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(Quinze heures cinq minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs !
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Le député de Trois-Rivières.
Commission de la justice
M. BACON: M. le Président, j'ai l'honneur de soumettre à
cette Chambre le rapport de la commission parlementaire permanente de la
justice qui s'est réunie le 29 juin 1972 aux fins d'étudier les
projets de loi d'ordre privé. Cette commission, présidée
par M. Robert Lamontagne, député de Roberval, est composée
des membres suivants; MM. Blank, Burns, Choquet-te, Drolet, Fournier, Hardy,
Loubier, Paul, Springate, Tetley, Vézina et moi-même,
désigné comme rapporteur.
La commission a décidé de rapporter, avec des amendements,
les projets de loi suivants: Projet de loi privé no 109, Loi concernant
les successions de Patrick Lebelle et de Maxime Brisebois.
Votre commission recommande à la Chambre que le titre du projet
de loi privé no 109, ci-haut mentionné, intitulé Loi
concernant les successions de Patrick Labelle et de Maxime Brisebois, soit
changé en celui de Loi concernant la succession de Patrick Labelle.
Projet de loi privé no 111, Loi concernant la Commission des
écoles catholiques de Baldwin-Cartier (dans le comté de
Robert-Baldwin); Projet de loi privé no 121, Loi modifiant le testament
de feu François Desjardins; Projet de loi privé no 122, Loi
concernant le titre de Bochar Inc. à un certain immeuble; Projet de loi
privé no 123, Loi concernant une donation de Paul Vachon; Projet de loi
privé no 124, Loi concernant une donation de Benoit Vachon; Projet de
loi privé no 125, Loi concernant une donation de Imelda Savoie Vachon;
Projet de loi privé no 139, Loi supprimant des restrictions de
construire grevant certains immeubles situés dans la cité de
Beaconsfield.
Le projet de loi no 139 a été adopté avec la
dissidence de M. Hardy, député de Terrebonne, par la
commission.
A la demande du procureur de la pétitionnaire, le projet de loi
suivant a été retiré: Projet de loi privé no 115,
Loi concernant Place Dupuis Inc.
Les amendements adoptés par la commission sont annexés au
présent rapport.
M. LE PRESIDENT: Le rapport est-il agréé?
Agréé.
M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement.
La commission parlementaire qui s'est vu déférer les projets de
loi nos 35, 36 et 37, celle des communications, à ma connaissance a fini
l'étude du projet de loi no 35. Je vous réfère à
l'article 166, qui nous dit que dès qu'une commission élue a
terminé l'examen de l'affaire qui lui a été
déférée, elle doit, par l'entremise d'un rapporteur
qu'elle a désigné parmi ses membres, présenter à
l'assemblée un rapport suffisamment détaillé et contenant
les amendements adoptés.
Or, je ne vois pas ou je n'entends pas de rapport venant du rapporteur
désigné par la commission qui était appelée
à étudier le bill no 35. Alors je pose la question tout
simplement: Comment se fait-il qu'on ne nous fasse pas rapport
immédiatement, puisque l'article 166 du règlement nous dit:
Dès qu'une commission élue a terminé l'examen?
Je ne pense pas que ce soit une question facultative; c'est une
obligation pour la commission de nous faire rapport sur le bill 35.
M. LEDUC: M. le Président, parlant sur le point de
règlement, il avait été entendu ou, au moins, convenu, si
ma mémoire est bonne, que les projets de loi 35, 36 et 37 étaient
un peu reliés entre eux. J'ai toute raison de croire que, si le
rapporteur n'a pas fait rapport, c'est à cause des implications communes
qu'ont spécialement le projet de loi 35 et le projet de loi 37.
Voilà pourquoi, les deux autres projets de loi n'ayant pas
été adoptés à la commission parlementaire, le
rapporteur n'a pas fait rapport.
Il y a toujours eu, depuis déjà quelques mois, un
consensus au niveau de l'Assemblée nationale à l'effet que ce
rapport devait être fait pour les trois projets de loi. C'est
peut-être pour cela qu'on n'a pas aujourd'hui le rapport du
rapporteur.
M. BURNS: M. le Président, la seule relation qu'il y a entre ces
trois projets de loi, c'est qu'ils relèvent du même ministre,
c'est-à-dire que c'est le même ministre qui les parraine. Quant
à moi, il n'y a jamais eu de consensus de notre part à l'effet
que c'était un seul et même projet de loi. Si cela avait
été tellement interrelié, on aurait fait un seul projet de
ces trois projets de loi.
Il y a eu également trois motions de référence
à la commission parlementaire appropriée. Cela n'a strictement
rien à voir que les deux autres projets de loi ne soient pas
adoptés encore, c'est-à-dire 36 et 37. C'est pour cela que je
pose la question.
M. LEDUC: II y a, quand même, une interrelation entre les projets
de loi.
M. BURNS: Pas du tout; c'est le même ministère, tout
simplement.
M. LE PRESIDENT: Je remercie l'honorable député de
Maisonneuve de m'aviser que l'étude en commission du projet de loi 35
est terminée. Je l'ignorais personnellement, mais, après la
période des questions, durant les affaires du jour, j'entrerai en
communication avec le rapporteur de cette commission et je discuterai
également avec les leaders parlementaires de la décision qu'il y
a lieu de prendre.
M. BURNS: Je souligne, quand même, que le règlement n'a
aucune couleur facultative, c'est obligatoire.
M. LE PRESIDENT: Non, d'accord.
M. LEVESQUE: On peut en discuter, M. le Président, si le
député de Maisonneuve insiste, parce que nous ne partageons pas
nécessairement son avis.
M. LE PRESIDENT: De toute façon, nous allons en discuter
ensemble. J'aimerais me référer également à la
motion de déférence de ces projets de loi. On pourra
étudier cela ensemble et on trouvera certainement une solution.
Présentation de motions non annoncées.
M. ROY (Beauce): M. le Président, qu'il me soit permis de faire
motion pour qu'à la commission parlementaire des finances, le nom de M.
Roy (Beauce) soit remplacé par celui de M. Latulippe d'une
manière permanente.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Projet de loi no 47 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi des tribunaux
judiciaires.
M. CHOQUETTE: M. le Président, les articles 1 à 3 de ce
projet prévoient que pour fins de concordance avec la loi
fédérale sur les juges, le personnel de la cour d'Appel et de la
cour Supérieure pourra comprendre, en plus du nombre de juges
prévus à la loi, au plus quinze juges surnuméraires pour
la cour d'Appel et au plus 92 juges surnuméraires pour la cour
Supérieure. Ils prévoient également des amendements de
concordance quant à la résidence des juges
surnuméraires.
L'article 8 porte à 121 le nombre de juges de la cour
Provinciale.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article c).
Projet de loi no 48 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi des poursuites
sommaires.
M. CHOQUETTE: M. le Président, les articles 1 et 2
prévoient que la signification d'une sommation se fait par la poste,
sous pli recommandé avec avis de réception. Dans le cas d'une
personne physique, l'envoi est fait à la dernière adresse connue
de la résidence ou de la place d'affaires du destinataire. La
signification est réputée avoir été faite à
la date à laquelle une personne raisonnable habitant la résidence
du destinataire ou ayant la garde de son bureau a signé l'avis de
réception.
Dans le cas d'une corporation, l'envoi est fait soit au bureau
d'affaires au Québec, soit au bureau de l'agent de la corporation. La
signification est réputée avoir été faite à
la date à laquelle une personne raisonnable ayant la garde du bureau a
signé l'avis de réception.
L'article 3 prévoit que le juge peut accepter, au lieu du
témoignage de la personne en autorité, qui a constaté
l'infraction reprochée, un rapport dressé par la personne en
autorité suivant une formule autorisée par le gouvernement.
Le prévenu peut exiger la présence de la personne qui a
signé le rapport, mais, s'il succombe, il peut encourir des frais
additionnels si le juge est d'avis que la présence du signataire de la
formule n'était pas requise.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT : Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article f).
Projet de loi no 49 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi modifiant le code civil.
M. CHOQUETTE: En vertu de l'article 2, le greffier du tribunal doit
aviser sans délai le
curateur public de tout jugement rendu lors d'une action à
laquelle est partie le tuteur d'un mineur. Les personnes qui concluent un
règlement concernant les intérêts pécuniaires d'un
mineur doivent, de même, en aviser le curateur public.
L'article 10 prévoit que le dépôt d'une demande en
justice au greffe du tribunal interrompt la prescription, pourvu que la demande
soit dûment signifiée dans les 60 jours du dépôt.
L'article précise que cette interruption vaut pour toutes les parties
à l'action.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article h).
Projet de loi no 39 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la
première lecture de la Loi concernant l'application de la loi sur les
impôts.
M. HARVEY (Jonquière): Le présent projet de loi
complète la Loi sur les impôts, le projet de loi no 38, et
contient, outre les dispositions transitoires, des dispositions sur le
remplacement de la Loi de l'impôt provincial sur le revenu, de la Loi de
l'impôt sur les corporations et de la Loi sur les opérations
forestières, ainsi que sur les périodes auxquelles commenceront
à s'appliquer les dispositions de la Loi sur les impôts.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article I.
Projet de loi no 40 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la
première lecture de la Loi du ministère du Revenu.
M. HARVEY (Jonquière): Ce projet de loi a pour objet de refondre
la Loi du ministère du Revenu, tout en regroupant certaines dispositions
d'ordre général présentement éparses dans plusieurs
lois fiscales.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article j).
Projet de loi no 41 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la
première lecture de la Loi modifiant certaines dispositions
législatives d'ordre fiscal.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, ce projet de loi
comprend des dispositions de concordance, rendues nécessaires par le
regroupement des dispositions d'ordre fiscal effectué par le projet de
loi 40 concernant le ministère du Revenu.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article k).
Projet de loi no 43 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la
première lecture de la Loi de la taxe sur les carburants.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, ce projet de loi
propose le remplacement de la Loi sur la taxe sur là gazoline et de la
Loi sur la manutention de la gazoline par une nouvelle loi intitulée Loi
de la taxe sur les carburants. Tout en changeant la philosophie de taxation,
nous garderons les mêmes barèmes et cela permettra d'éviter
la fraude fiscale. Nous introduisons, également, dans le projet de loi
le pouvoir de colorer l'huile dite mazout.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article 1).
Projet de loi no 44 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi de l'impôt sur la
vente en détail.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, ce projet de loi a
uniquement pour but de modifier la Loi de la vente en détail pour rendre
possible les dispositions contenues dans le discours du budget prononcé
par le ministre des Finances.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article m).
Projet de loi no 45 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi des droits sur les
successions.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, comme pour le
projet de loi précédent, ce projet de loi, modifiant la Loi des
droits sur les successions, est uniquement pour permettre de rendre possible,
dès cette année, les dispositions contenues dans le discours du
budget et annoncées par le ministre des Finances à cette
occasion.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Projets de loi privés
M. LEDUC: M. le Président, pour et au nom de M. Pilote, je
propose qu'il me soit permis de présenter la pétition de la
compagnie du chemin de fer Roberval-Saguenay et de la compagnie de chemin de
fer Alma et Jonquière, demandant l'adoption d'une loi les fusionnant, et
que cette pétition soit maintenant présentée, lue et
reçue.
M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas d'objection, mais c'est
une pétition. Ce n'est pas le bon moment pour la présenter.
M. LE PRESIDENT: C'est une présentation d'un projet de loi de
nature privée. On peut l'adopter.
Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Oui.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: Article d).
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Robert-Baldwin
propose la première lecture de la Loi modifiant la charte de la
cité de Hull.
M. SEGUIN: M. le Président, qu'il me soit permis de
présenter le projet de loi no 102, amendant la charte de la ville de
Hull. H ne faudrait pas confondre ce bill avec d'autres réglementations
qu'on voudrait présenter en Chambre. De toute façon, ces
amendements à la charte sauront intéresser tous les
députés de la Chambre, j'en suis convaincu. Il n'y aura pas de
difficulté, je l'espère, à faire adopter ce
règlement.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Déclarations ministérielles.
Régie de l'assurance-maladie M. Claude
Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, le rapport annuel de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec nous révèle
que le taux de 0.8 p.c.
fixé par la loi pour la contribution des Québécois
au financement du régime d'assurance-maladie s'est avéré
suffisant, de telle sorte que l'année 71/72 se termine avec un
excédent de $8.7 millions. Le rapport annuel est accompagné d'un
rapport statistique. C'est la première fois que le gouvernement a en
main, à l'aide de ce rapport statistique, toutes les données
pertinentes relatives aux revenus des professionnels de la santé,
notamment des médecins. Aussi, j'ai demandé au personnel du
ministère et de la régie d'effectuer une analyse des
données qui nous sont révélées dans ce rapport, de
manière à identifier les écarts de
rémunération entre les diverses spécialités
médicales et chirurgicales, ainsi qu'entre les divers professionnels de
la santé de façon que l'on puisse en déceler les
causes.
En conclusion, je n'ai pas l'intention de demander à
l'Assemblée nationale de hausser le taux des contributions pour
l'année en cours. Nous allons analyser de quelle façon utiliser
le surplus en caisse de manière à favoriser une
amélioration de la distribution des services de santé, et
à la lumière des résultats de l'analyse des
données, nous entreprendrons prochainement des négociations en
vue du renouvellement des ententes avec les professionnels de la santé,
ententes qui expirent le 1er juillet 1972.
J'ai l'honneur de déposer deux exemplaires du rapport annuel pour
l'exercice 71/72, de même que de l'annexe statistique.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN : Je me réjouis que le ministre trouve que les
contributions ont été suffisantes pour couvrir les programmes en
cours, mais je me demande quand même s'il ne faudrait pas songer soit
à augmenter légèrement ces cotisations, ou encore s'il ne
serait pas opportun pour le gouvernement d'envisager d'autres sources possibles
de revenus, à même les revenus de la taxation, pour étendre
le plus rapidement possible la couverture de l'assurance-maladie à des
objets qui ne sont pas actuellement couverts par la loi, en particulier les
médicaments pour toute la population, et les prothèses, à
quelque secteur qu'elles appartiennent.
M. LE PRESIDENT: Dépôt de documents.
Société des alcools du
Québec
M. GARNEAU: J'ai l'honneur de déposer le rapport de la
Société des alcools du Québec.
M. LE PRESIDENT: Questions orales des députés.
Questions et réponses
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Participation politique des policiers
M. LOUBIER: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Quelle est
sa réaction à la demande formulée par les policiers
réunis en congrès, à savoir que la loi soit amendée
de façon à leur permettre de faire de la politique active, tant
au niveau municipal qu'au niveau provincial et au niveau
fédéral?
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai pris connaissance ce matin de
certains articles de journaux sur cette question et faisant état d'une
résolution qui aurait été présentée ou
serait présentée pour élargir les dispositions de la loi
qui s'applique aux policiers à l'heure actuelle en rapport avec leur
droit de faire de la politique partisane à différents niveaux
mentionnés par le chef de l'Opposition.
Je dois vous dire, M. le Président, que pour le moment et
quitte à ce que je fasse une analyse plus approfondie du
problème, ce que je suis toujours prêt à faire je ne
peux pas abonder dans le sens de la résolution dont on a fait
état. Il me semble que la fonction de policier exige surtout dans
une période de contestation et parfois de constestation violente
un attachement très étroit, de la part du policier, aux lois et
à l'autorité politique dûment constituée qui dirige
ses activités. Elle exige par conséquent un attachement quasi
exclusif qui exclut à mon sens la possibilité pour lui de
s'engager politiquement dans des formations politiques. Je crois que c'est
là une garantie que les forces policières et les policiers
individuellement vont conserver, dans des périodes qui peuvent
être agitées et qui peuvent même être très
agitées, le détachement nécessaire pour s'acquitter
pleinement de leur fonction qui est de protéger la société
en général.
Par conséquent, je ne peux, de prime abord, donner un accord
à cette résolution. J'attire l'attention du chef de l'Opposition
sur le fait que d'autres serviteurs de la justice, tout comme les policiers, se
voient dénier le droit de participer à des activités
politiques partisanes. Je mentionnerai les juges et les substituts du procureur
général. Ces personnes n'ont pas le droit comme le sait le chef
de l'Opposotion, de s'engager politiquement. Je pense donc que la règle
qui s'applique à ces catégories de personnes vaut pour les
policiers.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. Une question
additionnelle.
M. LAURIN: Une question additionnelle au ministre de la Justice. Etant
donné qu'il vient de nous donner son opinion spontanée et
qu'à plus ample réflexion il pourrait être amené
à nuancer ses propos, est-ce que le ministre accepterait de
débattre cette question lors d'une réunion de la commission de la
justice, afin qu'on puisse en faire le tour, d'une part, et,
deuxièmement, qu'on ne puisse défranchiser quand
même des citoyens qui ont droit à leurs opinions politiques, qui
exécutent la loi et qui ne l'interprètent pas, et voir aux moyens
qu'ils pourraient prendre pour exercer leurs activités de citoyens aussi
bien que leurs activités de policiers?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne crois pas que le fait de
dénier aux policiers, comme aux juges, comme aux substituts du procureur
général, le droit de participer activement à des campagnes
politiques ou de participer à des mouvements politiques soit en fait les
déclasser ou en faire des citoyens de seconde zone.
Je pense que ces catégories de personnes, qui ont accepté
ces hautes fonctions celles que j'ai mentionnées tout à
l'heure qui nécessitent un très grand sens des
responsabilités, doivent accepter leurs fonctions avec les
inconvénients qui s'imposent.
Cependant, je serais prêt, si le désir était
suffisamment manifeste des deux côtés de la Chambre, à
débattre la question en toute objectivité à une
réunion ultérieure de la commission de la justice. Je ne voudrais
pas, si je devais accepter cette formule, accréditer l'idée que
je pourrais être tenté d'opter pour la solution qui semble
prévaloir dans certains milieux policiers.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
Emprunt des provinces sur les marchés
étrangers
M. BOIS: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
ministre des Finances. A la suite des entretiens qui auraient eu lieu hier
soir, le ministre des Finances du Québec a-t-il étudié la
proposition de son homologue, le ministre des Finances du Canada, en vue
d'établir un système de coordination pour veiller à ce que
les provinces n'empruntent pas toutes en même temps des sommes
importantes sur les marchés étrangers?
M. GARNEAU: En ce qui regarde les emprunts que le Québec ou
l'Hydro-Québec fait sur les marchés étrangers, on ne peut
pas parler pour les années passées; j'imagine que cela se
faisait, mais je ne suis pas au courant d'une façon précise.
Depuis que j'occupe la fonction de ministre des Finances, toutes les fois que
nous avons fait un emprunt sur un marché étranger, nous en avons
avisé la Banque du Canada, en lui disant quelles étaient nos
intentions quant à la conversion des devises étrangères en
devises canadiennes, afin qu'elle sache que tel montant peut venir et quel
effet cela peut avoir sur le dollar canadien. Nous avons toujours
informé la Banque du Canada. Alors, la demande que M. Turner adresse aux
différen- tes provinces ne nous affecte en rien, puisque nous le
faisions déjà.
M. ROY (Beauce): Question supplémentaire à l'honorable
ministre des Finances. Comme il aurait été question que le
ministre fédéral demande au ministre des Finances du
Québec d'emprunter sur le marché canadien, plutôt que sur
le marché étranger, à cause des fluctuations qu'il
pourrait y avoir dans le taux de change, quelle attitude entend adopter le
ministre face à cette demande? Deuxièmement, la province de
Québec aura-t-elle priorité advenant le cas où deux ou
trois provinces auraient à emprunter sur le marché
étranger en même temps? Troisièmement, est-ce que le
Québec aura à subir des retards dans l'exécution de
certains projets que nous estimons prioritaires?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai rencontré le ministre
des Finances, hier soir. Il a parlé de cette question. Je dois dire que
j'avais l'esprit un peu ailleurs quand il a parlé de cette chose, parce
que ce qui est important pour le Québec, c'est évidemment un
nouveau partage fiscal. Ce n'est pas la première fois que le
gouvernement fédéral demande aux provinces d'emprunter à
l'intérieur du Canada, mais il nous faut, quand même, trouver les
sources de financement essentielles lorsque nous avons des
responsabilités croissantes et que nous n'avons pas les sources de
revenu correspondantes.
J'ai insisté très fortement auprès du ministre
fédéral des Finances sur la nécessité et l'urgence
pressante d'avoir un nouveau partage fiscal pour donner aux provinces les
revenus suffisants pour faire face à leurs responsabilités et
peut-être alléger leurs problèmes d'emprunt à
l'extérieur du Canada.
M. ROY (Beauce): Question additionnelle, M. le Président. Comme
la question fiscale touche le domaine de la taxation, naturellement, et que le
Québec a besoin d'argent pour faire ses investissements, est-ce que le
premier ministre pourrait nous dire s'il a discuté avec le ministre des
Finances fédéral de la proposition qu'il avait déjà
faite, lors d'une déclaration en Chambre, à l'effet qu'il aurait
peut-être recours à la Banque centrale, advenant le cas où
le gouvernement fédéral imposerait trop de restrictions?
M. BOURASSA: Je pense que c'est une vieille rengaine du
député de Beauce. Chaque fois qu'il y a un problème au
Québec, tout semble se régler par le recours à la Banque
du Canada. La position du gouvernement là-dessus est que nous voulons
avoir les sources de financement qui puissent répondre à nos
besoins. Cela nous paraît essentiel. C'est une façon
différente d'aborder la question du pouvoir de dépenser. Si nous
insistons sur le pouvoir de dépenser, c'est parce que cette question
pourra se régler en bonne partie par un nouveau partage fiscal.
On voit les initiatives du gouvernement fédéral dans
toutes sortes de secteurs. On voit les contraintes financières
auxquelles sont sujettes les provinces. J'en discuterai avec M. Davis, mardi,
notamment. Evidemment, ils ont le même problème que le
Québec là-dessus.
Cela révèle l'opportunité très grande pour
les gouvernements provinciaux de faire en sorte que le gouvernement
fédéral comprenne qu'il est temps qu'il y ait un nouveau partage
fiscal.
M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président.
Si je comprends bien le premier ministre, la province se limiterait uniquement
à avoir recours à la machine à taxe plutôt
qu'à des capitaux ou des dispositions qui pourraient permettre des
investissements au Québec.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je pense bien que la
dernière question ne se rattachait pas directement à la question
principale du collègue du député de Beauce.
Question supplémentaire, l'honorable député de
Gouin.
M. JORON : Question supplémentaire au ministre des Finances, M.
le Président. Le ministre des Finances pourrait-il profiter de
l'occasion pour signaler à son homologue fédéral que le
Québec ne peut s'empêcher d'emprunter aux Etats-Unis et en Europe
étant donné que, depuis cinq ans, les prêteurs des autres
provinces canadiennes ont littéralement boudé toutes les
émissions faites par le Québec? Le Québec, dans ces
circonstances, n'a pas le choix. Le ministre avait-il l'intention d'aborder ce
point avec le ministre fédéral des Finances?
M. GARNEAU: M. le Président, plusieurs des points de
l'énoncé du député de Gouin ont fait l'objet de
discussions et ont été inclus dans les mémoires que le
Québec a présentés aux différentes
conférences des ministres des Finances et lors des discussions que nous
avons eues.
Maintenant, il s'agit là d'un énoncé, d'une prise
de position du député de Gouin. Pour cette question des achats
des obligations du Québec sur le marché canadien, nous ne
possédons que deux ans de statistiques. L'expérience des
émissions depuis deux ans révèle qu'environ 20 p.c. des
émissions disponibles sur le marché public ont été
achetées à l'extérieur du Québec et on peut dire
que ce n'est pas suffisant ou que ce l'est. Mais une chose est certaine, si ce
n'était de l'attitude du Parti québécois dans cette
province, peut-être que ce serait plus facile pour le Québec de
rayonner à l'extérieur.
M. JORON: M. le Président, question supplémentaire.
Comment le ministre peut-il expliquer la dernière partie de sa remarque
après le succès qu'ont pourtant connu les emprunts du
Québec sur les marchés autres que ceux des autres provinces
canadiennes? Est-ce que son raisonnement tient dans les deux sens?
M. GARNEAU: M. le Président, les émissions sur le
marché extérieur se sont faites dans des conditions que je crois
avantageuses pour le Québec. Mais on ne peut pas comparer une
émission qui est lancée sur les marchés étrangers
à une émission qui est lancée sur le marché
canadien, où il y a des institutions qui sont libres ou pas d'acheter
comme il y en a ailleurs. Ce n'est pas notre faute si le Parti
québécois met le diable au Québec toutes les deux
semaines.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député
de Bourget.
Fermeture d'écoles françaises à
Montréal
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. Le ministre
est-il informé que la décision prise par le CECM de fermer en
septembre sept écoles françaises dans la région sud-ouest
de Montréal est attribuable non seulement à la diminution de
près de 6,000 personnes de la population administrative de cette
région mais aussi au très grand nombre d'immigrants anglophones
et au très grand nombre d'assistés sociaux francophones qui ont
décidé de ne plus inscrire leurs enfants à l'école
française en se prévalant des dispositions de la loi 63?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, il s'agit là
d'une responsabilité qui regarde la CECM et je pense que tous les
facteurs que le député de Bourget vient d'énumérer
sont intervenus dans la baisse de la population scolaire. Je ne crois pas
qu'une solution puisse être trouvée par la fermeture des
écoles. Ces fermetures s'expliquent sans doute par des raisons
administratives. Le problème est beaucoup plus global et le gouvernement
travaille actuellement à des solutions possibles. Il l'a
déjà annoncé et ces solutions devront s'inscrire dans le
cadre d'une politique linguistique et de certains réaménagements
amenés sur le plan scolaire.
M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que
dans l'intervalle le ministère pourrait faire établir des
statistiques précises sur le nombre des enfants d'immigrants et
d'assistés sociaux francophones qui ont changé
d'allégeance de 1971 à 1972?
Deuxièmement, est-ce que le ministre de l'Education pourrait nous
dire quelle mesure il entend prendre, en attendant cette politique
linguistique, pour empêcher cette érosion graduelle de notre
population au profit d'un système d'écoles minoritaires mais qui
devient quand même majoritaire, du fait de sa puissance
d'intégration?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, une étude a
été commandée. Je l'ai d'ailleurs reçue, il y a une
journée ou deux. Je pense
pouvoir la rendre publique. Je dois dire qu'elle n'est pas concluante
tant sur le plan de la méthodologie que sur le plan des
résultats. En fait, il est extrêmement difficile de colliger les
données, lesquelles doivent nécessairement nous parvenir des
commissions scolaires.
Pour ce qui est des mesures que le ministère de l'Education
pourrait envisager, je vous informais, il y a quelques instants, que certains
travaux étaient actuellement en cours. Je crois pouvoir, dès le
mois de septembre, faire des propositions précises à ce point de
vue. Cependant, elles devront subir le cheminement habituel,
c'est-à-dire être retenues par le conseil des ministres avant
d'être annoncées publiquement. Tout ce que je voudrais que l'on
sache, c'est qu'on s'en occupe et qu'on est sensibilisé au
problème.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Taillon.
UNE VOIX: C'est ça. C'est ça. C'est le
député de Saguenay.
Placement étudiant
M. LEDUC: M. le Président, ma question s'adresse au
député de Beauharnois, responsable du service aux
étudiants. Est-ce que le député pourrait nous dire si
l'Hydro-Québec a fait appel au Service de placement étudiant pour
embaucher des étudiants, cet été? Combien
d'étudiants ont été placés à
l'Hydro-Québec, par l'intermédiaire de ce service? Combien de
postes sont disponibles au sein de l'Hydro-Québec pour les
étudiants, cet été?
M. CADIEUX: A la première partie de la question, la
réponse est non. L'Hydro-Québec n'a pas fait appel au Service de
placement étudiant. A la deuxième partie de la question, je n'ai
pas le nombre exact d'étudiants qui ont été
employés par l'Hydro-Québec. Cela se chiffre certainement par les
centaines et peut-être au-delà de 1,000. A la troisième
partie de la question, nous tenterons de nous mettre en communication, dans le
plus bref délai possible, avec l'Hydro-Québec pour demander qu'en
1973 et les années subséquentes, celle-ci fasse appel au Service
de placement étudiant pour l'embauche d'étudiants.
M. DROLET: Question supplémentaire. Est-ce que le
député de Beauharnois pourrait nous dire combien
d'étudiants ont été placés présentement, non
seulement à l'Hydro-Québec mais dans toute la province de
Québec? Combien y en a-t-il de placé présentement?
M. CADIEUX: Je ne prévoyais pas cette question, mais je pourrais
dire que, présentement, à l'heure où je vous parle, il y a
certainement 6,000 à 7,000 étudiants directement placés
par le Service de placement étu- diant. Mardi prochain, encore des
centaines et peut-être quelques milliers commenceront à travailler
au ministère de la Voirie, au ministère des Terres et
Forêts dans d'autres ministères. Ce sont des étudiants du
CEGEP et du secondaire. En ce qui concerne les étudiants des
universités en général, je crois qu'on en a placé
un très grand nombre, ce qui peut être environ 5,000 ou 6,000
étudiants qui ont un emploi, et quelques milliers d'autres
prochainement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
Transport des fonctionnaires par Air Canada
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question à
l'honorable premier ministre en sa qualité de chef de
l'Exécutif.
Le premier ministre a-t-il reçu des représentations de M.
Raymond Benoit, en date du 20 juin 1972, au nom d'Air Canada, à la suite
de l'arrêté ministériel adopté par le gouvernement
du Québec, dans le but d'accorder une franchise exclusive à Air
Canada pour le transport des employés des différents
ministères?
Deuxièmement, le premier ministre a-t-il envisagé toutes
les implications d'un tel arrêté ministériel et son effet
chez les compagnies aériennes européennes qui, de plus en plus,
s'intéressent à la possibilité d'obtenir des droits
d'atterrissage à Toronto au détriment de Montréal?
Troisièmement, pour quelle raison le gouvernement du
Québec a-t-il accordé une franchise exclusive à Air
Canada, non seulement pour le transport des fonctionnaires mais
également pour le service de réservations d'hôtels, de
location de voitures, de réservations et de location de places sur tout
autre mode de transport, pour le transport aérien et ce, au
détriment des autres agences de voyages du Québec?
M. BOURASSA: Le ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales va
répondre à la question.
M. PARENT: M. le Président, je pense que c'est six questions que
pose le leader de l'Opposition. S'il n'avait pas d'objection, je voudrais en
prendre avis et lui donner une réponse demain ou lundi.
M. PAUL: Est-ce une invitation, M. le Président, pour que je
complète mes trois autres questions? Vu le temps avancé dans la
période des questions, je n'ai pas voulu poser mes trois autres
questions. Je serais fort heureux de recevoir quand même une
réponse.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
Lits supplémentaires dans les
hôpitaux
M. BELAND: M. le Président, j'aurais une question à poser
à l'honorable ministre des Affaires sociales. Est-ce que le ministre est
au courant du fait que dans certains hôpitaux pour malades chroniques on
disposerait d'un certain nombre de lits supplémentaires, par suite de
rénovations ou agrandissements et que le ministère y
empêcherait présentement l'entrée de patients dont
plusieurs attendent depuis six mois?
M. CASTONGUAY: II est possible que, dans certains cas j'ai fait
état d'une situation, la semaine dernière, à
l'hôpital Saint-Augustin de Courville en apparence, des lits
soient disponibles et que l'on puisse dire, comme le député vient
de le faire, que c'est nous qui faisons obstruction à l'occupation de
ces lits. Tout ce que je voudrais rappeler, c'est qu'avant que des lits soient
utilisés, il nous faut nous assurer que le personnel et
l'équipement adéquats et suffisants sont disponibles pour le bon
fonctionnement de l'institution et pour le soin des malades. Tout comme dans le
cas que j'ai mentionné, la semaine dernière, il se pose un
certain nombre de problèmes, comme le recrutement, l'achat
d'équipement, etc.
M. BELAND: Question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que l'honorable ministre sait que l'hôpital l'Assomption de
Saint-Georges-de-Beauce dispose présentement de 25 lits
supplémentaires et qu'il y a là tout le personnel et tout
l'équipement nécessaires? Il ne manque que l'autorisation du
ministère. Il y aurait également l'hôpital Saint-Augustin
qui serait dans la même situation.
M. CASTONGUAY: Je suis également au courant, M. le
Président, du fait que dans cette région on a la plus haute
concentration de certains types de ressources. Cela peut être une des
raisons pour lesquelles l'autorisation n'est pas donnée, de telle sorte
que les budgets soient utilisés dans d'autres endroits qui en ont plus
besoin.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
Conférence de l'environnement à
Stockholm
M. LEGER: M. le Président, ma question était pour le
ministre des Affaires culturelles, mais puisqu'il n'est pas là, je vais
poser une question au ministre responsable de la qualité de
l'environnement qui nous arrive d'un voyage à Stockholm.
Est-ce que le ministre pourrait, premièrement, déposer un
rapport des résolutions, des interventions et des positions du
Québec à la conférence de l'environnement à
Stockholm? Deuxièmement, est-ce que le ministre peut nier ou confirmer
le fait que les délégués, ou les conseillers du
gouvernement du Québec qui y allait comme gouvernement
participant n'auraient pu assister aux réunions parce qu'il y
aurait eu un imbroglio avec la délégation canadienne?
M. GOLDBLOOM: Quant à la première question, M. le
Président, il me fera plaisir de déposer les résolutions
adoptées, dès que je les recevrai. A la fin de la
conférence, la rédaction finale n'était pas possible parce
que des modifications étaient apportées, en séance
plénière, jusqu'à la toute dernière minute. Nous
attendons ce rapport d'ici quelques jours. Je ne suis pas en mesure de savoir
exactement quand le rapport définitif sera ici. Je tiens à
souligner qu'avant de quitter Stockholm, la délégation canadienne
a tenu une réunion pour discuter, de façon préliminaire,
les implications, pour les divers paliers de gouvernements du Canada, des
résolutions que l'on connaissait déjà et de celles dont on
attendait l'adoption au cours de la dernière journée de la
conférence.
Quant à la deuxième partie de la question du
député de Lafontaine, je dois souligner que la
délégation qui s'est rendue à Stockholm était la
délégation du Canada. Le gouvernement fédéral a
consulté le Conseil canadien des ministres des ressources et de
l'environnement, un organisme qui groupe les onze gouvernements du Canada. Il a
demandé que ce conseil suggère deux noms de ministres provinciaux
qui feraient alors partie de la délégation canadienne à
titre de délégués officiels. Ce sont les ministres
albertain et québécois qui ont été choisis. Ces
deux ministres ont été délégués officiels du
Canada.
Le gouvernement du Québec n'a pas été
représenté comme tel. Les autres provinces étaient
représentées, dans la majorité des cas, par leur ministre
de l'Environnement, au rang de substitut ou de conseiller. Les provinces en
général ont eu des discussions avec le gouvernement
fédéral quant à la composition de la
délégation. Elles auraient voulu que des conseillers provinciaux
puissent accompagner le ministre provincial, mais ce sont les autorités
de la conférence elles-mêmes, les autorités des Nations
Unies et du gouvernement suédois, qui ont imposé des restrictions
quant au nombre de conseillers. A cause de ces restrictions, la
délégation a été réduite. Ceux qui y sont
allés, pour le Québec, ont assisté aux conférences
parallèles et m'ont fait rapport sur ces conférences.
M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que le ministre, qui vient de me répondre qu'il déposerait
les résolutions adoptées, pourrait aussi déposer les
positions du gouvernement québécois qui n'auraient pas
été adoptées à cette conférence?
M. GOLDBLOOM: De mémoire, il n'y en a pas, M. le
Président, mais, s'il y en a, je les déposerai en même
temps.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Allocations familiales
M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Affaires sociales. Pourrait-il nous dire s'il a rencontré aujourd'hui,
ou s'il est sur le point de le faire, le ministre fédéral, M.
Munro? Si oui, quels sont les résultats de ces rencontres?
M. CASTONGUAY: II n'y a pas eu de rencontre, M. le Président,
mais il est possible qu'il y en ait.
M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le Président.
Le ministre a-t-il l'intention, à l'occasion de cette rencontre
possible, de présenter de nouvelles propositions susceptibles de
déboucher sur une entente avec le gouvernement fédéral en
matière d'allocations familiales?
M. CASTONGUAY: Je prends avis de la question, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Papineau.
Congé de la confédération
M. ASSAD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
la Fonction publique. Le ministre pourrait-il nous dire si les fonctionnaires
du gouvernement ont congé le lundi, 3 juillet?
M. COURNOYER: La convention collective, à ma connaissance, M. le
Président, ne contient pas de disposition qui reporte au lundi le
congé prévu normalement pour la fête de la
confédération, qui est inscrite dans la convention collective. Si
cette fête a lieu un jour férié, le samedi en particulier,
elle n'est pas reportée, compte tenu du fait qu'il y a un certain nombre
de congés qui sont inscrits dans la convention collective et que c'est
équilibré selon les années. Cela donne 12 ou 13
congés par année, même s'il y en a 15 ou 16 d'inscrits.
Dans le cas actuel, il ne me semble pas, d'après les informations
que je possède, que lundi soit congé pour les fonctionnaires.
M. LOUBIER: M. le Président, une question supplémentaire.
Est-il vrai que le gouvernement du Québec, soit par le ministre de la
Fonction publique ou le premier ministre ou même le ministre des Affaires
intergouvernementales, aurait demandé au gouvernement
fédéral de décréter le lundi, fête nationale
des Canadiens?
M. COURNOYER: Pour ma part, j'ai eu à demander au gouvernement du
Québec de décréter lundi dernier comme fête du
Québec, fête civique au Québec. J'ai demandé au
lieutenant-gouverneur en conseil de le faire. Quant à la
confédération, il m'a semblé que cela relevait beaucoup
plus de l'autorité fédérale que de l'autorité
québécoise, étant donné que plusieurs provinces
sont impliquées. A toutes fins utiles, je ne sais pas si le gouvernement
a fait des représentations auprès du gouvernement central.
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne crois pas, à ma
connaissance, que de telles représentations aient été
faites. On m'informe que le gouvernement fédéral n'a pas
émis de proclamation à l'effet de célébrer la
fête du Canada le 3, plutôt que le 1er juillet. Nos propres lois,
le bill 24, par exemple, indiquent qu'on célèbre la fête du
Canada ici, le 1er juillet.
Si, par contre, il y a des conventions collectives, dans le secteur
public ou privé, qui prévoient de reporter le congé le
premier jour ouvrable après le 1er juillet, elles s'appliquent pour les
parties. Par exemple, ce serait le cas des fonctionnaires
fédéraux dont la convention collective prévoit justement
de reporter la fête le premier jour ouvrable après le 1er juillet,
lorsque le premier juillet est un jour férié.
Toutefois, je suis informé que, dans la convention collective qui
s'applique aux fonctionnaires provinciaux, ce n'est pas le cas.
M. LEGER: Est-ce que le gouvernement du Québec a le droit de
décréter une journée de deuil?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ferez arborer la croix gammée.
M. LE PRESIDENT: Question supplémentaire de l'honorable
député de Lévis.
M. ROY (Lévis): Le député de Papineau m'a
volé une partie de ma question, je ne veux pas l'en blâmer. Je
voudrais savoir de l'honorable ministre de Travail et de la Fonction publique
s'il y a une loi gouvernementale pour les employés de la fonction
publique et une autre pour le secteur privé. Tout employeur reconnu,
quand les ateliers sont fermés le samedi, est obligé de donner la
journée de congé le lundi. Est-ce qu'il y a une loi pour le
gouvernement et une loi pour les autres employeurs?
M. COURNOYER: II ne s'agit pas de loi. Il s'agit beaucoup plus de
dispositions de conventions collectives, compte tenu de l'existence de la loi
24 qui elle, dans les établissements commerciaux, fixe que, si la date
du 24 juin ou du 1er juillet tombe un dimanche, c'est reporté au lundi.
Mais, si elle tombe un samedi, ce n'est pas reporté. C'est dans la loi
24, pour les établissements commerciaux. Il y a des décrets
aussi.
Quant à la convention collective du gouvernement, ça n'est
pas une loi. Il est convenu entre les parties que certaines choses se
produisent d'une certaine manière. Dans la majorité des
entreprises, il n'y a pas de loi à cet effet, sauf les proclamations du
lieutenant-gouverneur en conseil lorsqu'il décide d'en faire, ou sauf
les proclamations du gouvernement fédéral lorsqu'il décide
d'en faire.
Le gouvernement du Québec a décidé, lui, la semaine
dernière de procéder par proclamation et de
décréter que lundi était jour chômé. Le
gouvernement central a décidé de décréter que lundi
prochain ne serait pas un jour chômé et que la fête
était célébrée le 1er juillet. A toutes fins
utiles, ce que ça veut dire, c'est que c'est variable, à moins
d'une proclamation d'un des deux gouvernements.
Nous avons décidé de proclamer la Saint-Jean-Baptiste et
ils n'ont pas décidé de proclamer la Confédération.
C'est leur privilège.
M. LE PRESIDENT: Dernière question supplémentaire.
M. DROLET: Question supplémentaire au ministre de la Justice.
Est-ce qu'il est au courant que justement la loi 24, dont vient de parler le
ministre de la Fonction publique, n'est pas respectée dans bien des
coins de la province? Est-ce qu'il entend prendre des mesures pour faire
respecter cette loi?
M. CHOQUETTE: Si le député peut attirer mon attention sur
des cas particuliers où la loi n'a pas été
respectée, je ferai le nécessaire. D'autre part, je vais attirer
l'attention de la Sûreté du Québec sur la situation que
déplore le député.
M. LEVESQUE: II y aurait également lieu de bien lire la loi 24 et
de voir comment les citoyens peuvent déposer certaines plaintes. Il
faudrait voir le processus, avant d'essayer d'impliquer le ministre de la
Justice là-dedans. Et on verra peut-être que les dispositions de
la loi no 24 sont assez précises à ce sujet.
J'en profite pour compléter les renseignements quant au travail
de lundi prochain; nous allons nous-mêmes donner l'exemple, nous serons
ici à nos sièges à trois heures lundi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Témiscouata.
Cartonnerie de Cabano
M. SIMARD (Témiscouata): Ma question s'adressait au ministre de
l'Industrie et du Commerce. Mais, en son absence, je la dirigerai au premier
ministre.
A la lumière des derniers événements survenus dans
le cadre du projet de la cartonnerie de Cabano à la lumière
surtout des pressions qui s'exercent auprès d'Ottawa et du fait que les
autorités fédérales semblent de plus en plus
hésitantes au sujet de ce projet, je voudrais demander au premier
ministre, dans le cas où Ottawa décidait de ne pas participer au
projet, si le gouvernement du Québec serait disposé à
prendre quand même ses responsabilités et à faire tout ce
qui dépend de lui pour assurer le succès de l'implantation de
cette industrie.
M. BOURASSA: M. le Président, il y a des rencontres entre le
gouvernement provincial et le gouvernement fédéral sur cette
question. Le député, évidemment, représente son
comté je le comprends très bien mais il fait preuve
d'une certaine naiveté quand il demande au gouvernement de prendre
position immédiatement dans le cas d'un refus. Vous voyez quel genre de
pouvoir de négociation on aurait si on disait: Bien, quelle que soit
votre décision, le gouvernement agira de telle façon. Je ne peux
certainement pas commenter d'aucune façon la question du
député, sauf pour lui dire que nous essayons d'arriver à
une solution acceptable aussi rapidement que possible.
M. ROY (Beauce): M. le Président, sur le même sujet,
à l'instar du gouvernement canadien, le gouvernement du Québec
a-t-il reçu de la part de l'Association canadienne des pâtes et
papiers un rapport concernant le projet de Cabano? Quand et à quelle
date a-t-il reçu ce rapport et est-ce qu'il a fait l'objet d'une
étude particulière de la part du gouvernement du
Québec?
M. BOURASSA: M. le Président, on n'a pas soumis à ma
connaissance un tel rapport. Si on avait jugé qu'il était
important de le faire, on l'aurait fait. C'est pourquoi je ne peux pas
répondre davantage à la question du député.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
Contestation des clubs privés de chasse et de
pêche
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
la Justice. Est-ce que le ministre de la Justice pourrait nous dire si
l'enquête poussée entreprise par la Sûreté du
Québec concernant les événements du 10 juin dernier
à Saint-Raymond de Portneuf a donné suite à des faits
nouveaux concernant la contestation des clubs privés, puisque le 15 juin
dernier il avait déclaré que l'enquête continuait?
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai fait un résumé
à la Chambre de l'enquête qui a été faite par la
Sûreté du Québec sur les événements du 10
juin à Saint-Raymond de Portneuf. Si je me souviens bien, tout ce que
j'ai dit, quant à des mesures judiciaires qui pourraient être
adoptées, c'est que cela restait à voir suivant la preuve qui
était disponible. D'autre part, pendant la fin de semaine qui a suivi le
10
juin, il y a eu de nouveaux épisodes de contestation dans le
comté de Portneuf, en particulier à Saint-Raymond et Saint-Alban.
La Sûreté du Québec était au poste et des forces
suffisantes avaient été mobilisées pour faire face aux
contestataires. L'action menée par la Sûreté du
Québec a contenu les manifestants qui voulaient envahir certains clubs
de pêche privés, mais le tout s'est déroulé sans
aucun incident, sans aucun désordre, sans aucun coup
échangé de part et d'autre. J'ai été très
satisfait de l'action qui a été prise par la Sûreté
du Québec pendant la fin de semaine qui a suivi celle du 10 juin.
M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce
que le ministre pourrait nous dire s'il est vrai que les tuyaux saisis lors de
la manifestation du 10 juin étaient des tuyaux de tente et que les
gourdins appartenaient aux contre-manifestants et non aux contestataires, comme
l'avait précisé le ministre?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que ce n'est pas devant les
tribunaux?
M. CHOQUETTE: Si ce n'est pas devant les tribunaux, ce devrait
l'être.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Une dernière question. Le
député de Saint-Jean.
Sécurité d'emploi chez les
enseignants
M. VEILLEUX: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
de la Fonction publique. Est-ce qu'il serait possible de connaître la
réaction du ministre de la Fonction publique face aux dernières
déclarations de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec concernant la sécurité d'emploi chez
les enseignants?
M. BURNS: M. le Président, sur un point de règlement. Un
projet de loi est inscrit au feuilleton, et je me demande si jusqu'à un
certain point le ministre est en mesure de répondre à cette
question. C'est le no 53.
M. COURNOYER: Je n'ai jamais eu peur de répondre à rien.
S'il ne faut pas répondre là, maintenant je le sais.
M. LE PRESIDENT: S'il y a consentement unanime, le ministre de la
Fonction publique aimerait répondre à une question posée
antérieurement.
Formation professionnelle des adultes
M. COURNOYER: Ah oui, l'autre question, c'était la semaine
dernière. On a posé la question à savoir si, à
toutes fins utiles, le gouvernement du Québec avait fait de nouvelles
offres au gouvernement central quant à la formation professionnelle des
adultes.
Je me plais à déposer, comme je l'ai promis, les
dernières offres faites au gouvernement central.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education aimerait
répondre, brièvement, à une question.
Remboursement de taxes scolaires aux
cultivateurs
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, avant de
répondre, je suis obligé de vous demander une directive. D s'agit
de la question que me posait hier le député de Portneuf, touchant
le remboursement de 35 p.ç. de la taxe scolaire aux cultivateurs.
J'avais, à ce moment-là, suggéré poliment au
député de Portneuf d'inscrire sa question au feuilleton. Voici
qu'il est revenu à la charge et qu'il me demande si je peux y
répondre. Que dois-je faire?
UNE VOIX: Y répondre.
M. LE PRESIDENT: Brièvement.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, en effet, il y a des
retards dans le remboursement de cette taxe. Ces retards sont imputables
à des problèmes d'informatique, à des rapports de
commissions scolaires qui ne sont pas parvenus à temps et à la
vérification des listes. Les retards, pour l'année 70/71, seront
entièrement comblés à la fin d'août. A l'avenir, les
dispositions ont été prises pour que les remboursements se
fassent dans les sept ou huit mois suivant l'année scolaire.
M. DROLET: Merci.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je suis étonné de son
approbation.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: M. le
Président
Séance de la Chambre, lundi prochain
M. LE PRESIDENT: Avec la permission du leader du gouvernement, ai-je
bien compris, tout à l'heure, que le leader avait fait une motion en
vertu de l'article 29?
M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: C'est une motion non annoncée...
M. LEVESQUE: Non annoncée.
M. LE PRESIDENT: ... qui doit être soumise à la Chambre
sans débat, ni amendement.
M. LEVESQUE: Sans débat. Plus formellement, je fais motion pour
que la Chambre se réunisse lundi prochain, à quinze heures.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. SEGUIN: Non, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Elle n'est pas débattable. Avec la dissidence du
député de Robert-Baldwin.
M. SEGUIN : M. le Président, je ne suis pas le seul.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
UNE VOIX: Non.
M. LE PRESIDENT: Adopté...
M. SAMSON: Sur division.
M. LE PRESIDENT: ... sur division.
M. SEGUIN: Un vote, M. le Président; pas sur dissidence, ni sur
division.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur lèvent la main. En
vertu de l'article 107, c'est un vote à main levée. Que ceux qui
sont contre lèvent la main. La motion est adoptée.
Affaires du jour.
Projets de loi privés Troisième
lecture
M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que les projets
de loi privés, inscrits aux articles 18 à 29 inclusivement du
feuilleton d'aujourd'hui, franchissent l'étape de la troisième
lecture.
M. LE PRESIDENT: II faudrait peut-être les énumérer
étant donné que ce sont des motions de troisième lecture.
Article 18, l'honorable député de Taillon. Article 19,
l'honorable député de Limoilou. Article 20, l'honorable
député de L'Assomption. Article 21, l'honorable
député de Saint-Laurent. Article 22,"l'honorable
député de Chauveau. Article 23, l'honorable député
de Chauveau. Article 24, l'honorable député de Limoilou. Article
25, motion de l'honorable député de Taillon. Article 26, motion
de l'honorable député de Verdun. Article 27, motion de
l'honorable député de Verdun. Article 28, motion de l'honorable
député d'Olier. Article 29, motion de l'honorable
député de Terrebonne.
Est-ce que ces motions de troisième lecture sont adoptées?
Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, la commission des finances et du
revenu pourra poursuivre immédiatement l'étude du projet de loi
no 38 à la salle 91-A. J'appelle l'article 17.
Projet de loi no 53 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la
deuxième lecture du projet de loi no 53, Loi modifiant la loi assurant
la reprise des services dans le secteur public.
L'honorable ministre du Travail.
M. Jean Cournoyer
M. COURNOYER: M. le Président, nous avons adopté le bill
19 dans des circonstances dont tous peuvent se souvenir. A la suite du bill 19,
certains événements ont été l'objet des
préoccupations du gouvernement pour finalement en arriver à ma
nomination comme ministre de la Fonction publique. J'ai alors pris en main le
dossier des négociations qui était laissé par le ministre
partant, M. L'Allier.
Je suis entré dans ce dossier avec l'intention bien
arrêtée de faire en sorte que nous en arrivions, dans tout le
domaine public et parapublic, à un règlement
négocié de la ou des conventions collectives qui doivent avoir
cours dans les deux prochaines années et qui ont un effet
rétroactif d'un an déjà.
Vous vous souvenez des événements qui ont suivi l'adoption
du bill 19. Il y a eu l'emprisonnement de trois chefs des centrales syndicales,
MM. Lagerge, Pepin et Charbonneau. Pendant la période de temps où
ils furent emprisonnés à Orsainville "Beach", disent-ils, il n'y
a pas eu de négociation. Immédiatement après leur sortie,
lorsqu'ils se sont pourvus en appel, comme c'était leur droit, nous
avons réussi à organiser une rencontre avec les dirigeants des
centrales syndicales et avec à peu près tous les dirigeants en
plus des trois que je viens de nommer.
Lors de la première réunion que nous avons eue, nous avons
clairement indiqué à la partie syndicale que nous voulions
négocier une convention collective, que la loi no 19 nous faisait
l'obligation pas seulement le droit d'adopter un décret,
le 30 juin 1972, qui tiendrait lieu de convention collective. Pour pouvoir
éviter ce décret, il nous fallait nécessairement
négocier et, par la suite, compte tenu du climat qui régnait aux
tables de négociations, demander au Parlement d'atténuer les
dispositions du bill 19 pour faire en sorte que le pouvoir de négocier
soit maintenu et qu'il n'y ait pas lieu de passer le décret prévu
dans la loi no 19.
Nous avons mis, comme condition à la poursuite des
négociations à la table centrale, que les négociations aux
différentes tables
sectorielles se poursuivent conformément au bill no 46 et au code
du travail, par conséquent, qui avait été adopté
l'an dernier par le même Parlement, c'est-à-dire aux tables
sectorielles, impliquant chacun des secteurs.
Nous avons mis cela comme condition pour continuer les
négociations à la table centrale. Bien sûr, nos conditions
ne sont pas toujours acceptées. Nous avons mis de l'eau dans notre vin,
comme diraient certains, et nous avons convenu d'une autre séance pour
continuer d'explorer les possibilités de réouverture des
négociations aux tables sectorielles, pendant que nous entreprenions des
discussions sur les procédures de règlement des quatre points
qui, d'un commun accord, avaient été confiés à la
table centrale.
Après un certain temps, il était clair que la partie
syndicale présentait d'énormes hésitations à
rouvrir les tables sectorielles, à moins, disaient-ils, que le ministre
de la Fonction publique n'indique clairement quel principe il allait suivre sur
les quatre points qui étaient à la table centrale. Le ministre de
la Fonction publique a indiqué, en retour de ces observations de la part
des représentants syndicaux, que s'il était prêt, dans
certains cas, à indiquer des principes qu'il entendait suivre, dans
d'autres cas, il se devait de procéder avec les parties syndicales
à une étude des faits avant que de conclure.
Dans le domaine de la négociation, il est essentiel que les gens
parlent des mêmes choses. Dans cette négociation en particulier,
les opinions sont souvent variées, suivant des faits que nous
possédons, des indications et des chiffres qui nous sont
communiqués. L'attitude que nous avons prise, depuis que je suis
ministre de la Fonction publique, a été de fournir à nos
représentants syndicaux, aux représentants de nos
employés, les mêmes données dont nous nous sommes
inspirés pour procéder à nos offres. Tant et aussi
longtemps, croyons-nous, que ces mêmes données n'auraient pas
été fournies aux représentants syndicaux, il était
possible de continuer de s'attendre que des esprits qui ne possèdent pas
les mêmes données de base ne pourront jamais se rencontrer pour
effectuer un règlement négocié.
Dans le cas du régime de retraite, un certain nombre de
données avaient été demandées par la partie
syndicale, et le gouvernement et ses partenaires avaient cru bon de retarder la
remise de ces données. Je ne dirai pas qu'ils ont refusé mais je
dis qu'on en avait retardé la remise quant au régime de retraite.
Il m'a paru urgent, vu qu'il n'y avait que quatre points, d'indiquer la bonne
foi du gouvernement et de ses partenaires à la partie syndicale pour
pouvoir rouvrir les tables de négociation, en pressant mes
représentants à la table centrale de fournir les données
que les gens d'en face demandaient. Ces données ont été
fournies sur le régime de retraite.
Sur le régime d'assurance-maladie, on nous a demandé
d'autres données. Certaines nous ont semblé inutiles. Nous ne les
avons pas communiquées, parce que, d'abord, nous ayant semblé
inutiles, nous avons jugé qu'il n'y avait pas lieu de mettre en branle
tout un mécanisme de recherche pour peut-être trouver les
renseignements dans deux, trois, quatre mois ou peut-être un an d'ici et
qu'à un moment donné, ils ne soient plus utiles du tout pour
personne.
Dans le cas des salaires, nous continuons d'examiner notre proposition.
Mais dans le cas du régime de sécurité d'emploi, nous
avons décidé, à la demande de la partie syndicale et
à la condition que les tables sectorielles rouvrent le 8 juin, de
fournir, le 7 juin, un énoncé de principe de la part du ministre
de la Fonction publique.
Nous avons convenu de le faire. Nous avons été
obligés de marcher sur le dos de nos partenaires administrateurs.
Lorsque nous avons fait notre proposition, il a été clairement
indiqué que cette proposition venait du ministre de la Fonction publique
et du gouvernement et qu'elle ne rencontrait pas l'accord des partenaires du
gouvernement, particulièrement, dans le domaine scolaire, au niveau des
CEGEP et aux niveaux élémentaire et secondaire.
Ayant énoncé les principes conformément à ce
que nous avions promis de faire une semaine avant, nous étions en droit
de nous attendre que, le mercredi suivant, c'est-à-dire le 8 juin, les
parties syndicales débloqueraient, comme convenu, les tables
sectorielles et qu'on pourrait procéder, dans une foule de domaines,
à des négociations, conformément à la loi et au
code du travail, aux différents secteurs d'activités qui nous
préoccupent présentement. Il semble que cette promesse ou cette
entente, une fois ma partie réalisée, n'ait pas été
réalisée par la partie syndicale. A toutes fins utiles, nous
avons assisté, cette fin de semaine là, à une sortie des
représentants patronaux à l'effet que les syndicats ne semblaient
pas vouloir reprendre véritablement les négociations aux tables
sectorielles, malgré qu'on se fût entendu sur ce point et que le
ministre de la Fonction publique eût, à son tour, rempli les
obligations qu'il avait convenu de remplir devant les représentants
syndicaux.
On assiste, cette fin de semaine là, à une brisure des
négociations, que le ministre de la Fonction publique qualifie
d'incident de parcours. Il essaie, comme c'est son devoir, encore une fois, en
cédant, en étant bonhomme, en essayant de comprendre l'attitude
des syndicats qui ont une certaine crainte du gouvernement, de rouvrir des
tables sectorielles, puisque, peut-être, on peut régler certaines
choses aux tables sectorielles et qu'il va en rester qu'elles ne
régleront pas. On a un front commun. On a peur du ministre de la
Fonction publique, comme on avait peur de l'ancien, comme on a peur d'à
peu près tout le monde dans ce domaine.
On arrive, à un moment donné, à la situation
où le ministre de la Fonction publique, cette fois, est contesté
formellement par ses partenaires quant à la formule de
sécurité d'emploi. On demande une suspension des travaux, comme
il se doit. Nous avions convenu de suspendre les travaux pendant le
congrès de la CSN. Nous avions convenu de suspendre les travaux pendant
le congrès de la CEQ. A la première difficulté que je
rencontre, on demande une suspension des travaux pour que je puisse, moi,
communiquer avec les partenaires et essayer de trouver une formule qui permette
aux partenaires de s'entendre. Là, c'est une brisure des
négociations de la part du gouvernement et de ses partenaires. C'est
interprété comme cela, M. le Président. Toujours est-il
que, la première fois que nous avons consenti des choses, j'ai
découvert, à très brève échéance, que
les ententes que je faisais avec eux, avec une contrepartie, il m'arrivait de
ne pas rencontrer la contrepartie de l'autre côté. C'est
arrivé; l'histoire pourra le dire.
J'en suis donc venu à la conclusion je l'avais
annoncé avant qu'il me semblait que, du côté
syndical, on ne paraissait pas préoccupé, au même
degré que le ministre de la Fonction publique et le gouvernement, de
trouver une solution négociée aux problèmes.
En conséquence, le pouvoir ou le devoir que la loi me fait,
à l'article 19, de faire adopter un décret, le 30 juin, je ne
pouvais pas me permettre de le mettre de côté ou de demander au
Parlement de me l'enlever. J'ai pris cette décision il y a
déjà une semaine. Lorsque les partenaires du gouvernement ont
décidé, particulièrement dans le domaine scolaire, de
contester le mandat du ministre de la Fonction publique, j'ai eu mes
réactions, comme à peu près tout le monde. J'ai
essayé de trouver une solution au problème, avec la
Fédération des commissions scolaires, pour finalement
découvrir que nous assistons à une bataille de mots entre la
Fédération des commissions scolaires, d'une part, et le
gouvernement, d'autre part. Par ailleurs, cette bataille de mots doit
être réglée d'une façon ou d'une autre et la
Fédération des commissions scolaires, pas plus que les syndicats,
n'est supérieure au gouvernement, dans la province de Québec.
Il y a donc lieu pour nous, comme gouvernement, de requérir le
genre d'amendements que j'ai requis. Remarquez, M. le Président, que
nous avons assoupli énormément les dispositions du bill 19. Nous
tentons, dans toute la mesure du possible, compte tenu de l'expérience
que nous venons de vivre en l'espace d'un mois et demi, de conserver la
possibilité d'un règlement négocié. Un
règlement négocié, M. le Président, doit se faire
conformément au code du travail. Et, conformément au code du
travail, le ministre de la Fonction publique a besoin de l'assentiment et de
l'accord c'est synonyme, mais accord est plus fort dans mes termes
de la Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec et de la Quebec Association of Protestant School Boards, pour ce
qui a trait au secteur de l'éducation élémentaire et
secondaire, et de la Fédération des CEGEP, pour ce qui a trait
à l'enseignement collégial.
Il me semble qu'il est encore possible d'avoir cet accord de mes
partenaires. Mais, si cela devenait impossible, le décret ne serait pas
seulement imposé à mes autres partenaires, parce que j'ai
d'autres partenaires et je les appelle les enseignants, au Québec. Ces
partenaires ne se verront pas seuls imposer un décret par le
gouvernement mais les partenaires administrateurs et les partenaires
enseignants se verront tous deux imposer la volonté de celui qui est
quand même responsable de l'intérêt, de la
sécurité, de la santé publics et de l'éducation au
Québec. C'est le gouvernement du Québec actuel, quel qu'il soit,
qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas.
Ce pouvoir que je demande dans le bill 53, M. le Président, c'est
bien sûr un pouvoir qui semble discrétionnaire. Mais nous nous
devons d'insister sur le fait que le ministère du Travail, dont le
rôle est habituellement de faire de la médiation entre les
parties, essaiera, par le truchement de son ministre il arrive que c'est
le même que le ministre de la Fonction publique de trouver une
solution. Il le fera en consultation avec les deux opposants, dont l'un peut
être le ministre de la Fonction publique; remarquez, la situation est
assez drôle, II essaiera de trouver la solution qui permettra qu'au mois
de septembre nos enseignants pas les membres de la CEQ, pas les membres
des syndicats soient heureux d'enseigner, dans le système. Il
s'efforcera de faire en sorte que nos enfants soient heureux, au mois de
septembre, de revoir leurs professeurs et qu'on arrête ce climat
d'incertitude épouvantable qu'on retrouve depuis déjà un
certain nombre d'années dans toutes nos écoles, au
Québec.
Je veux, comme ministre du Travail, tenter une expérience. Le
ministre du Travail, au Québec, essaie de régler certains
conflits entre des entreprises privées, d'une part, et les
salariés de ces entreprises ou les représentants de ces
salariés, d'autre part. Il voudrait tenter cette expérience une
autre fois, dans le domaine public.
Le gouvernement n'est pas seul aux tables. Il ne veut pas être
seul aux tables. Il a des politiques préétablies. Ces politiques
peuvent être remises en question. Elles peuvent être remises en
question en tout temps, même au milieu d'une convention collective. Nos
partenaires ont des idées, des opinions; ils ont des obligations, ils
ont des devoirs. Le gouvernement a les siens.
Ce que je voudrais tenter, par le truchement de la loi 53, ce serait de
rapprocher tout ce monde pour que, enfin, dans les secteurs public et
parapublic, on commence une période de paix relative, comme on vit une
paix relative
dans le secteur privé par l'intervention non pas du
ministre du Travail, Jean Cournoyer, ce n'est pas important de cette
autorité, de cette dimension qui n'a qu'une habitude: tenter de trouver
des solutions entre deux groupements qui s'affro.ntent. C'est l'esprit que j'ai
voulu développer par le projet de loi qui est là.
Je n'ai pas l'intention et c'est le ministre du Travail qui parle
de passer sur le corps des partenaires du gouvernement. Cela n'est pas
mon propos. Et cela n'est pas non plus le propos du gouvernement que de
détruire les partenaires du gouvernement comme administrateurs. Mais il
arrive parfois que le gouvernement doive indiquer clairement à certains
de ses partenaires qu'il a d'autres partenaires aussi et que ses
responsabilités, comme gouvernement, se situent à un degré
un peu supérieur au seul degré de l'administration.
Les préoccupations du ministre de l'Education, par exemple, sont
de faire en sorte que nos enfants soient éduqués. Il n'a pas
d'autres préoccupations comme ministre de l'Education. Pour y arriver,
il a deux sortes de partenaires. Il y a les enseignants qui éduquent et
il y a aussi les administrations locales qui sont là pour jouer
réellement un rôle de contrôle, selon les lois qui ont
été adoptées par ce Parlement.
Le gouvernement a ses deux partenaires. Et cette opinion n'est pas la
mienne. C'est l'opinion du ministre de l'Education depuis assez longtemps,
qu'il faut absolument que le gouvernement arrive à concilier les
intérêts légitimes de ses deux partenaires dans
l'Education.
Le ministère du Travail a réussi dans le passé.
Quoique parfois certain premier ministre nous tienne des propos peu
élogieux quant à nos performances passées, il peut arriver
que n'étant pas au courant de tout ce qui se passe chez nous, on oublie
certaines performances que nous avons passées, nous, sous silence parce
que c'était des performances ordinaires de la responsabilité
ordinaire du ministre du Travail du Québec. Ce n'est pas parce que c'est
M. Cournoyer qui est ministre du Travail que les ministres du Travail au
Québec n'ont pas eux aussi accompli un tas de performances qui n'ont pas
été aussi publiques que certaines autres.
M. Laporte, qui m'a précédé, a accompli ses
performances, M. Bellemare a accompli ses performances. Le ministre du Travail
a toujours eu comme mentalité de tenter de trouver une solution
négociée entre les parties. Et c'est sa responsabilité
première pour le gouvernement.
Je conviens que, lors de l'étude de tout ce conflit, le ministre
du Travail a été absent. Il a été absent parce que,
probablement, il n'était pas ministre de la Fonction publique. Il veut
aujourd'hui, le ministre du Travail, influencer sensiblement le ministre de la
Fonction publique dans son comportement vis-à-vis des partenaires du
gouvernement comme administrateurs et vis-à-vis aussi des partenaires du
gouvernement dans les premiers buts poursuivis par le gouvernement,
c'est-à-dire assurer des services à la population, assurer la
santé de la population, assurer son éducation.
M. MARCHAND: Est-ce qu'il y a dialogue?
M. COURNOYER: II arrive très souvent que ce dialogue se prolonge
tard dans la nuit, j'en conviens. Mais il arrive que cette dimension nouvelle
n'est pas qu'un trompe-l'oeil. Le gouvernement veut faire en sorte que le
ministre du Travail ait une certaine influence sur son ministre de la Fonction
publique, comme le ministre de l'Education a une grande influence sur le
ministre du Travail. Nous verrons comment nous pourrons arriver à
trouver des solutions négociées à ce problème.
Vous avez vu hier, dans les journaux, une déclaration de la
Fédération des commissions scolaires, qui s'oppose en bloc
à la formule de priorité d'emploi que le gouvernement a
proposée aux syndicats. Vous ne m'avez pas permis, tantôt, de
répondre à une question, mais, à ce moment-ci, je pense
qu'il m'est permis, au moins, de vous faire distribuer la formule que nous
avons déposée aux centrales syndicales. Avant de vous la
distribuer, je voudrais bien mentionner qu'à l'article 102 je
comprends que tout le monde l'a on dit: "La poursuite des objectifs de
sécurité d'emploi ne doit pas avoir pour effet de porter
préjudice à la qualité des biens produits ou des services
rendus, ni de permettre le maintien d'effectifs et de personnel
excédentaires par rapport aux besoins."
Peut-être la Fédération des commissions scolaires a
ignoré le premier paragraphe pour s'attarder à certains autres
paragraphes. Dans votre analyse de la déclaration de la
Fédération des commissions scolaires, je vous demande de tenir
compte du texte qui a effectivement été proposé. Je n'ai
pas d'autres commentaires à offrir, M. le Président. Je demande
qu'on adopte le bill 53, tel que proposé, et je suis disposé
à écouter ceux qui pourraient s'y opposer.
M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER: M. le Président, je tiens, d'abord, à vous
signaler que je ne savais trop quand le ministre coiffait le chapeau du
ministre du Travail et quand il coiffait le chapeau du ministre de la Fonction
publique. De toute façon, je tiens à souligner qu'il a bien fait
de nous résumer les faits qui l'ont amené à
présenter le projet de loi dans la teneur que nous connaissons
actuellement. Il reste que le ministre, à mon sens, semble parfois
minimiser les conséquences de ce projet de loi quant au rôle des
partenaires dont il parlait tout à l'heure et quant à un certain
degré de responsabilité et d'autonomie que l'on doit, tout de
même, conserver à ces partenaires, soit comme ministre
du Travail ou soit comme ministre de la Fonction publique.
Le ministre a parlé d'une bataille de mots qui s'était
engagée entre lui, comme ministre et non pas comme individu, et la
Fédération des commissions scolaires. Je pense, M. le
Président, que le ministre a utilisé un qualificatif qui
démontre, peut-être, un peu trop d'optimisme chez lui quant
à ce différend qui oppose le gouvernement et la
Fédération des commissions scolaires. Ce n'est pas que les
commissions scolaires doivent être considérées comme des
entités administratives avec une très large indépendance.
Nous savons tous que les commissions scolaires ont des pouvoirs de plus en plus
restreints, pour une foule de raisons, sur tous les plans. Mais il en demeure
un, M. le Président, auquel, je pense, les commissions scolaires doivent
tenir avec une certaine jalousie, est justement celui de pouvoir exercer une
certaine liberté, selon leur propre appréciation et selon leurs
propres besoins, face aux professeurs qu'elles doivent embaucher.
Si l'on attendait le moindrement à la lecture du projet de loi,
je n'ai pas le droit de faire, de m'arrêter à un article
précis à ce stade-ci des discussions on se rendrait compte
que le différend ou l'attitude peut-être un peu explosive de la
Fédération des commissions scolaires contient tout de même
un certain degré de bien-fondé. J'espère, en tout cas, que
le ministre pourra, dans un avenir très rapproché, dissiper ce
nuage de mésentente qui semble se profiler en ce qui concerne les
relations entre le gouvernement et la Fédération des commissions
scolaires.
D'autre part, je laisse le soin au ministre, puisqu'il est en possession
de tous les faits et de tous les éléments, de porter un jugement
quant à ces relations et également de prendre l'attitude
justement parce que nous n'avons pas tous ces éléments la
plus profitable pour créer, comme il le disait tout à l'heure, un
certain climat de paix sociale et surtout de paix dans l'éducation. J'ai
remarqué que le ministre a souligné, avec un certain regret
et je le comprends qu'il y a eu, au cours des dernières
semaines, des événements que je qualifierais de dilatoires qui
ont fait que cela a abouti probablement à cette brisure, comme il le
disait lui-même, entre la partie patronale et la partie syndicale.
Le ministre nous a laissé entendre que le front commun ne donnait
pas la contrepartie aux propositions qu'il faisait après entente
préalable que, s'il y avait telle ou telle proposition, la partie
syndicale ou le front commun répliquerait dans le sens des discussions
qu'il y avait eues précédemment. Je pense que le ministre, par
son projet de loi et par les propos qu'il a tenus, fait comprendre assez
clairement aux membres de cette Chambre et à la population qu'il a
épuisé tous les moyens pour arriver à un règlement
négocié de ce conflit. Le ministre nous signale également
que toutes les mesures ont été prises du côté
patronal pour créer un climat de véritable négociation, un
climat de bonne foi entre les négociateurs des deux parties mais que
ceci s'est avéré un fiasco, que ceci a débouché
dans un cul-de-sac duquel il faut sortir le plus rapidement possible.
Je me demande si ce projet de loi amendant le bill 19 n'aurait pas pu
être évité. Je ne veux pas, de façon vaniteuse,
rappeler les propositions que nous avons faites il y a déjà
quelques mois à l'effet de ne pas présenter le projet de loi 19,
de proposer plutôt une forme de moratoire. Nous avons connu ce moratoire
avec les délais accordés par la partie patronale. Ce projet de
loi 19 et le projet de loi 53, qui est un pendant ou une conséquence du
projet de loi 19, auraient pu ne pas être présentés si on
avait pris d'autres attitudes que celles qui ont été prises
depuis le mois de janvier dernier.
Sur le projet de loi tel que soumis, je me réserverai, avec mes
collègues, le privilège de faire des commentaires au
ministre.
En deuxième lecture, étant donné les circonstances,
étant donné l'attitude du front commun, étant donné
cet élément nouveau ou cette attitude surprise de la
Fédération des commissions scolaires et étant donné
que nous avons, je pense en tout cas, comme membres de cette Chambre,
tenté, par des recommandations, de trouver tous les moyens et
d'épuiser tous les mécanismes pour arriver à une solution
négociée. Devant ces faits et surtout devant l'urgence de mettre
fin à ce conflit qui a pourri durant plusieurs semaines, qui a pourri le
climat social dans le Québec et qui a eu des conséquences
très sérieuses dans le domaine de l'éducation, de la
santé, je voterai en faveur du projet de loi tel que soumis, du moins
sur le principe.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, j'ai écouté avec
attention l'exposé du ministre, qui fut fort à point dans ses
explications et j'ai remarqué également avec quelle
sérénité il a fait le tour d'horizon de ce qui s'est
passé depuis l'adoption du projet de loi no 19. J'ai aussi
remarqué que les députés libéraux, qui avaient
applaudi la loi no 19, applaudissent également le projet de loi no 53.
C'est peut-être un signe que leur esprit s'est un peu
amélioré.
Si on se rappelle les conditions qui ont entouré l'adoption de la
loi no 19, elles étaient bien différentes de celles
d'aujourd'hui. Bien sûr, on avait exprimé, à cette
occasion, non seulement le sérieux mais l'urgence d'une telle loi.
Aujourd'hui, ce projet de loi no 53, qui est, en quelque sorte, des amendements
à la loi no 19, est aussi urgent, mais pour une raison bien
différente. C'est que la loi no 19 stipulait que des ententes devaient
se faire avant le 30 juin. Comme nous sommes aujourd'hui le 29, cette
loi a également un caractère d'urgence mais dans un sens
tout autre que celui qui a été exprimé par la loi no
19.
Nous nous étions opposés, notre groupe parlementaire,
à la loi no 19, qui était en quelque sorte une épée
de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des parties. Nous
avions signifié qu'il y aurait probablement possibilité
d'apporter certains amendements, notamment à l'article 10, mais on nous
les avait refusés essayant de se justifier, à tort ou à
raison. Je pense que ce projet de loi no 53 indique que notre prise de
position, à ce moment-là, était justifiée.
Je ne voudrais pas faire grief au ministre d'apporter ce projet de loi.
Au contraire, nous lui avons demandé, de différentes
façons, notamment par des questions, de l'apporter le plus tôt
possible. C'est un pas en avant, et je suis sûr que le ministre est
convaincu que, chaque fois que nous avons parlé des amendements
possibles à la loi no 19, il était parfaitement d'accord avec
nous. C'était peut-être un peu plus difficile pour lui. Bien
sûr, il ne lui fallait pas démontrer une hâte trop grande
à modifier une loi qu'on venait d'adopter.
Il est sans doute beaucoup plus au courant que tout autre
député en cette Chambre de la qualité de sa loi. Mais,
pour ma part, après avoir apporté une attention toute
particulière, parce que le projet de loi no 53 modifie la loi no 19 qui
a été fortement contestée et pas uniquement par
nous je suis convaincu que pour le ministre ce sera un atout pour
rapporcher les parties, pour recréer si je peux m'exprimer ainsi
le climat de confiance qui devrait normalement exister entre des parties
à la table des négociations.
Cependant, si on regarde attentivement le projet de loi,
l'épée de Damoclès n'est pas complètement
enlevée. Elle existe encore, sauf qu'on l'a poussée de
côté et on a dit: Si elle vient à tomber, ça fera
peut-être un peu moins mal.
Nous espérons également que le ministre, avec toute la
bonne volonté qu'il y met, avec toute l'attention, toute la
capacité que nous lui connaissons, réussira à arriver
à une solution négociée. On le souhaite de tout coeur.
Quand le ministre le dit, je pense qu'il est sincère. Il est non
seulement sérieux, mais il est sincère. Je suis convaincu qu'il
fait tout en son pouvoir pour tenter de trouver cette solution
négociée. Je serais le premier à regretter qu'après
le 3 août 1972, le lieutenant-gouverneur en conseil décrète
une loi qui tienne lieu de convention collective.
Je voudrais assurer le ministre que nous lui apporterons toute la
collaboration que nous pouvons. Je voudrais lui demander qu'il continue dans sa
persévérance et qu'il ne ménage aucun mécanisme qui
pourrait aider à trouver une solution négociée.
Nous traversons une période difficile, quoique, dans le moment,
un peu plus tranquille, mais il ne faut pas oublier qu'en septembre, les
classes ouvriront et il ne faudrait pas se retrouver cela va devenir
impossible avec la loi no 53 avec les mêmes problèmes.
Le ministre a touché un peu au climat de confiance qui doit
exister entre l'étudiant et son professeur. J'ai l'impression qu'on l'a
quelque peu bafoué dans le passé, surtout ces dernières
années. Il faudrait, après qu'on aura trouvé une solution
négociée je suis convaincu qu'on y arrivera
consentir un effort, peut-être dirigé, pour rétablir ce
climat de confiance qui doit, normalement, exister non seulement entre
l'étudiant et le professeur, mais également entre les enseignants
et les parents.
Nous sommes convaincus que, si le ministre ne ménage aucun
effort, aucun mécanisme et garde la sincérité qu'il
démontre aujourd'hui, il arrivera à une solution
négociée. Nous le souhaitons.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: II y a maintenant plus de deux mois, nous adoptions la loi no
19, après une grève qui avait secoué dangereusement la
population du Québec. Cette loi no 19 avait deux effets. D'un
côté, elle mettait fin, précisément, à une
grève dans des secteurs importants de notre société, une
grève qui avait inquiété profondément la
population. En ce sens, on peut dire que le gouvernement, en mettant fin
à cette grève par une loi d'exception, pouvait compter sur
l'appui assez général de l'opinion publique. C'est d'ailleurs une
des raisons, pour ne pas dire la raison essentielle, pour laquelle il a
finalement opté pour ce geste.
Cette loi avait un autre effet. C'est qu'elle obligeait le gouvernement
à régler par décret les conditions de travail qui devaient
prévaloir dans les secteurs public et parapublic jusqu'en 1974 entre le
patron, c'est-à-dire l'Etat du Québec qui est le patron
réel, ultime, et ses partenaires.
Cette partie de la loi était sûrement
généralement moins bien acceptée par la population et
surtout par les 210,000 employés qui étaient touchés par
ce décret.
IL est bien évident qu'aucun groupe d'employés, que ce
soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, n'aime se voir
imposer par la partie patronale ses conditions de travail. Le droit
d'association, le droit de négociation et le droit de grève
étant maintenant reconnus depuis plusieurs années et formant
l'une de ces libertés fondamentales que les populations ont acquises
dans nos démocraties, il est bien évident qu'aucun groupe
d'employés ne pouvait accepter, de gaieté de coeur, cette
éventualité.
Comme il s'agissait, ici, d'un très grand nombre
d'employés qui, de plus, par leurs liens de parenté et par leurs
positions dans la société, pouvaient influencer l'opinion d'un
très grand nombre de citoyens, on peut se rendre compte
immédiatement que le gouvernement courait un grand risque, un
risque important, à passer outre ainsi aux lois ordinaires, aux
règlements ou mécanismes ordinaires de négociation et
imposer sa volonté.
Nous avons l'impression, pour ne pas dire la certitude, qu'autant le
gouvernement se plaisait, d'un côté, mettre fin à la
grève ce qui ne pouvait susciter que des adhésions de la
population à sa politique autant il était réticent
à adopter un décret qui touchait un aussi grand nombre de
citoyens et qui contrevenait, d'une façon aussi brutale, à des
droits fondamentaux qui constituent l'essence même de notre
démocratie.
Aujourd'hui, nous nous rendons compte que le gouvernement veut
récolter les bénéfices de son action en ce qui concerne la
cessation de la grève, mais il ne veut pas récolter les
inconvénients de sa politique en ce qui concerne l'imposition
obligatoire de conditions de travail à un très grand nombre de
citoyens. Il voudrait, en somme, gagner sur tous les tableaux, ou plutôt
gagner sur un tableau et ne pas perdre sur l'autre. C'est la raison
fondamentale pour laquelle il nous présente, aujourd'hui, ce projet de
loi. Il ne faut faire appel qu'aux lois éternelles de la psychologie
humaine pour le comprendre et pour ne pas être trop sévère
envers un gouvernement, qui a le droit d'être animé par des motifs
trop humains, de recourir à ce geste.
Pour faire avaler, cependant, il y a deux mois, cette politique brutale
aux syndiqués, le gouvernement leur avait quand même consenti,
à ce moment, une poire pour la soif. Il avait changé le titulaire
du ministère de la Fonction publique, laissant tomber celui qui, depuis
un an, s'était consacré à cette tâche avec tout le
talent et l'énergie qu'il possède. Il avait fait appel aux
services d'un négociateur chevronné qui s'était
illustré par "des performances répétées dans le
règlement de certains conflits québécois", si j'emploie
les termes de M. Trudeau. On avait fait appel, en somme, à celui que
l'on convient, maintenant, d'appeler "le pompier du gouvernement", celui dont
la fonction est d'éteindre les feux afin d'atténuer les tensions
sociales. C'était là un geste important qui pouvait, bien
sûr, constituer un élément additionnel de reprise
fructueuse des pourparlers.
Mais, je pense que le ministre doit commencer à se rendre compte
qu'il n'a guère fait mieux que son homologue, puisqu'après deux
mois on se retrouve à peu près dans une situation analogue, crise
sociale et grève en moins, à celle qui existait il v a deux
mois.
Je pense que le ministre, tout en déplorant cette situation, a
dû, au cours de ces deux mois, faire un petit examen de conscience afin
de retrouver les raisons qui ont pu rendre son action tellement difficile,
malgré toute la bonne volonté dont il a fait preuve,
malgré la science, malgré la compétence qui sont les
siennes, malgré l'esprit de bonne entente avec lequel il a voulu
reprendre ces négociations.
Je pense, à ce moment-là, M. le Président, qu'il
sera obligé de conclure qu'il lui était extrêmement
difficile de rattraper une négociation qui, depuis le début,
avait été aussi mal engagée. Il a trouvé
très difficile, au fond, de redresser le cours d'une négociation
qui, en raison des erreurs initiales du gouvernement erreurs qui,
d'ailleurs, se sont répétées à plusieurs reprises
au cours de la négociation avait mené tout droit à
une impasse. La course était tellement bien engagée, l'arbre
penchait tellement dans une direction qu'avec tous les talents que je lui
reconnais le ministre n'a pu redresser la situation.
C'est la raison pour laquelle, depuis qu'il a pris en main le dossier,
il s'est heurté, au fond, aux mêmes conséquences que
l'action de ses prédécesseurs avait engendrées. En premier
lieu, il y avait cette méfiance latente, parfois explosive, mais
constante qui existait entre les deux parties en cause, même si les deux
parties se départagent entre plusieurs interlocuteurs. Cette
méfiance était précisément le fruit des actions qui
avaient été posées par le gouvernement ou le fruit des
omissions dont on avait pu également se rendre compte et dont les divers
partis, en cette Chambre, ont souvent parlé avant que la loi 19 ne
fût adoptée.
Nous avions prévu, M. le Président, lorsque cette loi a
été adoptée, que cette confiance, qui est difficilement
pondérable, qui est fluide, dont il est difficile d'évaluer
l'importance d'une façon concrète et précise, constitue
quand même un des ciments essentiels de toute négociation
appelée à devenir fructueuse. Nous nous rendons compte que, quand
elle manque ou quand elle a été notablement diminuée, il
en résulte une atmosphère de suspicion, une atmosphère de
soupçons, d'agressivité qui fait sursauter les interlocuteurs
à la moindre difficulté, qui met dans leur esprit les
hypothèses les plus sombres, les plus invraisemblables. Justement, la
méfiance est là qui donne du corps, de la créance à
ces hypothèses, en raison précisément des conditionnements
qui sont déjà établis.
Le ministre sera sûrement d'accord avec moi pour dire que,
lorsqu'il a pris ce dossier en main, il a dû se heurter, à
plusieurs reprises, à cette méfiance et surtout aux
résultats nocifs, empoisonnés, délétères
qu'elle introduit dans le jeu normal des négociations. C'est
peut-être à cette méfiance chronique qu'il faudrait
attribuer les accidents de parcours dont a parlé le ministre et qui
faisait, par exemple, que l'on profitait du moindre prétexte, du moindre
motif pour rompre temporairement les négociations, pour se consulter,
pour élaborer de nouvelles tactiques et de nouvelles stratégies.
Le ministre, étant peu familier avec le dossier, ne pouvait
peut-être pas comprendre toute l'intensité de cette
méfiance, mais il a quand même dû en supporter l'effet.
De toute façon, M. le Président, c'est sûrement en
raison de ces facteurs qui étaient survenus avant que le ministre ne
préside au dossier que les pourparlers qu'il a menés depuis deux
mois se sont avérés tellement difficiles, tellement
délicats.
Us ont produit des résultats aussi maigres que ceux que nous
sommes obligés de constater à l'heure actuelle.
D est quand même déplorable de nous avouer à tous
que, malgré ses qualités, le ministre du Travail, ou plutôt
le double ministre du Travail et de la Fonction publique, n'a pas pu nous
donner les fruits qu'il escomptait de cette négociation, n'a pas pu, en
somme comme disent les Anglais, "deliver the goods", répondre aux
espoirs que le gouvernement aussi bien que la population plaçaient en
lui.
Je pense qu'aussi longtemps qu'il n'aura pas réalisé les
raisons profondes, antérieures de cet échec dont il est
obligé de faire état aujourd'hui, il lui sera peut-être
difficile d'en arriver au déblocage qu'il espère. Je dois quand
même le féliciter pour une des mesures ou des propositions qu'il a
faites à ses partenaires. Je veux parler de la proposition qui touche la
sécurité d'emploi intrasectorielle aussi bien qu 'inter
sectorielle.
Ce n'est pas pour mettre une plume à notre chapeau que nous
rappellerons au ministre du Travail et de la Fonction publique que cette
proposition de sécurité d'emploi est une proposition que nous
avions faite à plusieurs reprises â son
prédécesseur. Tellement il nous semblait évident que dans
le contexte du Québec de 1960-1970, après que le gouvernement eut
dépensé tant d'énergie pour mener à bien sa
révolution scolaire, après qu'il eut incité avec une telle
énergie les diplômés de nos collèges classiques, de
nos CEGEP à entrer dans la carrière d'enseignant, tellement il
était évident que le gouvernement ne pouvait plus maintenant se
défiler alors que le nombre des professeurs risquait de dépasser
la demande, en raison de la dénatalité qui nous afflige. Il
devenait impensable que le gouvernement fasse payer aux enseignants les
résultats d'une politique dont il avait été l'initiateur,
le moteur, et qu'il avait contribué â continuer dans le grand
nombre d'années qui se sont maintenant écoulées depuis
1960.
Nous avions également fait valoir à cette époque
que les enseignants sont peut-être un des personnels les plus recyclables
qui soient, car, en raison des études poussées qu'ils ont faites
dans plusieurs domaines, il est possible de les utiliser dans des
sphères supérieures de l'administration gouvernementale; il est
possible de les utiliser dans une industrie privée qui peut
s'avérer connexe aux fonctions qu'ils occupaient antérieurement,
et que ce qui était possible ne pouvait s'avérer que juste si
l'on accepte qu'ils avaient cédé aux incitations du gouvernement
en toute bonne foi.
Nous ajoutions enfin que, ce principe de la sécurité
d'emploi ayant été reconnu par le gouvernement au niveau de la
fonction publique, dans plusieurs ministères et même dans certains
secteurs du domaine parapublic, il devenait difficile à faire accepter
aux syndiqués autant qu'à la population que ceci n'a pu
être réalisé dans le domaine de l'enseignement. Ces raisons
nous paraissaient absolument essentielles et allant de soi.
C'est bien pourquoi nous nous félicitons avec le ministre que le
gouvernement ait repris à son compte cette proposition et qu'il essaie
maintenant de la faire accepter à des partenaires inférieurs,
mais quand même essentiels, qui doivent collaborer avec lui à
l'application de sa politique. Que le gouvernement fasse donc tous les efforts
pour faire accepter cette proposition, à cette partie patronale
inférieure, même si elle n'a pas encore fait tout le chemin
idéologique qui lui permettrait d'accepter le bien-fondé des
raisons que lui a soumises le ministre.
Je ne voudrais pas entrer dans le fond du problème, du
début, car je sais que cela sera à négocier avec les
partenaires du ministre. Mais il me semble en tout cas que le ministre a fait
preuve de sagesse et s'est conformé au principe de la justice en
proposant une sécurité d'emploi aussi bien intrasectorielle
qu'intersectorielle.
Je suis bien conscient, M. le Président, des difficultés
d'application auxquelles peut donner lieu cette politique. Mais je
considère que, dans ce domaine, comme dans tous les autres où
elle est maintenant appliquée depuis quelques années, il sera
possible avec l'intelligence, l'imagination et la diligence, des hauts
fonctionnaires de trouver des solutions qui permettront d'éviter les
inconvénients que signale la Fédération des commissions
scolaires. Car je ne crois pas, moi non plus, qu'il faille simplement faire du
"feather bedding", remiser sur des tablettes des enseignants dont les talents
ne seraient pas utilisés au maximum.
Il est sûrement possible, avec ces mécanismes de
reclassement, de recyclage dont il a été fait mention, d'utiliser
à leur plein rendement, avec tout le potentiel possible, les
qualités, le talent et l'expérience des enseignants, à qui
on garantit maintenant la sécurité d'emploi.
Voilà à peu près, M. le Président, le seul
point sur lequel nous sommes d'accord avec le ministre du Travail et de la
Fonction publique. Pour le reste, il n'y a rien de changé. Nous sommes
devant la même impasse. J'écoutais tout à l'heure le
ministre, qui essayait de faire le départage des fautes que l'on
pourrait attribuer aux diverses parties. Il n'a pas fait son mea culpa,
lui-même. Il a distribué des blâmes, les uns légers,
les uns sévères, aux diverses parties en cause, dont certaines
constituent ses partenaires. Il ne s'est pas accusé lui-même.
Peut-être faut-il attribuer cette indulgence qu'il manifeste à son
propre endroit à la courte période qui s'est
déroulée depuis qu'il a pris en main ce dossier.
Mais il reste que, dans les fautes, dans les reproches que le ministre
faisait tout à l'heure à ses partenaires, on pourrait
peut-être ajouter
des circonstances à ce point atténuantes que le reproche
même pourrait disparaître. Le ministre disait par exemple qu'il
avait eu l'impression que les syndicats n'étaient pas
intéressés à une solution négociée. Je
voudrais lui demander: ces pourparlers car je n'ai jamais employé
le mot négociation qui se sont déroulés depuis deux
mois constituaient-ils vraiment une véritable négociation? Une
négociation, à mon humble avis, ne peut être menée,
avec le sens que l'on donne à ce terme, que si les partenaires qui
négocient se situent dans un climat de liberté,
c'est-à-dire dans le cadre des droits qui leur sont reconnus par la
loi.
Quand un employeur négocie avec un syndicat et que les deux
partenaires ont l'un le droit de lock-out et l'autre le droit de grève,
ceci constitue une arme qu'ils ne sont pas obligés d'utiliser.
Ils ne veulent probablement pas l'utiliser, mais ils peuvent en faire
état au moment où les négociations deviennent difficiles.
C'est cela, une véritable négociation, c'est-à-dire une
situation où les deux partenaires se trouvent dans une position
d'égalité par rapport à la loi, par rapport aux outils,
aux instruments, aux armes même qui sont à leur disposition
lorsque arrivent des moments de crise dans les négociations.
Peut-on dire que, durant les deux mois qui viennent de se passer, les
partenaires syndicaux avaient à leur disposition ces armes, ces
mécanismes, ces outils qui auraient fait de leurs pourparlers de
véritables négociations? Je ne le crois pas, et nous l'avons dit
en son temps. Je pense que cela constitue une circonstance très
atténuante à la volonté faible que le ministre dit avoir
constaté d'aboutir à un accord par ce qu'il continue d'appeler
une négociation.
Si les droits des syndiqués ne leur avaient pas été
enlevés, il est possible qu'ils se seraient montrés beaucoup plus
intéressés à en arriver à une solution
négociée, même avec un délai qui leur aurait
été imparti en raison d'une loi qui aurait pu remplacer la loi
19. On est donc obligé de constater que, depuis le 22 avril 1970, nous
avons assisté à un simulacre de négociation entre les deux
parties, à une pseudo-négociation et non pas à une
véritable négociation. Ce que nous avons vu, ce sont des
pourparlers qui se sont déroulés dans une atmosphère
qu'avait viciée le retrait de droits fondamentaux auxquels les
syndiqués, dans notre province, sont habitués depuis très
longtemps.
Maintenant, le gouvernement, non content d'avoir adopté cette loi
19 veut rédiciver. Il repousse encore indéfiniment le droit de
grève, il repousse indéfiniment l'adoption d'un décret, il
repousse indéfiniment les articles du code du travail qui garantissent
aux partenaires leurs droits fondamentaux. Nous l'avons dit il y a deux mois et
nous le répétons aujourd'hui: II nous semble absolument
incompréhensible que le gouvernement traite d'une façon aussi
cavalière ses propres lois, quand il se rend compte qu'elles ne font
plus son affaire ou ne font pas son affaire. Ce que nous avons dit nous
le répétons c'est que, si le gouvernement n'aime pas la
loi qui régit les conventions collectives, particulièrement dans
les secteurs public et parapublic, qu'il la change, qu'il la modifie, mais
qu'il le fasse avant qu'une négociation collective soit engagée
ou après, mais pas pendant. Ce n'est pas pendant une négociation
que l'on change les règles du jeu. Ce n'est pas au cours d'un
affrontement qu'on change de monture. Ce n'est pas alors qu'on est dans une
situation difficile qu'un des partenaires, utilisant sa force, change les
mécanismes qui constituent le cadre habituel et sécurisant que
possèdent des citoyens ou des groupes par de nouvelles mesures qui font
davantage son affaire.
Cela nous semblait incompréhensible. Comme la situation n'a pas
été corrigée dans le projet de loi que nous
présente maintenant le gouvernement, il ne nous est pas plus possible de
l'accepter aujourd'hui qu'il ne nous était possible de l'accepter
hier.
Nous avons même, pour motiver ce refus, des raisons
additionnelles, car cette loi, malgré ce qu'en a dit le ministre
qu'elle est plus souple, qu'elle nous rapproche davantage d'une solution
négociée, qu'elle fait le départage entre ce qui peut
faire l'objet d'un décret ou d'une autre solution nous parait
pire que celle que nous a présentée le gouvernement, il y a deux
mois.
En effet, la loi no 19 prévoyait que si le gouvernement n'avait
pas présenté son décret au 30 juin 1972, la partie
syndicale reprenait ses droits et en particulier son droit de grève. Il
était, bien sûr, improbable que le gouvernement ne consente pas
à établir un décret avant cette date du 30 juin,
étant donné qu'il espérait, contre toute espérance,
pouvoir en arriver à une solution négociée dans les deux
mois qui devaient s'écouler. Mais il reste que ces espoirs
s'étant avérés illusoires, il acceptait implicitement, par
le projet de loi no 19, que le 30 juin 1972, si le gouvernement avait
résolu de ne pas présenter de décret, la partie syndicale
retrouvait ses droits fondamentaux, alors que dans le présent projet de
loi, il est maintenant absolument certain que la partie syndicale ne
possède plus son droit de grève, quels que soient les incidents
de parcours, quel que soit le résultat des négociations ou des
pourparlers, quelle que soit, en somme, l'alternative à laquelle chacune
des parties puisse se résoudre. Dans aucun cas, la partie syndicale ne
retrouvera ses droits fondamentaux avant l'expiration de la prochaine
convention collective, c'est-à-dire ou en 1974 ou peut-être
même en 1975.
C'est donc tomber de Charybde en Scylla, c'est corriger un mal par un
mal plus grand, c'est l'abolition et non plus la suspension d'un droit de
grève qui avait été consenti par un gouvernement
précédent, libéral de surcroît, à la partie
syndicale. C'est donc une régression
qui, cette fois, est définitive, car il ne suffit pas
d'être grand clerc pour prévoir que le gouvernement actuel,
lorsque le moment arrivera pour lui de reprendre ce chapitre de la
négociation collective dans le secteur public, n'accordera plus le droit
de grève à la partie syndicale.
Il est donc évident que la partie syndicale peut maintenant faire
son deuil définitif d'un droit qui lui avait été consenti
par une législation antérieure avant même que toutes les
preuves aient été faites que l'application de ce droit de
grève se heurtait dans tous les cas infailliblement à des
échecs qui nécessitaient des lois d'exception. On n'a pas
donné toutes les chances possibles à cette législation
antérieure de produire ses effets d'autant plus que, dans les deux
exemples de négociation antérieure, on avait réussi
à régler sans loi d'exception. Ce n'est que ce gouvernement qui
n'y est pas arrivé. Et, à la suite de cette expérience
malheureuse, il conclut que ce droit de grève est tellement
délicat, difficile, impossible d'application qu'il faut non plus
seulement le suspendre mais l'abolir définitivement.
En ce sens, cette loi, malgré ses apparences anodines, nous
parait encore plus désastreuse que celle qui l'a
précédée. D'ailleurs, ce n'est pas seulement en raison de
ce que je viens de dire que cette loi nous paraît difficile à
accepter. Le ministre non seulement se décerne des certificats de
sagesse, par cette loi, mais, en plus, s'octroie la discrétion la plus
complète et la plus absolue dans le règlement du présent
conflit.
Je le voyais tout à l'heure passer rapidement, facilement, d'un
chapeau à l'autre.
C'est un peu comme dans la pièce l'Avare, de Molière,
où le professeur de philosophie change son chapeau pour celui du
professeur... Ce n'est pas l'Avare?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est Maître Jacques.
M. LAURIN: Dans quelle pièce?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans l'Avare.
M. LAURIN : Maître Jacques passe facilement d'un rôle
à l'autre en changeant simplement de chapeau. Ceci est plus vite dit que
fait, car le ministre du Travail ne peut pas oublier les tensions, les
frustrations qu'il a pu éprouver en tant que ministre de la Fonction
publique. A moins qu'on puisse le canoniser et le mettre immédiatement
sur les autels, ce à quoi je consentirais, si le ministre m'en fait la
demande, étant donné la haute appréciation que j'ai de ses
talents.
Mais, la nature humaine étant ce qu'elle est, il est très
difficile d'oublier, lorsqu'on coiffe un nouveau chapeau, les opinions, les
préventions et même les préjugés que l'on a pu
accumuler dans son autre fonction. Je dirais même qu'en raison des
définitions qu'a données le double ministre de ses fonctions la
chose serait encore plus difficile. Lorsqu'il parle en tant que ministre de la
Fonction publique, il nous donne l'impression de défendre le
gouvernement tout entier, de défendre la stabilité, la politique
salariale, l'échelle salariale, les appariements, une sorte de
mécanique très compliquée, très complexe, difficile
et qu'il importe de défendre parce que, si une brèche est
effectuée dans un des angles, tout l'édifice peut tomber.
On comprend que le ministre de la Fonction publique fasse montre
d'intransigeance, de sévérité, de dureté même
parfois, car on sent que la politique qu'il défend est une sorte de
pierre d'angle sur laquelle reposent, du moins jusqu'à un certain point,
les autres ministères. La définition qu'il donne de son
rôle en tant que ministre du Travail est, au contraire, toute pacifique,
médiatrice, conciliatrice. Il est là pour empêcher les
crises de pourrir, de s'éterniser, d'amener à des affrontements
sociaux. Son rôle, en ces matières, est d'amener une solution
négociée là où des affrontements menaçaient.
C'est un rôle pacifique, lénitif. Mais le ministre ne court-il pas
le risque, en prétendant vouloir passer aussi facilement d'un rôle
à l'autre, de se retrouver dans la situation de ce héros du livre
de Stevenson, Doctor Jekyll and Mr. Hyde, où, à la longue, les
traits de M. Hyde se sont imposés contre la volonté même du
docteur Jekyll à ce personnage unique qu'au fond il constitue?
Il est vrai qu'avec la nature humaine qui est la nôtre, le mal, si
on n'y prend garde, finit par chasser le bien, si on ne prend pas toutes les
précautions que les moralistes chrétiens nous ont
recommandés depuis très longtemps pour que la vertu se trace le
chemin qu'elle doit.
Pour ma part, je crains beaucoup que, dans cette double fonction de
ministre de la Fonction publique et de ministre du Travail, ce soit quand
même un peu trop parfois le ministre de la Fonction publique qui montre
le bout de l'oreille et peut-être l'oreille tout entière lorsque
arrivera le moment de décider, comme le dit le projet de loi, si les
négociations ne peuvent plus conduire à une entente, si elles ne
se poursuivent plus avec diligence et avec bonne foi.
Ceci me parait très dangereux, car, en fait, en vertu de cette
loi, c'est le double ministre qui sera responsable du moment où le
décret devra être adopté. C'est lui qui décidera
avec ses limitations, avec ses contraintes, avec ses faiblesses, avec le
résultat de tous les incidents qui auront pu frapper son imagination,
qui pourront emporter sa conviction. C'est lui qui décidera, avec son
double consentement de ministre du Travail et de ministre de la Fonction
publique, si le moment est venu de changer les règles du jeu, encore une
fois, d'interrompre les pourparlers et de procéder à l'adoption
du décret.
S'en remettre à la discrétion complète, arbitraire
d'un ministre, tout aussi vertueux qu'il
soit, me paraît un grave danger pour les droits syndicaux, un
grave danger aussi pour l'ordre public, car c'est presque un retour à ce
gouvernement de la majorité par un seul, c'est presque un retour au
gouvernement royal, au gouvernement par ukase, au gouvernement par diktat. Nous
sommes obligés de donner d'avance un blanc-seing, carte blanche au
ministre pour décider de ce moment alors que bien d'autres opinions
pourraient prévaloir, pourraient être entendues sinon
prévaloir, à l'effet que ce moment n'est peut-être pas
aussi opportun que le ministre l'aura décidé.
C'est donc là une grave faiblesse, M. le Président. Mais
il y en a une autre qui est peut-être plus grave que la première.
Car non seulement, par cette loi, le ministre s'arroge la liberté de
décider du choix de l'heure où le décret devra remplacer
la négociation, mais il va beaucoup plus loin. Il s'arroge
également une discrétion absolue en ce qui concerne le contenu du
décret. C'est lui, par exemple, qui va décider si telle partie de
la négociation devra faire l'objet d'un décret et si telle autre
partie devra faire l'objet d'une négociation qui se continue. C'est lui
qui devra décider de quelle façon, dans certains cas, une
impossibilité d'en arriver à une solution négociée
sera tranchée par un mécanisme prévu au décret, par
exemple, l'arbitrage.
C'est donc aller beaucoup plus loin que le choix du moment. C'est au
fond, décider de tous les éléments qui constituent le
dossier de la négociation dans les secteurs public et parapublic.
Encore une fois, malgré toute l'estime que j'ai pour le ministre,
est-ce qu'il n'est pas possible que des mauvaises langues puissent lui
prêter des intentions machiavéliques à ce moment? Par
exemple, à supposer que le ministre décide d'établir par
décret la sécurité d'emploi, mais qu'il laisse le
problème de la définition du poste à la négociation
et, ensuite, à l'arbitrage. Des mauvaises langues pourront dire: Ah! le
problème de cette définition du poste s'est posé dans les
négociations antérieures à de multiples reprises. Il a
donné lieu à des contestations passionnées. Les
conventions antérieures l'ont réglé à l'avantage
des salariés, dans un très grand nombre de cas. Remettre en
question ces avantages acquis, remettre en question ces gains qui ressortent de
conventions antérieures est quelque chose de passablement odieux, de
passablement délicat, difficile, même si des considérations
budgétaires, même si des considérations administratives
paraissent les justifier. Les mauvaises langues pourront dire alors: Le
ministre du Travail connaît trop ces problèmes pour aller
trancher. Il en connaît trop la complexité. Il connaît trop
l'histoire qui a précédé l'obtention de ces droits acquis.
Il n'en parlera pas dans le décret. Il rejettera sur d'autres l'odieux
d'un règlement. Il rejettera l'odieux de ce règlement sur un
arbitre que les parties pourront nommer et qui rendra une décision. Si
la décision mécontente gravement l'une des parties, si la
décision paraît aller à l'encontre de droits acquis, on
n'aura qu'à s'en prendre à un arbitre et non plus au ministre du
Travail, et non plus au ministre de la Fonction publique, et non plus au
gouvernement qui n'aura pas à en supporter les conséquences au
point de vue électoral.
Cet article donne au gouvernement une latitude extrême pour se
débarrasser, encore une fois, d'une façon savante, d'une
façon retorse, de problèmes qu'il trouve trop difficiles à
régler ou qu'il trouverait odieux d'assumer entièrement,
lucidement et avec candeur.
Ce n'est qu'un exemple, M. le Président, que j'apporte, mais,
connaissant la nature humaine, je suis sûr, d'avance, qu'il y aura des
mauvaises langues et que des accusations de ce genre seront portées, et
contre le ministre, et contre le gouvernement. Je voudrais empêcher
jusqu'à la possibilité que des mauvaises langues s'attaquent
ainsi à un de mes ministres préférés. Je voudrais
éviter jusqu'à la possibilité qu'on accuse le gouvernement
de machiavélisme, car je sais que bien peu de ses ministres ont lu
Machiavel et sont capables de s'en inspirer dans leur politique quotidienne.
Mais, comme il vaut mieux prévenir que guérir, j'aimerais mettre
en garde le gouvernement contre cette possibilité qu'il s'accorde de
décider qu'est-ce qui fera l'objet d'un décret, qu'est-ce qui ne
fera pas l'objet d'un décret, qu'est-ce qui fera l'objet d'une solution
négociée ou d'une solution autre que celle que nous connaissons
actuellement.
D'ailleurs, ce n'est pas le seul reproche que les mauvaises langues
pourraient faire au gouvernement. Non seulement pourrait-on lui faire le
reproche que je viens de mentionner, mais on pourrait aussi dire que le
gouvernement se réserve cette arme afin de pouvoir diviser davantage le
champ de ses opposants, qu'il se réserve cette arme pour mieux
émietter le front commun des oppositions qu'il rencontre. Car on se rend
bien compte que ce front commun est constitué de centrales syndicales
qui ne défendent pas les mêmes catégories d'employés
et qui n'ont pas les mêmes objectifs. C'est un secret de polichinelle
d'affirmer que les enseignants étaient bien plus
préoccupés, par exemple, de sécurité d'emploi que
de revendications salariales. C'est un secret de polichinelle de dire que les
employés de la CSN étaient beaucoup plus préoccupés
du salaire minimal de base que des échelles supérieures de
salaires. On peut penser qu'en se réservant ce droit, en se
réservant ce pouvoir de couper des morceaux de décret, le
gouvernement se réserve l'avantage de régler graduellement,
morceau par morceau, le problème. Une fois qu'il a réglé
une partie du problème qui peut contenter un des partenaires du front
commun, celui-ci, se sentant satisfait, perdra de son ardeur, perdra de sa
motivation, sera moins intéressé à entretenir la
cohésion qui existait avant qu'aucune concession ne lui soit faite.
On peut donc penser des mauvaises langues le diront
sûrement que le gouvernement se réserve ainsi une
façon de lutter, qui n'est pas trop catholique, contre les partenaires
avec lesquels il doit négocier. C'est peut-être une façon
qui . n'est pas acceptable moralement, même si elle peut être
acceptable dans un climat plus sauvage que celui que nous connaissons au
Québec.
C'est donc, M. le Président, un privilège qui nous semble
indu que le gouvernement s'accorde par cette loi, lorsqu'il décide qu'il
aura le choix de l'heure et des moyens. C'est un pouvoir absolument
discrétionnaire, un pouvoir absolument arbitraire, dont il pourra user
comme il le voudra, au moment où il le voudra, pour les fins qu'il
poursuit, dont certaines seront peut-être reconnues, mais dont certaines
autres ne seront pas connues parce que le gouvernement n'oserait pas les
dévoiler, tellement elles pourraient faire partie de sa tactique.
C'est justement pour éviter des tentations au gouvernement,
autant que pour éviter ces reproches de la population, que nous
demandons au gouvernement de bien réfléchir avant d'adopter ce
projet de loi.
J'ai dit tout à l'heure que le règlement de ce conflit
n'avait progressé qu'à pas de tortue depuis deux ans. La preuve
en est d'ailleurs que, comme je le disais tout à l'heure, il n'y a qu'un
seul point qui soit davantage élucidé à la fin de juin
qu'à la fin d'avril, c'est le problème de la
sécurité d'emploi.
Je me serais attendu que, dans sa présentation en deuxième
lecture, le ministre en profite pour nous brosser un tableau encore plus
candide, encore plus complet de la situation, en ce qui concerne les autres
points contestables ou contestés du problème. Par exemple, le
problème de la masse salariale, le problème du salaire de base,
le problème de la définition du poste, le problème des
droits acquis dont ne parle pas le projet de loi, malgré toutes les
considérations que nous avons faites lors de l'adoption de la loi 19.
Nous y reviendrons d'ailleurs en commission plénière. Et enfin
celui des avantages sociaux, c'est-à-dire celui du régime de
retraite et de l'assurance-salaire.
Incidemment, avant que la loi 19 ne soit adoptée, le gouvernement
nous disait que son offre était finale, qu'il avait atteint le fond du
baril. Nous avons maintenant l'impression que nous avions bien fait de ne pas
prendre cette déclaration à la lettre. Dans sa déclaration
de tout à l'heure, le ministre nous a avoué
peut-être sans s'en apercevoir que, aux demandes qui lui
étaient faites, par la partie syndicale, d'étaler davantage ses
propositions en matière d'assurance-maladie, et surtout de fournir
à la partie adverse les données sur lesquelles s'appuyait la
proposition patronale d'assurance-maladie, il nous a avoué qu'il ne
possédait pas toutes ces données, que certaines de ces
données lui paraissaient inutiles, mais les autres n'auraient pu
être colligées qu'après trois ou quatre mois.
Ceci montre bien, rétrospectivement, que le ministre des Finances
n'avait pas raison de dire qu'il avait atteint le fond du baril, qu'il y avait,
à l'encontre de ce qu'il disait, matière à examen plus
approfondi, et matière à un examen qui aurait pu s'étaler
davantage dans le temps, puisque le ministre vient de nous dire que sur ces
deux problèmes importants, il n'avait pu fournir à la partie
syndicale toutes les données dont la partie syndicale avait besoin pour
évaluer de la façon qu'il convenait les propositions
gouvernementales.
Je dirais que l'intervention de deuxième lecture du ministre,
à cet égard, a manqué déplorablement de
transparence, pour employer un mot qu'un pape du journalisme affectionne, car
cette transparence s'impose plus que jamais, ne serait-ce que pour
atténuer ce climat de méfiance dont je faisais état au
début de mon intervention. Le ministre du Travail, d'ailleurs, nous a
toujours accoutumés à une très grande transparence, une
transparence qui, d'ailleurs, ne fait pas toujours les délices de ses
collègues ou du chef de son gouvernement.
Mais voilà précisément un domaine où cette
transparence s'avérerait absolument nécessaire. Le ministre
peut-il nous dire si la proposition du ministre des Finances, il y a deux mois,
en ce qui concerne la masse salariale et le salaire de base, était
véritablement finale, définitive? Peut-il nous dire si le
gouvernement n'a pas d'autres offres, d'autres concessions monétaires
à faire à la partie adverse?
Peut-il nous le dire, comme il l'entend, comme il le pense? Peut-il nous
parler des contraintes qui empêcheraient le gouvernement d'augmenter les
offres qu'il fait à la partie syndicale? Peut-il nous dire, avec
candeur, d'une façon définitive, la conception que le
gouvernement se fait du poste, quels sont les droits acquis qu'il entend
conserver à la partie syndicale et quels autres il voudrait remettre en
question? Peut-il nous dire, enfin, d'une façon définitive,
à quel moment on pourra véritablement aborder la discussion des
régimes qui traitent des avantages sociaux, afin qu'au moins la
population sache, un peu à l'avance, où on s'en va avec ces
pourparlers, quelles sont les positions en présence et quelles chances
de règlement nous possédons?
Au lieu de cela, M. le Président, nous sommes bien obligés
de constater qu'après son discours, comme après ces deux mois,
nous ne sommes guère plus avancés qu'avant. La seule chose qui
transparaît avec évidence de ce projet de loi, c'est que le
gouvernement veut mettre toutes les chances de son côté, aussi
bien les chances administratives que les chances financières et
électorales.
Il nous semble que cela est difficilement acceptable, un peu comme si le
gouvernement il ne le dira pas car il ne veut pas dévoiler toutes
ses intentions comptait sur la fatigue de la population, aussi bien que
sur la fatigue de l'Opposition, qui n'en peut plus de discuter de ce
problème ad infinitum, pour amener un
règlement qui soit à sa guise, qui soit conforme à
ce qu'il a toujours voulu, en passant pardessus les arguments de saine logique
qui doivent présider, quand même, à des discussions de ce
genre. On sent que le gouvernement veut arriver à ce résultat de
toutes les façons, en utilisant tous les trucs possibles du
métier.
Il veut y arriver en séparant les problèmes, en mettant
d'un côté ceux qu'il se sent capable de régler par
décret; d'un autre côté, ceux qu'il ne veut pas
régler par décret. Il veut le faire en. épuisant les
partenaires, c'est-à-dire en les laissant s'épuiser à
négocier ou à entrer en pourparlers avec une épée
sur la tête, une épée dans les reins, jusqu'à ce
que, affaiblis, usés, épuisés, les partenaires, de guerre
lasse, consentent à la position du gouvernement.
Aussi, le gouvernement veut régler, semble-t-il, en cachant les
vrais problèmes qui sont à la base de cette crise que nous avons
connue dans le secteur public. J'ai parlé, tout à l'heure, de la
masse salariale.
Il est certain que si le contentieux constitutionnel était sinon
réglé, du moins en voie de règlement, si le gouvernement
n'était pas sans cesse envahi par les initiatives
fédérales en matière financière, si, en somme, sa
marge de manoeuvre n'était pas aussi mince, aussi étroite, s'il
pouvait avoir à sa disposition une portion plus grande du gâteau
fiscal et des subventions fédérales, je n'ai aucun doute qu'il se
serait montré plus généreux dans ses offres salariales et
que ceci aurait contribué, d'une façon très importante, au
règlement rapide de ce conflit.
Je pense aussi que s'il avait été possible au
ministère des Affaires sociales d'élaborer une politique de
sécurité sociale qui compense par le biais de la loi sociale les
insuffisances de la politique salariale du gouvernement, il aurait
été beaucoup plus facile d'en arriver à un
règlement et de contrer les arguments qui lui ont souvent
été présentés par la partie syndicale en ce qui
concerne les injustices sociales dont de larges portions de notre population
font actuellement les frais. C'est précisément parce que nous ne
possédons pas, que le Québec ne possède pas ces ressources
fiscales, parce que les querelles constitutionnelles s'éternisent dans
le champ de la sécurité sociale que le gouvernement se trouve
dans une position de négociation à ce point difficile.
C'est le fond du débat, le ministre n'en a pas parlé. Je
sais qu'il a des opinions là-dessus, mais pour se faire une juste
idée de son projet, il importerait quand même qu'on en fasse
état. En somme, par ce projet de loi il nous semble que le gouvernement
ne prend pas ses responsabilités. Il a mis fin à une grève
il y a deux mois mais, en contrepartie, il s'engageait à adopter un
décret; il a fait son lit, à ce moment-là. Pourquoi
n'a-t-il pas adopté de décret? Pourquoi n'a-t-il pas voulu
prendre sur ses épaules l'odieux de cette mesure qui était le
corollaire presque nécessaire de la position qu'il avait prise en
mettant fin à la grève? On le sent trop bien, on peut
soupçonner trop bien les raisons pour lesquelles maintenant il se refuse
à accepter les conséquences odieuses et draconiennes du geste
qu'il a posé il y a deux mois.
Il nous parait ne pas vouloir assumer ses responsabilités. Il
nous paraît vouloir les diluer au point de reporter à l'infini, en
avant de soi, une solution que l'on espère juste, bien sûr, mais
qui aura surtout l'avantage de libérer le gouvernement du fardeau dont
il s'est lui-même chargé, un fardeau qu'il trouve de plus en plus
difficile à supporter et dont il réalise maintenant la
portée au point de vue électoral. Le gouvernement, par ce projet
de loi, fait tout pour noyer le poisson qu'il a lui-même
créé; il faut tout pour éviter, un jour, d'être
jugé sur les gestes qu'il a posés tout au long de la
négociation et surtout qu'il a posés lors de l'adoption de la loi
19.
Il me semble que c'est le rôle de l'Opposition d'essayer de
comprendre ce que ne contient pas un projet de loi, ce qu'on veut cacher dans
un projet de loi, d'essayer d'étaler au grand jour les tenants et les
aboutissants secrets d'une mesure gouvernementale. C'est le rôle que nous
avons voulu assumer, que nous continuerons d'assumer, même si le
gouvernement n'aime pas cette attitude et même s'il essaie d'y
répondre avec les arguments qui lui paraissent opportuns.
Pour notre part, ceci nous paraît corriger un mal, celui de la loi
no 19, par un mal plus grand encore et dont la suite des
événements nous fera connaître véritablement toute
l'étendue. C'est la raison pour laquelle lorsque nous avons
à choisir entre deux maux il faut choisir le moindre nous
préférions, malgré tout, la loi no 19 à ce projet
de loi no 53 qui en étend les effets, qui les complique sans en corriger
aucun. C'est la raison pour laquelle nous accueillons avec la plus
extrême des réserves cette loi qui nous est
présentée aujourd'hui et que nous y voyons un bloc
enfariné qui ne nous dit rien qui vaille. Nous espérons que tous
les membres de l'Opposition sauront oublier, pour un moment, leur fatigue, leur
hâte de partir en vacances pour accorder à ce projet de loi toute
l'attention qu'il mérite et pour essayer de l'améliorer dans
toute la mesure du possible.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.
M. Francois Cloutier
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, les discours les plus
longs n'étant pas toujours les meilleurs, j'en aurai pour une dizaine de
minutes. Il est six heures moins cinq, peut-être serait-il plus sage de
considérer qu'il est six heures, par un artifice que le règlement
nous permet.
M. LE PRESIDENT: Je pourrais proposer aux honorables membres de cette
Chambre ou bien de considérer qu'il est six heures ou bien
d'accepter à l'unanimité de poursuivre nos travaux
jusqu'à six heures cinq.
M. ROY (Beauce): M. le Président, en ce qui nous concerne, nous
serions prêts à entendre l'honorable ministre, pour qu'il ait le
temps de terminer son observation.
M. LE PRESIDENT: Vous seriez prêts à continuer?
M.LESSARD: M. le Président, pour notre part nous serions...
M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne reconnais pas qu'il est
six heures. On doit quand même admettre qu'il est six heures moins
cinq.
M. LESSARD: Je voudrais aussi faire remarquer au ministre que les
réponses les plus longues ne sont pas toujours les meilleures.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme il n'y a pas consentement unanime,
pour reconnaître qu'il est six heures et comme il n'y a pas consentement
unanime pour continuer jusqu'à six heures cinq, je vais être
obligé de demander au ministre de parler pendant cinq minutes et de
continuer par la suite.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, je désire d'abord
remercier l'assemblée de sa collaboration. Je crois de mon devoir,
à titre de ministre de l'Education, d'intervenir dans un débat
aussi important. En effet, il ne faudrait pas que l'on pense que je reste
absent de ce qui se passe en ce moment, bien au contraire. Je voudrais
cependant préciser que, comme je devrai m'interrompre à six
heures, je ne transige plus pour dix minutes et j'ai l'intention d'utiliser,
à la reprise, tout mon temps. Temps que je compte d'ailleurs consacrer
aux préliminaires de mon discours.
Le projet de loi no 53 vise un objectif: celui de corriger ce que la loi
no 19 pouvait avoir de radical. Il était normal qu'elle le fût
puisqu'elle répondait à une situation d'urgence. Le gouvernement
manifeste son à-propos et son appréciation de la situation en
voulant y apporter certains assouplissements.
Ces assouplissements sont de deux ordres. Il y a des assouplissements
qui touchent les échéances et qui permettront au ministre de la
Fonction publique de présenter un décret, si nécessaire,
après le 3 août.
Ces assouplissements touchent également les mécanismes.
Ces mécanismes, pour bien manifester la volonté toujours
exprimée du gouvernement de négocier, permettent au ministre
responsable de décréter certaines parties, si nécessaire,
tout en continuant de négocier d'autres parties de la convention
collective.
Ils lui permettent, en quelque sorte, de procéder par
décret seulement s'il n'est pas possible, à son jugement,
d'arriver à des solutions. Ils permettent également de maintenir
ce qui est acquis et de tenir compte des clauses paraphées jusqu'ici. Le
projet de loi no 53 confère au ministre du Travail des pouvoirs
considérables. Je crois que le député de Bourget a eu
raison de le souligner.
Il me paraît, quant à moi, normal, dans une
négociation aussi délicate, dans une négociation aussi
difficile, dans une négociation aussi complexe, que le ministre
responsable ait ses coudées libres et une certaine marge de
manoeuvre.
Mais ce qu'il convient de retenir, par rapport à ce jugement du
député de Bourget, c'est que les contenus des mandats, ainsi que
le contenu de l'éventuel décret ne seront pas
déterminés par le ministre de la Fonction publique ou le ministre
du Travail. Ils seront déterminés par le lieutenant-gouverneur en
conseil, c'est-à-dire par le conseil des ministres où
siègent les ministres impliqués dans cette négociation,
particulièrement le ministre des Affaires sociales et le ministre de
l'Education. Il s'agira donc il convient de le souligner très
clairement d'une décision collective.
J'ai l'intention, à la reprise de cette séance, d'aborder
les contenus du point de vue de l'éducation. En effet, il semble que ce
soit le secteur, actuellement, où se produisent le plus d'accrochages.
J'ai l'intention de le faire à partir d'un contexte qui est celui de
notre système d'éducation. Les orateurs qui m'ont
précédé ont évoqué le problème de la
sécurité d'emploi, problème extrêmement important
sur lequel je reviendrai également. Mais, avant de le faire, je
désire, justement, bien déterminer quel est notre système
d'éducation et dans quelle optique il convient d'évaluer cette
question de la sécurité d'emploi.
M. le Président, je demande la suspension du débat.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt
heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 20
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable député d'Ahuntsic.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, avant la suspension de
la séance, j'avais commencé mon intervention dans le cadre du
débat de deuxième lecture du projet de loi no 53. J'avais
exposé les objectifs qu'il vise. J'avais également
souligné les assouplissements qu'il apporte par rapport à la loi
no 19. J'avais enfin discuté des pouvoirs qu'il donne au ministre du
Travail, en indiquant bien que la définition des mandats ainsi que des
contenus d'un éventuel décret relèverait du conseil des
ministres, comme il se doit. Enfin, j'avais dit qu'il me paraissait
nécessaire, en ma qualité de ministre de l'Education,
d'intervenir même si j'étais resté, jusqu'ici, plutôt
silencieux, ceci de manière à respecter notre régime des
relations de travail et à ne pas nuire à une négociation
aussi délicate que difficile.
M. le Président, les orateurs qui m'ont
précédé je l'ai d'ailleurs souligné
ont évoqué la question de la priorité d'emploi. C'est
là, en effet, le point qui parait le plus important, puisque les
difficultés de cette négociation semblent se situer surtout dans
le secteur de l'éducation. Pour en parler d'une manière
adéquate, j'avais ajouté qu'il me paraissait nécessaire de
situer le problème dans son contexte, c'est-à-dire par rapport au
système d'éducation qui est le nôtre.
En effet, M. le Président, quel est-il, ce contexte? C'est celui
d'un système décentralisé par rapport à un
système unitaire.
C'est celui qui comporte une instance centrale, le ministère de
l'Education, et des instances décentralisées constituées
par notre régime des commissions scolaires et des corporations des
CEGEP. Il y a là un modèle unique au monde, et qui est
particulier à l'Amérique du Nord, c'est un modèle qui
reconnaît des racines historiques auxquelles les Québécois
semblent très attachés.
C'est un système peut-être plus difficile à
administrer qu'un système unitaire, comme celui que l'on rencontre dans
de nombreux pays, en particulier la France. C'est un système qui
procède par délégation de responsabilités. Il ne
faut pas oublier que les droits des commissions scolaires sont établis
par toute une série de lois. Il en va de même d'ailleurs des
droits des corporations de CEGEP.
Il ne faut pas oublier que les commissions scolaires ont le pouvoir de
taxation. Il ne faut pas oublier non plus que tout récemment, le
gouvernement a voulu renforcer les pouvoirs des commissions scolaires par la
loi no 27, en permettant un regroupement en unités administratives plus
viables, plus faciles à administrer, et également en apportant un
style de gestion différent. Ceci, pour bien indiquer qu'on ne peut
discuter d'un problème comme celui de la sécurité d'emploi
si on ne le situe pas véritablement là où il doit
être. Il ne s'agit pas d'une notion qui doit être
évaluée d'une manière théorique; elle ne peut
l'être que par rapport au système dans lequel elle
s'insère.
Voilà par conséquent ce que je voulais dire et je
m'arrêterai là, puisque ce système qui est le nôtre
est connu de tous les députés de cette Assemblée.
Par rapport à ce contexte, nous nous trouvons en présence
de deux, séries d'impératifs, tout aussi importante l'une que
l'autre. Il y a d'une part l'autonomie que revendiquent les commissions
scolaires. Cette autonomie se traduit par le droit de gérance, en
particulier le droit d'engager et de congédier son personnel.
C'est là indiscutablement, par rapport à un système
décentralisé, un pouvoir nécessaire. En fait, il mettrait
en cause, s'il était brusquement supprimé, la cohérence
même de ce système.
H serait susceptible de créer des difficultés
peut-être plus graves que celles qu'on voudrait résoudre. Il y a,
cependant, M. le Président, une deuxième série
d'impératifs tout aussi importante, c'est cette sécurité
d'emploi que les enseignants, par l'intermédiaire de leur syndicat,
revendiquent actuellement.
Il ne s'agit pas là d'un faux problème. C'est une
inquiétude qui n'est pas liée seulement à la baisse de la
natalité que l'on invoque peut-être un peu trop facilement,
ignorant le fait qu'en démographie les choses changent souvent
rapidement. C'est davantage une attitude psychologique parmi les enseignants,
et il serait particulièrement maladroit de ne pas lui donner
l'importance qui lui revient.
Personne plus que le ministre de l'Education ne vise à avoir des
enseignants heureux de vivre dans leur système, heureux d'enseigner et
à l'aise par rapport aux activités et aux responsabilités
qui sont les leurs. Je pourrais démontrer avec statistiques à
l'appui que cette question de sécurité d'emploi a probablement
été dramatisée. En fait, il y a, cette année, au
moins 3,000 postes de plus à pourvoir et il faudra attendre quelques
années avant qu'il ne soit plus possible de réaffecter tous les
enseignants dans le système tel qu'il existe.
Cependant, on ne règle pas des problèmes personnels, des
problèmes individuels avec des statistiques. Même s'il y a
suffisamment de postes et même beaucoup plus pour les enseignants qui
sont là, cela n'empêche absolument pas que celui qui est mis
à pied a un loyer à payer, des enfants à nourrir et une
inquiétude qui ne cesse de le ronger dans une situation fluctuante. En
fait, je suis convaincu que ces mises à pied, qui se produisent
régulièrement chaque année et qui sont la
conséquence du système décentralisé, mais
également, peut-être, de certains aspects désuets de notre
législation, contribuent largement à ce sentiment
d'insécurité qui est à l'origine de la revendication
à laquelle nous avons à faire face. C'est donc dire,
M. le Président, que je crois qu'il faut apporter une solution
à cette question de sécurité d'emploi et que je me suis
solidarisé avec la décision qu'a prise le gouvernement.
Nous nous trouvons, par conséquent, en présence d'un
problème assez difficile à résoudre. D'une part, maintenir
la cohérence d'un système décentralisé et plus
difficile à administrer qu'un système unitaire; d'autre part,
tenir compte des revendications légitimes des enseignants.
Comme les choses seraient beaucoup plus faciles je le laissais
entendre il y a un instant s'il s'agissait d'un système unitaire!
A ce moment-là, les enseignants se retrouveraient exactement dans la
même position que les fonctionnaires du secteur public. Ils pourraient
être affectés, sans avoir d'ailleurs souvent ceci se passe
ailleurs le choix, un peu partout suivant les besoins.
Précisément parce que nous avons affaire à un grand nombre
d'unités administratives, nous avons réduit ce nombre à
189. Ceci constitue un élément qui va certainement permettre une
meilleure gestion de l'ensemble du système et diminuer les pressions que
l'on ressent actuellement lorsqu'on parle de cette question de
sécurité d'emploi.
Il reste tout de même que, par rapport au système unitaire,
les problèmes demeurent. Par conséquent, il faut tenter de
trouver une solution qui va préserver la cohérence du
système. Je n'hésite pas à dire qu'il y a pour moi des
principes que je maintiendrai, précisément parce que je pense que
l'enjeu est trop important. D'autre part, il faut concilier cette
nécessité avec la sécurité d'emploi qui me semble
s'imposer. Je ne crois pas que la différence soit tellement grande
à combler. En effet, j'ai l'impression que, sur le plan des principes,
tout le monde pourra s'entendre. C'est davantage sur le plan des
modalités qu'il faut trouver des solutions.
Je déplore le fait qu'il semble y avoir actuellement un certain
éloignement entre le gouvernement et ses partenaires,
c'est-à-dire les différentes fédérations
représentant les commissions scolaires ou les collèges,
partenaires qui font partie intégrante du système
d'éducation et qui en constituent l'infrastructure. Cet
éloignement me paraît être fort probablement temporaire si
chaque parti s'impose la recherche d'une solution dans un climat de confiance.
En effet, je souhaiterais là, peut-être vais-je verser dans
l'utopie que l'on puisse, tout en maintenant le principe dont je vous ai
parlé, se pencher sur les problèmes des enseignants tels qu'ils
les perçoivent.
Je souhaiterais que l'on puisse, sans modifier le système, en
arriver à des accommodements, à des aménagements de ce
droit de gérance, lequel doit être conçu de plus en plus
comme dans une approche collective. En effet, le gouvernement a une
responsabilité, le ministre du Travail l'a souligné. Cette
responsabilité n'est pas de se lier à une partie ou à une
autre.
Elle est justement d'en arriver à une approche globale qui
permette une solution dans l'intérêt collectif. Je parlais, il y a
quelques instants, d'un climat de confiance. Hélas! c'est ce qui manque
le plus.
Notre société est l'objet d'un manque de concertation
entre les différents groupes qui la constituent, qui risque d'être
tragique pour notre survie. Ce manque de concertation se traduit par une
espèce de démagogie, par une inflation verbale qui fait
qu'actuellement certains syndicats, utilisant une rhétorique
dépassée, remettent en cause les fondements mêmes du
système. Il est bien évident que ceci ne facilite pas une
approche véritablement réaliste à un problème
commun parce qu'enfin nous avons tous le même intérêt, et
quel est-il? C'est de faire marcher un système. Et pourquoi le faire
marcher? Pour le système lui-même? Jamais. Pour le bien des
enfants qui sont dans ce système. Notre société a consenti
un effort collectif colossal, nous dépensons encore $2 milliards par
année pour notre système d'enseignement, $1.5 milliard au
ministère de l'Education, $500 millions par les taxes des commissions
scolaires. Et cet effort colossal exigerait que toutes les énergies
soient galvanisées pour qu'on cherche des solutions, seraient-elles
inédites. Bien sûr, nous risquons de bouleverser certaines
habitudes et je.pense, pour ma part, que, si cette confiance pouvait être
ressuscitée tant soit peu, nous pourrions probablement, sur le plan des
modalités, tout en maintenant la cohérence d'un système,
en arriver à des solutions satisfaisantes. Mais ceci signifie que l'on
se débarrasse d'un certain nombre de prises de position et qu'on accepte
véritablement de négocier dans l'intérêt
général.
Je parlais du bien de l'enfant, on en parle de moins en moins,
semble-t-il. Quand je pense au bien de l'enfant, je pense aux parents, à
ces nombreux parents qui s'inquiètent, qui s'interrogent, qui ne
comprennent pas, qui ont été, j'irais presque jusqu'à dire
les premières victimes des changements très rapides que notre
société a connus, à ces parents qui s'étonnent
devant certaines attitudes venant de tous les milieux. Ils s'étonnent
d'une certaine politisation qui ne leur semble pas, à juste titre, dans
l'intérêt des enfants, qui doivent recevoir un enseignement de
qualité et également qui n'est pas axé vers une
idéologie plutôt que vers une autre.
Tout cela me paraîtrait véritablement pénible si
nous ne pouvions pas en arriver à une solution négociée
parce que nous avons véritablement tout en main si nous nous
plaçons dans ces lignes de force que je tente de vous décrire. Ma
position n'en est pas une de choix entre les partenaires du gouvernement, entre
les enseignants. A ce moment-là, je me trouverais à trop
m'introduire dans les négociations qui sont actuellement en cours.
Je crois que je ne prendrais pas véritablement mes
responsabilités.
Tout ce que je tente de faire actuellement, c'est de décrire le
problème tel qu'il se pose à mes yeux et c'est également
d'en tracer les limites. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de la
cohérence nécessaire d'un système en ajoutant qu'elle me
paraissait quand même, cette cohérence, pouvoir être
préservée, à la condition d'accepter certains
aménagements. Ces aménagements ne seront possibles qu'à la
condition également que l'autre partie, les enseignants, renonce
peut-être à certains oripeaux verbaux et acceptent de comprendre
qu'il leur faut rester logiques avec le système même, puisque leur
action est fondée sur ce système.
J'ai voulu raccrocher tout cela au bien de l'enfant. Si j'ai
parlé de cette espèce de perplexité de trop de parents,
c'est précisément parce que, quotidiennement, j'ai à en
prendre conscience. J'ai à tenter de les rassurer. J'ai à tenter
de leur faire comprendre qu'après ces efforts considérables que
notre société a tentés, nous avons maintenant un
système qui, malgré ses défauts, se compare plus
qu'avantageusement à ce que l'on rencontre un peu partout à
l'étranger.
C'est ce système, je conclus, que je crois qu'il faut
préserver dans le bien de l'enfant, non pour des idées
théoriques, mais précisément parce qu'il y a dans une
classe un certain nombre de jeunes en présence d'enseignants et que
cette rencontre ne peut se produire qu'à la condition qu'il existe un
certain nombre de normes, qu'on le veuille ou non, et qu'il existe un certain
nombre d'immeubles, qu'on le veuille ou non, et qu'il existe un certain nombre
d'orientations.
Un dernier appel : ne serait-il pas possible que tant les partenaires du
gouvernement, dans un effort de cohérence, que les enseignants acceptent
de se pencher sur le problème, non pas à la recherche d'un
affrontement mais à la recherche d'une solution réaliste? Merci,
M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. Jean-Noël Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il y a diverses
façons d'aborder l'étude d'un projet de loi. On peut, comme l'a
fait, cet après-midi, le député de Bourget, faire un
examen général de toute la question du droit du travail et
proposer des solutions qui ne sont pas d'ailleurs inédites et qui
avaient été proposées à maintes reprises en cette
Chambre par le chef de l'Opposition.
En effet, cet après-midi, dans le réquisitoire qu'il a
prononcé contre le ministre du Travail et contre son gouvernement, le
député de Bourget a soulevé, non sans raison, des
problèmes généraux qui se rattachent à la question
qui fait l'objet du projet de loi que nous avons à étudier
aujourd'hui.
Ce que je reproche à l'approche du député de
Bourget, c'est un manque de réalisme. Ce qu'il a dit, tout le monde
pourrait le dire, avec des nuances, bien entendu, et sous toute réserve
des idéologies politiques et des idéologies socio-politiques qui
sont celles des divers partis représentés en cette Chambre.
Cet après-midi, le député de Bourget s'est fait
nous l'avons compris, nous l'avons deviné le porte-parole
de gens qui sont à l'extérieur de cette Chambre et qui
préconisent un système socio-politique ou socio-économique
différent de celui dans lequel nous vivons aujourd'hui. Même s'il
n'a pas pris fait et cause de façon officielle pour les centrales
syndicales au nom desquelles il parlait, nous avons très bien compris
que sa pensée était inspirée par l'idéologie, les
théories ou les thèses qui sont diffusées depuis un
certain nombre d'années et depuis un certain nombre de mois surtout par
ces différentes centrales syndicales.
L'approche qui me parait la plus réaliste dans les circonstances,
c'est celle qui consiste à se demander si le gouvernement a raison
à ce moment-ci de nous demander d'approuver un projet de loi qui vise
à améliorer, a dit le ministre, la loi 19 encore que nous
en doutions qui vise, tout au moins, à donner au ministre un
délai qui lui permette, avant d'appliquer les derniers recours, de
tenter d'atteindre cet objectif de la solution négociée dont il
nous a parlé assez longuement cet après-midi et dont vient de
nous parler le ministre de l'Education.
Mon approche, à moi, sera donc une approche extrêmement
réaliste. Qu'est-ce qui se passe à l'heure actuelle? Qu'est-ce
qui s'est passé depuis le moment où nous avons adopté
nous savons dans quelles circonstances et avec quelles réserves
la loi 19?
Pour quelles raisons n'a-t-on pu en venir à une entente qui
pourrait s'appeler la solution négociée que cherchait à
obtenir de ses partenaires le ministre de la Fonction publique et le ministre
du Travail?
Il s'est passé bien des événements malheureux, sur
lesquels je ne veux pas insister. De part et d'autre je ne sais pas de
quel côté est le tort il semble que l'on ait engagé
un dialogue de sourds. Cela a commencé au moment où nous avons
convoqué la commission parlementaire de la fonction publique pour
entendre les parties, tel que la loi 19 nous demandait de le faire. Nous
n'avons pas entendu les parties. Nous avons entendu la version du gouvernement.
Du côté des centrales syndicales, il ne nous a pas
été possible d'engager un dialogue qui nous eût permis de
dénouer ce noeud gordien, afin de savoir exactement quels étaient
les points d'accrochage et quels pouvaient être les motifs, les raisons,
les faits concrets qui opposaient le gouvernement et ses partenaires, les
commissions scolaires, aux centrales syndicales réunies, à ce
moment-là, dans le front commun.
II y a eu, donc, absence de dialogue en raison de la façon dont
se sont déroulées les auditions devant la commission
parlementaire, auditions à sens unique, puisque le gouvernement a
été le seul à vouloir dialoguer avec les parlementaires
qui avaient été, pourtant, mandatés par la loi no 19
à le faire avec le gouvernement et avec les centrales syndicales.
Le ministre du Travail, devenu ministre de la Fonction publique, a
repris, depuis ce temps, les négociations. Il s'est commis
lui-même, il s'est engagé; il a engagé un dialogue avec les
parties en cause. Il semble, selon ce que le ministre nous a dit et selon ce
qu'il me disait encore cet après-midi, qu'aux tables sectorielles, dans
certains secteurs, les négociations se poursuivraient. Il y a la
question des enseignants qui constitue, au moment où nous parlons, le
problème fondamental qui oblige le ministre du Travail à
présenter le projet de loi qui est devant nous.
Qu'est-ce qui se passe? On a parlé, cet après-midi, de
méfiance, on a parlé de bonne foi, de mauvaise foi, etc. M. le
Président, lorsqu'on commence à engager le débat en le
situant à ce palier des intentions: mauvaise foi, bonne foi,
méfiance, manque de confiance, intentions cachées,
secrètes, sournoises, etc., je crois qu'on le situe justement au niveau
où il ne doit pas se trouver. Le gouvernement est investi de
l'autorité. Il parle au nom de la collectivité, en vertu du
mandat que le peuple lui a confié, et il a le devoir de régler un
problème dont dépend, en très grande partie, la vie
sociale, économique, éducative, de la collectivité
québécoise.
Il a, d'autre part, à discuter de ce problème de la vie
sociale, économique, éducative de la collectivité
québécoise avec des gens qui sont réunis, qui sont
groupés dans ce qu'on appelle des centrales syndicales.
J'entendais cet après-midi le député de Bourget
nous dire que le gouvernement avait commis des erreurs. Nous l'avons
déjà dit au gouvernement qu'il avait commis des erreurs. Nous ne
croyons pas devoir revenir sur le sujet ce soir.
Le ministre du Travail nous a dit pour sa part que ses partenaires, que
ce soit les syndicats ou les commissions scolaires, avaient eux aussi commis
des erreurs. Il faut donc que l'on reconnaisse que chacun a avoué ses
fautes, mais une fois qu'on a fait sa confession, il faut en arriver au ferme
propos et à la résolution de ne plus recommencer.
Qu'est-ce qui ne va pas à l'heure actuelle? Je pense qu'il y a,
sous-jacente à toute cette question des négociations, une
idéologie qui est véhiculée par des centrales syndicales,
par des chefs de centrales syndicales et c'est leur droit, je ne le conteste
pas, une idéologie sous-jacente qui est telle qu'elle voudrait, par le
moyen des négociations, changer un système
socio-économique.
Le gouvernement, pour sa part, représente une autre
idéologie dans ce domaine. Il est donc impossible, si on se place
à ce niveau des idéologies socio-économiques, de faire se
rapprocher deux parties qui ont comme responsabilités de négocier
ensemble un contrat de travail dont tous les citoyens du Québec seront
ou les bénéficiaires ou les victimes.
On a parlé de sécurité d'emploi cet
après-midi. On a parlé de salaire de base, de salaire minimal, de
la masse salariale, de définition de fonction, toutes choses absolument
importantes. Mais ces questions ne font pas l'objet du projet de loi qui est
actuellement devant nous. Le ministre nous demande de prolonger au-delà
du 30 juin, au-delà du jour qui va suivre celui-ci, le délai que
nous lui avions accordé en votant la loi 19, délai qui sera
prolongé jusqu'au 3 août, afin, pense-t-il, pendant cette
période de temps, de trouver les moyens d'en arriver à cette
solution négociée dont il a parlé cet
après-midi.
Si c'est cela l'objectif du projet de loi, je suis d'accord avec le
ministre et avec le gouvernement, indépendamment des autres
problèmes qui doivent être réglés, qui sont d'une
extrême importance, qui ont été évoqués par
le chef de l'Opposition, par le député de Bourget, comme ils
avaient été évoqués lors de l'examen de ce qui est
devenu la loi 19, indépendamment de l'importance de tous ces
problèmes. Il reste, à l'heure actuelle, que la solution
négociée, nous ne l'avons pas encore atteinte, qu'elle ne semble
pas apparaître bientôt à l'horizon. Elle nous paraît
plutôt reculer dans un futur qui peut être très
éloigné si le gouvernement n'assume pas, au nom des citoyens, au
nom de la collectivité, au nom de tous les travailleurs, une
responsabilité qui est celle de négocier la solution ou de
procéder par les moyens que le ministre nous avait demandés de
lui donner lorsque nous avons adopté la loi 19.
Le ministre nous demande de reporter au 3 août le délai
avant que le gouvernement n'intervienne par décret. Est-ce que le
ministre pense que ce délai d'un mois et qui correspond au
moratoire qu'avait proposé le chef de l'Opposition au moment où
nous avons étudié la loi 19 permettra le rapprochement
dont il a parlé? Est-ce que le délai permettra de régler
les points litigieux qui font que tout est bloqué à l'heure
actuelle? Est-ce que le ministre pense que ce délai le dispensera de
procéder par décret, tel qu'il est autorisé à le
faire en vertu de la loi 19?
J'estime pour ma part que le mois qui vient, malgré tout
l'optimisme dont je puisse faire preuve, ne sera pas suffisant à moins
que vraiment il n'y ait un retournement des choses et surtout un retournement
des esprits, parce que j'y reviens, M. le Président, ce n'est pas
actuellement un problème de négociation. C'est devenu un
véritable problème idéologique. Quand les chefs syndicaux
de la CSN ou de la FTQ ou de la CEQ nous disent qu'il faut absolument changer
le système, le jeter par terre et quand au surplus, ils ajoutent qu'il
faut abattre le gouvernement qui est actuellement au
pouvoir, je me dis qu'il leur est assez difficile de négocier
avec ce gouvernement puisqu'ils le rejettent et qu'ils rejettent en même
temps l'idéologie socio-économique et socio-politique que
défend le gouvernement.
Je m'interroge donc sur l'efficacité de ce délai
additionnel que réclame le ministre du Travail, parce que j'ai nettement
l'impression, j'oserais dire la conviction que ce mois additionnel ne sera pas
suffisant et que le gouvernement devra procéder par décret. M. le
Président, si le gouvernement allait devoir procéder par
décret, tout le monde le regretterait, tout le monde le
déplorerait, mais, je me pose la question: Qui veut le décret?
Est-ce le gouvernement ou est-ce que ce serait les parties autres que le
gouvernement qui le souhaiteraient?
C'est une question que nous sommes en droit de nous poser, étant
donné tout ce qui s'est dit à l'extérieur de cette
Chambre, étant donné l'allure actuelle des négociations et
l'infinité d'embûches que l'on tend constamment, jour après
jour, au ministre de la Fonction publique, au ministre du Travail et qui
l'empêchent d'atteindre les résultats qu'il escomptait lorsqu'il a
présenté la loi 19.
J'ai, j'ose le dire encore, la conviction que ce délai ne sera
pas suffisant et que le ministre devra, malgré sa répugnance
personnelle sans doute, malgré la répugnance de son gouvernement
et surtout malgré la nôtre, procéder par décret. A
ce moment-là, qui sera responsable? Qui sera responsable de la
détérioration du climat social, qui sera responsable de
l'amertume qui s'ensuivra? Qui sera responsable de toutes ces frictions qui
naîtront par suite de l'application d'un décret, de la disparition
pour une période X, en somme, du droit de grève, du droit de
lock-out etc.? Qui sera responsable de cela? Est-ce que ce sera le
gouvernement? Est-ce que ce seront les parties, est-ce que ce sera la partie
syndicale? Je pense que les deux seront responsables. D'une part, le
gouvernement n'a pas agi aussi vite qu'il aurait dû le faire, dans la
période qui a précédé l'adoption de la loi 19, et,
d'autre part, du côté des syndicats, des centrales syndicales et
des chefs surtout, il y a eu durcissement du point de vue idéologique et
une sorte de cheminement dialectique qui a fait que l'on en est venu au
résultat que nous sommes obligés de déplorer
aujourd'hui.
M. le Président, le député de Bourget disait cet
après-midi se servant d'une figure littéraire: Nous ne
prêtons pas d'intentions au gouvernement, nous ne pensons pas qu'il
veuille faire ceci ou cela. Mais il disait: Des langues méchantes diront
peut-être. Evidemment ces langues méchantes s'exprimaient
déjà par la bouche du député de Bourget, qui
disait: Des langues méchantes reprocheront au gouvernement ceci, des
langues méchantes reprocheront au gouvernement cela. Bien, ces langues
méchantes elles ont déjà parlé dans cette Chambre,
elles ont parlé en dehors de cette Chambre.
Il faudra bien que le gouvernement agisse indépendamment de ce
que pensent ces gens qui ont la langue méchante et de ce que
diront...
M. LAURIN: Les langues méchantes ont souvent raison.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II arrive quelquefois qu'elles aient raison,
alors il faudra que le gouvernement agisse indépendamment de ce que
disent et de ce qu'ont dit les langues méchantes et
indépendamment de ce que pensent les gens qui ont la langue
méchante. A toutes fins utiles, que recherche le gouvernement? Il
recherche, comme objectif général, la paix sociale, mais il
recherche aussi un objectif à plus court terme qui est d'établir
un régime de travail qui soit satisfaisant dans les domaines de
l'éducation, dans les domaines de la santé et dans tous les
domaines couverts par les secteurs public et parapublic.
Nous estimons, pour notre part, que malgré les réserves
que nous devons faire, malgré que nous n'aimions point les lois
d'exception je le répète encore une fois, chaque fois
qu'il y a eu des lois d'exception et que j'ai été obligé,
soit comme membre d'un gouvernement ou comme membre de l'Opposition, de donner
mon approbation à des lois comme celles-là, je l'ai
déploré et j'ai toujours trouvé cela pénible
il faudra que le gouvernement, que cela fasse mal ou non, rassure les citoyens
sur la situation qui peut devenir la leur s'il y avait d'autres grèves
dans les hôpitaux, dans l'éducation et dans les différents
secteurs des domaines public et parapublic.
On disait cet après-midi que les partenaires ne sont plus du tout
égaux parce qu'ils ne disposent plus des mêmes armes. Le
gouvernement peut manier l'arme des lois d'exception, etc., mais par ailleurs,
les centrales syndicales et les travailleurs n'ont plus l'arme de la
grève. Entendant ces propos cet après-midi, je me suis
demandé si celui qui parlait et qui se veut très progressiste ne
devrait pas s'interroger sur le conservatisme de son attitude actuelle et
s'interroger aussi sur la portée du droit de grève dans les
secteurs public et parapublic. Que l'on n'aille point me faire dire ce que je
ne veux pas dire. Je n'entends pas que l'on supprime le droit de grève
dans les secteurs public et parapublic, mais je voudrais qu'à l'occasion
de cette situation, qu'à l'occasion de l'examen de ce projet de loi par
la suite, l'on se penche une fois pour toutes et qu'on
réfléchisse sur le sens du droit de grève, sur la
dimension qu'il a prise dans les secteurs public et parapublic dans l'optique
de la liberté et de la sécurité des citoyens.
Je voudrais terminer en vous disant que la liberté, on peut la
concevoir de toutes façons mais on ne peut jamais, l'orsqu'on parle de
liberté, en parler autrement qu'en pensant que l'aire de liberté
qui est à chaque individu dévolue est limitée par l'aire
de liberté qui est dévolue à un autre. Dans la
société, c'est la
même chose. La société, c'est un immense corps
vivant organique; si une partie des membres de cette société
exerce sur l'autre une pression telle qu'elle risque d'arrêter le coeur
de la société, il appartient à ceux qui sont responsables
de sa santé d'invervenir et il appartient en l'espèce
augouvernement d'intervenir.
Les moyens dont le gouvernement veut se servir pour intervenir sont
certainement des moyens radicaux. Ce sont des moyens que nous réprouvons
en principe mais qu'on a rendus obligatoires en raison de toutes les
circonstances que nous connaissons et pour les motifs que nous avons pu
invoquer en condamnant tantôt le gouvernement ou en condamnant
tantôt ceux qui ont montré ce durcissement dont je parlais du
côté des centrales syndicales. Le gouvernement a le devoir de
protéger les libertés individuelles. Il a le devoir, en
même temps, de protéger la liberté collective et la
sécurité des citoyens. Il nous demande de lui donner un
instrument, c'est un instrument radical, un instrument dangereux et un
instrument dont le gouvernement ne doit user qu'avec une extraordinaire
prudence.
Nous souhaitons que ce conflit majeur, que cet affrontement qui va, ce
me semble, fatalement se terminer par l'imposition d'un décret, force le
gouvernement, nous force, nous législateurs, et force les gens qui sont
en dehors de cette Chambre et qui sont responsables de l'organisation des
travailleurs, à réfléchir sur le nouveau système
qui doit régir les relations entre le gouvernement, c'est-à-dire
entre l'Etat, le patronat, les syndicats, en somme, nous force collectivement
à réfléchir sur le rôle et la fonction de chacun des
agents de l'économie du Québec.
Sous toutes ces réserves, avec beaucoup d'hésitations,
comme dans le cas de la loi no 19, je suis prêt à donner mon
agrément à la loi que propose le ministre de la Fonction publique
et du Travail, à condition cependant que lorsqu'il exercera son droit de
réplique, il nous fasse savoir quelles sont les perspectives et les
prospectives de son gouvernement pour l'avenir. Autrement, si le ministre
devait revenir, chaque fois qu'il y a un conflit dans les domaines public et
parapublic, avec des lois de la nature de celle qu'il nous présente
aujourd'hui, nous ne pourrions plus, cette fois, accorder notre confiance au
ministre et nous serions obligés de lui faire porter, à lui, la
responsabilité que nous faisons porter aujourd'hui collectivement
à un gouvernement qui n'est intervenu qu'au moment où le feu
était pris à la maison.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.
M. Marcel Masse
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, nous voilà de
nouveau réunis pour discuter encore une fois d'une proposition de loi
qui a trait aux négociations dans les secteurs public et parapublic. Ce
n'est pas la première fois que le gouvernement vient, à la
dernière minute, demander aux parlementaires de lui donner des pouvoirs
différents de ceux qu'il avait pour, encore une fois, soi-disant
résoudre ce problème des secteurs public et parapublic. Cette
fois-ci, le gouvernement, dans son projet de loi no 53, demande des pouvoirs
qui, au point de vue discrétionnaire, sont encore plus grands et ont
encore plus de portée que ceux du bill 19. Dans ce projet de loi no 53,
le gouvernement nous demande de ratifier un projet de loi qui fait de lui, tout
en étant partie au conflit, le juge et l'arbitre au point de vue des
décisions à prendre, du calendrier de négociations dans
l'ensemble de son dossier. Voilà une chose qui est inacceptable.
Le gouvernement est partie puisque c'est le ministre de la Fonction
publique, et il est juge puisqu'il décrète, par son projet de loi
no 53, que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre se fera le juge des
étapes à franchir et des décisions à prendre.
Pourtant, cette partie qui est celle du ministre de la Fonction publique a
avoué ici même, cet après-midi en cette Chambre, sa propre
turpitude. Le ministre de la Fonction publique nous a lui-même
avoué, après avoir jeté des blâmes à
l'ensemble de ses partenaires, à l'ensemble des gens avec qui il
négocie, qu'il avait peut-être, je ne dirais pas trompé la
partie adverse, mais pas suffisamment donné d'explications, de
détails, en particulier dans deux domaines: ceux du régime de
retraite et de l'assurance-maladie. Pourtant, du même trait, de la
même demande, le ministre, cette fois de la Main-d'Oeuvre et du Travail,
voudrait que le Parlement fasse de lui le juge de l'utilité de
l'application de son propre principe.
Son propre principe, c'est quoi? Celui de décider qu'il y a lieu
de mettre en commun les données, les statistiques pour qu'au moins les
deux parties sachent bien de quoi elles discutent, aient les mêmes
chiffres. C'est un principe qui est valable, que d'autres gouvernements avaient
mis de l'avant, mais en foi de quoi? Après avoir avoué que ce
principe aurait dû être appliqué dans au moins deux points
importants, pourquoi de même trait décider qu'il y a lieu de
l'utiliser ou de ne pas l'utiliser dans d'autres domaines alors que c'est
lui-même qui est partie au conflit?
Voilà qui fait et une partie et un juge du même ministre.
Cela n'est pas sain au point de vue administratif.
Egalement, il faut remarquer dans l'intervention du ministre du Travail
ou du ministre de la Fonction publique on ne sait plus lequel des deux
parle un rôle de Ponce Pilate. C'est inacceptable. Le ministre du
Travail et de la Fonction publique est venu demander à ce Parlement plus
de pouvoirs après nous avoir expliqué qu'il n'avait plus le
leadership de ses partenaires et que ses adversaires étaient de mauvaise
foi. Mais le fait de lui donner ce
pouvoir d'arbitre, en quoi cela pourrait-il lui permettre d'avoir le
leadership de sa propre équipe de négociation? En quoi le fait de
faire de lui un arbitre pourra-t-il permettre à la partie syndicale de
négocier avec une meilleure bonne foi? Je voudrais bien que le ministre
nous explique ces points avant de pouvoir voter en faveur ou contre le projet
de loi, parce que les explications non fournies nous incitent à voter
contre ce projet de loi.
Egalement, il est surprenant que le ministre de la Fonction publique et
du Travail vienne, aujourd'hui, demander un projet de loi, en fin de compte,
avec des dates illimitées, alors que, dans le projet de loi no 19, le
même gouvernement décrétait qu'il y avait lieu de croire
qu'on pouvait résoudre ces négociations pour une date qui,
à toutes fins pratiques, est celle du 1er juillet.
Quels sont les faits nouveaux qui se sont produits, depuis le bill no 19
et qui nous permettent, avec un espoir raisonnable, de croire qu'il y a lieu de
signer une convention collective dans les semaines ou dans les mois qui
viendront? Le seul fait nouveau dont le public a été saisi, c'est
que, cette fois, non plus seulement les syndicats sont accusés de
mauvaise foi par le ministre du Travail, mais qu'en plus de cela son propre
partenaire à une table de négociation importante n'est plus
d'accord avec le gouvernement. Est-ce là le fait nouveau qui nous
permet, en toute logique, de croire, avec un espoir raisonnable, que, cette
fois, à telle date du mois d'août ou dans les semaines qui
suivront, on réussira à conclure une convention collective? Je ne
crois pas que ce soit là un fait nouveau qui nous permette de croire
raisonnablement qu'en donnant au gouvernement quelques semaines, quelques mois
de plus pour résoudre ce problème il sera en mesure de le faire.
S'il n'y a pas d'autres faits nouveaux que ces faits que nous connaissons de
notoriété publique, le ministre devrait en informer les
parlementaires.
Etait-il trop tôt pour voter le bill 19? En effet, pouvait-on
décemment croire qu'il n'y avait plus lieu d'avoir une
négociation de bonne foi? Pouvait-on croire, à l'époque du
bill 19, que le gouvernement avait fait l'ensemble de ses offres et fourni tous
les efforts voulus pour négocier? La preuve qu'il était trop
tôt pour voter le bill no 19 je ne parle pas de la grève;
je parle du mécanisme de négociation c'est que, deux mois
après, le ministre du Travail et de la Fonction publique vient
lui-même expliquer aux membres de cette Chambre qu'il a changé ses
orientations concernant la sécurité d'emploi et qu'il a
peut-être également, dans d'autres domaines importants,
changé ou croit pouvoir changer ses orientations.
Qu'est-ce qu'il s'est produit de nouveau pour que le gouvernement change
sa position? Est-ce que les syndicats ont changé leur demande concernant
la sécurité d'emploi? Pour quelles raisons, alors, le
gouvernement a-t-il changé d'avis? Puisqu'il veut s'ingérer comme
arbitre de toute cette négociation par le bill 53, ce même
gouvernement devrait faire montre de sérieux en matière de
négociation. Il devrait avoir une connaissance suffisante de son
dossier, lorsqu'il fait, dans des domaines importants, des propositions. Il ne
faudrait pas que ces propositions soient décrétées comme
ultimatum, mais qu'elles soient suffisamment sérieuses pour que le
gouvernement soit en mesure de les défendre en tout temps et devant qui
que ce soit, au lieu d'être obligé, comme le fait trop souvent ce
gouvernement, de reculer par peur ou par lassitude. Ce ne sont pas là
des gestes de gouvernement raisonnable. En matière de
négociation, il est arrivé trop fréquemment depuis
quelques semaines, depuis quelques mois, que les syndicats n'ont pas senti,
chez le gouvernement, une volonté non pas ferme, mais sérieuse et
des moyens sérieux d'offrir une négociation de bonne foi.
Le gouvernement peut facilement en cette Chambre il est le seul
témoin que nous entendons plaider sa bonne foi. Le gouvernement
peut facilement, en cette Chambre, demander d'être arbitre. Mais il est
le seul au dossier, il est le seul que nous entendons se dire de bonne foi. Il
est le seul que nous entendons soutenir qu'il a fait tous les efforts
ultimes.
Il est le seul qui vient devant nous expliquer l'ensemble de ces points.
Mais, dans le même discours, le ministre avoue lui-même que dans
des domaines importants il a été obligé de changer.
Comment se fait-il je ne veux pas discuter du fond du problème
que les commissions scolaires du Québec apprennent à la
dernière minute, dans les dernières phases de la
négociation, que ce qui était bon depuis tant de mois ne l'est
plus maintenant? Qu'est-ce qui à changé dans cette
négociation? Le gouvernement est prêt à sacrifier ses
partenaires pour acheter sa paix! Est-ce que les syndicats ont changé
leurs demandes? Est-ce que la Fédération des commissions
scolaires a des positions plus rigides aujourd'hui qu'elle n'en avait il y a
deux mois? Est-ce qu'au contraire, c'est le gouvernement qui, de deux choses
l'une, ou a réfléchi et décide de donner raison aux
syndicats ou, au contraire, a pris peur et décide d'acheter sa paix?
Pour l'une ou l'autre de ces raisons, la Fédération des
commissions scolaires aurait raison de mettre en doute le sérieux du
gouvernement. Ou elle est sacrifiée pour permettre au gouvernement
d'acheter sa paix ou, au contraire, la Fédération des commissions
scolaires a été mal informée des raisons profondes et des
offres sérieuses du gouvernement.
Je ne veux pas discuter du fond du problème de la
sécurité d'emploi. Mais lorsqu'on est un gouvernement, lorsqu'on
discute un problème aussi important dans un climat social aussi
survolté, on doit avoir le sérieux, lorsqu'on prend une position,
d'être capable de la défendre en tout temps et toujours et non
pas, au contraire, se laisser ballotter comme ce gouver-
nement au gré des flots, au gré des injures, au gré
des peurs. De cela, le gouvernement portera, indépendamment du fond de
la négociation, la responsabilité, même s'il tente, en
Chambre, de jouer au Ponce Pilate, de nous faire accroire que les syndicats
sont de mauvaise foi, de nous faire accroire que M. Pepin est un
idéologue qui veut renverser le gouvernement, de nous faire accroire que
la Fédération des commissions scolaires est archaïque,
qu'elle est conservatrice. Au fond de tout ça, il y a un gouvernement
qui fait des propositions qu'il ne peut justifier en tout temps. C'est donc un
gouvernement hypocrite ou un gouvernement non sérieux.
Celui qui, au premier chef, veut être arbitre des faits, puisqu'il
veut être arbitre du calendrier de négociation, doit être
aussi celui qui a le courage de se dire responsable du climat en matière
de négociation, actuellement. Il doit être celui qui doit avoir
suffisamment de courage non pas uniquement pour avouer ses erreurs, mais pour
prendre une position définitive, une position qu'il peut, en tout temps,
défendre dans tous les points fondamentaux de cette négociation.
C'est cette faiblesse du gouvernement et c'est cette incapacité du
gouvernement de prendre une position sérieuse en matière de
négociation qui pourrit tout le climat. Comment voulez-vous que les
syndicats sentent que le gouvernement est ferme dans sa proposition lorsque,
régulièrement, il change d'attitude? Comment voulez-vous que les
partenaires, que ce soit la Fédération des commissions scolaires
ou les associations d'hôpitaux, aient confiance dans leur associé
dans cette négociation lorsque celui-ci, du revers de la main, les
laisse tomber n'importe quand? Comment voulez-vous que la population se
rattache à un gouvernement, dans une période aussi cruciale que
celle que nous traversons, quand ce gouvernement est le premier à se
laisser balancer, à se laisser ballotter par les flots de son caucus ou
autrement? C'est la faiblesse même du gouvernement qui rend impossible la
conclusion dans cette négociation. Ce ne sont pas les structures qui
manquent. Ce n'est pas la législation qui manque. Ce ne sont pas les
statistiques qui manquent. Ce ne sont pas les experts qui manquent. C'est la
volonté déterminée du gouvernement de vouloir conclure une
négociation plutôt que de laisser pourrir une situation.
Ce gouvernement a trop tendance à vouloir diviser chez des
associés, chez ses partenaires, à diviser parmi les syndicats,
à diviser parmi la population. La seule façon pour ce
gouvernement de régner, c'est lorsqu'il a réussi à diviser
tous les partenaires. Et, c'est le même gouvernement, par la voix de son
premier ministre, par la voix de ses chanteurs qui vient en Chambre ou
ailleurs, plaider que le climat est impossible. Lorsqu'on a réussi
à régner par la division, il ne faut pas être surpris de ne
plus avoir de leadership pour une population qui doit avoir plus
d'homogénéité actuellement, qui doit avoir un but mieux
défini que celui que nous avons.
Il est surprenant que le même gouvernement vienne demander des
pouvoirs d'arbitre lorsqu'au contraire le seul rôle qu'il joue, depuis
deux ans dans cette province, c'est de monter l'un contre l'autre et de diviser
tous ceux qui devraient être unis, pour pouvoir régner de par sa
faiblesse.
M. le Président, ce projet de loi est donc hypocrite, parce que
le gouvernement ne se donne pas le vrai pouvoir qu'il devrait demander en cette
Chambre: celui d'être courageux et non pas celui d'être arbitre.
C'est ça, le pouvoir...
UNE VOIX: La masse.
M. MASSE (Montcalm): ... que le gouvernement devrait demander. Au
contraire, encore une fois, tout ce qu'il nous demande, c'est d'être
arbitre. Mais arbitre en quoi? Arbitre dans ses propres négociations?
Arbitre à sa propre table de négociation, au sein de ses
partenaires?
UNE VOIX: Impressionnant!
Arbitre entre lui-même et les commissions scolaires? Arbitre entre
lui-même et les associations d'hôpitaux? Arbitre entre
lui-même et les syndicats? Mais, M. le Président, puisqu'il est
celui qui contrôle le jeu, comment peut-il en même temps être
arbitre? Le pouvoir que nous serions prêts à lui donner, ce n'est
pas celui d'être arbitre.
UNE VOIX: II n'y a même pas un parti qui le veut !
M. MASSE (Montcalm): C'est celui d'avoir une position en matière
de négociation.
UNE VOIX: La vôtre!
M. MASSE (Montcalm): Une position juste, une position qu'il peut
défendre en tout temps. Ce pouvoir, M. le Président, nous
l'adopterions mais ce n'est pas celui-là qui nous est demandé. Au
contraire, c'est encore une fois le pouvoir de se défiler.
UNE VOIX: Quel comédien!
M. MASSE (Montcalm): C'est le pouvoir de laisser tomber ses
responsabilités. Ce pouvoir de se défiler, nous le refuserons au
gouvernement. Ce pouvoir, le gouvernement l'exploitera encore une fois en
laissant pourrir la situation. Lorsque les troupes, soit ses partenaires, soit
les syndicats, seront suffisamment divisées, le gouvernement dira : Les
gens sont suffisamment faibles. Maintenant, nous pouvons régner. Et
là, il décrétera les conventions collectives. Il serait le
premier, après cela, à parler du climat social dans la province
de Québec. C'est là qu'est le tort, de ce gouvernement. Qu'il
nous demande
le pouvoir de régler une convention collective, nous le lui
donnerons, mais celui de décider lequel est coupable, nous le lui
refusons. C'est trop facile. Nous voyons déjà le jeu qui se
jouera. Le ministre du Travail nous expliquera qu'il est prêt à
régler mais que ce sont les commissions scolaires, ces conservateurs,
ces stupides, dira-t-il, qui refusent. Lui, il est prêt à
régler mais ce sont les syndiqués qui sont des idéologues
et des démagogues qui refusent de comprendre le bon sens. Lui, le
gouvernement, il est prêt à régler mais ce sont les
administrateurs d'hôpitaux. Lui, le gouvernement, il est prêt
à régler mais c'est la situation. Lui, le gouvernement, il est
prêt à régler mais c'est la faute d'Ottawa.
M. le Président, il va se défiler. Le pouvoir qu'il nous
demande, c'est celui de sa fuite et non pas celui de la signature de la
convention collective. Nous connaissons trop ce gouvernement qui
réussit, même quand il n'a pas le pouvoir, à faire croire
à une fuite. Nous connaissons trop le gouvernement pour, cette fois-ci,
lui donner un pouvoir réel de se dire: Moi, je suis arbitre. Je suis
prêt à régler. Mais tout le monde qui m'entoure ne comprend
pas la situation du Québec. C'est ce projet de loi hypocrite que nous
refusons. Je ne crois pas que c'est le pouvoir que le gouvernement devrait
demander.
C'est tout ce jeu d'être arbitre et d'être partie à
la fois qui fausse les négociations. Que le gouvernement prenne ses
responsabilités, c'est cela être partie au conflit. A moins que le
gouvernement n'ait des faits nouveaux qui permettent de croire qu'il y aurait
peut-être le minimum de chances de signer une convention collective,
qu'il décrète sa convention, puisque c'est ainsi qu'il l'a voulu,
dans le bill 19.
Quand il est venu ici, au mois d'avril, le gouvernement nous a
expliqué qu'il n'y avait pas de possibilités. Nous avons dit: II
y a des possibilités. Il nous a dit: II n'y a pas de
possibilités. Cette fois, qu'il se branche: II y a ou il n'y a pas de
possibilités. Le gouvernement fait son lit. Ce n'est pas parce que le
ministre de le Fonction publique a changé que nécessairement le
climat a changé. Le ministre du Travail a dû réaliser que
ce n'était pas la faute de son collègue si les
négociations étaient difficiles. Le nouveau ministre de la
Fonction publique a dû réaliser que ce n'étaient pas les
experts de l'ancien ministre de la Fonction publique qui étaient mauvais
parce que, si tel est le cas, qu'il vienne nous le dire. Qu'il nous donne des
faits nouveaux. Si c'est l'ancien ministre qui a été mauvais
ministre, qui a eu une mauvaise stratégie, qui n'a pas su évaluer
son climat, que la Chambre et le public soient mis au courant. Si ce sont les
données qu'on fournissait au ministre qui étaient
faussées, qu'on le dise et qu'on nomme ceux qui ont trompé le
gouvernement. La population est en droit de le savoir et les partenaires du
gouvernement sont également en droit de le savoir.
M. le Président, ce sont ces vérités que nous
désirons et non pas donner un pouvoir de se défiler. Lorsque je
dis toutes ces choses, je ne mets pas en doute la personne de l'un ou de
l'autre. Ce sont les institutions que je vise, les responsables, non pas
individuels mais d'autorité. Qu'on nous apporte les faits nouveaux.
Il peut arriver que l'on nous dise que dans tel secteur il y a des
chances sérieuses de régler. Si tel est le cas, qu'on nomme ces
secteurs et qu'on rédige la loi en ce sens. D y avait, entre autres,
50,000 individus de couverts pas la loi 19 et qui n'avaient pas d'affaire
à être là. On les a ignorés; 50,000, ce n'est pas
important sur 300,000. Cette fois-ci, s'il y en a 40,000 ou 80,000, qu'on nous
le dise. On fera la loi pour eux, s'il y a des espoirs sérieux.
M. le Président, le leader du gouvernement m'informe qu'il ne me
reste que deux minutes. Je vais lui donner ces deux minutes pour qu'il se
repose. Mais, nous refusons d'adopter cette loi parce que le gouvernement
cherche un moyen de se défiler. Nous serions prêts à lui
donner des armes de responsabilité et non pas lui permettre une fuite
parce que cette fuite continuera à alourdir le climat social.
Je ne crois pas que ce soit à l'intérieur de ce climat,
dans ces divisions, que nous trouverons la paix sociale que nous
recherchons.
M. LE PRESIDENT : L'honorable député d'Abitibi-Ouest.
M. Aurèle Audet
M.AUDET: Je crois que ce bill 53, nous devrions l'accepter comme un
prolongement de la loi 19, Ce projet de loi vient nous dire que le gouvernement
est de bonne foi, jusqu'à un certain point, en voulant prolonger
l'action de la loi 19, en prouvant qu'il poursuit une certaine volonté
de négociation.
Lorsque le bill 19 a été proposé à cette
Chambre, pour ma part, j'ai voté pour le bill 19, parce que je croyais
que c'était pour une cause urgente, pour contrer la
détérioration du climat social dans la province de Québec
et pour le bon ordre, nous avons cru bon de voter pour ce bill.
Mais aussi dur semblait être le bill 19, lors de sa
présentation, autant est acceptable ce projet de loi aujourd'hui, qui
démontre que peut-être le gouvernement n'était pas
tellement dur puisqu'il veut réellement s'accrocher à une
possibilité de négociation avec ce bill 53.
Le ministre se demande si le front commun veut réellement
négocier. Je ne sais pas si j'ai bien entendu cet après-midi, il
me semble qu'il se demandait, au sujet des syndicats, si réellement ils
veulent négocier. Mais, par ce bill 53, je crois qu'on aura l'avantage
de voir le front commun s'approcher d'une certaine négociation, ce qui
semble être le désir du gouvernement.
Pour ma part, j'ai voté pour le bill 19 pour
remettre de l'ordre dans la province de Québec. J'ai
appuyé le gouvernement, mais j'au cru aussi que le front commun
n'était pas de bonne foi en poursuivant cette non-négociation. Et
je crois que le but poursuivi par le front commun était plus un but
politique qu'un but d'amélioration des conditions des
syndiqués.
D'un autre côté, je considère que le gouvernement a
fait des erreurs dans le passé. Et ça remonte à une date
assez éloignée. Je dirais que sa première erreur a
été de devenir éducateur. Même si on se pique encore
aujourd'hui de reconnaître une certaine autonomie aux commissions
scolaires, par les paroles du ministre, tout à l'heure, nous avons pu
déceler que les commissions scolaires n'ont plus grand-chose à
dire dans l'éducation.
Le ministre nous a déclaré que ce n'était pas la
commission scolaire qui était la plus forte, c'était le
gouvernement qui était le plus fort. Je crois que la première
erreur du gouvernement a été de remplacer la commission scolaire,
de devenir éducateur.
La deuxième erreur du gouvernement, c'est d'avoir donné le
droit de grève à la fonction publique. Ce droit dé
grève pourrait être remplacé par une façon de
négocier beaucoup plus avantageuse pour les syndiqués et pour le
gouvernement; telle était la proposition que nous faisions au
gouvernement lors de l'adoption du bill 19. Nous disions que des
négociations autres devraient être mises de l'avant pour faire en
sorte que, 90 jours avant la fin d'un contrat de travail, nous puissions offrir
aux parties en cause la possibilité de négocier leur contrat de
travail.
Nous pourrions, par exemple, dans ces 90 jours laisser 60 jours aux deux
parties en cause.
Si une entente n'était pas intervenue entre les deux parties, le
gouvernement, per un tribunal de travail aussi impartial que possible, pourrait
intervenir, en tant que négociateur, pour aider les deux parties
à se rapprocher. Par la suite il resterait encore quinze jours, si les
deux parties ne s'étaient pas rapprochées, ne s'étaient
pas entendues avec un négociateur du tribunal du travail, au
gouvernement pour passer à l'arbitrage et donner un sentence juste et
raisonnable qui, je crois, serait aussi juste et aussi bonne qu'une
grève d'usure de quelques mois, qui atteint toutes les classes de la
société et spécialement le syndiqué.
Donc, je dis que le gouvernement a fait réellement des erreurs,
et une deuxième erreur qu'il a faite, c'est de donner le droit de
grève au front commun. Ce droit de grève a permis la formation du
front commun. Le front commun a permis la grève générale
et la grève générale a été faite
spécialement non pas dans l'intérêt des syndiqués
mais dans le but de renverser le gouvernement, et je crois que ceci est
très évident. Le gouvernement a corrigé une de ces erreurs
par le bill 19. Il a mis fin à la grève.
Par le bill 53, il suspend l'application du bill 19, pour probablement
avoir encore, comme disait le député de Montcalm tout à
l'heure, dans un autre mois, le devoir d'appliquer le bill 19. Je crois que les
personnes les plus désappointées de voir ce bill 53, aujourd'hui,
c'est le front commun qui ne le désirait pas ce bill 53, mais qui, je
crois, désirait l'application du bill 19, pour pouvoir jouer les martyrs
et réellement taxer le gouvernement d'arbitre et d'employeur en
même temps.
Je crois qu'une autre erreur du gouvernement c'est de vouloir finir de
saper ce qui reste d'autonomie aux commissions scolaires. Je crois
réellement que la fonction du gouvernement n'est pas d'agir comme
instituteur, d'agir comme éducateur, et plus ça va, plus
l'autonomie qu'avaient les commissions scolaires se fait mince. Le gouvernement
n'est pas un enseignant, ce n'est pas le rôle du gouvernement de devenir
enseignant, ce n'est pas un industriel. Le gouvernement n'est pas un
commerçant, pas un employeur, pas un médecin non plus, mais il
est un législateur. Il est là pour faire de bonnes lois et les
faire respecter et c'est là je crois la place du gouvernement. Je crois
qu'une autre erreur que le gouvernement pourrait corriger, à la suite du
bill 19, serait de remettre aux commissions scolaires toute leur autonomie et
toute leur juridiction.
Maintenant, je crois que le gouvernement pourrait aller plus
profondément chercher les causes profondes de nos malaises sociaux. Au
fond de tout ça, lorsqu'on parle de sécurité d'emploi,
est-ce que les syndiqués veulent réellement cette
sécurité d'emploi? Est-ce que c'est le premier motif qui les fait
demander une sécurité d'emploi ou si ce n'est pas plutôt,
comme toutes les classes de la société, une
sécurité de revenu qu'ils veulent?
Le droit de vivre dans le Québec, le droit de fonder un foyer, le
droit d'élever une famille, vivre comme du monde, il n'y a pas que les
syndiqués qui veulent ça.
Il y a les assistés sociaux, il y a les chômeurs, il y a
les gagne-petit. Ce désir humain est généralisé. Il
est de plus en plus difficile de vivre décemment de nos jours,
même avec des hausses de revenus de plus en plus fréquentes.
Jusqu'où irons-nous avec cette kyrielle de négociations de
nouveaux contrats de travail qui alimentent l'inflation chaque fois?
Jusqu'où pouvons-nous aller? Est-ce qu'on peut prétendre vivre
beaucoup d'années dans ces cycles de négociations de nouveaux
contrats de travail?
Le chaos nous attend quelque part. Quand le gouvernement acceptera-t-il
d'aller négocier là où sont réellement les
problèmes? Plus ça va, plus le service de la dette vient
accaparer la majeure partie de notre dollar. C'est là le
problème! C'est tellement un grand problème qu'il est
pratiquement impossible d'avancer plus loin dans ce labyrinthe inflationniste.
IL faut corriger le mal en profondeur, aller voir les causes réelles du
malaise. Pour cela, il faudrait bannir à tout jamais cette politique
d'argent-dette que nous subissons et qui nous mène â la ruine.
Je crois que, même si, encore aujourd'hui,
nous taisons des mises au point sur les causes fondamentales de nos
problèmes, le gouvernement n'écoutera pas encore et n'ira pas
toucher aux malaises cruciaux que nous subissons. Merci, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. Charles Tremblay
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, nous étudions
actuellement le projet de loi no 53 qui a été
présenté par le ministre de la Fonction publique ou le ministre
du Travail, les deux, et qui vise à modifier la Loi assurant la reprise
des services dans le secteur public. On sait que le bill 19, qui a
été voté à l'Assemblée nationale le 20 avril
1972, devait permettre au gouvernement de rencontrer les représentants
des centrales syndicales afin d'en venir â une solution
négociée.
Après deux mois, je comprends le ministre lorsqu'il dit que les
négociations n'ont pas fonctionné comme il l'aurait voulu. Des
circonstances ont empêché les négociations, par exemple,
l'incarcération des trois chefs des centrales syndicales, qui n'ont pas
pu négocier pendant quinze jours. Le congrès de la
Confédération des syndicats nationaux, pendant une semaine, a
encore retardé les négociations et, cette semaine, il y a le
congrès de la CEQ, la Corporation des enseignants du Québec. Ces
choses étaient prévisibles; ces congrès, on en savait la
date, même avant le 20 avril. Lorsque nous avons voté la loi no
19, nous avons, dans nos interventions, dit au ministre de la Fonction publique
du temps, le député de Deux-Montagnes, que cette loi ne
réglait pas le problème, le litige, le malaise, le
mécontentement qu'il y avait parmi les employés des secteurs
public et parapublic. Au contraire, cela s'est avéré
désastreux. Aujourd'hui, un peu plus de deux mois après le vote
sur le bill 19, nous nous trouvons encore en face d'un problème presque
insoluble.
Le bill 53, qu'on nous présente aujourd'hui, vient modifier la
loi 19, c'est-à-dire que le grand principe du projet de loi est de
retarder l'application du décret au 3 août 1972 ou après le
3 août 1972.
Je ne sais pas quelles sont les intentions du ministre. Je ne veux pas
faire de procès d'intentions au ministre. Je ne me fie pas à ses
bonnes ou mauvaises intentions; je me fie à la loi. Je discute du
principe qui est dans la loi no 53. Lorsque nous lisons attentivement le projet
de loi no 53, nous constatons de grands changements. Nous voyons que des
amendements majeurs sont apportés au projet de loi no 19. Dans le projet
de loi no 19, on disait que le décret devrait être appliqué
au plus tard le 30 juin 1972. A ce moment-là, si on appliquait le
décret, il devenait une sentence arbitrale, à toutes fins utiles,
qui était exécutoire et qui liait les deux parties. Cela devenait
la convention collective de travail qui devait expirer le 30 juin 1974.
Dans le nouveau projet de loi no 53 qu'on nous demande d'adopter pour
amender le projet de loi no 19, on enlève cette échéance
qui devait mettre fin au décret qui serait imposé le 30 juin. Le
nouveau décret qui serait imposé à partir du 3 août,
on ne dit pas s'il vaudrait pour deux, trois ou quatre ans. La date où
se terminerait le décret, qui était dans l'article 10 du projet
de loi no 19, est enlevée. Le nouvel article qui remplace l'article 10
du projet no 19 ne fixe pas de date précise pour la fin de la convention
collective de travail qui serait imposée par le décret. C'est un
changement majeur.
Pourquoi le ministre nous présente-t-il ces amendements? Je
disais tantôt que je ne veux pas lui faire de procès d'intentions.
Je ne cherche même pas à comprendre les intentions du ministre;
elles sont peut-être bonnes; j'allais dire peut-être mauvaises
aussi. Ce projet de loi est pire que le projet de loi no 19. En effet, si,
après un autre mois de négociation, le ministre juge à
propos d'imposer un décret, une convention collective de travail qui
devienne une sentence arbitrale rendue par le gouvernement, ce décret
sera imposé pendant l'intersession, pendant la période des
vacances où les gens se soucient très peu, souvent, de leurs
problèmes, pendant que l'Assemblée nationale ne siège pas.
Peut-être qu'on veut profiter d'un moment comme ça pour imposer
aux employés de la fonction publique une solution qui leur serait
défavorable.
Tout le problème, que le ministre actuel de la Fonction publique
doit chercher à régler, tout le litige qui oppose les
employés de la fonction publique à leur employeur, le
gouvernement actuel l'a voulu. On aurait essayé d'imaginer des
procédures, des mécanismes, un processus de négociation
pour gâter les choses et on n'aurait pas pu faire mieux. On n'aurait pas
mieux réussi qu'on a réussi présentement.
Au début, lorsque le front commun a commencé à
négocier avec le ministre de la Fonction publique, qui n'était
pas le député de Chambly dans le temps, mais le
député de Deux-Montagnes, on a refusé, d'abord,
différentes choses, comme la table centrale. On dirait qu'on a toujours
créé des problèmes pour que les négociations ne
réussissent pas. Quel était le but du gouvernement dans le temps?
Je l'ignore. J'ai toujours cherché à comprendre l'attitude du
gouvernement vis-à-vis de ses employés, de ses fonctionnaires et
je vous avoue franchement que je n'ai à peu près jamais rien
compris à la tactique de négociation du gouvernement.
Lorsque les gens sont descendus dans la rue et qu'ils ont fait la
grève, la veille, le jour précédent où on nous a
présenté le bill no 19 qui obligeait les employés de la
Fonction publique à cesser la grève et à rentrer au
travail, certains ministres nous disaient que la situation était calme,
qu'il n'y avait rien d'alarmant. Tout
se déroulait normalement. Les négociations se
déroulaient normalement. On nous disait même que tout le monde
était de bonne foi des deux côtés de la table de
négociation. Le lendemain, on est arrivé avec un bill qui cassait
la grève, qui obligeait les employés de la Fonction publique
à rentrer au travail.
Le ministre du Travail actuel, qui a une vaste expérience dans
les négociations, sait qu'on a alors brisé l'équilibre des
forces dans la négociation. On a créé là le
problème que nous vivons actuellement. C'est-à-dire qu'à
partir de ce moment, lorsqu'on a obligé ces gens à rentrer au
travail et là, je veux bien préciser qu'il ne s'agit pas
pour moi de dire qu'on aurait dû laisser les choses se gâter,
laisser les gens sans services essentiels, laisser la situation se
détériorer dans les hôpitaux; il y avait d'autres moyens
à la disposition du gouvernement pour agir dans ce sens on a pris
le moyen radical. On a dit : La grève, c'est fini, vous rentrez au
travail. Après un mois, on va commencer à négocier. Dans
une négociation, il y a toujours deux parties. Vous aviez le
gouvernement qui négociait dans une cage de verre et vous aviez le front
commun qui négociait avec l'épée de Damoclès
au-dessus de la tête: Vous allez accepter cela! On ne vous donnera pas
cela, sinon le décret va arriver, le 30 juin. On a construit une
charrette avec une grande roue et une petite roue. On marche et on tourne en
rond. On a brisé l'équilibre des forces de négociation qui
fait que presque toujours les négociations réussissent lorsque
les deux parties sont en équilibre de forces et qu'elles ont les
mêmes moyens de revendication. De la part de certains employés
dans l'entreprise privée, on le voit souvent, cela se comprend, mais de
la part du gouvernement, je n'ai à peu près jamais compris cette
tactique.
Dès le départ, on a provoqué les
représentants des travailleurs, les représentants des
employés de la fonction publique, au point qu'on a à peu
près tout brisé, empêché toute chance d'en venir
à un résultat, à une entente dans les négociations.
Aujourd'hui, après avoir négocié pendant quelques
semaines, après avoir fait siéger la commission parlementaire de
la fonction publique, le ministre nous demande d'amender sa loi et de reculer
la date de l'application du décret au plus tôt le 3 août
1972.
Il n'y a rien dans la loi qui dit que ce décret sera une
convention collective de travail qui va imposer un règlement dans toutes
les clauses qui sont en litige actuellement. On dit même que le
décret devra prévoir des mécanismes pour régler les
clauses qui n'auront pas été réglées, mais quels
mécanismes? Est-ce qu'on va vers une succession de décrets?
Est-ce que ce seront des décrets à répétition? Les
clauses qui n'auront pas été réglées par le
décret, on devra avoir des mécanismes pour les régler dans
l'avenir. Comment? On suppose que le ministre impose son décret le 3
août 1972 et que certaines clauses très importantes, clauses
salariales, clauses normatives, sécurité d'emploi, ne seront pas
réglées à l'intérieur de la convention collective
qu'on va imposer. Mais on les réglera comment? Par quels
mécanismes? Par d'autres décrets? On ne le sait pas. C'est cela,
l'amendement.
Pourtant, le ministre de l'Education, tantôt, nous a dit qu'il
était pour la sécurité d'emploi chez les enseignants. Par
contre, on disait que c'était impossible quelques jours avant qu'on nous
présente le bill no 19. Aujourd'hui, on dit qu'on était pour.
Mais pourquoi ne l'a-t-on pas dit à la table de
négociation quelques jours avant d'adopter une loi matraque pour
empêcher les gens de faire la grève et les obliger à
rentrer au travail? Ces gens se promenaient sur le trottoir en vertu d'une loi
qui est dans les statuts du gouvernement. Pourquoi leur impose-t-on une loi? On
leur a dit: Vous ne ferez plus la grève, mais aujourd'hui on leur
concède des demandes qu'ils faisaient quelques jours avant l'adoption du
bill 19.
Au sujet de la sécurité d'emploi, le ministre de
l'Education... Le ministre du Travail me fait signe que non, de la tête.
Je ne comprends pas, je pense qu'il veut dire oui. Je ne sais pas s'il
connaît le langage chinois. On fait le contraire. Ce que le ministre de
l'Education vient de nous dire, c'est exactement le contraire de ce que le
gouvernement disait avant le 20 avril. Alors, à ce moment-là,
pourquoi est-ce qu'on n'a pas dit ces conditons, ce qu'on voulait accorder aux
employés du secteur public? Pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas offert dans
la négociation avant le 20 avril? Franchement, tout ce que le
gouvernement a fait, dans le conflit de la fonction publique, quelqu'un aurait
voulu être très maladroit qu'il aurait agi de la même
façon.
Ce qu'on nous propose aujourd'hui, je répéterai ce que
disait tantôt le député de Montcalm, c'est un moyen, pour
le gouvernement, de se soustraire à ses responsabilités, de se
défiler, de se donner un autre mois de délai afin d'arriver avec
un décret qui sera imposé à la faveur de
l'été et des vacances. Peut-être qu'à ce
moment-là cela passera sans que les gens s'en aperçoivent trop.
C'est très difficile de connaître les intentions du gouvernement.
Mais il y a une chose, c'est que je connais les implications du projet de loi
53 qu'on nous propose d'adopter à l'Assemblée nationale. Je pense
qu'il est impossible, pour nous, d'appuyer le gouvernement et de voter pour ce
projet de loi.
Avant de terminer, je voudrais dire ceci. Peut-être que cela va en
surprendre plusieurs. Peut-être que des membres de l'Assemblée
nationale vont rester surpris. La seule solution négociée qu'on
peut apporter dans le conflit de la fonction publique, ce serait le retrait,
purement et simplement, du bill 19. A ce moment-là, le gouvernement
assume ses responsabilités et les centrales syndicales sont
obligées d'assumer les leurs. On les met en face de leurs.
responsabilités. C'est faux de dire que les chefs syndicaux et
les 250,000 travailleurs sont intéressés à passer les
vacances à faire la grève. Cela, on le répète. Mais
vous ne ferez pas croire cela à quelqu'un qui a milité dans le
monde syndical. On n'est jamais intéressé à faire la
grève. Quand on a à choisir entre continuer des
négociations, faire une grève et attendre un décret, on
est obligé d'assumer ses responsabilités. Les chefs syndicaux et
les employés de la fonction publique ont, eux aussi, des
responsabilités. Mais qu'on rétablisse l'équilibre des
forces entre les deux partenaires, les représentants de la fonction
publique et les employés de la fonction publique. Si l'on faisait cela
ce soir, peut-être qu'on en viendrait à une solution
négociée plus vite qu'on le pense. Personne n'est
intéressé à prolonger une grève. Personne n'est
intéressé à perdre du salaire pour rien. Et lorsque des
travailleurs descendent dans la rue pendant deux ou trois semaines, qu'ils sont
déjà pauvres, qu'ils n'en ont pas déjà suffisamment
pour vivre, on devrait se pencher sur le problème. On devrait cesser de
dire que ce sont des révolutionnaires, des gens qui veulent renverser le
régime, des gens qui veulent casser le gouvernement. Non, ce sont tout
simplement des gens qui veulent avoir un salaire raisonnable, avoir une
sécurité d'emploi. On a beau dire: Si les députés
n'ont pas la sécurité d'emploi, les employés de la
fonction publique n'ont pas â l'avoir non plus. Bien, nous n'avons pas le
même salaire, non plus. Lorsqu'un type retire $100 et moins par semaine
et doit faire vivre sa famille, je pense que, lorsqu'il demande une
sécurité d'emploi, c'est une demande des plus légitimes.
C'est la plus normale qu'on peut trouver dans toutes celles des travailleurs au
Québec. C'est tout simplement cela qu'ils ont demandé avec
d'autre chose.
Alors, ce serait par la négociation.
Avec encore un mois de négociation, le problème ne sera
jamais réglé, parce qu'il n'y a plus d'équilibre de
forces. Il y a, d'un côté, le gouvernement qui est
protégé dans une cage de verre et qui négocie et il y a,
de l'autre côté, des représentants du front commun, qui,
eux, négocient avec un revolver sur la nuque: Tu vas faire cela ou tu
vas l'avoir, ton décret. Ce n'est pas comme cela qu'on négocie.
Ce n'est pas comme cela qu'on dialogue. Ce n'est pas comme cela que deux
individus finissent par s'entendre. Il faut avoir les mêmes armes et il
faut avoir l'équilibre de forces qu'on a fait disparaître.
M. le Président, que le gouvernement assume ses
responsabilités, que le ministre de la Fonction publique règle
son problème comme il le pense. On a changé de ministre de la
Fonction publique. On a pensé que l'autre n'était pas capable de
le faire. Il semblerait que le nouveau ne fera pas mieux que l'ancien.
Même si c'étaient deux hommes très compétents, deux
hommes très honnêtes dans tout ce qu'ils font dans leur
ministère, c'est justement par des lois comme cela qu'on les lie et
qu'ils peuvent simplement en venir à des règlements
désastreux, comme ceux vers lesquels on se dirige dans le litige qui
nous concerne actuellement. M. le Président, nous voterons contre le
bill 53.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, je viens d'écouter avec beaucoup
d'intérêt le député de Sainte-Marie, qui, dans le
cours de ses remarques, a signalé que les grandes centrales syndicales
réclamaient, entre autres, un salaire de $100 par semaine et que
c'était là une des pierres d'achoppement des négociations
en cours.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une question de privilège, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, je voudrais
rétablir les faits.
M. LE PRESIDENT: Non. A l'ordre! Vous venez de me dire exactement que ce
n'est pas une question de privilège. Les mots "rétablir les
faits" m'indiquent que ce n'est pas une question de privilège que vous
voulez soulever.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, qu'est-ce que je
devrais faire?
M. LE PRESIDENT: Vous devez invoquer l'article 97, lorsque l'honorable
député de Maskinongé aura terminé son discours.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Très bien, M. le
Président.
M. PAUL: Qu'on ait, M. le Président, employé les termes
que je viens de réciter à la Chambre, qu'on ait parlé de
ceux qui gagnent $100 et moins par semaine, cela ne change rien à ce que
je veux vous dire.
Il y a un congrès qui se déroule actuellement, celui de la
CEQ. Il y a, entre autres, une résolution qui est pendante pour que l'on
étudie la nécessité de verser aux employés de
bureau et aux secrétaires un salaire hebdomadaire de $100. Elles ne
l'ont pas, ces pauvres employées et ils ne l'ont pas, ces pauvres
monsieurs. Alors, quand on veut prêter la vertu, on doit commencer par la
pratiquer.
M. le Président, l'honorable député de Sainte-Marie
a mentionné, tout à l'heure, qu'on n'est pas
intéressé à faire la grève. Il y a certaines gens
qui sont intéressés à faire la grève. La prise de
position du Parti québécois, ce soir, me scandalise. Voici des
gens qui, au mois d'avril dernier, ont combattu farouchement le projet de loi
no 19, tout cela parce qu'il
y avait justement cette date fatidique du 30 juin qui donnait le pouvoir
au ministre de l'époque de recommander au lieutenant-gouverneur en
conseil d'adopter un décret qui équivaudrait à une
convention collective de travail. Il y a également le
député de Montcalm, qui s'oppose au principe que l'on retrouve
dans le projet de loi no 53.
Supposons que l'Assemblée nationale se rende au désir de
mes préopinants, c'est donc dire que nous serons captifs du bill 19 que
nous avons voté au mois d'avril dernier. Et par voie de
conséquence, le ministre de la Fonction publique devra demain
recommander au lieutenant-gouverneur en conseil l'adoption d'un décret.
C'est ça que les centrales syndicales veulent avoir.
Et c'est tellement vrai que nous avons entendu leur porte-parole, leur
écho fidèle nous donner les raisons pour lesquelles nous ne
devrions pas appuyer le projet de loi qui nous est présenté aux
fins de prolonger, en quelque sorte, le délai requis, dans l'espoir que
les négociations en cours puissent amener les parties négociantes
à une convention collective.
Pourquoi s'opposer au projet de loi 53, alors que le ministre nous
disait cet après-midi que, par cette mesure, il continuera de
négocier dans l'espoir que les parties viennent à une entente et
qu'il ne sera pas placé dans la fâcheuse obligation de recommander
au lieutenant-gouverneur l'imposition d'un décret? Il ne faut pas avoir
été longtemps à la tête d'un ministère pour
savoir que le ministre de la Fonction publique a certainement un décret
de prêt. S'il nous fallait, par de la "procédurite" et je
salue en employant ce terme le correspondant du journal Le Devoir
empêcher l'adoption de la loi que nous propose le ministre du Travail,
n'ayez crainte, demain soir les employés du service public et des
services parapublics se verraient imposer un décret. Est-ce ça
que les députés veulent avoir? Non.
La plupart et la très grande majorité des
députés qui sont sérieux, qui ne sont liés à
aucune centrale syndicale, qui sont tout à fait libres, qui se penchent
sur le bien commun avant de se pencher sur le bien des chefs syndicaux,
appuieront le projet de loi. Cette mesure est un pis-aller que nous demande
d'adopter le ministre de la Fonction publique pour éviter aux parties ce
climat certainement très mauvais qui résulterait de l'imposition
de conditions de travail, non pas par le mécanisme d'une convention
collective, mais par la voie d'un décret.
J'ai écouté cet après-midi le ministre de la
Fonction publique. Le ministre du Travail avait participé au
débat sur le projet de loi 19 et il avait dit qu'il était
indécent que le ministre du Travail soit partie aux négociations.
Je comprends que ce n'est pas le ministre du Travail qui nous a parlé
cet après-midi, mais plutôt le ministre de la Fonction
publique.
Je me permets de m'interroger sur le climat qui a cours actuellement
dans ces négociations ou qui préside à ces
négociations. Depuis environ un mois, nous ne pouvons pas dire que les
négociations ont été continues et soutenues,
régulières. On invoquera la tenue de deux grands congrès,
celui de la CSN et celui de la CEQ. Et on se rappelle que le grand
congrès de la CSN avait pour but de casser le régime.
C'était le thème de ce grand congrès, où on
devait se pencher sur l'avenir et le sort des travailleurs du Québec ou
du moins des syndiqués affiliés à cette centrale
syndicale.
Et nous avons vu cette semaine le congrès de la CEQ où on
parle de lessivage des cerveaux, de s'emparer de la jeunesse des écoles
au profit d'une idéologie politique qui est loin d'être celle que
nous connaissons avec le régime établi que nous avons. Les
négociations en cours sont pour le moins très latentes, pour ne
pas dire stagnantes.
Pourquoi? A mon humble point de vue, parce qu'on n'a pas voulu suivre le
mécanisme de bonnes négociations qu'avait suggéré
le chef de l'Unité Québec dès le mois de février
dernier et que nous avions tenté, même, dans le cours de nos
remarques de deuxième lecture, à l'occasion de l'étude du
projet de loi 19, de rappeler et de suggérer au gouvernement. M. le
Président, le gouvernement avait jusqu'ici des adversaires, disons-le.
Il avait la CSN, la CEQ, la FTQ et voici que maintenant il n'a certainement pas
un collaborateur aveugle dans la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec.
Pour quelles raisons? La principale, c'est qu'on prétend qu'avec
son projet de loi, le ministre de la Fonction publique invite les parties
à des négociations locales ou sectorielles. Je n'ai pas
l'intention, M. le Président, d'entrer dans toutes les implications et
de tenter de faire la preuve de cette assertion qui est mise de l'avant, qui
est soutenue par la Fédération des commissions scolaires du
Québec. Une chose est certaine, c'est qu'il va falloir que le
gouvernement finisse par suivre le conseil que donnait tout à l'heure le
député de Montcalm. Qu'il prenne les moyens pour imposer
d'autorité les conditions de travail, ou, si c'est là le
désir des centrales syndicales, que les centrales syndicales continuent
de faire du ministre de la Fonction publique une marionnette que l'on fait
marcher comme un enfant de cinq ans. Pourquoi? Pour faire plaisir ou pour se
rendre aux bonnes grâces et aux quatre volontés des chefs
syndicaux.
Cette loi qui nous est soumise par le gouvernement devrait
mériter l'appui de tous les députés de cette Chambre sans
exception, parce que nous avions tous comme but commun, à l'occasion de
l'étude du projet de loi 19, de ramener la paix sociale, la
sécurité sociale et de reprendre les négociations qui
avaient été interrompues.
Quelques-uns ont prôné des moyens différents de ceux
que la majorité a adoptés, mais je suis convaincu, encore ce
soir, que tous les
députés veulent que le ministre de la Fonction publique en
viennent à une entente avec les centrales syndicales plutôt que
d'imposer un décret qui régira les conditions de travail chez les
employés des services publics et des services parapublics. A moins que
nous soyons mandatés par les centrales syndicales dans le but de
bâillonner cette loi, dans le but d'en retarder l'adoption, pour rester
avec le texte stipulant que le gouvernement devrait appliquer le bill 19, qu'il
devra, par le mécanisme de l'article 10, d'ici demain soir, imposer un
décret aux travailleurs des services public et parapublic.
M. le Président, c'est cependant sans enthousiasme, parce que
personnellement je ne crois pas à un résultat, malgré tous
les efforts que déploiera le ministre de la Fonction publique.
Les grandes centrales syndicales, par la voix de leur chef, veulent
à tout prix que le gouvernement les sorte de l'impasse où elles
sont placées. Les chefs désirent à tout prix que le
gouvernement impose un décret pour qu'ils puissent sauver la face
vis-à-vis de leurs syndiqués. C'est pourquoi nous avons entendu
ce soir la voix de l'extrême gauche; nous l'entendrons probablement
encore demain, à moins que des directives venant de Montréal
incitent les honorables péquistes à changer de position, à
rajuster leur tir. En désespoir de cause, ils accepteraient cette
planche de salut qui est tendue une fois de plus par le gouvernement aux
grandes centrales syndicales.
Je suis sûr que tous les députés de cette Chambre
désirent que le ministre du Travail, par l'expérience qu'il
possède, par le calme qui le caractérise, par le souci
sincère qui l'anime, en vienne à une entente plutôt que
d'imposer des conditions de travail. Ils désirent qu'il puisse permettre
à tous ceux-là qui sont intéressés par la
négociation en cours d'obtenir des conditions de travail avantageuses.
Peut-être que le ministre des Finances devra délier quelque peu
les cordons de sa bourse. Il nous a déjà mentionné qu'il
ne pouvait aller plus loin, mais que c'est à l'intérieur d'une
enveloppe globale de $59 millions environ que le ministre de la Fonction
publique et les syndicats devaient trouver un terrain d'entente et accepter une
convention collective qui puisse satisfaire les uns et les autres; c'est
impossible, M. le Président.
Vu que le projet de loi 53 empêchera demain l'imposition d'un
décret aux travailleurs des services public et parapublic, nous devons
prendre une chance une fois de plus, nous devons faire confiance au ministre
négociateur. Si les députés avaient été
libres de voter à l'occasion du projet de loi 19, peut-être
auraient-ils reconnu que les suggestions faites à l'époque par le
chef de l'Opposition étaient de nature à préparer un
climat de négociation que souhaite aujourd'hui le ministre de la
Fonction publique et qu'il croit nécessaire. Il souhaite pouvoir
l'obtenir par ce moratoire qu'il nous demande, à nous de
l'Assemblée nationale. Il nous deman- de de le lui accorder afin qu'il
ne soit pas dans la fâcheuse obligation d'imposer un décret
dès demain comme l'obligent à le faire les dispositions de
l'article 10 de la loi 19.
En terminant, je souhaite que le ministre de la Fonction publique, dans
sa réplique, puisse répondre à quelques questions que lui
a posées le député de Chicoutimi.Peut-être le
ministre de la Fonction publique pourra-t-il nous donner les raisons pour
lesquelles il ne peut pas actuellement compter sur l'appui sans réserve
de la Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec. Finalement, nous souhaitons que le ministre de la Fonction
publique puisse nous donner suffisamment d'explications, de renseignements pour
nous inciter à voter avec un peu plus d'enthousiasme pour les principes
du projet de loi présentement à l'étude. Si le ministre
pouvait nous annoncer, à la suite d'une rencontre qu'il pourrait avoir
tard ce soir ou demain matin à bonne heuree je sais que dans ce
domaine de négociations il est un véritable oiseau de nuit
que le climat non seulement est meilleur mais qu'il a, cette fois la quasi
certitude que les négociations aboutiront à la signature d'une
convention collective.
Je suis sûr que ceci serait à la grande satisfaction des
travailleurs et au soulagement du gouvernement qui a certainement d'autres
responsabilités à envisager qu'une constante négociation
sans résultat qu'il mène depuis plus d'un an avec les grandes
centrales syndicales.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, en vertu de
l'article 97, je voudrais rétablir des faits à propos des
affirmations du député de Maskinongé, lorsqu'il a
interprété mon discours.
Le député de Maskinongé m'a fait dire que
j'approuvais les centrales syndicales lorsqu'elles demandaient un salaire
minimum de $100. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Voici ce que j'ai dit: Un
travailleur, un père de famille, un individu qui gagne $100 et moins,
lorsqu'il demande une augmentation de salaire, une sécurité
d'emploi, de meilleures conditions de travail, c'est un homme raisonnable et
ça ne fait pas nécessairement de lui un
révolutionnaire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.
M. Jean Perreault
M. PERREAULT: M. le Président, le bill 53 que nous avons devant
nous est un prolongement du bill 19, c'est un assouplissement du bill 19 et un
effort ultime du gouvernement pour trouver la voie juste entre les parties
impliquées et tenter d'en arriver à une solution
négociée.
Le chef de l'Opposition officielle et le chef parlementaire du Parti
Québécois ont prétendu,
au cours de ce débat, que le bill 19 n'avait pas
été nécessaire et que, de plus, on n'était pas plus
avancé aujourd'hui qu'il y a deux mois. Nous sommes plus avancés
car la preuve a été faite depuis, hors de tout doute, que toute
négociation ne pouvait aboutir car on n'a jamais voulu réellement
négocier. Les présidents de la CSN, de la CEQ ont fait la
démonstration, au cours de leur congrès respectif, que le but
poursuivi par le front commun n'était pas une convention de travail
négociée mais un affrontement majeur avec mission de changer le
contexte social de notre société actuelle et de faire tomber le
gouvernement pour y instaurer un régime socialiste, par la prise du
pouvoir par les travailleurs, à la faveur de l'anarchie. Un Parti
québécois expurgé de ses éléments de droite
et du centre aurait peut-être pu faire l'affaire.
Le gouvernement a passé le bill 19 et la grande majorité
de la population l'a approuvé. Pourquoi cet appui massif? C'est que le
monde ordinaire n'a aucune velléité de renverser le
système dans lequel il vit. Bien au contraire, il cherche à en
profiter le plus possible. L'homme ordinaire veut la paix et la
tranquillité. Il est las des propos incendiaires et des gens qui le
prennent pour un imbécile sans opinion à qui on peut imposer
n'importe quoi. L'homme ordinaire n'exige pas grand-chose, il ne réclame
qu'un peu de bon sens.
Si, par hypothèse, on retirait aux syndicats la formule Rand de
cotisations obligatoires, les centrales syndicales auraient tôt fait
d'oublier leur affrontement politique car les syndicats ont aussi, comme la
population d'ailleurs, une majorité silencieuse qui en a marre des
activistes et des révolutionnaires.
De l'autre côté de l'affrontement, nous retrouvons les
partenaires administratifs du gouvernement, partenaires autonomes, mais pas
encore assez autonomes selon le Parti québécois, qui veulent
garder les prérogatives de clocher avec une vision rétrograde du
milieu libéral de la société d'aujourd'hui.
Comme tous les députés, j'ai reçu des
résolutions à la chaîne des commissions scolaires voulant
conserver cette autonomie rétrograde et cet isolement étanche
même entre elles. Cependant, comme législateur, je
préfère l'optique du ministre du Travail qui, avant de rechercher
des solutions légalistes, propose des solutions tempérées,
empreintes de gros bon sens pour l'ensemble des travailleurs du secteur
public.
Le député de Bourget a mentionné aussi que le droit
de grève était inviolable et que l'Etat ne devrait pas
intervenir. Donc, on peut conclure qu'il faut laisser continuer l'anarchie qui
prévalait dans les services hospitaliers, par exemple. A ce propos, je
rappellerai au député de Bourget ce que le président de la
centrale ouvrière communiste de France répondait à
René Lévesque, lors du dernier voyage de celui-ci en France, sur
le droit de grève dans les services hospitaliers. "Ici, disait-il, nous
avons obtenu depuis longtemps le droit de grève dans les hôpitaux,
mais nous ne l'exerçons jamais, car c'est trop dangereux. C'est
maintenir une population en otage." René Lévesque de
répliquer: "Ce serait peut-être la solution à adopter chez
nous."
Personnellement, je crois sincèrement que nous n'arriverons
jamais à une convention négociée, mais que, plutôt,
nous atteindrons avec le bill 53 un décret de travail accepté. Le
délai accru pourra permettre, sinon une vraie négociation, du
moins une consultation réaliste. La convention de travail, même
imposée, sera acceptée par cette majorité réaliste.
La convention de travail, même imposée, sera acceptée par
cette majorité silencieuse des employés du secteur public, car
j'ai confiance au ministre du Travail.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement, si
le député de Saguenay me le permet. Mon honorable collègue
mentionnait, au début de ses propos, que le chef de l'Opposition et le
leader parlementaire du Parti québécois avaient dit qu'on
n'était pas plus avancé aujourd'hui qu'on ne l'était il y
a deux mois. Je dois, à regret, rappeler à mon honorable
collègue que je n'ai en aucun moment émis une telle opinion. Ce
que j'ai dit, cependant, c'est que, si, à l'époque, on avait
accepté les propositions que j'avais faites à l'effet de
suspendre l'étude ou l'analyse du bill no 19 et d'envisager un moratoire
de trois mois pour permettre aux parties de négocier sans cette
épée de Damoclès que représentait le bill no 19,
peut-être qu'on n'aurait jamais eu besoin ni du bill no 19, ni du bill no
53. Je concluais en disant qu'étant donné les circonstances je me
prononçais en faveur du bill no 53.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: Au cours de la discussion de ce projet de loi, on a, bien
souvent, accusé le Parti québécois d'être le
porte-parole des syndicats dans cette discussion. Pourtant, on aurait dû
lire, depuis quelques jours, la déclaration de M. Charbonneau concernant
le projet de loi no 53. Il disait à peu près ceci: Que le projet
de loi no 53 était, selon lui, plus favorable que le projet de loi no
19.
Pour notre part, nous nous sommes arrêtés à
l'étudier peut-être un peu plus longuement que le président
de la Corporation des enseignants du Québec. Si nous nous opposons tant
à ce projet de loi, c'est parce qu'il nous paraît
extrêmement dangereux. Il nous paraît encore plus dangereux que
pouvait l'être le bill no 19. Il faut bien comprendre que, nous aussi,
dans le Parti québécois, nous sommes pour la solution
négociée.
Nous l'avons démontré lorsque nous nous sommes battus
contre le bill 19. Nous avons, à ce moment-là, fait des efforts
considérables pour demander au gouvernement d'attendre encore avant
d'imposer un projet de loi qui suspendait complètement le droit de
grève aux employés de la Fonction publique, justement parce que
nous espérions que le gouvernement ait encore des offres à faire
à ces gens et qu'il était encore possible d'en arriver à
une solution négociée.
Mais, nous n'avons pas, ici, dans ce projet de loi, à nous
demander quelle est l'idéologie de l'un ou l'autre des partis politiques
ou de l'une ou l'autre des parties en présence. Nous avons tout
simplement à prendre le projet de loi que nous avons là et
à essayer de l'étudier pour voir les conséquences. S'il
s'agissait de voter sur les bonnes intentions du ministre, de voter sur la
bonne foi du ministre du Travail actuel, nous nous dirions, probablement,
d'accord sur le projet de loi, probablement que nous accepterions le projet de
loi parce que nous savons que le ministre du Travail a fait des efforts
considérables pour en arriver à une solution
négociée. Nous savons que ce ministre du Travail n'a jamais fait
de déclaration extrêmement forte ou de déclaration
extrêmement dangereuse, déclaration qui pouvait mettre de l'huile
sur le feu contre, par exemple, les employés de la fonction publique.
Nous savons que ce ministre du Travail a toujours reconnu le droit, aux
employés de la fonction publique comme aux autres travailleurs du
Québec, à des négociations libres, à des
négociations en acceptant de reconnaître le droit de
grève.
Mais, lorsque nous avons à voter pour une loi, nous n'avons pas
à voter sur les bonnes intentions du ministre. Nous n'avons pas à
voter sur les performances passées du ministre. Nous n'avons pas
à voter sur la bonne foi du ministre. Nous devons voir, comme
parlementaire, à ce que toute loi soit faite de telle sorte qu'elle ne
puisse permettre aucun abus, quel que soit le ministre du Travail. Nous avons
eu l'expérience de ce gouvernement. Nous connaissons ce gouvernement.
Nous savons que le ministre du Travail actuel, que le ministre de la Fonction
publique actuel, que l'ex-ministre de la Fonction publique n'est pas seul dans
ce gouvernement. L'ex-ministre de la Fonction publique nous a prouvé,
à maintes reprises, sa bonne volonté dans les négociations
passées.
Pourtant, le premier ministre ou le gouvernement actuel a quand
même enlevé ces pouvoirs, a quand même accepté tout
simplement de sacrifier l'ex-ministre de la Fonction publique au profit d'un
autre ministre de la Fonction publique en espérant qu'on allait trouver
une solution au conflit actuel. Mais qui nous dit que ce seront toujours des
gens de bonne foi comme ceux-là qui continueront d'être ministre
de la Fonction publique? Qui nous dit que dans un mois, après le 3
août, par exemple, on ne décidra pas de limoger, encore une fois,
le ministre actuel de la Fonction publique et d'en placer un autre qui serait
extrêmement dangereux et qui pourrait utiliser cette loi à mauvais
escient, de façon extrêmement dangereuse?
Ce projet de loi est tout simplement un vote en blanc au ministre de la
Fonction publique. Avec ce projet de loi, le ministre de la Fonction publique
peut faire n'importe quoi. J'écoutais, tout à l'heure, le
député de Chicoutimi. Si le principe de ce projet de loi est tout
simplement de prolonger la négociation jusqu'au 3 août, nous
sommes d'accord. S'il s'agit de donner un autre délai au gouvernement
actuel pour tenter d'en arriver à une solution négociée,
nous sommes complètement d'accord. Mais ce n'est pas du tout le principe
de ce projet de loi. H ne s'agit pas de donner un délai
déterminé, un délai fixe au ministre actuel de la Fonction
publique. Au contraire, ce délai est complètement
illimité. Le ministre de la Fonction publique a comme seule obligation
de ne pas imposer un décret avant le 3 août. Mais après le
3 août, qu'est-ce qui arrive?
Le ministre de la Fonction publique a complète discrétion.
C'est lui, de façon personnelle, en collaboration avec le cabinet, qui
va décider si les négociations fonctionnent ou non. C'est lorsque
le ministre de la Fonction publique aura lui-même, selon sa propre
discrétion, décidé qu'il n'est pas possible d'en arriver
à une solution négociée que le ministre de la Fonction
publique pourra imposer le décret.
Cela veut dire jusqu'à quand? Cette négociation va durer
jusqu'à quand? Cela peut aussi bien durer jusqu'au 3 août 1972 ou
encore jusqu'au 3 août 1975. Il n'y a rien qui nous dit: A une date
précise, le ministre de la Fonction publique devra faire rapport et dire
au cabinet: il faut maintenant imposer le décret. Il faut donner une
convention collective à ces gens, une convention collective
décrétée, si on n'est pas capable d'en arriver à
une convention collective négociée.
M. le Président, à la suite de communications que j'ai
eues avec certains employés de la fonction publique, en particulier les
enseignants, déjà les commissions scolaires, sans tenir compte de
l'ancienne convention, sont en train de créer un climat tel que les
enseignants ne se retrouvent plus, ne savent plus à quelle place,
l'année prochaine, ils vont travailler. Pourquoi? Parce que, même
si on a accepté, dans l'article 5, je crois, de la loi 19, que
jusqu'à ce qu'on impose un décret l'ancienne convention
collective devait durer, l'application de cela dépend bien souvent des
commissions scolaires. On sait que les commissions scolaires, dans un climat
comme celui qui existe actuellement, utilisent bien souvent non pas des droits
mais des pouvoirs abusifs pour créer un climat
d'insécurité chez ces gens. Il faudra que le ministre de la
Fonction publique nous précise exactement, pas seulement par des bonnes
intentions mais par des amendements si possible, jusqu'à quand il veut
faire durer ces négociations. S'agit-il de
faire en sorte que les négociations deviennent éternelles,
sempiternelles et tout ce que vous voudrez, jusqu'à ce que les parties
soient usées, jusqu'à ce que les parties soient tannées,
jusqu'à ce que les enseignants, les employés de la fonction
publique et les employés des hôpitaux disent: M. le ministre de la
Fonction publique, à genoux nous vous demandons un décret, parce
que nous n'avons plus de conditions de travail, actuellement?
C'est cela, M. le Président, qu'il faudra que le ministre nous
précise. Il me parait que c'est extrêmement important. Nous
n'avons absolument rien, actuellement, dans ce projet de loi, qui nous
précise jusqu'à quand les négociations vont durer. Quand
le ministre de la Fonction publique décidera-t-il d'imposer le
décret?
Si, encore une fois, M. le Président, le ministre de la Fonction
publique nous demande de lui donner une chance jusqu'au 3 août prochain
pour essayer de résoudre ce problème, nous n'avons aucune
objection. Mais il faut quand même établir certaines limites
à l'intérieur d'une loi. Il ne faut pas qu'une loi soit
utilisée de façon abusive. Il est possible, par cette loi, que ce
soit le cas.
Le député de Sainte-Marie, tout à l'heure, a
souligné un point qui me paraît fondamental et extrêmement
important. Dans l'ancien projet de loi, on disait que le décret
imposé allait se terminer à l'article 10 le 30 juin
1974. Dans l'article 10 modifié, tel que nous le propose le projet de
loi no 53, à quelle, place trouve-t-on un article qui nous dit quand
reprendront régulièrement les négociations collectives
chez les employés de la fonction publique? A nulle part. Il aurait fallu
que le ministre nous précise, quand même, par un amendement, quand
ce décret sera échu, quand on reviendra à une situation
normale.
Jusqu'à quand le décret qui sera imposé pourra-t-il
durer? C'est quand même important pour les employés de la fonction
publique de savoir quand ils vont retrouver leur droit de grève, quand
ils vont retrouver leur droit à la négociation. Est-ce qu'on a vu
ça dans le projet de loi? Est-ce que le ministre a pris conscience de
toutes les implications possibles de son projet de loi? Je me pose la
question.
Je me suis dit, à un moment donné: Peut-être que
c'est un oubli; peut-être que le ministre va venir corriger par un
amendement l'article 10, tel que modifié. Il ne semble pas, puisqu'on a
posé la question tout à l'heure, que ce soit le cas. Est-ce qu'on
veut faire disparaître le droit de grève chez les employés
de la fonction publique? Qu'on nous le dise donc, si c'est le cas.
Est-ce qu'on veut, jusqu'en 1978, imposer un décret aux
enseignants et à tous les employés de la fonction publique? Qu'on
nous le dise donc. Est-ce qu'il y a un article dans le projet de loi qui nous
dit quelles sont les limites de ce décret? Encore une fois, ce n'est pas
contre le laps de temps qu'on nous demande pour arriver à une solution
négociée que nous parlons. Ce n'est pas à cause de ce
délai que nous nous opposons au projet de loi qui nous est soumis. C'est
strictement parce qu'il y a des questions fondamentales qui se posent à
la suite de la lecture de ce projet de loi.
Je suis d'accord comme le disait tout à l'heure le
député de L'Assomption que les gens en ont soupé de
ces négociations sempiternelles. Je suis d'accord que le monde ordinaire
veut trouver un climat normal dans une société, mais on ne
créera pas un climat sain au prix de la disparition de libertés
fondamentales, au prix de la disparition du droit libre à la
négociation.
UNE VOIX: Votez pour.
M. LESSARD: Non, nous ne pouvons pas voter pour. Si le
député comprenait le projet de loi, j'ai l'impression qu'il ne
pourrait pas voter pour, lui non plus, parce que c'est, tout simplement, un
vote en blanc. Sans prêter d'intention, je craindrais, par exemple, qu'un
autre ministre du Travail que je ne nommerai pas, mais que j'ai en
tête remplace le ministre de la Fonction publique actuel et
décide de faire ce qu'il voudra avec ce projet de loi.
Même si le ministre le député de Chicoutimi
posait la question tout à l'heure ne nous demandait qu'un
délai jusqu'au 3 août, nous serions, encore là,
pessimistes, parce que, comme on l'a dit, il est extrêmement difficile de
pouvoir négocier librement lorsque l'une des parties a toujours une
épée de Damoclès sur la tête.
Mais, là, c'est encore pire que ce que nous imposait le bill 19.
C'est encore pire parce que ces gens-là ne savent pas où ils vont
aller. Ils ne savent pas si, d'ici à 1974, ils vont avoir
réellement une convention collective, qu'elle soit imposée ou
qu'elle soit négociée. Ces gens-là ne savent pas s'ils ne
vivront pas d'ici deux ans et peut-être d'ici six ans dans
une insécurité complète et à la discrétion
du gouvernement actuel. D'ailleurs, en 1974, il sera probablement
remplacé, ce gouvernement. On pourra revenir à une situation
normale.
On se demande si ce gouvernement va venir à apprendre quelque
chose. Lorsque nous avons discuté du bill 19, nous avions demandé
au gouvernement de retarder l'imposition d'une loi spéciale, d'essayer
d'en arriver à une négociation. Nous avions dit exactement
comme nous l'avions dit lors du bill 38 ceci au gouvernement : C'est
faux, il est impossible que vous arriviez à une négociation d'ici
au 30 juin 1972.
C'est drôle, tous ces gens-là en face nous disaient: Nous
allons essayer. Nous allons faire en sorte qu'on puisse arriver à une
négociation. D'autre part, on disait : Nous sommes rendus au bout de la
corde. Nous n'avons plus rien à offrir. Mais est-ce encore le cas?
Est-ce que le gouvernement n'a absolument rien à offrir?
Si c'est le cas, pourquoi retarder encore continuellement les
négociations? Pourtant, M. le Président, nous l'avions dit lors
du bill 19, le ministre de la Fonction publique actuel a trouvé une
partie de la solution. Il est arrivé, du côté des
enseignants, par exemple, à reconnaître la sécurité
d'emploi. Mais il y a un autre objectif qui est important, qui est fondamental
dans la négociation actuelle.
Est-ce que le ministre du Travail a quelque chose à offrir du
côté de la masse salariale? Cela ne sert à rien de retarder
continuellement la négociation, la solution des problèmes. C'est
devenu la marque de commerce de ce gouvernement. On ne décide jamais, on
attend, le temps résoudra les problèmes. C'est le
député de Montcalm qui soulevait tout à l'heure cette
question, ce n'est pas comme ça qu'on arrive à créer un
climat social qui soit sain, un climat social qui permette de négocier
librement des conditions de travail. C'est lorsque le gouvernement dira
à la table de négociation: Nous sommes véritablement
rendus au bout. Cela ne sert à rien, on ne joue pas au chat et à
la souris, on vous dit véritablement que c'est ça qu'on vous
offre puis on n'a pas autre chose à vous offrir que ça.
Là, on veut encore pendant un mois jouer au chat et à la
souris. Je suis assuré que lorsque l'ex-ministre de la Fonction publique
disait aux syndiqués: Ecoutez, d'après mon mandat, je suis au
bout de la corde, je n'ai plus rien à vous offrir, ce ministre
était sincère. Ce ministre croyait véritablement que le
mandat qui lui avait été donné par le gouvernement ne
serait pas modifié par la suite. Ce ministre a dû rester
énormément surpris lorsqu'on l'a remplacé par le ministre
de la Fonction publique actuel à qui on a donné un autre mandat,
un mandat plus large. Ce ministre aurait probablement réussi à
négocier si on avait arrêté à ce moment de jouer au
chat et à la souris et si on lui avait donné le même mandat
qu'on a donné au ministre du Travail actuel.
On n'aurait pas eu besoin de limoger un ministre, de sacrifier un
ministre. On l'a dit à maintes reprises, l'ex-ministre de la Fonction
publique, sans enlever ses capacités au ministre actuel de la Fonction
publique, avait démontré qu'il était capable de
négocier de façon intelligente, de façon rationnelle avec
les employés de la Fonction publique.
Mais qu'est-ce qui est arrivé? C'est qu'on lui a enlevé de
la corde, on ne lui en a pas assez donné...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'inviterais le député de
Saguenay à conclure parce que son temps est terminé.
M. LESSARD: M. le Président, je conclus par ces deux questions
fondamentales, auxquelles il est nécessaire qu'on nous apporte des
réponses. Est-ce qu'il s'agit, premièrement, de donner un sursis
au gouvernement jusqu'au 3 août, sursis qui pourrait continuer jusqu'en
1975? Deuxièmement, est-ce que le décret une fois imposé
va durer, comme le précisait la loi 19, jusqu'au 30 juin 1974, de
façon que les employés de la Fonction publique reprennent en
1974, la négociation collective de façon libre et retrouvent leur
droit de grève?
Ce sont là, je pense, deux questions fondamentales. Si le
ministre du Travail peut nous apporter des réponses à ces
questions, nous n'aurons plus aucune opposition au projet de loi 53.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. M. Fabien
Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, sur le projet de loi 53, Loi
modifiant la loi assurant la reprise des services dans le secteur public, qui
modifie en quelque sorte le projet de loi 19 que nous avions adopté le
21 avril dernier, après 23 heures et 3/4 de discussion, mon
collègue le député de Dorchester, dans son intervention
cet après-midi, a déclaré aux membres de cette Chambre que
notre groupement politique voterait pour les amendements proposés dans
le projet de loi no 53.
Le député de Dorchester a ajouté je fais
miens ses propos que cela nous donne raison sur l'attitude que nous
avions adoptée face au projet de loi 19. On se rappellera que nous
avions voté contre le projet de loi 19, contre la fameuse clause no 10,
la clause-guillotine, qui imposait un décret gouvernemental à
partir du 30 juin et qui mettait fin à toute négociation. Par
contre, nous avions déclaré, à ce moment-là, que
nous étions en faveur des dispositions de l'article no 6, parce que, par
cet article, on mettait fin à une grève qui commençait
à causer des torts et des préjudices à toute la population
du Québec.
Après avoir écouté certaines interventions de ce
soir et de cet après-midi, je me demande sérieusement, sans
présumer des intentions car je pense que c'est très clair, ce
qu'on veut dans certains milieux. On a travaillé on se rappellera
tous les discours qui ont été faits contre la clause no 10
et, à l'heure actuelle, on veut prolonger la discussion pour que le
décret soit appliqué tel que mentionné dans la loi 19. Le
moins que je puisse dire, après avoir entendu toutes ces choses, c'est,
pour reprendre une expression assez bien connue à l'heure actuelle: J'ai
mon voyage!
Je me demande sincèrement, lorsqu'on fait ce genre de
débat dans les circonstances, après les événements
malheureux qu'on a connus au Québec, si on pense à la population
du Québec, si on pense aux contribuables québécois qui
paient pour ces services et qui ont besoin de ces services parce que ce sont
des services essentiels. Nous avons connu la paix dans ce domaine au
Québec depuis quelques semaines et cela semble vouloir s'arranger de la
meilleure façon, par la négociation. Ceux qui veulent nous donner
de grandes leçons de démocratie, ceux qui se
prennent pour les sauveurs de la nation québécoise veulent
tout simplement le trouble, parce que certains personnages ne veulent pas
négocier, tout simplement. Cela, on ne veut pas le dire. On ne veut pas
négocier dans certains milieux parce que cela fait mal. Justement,
l'opération "sauve-la-face" fait partie de cela.
Je me rappelle qu'à l'occasion du débat sur le bill 10
j'avais parlé de l'opération "sauve-la-face", parce qu'il y avait
des gens en prison. J'avais même parlé des joyeux prisonniers et
de la sortie triomphale. Probablement qu'ils ont eu honte de faire une sortie
triomphale. Ils ont fait une sortie en douce, de façon à
éviter trop de publicité. Le problème n'est pas
réglé. Ils veulent encore sauver la face; c'est ça
l'enjeu. A l'heure actuelle, nous avons des représentants du peuple ici
qui sont des alarmistes professionnels et qui veulent profiter des
désordres sociaux. Plus ça va mal au Québec, plus
ça fait leur affaire. Il va falloir qu'on finisse par le dire. Cela fait
leur affaire parce que ça dépend d'Ottawa, ça
dépend de tout le monde sauf d'eux, les sauveurs de la nation, les
sauveurs de la race. Pourquoi? Parce qu'ils veulent implanter le socialisme, en
utilisant le séparatisme au Québec, au nom du grand nationalisme
que j'appellerai, tout simplement, non pas du nationalisme, mais du
"nationalouche", parce que c'est louche, leur affaire.
Ils ont même le culot de déclarer que, lorsqu'ils auront
pris le pouvoir, ces messieurs, on n'aura plus besoin de partis politiques au
Québec. Cela me fait penser à certaines démocraties qui
existent à l'heure actuelle dans le monde. Ce n'est pas du tout dans mon
intention d'appuyer le gouvernement au pouvoir, mais je pense que nous devons
avoir assez de sens des responsabilités et assez d'honneur pour bien
représenter la population qui nous a envoyés ici non pas pour
faire des spectacles, mais pour défendre ses intérêts.
Je pense qu'on se doit de mettre la politicaillerie de côté
et de travailler dans l'intérêt de la population du
Québec.
Si on s'informait auprès de la population du Québec demain
matin si elle est prête, elle, à retourner dans le même
chaos que nous avons vécu en mars et avril, que dirait-elle? On n'en
parle pas. On ne le dit pas, on préfère jouer à la petite
politique, pour sembler être le seul parti d'opposition en cette Chambre.
Quelle farce. C'est dégueulasse de voir de quelle façon on se
moque de la population et des membres de cette Chambre en leur faisant
indûment perdre leur temps. Nous aurions tant d'autres choses à
faire pour le plus grand bien de la population du Québec.
Je ne dirai pas que c'est le Parti québécois parce que PQ
signifie pour moi pirouettes quotidiennes. A l'article no 6 de la loi 19 on dit
que la grève et le lock-out sont prohibés à tout
salarié ou employeur. Je ne sache pas que par cette disposition de la
loi les travailleurs syndiqués du Québec perdent leur droit de
grève pour deux ans. Ce n'est pas dans ce sens que nous avons compris la
loi. Si c'était ce qu'elle dit nous ne serions pas d'accord sur le bill
53 mais ce n'est pas cela que dit la loi.
Le ministre du Travail propose tout simplement un adoucissement à
un mécanisme pour permettre une négociation et de la bonne
volonté de part et d'autre de façon à ce que les droits
des syndiqués, des travailleurs de la fonction publique et de la
population du Québec puissent être préservés.
Mais, il semble qu'on ne peut même plus, à Québec,
s'asseoir autour d'une table pour discuter de ses positions, de ses options, de
ses problèmes en vue d'essayer de trouver un consensus, un
dénominateur commun. Je ne crois pas à la fausse
démocratie de ces sinistres personnages.
Je voudrais tout de même attirer l'attention du gouvernement sur
un point. La fédération des commissions scolaires, d'autres
opinants l'ont dit avant moi, a soumis quelques recommandations au gouvernement
pour stipuler qu'elle a des droits à préserver. Elle aimerait que
le gouvernement tienne compte de ses revendications, de ses observations.
J'invite le gouvernement et le ministre de la Fonction publique à se
pencher sur ce problème et sur ces recommandations. Nous avons des
commissions scolaires au Québec qui se sont groupées en
fédération afin de pouvoir exprimer un certain point de vue de la
population. J'estime qu'il est du devoir et la responsabilité du
gouvernement d'étudier ces demandes, ces recommandations de voir
à faire un partage juste et équitable de façon à ce
que ce conflit puisse se régler dans les plus brefs délais en
tenant compte de la bonne foi et de la sincérité de chacun.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, après avoir consulté mes
collègues et les autres leaders parlementaires, je demanderais
l'ajournement du débat jusqu'à demain, je présume.
M. LEVESQUE: Adopté.
M. BURNS: A ce moment-là, je retire mon droit de parole sur ce
projet de loi.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Projet de loi no 24 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: Article 13.
Loi modifiant le régime de rentes du Québec. Le ministre
des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no
24, Loi modifiant le régime de rentes du Québec. Le ministre des
Affaires sociales.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande
l'étude à la Chambre.
Depuis l'adoption et la mise en vigueur du régime de rentes du
Québec, en janvier 1966, le gouvernement a précisé sa
politique de sécurité du revenu. Cette politique qui se veut
globale et intégrée et axée sur la poursuite des trois
objectifs suivants: Premièrement, la garantie d'un revenu fondé
sur les besoins évalués en fonction d'un seuil de revenu tenant
compte du salaire minimum.
Deuxièmement, la promotion des personnes par leur participation
à l'activité économique et sociale; et enfin, la
reconnaissance du droit des citoyens à des ressources minimales.
Cette politique exige donc que les régimes d'assurance-sociale,
tel le régime de rentes du Québec, soient modifiés afin de
s'insérer pleinement dans la poursuite des objectifs déjà
définis. Rappelons à ce sujet que le régime de rentes du
Québec n'a pas été modifié de façon
substantielle quant au niveau des contributions et des prestations depuis sa
mise en vigueur.
En outre, la première analyse actuarielle quinquennale
effectuée en date du 31 décembre 1970 a
révélé une accumulation de la caisse environ 20 p.c. plus
élevée que prévue en 1965. Dans le contexte de la
politique de sécurité de revenu, le régime de rentes du
Québec doit avoir pour objectif principal d'assurer une protection
financière des travailleurs en cas de réalisation des risques:
décès, invalidité et retraite, sans tenir compte de la
dimension familiale, mais en plaçant un plus fort accent sur la
redistribution verticale à l'intérieur du régime.
En ce qui a trait à la dimension familiale de cette politique, il
est certain que depuis l'établissement du régime, et par suite du
fait que les salaires ne tiennent pas compte, sur le marché du travail,
de la taille de la famille, les allocations familiales doivent être
modifiées afin de compenser de la façon la plus adéquate
possible les charges familiales. Cette réforme s'avère
essentielle dans le contexte de la réduction de là
pauvreté financière, puisqu'une proportion élevée
des familles comptant un certain nombre d'enfants, notamment quatre enfants ou
plus, ont des revenus qui se situent au-dessous des seuils de
pauvreté.
Dans la mesure où la fonction de compensation des charges
familiales est assumée adéquatement par les allocations
familiales, les régimes d'assurance sociale ont donc comme mission
principale d'assurer la continuation d'une partie du revenu du travailleur en
cas de réalisation des risques couverts; dans le cas présent, les
risques de décès, d'invalidité et de retraite. Cette
fonction de continuation d'une partie du revenu du travail doit en outre mettre
l'accent sur les plus bas revenus. C'est ce que nous entendons par
redistribution verticale à l'inté- rieur du régime, compte
tenu de l'objectif de la réduction de la pauvreté.
Voilà dont les fondements à partir desquels les
modifications proposées aux rentes de veuve, d'invalide, de retraites et
d'orphelin au régime de rentes du Québec ont été
confus. A ce stade, simplement pour illustrer l'importance du régime de
rentes du Québec, soulignons que toutes les personnes retirant un revenu
du travail supérieur à $600, dans le cas des travailleurs
salariés, et à $800 dans le cas des travailleurs autonomes,
doivent y contribuer et que les contributions, au cours de l'année 1971,
se sont élevées, pour cette seule année, à $286
millions, que la caisse du régime s'élevait, le 31
décembre 1971, à $1,664 millions, que le régime comptait
déjà 101,600 bénéficiaires, le 31 décembre
1971, qui recevaient des prestations dont le total s'est élevé,
pour l'année, à $43,500,000.
Voilà maintenant les principales modifications qui sont
proposées au niveau des prestations.
En premier lieu, en ce qui a trait aux rentes de veuves, aux rentes
d'invalides et aussi aux rentes qui sont versées à des veufs
invalides.
A l'heure actuelle, la rente de veuve est constituée d'un montant
de base de $27.60 par mois, c'est-à-dire un montant de $25 à
l'origine qui a été augmenté par le truchement de
l'indexation en fonction de l'augmentation des prix de consommation. Donc, un
montant de base de $27.60 par mois plus 37.5 p.c. de la rente de retraite que
le conjoint aurait reçue à 65 ans, selon son niveau de revenu au
cours de la période pendant laquelle il a travaillé. Au 31
décembre 1971, en vertu de cette formule, la rente moyenne versée
aux veuves, bénéficiaires du régime, ne s'élevait
qu'à $58.89 par mois.
Il est proposé qu'à compter du 1er janvier 1973 le montant
de base soit porté de $27.60 à $80, pour une augmentation de
$52.40 par mois. Cette augmentation aura donc pour effet de hausser la rente de
veuve, si l'on s'en tient aux chiffres au 31 décembre 1971, à
$111 par mois. Compte tenu de ce changement et, également, de la hausse
du montant de salaire sujet à contribution, le montant maximum des
rentes de veuves, dans l'avenir et à compter du 1er janvier 1973, sera
porté de $71.12 par mois à $123.75. Cette modification, il est
aussi important de l'indiquer, en plus de s'appliquer aux nouveaux
bénéficiaires, favorisera également les 20,200
bénéficiaires de rentes de veuves au 31 décembre 1971, de
même que toutes celles qui, au cours de l'année 1972, seront
devenues bénéficiaires de rentes de veuves.
Quant à la rente d'invalides, elle est composée,
également, d'un montant de base de $27.60, auquel s'ajoute un montant
égal à 75 p.c. de la rente de retraite que le travailleur aurait
reçue, compte tenu de son histoire de gains au moment de sa
période active de travail. Au 31 décembre 1971, le montant
mensuel des
rentes d'invalides versé aux bénéficiaires du
régime de rentes du Québec s'élevait à $91.85. La
proposition contenue dans le projet de loi est de hausser le montant de base de
$27.60 à $80 par mois, ceci à compter du 1er janvier 1973.
Toujours sur la base des montants moyens, au 31 dcembre 1971, le montant
moyen de prestation sera porté de $91.85 à $144.25 par mois.
Egalement, afin d'illustrer le fait de cette augmentation du montant de base,
au 1er janvier 1973, compte tenu de la hausse du montant de base et
également de la hausse du montant maximum des revenus, le montant
maximum de prestation ou de rentes d'invalides sera haussé de $114.09
à $167.50 par mois. Cette modification, de même que celle
apportée à la rente de veuves, en plus de s'appliquer aux
nouveaux bénéficiaires, favorisera les 2,040
bénéficiaires du régime au 31 décembre 1971,
c'est-à-dire les 2,040 personnes recevant des rentes d'invalides plus
ceux qui, au cours de l'exercice 1972, sont devenus bénéficiaires
de cette rente. Lorsque je cite ces nombres, 2,000 bénéficiaires,
ils peuvent sembler relativement faibles. Mais on ne doit pas ignorer que le
paiement de rentes d'invalides n'a commencé qu'au cours de
l'année 1970 en raison des conditions d'admissibilité à
ces rentes.
Par suite de ces changements, donc, aux rentes de veuves et d'invalides,
les bénéficiaires verront leur situation financière
améliorée. Il en résultera également une pression
quelque peu moindre sur le budget d'aide sociale, ce qui est de nature à
faciliter les changements qui s'imposent dans l'application de cette
dernière loi.
Quant au maximum des gains admissibles, maintenant, il s'agit du montant
maximum de revenus qui doit être pris en considération, aux fins
du régime de rentes du Québec.
Une hausse de ce montant maximum de revenu entraîne une
augmentation de contribution pour ceux qui gagnent un revenu égal ou
supérieur au montant maximum. En contrepartie, le montant de revenu
étant utilisé dans le calcul du montant des rentes de retraite,
des rentes de veuves, des rentes d'invalides, une hausse du maximum aura pour
effet de hausser le niveau des rentes versées. Afin que le régime
ne perde pas son importance relative, il comprend des dispositions pour
l'ajustement annuel de ce maximum des revenus sur lesquels des contributions
sont perçues et également sur lesquels les montants de pension
sont calculés.
Depuis le début du régime, c'est-à-dire de 1966
jusqu'à maintenant, et selon les dispositions du régime, cet
ajustement du montant maximum devait être effectué en fonction de
l'augmentation de l'indice des prix à la consommation mais avec une
limite de 2 p.c. par année. A compter de 1976, les dispositions
actuelles du régime prévoient que le montant maximum sera
haussé en fonction de l'indice des gains moyens.
Alors qu'en 1966, le montant maximum de revenu était fixé
au début à $5,000, avec la formule que je viens d'indiquer, soit
l'augmentation en fonction de l'indice des prix mais sujet à un maximum
de 2 p.c, le maximum, qui était originalement de $5,000, n'a
été haussé qu'à $5,500 en 1972, et ceci
principalement par suite de la limite qui était imposée de 2 p.c.
par année. Lorsqu'on examine, toutefois, la courbe des prix ou
l'évolution de l'indice des prix au cours de la période de 1967
à 1972 et qu'on compare cette évolution à l'indice des
rentes, c'est-à-dire l'indice des prix mais limité à un
maximum de 2 p.c. par année, on se rend compte qu'au cours de cette
période de cinq ans, un décalage de l'ordre de 8 p.c. s'est
déjà effectué entre les deux.
En fait, alors que l'indice des rentes est passé de 109.3
à 120.7, de 1967 à 1972, l'indice des prix à la
consommation, pour l'ensemble du Canada, est passé de 109.3 à
131.0 au cours de cette période, de là l'écart de 8 p.c.
Nous proposons donc de hausser la limite maximum, dans la formule d'indexation
ou encore dans l'augmentation du montant maximum de revenu, chaque
année, de 2 p.c. à 3 p.c. et, également, de hausser le
maximum des gains admissibles pour l'année 1973, tout comme si cette
limite maximum de 3 p.c. s'était appliquée depuis le début
du régime. C'est-à-dire que nous proposons de reprendre, en
quelque sorte, le terrain perdu, étant donné que l'indice des
prix a augmenté à un rythme plus rapide au cours de la
période que les 2 p.c. qui avaient été imposés
comme limite.
Ainsi, le projet de loi propose donc que le maximum des gains
admissibles passe de $5,900 en 1973, au lieu de $5,600 si nous maintenions la
même formule, à $6,100 en 1974 et à $6,300 en 1975. A
compter de 1976, comme je l'ai indiqué précédemment,
l'indice des gains s'appliquera par la suite.
Je voudrais mentionner ici que le rapport de la commission
d'enquête reçu en janvier 1971, donc plusieurs mois après
mon départ, recommandait de hausser le maximum de façon subite
à $8,000. Nous n'avons pas retenu cette recommandation de la commission
d'enquête pour diverses raisons. La première a trait c'est
la principale au fait que nous sommes encore en pleine période de
transition de ce régime, particulièrement en ce qui a trait aux
rentes de retraite et la hausse subite du montant maximum des gains admissibles
aurait pour effet de hausser, dans la même mesure, les rentes de retraite
de tous ceux qui, au cours des années prochaines, que ce soit 1973,
1974, 1975 et les années suivantes, seraient haussés de
façon substantielle.
Comme il s'agit là de personnes qui, dans bien des cas, ont des
revenus supérieurs à $8,000 et qui bénéficient
d'autres régimes de retraite, cette augmentation subite, non
accompagnée d'une augmentation correspondante au niveau des
contributions, aurait pour effet de transférer à ces personnes
des subventions ou
des montants considérables pour acquitter le coût de ces
augmentations subites de pension. Cela va nettement à l'encontre d'un
des objectifs que j'ai mentionnés au début quant au régime
de rentes du Québec.
Il nous paraît donc important de hausser graduellement le maximum
des gains admissibles en fonction d'un indice qui est plus réaliste,
mais nous ne pouvions retenir la proposition d'augmenter de façon
très subite le revenu maximum à $8,000.
On ne saurait ignorer également que cette augmentation toucherait
principalement les bénéficiaires des rentes de retraite et que
ces personnes reçoivent déjà la pension de vieillesse et
peuvent également bénéficier du supplément du
revenu garanti.
Nous avons effectué une analyse actuarielle de l'effet qu'aurait
eu l'augmentation subite ou très rapide du maximum des gains
admissibles. Cette analyse actuarielle démontre l'effet qu'aurait eu une
telle augmentation.
Egalement, j'ai reçu d'un citoyen intéressé une
étude indiquant la valeur des subventions qui auraient été
transférées aux personnes à revenu élevé, si
nous avions suivi une telle recommandation. Voilà donc les diverses
raisons pour lesquelles nous n'avons pas retenu cette recommandation.
En plus de l'augmentation des rentes de veuve, d'invalide, de même
que du maximum des gains admissibles, nous proposons également que
l'indexation des rentes en cours de paiement soit modifiée.
Présentement, tout comme pour l'augmentation de la limite maximum des
gains, les pensions sont indexées chaque année, mais jamais pour
plus de 2 p.c., même si l'indice des prix à la consommation
augmente d'un pourcentage supérieur à cette limite.
Nous proposons donc, pour les mêmes raisons que j'ai
indiquées précédemment, de hausser la limite maximum de 2
p.c. à 3 p.c, et ceci toujours à compter du 1er janvier 1973. A
l'exception des rentes d'orphelin je mentionnerai pourquoi, plus tard,
nous apportons cette exception toutes les rentes seront donc
haussées d'une façon plus rapide à l'avenir.
C'est-à-dire que, si les prix augmentent à un rythme
supérieur ou égal à 3 p.c, les rentes seront
augmentées de 3 p.c.
De même, au cours des prochaines années, si les rentes ou
l'indice des prix à la commission augmentait d'un taux inférieur
à 3 p.c, l'indexation continuerait de s'effectuer à 3 p.c. pour
une certaine période, étant donné que les dispositions du
régime de rentes contiennent un mécanisme pour effectuer un
certain rattrapage sur ce plan.
Je voudrais également souligner ici qu'en modifiant cette limite
de 2 p.c. à 3 p.c. il existe un effet d'entrafnement sur d'autres plans.
Par exemple, dans la Loi de l'aide sociale, les prestations sont
indexées, depuis l'an dernier ou depuis le 1er janvier 1972, en
utilisant exacte- ment la même formule que pour le régime de
rentes du Québec. Les règlements font référence aux
dispositions de la Loi du régime de rentes du Québec.
En modifiant cette loi, nous nous trouvons en définitive,
à moins que les règlements en vertu de la Loi de l'aide sociale
ne soient modifiés, à apporter une augmentation plus rapide des
prestations payées en vertu de la Loi de l'aide sociale, si les prix
augmentent à un rythme plus rapide que 2 p.c. par année. Il en
est de même quant au régime de retraite des fonctionnaires et des
enseignants.
J'ai mentionné au début qu'à notre avis le
régime de rentes du Québec doit avoir comme fonction principale
la continuation du revenu du travailleur advenant la réalisation des
risques, décès, invalidité et retraite, et la continuation
du revenu sur une base analogue au revenu qui est fait sur le marché du
travail, c'est-à-dire un revenu qui ne tient pas compte de la dimension
familiale. Et compte tenu du fait qu'il est nécessaire de modifier les
allocations familiales de telle sorte que les montants reçus soient plus
conformes aux charges familiales, il nous paraît donc que dans le
régime de rentes du Québec l'allocation de ressources à
des rentes d'orphelins devient une mauvaise allocation de ressources en quelque
sorte et qu'il est mieux de concentrer les ressources disponibles pour payer
des rentes de veuves, des rentes d'invalides, des rentes de retraite
adéquates. La fonction des allocations familiales est de compenser quant
à elles les charges familiales.
Et nous avons vu qu'une telle approche est nécessaire pour
d'autres raisons, c'est-à-dire pour équilibrer le régime
d'aide sociale, de telle sorte que, dans la mesure où un régime
d'allocations familiales adéquat existe, les prestations d'assistance
sociale n'ont plus à tenir compte dans la même mesure du nombre
d'enfants que compte une famille. Ainsi ces prestations ont moins de chance
d'entrer en concurrence avec les revenus que le bénéficiaire
pourrait avoir sur le marché du travail.
C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'à compter du 1er
janvier 1974 les rentes d'orphelins soient fixées à $29 par mois
et ne soient plus indexées dans l'avenir. Evidemment, nous n'avons pas
éliminé ou proposé l'élimination de rentes
d'orphelins, étant donné le fait que les travailleurs qui ont
bénéficié à ce régime peuvent à juste
titre considérer qu'ils ont des droits acquis quant à ces
rentes.
Voici les principales modifications touchant le niveau des prestations.
Celles ayant trait aux veuves et aux invalides entrafneront une hausse des
déboursés. Je voudrais souligner, je vais y revenir de toute
façon un petit peu plus tard dans mon exposé, que les
augmentations ayant trait aux rentes de veuves et d'invalides sont celles qui
entraînent les hausses de déboursés les plus
élevées. Par la suite ou en ordre d'importance on verra que les
hausses apportées par exemple au maximum des gains admissibles
entraînent des déboursés moins élevés
de même que l'indexation des prestations.
Voici ce qui a trait aux modifications touchant les aspects de nature
technique au régime de rentes du Québec. Ces modifications sont
assez nombreuses, alors je me limiterai à ne mentionner que les
principales touchant soit les prestations ou encore l'admissibilité. Je
dirai mon collègue le ministre du Revenu n'est pas ici en ce
moment quelques mots sur certaines des modifications touchant les
dispositions du régime de rentes qui font partie des sections du
régime de rentes qui sont considérés comme étant
une loi du revenu.
La première a trait à la définition du mot enfant.
Selon la loi actuelle, la notion de garde est appliquée lorsque le
cotisant est une personne autre que le parent légitime, naturel ou
adoptif. Cette notion de garde a apporté dans son interprétation
une certaine confusion et aussi certaines difficultés. En
conséquence, nous proposons que dans le cas d'un enfant, lorsqu'il
s'agit du décès d'un cotisant autre que le père de cet
enfant ou la mère légitime, naturelle ou adoptive, ou le
père légitime, naturel ou adoptif, ou encore son beau-père
ou sa belle-mère, on applique le critère de la subsistance,
c'est-à-dire que l'on vérifie si le cotisant subvenait
entièrement ou dans une large mesure aux besoins de l'enfant.
Enfin c'est cette notion qui a été retenue dans la Loi de
l'aide sociale. Elle permet une application beaucoup plus conforme aux
réalités de la Loi de l'aide sociale que ce n'est le cas en ce
qui a trait au régime de rentes du Québec.
Nous proposons également une modification aux dispositions
touchant le numéro d'assurance sociale. En vertu des dispositions de la
loi, telle qu'elle est présentement, une personne qui n'a pas fait de
demande de numéro d'assurance sociale est privée des prestations
ou sa famille peut être privée des prestations en vertu du
Régime de rentes du Québec. Il s'agit là d'une sanction
relativement sévère et qui, en fait, n'est pas apparentée
avec la nature de l'infraction, de l'oubli ou de la négligence qui peut
avoir donné lieu à cette absence de numéro d'assurance
sociale.
Tout comme dans le Régime d'assurance-maladie, où la
couverture par le Régime d'assurance-maladie n'est pas liée
à l'obtention d'un numéro d'assurance-maladie, nous proposons
d'enlever cette sanction de telle sorte que si une personne contribue au
régime pour les périodes prescrites et que si un des risques se
réalise, cette personne ou ses bénéficiaires
reçoivent les prestations indiquées.
Nous proposons également que les dispositions relatives à
la réduction de la rente de retraite, entre 65 ans et 70 ans, soit
assouplie. Actuellement, une personne, entre l'âge de 65 et 70 ans, qui
reçoit une rente de retraite en vertu du régime, si cette
personne reçoit un revenu du travail qui excède $960 et si ce
revenu est inférieur à $1,600 par année, un montant de
$0.50 pour chaque dollar gagné est déduit de sa rente de
retraite. Si ce revenu du travail excède $1,600 par année,
à partir du montant excédant $1,600 par année, pour chaque
dollar de revenu du travail gagné, $1 de rente de retraite est
déduit.
Nous proposons plutôt qu'au-dessus de la limite de $960 par
année, pour tout dollar de revenu de travail gagné, la rente de
retraite ne soit réduite que de $0.50 et ceci sans limite. Je voudrais
signaler ici que cette modification introduit en quelque sorte, pour cette
catégorie de bénéficiaires, le concept du revenu minimum
garanti.
Nous proposons également l'abrogation de l'article 222. En vertu
de cet article, une loi qui modifie le niveau général des
prestations les catégories de prestations, les taux de
contribution, les facteurs de calcul des contributions et des prestations
ne peut entrer en vigueur qu'à une date qui ne doit pas
être antérieure au premier jour de la troisième
année suivant l'année au cours de laquelle la loi a
été présentée à la Législature. Vous
m'excuserez de reprendre le texte de la loi, mais c'est le texte exact que j'ai
ici. Si l'on se réfère aux discussions qui ont entouré
initialement l'adoption du Régime de rentes du Québec en 1965, la
raison d'être de cet article était d'éviter des
modifications trop fréquentes, ce qui aurait pu avoir pour effets de
changer la nature du régime et aussi de modifier son équilibre
financier.
Evidemment, même si ceci n'est pas écrit et n'a pas
été dit, on peut imaginer qu'il y avait là
également une disposition de nature à faciliter le maintien de
l'uniformité dans les dispositions entre le Régime de rentes du
Québec et le Régime de pension du Canada. Etant donné le
fait que ce régime est maintenant en vigueur depuis 1966, soit depuis
plus de six ans, et qu'il n'a pas été modifié de
façon substantielle depuis, il nous parait que le maintien d'une telle
disposition ne s'avère plus utile ou nécessaire et c'est la
raison pour laquelle nous en proposons l'abrogation.
Le projet de loi contient, comme je l'ai mentionné, certaines
modifications aux dispositions qui s'apparentent ou qui sont de la nature des
lois du revenu. Certains articles corrigent des erreurs ou des omissions qui
furent faites lors de la rédaction originale de la loi.
D'autres visent à l'harmoniser davantage avec les lois fiscales
et d'autres, enfin, corrigent de simples erreurs typographiques. Je souligne
ici que les dispositions ou modifications aux dispositions visant à
harmoniser le régime avec les lois fiscales ont évidemment, trait
aux contributions, parce que tout le reste de la loi ne s'apparente
évidemment pas à la législation fiscale.
Une deuxième catégorie d'articles a trait au partage de
juridictions entre la Régie des rentes du Québec et le
ministère du Revenu. Certains domaines, les appels en matière de
contribution, par exemple, relèvent présentement de la
régie plutôt que du ministère du Revenu. Je suis d'ac-
cord, évidemment avec le ministre du Revenu pour que ces appels
soient orientés et dirigés aux mécanismes existant dans le
domaine fiscal.
Une troisième catégorie modifie certaines dispositions
relatives aux contributions versées au régime, qui, à
l'usage, se sont avérées indûment restrictives. A titre
d'exemple, nous proposons qu'un salaire gagné avant le
décès d'un travailleur, mais versé après son
décès, soit admissible comme s'il avait été
versé du vivant du cotisant. Il peut sembler que cette modification est
d'ordre mineur, mais elle peut prendre une très grande importance s'il
s'agit d'une contribution servant à qualifier le cotisant ou à le
rendre admissible, lui ou ses bénéficiaires, à une rente
de veuve ou d'invalide.
De la même manière, dans le cas d'un employé qui
aurait pu être suspendu de son emploi, puis
réintégré éventuellement à son poste, son
salaire versé rétroactivement, présentement, est
comptabilisé au cours de la période pendant laquelle cette
rétroactivité lui est versée. Alors, nous proposons que le
salaire soit plutôt attribué à la période pendant
laquelle la suspension de cet employé a pu avoir lieu, et cela dans le
but, encore une fois, de favoriser l'admissibilité aux prestations et
aussi d'assurer une moyenne plus élevée du revenu servant au
calcul des rentes de retraite et autres.
Egalement, nous proposons des modifications aux dispositions qui
obligent le nouvel employeur à contribuer à nouveau pour un
employé qui change d'emploi en cours d'année. Nous proposons que,
dans le cas des fusions de municipalités ou des fusions de commissions
scolaires, les municipalités et les commissions scolaires qui assument
le maintien de l'emploi du salarié ne soient pas obligées de
cotiser en double ou encore que l'on tienne compte des contributions
versées au cours de l'année de la fusion pour le travailleur.
Il s'agit là, dans bien des cas, comme dans le cas de la loi 27,
de fusions qui ont été prescrites par une loi. Il ne s'agit pas
du choix d'un individu, ni du choix d'un employeur. C'est la raison pour
laquelle nous croyons nécessaire d'éviter cette
possibilité d'une double contribution. Le même raisonnement
s'applique en ce qui a trait aux municipalités.
Nous proposons également des modifications à la structure
administrative du régime de rentes du Québec. Ces modifications
ont principalement trait à la composition de la régie. Les autres
modifications découlent naturellement de cette première
modification.
La régie est présentement formée de trois membres
qui sont tous nommés comme fonctionnaires. La régie, dont les
activités sont susceptibles de toucher à un nombre
considérable de personnes au Québec, par le fait de sa
composition, est actuellement perçue comme un pur organisme
administratif, ne faisant pas appel à la participation des
bénéficiaires et de tous les intéressés à ce
régime.
Nous proposons, et ceci à la suite de l'expérience
vécue par la Régie de l'assurance-maladie du Québec,
également conformément aux recommandations de la commission
d'enquête, de doter la Régie des rentes du Québec d'un
conseil d'administration à caractère représentatif. Dans
cette optique, le conseil d'administration comprendrait, selon les dispositions
proposées dans le projet de loi no 24, douze membres dont un
président directeur général. La
représentativité de ces membres s'établirait comme suit :
deux représentants des employeurs et du monde des affaires, deux
représentants des syndicats ouvriers, deux représentants des
groupes socio-économiques, deux représentants des
bénéficiaires du régime, deux représentants du
gouvernement et, enfin, un représentant des entreprises oeuvrant dans le
domaine des régimes de retraite pour les salariés. En
contrepartie, nous proposons que les dispositions de la loi touchant la
formation d'un conseil consultatif (conseil consultatif qui n'a jamais
été formé) soit abrogées.
Nous proposons également qu'une partie du paiement des
prestations versées en vertu de la Loi de l'aide sociale à un
groupe bien identifié de personnes soit assumée par la caisse du
régime de rentes du Québec. J'ai déjà
mentionné au début qu'au 31 décembre 1970, la caisse avait
atteint un montant ou un niveau de 20 p.c. plus élevé que
prévu lors de l'analyse actuarielle de 1965.
Au 31 décembre 1971, selon une étude effectuée par
l'actuaire de la Régie des rentes, l'on a pu établir que dans ce
montant plus élevé que celui qui avait été
prévu initialement, à l'intérieur de ce montant
excédentaire, un montant variant entre $70 millions et plus de $100
millions pouvait être considéré comme un surplus, ce
surplus provenant des taux d'intérêt plus élevés que
ceux prévus initialement lors de l'établissement du
régime. Comme une augmentation des taux d'intérêt,
contrairement à une augmentation des niveaux de salaires sujets à
contribution, n'entrafne pas par la nature même de cette
augmentation des taux d'intérêt qui ne touche ni les contributions
ni les prestations de nouvelles obligations, on peut donc
considérer qu'il s'agit réellement là d'un surplus.
Or, des veuves et des invalides qui n'ont pu se qualifier au
régime de rentes du Québec reçoivent présentement
des prestations en vertu de la Loi de l'aide sociale. Nous proposons donc,
compte tenu de la situation excédentaire de la caisse du régime
de rentes du Québec, de payer une partie des prestations versées
à ces veuves et invalides en vertu de la Loi de l'aide sociale. Cette
proposition aura également pour effet de soulager quelque peu le budget
de l'aide sociale et, compte tenu des autres changements qui seront
apportés au régime et qui auront également un certain
effet sur le budget de l'aide sociale, ceci pourra faciliter
également
la révision des barèmes actuels de la Loi de l'aide
sociale, barèmes qui, de toute évidence, pour certaines
catégories d'individus, doivent être modifiés, comme l'a
souligné le député de Montmagny lors de l'étude des
crédits du ministère, comme l'a souligné, je crois bien,
le député de Bourget et comme l'a souligné le
député de Dorchester également.
De façon plus précise, nous proposons que le régime
de rentes du Québec paie la moitié de la prestation de base
versée, en fait, à ces personnes bénéficiaires de
rentes de veuves et d'invalides en vertu de la Loi de l'aide sociale. Ceci,
tant et aussi longtemps qu'elles n'ont pas 65 ans. Nous proposons que ces
paiements ne soient effectués qu'aux bénéficiaires
identifiés au 31 décembre 1971 et qu'aucun nouveau
bénéficiaire ne soit ajouté à cette liste, de telle
sorte que ces paiements soient vraiment effectués à un groupe de
personnes qui, à quelques exceptions près, n'ont pu
réellement bénéficier des dispositions du régime de
rentes du Québec. Nous proposons que ces dispositions prennent effet le
1er juillet 1972.
Selon les relevés qui ont été effectués, le
nombre de veuves qui continueraient il faut être bien clair sur ce
point de recevoir, comme les autres bénéficiaires de la
Loi de l'aide sociale, leurs prestations en vertu de la Loi de l'aide sociale
s'élèverait à 22,900 et le nombre d'invalides à
4,800. Le montant des paiements ainsi effectués en vertu de la formule
décrite par la caisse du régime de rentes du Québec
s'élèverait, en 1972, à $4,600,000. En 1973, étant
donné qu'il s'agit là d'une année complète et que
le partage va s'effectuer par rapport à des montants plus
élevés, le montant assumé par la caisse
s'élèverait à $17.7 millions. Par la suite, ce montant
diminuera graduellement à mesure que le groupe diminuera, soit en raison
de l'âge des personnes, soit en raison des décès. En l'an
2,000, il est estimé que ces paiements auraient atteint un niveau
d'environ $2 millions par année.
Je voudrais ici noter que ces dispositions ne modifient en rien la Loi
de l'aide sociale, de telle sorte que nous continuerons de recevoir, en vertu
du régime canadien d'assistance publique, la moitié du coût
des prestations versées selon la Loi de l'aide sociale. Alors, nous
continuerons de bénéficier du partage en vertu du régime
canadien d'assistance publique.
En définitive, je crois qu'il est exact d'affirmer que la bonne
administration du régime, de même que la bonne administration de
la Caisse de dépôt et placement, permettront, en plus de hausser
les rentes tel que nous l'avons déjà vu, de hausser
éventuellement, d'une manière plus satisfaisante, les prestations
d'aide sociale sans, pour autant, dans la même mesure, demander que le
fardeau fiscal des contribuables soit haussé. Nous recherchons un
équilibre plus juste entre l'effort fourni au plan des contributions
versées au régime, les prestations, de même que les
impôts versés et les bénéfices perçus en
vertu d'autres mesures.
Quant à l'effet de cette proposition sur l'accumulation de la
caisse du régime de rentes du Québec, on peut constater, dans
l'analyse actuarielle, qu'il est relativement minime par rapport aux autres
modifications proposées. Je rappelle qu'il s'agit d'un groupe bien
identifié d'individus, que la proposition est de partager, dans une
partie seulement, des paiements qui sont versés à ces personnes
et que les paiements cessent dès que ces personnes ont atteint
l'âge de 65 ans.
Je suggère, de toute façon, que l'on relise, au besoin,
à la page 85 de l'analyse actuarielle que j'ai déposée la
semaine dernière, les conclusions de l'actuaire à ce sujet. On
peut, évidemment se poser certaines questions quant à cette
mesure. On peut se demander si vraiment il est sage de faire porter ainsi une
partie du coût par le régime de rentes du Québec. Mais je
voudrais insister, en terminant, sur le fait qu'il s'agit, en fait, d'utiliser
un montant de surplus qui s'est accumulé dans la caisse, si l'on en juge
par l'analyse qui a été faite.
Quant à l'évolution de la caisse du régime de
rentes du Québec, il convient, étant donné l'importance de
cette caisse à divers plans, d'en dire quelques mots. A la page 48 de
l'analyse actuarielle, selon les hypothèses de coûts
intermédiaires je crois que ce sont les hypothèses que
l'on doit retenir pour ce genre de discussion l'on voit clairement que
l'augmentation des rentes de veuve est celle qui a la plus forte incidence sur
l'accumulation de la caisse. En effet, en l'an 2,000, l'augmentation des rentes
de veuve, par suite des changements proposés dans le présent
projet de loi, sera de l'ordre de $330 millions par année. Alors, il
s'agit d'une augmentation substantielle. C'est l'augmentation la plus
élevée, de beaucoup, qui est proposée.
A court terme, l'augmentation des rentes d'invalidité, elle, se
situe au deuxième rang. On voit, par exemple, qu'en 1973 elle sera de
$10.6 millions.
Cette augmentation, en 1973, occasionnera plutôt des
déboursés additionnels de $10.6 millions contre $17 millions, en
ce qui a trait aux rentes de veuves. Toutefois, en l'an 2,000, selon les
projections, l'augmentation, dans les rentes d'invalides, sera de l'ordre de
$157 millions par rapport à une augmentation d'environ $330 millions
pour les rentes de veuves.
Quant aux rentes de retraite, l'effet, au départ, est
relativement minime. On voit qu'en 1973, l'augmentation ne sera que de l'ordre
d'un demi-million. Toutefois, en l'an 2,000, l'augmentation due aux
modifications proposées dans le présent projet de loi sera de
l'ordre de $162.8 millions au cours de l'année 2,000.
Quant à l'aide sociale, l'incidence classe cette mesure nettement
au quatrième rang, étant donné qu'elle n'implique, au
départ, que des montants de $17.9 millions, en 1973, et qu'en l'an
2,000, ces montants seront réduits déjà à un
montant de l'ordre de $2 millions.
Enfin, quant aux prestations de décès, alors
que l'augmentation sera relativement minime, en 1973, soit de l'ordre de
$100,000, en l'an 2,000, les prestations de décès seront
haussées, toujours selon les prévisions, d'environ $6.8
millions.
Il importe de noter que l'incidence des changements apportés sera
relativement faible et c'est la raison pour laquelle j'ai voulu mentionner les
chiffres des augmentations en 1973, parce que les augmentations en 1974 ou 1975
seront à peu près du même ordre. Il importe de noter ces
augmentations relativement faibles au cours des deux ou trois prochaines
années, compte tenu du fait que le 31 décembre 1975 les
dispositions actuelles de la loi prévoient une nouvelle analyse
actuarielle. Si on en juge par l'analyse actuarielle déposée, par
exemple à la page 51, on voit que compte tenu de l'augmentation des
contributions, résultant de la hausse du montant des revenus sujets
à contribution, les prestations additionnelles ne
s'élèveront, en 1975, qu'à $53.2 millions. A cette
époque, la caisse du régime s'élèvera à plus
de $3 milliards. Un simple excédent de 1 p.c. dans les gains
d'intérêts par rapport aux hypothèses formulées
signifierait donc un surplus, au cours d'une année, de l'ordre de $30
millions.
On voit que les modifications proposées en début de
période, c'est-à-dire au cours des deux ou trois prochaines
années avant la prochaine analyse actuarielle, ne sauraient mettre en
cause, de quelque façon que ce soit, l'équilibre financier du
régime.
Egalement, si l'on se réfère à la page 86 du
rapport, on voit que l'actuaire de la régie partage cette opinion,
puisqu'il affirme que l'équilibre financier du régime n'est pas
fondamentalement faussé par les mofidications apportées. Tout au
plus faudra-t-il réviser éventuellement le niveau des
contributions un peu plus tôt que prévu à l'origine. Il est
évident que lors de l'établissement de ce régime, en 1966,
il était prévu qu'éventuellement le taux de contribution
de 1.8 p.c. devrait être haussé. Les prévisions
actuarielles déposées à l'époque l'indiquaient
clairement.
Un dernier point à mentionner à ce sujet, pour bien
affirmer ou confirmer qu'il est exact de dire que les modifications
apportées n'auront pour effet que de rapprocher quelque peu la date
où il aurait été nécessaire de hausser le niveau
des contributions, ceci par un montant relativement minime. On en trouve les
explications dans l'analyse.
Si l'on se reporte à la page 64 de l'analyse actuarielle, l'on
constate que les prestations, lorsqu'elles sont exprimées en
pourcentages des contributions, viennent à décroître
au-delà de l'an 2,030.
C'est donc dire qu'à long terme le régime n'est pas en
déséquilibre et qu'il suffira d'une légère
augmentation des contributions au cours des années à venir pour
reporter de façon significative l'échéance de la date
où la caisse commencera à décroître, de même
que celle qui, selon les prévisions, indique que la caisse deviendrait
nulle.
Enfin, toujours sur cette question de l'évolution de la caisse,
je suggère aussi que l'on consulte bien attentivement le graphique de la
page 60. Ce graphique permet de constater que la caisse va continuer de
croître au cours des prochaines années, sensiblement au même
rythme que selon l'analyse actuarielle de 1970 et ceci jusque vers 1980. En
définitive, ça confirme d'une autre façon ce que je
mentionnais précédemment, les modifications apportées
n'ont que peu d'effet sur l'accumulation de la caisse au cours des toutes
prochaines années.
Il est également important de noter que la caisse, selon
l'analyse actuarielle déposée, va atteindre un montant ou une
limite supérieure maximum beaucoup plus élevée que
ça n'avait été prévu en 1965 lors de
l'établissement du régime. Cela n'est qu'au plan de la
durée de la caisse que les modifications apportées ont un certain
effet et, encore là, un effet relativement minime. En 1965 selon
les hypothèses de coûts intermédiaires il
était prévu une caisse nulle en l'an 2002. Selon l'analyse
actuarielle qui vous a été remise la semaine dernière, on
voit que la caisse est susceptible de devenir nulle en l'an 1998. Et j'ai bien
insisté sur le fait qu'une augmentation relativement minime du taux de
contribution pourrait, de façon très significative, reporter
cette échéance, puisqu'à long terme l'équilibre
financier du régime n'est pas en cause, si on en juge par le rapport
entre les prestations et les contributions, tel qu'indiqué à la
page 64 de l'analyse actuarielle.
Par conséquent, sur ce plan également il est possible
d'affirmer, sans l'ombre d'aucun doute, que sans mettre en danger
l'équilibre financier du régime nous apportons des modifications
qui, compte tenu de l'expérience favorable depuis la mise en vigueur du
régime, établissent un meilleur équilibre entre l'effort
consenti par les travailleurs au plan des contributions, d'une part, et les
prestations versées, d'autre part. Ceci, particulièrement en ce
qui a trait à des groupes de personnes dont les besoins sont les plus
grands, soit les veuves et les invalides.
Il me reste un point à traiter en terminant, et c'est la question
des ententes avec d'autres gouvernements. A la suite de l'établissement
du régime de rentes du Québec en 1966, différents accords
ont été signés au nom du gouvernement du Québec, en
vertu du régime de rentes, un accord relatif au paiement des
prestations, un accord relatif au remboursement des excédents de
contributions, un accord relatif à l'assujettissement de certains
emplois au régime de rentes du Québec, un accord touchant
l'assujettissement des fonctionnaires du gouvernement du Québec, un
accord touchant l'échange de renseignements avec l'administration de
l'assuran-ce-chômage, un accord touchant la Commission d'appel des
pensions et enfin un accord sur la sécurité sociale entre le
Canada et la République fédérale d'Allemagne.
Dans l'ensemble, ces accords ont pour but d'assurer la bonne application
ou le bon fonctionnement du régime, la transférabilité des
avantages pour les travailleurs qui se déplacent au cours de leur
carrière entre le Québec et d'autres provinces et même la
transférabilité en ce qui a trait à la couverture de
ressortissants étrangers. Il convient donc d'examiner brièvement
cette question et en même temps, par le fait même, dire quelques
mots au sujet de l'uniformité des dispositions qui existent
présentement entre le régime de rentes du Québec et les
régimes de pension du Canada.
En 1966, il avait été possible d'atteindre cet objectif de
l'uniformité, sans mettre en cause les objectifs les plus importants du
régime de rentes du Québec. C'est dans cet esprit, ou dans le but
de maintenir cette uniformité, que nous avons engagé de
façon préliminaire, en 1971, des négociations avec le
gouvernement fédéral, en vue d'en arriver à
présenter à la Chambre les amendements que nous discutons
présentement.
Or, après un certain nombre de séances tenues au
début de l'année 1972, nous avons indiqué bien clairement,
au début de l'année 1972, que c'était l'intention du
gouvernement du Québec d'apporter des modifications au régime de
rentes du Québec. Je l'ai fait au moment où j'ai donné un
aperçu des objectifs que nous nous étions fixés pour
l'année 1972. Or, après avoir posé tous ces gestes
qui ne peuvent certainement pas être qualifiés de gestes
hâtifs, puisqu'ils se sont échelonnés dans le temps sur une
période d'environ un an j'ai reçu en date du 3 mai
dernier, du président de la Régie des rentes, à qui nous
avions donné le mandat de poursuivre les discussions au plan technique
avec les fonctionnaires du gouvernement fédéral, une note dans
laquelle il m'informait que le gouvernement du Canada semblait avoir
reporté à l'automne la question des amendements à son
régime. Il semblait également avoir décidé de
reporter au 1er janvier 1974 la date d'entrée en vigueur de ces
amendements.
C'est de cette façon, par la voix du président de la
Régie des rentes du Québec, que j'ai appris cela ne m'a
pas été confirmé officiellement, par la suite ce
changement dans les intentions du gouvernement du Canada. Pour nous, à
ce moment, se posait donc la question de savoir si l'uniformité des
dispositions entre le régime de rentes du Québec et les
priorités du Québec en matière de sécurité
du revenu étaient sur le même plan ou si l'un passait avant
l'autre. Nous avons évidemment opté pour les priorités du
gouvernement du Québec en matière de sécurité du
revenu.
C'est la raison pour laquelle nous discutons ce soir ce projet de loi. A
notre avis, les accords dont j'ai fait état précédemment
demeurent toujours possibles, même si les dispositions du régime
de rentes du Québec diffèrent ou différeront sous certains
aspects des dispositions du régime de pension du Canada.
En fait, il faudra réviser ces accords, particulièrement
ceux touchant les prestations et les contributions; les accords touchant
l'échange de renseignements, etc., ne sont pas touchés par ces
modifications. Il existe de multiples exemples d'accords entre pays, d'accords
au sein, par exemple, du Marché commun où il est possible
d'assurer la transférabilité des travailleurs alors que les
régimes comportent, entre pays, des différences beaucoup plus
substantielles que celles qui sont proposées au régime de rentes
du Québec.
En définitive, ce qui nous paraît le plus important en ce
qui a trait à cette question d'accords, c'est que les régimes
soient compatibles, même s'ils ne sont pas nécessairement
uniformes dans leurs dispositions. Ce sont les diverses modifications que nous
proposons au régime de rentes du Québec avec les effets que ces
modifications auront sur l'évolution de la caisse du régime de
rentes du Québec. Evidemment, ces modifications sont apportées
sans que le taux de contribution que les travailleurs versent, de même
que leurs employeurs, au régime de rentes du Québec ne soit
haussé. Aucune des dispositions, dans le projet de loi, n'a pour effet
de hausser les taux de contribution.
C'est la raison pour laquelle il me paraît d'autant plus facile de
proposer l'adoption de ce projet de loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. LOUBIER: Sur une question de règlement, avant que le
député de Montmagny demande l'ajournement du débat, vous
auriez pu, au cours de l'exposé du ministre des Affaires sociales, vous
référer à l'article 100, huitièmement, mais surtout
vous inspirer de l'ancien article 285, note 17, qui dit ceci: "Le
règlement interdit tout langage violent, mais il ne faut pas confondre,
en fait de discours, la force et la violence. La violence c'est la puissance de
parole qui ne se maîtrise pas, qui dépasse la mesure, qui
s'emporte, qui est désordonnée, etc..."
Je pense que tout l'exposé du ministre des Affaires sociales a
été marqué au coin d'une telle violence qu'on a perdu
souventefois l'esprit du texte qu'il nous lisait.
M. LE PRESIDENT: J'imagine que l'honorable député...
M. LEVESQUE: M. le Président, parlant sur le point d'ordre, je
crois que l'opinant a déjà, dans le passé, eu l'occasion
de référer à ce point de règlement. Je dois lui
rappeler que l'une des dispositions de notre règlement, l'article 100,
paragraphe 1, dit qu'il "est interdit à un député qui a la
parole de revenir sur une question qui a été
décidée pendant la session en cours."
M. LE PRESIDENT: De toute façon, je se-
rais disposé à donner raison à l'honorable chef de
l'Opposition qui j'imagine que c'est à ça qu'il pensait
référait à la vigueur et à la force
intellectuelle dont a fait preuve le ministre des Affaires sociales.
L'honorable député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'apprécie les
remarques qui ont été faites à l'instant; je m'en
servirai, demain, dans ma réplique. Egalement, j'utiliserai
peut-être les règlements du chef dont nous a parlé, l'autre
jour, le ministre des Affaires sociales: premièrement et
deuxièmement.
Sur ce, j'ai l'honneur de demander l'ajournement du débat.
DES VOIX: Adopté.
M. LEVESQUE: Adopté. M. le Président, demain, vendredi,
nous nous réunirons à dix heures. Après consultation
prolongée et exhaustive, il a été convenu que nous
procéderions, demain, à la deuxième lecture des projets de
loi d'ordre fiscal, afin qu'ils soient déférés à la
commission parlementaire des finances, les comptes publics et du revenu. Il a
été convenu que nous procéderions également
à l'adoption du bill 53 et que, finalement, nous poursuivrions
l'étude du projet de loi no 24 relatif au régime de rentes, et
que, dès son adoption, nous ajournerions pour la fin de semaine,
D'après les députés consultés, chacun des groupes
parlementaires ferait en sorte que le tout pourrait se dérouler afin
d'avoir un ajournement, tel que prévu, à treize heures. Il y aura
une sanction.
C'est le voeu que je formule, M. le Président, en proposant
l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain matin,
dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 52)