceptées par le gouvernement.

Donc, je termine en vous disant qu'avec ce projet de loi qui permettra le retour au travail de tous les employés des secteurs publics, que ce retour se fasse dans l'ordre et également que tous nos fonctionnaires, que toutes les personnes qui sont présentement en grève acceptent, peut-être pas tous de bonne grâce, ce projet de loi comme étant une solution ultime à un problème qui trame depuis quatorze mois et, malheureusement, il en mettra la responsabilité sur le dos du gouvernement actuel.

M. LE PRESIDENT (Phaneuf): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, c'est la première fois que j'ai à intervenir aussi tôt ou aussi tard dans une journée et je ne suis pas le dernier de mon groupe puisque malgré l'heure matinale ou tardive à laquelle nous nous trouvons, les sept députés du Parti québécois sont encore présents.

Nous n'avons pas tous utilisé notre droit de parole.

M. le Président, vous ne vous surprendrez pas non plus si je fais porter l'essentiel de mes remarques sur un domaine précis du secteur actuellement paralysé, soit celui de l'éducation, puisque depuis quelques mois, j'ai à m'en occuper plus particulièrement, au sein de mon parti.

En lisant le projet de loi no 19 et, surtout, en essayant d'en extrapoler les conséquences sur la vie collective des Québécois, j'ai nettement l'impression qu'une fois de plus, c'est l'avenir de l'éducation ou, si vous voulez, c'est une bonne partie de sa qualité qui est à nouveau sûrement compromise, sinon irrémédiablement gâtée par certaines dispositions et l'esprit même du projet de loi no 19, ce qui devrait impliquer —je pense que cela a été réussi tout au cours du débat qui nous a occupés cette nuit — que comme conséquence immédiate, dans l'esprit de tous, la sérénité en même temps que le sérieux du débat ne devraient pas être écartés. Je dis cela pour les députés mais je le dis aussi pour la partie syndicale qui, à l'heure où l'on se parle, est certainement encore en train d'échafauder sa propre stratégie de réponse à cet acte unilatéral et brutal du patron et en même temps, aussi, à toute la population et la société. Je crois que nous sommes tous tellement conscients qu'elle est responsable, cette société, en très grande partie, de ce qui se passe —inévitablement que cette société a sa responsabilité — comme l'a fait d'une façon un peu grossière le premier ministre dans son discours de présentation, qu'on ait la tentation de jouer sur ces sentiments qu'on croit discerner dans la population, en ce moment. Et quand je dis sentiments, je veux dire aussi bien les meilleurs que les pires.

Il y a certainement de très bons sentiments qui courent dans la population actuellement, soit celui de vouloir la sécurité publique, celui de vouloir la paix sociale. Je ne crois pas qu'il y ait un seul membre, pas une seule personne, à moins qu'elle soit complètement irresponsable, qui puisse en vouloir à la population, ce matin, au bout de dix ou douze jours de grève, de vouloir une paix sociale dans le Québec. Ce sont des sentiments que l'on peut signaler et que le premier ministre aurait pu, normalement signaler, sans s'y vautrer comme il l'a fait.

Aussi, il y a d'autres sentiments au sein de la population où il peut devenir malhonnête, où il peut devenir extraordinairement bas et facile de jouer, ceux de sa sécurité personnelle telle que définie par autrui, sa sécurité individuelle. Je vous raconterai à cet effet, M. le Président, une anecdote qui révèle un sentiment profond que le bill 19 n'a pas écarté. J'ai connu des gens —je vois l'ancien député de Saint-Jacques, ministre du Travail, qui a été mêlé à plusieurs conflits — opposés de toutes les façons irrémédiables, à peu près comme le député des Iles-de-la-Madeleine peut l'être, à n'importe quel conflit de travail. N'importe quel droit légal de grève utilisé par les ouvriers devenait automatiquement blâmable, à l'exception de quand cela les concernait personnellement. Je suis convaincu que dans la population, actuellement, celle qui est affectée par le fait que les enfants ne vont pas à l'école, celle qui est affectée par le fait que des malades, à l'hôpital, sont ses parents ou ses proches amis, et qui sont par le fait même

opposés à la grève, ne le seraient pas. Aussi facilement qu'ils sont contre , ils pourraient être pour si un membre de leur famille était un des 210,000 ou si un membre de leur famille était un de ceux qui ne gagnent pas encore $100 par semaine.

C'est facile de jouer sur ces sentiments, à un moment donné. J'aurais espéré du chef de l'Etat québécois une intervention autrement plus élevée que celle qu'il a faite, qui était un petit peu plus réservée à une autre classe de citoyens, de députés que celle qu'on peut attendre d'un premier ministre.

Son intervention est faite, elle est désormais dans les annales du Québec, elle fait partie de l'anthologie de la démagogie que nous aurons un jour à ériger et elle fait désormais partie également de ce débat.

A chaque fois que le Québec rencontre ou a à traverser une de ces crises, comme celle que tente de régler le projet de loi 19, il y a toujours et je ne suis pas le plus vieux Québécois pour le rappeler, mais j'ai suffisamment d'expérience pour le savoir, il y a toujours une menace de réapparition d'une vieille peur ou d'une vieille valeur séculaire qui est celle de la recherche du confort facile. Et la preuve est faite, je pense, depuis l'ouverture de ce débat, en particulier depuis hier après-midi à trois heures, que cette valeur séculaire, ce retour aux clichés faciles, cette tentation des solutions médiocres, le parti gouvernemental actuel s'en nourrit.

Il est très facile de faire du vent alentour des malades et des orphelins. Comme il est très facile de verser des larmes autour du droit sacré des enfants à l'éducation. Comme il est très facile de se gargariser de l'importance des l'ouverture immédiate du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, bien sûr.

La partie vraie qui existe dans ce gargarisme n'est pas niable. C'est vrai qu'il serait important pour le Québec que les ministères fonctionnent, que les écoles fonctionnent. C'est vrai qu'il serait important que les hôpitaux connaissent un fonctionnement normal. Mais à partir de cela, à partir de cette vérité primordiale qu'aucun individu de bon sens ne saurait nier, il arrive que les démagogues du pouvoir utilisent cette partie vraie et l'amplifie ou la produit en plusieurs dimensions, au point que ce qui était désormais vrai devient pour n'importe quel membre du sens commun une vérité à condamner.

L'utilisation désordonnée et abusive, maladroite et fondamentalement parfois malhonnête de ce qui est une partie vraie de la réalité peut obliger des gens qui eux ne veulent pas se prêter à ce jeu, à condamner et à faire comme si la partie vraie n'existait pas. C'est malheureusement la tentation vers laquelle pousse aujourd'hui l'action gouvernementale, c'est la tentation vers laquelle pousse cette action des syndicats qui sont présentement en action.

Je suis convaincu que quelle que soit la décision de la partie syndicale comme réaction au projet de loi 19, il faudra escompter que le premier geste a été posé par la partie patronale qui siège en face de nous et que s'ils en viennent — je ne le souhaite pas — à prôner la désobéissance civile, c'est qu'ils auront été poussés à un extrémisme par un autre, tout simplement.

J'ai écouté depuis la reprise de la session chacune des interventions du ministre de l'Education. J'ai essayé de trouver ce qui lui tenait lieu de pensée. Et j'ai essayé également de découvrir dans les clichés qu'il apportait une philosophie. Celle que j'ai vue était une des plus antiques et des plus dépassées. On essayait de maintenir dans ce débat l'illusion que l'enseignant doit fonctionner par pure vocation désincarnée, qu'il doit être l'âme généreuse par excellence dans une société, à cause des enfants qu'on lui a mis dans les mains, de ces âmes pures qu'on l'appelle à former. J'ai presque entendu les frères des Ecoles chrétiennes. C'est une image...

M. LACROIX: ... certainement pas bien réussie.

M. CHARRON: M. le Président, pour cervelles étroites, j'allais justement en parler lorsque le député des Iles-de-la-Madeleine m'a interrompu, pour cervelles étroites, mais fort peu réaliste pour le Québec de 1972, avec cette importante classe sociale ou cet important groupe de travailleurs que sont les travailleurs de l'éducation syndiqués et organisés derrière la Corporation des enseignants du Québec.

Je pense que la mauvaise image de l'enseignant ou l'image antique, ancestrale et complètement dépassée qu'on essaie de véhiculer, dans un conflit où nous faisons face à une organisation moderne de travailleurs de l'éducation, ne vient que fausser le débat et n'a que pour résultat premier de produire la loi 19. Il est très facile, et je l'ai entendu des dizaines de fois, d'espérer de l'enseignant des vertus de noblesse, de résignation, d'angélisme, de dispositions personnelles, de charité chrétienne, etc.

Chacun a fait appel à ce groupe de travailleurs québécois de toutes les vertus imaginables, alors que je suis convaincu qu'aucun autre secteur de la vie publique du Québec n'a prouvé qu'il était capable d'offrir. Je ne sais pas encore sur quelle philosophie on se base, sur quelle conception de la société on puisse reposer pour exiger de cette catégorie spéciale de citoyens des vertus, un dévouement, une absolue négation des intérêts professionnels et personnels.

Jamais je n'ai vu autant d'acharnement à l'exiger de cette classe-là comme on puisse l'exiger d'une autre classe de la société. D'où ça vient? Je ne le sais pas. Je ne suis peut-être pas assez vieux, M. le Président, je l'admets, pour savoir à quelle époque de notre histoire collective ça peut relever comme philosophie. Mais il est clair que dans le débat actuel, ça transpire encore, c'est caché derrière un vocabulaire

moderne, mais il est certain que, quand on parle des enseignants, on a comme subsconscient, on a comme façon cachée dont personne ne parle le fait qu'il est légitime d'exiger de cette classe de travailleurs plus que l'on en exige des autres.

Personnellement, encore aujourd'hui, avec toutes les responsabilités du poste que j'occupe, je veux dire que je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas où se base cette philosophie et pourquoi on peut exiger plus de ces gens-là qu'on en exige de d'autres classes de citoyens.

Il est facile après ça, après s'être roulé dans cette philosophie-là de s'indigner artificiellement, d'essayer d'avoir des convictions qui vont déteindre sur d'autres, mais de ne jamais remettre en question ce vieil a priori qui craque de partout, à tout esprit conscient, que l'enseignant a une fonction spéciale et que par le fait même, il n'est pas un travailleur comme les autres.

Au fond, je crois, quand je vois l'acharnement et l'attachement qu'on met à défendre cette conception absolument périmée, qu'au fond, ce qu'on conteste, c'est l'organisation professionnelle de travailleurs syndiqués dans le domaine de l'éducation. On n'accepte pas encore ce phénomène-là et si on l'accepte bien par la prime, parce qu'un jour, le même parti qui gouverne encore a accepté que la reine négocie avec ses sujets, on essaie par d'autres moyens de réduire ce droit-là à sa plus stricte expression.

On essaie par des arguments philosophiques de réduire la portée d'un droit qu'on a reconnu par la force des choses, et parce qu'un jour, le parti qui est actuellement au pouvoir a été, pendant un certain temps, véhicule de réforme sociale, ce qu'il n'est plus aujourd'hui.

M. le Président, est-ce que c'est cette philosophie ou cette conception qui a mené à l'échec, aussi bien à la table centrale qu'à la table sectorielle dans le domaine de l'éducation et qui nécessiterait aujourd'hui la loi 19? Je crois que oui, en bonne partie.

Je crois que cette conception a présidé aux négociations. Je n'ai qu'à regarder, nous aurons l'occasion à une autre étape de regarder les offres patronales en matière de sécurité d'emploi pour les enseignants, pour voir qu'on est loin de la phisolophie moderne qu'on devrait avoir dans ce domaine-là et qu'on essaie encore de maintenir la philosophie ancestrale.

Est-ce que c'est la faute des syndicats si on a fait un échec au niveau de la table sectorielle comme au niveau de la table centrale? Je me suis posé la question. Je suis d'avis que les syndicats, dans ce domaine, n'ont pas fait d'abus; ils ont exercé un droit strict qui leur a été reconnu par une loi de ce Parlement il y a quelques années et ils n'en ont pas fait d'abus. Est-ce qu'ils ont fait des erreurs de stratégie? Oui, M. le Président, et je pense que je peux le dire en toute honnêteté. L'amitié que nous pouvons porter à cette catégorie de travailleurs syndiqués peut impliquer à un moment donné une certaine franchise. Je crois que depuis l'ouverture du conflit, il y a eu des erreurs de stratégie syndicale qui ont peut-être profité au patron actuel qui est, comme par hasard, le législateur et qui profite à un moment donné de l'impasse de négociation pour intervenir à titre de législateur.

Mais je crois suffisamment la santé démocratique des organisations syndicales pour me dire que les erreurs de stratégie, les mauvaises orientations données par les leaders syndicaux, il y en a eu dans le présent conflit; ils seront jugés par les membres des syndicats, en temps et lieu, par les structures qui leur sont données et ce n'est pas à moi de les faire. Mais je puis affirmer ici que des stratégies syndicales foncièrement maladroites ont été employées au cours du présent conflit et n'ont fait, à cette occasion, que le jeu du patron qui, aujourd'hui, se prépare à adopter la loi 19.

M. le Président, s'ils ont fait des erreurs, est-ce qu'ils les ont faites les premiers? Est-ce qu'on se rend compte, aujourd'hui, au moment où on se prépare du côté patronal, en face de nous, à obliger la partie syndicale à entrer selon les conditions fixées, à tout ce qu'on a demandé à cette partie-là depuis quelques années? Est-ce qu'on se prépare, est-ce qu'on sait, de ce côté de la Chambre, où le patron est représenté, tous les efforts qu'on a demandés dans le domaine de la réforme de l'éducation à cette classe de syndiqués? Est-ce qu'on se rappelle encore ce qu'on a fait à cette classe de syndiqués au moment du bill 25? Est-ce qu'on sait encore tous les règlements multiples du ministère de l'Education qui sont venus affecter la vie professionnelle, la vie d'organisation syndicale de ce groupe de travailleurs?

Je pense juste au dernier émis par le ministère de l'Education, le règlement no 7, qui impliquait sous le couvert d'une humanisation de l'école une surcharge de travail de 35 minutes par jour pour les enseignants au niveau secondaire. Ils l'ont négocié, de façon unilatérale par la partie patronale. Est-ce qu'on se rend compte que si, aujourd'hui, on assiste à une réaction de salariés de la part de gens de qui on espérait un dévouement et une disponibilité totale, c'est que la partie patronale et gouvernementale — puisque c'est la même — l'a forcé, l'a réduit à ce comportement au cours du développement de notre système d'éducation.

M. le Président, tout le monde a reçu des télégrammes au cours de la crise, c'est bien sûr, chacun nous appelant à des gestes contradictoires. J'invite simplement ceux qui ont reçu à vérifier également les télégrammes venant de la part d'enseignants et qui devaient certainement, qu'ils soient justifiés ou non à l'esprit de chacun, il y a certainement une chose indubitable dans le contenu de ces télégrammes. C'est qu'ils sont porteurs d'une indignation explosive et qui devrait faire réfléchir la partie patronale qui est aussi la partie gouvernementale avant d'adopter la loi 19.

Le malheur de la loi 19, M. le Président, c'est que non seulement compromet-elle...

M. LEVESQUE: Le temps est expiré.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais à l'honorable député de Saint-Jacques de conclure dans un bref délai. Le temps alloué est de vingt minutes et son temps est écoulé.

M. CHARRON: Très bien, M. le Président. UNE VOIX: C'est fini, c'est fini.

M. CHARRON: Le président m'a demandé de conclure, je conclus en une phrase, M. le Président, je dis qu'une législation qui va aussi loin par rapport à des êtres humains, dans une société démocratique, on a oublié dangereusement dans la loi 19 qu'elle doit être préparée avec eux et non pas contre eux. Qu'on doit leur donner le loisir d'y penser autant que possible, la voir venir et surtout d'y contribuer parce que ce sont eux qui auront à vivre avec elle. Si on n'a pas ce respect et si on oublie de l'avoir, malgré que les circonstances soient pénibles mais pas inexcusables, on risque alors de provoquer les réactions qui se préparent dans le milieu syndical actuellement. Le vice fondamental de la loi 19, M. le Président...

M. LAFRANCE: Cela fait deux phrases... M. BACON: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.

M. Paul-A. Latulippe

M. LATULIPPE: M. le Président, à peine quelques phrases. Merci.

Dans la crise actuelle, M. le Président, il est bien évident que, nous aussi, nous sommes favorables au retour au travail immédiat. Nous reconnaissons que les négociations ont été rompues dans des conditions qu'il est difficile d'apprécier et qui nous semblent, dans une certaine mesure, injustifiables. Nous reconnaissons que l'administration publique est paralysée, que tout le monde a à en souffrir, que les syndiqués eux-mêmes, en vaste majorité, du moins ceux de mon comté, sont désireux de retourner au travail, que les services essentiels n'ont pas été maintenus et que même les injonctions prononcées n'ont pas été respectées tel que l'aurait souhaité le législateur.

Cependant, M. le Président, de l'aveu même du ministre de la Fonction publique, le législateur a quand même tardé énormément, surtout le gouvernement a énormément tardé à désavouer la situation actuelle de telle sorte que nous nous sommes retrouvés dans cette grève générale avec l'extériorisation d'une crise de la société dont la portée a d'abord un aspect politique et d'autre part un aspect économique. Un aspect politique qui est amorcé par l'attitude même des grands chefs syndicaux qui semblent accorder plus d'importance à la promotion politique du pouvoir des unions ou encore en quelque sorte de leur propre pouvoir, pour en arriver à exercer un jour un patronat sur toute la situation pour consacrer définitivement l'avènement de leur propre idéologie. Car ils ne se cachent point, M. le Président, pour manifester ouvertement qu'ils travaillent maintenant à la promotion d'un socialisme d'ici.

Dans notre société, M. le Président, il faut reconnaître qu'il y a quatre pouvoirs fondamentaux. Il y a d'abord le pouvoir politique qui se redistribue dans des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Il y a ensuite le pouvoir religieux ensuite le pouvoir économique et ce contrepouvoir, le pouvoir des unions et enfin le pouvoir idéologique.

Dans la crise actuelle, M. le Président, le pouvoir des unions se prépare à bloquer et le pouvoir politique et le pouvoir économique en vue d'exercer, comme je le disais tout à l'heure, un patronat politique sur la situation actuelle. Les choses sont telles que certains membres de cette chambre ont avancé l'idée que le pouvoir des unions s'attardait maintenant à prôner même le non-respect de la loi. Pour ma part je ne m'étonne pas d'une détérioration aussi accentuée de notre société.

Elle est, en quelque sorte, la conséquence de la décadence du pouvoir politique lui-même, qui comme vous le savez sans doute est le résultat des suites de la révolution tranquille au Québec qui s'est manifestée essentiellement par l'effondrement du pouvoir religieux qui avait servi jusqu'alors de point d'appui de l'ordre moral et de point d'appui de l'ordre politique et de point d'appui de l'ordre social.

Par voie de conséquences, le prestige politique est fortement menacé et que de ce fait, notre société elle-même se retrouve dans une situation explosive qui a les caractéristiques de la crise que nous vivons maintenant. Ce n'est pas pas hasard que nous en sommes arrivés à vivre la situation que nous connaissons aujourd'hui. En fait, la crise s'est amorcée depuis le début du libéralisme parce que c'est une société en transformation que nous vivons comme toutes les générations qui nous ont précédé. Nous vivons, dans notre société, une crise qui, à mon point de vue, se répartit sur trois grands plans, soit au plan politique, social et culturel, lesquels se manifestent de différentes façons. Si j'avais à les analyser dans leur forme essentielle, j'oserais dire que la crise politique est, en définitive, une mystique de la liberté qui tend à s'incarner dans les individus et dans les institutions et dans notre mode de pensée tandis que la crise sociale découle de cette pensée profonde que l'homme est essentiellement matière et que comme tel il est malléable. Cela découle de la philosophie même de Marx, découle de la philosophie socialiste.

La crise actuelle confronte ces deux grandes idéologies. Bien sûr, je ne veux pas entrer trop dans les détails de cet ordre mais il n'en reste pas moins que la crise que nous vivons n'est pas

le fruit du hasard et qu'elle a été engendrée sur des siècles, des années, et qu'elle est à la base le fruit de constructions et d'institutionnalisations de certaines allégeances qui ne servent pas l'homme d'une façon adéquate.

Je disais tout à l'heure que la crise actuelle avait une dimension politique, qu'elle se traduit essentiellement par le non respect de la loi, et que le législateur par cette loi, n'amènera pas nécessairement les belligérants à accepter ou à se nourrir d'une façon intrinsèque des conclusions où l'on veut arriver ou des buts poursuivis avec le bill 19.

A mon point de vue, la grande faiblesse du projet de loi que nous sommes à étudier réside dans le fait que nous sommes à jouer le jeu même de ceux que nous voulons mater. Nous sommes en train d'en faire des martyrs à leurs propres yeux, aux yeux des syndicalistes avoués, qui travaillent pour la promotion d'une cause et non pour la promotion du syndicalisme comme tel, d'une cause politisée, alors, je me dois donc de répudier ou de condamner le bill 19 quoique étant d'accord qu'il faut passer une loi pour assurer la reprise des services dans le secteur public.

Cependant, je trouve que la présente loi va trop loin parce qu'elle permet au grands chefs syndicaux de politiser le débat à leur avantage.

Je trouve que c'est une faiblesse, et là-dessus, j'aurais beaucoup aimé et j'estime que le gouvernement aurait eu un immense avantage de confondre les chefs syndicaux en acceptant la proposition de l'honorable chef de l'Opposition. Ils auraient manifestement avoué leur faiblesse et du coup, auraient travaillé à l'affermissement de l'autorité du législateur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si vous me permettez, je voudrais signaler à l'honorable député qu'il ne peut pas quand même discuter d'une motion qui a déjà été rejetée par la Chambre. Je lui demanderais de maintenir ses propos.

M. BACON: C'est très bien, M. le Président. M. LAFRANCE: C'est beau, M. le Président.

M. LATULIPPE: Comme deuxième point, le présent conflit a une dimension économique parce que, d'une part, de la bouche même du ministre des Finances, l'Etat n'a pas les fonds requis pour répondre aux exigences des syndiqués. C'est peut-être dû au fait que l'Etat ne s'est jamais préoccupé de se donner un véritable pouvoir économique afin d'appuyer ses politiques, même dans le domaine salarial.

D'autre part, je suis de ceux qui croient qu'une augmentation de salaire dans le secteur public devra, dans les conditions actuelles nécessairement, se compenser, c'est-à-dire l'équivalent en taxes et autres retenues de telle sorte que la réalité des gains nets ne sera que très peu appréciable. C'est pourquoi je réclame comme tous les opinants de mon parti une refonte totale de notre système économique pour que l'Etat se donne un pouvoir économique capable d'appuyer ses politiques, quels que soient les besoins auxquels il aura à faire face.

J'estime que la présente loi remet en cause l'essence même de la démocratie et que, sans réforme économique ou financière adéquate, nous ne spéculons que sur les effets du malaise et que le problème restera entier, car nous n'aurons pas touché aux causes qui résident justement dans un système financier inadéquat qui sert mal l'individu et l'Etat.

J'estime de plus qu'il est dangereux de tenter de vouloir régler le conflit actuel exclusivement par l'autorité de la législation. Bien sûr, les décrets ont l'immense avantage d'économiser énormément de temps, mais il n'en reste pas moins qu'ils remettent en cause toute l'économie de nos lois du travail et qu'ils constituent à notre point de vue un précédent suffisamment dangereux, compte tenu de la situation et des intentions voilées de nos grands chefs syndicaux.

C'est pourquoi nous aurions préféré de loin un tribunal du travail avec des sentences et exécution obligatoires en vue d'amener un règlement de la situation et légiférer si vous voulez par une autorité qui ne sera pas une des parties en cause dans le présent conflit.

J'ose espérer qu'il sera possible dans l'avenir d'éviter pareil conflit en prenant dès aujourd'hui des mesures qui s'imposent pour réformer le système et le code du travail et également, penser à accepter l'idée du tribunal du travail dans l'avenir pour des négociations qui tarderont à aboutir tant dans le secteur public que privé. Merci beaucoup, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, quand on a affaire à un gouvernement sans échine, sans leadership, amorphe, tâtonneux, hésitant, sans planification, nous sommes obligés de siéger à des heures indues, comme nous le faisons actuellement.

M. le Président, cela fait l'affaire du gouvernement que nous soyons actuellement à étudier une loi spéciale car, d'ailleurs, c'était l'idéal rêvé pour ce gouvernement en place qui, par manque de prévoyance, n'a pas demandé au ministre du Travail d'apporter les amendements qu'il fallait au code du travail pour mettre en place un mécanisme nécessaire pour hâter ou pour aboutir à une solution dans la négociation. Non, ce n'est pas le ministre du Travail qui a manqué à son devoir. On ne l'a pas consulté. Qu'a fait l'ex-institueur en chef de la province, l'ancien ministre de l'Education? Il a été aux prises avec le problème du monde enseignant durant près

d'une année. Il n'a absolument rien fait. Il est resté amorphe. Qu'a fait le ministre de la Fonction publique? Il a été le seul à respecter intégralement le droit de grève que l'un des gouvernements précédents a donné aux ouvriers. Aujourd'hui on nous demande de brimer ce droit. On nous invite à passer une législation à toute vapeur. Pourquoi? Parce que l'incendie est pris, parce que c'est la conflagration dans le monde de l'éducation, dans le monde de la santé, le tout par suite du manque de clairvoyance des hommes en place.

M. le Président, le gouvernement était intéressé à présenter une législation consécutive à une grève qui va enrichir le trésor du ministre des Finances d'environ $38 millions et nous avons une explication au fait que nous n'avons pas eu de hausse de taxe cette année au Québec. Riez tant que vous voudrez mais levez-vous donc les "back benchers" et exprimez-vous donc sur ce projet de loi. Vous êtes affectés comme nous le sommes dans nos comtés, nous aussi. Nous en avons eu des plaintes. Nous en avons eu des problèmes à régler ou du moins nous avons tenté de les régler. Depuis minuit hier soir, nous voyons les "back benchers" qui dorment aux corneilles plutôt que de se lever et d'exprimer leur opinion et de parler librement sur le projet de loi...

M. VEILLEUX: Où sont les vôtres?

M. PAUL: ... qui nous est soumis en deuxième lecture.

M. VEILLEUX: Où sont les vôtres?

M. PAUL: M. le Président, invitez-les à parler à leur tour. Vous m'avez donné le droit de parole. Nous sommes à étudier, M. le Président, le présent projet de loi en deuxième lecture.

M. HARVEY (Jonquière): II est allé dormir dans son lit, lui.

M. PAUL: Qui?

M. HARVEY (Jonquière): Vous.

M. PAUL: Non. Vous n'êtes qu'un menteur. Vous n'êtes qu'un menteur. Je ne retirerai pas mes paroles.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. HARVEY (Jonquière): ... sur une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu...

M. HARVEY (Jonquière): Le député de Maskinongé vient d'affirmer...

M. LE PRESIDENT: ... sur une question de privilège.

M. HARVEY (Jonquière): ... que je suis un menteur en cette Chambre. Il prétend qu'ici, les "back benchers", comme il les a appelés, dormaient en Chambre. Je me tournais et je n'en voyais pas un seul qui dormait. S'il me qualifie de menteur, il est plus menteur que moi.

M. PAUL: M. le Président, en voilà un autre qui devrait avoir le courage de se lerver et de parler sur le projet de loi...

M. HARVEY (Jonquière): Qui vous dit que je ne parlerai pas?

M. PAUL: ... nous expliquer pourquoi on n'a pas voulu accepter les recommandations de toutes les oppositions de convoquer à temps la commission parlementaire de la Ponction publique. Je vais vous laisser le temps, M. le Président, de vous arranger avec votre micro!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Messieurs, à l'ordre!

J'inviterais quand même tous les députés de cette Chambre et celui qui adressait la parole, en fonction de notre règlement, de ne pas employer des paroles qui pourraient provoquer certains députés à donner peut-être des interventions qui ne seraient pas souhaitables à ce moment-ci. J'inviterais l'honorable député à continuer de parler sur la deuxième lecture de ce projet de loi.

L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je comprends que cela vous intéresse. Je veux les réveiller. C'est un gouvernement d'endormis que nous avons. Il est temps d'agir.

M. VEZINA: Duplessis ne ferait pas mieux!

M. PAUL: Tiens, regardez donc, il a dormi pendant trois heures et il se réveille celui-là.

Je dis, M. le Président, que le gouvernement aurait dû se rendre à l'invitation que lui a faite le chef de l'Opposition, le chef du Ralliement du crédit social, le chef du Parti québécois, le chef résiduaire, celui' qui est en Chambre et convoquer la commission parlementaire pour avoir l'avantage d'entendre la version de la partie syndicale. Encore cette nuit nous avons tendu une branche de rameau au gouvernement. Il n'a pas voulu la prendre. Et ça va être beau dans la négociation mardi prochain lorsqu'ils vont se présenter devant la commission parlementaire et qu'on va prendre connaissance des déclarations et je cite le ministre des Affaires sociales, feuillet R/938, page 1 qui dit ceci: "On a refusé l'entrée des médecins, les chefs des syndicats étaient au courant de cette situation. Ils auraient pu faire preuve d'un peu plus de sens commun et de permettre que ces condi-

tions soient rétablies. Cela n'a pas été fait." Mais c'est drôle, c'est spontané ça cette situation-là. Ils ont essayé de nous endormir comme ils ont endormi les négociateurs de la partie syndicale depuis qu'on est prétendument en négociation. "Nous avons fait tous les efforts. Nous en sommes rendus au terme. Pour ma part je n'accepterai pas qu'une rencontre, qui pourrait avoir lieu cette nuit, un engagement ou une demande de la part des chefs de syndicats que les travailleurs rentrent au travail. Je ne l'accepterai pas à cause du dossier" — remarquez bien, M. le Président, ceux qui ont un dossier ordinairement, ce sont les criminels — qu'ils ont monté au cours des trois dernières semaines.

M. VEZINA: Aussi drôle que Symphorien!

M.PAUL: Pourriez-vous fermer votre boîte, vous êtes trop jeune pour vous mêler de ça, vous n'avez pas le courage de vous lever.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. PAUL: M. le Président, le ministre de la Fonction publique disait ceci: "Ils sont illogiques, je vais vous le prouver, M. le Président." Le ministre de la Fonction publique disait: "Hier il n'y avait pas possibilité d'en arriver à une entente dans un délai raisonnable ou même appréciable à une solution négociée de ce conflit.". Feuillet R/937 — page 1. Nous avons eu, mon ministre préféré, le ministre des Finances qui dit ceci: "Les négociations ne pouvant plus se poursuivre sur la base des conditions existantes, conciliations devenues réellement inefficaces et impossibles et nos offres ont été définitives." On veut faire siéger la commission parlementaire mardi, pourquoi? Je vais vous le dire, M. le Président. Parce qu'on a un gouvernement qui aime à mêler l'exécutif au législatif. C'est ça, M. le Président, on la veut cette loi-là. Peut-être que les chefs des centrales syndicales la veulent la loi, mais le gouvernement la veut également. Et il a tout fait pour nous la présenter et nous placer dans une situation telle que nous sommes et nous seront obligés de voter pour la loi. Nous avons raison et nous sommes obligés de condamner la façon — j'allais dire hypocrite, je n'ai pas le droit de le dire — pour le moins curieuse...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sournoise.

M. PAUL: ... sournoise — amenez-en des qualificatifs mon cher collègue — inique avec la quelle le gouvernement a procédé pour présenter cette législation. Depuis deux ans nous voyons un gouvernement qui procède par décret. Nous avons un gouvernement qui s'immisce constamment dans le législatif et dans le judiciaire et le pouvoir législatif voit son autorité s'effriter d'année en année au bénéfice du pouvoir exécutif. En effet, rares sont maintenant les loi adoptées sans que l'Assemblée nationale ne délègue à l'exécutif le pouvoir d'adopter des règlements qui viennent parfaire les dispositions des lois elles-mêmes. Or, ces pouvoirs de réglementation prennent chaque année une importance accrue. Le pouvoir législatif ne semble pas réaliser que ce ne sont plus les pouvoirs de réglementation qu'il délègue à l'exécutif mais bien des pouvoirs législatifs véritables qui permettent au lieutenant-gouverneur en conseil de modifier même les lois existantes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La loi 23.

M.PAUL: La loi 23, à l'article 5. On reviendra. On ne peut pas en parler, mais je glisse en passant. Je ne fais pas de chute, par exemple! ...

M. PINARD: Papa préparé, prépare toi!

M. PAUL: Si l'on veut un exemple de pareille affirmation, on n'a qu'à examiner les pouvoirs délégués par l'Assemblée nationale au cabinet des ministres, par l'article 129 du bill 65, et je continue. Savez-vous qui a dit cela, M. le Président? C'est un de nos confrères, estimé, respecté de tous, le bâtonnier Yvon Jasmin, qui a déclaré cela en présence du ministre de la Justice et apparemment, il n'a pas aimé cela.

M. VEZINA: Vous direz à Jasmin que c'est un trou de cul, quant à moi!

M. PAUL: Vous n'étiez seulement pas là, fermez-vous donc la boite, vous!

M. le Président, vous n'intervenez pas, en vertu de l'article 40, vous le laissez faire, le député de Montmorency, parler de son siège et beugler.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre. Je n'ai pas encore la préscience et je ne pouvais pas deviner que l'honorable député de Montmorency...

M. PAUL: Vous ne l'avez pas vu? Je continue.

Voici, M. le Président, pourquoi nous sommes forcés de voter pour la loi, malgré toutes les astuces qui l'entourent dans sa présentation, parce que nous sommes pour le droit de l'éducation à l'enfant. Nous sommes pour le droit aux malades de se faire soigner et nous sommes également contre l'esclavage que certains chefs syndicaux exercent actuellement contre les syndiqués, soit du service public ou des services parapublics.

Nous allons voter contre! C'est impossible, c'est impossible! Nous allons être obligés de voter pour. C'est la seule issue pour permettre aux enfants de retourner à l'école lundi matin; pour permettre aux malades d'être soignés dès

demain matin dans les hôpitaux. Il y a une personne que certains reconnaissent comme une autorité qui s'est prononcée sur le sujet. Sauf pour les éternelles Cassandre de l'antisyndicalisme, ce qui rend la décision particulièrement délicate, c'est que la grève est légale et que la loi d'exception équivaudrait, par conséquent, à l'abrogation effective d'un droit reconnu. Pourtant, si cela ne débloque pas à la suite de ces fragiles contacts des deux derniers jours, il est sûr qu'il faudra bientôt en arriver là. Dixit, le vieux, vieux chef du Parti québécois, édition récente du Journal de Québec du mercredi 19...

M. HARVEY (Jonquière): Quel âge a-t-il?

M. PAUL: C'est le plus vieux chef politique du Québec!

M. VEILLEUX: II n'est pas jeune!

M. LAFRANCE: En tout cas, il n'a plus de cheveux!

M. PAUL: Alors, je dis, M. le Président, que c'est une personne que certains considèrent en autorité. Le mercredi 19 avril 1972, dans une chronique d'un journal dont le représentant Raspoutine n'est pas ici. Je dis que nous allons être obligés de voter pour la loi avec regret, parce que nous avons à coeur de retourner les enfants à l'école, mais nous invitons le gouvernement, dès maintenant, à prendre ses responsabilités et à prévenir d'autres incendies. C'est dommage que les incendies ne relèvent pas de mon bon ami, le ministre des Transports, parce qu'à l'unanimité, nous de l'Opposition, nous le nommerions pompier honoraire de l'Assemblée nationale! ...

UNE VOIX". Vous pouvez le nommer quand même!

M. PAUL: Je dis, M. le Président, que nous devons inviter le gouvernement à bouger un peu.

M. PINARD: Ne m'invitez pas à vous arroser!

M. PAUL: Le ministre du Travail, pour qui nous avons beaucoup d'estime, j'espère qu'il va être capable de vendre ses excellents amendements proposés ou projetés au code du Travail, afin que nous ne soyons pas dans l'obligation de vivre d'autres lois d'urgence.

C'est la marque de commerce de l'ancien gouvernement, la sixième loi depuis le 12 juin 1969. Certains nous ont reproché d'en avoir adopté trois lois d'urgence. Je vais le répéter parce qu'il y en a un grand nombre qui dormait.

M. VEZINA: Elles étaient toutes urgentes. M. PAUL: Oui, elles étaient toutes urgentes.

M. VEZINA: Parce que vous étiez un an en retard tout le temps.

M. PAUL: Mais excepté que lorsqu'on était au pouvoir, on a réglé le problème...

M. VEZINA: Vous étiez un an en retard tout le temps...

M. PAUL: ... des négociations sans adopter des lois.

M. VEZINA: ... dans tous les domaines puis même il a été un temps où votre parti était vingt ans en retard.

M. PAUL: Pourriez-vous vous asseoir? M. le Président, faites-le donc asseoir celui-là, ce jeune blanc-bec.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je rappelle l'honorable député de Montmorency à l'ordre.

M. PAUL: ... et que ceux qui ont hésité à défendre vont se présenter, ils vont soutenir les principes que nous pouvons retrouver dans cette loi 19. Je regrette, Dieu merci, pour ceux qui ne partagent pas mes idées, ils sont contents que ça achève. Moi, M. le Président, je regrette, ça ne fait que commencer et ce n'est pas de cette façon, en imposant une législation de la manière que le gouvernement nous l'a présentée, que nous allons entretenir un climat de bonnes relations dans les services public et parapublic. Et je voterai moralement contre les méthodes du gouvernement et c'est avec regret que je serai dans l'obligation, pour sauvegarder le droit d'éducation, le droit des malades et pour la paix et la justice sociale, je serai moralement et je voterai pour le projet de loi, avec cependant beaucoup de regrets.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, mon collègue de Saint-Jacques, tout à l'heure, a tenté d'analyser un certain nombre de clichés qui étaient énumérés bien souvent, par des députés de cette Chambre et qui concernaient les enseignants. Il y a, M. le Président, aussi un certain nombre de clichés que nous entendons, concernant les chefs syndicaux depuis le début de cette discussions, qui m'apparaissent tout simplement relevés du XIXe siècle du moins du début du XXe siècle.

Quand on parle de hors-la-loi au sujet des chefs syndicaux, quand on parle de l'esclavage des syndiqués vis-à-vis des chefs syndicaux, quand on parle, M. le Président, que trois chefs syndicaux peuvent réussir à conserver 210,000 en grève, ça m'apparaît être ces ressurgeances de l'élite traditionnelle du XIXe siècle qui apparaît

toujours ou qui veut toujours tenter la population, de sauver ce pauvre peuple de non-instruits, qu'il dédaigne par ses affirmations parce que ces gens-là n'auraient même pas la conscience, n'auraient même pas les capacités intellectuelles de pouvoir distinguer entre, simplement des hors-la-loi et des gens qu'ils élisent à des postes qu'ils ont choisis eux-mêmes.

Quand je compare la démocratie qui existe dans les syndicats, je constate malheureusement que cette démocratie-là, bien souvent, existe beaucoup plus, est beaucoup plus réelle que la démocratie que nous pouvons vivre, nous ici, à l'Assemblée nationale. Pour avoir vécu moi-même à l'intérieur d'un syndicat pendant dix ans, je peux affirmer quelles nombreuses consultations les chefs syndicaux font avant de prendre des décisions.

Je peux affirmer que contrairement à certains partis politiques, que ces chefs syndicaux sont élus bien démocratiquement par des délégués qui sont eux-mêmes des délégués régionaux, qui sont eux-mêmes élus au niveau régional par des syndiqués dont les... ça c'est la bêtise.

M. BRISSON: Nommez-les!

M. LESSARD: ... des gens qui ne comprennent rien, ces gens-là, M. le Président, je pense bien que mon ancien collègue, le syndicaliste de Saint-Jean pourrait aussi lui-même aussi comme ancien chef syndical l'affirmer. Ou bien s'il n'est pas capable de l'affirmer, cela veut dire que lui aussi a été un chef syndical qui a soumis à l'esclavage ses syndiqués.

M. VEILLEUX: Je suis ici, j'écoute.

M. LESSARD: M. le Président, je n'ai jamais eu peur de dire en face ce que je pensais du député de Saint-Jean qui est tout simplement en train de renier les principes qu'il a prônés pendant de nombreuses années comme chef syndical dans sa région.

M. LAFRANCE: Parce qu'il est revenu à la raison.

M. LESSARD: J'attends, M. le Président, que vous demandiez l'ordre.

M. le Président, je pense bien que la démocratie syndicale se compare avantageusement à la démocratie qui existe dans la nomination de certains députés et aussi avec la démocratie qu'utilisent ou que font certains députés qui ne prennent même pas la peine annuellement d'aller rencontrer leurs électeurs et qui se présentent devant la population, devant leur population seulement à tous les quatre ans. M. le Président, une chance que les gens des Iles-de-la-Madeleine ne voient pas comment se comporte le député de cette région, parce que je pense qu'ils ne l'éliraient pas à nouveau après les élections. Heureusement il est loin de ses électeurs...

M. LACROIX: Je n'ai pas honte de me comparer au fou de Saguenay.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Heureusement il est loin de ses électeurs et il les rencontre peu souvent...

M. LACROIX: Plus souvent que vous. M. LE PRESIDENT: Le projet de loi 19.

M. LESSARD: Oui, M. le Président. Alors, il existe un certain nombre de clichés comme ceux-là, comme le député de Saint-Jacques en a dénoncé un certain nombre tout à l'heure vis-à-vis les enseignants. Jamais je ne croirai que dans la situation du Québec d'aujourd'hui, que dans les fonctionnaires du gouvernement, que dans les enseignants, que dans les travailleurs au niveau des hôpitaux, jamais je ne croirai que ces gens sont tellement incompétants, que ces gens sont tellement peu instruits, que ces gens sont tellement insoucients qu'ils peuvent vivre continuellement sous l'esclavage des décisions prises unilatéralement par des chefs syndicaux.

Je pense que c'est mépriser la population québécoise, c'est mépriser les syndiqués du Québec que d'affirmer de telles choses. On l'affirmait lors du bill 38 au moment où on avait à discuter du problème de la construction. Justement, M. le Président, si nous nous battons avec autant d'acharnement contre ce nouveau projet de loi d'exception, c'est parce que ce n'est pas le premier. C'est parce que ce gouvernement libéral qui est au pouvoir depuis seulement deux ans nous a déjà soumis quatre lois d'exception... — six, de toute façon moi je pense au bill 38, loi des médecins, bill 15, bill 9, cette fois — c'est la quatrième fois qu'on nous présente une loi d'exception et on est en train, depuis deux ans, de perturber le climat social du Québec par ces lois d'exception. On est en train, M. le Président, de briser toutes les lois qui existaient et qui ont été acceptées librement et unanimement par tous les députés de cette Chambre.

Il est juste qu'on puisse exiger, de la part des syndiqués, qu'ils se soumettent à la loi mais il est aussi juste qu'on demande au moins aussi à ceux qui font des lois de respecter les lois qu'ils ont eux-mêmes faites librement. Encore une fois, si on se bat avec acharnement contre cette loi c'est parce que nous ne croyons pas que cette loi puisse régler les véritables problèmes.

Nous ne croyons pas que cette loi puisse amener, enfin après un certain nombre d'années, dans le climat des relations humaines, des relations de travail, la paix sociale qui est nécessaire dans l'éducation, dans l'enseignement, en particulier, qui est nécessaire au niveau des hôpitaux, qui est nécessaire dans la fonction publique. Je pense que cette loi va apporter bien plus de conséquences néfastes qu'elle va apporter d'avantages. Il faut quand même, avant de présenter une loi d'exception,

qu'il existe une situation sociale extrêmement perturbée.

Je voudrais ici faire une distinction qui m'apparait assez fondamentale. Une loi spéciale est exigée lorsque la situation est à un point tel que c'est la seule solution pour la corriger.

M. BOURASSA: Quelqu'un l'a dit avant vous.

M. LESSARD: Ma distinction va venir, M. le premier ministre. Nous avons tenté, depuis mardi dernier, de savoir quelle était la situation sociale dans les hôpitaux, quelle était la situation sociale dans les écoles et dans la fonction publique. Toutes les fois que nous avons soulevé des questions, on nous a répondu que la situation n'était pas alarmante. Le premier ministre lui-même, dans sa déclaration au peuple du Québec, disait ceci. Il analysait, en fait, les différents secteurs...

M. BOURASSA: Jusqu'à présent.

M. HARVEY (Chauveau): Sur un point de règlement, M. le Président. Je voudrais savoir si l'honorable député de Saguenay n'aurait pas dépassé le temps permis pour faire son exposé. M. le Président, je vous pose la question.

M. LESSARD: J'ai l'impression, M. le Président, qu'étant donné sa situation...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois rappeler à l'honorable député de Chauveau qu'il arrive parfois que la réalité ne corresponde pas aux impressions. L'honorable député de Saguenay.

M. HARVEY (Chauveau): En effet puisqu'on dirait que cela fait plus de deux heures qu'il nous adresse la parole.

M. LESSARD: M. le Président, il arrive aussi que certains députés, de par leur situation, ne sont pas capables au moins avant de se lever pour affirmer que mon temps est écoulé n'ont. même pas la précaution de regarder l'horloge et c'est probablement à cause que ces gens-là sont endormis comme d'habitude.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, c'est l'interlocuteur qui nous endort.

M. LESSARD: M. le Président, qu'il s'assoie.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: C'est le premier ministre qui disait ceci: Dans le cas de la fonction publique et des enseignants, il est certain que cela cause beaucoup d'inconvénients mais on ne peut pas dire que jusqu'à présent il y a un danger grave pour la sécurité et la santé publiques. C'est véritablement le législateur qui parle. Le secteur le plus délicat et le plus difficile est incontestablement celui des hôpitaux. C'est pourquoi nous avons déjà pris des actions très précises dans ce secteur.

Donc, il n'y a pas de situation alarmiste en ce qui concerne les secteurs de l'éducation, les secteurs de la fonction publique. Dans les hôpitaux, il a fallu qu'on prenne des injonctions pour permettre que la situation se normalise. Le ministre de la Santé nous disait lui-même mardi que cette situation était devenue normale. Pourquoi le ministre de la Santé, qui nous disait que ces situations étaient les premières situations difficiles qui s'étaient soulevées et que ces situations s'étaient maintenant stabilisées.

Pourquoi le ministre de la Santé nous affir-me-t-il maintenant la nécessité d'une loi d'urgence? Parce que, dit-il, il lui apparaît que les négociations sont devenues impossibles. C'est là, M. le Président, que le législateur qui est d'abord responsable de la sécurité publique, qui est d'abord responsable d'amener les syndiqués, les syndicats à donner des services d'urgence. M. le Président, lorsque le législateur devient négociateur, à ce moment-là, il ne voit que le chapeau du patron puis il impose une loi telle que ça existe actuellement, telle qu'on nous la propose actuellement. Je crois, M. le Président, que cette situation est extrêmement dangereuse, parce que continuellement, depuis deux ans, ce gouvernement-là n'a jamais été capable de régler des problèmes selon les lois qui existent. Ce gouvernement a toujours été dans l'obligation de ne pas respecter les lois qu'il avait lui-même acceptées ou que les gouvernements précédents avaient acceptées et il a dû imposer des lois spéciales en perturbant le climat social et le climat des relations humaines.

Le plus odieux qu'on puisse voir dans cette loi, c'est qu'on n'a même pas pris la précaution... A l'ordre, M. le Président. Les balayeurs là... On va soulever une injonction.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je tiens à avertir l'honorable député de Saguenay que je n'ai pas juridiction.

M. LESSARD: M. le Président, c'est qu'on n'a même pas pris la précaution, contrairement à d'autres voies précédentes, de reconnaître au moins les ententes qui avaient été acceptées, les paragraphes qui avaient été acceptés, les conditions de travail qui avaient été acceptées de part et d'autre, tant par les syndiqués que par le gouvernement. On n'a même pas pris cette précaution qui m'apparait essentielle, normale tel qu'on l'a fait lorsqu'on a accepté le bill 38. On n'a même pas pris la précaution de reconnaître au moins avant d'exiger que ces gens rentrent au travail, de reconnaître au moins, une augmentation de salaire moyenne. On dit, M. le Président, à ces gens-là: Rentrez maintenant à genoux, c'est fini, vous rentrez mainte-

nant à genoux. Vous on vous suspend l'arme que vous avez, le droit de grève on vous l'enlève exactement comme on l'a fait pour le bill 25. Mais, on dit, M. le Président, on va former une commission parlementaire, mais par contre, le ministre de l'Education nous a dit que c'était l'offre ultime. Qu'est-ce donc qu'on va avoir à offrir à la table de cette commission parlementaire? Qu'est-ce donc qu'on va pouvoir avoir à négocier? Absolument rien. La commission parlementaire n'est qu'un paravant et c'est dans ce sens-là, contrairement à ce qu'affirmait le député de Saint-Jean, c'est dans ce sens-là que M. Conrad Charbonneau, chef de la CEQ, est intervenu ce soir ou hier soir à la...

M. VEILLEUX: Pas Conrad, Yvon!

M. LESSARD: ... le président de la CEQ disait que la commission parlementaire, après une loi spéciale, ne valait absolument rien et c'est exactement...

M. LACROIX: Qu'est-ce qu'il connaît là-dedans, lui?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Vous en connaissez beaucoup vous, mais d'une vue étroite et insignifiante des problèmes sociaux du Québec.

M.,LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LACROIX: Vous vous regardez dans un miroir, triste petit individu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, ça revient tout simplement à dire ceci: Qu'on reconnaît le droit de grève, un droit de grève fictif, un droit de grève formel, mais un droit de grève par exemple qu'on ne pourra tout simplement plus utiliser, parce que le gouvernement n'a maintenant comme négociateur et à la fois comme législateur, tout simplement qu'à retarder les négociations, qu'à bloquer les négociations.

Immédiatement, le gouvernement se présente devant nous, sans le justifier comme on l'a fait. Il nous dit: Voici, il faut absolument présenter une loi spéciale. Le gouvernement sait ce qu'il veut. Le gouvernement s'est justement soumis encore une fois à l'aile réactionnaire du Parti libéral qui veut tout simplement faire disparaître le droit de grève dans la Fonction publique.

C'est exactement ce qu'on veut et c'est probablement ce que le gouvernement atteindra s'il n'arrive pas à créer une situation sociale telle que le bordel, comme a dit le député de Maisonneuve, se développera dans les relations de travail et il sera impossible de créer un véritable climat qui serait normal, avec des gens avec lesquels il va falloir travailler.

Au moins, si on avait pris la précaution de conserver les moyens normaux, les moyens de discussion qui sont prévus dans nos règlements. On a tout suspendu. On veut passer cette loi en utilisant le rouleau compresseur, en utilisant la fatigue des députés. Cette loi est exactement à l'image et à la ressemblance de ce gouvernement. Un gouvernement impuissant, un gouvernement incapable, un gouvernement inefficace, un gouvernement qui ne peut planifier, un gouvernement qui ne peut prévoir les problèmes sociaux du Québec et qui utilise toujours des lois matraques pour essayer d'écraser les travailleurs, d'écraser la population québécoise. Tout simplement parce qu'il réussit à créer autour d'un climat qui, au début nous apparaît comme étant normal, un climat tellement hystérique et comme le disait le député de Saint-Jacques, ce qui apparaît normal à une époque donnée, le droit de grève apparaît anormal. Les gens sont prêts, comme on l'a fait lors de la crise d'octobre en 1970, à accepter n'importe quelle mesure dangereuse pour la démocratie, parce qu'on a développé une peur hystérique, basée sur les instincts de la population et non pas basée simplement sur la raison de la population. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Lavoie): L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Jean Cournoyer

M. COURNOYER: M. le Président, avec un tel accueil de la part de la Chambre, c'est un peu gênant. Le ministre du Travail, dans ce conflit... Voici, je vais boutonner mon veston. J'ai l'air d'un pompier comme ça. On me dit que je mets mon habit de pompier de temps à autre. Cela m'arrive aussi de mettre mon habit de pompier. Seulement, aujourd'hui, j'ai l'impression que j'ai participé avec un certain degré d'enthousiasme à ce genre de débat qui porte sur une situation conflictuelle que je ne voudrais pas qualifier de tragique, puisqu'elle l'a été suffisamment qualifiée ce soir.

Je dis ce soir, mais pourtant nous sommes bien à 7 h 20 du matin. Il y a certaines choses que le ministre du Travail se doit de dire ou de mentionner à la Chambre. D'abord, on a mentionné tantôt le fait que le ministre du Travail n'était pas intervenu. Pour être bien clair dans cette situation, je pense que ces accusations ou ces mentions ont besoin du mérite qu'on précise le sens de la non intervention du ministre du Travail dans ce conflit jusqu'ici, du moins publiquement.

Lors de la dernière ronde de négociation, celle qui a précédé celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, il y a eu plusieurs conflits qui n'ont pas tous dégénéré dans une situation de grève, comme celle que nous vivons, mais certains d'entre eux ont dégénéré dans des situations de grève.

Il y a eu la Régie des alcools qui a vécu une

grève de six mois lors de la dernière ronde de négociation. Pendant ces rondes de négociation, il y a eu bien sûr l'intervention normale du ministère du Travail par ses conciliateurs. Et il est arrivé que le simple fait pour le ministre du Travail et son personnel de participer au Conseil exécutif de la province de Québec, que ce simple fait ait été interprété par les gens d'en face comme étant une impossibilité de jouer le rôle conciliateur qui est habituellement dévolu au ministère du Travail.

Dans des cas où le gouvernement est impliqué et il l'est impliqué d'une façon formelle, le bill 46 a placé le gouvernement nettement à la table des négociations des hôpitaux alors qu'il l'était très informellement lors du dernier voyage. Dans le cas où le gouvernement est impliqué, le ministre du Travail fait partie du gouvernement, il fait partie de l'exécutif de la province et en ce sens, étant solidaire des décisions du Conseil exécutif, il lui apparaît comme impossible de jouer son rôle ailleurs qu'au Conseil exécutif.

Comme par voie de conséquence, les fonctionnaires du ministère du Travail répondent habituellement au ministre et que possiblement on puisse interpréter des instructions ou puisse penser qu'il y a des instructions qui viennent du ministre pour que le conciliateur joue différemment son rôle dans ces cas-là qu'il le joue dans des cas où le gouvernement du Québec n'est pas impliqué, il nous est apparu comme extrêmement important, vu le rôle que le ministère du Travail doit continuer de jouer dans les autres secteurs où le gouvernement n'est pas impliqué, de ne pas compromettre ce rôle du ministère du Travail dans les domaines où ça va bien en faisant jeter des doutes sur l'intégrité, sur la méthode suivie par les conciliateurs du ministère du Travail.

Je pense que bien qu'ayant été accusé de ne pas suivre la loi ou le code du travail, j'ai pu très certainement jouer, non pas des jeux de fou, mais prendre des précautions qu'il est inutile de mentionner à la Chambre. Les précautions que j'avais prises, c'était d'abord de m'assurer que les fonctionnaires de mon ministère, vu l'expérience qu'ils avaient vécue lors des derniers conflits, étaient satisfaits de ne pouvoir jouer dans ces conflits le rôle qu'ils jouent habituellement dans les conflits du secteur privé. Satisfaits de ceci, on pouvait nommer un conciliateur, ce qui a été fait. Il est au dossier. Mais aucune des parties, que je sache, n'a insisté vu qu'elles ont compris que le ministère du Travail ne pouvait pas jouer le même rôle dans ces cas qu'il joue ailleurs dans l'entreprise privée. Aucune des parties n'a insisté pour que nous intervenions davantage que dans le genre d'intervention que nous avons faite.

Il est donc clair que je devais mentionner ce fait à la Chambre. Il est clair aussi qu'ayant participé à deux gouvernements, je suis un de ceux qui a cette chance, j'ai vécu d'autres expériences dans l'autre gouvernement et j'ai...

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?

UNE VOIX: Non.

M. COURNOYER: Oui, je permets la question.

M. BURNS: Bien, je vais poser la question au ministre, non pas au pas-intelligent qui a dit non là-bas.

Je comprends très bien les arguments que vous venez de donner relativement à la nomination d'un conciliateur.

Mais est-ce que votre ministère a considéré la possibilité de nommer ce qu'on appelle un super médiateur ou conciliateur venant de l'extérieur de la fonction publique?

M. COURNOYER: Disons que cette requête nous a été faite dans un cas particulier, dans le secteur hospitalier, par l'Association des hôpitaux du Québec et par, bien sûr, les syndicats représentant les employés d'hôpitaux du Québec, une requête pour faire nommer quelqu'un par le ministre du Travail.

Seulement j'ai vécu — j'allais le dire — dans d'autres temps, une autre époque de négociations, dans des fonctions qui étaient quand même un peu différentes de celles que j'ai aujourd'hui comme ministre du Travail. Je fus, un jour, ministre de la Fonction publique et ministre du Travail en même temps. Je fus en même temps négociateur du gouvernement dans le cas des négociations avec les enseignants de l'élémentaire et du secondaire. Nous avons eu là des expériences où nous avons fait l'éventail possible et impossible de la médiation spéciale. Nous avons retenu les services de M. le juge Lippé, vous vous en souvenez. M. Jean-Charles Simard, M. le juge, est venu passer un bon soixante jours avec nous et en plus, nous avons eu, bien sûr, le juge Bousquet qui avait été nommé conciliateur extraordinaire, suite aux mauvaises expériences publiques, pas nécessairement parce que nos conciliateurs ne pouvaient pas ou ne tentaient pas de jouer un certain rôle mais mauvaises expériences publiques de mon ministère dans le cas de la Régie des alcools en particulier.

Nous avons fait ces expériences, déjà, à tous les niveaux. Même le négociateur ou le conciliateur le plus extraordinaire fait face à des difficultés d'un ordre tel qu'il a à réapprendre des dossiers et au lieu d'aider réellement les parties, comme il le fait habituellement, lorsque les problèmes sont très petits, il nuit habituellement au bon déroulement ou au déroulement plus rapide des négociations.

Vous allez me dire que j'ai porté un jugement de valeur mais il m'aurait été facile, en nommant un médiateur extraordinaire, de lui donner un mandat de ne faire autre chose que de s'asseoir et de présider des assemblées. Mais il ne m'aurait pas été facile, compte tenu des

expériences du passé, de trouver ce médiateur extraordinaire dont on parle.

Il faut se souvenir qu'on en a brûlé quelques-uns, des médiateurs extraordinaires, dans ces secteurs publics. On en a brûlé à la CECM, on en a brûlé aussi à la CTCUM, on en a brûlé au gouvernement et je doute que ceux que nous connaissons, vous et moi, aient accepté de prendre des mandats aussi importants et imposants qui mettent de côté de leurs préoccupations habituelles.

Vous allez me dire que c'est une excuse après coup. Non, cela a été pensé, M. le Président. C'est dans ce contexte que je dis: Nous aurions pu jouer notre rôle différemment. Mais je suis partie du gouvernement. J'ai pensé, et je pense que si jamais il vous arrive à tous, de l'autre côté de la Chambre, d'être partie du gouvernement, ce qui peut vous arriver...

UNE VOIX: Cela ne sera pas long!

M. COURNOYER: Moi, cela a été long et pas long. Je suis encore là et j'ai été débarqué une fois. Mais ayant été partie du gouvernement, il est impensable que le ministre du Travail soit possiblement interprété comme étant en désaccord avec le gouvernement duquel il fait partie, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement. Lorsqu'une décision sort du conseil exécutif, vous pouvez être assurés que ce n'est pas le ministre du Travail qui va la contester publiquement. C'est à l'intérieur du cabinet que tous les ministres font leur travail. Le ministre de la Fonction publique fait son travail, tout le monde fait son travail à l'intérieur du cabinet, pour en arriver à ce genre de décision, aujourd'hui.

Ce genre de décision, vous pouvez bien comprendre qu'il répugne particulièrement au ministre du Travail mais il répugne également aux autres de mes collègues, qui ont été obligés de prendre ce genre d'attitude. Encore une fois, je pense que je saisis l'argument du député de Saguenay, nous sommes placés dans des situations d'administrer par des législations spéciales. Cela n'est pas gai.

Seulement il vaut mieux administrer parfois par des lois spéciales tout en tentant l'impossible pour que les lois générales s'appliquent d'une façon décente. Sachez bien que c'est la première fois — et souvenons-nous en — que le Québec vit un conflit aussi majeur, tellement important, pas dramatisé, mais impliquant tellement de monde et tellement de ressources que même ceux qui démocratiquement ou autrement — je ne questionne pas la façon dont on a pu commander la grève — ont pu penser qu'il leur a échappé des mains présentement.

Il y a 210,000 personnes, plus les 45,000, etc., qui ne gagnent pas leur vie aujourd'hui. En plus des autres effets sur l'économie du Québec, en plus des effets on peut peut-être ne pas vouloir dramatiser, mais quand les hôpitaux sont habituellement remplis à craquer, qu'on est obligé de les tenir pendant deux semaines à 200 lits quand on en a 400, il y a quelque chose qui ne va pas dans la santé du peuple, ou bien on est moins malade maintenant ce qui me surprendrait énormément ou bien il y a quelque chose qui ne va pas dans la santé du peuple. Et je ne dramatise rien, je pense que c'est une situation que vous pouvez avoir constatée vous-même.

Cela n'est pas pensable qu'on ait des hôpitaux, qu'on les ait construits aussi gros, qu'on les garde fermés et qu'on pense que ça va bien dans la santé du peuple. Ce n'est pas pensable non plus que dans le domaine de l'enseignement on puisse songer un instant que quelle que soit la raison de la perte de la dispensation de l'enseignement que ça cause un certain traumatisme chez les enfants.

Que ce soit une journée ou deux jours de grève, ou à cause de la tempête de neige, ou à cause de conflagration quelconque, de toute façon les années scolaires sont construites d'une telle manière qu'elles comportent un certain nombre de jours d'enseignement en fonction d'un certain programme qui doit être réalisé si on veut que quelqu'un sorte des écoles un jour.

Effectivement, c'est comme ça que ça marche et je pense que, sans vouloir dramatiser la situation, il faut penser à un moment donné que peut-être il y a d'autres solutions que celles-là. Peut-être qu'il y en a d'autres, peut-être que nous pourrions retarder davantage en discutant encore avec les dirigeants syndicaux de la possibilité de rouvrir, mais ça n'est pas ça

Le problème qui a été discuté entre les quatre ministres et ils l'ont dit, ça n'a pas été la réouverture des écoles, ça n'a pas été la réouverture des hôpitaux, la réouverture des services gouvernementaux, ç'a été strictement la constatation, une constatation pour voir si effectivement on pouvait espérer que la négociation à ce moment-ci et pendant la grève, pouvait se faire suffisamment rapidement pour éviter qu'aujourd'hui ou lundi le gouvernement soit obligé de prendre des mesures de cet ordre.

La constatation des ministres, bien sûr, c'est une constatation qui a été faite honnêtement, plus honnêtement que ça moi je ne peux pas questionner les ministres qui ont été là, ni mettre en doute leur parole. Tout ce que je sais, c'est que si on recommence à discuter du rapport maftre-élèves pendant une nuit, c'est de ça qu'on discuterait encore aujourd'hui vendredi, samedi et dimanche, lundi, mardi et mercredi.

Je me souviens qu'on en a discuté pendant treize séances de la commission parlementaire avec M. Laliberté et qu'à la fin du compte on ne s'est pas entendu. Mais il y a eu treize séances de commission parlementaire, on a pu quand même discuter du rapport maître-élèves et les enseignants n'étaient toujours pas en grève à l'époque. Mais on en discutait à la commission parlementaire.

Aujourd'hui les enseignants sont en grève, les employés des hôpitaux sont en grève. On doit

tenter l'impossible pour négocier. Bien sûr le texte de la loi actuellement peut nécessiter des amendements qui pourraient tendre à satisfaire davantage les préoccupations normales des députés. Je pense que la principale préoccupation de tout le monde ici c'est que les injonctions n'ayant pas été respectées — ça c'est clair — que la loi soit au moins respectée. Il faut la rendre plus respectable, si elle n'est pas respectable dans l'opinion de la population. Cela, ça ne me fait rien.

Je suis prêt à rendre ma loi plus respectable. Ce n'est pas ma loi, c'est la loi du gouvernement. Mais n'importe quelle de nos lois nous sommes obligés de les rendre plus respectables. Mais faisons-les de telle manière, à mon sens, qu'on la complète.

Je n'ouvre pas la porte à la négociation, je dis: Elle est conçue, cette loi, pour permettre une période de négociation au bout de laquelle il faut bien arriver, comme le disait le député de Nicolet tantôt, avec quelque chose qui règle quelque chose. Mais la responsabilité gouvernementale, je n'ai pas politisé ce conflit, il est essentiellement politique. Peut-être pas avec des idéologies, comme le disait le député de Maskinongé, peut-être pas des idéologies différentes. Mais il est foncièrement politique puisqu'il implique la discussion de 40 p.c. du budget de la province, et qu'il implique en même temps tous les services que le gouvernement donne à sa population, et qu'il doit assurer ces services d'une manière ou d'une autre.

La décision, si elle doit être politique, je pense qu'il n'est pas à discuter du fond, mais le "terminus" à de quoi. Là où comment ça se finit est strictement une décision politique avec laquelle le gouvernement actuel tombera ou restera debout aux prochaines élections. C'est la responsabilité du gouvernement de mettre un terme, à un moment donné, à des discussions qui, de toute façon, sont elles-mêmes, par leur longueur et leur assiduité, susceptibles de détériorer davantage le climat social au Québec.

Quand une personne ou des groupes de personnes n'ont pas de modifications à leur convention collective depuis douze, treize ou quatorze mois, et qu'ils attendent encore leur rétroactif, souvenons-nous que s'il y a 4.8 p.c. d'offert, c'est parce qu'il y a eu 2.8 p.c. selon l'évaluation du gouvernement, qui sont causés par l'augmentation du coût de la vie. Il a été augmenté l'année passée, il doit y avoir quelqu'un en dessous pour l'année passée au moins.

Effectivement, si on prolonge davantage les débats, M. le Président, pas ici, je parle des débats en négociation, on doit mettre des termes à ceci. Cela me répugne, comme ministre du Travail, d'être obligé de faire ça. Cela me répugne de participer à une prise de décision comme celle-là. Mais normalement le gouvernement, s'il doit prendre des responsabilités qui sont d'ordre politique, il ne faut quand même pas négliger l'obligation que le Parlement a, à mon sens, de lui donner l'obligation de prendre des responsabilités d'ordre politique.

Et quand il s'agit du budget de $40 millions, il n'y a pas de changement draconien, remarquez, quant aux pouvoirs du gouvernement. Ordinairement, il aurait pu négocier sans vous en parler, les 40 p.c. du budget, avec le syndicat de la Fonction publique. La seule méthode, c'est qu'un terme doit être mis à un moment donné, je n'aime pas ça, mais si le conflit a assez duré, à un moment donné, tout le monde va être heureux qu'on arrête d'en discuter, parce qu'autrement, ce n'est pas drôle pour la société, et ça m'énerve personnellement de voir que possiblement demain ou aujourd'hui, les chefs syndicaux pourraient dire ce qu'on a répété et qu'on peut lire dans les journaux, qu'on ne respectera pas une loi de cet ordre.

Je veux que ce soit calme. Je pense que le débat a été plus ou moins serein depuis le début. Il a été serein, je dois le constater. H doit rester serein par l'Assemblée nationale si nous ne voulons pas qu'il se transforme dans l'avenir. Il doit aussi comporter, comme ordre de responsabilité, que nous ne devons pas et je pense qu'en ceci je rejoins certaines des idées qui ont été énoncées tantôt, nous ne devons pas blâmer seulement les dirigeants syndicaux.

D y a des structures syndicales, prenez-en ma parole et peut-être que ces structures syndicales ont été la cause du fait qu'on n'a pas réglé le problème encore aujourd'hui. Je n'excuse pas ceux qui ont pris des attitudes contre les injonctions. Je ne les excuserai jamais. Ils ont une responsabilité, ils auraient dû suivre les injonctions. On peut cependant espérer que, compte tenu de ce besoin généralement exprimé par à peu près tout le monde, sauf sur les moyens, compte tenu de ce besoin de services de la population, les dirigeants syndicaux, s'ils ne peuvent pas s'exclamer et dire qu'ils sont bien heureux avec la nouvelle loi, diront : On va essayer d'en faire l'expérience jusqu'à sa date limite et peut-être qu'on n'aura pas besoin du droit de grève.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, suite au dépôt de ce projet de loi assurant la reprise des services dans le secteur public, je ne puis faire autre, moi aussi, qu'apporter mon son de cloche. Les Québécois vivent depuis un certain temps sous une tension d'insécurité collective. Avec les années l'autorité a accepté la prostitution intellectuelle de façon continue. Que fait-on du respect des droits des individus et de leur liberté au Québec depuis un bout de temps? Lorsque l'on constate, dans la situation actuelle, que 90 p.c. des syndiqués désirent retourner au travail...

M. LESSARD: Est-ce que je pourrais poser une question?

M. BELAND: Allez, M. le député.

M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez me dire à quelle place vous avez pris vos statistiques que 90 p.c. des gens sont actuellement en grève veulent retourner au travail?

M. BELAND: Vous verrez au fur et à mesure de mon exposé, M. le député.

M. BACON: II est cachotier. M. LESSARD: C'est le suspense.

M. BELAND: Quant à ce qui concerne notre parti, nous sommes en faveur il va s'en dire...

UNE VOIX: Symphorien.

M. BELAND: ... de l'institution d'un tribunal du travail, car c'est nécessaire pour discuter de ces problèmes cruciaux. A l'intérieur du gouvernement actuel et là je pose tout simplement une question — est-ce que l'on trouve le type parfait d'hommes aux mains vides où s'il y en a eu dans le passé qui ont eu également des genres de boîtes de tôle entre deux oreilles qui étaient également vides? M. le Président, le gouvernement donne l'idée du mépris de l'autorité en refusant de l'être cette autorité tant désirée et, conséquemment, ne peut que refuser d'analyser les causes des problèmes de base qu'il y aurait à corriger. Ce qui est désiré présentement, c'est nul autre que l'ordre.

Si l'on analysait brièvement les tests que font nos propres enfants lorsqu'ils sont jeunes, sur nous-mêmes les parents, qu'est-ce qu'ils font à un certain âge, en très bas âge? A un moment donné, lorsqu'ils ne sont pas ou lorsque nous les parents nous refusons de leur donner quelque chose, ils nous piquent une crise comme diraient plusieurs. Je pense que c'est un test de l'autorité que le Québec vit présentement. La différence, ce que d'une part, le gouvernement est pris à l'intérieur d'un étau, parce que ce n'est pas ceux qui sont en face de nous qui dirigent les destinés du Québec, ils n'en sont que le reflet.

M. le Président, j'ai écouté avec attention hier le discours magistral de l'honorable premier ministre. Il nous a parlé de stabilité administrative. Est-ce qu'on ne pourrait pas, nous maintenant, parler d'autres sortes de stabilité: stabilité bien assise sur les chaises, d'inactivisme, de façon stagnante de procéder? Il n'y a pas de pire eau que l'eau stagnante, comme on peut voir souvent. La section de fonctionnaires qui sont stables, dans le moment, cela est une autre chose. Il y a une certaine quantité de fonctionnaires qui depuis un bon bout de temps sont dans un état où leur revenu est stable, et ce n'est pas normal. Il y en a une certaine quantité qui a un très bas revenu et qui ne voit pas le jour — et c'est peut-être ceux là qui justement crient le plus fort présentement et qui ont raison — eh bien pour ceux-là il faut s'arrêter de façon bien spéciale.

Quand on parle de choses stagnantes, quand on parle de la situation actuelle dans le présent conflit, je me demande si en analysant la situation en général il ne sera pas nécessaire, à un moment donné, que nos honorables ministres suivent des cours de recyclage pour réapprendre quelles sont les priorités dans le gouvernement du Québec. L'autorité c'est quoi, si son devoir n'est pas justement d'administrer en fonction du bien commun?

J'écoutais justement d'autres allégations du premier ministre. Lorsqu'il parlait des limites financières de l'Etat du Québec, de réduction du taux de croissance, il parlait également d'une réduction des dépenses dans certains domaines. Pourquoi, par exemple, n'a-t-il pas parlé de réduction des possibilités de récupération dans un Québec qui devrait voir se développer ses richesses naturelles par les Québécois et pour les Québécois? A ce moment-là, il y aurait moins de grève.

Il est entendu qu'une des deux parties sont des syndicats, trois centrales syndicales. A la suite de quoi ces centrales syndicales sont-elles nées? Je dois dire, à prime abord, que moi-même, pendant quinze ans, j'ai fait partie de syndicats agricoles et de syndicats forestiers. J'ai été fier de travailler comme militant à l'intérieur de ces syndicats. Pourquoi? Ce fut tout simplement à la suite d'abus de certaines autorités, de certains patrons, mais pas de tous. Ces certains patrons, malheureusement pour plusieurs travailleurs, avaient la bénédiction du gouvernement du temps.

Je pense qu'il faut réfléchir sérieusement. Le gouvernement laisse pourrir les situations dans le monde du travail et ensuite, il se dit obligé de recourir à une loi matraque. Il crée une situation et, ensuite, il fait mine de rester très surpris; il institue alors une loi matraque. Nous, du Ralliement créditiste, voulons un retour au travail, mais un retour au travail normal, avec la certitude qu'on accordera aux fonctionnaires un salaire d'abord ajusté et ensuite avec une augmentation selon l'augmentation du coût de la vie continuelle. On veut le retour au travail, on veut également que la commission parlementaire de la Fonction publique siège. On veut tout cela, mais on veut aussi que cette commission ait une date limite afin de pouvoir compléter les ententes.

Vous allez me dire que nous voyons justement ces choses dans le projet de loi, pour ne pas y aller de façon très claire parce que je dois rester sur le principe, M. le Président. La grève n'a pas sa raison d'être dans un pays ou une province supposément en pleine croissance comme la nôtre, comme l'a dit souventefois le premier ministre. Le gouvernement libéral actuel est à instaurer un régime ou un système où tout le monde va se sentir bientôt comme à l'intérieur d'une cage de fer où tous les individus seraient au service d'un système avec

boulets aux pieds dans une cage de ter rouillée au-dessus de laquelle il y aurait peut-être une autre petite cage, dorée celle-là, et habitée par une petite clique qui aurait le droit de vie ou de mort sur tous les individus. C'est cela, l'agencement d'un régime socialiste. Les syndicats sont nés — on le dit souvent et c'est vrai — d'abus de quelques employeurs, je l'ai dit tantôt.

Pour la protection des employés, ils n'avaient pas le choix. Les employés, depuis longtemps et même aujourd'hui, pour se protéger, s'il n'y avait pas de syndicat, il faudrait certainement en créer et cela presserait.

Ces choses que nous avons vues dans le passé ou ces quelques employeurs bénis par l'Etat, le gouvernement a amené cette frustration des individus, cette incertitude, le gouvernement indirectement a fait développer ce durcissement des employés contre l'Etat, cette fois-là employeur.

Si on retourne dans le temps, Louis XIV a réussi, de façon très subtile déjà, à amener sous son contrôle, 400 petits royaumes de la France. Je me demande, M. le Président, si je dérange certains députés dans le coin.

DES VOIX: Oui.

M. BELAND: Parce que je ne voudrais déranger aucun député.

M. LOUBIER: Vous devez déranger Louis XIV.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

UNE VOIX: Si tu te la fermais, tu nous dérangerais pas mal moins.

M. BELAND: Je continue, M. le Président. Je disais que Louis XIV a réussi de façon subtile.

M. CADIEUX: Un grand roi.

M. BELAND: A réunir 400 petits royaumes de la France mais en même temps, en dépit de ses 50,000 serviteurs environ dans ses meilleurs années, les dernières années de sa vie, son armée montée sur 6,000 chevaux, c'était l'époque...

M. CADIEUX: Louis Laberge, c'est quel numéro lui?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELAND: Après plusieurs années de règne, il fut quand même un jour guillotiné.

M. CADIEUX: M. le Président, ils n'ont jamais lu, ces gars-là.

M. BELAND: S'il y a plusieurs députés de cette Chambre qui n'ont jamais lu l'Histoire...

M. LOUBIER: M. le Président, je viens d'apprendre que Louis XIV aurait été guillotiné!

M. BELAND: Vous n'avez qu'à lire, l'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. CADIEUX: M. le Président, Louis Laberge, c'est quel numéro?

M. BELAND: D'autre part, le gouvernement guillotine le moral des démunis de la société...

M. LEDUC: Le moral ou la morale?

M. BELAND: ... le moral de ceux qui sont au-dessous du seuil de la pauvreté au Québec, et Dieu sait s'il y en a...

M. CADIEUX: En as-tu encore pour bien longtemps?

M. BELAND: ... et qui n'ont pas l'espoir de voir leur situation s'améliorer. M. le Président, allez-vous rappeler à l'ordre ces honorables très fins d'en face?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CADIEUX: M. le Président, je m'excuse mais c'est long en maudit, par exemple.

M. BELAND: Nombreux sont ceux à l'intérieur du fonctionnarisme qui n'ont pas de sécurité d'emploi, de possibilité d'avancement. A-t-on offert de corriger cette situation? Combien de personnes au Québec sont affectées par la présente grève? On parle du chiffre populaire de 210,000.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Pourrais-je demander à tous les honorables députés qui n'ont pas la parole présentement de prendre leur règlement et de lire l'article 25 tout en écoutant le député de Lotbinière?

M. BELAND: Merci, M. le Président. Je comprends qu'on voit souvent dans les livres aussi, et c'est très bien dit: Heureux les creux car le royaume des cieux est à eux.

M. CADIEUX: Tu vas aller au ciel, le creux!

M. BELAND: Nous parlons présentement, et très souvent, des 210,000 personnes qui se trouvent dans la présente grève mais par contre, si nous gardons à l'esprit que pour chacune de ces personnes, il y a au moins trois autres personnes à charge...

M. VEZINA: Nous voulons Audet.

M. BELAND: ... cela fait quatre personnes en tout pour chacune. Cela fait un chiffre assez prestigieux et sans compter aussi les autres secteurs qui sont affectés. Le gouvernement,

par son manque de politique, a allumé le feu de l'inquiétude à cause de sa nonchalence au niveau des négociations, ce feu a pris des proportions alarmantes. Ce même gouvernement faisait mine, encore mardi, encore mercredi, de ne rien voir de ce qui se passait — tout hypocrite qu'il est — et maintenant, il veut jeter un mélange d'eau et de gasoline avec ce projet de loi, en vue de tenter d'éteindre ce feu.

Mais par là, il ne règle rien, car il n'apporte pas de correctif aux causes.

Il faut se demander à ce moment-ci si le gouvernement a quelque chose à cacher. Il faut se demander s'il n'y a pas une certaine connivence en dessous avec quelques personnes, probablement les trois têtes syndicales, mais pas avec les syndiqués par exemple, je tiens à le dire.

Maintenant, M. le Président, lorsqu'on parle de front commun, veut-on parler de la réunion de ces trois centrales syndicales ou si l'on veut parler d'un autre front commun, par son manque d'autorité, un autre front commun, par le manque de réalisme de l'équipe gouvernementale? Je crois que cela est vrai que l'équipe ministérielle "a le front commun". Le gouvernement n'a pas prévu que viendrait la situation qui existe présentement. C'est extraordinaire.

M. VEZINA: ... à part cela.

M. BELAND: Présentement ou depuis un bon bout de temps, on administre à la petite semaine. C'est pour cela qu'on est rendu à la situation présente.

M. CADIEUX: Un bon bout de quoi?

M. BELAND: On aurait pu éviter ce projet de loi en créant des mécanismes...

M. BOIS: M. le Président, je m'excuse d'interrompre mon confrère. Serait-il possible de renvoyer au bon endroit ceux qui vraiment n'ont aucune discipline, s'il vous plaît?

M. LAFRANCE: Sortez.

M. VEZINA: N'aboyez pas et sortez.

M. LE PRESIDENT: J'espère que l'honorable chef intérimaire du Ralliement créditiste ne me demande pas d'appliquer certaines méthodes qu'il connaît bien? M. le député de Lotbinière.

M. BELAND: Merci, M. le Président. Je cromprends que tout le monde s'endort, c'est peut-être parce que nos gens d'en face sont très inquiets de la situation présente, et c'est leur façon de s'exprimer à eux. M. le Président, le gouvernement, par ce projet de loi, passe comme un genre de rouleau compresseur. D a la même réaction, et je présume qu'il aura la même réaction, qu'une balle de caoutchouc pleine, que l'on essaie d'écraser avec notre pied et qui nous remonte sur le nez...

M. CADIEUX: Voulez-vous répéter? Je n'ai pas compris.

M. BELAND: ... et je pense que c'est cela qui va arriver au gouvernement.

M. le Président, depuis un certain temps...

M. CADIEUX: Voulez-vous répéter? Je n'ai pas compris l'histoire de la balle.

M. BELAND: On ne répète pas pour les sourds.

M. BOIS: M. le Président, pourrais-je mentionner que les barils creux résonnent mieux que ceux qui sont pleins?

M. VEZINA: L'honorable député de Saint-Sauveur assis.

M. BELAND: M. le Président, en terminant je dis simplement ceci: Lundi, les enfants doivent retourner à l'école, les enseignants aussi, les malades physiques doivent être soignés. Je comprends que dans cette Chambre il y a certains malades mentaux, mais que voulez-vous. Je leur pardonne. Les fonctionnaires de la voirie aussi...

UNE VOIX: C'est une prophétie.

M. BELAND: ... si on ne veut pas se tuer sur nos routes — peut-être principalement sur nos routes de campagne — les fonctionnaires de l'Hydro-Québec, et le reste, et le reste... doivent retourner au travail. Je finirai par cette pensée, M. le Président, et cette fois-ci à l'adresse du gouvernement. Une toute petite pensée. Ceux qui ne comprenaient pas tout à l'heure, j'espère qu'ils se déboucheront les oreilles et écouteront attentivement.

M. CADIEUX: C'est des balounes.

M. BELAND: C'est que la vérité échappe à qui refuse de la croire possible, elle se refuse à qui prétend la posséder. Merci, M. le Président.

M. BACON: Qui a dit cela?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Charles Tremblay

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, à huit heures du matin, vendredi matin — nous siégeons depuis trois heures jeudi après-midi — je pense que tous les membres de l'Assemblée nationale actuellement peuvent constater que nous récoltons la faillite du gouvernement actuel dans sa politique de négo-

ciation avec les employés de la fonction publique et parapublique. Si nous en sommes venus à cette situation, où le gouvernement nous présente une loi spéciale, la loi no 19 pour forcer les employés des services publics à rentrer au travail, je pense qu'il y a des causes à ça.

Il y a certainement eu une escalade dans le Québec depuis environ un an, une escalade qui a eu pour résultat de nous amener dans la situation que nous vivons présentement. C'est assez curieux de voir du côté ministériel avec quel sérieux certains députés prennent la situation, avec quel sérieux ils analysent la situation. Quand il s'agit du droit de grève pour tous les fonctionnaires du gouvernement, des secteurs public et parapublic, et qu'on voit des gens qui n'ont même pas gardé leur lucidité d'esprit pour pouvoir porter un jugement sur un projet de loi et se prononcer eux-mêmes pour ou contre un projet de loi qui a pour conséquence de rentrer au travail 210,000 fonctionnaires,...

M. LACROIX: ... les vôtres, là-dedans, aussi dans cette condition-là.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... à qui on va imposer un règlement par décret, à qui on enlève un droit de grève qui leur a été accordé, qu'il y ait des députés, dans cette Assemblée, qui trouvent cela drôle, qui s'amusent et qui décident du sort de 250,000 travailleurs du Québec, franchement, c'est un peu scandaleux.

M. LACROIX: Démagogie!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis content de voir qu'il n'y a à peu près pas de public dans les galeries parce que j'aurais honte de décider d'une situation aussi importante, de discuter d'un cas aussi grave et de voir des membres de l'Assemblée nationale qui font les "clowns" et qui s'amusent...

M. LACROIX: Vous êtes-vous regardé?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... pendant qu'on décide du sort de toute une population. Souvent, si on analysait les causes du problème que nous vivons actuellement, peut-être que chacun de nous aurait des responsabilités à prendre. Dans tous les projets de loi, dans toutes les circonstances qui se présentent à l'Assemblée nationale, plusieurs des ministres, des députés, des membres de l'Opposition profitent des circonstances pour essayer de détruire la réputation de chefs syndicaux qui gouvernent les centrales syndicales, qui sont là à des postes électifs, qui ont été nommés par les membres, démocratiquement, alors qu'on sait que les syndicats le sont en vertu de la loi qui sont certifiés par le ministère du Travail, que tout est fait légalement, démocratiquement. Chaque fois qu'on en a l'occasion, on bûche et on détruit non seulement le mouvement syndical mais la réputation de ceux qui ont été nommés pour conduire le mouvement syndical.

M. BIENVENUE: Le député me permettrait-il une question?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. BIENVENUE: Le député prétend-il que nous détruisons la réputation de ceux qui enjoignent les citoyens à ne pas respecter la loi?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'ai dit, tantôt, qu'il y avait eu une escalade dans le Québec qui avait créé un climat psychologique qui ne pouvait pas nous empêcher d'en arriver à un affrontement comme celui que nous subissons présentement.

Vous avez vu dans des discours, même le chef de l'Unité-Québec qui parcourt la province de Québec depuis quatre ou cinq mois, vous l'avez entendu, vous l'avez lu dans les journaux, vous l'avez écouté à la radio, à la télévision, cette campagne de dénigrement contre les chefs syndicaux, contre les centrales syndicales pour essayer de semer le doute chez les syndiqués...

M. BACON: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... soi-disant que les chefs syndicaux trempaient dans les cotisations, quand on disait que les centrales syndicales retiraient $40 millions par année de cotisation tandis que c'est faux. Ce n'est pas même le tiers, et il n'y a pas un membre dans les centrales syndicales qui ne soit pas capable d'avoir le résultat, le compte rendu des rentrées, des dépenses d'une centrale syndicale.

M. LEDUC: Parlons des gars de Lapalme.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On fait de la sorte la guerre aux centrales syndicales depuis des mois. Aujourd'hui, on dit: C'est drôle, ils durcissent leurs positions. Ils sont durs vis-à-vis le gouvernement. On les a provoqués. C'est cela le résultat de la situation que nous vivons depuis trois heures hier après-midi. Il est huit heures, et nous discutons du problème des employés de la fonction publique.

M. LEDUC: Assoyez-vous, on va régler le cas.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce qui vient d'en arrière, cela ne m'intéresse pas.

M. LEDUC: Ce qui vient d'en avant cela ne m'intéresse pas.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est pour cela que, quand le gouvernement nous arrive avec une loi à la dernière minute comme cela, il faut cesser de dire...

UNE VOIX: De parler.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... que la responsabilité appartient aux chefs syndicaux,

aux centrales syndicales et aux syndiqués. Il faut cesser de dire que les gens qui travaillent dans le parlement ici — que ce soit des opérateurs d'élévateurs, que ce soient des secrétaires qui font du piquetage en avant du parlement — sont des bandits quand ce sont des gens qui exercent un droit qui leur a été accordé par la Législature, par un gouvernement antérieur. Aujourd'hui, on dit: M. Laberge, M. Pepin, M. Charbonneau sont très impolis envers le gouvernement, envers le ministre, envers le ministre de la Fonction publique, envers le chef d'Unité-Québec, quand cela fait six mois qu'on les provoque, six mois qu'on essaie de détruire leur réputation et on essaie de détruire le mouvement syndical dans le Québec. C'est cela qu'on essaie de faire. Il y a probablement des forces occultes qu'on ne connaît pas qui ont intérêt à détruire cela. Il y a encore des patrons dans le Québec qui aimeraient employer de la main d'oeuvre à $1.50 et $2 l'heure et à $70 par semaine, comme cela se faisait autrefois. C'est cela qui se passe dans le Québec actuellement. On n'en est pas conscient, nous les élus du peuple. C'est notre responsabilité de respecter les organismes qui ont été créés en vertu de lois du gouvernement et qui ont été créés et mis là démocratiquement, mais non pas essayer de les détruire, de les traiter de bandits, de voleurs, de gens qui trempent dans les cotisations et qu'on devrait forcer les centrales syndicales à présenter un bilan devant l'Assemblée Nationale pour savoir ce qu'ils font de l'argent de leurs membres. Ils sont tellement purs, les partis politiques, tous les partis politiques dans la province de Québec, est-ce qu'ils donnent un bilan public de leurs dépenses et de leurs revenus? Et on va exiger cela des centrales syndicales depuis cinq ou six mois? Aujourd'hui, on dit: Les gars sont durs, les gars sont révoltés contre le gouvernement. On dit: Les gars ne sont pas démocrates. Ce sont des hors-la-loi, comme disait le député d'Abitibi-Ouest. C'est comme cela qu'on réfléchit, c'est comme cela qu'on agit à la légère.

M. AUDET: Question de privilège, M. le Président.

M. BACON: A l'ordre!

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest, sur une question de privilège.

M. AUDET: Cette fois, M. le Président, je n'ai pas fait d'erreur lorsque j'ai qualifié ces chefs syndicaux de hors-la-loi, parce qu'ils ne suivent pas la loi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela on pourrait en discuter longuement...

M. LAFRANCE: Non, non, pas besoin.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... mais en tout cas on va vous laisser à vos opinions politiques. Je sais que je ne suis pas capable de vous convertir à d'autre chose que ce que vous avez énoncé tout à l'heure dans votre discours. On s'inquiète, on dit: Les centrales syndicales, même en commission parlementaire, lorsqu'on a discuté d'un bill, le bill 64, loi du syndicalisme agricole, on a même eu l'audace de dire: II faudrait inclure dans la loi l'obligation pour l'association accréditée de déposer devant le gouvernement son bilan financier.

Qu'est-ce qu'ils font avec l'argent des membres? J'ai vécu 20 ans dans le monde syndical. J'ai encore des rapports des centrales syndicales chez nous, je peux vous les apporter ici à l'Assemblée nationale.

M. BACON: Vous avez peur de les rendre publics.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Et je peux vous dire quelles sont les entrées et les sorties d'argent dans un an. Je blâme le chef de l'Unité-Québec d'avoir dit à la radio et à la télévision, dans des conférences de presse, que les centrales syndicales avaient des revenus de $40 millions par année et qu'on ne savait pas ce qu'elles en faisaient; d'essayer de semer le doute chez les membres, que ces gens-là rampaient dans la crèche et dans la caisse de l'organisation.

Vous, des vieux partis politiques, allez-vous permettre de donner des leçons d'honnêteté dans l'administration d'un budget? C'est presque une honte vis-à-vis de la population, c'est presque une insulte. Ces gens-là sont là et les membres ont le droit de savoir d'où vient l'argent et où va l'argent. Et on leur donne ces rapports-là.

Je les ai toujours eus pendant vingt ans.

M. SAINDON: Ce n'est pas faire un débat, ça.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Je pense qu'il va falloir que nous cessions d'attaquer les chefs syndicaux, d'attaquer les centrales syndicales comme si c'étaient des organismes qui font partie de la pègre.

UNE VOIX: C'est vrai.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Mais, réveillez-vous un peu et soyez conscients. Ces organismes-là ont été créés en vertu des lois. J'ai syndiqué des gens, moi, j'ai contribué à la syndicalisation des employés de l'Hydro-Québec, et nous avons marché suivant la loi, nous avons eu une certification et nous avons négocié. Nous avons fait une grève légale et nous avons toujours été des gens qui étaient dans la légalité. Mais on provoque ces gens-là.

J'en ai rencontré, des représentants syndicaux. Ils nous disent: Quand est-ce que les politiciens vont se mêler de leurs affaires?

M. LACROIX: Epouvantable hypocrisie!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, vous n'avez pas le droit d'aller vous inférer dans les finances d'un organisme qui se finance lui-même et qui fait rapport à ses membres. C'est ça l'inconscience de certains députés.

M. BIENVENUE: J'invoque le règlement.

M. LACROIX: Qu'est-ce que font les anarchistes des syndicats?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Sur un appel au règlement.

M. BIENVENUE: M. le Président, je ne retrouve nulle part dans les principes de ce projet de loi quoi que ce soit qui donne ouverture au discours que tient depuis un quart d'heure le député de Sainte-Marie, et je vous demande de le rappeler à l'ordre.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pourtant, je pensais que le député de Matane voulait me poser une question.

M. BIENVENUE: La réponse est trop longue.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): La réponse n'est pas trop longue. Je pense que les réflexions que je fais aujourd'hui sont nécessaires. Et chacun d'entre nous devrait mettre le chapeau s'il peut le coiffer. Comprenez-vous ce que je vous dis? Les membres du gouvernement, mettez le chapeau, et réfléchissez un peu. Vous tapez sur la tête d'organismes qui sont démocratiques...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'inviterais le député de Sainte-Marie à revenir à l'objet du projet de loi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je parle du bill 19. Tous les gens ici ont parlé de toutes sortes de choses à propos du bill 19, et je parle des syndicats, de la situation présente, de la loi d'exception que nous faisons ce matin pour régler un problème de 210,000 fonctionnaires qui ne règlera absolument rien dans le Québec. On va avoir tout simplement des fonctionnaires mécontents qui vont continuer à critiquer le gouvernement, qui vont continuer à lutter pour revendiquer et qui vont continuer à essayer d'avoir mieux en fait de salaire, de conditions de travail, de bénéfices marginaux, mais j'ai vécu ça ces problèmes-là. J'ai vécu sur les piquets de grève, et quand ça allait bien à la conciliation ou à la négociation, il y avait toujours un politicien qui ne se mêlait pas de son affaire et qui faisait des déclarations pour jeter de la gazoline sur le feu et venir gâter toute la patente.

C'est ça qu'on fait depuis des mois dans l'Assemblée nationale, à l'occasion de la crise d'octobre.

Lorsque nous avons adopté le bill 15, vous avez eu des gens ici, le chef de l'Unité-Québec, puis le leader parlementaire qui ont fait des discours incendiaires contre les chefs syndicaux, c'est pour cela qu'aujourd'hui ils se radicalisent.

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement et vous demande de rappeler à nouveau à l'ordre le député de Sainte-Marie.

M. LE PRESIDENT: Alors, pour la deuxième fois, je demande au député de Sainte-Marie de s'en tenir au bill 19.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, cessons de faire les vierges offensées, les faux purs, les gens sans tache, sans reproche qui n'ont jamais trempé dans rien. Les autres, ce sont tous des croches et tous des bandits à les entendre parler. Je pense que les partis politiques n'ont pas tellement de leçons à donner aux centrales syndicales et aux chefs syndicaux.

M. BACON: On le comprend dans le vôtre.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, je termine là-dessus. Le bill 19 ne réglera rien. Il va peut-être forcer les gens à rentrer au travail, mais ces gens vont être frustrés et ça ne réglera pas leur problème. Remarquez bien ce que je vous dis là. Ce problème-là va surgir tôt ou tard puis on aura encore plus de difficulté à le régler que présentement. C'est pour cela que nous voterons contre le bill 19.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle sur un point de règlement.

M. LOUBIER: M. le Président, j'invoque le règlement puisqu'en vertu du règlement je peux facilement faire les corrections qui s'imposent à la suite de propos tenus par le député qui vient de prendre la parole. D'abord le député m'a, d'une façon pas très honnête, pris à partie pour des déclarations que j'ai faites, pas que j'aurais faites, que j'ai faites dans le passé à maintes reprises, que j'ai répétées il y a à peine quelques heures dans cette Chambre, que je répéterai demain en dehors de la Chambre.

Lorsqu'il dit que c'est une campagne de dénigrement, j'aimerais signaler à l'attention de ce député que, lors d'une réunion tenue le 6 mars, ici à Québec, et telle que reproduite dans les journaux dont le Soleil, M. Dion, qui est tout de même trésorier de la CSN, M. Dalpé, qui est tout de même vice-président de la CSN, ont déclaré textuellement ceci: "Les centrales sont plus intéressées à l'argent des syndiqués qu'à la défense des intérêts des syndiqués."

UNE VOIX: C'est ça.

M. LOUBIER: Et il est vrai, et c'est pourtant le vice-président de la CSN et le trésorier de la CSN, bien je continue à...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: Sur un rappel au règlement.

M. BURNS: M. le Président, si le chef de l'Opposition protocolaire veut rétablir des faits en vertu de l'article 97, il doit se borner, selon le texte de l'article 97, à donner des explications sur son discours — le texte dit clairement — "Les explications doivent être brèves, ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion et elles ne doivent pas engendrer un débat?

Je pense que c'est la première fois que l'on parle de MM. Dion, Dalpé et telle autre personne de cet acabit qu'on veut amener dans le débat. Si c'est ça qu'on veut faire, on ouvre un débat. Le chef de l'Opposition protocolaire n'a qu'une chose à faire, c'est d'expliquer comment le député de Sainte-Marie l'a mal cité, comment le député de Sainte-Marie l'a mal interprété, mais pas d'amener de nouvelles choses dans le débat, parce que, dès lors, nous serions parfaitement autorisés, c'est d'ailleurs la sagesse de ce règlement, à tenter d'ouvrir un autre débat là-dessus, s'il amène de nouvelles choses, de nouveaux éléments dans le débat. Ce n'est pas du tout l'intention de l'article 97, c'est de rétablir ce que le député de Sainte-Marie aurait présumément mal compris ou mal cité. C'est ce qu'il doit faire. Qu'il ne nous amène pas de nouvelles affaires là-dedans.

M. LOUBIER: Pour vous faciliter la décision, M. le Président, j'accepte les propos tenus par un des résidus de l'opposition résiduaire.

Mais, M. le Président, je voudrais tout de même signaler — et là je m'en tiens strictement aux propos du député de Sainte-Marie — parce que je me rends compte que je pourrais amener une foule de faits qui me donneraient raison, mais on ne veut pas les entendre.

De toute façon, c'est bien le député de Sainte-Marie qui a dit qu'il était indécent de demander aux centrales syndicales, de déposer annuellement leur bilan. C'est bien ça? Qu'il était deuxièmement impensable, inacceptable que la demande soit faite par des hommes politiques. Or, M. le Président, aux Etats-Unis, les centrales syndicales déposent leur bilan annuellement. Il y a une législation. C'est accessible à tous les Américains. C'est accessible également à tous les syndiqués.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, est-ce que je peux rétablir les faits sur une question de privilège? Sur une question de privilège je veux rétablir les faits.

M. BACON: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai dit du chef d'Unité-Québec, que lorsqu'il demandait aux centrales syndicales de déposer un bilan, en même temps il les accusait de détournements de fonds puis de tremper dans les cotisations des syndiqués.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Maintenant j'inviterais le député de Richmond...

M. LOUBIER: Un instant. Je viens justement de rapporter des propos. Je n'aurais qu'à lui citer les gars de Lapalme, une foule d'autres exemples, qui nous donnent raison de tenir ces propos.

M. LESSARD : Présentez donc le bilan de l'Union Nationale, de vos enquêtes Salvas. Présentez-là, de 1936 à 1968. Vous n'êtes pas capables de présenter de bilan de votre caisse électorale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Un rappel au règlement. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LOUBIER: J'ai offert de le présenter, et j'ai invité les chefs syndicaux à venir le 22 février et ils ne sont pas venus.

M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Un rappel au règlement le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement pour une raison bien simple. Je pense que nous nous perdons dans un dédale de discussions, et je souhaiterais en ce qui me concerne, que l'atmosphère calme, détendue, sereine qui a présidé au débat, qui dure déjà depuis un certain nombre d'heures, continue. Je pense que si vous laissez au chef de l'Opposition protocolaire, la possibilité de répondre constamment à des choses qui n'ont pas été soulevées et non pas de rétablir des faits en vertu de l'article 97, on va ouvrir un débat puis on va se retrouver encore dans trois ou quatre heures à savoir: qui a dit vrai, qui a dit faux.

En ce qui me concerne, M. le Président, je pense que si le chef de l'Opposition protocolaire a des choses à dire pour rétablir les faits, qu'il le fasse, je n'ai aucune espèce d'objection, qu'il le fasse, mais qu'il se borne à ça, qu'il ne soulève pas de débat. C'est rien que là-dessus, c'est la seule intervention.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande au député...

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce qu'on me permet d'apporter des preuves à l'appui des propos que je tiens pour dire que oui il y a du détournement, oui il y a vraiment... oui il y a un manque de...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Ce n'est pas du tout ça, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande au chef de l'Opposition officielle de se conformer aux dispositions de l'article 97 et de s'en tenir exactement à l'énoncé qui avait été faite par le député de Sainte-Marie.

M. LOUBIER: II a dit que c'était faux de prétendre qu'il y ait des détournements, que c'était faux de les accuser de détournement. Je les ai accusés, les gars de Lapalme les ont accusés, Dion les a accusés, le trésorier de la CSN...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement...

M. LOUBIER: ... et c'est lui qui mène l'enquête, Dalpé, le vice-président de la CSN...

M. BURNS: J'invoque le règlement encore une fois, M. le Président. Moi, je croyais le député de Bellechasse beaucoup plus, je ne dirais pas intelligent, mais beaucoup plus apte à comprendre le cadre du texte de l'article 97. Il ne s'agit pas pour lui de commencer à nous donner tous les arguments en faveur de sa position. Il s'agit pour lui, en vertu de l'article 97, de dire comment il se fait que le député de Sainte-Marie aurait dit des choses qui ne sont pas exactes, qu'il aurait mal citées, qu'il aurait mal interprétées. Il s'agit pas qu'il donne les arguments derrière ce qu'on a cité au sujet du député de Bellechasse. C'est rien que ça, M. le Président. Moi ça ne me fais rien, mais en tout cas moi je vais m'opposer constamment, dès que le député de Bellechasse va partir dans cette ligne-là.

M. LOUBIER: M. le Président, comment voulez-vous que je sois prisonnier à un tel point, d'un texte de règlement...

M. BURNS: Soulevez-le donc.

M. LOUBIER: ... quand le député a parlé vingt minutes de temps et durant vingt minutes, s'en référait aux accusations que portait le député de Bellechasse. Et je n'aurais pas le droit à ce moment-là...

M. LEGER: Avez-vous été mal cité, oui ou non? La question est là.

M. LOUBIER: C'était faussement, sans rai- son, j'ai donné chaque fois et à chaque admission des raisons, des motifs, des précisions à l'appui des propos que je tenais et des accusations précises que je portais contre Pepin, Chartrand, Laberge et compagnie, et ce n'est pas fini parce que je ne suis pas prêt à me lier d'amitié avec ces gens-là.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond, l'incident est clos.

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: M. le Président, nous sommes encore une fois placés devant une loi d'exception qu'est le bill 19. J'aimerais ici faire quelques remarques sur un problème double ou à deux facettes, si vous voulez, que pose la présentation d'un tel projet de loi à ce moment-ci.

Le problème se pose à deux niveaux. D'abord, au niveau du gouvernement parce qu'au niveau du Québec, et ce depuis quelques années, l'autorité est remise en cause, à différents paliers et de différentes façons. Deuxièmement, le problème aussi qui est soulevé par la présente situation met en cause également toute la question du syndicalisme au niveau de la province de Québec. Présentement, de ce côté, on peut sérieusement s'interroger sur les buts poursuivis par les représentants du front commun syndical. Sans vouloir ici m'engager immédiatement sur le bien-fondé des exigences syndicales comme telles, j'aimerais cependant jeter un coup d'oeil rapide sur les principes qui sous-tendent l'action syndicale présente.

Il est évident, je pense, qu'en regroupant leurs forces, les centrales syndicales visent directement à obtenir un pouvoir au niveau décisionnel dans le présent conflit, c'est-à-dire au niveau gouvernemental précisément.

Ce front commun constitue donc une première étape vers une action politique directe du mouvement syndical. Il s'agit, en effet, d'une nouvelle forme de syndicalisme que certains chefs syndicaux tentent d'inculquer au Québec à leurs membres. Si, par exemple, au lieu de vouloir se substituer au pouvoir politique, on s'efforçait sérieusement d'aider les élus du peuple à résoudre les problèmes auxquels nous avons à faire face présentement, peut-être que les solutions finales pourraient être quelque peu différentes et aussi répondre aux besoins et aux aspirations véritables des syndiqués tout en respectant les droits de tous les citoyens du Québec en matière de santé, en matière d'éducation et également en matière de fonctionnement normal de tout l'appareil gouvernemental.

De ce côté, un bref coup d'oeil sur l'histoire nous révèle que les changements sociaux violents ne sont pas de véritables changements en profondeur susceptibles de stabiliser une situation en faveur des citoyens qui ont à la vivre. La révolution française, par exemple, trancha la tête du roi et de plusieurs autres pour présenter la nouvelle république quelques années plus tard à Napoléon.

Par ailleurs, les tsars de Russie furent remplacés par les soviets, une dictature d'un homme remplacée par une dictature à trois. Les slogans vides de sens de ces deux révolutions nous font voir au nom du peuple au pouvoir que ce sont

encore les plus farfelus qui prirent, de fait, le pouvoir.

Toute cette situation, comme l'a mentionné tout à l'heure mon collègue, le député de Frontenac, n'est pas née d'un hasard, mais d'une non-prévision du gouvernement des événements possibles, puisque gouverner doit être de prévoir, je pense que les situations sont demeurées trop longtemps sans solution et sans que l'on prévoie des mécanismes avant que les problèmes surgissent.

D'un côté, le gouvernement a démissionné de son autorité, et pour reprendre, par la suite, le terrain perdu, il a voulu établir, comme c'est le cas pour le bill 19, des contrôles excessifs pour assurer une autorité qui était de moins en moins présente. Et ce qui m'étonne le plus, devant le présent projet de loi obligeant les employés du secteur public et parapublic à réintégrer le travail, c'est l'illogisme qui le sous-tend.

Le gouvernement a bel et bien reconnu le droit de grève aux employés de ce secteur. Je ne me prononce pas ici sur le bien-fondé de cette loi, mais il reste un fait, c'est que le droit de grève leur est acquis. Or, c'est le même parti qui a voulu reconnaître ce droit de grève qui est le premier aujourd'hui, à la première grève qui se présente dans ce secteur, à vouloir apporter une loi spéciale afin de forcer ces travailleurs à réintégrer les cadres de leurs emplois.

Or, devant une telle situation, je me pose de sérieuses questions, et je demande aux députés ministériels de bien réfléchir sur cette situation, parce que une journée on accorde et on reconnaît un droit acquis à un groupe de travailleurs, et le lendemain, lorsque ce même groupe de travailleurs utilise ce droit reconnu, on l'enlève par une mesure spéciale, par une mesure imposée.

M. le Président, la solution, à mon sens, a beaucoup trop tardé, et je pense que j'aurais pu prononcer les mêmes propos il y a cinq mois, il y a six mois, il y a un an, et il y a même deux ans, parce que tout était prévu pour que les conventions collectives soient échues au même moment, pour avoir cette force dont on prétend disposer présentement dans les négociations.

Donc, si ce qu'on peut appeler les autorités en place avaient vraiment voulu signifier une intention précise de remédier à un problème qui allait se présenter, on aurait fort bien pu, dès lors, établir certains processus ou certains mécanismes, afin de prévenir une situation comme celle que nous vivons à l'heure actuelle.

Plusieurs choses se sont passées dans ce conflit. Il y a eu, de part et d'autre, de nombreux échanges, parfois justifiés, parfois peut-être plus difficilement justifiables. Par contre un principe demeure à mon sens: les faits. Et, pour ne prendre qu'un exemple dans le domaine de l'éducation, le gouvernement aimerait que son autorité soit confirmée. Mais, une vraie autorité dans le sens complet du mot, n'a même pas besoin de s'imposer par aucune mesure draconienne, puisqu'elle est reconnue en partant des principes de la réalité.

Et dans le domaine de l'éducation, par exemple, simplement au niveau du recyclage pour les enseignants, on demandait, il y a deux, trois ou quatre ans aux enseignants de suivre leurs cours de recyclage et au bout de ces mêmes cours-là, on ne reconnaît plus les crédits.

On dit: Messieurs, vous recommencerez. On arrive dans le secteur de la sécurité d'emploi, encore le même phénomène, phénomène qu'on ne retrouve même pas dans l'industrie privée parce qu'au bout de six mois, trois mois, l'employé a une certaine permanence et il est reconnu alors que dans un secteur aussi important que celui de l'éducation on ne peut l'avoir. Alors, est-ce qu'on peut reprocher devant...

M. VEILLEUX: C'est faux!

M. BROCHU: ... une telle situation, à des individus de manifester leur mécontentement face à une non-reconnaissance de cette sorte? Et, j'irai plus loin parce qu'à mon sens, même si la présente loi est adoptée telle qu'elle, elle ne règle strictement rien parce qu'elle n'équivaut à rien d'autre simplement qu'à édifier un contenu pour embrigader ou emprisonner un contenu qui ne changera pas du tout.

A présent, M. le Président, si on touche un peu aussi à cette nouvelle forme de syndicalisme qui se veut être directement une action politique, on peut se demander aussi pourquoi et ce n'est pas simplement un hasard parce que peut-être les gens, de façon générale ou d'une façon assez marquée quand même, ont peut-être de moins en moins confiance dans les patentes des vieux partis politiques puisque leur participation ne trouve pas de débouché ou encore qu'ils ne puissent pas participer de façon satisfaisante afin que leurs voix soient entendus et qu'ils soient vraiment des actifs à part entière.

Dans le même sens, on peut aussi se demander si, dans notre appareil gouvernemental, si dans notre façon de légiférer, il n'y a pas un fossé trop large et trop creux qui existe entre un pouvoir législatif et la réalité des entités québécoises de nos citoyens.

Le présent projet de loi ne me plaît guère — non pas parce que je suis contre le retour au travail parce qu'effectivement je suis pour le retour au travail et je pense que les syndiqués veulent réintégrer leur emploi, ce qui est normal — parce que je pense qu'au bout de la ligne aucune grève qui a duré un tant soit peu n'a vraiment été payante si on parle au point de vue du salaire pour qui que ce soit.

Je suis également pour le retour au travail au niveau de la population parce qu'elle a aussi des droits acquis, elle a droit aux services de santé, elle a droit à l'éducation et elle a droit à ce que l'appareil gouvernemental fonctionne normalement.

Donc, ce n'est pas sur ce principe que je situerai mon désaccord face à ce projet de loi parce que sur ce principe, je pense que tout le monde veut que l'activité revienne normale au Québec.

Je pense que nous devons aller plus loin que ce qui est présenté aujourd'hui pour la pure et simple raison que ça demeure quand même une mesure temporaire et que le problème ne sera nullement réglé et qu'on demeure exposé à ce qu'il revienne cette année, l'an prochain ou dans deux ans. Je pense, de façon globale, qu'il faudrait que le gouvernement tienne compte d'une formule possible qui soit davantage celle d'une participation à tous les niveaux, de sorte qu'on puisse respecter cette évolution d'une société québécoise moderne, en ébullition, qui s'en va vers de nouvelles structures, qui s'en va peut-être vers de nouvelles formes de pensées mais qui a quand même besoin d'être homogène, si vous voulez dans son mode d'action ou dans son but.

Je pense que si on établit clairement le processus de démarche d'une nation, d'un pays ou de quelque organisme que ce soit, si on s'entend sur le but, et si on a une participation normale, les gens deviennent motivés et sont engagés dans leur action et je pense que c'est le prix qu'il faudra mettre, cette participation véritable pour arriver à ce qu'on trouve des solutions à long terme à des problèmes et non pas des solutions imposées à court terme qui ne règlent pratiquement rien.

M. le Président, c'est le sens de l'intervention des quelques remarques que je voulais faire sur ce projet de loi. Comme je vous ai mentionné de façon générale sur le premier principe, je suis entièrement d'accord sur le retour au travail, parce que tout le monde le désire. Cependant, je ne peux accepter la loi telle que présentée parce qu'elle est illogique avec ce que nous connaissons. On reconnaît un droit d'un côté, et le lendemain on étouffe ce droit ou on étouffe ceux qui ont eu ce droit acquis en leur imposant une mesure dictée d'en haut pour qu'ils réintègrent le travail. Je pense que c'est ce principe-là, si on accepte le bill 19 tel que proposé, on reconnaît un précédent fort dangereux, parce que demain, dans tout autre secteur où il y a des droits acquis, on peut revenir et se servir du même principe pour brimer la liberté des individus ou encore pour brimer leurs droits acquis. C'est pour ces raisons, au nom de ce principe, que je m'inscris en faux contre la philosophie qui sous-tend ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: M. le Président, ce n'est pas sans appréhension que j'interviens quelques minutes dans ce débat de deuxième lecture du projet de loi 19. J'interviens, et je serai nécessai- rement jugé parce que je pose ce geste. Je serai jugé par les syndicats de mon comté, sans aucun doute. C'est un droit que je ne leur conteste pas. Ce jugement peut cependant être intéressé. Mais ce n'est pas de là que viendra le véritable jugement. Mon juge sera le public du comté de Saint-Jean, ce sont les électeurs qui m'ont démocratiquement élu, ce sont eux qui diront un jour si j'ai eu raison d'intervenir dans ce débat. Le secteur public, pas plus que le secteur privé, n'est au-dessus du bien commun de la santé et de la sécurité publique. Aucun membre de cette Chambre ne peut, lui non plus, être au-dessus du bien commun. Au contraire, nous sommes tous les serviteurs de la population du Québec et plus particulièrement des citoyens de chacun de nos comtés.

M. le Président, depuis le début de la semaine, je voyais de par l'expérience que j'avais acquise précédemment, lors du bill 25 en 1967, et lors de la dernière négociation, en 1969, je voyais venir l'impasse dans laquelle on se retrouve aujourd'hui. Il est facile d'incomber la faute de cette impasse, soit exclusivement au patron, comme quelques-uns le font, soit exclusivement aux syndicats et aux syndiqués. Je crois que, lorsque éclate un conflit, des erreurs sont commises parfois de part et d'autre, simplement peut-être par une parole prononcée à un moment non propice, ce qui cause de la part de l'autre partie une réaction qui n'est peut-être pas celle qui normalement se serait tenue.

J'ai communiqué, M. le Président, depuis lundi, avec de nombreux électeurs de mon comté et, hier soir, à l'heure du souper, plus spécialement j'ai communiqué avec une dizaine' d'enseignants de mon comté, des enseignants électeurs, quelques-uns libéraux, quelques-uns péquistes, quelques-uns uniquistes. Je regrette pour les membres du Ralliement créditiste, il n'y a pas encore d'enseignant créditiste à Saint-Jean. Tous, M. le Président...

UNE VOIX: II y en a, et vous ne le savez même pas.

M. VEILLEUX: M. le Président, quelle que soit leur allégeance politique, m'ont dit qu'ils étaient dans un cul-de-sac. Ils m'ont dit qu'il était temps que le gouvernement prenne des mesures appropriées pour reprendre le travail. Quelques-uns, à l'heure où je parle, n'ont peut-être pas l'intention de réintégrer leur travail, tel que le stipule la loi. Si je regarde les manchettes du journal de ce matin, est-ce que cette manchette n'est que l'imagination d'un journaliste ou le reflet exact de la parole d'un des trois chefs syndicaux, M. Laberge? Mais, M. le Président, je convie les syndiqués, avant de décider de désobéir à une loi du Parlement, d'y penser sérieusement; d'y penser sérieusement et surtout les enseignants affiliés à la CEQ — parce que moi, M. le Président, je me souviens de 1969. Il est vrai, comme le disait le député de

Montcalm cette nuit, qu'il n'y a pas eu de loi spéciale pour régler le conflit en 1969, et je me souviens, M. le Président, très bien de l'ambiance qui existait la journée où la décision a été prise au conseil provincial de la CEQ d'accepter les offres patronales.

A ce moment-là, M. le Président, les enseignants du Québec avaient posé un geste collectif qui s'appelait la démission. Et c'était, M. le Président, une course affolée pour remettre à nos patrons, les commissaires d'école, ces démissions, geste accompli dans une action provinciale. Nous nous sommes retrouvés, M. le Président, avec 300 enseignants sans emplois. Dix de ces enseignants étaient de mon syndicat à Saint-Jean. J'ai reçu un télégramme de l'Association des enseignants me rappelant la ferveur syndicale qui m'animait à l'époque pour justement défendre la justice, faire régner la justice dans le milieu de l'enseignement à Saint-Jean. C'est justement, M. le Président, parce que j'étais soucieux, en 1969, de faire régner la justice dans le milieu de l'enseignement que j'ai refusé à l'époque de remettre, moi aussi, mon contrat à la commission scolaire afin de régler à Saint-Jean les dix renvois. Quelques jours après, le problème était réglé, les commissaires d'école acceptaient de reprendre à Saint-Jean les dix enseignants. Ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai posé le geste de remettre mon contrat, moi aussi, entre les mains de la commission scolaire.

C'est au nom de cette ferveur syndicale qui m'animait en 1969, et qui m'anime encore en 1972, que je demande aux enseignants d'obéir à cette loi. D'obéir à cette loi, M. le Président, parce qu'on en est rendu à un point — et là je n'attaque pas les syndiqués, je n'attaque pas le principe du syndicalisme — mais j'en suis sérieusement à me poser la question à savoir si le représentant, le président de la Corporation des enseignants du Québec a réellement l'intention, ou a eu réellement l'intention de venir jusqu'ici de négocier au nom et pour les enseignants. Car il ne faudrait quand même pas oublier...

M. LESSARD: Est-ce que je peux poser une question au député? Est-ce que le député me permettrait une question?

M. VEILLEUX: Si vous voulez je vais terminer et, à la fin, cela me fera plaisir, si vous me posez une question, d'y répondre.

Lors de la dernière séance de négociation, le représentant syndical qui négociait la sécurité d'emploi des enseignants, qui essayait de négocier le rapport martre-élèves des enseignants, n'était malheureusement pas le président de la Corporation des enseignants du Québec mais était le président de la Fédération des travailleurs du Québec, M. Louis Laberge.

J'en suis rendu, M. le Président, à me demander si le président de la CEQ connaît réellement les besoins des enseignants. J'ai vécu le problème de la sécurité d'emploi chez les enseignants à Saint-Jean. Les trois ans où j'étais président du syndicat, les commissions scolaires ont mis à la porte dix enseignants. Selon les règles et les lois prévues au code du travail — soit dans le code des lois de l'Education — j'ai réussi et ce sans trop de difficulté à faire réintégrer ces dix enseignants parce que les commissaires d'écoles n'avaient pas de motif raisonnable pour les mettre à la porte.

Quand j'ai entendu tout à l'heure le député de Richmond dire que jamais l'enseignant ne pouvait acquérir une sécurité d'emploi, mais que, par contre, le travailleur dans l'industrie privée pouvait avoir cette sécurité d'emploi, le député de Richmond n'est pas du tout au courant parce que l'enseignant, quand même, c'est long pour acquérir la permanence, je suis d'accord avec ça, deux ans et huit mois, c'est long mais au bout de deux ans et huit mois, il acquiert une permanence et une sécurité d'emploi.

L'offre faite par le gouvernement à la table de négociation, du moins dans le secteur de la régionale Honoré-Mercier, protège pour au moins cinq ans à venir tous les enseignants. Et quand on en est rendu, comme me le disait un électeur enseignant avec qui je communiquais ce soir, il disait, nous avons un problème, il y a une institutrice qui enseignait la septième année, comme l'an prochain les élèves de sixième n'iront plus en septième mais iront directement en huitième, l'institutrice ne veut pas enseigner au secondaire, elle voudrait continuer à enseigner au niveau de la septième année. Ce n'est quand même pas ça la sécurité d'emploi. J'avais l'occasion aussi de discuter avec des cadres du ministère de l'Education et l'on me disait que lorsqu'un enseignant dans une commission scolaire perd son emploi à défaut d'élèves, on lui donnait priorité pour enseigner aux adultes ou aux chômeurs le soir. Je crois que si les commissions scolaires, si le ministère de l'Education, à défaut d'élèves, permet à ces enseignants d'enseigner d'abord aux adultes, permet en plus d'investir une certaine somme d'argent qui permettra à l'enseignant concerné de se recycler pendant une période de quatre ou cinq mois, avec quasi plein salaire, je crois qu'il n'y a aucun secteur de l'activité humaine, hors la fonction publique, où un travailleur peut avoir une telle sécurité. C'est pour ça que j'ai fait cette intervention, dans le but uniquement de demander aux enseignants, à tous les autres syndiqués du Québec, avant de dire qu'ils désobéiront ou avant d'accepter de désobéir à une loi, je les convie à exiger de leur syndicat local une explication nette, claire et précise des offres gouvernementales de cette semaine parce que, depuis le début de cette action provinciale légale concertée, je puis vous dire qu'au moins à Saint-Jean, à l'Association des enseignants d'Honoré-Mercier, il n'y a pas eu, depuis, d'assemblée dûment convoquée pour expliquer les offres patronales et pour permettre aux enseignants d'Honoré-Mercier de reviser peut-être leurs positions face à une décision qu'ils avaient prise le 9 mars dernier.

Je sais de bonne part qu'il y a au moins 50 enseignants de mon comté qui, hier matin, ont exigé de l'exécutif du syndicat, duquel je fais encore partie, de convoquer une assemblée parce qu'ils veulent avoir des renseignements que je mentionnais tout à l'heure.

Compte tenu de ces renseignements qui pourraient être donnés par les syndicats locaux, j'ai confiance M. le Président, que les représentants syndicaux des associations locales donneront — ou donnent — une bonne information à leurs syndiqués. Je suis conscient, M. le Président, que les syndiqués du Québec n'accepteront pas de désobéir à la loi, réintégreront leur travail et je dis aux enseignants de la CEQ de ne pas oublier que leur centrale syndicale en a laissé 300 sur le pavé en 1969, mais que la présente loi oblige les patrons à reprendre tous les syndiqués affiliés à la CEQ à l'emploi de ces commissions scolaires, avant le début du conflit.

M. le Président, par une loi qu'on donne dans un retour au travail, la sécurité à tous les syndiqués du Québec, ce qu'une corporation syndicale n'a pas été capable de faire en 1969. Et je ne vous raconterai pas, M. le Président, quelle formule (que je qualifie de malhonnête) à ce moment-là, quelques individus à l'intérieur de cette centrale ont prise pour justement laisser 250 à 350 enseignants, sans travail et sans revenu, parce qu'elle n'a pas été capable de se tenir debout.

M. le Président, je crois qu'il est temps que les membres de cette assemblée, parce qu'on a eu un éventail d'arguments, soit pour ou soit contre, je crois qu'il est temps, au nom des électeurs qui nous ont tous élus, de décider en notre âme et conscience, du projet de loi qui est devant nous. Moi, M. le Président, je me dois de voter en faveur de ce projet de loi.

M. LESSARD: Vous avez accepté tout à l'heure que je pose une question. Est-ce que le député accepte encore?

Alors le député a été membre d'un conseil provincial, membre de la CEQ et qu'il affirmait tout à l'heure que le président de la CEQ ne représentait pas dans les négociations les véritables intérêts des enseignants. Est-ce que le député est encore conscient aujourd'hui qu'il existe au niveau de la CEQ des associations d'école, des structures régionales, le conseil provincial à qui constamment les négociateurs provinciaux et le président de la Corporation des enseignants du Québec doivent faire rapport?

M. VEILLEUX: M. le Président, je ne conteste pas les dires de l'honorable député de Saguenay. Je voulais tout simplement dire que je trouvais curieux que le président de la centrale syndicale concernée ne soit pas capable lui-même à la table provinciale, de défendre les intérêts de ses membres mais les faisait défendre par le président d'une autre centrale syndicale c'est ça que j'ai dit.

M. LE PRESIDENT (Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.

Le député de Dorchester...

M. GUAY: M. le Président,...

M. BROCHU: En vertu de nos règlements, qu'il me soit permis de rétablir des faits qui ont été soulignés dans l'exposé du député de Saint-Jean. J'invoque l'article 97, pour l'information de certains membres de cette Chambre. M. le Président, pour ce qui est de la sécurité d'emploi — j'aimerais simplement le mentionner — le député de Saint-Jean disait que je n'étais pas au courant de la situation et enfin que je parlais à travers mon chapeau. Il n'y a pas de permanence effectivement avant deux ans et huit mois, ce qui veut dire qu'un enseignant ne peut avoir aucun recours pour se défendre si des problèmes se posent avant cette période de temps, ce qui est complètement anormal. Et je réfère à l'article 219 de la Loi de l'instruction publique, ce qui veut dire qu'un professeur peut être en conflit de personnalité avec son directeur au bout d'un an et demi, deux ans même de travail, et être expulsé sans pouvoir avoir aucun recours.

Alors, M. le Président, je voulais rectifier cette situation-là et la sécurité d'emploi englobe beaucoup plus large que ça puisqu'elle comprend aussi de vouloir reconnaître l'ancienneté d'abord en commençant par le poste, ensuite l'école, la commission scolaire et par territoire et aussi qu'on cesse de chambarder les programmes. Alors, c'était simplement pour spécifier que j'étais un peu au courant de la situation et que, pour ma part en tout cas, ce qui n'est pas le cas du député de Saint-Jean, les professeurs ne sont pas venus vider les ordures du parterre de ma maison c'était peut-être parce qu'il avait vraiment bien compris la situation.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: Très brièvement, étant donné que plusieurs députés de cette Chambre ont eu l'occasion de se prononcer sur le projet de loi numéro 19 que le gouvernement a essayé de passer à la faveur de la nuit.

M. le Président, depuis plusieurs heures que nous discutons de ce projet de loi et il a suscité, je pense bien, — je ne dirais pas un nombre record d'interventions, mais presque, — ceci souligne l'intérêt que suscite ce projet de loi.

Or, brièvement, ce qu'on n'aime pas dans les agissements du gouvernement, c'est qu'il se coiffe d'un chapeau de paille et joue à l'enfant pauvre quand il joue le rôle d'employeur ou de patron et il se retourne de côté, se coiffe d'un casque d'acier antiémeute pour adopter des lois d'exception. On a comme exemple le bill 19.

M. le Président, cela veut dire à peu près ceci, qu'à l'avenir, ça sert à quoi de vouloir ou

de tenter une négociation? Le gouvernement n'a qu'à tenir ses positions et, bien sûr, il y aura à ce moment-là des négociations rompues et le gouvernement pourra se retourner et adopter une loi d'exception, le marteau, la faucille à la main. On en a des exemples dans d'autres domaines c'est-à-dire la construction, les garagistes. On en a parlé cette semaine. De toute façon, c'est le gouvernement qui a le gros bout du bâton. Evidemment, c'est le problème de l'Etat employeur. J'ajouterai que l'Etat est mauvais employeur puisqu'il ne semble même pas être en mesure de conclure un contrat de travail avec ses propres employés. Ceci, nécessairement, est la conséquence du système qu'on a décrit au cours du débat.-J'ajoute que ce n'est pas en matraquant les victimes qu'on va régler le problème. Réussir une entente dans le domaine des relations de travail, cela semble un tour de force de plus en plus difficile à réussir.

On pose toujours la question suivante, lorsqu'il s'agit de négociations: Est-ce que tous les moyens ont été essayés? Plusieurs membres de la Chambre ont eu l'occasion d'intervenir et d'en parler. Plusieurs membres également ont semblé imputer les ruptures des négociations plutôt à une partie qu'à une autre.

M. le Président, j'aimerais apporter ici un exemple de difficulté de négociations, là où il n'y a pas eu de partie syndicale mais uniquement des parties gouvernementales. Je pense bien que tout le monde a entendu parler de la conférence de Paris. Cette conférence de Paris s'éternise. Elle s'est ouverte le 31 mai 1968 et, en trois ans de négociations, le seul différend qu'on a pu résoudre portait sur la forme de la table. Ceci, pour prouver jusqu'à quel point on peut être porté à croire que les parties ne veulent vraiment pas négocier. On dit ceci: Durant 77 jours de négociations à la table carré adoptée à titre d'essai les délégués des pourparlers de Paris ont tenu les menuisiers et le monde en haleine quant à la forme finale de la table de conférence. Finalement, ils adoptèrent une table ronde.

Or, si dans certains cas de négociations, cela prend plus de 60 jours uniquement pour s'asseoir à la table, on est porté à imaginer, évidemment, que le gouvernement dans sa faible prévoyance a attendu beaucoup trop tard avant d'engager les négociations, si cette convention collective était terminée depuis si longtemps.

Alors, on est en droit de blâmer le gouvernement de ne pas avoir tenté des négociations plus tôt ou plus à bonne heure.

Il faut bien s'entendre sur le fait que nous désirons le retour au travail. On le souhaite de tout coeur, mais on l'aurait souhaité dans des conditions beaucoup plus normales qui ont été décrites très bien par mes collègues.

Ce projet de loi spéciale matraque no 19, pour ma part, je ne puis pas non plus l'accepter pour différentes raisons, et nous aurons l'occasion d'y revenir en commission.

DES VOIX: Vote!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, le ministre du Revenu parle trop fort, je pense que ma voix ne pourra pas porter plus haut.

M. HARVEY (Jonquière): J'écoute.

M. BURNS: J'espère que vous écouterez, parce que malheureusement il y a très peu de ministres à cette heure que nous n'avons pas choisie, M. le Président.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, s'il y a des ministres qui sont absents, ils ont fait exactement comme le député de Maisonneuve, ils sont allés déjeuner.

M. BURNS: Voici, M. le Président, après cet apport très positif au débat de la part du député de Jonquière, je peux dire maintenant que je n'ai l'intention d'intervenir que très brièvement dans le débat de deuxième lecture, simplement peut-être pour rappeler une chose.

En 1964, le projet de loi qui, à l'époque, s'appelait le projet de loi no 54 qui est devenu le code du travail sous un gouvernement libéral a reconnu le droit de grève dans les services publics. Il y a eu beaucoup de tergiversations à ce moment-là, c'est-à-dire que plusieurs parties ont refusé d'accepter le droit de grève dans les services publics et, d'autre part, vous avez du côté syndical une demande unanime de régler un problème qui tramait depuis longtemps.

Ce qui existait antérieurement à 1964, c'est que, dans les services publics, lorsqu'une convention collective ne pouvait être réglée entre les parties, vous aviez l'arbitrage obligatoire. Le premier ministre du temps, qui s'appelait M. Lesage, avait prononcé ces fameuses paroles qui maintenant sont citées, et que tout le monde connaît: "La Reine ne négocie pas avec ses sujets". Parce que, si on acceptait, d'une part, la négociation dans les services publics, autres que ceux du gouvernement de l'Etat du Québec, il fallait éventuellement s'attendre que la syndica-lisation puisse poursuivre son cours jusqu'aux employés de l'Etat du Québec.

A ce moment-là, les fonctionnaires et ouvriers du gouvernement étaient représentés par ce qu'on appelle une association de boutique, une association qui était beaucoup plus versée dans les loisirs et dans les sports de ses membres que dans les conditions de travail, que ce soit les intérêts économiques, sociaux, moraux, peu importe, mais c'était beaucoup plus au niveau des sports et loisirs que cette association fonctionnait.

Tout d'un coup arrive ce qu'on appelle la syndicalisation véritable. Les employés se for-

ment un syndicat qui est encore actuellement accrédité pour les employés de la Fonction publique à l'emploi du gouvernement.

Et c'est là que vient la fameuse phrase que je citais tantôt de la part de M. Lesage: "La reine ne négocie pas avec ses sujets." Remarquez qu'il a été obligé de ravaler d'autres affaires que celle-là. Celle-là, il l'a ravalée puisqu'il a accordé le droit de grève un peu plus tard, mais il avait aussi dit, avant: "II n'y aura jamais, sous un gouvernement que je dirigerai — je suis très bref, M. le Président, c'est tout simplement pour illustrer une constance d'illogismes — un ministère de l'Education." Il y en a eu un sous un gouvernement qu'il a dirigé et la reine a négocié avec ses sujets à la suite de l'adoption, en 1964, du droit de grève pour les services publics et, dans l'année suivante, pour les employés du gouvernement.

C'est peut-être une chose, ç'a peut-être l'air fallacieux de rapporter ce problème, mais je pense qu'il est assez important, d'autre part, de le poser immédiatement et de dire que personne n'a "kidnappé" M. Lesage. Personne ne l'a menacé de le fusiller. Personne n'a créé de l'intimidation auprès de l'Assemblée nationale lorsque ces deux lois de 1964 et 1965 ont été adoptées. Il n'y a personne, sinon, peut-être, un "lobby" syndical, comme il y a sans doute eu un "lobby" patronal, sans aucun doute. Et je me souviens qu'à cette époque, le "lobby" syndical avait été fait en grande partie par un ministre fédéral qui s'appelle Jean Marchand et qui était à ce moment-là président de la Confédération des syndicats nationaux.

C'était tout à fait dans l'ordre. Les deux "lobbies" se confrontaient; on a décidé que grève ou, du moins, droit de grève il y aurait dans la fonction publique et même droit de grève il y aurait chez les employés du gouvernement.

M. le Président, je pense qu'à cette époque, c'était tout à fait logique qu'on accorde le droit de grève puisque le droit de grève — il ne faut pas se le cacher — est un droit auxiliaire, un droit corollaire ou un droit ancillaire, si vous voulez, au droit d'association en matière de relations de travail. Cela semble retourner aux sources que de dire que si on accorde à des travailleurs le droit de faire la grève, il faut nécessairement leur accorder un droit qui est même, M. le Président, reconnu par le code criminel, qu'on appelle le droit de coercition. Je sais que le député de Matane comprend très bien ce que cela veut dire, lui qui, pendant de nombreuses années, a été procureur de la couronne.

Dans le code criminel, le droit de coercition est prohibé, sauf dans un cas, c'est lorsque ce sont des travailleurs qui font une coercition dans l'intérêt des conditions de travail qu'ils réclament. Cela a peut-être l'air de remonter, encore une fois, aux calendes grecques ou quoi que ce soit, de rappeler cela, mais c'est très important parce que, à mon avis, on ne doit jamais oublier que le droit d'association est intimement lié au droit de grève. Ce sont deux choses qui existent de façon concommittente; ce sont deux choses qui existent comme conséquences l'une de l'autre parce que, dans le domaine des relations de travail, comment peut-on défendre le droit d'association dans le but — et c'est toujours ça qui est le droit d'association — de défendre les intérêts économiques, sociaux et moraux, si le syndicat ou l'association en question n'a pas la possibilité de faire valoir son droit?

Or, qu'est-ce que l'employeur a comme possibilité? Il a une possibilité qui est bien simple. Il dit: Je t'offre un emploi et du côté syndical, le syndicat dit: Je t'offre du travail.

A partir du moment où l'employeur veut exercer une pression, il n'a qu'une chose à dire. Une fois qu'il a dit non et que le syndicat n'accepte pas, il n'a qu'une chose à dire: Je te refuse l'emploi. Du côté syndical, le syndicat n'a qu'une chose à dire: Je te refuse le travail. C'est cela qui est la relation entre le capital et le travail. Il ne faut pas avoir peur des mots. C'est exactement cela. Et, quand on parle de relation entre le capital et le travail, on parle, en ce qui concerne le côté syndical, du droit de grève. C'est ce que cela veut dire.

Le droit de grève, dans la fonction publique et dans le groupe parapublic, en ce qui nous concerne tout le monde l'admet et, à cet instant, je n'ai entendu personne intervenir pour nous dire que le droit de grève a été exercé de façon illégale, que le droit de grève n'a pas été exercé au sens de la Loi de la fonction publique ou du code du travail. On pourra nous dire que des injonctions ont été outrepassées, de l'opinion du ministre de la Justice, puisqu'il a porté des plaintes, mais on n'a pas passé à côté des règles établies, soit dans le code du travail ou soit dans la Loi de la fonction publique, concernant le droit de grève. Encore une fois, on est dans cette suite tout à fait logique: l'association qui se forme selon un droit qu'elle a, qu'un groupe de salariés a de former une association, qui obtient nécessairement, même sanctionné par voie d'exception au niveau du code criminel, le droit de coercition, c'est-à-dire le droit de grève, et qui, en plus de cela, se plie à des conditions établies par des lois de juridiction de l'Etat du Québec et qui entre en grève. C'est cela la situation telle qu'on la prend au moment où on nous la présente.

Cette situation-là, elle est d'autant plus surprenante quand on arrive à l'étude du projet de loi no 19. Qu'on se rende compte d'une chose, c'est la troisième négociation. C'est la troisième ronde de négociation, comme on se plaît à le dire, dans la fonction publique. A deux occasions antérieurement à la présente on a réussi à régler le problème sans aucune intervention législative. Et je parle de la négociation de la deuxième ronde qui est arrivée aux alentours des années 1968 et l'autre qui est arrivée aux alentours des années 1965.

A ces deux occasions-là, et sous deux gouvernements différents, on a réussi à régler le problème des employés de l'Etat sans être obligé d'intervenir. Vous allez me dire: Ils ne sont pas allés en grève. Je vais vous dire: Les gouvernements, à l'époque, ont fait en sorte qu'ils n'aillent pas en grève. Et c'est cela qui est bien important.

Aujourd'hui, cela a peut-être l'air bien gentil et bien "smart" de dire: Nous autres, on est poigné avec une grève, et dans le temps, ils n'en ont pas eue. Il faut quand même se dire: Comment se fait-il que ces deux gouvernements précédents, un libéral et un de l'Union Nationale, ont réussi. Cela a beau faire sourire le député de Bonaventure; moi, je ne sourirais pas du tout, du tout, je ne sourirais pas du tout.

M. LEVESQUE: II faut être sérieux. Je n'ai même pas écouté depuis le début les remarques du député de Maisonneuve.

M. BURNS: II serait bon que vous écoutiez, parce que vous sauriez sur quoi vous votez éventuellement.

M. LEVESQUE: Je sais exactement ce qu'il dit, ce qu'il veut dire, ce qu'il a dit et ce qu'il dira.

M. BURNS: II y a des gens qui souffrent de l'omniscience ici. Bravo! Je les laisse souffrir de ça.

DES VOIX: Vote!

M. BURNS: En ce qui me concerne, je trouve ça un peu dramatique, et encore plus quand j'entends le leader parlementaire qui, lui, a amorcé toute cette procédure et qui dit qu'il ne prend même pas la peine d'écouter les députés d'opposition.

M. LEVESQUE: Le ministre de la Justice va vous répondre.

M. BURNS: II me répondra. Mais je trouve ça grave quand même, je trouve que c'est une admission. D'ailleurs, je tirerai quelques conclusions sur ces admissions, éventuellement. Mais une drôle d'admission qu'un ministre qui en plus d'être ministre est vice-premier ministre, c'est-à-dire qu'il remplace le premier ministre et qu'il ne soit même pas capable, à cette heure-ci — même s'il est neuf heures vingt — même si ça fait plusieurs heures que nous siégeons, de retrouver suffisamment de sens pour écouter ce qu'un député de l'Opposition peut dire. Ce n'est que ça qui m'étonne.

M. le Président, je reviens...

M. LE PRESIDENT: C'est parce que je veux rappeler au député de Maisonneuve qu'il ne lui reste que quatre minutes. S'il passe trop de temps en dehors de la motion, il ne lui en restera pas beaucoup pour traiter du fond.

M. BURNS: Vous dites, M. le Président, qu'il me reste quatre minutes? Je vais aller directement.

On dit que je fais un spectacle. Ce n'est pas du tout le cas. Durant les quatre minutes qui me restent, je vais dire que non seulement je trouve comme plusieurs députés, comme le député de Richmond, comme le député de Saguenay l'a mentionné, et comme le député de Bellechasse l'a mentionné, extraordinaire qu'une fois sur trois négociations, le gouvernement qui se retrouve partie à cette négociation et qui joue dans deux sièges, joue dans le siège de ce qu'on appelle la partie et dans l'autre siège de ce qu'on appelle le juge, se retrouve l'Etat employeur, l'Etat législateur à jouer sur les deux tableaux en même temps. Je trouve ça inconcevable, et je trouve que c'est une admission de faiblesse renforcée par le fait que les deux gouvernements antérieurs, eux au moins, ont réussi à passer au travers de la situation sans être obligés de revenir devant la Législature, devant l'Assemblée nationale, pour forcer un retour au travail, et je trouve ça d'autant plus grave que cet employeur qui s'appelle le gouvernement n'a pas utilisé comme nous l'avons tous dit, tous les moyens avant d'arriver...

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, le député de Maisonneuve me permettrait-il une question?

M. BURNS: Je lui permets la questions, M. le Président, en autant qu'on soit un petit peu plus large à mon égard au point de vue de ma période de temps.

Si ma période de temps est très strictement observée, je vais malheureusement refuser à mon bon ami le député de Chauveau, je vais être obligé de lui refuser.

M. HARVEY (Chauveau): Je serai bref.

M. BURNS: Je vais être obligé, parce que votre leader parlementaire vient de dire qu'il va être strict à mon égard. Alors, je refuse, malheureusement.

En ce qui me concerne, je serais prêt à accepter la question du député de Chauveau, mais le leader me dit qu'il va être strict à mon égard. Alors, je suis obligé de refuser.

Alors, M. le Président, je veux tout simplement dire, en terminant, que cette attitude de la part du gouvernement, menée par un leader parlementaire qui, actuellement, est beaucoup plus occupé à voir quelle couverture les journaux donnent à ce débat qu'au débat lui-même qui est actuellement préoccupé à lire, je ne sais pas quel journal, je dois lui dire ceci qu'actuellement le gouvernement, par son projet de loi, est en train de décréter, carrément et ouvertement, la fin des négociations dans le domaine des services public et parapublic. C'est aussi simple que ça, parce qu'il est très clair qu'une fois cette loi votée, comme le disait le député de Richmond tantôt, c'est un précédent grave qui est créé.

Une fois qu'il sera créé, n'importe quel gouvernement, qu'il soit libéral, qu'il soit Unité-Québec, qu'il soit créditiste et peut-être même, avec toute notre bonne foi, qu'il soit Parti québécois, on sera peut-être tenté, d'utiliser cette même méthode, cette même maudite méthode que je dois dire, qui va être toute simple, qui va être toute gentille, qui va dire tout simplement, comme je suis parti et que je m'adonne aussi par hasard, à être législateur, je n'aurai qu'une chose à faire, c'est de refuser toute possibilité de compromis, de rendre concret un blocage des négociations et qu'une fois que j'aurai obtenu ça, il ne me restera plus rien qu'une chose, c'est de me servir de mon autre arme, qui s'appelle mon arme de législateur, de l'utiliser et de décréter, c'est ce que ce projet de loi fait, des conditions de travail.

A ce moment-là j'aimerais bien qu'un ministre, de l'autre côté de la Chambre, explique comment ce projet de loi n'abolit pas purement et simplement le syndicalisme dans la fonction publique. Selon mon humble opinion, c'est ce que ça donne. C'est pour ça, M. le Président, que nous ne pouvons pas être d'accord sur un projet de loi, on l'a souvent employé cette expression: projet de loi matraque. Mais s'il y en a eu un projet de loi matraque, M. le Président, c'est bien le projet de loi no 19. C'est bien celui-là qui est asséné par et l'employeur et le législateur. En ce qui me concerne c'est absolument inacceptable.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Est-ce que j'ai utilisé mon temps, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Vous avez dépassé de deux minutes.

M. BURNS: En deux mots, M. le Président, cette loi-là, il n'y a qu'un mot: c'est dégueulasse. .

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais commencer mon intervention, là où le député de Maisonneuve s'est arrêté et lui poser la question suivante, non pas pour qu'il me réponde mais pour y répondre moi-même: Si on devait suivre sa logique jusqu'à son ultime conclusion, est-ce que ceci ne voudrait pas dire qu'en aucune circonstance, étant donné que le gouvernement est d'une part une des parties au conflit de travail qui a lieu dans le secteur public et qu'il est d'autre part législateur, est-ce que ça ne voudrait pas dire que le gouvernement ne devrait jamais intervenir dans un conflit de travail, dans une grève qui a trop duré dans le secteur public et le secteur parapublic?

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. LAFRANCE: Non.

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

DES VOIX: Non.

M. CHOQUETTE: Si ce n'est pas pris sur mon temps.

M. BURNS: Non, c'est seulement une question. Il a le droit de me refuser, mais s'il accepte, ça me ferait plaisir.

M. CHOQUETTE: Très bien.

M. BURNS: Alors, M. le Président, tout simplement, je demande au ministre: Est-ce qu'il a compris, dans mes propos, que je disais que le gouvernement à tout prix ne devrait pas intervenir? S'il a compris, je lui pose la deuxième question: Est-ce qu'il n'a pas compris le début de mon exposé, qui disait que tous les moyens n'ont pas été pris avant qu'on en arrive à cette solution-là?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je veux bien croire que le député de Maisonneuve puisse faire des reproches au gouvernement, à ceux qui ont eu la responsabilité des négociations dans les secteurs public et parapublic, et qu'il peut accumuler en somme sur le gouvernement toutes les fautes possibles et imaginables, avant les événements, avant le dépôt du bill 19. Mais ceci n'est pas réellement pertinent au débat, puisque la question est de savoir si le gouvernement a le droit, si le gouvernement est justifié, si le gouvernement a même le devoir d'arrêter un conflit qui met en danger tout le secteur public et le secteur parapublic.

Alors quand même l'Opposition ferait des reproches — que d'abord je ne nie complètement, parce qu'à mon sens, ceux qui ont eu la responsabilité de la poursuite des négociations au niveau gouvernemental, ont fait un travail aux yeux des observateurs impartiaux, un travail d'une qualité exceptionnelle — alors même si on devait en somme par souci de débat ou enfin pour indiquer comment on en est arrivé à cette situation, même si on devait démontrer qu'il y a eu des fautes commises, ceci n'infirmerait pas le droit et même la justification du gouvernement d'intervenir dans une situation qui se détériore alors que nous sommes dans le dixième jour de la grève dans les secteurs public et parapublic du Québec.

Alors, si on devait par conséquent suivre le raisonnement du député de Maisonneuve, à cause de la situation dans laquelle le gouvernement se trouve, c'est-à-dire à la fois employeur et législateur, il aurait les mains attachées et il ne pourrait pas intervenir parce que ceci serait

en quelque sorte un conflit d'intérêts, alors qu'on lui reconnaît le droit d'intervenir, pourtant, dans d'autres domaines, entre autres dans le domaine de l'éducation. On lui a reconnu le droit d'intervenir dans le domaine des transports à Montréal et dans divers autres secteurs clefs de la vie économique et sociale du Québec.

Alors, je dis donc, M. le Président, que toutes les prémisses juridiques et philosophiques et historiques du discours du député de Maisonneuve sont inexactes dans ce sens que la prémisse essentielle du député de Maisonneuve c'est que le droit de grève dans les secteurs public et parapublic est un droit absolu, est un droit en somme tellement lié au droit d'association et au droit de négociation, qu'il faut lui reconnaître la qualité d'un droit absolu auquel même le législateur ne peut pas toucher. Eh bien, là je soumets qu'il s'agit d'une absurdité à tous les points de vue, et sur le plan pratique, si on devait suivre la logique du député de Maisonneuve, même si toutes les circonstances devaient justifier une intervention gouvernementale, en vertu de la logique du député de Maisonneuve, ceci empêcherait le gouvernement d'agir. Alors, c'est là en somme la preuve qu'à se situer le débat au niveau abstrait et théorique où le député de Maisonneuve l'a situé, il ne rejoint pas du tout la réalité.

Alors, dans mon intervention je n'ai pas l'intention de faire l'état de la situation concrète telle qu'elle se présente aujourd'hui, je pense que mes honorables collègues l'ont décrie avec passablement de détails et qu'en somme, dans cette Chambre nous sommes majoritairement d'avis que le moment est arrivé d'une intervention gouvernementale pour arrêter un conflit qui risque d'avoir des conséquences graves sur la santé, sur l'éducation et sur le gouvernement du Québec. Cela, c'est notre conviction et je pense que nous avons non seulement le droit d'intervenir en vertu des grands principes que je vais développer tout à l'heure, mais que nous en avons même le devoir dans les conditions actuelles.

M. le Président, ce que je voudrais surtout faire dans mon intervention, c'est situer le droit de grève dans son contexte historique et son contexte juridique. Le droit de grève est un droit, comme l'a dit le député de Maisonneuve — et à ce point de vue je reconnais que la première partie de son intervention n'était pas dénuée de valeur — mais le droit de grève s'est développé en conjonction avec le droit d'association. Pardon?

M. BURNS: On n'est pas toujours dans les patates.

M. CHOQUETTE: Pas toujours. Le droit de grève s'est développé en conjonction avec le droit d'association. Si on se rappelle bien, au XIXe siècle, les employeurs ont fait des causes contre des employés qui s'étaient groupés en association et qui avaient fait des grèves et on a présenté ces causes en vertu du code criminel. Plus tard la législation est venue reconnaître aux travailleurs le droit de s'associer en syndicats, le droit d'être reconnu par l'employeur et de négocier avec lui des conditions de travail, et d'utiliser le moyen de pression, la grève, pour amener l'employeur à signer l'accord, ou pour l'employeur d'utiliser le lock-out pour inciter ses employés également à reconnaître des conditions de travail. Ceci est le schéma général du développement dans le secteur privé, et si je dois reconnaître que le droit de grève est en général lié au droit d'association, je ne peux pas dire la même chose lorsqu'il s'agit du secteur public, lorsqu'il s'agit du secteur parapublic. Parce que dans ce domaine-là, si on se reporte à notre propre situation telle qu'elle prévalait il y a dix ans ou quinze ans, nous avions dans le secteur public un régime où il n'y avait pour ainsi dire aucune reconnaissance — même d'association — du droit d'association parce que les fonctionnaires ne pouvaient pas négocier une convention collective avec leur employeur, à fortiori n'avaient-ils pas le droit de grève?

Dans le secteur de l'éducation, comme le sait le député de Maisonneuve, et le secteur des hôpitaux, on avait un régime de négociations — donc on avait reconnu le droit d'association des travailleurs — mais on ne leur avait pas reconnu le droit de grève et on avait remplacé ce droit de grève par un arbitrage avec sentence obligatoire.

Or, il y eut, comme tout le monde le sait, vers les 1960, un mouvement de remise en question de cette structure juridique s'appli-quant aux relations de travail dans le secteur public et on est allé vers un droit de grève limité au maintien des services essentiels, ce qui, en passant, indique que le droit de grève n'est pas absolu, à mon sens.

Alors, que s'est-il passé? Eh bien, on a assisté depuis cette époque à la fusion de tous les employeurs dans les trois grands secteurs que j'ai indiqués tout à l'heure. Tout d'abord, l'Etat et ses employés ont été mis face à face par la Loi de la fonction publique, adoptée en 1964. Et c'est la loi même de la fonction publique qui accrédite le Syndicat des fonctionnaires, et dans le secteur hospitalier, eh bien, c'est à la faveur de la grève de 1966 que tout le secteur hospitalier a été réuni sous un chapeau, sous une unité. Dans le domaine de l'éducation, eh bien, c'est le bill 25 qui a réuni tous les employeurs, commissions scolaires, avec l'Etat en un secteur.

Donc, l'Etat se trouvait devant trois secteurs dans le domaine public qui avaient été fusionnés et où on reconnaissait le droit de grève. De là, que s'est-il produit? Il s'est produit qu'il y a eu le développement de ce front commun où les trois unités syndicales se sont unies en une seule pour les fins de la négociation des conditions dans le secteur public et, aujourd'hui, alors qu'on insiste du côté du Parti québécois sur le fait que le droit de grève serait un droit absolu,

on insiste dans des circonstances où le gouvernement est obligé de faire face à la réunion conjointe de tous les syndiqués du secteur public et du secteur parapublic. Je pense que le Parti québécois dans son argumentation a perdu le sens des proportions. Il insiste sur, en somme, le fait que le droit de grève serait absolu, ce qui, à mon sens, n'est pas vrai, et il insiste dans des conditions où le gouvernement du Québec est obligé de négocier avec un ensemble extrêmement puissant par le nombre et par les domaines dans lesquels ces travailleurs exercent leur activité parce qu'il s'agit évidemment des domaines qui sont ceux des nécessités de la société et de l'Etat. Ai-je besoin à ce sujet de rappeler que sur le plan de la santé, sur le plan de l'éducation, sur le plan gouvernemental même, ces domaines sont clés?

Si la situation le justifie et compte tenu de ce que le droit de grève n'est pas absolu et peut-être remplacé par d'autres modes de règlement de conflit, l'intervention du gouvernement du Québec et du Parlement vaut au plan juridique, au plan historique, et elle se justifie par la situation que nous vivons à l'heure actuelle.

Car ce n'est pas le droit de grève qui est le droit absolu, à mon sens, c'est le droit de discuter et de trouver des conditions de travail qui soient acceptables et convenables aux deux parties. Je serais bien plus prêt de reconnaître un droit absolu à la négociation et à la discussion, de reconnaître la valeur de ce droit qu'un droit de grève.

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. CHOQUETTE: Non. A moins que le député me donne du temps, mais je ne permets pas d'interruption.

M. BURNS: Bien, il vous reste cinq grosses minutes encore.

M. CHOQUETTE: Non.

Dans le secteur public, compte tenu qu'il ne s'agit pas exclusivement des intérêts de l'employeur, et ceci saute aux yeux à mon sens, il s'agit de l'intérêt des patients dans les hôpitaux.

Il s'agit de l'intérêt des enfants dans les écoles. Il s'agit de l'intérêt des citoyens comme administrés du gouvernement. Alors s'agissant d'intérêts en somme de tiers par rapport aux parties qui négocient, je dis qu'il est clair et évident, que le droit d'arrêter toute activité dans ces domaines ne peut en aucune circonstance avoir un caractère absolu.

C'est donc dire, M. le Président, que le bill 19 qui est présenté devant cette Chambre, ne devrait pas prendre l'allure et que ça n'est qu'une caricature de la part de nos amis d'en face, si on tente de le faire passer, pour une loi matraque qui d'une part termine à jamais le droit de grève, d'autre part qui terminerait toute négociation et finalement, comme le disait le député de Maisonneuve, tout à l'heure qui mettrait fin au syndicalisme dans la fonction publique.

C'est une exagération monumentale...

M. BURNS: C'est ça qui va arriver, vous allez voir. Je fais une petite prédiction, c'est ça qui va arriver.

M. CHOQUETTE: M. le Président, c'est une exagération monumentale de la part du Parti québécois et peut-être de certains autres députés d'autres partis qui ne voient pas en somme le contexte général dans lequel tout cela se passe et qui ne sont pas capables de percevoir que, dans le domaine des relations de travail, les principes sont au minimum, qu'il s'agit, la plupart du temps, d'interventions qui ont un caractère pratique. Ici, je m'adresse secrètement à l'expérience du député de Maisonneuve dans le domaine des relations de travail.

Le député de Maisonneuve sait très bien que, dans le domaine du travail, ce n'est pas la place des grands principes, c'est la question des solutions pratiques. C'est le monde des solutions pratiques.

M. BURNS: C'est justement pour ça que vous avez pris des injonctions, je pense. C'est justement pour ça que vous avez pris des ordonnances en vertu de la règle nisi. C'est pour ça que vous avez fait mettre du monde en prison, je suppose. Est-ce pour ça?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. CHOQUETTE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE: ... je m'attendais pas à cette explosion du député de Maisonneuve.

M. BURNS: II y a un gars qui vient de me parler des choses pratiques, qu'est-ce que vous voulez?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ferais remarquer au député de Maisonneuve...

M. CHOQUETTE: ... va se sentir bien mal vu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Je crois que le député de Maisonneuve fait actuellement ce qu'il reproche souvent aux autres. A l'ordre!

M. BURNS: II vient de faire mettre du monde en prison là, pour six mois, à partir d'hier.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ferai mon devoir, ce n'est pas le député de Maisonneuve qui va m'en empêcher.

M. BURNS: Venez parler de problèmes pratiques, là. On va en parler de problèmes pratiques là actuellement. Parlons-en de problèmes pratiques.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je rappelle à l'ordre le député de Maisonneuve s'il vous plaît.

M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneuve est manifestement ému à ce moment-ci et je lui...

M. BURNS: Non, parce qu'il y a des choses que je n'accepte pas qu'on nous...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je rappelle à l'ordre une deuxième fois le député de Maisonneuve.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je cherchais à expliquer que, quand on fait, on examine la situation du point de vue du droit d'association, du droit de négociation et du droit de grève ou de "lock-out" ou de moyens de pression, on est devant des problèmes d'ordre pratique et non des problèmes d'ordre théorique.

Et j'essayais d'expliquer au député de Maisonneuve que, nous situant dans le monde du pratique, il fallait tenir en considération les personnes qui sont les administrées des trois secteurs, des secteurs public et parapublic, et qui ont eux besoin d'une intervention de la part du gouvernement.

M. le Président, le député de Maisonneuve a semblé exploser à l'égard de certaines actions judiciaires qui ont été prises. Je ne ferai pas de commentaires, M. le Président, excepté que les procédures qui ont été engagées l'ont été légalement. Elles n'ont eu que pour objet de faire respecter les lois, les tribunaux de première instance se sont prononcés, des appels ont été logés et, par conséquent, notre système judiciaire résoudra ces problèmes et ceci à mon sens dans le meilleur intérêt à la fois de la société et des parties qui sont concernées.

Je conclus mon intervention en disant ceci: En nous situant donc devant le problème tel qu'il nous a été décrit par nos collègues principalement responsables des trois secteurs intéressés, je ne vois pas comment le gouvernement peut se croiser les mains et s'abstenir d'intervenir dans le conflit actuel, et au moins commander le retour au travail à bref délai.

Il me semble que c'est là le devoir du gouvernement, et même si ceci doit causer un problème de conscience à la Chambre parce qu'il est exact que l'Etat est ici législateur et employeur, ce dilemme, cette difficulté, ce problème de conscience, doit néanmoins être résolu et dans le sens de l'intérêt public. Et, actuellement, l'intérêt public demande le retour au travail. Merci.

M. BURNS: M. le Président, en vertu de l'article 97, je voudrais tout simplement rétablir des faits qui ont été mal interprétés de la part du ministre de la Justice dans mon intervention.

Le ministre de la Justice tente de me faire dire des choses que je n'ai pas dites, c'est-à-dire que le droit de grève est absolu. D'ailleurs, si je disais ça, ça voudrait dire que les policiers provinciaux ont un droit de grève absolu. Je n'ai pas admis ça, je pense. Nulle part dans mon intervention je n'ai dit ça. Même si le gouvernement règle ce genre de grève de façon beaucoup plus à l'amiable que le genre de grève que nous avons actuellement, évidemment, c'est leur bouclier à ce maudit système.

M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est une rectification ou un plaidoyer pour me répondre?

M. LE PRESIDENT: Je crois que vous allez engendrer un nouveau débat, ce qui n'est pas permis.

M. BURNS: Je n'irai pas plus loin, M. le Président, j'ai parlé du bouclier du système. J'arrêterai d'en parler immédiatement. Tout le monde sait que les policiers sont les boucliers du système.

M. le Président, je veux tout simplement dire ceci: J'ai été mal interprété dans ce sens que je trouve absolument ahurissant de la part d'un gouvernement. C'est ce que j'ai dit. Je répète ce que j'ai dit ou du moins le sens de ce que j'ai dit si le ministre ne l'a pas compris. J'ai dit que le droit de grève dans la fonction publique a été accordé par un gouvernement, que des règles ont été posées — c'est pour ça que j'ai parlé de grève légale, peut-être que le ministre ne comprend pas ça, j'ai parlé de grève légale et...

M. CHOQUETTE: Vous êtes spaghetti comme votre chef, spaghetti comme le député de Bourget.

M. BURNS: M. le Président, je dis tout simplement que ce droit de grève dans les circonstances, je n'ai pas peur de le dire, est absolu. Qu'on joue les règles du jeu, c'est ce que j'ai dit.

M. CHOQUETTE: Est-ce que c'est absolu ou si ce n'est pas absolu?

M. BURNS: M. le Président, il y a des règles et elles sont absolues tant que vous n'amenderez pas la loi et tant que vous n'aurez pas le courage de le faire.

M. CHOQUETTE: Vous avez dit le contraire. Vous venez de vous contredire en une phrase.

M. BURNS: Pas du tout! Pas du tout! M. CHOQUETTE: Mais oui!

M. BURNS: Je n'ai pas dit que le droit de grève en soi l'était. J'ai dit que le droit de grève en ce qui concerne les fonctionnaires est absolu tant que vous n'aurez pas le courage de venir devant cette Chambre et d'amender ce droit de grève. Tant que vous n'aurez pas le courage de dire à la population...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

DES VOIX: Vote!

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, juste un mot étant donné que je suis le dernier à parler, comme droit de réplique cela met fin au débat de deuxième lecture. J'ai écouté depuis treize heures ou quatorze heures les discours interminables des membres de l'Opposition. Tout ce que je puis dire, M. le Président, c'est que je n'ai pas changé d'avis. Je suis quand même surpris de voir l'attitude des membres du Parti québécois parce que leur chef, ce matin, dans le Journal de Montréal, dit qu'il y a 90 p.c. des citoyens qui sont d'accord pour un projet de loi de retour au travail.

M. CHARRON: En vertu de l'article 97, est-ce que je peux rétablir les faits?

DES VOIX: Vote! Vote!

UNE VOIX: C'est faux! Il affirme des faussetés.

M. CHARRON: Sur une question de privilège, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Question de privilège. A l'ordre! Brièvement. Et vous allez me prouver qu'il s'agit de vos privilèges.

UNE VOIX: II a menti à la Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Allez-y! Allez-y!

M. CHARRON: M. le Président, l'interprétation qu'a faite le député de Mercier du texte publié ce matin est erronée. Ce qui est contenu dans l'article c'est que l'écoeurement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Quelle est la question de privilège?

M. CHARRON: La question de privilège, M. le Président, c'est d'avoir trompé la Chambre en disant que le chef du Parti québécois avait réclamé 90 p.c. ... Ce qui est dit dans le texte, c'est que l'écoeurement de la situation dont est aussi responsable le gouvernement dont il se dit le chef, c'est ça les 90 p.c. ... les gens se trouvent...

M. BOURASSA: Je n'ai pas dit qu'il avait réclamé, j'ai dit qu'il avait constaté que 90 p.c. de la population...

M. LESSARD: La crise d'octobre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Nous demandons le vote enregistré, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote

M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont en faveur de l'adoption de cette motion de deuxième lecture veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Harvey (Jonquière), Simard (Richelieu), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Cournoyer, Fournier, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Arsenault, Coiteux, Vaillancourt, Vézina, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saindon, Picard, Leduc, Fortier, Assad, Bacon, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornellier, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Gagnon, Croisetière, Gauthier, Simard (Témiscouata), Audet.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Drolet, Brochu, Béland, Guay, Laurin, Burns, Léger, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm).

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LE SECRETAIRE: Pour: 67. Contre: 15.

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit maintenant référé à la commission plénière.

M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement. Cela prend une motion, je pense.

M. LE PRESIDENT: Oui, oui, il y a une motion. Le leader parlementaire du gouvernement propose que le projet de loi no 19 soit

envoyé en commission plénière. Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: M. le Président, elle n'est pas adoptée tout de suite.

M. le Président, notre nouveau règlement prévoit...

UNE VOIX: Ah!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: M. le Président, s'il y en a qui sont fatigués, vous pouvez leur dire d'aller se coucher et on va pouvoir parler entre adultes.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, j'ai été bien gentil jusqu'à maintenant, je n'ai ennuyé personne. Ce n'est peut-être pas l'heure de son lever, ce n'est pas ma faute.

M. le Président, je veux tout simplement dire que, par notre règlement, normalement, à moins qu'il y ait une motion comme celle qui est devant nous actuellement, nous devons passer par la commission parlementaire. Selon nous, l'étape normale serait l'étape normale du règlement, c'est-à-dire celle de la commission parlementaire parce qu'elle nous permettrait à ce moment-ci — évidemment le projet de loi en deuxième lecture a été adopté, nous n'avons pas à revenir dessus — mais ça nous permettrait quand même, si la commission parlementaire avait lieu de pouvoir demander aux parties, non pas mardi prochain, tel que le dit le projet de loi, mais dès ce matin, de venir nous rencontrer. C'est ce pourquoi je me pose de très sérieuses questions sur l'utilité de passer en commission plénière plutôt qu'en commission parlementaire de la Fonction publique comme normalement cela aurait dû être fait en vertu de notre règlement.

Je vais simplement poser le problème: Est-ce que, encore une fois, après plusieurs représentations de la part de toutes les Oppositions, le gouvernement se refuse ce dernier recours avant que le projet de loi soit adopté? Nous avons demandé la commission parlementaire avant même qu'il soit question d'un projet de loi. Et encore une fois, les trois partis de l'Opposition l'ont demandée. Nous avons demandé, à la toute dernière limite, par un amendement du député de Bellechasse, une suspension de quatre heures pour rencontrer les parties. Cela nous a été refusé, encore une fois. Et là, à ce moment-ci, selon la procédure normale, on pourrait aller en commission parlementaire et entendre les parties. Et, encore une fois, semble-t-il, c'est une autre voie d'évitement que le gouvernement choisit. Quand nous disons — et nous nous posons tout haut la question — est-ce que le gouvernement a peur, avant l'adoption de sa loi, de faire face aux arguments des chefs syndi- caux? De plus en plus, on commence à être convaincu que c'est dans l'affirmative qu'on doit répondre à cette question.

M. le Président, je pose simplement le problème. Nous ne ferons pas de longs débats là-dessus, mais nous considérons que, véritablement, si dans le processus de l'adoption de ce projet de loi on doit véritablement consulter avant, mais non pas après, il me semble que c'est l'endroit idéal pour consulter.

Pour paraphraser le député de Rouyn-Noranda qui est très fort en dictons étrangers, — lui parle de pompier, il faut éteindre le feu d'abord — je vais vous dire, M. le Président: II ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain! C'est ce qu'on est en train de faire: On vide le bain et on jette le bébé avec! Cela ne me fait rien, mais c'est une question que je me pose tout haut. Est-ce qu'on doit faire cela?

M. PAUL: M. le Président, s'il avait été possible d'entendre les témoins à la commission parlementaire après la deuxième lecture du projet de loi, nous aurions été favorables à l'appui de la motion, de faire des remarques dans le même sens que celles de l'honorable député de Maisonneuve. Mais comme la référence à la commission parlementaire de la Fonction publique n'aurait pour résultat et que pour champ de travail que celui qui est déterminé par la commission plénière de l'Assemblée nationale, je vous donne les raisons pour lesquelles nous ne nous opposons pas à ce que le projet de loi soit référé pour étude à la commission plénière de la Chambre, de l'Assemblée.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Pour notre part, conscients de la situation, M. le Président, nous ne pouvons pas endosser les propos des préopinants qui nous ont précédés. Cependant, M. le Président...

M. BOURASSA: ... pas dit la même chose.

M. LATULIPPE: ... nous ne croyons pas que cela changerait grand-chose à l'heure actuelle.

M. BOURASSA: Ils n'ont pas dit la même chose.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

Commission plénière

M. BLANK (président de la commission plénière): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement, étant donné que les règles spéciales

de procédure qui ont été adoptées nous limite à trois heures de débats, en commission plénière, sauf erreur, que vous confirmiez que c'est bien trois heures?

Pour faire connaître immédiatement deux amendements que nous avons à faire, ce sont les seuls d'ailleurs, j'aimerais tout simplement les déposer, M. le Président, et en faire parvenir une copie à chacun des chefs des partis. Ce sont des amendements concernant l'article 5 et l'article 10 du projet de loi.

M. LE PRESIDENT: ... adopté.

M. BURNS: Non, une minute. M. le Président, est-ce que je peux vous demander au départ, en toute bonne foi, étant donné que nous sommes ici à l'arrière de vous à toutes fins pratiques, que vous regardiez de notre côté avant de dire adopté, d'accord?

M. LE PRESIDENT: D'accord. J'ai pensé que vous n'aviez aucune objection...

M. BURNS: Non, j'ai des remarques à faire sur l'article 1.

M. LE PRESIDENT: D'accord. Vous avez la parole.

M. BURNS: Je peux les faire maintenant? M. le Président,...

M. LOUBIER: Si le député de Maisonneuve le permet, c'est que nous avions exactement le même amendement à soumettre et nous faisons nôtre celui qui le soumet, parce qu'il est absolument conforme à ce que nous voulions entériner...

M. LE PRESIDENT: Lequel des deux?

M. BURNS: Ce seront des amendements, je n'ai aucune objection que l'on puisse dire que ce sont des amendements...

M. PAUL: Oui, mais dans le 10 on va peut être vous rejoindre.

M. BURNS: Conjoint de l'Unité-Québec et du Parti Québécois. C'est peut être cela l'unité. M. le Président, sur l'article 1...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: L'article 1 c'est beaucoup plus, j'aimerais savoir, d'abord à quel ministre. Est-ce que c'est au premier ministre ou au ministre des Finances que je dois m'adresser ou au ministre du Travail que je vois sur les premières banquettes pour cette discussion?

M. BOURASSA: Tout dépend de la question.

M. BURNS: Alors, je vais vous poser le problème tel qu'il se pose à mon avis, c'est une question beaucoup plus qu'autre chose. Si je lis à l'article 1, paragraphe a) la définition du salarié, je ne vois nulle part les employés de l'Hydro-Québec, de la Commission hydro-électrique du Québec, première constatation. Deuxième constatation, c'est qu'à moins d'avoir mal compris le ministre de la Fonction publique au cours des semaines qui ont précédé, les employés de l'Hydro-Québec sont considérés par le gouvernement comme des employés qui sont liés par la politique salariale du gouvernement.

Est-ce que je vais trop vite? Je ne vais pas trop vite, M. le premier ministre?

M. BOURASSA: L'Hydro-Québec n'est pas couverte par la loi.

M. BURNS: Bon, je fais peut être erreur, mais quand je lis la définition du mot "salarié", je ne vois pas les employés de l'Hydro-Québec et les employeurs eux sont définis par le paragraphe b), lequel définit une personne, c'est-à-dire un employeur est une personne qui emploie un salarié, donc qu'on se réfère au paragraphe a). Donc, le paragraphe a) à mon avis est le coeur de la définition du mot "salarié". Sauf erreur, je n'ai pas vu et si j'ai mal lu ce texte-là, j'aimerais qu'on me l'indique.

Ma première constatation, M. le ministre du Travail, c'est que je pense que les employés de l'Hydro-Québec ne sont pas désignés dans la définition du mot "salarié".

M. COURNOYER: C'est exact.

M. BURNS: S'ils ne sont pas définis, est-ce qu'on peut me confirmer ou infirmer le fait qu'ils sont liés par la politique salariale du gouvernement et une troisième question, parce que ces trois questions sont liées ensemble, s'ils sont pris dans la politique salariale, qu'est-ce qu'il advient d'eux à partir du moment de l'adoption de cette loi-là et le côté pratique de cette question-là a son application de la façon suivante. Ces employés-là sont actuellement visés par une injonction qui les empêche de faire la grève pour une période de 80 jours.

Or cette période-là c'est assez important qu'on le sache, expire antérieurement encore une fois,sauf erreur, à la date où le gouvernement aura le droit de décréter des conditions de travail. Donc, est-ce qu'on doit dire immédiatement aux employés de l'Hydro-Québec, qu'ils ne sont pas couverts par cette loi et, soit dit en passant, je ne vous demande pas de les couvrir. Je suis contre le principe de la loi qui vient d'être adoptée. On a voté contre, etc.

Ce n'est pas dans ce sens-là. Je veux savoir quel sort ces employés-là qui sont quand même un nombre dans les dizaines de milliers d'employés — la publicité dit 12,012 mais en tout cas j'imagine que ça inclut les cadres — mais il y

a quand même plusieurs milliers d'employés qui sont visés à l'Hydro-Québec. Et comme à un moment donné, pour une raison qui leur appartient à eux seuls, de décider, ils ont décidé de se retirer du front commun, à ce moment-là, semble-t-il, le gouvernement ne les voyant pas en grève, les voyant respecter l'injonction, s'est dit: Ce ne sont pas des employés des domaines public et parapublic et Dieu sait qu'en ce qui me concerne, ce sont des employés du domaine au mo ins parapublic.

C'est une compagnie de la couronne, c'est une corporation de la couronne. Au même titre d'ailleurs que la Société des alcools du Québec. Et là je me pose des questions, comme sans doute à l'heure actuelle, des employés de l'Hydro-Québec se posent la question: Qu'est-ce qu'il advient de nous dans cette situation-là? Est-ce qu'on devra leur dire qu'après l'expiration des délais imposés par l'injonction qui les vise, ils devront eux, de leur côté, repartir en grève, pour essayer, si jamais ils ne sont pas satisfaits? Remarquez, s'ils sont satisfaits, tant mieux, il n'y aura pas de problème. Ils vont signer une convention collective, mais je parle du cas, je mets ça au pire. S'ils ne sont pas satisfaits, est-ce qu'ils devront se mettre en grève? C'est important pour eux, à ce moment-ci, de savoir quelle est l'opinion du gouvernement concernant l'application quant à eux de la politique salariale, c'est-à-dire qu'à mon humble avis, ce serait un élément de décision ou un élément dont ils devraient tenir compte dans leur décision de retourner en grève s'ils sont insatisfaits, l'élément étant qu'ils sont ou qu'ils ne sont pas couverts par la politique salariale. Je sais que le ministre du Travail sait parfaitement ce que je veux dire quand je pose la question de cette façon-là.

M. COURNOYER: Le ministre du Travail comprend parfaitement la question. Ma première réponse, le ministre du Travail va répondre: Non, ils ne sont absolument pas inclus dans le contexte de la loi spéciale.

M. BURNS: D'accord.

M. COURNOYER: La raison n'est pas que l'Hydro-Québec et le gouvernement n'ont pas de relations. Ils ne sont pas en grève. Il va de soi qu'ils ne sont pas dans le bill 46 qui a été adopté et le ministère de la Fonction publique n'a rien à voir avec eux officiellement. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de conversation entre les officiers du ministère de la Fonction publique et l'Hydro-Québec. Je pense qu'il va de soi qu'il y en ait étant donné que c'est un secteur public.

Quant à savoir s'ils sont liés par la politique salariale du gouvernement, je viens de dire que le ministère de la Fonction publique, n'ayant rien à dire officiellement dans les relations de Travail à l'Hydro-Québec, je ne sache pas qu'une loi lie l'Hydro-Québec aux politiques salariales du gouvernement.

M. BURNS: Mais je m'excuse d'insister sur ce problème-là, parce que la réponse du ministre est évidemment très habile, remarquez, très claire aussi. Je veux savoir. Ecoutez, ce ne sont pas des farces que je fais. Je veux savoir, je vais vous la poser encore plus clairement que ça, M. le ministre, la question.

Imaginons une situation, tout le problème du front commun étant réglé, à un chiffre hypothétique, disons pour ne choquer personne, à 8.5 p.c. Cela ne vise personne là, 8.5 p.c. d'augmentation. Cela va? Bon. Les 8.5 p.c. s'appliquant aux employés régis par les conventions collectives du front commun, est-ce que les employés de l'Hydro-Québec formellement ou non seront liées à ces fameux 8.5 p.c. d'augmentation si c'est ça l'augmentation qu'on donne aux employés du front commun. C'est rien que ça. Le ministre peut me dire facilement et je comprends qu'il ne me ment pas quand il me dit ça.

Il peut me dire, quant à nous: C'est une affaire complètement à part. Mais vous savez fort bien, M. le ministre, M. le premier ministre surtout — peut-être le premier ministre le sait-il davantage — que les emprunts de l'Hydro-Québec étant garantis par le gouvernement québécois, il est bien évident que le gouvernement québécois a un certain intérêt sur ce qui se passe à l'Hydro. Le contraire ne serait pas normal.

Si cet intérêt se traduit par une dictée même occulte, c'est-à-dire non officielle, sans que le premier ministre ou le ministre du Travail ou de la Fonction publique, dise officiellement: Vous ne dépasserez pas les 8.5 p.c. que nous avons offerts à nos employés, je veux savoir si en fait ces employés doivent savoir qu'ils sont liés par ça et je vous demande de ne pas tourner autour du pot. Je vous demande de répondre directement à la question: Est-ce que l'Hydro-Québec est normalement ou virtuellement, factuellement liée par l'offre qui sera faite...

M. BOURASSA: Légalement, non.

M. BURNS: C'est une réponse que je ne vais pas qualifier, mais lé premier ministre sait fort bien que c'est une réponse qui ne me satisfait pas. Légalement, c'est évident, nous écartons ça. Maintenant, en dehors du terme légalement est-elle lié?

M. BOURASSA: Pour nous, c'est la loi qui compte.

M. BURNS: Je ne le demande pas dans mon intérêt à moi, je ne suis pas un employé de l'Hydro-Québec, et je ne le serai probablement jamais, malheureusement, mais il y a des employés qui se la posent, cette question. Il serait peut-être bon qu'à ce stade-ci on y réponde sans faire des détours.

M. COURNOYER: Les négociations actuellement à l'Hydro-Québec sont conduites par

l'Hydro-Québec. On sait fort bien que, déjà, la formule de salaire est différente à l'Hydro-Québec, l'offre de 6 p.c. pour 18 mois a été faite à l'Hydro-Québec et 6 p.c. pour une deuxième période de 18 mois a été faite par l'Hydro-Qué-bec. Je sais que c'est un arrangement différent de chiffres tandis qu'ici on parlait de 4.8 p.c, 4.8 p.c., 4.8 p.c. Il peut y avoir des modifications dont on a parlé récemment. Il est donc clair que, quand on parle de chiffres dans l'absolu comme ça, qu'il n'y a pas de liaison ou d'autorité morale du gouvernement sur l'Hydro-Québec, sur l'aménagement des sommes d'argent qu'elle s'approprie.

M. BURNS: Je vais vous poser une question suggestive. Je pense que c'est permis ici, des questions suggestives. Dois-je comprendre que quelles que soient les offres qui seront faites par l'Hydro-Québec, sur le plan monétaire à ses employés, le gouvernement n'interviendra pas?

M. COURNOYER: Allez donc comprendre ça!

M. BURNS: C'est-à-dire que je dois comprendre le contraire.

M. BOURASSA: Pas tout à fait.

M. BURNS: Dois-je comprendre que toute offre... Ecoutez, je n'essaie pas de faire le fin avec vous autres, je pense que c'est plutôt vous autres qui essayez de faire les fins avec moi. Moi, j'essaie d'avoir une réponse la plus précise possible. Je vais inverser ma question. Dois-je comprendre que toute offre qui sera faite par l'Hydro-Québec sera au moins visée ou examinée par le gouvernement quant à la recevabilité, quant à son veto.

M. BOURASSA: II y a des relations assez étroites entre l'Hydro-Québec et le gouvernement, ç'a toujours existé. Je suppose que l'Hydro-Québec...

M. BURNS: Pourquoi ne le dites-vous pas clairement, M. le premier ministre, que vous allez dire à l'Hydro: Non, n'offre pas ce montant-là, parce que ça va nous fourrer sur notre politique salariale.

M. BOURASSA: L'autonomie de l'Hydro-Québec, j'ai déjà dit à plusieurs reprises que je la respectais, mais il est clair qu'il doit quand même y avoir un minimum de cohérence. C'est pourquoi il y a eu un rétrécissement depuis quelques années, entre l'ensemble des institutions d'Etat, et l'autonomie de l'Hydro-Québec demeure.

M. BURNS: II y a véritablement une relation entre la politique salariale du gouvernement et ce qui pourra être offert à l'Hydro-Québec. C'est ça que je dois comprendre.

M. BOURASSA: Une certaine relation.

M. COURNOYER: II faut tenir pour acquis qu'il y a une influence de la politique salariale gouvernementale sur les politiques salariales de l'Hydro.

M. BURNS: Très importante.

M. COURNOYER: J'ai dit hier: une influence dépendant des circonstances.

M. BURNS: Cela a pris du temps, mais je pense que j'ai eu ma réponse.

M. LE PRESIDENT: Article 1 a); adopté, b)?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai des petits amendements peu importants: insérer dans la neuvième ligne du paragraphe a), avant le mot "ou", ce qui suit: "des services communautaires hospitaliers de Québec". Ce ne sont pas des amendements importants: insérer dans la première ligne du paragraphe c), après le mot "association", le mot "accréditée".

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce à l'article 1?

M. BOURASSA: Article 1 a).

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, ce serait une information que je voudrais demander au ministre du Travail.

M. BOURASSA: Vous avez la liste? M. BURNS: Oui, oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Dans le projet de loi, vous avez ici, section 1, interprétation on dit: dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, les mots et expressions suivants signifient, et là vous avez la définition du mot salarié. Et un salarié au sens du code du Travail qui est dans l'article a) on parle des employés d'hôpitaux, des employés des services sociaux, des centres d'accueil, de la fonction publique au sens de la Loi de la fonction publique.

Actuellement, les employés de la Voirie sont en grève. Où trouvez-vous ici dans cet article-là, un libellé ou quelque chose qui inclut les employés de la Voirie. Où sont-ils dans la définition du mot salarié ici?

M. COURNOYER: Dans la Loi de la fonction publique.

M. LE PRESIDENT: Article 1 adopté tel qu'amendé. Article b).

M. BOURASSA: L'article 1 est adopté, je pense, avec les amendements. Est-ce que le

député de Beauce a des amendements à faire sur l'article 1? L'article 1 est adopté.

M. ROY (Beauce): Article 1, ça va.

M. BOURASSA: Avec les deux amendements mineurs.

M. LE PRESIDENT: Article 2.

M. VINCENT: M. le Président, à l'article 2, j'aurais une question à poser au premier ministre, question peut-être hypothétique mais qui touche tout de même une situation qui pourrait se produire. Supposons que quelqu'un employé d'hôpital serait parti hier midi pour la fin de semaine, qu'il reviendrait lundi ou mardi ne sachant pas ce qui se passe.

M. BOURASSA: C'est écrit: "aux conditions habituelles".

M. VINCENT: Oui, mais...

M. PAUL: Ce n'est pas habituel.

M. VINCENT: Parce que, si je me souviens bien, quand nous avions adopté la loi forçant les médecins à revenir au travail, nous avions à ce moment-là fait une exception.

M. BOURASSA: Suivant les chiffres ou les cadres?

M. VINCENT: Oui, mais supposons par exemple que cette personne-là serait partie hier midi, dans ses fonctions ordinaires, elle aurait dû travailler dans un hôpital, samedi, mais que pour une raison ou pour une autre, elle n'est pas au courant, elle n'a pas entendu parler qu'il y a grève.

Elle est partie quelque part là...

M. BOURASSA: Mauvaise foi. Je ne vois pas de problème, mais il faudrait quand même que l'employeur soit drôlement...

M. PAUL: Elle est exposée quand même à des sanctions.

M. VINCENT: Elle est exposée, parce qu'en vertu de l'article...

M. PAUL: Elle sera au moins sujette à l'enquête.

M. VINCENT: Parce qu'en vertu de l'article 11 — c'est en vertu de l'article 16, — c'est ça. Non je demanderais simplement de vérifier ce...

M. BOURASSA: Mais il n'y a pas, j'en discute avec le ministre des Affaires sociales qui disons qui est particulièrement impliqué dans le cas du secteur hospitalier, puis disons...

M. CASTONGUAY: Bien je peux, M. le Président, indiquer que, dans le cas des médecins, il ne s'agit pas de travailleurs salariés ni de travailleurs non salariés qui n'ont pas respecté des heures de travail.

M. VINCENT: C'est parce que quand nous avions adopté une loi spéciale pour demander aux médecins le retour au travail, c'est à ce moment-là que nous avions également soulevé la possibilité, si un médecin était absent, à l'extérieur du pays, et qu'il ne pouvait pas physiquement se présenter à minuit ou à telle heure du jour, nous avions stipulé une exemption pour éviter que ce médecin soit accusé d'avoir enfreint un article de la loi.

M. CASTONGUAY: Oui, mais il y avait — et j'y viens, M. le Président — une différence assez marquée dans ce cas, et si vous vous souvenez, nous avions demandé que le retour au travail s'effectue le lundi. Nous avions aussi donné une définition de ce que constituait l'exercice habituel de leur profession et c'est la raison pour laquelle aussi nous avions dû aller dans ce type de dispositions, par ce que la définition de ce constitue l'exercice habituel de leur occupation ou de leur profession aurait pu placer dans une situation embêtante, ceux qui au moment de la mise en vigueur de la loi auraient pu à ce moment-là se retrouver à l'extérieur du pays ou du Québec, alors qu'ici ce sont des salariés qui sont liés par un contrat de travail et qui doivent en vertu de ce contrat de travail, répondre aux conditions stipulées dans ce contrat.

Maintenant, j'imagine — et là je déborde les interprétations, je ne suis pas en mesure d'entrer dans ce type d'interprétations — qu'il serait intéressant de connaître un spécialiste des relations de travail ou quelqu'un qui a de meilleures connaisances juridiques que les miennes, si on interprète de façon stricte ce type de dispositions.

M. PAUL: M. le Président, le ministre des Affaires sociales est assez honnête pour dire que, sur ce domaine-là, il n'ose pas se prononcer. Il peut arriver qu'une personne doive faire face à une plainte, nul ne peut ignorer la loi, et s'il se présente devant le juge...

M. BOURASSA: Je m'excuse, c'est seulement le Procureur général qui peut poursuivre en vertu de l'article 5.

M. PAUL: On sait comment ça se présente. Au point de vue pratique, M. le Président, on sait comment ces plaintes-là sont portées. Je ne veux pas blâmer le processus de plaintes de la part des procureurs de la couronne, mais il arrivera, M. le Président, qu'un individu sera devant les tribunaux et il ne pourra invoquer comme défense: J'ignorais la loi. Et à ce moment-là, il devra nécessairement retenir les

services d'un avocat, parce qu'il n'y a pas de juge qui accepterait ce plaidoyer qui en fait n'en serait pas un.

Alors, c'est ce point qu'a soulevé à bon droit le député de Nicolet et je me demande si le premier ministre, avec toute la batterie d'experts qu'il a avec lui dans le moment, ne consentirait pas à ce que ce...

M. BOURASSA: De bons experts.

M. PAUL: ... C'est clair, ils ont travaillé pour nous avant. Alors, ce n'est pas difficile de travailler pour vous maintenant. L'expérience acquise...

M. BOURASSA: Vous nous faites peur, là.

M. PAUL: ... avec le peu d'efficacité que vous avez, ce n'est pas une grosse tâche pour eux. D'ailleurs, M. le Président, je m'excuse, le premier ministre m'a fait dire des choses que je pensais, que je ne voulais pas dire, mais que je suis heureux d'avoir dites.

Alors, c'est là le problème. Sûrement, le ministre du Travail M. le conseiller Chouinard, M. Bolduc, M. Héroux, pardon, pourra certainement suggérer au premier ministre et, là, il ne comprendra rien, mais je suis sûr qu'il peut facilement transmettre les informations que pourront lui communiquer ses conseillers juridiques.

Qu'on suspende, M. le Président. Peut-être que nous faisons erreur, nous faisons confiance beaucoup plus aux conseillers du premier ministre en la matière, qu'au premier ministre lui-même.

M. BOURASSA: Bien, c'est évident que c'est une question technique. On peut parler de finances publiques, ce serait différent.

M. PAUL: M. le Président, j'ai été, je n'ai rien enlevé au premier ministre. Je lui ai dit en ce domaine.

M. BOURASSA: D'accord.

M. PAUL: II ne peut pas être polyvalent.

M. BOURASSA: Moi, je fais plus confiance également en ce domaine au leader parlementaire. C'est pourquoi je vais accepter...

M. PAUL: Je n'ose pas, M. le Président, parce que ça nous arrive bien des fois, de faire d'excellentes suggestions au premier ministre. Il ne les accepte pas. Il est obligé...

M. BOURASSA: Oui, oui.

M. PAUL: ... de nourrir le remords pendant des mois de temps.

M. BOURASSA: J'ai M. Cournoyer qui me suggère d'ajouter... Vous l'aviez oublié tantôt parmi mes experts.

M. PAUL: Ah non! c'est le premier que j'ai salué. La hiérarchie des valeurs, M. le Président, c'est un ministre, vous avez le secrétaire du conseil exécutif, vous avez un spécialiste en la personne de M. Rioux, c'est pour cela que j'ai dit: une batterie d'experts.

UNE VOIX: II avait quand même mentionné tous ceux qui avaient pris de l'expérience chez nous.

M. BOURASSA: ...ajouter: "à moins d'impossibilité dont la preuve lui incombe".

M. VINCENT: Cela, c'est beaucoup mieux.

M. PAUL: Ce n'est pas encore trop trop beau, mais c'est plus facile.

M. BOURASSA: Bon d'accord. Article deux adopté? "à moins d'impossibilité dont la preuve lui incombe". Trois?

M. LE PRESIDENT: Trois? M. BOURASSA: Adopté.

M.PAUL: Un instant, vous êtes rendus à quoi?

M. BOURASSA: Trois, pas d'amendement? Le député de Beauce n'a pas d'amendement?

M. ROY (Beauce): Pas d'amendement.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Quatre? Adopté. A cinq, il y a un amendement?

M. BURNS: M. le Président, l'amendement que je désire proposer à l'article cinq, apparemment, qu'il est conjointement fait par l'Unité-Québec et notre groupe...

M. PAUL: Pas cela.

M. BURNS: Moi, je pensais que cela pouvait vous aider. Cet amendement est à l'effet suivant que l'article cinq soit modifié en ajoutant la fin de la phrase à la fin de la phrase suivante. Toutefois ces conditions doivent, quant aux salaires, inclure les dernières offres patronales. M. le Président, je veux très brièvement expliquer le sens de cet amendement. L'article cinq dit que jusqu'à ce que les conditions de travail des salariés auront été établies suivant la loi ou le décret suivant le cas, en vertu de la loi cela peut être fait soit par une espèce de médiation par l'entremise d'une commission parlementaire ou s'il n'y a pas d'entente par le décret éventuellement, les salariés ainsi que leurs employeurs dans ces cas-là et jusqu'à ce que cela arrive sont liés par des conditions de travail

prévues aux dernières conventions collectives qui leur étaient applicables, alors. M. le Président, nous savons actuellement, à la suite des déclarations ministérielles du ministre de la Fonction publique entre autres, du premier ministre aussi, que des offres monétaires ont été faites à ces employés-là. Je me dis ceci et je résonne tout haut en disant: Cette loi est déjà suffisamment vexatoire à l'égard des employés qui sont visés, c'est-à-dire...

M. BOURASSA: C'est un point de vue...

M. BURNS: ... écoutez, elle est adoptée. Je ne discute pas du problème, je dis...

M. BOURASSA: ... parce qu'ils perdent de l'argent tous les jours avec la grève.

M. BURNS: ... je précède... Oui, ils perdent de l'argent, mais c'est quand même eux qui ont décidé cela par un vote, on n'entrera pas là-dedans. Mais, c'est quand même un vote qu'eux-mêmes ont pris. Jusqu'à maintenant, le gouvernement ne nous a pas prouvés que ce vote-là n'était pas libre et volontaire.

M. BOURASSA: Non, mais un vote sui generis. D'accord.

M. BURNS: En tout cas, peu importe, moi cela ne me fait rien. Je peux entrer dans ce débat, mais je n'ai pas l'intention...

M. BOURASSA: Non, non, il est 11 heures moins quart.

M. BURNS: ... je n'ai pas l'intention de le faire. Je sais. On va prendre le temps, même si on a bousculé les choses, mais, je me place dans les souliers d'un de ces employés-là qui a déjà, jusqu'à un certain point, si vous me passez l'expression, investi quelques jours de grève, au-delà d'une semaine de grève, bientôt deux semaines de grève et qu'on lui dise, alors qu'il en avait le droit de poser le geste — et encore une fois je ne reviens pas sur le principe — il avait le droit de le poser, ce geste. L'Assemblée nationale, elle, décide de le forcer à retourner au travail. Mais, il me semble que c'est un minimum décent de lui donner au moins, quitte à ne pas le lier à cela, puisqu'il va y avoir d'autres négociations, puisqu'il va y avoir d'autres processus qui vont l'amener à une décision ou à une convention collective finale, mais qu'on ne le lie pas à ce qui existait avant, mais qu'on lui donne au moins ce qui lui est offert. A moins que le gouvernement nous dise qu'au cours de ce processus-là il changerait d'idée, et il voudrait le diminuer mais je pense que ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement, ce serait de l'aberration complète que d'avoir une approche comme celle-là. Parce que cela veut dire que là, véritablement, on veut provoquer les gens. Alors, comme ce n'est pas l'inten- tion du gouvernement de provoquer les gens, je pense que cela lui est très facile d'accepter que les offres qui sont faites actuellement sur le plan salarial soient au moins appliquées au moment du retour au travail. Et là-dessus, le gouvernement...

M. BOURASSA: Est-ce que le député voudrait répéter sa question juste précisément, parce que...

M. BURNS: Je me dis que ce n'est sûrement pas la question. La question, c'est que ça n'est sûrement pas, c'était plutôt une constatation, parce que j'accorde un minimum d'intelligence à ce gouvernement.

M. BOURASSA: C'est réciproque.

M. BURNS: Non, non, ce n'est pas méchamment que je dis ça, mais je dis que...

M. DEMERS: Vous êtes généreux, tout de même.

M. BURNS: ... n'importe quel gouvernement, n'importe quel employeur, prendrait une attitude qui dirait bien maintenant que la grève est réglée, en l'occurrence par la force, bien au moins je vais partir les employés aux offres que je leur avais effectivement faites et je m'apprêtais à dire, et c'est important je pense que le premier ministre écoute ça, parce qu'il n'était peut-être pas au fait de ce problème-là.

C'est qu'il y a des précédents qui existent. Le gouvernement de M. Johnson en 1967 avait réglé le retour au travail, par une loi semblable, par un bill qui s'appelait bill 1, Loi assurant les services de transport...

M. PAUL: Le 20 octobre 1967.

M. BURNS: ... le 20 octobre. A ce moment-là, nous étions dans des fonctions différentes, Le député de Maskinongé et moi-même, mais...

M. PAUL: Vous m'avez fait perdre un voyage en Afrique.

M. BURNS: ... nous étions quand même concernés, par ce problème-là. Or, dans cette loi — je n'ai malheureusement pas la référence aux Statuts refondus — mais je pense qu'il y a suffisamment de personnes en Chambre ici qui étaient là à ce moment-là, pour confirmer qu'au moins les ententes qui étaient faites devaient être considérées comme existantes ou comme amendant les conventions collectives telles qu'on tente de les perpétuer par l'article 5.

Vous avez eu également, et là je n'irai pas tellement loin — parce que je ne suis pas tellement certain — mais il me semble que dans le cas du bill 38, forçant le retour au travail des employés de la construction, sauf erreur, on faisait la même chose. On assurait un minimum

d'entente qui était déjà faites. Alors, au moins, les employés retournaient au travail, avec quelque chose de mieux qu'une ancienne convention. Et l'argument, quand je dis que c'est vexatoire, ce n'est pas de façon péjorative que je le dis. Je pourrais pleurer pendant des heures sur le principe qui est déjà adopté. Je n'ai plus à revenir là-dessus, mais il y a une chose quand même qui est importante, c'est que cette loi-là impose des obligations et aux syndiqués et aux syndicats et aux centrales syndicales, en plus de les amputer d'un de leurs droits, qui s'appelle le droit de grève. Et on dit: A l'avenir, vous allez...

M. BOURASSA: Pour la durée de la convention collective.

M. BURNS: Pour la durée de la convention d'accord.

M. BOURASSA: II faut être précis.

M. BURNS: H ne faut pas partir en peur, là-dessus. Je veux qu'on en discute justement dans une atmosphère sereine. Alors, je dis comment accepterions nous, de forcer ces salariés à retourner au travail, sans au moins leur donner — parce que là ce serait vraiment jouer au chat et à la souris — sans au moins leur donner ce que le gouvernement leur a déjà offert, qui est quelque chose de tout à fait normal, à mon avis. Qu'on leur dise: Vous retournez au travail — on vous avait offert je ne sais pas moi de 4.5 p.c. à 5 p.c. et quelques fractions et vous retournez au travail avec ça. Je ne vois pas pourquoi ça ne se ferait pas.

M. BOURASSA: Je n'ai pas entendu l'amendement du député de Maisonneuve. Je pense...

M. BURNS: Je peux la répéter, M. le Président. Est-ce que je peux la répéter?

M. BOURASSA: Je sais j'en ai discuté tantôt avec les députés, sauf le Ralliement créditiste, mais ils doivent être d'accord sur ça.

M. BURNS: On dit tout simplement que ces conditions...

M. ROY (Beauce): Avec quoi?

M. BURNS: On dit tout simplement... Soit dit en passant, j'ai remis des copies au premier ministre, au début je pense...

UNE VOIX: Avez-vous suivi le débat?

M. BURNS: ... à tous les représentants de partis et ça dit tout simplement que ces conditions de travail doivent, quant au salaire, inclure les dernières offres patronales. C'est exactement ce que je viens de dire. Si vous avez offert 4.8 p.c. d'augmentation, pour la première année, bien ça devrait être inclus à leur retour au travail.

M. BOURASSA: C'est clair qu'ils vont l'avoir. Il n'est pas question, avant même que ça soit dans le projet de loi.

DES VOIX: Ce n'est pas dans la loi.

M. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer? Durant même la rédaction du projet de loi, j'ai demandé si ce n'était pas possible de faire un tel geste qui m'apparaissait normal et légitime, et on m'a expliqué que c'était extrêmement complexe, qu'on ferait tout... J'ai demandé qu'on mette tout en oeuvre pour essayer de le faire, mais que c'était extrêmement complexe, qu'il y avait 600 échelles de salaire. Je ne sais pas si c'est exactement le cas, mais j'ai demandé qu'on fasse le nécessaire pour que, le plus tôt possible, les gens puissent bénéficier de cette rétroactivité. D'ailleurs, on reprend la question à l'article 10.

M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de Maskinongé. Le problème que nous allons discuter à l'article 10 n'est pas du tout — il y a une nuance — le même cas. On s'attaque strictement au cas du problème salarial.

M. BOURASSA: Du "timing". Si je comprends bien, dans l'article 5, c'est le "timing". Est-ce qu'on attend le décret ou est-ce qu'on le fait tout de suite?

M. BURNS: Non, ce n'est pas tellement ça, M. le Président. Ce que nous disons à l'article 5, tel que rédigé actuellement, c'est les employés de la fonction publique retournent au travail, avec ce qu'ils avaient, lors de l'expiration de leur convention collective. C'est ça qu'on dit. Mais, nous, on veut tout simplement ajouter ceci. C'est bon...

M. BOURASSA: Bien oui, mais on l'a fait.

M. BURNS: ... ça, gardez leur leur convention collective puisque vous les retournez au travail, mais en plus au moins donnez leur au point de vue salarial ce que vous leur avez offert jusqu'à maintenant.

M. BOURASSA: Si ce n'est pas une question de "timing", de temps. Moi je croyais qu'il y avait un élément de ne pas attendre en juin et j'ai donné instruction pour qu'on le fasse le plus tôt possible, qu'on donne la rétroactivité. Si ce n'est pas une question de temps, si c'est une question tout à fait légitime et normale d'inclure ce qui a déjà été offert, il n'y a personne à l'Assemblée nationale qui va être opposé à ça, puis le chef du gouvernement le premier.

J'ai dit que l'article 10, qu'on a discuté tantôt, sur une base privée, l'article 10 tient compte de cela, le décret doit tenir compte.

M. BURNS: L'article 10 traite des choses qui vont le dire postérieurement, M. le premier

ministre. C'est assez différent. Là, on règle la situation lors du retour au travail. Si on lit bien l'article 5 — je n'insiste pas de façon inutile là-dessus — mais le texte ne dit pas ce que le premier ministre vient de nous annoncer. Il dit que, jusqu'à ce que les conditions de travail des salariés aient été établies suivant la loi, ou par décret suivant l'article 10, ce qui est bien différent là. Vous avez deux choses tout à fait différentes, les salariés ainsi que les employeurs sont liés par les conditions de travail prévues aux dernières conventions collectives qui leur étaient applicables.

Alors, en somme, si moi je suis sorti en grève comme employé du secteur public, avec un salaire de $83 par semaine, ce que ça veut dire dans le fond, sur le plan salarial, c'est que je retourne au travail avec $83 par semaine et non pas avec $83 augmentés de 5.5 p.c, tel que l'offre a été faite par le gouvernement.

M. BOURASSA: M. le Président, ce que je dis, c'est que — et je l'ai expliqué pour des raisons pratiques et techniques — mes conseillers pourront donner, c'est impossible de le faire tout de suite, mais j'ai demandé de faire l'impossible pour que ce soit réalisé le plus tôt possible.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais essayer, dans des mots simples, de faire comprendre au premier ministre, la portée de l'amendement proposé par le député de Maisonneuve. Quant à nous, nous avions un amendement qui se serait lu comme suit: "Ces conditions de travail étant modifiées dans les dernières offres patronales", nous rejoignons, nous acceptons le texte de l'amendement proposé par le député de Maisonneuve.

M. le Président, qu'on le veuille ou non, l'entrée en vigueur de cette loi va frustrer des gens, des salariés, des syndiqués. Il faut tout faire, prendre tous les moyens.

M. BOURASSA: C'est ça qu'on fait. Le député est au courant qu'actuellement les bureaux sont...

M. PAUL: Le premier ministre, il y a peut-être cinq minutes, nous avait invités à lui donner la chance de compléter son argumentation, j'espère que le premier ministre voudra bien me laisser compléter.

Il y a des gens qui vont être frustrés s'ils sont légalement obligés de retourner au travail et que, d'un autre côté, ils reçoivent —et j'espère que cette nouvelle sera démentie ou que l'attitude sera modifiée de la part des chefs syndicaux — une invitation de ne pas retourner au travail. Le premier ministre ne conviendrait-il pas qu'il sera plus facile, pour les syndiqués, pour les travailleurs, de retourner au travail avec l'assurance qu'ils recevront au moins ce qui était contenu dans les dernières offres patronales ou du gouvernement?

Cela n'amène aucun déboursé d'argent immédiatement de la part du gouvernement.

M. BOURASSA: Ce n'est pas ça qui est en cause. Si le député peut me permettre bien amicalement, c'est qu'actuellement, depuis dix jours, les bureaux sont fermés et les ordinateurs ne fonctionnent pas.

M. PAUL: Ce n'est pas ça.

M. BOURASSA: Bien oui, mais...

M. PAUL: Nous ne voulons pas, nous ne demandons pas...

M. LESSARD: C'est une question de principe.

M. PAUL: ... que les employés soient payés rétroactivement depuis le 28 mars en théorie, je crois. A toutes fins pratiques, c'est peut-être le 1er avril, nous demandons tout simplement que le principe ou l'augmentation de salaire, les dernières offres gouvernementales soient garanties dans un texte.

Il va de soi, M. le Président, que c'est impossible de payer dans un délai de dix, quinze jours, trois semaines, peut-être un mois, cette rétroactivité qui d'ailleurs peut être appelée à être modifiée suivant le résultat des dernières négociations qui auront lieu. H faut, M. le Président, prendre tous les moyens.

M. BOURASSA: L'article 10 prévoit ça.

M. PAUL: Non, M. le Président, ce n'est pas ça que l'article 10 dit. Nous voulons tout simplement une garantie écrite, à l'endroit des employés qu'ils retireront, qu'ils seront assurés de retirer au moins en augmentation de salaire, ce que le gouvernement a offert par ses dernières offres. C'est ça que l'on demande au chef du gouvernement et au gouvernement. Nous ne demandons pas le paiement immédiat — et les employés vont facilement comprendre — M. le Président, ils vont espérer que les négociations qui vont résulter, nous le souhaitons, de la rencontre devant la commission parlementaire, vont déboucher sur une entente finale.

Il serait regrettable, que ce soit le lieutenant-gouverneur en conseil qui impose un décret. Nous regretterions — je comprends que c'est compris dans la loi, c'est stipulé dans la loi — mais nous souhaitons tous, que les négociations finissent par la signature d'une convention collective volontaire de la part des parties contractantes. Mais nous voulons, M. le Président, que les ouvriers quels qu'ils soient, les salariés au sens de la définition de la loi, retournent au travail demain matin, avec l'assurance de recevoir au moins une augmentation de salaire équivalente aux dernières offres patronales ou gouvernementales. C'est ça, la portée de la motion d'amendement proposée par le

député de Maisonneuve et que nous avions, nous aussi, l'intention de soumettre au gouvernement.

Nous ne demandons pas le paiement rétroactif dans un délai x, nous demandons tout simplement la consécration écrite d'un principe qui est celui d'une augmentation de salaire équivalente à au moins celle qui fut offerte par le gouvernement dans ses dernières offres.

M. ROY (Beauce): Avant que le premier ministre réponde à cette demande, étant donné qu'il a demandé tout à l'heure si nous serions d'accord, je pense qu'il est tout simplement élémentaire, tout à fait normal, que le gouvernement nous donne cette garantie. Nous n'avions pas préparé d'amendement à l'article 5, mais nous voulions justement souligner ce point à l'article 10, parce qu'à la fin de l'article 10, dernier paragraphe, ce décret doit tenir compte des dernières offres patronales.

Alors, on ne dit pas, dans ce dernier paragraphe, si le gouvernement s'engage à garantir au moins les dernières offres patronales. On dit tout simplement que le gouvernement doit tenir compte... Jusqu'à quel point on doit en tenir compte? Sur ce point, M. le Président, nous sommes entièrement d'accord avec cette proposition. Nous estimons que le gouvernement devrait justement, avant l'adoption de cet article, donner l'assurance que les fonctionnaires publics ou encore dans le secteur parapublic, sachent au moins qu'avec l'adoption de cette loi matraque, qu'au moins ils retournent au travail avec de meilleures conditions de travail que celles qu'ils avaient.

M. GARNEAU: M. le Président, le premier ministre a indiqué tout à l'heure que lorsque nous avons travaillé à la rédaction de ce projet de loi, nous avions tenté de trouver une formule juridique qui pourrait traduire le principe qui est mis de l'avant par les différents partis de l'Opposition.

Evidemment, les membres du gouvernement et les députés de ce côté-ci de la Chambre ne sont pas complètement imbéciles, non plus. Nous savons bien qu'il serait préférable, si nous pouvions sur le plan juridique trouver une formule qui couvre...

M. DEMERS: Ce sont des génies en liberté!

M. GARNEAU: ... exactement le point que vous voulez trouver. Je ne suis pas un expert en législation, mais il y a des experts en législation ici, qui connaissent la technique législative et qui connaissent également la complexité de bien définir ce que sera, dans chacune des échelles de salaire, l'application de l'offre monétaire qui a été faite, parce que ç'avait été une offre globale qui avait également des contre-propositions, ou un préambule et qui peut être interprétée évidemment après négociation, pour être bien définie d'une façon précise, ce que signifie, par exemple, pour l'agent de bureau échelon 3, grade 2, je ne le sais pas, l'application dans ce cas-là de la politique salariale.

Et, si nous avions été capables de trouver une formule juridique pour bien traduire ça, nous l'aurions fait avec plaisir, parce que c'est ça que nous voulons faire. C'est ça que nous voulons, parce que les offres monétaires que nous avons faites d'une façon globale, parce que nous en étions à la table centrale, nous ne les avons pas faites pour le plaisir de la chose, nous étions conscients que c'était à l'intérieur du mandat monétaire qui avait été donné par le Conseil du trésor et le conseil des ministres à nos négociateurs. C'était compris dans les prévisions de dépenses que nous avions déposées à l'Assemblée nationale le 16 mars dernier. C'est donc dire que sur le plan de l'engagement moral, cet engagement-là il est total et nous aurions aimé encore une fois pouvoir l'inclure dans le projet de loi, mais encore là j'ai envie de reposer la question à M. Chouinard. Y a-t-il moyen de trouver une formule juridique qui nous couvre? Il me dit non. J'ai demandé tout à l'heure à M. Bolduc: Y a-t-il moyen de trouver une façon de décrire ça dans la loi, pour être bien certain que ce ne soit pas une source de conflit puis de discussions inutiles par la suite? C'est là qu'est le problème, mais le premier ministre l'a dit tout à l'heure, et je le répète.

Je pense bien que d'autres de mes collègues pourraient le faire. C'est un engagement formel du gouvernement, mais ce n'est pas une objection de principe. C'est une objection technique que nos conseillers nous disent de ne pas être capables de résoudre sur le plan technique. C'est la raison pour laquelle, nous n'avons pas cru opportun de le mettre dans le projet de loi, mais c'est effectivement un engagement absolument certain du gouvernement de traduire, lorsque tous les calculs auront été faits et détaillés dans les quelque 100 échelles de salaire du secteur hospitalier et de la fonction publique, de la Société des alcools, des autres régies gouvernementales et de la fonction publique, de traduire ça évidemment dans des taux de salaire et faire bénéficier le plus rapidement possible, par la suite, chacun des salariés des secteurs public et parapublic qui sont inclus, couverts par cette loi, des offres monétaires qui ont été déposées, de même que les autres avantages qui ont été déposés jusqu'ici à la table de négociation et qui pourraient, au cours de la discussion qui doit suivre ou qui seront poursuivies probablement en commission parlementaire qui va suivre. Les accommodements qui pourront peut-être être agréés de part et d'autre, tant par la partie patronale que par la partie syndicale, en ce qui regarde, par exemple, la définition des postes dans les hôpitaux, qui peut avoir une implication monétaire et qui permettent au gouvernement d'ajouter certaines améliorations à ces offres patronales, compte tenu d'autres concessions qui pourraient être faites au cours des discussions avec les représentants des différents syndicats concernés...

II y aura, évidemment, une foule d'améliorations qui pourraient être apportées sur le plan technique et qui pourraient avoir une influence sur la définition du taux de salaire de chacune de ces échelles. C'est la raison pour laquelle, même si nous prenons l'engagement formel de faire bénéficier les employés, et le plus rapidement possible, des dernières offres patronales, qu'il y a, semble-t-il, une impossibilité de pouvoir ouvrir, d'une façon satisfaisante, sur le plan technique, le principe ou l'objectif qui est visé. Ce n'est certainement pas de la mauvaise foi de la part du gouvernement. Imaginez-vous bien que nous aurions que des désavantages à vouloir défendre une telle attitude. Mais c'est tout simplement une difficulté technique et si, au cours de la discussion, des conseillers nous trouvent cette formule qui soit satisfaisante, et sur le plan législatif et sur le plan technique, nous serions bien heureux de l'accepter. Mais cela fait déjà plusieurs heures qu'ils sont à la recherche de cette formule et ils n'ont pas été capables, actuellement, d'en écrire une qui pourrait couvrir toutes ces difficultés.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président...

M. LESSARD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: ... je comprends qu'actuellement le gouvernement n'ait pas calculé ou transmis dans des cas concrets l'offre globale qui a été faite aux travailleurs de la Fonction publique, aux syndiqués, aux travailleurs dans l'enseignement. Cependant, je comprends que c'est un engagement formel que le ministre des Finances vient de faire. Mais on ne demande pas ici de faire le calcul à l'article 5. On demande, tout simplement, d'inscrire à l'article 5 le principe de reconnaître au moins ce qui a été gagné lors d'une négociation acceptée de part et d'autre, ce qui a déjà été gagné: les clauses paraphées.

Lors de la discussion de tout à l'heure, le premier ministre nous disait que c'était prévu à l'article 10. Ce n'est pas prévu à l'article 10. A l'article 10, si on regarde l'article de façon absolue, on peut même arriver au cas extrême où le gouvernement impose, tout simplement par décret, exactement les mêmes conditions de travail qui existaient auparavant. On sait que le gouvernement ne le fera pas. Mais on veut, par exemple, essayer d'obtenir au moins, de la part du gouvernement, cette reconnaissance de principe qui m'apparaît — en tout cas, je ne suis pas un "procédurier", et je ne suis pas un avocat — être possible d'inscrire à l'intérieur de l'article 5. C'est-à-dire que ce qui a été gagné, en ce qui concerne les salaires, au moins soit reconnu, en principe, explicitement dans l'article 5. Comme on le disait tantôt, il y a quand même des syndiqués qui sont obligés, par la force, par une loi spéciale, d'entrer au travail. Ces gens sont frustrés. Ces gens vont étudier la loi. Ces gens ne verront pas inscrit, explicitement, dans l'article 5, que les batailles pour lesquelles au moins ils se sont mis en grève, que la bataille qu'ils ont faite auprès du gouvernement n'est même pas reconnue, en principe.

Alors, il me semble qu'il est quand même possible de pouvoir faire un texte juridique pour reconnaître ce principe. Sans ça, ces gens pourront, comme je le sais, peut-être à cause de mauvaises informations, peut-être parce qu'ils n'auront pas lu l'engagement formel du ministre des Finances, interpréter la loi très restrictive-ment, de telle sorte qu'ils se sentiront d'autant plus frustrés parce qu'ils entreront au travail en n'ayant même pas là l'assurance qu'ils vont entrer au travail avec l'idée que le gouvernement leur reconnaît au moins les points qu'ils auront gagnés.

Il me semble que cela se fait.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais, au sujet de cet amendement qui a été suggéré, poser d'abord une question au ministre des Finances. Il a parlé, tout à l'heure, de l'augmentation que le gouvernement est prêt à accorder aux salariés. Est-ce que, dans son esprit, prenons un chiffre global, disons 5 p.c., ces 5 p.c. s'appliqueront pour chacun des salariés des secteurs public et parapublic?

M. GARNEAU: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que, dans l'esprit du gouvernement, l'offre qui a été faite comportait, pour chacun des salariés, une augmentation minimale de, disons, 5 p.c, pour prendre un chiffre?

M. GARNEAU: ... je ne voudrais pas commettre d'erreur et induire cette Chambre en erreur. Si le chiffre que prend le député de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Hypothétiquement.

M. GARNEAU: ... est un chiffre hypothétique parce qu'il y a différentes catégories. Il y en a qui auront beaucoup plus que ça. Il y en a qui vont avoir 13 p.c. ou 14 p.c; le minimum, pour les gens qui sont hors de l'échelle, je crois que la dernière offre était de 3 p.c. Alors, si le chiffre est un exemple, je dis oui. Si le député voulait y référer plus tard, je voudrais qu'il y réfère à titre d'exemple.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): D'exemple, oui.

M. GARNEAU: Dans ce cas-là, je réponds dans l'affirmative.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon. Alors, M. le Président, le ministre nous fournit une explication qui, à prime abord, peut susciter, dans son esprit, certaines inquiétudes. Il est évident que l'on va devoir tenir compte de certaines échelles, de l'expérience, etc. Mais dans l'amendement qui est proposé, il n'est pas question de pourcentage.

M. PAUL: C'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On demande simplement d'inclure, dans l'article de la loi, une garantie qui stipulerait que le gouvernement demande aux employés de retourner au travail, qu'ils vont être régis par la convention collective qui les régissait jusqu'au moment où elle a expiré, qu'ils ont donc ces garanties plus une garantie additionnelle correspondant aux offres patronales.

M. PAUL: C'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne comprends pas, ici, aux dernières offres patronales. Ces offres patronales ont été faites de bonne foi, disons. Elles ont été faites de façon formelle, officielle. Elles ont été connues. Elles ont été publiées. Je ne comprends pas que les juristes aient autant de scrupules parce que ce que nous demandons, par l'amendement, ce n'est pas de définir par le truchement d'un texte de loi un ensemble d'échelles, de mécanismes qui coifferaient chacune des catégories d'employés qui vont bénéficier des avantages que le gouvernement offre par ses propositions. Nous demandons simplement que soit inscrite, de façon formelle et d'une façon générale et globale, la garantie suivante. Toutefois, ces conditions doivent, quant aux salaires, inclure les dernières offres patronales. Il n'y a pas un seul salarié de l'Etat qui va interpréter cela autrement que comme nous le demandons, c'est-à-dire que comme une garantie qui correspond à ce que le gouvernement a déjà offert dans ses dernières propositions. Je ne vois absolument aucune difficulté juridique puisque, dans l'application, on sait très bien qu'il va falloir tenir compte de toutes les échelles de salaires, de tous les mécanismes. J'ajoute quelque chose à l'intention du ministre ici. Le député de Saguenay l'a évoqué sans le dire de façon expresse. J'entendais, il y a quelques minutes à peine, une émission de radio où un reporter disait ceci: Les employés de l'Etat sont obligés de retourner au travail aux mêmes conditions qui étaient celles qui les régissaient en vertu de la dernière convention collective qui est expirée, qu'ils n'ont obtenu du gouvernement aucune garantie d'augmentation. C'est ce qu'un nouvelliste, tout à l'heure, déclarait sur les ondes d'un poste de radio que je n'ai pas eu le temps d'identifier. Je l'ai écouté comme cela dans mon bureau, au secrétariat, en haut.

Alors, vous voyez tout de suite à quelle interprétation on peut se livrer si le gouvernement ne déclare pas formellement, dans le contexte de loi, qu'il accorde cette garantie additionnelle. Je ne comprends absolument pas le scrupule des juristes. On ne leur demande pas de procéder à une mécanique extrêmement compliquée. On leur demande simplement d'inclure dans un texte de loi une garantie qui, globalement, recouvre cette réalité des dernières propositions patronales qui ont été soumises.

M. BOURASSA: M. le Président, c'est qu'on nous souligne qu'il y a 600 arrangements salariaux et...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, M. le Président, nous le comprenons. Qu'il y en ait 600, 700, 800, un million, trois millions ou 100,000, pour prendre un chiffre que le premier ministre aime beaucoup, cela ne change rien au fait que nous voudrions que le gouvernement rassure immédiatement ses employés en donnant cette garantie globale. Je ne vois aucune difficulté juridique. Je suis habitué, quand même, à la technique législative sans être un juriste aussi expert que le sous-ministre, M. Chouinard. Je ne vois aucune difficulté technique, puisque le gouvernement ne définit pas, par le moyen de chiffres précis, ce que chaque employé pourrait retirer. Il déclare tout simplement sa volonté de s'en tenir aux garanties qui sont contenues dans ses dernières propositions à la table de négociation.

Alors, je demande au ministre de le demander aux juristes. Il y a quand même ici des juristes. Il y a des avocats et mon collègue peut le dire, il n'y a aucun problème de technique juridique là-dedans. Il n'y a aucun problème de technique législative. Le gouvernement demande aux employés de retourner au travail. Il les soumet à des conditions qui sont celles des conventions collectives expirées et il ajoute ceci: Toutefois, ces conditions doivent, quant aux salaires, inclure les dernières offres patronales. Cela, c'est global et cela ne met absolument pas en cause toute la mécanique qu'évoquait, tout à l'heure, le premier ministre.

Il me semble que ce n'est pas sorcier, que ce n'est pas demander quelque chose de difficile. C'est simple et c'est très clair. Je suis sûr que le ministre des Finances comprend l'argumentation que je lui soumets parce que déjà, je le mets en garde, on interprète, sur les ondes de la radio, cela va être comme cela dans les journaux, vous allez le voir, et on va dire: Les employés de l'Etat n'ont rien gagné.

On va me dire qu'à l'article 10 il y a une proposition: "Ce décret doit tenir compte des dernières offres patronales." Bien, il faut, pour être conséquent, que l'article 5 comporte la même disposition que l'article 10, puisque l'un ne vas pas sans l'autre.

Alors, je répète que les scrupules des juristes me paraissent relever d'une sorte de purisme légaliste qui ne s'explique pas dans les circonstances.

M. GARNEAU: M. le Président, je voudrais revenir sur le point. Je pense que le député de Chicoutimi me donne une preuve, en tout cas à moi, assez frappante que ce n'est certainement pas par mesquinerie ou pour des raisons mesquines ou politiques que le gouvernement a présenté l'article 5, tel qu'il est là, parce que justement on aurait beaucoup d'avantages à pouvoir répondre, strictement sur le plan politique, je le prends sous cet aspect, et à l'indiquer dans le projet de loi.

Mais la dernière offre gouvernementale, puisqu'on se réfère au principe général de l'offre déposée par le gouvernement à la table centrale, comprend 19 pages de texte qui incorporent des principes autres que des taux de salaire précis. Il y a, d'abord, un préambule qui couvre trois points: la question de la définition des postes dans le secteur des affaires sociales, surtout dans le domaine hospitalier; la question de la classification des employés de la Fonction publique; la question de la sécurité d'emploi dans le secteur de l'éducation et des conditions de séparation s'il y a un surplus de personnel. Comment traduire? Ce que je veux souligner, c'est encore là les avis que nous donnent nos conseillers, c'est qui va avoir à porter le jugement sur la valeur, en taux de salaire, par exemple des cinq ou six pages qui étaient l'offre de principe sur l'assurance-salaire.

Qui va avoir à interpréter le principe qui sera inclus dans la loi...?

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, une question d'information. Ce sont les dernières offres du gouvernement aux fonctionnaires. On suppose que le front commun aurait accepté les offres dont vous venez de faire mention. Il aurait fallu que ce soit traduit par des chiffres. Quant à ces offres-là, le paragraphe, ici, garantit tout simplement aux fonctionnaires que ces offres-là, ils vont les avoir. S'ils les avaient acceptées sans grève, sans entrer au travail par une loi spéciale, il aurait fallu que ces calculs-là soient faits, que ce soit traduit dans des chiffres et qu'on dise: Voici, c'est ça, l'offre.

Ils ont dû la comprendre s'ils l'ont refusée. Cela s'est discuté à la table. C'est tout simplement que le paragraphe, ici, l'amendement, garantit aux grévistes que ces offres vont leur être accordées. C'est tout simplement cela. Il ne s'agit pas de les mettre dans la loi.

M. GARNEAU: Bien oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On n'a même pas besoin de savoir quelles sont les offres, parce que ça garantit les dernières offres.

M. JORON: Le ministre me permet-il une question qui se rattache à cela? Si on demande l'article 5 tel qu'on le propose — cela fait référence à un autre texte, forcément, puisqu'on dit selon les dernières offres patronales; or les dernières offres patronales existent quel- que part par écrit; je pense que c'est le texte que vous avez devant vous — n'est-il pas suffisant que cet article-là fasse tout simplement référence à l'autre texte, et qu'on n'ait pas besoin d'incorporer dans l'amendement les 19 pages dont vous parlez?

M. GARNEAU: M. le Président, si, après la commission parlementaire, les discussions se poursuivaient et que le gouvernement et la partie syndicale décidaient, d'un commun accord, de laisser tomber deux ou trois points de la dernière offre patronale, comment pourrions-nous en arriver, à un moment donné, à une entente finale? Evidemment, ça pourrait être contesté devant les tribunaux, pour évaluer. Disons que nous laissons tomber la question des postes, c'était une condition essentielle à l'offre pécuniaire que nous avions déposée, comment, à un moment donné, réglerions-nous, en pratique, cette question-là, à savoir combien d'argent nous devons enlever dans les $32.9 millions que nous avons déposés à la table centrale pour la convention collective de trois ans? Parce que nous avons convenu, de part et d'autre, de respecter la définition du poste telle qu'elle est convenue présentement dans la convention collective existante. C'est ça le problème qui, à un moment donné, devrait être interprété par les tribunaux. C'est ce qu'on me dit.

Evidemment, je ne sais pas si, au cours des discussions qu'on a, nos conseillers juridiques ont trouvé des formules.

UNE VOIX: On cherche.

M. GARNEAU: Mais c'est ça le problème.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre des Finances peut me répondre franchement? Est-ce qu'il a lu l'amendement que nous proposons?

M. GARNEAU: M. le Président...

M. PAUL: Est-ce que le ministre des Finances a lu dans...

M. GARNEAU: J'en ai lu deux ou trois, je ne sais pas de qui venaient les amendements.

M. PAUL: D'abord, on va commencer par s'entendre sur le bon. D'abord, on discute toujours sur l'article 5.

M. GARNEAU: Oui.

M. PAUL: D'accord. Quand le ministre nous parle des bénéfices marginaux, d'assurance et de ces clauses-là, est-ce que le ministre pourrait s'arrêter? Je comprends qu'après avoir passé une nuit mouvementée on "intellige" plus difficilement. Il est bien spécifié que la garantie demandée n'a trait qu'aux salaires, et non pas à

tous les bénéfices marginaux dont vient de parler le ministre des Finances. L'amendement proposé par le député de Maisonneuve n'affecte que les salaires.

Il se lit comme ceci... Voulez-vous que je parle encore? Je ne le reproche pas au ministre, il n'aura rien compris parce qu'il y en a un autre qui lui parle. C'est ça la maison, la tour de Babel qui existe dans le gouvernement, c'est ça.

M. BOURASSA: Je vous écoute moi, monsieur.

M. PAUL: Vous en avez une preuve vous-même, M. le Président.

M. BOURASSA: Je vous écoute là.

M. PAUL: C'est encore pire. Si le premier ministre me dit qu'il m'écoute, c'est pour le coup que je vais doublement hésiter. Pas parce qu'il n'aurait pas une compétence en matière économique, je m'incline, mais en matière juridique, j'aime mieux M. Chouinard, j'aime mieux M. Cournoyer...

M. BOURASSA: Ne faites pas de motion de divisibilité.

M. PAUL: ... M. Rioux, il y en a sûrement d'autres. Ce sont des spécialistes. M. Tremblay, je suis sûr qu'il a compris, lui. Le député de Bourassa a compris, ce qui n'est pas peu dire, et M. Tremblay également.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Tremblay (Bourassa).

M. PAUL: Je dis donc, M. le Président, que nous ne désespérons pas qu'enfin il y ait encore une petite lumière qui fonctionne de l'autre côté, pour comprendre des mots simples. Je suis sûr que le ministre des Affaires sociales, le futur maire de Saint-Féréol, je suis sûr que, M. le Président...

M. CASTONGUAY: Je voudrais simplement apporter une correction. Avec le regroupement futur de certaines municipalités, je ne crois pas que ce que vous dites va se produire dans un avenir immédiat.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tant mieux!

M. PAUL: Je suis heureux, M. le Président, que le ministre envisage de rayonner dans un territoire plus vaste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Que d'englober le champ de golf!

M. PAUL: M. le Président, comme la stratégie est à s'établir, j'ai l'impression qu'enfin on a compris un petit peu. Sinon, c'est devenu alarmant et désespérant.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Ils sont en train de prendre les quatre heures qu'on leur avait demandées cette nuit.

M. BOURASSA: On a une proposition à faire. Mais est-ce que, disons pour qu'elle soit complètement satisfaisante pour nos amis d'en face, on ne pourrait pas passer aux articles 6, 7 et 8?

M. PAUL: On n'osait pas vous le demander parce que c'est vous qui menez, apparamment.

M. BOURASSA: M. le Président, je fais une suggestion amicale au leader parlementaire.

M. PAUL: C'est une excellente suggestion que nous acceptons, celle de suspendre l'article 5. Quand le premier ministre, M. le Président, emploie un sourire comme celui-là pour s'exprimer, ça commence à être dangereux pour les 100,000 nouveaux emplois.

M. BOURASSA: Après 24 heures...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela sent la baie James.

M. BOURASSA: Après 24 heures de débat,... 6, adopté?

M. LE PRESIDENT: Article 6?

M. PAUL: Article 6, oui.

M. LE PRESIDENT: Article 7?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 8?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 9?

M.PAUL: Adopté.

M. BOURASSA: Article 10, c'est comme 5. Article 11?

UNE VOIX: Article 10, M. le Président...

M. BOURASSA: Les articles 5 et 10 sont la même chose, on va revenir.

M. BURNS: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Les articles 5 et 10 sont suspendus.

M. BURNS: Vous le suspendez? Mais est-ce que je peux? Je ne discuterai pas du fond, mais je pense que ce sont deux problèmes distincts. Même si on le suspend, ne nous énervons pas, je veux seulement vous dire que, dans vos discus-

sions, M. le Premier ministre, il faudra penser qu'il s'agit de deux problèmes différents, l'article 5 étant ce qui arrive au moment du retour au travail et l'article 10 étant ce qui arrive au moment d'un décret, si décret il y a.

Or, ce sont deux étapes différentes, il faudra y penser. Je n'ai pas d'objection à le laisser en suspens, je n'ai pas du tout d'objection là-dessus. Mais je voudrais quand même qu'on comprenne que ce sont deux situations puisque le premier ministre m'avait dit tantôt: Peut-être que le problème va être réglé par l'article 10, mais je ne pense pas que ce soit exactement le même problème. D'accord?

M. BOURASSA: Nous allons revenir sur les articles 5 et 10, c'est le problème commun partout.

M. BURNS: D'accord, on suspend l'article 10 aussi.

M. LE PRESIDENT: Article 10, suspendu. Article 11?

M. PAUL: Adopté, 11, quant à nous, M. le Président.

M. BURNS: M. le Président, en ce qui me concerne, je n'ai pas d'autres amendements, j'ai déposé les autres amendements.

UNE VOIX: Si vous voulez commencer à faire un "filibuster"...

M. BOURASSA: L'article 11, remplacer dans la première ligne le mot "quiconque" par les mots "tout salarié qui". Article 11, adopté?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tel qu'amendé. Tel que brillamment amendé par le premier ministre.

M. BOURASSA: Cela, c'est encore mieux. M. PAUL: Qui a été un excellent lecteur.

M. BOURASSA: Article 12, remplacer dans la première ligne le chiffre 7 par le chiffre 6. Remplacer dans la cinquième ligne le chiffre 7 par le chiffre 6.

M. PAUL: Est-ce que c'est en économie qu'on trouve ça?

M. BOURASSA: Article 12, adopté tel qu'amendé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tel qu'amendé par le "coconomiste"!

M. BOURASSA: II y en a bien des amendements. Article 13, remplacer dans la huitième ligne du premier alinéa le chiffre 7 par le chiffre 6.

UNE VOIX: Adopté tel qu'amendé. M. BOURASSA: Un instant.

M. PAUL: Le premier ministre s'en va d'une vitesse...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'une vitesse de croisière un peu inaccoutumée!

M. PAUL: On se croirait dans la réalisation de la baie James!

M. BOURASSA: Article 14, remplacer dans la quatrième ligne les mots "une personne" par les mots "un salarié".

M. PAUL: Un instant.

M. BOURASSA: Adopté tel qu'amendé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant. Article 14.

M. BOURASSA: Article 15, adopté? M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non. M. PAUL: Un instant.

M. BOURASSA: Est-ce que le Ralliement créditiste a des amendements?

UNE VOIX: Un instant.

M. PAUL: Est-ce qu'un individu aura le droit d'emprunter de la Banque du Canada pour payer les $50,000 d'amende?

M. ROY (Beauce): Demandez cela au premier ministre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II ne le sait pas, le premier ministre.

M. ROY (Beauce): Adopté.

M. TREMBLAY (Bourassa): Le député de Lévis va faire des prêts sans intérêts.

M. VINCENT: L'article 16, c'est le procureur général contre le procureur général.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que le premier ministre aurait une objection à reconnaître une compétence de son ministère, un brillant avocat...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui est allé jusqu'en cour Suprême.

M. PAUL: ... qui est allé jusqu'en cour Suprême? Est-ce qu'il aurait une objection à remplacer le procureur général par le Solliciteur général?

M. BOURASSA: Et quelle est la raison de...?

M.PAUL: Voici, c'est parce que le Solliciteur général a eu une brillante carrière devant les tribunaux, il a d'abord toujours procédé par ascension: cour Provinciale...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ascension descendante.

M.PAUL: ...cour Supérieure, cour d'Appel, cour Suprême, et finalement cour des commissaires.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ascension descendante.

M. PAUL: Je fais tout simplement la suggestion au premier ministre, je n'insiste pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour revaloriser le cabinet, tout simplement.

M. BOURASSA: Je m'abstiens de commentaire, M. le Président.

M. PAUL: Très bien.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très bien.

M. BOURASSA: Adopté.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, qui ne dit mot consent. Vous ne reconnaissez pas la compétence du Solliciteur général.

M. BOURASSA: Au contraire, M. le Président. Nous ne sommes pas pour commencer un débat là-dessus, d'abord, tout le monde va être d'accord pour reconnaître la compétence...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Article 17, M. le Président.

M. BOURASSA: ... du Solliciteur général.

M. PAUL: Au détriment du ministre de la Justice, je m'oppose.

M. BOURASSA: Article 17.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 18.

M. PAUL: Un instant, il ne faut pas adopter l'article 18, M. le Président, si les articles 5 et 10 ne sont pas adoptés.

M. BOURASSA: Vous avez raison.

M. GARNEAU: M. le Président, je pense que sur l'article 5, il y a une formule qui pourra peut-être être acceptable sur le plan juridique et technique, c'est le ministre du Travail qui l'a entre les mains. Il faudrait peut-être qu'il en fasse lecture.

M. BOURASSA: On va la vérifier une dernière fois. Le leader pourrait peut-être aller voir...

M.PAUL: M. le Président, ils ont assez de misère à se comprendre. Je ne suis pas pour aller les mêler.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre peut faire son discours de première lecture.

M. BOURASSA: Même chose que la deuxième lecture. Nous allons suspendre pour cinq minutes.

M. LE PRESIDENT: Suspension de cinq minutes.

UNE VOIX: Je vais aller conseiller le premier ministre !

M. LE PRESIDENT (Pilote): A l'ordre, messieurs!

M. BOURASSA: J'ai la petite formule à lire étant donné que...

M, le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable premier ministre me permet une question? Pourrait-il me dire en vertu de quoi cette lecture qu'il vient de faire est faite en commission plénière?

M. BOURASSA: L'article 54 de la Loi de la législature...

M. PAUL: Je voudrais poser à nouveau ma question à l'honorable premier ministre.

M. LOUBIER: Vous êtes comme Jeanne d'Arc, vous écoutez des voix, c'est dangereux!

M. PAUL: Le premier ministre peut-il nous dire en vertu de quel article de notre règlement il se permet de lire une prière aussi auguste en commission plénière? Ne croit-il pas, avec toute l'expérience parlementaire qu'il possède, que ladite prière aurait dû être lue à une autre étape de nos travaux parlementaires?

M. BOURASSA: M. le Président, disons que...

M. PAUL: Quant à nous, M. le Président, on vous donne notre consentement.

M. BOURASSA: M. le Président, nous avons considéré les amendements qui étaient suggérés. Ce que nous voulions, nous-mêmes, apporter, malheureusement, nous ne pouvons pas accepter littéralement les amendements qui étaient proposés par l'Opposition pour des raisons pratiques et techniques sur lesquelles vous êtes

d'accord, je crois. Alors, l'amendement que nous avons fait, c'est que l'article 5 est modifié en ajoutant l'alinéa suivant: "Les dernières offres et propositions, de même que les conditions qui les accompagnent, soumises aux associations de salariés par. les employeurs avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont maintenues sous réserve des modifications qui peuvent être convenues entre les parties et aucune clause paraphée ne peut être modifiée sans le consentement des parties signataires."

M. PAUL: Vous n'avez rien compris, vous, mais ça ne fait rien.

M. BOURASSA: C'est le fruit d'un travail laborieux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je suis prêt à accepter l'intention du gouvernement, c'est-à-dire que le gouvernement ne veut pas, par son article 5, amener au travail les employés à des conditions moindres que celles qui existaient, sauf que je tiens à faire remarquer que le texte, à la façon dont il est rédigé, peut laisser entendre que les employés retournent au travail avec des conditions moindres, c'est-à-dire des conditions moins avantageuses que lorsqu'ils sont entrés en grève, simplement, d'abord, par ignorance des propositions et des offres précises du gouvernement, dans le détail.

Deuxièmement, par le fait même de ce texte qui dit: "Les dernières offres et propositions, de même que les conditions qui les accompagnent, soumises aux associations des salariés par les employeurs avant l'entrée en vigueur de la présente loi, sont maintenues sous réserve des modifications, etc". Bon.

Je vous pose le problème hypothétique suivant: Qu'est-ce qui arrive si, par hasard, au niveau de la sécurité d'emploi ou, prenons un cas plus concret encore, au niveau des jours de maladie accumulés? On joue dans le nombril, là, on touche au problème. Cela en est un. Alors d'accord? Nous nous comprenons? Les offres et propositions, en matière... Non, non, on ne se contera pas de peurs. On va parler franchement. Vos offres, en matière de jours de congé de maladie, sont des offres inférieures à ce qui existait. Vous allez me dire: Cela dépend comment on les interprète parce qu'il y a l'assurance-salaire, etc. Bon, je suis prêt à admettre cela. Ce n'est pas cela que je veux discuter. Mais il reste quand même qu'aux yeux des syndiqués, actuellement, et en tout cas, moi, si j'étais syndiqué, je trouverais votre offre inférieure.

Aux yeux des syndiqués, actuellement, votre proposition sur le problème des jours de maladie accumulés est inférieure à ce qui existe. Je relis le texte maintenant sachant que cette proposition est inférieure: Les dernières offres et propositions, y compris celle qui dit que les jours de maladie ne sont plus accumulables, pourront servir en cas de pré-retraite, pourront servir dans les deux jours avant l'assurance-salaire, etc. D'accord, qu'est-ce qui arrive avec ces propositions? Elles sont maintenues, elles sont intégrées.

M. COURNOYER: Non, M. le Président. M. BURNS: On vient juste de diminuer...

M. COURNOYER: Je pense que c'est une question d'interprétation.

M. BURNS: Bien oui, bien oui. Ecoutez, c'est...

M. COURNOYER: Je peux mentionner l'intention qui est derrière cela.

M. BURNS: Je connais très bien, M. le ministre votre intention. Je n'ai pas du tout l'intention de vous imputer des intentions.

M. COURNOYER: Ce qui n'est pas notre intention, c'est de modifier ici, à ce moment-ci, les offres qui ont été faites aux syndicats. Qu'elles soient inférieures à ce qu'ils ont actuellement ou qu'elles soient supérieures à ce qu'ils ont actuellement, l'intention n'est pas de les modifier par cette description, ni de les augmenter, ni de les diminuer. C'est de les maintenir telles qu'elles ont été faites.

On dit: D'abord, les clauses paraphées, nous n'y toucherons pas. Nous nous engageons à ne pas modifier les clauses paraphées. Je pense que cela a été un des problèmes. On a réglé quelque chose avec vous et cela ne marche plus. Les autres, l'état de la question est entier. Ils ont demandé plus. Le gouvernement a offert moins. Je n'étais pas là. Je ne connais pas du tout le dossier, je ne sais pas ce qu'il y a dedans. Vous le connaissez probablement mieux que moi, M. le député de Maisonneuve. Effectivement, ce que je recherche, c'est de dire: Les gars, je ne vous ferai pas des offres inférieures à celles qui vous ont déjà été faites, même si, dans celles qui ont déjà été faites, il est clair que, clause par clause, il y a peut-être des aménagements différents sur une base globale.

M. BURNS: Ecoutez, cela me fait de la peine de vous le dire, M. le ministre. Je crois, je tiens pour acquis tout ce que vous dites là-dessus et je sais que ce n'est pas l'intention du gouvernement de diminuer les offres mais on va se parler bien franchement. Entre les personnes à qui je m'adresse, actuellement, je m'excuse si cela choque des gens qui sont dans les banquettes arrière, actuellement, parce que nous sommes en commission, il s'adonne qu'il y a des technocrates. Ne nous choquons pas! Les technocrates, c'est une bébelle dont tout le monde souffre éventuellement.

M. BOURASSA: Si on n'en avait pas, que ferait-on? Vous autres y compris?

M. BURNS: On ferait pitié. Il s'agit de les contrôler, par exemple.

M. BOURASSA: Vous en avez un bon, de votre...

M. BURNS: II ne s'agit pas de les laisser prendre le dessus.

M. BOURASSA: Vous en avez un bon de votre côté.

M. BURNS: Nous en avons de très bons, d'accord, comme vous en avez de très bons, comme les personnes qui sont derrière vous, actuellement, qui en sont de très bons. Il n'y a aucun problème. Mais parce que, à un moment donné, la personne qui a à défendre une politique est ignorante de la situation, encore une fois, sans intention péjorative de ma part, parce que cette personne est ignorante de la situation, elle ne doit pas accepter comme valeur absolue ce que disent les technocrates.

Je m'excuse, mais je n'accepterai jamais cette position-là. Je trouve que le premier ministre est trop intelligent, je trouve que le ministre des Finances est trop intelligent, que le ministre du Travail et le ministre...

M. BOURASSA: Le ministre de la Justice.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il ne faudrait pas que ce soit une distribution de prix.

M. BURNS: Je vais arrêter là, j'étais pour arrêter à celui qui le mérite plus que les autres. Le ministre des Affaires sociales est trop intelligent pour...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): IL arrête là. Le ministre de la Justice?

M. BURNS: J'ai parlé de ces personnes-là...

M. CHOQUETTE: Vous oubliez le président de la Chambre.

M. BURNS: II n'est pas présent, je ne vois pas pourquoi je parlerais de lui. Ils sont trop intelligents pour se laisser mener par des problèmes d'ordre typiquement technocratique. A mon avis, ce texte peut être très dangereux entre les mains de technocrates. C'est aussi simple que cela.

Je ne veux pas éterniser le débat inutilement, je dis tout simplement que je ne vois pas, dans ce texte-là, à moins que des experts comme Me Chouinard m'expliquent que j'ai mal compris, là, je pourrais faire amende honorable.

M. BOURASSA: Vous allez vous soumettre aux technocrates.

M. BURNS: S'il me convainc que j'ai tort, à ce moment-là je dirai que je me suis trompé et je n'aurai aucune gêne. Je ne vois pas, dans le texte actuel, ce qui est véritablement l'intention du gouvernement et des oppositions. Nous avons fait conjointement des représentations dans ce style et je ne pense pas que ce soit...

M. CHOQUETTE: Me permettez-vous une question?

M. BURNS: Oui, je permets une question.

M. CHOQUETTE: Vous avez cité tout à l'heure, au début de votre intervention, le cas d'une caisse de maladie et vous avez dit que, conformément aux nouvelles et dernières offres du gouvernement il y aurait, semble-t-il, suivant ce que vous avez affirmé, une régression par rapport aux avantages qui existaient précédemment.

Est-ce qu'il veut que les employés retournent au travail suivant les conditions qui prévalaient avant nos offres globales qui, à mon sens, en général sont plus avantageuses que ce qui pouvait exister globalement précédemment ou s'il veut qu'ils retournent au travail suivant les dernières offres gouvernementales? Il faut choisir l'un ou l'autre, on ne peut pas être à cheval entre les deux. Je pense que le texte présenté par le premier ministre satisfait premièrement au fait que pour le moment, à la rentrée au travail il n'y a pas de perte par rapport à la situation qui prévalait hier ou au moment de la grève, mais par contre, le gouvernement s'engage à faire en sorte que globalement ses offres seront au niveau de ce qui a été offert dans les dernières contrepropositions. Je crois qu'il faut choisir entre l'un ou l'autre et la formule présentée me semble la seule acceptable puisqu'il faut quand même, vu que la négociation va continuer, présumer que le front commun va faire des contrepropositions et qu'il peut y avoir des modifications qui vont s'inscrire dans le cadre des dernières offres gouvernementales.

Je pense que le député, au fond, devrait être satisfait de la proposition présentée par le premier ministre.

M. BURNS: M. le Président, je ne peux pas être satisfait des offres faites. Y a-t-il moyen de vous convaincre que je n'essaie pas de trouver des poux dans votre affaire?

M. BOURASSA: Totalement de bonne foi, nous sommes d'accord.

M. TREMBLAY (Bourassa): Cela fait une demi-heure qu'il parle et il n'a rien dit. Il nous parle des technocrates, bon !

M. BURNS: C'est ce que vous dites. Ce n'est pas du tout de mauvaise foi.

M. TREMBLAY (Bourassa): Pas du tout? Qu'est-ce que c'est?

M. BURNS: Y en a-t-il qui n'ont pas fait leur dodo? Lisant le texte et lisant l'intention qui apparaissait dans notre amendement, que ce soit notre amendement ou un autre texte, cela ne m'importe absolument pas. L'important, c'est l'intention derrière. Le texte actuel, de la façon qu'il est rédigé, fait revivre et intègre aux conventions collectives les offres et propositions du gouvernement. Je vous ai cité un exemple, je pourrais vous en citer d'autres mais l'exemple le plus flagrant est au niveau des congés de maladie.

Avec ce texte-là, votre proposition sur les congés de maladie est intégrée à la convention collective, à mon avis — je peux me tromper — et de l'avis aussi des syndiqués, semble-t-il, est inférieur à ce qui existe actuellement. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Je serais obligé, à ce moment-là, par mon amendement qui veut améliorer la situation, de consacrer une dégradation ou une rétrogradation de la situation.

M. L'ALLIER: Disons, M. le Président, que je ne veux pas...

M. BURNS: Je suis sûr que ce n'est pas ce que vous voulez.

M. L'ALLIER: Ce n'est pas non plus... M. BURNS: Disons-le, à ce moment-là.

M. L'ALLIER: ... mon intention ou l'intention du gouvernement de modifier les offres qui ont été faites. Si, dans les offres qui ont été faites, on demande, comme gouvernement, une réduction, admettons que c'est une réduction qu'on demande...

M. BURNS: II n'y a rien qui s'applique avec cela.

M. L'ALLIER: Ce n'est pas l'intention. M. BURNS: Dites-le dans votre texte.

M. L'ALLIER: Si je prends l'article 5, M. le Président... Oublions, pour un instant, l'article 10. Ce que je maintiens ici, ce sont mes offres telles qu'elles ont été formulées, je ne maintiens pas autre chose. Je ne sais plus comment le dire à mon honorable collègue, cher collègue, etc.

M. BURNS: Avec tout le respect que j'ai pour vous, M. le ministre, votre texte ne dit pas cela. Votre texte ne dit pas ce que vous me dites présentement. Faites-moi un texte qui dise ce que vous êtes en train de dire, et je vais dire "bravo" et je vais applaudir. Nous allons l'accepter.

M. L'ALLIER: Dans quelle partie...

M. BURNS: II ne dit pas cela, il parle des dernières offres.

M. L'ALLIER: Lisons-le.

M. BURNS: Bien oui, lisons-le tranquillement, sans s'énerver...

M. L'ALLIER: C'est cela, je ne m'énerve pas.

M. BURNS: ... sans que le député de Bourassa, qui a le goût d'aller dormir à une heure moins quart, n'intervienne. Qu'on continue à discuter cela à ce niveau-ci. On dit: Ler dernières offres et propositions, de même que les conditions qui les accompagnent. C'est beaucoup dire, cela.

M. L'ALLIER: Bon, c'est quoi "les conditions qui les accompagnent" pour vous?

M. BURNS: Je ne le sais pas.

M. L'ALLIER: Si c'est une question de définition... Moi, je le sais. Je vais essayer, mon cher collègue...

M. BURNS: Je vais vous donner un exemple, l'assurance-salaire.

M. L'ALLIER: Oui, d'accord, je prends l'exemple.

M. LE PRESIDENT: Y aurait-il possibilité qu'il n'y ait qu'une seule personne à la fois?

M. L'ALLIER: Oui, M. le Président, mais nous négocions présentement. C'est à peu près cela qui nous arrive.

M. LE PRESIDENT: Je pense que le député de Maisonneuve a exposé...

M. BURNS: Non, je vais l'écouter.

M. L'ALLIER: Ici, il ne s'agit pas des conditions de travail, il s'agit des conditions comme, par exemple, celui qui est le plus frais à notre mémoire à nous, parce que les derniers documents soumis à la partie syndicale l'ont été lundi ou mardi. Cette offre comporte une augmentation de traitement si, effectivement, nous avons fait des modifications ou si nous avons obtenu une mobilité accrue dans les postes, dans les hôpitaux en particulier. Je pense que cela s'applique aux particuliers.

Si, par hasard, aujourd'hui un texte de la loi voulait dire que les avantages accrus, c'est-à-dire 5.3 p.c, consentis à des salariés, en deuxième année de convention à tout le monde, ces avantages je les consacre, isolément, de la condition dont j'avais assorti cette offre globale à la partie syndicale. Je ne peux pas me permettre de modifier cela à ce moment-ci, dans le contexte d'une loi. Ce que j'essaie de faire par le texte, surtout par le mot "condition", c'est qu'il y a des conditions qui ont été assorties à peu près à toutes les tables. On peut

parler, par exemple, du plan de pension, les augmentations conditionnelles à certains réajustements de plan de pension, etc. Je ne peux pas consacrer les avantages offerts sans penser également à certains réajustements peut-être à la baisse — si je pouvais porter un jugement, je le porterais — de certains plans en existence soit par des lois, soit par des conventions collectives, actuellement.

Ce sont juste les offres, telles qu'elles ont été formulées, ce n'est pas les offres — je ne peux pas le dire au nom des autres — définitives. Nous ouvrons la porte à une négociation, donc, ces offres-là pourraient être modifiées à la table de négociation, pendant que siégerait la commission parlementaire ou après, avant que le gouvernement ne soit appelé à adopter le décret dont il est question à l'article 10.

M. CASTONGUAY: Maintenant, je sais que le député de Maisonneuve a compris mais pour que ce soit bien clair pour tous les autres et surtout pour l'extérieur, parce que je sais que les autres députés ont compris, pour que le terme "condition" soit très clair, il ne se réfère pas à des conditions de travail, ce sont des conditions qui assortissent les offres et propositions. D'accord?

M. BURNS: D'accord, j'ai très bien compris cela.

M. CASTONGUAY: J'avais dit que vous aviez compris.

M. JORON: Si vous permettez, je voudrais poser une question. Cela va peut-être éclaircir certains de nos problèmes. Dans le premier amendement qu'on soumettait, on voulait que, lundi matin, au retour au travail, le régime salarial des gens, de ceux qui vont retourner au travail, soit celui des dernières offres patronales.

L'amendement que vous suggérez est le suivant.

M. BOURASSA: II faut le déterminer.

M. JORON: Dites-moi si on le comprend bien. Lundi matin, le régime salarial qui va s'appliquer est le même que l'ancienne convention. Vous dites, d'autre part, par le paragraphe que vous ajoutez que les dernières offres que vous avez faites sont maintenues et que les négociations repartent de là, que cela ne modifie d'aucune façon le régime salarial entre lundi prochain et le moment où une entente négociée ou décrétée aura lieu. C'est cela?

M. L'ALLIER: II est très clair que nous n'avons pas l'intention de modifier, par l'effet de la loi elle-même, les conditions de travail des salariés. Nous ne voulons pas non plus avoir l'air de retourner six mois en arrière et dire qu'on recommence tout à zéro. On veut garantir que les offres que nous avons faites, on ne les enlève pas par la loi. Telles qu'elles ont été faites, cependant...

M. BOURASSA: Avec des conditions...

M. L'ALLIER: ... avec les conditions de travail applicables, c'est assez difficile pour moi de regarder à quinze tables en même temps si, effectivement, il est possible de mettre en vigueur les salaires de la semaine prochaine.

M. LOUBIER: M. le Président...

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse auprès du député de Bellechasse, ce sera très bref, ça va durer une minute. Je comprends l'argumentation du ministre du Travail et du ministre des Affaires sociales et du premier ministre sur ce problème. Je sais fort bien que notre proposition, à l'origine, visait à protéger les nouvelles offres salariales, sauf que selon le nouveau texte, j'y vois un danger quant à des offres qui sont d'ordre mécanique, non monétaires, quelles qu'elles soient.

Si le gouvernement était prêt à ajouter à ce texte-là une simple phrase disant — là, je laisse aux experts le soin de la rédiger parce que c'est vraiment un premier jet — que le présent texte ne doit pas être interprété comme étant inférieur au texte qui existait à l'expiration des conventions collectives, si on a cela, il n'y a aucune espèce de problèmes, il n'y a aucun problème. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. BOURASSA: Le député, avec son expérience juridique, considérablement supérieure à la mienne, comment peut-il interpréter ceci puisqu'il y a un ensemble de conditions de travail qui seront discutées, qu'il va y avoir une augmentation de salaire? Il peut y avoir, de la part de l'assurance-salaire ou du régime de retraite, d'autres conditions d'établies. On me dit que, juridiquement, c'est impossible d'écrire un texte comme celui-là.

Nous croyons, avec l'amendement que nous apportons, que le gouvernement démontre clairement qu'il veut respecter l'esprit de ce qu'il voulait lui-même faire et ce que l'ensemble des députés veut faire.

M. BURNS: M. le Président, je me rends compte, de par les règles qui nous sont imposées par le débat, que nous serons bientôt forclos pour parler.

M. BOURASSA: C'est intéressant, M. le Président, c'est une discussion intéressante.

M. BURNS: Si, d'avance, on me garantissait qu'on ne me dira pas de me fermer la boîte sur l'autre problème, que je veux essayer de discuter avec autant d'objectivité, je suis prêt à continuer d'en discuter. En ce qui me concerne, je vais arrêter immédiatement parce que je sais

que je n'aurai pas le temps de discuter de l'article 10 si on continue à discuter de celui-ci.

M. CASTONGUAY: Votre suggestion, si on la comprend bien, pourrait-elle être satisfaite par un texte qui dirait que la présente convention collective continue de s'appliquer? C'est cela que vous dites, en fait. Vous dites qu'on ne peut pas retourner en arrière.

M. BURNS: Oui. Remarquez que c'était cela, à l'origine. Votre texte disait: Les présentes conventions collectives ou les conventions collectives expirées continuent à s'appliquer. Nous disions: Pour les conditions salariales, les dernières offres du gouvernement s'appliquent ou s'ajoutent à ces conventions collectives.

M. CHOQUETTE: Oui, mais ce n'est pas clause par clause ou problème par problème.

M. BURNS: Ecoutez, si vous voulez être plus précis, si vous avez peur de problèmes monétaires, je parle des problèmes d'ordre de salaire. Je vous l'ai expliqué quand je vous ai soumis mon amendement. J'ai dit: Si vous avez offert 5.5, 4.8 ou je ne sais pas quoi, que ces 4.8 continuent de s'appliquer sur les salaires qui existaient en vertu de l'ancienne convention collective sans limitation ou sans restriction quant à la possibilité de négocier ultérieurement.

Je vous dis immédiatement, que plutôt que de me faire dire que je n'ai pas le temps de parler de l'article 10, parce que je le trouve encore plus important, je préfère cesser la discussion là-dessus.

M. COURNOYER: II n'y a pas de problème, continuez.

M. BURNS: En autant que le premier ministre me dise qu'on ne me limitera pas aux trois heures en question, et c'est le dernier argument.

UNE VOIX: Robert, ils ne veulent pas.

M. BURNS: II va falloir que j'aie plus que la...

M. COURNOYER: II n'y a pas de problème.

M. BURNS: Vous voyez, M. le Président, il y a déjà un ministre qui a hâte d'aller se coucher qui me dit: Non, il n'en est pas question. Alors, j'arrête la discussion sur l'article 5.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, est-ce qu'on pourrait, je pense, interpréter l'attitude du gouvernement de la façon suivante. Est-ce que le gouvernement est disposé à geler les offres conditionnelles au stade des négociations où c'était rendu, à les geler et à les laisser dans cet état-là et à donner la garantie que ça n'ira pas à l'intérieur des offres, ou d'une façon inférieure aux offres données. Je pense que les offres du gouvernement étaient conditionnelles au stade des négociations où c'était rendu. Parce que j'ai l'impression que la partie syndicale, à ce moment-là, avait dans certains champs particuliers, différentes options à exercer. Et c'est ce qui fait que les offres gouvernementales ou de la partie patronale pouvaient être conditionnelles aux différentes options que pouvait choisir la partie syndicale. Je me demande s'il ne serait pas acceptable de trouver une formulation quelconque pour geler les offres patronales dans l'état où elles étaient subordonnées aux conditions qui pouvaient être retenues, suivant les options qu'aurait pu exercer la partie syndicale. Disons par exemple que si la partie syndicale avait le choix entre deux ou trois options, pour la sécurité d'emploi par exemple, où on prévoit que pour les premières semaines, relativement à un professeur qui devrait être écarté des cadres permanents, qu'on lui accorde 80 p.c. pour quelques semaines, qu'on lui accorde 40 p.c. pour quelques autres semaines etc. C'était une option qu'avait à exercer ou à accepter la partie syndicale mais, à ce moment-là, c'était dans l'ambiance d'une foule de conditions et subordonnées à des options de la partie syndicale. Je me demande s'il ne serait pas plus logique, actuellement, d'essayer d'articuler ou de définir dans le texte de loi que les offres patronales conditionnelles et subordonnées aux options de la partie syndicale seraient gelées dans l'état où elles étaient au moment où elles ont été faites de façon assez formelle. Parce qu'en fait, c'est ce que voulait souligner le député de Maisonneuve, c'est qu'il ne veut pas que les offres patronales rendues à tel niveau des négociations et où il y avait acceptation de principe et éventail d'options, que tout ça ne soit pas mis de côté et qu'on demeure dans ce même état-là et qu'on demeure gelé à cet état des négociations et à ce stade d'options et de conditions. C'est-à-dire qu'on ne pourrait pas arriver avec des options ou avec des conditions qui seraient inférieures ou moindres que celles qui ont été négociées ou acceptées, au moment où on discute de l'adoption de ces articles.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition vient de résumer exactement le sens de notre amendement que nous avons rédigé ensemble. J'en ai parlé au téléphone avec le ministre de la Fonction publique. De notre côté, c'est la proposition que nous faisons et nous pouvons passer à la suggestion du député de Maisonneuve à l'article 10 qui reprend un peu le même problème.

M. BURNS: M. le Président, sur l'article 10...

M. LE PRESIDENT: L'article 5 est adopté tel qu'amendé?

M. BOURASSA: Adopté, oui.

L'article 8: Insérer dans la deuxième ligne après le mot "recevoir" ce qui suit: "Les représentants des associations de salariés et de ceux des employeurs".

M. LE PRESIDENT: Alors, discussion sur l'amendement du premier ministre.

M. BURNS: M. le Président, à moins qu'il y ait quelque chose sur l'article 9, je vais passer à l'article 10 immédiatement parce que je le considère encore plus important.

M. BOURASSA: Le député se rend compte des difficultés d'écrire des choses par les questions qui se posent.

M. BURNS: Je comprends très bien le problème, et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles — je ne veux pas tourner le fer dans la plaie— on s'objectait à ce que cette loi qui a quand même une importance majeure soit adoptée à la toute vapeur.

M. BOURASSA: En commission parlementaire, mardi.

M. BURNS: Je ne reviendrai pas là-dessus. On pourrait peut-être corriger des choses, mais j'espère qu'on pourra corriger des choses.

M. LE PRESIDENT: L'article 8 est adopté tel qu'amendé.

M. BURNS: II y en a une à laquelle je tiens encore plus qu'à l'article 5, c'est notre amendement.

M. LE PRESIDENT: Où en sommes-nous? M. BURNS: On est rendu à l'article 10.

M. LE PRESIDENT: C'est cela. L'amendement de l'article 8 est adopté?

M. BURNS: Oui, en ce qui me concerne, l'article 9 aussi.

M. BOURASSA: II a été adopté tantôt, l'article 9.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On avait suspendu les articles 5 et 10.

M. BURNS: L'article 10. A l'article 10, encore une fois, je voudrais qu'on sache qu'il n'y a aucune partisanerie dans l'intervention que je veux faire. L'article 10 nous dit que, s'il n'y a pas d'entente collective entre les associations salariées et les employeurs, avant le 1er juin, le lieutenant-gouverneur en conseil détermine par décret, au plus tard le 30 juin 1972, les conditions de travail des salariés jusqu'au 30 juin 1974. Ce décret a l'effet d'une sentence arbitrale qui aurait été rendue en vertu du code du travail, dès l'expiration des conventions collectives expirées. Nous vous avons proposé, M. le Président, un texte qui dit: Ce décret en remplacement de la dernière phrase ou du dernier paragraphe qui dit: Ce décret doit tenir compte des dernières offres patronales. On vous suggère de remplacer ça par le texte suivant: "Ce décret doit accorder aux salariés des avantages au moins égaux à ceux que comportent les dernières conventions collectives qui leur étaient applicables modifiées pour tenir compte des offres salariales faites par les employeurs, avant le 1er juin 1972, ainsi que des clauses agréées par les parties avant cette date." A cela, on nous a fait une contreproposition — je pense que c'est le texte du gouvernement — je le dis: "Ce décret doit contenir toutes les clauses paraphées par les parties avant le 1er juin 1972 et tenir compte des dernières offres, propositions et conditions visées à l'article 5." Selon moi, on parle de deux choses tout à fait différentes. Ce que notre amendement vise, c'est de protéger au moins les droits acquis. Ne nous le cachons pas. C'est pour ça que le débat qui a eu lieu à l'article 5 pourrait très bien avoir lieu à l'article 10, au cas où il y aurait un décret. S'il n'y a pas de décret, à ce moment-là, ce sera une solution négociée entre les deux. Il y aura des possibilités que même l'amendement qui vient d'être adopté sur division soit changé entre les parties. De sorte que l'article 5 en ce qui me concerne a une importance moindre que l'article 10. L'article 10, M. le Président, a une gravité telle — et je voudrais que tous les députés en cette Chambre, ministériels ou non, se rendent compte de ce que veut dire l'article 10 tel que rédigé actuellement. Cela veut dire — j'aimerais bien que le ministre du Travail m'écoute parce que c'est un des interlocuteurs qui va savoir exactement ce que je veux dire —

M. BOURASSA: ... avec votre texte?

M. BURNS: Oui. J'aimerais bien que le ministre du Travail m'écoute et que le premier ministre m'écoute là-dessus, ce que veut dire le texte actuel et même le texte supposément ou proposé par le gouvernement comme modification, en dernier lieu. Ce que ça veut dire, c'est que le gouvernement a la main haute, ça c'est très important, a la main haute même sur les droits acquis.

Cela veut dire que le gouvernement pourrait, théoriquement — je ne veux pas prêter d'intention à personne — mais théoriquement le gouvernement pourrait empêcher toute forme de règlement d'ici au 30 juin. Et là, ayant empêché toute forme de règlement, décider que c'est lui qui, à l'avenir, va décréter les conditions de travail lesquelles vont être — si c'est une de ses propositions— inférieures à certains égards. Je trouve cela absolument grave. Déjà je n'accepte pas les règles du jeu, à l'effet que la partie soit juge et partie en même temps. Je ne l'accepte

pas mais cela a été adopté et je n'ai plus le choix. Mais au moins, la partie qui fausse les règles du jeu devrait au moins dire: Je ne pourrai pas aller plus bas que ça. Là-dessus, M. le Président, en conférence privée avec le premier ministre, on en a discuté. J'avais compris que le premier ministre nous donnait son accord à ce principe, c'est ce que j'ai compris. A moins que le premier ministre me dise que j'ai mal compris ce qu'il m'a dit.

M. BOURASSA: M. le Président, sous réserve des effets pratiques ou du caractère faisable juridiquement de la proposition.

M. BURNS: II va falloir qu'on parle clairement puis qu'on dise franchement les choses, M. le premier ministre. Quand on s'est parlé tantôt —je n'ai pas. l'intention de dire ce qu'on s'est dit dans les débats — mais on a parlé sur un plan dans le fond très technique, on a examiné le texte techniquement. On s'est dit qu'est-ce que chacune des deux parties actuellement voyait dans ce problème. J'ai compris que le premier ministre au nom du gouvernement me disait: II n'y a pas de problème, il n'était pas question de descendre plus bas de ce qui existait actuellement. Le texte que nous proposons dit exactement que les avantages qui apparaîtront dans la nouvelle conventioncollecti-ve seront au moins égaux à ce qui existe actuellement. Je pèse bien mes mots, cela peut être, M. le Président et M. le premier ministre, une des causes de l'obéissance, non pas de la désobéissance, mais de l'obéissance civile à la loi que nous sommes en train d'adopter. Ce n'est aucunement une menace. Si le député de Bourassa ne comprend pas, ce n'est pas de ma faute. Je pense que ce que je dis là c'est très sérieux. Le fait que ce texte, que le texte lui-même, je m'en fous je m'en balance que ce soit le même texte que je propose, je suis prêt à le retirer si l'idée derrière le texte que nous proposons est respectée, je vais dire d'accord je retire mon texte. Mais je dis ceci et je vous demande de ne pas penser que je vous charrie quand je vous dis cela, que ce texte-là est peut-être un élément très important dans le respect de la loi qu'on est en train d'accepter. Ce sont les seules remarques que j'ai à vous faire. Je ne vois pas pourquoi un gouvernement de bonne foi qui dit: On est prêt à prendre nos employés, on est prêt à les faire rentrer au travail, on est prêt à leur donner des conditions, on est prêt, après qu'ils seront retournés, à discuter avec eux. Je ne vois pas un gouvernement de bonne foi qui dise tout cela et qu'il ne soit pas capable de dire en même temps: On accepte que ce ne sera pas plus bas que ce qu'ils ont actuellement. C'est cela que dit notre gouvernement.

M. BOURASSA: Comment écrire cela?

M. BURNS: Comment écrire cela, M. le premier ministre; c'est bien simple c'est notre amendement et je le relis: "Ce décret doit accorder aux salariés des avantages au moins égaux — on ne vous dit pas plus forts — on vous dit: au moins égaux à ceux que comportent les dernières conventions collectives qui leur étaient applicables modifiées pour tenir compte des offres salariales etc.

M. BOURASSA: Le député est au courant que certaines choses...

M. BURNS: Ecoutez. Est-ce que vous voulez... La question est bien simple, est-ce que vous voulez, par le décret qu'éventuellement vous adopteriez si les mécanismes ne fonctionnent pas entre les deux, est-ce que par ce décret-là vous voulez diminuer les conditions de travail actuellement existantes?

M. BOURASSA: Bien non, dans l'ensemble non, mais il peut y avoir des choses...

M. BURNS: Je ne vous demande pas de rouler avec la question, encore une fois.

Je vous demande simplement: Est-ce que vous voulez diminuer ces conditions-là? Si vous me dites non, vous n'avez aucun, aucun problème à accepter l'amendement que j'ai proposé. Et, d'ailleurs, M. le Premier ministre, je vous rappelle — encore une fois, je n'aime pas cela parler de conversation privée mais c'était quand même dans le cadre de faire avancer le débat, d'éviter que cela dure plus longtemps que nous nous en sommes parlés à l'extérieur de la Chambre — j'ai compris que vous étiez entièrement d'accord avec l'idée que sous-tendait cet article-là. Pourquoi ne le dirions-nous pas? Pourquoi ne dirions-nous pas que lors de la mise en vigueur, par cette loi, des ententes collectives passées — ce ne sera pas long, M. le ministre — lors de la mise en vigueur de ces ententes-là, que, au moins, on ne descendra pas plus bas. C'est cela, dans le fond, que dit le texte. On ne descendra pas plus bas que ce qui existe actuellement.

M. GARNEAU: Plus bas que quoi?

M. BURNS: Que les avantages seront au moins égaux. C'est seulement cela que nous vous demandons. Si vous êtes capables de vous engager à cela, vous êtes capables d'accepter notre texte. Je ne vois pas pourquoi vous ne seriez pas capables d'accepter cela ou un autre texte qui voudrait dire la même chose.

M. PICARD: Une petite question...

M. BOURASSA: J'ai dit, comme le député de Maisonneuve, que nous avons discuté, et je l'avais d'ailleurs dit dans mon discours de deuxième lecture, qu'il n'était pas question de diminuer les conditions de travail des employés du secteur public. C'est un principe, je pense,

avec lequel tous les membres de l'Assemblée nationale seront entièrement d'accord. Là, il s'agit de trouver un texte juridique et là, cela dépasse ma spécialité — peut-être pas celle du député de Maisonneuve — on me soumet qu'avec certains textes, il est possible que n'importe lequel salarié puisse contester devant la Cour s'il arrive un aspect ou un autre dans la négociation et que cela peut compliquer considérablement l'application de la loi. Alors, nous examinons d'autres textes. Je fais une proposition, quitte à ce qu'on en discute à la commission parlementaire si on ne peut pas accepter ce que nous proposons — quitte à le réviser mardi après-midi à la commission parlementaire lorsque nous aurons eu un peu plus de temps parce que nous siégeons quand même depuis 24 heures sans interruption pour voir s'il n'y a pas lieu...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse auprès — ce ne sera pas long, M. le député.

M. LE PRESIDENT: II y avait le ministre des Finances et le député d'Olier.

M. GARNEAU: Je voudrais poser une question au député de Maisonneuve, parce que j'ai nettement l'impression qu'actuellement le rôle qu'il joue est celui d'un négociateur de la partie syndicale. C'est un peu cela que j'ai l'impression qu'il fait, et je ne vous blâme pas. remarquez bien...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement...

M. GARNEAU: Ecoutez, attendez. Laissez-moi donc! Est-ce que j'ai dit des insultes au député de Maisonneuve?

M. BURNS: ... article 100, paragraphe 9, M. le Président. Est-ce assez pour vous?

M. GARNEAU: Mais...

M. BURNS: Non, je ne suis pas fatigué du tout, mais je n'aime pas...

M. GARNEAU: Je ne vous ai pas dit d'insultes.

M. BURNS: M. le Président, le débat s'est tenu à un niveau assez élevé; je voudrais qu'il reste à ce niveau-là. Qu'on ne commence pas à me parler du fait que je négocie pour la partie syndicale, et pour ceux qui voudraient prendre ma parole, je vais leur dire que je ne suis pas, absolument pas payé par les syndicats pour ce que je fais ici. Est-ce qu'on peut écarter ça, s'il vous plaît?

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas cela d'ail- leurs que le ministre a dit. L'article 9 dit: "Imputer des motifs indignes à un député ou de refuser d'accepter sa parole." Or, je n'ai rien vu d'indigne dans ce que le ministre dit. Il dit que la formulation employée par le ministre ressemble à une négociation. Il n'a rien dit de plus. Je ne vois pas ce qu'il y a d'indigne là-dedans.

M. GARNEAU: De toute façon, je vais essayer d'employer d'autres termes. La question que je veux poser au député de Maisonneuve est la suivante. Quand il parle des conditions, est-ce qu'il parle des conditions contenues dans les dernières offres et c'est ce que reflète le texte de loi à venir jusqu'à maintenant ou s'il veut que dans ces dernières offres, on prenne les conditions salariales et qu'on enlève les autres conditions qui étaient incluses dans cette offre globale? C'est la question que je lui pose. Il voudrait qu'on gèle dans la loi tout ce qui est plus, et il voudrait qu'on enlève tout ce qui était la concession que l'on demandait à la partie syndicale pour faire des offres salariales plus élevées. C'est la question que je pose au député de Maisonneuve lorsqu'il nous dit: Prenez mon texte. C'est cela que je ne comprends pas dans sa proposition. Je veux être bien certain parce qu'il s'agit dans cette proposition-là — et, vous le savez autant que moi — de plusieurs dizaines de millions de dollars. C'est important pour le gouvernement de savoir exactement à quoi il s'engage s'il accepte la proposition que vous faites parce que, uniquement dans le régime de retraite, il y a au moins une dizaine de millions de dollars là-dedans qui peuvent être répartis sur deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans.

Cela, c'est négociable. Mais quand même, il est bien important de savoir, à la dernière minute, en discutant pendant cinq ou six minutes additionnelles, on en arrive à un texte qui, à un certain moment, vous fait réaliser après coup que cela a des implications financières considérables. C'est la raison pour laquelle je veux savoir: Est-ce qu'il sépare les deux ou prend-il l'offre globale?

M. BURNS: Ce que...

M. PICARD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Olier.

M. PICARD: C'est le point que je voulais soulever et la question que je voulais poser au député de Maisonneuve. Est-ce qu'il accepterait d'ajouter deux mots à son texte lorsqu'il parle des conditions "prises globalement"? Alors, il n'est pas question de scinder les conditions normatives et les conditions salariales. Parce que, là, — c'est du moins l'impression que j'ai — vous essayez.de prendre tout ce qui est bon, toute la crème du gâteau, dans toutes les conditions salariales et dans les autres, vous

dites: N'allez pas plus bas que ce qui existait avant. Il arrive un certain moment, que certaines conditions salariales sont accordées mais à condition qu'on change certaines autres conditions qui apparaissaient déjà à la convention collective. Si vous pouvez ajouter "prises globalement", cela serait avantageux. Je comprends tout le problème. Plus avantageux que cela ne l'était auparavant, si on prend les offres gouvernementales comme un tout et non pas prendre seulement les parties qui font votre affaire.

M. LE PRESIDENT: II y avait l'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): J'avais demandé la parole tout à l'heure sur l'article 10 mais c'était sur un autre point de l'article 10, sur un autre point, sur le même article, pour permettre à l'honorable député de...

M. LOUBIER: Je pense, M. le Président, que le député de Maisonneuve a exprimé tout à l'heure d'une façon assez explicite quel était, au moins en gros, le fond de la proposition qu'il avait faite. C'est que nous voudrions, et je pense à ce moment-là être dans l'ordre, que la situation globalement et sans faire de jeux de mots ou sans essayer de verser dans toutes les technicités, c'est que la situation des négociations, globalement comme le disait le député de Olier, c'est que cela demeure telle quelle et littéralement gélatinée et qu'on ne puisse pas à ce moment-là, à la lumière des options qui sont offertes par les offres gouvernementales à la partie syndicale, que toutes les offres qui sont faites, suivant l'éventail donné par le gouvernement, suivant des options que pourraient choisir la partie syndicale, c'est qu'à ce moment-là, tout soit gelé au niveau où sont rendues les négociations actuellement et qu'on ne puisse pas régresser ou offrir quelque chose de moindre, tant sur le plan salarial que sur le plan sécurité d'emploi que sur tout les autres plans, qu'on ne puisse pas remettre en cause ou en discussion, tous les projets qui avaient été accomplis au cours des négociations de sorte qu'à la fin de toutes ces négociations, suivant les conditions, suivant le contexte, suivant l'éventail des options données, il y ait la même liberté d'acceptation de la part de la partie syndicale mais que, d'autre part, de la partie patronale, qu'il n'y ait pas à ce moment-là, retrait des avantages, des options que la partie patronale avait offerte à ce moment-là. Je pense que c'est l'esprit qui se dégage des propositions du député de Maisonneuve. Et en ce qui me concerne, j'appuie entièrement l'esprit des propositions du député de Maisonneuve. A ce moment-là, je pense qu'on pourrait donner une garantie minimale aux syndiqués qu'en retournant au travail, ils ne remettent pas en question les négociations dès le début ou encore qu'il ne remettent pas en question les conditions, les options, les avantages qui ont été proposés par la partie patronale.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Nous sommes tellement d'accord quant à l'exposé du chef de l'Opposition, que c'est le raisonnement qui a sous-tendu l'amendement déjà apporté à l'article 5. Voici que le gouvernement dit: Nous allons maintenir nos dernières propositions. Alors, je trouve que l'argumentation du chef de l'Opposition, si bien fondée soit telle, est partagée entièrement de côté-ci de la Chambre. Il n'y a pas d'ambiguité ou d'équivoque. Le problème est réglé; les offres sont là, et elles seront maintenues. Là on prend le problème par l'autre bout. Le premier bout était l'article 7, c'est-à-dire: Pour le moment, est-ce que l'on maintient nos offres? C'est ce que dit le texte qui a été adopté. L'autre bout du problème, c'est ce que contiendra le décret. Là, il y a des problèmes, mais il me semble qu'il n'est pas nécessaire, en somme, cela n'infirme pas du tout... Supposons que le dernier alinéa de l'article 10 soit rédigé de la façon qui est suggérée n'infirme pas du tout le premier amendement adopté par la Chambre à l'unanimité qui dit...

M. LOUBIER: Non, mais les deux amendements ou les deux articles se sous-tendent et doivent avoir une certaine cohérence. Je pense qu'il s'agit tout simplement d'une question de formulation qui assurerait une certaine concordance entre l'article 5 et l'article 10. Parce que nous nous rendons compte, comme le disait fort à propos le ministre de la Justice que, sur l'esprit, sur le principe même, nous nous entendons tous, le député de Maisonneuve, celui qui parle actuellement et le gouvernement. Mais il s'agit d'arriver à une formulation telle qu'il y ait une concordance entre l'article 5 et l'article 10, surtout dans l'esprit, pour au moins assurer cette garantie minimale qui, à mon sens, est absolument essentielle pour aboutir à des négociations qui seraient dans un climat favorable pour les deux parties qui s'affrontent actuellement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, je vais essayer de résumer une dernière fois le point qu'on essaie de faire valoir là-dedans. On est dans un contexte où le gouvernement s'apprête à faire passer une loi d'exception. Ce qu'on veut, c'est qu'il ne profite pas de cette occasion pour pouvoir, dans quelque temps, par un décret, détruire des choses qui ont été négociées dans le passé et qui sont dans l'actuelle convention collective. On veut au moins protéger cet acquis. Ce n'est pas difficile à comprendre.

M. BOURASSA: Ce n'est pas exact. Nous en avons discuté une heure de temps. Nous avons essayé de rassembler les opinions. Nous nous apercevons que c'est très complexe à la lumière de la discussion, parce que c'est hautement technique et que cela a toutes sortes d'implications juridiques. Notre interprétation, c'est que l'amendement que je dépose, cela représente ce que j'ai dit dans l'Assemblée ou ce que j'ai pu dire en discutant. L'article 10 est modifié en remplaçant le deuxième alinéa par le suivant: "Ce décret doit contenir toutes les clauses paraphées par les parties avant le 1er juin 1972 et tenir compte des dernières offres, propositions, conditions visées à l'article 5".

Evidemment, je peux me tromper, mais en quoi ceci ne donne pas la garantie qui est demandée?

M. BURNS: M. le Président, ce sont deux choses tout à fait différentes. Je m'excuse, j'avoue ma faiblesse, c'est peut-être moi qui ne suis pas assez clair pour vous faire comprendre ce que je pense. Mais, à mon avis, ce sont deux choses tout à fait différentes. Partons d'abord de l'article 5 et de l'article 10. Les deux articles 5 et 10 sont d'abord deux choses différentes. L'article 5 dit ce qui arrivera quand les employés retourneront au travail.

M. BOURASSA: ... le principe de l'article 5 à l'article 10.

M. BURNS: D'accord, laissez-moi terminer. L'article 5 nous dit ce que les employés auront quand ils retourneront au travail. On dit: "les propositions et les dernières offres" du gouvernement. Qu'on amende le texte. Dans les propositions et dans les offres du gouvernement, il y a peut-être des choses qui sont inférieures à la convention collective. Correct? Cela est fort possible. Je ne dis pas qu'il y en a, mais je dis que c'est possible.

Or, nous l'avons laissé de côté l'article 5, parce qu'à mon avis c'est moins grave. Il y a toujours moyen de se rattraper par la négociation. Mais l'article 10, lui, il n'y a pas tellement de façons de se rattraper par la négociation, parce que c'est le gouvernement qui va décider. C'est le gouvernement qui va imposer par décret des conditions de travail.

M. BOURASSA: Pas si la négociation réussit.

M. BURNS: Non, écoutez, je vais au pire. Ce n'est pas moi qui vais au pire, c'est la loi qui y va. La loi dit que, s'il n'y a pas d'entente, il y a un décret. Alors, je suis obligé d'en tenir compte, parce que la loi en a tenu compte.

Si jamais il n'y a pas d'entente, moi je ne voudrais pas que le gouvernement se place dans une position absolument inconcevable de décider d'une réduction — soyons clairs, et disons-le clairement aussi — des conditions de travail. C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui va décider ça...

M. BOURASSA: Ce que demande le député...

M. BURNS: ... qui va décider que les conditions ne seront même pas égales, même pas au moins égales — comme dit notre amendement — à ce qui existait dans les conventions collectives antérieures.

M. BOURASSA: ... c'est de tenir compte des offres, propositions, conditions qui ont été déposées.

M. BURNS: M. le Président, il y a quelques juristes dans cette Chambre et je pense qu'à moins de se mettre la tête dans le sable, ils vont tous vous dire, y compris le premier ministre qui est aussi, je pense, un juriste — en tout cas il en porte le titre...

M. BOURASSA: ... longtemps, longtemps.

M. BURNS: ... que les mots "tenir compte" ça ne veut pas dire grand-chose dans un texte. Cela ne veut pas dire beaucoup de choses dans un texte. Si je tiens compte de ça, ça ne veut pas dire que je suis obligé d'appliquer ça. Il n'y a pas un juriste ici qui va venir me contredire et je mets au défi qui que ce soit qui est au courant des règles d'interprétation, qui pourra me dire que les mots "en tenant compte de..." veulent dire que je suis obligé de suivre ça. Cela ne veut pas dire ça, du tout.

M. BOURASSA: L'article 5 les maintient.

M. BURNS: L'article 5 les maintient lors du retour au travail, c'est ça qui est le problème. Ce sont deux choses différentes. L'article 5, c'est pour le retour au travail et l'article 10 est à l'effet que, si jamais il n'y a pas entente après le retour au travail, il y ait un décret du gouvernement.

Et à la rigueur, si on veut pousser la farce au bout, on peut dire facilement que l'employé qui gagnait $2.50, le décret peut dire qu'il va gagner à l'avenir $2 l'heure. C'est ce que veut dire ce texte-là. C'est-y assez vache? Et c'est sûr que ce n'est pas ça que le gouvernement veut faire. Et s'il ne veut pas faire ça, qu'il nous le dise clairement, qu'il le mette dans un texte, qu'on le sache! Et que les gars qui doivent rentrer samedi le sachent eux autres! Et peut-être que ça va vous aider à les faire rentrer les gars, samedi. Peut-être qu'autrement ils ne rentreront pas.

M. LOUBIER: Le premier ministre se rend compte que c'est une question de formulation en fait. Je pense que, sur l'esprit et sur les objectifs que nous voulons atteindre, nous sommes tous d'accord. Il y a une question de formulation qui à un moment donné pourrait, par le texte que l'on pourra employer, donner une obligation ou encore permettre au gouver-

nement un certain degré d'arbitraire et c'est ça qui nous embête actuellement.

Est-ce que le premier ministre me permettrait de faire une suggestion ou certaines remarques? Lorsqu'on dit "tiendra compte", il n'y a aucun engagement formel de la part du gouvernement à accepter ou à ratifier, ou à se lier, tandis que, si on acceptait, par exemple l'expression "devra" ou "doit tenir compte" mais d'une façon mieux articulée avec le reste ou avec tout le contexte de la phrase qui est faite, pour au moins lier le gouvernement. Je pense qu'à ce moment-là on ne s'en remettra pas strictement à la discrétion du gouvernement.

Il faudrait éviter, autrement dit, dans la formulation, que ce soit une coloration strictement discrétionnaire aux mains du gouvernement. Il y a une nuance qui pourrait, je pense, être corrigée assez facilement.

M. BOURASSA: Quelle est la suggestion du chef de l'Opposition? De changer "tenir compte".

M. LOUBIER: C'est-à-dire qu'il ne faudrait pas que, dans la formulation, il y ait une implication ou encore une signification de discrétion de la part du gouvernement, de la partie patronale en occurence.

Il faudrait trouver une formulation telle que la partie patronale soit véritablement liée dans le texte et dans l'esprit du texte, au moins aux garanties minimales qui sont en relation directe avec les offres globales qui ont été faites par le gouvernement, subordonnées et conditionnées à l'éventail des options qui avaient été présentées.

M. BOURASSA: Respecter, est-ce que c'est plus fort que tenir compte?

M. BURNS: C'est pas mal mieux. M. LOUBIER: Je pense que ça irait.

M. BOURASSA: M. le Président, respecter est plus fort que tenir compte.

M. CHARRON: II faudrait peut-être quand même que...

M. BOURASSA: On en est rendu à émettre l'esprit. Tout le monde est d'accord sur les objectifs, c'est une question d'interprétation juridique de termes.

M. CHARRON: Le premier ministre me permettra de lui donner à la fois raison et tort avec son nouveau...

M. BOURASSA: La première partie de...

M. CHARRON: Qu'est-ce que ça serait pour le gouvernement que de respecter les dernières offres patronales? Qu'est-ce que ça serait de plus que de tenir compte?

M. BURNS: Sur l'amendement ou sur le texte?

M. BOURASSA: Sur notre amendement.

Je pense qu'il faut quand même peut-être mettre un terme à quatre heures de discussion, mais moi je suis convaincu, et je peux l'exprimer très clairement, que l'amendement que nous avons soumis satisfait les demandes ou l'esprit des demandes qui ont été faites par les trois partis de l'Opposition et qui étaient celles également du gouvernement, tel que je l'ai annoncé dans mon discours en deuxième lecture.

M. LOUBIER: Je regrette, encore une fois, que le premier ministre assaisonne ses propos d'une façon assez partisane. Il a tenté depuis le début d'agir avec beaucoup de sérénité, mais je ne vois pas ce que vient faire un engagement électoral dans la discussion que nous tenons actuellement.

J'aimerais beaucoup mieux que le premier ministre...

M. BOURASSA: Je m'excuse, il y a confusion. Ce que j'ai dit, c'est que j'avais dit au cours du débat de deuxième lecture — il y a confusion sur un mot — j'ai dit au cours de mon discours de deuxième lecture qu'il n'était pas question pour les employés du secteur public et du secteur parapublic d'avoir des offres inférieures. Jp dis là que l'amendement que nous avons soumis, avec la proposition, à la suite de la suggestion du député de Maisonneuve qui trouvait que "tenir compte" n'était pas assez fort ou donnait trop de liberté de manoeuvre, que le terme "respecter", quant à nous, représentait l'esprit de ce qui était demandé de la part du Parti québécois, de l'Unité-Québec et du Ralliement créditiste, et ce que nous voulions, nous.

M. JORON: Une ultime fois.

M. LOUBIER: M. le Président, moi je pourrais, à ce moment-là, me satisfaire de cette formulation et tenant compte du fait que le premier ministre prend un engagement solennel qu'il ne peut pas traduire dans le texte de la loi...

M. BOURASSA: Nous essayons depuis deux heures.

M. LOUBIER: ... à l'effet que les garanties minimales de l'état des négociations et des avantages qui avaient été donnés à ce moment-là seront intégralement respectées. Parce que je sais fort bien qu'il ne peut pas traduire son engagement comme premier ministre, il ne peut pas non plus traduire sa promesse comme premier ministre dans un texte de loi, mais je sais fort bien qu'à cause de l'enregistrement de tous les débats, que le premier ministre se sentirait lié comme chef du gouvernement à

tous les propos que nous tenons relativement aux amendements que nous proposons.

M. JORON: Une dernière fois. Le "respecter" évidemment est plus fort que le "tenir compte". Cela oblige au minimum aux dernières offres que vous avez déposées. Mais ça ne correspond pas du tout à l'amendement qu'on propose, parce que, dans ces nouvelles offres globales, il se peut que dans certains secteurs il y ait des catégories d'employés qui tombent à quelque chose de moins que l'actuelle convention collective.

Notre amendement visait à assurer comme plancher minimum l'actuelle convention collective. C'est très différent, ça.

M. BOURASSA: M. le Président, disons que j'essaie de garder l'esprit aussi clair que possible après 24 heures de discussion. Mais, quant à moi, nous avons apporté deux amendements tenant compte de ce que nous recherchions tous ensemble, et j'ai dit, et je le répète, qu'il n'est pas question pour les employés des secteurs public et parapublic d'être traités d'une façon inférieure, loin de là, à ce qu'ils ont été traités avant cette loi.

M. JORON: Est-ce que je pourrais reformuler cela une dernière fois qui va peut-être apparaître claire au premier ministre? A son amendement à l'article 10 et qui se termine par "... et respecter les dernières offres, propositions et conditions visées à l'article 5." nous ajouterions ceci: "... ainsi que les dernières conventions collectives qui leur étaient applicables."

M. CHOQUETTE: ... absurdité, c'est contradictoire.

M. JORON: Si c'est votre jugement, c'est que vous êtes en train de nous dire qu'il y a effectivement des catégories d'employés qui vont tomber en dessous de ce qu'ils ont dans le moment. Vous venez de le dire. Bien oui.

M. BURNS: C'est ce que vous dites.

M. CHOQUETTE: Je pense qu'on doit considérer ceci. C'est que, dans les dernières offres gouvernementales, il n'y a pas de régression sur les conditions de travail d'ensemble s'appli-quant à aucune des catégories visées par les conventions collectives. Par conséquent, j'admets qu'il peut y avoir des réajustements sous certains aspects de certains bénéfices par rapport à d'autres. Mais, au total, je pense qu'on peut tenir pour acquis que l'ensemble des fonctionnaires et des employés du secteur parapublic couverts par les dernières offres gouvernementales reçoivent tous des avantages supérieurs par rapport à leurs conditions existant avant ces offres.

Donc, on ne peut pas astreindre le gouverne- ment à la fois au respect de ces dernières offres et en même temps au respect des conditions qui prévalaient avant qu'on fasse ces offres-là, et des conditions qui existaient dans la fonction publique et dans le secteur public. Cela serait une contradiction. C'est une absurdité, et seul le député de Gouin ne la voit pas.

M. JORON: Je regrette, mais la contradiction que vous voyez, elle n'existe pas. Nous ne vous disons pas de respecter les deux en même temps, nous vous disons que l'une sert de plancher. Ce n'est pas difficile de comprendre. Un plancher, vous savez ce que c'est. Cela en est un, ça. Comme condition minimum.

Mais vous, vous avez dit une contradiction par contre, vous avez dit que, dans l'ensemble, en gros, elles étaient plus favorables. Et en même temps vous dites que, dans chacun des cas, elles le sont au moins plus favorables.

M. CHOQUETTE: Pour les individus.

M. JORON: A ce moment-là si vous dites ça, qu'est-ce qui vous empêche de signer notre amendement? C'est exactement ce qu'il dit.

M. CHOQUETTE: La raison est celle-ci. Admettons par exemple qu'un employé reçoit une augmentation de 4.8 p.c. par année, etc.

Je ne connais pas, remarquez, tous les détails techniques, mais mettons que, sous certains aspects, il y a d'autres conditions de travail qui ont été modifiées et qui représentent une régression pour cette condition de travail par rapport à la condition qui existait précédemment. C'est là où il y a contradiction. On ne peut pas couvrir les deux en même temps. Alors il nous faut nous brancher: soit le plancher, comme vous le dites, dans les dernières offres gouvernementales ou soit le plancher dans les conditions de travail existantes à l'arrêt de travail. Il faut choisir l'un ou l'autre.

Je pense qu'on a tout intérêt à choisir les dernières offres gouvernementales comme plancher parce qu'il est manifeste qu'elles représentent un progrès pour tout le monde même si, sous certains aspects et dans certaines conditions, elles peuvent être inférieures par rapport à ce qui existait.

Je pense que, si le député voit cet aspect du problème il va se rallier, en somme, au moins à l'esprit de la formulation de l'amendement proposé par le premier ministre. Mais, pour le texte, il peut trouver que ce n'est pas autant qu'il le voudrait.

M. BURNS: M. le Président, il ne faut pas oublier une chose. Pardon?

M. CHOQUETTE: Même si pour le texte, le député pourrait trouver que ce n'est pas autant qu'il voudrait, il va au moins se rallier à l'esprit de la proposition du premier ministre.

M. BURNS: Je ne peux pas me rallier à l'esprit de la proposition du premier ministre, pour une simple et unique raison, c'est que toute l'argumentation que vous venez de tenir est faite en vue de me faire comprendre qu'il y a des employés qui vont y perdre, à cette convention collective. Oui, il y en a des employés. Je vous affirme qu'il y en a. Si ce n'est pas votre intention, dites-nous le clairement par un texte. C'est cela que nous vous disons. Si vous ne voulez pas que des individus se retrouvent... Parce que, théoriquement, je l'ai dit tantôt, on pourrait, avec un texte comme celui-là, retrouver une situation où un employé qui gagnait $2.50 l'heure se retrouve avec $2 l'heure.

M. CHOQUETTE: Donnez-nous un cas.

M. BURNS: Je ne vous donnerez pas de cas, je vous dis que c'est possible avec cela. Je vais vous donner le cas d'ensemble où, à un moment donné, vous seriez obligés... Vous demandez un cas, M. le ministre de la Justice, je vais vous en donner un. Si jamais le gouvernement acceptait, par exemple, le minimum de $100. C'est un point qui est en discussion. Le ministre du Travail sait fort bien ce que cela veut dire, un "pattern" d'échelle salariale. Il sait fort bien ce que veut dire une espèce d'échelle graduée. Cela va drôlement fatiguer l'échelle que quelqu'un, à un moment donné, se retrouve à $100 là-dedans, alors que ce quelqu'un gagnait $80, $82 ou $75. Et il y a peut-être des ajustements qui se feront, dans l'échelle, à cause de cela. Si ces ajustements, dans l'échelle, se font au détriment de MM. X, Y et Z qui gagnent actuellement $111, que voulez-vous que je vous dise? Il est possible que, pour la cohérence interne de l'échelle salariale, on se retrouve à dire à M. Untel, qui gagne $111 : II va falloir qu'à l'avenir ton poste vaille $108 par semaine.

M. BOURASSA: Avez-vous un exemple de cela? Pouvez-vous donner un seul exemple de cela?

M. BURNS: Je vous donne un exemple hypothétique.

M. BOURASSA: M. le Président, je viens d'en discuter.

M. BURNS: Ne partons pas en peur! Une minute!

M. BOURASSA: Evidemment, il y a toute la question de la sécurité d'emploi qui est à part. Mais indépendamment de la sécurité d'emploi, on m'assure...

M. BURNS: La sécurité d'emploi, ce que les syndicats vous demandent, c'est mieux que ce qu'ils ont. Alors vous n'avez pas de problème.

M. BOURASSA: Pour la question salariale...

M. BURNS: Vous n'avez pas de problème à accepter que ce soit au moins égal à ce qui existait.

M. BOURASSA: Pour la question salariale, strictement parlant, on vient de me dire qu'il n'est pas question qu'une offre soit faite...

M. BURNS: Je ne vous parle pas juste de la question salariale. Je vous donne l'exemple le plus évident, la question salariale. Mais je vous en ai donné un autre tantôt. Qu'est-ce qui arrive à MM. X, Y et Z qui, eux, ont déjà 102 jours de maladie d'accumulés...

M. BOURASSA: Vous laissez tomber la question salariale, là.

M. BURNS: ... qui sont sur le point d'arriver à leur retraite. Qu'est-ce qui leur arrive?

M. BOURASSA: Vous laissez tomber la question purement salariale. Il n'est plus question de diminution du salaire.

M. BURNS: Nous ne parlons plus de la question salariale. J'en ai parlé à l'article 5. Je vous parle des conditions de travail prévues à la convention collective, soit le minimum de départ pour le décret. Cela, je n'en parle plus. Vous ferez ce que vous voudrez après. Vous ferez ce que vous voudrez avec cela. Je vais juste vous dire une dernière chose. Je trouve cela indécent, même si vous n'exercez pas ce droit, que vous vous arrogiez le droit éventuel, qui peut-être ne se réalisera pas, de décider de conditions de travail de vos employés qui, possiblement, seront inférieures à ce qu'elles sont actuellement. Cela, je vous avoue qui si cela arrive, on s'en reparlera à ce moment-là. Cela va être grave en maudit.

M. GARNEAU: M. le Président, là, le débat prend une tournure qui nous oblige à intervenir sur un ton fort différent. Depuis le début de la discussion en commission plénière, des deux côtés de la Chambre, nous avons tenté de discuter de bonne foi, loyalement, des amendements qui pourraient être de nature à assurer ou à traduire l'esprit que nous avions, nous du gouvernement. Les exposés qui nous avaient été faits au début de cette discussion de la part de certains membres de l'Opposition s'inscrivaient dans ce cadre. Mais là le député de Maisonneuve s'engage sur un terrain qui m'apparait complètement différent et qui prend une allure totalement politique à mon point de vue.

Actuellement, ce que le député de Maisonneuve essaie de faire, c'est d'enregistrer dans le journal des Débats des hypothèses qu'il sait...

M. BURNS: C'est ça que ça vous prend pour comprendre. Que voulez-vous?

M. GARNEAU: ... je pense, lui-même, ne pas être vraies. Le premier ministre lui-même s'est engagé à ce que, dans le cadre de cette loi — et nous l'avons traduit dans des articles — que les dernières offres patronales prises dans leur ensemble avec les conditions qui étaient assorties à ces offres-là bien que le gouvernement s'engageait à ce qu'elles ne soient pas moindres à partir de la décision finale qui sera prise s'il n'y avait pas entente. Attendez, vous aurez votre droit de parole, il reste encore du temps.

M. le Président, il m'apparaît nettement que, du côté du Parti québébois, on est à préparer la sortie de la Chambre pour faire un débat sur la place publique et continuer à même des arguments que si nous n'y répondons pas maintenant, il pourra interpréter à ce moment-là notre silence comme étant un engagement. A venir jusqu'à aujourd'hui les membres du Parti québécois ont tenté d'agir avec beaucoup de naiveté, tout bonnement comme cela, en agissant tout innocemment, mais on parle d'une vingtaine de millions de dollars actuellement et vous pensez qu'on va croire votre naiveté? Non, monsieur le Président, quant à moi, l'attitude du Parti québécois depuis le début, au début en tout cas, pour moi, je l'ai prise de bonne foi. Mais, depuis quelque temps, c'est une attitude de politiciens qui tentent actuellement de se préparer une sortie de la Chambre pour pouvoir aller sur le "hausting" après et dire: Ah! je l'ai dit ça, regardez c'est dans le journal des Débats, ni le premier ministre, ni le ministre des Finances, ni le ministre du Travail, aucun membre du parti ministériel n'a apporté des remarques, n'a apporté des réflexions.

M. le Président, l'expérience que j'ai vécue depuis cette négociation et les arguments qu'on a servis me prouvent hors de tout doute ce qu'on a tenté du côté du Parti québécois de négocier pour le Front commun, et je ne nie pas cette possibilité et ce droit de l'avoir fait. Cependant, je voudrais qu'il soit bien entendu que nous ne sommes pas dupes, de ce côté-ci de la Chambre, parce qu'ils nous ont servi des arguments qui ont été servis depuis le début aux tables de négociations. Mais ce n'est pas le temps à ce moment-ci, quelques minutes avant que ne se clôture ce débat, sur cette loi de faire marche arrière et de penser que toutes les négociations qui durent depuis un an seraient abolies par un petit amendement couvert de naiveté en tout cas avec la physionomie de la naiveté. En ce qui me concerne, je pense qu'il convenait, c'était à mon sens, ma responsabilité, comme ministre des Finances qui a à suivre l'évolution des engagements financiers du gouvernement et ce que cela représente pour les contribuables autant que pour les salariés parce que les négociations qui ont cours depuis déjà un an, nous avons eu des témoignages de la part des chefs syndicaux comme quoi il y avait eu des pas positifs faits par la partie patronale. Même au départ, les interprétations qu'on a faites de notre politique salariale dans ses principes, on nous a dit : Ils sont tellement bien faits, tellement étoffés, tellement bien préparés qu'on n'a rien à dire contre, et on a essayé de trouver d'autres façons d'agir. Je ne nie pas cela, c'est de bonne guerre dans les négociations. Mais, quand même, il y a eu des témoignagnes malgré tout cela qui montraient que les offres patronales étaient positives et les additions qu'on a faites dans la période de Pâques lorsque nous avons augmenté, par exemple, le pourcentage d'augmentation aux petits salariés de 4.8 p.c. à 5.5 p.c. pour donner un rythme de croisière plus rapide afin d'atteindre cette limite de $100 par semaine plus rapidement dans le cas des employés qui travaillaient 40 heures par semaine. Cela a été accepté par les syndicats comme étant un geste positif. Nous avons, malgré le fait que les syndicats n'ont pas fait de contreproposition à cette offre-là, nous avons déposé de nouveau une offre globale qui contient 19 pages de texte et qui couvre non seulement la question salariale où nous avons ajouté $32.9 millions de plus mais qui couvre des avantages additionnels du côté du régime de retraite, du côté de l'assurance salaire, du côté de la sécurité d'emploi...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. GARNEAU: ... on va venir nous faire accroire aujourd'hui que ces offres-là qui ont été déclarées positives seraient moindres que celles qu'il y avait avant. Il y a toujours une limite.

M. BURNS: Fermez-lui la gueule, et je vais parler.

J'invoque le règlement, M. le Président, nous sommes en train de parler de l'article 10. Je ne vois pas en quoi le ministre des Finances est en train de parler de l'article 10, c'est-à-dire celui qui parle d'un décret éventuel. Exactement le cadre du débat de l'article 10. J'aimerais bien savoir en quoi il nous parle d'un décret éventuel.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. BURNS: II n'y a pas "d'à l'ordre", je suis en train de vous dire exactement ce que j'en pense.

M. LE PRESIDENT: Je suis en mesure de me prononcer sur la question de règlement.

M. BURNS: Voyons donc! ça va faire! Depuis quelque temps, ça commence à ne pas être drôle.

M. LE PRESIDENT: Je déclare que votre question de règlement est non fondée. L'honorable ministre des Finances.

M. GARNEAU: M. le Président, la preuve que j'essaie de faire, c'est que toute l'argumen-

tation du député de Maisonneuve était à l'effet que si nous appliquions les dernières offres patronales, prises d'une façon globale et telle que spécifiée dans l'article 10, si nous appliquions ces offres-là il se pourrait peut-être, hypothétiquement, que des gens soient moins bien traités après la signature du décret qu'avant.

Ma thèse, M. le Président —je pense que vous l'avez reconnu — est à l'effet de tenter de prouver que ce que dit le député de Maisonneuve n'est pas possible. Tant et aussi longtemps que le débat m'a semblé demeurer sur le plan technique, j'ai poursuivi la discussion. Mais là, M. le Président, je ne peux pas laisser passer...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! A votre siège si vous voulez parler.

M. GARNEAU: M. le Président, je ne peux pas laisser passer ces remarques de la part du député de Maisonneuve et du député de Rouyn.

Je pense que l'attitude du gouvernement à venir jusqu'à date dans ce conflit a été une attitude raisonnable, positive. Les offres que nous avons faites, tant à la période de Pâques que les offres que nous avons faites mardi dernier, étaient des améliorations sensibles aux conditions de travail des employés des secteurs public et parapublic. Que ce soit par exemple le régime de retraite, on reconnaîtra qu'actuellement au-delà de 100,000 salariés du secteur public ne bénificient pas du régime de retraite. Si nous appliquions l'article 10, tel qu'amendé sur proposition du premier ministre, ces gens-là retireraient des bénifices additionnels en terme de sécurité additionnelle pour eux et pour leur famille. C'est donc une addition, c'est donc quelque chose de positif comparativement à la situation présente. Si on prend, par exemple, du côté de l'assurance-salaire parce que le député de Maisonneuve en a parlé et il a tracé un cas hypothétique, dans la proposition que nous avons faite et qui se trouve maintenant incluse dans l'article 10 tel que modifié, il est dit ceci. Il prenait l'exemple d'un fonctionnaire qui était à la veille de prendre sa retraite et qui pourrait peut-être perdre des bénéfices. A la page 6 de cette proposition, il est bien dit "que les bénifices qui sont au nom d'un employé", il ne peut pas les perdre. Les droits acquis sont protégés de ce côté-là.

Evidemment, si, dans la négociation, on trouve des aménagements pour ce qui est de l'avenir qui sont encore plus avantageux, je n'ai pas d'objections, mais à partir de la proposition que nous avons là, il y a au moins l'avantage suivant pour les gens qui sont malades pendant un an, qui ont supposément quinze ou vingt jours de maladie d'accumulés, la proposition telle qu'elle est là, si elle était respectée, ces gens-là recevraient 90 p.c. de leur salaire pendant tout le temps que courrerait leur maladie, d'autant plus que cela reprend tout de suite l'année suivante. Ils repartent avec la même banque. C'est donc une addition, M. le Prési- dent, à la situation qui prévaut actuellement. Qu'on ne vienne pas essayer de nous faire accroître qu'hypothétiquement des salariés des secteurs public et parapublic seraient maltraités avec cela.

M. le Président, cela fait assez longtemps que je suis dans ce dossier. Au moment où j'étais ministre de la Fonction publique, on a commencé à travailler à ce dossier-là, à tous les points de vue, au point de vue du salaire, au point de vue des conditions de travail, du régime de retraite, de l'assurance-salaire, on a commencé à préparer ce dossier. Mon collègue le ministre de la Fonction publique a poursuivi ce dossier. Qu'on ne vienne pas me faire accroire aujourd'hui, à la veille de terminer l'étude de cette loi, que des situations hypothétiques pourraient se poser, et qu'en fait cela tout naïvement.

Cela fait assez longtemps, M. le Président, que je suis dans cette arène politique, même si ce n'était pas comme député, pour voir venir les pianos, surtout s'ils sont de cette grosseur-là.

Si on prend les autres conditions, M. le Président, au niveau de la sécurité d'emploi, parce que c'est une autre des propositions qui est contenue dans cette déclaration du mois de...

M. BURNS: Article 10, on discute de l'article 10.

M. GARNEAU: Bien oui, mais ce que je veux dire, c'est qu'après l'application de l'article 10, il y a une foule de travailleurs du secteur public qui seraient mieux traités qu'ils le sont actuellement, et ce que j'essaie de démontrer c'est que l'attitude du Parti québécois à date n'était pas correcte lorsqu'il parlait supposément d'hypothèse. Un professeur qui, actuellement, pour une raison ou l'autre, est remercié de son emploi ne bénéficie pas des avantages qui sont contenus dans la dernière proposition que nous avons déposée...

M. BURNS: Non, il n'y a même pas de sécurité d'emploi.

M. GARNEAU: Attendez, laissez-moi finir, j'achève, il me reste une minute, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: De toutes façons, j'avertis immédiatement que le député de Beauce demande la parole depuis trois quarts d'heure, que le débat achève et que c'est lui qui aura la parole après le ministre des Finances.

M. GARNEAU: Alors je conclus, M. le Président. Si un professeur, actuellement, perdait son emploi ou avait perdu son emploi avant cette négociation, il n'avait pas les bénéfices marginaux qui sont contenus dans cette proposition de mardi dernier faite à la table et qui

sont inclus dans l'article 10 qu'on discute présentement. Je dis que ces professeurs-là seront mieux traités après qu'ils ne sont traités présentement, parce que la proposition que nous avons faite est plus avantageuse que la situation présente. Ce que je veux dire en terminant, c'est que la situation ou l'attitude du Parti québécois durant les dernières trente minutes de la discussion a fait tourner le débat, qui avait été sérieux, sur le plan politique et, pour ma part, je ne connais pas parfaitement le dossier, mais je le connais assez et qui a quand même...

M. CHARRON: ... qui aime bien faire de la politique.

M. GARNEAU: ... oui, une petite expérience politique. Je ne me ferai pas passer des sapins comme celui que le Parti québécois était en train de nous préparer.

M. JORON: M. le Président, j'invoque le règlement. En vertu du règlement, en vertu de l'article 97, je veux rétablir les faits. Dans son emportement, le ministre des Finances nous a fait dire que nous avions prétendu que, globalement, les offres et les propositions étaient inférieures à la convention collective actuelle. C'est faux, nous n'avons jamais dit cela.

Nous n'avons jamais prétendu que, globalement, les offres étaient inférieures à la situation actuelle. Il faut le rétablir. Ce que nous avons prétendu — permettez-moi de le rappeler une dernière fois pour que ce soit bien clair pour tout le monde — c'est que dans certains cas, et personne ne l'a nié, les employés pouvaient peut-être changer de catégorie, changer de classe, ainsi de suite, et se retrouver dans une situation inférieure. Si vous prétendez le contraire, vous n'avez qu'à accepter notre amendement.

M. LE PRESIDENT: Les faits sont rétablis, très bien. L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je vous remercie. Alors, dans l'article 10 il y a deux paragraphes. Je vais revenir au dernier paragraphe. J'ai demandé la parole depuis un certain temps, suite au débat qui est commencé depuis à peu près une heure, dans lequel on parle des offres patronales globales, on parle des demandes syndicales globales, parce que, nous aussi, de ce côté de la Chambre, nous aurions quelque chose à dire. Nous avons justement des chiffres, même. C'est la raison pour laquelle nous aurions aimé — je ne veux pas refaire un débat sur la question qui a été discuté hier soir — mais nous aurions aimé justement que les choses qui se discutent actuellement puissent être discutées avant que le projet de loi ait été voté. De toutes façons, puisqu'on a permis un assez long débat, il faudrait tout de même en tant que représentant de notre groupement politique, dire également ce qu'on pense de tout cela.

Nous avons des preuves que, dans bien des cas, les offres du gouvernement sont inférieures à celles qui existaient.

M. BOURASSA: Nommez-les.

M. ROY (Beauce): Oui. Régie des alcools, cas des manoeuvres. Actuellement, ils gagnent — cas des alcools d'abord — $2.46 l'heure; le document préparé par le gouvernement montre $2.43. Il y a d'autres conditions. Il y a autre chose qu'on demande, par exemple, à des camionneurs. Je pourrais faire un discours d'à peu près une demi-heure seulement sur le petit document que nous avons, et nous en avons d'autres. J'estime qu'à la suite des propos qu'a tenus le premier ministre tout à l'heure — et nous y reviendrons en commission parlementaire — le premier ministre semble bien intentionné en ce qui a trait aux droits acquis, au moins les avantages que les employés avaient dans l'ancienne convention.

J'espère, M. le Président, que ce ne sera pas le même engagement que le premier ministre avait pris en Chambre concernant les permis de la Société des alcools, c'est-à-dire concernant la vente du cidre de pomme pour magasins ou succursales de magasins Steinberg.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEDUC: Vous êtes dans les pommes.

M. ROY (Beauce): M. le Président, c'est tout simplement un but et un souhait et j'espère que l'honorable premier ministre, sur ce point-là, nous assurera et nous prouvera que ces paroles qu'il nous a dites cet après-midi va donner satisfaction à tous les membres de cette Chambre et aux employés qui attendent que le gouvernement agisse. Or, M. le Président, nous aurions eu un amendement à proposer sur l'article 10...

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait possibilité qu'on se prononce sur l'amendement du premier ministre avant d'amener un autre amendement?

M. BOURASSA: Tel qu'amendé avec "respecté" au lieu de "tenir compte".

M. LE PRESIDENT: Alors, l'amendement du premier ministre est adopté?

M. BURNS: Un instant, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: C'est votre amendement à vous?

M. BURNS: Je m'excuse mais le premier amendement qui a été déposé, c'est le mien.

M. LE PRESIDENT: Votre amendement qui a été déposé, je regrette, mais je le déclare irrecevable parce qu'il contient des dépenses

d'argent et vous n'avez pas droit de le faire comme député. L'amendement du premier ministre.

Est-ce que la Chambre se prononce sur l'amendement du premier ministre?

M. BURNS: M. le Président, on saura de quel côté vous avez été élu.

M. LE PRESIDENT: Adopté sur division. Cela, c'est un fait bien réel, je ne pense pas que...

M. BURNS: C'est un fait bien clair, c'est bien évident, à part cela, c'est de plus en plus évident. Je pense qu'on va régler cette affaire-là avant longtemps.

M. LE PRESIDENT: L'amendement du premier ministre est adopté sur division et nous revenons à l'article 10 tel qu'amendé.

M. ROY (Beauce): Alors, je disais, M. le Président, que nous avions eu un amendement à proposer, mais je pense que le règlement et l'économie des lois ne nous permettent pas de proposer un tel amendement parce qu'il changerait, en quelque sorte, le principe même de la loi et c'est la raison pour laquelle nous avions voté contre cette loi en deuxième lecture. Alors, nous aurions préféré que l'article 10 soit remplacé plutôt qu'à défaut d'entente collective entre les associations, etc., soit remplacé par un mécanisme, autrement dit une rédaction qui permettrait la création d'un tribunal du travail, accepté par les deux parties d'un commun accord ainsi que la nomination d'un président impartial, accepté par les deux parties, nomination d'un arbitre de chaque côté et que la sentence rendue, qu'elle soit unanime ou majoritaire, soit exécutoire et sans appel. Alors, nous aurions préféré que cet article soit remplacé par celui-là mais il est évident que nous admettons, nous en sommes conscients, qu'il change même le principe de la loi.

Alors, devant ces faits, M. le Président, c'étaient les observations que nous avions à faire, à porter à la connaissance du gouvernement lors de l'étude de cet article à ce stade-ci. Alors, ceci termine nos observations sur l'article no 10. Sur division.

M. LE PRESIDENT: Article 10 adopté tel qu'amendé, sur division. Article 18? Adopté.

M. BOURASSA: En terminant, pour signaler, essayer de résumer en quelques mots les amendements qui ont été apportés, je voudrais qu'on se rende compte de l'extrême complexité des discussions. Je comprends que c'est déjà arrivé à quelques reprises mais je pense qu'on ne peut pas demander au gouvernement, disons très rapidement, de s'engager sur des textes dont il n'est pas certain de ses applications juridiques.

M. BURNS: Cela a affaire à quoi, en commission plénière, le discours du premier ministre.

M. BOURASSA: Je peux le faire en troisième lecture.

M. BURNS: Bon, faites-le donc en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a adopté le projet de loi no 19 avec des amendements.

M. BLANK (président): Le rapport est-il adopté? Adopté.

Le premier ministre propose maintenant l'adoption en troisième lecture du bill 19.

Troisième lecture M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: Juste deux mots, M. le Président, pour reprendre ce que je disais tantôt. Nous avons essayé et je pense que nous avons démontré la plus grande ouverture d'esprit possible vis-à-vis de toutes les suggestions qui nous ont été faites. Nous sommes conscient de l'importance de ce projet de loi-là. Nous l'avons déposé à regret étant donné une situation qui a été largement décrite par tous les intéressés et je pense qu'il est fondamental, maintenant, que ce projet de loi-là soit adopté et appliqué aussi rapidement que possible comme étant conforme à l'intérêt des Québécois.

Je voudrais terminer, M. le Président, en disant qu'il ne constitue quand même qu'une première étape, que mardi prochain il y aura une réunion de la commission parlementaire et que, quant à moi, avec les membres du cabinet, nous sommes fermement désireux de régler ce conflit par négociation. C'est une position permanente du gouvernement d'essayer de régler par négociation. Il a fallu adopter un projet de loi pour arrêter une grève qui devenait extrêmement dangereuse pour la sécurité et la santé publiques mais il reste que la position du gouvernement demeure de rechercher par tous les moyens possibles la négociation et d'éviter le décret et je m'engage, quant à moi, à prendre tous les moyens nécessaires pour essayer d'atteindre cet objectif.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: M. le Président, je pense qu'il me sera permis, en troisième lecture et après la motion du premier ministre, de reprendre tous les propos que j'ai tenus lors de la motion présentée, motion d'urgence, pour l'ajournement des travaux de la Chambre et étudier le projet de loi soumis par le gouvernement, considérations que j'ai soumises à l'endroit des

députés de cette Chambre au cours de mon intervention en deuxième lecture et je pourrais, à ce moment-là, tout simplement référer, et les députés de cette Chambre, et les Québécois et les syndiqués, aux remarques que je faisais aux différents stades des procédures parlementaires concernant ce projet de loi.

Je tiens tout simplement, en quelques mots, à dire que le premier ministre vient de faire un autre aveu, une autre confession de jugement, en disant que c'est avec beaucoup de regret qu'il a déposé ce projet de loi. C'est ce que nous avions dit préalablement, c'est ce que nous avions essayé de pressentir par les suggestions qui avaient été faites de façon unanime par les trois partis de l'Opposition et à ce moment-là, il y a déjà un mois, il y a déjà quinze jours, il y a déjà une semaine, nous avions voulu suggérer au gouvernement un processus ou des mécanismes qui auraient pu éviter ce regret superficiel exprimé par la bouche du premier ministre à déposer le projet de loi tel quel, parce qu'il reconnaît implicitement que ce projet de loi est extraordinaire, tant dans sa portée que dans sa conception. Le premier ministre vient d'avouer devant les députés et devant tous les Québécois que lui-même a une certaine répugnance à présenter cette loi d'urgence, cette loi d'exception. Le premier ministre vient de faire l'aveu qu'il a agi encore une fois, à la façon de pompiers qui, de façon urgente, doivent aller éteindre des incendies. Je pense que le premier ministre a fait remarquer aux membres de cette Chambre que ce n'était qu'une première étape, que l'adoption de ce projet de loi d'exception d'urgence, alors que nous, nous prétendions, de ce côté-ci de la Chambre et de façon unanime, que ce devait être justement la dernière étape à franchir, l'ultime étape, l'ultime recours, que ce projet de loi matraquant pour les syndiqués et également sur le plan psychologique qui était, je pense, une perturbation qui laisse des centaines de milliers de Québécois sur le doute. Le premier ministre prétend que c'est la première étape alors que nous, nous réitérons qu'il a brûlé toutes les étapes qui devaient conduire à l'aboutissement de cette dernière étape, de ce dernier recours, de cette mesure in extremis. Je n'ai qu'à réitérer mon regret, mon désapointement devant l'attitude du gouvernement qui a obéi beaucoup plus à l'émotivité, à la pression de l'opinion publique, qui a attendu que certains contextes socio-économiques lui soient favorables avant de poser le geste ultime.

Eh bien, M. le Président, je n'ai qu'à déplorer, au nom de mes collègues et au nom, je pense — sans me prétendre le représentant ou le porte-parole de tous les membres de l'Opposition, je pense que je me fais le reflet fidèle de l'appréciation et du jugement de tous les membres de l'Opposition — que le gouvernement a agi encore une fois comme un gouvernement de pompiers et je n'ai qu'à réitérer ce regret de voir que cette première étape dans l'esprit du premier ministre aurait dû être la dernière et elle aurait dû être consécutive et subséquente à la convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique permettant aux partis d'exposer, d'une façon sereine et objective, leur point de vue parce qu'actuellement la partie syndicale sera prisonnière, M. le Président, se sentira littéralement bousculée, se sentira littéralement dans une position de faiblesse étant donné tous les discours qui ont été prononcés par des ministres responsables qui ont porté un jugement très sévère à l'endroit de la partie syndicale.

Je dis, M. le Président, que ce projet de loi, présenté à regret à pleine vapeur, au moins nous permet d'atteindre, même si nous condamnons la qualité de l'instrument, la qualité du moyen ou du canal offert par le gouvernement, de régulariser la vie sociale et économique au Québec. Surtout, il permettra aux étudiants, aux malades, à tous les Québécois, même si c'est d'une façon absolument imparfaite, pour ne pas dire indécente, même si nous le condamnons dans la formule de présentation, même si nous le condamnons dans le processus d'action ou de prise de position du gouvernement, au moins nous atteindrons cet objectif qui était envisagé par tous les membres de cette Chambre, de pouvoir rétablir, dans le Québec, un train de vie normal et permettre à toutes les classes de la société de bénéficier des lois qui sont inhérentes à chacune de ces classes.

Eh bien, M. le Président, je termine en disant que je voterai pour l'adoption de ce projet de loi, mais encore une fois, je répète que ce sera avec infiniment de réserves, avec un certain sentiment de dédain, mais comme j'ai à choisir entre deux maux, je choisis le moindre et je voterai en faveur de l'adoption de ce projet de loi.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur la motion de troisième lecture, proposée par l'honorable premier ministre, celui-ci nous a déclaré avoir fait un effort de compréhension, nous l'admettons. Mais, nous admettons également, si nous voulons être honnête avec nous-mêmes, que ce fut trop peu et beaucoup trop tard.

Dans ce projet de loi, il y avait deux grands principes, comme nous l'avons dit. Il y a d'abord le principe de retour au travail que nous admettons et nous estimons qu'il est d'une grande nécessité que les employés retrounent au travail pour que les gens puissent bénéficier des services auxquels ils ont droit mais il ne faudrait tout de même pas oublier que cette grève a été votée et déclenchée à l'intérieur des lois existantes. C'est là le problème auquel nous avons à faire face. Les créditistes se sont toujours prononcés contre toute forme de dictature. Le gouvernement, sans amender les lois de travail, sans faire quoi que ce soit, nous présente une loi de dictature, une loi pour corriger une

situation à très court terme en évitant de prendre, à moyen terme et à long terme, des mesures en vue de corriger une situation qui ne fait que s'aggraver de mois en mois et d'année en année au Québec.

M. le Président, le gouvernement actuel récolte les conséquences du gigantisme qui a été créé au Québec depuis les années 1960. L'Etat est devenu l'administrateur par excellence et c'est pourquoi je m'étonne un peu de l'attitude de certains membres de cette Chambre. L'Etat est devenu employeur et on veut que l'Etat, dans certains milieux, devienne employeur davantage. L'Etat est législateur, naturellement c'est son rôle mais, évidemment, l'Etat est arbitre lui-même. Or, employeur, législateur, arbitre ayant les pouvoirs judiciaires. C'est de l'étatisme pur et simple et, comme le gouvernement est incapable d'assumer ses responsabilités du fait que les pouvoirs économiques lui échappent, nous nous trouvons dans des conséquences et dans des situations aussi pénibles que celles que nous avons vécues au cours de la semaine.

M. le Président, le gouvernement ne peut pas accepter les règles du jeu qu'il impose lui-même par ses lois dans l'entreprise privée, dans l'industrie et dans le commerce. Nous disons que cette loi, loin de corriger une situation à moyen terme, loin d'empêcher un conflit idéologique qui ne fait que s'accentuer, tout simplement a pour effet et pour conséquence de consolider davantage et de faire la promotion de deux dictatures: dictature de l'Etat, d'une part, et dictature syndicale, d'autre part. Et en face de ces deux dictatures, il y a des affrontements et la paix sociale est en danger.

M. le Président, nous avons hâte, en ce qui nous concerne, que l'Etat commence à légiférer en fonction des besoins des individus et non pas en fonction des besoins des systèmes et des structures. Les systèmes doivent exister au service des hommes et je trouve malheureux que notre législation oblige les hommes à servir le système.

Je termine mes observations là-dessus. J'ose espérer que nous retrouverons au Québec, dès demain, dimanche et la semaine prochaine, cette paix sociale et je souhaite que le gouvernement révise ses positions. Et je souhaite que le gouvernement agisse en toute célérité lors de la commission parlementaire et que le gouvernement se montre compréhensif envers les employés de l'Etat. Parce qu'il ne faudrait tout de même pas oublier, M. le Président, que les employés de l'Etat sont les plus proches collaborateurs du gouvernement. Comment voulez-vous qu'il y ait un climat de confiance, un climat d'harmonie et un climat de bonne coordination en vue d'une saine administration au Québec si l'Etat, d'une part, est radicalement contre ou encore organise des conflits avec ses employés qui ont pour mission d'exécuter ses ordres?

M. le Président, j'ose espérer que le gouver- nement prendra ses responsabilités. Le premier ministre semble très bien disposé, après 23 heures de débat. J'ose espérer que nous avons réussi à le convaincre, que nous avons réussi à convaincre ses collègues de façon que, dès la semaine prochaine, ce même gouvernement travaille à repenser sa philosophie, travaille à repenser son administration et toute son orientation politique, sociale et économique au Québec de façon que nos Québécois puissent connaître plus de prospérité, connaître la sécurité et pouvoir garder la liberté pour laquelle nos ancêtres ont lutté pendant si longtemps.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, fatigués mais rebondissants de vitalité en raison des convictions qui nous animent, nous nous trouvons à la fin d'un débat de près de 24 heures, suscités par une loi d'exception qui répugne de la façon la plus profonde et je dirais la plus apocalyptique qui soit à nos conceptions démocratiques.

Ce débat s'est terminé en commission pléniè-re par une lutte acharnée menée par tous les partis et, en particulier par le Parti québécois, pour tenter d'atténuer à la dernière heure, en dernière analyse, quelques-unes des dispositions les plus dangereuses de ce projet de loi afin que le Parti québécois, en particulier, conscient de ses responsabilités à l'endroit de la société, fasse tous les efforts que sa conscience exigea de lui pour favoriser la paix sociale.

Malgré tous les efforts que nous avons faits en ce sens, M. le Président, nous sommes obligés de constater que, comme dans toutes les phases ultérieures, nous nous sommes heurtés à une sorte de préjugé de la part du gouvernement qui ne veut rien entendre que ses propres voix à l'exemple de Jeanne d'Arc.

C'est donc à la fin de ce débat, M. le Président, avec un profond pessimisme que nous nous résignerons à l'adoption de ce projet de loi puisque nous constituons une minorité dans ce Parlement. Qu'il nous soit permis, malgré tout, M. le Président, de signaler que ce 21 avril demeurera un jour très sombre dans les annales des relations de travail au Québec et, en particulier, dans l'histoire du syndicalisme québécois. Qu'il nous soit permis de dire, M. le Président, à la fin de ce débat, que nous trouvons odieux et absolument inacceptable qu'on fasse entrer les 200,000 syndiqués des secteurs public et parapublic aux mêmes conditions qui prévalaient avant les négociations sans qu'on puisse même les faire bénéficier des offres gouvernementales déjà faites, sans qu'on puisse les faire bénéficier des articles déjà paraphés. C'est là un précédent, M. le Président, dans l'histoire des relations de travail au Québec et c'est un précédent scandaleux qui va contribuer pour beaucoup à la détérioration du climat social au Québec et le gouvernement n'aura pas

à accuser les chefs syndicaux ou les syndiqués de cette détérioration parce qu'il en aura été le premier artisan. Et je l'avertis à l'avance que nous ne tolérerons pas qu'il transporte, qu'il projette sur d'autres la culpabilité qui est la sienne en l'occurrence puisque nous aurons fait tous les efforts pour lui éclaircir les méninges et pour le mettre en face de ses responsabilités.

Ce que nos déplorons également, M. le Président, dans une deuxième perspective, c'est que le gouvernement a élaboré dans ce projet de loi 19 un chef-d'oeuvre d'équivoque, un chef-d'oeuvre d'ambiguïté, en divertissant à ses propres fins politiques, partisanes, une institution aussi importante que celle d'une commission parlementaire telle que prévue par nos règlements. Une commission parlementaire, M. le Président, ne peut être efficace que lorsqu'elle peut se réunir avant qu'on puisse adopter le principe d'un projet de loi; elle ne peut être efficace que dans la mesure où, avant que le législateur se soit prononcé, on puisse être en possession de toutes les informations que les parties concernées peuvent nous apporter; elle ne peut être efficace que dans la mesure où tous les partis de cette Chambre, ou tous les députés de cette Chambre peuvent faire valoir leurs opinions personnelles, leurs expériences personnelles afin d'éclairer le gouvernement, c'est-à-dire le pouvoir exécutif.

L'équivoque de ce projet de loi, et que nous déplorons, c'est que la commission parlementaire a été divertie de ces faits, c'est que la commission parlementaire a été complètement vidée de tout son sens puisqu'on ne la convoque qu'après qu'on a enlevé aux syndicats la principale arme qui leur aurait permis de se présenter à cette commission parlementaire dans une stature qui est digne d'un homme libre, c'est-à-dire debout. On force les syndiqués, les chefs syndicaux à se présenter à cette commission parlementaire après qu'on les a blessés, après qu'on les a humiliés, après qu'on les a forcés à se mettre à genoux devant les diktats gouvernementaux, après qu'on leur a enlevé le seul outil, le seul instrument qui donnait une certaine force à leur argumentation, après qu'on leur a enlevé le seul droit et les seuls mécanismes qu'un gouvernement libéral antérieur leur avait donnés.

C'est là, M. le Président, le fin du fin, le chef-d'oeuvre de l'ambiguïté. Mais, heureusement, dans la société québécoise aujourd'hui, il y a des hommes assez lucides pour dénoncer ces stratagèmes, ces duperies et je suis sûr que la population québécoise ne sera pas dupe très longtemps de ces pseudo-habilités d'un gouvernement qui s'accroche au pouvoir avec tous les petits moyens qu'il est réduit à employer à l'heure actuelle.

Ce que nous déplorons, M. le Président, c'est qu'on ait humilié inutilement des centaines de milliers d'hommes qui sont au service de l'Etat, qui ne demandent qu'à servir l'Etat et qui, à cause de ce stratagème qu'on a employé à leur endroit, pourront peut-être revenir au travail mais n'auront pas la même ardeur au travail, n'auront peut-être pas le même souci de l'Etat, n'auront peut-être pas le même enthousiasme dans l'accomplissement de leur devoir.

Un troisième point que nous déplorons, M. le Président, c'est que le gouvernement, à toutes fins pratiques, malgré toutes les défenses qui nous ont été apportées, qui nous seront apportées, a aboli le droit de grève et les mécanismes de négociation dans les secteurs public et parapublic. Parce que cette loi, ainsi que tout ce qui l'a précédé, ainsi que tout le cheminement que nous avons pu suivre durant des semaines, nous montre comment des gens intelligents, comment des gens roués peuvent s'y prendre pour saper, pour saboter, pour abolir d'une façon plausible un droit absolument fondamental qui est le droit de grève. Il n'a suffi pour cela, M. le Président, que d'obéir à la stratégie suivante: d'abord, on négocie, on négocie très lentement, on négocie également dans le secret, en prenant bien garde de mettre tous les partis d'opposition à l'abri de tout ce qui peut se passer dans le secret des salles de négociation; ensuite, on bâtit une atmosphère, par exemple, comme celle que nous avons vue ces jours derniers où on a fait croire à une sorte d'insurrection appréhendée, où il y avait des milliers de policiers partout, où on bâtissait un climat surchauffé, un climat survolté, afin d'énerver la population. On oppose après cela une sorte de droit, des conflits hypothétiques de droits. Le droit, par exemple, de grève, le droit de grève qui a été accordé à d'autres droits; le droit à la santé, le droit à l'éducation qu'on dit aussi impératifs que les autres. Et, après qu'on a bâti tout ce mécanisme, après qu'on a bâti tout ce château en Espagne, on conclut qu'il est absolument impossible d'en arriver à une entente et que la seule conclusion qui s'impose c'est la solution qui est imposée d'une façon unilatérale par le gouvernement.

Ce qui revient à dire, M. le Président, que le droit de grève qu'un gouvernement antérieur avait accordé il y a près de sept ans et qui a été appliqué avec succès à deux occasions, ce droit de grève ainsi que les mécanismes de négociation qui s'ensuivent devient une sorte de droit fictif, une sorte de droit formel qui ne correspond à absolument plus rien de réel. On peut dire, M. le Président, à la fin de cet examen de 24 heures, que nous avons été joués, que nous avons été floués, que dans toute cette négociation les dés ont été pipés à l'avance par des gouvernementaux qui savaient très bien où ils allaient.

Nous pouvons dire, M. le Président, que c'est l'employeur, en l'occurrence le gouvernement, qui a tout réglé comme un maître de ballet; il a amené cette Chambre petit à petit là où il voulait qu'elle arrive; il lui a fait jouer le pas-de-deux ou le pas-de-quatre ou le pas-de-vingt qu'il voulait pour que, en définitive, nous en arrivions au résultat qui est celui que nous

connaissons aujourd'hui et celui qui sera dans tous les journaux demain matin et qui sera surtout dans la conscience des travailleurs syndiqués du Québec, non seulement les 210,000 du secteur public mais tous les syndiqués du Québec.

Les conditions de retour au travail ont été déterminées unilatéralement par le gouvernement, par l'employeur, premièrement. Deuxièmement, il n'y aura plus jamais de négociation sérieuse, réelle dans le secteur public et dans le secteur parapublic. Car, ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est à un retour en arrière, c'est à une régression. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est à une manifestation évidente de changement où un gouvernement ne respecte même pas ses lois, revient en arrière, désavoue un ancien gouvernement et se fige dans une attitude réactionnaire.

Notre seul espoir c'est qu'après la longueur de ce débat, après tous les appels que tous les partis d'opposition ont lancés, après cette rumeur qui est montée d'un peu partout, le gouvernement, même une fois la loi adoptée, se ravise, sinon complètement du moins partiellement et essaie de faire amende honorable dans toute la mesure du possible, au moins lorsque cette commission parlementaire post mortem se réunira, pour qu'il essaie, en utilisant tous les stratagèmes et dans un sens progressif et positif, cette fois, des stratagèmes pour essayer de réparer toutes les erreurs qu'il a faites depuis une année, qu'il essaie quand même avec les moyens qui sont à sa disposition de faire régner, de ramener quand même un peu de justice dans ce secteur des services publics et parapublics et qu'il essaie, à la suite de toutes les suggestions que nous venons de lui faire aujourd'hui en commission plénière, à réparer les injustices qui peuvent s'ensuivre des décisions qu'il vient de prendre.

Car, ce n'est qu'à cette seule condition que nous pourrons, non pas réparer toutes les erreurs passées mais, au moins, éviter le pire, que nous pourrons au moins empêcher que le climat social se dégrade davantage et que la population pourra croire que ce gouvernement est voué non pas aux intérêts d'une classe qui exploite depuis trop longtemps notre société, mais aux intérêts de toute la collectivité québécoise.

M.BOURASSA: Je crois, M. le Président, que l'insomnie ne va pas au député de Bourget. En l'entendant parler, j'avais l'impression qu'il s'intoxiquait à mesure qu'il parlait.

Je voudrais dire relever une fausseté, lorsqu'il dit que les employés des secteurs public et parapublic vont rentrer aux mêmes conditions. C'est faux, en vertu même du projet de loi que nous avons discuté et que nous avons même clarifié avec les amendements que nous avons apportés tantôt. C'est une mise au point que je voulais. Le projet de loi a été voté, a été présenté en pensant à toute la population du Québec y compris les syndiqués.

M. LAURIN: Cela reste à prouver devant la population.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Vote de troisième lecture

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

Que celle et ceux qui sont en faveur de cette motion de troisième lecture veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Simard (Richelieu), Quenneville, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Toupin, Cournoyer, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Coiteux, Vaillancourt, Vézina, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Séguin, Saint-Germain, Saindon, Picard, Pearson, Leduc, Fraser, Assad, Bacon, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornellier, Faucher, Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Audet.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Drolet, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Laurin, Burns, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard, Masse (Montcalm).

M. LE SECRETAIRE: Pour: 69 Contre: 15

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

M. LEVESQUE: Vous me permettrez, M. le Président, de remercier tous ceux qui ont eu à oeuvrer, dans les dernières 24 heures, ici, à l'Assemblée nationale, particulièrement les officiers de la Chambre et tout le personnel de l'Assemblée nationale, l'équipe du journal des Débats, le personnel du Café du parlement, les membres de la tribune de la presse ainsi que tous les collègues de l'Assemblée nationale. Vous me permettrez de leur dire nos plus

sincères remerciements ainsi qu'à vous, évidemment, M. le Président. Nous vous remercions particulièrement, vous et vos collaborateurs.

M. le Président, la loi que nous venons d'adopter sera sanctionnée dans les minutes qui suivront. J'invite les autres partis à déléguer leur représentant. Cette loi comporte la convocation de la commission parlementaire de la Fonction publique. Cette réunion se tiendra au Salon rouge, après les affaires du jour, mardi prochain, vers quatre heures de l'après-midi. Les convocations seront faites dans les heures qui suivent, bien que ce soit suffisamment public, pour que les représentants, tel que la loi le prévoit, des associations de salariés ainsi que les représentants des employeurs soient convoqués pour fournir les explications dont pourront avoir besoin les membres de la commission de la Fonction publique.

M. le Président, je crois bien que nous pouvons maintenant procéder à l'ajournement de la Chambre.

M. PAUL: M. le Président, y aurait-il possibilité de savoir du leader du gouvernement si c'est son intention de faire siéger l'Assemblée mardi après-midi ou s'il proposera l'ajourne- ment de l'Assemblée pour permettre aux députés d'assister à la séance de la commission parlementaire de la Fonction publique?

M. LEVESQUE: M. le Président, l'Assemblée va continuer comme d'habitude à siéger. Cette décision fait suite à des consultations que j'ai eues avec divers membres de cette Chambre.

M. PAUL: Le menu?

M. LEVESQUE: Le menu serait l'étude de crédits et/ou des projets de loi au nom du ministre de l'Agriculture.

M. PAUL: Serait-ce trop vous demander que de préciser un peu l'étude des crédits?

M. LEVESQUE: Ce sont les quatre qui ont été déjà annoncés.

M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à mardi, quinze heures.

M. LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi, quinze heures.

(Fin de la séance à 14 h 48)

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