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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 29 juin 1972 - Vol. 12 N° 55

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures cinq minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs !

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Le député de Trois-Rivières.

Commission de la justice

M. BACON: M. le Président, j'ai l'honneur de soumettre à cette Chambre le rapport de la commission parlementaire permanente de la justice qui s'est réunie le 29 juin 1972 aux fins d'étudier les projets de loi d'ordre privé. Cette commission, présidée par M. Robert Lamontagne, député de Roberval, est composée des membres suivants; MM. Blank, Burns, Choquet-te, Drolet, Fournier, Hardy, Loubier, Paul, Springate, Tetley, Vézina et moi-même, désigné comme rapporteur.

La commission a décidé de rapporter, avec des amendements, les projets de loi suivants: Projet de loi privé no 109, Loi concernant les successions de Patrick Lebelle et de Maxime Brisebois.

Votre commission recommande à la Chambre que le titre du projet de loi privé no 109, ci-haut mentionné, intitulé Loi concernant les successions de Patrick Labelle et de Maxime Brisebois, soit changé en celui de Loi concernant la succession de Patrick Labelle.

Projet de loi privé no 111, Loi concernant la Commission des écoles catholiques de Baldwin-Cartier (dans le comté de Robert-Baldwin); Projet de loi privé no 121, Loi modifiant le testament de feu François Desjardins; Projet de loi privé no 122, Loi concernant le titre de Bochar Inc. à un certain immeuble; Projet de loi privé no 123, Loi concernant une donation de Paul Vachon; Projet de loi privé no 124, Loi concernant une donation de Benoit Vachon; Projet de loi privé no 125, Loi concernant une donation de Imelda Savoie Vachon; Projet de loi privé no 139, Loi supprimant des restrictions de construire grevant certains immeubles situés dans la cité de Beaconsfield.

Le projet de loi no 139 a été adopté avec la dissidence de M. Hardy, député de Terrebonne, par la commission.

A la demande du procureur de la pétitionnaire, le projet de loi suivant a été retiré: Projet de loi privé no 115, Loi concernant Place Dupuis Inc.

Les amendements adoptés par la commission sont annexés au présent rapport.

M. LE PRESIDENT: Le rapport est-il agréé? Agréé.

M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement. La commission parlementaire qui s'est vu déférer les projets de loi nos 35, 36 et 37, celle des communications, à ma connaissance a fini l'étude du projet de loi no 35. Je vous réfère à l'article 166, qui nous dit que dès qu'une commission élue a terminé l'examen de l'affaire qui lui a été déférée, elle doit, par l'entremise d'un rapporteur qu'elle a désigné parmi ses membres, présenter à l'assemblée un rapport suffisamment détaillé et contenant les amendements adoptés.

Or, je ne vois pas ou je n'entends pas de rapport venant du rapporteur désigné par la commission qui était appelée à étudier le bill no 35. Alors je pose la question tout simplement: Comment se fait-il qu'on ne nous fasse pas rapport immédiatement, puisque l'article 166 du règlement nous dit: Dès qu'une commission élue a terminé l'examen?

Je ne pense pas que ce soit une question facultative; c'est une obligation pour la commission de nous faire rapport sur le bill 35.

M. LEDUC: M. le Président, parlant sur le point de règlement, il avait été entendu ou, au moins, convenu, si ma mémoire est bonne, que les projets de loi 35, 36 et 37 étaient un peu reliés entre eux. J'ai toute raison de croire que, si le rapporteur n'a pas fait rapport, c'est à cause des implications communes qu'ont spécialement le projet de loi 35 et le projet de loi 37. Voilà pourquoi, les deux autres projets de loi n'ayant pas été adoptés à la commission parlementaire, le rapporteur n'a pas fait rapport.

Il y a toujours eu, depuis déjà quelques mois, un consensus au niveau de l'Assemblée nationale à l'effet que ce rapport devait être fait pour les trois projets de loi. C'est peut-être pour cela qu'on n'a pas aujourd'hui le rapport du rapporteur.

M. BURNS: M. le Président, la seule relation qu'il y a entre ces trois projets de loi, c'est qu'ils relèvent du même ministre, c'est-à-dire que c'est le même ministre qui les parraine. Quant à moi, il n'y a jamais eu de consensus de notre part à l'effet que c'était un seul et même projet de loi. Si cela avait été tellement interrelié, on aurait fait un seul projet de ces trois projets de loi.

Il y a eu également trois motions de référence à la commission parlementaire appropriée. Cela n'a strictement rien à voir que les deux autres projets de loi ne soient pas adoptés encore, c'est-à-dire 36 et 37. C'est pour cela que je pose la question.

M. LEDUC: II y a, quand même, une interrelation entre les projets de loi.

M. BURNS: Pas du tout; c'est le même ministère, tout simplement.

M. LE PRESIDENT: Je remercie l'honorable député de Maisonneuve de m'aviser que l'étude en commission du projet de loi 35 est terminée. Je l'ignorais personnellement, mais, après la

période des questions, durant les affaires du jour, j'entrerai en communication avec le rapporteur de cette commission et je discuterai également avec les leaders parlementaires de la décision qu'il y a lieu de prendre.

M. BURNS: Je souligne, quand même, que le règlement n'a aucune couleur facultative, c'est obligatoire.

M. LE PRESIDENT: Non, d'accord.

M. LEVESQUE: On peut en discuter, M. le Président, si le député de Maisonneuve insiste, parce que nous ne partageons pas nécessairement son avis.

M. LE PRESIDENT: De toute façon, nous allons en discuter ensemble. J'aimerais me référer également à la motion de déférence de ces projets de loi. On pourra étudier cela ensemble et on trouvera certainement une solution.

Présentation de motions non annoncées.

M. ROY (Beauce): M. le Président, qu'il me soit permis de faire motion pour qu'à la commission parlementaire des finances, le nom de M. Roy (Beauce) soit remplacé par celui de M. Latulippe d'une manière permanente.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Projet de loi no 47 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires.

M. CHOQUETTE: M. le Président, les articles 1 à 3 de ce projet prévoient que pour fins de concordance avec la loi fédérale sur les juges, le personnel de la cour d'Appel et de la cour Supérieure pourra comprendre, en plus du nombre de juges prévus à la loi, au plus quinze juges surnuméraires pour la cour d'Appel et au plus 92 juges surnuméraires pour la cour Supérieure. Ils prévoient également des amendements de concordance quant à la résidence des juges surnuméraires.

L'article 8 porte à 121 le nombre de juges de la cour Provinciale.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article c).

Projet de loi no 48 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des poursuites sommaires.

M. CHOQUETTE: M. le Président, les articles 1 et 2 prévoient que la signification d'une sommation se fait par la poste, sous pli recommandé avec avis de réception. Dans le cas d'une personne physique, l'envoi est fait à la dernière adresse connue de la résidence ou de la place d'affaires du destinataire. La signification est réputée avoir été faite à la date à laquelle une personne raisonnable habitant la résidence du destinataire ou ayant la garde de son bureau a signé l'avis de réception.

Dans le cas d'une corporation, l'envoi est fait soit au bureau d'affaires au Québec, soit au bureau de l'agent de la corporation. La signification est réputée avoir été faite à la date à laquelle une personne raisonnable ayant la garde du bureau a signé l'avis de réception.

L'article 3 prévoit que le juge peut accepter, au lieu du témoignage de la personne en autorité, qui a constaté l'infraction reprochée, un rapport dressé par la personne en autorité suivant une formule autorisée par le gouvernement.

Le prévenu peut exiger la présence de la personne qui a signé le rapport, mais, s'il succombe, il peut encourir des frais additionnels si le juge est d'avis que la présence du signataire de la formule n'était pas requise.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT : Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article f).

Projet de loi no 49 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi modifiant le code civil.

M. CHOQUETTE: En vertu de l'article 2, le greffier du tribunal doit aviser sans délai le

curateur public de tout jugement rendu lors d'une action à laquelle est partie le tuteur d'un mineur. Les personnes qui concluent un règlement concernant les intérêts pécuniaires d'un mineur doivent, de même, en aviser le curateur public.

L'article 10 prévoit que le dépôt d'une demande en justice au greffe du tribunal interrompt la prescription, pourvu que la demande soit dûment signifiée dans les 60 jours du dépôt. L'article précise que cette interruption vaut pour toutes les parties à l'action.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article h).

Projet de loi no 39 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la première lecture de la Loi concernant l'application de la loi sur les impôts.

M. HARVEY (Jonquière): Le présent projet de loi complète la Loi sur les impôts, le projet de loi no 38, et contient, outre les dispositions transitoires, des dispositions sur le remplacement de la Loi de l'impôt provincial sur le revenu, de la Loi de l'impôt sur les corporations et de la Loi sur les opérations forestières, ainsi que sur les périodes auxquelles commenceront à s'appliquer les dispositions de la Loi sur les impôts.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article I.

Projet de loi no 40 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la première lecture de la Loi du ministère du Revenu.

M. HARVEY (Jonquière): Ce projet de loi a pour objet de refondre la Loi du ministère du Revenu, tout en regroupant certaines dispositions d'ordre général présentement éparses dans plusieurs lois fiscales.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article j).

Projet de loi no 41 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la première lecture de la Loi modifiant certaines dispositions législatives d'ordre fiscal.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, ce projet de loi comprend des dispositions de concordance, rendues nécessaires par le regroupement des dispositions d'ordre fiscal effectué par le projet de loi 40 concernant le ministère du Revenu.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article k).

Projet de loi no 43 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la première lecture de la Loi de la taxe sur les carburants.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, ce projet de loi propose le remplacement de la Loi sur la taxe sur là gazoline et de la Loi sur la manutention de la gazoline par une nouvelle loi intitulée Loi de la taxe sur les carburants. Tout en changeant la philosophie de taxation, nous garderons les mêmes barèmes et cela permettra d'éviter la fraude fiscale. Nous introduisons, également, dans le projet de loi le pouvoir de colorer l'huile dite mazout.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article 1).

Projet de loi no 44 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la première lecture de la Loi modifiant la loi de l'impôt sur la vente en détail.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, ce projet de loi a uniquement pour but de modifier la Loi de la vente en détail pour rendre possible les dispositions contenues dans le discours du budget prononcé par le ministre des Finances.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article m).

Projet de loi no 45 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des droits sur les successions.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, comme pour le projet de loi précédent, ce projet de loi, modifiant la Loi des droits sur les successions, est uniquement pour permettre de rendre possible, dès cette année, les dispositions contenues dans le discours du budget et annoncées par le ministre des Finances à cette occasion.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Projets de loi privés

M. LEDUC: M. le Président, pour et au nom de M. Pilote, je propose qu'il me soit permis de présenter la pétition de la compagnie du chemin de fer Roberval-Saguenay et de la compagnie de chemin de fer Alma et Jonquière, demandant l'adoption d'une loi les fusionnant, et que cette pétition soit maintenant présentée, lue et reçue.

M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas d'objection, mais c'est une pétition. Ce n'est pas le bon moment pour la présenter.

M. LE PRESIDENT: C'est une présentation d'un projet de loi de nature privée. On peut l'adopter.

Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Oui.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Article d).

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Robert-Baldwin propose la première lecture de la Loi modifiant la charte de la cité de Hull.

M. SEGUIN: M. le Président, qu'il me soit permis de présenter le projet de loi no 102, amendant la charte de la ville de Hull. H ne faudrait pas confondre ce bill avec d'autres réglementations qu'on voudrait présenter en Chambre. De toute façon, ces amendements à la charte sauront intéresser tous les députés de la Chambre, j'en suis convaincu. Il n'y aura pas de difficulté, je l'espère, à faire adopter ce règlement.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Déclarations ministérielles.

Régie de l'assurance-maladie M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, le rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie du Québec nous révèle que le taux de 0.8 p.c.

fixé par la loi pour la contribution des Québécois au financement du régime d'assurance-maladie s'est avéré suffisant, de telle sorte que l'année 71/72 se termine avec un excédent de $8.7 millions. Le rapport annuel est accompagné d'un rapport statistique. C'est la première fois que le gouvernement a en main, à l'aide de ce rapport statistique, toutes les données pertinentes relatives aux revenus des professionnels de la santé, notamment des médecins. Aussi, j'ai demandé au personnel du ministère et de la régie d'effectuer une analyse des données qui nous sont révélées dans ce rapport, de manière à identifier les écarts de rémunération entre les diverses spécialités médicales et chirurgicales, ainsi qu'entre les divers professionnels de la santé de façon que l'on puisse en déceler les causes.

En conclusion, je n'ai pas l'intention de demander à l'Assemblée nationale de hausser le taux des contributions pour l'année en cours. Nous allons analyser de quelle façon utiliser le surplus en caisse de manière à favoriser une amélioration de la distribution des services de santé, et à la lumière des résultats de l'analyse des données, nous entreprendrons prochainement des négociations en vue du renouvellement des ententes avec les professionnels de la santé, ententes qui expirent le 1er juillet 1972.

J'ai l'honneur de déposer deux exemplaires du rapport annuel pour l'exercice 71/72, de même que de l'annexe statistique.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN : Je me réjouis que le ministre trouve que les contributions ont été suffisantes pour couvrir les programmes en cours, mais je me demande quand même s'il ne faudrait pas songer soit à augmenter légèrement ces cotisations, ou encore s'il ne serait pas opportun pour le gouvernement d'envisager d'autres sources possibles de revenus, à même les revenus de la taxation, pour étendre le plus rapidement possible la couverture de l'assurance-maladie à des objets qui ne sont pas actuellement couverts par la loi, en particulier les médicaments pour toute la population, et les prothèses, à quelque secteur qu'elles appartiennent.

M. LE PRESIDENT: Dépôt de documents.

Société des alcools du Québec

M. GARNEAU: J'ai l'honneur de déposer le rapport de la Société des alcools du Québec.

M. LE PRESIDENT: Questions orales des députés.

Questions et réponses

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Participation politique des policiers

M. LOUBIER: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Quelle est sa réaction à la demande formulée par les policiers réunis en congrès, à savoir que la loi soit amendée de façon à leur permettre de faire de la politique active, tant au niveau municipal qu'au niveau provincial et au niveau fédéral?

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai pris connaissance ce matin de certains articles de journaux sur cette question et faisant état d'une résolution qui aurait été présentée ou serait présentée pour élargir les dispositions de la loi qui s'applique aux policiers à l'heure actuelle en rapport avec leur droit de faire de la politique partisane à différents niveaux mentionnés par le chef de l'Opposition.

Je dois vous dire, M. le Président, que pour le moment — et quitte à ce que je fasse une analyse plus approfondie du problème, ce que je suis toujours prêt à faire — je ne peux pas abonder dans le sens de la résolution dont on a fait état. Il me semble que la fonction de policier exige — surtout dans une période de contestation et parfois de constestation violente — un attachement très étroit, de la part du policier, aux lois et à l'autorité politique dûment constituée qui dirige ses activités. Elle exige par conséquent un attachement quasi exclusif qui exclut à mon sens la possibilité pour lui de s'engager politiquement dans des formations politiques. Je crois que c'est là une garantie que les forces policières et les policiers individuellement vont conserver, dans des périodes qui peuvent être agitées et qui peuvent même être très agitées, le détachement nécessaire pour s'acquitter pleinement de leur fonction qui est de protéger la société en général.

Par conséquent, je ne peux, de prime abord, donner un accord à cette résolution. J'attire l'attention du chef de l'Opposition sur le fait que d'autres serviteurs de la justice, tout comme les policiers, se voient dénier le droit de participer à des activités politiques partisanes. Je mentionnerai les juges et les substituts du procureur général. Ces personnes n'ont pas le droit comme le sait le chef de l'Opposotion, de s'engager politiquement. Je pense donc que la règle qui s'applique à ces catégories de personnes vaut pour les policiers.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. Une question additionnelle.

M. LAURIN: Une question additionnelle au ministre de la Justice. Etant donné qu'il vient de nous donner son opinion spontanée et qu'à plus ample réflexion il pourrait être amené à nuancer ses propos, est-ce que le ministre accepterait de débattre cette question lors d'une réunion de la commission de la justice, afin qu'on puisse en faire le tour, d'une part, et,

deuxièmement, qu'on ne puisse défranchiser quand même des citoyens qui ont droit à leurs opinions politiques, qui exécutent la loi et qui ne l'interprètent pas, et voir aux moyens qu'ils pourraient prendre pour exercer leurs activités de citoyens aussi bien que leurs activités de policiers?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne crois pas que le fait de dénier aux policiers, comme aux juges, comme aux substituts du procureur général, le droit de participer activement à des campagnes politiques ou de participer à des mouvements politiques soit en fait les déclasser ou en faire des citoyens de seconde zone.

Je pense que ces catégories de personnes, qui ont accepté ces hautes fonctions — celles que j'ai mentionnées tout à l'heure — qui nécessitent un très grand sens des responsabilités, doivent accepter leurs fonctions avec les inconvénients qui s'imposent.

Cependant, je serais prêt, si le désir était suffisamment manifeste des deux côtés de la Chambre, à débattre la question en toute objectivité à une réunion ultérieure de la commission de la justice. Je ne voudrais pas, si je devais accepter cette formule, accréditer l'idée que je pourrais être tenté d'opter pour la solution qui semble prévaloir dans certains milieux policiers.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

Emprunt des provinces sur les marchés étrangers

M. BOIS: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Finances. A la suite des entretiens qui auraient eu lieu hier soir, le ministre des Finances du Québec a-t-il étudié la proposition de son homologue, le ministre des Finances du Canada, en vue d'établir un système de coordination pour veiller à ce que les provinces n'empruntent pas toutes en même temps des sommes importantes sur les marchés étrangers?

M. GARNEAU: En ce qui regarde les emprunts que le Québec ou l'Hydro-Québec fait sur les marchés étrangers, on ne peut pas parler pour les années passées; j'imagine que cela se faisait, mais je ne suis pas au courant d'une façon précise. Depuis que j'occupe la fonction de ministre des Finances, toutes les fois que nous avons fait un emprunt sur un marché étranger, nous en avons avisé la Banque du Canada, en lui disant quelles étaient nos intentions quant à la conversion des devises étrangères en devises canadiennes, afin qu'elle sache que tel montant peut venir et quel effet cela peut avoir sur le dollar canadien. Nous avons toujours informé la Banque du Canada. Alors, la demande que M. Turner adresse aux différen- tes provinces ne nous affecte en rien, puisque nous le faisions déjà.

M. ROY (Beauce): Question supplémentaire à l'honorable ministre des Finances. Comme il aurait été question que le ministre fédéral demande au ministre des Finances du Québec d'emprunter sur le marché canadien, plutôt que sur le marché étranger, à cause des fluctuations qu'il pourrait y avoir dans le taux de change, quelle attitude entend adopter le ministre face à cette demande? Deuxièmement, la province de Québec aura-t-elle priorité advenant le cas où deux ou trois provinces auraient à emprunter sur le marché étranger en même temps? Troisièmement, est-ce que le Québec aura à subir des retards dans l'exécution de certains projets que nous estimons prioritaires?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai rencontré le ministre des Finances, hier soir. Il a parlé de cette question. Je dois dire que j'avais l'esprit un peu ailleurs quand il a parlé de cette chose, parce que ce qui est important pour le Québec, c'est évidemment un nouveau partage fiscal. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement fédéral demande aux provinces d'emprunter à l'intérieur du Canada, mais il nous faut, quand même, trouver les sources de financement essentielles lorsque nous avons des responsabilités croissantes et que nous n'avons pas les sources de revenu correspondantes.

J'ai insisté très fortement auprès du ministre fédéral des Finances sur la nécessité et l'urgence pressante d'avoir un nouveau partage fiscal pour donner aux provinces les revenus suffisants pour faire face à leurs responsabilités et peut-être alléger leurs problèmes d'emprunt à l'extérieur du Canada.

M. ROY (Beauce): Question additionnelle, M. le Président. Comme la question fiscale touche le domaine de la taxation, naturellement, et que le Québec a besoin d'argent pour faire ses investissements, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il a discuté avec le ministre des Finances fédéral de la proposition qu'il avait déjà faite, lors d'une déclaration en Chambre, à l'effet qu'il aurait peut-être recours à la Banque centrale, advenant le cas où le gouvernement fédéral imposerait trop de restrictions?

M. BOURASSA: Je pense que c'est une vieille rengaine du député de Beauce. Chaque fois qu'il y a un problème au Québec, tout semble se régler par le recours à la Banque du Canada. La position du gouvernement là-dessus est que nous voulons avoir les sources de financement qui puissent répondre à nos besoins. Cela nous paraît essentiel. C'est une façon différente d'aborder la question du pouvoir de dépenser. Si nous insistons sur le pouvoir de dépenser, c'est parce que cette question pourra se régler en bonne partie par un nouveau partage fiscal.

On voit les initiatives du gouvernement fédéral dans toutes sortes de secteurs. On voit les contraintes financières auxquelles sont sujettes les provinces. J'en discuterai avec M. Davis, mardi, notamment. Evidemment, ils ont le même problème que le Québec là-dessus.

Cela révèle l'opportunité très grande pour les gouvernements provinciaux de faire en sorte que le gouvernement fédéral comprenne qu'il est temps qu'il y ait un nouveau partage fiscal.

M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président. Si je comprends bien le premier ministre, la province se limiterait uniquement à avoir recours à la machine à taxe plutôt qu'à des capitaux ou des dispositions qui pourraient permettre des investissements au Québec.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je pense bien que la dernière question ne se rattachait pas directement à la question principale du collègue du député de Beauce.

Question supplémentaire, l'honorable député de Gouin.

M. JORON : Question supplémentaire au ministre des Finances, M. le Président. Le ministre des Finances pourrait-il profiter de l'occasion pour signaler à son homologue fédéral que le Québec ne peut s'empêcher d'emprunter aux Etats-Unis et en Europe étant donné que, depuis cinq ans, les prêteurs des autres provinces canadiennes ont littéralement boudé toutes les émissions faites par le Québec? Le Québec, dans ces circonstances, n'a pas le choix. Le ministre avait-il l'intention d'aborder ce point avec le ministre fédéral des Finances?

M. GARNEAU: M. le Président, plusieurs des points de l'énoncé du député de Gouin ont fait l'objet de discussions et ont été inclus dans les mémoires que le Québec a présentés aux différentes conférences des ministres des Finances et lors des discussions que nous avons eues.

Maintenant, il s'agit là d'un énoncé, d'une prise de position du député de Gouin. Pour cette question des achats des obligations du Québec sur le marché canadien, nous ne possédons que deux ans de statistiques. L'expérience des émissions depuis deux ans révèle qu'environ 20 p.c. des émissions disponibles sur le marché public ont été achetées à l'extérieur du Québec et on peut dire que ce n'est pas suffisant ou que ce l'est. Mais une chose est certaine, si ce n'était de l'attitude du Parti québécois dans cette province, peut-être que ce serait plus facile pour le Québec de rayonner à l'extérieur.

M. JORON: M. le Président, question supplémentaire. Comment le ministre peut-il expliquer la dernière partie de sa remarque après le succès qu'ont pourtant connu les emprunts du Québec sur les marchés autres que ceux des autres provinces canadiennes? Est-ce que son raisonnement tient dans les deux sens?

M. GARNEAU: M. le Président, les émissions sur le marché extérieur se sont faites dans des conditions que je crois avantageuses pour le Québec. Mais on ne peut pas comparer une émission qui est lancée sur les marchés étrangers à une émission qui est lancée sur le marché canadien, où il y a des institutions qui sont libres ou pas d'acheter comme il y en a ailleurs. Ce n'est pas notre faute si le Parti québécois met le diable au Québec toutes les deux semaines.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Bourget.

Fermeture d'écoles françaises à Montréal

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. Le ministre est-il informé que la décision prise par le CECM de fermer en septembre sept écoles françaises dans la région sud-ouest de Montréal est attribuable non seulement à la diminution de près de 6,000 personnes de la population administrative de cette région mais aussi au très grand nombre d'immigrants anglophones et au très grand nombre d'assistés sociaux francophones qui ont décidé de ne plus inscrire leurs enfants à l'école française en se prévalant des dispositions de la loi 63?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, il s'agit là d'une responsabilité qui regarde la CECM et je pense que tous les facteurs que le député de Bourget vient d'énumérer sont intervenus dans la baisse de la population scolaire. Je ne crois pas qu'une solution puisse être trouvée par la fermeture des écoles. Ces fermetures s'expliquent sans doute par des raisons administratives. Le problème est beaucoup plus global et le gouvernement travaille actuellement à des solutions possibles. Il l'a déjà annoncé et ces solutions devront s'inscrire dans le cadre d'une politique linguistique et de certains réaménagements amenés sur le plan scolaire.

M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que dans l'intervalle le ministère pourrait faire établir des statistiques précises sur le nombre des enfants d'immigrants et d'assistés sociaux francophones qui ont changé d'allégeance de 1971 à 1972?

Deuxièmement, est-ce que le ministre de l'Education pourrait nous dire quelle mesure il entend prendre, en attendant cette politique linguistique, pour empêcher cette érosion graduelle de notre population au profit d'un système d'écoles minoritaires mais qui devient quand même majoritaire, du fait de sa puissance d'intégration?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, une étude a été commandée. Je l'ai d'ailleurs reçue, il y a une journée ou deux. Je pense

pouvoir la rendre publique. Je dois dire qu'elle n'est pas concluante tant sur le plan de la méthodologie que sur le plan des résultats. En fait, il est extrêmement difficile de colliger les données, lesquelles doivent nécessairement nous parvenir des commissions scolaires.

Pour ce qui est des mesures que le ministère de l'Education pourrait envisager, je vous informais, il y a quelques instants, que certains travaux étaient actuellement en cours. Je crois pouvoir, dès le mois de septembre, faire des propositions précises à ce point de vue. Cependant, elles devront subir le cheminement habituel, c'est-à-dire être retenues par le conseil des ministres avant d'être annoncées publiquement. Tout ce que je voudrais que l'on sache, c'est qu'on s'en occupe et qu'on est sensibilisé au problème.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Taillon.

UNE VOIX: C'est ça. C'est ça. C'est le député de Saguenay.

Placement étudiant

M. LEDUC: M. le Président, ma question s'adresse au député de Beauharnois, responsable du service aux étudiants. Est-ce que le député pourrait nous dire si l'Hydro-Québec a fait appel au Service de placement étudiant pour embaucher des étudiants, cet été? Combien d'étudiants ont été placés à l'Hydro-Québec, par l'intermédiaire de ce service? Combien de postes sont disponibles au sein de l'Hydro-Québec pour les étudiants, cet été?

M. CADIEUX: A la première partie de la question, la réponse est non. L'Hydro-Québec n'a pas fait appel au Service de placement étudiant. A la deuxième partie de la question, je n'ai pas le nombre exact d'étudiants qui ont été employés par l'Hydro-Québec. Cela se chiffre certainement par les centaines et peut-être au-delà de 1,000. A la troisième partie de la question, nous tenterons de nous mettre en communication, dans le plus bref délai possible, avec l'Hydro-Québec pour demander qu'en 1973 et les années subséquentes, celle-ci fasse appel au Service de placement étudiant pour l'embauche d'étudiants.

M. DROLET: Question supplémentaire. Est-ce que le député de Beauharnois pourrait nous dire combien d'étudiants ont été placés présentement, non seulement à l'Hydro-Québec mais dans toute la province de Québec? Combien y en a-t-il de placé présentement?

M. CADIEUX: Je ne prévoyais pas cette question, mais je pourrais dire que, présentement, à l'heure où je vous parle, il y a certainement 6,000 à 7,000 étudiants directement placés par le Service de placement étu- diant. Mardi prochain, encore des centaines et peut-être quelques milliers commenceront à travailler au ministère de la Voirie, au ministère des Terres et Forêts dans d'autres ministères. Ce sont des étudiants du CEGEP et du secondaire. En ce qui concerne les étudiants des universités en général, je crois qu'on en a placé un très grand nombre, ce qui peut être environ 5,000 ou 6,000 étudiants qui ont un emploi, et quelques milliers d'autres prochainement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Transport des fonctionnaires par Air Canada

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question à l'honorable premier ministre en sa qualité de chef de l'Exécutif.

Le premier ministre a-t-il reçu des représentations de M. Raymond Benoit, en date du 20 juin 1972, au nom d'Air Canada, à la suite de l'arrêté ministériel adopté par le gouvernement du Québec, dans le but d'accorder une franchise exclusive à Air Canada pour le transport des employés des différents ministères?

Deuxièmement, le premier ministre a-t-il envisagé toutes les implications d'un tel arrêté ministériel et son effet chez les compagnies aériennes européennes qui, de plus en plus, s'intéressent à la possibilité d'obtenir des droits d'atterrissage à Toronto au détriment de Montréal?

Troisièmement, pour quelle raison le gouvernement du Québec a-t-il accordé une franchise exclusive à Air Canada, non seulement pour le transport des fonctionnaires mais également pour le service de réservations d'hôtels, de location de voitures, de réservations et de location de places sur tout autre mode de transport, pour le transport aérien et ce, au détriment des autres agences de voyages du Québec?

M. BOURASSA: Le ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales va répondre à la question.

M. PARENT: M. le Président, je pense que c'est six questions que pose le leader de l'Opposition. S'il n'avait pas d'objection, je voudrais en prendre avis et lui donner une réponse demain ou lundi.

M. PAUL: Est-ce une invitation, M. le Président, pour que je complète mes trois autres questions? Vu le temps avancé dans la période des questions, je n'ai pas voulu poser mes trois autres questions. Je serais fort heureux de recevoir quand même une réponse.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

Lits supplémentaires dans les hôpitaux

M. BELAND: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre des Affaires sociales. Est-ce que le ministre est au courant du fait que dans certains hôpitaux pour malades chroniques on disposerait d'un certain nombre de lits supplémentaires, par suite de rénovations ou agrandissements et que le ministère y empêcherait présentement l'entrée de patients dont plusieurs attendent depuis six mois?

M. CASTONGUAY: II est possible que, dans certains cas — j'ai fait état d'une situation, la semaine dernière, à l'hôpital Saint-Augustin de Courville — en apparence, des lits soient disponibles et que l'on puisse dire, comme le député vient de le faire, que c'est nous qui faisons obstruction à l'occupation de ces lits. Tout ce que je voudrais rappeler, c'est qu'avant que des lits soient utilisés, il nous faut nous assurer que le personnel et l'équipement adéquats et suffisants sont disponibles pour le bon fonctionnement de l'institution et pour le soin des malades. Tout comme dans le cas que j'ai mentionné, la semaine dernière, il se pose un certain nombre de problèmes, comme le recrutement, l'achat d'équipement, etc.

M. BELAND: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que l'honorable ministre sait que l'hôpital l'Assomption de Saint-Georges-de-Beauce dispose présentement de 25 lits supplémentaires et qu'il y a là tout le personnel et tout l'équipement nécessaires? Il ne manque que l'autorisation du ministère. Il y aurait également l'hôpital Saint-Augustin qui serait dans la même situation.

M. CASTONGUAY: Je suis également au courant, M. le Président, du fait que dans cette région on a la plus haute concentration de certains types de ressources. Cela peut être une des raisons pour lesquelles l'autorisation n'est pas donnée, de telle sorte que les budgets soient utilisés dans d'autres endroits qui en ont plus besoin.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Conférence de l'environnement à Stockholm

M. LEGER: M. le Président, ma question était pour le ministre des Affaires culturelles, mais puisqu'il n'est pas là, je vais poser une question au ministre responsable de la qualité de l'environnement qui nous arrive d'un voyage à Stockholm.

Est-ce que le ministre pourrait, premièrement, déposer un rapport des résolutions, des interventions et des positions du Québec à la conférence de l'environnement à Stockholm? Deuxièmement, est-ce que le ministre peut nier ou confirmer le fait que les délégués, ou les conseillers du gouvernement du Québec — qui y allait comme gouvernement participant — n'auraient pu assister aux réunions parce qu'il y aurait eu un imbroglio avec la délégation canadienne?

M. GOLDBLOOM: Quant à la première question, M. le Président, il me fera plaisir de déposer les résolutions adoptées, dès que je les recevrai. A la fin de la conférence, la rédaction finale n'était pas possible parce que des modifications étaient apportées, en séance plénière, jusqu'à la toute dernière minute. Nous attendons ce rapport d'ici quelques jours. Je ne suis pas en mesure de savoir exactement quand le rapport définitif sera ici. Je tiens à souligner qu'avant de quitter Stockholm, la délégation canadienne a tenu une réunion pour discuter, de façon préliminaire, les implications, pour les divers paliers de gouvernements du Canada, des résolutions que l'on connaissait déjà et de celles dont on attendait l'adoption au cours de la dernière journée de la conférence.

Quant à la deuxième partie de la question du député de Lafontaine, je dois souligner que la délégation qui s'est rendue à Stockholm était la délégation du Canada. Le gouvernement fédéral a consulté le Conseil canadien des ministres des ressources et de l'environnement, un organisme qui groupe les onze gouvernements du Canada. Il a demandé que ce conseil suggère deux noms de ministres provinciaux qui feraient alors partie de la délégation canadienne à titre de délégués officiels. Ce sont les ministres albertain et québécois qui ont été choisis. Ces deux ministres ont été délégués officiels du Canada.

Le gouvernement du Québec n'a pas été représenté comme tel. Les autres provinces étaient représentées, dans la majorité des cas, par leur ministre de l'Environnement, au rang de substitut ou de conseiller. Les provinces en général ont eu des discussions avec le gouvernement fédéral quant à la composition de la délégation. Elles auraient voulu que des conseillers provinciaux puissent accompagner le ministre provincial, mais ce sont les autorités de la conférence elles-mêmes, les autorités des Nations Unies et du gouvernement suédois, qui ont imposé des restrictions quant au nombre de conseillers. A cause de ces restrictions, la délégation a été réduite. Ceux qui y sont allés, pour le Québec, ont assisté aux conférences parallèles et m'ont fait rapport sur ces conférences.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre, qui vient de me répondre qu'il déposerait les résolutions adoptées, pourrait aussi déposer les positions du gouvernement québécois qui n'auraient pas été adoptées à cette conférence?

M. GOLDBLOOM: De mémoire, il n'y en a pas, M. le Président, mais, s'il y en a, je les déposerai en même temps.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Allocations familiales

M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Pourrait-il nous dire s'il a rencontré aujourd'hui, ou s'il est sur le point de le faire, le ministre fédéral, M. Munro? Si oui, quels sont les résultats de ces rencontres?

M. CASTONGUAY: II n'y a pas eu de rencontre, M. le Président, mais il est possible qu'il y en ait.

M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le Président. Le ministre a-t-il l'intention, à l'occasion de cette rencontre possible, de présenter de nouvelles propositions susceptibles de déboucher sur une entente avec le gouvernement fédéral en matière d'allocations familiales?

M. CASTONGUAY: Je prends avis de la question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Papineau.

Congé de la confédération

M. ASSAD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Fonction publique. Le ministre pourrait-il nous dire si les fonctionnaires du gouvernement ont congé le lundi, 3 juillet?

M. COURNOYER: La convention collective, à ma connaissance, M. le Président, ne contient pas de disposition qui reporte au lundi le congé prévu normalement pour la fête de la confédération, qui est inscrite dans la convention collective. Si cette fête a lieu un jour férié, le samedi en particulier, elle n'est pas reportée, compte tenu du fait qu'il y a un certain nombre de congés qui sont inscrits dans la convention collective et que c'est équilibré selon les années. Cela donne 12 ou 13 congés par année, même s'il y en a 15 ou 16 d'inscrits.

Dans le cas actuel, il ne me semble pas, d'après les informations que je possède, que lundi soit congé pour les fonctionnaires.

M. LOUBIER: M. le Président, une question supplémentaire. Est-il vrai que le gouvernement du Québec, soit par le ministre de la Fonction publique ou le premier ministre ou même le ministre des Affaires intergouvernementales, aurait demandé au gouvernement fédéral de décréter le lundi, fête nationale des Canadiens?

M. COURNOYER: Pour ma part, j'ai eu à demander au gouvernement du Québec de décréter lundi dernier comme fête du Québec, fête civique au Québec. J'ai demandé au lieutenant-gouverneur en conseil de le faire. Quant à la confédération, il m'a semblé que cela relevait beaucoup plus de l'autorité fédérale que de l'autorité québécoise, étant donné que plusieurs provinces sont impliquées. A toutes fins utiles, je ne sais pas si le gouvernement a fait des représentations auprès du gouvernement central.

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne crois pas, à ma connaissance, que de telles représentations aient été faites. On m'informe que le gouvernement fédéral n'a pas émis de proclamation à l'effet de célébrer la fête du Canada le 3, plutôt que le 1er juillet. Nos propres lois, le bill 24, par exemple, indiquent qu'on célèbre la fête du Canada ici, le 1er juillet.

Si, par contre, il y a des conventions collectives, dans le secteur public ou privé, qui prévoient de reporter le congé le premier jour ouvrable après le 1er juillet, elles s'appliquent pour les parties. Par exemple, ce serait le cas des fonctionnaires fédéraux dont la convention collective prévoit justement de reporter la fête le premier jour ouvrable après le 1er juillet, lorsque le premier juillet est un jour férié.

Toutefois, je suis informé que, dans la convention collective qui s'applique aux fonctionnaires provinciaux, ce n'est pas le cas.

M. LEGER: Est-ce que le gouvernement du Québec a le droit de décréter une journée de deuil?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ferez arborer la croix gammée.

M. LE PRESIDENT: Question supplémentaire de l'honorable député de Lévis.

M. ROY (Lévis): Le député de Papineau m'a volé une partie de ma question, je ne veux pas l'en blâmer. Je voudrais savoir de l'honorable ministre de Travail et de la Fonction publique s'il y a une loi gouvernementale pour les employés de la fonction publique et une autre pour le secteur privé. Tout employeur reconnu, quand les ateliers sont fermés le samedi, est obligé de donner la journée de congé le lundi. Est-ce qu'il y a une loi pour le gouvernement et une loi pour les autres employeurs?

M. COURNOYER: II ne s'agit pas de loi. Il s'agit beaucoup plus de dispositions de conventions collectives, compte tenu de l'existence de la loi 24 qui elle, dans les établissements commerciaux, fixe que, si la date du 24 juin ou du 1er juillet tombe un dimanche, c'est reporté au lundi. Mais, si elle tombe un samedi, ce n'est pas reporté. C'est dans la loi 24, pour les établissements commerciaux. Il y a des décrets aussi.

Quant à la convention collective du gouvernement, ça n'est pas une loi. Il est convenu entre les parties que certaines choses se produisent d'une certaine manière. Dans la majorité des entreprises, il n'y a pas de loi à cet effet, sauf les proclamations du lieutenant-gouverneur en conseil lorsqu'il décide d'en faire, ou sauf les proclamations du gouvernement fédéral lorsqu'il décide d'en faire.

Le gouvernement du Québec a décidé, lui, la semaine dernière de procéder par proclamation et de décréter que lundi était jour chômé. Le gouvernement central a décidé de décréter que lundi prochain ne serait pas un jour chômé et que la fête était célébrée le 1er juillet. A toutes fins utiles, ce que ça veut dire, c'est que c'est variable, à moins d'une proclamation d'un des deux gouvernements.

Nous avons décidé de proclamer la Saint-Jean-Baptiste et ils n'ont pas décidé de proclamer la Confédération. C'est leur privilège.

M. LE PRESIDENT: Dernière question supplémentaire.

M. DROLET: Question supplémentaire au ministre de la Justice. Est-ce qu'il est au courant que justement la loi 24, dont vient de parler le ministre de la Fonction publique, n'est pas respectée dans bien des coins de la province? Est-ce qu'il entend prendre des mesures pour faire respecter cette loi?

M. CHOQUETTE: Si le député peut attirer mon attention sur des cas particuliers où la loi n'a pas été respectée, je ferai le nécessaire. D'autre part, je vais attirer l'attention de la Sûreté du Québec sur la situation que déplore le député.

M. LEVESQUE: II y aurait également lieu de bien lire la loi 24 et de voir comment les citoyens peuvent déposer certaines plaintes. Il faudrait voir le processus, avant d'essayer d'impliquer le ministre de la Justice là-dedans. Et on verra peut-être que les dispositions de la loi no 24 sont assez précises à ce sujet.

J'en profite pour compléter les renseignements quant au travail de lundi prochain; nous allons nous-mêmes donner l'exemple, nous serons ici à nos sièges à trois heures lundi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Témiscouata.

Cartonnerie de Cabano

M. SIMARD (Témiscouata): Ma question s'adressait au ministre de l'Industrie et du Commerce. Mais, en son absence, je la dirigerai au premier ministre.

A la lumière des derniers événements survenus dans le cadre du projet de la cartonnerie de Cabano à la lumière surtout des pressions qui s'exercent auprès d'Ottawa et du fait que les autorités fédérales semblent de plus en plus

hésitantes au sujet de ce projet, je voudrais demander au premier ministre, dans le cas où Ottawa décidait de ne pas participer au projet, si le gouvernement du Québec serait disposé à prendre quand même ses responsabilités et à faire tout ce qui dépend de lui pour assurer le succès de l'implantation de cette industrie.

M. BOURASSA: M. le Président, il y a des rencontres entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral sur cette question. Le député, évidemment, représente son comté — je le comprends très bien — mais il fait preuve d'une certaine naiveté quand il demande au gouvernement de prendre position immédiatement dans le cas d'un refus. Vous voyez quel genre de pouvoir de négociation on aurait si on disait: Bien, quelle que soit votre décision, le gouvernement agira de telle façon. Je ne peux certainement pas commenter d'aucune façon la question du député, sauf pour lui dire que nous essayons d'arriver à une solution acceptable aussi rapidement que possible.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur le même sujet, à l'instar du gouvernement canadien, le gouvernement du Québec a-t-il reçu de la part de l'Association canadienne des pâtes et papiers un rapport concernant le projet de Cabano? Quand et à quelle date a-t-il reçu ce rapport et est-ce qu'il a fait l'objet d'une étude particulière de la part du gouvernement du Québec?

M. BOURASSA: M. le Président, on n'a pas soumis à ma connaissance un tel rapport. Si on avait jugé qu'il était important de le faire, on l'aurait fait. C'est pourquoi je ne peux pas répondre davantage à la question du député.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

Contestation des clubs privés de chasse et de pêche

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. Est-ce que le ministre de la Justice pourrait nous dire si l'enquête poussée entreprise par la Sûreté du Québec concernant les événements du 10 juin dernier à Saint-Raymond de Portneuf a donné suite à des faits nouveaux concernant la contestation des clubs privés, puisque le 15 juin dernier il avait déclaré que l'enquête continuait?

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai fait un résumé à la Chambre de l'enquête qui a été faite par la Sûreté du Québec sur les événements du 10 juin à Saint-Raymond de Portneuf. Si je me souviens bien, tout ce que j'ai dit, quant à des mesures judiciaires qui pourraient être adoptées, c'est que cela restait à voir suivant la preuve qui était disponible. D'autre part, pendant la fin de semaine qui a suivi le 10

juin, il y a eu de nouveaux épisodes de contestation dans le comté de Portneuf, en particulier à Saint-Raymond et Saint-Alban. La Sûreté du Québec était au poste et des forces suffisantes avaient été mobilisées pour faire face aux contestataires. L'action menée par la Sûreté du Québec a contenu les manifestants qui voulaient envahir certains clubs de pêche privés, mais le tout s'est déroulé sans aucun incident, sans aucun désordre, sans aucun coup échangé de part et d'autre. J'ai été très satisfait de l'action qui a été prise par la Sûreté du Québec pendant la fin de semaine qui a suivi celle du 10 juin.

M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il est vrai que les tuyaux saisis lors de la manifestation du 10 juin étaient des tuyaux de tente et que les gourdins appartenaient aux contre-manifestants et non aux contestataires, comme l'avait précisé le ministre?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que ce n'est pas devant les tribunaux?

M. CHOQUETTE: Si ce n'est pas devant les tribunaux, ce devrait l'être.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Une dernière question. Le député de Saint-Jean.

Sécurité d'emploi chez les enseignants

M. VEILLEUX: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Fonction publique. Est-ce qu'il serait possible de connaître la réaction du ministre de la Fonction publique face aux dernières déclarations de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec concernant la sécurité d'emploi chez les enseignants?

M. BURNS: M. le Président, sur un point de règlement. Un projet de loi est inscrit au feuilleton, et je me demande si jusqu'à un certain point le ministre est en mesure de répondre à cette question. C'est le no 53.

M. COURNOYER: Je n'ai jamais eu peur de répondre à rien. S'il ne faut pas répondre là, maintenant je le sais.

M. LE PRESIDENT: S'il y a consentement unanime, le ministre de la Fonction publique aimerait répondre à une question posée antérieurement.

Formation professionnelle des adultes

M. COURNOYER: Ah oui, l'autre question, c'était la semaine dernière. On a posé la question à savoir si, à toutes fins utiles, le gouvernement du Québec avait fait de nouvelles offres au gouvernement central quant à la formation professionnelle des adultes.

Je me plais à déposer, comme je l'ai promis, les dernières offres faites au gouvernement central.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education aimerait répondre, brièvement, à une question.

Remboursement de taxes scolaires aux cultivateurs

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, avant de répondre, je suis obligé de vous demander une directive. D s'agit de la question que me posait hier le député de Portneuf, touchant le remboursement de 35 p.ç. de la taxe scolaire aux cultivateurs. J'avais, à ce moment-là, suggéré poliment au député de Portneuf d'inscrire sa question au feuilleton. Voici qu'il est revenu à la charge et qu'il me demande si je peux y répondre. Que dois-je faire?

UNE VOIX: Y répondre.

M. LE PRESIDENT: Brièvement.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, en effet, il y a des retards dans le remboursement de cette taxe. Ces retards sont imputables à des problèmes d'informatique, à des rapports de commissions scolaires qui ne sont pas parvenus à temps et à la vérification des listes. Les retards, pour l'année 70/71, seront entièrement comblés à la fin d'août. A l'avenir, les dispositions ont été prises pour que les remboursements se fassent dans les sept ou huit mois suivant l'année scolaire.

M. DROLET: Merci.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je suis étonné de son approbation.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: M. le Président

Séance de la Chambre, lundi prochain

M. LE PRESIDENT: Avec la permission du leader du gouvernement, ai-je bien compris, tout à l'heure, que le leader avait fait une motion en vertu de l'article 29?

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: C'est une motion non annoncée...

M. LEVESQUE: Non annoncée.

M. LE PRESIDENT: ... qui doit être soumise à la Chambre sans débat, ni amendement.

M. LEVESQUE: Sans débat. Plus formellement, je fais motion pour que la Chambre se réunisse lundi prochain, à quinze heures.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. SEGUIN: Non, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Elle n'est pas débattable. Avec la dissidence du député de Robert-Baldwin.

M. SEGUIN : M. le Président, je ne suis pas le seul.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

UNE VOIX: Non.

M. LE PRESIDENT: Adopté...

M. SAMSON: Sur division.

M. LE PRESIDENT: ... sur division.

M. SEGUIN: Un vote, M. le Président; pas sur dissidence, ni sur division.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur lèvent la main. En vertu de l'article 107, c'est un vote à main levée. Que ceux qui sont contre lèvent la main. La motion est adoptée.

Affaires du jour.

Projets de loi privés Troisième lecture

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que les projets de loi privés, inscrits aux articles 18 à 29 inclusivement du feuilleton d'aujourd'hui, franchissent l'étape de la troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: II faudrait peut-être les énumérer étant donné que ce sont des motions de troisième lecture. Article 18, l'honorable député de Taillon. Article 19, l'honorable député de Limoilou. Article 20, l'honorable député de L'Assomption. Article 21, l'honorable député de Saint-Laurent. Article 22,"l'honorable député de Chauveau. Article 23, l'honorable député de Chauveau. Article 24, l'honorable député de Limoilou. Article 25, motion de l'honorable député de Taillon. Article 26, motion de l'honorable député de Verdun. Article 27, motion de l'honorable député de Verdun. Article 28, motion de l'honorable député d'Olier. Article 29, motion de l'honorable député de Terrebonne.

Est-ce que ces motions de troisième lecture sont adoptées? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, la commission des finances et du revenu pourra poursuivre immédiatement l'étude du projet de loi no 38 à la salle 91-A. J'appelle l'article 17.

Projet de loi no 53 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la deuxième lecture du projet de loi no 53, Loi modifiant la loi assurant la reprise des services dans le secteur public.

L'honorable ministre du Travail.

M. Jean Cournoyer

M. COURNOYER: M. le Président, nous avons adopté le bill 19 dans des circonstances dont tous peuvent se souvenir. A la suite du bill 19, certains événements ont été l'objet des préoccupations du gouvernement pour finalement en arriver à ma nomination comme ministre de la Fonction publique. J'ai alors pris en main le dossier des négociations qui était laissé par le ministre partant, M. L'Allier.

Je suis entré dans ce dossier avec l'intention bien arrêtée de faire en sorte que nous en arrivions, dans tout le domaine public et parapublic, à un règlement négocié de la ou des conventions collectives qui doivent avoir cours dans les deux prochaines années et qui ont un effet rétroactif d'un an déjà.

Vous vous souvenez des événements qui ont suivi l'adoption du bill 19. Il y a eu l'emprisonnement de trois chefs des centrales syndicales, MM. Lagerge, Pepin et Charbonneau. Pendant la période de temps où ils furent emprisonnés à Orsainville "Beach", disent-ils, il n'y a pas eu de négociation. Immédiatement après leur sortie, lorsqu'ils se sont pourvus en appel, comme c'était leur droit, nous avons réussi à organiser une rencontre avec les dirigeants des centrales syndicales et avec à peu près tous les dirigeants en plus des trois que je viens de nommer.

Lors de la première réunion que nous avons eue, nous avons clairement indiqué à la partie syndicale que nous voulions négocier une convention collective, que la loi no 19 nous faisait l'obligation — pas seulement le droit — d'adopter un décret, le 30 juin 1972, qui tiendrait lieu de convention collective. Pour pouvoir éviter ce décret, il nous fallait nécessairement négocier et, par la suite, compte tenu du climat qui régnait aux tables de négociations, demander au Parlement d'atténuer les dispositions du bill 19 pour faire en sorte que le pouvoir de négocier soit maintenu et qu'il n'y ait pas lieu de passer le décret prévu dans la loi no 19.

Nous avons mis, comme condition à la poursuite des négociations à la table centrale, que les négociations aux différentes tables

sectorielles se poursuivent conformément au bill no 46 et au code du travail, par conséquent, qui avait été adopté l'an dernier par le même Parlement, c'est-à-dire aux tables sectorielles, impliquant chacun des secteurs.

Nous avons mis cela comme condition pour continuer les négociations à la table centrale. Bien sûr, nos conditions ne sont pas toujours acceptées. Nous avons mis de l'eau dans notre vin, comme diraient certains, et nous avons convenu d'une autre séance pour continuer d'explorer les possibilités de réouverture des négociations aux tables sectorielles, pendant que nous entreprenions des discussions sur les procédures de règlement des quatre points qui, d'un commun accord, avaient été confiés à la table centrale.

Après un certain temps, il était clair que la partie syndicale présentait d'énormes hésitations à rouvrir les tables sectorielles, à moins, disaient-ils, que le ministre de la Fonction publique n'indique clairement quel principe il allait suivre sur les quatre points qui étaient à la table centrale. Le ministre de la Fonction publique a indiqué, en retour de ces observations de la part des représentants syndicaux, que s'il était prêt, dans certains cas, à indiquer des principes qu'il entendait suivre, dans d'autres cas, il se devait de procéder avec les parties syndicales à une étude des faits avant que de conclure.

Dans le domaine de la négociation, il est essentiel que les gens parlent des mêmes choses. Dans cette négociation en particulier, les opinions sont souvent variées, suivant des faits que nous possédons, des indications et des chiffres qui nous sont communiqués. L'attitude que nous avons prise, depuis que je suis ministre de la Fonction publique, a été de fournir à nos représentants syndicaux, aux représentants de nos employés, les mêmes données dont nous nous sommes inspirés pour procéder à nos offres. Tant et aussi longtemps, croyons-nous, que ces mêmes données n'auraient pas été fournies aux représentants syndicaux, il était possible de continuer de s'attendre que des esprits qui ne possèdent pas les mêmes données de base ne pourront jamais se rencontrer pour effectuer un règlement négocié.

Dans le cas du régime de retraite, un certain nombre de données avaient été demandées par la partie syndicale, et le gouvernement et ses partenaires avaient cru bon de retarder la remise de ces données. Je ne dirai pas qu'ils ont refusé mais je dis qu'on en avait retardé la remise quant au régime de retraite. Il m'a paru urgent, vu qu'il n'y avait que quatre points, d'indiquer la bonne foi du gouvernement et de ses partenaires à la partie syndicale pour pouvoir rouvrir les tables de négociation, en pressant mes représentants à la table centrale de fournir les données que les gens d'en face demandaient. Ces données ont été fournies sur le régime de retraite.

Sur le régime d'assurance-maladie, on nous a demandé d'autres données. Certaines nous ont semblé inutiles. Nous ne les avons pas communiquées, parce que, d'abord, nous ayant semblé inutiles, nous avons jugé qu'il n'y avait pas lieu de mettre en branle tout un mécanisme de recherche pour peut-être trouver les renseignements dans deux, trois, quatre mois ou peut-être un an d'ici et qu'à un moment donné, ils ne soient plus utiles du tout pour personne.

Dans le cas des salaires, nous continuons d'examiner notre proposition. Mais dans le cas du régime de sécurité d'emploi, nous avons décidé, à la demande de la partie syndicale et à la condition que les tables sectorielles rouvrent le 8 juin, de fournir, le 7 juin, un énoncé de principe de la part du ministre de la Fonction publique.

Nous avons convenu de le faire. Nous avons été obligés de marcher sur le dos de nos partenaires administrateurs. Lorsque nous avons fait notre proposition, il a été clairement indiqué que cette proposition venait du ministre de la Fonction publique et du gouvernement et qu'elle ne rencontrait pas l'accord des partenaires du gouvernement, particulièrement, dans le domaine scolaire, au niveau des CEGEP et aux niveaux élémentaire et secondaire.

Ayant énoncé les principes conformément à ce que nous avions promis de faire une semaine avant, nous étions en droit de nous attendre que, le mercredi suivant, c'est-à-dire le 8 juin, les parties syndicales débloqueraient, comme convenu, les tables sectorielles et qu'on pourrait procéder, dans une foule de domaines, à des négociations, conformément à la loi et au code du travail, aux différents secteurs d'activités qui nous préoccupent présentement. Il semble que cette promesse ou cette entente, une fois ma partie réalisée, n'ait pas été réalisée par la partie syndicale. A toutes fins utiles, nous avons assisté, cette fin de semaine là, à une sortie des représentants patronaux à l'effet que les syndicats ne semblaient pas vouloir reprendre véritablement les négociations aux tables sectorielles, malgré qu'on se fût entendu sur ce point et que le ministre de la Fonction publique eût, à son tour, rempli les obligations qu'il avait convenu de remplir devant les représentants syndicaux.

On assiste, cette fin de semaine là, à une brisure des négociations, que le ministre de la Fonction publique qualifie d'incident de parcours. Il essaie, comme c'est son devoir, encore une fois, en cédant, en étant bonhomme, en essayant de comprendre l'attitude des syndicats qui ont une certaine crainte du gouvernement, de rouvrir des tables sectorielles, puisque, peut-être, on peut régler certaines choses aux tables sectorielles et qu'il va en rester qu'elles ne régleront pas. On a un front commun. On a peur du ministre de la Fonction publique, comme on avait peur de l'ancien, comme on a peur d'à peu près tout le monde dans ce domaine.

On arrive, à un moment donné, à la situation où le ministre de la Fonction publique, cette fois, est contesté formellement par ses partenaires quant à la formule de sécurité d'emploi. On demande une suspension des travaux, comme il se doit. Nous avions convenu de suspendre les travaux pendant le congrès de la CSN. Nous avions convenu de suspendre les travaux pendant le congrès de la CEQ. A la première difficulté que je rencontre, on demande une suspension des travaux pour que je puisse, moi, communiquer avec les partenaires et essayer de trouver une formule qui permette aux partenaires de s'entendre. Là, c'est une brisure des négociations de la part du gouvernement et de ses partenaires. C'est interprété comme cela, M. le Président. Toujours est-il que, la première fois que nous avons consenti des choses, j'ai découvert, à très brève échéance, que les ententes que je faisais avec eux, avec une contrepartie, il m'arrivait de ne pas rencontrer la contrepartie de l'autre côté. C'est arrivé; l'histoire pourra le dire.

J'en suis donc venu à la conclusion —je l'avais annoncé avant — qu'il me semblait que, du côté syndical, on ne paraissait pas préoccupé, au même degré que le ministre de la Fonction publique et le gouvernement, de trouver une solution négociée aux problèmes.

En conséquence, le pouvoir ou le devoir que la loi me fait, à l'article 19, de faire adopter un décret, le 30 juin, je ne pouvais pas me permettre de le mettre de côté ou de demander au Parlement de me l'enlever. J'ai pris cette décision il y a déjà une semaine. Lorsque les partenaires du gouvernement ont décidé, particulièrement dans le domaine scolaire, de contester le mandat du ministre de la Fonction publique, j'ai eu mes réactions, comme à peu près tout le monde. J'ai essayé de trouver une solution au problème, avec la Fédération des commissions scolaires, pour finalement découvrir que nous assistons à une bataille de mots entre la Fédération des commissions scolaires, d'une part, et le gouvernement, d'autre part. Par ailleurs, cette bataille de mots doit être réglée d'une façon ou d'une autre et la Fédération des commissions scolaires, pas plus que les syndicats, n'est supérieure au gouvernement, dans la province de Québec.

Il y a donc lieu pour nous, comme gouvernement, de requérir le genre d'amendements que j'ai requis. Remarquez, M. le Président, que nous avons assoupli énormément les dispositions du bill 19. Nous tentons, dans toute la mesure du possible, compte tenu de l'expérience que nous venons de vivre en l'espace d'un mois et demi, de conserver la possibilité d'un règlement négocié. Un règlement négocié, M. le Président, doit se faire conformément au code du travail. Et, conformément au code du travail, le ministre de la Fonction publique a besoin de l'assentiment et de l'accord — c'est synonyme, mais accord est plus fort dans mes termes— de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec et de la Quebec Association of Protestant School Boards, pour ce qui a trait au secteur de l'éducation élémentaire et secondaire, et de la Fédération des CEGEP, pour ce qui a trait à l'enseignement collégial.

Il me semble qu'il est encore possible d'avoir cet accord de mes partenaires. Mais, si cela devenait impossible, le décret ne serait pas seulement imposé à mes autres partenaires, parce que j'ai d'autres partenaires et je les appelle les enseignants, au Québec. Ces partenaires ne se verront pas seuls imposer un décret par le gouvernement mais les partenaires administrateurs et les partenaires enseignants se verront tous deux imposer la volonté de celui qui est quand même responsable de l'intérêt, de la sécurité, de la santé publics et de l'éducation au Québec. C'est le gouvernement du Québec actuel, quel qu'il soit, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas.

Ce pouvoir que je demande dans le bill 53, M. le Président, c'est bien sûr un pouvoir qui semble discrétionnaire. Mais nous nous devons d'insister sur le fait que le ministère du Travail, dont le rôle est habituellement de faire de la médiation entre les parties, essaiera, par le truchement de son ministre — il arrive que c'est le même que le ministre de la Fonction publique — de trouver une solution. Il le fera en consultation avec les deux opposants, dont l'un peut être le ministre de la Fonction publique; remarquez, la situation est assez drôle, II essaiera de trouver la solution qui permettra qu'au mois de septembre nos enseignants — pas les membres de la CEQ, pas les membres des syndicats — soient heureux d'enseigner, dans le système. Il s'efforcera de faire en sorte que nos enfants soient heureux, au mois de septembre, de revoir leurs professeurs et qu'on arrête ce climat d'incertitude épouvantable qu'on retrouve depuis déjà un certain nombre d'années dans toutes nos écoles, au Québec.

Je veux, comme ministre du Travail, tenter une expérience. Le ministre du Travail, au Québec, essaie de régler certains conflits entre des entreprises privées, d'une part, et les salariés de ces entreprises ou les représentants de ces salariés, d'autre part. Il voudrait tenter cette expérience une autre fois, dans le domaine public.

Le gouvernement n'est pas seul aux tables. Il ne veut pas être seul aux tables. Il a des politiques préétablies. Ces politiques peuvent être remises en question. Elles peuvent être remises en question en tout temps, même au milieu d'une convention collective. Nos partenaires ont des idées, des opinions; ils ont des obligations, ils ont des devoirs. Le gouvernement a les siens.

Ce que je voudrais tenter, par le truchement de la loi 53, ce serait de rapprocher tout ce monde pour que, enfin, dans les secteurs public et parapublic, on commence une période de paix relative, comme on vit une paix relative

dans le secteur privé par l'intervention — non pas du ministre du Travail, Jean Cournoyer, ce n'est pas important — de cette autorité, de cette dimension qui n'a qu'une habitude: tenter de trouver des solutions entre deux groupements qui s'affro.ntent. C'est l'esprit que j'ai voulu développer par le projet de loi qui est là.

Je n'ai pas l'intention — et c'est le ministre du Travail qui parle — de passer sur le corps des partenaires du gouvernement. Cela n'est pas mon propos. Et cela n'est pas non plus le propos du gouvernement que de détruire les partenaires du gouvernement comme administrateurs. Mais il arrive parfois que le gouvernement doive indiquer clairement à certains de ses partenaires qu'il a d'autres partenaires aussi et que ses responsabilités, comme gouvernement, se situent à un degré un peu supérieur au seul degré de l'administration.

Les préoccupations du ministre de l'Education, par exemple, sont de faire en sorte que nos enfants soient éduqués. Il n'a pas d'autres préoccupations comme ministre de l'Education. Pour y arriver, il a deux sortes de partenaires. Il y a les enseignants qui éduquent et il y a aussi les administrations locales qui sont là pour jouer réellement un rôle de contrôle, selon les lois qui ont été adoptées par ce Parlement.

Le gouvernement a ses deux partenaires. Et cette opinion n'est pas la mienne. C'est l'opinion du ministre de l'Education depuis assez longtemps, qu'il faut absolument que le gouvernement arrive à concilier les intérêts légitimes de ses deux partenaires dans l'Education.

Le ministère du Travail a réussi dans le passé. Quoique parfois certain premier ministre nous tienne des propos peu élogieux quant à nos performances passées, il peut arriver que n'étant pas au courant de tout ce qui se passe chez nous, on oublie certaines performances que nous avons passées, nous, sous silence parce que c'était des performances ordinaires de la responsabilité ordinaire du ministre du Travail du Québec. Ce n'est pas parce que c'est M. Cournoyer qui est ministre du Travail que les ministres du Travail au Québec n'ont pas eux aussi accompli un tas de performances qui n'ont pas été aussi publiques que certaines autres.

M. Laporte, qui m'a précédé, a accompli ses performances, M. Bellemare a accompli ses performances. Le ministre du Travail a toujours eu comme mentalité de tenter de trouver une solution négociée entre les parties. Et c'est sa responsabilité première pour le gouvernement.

Je conviens que, lors de l'étude de tout ce conflit, le ministre du Travail a été absent. Il a été absent parce que, probablement, il n'était pas ministre de la Fonction publique. Il veut aujourd'hui, le ministre du Travail, influencer sensiblement le ministre de la Fonction publique dans son comportement vis-à-vis des partenaires du gouvernement comme administrateurs et vis-à-vis aussi des partenaires du gouvernement dans les premiers buts poursuivis par le gouvernement, c'est-à-dire assurer des services à la population, assurer la santé de la population, assurer son éducation.

M. MARCHAND: Est-ce qu'il y a dialogue?

M. COURNOYER: II arrive très souvent que ce dialogue se prolonge tard dans la nuit, j'en conviens. Mais il arrive que cette dimension nouvelle n'est pas qu'un trompe-l'oeil. Le gouvernement veut faire en sorte que le ministre du Travail ait une certaine influence sur son ministre de la Fonction publique, comme le ministre de l'Education a une grande influence sur le ministre du Travail. Nous verrons comment nous pourrons arriver à trouver des solutions négociées à ce problème.

Vous avez vu hier, dans les journaux, une déclaration de la Fédération des commissions scolaires, qui s'oppose en bloc à la formule de priorité d'emploi que le gouvernement a proposée aux syndicats. Vous ne m'avez pas permis, tantôt, de répondre à une question, mais, à ce moment-ci, je pense qu'il m'est permis, au moins, de vous faire distribuer la formule que nous avons déposée aux centrales syndicales. Avant de vous la distribuer, je voudrais bien mentionner qu'à l'article 102 —je comprends que tout le monde l'a— on dit: "La poursuite des objectifs de sécurité d'emploi ne doit pas avoir pour effet de porter préjudice à la qualité des biens produits ou des services rendus, ni de permettre le maintien d'effectifs et de personnel excédentaires par rapport aux besoins."

Peut-être la Fédération des commissions scolaires a ignoré le premier paragraphe pour s'attarder à certains autres paragraphes. Dans votre analyse de la déclaration de la Fédération des commissions scolaires, je vous demande de tenir compte du texte qui a effectivement été proposé. Je n'ai pas d'autres commentaires à offrir, M. le Président. Je demande qu'on adopte le bill 53, tel que proposé, et je suis disposé à écouter ceux qui pourraient s'y opposer.

M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: M. le Président, je tiens, d'abord, à vous signaler que je ne savais trop quand le ministre coiffait le chapeau du ministre du Travail et quand il coiffait le chapeau du ministre de la Fonction publique. De toute façon, je tiens à souligner qu'il a bien fait de nous résumer les faits qui l'ont amené à présenter le projet de loi dans la teneur que nous connaissons actuellement. Il reste que le ministre, à mon sens, semble parfois minimiser les conséquences de ce projet de loi quant au rôle des partenaires dont il parlait tout à l'heure et quant à un certain degré de responsabilité et d'autonomie que l'on doit, tout de même, conserver à ces partenaires, soit comme ministre

du Travail ou soit comme ministre de la Fonction publique.

Le ministre a parlé d'une bataille de mots qui s'était engagée entre lui, comme ministre et non pas comme individu, et la Fédération des commissions scolaires. Je pense, M. le Président, que le ministre a utilisé un qualificatif qui démontre, peut-être, un peu trop d'optimisme chez lui quant à ce différend qui oppose le gouvernement et la Fédération des commissions scolaires. Ce n'est pas que les commissions scolaires doivent être considérées comme des entités administratives avec une très large indépendance. Nous savons tous que les commissions scolaires ont des pouvoirs de plus en plus restreints, pour une foule de raisons, sur tous les plans. Mais il en demeure un, M. le Président, auquel, je pense, les commissions scolaires doivent tenir avec une certaine jalousie, est justement celui de pouvoir exercer une certaine liberté, selon leur propre appréciation et selon leurs propres besoins, face aux professeurs qu'elles doivent embaucher.

Si l'on attendait le moindrement à la lecture du projet de loi, — je n'ai pas le droit de faire, de m'arrêter à un article précis à ce stade-ci des discussions — on se rendrait compte que le différend ou l'attitude peut-être un peu explosive de la Fédération des commissions scolaires contient tout de même un certain degré de bien-fondé. J'espère, en tout cas, que le ministre pourra, dans un avenir très rapproché, dissiper ce nuage de mésentente qui semble se profiler en ce qui concerne les relations entre le gouvernement et la Fédération des commissions scolaires.

D'autre part, je laisse le soin au ministre, puisqu'il est en possession de tous les faits et de tous les éléments, de porter un jugement quant à ces relations et également de prendre l'attitude — justement parce que nous n'avons pas tous ces éléments — la plus profitable pour créer, comme il le disait tout à l'heure, un certain climat de paix sociale et surtout de paix dans l'éducation. J'ai remarqué que le ministre a souligné, avec un certain regret — et je le comprends — qu'il y a eu, au cours des dernières semaines, des événements que je qualifierais de dilatoires qui ont fait que cela a abouti probablement à cette brisure, comme il le disait lui-même, entre la partie patronale et la partie syndicale.

Le ministre nous a laissé entendre que le front commun ne donnait pas la contrepartie aux propositions qu'il faisait après entente préalable que, s'il y avait telle ou telle proposition, la partie syndicale ou le front commun répliquerait dans le sens des discussions qu'il y avait eues précédemment. Je pense que le ministre, par son projet de loi et par les propos qu'il a tenus, fait comprendre assez clairement aux membres de cette Chambre et à la population qu'il a épuisé tous les moyens pour arriver à un règlement négocié de ce conflit. Le ministre nous signale également que toutes les mesures ont été prises du côté patronal pour créer un climat de véritable négociation, un climat de bonne foi entre les négociateurs des deux parties mais que ceci s'est avéré un fiasco, que ceci a débouché dans un cul-de-sac duquel il faut sortir le plus rapidement possible.

Je me demande si ce projet de loi amendant le bill 19 n'aurait pas pu être évité. Je ne veux pas, de façon vaniteuse, rappeler les propositions que nous avons faites il y a déjà quelques mois à l'effet de ne pas présenter le projet de loi 19, de proposer plutôt une forme de moratoire. Nous avons connu ce moratoire avec les délais accordés par la partie patronale. Ce projet de loi 19 et le projet de loi 53, qui est un pendant ou une conséquence du projet de loi 19, auraient pu ne pas être présentés si on avait pris d'autres attitudes que celles qui ont été prises depuis le mois de janvier dernier.

Sur le projet de loi tel que soumis, je me réserverai, avec mes collègues, le privilège de faire des commentaires au ministre.

En deuxième lecture, étant donné les circonstances, étant donné l'attitude du front commun, étant donné cet élément nouveau ou cette attitude surprise de la Fédération des commissions scolaires et étant donné que nous avons, je pense en tout cas, comme membres de cette Chambre, tenté, par des recommandations, de trouver tous les moyens et d'épuiser tous les mécanismes pour arriver à une solution négociée. Devant ces faits et surtout devant l'urgence de mettre fin à ce conflit qui a pourri durant plusieurs semaines, qui a pourri le climat social dans le Québec et qui a eu des conséquences très sérieuses dans le domaine de l'éducation, de la santé, je voterai en faveur du projet de loi tel que soumis, du moins sur le principe.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, j'ai écouté avec attention l'exposé du ministre, qui fut fort à point dans ses explications et j'ai remarqué également avec quelle sérénité il a fait le tour d'horizon de ce qui s'est passé depuis l'adoption du projet de loi no 19. J'ai aussi remarqué que les députés libéraux, qui avaient applaudi la loi no 19, applaudissent également le projet de loi no 53. C'est peut-être un signe que leur esprit s'est un peu amélioré.

Si on se rappelle les conditions qui ont entouré l'adoption de la loi no 19, elles étaient bien différentes de celles d'aujourd'hui. Bien sûr, on avait exprimé, à cette occasion, non seulement le sérieux mais l'urgence d'une telle loi. Aujourd'hui, ce projet de loi no 53, qui est, en quelque sorte, des amendements à la loi no 19, est aussi urgent, mais pour une raison bien différente. C'est que la loi no 19 stipulait que des ententes devaient se faire avant le 30 juin. Comme nous sommes aujourd'hui le 29, cette

loi a également un caractère d'urgence mais dans un sens tout autre que celui qui a été exprimé par la loi no 19.

Nous nous étions opposés, notre groupe parlementaire, à la loi no 19, qui était en quelque sorte une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des parties. Nous avions signifié qu'il y aurait probablement possibilité d'apporter certains amendements, notamment à l'article 10, mais on nous les avait refusés essayant de se justifier, à tort ou à raison. Je pense que ce projet de loi no 53 indique que notre prise de position, à ce moment-là, était justifiée.

Je ne voudrais pas faire grief au ministre d'apporter ce projet de loi. Au contraire, nous lui avons demandé, de différentes façons, notamment par des questions, de l'apporter le plus tôt possible. C'est un pas en avant, et je suis sûr que le ministre est convaincu que, chaque fois que nous avons parlé des amendements possibles à la loi no 19, il était parfaitement d'accord avec nous. C'était peut-être un peu plus difficile pour lui. Bien sûr, il ne lui fallait pas démontrer une hâte trop grande à modifier une loi qu'on venait d'adopter.

Il est sans doute beaucoup plus au courant que tout autre député en cette Chambre de la qualité de sa loi. Mais, pour ma part, après avoir apporté une attention toute particulière, parce que le projet de loi no 53 modifie la loi no 19 qui a été fortement contestée — et pas uniquement par nous — je suis convaincu que pour le ministre ce sera un atout pour rapporcher les parties, pour recréer — si je peux m'exprimer ainsi — le climat de confiance qui devrait normalement exister entre des parties à la table des négociations.

Cependant, si on regarde attentivement le projet de loi, l'épée de Damoclès n'est pas complètement enlevée. Elle existe encore, sauf qu'on l'a poussée de côté et on a dit: Si elle vient à tomber, ça fera peut-être un peu moins mal.

Nous espérons également que le ministre, avec toute la bonne volonté qu'il y met, avec toute l'attention, toute la capacité que nous lui connaissons, réussira à arriver à une solution négociée. On le souhaite de tout coeur. Quand le ministre le dit, je pense qu'il est sincère. Il est non seulement sérieux, mais il est sincère. Je suis convaincu qu'il fait tout en son pouvoir pour tenter de trouver cette solution négociée. Je serais le premier à regretter qu'après le 3 août 1972, le lieutenant-gouverneur en conseil décrète une loi qui tienne lieu de convention collective.

Je voudrais assurer le ministre que nous lui apporterons toute la collaboration que nous pouvons. Je voudrais lui demander qu'il continue dans sa persévérance et qu'il ne ménage aucun mécanisme qui pourrait aider à trouver une solution négociée.

Nous traversons une période difficile, quoique, dans le moment, un peu plus tranquille, mais il ne faut pas oublier qu'en septembre, les classes ouvriront et il ne faudrait pas se retrouver — cela va devenir impossible avec la loi no 53 — avec les mêmes problèmes.

Le ministre a touché un peu au climat de confiance qui doit exister entre l'étudiant et son professeur. J'ai l'impression qu'on l'a quelque peu bafoué dans le passé, surtout ces dernières années. Il faudrait, après qu'on aura trouvé une solution négociée — je suis convaincu qu'on y arrivera — consentir un effort, peut-être dirigé, pour rétablir ce climat de confiance qui doit, normalement, exister non seulement entre l'étudiant et le professeur, mais également entre les enseignants et les parents.

Nous sommes convaincus que, si le ministre ne ménage aucun effort, aucun mécanisme et garde la sincérité qu'il démontre aujourd'hui, il arrivera à une solution négociée. Nous le souhaitons.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: II y a maintenant plus de deux mois, nous adoptions la loi no 19, après une grève qui avait secoué dangereusement la population du Québec. Cette loi no 19 avait deux effets. D'un côté, elle mettait fin, précisément, à une grève dans des secteurs importants de notre société, une grève qui avait inquiété profondément la population. En ce sens, on peut dire que le gouvernement, en mettant fin à cette grève par une loi d'exception, pouvait compter sur l'appui assez général de l'opinion publique. C'est d'ailleurs une des raisons, pour ne pas dire la raison essentielle, pour laquelle il a finalement opté pour ce geste.

Cette loi avait un autre effet. C'est qu'elle obligeait le gouvernement à régler par décret les conditions de travail qui devaient prévaloir dans les secteurs public et parapublic jusqu'en 1974 entre le patron, c'est-à-dire l'Etat du Québec qui est le patron réel, ultime, et ses partenaires.

Cette partie de la loi était sûrement généralement moins bien acceptée par la population et surtout par les 210,000 employés qui étaient touchés par ce décret.

IL est bien évident qu'aucun groupe d'employés, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, n'aime se voir imposer par la partie patronale ses conditions de travail. Le droit d'association, le droit de négociation et le droit de grève étant maintenant reconnus depuis plusieurs années et formant l'une de ces libertés fondamentales que les populations ont acquises dans nos démocraties, il est bien évident qu'aucun groupe d'employés ne pouvait accepter, de gaieté de coeur, cette éventualité.

Comme il s'agissait, ici, d'un très grand nombre d'employés qui, de plus, par leurs liens de parenté et par leurs positions dans la société, pouvaient influencer l'opinion d'un très grand nombre de citoyens, on peut se rendre compte

immédiatement que le gouvernement courait un grand risque, un risque important, à passer outre ainsi aux lois ordinaires, aux règlements ou mécanismes ordinaires de négociation et imposer sa volonté.

Nous avons l'impression, pour ne pas dire la certitude, qu'autant le gouvernement se plaisait, d'un côté, mettre fin à la grève — ce qui ne pouvait susciter que des adhésions de la population à sa politique — autant il était réticent à adopter un décret qui touchait un aussi grand nombre de citoyens et qui contrevenait, d'une façon aussi brutale, à des droits fondamentaux qui constituent l'essence même de notre démocratie.

Aujourd'hui, nous nous rendons compte que le gouvernement veut récolter les bénéfices de son action en ce qui concerne la cessation de la grève, mais il ne veut pas récolter les inconvénients de sa politique en ce qui concerne l'imposition obligatoire de conditions de travail à un très grand nombre de citoyens. Il voudrait, en somme, gagner sur tous les tableaux, ou plutôt gagner sur un tableau et ne pas perdre sur l'autre. C'est la raison fondamentale pour laquelle il nous présente, aujourd'hui, ce projet de loi. Il ne faut faire appel qu'aux lois éternelles de la psychologie humaine pour le comprendre et pour ne pas être trop sévère envers un gouvernement, qui a le droit d'être animé par des motifs trop humains, de recourir à ce geste.

Pour faire avaler, cependant, il y a deux mois, cette politique brutale aux syndiqués, le gouvernement leur avait quand même consenti, à ce moment, une poire pour la soif. Il avait changé le titulaire du ministère de la Fonction publique, laissant tomber celui qui, depuis un an, s'était consacré à cette tâche avec tout le talent et l'énergie qu'il possède. Il avait fait appel aux services d'un négociateur chevronné qui s'était illustré par "des performances répétées dans le règlement de certains conflits québécois", si j'emploie les termes de M. Trudeau. On avait fait appel, en somme, à celui que l'on convient, maintenant, d'appeler "le pompier du gouvernement", celui dont la fonction est d'éteindre les feux afin d'atténuer les tensions sociales. C'était là un geste important qui pouvait, bien sûr, constituer un élément additionnel de reprise fructueuse des pourparlers.

Mais, je pense que le ministre doit commencer à se rendre compte qu'il n'a guère fait mieux que son homologue, puisqu'après deux mois on se retrouve à peu près dans une situation analogue, crise sociale et grève en moins, à celle qui existait il v a deux mois.

Je pense que le ministre, tout en déplorant cette situation, a dû, au cours de ces deux mois, faire un petit examen de conscience afin de retrouver les raisons qui ont pu rendre son action tellement difficile, malgré toute la bonne volonté dont il a fait preuve, malgré la science, malgré la compétence qui sont les siennes, malgré l'esprit de bonne entente avec lequel il a voulu reprendre ces négociations.

Je pense, à ce moment-là, M. le Président, qu'il sera obligé de conclure qu'il lui était extrêmement difficile de rattraper une négociation qui, depuis le début, avait été aussi mal engagée. Il a trouvé très difficile, au fond, de redresser le cours d'une négociation qui, en raison des erreurs initiales du gouvernement — erreurs qui, d'ailleurs, se sont répétées à plusieurs reprises au cours de la négociation — avait mené tout droit à une impasse. La course était tellement bien engagée, l'arbre penchait tellement dans une direction qu'avec tous les talents que je lui reconnais le ministre n'a pu redresser la situation.

C'est la raison pour laquelle, depuis qu'il a pris en main le dossier, il s'est heurté, au fond, aux mêmes conséquences que l'action de ses prédécesseurs avait engendrées. En premier lieu, il y avait cette méfiance latente, parfois explosive, mais constante qui existait entre les deux parties en cause, même si les deux parties se départagent entre plusieurs interlocuteurs. Cette méfiance était précisément le fruit des actions qui avaient été posées par le gouvernement ou le fruit des omissions dont on avait pu également se rendre compte et dont les divers partis, en cette Chambre, ont souvent parlé avant que la loi 19 ne fût adoptée.

Nous avions prévu, M. le Président, lorsque cette loi a été adoptée, que cette confiance, qui est difficilement pondérable, qui est fluide, dont il est difficile d'évaluer l'importance d'une façon concrète et précise, constitue quand même un des ciments essentiels de toute négociation appelée à devenir fructueuse. Nous nous rendons compte que, quand elle manque ou quand elle a été notablement diminuée, il en résulte une atmosphère de suspicion, une atmosphère de soupçons, d'agressivité qui fait sursauter les interlocuteurs à la moindre difficulté, qui met dans leur esprit les hypothèses les plus sombres, les plus invraisemblables. Justement, la méfiance est là qui donne du corps, de la créance à ces hypothèses, en raison précisément des conditionnements qui sont déjà établis.

Le ministre sera sûrement d'accord avec moi pour dire que, lorsqu'il a pris ce dossier en main, il a dû se heurter, à plusieurs reprises, à cette méfiance et surtout aux résultats nocifs, empoisonnés, délétères qu'elle introduit dans le jeu normal des négociations. C'est peut-être à cette méfiance chronique qu'il faudrait attribuer les accidents de parcours dont a parlé le ministre et qui faisait, par exemple, que l'on profitait du moindre prétexte, du moindre motif pour rompre temporairement les négociations, pour se consulter, pour élaborer de nouvelles tactiques et de nouvelles stratégies. Le ministre, étant peu familier avec le dossier, ne pouvait peut-être pas comprendre toute l'intensité de cette méfiance, mais il a quand même dû en supporter l'effet.

De toute façon, M. le Président, c'est sûrement en raison de ces facteurs qui étaient survenus avant que le ministre ne préside au dossier que les pourparlers qu'il a menés depuis deux mois se sont avérés tellement difficiles, tellement délicats.

Us ont produit des résultats aussi maigres que ceux que nous sommes obligés de constater à l'heure actuelle.

D est quand même déplorable de nous avouer à tous que, malgré ses qualités, le ministre du Travail, ou plutôt le double ministre du Travail et de la Fonction publique, n'a pas pu nous donner les fruits qu'il escomptait de cette négociation, n'a pas pu, en somme comme disent les Anglais, "deliver the goods", répondre aux espoirs que le gouvernement aussi bien que la population plaçaient en lui.

Je pense qu'aussi longtemps qu'il n'aura pas réalisé les raisons profondes, antérieures de cet échec dont il est obligé de faire état aujourd'hui, il lui sera peut-être difficile d'en arriver au déblocage qu'il espère. Je dois quand même le féliciter pour une des mesures ou des propositions qu'il a faites à ses partenaires. Je veux parler de la proposition qui touche la sécurité d'emploi intrasectorielle aussi bien qu 'inter sectorielle.

Ce n'est pas pour mettre une plume à notre chapeau que nous rappellerons au ministre du Travail et de la Fonction publique que cette proposition de sécurité d'emploi est une proposition que nous avions faite à plusieurs reprises â son prédécesseur. Tellement il nous semblait évident que dans le contexte du Québec de 1960-1970, après que le gouvernement eut dépensé tant d'énergie pour mener à bien sa révolution scolaire, après qu'il eut incité avec une telle énergie les diplômés de nos collèges classiques, de nos CEGEP à entrer dans la carrière d'enseignant, tellement il était évident que le gouvernement ne pouvait plus maintenant se défiler alors que le nombre des professeurs risquait de dépasser la demande, en raison de la dénatalité qui nous afflige. Il devenait impensable que le gouvernement fasse payer aux enseignants les résultats d'une politique dont il avait été l'initiateur, le moteur, et qu'il avait contribué â continuer dans le grand nombre d'années qui se sont maintenant écoulées depuis 1960.

Nous avions également fait valoir à cette époque que les enseignants sont peut-être un des personnels les plus recyclables qui soient, car, en raison des études poussées qu'ils ont faites dans plusieurs domaines, il est possible de les utiliser dans des sphères supérieures de l'administration gouvernementale; il est possible de les utiliser dans une industrie privée qui peut s'avérer connexe aux fonctions qu'ils occupaient antérieurement, et que ce qui était possible ne pouvait s'avérer que juste si l'on accepte qu'ils avaient cédé aux incitations du gouvernement en toute bonne foi.

Nous ajoutions enfin que, ce principe de la sécurité d'emploi ayant été reconnu par le gouvernement au niveau de la fonction publique, dans plusieurs ministères et même dans certains secteurs du domaine parapublic, il devenait difficile à faire accepter aux syndiqués autant qu'à la population que ceci n'a pu être réalisé dans le domaine de l'enseignement. Ces raisons nous paraissaient absolument essentielles et allant de soi.

C'est bien pourquoi nous nous félicitons avec le ministre que le gouvernement ait repris à son compte cette proposition et qu'il essaie maintenant de la faire accepter à des partenaires inférieurs, mais quand même essentiels, qui doivent collaborer avec lui à l'application de sa politique. Que le gouvernement fasse donc tous les efforts pour faire accepter cette proposition, à cette partie patronale inférieure, même si elle n'a pas encore fait tout le chemin idéologique qui lui permettrait d'accepter le bien-fondé des raisons que lui a soumises le ministre.

Je ne voudrais pas entrer dans le fond du problème, du début, car je sais que cela sera à négocier avec les partenaires du ministre. Mais il me semble en tout cas que le ministre a fait preuve de sagesse et s'est conformé au principe de la justice en proposant une sécurité d'emploi aussi bien intrasectorielle qu'intersectorielle.

Je suis bien conscient, M. le Président, des difficultés d'application auxquelles peut donner lieu cette politique. Mais je considère que, dans ce domaine, comme dans tous les autres où elle est maintenant appliquée depuis quelques années, il sera possible avec l'intelligence, l'imagination et la diligence, des hauts fonctionnaires de trouver des solutions qui permettront d'éviter les inconvénients que signale la Fédération des commissions scolaires. Car je ne crois pas, moi non plus, qu'il faille simplement faire du "feather bedding", remiser sur des tablettes des enseignants dont les talents ne seraient pas utilisés au maximum.

Il est sûrement possible, avec ces mécanismes de reclassement, de recyclage dont il a été fait mention, d'utiliser à leur plein rendement, avec tout le potentiel possible, les qualités, le talent et l'expérience des enseignants, à qui on garantit maintenant la sécurité d'emploi.

Voilà à peu près, M. le Président, le seul point sur lequel nous sommes d'accord avec le ministre du Travail et de la Fonction publique. Pour le reste, il n'y a rien de changé. Nous sommes devant la même impasse. J'écoutais tout à l'heure le ministre, qui essayait de faire le départage des fautes que l'on pourrait attribuer aux diverses parties. Il n'a pas fait son mea culpa, lui-même. Il a distribué des blâmes, les uns légers, les uns sévères, aux diverses parties en cause, dont certaines constituent ses partenaires. Il ne s'est pas accusé lui-même. Peut-être faut-il attribuer cette indulgence qu'il manifeste à son propre endroit à la courte période qui s'est déroulée depuis qu'il a pris en main ce dossier.

Mais il reste que, dans les fautes, dans les reproches que le ministre faisait tout à l'heure à ses partenaires, on pourrait peut-être ajouter

des circonstances à ce point atténuantes que le reproche même pourrait disparaître. Le ministre disait par exemple qu'il avait eu l'impression que les syndicats n'étaient pas intéressés à une solution négociée. Je voudrais lui demander: ces pourparlers — car je n'ai jamais employé le mot négociation — qui se sont déroulés depuis deux mois constituaient-ils vraiment une véritable négociation? Une négociation, à mon humble avis, ne peut être menée, avec le sens que l'on donne à ce terme, que si les partenaires qui négocient se situent dans un climat de liberté, c'est-à-dire dans le cadre des droits qui leur sont reconnus par la loi.

Quand un employeur négocie avec un syndicat et que les deux partenaires ont l'un le droit de lock-out et l'autre le droit de grève, ceci constitue une arme qu'ils ne sont pas obligés d'utiliser.

Ils ne veulent probablement pas l'utiliser, mais ils peuvent en faire état au moment où les négociations deviennent difficiles. C'est cela, une véritable négociation, c'est-à-dire une situation où les deux partenaires se trouvent dans une position d'égalité par rapport à la loi, par rapport aux outils, aux instruments, aux armes même qui sont à leur disposition lorsque arrivent des moments de crise dans les négociations.

Peut-on dire que, durant les deux mois qui viennent de se passer, les partenaires syndicaux avaient à leur disposition ces armes, ces mécanismes, ces outils qui auraient fait de leurs pourparlers de véritables négociations? Je ne le crois pas, et nous l'avons dit en son temps. Je pense que cela constitue une circonstance très atténuante à la volonté faible que le ministre dit avoir constaté d'aboutir à un accord par ce qu'il continue d'appeler une négociation.

Si les droits des syndiqués ne leur avaient pas été enlevés, il est possible qu'ils se seraient montrés beaucoup plus intéressés à en arriver à une solution négociée, même avec un délai qui leur aurait été imparti en raison d'une loi qui aurait pu remplacer la loi 19. On est donc obligé de constater que, depuis le 22 avril 1970, nous avons assisté à un simulacre de négociation entre les deux parties, à une pseudo-négociation et non pas à une véritable négociation. Ce que nous avons vu, ce sont des pourparlers qui se sont déroulés dans une atmosphère qu'avait viciée le retrait de droits fondamentaux auxquels les syndiqués, dans notre province, sont habitués depuis très longtemps.

Maintenant, le gouvernement, non content d'avoir adopté cette loi 19 veut rédiciver. Il repousse encore indéfiniment le droit de grève, il repousse indéfiniment l'adoption d'un décret, il repousse indéfiniment les articles du code du travail qui garantissent aux partenaires leurs droits fondamentaux. Nous l'avons dit il y a deux mois et nous le répétons aujourd'hui: II nous semble absolument incompréhensible que le gouvernement traite d'une façon aussi cavalière ses propres lois, quand il se rend compte qu'elles ne font plus son affaire ou ne font pas son affaire. Ce que nous avons dit —nous le répétons — c'est que, si le gouvernement n'aime pas la loi qui régit les conventions collectives, particulièrement dans les secteurs public et parapublic, qu'il la change, qu'il la modifie, mais qu'il le fasse avant qu'une négociation collective soit engagée ou après, mais pas pendant. Ce n'est pas pendant une négociation que l'on change les règles du jeu. Ce n'est pas au cours d'un affrontement qu'on change de monture. Ce n'est pas alors qu'on est dans une situation difficile qu'un des partenaires, utilisant sa force, change les mécanismes qui constituent le cadre habituel et sécurisant que possèdent des citoyens ou des groupes par de nouvelles mesures qui font davantage son affaire.

Cela nous semblait incompréhensible. Comme la situation n'a pas été corrigée dans le projet de loi que nous présente maintenant le gouvernement, il ne nous est pas plus possible de l'accepter aujourd'hui qu'il ne nous était possible de l'accepter hier.

Nous avons même, pour motiver ce refus, des raisons additionnelles, car cette loi, malgré ce qu'en a dit le ministre — qu'elle est plus souple, qu'elle nous rapproche davantage d'une solution négociée, qu'elle fait le départage entre ce qui peut faire l'objet d'un décret ou d'une autre solution — nous parait pire que celle que nous a présentée le gouvernement, il y a deux mois.

En effet, la loi no 19 prévoyait que si le gouvernement n'avait pas présenté son décret au 30 juin 1972, la partie syndicale reprenait ses droits et en particulier son droit de grève. Il était, bien sûr, improbable que le gouvernement ne consente pas à établir un décret avant cette date du 30 juin, étant donné qu'il espérait, contre toute espérance, pouvoir en arriver à une solution négociée dans les deux mois qui devaient s'écouler. Mais il reste que ces espoirs s'étant avérés illusoires, il acceptait implicitement, par le projet de loi no 19, que le 30 juin 1972, si le gouvernement avait résolu de ne pas présenter de décret, la partie syndicale retrouvait ses droits fondamentaux, alors que dans le présent projet de loi, il est maintenant absolument certain que la partie syndicale ne possède plus son droit de grève, quels que soient les incidents de parcours, quel que soit le résultat des négociations ou des pourparlers, quelle que soit, en somme, l'alternative à laquelle chacune des parties puisse se résoudre. Dans aucun cas, la partie syndicale ne retrouvera ses droits fondamentaux avant l'expiration de la prochaine convention collective, c'est-à-dire ou en 1974 ou peut-être même en 1975.

C'est donc tomber de Charybde en Scylla, c'est corriger un mal par un mal plus grand, c'est l'abolition et non plus la suspension d'un droit de grève qui avait été consenti par un gouvernement précédent, libéral de surcroît, à la partie syndicale. C'est donc une régression

qui, cette fois, est définitive, car il ne suffit pas d'être grand clerc pour prévoir que le gouvernement actuel, lorsque le moment arrivera pour lui de reprendre ce chapitre de la négociation collective dans le secteur public, n'accordera plus le droit de grève à la partie syndicale.

Il est donc évident que la partie syndicale peut maintenant faire son deuil définitif d'un droit qui lui avait été consenti par une législation antérieure avant même que toutes les preuves aient été faites que l'application de ce droit de grève se heurtait dans tous les cas infailliblement à des échecs qui nécessitaient des lois d'exception. On n'a pas donné toutes les chances possibles à cette législation antérieure de produire ses effets d'autant plus que, dans les deux exemples de négociation antérieure, on avait réussi à régler sans loi d'exception. Ce n'est que ce gouvernement qui n'y est pas arrivé. Et, à la suite de cette expérience malheureuse, il conclut que ce droit de grève est tellement délicat, difficile, impossible d'application qu'il faut non plus seulement le suspendre mais l'abolir définitivement.

En ce sens, cette loi, malgré ses apparences anodines, nous parait encore plus désastreuse que celle qui l'a précédée. D'ailleurs, ce n'est pas seulement en raison de ce que je viens de dire que cette loi nous paraît difficile à accepter. Le ministre non seulement se décerne des certificats de sagesse, par cette loi, mais, en plus, s'octroie la discrétion la plus complète et la plus absolue dans le règlement du présent conflit.

Je le voyais tout à l'heure passer rapidement, facilement, d'un chapeau à l'autre.

C'est un peu comme dans la pièce l'Avare, de Molière, où le professeur de philosophie change son chapeau pour celui du professeur... Ce n'est pas l'Avare?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est Maître Jacques.

M. LAURIN: Dans quelle pièce?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans l'Avare.

M. LAURIN : Maître Jacques passe facilement d'un rôle à l'autre en changeant simplement de chapeau. Ceci est plus vite dit que fait, car le ministre du Travail ne peut pas oublier les tensions, les frustrations qu'il a pu éprouver en tant que ministre de la Fonction publique. A moins qu'on puisse le canoniser et le mettre immédiatement sur les autels, ce à quoi je consentirais, si le ministre m'en fait la demande, étant donné la haute appréciation que j'ai de ses talents.

Mais, la nature humaine étant ce qu'elle est, il est très difficile d'oublier, lorsqu'on coiffe un nouveau chapeau, les opinions, les préventions et même les préjugés que l'on a pu accumuler dans son autre fonction. Je dirais même qu'en raison des définitions qu'a données le double ministre de ses fonctions la chose serait encore plus difficile. Lorsqu'il parle en tant que ministre de la Fonction publique, il nous donne l'impression de défendre le gouvernement tout entier, de défendre la stabilité, la politique salariale, l'échelle salariale, les appariements, une sorte de mécanique très compliquée, très complexe, difficile et qu'il importe de défendre parce que, si une brèche est effectuée dans un des angles, tout l'édifice peut tomber.

On comprend que le ministre de la Fonction publique fasse montre d'intransigeance, de sévérité, de dureté même parfois, car on sent que la politique qu'il défend est une sorte de pierre d'angle sur laquelle reposent, du moins jusqu'à un certain point, les autres ministères. La définition qu'il donne de son rôle en tant que ministre du Travail est, au contraire, toute pacifique, médiatrice, conciliatrice. Il est là pour empêcher les crises de pourrir, de s'éterniser, d'amener à des affrontements sociaux. Son rôle, en ces matières, est d'amener une solution négociée là où des affrontements menaçaient. C'est un rôle pacifique, lénitif. Mais le ministre ne court-il pas le risque, en prétendant vouloir passer aussi facilement d'un rôle à l'autre, de se retrouver dans la situation de ce héros du livre de Stevenson, Doctor Jekyll and Mr. Hyde, où, à la longue, les traits de M. Hyde se sont imposés contre la volonté même du docteur Jekyll à ce personnage unique qu'au fond il constitue?

Il est vrai qu'avec la nature humaine qui est la nôtre, le mal, si on n'y prend garde, finit par chasser le bien, si on ne prend pas toutes les précautions que les moralistes chrétiens nous ont recommandés depuis très longtemps pour que la vertu se trace le chemin qu'elle doit.

Pour ma part, je crains beaucoup que, dans cette double fonction de ministre de la Fonction publique et de ministre du Travail, ce soit quand même un peu trop parfois le ministre de la Fonction publique qui montre le bout de l'oreille et peut-être l'oreille tout entière lorsque arrivera le moment de décider, comme le dit le projet de loi, si les négociations ne peuvent plus conduire à une entente, si elles ne se poursuivent plus avec diligence et avec bonne foi.

Ceci me parait très dangereux, car, en fait, en vertu de cette loi, c'est le double ministre qui sera responsable du moment où le décret devra être adopté. C'est lui qui décidera avec ses limitations, avec ses contraintes, avec ses faiblesses, avec le résultat de tous les incidents qui auront pu frapper son imagination, qui pourront emporter sa conviction. C'est lui qui décidera, avec son double consentement de ministre du Travail et de ministre de la Fonction publique, si le moment est venu de changer les règles du jeu, encore une fois, d'interrompre les pourparlers et de procéder à l'adoption du décret.

S'en remettre à la discrétion complète, arbitraire d'un ministre, tout aussi vertueux qu'il

soit, me paraît un grave danger pour les droits syndicaux, un grave danger aussi pour l'ordre public, car c'est presque un retour à ce gouvernement de la majorité par un seul, c'est presque un retour au gouvernement royal, au gouvernement par ukase, au gouvernement par diktat. Nous sommes obligés de donner d'avance un blanc-seing, carte blanche au ministre pour décider de ce moment alors que bien d'autres opinions pourraient prévaloir, pourraient être entendues sinon prévaloir, à l'effet que ce moment n'est peut-être pas aussi opportun que le ministre l'aura décidé.

C'est donc là une grave faiblesse, M. le Président. Mais il y en a une autre qui est peut-être plus grave que la première. Car non seulement, par cette loi, le ministre s'arroge la liberté de décider du choix de l'heure où le décret devra remplacer la négociation, mais il va beaucoup plus loin. Il s'arroge également une discrétion absolue en ce qui concerne le contenu du décret. C'est lui, par exemple, qui va décider si telle partie de la négociation devra faire l'objet d'un décret et si telle autre partie devra faire l'objet d'une négociation qui se continue. C'est lui qui devra décider de quelle façon, dans certains cas, une impossibilité d'en arriver à une solution négociée sera tranchée par un mécanisme prévu au décret, par exemple, l'arbitrage.

C'est donc aller beaucoup plus loin que le choix du moment. C'est au fond, décider de tous les éléments qui constituent le dossier de la négociation dans les secteurs public et parapublic.

Encore une fois, malgré toute l'estime que j'ai pour le ministre, est-ce qu'il n'est pas possible que des mauvaises langues puissent lui prêter des intentions machiavéliques à ce moment? Par exemple, à supposer que le ministre décide d'établir par décret la sécurité d'emploi, mais qu'il laisse le problème de la définition du poste à la négociation et, ensuite, à l'arbitrage. Des mauvaises langues pourront dire: Ah! le problème de cette définition du poste s'est posé dans les négociations antérieures à de multiples reprises. Il a donné lieu à des contestations passionnées. Les conventions antérieures l'ont réglé à l'avantage des salariés, dans un très grand nombre de cas. Remettre en question ces avantages acquis, remettre en question ces gains qui ressortent de conventions antérieures est quelque chose de passablement odieux, de passablement délicat, difficile, même si des considérations budgétaires, même si des considérations administratives paraissent les justifier. Les mauvaises langues pourront dire alors: Le ministre du Travail connaît trop ces problèmes pour aller trancher. Il en connaît trop la complexité. Il connaît trop l'histoire qui a précédé l'obtention de ces droits acquis. Il n'en parlera pas dans le décret. Il rejettera sur d'autres l'odieux d'un règlement. Il rejettera l'odieux de ce règlement sur un arbitre que les parties pourront nommer et qui rendra une décision. Si la décision mécontente gravement l'une des parties, si la décision paraît aller à l'encontre de droits acquis, on n'aura qu'à s'en prendre à un arbitre et non plus au ministre du Travail, et non plus au ministre de la Fonction publique, et non plus au gouvernement qui n'aura pas à en supporter les conséquences au point de vue électoral.

Cet article donne au gouvernement une latitude extrême pour se débarrasser, encore une fois, d'une façon savante, d'une façon retorse, de problèmes qu'il trouve trop difficiles à régler ou qu'il trouverait odieux d'assumer entièrement, lucidement et avec candeur.

Ce n'est qu'un exemple, M. le Président, que j'apporte, mais, connaissant la nature humaine, je suis sûr, d'avance, qu'il y aura des mauvaises langues et que des accusations de ce genre seront portées, et contre le ministre, et contre le gouvernement. Je voudrais empêcher jusqu'à la possibilité que des mauvaises langues s'attaquent ainsi à un de mes ministres préférés. Je voudrais éviter jusqu'à la possibilité qu'on accuse le gouvernement de machiavélisme, car je sais que bien peu de ses ministres ont lu Machiavel et sont capables de s'en inspirer dans leur politique quotidienne. Mais, comme il vaut mieux prévenir que guérir, j'aimerais mettre en garde le gouvernement contre cette possibilité qu'il s'accorde de décider qu'est-ce qui fera l'objet d'un décret, qu'est-ce qui ne fera pas l'objet d'un décret, qu'est-ce qui fera l'objet d'une solution négociée ou d'une solution autre que celle que nous connaissons actuellement.

D'ailleurs, ce n'est pas le seul reproche que les mauvaises langues pourraient faire au gouvernement. Non seulement pourrait-on lui faire le reproche que je viens de mentionner, mais on pourrait aussi dire que le gouvernement se réserve cette arme afin de pouvoir diviser davantage le champ de ses opposants, qu'il se réserve cette arme pour mieux émietter le front commun des oppositions qu'il rencontre. Car on se rend bien compte que ce front commun est constitué de centrales syndicales qui ne défendent pas les mêmes catégories d'employés et qui n'ont pas les mêmes objectifs. C'est un secret de polichinelle d'affirmer que les enseignants étaient bien plus préoccupés, par exemple, de sécurité d'emploi que de revendications salariales. C'est un secret de polichinelle de dire que les employés de la CSN étaient beaucoup plus préoccupés du salaire minimal de base que des échelles supérieures de salaires. On peut penser qu'en se réservant ce droit, en se réservant ce pouvoir de couper des morceaux de décret, le gouvernement se réserve l'avantage de régler graduellement, morceau par morceau, le problème. Une fois qu'il a réglé une partie du problème qui peut contenter un des partenaires du front commun, celui-ci, se sentant satisfait, perdra de son ardeur, perdra de sa motivation, sera moins intéressé à entretenir la cohésion qui existait avant qu'aucune concession ne lui soit faite.

On peut donc penser — des mauvaises langues le diront sûrement — que le gouvernement se réserve ainsi une façon de lutter, qui n'est pas trop catholique, contre les partenaires avec lesquels il doit négocier. C'est peut-être une façon qui . n'est pas acceptable moralement, même si elle peut être acceptable dans un climat plus sauvage que celui que nous connaissons au Québec.

C'est donc, M. le Président, un privilège qui nous semble indu que le gouvernement s'accorde par cette loi, lorsqu'il décide qu'il aura le choix de l'heure et des moyens. C'est un pouvoir absolument discrétionnaire, un pouvoir absolument arbitraire, dont il pourra user comme il le voudra, au moment où il le voudra, pour les fins qu'il poursuit, dont certaines seront peut-être reconnues, mais dont certaines autres ne seront pas connues parce que le gouvernement n'oserait pas les dévoiler, tellement elles pourraient faire partie de sa tactique.

C'est justement pour éviter des tentations au gouvernement, autant que pour éviter ces reproches de la population, que nous demandons au gouvernement de bien réfléchir avant d'adopter ce projet de loi.

J'ai dit tout à l'heure que le règlement de ce conflit n'avait progressé qu'à pas de tortue depuis deux ans. La preuve en est d'ailleurs que, comme je le disais tout à l'heure, il n'y a qu'un seul point qui soit davantage élucidé à la fin de juin qu'à la fin d'avril, c'est le problème de la sécurité d'emploi.

Je me serais attendu que, dans sa présentation en deuxième lecture, le ministre en profite pour nous brosser un tableau encore plus candide, encore plus complet de la situation, en ce qui concerne les autres points contestables ou contestés du problème. Par exemple, le problème de la masse salariale, le problème du salaire de base, le problème de la définition du poste, le problème des droits acquis dont ne parle pas le projet de loi, malgré toutes les considérations que nous avons faites lors de l'adoption de la loi 19. Nous y reviendrons d'ailleurs en commission plénière. Et enfin celui des avantages sociaux, c'est-à-dire celui du régime de retraite et de l'assurance-salaire.

Incidemment, avant que la loi 19 ne soit adoptée, le gouvernement nous disait que son offre était finale, qu'il avait atteint le fond du baril. Nous avons maintenant l'impression que nous avions bien fait de ne pas prendre cette déclaration à la lettre. Dans sa déclaration de tout à l'heure, le ministre nous a avoué — peut-être sans s'en apercevoir — que, aux demandes qui lui étaient faites, par la partie syndicale, d'étaler davantage ses propositions en matière d'assurance-maladie, et surtout de fournir à la partie adverse les données sur lesquelles s'appuyait la proposition patronale d'assurance-maladie, il nous a avoué qu'il ne possédait pas toutes ces données, que certaines de ces données lui paraissaient inutiles, mais les autres n'auraient pu être colligées qu'après trois ou quatre mois.

Ceci montre bien, rétrospectivement, que le ministre des Finances n'avait pas raison de dire qu'il avait atteint le fond du baril, qu'il y avait, à l'encontre de ce qu'il disait, matière à examen plus approfondi, et matière à un examen qui aurait pu s'étaler davantage dans le temps, puisque le ministre vient de nous dire que sur ces deux problèmes importants, il n'avait pu fournir à la partie syndicale toutes les données dont la partie syndicale avait besoin pour évaluer de la façon qu'il convenait les propositions gouvernementales.

Je dirais que l'intervention de deuxième lecture du ministre, à cet égard, a manqué déplorablement de transparence, pour employer un mot qu'un pape du journalisme affectionne, car cette transparence s'impose plus que jamais, ne serait-ce que pour atténuer ce climat de méfiance dont je faisais état au début de mon intervention. Le ministre du Travail, d'ailleurs, nous a toujours accoutumés à une très grande transparence, une transparence qui, d'ailleurs, ne fait pas toujours les délices de ses collègues ou du chef de son gouvernement.

Mais voilà précisément un domaine où cette transparence s'avérerait absolument nécessaire. Le ministre peut-il nous dire si la proposition du ministre des Finances, il y a deux mois, en ce qui concerne la masse salariale et le salaire de base, était véritablement finale, définitive? Peut-il nous dire si le gouvernement n'a pas d'autres offres, d'autres concessions monétaires à faire à la partie adverse?

Peut-il nous le dire, comme il l'entend, comme il le pense? Peut-il nous parler des contraintes qui empêcheraient le gouvernement d'augmenter les offres qu'il fait à la partie syndicale? Peut-il nous dire, avec candeur, d'une façon définitive, la conception que le gouvernement se fait du poste, quels sont les droits acquis qu'il entend conserver à la partie syndicale et quels autres il voudrait remettre en question? Peut-il nous dire, enfin, d'une façon définitive, à quel moment on pourra véritablement aborder la discussion des régimes qui traitent des avantages sociaux, afin qu'au moins la population sache, un peu à l'avance, où on s'en va avec ces pourparlers, quelles sont les positions en présence et quelles chances de règlement nous possédons?

Au lieu de cela, M. le Président, nous sommes bien obligés de constater qu'après son discours, comme après ces deux mois, nous ne sommes guère plus avancés qu'avant. La seule chose qui transparaît avec évidence de ce projet de loi, c'est que le gouvernement veut mettre toutes les chances de son côté, aussi bien les chances administratives que les chances financières et électorales.

Il nous semble que cela est difficilement acceptable, un peu comme si le gouvernement — il ne le dira pas car il ne veut pas dévoiler toutes ses intentions — comptait sur la fatigue de la population, aussi bien que sur la fatigue de l'Opposition, qui n'en peut plus de discuter de ce problème ad infinitum, pour amener un

règlement qui soit à sa guise, qui soit conforme à ce qu'il a toujours voulu, en passant pardessus les arguments de saine logique qui doivent présider, quand même, à des discussions de ce genre. On sent que le gouvernement veut arriver à ce résultat de toutes les façons, en utilisant tous les trucs possibles du métier.

Il veut y arriver en séparant les problèmes, en mettant d'un côté ceux qu'il se sent capable de régler par décret; d'un autre côté, ceux qu'il ne veut pas régler par décret. Il veut le faire en. épuisant les partenaires, c'est-à-dire en les laissant s'épuiser à négocier ou à entrer en pourparlers avec une épée sur la tête, une épée dans les reins, jusqu'à ce que, affaiblis, usés, épuisés, les partenaires, de guerre lasse, consentent à la position du gouvernement.

Aussi, le gouvernement veut régler, semble-t-il, en cachant les vrais problèmes qui sont à la base de cette crise que nous avons connue dans le secteur public. J'ai parlé, tout à l'heure, de la masse salariale.

Il est certain que si le contentieux constitutionnel était sinon réglé, du moins en voie de règlement, si le gouvernement n'était pas sans cesse envahi par les initiatives fédérales en matière financière, si, en somme, sa marge de manoeuvre n'était pas aussi mince, aussi étroite, s'il pouvait avoir à sa disposition une portion plus grande du gâteau fiscal et des subventions fédérales, je n'ai aucun doute qu'il se serait montré plus généreux dans ses offres salariales et que ceci aurait contribué, d'une façon très importante, au règlement rapide de ce conflit.

Je pense aussi que s'il avait été possible au ministère des Affaires sociales d'élaborer une politique de sécurité sociale qui compense par le biais de la loi sociale les insuffisances de la politique salariale du gouvernement, il aurait été beaucoup plus facile d'en arriver à un règlement et de contrer les arguments qui lui ont souvent été présentés par la partie syndicale en ce qui concerne les injustices sociales dont de larges portions de notre population font actuellement les frais. C'est précisément parce que nous ne possédons pas, que le Québec ne possède pas ces ressources fiscales, parce que les querelles constitutionnelles s'éternisent dans le champ de la sécurité sociale que le gouvernement se trouve dans une position de négociation à ce point difficile.

C'est le fond du débat, le ministre n'en a pas parlé. Je sais qu'il a des opinions là-dessus, mais pour se faire une juste idée de son projet, il importerait quand même qu'on en fasse état. En somme, par ce projet de loi il nous semble que le gouvernement ne prend pas ses responsabilités. Il a mis fin à une grève il y a deux mois mais, en contrepartie, il s'engageait à adopter un décret; il a fait son lit, à ce moment-là. Pourquoi n'a-t-il pas adopté de décret? Pourquoi n'a-t-il pas voulu prendre sur ses épaules l'odieux de cette mesure qui était le corollaire presque nécessaire de la position qu'il avait prise en mettant fin à la grève? On le sent trop bien, on peut soupçonner trop bien les raisons pour lesquelles maintenant il se refuse à accepter les conséquences odieuses et draconiennes du geste qu'il a posé il y a deux mois.

Il nous parait ne pas vouloir assumer ses responsabilités. Il nous paraît vouloir les diluer au point de reporter à l'infini, en avant de soi, une solution que l'on espère juste, bien sûr, mais qui aura surtout l'avantage de libérer le gouvernement du fardeau dont il s'est lui-même chargé, un fardeau qu'il trouve de plus en plus difficile à supporter et dont il réalise maintenant la portée au point de vue électoral. Le gouvernement, par ce projet de loi, fait tout pour noyer le poisson qu'il a lui-même créé; il faut tout pour éviter, un jour, d'être jugé sur les gestes qu'il a posés tout au long de la négociation et surtout qu'il a posés lors de l'adoption de la loi 19.

Il me semble que c'est le rôle de l'Opposition d'essayer de comprendre ce que ne contient pas un projet de loi, ce qu'on veut cacher dans un projet de loi, d'essayer d'étaler au grand jour les tenants et les aboutissants secrets d'une mesure gouvernementale. C'est le rôle que nous avons voulu assumer, que nous continuerons d'assumer, même si le gouvernement n'aime pas cette attitude et même s'il essaie d'y répondre avec les arguments qui lui paraissent opportuns.

Pour notre part, ceci nous paraît corriger un mal, celui de la loi no 19, par un mal plus grand encore et dont la suite des événements nous fera connaître véritablement toute l'étendue. C'est la raison pour laquelle — lorsque nous avons à choisir entre deux maux il faut choisir le moindre — nous préférions, malgré tout, la loi no 19 à ce projet de loi no 53 qui en étend les effets, qui les complique sans en corriger aucun. C'est la raison pour laquelle nous accueillons avec la plus extrême des réserves cette loi qui nous est présentée aujourd'hui et que nous y voyons un bloc enfariné qui ne nous dit rien qui vaille. Nous espérons que tous les membres de l'Opposition sauront oublier, pour un moment, leur fatigue, leur hâte de partir en vacances pour accorder à ce projet de loi toute l'attention qu'il mérite et pour essayer de l'améliorer dans toute la mesure du possible.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

M. Francois Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, les discours les plus longs n'étant pas toujours les meilleurs, j'en aurai pour une dizaine de minutes. Il est six heures moins cinq, peut-être serait-il plus sage de considérer qu'il est six heures, par un artifice que le règlement nous permet.

M. LE PRESIDENT: Je pourrais proposer aux honorables membres de cette Chambre ou bien de considérer qu'il est six heures ou bien

d'accepter à l'unanimité de poursuivre nos travaux jusqu'à six heures cinq.

M. ROY (Beauce): M. le Président, en ce qui nous concerne, nous serions prêts à entendre l'honorable ministre, pour qu'il ait le temps de terminer son observation.

M. LE PRESIDENT: Vous seriez prêts à continuer?

M.LESSARD: M. le Président, pour notre part nous serions...

M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne reconnais pas qu'il est six heures. On doit quand même admettre qu'il est six heures moins cinq.

M. LESSARD: Je voudrais aussi faire remarquer au ministre que les réponses les plus longues ne sont pas toujours les meilleures.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme il n'y a pas consentement unanime, pour reconnaître qu'il est six heures et comme il n'y a pas consentement unanime pour continuer jusqu'à six heures cinq, je vais être obligé de demander au ministre de parler pendant cinq minutes et de continuer par la suite.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, je désire d'abord remercier l'assemblée de sa collaboration. Je crois de mon devoir, à titre de ministre de l'Education, d'intervenir dans un débat aussi important. En effet, il ne faudrait pas que l'on pense que je reste absent de ce qui se passe en ce moment, bien au contraire. Je voudrais cependant préciser que, comme je devrai m'interrompre à six heures, je ne transige plus pour dix minutes et j'ai l'intention d'utiliser, à la reprise, tout mon temps. Temps que je compte d'ailleurs consacrer aux préliminaires de mon discours.

Le projet de loi no 53 vise un objectif: celui de corriger ce que la loi no 19 pouvait avoir de radical. Il était normal qu'elle le fût puisqu'elle répondait à une situation d'urgence. Le gouvernement manifeste son à-propos et son appréciation de la situation en voulant y apporter certains assouplissements.

Ces assouplissements sont de deux ordres. Il y a des assouplissements qui touchent les échéances et qui permettront au ministre de la Fonction publique de présenter un décret, si nécessaire, après le 3 août.

Ces assouplissements touchent également les mécanismes. Ces mécanismes, pour bien manifester la volonté toujours exprimée du gouvernement de négocier, permettent au ministre responsable de décréter certaines parties, si nécessaire, tout en continuant de négocier d'autres parties de la convention collective.

Ils lui permettent, en quelque sorte, de procéder par décret seulement s'il n'est pas possible, à son jugement, d'arriver à des solutions. Ils permettent également de maintenir ce qui est acquis et de tenir compte des clauses paraphées jusqu'ici. Le projet de loi no 53 confère au ministre du Travail des pouvoirs considérables. Je crois que le député de Bourget a eu raison de le souligner.

Il me paraît, quant à moi, normal, dans une négociation aussi délicate, dans une négociation aussi difficile, dans une négociation aussi complexe, que le ministre responsable ait ses coudées libres et une certaine marge de manoeuvre.

Mais ce qu'il convient de retenir, par rapport à ce jugement du député de Bourget, c'est que les contenus des mandats, ainsi que le contenu de l'éventuel décret ne seront pas déterminés par le ministre de la Fonction publique ou le ministre du Travail. Ils seront déterminés par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire par le conseil des ministres où siègent les ministres impliqués dans cette négociation, particulièrement le ministre des Affaires sociales et le ministre de l'Education. Il s'agira donc — il convient de le souligner très clairement — d'une décision collective.

J'ai l'intention, à la reprise de cette séance, d'aborder les contenus du point de vue de l'éducation. En effet, il semble que ce soit le secteur, actuellement, où se produisent le plus d'accrochages. J'ai l'intention de le faire à partir d'un contexte qui est celui de notre système d'éducation. Les orateurs qui m'ont précédé ont évoqué le problème de la sécurité d'emploi, problème extrêmement important sur lequel je reviendrai également. Mais, avant de le faire, je désire, justement, bien déterminer quel est notre système d'éducation et dans quelle optique il convient d'évaluer cette question de la sécurité d'emploi.

M. le Président, je demande la suspension du débat.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 20

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député d'Ahuntsic.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, avant la suspension de la séance, j'avais commencé mon intervention dans le cadre du débat de deuxième lecture du projet de loi no 53. J'avais exposé les objectifs qu'il vise. J'avais également souligné les assouplissements qu'il apporte par rapport à la loi no 19. J'avais enfin discuté des pouvoirs qu'il donne au ministre du Travail, en indiquant bien que la définition des mandats ainsi que des contenus d'un éventuel décret relèverait du conseil des ministres, comme il se doit. Enfin, j'avais dit qu'il me paraissait nécessaire, en ma qualité de ministre de l'Education, d'intervenir même si j'étais resté, jusqu'ici, plutôt silencieux, ceci de manière à respecter notre régime des relations de travail et à ne pas nuire à une négociation aussi délicate que difficile.

M. le Président, les orateurs qui m'ont précédé — je l'ai d'ailleurs souligné — ont évoqué la question de la priorité d'emploi. C'est là, en effet, le point qui parait le plus important, puisque les difficultés de cette négociation semblent se situer surtout dans le secteur de l'éducation. Pour en parler d'une manière adéquate, j'avais ajouté qu'il me paraissait nécessaire de situer le problème dans son contexte, c'est-à-dire par rapport au système d'éducation qui est le nôtre.

En effet, M. le Président, quel est-il, ce contexte? C'est celui d'un système décentralisé par rapport à un système unitaire.

C'est celui qui comporte une instance centrale, le ministère de l'Education, et des instances décentralisées constituées par notre régime des commissions scolaires et des corporations des CEGEP. Il y a là un modèle unique au monde, et qui est particulier à l'Amérique du Nord, c'est un modèle qui reconnaît des racines historiques auxquelles les Québécois semblent très attachés.

C'est un système peut-être plus difficile à administrer qu'un système unitaire, comme celui que l'on rencontre dans de nombreux pays, en particulier la France. C'est un système qui procède par délégation de responsabilités. Il ne faut pas oublier que les droits des commissions scolaires sont établis par toute une série de lois. Il en va de même d'ailleurs des droits des corporations de CEGEP.

Il ne faut pas oublier que les commissions scolaires ont le pouvoir de taxation. Il ne faut pas oublier non plus que tout récemment, le gouvernement a voulu renforcer les pouvoirs des commissions scolaires par la loi no 27, en permettant un regroupement en unités administratives plus viables, plus faciles à administrer, et également en apportant un style de gestion différent. Ceci, pour bien indiquer qu'on ne peut discuter d'un problème comme celui de la sécurité d'emploi si on ne le situe pas véritablement là où il doit être. Il ne s'agit pas d'une notion qui doit être évaluée d'une manière théorique; elle ne peut l'être que par rapport au système dans lequel elle s'insère.

Voilà par conséquent ce que je voulais dire et je m'arrêterai là, puisque ce système qui est le nôtre est connu de tous les députés de cette Assemblée.

Par rapport à ce contexte, nous nous trouvons en présence de deux, séries d'impératifs, tout aussi importante l'une que l'autre. Il y a d'une part l'autonomie que revendiquent les commissions scolaires. Cette autonomie se traduit par le droit de gérance, en particulier le droit d'engager et de congédier son personnel.

C'est là indiscutablement, par rapport à un système décentralisé, un pouvoir nécessaire. En fait, il mettrait en cause, s'il était brusquement supprimé, la cohérence même de ce système.

H serait susceptible de créer des difficultés peut-être plus graves que celles qu'on voudrait résoudre. Il y a, cependant, M. le Président, une deuxième série d'impératifs tout aussi importante, c'est cette sécurité d'emploi que les enseignants, par l'intermédiaire de leur syndicat, revendiquent actuellement.

Il ne s'agit pas là d'un faux problème. C'est une inquiétude qui n'est pas liée seulement à la baisse de la natalité que l'on invoque peut-être un peu trop facilement, ignorant le fait qu'en démographie les choses changent souvent rapidement. C'est davantage une attitude psychologique parmi les enseignants, et il serait particulièrement maladroit de ne pas lui donner l'importance qui lui revient.

Personne plus que le ministre de l'Education ne vise à avoir des enseignants heureux de vivre dans leur système, heureux d'enseigner et à l'aise par rapport aux activités et aux responsabilités qui sont les leurs. Je pourrais démontrer avec statistiques à l'appui que cette question de sécurité d'emploi a probablement été dramatisée. En fait, il y a, cette année, au moins 3,000 postes de plus à pourvoir et il faudra attendre quelques années avant qu'il ne soit plus possible de réaffecter tous les enseignants dans le système tel qu'il existe.

Cependant, on ne règle pas des problèmes personnels, des problèmes individuels avec des statistiques. Même s'il y a suffisamment de postes et même beaucoup plus pour les enseignants qui sont là, cela n'empêche absolument pas que celui qui est mis à pied a un loyer à payer, des enfants à nourrir et une inquiétude qui ne cesse de le ronger dans une situation fluctuante. En fait, je suis convaincu que ces mises à pied, qui se produisent régulièrement chaque année et qui sont la conséquence du système décentralisé, mais également, peut-être, de certains aspects désuets de notre législation, contribuent largement à ce sentiment d'insécurité qui est à l'origine de la revendication à laquelle nous avons à faire face. C'est donc dire,

M. le Président, que je crois qu'il faut apporter une solution à cette question de sécurité d'emploi et que je me suis solidarisé avec la décision qu'a prise le gouvernement.

Nous nous trouvons, par conséquent, en présence d'un problème assez difficile à résoudre. D'une part, maintenir la cohérence d'un système décentralisé et plus difficile à administrer qu'un système unitaire; d'autre part, tenir compte des revendications légitimes des enseignants.

Comme les choses seraient beaucoup plus faciles — je le laissais entendre il y a un instant — s'il s'agissait d'un système unitaire! A ce moment-là, les enseignants se retrouveraient exactement dans la même position que les fonctionnaires du secteur public. Ils pourraient être affectés, sans avoir d'ailleurs souvent — ceci se passe ailleurs — le choix, un peu partout suivant les besoins. Précisément parce que nous avons affaire à un grand nombre d'unités administratives, nous avons réduit ce nombre à 189. Ceci constitue un élément qui va certainement permettre une meilleure gestion de l'ensemble du système et diminuer les pressions que l'on ressent actuellement lorsqu'on parle de cette question de sécurité d'emploi.

Il reste tout de même que, par rapport au système unitaire, les problèmes demeurent. Par conséquent, il faut tenter de trouver une solution qui va préserver la cohérence du système. Je n'hésite pas à dire qu'il y a pour moi des principes que je maintiendrai, précisément parce que je pense que l'enjeu est trop important. D'autre part, il faut concilier cette nécessité avec la sécurité d'emploi qui me semble s'imposer. Je ne crois pas que la différence soit tellement grande à combler. En effet, j'ai l'impression que, sur le plan des principes, tout le monde pourra s'entendre. C'est davantage sur le plan des modalités qu'il faut trouver des solutions.

Je déplore le fait qu'il semble y avoir actuellement un certain éloignement entre le gouvernement et ses partenaires, c'est-à-dire les différentes fédérations représentant les commissions scolaires ou les collèges, partenaires qui font partie intégrante du système d'éducation et qui en constituent l'infrastructure. Cet éloignement me paraît être fort probablement temporaire si chaque parti s'impose la recherche d'une solution dans un climat de confiance. En effet, je souhaiterais — là, peut-être vais-je verser dans l'utopie — que l'on puisse, tout en maintenant le principe dont je vous ai parlé, se pencher sur les problèmes des enseignants tels qu'ils les perçoivent.

Je souhaiterais que l'on puisse, sans modifier le système, en arriver à des accommodements, à des aménagements de ce droit de gérance, lequel doit être conçu de plus en plus comme dans une approche collective. En effet, le gouvernement a une responsabilité, le ministre du Travail l'a souligné. Cette responsabilité n'est pas de se lier à une partie ou à une autre.

Elle est justement d'en arriver à une approche globale qui permette une solution dans l'intérêt collectif. Je parlais, il y a quelques instants, d'un climat de confiance. Hélas! c'est ce qui manque le plus.

Notre société est l'objet d'un manque de concertation entre les différents groupes qui la constituent, qui risque d'être tragique pour notre survie. Ce manque de concertation se traduit par une espèce de démagogie, par une inflation verbale qui fait qu'actuellement certains syndicats, utilisant une rhétorique dépassée, remettent en cause les fondements mêmes du système. Il est bien évident que ceci ne facilite pas une approche véritablement réaliste à un problème commun parce qu'enfin nous avons tous le même intérêt, et quel est-il? C'est de faire marcher un système. Et pourquoi le faire marcher? Pour le système lui-même? Jamais. Pour le bien des enfants qui sont dans ce système. Notre société a consenti un effort collectif colossal, nous dépensons encore $2 milliards par année pour notre système d'enseignement, $1.5 milliard au ministère de l'Education, $500 millions par les taxes des commissions scolaires. Et cet effort colossal exigerait que toutes les énergies soient galvanisées pour qu'on cherche des solutions, seraient-elles inédites. Bien sûr, nous risquons de bouleverser certaines habitudes et je.pense, pour ma part, que, si cette confiance pouvait être ressuscitée tant soit peu, nous pourrions probablement, sur le plan des modalités, tout en maintenant la cohérence d'un système, en arriver à des solutions satisfaisantes. Mais ceci signifie que l'on se débarrasse d'un certain nombre de prises de position et qu'on accepte véritablement de négocier dans l'intérêt général.

Je parlais du bien de l'enfant, on en parle de moins en moins, semble-t-il. Quand je pense au bien de l'enfant, je pense aux parents, à ces nombreux parents qui s'inquiètent, qui s'interrogent, qui ne comprennent pas, qui ont été, j'irais presque jusqu'à dire les premières victimes des changements très rapides que notre société a connus, à ces parents qui s'étonnent devant certaines attitudes venant de tous les milieux. Ils s'étonnent d'une certaine politisation qui ne leur semble pas, à juste titre, dans l'intérêt des enfants, qui doivent recevoir un enseignement de qualité et également qui n'est pas axé vers une idéologie plutôt que vers une autre.

Tout cela me paraîtrait véritablement pénible si nous ne pouvions pas en arriver à une solution négociée parce que nous avons véritablement tout en main si nous nous plaçons dans ces lignes de force que je tente de vous décrire. Ma position n'en est pas une de choix entre les partenaires du gouvernement, entre les enseignants. A ce moment-là, je me trouverais à trop m'introduire dans les négociations qui sont actuellement en cours.

Je crois que je ne prendrais pas véritablement mes responsabilités.

Tout ce que je tente de faire actuellement, c'est de décrire le problème tel qu'il se pose à mes yeux et c'est également d'en tracer les limites. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de la cohérence nécessaire d'un système en ajoutant qu'elle me paraissait quand même, cette cohérence, pouvoir être préservée, à la condition d'accepter certains aménagements. Ces aménagements ne seront possibles qu'à la condition également que l'autre partie, les enseignants, renonce peut-être à certains oripeaux verbaux et acceptent de comprendre qu'il leur faut rester logiques avec le système même, puisque leur action est fondée sur ce système.

J'ai voulu raccrocher tout cela au bien de l'enfant. Si j'ai parlé de cette espèce de perplexité de trop de parents, c'est précisément parce que, quotidiennement, j'ai à en prendre conscience. J'ai à tenter de les rassurer. J'ai à tenter de leur faire comprendre qu'après ces efforts considérables que notre société a tentés, nous avons maintenant un système qui, malgré ses défauts, se compare plus qu'avantageusement à ce que l'on rencontre un peu partout à l'étranger.

C'est ce système, je conclus, que je crois qu'il faut préserver dans le bien de l'enfant, non pour des idées théoriques, mais précisément parce qu'il y a dans une classe un certain nombre de jeunes en présence d'enseignants et que cette rencontre ne peut se produire qu'à la condition qu'il existe un certain nombre de normes, qu'on le veuille ou non, et qu'il existe un certain nombre d'immeubles, qu'on le veuille ou non, et qu'il existe un certain nombre d'orientations.

Un dernier appel : ne serait-il pas possible que tant les partenaires du gouvernement, dans un effort de cohérence, que les enseignants acceptent de se pencher sur le problème, non pas à la recherche d'un affrontement mais à la recherche d'une solution réaliste? Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il y a diverses façons d'aborder l'étude d'un projet de loi. On peut, comme l'a fait, cet après-midi, le député de Bourget, faire un examen général de toute la question du droit du travail et proposer des solutions qui ne sont pas d'ailleurs inédites et qui avaient été proposées à maintes reprises en cette Chambre par le chef de l'Opposition.

En effet, cet après-midi, dans le réquisitoire qu'il a prononcé contre le ministre du Travail et contre son gouvernement, le député de Bourget a soulevé, non sans raison, des problèmes généraux qui se rattachent à la question qui fait l'objet du projet de loi que nous avons à étudier aujourd'hui.

Ce que je reproche à l'approche du député de Bourget, c'est un manque de réalisme. Ce qu'il a dit, tout le monde pourrait le dire, avec des nuances, bien entendu, et sous toute réserve des idéologies politiques et des idéologies socio-politiques qui sont celles des divers partis représentés en cette Chambre.

Cet après-midi, le député de Bourget s'est fait — nous l'avons compris, nous l'avons deviné — le porte-parole de gens qui sont à l'extérieur de cette Chambre et qui préconisent un système socio-politique ou socio-économique différent de celui dans lequel nous vivons aujourd'hui. Même s'il n'a pas pris fait et cause de façon officielle pour les centrales syndicales au nom desquelles il parlait, nous avons très bien compris que sa pensée était inspirée par l'idéologie, les théories ou les thèses qui sont diffusées depuis un certain nombre d'années et depuis un certain nombre de mois surtout par ces différentes centrales syndicales.

L'approche qui me parait la plus réaliste dans les circonstances, c'est celle qui consiste à se demander si le gouvernement a raison à ce moment-ci de nous demander d'approuver un projet de loi qui vise à améliorer, a dit le ministre, la loi 19 — encore que nous en doutions — qui vise, tout au moins, à donner au ministre un délai qui lui permette, avant d'appliquer les derniers recours, de tenter d'atteindre cet objectif de la solution négociée dont il nous a parlé assez longuement cet après-midi et dont vient de nous parler le ministre de l'Education.

Mon approche, à moi, sera donc une approche extrêmement réaliste. Qu'est-ce qui se passe à l'heure actuelle? Qu'est-ce qui s'est passé depuis le moment où nous avons adopté — nous savons dans quelles circonstances et avec quelles réserves — la loi 19?

Pour quelles raisons n'a-t-on pu en venir à une entente qui pourrait s'appeler la solution négociée que cherchait à obtenir de ses partenaires le ministre de la Fonction publique et le ministre du Travail?

Il s'est passé bien des événements malheureux, sur lesquels je ne veux pas insister. De part et d'autre — je ne sais pas de quel côté est le tort — il semble que l'on ait engagé un dialogue de sourds. Cela a commencé au moment où nous avons convoqué la commission parlementaire de la fonction publique pour entendre les parties, tel que la loi 19 nous demandait de le faire. Nous n'avons pas entendu les parties. Nous avons entendu la version du gouvernement. Du côté des centrales syndicales, il ne nous a pas été possible d'engager un dialogue qui nous eût permis de dénouer ce noeud gordien, afin de savoir exactement quels étaient les points d'accrochage et quels pouvaient être les motifs, les raisons, les faits concrets qui opposaient le gouvernement et ses partenaires, les commissions scolaires, aux centrales syndicales réunies, à ce moment-là, dans le front commun.

II y a eu, donc, absence de dialogue en raison de la façon dont se sont déroulées les auditions devant la commission parlementaire, auditions à sens unique, puisque le gouvernement a été le seul à vouloir dialoguer avec les parlementaires qui avaient été, pourtant, mandatés par la loi no 19 à le faire avec le gouvernement et avec les centrales syndicales.

Le ministre du Travail, devenu ministre de la Fonction publique, a repris, depuis ce temps, les négociations. Il s'est commis lui-même, il s'est engagé; il a engagé un dialogue avec les parties en cause. Il semble, selon ce que le ministre nous a dit et selon ce qu'il me disait encore cet après-midi, qu'aux tables sectorielles, dans certains secteurs, les négociations se poursuivraient. Il y a la question des enseignants qui constitue, au moment où nous parlons, le problème fondamental qui oblige le ministre du Travail à présenter le projet de loi qui est devant nous.

Qu'est-ce qui se passe? On a parlé, cet après-midi, de méfiance, on a parlé de bonne foi, de mauvaise foi, etc. M. le Président, lorsqu'on commence à engager le débat en le situant à ce palier des intentions: mauvaise foi, bonne foi, méfiance, manque de confiance, intentions cachées, secrètes, sournoises, etc., je crois qu'on le situe justement au niveau où il ne doit pas se trouver. Le gouvernement est investi de l'autorité. Il parle au nom de la collectivité, en vertu du mandat que le peuple lui a confié, et il a le devoir de régler un problème dont dépend, en très grande partie, la vie sociale, économique, éducative, de la collectivité québécoise.

Il a, d'autre part, à discuter de ce problème de la vie sociale, économique, éducative de la collectivité québécoise avec des gens qui sont réunis, qui sont groupés dans ce qu'on appelle des centrales syndicales.

J'entendais cet après-midi le député de Bourget nous dire que le gouvernement avait commis des erreurs. Nous l'avons déjà dit au gouvernement qu'il avait commis des erreurs. Nous ne croyons pas devoir revenir sur le sujet ce soir.

Le ministre du Travail nous a dit pour sa part que ses partenaires, que ce soit les syndicats ou les commissions scolaires, avaient eux aussi commis des erreurs. Il faut donc que l'on reconnaisse que chacun a avoué ses fautes, mais une fois qu'on a fait sa confession, il faut en arriver au ferme propos et à la résolution de ne plus recommencer.

Qu'est-ce qui ne va pas à l'heure actuelle? Je pense qu'il y a, sous-jacente à toute cette question des négociations, une idéologie qui est véhiculée par des centrales syndicales, par des chefs de centrales syndicales et c'est leur droit, je ne le conteste pas, une idéologie sous-jacente qui est telle qu'elle voudrait, par le moyen des négociations, changer un système socio-économique.

Le gouvernement, pour sa part, représente une autre idéologie dans ce domaine. Il est donc impossible, si on se place à ce niveau des idéologies socio-économiques, de faire se rapprocher deux parties qui ont comme responsabilités de négocier ensemble un contrat de travail dont tous les citoyens du Québec seront ou les bénéficiaires ou les victimes.

On a parlé de sécurité d'emploi cet après-midi. On a parlé de salaire de base, de salaire minimal, de la masse salariale, de définition de fonction, toutes choses absolument importantes. Mais ces questions ne font pas l'objet du projet de loi qui est actuellement devant nous. Le ministre nous demande de prolonger au-delà du 30 juin, au-delà du jour qui va suivre celui-ci, le délai que nous lui avions accordé en votant la loi 19, délai qui sera prolongé jusqu'au 3 août, afin, pense-t-il, pendant cette période de temps, de trouver les moyens d'en arriver à cette solution négociée dont il a parlé cet après-midi.

Si c'est cela l'objectif du projet de loi, je suis d'accord avec le ministre et avec le gouvernement, indépendamment des autres problèmes qui doivent être réglés, qui sont d'une extrême importance, qui ont été évoqués par le chef de l'Opposition, par le député de Bourget, comme ils avaient été évoqués lors de l'examen de ce qui est devenu la loi 19, indépendamment de l'importance de tous ces problèmes. Il reste, à l'heure actuelle, que la solution négociée, nous ne l'avons pas encore atteinte, qu'elle ne semble pas apparaître bientôt à l'horizon. Elle nous paraît plutôt reculer dans un futur qui peut être très éloigné si le gouvernement n'assume pas, au nom des citoyens, au nom de la collectivité, au nom de tous les travailleurs, une responsabilité qui est celle de négocier la solution ou de procéder par les moyens que le ministre nous avait demandés de lui donner lorsque nous avons adopté la loi 19.

Le ministre nous demande de reporter au 3 août le délai avant que le gouvernement n'intervienne par décret. Est-ce que le ministre pense que ce délai d'un mois — et qui correspond au moratoire qu'avait proposé le chef de l'Opposition au moment où nous avons étudié la loi 19 — permettra le rapprochement dont il a parlé? Est-ce que le délai permettra de régler les points litigieux qui font que tout est bloqué à l'heure actuelle? Est-ce que le ministre pense que ce délai le dispensera de procéder par décret, tel qu'il est autorisé à le faire en vertu de la loi 19?

J'estime pour ma part que le mois qui vient, malgré tout l'optimisme dont je puisse faire preuve, ne sera pas suffisant à moins que vraiment il n'y ait un retournement des choses et surtout un retournement des esprits, parce que j'y reviens, M. le Président, ce n'est pas actuellement un problème de négociation. C'est devenu un véritable problème idéologique. Quand les chefs syndicaux de la CSN ou de la FTQ ou de la CEQ nous disent qu'il faut absolument changer le système, le jeter par terre et quand au surplus, ils ajoutent qu'il faut abattre le gouvernement qui est actuellement au

pouvoir, je me dis qu'il leur est assez difficile de négocier avec ce gouvernement puisqu'ils le rejettent et qu'ils rejettent en même temps l'idéologie socio-économique et socio-politique que défend le gouvernement.

Je m'interroge donc sur l'efficacité de ce délai additionnel que réclame le ministre du Travail, parce que j'ai nettement l'impression, j'oserais dire la conviction que ce mois additionnel ne sera pas suffisant et que le gouvernement devra procéder par décret. M. le Président, si le gouvernement allait devoir procéder par décret, tout le monde le regretterait, tout le monde le déplorerait, mais, je me pose la question: Qui veut le décret? Est-ce le gouvernement ou est-ce que ce serait les parties autres que le gouvernement qui le souhaiteraient?

C'est une question que nous sommes en droit de nous poser, étant donné tout ce qui s'est dit à l'extérieur de cette Chambre, étant donné l'allure actuelle des négociations et l'infinité d'embûches que l'on tend constamment, jour après jour, au ministre de la Fonction publique, au ministre du Travail et qui l'empêchent d'atteindre les résultats qu'il escomptait lorsqu'il a présenté la loi 19.

J'ai, j'ose le dire encore, la conviction que ce délai ne sera pas suffisant et que le ministre devra, malgré sa répugnance personnelle sans doute, malgré la répugnance de son gouvernement et surtout malgré la nôtre, procéder par décret. A ce moment-là, qui sera responsable? Qui sera responsable de la détérioration du climat social, qui sera responsable de l'amertume qui s'ensuivra? Qui sera responsable de toutes ces frictions qui naîtront par suite de l'application d'un décret, de la disparition pour une période X, en somme, du droit de grève, du droit de lock-out etc.? Qui sera responsable de cela? Est-ce que ce sera le gouvernement? Est-ce que ce seront les parties, est-ce que ce sera la partie syndicale? Je pense que les deux seront responsables. D'une part, le gouvernement n'a pas agi aussi vite qu'il aurait dû le faire, dans la période qui a précédé l'adoption de la loi 19, et, d'autre part, du côté des syndicats, des centrales syndicales et des chefs surtout, il y a eu durcissement du point de vue idéologique et une sorte de cheminement dialectique qui a fait que l'on en est venu au résultat que nous sommes obligés de déplorer aujourd'hui.

M. le Président, le député de Bourget disait cet après-midi se servant d'une figure littéraire: Nous ne prêtons pas d'intentions au gouvernement, nous ne pensons pas qu'il veuille faire ceci ou cela. Mais il disait: Des langues méchantes diront peut-être. Evidemment ces langues méchantes s'exprimaient déjà par la bouche du député de Bourget, qui disait: Des langues méchantes reprocheront au gouvernement ceci, des langues méchantes reprocheront au gouvernement cela. Bien, ces langues méchantes elles ont déjà parlé dans cette Chambre, elles ont parlé en dehors de cette Chambre.

Il faudra bien que le gouvernement agisse indépendamment de ce que pensent ces gens qui ont la langue méchante et de ce que diront...

M. LAURIN: Les langues méchantes ont souvent raison.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II arrive quelquefois qu'elles aient raison, alors il faudra que le gouvernement agisse indépendamment de ce que disent et de ce qu'ont dit les langues méchantes et indépendamment de ce que pensent les gens qui ont la langue méchante. A toutes fins utiles, que recherche le gouvernement? Il recherche, comme objectif général, la paix sociale, mais il recherche aussi un objectif à plus court terme qui est d'établir un régime de travail qui soit satisfaisant dans les domaines de l'éducation, dans les domaines de la santé et dans tous les domaines couverts par les secteurs public et parapublic.

Nous estimons, pour notre part, que malgré les réserves que nous devons faire, malgré que nous n'aimions point les lois d'exception — je le répète encore une fois, chaque fois qu'il y a eu des lois d'exception et que j'ai été obligé, soit comme membre d'un gouvernement ou comme membre de l'Opposition, de donner mon approbation à des lois comme celles-là, je l'ai déploré et j'ai toujours trouvé cela pénible — il faudra que le gouvernement, que cela fasse mal ou non, rassure les citoyens sur la situation qui peut devenir la leur s'il y avait d'autres grèves dans les hôpitaux, dans l'éducation et dans les différents secteurs des domaines public et parapublic.

On disait cet après-midi que les partenaires ne sont plus du tout égaux parce qu'ils ne disposent plus des mêmes armes. Le gouvernement peut manier l'arme des lois d'exception, etc., mais par ailleurs, les centrales syndicales et les travailleurs n'ont plus l'arme de la grève. Entendant ces propos cet après-midi, je me suis demandé si celui qui parlait et qui se veut très progressiste ne devrait pas s'interroger sur le conservatisme de son attitude actuelle et s'interroger aussi sur la portée du droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Que l'on n'aille point me faire dire ce que je ne veux pas dire. Je n'entends pas que l'on supprime le droit de grève dans les secteurs public et parapublic, mais je voudrais qu'à l'occasion de cette situation, qu'à l'occasion de l'examen de ce projet de loi par la suite, l'on se penche une fois pour toutes et qu'on réfléchisse sur le sens du droit de grève, sur la dimension qu'il a prise dans les secteurs public et parapublic dans l'optique de la liberté et de la sécurité des citoyens.

Je voudrais terminer en vous disant que la liberté, on peut la concevoir de toutes façons mais on ne peut jamais, l'orsqu'on parle de liberté, en parler autrement qu'en pensant que l'aire de liberté qui est à chaque individu dévolue est limitée par l'aire de liberté qui est dévolue à un autre. Dans la société, c'est la

même chose. La société, c'est un immense corps vivant organique; si une partie des membres de cette société exerce sur l'autre une pression telle qu'elle risque d'arrêter le coeur de la société, il appartient à ceux qui sont responsables de sa santé d'invervenir et il appartient en l'espèce augouvernement d'intervenir.

Les moyens dont le gouvernement veut se servir pour intervenir sont certainement des moyens radicaux. Ce sont des moyens que nous réprouvons en principe mais qu'on a rendus obligatoires en raison de toutes les circonstances que nous connaissons et pour les motifs que nous avons pu invoquer en condamnant tantôt le gouvernement ou en condamnant tantôt ceux qui ont montré ce durcissement dont je parlais du côté des centrales syndicales. Le gouvernement a le devoir de protéger les libertés individuelles. Il a le devoir, en même temps, de protéger la liberté collective et la sécurité des citoyens. Il nous demande de lui donner un instrument, c'est un instrument radical, un instrument dangereux et un instrument dont le gouvernement ne doit user qu'avec une extraordinaire prudence.

Nous souhaitons que ce conflit majeur, que cet affrontement qui va, ce me semble, fatalement se terminer par l'imposition d'un décret, force le gouvernement, nous force, nous législateurs, et force les gens qui sont en dehors de cette Chambre et qui sont responsables de l'organisation des travailleurs, à réfléchir sur le nouveau système qui doit régir les relations entre le gouvernement, c'est-à-dire entre l'Etat, le patronat, les syndicats, en somme, nous force collectivement à réfléchir sur le rôle et la fonction de chacun des agents de l'économie du Québec.

Sous toutes ces réserves, avec beaucoup d'hésitations, comme dans le cas de la loi no 19, je suis prêt à donner mon agrément à la loi que propose le ministre de la Fonction publique et du Travail, à condition cependant que lorsqu'il exercera son droit de réplique, il nous fasse savoir quelles sont les perspectives et les prospectives de son gouvernement pour l'avenir. Autrement, si le ministre devait revenir, chaque fois qu'il y a un conflit dans les domaines public et parapublic, avec des lois de la nature de celle qu'il nous présente aujourd'hui, nous ne pourrions plus, cette fois, accorder notre confiance au ministre et nous serions obligés de lui faire porter, à lui, la responsabilité que nous faisons porter aujourd'hui collectivement à un gouvernement qui n'est intervenu qu'au moment où le feu était pris à la maison.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. Marcel Masse

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, nous voilà de nouveau réunis pour discuter encore une fois d'une proposition de loi qui a trait aux négociations dans les secteurs public et parapublic. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement vient, à la dernière minute, demander aux parlementaires de lui donner des pouvoirs différents de ceux qu'il avait pour, encore une fois, soi-disant résoudre ce problème des secteurs public et parapublic. Cette fois-ci, le gouvernement, dans son projet de loi no 53, demande des pouvoirs qui, au point de vue discrétionnaire, sont encore plus grands et ont encore plus de portée que ceux du bill 19. Dans ce projet de loi no 53, le gouvernement nous demande de ratifier un projet de loi qui fait de lui, tout en étant partie au conflit, le juge et l'arbitre au point de vue des décisions à prendre, du calendrier de négociations dans l'ensemble de son dossier. Voilà une chose qui est inacceptable.

Le gouvernement est partie puisque c'est le ministre de la Fonction publique, et il est juge puisqu'il décrète, par son projet de loi no 53, que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre se fera le juge des étapes à franchir et des décisions à prendre. Pourtant, cette partie qui est celle du ministre de la Fonction publique a avoué ici même, cet après-midi en cette Chambre, sa propre turpitude. Le ministre de la Fonction publique nous a lui-même avoué, après avoir jeté des blâmes à l'ensemble de ses partenaires, à l'ensemble des gens avec qui il négocie, qu'il avait peut-être, je ne dirais pas trompé la partie adverse, mais pas suffisamment donné d'explications, de détails, en particulier dans deux domaines: ceux du régime de retraite et de l'assurance-maladie. Pourtant, du même trait, de la même demande, le ministre, cette fois de la Main-d'Oeuvre et du Travail, voudrait que le Parlement fasse de lui le juge de l'utilité de l'application de son propre principe.

Son propre principe, c'est quoi? Celui de décider qu'il y a lieu de mettre en commun les données, les statistiques pour qu'au moins les deux parties sachent bien de quoi elles discutent, aient les mêmes chiffres. C'est un principe qui est valable, que d'autres gouvernements avaient mis de l'avant, mais en foi de quoi? Après avoir avoué que ce principe aurait dû être appliqué dans au moins deux points importants, pourquoi de même trait décider qu'il y a lieu de l'utiliser ou de ne pas l'utiliser dans d'autres domaines alors que c'est lui-même qui est partie au conflit?

Voilà qui fait et une partie et un juge du même ministre. Cela n'est pas sain au point de vue administratif.

Egalement, il faut remarquer dans l'intervention du ministre du Travail ou du ministre de la Fonction publique — on ne sait plus lequel des deux parle — un rôle de Ponce Pilate. C'est inacceptable. Le ministre du Travail et de la Fonction publique est venu demander à ce Parlement plus de pouvoirs après nous avoir expliqué qu'il n'avait plus le leadership de ses partenaires et que ses adversaires étaient de mauvaise foi. Mais le fait de lui donner ce

pouvoir d'arbitre, en quoi cela pourrait-il lui permettre d'avoir le leadership de sa propre équipe de négociation? En quoi le fait de faire de lui un arbitre pourra-t-il permettre à la partie syndicale de négocier avec une meilleure bonne foi? Je voudrais bien que le ministre nous explique ces points avant de pouvoir voter en faveur ou contre le projet de loi, parce que les explications non fournies nous incitent à voter contre ce projet de loi.

Egalement, il est surprenant que le ministre de la Fonction publique et du Travail vienne, aujourd'hui, demander un projet de loi, en fin de compte, avec des dates illimitées, alors que, dans le projet de loi no 19, le même gouvernement décrétait qu'il y avait lieu de croire qu'on pouvait résoudre ces négociations pour une date qui, à toutes fins pratiques, est celle du 1er juillet.

Quels sont les faits nouveaux qui se sont produits, depuis le bill no 19 et qui nous permettent, avec un espoir raisonnable, de croire qu'il y a lieu de signer une convention collective dans les semaines ou dans les mois qui viendront? Le seul fait nouveau dont le public a été saisi, c'est que, cette fois, non plus seulement les syndicats sont accusés de mauvaise foi par le ministre du Travail, mais qu'en plus de cela son propre partenaire à une table de négociation importante n'est plus d'accord avec le gouvernement. Est-ce là le fait nouveau qui nous permet, en toute logique, de croire, avec un espoir raisonnable, que, cette fois, à telle date du mois d'août ou dans les semaines qui suivront, on réussira à conclure une convention collective? Je ne crois pas que ce soit là un fait nouveau qui nous permette de croire raisonnablement qu'en donnant au gouvernement quelques semaines, quelques mois de plus pour résoudre ce problème il sera en mesure de le faire. S'il n'y a pas d'autres faits nouveaux que ces faits que nous connaissons de notoriété publique, le ministre devrait en informer les parlementaires.

Etait-il trop tôt pour voter le bill 19? En effet, pouvait-on décemment croire qu'il n'y avait plus lieu d'avoir une négociation de bonne foi? Pouvait-on croire, à l'époque du bill 19, que le gouvernement avait fait l'ensemble de ses offres et fourni tous les efforts voulus pour négocier? La preuve qu'il était trop tôt pour voter le bill no 19 — je ne parle pas de la grève; je parle du mécanisme de négociation — c'est que, deux mois après, le ministre du Travail et de la Fonction publique vient lui-même expliquer aux membres de cette Chambre qu'il a changé ses orientations concernant la sécurité d'emploi et qu'il a peut-être également, dans d'autres domaines importants, changé ou croit pouvoir changer ses orientations.

Qu'est-ce qu'il s'est produit de nouveau pour que le gouvernement change sa position? Est-ce que les syndicats ont changé leur demande concernant la sécurité d'emploi? Pour quelles raisons, alors, le gouvernement a-t-il changé d'avis? Puisqu'il veut s'ingérer comme arbitre de toute cette négociation par le bill 53, ce même gouvernement devrait faire montre de sérieux en matière de négociation. Il devrait avoir une connaissance suffisante de son dossier, lorsqu'il fait, dans des domaines importants, des propositions. Il ne faudrait pas que ces propositions soient décrétées comme ultimatum, mais qu'elles soient suffisamment sérieuses pour que le gouvernement soit en mesure de les défendre en tout temps et devant qui que ce soit, au lieu d'être obligé, comme le fait trop souvent ce gouvernement, de reculer par peur ou par lassitude. Ce ne sont pas là des gestes de gouvernement raisonnable. En matière de négociation, il est arrivé trop fréquemment depuis quelques semaines, depuis quelques mois, que les syndicats n'ont pas senti, chez le gouvernement, une volonté non pas ferme, mais sérieuse et des moyens sérieux d'offrir une négociation de bonne foi.

Le gouvernement peut facilement en cette Chambre — il est le seul témoin que nous entendons — plaider sa bonne foi. Le gouvernement peut facilement, en cette Chambre, demander d'être arbitre. Mais il est le seul au dossier, il est le seul que nous entendons se dire de bonne foi. Il est le seul que nous entendons soutenir qu'il a fait tous les efforts ultimes.

Il est le seul qui vient devant nous expliquer l'ensemble de ces points. Mais, dans le même discours, le ministre avoue lui-même que dans des domaines importants il a été obligé de changer. Comment se fait-il —je ne veux pas discuter du fond du problème — que les commissions scolaires du Québec apprennent à la dernière minute, dans les dernières phases de la négociation, que ce qui était bon depuis tant de mois ne l'est plus maintenant? Qu'est-ce qui à changé dans cette négociation? Le gouvernement est prêt à sacrifier ses partenaires pour acheter sa paix! Est-ce que les syndicats ont changé leurs demandes? Est-ce que la Fédération des commissions scolaires a des positions plus rigides aujourd'hui qu'elle n'en avait il y a deux mois? Est-ce qu'au contraire, c'est le gouvernement qui, de deux choses l'une, ou a réfléchi et décide de donner raison aux syndicats ou, au contraire, a pris peur et décide d'acheter sa paix? Pour l'une ou l'autre de ces raisons, la Fédération des commissions scolaires aurait raison de mettre en doute le sérieux du gouvernement. Ou elle est sacrifiée pour permettre au gouvernement d'acheter sa paix ou, au contraire, la Fédération des commissions scolaires a été mal informée des raisons profondes et des offres sérieuses du gouvernement.

Je ne veux pas discuter du fond du problème de la sécurité d'emploi. Mais lorsqu'on est un gouvernement, lorsqu'on discute un problème aussi important dans un climat social aussi survolté, on doit avoir le sérieux, lorsqu'on prend une position, d'être capable de la défendre en tout temps et toujours et non pas, au contraire, se laisser ballotter comme ce gouver-

nement au gré des flots, au gré des injures, au gré des peurs. De cela, le gouvernement portera, indépendamment du fond de la négociation, la responsabilité, même s'il tente, en Chambre, de jouer au Ponce Pilate, de nous faire accroire que les syndicats sont de mauvaise foi, de nous faire accroire que M. Pepin est un idéologue qui veut renverser le gouvernement, de nous faire accroire que la Fédération des commissions scolaires est archaïque, qu'elle est conservatrice. Au fond de tout ça, il y a un gouvernement qui fait des propositions qu'il ne peut justifier en tout temps. C'est donc un gouvernement hypocrite ou un gouvernement non sérieux.

Celui qui, au premier chef, veut être arbitre des faits, puisqu'il veut être arbitre du calendrier de négociation, doit être aussi celui qui a le courage de se dire responsable du climat en matière de négociation, actuellement. Il doit être celui qui doit avoir suffisamment de courage non pas uniquement pour avouer ses erreurs, mais pour prendre une position définitive, une position qu'il peut, en tout temps, défendre dans tous les points fondamentaux de cette négociation. C'est cette faiblesse du gouvernement et c'est cette incapacité du gouvernement de prendre une position sérieuse en matière de négociation qui pourrit tout le climat. Comment voulez-vous que les syndicats sentent que le gouvernement est ferme dans sa proposition lorsque, régulièrement, il change d'attitude? Comment voulez-vous que les partenaires, que ce soit la Fédération des commissions scolaires ou les associations d'hôpitaux, aient confiance dans leur associé dans cette négociation lorsque celui-ci, du revers de la main, les laisse tomber n'importe quand? Comment voulez-vous que la population se rattache à un gouvernement, dans une période aussi cruciale que celle que nous traversons, quand ce gouvernement est le premier à se laisser balancer, à se laisser ballotter par les flots de son caucus ou autrement? C'est la faiblesse même du gouvernement qui rend impossible la conclusion dans cette négociation. Ce ne sont pas les structures qui manquent. Ce n'est pas la législation qui manque. Ce ne sont pas les statistiques qui manquent. Ce ne sont pas les experts qui manquent. C'est la volonté déterminée du gouvernement de vouloir conclure une négociation plutôt que de laisser pourrir une situation.

Ce gouvernement a trop tendance à vouloir diviser chez des associés, chez ses partenaires, à diviser parmi les syndicats, à diviser parmi la population. La seule façon pour ce gouvernement de régner, c'est lorsqu'il a réussi à diviser tous les partenaires. Et, c'est le même gouvernement, par la voix de son premier ministre, par la voix de ses chanteurs qui vient en Chambre ou ailleurs, plaider que le climat est impossible. Lorsqu'on a réussi à régner par la division, il ne faut pas être surpris de ne plus avoir de leadership pour une population qui doit avoir plus d'homogénéité actuellement, qui doit avoir un but mieux défini que celui que nous avons.

Il est surprenant que le même gouvernement vienne demander des pouvoirs d'arbitre lorsqu'au contraire le seul rôle qu'il joue, depuis deux ans dans cette province, c'est de monter l'un contre l'autre et de diviser tous ceux qui devraient être unis, pour pouvoir régner de par sa faiblesse.

M. le Président, ce projet de loi est donc hypocrite, parce que le gouvernement ne se donne pas le vrai pouvoir qu'il devrait demander en cette Chambre: celui d'être courageux et non pas celui d'être arbitre. C'est ça, le pouvoir...

UNE VOIX: La masse.

M. MASSE (Montcalm): ... que le gouvernement devrait demander. Au contraire, encore une fois, tout ce qu'il nous demande, c'est d'être arbitre. Mais arbitre en quoi? Arbitre dans ses propres négociations? Arbitre à sa propre table de négociation, au sein de ses partenaires?

UNE VOIX: Impressionnant!

Arbitre entre lui-même et les commissions scolaires? Arbitre entre lui-même et les associations d'hôpitaux? Arbitre entre lui-même et les syndicats? Mais, M. le Président, puisqu'il est celui qui contrôle le jeu, comment peut-il en même temps être arbitre? Le pouvoir que nous serions prêts à lui donner, ce n'est pas celui d'être arbitre.

UNE VOIX: II n'y a même pas un parti qui le veut !

M. MASSE (Montcalm): C'est celui d'avoir une position en matière de négociation.

UNE VOIX: La vôtre!

M. MASSE (Montcalm): Une position juste, une position qu'il peut défendre en tout temps. Ce pouvoir, M. le Président, nous l'adopterions mais ce n'est pas celui-là qui nous est demandé. Au contraire, c'est encore une fois le pouvoir de se défiler.

UNE VOIX: Quel comédien!

M. MASSE (Montcalm): C'est le pouvoir de laisser tomber ses responsabilités. Ce pouvoir de se défiler, nous le refuserons au gouvernement. Ce pouvoir, le gouvernement l'exploitera encore une fois en laissant pourrir la situation. Lorsque les troupes, soit ses partenaires, soit les syndicats, seront suffisamment divisées, le gouvernement dira : Les gens sont suffisamment faibles. Maintenant, nous pouvons régner. Et là, il décrétera les conventions collectives. Il serait le premier, après cela, à parler du climat social dans la province de Québec. C'est là qu'est le tort, de ce gouvernement. Qu'il nous demande

le pouvoir de régler une convention collective, nous le lui donnerons, mais celui de décider lequel est coupable, nous le lui refusons. C'est trop facile. Nous voyons déjà le jeu qui se jouera. Le ministre du Travail nous expliquera qu'il est prêt à régler mais que ce sont les commissions scolaires, ces conservateurs, ces stupides, dira-t-il, qui refusent. Lui, il est prêt à régler mais ce sont les syndiqués qui sont des idéologues et des démagogues qui refusent de comprendre le bon sens. Lui, le gouvernement, il est prêt à régler mais ce sont les administrateurs d'hôpitaux. Lui, le gouvernement, il est prêt à régler mais c'est la situation. Lui, le gouvernement, il est prêt à régler mais c'est la faute d'Ottawa.

M. le Président, il va se défiler. Le pouvoir qu'il nous demande, c'est celui de sa fuite et non pas celui de la signature de la convention collective. Nous connaissons trop ce gouvernement qui réussit, même quand il n'a pas le pouvoir, à faire croire à une fuite. Nous connaissons trop le gouvernement pour, cette fois-ci, lui donner un pouvoir réel de se dire: Moi, je suis arbitre. Je suis prêt à régler. Mais tout le monde qui m'entoure ne comprend pas la situation du Québec. C'est ce projet de loi hypocrite que nous refusons. Je ne crois pas que c'est le pouvoir que le gouvernement devrait demander.

C'est tout ce jeu d'être arbitre et d'être partie à la fois qui fausse les négociations. Que le gouvernement prenne ses responsabilités, c'est cela être partie au conflit. A moins que le gouvernement n'ait des faits nouveaux qui permettent de croire qu'il y aurait peut-être le minimum de chances de signer une convention collective, qu'il décrète sa convention, puisque c'est ainsi qu'il l'a voulu, dans le bill 19.

Quand il est venu ici, au mois d'avril, le gouvernement nous a expliqué qu'il n'y avait pas de possibilités. Nous avons dit: II y a des possibilités. Il nous a dit: II n'y a pas de possibilités. Cette fois, qu'il se branche: II y a ou il n'y a pas de possibilités. Le gouvernement fait son lit. Ce n'est pas parce que le ministre de le Fonction publique a changé que nécessairement le climat a changé. Le ministre du Travail a dû réaliser que ce n'était pas la faute de son collègue si les négociations étaient difficiles. Le nouveau ministre de la Fonction publique a dû réaliser que ce n'étaient pas les experts de l'ancien ministre de la Fonction publique qui étaient mauvais parce que, si tel est le cas, qu'il vienne nous le dire. Qu'il nous donne des faits nouveaux. Si c'est l'ancien ministre qui a été mauvais ministre, qui a eu une mauvaise stratégie, qui n'a pas su évaluer son climat, que la Chambre et le public soient mis au courant. Si ce sont les données qu'on fournissait au ministre qui étaient faussées, qu'on le dise et qu'on nomme ceux qui ont trompé le gouvernement. La population est en droit de le savoir et les partenaires du gouvernement sont également en droit de le savoir.

M. le Président, ce sont ces vérités que nous désirons et non pas donner un pouvoir de se défiler. Lorsque je dis toutes ces choses, je ne mets pas en doute la personne de l'un ou de l'autre. Ce sont les institutions que je vise, les responsables, non pas individuels mais d'autorité. Qu'on nous apporte les faits nouveaux.

Il peut arriver que l'on nous dise que dans tel secteur il y a des chances sérieuses de régler. Si tel est le cas, qu'on nomme ces secteurs et qu'on rédige la loi en ce sens. D y avait, entre autres, 50,000 individus de couverts pas la loi 19 et qui n'avaient pas d'affaire à être là. On les a ignorés; 50,000, ce n'est pas important sur 300,000. Cette fois-ci, s'il y en a 40,000 ou 80,000, qu'on nous le dise. On fera la loi pour eux, s'il y a des espoirs sérieux.

M. le Président, le leader du gouvernement m'informe qu'il ne me reste que deux minutes. Je vais lui donner ces deux minutes pour qu'il se repose. Mais, nous refusons d'adopter cette loi parce que le gouvernement cherche un moyen de se défiler. Nous serions prêts à lui donner des armes de responsabilité et non pas lui permettre une fuite parce que cette fuite continuera à alourdir le climat social.

Je ne crois pas que ce soit à l'intérieur de ce climat, dans ces divisions, que nous trouverons la paix sociale que nous recherchons.

M. LE PRESIDENT : L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. Aurèle Audet

M.AUDET: Je crois que ce bill 53, nous devrions l'accepter comme un prolongement de la loi 19, Ce projet de loi vient nous dire que le gouvernement est de bonne foi, jusqu'à un certain point, en voulant prolonger l'action de la loi 19, en prouvant qu'il poursuit une certaine volonté de négociation.

Lorsque le bill 19 a été proposé à cette Chambre, pour ma part, j'ai voté pour le bill 19, parce que je croyais que c'était pour une cause urgente, pour contrer la détérioration du climat social dans la province de Québec et pour le bon ordre, nous avons cru bon de voter pour ce bill.

Mais aussi dur semblait être le bill 19, lors de sa présentation, autant est acceptable ce projet de loi aujourd'hui, qui démontre que peut-être le gouvernement n'était pas tellement dur puisqu'il veut réellement s'accrocher à une possibilité de négociation avec ce bill 53.

Le ministre se demande si le front commun veut réellement négocier. Je ne sais pas si j'ai bien entendu cet après-midi, il me semble qu'il se demandait, au sujet des syndicats, si réellement ils veulent négocier. Mais, par ce bill 53, je crois qu'on aura l'avantage de voir le front commun s'approcher d'une certaine négociation, ce qui semble être le désir du gouvernement.

Pour ma part, j'ai voté pour le bill 19 pour

remettre de l'ordre dans la province de Québec. J'ai appuyé le gouvernement, mais j'au cru aussi que le front commun n'était pas de bonne foi en poursuivant cette non-négociation. Et je crois que le but poursuivi par le front commun était plus un but politique qu'un but d'amélioration des conditions des syndiqués.

D'un autre côté, je considère que le gouvernement a fait des erreurs dans le passé. Et ça remonte à une date assez éloignée. Je dirais que sa première erreur a été de devenir éducateur. Même si on se pique encore aujourd'hui de reconnaître une certaine autonomie aux commissions scolaires, par les paroles du ministre, tout à l'heure, nous avons pu déceler que les commissions scolaires n'ont plus grand-chose à dire dans l'éducation.

Le ministre nous a déclaré que ce n'était pas la commission scolaire qui était la plus forte, c'était le gouvernement qui était le plus fort. Je crois que la première erreur du gouvernement a été de remplacer la commission scolaire, de devenir éducateur.

La deuxième erreur du gouvernement, c'est d'avoir donné le droit de grève à la fonction publique. Ce droit dé grève pourrait être remplacé par une façon de négocier beaucoup plus avantageuse pour les syndiqués et pour le gouvernement; telle était la proposition que nous faisions au gouvernement lors de l'adoption du bill 19. Nous disions que des négociations autres devraient être mises de l'avant pour faire en sorte que, 90 jours avant la fin d'un contrat de travail, nous puissions offrir aux parties en cause la possibilité de négocier leur contrat de travail.

Nous pourrions, par exemple, dans ces 90 jours laisser 60 jours aux deux parties en cause.

Si une entente n'était pas intervenue entre les deux parties, le gouvernement, per un tribunal de travail aussi impartial que possible, pourrait intervenir, en tant que négociateur, pour aider les deux parties à se rapprocher. Par la suite il resterait encore quinze jours, si les deux parties ne s'étaient pas rapprochées, ne s'étaient pas entendues avec un négociateur du tribunal du travail, au gouvernement pour passer à l'arbitrage et donner un sentence juste et raisonnable qui, je crois, serait aussi juste et aussi bonne qu'une grève d'usure de quelques mois, qui atteint toutes les classes de la société et spécialement le syndiqué.

Donc, je dis que le gouvernement a fait réellement des erreurs, et une deuxième erreur qu'il a faite, c'est de donner le droit de grève au front commun. Ce droit de grève a permis la formation du front commun. Le front commun a permis la grève générale et la grève générale a été faite spécialement non pas dans l'intérêt des syndiqués mais dans le but de renverser le gouvernement, et je crois que ceci est très évident. Le gouvernement a corrigé une de ces erreurs par le bill 19. Il a mis fin à la grève.

Par le bill 53, il suspend l'application du bill 19, pour probablement avoir encore, comme disait le député de Montcalm tout à l'heure, dans un autre mois, le devoir d'appliquer le bill 19. Je crois que les personnes les plus désappointées de voir ce bill 53, aujourd'hui, c'est le front commun qui ne le désirait pas ce bill 53, mais qui, je crois, désirait l'application du bill 19, pour pouvoir jouer les martyrs et réellement taxer le gouvernement d'arbitre et d'employeur en même temps.

Je crois qu'une autre erreur du gouvernement c'est de vouloir finir de saper ce qui reste d'autonomie aux commissions scolaires. Je crois réellement que la fonction du gouvernement n'est pas d'agir comme instituteur, d'agir comme éducateur, et plus ça va, plus l'autonomie qu'avaient les commissions scolaires se fait mince. Le gouvernement n'est pas un enseignant, ce n'est pas le rôle du gouvernement de devenir enseignant, ce n'est pas un industriel. Le gouvernement n'est pas un commerçant, pas un employeur, pas un médecin non plus, mais il est un législateur. Il est là pour faire de bonnes lois et les faire respecter et c'est là je crois la place du gouvernement. Je crois qu'une autre erreur que le gouvernement pourrait corriger, à la suite du bill 19, serait de remettre aux commissions scolaires toute leur autonomie et toute leur juridiction.

Maintenant, je crois que le gouvernement pourrait aller plus profondément chercher les causes profondes de nos malaises sociaux. Au fond de tout ça, lorsqu'on parle de sécurité d'emploi, est-ce que les syndiqués veulent réellement cette sécurité d'emploi? Est-ce que c'est le premier motif qui les fait demander une sécurité d'emploi ou si ce n'est pas plutôt, comme toutes les classes de la société, une sécurité de revenu qu'ils veulent?

Le droit de vivre dans le Québec, le droit de fonder un foyer, le droit d'élever une famille, vivre comme du monde, il n'y a pas que les syndiqués qui veulent ça.

Il y a les assistés sociaux, il y a les chômeurs, il y a les gagne-petit. Ce désir humain est généralisé. Il est de plus en plus difficile de vivre décemment de nos jours, même avec des hausses de revenus de plus en plus fréquentes. Jusqu'où irons-nous avec cette kyrielle de négociations de nouveaux contrats de travail qui alimentent l'inflation chaque fois? Jusqu'où pouvons-nous aller? Est-ce qu'on peut prétendre vivre beaucoup d'années dans ces cycles de négociations de nouveaux contrats de travail?

Le chaos nous attend quelque part. Quand le gouvernement acceptera-t-il d'aller négocier là où sont réellement les problèmes? Plus ça va, plus le service de la dette vient accaparer la majeure partie de notre dollar. C'est là le problème! C'est tellement un grand problème qu'il est pratiquement impossible d'avancer plus loin dans ce labyrinthe inflationniste. IL faut corriger le mal en profondeur, aller voir les causes réelles du malaise. Pour cela, il faudrait bannir à tout jamais cette politique d'argent-dette que nous subissons et qui nous mène â la ruine.

Je crois que, même si, encore aujourd'hui,

nous taisons des mises au point sur les causes fondamentales de nos problèmes, le gouvernement n'écoutera pas encore et n'ira pas toucher aux malaises cruciaux que nous subissons. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Charles Tremblay

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, nous étudions actuellement le projet de loi no 53 qui a été présenté par le ministre de la Fonction publique ou le ministre du Travail, les deux, et qui vise à modifier la Loi assurant la reprise des services dans le secteur public. On sait que le bill 19, qui a été voté à l'Assemblée nationale le 20 avril 1972, devait permettre au gouvernement de rencontrer les représentants des centrales syndicales afin d'en venir â une solution négociée.

Après deux mois, je comprends le ministre lorsqu'il dit que les négociations n'ont pas fonctionné comme il l'aurait voulu. Des circonstances ont empêché les négociations, par exemple, l'incarcération des trois chefs des centrales syndicales, qui n'ont pas pu négocier pendant quinze jours. Le congrès de la Confédération des syndicats nationaux, pendant une semaine, a encore retardé les négociations et, cette semaine, il y a le congrès de la CEQ, la Corporation des enseignants du Québec. Ces choses étaient prévisibles; ces congrès, on en savait la date, même avant le 20 avril. Lorsque nous avons voté la loi no 19, nous avons, dans nos interventions, dit au ministre de la Fonction publique du temps, le député de Deux-Montagnes, que cette loi ne réglait pas le problème, le litige, le malaise, le mécontentement qu'il y avait parmi les employés des secteurs public et parapublic. Au contraire, cela s'est avéré désastreux. Aujourd'hui, un peu plus de deux mois après le vote sur le bill 19, nous nous trouvons encore en face d'un problème presque insoluble.

Le bill 53, qu'on nous présente aujourd'hui, vient modifier la loi 19, c'est-à-dire que le grand principe du projet de loi est de retarder l'application du décret au 3 août 1972 ou après le 3 août 1972.

Je ne sais pas quelles sont les intentions du ministre. Je ne veux pas faire de procès d'intentions au ministre. Je ne me fie pas à ses bonnes ou mauvaises intentions; je me fie à la loi. Je discute du principe qui est dans la loi no 53. Lorsque nous lisons attentivement le projet de loi no 53, nous constatons de grands changements. Nous voyons que des amendements majeurs sont apportés au projet de loi no 19. Dans le projet de loi no 19, on disait que le décret devrait être appliqué au plus tard le 30 juin 1972. A ce moment-là, si on appliquait le décret, il devenait une sentence arbitrale, à toutes fins utiles, qui était exécutoire et qui liait les deux parties. Cela devenait la convention collective de travail qui devait expirer le 30 juin 1974.

Dans le nouveau projet de loi no 53 qu'on nous demande d'adopter pour amender le projet de loi no 19, on enlève cette échéance qui devait mettre fin au décret qui serait imposé le 30 juin. Le nouveau décret qui serait imposé à partir du 3 août, on ne dit pas s'il vaudrait pour deux, trois ou quatre ans. La date où se terminerait le décret, qui était dans l'article 10 du projet de loi no 19, est enlevée. Le nouvel article qui remplace l'article 10 du projet no 19 ne fixe pas de date précise pour la fin de la convention collective de travail qui serait imposée par le décret. C'est un changement majeur.

Pourquoi le ministre nous présente-t-il ces amendements? Je disais tantôt que je ne veux pas lui faire de procès d'intentions. Je ne cherche même pas à comprendre les intentions du ministre; elles sont peut-être bonnes; j'allais dire peut-être mauvaises aussi. Ce projet de loi est pire que le projet de loi no 19. En effet, si, après un autre mois de négociation, le ministre juge à propos d'imposer un décret, une convention collective de travail qui devienne une sentence arbitrale rendue par le gouvernement, ce décret sera imposé pendant l'intersession, pendant la période des vacances où les gens se soucient très peu, souvent, de leurs problèmes, pendant que l'Assemblée nationale ne siège pas. Peut-être qu'on veut profiter d'un moment comme ça pour imposer aux employés de la fonction publique une solution qui leur serait défavorable.

Tout le problème, que le ministre actuel de la Fonction publique doit chercher à régler, tout le litige qui oppose les employés de la fonction publique à leur employeur, le gouvernement actuel l'a voulu. On aurait essayé d'imaginer des procédures, des mécanismes, un processus de négociation pour gâter les choses et on n'aurait pas pu faire mieux. On n'aurait pas mieux réussi qu'on a réussi présentement.

Au début, lorsque le front commun a commencé à négocier avec le ministre de la Fonction publique, qui n'était pas le député de Chambly dans le temps, mais le député de Deux-Montagnes, on a refusé, d'abord, différentes choses, comme la table centrale. On dirait qu'on a toujours créé des problèmes pour que les négociations ne réussissent pas. Quel était le but du gouvernement dans le temps? Je l'ignore. J'ai toujours cherché à comprendre l'attitude du gouvernement vis-à-vis de ses employés, de ses fonctionnaires et je vous avoue franchement que je n'ai à peu près jamais rien compris à la tactique de négociation du gouvernement.

Lorsque les gens sont descendus dans la rue et qu'ils ont fait la grève, la veille, le jour précédent où on nous a présenté le bill no 19 qui obligeait les employés de la Fonction publique à cesser la grève et à rentrer au travail, certains ministres nous disaient que la situation était calme, qu'il n'y avait rien d'alarmant. Tout

se déroulait normalement. Les négociations se déroulaient normalement. On nous disait même que tout le monde était de bonne foi des deux côtés de la table de négociation. Le lendemain, on est arrivé avec un bill qui cassait la grève, qui obligeait les employés de la Fonction publique à rentrer au travail.

Le ministre du Travail actuel, qui a une vaste expérience dans les négociations, sait qu'on a alors brisé l'équilibre des forces dans la négociation. On a créé là le problème que nous vivons actuellement. C'est-à-dire qu'à partir de ce moment, lorsqu'on a obligé ces gens à rentrer au travail — et là, je veux bien préciser qu'il ne s'agit pas pour moi de dire qu'on aurait dû laisser les choses se gâter, laisser les gens sans services essentiels, laisser la situation se détériorer dans les hôpitaux; il y avait d'autres moyens à la disposition du gouvernement pour agir dans ce sens — on a pris le moyen radical. On a dit : La grève, c'est fini, vous rentrez au travail. Après un mois, on va commencer à négocier. Dans une négociation, il y a toujours deux parties. Vous aviez le gouvernement qui négociait dans une cage de verre et vous aviez le front commun qui négociait avec l'épée de Damoclès au-dessus de la tête: Vous allez accepter cela! On ne vous donnera pas cela, sinon le décret va arriver, le 30 juin. On a construit une charrette avec une grande roue et une petite roue. On marche et on tourne en rond. On a brisé l'équilibre des forces de négociation qui fait que presque toujours les négociations réussissent lorsque les deux parties sont en équilibre de forces et qu'elles ont les mêmes moyens de revendication. De la part de certains employés dans l'entreprise privée, on le voit souvent, cela se comprend, mais de la part du gouvernement, je n'ai à peu près jamais compris cette tactique.

Dès le départ, on a provoqué les représentants des travailleurs, les représentants des employés de la fonction publique, au point qu'on a à peu près tout brisé, empêché toute chance d'en venir à un résultat, à une entente dans les négociations. Aujourd'hui, après avoir négocié pendant quelques semaines, après avoir fait siéger la commission parlementaire de la fonction publique, le ministre nous demande d'amender sa loi et de reculer la date de l'application du décret au plus tôt le 3 août 1972.

Il n'y a rien dans la loi qui dit que ce décret sera une convention collective de travail qui va imposer un règlement dans toutes les clauses qui sont en litige actuellement. On dit même que le décret devra prévoir des mécanismes pour régler les clauses qui n'auront pas été réglées, mais quels mécanismes? Est-ce qu'on va vers une succession de décrets? Est-ce que ce seront des décrets à répétition? Les clauses qui n'auront pas été réglées par le décret, on devra avoir des mécanismes pour les régler dans l'avenir. Comment? On suppose que le ministre impose son décret le 3 août 1972 et que certaines clauses très importantes, clauses salariales, clauses normatives, sécurité d'emploi, ne seront pas réglées à l'intérieur de la convention collective qu'on va imposer. Mais on les réglera comment? Par quels mécanismes? Par d'autres décrets? On ne le sait pas. C'est cela, l'amendement.

Pourtant, le ministre de l'Education, tantôt, nous a dit qu'il était pour la sécurité d'emploi chez les enseignants. Par contre, on disait que c'était impossible quelques jours avant qu'on nous présente le bill no 19. Aujourd'hui, on dit qu'on était pour.

Mais pourquoi ne l'a-t-on pas dit à la table de négociation quelques jours avant d'adopter une loi matraque pour empêcher les gens de faire la grève et les obliger à rentrer au travail? Ces gens se promenaient sur le trottoir en vertu d'une loi qui est dans les statuts du gouvernement. Pourquoi leur impose-t-on une loi? On leur a dit: Vous ne ferez plus la grève, mais aujourd'hui on leur concède des demandes qu'ils faisaient quelques jours avant l'adoption du bill 19.

Au sujet de la sécurité d'emploi, le ministre de l'Education... Le ministre du Travail me fait signe que non, de la tête. Je ne comprends pas, je pense qu'il veut dire oui. Je ne sais pas s'il connaît le langage chinois. On fait le contraire. Ce que le ministre de l'Education vient de nous dire, c'est exactement le contraire de ce que le gouvernement disait avant le 20 avril. Alors, à ce moment-là, pourquoi est-ce qu'on n'a pas dit ces conditons, ce qu'on voulait accorder aux employés du secteur public? Pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas offert dans la négociation avant le 20 avril? Franchement, tout ce que le gouvernement a fait, dans le conflit de la fonction publique, quelqu'un aurait voulu être très maladroit qu'il aurait agi de la même façon.

Ce qu'on nous propose aujourd'hui, je répéterai ce que disait tantôt le député de Montcalm, c'est un moyen, pour le gouvernement, de se soustraire à ses responsabilités, de se défiler, de se donner un autre mois de délai afin d'arriver avec un décret qui sera imposé à la faveur de l'été et des vacances. Peut-être qu'à ce moment-là cela passera sans que les gens s'en aperçoivent trop. C'est très difficile de connaître les intentions du gouvernement. Mais il y a une chose, c'est que je connais les implications du projet de loi 53 qu'on nous propose d'adopter à l'Assemblée nationale. Je pense qu'il est impossible, pour nous, d'appuyer le gouvernement et de voter pour ce projet de loi.

Avant de terminer, je voudrais dire ceci. Peut-être que cela va en surprendre plusieurs. Peut-être que des membres de l'Assemblée nationale vont rester surpris. La seule solution négociée qu'on peut apporter dans le conflit de la fonction publique, ce serait le retrait, purement et simplement, du bill 19. A ce moment-là, le gouvernement assume ses responsabilités et les centrales syndicales sont obligées d'assumer les leurs. On les met en face de leurs.

responsabilités. C'est faux de dire que les chefs syndicaux et les 250,000 travailleurs sont intéressés à passer les vacances à faire la grève. Cela, on le répète. Mais vous ne ferez pas croire cela à quelqu'un qui a milité dans le monde syndical. On n'est jamais intéressé à faire la grève. Quand on a à choisir entre continuer des négociations, faire une grève et attendre un décret, on est obligé d'assumer ses responsabilités. Les chefs syndicaux et les employés de la fonction publique ont, eux aussi, des responsabilités. Mais qu'on rétablisse l'équilibre des forces entre les deux partenaires, les représentants de la fonction publique et les employés de la fonction publique. Si l'on faisait cela ce soir, peut-être qu'on en viendrait à une solution négociée plus vite qu'on le pense. Personne n'est intéressé à prolonger une grève. Personne n'est intéressé à perdre du salaire pour rien. Et lorsque des travailleurs descendent dans la rue pendant deux ou trois semaines, qu'ils sont déjà pauvres, qu'ils n'en ont pas déjà suffisamment pour vivre, on devrait se pencher sur le problème. On devrait cesser de dire que ce sont des révolutionnaires, des gens qui veulent renverser le régime, des gens qui veulent casser le gouvernement. Non, ce sont tout simplement des gens qui veulent avoir un salaire raisonnable, avoir une sécurité d'emploi. On a beau dire: Si les députés n'ont pas la sécurité d'emploi, les employés de la fonction publique n'ont pas â l'avoir non plus. Bien, nous n'avons pas le même salaire, non plus. Lorsqu'un type retire $100 et moins par semaine et doit faire vivre sa famille, je pense que, lorsqu'il demande une sécurité d'emploi, c'est une demande des plus légitimes. C'est la plus normale qu'on peut trouver dans toutes celles des travailleurs au Québec. C'est tout simplement cela qu'ils ont demandé avec d'autre chose.

Alors, ce serait par la négociation.

Avec encore un mois de négociation, le problème ne sera jamais réglé, parce qu'il n'y a plus d'équilibre de forces. Il y a, d'un côté, le gouvernement qui est protégé dans une cage de verre et qui négocie et il y a, de l'autre côté, des représentants du front commun, qui, eux, négocient avec un revolver sur la nuque: Tu vas faire cela ou tu vas l'avoir, ton décret. Ce n'est pas comme cela qu'on négocie. Ce n'est pas comme cela qu'on dialogue. Ce n'est pas comme cela que deux individus finissent par s'entendre. Il faut avoir les mêmes armes et il faut avoir l'équilibre de forces qu'on a fait disparaître.

M. le Président, que le gouvernement assume ses responsabilités, que le ministre de la Fonction publique règle son problème comme il le pense. On a changé de ministre de la Fonction publique. On a pensé que l'autre n'était pas capable de le faire. Il semblerait que le nouveau ne fera pas mieux que l'ancien. Même si c'étaient deux hommes très compétents, deux hommes très honnêtes dans tout ce qu'ils font dans leur ministère, c'est justement par des lois comme cela qu'on les lie et qu'ils peuvent simplement en venir à des règlements désastreux, comme ceux vers lesquels on se dirige dans le litige qui nous concerne actuellement. M. le Président, nous voterons contre le bill 53.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, je viens d'écouter avec beaucoup d'intérêt le député de Sainte-Marie, qui, dans le cours de ses remarques, a signalé que les grandes centrales syndicales réclamaient, entre autres, un salaire de $100 par semaine et que c'était là une des pierres d'achoppement des négociations en cours.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une question de privilège, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, je voudrais rétablir les faits.

M. LE PRESIDENT: Non. A l'ordre! Vous venez de me dire exactement que ce n'est pas une question de privilège. Les mots "rétablir les faits" m'indiquent que ce n'est pas une question de privilège que vous voulez soulever.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, qu'est-ce que je devrais faire?

M. LE PRESIDENT: Vous devez invoquer l'article 97, lorsque l'honorable député de Maskinongé aura terminé son discours.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Très bien, M. le Président.

M. PAUL: Qu'on ait, M. le Président, employé les termes que je viens de réciter à la Chambre, qu'on ait parlé de ceux qui gagnent $100 et moins par semaine, cela ne change rien à ce que je veux vous dire.

Il y a un congrès qui se déroule actuellement, celui de la CEQ. Il y a, entre autres, une résolution qui est pendante pour que l'on étudie la nécessité de verser aux employés de bureau et aux secrétaires un salaire hebdomadaire de $100. Elles ne l'ont pas, ces pauvres employées et ils ne l'ont pas, ces pauvres monsieurs. Alors, quand on veut prêter la vertu, on doit commencer par la pratiquer.

M. le Président, l'honorable député de Sainte-Marie a mentionné, tout à l'heure, qu'on n'est pas intéressé à faire la grève. Il y a certaines gens qui sont intéressés à faire la grève. La prise de position du Parti québécois, ce soir, me scandalise. Voici des gens qui, au mois d'avril dernier, ont combattu farouchement le projet de loi no 19, tout cela parce qu'il

y avait justement cette date fatidique du 30 juin qui donnait le pouvoir au ministre de l'époque de recommander au lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter un décret qui équivaudrait à une convention collective de travail. Il y a également le député de Montcalm, qui s'oppose au principe que l'on retrouve dans le projet de loi no 53.

Supposons que l'Assemblée nationale se rende au désir de mes préopinants, c'est donc dire que nous serons captifs du bill 19 que nous avons voté au mois d'avril dernier. Et par voie de conséquence, le ministre de la Fonction publique devra demain recommander au lieutenant-gouverneur en conseil l'adoption d'un décret. C'est ça que les centrales syndicales veulent avoir.

Et c'est tellement vrai que nous avons entendu leur porte-parole, leur écho fidèle nous donner les raisons pour lesquelles nous ne devrions pas appuyer le projet de loi qui nous est présenté aux fins de prolonger, en quelque sorte, le délai requis, dans l'espoir que les négociations en cours puissent amener les parties négociantes à une convention collective.

Pourquoi s'opposer au projet de loi 53, alors que le ministre nous disait cet après-midi que, par cette mesure, il continuera de négocier dans l'espoir que les parties viennent à une entente et qu'il ne sera pas placé dans la fâcheuse obligation de recommander au lieutenant-gouverneur l'imposition d'un décret? Il ne faut pas avoir été longtemps à la tête d'un ministère pour savoir que le ministre de la Fonction publique a certainement un décret de prêt. S'il nous fallait, par de la "procédurite" — et je salue en employant ce terme le correspondant du journal Le Devoir — empêcher l'adoption de la loi que nous propose le ministre du Travail, n'ayez crainte, demain soir les employés du service public et des services parapublics se verraient imposer un décret. Est-ce ça que les députés veulent avoir? Non.

La plupart et la très grande majorité des députés qui sont sérieux, qui ne sont liés à aucune centrale syndicale, qui sont tout à fait libres, qui se penchent sur le bien commun avant de se pencher sur le bien des chefs syndicaux, appuieront le projet de loi. Cette mesure est un pis-aller que nous demande d'adopter le ministre de la Fonction publique pour éviter aux parties ce climat certainement très mauvais qui résulterait de l'imposition de conditions de travail, non pas par le mécanisme d'une convention collective, mais par la voie d'un décret.

J'ai écouté cet après-midi le ministre de la Fonction publique. Le ministre du Travail avait participé au débat sur le projet de loi 19 et il avait dit qu'il était indécent que le ministre du Travail soit partie aux négociations. Je comprends que ce n'est pas le ministre du Travail qui nous a parlé cet après-midi, mais plutôt le ministre de la Fonction publique.

Je me permets de m'interroger sur le climat qui a cours actuellement dans ces négociations ou qui préside à ces négociations. Depuis environ un mois, nous ne pouvons pas dire que les négociations ont été continues et soutenues, régulières. On invoquera la tenue de deux grands congrès, celui de la CSN et celui de la CEQ. Et on se rappelle que le grand congrès de la CSN avait pour but de casser le régime.

C'était le thème de ce grand congrès, où on devait se pencher sur l'avenir et le sort des travailleurs du Québec ou du moins des syndiqués affiliés à cette centrale syndicale.

Et nous avons vu cette semaine le congrès de la CEQ où on parle de lessivage des cerveaux, de s'emparer de la jeunesse des écoles au profit d'une idéologie politique qui est loin d'être celle que nous connaissons avec le régime établi que nous avons. Les négociations en cours sont pour le moins très latentes, pour ne pas dire stagnantes.

Pourquoi? A mon humble point de vue, parce qu'on n'a pas voulu suivre le mécanisme de bonnes négociations qu'avait suggéré le chef de l'Unité Québec dès le mois de février dernier et que nous avions tenté, même, dans le cours de nos remarques de deuxième lecture, à l'occasion de l'étude du projet de loi 19, de rappeler et de suggérer au gouvernement. M. le Président, le gouvernement avait jusqu'ici des adversaires, disons-le. Il avait la CSN, la CEQ, la FTQ et voici que maintenant il n'a certainement pas un collaborateur aveugle dans la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

Pour quelles raisons? La principale, c'est qu'on prétend qu'avec son projet de loi, le ministre de la Fonction publique invite les parties à des négociations locales ou sectorielles. Je n'ai pas l'intention, M. le Président, d'entrer dans toutes les implications et de tenter de faire la preuve de cette assertion qui est mise de l'avant, qui est soutenue par la Fédération des commissions scolaires du Québec. Une chose est certaine, c'est qu'il va falloir que le gouvernement finisse par suivre le conseil que donnait tout à l'heure le député de Montcalm. Qu'il prenne les moyens pour imposer d'autorité les conditions de travail, ou, si c'est là le désir des centrales syndicales, que les centrales syndicales continuent de faire du ministre de la Fonction publique une marionnette que l'on fait marcher comme un enfant de cinq ans. Pourquoi? Pour faire plaisir ou pour se rendre aux bonnes grâces et aux quatre volontés des chefs syndicaux.

Cette loi qui nous est soumise par le gouvernement devrait mériter l'appui de tous les députés de cette Chambre sans exception, parce que nous avions tous comme but commun, à l'occasion de l'étude du projet de loi 19, de ramener la paix sociale, la sécurité sociale et de reprendre les négociations qui avaient été interrompues.

Quelques-uns ont prôné des moyens différents de ceux que la majorité a adoptés, mais je suis convaincu, encore ce soir, que tous les

députés veulent que le ministre de la Fonction publique en viennent à une entente avec les centrales syndicales plutôt que d'imposer un décret qui régira les conditions de travail chez les employés des services publics et des services parapublics. A moins que nous soyons mandatés par les centrales syndicales dans le but de bâillonner cette loi, dans le but d'en retarder l'adoption, pour rester avec le texte stipulant que le gouvernement devrait appliquer le bill 19, qu'il devra, par le mécanisme de l'article 10, d'ici demain soir, imposer un décret aux travailleurs des services public et parapublic.

M. le Président, c'est cependant sans enthousiasme, parce que personnellement je ne crois pas à un résultat, malgré tous les efforts que déploiera le ministre de la Fonction publique.

Les grandes centrales syndicales, par la voix de leur chef, veulent à tout prix que le gouvernement les sorte de l'impasse où elles sont placées. Les chefs désirent à tout prix que le gouvernement impose un décret pour qu'ils puissent sauver la face vis-à-vis de leurs syndiqués. C'est pourquoi nous avons entendu ce soir la voix de l'extrême gauche; nous l'entendrons probablement encore demain, à moins que des directives venant de Montréal incitent les honorables péquistes à changer de position, à rajuster leur tir. En désespoir de cause, ils accepteraient cette planche de salut qui est tendue une fois de plus par le gouvernement aux grandes centrales syndicales.

Je suis sûr que tous les députés de cette Chambre désirent que le ministre du Travail, par l'expérience qu'il possède, par le calme qui le caractérise, par le souci sincère qui l'anime, en vienne à une entente plutôt que d'imposer des conditions de travail. Ils désirent qu'il puisse permettre à tous ceux-là qui sont intéressés par la négociation en cours d'obtenir des conditions de travail avantageuses. Peut-être que le ministre des Finances devra délier quelque peu les cordons de sa bourse. Il nous a déjà mentionné qu'il ne pouvait aller plus loin, mais que c'est à l'intérieur d'une enveloppe globale de $59 millions environ que le ministre de la Fonction publique et les syndicats devaient trouver un terrain d'entente et accepter une convention collective qui puisse satisfaire les uns et les autres; c'est impossible, M. le Président.

Vu que le projet de loi 53 empêchera demain l'imposition d'un décret aux travailleurs des services public et parapublic, nous devons prendre une chance une fois de plus, nous devons faire confiance au ministre négociateur. Si les députés avaient été libres de voter à l'occasion du projet de loi 19, peut-être auraient-ils reconnu que les suggestions faites à l'époque par le chef de l'Opposition étaient de nature à préparer un climat de négociation que souhaite aujourd'hui le ministre de la Fonction publique et qu'il croit nécessaire. Il souhaite pouvoir l'obtenir par ce moratoire qu'il nous demande, à nous de l'Assemblée nationale. Il nous deman- de de le lui accorder afin qu'il ne soit pas dans la fâcheuse obligation d'imposer un décret dès demain comme l'obligent à le faire les dispositions de l'article 10 de la loi 19.

En terminant, je souhaite que le ministre de la Fonction publique, dans sa réplique, puisse répondre à quelques questions que lui a posées le député de Chicoutimi.Peut-être le ministre de la Fonction publique pourra-t-il nous donner les raisons pour lesquelles il ne peut pas actuellement compter sur l'appui sans réserve de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec. Finalement, nous souhaitons que le ministre de la Fonction publique puisse nous donner suffisamment d'explications, de renseignements pour nous inciter à voter avec un peu plus d'enthousiasme pour les principes du projet de loi présentement à l'étude. Si le ministre pouvait nous annoncer, à la suite d'une rencontre qu'il pourrait avoir tard ce soir ou demain matin à bonne heuree — je sais que dans ce domaine de négociations il est un véritable oiseau de nuit — que le climat non seulement est meilleur mais qu'il a, cette fois la quasi certitude que les négociations aboutiront à la signature d'une convention collective.

Je suis sûr que ceci serait à la grande satisfaction des travailleurs et au soulagement du gouvernement qui a certainement d'autres responsabilités à envisager qu'une constante négociation sans résultat qu'il mène depuis plus d'un an avec les grandes centrales syndicales.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, en vertu de l'article 97, je voudrais rétablir des faits à propos des affirmations du député de Maskinongé, lorsqu'il a interprété mon discours.

Le député de Maskinongé m'a fait dire que j'approuvais les centrales syndicales lorsqu'elles demandaient un salaire minimum de $100. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Voici ce que j'ai dit: Un travailleur, un père de famille, un individu qui gagne $100 et moins, lorsqu'il demande une augmentation de salaire, une sécurité d'emploi, de meilleures conditions de travail, c'est un homme raisonnable et ça ne fait pas nécessairement de lui un révolutionnaire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. Jean Perreault

M. PERREAULT: M. le Président, le bill 53 que nous avons devant nous est un prolongement du bill 19, c'est un assouplissement du bill 19 et un effort ultime du gouvernement pour trouver la voie juste entre les parties impliquées et tenter d'en arriver à une solution négociée.

Le chef de l'Opposition officielle et le chef parlementaire du Parti Québécois ont prétendu,

au cours de ce débat, que le bill 19 n'avait pas été nécessaire et que, de plus, on n'était pas plus avancé aujourd'hui qu'il y a deux mois. Nous sommes plus avancés car la preuve a été faite depuis, hors de tout doute, que toute négociation ne pouvait aboutir car on n'a jamais voulu réellement négocier. Les présidents de la CSN, de la CEQ ont fait la démonstration, au cours de leur congrès respectif, que le but poursuivi par le front commun n'était pas une convention de travail négociée mais un affrontement majeur avec mission de changer le contexte social de notre société actuelle et de faire tomber le gouvernement pour y instaurer un régime socialiste, par la prise du pouvoir par les travailleurs, à la faveur de l'anarchie. Un Parti québécois expurgé de ses éléments de droite et du centre aurait peut-être pu faire l'affaire.

Le gouvernement a passé le bill 19 et la grande majorité de la population l'a approuvé. Pourquoi cet appui massif? C'est que le monde ordinaire n'a aucune velléité de renverser le système dans lequel il vit. Bien au contraire, il cherche à en profiter le plus possible. L'homme ordinaire veut la paix et la tranquillité. Il est las des propos incendiaires et des gens qui le prennent pour un imbécile sans opinion à qui on peut imposer n'importe quoi. L'homme ordinaire n'exige pas grand-chose, il ne réclame qu'un peu de bon sens.

Si, par hypothèse, on retirait aux syndicats la formule Rand de cotisations obligatoires, les centrales syndicales auraient tôt fait d'oublier leur affrontement politique car les syndicats ont aussi, comme la population d'ailleurs, une majorité silencieuse qui en a marre des activistes et des révolutionnaires.

De l'autre côté de l'affrontement, nous retrouvons les partenaires administratifs du gouvernement, partenaires autonomes, mais pas encore assez autonomes selon le Parti québécois, qui veulent garder les prérogatives de clocher avec une vision rétrograde du milieu libéral de la société d'aujourd'hui.

Comme tous les députés, j'ai reçu des résolutions à la chaîne des commissions scolaires voulant conserver cette autonomie rétrograde et cet isolement étanche même entre elles. Cependant, comme législateur, je préfère l'optique du ministre du Travail qui, avant de rechercher des solutions légalistes, propose des solutions tempérées, empreintes de gros bon sens pour l'ensemble des travailleurs du secteur public.

Le député de Bourget a mentionné aussi que le droit de grève était inviolable et que l'Etat ne devrait pas intervenir. Donc, on peut conclure qu'il faut laisser continuer l'anarchie qui prévalait dans les services hospitaliers, par exemple. A ce propos, je rappellerai au député de Bourget ce que le président de la centrale ouvrière communiste de France répondait à René Lévesque, lors du dernier voyage de celui-ci en France, sur le droit de grève dans les services hospitaliers. "Ici, disait-il, nous avons obtenu depuis longtemps le droit de grève dans les hôpitaux, mais nous ne l'exerçons jamais, car c'est trop dangereux. C'est maintenir une population en otage." René Lévesque de répliquer: "Ce serait peut-être la solution à adopter chez nous."

Personnellement, je crois sincèrement que nous n'arriverons jamais à une convention négociée, mais que, plutôt, nous atteindrons avec le bill 53 un décret de travail accepté. Le délai accru pourra permettre, sinon une vraie négociation, du moins une consultation réaliste. La convention de travail, même imposée, sera acceptée par cette majorité réaliste. La convention de travail, même imposée, sera acceptée par cette majorité silencieuse des employés du secteur public, car j'ai confiance au ministre du Travail.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LOUBIER: M. le Président, sur un point de règlement, si le député de Saguenay me le permet. Mon honorable collègue mentionnait, au début de ses propos, que le chef de l'Opposition et le leader parlementaire du Parti québécois avaient dit qu'on n'était pas plus avancé aujourd'hui qu'on ne l'était il y a deux mois. Je dois, à regret, rappeler à mon honorable collègue que je n'ai en aucun moment émis une telle opinion. Ce que j'ai dit, cependant, c'est que, si, à l'époque, on avait accepté les propositions que j'avais faites à l'effet de suspendre l'étude ou l'analyse du bill no 19 et d'envisager un moratoire de trois mois pour permettre aux parties de négocier sans cette épée de Damoclès que représentait le bill no 19, peut-être qu'on n'aurait jamais eu besoin ni du bill no 19, ni du bill no 53. Je concluais en disant qu'étant donné les circonstances je me prononçais en faveur du bill no 53.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: Au cours de la discussion de ce projet de loi, on a, bien souvent, accusé le Parti québécois d'être le porte-parole des syndicats dans cette discussion. Pourtant, on aurait dû lire, depuis quelques jours, la déclaration de M. Charbonneau concernant le projet de loi no 53. Il disait à peu près ceci: Que le projet de loi no 53 était, selon lui, plus favorable que le projet de loi no 19.

Pour notre part, nous nous sommes arrêtés à l'étudier peut-être un peu plus longuement que le président de la Corporation des enseignants du Québec. Si nous nous opposons tant à ce projet de loi, c'est parce qu'il nous paraît extrêmement dangereux. Il nous paraît encore plus dangereux que pouvait l'être le bill no 19. Il faut bien comprendre que, nous aussi, dans le Parti québécois, nous sommes pour la solution négociée.

Nous l'avons démontré lorsque nous nous sommes battus contre le bill 19. Nous avons, à ce moment-là, fait des efforts considérables pour demander au gouvernement d'attendre encore avant d'imposer un projet de loi qui suspendait complètement le droit de grève aux employés de la Fonction publique, justement parce que nous espérions que le gouvernement ait encore des offres à faire à ces gens et qu'il était encore possible d'en arriver à une solution négociée.

Mais, nous n'avons pas, ici, dans ce projet de loi, à nous demander quelle est l'idéologie de l'un ou l'autre des partis politiques ou de l'une ou l'autre des parties en présence. Nous avons tout simplement à prendre le projet de loi que nous avons là et à essayer de l'étudier pour voir les conséquences. S'il s'agissait de voter sur les bonnes intentions du ministre, de voter sur la bonne foi du ministre du Travail actuel, nous nous dirions, probablement, d'accord sur le projet de loi, probablement que nous accepterions le projet de loi parce que nous savons que le ministre du Travail a fait des efforts considérables pour en arriver à une solution négociée. Nous savons que ce ministre du Travail n'a jamais fait de déclaration extrêmement forte ou de déclaration extrêmement dangereuse, déclaration qui pouvait mettre de l'huile sur le feu contre, par exemple, les employés de la fonction publique. Nous savons que ce ministre du Travail a toujours reconnu le droit, aux employés de la fonction publique comme aux autres travailleurs du Québec, à des négociations libres, à des négociations en acceptant de reconnaître le droit de grève.

Mais, lorsque nous avons à voter pour une loi, nous n'avons pas à voter sur les bonnes intentions du ministre. Nous n'avons pas à voter sur les performances passées du ministre. Nous n'avons pas à voter sur la bonne foi du ministre. Nous devons voir, comme parlementaire, à ce que toute loi soit faite de telle sorte qu'elle ne puisse permettre aucun abus, quel que soit le ministre du Travail. Nous avons eu l'expérience de ce gouvernement. Nous connaissons ce gouvernement. Nous savons que le ministre du Travail actuel, que le ministre de la Fonction publique actuel, que l'ex-ministre de la Fonction publique n'est pas seul dans ce gouvernement. L'ex-ministre de la Fonction publique nous a prouvé, à maintes reprises, sa bonne volonté dans les négociations passées.

Pourtant, le premier ministre ou le gouvernement actuel a quand même enlevé ces pouvoirs, a quand même accepté tout simplement de sacrifier l'ex-ministre de la Fonction publique au profit d'un autre ministre de la Fonction publique en espérant qu'on allait trouver une solution au conflit actuel. Mais qui nous dit que ce seront toujours des gens de bonne foi comme ceux-là qui continueront d'être ministre de la Fonction publique? Qui nous dit que dans un mois, après le 3 août, par exemple, on ne décidra pas de limoger, encore une fois, le ministre actuel de la Fonction publique et d'en placer un autre qui serait extrêmement dangereux et qui pourrait utiliser cette loi à mauvais escient, de façon extrêmement dangereuse?

Ce projet de loi est tout simplement un vote en blanc au ministre de la Fonction publique. Avec ce projet de loi, le ministre de la Fonction publique peut faire n'importe quoi. J'écoutais, tout à l'heure, le député de Chicoutimi. Si le principe de ce projet de loi est tout simplement de prolonger la négociation jusqu'au 3 août, nous sommes d'accord. S'il s'agit de donner un autre délai au gouvernement actuel pour tenter d'en arriver à une solution négociée, nous sommes complètement d'accord. Mais ce n'est pas du tout le principe de ce projet de loi. H ne s'agit pas de donner un délai déterminé, un délai fixe au ministre actuel de la Fonction publique. Au contraire, ce délai est complètement illimité. Le ministre de la Fonction publique a comme seule obligation de ne pas imposer un décret avant le 3 août. Mais après le 3 août, qu'est-ce qui arrive?

Le ministre de la Fonction publique a complète discrétion. C'est lui, de façon personnelle, en collaboration avec le cabinet, qui va décider si les négociations fonctionnent ou non. C'est lorsque le ministre de la Fonction publique aura lui-même, selon sa propre discrétion, décidé qu'il n'est pas possible d'en arriver à une solution négociée que le ministre de la Fonction publique pourra imposer le décret.

Cela veut dire jusqu'à quand? Cette négociation va durer jusqu'à quand? Cela peut aussi bien durer jusqu'au 3 août 1972 ou encore jusqu'au 3 août 1975. Il n'y a rien qui nous dit: A une date précise, le ministre de la Fonction publique devra faire rapport et dire au cabinet: il faut maintenant imposer le décret. Il faut donner une convention collective à ces gens, une convention collective décrétée, si on n'est pas capable d'en arriver à une convention collective négociée.

M. le Président, à la suite de communications que j'ai eues avec certains employés de la fonction publique, en particulier les enseignants, déjà les commissions scolaires, sans tenir compte de l'ancienne convention, sont en train de créer un climat tel que les enseignants ne se retrouvent plus, ne savent plus à quelle place, l'année prochaine, ils vont travailler. Pourquoi? Parce que, même si on a accepté, dans l'article 5, je crois, de la loi 19, que jusqu'à ce qu'on impose un décret l'ancienne convention collective devait durer, l'application de cela dépend bien souvent des commissions scolaires. On sait que les commissions scolaires, dans un climat comme celui qui existe actuellement, utilisent bien souvent non pas des droits mais des pouvoirs abusifs pour créer un climat d'insécurité chez ces gens. Il faudra que le ministre de la Fonction publique nous précise exactement, pas seulement par des bonnes intentions mais par des amendements si possible, jusqu'à quand il veut faire durer ces négociations. S'agit-il de

faire en sorte que les négociations deviennent éternelles, sempiternelles et tout ce que vous voudrez, jusqu'à ce que les parties soient usées, jusqu'à ce que les parties soient tannées, jusqu'à ce que les enseignants, les employés de la fonction publique et les employés des hôpitaux disent: M. le ministre de la Fonction publique, à genoux nous vous demandons un décret, parce que nous n'avons plus de conditions de travail, actuellement?

C'est cela, M. le Président, qu'il faudra que le ministre nous précise. Il me parait que c'est extrêmement important. Nous n'avons absolument rien, actuellement, dans ce projet de loi, qui nous précise jusqu'à quand les négociations vont durer. Quand le ministre de la Fonction publique décidera-t-il d'imposer le décret?

Si, encore une fois, M. le Président, le ministre de la Fonction publique nous demande de lui donner une chance jusqu'au 3 août prochain pour essayer de résoudre ce problème, nous n'avons aucune objection. Mais il faut quand même établir certaines limites à l'intérieur d'une loi. Il ne faut pas qu'une loi soit utilisée de façon abusive. Il est possible, par cette loi, que ce soit le cas.

Le député de Sainte-Marie, tout à l'heure, a souligné un point qui me paraît fondamental et extrêmement important. Dans l'ancien projet de loi, on disait que le décret imposé allait se terminer —à l'article 10— le 30 juin 1974. Dans l'article 10 modifié, tel que nous le propose le projet de loi no 53, à quelle, place trouve-t-on un article qui nous dit quand reprendront régulièrement les négociations collectives chez les employés de la fonction publique? A nulle part. Il aurait fallu que le ministre nous précise, quand même, par un amendement, quand ce décret sera échu, quand on reviendra à une situation normale.

Jusqu'à quand le décret qui sera imposé pourra-t-il durer? C'est quand même important pour les employés de la fonction publique de savoir quand ils vont retrouver leur droit de grève, quand ils vont retrouver leur droit à la négociation. Est-ce qu'on a vu ça dans le projet de loi? Est-ce que le ministre a pris conscience de toutes les implications possibles de son projet de loi? Je me pose la question.

Je me suis dit, à un moment donné: Peut-être que c'est un oubli; peut-être que le ministre va venir corriger par un amendement l'article 10, tel que modifié. Il ne semble pas, puisqu'on a posé la question tout à l'heure, que ce soit le cas. Est-ce qu'on veut faire disparaître le droit de grève chez les employés de la fonction publique? Qu'on nous le dise donc, si c'est le cas.

Est-ce qu'on veut, jusqu'en 1978, imposer un décret aux enseignants et à tous les employés de la fonction publique? Qu'on nous le dise donc. Est-ce qu'il y a un article dans le projet de loi qui nous dit quelles sont les limites de ce décret? Encore une fois, ce n'est pas contre le laps de temps qu'on nous demande pour arriver à une solution négociée que nous parlons. Ce n'est pas à cause de ce délai que nous nous opposons au projet de loi qui nous est soumis. C'est strictement parce qu'il y a des questions fondamentales qui se posent à la suite de la lecture de ce projet de loi.

Je suis d'accord — comme le disait tout à l'heure le député de L'Assomption — que les gens en ont soupé de ces négociations sempiternelles. Je suis d'accord que le monde ordinaire veut trouver un climat normal dans une société, mais on ne créera pas un climat sain au prix de la disparition de libertés fondamentales, au prix de la disparition du droit libre à la négociation.

UNE VOIX: Votez pour.

M. LESSARD: Non, nous ne pouvons pas voter pour. Si le député comprenait le projet de loi, j'ai l'impression qu'il ne pourrait pas voter pour, lui non plus, parce que c'est, tout simplement, un vote en blanc. Sans prêter d'intention, je craindrais, par exemple, qu'un autre ministre du Travail — que je ne nommerai pas, mais que j'ai en tête — remplace le ministre de la Fonction publique actuel et décide de faire ce qu'il voudra avec ce projet de loi.

Même si le ministre — le député de Chicoutimi posait la question tout à l'heure — ne nous demandait qu'un délai jusqu'au 3 août, nous serions, encore là, pessimistes, parce que, comme on l'a dit, il est extrêmement difficile de pouvoir négocier librement lorsque l'une des parties a toujours une épée de Damoclès sur la tête.

Mais, là, c'est encore pire que ce que nous imposait le bill 19. C'est encore pire parce que ces gens-là ne savent pas où ils vont aller. Ils ne savent pas si, d'ici à 1974, ils vont avoir réellement une convention collective, qu'elle soit imposée ou qu'elle soit négociée. Ces gens-là ne savent pas s'ils ne vivront pas d'ici deux ans — et peut-être d'ici six ans — dans une insécurité complète et à la discrétion du gouvernement actuel. D'ailleurs, en 1974, il sera probablement remplacé, ce gouvernement. On pourra revenir à une situation normale.

On se demande si ce gouvernement va venir à apprendre quelque chose. Lorsque nous avons discuté du bill 19, nous avions demandé au gouvernement de retarder l'imposition d'une loi spéciale, d'essayer d'en arriver à une négociation. Nous avions dit exactement — comme nous l'avions dit lors du bill 38 — ceci au gouvernement : C'est faux, il est impossible que vous arriviez à une négociation d'ici au 30 juin 1972.

C'est drôle, tous ces gens-là en face nous disaient: Nous allons essayer. Nous allons faire en sorte qu'on puisse arriver à une négociation. D'autre part, on disait : Nous sommes rendus au bout de la corde. Nous n'avons plus rien à offrir. Mais est-ce encore le cas? Est-ce que le gouvernement n'a absolument rien à offrir?

Si c'est le cas, pourquoi retarder encore continuellement les négociations? Pourtant, M. le Président, nous l'avions dit lors du bill 19, le ministre de la Fonction publique actuel a trouvé une partie de la solution. Il est arrivé, du côté des enseignants, par exemple, à reconnaître la sécurité d'emploi. Mais il y a un autre objectif qui est important, qui est fondamental dans la négociation actuelle.

Est-ce que le ministre du Travail a quelque chose à offrir du côté de la masse salariale? Cela ne sert à rien de retarder continuellement la négociation, la solution des problèmes. C'est devenu la marque de commerce de ce gouvernement. On ne décide jamais, on attend, le temps résoudra les problèmes. C'est le député de Montcalm qui soulevait tout à l'heure cette question, ce n'est pas comme ça qu'on arrive à créer un climat social qui soit sain, un climat social qui permette de négocier librement des conditions de travail. C'est lorsque le gouvernement dira à la table de négociation: Nous sommes véritablement rendus au bout. Cela ne sert à rien, on ne joue pas au chat et à la souris, on vous dit véritablement que c'est ça qu'on vous offre puis on n'a pas autre chose à vous offrir que ça.

Là, on veut encore pendant un mois jouer au chat et à la souris. Je suis assuré que lorsque l'ex-ministre de la Fonction publique disait aux syndiqués: Ecoutez, d'après mon mandat, je suis au bout de la corde, je n'ai plus rien à vous offrir, ce ministre était sincère. Ce ministre croyait véritablement que le mandat qui lui avait été donné par le gouvernement ne serait pas modifié par la suite. Ce ministre a dû rester énormément surpris lorsqu'on l'a remplacé par le ministre de la Fonction publique actuel à qui on a donné un autre mandat, un mandat plus large. Ce ministre aurait probablement réussi à négocier si on avait arrêté à ce moment de jouer au chat et à la souris et si on lui avait donné le même mandat qu'on a donné au ministre du Travail actuel.

On n'aurait pas eu besoin de limoger un ministre, de sacrifier un ministre. On l'a dit à maintes reprises, l'ex-ministre de la Fonction publique, sans enlever ses capacités au ministre actuel de la Fonction publique, avait démontré qu'il était capable de négocier de façon intelligente, de façon rationnelle avec les employés de la Fonction publique.

Mais qu'est-ce qui est arrivé? C'est qu'on lui a enlevé de la corde, on ne lui en a pas assez donné...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'inviterais le député de Saguenay à conclure parce que son temps est terminé.

M. LESSARD: M. le Président, je conclus par ces deux questions fondamentales, auxquelles il est nécessaire qu'on nous apporte des réponses. Est-ce qu'il s'agit, premièrement, de donner un sursis au gouvernement jusqu'au 3 août, sursis qui pourrait continuer jusqu'en 1975? Deuxièmement, est-ce que le décret une fois imposé va durer, comme le précisait la loi 19, jusqu'au 30 juin 1974, de façon que les employés de la Fonction publique reprennent en 1974, la négociation collective de façon libre et retrouvent leur droit de grève?

Ce sont là, je pense, deux questions fondamentales. Si le ministre du Travail peut nous apporter des réponses à ces questions, nous n'aurons plus aucune opposition au projet de loi 53.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur le projet de loi 53, Loi modifiant la loi assurant la reprise des services dans le secteur public, qui modifie en quelque sorte le projet de loi 19 que nous avions adopté le 21 avril dernier, après 23 heures et 3/4 de discussion, mon collègue le député de Dorchester, dans son intervention cet après-midi, a déclaré aux membres de cette Chambre que notre groupement politique voterait pour les amendements proposés dans le projet de loi no 53.

Le député de Dorchester a ajouté — je fais miens ses propos — que cela nous donne raison sur l'attitude que nous avions adoptée face au projet de loi 19. On se rappellera que nous avions voté contre le projet de loi 19, contre la fameuse clause no 10, la clause-guillotine, qui imposait un décret gouvernemental à partir du 30 juin et qui mettait fin à toute négociation. Par contre, nous avions déclaré, à ce moment-là, que nous étions en faveur des dispositions de l'article no 6, parce que, par cet article, on mettait fin à une grève qui commençait à causer des torts et des préjudices à toute la population du Québec.

Après avoir écouté certaines interventions de ce soir et de cet après-midi, je me demande sérieusement, sans présumer des intentions car je pense que c'est très clair, ce qu'on veut dans certains milieux. On a travaillé — on se rappellera tous les discours qui ont été faits — contre la clause no 10 et, à l'heure actuelle, on veut prolonger la discussion pour que le décret soit appliqué tel que mentionné dans la loi 19. Le moins que je puisse dire, après avoir entendu toutes ces choses, c'est, pour reprendre une expression assez bien connue à l'heure actuelle: J'ai mon voyage!

Je me demande sincèrement, lorsqu'on fait ce genre de débat dans les circonstances, après les événements malheureux qu'on a connus au Québec, si on pense à la population du Québec, si on pense aux contribuables québécois qui paient pour ces services et qui ont besoin de ces services parce que ce sont des services essentiels. Nous avons connu la paix dans ce domaine au Québec depuis quelques semaines et cela semble vouloir s'arranger de la meilleure façon, par la négociation. Ceux qui veulent nous donner de grandes leçons de démocratie, ceux qui se

prennent pour les sauveurs de la nation québécoise veulent tout simplement le trouble, parce que certains personnages ne veulent pas négocier, tout simplement. Cela, on ne veut pas le dire. On ne veut pas négocier dans certains milieux parce que cela fait mal. Justement, l'opération "sauve-la-face" fait partie de cela.

Je me rappelle qu'à l'occasion du débat sur le bill 10 j'avais parlé de l'opération "sauve-la-face", parce qu'il y avait des gens en prison. J'avais même parlé des joyeux prisonniers et de la sortie triomphale. Probablement qu'ils ont eu honte de faire une sortie triomphale. Ils ont fait une sortie en douce, de façon à éviter trop de publicité. Le problème n'est pas réglé. Ils veulent encore sauver la face; c'est ça l'enjeu. A l'heure actuelle, nous avons des représentants du peuple ici qui sont des alarmistes professionnels et qui veulent profiter des désordres sociaux. Plus ça va mal au Québec, plus ça fait leur affaire. Il va falloir qu'on finisse par le dire. Cela fait leur affaire parce que ça dépend d'Ottawa, ça dépend de tout le monde sauf d'eux, les sauveurs de la nation, les sauveurs de la race. Pourquoi? Parce qu'ils veulent implanter le socialisme, en utilisant le séparatisme au Québec, au nom du grand nationalisme que j'appellerai, tout simplement, non pas du nationalisme, mais du "nationalouche", parce que c'est louche, leur affaire.

Ils ont même le culot de déclarer que, lorsqu'ils auront pris le pouvoir, ces messieurs, on n'aura plus besoin de partis politiques au Québec. Cela me fait penser à certaines démocraties qui existent à l'heure actuelle dans le monde. Ce n'est pas du tout dans mon intention d'appuyer le gouvernement au pouvoir, mais je pense que nous devons avoir assez de sens des responsabilités et assez d'honneur pour bien représenter la population qui nous a envoyés ici non pas pour faire des spectacles, mais pour défendre ses intérêts.

Je pense qu'on se doit de mettre la politicaillerie de côté et de travailler dans l'intérêt de la population du Québec.

Si on s'informait auprès de la population du Québec demain matin si elle est prête, elle, à retourner dans le même chaos que nous avons vécu en mars et avril, que dirait-elle? On n'en parle pas. On ne le dit pas, on préfère jouer à la petite politique, pour sembler être le seul parti d'opposition en cette Chambre. Quelle farce. C'est dégueulasse de voir de quelle façon on se moque de la population et des membres de cette Chambre en leur faisant indûment perdre leur temps. Nous aurions tant d'autres choses à faire pour le plus grand bien de la population du Québec.

Je ne dirai pas que c'est le Parti québécois parce que PQ signifie pour moi pirouettes quotidiennes. A l'article no 6 de la loi 19 on dit que la grève et le lock-out sont prohibés à tout salarié ou employeur. Je ne sache pas que par cette disposition de la loi les travailleurs syndiqués du Québec perdent leur droit de grève pour deux ans. Ce n'est pas dans ce sens que nous avons compris la loi. Si c'était ce qu'elle dit nous ne serions pas d'accord sur le bill 53 mais ce n'est pas cela que dit la loi.

Le ministre du Travail propose tout simplement un adoucissement à un mécanisme pour permettre une négociation et de la bonne volonté de part et d'autre de façon à ce que les droits des syndiqués, des travailleurs de la fonction publique et de la population du Québec puissent être préservés.

Mais, il semble qu'on ne peut même plus, à Québec, s'asseoir autour d'une table pour discuter de ses positions, de ses options, de ses problèmes en vue d'essayer de trouver un consensus, un dénominateur commun. Je ne crois pas à la fausse démocratie de ces sinistres personnages.

Je voudrais tout de même attirer l'attention du gouvernement sur un point. La fédération des commissions scolaires, d'autres opinants l'ont dit avant moi, a soumis quelques recommandations au gouvernement pour stipuler qu'elle a des droits à préserver. Elle aimerait que le gouvernement tienne compte de ses revendications, de ses observations. J'invite le gouvernement et le ministre de la Fonction publique à se pencher sur ce problème et sur ces recommandations. Nous avons des commissions scolaires au Québec qui se sont groupées en fédération afin de pouvoir exprimer un certain point de vue de la population. J'estime qu'il est du devoir et la responsabilité du gouvernement d'étudier ces demandes, ces recommandations de voir à faire un partage juste et équitable de façon à ce que ce conflit puisse se régler dans les plus brefs délais en tenant compte de la bonne foi et de la sincérité de chacun.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, après avoir consulté mes collègues et les autres leaders parlementaires, je demanderais l'ajournement du débat jusqu'à demain, je présume.

M. LEVESQUE: Adopté.

M. BURNS: A ce moment-là, je retire mon droit de parole sur ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

Projet de loi no 24 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Article 13.

Loi modifiant le régime de rentes du Québec. Le ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 24, Loi modifiant le régime de rentes du Québec. Le ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à la Chambre.

Depuis l'adoption et la mise en vigueur du régime de rentes du Québec, en janvier 1966, le gouvernement a précisé sa politique de sécurité du revenu. Cette politique qui se veut globale et intégrée et axée sur la poursuite des trois objectifs suivants: Premièrement, la garantie d'un revenu fondé sur les besoins évalués en fonction d'un seuil de revenu tenant compte du salaire minimum.

Deuxièmement, la promotion des personnes par leur participation à l'activité économique et sociale; et enfin, la reconnaissance du droit des citoyens à des ressources minimales.

Cette politique exige donc que les régimes d'assurance-sociale, tel le régime de rentes du Québec, soient modifiés afin de s'insérer pleinement dans la poursuite des objectifs déjà définis. Rappelons à ce sujet que le régime de rentes du Québec n'a pas été modifié de façon substantielle quant au niveau des contributions et des prestations depuis sa mise en vigueur.

En outre, la première analyse actuarielle quinquennale effectuée en date du 31 décembre 1970 a révélé une accumulation de la caisse environ 20 p.c. plus élevée que prévue en 1965. Dans le contexte de la politique de sécurité de revenu, le régime de rentes du Québec doit avoir pour objectif principal d'assurer une protection financière des travailleurs en cas de réalisation des risques: décès, invalidité et retraite, sans tenir compte de la dimension familiale, mais en plaçant un plus fort accent sur la redistribution verticale à l'intérieur du régime.

En ce qui a trait à la dimension familiale de cette politique, il est certain que depuis l'établissement du régime, et par suite du fait que les salaires ne tiennent pas compte, sur le marché du travail, de la taille de la famille, les allocations familiales doivent être modifiées afin de compenser de la façon la plus adéquate possible les charges familiales. Cette réforme s'avère essentielle dans le contexte de la réduction de là pauvreté financière, puisqu'une proportion élevée des familles comptant un certain nombre d'enfants, notamment quatre enfants ou plus, ont des revenus qui se situent au-dessous des seuils de pauvreté.

Dans la mesure où la fonction de compensation des charges familiales est assumée adéquatement par les allocations familiales, les régimes d'assurance sociale ont donc comme mission principale d'assurer la continuation d'une partie du revenu du travailleur en cas de réalisation des risques couverts; dans le cas présent, les risques de décès, d'invalidité et de retraite. Cette fonction de continuation d'une partie du revenu du travail doit en outre mettre l'accent sur les plus bas revenus. C'est ce que nous entendons par redistribution verticale à l'inté- rieur du régime, compte tenu de l'objectif de la réduction de la pauvreté.

Voilà dont les fondements à partir desquels les modifications proposées aux rentes de veuve, d'invalide, de retraites et d'orphelin au régime de rentes du Québec ont été confus. A ce stade, simplement pour illustrer l'importance du régime de rentes du Québec, soulignons que toutes les personnes retirant un revenu du travail supérieur à $600, dans le cas des travailleurs salariés, et à $800 dans le cas des travailleurs autonomes, doivent y contribuer et que les contributions, au cours de l'année 1971, se sont élevées, pour cette seule année, à $286 millions, que la caisse du régime s'élevait, le 31 décembre 1971, à $1,664 millions, que le régime comptait déjà 101,600 bénéficiaires, le 31 décembre 1971, qui recevaient des prestations dont le total s'est élevé, pour l'année, à $43,500,000.

Voilà maintenant les principales modifications qui sont proposées au niveau des prestations.

En premier lieu, en ce qui a trait aux rentes de veuves, aux rentes d'invalides et aussi aux rentes qui sont versées à des veufs invalides.

A l'heure actuelle, la rente de veuve est constituée d'un montant de base de $27.60 par mois, c'est-à-dire un montant de $25 à l'origine qui a été augmenté par le truchement de l'indexation en fonction de l'augmentation des prix de consommation. Donc, un montant de base de $27.60 par mois plus 37.5 p.c. de la rente de retraite que le conjoint aurait reçue à 65 ans, selon son niveau de revenu au cours de la période pendant laquelle il a travaillé. Au 31 décembre 1971, en vertu de cette formule, la rente moyenne versée aux veuves, bénéficiaires du régime, ne s'élevait qu'à $58.89 par mois.

Il est proposé qu'à compter du 1er janvier 1973 le montant de base soit porté de $27.60 à $80, pour une augmentation de $52.40 par mois. Cette augmentation aura donc pour effet de hausser la rente de veuve, si l'on s'en tient aux chiffres au 31 décembre 1971, à $111 par mois. Compte tenu de ce changement et, également, de la hausse du montant de salaire sujet à contribution, le montant maximum des rentes de veuves, dans l'avenir et à compter du 1er janvier 1973, sera porté de $71.12 par mois à $123.75. Cette modification, il est aussi important de l'indiquer, en plus de s'appliquer aux nouveaux bénéficiaires, favorisera également les 20,200 bénéficiaires de rentes de veuves au 31 décembre 1971, de même que toutes celles qui, au cours de l'année 1972, seront devenues bénéficiaires de rentes de veuves.

Quant à la rente d'invalides, elle est composée, également, d'un montant de base de $27.60, auquel s'ajoute un montant égal à 75 p.c. de la rente de retraite que le travailleur aurait reçue, compte tenu de son histoire de gains au moment de sa période active de travail. Au 31 décembre 1971, le montant mensuel des

rentes d'invalides versé aux bénéficiaires du régime de rentes du Québec s'élevait à $91.85. La proposition contenue dans le projet de loi est de hausser le montant de base de $27.60 à $80 par mois, ceci à compter du 1er janvier 1973.

Toujours sur la base des montants moyens, au 31 dcembre 1971, le montant moyen de prestation sera porté de $91.85 à $144.25 par mois. Egalement, afin d'illustrer le fait de cette augmentation du montant de base, au 1er janvier 1973, compte tenu de la hausse du montant de base et également de la hausse du montant maximum des revenus, le montant maximum de prestation ou de rentes d'invalides sera haussé de $114.09 à $167.50 par mois. Cette modification, de même que celle apportée à la rente de veuves, en plus de s'appliquer aux nouveaux bénéficiaires, favorisera les 2,040 bénéficiaires du régime au 31 décembre 1971, c'est-à-dire les 2,040 personnes recevant des rentes d'invalides plus ceux qui, au cours de l'exercice 1972, sont devenus bénéficiaires de cette rente. Lorsque je cite ces nombres, 2,000 bénéficiaires, ils peuvent sembler relativement faibles. Mais on ne doit pas ignorer que le paiement de rentes d'invalides n'a commencé qu'au cours de l'année 1970 en raison des conditions d'admissibilité à ces rentes.

Par suite de ces changements, donc, aux rentes de veuves et d'invalides, les bénéficiaires verront leur situation financière améliorée. Il en résultera également une pression quelque peu moindre sur le budget d'aide sociale, ce qui est de nature à faciliter les changements qui s'imposent dans l'application de cette dernière loi.

Quant au maximum des gains admissibles, maintenant, il s'agit du montant maximum de revenus qui doit être pris en considération, aux fins du régime de rentes du Québec.

Une hausse de ce montant maximum de revenu entraîne une augmentation de contribution pour ceux qui gagnent un revenu égal ou supérieur au montant maximum. En contrepartie, le montant de revenu étant utilisé dans le calcul du montant des rentes de retraite, des rentes de veuves, des rentes d'invalides, une hausse du maximum aura pour effet de hausser le niveau des rentes versées. Afin que le régime ne perde pas son importance relative, il comprend des dispositions pour l'ajustement annuel de ce maximum des revenus sur lesquels des contributions sont perçues et également sur lesquels les montants de pension sont calculés.

Depuis le début du régime, c'est-à-dire de 1966 jusqu'à maintenant, et selon les dispositions du régime, cet ajustement du montant maximum devait être effectué en fonction de l'augmentation de l'indice des prix à la consommation mais avec une limite de 2 p.c. par année. A compter de 1976, les dispositions actuelles du régime prévoient que le montant maximum sera haussé en fonction de l'indice des gains moyens.

Alors qu'en 1966, le montant maximum de revenu était fixé au début à $5,000, avec la formule que je viens d'indiquer, soit l'augmentation en fonction de l'indice des prix mais sujet à un maximum de 2 p.c, le maximum, qui était originalement de $5,000, n'a été haussé qu'à $5,500 en 1972, et ceci principalement par suite de la limite qui était imposée de 2 p.c. par année. Lorsqu'on examine, toutefois, la courbe des prix ou l'évolution de l'indice des prix au cours de la période de 1967 à 1972 et qu'on compare cette évolution à l'indice des rentes, c'est-à-dire l'indice des prix mais limité à un maximum de 2 p.c. par année, on se rend compte qu'au cours de cette période de cinq ans, un décalage de l'ordre de 8 p.c. s'est déjà effectué entre les deux.

En fait, alors que l'indice des rentes est passé de 109.3 à 120.7, de 1967 à 1972, l'indice des prix à la consommation, pour l'ensemble du Canada, est passé de 109.3 à 131.0 au cours de cette période, de là l'écart de 8 p.c. Nous proposons donc de hausser la limite maximum, dans la formule d'indexation ou encore dans l'augmentation du montant maximum de revenu, chaque année, de 2 p.c. à 3 p.c. et, également, de hausser le maximum des gains admissibles pour l'année 1973, tout comme si cette limite maximum de 3 p.c. s'était appliquée depuis le début du régime. C'est-à-dire que nous proposons de reprendre, en quelque sorte, le terrain perdu, étant donné que l'indice des prix a augmenté à un rythme plus rapide au cours de la période que les 2 p.c. qui avaient été imposés comme limite.

Ainsi, le projet de loi propose donc que le maximum des gains admissibles passe de $5,900 en 1973, au lieu de $5,600 si nous maintenions la même formule, à $6,100 en 1974 et à $6,300 en 1975. A compter de 1976, comme je l'ai indiqué précédemment, l'indice des gains s'appliquera par la suite.

Je voudrais mentionner ici que le rapport de la commission d'enquête reçu en janvier 1971, donc plusieurs mois après mon départ, recommandait de hausser le maximum de façon subite à $8,000. Nous n'avons pas retenu cette recommandation de la commission d'enquête pour diverses raisons. La première a trait — c'est la principale — au fait que nous sommes encore en pleine période de transition de ce régime, particulièrement en ce qui a trait aux rentes de retraite et la hausse subite du montant maximum des gains admissibles aurait pour effet de hausser, dans la même mesure, les rentes de retraite de tous ceux qui, au cours des années prochaines, que ce soit 1973, 1974, 1975 et les années suivantes, seraient haussés de façon substantielle.

Comme il s'agit là de personnes qui, dans bien des cas, ont des revenus supérieurs à $8,000 et qui bénéficient d'autres régimes de retraite, cette augmentation subite, non accompagnée d'une augmentation correspondante au niveau des contributions, aurait pour effet de transférer à ces personnes des subventions ou

des montants considérables pour acquitter le coût de ces augmentations subites de pension. Cela va nettement à l'encontre d'un des objectifs que j'ai mentionnés au début quant au régime de rentes du Québec.

Il nous paraît donc important de hausser graduellement le maximum des gains admissibles en fonction d'un indice qui est plus réaliste, mais nous ne pouvions retenir la proposition d'augmenter de façon très subite le revenu maximum à $8,000.

On ne saurait ignorer également que cette augmentation toucherait principalement les bénéficiaires des rentes de retraite et que ces personnes reçoivent déjà la pension de vieillesse et peuvent également bénéficier du supplément du revenu garanti.

Nous avons effectué une analyse actuarielle de l'effet qu'aurait eu l'augmentation subite ou très rapide du maximum des gains admissibles. Cette analyse actuarielle démontre l'effet qu'aurait eu une telle augmentation.

Egalement, j'ai reçu d'un citoyen intéressé une étude indiquant la valeur des subventions qui auraient été transférées aux personnes à revenu élevé, si nous avions suivi une telle recommandation. Voilà donc les diverses raisons pour lesquelles nous n'avons pas retenu cette recommandation.

En plus de l'augmentation des rentes de veuve, d'invalide, de même que du maximum des gains admissibles, nous proposons également que l'indexation des rentes en cours de paiement soit modifiée. Présentement, tout comme pour l'augmentation de la limite maximum des gains, les pensions sont indexées chaque année, mais jamais pour plus de 2 p.c., même si l'indice des prix à la consommation augmente d'un pourcentage supérieur à cette limite.

Nous proposons donc, pour les mêmes raisons que j'ai indiquées précédemment, de hausser la limite maximum de 2 p.c. à 3 p.c, et ceci toujours à compter du 1er janvier 1973. A l'exception des rentes d'orphelin — je mentionnerai pourquoi, plus tard, nous apportons cette exception — toutes les rentes seront donc haussées d'une façon plus rapide à l'avenir. C'est-à-dire que, si les prix augmentent à un rythme supérieur ou égal à 3 p.c, les rentes seront augmentées de 3 p.c.

De même, au cours des prochaines années, si les rentes ou l'indice des prix à la commission augmentait d'un taux inférieur à 3 p.c, l'indexation continuerait de s'effectuer à 3 p.c. pour une certaine période, étant donné que les dispositions du régime de rentes contiennent un mécanisme pour effectuer un certain rattrapage sur ce plan.

Je voudrais également souligner ici qu'en modifiant cette limite de 2 p.c. à 3 p.c. il existe un effet d'entrafnement sur d'autres plans. Par exemple, dans la Loi de l'aide sociale, les prestations sont indexées, depuis l'an dernier ou depuis le 1er janvier 1972, en utilisant exacte- ment la même formule que pour le régime de rentes du Québec. Les règlements font référence aux dispositions de la Loi du régime de rentes du Québec.

En modifiant cette loi, nous nous trouvons en définitive, à moins que les règlements en vertu de la Loi de l'aide sociale ne soient modifiés, à apporter une augmentation plus rapide des prestations payées en vertu de la Loi de l'aide sociale, si les prix augmentent à un rythme plus rapide que 2 p.c. par année. Il en est de même quant au régime de retraite des fonctionnaires et des enseignants.

J'ai mentionné au début qu'à notre avis le régime de rentes du Québec doit avoir comme fonction principale la continuation du revenu du travailleur advenant la réalisation des risques, décès, invalidité et retraite, et la continuation du revenu sur une base analogue au revenu qui est fait sur le marché du travail, c'est-à-dire un revenu qui ne tient pas compte de la dimension familiale. Et compte tenu du fait qu'il est nécessaire de modifier les allocations familiales de telle sorte que les montants reçus soient plus conformes aux charges familiales, il nous paraît donc que dans le régime de rentes du Québec l'allocation de ressources à des rentes d'orphelins devient une mauvaise allocation de ressources en quelque sorte et qu'il est mieux de concentrer les ressources disponibles pour payer des rentes de veuves, des rentes d'invalides, des rentes de retraite adéquates. La fonction des allocations familiales est de compenser quant à elles les charges familiales.

Et nous avons vu qu'une telle approche est nécessaire pour d'autres raisons, c'est-à-dire pour équilibrer le régime d'aide sociale, de telle sorte que, dans la mesure où un régime d'allocations familiales adéquat existe, les prestations d'assistance sociale n'ont plus à tenir compte dans la même mesure du nombre d'enfants que compte une famille. Ainsi ces prestations ont moins de chance d'entrer en concurrence avec les revenus que le bénéficiaire pourrait avoir sur le marché du travail.

C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'à compter du 1er janvier 1974 les rentes d'orphelins soient fixées à $29 par mois et ne soient plus indexées dans l'avenir. Evidemment, nous n'avons pas éliminé ou proposé l'élimination de rentes d'orphelins, étant donné le fait que les travailleurs qui ont bénéficié à ce régime peuvent à juste titre considérer qu'ils ont des droits acquis quant à ces rentes.

Voici les principales modifications touchant le niveau des prestations. Celles ayant trait aux veuves et aux invalides entrafneront une hausse des déboursés. Je voudrais souligner, je vais y revenir de toute façon un petit peu plus tard dans mon exposé, que les augmentations ayant trait aux rentes de veuves et d'invalides sont celles qui entraînent les hausses de déboursés les plus élevées. Par la suite ou en ordre d'importance on verra que les hausses apportées par exemple au maximum des gains admissibles

entraînent des déboursés moins élevés de même que l'indexation des prestations.

Voici ce qui a trait aux modifications touchant les aspects de nature technique au régime de rentes du Québec. Ces modifications sont assez nombreuses, alors je me limiterai à ne mentionner que les principales touchant soit les prestations ou encore l'admissibilité. Je dirai — mon collègue le ministre du Revenu n'est pas ici en ce moment — quelques mots sur certaines des modifications touchant les dispositions du régime de rentes qui font partie des sections du régime de rentes qui sont considérés comme étant une loi du revenu.

La première a trait à la définition du mot enfant. Selon la loi actuelle, la notion de garde est appliquée lorsque le cotisant est une personne autre que le parent légitime, naturel ou adoptif. Cette notion de garde a apporté dans son interprétation une certaine confusion et aussi certaines difficultés. En conséquence, nous proposons que dans le cas d'un enfant, lorsqu'il s'agit du décès d'un cotisant autre que le père de cet enfant ou la mère légitime, naturelle ou adoptive, ou le père légitime, naturel ou adoptif, ou encore son beau-père ou sa belle-mère, on applique le critère de la subsistance, c'est-à-dire que l'on vérifie si le cotisant subvenait entièrement ou dans une large mesure aux besoins de l'enfant.

Enfin c'est cette notion qui a été retenue dans la Loi de l'aide sociale. Elle permet une application beaucoup plus conforme aux réalités de la Loi de l'aide sociale que ce n'est le cas en ce qui a trait au régime de rentes du Québec.

Nous proposons également une modification aux dispositions touchant le numéro d'assurance sociale. En vertu des dispositions de la loi, telle qu'elle est présentement, une personne qui n'a pas fait de demande de numéro d'assurance sociale est privée des prestations ou sa famille peut être privée des prestations en vertu du Régime de rentes du Québec. Il s'agit là d'une sanction relativement sévère et qui, en fait, n'est pas apparentée avec la nature de l'infraction, de l'oubli ou de la négligence qui peut avoir donné lieu à cette absence de numéro d'assurance sociale.

Tout comme dans le Régime d'assurance-maladie, où la couverture par le Régime d'assurance-maladie n'est pas liée à l'obtention d'un numéro d'assurance-maladie, nous proposons d'enlever cette sanction de telle sorte que si une personne contribue au régime pour les périodes prescrites et que si un des risques se réalise, cette personne ou ses bénéficiaires reçoivent les prestations indiquées.

Nous proposons également que les dispositions relatives à la réduction de la rente de retraite, entre 65 ans et 70 ans, soit assouplie. Actuellement, une personne, entre l'âge de 65 et 70 ans, qui reçoit une rente de retraite en vertu du régime, si cette personne reçoit un revenu du travail qui excède $960 et si ce revenu est inférieur à $1,600 par année, un montant de $0.50 pour chaque dollar gagné est déduit de sa rente de retraite. Si ce revenu du travail excède $1,600 par année, à partir du montant excédant $1,600 par année, pour chaque dollar de revenu du travail gagné, $1 de rente de retraite est déduit.

Nous proposons plutôt qu'au-dessus de la limite de $960 par année, pour tout dollar de revenu de travail gagné, la rente de retraite ne soit réduite que de $0.50 et ceci sans limite. Je voudrais signaler ici que cette modification introduit en quelque sorte, pour cette catégorie de bénéficiaires, le concept du revenu minimum garanti.

Nous proposons également l'abrogation de l'article 222. En vertu de cet article, une loi qui modifie le niveau général des prestations — les catégories de prestations, les taux de contribution, les facteurs de calcul des contributions et des prestations — ne peut entrer en vigueur qu'à une date qui ne doit pas être antérieure au premier jour de la troisième année suivant l'année au cours de laquelle la loi a été présentée à la Législature. Vous m'excuserez de reprendre le texte de la loi, mais c'est le texte exact que j'ai ici. Si l'on se réfère aux discussions qui ont entouré initialement l'adoption du Régime de rentes du Québec en 1965, la raison d'être de cet article était d'éviter des modifications trop fréquentes, ce qui aurait pu avoir pour effets de changer la nature du régime et aussi de modifier son équilibre financier.

Evidemment, même si ceci n'est pas écrit et n'a pas été dit, on peut imaginer qu'il y avait là également une disposition de nature à faciliter le maintien de l'uniformité dans les dispositions entre le Régime de rentes du Québec et le Régime de pension du Canada. Etant donné le fait que ce régime est maintenant en vigueur depuis 1966, soit depuis plus de six ans, et qu'il n'a pas été modifié de façon substantielle depuis, il nous parait que le maintien d'une telle disposition ne s'avère plus utile ou nécessaire et c'est la raison pour laquelle nous en proposons l'abrogation.

Le projet de loi contient, comme je l'ai mentionné, certaines modifications aux dispositions qui s'apparentent ou qui sont de la nature des lois du revenu. Certains articles corrigent des erreurs ou des omissions qui furent faites lors de la rédaction originale de la loi.

D'autres visent à l'harmoniser davantage avec les lois fiscales et d'autres, enfin, corrigent de simples erreurs typographiques. Je souligne ici que les dispositions ou modifications aux dispositions visant à harmoniser le régime avec les lois fiscales ont évidemment, trait aux contributions, parce que tout le reste de la loi ne s'apparente évidemment pas à la législation fiscale.

Une deuxième catégorie d'articles a trait au partage de juridictions entre la Régie des rentes du Québec et le ministère du Revenu. Certains domaines, les appels en matière de contribution, par exemple, relèvent présentement de la régie plutôt que du ministère du Revenu. Je suis d'ac-

cord, évidemment avec le ministre du Revenu pour que ces appels soient orientés et dirigés aux mécanismes existant dans le domaine fiscal.

Une troisième catégorie modifie certaines dispositions relatives aux contributions versées au régime, qui, à l'usage, se sont avérées indûment restrictives. A titre d'exemple, nous proposons qu'un salaire gagné avant le décès d'un travailleur, mais versé après son décès, soit admissible comme s'il avait été versé du vivant du cotisant. Il peut sembler que cette modification est d'ordre mineur, mais elle peut prendre une très grande importance s'il s'agit d'une contribution servant à qualifier le cotisant ou à le rendre admissible, lui ou ses bénéficiaires, à une rente de veuve ou d'invalide.

De la même manière, dans le cas d'un employé qui aurait pu être suspendu de son emploi, puis réintégré éventuellement à son poste, son salaire versé rétroactivement, présentement, est comptabilisé au cours de la période pendant laquelle cette rétroactivité lui est versée. Alors, nous proposons que le salaire soit plutôt attribué à la période pendant laquelle la suspension de cet employé a pu avoir lieu, et cela dans le but, encore une fois, de favoriser l'admissibilité aux prestations et aussi d'assurer une moyenne plus élevée du revenu servant au calcul des rentes de retraite et autres.

Egalement, nous proposons des modifications aux dispositions qui obligent le nouvel employeur à contribuer à nouveau pour un employé qui change d'emploi en cours d'année. Nous proposons que, dans le cas des fusions de municipalités ou des fusions de commissions scolaires, les municipalités et les commissions scolaires qui assument le maintien de l'emploi du salarié ne soient pas obligées de cotiser en double ou encore que l'on tienne compte des contributions versées au cours de l'année de la fusion pour le travailleur.

Il s'agit là, dans bien des cas, comme dans le cas de la loi 27, de fusions qui ont été prescrites par une loi. Il ne s'agit pas du choix d'un individu, ni du choix d'un employeur. C'est la raison pour laquelle nous croyons nécessaire d'éviter cette possibilité d'une double contribution. Le même raisonnement s'applique en ce qui a trait aux municipalités.

Nous proposons également des modifications à la structure administrative du régime de rentes du Québec. Ces modifications ont principalement trait à la composition de la régie. Les autres modifications découlent naturellement de cette première modification.

La régie est présentement formée de trois membres qui sont tous nommés comme fonctionnaires. La régie, dont les activités sont susceptibles de toucher à un nombre considérable de personnes au Québec, par le fait de sa composition, est actuellement perçue comme un pur organisme administratif, ne faisant pas appel à la participation des bénéficiaires et de tous les intéressés à ce régime.

Nous proposons, et ceci à la suite de l'expérience vécue par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, également conformément aux recommandations de la commission d'enquête, de doter la Régie des rentes du Québec d'un conseil d'administration à caractère représentatif. Dans cette optique, le conseil d'administration comprendrait, selon les dispositions proposées dans le projet de loi no 24, douze membres dont un président directeur général. La représentativité de ces membres s'établirait comme suit : deux représentants des employeurs et du monde des affaires, deux représentants des syndicats ouvriers, deux représentants des groupes socio-économiques, deux représentants des bénéficiaires du régime, deux représentants du gouvernement et, enfin, un représentant des entreprises oeuvrant dans le domaine des régimes de retraite pour les salariés. En contrepartie, nous proposons que les dispositions de la loi touchant la formation d'un conseil consultatif (conseil consultatif qui n'a jamais été formé) soit abrogées.

Nous proposons également qu'une partie du paiement des prestations versées en vertu de la Loi de l'aide sociale à un groupe bien identifié de personnes soit assumée par la caisse du régime de rentes du Québec. J'ai déjà mentionné au début qu'au 31 décembre 1970, la caisse avait atteint un montant ou un niveau de 20 p.c. plus élevé que prévu lors de l'analyse actuarielle de 1965.

Au 31 décembre 1971, selon une étude effectuée par l'actuaire de la Régie des rentes, l'on a pu établir que dans ce montant plus élevé que celui qui avait été prévu initialement, à l'intérieur de ce montant excédentaire, un montant variant entre $70 millions et plus de $100 millions pouvait être considéré comme un surplus, ce surplus provenant des taux d'intérêt plus élevés que ceux prévus initialement lors de l'établissement du régime. Comme une augmentation des taux d'intérêt, contrairement à une augmentation des niveaux de salaires sujets à contribution, n'entrafne pas — par la nature même de cette augmentation des taux d'intérêt qui ne touche ni les contributions ni les prestations — de nouvelles obligations, on peut donc considérer qu'il s'agit réellement là d'un surplus.

Or, des veuves et des invalides qui n'ont pu se qualifier au régime de rentes du Québec reçoivent présentement des prestations en vertu de la Loi de l'aide sociale. Nous proposons donc, compte tenu de la situation excédentaire de la caisse du régime de rentes du Québec, de payer une partie des prestations versées à ces veuves et invalides en vertu de la Loi de l'aide sociale. Cette proposition aura également pour effet de soulager quelque peu le budget de l'aide sociale et, compte tenu des autres changements qui seront apportés au régime et qui auront également un certain effet sur le budget de l'aide sociale, ceci pourra faciliter également

la révision des barèmes actuels de la Loi de l'aide sociale, barèmes qui, de toute évidence, pour certaines catégories d'individus, doivent être modifiés, comme l'a souligné le député de Montmagny lors de l'étude des crédits du ministère, comme l'a souligné, je crois bien, le député de Bourget et comme l'a souligné le député de Dorchester également.

De façon plus précise, nous proposons que le régime de rentes du Québec paie la moitié de la prestation de base versée, en fait, à ces personnes bénéficiaires de rentes de veuves et d'invalides en vertu de la Loi de l'aide sociale. Ceci, tant et aussi longtemps qu'elles n'ont pas 65 ans. Nous proposons que ces paiements ne soient effectués qu'aux bénéficiaires identifiés au 31 décembre 1971 et qu'aucun nouveau bénéficiaire ne soit ajouté à cette liste, de telle sorte que ces paiements soient vraiment effectués à un groupe de personnes qui, à quelques exceptions près, n'ont pu réellement bénéficier des dispositions du régime de rentes du Québec. Nous proposons que ces dispositions prennent effet le 1er juillet 1972.

Selon les relevés qui ont été effectués, le nombre de veuves qui continueraient — il faut être bien clair sur ce point — de recevoir, comme les autres bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale, leurs prestations en vertu de la Loi de l'aide sociale s'élèverait à 22,900 et le nombre d'invalides à 4,800. Le montant des paiements ainsi effectués en vertu de la formule décrite par la caisse du régime de rentes du Québec s'élèverait, en 1972, à $4,600,000. En 1973, étant donné qu'il s'agit là d'une année complète et que le partage va s'effectuer par rapport à des montants plus élevés, le montant assumé par la caisse s'élèverait à $17.7 millions. Par la suite, ce montant diminuera graduellement à mesure que le groupe diminuera, soit en raison de l'âge des personnes, soit en raison des décès. En l'an 2,000, il est estimé que ces paiements auraient atteint un niveau d'environ $2 millions par année.

Je voudrais ici noter que ces dispositions ne modifient en rien la Loi de l'aide sociale, de telle sorte que nous continuerons de recevoir, en vertu du régime canadien d'assistance publique, la moitié du coût des prestations versées selon la Loi de l'aide sociale. Alors, nous continuerons de bénéficier du partage en vertu du régime canadien d'assistance publique.

En définitive, je crois qu'il est exact d'affirmer que la bonne administration du régime, de même que la bonne administration de la Caisse de dépôt et placement, permettront, en plus de hausser les rentes tel que nous l'avons déjà vu, de hausser éventuellement, d'une manière plus satisfaisante, les prestations d'aide sociale sans, pour autant, dans la même mesure, demander que le fardeau fiscal des contribuables soit haussé. Nous recherchons un équilibre plus juste entre l'effort fourni au plan des contributions versées au régime, les prestations, de même que les impôts versés et les bénéfices perçus en vertu d'autres mesures.

Quant à l'effet de cette proposition sur l'accumulation de la caisse du régime de rentes du Québec, on peut constater, dans l'analyse actuarielle, qu'il est relativement minime par rapport aux autres modifications proposées. Je rappelle qu'il s'agit d'un groupe bien identifié d'individus, que la proposition est de partager, dans une partie seulement, des paiements qui sont versés à ces personnes et que les paiements cessent dès que ces personnes ont atteint l'âge de 65 ans.

Je suggère, de toute façon, que l'on relise, au besoin, à la page 85 de l'analyse actuarielle que j'ai déposée la semaine dernière, les conclusions de l'actuaire à ce sujet. On peut, évidemment se poser certaines questions quant à cette mesure. On peut se demander si vraiment il est sage de faire porter ainsi une partie du coût par le régime de rentes du Québec. Mais je voudrais insister, en terminant, sur le fait qu'il s'agit, en fait, d'utiliser un montant de surplus qui s'est accumulé dans la caisse, si l'on en juge par l'analyse qui a été faite.

Quant à l'évolution de la caisse du régime de rentes du Québec, il convient, étant donné l'importance de cette caisse à divers plans, d'en dire quelques mots. A la page 48 de l'analyse actuarielle, selon les hypothèses de coûts intermédiaires — je crois que ce sont les hypothèses que l'on doit retenir pour ce genre de discussion — l'on voit clairement que l'augmentation des rentes de veuve est celle qui a la plus forte incidence sur l'accumulation de la caisse. En effet, en l'an 2,000, l'augmentation des rentes de veuve, par suite des changements proposés dans le présent projet de loi, sera de l'ordre de $330 millions par année. Alors, il s'agit d'une augmentation substantielle. C'est l'augmentation la plus élevée, de beaucoup, qui est proposée.

A court terme, l'augmentation des rentes d'invalidité, elle, se situe au deuxième rang. On voit, par exemple, qu'en 1973 elle sera de $10.6 millions.

Cette augmentation, en 1973, occasionnera plutôt des déboursés additionnels de $10.6 millions contre $17 millions, en ce qui a trait aux rentes de veuves. Toutefois, en l'an 2,000, selon les projections, l'augmentation, dans les rentes d'invalides, sera de l'ordre de $157 millions par rapport à une augmentation d'environ $330 millions pour les rentes de veuves.

Quant aux rentes de retraite, l'effet, au départ, est relativement minime. On voit qu'en 1973, l'augmentation ne sera que de l'ordre d'un demi-million. Toutefois, en l'an 2,000, l'augmentation due aux modifications proposées dans le présent projet de loi sera de l'ordre de $162.8 millions au cours de l'année 2,000.

Quant à l'aide sociale, l'incidence classe cette mesure nettement au quatrième rang, étant donné qu'elle n'implique, au départ, que des montants de $17.9 millions, en 1973, et qu'en l'an 2,000, ces montants seront réduits déjà à un montant de l'ordre de $2 millions.

Enfin, quant aux prestations de décès, alors

que l'augmentation sera relativement minime, en 1973, soit de l'ordre de $100,000, en l'an 2,000, les prestations de décès seront haussées, toujours selon les prévisions, d'environ $6.8 millions.

Il importe de noter que l'incidence des changements apportés sera relativement faible et c'est la raison pour laquelle j'ai voulu mentionner les chiffres des augmentations en 1973, parce que les augmentations en 1974 ou 1975 seront à peu près du même ordre. Il importe de noter ces augmentations relativement faibles au cours des deux ou trois prochaines années, compte tenu du fait que le 31 décembre 1975 les dispositions actuelles de la loi prévoient une nouvelle analyse actuarielle. Si on en juge par l'analyse actuarielle déposée, par exemple à la page 51, on voit que compte tenu de l'augmentation des contributions, résultant de la hausse du montant des revenus sujets à contribution, les prestations additionnelles ne s'élèveront, en 1975, qu'à $53.2 millions. A cette époque, la caisse du régime s'élèvera à plus de $3 milliards. Un simple excédent de 1 p.c. dans les gains d'intérêts par rapport aux hypothèses formulées signifierait donc un surplus, au cours d'une année, de l'ordre de $30 millions.

On voit que les modifications proposées en début de période, c'est-à-dire au cours des deux ou trois prochaines années avant la prochaine analyse actuarielle, ne sauraient mettre en cause, de quelque façon que ce soit, l'équilibre financier du régime.

Egalement, si l'on se réfère à la page 86 du rapport, on voit que l'actuaire de la régie partage cette opinion, puisqu'il affirme que l'équilibre financier du régime n'est pas fondamentalement faussé par les mofidications apportées. Tout au plus faudra-t-il réviser éventuellement le niveau des contributions un peu plus tôt que prévu à l'origine. Il est évident que lors de l'établissement de ce régime, en 1966, il était prévu qu'éventuellement le taux de contribution de 1.8 p.c. devrait être haussé. Les prévisions actuarielles déposées à l'époque l'indiquaient clairement.

Un dernier point à mentionner à ce sujet, pour bien affirmer ou confirmer qu'il est exact de dire que les modifications apportées n'auront pour effet que de rapprocher quelque peu la date où il aurait été nécessaire de hausser le niveau des contributions, ceci par un montant relativement minime. On en trouve les explications dans l'analyse.

Si l'on se reporte à la page 64 de l'analyse actuarielle, l'on constate que les prestations, lorsqu'elles sont exprimées en pourcentages des contributions, viennent à décroître au-delà de l'an 2,030.

C'est donc dire qu'à long terme le régime n'est pas en déséquilibre et qu'il suffira d'une légère augmentation des contributions au cours des années à venir pour reporter de façon significative l'échéance de la date où la caisse commencera à décroître, de même que celle qui, selon les prévisions, indique que la caisse deviendrait nulle.

Enfin, toujours sur cette question de l'évolution de la caisse, je suggère aussi que l'on consulte bien attentivement le graphique de la page 60. Ce graphique permet de constater que la caisse va continuer de croître au cours des prochaines années, sensiblement au même rythme que selon l'analyse actuarielle de 1970 et ceci jusque vers 1980. En définitive, ça confirme d'une autre façon ce que je mentionnais précédemment, les modifications apportées n'ont que peu d'effet sur l'accumulation de la caisse au cours des toutes prochaines années.

Il est également important de noter que la caisse, selon l'analyse actuarielle déposée, va atteindre un montant ou une limite supérieure maximum beaucoup plus élevée que ça n'avait été prévu en 1965 lors de l'établissement du régime. Cela n'est qu'au plan de la durée de la caisse que les modifications apportées ont un certain effet et, encore là, un effet relativement minime. En 1965 —selon les hypothèses de coûts intermédiaires — il était prévu une caisse nulle en l'an 2002. Selon l'analyse actuarielle qui vous a été remise la semaine dernière, on voit que la caisse est susceptible de devenir nulle en l'an 1998. Et j'ai bien insisté sur le fait qu'une augmentation relativement minime du taux de contribution pourrait, de façon très significative, reporter cette échéance, puisqu'à long terme l'équilibre financier du régime n'est pas en cause, si on en juge par le rapport entre les prestations et les contributions, tel qu'indiqué à la page 64 de l'analyse actuarielle.

Par conséquent, sur ce plan également il est possible d'affirmer, sans l'ombre d'aucun doute, que sans mettre en danger l'équilibre financier du régime nous apportons des modifications qui, compte tenu de l'expérience favorable depuis la mise en vigueur du régime, établissent un meilleur équilibre entre l'effort consenti par les travailleurs au plan des contributions, d'une part, et les prestations versées, d'autre part. Ceci, particulièrement en ce qui a trait à des groupes de personnes dont les besoins sont les plus grands, soit les veuves et les invalides.

Il me reste un point à traiter en terminant, et c'est la question des ententes avec d'autres gouvernements. A la suite de l'établissement du régime de rentes du Québec en 1966, différents accords ont été signés au nom du gouvernement du Québec, en vertu du régime de rentes, un accord relatif au paiement des prestations, un accord relatif au remboursement des excédents de contributions, un accord relatif à l'assujettissement de certains emplois au régime de rentes du Québec, un accord touchant l'assujettissement des fonctionnaires du gouvernement du Québec, un accord touchant l'échange de renseignements avec l'administration de l'assuran-ce-chômage, un accord touchant la Commission d'appel des pensions et enfin un accord sur la sécurité sociale entre le Canada et la République fédérale d'Allemagne.

Dans l'ensemble, ces accords ont pour but d'assurer la bonne application ou le bon fonctionnement du régime, la transférabilité des avantages pour les travailleurs qui se déplacent au cours de leur carrière entre le Québec et d'autres provinces et même la transférabilité en ce qui a trait à la couverture de ressortissants étrangers. Il convient donc d'examiner brièvement cette question et en même temps, par le fait même, dire quelques mots au sujet de l'uniformité des dispositions qui existent présentement entre le régime de rentes du Québec et les régimes de pension du Canada.

En 1966, il avait été possible d'atteindre cet objectif de l'uniformité, sans mettre en cause les objectifs les plus importants du régime de rentes du Québec. C'est dans cet esprit, ou dans le but de maintenir cette uniformité, que nous avons engagé de façon préliminaire, en 1971, des négociations avec le gouvernement fédéral, en vue d'en arriver à présenter à la Chambre les amendements que nous discutons présentement.

Or, après un certain nombre de séances tenues au début de l'année 1972, nous avons indiqué bien clairement, au début de l'année 1972, que c'était l'intention du gouvernement du Québec d'apporter des modifications au régime de rentes du Québec. Je l'ai fait au moment où j'ai donné un aperçu des objectifs que nous nous étions fixés pour l'année 1972. Or, après avoir posé tous ces gestes — qui ne peuvent certainement pas être qualifiés de gestes hâtifs, puisqu'ils se sont échelonnés dans le temps sur une période d'environ un an — j'ai reçu en date du 3 mai dernier, du président de la Régie des rentes, à qui nous avions donné le mandat de poursuivre les discussions au plan technique avec les fonctionnaires du gouvernement fédéral, une note dans laquelle il m'informait que le gouvernement du Canada semblait avoir reporté à l'automne la question des amendements à son régime. Il semblait également avoir décidé de reporter au 1er janvier 1974 la date d'entrée en vigueur de ces amendements.

C'est de cette façon, par la voix du président de la Régie des rentes du Québec, que j'ai appris — cela ne m'a pas été confirmé officiellement, par la suite — ce changement dans les intentions du gouvernement du Canada. Pour nous, à ce moment, se posait donc la question de savoir si l'uniformité des dispositions entre le régime de rentes du Québec et les priorités du Québec en matière de sécurité du revenu étaient sur le même plan ou si l'un passait avant l'autre. Nous avons évidemment opté pour les priorités du gouvernement du Québec en matière de sécurité du revenu.

C'est la raison pour laquelle nous discutons ce soir ce projet de loi. A notre avis, les accords dont j'ai fait état précédemment demeurent toujours possibles, même si les dispositions du régime de rentes du Québec diffèrent ou différeront sous certains aspects des dispositions du régime de pension du Canada.

En fait, il faudra réviser ces accords, particulièrement ceux touchant les prestations et les contributions; les accords touchant l'échange de renseignements, etc., ne sont pas touchés par ces modifications. Il existe de multiples exemples d'accords entre pays, d'accords au sein, par exemple, du Marché commun où il est possible d'assurer la transférabilité des travailleurs alors que les régimes comportent, entre pays, des différences beaucoup plus substantielles que celles qui sont proposées au régime de rentes du Québec.

En définitive, ce qui nous paraît le plus important en ce qui a trait à cette question d'accords, c'est que les régimes soient compatibles, même s'ils ne sont pas nécessairement uniformes dans leurs dispositions. Ce sont les diverses modifications que nous proposons au régime de rentes du Québec avec les effets que ces modifications auront sur l'évolution de la caisse du régime de rentes du Québec. Evidemment, ces modifications sont apportées sans que le taux de contribution que les travailleurs versent, de même que leurs employeurs, au régime de rentes du Québec ne soit haussé. Aucune des dispositions, dans le projet de loi, n'a pour effet de hausser les taux de contribution.

C'est la raison pour laquelle il me paraît d'autant plus facile de proposer l'adoption de ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. LOUBIER: Sur une question de règlement, avant que le député de Montmagny demande l'ajournement du débat, vous auriez pu, au cours de l'exposé du ministre des Affaires sociales, vous référer à l'article 100, huitièmement, mais surtout vous inspirer de l'ancien article 285, note 17, qui dit ceci: "Le règlement interdit tout langage violent, mais il ne faut pas confondre, en fait de discours, la force et la violence. La violence c'est la puissance de parole qui ne se maîtrise pas, qui dépasse la mesure, qui s'emporte, qui est désordonnée, etc..."

Je pense que tout l'exposé du ministre des Affaires sociales a été marqué au coin d'une telle violence qu'on a perdu souventefois l'esprit du texte qu'il nous lisait.

M. LE PRESIDENT: J'imagine que l'honorable député...

M. LEVESQUE: M. le Président, parlant sur le point d'ordre, je crois que l'opinant a déjà, dans le passé, eu l'occasion de référer à ce point de règlement. Je dois lui rappeler que l'une des dispositions de notre règlement, l'article 100, paragraphe 1, dit qu'il "est interdit à un député qui a la parole de revenir sur une question qui a été décidée pendant la session en cours."

M. LE PRESIDENT: De toute façon, je se-

rais disposé à donner raison à l'honorable chef de l'Opposition qui —j'imagine que c'est à ça qu'il pensait — référait à la vigueur et à la force intellectuelle dont a fait preuve le ministre des Affaires sociales.

L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'apprécie les remarques qui ont été faites à l'instant; je m'en servirai, demain, dans ma réplique. Egalement, j'utiliserai peut-être les règlements du chef dont nous a parlé, l'autre jour, le ministre des Affaires sociales: premièrement et deuxièmement.

Sur ce, j'ai l'honneur de demander l'ajournement du débat.

DES VOIX: Adopté.

M. LEVESQUE: Adopté. M. le Président, demain, vendredi, nous nous réunirons à dix heures. Après consultation prolongée et exhaustive, il a été convenu que nous procéderions, demain, à la deuxième lecture des projets de loi d'ordre fiscal, afin qu'ils soient déférés à la commission parlementaire des finances, les comptes publics et du revenu. Il a été convenu que nous procéderions également à l'adoption du bill 53 et que, finalement, nous poursuivrions l'étude du projet de loi no 24 relatif au régime de rentes, et que, dès son adoption, nous ajournerions pour la fin de semaine, D'après les députés consultés, chacun des groupes parlementaires ferait en sorte que le tout pourrait se dérouler afin d'avoir un ajournement, tel que prévu, à treize heures. Il y aura une sanction.

C'est le voeu que je formule, M. le Président, en proposant l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 52)

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