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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 6 juillet 1972 - Vol. 12 N° 60

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures trente-huit minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: Article a).

Projet de loi no 52 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des substituts du procureur général.

M. CHOQUETTE: M. le Président, ce projet de loi a pour but de modifier la Loi des substituts du procureur général.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De quelle façon?

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Démissionnez-vous?

M. CHOQUETTE: Non.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Où, quand, comment, pourquoi?

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, même séance ou prochaine séance?

UNE VOIX: Prochaine séance.

M. PAUL: Ne prenez pas de chance, même séance.

M. LEVESQUE: Même séance.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai la version préliminaire.

M. LEVESQUE: Article c).

Projet de loi no 55 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lecture de la Loi modifiant de nouveau la loi favorisant le regroupement des municipalités.

M. TESSIER: Voulez-vous des explications? M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non. M. PAUL: Oui. Nous aimons assez ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comprenez-vous la loi?

M. TESSIER: Très bien, ce n'est pas une loi technique. C'est une loi d'administration municipale et, là-dedans, je n'ai pas besoin d'avoir de conseillers techniques.

M. PAUL: Les choses simples, vous comprenez ça.

M. LEGER: Vous aviez une excuse, mais là vous n'en avez plus.

M. TESSIER: L'article 1 a pour objet de définir le mot municipalité. L'article 2 établit la concordance avec l'article 1 et prévoit que le ministre des Affaires municipales peut inclure une même municipalité dans plusieurs unités de regroupement. L'article 3 permet d'établir les conditions de la division, si une municipalité est démembrée à la suite d'une fusion. L'article 4 permet à la Commission municipale de faire des recommandations au ministre des Affaires municipales à l'égard d'une requête en fusion, même s'il n'y a pas eu d'enquête tenue par elle. L'article 5 est de concordance avec l'article 2. L'article 6 permet à la Commission municipale de tenir une enquête, peu importe que le rapport conclue qu'il est souhaitable ou non que la fusion ait lieu. L'article 7 corrige une erreur de rédaction. L'article 8 est de concordance avec l'article 2. Les articles 9 et 10 sont de concordance avec l'article 3.

L'article 11 prévoit que le contrôle financier s'effectuera à compter de la création de l'unité de regroupement. Enfin, l'article 12 est de concordance avec l'article 3.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II a l'air de la comprendre.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Cet automne. M. PAUL: Aux neiges avancées.

M. LEVESQUE: A l'automne.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, à l'automne.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faut qu'il ait le temps d'étudier la loi.

UNE VOIX: C'est parce qu'elle n'est pas technique, ça va lui donner le temps de la comprendre plus.

M. LE PRESIDENT:

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais déposer le rapport de la Régie des loteries et des courses du Québec pour l'année financière qui s'est terminée le 31 mars 1972.

M. LE PRESIDENT: Questions orales des députés. L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président. Si on me permet, j'étais un petit peu distrait. Dépôt de documents, si on me permet d'y revenir, je voudrais déposer au nom du ministre des Finances le rapport annuel 1971 de Loto-Québec. Il y a trois copies en français et une copie en anglais.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Trois exemplaires.

M. LEVESQUE: Trois exemplaires, M. le Président.

Questions et réponses

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Collège Loyola

M. LOUBIER: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. Est-ce qu'il pourrait nous faire connaître ses commentaires à la suite du communiqué ou du rapport fait et présenté sous l'égide du conseil des universités, à l'effet que Loyola devrait fermer ses portes définitivement vers 1975, parce qu'il y aurait, selon les prévisions, une diminution assez considérable des étudiants?

En second lieu, est-ce que le ministre pourrait en même temps nous informer de son attitude quant à la déclaration du président de Loyola, à l'effet que les conclusions ou les recommandations de ce rapport ne semblent pas correspondre aux négociations qui sont en cours?

En troisième lieu, est-ce que le ministre de l'Education pourrait nous dire s'il a l'intention d'intervenir dans ces négociations afin d'arriver à des conclusions qui seraient conformes aux négociations et à l'entente qui avait été préalablement fixée entre les parties?

M. CLOUTIER(Ahuntsic): M. le Président, le Conseil des universités a été saisi d'une demande de mon prédécesseur pour donner un avis concernant la fusion éventuelle de Sir George Williams et de Loyola. Cette demande d'avis a été faite en novembre ou en décembre de l'année dernière. Le rapport m'est parvenu il y a deux ou trois jours seulement. J'ai à peine eu le temps d'en prendre connaissance. Il est, en ce moment, également, à l'étude au ministère. Il semble qu'il ait été l'objet d'une fuite malencontreuse, ce qui explique la publicité qui a été faite à son sujet.

Tout ce que je veux dire de ce point de vue, c'est que ce rapport ne représente en rien, en soi, la politique gouvernementale. Le Conseil des universités est un organisme consultatif. Cet avis constitue un des éléments d'un dossier qui est assez complexe. Il va sans dire que le ministère va en tenir compte, mais il n'en découle pas nécessairement qu'il va le suivre en tout point. Je signale, à ce propos, que je rencontre demain le président du Conseil des universités. Il vient me présenter officiellement son rapport. J'ai l'intention, également, de rencontrer les parties, en particulier les représentants de Loyola, au cours de la semaine prochaine.

Pour ce qui est de la deuxième partie de la question du chef de l'Opposition officielle, à savoir si la déclaration du président de Loyola est exacte en ce qui a trait à des négociations qui auraient eu lieu avec le ministère de l'Education, ma réponse est: Oui, en effet, il y a eu de nombreuses rencontres depuis trois ou quatre ans. Certaines hypothèses ont été considérées, en particulier, celle qui amènerait la création d'une université anglophone par la fusion de Loyola et de Sir George Williams, mais en maintenant les campus, tels quels. Là encore, il n'est pas question, pour le gouvernement, de prendre position à ce moment-ci.

Enfin, la troisième partie de la question, je viens pratiquement d'y répondre, puisqu'elle porte sur l'intervention possible du ministre de l'Education.

Cette intervention se fera certainement et se traduira par une décision au moment opportun. Je crois qu'il convient de suivre un certain cheminement. Il me paraît normal d'attendre de rencontrer le président du conseil pour recevoir des explications touchant cet avis, de rencontrer également les différentes parties impliquées. Par la suite, il y aura des consultations au sein même du ministère. Je ferai, aussitôt que possible, une recommandation au conseil des ministres. Merci, M. le Président.

M. LOUBIER: Une simple question additionnelle, M. le Président. Le ministre de l'Education nous fera-t-il connaître sa décision

au cours des prochaines semaines, étant donné que dans le rapport qui a été soumis, il y a une recommandation à l'effet que Loyola ne devrait pas prendre de nouveaux étudiants en septembre 1972?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je ne vous cache pas, M. le Président, que la fuite de ce rapport, à ce moment-ci, crée des difficultés sérieuses aux parties concernées. Il aurait été souhaitable que ce rapport suive le cheminement normal, c'est-à-dire qu'il soit remis au ministre, qu'une étude en soit faite et qu'ensuite, après consultation avec tous ceux qui sont impliqués, une décision soit rendue sans que, d'emblée, elle reçoive une publicité considérable. Je crains même que les négociations en cours s'en trouvent, jusqu'à un certain point, compromises, parce que si j'en crois certains journaux, en particulier la Gazette, indiscutablement des inquiétudes très marquées se sont manifestées en certains milieux.

Tout ce que je peux répondre, c'est que le ministère tentera d'y voir clair et d'en arriver à une solution le plus rapidement possible, mais je serais étonné que nous puissions le faire d'ici deux ou trois semaines. Il faudra tout de même se donner le temps d'aller jusqu'au fond des choses. Mais ce qu'il est important de faire comprendre, c'est que le ministère considère ce problème depuis déjà longtemps et tiendra certainement compte de l'avis de son organisme consultatif, le Conseil des universités, mais ne se sent pas lié par un avis quel qu'il soit, même s'il lui accorde l'importance qu'il mérite.

M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président, au ministre de l'Education. Advenant une décision qui irait dans le sens de la recommandation du Conseil des universités, la subvention prévue et déjà accordée à Loyola, pour l'année scolaire 72/73, se trouverait-elle affectée par ce changement de statut?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, c'est une question purement hypothétique. Je me suis promis, depuis que je suis en politique, de ne jamais répondre à une question hypothétique.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

Traversiers entre Rimouski et Forestville

M. BOIS: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Transports. Le ministre est-il au courant ou a-t-il pris connaissance de la demande de la ville de Rimouski, qui lui a été transmise par son maire, au sujet de l'émission d'un permis temporaire de traversiers entre Rimouski et Forestville?

M. PINARD: Oui. J'ai reçu un télégramme à cet effet. Je l'ai transmis à mes fonctionnaires qui ont spécifiquement charge de ce dossier.

M. BOIS: Question additionnelle. Est-ce que le ministre croit que, d'après les informations fournies à l'heure actuelle, il y aura possibilité de donner suite à cette demande?

M. PINARD: J'aimerais souligner tout de suite que je n'ai d'instructions ni de directives à donner à la Régie des transports du Québec, qui a refusé d'émettre une ordonnance favorable à la compagnie de navigation de Rimouski. Le député sait fort bien que la cour Supérieure a validé le contrat intervenu entre la compagnie de Rimouski et le vendeur du navire communément appelé Fleur de Lys. Qu'est-ce qu'il adviendra du sort de ce jugement rendu par la cour Supérieure? Je ne le sais pas, moi-même.

Est-ce que la régie décidera de réviser sa décision à la lumière de la décision rendue par la cour Supérieure? C'est la responsabilité de la Régie des transports. Comme je ne veux pas être accusé d'intervenir dans le domaine judiciaire, c'est là la réponse que je peux donner au député.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

Usine SOMA de Saint-Bruno

M. JORON : Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre pourrait, au sujet de la fermeture éventuelle de l'usine SOMA de Saint-Bruno, nous dire où en sont rendues les négociations, en particulier avec BMW d'Allemagne? D'autre part, est-ce son intention de répondre aux trois demandes que lui a formulées hier ou avant-hier le syndicat des employés de SOMA?

M. SAINT-PIERRE: II n'y a aucun développement dans la question de SOMA. Et j'étais quelque peu déçu de voir ce matin qu'on faisait une manchette avec le cas de BMW. Dans les discussions avec le syndicat hier, on a esquissé toutes les tentatives qui ont pu être faites. Mais je ne voudrais pas révéler prématurément le nom de compagnies qui pourraient représenter nos potentiels les plus sérieux pour la reprise à SOMA. C'est une fausse rumeur — et effectivement c'est une erreur — de parler d'une offre qui a pu être faite par le gouvernement du Québec à la société BMW.

Je ne voudrais pas me laisser entraîner dans ce processus des rumeurs. Nous sommes obligés de les démentir et finalement on arrive à la seule compagnie qu'on n'a pas démentie pour dire que c'est ça la vérité. Je pense qu'il n'est pas d'intérêt public à ce stade-ci d'indiquer avec quelle compangie la SGF transige pour la vente de SOMA.

Quant aux trois recommandations des syndicats, il ne m'a pas semblé que, dans le contexte actuel, ces recommandations étaient réalistes.

J'apprécierais avoir la position du Parti québécois sur une de ces mesures à l'effet qu'aucun des employés du gouvernement ne

serait remboursé de ses dépenses de voyage s'il n'utilisait pas une voiture fabriquée au Québec, c'est-à-dire une Véga, à Sainte-Thérèse, ou une Renault, à Saint-Bruno.

J'ai dit au syndicat que, si le front commun voulait bien m'envoyer une recommandation à cet effet, endossés par tous les syndiqués qui possèdent des voitures qui ne sont pas fabriquées au Québec, je la prendrais en sérieuse considération, mais, avant ce jour, je laisserai aux consommateurs le soin de choisir la voiture qu'ils voudront bien s'acheter.

M. JORON: Une question supplémentaire, M. le Président. La troisième recommandation ou la troisième demande portait sur la politique d'achat du gouvernement. Le ministre peut-il nous dire quand il a l'intention de déposer le rapport de la commission d'étude sur la politique d'achat, comme il l'a promis?

M. LE PRESIDENT: Je crois qu'il s'agit d'une autre question proncipale. Je vous donnerai l'occasion d'y revenir plus tard.

M. JORON: Permettez-moi de spécifier, M. le Président, que je veux la faire porter uniquement sur cette partie qui concerne les automobiles et qui se relie très précisément à la troisième des demandes. Est-ce que le ministre pourrait déposer un rapport indiquant le nombre de véhicules automobiles, et leur marque, qui ont été achetés par le gouvernement, par les conseils municipaux au Québec et par les institutions parapubliques, depuis un certain nombre d'années et, en même temps, nous dire s'il a l'intention de rendre public le rapport sur la politique d'achat?

M. LACROIX: A la condition que vous nous disiez quelle voiture vous conduisez, vous.

M. JORON: Mais ce n'est pas le gouvernement qui a payé la mienne, cependant.

M. LACROIX: C'est le peuple qui paye, cependant, aussi pour les voitures du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'attendais le rapport dissident de l'Hydro-Québec qui m'est parvenu hier matin. Un comité spécial, formé de ministres et de certains hauts fonctionnaires, est à préciser une politique gouvernementale relative à ce problème des achats, tant dans le secteur du gouvernement que dans des institutions paragouvernementales, commissions scolaires, CEGEP et universités, Dès qu'il y aura une décision du conseil des ministres, il me fera plaisir, en même temps, de rendre public le rapport de cette commission d'étude sur la politique d'achat du gouvernement et les statistiques que vous voulez avoir.

Je tiens à préciser que, pour les fins du gouvernement lui-même, si on exclut les municipalités et les commissions scolaires, l'achat de voitures ne pourrait pas changer un iota au problème de SOMA, à Saint-Bruno.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

Spectacle de Pauline Julien

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question au ministre de l'Education. Est-il exact que le ministre de l'Education n'aurait pas permis l'engagement de crédits pour le spectacle que Mme Pauline Julien devait donner aux jeunes professeurs québécois allant à l'étranger au titre de la coopération? Dans l'affirmative, quelles sont les raisons de cette décision?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'est exact, M. le Président. Les raisons de ma décision sont extrêmement claires et d'ordre administratif. Je n'en veux absolument pas à Mme Julien pour ses opinions politiques. Je ne lui en veux pas si elle participe au comité pour la défense de Jacques Rose. Je considère que nous sommes dans un pays libre, quoi que prétendent certains de nos intellectuels en mal de romantisme et en crise d'adolescence, mais il se trouvait que ce récital devait se donner devant un auditoire d'une centaine de personnes actuellement en stage et qu'il s'agit d'enseignants qui doivent partir pour l'Afrique. On m'a présenté un contrat à signer qui comportait un engagement d'une soirée au coût de $1,100. J'ai jugé que dans le contexte actuel du Québec il y avait suffisamment de demandes qui me parvenaient de milieux défavorisés pour ne pas donner suite à ce contrat.

M. CHARRON: Démagogue.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Pour bien prouver...

M. CHARRON: Démagogue.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): ... qu'il s'agit là d'une simple décision administrative et non d'une décision politique...

M. LEGER : Vous chantez aussi bien. M. CHARRON: Démagogue.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): ... si Mme Julien veut venir chanter gratuitement, j'irai l'applaudir moi-même.

M. LEGER: Vous chantez aussi bien, mais faux.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre. L'honorable député de Lotbinière.

Réaménagement des petites fermes

M. BELAND: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre de l'Agriculture. A la suite d'une déclaration de l'honorable ministre Olson, à l'effet que si les provinces ne faisaient rien concernant le problème du rachat des petites fermes il légiférerait dans ce sens, l'honorable ministre a-t-il l'intention de présenter un projet de loi permettant de scruter les horizons dans le but de régler ce problème au Québec?

M. TOUPIN : M. le Président, j'ai compris la partie qui parlait de scruter, mais je n'ai pas compris la première partie. Quel est le problème, exactement? Est-ce le problème qui a été soulevé hier par le député de Saint-Maurice? J'ai répondu hier à cette question, M. le Président.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je pense qu'un élément nouveau a été apporté dans la question de l'honorable député de Lotbinière, à savoir si le gouvernement du Québec entend présenter une loi à ce sujet. J'étais en Chambre hier. J'ai bien écouté la question et ce point n'a pas été soulevé.

M. TOUPIN: Tout ce que je pourrais ajouter, si des choses ont été ajoutées à la question du député qui fut posée hier, c'est que dans le cadre des négociations que nous préparons, si toutefois une loi est requise, le gouvernement n'hésitera pas, comme il n'a pas hésité ailleurs à adopter les lois nécessaires.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Lutte contre la pollution

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de la qualité de l'environnement. Ma question touche les directives récentes concernant les normes antipollution du gouvernement fédéral pour l'industrie des pâtes et papier. Le ministre ayant souvent déclaré que des mesures concrètes au niveau des directives sur la lutte contre la pollution et tout particulièrement sur la pollution sont du ressort du Québec, ma question est la suivante: Entend-il protester auprès d'Ottawa au sujet de ce court-circuitage de la Régie des eaux, premièrement; et deuxièmement, quelles sont les autres mesures pour faire annuler ces directives qu'il entend prendre.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il y a eu consultation entre le gouvernement fédéral et les provinces au sujet des normes qui ont été édictées. Nous n'avons pas toujours, au cours de ces discussions, été parfaitement d'accord sur le point de vue fédéral. Donc, le résultat final est un compromis mais il ne me semble pas qu'il y ait matière à protestation.

M. LEGER: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que les normes présentées par le gouvernement fédéral sont les mêmes? Sinon, lequel des deux paliers de gouvernement devrait avoir la priorité sur les normes qui devraient être édictées pour les compagnies?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, l'honorable député de Lafontaine entre là dans des détails techniques. Je ne voudrais pas répondre de mémoire à sa question. S'il me permet, j'en prendrai avis et je lui répondrai demain.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

Revenu garanti au Manitoba

M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre des Affaires sociales. Je voudrais savoir si le ministre a l'intention d'entreprendre une expérience au Québec semblable à celle qui a été entreprise dernièrement au Manitoba à l'effet que 5,000 Manitobains seraient assurés d'un revenu garanti. Et le ministre est-il au courant que, pour les fins de cette expérience, le gouvernement fédéral a des crédits de disponibles?

M. CASTONGUAY: Je suis heureux de savoir que le député s'intéresse à une initiative du gouvernement NPD du Manitoba. Nous l'avons analysée sérieusement et, quant à nous, je ne crois pas que nous procédions par cette voie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

Fromagerie Saputo et Figli

M. DEMERS: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Vers le 21 juin, le ministre recevait le rapport de la commission d'enquête Saputo et Figli. Il a dit à cette époque qu'il étudierait le dossier et ferait rapport à la Chambre. Nous sommes au 6 juillet, est-ce que le ministre pourrait faire rapport actuellement sur ces études?

M. TOUPIN: M. le Président, je l'ai dit une fois le rapport est prêt mais je ne peux ni le déposer ni en faire état sous aucune forme parce que la question est devant les tribunaux.

M. DEMERS: Vous avez la chance que ce soit sub judice.

M. PAUL: C'est en vertu d'une infraction au règlement municipal de la ville de Montréal, ça n'a rien à voir avec l'enquête hygiénique demandée par le ministre de l'Agriculture.

M. LOUBIER: C'est ça.

M. TOUPIN: Si j'ai bien compris la question du député de Saint-Maurice, il veut connaître le

rapport que les techniciens du ministère et ceux de l'ITA de Saint-Hyacinthe ont fait à la suite du problème.

M. DEMERS: Concernant les subventions que le ministère de l'Agriculture a accordées à cette maison.

M. TOUPIN: M. le Président, la question des subventions, c'est très clair. La question me fut posée une fois, à savoir si une subvention avait été versée à la compagnie. J'ai répondu: Oui, une subvention a été versée...

M. DEMERS: Nous n'en avons jamais connu le montant.

M. TOUPIN: ... au montant de $60,000, et elle le fut en vertu des règlements qui existaient à ce moment-là et qui existent encore aujourd'hui.

Le ministère n'a absolument rien à se reprocher là-dessus. Il n'a même pas besoin de faire une nouvelle enquête, cela a été donné en vertu des lois et des règlements.

M. DEMERS: On ne reproche rien au ministre, mais on voudrait savoir s'il veut déposer le document de cette enquête.

M. LE PRESIDENT: Je crois que le ministre a répondu.

M. TOUPIN: C'est que l'enquête n'a pas porté sur la question dont parle le député de Saint-Maurice. Elle a porté sur la qualité du produit, et puisque c'est devant les tribunaux, je ne peux me servir de ce rapport d'enquête.

M. PAUL: Question additionnelle. L'enquête demandée par le ministre de l'Agriculture se rapportait à la fabrication de produits fromagers ou laitiers à l'usine de Maskinongé et de Saint-Justin. Or, la référence que fait le ministre a trait à des infractions à des règlements de la ville de Montréal pour des produits fabriqués et produits à Montréal. Le ministre peut-il nous expliquer la relation qu'il fait entre le rapport commandé et la cause devant les tribunaux?

M. TOUPIN: M. le Président, la relation est très simple, c'est que les deux entreprises dont fait mention le député de Maskinongé sont des entreprises qui appartiennent à la compagnie Saputo. Le problème est devant les tribunaux, et le produit qui semblerait le plus impliqué serait le produit Caillette, du moins d'après ce que j'ai entendu dire. Ce serait le produit le plus impliqué, et c'est celui qui est fabriqué à Maskinongé.

M. PAUL: Au nom de ces deux compagnies prospères, Produits Caillette Inc, de Maskinongé, et Lionel Lessard Inc., de Maskinongé, j'inviterais le ministre à donner des renseigne- ments précis parce qu'aucune production de ces deux établissements n'a fait le sujet de plainte devant la Cour municipale de Montréal.

M. TOUPIN: Je suis bien prêt, du point de vue juridique, à discuter la question avec mon collègue de la Justice. Si, toutefois, les dires du député de Maskinongé sont véridiques et valables, je ne vois absolument pas d'inconvénient à déposer le rapport

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lévis.

Personnel de soutien des commissions scolaires

M. ROY (Lévis): M. le Président, ma question s'adresse, je crois, à l'honorable ministre du Travail et de la Fonction publique. Est-ce que le ministre est au courant du fait que depuis un certain temps tous les employés qui sont engagés à l'entretien ou à la conciergerie de nos commissions scolaires, soit locales ou régionales, doivent obtenir des cartes de compétence pour remplir les fonctions qu'ils ont remplies sans carte de compétence depuis dix ou douze ans?

Deuxièmement, est-ce que le ministre a l'intention de donner à ces gens qui ont toujours travaillé à l'entretien de ces commissions scolaires préférence pour l'obtention de leur carte de compétence?

M.COURNOYER: Je pense bien que c'est possible. Je ne suis pas au courant du fait précis que le député me présente. Il est possible qu'ils soient tenus d'avoir des certificats de qualification, particulièrement dans le cas de la plomberie, du chauffage et des appareils de haute pression. Il est possible que ce n'était pas obligatoire et il est possible que c'était auparavant obligatoire, mais non observé.

Je pense bien que du côté de l'obligation, c'est possible. Toutes les choses sont possibles.

Quant à la deuxième partie, à savoir si ces gens peuvent s'attendre à avoir une préférence, disons que je ne pense pas qu'il soit de l'intérêt de la communauté de mettre à pied des gens capables, s'ils peuvent remplir les conditions d'examens.

Celles-ci, à toutes fins utiles, ne sont peut-être pas faites pour les personnes en question mais pour d'autres catégories de personnes.

M. ROY (Lévis): Question supplémentaire, M. le Président. Vous savez que, pour les emplois au gouvernement, on exige une dixième année et souvent une douzième. Je voudrais savoir du ministre si un homme qui a bien rempli ses fonctions aura une préférence sur un autre, même s'il n'a pas sa dixième année ou sa douzième?

M.COURNOYER: M. le Président, nous

allons probablement faire référence à ça. Vous pouvez peut-être avoir des règlements de même nature par les commissions scolaires, qui peuvent décider, soudainement, que maintenant, vu qu'il y a des possibilités de priorité d'emploi, on demande le brevet A pour actionner des appareils sous pression. C'est possible. Il n'y a rien d'impossible là-dedans.

Quant aux règles, chez nous, nous tentons, dans la mesure du possible, de reconnaître les situations acquises. Au sujet des onzième et douzième années, pour des personnes qui font le métier depuis déjà longtemps, je tiens à vous assurer ceci, et vous pourrez me le rappeler tant que vous voudrez. Si ces personnes peuvent remplir les autres exigences techniques, la onzième année et la douzième année, cela ne me fera rien du tout de les enlever. Mais il y a des exigences techniques; ces gens sont censés être des protecteurs de la santé et de la sécurité publiques, conformément aux lois. C'est ce qui est la première préoccupation du ministère. C'est la première préoccupation mais nous ne devons pas brimer des droits qui ont été acquis pendant quinze ans.

M. ROY (Lévis): M. le Président, il me fait plaisir de remercier le ministre pour sa bonne compréhension.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Industrie du sucre

M. LAURIN: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre a été saisi des protestations qu'a faites l'industrie du sucre installée à Montréal à l'encontre d'une subvention du ministère fédéral de l'Expansion économique régionale qui, en permettant la création de 500 nouveaux emplois à Cornwall, en Ontario, par la compagnie Robin Austin, risque d'augmenter les difficultés de nos raffineries actuelles et, en particulier, celles du Québec, qui comptent 1,000 travailleurs et qui ne fonctionnent déjà qu'à 60 p.c. de sa capacité?

M. SAINT-PIERRE: Oui, M. le Président, c'est un problème analogue à celui de la pétrochimie. J'ai demandé à quelqu'un, au ministère, de reprendre le dossier et nous préparer quelque chose. Dès que ce dossier sera complété, j'entends en discuter avec le gouvernement fédéral pour voir les implications et les raisons qui ont pu motiver cette subvention du gouvernement fédéral.

M. LAURIN: Question supplémentaire, M. le Président. Si le ministre en arrivait à la conclusion que ces faits s'avèrent exacts et que les complications prévues sont effectives, est-ce qu'il entend protester énergiquement contre cette subvention et essayer de la faire annuler?

Lorsque le ministre y pensera, est-ce qu'il pourrait répondre à ma question sur Gorton Pew?

M. SAINT-PIERRE: Si j'en viens à la conclusion que la subvention n'était pas justifiée, effectivement, comme on l'a fait dans d'autres circonstances, nous protesterons le plus énergiquement possible.

M. JORON: M. le Président, question supplémentaire. Dans des cas semblables et dans celui-là, en particulier, est-ce que le ministre ou un organisme quelconque du gouvernement du Québec a été consulté par le ministère fédéral avant que la subvention soit annoncée?

M. SAINT-PIERRE: Dans nombre de cas qui ont posé le même type de problèmes, le gouvernement fédéral nous a consultés dans le passé et a, à ma connaissance, toujours respecté l'avis que nous avons émis. Dans celui-là en particulier, la chose n'a pas été faite. Je ne sais pas si c'est parce qu'on avait des raisons pour justifier cette décision.

Comme je l'ai répété, nous complétons le dossier pour discuter avec Ottawa.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Autoroute Montréal-Sainte-Scholastique

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre de la Voirie. Concernant l'autoroute 13, qui partira du centre-ville de Montréal vers l'aéroport de Sainte-Scholastique, puis-je poser au ministre les questions suivantes? Le tracé de cette autoroute a-t-il été déterminé? Si oui, quel est le point de départ et le point terminal de cette autoroute? Deuxièmement, quel en est le coût approximatif? Troisièmement, les plans sont-ils terminés? Quatrièmement, y a-t-il eu entente entre Québec et Ottawa, quant à la construction de cette autoroute? Cinquièmement, est-ce que les négociations sont toujours en cours? Sinon, quelles sont les raisons qui empêchent le déblocage de ces négociations? Sixièmement, quand le ministre prévoit-il que les travaux débuteront, considérant que l'ouverture de l'aéroport international est prévue pour 1974-1975?

M. PINARD: M. le Président, le projet d'autoroute no 13, Montréal-Sainte-Scholastique, n'est est qu'à la phase préliminaire des études. Certains plans ne sont pas terminés. L'évaluation précise des coûts de certaines structures reste à faire, ce qui m'empêche de déterminer exactement le coût global des travaux. Aucun plan d'expropriation n'est déposé. Les négociations avec le gouvernement fédéral et certains gouvernements municipaux ne sont pas arrivées à terme. Nous sommes encore en négociation.

Je voudrais ajouter que la nouvelle qui a

paru dans le Star d'hier et dans Montréal-Matin d'aujourd'hui, à l'effet que j'aurais confirmé la nouvelle qui a paru dans les journaux d'hier, est absolument fausse, quant à moi. Je n'ai communiqué avec aucun journaliste, je n'ai reçu aucun appel, je n'ai eu aucune conversation avec eux. J'ai obtenu l'assurance, ce matin, que le personnel de mon cabinet n'avait donné absolument aucune information à ce sujet. Ce qui a pu paraître dans les journaux d'hier et de ce matin est peut-être de la pure spéculation.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice aimerait répondre à une question posée antérieurement.

Cause de Léo Tremblay

M. CHOQUETTE: M. le Président, hier, le député de Maisonneuve m'interrogeait relativement à une rumeur persistante, disait-il, qui courait au palais de justice de Québec, au sujet d'une intervention de la part d'un juge dans certaines procédures judiciaires, en particulier dans un appel déposé par la couronne ou par les substituts du procureur général de Québec. Il s'agissait, en l'occurence, de la cause d'un nommé Léo Tremblay qui avait été condamné, en première instance, ici, à Québec, et qui, par la suite, fut acquitté en appel.

J'ai fait faire une enquête sur cette question et je suis assuré par mes représentants, les substituts du Procureur général du district de Québec, que la décision de porter la cause de la cour d'Appel en cour Suprême a été prise collectivement par eux après une discussion sur l'intérêt qu'il y avait de porter cette cause devant la cour Suprême.

Par conséquent, il n'y a eu aucune pression indue d'exercée sur ces avocats. Ceux-ci ont pris leur décision suivant les intérêts et les impératifs de la justice. Mais cela n'exclut pas que le juge de première instance, qui s'intéressait au résultat de la cause, ait rencontré l'un des procureurs qui avait occupé et lui aurait indiqué qu'il y avait intérêt à porter la cause en cour Suprême.

Mais je tiens à dire qu'en aucune façon ce juge n'a exercé de pression sur nos avocats et que, de toute façon, cette conversation qui s'est produite au hasard d'une rencontre au palais de justice, me dit-on, n'a eu aucun effet sur la décision de porter la cause en appel à la cour Suprême du Canada.

M. BURNS: Question additionnelle. Est-ce que le ministre de la Justice considère normal que le juge de première instance, dont le jugement était mis en appel, ait participé d'une façon ou d'une autre — peut-être même de façon accessoire — à des discussions relativement à ça?

M. CHOQUETTE: Je n'ai jamais dit que le juge avait participé à des discussions accessoires.

Si le député de Maisonneuve me prête ces paroles, c'est parce qu'il était absent de la Chambre au moment où j'ai commencé à répondre à la question.

M. BURNS: C'est exact.

M. CHOQUETTE: Je tiens à dire que j'ai fait état d'une conversation au hasard d'une rencontre au palais et qu'il n'y a eu aucune consultation officielle, à ma connaissance, entre le juge et les procureurs de la couronne qui avaient la décision à prendre.

Le député de Maisonneuve a autant d'expérience que moi et il sait très bien qu'il arrive assez fréquemment que des juges s'intéressent à des causes qui ont été jugées devant eux quant à leur résultat éventuel en appel.

M. BURNS: Simplement pour dissiper tout doute, je prends la parole du ministre sur ces remarques. Je le remercie d'avoir clarifié cette situation. Je confirme qu'il est exact qu'à l'occasion les juges s'intéressent, en passant, à la situation d'une cause. Ce que je voulais clarifier, c'était, en même temps, des doutes qui peuvent se poser sur l'administration de la justice. J'espère que les informations que nous livre le ministre de la Justice auront peu clarifier la situation.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.

Vente de poisson aux Iles-de-la-Madeleine

M. SAINT-PIERRE: Pour répondre à une question soulevée par le député de Bourget sur la vente de poisson aux Iles-de-la-Madeleine, à la suite de la publication d'une nouvelle dans le Radar, journal "miméographié" d'un groupe de citoyens des Iles-de-la-Madeleine, un fonctionnaire des pêches maritimes du ministère de l'Industrie et du commerce a mené enquête.

Dans le cas cité par le Radar et repris, la semaine suivante, par Québec-Presse, un bateau de 82 pieds, chargé de 24,000 livres de petite morue, est parvenu à terre avec une cargaison avariée. La morue fraîche est filetée et vendue pour consommation humaine. Le morue non éviscérée et conservée trop longtemps est impropre à la consommation humaine et est transformée en farine de poisson, servant de base à diverses moulées.

Comme l'a dit le gérant de Canapro de Cap-aux-Meules, M. Laurie Delaney, dans une précision donnée au journal Le Madelinot, l'offre faite aux pêcheurs dans le cas précité était un aménagement leur permettant de vendre à un prix inférieur un produit qui, autrement, aurait été perdu et aurait dû être rejeté à la mer, puisqu'il était d'une qualité qui ne correspond pas aux normes de Gorton Canada.

Je tiens à préciser que ce voyage est un cas unique qui n'entre pas dans les conditions

habituelles des transactions entre les pêcheurs et ladite compagnie. C'est un cas d'exception où on a trouvé un aménagement, au lieu de simplement refuser une cargaison qui ne correspondait pas aux normes habituelles d'achat et d'approvisionnement de poisson frais.

M. LAURIN: Question additionnelle. Est-ce que le ministre a pu vérifier, en même temps, certaines autres allégations à l'effet que la Gorton Pew profitait de sa situation de monopole pour offrir des prix qui étaient en dessous des prix habituellement offerts aux pêcheurs de même catégorie pour les mêmes produits?

M. SAINT-PIERRE: On m'informe qu'il n'y a pas de monopole effectivement, puisqu'une deuxième compagnie est installée, la Coopérative centrale, et que le niveau des prix, compte tenu de l'évolution des prix du poisson dans l'Est du Canada, n'indique pas une situation qui demanderait une enquête particulière ou des actions de la part du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Agriculture.

Gonflement de la rivière Richelieu

M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais rapidement répondre à une question qui me fut posée à plusieurs reprises concernant le rapport des travaux effectués par le ministère de l'Agriculture concernant le gonflement de la rivière Richelieu ou simplement le problème des riverains qui sont victimes d'une crue des eaux notamment le printemps. Effectivement l'enquête a été menée, les travaux ont porté essentiellement sur les pertes des agriculteurs et elles ne portent pas par conséquent sur d'autres secteurs de l'économie qui ont pu être touchés.

L'enquête a porté à compter de l'année 1947 jusqu'à 1972. Pour les années 1947 à 1960, les pertes encourues par les agriculteurs, environ 100, ont été, disons, raisonnables. De 1960 à 1970, les pertes ont été passablement accentuées, et de 1970 à 1972, les pertes se sont encore davantage accentuées de telle sorte que pour ces années on peut les évaluer à environ $100,000.

Je dois dire tout de suite, M. le Président, que je ne pourrai pas déposer ce rapport parce que le ministère des Richesses naturelles travaille présentement à trouver les causes qui sont à la source du gonflement de la rivière Richelieu. Le gouvernement n'a pas non plus statué ou établi une politique relativement aux pertes qu'ont dû subir les agriculteurs. Une fois que nous aurons en main le rapport du ministère des Richesses naturelles qui nous fera des propositions, sans aucun doute précises, sur la façon de corriger la situation, il serait non seulement intéressant mais nécessaire qu'une politique également soit établie pour corriger certaines injustices ou certaines pertes que les agriculteurs ont pu subir depuis 1960 ou 1970.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Questions inscrites au feuilleton

M.LEVESQUE: M. le Président, au feuilleton du 5 juillet 1972, article 18, question de M. Béland, je propose que cette question soit transformée en motion pour dépôt de documents.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M.LEVESQUE: Article 18. Réponse de M. Bourassa.

M. BOURASSA: Lu et répondu.

M. BROCHU: M. le Président, qu'il me soit permis de souligner au leader parlementaire que l'article 15 qui apparaît au feuilleton du 5 juillet peut être annulé puisque la réponse se trouve automatiquement donnée dans le bill 43, je pense, présenté par le ministre du Revenu. Cette question est inscrite à mon nom et j'ai eu la réponse.

M. LEVESQUE: Vous voulez retirer la question inscrite à l'article 15.

M. BROCHU: Retirer simplement la question du feuilleton.

M. LEVESQUE: D'accord, article 15 au feuilleton du 5 juillet.

M. VINCENT: M. le Président, si vous me le permettez, également au sujet des questions, nous avions demandé, il y a quelque temps, je pense, au ministre de l'Agriculture, concernant les pertes de récolte, qu'il nous fournisse la liste des noms de ceux qui avaient subi des pertes de récolte et qui avaient reçu des indemnités du gouvernement. On nous avait dit que plus tard on nous ferait parvenir cette liste. Même si on ajournait la session au début de la semaine prochaine, est-ce qu'on pourrait avoir ça au cours de la semaine prochaine ou dans une quinzaine de jours?

M. LEVESQUE: Cela doit se faire en Chambre. Je pense que c'est une question posée en Chambre et on s'attend bien que la réponse soit donnée en Chambre, à moins que l'on fasse une motion pour dépôt de documents et qu'il y ait un ordre de la Chambre. A ce moment-là ça peut être déposé durant l'intersession.

M. VINCENT: On a répondu à la question mais la réponse n'était pas complète et on avait dit qu'on la compléterait.

M. TOUPIN: Oui, je me rappelle bien, M. le Président. Je pense que c'était la liste des noms de ceux qui avaient obtenu une subvention, des indemnités.

M. VINCENT: Des indemnités. Je regarderai tout à l'heure.

M. TOUPIN: Je ne sais pas. Je vais vérifier immédiatement au ministère. Demain, je pourrai peut-être donner plus de précisions. J'ai demandé aux fonctionnaires de compléter la question.

M. VINCENT: Par la même occasion, M. le Président, le député de Saint-Maurice me faisait remarquer hier qu'à l'occasion des crédits du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation nous devions recevoir certaines réponses et il s'informait à quel moment il pourrait recevoir ces réponses.

M. TOUPIN: Je dois dire bien franchement que s'il y a quelque retard, c'est attribuable en bonne partie au nombre de questions auxquelles on devait apporter des réponses. Le député de Nicolet devrait comprendre qu'il n'y en avait pas seulement 20 ou 30; si ma mémoire est fidèle, c'était 50 ou 60 questions. Evidemment, je ne pouvais pas mettre tout le personnel du ministère là-dessus; j'ai mis des équipes sur cela et des équipes sur autre chose, c'est pourquoi c'est un peu plus lent. Pour les questions auxquelles on avait dit qu'on donnerait des réponses, soyez assuré que les réponses lui parviendront, peut-être en retard, mais elles lui parviendront.

M. LEVESQUE: M. le Président, en appendice on remarquera qu'il y a un projet de loi au nom de M. Choquette: le code des loyers. Il faudrait avoir le consentement de la Chambre pour qu'on puisse déposer et adopter en première lecture ce projet de loi au cours de la présente séance pour ensuite déférer en commission parlementaire pour étude dans la période intersessionnelle.

M. PAUL: De toute façon, le leader du gouvernement nous fera connaître sa décision avant mercredi prochain à ce sujet-là, n'est-ce pas?

M. LEVESQUE: En effet.

Projet de loi no 59 Première lecture

M. LE PRESIDENT: Du consentement unanime de la Chambre, l'honorable ministre de la Justice propose la première lecture du code des loyers. Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi, le code des loyers, soit déféré à la commission parlementaire de la justice.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, no 17.

Rapport sur les projets de loi nos 38 à 45

M. LE PRESIDENT: II s'agit de la prise en considération du premier rapport de la commission parlementaire des finances, des comptes publics et du revenu sur l'étude des projets de loi 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, rapport présenté par l'honorable député de Châteauguay.

Décision de M. le Président

M. LE PRESIDENT: J'ai reçu des amendements de la part de l'honorable député de Frontenac. Or, certains amendements qu'il propose ne respecteraient pas l'article 65 du règlement qui régit la Chambre et qui se lit comme suit: "Une motion ne peut être présentée que par un représentant du gouvernement, après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'elle a pour objet direct: 1) l'exécution de travaux publics; 2) l'allocation de subventions; 3) l'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus publics ou sur les contribuables; 4) la remise d'une somme due à l'Etat; 5) la concession de biens appartenant à l'Etat; 6) l'autorisation de consentir quelque emprunt ou obligation engageant le crédit de l'Etat. Toutefois, cette règle ne s'applique pas à une motion qui exprime seulement une opinion abstraite sur une matière énumérée ci-dessus."

Etant donné que certains de ces amendements ont une implication fiscale qui diminuerait les revenus de l'Etat, je ne peux pas les accepter. Il s'agit, entre autres, de l'amendement proposé à l'article 525, de l'amendement proposé à l'article 387, de l'amendement apporté à l'article 54 ainsi que de l'amendement proposé à l'article 542. Par contre, il en reste un ou deux qu'on pourrait accepter et, conséquemment, j'accorde le droit de parole au député de Frontenac.

M. Paul-A. Latulippe

M. LATULIPPE: M. le Président, vous avez passablement écourté la discussion.

C'est assez difficile, M. le Président, de dire qu'on va, surtout en matière de fiscalité, présenter des amendements qui n'auront pas de conséquence. Si ça n'affecte pas les dépenses, ça va affecter les revenus. Je me demande de quelle façon on peut faire quelque chose qui aura une portée valable, parce qu'en fin de compte on ne peut se prononcer sur rien. Tout a une portée monétaire.

C'est pour ça qu'au moins, si vous ne pouvez pas les recevoir, M. le Président, peut-être que le ministre pourrait certainement faire un exposé là-dessus. Nous savions fort bien que ces articles avaient une portée économique, surtout en ce qui concerne l'article 387, qui visait à ce que les allocations familiales soient déduites de l'impôt. On nous dit dans certains milieux que nos gouvernements s'apprêteraient à considérer ce type d'allocations comme imposables. Nous voulions être tout à fait certains que ce ne le sera pas; c'est pourquoi nous avons fait une demande au ministre. Je vois difficilement comment, à 387, ça pourrait baisser les revenus de l'Etat d'autant plus qu'actuellement ce n'est pas imposé. Cela peut seulement éventuellement baisser les revenus de l'Etat, si on dit demain matin ça va automatiquement s'attaquer aux revenus de l'Etat.

Je n'ai pas l'intention de faire un long discours sur les amendements qui m'ont été refusés. Cependant, au moins ceux qui semblent acceptables, je demanderais au ministre d'avoir l'amabilité de les recevoir, en particulier à l'article 291. Nous demandons au ministre de soustraire un paragraphe qui semble réapparaf-tre à l'article 387. Nous demandons également au ministre s'il est possible, à l'article 35, d'élargir un peu le cadre de la définition parce que le petit changement que nous demandons n'aurait pas une portée extrêmement grave sur l'interprétation de l'article. Peut-être le ministre pourrait-il nous expliquer de quelle façon il conçoit...

M. HARVEY (Jonquière): Je le ferai.

M. LATULIPPE: ... la portée que ça pourrait avoir. Pour nous, ça visait essentiellement à répondre à un problème qui avait été soulevé en Chambre par de nombreux membres. Cela visait les automobiles qui ne servent pas exclusivement à une personne pour ses déplacements personnels, mais qui peuvent être mises à sa disposition. Nous voulons qu'elle ne soit pas obligée de les rapporter dans ses revenus parce qu'effectivement ce n'est pas un revenu pour elle. Dans le texte de la loi actuelle, même si elle ne s'en prévaut pas, automatiquement, elle est obligée de l'ajouter à son revenu. Cela me semblait pour le moins acceptable d'autant plus que nous avons mis énormément de retenue pour ne présenter que ces amendements. S'il avait fallu présenter tous ceux que nous avions à l'esprit, je pense qu'il ne resterait plus de revenus dans les coffres du gouvernement.

A l'article 542, nous avons osé présenter un petit paragraphe supplémentaire; je ne sais pas s'il est recevable et peut-être que ça va correspondre aussi à une baisse appréciable dans les coffres du gouvernement. J'avoue que s'il faut retenir comme seul critère que ça peut baisser les revenus du gouvernement, dans ce sens, on est royalement mal pris pour présenter des amendements valables dans une loi de revenu.

Tout au moins, étant donné que je ne peux pas parler sur...

M. LE PRESIDENT: Vous en avez un qui est recevable à 323.

M. LATULIPPE: Je suis heureux de voir que vous le jugez recevable. C'est encore un acte de générosité de votre part, parce que même là je suis obligé d'avouer que cela peut éventuellement causer préjudice au gouvernement...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous refusez de le recevoir?

M. LATULIPPE: Non, non. S'il fallait pousser à la limite, votre générosité est bien grande, vous auriez peut-être pu l'étendre un peu plus et on ne vous aurait pas fait de reproche. D'abord, le ministre ne l'aurait pas accepté de toute façon. Etant donné l'attitude intransigeante qu'il a maintenue aux commissions, je crois difficilement qu'il aurait daigné répondre à nos aspirations qui étaient fort légitimes pourtant, au moins dans les intentions.

M. HARVEY (Jonquière): Je n'ai pas été intransigeant.

M. LATULIPPE: Là-dessus, je serais prêt pour ma part au moins à étudier ceux que le ministre juge qu'il peut discuter et s'il était prêt également à nous donner les raisons sous-jacen-tes pour lesquelles il ne peut recevoir l'exemption de base de $300. Actuellement elle n'y est pas contenue. C'est déjà une exemption qui est reconnue. Alors, quand on me dit que cela correspond nécessairement à une baisse, j'ai de la misère à dire que c'est vrai. Ce serait vrai si le contexte de la loi actuelle était accepté. On peut jouer sur les mots là-dessus et finalement arriver à des situations qui pourraient avoir l'allure d'une justification.

M. le Président, étant donné que votre décision est rendue d'avance, je suis un peu désorganisé, je l'avoue, face à la portée de l'intervention que je voulais faire. Je suis donc prêt, pour ma part, à étudier chacune des propositions.

M. BOURASSA: Est-ce que le député me permettrait une question? Est-ce qu'il a évalué le coût de sa proposition?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable premier ministre de garder sa place.

M. LATULIPPE: J'imagine que le premier ministre fait allusion à la proposition qui veut que $300 d'exemption pour chaque enfant à charge en bas de 16 ans, c'est une mesure qui coûterait environ $50 millions. Ce n'est pas beaucoup quand on compte que le gouvernement n'a pas encore ces $50 millions. Il veut

seulement se les donner. La loi n'est pas encore votée. Cela ne correspond pas nécessairement à une perte. C'est éventuel cette chose-là...

M. CLOUTIER (Montmagny): ... à la frontière de l'Ontario.

M. BOURASSA: C'est là qu'il trouve de l'argent.

M. LATULIPPE: Pour ma part, je serais prêt à entendre le ministre. En ce qui touche l'article 291, pour nous, la suppression qu'on veut faire, nous la trouvons normale.

M. LE PRESIDENT: A l'article 291, votre amendement est recevable.

M. LATULIPPE: C'est tellement simple. Il s'agit de biffer un article parce qu'il y a une redondance dans la loi. C'est anodin. En ce qui concerne l'article 223, cela permettrait à tout individu qui emploie une bonne, avec des motifs raisonnables, avec des pièces justificatives, une bonne pour la garde des enfants, de pouvoir en déduire le coût sur ses revenus, tels que décrit dans les prescriptions de la Loi de l'impôt.

Etant donné qu'il ne me reste que deux articles fort anodins sur lesquels je peux parler, je suis prêt à entendre la réplique du ministre. Je tiens à rappeler encore une fois qu'on n'a pas encore accepté la nouvelle loi. Nous vivons avec l'ancienne toujours, mais je pense que vous partez du fait qu'à partir du moment où il y a eu annonce en matière fiscale, que cela correspond pratiquement à l'intention du Parlement et que nous sommes obligés d'y souscrire, à cause du discours du budget.

Mais s'il fallait spécifier seulement à partir du moment où il y a eu un dépôt de loi qui n'est pas encore acceptée, actuellement, selon la loi québécoise, de l'impôt, si je ne me trompe pas, les enfants sont encore déductibles à $300, à moins de 16 ans. Ce n'est pas un changement dans la loi, à mon point de vue. Je verrais difficilement pourquoi ce ne serait pas recevable.

Peut-être que le président sera en mesure de me dire pourquoi. Je m'interroge là-dessus. J'avoue que c'est difficile pour moi de concevoir que ce n'est pas recevable alors qu'éventuellement cela le sera. Cela ne serait pas recevable si la loi était déjà votée.

M. LE PRESIDENT: Ecoutez, je suis prêt à vous fournir des éclaircissements. Vous invoquez que cela existe dans la loi actuelle. Mais ce que nous étudions actuellement ce n'est pas la loi qui est présentement en vigueur. C'est une nouvelle loi qui doit remplacer la loi existante.

Ce n'est pas mon propre jugement, c'est un grand principe de droit parlementaire qui existe de tout temps. Pour proposer un amendement ou une mesure ou une motion qui a des implications fiscales... Vous avez dit vous-même, tout à l'heure, que si on acceptait un de vos amendements, l'Etat se verrait privé de $50 millions.

M. LATULIPPE: Ce n'est pas exact. L'Etat ne l'a pas encore ce montant.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Ecoutez, il faut bien se comprendre. Le ministre, actuellement, avec la recommandation du lieutenant-gouverneur, vous soumet une loi. Si, au lieu d'avoir $2,000 déductibles avant d'être taxé, vous proposez $2,500, c'est une charge à l'Etat. L'Etat est privé d'un montant d'argent.

M. LATULIPPE: Nous serions d'accord, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne peux pas permettre de dialogue, mais j'essaie de l'expliquer. Vous n'avez pas le droit de faire cela, et c'est un grand principe. Il faut qu'il y ait la recommandation du lieutenant-gouverneur. Il faut que cela vienne d'un membre du cabinet. Ce n'est pas moi qui ai inventé ça. Cela existe depuis le XlVème siècle dans le droit parlementaire anglais qui nous régit.

M. AUDET: Je voudrais simplement vous poser une question. Est-ce que cette augmentation ou diminution des dépenses n'entre pas en vigueur seulement lorsque la loi est adoptée? Nos interventions sur tout projet de loi ont certainement des incidences directes ou indirectes sur les dépenses éventuelles du gouvernement. Je crois que réellement c'est un précédent que nous voyons là.

M. LE PRESIDENT: Mon cher député... M. ROY (Beauce): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Ecoutez, j'ai bien voulu fournir les explications supplémentaires. Je ne veux pas limiter votre droit de parole; vous avez le droit de parler sur le rapport. En somme, vous avez le droit de parler pendant dix minutes sur le rapport, tel qu'il est revenu de la commission. Je ne peux pas recevoir, en droit, certains amendements que j'ai mentionnés tout à l'heure.

M. LATULIPPE: Dans ce cas-là, M. le Président, je pense que nous allons passer immédiatement à l'étude... Excusez-moi, mon collègue aimerait prendre la parole là-dessus.

M. ROY (Beauce): M. le Président, justement sur ce point de règlement, je me pose de sérieuse questions, après avoir relu attentivement l'article 65. Je ne veux pas mettre votre parole en doute, mais on y dit ceci: "Une motion ne peut pas être présentée que par un représentant du gouvernement, après recom-

mandation du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'elle a pour objet direct: "1. L'exécution de travaux publics; "2. L'allocation de subventions; "3. L'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus publics ou sur les contribuables; "4. La remise d'une somme due à l'Etat; "5. La concession de biens appartenant à l'Etat; "6. L'autorisation de consentir quelque emprunt ou obligation engageant le crédit de l'Etat. "Toutefois, cette règle ne s'applique pas à une motion qui exprime seulement une opinion abstraite sur la matière énumérée ci-dessus."

Voici sur quel point je vais me baser. On se rappellera ce qui s'est passé, l'automne dernier, au fédéral. C'est la même loi, je pense, qui est transmise dans les provinces à ce sujet, parce qu'elle fait partie de la constitution canadienne. Je me demande comment il se fait que les partis d'Opposition à Ottawa, autant le Parti conservateur, le NPD, et le Crédit social du Canada, ont amené tant d'amendements et ont discuté pendant aussi longtemps de la réforme fiscale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Etiez-vous présent, à Ottawa, en comité? Est-ce que vous pouvez me certifier qu'on a procédé comme vous me le dites actuellement? Un instant! J'essaie d'être le plus large possible. Vous m'avez lu le règlement. Je dois vous dire que c'est en vertu du sous-paragraphe 3: "L'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus publics ou sur les contribuables". Si on accepte l'amendement du député de Frontenac — il l'a dit lui-même — l'Etat est privé de $50 millions. C'est l'imposition d'une charge additionnelle si on prive les revenus publics ou les contribuables de $50 millions. Parce que, si l'Etat n'a pas ces $50 millions pour boucler son budget, il doit aller les chercher ailleurs. Si vous m'invoquez ce qui s'est passé à Ottawa, cela ne me regarde pas. Je n'y étais pas. Même, je ne consulterai pas le Hansard d'Ottawa. Mais je vous dis que ma décision est rendue, que c'est un principe de droit parlementaire et que je suis convaincu du bien fondé de ma décision.

Maintenant, je vous donne le droit de parole sur le rapport du projet de loi.

M. BURNS: M. le Président, puis-je vous demander une directive? Je ne veux pas rouvrir le débat, mais puis-je simplement vous demander, étant donné l'importance d'une telle décision, de la suspendre?

Remarquez, M. le Président, que je ne vous blâme pas. Cette décision est venue de façon tellement impromptue, quant à nous, que nous n'avons pas eu le temps de vous amener des auteurs, mais nous pensons, bien humblement, pouvoir vous convaincre du contraire. C'est la valeur de précédent que votre décision aurait qui nous préoccupe.

En ce qui nous concerne, évidemment, je ne veux pas argumenter — vous avez donné votre point de vue — mais nous partagerions l'opinion de nos collègues du Ralliement créditiste sur ce point.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Lorsqu'une décision a été rendue par la présidence, nous n'avons pas à revenir pour demander une suspension.

M. BURNS: Je n'ai pas argumenté. Je l'ai demandé au président.

M. LEVESQUE: J'ai le droit de donner mon point de vue. Le président jugera.

M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas argumenté sur votre décision. J'ai demandé simplement si vous pouviez la suspendre. Ne me faites pas dire des choses que je ne dis pas.

M. LEVESQUE: Vous veniez de dire, M. le Président, au député de Beauce que vous ne vouliez pas entendre d'autres argumentations parce que votre décision était rendue. Vous l'avez, d'ailleurs, motivée. Vous avez tenu compte de l'article cité par le député de Beauce. Vous avez ensuite dit que, même s'il y avait un précédent différent à Ottawa, vous n'étiez pas tenu par un tel précédent et même que vous n'étiez pas au courant de ce qui s'était passé à Ottawa.

Si on voulait toucher au fond — je commettrais la même erreur que j'ai voulu éviter à mon ami de Maisonneuve — je dirais que, s'il y a un cas clair...

M. BURNS: Ne le dites pas, ne le dites pas! Je n'ai pas voulu argumenter sur le fond.

M. LEVESQUE: ... où l'article s'applique, c'est bien dans la question, réellement, du revenu et de la fiscalité. On pourrait avoir des doutes, par exemple, si on prenait une formule abstraite en disant: Possibilité d'étudier tel ou tel geste à poser par le gouvernement. A ce moment-là, même s'il y a éventuellement une dépense d'argent au bout de la ligne, c'est tellement éventuel qu'on peut considérer que ce n'est pas l'objet principal de la motion. Mais ici, c'est justement dans la fiscalité, dans la taxation. S'il y a un cas clair, c'est bien celui-là.

M. LE PRESIDENT: Pour répondre à l'honorable député de Maisonneuve, étant donné que je ne peux pas permettre qu'on continue à argumenter, car ma décision est rendue, je dirai que, bien que ma décision soit rendue, après cette séance ou autrement nous pourrons en discuter, car je ne suis pas obtus à ce point. Si je venais à avoir une autre lumière — ce qui me surprendrait pour le moment — à savoir que ma décision serait incompatible avec la tradition parlementaire et les droits du parlementarisme, je suis prêt à ne pas considérer ma décision

d'aujourd'hui comme un antécédent, si vous voulez.

Par contre, ma décision est rendue en ce qui concerne la présente séance.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

M. ROY (Beauce): M. le Président, pourrais-je vous demander une directive? Dans les circonstances — parce qu'éventuellement nous aurons d'autres lois fiscales à étudier — à quoi se résumera le rôle de l'Opposition? Il ne s'agit pas de lois votées; il s'agit d'étudier des lois à venir, de nouvelles dispositions fiscales. C'est là, M. le Président, que je m'interroge. C'est une législation à venir.

Nous avons étudié une réforme fiscale en fonction d'une législation à venir, en fonction d'un nouveau mode d'imposition. Je ne vois pas que l'article 65...

M. LEVESQUE: Vous avez rendu votre décision, M. le Président.

M. ROY (Beauce): Je m'excuse, M. le Président. Je ne suis pas un expert en procédure.

M. LEVESQUE: C'est certain.

M. ROY (Beauce): II ne s'agit pas d'une législation adoptée, il ne s'agit pas de nouvelles dépenses. Il s'agit d'une législation à venir.

M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, les directives ne viendront pas de moi. C'est avec plaisir que je ferai parvenir à l'honorable député de Beauce des traités d'auteurs de droit parlementaire, qui pourront, d'une manière beaucoup plus brillante que moi, compléter l'avis que j'ai donné aujourd'hui.

Rien qu'une parenthèse. Vous me dites que c'est un projet de loi qui s'en vient, qui n'est pas encore en vigueur. Est-ce que vous avez le droit, à l'étude des crédits, lorsqu'on étudie les crédits pour une année fiscale qui s'en vient, 72/73, de dire au ministère de la Voirie: Vous n'avez pas assez de $300 millions, je propose que vous ayez $500 millions? Vous n'en avez pas le droit. Ces crédits ne sont pas approuvés. C'est la même chose. C'est une loi qui s'en vient. Vous n'avez pas le droit de proposer une réduction des revenus de l'Etat ou une augmentation de la taxation, de la charge du contribuable.

Ma décision est rendue. Vous pouvez parler sur le rapport, mais je répète que certains amendements proposés par l'honorable député de Frontenac ne sont pas reçus et qu'il y en a d'autres qui sont reçus.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): Sur le rapport, pour souligner l'importance des amendements qui ont été proposés, je voudrais faire une distinction très nette entre les amendements qui sont recevables et les amendements qui sont non recevables. Je voudrais quand même le porter à l'attention du ministre, à titre de suggestions, pour qu'il prenne nos demandes en considération, de façon que lorsque les nouvelles dispositions fiscales viendront, on tienne compte de certaines de nos observations, parce que je pense sincèrement que la population qui nous a mandatés l'a fait pour exprimer certains points de vue sur la législation à venir. Dans le premier projet de loi...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais vous interrompre? Rien ne vous empêche dans votre discours sur le projet de loi, soit en deuxième lecture, en commission ou sur le rapport d'aujourd'hui, d'émettre le voeu, de dire au ministre: Vous ne voyez pas clair. La charge est trop forte. L'allocation, au lieu de $500 millions, devrait être de $300 millions. Vous avez le droit de le faire. Vous avez le droit de faire le plus beau discours là-dessus, de dire que le ministre a tort, que la charge du contribuable est trop forte. Mais vous n'avez pas le droit de le faire sous la forme d'un amendement soumis au vote de la Chambre. Cela n'est pas permis. Mais vous avez le droit de vous exprimer librement.

M. ROY (Beauce): Je vous remercie. Mais, je pense qu'on le remarque à la première page que le ministre nous a soumise, le ministre lui-même — j'ai été un peu victime en quelque sorte d'une procédure, étant donné que nous étions dans des choses assez nouvelles dans ce domaine — m'avait demandé de faire une proposition concrète en vertu d'un amendement à un article d'un projet de loi et elle paraît effectivement dans le bas de la première page du rapport que le ministre nous a soumis.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, il faudrait que le député de Beauce signale que nous avons eu l'unanimité des membres de la commission pour recevoir l'amendement, et nous en avons disposé par un vote par la suite, bien que le député de Beauce ne faisait pas partie de la commission parce qu'il était occupé ailleurs. Les membres de la commission, par délicatesse pour le député de Beauce qui est habituellement le critique financier à cette commission parlementaire, ont consenti unanimement qu'il soit le proposeur de cette motion d'amendement.

M. ROY (Beauce): Je remercie l'honorable ministre et les membres de la commission de leur délicatesse à mon endroit. Pour résumer brièvement l'amendement que vous avez jugé recevable à l'article 323, qui est mentionné, je vais le lire pour les fins du journal des Débats. C'est un amendement au paragraphe b) actuel, qui serait remplacé par le suivant: "Un médecin qualifié certifie que l'épouse du particulier était, durant une période d'au moins deux semaines dans l'année, dans l'incapacité de prendre soin de ses enfants."

Je vais donner quelques explications complémentaires à ce qu'a dit l'honorable député de Frontenac sur notre recommandation. Nous exprimons le voeu — si on peut appeler cela un voeu — que le ministre tienne compte de cette demande, parce que nous estimons qu'elle est de la plus haute importance, lorsque les mères de famille sont dans l'incapacité de vaquer normalement aux soins et à la garde de leurs enfants, ou encore que leur état de santé ne leur permet pas, à cause d'une famille nombreuse, de faire face à ces obligations.

Il s'agirait de permettre au père de famille, qui est le seul ayant un revenu par son salaire, pour envisager toutes les dépenses inhérentes à son rôle de père de famille, de déduire sur son rapport d'impôt les frais de garde de son enfant comme on le permet à une mère de famille qui occupe un emploi à l'extérieur du foyer. Lorsque la mère de famille occupe un emploi à l'extérieur du foyer, dans la très grande majorité des cas le père de famille reçoit un salaire. On leur accorde une exemption.

Or, c'est pour ces considérations que nous avons apporté cette suggestion à l'article 323 au ministre du Revenu dans les modifications de nos lois fiscales. M. le Président, à l'article 525, je vais le faire tout simplement sous forme de voeu, à la suite de mon collègue le député de Frontenac. Il s'agit d'accorder $300 pour chaque enfant ou petit-enfant du particulier qui, pendant l'année, est entièrement à sa charge, s'il est âgé de moins de 16 ans.

Je trouve cela un peu décourageant pour les faibles salariés qui gagnent mois de $100 par semaine, qui ont pour revenu ce maigre salaire, avec une famille de six, sept et huit enfants. On ne tient aucunement compte de leurs obligations familiales et on leur retient de l'impôt à la source sans tenir compte de leurs enfants.

Cette disposition qui existait auparavant avait été abolie lorsque le gouvernement provincial, il y a quelques années, avait adopté la loi des allocations familiales provinciales; à ce moment-là on avait annulé les exemptions pour les enfants de moins de 16 ans. Pour ces considérations, je pense que le ministre devrait prendre bonne note de nos suggestions et tenir compte de nos remarques. Ce serait certainement à l'avantage des petits salariés, des pères de famille et surtout des pères de familles nombreuses. Si on veut que le Québec survive, il va falloir quand même que nos lois fiscales permettent aux familles de vivre dans la province de Québec.

Je dis qu'à l'heure actuelle nos familles sont prises dans un étau épouvantable et cet étau est la conséquence de l'attitude de l'Etat, qui ne tient aucunement compte des besoins des familles nombreuses et du coût de la vie élevé. Quant à l'amendement à l'article 291, il est recevable et nous osons croire que le ministre va au moins accepter celui-là. Il s'agit de biffer les derniers mots de l'article. On les retrouve d'ailleurs intégralement au paragraphe c) de l'article 387.

J'espère que le ministre en a pris note et qu'il pourra accepter cet amendement parce que, comme le disait le député de Frontenac tout à l'heure, il s'agit d'une redondance. Nous suggérons que l'article 387 soit modifié en remplaçant le paragraphe suivant; toujours pour les fins du journal des Débats: Le montant de toute allocation familiale versée dans le cadre d'un programme prescrit prévu par une loi provinciale ou par une loi du Canada.

Or, si nous avons demandé ceci, c'est parce que dans les lois actuelles d'allocations familiales il y a un article dans lequel il est stipulé clairement que les allocations familiales ne sont pas imposables. En vertu du bill 286 qui est actuellement à l'étude devant la Chambre et en vertu des nouvelles dispositions de la loi des allocations familiales du gouvernement fédéral, il n'en est aucunement question. Nous espérons que le ministre va l'insérer de façon à assurer aux familles du Québec que les allocations familiales ne seront pas imposées dans un avenir rapproché.

Quant à l'article 54, M. le Président, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises, au cours des périodes de questions, lors de l'étude des crédits, d'intervenir sur ce point. Il s'agit surtout de déduire, sur présentation de pièces justificatives, un montant égal aux dépenses encourues pour frais de déplacement et d'outillage nécessités par la charge qu'un particulier occupe, dans la mesure où elles ne sont pas payées par son employeur.

Il s'agit d'un principe d'équité générale qui veut qu'on permette à un voyageur de commerce de déduire certaines dépenses. On permet, en vertu de certaines conventions collectives, aux travailleurs de la construction de recevoir un supplément pour les dépenses inhérentes à leurs fonctions.

Il s'agit des travailleurs autonomes et des travailleurs forestiers, qu'ils travaillent aux Etats-Unis ou au Canada. Les dépenses pour frais d'outillage sont assez élevées pour qu'on leur permette, au moins, de les déduire sur production de pièces justificatives, de façon que l'Etat puisse également avoir un certain contrôle.

Quant aux autres articles, le député de Frontenac en a parlé. Je terminerai ainsi mes observations sur l'adoption du rapport. Nous osons croire que, d'ici quelques minutes, l'honorable ministre du Revenu aura de très bonnes nouvelles à annoncer à cette Chambre et à la population du Québec, étant donné qu'il a le sourire aux lèvres et qu'il semble avoir très bien compris les excellentes recommandations que nous venons de lui faire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson M. SAMSON: M. le Président, nous nous

attendions bien, lorsque nous avons discuté en commission parlementaire des bills du revenu, que les amendements présentés, qui viseraient à priver le ministère du Revenu et le gouvernement de certains revenus, non seulement soient mal vus, mais ne soient pas reçus.

Evidemment, le ministre a refusé de considérer, lorsque nous avons discuté en commission parlementaire, ces excellentes suggestions que nous avons eu l'occasion de lui faire. Vous comprendrez qu'à l'étude de ce projet article par article, lorsque nous avons eu à discuter des articles concernant les exemptions d'impôt pour les particuliers, pour les célibataires, pour les gens mariés et pour les enfants, le ministre nous a très poliment fait comprendre qu'il ne changerait pas d'idée et que nous aurions à subir les effets de sa loi.

Nous avons profité de ces études pour suggérer que $300 d'exemption soient acceptés pour chacun des enfants. Nous avons également tenté de proposer certaines modifications. C'est là que le ministre nous a fait comprendre que nous ne pouvions pas le faire. Nous lui avons dit — je me rappelle assez bien mes paroles — que, si la réglementation parlementaire nous le permettait, nous présenterions une proposition à l'effet que, dorénavant, tout citoyen québécois célibataire soit exempté d'impôt pour la somme de $2,500 et que les personnes mariées soient exemptées pour $5,000, ceci en remplacement de la loi actuelle qui ne prévoit pas des exemptions de base de $5,000 mais de $2,000 et qui prévoit une exonération de $4,000 seulement.

Nous avons dit au ministre : S'il nous était permis, en vertu de nos règlements, de vous le proposer, nous en ferions une proposition. Comme il ne nous est pas permis de le faire, nous ne le proposerons pas. Veuillez considérer que, si on avait pu le faire, on l'aurait proposé. Le ministre a parfaitement compris ce que nous voulions lui dire, mais je pense que c'est le gouvernement qui ne comprend pas que la population aurait tout avantage, elle, à bénéficier de ces exemptions d'impôt. On a beau dire que cela va priver le gouvernement de certaines sommes. Si on veut accorder à la population $2,500 ou $5,000 d'exemption de base, plus $300 pour les enfants, c'est clair que cela va priver le gouvernement de certains revenus.

A ce moment-là, cela nous permet non seulement de considérer les revenus que le gouvernement veut obtenir ou conserver, mais de critiquer la politique générale du gouvernement, parce que c'est une question comptable. Le ministre du Revenu nous dit: Mon devoir, c'est de percevoir des taxes. Nous sommes d'accord là-dessus; c'est sa "job", à lui.

Mais un fait demeure, le ministre du Revenu fait partie d'un gouvernement qui, lui, a des responsabilités de dépenses. Or, c'est dans l'ensemble de l'administration québécoise que nous retrouvons que le ministre pourrait faire bénéficier la population de ces exemptions d'impôt à la condition expresse que le gouvernement décide d'arrêter son gaspillage. C'est là que nous allons retrouver la justification, la possibilité pour le gouvernement, à la condition qu'il veuille bien cesser de dépenser inutilement dans plusieurs cas. Le leader du gouvernement sourit, il sait jusqu'à quel point j'ai raison et c'est pour ça qu'il sourit plutôt que d'argumenter.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas souri, je regardais simplement le député de Rouyn-Noranda en même temps que je regardais l'horloge, c'est tout.

M. SAMSON: M. le Président, vous voyez comment le gouvernement qui gaspille les dollars des citoyens du Québec est gratteux quand il s'agit d'accorder à l'Opposition du temps pour discuter ses lois. C'est pratiquement le bâillon que le leader du gouvernement veut m'imposer.

Le gouvernement, à la fin de la session, au moment où c'est le temps d'ajourner, fait toujours la même chose.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas le bâillon.

M. SAMSON: On ne veut pas permettre à l'Opposition de parler, ça presse, il faut voter les lois, regardez-moi cette brique de la loi du revenu, il y en a au moins sept ou huit livres, ce n'est pas article par article qu'on a étudié cette loi, on l'a acceptée à la livre. C'est comme ça qu'on vote une loi, c'est de cette façon qu'on impose les citoyens québécois et c'est de cette façon qu'on va continuer, si l'Opposition ne se permet pas de critiquer. Mais quand on veut critiquer, on nous dit: Regardez l'horloge, vous avez fini votre temps, vous n'avez pas le droit de parler, vous ne pouvez pas y aller, nous allons vous imposer, ne dites pas un mot, laissez-vous égorger, citoyens du Québec, et ne parlez pas, vous n'avez pas le droit de parler. Un instant! Nous sommes élus par la population pour défendre les intérêts de la population et il se trouve que les intérêts de la population du Québec ne sont pas nécessairement les intérêts du gouvernement. Si c'étaient les mêmes intérêts, si la population avait les mêmes intérêts que le gouvernement, si elle voulait exactement ce que veut le gouvernement, elle n'aurait pas élu des membres de l'Opposition.

M. le Président, vous semblez vouloir me montrer l'horloge vous aussi, dois-je en déduire que vous faites partie du même gouvernement et que vous avez la même philosophie que le leader parlementaire du gouvernement?

Toutefois, M. le Président, en terminant, puisque vous me faites signe qu'il faut terminer, je vous dis que si nous avions le droit de proposer des amendements pour permettre des déductions accrues pour les citoyens du Québec, pour permettre de moins les égorger, on les proposerait, mais considérer que puisque nous

n'avons pas le droit de le faire, si nous en avions le droit, nous le ferions et si nous en avions le droit, je voterais à 100 p.c. pour les amendements visant à permettre aux citoyens du Québec de mieux vivre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester. S'il vous plaît, pas de manifestation dans les galeries, en vertu de notre règlement.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, concernant le rapport soumis à la Chambre aujourd'hui, au sujet de la Loi sur les impôts, je pense qu'il est de première importance de regarder les amendements soumis par mon collègue de Frontenac, étant donné que ces amendements touchent tout particulièrement ce qui favoriserait le développement de la cellule familiale. En principe, ces amendements, tel qu'on les regarde, sont absolument logiques et, bien sûr, on aurait bien voulu les voir tous inscrits à la loi.

La commission a siégé, ses membres ont discuté très rapidement de cette brique de la Loi sur les impôts et je pense qu'il serait normal qu'ensemble, à l'Assemblée nationale, on étudie la possibilité de diminuer le fardeau, surtout en ce qui concerne les obligations familiales.

Bien sûr, les députés libéraux pourront dire: Vous n'avez pas lu la loi, mais je vous assure d'une chose...

UNE VOIX: Parlez de votre ignorance...

UNE VOIX: Vous non plus, vous ne l'avez pas lue.

M. GUAY: Mais je vous garantis une chose... M. ROY (Beauce): Un rappel au règlement. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on peut laisser parler l'honorable député de Dorchester?

M. LE PRESIDENT: D'accord. S'il vous plaît, les députés en arrière...

M. ROY (Beauce): Si le député de Chauveau veut faire un discours, le règlement le lui permet...

M. HARVEY (Chauveau): Nous l'avons construit, nous l'avons bâti et édifié...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GUAY: Je vous garantis que ceux qui grognent actuellement sur les bancs ministériels n'ont pas osé se lever et se prononcer sur des points de loi que, eux-mêmes et j'en suis sûr, ils auraient voulu voir changer. Au lieu de cela...

M. BACON: Vous n'avez pas lu le journal des Débats, c'est encore pire.

M. GUAY: ... on se demande si le premier ministre, le ministre, le caucus ou le conseil des ministres leur ont imposé le bâillon, mais ils semblent bien mal à l'aise d'être dans l'obligation de se taire.

Malheureusement, pour le gouvernement, mais heureusement pour nous, ce n'est pas le cas. S'il y a un membre de la Chambre qui ose qualifier d'illogique on pourra dire que c'est irrecevable. Quand on parle de lois fiscales, les amendements ont toujours des incidences économiques. Bien sûr. Mais si on pousse le principe un peu plus loin, on pourra ajouter que, dans tout autre amendement d'une loi, il y aura des incidences légales. Concernant la Loi des impôts...

M. HARVEY (Chauveau): Heureusement que votre comté disparaît...

M. GUAY: ... nous aurions aimé voir certains changements, certains amendements inclus à la loi, afin de faciliter le développement de la base de toute société, la cellule familiale.

Nous aurions aimé, bien sûr, et je suis convaincu quand je le dis, que le ministre aussi aurait aimé voir ces amendements inclus à sa loi. Cela aurait été un avantage pour lui et en même temps, un avantage électoral, parce qu'en n'acceptant pas ces amendements, il est sûr de ne plus jamais être ministre du Revenu.

Il serait normal que si un médecin juge une mère incapable de prendre soin de ses enfants, le montant consenti à payer une aide familiale, une aide ménagère, doit être déductible du revenu.

Un autre amendement soumis qui me semblait également logique aurait dû être accepté. Je tiens quand même à dire au ministre que, dans l'avenir, nous serons favorables s'il désire apporter des amendements à la Loi des impôts, sur ce point. Le député de Beauce y a touché. Je vais ajouter quelques considérations.

On a fait état du fait que plusieurs travailleurs, dans certains domaines, notamment ceux qui ont à se déplacer, ont, ce qu'on appelle, un montant qui leur est alloué ou encore un montant qui est déductible de leur revenu. Je voudrais parler ici d'un travailleur autonome qu'on appelait, autrefois, un bûcheron et qu'on appelle aujourd'hui un travailleur forestier. Si on analyse les dépenses obligatoires, outillage, déplacement et autres, il est bien clair que ces travailleurs sont malmenés financièrement, puisqu'ils ne peuvent pas, en quelque sorte, obtenir de déduction sur leur revenu. Pourtant, ils doivent, à plusieurs reprises au cours de leur carrière, renouveler l'outillage qui leur permet de gagner leur vie.

Je ne suis pas le premier à apporter ce point devant la Chambre et à en faire écho au ministre du Revenu, puisque des pétitions ont

été signées dans le passé, demandant ou réclamant ces amendements. Peut-être que ce n'était pas le ministre actuel qui était là, mais chose assurée, c'est que cela a déjà été demandé.

M. HARVEY (Chauveau): Donnez-nous les noms de ceux qui ont signé les pétitions.

M. GUAY: Ces amendements tout à fait logiques, tout à fait normaux, ont probablement des incidences financières, comme l'a dit le président, et nous l'admettons.

Mais s'il n'y avait pas d'incidence nulle part, qu'est-ce que cela nous aurait donné de proposer ces amendements? Bien sûr, des amendements qui ne changent rien dans une loi, on n'appelle pas cela des amendements et on n'a pas d'affaire à les apporter. Mais on voulait transformer, améliorer la loi et la rendre plus acceptable. Le ministre aurait dû accepter d'emblée ces amendements puisque nous venions de lui donner une planche de salut. Ce pauvre ministre — on peut dire "pauvre ministre" quand on voit sa loi enlever autant de revenus aux citoyens — cela aurait été une planche de salut pour le ministre du Revenu.

Considérant que quelques amendements ont été reçus et que quelques amendements seulement sont discutables, je lui demande quand même de prendre en considération au moins ceux qui sont recevables et de les inclure dans sa loi.

Par ces quelques considérations, nous demandons au ministre, étant donné que des amendements ont été jugés non recevables, de les apporter. Nous allons le surveiller de très près et au moment où le ministre soumettra une loi, qui sera complémentaire à celle-ci, nous accepterons d'emblée ces amendements, notamment sur les points que le député de Frontenac avait proposés.

M. LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu. M. Gérald Harvey

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, je n'ai pas l'intention de commenter trop longuement les amendements suggérés puisque la majorité des amendements ont été jugés par la présidence comme étant irrecevables, et pour cause.

Le premier amendement suggéré à l'article 525 du bill 38, en effet, n'apporte aucune modification de principe à la loi précédente à ce chapitre. Cette absence d'exemption est suppléée par les paiements d'allocations familiales provinciales. L'amendement proposé n'est pas réaliste parce qu'il coûterait à la province plusieurs dizaines de millions de dollars, soit $50 millions.

Lorsqu'on voit l'article 291, on s'aperçoit que cet amendement a été déclaré irrecevable mais il y a eu un malentendu en le rédigeant. L'amendement proposé n'est pas à point parce que l'expression employée, à savoir les mots "après ladite loi" n'existent pas dans l'article visé. Il aurait, de plus, pour effet d'inclure dans le revenu les paiements de pension qui seraient basés sur un examen de ressources et de besoins. Peut-être que cet amendement est suggéré parce que le Ralliement créditiste du Québec voit dans les articles 291 et 387 une répétition des mêmes dispositions. Ce n'est pas le cas. Dans l'article 291, on exclut de l'assiette les paiements visés qui sont versés sous forme de pensions, tandis que l'article 387 exclut des montants de même nature qui sont versés autrement que sous forme de pensions.

M. GUAY: Qu'est-ce que ça change?

M. HARVEY (Jonquière): C'est toute la différence.

M. GUAY: Cela ne change rien.

UNE VOIX: On ne discute pas avec des enfants.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, à l'article 387, les allocations familiales, fédérales et provinciales, ne sont, dans la nouvelle loi, ni incluses dans le revenu, ni exclues spécifiquement du revenu. Donc, l'amendement en vue de modifier le paragraphe d) devient inutile. Je ne suis pas capable d'accepter un amendement qui aurait un effet sur une ou des lois qui pourraient être présentées par mes collègues ayant la responsabilité de leurs ministères, ces allocations étant sous leurs juridictions et les empêcherait de légiférer en les mettant dans un carcan. Alors, cet amendement ne peut pas être accepté.

Quant à l'article 54, la déduction pour outillage est déjà prévue à l'article 72 du bill. D'autre part, les frais de déplacement sont accordés à ceux qui travaillent dans la négociation de contrats, à l'article 56, et aussi à ceux qui sont obligés d'accomplir leurs fonctions ailleurs qu'à la place d'affaires de leur employeur ou à différents endroits, et aussi à ceux qui sont obligés de voyager dans l'exercice de leurs fonctions, s'ils sont ordinairement tenus de les exercer ailleurs qu'au lieu d'affaire de leur employeur ou à différents endroits et s'ils sont tenus d'en acquitter les frais.

On voit cela à l'article 57.

Donc, l'amendement, tel que proposé, ferait double emploi avec les dispositions de la loi mentionnée.

M. ROY (Beauce): Le ministre me permettrait-il une question?

M. HARVEY (Jonquière): Je répondrai immédiatement après. Je vais finir mes commentaires. Il ne m'en reste que trois à faire.

A l'article 35, M. le Président, les amendements proposés par le Ralliement créditiste

concernant les dépenses d'automobile ouvrent la poste à des échappatoires dont il est impossible d'évaluer la portée, au point de vue des pertes de revenus pour la province, sans mentionner les difficultés administratives et de contrôle que comporterait un tel amendement.

A l'article 542, M. le Président, le but de l'amendement, si nous l'avons bien compris, est atteint par les dispositions de l'article 54, qui prévoit une déduction de 3 p.c. du revenu net d'un contribuable, jusqu'à concurrence de $150, pour tenir lieu, entre autres choses, de ce genre de frais. Toutefois, cette déduction pouvait aller à $150 n'est permise qu'à ceux qui occupent des charges et des emplois.

Je lis l'amendement à l'article 323, que vous avez jugé également recevable, M. le Président: "Un médecin qualifié certifie que l'épouse du particulier était, durant une période d'au moins deux semaines dans l'année, dans l'incapacité de prendre soin de ses enfants". M. le Président, d'après le bill 38, l'épouse doit être dans l'obligation de garder le lit, de se déplacer en chaise roulante ou encore d'être hospitalisée ou internée dans un hôpital ou dans un asile pendant une période de deux semaines. Dans ce cas, l'exemption est donnée au mari.

Cet amendement n'ajouterait pas grand-chose au projet de loi, mais il aurait le don de créer une échappatoire trop facile et très difficile à contrôler. Je suis donc dans l'obligation de rejeter cet amendement déclaré recevable par la présidence.

Maintenant, M. le Président, je voudrais signaler qu'au cours du débat un amendement a été porté à l'attention de la commission, sans être reçu officiellement, avec demande de l'étudier. Il concerne l'article 6 de la loi 40, Loi du ministère du Revenu, dans laquelle le ministre du Revenu possède un pouvoir très discrétionnaire en raison du fonctionnement délicat du ministère.

Nous avons consenti non à à recevoir l'amendement mais à expliciter, par l'addition de deux alinéas, cet article 6. Je fais lecture de cet article: "Les devoirs respectifs des fonctionnaires et employés du ministère, non expressément définis par la loi ou par le lieutenant-gouverneur en conseil, sont déterminés par le ministre. "Nul fonctionnaire ou employé du ministère ne doit, sans la permission expresse du ministre, effectuer un travail lucratif ni exercer un autre emploi ou remplir une charge rémunérée qui ne font pas partie de ses pouvoirs déterminés en vertu de l'alinéa précédent."

M. le Président, je consens volontiers à ajouter les deux alinéas suivants: "La permission visée au deuxième alinéa peut être donnée s'il est démontré à la satisfaction du ministre que ce travail, cet emploi ou cette charge ne sont pas susceptibles d'entrafner un conflit d'intérêts ou d'être incompatibles avec les devoirs visés au premier alinéa."

Le dernier alinéa: "La décision du ministre peut être prise et communiquée par écrit au fonctionnaire ou à l'employé, dans un délai raisonnable."

Je pense, M. le Président, devoir remercier très sincèrement les membres de la commission, à la suite de la présentation de ce rapport. Je demande à la Chambre de se prononcer sur les amendements que vous avez jugé recevables, afin que l'on en dispose avant d'accepter le rapport.

M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre m'a dit que je pourrais lui poser une question immédiatement à la fin de son discours. L'honorable ministre pourrait-il me dire si les travailleurs forestiers qu'on a mentionnés tout à l'heure peuvent se prévaloir de l'article 57, à l'heure actuelle, pour pouvoir bénéficier d'un montant supérieur aux $150 mentionnés dans un autre article?

M. HARVEY (Jonquière): S'il est un salarié, c'est 3 p.c. du revenu brut, avec un maximum de $150, dans le cas spécifique que vous mentionnez.

M. ROY (Beauce): Si le même travailleur forestier travaille à forfait, y-a-t-il des dispositions prévues? C'est parce que, dans l'interprétation des lois du revenu, le travailleur forestier qui travaille à la pièce est considéré comme salarié.

M. HARVEY (Jonquière): Si le type peut démontrer au ministère du Revenu qu'il n'est pas un salarié au sens de la loi, mais qu'il est réellement un entrepreneur, il est bien sûr qu'il est traité comme un entrepreneur et non comme un salarié, occupant une charge ou un emploi.

M. ROY (Beauce): Je suis obligé de revenir avec une troisième question. Je ne sais pas si je me suis mal expliqué ou si le ministre m'a mal compris. Je parle d'un travailleur forestier qui travaille à la pièce. Je ne parle pas d'un entrepreneur forestier, d'un salarié qui travaille à salaire, mais d'un travailleur forestier qui travaille à la pièce. Est-ce qu'il est considéré encore, en vertu des règlements que vous avez l'intention d'adopter, comme un salarié?

M. HARVEY (Jonquière): Un travailleur forestier, qui n'a aucune responsabilité d'entrepreneur ou risque de perte dans le sens qu'il a pris un contrat, est un salarié, mais il est rémunéré — le terme en anglais, c'est "piecework" — à forfait pour du travail qu'il fait selon des méthodes établies. Souvent, le travail forestier, aujourd'hui — on voit que ça s'est modernisé — est fait par équipes. C'est pour ça que des gens qui, autrefois, avaient du travail en forêt peuvent difficilement aujourd'hui en obtenir parce que, sur une équipe, ils baissent le salaire des autres. Mais ce sont des salariés avec une méthode de rémunération basée sur le travail

d'équipe, en raison de la mécanisation constante des opérations dans le domaine forestier. Ce sont des salariés, ma réponse est claire.

M. ROY (Beauce): Comme dernière question, sur ce même point. Cela veut dire, selon les informations que le ministre vient de nous donner, que ce travail forestier — là, nous nous comprenons très bien — est limité à un maximum de $150.

M. HARVEY (Jonquière): Oui, $150, c'est un salarié.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que nous pouvons procéder à la mise aux voix des amendements? Il n'y a pas d'amendements soumis par le ministre.

M. HARVEY (Jonquière): C'est-à-dire qu'à l'article 6 on ajoute les deux alinéas que j'ai mentionnés, comme amendement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que ça s'est fait en commission? Après.

M. HARVEY (Jonquière): Non, à la commission, j'ai consenti à l'étudier et à l'amener en Chambre au moment du rapport, avant son acceptation.

M. LE PRESIDENT: II y a consentement, j'imagine. Est-ce que vous avez ces documents?

L'amendement proposé par le ministre est-il adopté? Adopté.

Relativement aux amendements proposés par l'honorable député de Frontenac, est-ce qu'on peut procéder avec la dissidence de vos députés?

M. ROY (Beauce): J'aimerais un vote enregistré, étant donné que nous sommes cinq, en cette Chambre.

M. BIENVENUE: II n'y aurait pas moyen de le faire? Le résultat, de toute façon, sera le même.

M. ROY (Beauce): Le résultat sera le même, mais c'est très important. Nous tenons — et c'est notre droit — à avoir un vote enregistré.

M. LE PRESIDENT: Nous procéderons à la mise aux voix à six heures moins quart.

En troisième lecture, est-ce que vous demanderez le même vote?

M. ROY (Beauce): Nous allons demander le même vote en troisième lecture et le même vote sur le rapport. Il y a les amendements, il y a le rapport, il y a la troisième lecture.

M. BIENVENUE: Article 5, M. le Président. M. ROY (Beauce): La troisième lecture, M. le Président est reportée à quand pour le projet de loi? Nous avons quand même une intervention à faire en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: Vous pourrez la faire ce soir.

M. PAUL: Hier, on l'a fait, excepté que le vote a été retardé jusqu'après le vote des amendements.

M. LE PRESIDENT: On peut la faire immédiatement.

Débat de troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu propose la troisième lecture des projets de loi nos 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45. Le député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, le député de Maskinongé manifeste la même vigueur qu'au début de mars quand nous avons ouvert cette session. Ce n'est pas un signe que c'est à la veille de finir.

M. le Président, je voudrais brièvement, en troisième lecture, faire quelques commentaires sur les huit projets de loi importants que nous avons discutés à la commission parlementaire durant quelques jours, et plus précisément durant au-delà de 23 heures. Je pense que c'est durant la présente session, la commission parlementaire qui a siégé le plus longuement sur une étude de projet de loi particulier, sauf peut-être la commission des affaires sociales sur l'étude des crédits et peut-être aussi la commission de l'éducation.

A tout événement, même si nous n'avons passé que 23 heures à étudier ces importants projets de loi article par article, au total 1,378 articles, je pense que la commission a tout de même saisi l'importance de ce travail et qu'elle a adopté une procédure de travail qui lui a permis de s'arrêter à l'essentiel, parce qu'il était physiquement et mécaniquement impossible, étant donné la complexité de ces projets de loi, de s'arrêter longuement à chacun des articles de portée technique qui, en définitive frappent pour la plupart une catégorie très spéciale et très limitée de contribuables.

Quand il s'agissait d'articles techniques qui ne s'appliquaient qu'à des corporations, dans des cas très rares et très précis, ou dans le domaine aussi des particuliers, mais dans des cas que l'on retrouve assez rarement, la commission, évidemment, s'est fiée davantage au travail des spécialistes en fiscalité, qu'ils soient de discipline légale ou de discipline comptable qui, on l'a dit, M. le Président, et je le répète, ont travaillé pendant neuf mois, au nombre d'environ 80, à élaborer, à préparer cette réforme fiscale, à préparer chacun des articles. Compte

tenu de ces limitations, j'avais dit en deuxième lecture, au moment où nous avons traité des projets 39 à 45 alors que nous avions déjà commencé en commission parlementaire l'étude du projet de loi 38, que nous avions adopté cette procédure de travail qui nous paraissait justifiée dans les circonstances.

Donc, M. le Président, nous nous sommes attelés à l'étude de cette réforme fiscale dans les circonstances que je viens de décrire. La préparation de la réforme fiscale du gouvernement a été marquée au coin des caractéristiques suivantes: 1) Le gouvernement nous a informé qu'il était urgent de procéder rapidement à cette réforme.

C'est un des critères qui a présidé à nos travaux vers la fin de cette première partie de la session 1972. Il nous a fallu procéder le plus rapidement possible, compte tenu des circonstances. Ce fut le premier critère.

Deuxièmement, nous étions forcément aussi... C'est le gouvernement qui nous a fait ces représentations et nous avons cru que c'était un argument qui, à certains points de vue, était valable, à savoir qu'ailleurs, dans d'autres provinces, on a également tenu compte de la réforme fiscale du fédéral et que sur certains points particuliers — je prends l'impôt sur les successions et l'impôt sur les dons, l'impôt sur les gains de capital, par exemple — il fallait nous en tenir à certaines décisions prises au niveau fédéral. Il fallait également tenir compte des lois qui sont ou qui seront probablement adoptées dans d'autres provinces de façon qu'il y ait coordination de la fiscalité. C'est un des critères dont il nous fallait tenir compte, même si sur certains articles on aurait peut-être pu prendre le risque de s'en écarter davantage. C'était le deuxième critère dont il nous a fallu tenir compte.

Troisièmement, nous avons discuté de cette réforme fiscale avant que les provinces et le fédéral ne s'entendent sur un nouveau partage fiscal. Cela aussi, dans l'esprit du ministre des Finances et dans l'esprit du ministre du Revenu, impose des contraintes au débat en matière fiscale. J'ai été témoin, à la commission, des propositions et des suggestions qui ont été faites, propositions qui auraient pour effet de diminuer les revenus, les entrées de fonds du gouvernement ou, d'autre part, d'accroître les dépenses gouvernementales, choses que l'on ne peut pas faire à cause de nos règlements actuels. C'est bien facile à comprendre. Supposons, pour un instant, que le gouvernement ne dispose pas d'une majorité en cette Chambre et que les trois partis d'Opposition veuillent, dans une réforme comme celle-là, proposer des mesures qui entraînent des dépenses de $100, $150 ou $200 millions. A ce moment-là, le gouvernement étant battu dans les articles de cette loi qui entraîne une dépense considérable de fonds n'aurait d'autre solution que de taxer pour absorber les dépenses créées par cette loi ou de démissionner. C'est la philosophie des règle- ments qui veut que le gouvernement ait le contrôle sur les budgets, sur la dépense qu'il propose à la Chambre. Reste à l'Opposition à critiquer la façon dont il veut répartir cette dépense, quelle proportion, quelle importance relative il veut donner à un secteur par rapport à tel autre. Nous sommes forcément dans une réforme limitée par ce troisième critère.

Quatrièmement, il y aurait l'importance — c'est le ministre du Revenu qui nous en a fait la démonstration par différents articles en particuliers — pour le gouvernement de simplifier autant que possible la loi déjà fort complexe par elle-même, la simplifier dans le sens de l'aligner sur la loi fédérale. Pourquoi? Parce que le contribuable se serait vu, en pratique, pris avec deux lois différentes si le gouvernement avait procédé par cette sorte de loi qui se serait éloignée passablement de la loi fédérale. Le contribuable et les entreprises se seraient vus aux prises, en fin d'année, avec deux régimes fiscaux: un pour le gouvernement central et un pour le gouvernement du Québec. Imaginez. M. le Président, que cette complexité, cette différence se serait ajoutée aux difficultés de se soumettre aux exigences des ministères du Revenu à Ottawa et à Québec.

Compte tenu de ces quatre contraintes avec lesquelles nous avons forcément dû vivre et que nous avons forcément gardé à l'esprit dans l'étude de ces huit projets de loi, aurions-nous pu davantage faire preuve d'originalité et d'initiative?

Je l'ai mentionné en deuxième lecture. Il me paraissait évident que le fait de rapatrier une réforme fiscale du gouvernement central, alors que l'autre niveau de gouvernement a consacré plusieurs semaines et même plusieurs mois à préparer cette législation, dans l'état où nous le faisons actuellement, même si nous ne nous référons expressément dans les lois, nulle part, à d'autres articles de la loi fédérale — on a une législation qu'on peut qualifier de québécoise, je crois bien qu'on peut dire dans l'ensemble et le ministre le sait, parce qu'il nous a préparé une table de concordance, qui nous a aidé dans nos travaux, entre la loi fédérale et la loi provinciale — c'est dans l'ensemble, un rapatriement de la législation fédérale. Je pense donc qu'à ce point de vue, nous n'avons pas fait preuve d'initiative ni d'originalité. Etait-ce possible? C'est une autre question. Mais probablement que, sur certains points en particulier, je l'ai mentionné, en deuxième lecture, dans la réponse au discours du budget et également en commission parlementaire, en ce qui concerne l'impôt sur les successions, sur les dons et sur les gains de capitaux, nous aurions pu faire preuve d'initiative. J'ai dit de quelle façon, c'eût été possible, même si le ministre nous a dit qu'il était limité forcément par sa non-connaissance, par son ignorance de l'importance des montants de ressources que ces impôts vont apporter dans le trésor provincial en 1972 et dans les années suivantes.

On a estimé les revenus de l'impôt du gain de capital à $5 millions en 1972. Ce sont des estimations que nous a données le ministre des Finances. Que valent-elles? Nous ne le savons pas à ce moment-ci. Probablement que ce sera supérieur à $5 millions, quand, l'an prochain, le ministre nous soumettra son nouveau discours du budget.

L'impôt sur les successions a été évalué à $60 millions, donc une somme supérieure à celle de l'année 71/72. Quant à l'impôt sur les dons, je ne me souviens pas des montants avancés dans ce domaine, peut-être d'autres députés s'en souviennent-ils. A tout événement, il était difficile pour le ministre du Revenu, se basant sur les renseignements qu'il avait reçus du ministre des Finances, de nous donner des montants exacts sur les rentrées de fonds. Tout ce que nous savons cependant, c'est que le ministre des Finances a absolument besoin — et il nous en a fait la démonstration — de la même masse d'argent, du même montant total de ressources fiscales en fin d'exercice que ce qu'il avait l'an dernier.

Alors, ne connaissant pas, comme il dit, le rendement exact de l'impôt de capital, il a gardé l'impôt sur les successions; il y en a même une partie qui est gardée sur une base temporaire et qui va diminuer. C'est aussi pourquoi le ministre a imposé les dons entre vifs, secteur de taxation qu'a abandonné le gouvernement central.

Qu'est-ce que le ministre du Revenu aurait pu imaginer pour faire preuve d'originalité dans ces trois secteurs: l'impôt sur les successions, l'impôt sur les dons, l'impôt sur les gains de capital? Une remarque en passant: nous avons mentionné au ministre que ces trois impôts, en certaines circonstances, pourraient entraîner une double, une triple et même une quadruple taxation.

Tout dépendra de la rapidité et de la fréquence avec laquelle les biens seront transmis de main à main, du père à son fils, du fils à d'autres membres de la famille. Pour l'impôt sur les dons et l'impôt sur les successions, ce sera la même chose. Etant donné qu'il y a déjà un impôt sur le gain de capital au moment du décès, à partir de 1972, il y aura aussi un impôt sur les gains de capital au moment de la donation. Il pourra y avoir — nous avons donné des exemples au ministre — double, triple et même quadruple taxation.

Je reviens à la remarque initiale que je faisais pour dire que probablement on aurait pu faire preuve d'originalité en associant ces trois taxes à un dégrèvement, pourvu que l'individu, le père de famille ou le chef d'entreprise veuille bien réinvestir et, par là, favoriser l'expansion de son entreprise. Il me semble qu'il y aurait eu là un secteur à explorer davantage pour ne pas laisser seulement au ministre de l'Industrie et du Commerce toute la responsabilité dans ce secteur de la promotion des entreprises. On peut y arriver aussi par la fiscalité. Le ministre du Revenu nous en a donné la preuve en une autre circonstance, quand, dans le projet de loi no 44, on a modifié la Loi de l'impôt sur la vente en détail pour exempter de la taxe de vente de 8 p.c. la machinerie qui va servir à la fabrication dans le domaine industriel.

Le ministre du Revenu nous a donc donné la preuve qu'il était capable de le faire au moyen de la fiscalité, comme il l'a fait pour le bill no 21, l'an dernier, quand il a accordé une dépréciation accélérée. Le ministre du Revenu aurait pu nous donner davantage la preuve qu'il ne laisse pas toute la responsabilité de la promotion industrielle au ministre de l'Industrie et du Commerce. Par l'impôt sur les gains de capital, l'impôt sur les dons, sur les successions, il aurait pu faire preuve de plus d'initiative. En examinant le rendement de ces impôts, sans nous mettre en position d'infériorité par rapport aux autres provinces, par rapport à l'Ontario, par rapport surtout aux provinces limitrophes et aux états américains, il y aurait peut-être lieu, durant la présente année, d'examiner très attentivement le rendement de ces taxes afin de voir de quelle façon on pourrait s'en servir pour donner suite aux initiatives dont je viens de parler.

Quant à l'aspect technique des lois, j'y ai fait allusion au début de mon intervention. Je voudrais dire également que le fait que ces lois aient été préparées, à la fois, par des experts qui sont des juristes et, d'autre part, par des praticiens, ajoute à la sécurité ou au degré de fiabilité avec lequel nous avons reçu le travail qu'ils nous ont présenté à la commission parlementaire.

De toute façon, il s'agit là — le ministre, je pense bien, l'admettra — d'un point de départ. Il fallait bien que, dans cette réforme fiscale, nous commencions, que le ministre et le gouvernement prennent certaines décisions. Je partage l'opinion de mes collègues du Ralliement crédi-tiste et l'opinion des représentants du Parti québécois, à l'effet qu'il aurait été souhaitable que la répartition du fardeau fiscal se fasse peut-être différemment, que l'on soulage davantage certaines classes de gens, les plus faibles, les plus défavorisés, ceux qui, dans l'échelle des revenus, se classent dans les plus basses catégories. On n'a qu'à se référer aux dernières statistiques fiscales du gouvernement fédéral pour voir que, dans les différentes catégories, ceux qui portent le plus gros du fardeau fiscal se situent dans le milieu de l'échelle et sont ceux qu'on appelle communément la classe moyenne.

Il ne s'agit pas de considérer, dans ce domaine, que c'est un point d'arrivée, mais il s'agit bien d'un point de départ. Il faudra, durant la première année de l'application de la réforme fiscale, voir de quelle façon, en pratique, cette réforme va jouer, de quelle façon elle va frapper les différentes catégories de contribuables. Il ne faudrait pas — le ministre l'a laissé entendre — dès l'automne ou aussi souvent que

cela sera nécessaire, hésiter à proposer à cette Chambre des modifications dans le sens de celles que l'on a suggérées à la commission parlementaire, même si financièrement, actuellement, il est impossible au gouvernement de les accepter. Quand il est proposé une mesure comme celle de rétablir les exemptions de base de $300 pour les enfants, nous acceptons volontiers, pour notre part, que ce ne doit pas être discuté simplement dans le contexte des exemptions fiscales de $300 pour les enfants. La fiscalité, c'est tout un ensemble. Si on change une mesure, il faut se rendre compte également de l'influence ou des répercussions que cela comporte sur d'autres mesures d'ordre fiscal.

Alors, il faut associer — le député de Beauce y a fait allusion — les éléments de la réforme fiscale, en ce qui concerne les exemptions de base, aux allocations familiales. Il a fait le joint. C'est pour cela qu'en 1967, quand il s'est agi de toucher à ces exemptions, nous avons, par contre, compensé par un régime d'allocations familiales. Si, d'une part, il a retiré $43 millions à certaines classes de gens, d'autre part il a redistribué $82 millions à la masse des gens qui avaient des charges de familles. Alors, cela a été associé davantage à une politique familiale qu'à une politique fiscale.

Je souhaite que, tenant compte de toutes les observations et de toutes les suggestions qui ont été faites, le ministre voie à cette réforme fiscale dans son ensemble, qu'il ne l'examine pas en vase clos. En collaboration avec son collègue des Affaires sociales, qu'il voie à ce que la politique fiscale poursuive les mêmes buts que la politique familiale.

Je ne crois pas, pour ma part, que l'on doive attribuer au seul ministre du Revenu l'intransigeance de la réforme fiscale. Il est solidaire d'un gouvernement. Le ministre des Finances est probablement, dans le cabinet, celui qui, par son rôle, doit être le plus intransigeant une fois qu'il a déposé son budget. Il craint les budgets supplémentaires et il les redoute, nous savons pourquoi. Alors, s'il avait fallu que le ministre des Finances se voie pris avec un budget supplémentaire de $50 millions à $100 millions, à cause de la réforme fiscale, je pense bien qu'il y aurait certainement eu des problèmes. Il y en aurait peut-être eu aussi pour le ministre du Travail, qui a besoin d'une partie du budget gouvernemental pour régler les problèmes qu'il est à discuter dans le moment.

Alors, c'est un partage entre les différents ministres, entre les différents ministères et entre les différentes priorités. Est-ce qu'il y a assez d'argent, par la réforme fiscale, actuellement, de réparti entre les différentes classes? Est-ce que le fardeau fiscal est réparti avec justice et équité? Jamais, je pense, nous n'aurons la réponse exacte. Je pense qu'il est impossible d'atteindre, dans ce domaine, la parfaite justice, la parfaite équité. Mais il faut y tendre davantage. J'espère qu'à la suite de l'adoption de ces lois c'est la tâche prioritaire à laquelle s'attaquera le ministre du Revenu.

M. GIASSON (président): Le député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, au cours de ce court débat de troisième lecture, je voudrais dire à l'honorable ministre du Revenu que je comprends très bien le rôle ingrat qu'on lui a confié. Je voudrais l'assurer que mes remarques ne seront pas des remarques que je lui adresse personnellement. Je vais adresser ces remarques au membre du cabinet et responsable d'un important ministère qui a un rôle à jouer. Mes remarques viseront surtout l'ensemble du gouvernement, le gouvernement qui dirige la province de Québec à l'heure actuelle.

M. le Président, j'écoutais le député de Montmagny, au début de son allocution, qui a commencé par ces mots: "La commission a été saisie de 1,378 articles." Je n'ai pu m'empêcher de sourire un peu, parce qu'il est vrai que la commission a été saisie de 1,378 articles. Mon sourire a été de courte durée, parce que je me suis bien rendu compte que c'était maintenant au tour de la population à être saisie de ces 1,378 articles.

M. le Président, les lois fiscales que nous venons d'étudier —les lois nos 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45 — constituent en quelque sorte les huit lois principales qu'on a mentionnées à grand coup de publicité comme étant la réforme fiscale, au Québec. Après l'adoption des lois fiscales, de grandes discussions ont eu lieu aux deux niveaux de gouvernement, c'est-à-dire entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.

En examinant ces lois, en les étudiant, je suis allé à la commission à quelques reprises, j'en ai profité, durant plusieurs heures, en dehors de la commission, pour les étudier attentivement. Je me suis rendu compte, au fur et à mesure de nos observations, que les lois fiscales que nous allons adopter sont tout simplement des lois de concordance des lois fédérales. Je trouve qu'il est tout simplement tragique de constater que le Québec...

M. HARVEY (Jonquière): Impôt sur les dons, gains de capital, Loi des carburants. Allô, concordance !

M. ROY (Beauce): ... vient encore une fois de manquer le bateau. Le Québec aurait pu, étant donné tous, les mécanismes qu'il a — je pense que c'est la seule province qui a une législation fiscale complète — se donner les moyens pour faire la promotion du développement industriel du Québec.

Le ministre vient de mentionner les gains de capitaux, les droits sur les successions et ainsi de suite. On en connaît les conséquences

d'avance. Certes, l'Etat a besoin de capitaux pour s'administrer, mais le Québec a besoin particulièrement d'une législation fiscale bien à lui, une législation fiscale qui réponde à nos besoins, une législation fiscale qui tienne compte de la réalité du Québec, une législation qui tienne compte du potentiel que nous avons, au Québec.

Je regrette mais on a tout simplement copié ce qui s'est fait ailleurs, en s'empressant de taxer ce que les autres avaient décidé d'abandonner, parce que justement, on prétendait qu'il était dans l'intérêt de l'économie canadienne, dans son ensemble, de voir à abandonner certaines dispositions, certaines pratiques en matière fiscale.

M. le Président, je ne peux m'empêcher de me poser plusieurs questions. De qui ces lois fiscales feront-elles l'affaire? Feront-elles l'affaire du contribuable? Je sais qu'il n'est jamais agréable pour le contribuable de se faire taxer, de payer des impôts. Feront-elles l'affaire de nos industriels? Feront-elles la promotion économique du Québec? Favoriseront-elles la transformation de nos richesses naturelles, chez nous? Malheureusement, nous devons conclure que non.

Elles feront quand même l'affaire de quelqu'un. S'il y a des perdants, il doit quand même y avoir des bénéficiaires quelque part. Il est impossible qu'il y ait des perdants partout. Lorsqu'il y a un perdant quelque part, c'est qu'il y a un bénéficiaire ailleurs. Ces fameux bénéficiaires, on n'en a pas parlé tellement. Je vais me permettre de dire que cela fait l'affaire de la finance et que cela fait l'affaire du système, que nous dénonçons. Cela fait l'affaire des collecteurs d'intérêts sur les dettes publiques fictives — je tiens bien à ajouter le mot — fictives.

Lorsqu'on examine ces choses de plus près, on peut se rendre compte de l'immense ballon, de l'immense "scheme", si on peut dire, d'un "bluff" épouvantable qui égorge les contribuables, qui égorge les travailleurs, qui égorge à peu près tout le monde. Si on prend dans les poches, dans les revenus de quelques-uns, cela bénéficie à quelqu'un d'autre.

Certes, M. le Président, nous admettons qu'il y a quand même certaines lois qui permettent d'assurer des services sociaux, des services communautaires, qui permettent une répartition. Mais il y a beaucoup plus que cela. Lorsque l'on songe qu'au Québec, un petit peuple de 6 1/4 millions, en est rendu à payer $2 1 /4 millions par jour d'intérêt, uniquement sur les dettes publiques, je ne parle pas des dettes privées, je dis que ce système fiscal, qu'on est en train d'approuver, au Québec, fait l'affaire de quelques-uns. Cela fait l'affaire de la finance et du système.

Cela fait aussi l'affaire d'autres personnes, qui trouveront certainement beaucoup d'arguments pour justifier l'option de séparer le Québec du Canada, d'isoler le Québec, de créer un mur autour du Québec, pour nous enliser dans le séparatisme et pour justement crier contre le profit que font certaines entreprises.

Ils justifient ainsi les étatisations, les nationalisations, autrement dit la dépossession de nos entreprises. Cela va faire l'affaire des socialistes, des séparatistes que nous avons.

Je dis que ça fait l'affaire de la finance d'abord. Je vais me permettre encore de citer des chiffres; ce n'est pas la dernière fois que je vais en citer. Je veux quand même attirer l'attention du gouvernement — et non seulement celle du ministre du Revenu — et lui dire que lorsque le gouvernement veut, par la fiscalité, et uniquement par la fiscalité, et en négociant avec le gouvernement fédéral, aller récupérer quelques points d'impôt. Le premier ministre qui est fort dans un nouveau vocabulaire nous a servi des mots nouveaux cette semaine, des mots que nous n'avions jamais entendu au Québec, des points d'impôt "péré-quatés". Nous n'avions jamais entendu parler de ça.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question? Je l'écoute avec beaucoup d'attention. Il y a deux choses que j'aimerais savoir. Est-ce que le député admet qu'il y a des provinces canadiennes qui ont un gouvernement du Crédit social et que dans ces provinces la dette par habitant est plus élevée qu'au Québec?

Une fois qu'il m'aura répondu, est-ce qu'il pourrait nous dire — en plus de nous dire qu'il est contre le socialisme, contre le séparatisme et contre d'autres choses — ce qu'il recommande? Que nous coupions le budget par deux? C'est ça que nous aimerions savoir. Je vais vous écouter attentivement pendant cinq minutes.

M. ROY (Beauce): Le ministre de l'Industrie et du Commerce vient de m'ouvrir une très belle porte. Je m'attendais que cette porte me soit ouverte aujourd'hui par l'honorable ministre des Finances, mais vu son absence, je constate que l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce a ouvert la porte lui-même.

M. VEILLEUX: II fait un bon travail.

M. ROY (Beauce): Pour son information, et pour ne pas citer des chiffres en l'air, j'ai ici ce qu'on appelle le budget de la Colombie-Britannique, administré par un gouvernement créditis-te depuis 1952. Et il n'y a plus de dette publique depuis 1960 au niveau gouvernemental provincial. Et c'est dans le bilan authentique de la Colombie-Britannique.

Et je vais aller plus loin, le ministre vient de m'ouvrir une porte. J'ai des petites nouvelles pour vous.

M. SAINT-PIERRE: II y en a qui content des mensonges.

M. ROY (Beauce): C'est qu'au temps de l'administration des trois L — nous avons eu les trois D dernièrement, mais il y a déjà eu les trois L: Lesage, Lévesque, Lajoie — on se rappellera que le gouvernement de la Colombie-Britannique lui-même avait prêté quelque $100 millions au gouvernement de la province de Québec. Je ne sache pas que le Québec ait prêté de l'argent aux autres provinces, parce que le gouvernement est trop endetté, il ne fournit même plus d'emprunter.

Et en deuxième lieu, dans le rapport de l'Office des autoroutes du Québec — on ne le dit pas, on est muet parce que c'est gênant, ça pourrait nous donner raison — on dit dans la table C de la page 38 du budget de la Colombie-Britannique — et remarquez bien que je suis convaincu que j'apporte des nouvelles que l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce ne savait pas — que ce gouvernement a fait un prêt à l'autoroute Montréal-Laurenti-des, de $5,030,000 à 5 p.c. d'intérêt. Et si l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce et le gouvernement en veulent d'autres, nous pourrions y aller encore.

J'admets que les provinces créditistes de la Colombie-Britannique et de 1'Alberta n'ont pas pu faire la réforme financière, mais elles ont quand même adopté des principes d'économie moderne, d'administration et de gestion moderne qui ont contribué à faire la prospérité de ces provinces, puisqu'elles paient de la péréquation et nous, nous en retirons, alors que nous sommes plus riches qu'elles. Que le ministre me prouve le contraire !

M. SAINT-PIERRE: Je n'ai jamais entendu autant de sophismes dans 30 secondes. Est-ce que le député me permet une question?

M. ROY (Beauce): Je vais permettre une question, à condition qu'on ne me limite pas dans mon droit de parole. L'honorable député de Maskinongé me dit qu'il s'y oppose.

M. SAINT-PIERRE: Cela va prendre 30 secondes. Est-ce que vous êtes sérieux en disant que les dettes publiques de la Colombie-Britannique sont à zéro? Les dettes publiques, c'est l'ensemble des dettes des commissions scolaires, des municipalités. Voilà les dettes publiques. Je vais vous donner les chiffres. Si vous me dites que c'est zéro, je vais vous dire une chose: c'est qu'il y en a qui content des mensonges en paroles, et d'autres les écrivent.

M. ROY (Beauce): J'ai parlé de la dette du gouvernement de la Colombie-Britannique. Si le ministre veut entreprendre un débat sur la question des dettes municipales et scolaires de la Colombie-Britannique, je vais me documenter et ça me fera plaisir de lui donner les informations qu'il désire obtenir.

Je voulais dire, tout simplement, que tant et aussi longtemps que nos gouvernements, qui se disent modernes, ne pourront admettre la réalité moderne dans laquelle nous nous trouvons et qu'ils vont continuer à aller puiser uniquement dans la fiscalité pour pouvoir administrer le budget de la province et faire les investissements nécessaires au développement de l'économie, nous n'irons nulle part, nous courrons vers le désastre, vers la catastrophe.

Je demande au ministre de l'Industrie et du Commerce de bien écouter. Je pense que je vais répondre à ses questions au fur et à mesure de mon intervention. Après mon intervention, je pourrai lui permettre d'intervenir s'il le désire et si les autres membres de la Chambre sont d'accord.

M. LACROIX: Avant d'être député, vous vendiez des obligations à gros intérêts pour la Caisse d'économie du district de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, il faudrait que je donne un cours au député des Iles-de-la-Madeleine et mon temps de parole ne me le permet pas. Je veux tout simplement qu'on remarque ceci, plutôt que de réfuter nos arguments. Le gouvernement du Québec n'y échappera pas. Il ne pourra pas passer à côté. Plus il va retarder, plus nous allons nous enliser sur le plan économique, plus nous allons nous retrouver dépossédés de ce que nous avons, dépossédés de nos commerces, dépossédés de nos ressources, dépossédés de nos industries. A l'heure actuelle, on a commencé à déposséder les travailleurs du Québec de leur salaire, puisqu'il y en a qui sont rendus à avoir 35 p.c. et même 40 p.c. de déductions à la source.

Sur ce sujet précis, nous demandons au gouvernement d'examiner la possibilité d'utiliser le crédit de la province pour trouver les capitaux dont il a besoin pour faire les investissements nécessaires. A ce moment-là, la fiscalité servira à administrer le budget des dépenses courantes, plus les dépréciations des immobilisations, comme toute entreprise moderne, comme toute entreprise progressive peut le faire.

Le premier ministre se prépare à aller à la conférence d'Halifax, selon les réponses qu'il a données à nos questions cette semaine. Cette conférence fait suite aux fameuses conférences qu'il y a eues à Winnipeg, et à Victoria. Le gouvernement, sur ce point, s'en va encore pleurnicher sur nos malheurs auprès des autres provinces, auprès de la fédération canadienne, pour être capable d'avoir la charité, selon la formule qu'utilisaient les mendiants: S'il vous plaît, pour l'amour du bon Dieu, voulez-vous me donner la charité?

Les ententes de 1942, ça fait deux ou trois fois que nous en parlons en Chambre, M. le Président, et il n'y a pas moyen de rien savoir. Est-ce qu'elles existent encore, les ententes de 1942? Après ce que nous avons dit, l'autre jour, en cette Chambre, seulement le Parti québécois a parlé des ententes de 1942.

Cela n'a pas eu l'air de tellement faire

l'affaire, mais, quand même, j'interviens là-dessus.

M. LACROIX: C'était parce que c'étaient les enfants du bon Dieu, puis ils ne veulent pas en entendre parler, eux.

M. ROY (Beauce): Si le gouvernement ne s'est pas prévalu des dispositions qu'il y a dans les ententes de 1942, je me demande, à ce moment-là, pourquoi on va pleurnicher aux conférences fédérales-provinciales, alors que la clause est très précise: La province de Québec peut mettre fin à cette entente en envoyant un avis de trente jours avant le 31 mars de chaque année. Nous avons tout en main pour être capables de légiférer. Je me demande encore pourquoi nous continuons à aller brailler, à aller pleurnicher, autrement dit, puis à aller quémander la charité, alors que, dans la province de Québec, nous avons tout pour faire ce que nous voulons.

Nous avons un gouvernement qui devrait être responsable et assez compétent — il aime beaucoup parler de compétence; il faudrait non seulement en parler, mais l'être effectivement — pour se doter de véritables pouvoirs économiques pour être capable d'appliquer ses politiques. Un gouvernement qui n'a pas de pouvoirs économiques est un gouvernement qui fait de la législation à peu près pour ne rien dire. A ce moment-là, il est limité, même si on adopte des lois en cette Chambre. Une fois que les lois sont adoptées, lorsque nous avons des représentations à faire auprès de tel ou tel ministre pour demander si on pourrait bénéficier des dispositions législatives et des lois qui existent, nous avons toujours la même réponse, que ce soit le ministère que ça voudra: Pas de budget, pas de budget, pas de budget !

Dans ces lois fiscales, au lieu de doter le Québec d'une véritable économie en tenant compte du coût réel de nos frais d'administration, on s'attaque aux victimes du système, à ceux qui sont les plus pénalisés, les petits salariés et les familles.

Je remarque la présence du ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, responsable de la Loi de la protection du consommateur. Je pense que l'avenir est proche où nous devrons faire motion en Chambre pour demander au ministre responsable de la Loi de la protection du consommateur de faire une étude complète sur l'attitude que le gouvernement du Québec a à l'endroit des consommateurs du Québec qui se font dépouiller beaucoup trop de leur salaire par toutes sortes de taxes.

M. le Président, je termine là-dessus.

M. TETLEY: M. le Président, le député me permet-il une question? Vous voulez qu'on fasse quoi? Ne faites pas une grande déclaration générale si vous voulez une enquête, je suis prêt à faire n'importe quelle enquête, mais sur quoi? Sur toute la consommation au Québec? Les Québécois consomment pour...

M. ROY (Beauce): Sur la supertaxation au Québec.

M. TETLEY: ... $25 milliards par année. M. ROY (Beauce): M. le Président...

M. PAUL: M. le Président, je crois que l'honorable député...

M. TETLEY: C'est notre produit national brut.

M. PAUL: ... de Beauce veut parler de la criminalité fiscale.

M. ROY (Beauce): L'honorable député de Maskinongé a le mot juste. Nous constatons le fait et c'est un peu ce qui nous déçoit. Je comprends que le Québec doit permettre à de grandes entreprises de s'installer chez nous et favoriser les investissements massifs de façon à développer nos ressources, à donner du travail à nos gens de chez nous, à nos jeunes travailleurs.

Je crois qu'il y a passablement d'exagération dans nos lois fiscales à l'heure actuelle, surtout en ce qui a trait aux intérêts déductibles permis lorsque des entreprises empruntent des deniers pour acheter une autre entreprise ou encore en contrôler une autre. Il est évident que cette disposition fiscale a pour but de favoriser les entreprises multinationales et la création de cartels, de monopoles. Nous savons que, lorsqu'il y a cartel, monopole, on se retrouve toujours avec l'exploitation du peuple. On voit alors ceux qui prônent le socialisme crier au meurtre, crier au scandale; ils exigent l'étatisation. Au lieu de prendre des dispositions pour la protection du public, on achète ces actifs à de gros prix, on prévoit même des dédommagements en cas de pertes futures et on garantit aux entreprises de gros intérêts pour le reste de leurs jours.

Elles ne s'en portent que mieux parce qu'effectivement elles n'ont aucun risque. Je pense que le gouvernement se devrait d'administrer la province selon la réalité de 1972. Je constate que nos lois fiscales et l'attitude que le gouvernement maintient au sujet du développement économique et de l'administration de la province n'ont pas du tout changé depuis 1890; ce sont les mêmes principes. A cette époque, nous n'avions pas la capacité de production, nous n'avions pas l'automatisation, la cybernétique et toutes les nouvelles sciences qui ont permis au peuple de produire davantage pour le mieux-être des Québécois.

Nous ne pouvons pas profiter de ces choses, le crédit étant l'apanage exclusif des institutions financières que sont les banques et les institutions privées. Je pourrais encore citer des chiffres à l'intention du ministre sur ce point.

Le gouvernement continue en maintenant ce qu'on pourrait appeler un système de pauvreté garanti avec revenu maximum permis qui a pour but de consacrer de façon définitive la ruine des Québécois.

J'espère que les paroles très dures que je viens de prononcer à l'endroit du gouvernement sonneront le réveil et qu'il examinera attentivement l'à-propos de nos suggestions. Ce que nous disons, ce n'est pas pour le simple plaisir de critiquer; nous ne le disons pas non plus pour le simple plaisir de nous faire du capital politique ou autre chose. Nous le disons parce que nous sommes persuadés, après avoir fait une étude, après avoir examiné la situation et après avoir fait de la recherche dans ce domaine, qu'il serait à l'avantage des Québécois de modifier notre système. Ainsi, la fiscalité répondrait aux exigences et au coût des services que le gouvernement se doit d'assumer. Cela se ferait sans surexploitation ou surtaxation. On assume des services et on fait de l'investissement en privant les consommateurs québécois et surtout en payant des intérêts épouvantables aux pays étrangers. A l'heure actuelle, ceux-ci se servent des jeux de comptabilité pour créer des dettes, des servitudes au Québec et de ce fait nous déposséder de nos richesses naturelles.

Je demande à l'honorable ministre, dans sa république de troisième lecture, de nous faire connaître un peu les intentions du gouvernement dans ce domaine.

Nous osons croire que le gouvernement révisera ses positions et pensera au peuple québécois, aux petits contribuables du Québec et pensera également qu'il a pour fonction et pour rôle d'éviter l'éclatement de notre société qui est de plus en plus en danger.

M. VEILLEUX: Vive la Banque du Canada! M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin. M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, chaque fois que le député de Beauce parle avant moi, cela m'invite toujours, au début de mon intervention, à m'écarter de mon propos parce que je peux difficilement résister à la tentation de commenter quelques-uns de ses propos. Tout à l'heure, il m'a bien fait rire. Dans un sens, je le trouve plein de contradiction. Il est pour les petits, il ne voudrait pas qu'on les impose, mais, en même temps, il est pour les gros aussi parce qu'il a peur que les socialistes se mettent à courir après.

D'autre part, il déplore le fait que la réforme fiscale qu'on fait ici est limitée parce que l'initiative vient du gouvernement central et qu'il faut ajuster nos lois en concordance avec les autres, mais il ne veut pas changer non plus ce régime constitutionnel qui enlève l'initiative au Québec en matière fiscale.

On a l'impression qu'il veut faire plaisir à tout le monde en même temps. Dans un sens, on peut parfois appeler ça, en politique, de la démagogie. Parce qu'on ne veut pas perdre de vote, on essaie de faire plaisir à tout le monde en même temps. Mais je n'irai pas jusque-là. Je pense qu'il s'agit peut-être d'un autre cas. C'est peut-être que, finalement, le député de Beauce est un grand romantique, c'est-à-dire...

M. ROY (Beauce): M. le Président, le député de Gouin me permettrait-il une question?

M. LEDUC: II vient de vous dire que vous êtes un grand romantique.

M. ROY (Beauce): Je n'ai pas à discuter, je veux lui demander si tout à l'heure j'ai parlé de la question constitutionnelle ou si je me suis limité uniquement à parler de questions fiscales et économiques. S'il veut mêler les choux avec les carottes, on pourra peut-être faire un autre débat.

M. JORON: Je disais que je le trouvais romantique parce qu'il me paraît être de ceux qui croient qu'il n'y a pas d'intérêts conflictuels dans la société et qu'il est possible de faire plaisir à tout le monde en même temps. Moi, je pense que c'est impossible. Il y a des intérêts en contradictions les uns contre les autres dans la société, et il arrive des moments où, surtout quand on fait de la politique, il faut faire des choix, où il faut se brancher, où il faut prendre parti, soit pour les petits contre les gros, soit pour l'initiative à Québec par rapport à l'initiative à Ottawa. Et quand on est réaliste, ces choix il faut les faire un jour et avoir le courage de les faire. On ne peut pas rester tout le temps à souhaiter que les choses aillent bien, que tout s'arrange et que les intérêts finissent par s'harmoniser. Ce n'est pas ainsi que ça se passe. Ce n'est jamais ainsi que ça s'est passé dans l'histoire de l'humanité, et je ne vois pas pourquoi ce serait différent au Québec dans les années difficiles que nous traversons. Ceci posé, je veux vous parler brièvement des sept ou huit projets de loi que nous avons étudiés la semaine dernière en commission, soit un total de 1,500 articles environ.

Bien des gens auront eu l'impression qu'un total aussi impressionnant d'articles a été étudié quand même assez rapidement. Certains se scandaliseront peut-être du peu d'intérêt, il faut le dire, qu'ont manifesté la plupart des députés et même les membres de la Tribune de la presse, du peu d'intérêt en général que cela a semblé susciter dans le public en général.

Il y a une raison à ça. Quand en même temps on voyait cette masse impressionnante de papier, un total de 1,500 articles, ça fait des projets de loi assez impressionnants, et quand en plus le gouvernement le présente sous le couvercle d'une réforme fiscale en profondeur — ce sont les mots mêmes du ministre des Finances dans son discours du budget — je

comprends qu'on s'étonne de voir un projet aussi impressionnant adopté, à toutes fins utiles, en moins d'une semaine.

C'est pourquoi je pense qu'il serait intéressant de s'arrêter quelques instants pour se demander au juste de quoi il a été question dans ces projets de loi, dans ce total d'environ 1,500 articles. Il a été question essentiellement de quatre choses. La principale, celle qui occupait en volume le plus grand nombre d'articles, c'est la reformulation de lois qui existaient déjà. C'est une partie de l'explication.

En d'autres mots, nous n'étions pas appelés à voter des lois nouvelles, mais des lois qui existaient, séparées dans plusieurs projets de loi et qu'on fondait dans de nouveaux projets de loi. C'est un exercice, si vous voulez, de réédition d'un grand nombre de nos lois fiscales. Il n'est pas surprenant que cela ait passé rapidement.

En deuxième lieu, il y avait des lois nouvelles qui sont la transcription, dans nos lois fiscales québécoises, de nouvelles dispositions qui ont été votées au Parlement fédéral, à la fin de l'année 1971. Parmi celles-ci, une surtout a une certaine importance. C'est l'imposition des gains de capital. C'est ça qui est le coeur, ou si vous voulez, la pièce maîtresse de la réforme fiscale dont il est question aujourd'hui. Est-ce qu'on peut qualifier de réforme fiscale en profondeur une réforme qui, finalement, dans son coeur même, a pour effet principal d'imposer les gains de capital à 50 p.c? C'est-à-dire que 50 p.c. seulement des gains de capital sont imposables au taux de l'impôt sur le revenu, dont on a, en même temps, diminué la progressivité de l'échelle pour l'arrêter à 61 p.c. plutôt qu'à 80 p.c. où elle était auparavant.

Quel est le résultat total de cela? Le député de Montmagny l'a signalé quand il mentionnait que les revenus prévus pour cette année seront de $5 millions. D'accord, il y a deux éléments là-dedans. L'estimation est peut-être faible en raison que depuis que cette estimation a été faite, les cours en bourse, en particulier, ont subi une augmentation assez substantielle. D'autre part aussi, il faut considérer que le produit de la taxe sur le gain de capital ne se réalisera pas la première année. Les gains seront réalisés dans deux ans, trois ans et seront échelonnés. Ce n'est qu'au bout d'un certain nombre d'années qu'on verra le produit exact. Mais on peut quand même mesurer, si on compare au produit de l'impôt sur le revenu, qui dépasse le milliard de dollars pour la partie québécoise, les maigres $5 millions dont il est question, comme ce nouvel impôt a une importance très relative dans l'ensemble de notre fiscalité. Il est si peu important qu'on ne peut pas le qualifier de réforme en profondeur.

D'ailleurs, ce n'est pas une invention bien extraordinaire que cette imposition au taux que je mentionnais tout à l'heure. C'est une loi qui existait aux Etats-Unis, à peu près dans les mêmes pourcentages, depuis déjà, si ma mémoi- re est fidèle, une vingtaine d'années tout au moins. Les Etats-Unis, vous le savez, n'ont pas la réputation d'être le pays le plus socialiste au monde, pourtant cette mesure a existé. La taxation dans les proportions qui nous concernent, qui nous intéressent, la taxation des gains de capital existait aux Etats-Unis depuis déjà une vingtaine d'années. Donc, on n'est pas en train de changer mer et monde avec cet élément. Qu'y avait-il d'autre?

Pour le reste, je n'hésite pas à qualifier cela de "bébelles", de petits arguments qui, finalement, sont peut-être avantageux pour les contribuables, sont peut-être souhaitables. D'ailleurs, nous étions d'accord sur la majorité de ces nouvelles dispositions, mais qui ne peuvent pas avoir la prétention de s'appeler une réforme fiscale. Que l'on permette l'étalement du revenu, que l'on permette l'admissibilité de certaines déductions qui n'existaient pas auparavant, comme les $150 ou 3 p.c, que l'on permette la déduction des frais de garde des enfants aux mères de famille qui travaillent à l'extérieur du foyer, ce n'est pas ça qu'on peut appeler une réforme fiscale. Ce sont des accommodements souhaitables, mais cela ne constitue pas la chair, le coeur de ce qu'aurait été une réforme fiscale.

Cela a été le genre d'articles que nous avons adoptés, que nous avons inscrits pour la première fois dans nos lois fiscales uniquement parce que ces lois avaient été adoptées à Ottawa. On les a finalement transcrites dans nos lois à nous. C'était le deuxième bloc ou le deuxième élément, si vous voulez, en ordre d'importance, de nos travaux depuis un peu plus d'une semaine.

En troisième lieu, il y a des changements proprement québécois. C'est vrai qu'il y en a quelques-uns.

Quels sont-ils? Il y a une majoration temporaire des anciens taux d'impôt sur les droits de succession. Temporairement, puisque le fédéral vient de se retirer de ce champ, on augmente de 25 p.c. ce qui était, autrefois, les taux québécois. C'est-à-dire que ce que le Québec percevra dorénavant — les taux — au lieu d'être l'équivalent de 50 p.c. de l'ancienne taxe globale sur les impôts successoraux, sera équivalent à 62.5 p.c. Cela se fait conséquemment, par concordance, encore une fois, à une initiative qui a été prise au niveau fédéral. Du même coup, cela nous force à inscrire dans la loi québécoise un autre élément nouveau, l'impôt sur les dons. Bien entendu, si nous restons seuls, entre les deux paliers de gouvernement, avec un impôt sur les successions, il faut qu'il y ait une corcordance, qu'il y ait un impôt sur les dons, autrement l'impôt sur les successions ne veut plus rien dire parce que toutes les masses qui seraient devenues taxables au moment d'une succession, il est bien évident que le contribuable aurait eu avantage fiscal à les donner avant sa mort pour éviter le droit de succession.

Le maintien d'une partie de l'impôt sur les droits de succession obligeait, par voie de

concordance, encore une fois, à la création d'un impôt sur les dons. Là encore, ce n'est pas une initiative. C'est quelque chose que nous sommes forcés de faire, qui est une conséquence de gestes posés au niveau fédéral.

Ensuite, il y a eu, à certains égards, des modifications des taux. C'est vrai qu'il y en a eu. Dans certains cas, pour certaines catégories de revenus, cela va se traduire dans une baisse du fardeau fiscal. Tant mieux! Globalement, cependant — et c'est ça qui est intéressant à regarder — la courbe de progressivité qui est bien différente de la baisse ou de l'augmentation des taxes dans chaque niveau de revenu de l'impôt sur le revenu, au lieu d'être améliorée, au lieu d'être accentuée dans un souci de meilleure distribution, si vous voulez, de la richesse ou d'une plus grande équité fiscale, a, au contraire, été diminuée par le fait des nouvelles tables d'impôt. Là, il y a eu une initiative québécoise, mais qui aboutit à quel résultat? A une diminution du taux de progressivité de nos échelles d'impôt. C'est ce que nous déplorons.

D'autre part, il y a eu une initiative purement québécoise quant au chapitre de la taxe de vente, quand on a décidé d'abolir la taxe de vente sur la machinerie industrielle. Ceci équivaut, je le disais en commission et je le répète ici brièvement, à faire un transfert de ressources qui a été estimé à environ $5 millions pour l'exercice à venir, un transfert de ressources de $5 millions en faveur des entrepreneurs détenteurs de capitaux. Le but visé — on le comprend facilement et on va souscrire facilement au but — c'est de faire augmenter les investissements qui, par voie de conséquence, font augmenter l'emploi, font augmenter les salaires, font augmenter le revenu national, font augmenter la richesse collective. D'accord. Mais il y a bien des façons de se rendre à ce même revenu. Il s'agit de choisir, quand on doit faire des transferts de ressources, qui va être le bénéficiaire ou qui sera l'instrument, qui sera le véhicule, si vous voulez, du but que l'on poursuit. Là, il y a des choix de nature philosophique à faire. Est-ce que l'on va choisir, comme on vient de le faire, de détaxer l'entrepreneur? Est-ce qu'on va choisir d'envoyer les mêmes ressources au niveau des consommateurs pour atteindre — et c'est évidemment plus difficile à évaluer — le même résultat? Parce qu'une augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs, se traduisant par une augmentation de la demande, a pour effet d'entraîner les entreprises à augmenter les investissements, ce qui, à son tour, augmente les emplois, ce qui, à son tour, augmente le revenu national. Et on aboutit au même but. Ou, encore, si on choisit de ne pas faire ça, l'Etat peut choisir de garder le cadeau qu'il vient de faire aux entrepreneurs pour lui-même, pour ses investissements publics et augmenter d'autant ses investissements dans l'économie, faisant à son tour augmenter les investissements, augmenter les emplois, tou- jours pour arriver au même résultat. Il y a plusieurs façons, il y a plusieurs moyens, plusieurs chemins, si vous voulez, qui conduisent au même but.

Encore une fois, je signale un choix que le gouvernement a fait, en choisissant de privilégier les détenteurs de capitaux, c'est-à-dire les entrepreneurs. Il y a, sous-tendu à cela, un choix philosophique important.

Finalement, il y a une troisième loi nouvelle, si ma mémoire est fidèle — je vais peut-être -en oublier quelques-unes — parmi ces lois fiscales, qui constitue une initiative québécoise, c'est l'abolition de la taxe sur le transfert des valeurs mobilières, qui rapportait quelque $2 millions — si ma mémoire m'est toujours fidèle — et qui, d'autre part, coûtait plus cher à administrer que le produit qu'elle rapportait.

Il est évident que c'était une taxe de nuisance plutôt qu'autre chose. Cela n'a pas beaucoup de conséquences ou de répercussions.

Qu'est-ce qui reste? Cela, c'étaient, en gros, les initiatives proprement québécoises et proprement nouvelles que contenaient les 1,500 articles. Il y en avait d'autres, mais d'une autre nature, sur la forme plutôt que sur le fond, c'est-à-dire qu'on a fait des changements à la forme de nos lois fiscales, des changements de nature technique, par exemple, quant au droit d'appel, quant à la forme que doivent prendre les cotisations, quant à la façon et aux techniques de percevoir les impôts. Là, il y a des changements de forme, mais on est dans la technique de perception. On n'est pas sur le fond de la fiscalité même.

A ce niveau, je serai prêt à souligner que le ministre a apporté, par de nouveaux articles à ces projets de loi, des améliorations substantielles sur la situation qui prévalait avant. A cet égard, on peut affirmer que nos lois d'impôt, dans le sens où le ministère, dorénavant, sera mieux habilité, sera plus efficace dans son rôle de perception des impôts, qu'il y ait eu là un effort de modernisation, de plus grande efficacité, j'en conviendrai. Je féliciterai le ministre pour cette partie. Mais ce n'est pas là, encore, ce qu'on appelle un débat sur la fiscalité. C'est un débat sur les méthodes de perception, plutôt, ce qui est de nature complètement différente.

En résumé, nous avons étudié des lois, d'une part, qui étaient la réédition de lois existant auparavant. Deuxièmement, nous avons fait des lois de concordance pour répéter finalement les lois qui ont été adoptées au Parlement fédéral. Troisièmement, nous avons modernisé la technique de perception de nos lois. Tant mieux! Mais sur le fond, là où, modestement, le ministre a apporté des changements, c'était d'un ordre tout à fait mineur. Je les ai soulignés tout à l'heure.

Le fond de ce qu'aurait dû être un débat sur une vraie réforme fiscale et non une prétendue réforme fiscale, qu'est-ce que c'est? Ce que nous aurions aimé discuter, en d'autres mots, et

ce qu'on n'aurait certainement pas pris une semaine à discuter, mais ce qu'on aurait pris deux mois, peut-être même trois mois à discuter, cela aurait été le fond du sujet. Qu'est-ce que le fond du sujet, quand on veut parler de fiscalité ou de réforme fiscale? Il y a trois questions qu'on doit se poser: Qui sera taxé? Qu'est-ce qui sera taxé? Combien cela va-t-il être taxé? Ce sont les trois questions.

Sur la question: Qui va être taxé? par exemple, nous aurions aimé avoir un débat sur qui devrait être le contribuable assujetti à l'impôt. Je ne me prononce pas sur le fond. A titre d'exemple, est-ce que c'est l'individu ou si cela aurait dû être l'unité familiale? Un concept nouveau comme base de taxation. Devrait-on, comme la commission Carter l'avait suggéré, considérer l'unité familiale plutôt que l'individu? Cela aurait été un sujet important à discuter.

La deuxième question est: Qu'est-ce qu'on devrait taxer? Le revenu? Le gain de capital? Telle ou telle chose? De quelle façon? Est-ce que les taux doivent être les mêmes? La question fondamentale qu'il aurait fallu se poser, c'est: Quelle doit être la nature de ce qu'on appelle en jargon l'assiette fiscale? Qu'est-ce qui est taxable chez le sujet assujetti à l'impôt?

A titre d'exemple, nous — je l'ai déjà dit et je le répète — favorisions la formule que proposait le rapport Carter, c'est-à-dire de fondre toutes les formes de revenu. Qu'ils proviennent de dons, de successions, de gains de capital, de salaires, d'intérêt ou de quoi que ce soit, tous les revenus se fondent en une seule identité. Et l'assiette devient l'accroissement du pouvoir économique d'un individu dans un exercice donné.

J'ai toujours été convaincu que si on veut arriver à une véritable équité, à une véritable justice fiscale, il n'y a pas moyen de s'en sortir autrement que par là. Et c'est le genre de problème que nous aurions aimé discuter. Je vous fais part de nos préférences. C'est ce que nous aurions voulu discuter. Et c'est ce qui aurait fait l'objet d'une réforme fiscale, si on avait pu faire quelque chose de neuf autour de ces questions.

Finalement, la troisième question était: "Combien on doit taxer"? Là, c'est toute la question de la progressivité des taux. Il aurait été intéressant de remettre en question l'échelle des taux dans un impôt progressif. Est-ce qu'on devrait reconsidérer l'échelle de taux qui est en vigueur, en somme, depuis... Depuis combien de temps n'a-t-elle pas été modifiée substantiellement? Depuis une vingtaine d'années, tout au moins.

Cela aurait été un sujet intéressant. A partir de quel niveau de revenu est-ce que l'impôt ne devrait pas exister? Et jusqu'où devrait-il aller dans les tranches supérieures? Toute la composition de la progressivité d'une échelle de taux d'imposition, c'est cela qui aurait été l'objet d'une discussion en profondeur.

Il aurait été intéressant aussi de se questionner pour se demander comment on aurait pu rendre progressifs certains impôts anciens, certains impôts démodés, où il n'y a pas de progressivité, comme la taxe de vente et l'impôt foncier, comme l'est, jusqu'à un certain point, l'impôt sur le revenu. La question principale quand on veut parler de réforme fiscale, c'est l'équité. Il y a des choix de principe à faire au départ. Il faut se demander ce qu'on recherche: l'équité, la croissance économique, un certain partage de la richesse parmi les groupes sociaux dans une société, ou quoi?

A partir de là on fait un choix. Pour nous, je vous l'avais déjà dit en deuxième lecture, notre choix n'est pas compliqué. Il part d'un principe fondamental, c'est celui de l'équité et de l'égalité de tout citoyen, de tout contribuable placé dans une situation identique devant la Loi de l'impôt. C'est ça, le principe de base.

Autour de ces questions il y aurait donc eu moyen d'avoir dans ce Parlement une discussion fort utile et fructueuse sur la fiscalité, mais on n'en a pas eu. Qu'est-ce qui s'est passé, pas seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada à ces sujets-là depuis quelque temps? On a eu des tas de commissions d'enquête qui ont coûté passablement cher.

On a eu des tas de recommandations, parmi lesquelles de très bonnes, mais on ne les suit pas beaucoup. On choisit, parmi la panoplie de recommandations qui nous sont faites, celles qui finalement modifient le moins de choses possibles dans l'ordre établi. Là je pense qu'on arrive au fond du problème. C'est qu'il y a une peur chez tous les gouvernements — aussi bien au Québec qu'au niveau fédéral — de modifier la distribution de la richesse dans notre société. C'est ça le point central. C'est ça la raison pour laquelle on n'a pas eu jusqu'à maintenant de réforme fiscale.

On a eu des miettes ou des ajustements de circonstances. C'est ça la raison principale. Et pourquoi cette peur existe-t-elle. Il faudrait se le demander. Pourquoi, implicitement, les gouvernements se sont-ils toujours faits les défenseurs de l'ordre établi et ont toujours finalement refusé systématiquement de s'attaquer au problème capital? Le problème capital est la distribution de la richesse dans une société. C'est d'ailleurs à ce critère qu'on peut juger de la qualité d'une société, son degré d'humanisme, de son degré de progressisme.

Les lois fiscales à cet égard sont le principal instrument qui peut permettre de réaménager la distribution de la richesse dans une société. On peut juger, encore une fois, les différentes sociétés ou les différents pays à la qualité de leurs lois fiscales. Ce que nous déplorons somme toute, c'est que justement on n'a pas pu construire ici cette société qui aurait été un peu plus juste, un peu plus humaine, un peu plus mieux équilibrée, où le pouvoir, comme la richesse, aurait été un peu mieux distribué, de façon un peu plus égalitaire.

Pour nous — nous ne nous en cachons pas,

loin de là, nous en sommes fiers — c'est notre objectif principal, c'est la raison pour laquelle nous sommes un parti politique. C'est la raison d'être fondamentale de notre existence. Certains seront tentés — je vais terminer là-dessus — de dire: Le député de Gouin est en train de rêver. Il est en train de nous parler de la société de l'an 2000, de toutes sortes de belles choses qu'on aurait pu faire mais qu'on ne peut pas faire, pour toute une série de raisons.

Il y a deux sortes de raisons entre autres dont je voudrais traiter. La première — combien de fois l'a-t-on entendue depuis qu'on parle de lois fiscales! — c'est la suivante: Nous sommes dans un régime fédéral où il y a deux niveaux de gouvernement, dont l'un menant à la plus grande tranche des ressources fiscales. Donc, tant et aussi longtemps que nous restons dans un même pays, il faut ajuster nos lois aux lois fédérales, c'est-à-dire qu'il faut que les définitions soient les mêmes, que les personnes assujetties soient les mêmes, que l'assiette soit la même et ainsi de suite.

Autrement, on aurait un fardeau qui serait d'une lourdeur épouvantable pour le contribuable québécois, parce qu'il se trouverait, sans en avoir les avantages, à vivre dans deux pays en même temps. Cela aussi se traduirait par des coûts considérables, aussi bien pour les pouvoirs publics que pour le contribuable.

M. le Président, moi, je me rends à cet argument-là. C'est vrai que, tant et aussi longtemps que nous sommes dans un régime fédéral, nous n'avons pas le choix. En gros, la marge de manoeuvre que nous avons, la principale initiative que nous pouvons avoir, c'est de copier les lois fédérales et de les transcrire dans les nôtres. Autrement, si on se met à définir qui sera assujetti à l'impôt, qu'est-ce qui sera assujetti à l'impôt, c'est évident qu'on va créer une situation qui n'a pas de bon sens pour le contribuable. Je me rends à cet argument.

D'autre part, dans ce qui reste, il nous reste une marge de manoeuvre. De combien sera l'impôt? Les taux d'impôt, combien ça va coûter? Le degré de progressivité de notre échelle d'impôt, on aurait pu le mofidier. C'est justement ce que le gouvernement évite comme la peste. Non seulement il ne prend pas d'initiatives, mais il en perd par rapport à la progressivité des taux fédéraux. Là, on peut arriver au deuxième obstacle. On nous dira, à ce moment-là: On ne peut pas modifier les taux d'impôt d'une façon très différente de nos voisins, parce que tout le monde va quitter le Québec et s'en aller. C'est le deuxième argument qui revient éternellement, celui de maintenir une certaine concurrence avec nos voisins.

C'est pourquoi on prétend ne pas pouvoir modifier nos taux d'impôt sur les successions taxer davantage les contribuables, rendre notre impôt plus progressif, changer la répartition du fardeau fiscal. Autrement, on dit que tout le monde va sortir. Qui va sortir: Qui a-t-on peur de perdre, finalement? Il y a deux choses qu'on pourrait se demander: Est-ce qu'il y en a tant que cela qui vont sortir parmi ceux qui, normalement, seraient les plus frappés, c'est-à-dire les contribuables à très hauts revenus ou les entrepreneurs, les capitalistes? D'une part, y en a-t-il tant que cela qui vont sortir parce que cela coûterait entre 2 p.c. et 6 p.c. de plus d'impôt pour vivre au Québec?

Au niveau individuel, est-ce que ça justifie qu'on vende sa maison, qu'on sorte les enfants de l'école, qu'on vende son entreprise, qu'on dise bonjour à ses amis et qu'on s'en aille rester à Edmonton, en Alberta? Je vous signale que l'Alberta a aboli les impôts sur les successions, il y a déjà plusieurs années, avec l'espoir de voir affluer à Edmonton et à Calgary tous les millionnaires canadiens qui viendraient se mettre à l'abri des impôts successoraux en déménageant en Alberta. C'est un sous-ministre même des Finances du gouvernement albertain qui nous confiait qu'il n'en est pas venu. Cela ne s'est pas matérialisé. Les gens ne déménagent pas si facilement que ça. La raison pour laquelle on vit dans une société et qu'on reste là ce n'est pas qu'en fonction des taux d'impôt, il y a des considérations beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus importantes.

Donc, d'une part cette espèce d'épouvantail à moineaux qu'on brandit toujours en disant que tout le monde va s'en aller, je prétends que c'est faux à 95 p.c. Deuxièmement, ce qu'il faut se demander aussi c'est que, même s'il y en avait de ces grands entrepreneurs très riches qui s'en allaient parce que les impôts seraient trop socialement justes au Québec, que perdrions-nous? C'est une autre question qu'il faut nous poser. Que perdrions-nous, quand on sait que le développement économique de notre société, comme de toutes les autres à travers le monde, est financé essentiellement et très majoritairement par les gens de la place, par les petits contribuables et surtout par les consommateurs. Est-ce que quelqu'un va prétendre ici que les investissements de General Motors, à titre d'exemple, à Sainte-Thérèse ou ailleurs au Canada sont un cadeau qui est venu des Etats-Unis en vertu du fait que General Motors Canada est une filiale américaine? On n'a qu'à voir les profits accumulés, soit par la dépréciation ou les profits retenus, que cette compagnie, entre autres, je l'utilise à titre d'exemple, a réalisés au Canada comme au Québec depuis les 50 années qu'elle vend des millions de véhicules au consommateurs locaux. Qui a fourni les capitaux à cette entreprise en particulier, et qui fournit les capitaux aux entreprises en général? Cette éternelle peur que l'on manipule provient de deux raisons, ou bien on a une ignorance totale des réalités économiques, ou bien, consciemment, on utilise la peur pour garder les Québécois bien tranquilles.

Je soupçonne que l'attitude du gouvernement, entre autres, a beaucoup à voir avec la deuxième raison que je mentionnais. C'est un gouvernement qui se spécialise à faire peur au monde,

à brandir des épouvantails à moineaux chaque fois qu'on arrive sur un sujet vital. Hier soir, à titre d'exemple, on parlait de la langue. Vous savez ce qui arrive chaque fois qu'on parle de la langue et qu'on essaie d'amener le gouvernement à modifier ses positions ou à inscrire dans ses lois des dispositions qui voudraient rendre le français un peu plus prioritaire? On crie à la concordance des lois. On crie à une commission d'enquête dont on n'a pas eu le rapport. On crie aussi à la démagogie; c'est le ministre de l'Education qui fait ça, la plupart du temps. Parce que, quand on parle de la langue au Québec, il paraît que c'est démagogique. Mais on crie surtout à la peur de perdre des investissements étrangers qui ne viendront plus.

Si, pour une fois, on commençait à se tenir debout au sujet des questions linguistiques comme au sujet de la fiscalité. Si nous avions la volonté de nous donner ici des lois fiscales qui représenteraient notre conception, à nous, de ce que devraient être la justice et l'équité dans notre société.

On a les moyens de le faire. Il y a un seul obstacle, c'est la peur, peur qu'entretient spécialement le gouvernement actuel. Cela a un nom dans d'autres coins du monde. Cela s'appelle le colonialisme. Cela s'appelle une attitude de colonisés. On le mentionnait encore hier ce mot. On veut tellement se faire respecter des autres, on veut tellement plaire aux autres, on a tellement peur de brusquer nos voisins, on recherche tellement la considération de l'étranger, le respect de l'autre qu'on oublie finalement de se respecter soi-même. C'est ça le principal problème au Québec. Ce problème ne sera pas réglé tant qu'au Québec on ne se sera pas débarrassé de ce que je n'appelle plus le gouvernement libéral, mais le gouvernement colonial.

M. LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu. M. Gérald Harvey

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, je n'ai pas l'intention de prendre plusieurs minutes du temps de cette Chambre, puisque le vote a été demandé sur le rapport, les amendements et la troisième lecture de ces bills d'ordre fiscal. Je voudrais, tout simplement, faire quelques remarques, dans mon droit de réplique, sur la réforme fiscale québécoise que nous allons adopter dans quelques minutes.

Bien sûr, loin de crier que nous sommes les champions de la plus grande réforme fiscale jamais présentée en Amérique du Nord, au lieu de me fier aux experts Roy, Guay, Samson, Audet, Bois et associés, j'aime beaucoup mieux conseiller aux membres de cette Chambre de lire un article complètement dénudé de partisa-nerie puisqu'il n'y fait aucunement mention dans aucun des paragraphes cités dans cette critique... cet article est de Me Maurice Rainier de la firme Stikeman Elliott. C'est une petite étude légale. Ils passent, tout de même, pour des champions et des as en droit fiscal.

M. JORON: A quel milieu d'intérêt vous pensez que cela correspond?

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, je n'ai pas l'intention de commenter l'article de Me Rainier mais lui, qui s'y connaît, a écrit un papier dans la Presse du mardi, le 4 juillet, intitulé: "Enfin, une loi de l'impôt dans une langue compréhensible". Eux, ces champions de la langue française, qui, à tout bout de champ, profitant d'un petit article dans un projet de loi à caractère économique ou à caractère de sécurité, lancent un débat sur la langue, n'ont même pas, au moment de la première, deuxième ou troisième lecture ou au stade de la commission parlementaire, félicité le gouvernement québécois d'avoir rédigé un texte de loi en langue française compréhensible.

M. LAURIN: C'est simplement normal.

M. HARVEY (Jonquière): Oui, c'est normal et pour une fois que le ministère du Revenu avait l'occasion de le faire, dans le contexte économique dans lequel on vivait, dans une réforme fiscale, puisque cela en est une, il l'a faite dans la langue de la majorité et dans un anglais également traduit d'une façon excellente. Je voudrais citer M. Rainier lorsqu'il nous dit, en parlant du texte: "Or, il fait bon, pour une fois, de parcourir une loi fiscale conçue selon notre propre logique et dont le rythme de la phrase est français. Contrairement à ce qui est courant dans la version anglaise de la loi fédérale où l'on retrouve, pêle-mêle dans les mêmes articles, tant les principes de base et les cas d'exception que les modalités et les conditions de son application, le rédacteur de la loi provinciale n'a pas hésité à aérer son texte en séparant ce qui devait être séparé et en joignant ce qui devait être uni. "La nouvelle loi est une réussite. Même si la plupart n'ont pas l'occasion d'en prendre connaissance comme telle, il reste qu'une lecture plus facile, par leurs conseillers, ne peut être qu'un facteur positif dans l'application aux situations qui les intéressent."

M. le Président, je me contente de commentaires comme ceux-là, dénudés d'esprit de parti-sanerie, qui auraient pu mentionner également que la réforme fiscale québécoise prend en considération le contexte dans lequel nous vivons, c'est-à-dire le contexte nord-américain, nos voisins ontariens, nos voisins du Nouveau-Brunswick, le fait qu'on vit dans un pays qui s'appelle le Canada, également. Nous y avons introduit les principes de l'impôt sur les dons pour sauvegarder le patrimoine québécois, en raison du "face-out" sur le droit de l'impôt sur les successions. Nous y avons également introduit le principe énoncé par le premier ministre du Québec, alors ministre des Finances, en

accordant les droits et les exemptions pour la garde d'enfants, en augmentant les exemptions personnelles pour les célibataires de $1,000 à $1,500, pour les gens mariés de $2,000 à $2,850. Nous y avons introduit, pour la première fois, le principe d'admettre en déduction à tous les travailleurs salariés la somme de $150, maximum, ou 3 p.c. de leur revenu net comme dépenses de frais professionnels, voyages ou outils de travail.

M. le Président, nous avons également, au cours de cette réforme, amendé la Loi de la taxe de vente pour permettre l'investissement industriel dans l'achat de machinerie industrielle, soit un dégrèvement de $5.1 millions. Nous avons également donné suite à de nombreuses demandes, faites depuis plusieurs années, de diverses firmes qui voyaient une taxe de nuisance appelée l'impôt ou la taxe sur les valeurs mobilières.

Enfin, nous avons, au Québec, suivi de plus en plus, encore cette année à l'occasion de cette réforme, les rapports d'une commission royale d'enquête qui s'est appelée la commission Bélanger. Au cours de la discussion, nous n'avons pas entendu le député de Gouin nous citer la commission Bélanger, ou une fois, je pense. Je m'excuse.

M. JORON: M. le Président, je soulève une question de privilège. Le député de Jonquière, ministre du Revenu, sait très bien, d'ailleurs que j'étais le seul membre à m'être présenté en commission, pendant toute la semaine, constamment avec le rapport de la commission Bélanger et que j'y ai fait allusion, au bas mot, à trente reprises. Vous aurez au moins l'honnêteté de l'admettre.

M. HARVEY (Jonquière) : J'admettrai que le député de Gouin a cité le rapport de la commission Bélanger, mais il a tellement cité Carter que j'avais oublié qu'il avait cité Bélanger.

Il a cité Carter deux fois plus, et ça me surprenait pour un soi-disant Québécois. C'est là que je vois qu'il est vraiment séparatiste. Il est pas mal moins Québécois que nous, parce que nous avons encore appliqué cette année, autant que faire se peut, les recommandations pratiques et possibles de la commission royale d'enquête Bélanger.

Nous avons profité également de cette réforme fiscale pour nous donner un outil moderne, la Loi de la taxe sur les carburants. Nous évitons encore une fois la fraude fiscale, nous évitons pour une troisième année consécutive, d'augmenter les impôts des gagne-petit que signale souvent le député de Beauce. Nous avons des moyens de contrôle modernes pour faire jouer le rôle que doit jouer le ministère du Revenu, c'est-à-dire être l'instrument de perception du gouvernement québécois.

Je remercie en terminant les membres de toutes les oppositions pour leur travail vraiment efficace en commission parlementaire. Veuillez croire que je suivrai les conseils que m'a donnés le député de Montmagny, en voyant à ce que les revenus rentrent pour permettre aux autres ministères de mieux servir la population du Québec.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: Nous allons procéder à la mise aux voix des amendements proposés par le député de Frontenac.

Qu'on appelle les députés !

Vote sur les amendements de M. Latulippe

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur des amendements aux articles 35, 291 et 323 du projet de loi no 38 proposés par le député de Frontenac veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Tétrault, Béland, Guay, Samson, Audet.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Lévesque, Choquette, Parent, Harvey (Jonquière), Tetley, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Cournoyer, Fournier, Goldbloom, Mailloux, Arse-neault, Houde (Fabre), Vaillancourt, Théberge, Perreault, Blank, Brisson, Kennedy, Saindon, Picard, Pearson, Leduc, Fortier, Bacon, Bossé, Carpentier, Dionne, Faucher, Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pepin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Veilleux, Loubier, Paul, Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Gauthier, Laurin, Burns, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Masse (Montcalm).

M. LE SECRETAIRE: Pour: 9 Contre: 57

Vote sur le rapport de la commission

M. LE PRESIDENT: Les amendements sont rejetés. La mise aux voix sur le rapport. Est-ce le même vote inversé?

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aimerais un vote enregistré, parce que nous sommes contre.

M. LE PRESIDENT: En somme, si nous inversons, le rapport est adopté par 57 voix contre 9. Troisième lecture?

UNE VOIX: Adopté.

M. ROY (Beauce): Même chose.

Vote de troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est adoptée par un vote de 57 à 9.

M. LEVESQUE: Est-il six heures? Si on était d'accord, au sujet de la Loi des substituts du procureur général, on pourrait former immédiatement la commission plénière.

M. PAUL: Quant à moi, cela me convient.

M. BURNS: Vous voulez dire que vous aimeriez recommencer, ce soir, avec la Loi des substituts?

M. LEVESQUE: On peut commencer avec l'une ou l'autre, parce que les deux auront été placées en commission plénière.

M. BURNS: Je suis d'accord.

M. LEVESQUE: Deuxième lecture du projet de loi relatif aux substituts du procureur général.

Projet de loi no 52 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des substituts du procureur général. Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. LEVESQUE: Commission plénière.

Commission plénière

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement propose la formation de la commission plénière. Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. LEVESQUE: Les deux projets de loi du ministre de la Justice sont en commission plénière.

M. LE PRESIDENT: Par lequel désirez-vous commencer?

M. LEVESQUE: On laisse cela au ministre.

M. LE PRESIDENT: Dans ce cas-là, on est aussi bien de faire le rapport. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à...

M. PAUL: II se passe quelque chose qui n'est pas normal. Je pense que c'est le consentement unanime de la Chambre que nous siégions en commission plénière ce soir. Par conséquent, il n'y a pas de rapport à recevoir. C'est au président de la commission à suspendre les travaux.

M. LE PRESIDENT: Non, j'ai fait la distinction. On me dit qu'il y a deux projets de loi en commission plénière, celui qui modifie la Loi de police et celui qui modifie la Loi des substituts de procureur général.

Si le gouvernement a l'intention de procéder avec les substituts, ce peut être le président des commissions qui suspend la séance. Mais si on désire étudier en commission plénière la Loi de police, il faut que la suspension se fasse par le président.

M. PAUL: Ce fut déjà fait hier soir.

M. LEVESQUE: Nous allons régler ça immédiatement, M. le Président, ce sera facile. Nous allons demeurer en commission plénière et nous entreprendrons immédiatement l'étude du projet de loi relatif aux substituts du procureur général, à huit heures.

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue à huit heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

Reprise de la séance à 20 h 20

M. BLANK (président de la commission plénière): A l'ordre, messieurs! Bill 52. Adopté.

M. PAUL: Sur le projet de loi 52, je n'ai pas beaucoup de remarques à faire, mais je voudrais attirer l'attention du ministre de la Justice sur l'amendement qu'il propose par l'article 3 de son projet de loi et qui regarde l'article 7 du chapitre 20 des Statuts de 1969.

A l'article 7 du texte original de la loi, il est prévu qu'un substitut permanent ne peut, sous peine de destitution, se porter candidat à une élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire ou se livrer à une activité partisane en faveur d'un candidat ou d'un parti politique. Cela est excellent. Mais dans l'article 3, vous proposez: Un substitut ne peut non plus voter à une élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire. Je crois que cet amendement élargit de beaucoup la restriction que, normalement, à mon humble point de vue, vous ne devriez imposer qu'à l'endroit des procureurs permanents.

Alors, si le ministre pouvait me dire ou me faire connaître son intention quant à l'opportunité peut-être d'ajouter à la troisième ligne de l'article 3, après le mot "substitut", le mot "permanent". Quant à moi, mes remarques se trouveraient à compléter l'étude de ce projet de loi qui, en soi, est excellent.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense que le député de Maskinongé a raison de relever cette omission de priver du droit de vote les substituts en général. Je pense qu'il a raison de suggérer que cette dénégation du droit de vote n'ait lieu qu'à l'égard des substituts permanents.

Comme l'a souligné le député de Maskinongé, la défense de participer à une campagne électorale, de faire de la politique partisane telle qu'elle est édictée dans la loi actuelle, à l'article 7, mentionne qu'il s'agit bien d'un substitut permanent, c'est exact.

M. BURNS: M. le Président, je me pose vraiment la question: Pourquoi les substituts permanents se verraient-ils empêcher de participer à une élection, comme simple citoyen?

Même aujourd'hui, on doit se poser des questions sur la valeur de la décision d'empêcher même des juges de voter. Si le vote est d'un caractère secret, comme il doit l'être, je me demande si on n'est pas rendu dans de vieilles, anciennes et antiques considérations lorsqu'on demande à des juges de s'abstenir de voter, encore plus quand il s'agit de membres du Barreau qui sont encore des citoyens au même titre que tous les autres. Vraiment, là-dessus, je me demande quelle peut être la raison pour laquelle on demande à des substituts du procureur général de s'abstenir de voter. Ce sont des personnes qui vivent dans une société, qui ont à prendre des décisions tous les jours, en dehors de leurs fonctions. Ils ne sont pas procureurs de la couronne 24 heures par jour. Ils doivent, comme tout le monde, passer sur des feux verts ou ne pas passer sur des feux rouges, selon le cas. Je me demande vraiment quelle est la raison qui les empêche de voter. Le procureur général, qui est leur chef, qui est censé être leur espèce de grand patron, il vote.

UNE VOIX: Bien oui, exactement.

M. BURNS: Qu'on dise que le substitut du procureur général, c'est-à-dire le procureur de la couronne, le permanent, comme la loi dit, n'ait pas le droit de se présenter à une élection, je le comprends très bien parce que, déjà, il est placé un peu du côté du gouvernement. C'est normal. Il défend la politique du ministère de la Justice. Il représente, devant les tribunaux, la société. Mais qu'on l'empêche de voter, je ne le comprends vraiment pas. J'aimerais qu'on me donne de bonnes raisons qui l'empêcheraient de voter, qui l'empêcheraient d'exercer son droit de citoyen ordinaire normal. Là-dessus, je ne peux pas comprendre exactement quelle peut être la raison du ministère de la Justice.

M. CHOQUETTE : M. le Président, je motive cette décision du fait que, justement, l'un des objets du projet de loi est réflété par la formule de serment que devront maintenant prêter les substituts du procureur général.

C'est un serment qui suppose beaucoup d'objectivité et d'impartialité dans l'exercice de leurs fonctions.

C'est donc dire que nous considérons que les substituts du procureur général occupent une fonction qui, sans être judiciaire — puisque ce ne sont pas eux les juges — en fait des auxiliaires immédiats de la justice. Par conséquent, ils doivent avoir une attitude tout à fait objective et tout à fait détachée de l'aspect politique de l'activité sociale.

J'ajouterai que l'Association des substituts permanents du procureur général a abondé dans mon sens. Elle m'a — je ne veux pas dire suggéré cet amendement — mais, en somme, elle m'a invité à l'adopter. Je le présente donc à la Chambre.

M. BURNS: Cela ne m'impressionne pas du tout.

M. CHOQUETTE: Non. Je dis que le député de Maisonneuve n'apprécie pas la situation à sa véritable dimension, lorsqu'il fait cette proposition, parce que ceux-là même qui sont les principaux intéressés sont d'accord sur l'amendement.

M. le Président, je pense que la proposition que nous faisons, à l'article 3, s'explique par ce grand principe qu'il est nécessaire que les substituts du procureur général aient une attitude — dans l'exercice de leurs fonctions en cour,

dans la poursuite des actions criminelles entreprises — qui soit tout à fait distincte et différenciée de l'aspect politique.

M. LAURIN: M. le Président, c'est un argument d'autorité qui ne m'impressionne guère, moi non plus. On sait très bien qu'en 1864, durant la guerre de Sécession, il y avait beaucoup d'esclaves noirs qui ne voulaient pas être libérés, c'est-à-dire qui ne comprenaient même pas où résidaient leurs véritables intérêts.

Au fond, cela représente une mentalité qui n'a guère évolué et que l'on peut comprendre difficilement, d'autant plus que le ministre de la Justice et ceux dont il représente aujourd'hui l'opinion semblent se faire une conception aseptisée du citoyen de 1972.

On sait pourtant que ces substituts du procureur de la couronne et que même les juges se font une opinion très nette sur les divers sujets politiques. Ils ne se gênent pas, d'ailleurs, pour l'exprimer en privé, lors de conversations. Us ne se gênent pas, non plus, parfois — les mauvaises langues l'ont dit — pour en tenir compte dans les jugements qu'ils rendent. Sans même qu'ils en parlent, on sent très bien leurs opinions politiques ou l'opinion qu'ils se font de la société. Je ne parle pas de politique partisane; je parle de la conception qu'on se fait de la politique, comme la gestion de la chose publique, l'administration de la chose publique, les orientations de la société.

C'est ça la politique. Ce n'est pas seulement prendre pour un parti; c'est avoir une opinion sur la société d'aujourd'hui. Au fond, quand on vote, on ne fait pas que voter pour un parti; on vote soit pour le changement, comme le programme du Parti libéral le disait en 1970, ou on vote pour le statu quo. On donne un vote conservateur ou un vote de changement. C'est ça la politique; ce n'est pas seulement voter pour un parti.

Il me semble, encore une fois, que c'est une conception qui appartient à une époque où les media d'information étaient moins développés qu'aujourd'hui, où la conscience démocratique était peut-être moins développée qu'aujourd'hui, où on avait tendance à catégoriser les notions, les conceptions, où on avait tendance à être assez victorien, pour employer le mot qui me venait vraiment à l'esprit, c'est-à-dire à avoir une conception victorienne de l'homme et de la société.

J'ai vraiment l'impression que cette conception est dépassée et que même les substituts de la couronne qui vous ont donné cet avis ne représentent pas les forces de mouvement de la société. Si vous ne souscrivez pas à leur avis, ils seront peut-être les premiers heureux, dans 2, 3 ou 4 ans, de voir que vous ne les avez pas écoutés et qu'en bon père de famille de la société québécoise vous avez vu plus loin qu'eux, que vous avez mieux vu qu'eux où étaient les intérêts de l'homme québécois qu'ils sont, quand même, au milieu de tout ça.

C'est pour cette raison que j'ai l'impression que, si le ministre tenait à son amendement, il ne serait pas l'esprit libéral qu'il entend être. Il ne serait pas celui qui veut faire évoluer la société. Il me semble qu'il devrait se rallier à une conception plus dynamique, plus évolutive, aussi bien des institutions que des conditions concrètes de l'existence qui est la nôtre actuellement et de l'évolution de la mentalité du citoyen en 1972.

J'inviterais le ministre à y penser beaucoup avant de maintenir son argumentation.

M. CHOQUETTE: Si le député de Chicoutimi me permet de répondre au député de Bourget, c'est justement à l'inverse que se passe l'évolution.

Si j'examine l'évolution du système judiciaire dans le Québec depuis les 50 dernières années, je dirais que de plus en plus nous allons vers une justice dépolitisée et c'est ce que les gens veulent. C'est toujours sur cet élément que portent les critiques des adversaires du système démocratique et du système judiciaire dans lesquels nous vivons. Je suis complètement désarmé quand j'entends des arguments comme ceux des députés de Maisonneuve et de Bourget, qui vivent dans un monde qui est en quelque sorte détaché de la réalité quotidienne, qui ne semblent pas lire les journaux. Pourtant, à d'autres occasions, ils n'hésitent pas à se faire les porte-parole en Chambre d'attaques contre le système judiciaire, contre ceux qui le représentent, contre ceux qui le servent, en disant que cette justice est au service de la politique.

M. LAURIN: M. le Président, le ministre me fait dire des choses que je n'ai jamais dites. Il me cite et m'interprète mal.

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai la parole. Alors que je pose un autre geste avec le concours des substituts du procureur général, justement pour que l'administration de la Justice devienne de plus en plus détachée de la politique, quelle soit partisane ou autre, voilà que j'essuie une critique du Parti québécois. Je ne sais plus où ces gens se branchent réellement.

Dans la période extrêmement contestataire que nous vivons, s'il y a une institution qui doit soutenir l'ensemble de la société et l'encadrer d'une façon qui ne soit pas oppressive mais quand même assez structurée c'est le système judiciaire dans son ensemble. C'est la raison pour laquelle les juges, aujourd'hui, n'ont pas le droit de vote; les juges sont détachés de la politique, n'en déplaise à ceux qui formulent des critiques dans certains milieux. Ici, nous appliquons une règle similaire à celle de ceux qui représentent la partie qui poursuit devant les tribunaux. Je pense que c'est un geste qui s'impose dans le contexte actuel.

Si je jette un regard vers le passé, quelle était la situation réelle de ce temps-là comparativement à celle d'aujourd'hui au Québec? On

tripotait, on triturait la justice pour des fins politiques. Je pourrais rappeler une série d'incidents qui se sont passés il y a des années.

M. BURNS : Cela n'a rien à voir avec le droit de vote.

M. CHOQUETTE: Un instant. C'est une extension du principe. Je demande au député de Maisonneuve, supposons qu'on rétablissait le droit de vote en faveur des juges, bien peut-être...

M. PAUL: Pourquoi pas?

M. CHOQUETTE: Attendez une minute. C'est ridicule. Est-ce que les juges...

M. BURNS: C'est ridicule, comment?

M. CHOQUETTE: On a reproché à certains juges, récemment, des jugements qu'ils ont rendus et on leur a dit que leur principal défaut n'était pas leur jugement, mais parce qu'ils étaient des créatures politiques et des nominations politiques. Si ces juges devaient continuer â voter, à exprimer une adhésion à une formation politique, il me semble qu'on consacrerait la valeur de cette critique, mais la réalité n'est pas du tout là. Alors je pense qu'il ne sert à rien de tenter d'expliquer à nos amis qui tantôt vivent dans un monde de rêve et tantôt se font les porte-parole en Chambre des éléments contestataires.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'écoutais tout à l'heure le député de Bourget exposer ses idées au sujet de l'amendement de l'article que propose le ministre de la Justice. Il a fait état de l'évolution de la société. Cela c'est un bien grand mot qui peut recouvrir toutes sortes de réalités. Les gens les moins avertis constatent qu'il y a évolution de la société, mais les gens qui pensent, qui réfléchissent savent que l'évolution de la société doit se produire selon des règles qui permettent que cette évolution fasse de la société un cadre de plus en plus sûr pour les citoyens qui y vivent.

Or, la mesure que propose le ministre de la Justice me paraît s'inscrire justement dans ce cadre de sécurité à l'endroit des citoyens dans un domaine éminemment dangereux, délicat, stratégique, savoir l'administration de la justice. Je ne comprends pas, M. le Président — et ici je ne fais de procès à personne — que des gens saisissent toutes les occasions qui leur sont offertes pour faire le procès des magistrats, pour faire le procès de l'appareil judiciaire et qui en même temps s'étonnent de constater que le gouvernement inspiré en cela par le rapport Prévost, par exemple, travaille depuis un certain nombre d'années à améliorer l'appareil judiciaire, de façon que celui-ci prête de moins en moins flanc à la critique, ce qui est important, et de façon que cet appareil devienne de plus en plus sécurisant, si je peux employer ce terme, pour les citoyens.

Ceux-ci ont besoin d'avoir confiance, d'abord, dans l'autorité établie, d'avoir confiance en ces hommes qui sont chargés de rendre justice aux justiciables, de veiller à ce que personne ne soit lésé par un acte du gouvernement ou par un acte d'un groupe ou d'un individu.

On fait — je l'ai entendu depuis des années et des années — des procès contre les juges, les avocats et le ministre de la Justice qui représente, tout de même, l'autorité dans ce domaine. Mais, lorsqu'il s'agit d'apporter une mesure qui se conjugue avec toutes celles que l'on essaie d'apporter depuis un certain nombre d'années pour que l'appareil judiciaire soit non seulement efficace, mais représente véritablement l'idéal de la justice, voilà que l'on s'insurge contre cela. Je ne comprends pas cette attitude. Je ne comprends pas, lorsque politiquement et même démagogiquement — je ne fais pas allusion à qui que ce soit ici — on réclame que la justice soit de plus en plus sévère et confinée dans un domaine, que, par ailleurs, on réclame, pour ceux qui sont chargés de l'appliquer, cette justice, une liberté qui, dit-on, correspondrait à l'évolution d'une société.

Parce que les juges et les substituts permanents du ministère public vivent dans une société qui est en évolution, ce n'est pas une raison pour que l'appareil judiciaire devienne quelque chose de tellement souple, de tellement vague que cela tombe dans le libre examen, dans la licence et que les personnes qui sont chargées de rendre la justice ne sentent pas qu'elles habitent à l'intérieur d'un cadre qui constitue pour tous les citoyens un moyen de sécurité maximale.

Le geste que pose le ministre de la Justice, tout simplement, rejoint celui qui a été posé, il y a déjà bien des années, lorsqu'on a décidé que les juges ne pouvaient pas exercer leur droit de suffrage, afin de les retirer le plus possible d'un monde qui pourrait les influencer, afin de les empêcher de participer à des actions qui auraient une influence sur leur comportement quand ils sont sur le banc, quand ils sont au prétoire, en face des justiciables.

A l'heure actuelle, les substituts permanents du ministère public sont en voie de devenir en quelque façon, non pas des juges, mais des personnes assimilables de très près aux juges. J'estime que la mesure que propose le ministre de la Justice est un progrès à cet égard, un pas vers une forme de justice qui sera de plus en plus indépendante du pouvoir politique partisan.

Je suis persuadé qu'il y a dans l'esprit du ministre, comme dans l'esprit de la majorité des collègues de cette Chambre, une idée qui est — et je fais la suggestion en passant — en ce qui concerne les magistrats, la création d'une école

de magistrature, pour éviter toutes les critiques qu'on fait encore au sujet de la nomination des juges.

L'article du projet de loi que nous discutons me parait être un pas réellement positif dans le sens d'une amélioration de l'appareil judiciaire. Si l'on veut que le public ait confiance dans l'appareil judiciaire, il faut isoler le juge, il faut en même temps isoler les gens qui doivent plaider au nom du ministère public et qui ont besoin, pour le faire, d'être absolument indépendants d'influence extérieure. En proposant que ces personnes n'aient pas le droit de suffrage, je crois qu'on leur indique quelle est l'importance de leur tâche, l'importance de leur responsabilité et qu'on contribue à accréditer cette fonction, qui est relativement nouvelle, de substitut permanent du ministère public, à accréditer la valeur de cette fonction qui, dans une société en évolution qui, précisément parce qu'elle est en évolution a tout remis en cause, doit être extrêmement rigoureuse. Ces gens doivent se situer dans un cadre qui les rende en quelque façon imperméables à toutes les influences, à tous les bouleversements, à tous les chambardements et à toutes ces errances d'une opinion qui est troublée, à l'heure actuelle, par tous les prophètes de toutes les théories que l'on connaît et qui ont contribué largement, depuis plusieurs années au Québec, à entretenir un climat qui nous mène fatalement, si on n'y voit pas, à l'anarchie.

Nous avons eu récemment des exemples. Il y a eu des procès retentissants. On a mis en cause des juges. A un moment donné, on a mis en cause des substituts permanents du ministère public ou du procureur général. On a mis en cause ces gens. On a dit : Ce sont des créatures politiques, comme on avait dit des juges: Ce sont des créatures politiques.

Pour en venir à faire que ces personnes soient de moins en moins des créatures politiques, je pense qu'il est de notre devoir d'accepter l'article que nous présente le ministre. En effet, c'est un geste qui, dans mon esprit — je crois que cela existe également dans l'esprit du ministre — amorce une réforme de plus en plus profonde d'un appareil judiciaire qui doit être solide et très fort, précisément, comme je le disais tout à l'heure, parce qu'il a à exercer son action dans une société où on se demande vraiment s'il y a encore quelqu'un qui sait où il va.

J'estime que la proposition du ministre de la Justice est non seulement valable, mais qu'elle était souhaitable et essentielle à ce travail de restauration de l'appareil judiciaire. Elle ne constitue, en réalité, qu'une amorce d'une réforme beaucoup plus grande, beaucoup plus profonde, beaucoup plus radicale.

En passant, M. le Président, avant de terminer, je fais allusion aux propos qui ont été tenus en cette Chambre et à ce qui s'est dit à l'extérieur au sujet des policiers, lorsqu'on a été placé en face d'une résolution proposant que les policiers puissent faire de l'action politique. Bien, je pense qu'il faut réfléchir à tout ça. Si les policiers peuvent faire de l'action politique, si les juges pouvaient faire de l'action politique, si les substituts permanents du ministère public pouvaient faire de la politique, ils ne se contenteraient pas simplement d'aller voter. Il ne faut pas oublier ça. Lorsqu'on a le droit de suffrage, on veut l'exercer, on veut se renseigner et la tentation est très forte de participer aux mouvements des formations politiques en faveur de telle ou telle thèse politique.

Le ministre, ici, pose un geste. Il prend une disposition qui protège les substituts permanents du ministère public contre eux-mêmes et qui les éloigne de la tentation de devenir et de penser être simplement les serviteurs de l'Etat. Dès le moment où ces gens seront dans la situation qui sera la leur lorsqu'on aura adopté ce projet de loi, ils vont comprendre que leur devoir est, certes, de s'intéresser au problème de l'évolution de la société, de connaître tout ce qui se passe dans la société, mais que leur premier devoir est de s'occuper de savoir comment, dans une société aussi troublée, ils peuvent, grâce à cette sorte d'immunité personnelle, contribuer à ce que la justice soit rendue à la satisfaction et pour la sécurité des citoyens qui, à l'heure actuelle, sont menacés par tous les courants de pensée destructeurs dont nous avons déjà eu l'occasion de parler en cette Chambre.

C'est pourquoi je suis tout à fait d'accord avec le ministre, d'autant plus que ce sont les substituts permanents qui ont demandé, eux-mêmes, d'être protégés contre eux-mêmes. Je crois que c'est le devoir du ministre de la Justice d'acquiescer à leur requête.

M. LOUBIER: M. le Président, je ne voudrais pas ajouter beaucoup de choses aux propos et aux remarques faites par le député de Chicoutimi, remarques marquées au coin d'un réalisme et d'une dialectique qui lui sont reconnus en cette Chambre. Je tiendrais, tout de même, à manifester également ma surprise devant l'attitude de mes honorables collègues du Parti québécois, d'autant plus que le député de Bourget s'est servi d'un argument historique extrêmement fort, extrêmement inattaquable, lorsqu'il nous a relaté un trait de l'histoire de la guerre de Sécession, alors que les noirs étaient des esclaves et que plusieurs ne voulaient même pas être libérés, ne sachant trop pourquoi. Du même souffle, il nous ramène à cette période extrêmement évoluée sur tous les plans qui est caractérisée par les années 1970-1972.

Je saisis mal le rapprochement, à moins que ce ne soit qu'un rapprochement littéraire ou encore une formule intellectualisée d'aborder ce problème.

M. BURNS: Vous n'allez jamais rien saisir de cela, de toute façon. Il n'y a pas de problème.

M. LOUBIER: Non, M. le Président, je n'aurai jamais la prétention d'appartenir à un petit pourcentage de la population qui est en pleine possession tranquille de toutes les vérités.

M. BURNS : Un petit pourcentage qui est pas mal plus élevé que celui qui a voté en faveur de votre parti, aux dernières élections.

M. LOUBIER: M. le Président, s'il n'y avait pas eu autant de démagogie, à ce moment-là, et si on avait démasqué son vrai visage à la population sur le plan économique...

M. BURNS: On s'y connaît, en matière de démagogie.

M. LOUBIER: ... si on s'entendait pour dire quelle monnaie ce sera, québécoise, canadienne, si on s'entendait sur les politiques linguistiques...

M. BURNS: On s'y connaît très bien, en matière de démagogie...

M. LOUBIER: ... s'il y avait le moindrement d'unanimité dans le parti, s'il y avait le moindrement d'exposés clairs et précis, peut-être qu'à ce moment-là, attendons aux prochaines élections, le député de Maisonneuve en aura la preuve. Peu importe. Je ne voudrais pas me laisser entraîner, M. le Président.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous dévoilez votre visage par un coup de la Brink's.

UNE VOIX: Ce ne sont pas des felquistes.

M. LOUBIER: M. le Président, on peut se dévoiler le visage par la Brink's, on peut se dévoiler le visage par l'affaire Pierre Laporte, on peut se dévoiler le visage par l'affaire Vallières, on peut se dévoiler le visage de mille et une façons. Il s'agit d'évaluer de quelle façon c'est le plus condamnable ou non.

M. le Président, je pense que c'est ce genre d'invitations que l'on retrouve aujourd'hui, dans différents milieux, invitations à prendre tous les moyens pour rendre davantage vulnérables, pour rendre davantage sujets à critique des institutions et les hommes qui ont à administrer et à assumer les responsabilités de voir au bon fonctionnement de ces systèmes ou de ces institutions.

C'est une façon très subtile, à mon sens, d'inviter le gouvernement, quel qu'il soit, ou de laisser entendre à la population qu'il faudrait que les juges aient le droit de vote, qu'il faudrait également que les substituts du procureur général, même si leur volongé exprimée dans la liberté est à l'effet d'être protégés davantage sur tous les plans, c'est une invitation à mouiller davantage ces gens et à faire en sorte qu'ils soient, encore d'une façon plus cruelle, la cible de toutes sortes d'attaques motivées, inavouées ou à demi avouées.

Mais, M. le Président, si on accordait ce droit de vote aux juges et aux substituts du procureur général, est-ce qu'on peut limiter, si on est tellement évolué et si on vit tellement dans une société qui, sur le plan sociologique, sur le plan politique, doit être à l'abri de toute entrave, est-ce qu'on accorderait tout simplement le droit de voter, sans permettre à ces juges et à ces substituts du procureur général d'assister à des assemblées politiques partisanes? Est-ce qu'on pourrait leur enlever le droit strict d'être informés par le meilleur canal et le meilleur media, littéralement, qui est celui que donnent, par leurs informations, les politiciens des différentes formations politiques? Est-ce qu'on pourrait empêcher ces juges et ces substituts du procureur général de manifester, à l'occasion, leur approbation ou leur désapprobation à l'occasion de ces "meeting" électoraux? Est-ce qu'on pourrait brimer et limiter ce droit de vote à prendre des informations par tel ou tel media? Et ces juges et ces substituts du procureur de la couronne auraient à juger des causes bien précises, dans lesquelles sont impliqués des adversaires politiques, d'une façon ostensible et reconnue.

On se lancerait alors dans toutes les attaques, partant de la démagogie la plus basse pour aller jusqu'à la sublimation, si on me permet l'expression, du rôle des juges, des magistrats et des substituts du procureur général.

Je comprends que dans plusieurs pays ça existe cette conception. Je comprends que dans des pays à coloration fasciste au dernier degré c'est clair que les magistrats non seulement peuvent mais doivent de toutes les façons appartenir et obéir aux structures politiques. C'est clair que dans d'autres pays où on a un socialisme quasi intégral les juges et les substituts du procureur général doivent être à l'écoute des diktats des chefs politiques et de ceux qui voient à l'administration de la justice au palier de l'Exécutif. C'est clair que ça se voit dans certains pays.

Mais moi je dis — et je respecte l'opinion émise par d'autres — que nous voulons vivre dans une démocratie équilibrée. On prend des mesures qui ne sont pas parfaites, mais qui, comme le signalait à juste titre le député de Chicoutimi tout à l'heure, représentent tout de même un pas vers une protection plus grande. C'est une amorce de politique pour que les juges soient le plus possible à l'abri de toutes les attaques ou soient dans une position telle qu'ils ne puissent participer ni directement ni indirectement à la vie politique partisane. Comme l'a souligné le député de Chicoutimi, je dis que c'est un pas dans la bonne voie. Je calcule que le ministre de la Justice fait oeuvre utile et agit comme un homme qui veut véritablement faire évoluer la justice. Il veut véritablement que nos institutions judiciaires, nos magistrats, nos substituts du procureur général soient dans des conditions telles qu'ils donnent les meilleures garanties possible, sur le plan humain, d'invul-

nérabilité et de très grande équité. De plus en plus nous allons vers une très grande indépendance sur le plan politique partisan.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je comprends que le ministre dans son projet de loi veuille dépolitiser au possible la justice. Mais j'aimerais lui poser une simple question. Supposons que le procureur général découvre qu'un de ses substituts fait de la politique active par le biais de ses activités de soirée, qu'est-ce qu'il fait? Même s'il relève de la fonction publique, la Loi de la fonction publique n'est pas tellement catégorique sur ce point. Est-ce qu'automatiquement le procureur général est obligé de suspendre ce substitut ou s'il le maintient en fonction? Quelle est la procédure suivie?

M. CHOQUETTE: II y a sûrement les sanctions prévues à la Loi de la fonction publique pour un procureur de la couronne qui n'obtempérerait pas aux prescriptions de la loi sur ce point-là. Il va de soi que le chef du ministère de la Justice ou le chef adjoint pourrait prendre une mesure de suspension, quitte à demander la révocation d'un procureur qui se serait livré, en contravention avec la loi, à des activités politiques.

M. LATULIPPE: C'est automatique et obligatoire sur une simple plainte d'un citoyen, si ça s'avère fondé?

M. CHOQUETTE: Non. En général les actions disciplinaires contre des fonctionnaires, que ce soit des fonctionnaires ordinaires ou des substituts du procureur général, qui sont dans une classe à part, sont prises par les autorités du ministère, par ceux qui sont responsables du ministère. En l'occurrence c'est moi pour le moment avec mon sous-ministre.

Tout à l'heure je pense que quelqu'un faisait allusion au fait que pour aller vers un immense idéal de dépolitisation de la justice — cela a été proposé en certaines occasions — il faudrait qu'un ministre de la Justice soit permanent et ne soit pas politique.

Cela a été proposé, mais, à mon sens, cette idée ne peut pas tenir, parce qu'il faut que le ministre de la Justice soit responsable à quelqu'un. Le seul endroit où il peut être responsable, c'est à la Chambre. C'est là où on peut le critiquer et dire: Vous avez adopté une politique qui a prêté la justice à la politique partisane ou à telle orientation qui n'était pas dans le meilleur intérêt de la justice.

C'est la raison pour laquelle le ministre de la Justice, dans un régime démocratique comme celui-ci, doit être un homme politique, mais il doit, dans la mesure maximum, faire en sorte que l'administration de la justice soit dépolitisée. Maintenant, aux échelons inférieurs, quand on arrive à ceux qui agissent devant les cours de justice qui représentent l'Etat, ceux-là — je pense que tout le monde va l'admettre — doivent le faire avec une impartialité et une objectivité qui ne tiennent nul compte de la personnalité de l'accusé et du parti politique auquel il appartient. Ils doivent strictement faire leur devoir en fonction des lois et en fonction de la justice.

Comme l'ont dit mes honorables collègues de Chicoutimi et de Bellechasse, nous essayons de traduire cette idée dans la loi de façon que ceux qui représentent la poursuite devant le tribunal et qui deviennent en quelque sorte des quasi-magistrats, aient, en tout temps, une attitude qui soit totalement dégagée de tout souci politique.

M. LATULIPPE: M. le Président, je conçois que les intentions sont nobles. Il n'en reste pas moins que les moyens pris relèvent encore d'une autorité qui, elle, est politisée. Si la justice ne s'exerce pas selon des normes qui conduisent à une sanction automatique, ça devient une question de discrétion du ministre ou du procureur général. Vous me dites qu'il est responsable devant la Chambre. Il est bien plus responsable à la majorité qu'il représente qu'à la Chambre en termes pratiques, à mon point de vue. Le ministre sait fort bien qu'il est à même de recevoir des informations qui, dans la majorité des cas, seront soustraites à la connaissance des partis de l'Opposition.

Si l'Opposition devient la seule garante de la justice immanente du ministre, c'est une bien faible garantie. Tout en souscrivant à la volonté et aux intentions du ministre, je trouve qu'il devrait imaginer un mécanisme un peu plus souple qui garantirait encore plus l'efficacité ou les intentions qu'il veut prôner.

M. CHOQUETTE: Je pense que le député de Frontenac nous amène deux questions intéressantes. Premièrement, il dit qu'il devrait y avoir une sanction automatique dans la loi. J'ai bien compris son argument sur ce point-là.

M. LATULIPPE: Dans les normes et la réglementation que vous voulez imposer ou que vous instaurerez, parce que les exigences de la fonction publique ne répondent pas en soi aux critères exigés par la loi, surtout quand on sait la façon dont ça fonctionne à la fonction publique.

M. CHOQUETTE: Oui, on peut faire toutes les critiques que l'on veut contre la fonction publique — je pense que si on devait explorer tous les aspects de la politique de cette partie de l'administration, on pourrait trouver beaucoup de choses à critiquer — mais il reste que la Loi de la fonction publique prévoit que, lorsqu'un fonctionnaire a posé un acte répréhensible, on peut prendre une procédure contre lui en révocation. J'ai compris, moi, que l'argumen-

tation du député de Frontenac était qu'il désirait, aussitôt qu'il y a infraction, en l'occu-rence par un procureur de la couronne, qu'on applique en quelque sorte la sanction inscrite dans la loi.

Or, ceci est une illusion, parce qu'on ne peut pas inscrire dans nos lois des sanctions automatiques. Il faut toujours que quelqu'un mette la machine en marche et que, là, il adapte la poursuite à la gravité de l'infraction qui a été commise. Dans le cas actuel, s'il devait y avoir une infraction, à ce moment-là, il appartient aux autorités du ministère de porter plainte à la Commission de la fonction publique et de demander la révocation ou la suspension d'un procureur de la couronne qui aurait enfreint la loi. C'est la seule procédure possible dans les circonstances.

Maintenant, le député dit : Oui, mais vous, le ministre de la Justice, vous êtes quand même politisé. Mais est-ce que le député peut s'imaginer tous les dangers qu'une société pourrait courir si le ministre de la Justice n'était pas au Parlement où il peut subir la critique de tous les députés? Si c'était le cas, le ministre de la Justice jouirait de pouvoirs tellement considérables, sans avoir de mécanisme de contrôle sur son action, que le danger serait beaucoup plus considérable que s'il est parmi les élus du peuple, s'il fait une erreur ou s'il pose des gestes repréhensibles parce que politiques.

A ce moment-là, on peut faire une motion de blâme, on peut lui poser des questions, on peut le mettre dans une situation où on peut le critiquer avec toutes les sanctions possibles qui peuvent être prises en Chambre. On ne peut pas avoir de système parfait. Nous visons à assurer, dans la mesure du possible, un système judiciaire dépolitisé et cette mesure que nous apportons est une des pierres à cet édifice.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, lorsqu'on propose l'amendement pour enlever aux substituts du procureur général le droit de vote, cela me surprend un peu — je ne veux pas être trop long dans mes remarques — car on sait qu'en vertu de la Loi de la fonction publique, en temps de période électorale un substitut du procureur général, pas plus qu'un autre employé de la fonction publique, n'a le droit de faire de la politique active, de se présenter, etc. On débat ce soir un amendement, proposé par le ministre, enlevant aux substituts du procureur général le droit de vote, et ce qui me scandalise, c'est que par de grands discours, comme celui du député de Chicoutimi, comme d'autres discours, comme le discours du ministre de la Justice, on essaie de nous laisser croire que si on enlève le droit de vote à un substitut du procureur général, cet homme, par le fait même, devient isolé de la politique, comme si on pouvait lui enlever toutes ses opinions politiques, ses croyances et son allégeance politique.

Même chez le monde ordinaire, on sait qu'un substitut du procureur général ou un juge d'intelligence moyenne ont leur parti politique, ont des croyances politiques, et c'est normal. On sait qu'ils ont leur allégeance politique. De là à leur défendre d'aller derrière un isoloir faire une croix en faveur d'un candidat, de là à essayer de nous faire croire qu'automatiquement ils ne subissent plus aucune influence politique, qu'ils sont en dehors de la politique et complètement isolés, qu'on n'a plus aucun doute sur ces individus, il y a une marge. Ce genre d'amendement essaie de faire croire que les substituts du procureur général vont devenir des hommes prémunis contre toutes les influences politiques, que ce soit du parti actuel au pouvoir ou d'un autre qui le sera. C'est pour la consommation du populo, du public. C'est par d'autres mesures qu'on va empêcher ces gens de subir des influences politiques, ce n'est pas en leur enlevant leur droit de vote.

Essayer de faire croire cela à la population, ça ne colle plus. La population, le simple citoyen qui ne connaît rien du rouage de la justice, qui ne connaît rien du travail même des substituts du procureur général sait que même si on l'empêche de voter, cela n'empêche pas ce substitut du procureur général d'avoir son allégeance politique, son credo politique et ses croyances politiques. Cela ne dérange absolument rien et cela ne l'empêchera pas de subir les pressions d'un parti politique ou d'un homme politique. Je ne dis pas qu'ils en subiront du ministre actuel, je ne nomme personne.

Ce qui me scandalise, c'est que par de beaux grands discours on essaie, pour la consommation du simple citoyen, de lui prouver que c'est fini, que les substituts du procureur général ne subiront plus jamais d'influence politique car on leur a enlevé le droit de vote. Moi, je n'y crois pas et la population n'y croira pas, pas à un moyen comme celui-là. On ne croira pas que les substituts du procureur général deviendront des gens complètement désintéressés de la politique, des gens qui ne penseront plus. Voyons, ils resteront des citoyens qui pensent, qui réfléchissent et qui vont opter pour des partis politiques! Mais n'ayez aucune crainte, ces gens-là n'ont plus le droit d'aller faire une croix vis-à-vis du candidat de leur choix !

M. LACROIX: Est-ce que le député de Sainte-Marie me permettrait une question?

M. BURNS: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, je ne permets pas de question. Quand j'aurai fini vous en poserez.

M. LACROIX: D'accord, l'hypocrisie continue.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je répète au ministre que ça me fait rire si on essaie de faire croire à toute une population que c'est fini l'influence politique chez les juges, chez les substituts du procureur général. Ils n'ont plus le droit de vote, on a donc réglé le problème! La population est beaucoup plus évoluée que ça et elle est certaine que ça continue quand même. On dira simplement qu'on les a empêchés de faire un X près du nom du candidat de leur choix.

Je répète que ça ne collera pas parmi la population.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, j'espère que les journalistes péquistes mettront demain en tête d'affiche, dans les journaux du Québec: le Parti québécois demande que les juges retournent à la politique. C'est ce qui nous a été prêché ce soir.

M. BURNS: Un autre farceur, c'est plein de farceurs là-dedans.

M. PAUL: M. le Président, ce sont ces mêmes gens qui, en pleine campagne électorale, ou ailleurs, dans les CEGEP, s'élèvent contre la politique que l'on rencontre dans la justice.

M. BURNS: Nous ne piétinions pas le micro nous.

M. PAUL: Lorsqu'on entend ces braillards, on se demande pourquoi...

M. LACROIX: Demandez-lui donc si son chef est à Alger ou sur la Côte d'Azur à l'heure actuelle et demandez-lui donc de quel côté est le ministre, à gauche ou à droite.

M. BURNS: Nous n'avons pas piétiné le micro nous.

M. LEGER: ... ce qui est légalement impossible.

M. PAUL: Ne vous en faites pas M. le Président!

M. LACROIX: Maudite putain politique!

M. PAUL: Ne vous en faites pas, la planification péquiste, c'est d'essayer d'avoir la publicité des journaux de fin de semaine.

M. LACROIX: ... c'est clair, les journaux jaunes.

M. PAUL: C'est demain qu'on verra ces brillants membres de la tribune de la presse vanter les chouchoux péquistes qui ce soir incitent une fois de plus la population à perdre totalement confiance dans l'administration de la justice, ce qui leur permettra d'aller davantage dans la population pour prêter le renversement du système établi que nous avons.

M. LACROIX: En plus de ça, M. le Président, si vous le permettez, aller coucher avec Martha Adams.

M. PAUL: M. le Président, je vois le député de Maisonneuve, mon bon ami,...

M. BURNS: Votre affaire cela fait peur, c'est inquiétant.

M. PAUL: ... plaider, la semaine prochaine, devant un juge qui aurait participé à la campagne électorale qui se serait déroulée un mois auparavant. D'ailleurs, si on suit le raisonnement exposé par les députés péquistes, la loi ne pourrait même pas les empêcher de participer activement à une campagne électorale parce que ce serait retourner au Moyen Age et brimer l'exercice d'un droit sacré, inhérent à la démocratie. Par conséquent, nos juges pourraient terminer une cause à quatre heures de l'après-midi, et le soir même, aller sur une tribune politique participer à une campagne électorale en faveur d'un candidat de leur choix et par pure coincidence retourner sur le banc, le lendemain matjn, pour juger une cause où ils entendraient des avocats qui, la veille au soir, auraient pu critiquer le parti politique auquel ils n'adhèrent pas eux-mêmes.

Voilà que nous verrions alors le député de Maisonneuve s'élever contre l'intrusion de la politique dans le domaine judiciaire. Les justiciables du Québec ne peuvent pas avoir justice parce qu'ils sont à la merci du gouvernement ou du pouvoir qui siège à Québec.

Je dois dire que, pour ma part, je n'ai jamais assisté à une telle volte-face et je ne me l'explique pas autrement que par un désir qui ne peut plus être brimé chez ces gens de tout faire pour que l'on perde confiance en l'autorité quelle qu'elle soit, même judiciaire; et là, parce que le peuple aura perdu confiance en l'autorité judiciaire, ça devient un terrain facile, extrêmement facile pour attiser les passions, pour soulever la population contre l'autorité judiciaire et on aura alors une raison de plus pour prêcher le renversement du système.

Je vois la position dans laquelle se trouverait placé le ministre de la Justice devant les remarques d'un dénommé Pepin qui, récemment, dans une entrevue à la télévision, et surtout son collègue de gauche ou de droite, M. Laberge, parlaient constamment du ministre de la Justice comme étant un tripoteur de la justice.

M. LACROIX: Le cognac à droite et la bière à gauche.

M. PAUL: Voici, M. le Président, que nos juges, maintenant devenus politiciens, seraient

exempts sans doute de cette accusation et de ce jugement de tripoteurs politiques. Ce soir, ça me fait plaisir de voir qu'il y a dans l'auditoire le président de l'Association des procureurs permanents de la couronne qui, dans un geste généreux, nonobstant ses opinions politiques, se fait l'interprète des membres de son association pour inviter le ministre de la Justice à leur enlever le droit de vote, afin de contribuer à créer un climat sain et de confiance au Québec à l'endroit de ceux-là qui ont charge de l'administration de la justice.

Mais non, M. le Président, parce que ça enlèvera une raison de critiquer davantage la justice, nos amis du Parti québécois n'aiment pas ça. Parce que tout ce qui peut assainir le climat politique au Québec, c'est clair que ça ne fait pas leur affaire. Ils préfèrent, eux, se délecter dans le trouble, dans le désordre social, le chaos économique et c'est là qu'ils recrutent leurs partisans leurs agitateurs et qu'ils espèrent devenir assez nombreux pour les porter au pouvoir.

Je dis donc, M. le Président, que depuis mon arrivée dans cette Assemblée nationale, c'est la première fois que je vois un geste aussi dégradant à l'endroit de l'administration de la justice, un geste aussi rétrograde, un geste aussi inexplicable, si ce n'est dans le seul but de créer un climat d'agitation sociale, de faire perdre complètement confiance en l'administration de la justice. J'espère que les péquistes journalistes, ces petits chouchoux, auront le courage d'écrire en grosses lettres, demain, "Le Parti québécois demande la politisation de nos juges". Là, le peuple connaîtra les véritables sentiments qui animent ces honnêtes gens, ces vierges offensées. Ceux-là sont toujours victimes des plus grandes injustices, ce sont ceux qui sont les plus frappés par la logique de nos juges, cependant dépolitisés. Mais non, il faut être absolument contre cette mesure qui va contribuer à assainir l'administration de la justice.

M. le Président, franchement, je n'aurais jamais cru qu'aux toutes dernières heures d'une session, l'on puisse être usé à un tel point que l'on puisse présenter des arguments aussi farfelus, aussi saugrenus, aussi rétrogrades, pour ne pas dire davantage.

Je félicite le ministre de la Justice. A moins qu'il ne désire avoir comme compagnons des tripoteurs de la justice, je l'inviterais à amender la loi électorale pour permettre aux juges de faire de la politique.

Pour toutes ces raisons, je n'ai pas besoin de vous dire que nous allons voter pour ce projet de loi. Nous allons rester sur les positions que nous avons toujours tenues pour qu'au Québec il y ait cet effort commun, cette action concertée, dans tous les milieux pour que le justiciable puisse avoir l'impression d'abord et la conviction ensuite que la justice est au-dessus de tous les intérêts politiques.

Ceux qui ont charge de l'administration doivent essayer de fuir les occasions, pour remplir efficacement leur rôle qui est d'être non pas au service d'un Etat vengeur, mais de travailler au respect intégral de toutes nos lois.

M. LE PRESIDENT: Le député des Iles-de-la-Madeleine.

M. LACROIX: M. le Président, malgré mon âge assez jeune, même si je me sens assez vieux, je pense que je me suis battu, depuis plus de 30 ans, pour que les avocats soient les serviteurs de la population et que, de plus en plus, la justice soit au service de la population afin que celle-ci sente, quelle que soit son appartenance politique ou son milieu social, qu'elle peut obtenir la justice dans son sens le plus strict et le plus égal.

Ce soir, j'assiste à l'étude d'un projet de loi qui permet à un gouvernement de donner à la population un service de justice plus adéquat, plus dépolitisé. Malheureusement, nous voyons les putains politiques qui jouent aux vierges offensées. Ils sont sept en cette Chambre. J'aimerais bien que le ministre de la Justice puisse aller plaider à travers la province, parce qu'il est un avocat compétent et honnête. Il pourrait aller plaider partout. Mais le ministre de la Justice, qui est un avocat honnête, compétent, est capable de trouver des substituts qui iront le représenter dans tous les districts judiciaires de la province de Québec et qui seront capables de faire face à des individus qui veulent détruire la société, à des gens qui veulent constamment faire en sorte que la liberté et la loi soient brimées par quelques individus.

M. le Président, je vois à travers vos lunettes que vous regardez à droite, mais regardez à gauche, c'est plus dangereux !

M. LE PRESIDENT: Je vais les mettre.

M. LACROIX: Je vous dis qu'il faut absolument que nos procureurs de la couronne soient des hommes, premièrement, qui soient payés adéquatement. Autant les juges que les substituts du procureur de la couronne et les gens qui assistent le ministre dans les différents districts judiciaires, doivent être en mesure de s'acquitter adéquatement de leurs responsabilités. Je me fous royalement de tous les petits Lemieux et des autres qu'il y a de l'autre côté. Ce que je veux, c'est que la justice soit aussi égale...

M. BURNS: M. le Président, qu'est-ce que c'est, cette histoire de Lemieux?

M. LACROIX: ... pour tout le monde que pour celui qui est en face de moi.

M. BURNS: Non, non, précisez.

M. LACROIX: Je n'ai pas parlé du député de Maisonneuve.

M. BURNS: C'est quoi, l'affaire de Le-

mieux? Dites-le donc ce que vous voulez dire sur Lemieux. Etes-vous gêné de le dire?

M. LACROIX: Absolument pas.

M. BURNS: Moi, je ne suis pas gêné du tout d'avoir mon nom associé au nom de Robert Lemieux.

M. LACROIX: Je le savais, vous n'avez aucun honneur.

M. BURNS: Bon, qu'est-ce que c'est, votre problème, à part ça? Avez-vous un problème?

M. LACROIX: Je ne permettrais pas que le nom de Lemieux soit associé au mien...

M. BURNS: Bien, vous voyez jusqu'à quel point...

M. LACROIX: ... parce que j'ai de l'honneur!

M. BURNS: ... vous êtes colonisé.

M. LACROIX: Seulement vous, vous n'en avez pas.

M. BURNS: Vous voyez jusqu'à quel point vous êtes dépassé, pauvre bonhomme!

M. LACROIX: Seulement, M. le Président, il faut à tout prix que la justice soit respectée dans la province de Québec, la justice dont on se plaint tant. Il y a des gens qui, comme vous, abusent de la justice. Vous riez des juges. Vous riez des procureurs de la couronne. Vous riez de l'autorité. Il faut absolument que, dans la province de Québec, l'autorité s'exerce et l'autorité s'exercera par le ministre de la Justice, par l'entremise des procureurs de la couronne. Seulement, je ne suis pas comme le député...

M. BURNS: Cela me fait peur!

M. LACROIX: ... de Sainte-Marie. Je n'ai pas mal aux reins parce que pour lui, les reins se situent là.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je veux vous dire de faire attention à votre oeil.

M. LACROIX: M: le Président, je dis et je répète qu'il est important, dans la province de Québec, que l'on cesse de jouer à l'autruche, que l'on cesse de dire que l'on ne doit pas faire de la politique.

M. BURNS: Qui joue à l'autruche, actuellement?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! M. LACROIX: Tout à l'heure, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et de plaisir les propos qui ont été tenus par les députés de Chicoutimi et de Maskinongé, des propos sensés, venant de gens qui ont beaucoup d'expérience.

Quant à moi, qui ai tant parlé contre les avocats, aujourd'hui je regrette qu'il n'y ait pas davantage d'avocats honnêtes qui siègent en cette Chambre, parce que ce sont les gens les plus formés, ceux qui peuvent le mieux nous représenter.

M. BURNS: Merci. Merci, vous êtes bien aimable à mon égard.

M. LACROIX: Nous sommes ici pour légiférer, pour établir des lois honnêtes, des lois qui protègent l'ensemble de la population. Quand on voit des avocats qui essaient de détourner les lois pour qu'elles servent certaines fins politiques partisanes, communistes, communisantes ou socialistes, je ne suis pas d'accord.

Il n'y a pas un homme, sur la terre, il n'y a pas un député péquiste qui m'empêchera de dire que, dans la province de Québec, je ne suis pas au-dessus de la loi, que mes enfante ne sont pas plus protégés par la loi que je ne le suis, mais il faut absolument que dans le projet de loi no 52...

M. BURNS: Votre beau-frère, est-il protégé?

M. LACROIX: S'il vous plaît, si vous voulez parler, prenez votre siège. Vous parlez mieux du siège que de la tête.

M. BURNS: Est-ce que votre beau-frère est protégé?

M. LACROIX: M. le Président, je voudrais que dans la forme actuelle la question... Naturellement, vous parlez de niaiseux. Vous connaissez cela, avec Lemieux, vous!

M. BURNS: Je comprends. Je vous regarde et je me rends compte de cela.

M. LACROIX: M. le Président, il faudrait de plus en plus protéger le judiciaire. Malgré que je ne serai jamais avocat, même si j'aurais assez d'expérience pour l'être parce que j'ai défendu de bonnes causes, dans ma vie, je voudrais que les avocats qui deviennent substituts du procureur général soient payés adéquatement, pour s'acquitter honorablement de leurs fonctions. Tant et aussi longtemps que l'on ne pourra pas avoir des avocats qui seront payés selon leur compétence, selon leur travail, selon leurs capacités, nous aurons toujours des substituts du procureur général qui feront davantage ce qu'ils ont toujours fait, soit jouer au golf plutôt que d'aller au palais de justice, ce qui n'est bon ni pour la justice, ni pour le peuple.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je voudrais le plus possible ramener à ses véritables dimensions le problème que nous discutons actuellement. Si je me souviens bien, malgré tous les cris que nous avons entendus — je m'en excuse puisque j'y ai moi-même participé, mais cela a été plus fort que moi — le problème qui nous préoccupait était l'article 3 du projet de loi no 52, qui se lit comme suit: "Un substitut ne peut non plus voter à une élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire." Sauf erreur, c'était le début du débat. C'est là-dessus que c'est parti.

Nous, de notre côté, nous nous sommes fait accuser, je pense, depuis les quinze ou vingt dernières minutes, par une série de sépulcres blanchis, de tous les péchés d'Israël. M. le Président, vous me comprenez.

M. LACROIX: Je n'en connais pas d'autres. S'il y en a d'autres, vous les avez.

M. BURNS: M. le Président, je m'abstiens véritablement, vraiment, de répondre à ce genre d'intervention.

Nous nous sommes fait accuser de toutes sortes de péchés que nous ne pensons pas avoir, simplement parce que nous avons osé dire que ce n'était pas normal, pour un substitut, même permanent, du procureur général, de ne pas pouvoir voter à une élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire. Ce n'est que cela que nous avons dit, jusqu'à maintenant. Nous n'avons pas l'intention d'aller plus loin que cela non plus.

Ceux qui étaient familiers avec les milieux de la justice avant les années 1960 se souviendront que, de gouvernement en gouvernement, les procureurs de la Couronne changeaient selon les gouvernements. Le député de Maskinongé, avec ses quelque 20 années d'expérience au Barreau, ainsi que les autres membres de la Chambre qui ont connu cette époque noire se souviennent sûrement du fait que si un gouvernement changeait, automatiquement les procureurs de la Couronne changeaient.

Il est arrivé qu'en 1960, on a tenté de changer ce courant. C'était un gouvernement libéral, à l'époque, dirigé par M. Lesage, qui a fait cette première tentative, qui n'a pas été parfaite, je l'admets, mais au moins, pour la première fois, on voyait des procureurs de la couronne nommés par le gouvernement précédent demeurer procureurs de la couronne sous le deuxième régime, sous le régime nouvellement élu. C'était véritablement une innovation. C'était en 1960.

Cela s'est perfectionné en 1966, si c'est ça que vous voulez que je vous dise.

M. VINCENT: Après 1944, ça n'a pas changé après chaque élection.

M. BURNS: Tranquillement, pas vite, on a commencé à installer le système du procureur ou du substitut du procureur général permanent. Et c'est là qu'on a commencé à nommer des gens, allant même jusqu'à nommer comme substitut du procureur général, c'est-à-dire comme procureur de la couronne, des personnes d'un autre parti. Je me souviens du premier — je ne le nommerai pas — et qui est maintenant juge, qui était un procureur de la couronne carrément identifié à l'Union Nationale du temps qui a été nommé par le Parti libéral. C'est là que ç'a commencé.

C'est dans ce cadre, je pense, qu'il faut fixer la discussion. On a commencé par dire à ces gens: Vous n'êtes pas au service d'un parti politique. Et moi, je dis: Bravo au parti qui a commencé en 1960 et bravo à l'autre parti qui, en 1966, a continué cela! Je n'ai rien contre, bien au contraire. C'est ce que je veux, s'il vous plaît, désamorcer. C'est ce que je veux que vous compreniez. Nous n'avons pas du tout l'intention de dire: Nous allons leur faire faire de la politique.

Vous savez ce que nous demandons. C'est qu'ils aient simplement le droit de vote, ces gens. Rien que ça. J'ai entendu tantôt des âneries incroyables. On disait que parce que nous demandions que les procureurs de la Couronne soient des citoyens comme les autres, c'est-à-dire aient le droit de vote, nous voulions leur faire faire de la politique.

Bien, bon Dieu, s'il fallait qu'on dise ça, nous parlerions contre notre intérêt, parce qu'ils ne sont drôlement pas de notre bord ces gars, si c'est ça le problème! Il y en a peut-être, mais je ne le sais pas. Personnellement, par leur attitude, je n'ai pas pensé que c'était des membres du Parti québécois, je ne l'ai jamais pensé. Je n'ai pas l'intention d'ailleurs de nommer qui que ce soit à ce moment-ci, mais peu m'importe le parti politique qui peut être celui pour lequel ils penchent davantage. Pas du tout ! Il y a déjà une protection dans la Loi de la fonction publique qui dit que les fonctionnaires ne peuvent faire de politique partisane. Lisez-là donc, le député de Trois-Rivières, votre loi; vous allez comprendre et vous ne direz pas: Ah, mon Dieu! Et le gouvernement a le droit de sévir si ces gens ne respectent pas la Loi de la fonction publique.

Ils ne peuvent pas faire de la politique partisane en période électorale. C'est une chose qui est bien claire. Jusqu'à ce que ce soit changé, je pense que c'est une drôle de protection pour le gouvernement. Mais de là à dire que parce qu'ils détiennent une fonction qui est près de l'administration de la justice, ils ne doivent pas voter! On doit leur enlever un de leurs droits les plus sacrés. Je dis que c'est absolument inconcevable.

On semble dire — et j'ai entendu le ministre de la Justice nous le dire tantôt — que toute accusation politique à l'égard du système de l'administration de la justice serait lavée par l'acceptation de cet amendement. Là, je dis, M. le ministre, que c'est plutôt vous que nous qui

devriez être traité de rêveur dans ce cas-là, parce que les accusations qu'on peut faire à l'égard des procureurs de la couronne, de l'administration de la justice en général, les procureurs de la couronne en étant un tout petit rouage, ne sont pas fondées sur Je fait que des gens votent ou ne votent pas.

Si véritablement le vote est secret si quelqu'un veut me démontrer que le vote n'est plus secret, et que quand un procureur de la couronne va voter on sait de quel côté il vote, je vais alors peut-être être obligé de me raviser. Mais jusqu'à maintenant, il me semble que c'est très clair que le vote est secret, pour un procureur de la couronne comme pour tout autre citoyen. Alors, je ne vois pas comment en empêchant les procureurs de la couronne de voter, on va cesser ou on va empêcher les accusations qui pleuvent actuellement contre l'administration de la justice, qui pleuvent non pas contre le fait qu'elle soit politisée, mais contre le fait qu'elle soit partisane. Et quand je dis partisane, je ne pense pas strictement aux partis politiques comme tels.

Je pense beaucoup plus aux classes sociales dans la société. C'est là-dessus que les accusations sont faites. Cela fait froncer les sourcils du ministre de la Justice quand je parle de classes sociales, mais il ne faut pas se le cacher, elles existent même au Québec, même si le Québec n'est pas un pays socialiste. Même si l'expression classe sociale est une expression qui est habituellement associée à un pays socialiste. Des classes sociales existent réellement au Québec.

Or, il arrive que l'administration de la justice au Québec est une administration d'une classe. D ne faut pas se le cacher non plus et ce n'est pas le fait d'empêcher les procureurs de la couronne de voter qui va changer cet état de fait. Ce n'est vraiment pas ça. Et cela m'étonne qu'on demande que les procureurs de la couronne n'aient pas le droit de vote, parce que eux, ils sont du rouage de l'administration de la justice, un des rouages et je dis un des petits rouages, non pas que je veuille minimiser leur rôle, loin de là mon intention, mais c'est un des petits rouages de l'administration de la justice dans les faits.

Cela m'étonne qu'on veuille leur enlever, à eux, le droit de vote et qu'on ne l'enlève pas au procureur général. Le ministre de la Justice, nous a dit tantôt qu'il votait pour lui, jusque-là ça va, c'est un homme politique; mais qu'on ne l'enlève pas au sous-ministre de la Justice, voilà un gars qui est bien plus proche de l'administration de la justice qu'un procureur de la couronne. Comment se fait-il que, lui, soit plus pur que les substituts du procureur général? Comment se fait-il qu'on ne s'inquiète pas qu'il ait le droit de vote? Cela ne nous énerve pas. Puis il ne faussera pas le système en continuant de voter, et il ne contribuera pas à laisser cette espèce de dédain qui existe — ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les statistiques — dans l'esprit de la population à l'égard de l'administration de la justice.

Comment se fait-il qu'à tous les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice qui sont à des niveaux — je parle au point de vue du salaire et au point de vue hiérarchique — beaucoup plus élevés dans l'organigramme du ministère, on ne demande pas de les priver de leur droit de vote? Je me le demande très sérieusement et je me demande — et c'est ce que je dis quand je parle d'une mesure comme celle-là qui à mon avis est une mesure de sépulcre blanchi — si véritablement il y a une expression qui colle bien à l'article 3 du projet de loi no 52 s'il y a une expression qui est exactement ça, puisque ça c'est une disposition de sépulcres blanchis.

On s'imagine que, parce que les procureurs de la couronne, demain, après la sanction de la loi, n'auront plus le droit de vote, ils n'auront plus d'opinions politiques. Faites-moi rire, ceux qui pensent cela. Ce sont des hommes et des femmes comme les autres. Ils vont continuer à avoir des opinions politiques et c'est tout à fait normal. Qu'on leur dise, tranquillement, pas vite: Peut-être qu'il ne faut pas faire certaines choses, peut-être qu'il ne faut pas vous présenter aux élections, je suis d'accord. Ils représentent déjà une partie, la partie étant le procureur général défendant les droits de la société.

Qu'on leur dise cela, je n'ai aucune espèce d'objection. Si on leur déclare: Dans l'isoloir, vous n'aurez même pas le droit de dire que vous n'êtes pas d'accord sur le système dans lequel vous êtes, je dis: Merde! Cela n'a aucun sens qu'on propose ce genre de choses-là. C'est pour cela que je considère que c'est une proposition de sépulcres blanchis. On s'imagine qu'en mettant du blanc ou du bleu à laver, ou du rouge ou je ne sais trop quoi devant ces gens-là, ils n'auront plus d'opinions; c'est faux! C'est bon qu'ils aient des opinions, ces gens-là. C'est bon aussi qu'ils comprennent leur rôle.

J'engage le ministre de la Justice, qui comprend très bien ce que je dis, à leur expliquer leur rôle. Si compétents que soient les procureurs de la couronne actuellement, il en reste un grand nombre qui ne comprennent pas leur rôle, comme il reste un grand nombre de policiers qui ne comprennent pas le leur, comme il reste un grand nombre de juges qui ne comprennent pas le leur. Ils ne se rendent pas compte qu'ils n'ont pas de cause à gagner ni de cause à perdre, mais qu'ils sont là comme représentants de la société. Comme tels, même si la couronne se fait battre, en termes officiels, c'est-à-dire que la cause contre l'accusé soit rejetée, ils n'ont pas perdu de cause. Un procureur de la couronne et un policier, ça ne perd jamais de cause; un juge, ça ne perd jamais de cause. Ce sont des gens qui sont là comme un bouclier de la société selon des degrés différents, qu'ils soient policiers, procureurs de la couronne ou juges.

Le jour où le ministre de la Justice aura expliqué cela à ses procureurs de la couronne, on n'aura pas besoin de venir nous dire qu'il faut les rendre impartiaux, les rendre complètement à l'épreuve de toute partisanerie et qu'il

faut adopter l'article 3. Là, on met véritablement de la peinture sur une fenêtre pour ne pas qu'on voit en dedans. Ce n'est que cela. Ces gens vont continuer à avoir des opinions et encore une fois je leur dis: Bravo! Qu'ils continuent à avoir des opinions, ce sont des citoyens, ce sont des membres de cette société qu'on habite; qu'ils continuent à en avoir mais qu'ils se rendent compte d'une chose, qu'ils ne sont pas là pour gagner ou perdre des causes.

On aura beau nous dire que ce sont des gestes dégradants que nous posons en demandant cela; j'espère qu'on essaiera de désincarner ce débat-là, de le ramener à sa véritable dimension. C'est véritablement le seul endroit dans ce projet de loi où on a des choses à dire contre le projet de loi 52. On le dit franchement et là-dessus on ne peut pas nous blâmer. Je ne vois pas pourquoi on nous blâmerait. Des gens nous ont dit que nous étions là pour détruire le système judiciaire. Au contraire, qui veut entendre, entende. On va comprendre que nous sommes là beaucoup plus pour aider le système judiciaire en disant: Faisons de nos procureurs de la couronne des gens normaux et non pas des gens complètement alignés; c'est la situation actuellement.

Je me souviens — et je vais le nommer, je ne me gêne pas pour le nommer — d'un ancien procureur général, ministre de la Justice, qui s'appelait Claude Wagner — et j'espère que jamais le ministre actuel de la Justice n'a posé, ne posera des gestes semblables — je me souviens de Claude Wagner qui envoyait des mémos — je ne demanderai à personne de venir confirmer ça, il y a des personnes, même en cette Chambre, qui sont capables de le confirmer, j'en suis sûr — il envoyait des mémos à ses procureurs de la couronne pour leur dire: Dans cette cause, je voudrais une condamnation de dix ans de prison. Je comprends que c'est extraordinaire et, M. le ministre, si vos dossiers sont encore à jour, si personne n'a fouillé dedans, remontez à des dossiers et vous allez les trouver les mémos. Je trouve cela ahurissant. Si cela existe que des députés, que des ministres posent de ces gestes à l'égard de procureurs de la couronne qui, à l'époque, avaient le droit de vote, je trouve ça mauditement plus grave que de leur garder le droit de vote, bien plus grave parce qu'on en fait des objets du système alors que ce n'est pas leur rôle.

Je ne vais pas plus loin. J'aurais un tas de choses à dire là-dessus. Le côté dégradant de l'affaire — je vous le dis tout de suite — ce n'est pas que nous nous opposions à ça, mais que les procureurs de la couronne consentent à un genre d'article comme celui-là. A mes yeux, ils viennent de baisser d'à peu près 18 pieds. Ils ne se battent pas davantage pour que leur droit fondamental de vote soit maintenu. Non seulement ils ne se battent pas mais ils disent: Nous sommes d'accord pour qu'on l'enlève. Cela veut dire qu'ils sont drôlement intégrés au système, qu'ils sont drôlement en laisse. Cela veut dire que des gestes posés en 19... — je ne dirai pas la date parce que ça pourrait peut-être identifier des gens — au moment où Claude Wagner était ministre de la Justice, ont peut-être tellement porté fruit que c'est devenu quelque chose de normal à l'intérieur du groupe des procureurs de la couronne d'être en laisse.

Cela m'inquiète bien plus qu'autre chose, bien plus que le fait qu'ils aient droit de vote. Et, dans l'intérêt même de l'administration de la justice, je demande qu'ils continuent à avoir le droit de vote, c'est pour ça que nous allons voter contre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur ce projet de loi no 52, nous en avons entendu des vertes et des pas mûres, ce soir. Je crains bien que le voeu de l'honorable député de Maskinongé ne soit pas exaucé, car demain matin j'ai bien l'impression qu'en regardant les journaux, nous allons lire en toutes lettres que le Parti québécois a fait un vibrant témoignage pour tâcher de dépolitiser la justice au Québec en voulant imposer en quelque sorte le droit de vote aux substituts du procureur général.

Il est assez difficile de commenter certains propos parce qu'il y a tellement de contradictions à l'intérieur, surtout l'orsqu'on regarde les politiques générales qu'on prône dans certains milieux, c'est excessivement difficile de s'y retrouver.

Je regrette que ce soir nos débats n'aient pas été télévisés. Cela aurait permis à la population du Québec de se rendre compte par elle-même des propos qui ont été tenus en cette Chambre par certaines personnes. Elle aurait également pu se rendre compte que d'autres parlementaires expriment de temps à autre leur point de vue sur des sujets de très grande importance pour l'avenir du Québec.

On a dit qu'en 1960, tout à l'heure, on avait commencé à changer cette politique. J'ai trouvé cela drôle parce que je me demande si on a changé la politique ou les procureurs en 1960. La mémoire est certainement une faculté qui oublie. On a aussi, sur ce point, fait beaucoup état du fait que les juges devraient être dépolitisés, ce avec quoi nous sommes entièrement d'accord. Sur ce point, je veux simplement dire au ministre que nous sommes d'accord avec l'article qu'il y a dans le projet de loi no 52 à l'effet qu'un substitut ne peut plus voter à une élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire.

Nous sommes entièrement d'accord sur ce point, parce qu'il fait être réaliste. Le premier devoir d'un juge ou d'un substitut du procureur général, c'est d'être impartial. C'est son premier devoir et sa première responsabilité. Si ces personnes peuvent avoir des droits, comme le diraient certains collègues, il y a également la population du Québec qui a des droits. La population du Québec a le droit d'être jugée de

façon impartiale dans certaines circonstances. Je pense que c'est quand même assez important.

M. le Président, il est évident que nous sommes conscients que cette clause ne réglera pas tout le problème. Il va falloir que le gouvernement aille beaucoup plus loin. Je trouve quand même — je veux être honnête à l'endroit du ministre — qu'il a fait un effort minimum; je ne dirai pas un effort maximum. Notre grande crainte, c'est qu'on n'aille pas assez loin et qu'on maintienne le système actuel avec toutes ses faiblesses.

On a soutenu que les juges devraient garder leur droit de vote. Je dis que, dans d'autres milieux, on veut accentuer davantage ce système. Lorsqu'une personne a le droit de vote, elle doit s'en prévaloir. Lorsqu'une personne ne se prévaut de son droit de vote, il ne fait aucun doute qu'elle est étiquetée. Cette personne est sollicitée. Toutes les personnes qui ont le droit de vote sont sollicitées, à un moment donné, par différents partis politiques. S'ils ont le droit de vote, pourquoi n'auraient-ils pas une carte de membre militant d'un parti politique? Je pense que c'est la même chose. S'ils ont une carte de membre d'un parti quelconque, du fait qu'ils ont droit de vote, ils ont également droit de participer, à un moment donné. A ce moment-là, où est-ce que nous allons?

M. le Président, je pense qu'il est de la plus haute importance que la justice soit dépolitisée le plus possible. Nous sommes conscients que, tant qu'il y aura des hommes avec leurs faiblesses, il va falloir que le gouvernement soit prudent, qu'il adopte certaines mesures, de façon que ces faiblesses ne soient pas érigées en système et qu'on voie à y apporter des correctifs et des améliorations.

C'est ça qui manque le plus, des mécanismes par lesquels on pourrait être en mesure d'organiser une politique courante dans ce domaine. Ce n'est pas tout d'enlever le droit de vote à une personne qui, un moment donné, est nommée substitut du procureur général pour prétendre qu'elle est dépolitisée automatiquement, surtout lorsque la personne a déjà milité, que c'est connu dans toute la province et même beaucoup plus loin qu'au Québec, dans un certain parti politique et a fait de la politique active. Il est donc entendu que, même si on leur enlève le droit de vote, l'étiquette reste quand même collée pendant un certain temps.

Sur ce point, nous serons d'accord sur les dispositions de l'article 3 de cette loi, comme nous sommes d'accord sur l'ensemble des dispositions du projet de loi 52. Quand même, nous estimons qu'ils sont nettement insuffisants et que le ministre aurait dû aller plus loin dans ce domaine. Nous lui demandons de réexaminer la situation, parce que c'est devenu une mode courante, pour le présent gouvernement, de présenter des lois qui amendent l'amendement de la loi précédente, comme on l'a vu dans certains domaines. Il n'y aura aucune objection à ce qu'on apporte des amendements au projet de loi 52 pour tenter de dépolitiser davantage la justice au Québec.

Nous ne souscrivons pas du tout, pour aucune considération, aux arguments que le Parti québécois a invoqués en ce qui a trait au fait qu'on devrait laisser le droit de vote à ces personnes, pour les raisons que j'ai mentionnées tout à l'heure. On a dit que certains avocats, certains membres de cette Chambre ont voulu associer leur nom à d'autres procureurs de très grande réputation au Québec, qui ont eu à agir comme procureurs de certains personnages haut en couleur et très bien connus. On se souviendra très bien de toutes les procédures qui se sont déroulées à ce moment-là et de quelle façon on a accusé déjà les juges d'être politisés.

On a proféré toutes sortes d'accusations à l'endroit de la justice. Si on est réellement sincère quand on demande la dépolitisation de la justice, je dis que la disposition qu'il y a dans l'article 3 est quand même un effort minimum, mais un effort qui mérite que nous l'appuyions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je crois que mon collègue de Maisonneuve a eu l'occasion, d'une manière excellente, de présenter les objections que nous avions à cet article du projet de loi no 52.

J'aimerais reprendre un de ses arguments, le condenser et l'expliquer pour qu'une fois de plus la position que nous défendons, et que je crois fondamentalement honnête, puisse être comprise, que ce soit par le ministre, que ce soit par les membres de l'Assemblée nationale, ou, au mieux, par l'opinion publique.

Si je me fie à la présentation que le ministre de la Justice lui-même a faite de l'article 3 du projet de loi 52 et à la motivation qu'il a dit lui-même avoir de présenter cet article qui vise à retirer le droit de vote à tous les niveaux d'élections, aux substituts du procureur général, je voudrais les prendre telles quelles et en respectant la lettre et l'esprit, comme je l'entends et comme j'espère le faire intégralement, mener un raisonnement tout à fait contraire au sien, aboutir à la conclusion contraire de celle de l'article 3 et dire que, précisément pour cette motivation et pour les raisons invoquées par le député d'Outremont, nous devrions maintenir ce droit qui appartient à tous les citoyens du Québec âgés de 18 ans et plus.

Que vise le ministre de la Justice par ce geste de mauvaise qualité? Il vise, nous dit-il, à consacrer, de manière indubitable et de manière irréprochable, non seulement l'honneur, l'intégrité mais aussi l'importance que ces hommes occupent dans la société québécoise. Pour connaître d'une façon plus que superficielle, pour reconnaître d'une façon totale l'importance qu'ils occupent par leur rôle dans la vie sociale, il leur veut ce statut particulier qui

serait celui d'être des citoyens amoindris quand arrive le moment de s'exprimer par le vote. De fait, ces hommes ou ces femmes sont, dans plusieurs causes, dans l'ensemble de leur rôle dans la vie sociale — le député de Maisonneuve l'a expliqué tout à l'heure — ceux qui, théoriquement, pas toujours de la façon dont nous le voudrions, nous représentent dans les causes. Quittons le vocabulaire idiot du XIXème siècle; tout le monde sait que derrière "couronne", qui ne veut plus rien dire, il y a, au fond, l'idée que ces hommes représentent les valeurs et les lois votées par une société démocratique via son Parlement démocratique, si l'on s'en tient toujours à la théorie, et que, donc, par le fait même, représentant les lois votées par les élus du peuple et demandant aux juges le respect des lois votées par les élus du peuple, ils se trouvent à représenter le peuple lui-même dans une cause, qu'elle soit civile ou criminelle.

M. le Président, c'est un fait que je reconnaf-trai que ces hommes sont probablement les représentants des valeurs sociales, véhiculées dans les lois, dans les us et coutumes d'une société. Mais, précisément parce qu'ils sont cela, précisément parce qu'ils ont atteint ce rôle et cette taille dans la vie sociale du Québec, ils sont mieux placés que beaucoup de citoyens à qui on ne penserait jamais retirer le droit de vote pour voir l'état de la société qu'ils défendent.

Leur vie professionnelle les a situés dans un endroit où, mieux que beaucoup de citoyens du Québec, ils ont l'occasion de vérifier l'état de santé de la société. Dans leur for intérieur — et cela, on ne le leur retirera jamais — dans leur conscience — et cela, on ne le leur retirera jamais — dans leur intelligence — et cela, on ne le leur retirera jamais — ils ont l'occasion quotidienne, heure après heure, d'une cour à l'autre, d'un juge à l'autre, d'une cause à l'autre, de vérifier si les lois qu'ils sont appelés à défendre sont adéquates, sont adaptées à la société, si elles sont d'avant-garde ou si elles sont vieillottes, par rapport à la société, qui, elle, évolue de jour en jour, ce que ne font pas nos lois, forcément et obligatoirement.

Justement parce qu'ils sont les représentants de la société, ils ont la chance de la voir évoluer quotidiennement, ils ont la chance, s'ils le veulent, d'analyser cette société, ils ont la chance de voir là où elle est malade comme ils ont la chance de voir là où elle se porte bien. Forcément, on voudrait retirer à l'intelligence de ces hommes l'expression qu'elle devra, un jour ou l'autre, avoir. Je dis que s'ils ne l'ont pas à l'endroit où tous les citoyens du Québec l'ont, cette intelligence de la société et ce droit de s'exprimer sur elle, par ledroit de vote, ils le feront ailleurs. S'ils le font ailleurs, ce pourra être, malheureusement, dans l'exercice de leurs fonctions. Ce n'est certainement pas l'endroit où nous voudrions les voir s'exprimer.

Ils ont là un rôle simple. Ils sont les représentants de la société et doivent faire respecter la loi. Voilà ce qu'ils ont à faire. Ils n'ont pas à profiter de la charge professionnelle qu'ils ont pour y incruster des idées politiques, parce que ce serait le seul canal qu'ils auraient pour les exprimer, s'étant vu refuser le canal normal d'une démocratie par l'article 3 du projet de loi no 52.

Ces hommes ont, s'ils le veulent — je dis encore s'ils le veulent, j'aurai l'occasion de revenir là-dessus tout à l'heure — la chance de mesurer ce qui serait le remède adéquat pour cette société forcément malade, puisque la présence en cour d'un prévenu, à cause d'un crime ou d'un manquement à la loi, est toujours un signe de maladie. Ils auront la chance, s'ils le veulent, de trouver les remèdes à cette société.

Ils auront bien ceux qu'ils voudront, comme moi j'ai le droit d'avoir les remèdes que je veux pour les suggérer à la société. Le député d'Outremont, tous les membres de la Chambre et tous les citoyens du Québec ont également le droit de préconiser les remèdes qu'ils veulent. Ce n'est pas sur le remède en particulier par rapport à un autre que j'en ai. Mais de dire que ces hommes, à cause du poste qu'ils occupent, ne sont pas en droit d'analyser la société et de chercher les remèdes qu'on doit y apporter, c'est se leurrer, se mettre un doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Ils sont mieux placés que beaucoup de citoyens pour le faire. C'est presque, M. le Président, leur métier de le faire.

Ils auront donc la chance de préconiser le remède qu'ils veulent. Certains se rangeront du côté de la majorité ministérielle, ce qui est parfaitement leur droit. Eux préconiseront l'ordre, le bâton, la hache. Ils préconiseront leur dictature, ils préconiseront l'Etat policier. C'est leur affaire. Je les jugerai, quant à moi, là-dessus. D'autres, parmi ces mêmes hommes, pourront préconiser une réforme complète du système de la justice, pourront préconiser une réforme complète de la société, du système économique. C'est aussi leur droit. Ils auront l'idée, c'est ce qui est important. Ils auront l'idée, quel que soit le droit qu'on leur accorde ou qu'on leur supprime, quant au vote. Je dis que, s'ils n'ont pas l'occasion d'exprimer cette idée dans le vote, ils trouveront un autre endroit pour l'exprimer. Si c'est dans leur métier, c'est certainement malheureux pour le système judiciaire, qui n'est déjà pas bien portant, dans l'ensemble de la société québécoise.

Donc, s'ils le veulent, M. le Président. Mais qu'ils aient accepté — comme s'est empressé de nous le dire le ministre — de se voir supprimer ce droit qu'ils avaient depuis toujours et qu'on voudrait leur retirer par l'article 3 du projet de loi 52, c'est justement, quant à moi, un argument de plus en faveur de notre position.

Au fond, on pourrait dire: Je m'en balance. J'ai une conviction et je la défends. Que les principaux intéressés, pour qui, ce soir, je prends la parole — parce que, finalement, c'est ce groupe-là que je défends ce soir — n'aient pas

la même opinion que moi, ce ne sera pas la première fois, mais ça ne m'empêchera pas de véhiculer ces valeurs et de le dire.

Le fait qu'ils aient accepté cette suppression de leur droit, indique, quant à moi, qu'ils en sont rendus à une véritable habitude de manger dans la main du pouvoir, d'en dépendre quant à leur nomination, quant à leur existence, quant à leur passé, quant à leur crédibilité, quant à la hiérarchie qu'ils occupent dans les préférences de la couronne, certains mieux cotés auprès du ministre, d'autres l'étant moins, certains ayant connu des carrières florissantes, d'autres devant être déménagés perpétuellement. Ils sont soumis aux caprices de l'Exécutif — tout le monde le sait — à partir du jour où ils portent le titre de substituts du procureur général jusqu'au jour où ils ne l'auront plus. Aujourd'hui, le pouvoir politique manifeste une telle intention, par habitude malheureuse qu'il s'agira de brûler, et ils marchent encore dans cette chose-là. Cela ne me dérange pas qu'un groupe de citoyens vienne réclamer qu'on leur enlève un droit démocratique; je dis que tous les citoyens doivent l'avoir.

S'ils sont à ce point colonisés, incrustés dans ce que le système a de plus mauvais, ça ne me dérange pas, non plus. Je suis convaincu que nous ferons des réformes dans le Québec, et des réformes en profondeur, lorsque nous donnerons des coups de pied au derrière à certains citoyens qui ne s'aperçoivent même pas qu'ils doivent en avoir.

Il y a ce qu'on appelle des cocus contents, des bienheureux de la galette. Ces gens-là, s'ils veulent y vivre, s'ils veulent s'y enfoncer, c'est parfaitement mon droit de leur dire, à certains moments, qu'ils y vivent.

Nous ne sommes pas obligés d'être complices d'une tartuferie, d'une hypocrisie comme celle-là. Qu'on essaie donc de me dire que, parce qu'ils n'auront plus le droit de vote, ces hommes-là n'ont plus d'idées politiques. Voyons donc! Cela fait des années qu'on dit ça à propos des juges qu'ils n'ont pas d'idées politiques et analysez les jugements pendant cinq minutes. Cela fait des années qu'on dit que le système judiciaire est complètement indépendant de l'Exécutif. Allez raconter ça à n'importe quel citoyen du Québec; le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ont des doutes. D'autres vous prouveront, noir sur blanc, que c'est faux.

Là, on voudrait ajouter à l'hypocrisie du système, en disant: Vous savez, ils ne peuvent pas avoir d'idées politiques; ces gens-là ne votent pas. Avez-vous déjà été dans une cause où le substitut du procureur général défend la société, souvent plus ardemment qu'auparavant, avec une force qu'on ne lui connaissait pas dans des causes inverses, avec une ardeur au travail que ses collègues ne lui reconnaissaient pas, la toge en l'air dans le palais de justice, parce qu'il sait très bien qu'il est dans une cause ayant un fond politique et que l'intérêt s'y met? Parce que trois ou quatre individus défilent dans une cause, ces procureurs sortiront tous les arguments qu'ils peuvent trouver, certains proprement politiques, issus de cette Chambre ou de quelque politicien, qu'ils reprendront sous le couvert de la toge, en disant: Nous ne faisons que défendre la société.

Voyons donc, tout ce système a été tellement critiqué! Prenons simplement le rapport de la commission Prévost; le ministre sait les sondages populaires auxquels cette commission s'est livrée. Le système est tellement hypothéqué, les gens trouvent ça tellement fou, l'hypocrisie de ce système !

Tout le monde a tellement l'impression que tout cela se fait en coulisse, que ce soit vrai ou faux, il reste que l'impression est là et que l'impression existe et hypothèque sérieusement le système judiciaire.

M.CHOQUETTE: J'ai rarement entendu un discours aussi dégoûtant que le vôtre.

M. CHARRON: Vous aurez l'occasion de me répondre.

M. CHOQUETTE: Jamais!

M. CHARRON: Vous aurez l'occasion de me répondre; si ça ne vous intéresse pas, ne me répondez pas, mais moi, je vais vous dire ce que je pense.

M.TETLEY: Est-ce que le député me permet une question?

M. CHARRON: Non, vous aurez l'occasion de me répondre.

M. le Président, nous ne sommes pas obligés, pour notre part, d'être complices une fois de plus. C'est exactement l'inverse qu'il aurait fallu dans la démarche de la réforme fiscale, non pas ajouter de la chaux sur le sépulcre, mais prouver qu'il ne s'agit pas d'un sépulcre. Il aurait fallu dire qu'il s'agit là d'hommes ordinaires, avec des défauts ordinaires avec des qualités ordinaires et avec des droits ordinaires comme ceux des Québécois, c'est-à-dire celui de voter; ne pas essayer faussement quand la population n'y croit déjà plus, d'en faire des héros, des hommes retirés, quand tout leur statut social, quand tout leur salaire, quand tout leur passé, quand toutes leurs nominations, quand tout le traficage, qui, souvent, accompagne ces nominations, vient prouver le contraire.

Nous ne devons pas être complices de cela. S'ils sont enfoncés là-dedans, c'est leur affaire, mais quant à nous, sur cette question, notre position est irréductible. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. TETLEY : Puis-je poser ma question, parce qu'il a soulevé un fait? Il reste quelques minutes. Est-ce que vous me permettez de poser ma question?

M. LE PRESIDENT: II y a le député de Rouyn-Noranda avant.

M. TETLEY: Merci M. le député de Rouyn-Noranda. Vous avez parlé, M. le député de Saint-Jacques, de tant de personnes qui étaient contre le système et contre les juges et contre l'hypocrisie du système, mais vous n'avez pas cité de chiffres ou de pourcentage du rapport Prévost. Avez-vous les pourcentages des gens qui étaient contre ou soupçonnaient les juges? Avez-vous ici ce soir le pourcentage? Je pose la question au député de Saint-Jacques.

M. LE PRESIDENT: II ne faut pas commencer un débat sur ça, parce que ce n'est pas dans le contexte de l'article qu'on étudie. J'ai arrêté le député de Saint-Jacques de parler dans cette direction, et je ne veux pas laisser poser la question parce que ça va faire biaiser le débat. Vous êtes complètement en dehors du sujet aussi.

Le député de Rouyn-Noranda.

M.SAMSON: M. le Président, c'est très surprenant d'entendre les honorables membres du Parti québécois parler comme ils le font ce soir. En effet, on entend de la part des membres du Parti québécois des revendications à l'effet qu'il faut conserver aux substituts du procureur de la couronne leur droit de vote. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre leur attitude. Et en plus des substituts du procureur général, d'ajouter les juges et tous ceux qui font partie de l'appareil judiciaire.

Comment pouvons-nous comprendre leur attitude, M. le Président? Ces mêmes gens qui, ce soir, au nom d'une pseudo-démocratie, veulent absolument permettre qu'on donne le droit de vote aux procureurs de la couronne, sont ceux qui, par tradition, sont associés à tout genre de groupes qui préconisent le renversement du gouvernement par la force, si nécessaire. Cela veut dire sans élection. Là, on fait une lutte, ce soir, pour donner le droit de vote à quelques personnes et un autre jour, on fera la lutte pour s'associer...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je suis prêt à laisser le député de Rouyn-Noranda dire toutes les âneries qu'il voudra, mais au moins qu'il les dise dans le contexte du débat actuel. Je pense qu'il est déjà loin, il est déjà rendu dans un domaine de calomnies assez extraordinaires. De toute façon, ce n'est pas ça que je veux rétablir, mais restons dans le cadre du débat.

M. LE PRESIDENT: Je désire qu'on s'en tienne aux substituts des procureurs de la couronne.

M. SAMSON: M. le Président, je considère que lorsque le député de Maisonneuve parle d'aneries, il fait sûrement allusion au magistral discours qu'il a fait au début de la séance.

Ce que j'ai à dire, c'est entièrement à l'intérieur des discussions que nous avons présentement. C'est mon point de vue. Peut-être que l'honorable député de Maisonneuve ne le partage pas, ça lui fait mal, je comprends qu'il ne le partage, mais c'est quand même à l'intérieur du débat et en me basant sur les arguments que je viens de citer je dis que le Parti québécois est en train de nous démontrer ou d'essayer de nous démontrer, avec un grand voile en avant, ce qu'il est exactement.

Tout d'abord, quant au retrait du droit de vote aux substituts du procureur général, je ne crois pas, contrairement à ce qu'ont dit les membres du Parti québécois que c'est en laissant le droit de vote aux substituts du procureur de la couronne que cela garantira que tous ces gens-là auront libre choix, qu'ils pourront continuer à avoir des idéologies politiques.

Si on veut réellement dépolitiser la justice — les membres du Parti québécois sont ceux qui crient le plus souvent en faveur d'une dépolitisation de la justice — il faut commencer par poser des gestes quelque part. Quand on veut en poser, ils sont aussitôt contre les gestes posés. Pourquoi? Parce qu'ils veulent continuer à avoir des arguments pour dire que la justice est politisée. Il y a plusieurs années déjà, on peut citer en exemple des substituts du procureur de la couronne qui participaient même à des campagnes électorales. C'est le principe. La population n'accepte pas facilement et c'est le devoir du ministère de la Justice et le nôtre aussi de faire en sorte que la justice soit respectée, respectable et à être respectée continuellement. Pour ce faire, nous devons prendre les moyens et adopter des mesures visant justement, par des gestes concrets, à cette dépolitisation.

Ce n'est pas tout de dire qu'on veut la dépolitiser. Si on laisse le droit de vote, cela veut dire qu'en même temps on laisse aussi la possibilité et la facilité à tous les partis politiques de solliciter ces personnes. Si ces gens n'ont pas le droit de vote, personne ne va les solliciter parce que cela ne donnera rien de les solliciter. Si on le leur laisse, on fait d'eux des victimes parce qu'ils sont sujets ou assujettis à être sollicités par les différents partis politiques. Comme ce sont des humains comme tous les autres, visant à conserver leur emploi comme tout le monde, si on les assujettit à ce genre de sollicitations, on les assujettira en même temps à des pressions ou à des influences indues. Il faut justement les protéger et c'est pour protéger les substituts du procureur général que nous avons le devoir d'accepter cette mesure. C'est pour leur propre protection en plus d'être pour la protection de l'ensemble des citoyens du Québec. C'est dans ce sens-là qu'il faut considérer l'article 3.

Le vote, c'est un geste, un principe, un symbole. Si on poursuit le raisonnement présenté par le Parti québécois, à savoir qu'il faudrait non seulement permettre le droit de vote aux substituts du procureur général mais également aux juges — rappelons-nous que la semaine dernière nous avons nommé juge le président général des élections du Québec, rappelons-nous cela — il faudrait envisager de donner le droit de vote aussi au président général des élections parce que c'est un juge maintenant, et peut-être étendre cela. Vous voyez où cela pourrait nous mener. Dans ce domaine particulier des élections, c'est impensable que le président général des élections ait le droit de vote parce que lui aussi deviendrait quelqu'un qui serait assujetti à cette sollicitation dont je vous parlais tantôt, c'est impensable.

M. CHARRON: Le député de Rouyn-Noranda me permet-il une question?

M.SAMSON: M. le Président, habituellement j'en permets à tout le monde, mais à cause de ce que je viens d'entendre ce soir, à la suite de la façon cavalière dont le député de Saint-Jacques a refusé une question au ministre des Institutions financières, je pense que nous allons continuer la soirée comme le Parti québécois l'a si bien commencée.

Nous permettrons des questions seulement à ceux qui sont habilités à en poser des intelligentes.

M. CHARRON: De toute façon, pour la qualité de réponse que j'aurais eue. Continuez vos âneries.

M. SAMSON: Quand je vous vois j'ai envie de faire beaucoup plus d'âneries. Il s'agit de le regarder, ça nous inspire.

M. CHARRON: Vous allez bien.

M. SAMSON: Je voudrais dire aussi que c'est une question de permettre que notre système judiciaire soit à l'abri de tout soupçon quant aux idéologies politiques. Parce que devant la loi, la justice, quelles que soient les opinions politiques de qui que ce soit, jamais ces opinions politiques ne doivent entrer en ligne de compte pour aucune considération. En ne permettant pas le droit de vote, c'est bien clair que nous faisons en sorte que ces gens soient de plus en plus ou au maximum dépourvus d'idéologies politiques et de partisanerie, ce qui est encore pire que les idéologies politiques. En permettant qu'ils ne soient pas assujettis à cette partisanerie politique, nous avons le maximum de chances que la justice ne soit pas une chose politique.

Bien entendu, on dira que le ministre de la Justice est un homme politique; c'est clair, c'est vrai. Dans un système démocratique, il nous faut faire élire des députés pour en faire des ministres. Quel que soit l'homme qui soit ministre de la Justice, c'est un homme élu et un homme élu est un homme politique; on ne peut pas passer à côté de ça. C'est encore mieux un homme politique élu qu'un dictateur comme nous en voyons dans les pays où la dictature règne.

C'est dans ce sens que je crois très sage d'apporter cette mesure, à l'article 3 du bill 52. Si les substituts du procureur général n'ont pas le droit de vote, s'ils sont dépolitisés au maximum, ça permettra au ministre de la Justice de faire que ces substituts soient permanents et nos pas susceptibles d'être remplacés à chaque fois qu'on change de gouvernement. Vous allez me dire que ça se fait de moins en moins; oui c'est vrai. Mais ça s'est encore fait il n'y a pas tellement longtemps et probablement que ça se faisait parce qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement. Si un substitut du procureur général était trop politisé, que voulez-vous, à ce moment-là, il y avait de bonnes raisons pour demander son remplacement. Mais, par ce système qui s'établit, c'est bien clair que nous risquons qu'à chaque fois que le gouvernement change on soit obligé de remplacer un certain groupe des substituts. Si on ne les met pas à l'abri de la politique, ils en feront; s'ils en font, ils s'engagent. Et s'ils s'engagent, on ne peut pas servir deux maîtres à la fois, on ne peut pas servir un maître politique quand on est au service d'un autre maître politique.

C'est pour ces raisons que je considère qu'il est important, très important même que les substituts du procureur général n'aient pas le droit de vote. De plus le ministère de la Justice pourrait peut-être prévoir le maximum de mesures en vue de nous assurer la dépolitisation complète des substituts du procureur général.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. le Président, je ne comprends pas du tout la bataille que fait actuellement le Parti québécois sur l'article 3. Je considère honnêtement que c'est une bataille un peu régressive, c'est presque les derniers sursauts d'un passé. Ce qui me surprend c'est que ce soit le Parti québécois qui la fasse. Que ça vienne de certains autres partis me surprendrait peut-être un peu moins mais de sa part c'est incompréhensible.

Je ne sais pas s'ils sont omnibulés par l'article 3, mais il y a, dans certains autres articles, en particulier à l'article 2, des principes beaucoup plus discutables et importants. Je suis personnellement entièrement d'accord sur l'article 3, qui enlève le droit de vote aux substituts du procureur général. Cette mesure place ces substituts au-dessus de tout soupçon, de toute question partisane. Je suis d'accord, car, un peu comme les juges, ces hommes doivent jouer un rôle d'une objectivité indiscutable. C'est à ce

prix que nous réussirons à revaloriser l'image de la justice, image qui ramènera, peu à peu, la confiance de la population.

Je considère que c'est une mesure qui va dans la bonne direction. Si les procureurs — on me dit qu'il y en a 129 sur 3 millions d'électeurs — préfèrent conserver leur droit de vote, j'ai l'impression qu'ils pourront facilement être remplacés. Je ne crois pas encore que les candidats manquent. Encore une fois, c'est une mesure qui va dans la bonne direction, une mesure progressiste. Je suis surpris de voir que ce soit le Parti québécois qui fasse une bataille semblable que je considère comme régressive.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, quelques brèves remarques seulement. Depuis le début, j'écoute attentivement de part et d'autre, les arguments qui sont soulevés. Des députés, même du Parti québécois, ont fait d'excellents plaidoyers, sauf que je ne peux pas les suivre, en principe.

On a entendu dans cette Chambre qualifier le gouvernement, dans certains conflits, d'être juge et partie, à raison, d'ailleurs. Aujourd'hui, on voudrait que, dans un article de loi, on oublie ce principe qu'on a émis à plusieurs reprises et qu'on permette aux substituts des procureurs, en se prononçant par la voie d'un vote, prendre parti et, ensuite, être juges. Ce que demandent les membres du Parti québécois, c'est qu'on perpétue ce principe d'être juge et partie dans une cause. Etre accusé d'être juge et partie ce n'est encore rien de grave, mais être réellement juge et partie, c'est pire.

Le ministre a mentionné — d'autres collègues l'on dit aussi — que les substituts du procureur demandent que ce droit de vote leur soit enlevé, sans doute parce que c'est pour eux un barreau ajouté à la grille sécuritaire qu'ils sont en droit d'obtenir. Ils ont peut-être raison de le demander. Si on veut être logique avec l'article de loi qui est mentionné, l'article 3, avec la formule d'assermentation qui apparaît en annexe du projet de loi, on se rend bien compte que l'impartialité est mentionnée comme faisant partie intégrante de la formule d'assermentation. Ces mêmes substituts, en s'engageant sous serment par formule, au moment où ils auront à se prononcer par un vote, ne pourront plus être qualifiés d'impartiaux. A moins que les honorables membres du Parti québécois ne demandent également un amendement à la formule d'assermentation proposée, si on me demande d'être impartial dans une cause ou dans un débat et qu'on me demande de me prononcer par un vote, ou je trouve que mon vote est annulé automatiquement ou je viens de me prononcer pour une ou l'autre des deux parties en cause.

Donc, à partir de ce moment précis, à partir d'un acte posé, je ne peux plus me vanter d'être impartial. Je me verrais donc dans l'obligation de refuser cette formule d'assermentation qui est proposée en annexe dans le projet de loi. Je pense que ce sont les principes mêmes de la logique qui veulent que ce soit ainsi.

Bien sûr, on est porté ou on est tenté de se dire ou de croire que ces personnes, qui sont les substituts du procureur général, se verront enlever un droit fondamental, celui de se prononcer par la voie du vote dans un scrutin. Mais il ne faut pas oublier que la population est en droit de réclamer ces droits et d'avoir dans les substituts du procureur des personnes qui pourront juger de la façon la plus impartiale possible les causes qui leur sont confiées.

M. le Président, en pratique, cela ne change pas grand-chose, bien sûr. Mais si on veut que les substituts du procureur aient au moins la chance d'être honnêtes et d'être logiques avec eux-mêmes, l'article 3 du projet de loi dit bien que, désormais, ils ne pourront plus se prononcer par la voie du vote. A partir de ce moment-là, il sera beaucoup plus facile pour eux de respecter, encore une fois, cette formule avec beaucoup plus d'honnêteté, d'objectivité et d'impartialité. J'ai quand même l'impression que la loi ne va pas aussi loin non plus et qu'en dehors des activités professionnelles, un substitut du procureur ne pourra pas faire part à ses amis, dans son milieu, à sa famille, de ses options politiques ou même consulter, à certains moments, pour connaître l'évolution de notre société, si c'est impossible pour lui d'en prendre connaissance au fur et à mesure. Je dis, contrairement à ce que prétendent les membres du Parti québécois, qu'il y a d'autres façons pour les substituts du procureur d'évoluer dans cette société. Il y a sans doute d'autres moyens et je dis que le moyen le plus important n'est sûrement pas celui de se prononcer dans un scrutin, qu'il soit fédéral, provincial, municipal ou scolaire.

J'ai déjà assisté à des réunions du Parti québécois et pourtant je ne suis pas péquiste. J'ai déjà assisté aussi à des assemblées du Parti libéral et pourtant je ne suis pas libéral. J'écoute, depuis que je suis en cette Chambre,...

M. LAFRANCE: On n'y tient pas, non plus.

M. GUAY: ... des discours par tous les membres de cette Chambre et, pourtant, je conserve mon option politique. Bien sûr, j'ai le droit de vote, mais ce n'est pas ce droit de vote qui va perpétuer chez moi les idées que j'ai. Ce n'est pas non plus le droit de vote qui m'oblige et m'astreint à dire ce que je dis en cette Chambre, absolument pas. Pour ma part, j'ai l'impression que c'est tout simplement une tempête dans un verre d'eau. Je pense que c'est un moyen palpable, visible, pour les substituts du procureur général, d'être en mesure de dire: Politiquement, je suis neutre. On ne pourra pas, à ce moment-là, les accuser d'avoir, tôt ou tard, participé à une décision par voie de vote. Je pense que c'est un minimum de protection. On aura beau penser qu'ils ont voté pour telle ou

telle option politique, on aura beau le dire, ils nous feront réponse qu'ils n'ont même pas le droit de vote et on oubliera aussitôt qu'ils ont pu être en faveur de telle ou telle opinion politique.

Ils auront beau nous les dire, leurs idées politiques, ils auront beau les crier, dans notre esprit, puisqu'on a parlé de mentalité — le député de Saint-Jacques l'a fait bien adroitement — on aura beau le prétendre, dans notre mentalité, on saura toujours qu'ils n'ont pas le droit de vote.

Je pense, M. le Président, qu'on attache une importance démesurée au fait de leur enlever ce droit de vote. Il faut regarder dans la population. C'est non seulement et non uniquement pour la sécurité des substituts du procureur général, mais c'est également pour la sécurité mentale de la population, qui a prétendu et qui prétend encore que les juges ou les substituts du procureur, comme on les appelle, rendent des décisions politisées, dans la majorité des cas.

M. le Président, quand on reçoit à nos bureaux des personnes qui se croient lésées uniquement parce que celui qui devait ou qui a jugé la cause a défendu ou a soi-disant défendu une personne de telle ou telle option politique par rapport à une autre, à partir de ce moment-là, les substituts du procureur général pourront dire: Vous n'avez aucunement raison. Nous sommes neutres. Nous n'avons pas le droit de nous prononcer par la voie du vote.

Je pense que c'est un début de concrétisation dans la dépolitisation des substituts du procureur général. Ce n'est là qu'un outil. Je dis, en passant, que le ministre de la Justice ne fait que flirter avec la solution. C'est un début, un petit début.

M. le Président, on peut prendre un exemple du milieu municipal, qui peut nous rapprocher un peu plus, dans un cadre moins grand, plus petit, pour supposer que la décision qui a été rendue a été une décision politisée. Il est bien facile de le prétendre. Plus on va dans un gouvernement qui est petit, qui est local, plus cela semble facile d'accuser de politiser les problèmes.

M. le Président, puisque ce sont eux qui l'ont demandé, si c'est réellement le cas — nous le verrons parce qu'une fois que la loi s'appliquera, si ce n'est pas le cas, ils vont regimber — et qu'on veut réellement, une fois pour toutes, enlever dans l'esprit des gens que les substituts du procureur général rendent des décisions politisées, qu'on commence à le concrétiser dans les lois et qu'on laisse l'article 3 tel qu'il est là.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane, ministre de l'Immigration et ancien procureur de la couronne.

M. BIENVENUE: M. le Président, je voudrais participer à ce débat brièvement — cela ne sera pas long, qu'on ne s'inquiète pas — parce qu'il concerne un sujet qui m'intéresse beaucoup, qui m'a toujours intéressé et que je crois modestement connaître un tout petit peu, presque autant que certains membres de cette Chambre et presque autant que le député de Saint-Jacques et le député de Maisonneuve.

Je voudrais d'abord faire une mise au point au sujet d'une certaine remarque du député de Maisonneuve à l'endroit du juge Claude Wagner. Une certaine remarque au sujet de laquelle, à tort ou à raison, je me sentais presque visé parce que, sans avoir à la main le texte du journal des Débats, le député de Maisonneuve disait qu'à l'époque du juge Wagner, il a parlé de mémo — j'y reviendrai dans un instant — il y a peut-être des députés de cette Chambre qui pourraient en témoigner, qui en étaient des témoins vivants.

Je me sentais presque aussi visé à titre d'exemple que le député de Sainte-Marie ou le député de Saint-Jacques à ce sujet. Je veux faire cette mise au point, non pas parce que M. Claude Wagner qui était ministre de la Justice à l'époque est juge aujourd'hui — je le crois suffisamment capable de se défendre à l'endroit où il est — non pas parce qu'on me reprochera mon appui pour lui sur le plan politique, parce que lors de la dernière convention au leadership du parti auquel j'appartiens j'appuyais M. Pierre Laporte, mais je veux faire cette mise au point au nom de la plus pure vérité et de la plus stricte justice.

Je n'ai jamais, quant à moi, pendant les années durant lesquelles j'occupais les fonctions auxquelles vous avez fait allusion à la blague tout à l'heure, reçu de mémos écrits ou d'instructions verbales de M. Wagner au sujet de sentences, que ce soit de dix ans ou autres.

Mais j'ajoute tout de suite que c'était son droit strict, comme c'est actuellement le droit strict du procureur général actuel, et de son prédécesseur, le député de Maskinongé, de donner de telles instructions ou de donner de tels mémos si jamais il l'avait fait — et je connais un petit peu le sujet dont je parle — comme c'est le droit strict de tout avocat de la défense d'aller, à son tour et de son côté, devant les tribunaux et demander de faibles sentences — par opposition au procureur général d'en demander de plus fortes — et de demander même aucune sentence, c'est-à-dire l'acquittement.

Et les droits du procureur général sont également ceux de ses substituts. Je ne recourrai pas à Larousse pour donner à cette Chambre la définition du mot substitut. On sait que le procureur général, s'il le pouvait, plaiderait lui-même toutes les causes pénales devant tous les tribunaux de la province. Mais il ne peut le faire physiquement et ce sont ses substituts qui le font et qui exécutent ou transmettent ses ordres, ou à défaut, exécutent eux-mêmes les leurs devant les tribunaux.

Et je les ai exercés fort souvent ces droits, sans recevoir de mémo du procureur général de l'époque ou de l'un ou l'autre de ses prédéces-

seurs sous qui j'ai servi. Et c'était le plus souvent à la demande des tribunaux. Et pour peu que l'on connaisse la pratique des tribunaux dans cette province, comme partout ailleurs au Canada en vertu du code pénal canadien, les tribunaux demandent au substitut du procureur général de la Couronne, comme à celui de la défense, leurs représentations face à toute sentence qu'il s'apprête à imposer.

Et le substitut du procureur général représente le procureur général et la société, il ne représente pas l'accusé qui a lui-même un procureur pour s'occuper de ses droits. J'ai exercé moi-même ces droits et c'était mon droit de le faire. Parce que, vous savez, on entend souvent dire que les tueurs, les terroristes et les poseurs de bombes, que les kidnappers, les fraudeurs et les voleurs à main armée ont des droits. Ces grands personnages ont des droits, je le concède. Mais il arrive que la société aussi a des droits. Et la société exerce ses droits par ceux qui la représentent.

M. LE PRESIDENT: J'espère que le ministre reviendra au propos du bill.

M. BIENVENUE: Celui qui vous parle répond ad rem à une accusation qui a été portée contre un magistrat qui n'est plus dans cette Chambre. Et j'ai l'intention de répondre pour que tout soit couvert, sujet au règlement.

M. PAUL : L'honorable ministre me permet-il une question?

M. BIENVENUE: Avec plaisir.

M. PAUL: Si je ne m'abuse, le ministre a déjà été procureur de la couronne. Le ministre est donc en train de nous exposer quel est le rôle du procureur permanent de la couronne, pour en arriver aux raisons qui sont à l'appui de la présentation du projet de loi du ministre de la Justice.

M. BIENVENUE: C'est pour mieux arriver à dire pourquoi ils devraient être dépolitisés, même si ça fait mal à certains membres de cette Chambre. M. le Président, le discours du député de Saint-Jacques...

M. HARVEY (Jonquière): Discours crachat.

M. BIENVENUE: Ah oui, j'accepte l'expression "crachat". Je la prends à mon compte. D'ailleurs, j'y avais pensé avant que le dise le ministre du Revenu. Ce sont peut-être les propos les plus dégueulasses, les plus bas, les plus vils, les plus dégoûtants, pour employer l'expression du ministre de la Justice, les propos les plus à l'image physique et morale du député de Saint-Jacques.

Le député de Saint-Jacques ne connaît absolument rien de la question; il n'a peut-être même pas l'âge et la maturité pour connaître la question. Ses propos me convainquaient davantage, au fur et à mesure que je l'écoutais, de l'importance et de l'urgence d'une disposition législative comme celle-ci. Plus je l'écoutais, plus je me convainquais, si c'était nécessaire, de l'urgence d'une telle disposition législative. Il faut se rappeler — d'autres l'ont fait avant moi — les condamnations combien récentes, par des amis du député de Saint-Jacques, par ceux qui le fréquentent et qui me permettent de dire qui il est, condamnation de magistrats, des juges de la cour Supérieure de cette province, qui ont fait leur devoir.

Je pense à plusieurs de ces magistrats — ils ont été assez salis sans qu'il soit nécessaire de revenir sur leur identité — qui, parce qu'ils ont condamné des amis du député de Saint-Jacques, ont été traité de tout ce que l'on voudra, à qui on a reproché... Pas de question, là.

M. JORON: J'invoque le règlement, M. le Président. Le ministre associé à je ne sais plus quoi est en train de verser dans la diffamation calomnieuse et je voudrais bien qu'il soit plus spécifique s'il a l'intention de porter des accusations.

UNE VOIX: Cela fait assez longtemps que vous en dites de ça, vous autres.

M. JORON: Je ne sais pas si vous vous êtes déjà vus dans un miroir, ceux qui parlaient de l'image de tout à l'heure. Attention, là, vous entrez sur un terrain dangereux, je vous préviens.

M. BIENVENUE: Les mises en garde et les menaces du député de Gouin me laissent indifférent. Deuxièmement, il n'y a aucune question de règlement, M. le Président. Je ne diffame personne; je tâche, au contraire...

M. JORON: Vous faites des allusions calomnieuses. Ayez le courage de dire ce que vous avez à dire.

M. BIENVENUE: Assoyez-vous.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BIENVENUE: Je suis loin de diffamer qui que ce soit...

M. LACROIX: Le fils à papa.

M. JORON: Vous n'êtes pas le fils de votre père, vous?

M. BIENVENUE : ... je tente de laver la réputation de magistrats honnêtes et intègres de cette province qu'on a tenté de salir dans certains milieux que l'on connaît et sur lesquels je ne veux pas revenir. C'est ça, M. le Président. Ces magistrats, je les respecte, d'ailleurs, et les applaudissements des membres de cette Cham-

bre me font croire que d'autres que moi les respectent aussi, comme l'ensemble de la population. M. le Président, on a reproché à certains d'entre eux d'avoir appartenu à certains partis politiques. J'en parle allègrement et bien à l'aise de ces magistrats, parce qu'on les a assimilés — d'autres orateurs l'ont fait avant moi — justement à ces substituts permanents du procureur général que l'on veut contribuer, par une loi saine, à dépolitiser davantage.

On ne veut pas les dépolitiser dans les faits —parce que je ne crois pas à leur politisation — mais dans l'esprit de la population et surtout dans l'esprit de ceux qui les dénigrent, qui les ont dénigré ce soir — je pense au député de Saint-Jacques et aux propos auxquels j'ai fait allusion — comme on dénigre les magistrats dans la société actuellement.

M. LACROIX: On a affaire à des juges autrement plus valables que ce petit...

M. BURNS: Va te coucher dans ta boîte!

M. LACROIX: Je ne me drogue pas, moi. Le député de Saint-Jacques le fait, mais pas moi.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. BURNS: Va te coucher dans ta boite! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve — comme c'était son droit — a posé une question, hier après-midi à l'ouverture de la séance, au ministre de la Justice, relativement à de soi-disant rumeurs suivant lesquelles un magistrat aurait exercé des pressions sur les hauts fonctionnaires ou sur les substituts du procureur général dans la cause d'un individu du nom de Léo Tremblay afin que la cause soit portée en appel devant la cour Suprême.

Le député de Maisonneuve — c'était manifeste — s'insurgeait, si telle rumeur était fondée contre l'intervention du judiciaire dans le pouvoir politique. On connaît la réponse qu'a donnée le ministre de la Justice. Au lieu de dépolitiser les procureurs permanents du ministère de la Justice, les juges, politisons-les. Redonnons le droit de vote aux juges, laissons-le dans le cas des procureurs permanents. Et plus tôt qu'on ne le croit assisterons-nous, non plus cette fois à des rumeurs, mais à des interventions fort possibles du pouvoir judiciaire dans le pouvoir politique.

Peut-être faudrait-il donner plus d'ouverture, permettre plus de discours politiques, plus d'interventions au niveau électoral, plus de participation à ces gens que j'ai nommés, aux juges et aux procureurs de la couronne pour pouvoir ensuite mieux les critiquer, à moins que les gens du Parti québécois, du parti séparatiste, ne nous donnent une indication de ce qu'ils souhaiteraient face à la venue bâtarde d'un gouvernement péquiste, qui ne viendra jamais, d'ailleurs. Peut-être voudrait-on, sous un régime péquiste, que les magistrats ou les procureurs de la couronne soient politisés, je l'ignore. Je pense me faire l'interprète du ministre de la Justice, tant et aussi longtemps que le Parti libéral sera au pouvoir ou même l'Unité-Québec ou le Ralliement créditiste, s'ils y viennent, nous travaillerons à dépolitiser la justice, pas à la politiser pour des fins que j'aime mieux ne pas qualifier.

Ceci m'amène à dire que le projet de loi — je l'affirme — fait mal au Parti québécois. Les propos que j'ai entendus de certains d'entre eux, plus spécifiquement du député de Saint-Jacques, dont j'ai dit ce que j'ai dit — il n'est pas nécessaire de répéter — me portent à croire que tout ce qui consiste, dans cette province, à nettoyer, à purifier, à mettre de l'ordre dans la justice, à toutes les couches de la population, va à l'encontre des visées séparatistes, socialisantes et socialistes du Parti québécois. J'ajoute que j'ai appartenu moi-même à une époque où les substituts du procureur général étaient nommés par le pouvoir à chaque changement de gouvernement. J'en ai souffert et j'en suis le témoignage vivant avec d'autres; la justice a souffert de ce qu'à chaque changement de gouvernement il ait fallu remplacer les procureurs de la couronne. On veut parler de politique ou de dépolitisation des procureurs de la couronne.

Parce qu'un jour j'ai fait mon devoir et j'ai occupé à une certaine enquête du coroner contre la première vague de felquistes, de membres du FLQ au Québec au début des années soixante, parce que j'y ai fait mon devoir et rien de plus que mon devoir, j'ai été traité dans un sale bouquin qui faisait l'apologie de ce mouvement de quelques épithètes du genre de chien, du chien à Bienvenue, ou du sale ou de l'écoeurant à Bienvenue. Faisant toujours mon devoir, toujours à cette époque, où j'ai souffert d'occuper mes fonctions alors que nous n'étions pas permanents, j'ai occupé, sur la demande de ceux qui étaient mes supérieurs, dans certaines causes impliquant des personnages qui ont appartenu à un parti politique. J'ai eu des menaces, des promesses. Il m'aura fallu, je le dis publiquement devant cette Chambre, un jour occuper, toujours pas par plaisir, et j'en ai souffert, contre un ministre fédéral d'une autre allégeance politique, et, pour un moment donné, me voir presque lavé et pardonné de ce que j'aie participé, quelques années auparavant, à des causes où étaient impliqués des personnages d'une autre allégeance politique.

Suivant que l'on poursuit des gens qui sont considérés comme des adversaires politiques, on est critiqué; suivant que l'on poursuit, toujours suivant les ordres reçus, des gens qui sont considérés comme des amis politiques, si les poursuites aboutissent à l'acquittement, on nous dit facilement: II n'a pas fait son devoir pour protéger un ami. Si, au contraire, cet ami

politique est condamné, on dit alors: II a craint d'être soupçonné d'avoir aidé un ami, alors, il a forcé davantage ou mis plus de zèle pour faire condamner le même ami.

Il y a eu des étapes graduelles dans la dépolitisation de la fonction extrêmement importante de substitut du procureur général: l'honorable juge Rivard, de la cour d'Appel, qui est un juge extrêmement respecté, qui fut un jour procureur général, avait lancé le premier l'idée des procureurs permanents au Québec. Son successeur, Me Georges-Emile Lapalme, qui fut à son tour procureur général, a mis en application cette idée des procureurs permanents à Québec et, comme on le rapportait, la première, sinon l'une des premières nominations, fut celle d'un personnage considéré comme d'allégeance politique opposée.

Aujourd'hui, on veut aller plus loin, on veut dépolitiser davantage en enlevant le droit de vote. M. le Président, je n'ai pas à vous rappeler à vous que, sauf dans des cas de très rares exceptions, des cas très rares, à mes modestes connaissances, vous ne votez pas, ni le vice-président, lorsqu'il occupe le fauteuil, ni le vice-président adjoint, lorsqu'il occupe le fauteuil, parce qu'on se soucie ici aussi davantage de dépolitiser la présidence de la Chambre; le président ne se mêle pas aux débats, parce qu'on veut davantage assurer son impartialité et s'assurer qu'il est un personnage dépolitisé. Ce qui vaut ici vaut ailleurs.

Je terminerai en invitant les membres de cette Chambre et en particulier mon collègue et mon confrère du Barreau, le député de Maisonneuve, à lire avec extrêmement d'attention cette étude complète, combien sérieuse, combien à point, et déjà vieille de quelques années, faite par un autre éminent membre de la magistrature, le juge Brossard, de la cour du Banc de la reine, de la cour d'Appel du Québec. Dans les considérations de sa décision, à la suite de l'enquête sur l'affaire Coffin, il a énoncé, avec combien de clarté, de clairvoyance, d'objectivité, de sérieux et de compétence, les fonctions, les devoirs, le rôle, l'objectivité et surtout l'impartialité qui doivent caractériser cette fonction combien importante et que je qualifie de quasi judiciaire, qui est celle du procureur de la couronne.

Cette lecture, je pense, non seulement pour le député de Maisonneuve, mais même pour le jeune député de Saint-Jacques, les aidera à comprendre davantage un problème dont j'ai vu manifestement qu'ils avaient rien compris. Pour employer une expression bien de chez nous, cela mettra au député de Saint-Jacques du plomb dans la tête.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. UNE VOIX: Le somnifère.

M. LAURIN: M. le Président, si nous accordons une telle importance au droit de vote, qu'il concerne le citoyen ou le substitut du procureur général, c'est que ce droit de vote est un droit fondamental des plus sacrés, dont l'importance existe non seulement pour l'individu, mais également pour la société. Pour l'individu, parce que c'est un droit qui a été acquis de haute lutte et qui symbolise justement son statut d'être libre, libre d'organiser la société avec la modeste contribution qu'il peut y apporter. Deuxièmement, parce qu'il peut, au point de vue de la société, constituer l'équivalent du travail que chaque individu peut apporter à l'édification d'une société valable. C'est la raison pour laquelle il faut le protéger comme la prunelle de ses yeux, d'une part, dans le sens positif et dans le sens négatif, qu'il faut ne penser à l'enlever que pour les raisons les plus importantes, les plus sérieuses et les plus urgentes.

C'est précisément parce que nous avions la conviction que l'article 3 du projet de loi ne constituait pas cet argument absolument irréfutable que nous avons posé la question au ministre et que nous lui avons demandé de reconsidérer cet article. Ce n'est certes pas en recourant aux poncifes, aux lieux communs, aux clichés les plus éculés qui soient, ce n'est pas en recourant à des manoeuvres où l'injure tient lieu de raisonnement que l'on pourra véritablement apporter une solution à ce problème extrêmement important.

J'ai écouté avec la plus extrême attention les discours sérieux qui ont été prononcés, ce soir, sur cette question et je dois avouer qu'après les avoir entendus il me reste quand même des questions et des doutes à l'esprit, que je voudrais soumettre candidement à l'attention du ministre.

Dans son exposé, comme dans celui du député de Matane que je viens d'entendre, il m'a semblé relever quand même une contradiction; contradiction qu'avait déjà relevée le député de Maisonneuve, mais que je voudrais quand même reprendre. Comment se fait-il qu'on enlève le droit de vote aux subalternes alors qu'on ne l'enlève pas au chef, en l'occu-rence le sous-ministre qui est quand même le chef des substituts du procureur général? C'est une question à laquelle on n'a pas répondu.

L'exposé du député de Matane m'amène à poser au ministre une autre question. Je l'ai entendu dire que c'est simplement faute de temps, parce qu'il ne possède pas le don d'ubiquité, que le ministre de la Justice, qui est en même temps procureur général, ne peut agir comme procureur général dans toutes les causes plaidées au Québec. Mais il est de l'essence même de ce rôle qu'il plaide lui-même toutes ces causes. Ce n'est que parce qu'il ne le peut pas qu'il est obligé de déléguer son pouvoir. Il reste quand même que c'est le ministre de la Justice qui est le procureur de toutes les causes au Québec. Pourtant, ce procureur général qui devrait plaider toutes les causes et qui ne le peut pas, il vote, lui, de même que son

sous-ministre vote. Pourquoi alors faudrait-il enlever à ceux qui sont sous sa gouverne un droit aussi fondamental, un droit aussi sacré, un droit aussi important pour l'édification d'une société démocratique? C'est une question à laquelle on n'a pas répondu.

Un autre argument que j'ai relevé dans tout ce qui a été dit, c'est qu'il importe de penser à cette mesure pour mettre la justice, en particulier les procureurs permanents, au-dessus de tout soupçon, peut-être à cause de toutes les attaques qui ont été lancées depuis quelques années contre la justice, à commencer par les ministres qui se sont succédé, les sous-ministres, les procureurs permanents de la couronne et, en général, contre l'appareil judiciaire. Peut-être veut-on répondre à ces attaques par des correctifs, par des améliorations qui, en l'occurrence, portent le nom de retrait de vote aux substituts permanents du procureur général.

Il me semble que c'est une des plus mauvaises façons de répondre à ces doutes, à ces interrogations du public, de l'opinion que de procéder de cette façon, car enlever le droit de vote peut risquer d'être interprété comme une entreprise de tartuferie politique afin de redorer le blason de la justice dans le sens suivant: Etant donné que la justice est attaquée dans ses représentants, mettons les représentants formellement au-dessus de tout soupçon. Nous pourrons dire à la population qu'ils n'ont pas droit de vote, donc, en conséquence, qu'ils n'ont pas d'opinion politique, qu'ils ne sont pas partisans de tel ou tel parti politique. Donc, ils sont au-dessus de la mêlée.

Mais, comme l'a dit le député de Sainte-Marie, ceci ne peut pas convaincre la population parce que cette image que l'on veut donner a été, dans le passé, trop souvent contredite par les faits et des faits qui ne sont pas nécessairement scandaleux, des faits qui sont tout à fait normaux et humains, des faits, par exemple, qui amènent la population à se dire que les juges, comme les substituts permanents du procureur général, ont des opinions politiques, se font une opinion sur tel problème, sur telle législation, sur telle action du pouvoir exécutif et c'est tout à fait normal.

D'ailleurs, une fois qu'on a nommé quelqu'un substitut permanent du procureur général, à l'âge de 35, 36 ou 37 ans, que tout le voisinage, la région, la parenté, les amis connaissent les accointances politiques de ce substitut, qu'ils les connaissent parce qu'ils l'ont entendu, avez-vous l'impression que ces gens, qui le connaissent, vont croire que parce qu'un jour un homme de 35 ou 40 ans, déjà formé, ayant ses opinions bien définies, que parce qu'il a été nommé substitut permanent du procureur général, le Saint-Esprit va tomber sur lui sous la forme d'une langue de feu et qu'il va, soudainement, trouver son chemin de Damas de l'impartialité? Avez-vous l'impression que tout à coup, il va s'opérer, s'effectuer au-dedans de lui une purification, une transformation qui va en faire l'être absolument aseptisé, impartial, impavide qui, en toute matière va oublier ses conditionnements antérieurs, ses gauchissements antérieurs, ses opinions antérieures?

Ce serait absolument manquer de réalisme que de croire cela. On sait très bien que même s'il ne vote pas, même s'il fait profession d'impartialité, d'objectivité, étant donné qu'il reste humain, qu'il reste normal, il ne pourra quand même pas pencher de l'autre côté où il a grandi. Ce serait absolument ne rien connaître à la nature humaine que de penser cela. Ce n'est pas parce qu'il ne votera pas, c'est-à-dire qu'il ne posera pas l'acte formel, l'acte visible, l'acte manifeste du vote que ceux qui le connaissent et toute la population vont penser que, de ce fait, il a acquis, comme un don du Saint-Esprit, l'impartialité et l'objectivité. Ceci, on ne le fera jamais croire. Ce n'est pas, encore une fois, par un acte formel qu'on va effacer tout un conditionnement antérieur. Cet argument a déjà été développé.

Mais il y a un autre dont on n'a pas encore parlé jusqu'ici et je le soumets à l'attention du ministre de la Justice.

Ce qui me paraît plus grave, à moi, c'est qu'en enlevant le droit de vote aux élections fédérales, provinciales, municipales et scolaires à un homme dont le rôle social, qu'on le veuille ou non, est extrêmement important, c'est comme si on l'invitait à sortir de la réalité sociologique, c'est comme si on l'invitait à sortir de son milieu, comme si on l'invitait à se réfugier dans une tour d'ivoire, sur une colline isolée, dans une sorte d'olympe inacessible, où il n'est plus touché par les émotions, par les problèmes de la collectivité. C'est comme si on l'invitait, en somme, à ne plus se former d'opinion politique. Dans le sens où je l'emploie, le mot politique veut dire non pas l'appartenance à un parti politique mais simplement une opinion, que ce soit sur un projet de loi, que ce soit sur une action des citoyens, à quelque niveau que ce soit, que ce soit sur l'administration on la gestion de la chose publique.

C'est un peu comme si on l'invitait à démissionner de ses responsabilités de citoyen, de socius appartenant à des groupes divers auxquels il doit son allégeance. Ceci me paraît grave parce que, précisément, en tant que substitut permanent du procureur général, il doit être quelqu'un qui, pour se former un jugement, doit être au courant de tout ce qui se passe dans la société, de l'évolution des idéologies, qui doit faire partie de son siècle, qui, quand même, possède une formation, une maturité suffisante pour pouvoir, quand même, à l'aide de ses connaissances, qui lui viennent de son appartenance au milieu et au groupe, les dépasser et les étudier, les scruter, les analyser à la lumière des principes qui sont propres à sa discipline, qui sont propres au rôle, à la mission que le ministre lui a confiés.

Je ne pense pas que ce soit en l'invitant à se détacher, à se désinsérer du milieu qu'on

l'aidera à mieux remplir sa tâche. Au contraire, c'est de cette façon qu'on facilitera plutôt une sorte de dégagement, qui ne peut que le rendre plus étranger aux problèmes non seulement du milieu mais aux influences que le milieu exerce sur l'individu, qui peut-être très important, parfois, lorsqu'on analyse les causes du comportement intellectuel dans quelque procès que ce soit.

M. PAUL: L'honorable député me permettrait-il une question?

M. LAURIN: Oui, bien sûr.

M. PAUL: En suivant l'argumentation de l'honorable député, je me suis interrogé à savoir si la thèse qu'il vient de nous exposer s'applique également à l'endroit des juges et que, de ce fait, nos juges devraient retourner à la vie politique.

M. LAURIN: Vous avez remarqué, M. le Président, que j'ai bien pris soin de ne pas parler des juges.

M. PAUL: L'honorable député pourrait-il donner son opinion sur ce point?

M. LAURIN: J'ai voulu me limiter à l'article du projet de loi. Si jamais — comme j'ai invité le ministre à le faire — nous avions une commission parlementaire de la justice sur l'un ou l'autre des problèmes que je signale parfois à son attention, j'aimerais beaucoup développer mes idées sur ce sujet, car une partie de ce que je dis, bien sûr, peut s'appliquer également aux juges mais il y a quand même un cas d'espèce. Un juge n'est quand même pas un substitut permanent du procureur général, puisque le substitut n'est pas appelé à juger mais simplement à présenter une cause, alors que le juge a une autre fonction.

J'aimerais bien, avant de passer d'une sphère à l'autre, poser les distinctions nécessaires. Malgré que ce serait un sujet extrêmement intéressant, tout ce que je pourrais trouver à dire là-dessus...

M. LEDUC: Un autre sujet pour nous endormir!

M. LAURIN: ... pour le moment, c'est que tant que les juges seront nommés comme ils sont nommés actuellement, que la professsion de juge ne constituera pas une profession séparée, spécifique en soi, on peut peut-être penser que l'ère des réformes n'est pas encore achevée dans ce sens. Je referme la parenthèse immédiatement.

Je demande quand même au ministre de penser aux conséquences, peut-être un peu impondérables, de l'argumentation que je lui soumets et penser qu'en enlevant le droit de vote à des citoyens qui ont le droit, d'abord, de l'exercer, d'une part, et deuxièmement pour qui le fait de l'exercer peut justement leur permettre de mieux comprendre un milieu dans lequel ils sont insérés et dont la compréhension peut s'avérer essentielle pour la meilleure exécution des tâches qui leur sont confiées, constitue un problème important sur lequel j'aimerais quand même avoir son opinion.

D'ailleurs, ceci m'amène tout naturellement à parler des droits de l'homme. Le droit de vote est un droit fondamental, un droit sacré. Je pense bien que le ministre le reconnaît. Je pense qu'en reconnaissant le droit de vote à un substitut permanent du procureur général, ce n'est pas politiser la justice.

Contrairement à ce que disait le député de Matane, un substitut permanent du procureur général ne vote pas comme le président de l'Assemblée nationale ou un président de commission, qui y va d'une façon ouverte, au vu et au su de tous, mais un substitut vote, comme tous les citoyens, en secret, derrière un isoloir. Il n'est pas obligé de dire à personne pour quel parti il vote et à quelle allégeance il appartient.

Je ne pense pas, comme le député de Rouyn-Noranda le disait tout à l'heure, qu'un citoyen, substitut permanent du procureur général, placé dans cette situation constitue une victime. Evidemment, il sera sollicité de donner son allégeance à tel ou tel parti. Il le sera par les mass media, par les candidats, mais, précisément parce que c'est un homme bien formé, bien éduqué, qui possède une grande maturité, il pourra écouter tous les avis qu'on lui présente, se former une idée, comme tant de citoyens s'en forment dans le secret de leur conscience, comme les fonctionnaires s'en forment, sans qu'on sache pour qui ils se prononcent. Et, le moment venu, il pourra voter pour tel parti.

Je ne pense pas que le fait de voter constitue une entreprise de dépolitisation de la justice. Je pense, au contraire, qu'enlever le droit de vote peut contribuer à politiser la justice, en ce sens que le substitut, étant absent de son milieu, peut être amené à se forger une opinion qui ne corresponde plus à la réalité sur laquelle il a à se prononcer.

Par ailleurs, on a fait remarquer que, si on veut dépolitiser la justice, ce n'est pas par des gestes formels et uniques qu'on y arrivera, mais par bien d'autres mesures que le ministre connaît aussi bien que moi, qui ont fait l'objet de livres blancs dans le passé et qui feront l'objet de livres blancs dans l'avenir. C'est une entreprise difficile parce qu'elle est liée à l'émotion viscérale, à l'humain. C'est par un train de mesures et non pas uniquement par cette mesure qu'on y arrivera et encore moins, je crois, par cette mesure, puisqu'elle peut aller à l'encontre même des buts que le ministre poursuit.

Donc, de même qu'accorder le droit de vote aux substituts permanents n'est pas politiser la justice, de la même façon enlever le droit de vote aux substituts permanents du procureur

général n'est pas dépolitiser la justice. En effet, comme je le disais tout à l'heure, si on enlève son droit de vote à quelqu'un qui est rendu à l'âge de la maturité et qui s'est formé des opinions, il n'en continue pas moins de croire aux opinions qu'il s'est formées jusque-là.

On a souvent lancé dans le débat le mot démagogie. On a voulu nous en accuser. Je trouve qu'on emploi ce mot bien trop souvent, quand on veut discuter sereinement d'un problème, bien sûr, qui engage les émotions de chacun. C'est un mot qu'on brandit trop volontiers. Pour moi, le mot démagogie constitue une caricature de la démocratie et je pense bien être un adepte fervent de la démocratie. Si jamais on peut me soupçonner de démagogie, je m'examinerai pour voir si ces accusations sont bien fondées.

Par ailleurs, il y a aussi des caricatures qui peuvent exister dans le sens inverse. H peut exister une certaine caricature de l'ordre également. L'ordre peut devenir quelque chose de tellement éculé, vidé de sa substance, de son essence, qu'il n'en reste que la forme extérieure. Alors, ce qu'on retrouve à l'analyse, ce n'est plus l'ordre véritable qui apporte la paix et la justice, mais c'est, trop souvent — comme ça arrivait dans le passé et comme ça arrivera dans l'avenir, puisque c'est humain — le visage impassible, rigide et olympien de satrape de l'appareil politique, aussi bien que de l'appareil judiciaire.

Je pense que, s'il faut se méfier de la caricature de la démocratie que constitue la démagogie, de la même façon, il faut se méfier de la caricature de l'ordre que constituent cette fausse sérénité, cette fausse impartialité ou fausse objectivité. Plus loin que les formules, plus loin que la surface, que la façade ou l'enveloppe, il faut essayer de voir ce qui se cache derrière la façade et ce n'est qu'aux fruits qu'on jugera l'arbre. Ce n'est véritablement qu'en examinant le fond des choses, ce qui correspond à la réalité vraie, que l'on pourra juger si l'on a affaire aux valeurs que l'on prétend défendre ou à leur caricature.

C'est la raison pour laquelle, malgré la longueur de ce débat, je croyais qu'il convenait de le faire, car le principe en jeu est important, la valeur sur laquelle nous nous interrogeons est importante. J'espère que ce débat aura quand même permis au ministre, en dépit de tous les incidents de parcours que nous avons connus ce soir, de revenir à la sérénité qui doit être la sienne comme elle doit être la nôtre et nous apporter une réponse qui vaudra sub specie aeternitatis, et non pas simplement dans les circonstances du débat que nous avons connu ce soir.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais tout d'abord, avant de faire cette intervention, dire que je préfère de beaucoup le niveau où s'est situé le député de Bourget au niveau de la discussion qu'ont adopté les députés de Maisonneuve et de Saint-Jacques. Le député de

Bourget a posé le problème. Je ne peux pas dire que je partage son orientation sur le fond, mais il l'a quand même posé je crois, dans un esprit, d'objectivité.

M. le Président, je crois que lorsque nous examinons l'article en question du projet de loi, nous devons immédiatement nous reporter à ce que sont les fonctions d'un substitut du procureur général, c'est d'abord l'examen de l'accusation à porter et, au moment où on lui rapporte les faits, où la police lui apporte les faits, où le plaignant vient à la justice pour se plaindre d'un crime commis à son égard, le procureur de la couronne a à ce moment-là une fonction quasi judiciaire à jouer dans ce sens qu'il doit dire : Eh bien, nous allons accuser cette personne dé tel crime ou de tel autre crime. Il doit donc exercer un jugement qui réclame chez lui énormément d'impartialité et d'objectivité dans son travail.

De la même manière, M. le Président, au cours d'un procès, alors que le procureur de la couronne représente la société, alors qu'il doit amener la preuve et qu'il doit se battre avec un adversaire dans un système où il sait que le bénéfice du doute appartient à l'accusé, encore une fois, tout en apportant tous les faits pertinents pour que le jury ou le juge puisse juger en toute connaissance de cause, le procureur de la couronne doit toujours garder cette réserve, cette objectivité et cette impartialité, parce qu'il est à ce moment-là un auxiliaire du juge et qu'il n'est pas là pour triompher dans une cause.

Et ce ne sont pas seulement de grands principes que j'exprime là, M. le Président. Ils ont été reconnus et consacrés par des jugements dans leur cour, ce qui fait que la fonction du procureur de la couronne, essentiellement, tient à mon sens du rôle du magistrat, du juge.

M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question?

M. CHOQUETTE: Et finalement j'ajoute ceci — le député pourra me poser une question tout à l'heure — on faisait allusion tout à l'heure, au cours de l'intervention du député de Matane, à la fonction du procureur de la couronne lorsqu'il s'agit d'aller en appel, de porter une cause en appel. Encore là, il doit exercer un jugement, compte tenu de la preuve, compte tenu de la décision de première instance, compte tenu de l'intérêt de la société, des principes de droit en cause, il doit à ce moment-là encore exercer une fonction qu'on peut décrire comme quasi judiciaire.

C'est la raison pour laquelle, si l'on veut atteindre à un degré raisonnable, un degré optimum même de dépolitisation de notre système judiciaire, il me semble impératif que celui qui a une fonction quasi judiciaire à jouer dans le système, tout comme le juge, soit en dehors des mouvements de la politique et que lui-même accepte, à cause de sa haute fonction, de se départir de ce droit de vote.

Le député de Bourget nous disait tout à l'heure dans son intervention qu'il s'agit d'un droit fondamental.

Sans doute le droit de vote est-il fondamental pour la majorité des citoyens mais il n'est pas moins fondamental pour les juges et, pourtant, on les a privés de leur droit de vote. Si l'on nomme des juges, ne devrait-on pas dire que ces gens ont le plus de jugement dans la société et, par conséquent, pourquoi les priver de leur droit de juger de la question politique et donc d'aller déposer un vote? C'est parce que les citoyens d'une société réclament, comme un besoin fondamental, que ceux qui administrent la justice le fassent avec le plus d'impartialité et d'objectivité possible. Les procureurs de la couronne, à cause des fonctions que j'ai décrites tout à l'heure, participent tellement intimement au résultat du processus judiciaire que leur enlever le droit de vote c'est, en somme, les consacrer magistrats, d'une certaine façon.

C'est là l'idée fondamentale qui préside à cet article. Ce n'est pas, comme pourrait le penser le député de Bourget, dans le but de les désincarner, de les retirer de la réalité, ce n'est pas pour leur enlever un attribut essentiel chez l'être humain; ce n'est pas, en somme, en faire des personnages qui n'ont aucune vie sociale ou qui ne participent pas aux activités de la société. C'est faire en sorte que les justiciables aient vraiment conscience que le système judiciaire est administré d'une façon objective et d'une façon totalement impartiale. Je sais bien que ce n'est pas par une mesure isolée comme celle-là qu'on peut — je ne l'ai jamais affirmé à cette Chambre — redorer le blason de la justice, que l'on a sali dans certains milieux. Au fond, il faut dire la vérité: La justice du Québec est une excellente justice, c'est une justice qui a atteint un point d'objectivité et d'impartialité peu commun dans le monde occidental. Je pense que ces choses-là doivent être dites de temps à autre, quand on entend des accusations contre notre système judiciaire proférées partout dans les media d'information et surtout par des incompétents pour en juger.

D'un autre côté, si j'était parfaitement satisfait des institutions et des hommes que nous avons, je ne chercherais pas à faire des améliorations au système judiciaire dans son ensemble et à y apporter, peu à peu, des mesures qui vont faire que le système, à un moment donné, va connaître sa pleine réalisation. Je suis conscient de ses carences mais je regarde l'ensemble et je constate les progrès qui ont été accomplis sous les différents régimes politiques que nous avons eus, et je ne fais pas de personnalités. Il y a quand même eu, à chaque moment de l'histoire québécoise récente, un progrès d'accompli, nous avançons. Par conséquent, je n'admets pas qu'à la faveur d'une période de contestation politique on retourne contre un système judiciaire — qui se veut, dans l'ensemble, objectif et impartial — des critiques qu'il ne mérite pas. Je suis quand même prêt à examiner la situation dans un esprit de totale réceptivité; nous allons apporter les éléments qui peuvent manquer. J'ai présenté à la Chambre un élément mais pas comme la solution définitive, pas comme cette solution qui guérirait tout le système judiciaire de ses maux. Je sais qu'il y en a encore d'autres mesures à apporter. Mais encore faut-il commencer quelque part. Il faut, à chaque fois que nous avons des lois à présenter, apporter la mesure qui va faire que dans quelques années d'ici nous pourrons nous dire, comme législateurs, que malgré tout le système judiciaire vaut plus, est mieux apprécié, mieux compris qu'il ne l'était quelques années auparavant.

Je pense qu'il est suprêmement injuste et faux de situer le débat, au plan de la privation du droit de vote, pour ceux que j'ai mentionnés tout à l'heure, remplir une fonction quasi judiciaire et, d'un autre côté, dire que la contre partie de cela n'est qu'un fardage sur le visage de la justice.

C'est suprêmement injuste parce que la mesure en soi n'a qu'une portée limitée, je l'apprécie à sa juste valeur, je ne lui donne pas plus d'importance qu'elle n'en a, mais je dis que c'est quand même une des pierres qui complétera un édifice éventuel d'une justice encore plus avancée que celle que nous avons à l'heure actuelle.

M. le Président, c'est dans cet esprit que je présente ce projet de loi et ce n'est pas pour dévaloriser, ou diminuer ceux qui exercent la fonction de procureur de la couronne à l'heure actuelle, c'est au contraire pour que le fait qu'ils n'aient pas les droits de tout le monde leur apporte la réalisation ou la compréhension de la pleine fonction qu'ils jouent et qu'ils doivent jouer en toute objectivité dans le processus judiciaire.

En terminant, je regrette ici de devoir être plus désagréable que je ne l'ai été au cours de mon intervention. Je déplore cette attaque qu'a faite le député de Maisonneuve à l'égard d'un ancien procureur général alors qu'il n'a aucune preuve à soumettre à la Chambre de ce fait, alors que même si cela était vrai, cela se serait passé il y a combien d'années? C'était une attaque gratuite, inutile contre quelqu'un qui a, à sa façon — je ne dis pas que tous sont obligés de l'approuver dans tous les gestes qu'il a posés — a contribué à nettoyer et à faire avancer le système judiciaire au Québec. Parce que je lui dois quand même cette défense, à mon prédécesseur, c'est qu'il a entrepris des actions dans certains domaines, entre autres dans le domaine du crime organisé, qui ont fait avancer la cause de la justice au Québec.

Alors, M. le Président, je ne vois pas pourquoi on s'en est pris à lui à l'occasion d'un débat où il n'a rien à faire alors qu'il siège sur le banc et qu'il n'a exprimé aucun avis sur ce projet de loi, comme d'ailleurs la loi lui défend de le faire puisqu'il doit siéger, à l'heure actuelle, en toute objectivité et impartialité.

Je trouve que le député de Maisonneuve

devrait, s'il était présent, faire amende honorable pour ce qu'il a dit à la Chambre en rapport avec les accusations qu'il portait.

Je termine mon intervention en disant que je ne crois pas qu'on puisse, du jour au lendemain, arriver à la perfection. Je ne suis pas de cette naiveté extrême mais je pense quand même que des cadres juridiques doivent être établis, que des mesures doivent être apportées pour faire en sorte que, dans quelques années d'ici, nous ayons un système qui donne encore de meilleurs résultats que celui que nous avons actuellement. C'est simplement dans cet esprit que cet article est présenté, que je l'ai présenté et que je crois que la Chambre devrait le voter.

M. LAURIN: Pourrais-je poser une question au ministre?

M. le ministre, nous avons eu des substituts permanents qui ont eu droit de vote jusqu'ici. Vous venez de rendre un certificat d'excellence à l'endroit de la justice au Québec et vous l'avez fait dans des accents assez forts. Pouvez-vous me dire si ces substituts que nous avons connus jusqu'ici — même si on connaissait leurs allégeances politiques, avec le droit de vote qu'ils ont exercé jusqu'ici — n'ont pas pu témoigner de cette impartialité et de cette objectivité que vous prétendez plus grande que vous prétendez leur attribuer une fois que vous leur aurez retiré leur droit de vote?

D'une autre façon, pouvez-vous nous dire que, lorsque vous leur aurez enlevé leur droit de vote, ils se montreront plus impartiaux, plus objectifs qu'ils se sont montrés jusqu'au 5 juillet 1972?

M. CHOQUETTE : La preuve serait assez difficile à faire parce que je n'ai pas de règle pour apprécier les différentes possibilités que m'a posées le député de Bourget, mais je lui dirai que, lorsque je suis devenu ministre de la Justice, une des premières décisions que j'ai eu à prendre fut en rapport avec des juges municipaux à temps partiel qui avaient participé, d'une certaine façon, à certaines campagnes politiques. Par conséquent, il s'agissait de juges municipaux à temps partiel, c'est-à-dire d'avocats qui exercent leur profession mais qui vont juger des causes dans les municipalités et qui avaient fait de la politique d'une certaine façon.

J'ai dû poser le geste de demander la démission de ces gens. J'ai dû leur dire: J'exige votre démission. En effet, comment voulez-vous que ces magistrats, une fois revenus dans leur milieu et, d'une certaine façon, identifiés à une position politique, reçoivent de la population la confiance que la justice est en droit d'exiger d'eux? Donc, par analogie, le cas me paraît le même chez les substituts du procureur général qui exercent une fonction judiciaire. C'est la raison pour laquelle, sans pouvoir répondre par des calculs mathématiques à ce que le député de Bourget m'a demandé, je peux lui dire que je considère que c'est une mesure qui va dans la bonne direction. Cela ne me fait pas plaisir d'enlever le droit de vote à quelqu'un. Je ne le fais pas parce que je considère qu'en soi cela va être un bien nécessairement du point de vue du droit de vote, pas du tout. Mais je dis que, quand on se situe au niveau de l'ensemble du système judiciaire, qu'on veut l'orienter vers une dépolitisation et arriver à des objectifs d'impartialité, c'est une des mesures qu'il faut prendre, à mon sens.

M. LAURIN: Le député de Matane et vous-même avez dit que, jusqu'ici, malgré que vous connaissiez leur allégeance politique et qu'ils avaient droit de vote, vous étiez satisfaits de leur impartialité, de leur objectivité. Là, vous venez de dire que vous n'êtes pas capable de prouver qu'en leur enlevant le droit de vote ils pourraient être plus impartiaux et plus objectifs. Pourquoi présenter cette mesure-là, alors qu'elle n'est pas prouvée et qu'elle n'est pas prouvable?

M. CHOQUETTE: Oui, mais elle ne serait pas prouvable, non plus, dans le cas des juges. Nous pourrions trouver des magistrats d'une très grande intelligence et d'une très grande honnêteté, à qui on pourrait donner le droit d'aller voter. Si on leur donnait le droit d'aller voter, les gens diraient: II a voté pour tel parti cette année et, l'année dernière, il a voté pour tel autre parti. Ce juge serait dans une situation où il n'aurait pas la confiance de la population. Je ne sais pas qui l'a dit, mais je pense que plusieurs députés l'on dit ce soir: La confiance de la population à l'égard du système judiciaire, c'est une bonne partie de la question. Vous me saisissez? Je ne dis pas que quelqu'un qui est politisé ne peut pas être objectif. Cela n'est pas exclu. Mais, quand on regarde l'ensemble de la société et les besoins réels des citoyens d'avoir confiance dans leur système judiciaire, je dis qu'à ce moment-là, et sur ce plan, ceux qui exercent la justice, qui décident ou qui y participent tellement intimement, comme les substituts du procureur général, ne doivent pas être politisés.

M. LAURIN: Une dernière remarque, M. le ministre. Vous dites que le bienfait que vous voulez apporter reste, quand même, hypothétique, alors que ce que vous enlevez, c'est certain, c'est visible, c'est manifeste. Donc, il importe de bien y songer avant de remplacer un bienfait hypothétique par une perte réelle dont on peut mesurer les inconvénients.

M. CHOQUETTE: La question du député de Bourget est habile et véritable. Ce n'est pas une fausse question. Mais, devant les attaques violentes dont le système est l'objet, devant la contestation de ce système, je pense que c'est une des mesures à prendre et que la balance penche plutôt en faveur de dénier le droit de vote à ces citoyens. C'est comme cela que je

résous la question. Si nous étions dans une période historique calme et que je voyais que, continuellement, l'on conçoit le système judiciaire que nous avons comme parfait ou le plus adéquat possible, je ne serais peut-être pas porté à proposer une mesure comme celle-là. Je dois me rendre compte que le système judiciaire est l'objet de tellement de contestation qu'il me faut prendre toutes les mesures possibles pour le rehausser.

M. LAURIN: II faudra davantage penser à réformer la réalité que l'image, quand même.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, juste une petite question d'information avant de passer au vote. Par cette loi, nous allons enlever le droit de vote au substituts du procureur général. Le procureur général, c'est le ministre de la Justice. Alors, vous qui êtes ministre de la Justice et procureur général, est-ce que vous avez le droit de vote?

M. CHOQUETTE : Tout le monde sait que je suis homme politique, mais vous me surveillez. Si vous voulez avoir un ministre de la Justice permanent, je ne dis pas que je m'offre, mais il y aurait de plus grands dangers encore parce que ce serait lui donner des pouvoirs extraordinaires sans qu'on puisse exercer des sanctions à son égard.

M. LE PRESIDENT: Adopté? M. PAUL: Un instant.

M. VINCENT: M. le Président, nous avons, depuis quelques heures, discuté surtout de l'article 3 du projet de loi no 52. Nous avons ici, au Québec, environ 139 substituts du procureur général. D'après certains députés de cette Chambre, parmi les 139 substituts du procureur général, il y a deux catégories. Ce sont les propos du député de Saint-Jacques: "Certains se rangeront du côté de la majorité ministérielle, ce qui est parfaitement leur droit. Eux — je continue la citation — préconiseront l'ordre, le bâton, la hache. Ils préconiseront leur dictature, ils préconiseront l'Etat policier. C'est leur affaire. Je les jugerai, quant à moi, là-dessus". Ceux-là, ce sont les méchants parmi les 139.

Les bons, maintenant, dans les 139. "D'autres, parmi ces mêmes hommes, pourront préconiser une réforme complète du système de la justice, pourront préconiser une réforme complète de la société, du système économique. C'est aussi leur droit. Ils auront l'idée, c'est ce qui est important. Ils auront l'idée, quel que soit le droit qu'on leur accorde ou qu'on leur supprime, quant au vote. Je dis que, s'ils n'ont pas l'occasion d'exprimer cette idée dans le vote, ils trouveront un autre endroit pour l'exprimer".

Là, vous voyez que d'après le député de

Saint-Jacques, on a deux catégories de substituts du procureur de la couronne. Les méchants, ceux qui sont pour la couronne, qui vont préconiser l'idée du gouvernement, et les bons. Maintenant, on a posé une question au ministre de la Justice: Quelle est l'opinion exprimée par les substituts du procureur général en ce qui concerne l'article 3, où on leur enlève le droit de vote? Le ministre de la Justice nous a répondu qu'ils étaient d'accord. Ce sont eux qui l'ont demandé. C'est la très grande majorité des substituts du procureur de la couronne qui l'ont demandé. Le fait qu'ils l'aient demandé, les 139 citoyens qui sont quand même des citoyens honnêtes du Québec...

M. PAUL: Non, 129.

M. VINCENT: ... les 129 plutôt, ce sont quand mêmes des citoyens honnêtes du Québec, des citoyens qui ont un certain prestige.

UNE VOIX: Ce ne sont pas des poseurs de bombes!

M. VINCENT: Savez-vous ce que le député de Saint-Jacques dit parce que ces 129 citoyens du Québec ont demandé qu'on leur enlève le droit de vote afin que ce soit mieux interprété parmi la population? Le député de Saint-Jacques, là, n'est plus d'accord. Les 129 substituts, il les qualifie de cette façon. "Le fait qu'ils aient accepté cette suppression de leur droit indique, quant à moi, — c'est le député de Saint-Jacques qui parle — qu'ils en sont rendus à une véritable habitude de manger dans la main du pouvoir —ceci, c'est pour les 129— d'en dépendre quant à leur nomination, quant à leur existence, quant à leur passé, quant à leur crédibilité, quant à leur préférence, quant à la hiérarchie qu'ils occupent dans les préférences de la couronne, certains mieux cotés auprès du ministre, d'autres l'étant moins, certains ayant connu des carrières florissantes, d'autres devant être déménagés perpétuellement. Ils sont soumis aux caprices de l'Exécutif — tout le monde le sait.

Cela, c'est le jugement général du député de Saint-Jacques sur les 129 substituts du procureur de la couronne du Québec.

Il continue: "S'ils sont à ce point colonisés, incrustés dans ce que le système a de plus mauvais, ça ne me dérange pas, non plus. Je suis convaincu que nous ferons des réformes dans le Québec, et des réformes en profondeur, lorsque nous donnerons des coups de pied au derrière à certains citoyens qui ne s'aperçoivent même pas qu'ils doivent en avoir. "Il y a ce qu'on appelle des cocus contents, — il s'adresse toujours aux 129 substituts du procureur de la couronne — des bienheureux de la galette. Ces gens-là, s'ils veulent y vivre, s'ils veulent s'y enfoncer, c'est parfaitement mon droit de leur dire, à certains moments, qu'ils y vivent."

Imaginez, M. le Président. Vous avez vu le député de Saint-Jacques les cataloguer en deux groupes et après cela, prendre le groupe complet, et parce qu'ils ont eux-mêmes demandé la supression du droit de vote, les qualifier de colonisés, de "mangeux" dans la main du pouvoir, de "guetteux" de galette du gouvernement.

Si, par exemple, les substituts du procureur de la couronne s'étaient opposés à ce que l'Assemblée nationale leur enlève leur droit de vote, qu'est-ce que le député de Saint-Jacques aurait dit? Je me pose la question. Que nous aurait-il dit? Il aurait dit: Ce sont des hommes intègres, intelligents, qui veulent absolument défendre un point de vue que nous partageons. Mais parce qu'ils ont osé appuyer le gouvernement ou demander au gouvernement d'adopter l'article 3, ce sont des colonisés.

M. le Président, est-ce la façon pour nous, les parlementaires, pour nous, les députés qui siégeons en cette Chambre, de créer, dans notre société québécoise, la confiance que nous devons créer autour de l'appareil judiciaire? Si à chaque fois qu'il y a des lois, si à chaque fois qu'il y a des jugements, si â chaque fois qu'il y a des causes qui nous plaisent ou qui ne nous plaisent pas, quant aux résultats ou quant aux jugements qui sont rendus, si nous sommes prêts à prendre la parole et critiquer le système judiciaire, critiquer même les hommes qui font de leur mieux à l'intérieur du système judiciaire, il est vrai que, dans la province de Québec, la justice ne sera pas reconnue. Nous nous poserons des points d'interrogation sur l'application de la justice.

A mon avis, M. le Président, en ce qui concerne l'article 3 plus spécialement, je suis d'accord que, si nous voulons au moins créer cette impression, que ce soient les juges, les procureurs de la couronne, les substituts du procureur de la couronne, que ces gens sont dépolitisés, il faut prendre des moyens. Quels sont les moyens que nous pouvons prendre?

Nous avons entendu au cours de la soirée, pendant des heures, les membres du Parti québécois nous dire que les juges étaient politisés. Est-ce qu'ils ont suggéré un, deux ou trois moyens? Absolument pas. De quelle façon pourrions-nous avoir des hommes et des femmes ici au Québec qui occuperaient des postes clés dans nos cours? De quelle façon pourrions-nous avoir de ces personnes qui seraient complètement dépolitisées aux yeux des membres du Parti québécois? Nous ne le savons pas encore.

Est-ce qu'il faudrait aller chercher des anges? Il n'en existe pas dans le Québec. Est-ce qu'il faudrait aller chercher des anges de l'extérieur de la province? Je n'en vois pas tellement à l'extérieur qui seraient beaucoup mieux qualifiés que nos citoyens du Québec. Est-ce qu'il faudrait aller chercher des superhommes qui ont été incubés dans une région, comme on le fait au ministère de l'Agriculture quand on fait venir des animaux de l'extérieur? On les place en quarantaine pour qu'ils n'aient pas de maladies. Il faudrait élever des hommes et, à l'âge de 30 ou 35 ans, on les amènerait dans la province de Québec et on leur dirait : C'est vous autres maintenant qui allez exercer le pouvoir judiciaire.

Je ne vois aucune solution, sauf aller chercher des hommes et des femmes citoyens de la province de Québec. Tant et aussi longtemps que nous irons chercher des femmes et des hommes québécois, ces personnes auront des défauts, des penchants, des opinions. C'est inévitable. Mais le gouvernement de la province se doit quand même, comme ce fut le cas quand les postes furent créés, comme c'est le cas présentement avec le projet de loi no 52, de faire en sorte que de plus en plus nous puissions donner au moins l'impression aux citoyens du Québec que nos juges, nos procureurs de la couronne, nos substituts du procureur de la couronne sont dépolitisés, que ces gens-là sont à l'abri de tout soupçon.

J'entendais certains collègues dire en cette Chambre que le fait de voter ne signifie rien. Je ne sais pas si j'ai une figure qui exprime plus facilement que d'autres mon idée politique, mais je pense bien que le type qui va me voir entrer dans un bureau de votation va savoir à peu près pour quel candidat je vote. C'est tellement vrai que nous avons dans nos organisations politiques, tous et chacun de nous, de bons scrutateurs, de bons représentants dans les bureaux de votation. Ils peuvent, à quelques exceptions près, nous dire le soir quelle est la majorité dans le bureau de votation, seulement en voyant entrer les gens, en les voyant se présenter à la table du scrutateur. Ils peuvent dire presque exactement qui était favorable à tel ou tel candidat.

Il est bien certain qu'il y aura d'autres amendements à apporter à nos lois dans la province de Québec pour créer encore davantage cette impression ou un climat de confiance à l'endroit de nos tribunaux, à l'endroit de la justice au Québec, mais qu'on nous en donne les moyens.

Cela fait deux ans que nous entendons dire que la justice est politisée, que la police est politisée.

Jamais on ne nous a donné de solution ou encore on ne nous a fait de suggestion pour apporter des amendements afin d'enlever toute politique à l'intérieur de la justice, de l'administration de nos tribunaux judiciaires.

Quant à moi, M. le Président, je voudrais, comme disait le député de Bourget, "bien candidement" féliciter le ministre de la Justice — c'est-à-dire que je ne me réfère pas au discours du député de Bourget, mais en employant l'expression "bien candidement" — féliciter le ministre de la Justice d'avoir non pas apporté un grand projet de loi qui va tout chambarder, qui va créer demain matin un climat de confiance sans bornes, sans limites, à

l'endroit de la justice québécoise, mais qui va avoir apporté un élément nouveau. Peut-être seulement une goutte d'eau, mais un élément nouveau qui pourra permettre à certains citoyens et à plusieurs citoyens du Québec bien pensants d'avoir plus confiance en ceux qui représentent la justice dans la province. Donc, je vote avec beaucoup de plaisir en faveur du projet de loi no 52 et de tous les articles y contenus.

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté. Article 2, adopté. Article 3, adopté sur division.

M. PAUL: A l'article 3, je n'ai pas l'intention de faire un grand discours, mais c'est pour demander au ministre s'il aurait l'intention d'ajouter le mot "permanent" après substitut?

M. CHOQUETTE: Oui, cela a été fait.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Le bill est adopté.

Articles 5 et 6. Adopté.

M. BLANK (Président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le bill 52 a été adopté par la commission plénière avec un amendement.

M. LAVOIE (Président): Ce rapport est-il agréé? Agréé sur division. Troisième lecture.

M. LAURIN: Sur division.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la troisième lecture du projet de loi no 52. Adopté sur division.

M. LEVESQUE: M. le Président, je pense bien qu'on peut dire qu'il est minuit. Je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

M. LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 56)

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