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(Quatorze heures trente-huit minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: Article a).
Projet de loi no 52 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi des substituts du procureur
général.
M. CHOQUETTE: M. le Président, ce projet de loi a pour but de
modifier la Loi des substituts du procureur général.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De quelle façon?
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Démissionnez-vous?
M. CHOQUETTE: Non.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Où, quand, comment, pourquoi?
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, même séance ou
prochaine séance?
UNE VOIX: Prochaine séance.
M. PAUL: Ne prenez pas de chance, même séance.
M. LEVESQUE: Même séance.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai la version préliminaire.
M. LEVESQUE: Article c).
Projet de loi no 55 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose
la première lecture de la Loi modifiant de nouveau la loi favorisant le
regroupement des municipalités.
M. TESSIER: Voulez-vous des explications? M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non.
M. PAUL: Oui. Nous aimons assez ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comprenez-vous la loi?
M. TESSIER: Très bien, ce n'est pas une loi technique. C'est une
loi d'administration municipale et, là-dedans, je n'ai pas besoin
d'avoir de conseillers techniques.
M. PAUL: Les choses simples, vous comprenez ça.
M. LEGER: Vous aviez une excuse, mais là vous n'en avez plus.
M. TESSIER: L'article 1 a pour objet de définir le mot
municipalité. L'article 2 établit la concordance avec l'article 1
et prévoit que le ministre des Affaires municipales peut inclure une
même municipalité dans plusieurs unités de regroupement.
L'article 3 permet d'établir les conditions de la division, si une
municipalité est démembrée à la suite d'une fusion.
L'article 4 permet à la Commission municipale de faire des
recommandations au ministre des Affaires municipales à l'égard
d'une requête en fusion, même s'il n'y a pas eu d'enquête
tenue par elle. L'article 5 est de concordance avec l'article 2. L'article 6
permet à la Commission municipale de tenir une enquête, peu
importe que le rapport conclue qu'il est souhaitable ou non que la fusion ait
lieu. L'article 7 corrige une erreur de rédaction. L'article 8 est de
concordance avec l'article 2. Les articles 9 et 10 sont de concordance avec
l'article 3.
L'article 11 prévoit que le contrôle financier s'effectuera
à compter de la création de l'unité de regroupement.
Enfin, l'article 12 est de concordance avec l'article 3.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II a l'air de la comprendre.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Cet automne. M. PAUL: Aux neiges avancées.
M. LEVESQUE: A l'automne.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, à l'automne.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faut qu'il ait le temps d'étudier la
loi.
UNE VOIX: C'est parce qu'elle n'est pas technique, ça va lui
donner le temps de la comprendre plus.
M. LE PRESIDENT:
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais déposer le
rapport de la Régie des loteries et des courses du Québec pour
l'année financière qui s'est terminée le 31 mars 1972.
M. LE PRESIDENT: Questions orales des députés. L'honorable
chef de l'Opposition officielle.
M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président. Si on me permet,
j'étais un petit peu distrait. Dépôt de documents, si on me
permet d'y revenir, je voudrais déposer au nom du ministre des Finances
le rapport annuel 1971 de Loto-Québec. Il y a trois copies en
français et une copie en anglais.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Trois exemplaires.
M. LEVESQUE: Trois exemplaires, M. le Président.
Questions et réponses
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Collège Loyola
M. LOUBIER: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. Est-ce
qu'il pourrait nous faire connaître ses commentaires à la suite du
communiqué ou du rapport fait et présenté sous
l'égide du conseil des universités, à l'effet que Loyola
devrait fermer ses portes définitivement vers 1975, parce qu'il y
aurait, selon les prévisions, une diminution assez considérable
des étudiants?
En second lieu, est-ce que le ministre pourrait en même temps nous
informer de son attitude quant à la déclaration du
président de Loyola, à l'effet que les conclusions ou les
recommandations de ce rapport ne semblent pas correspondre aux
négociations qui sont en cours?
En troisième lieu, est-ce que le ministre de l'Education pourrait
nous dire s'il a l'intention d'intervenir dans ces négociations afin
d'arriver à des conclusions qui seraient conformes aux
négociations et à l'entente qui avait été
préalablement fixée entre les parties?
M. CLOUTIER(Ahuntsic): M. le Président, le Conseil des
universités a été saisi d'une demande de mon
prédécesseur pour donner un avis concernant la fusion
éventuelle de Sir George Williams et de Loyola. Cette demande d'avis a
été faite en novembre ou en décembre de l'année
dernière. Le rapport m'est parvenu il y a deux ou trois jours seulement.
J'ai à peine eu le temps d'en prendre connaissance. Il est, en ce
moment, également, à l'étude au ministère. Il
semble qu'il ait été l'objet d'une fuite malencontreuse, ce qui
explique la publicité qui a été faite à son
sujet.
Tout ce que je veux dire de ce point de vue, c'est que ce rapport ne
représente en rien, en soi, la politique gouvernementale. Le Conseil des
universités est un organisme consultatif. Cet avis constitue un des
éléments d'un dossier qui est assez complexe. Il va sans dire que
le ministère va en tenir compte, mais il n'en découle pas
nécessairement qu'il va le suivre en tout point. Je signale, à ce
propos, que je rencontre demain le président du Conseil des
universités. Il vient me présenter officiellement son rapport.
J'ai l'intention, également, de rencontrer les parties, en particulier
les représentants de Loyola, au cours de la semaine prochaine.
Pour ce qui est de la deuxième partie de la question du chef de
l'Opposition officielle, à savoir si la déclaration du
président de Loyola est exacte en ce qui a trait à des
négociations qui auraient eu lieu avec le ministère de
l'Education, ma réponse est: Oui, en effet, il y a eu de nombreuses
rencontres depuis trois ou quatre ans. Certaines hypothèses ont
été considérées, en particulier, celle qui
amènerait la création d'une université anglophone par la
fusion de Loyola et de Sir George Williams, mais en maintenant les campus, tels
quels. Là encore, il n'est pas question, pour le gouvernement, de
prendre position à ce moment-ci.
Enfin, la troisième partie de la question, je viens pratiquement
d'y répondre, puisqu'elle porte sur l'intervention possible du ministre
de l'Education.
Cette intervention se fera certainement et se traduira par une
décision au moment opportun. Je crois qu'il convient de suivre un
certain cheminement. Il me paraît normal d'attendre de rencontrer le
président du conseil pour recevoir des explications touchant cet avis,
de rencontrer également les différentes parties
impliquées. Par la suite, il y aura des consultations au sein même
du ministère. Je ferai, aussitôt que possible, une recommandation
au conseil des ministres. Merci, M. le Président.
M. LOUBIER: Une simple question additionnelle, M. le Président.
Le ministre de l'Education nous fera-t-il connaître sa
décision
au cours des prochaines semaines, étant donné que dans le
rapport qui a été soumis, il y a une recommandation à
l'effet que Loyola ne devrait pas prendre de nouveaux étudiants en
septembre 1972?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je ne vous cache pas, M. le Président,
que la fuite de ce rapport, à ce moment-ci, crée des
difficultés sérieuses aux parties concernées. Il aurait
été souhaitable que ce rapport suive le cheminement normal,
c'est-à-dire qu'il soit remis au ministre, qu'une étude en soit
faite et qu'ensuite, après consultation avec tous ceux qui sont
impliqués, une décision soit rendue sans que, d'emblée,
elle reçoive une publicité considérable. Je crains
même que les négociations en cours s'en trouvent, jusqu'à
un certain point, compromises, parce que si j'en crois certains journaux, en
particulier la Gazette, indiscutablement des inquiétudes très
marquées se sont manifestées en certains milieux.
Tout ce que je peux répondre, c'est que le ministère
tentera d'y voir clair et d'en arriver à une solution le plus rapidement
possible, mais je serais étonné que nous puissions le faire d'ici
deux ou trois semaines. Il faudra tout de même se donner le temps d'aller
jusqu'au fond des choses. Mais ce qu'il est important de faire comprendre,
c'est que le ministère considère ce problème depuis
déjà longtemps et tiendra certainement compte de l'avis de son
organisme consultatif, le Conseil des universités, mais ne se sent pas
lié par un avis quel qu'il soit, même s'il lui accorde
l'importance qu'il mérite.
M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président, au
ministre de l'Education. Advenant une décision qui irait dans le sens de
la recommandation du Conseil des universités, la subvention
prévue et déjà accordée à Loyola, pour
l'année scolaire 72/73, se trouverait-elle affectée par ce
changement de statut?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, c'est une question
purement hypothétique. Je me suis promis, depuis que je suis en
politique, de ne jamais répondre à une question
hypothétique.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
Traversiers entre Rimouski et Forestville
M. BOIS: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
ministre des Transports. Le ministre est-il au courant ou a-t-il pris
connaissance de la demande de la ville de Rimouski, qui lui a été
transmise par son maire, au sujet de l'émission d'un permis temporaire
de traversiers entre Rimouski et Forestville?
M. PINARD: Oui. J'ai reçu un télégramme à
cet effet. Je l'ai transmis à mes fonctionnaires qui ont
spécifiquement charge de ce dossier.
M. BOIS: Question additionnelle. Est-ce que le ministre croit que,
d'après les informations fournies à l'heure actuelle, il y aura
possibilité de donner suite à cette demande?
M. PINARD: J'aimerais souligner tout de suite que je n'ai d'instructions
ni de directives à donner à la Régie des transports du
Québec, qui a refusé d'émettre une ordonnance favorable
à la compagnie de navigation de Rimouski. Le député sait
fort bien que la cour Supérieure a validé le contrat intervenu
entre la compagnie de Rimouski et le vendeur du navire communément
appelé Fleur de Lys. Qu'est-ce qu'il adviendra du sort de ce jugement
rendu par la cour Supérieure? Je ne le sais pas, moi-même.
Est-ce que la régie décidera de réviser sa
décision à la lumière de la décision rendue par la
cour Supérieure? C'est la responsabilité de la Régie des
transports. Comme je ne veux pas être accusé d'intervenir dans le
domaine judiciaire, c'est là la réponse que je peux donner au
député.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
Usine SOMA de Saint-Bruno
M. JORON : Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du
Commerce. Est-ce que le ministre pourrait, au sujet de la fermeture
éventuelle de l'usine SOMA de Saint-Bruno, nous dire où en sont
rendues les négociations, en particulier avec BMW d'Allemagne? D'autre
part, est-ce son intention de répondre aux trois demandes que lui a
formulées hier ou avant-hier le syndicat des employés de
SOMA?
M. SAINT-PIERRE: II n'y a aucun développement dans la question de
SOMA. Et j'étais quelque peu déçu de voir ce matin qu'on
faisait une manchette avec le cas de BMW. Dans les discussions avec le syndicat
hier, on a esquissé toutes les tentatives qui ont pu être faites.
Mais je ne voudrais pas révéler prématurément le
nom de compagnies qui pourraient représenter nos potentiels les plus
sérieux pour la reprise à SOMA. C'est une fausse rumeur et
effectivement c'est une erreur de parler d'une offre qui a pu être
faite par le gouvernement du Québec à la société
BMW.
Je ne voudrais pas me laisser entraîner dans ce processus des
rumeurs. Nous sommes obligés de les démentir et finalement on
arrive à la seule compagnie qu'on n'a pas démentie pour dire que
c'est ça la vérité. Je pense qu'il n'est pas
d'intérêt public à ce stade-ci d'indiquer avec quelle
compangie la SGF transige pour la vente de SOMA.
Quant aux trois recommandations des syndicats, il ne m'a pas
semblé que, dans le contexte actuel, ces recommandations étaient
réalistes.
J'apprécierais avoir la position du Parti québécois
sur une de ces mesures à l'effet qu'aucun des employés du
gouvernement ne
serait remboursé de ses dépenses de voyage s'il
n'utilisait pas une voiture fabriquée au Québec,
c'est-à-dire une Véga, à Sainte-Thérèse, ou
une Renault, à Saint-Bruno.
J'ai dit au syndicat que, si le front commun voulait bien m'envoyer une
recommandation à cet effet, endossés par tous les
syndiqués qui possèdent des voitures qui ne sont pas
fabriquées au Québec, je la prendrais en sérieuse
considération, mais, avant ce jour, je laisserai aux consommateurs le
soin de choisir la voiture qu'ils voudront bien s'acheter.
M. JORON: Une question supplémentaire, M. le Président. La
troisième recommandation ou la troisième demande portait sur la
politique d'achat du gouvernement. Le ministre peut-il nous dire quand il a
l'intention de déposer le rapport de la commission d'étude sur la
politique d'achat, comme il l'a promis?
M. LE PRESIDENT: Je crois qu'il s'agit d'une autre question proncipale.
Je vous donnerai l'occasion d'y revenir plus tard.
M. JORON: Permettez-moi de spécifier, M. le Président, que
je veux la faire porter uniquement sur cette partie qui concerne les
automobiles et qui se relie très précisément à la
troisième des demandes. Est-ce que le ministre pourrait déposer
un rapport indiquant le nombre de véhicules automobiles, et leur marque,
qui ont été achetés par le gouvernement, par les conseils
municipaux au Québec et par les institutions parapubliques, depuis un
certain nombre d'années et, en même temps, nous dire s'il a
l'intention de rendre public le rapport sur la politique d'achat?
M. LACROIX: A la condition que vous nous disiez quelle voiture vous
conduisez, vous.
M. JORON: Mais ce n'est pas le gouvernement qui a payé la mienne,
cependant.
M. LACROIX: C'est le peuple qui paye, cependant, aussi pour les voitures
du gouvernement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'attendais le rapport
dissident de l'Hydro-Québec qui m'est parvenu hier matin. Un
comité spécial, formé de ministres et de certains hauts
fonctionnaires, est à préciser une politique gouvernementale
relative à ce problème des achats, tant dans le secteur du
gouvernement que dans des institutions paragouvernementales, commissions
scolaires, CEGEP et universités, Dès qu'il y aura une
décision du conseil des ministres, il me fera plaisir, en même
temps, de rendre public le rapport de cette commission d'étude sur la
politique d'achat du gouvernement et les statistiques que vous voulez
avoir.
Je tiens à préciser que, pour les fins du gouvernement
lui-même, si on exclut les municipalités et les commissions
scolaires, l'achat de voitures ne pourrait pas changer un iota au
problème de SOMA, à Saint-Bruno.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
Spectacle de Pauline Julien
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais
poser une question au ministre de l'Education. Est-il exact que le ministre de
l'Education n'aurait pas permis l'engagement de crédits pour le
spectacle que Mme Pauline Julien devait donner aux jeunes professeurs
québécois allant à l'étranger au titre de la
coopération? Dans l'affirmative, quelles sont les raisons de cette
décision?
M. CLOUTIER (Ahuntsic): C'est exact, M. le Président. Les raisons
de ma décision sont extrêmement claires et d'ordre administratif.
Je n'en veux absolument pas à Mme Julien pour ses opinions politiques.
Je ne lui en veux pas si elle participe au comité pour la défense
de Jacques Rose. Je considère que nous sommes dans un pays libre, quoi
que prétendent certains de nos intellectuels en mal de romantisme et en
crise d'adolescence, mais il se trouvait que ce récital devait se donner
devant un auditoire d'une centaine de personnes actuellement en stage et qu'il
s'agit d'enseignants qui doivent partir pour l'Afrique. On m'a
présenté un contrat à signer qui comportait un engagement
d'une soirée au coût de $1,100. J'ai jugé que dans le
contexte actuel du Québec il y avait suffisamment de demandes qui me
parvenaient de milieux défavorisés pour ne pas donner suite
à ce contrat.
M. CHARRON: Démagogue.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Pour bien prouver...
M. CHARRON: Démagogue.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): ... qu'il s'agit là d'une simple
décision administrative et non d'une décision politique...
M. LEGER : Vous chantez aussi bien. M. CHARRON: Démagogue.
M. CLOUTIER (Ahuntsic): ... si Mme Julien veut venir chanter
gratuitement, j'irai l'applaudir moi-même.
M. LEGER: Vous chantez aussi bien, mais faux.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. L'honorable député de
Lotbinière.
Réaménagement des petites fermes
M. BELAND: M. le Président, j'aurais une question à poser
à l'honorable ministre de l'Agriculture. A la suite d'une
déclaration de l'honorable ministre Olson, à l'effet que si les
provinces ne faisaient rien concernant le problème du rachat des petites
fermes il légiférerait dans ce sens, l'honorable ministre a-t-il
l'intention de présenter un projet de loi permettant de scruter les
horizons dans le but de régler ce problème au Québec?
M. TOUPIN : M. le Président, j'ai compris la partie qui parlait
de scruter, mais je n'ai pas compris la première partie. Quel est le
problème, exactement? Est-ce le problème qui a été
soulevé hier par le député de Saint-Maurice? J'ai
répondu hier à cette question, M. le Président.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je pense qu'un
élément nouveau a été apporté dans la
question de l'honorable député de Lotbinière, à
savoir si le gouvernement du Québec entend présenter une loi
à ce sujet. J'étais en Chambre hier. J'ai bien
écouté la question et ce point n'a pas été
soulevé.
M. TOUPIN: Tout ce que je pourrais ajouter, si des choses ont
été ajoutées à la question du député
qui fut posée hier, c'est que dans le cadre des négociations que
nous préparons, si toutefois une loi est requise, le gouvernement
n'hésitera pas, comme il n'a pas hésité ailleurs à
adopter les lois nécessaires.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
Lutte contre la pollution
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
responsable de la qualité de l'environnement. Ma question touche les
directives récentes concernant les normes antipollution du gouvernement
fédéral pour l'industrie des pâtes et papier. Le ministre
ayant souvent déclaré que des mesures concrètes au niveau
des directives sur la lutte contre la pollution et tout particulièrement
sur la pollution sont du ressort du Québec, ma question est la suivante:
Entend-il protester auprès d'Ottawa au sujet de ce court-circuitage de
la Régie des eaux, premièrement; et deuxièmement, quelles
sont les autres mesures pour faire annuler ces directives qu'il entend
prendre.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il y a eu consultation entre le
gouvernement fédéral et les provinces au sujet des normes qui ont
été édictées. Nous n'avons pas toujours, au cours
de ces discussions, été parfaitement d'accord sur le point de vue
fédéral. Donc, le résultat final est un compromis mais il
ne me semble pas qu'il y ait matière à protestation.
M. LEGER: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce
que les normes présentées par le gouvernement
fédéral sont les mêmes? Sinon, lequel des deux paliers de
gouvernement devrait avoir la priorité sur les normes qui devraient
être édictées pour les compagnies?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, l'honorable député
de Lafontaine entre là dans des détails techniques. Je ne
voudrais pas répondre de mémoire à sa question. S'il me
permet, j'en prendrai avis et je lui répondrai demain.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
Revenu garanti au Manitoba
M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre des Affaires sociales. Je voudrais savoir si le ministre a
l'intention d'entreprendre une expérience au Québec semblable
à celle qui a été entreprise dernièrement au
Manitoba à l'effet que 5,000 Manitobains seraient assurés d'un
revenu garanti. Et le ministre est-il au courant que, pour les fins de cette
expérience, le gouvernement fédéral a des crédits
de disponibles?
M. CASTONGUAY: Je suis heureux de savoir que le député
s'intéresse à une initiative du gouvernement NPD du Manitoba.
Nous l'avons analysée sérieusement et, quant à nous, je ne
crois pas que nous procédions par cette voie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.
Fromagerie Saputo et Figli
M. DEMERS: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Vers le
21 juin, le ministre recevait le rapport de la commission d'enquête
Saputo et Figli. Il a dit à cette époque qu'il étudierait
le dossier et ferait rapport à la Chambre. Nous sommes au 6 juillet,
est-ce que le ministre pourrait faire rapport actuellement sur ces
études?
M. TOUPIN: M. le Président, je l'ai dit une fois le rapport est
prêt mais je ne peux ni le déposer ni en faire état sous
aucune forme parce que la question est devant les tribunaux.
M. DEMERS: Vous avez la chance que ce soit sub judice.
M. PAUL: C'est en vertu d'une infraction au règlement municipal
de la ville de Montréal, ça n'a rien à voir avec
l'enquête hygiénique demandée par le ministre de
l'Agriculture.
M. LOUBIER: C'est ça.
M. TOUPIN: Si j'ai bien compris la question du député de
Saint-Maurice, il veut connaître le
rapport que les techniciens du ministère et ceux de l'ITA de
Saint-Hyacinthe ont fait à la suite du problème.
M. DEMERS: Concernant les subventions que le ministère de
l'Agriculture a accordées à cette maison.
M. TOUPIN: M. le Président, la question des subventions, c'est
très clair. La question me fut posée une fois, à savoir si
une subvention avait été versée à la compagnie.
J'ai répondu: Oui, une subvention a été
versée...
M. DEMERS: Nous n'en avons jamais connu le montant.
M. TOUPIN: ... au montant de $60,000, et elle le fut en vertu des
règlements qui existaient à ce moment-là et qui existent
encore aujourd'hui.
Le ministère n'a absolument rien à se reprocher
là-dessus. Il n'a même pas besoin de faire une nouvelle
enquête, cela a été donné en vertu des lois et des
règlements.
M. DEMERS: On ne reproche rien au ministre, mais on voudrait savoir s'il
veut déposer le document de cette enquête.
M. LE PRESIDENT: Je crois que le ministre a répondu.
M. TOUPIN: C'est que l'enquête n'a pas porté sur la
question dont parle le député de Saint-Maurice. Elle a
porté sur la qualité du produit, et puisque c'est devant les
tribunaux, je ne peux me servir de ce rapport d'enquête.
M. PAUL: Question additionnelle. L'enquête demandée par le
ministre de l'Agriculture se rapportait à la fabrication de produits
fromagers ou laitiers à l'usine de Maskinongé et de Saint-Justin.
Or, la référence que fait le ministre a trait à des
infractions à des règlements de la ville de Montréal pour
des produits fabriqués et produits à Montréal. Le ministre
peut-il nous expliquer la relation qu'il fait entre le rapport commandé
et la cause devant les tribunaux?
M. TOUPIN: M. le Président, la relation est très simple,
c'est que les deux entreprises dont fait mention le député de
Maskinongé sont des entreprises qui appartiennent à la compagnie
Saputo. Le problème est devant les tribunaux, et le produit qui
semblerait le plus impliqué serait le produit Caillette, du moins
d'après ce que j'ai entendu dire. Ce serait le produit le plus
impliqué, et c'est celui qui est fabriqué à
Maskinongé.
M. PAUL: Au nom de ces deux compagnies prospères, Produits
Caillette Inc, de Maskinongé, et Lionel Lessard Inc., de
Maskinongé, j'inviterais le ministre à donner des renseigne-
ments précis parce qu'aucune production de ces deux
établissements n'a fait le sujet de plainte devant la Cour municipale de
Montréal.
M. TOUPIN: Je suis bien prêt, du point de vue juridique, à
discuter la question avec mon collègue de la Justice. Si, toutefois, les
dires du député de Maskinongé sont véridiques et
valables, je ne vois absolument pas d'inconvénient à
déposer le rapport
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lévis.
Personnel de soutien des commissions scolaires
M. ROY (Lévis): M. le Président, ma question s'adresse, je
crois, à l'honorable ministre du Travail et de la Fonction publique.
Est-ce que le ministre est au courant du fait que depuis un certain temps tous
les employés qui sont engagés à l'entretien ou à la
conciergerie de nos commissions scolaires, soit locales ou régionales,
doivent obtenir des cartes de compétence pour remplir les fonctions
qu'ils ont remplies sans carte de compétence depuis dix ou douze
ans?
Deuxièmement, est-ce que le ministre a l'intention de donner
à ces gens qui ont toujours travaillé à l'entretien de ces
commissions scolaires préférence pour l'obtention de leur carte
de compétence?
M.COURNOYER: Je pense bien que c'est possible. Je ne suis pas au courant
du fait précis que le député me présente. Il est
possible qu'ils soient tenus d'avoir des certificats de qualification,
particulièrement dans le cas de la plomberie, du chauffage et des
appareils de haute pression. Il est possible que ce n'était pas
obligatoire et il est possible que c'était auparavant obligatoire, mais
non observé.
Je pense bien que du côté de l'obligation, c'est possible.
Toutes les choses sont possibles.
Quant à la deuxième partie, à savoir si ces gens
peuvent s'attendre à avoir une préférence, disons que je
ne pense pas qu'il soit de l'intérêt de la communauté de
mettre à pied des gens capables, s'ils peuvent remplir les conditions
d'examens.
Celles-ci, à toutes fins utiles, ne sont peut-être pas
faites pour les personnes en question mais pour d'autres catégories de
personnes.
M. ROY (Lévis): Question supplémentaire, M. le
Président. Vous savez que, pour les emplois au gouvernement, on exige
une dixième année et souvent une douzième. Je voudrais
savoir du ministre si un homme qui a bien rempli ses fonctions aura une
préférence sur un autre, même s'il n'a pas sa
dixième année ou sa douzième?
M.COURNOYER: M. le Président, nous
allons probablement faire référence à ça.
Vous pouvez peut-être avoir des règlements de même nature
par les commissions scolaires, qui peuvent décider, soudainement, que
maintenant, vu qu'il y a des possibilités de priorité d'emploi,
on demande le brevet A pour actionner des appareils sous pression. C'est
possible. Il n'y a rien d'impossible là-dedans.
Quant aux règles, chez nous, nous tentons, dans la mesure du
possible, de reconnaître les situations acquises. Au sujet des
onzième et douzième années, pour des personnes qui font le
métier depuis déjà longtemps, je tiens à vous
assurer ceci, et vous pourrez me le rappeler tant que vous voudrez. Si ces
personnes peuvent remplir les autres exigences techniques, la onzième
année et la douzième année, cela ne me fera rien du tout
de les enlever. Mais il y a des exigences techniques; ces gens sont
censés être des protecteurs de la santé et de la
sécurité publiques, conformément aux lois. C'est ce qui
est la première préoccupation du ministère. C'est la
première préoccupation mais nous ne devons pas brimer des droits
qui ont été acquis pendant quinze ans.
M. ROY (Lévis): M. le Président, il me fait plaisir de
remercier le ministre pour sa bonne compréhension.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Industrie du sucre
M. LAURIN: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre a été saisi
des protestations qu'a faites l'industrie du sucre installée à
Montréal à l'encontre d'une subvention du ministère
fédéral de l'Expansion économique régionale qui, en
permettant la création de 500 nouveaux emplois à Cornwall, en
Ontario, par la compagnie Robin Austin, risque d'augmenter les
difficultés de nos raffineries actuelles et, en particulier, celles du
Québec, qui comptent 1,000 travailleurs et qui ne fonctionnent
déjà qu'à 60 p.c. de sa capacité?
M. SAINT-PIERRE: Oui, M. le Président, c'est un problème
analogue à celui de la pétrochimie. J'ai demandé à
quelqu'un, au ministère, de reprendre le dossier et nous préparer
quelque chose. Dès que ce dossier sera complété, j'entends
en discuter avec le gouvernement fédéral pour voir les
implications et les raisons qui ont pu motiver cette subvention du gouvernement
fédéral.
M. LAURIN: Question supplémentaire, M. le Président. Si le
ministre en arrivait à la conclusion que ces faits s'avèrent
exacts et que les complications prévues sont effectives, est-ce qu'il
entend protester énergiquement contre cette subvention et essayer de la
faire annuler?
Lorsque le ministre y pensera, est-ce qu'il pourrait répondre
à ma question sur Gorton Pew?
M. SAINT-PIERRE: Si j'en viens à la conclusion que la subvention
n'était pas justifiée, effectivement, comme on l'a fait dans
d'autres circonstances, nous protesterons le plus énergiquement
possible.
M. JORON: M. le Président, question supplémentaire. Dans
des cas semblables et dans celui-là, en particulier, est-ce que le
ministre ou un organisme quelconque du gouvernement du Québec a
été consulté par le ministère fédéral
avant que la subvention soit annoncée?
M. SAINT-PIERRE: Dans nombre de cas qui ont posé le même
type de problèmes, le gouvernement fédéral nous a
consultés dans le passé et a, à ma connaissance, toujours
respecté l'avis que nous avons émis. Dans celui-là en
particulier, la chose n'a pas été faite. Je ne sais pas si c'est
parce qu'on avait des raisons pour justifier cette décision.
Comme je l'ai répété, nous complétons le
dossier pour discuter avec Ottawa.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
Autoroute Montréal-Sainte-Scholastique
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au
ministre de la Voirie. Concernant l'autoroute 13, qui partira du centre-ville
de Montréal vers l'aéroport de Sainte-Scholastique, puis-je poser
au ministre les questions suivantes? Le tracé de cette autoroute a-t-il
été déterminé? Si oui, quel est le point de
départ et le point terminal de cette autoroute? Deuxièmement,
quel en est le coût approximatif? Troisièmement, les plans
sont-ils terminés? Quatrièmement, y a-t-il eu entente entre
Québec et Ottawa, quant à la construction de cette autoroute?
Cinquièmement, est-ce que les négociations sont toujours en
cours? Sinon, quelles sont les raisons qui empêchent le déblocage
de ces négociations? Sixièmement, quand le ministre
prévoit-il que les travaux débuteront, considérant que
l'ouverture de l'aéroport international est prévue pour
1974-1975?
M. PINARD: M. le Président, le projet d'autoroute no 13,
Montréal-Sainte-Scholastique, n'est est qu'à la phase
préliminaire des études. Certains plans ne sont pas
terminés. L'évaluation précise des coûts de
certaines structures reste à faire, ce qui m'empêche de
déterminer exactement le coût global des travaux. Aucun plan
d'expropriation n'est déposé. Les négociations avec le
gouvernement fédéral et certains gouvernements municipaux ne sont
pas arrivées à terme. Nous sommes encore en
négociation.
Je voudrais ajouter que la nouvelle qui a
paru dans le Star d'hier et dans Montréal-Matin d'aujourd'hui,
à l'effet que j'aurais confirmé la nouvelle qui a paru dans les
journaux d'hier, est absolument fausse, quant à moi. Je n'ai
communiqué avec aucun journaliste, je n'ai reçu aucun appel, je
n'ai eu aucune conversation avec eux. J'ai obtenu l'assurance, ce matin, que le
personnel de mon cabinet n'avait donné absolument aucune information
à ce sujet. Ce qui a pu paraître dans les journaux d'hier et de ce
matin est peut-être de la pure spéculation.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice aimerait
répondre à une question posée antérieurement.
Cause de Léo Tremblay
M. CHOQUETTE: M. le Président, hier, le député de
Maisonneuve m'interrogeait relativement à une rumeur persistante,
disait-il, qui courait au palais de justice de Québec, au sujet d'une
intervention de la part d'un juge dans certaines procédures judiciaires,
en particulier dans un appel déposé par la couronne ou par les
substituts du procureur général de Québec. Il s'agissait,
en l'occurence, de la cause d'un nommé Léo Tremblay qui avait
été condamné, en première instance, ici, à
Québec, et qui, par la suite, fut acquitté en appel.
J'ai fait faire une enquête sur cette question et je suis
assuré par mes représentants, les substituts du Procureur
général du district de Québec, que la décision de
porter la cause de la cour d'Appel en cour Suprême a été
prise collectivement par eux après une discussion sur
l'intérêt qu'il y avait de porter cette cause devant la cour
Suprême.
Par conséquent, il n'y a eu aucune pression indue
d'exercée sur ces avocats. Ceux-ci ont pris leur décision suivant
les intérêts et les impératifs de la justice. Mais cela
n'exclut pas que le juge de première instance, qui s'intéressait
au résultat de la cause, ait rencontré l'un des procureurs qui
avait occupé et lui aurait indiqué qu'il y avait
intérêt à porter la cause en cour Suprême.
Mais je tiens à dire qu'en aucune façon ce juge n'a
exercé de pression sur nos avocats et que, de toute façon, cette
conversation qui s'est produite au hasard d'une rencontre au palais de justice,
me dit-on, n'a eu aucun effet sur la décision de porter la cause en
appel à la cour Suprême du Canada.
M. BURNS: Question additionnelle. Est-ce que le ministre de la Justice
considère normal que le juge de première instance, dont le
jugement était mis en appel, ait participé d'une façon ou
d'une autre peut-être même de façon accessoire
à des discussions relativement à ça?
M. CHOQUETTE: Je n'ai jamais dit que le juge avait participé
à des discussions accessoires.
Si le député de Maisonneuve me prête ces paroles,
c'est parce qu'il était absent de la Chambre au moment où j'ai
commencé à répondre à la question.
M. BURNS: C'est exact.
M. CHOQUETTE: Je tiens à dire que j'ai fait état d'une
conversation au hasard d'une rencontre au palais et qu'il n'y a eu aucune
consultation officielle, à ma connaissance, entre le juge et les
procureurs de la couronne qui avaient la décision à prendre.
Le député de Maisonneuve a autant d'expérience que
moi et il sait très bien qu'il arrive assez fréquemment que des
juges s'intéressent à des causes qui ont été
jugées devant eux quant à leur résultat éventuel en
appel.
M. BURNS: Simplement pour dissiper tout doute, je prends la parole du
ministre sur ces remarques. Je le remercie d'avoir clarifié cette
situation. Je confirme qu'il est exact qu'à l'occasion les juges
s'intéressent, en passant, à la situation d'une cause. Ce que je
voulais clarifier, c'était, en même temps, des doutes qui peuvent
se poser sur l'administration de la justice. J'espère que les
informations que nous livre le ministre de la Justice auront peu clarifier la
situation.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.
Vente de poisson aux Iles-de-la-Madeleine
M. SAINT-PIERRE: Pour répondre à une question
soulevée par le député de Bourget sur la vente de poisson
aux Iles-de-la-Madeleine, à la suite de la publication d'une nouvelle
dans le Radar, journal "miméographié" d'un groupe de citoyens des
Iles-de-la-Madeleine, un fonctionnaire des pêches maritimes du
ministère de l'Industrie et du commerce a mené enquête.
Dans le cas cité par le Radar et repris, la semaine suivante, par
Québec-Presse, un bateau de 82 pieds, chargé de 24,000 livres de
petite morue, est parvenu à terre avec une cargaison avariée. La
morue fraîche est filetée et vendue pour consommation humaine. Le
morue non éviscérée et conservée trop longtemps est
impropre à la consommation humaine et est transformée en farine
de poisson, servant de base à diverses moulées.
Comme l'a dit le gérant de Canapro de Cap-aux-Meules, M. Laurie
Delaney, dans une précision donnée au journal Le Madelinot,
l'offre faite aux pêcheurs dans le cas précité était
un aménagement leur permettant de vendre à un prix
inférieur un produit qui, autrement, aurait été perdu et
aurait dû être rejeté à la mer, puisqu'il
était d'une qualité qui ne correspond pas aux normes de Gorton
Canada.
Je tiens à préciser que ce voyage est un cas unique qui
n'entre pas dans les conditions
habituelles des transactions entre les pêcheurs et ladite
compagnie. C'est un cas d'exception où on a trouvé un
aménagement, au lieu de simplement refuser une cargaison qui ne
correspondait pas aux normes habituelles d'achat et d'approvisionnement de
poisson frais.
M. LAURIN: Question additionnelle. Est-ce que le ministre a pu
vérifier, en même temps, certaines autres allégations
à l'effet que la Gorton Pew profitait de sa situation de monopole pour
offrir des prix qui étaient en dessous des prix habituellement offerts
aux pêcheurs de même catégorie pour les mêmes
produits?
M. SAINT-PIERRE: On m'informe qu'il n'y a pas de monopole effectivement,
puisqu'une deuxième compagnie est installée, la
Coopérative centrale, et que le niveau des prix, compte tenu de
l'évolution des prix du poisson dans l'Est du Canada, n'indique pas une
situation qui demanderait une enquête particulière ou des actions
de la part du gouvernement.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Agriculture.
Gonflement de la rivière Richelieu
M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais rapidement
répondre à une question qui me fut posée à
plusieurs reprises concernant le rapport des travaux effectués par le
ministère de l'Agriculture concernant le gonflement de la rivière
Richelieu ou simplement le problème des riverains qui sont victimes
d'une crue des eaux notamment le printemps. Effectivement l'enquête a
été menée, les travaux ont porté essentiellement
sur les pertes des agriculteurs et elles ne portent pas par conséquent
sur d'autres secteurs de l'économie qui ont pu être
touchés.
L'enquête a porté à compter de l'année 1947
jusqu'à 1972. Pour les années 1947 à 1960, les pertes
encourues par les agriculteurs, environ 100, ont été, disons,
raisonnables. De 1960 à 1970, les pertes ont été
passablement accentuées, et de 1970 à 1972, les pertes se sont
encore davantage accentuées de telle sorte que pour ces années on
peut les évaluer à environ $100,000.
Je dois dire tout de suite, M. le Président, que je ne pourrai
pas déposer ce rapport parce que le ministère des Richesses
naturelles travaille présentement à trouver les causes qui sont
à la source du gonflement de la rivière Richelieu. Le
gouvernement n'a pas non plus statué ou établi une politique
relativement aux pertes qu'ont dû subir les agriculteurs. Une fois que
nous aurons en main le rapport du ministère des Richesses naturelles qui
nous fera des propositions, sans aucun doute précises, sur la
façon de corriger la situation, il serait non seulement
intéressant mais nécessaire qu'une politique également
soit établie pour corriger certaines injustices ou certaines pertes que
les agriculteurs ont pu subir depuis 1960 ou 1970.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
Questions inscrites au feuilleton
M.LEVESQUE: M. le Président, au feuilleton du 5 juillet 1972,
article 18, question de M. Béland, je propose que cette question soit
transformée en motion pour dépôt de documents.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M.LEVESQUE: Article 18. Réponse de M. Bourassa.
M. BOURASSA: Lu et répondu.
M. BROCHU: M. le Président, qu'il me soit permis de souligner au
leader parlementaire que l'article 15 qui apparaît au feuilleton du 5
juillet peut être annulé puisque la réponse se trouve
automatiquement donnée dans le bill 43, je pense, présenté
par le ministre du Revenu. Cette question est inscrite à mon nom et j'ai
eu la réponse.
M. LEVESQUE: Vous voulez retirer la question inscrite à l'article
15.
M. BROCHU: Retirer simplement la question du feuilleton.
M. LEVESQUE: D'accord, article 15 au feuilleton du 5 juillet.
M. VINCENT: M. le Président, si vous me le permettez,
également au sujet des questions, nous avions demandé, il y a
quelque temps, je pense, au ministre de l'Agriculture, concernant les pertes de
récolte, qu'il nous fournisse la liste des noms de ceux qui avaient subi
des pertes de récolte et qui avaient reçu des indemnités
du gouvernement. On nous avait dit que plus tard on nous ferait parvenir cette
liste. Même si on ajournait la session au début de la semaine
prochaine, est-ce qu'on pourrait avoir ça au cours de la semaine
prochaine ou dans une quinzaine de jours?
M. LEVESQUE: Cela doit se faire en Chambre. Je pense que c'est une
question posée en Chambre et on s'attend bien que la réponse soit
donnée en Chambre, à moins que l'on fasse une motion pour
dépôt de documents et qu'il y ait un ordre de la Chambre. A ce
moment-là ça peut être déposé durant
l'intersession.
M. VINCENT: On a répondu à la question mais la
réponse n'était pas complète et on avait dit qu'on la
compléterait.
M. TOUPIN: Oui, je me rappelle bien, M. le Président. Je pense
que c'était la liste des noms de ceux qui avaient obtenu une subvention,
des indemnités.
M. VINCENT: Des indemnités. Je regarderai tout à
l'heure.
M. TOUPIN: Je ne sais pas. Je vais vérifier immédiatement
au ministère. Demain, je pourrai peut-être donner plus de
précisions. J'ai demandé aux fonctionnaires de compléter
la question.
M. VINCENT: Par la même occasion, M. le Président, le
député de Saint-Maurice me faisait remarquer hier qu'à
l'occasion des crédits du ministère de l'Agriculture et de la
Colonisation nous devions recevoir certaines réponses et il s'informait
à quel moment il pourrait recevoir ces réponses.
M. TOUPIN: Je dois dire bien franchement que s'il y a quelque retard,
c'est attribuable en bonne partie au nombre de questions auxquelles on devait
apporter des réponses. Le député de Nicolet devrait
comprendre qu'il n'y en avait pas seulement 20 ou 30; si ma mémoire est
fidèle, c'était 50 ou 60 questions. Evidemment, je ne pouvais pas
mettre tout le personnel du ministère là-dessus; j'ai mis des
équipes sur cela et des équipes sur autre chose, c'est pourquoi
c'est un peu plus lent. Pour les questions auxquelles on avait dit qu'on
donnerait des réponses, soyez assuré que les réponses lui
parviendront, peut-être en retard, mais elles lui parviendront.
M. LEVESQUE: M. le Président, en appendice on remarquera qu'il y
a un projet de loi au nom de M. Choquette: le code des loyers. Il faudrait
avoir le consentement de la Chambre pour qu'on puisse déposer et adopter
en première lecture ce projet de loi au cours de la présente
séance pour ensuite déférer en commission parlementaire
pour étude dans la période intersessionnelle.
M. PAUL: De toute façon, le leader du gouvernement nous fera
connaître sa décision avant mercredi prochain à ce
sujet-là, n'est-ce pas?
M. LEVESQUE: En effet.
Projet de loi no 59 Première lecture
M. LE PRESIDENT: Du consentement unanime de la Chambre, l'honorable
ministre de la Justice propose la première lecture du code des loyers.
Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi, le
code des loyers, soit déféré à la commission
parlementaire de la justice.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, no 17.
Rapport sur les projets de loi nos 38 à
45
M. LE PRESIDENT: II s'agit de la prise en considération du
premier rapport de la commission parlementaire des finances, des comptes
publics et du revenu sur l'étude des projets de loi 38, 39, 40, 41, 42,
43, 44, 45, rapport présenté par l'honorable député
de Châteauguay.
Décision de M. le Président
M. LE PRESIDENT: J'ai reçu des amendements de la part de
l'honorable député de Frontenac. Or, certains amendements qu'il
propose ne respecteraient pas l'article 65 du règlement qui régit
la Chambre et qui se lit comme suit: "Une motion ne peut être
présentée que par un représentant du gouvernement,
après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'elle a
pour objet direct: 1) l'exécution de travaux publics; 2) l'allocation de
subventions; 3) l'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus publics
ou sur les contribuables; 4) la remise d'une somme due à l'Etat; 5) la
concession de biens appartenant à l'Etat; 6) l'autorisation de consentir
quelque emprunt ou obligation engageant le crédit de l'Etat. Toutefois,
cette règle ne s'applique pas à une motion qui exprime seulement
une opinion abstraite sur une matière énumérée
ci-dessus."
Etant donné que certains de ces amendements ont une implication
fiscale qui diminuerait les revenus de l'Etat, je ne peux pas les accepter. Il
s'agit, entre autres, de l'amendement proposé à l'article 525, de
l'amendement proposé à l'article 387, de l'amendement
apporté à l'article 54 ainsi que de l'amendement proposé
à l'article 542. Par contre, il en reste un ou deux qu'on pourrait
accepter et, conséquemment, j'accorde le droit de parole au
député de Frontenac.
M. Paul-A. Latulippe
M. LATULIPPE: M. le Président, vous avez passablement
écourté la discussion.
C'est assez difficile, M. le Président, de dire qu'on va, surtout
en matière de fiscalité, présenter des amendements qui
n'auront pas de conséquence. Si ça n'affecte pas les
dépenses, ça va affecter les revenus. Je me demande de quelle
façon on peut faire quelque chose qui aura une portée valable,
parce qu'en fin de compte on ne peut se prononcer sur rien. Tout a une
portée monétaire.
C'est pour ça qu'au moins, si vous ne pouvez pas les recevoir, M.
le Président, peut-être que le ministre pourrait certainement
faire un exposé là-dessus. Nous savions fort bien que ces
articles avaient une portée économique, surtout en ce qui
concerne l'article 387, qui visait à ce que les allocations familiales
soient déduites de l'impôt. On nous dit dans certains milieux que
nos gouvernements s'apprêteraient à considérer ce type
d'allocations comme imposables. Nous voulions être tout à fait
certains que ce ne le sera pas; c'est pourquoi nous avons fait une demande au
ministre. Je vois difficilement comment, à 387, ça pourrait
baisser les revenus de l'Etat d'autant plus qu'actuellement ce n'est pas
imposé. Cela peut seulement éventuellement baisser les revenus de
l'Etat, si on dit demain matin ça va automatiquement s'attaquer aux
revenus de l'Etat.
Je n'ai pas l'intention de faire un long discours sur les amendements
qui m'ont été refusés. Cependant, au moins ceux qui
semblent acceptables, je demanderais au ministre d'avoir l'amabilité de
les recevoir, en particulier à l'article 291. Nous demandons au ministre
de soustraire un paragraphe qui semble réapparaf-tre à l'article
387. Nous demandons également au ministre s'il est possible, à
l'article 35, d'élargir un peu le cadre de la définition parce
que le petit changement que nous demandons n'aurait pas une portée
extrêmement grave sur l'interprétation de l'article.
Peut-être le ministre pourrait-il nous expliquer de quelle façon
il conçoit...
M. HARVEY (Jonquière): Je le ferai.
M. LATULIPPE: ... la portée que ça pourrait avoir. Pour
nous, ça visait essentiellement à répondre à un
problème qui avait été soulevé en Chambre par de
nombreux membres. Cela visait les automobiles qui ne servent pas exclusivement
à une personne pour ses déplacements personnels, mais qui peuvent
être mises à sa disposition. Nous voulons qu'elle ne soit pas
obligée de les rapporter dans ses revenus parce qu'effectivement ce
n'est pas un revenu pour elle. Dans le texte de la loi actuelle, même si
elle ne s'en prévaut pas, automatiquement, elle est obligée de
l'ajouter à son revenu. Cela me semblait pour le moins acceptable
d'autant plus que nous avons mis énormément de retenue pour ne
présenter que ces amendements. S'il avait fallu présenter tous
ceux que nous avions à l'esprit, je pense qu'il ne resterait plus de
revenus dans les coffres du gouvernement.
A l'article 542, nous avons osé présenter un petit
paragraphe supplémentaire; je ne sais pas s'il est recevable et
peut-être que ça va correspondre aussi à une baisse
appréciable dans les coffres du gouvernement. J'avoue que s'il faut
retenir comme seul critère que ça peut baisser les revenus du
gouvernement, dans ce sens, on est royalement mal pris pour présenter
des amendements valables dans une loi de revenu.
Tout au moins, étant donné que je ne peux pas parler
sur...
M. LE PRESIDENT: Vous en avez un qui est recevable à 323.
M. LATULIPPE: Je suis heureux de voir que vous le jugez recevable. C'est
encore un acte de générosité de votre part, parce que
même là je suis obligé d'avouer que cela peut
éventuellement causer préjudice au gouvernement...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous refusez de le recevoir?
M. LATULIPPE: Non, non. S'il fallait pousser à la limite, votre
générosité est bien grande, vous auriez peut-être pu
l'étendre un peu plus et on ne vous aurait pas fait de reproche.
D'abord, le ministre ne l'aurait pas accepté de toute façon.
Etant donné l'attitude intransigeante qu'il a maintenue aux commissions,
je crois difficilement qu'il aurait daigné répondre à nos
aspirations qui étaient fort légitimes pourtant, au moins dans
les intentions.
M. HARVEY (Jonquière): Je n'ai pas été
intransigeant.
M. LATULIPPE: Là-dessus, je serais prêt pour ma part au
moins à étudier ceux que le ministre juge qu'il peut discuter et
s'il était prêt également à nous donner les raisons
sous-jacen-tes pour lesquelles il ne peut recevoir l'exemption de base de $300.
Actuellement elle n'y est pas contenue. C'est déjà une exemption
qui est reconnue. Alors, quand on me dit que cela correspond
nécessairement à une baisse, j'ai de la misère à
dire que c'est vrai. Ce serait vrai si le contexte de la loi actuelle
était accepté. On peut jouer sur les mots là-dessus et
finalement arriver à des situations qui pourraient avoir l'allure d'une
justification.
M. le Président, étant donné que votre
décision est rendue d'avance, je suis un peu désorganisé,
je l'avoue, face à la portée de l'intervention que je voulais
faire. Je suis donc prêt, pour ma part, à étudier chacune
des propositions.
M. BOURASSA: Est-ce que le député me permettrait une
question? Est-ce qu'il a évalué le coût de sa
proposition?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable premier
ministre de garder sa place.
M. LATULIPPE: J'imagine que le premier ministre fait allusion à
la proposition qui veut que $300 d'exemption pour chaque enfant à charge
en bas de 16 ans, c'est une mesure qui coûterait environ $50 millions. Ce
n'est pas beaucoup quand on compte que le gouvernement n'a pas encore ces $50
millions. Il veut
seulement se les donner. La loi n'est pas encore votée. Cela ne
correspond pas nécessairement à une perte. C'est éventuel
cette chose-là...
M. CLOUTIER (Montmagny): ... à la frontière de
l'Ontario.
M. BOURASSA: C'est là qu'il trouve de l'argent.
M. LATULIPPE: Pour ma part, je serais prêt à entendre le
ministre. En ce qui touche l'article 291, pour nous, la suppression qu'on veut
faire, nous la trouvons normale.
M. LE PRESIDENT: A l'article 291, votre amendement est recevable.
M. LATULIPPE: C'est tellement simple. Il s'agit de biffer un article
parce qu'il y a une redondance dans la loi. C'est anodin. En ce qui concerne
l'article 223, cela permettrait à tout individu qui emploie une bonne,
avec des motifs raisonnables, avec des pièces justificatives, une bonne
pour la garde des enfants, de pouvoir en déduire le coût sur ses
revenus, tels que décrit dans les prescriptions de la Loi de
l'impôt.
Etant donné qu'il ne me reste que deux articles fort anodins sur
lesquels je peux parler, je suis prêt à entendre la
réplique du ministre. Je tiens à rappeler encore une fois qu'on
n'a pas encore accepté la nouvelle loi. Nous vivons avec l'ancienne
toujours, mais je pense que vous partez du fait qu'à partir du moment
où il y a eu annonce en matière fiscale, que cela correspond
pratiquement à l'intention du Parlement et que nous sommes
obligés d'y souscrire, à cause du discours du budget.
Mais s'il fallait spécifier seulement à partir du moment
où il y a eu un dépôt de loi qui n'est pas encore
acceptée, actuellement, selon la loi québécoise, de
l'impôt, si je ne me trompe pas, les enfants sont encore
déductibles à $300, à moins de 16 ans. Ce n'est pas un
changement dans la loi, à mon point de vue. Je verrais difficilement
pourquoi ce ne serait pas recevable.
Peut-être que le président sera en mesure de me dire
pourquoi. Je m'interroge là-dessus. J'avoue que c'est difficile pour moi
de concevoir que ce n'est pas recevable alors qu'éventuellement cela le
sera. Cela ne serait pas recevable si la loi était déjà
votée.
M. LE PRESIDENT: Ecoutez, je suis prêt à vous fournir des
éclaircissements. Vous invoquez que cela existe dans la loi actuelle.
Mais ce que nous étudions actuellement ce n'est pas la loi qui est
présentement en vigueur. C'est une nouvelle loi qui doit remplacer la
loi existante.
Ce n'est pas mon propre jugement, c'est un grand principe de droit
parlementaire qui existe de tout temps. Pour proposer un amendement ou une
mesure ou une motion qui a des implications fiscales... Vous avez dit
vous-même, tout à l'heure, que si on acceptait un de vos
amendements, l'Etat se verrait privé de $50 millions.
M. LATULIPPE: Ce n'est pas exact. L'Etat ne l'a pas encore ce
montant.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Ecoutez, il faut bien se
comprendre. Le ministre, actuellement, avec la recommandation du
lieutenant-gouverneur, vous soumet une loi. Si, au lieu d'avoir $2,000
déductibles avant d'être taxé, vous proposez $2,500, c'est
une charge à l'Etat. L'Etat est privé d'un montant d'argent.
M. LATULIPPE: Nous serions d'accord, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne peux pas permettre de dialogue, mais
j'essaie de l'expliquer. Vous n'avez pas le droit de faire cela, et c'est un
grand principe. Il faut qu'il y ait la recommandation du lieutenant-gouverneur.
Il faut que cela vienne d'un membre du cabinet. Ce n'est pas moi qui ai
inventé ça. Cela existe depuis le XlVème siècle
dans le droit parlementaire anglais qui nous régit.
M. AUDET: Je voudrais simplement vous poser une question. Est-ce que
cette augmentation ou diminution des dépenses n'entre pas en vigueur
seulement lorsque la loi est adoptée? Nos interventions sur tout projet
de loi ont certainement des incidences directes ou indirectes sur les
dépenses éventuelles du gouvernement. Je crois que
réellement c'est un précédent que nous voyons
là.
M. LE PRESIDENT: Mon cher député... M. ROY (Beauce): M. le
Président...
M. LE PRESIDENT: Ecoutez, j'ai bien voulu fournir les explications
supplémentaires. Je ne veux pas limiter votre droit de parole; vous avez
le droit de parler sur le rapport. En somme, vous avez le droit de parler
pendant dix minutes sur le rapport, tel qu'il est revenu de la commission. Je
ne peux pas recevoir, en droit, certains amendements que j'ai mentionnés
tout à l'heure.
M. LATULIPPE: Dans ce cas-là, M. le Président, je pense
que nous allons passer immédiatement à l'étude...
Excusez-moi, mon collègue aimerait prendre la parole
là-dessus.
M. ROY (Beauce): M. le Président, justement sur ce point de
règlement, je me pose de sérieuse questions, après avoir
relu attentivement l'article 65. Je ne veux pas mettre votre parole en doute,
mais on y dit ceci: "Une motion ne peut pas être présentée
que par un représentant du gouvernement, après recom-
mandation du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'elle a pour objet
direct: "1. L'exécution de travaux publics; "2. L'allocation de
subventions; "3. L'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus
publics ou sur les contribuables; "4. La remise d'une somme due à
l'Etat; "5. La concession de biens appartenant à l'Etat; "6.
L'autorisation de consentir quelque emprunt ou obligation engageant le
crédit de l'Etat. "Toutefois, cette règle ne s'applique pas
à une motion qui exprime seulement une opinion abstraite sur la
matière énumérée ci-dessus."
Voici sur quel point je vais me baser. On se rappellera ce qui s'est
passé, l'automne dernier, au fédéral. C'est la même
loi, je pense, qui est transmise dans les provinces à ce sujet, parce
qu'elle fait partie de la constitution canadienne. Je me demande comment il se
fait que les partis d'Opposition à Ottawa, autant le Parti conservateur,
le NPD, et le Crédit social du Canada, ont amené tant
d'amendements et ont discuté pendant aussi longtemps de la
réforme fiscale.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Etiez-vous présent,
à Ottawa, en comité? Est-ce que vous pouvez me certifier qu'on a
procédé comme vous me le dites actuellement? Un instant! J'essaie
d'être le plus large possible. Vous m'avez lu le règlement. Je
dois vous dire que c'est en vertu du sous-paragraphe 3: "L'imposition d'une
charge additionnelle sur les revenus publics ou sur les contribuables". Si on
accepte l'amendement du député de Frontenac il l'a dit
lui-même l'Etat est privé de $50 millions. C'est
l'imposition d'une charge additionnelle si on prive les revenus publics ou les
contribuables de $50 millions. Parce que, si l'Etat n'a pas ces $50 millions
pour boucler son budget, il doit aller les chercher ailleurs. Si vous
m'invoquez ce qui s'est passé à Ottawa, cela ne me regarde pas.
Je n'y étais pas. Même, je ne consulterai pas le Hansard d'Ottawa.
Mais je vous dis que ma décision est rendue, que c'est un principe de
droit parlementaire et que je suis convaincu du bien fondé de ma
décision.
Maintenant, je vous donne le droit de parole sur le rapport du projet de
loi.
M. BURNS: M. le Président, puis-je vous demander une directive?
Je ne veux pas rouvrir le débat, mais puis-je simplement vous demander,
étant donné l'importance d'une telle décision, de la
suspendre?
Remarquez, M. le Président, que je ne vous blâme pas. Cette
décision est venue de façon tellement impromptue, quant à
nous, que nous n'avons pas eu le temps de vous amener des auteurs, mais nous
pensons, bien humblement, pouvoir vous convaincre du contraire. C'est la valeur
de précédent que votre décision aurait qui nous
préoccupe.
En ce qui nous concerne, évidemment, je ne veux pas argumenter
vous avez donné votre point de vue mais nous partagerions
l'opinion de nos collègues du Ralliement créditiste sur ce
point.
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.
Lorsqu'une décision a été rendue par la présidence,
nous n'avons pas à revenir pour demander une suspension.
M. BURNS: Je n'ai pas argumenté. Je l'ai demandé au
président.
M. LEVESQUE: J'ai le droit de donner mon point de vue. Le
président jugera.
M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas argumenté sur votre
décision. J'ai demandé simplement si vous pouviez la suspendre.
Ne me faites pas dire des choses que je ne dis pas.
M. LEVESQUE: Vous veniez de dire, M. le Président, au
député de Beauce que vous ne vouliez pas entendre d'autres
argumentations parce que votre décision était rendue. Vous
l'avez, d'ailleurs, motivée. Vous avez tenu compte de l'article
cité par le député de Beauce. Vous avez ensuite dit que,
même s'il y avait un précédent différent à
Ottawa, vous n'étiez pas tenu par un tel précédent et
même que vous n'étiez pas au courant de ce qui s'était
passé à Ottawa.
Si on voulait toucher au fond je commettrais la même erreur
que j'ai voulu éviter à mon ami de Maisonneuve je dirais
que, s'il y a un cas clair...
M. BURNS: Ne le dites pas, ne le dites pas! Je n'ai pas voulu argumenter
sur le fond.
M. LEVESQUE: ... où l'article s'applique, c'est bien dans la
question, réellement, du revenu et de la fiscalité. On pourrait
avoir des doutes, par exemple, si on prenait une formule abstraite en disant:
Possibilité d'étudier tel ou tel geste à poser par le
gouvernement. A ce moment-là, même s'il y a éventuellement
une dépense d'argent au bout de la ligne, c'est tellement
éventuel qu'on peut considérer que ce n'est pas l'objet principal
de la motion. Mais ici, c'est justement dans la fiscalité, dans la
taxation. S'il y a un cas clair, c'est bien celui-là.
M. LE PRESIDENT: Pour répondre à l'honorable
député de Maisonneuve, étant donné que je ne peux
pas permettre qu'on continue à argumenter, car ma décision est
rendue, je dirai que, bien que ma décision soit rendue, après
cette séance ou autrement nous pourrons en discuter, car je ne suis pas
obtus à ce point. Si je venais à avoir une autre lumière
ce qui me surprendrait pour le moment à savoir que ma
décision serait incompatible avec la tradition parlementaire et les
droits du parlementarisme, je suis prêt à ne pas considérer
ma décision
d'aujourd'hui comme un antécédent, si vous voulez.
Par contre, ma décision est rendue en ce qui concerne la
présente séance.
M. BURNS: Merci, M. le Président.
M. ROY (Beauce): M. le Président, pourrais-je vous demander une
directive? Dans les circonstances parce qu'éventuellement nous
aurons d'autres lois fiscales à étudier à quoi se
résumera le rôle de l'Opposition? Il ne s'agit pas de lois
votées; il s'agit d'étudier des lois à venir, de nouvelles
dispositions fiscales. C'est là, M. le Président, que je
m'interroge. C'est une législation à venir.
Nous avons étudié une réforme fiscale en fonction
d'une législation à venir, en fonction d'un nouveau mode
d'imposition. Je ne vois pas que l'article 65...
M. LEVESQUE: Vous avez rendu votre décision, M. le
Président.
M. ROY (Beauce): Je m'excuse, M. le Président. Je ne suis pas un
expert en procédure.
M. LEVESQUE: C'est certain.
M. ROY (Beauce): II ne s'agit pas d'une législation
adoptée, il ne s'agit pas de nouvelles dépenses. Il s'agit d'une
législation à venir.
M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, les directives ne viendront pas de moi.
C'est avec plaisir que je ferai parvenir à l'honorable
député de Beauce des traités d'auteurs de droit
parlementaire, qui pourront, d'une manière beaucoup plus brillante que
moi, compléter l'avis que j'ai donné aujourd'hui.
Rien qu'une parenthèse. Vous me dites que c'est un projet de loi
qui s'en vient, qui n'est pas encore en vigueur. Est-ce que vous avez le droit,
à l'étude des crédits, lorsqu'on étudie les
crédits pour une année fiscale qui s'en vient, 72/73, de dire au
ministère de la Voirie: Vous n'avez pas assez de $300 millions, je
propose que vous ayez $500 millions? Vous n'en avez pas le droit. Ces
crédits ne sont pas approuvés. C'est la même chose. C'est
une loi qui s'en vient. Vous n'avez pas le droit de proposer une
réduction des revenus de l'Etat ou une augmentation de la taxation, de
la charge du contribuable.
Ma décision est rendue. Vous pouvez parler sur le rapport, mais
je répète que certains amendements proposés par
l'honorable député de Frontenac ne sont pas reçus et qu'il
y en a d'autres qui sont reçus.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): Sur le rapport, pour souligner l'importance des
amendements qui ont été proposés, je voudrais faire une
distinction très nette entre les amendements qui sont recevables et les
amendements qui sont non recevables. Je voudrais quand même le porter
à l'attention du ministre, à titre de suggestions, pour qu'il
prenne nos demandes en considération, de façon que lorsque les
nouvelles dispositions fiscales viendront, on tienne compte de certaines de nos
observations, parce que je pense sincèrement que la population qui nous
a mandatés l'a fait pour exprimer certains points de vue sur la
législation à venir. Dans le premier projet de loi...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais vous interrompre? Rien ne vous
empêche dans votre discours sur le projet de loi, soit en deuxième
lecture, en commission ou sur le rapport d'aujourd'hui, d'émettre le
voeu, de dire au ministre: Vous ne voyez pas clair. La charge est trop forte.
L'allocation, au lieu de $500 millions, devrait être de $300 millions.
Vous avez le droit de le faire. Vous avez le droit de faire le plus beau
discours là-dessus, de dire que le ministre a tort, que la charge du
contribuable est trop forte. Mais vous n'avez pas le droit de le faire sous la
forme d'un amendement soumis au vote de la Chambre. Cela n'est pas permis. Mais
vous avez le droit de vous exprimer librement.
M. ROY (Beauce): Je vous remercie. Mais, je pense qu'on le remarque
à la première page que le ministre nous a soumise, le ministre
lui-même j'ai été un peu victime en quelque sorte
d'une procédure, étant donné que nous étions dans
des choses assez nouvelles dans ce domaine m'avait demandé de
faire une proposition concrète en vertu d'un amendement à un
article d'un projet de loi et elle paraît effectivement dans le bas de la
première page du rapport que le ministre nous a soumis.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, il faudrait que le
député de Beauce signale que nous avons eu l'unanimité des
membres de la commission pour recevoir l'amendement, et nous en avons
disposé par un vote par la suite, bien que le député de
Beauce ne faisait pas partie de la commission parce qu'il était
occupé ailleurs. Les membres de la commission, par délicatesse
pour le député de Beauce qui est habituellement le critique
financier à cette commission parlementaire, ont consenti unanimement
qu'il soit le proposeur de cette motion d'amendement.
M. ROY (Beauce): Je remercie l'honorable ministre et les membres de la
commission de leur délicatesse à mon endroit. Pour résumer
brièvement l'amendement que vous avez jugé recevable à
l'article 323, qui est mentionné, je vais le lire pour les fins du
journal des Débats. C'est un amendement au paragraphe b) actuel, qui
serait remplacé par le suivant: "Un médecin qualifié
certifie que l'épouse du particulier était, durant une
période d'au moins deux semaines dans l'année, dans
l'incapacité de prendre soin de ses enfants."
Je vais donner quelques explications complémentaires à ce
qu'a dit l'honorable député de Frontenac sur notre
recommandation. Nous exprimons le voeu si on peut appeler cela un voeu
que le ministre tienne compte de cette demande, parce que nous estimons
qu'elle est de la plus haute importance, lorsque les mères de famille
sont dans l'incapacité de vaquer normalement aux soins et à la
garde de leurs enfants, ou encore que leur état de santé ne leur
permet pas, à cause d'une famille nombreuse, de faire face à ces
obligations.
Il s'agirait de permettre au père de famille, qui est le seul
ayant un revenu par son salaire, pour envisager toutes les dépenses
inhérentes à son rôle de père de famille, de
déduire sur son rapport d'impôt les frais de garde de son enfant
comme on le permet à une mère de famille qui occupe un emploi
à l'extérieur du foyer. Lorsque la mère de famille occupe
un emploi à l'extérieur du foyer, dans la très grande
majorité des cas le père de famille reçoit un salaire. On
leur accorde une exemption.
Or, c'est pour ces considérations que nous avons apporté
cette suggestion à l'article 323 au ministre du Revenu dans les
modifications de nos lois fiscales. M. le Président, à l'article
525, je vais le faire tout simplement sous forme de voeu, à la suite de
mon collègue le député de Frontenac. Il s'agit d'accorder
$300 pour chaque enfant ou petit-enfant du particulier qui, pendant
l'année, est entièrement à sa charge, s'il est
âgé de moins de 16 ans.
Je trouve cela un peu décourageant pour les faibles
salariés qui gagnent mois de $100 par semaine, qui ont pour revenu ce
maigre salaire, avec une famille de six, sept et huit enfants. On ne tient
aucunement compte de leurs obligations familiales et on leur retient de
l'impôt à la source sans tenir compte de leurs enfants.
Cette disposition qui existait auparavant avait été abolie
lorsque le gouvernement provincial, il y a quelques années, avait
adopté la loi des allocations familiales provinciales; à ce
moment-là on avait annulé les exemptions pour les enfants de
moins de 16 ans. Pour ces considérations, je pense que le ministre
devrait prendre bonne note de nos suggestions et tenir compte de nos remarques.
Ce serait certainement à l'avantage des petits salariés, des
pères de famille et surtout des pères de familles nombreuses. Si
on veut que le Québec survive, il va falloir quand même que nos
lois fiscales permettent aux familles de vivre dans la province de
Québec.
Je dis qu'à l'heure actuelle nos familles sont prises dans un
étau épouvantable et cet étau est la conséquence de
l'attitude de l'Etat, qui ne tient aucunement compte des besoins des familles
nombreuses et du coût de la vie élevé. Quant à
l'amendement à l'article 291, il est recevable et nous osons croire que
le ministre va au moins accepter celui-là. Il s'agit de biffer les
derniers mots de l'article. On les retrouve d'ailleurs intégralement au
paragraphe c) de l'article 387.
J'espère que le ministre en a pris note et qu'il pourra accepter
cet amendement parce que, comme le disait le député de Frontenac
tout à l'heure, il s'agit d'une redondance. Nous suggérons que
l'article 387 soit modifié en remplaçant le paragraphe suivant;
toujours pour les fins du journal des Débats: Le montant de toute
allocation familiale versée dans le cadre d'un programme prescrit
prévu par une loi provinciale ou par une loi du Canada.
Or, si nous avons demandé ceci, c'est parce que dans les lois
actuelles d'allocations familiales il y a un article dans lequel il est
stipulé clairement que les allocations familiales ne sont pas
imposables. En vertu du bill 286 qui est actuellement à l'étude
devant la Chambre et en vertu des nouvelles dispositions de la loi des
allocations familiales du gouvernement fédéral, il n'en est
aucunement question. Nous espérons que le ministre va l'insérer
de façon à assurer aux familles du Québec que les
allocations familiales ne seront pas imposées dans un avenir
rapproché.
Quant à l'article 54, M. le Président, j'ai eu l'occasion
à plusieurs reprises, au cours des périodes de questions, lors de
l'étude des crédits, d'intervenir sur ce point. Il s'agit surtout
de déduire, sur présentation de pièces justificatives, un
montant égal aux dépenses encourues pour frais de
déplacement et d'outillage nécessités par la charge qu'un
particulier occupe, dans la mesure où elles ne sont pas payées
par son employeur.
Il s'agit d'un principe d'équité générale
qui veut qu'on permette à un voyageur de commerce de déduire
certaines dépenses. On permet, en vertu de certaines conventions
collectives, aux travailleurs de la construction de recevoir un
supplément pour les dépenses inhérentes à leurs
fonctions.
Il s'agit des travailleurs autonomes et des travailleurs forestiers,
qu'ils travaillent aux Etats-Unis ou au Canada. Les dépenses pour frais
d'outillage sont assez élevées pour qu'on leur permette, au
moins, de les déduire sur production de pièces justificatives, de
façon que l'Etat puisse également avoir un certain
contrôle.
Quant aux autres articles, le député de Frontenac en a
parlé. Je terminerai ainsi mes observations sur l'adoption du rapport.
Nous osons croire que, d'ici quelques minutes, l'honorable ministre du Revenu
aura de très bonnes nouvelles à annoncer à cette Chambre
et à la population du Québec, étant donné qu'il a
le sourire aux lèvres et qu'il semble avoir très bien compris les
excellentes recommandations que nous venons de lui faire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson M. SAMSON: M. le Président, nous nous
attendions bien, lorsque nous avons discuté en commission
parlementaire des bills du revenu, que les amendements présentés,
qui viseraient à priver le ministère du Revenu et le gouvernement
de certains revenus, non seulement soient mal vus, mais ne soient pas
reçus.
Evidemment, le ministre a refusé de considérer, lorsque
nous avons discuté en commission parlementaire, ces excellentes
suggestions que nous avons eu l'occasion de lui faire. Vous comprendrez
qu'à l'étude de ce projet article par article, lorsque nous avons
eu à discuter des articles concernant les exemptions d'impôt pour
les particuliers, pour les célibataires, pour les gens mariés et
pour les enfants, le ministre nous a très poliment fait comprendre qu'il
ne changerait pas d'idée et que nous aurions à subir les effets
de sa loi.
Nous avons profité de ces études pour suggérer que
$300 d'exemption soient acceptés pour chacun des enfants. Nous avons
également tenté de proposer certaines modifications. C'est
là que le ministre nous a fait comprendre que nous ne pouvions pas le
faire. Nous lui avons dit je me rappelle assez bien mes paroles
que, si la réglementation parlementaire nous le permettait, nous
présenterions une proposition à l'effet que, dorénavant,
tout citoyen québécois célibataire soit exempté
d'impôt pour la somme de $2,500 et que les personnes mariées
soient exemptées pour $5,000, ceci en remplacement de la loi actuelle
qui ne prévoit pas des exemptions de base de $5,000 mais de $2,000 et
qui prévoit une exonération de $4,000 seulement.
Nous avons dit au ministre : S'il nous était permis, en vertu de
nos règlements, de vous le proposer, nous en ferions une proposition.
Comme il ne nous est pas permis de le faire, nous ne le proposerons pas.
Veuillez considérer que, si on avait pu le faire, on l'aurait
proposé. Le ministre a parfaitement compris ce que nous voulions lui
dire, mais je pense que c'est le gouvernement qui ne comprend pas que la
population aurait tout avantage, elle, à bénéficier de ces
exemptions d'impôt. On a beau dire que cela va priver le gouvernement de
certaines sommes. Si on veut accorder à la population $2,500 ou $5,000
d'exemption de base, plus $300 pour les enfants, c'est clair que cela va priver
le gouvernement de certains revenus.
A ce moment-là, cela nous permet non seulement de
considérer les revenus que le gouvernement veut obtenir ou conserver,
mais de critiquer la politique générale du gouvernement, parce
que c'est une question comptable. Le ministre du Revenu nous dit: Mon devoir,
c'est de percevoir des taxes. Nous sommes d'accord là-dessus; c'est sa
"job", à lui.
Mais un fait demeure, le ministre du Revenu fait partie d'un
gouvernement qui, lui, a des responsabilités de dépenses. Or,
c'est dans l'ensemble de l'administration québécoise que nous
retrouvons que le ministre pourrait faire bénéficier la
population de ces exemptions d'impôt à la condition expresse que
le gouvernement décide d'arrêter son gaspillage. C'est là
que nous allons retrouver la justification, la possibilité pour le
gouvernement, à la condition qu'il veuille bien cesser de
dépenser inutilement dans plusieurs cas. Le leader du gouvernement
sourit, il sait jusqu'à quel point j'ai raison et c'est pour ça
qu'il sourit plutôt que d'argumenter.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas souri, je regardais simplement le
député de Rouyn-Noranda en même temps que je regardais
l'horloge, c'est tout.
M. SAMSON: M. le Président, vous voyez comment le gouvernement
qui gaspille les dollars des citoyens du Québec est gratteux quand il
s'agit d'accorder à l'Opposition du temps pour discuter ses lois. C'est
pratiquement le bâillon que le leader du gouvernement veut m'imposer.
Le gouvernement, à la fin de la session, au moment où
c'est le temps d'ajourner, fait toujours la même chose.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas le bâillon.
M. SAMSON: On ne veut pas permettre à l'Opposition de parler,
ça presse, il faut voter les lois, regardez-moi cette brique de la loi
du revenu, il y en a au moins sept ou huit livres, ce n'est pas article par
article qu'on a étudié cette loi, on l'a acceptée à
la livre. C'est comme ça qu'on vote une loi, c'est de cette façon
qu'on impose les citoyens québécois et c'est de cette
façon qu'on va continuer, si l'Opposition ne se permet pas de critiquer.
Mais quand on veut critiquer, on nous dit: Regardez l'horloge, vous avez fini
votre temps, vous n'avez pas le droit de parler, vous ne pouvez pas y aller,
nous allons vous imposer, ne dites pas un mot, laissez-vous égorger,
citoyens du Québec, et ne parlez pas, vous n'avez pas le droit de
parler. Un instant! Nous sommes élus par la population pour
défendre les intérêts de la population et il se trouve que
les intérêts de la population du Québec ne sont pas
nécessairement les intérêts du gouvernement. Si
c'étaient les mêmes intérêts, si la population avait
les mêmes intérêts que le gouvernement, si elle voulait
exactement ce que veut le gouvernement, elle n'aurait pas élu des
membres de l'Opposition.
M. le Président, vous semblez vouloir me montrer l'horloge vous
aussi, dois-je en déduire que vous faites partie du même
gouvernement et que vous avez la même philosophie que le leader
parlementaire du gouvernement?
Toutefois, M. le Président, en terminant, puisque vous me faites
signe qu'il faut terminer, je vous dis que si nous avions le droit de proposer
des amendements pour permettre des déductions accrues pour les citoyens
du Québec, pour permettre de moins les égorger, on les
proposerait, mais considérer que puisque nous
n'avons pas le droit de le faire, si nous en avions le droit, nous le
ferions et si nous en avions le droit, je voterais à 100 p.c. pour les
amendements visant à permettre aux citoyens du Québec de mieux
vivre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester. S'il vous
plaît, pas de manifestation dans les galeries, en vertu de notre
règlement.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, concernant le rapport soumis à
la Chambre aujourd'hui, au sujet de la Loi sur les impôts, je pense qu'il
est de première importance de regarder les amendements soumis par mon
collègue de Frontenac, étant donné que ces amendements
touchent tout particulièrement ce qui favoriserait le
développement de la cellule familiale. En principe, ces amendements, tel
qu'on les regarde, sont absolument logiques et, bien sûr, on aurait bien
voulu les voir tous inscrits à la loi.
La commission a siégé, ses membres ont discuté
très rapidement de cette brique de la Loi sur les impôts et je
pense qu'il serait normal qu'ensemble, à l'Assemblée nationale,
on étudie la possibilité de diminuer le fardeau, surtout en ce
qui concerne les obligations familiales.
Bien sûr, les députés libéraux pourront dire:
Vous n'avez pas lu la loi, mais je vous assure d'une chose...
UNE VOIX: Parlez de votre ignorance...
UNE VOIX: Vous non plus, vous ne l'avez pas lue.
M. GUAY: Mais je vous garantis une chose... M. ROY (Beauce): Un rappel
au règlement. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on peut laisser parler l'honorable
député de Dorchester?
M. LE PRESIDENT: D'accord. S'il vous plaît, les
députés en arrière...
M. ROY (Beauce): Si le député de Chauveau veut faire un
discours, le règlement le lui permet...
M. HARVEY (Chauveau): Nous l'avons construit, nous l'avons bâti et
édifié...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GUAY: Je vous garantis que ceux qui grognent actuellement sur les
bancs ministériels n'ont pas osé se lever et se prononcer sur des
points de loi que, eux-mêmes et j'en suis sûr, ils auraient voulu
voir changer. Au lieu de cela...
M. BACON: Vous n'avez pas lu le journal des Débats, c'est encore
pire.
M. GUAY: ... on se demande si le premier ministre, le ministre, le
caucus ou le conseil des ministres leur ont imposé le bâillon,
mais ils semblent bien mal à l'aise d'être dans l'obligation de se
taire.
Malheureusement, pour le gouvernement, mais heureusement pour nous, ce
n'est pas le cas. S'il y a un membre de la Chambre qui ose qualifier
d'illogique on pourra dire que c'est irrecevable. Quand on parle de lois
fiscales, les amendements ont toujours des incidences économiques. Bien
sûr. Mais si on pousse le principe un peu plus loin, on pourra ajouter
que, dans tout autre amendement d'une loi, il y aura des incidences
légales. Concernant la Loi des impôts...
M. HARVEY (Chauveau): Heureusement que votre comté
disparaît...
M. GUAY: ... nous aurions aimé voir certains changements,
certains amendements inclus à la loi, afin de faciliter le
développement de la base de toute société, la cellule
familiale.
Nous aurions aimé, bien sûr, et je suis convaincu quand je
le dis, que le ministre aussi aurait aimé voir ces amendements inclus
à sa loi. Cela aurait été un avantage pour lui et en
même temps, un avantage électoral, parce qu'en n'acceptant pas ces
amendements, il est sûr de ne plus jamais être ministre du
Revenu.
Il serait normal que si un médecin juge une mère incapable
de prendre soin de ses enfants, le montant consenti à payer une aide
familiale, une aide ménagère, doit être déductible
du revenu.
Un autre amendement soumis qui me semblait également logique
aurait dû être accepté. Je tiens quand même à
dire au ministre que, dans l'avenir, nous serons favorables s'il désire
apporter des amendements à la Loi des impôts, sur ce point. Le
député de Beauce y a touché. Je vais ajouter quelques
considérations.
On a fait état du fait que plusieurs travailleurs, dans certains
domaines, notamment ceux qui ont à se déplacer, ont, ce qu'on
appelle, un montant qui leur est alloué ou encore un montant qui est
déductible de leur revenu. Je voudrais parler ici d'un travailleur
autonome qu'on appelait, autrefois, un bûcheron et qu'on appelle
aujourd'hui un travailleur forestier. Si on analyse les dépenses
obligatoires, outillage, déplacement et autres, il est bien clair que
ces travailleurs sont malmenés financièrement, puisqu'ils ne
peuvent pas, en quelque sorte, obtenir de déduction sur leur revenu.
Pourtant, ils doivent, à plusieurs reprises au cours de leur
carrière, renouveler l'outillage qui leur permet de gagner leur vie.
Je ne suis pas le premier à apporter ce point devant la Chambre
et à en faire écho au ministre du Revenu, puisque des
pétitions ont
été signées dans le passé, demandant ou
réclamant ces amendements. Peut-être que ce n'était pas le
ministre actuel qui était là, mais chose assurée, c'est
que cela a déjà été demandé.
M. HARVEY (Chauveau): Donnez-nous les noms de ceux qui ont signé
les pétitions.
M. GUAY: Ces amendements tout à fait logiques, tout à fait
normaux, ont probablement des incidences financières, comme l'a dit le
président, et nous l'admettons.
Mais s'il n'y avait pas d'incidence nulle part, qu'est-ce que cela nous
aurait donné de proposer ces amendements? Bien sûr, des
amendements qui ne changent rien dans une loi, on n'appelle pas cela des
amendements et on n'a pas d'affaire à les apporter. Mais on voulait
transformer, améliorer la loi et la rendre plus acceptable. Le ministre
aurait dû accepter d'emblée ces amendements puisque nous venions
de lui donner une planche de salut. Ce pauvre ministre on peut dire
"pauvre ministre" quand on voit sa loi enlever autant de revenus aux citoyens
cela aurait été une planche de salut pour le ministre du
Revenu.
Considérant que quelques amendements ont été
reçus et que quelques amendements seulement sont discutables, je lui
demande quand même de prendre en considération au moins ceux qui
sont recevables et de les inclure dans sa loi.
Par ces quelques considérations, nous demandons au ministre,
étant donné que des amendements ont été
jugés non recevables, de les apporter. Nous allons le surveiller de
très près et au moment où le ministre soumettra une loi,
qui sera complémentaire à celle-ci, nous accepterons
d'emblée ces amendements, notamment sur les points que le
député de Frontenac avait proposés.
M. LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu. M. Gérald
Harvey
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, je n'ai pas
l'intention de commenter trop longuement les amendements suggérés
puisque la majorité des amendements ont été jugés
par la présidence comme étant irrecevables, et pour cause.
Le premier amendement suggéré à l'article 525 du
bill 38, en effet, n'apporte aucune modification de principe à la loi
précédente à ce chapitre. Cette absence d'exemption est
suppléée par les paiements d'allocations familiales provinciales.
L'amendement proposé n'est pas réaliste parce qu'il
coûterait à la province plusieurs dizaines de millions de dollars,
soit $50 millions.
Lorsqu'on voit l'article 291, on s'aperçoit que cet amendement a
été déclaré irrecevable mais il y a eu un
malentendu en le rédigeant. L'amendement proposé n'est pas
à point parce que l'expression employée, à savoir les mots
"après ladite loi" n'existent pas dans l'article visé. Il aurait,
de plus, pour effet d'inclure dans le revenu les paiements de pension qui
seraient basés sur un examen de ressources et de besoins.
Peut-être que cet amendement est suggéré parce que le
Ralliement créditiste du Québec voit dans les articles 291 et 387
une répétition des mêmes dispositions. Ce n'est pas le cas.
Dans l'article 291, on exclut de l'assiette les paiements visés qui sont
versés sous forme de pensions, tandis que l'article 387 exclut des
montants de même nature qui sont versés autrement que sous forme
de pensions.
M. GUAY: Qu'est-ce que ça change?
M. HARVEY (Jonquière): C'est toute la différence.
M. GUAY: Cela ne change rien.
UNE VOIX: On ne discute pas avec des enfants.
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, à l'article
387, les allocations familiales, fédérales et provinciales, ne
sont, dans la nouvelle loi, ni incluses dans le revenu, ni exclues
spécifiquement du revenu. Donc, l'amendement en vue de modifier le
paragraphe d) devient inutile. Je ne suis pas capable d'accepter un amendement
qui aurait un effet sur une ou des lois qui pourraient être
présentées par mes collègues ayant la
responsabilité de leurs ministères, ces allocations étant
sous leurs juridictions et les empêcherait de légiférer en
les mettant dans un carcan. Alors, cet amendement ne peut pas être
accepté.
Quant à l'article 54, la déduction pour outillage est
déjà prévue à l'article 72 du bill. D'autre part,
les frais de déplacement sont accordés à ceux qui
travaillent dans la négociation de contrats, à l'article 56, et
aussi à ceux qui sont obligés d'accomplir leurs fonctions
ailleurs qu'à la place d'affaires de leur employeur ou à
différents endroits, et aussi à ceux qui sont obligés de
voyager dans l'exercice de leurs fonctions, s'ils sont ordinairement tenus de
les exercer ailleurs qu'au lieu d'affaire de leur employeur ou à
différents endroits et s'ils sont tenus d'en acquitter les frais.
On voit cela à l'article 57.
Donc, l'amendement, tel que proposé, ferait double emploi avec
les dispositions de la loi mentionnée.
M. ROY (Beauce): Le ministre me permettrait-il une question?
M. HARVEY (Jonquière): Je répondrai immédiatement
après. Je vais finir mes commentaires. Il ne m'en reste que trois
à faire.
A l'article 35, M. le Président, les amendements proposés
par le Ralliement créditiste
concernant les dépenses d'automobile ouvrent la poste à
des échappatoires dont il est impossible d'évaluer la
portée, au point de vue des pertes de revenus pour la province, sans
mentionner les difficultés administratives et de contrôle que
comporterait un tel amendement.
A l'article 542, M. le Président, le but de l'amendement, si nous
l'avons bien compris, est atteint par les dispositions de l'article 54, qui
prévoit une déduction de 3 p.c. du revenu net d'un contribuable,
jusqu'à concurrence de $150, pour tenir lieu, entre autres choses, de ce
genre de frais. Toutefois, cette déduction pouvait aller à $150
n'est permise qu'à ceux qui occupent des charges et des emplois.
Je lis l'amendement à l'article 323, que vous avez jugé
également recevable, M. le Président: "Un médecin
qualifié certifie que l'épouse du particulier était,
durant une période d'au moins deux semaines dans l'année, dans
l'incapacité de prendre soin de ses enfants". M. le Président,
d'après le bill 38, l'épouse doit être dans l'obligation de
garder le lit, de se déplacer en chaise roulante ou encore d'être
hospitalisée ou internée dans un hôpital ou dans un asile
pendant une période de deux semaines. Dans ce cas, l'exemption est
donnée au mari.
Cet amendement n'ajouterait pas grand-chose au projet de loi, mais il
aurait le don de créer une échappatoire trop facile et
très difficile à contrôler. Je suis donc dans l'obligation
de rejeter cet amendement déclaré recevable par la
présidence.
Maintenant, M. le Président, je voudrais signaler qu'au cours du
débat un amendement a été porté à
l'attention de la commission, sans être reçu officiellement, avec
demande de l'étudier. Il concerne l'article 6 de la loi 40, Loi du
ministère du Revenu, dans laquelle le ministre du Revenu possède
un pouvoir très discrétionnaire en raison du fonctionnement
délicat du ministère.
Nous avons consenti non à à recevoir l'amendement mais
à expliciter, par l'addition de deux alinéas, cet article 6. Je
fais lecture de cet article: "Les devoirs respectifs des fonctionnaires et
employés du ministère, non expressément définis par
la loi ou par le lieutenant-gouverneur en conseil, sont
déterminés par le ministre. "Nul fonctionnaire ou employé
du ministère ne doit, sans la permission expresse du ministre, effectuer
un travail lucratif ni exercer un autre emploi ou remplir une charge
rémunérée qui ne font pas partie de ses pouvoirs
déterminés en vertu de l'alinéa
précédent."
M. le Président, je consens volontiers à ajouter les deux
alinéas suivants: "La permission visée au deuxième
alinéa peut être donnée s'il est démontré
à la satisfaction du ministre que ce travail, cet emploi ou cette charge
ne sont pas susceptibles d'entrafner un conflit d'intérêts ou
d'être incompatibles avec les devoirs visés au premier
alinéa."
Le dernier alinéa: "La décision du ministre peut
être prise et communiquée par écrit au fonctionnaire ou
à l'employé, dans un délai raisonnable."
Je pense, M. le Président, devoir remercier très
sincèrement les membres de la commission, à la suite de la
présentation de ce rapport. Je demande à la Chambre de se
prononcer sur les amendements que vous avez jugé recevables, afin que
l'on en dispose avant d'accepter le rapport.
M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre m'a dit que je
pourrais lui poser une question immédiatement à la fin de son
discours. L'honorable ministre pourrait-il me dire si les travailleurs
forestiers qu'on a mentionnés tout à l'heure peuvent se
prévaloir de l'article 57, à l'heure actuelle, pour pouvoir
bénéficier d'un montant supérieur aux $150
mentionnés dans un autre article?
M. HARVEY (Jonquière): S'il est un salarié, c'est 3 p.c.
du revenu brut, avec un maximum de $150, dans le cas spécifique que vous
mentionnez.
M. ROY (Beauce): Si le même travailleur forestier travaille
à forfait, y-a-t-il des dispositions prévues? C'est parce que,
dans l'interprétation des lois du revenu, le travailleur forestier qui
travaille à la pièce est considéré comme
salarié.
M. HARVEY (Jonquière): Si le type peut démontrer au
ministère du Revenu qu'il n'est pas un salarié au sens de la loi,
mais qu'il est réellement un entrepreneur, il est bien sûr qu'il
est traité comme un entrepreneur et non comme un salarié,
occupant une charge ou un emploi.
M. ROY (Beauce): Je suis obligé de revenir avec une
troisième question. Je ne sais pas si je me suis mal expliqué ou
si le ministre m'a mal compris. Je parle d'un travailleur forestier qui
travaille à la pièce. Je ne parle pas d'un entrepreneur
forestier, d'un salarié qui travaille à salaire, mais d'un
travailleur forestier qui travaille à la pièce. Est-ce qu'il est
considéré encore, en vertu des règlements que vous avez
l'intention d'adopter, comme un salarié?
M. HARVEY (Jonquière): Un travailleur forestier, qui n'a aucune
responsabilité d'entrepreneur ou risque de perte dans le sens qu'il a
pris un contrat, est un salarié, mais il est
rémunéré le terme en anglais, c'est "piecework"
à forfait pour du travail qu'il fait selon des méthodes
établies. Souvent, le travail forestier, aujourd'hui on voit que
ça s'est modernisé est fait par équipes. C'est pour
ça que des gens qui, autrefois, avaient du travail en forêt
peuvent difficilement aujourd'hui en obtenir parce que, sur une équipe,
ils baissent le salaire des autres. Mais ce sont des salariés avec une
méthode de rémunération basée sur le travail
d'équipe, en raison de la mécanisation constante des
opérations dans le domaine forestier. Ce sont des salariés, ma
réponse est claire.
M. ROY (Beauce): Comme dernière question, sur ce même
point. Cela veut dire, selon les informations que le ministre vient de nous
donner, que ce travail forestier là, nous nous comprenons
très bien est limité à un maximum de $150.
M. HARVEY (Jonquière): Oui, $150, c'est un salarié.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que nous pouvons procéder à la
mise aux voix des amendements? Il n'y a pas d'amendements soumis par le
ministre.
M. HARVEY (Jonquière): C'est-à-dire qu'à l'article
6 on ajoute les deux alinéas que j'ai mentionnés, comme
amendement.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que ça s'est fait en commission?
Après.
M. HARVEY (Jonquière): Non, à la commission, j'ai consenti
à l'étudier et à l'amener en Chambre au moment du rapport,
avant son acceptation.
M. LE PRESIDENT: II y a consentement, j'imagine. Est-ce que vous avez
ces documents?
L'amendement proposé par le ministre est-il adopté?
Adopté.
Relativement aux amendements proposés par l'honorable
député de Frontenac, est-ce qu'on peut procéder avec la
dissidence de vos députés?
M. ROY (Beauce): J'aimerais un vote enregistré, étant
donné que nous sommes cinq, en cette Chambre.
M. BIENVENUE: II n'y aurait pas moyen de le faire? Le résultat,
de toute façon, sera le même.
M. ROY (Beauce): Le résultat sera le même, mais c'est
très important. Nous tenons et c'est notre droit à
avoir un vote enregistré.
M. LE PRESIDENT: Nous procéderons à la mise aux voix
à six heures moins quart.
En troisième lecture, est-ce que vous demanderez le même
vote?
M. ROY (Beauce): Nous allons demander le même vote en
troisième lecture et le même vote sur le rapport. Il y a les
amendements, il y a le rapport, il y a la troisième lecture.
M. BIENVENUE: Article 5, M. le Président. M. ROY (Beauce): La
troisième lecture, M. le Président est reportée à
quand pour le projet de loi? Nous avons quand même une intervention
à faire en troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: Vous pourrez la faire ce soir.
M. PAUL: Hier, on l'a fait, excepté que le vote a
été retardé jusqu'après le vote des
amendements.
M. LE PRESIDENT: On peut la faire immédiatement.
Débat de troisième lecture
M. LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu propose la troisième
lecture des projets de loi nos 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45. Le
député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, le député
de Maskinongé manifeste la même vigueur qu'au début de mars
quand nous avons ouvert cette session. Ce n'est pas un signe que c'est à
la veille de finir.
M. le Président, je voudrais brièvement, en
troisième lecture, faire quelques commentaires sur les huit projets de
loi importants que nous avons discutés à la commission
parlementaire durant quelques jours, et plus précisément durant
au-delà de 23 heures. Je pense que c'est durant la présente
session, la commission parlementaire qui a siégé le plus
longuement sur une étude de projet de loi particulier, sauf
peut-être la commission des affaires sociales sur l'étude des
crédits et peut-être aussi la commission de
l'éducation.
A tout événement, même si nous n'avons passé
que 23 heures à étudier ces importants projets de loi article par
article, au total 1,378 articles, je pense que la commission a tout de
même saisi l'importance de ce travail et qu'elle a adopté une
procédure de travail qui lui a permis de s'arrêter à
l'essentiel, parce qu'il était physiquement et mécaniquement
impossible, étant donné la complexité de ces projets de
loi, de s'arrêter longuement à chacun des articles de
portée technique qui, en définitive frappent pour la plupart une
catégorie très spéciale et très limitée de
contribuables.
Quand il s'agissait d'articles techniques qui ne s'appliquaient
qu'à des corporations, dans des cas très rares et très
précis, ou dans le domaine aussi des particuliers, mais dans des cas que
l'on retrouve assez rarement, la commission, évidemment, s'est
fiée davantage au travail des spécialistes en fiscalité,
qu'ils soient de discipline légale ou de discipline comptable qui, on
l'a dit, M. le Président, et je le répète, ont
travaillé pendant neuf mois, au nombre d'environ 80, à
élaborer, à préparer cette réforme fiscale,
à préparer chacun des articles. Compte
tenu de ces limitations, j'avais dit en deuxième lecture, au
moment où nous avons traité des projets 39 à 45 alors que
nous avions déjà commencé en commission parlementaire
l'étude du projet de loi 38, que nous avions adopté cette
procédure de travail qui nous paraissait justifiée dans les
circonstances.
Donc, M. le Président, nous nous sommes attelés à
l'étude de cette réforme fiscale dans les circonstances que je
viens de décrire. La préparation de la réforme fiscale du
gouvernement a été marquée au coin des
caractéristiques suivantes: 1) Le gouvernement nous a informé
qu'il était urgent de procéder rapidement à cette
réforme.
C'est un des critères qui a présidé à nos
travaux vers la fin de cette première partie de la session 1972. Il nous
a fallu procéder le plus rapidement possible, compte tenu des
circonstances. Ce fut le premier critère.
Deuxièmement, nous étions forcément aussi... C'est
le gouvernement qui nous a fait ces représentations et nous avons cru
que c'était un argument qui, à certains points de vue,
était valable, à savoir qu'ailleurs, dans d'autres provinces, on
a également tenu compte de la réforme fiscale du
fédéral et que sur certains points particuliers je prends
l'impôt sur les successions et l'impôt sur les dons, l'impôt
sur les gains de capital, par exemple il fallait nous en tenir à
certaines décisions prises au niveau fédéral. Il fallait
également tenir compte des lois qui sont ou qui seront probablement
adoptées dans d'autres provinces de façon qu'il y ait
coordination de la fiscalité. C'est un des critères dont il nous
fallait tenir compte, même si sur certains articles on aurait
peut-être pu prendre le risque de s'en écarter davantage.
C'était le deuxième critère dont il nous a fallu tenir
compte.
Troisièmement, nous avons discuté de cette réforme
fiscale avant que les provinces et le fédéral ne s'entendent sur
un nouveau partage fiscal. Cela aussi, dans l'esprit du ministre des Finances
et dans l'esprit du ministre du Revenu, impose des contraintes au débat
en matière fiscale. J'ai été témoin, à la
commission, des propositions et des suggestions qui ont été
faites, propositions qui auraient pour effet de diminuer les revenus, les
entrées de fonds du gouvernement ou, d'autre part, d'accroître les
dépenses gouvernementales, choses que l'on ne peut pas faire à
cause de nos règlements actuels. C'est bien facile à comprendre.
Supposons, pour un instant, que le gouvernement ne dispose pas d'une
majorité en cette Chambre et que les trois partis d'Opposition
veuillent, dans une réforme comme celle-là, proposer des mesures
qui entraînent des dépenses de $100, $150 ou $200 millions. A ce
moment-là, le gouvernement étant battu dans les articles de cette
loi qui entraîne une dépense considérable de fonds n'aurait
d'autre solution que de taxer pour absorber les dépenses
créées par cette loi ou de démissionner. C'est la
philosophie des règle- ments qui veut que le gouvernement ait le
contrôle sur les budgets, sur la dépense qu'il propose à la
Chambre. Reste à l'Opposition à critiquer la façon dont il
veut répartir cette dépense, quelle proportion, quelle importance
relative il veut donner à un secteur par rapport à tel autre.
Nous sommes forcément dans une réforme limitée par ce
troisième critère.
Quatrièmement, il y aurait l'importance c'est le ministre
du Revenu qui nous en a fait la démonstration par différents
articles en particuliers pour le gouvernement de simplifier autant que
possible la loi déjà fort complexe par elle-même, la
simplifier dans le sens de l'aligner sur la loi fédérale.
Pourquoi? Parce que le contribuable se serait vu, en pratique, pris avec deux
lois différentes si le gouvernement avait procédé par
cette sorte de loi qui se serait éloignée passablement de la loi
fédérale. Le contribuable et les entreprises se seraient vus aux
prises, en fin d'année, avec deux régimes fiscaux: un pour le
gouvernement central et un pour le gouvernement du Québec. Imaginez. M.
le Président, que cette complexité, cette différence se
serait ajoutée aux difficultés de se soumettre aux exigences des
ministères du Revenu à Ottawa et à Québec.
Compte tenu de ces quatre contraintes avec lesquelles nous avons
forcément dû vivre et que nous avons forcément gardé
à l'esprit dans l'étude de ces huit projets de loi, aurions-nous
pu davantage faire preuve d'originalité et d'initiative?
Je l'ai mentionné en deuxième lecture. Il me paraissait
évident que le fait de rapatrier une réforme fiscale du
gouvernement central, alors que l'autre niveau de gouvernement a
consacré plusieurs semaines et même plusieurs mois à
préparer cette législation, dans l'état où nous le
faisons actuellement, même si nous ne nous référons
expressément dans les lois, nulle part, à d'autres articles de la
loi fédérale on a une législation qu'on peut
qualifier de québécoise, je crois bien qu'on peut dire dans
l'ensemble et le ministre le sait, parce qu'il nous a préparé une
table de concordance, qui nous a aidé dans nos travaux, entre la loi
fédérale et la loi provinciale c'est dans l'ensemble, un
rapatriement de la législation fédérale. Je pense donc
qu'à ce point de vue, nous n'avons pas fait preuve d'initiative ni
d'originalité. Etait-ce possible? C'est une autre question. Mais
probablement que, sur certains points en particulier, je l'ai mentionné,
en deuxième lecture, dans la réponse au discours du budget et
également en commission parlementaire, en ce qui concerne l'impôt
sur les successions, sur les dons et sur les gains de capitaux, nous aurions pu
faire preuve d'initiative. J'ai dit de quelle façon, c'eût
été possible, même si le ministre nous a dit qu'il
était limité forcément par sa non-connaissance, par son
ignorance de l'importance des montants de ressources que ces impôts vont
apporter dans le trésor provincial en 1972 et dans les années
suivantes.
On a estimé les revenus de l'impôt du gain de capital
à $5 millions en 1972. Ce sont des estimations que nous a données
le ministre des Finances. Que valent-elles? Nous ne le savons pas à ce
moment-ci. Probablement que ce sera supérieur à $5 millions,
quand, l'an prochain, le ministre nous soumettra son nouveau discours du
budget.
L'impôt sur les successions a été
évalué à $60 millions, donc une somme supérieure
à celle de l'année 71/72. Quant à l'impôt sur les
dons, je ne me souviens pas des montants avancés dans ce domaine,
peut-être d'autres députés s'en souviennent-ils. A tout
événement, il était difficile pour le ministre du Revenu,
se basant sur les renseignements qu'il avait reçus du ministre des
Finances, de nous donner des montants exacts sur les rentrées de fonds.
Tout ce que nous savons cependant, c'est que le ministre des Finances a
absolument besoin et il nous en a fait la démonstration de
la même masse d'argent, du même montant total de ressources
fiscales en fin d'exercice que ce qu'il avait l'an dernier.
Alors, ne connaissant pas, comme il dit, le rendement exact de
l'impôt de capital, il a gardé l'impôt sur les successions;
il y en a même une partie qui est gardée sur une base temporaire
et qui va diminuer. C'est aussi pourquoi le ministre a imposé les dons
entre vifs, secteur de taxation qu'a abandonné le gouvernement
central.
Qu'est-ce que le ministre du Revenu aurait pu imaginer pour faire preuve
d'originalité dans ces trois secteurs: l'impôt sur les
successions, l'impôt sur les dons, l'impôt sur les gains de
capital? Une remarque en passant: nous avons mentionné au ministre que
ces trois impôts, en certaines circonstances, pourraient entraîner
une double, une triple et même une quadruple taxation.
Tout dépendra de la rapidité et de la fréquence
avec laquelle les biens seront transmis de main à main, du père
à son fils, du fils à d'autres membres de la famille. Pour
l'impôt sur les dons et l'impôt sur les successions, ce sera la
même chose. Etant donné qu'il y a déjà un
impôt sur le gain de capital au moment du décès, à
partir de 1972, il y aura aussi un impôt sur les gains de capital au
moment de la donation. Il pourra y avoir nous avons donné des
exemples au ministre double, triple et même quadruple
taxation.
Je reviens à la remarque initiale que je faisais pour dire que
probablement on aurait pu faire preuve d'originalité en associant ces
trois taxes à un dégrèvement, pourvu que l'individu, le
père de famille ou le chef d'entreprise veuille bien réinvestir
et, par là, favoriser l'expansion de son entreprise. Il me semble qu'il
y aurait eu là un secteur à explorer davantage pour ne pas
laisser seulement au ministre de l'Industrie et du Commerce toute la
responsabilité dans ce secteur de la promotion des entreprises. On peut
y arriver aussi par la fiscalité. Le ministre du Revenu nous en a
donné la preuve en une autre circonstance, quand, dans le projet de loi
no 44, on a modifié la Loi de l'impôt sur la vente en
détail pour exempter de la taxe de vente de 8 p.c. la machinerie qui va
servir à la fabrication dans le domaine industriel.
Le ministre du Revenu nous a donc donné la preuve qu'il
était capable de le faire au moyen de la fiscalité, comme il l'a
fait pour le bill no 21, l'an dernier, quand il a accordé une
dépréciation accélérée. Le ministre du
Revenu aurait pu nous donner davantage la preuve qu'il ne laisse pas toute la
responsabilité de la promotion industrielle au ministre de l'Industrie
et du Commerce. Par l'impôt sur les gains de capital, l'impôt sur
les dons, sur les successions, il aurait pu faire preuve de plus d'initiative.
En examinant le rendement de ces impôts, sans nous mettre en position
d'infériorité par rapport aux autres provinces, par rapport
à l'Ontario, par rapport surtout aux provinces limitrophes et aux
états américains, il y aurait peut-être lieu, durant la
présente année, d'examiner très attentivement le rendement
de ces taxes afin de voir de quelle façon on pourrait s'en servir pour
donner suite aux initiatives dont je viens de parler.
Quant à l'aspect technique des lois, j'y ai fait allusion au
début de mon intervention. Je voudrais dire également que le fait
que ces lois aient été préparées, à la fois,
par des experts qui sont des juristes et, d'autre part, par des praticiens,
ajoute à la sécurité ou au degré de
fiabilité avec lequel nous avons reçu le travail qu'ils nous ont
présenté à la commission parlementaire.
De toute façon, il s'agit là le ministre, je pense
bien, l'admettra d'un point de départ. Il fallait bien que, dans
cette réforme fiscale, nous commencions, que le ministre et le
gouvernement prennent certaines décisions. Je partage l'opinion de mes
collègues du Ralliement crédi-tiste et l'opinion des
représentants du Parti québécois, à l'effet qu'il
aurait été souhaitable que la répartition du fardeau
fiscal se fasse peut-être différemment, que l'on soulage davantage
certaines classes de gens, les plus faibles, les plus
défavorisés, ceux qui, dans l'échelle des revenus, se
classent dans les plus basses catégories. On n'a qu'à se
référer aux dernières statistiques fiscales du
gouvernement fédéral pour voir que, dans les différentes
catégories, ceux qui portent le plus gros du fardeau fiscal se situent
dans le milieu de l'échelle et sont ceux qu'on appelle
communément la classe moyenne.
Il ne s'agit pas de considérer, dans ce domaine, que c'est un
point d'arrivée, mais il s'agit bien d'un point de départ. Il
faudra, durant la première année de l'application de la
réforme fiscale, voir de quelle façon, en pratique, cette
réforme va jouer, de quelle façon elle va frapper les
différentes catégories de contribuables. Il ne faudrait pas
le ministre l'a laissé entendre dès l'automne ou
aussi souvent que
cela sera nécessaire, hésiter à proposer à
cette Chambre des modifications dans le sens de celles que l'on a
suggérées à la commission parlementaire, même si
financièrement, actuellement, il est impossible au gouvernement de les
accepter. Quand il est proposé une mesure comme celle de rétablir
les exemptions de base de $300 pour les enfants, nous acceptons volontiers,
pour notre part, que ce ne doit pas être discuté simplement dans
le contexte des exemptions fiscales de $300 pour les enfants. La
fiscalité, c'est tout un ensemble. Si on change une mesure, il faut se
rendre compte également de l'influence ou des répercussions que
cela comporte sur d'autres mesures d'ordre fiscal.
Alors, il faut associer le député de Beauce y a
fait allusion les éléments de la réforme fiscale,
en ce qui concerne les exemptions de base, aux allocations familiales. Il a
fait le joint. C'est pour cela qu'en 1967, quand il s'est agi de toucher
à ces exemptions, nous avons, par contre, compensé par un
régime d'allocations familiales. Si, d'une part, il a retiré $43
millions à certaines classes de gens, d'autre part il a
redistribué $82 millions à la masse des gens qui avaient des
charges de familles. Alors, cela a été associé davantage
à une politique familiale qu'à une politique fiscale.
Je souhaite que, tenant compte de toutes les observations et de toutes
les suggestions qui ont été faites, le ministre voie à
cette réforme fiscale dans son ensemble, qu'il ne l'examine pas en vase
clos. En collaboration avec son collègue des Affaires sociales, qu'il
voie à ce que la politique fiscale poursuive les mêmes buts que la
politique familiale.
Je ne crois pas, pour ma part, que l'on doive attribuer au seul ministre
du Revenu l'intransigeance de la réforme fiscale. Il est solidaire d'un
gouvernement. Le ministre des Finances est probablement, dans le cabinet, celui
qui, par son rôle, doit être le plus intransigeant une fois qu'il a
déposé son budget. Il craint les budgets supplémentaires
et il les redoute, nous savons pourquoi. Alors, s'il avait fallu que le
ministre des Finances se voie pris avec un budget supplémentaire de $50
millions à $100 millions, à cause de la réforme fiscale,
je pense bien qu'il y aurait certainement eu des problèmes. Il y en
aurait peut-être eu aussi pour le ministre du Travail, qui a besoin d'une
partie du budget gouvernemental pour régler les problèmes qu'il
est à discuter dans le moment.
Alors, c'est un partage entre les différents ministres, entre les
différents ministères et entre les différentes
priorités. Est-ce qu'il y a assez d'argent, par la réforme
fiscale, actuellement, de réparti entre les différentes classes?
Est-ce que le fardeau fiscal est réparti avec justice et
équité? Jamais, je pense, nous n'aurons la réponse exacte.
Je pense qu'il est impossible d'atteindre, dans ce domaine, la parfaite
justice, la parfaite équité. Mais il faut y tendre davantage.
J'espère qu'à la suite de l'adoption de ces lois c'est la
tâche prioritaire à laquelle s'attaquera le ministre du
Revenu.
M. GIASSON (président): Le député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, au cours de ce court
débat de troisième lecture, je voudrais dire à l'honorable
ministre du Revenu que je comprends très bien le rôle ingrat qu'on
lui a confié. Je voudrais l'assurer que mes remarques ne seront pas des
remarques que je lui adresse personnellement. Je vais adresser ces remarques au
membre du cabinet et responsable d'un important ministère qui a un
rôle à jouer. Mes remarques viseront surtout l'ensemble du
gouvernement, le gouvernement qui dirige la province de Québec à
l'heure actuelle.
M. le Président, j'écoutais le député de
Montmagny, au début de son allocution, qui a commencé par ces
mots: "La commission a été saisie de 1,378 articles." Je n'ai pu
m'empêcher de sourire un peu, parce qu'il est vrai que la commission a
été saisie de 1,378 articles. Mon sourire a été de
courte durée, parce que je me suis bien rendu compte que c'était
maintenant au tour de la population à être saisie de ces 1,378
articles.
M. le Président, les lois fiscales que nous venons
d'étudier les lois nos 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45
constituent en quelque sorte les huit lois principales qu'on a
mentionnées à grand coup de publicité comme étant
la réforme fiscale, au Québec. Après l'adoption des lois
fiscales, de grandes discussions ont eu lieu aux deux niveaux de gouvernement,
c'est-à-dire entre le gouvernement fédéral et le
gouvernement provincial.
En examinant ces lois, en les étudiant, je suis allé
à la commission à quelques reprises, j'en ai profité,
durant plusieurs heures, en dehors de la commission, pour les étudier
attentivement. Je me suis rendu compte, au fur et à mesure de nos
observations, que les lois fiscales que nous allons adopter sont tout
simplement des lois de concordance des lois fédérales. Je trouve
qu'il est tout simplement tragique de constater que le Québec...
M. HARVEY (Jonquière): Impôt sur les dons, gains de
capital, Loi des carburants. Allô, concordance !
M. ROY (Beauce): ... vient encore une fois de manquer le bateau. Le
Québec aurait pu, étant donné tous, les mécanismes
qu'il a je pense que c'est la seule province qui a une
législation fiscale complète se donner les moyens pour
faire la promotion du développement industriel du Québec.
Le ministre vient de mentionner les gains de capitaux, les droits sur
les successions et ainsi de suite. On en connaît les
conséquences
d'avance. Certes, l'Etat a besoin de capitaux pour s'administrer, mais
le Québec a besoin particulièrement d'une législation
fiscale bien à lui, une législation fiscale qui réponde
à nos besoins, une législation fiscale qui tienne compte de la
réalité du Québec, une législation qui tienne
compte du potentiel que nous avons, au Québec.
Je regrette mais on a tout simplement copié ce qui s'est fait
ailleurs, en s'empressant de taxer ce que les autres avaient
décidé d'abandonner, parce que justement, on prétendait
qu'il était dans l'intérêt de l'économie canadienne,
dans son ensemble, de voir à abandonner certaines dispositions,
certaines pratiques en matière fiscale.
M. le Président, je ne peux m'empêcher de me poser
plusieurs questions. De qui ces lois fiscales feront-elles l'affaire?
Feront-elles l'affaire du contribuable? Je sais qu'il n'est jamais
agréable pour le contribuable de se faire taxer, de payer des
impôts. Feront-elles l'affaire de nos industriels? Feront-elles la
promotion économique du Québec? Favoriseront-elles la
transformation de nos richesses naturelles, chez nous? Malheureusement, nous
devons conclure que non.
Elles feront quand même l'affaire de quelqu'un. S'il y a des
perdants, il doit quand même y avoir des bénéficiaires
quelque part. Il est impossible qu'il y ait des perdants partout. Lorsqu'il y a
un perdant quelque part, c'est qu'il y a un bénéficiaire
ailleurs. Ces fameux bénéficiaires, on n'en a pas parlé
tellement. Je vais me permettre de dire que cela fait l'affaire de la finance
et que cela fait l'affaire du système, que nous dénonçons.
Cela fait l'affaire des collecteurs d'intérêts sur les dettes
publiques fictives je tiens bien à ajouter le mot
fictives.
Lorsqu'on examine ces choses de plus près, on peut se rendre
compte de l'immense ballon, de l'immense "scheme", si on peut dire, d'un
"bluff" épouvantable qui égorge les contribuables, qui
égorge les travailleurs, qui égorge à peu près tout
le monde. Si on prend dans les poches, dans les revenus de quelques-uns, cela
bénéficie à quelqu'un d'autre.
Certes, M. le Président, nous admettons qu'il y a quand
même certaines lois qui permettent d'assurer des services sociaux, des
services communautaires, qui permettent une répartition. Mais il y a
beaucoup plus que cela. Lorsque l'on songe qu'au Québec, un petit peuple
de 6 1/4 millions, en est rendu à payer $2 1 /4 millions par jour
d'intérêt, uniquement sur les dettes publiques, je ne parle pas
des dettes privées, je dis que ce système fiscal, qu'on est en
train d'approuver, au Québec, fait l'affaire de quelques-uns. Cela fait
l'affaire de la finance et du système.
Cela fait aussi l'affaire d'autres personnes, qui trouveront
certainement beaucoup d'arguments pour justifier l'option de séparer le
Québec du Canada, d'isoler le Québec, de créer un mur
autour du Québec, pour nous enliser dans le séparatisme et pour
justement crier contre le profit que font certaines entreprises.
Ils justifient ainsi les étatisations, les nationalisations,
autrement dit la dépossession de nos entreprises. Cela va faire
l'affaire des socialistes, des séparatistes que nous avons.
Je dis que ça fait l'affaire de la finance d'abord. Je vais me
permettre encore de citer des chiffres; ce n'est pas la dernière fois
que je vais en citer. Je veux quand même attirer l'attention du
gouvernement et non seulement celle du ministre du Revenu et lui
dire que lorsque le gouvernement veut, par la fiscalité, et uniquement
par la fiscalité, et en négociant avec le gouvernement
fédéral, aller récupérer quelques points
d'impôt. Le premier ministre qui est fort dans un nouveau vocabulaire
nous a servi des mots nouveaux cette semaine, des mots que nous n'avions jamais
entendu au Québec, des points d'impôt
"péré-quatés". Nous n'avions jamais entendu parler de
ça.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une
question? Je l'écoute avec beaucoup d'attention. Il y a deux choses que
j'aimerais savoir. Est-ce que le député admet qu'il y a des
provinces canadiennes qui ont un gouvernement du Crédit social et que
dans ces provinces la dette par habitant est plus élevée qu'au
Québec?
Une fois qu'il m'aura répondu, est-ce qu'il pourrait nous dire
en plus de nous dire qu'il est contre le socialisme, contre le
séparatisme et contre d'autres choses ce qu'il recommande? Que
nous coupions le budget par deux? C'est ça que nous aimerions savoir. Je
vais vous écouter attentivement pendant cinq minutes.
M. ROY (Beauce): Le ministre de l'Industrie et du Commerce vient de
m'ouvrir une très belle porte. Je m'attendais que cette porte me soit
ouverte aujourd'hui par l'honorable ministre des Finances, mais vu son absence,
je constate que l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce a ouvert la
porte lui-même.
M. VEILLEUX: II fait un bon travail.
M. ROY (Beauce): Pour son information, et pour ne pas citer des chiffres
en l'air, j'ai ici ce qu'on appelle le budget de la Colombie-Britannique,
administré par un gouvernement créditis-te depuis 1952. Et il n'y
a plus de dette publique depuis 1960 au niveau gouvernemental provincial. Et
c'est dans le bilan authentique de la Colombie-Britannique.
Et je vais aller plus loin, le ministre vient de m'ouvrir une porte.
J'ai des petites nouvelles pour vous.
M. SAINT-PIERRE: II y en a qui content des mensonges.
M. ROY (Beauce): C'est qu'au temps de l'administration des trois L
nous avons eu les trois D dernièrement, mais il y a
déjà eu les trois L: Lesage, Lévesque, Lajoie on se
rappellera que le gouvernement de la Colombie-Britannique lui-même avait
prêté quelque $100 millions au gouvernement de la province de
Québec. Je ne sache pas que le Québec ait prêté de
l'argent aux autres provinces, parce que le gouvernement est trop
endetté, il ne fournit même plus d'emprunter.
Et en deuxième lieu, dans le rapport de l'Office des autoroutes
du Québec on ne le dit pas, on est muet parce que c'est
gênant, ça pourrait nous donner raison on dit dans la table
C de la page 38 du budget de la Colombie-Britannique et remarquez bien
que je suis convaincu que j'apporte des nouvelles que l'honorable ministre de
l'Industrie et du Commerce ne savait pas que ce gouvernement a fait un
prêt à l'autoroute Montréal-Laurenti-des, de $5,030,000
à 5 p.c. d'intérêt. Et si l'honorable ministre de
l'Industrie et du Commerce et le gouvernement en veulent d'autres, nous
pourrions y aller encore.
J'admets que les provinces créditistes de la Colombie-Britannique
et de 1'Alberta n'ont pas pu faire la réforme financière, mais
elles ont quand même adopté des principes d'économie
moderne, d'administration et de gestion moderne qui ont contribué
à faire la prospérité de ces provinces, puisqu'elles
paient de la péréquation et nous, nous en retirons, alors que
nous sommes plus riches qu'elles. Que le ministre me prouve le contraire !
M. SAINT-PIERRE: Je n'ai jamais entendu autant de sophismes dans 30
secondes. Est-ce que le député me permet une question?
M. ROY (Beauce): Je vais permettre une question, à condition
qu'on ne me limite pas dans mon droit de parole. L'honorable
député de Maskinongé me dit qu'il s'y oppose.
M. SAINT-PIERRE: Cela va prendre 30 secondes. Est-ce que vous êtes
sérieux en disant que les dettes publiques de la Colombie-Britannique
sont à zéro? Les dettes publiques, c'est l'ensemble des dettes
des commissions scolaires, des municipalités. Voilà les dettes
publiques. Je vais vous donner les chiffres. Si vous me dites que c'est
zéro, je vais vous dire une chose: c'est qu'il y en a qui content des
mensonges en paroles, et d'autres les écrivent.
M. ROY (Beauce): J'ai parlé de la dette du gouvernement de la
Colombie-Britannique. Si le ministre veut entreprendre un débat sur la
question des dettes municipales et scolaires de la Colombie-Britannique, je
vais me documenter et ça me fera plaisir de lui donner les informations
qu'il désire obtenir.
Je voulais dire, tout simplement, que tant et aussi longtemps que nos
gouvernements, qui se disent modernes, ne pourront admettre la
réalité moderne dans laquelle nous nous trouvons et qu'ils vont
continuer à aller puiser uniquement dans la fiscalité pour
pouvoir administrer le budget de la province et faire les investissements
nécessaires au développement de l'économie, nous n'irons
nulle part, nous courrons vers le désastre, vers la catastrophe.
Je demande au ministre de l'Industrie et du Commerce de bien
écouter. Je pense que je vais répondre à ses questions au
fur et à mesure de mon intervention. Après mon intervention, je
pourrai lui permettre d'intervenir s'il le désire et si les autres
membres de la Chambre sont d'accord.
M. LACROIX: Avant d'être député, vous vendiez des
obligations à gros intérêts pour la Caisse
d'économie du district de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, il faudrait que je donne un
cours au député des Iles-de-la-Madeleine et mon temps de parole
ne me le permet pas. Je veux tout simplement qu'on remarque ceci, plutôt
que de réfuter nos arguments. Le gouvernement du Québec n'y
échappera pas. Il ne pourra pas passer à côté. Plus
il va retarder, plus nous allons nous enliser sur le plan économique,
plus nous allons nous retrouver dépossédés de ce que nous
avons, dépossédés de nos commerces,
dépossédés de nos ressources,
dépossédés de nos industries. A l'heure actuelle, on a
commencé à déposséder les travailleurs du
Québec de leur salaire, puisqu'il y en a qui sont rendus à avoir
35 p.c. et même 40 p.c. de déductions à la source.
Sur ce sujet précis, nous demandons au gouvernement d'examiner la
possibilité d'utiliser le crédit de la province pour trouver les
capitaux dont il a besoin pour faire les investissements nécessaires. A
ce moment-là, la fiscalité servira à administrer le budget
des dépenses courantes, plus les dépréciations des
immobilisations, comme toute entreprise moderne, comme toute entreprise
progressive peut le faire.
Le premier ministre se prépare à aller à la
conférence d'Halifax, selon les réponses qu'il a données
à nos questions cette semaine. Cette conférence fait suite aux
fameuses conférences qu'il y a eues à Winnipeg, et à
Victoria. Le gouvernement, sur ce point, s'en va encore pleurnicher sur nos
malheurs auprès des autres provinces, auprès de la
fédération canadienne, pour être capable d'avoir la
charité, selon la formule qu'utilisaient les mendiants: S'il vous
plaît, pour l'amour du bon Dieu, voulez-vous me donner la
charité?
Les ententes de 1942, ça fait deux ou trois fois que nous en
parlons en Chambre, M. le Président, et il n'y a pas moyen de rien
savoir. Est-ce qu'elles existent encore, les ententes de 1942? Après ce
que nous avons dit, l'autre jour, en cette Chambre, seulement le Parti
québécois a parlé des ententes de 1942.
Cela n'a pas eu l'air de tellement faire
l'affaire, mais, quand même, j'interviens là-dessus.
M. LACROIX: C'était parce que c'étaient les enfants du bon
Dieu, puis ils ne veulent pas en entendre parler, eux.
M. ROY (Beauce): Si le gouvernement ne s'est pas prévalu des
dispositions qu'il y a dans les ententes de 1942, je me demande, à ce
moment-là, pourquoi on va pleurnicher aux conférences
fédérales-provinciales, alors que la clause est très
précise: La province de Québec peut mettre fin à cette
entente en envoyant un avis de trente jours avant le 31 mars de chaque
année. Nous avons tout en main pour être capables de
légiférer. Je me demande encore pourquoi nous continuons à
aller brailler, à aller pleurnicher, autrement dit, puis à aller
quémander la charité, alors que, dans la province de
Québec, nous avons tout pour faire ce que nous voulons.
Nous avons un gouvernement qui devrait être responsable et assez
compétent il aime beaucoup parler de compétence; il
faudrait non seulement en parler, mais l'être effectivement pour
se doter de véritables pouvoirs économiques pour être
capable d'appliquer ses politiques. Un gouvernement qui n'a pas de pouvoirs
économiques est un gouvernement qui fait de la législation
à peu près pour ne rien dire. A ce moment-là, il est
limité, même si on adopte des lois en cette Chambre. Une fois que
les lois sont adoptées, lorsque nous avons des représentations
à faire auprès de tel ou tel ministre pour demander si on
pourrait bénéficier des dispositions législatives et des
lois qui existent, nous avons toujours la même réponse, que ce
soit le ministère que ça voudra: Pas de budget, pas de budget,
pas de budget !
Dans ces lois fiscales, au lieu de doter le Québec d'une
véritable économie en tenant compte du coût réel de
nos frais d'administration, on s'attaque aux victimes du système,
à ceux qui sont les plus pénalisés, les petits
salariés et les familles.
Je remarque la présence du ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives, responsable de la Loi de
la protection du consommateur. Je pense que l'avenir est proche où nous
devrons faire motion en Chambre pour demander au ministre responsable de la Loi
de la protection du consommateur de faire une étude complète sur
l'attitude que le gouvernement du Québec a à l'endroit des
consommateurs du Québec qui se font dépouiller beaucoup trop de
leur salaire par toutes sortes de taxes.
M. le Président, je termine là-dessus.
M. TETLEY: M. le Président, le député me permet-il
une question? Vous voulez qu'on fasse quoi? Ne faites pas une grande
déclaration générale si vous voulez une enquête, je
suis prêt à faire n'importe quelle enquête, mais sur quoi?
Sur toute la consommation au Québec? Les Québécois
consomment pour...
M. ROY (Beauce): Sur la supertaxation au Québec.
M. TETLEY: ... $25 milliards par année. M. ROY (Beauce): M. le
Président...
M. PAUL: M. le Président, je crois que l'honorable
député...
M. TETLEY: C'est notre produit national brut.
M. PAUL: ... de Beauce veut parler de la criminalité fiscale.
M. ROY (Beauce): L'honorable député de Maskinongé a
le mot juste. Nous constatons le fait et c'est un peu ce qui nous
déçoit. Je comprends que le Québec doit permettre à
de grandes entreprises de s'installer chez nous et favoriser les
investissements massifs de façon à développer nos
ressources, à donner du travail à nos gens de chez nous, à
nos jeunes travailleurs.
Je crois qu'il y a passablement d'exagération dans nos lois
fiscales à l'heure actuelle, surtout en ce qui a trait aux
intérêts déductibles permis lorsque des entreprises
empruntent des deniers pour acheter une autre entreprise ou encore en
contrôler une autre. Il est évident que cette disposition fiscale
a pour but de favoriser les entreprises multinationales et la création
de cartels, de monopoles. Nous savons que, lorsqu'il y a cartel, monopole, on
se retrouve toujours avec l'exploitation du peuple. On voit alors ceux qui
prônent le socialisme crier au meurtre, crier au scandale; ils exigent
l'étatisation. Au lieu de prendre des dispositions pour la protection du
public, on achète ces actifs à de gros prix, on prévoit
même des dédommagements en cas de pertes futures et on garantit
aux entreprises de gros intérêts pour le reste de leurs jours.
Elles ne s'en portent que mieux parce qu'effectivement elles n'ont aucun
risque. Je pense que le gouvernement se devrait d'administrer la province selon
la réalité de 1972. Je constate que nos lois fiscales et
l'attitude que le gouvernement maintient au sujet du développement
économique et de l'administration de la province n'ont pas du tout
changé depuis 1890; ce sont les mêmes principes. A cette
époque, nous n'avions pas la capacité de production, nous
n'avions pas l'automatisation, la cybernétique et toutes les nouvelles
sciences qui ont permis au peuple de produire davantage pour le
mieux-être des Québécois.
Nous ne pouvons pas profiter de ces choses, le crédit
étant l'apanage exclusif des institutions financières que sont
les banques et les institutions privées. Je pourrais encore citer des
chiffres à l'intention du ministre sur ce point.
Le gouvernement continue en maintenant ce qu'on pourrait appeler un
système de pauvreté garanti avec revenu maximum permis qui a pour
but de consacrer de façon définitive la ruine des
Québécois.
J'espère que les paroles très dures que je viens de
prononcer à l'endroit du gouvernement sonneront le réveil et
qu'il examinera attentivement l'à-propos de nos suggestions. Ce que nous
disons, ce n'est pas pour le simple plaisir de critiquer; nous ne le disons pas
non plus pour le simple plaisir de nous faire du capital politique ou autre
chose. Nous le disons parce que nous sommes persuadés, après
avoir fait une étude, après avoir examiné la situation et
après avoir fait de la recherche dans ce domaine, qu'il serait à
l'avantage des Québécois de modifier notre système. Ainsi,
la fiscalité répondrait aux exigences et au coût des
services que le gouvernement se doit d'assumer. Cela se ferait sans
surexploitation ou surtaxation. On assume des services et on fait de
l'investissement en privant les consommateurs québécois et
surtout en payant des intérêts épouvantables aux pays
étrangers. A l'heure actuelle, ceux-ci se servent des jeux de
comptabilité pour créer des dettes, des servitudes au
Québec et de ce fait nous déposséder de nos richesses
naturelles.
Je demande à l'honorable ministre, dans sa république de
troisième lecture, de nous faire connaître un peu les intentions
du gouvernement dans ce domaine.
Nous osons croire que le gouvernement révisera ses positions et
pensera au peuple québécois, aux petits contribuables du
Québec et pensera également qu'il a pour fonction et pour
rôle d'éviter l'éclatement de notre société
qui est de plus en plus en danger.
M. VEILLEUX: Vive la Banque du Canada! M. LE PRESIDENT: Le
député de Gouin. M. Guy Joron
M. JORON: M. le Président, chaque fois que le
député de Beauce parle avant moi, cela m'invite toujours, au
début de mon intervention, à m'écarter de mon propos parce
que je peux difficilement résister à la tentation de commenter
quelques-uns de ses propos. Tout à l'heure, il m'a bien fait rire. Dans
un sens, je le trouve plein de contradiction. Il est pour les petits, il ne
voudrait pas qu'on les impose, mais, en même temps, il est pour les gros
aussi parce qu'il a peur que les socialistes se mettent à courir
après.
D'autre part, il déplore le fait que la réforme fiscale
qu'on fait ici est limitée parce que l'initiative vient du gouvernement
central et qu'il faut ajuster nos lois en concordance avec les autres, mais il
ne veut pas changer non plus ce régime constitutionnel qui enlève
l'initiative au Québec en matière fiscale.
On a l'impression qu'il veut faire plaisir à tout le monde en
même temps. Dans un sens, on peut parfois appeler ça, en
politique, de la démagogie. Parce qu'on ne veut pas perdre de vote, on
essaie de faire plaisir à tout le monde en même temps. Mais je
n'irai pas jusque-là. Je pense qu'il s'agit peut-être d'un autre
cas. C'est peut-être que, finalement, le député de Beauce
est un grand romantique, c'est-à-dire...
M. ROY (Beauce): M. le Président, le député de
Gouin me permettrait-il une question?
M. LEDUC: II vient de vous dire que vous êtes un grand
romantique.
M. ROY (Beauce): Je n'ai pas à discuter, je veux lui demander si
tout à l'heure j'ai parlé de la question constitutionnelle ou si
je me suis limité uniquement à parler de questions fiscales et
économiques. S'il veut mêler les choux avec les carottes, on
pourra peut-être faire un autre débat.
M. JORON: Je disais que je le trouvais romantique parce qu'il me
paraît être de ceux qui croient qu'il n'y a pas
d'intérêts conflictuels dans la société et qu'il est
possible de faire plaisir à tout le monde en même temps. Moi, je
pense que c'est impossible. Il y a des intérêts en contradictions
les uns contre les autres dans la société, et il arrive des
moments où, surtout quand on fait de la politique, il faut faire des
choix, où il faut se brancher, où il faut prendre parti, soit
pour les petits contre les gros, soit pour l'initiative à Québec
par rapport à l'initiative à Ottawa. Et quand on est
réaliste, ces choix il faut les faire un jour et avoir le courage de les
faire. On ne peut pas rester tout le temps à souhaiter que les choses
aillent bien, que tout s'arrange et que les intérêts finissent par
s'harmoniser. Ce n'est pas ainsi que ça se passe. Ce n'est jamais ainsi
que ça s'est passé dans l'histoire de l'humanité, et je ne
vois pas pourquoi ce serait différent au Québec dans les
années difficiles que nous traversons. Ceci posé, je veux vous
parler brièvement des sept ou huit projets de loi que nous avons
étudiés la semaine dernière en commission, soit un total
de 1,500 articles environ.
Bien des gens auront eu l'impression qu'un total aussi impressionnant
d'articles a été étudié quand même assez
rapidement. Certains se scandaliseront peut-être du peu
d'intérêt, il faut le dire, qu'ont manifesté la plupart des
députés et même les membres de la Tribune de la presse, du
peu d'intérêt en général que cela a semblé
susciter dans le public en général.
Il y a une raison à ça. Quand en même temps on
voyait cette masse impressionnante de papier, un total de 1,500 articles,
ça fait des projets de loi assez impressionnants, et quand en plus le
gouvernement le présente sous le couvercle d'une réforme fiscale
en profondeur ce sont les mots mêmes du ministre des Finances dans
son discours du budget je
comprends qu'on s'étonne de voir un projet aussi impressionnant
adopté, à toutes fins utiles, en moins d'une semaine.
C'est pourquoi je pense qu'il serait intéressant de
s'arrêter quelques instants pour se demander au juste de quoi il a
été question dans ces projets de loi, dans ce total d'environ
1,500 articles. Il a été question essentiellement de quatre
choses. La principale, celle qui occupait en volume le plus grand nombre
d'articles, c'est la reformulation de lois qui existaient déjà.
C'est une partie de l'explication.
En d'autres mots, nous n'étions pas appelés à voter
des lois nouvelles, mais des lois qui existaient, séparées dans
plusieurs projets de loi et qu'on fondait dans de nouveaux projets de loi.
C'est un exercice, si vous voulez, de réédition d'un grand nombre
de nos lois fiscales. Il n'est pas surprenant que cela ait passé
rapidement.
En deuxième lieu, il y avait des lois nouvelles qui sont la
transcription, dans nos lois fiscales québécoises, de nouvelles
dispositions qui ont été votées au Parlement
fédéral, à la fin de l'année 1971. Parmi celles-ci,
une surtout a une certaine importance. C'est l'imposition des gains de capital.
C'est ça qui est le coeur, ou si vous voulez, la pièce
maîtresse de la réforme fiscale dont il est question aujourd'hui.
Est-ce qu'on peut qualifier de réforme fiscale en profondeur une
réforme qui, finalement, dans son coeur même, a pour effet
principal d'imposer les gains de capital à 50 p.c? C'est-à-dire
que 50 p.c. seulement des gains de capital sont imposables au taux de
l'impôt sur le revenu, dont on a, en même temps, diminué la
progressivité de l'échelle pour l'arrêter à 61 p.c.
plutôt qu'à 80 p.c. où elle était auparavant.
Quel est le résultat total de cela? Le député de
Montmagny l'a signalé quand il mentionnait que les revenus prévus
pour cette année seront de $5 millions. D'accord, il y a deux
éléments là-dedans. L'estimation est peut-être
faible en raison que depuis que cette estimation a été faite, les
cours en bourse, en particulier, ont subi une augmentation assez substantielle.
D'autre part aussi, il faut considérer que le produit de la taxe sur le
gain de capital ne se réalisera pas la première année. Les
gains seront réalisés dans deux ans, trois ans et seront
échelonnés. Ce n'est qu'au bout d'un certain nombre
d'années qu'on verra le produit exact. Mais on peut quand même
mesurer, si on compare au produit de l'impôt sur le revenu, qui
dépasse le milliard de dollars pour la partie québécoise,
les maigres $5 millions dont il est question, comme ce nouvel impôt a une
importance très relative dans l'ensemble de notre fiscalité. Il
est si peu important qu'on ne peut pas le qualifier de réforme en
profondeur.
D'ailleurs, ce n'est pas une invention bien extraordinaire que cette
imposition au taux que je mentionnais tout à l'heure. C'est une loi qui
existait aux Etats-Unis, à peu près dans les mêmes
pourcentages, depuis déjà, si ma mémoi- re est
fidèle, une vingtaine d'années tout au moins. Les Etats-Unis,
vous le savez, n'ont pas la réputation d'être le pays le plus
socialiste au monde, pourtant cette mesure a existé. La taxation dans
les proportions qui nous concernent, qui nous intéressent, la taxation
des gains de capital existait aux Etats-Unis depuis déjà une
vingtaine d'années. Donc, on n'est pas en train de changer mer et monde
avec cet élément. Qu'y avait-il d'autre?
Pour le reste, je n'hésite pas à qualifier cela de
"bébelles", de petits arguments qui, finalement, sont peut-être
avantageux pour les contribuables, sont peut-être souhaitables.
D'ailleurs, nous étions d'accord sur la majorité de ces nouvelles
dispositions, mais qui ne peuvent pas avoir la prétention de s'appeler
une réforme fiscale. Que l'on permette l'étalement du revenu, que
l'on permette l'admissibilité de certaines déductions qui
n'existaient pas auparavant, comme les $150 ou 3 p.c, que l'on permette la
déduction des frais de garde des enfants aux mères de famille qui
travaillent à l'extérieur du foyer, ce n'est pas ça qu'on
peut appeler une réforme fiscale. Ce sont des accommodements
souhaitables, mais cela ne constitue pas la chair, le coeur de ce qu'aurait
été une réforme fiscale.
Cela a été le genre d'articles que nous avons
adoptés, que nous avons inscrits pour la première fois dans nos
lois fiscales uniquement parce que ces lois avaient été
adoptées à Ottawa. On les a finalement transcrites dans nos lois
à nous. C'était le deuxième bloc ou le deuxième
élément, si vous voulez, en ordre d'importance, de nos travaux
depuis un peu plus d'une semaine.
En troisième lieu, il y a des changements proprement
québécois. C'est vrai qu'il y en a quelques-uns.
Quels sont-ils? Il y a une majoration temporaire des anciens taux
d'impôt sur les droits de succession. Temporairement, puisque le
fédéral vient de se retirer de ce champ, on augmente de 25 p.c.
ce qui était, autrefois, les taux québécois.
C'est-à-dire que ce que le Québec percevra dorénavant
les taux au lieu d'être l'équivalent de 50 p.c. de
l'ancienne taxe globale sur les impôts successoraux, sera
équivalent à 62.5 p.c. Cela se fait conséquemment, par
concordance, encore une fois, à une initiative qui a été
prise au niveau fédéral. Du même coup, cela nous force
à inscrire dans la loi québécoise un autre
élément nouveau, l'impôt sur les dons. Bien entendu, si
nous restons seuls, entre les deux paliers de gouvernement, avec un impôt
sur les successions, il faut qu'il y ait une corcordance, qu'il y ait un
impôt sur les dons, autrement l'impôt sur les successions ne veut
plus rien dire parce que toutes les masses qui seraient devenues taxables au
moment d'une succession, il est bien évident que le contribuable aurait
eu avantage fiscal à les donner avant sa mort pour éviter le
droit de succession.
Le maintien d'une partie de l'impôt sur les droits de succession
obligeait, par voie de
concordance, encore une fois, à la création d'un
impôt sur les dons. Là encore, ce n'est pas une initiative. C'est
quelque chose que nous sommes forcés de faire, qui est une
conséquence de gestes posés au niveau fédéral.
Ensuite, il y a eu, à certains égards, des modifications
des taux. C'est vrai qu'il y en a eu. Dans certains cas, pour certaines
catégories de revenus, cela va se traduire dans une baisse du fardeau
fiscal. Tant mieux! Globalement, cependant et c'est ça qui est
intéressant à regarder la courbe de progressivité
qui est bien différente de la baisse ou de l'augmentation des taxes dans
chaque niveau de revenu de l'impôt sur le revenu, au lieu d'être
améliorée, au lieu d'être accentuée dans un souci de
meilleure distribution, si vous voulez, de la richesse ou d'une plus grande
équité fiscale, a, au contraire, été
diminuée par le fait des nouvelles tables d'impôt. Là, il y
a eu une initiative québécoise, mais qui aboutit à quel
résultat? A une diminution du taux de progressivité de nos
échelles d'impôt. C'est ce que nous déplorons.
D'autre part, il y a eu une initiative purement québécoise
quant au chapitre de la taxe de vente, quand on a décidé d'abolir
la taxe de vente sur la machinerie industrielle. Ceci équivaut, je le
disais en commission et je le répète ici brièvement,
à faire un transfert de ressources qui a été estimé
à environ $5 millions pour l'exercice à venir, un transfert de
ressources de $5 millions en faveur des entrepreneurs détenteurs de
capitaux. Le but visé on le comprend facilement et on va
souscrire facilement au but c'est de faire augmenter les investissements
qui, par voie de conséquence, font augmenter l'emploi, font augmenter
les salaires, font augmenter le revenu national, font augmenter la richesse
collective. D'accord. Mais il y a bien des façons de se rendre à
ce même revenu. Il s'agit de choisir, quand on doit faire des transferts
de ressources, qui va être le bénéficiaire ou qui sera
l'instrument, qui sera le véhicule, si vous voulez, du but que l'on
poursuit. Là, il y a des choix de nature philosophique à faire.
Est-ce que l'on va choisir, comme on vient de le faire, de détaxer
l'entrepreneur? Est-ce qu'on va choisir d'envoyer les mêmes ressources au
niveau des consommateurs pour atteindre et c'est évidemment plus
difficile à évaluer le même résultat? Parce
qu'une augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs, se traduisant par une
augmentation de la demande, a pour effet d'entraîner les entreprises
à augmenter les investissements, ce qui, à son tour, augmente les
emplois, ce qui, à son tour, augmente le revenu national. Et on aboutit
au même but. Ou, encore, si on choisit de ne pas faire ça, l'Etat
peut choisir de garder le cadeau qu'il vient de faire aux entrepreneurs pour
lui-même, pour ses investissements publics et augmenter d'autant ses
investissements dans l'économie, faisant à son tour augmenter les
investissements, augmenter les emplois, tou- jours pour arriver au même
résultat. Il y a plusieurs façons, il y a plusieurs moyens,
plusieurs chemins, si vous voulez, qui conduisent au même but.
Encore une fois, je signale un choix que le gouvernement a fait, en
choisissant de privilégier les détenteurs de capitaux,
c'est-à-dire les entrepreneurs. Il y a, sous-tendu à cela, un
choix philosophique important.
Finalement, il y a une troisième loi nouvelle, si ma
mémoire est fidèle je vais peut-être -en oublier
quelques-unes parmi ces lois fiscales, qui constitue une initiative
québécoise, c'est l'abolition de la taxe sur le transfert des
valeurs mobilières, qui rapportait quelque $2 millions si ma
mémoire m'est toujours fidèle et qui, d'autre part,
coûtait plus cher à administrer que le produit qu'elle
rapportait.
Il est évident que c'était une taxe de nuisance
plutôt qu'autre chose. Cela n'a pas beaucoup de conséquences ou de
répercussions.
Qu'est-ce qui reste? Cela, c'étaient, en gros, les initiatives
proprement québécoises et proprement nouvelles que contenaient
les 1,500 articles. Il y en avait d'autres, mais d'une autre nature, sur la
forme plutôt que sur le fond, c'est-à-dire qu'on a fait des
changements à la forme de nos lois fiscales, des changements de nature
technique, par exemple, quant au droit d'appel, quant à la forme que
doivent prendre les cotisations, quant à la façon et aux
techniques de percevoir les impôts. Là, il y a des changements de
forme, mais on est dans la technique de perception. On n'est pas sur le fond de
la fiscalité même.
A ce niveau, je serai prêt à souligner que le ministre a
apporté, par de nouveaux articles à ces projets de loi, des
améliorations substantielles sur la situation qui prévalait
avant. A cet égard, on peut affirmer que nos lois d'impôt, dans le
sens où le ministère, dorénavant, sera mieux
habilité, sera plus efficace dans son rôle de perception des
impôts, qu'il y ait eu là un effort de modernisation, de plus
grande efficacité, j'en conviendrai. Je féliciterai le ministre
pour cette partie. Mais ce n'est pas là, encore, ce qu'on appelle un
débat sur la fiscalité. C'est un débat sur les
méthodes de perception, plutôt, ce qui est de nature
complètement différente.
En résumé, nous avons étudié des lois, d'une
part, qui étaient la réédition de lois existant
auparavant. Deuxièmement, nous avons fait des lois de concordance pour
répéter finalement les lois qui ont été
adoptées au Parlement fédéral. Troisièmement, nous
avons modernisé la technique de perception de nos lois. Tant mieux! Mais
sur le fond, là où, modestement, le ministre a apporté des
changements, c'était d'un ordre tout à fait mineur. Je les ai
soulignés tout à l'heure.
Le fond de ce qu'aurait dû être un débat sur une
vraie réforme fiscale et non une prétendue réforme
fiscale, qu'est-ce que c'est? Ce que nous aurions aimé discuter, en
d'autres mots, et
ce qu'on n'aurait certainement pas pris une semaine à discuter,
mais ce qu'on aurait pris deux mois, peut-être même trois mois
à discuter, cela aurait été le fond du sujet. Qu'est-ce
que le fond du sujet, quand on veut parler de fiscalité ou de
réforme fiscale? Il y a trois questions qu'on doit se poser: Qui sera
taxé? Qu'est-ce qui sera taxé? Combien cela va-t-il être
taxé? Ce sont les trois questions.
Sur la question: Qui va être taxé? par exemple, nous
aurions aimé avoir un débat sur qui devrait être le
contribuable assujetti à l'impôt. Je ne me prononce pas sur le
fond. A titre d'exemple, est-ce que c'est l'individu ou si cela aurait dû
être l'unité familiale? Un concept nouveau comme base de taxation.
Devrait-on, comme la commission Carter l'avait suggéré,
considérer l'unité familiale plutôt que l'individu? Cela
aurait été un sujet important à discuter.
La deuxième question est: Qu'est-ce qu'on devrait taxer? Le
revenu? Le gain de capital? Telle ou telle chose? De quelle façon?
Est-ce que les taux doivent être les mêmes? La question
fondamentale qu'il aurait fallu se poser, c'est: Quelle doit être la
nature de ce qu'on appelle en jargon l'assiette fiscale? Qu'est-ce qui est
taxable chez le sujet assujetti à l'impôt?
A titre d'exemple, nous je l'ai déjà dit et je le
répète favorisions la formule que proposait le rapport
Carter, c'est-à-dire de fondre toutes les formes de revenu. Qu'ils
proviennent de dons, de successions, de gains de capital, de salaires,
d'intérêt ou de quoi que ce soit, tous les revenus se fondent en
une seule identité. Et l'assiette devient l'accroissement du pouvoir
économique d'un individu dans un exercice donné.
J'ai toujours été convaincu que si on veut arriver
à une véritable équité, à une
véritable justice fiscale, il n'y a pas moyen de s'en sortir autrement
que par là. Et c'est le genre de problème que nous aurions
aimé discuter. Je vous fais part de nos préférences. C'est
ce que nous aurions voulu discuter. Et c'est ce qui aurait fait l'objet d'une
réforme fiscale, si on avait pu faire quelque chose de neuf autour de
ces questions.
Finalement, la troisième question était: "Combien on doit
taxer"? Là, c'est toute la question de la progressivité des taux.
Il aurait été intéressant de remettre en question
l'échelle des taux dans un impôt progressif. Est-ce qu'on devrait
reconsidérer l'échelle de taux qui est en vigueur, en somme,
depuis... Depuis combien de temps n'a-t-elle pas été
modifiée substantiellement? Depuis une vingtaine d'années, tout
au moins.
Cela aurait été un sujet intéressant. A partir de
quel niveau de revenu est-ce que l'impôt ne devrait pas exister? Et
jusqu'où devrait-il aller dans les tranches supérieures? Toute la
composition de la progressivité d'une échelle de taux
d'imposition, c'est cela qui aurait été l'objet d'une discussion
en profondeur.
Il aurait été intéressant aussi de se questionner
pour se demander comment on aurait pu rendre progressifs certains impôts
anciens, certains impôts démodés, où il n'y a pas de
progressivité, comme la taxe de vente et l'impôt foncier, comme
l'est, jusqu'à un certain point, l'impôt sur le revenu. La
question principale quand on veut parler de réforme fiscale, c'est
l'équité. Il y a des choix de principe à faire au
départ. Il faut se demander ce qu'on recherche: l'équité,
la croissance économique, un certain partage de la richesse parmi les
groupes sociaux dans une société, ou quoi?
A partir de là on fait un choix. Pour nous, je vous l'avais
déjà dit en deuxième lecture, notre choix n'est pas
compliqué. Il part d'un principe fondamental, c'est celui de
l'équité et de l'égalité de tout citoyen, de tout
contribuable placé dans une situation identique devant la Loi de
l'impôt. C'est ça, le principe de base.
Autour de ces questions il y aurait donc eu moyen d'avoir dans ce
Parlement une discussion fort utile et fructueuse sur la fiscalité, mais
on n'en a pas eu. Qu'est-ce qui s'est passé, pas seulement au
Québec, mais dans l'ensemble du Canada à ces sujets-là
depuis quelque temps? On a eu des tas de commissions d'enquête qui ont
coûté passablement cher.
On a eu des tas de recommandations, parmi lesquelles de très
bonnes, mais on ne les suit pas beaucoup. On choisit, parmi la panoplie de
recommandations qui nous sont faites, celles qui finalement modifient le moins
de choses possibles dans l'ordre établi. Là je pense qu'on arrive
au fond du problème. C'est qu'il y a une peur chez tous les
gouvernements aussi bien au Québec qu'au niveau
fédéral de modifier la distribution de la richesse dans
notre société. C'est ça le point central. C'est ça
la raison pour laquelle on n'a pas eu jusqu'à maintenant de
réforme fiscale.
On a eu des miettes ou des ajustements de circonstances. C'est ça
la raison principale. Et pourquoi cette peur existe-t-elle. Il faudrait se le
demander. Pourquoi, implicitement, les gouvernements se sont-ils toujours faits
les défenseurs de l'ordre établi et ont toujours finalement
refusé systématiquement de s'attaquer au problème capital?
Le problème capital est la distribution de la richesse dans une
société. C'est d'ailleurs à ce critère qu'on peut
juger de la qualité d'une société, son degré
d'humanisme, de son degré de progressisme.
Les lois fiscales à cet égard sont le principal instrument
qui peut permettre de réaménager la distribution de la richesse
dans une société. On peut juger, encore une fois, les
différentes sociétés ou les différents pays
à la qualité de leurs lois fiscales. Ce que nous déplorons
somme toute, c'est que justement on n'a pas pu construire ici cette
société qui aurait été un peu plus juste, un peu
plus humaine, un peu plus mieux équilibrée, où le pouvoir,
comme la richesse, aurait été un peu mieux distribué, de
façon un peu plus égalitaire.
Pour nous nous ne nous en cachons pas,
loin de là, nous en sommes fiers c'est notre objectif
principal, c'est la raison pour laquelle nous sommes un parti politique. C'est
la raison d'être fondamentale de notre existence. Certains seront
tentés je vais terminer là-dessus de dire: Le
député de Gouin est en train de rêver. Il est en train de
nous parler de la société de l'an 2000, de toutes sortes de
belles choses qu'on aurait pu faire mais qu'on ne peut pas faire, pour toute
une série de raisons.
Il y a deux sortes de raisons entre autres dont je voudrais traiter. La
première combien de fois l'a-t-on entendue depuis qu'on parle de
lois fiscales! c'est la suivante: Nous sommes dans un régime
fédéral où il y a deux niveaux de gouvernement, dont l'un
menant à la plus grande tranche des ressources fiscales. Donc, tant et
aussi longtemps que nous restons dans un même pays, il faut ajuster nos
lois aux lois fédérales, c'est-à-dire qu'il faut que les
définitions soient les mêmes, que les personnes assujetties soient
les mêmes, que l'assiette soit la même et ainsi de suite.
Autrement, on aurait un fardeau qui serait d'une lourdeur
épouvantable pour le contribuable québécois, parce qu'il
se trouverait, sans en avoir les avantages, à vivre dans deux pays en
même temps. Cela aussi se traduirait par des coûts
considérables, aussi bien pour les pouvoirs publics que pour le
contribuable.
M. le Président, moi, je me rends à cet
argument-là. C'est vrai que, tant et aussi longtemps que nous sommes
dans un régime fédéral, nous n'avons pas le choix. En
gros, la marge de manoeuvre que nous avons, la principale initiative que nous
pouvons avoir, c'est de copier les lois fédérales et de les
transcrire dans les nôtres. Autrement, si on se met à
définir qui sera assujetti à l'impôt, qu'est-ce qui sera
assujetti à l'impôt, c'est évident qu'on va créer
une situation qui n'a pas de bon sens pour le contribuable. Je me rends
à cet argument.
D'autre part, dans ce qui reste, il nous reste une marge de manoeuvre.
De combien sera l'impôt? Les taux d'impôt, combien ça va
coûter? Le degré de progressivité de notre échelle
d'impôt, on aurait pu le mofidier. C'est justement ce que le gouvernement
évite comme la peste. Non seulement il ne prend pas d'initiatives, mais
il en perd par rapport à la progressivité des taux
fédéraux. Là, on peut arriver au deuxième obstacle.
On nous dira, à ce moment-là: On ne peut pas modifier les taux
d'impôt d'une façon très différente de nos voisins,
parce que tout le monde va quitter le Québec et s'en aller. C'est le
deuxième argument qui revient éternellement, celui de maintenir
une certaine concurrence avec nos voisins.
C'est pourquoi on prétend ne pas pouvoir modifier nos taux
d'impôt sur les successions taxer davantage les contribuables, rendre
notre impôt plus progressif, changer la répartition du fardeau
fiscal. Autrement, on dit que tout le monde va sortir. Qui va sortir: Qui
a-t-on peur de perdre, finalement? Il y a deux choses qu'on pourrait se
demander: Est-ce qu'il y en a tant que cela qui vont sortir parmi ceux qui,
normalement, seraient les plus frappés, c'est-à-dire les
contribuables à très hauts revenus ou les entrepreneurs, les
capitalistes? D'une part, y en a-t-il tant que cela qui vont sortir parce que
cela coûterait entre 2 p.c. et 6 p.c. de plus d'impôt pour vivre au
Québec?
Au niveau individuel, est-ce que ça justifie qu'on vende sa
maison, qu'on sorte les enfants de l'école, qu'on vende son entreprise,
qu'on dise bonjour à ses amis et qu'on s'en aille rester à
Edmonton, en Alberta? Je vous signale que l'Alberta a aboli les impôts
sur les successions, il y a déjà plusieurs années, avec
l'espoir de voir affluer à Edmonton et à Calgary tous les
millionnaires canadiens qui viendraient se mettre à l'abri des
impôts successoraux en déménageant en Alberta. C'est un
sous-ministre même des Finances du gouvernement albertain qui nous
confiait qu'il n'en est pas venu. Cela ne s'est pas matérialisé.
Les gens ne déménagent pas si facilement que ça. La raison
pour laquelle on vit dans une société et qu'on reste là ce
n'est pas qu'en fonction des taux d'impôt, il y a des
considérations beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus
importantes.
Donc, d'une part cette espèce d'épouvantail à
moineaux qu'on brandit toujours en disant que tout le monde va s'en aller, je
prétends que c'est faux à 95 p.c. Deuxièmement, ce qu'il
faut se demander aussi c'est que, même s'il y en avait de ces grands
entrepreneurs très riches qui s'en allaient parce que les impôts
seraient trop socialement justes au Québec, que perdrions-nous? C'est
une autre question qu'il faut nous poser. Que perdrions-nous, quand on sait que
le développement économique de notre société, comme
de toutes les autres à travers le monde, est financé
essentiellement et très majoritairement par les gens de la place, par
les petits contribuables et surtout par les consommateurs. Est-ce que quelqu'un
va prétendre ici que les investissements de General Motors, à
titre d'exemple, à Sainte-Thérèse ou ailleurs au Canada
sont un cadeau qui est venu des Etats-Unis en vertu du fait que General Motors
Canada est une filiale américaine? On n'a qu'à voir les profits
accumulés, soit par la dépréciation ou les profits
retenus, que cette compagnie, entre autres, je l'utilise à titre
d'exemple, a réalisés au Canada comme au Québec depuis les
50 années qu'elle vend des millions de véhicules au consommateurs
locaux. Qui a fourni les capitaux à cette entreprise en particulier, et
qui fournit les capitaux aux entreprises en général? Cette
éternelle peur que l'on manipule provient de deux raisons, ou bien on a
une ignorance totale des réalités économiques, ou bien,
consciemment, on utilise la peur pour garder les Québécois bien
tranquilles.
Je soupçonne que l'attitude du gouvernement, entre autres, a
beaucoup à voir avec la deuxième raison que je mentionnais. C'est
un gouvernement qui se spécialise à faire peur au monde,
à brandir des épouvantails à moineaux chaque fois
qu'on arrive sur un sujet vital. Hier soir, à titre d'exemple, on
parlait de la langue. Vous savez ce qui arrive chaque fois qu'on parle de la
langue et qu'on essaie d'amener le gouvernement à modifier ses positions
ou à inscrire dans ses lois des dispositions qui voudraient rendre le
français un peu plus prioritaire? On crie à la concordance des
lois. On crie à une commission d'enquête dont on n'a pas eu le
rapport. On crie aussi à la démagogie; c'est le ministre de
l'Education qui fait ça, la plupart du temps. Parce que, quand on parle
de la langue au Québec, il paraît que c'est démagogique.
Mais on crie surtout à la peur de perdre des investissements
étrangers qui ne viendront plus.
Si, pour une fois, on commençait à se tenir debout au
sujet des questions linguistiques comme au sujet de la fiscalité. Si
nous avions la volonté de nous donner ici des lois fiscales qui
représenteraient notre conception, à nous, de ce que devraient
être la justice et l'équité dans notre
société.
On a les moyens de le faire. Il y a un seul obstacle, c'est la peur,
peur qu'entretient spécialement le gouvernement actuel. Cela a un nom
dans d'autres coins du monde. Cela s'appelle le colonialisme. Cela s'appelle
une attitude de colonisés. On le mentionnait encore hier ce mot. On veut
tellement se faire respecter des autres, on veut tellement plaire aux autres,
on a tellement peur de brusquer nos voisins, on recherche tellement la
considération de l'étranger, le respect de l'autre qu'on oublie
finalement de se respecter soi-même. C'est ça le principal
problème au Québec. Ce problème ne sera pas
réglé tant qu'au Québec on ne se sera pas
débarrassé de ce que je n'appelle plus le gouvernement
libéral, mais le gouvernement colonial.
M. LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu. M. Gérald
Harvey
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, je n'ai pas
l'intention de prendre plusieurs minutes du temps de cette Chambre, puisque le
vote a été demandé sur le rapport, les amendements et la
troisième lecture de ces bills d'ordre fiscal. Je voudrais, tout
simplement, faire quelques remarques, dans mon droit de réplique, sur la
réforme fiscale québécoise que nous allons adopter dans
quelques minutes.
Bien sûr, loin de crier que nous sommes les champions de la plus
grande réforme fiscale jamais présentée en Amérique
du Nord, au lieu de me fier aux experts Roy, Guay, Samson, Audet, Bois et
associés, j'aime beaucoup mieux conseiller aux membres de cette Chambre
de lire un article complètement dénudé de partisa-nerie
puisqu'il n'y fait aucunement mention dans aucun des paragraphes cités
dans cette critique... cet article est de Me Maurice Rainier de la firme
Stikeman Elliott. C'est une petite étude légale. Ils passent,
tout de même, pour des champions et des as en droit fiscal.
M. JORON: A quel milieu d'intérêt vous pensez que cela
correspond?
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, je n'ai pas
l'intention de commenter l'article de Me Rainier mais lui, qui s'y
connaît, a écrit un papier dans la Presse du mardi, le 4 juillet,
intitulé: "Enfin, une loi de l'impôt dans une langue
compréhensible". Eux, ces champions de la langue française, qui,
à tout bout de champ, profitant d'un petit article dans un projet de loi
à caractère économique ou à caractère de
sécurité, lancent un débat sur la langue, n'ont même
pas, au moment de la première, deuxième ou troisième
lecture ou au stade de la commission parlementaire, félicité le
gouvernement québécois d'avoir rédigé un texte de
loi en langue française compréhensible.
M. LAURIN: C'est simplement normal.
M. HARVEY (Jonquière): Oui, c'est normal et pour une fois que le
ministère du Revenu avait l'occasion de le faire, dans le contexte
économique dans lequel on vivait, dans une réforme fiscale,
puisque cela en est une, il l'a faite dans la langue de la majorité et
dans un anglais également traduit d'une façon excellente. Je
voudrais citer M. Rainier lorsqu'il nous dit, en parlant du texte: "Or, il fait
bon, pour une fois, de parcourir une loi fiscale conçue selon notre
propre logique et dont le rythme de la phrase est français.
Contrairement à ce qui est courant dans la version anglaise de la loi
fédérale où l'on retrouve, pêle-mêle dans les
mêmes articles, tant les principes de base et les cas d'exception que les
modalités et les conditions de son application, le rédacteur de
la loi provinciale n'a pas hésité à aérer son texte
en séparant ce qui devait être séparé et en joignant
ce qui devait être uni. "La nouvelle loi est une réussite.
Même si la plupart n'ont pas l'occasion d'en prendre connaissance comme
telle, il reste qu'une lecture plus facile, par leurs conseillers, ne peut
être qu'un facteur positif dans l'application aux situations qui les
intéressent."
M. le Président, je me contente de commentaires comme
ceux-là, dénudés d'esprit de parti-sanerie, qui auraient
pu mentionner également que la réforme fiscale
québécoise prend en considération le contexte dans lequel
nous vivons, c'est-à-dire le contexte nord-américain, nos voisins
ontariens, nos voisins du Nouveau-Brunswick, le fait qu'on vit dans un pays qui
s'appelle le Canada, également. Nous y avons introduit les principes de
l'impôt sur les dons pour sauvegarder le patrimoine
québécois, en raison du "face-out" sur le droit de l'impôt
sur les successions. Nous y avons également introduit le principe
énoncé par le premier ministre du Québec, alors ministre
des Finances, en
accordant les droits et les exemptions pour la garde d'enfants, en
augmentant les exemptions personnelles pour les célibataires de $1,000
à $1,500, pour les gens mariés de $2,000 à $2,850. Nous y
avons introduit, pour la première fois, le principe d'admettre en
déduction à tous les travailleurs salariés la somme de
$150, maximum, ou 3 p.c. de leur revenu net comme dépenses de frais
professionnels, voyages ou outils de travail.
M. le Président, nous avons également, au cours de cette
réforme, amendé la Loi de la taxe de vente pour permettre
l'investissement industriel dans l'achat de machinerie industrielle, soit un
dégrèvement de $5.1 millions. Nous avons également
donné suite à de nombreuses demandes, faites depuis plusieurs
années, de diverses firmes qui voyaient une taxe de nuisance
appelée l'impôt ou la taxe sur les valeurs mobilières.
Enfin, nous avons, au Québec, suivi de plus en plus, encore cette
année à l'occasion de cette réforme, les rapports d'une
commission royale d'enquête qui s'est appelée la commission
Bélanger. Au cours de la discussion, nous n'avons pas entendu le
député de Gouin nous citer la commission Bélanger, ou une
fois, je pense. Je m'excuse.
M. JORON: M. le Président, je soulève une question de
privilège. Le député de Jonquière, ministre du
Revenu, sait très bien, d'ailleurs que j'étais le seul membre
à m'être présenté en commission, pendant toute la
semaine, constamment avec le rapport de la commission Bélanger et que
j'y ai fait allusion, au bas mot, à trente reprises. Vous aurez au moins
l'honnêteté de l'admettre.
M. HARVEY (Jonquière) : J'admettrai que le député
de Gouin a cité le rapport de la commission Bélanger, mais il a
tellement cité Carter que j'avais oublié qu'il avait cité
Bélanger.
Il a cité Carter deux fois plus, et ça me surprenait pour
un soi-disant Québécois. C'est là que je vois qu'il est
vraiment séparatiste. Il est pas mal moins Québécois que
nous, parce que nous avons encore appliqué cette année, autant
que faire se peut, les recommandations pratiques et possibles de la commission
royale d'enquête Bélanger.
Nous avons profité également de cette réforme
fiscale pour nous donner un outil moderne, la Loi de la taxe sur les
carburants. Nous évitons encore une fois la fraude fiscale, nous
évitons pour une troisième année consécutive,
d'augmenter les impôts des gagne-petit que signale souvent le
député de Beauce. Nous avons des moyens de contrôle
modernes pour faire jouer le rôle que doit jouer le ministère du
Revenu, c'est-à-dire être l'instrument de perception du
gouvernement québécois.
Je remercie en terminant les membres de toutes les oppositions pour leur
travail vraiment efficace en commission parlementaire. Veuillez croire que je
suivrai les conseils que m'a donnés le député de
Montmagny, en voyant à ce que les revenus rentrent pour permettre aux
autres ministères de mieux servir la population du Québec.
DES VOIX: Vote.
M. LE PRESIDENT: Nous allons procéder à la mise aux voix
des amendements proposés par le député de Frontenac.
Qu'on appelle les députés !
Vote sur les amendements de M. Latulippe
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur des amendements aux
articles 35, 291 et 323 du projet de loi no 38 proposés par le
député de Frontenac veuillent bien se lever s'il vous
plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bois, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu,
Tétrault, Béland, Guay, Samson, Audet.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever s'il
vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Lévesque, Choquette, Parent, Harvey
(Jonquière), Tetley, Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Cournoyer,
Fournier, Goldbloom, Mailloux, Arse-neault, Houde (Fabre), Vaillancourt,
Théberge, Perreault, Blank, Brisson, Kennedy, Saindon, Picard, Pearson,
Leduc, Fortier, Bacon, Bossé, Carpentier, Dionne, Faucher, Giasson,
Houde (Limoilou), Lafrance, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier,
Pepin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Veilleux, Loubier, Paul, Vincent, Cloutier
(Montmagny), Boivin, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Gauthier,
Laurin, Burns, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Masse (Montcalm).
M. LE SECRETAIRE: Pour: 9 Contre: 57
Vote sur le rapport de la commission
M. LE PRESIDENT: Les amendements sont rejetés. La mise aux voix
sur le rapport. Est-ce le même vote inversé?
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aimerais un vote
enregistré, parce que nous sommes contre.
M. LE PRESIDENT: En somme, si nous inversons, le rapport est
adopté par 57 voix contre 9. Troisième lecture?
UNE VOIX: Adopté.
M. ROY (Beauce): Même chose.
Vote de troisième lecture
M. LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est
adoptée par un vote de 57 à 9.
M. LEVESQUE: Est-il six heures? Si on était d'accord, au sujet de
la Loi des substituts du procureur général, on pourrait former
immédiatement la commission plénière.
M. PAUL: Quant à moi, cela me convient.
M. BURNS: Vous voulez dire que vous aimeriez recommencer, ce soir, avec
la Loi des substituts?
M. LEVESQUE: On peut commencer avec l'une ou l'autre, parce que les deux
auront été placées en commission
plénière.
M. BURNS: Je suis d'accord.
M. LEVESQUE: Deuxième lecture du projet de loi relatif aux
substituts du procureur général.
Projet de loi no 52 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des substituts du procureur
général. Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
M. LEVESQUE: Commission plénière.
Commission plénière
M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement
propose la formation de la commission plénière. Cette motion
est-elle adoptée?
Adopté.
M. LEVESQUE: Les deux projets de loi du ministre de la Justice sont en
commission plénière.
M. LE PRESIDENT: Par lequel désirez-vous commencer?
M. LEVESQUE: On laisse cela au ministre.
M. LE PRESIDENT: Dans ce cas-là, on est aussi bien de faire le
rapport. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à...
M. PAUL: II se passe quelque chose qui n'est pas normal. Je pense que
c'est le consentement unanime de la Chambre que nous siégions en
commission plénière ce soir. Par conséquent, il n'y a pas
de rapport à recevoir. C'est au président de la commission
à suspendre les travaux.
M. LE PRESIDENT: Non, j'ai fait la distinction. On me dit qu'il y a deux
projets de loi en commission plénière, celui qui modifie la Loi
de police et celui qui modifie la Loi des substituts de procureur
général.
Si le gouvernement a l'intention de procéder avec les substituts,
ce peut être le président des commissions qui suspend la
séance. Mais si on désire étudier en commission
plénière la Loi de police, il faut que la suspension se fasse par
le président.
M. PAUL: Ce fut déjà fait hier soir.
M. LEVESQUE: Nous allons régler ça immédiatement,
M. le Président, ce sera facile. Nous allons demeurer en commission
plénière et nous entreprendrons immédiatement
l'étude du projet de loi relatif aux substituts du procureur
général, à huit heures.
M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue à huit heures
quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
Reprise de la séance à 20 h 20
M. BLANK (président de la commission plénière): A
l'ordre, messieurs! Bill 52. Adopté.
M. PAUL: Sur le projet de loi 52, je n'ai pas beaucoup de remarques
à faire, mais je voudrais attirer l'attention du ministre de la Justice
sur l'amendement qu'il propose par l'article 3 de son projet de loi et qui
regarde l'article 7 du chapitre 20 des Statuts de 1969.
A l'article 7 du texte original de la loi, il est prévu qu'un
substitut permanent ne peut, sous peine de destitution, se porter candidat
à une élection fédérale, provinciale, municipale ou
scolaire ou se livrer à une activité partisane en faveur d'un
candidat ou d'un parti politique. Cela est excellent. Mais dans l'article 3,
vous proposez: Un substitut ne peut non plus voter à une élection
fédérale, provinciale, municipale ou scolaire. Je crois que cet
amendement élargit de beaucoup la restriction que, normalement, à
mon humble point de vue, vous ne devriez imposer qu'à l'endroit des
procureurs permanents.
Alors, si le ministre pouvait me dire ou me faire connaître son
intention quant à l'opportunité peut-être d'ajouter
à la troisième ligne de l'article 3, après le mot
"substitut", le mot "permanent". Quant à moi, mes remarques se
trouveraient à compléter l'étude de ce projet de loi qui,
en soi, est excellent.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense que le
député de Maskinongé a raison de relever cette omission de
priver du droit de vote les substituts en général. Je pense qu'il
a raison de suggérer que cette dénégation du droit de vote
n'ait lieu qu'à l'égard des substituts permanents.
Comme l'a souligné le député de Maskinongé,
la défense de participer à une campagne électorale, de
faire de la politique partisane telle qu'elle est édictée dans la
loi actuelle, à l'article 7, mentionne qu'il s'agit bien d'un substitut
permanent, c'est exact.
M. BURNS: M. le Président, je me pose vraiment la question:
Pourquoi les substituts permanents se verraient-ils empêcher de
participer à une élection, comme simple citoyen?
Même aujourd'hui, on doit se poser des questions sur la valeur de
la décision d'empêcher même des juges de voter. Si le vote
est d'un caractère secret, comme il doit l'être, je me demande si
on n'est pas rendu dans de vieilles, anciennes et antiques
considérations lorsqu'on demande à des juges de s'abstenir de
voter, encore plus quand il s'agit de membres du Barreau qui sont encore des
citoyens au même titre que tous les autres. Vraiment, là-dessus,
je me demande quelle peut être la raison pour laquelle on demande
à des substituts du procureur général de s'abstenir de
voter. Ce sont des personnes qui vivent dans une société, qui ont
à prendre des décisions tous les jours, en dehors de leurs
fonctions. Ils ne sont pas procureurs de la couronne 24 heures par jour. Ils
doivent, comme tout le monde, passer sur des feux verts ou ne pas passer sur
des feux rouges, selon le cas. Je me demande vraiment quelle est la raison qui
les empêche de voter. Le procureur général, qui est leur
chef, qui est censé être leur espèce de grand patron, il
vote.
UNE VOIX: Bien oui, exactement.
M. BURNS: Qu'on dise que le substitut du procureur
général, c'est-à-dire le procureur de la couronne, le
permanent, comme la loi dit, n'ait pas le droit de se présenter à
une élection, je le comprends très bien parce que,
déjà, il est placé un peu du côté du
gouvernement. C'est normal. Il défend la politique du ministère
de la Justice. Il représente, devant les tribunaux, la
société. Mais qu'on l'empêche de voter, je ne le comprends
vraiment pas. J'aimerais qu'on me donne de bonnes raisons qui
l'empêcheraient de voter, qui l'empêcheraient d'exercer son droit
de citoyen ordinaire normal. Là-dessus, je ne peux pas comprendre
exactement quelle peut être la raison du ministère de la
Justice.
M. CHOQUETTE : M. le Président, je motive cette décision
du fait que, justement, l'un des objets du projet de loi est
réflété par la formule de serment que devront maintenant
prêter les substituts du procureur général.
C'est un serment qui suppose beaucoup d'objectivité et
d'impartialité dans l'exercice de leurs fonctions.
C'est donc dire que nous considérons que les substituts du
procureur général occupent une fonction qui, sans être
judiciaire puisque ce ne sont pas eux les juges en fait des
auxiliaires immédiats de la justice. Par conséquent, ils doivent
avoir une attitude tout à fait objective et tout à fait
détachée de l'aspect politique de l'activité sociale.
J'ajouterai que l'Association des substituts permanents du procureur
général a abondé dans mon sens. Elle m'a je ne veux
pas dire suggéré cet amendement mais, en somme, elle m'a
invité à l'adopter. Je le présente donc à la
Chambre.
M. BURNS: Cela ne m'impressionne pas du tout.
M. CHOQUETTE: Non. Je dis que le député de Maisonneuve
n'apprécie pas la situation à sa véritable dimension,
lorsqu'il fait cette proposition, parce que ceux-là même qui sont
les principaux intéressés sont d'accord sur l'amendement.
M. le Président, je pense que la proposition que nous faisons,
à l'article 3, s'explique par ce grand principe qu'il est
nécessaire que les substituts du procureur général aient
une attitude dans l'exercice de leurs fonctions en cour,
dans la poursuite des actions criminelles entreprises qui soit
tout à fait distincte et différenciée de l'aspect
politique.
M. LAURIN: M. le Président, c'est un argument d'autorité
qui ne m'impressionne guère, moi non plus. On sait très bien
qu'en 1864, durant la guerre de Sécession, il y avait beaucoup
d'esclaves noirs qui ne voulaient pas être libérés,
c'est-à-dire qui ne comprenaient même pas où
résidaient leurs véritables intérêts.
Au fond, cela représente une mentalité qui n'a
guère évolué et que l'on peut comprendre difficilement,
d'autant plus que le ministre de la Justice et ceux dont il représente
aujourd'hui l'opinion semblent se faire une conception aseptisée du
citoyen de 1972.
On sait pourtant que ces substituts du procureur de la couronne et que
même les juges se font une opinion très nette sur les divers
sujets politiques. Ils ne se gênent pas, d'ailleurs, pour l'exprimer en
privé, lors de conversations. Us ne se gênent pas, non plus,
parfois les mauvaises langues l'ont dit pour en tenir compte dans
les jugements qu'ils rendent. Sans même qu'ils en parlent, on sent
très bien leurs opinions politiques ou l'opinion qu'ils se font de la
société. Je ne parle pas de politique partisane; je parle de la
conception qu'on se fait de la politique, comme la gestion de la chose
publique, l'administration de la chose publique, les orientations de la
société.
C'est ça la politique. Ce n'est pas seulement prendre pour un
parti; c'est avoir une opinion sur la société d'aujourd'hui. Au
fond, quand on vote, on ne fait pas que voter pour un parti; on vote soit pour
le changement, comme le programme du Parti libéral le disait en 1970, ou
on vote pour le statu quo. On donne un vote conservateur ou un vote de
changement. C'est ça la politique; ce n'est pas seulement voter pour un
parti.
Il me semble, encore une fois, que c'est une conception qui appartient
à une époque où les media d'information étaient
moins développés qu'aujourd'hui, où la conscience
démocratique était peut-être moins développée
qu'aujourd'hui, où on avait tendance à catégoriser les
notions, les conceptions, où on avait tendance à être assez
victorien, pour employer le mot qui me venait vraiment à l'esprit,
c'est-à-dire à avoir une conception victorienne de l'homme et de
la société.
J'ai vraiment l'impression que cette conception est
dépassée et que même les substituts de la couronne qui vous
ont donné cet avis ne représentent pas les forces de mouvement de
la société. Si vous ne souscrivez pas à leur avis, ils
seront peut-être les premiers heureux, dans 2, 3 ou 4 ans, de voir que
vous ne les avez pas écoutés et qu'en bon père de famille
de la société québécoise vous avez vu plus loin
qu'eux, que vous avez mieux vu qu'eux où étaient les
intérêts de l'homme québécois qu'ils sont, quand
même, au milieu de tout ça.
C'est pour cette raison que j'ai l'impression que, si le ministre tenait
à son amendement, il ne serait pas l'esprit libéral qu'il entend
être. Il ne serait pas celui qui veut faire évoluer la
société. Il me semble qu'il devrait se rallier à une
conception plus dynamique, plus évolutive, aussi bien des institutions
que des conditions concrètes de l'existence qui est la nôtre
actuellement et de l'évolution de la mentalité du citoyen en
1972.
J'inviterais le ministre à y penser beaucoup avant de maintenir
son argumentation.
M. CHOQUETTE: Si le député de Chicoutimi me permet de
répondre au député de Bourget, c'est justement à
l'inverse que se passe l'évolution.
Si j'examine l'évolution du système judiciaire dans le
Québec depuis les 50 dernières années, je dirais que de
plus en plus nous allons vers une justice dépolitisée et c'est ce
que les gens veulent. C'est toujours sur cet élément que portent
les critiques des adversaires du système démocratique et du
système judiciaire dans lesquels nous vivons. Je suis
complètement désarmé quand j'entends des arguments comme
ceux des députés de Maisonneuve et de Bourget, qui vivent dans un
monde qui est en quelque sorte détaché de la
réalité quotidienne, qui ne semblent pas lire les journaux.
Pourtant, à d'autres occasions, ils n'hésitent pas à se
faire les porte-parole en Chambre d'attaques contre le système
judiciaire, contre ceux qui le représentent, contre ceux qui le servent,
en disant que cette justice est au service de la politique.
M. LAURIN: M. le Président, le ministre me fait dire des choses
que je n'ai jamais dites. Il me cite et m'interprète mal.
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai la parole. Alors que je pose
un autre geste avec le concours des substituts du procureur
général, justement pour que l'administration de la Justice
devienne de plus en plus détachée de la politique, quelle soit
partisane ou autre, voilà que j'essuie une critique du Parti
québécois. Je ne sais plus où ces gens se branchent
réellement.
Dans la période extrêmement contestataire que nous vivons,
s'il y a une institution qui doit soutenir l'ensemble de la
société et l'encadrer d'une façon qui ne soit pas
oppressive mais quand même assez structurée c'est le
système judiciaire dans son ensemble. C'est la raison pour laquelle les
juges, aujourd'hui, n'ont pas le droit de vote; les juges sont
détachés de la politique, n'en déplaise à ceux qui
formulent des critiques dans certains milieux. Ici, nous appliquons une
règle similaire à celle de ceux qui représentent la partie
qui poursuit devant les tribunaux. Je pense que c'est un geste qui s'impose
dans le contexte actuel.
Si je jette un regard vers le passé, quelle était la
situation réelle de ce temps-là comparativement à celle
d'aujourd'hui au Québec? On
tripotait, on triturait la justice pour des fins politiques. Je pourrais
rappeler une série d'incidents qui se sont passés il y a des
années.
M. BURNS : Cela n'a rien à voir avec le droit de vote.
M. CHOQUETTE: Un instant. C'est une extension du principe. Je demande au
député de Maisonneuve, supposons qu'on rétablissait le
droit de vote en faveur des juges, bien peut-être...
M. PAUL: Pourquoi pas?
M. CHOQUETTE: Attendez une minute. C'est ridicule. Est-ce que les
juges...
M. BURNS: C'est ridicule, comment?
M. CHOQUETTE: On a reproché à certains juges,
récemment, des jugements qu'ils ont rendus et on leur a dit que leur
principal défaut n'était pas leur jugement, mais parce qu'ils
étaient des créatures politiques et des nominations politiques.
Si ces juges devaient continuer â voter, à exprimer une
adhésion à une formation politique, il me semble qu'on
consacrerait la valeur de cette critique, mais la réalité n'est
pas du tout là. Alors je pense qu'il ne sert à rien de tenter
d'expliquer à nos amis qui tantôt vivent dans un monde de
rêve et tantôt se font les porte-parole en Chambre des
éléments contestataires.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'écoutais tout
à l'heure le député de Bourget exposer ses idées au
sujet de l'amendement de l'article que propose le ministre de la Justice. Il a
fait état de l'évolution de la société. Cela c'est
un bien grand mot qui peut recouvrir toutes sortes de réalités.
Les gens les moins avertis constatent qu'il y a évolution de la
société, mais les gens qui pensent, qui
réfléchissent savent que l'évolution de la
société doit se produire selon des règles qui permettent
que cette évolution fasse de la société un cadre de plus
en plus sûr pour les citoyens qui y vivent.
Or, la mesure que propose le ministre de la Justice me paraît
s'inscrire justement dans ce cadre de sécurité à l'endroit
des citoyens dans un domaine éminemment dangereux, délicat,
stratégique, savoir l'administration de la justice. Je ne comprends pas,
M. le Président et ici je ne fais de procès à
personne que des gens saisissent toutes les occasions qui leur sont
offertes pour faire le procès des magistrats, pour faire le
procès de l'appareil judiciaire et qui en même temps
s'étonnent de constater que le gouvernement inspiré en cela par
le rapport Prévost, par exemple, travaille depuis un certain nombre
d'années à améliorer l'appareil judiciaire, de
façon que celui-ci prête de moins en moins flanc à la
critique, ce qui est important, et de façon que cet appareil devienne de
plus en plus sécurisant, si je peux employer ce terme, pour les
citoyens.
Ceux-ci ont besoin d'avoir confiance, d'abord, dans l'autorité
établie, d'avoir confiance en ces hommes qui sont chargés de
rendre justice aux justiciables, de veiller à ce que personne ne soit
lésé par un acte du gouvernement ou par un acte d'un groupe ou
d'un individu.
On fait je l'ai entendu depuis des années et des
années des procès contre les juges, les avocats et le
ministre de la Justice qui représente, tout de même,
l'autorité dans ce domaine. Mais, lorsqu'il s'agit d'apporter une mesure
qui se conjugue avec toutes celles que l'on essaie d'apporter depuis un certain
nombre d'années pour que l'appareil judiciaire soit non seulement
efficace, mais représente véritablement l'idéal de la
justice, voilà que l'on s'insurge contre cela. Je ne comprends pas cette
attitude. Je ne comprends pas, lorsque politiquement et même
démagogiquement je ne fais pas allusion à qui que ce soit
ici on réclame que la justice soit de plus en plus
sévère et confinée dans un domaine, que, par ailleurs, on
réclame, pour ceux qui sont chargés de l'appliquer, cette
justice, une liberté qui, dit-on, correspondrait à
l'évolution d'une société.
Parce que les juges et les substituts permanents du ministère
public vivent dans une société qui est en évolution, ce
n'est pas une raison pour que l'appareil judiciaire devienne quelque chose de
tellement souple, de tellement vague que cela tombe dans le libre examen, dans
la licence et que les personnes qui sont chargées de rendre la justice
ne sentent pas qu'elles habitent à l'intérieur d'un cadre qui
constitue pour tous les citoyens un moyen de sécurité
maximale.
Le geste que pose le ministre de la Justice, tout simplement, rejoint
celui qui a été posé, il y a déjà bien des
années, lorsqu'on a décidé que les juges ne pouvaient pas
exercer leur droit de suffrage, afin de les retirer le plus possible d'un monde
qui pourrait les influencer, afin de les empêcher de participer à
des actions qui auraient une influence sur leur comportement quand ils sont sur
le banc, quand ils sont au prétoire, en face des justiciables.
A l'heure actuelle, les substituts permanents du ministère public
sont en voie de devenir en quelque façon, non pas des juges, mais des
personnes assimilables de très près aux juges. J'estime que la
mesure que propose le ministre de la Justice est un progrès à cet
égard, un pas vers une forme de justice qui sera de plus en plus
indépendante du pouvoir politique partisan.
Je suis persuadé qu'il y a dans l'esprit du ministre, comme dans
l'esprit de la majorité des collègues de cette Chambre, une
idée qui est et je fais la suggestion en passant en ce qui
concerne les magistrats, la création d'une école
de magistrature, pour éviter toutes les critiques qu'on fait
encore au sujet de la nomination des juges.
L'article du projet de loi que nous discutons me parait être un
pas réellement positif dans le sens d'une amélioration de
l'appareil judiciaire. Si l'on veut que le public ait confiance dans l'appareil
judiciaire, il faut isoler le juge, il faut en même temps isoler les gens
qui doivent plaider au nom du ministère public et qui ont besoin, pour
le faire, d'être absolument indépendants d'influence
extérieure. En proposant que ces personnes n'aient pas le droit de
suffrage, je crois qu'on leur indique quelle est l'importance de leur
tâche, l'importance de leur responsabilité et qu'on contribue
à accréditer cette fonction, qui est relativement nouvelle, de
substitut permanent du ministère public, à accréditer la
valeur de cette fonction qui, dans une société en
évolution qui, précisément parce qu'elle est en
évolution a tout remis en cause, doit être extrêmement
rigoureuse. Ces gens doivent se situer dans un cadre qui les rende en quelque
façon imperméables à toutes les influences, à tous
les bouleversements, à tous les chambardements et à toutes ces
errances d'une opinion qui est troublée, à l'heure actuelle, par
tous les prophètes de toutes les théories que l'on connaît
et qui ont contribué largement, depuis plusieurs années au
Québec, à entretenir un climat qui nous mène fatalement,
si on n'y voit pas, à l'anarchie.
Nous avons eu récemment des exemples. Il y a eu des procès
retentissants. On a mis en cause des juges. A un moment donné, on a mis
en cause des substituts permanents du ministère public ou du procureur
général. On a mis en cause ces gens. On a dit : Ce sont des
créatures politiques, comme on avait dit des juges: Ce sont des
créatures politiques.
Pour en venir à faire que ces personnes soient de moins en moins
des créatures politiques, je pense qu'il est de notre devoir d'accepter
l'article que nous présente le ministre. En effet, c'est un geste qui,
dans mon esprit je crois que cela existe également dans l'esprit
du ministre amorce une réforme de plus en plus profonde d'un
appareil judiciaire qui doit être solide et très fort,
précisément, comme je le disais tout à l'heure, parce
qu'il a à exercer son action dans une société où on
se demande vraiment s'il y a encore quelqu'un qui sait où il va.
J'estime que la proposition du ministre de la Justice est non seulement
valable, mais qu'elle était souhaitable et essentielle à ce
travail de restauration de l'appareil judiciaire. Elle ne constitue, en
réalité, qu'une amorce d'une réforme beaucoup plus grande,
beaucoup plus profonde, beaucoup plus radicale.
En passant, M. le Président, avant de terminer, je fais allusion
aux propos qui ont été tenus en cette Chambre et à ce qui
s'est dit à l'extérieur au sujet des policiers, lorsqu'on a
été placé en face d'une résolution proposant que
les policiers puissent faire de l'action politique. Bien, je pense qu'il faut
réfléchir à tout ça. Si les policiers peuvent faire
de l'action politique, si les juges pouvaient faire de l'action politique, si
les substituts permanents du ministère public pouvaient faire de la
politique, ils ne se contenteraient pas simplement d'aller voter. Il ne faut
pas oublier ça. Lorsqu'on a le droit de suffrage, on veut l'exercer, on
veut se renseigner et la tentation est très forte de participer aux
mouvements des formations politiques en faveur de telle ou telle thèse
politique.
Le ministre, ici, pose un geste. Il prend une disposition qui
protège les substituts permanents du ministère public contre
eux-mêmes et qui les éloigne de la tentation de devenir et de
penser être simplement les serviteurs de l'Etat. Dès le moment
où ces gens seront dans la situation qui sera la leur lorsqu'on aura
adopté ce projet de loi, ils vont comprendre que leur devoir est,
certes, de s'intéresser au problème de l'évolution de la
société, de connaître tout ce qui se passe dans la
société, mais que leur premier devoir est de s'occuper de savoir
comment, dans une société aussi troublée, ils peuvent,
grâce à cette sorte d'immunité personnelle, contribuer
à ce que la justice soit rendue à la satisfaction et pour la
sécurité des citoyens qui, à l'heure actuelle, sont
menacés par tous les courants de pensée destructeurs dont nous
avons déjà eu l'occasion de parler en cette Chambre.
C'est pourquoi je suis tout à fait d'accord avec le ministre,
d'autant plus que ce sont les substituts permanents qui ont demandé,
eux-mêmes, d'être protégés contre eux-mêmes. Je
crois que c'est le devoir du ministre de la Justice d'acquiescer à leur
requête.
M. LOUBIER: M. le Président, je ne voudrais pas ajouter beaucoup
de choses aux propos et aux remarques faites par le député de
Chicoutimi, remarques marquées au coin d'un réalisme et d'une
dialectique qui lui sont reconnus en cette Chambre. Je tiendrais, tout de
même, à manifester également ma surprise devant l'attitude
de mes honorables collègues du Parti québécois, d'autant
plus que le député de Bourget s'est servi d'un argument
historique extrêmement fort, extrêmement inattaquable, lorsqu'il
nous a relaté un trait de l'histoire de la guerre de Sécession,
alors que les noirs étaient des esclaves et que plusieurs ne voulaient
même pas être libérés, ne sachant trop pourquoi. Du
même souffle, il nous ramène à cette période
extrêmement évoluée sur tous les plans qui est
caractérisée par les années 1970-1972.
Je saisis mal le rapprochement, à moins que ce ne soit qu'un
rapprochement littéraire ou encore une formule intellectualisée
d'aborder ce problème.
M. BURNS: Vous n'allez jamais rien saisir de cela, de toute
façon. Il n'y a pas de problème.
M. LOUBIER: Non, M. le Président, je n'aurai jamais la
prétention d'appartenir à un petit pourcentage de la population
qui est en pleine possession tranquille de toutes les
vérités.
M. BURNS : Un petit pourcentage qui est pas mal plus élevé
que celui qui a voté en faveur de votre parti, aux dernières
élections.
M. LOUBIER: M. le Président, s'il n'y avait pas eu autant de
démagogie, à ce moment-là, et si on avait
démasqué son vrai visage à la population sur le plan
économique...
M. BURNS: On s'y connaît, en matière de
démagogie.
M. LOUBIER: ... si on s'entendait pour dire quelle monnaie ce sera,
québécoise, canadienne, si on s'entendait sur les politiques
linguistiques...
M. BURNS: On s'y connaît très bien, en matière de
démagogie...
M. LOUBIER: ... s'il y avait le moindrement d'unanimité dans le
parti, s'il y avait le moindrement d'exposés clairs et précis,
peut-être qu'à ce moment-là, attendons aux prochaines
élections, le député de Maisonneuve en aura la preuve. Peu
importe. Je ne voudrais pas me laisser entraîner, M. le
Président.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous dévoilez votre visage par un
coup de la Brink's.
UNE VOIX: Ce ne sont pas des felquistes.
M. LOUBIER: M. le Président, on peut se dévoiler le visage
par la Brink's, on peut se dévoiler le visage par l'affaire Pierre
Laporte, on peut se dévoiler le visage par l'affaire Vallières,
on peut se dévoiler le visage de mille et une façons. Il s'agit
d'évaluer de quelle façon c'est le plus condamnable ou non.
M. le Président, je pense que c'est ce genre d'invitations que
l'on retrouve aujourd'hui, dans différents milieux, invitations à
prendre tous les moyens pour rendre davantage vulnérables, pour rendre
davantage sujets à critique des institutions et les hommes qui ont
à administrer et à assumer les responsabilités de voir au
bon fonctionnement de ces systèmes ou de ces institutions.
C'est une façon très subtile, à mon sens, d'inviter
le gouvernement, quel qu'il soit, ou de laisser entendre à la population
qu'il faudrait que les juges aient le droit de vote, qu'il faudrait
également que les substituts du procureur général,
même si leur volongé exprimée dans la liberté est
à l'effet d'être protégés davantage sur tous les
plans, c'est une invitation à mouiller davantage ces gens et à
faire en sorte qu'ils soient, encore d'une façon plus cruelle, la cible
de toutes sortes d'attaques motivées, inavouées ou à demi
avouées.
Mais, M. le Président, si on accordait ce droit de vote aux juges
et aux substituts du procureur général, est-ce qu'on peut
limiter, si on est tellement évolué et si on vit tellement dans
une société qui, sur le plan sociologique, sur le plan politique,
doit être à l'abri de toute entrave, est-ce qu'on accorderait tout
simplement le droit de voter, sans permettre à ces juges et à ces
substituts du procureur général d'assister à des
assemblées politiques partisanes? Est-ce qu'on pourrait leur enlever le
droit strict d'être informés par le meilleur canal et le meilleur
media, littéralement, qui est celui que donnent, par leurs informations,
les politiciens des différentes formations politiques? Est-ce qu'on
pourrait empêcher ces juges et ces substituts du procureur
général de manifester, à l'occasion, leur approbation ou
leur désapprobation à l'occasion de ces "meeting"
électoraux? Est-ce qu'on pourrait brimer et limiter ce droit de vote
à prendre des informations par tel ou tel media? Et ces juges et ces
substituts du procureur de la couronne auraient à juger des causes bien
précises, dans lesquelles sont impliqués des adversaires
politiques, d'une façon ostensible et reconnue.
On se lancerait alors dans toutes les attaques, partant de la
démagogie la plus basse pour aller jusqu'à la sublimation, si on
me permet l'expression, du rôle des juges, des magistrats et des
substituts du procureur général.
Je comprends que dans plusieurs pays ça existe cette conception.
Je comprends que dans des pays à coloration fasciste au dernier
degré c'est clair que les magistrats non seulement peuvent mais doivent
de toutes les façons appartenir et obéir aux structures
politiques. C'est clair que dans d'autres pays où on a un socialisme
quasi intégral les juges et les substituts du procureur
général doivent être à l'écoute des diktats
des chefs politiques et de ceux qui voient à l'administration de la
justice au palier de l'Exécutif. C'est clair que ça se voit dans
certains pays.
Mais moi je dis et je respecte l'opinion émise par
d'autres que nous voulons vivre dans une démocratie
équilibrée. On prend des mesures qui ne sont pas parfaites, mais
qui, comme le signalait à juste titre le député de
Chicoutimi tout à l'heure, représentent tout de même un pas
vers une protection plus grande. C'est une amorce de politique pour que les
juges soient le plus possible à l'abri de toutes les attaques ou soient
dans une position telle qu'ils ne puissent participer ni directement ni
indirectement à la vie politique partisane. Comme l'a souligné le
député de Chicoutimi, je dis que c'est un pas dans la bonne voie.
Je calcule que le ministre de la Justice fait oeuvre utile et agit comme un
homme qui veut véritablement faire évoluer la justice. Il veut
véritablement que nos institutions judiciaires, nos magistrats, nos
substituts du procureur général soient dans des conditions telles
qu'ils donnent les meilleures garanties possible, sur le plan humain,
d'invul-
nérabilité et de très grande équité.
De plus en plus nous allons vers une très grande indépendance sur
le plan politique partisan.
M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Je comprends que le ministre dans son projet de loi
veuille dépolitiser au possible la justice. Mais j'aimerais lui poser
une simple question. Supposons que le procureur général
découvre qu'un de ses substituts fait de la politique active par le
biais de ses activités de soirée, qu'est-ce qu'il fait?
Même s'il relève de la fonction publique, la Loi de la fonction
publique n'est pas tellement catégorique sur ce point. Est-ce
qu'automatiquement le procureur général est obligé de
suspendre ce substitut ou s'il le maintient en fonction? Quelle est la
procédure suivie?
M. CHOQUETTE: II y a sûrement les sanctions prévues
à la Loi de la fonction publique pour un procureur de la couronne qui
n'obtempérerait pas aux prescriptions de la loi sur ce point-là.
Il va de soi que le chef du ministère de la Justice ou le chef adjoint
pourrait prendre une mesure de suspension, quitte à demander la
révocation d'un procureur qui se serait livré, en contravention
avec la loi, à des activités politiques.
M. LATULIPPE: C'est automatique et obligatoire sur une simple plainte
d'un citoyen, si ça s'avère fondé?
M. CHOQUETTE: Non. En général les actions disciplinaires
contre des fonctionnaires, que ce soit des fonctionnaires ordinaires ou des
substituts du procureur général, qui sont dans une classe
à part, sont prises par les autorités du ministère, par
ceux qui sont responsables du ministère. En l'occurrence c'est moi pour
le moment avec mon sous-ministre.
Tout à l'heure je pense que quelqu'un faisait allusion au fait
que pour aller vers un immense idéal de dépolitisation de la
justice cela a été proposé en certaines occasions
il faudrait qu'un ministre de la Justice soit permanent et ne soit pas
politique.
Cela a été proposé, mais, à mon sens, cette
idée ne peut pas tenir, parce qu'il faut que le ministre de la Justice
soit responsable à quelqu'un. Le seul endroit où il peut
être responsable, c'est à la Chambre. C'est là où on
peut le critiquer et dire: Vous avez adopté une politique qui a
prêté la justice à la politique partisane ou à telle
orientation qui n'était pas dans le meilleur intérêt de la
justice.
C'est la raison pour laquelle le ministre de la Justice, dans un
régime démocratique comme celui-ci, doit être un homme
politique, mais il doit, dans la mesure maximum, faire en sorte que
l'administration de la justice soit dépolitisée. Maintenant, aux
échelons inférieurs, quand on arrive à ceux qui agissent
devant les cours de justice qui représentent l'Etat, ceux-là
je pense que tout le monde va l'admettre doivent le faire avec
une impartialité et une objectivité qui ne tiennent nul compte de
la personnalité de l'accusé et du parti politique auquel il
appartient. Ils doivent strictement faire leur devoir en fonction des lois et
en fonction de la justice.
Comme l'ont dit mes honorables collègues de Chicoutimi et de
Bellechasse, nous essayons de traduire cette idée dans la loi de
façon que ceux qui représentent la poursuite devant le tribunal
et qui deviennent en quelque sorte des quasi-magistrats, aient, en tout temps,
une attitude qui soit totalement dégagée de tout souci
politique.
M. LATULIPPE: M. le Président, je conçois que les
intentions sont nobles. Il n'en reste pas moins que les moyens pris
relèvent encore d'une autorité qui, elle, est politisée.
Si la justice ne s'exerce pas selon des normes qui conduisent à une
sanction automatique, ça devient une question de discrétion du
ministre ou du procureur général. Vous me dites qu'il est
responsable devant la Chambre. Il est bien plus responsable à la
majorité qu'il représente qu'à la Chambre en termes
pratiques, à mon point de vue. Le ministre sait fort bien qu'il est
à même de recevoir des informations qui, dans la majorité
des cas, seront soustraites à la connaissance des partis de
l'Opposition.
Si l'Opposition devient la seule garante de la justice immanente du
ministre, c'est une bien faible garantie. Tout en souscrivant à la
volonté et aux intentions du ministre, je trouve qu'il devrait imaginer
un mécanisme un peu plus souple qui garantirait encore plus
l'efficacité ou les intentions qu'il veut prôner.
M. CHOQUETTE: Je pense que le député de Frontenac nous
amène deux questions intéressantes. Premièrement, il dit
qu'il devrait y avoir une sanction automatique dans la loi. J'ai bien compris
son argument sur ce point-là.
M. LATULIPPE: Dans les normes et la réglementation que vous
voulez imposer ou que vous instaurerez, parce que les exigences de la fonction
publique ne répondent pas en soi aux critères exigés par
la loi, surtout quand on sait la façon dont ça fonctionne
à la fonction publique.
M. CHOQUETTE: Oui, on peut faire toutes les critiques que l'on veut
contre la fonction publique je pense que si on devait explorer tous les
aspects de la politique de cette partie de l'administration, on pourrait
trouver beaucoup de choses à critiquer mais il reste que la Loi
de la fonction publique prévoit que, lorsqu'un fonctionnaire a
posé un acte répréhensible, on peut prendre une
procédure contre lui en révocation. J'ai compris, moi, que
l'argumen-
tation du député de Frontenac était qu'il
désirait, aussitôt qu'il y a infraction, en l'occu-rence par un
procureur de la couronne, qu'on applique en quelque sorte la sanction inscrite
dans la loi.
Or, ceci est une illusion, parce qu'on ne peut pas inscrire dans nos
lois des sanctions automatiques. Il faut toujours que quelqu'un mette la
machine en marche et que, là, il adapte la poursuite à la
gravité de l'infraction qui a été commise. Dans le cas
actuel, s'il devait y avoir une infraction, à ce moment-là, il
appartient aux autorités du ministère de porter plainte à
la Commission de la fonction publique et de demander la révocation ou la
suspension d'un procureur de la couronne qui aurait enfreint la loi. C'est la
seule procédure possible dans les circonstances.
Maintenant, le député dit : Oui, mais vous, le ministre de
la Justice, vous êtes quand même politisé. Mais est-ce que
le député peut s'imaginer tous les dangers qu'une
société pourrait courir si le ministre de la Justice
n'était pas au Parlement où il peut subir la critique de tous les
députés? Si c'était le cas, le ministre de la Justice
jouirait de pouvoirs tellement considérables, sans avoir de
mécanisme de contrôle sur son action, que le danger serait
beaucoup plus considérable que s'il est parmi les élus du peuple,
s'il fait une erreur ou s'il pose des gestes repréhensibles parce que
politiques.
A ce moment-là, on peut faire une motion de blâme, on peut
lui poser des questions, on peut le mettre dans une situation où on peut
le critiquer avec toutes les sanctions possibles qui peuvent être prises
en Chambre. On ne peut pas avoir de système parfait. Nous visons
à assurer, dans la mesure du possible, un système judiciaire
dépolitisé et cette mesure que nous apportons est une des pierres
à cet édifice.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, lorsqu'on propose
l'amendement pour enlever aux substituts du procureur général le
droit de vote, cela me surprend un peu je ne veux pas être trop
long dans mes remarques car on sait qu'en vertu de la Loi de la fonction
publique, en temps de période électorale un substitut du
procureur général, pas plus qu'un autre employé de la
fonction publique, n'a le droit de faire de la politique active, de se
présenter, etc. On débat ce soir un amendement, proposé
par le ministre, enlevant aux substituts du procureur général le
droit de vote, et ce qui me scandalise, c'est que par de grands discours, comme
celui du député de Chicoutimi, comme d'autres discours, comme le
discours du ministre de la Justice, on essaie de nous laisser croire que si on
enlève le droit de vote à un substitut du procureur
général, cet homme, par le fait même, devient isolé
de la politique, comme si on pouvait lui enlever toutes ses opinions
politiques, ses croyances et son allégeance politique.
Même chez le monde ordinaire, on sait qu'un substitut du procureur
général ou un juge d'intelligence moyenne ont leur parti
politique, ont des croyances politiques, et c'est normal. On sait qu'ils ont
leur allégeance politique. De là à leur défendre
d'aller derrière un isoloir faire une croix en faveur d'un candidat, de
là à essayer de nous faire croire qu'automatiquement ils ne
subissent plus aucune influence politique, qu'ils sont en dehors de la
politique et complètement isolés, qu'on n'a plus aucun doute sur
ces individus, il y a une marge. Ce genre d'amendement essaie de faire croire
que les substituts du procureur général vont devenir des hommes
prémunis contre toutes les influences politiques, que ce soit du parti
actuel au pouvoir ou d'un autre qui le sera. C'est pour la consommation du
populo, du public. C'est par d'autres mesures qu'on va empêcher ces gens
de subir des influences politiques, ce n'est pas en leur enlevant leur droit de
vote.
Essayer de faire croire cela à la population, ça ne colle
plus. La population, le simple citoyen qui ne connaît rien du rouage de
la justice, qui ne connaît rien du travail même des substituts du
procureur général sait que même si on l'empêche de
voter, cela n'empêche pas ce substitut du procureur général
d'avoir son allégeance politique, son credo politique et ses croyances
politiques. Cela ne dérange absolument rien et cela ne l'empêchera
pas de subir les pressions d'un parti politique ou d'un homme politique. Je ne
dis pas qu'ils en subiront du ministre actuel, je ne nomme personne.
Ce qui me scandalise, c'est que par de beaux grands discours on essaie,
pour la consommation du simple citoyen, de lui prouver que c'est fini, que les
substituts du procureur général ne subiront plus jamais
d'influence politique car on leur a enlevé le droit de vote. Moi, je n'y
crois pas et la population n'y croira pas, pas à un moyen comme
celui-là. On ne croira pas que les substituts du procureur
général deviendront des gens complètement
désintéressés de la politique, des gens qui ne penseront
plus. Voyons, ils resteront des citoyens qui pensent, qui
réfléchissent et qui vont opter pour des partis politiques! Mais
n'ayez aucune crainte, ces gens-là n'ont plus le droit d'aller faire une
croix vis-à-vis du candidat de leur choix !
M. LACROIX: Est-ce que le député de Sainte-Marie me
permettrait une question?
M. BURNS: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, je ne permets pas de question. Quand
j'aurai fini vous en poserez.
M. LACROIX: D'accord, l'hypocrisie continue.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je répète au ministre que
ça me fait rire si on essaie de faire croire à toute une
population que c'est fini l'influence politique chez les juges, chez les
substituts du procureur général. Ils n'ont plus le droit de vote,
on a donc réglé le problème! La population est beaucoup
plus évoluée que ça et elle est certaine que ça
continue quand même. On dira simplement qu'on les a empêchés
de faire un X près du nom du candidat de leur choix.
Je répète que ça ne collera pas parmi la
population.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, j'espère que les journalistes
péquistes mettront demain en tête d'affiche, dans les journaux du
Québec: le Parti québécois demande que les juges
retournent à la politique. C'est ce qui nous a été
prêché ce soir.
M. BURNS: Un autre farceur, c'est plein de farceurs
là-dedans.
M. PAUL: M. le Président, ce sont ces mêmes gens qui, en
pleine campagne électorale, ou ailleurs, dans les CEGEP,
s'élèvent contre la politique que l'on rencontre dans la
justice.
M. BURNS: Nous ne piétinions pas le micro nous.
M. PAUL: Lorsqu'on entend ces braillards, on se demande pourquoi...
M. LACROIX: Demandez-lui donc si son chef est à Alger ou sur la
Côte d'Azur à l'heure actuelle et demandez-lui donc de quel
côté est le ministre, à gauche ou à droite.
M. BURNS: Nous n'avons pas piétiné le micro nous.
M. LEGER: ... ce qui est légalement impossible.
M. PAUL: Ne vous en faites pas M. le Président!
M. LACROIX: Maudite putain politique!
M. PAUL: Ne vous en faites pas, la planification péquiste, c'est
d'essayer d'avoir la publicité des journaux de fin de semaine.
M. LACROIX: ... c'est clair, les journaux jaunes.
M. PAUL: C'est demain qu'on verra ces brillants membres de la tribune de
la presse vanter les chouchoux péquistes qui ce soir incitent une fois
de plus la population à perdre totalement confiance dans
l'administration de la justice, ce qui leur permettra d'aller davantage dans la
population pour prêter le renversement du système établi
que nous avons.
M. LACROIX: En plus de ça, M. le Président, si vous le
permettez, aller coucher avec Martha Adams.
M. PAUL: M. le Président, je vois le député de
Maisonneuve, mon bon ami,...
M. BURNS: Votre affaire cela fait peur, c'est inquiétant.
M. PAUL: ... plaider, la semaine prochaine, devant un juge qui aurait
participé à la campagne électorale qui se serait
déroulée un mois auparavant. D'ailleurs, si on suit le
raisonnement exposé par les députés péquistes, la
loi ne pourrait même pas les empêcher de participer activement
à une campagne électorale parce que ce serait retourner au Moyen
Age et brimer l'exercice d'un droit sacré, inhérent à la
démocratie. Par conséquent, nos juges pourraient terminer une
cause à quatre heures de l'après-midi, et le soir même,
aller sur une tribune politique participer à une campagne
électorale en faveur d'un candidat de leur choix et par pure coincidence
retourner sur le banc, le lendemain matjn, pour juger une cause où ils
entendraient des avocats qui, la veille au soir, auraient pu critiquer le parti
politique auquel ils n'adhèrent pas eux-mêmes.
Voilà que nous verrions alors le député de
Maisonneuve s'élever contre l'intrusion de la politique dans le domaine
judiciaire. Les justiciables du Québec ne peuvent pas avoir justice
parce qu'ils sont à la merci du gouvernement ou du pouvoir qui
siège à Québec.
Je dois dire que, pour ma part, je n'ai jamais assisté à
une telle volte-face et je ne me l'explique pas autrement que par un
désir qui ne peut plus être brimé chez ces gens de tout
faire pour que l'on perde confiance en l'autorité quelle qu'elle soit,
même judiciaire; et là, parce que le peuple aura perdu confiance
en l'autorité judiciaire, ça devient un terrain facile,
extrêmement facile pour attiser les passions, pour soulever la population
contre l'autorité judiciaire et on aura alors une raison de plus pour
prêcher le renversement du système.
Je vois la position dans laquelle se trouverait placé le ministre
de la Justice devant les remarques d'un dénommé Pepin qui,
récemment, dans une entrevue à la télévision, et
surtout son collègue de gauche ou de droite, M. Laberge, parlaient
constamment du ministre de la Justice comme étant un tripoteur de la
justice.
M. LACROIX: Le cognac à droite et la bière à
gauche.
M. PAUL: Voici, M. le Président, que nos juges, maintenant
devenus politiciens, seraient
exempts sans doute de cette accusation et de ce jugement de tripoteurs
politiques. Ce soir, ça me fait plaisir de voir qu'il y a dans
l'auditoire le président de l'Association des procureurs permanents de
la couronne qui, dans un geste généreux, nonobstant ses opinions
politiques, se fait l'interprète des membres de son association pour
inviter le ministre de la Justice à leur enlever le droit de vote, afin
de contribuer à créer un climat sain et de confiance au
Québec à l'endroit de ceux-là qui ont charge de
l'administration de la justice.
Mais non, M. le Président, parce que ça enlèvera
une raison de critiquer davantage la justice, nos amis du Parti
québécois n'aiment pas ça. Parce que tout ce qui peut
assainir le climat politique au Québec, c'est clair que ça ne
fait pas leur affaire. Ils préfèrent, eux, se délecter
dans le trouble, dans le désordre social, le chaos économique et
c'est là qu'ils recrutent leurs partisans leurs agitateurs et qu'ils
espèrent devenir assez nombreux pour les porter au pouvoir.
Je dis donc, M. le Président, que depuis mon arrivée dans
cette Assemblée nationale, c'est la première fois que je vois un
geste aussi dégradant à l'endroit de l'administration de la
justice, un geste aussi rétrograde, un geste aussi inexplicable, si ce
n'est dans le seul but de créer un climat d'agitation sociale, de faire
perdre complètement confiance en l'administration de la justice.
J'espère que les péquistes journalistes, ces petits chouchoux,
auront le courage d'écrire en grosses lettres, demain, "Le Parti
québécois demande la politisation de nos juges". Là, le
peuple connaîtra les véritables sentiments qui animent ces
honnêtes gens, ces vierges offensées. Ceux-là sont toujours
victimes des plus grandes injustices, ce sont ceux qui sont les plus
frappés par la logique de nos juges, cependant
dépolitisés. Mais non, il faut être absolument contre cette
mesure qui va contribuer à assainir l'administration de la justice.
M. le Président, franchement, je n'aurais jamais cru qu'aux
toutes dernières heures d'une session, l'on puisse être usé
à un tel point que l'on puisse présenter des arguments aussi
farfelus, aussi saugrenus, aussi rétrogrades, pour ne pas dire
davantage.
Je félicite le ministre de la Justice. A moins qu'il ne
désire avoir comme compagnons des tripoteurs de la justice, je
l'inviterais à amender la loi électorale pour permettre aux juges
de faire de la politique.
Pour toutes ces raisons, je n'ai pas besoin de vous dire que nous allons
voter pour ce projet de loi. Nous allons rester sur les positions que nous
avons toujours tenues pour qu'au Québec il y ait cet effort commun,
cette action concertée, dans tous les milieux pour que le justiciable
puisse avoir l'impression d'abord et la conviction ensuite que la justice est
au-dessus de tous les intérêts politiques.
Ceux qui ont charge de l'administration doivent essayer de fuir les
occasions, pour remplir efficacement leur rôle qui est d'être non
pas au service d'un Etat vengeur, mais de travailler au respect intégral
de toutes nos lois.
M. LE PRESIDENT: Le député des Iles-de-la-Madeleine.
M. LACROIX: M. le Président, malgré mon âge assez
jeune, même si je me sens assez vieux, je pense que je me suis battu,
depuis plus de 30 ans, pour que les avocats soient les serviteurs de la
population et que, de plus en plus, la justice soit au service de la population
afin que celle-ci sente, quelle que soit son appartenance politique ou son
milieu social, qu'elle peut obtenir la justice dans son sens le plus strict et
le plus égal.
Ce soir, j'assiste à l'étude d'un projet de loi qui permet
à un gouvernement de donner à la population un service de justice
plus adéquat, plus dépolitisé. Malheureusement, nous
voyons les putains politiques qui jouent aux vierges offensées. Ils sont
sept en cette Chambre. J'aimerais bien que le ministre de la Justice puisse
aller plaider à travers la province, parce qu'il est un avocat
compétent et honnête. Il pourrait aller plaider partout. Mais le
ministre de la Justice, qui est un avocat honnête, compétent, est
capable de trouver des substituts qui iront le représenter dans tous les
districts judiciaires de la province de Québec et qui seront capables de
faire face à des individus qui veulent détruire la
société, à des gens qui veulent constamment faire en sorte
que la liberté et la loi soient brimées par quelques
individus.
M. le Président, je vois à travers vos lunettes que vous
regardez à droite, mais regardez à gauche, c'est plus dangereux
!
M. LE PRESIDENT: Je vais les mettre.
M. LACROIX: Je vous dis qu'il faut absolument que nos procureurs de la
couronne soient des hommes, premièrement, qui soient payés
adéquatement. Autant les juges que les substituts du procureur de la
couronne et les gens qui assistent le ministre dans les différents
districts judiciaires, doivent être en mesure de s'acquitter
adéquatement de leurs responsabilités. Je me fous royalement de
tous les petits Lemieux et des autres qu'il y a de l'autre côté.
Ce que je veux, c'est que la justice soit aussi égale...
M. BURNS: M. le Président, qu'est-ce que c'est, cette histoire de
Lemieux?
M. LACROIX: ... pour tout le monde que pour celui qui est en face de
moi.
M. BURNS: Non, non, précisez.
M. LACROIX: Je n'ai pas parlé du député de
Maisonneuve.
M. BURNS: C'est quoi, l'affaire de Le-
mieux? Dites-le donc ce que vous voulez dire sur Lemieux. Etes-vous
gêné de le dire?
M. LACROIX: Absolument pas.
M. BURNS: Moi, je ne suis pas gêné du tout d'avoir mon nom
associé au nom de Robert Lemieux.
M. LACROIX: Je le savais, vous n'avez aucun honneur.
M. BURNS: Bon, qu'est-ce que c'est, votre problème, à part
ça? Avez-vous un problème?
M. LACROIX: Je ne permettrais pas que le nom de Lemieux soit
associé au mien...
M. BURNS: Bien, vous voyez jusqu'à quel point...
M. LACROIX: ... parce que j'ai de l'honneur!
M. BURNS: ... vous êtes colonisé.
M. LACROIX: Seulement vous, vous n'en avez pas.
M. BURNS: Vous voyez jusqu'à quel point vous êtes
dépassé, pauvre bonhomme!
M. LACROIX: Seulement, M. le Président, il faut à tout
prix que la justice soit respectée dans la province de Québec, la
justice dont on se plaint tant. Il y a des gens qui, comme vous, abusent de la
justice. Vous riez des juges. Vous riez des procureurs de la couronne. Vous
riez de l'autorité. Il faut absolument que, dans la province de
Québec, l'autorité s'exerce et l'autorité s'exercera par
le ministre de la Justice, par l'entremise des procureurs de la couronne.
Seulement, je ne suis pas comme le député...
M. BURNS: Cela me fait peur!
M. LACROIX: ... de Sainte-Marie. Je n'ai pas mal aux reins parce que
pour lui, les reins se situent là.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je veux vous dire de faire attention
à votre oeil.
M. LACROIX: M: le Président, je dis et je répète
qu'il est important, dans la province de Québec, que l'on cesse de jouer
à l'autruche, que l'on cesse de dire que l'on ne doit pas faire de la
politique.
M. BURNS: Qui joue à l'autruche, actuellement?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! M. LACROIX: Tout à
l'heure, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et de plaisir les
propos qui ont été tenus par les députés de
Chicoutimi et de Maskinongé, des propos sensés, venant de gens
qui ont beaucoup d'expérience.
Quant à moi, qui ai tant parlé contre les avocats,
aujourd'hui je regrette qu'il n'y ait pas davantage d'avocats honnêtes
qui siègent en cette Chambre, parce que ce sont les gens les plus
formés, ceux qui peuvent le mieux nous représenter.
M. BURNS: Merci. Merci, vous êtes bien aimable à mon
égard.
M. LACROIX: Nous sommes ici pour légiférer, pour
établir des lois honnêtes, des lois qui protègent
l'ensemble de la population. Quand on voit des avocats qui essaient de
détourner les lois pour qu'elles servent certaines fins politiques
partisanes, communistes, communisantes ou socialistes, je ne suis pas
d'accord.
Il n'y a pas un homme, sur la terre, il n'y a pas un
député péquiste qui m'empêchera de dire que, dans la
province de Québec, je ne suis pas au-dessus de la loi, que mes enfante
ne sont pas plus protégés par la loi que je ne le suis, mais il
faut absolument que dans le projet de loi no 52...
M. BURNS: Votre beau-frère, est-il protégé?
M. LACROIX: S'il vous plaît, si vous voulez parler, prenez votre
siège. Vous parlez mieux du siège que de la tête.
M. BURNS: Est-ce que votre beau-frère est
protégé?
M. LACROIX: M. le Président, je voudrais que dans la forme
actuelle la question... Naturellement, vous parlez de niaiseux. Vous connaissez
cela, avec Lemieux, vous!
M. BURNS: Je comprends. Je vous regarde et je me rends compte de
cela.
M. LACROIX: M. le Président, il faudrait de plus en plus
protéger le judiciaire. Malgré que je ne serai jamais avocat,
même si j'aurais assez d'expérience pour l'être parce que
j'ai défendu de bonnes causes, dans ma vie, je voudrais que les avocats
qui deviennent substituts du procureur général soient
payés adéquatement, pour s'acquitter honorablement de leurs
fonctions. Tant et aussi longtemps que l'on ne pourra pas avoir des avocats qui
seront payés selon leur compétence, selon leur travail, selon
leurs capacités, nous aurons toujours des substituts du procureur
général qui feront davantage ce qu'ils ont toujours fait, soit
jouer au golf plutôt que d'aller au palais de justice, ce qui n'est bon
ni pour la justice, ni pour le peuple.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, je voudrais le plus possible ramener
à ses véritables dimensions le problème que nous discutons
actuellement. Si je me souviens bien, malgré tous les cris que nous
avons entendus je m'en excuse puisque j'y ai moi-même
participé, mais cela a été plus fort que moi le
problème qui nous préoccupait était l'article 3 du projet
de loi no 52, qui se lit comme suit: "Un substitut ne peut non plus voter
à une élection fédérale, provinciale, municipale ou
scolaire." Sauf erreur, c'était le début du débat. C'est
là-dessus que c'est parti.
Nous, de notre côté, nous nous sommes fait accuser, je
pense, depuis les quinze ou vingt dernières minutes, par une
série de sépulcres blanchis, de tous les péchés
d'Israël. M. le Président, vous me comprenez.
M. LACROIX: Je n'en connais pas d'autres. S'il y en a d'autres, vous les
avez.
M. BURNS: M. le Président, je m'abstiens véritablement,
vraiment, de répondre à ce genre d'intervention.
Nous nous sommes fait accuser de toutes sortes de péchés
que nous ne pensons pas avoir, simplement parce que nous avons osé dire
que ce n'était pas normal, pour un substitut, même permanent, du
procureur général, de ne pas pouvoir voter à une
élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire. Ce
n'est que cela que nous avons dit, jusqu'à maintenant. Nous n'avons pas
l'intention d'aller plus loin que cela non plus.
Ceux qui étaient familiers avec les milieux de la justice avant
les années 1960 se souviendront que, de gouvernement en gouvernement,
les procureurs de la Couronne changeaient selon les gouvernements. Le
député de Maskinongé, avec ses quelque 20 années
d'expérience au Barreau, ainsi que les autres membres de la Chambre qui
ont connu cette époque noire se souviennent sûrement du fait que
si un gouvernement changeait, automatiquement les procureurs de la Couronne
changeaient.
Il est arrivé qu'en 1960, on a tenté de changer ce
courant. C'était un gouvernement libéral, à
l'époque, dirigé par M. Lesage, qui a fait cette première
tentative, qui n'a pas été parfaite, je l'admets, mais au moins,
pour la première fois, on voyait des procureurs de la couronne
nommés par le gouvernement précédent demeurer procureurs
de la couronne sous le deuxième régime, sous le régime
nouvellement élu. C'était véritablement une innovation.
C'était en 1960.
Cela s'est perfectionné en 1966, si c'est ça que vous
voulez que je vous dise.
M. VINCENT: Après 1944, ça n'a pas changé
après chaque élection.
M. BURNS: Tranquillement, pas vite, on a commencé à
installer le système du procureur ou du substitut du procureur
général permanent. Et c'est là qu'on a commencé
à nommer des gens, allant même jusqu'à nommer comme
substitut du procureur général, c'est-à-dire comme
procureur de la couronne, des personnes d'un autre parti. Je me souviens du
premier je ne le nommerai pas et qui est maintenant juge, qui
était un procureur de la couronne carrément identifié
à l'Union Nationale du temps qui a été nommé par le
Parti libéral. C'est là que ç'a commencé.
C'est dans ce cadre, je pense, qu'il faut fixer la discussion. On a
commencé par dire à ces gens: Vous n'êtes pas au service
d'un parti politique. Et moi, je dis: Bravo au parti qui a commencé en
1960 et bravo à l'autre parti qui, en 1966, a continué cela! Je
n'ai rien contre, bien au contraire. C'est ce que je veux, s'il vous
plaît, désamorcer. C'est ce que je veux que vous compreniez. Nous
n'avons pas du tout l'intention de dire: Nous allons leur faire faire de la
politique.
Vous savez ce que nous demandons. C'est qu'ils aient simplement le droit
de vote, ces gens. Rien que ça. J'ai entendu tantôt des
âneries incroyables. On disait que parce que nous demandions que les
procureurs de la Couronne soient des citoyens comme les autres,
c'est-à-dire aient le droit de vote, nous voulions leur faire faire de
la politique.
Bien, bon Dieu, s'il fallait qu'on dise ça, nous parlerions
contre notre intérêt, parce qu'ils ne sont drôlement pas de
notre bord ces gars, si c'est ça le problème! Il y en a
peut-être, mais je ne le sais pas. Personnellement, par leur attitude, je
n'ai pas pensé que c'était des membres du Parti
québécois, je ne l'ai jamais pensé. Je n'ai pas
l'intention d'ailleurs de nommer qui que ce soit à ce moment-ci, mais
peu m'importe le parti politique qui peut être celui pour lequel ils
penchent davantage. Pas du tout ! Il y a déjà une protection dans
la Loi de la fonction publique qui dit que les fonctionnaires ne peuvent faire
de politique partisane. Lisez-là donc, le député de
Trois-Rivières, votre loi; vous allez comprendre et vous ne direz pas:
Ah, mon Dieu! Et le gouvernement a le droit de sévir si ces gens ne
respectent pas la Loi de la fonction publique.
Ils ne peuvent pas faire de la politique partisane en période
électorale. C'est une chose qui est bien claire. Jusqu'à ce que
ce soit changé, je pense que c'est une drôle de protection pour le
gouvernement. Mais de là à dire que parce qu'ils
détiennent une fonction qui est près de l'administration de la
justice, ils ne doivent pas voter! On doit leur enlever un de leurs droits les
plus sacrés. Je dis que c'est absolument inconcevable.
On semble dire et j'ai entendu le ministre de la Justice nous le
dire tantôt que toute accusation politique à l'égard
du système de l'administration de la justice serait lavée par
l'acceptation de cet amendement. Là, je dis, M. le ministre, que c'est
plutôt vous que nous qui
devriez être traité de rêveur dans ce cas-là,
parce que les accusations qu'on peut faire à l'égard des
procureurs de la couronne, de l'administration de la justice en
général, les procureurs de la couronne en étant un tout
petit rouage, ne sont pas fondées sur Je fait que des gens votent ou ne
votent pas.
Si véritablement le vote est secret si quelqu'un veut me
démontrer que le vote n'est plus secret, et que quand un procureur de la
couronne va voter on sait de quel côté il vote, je vais alors
peut-être être obligé de me raviser. Mais jusqu'à
maintenant, il me semble que c'est très clair que le vote est secret,
pour un procureur de la couronne comme pour tout autre citoyen. Alors, je ne
vois pas comment en empêchant les procureurs de la couronne de voter, on
va cesser ou on va empêcher les accusations qui pleuvent actuellement
contre l'administration de la justice, qui pleuvent non pas contre le fait
qu'elle soit politisée, mais contre le fait qu'elle soit partisane. Et
quand je dis partisane, je ne pense pas strictement aux partis politiques comme
tels.
Je pense beaucoup plus aux classes sociales dans la
société. C'est là-dessus que les accusations sont faites.
Cela fait froncer les sourcils du ministre de la Justice quand je parle de
classes sociales, mais il ne faut pas se le cacher, elles existent même
au Québec, même si le Québec n'est pas un pays socialiste.
Même si l'expression classe sociale est une expression qui est
habituellement associée à un pays socialiste. Des classes
sociales existent réellement au Québec.
Or, il arrive que l'administration de la justice au Québec est
une administration d'une classe. D ne faut pas se le cacher non plus et ce
n'est pas le fait d'empêcher les procureurs de la couronne de voter qui
va changer cet état de fait. Ce n'est vraiment pas ça. Et cela
m'étonne qu'on demande que les procureurs de la couronne n'aient pas le
droit de vote, parce que eux, ils sont du rouage de l'administration de la
justice, un des rouages et je dis un des petits rouages, non pas que je veuille
minimiser leur rôle, loin de là mon intention, mais c'est un des
petits rouages de l'administration de la justice dans les faits.
Cela m'étonne qu'on veuille leur enlever, à eux, le droit
de vote et qu'on ne l'enlève pas au procureur général. Le
ministre de la Justice, nous a dit tantôt qu'il votait pour lui,
jusque-là ça va, c'est un homme politique; mais qu'on ne
l'enlève pas au sous-ministre de la Justice, voilà un gars qui
est bien plus proche de l'administration de la justice qu'un procureur de la
couronne. Comment se fait-il que, lui, soit plus pur que les substituts du
procureur général? Comment se fait-il qu'on ne s'inquiète
pas qu'il ait le droit de vote? Cela ne nous énerve pas. Puis il ne
faussera pas le système en continuant de voter, et il ne contribuera pas
à laisser cette espèce de dédain qui existe ce
n'est pas moi qui le dis, ce sont les statistiques dans l'esprit de la
population à l'égard de l'administration de la justice.
Comment se fait-il qu'à tous les hauts fonctionnaires du
ministère de la Justice qui sont à des niveaux je parle au
point de vue du salaire et au point de vue hiérarchique beaucoup
plus élevés dans l'organigramme du ministère, on ne
demande pas de les priver de leur droit de vote? Je me le demande très
sérieusement et je me demande et c'est ce que je dis quand je
parle d'une mesure comme celle-là qui à mon avis est une mesure
de sépulcre blanchi si véritablement il y a une expression
qui colle bien à l'article 3 du projet de loi no 52 s'il y a une
expression qui est exactement ça, puisque ça c'est une
disposition de sépulcres blanchis.
On s'imagine que, parce que les procureurs de la couronne, demain,
après la sanction de la loi, n'auront plus le droit de vote, ils
n'auront plus d'opinions politiques. Faites-moi rire, ceux qui pensent cela. Ce
sont des hommes et des femmes comme les autres. Ils vont continuer à
avoir des opinions politiques et c'est tout à fait normal. Qu'on leur
dise, tranquillement, pas vite: Peut-être qu'il ne faut pas faire
certaines choses, peut-être qu'il ne faut pas vous présenter aux
élections, je suis d'accord. Ils représentent déjà
une partie, la partie étant le procureur général
défendant les droits de la société.
Qu'on leur dise cela, je n'ai aucune espèce d'objection. Si on
leur déclare: Dans l'isoloir, vous n'aurez même pas le droit de
dire que vous n'êtes pas d'accord sur le système dans lequel vous
êtes, je dis: Merde! Cela n'a aucun sens qu'on propose ce genre de
choses-là. C'est pour cela que je considère que c'est une
proposition de sépulcres blanchis. On s'imagine qu'en mettant du blanc
ou du bleu à laver, ou du rouge ou je ne sais trop quoi devant ces
gens-là, ils n'auront plus d'opinions; c'est faux! C'est bon qu'ils
aient des opinions, ces gens-là. C'est bon aussi qu'ils comprennent leur
rôle.
J'engage le ministre de la Justice, qui comprend très bien ce que
je dis, à leur expliquer leur rôle. Si compétents que
soient les procureurs de la couronne actuellement, il en reste un grand nombre
qui ne comprennent pas leur rôle, comme il reste un grand nombre de
policiers qui ne comprennent pas le leur, comme il reste un grand nombre de
juges qui ne comprennent pas le leur. Ils ne se rendent pas compte qu'ils n'ont
pas de cause à gagner ni de cause à perdre, mais qu'ils sont
là comme représentants de la société. Comme tels,
même si la couronne se fait battre, en termes officiels,
c'est-à-dire que la cause contre l'accusé soit rejetée,
ils n'ont pas perdu de cause. Un procureur de la couronne et un policier,
ça ne perd jamais de cause; un juge, ça ne perd jamais de cause.
Ce sont des gens qui sont là comme un bouclier de la
société selon des degrés différents, qu'ils soient
policiers, procureurs de la couronne ou juges.
Le jour où le ministre de la Justice aura expliqué cela
à ses procureurs de la couronne, on n'aura pas besoin de venir nous dire
qu'il faut les rendre impartiaux, les rendre complètement à
l'épreuve de toute partisanerie et qu'il
faut adopter l'article 3. Là, on met véritablement de la
peinture sur une fenêtre pour ne pas qu'on voit en dedans. Ce n'est que
cela. Ces gens vont continuer à avoir des opinions et encore une fois je
leur dis: Bravo! Qu'ils continuent à avoir des opinions, ce sont des
citoyens, ce sont des membres de cette société qu'on habite;
qu'ils continuent à en avoir mais qu'ils se rendent compte d'une chose,
qu'ils ne sont pas là pour gagner ou perdre des causes.
On aura beau nous dire que ce sont des gestes dégradants que nous
posons en demandant cela; j'espère qu'on essaiera de désincarner
ce débat-là, de le ramener à sa véritable
dimension. C'est véritablement le seul endroit dans ce projet de loi
où on a des choses à dire contre le projet de loi 52. On le dit
franchement et là-dessus on ne peut pas nous blâmer. Je ne vois
pas pourquoi on nous blâmerait. Des gens nous ont dit que nous
étions là pour détruire le système judiciaire. Au
contraire, qui veut entendre, entende. On va comprendre que nous sommes
là beaucoup plus pour aider le système judiciaire en disant:
Faisons de nos procureurs de la couronne des gens normaux et non pas des gens
complètement alignés; c'est la situation actuellement.
Je me souviens et je vais le nommer, je ne me gêne pas pour
le nommer d'un ancien procureur général, ministre de la
Justice, qui s'appelait Claude Wagner et j'espère que jamais le
ministre actuel de la Justice n'a posé, ne posera des gestes semblables
je me souviens de Claude Wagner qui envoyait des mémos je
ne demanderai à personne de venir confirmer ça, il y a des
personnes, même en cette Chambre, qui sont capables de le confirmer, j'en
suis sûr il envoyait des mémos à ses procureurs de
la couronne pour leur dire: Dans cette cause, je voudrais une condamnation de
dix ans de prison. Je comprends que c'est extraordinaire et, M. le ministre, si
vos dossiers sont encore à jour, si personne n'a fouillé dedans,
remontez à des dossiers et vous allez les trouver les mémos. Je
trouve cela ahurissant. Si cela existe que des députés, que des
ministres posent de ces gestes à l'égard de procureurs de la
couronne qui, à l'époque, avaient le droit de vote, je trouve
ça mauditement plus grave que de leur garder le droit de vote, bien plus
grave parce qu'on en fait des objets du système alors que ce n'est pas
leur rôle.
Je ne vais pas plus loin. J'aurais un tas de choses à dire
là-dessus. Le côté dégradant de l'affaire je
vous le dis tout de suite ce n'est pas que nous nous opposions à
ça, mais que les procureurs de la couronne consentent à un genre
d'article comme celui-là. A mes yeux, ils viennent de baisser d'à
peu près 18 pieds. Ils ne se battent pas davantage pour que leur droit
fondamental de vote soit maintenu. Non seulement ils ne se battent pas mais ils
disent: Nous sommes d'accord pour qu'on l'enlève. Cela veut dire qu'ils
sont drôlement intégrés au système, qu'ils sont
drôlement en laisse. Cela veut dire que des gestes posés en 19...
je ne dirai pas la date parce que ça pourrait peut-être
identifier des gens au moment où Claude Wagner était
ministre de la Justice, ont peut-être tellement porté fruit que
c'est devenu quelque chose de normal à l'intérieur du groupe des
procureurs de la couronne d'être en laisse.
Cela m'inquiète bien plus qu'autre chose, bien plus que le fait
qu'ils aient droit de vote. Et, dans l'intérêt même de
l'administration de la justice, je demande qu'ils continuent à avoir le
droit de vote, c'est pour ça que nous allons voter contre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, sur ce projet de loi no 52,
nous en avons entendu des vertes et des pas mûres, ce soir. Je crains
bien que le voeu de l'honorable député de Maskinongé ne
soit pas exaucé, car demain matin j'ai bien l'impression qu'en regardant
les journaux, nous allons lire en toutes lettres que le Parti
québécois a fait un vibrant témoignage pour tâcher
de dépolitiser la justice au Québec en voulant imposer en quelque
sorte le droit de vote aux substituts du procureur général.
Il est assez difficile de commenter certains propos parce qu'il y a
tellement de contradictions à l'intérieur, surtout l'orsqu'on
regarde les politiques générales qu'on prône dans certains
milieux, c'est excessivement difficile de s'y retrouver.
Je regrette que ce soir nos débats n'aient pas été
télévisés. Cela aurait permis à la population du
Québec de se rendre compte par elle-même des propos qui ont
été tenus en cette Chambre par certaines personnes. Elle aurait
également pu se rendre compte que d'autres parlementaires expriment de
temps à autre leur point de vue sur des sujets de très grande
importance pour l'avenir du Québec.
On a dit qu'en 1960, tout à l'heure, on avait commencé
à changer cette politique. J'ai trouvé cela drôle parce que
je me demande si on a changé la politique ou les procureurs en 1960. La
mémoire est certainement une faculté qui oublie. On a aussi, sur
ce point, fait beaucoup état du fait que les juges devraient être
dépolitisés, ce avec quoi nous sommes entièrement
d'accord. Sur ce point, je veux simplement dire au ministre que nous sommes
d'accord avec l'article qu'il y a dans le projet de loi no 52 à l'effet
qu'un substitut ne peut plus voter à une élection
fédérale, provinciale, municipale ou scolaire.
Nous sommes entièrement d'accord sur ce point, parce qu'il fait
être réaliste. Le premier devoir d'un juge ou d'un substitut du
procureur général, c'est d'être impartial. C'est son
premier devoir et sa première responsabilité. Si ces personnes
peuvent avoir des droits, comme le diraient certains collègues, il y a
également la population du Québec qui a des droits. La population
du Québec a le droit d'être jugée de
façon impartiale dans certaines circonstances. Je pense que c'est
quand même assez important.
M. le Président, il est évident que nous sommes conscients
que cette clause ne réglera pas tout le problème. Il va falloir
que le gouvernement aille beaucoup plus loin. Je trouve quand même
je veux être honnête à l'endroit du ministre qu'il a
fait un effort minimum; je ne dirai pas un effort maximum. Notre grande
crainte, c'est qu'on n'aille pas assez loin et qu'on maintienne le
système actuel avec toutes ses faiblesses.
On a soutenu que les juges devraient garder leur droit de vote. Je dis
que, dans d'autres milieux, on veut accentuer davantage ce système.
Lorsqu'une personne a le droit de vote, elle doit s'en prévaloir.
Lorsqu'une personne ne se prévaut de son droit de vote, il ne fait aucun
doute qu'elle est étiquetée. Cette personne est
sollicitée. Toutes les personnes qui ont le droit de vote sont
sollicitées, à un moment donné, par différents
partis politiques. S'ils ont le droit de vote, pourquoi n'auraient-ils pas une
carte de membre militant d'un parti politique? Je pense que c'est la même
chose. S'ils ont une carte de membre d'un parti quelconque, du fait qu'ils ont
droit de vote, ils ont également droit de participer, à un moment
donné. A ce moment-là, où est-ce que nous allons?
M. le Président, je pense qu'il est de la plus haute importance
que la justice soit dépolitisée le plus possible. Nous sommes
conscients que, tant qu'il y aura des hommes avec leurs faiblesses, il va
falloir que le gouvernement soit prudent, qu'il adopte certaines mesures, de
façon que ces faiblesses ne soient pas érigées en
système et qu'on voie à y apporter des correctifs et des
améliorations.
C'est ça qui manque le plus, des mécanismes par lesquels
on pourrait être en mesure d'organiser une politique courante dans ce
domaine. Ce n'est pas tout d'enlever le droit de vote à une personne
qui, un moment donné, est nommée substitut du procureur
général pour prétendre qu'elle est
dépolitisée automatiquement, surtout lorsque la personne a
déjà milité, que c'est connu dans toute la province et
même beaucoup plus loin qu'au Québec, dans un certain parti
politique et a fait de la politique active. Il est donc entendu que, même
si on leur enlève le droit de vote, l'étiquette reste quand
même collée pendant un certain temps.
Sur ce point, nous serons d'accord sur les dispositions de l'article 3
de cette loi, comme nous sommes d'accord sur l'ensemble des dispositions du
projet de loi 52. Quand même, nous estimons qu'ils sont nettement
insuffisants et que le ministre aurait dû aller plus loin dans ce
domaine. Nous lui demandons de réexaminer la situation, parce que c'est
devenu une mode courante, pour le présent gouvernement, de
présenter des lois qui amendent l'amendement de la loi
précédente, comme on l'a vu dans certains domaines. Il n'y aura
aucune objection à ce qu'on apporte des amendements au projet de loi 52
pour tenter de dépolitiser davantage la justice au Québec.
Nous ne souscrivons pas du tout, pour aucune considération, aux
arguments que le Parti québécois a invoqués en ce qui a
trait au fait qu'on devrait laisser le droit de vote à ces personnes,
pour les raisons que j'ai mentionnées tout à l'heure. On a dit
que certains avocats, certains membres de cette Chambre ont voulu associer leur
nom à d'autres procureurs de très grande réputation au
Québec, qui ont eu à agir comme procureurs de certains
personnages haut en couleur et très bien connus. On se souviendra
très bien de toutes les procédures qui se sont
déroulées à ce moment-là et de quelle façon
on a accusé déjà les juges d'être
politisés.
On a proféré toutes sortes d'accusations à
l'endroit de la justice. Si on est réellement sincère quand on
demande la dépolitisation de la justice, je dis que la disposition qu'il
y a dans l'article 3 est quand même un effort minimum, mais un effort qui
mérite que nous l'appuyions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je crois que mon collègue de
Maisonneuve a eu l'occasion, d'une manière excellente, de
présenter les objections que nous avions à cet article du projet
de loi no 52.
J'aimerais reprendre un de ses arguments, le condenser et l'expliquer
pour qu'une fois de plus la position que nous défendons, et que je crois
fondamentalement honnête, puisse être comprise, que ce soit par le
ministre, que ce soit par les membres de l'Assemblée nationale, ou, au
mieux, par l'opinion publique.
Si je me fie à la présentation que le ministre de la
Justice lui-même a faite de l'article 3 du projet de loi 52 et à
la motivation qu'il a dit lui-même avoir de présenter cet article
qui vise à retirer le droit de vote à tous les niveaux
d'élections, aux substituts du procureur général, je
voudrais les prendre telles quelles et en respectant la lettre et l'esprit,
comme je l'entends et comme j'espère le faire intégralement,
mener un raisonnement tout à fait contraire au sien, aboutir à la
conclusion contraire de celle de l'article 3 et dire que,
précisément pour cette motivation et pour les raisons
invoquées par le député d'Outremont, nous devrions
maintenir ce droit qui appartient à tous les citoyens du Québec
âgés de 18 ans et plus.
Que vise le ministre de la Justice par ce geste de mauvaise
qualité? Il vise, nous dit-il, à consacrer, de manière
indubitable et de manière irréprochable, non seulement l'honneur,
l'intégrité mais aussi l'importance que ces hommes occupent dans
la société québécoise. Pour connaître d'une
façon plus que superficielle, pour reconnaître d'une façon
totale l'importance qu'ils occupent par leur rôle dans la vie sociale, il
leur veut ce statut particulier qui
serait celui d'être des citoyens amoindris quand arrive le moment
de s'exprimer par le vote. De fait, ces hommes ou ces femmes sont, dans
plusieurs causes, dans l'ensemble de leur rôle dans la vie sociale
le député de Maisonneuve l'a expliqué tout à
l'heure ceux qui, théoriquement, pas toujours de la façon
dont nous le voudrions, nous représentent dans les causes. Quittons le
vocabulaire idiot du XIXème siècle; tout le monde sait que
derrière "couronne", qui ne veut plus rien dire, il y a, au fond,
l'idée que ces hommes représentent les valeurs et les lois
votées par une société démocratique via son
Parlement démocratique, si l'on s'en tient toujours à la
théorie, et que, donc, par le fait même, représentant les
lois votées par les élus du peuple et demandant aux juges le
respect des lois votées par les élus du peuple, ils se trouvent
à représenter le peuple lui-même dans une cause, qu'elle
soit civile ou criminelle.
M. le Président, c'est un fait que je reconnaf-trai que ces
hommes sont probablement les représentants des valeurs sociales,
véhiculées dans les lois, dans les us et coutumes d'une
société. Mais, précisément parce qu'ils sont cela,
précisément parce qu'ils ont atteint ce rôle et cette
taille dans la vie sociale du Québec, ils sont mieux placés que
beaucoup de citoyens à qui on ne penserait jamais retirer le droit de
vote pour voir l'état de la société qu'ils
défendent.
Leur vie professionnelle les a situés dans un endroit où,
mieux que beaucoup de citoyens du Québec, ils ont l'occasion de
vérifier l'état de santé de la société. Dans
leur for intérieur et cela, on ne le leur retirera jamais
dans leur conscience et cela, on ne le leur retirera jamais dans
leur intelligence et cela, on ne le leur retirera jamais ils ont
l'occasion quotidienne, heure après heure, d'une cour à l'autre,
d'un juge à l'autre, d'une cause à l'autre, de vérifier si
les lois qu'ils sont appelés à défendre sont
adéquates, sont adaptées à la société, si
elles sont d'avant-garde ou si elles sont vieillottes, par rapport à la
société, qui, elle, évolue de jour en jour, ce que ne font
pas nos lois, forcément et obligatoirement.
Justement parce qu'ils sont les représentants de la
société, ils ont la chance de la voir évoluer
quotidiennement, ils ont la chance, s'ils le veulent, d'analyser cette
société, ils ont la chance de voir là où elle est
malade comme ils ont la chance de voir là où elle se porte bien.
Forcément, on voudrait retirer à l'intelligence de ces hommes
l'expression qu'elle devra, un jour ou l'autre, avoir. Je dis que s'ils ne
l'ont pas à l'endroit où tous les citoyens du Québec
l'ont, cette intelligence de la société et ce droit de s'exprimer
sur elle, par ledroit de vote, ils le feront ailleurs. S'ils le font ailleurs,
ce pourra être, malheureusement, dans l'exercice de leurs fonctions. Ce
n'est certainement pas l'endroit où nous voudrions les voir
s'exprimer.
Ils ont là un rôle simple. Ils sont les
représentants de la société et doivent faire respecter la
loi. Voilà ce qu'ils ont à faire. Ils n'ont pas à profiter
de la charge professionnelle qu'ils ont pour y incruster des idées
politiques, parce que ce serait le seul canal qu'ils auraient pour les
exprimer, s'étant vu refuser le canal normal d'une démocratie par
l'article 3 du projet de loi no 52.
Ces hommes ont, s'ils le veulent je dis encore s'ils le veulent,
j'aurai l'occasion de revenir là-dessus tout à l'heure la
chance de mesurer ce qui serait le remède adéquat pour cette
société forcément malade, puisque la présence en
cour d'un prévenu, à cause d'un crime ou d'un manquement à
la loi, est toujours un signe de maladie. Ils auront la chance, s'ils le
veulent, de trouver les remèdes à cette
société.
Ils auront bien ceux qu'ils voudront, comme moi j'ai le droit d'avoir
les remèdes que je veux pour les suggérer à la
société. Le député d'Outremont, tous les membres de
la Chambre et tous les citoyens du Québec ont également le droit
de préconiser les remèdes qu'ils veulent. Ce n'est pas sur le
remède en particulier par rapport à un autre que j'en ai. Mais de
dire que ces hommes, à cause du poste qu'ils occupent, ne sont pas en
droit d'analyser la société et de chercher les remèdes
qu'on doit y apporter, c'est se leurrer, se mettre un doigt dans l'oeil
jusqu'au coude. Ils sont mieux placés que beaucoup de citoyens pour le
faire. C'est presque, M. le Président, leur métier de le
faire.
Ils auront donc la chance de préconiser le remède qu'ils
veulent. Certains se rangeront du côté de la majorité
ministérielle, ce qui est parfaitement leur droit. Eux
préconiseront l'ordre, le bâton, la hache. Ils
préconiseront leur dictature, ils préconiseront l'Etat policier.
C'est leur affaire. Je les jugerai, quant à moi, là-dessus.
D'autres, parmi ces mêmes hommes, pourront préconiser une
réforme complète du système de la justice, pourront
préconiser une réforme complète de la
société, du système économique. C'est aussi leur
droit. Ils auront l'idée, c'est ce qui est important. Ils auront
l'idée, quel que soit le droit qu'on leur accorde ou qu'on leur
supprime, quant au vote. Je dis que, s'ils n'ont pas l'occasion d'exprimer
cette idée dans le vote, ils trouveront un autre endroit pour
l'exprimer. Si c'est dans leur métier, c'est certainement malheureux
pour le système judiciaire, qui n'est déjà pas bien
portant, dans l'ensemble de la société
québécoise.
Donc, s'ils le veulent, M. le Président. Mais qu'ils aient
accepté comme s'est empressé de nous le dire le ministre
de se voir supprimer ce droit qu'ils avaient depuis toujours et qu'on
voudrait leur retirer par l'article 3 du projet de loi 52, c'est justement,
quant à moi, un argument de plus en faveur de notre position.
Au fond, on pourrait dire: Je m'en balance. J'ai une conviction et je la
défends. Que les principaux intéressés, pour qui, ce soir,
je prends la parole parce que, finalement, c'est ce groupe-là que
je défends ce soir n'aient pas
la même opinion que moi, ce ne sera pas la première fois,
mais ça ne m'empêchera pas de véhiculer ces valeurs et de
le dire.
Le fait qu'ils aient accepté cette suppression de leur droit,
indique, quant à moi, qu'ils en sont rendus à une
véritable habitude de manger dans la main du pouvoir, d'en
dépendre quant à leur nomination, quant à leur existence,
quant à leur passé, quant à leur
crédibilité, quant à la hiérarchie qu'ils occupent
dans les préférences de la couronne, certains mieux cotés
auprès du ministre, d'autres l'étant moins, certains ayant connu
des carrières florissantes, d'autres devant être
déménagés perpétuellement. Ils sont soumis aux
caprices de l'Exécutif tout le monde le sait à
partir du jour où ils portent le titre de substituts du procureur
général jusqu'au jour où ils ne l'auront plus.
Aujourd'hui, le pouvoir politique manifeste une telle intention, par habitude
malheureuse qu'il s'agira de brûler, et ils marchent encore dans cette
chose-là. Cela ne me dérange pas qu'un groupe de citoyens vienne
réclamer qu'on leur enlève un droit démocratique; je dis
que tous les citoyens doivent l'avoir.
S'ils sont à ce point colonisés, incrustés dans ce
que le système a de plus mauvais, ça ne me dérange pas,
non plus. Je suis convaincu que nous ferons des réformes dans le
Québec, et des réformes en profondeur, lorsque nous donnerons des
coups de pied au derrière à certains citoyens qui ne
s'aperçoivent même pas qu'ils doivent en avoir.
Il y a ce qu'on appelle des cocus contents, des bienheureux de la
galette. Ces gens-là, s'ils veulent y vivre, s'ils veulent s'y enfoncer,
c'est parfaitement mon droit de leur dire, à certains moments, qu'ils y
vivent.
Nous ne sommes pas obligés d'être complices d'une
tartuferie, d'une hypocrisie comme celle-là. Qu'on essaie donc de me
dire que, parce qu'ils n'auront plus le droit de vote, ces hommes-là
n'ont plus d'idées politiques. Voyons donc! Cela fait des années
qu'on dit ça à propos des juges qu'ils n'ont pas d'idées
politiques et analysez les jugements pendant cinq minutes. Cela fait des
années qu'on dit que le système judiciaire est
complètement indépendant de l'Exécutif. Allez raconter
ça à n'importe quel citoyen du Québec; le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'ils ont des doutes. D'autres vous prouveront, noir sur
blanc, que c'est faux.
Là, on voudrait ajouter à l'hypocrisie du système,
en disant: Vous savez, ils ne peuvent pas avoir d'idées politiques; ces
gens-là ne votent pas. Avez-vous déjà été
dans une cause où le substitut du procureur général
défend la société, souvent plus ardemment qu'auparavant,
avec une force qu'on ne lui connaissait pas dans des causes inverses, avec une
ardeur au travail que ses collègues ne lui reconnaissaient pas, la toge
en l'air dans le palais de justice, parce qu'il sait très bien qu'il est
dans une cause ayant un fond politique et que l'intérêt s'y met?
Parce que trois ou quatre individus défilent dans une cause, ces
procureurs sortiront tous les arguments qu'ils peuvent trouver, certains
proprement politiques, issus de cette Chambre ou de quelque politicien, qu'ils
reprendront sous le couvert de la toge, en disant: Nous ne faisons que
défendre la société.
Voyons donc, tout ce système a été tellement
critiqué! Prenons simplement le rapport de la commission Prévost;
le ministre sait les sondages populaires auxquels cette commission s'est
livrée. Le système est tellement hypothéqué, les
gens trouvent ça tellement fou, l'hypocrisie de ce système !
Tout le monde a tellement l'impression que tout cela se fait en
coulisse, que ce soit vrai ou faux, il reste que l'impression est là et
que l'impression existe et hypothèque sérieusement le
système judiciaire.
M.CHOQUETTE: J'ai rarement entendu un discours aussi
dégoûtant que le vôtre.
M. CHARRON: Vous aurez l'occasion de me répondre.
M. CHOQUETTE: Jamais!
M. CHARRON: Vous aurez l'occasion de me répondre; si ça ne
vous intéresse pas, ne me répondez pas, mais moi, je vais vous
dire ce que je pense.
M.TETLEY: Est-ce que le député me permet une question?
M. CHARRON: Non, vous aurez l'occasion de me répondre.
M. le Président, nous ne sommes pas obligés, pour notre
part, d'être complices une fois de plus. C'est exactement l'inverse qu'il
aurait fallu dans la démarche de la réforme fiscale, non pas
ajouter de la chaux sur le sépulcre, mais prouver qu'il ne s'agit pas
d'un sépulcre. Il aurait fallu dire qu'il s'agit là d'hommes
ordinaires, avec des défauts ordinaires avec des qualités
ordinaires et avec des droits ordinaires comme ceux des
Québécois, c'est-à-dire celui de voter; ne pas essayer
faussement quand la population n'y croit déjà plus, d'en faire
des héros, des hommes retirés, quand tout leur statut social,
quand tout leur salaire, quand tout leur passé, quand toutes leurs
nominations, quand tout le traficage, qui, souvent, accompagne ces nominations,
vient prouver le contraire.
Nous ne devons pas être complices de cela. S'ils sont
enfoncés là-dedans, c'est leur affaire, mais quant à nous,
sur cette question, notre position est irréductible. Merci, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. TETLEY : Puis-je poser ma question, parce qu'il a soulevé un
fait? Il reste quelques minutes. Est-ce que vous me permettez de poser ma
question?
M. LE PRESIDENT: II y a le député de Rouyn-Noranda
avant.
M. TETLEY: Merci M. le député de Rouyn-Noranda. Vous avez
parlé, M. le député de Saint-Jacques, de tant de personnes
qui étaient contre le système et contre les juges et contre
l'hypocrisie du système, mais vous n'avez pas cité de chiffres ou
de pourcentage du rapport Prévost. Avez-vous les pourcentages des gens
qui étaient contre ou soupçonnaient les juges? Avez-vous ici ce
soir le pourcentage? Je pose la question au député de
Saint-Jacques.
M. LE PRESIDENT: II ne faut pas commencer un débat sur ça,
parce que ce n'est pas dans le contexte de l'article qu'on étudie. J'ai
arrêté le député de Saint-Jacques de parler dans
cette direction, et je ne veux pas laisser poser la question parce que
ça va faire biaiser le débat. Vous êtes complètement
en dehors du sujet aussi.
Le député de Rouyn-Noranda.
M.SAMSON: M. le Président, c'est très surprenant
d'entendre les honorables membres du Parti québécois parler comme
ils le font ce soir. En effet, on entend de la part des membres du Parti
québécois des revendications à l'effet qu'il faut
conserver aux substituts du procureur de la couronne leur droit de vote. J'ai
beaucoup de difficulté à comprendre leur attitude. Et en plus des
substituts du procureur général, d'ajouter les juges et tous ceux
qui font partie de l'appareil judiciaire.
Comment pouvons-nous comprendre leur attitude, M. le Président?
Ces mêmes gens qui, ce soir, au nom d'une pseudo-démocratie,
veulent absolument permettre qu'on donne le droit de vote aux procureurs de la
couronne, sont ceux qui, par tradition, sont associés à tout
genre de groupes qui préconisent le renversement du gouvernement par la
force, si nécessaire. Cela veut dire sans élection. Là, on
fait une lutte, ce soir, pour donner le droit de vote à quelques
personnes et un autre jour, on fera la lutte pour s'associer...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je suis
prêt à laisser le député de Rouyn-Noranda dire
toutes les âneries qu'il voudra, mais au moins qu'il les dise dans le
contexte du débat actuel. Je pense qu'il est déjà loin, il
est déjà rendu dans un domaine de calomnies assez
extraordinaires. De toute façon, ce n'est pas ça que je veux
rétablir, mais restons dans le cadre du débat.
M. LE PRESIDENT: Je désire qu'on s'en tienne aux substituts des
procureurs de la couronne.
M. SAMSON: M. le Président, je considère que lorsque le
député de Maisonneuve parle d'aneries, il fait sûrement
allusion au magistral discours qu'il a fait au début de la
séance.
Ce que j'ai à dire, c'est entièrement à
l'intérieur des discussions que nous avons présentement. C'est
mon point de vue. Peut-être que l'honorable député de
Maisonneuve ne le partage pas, ça lui fait mal, je comprends qu'il ne le
partage, mais c'est quand même à l'intérieur du
débat et en me basant sur les arguments que je viens de citer je dis que
le Parti québécois est en train de nous démontrer ou
d'essayer de nous démontrer, avec un grand voile en avant, ce qu'il est
exactement.
Tout d'abord, quant au retrait du droit de vote aux substituts du
procureur général, je ne crois pas, contrairement à ce
qu'ont dit les membres du Parti québécois que c'est en laissant
le droit de vote aux substituts du procureur de la couronne que cela garantira
que tous ces gens-là auront libre choix, qu'ils pourront continuer
à avoir des idéologies politiques.
Si on veut réellement dépolitiser la justice les
membres du Parti québécois sont ceux qui crient le plus souvent
en faveur d'une dépolitisation de la justice il faut commencer
par poser des gestes quelque part. Quand on veut en poser, ils sont
aussitôt contre les gestes posés. Pourquoi? Parce qu'ils veulent
continuer à avoir des arguments pour dire que la justice est
politisée. Il y a plusieurs années déjà, on peut
citer en exemple des substituts du procureur de la couronne qui participaient
même à des campagnes électorales. C'est le principe. La
population n'accepte pas facilement et c'est le devoir du ministère de
la Justice et le nôtre aussi de faire en sorte que la justice soit
respectée, respectable et à être respectée
continuellement. Pour ce faire, nous devons prendre les moyens et adopter des
mesures visant justement, par des gestes concrets, à cette
dépolitisation.
Ce n'est pas tout de dire qu'on veut la dépolitiser. Si on laisse
le droit de vote, cela veut dire qu'en même temps on laisse aussi la
possibilité et la facilité à tous les partis politiques de
solliciter ces personnes. Si ces gens n'ont pas le droit de vote, personne ne
va les solliciter parce que cela ne donnera rien de les solliciter. Si on le
leur laisse, on fait d'eux des victimes parce qu'ils sont sujets ou assujettis
à être sollicités par les différents partis
politiques. Comme ce sont des humains comme tous les autres, visant à
conserver leur emploi comme tout le monde, si on les assujettit à ce
genre de sollicitations, on les assujettira en même temps à des
pressions ou à des influences indues. Il faut justement les
protéger et c'est pour protéger les substituts du procureur
général que nous avons le devoir d'accepter cette mesure. C'est
pour leur propre protection en plus d'être pour la protection de
l'ensemble des citoyens du Québec. C'est dans ce sens-là qu'il
faut considérer l'article 3.
Le vote, c'est un geste, un principe, un symbole. Si on poursuit le
raisonnement présenté par le Parti québécois,
à savoir qu'il faudrait non seulement permettre le droit de vote aux
substituts du procureur général mais également aux juges
rappelons-nous que la semaine dernière nous avons nommé
juge le président général des élections du
Québec, rappelons-nous cela il faudrait envisager de donner le
droit de vote aussi au président général des
élections parce que c'est un juge maintenant, et peut-être
étendre cela. Vous voyez où cela pourrait nous mener. Dans ce
domaine particulier des élections, c'est impensable que le
président général des élections ait le droit de
vote parce que lui aussi deviendrait quelqu'un qui serait assujetti à
cette sollicitation dont je vous parlais tantôt, c'est impensable.
M. CHARRON: Le député de Rouyn-Noranda me permet-il une
question?
M.SAMSON: M. le Président, habituellement j'en permets à
tout le monde, mais à cause de ce que je viens d'entendre ce soir,
à la suite de la façon cavalière dont le
député de Saint-Jacques a refusé une question au ministre
des Institutions financières, je pense que nous allons continuer la
soirée comme le Parti québécois l'a si bien
commencée.
Nous permettrons des questions seulement à ceux qui sont
habilités à en poser des intelligentes.
M. CHARRON: De toute façon, pour la qualité de
réponse que j'aurais eue. Continuez vos âneries.
M. SAMSON: Quand je vous vois j'ai envie de faire beaucoup plus
d'âneries. Il s'agit de le regarder, ça nous inspire.
M. CHARRON: Vous allez bien.
M. SAMSON: Je voudrais dire aussi que c'est une question de permettre
que notre système judiciaire soit à l'abri de tout soupçon
quant aux idéologies politiques. Parce que devant la loi, la justice,
quelles que soient les opinions politiques de qui que ce soit, jamais ces
opinions politiques ne doivent entrer en ligne de compte pour aucune
considération. En ne permettant pas le droit de vote, c'est bien clair
que nous faisons en sorte que ces gens soient de plus en plus ou au maximum
dépourvus d'idéologies politiques et de partisanerie, ce qui est
encore pire que les idéologies politiques. En permettant qu'ils ne
soient pas assujettis à cette partisanerie politique, nous avons le
maximum de chances que la justice ne soit pas une chose politique.
Bien entendu, on dira que le ministre de la Justice est un homme
politique; c'est clair, c'est vrai. Dans un système démocratique,
il nous faut faire élire des députés pour en faire des
ministres. Quel que soit l'homme qui soit ministre de la Justice, c'est un
homme élu et un homme élu est un homme politique; on ne peut pas
passer à côté de ça. C'est encore mieux un homme
politique élu qu'un dictateur comme nous en voyons dans les pays
où la dictature règne.
C'est dans ce sens que je crois très sage d'apporter cette
mesure, à l'article 3 du bill 52. Si les substituts du procureur
général n'ont pas le droit de vote, s'ils sont
dépolitisés au maximum, ça permettra au ministre de la
Justice de faire que ces substituts soient permanents et nos pas susceptibles
d'être remplacés à chaque fois qu'on change de
gouvernement. Vous allez me dire que ça se fait de moins en moins; oui
c'est vrai. Mais ça s'est encore fait il n'y a pas tellement longtemps
et probablement que ça se faisait parce qu'il n'y avait pas moyen de
faire autrement. Si un substitut du procureur général
était trop politisé, que voulez-vous, à ce
moment-là, il y avait de bonnes raisons pour demander son remplacement.
Mais, par ce système qui s'établit, c'est bien clair que nous
risquons qu'à chaque fois que le gouvernement change on soit
obligé de remplacer un certain groupe des substituts. Si on ne les met
pas à l'abri de la politique, ils en feront; s'ils en font, ils
s'engagent. Et s'ils s'engagent, on ne peut pas servir deux maîtres
à la fois, on ne peut pas servir un maître politique quand on est
au service d'un autre maître politique.
C'est pour ces raisons que je considère qu'il est important,
très important même que les substituts du procureur
général n'aient pas le droit de vote. De plus le ministère
de la Justice pourrait peut-être prévoir le maximum de mesures en
vue de nous assurer la dépolitisation complète des substituts du
procureur général.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: M. le Président, je ne comprends pas du tout la
bataille que fait actuellement le Parti québécois sur l'article
3. Je considère honnêtement que c'est une bataille un peu
régressive, c'est presque les derniers sursauts d'un passé. Ce
qui me surprend c'est que ce soit le Parti québécois qui la
fasse. Que ça vienne de certains autres partis me surprendrait
peut-être un peu moins mais de sa part c'est incompréhensible.
Je ne sais pas s'ils sont omnibulés par l'article 3, mais il y a,
dans certains autres articles, en particulier à l'article 2, des
principes beaucoup plus discutables et importants. Je suis personnellement
entièrement d'accord sur l'article 3, qui enlève le droit de vote
aux substituts du procureur général. Cette mesure place ces
substituts au-dessus de tout soupçon, de toute question partisane. Je
suis d'accord, car, un peu comme les juges, ces hommes doivent jouer un
rôle d'une objectivité indiscutable. C'est à ce
prix que nous réussirons à revaloriser l'image de la
justice, image qui ramènera, peu à peu, la confiance de la
population.
Je considère que c'est une mesure qui va dans la bonne direction.
Si les procureurs on me dit qu'il y en a 129 sur 3 millions
d'électeurs préfèrent conserver leur droit de vote,
j'ai l'impression qu'ils pourront facilement être remplacés. Je ne
crois pas encore que les candidats manquent. Encore une fois, c'est une mesure
qui va dans la bonne direction, une mesure progressiste. Je suis surpris de
voir que ce soit le Parti québécois qui fasse une bataille
semblable que je considère comme régressive.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, quelques brèves remarques
seulement. Depuis le début, j'écoute attentivement de part et
d'autre, les arguments qui sont soulevés. Des députés,
même du Parti québécois, ont fait d'excellents plaidoyers,
sauf que je ne peux pas les suivre, en principe.
On a entendu dans cette Chambre qualifier le gouvernement, dans certains
conflits, d'être juge et partie, à raison, d'ailleurs.
Aujourd'hui, on voudrait que, dans un article de loi, on oublie ce principe
qu'on a émis à plusieurs reprises et qu'on permette aux
substituts des procureurs, en se prononçant par la voie d'un vote,
prendre parti et, ensuite, être juges. Ce que demandent les membres du
Parti québécois, c'est qu'on perpétue ce principe
d'être juge et partie dans une cause. Etre accusé d'être
juge et partie ce n'est encore rien de grave, mais être réellement
juge et partie, c'est pire.
Le ministre a mentionné d'autres collègues l'on dit
aussi que les substituts du procureur demandent que ce droit de vote
leur soit enlevé, sans doute parce que c'est pour eux un barreau
ajouté à la grille sécuritaire qu'ils sont en droit
d'obtenir. Ils ont peut-être raison de le demander. Si on veut être
logique avec l'article de loi qui est mentionné, l'article 3, avec la
formule d'assermentation qui apparaît en annexe du projet de loi, on se
rend bien compte que l'impartialité est mentionnée comme faisant
partie intégrante de la formule d'assermentation. Ces mêmes
substituts, en s'engageant sous serment par formule, au moment où ils
auront à se prononcer par un vote, ne pourront plus être
qualifiés d'impartiaux. A moins que les honorables membres du Parti
québécois ne demandent également un amendement à la
formule d'assermentation proposée, si on me demande d'être
impartial dans une cause ou dans un débat et qu'on me demande de me
prononcer par un vote, ou je trouve que mon vote est annulé
automatiquement ou je viens de me prononcer pour une ou l'autre des deux
parties en cause.
Donc, à partir de ce moment précis, à partir d'un
acte posé, je ne peux plus me vanter d'être impartial. Je me
verrais donc dans l'obligation de refuser cette formule d'assermentation qui
est proposée en annexe dans le projet de loi. Je pense que ce sont les
principes mêmes de la logique qui veulent que ce soit ainsi.
Bien sûr, on est porté ou on est tenté de se dire ou
de croire que ces personnes, qui sont les substituts du procureur
général, se verront enlever un droit fondamental, celui de se
prononcer par la voie du vote dans un scrutin. Mais il ne faut pas oublier que
la population est en droit de réclamer ces droits et d'avoir dans les
substituts du procureur des personnes qui pourront juger de la façon la
plus impartiale possible les causes qui leur sont confiées.
M. le Président, en pratique, cela ne change pas grand-chose,
bien sûr. Mais si on veut que les substituts du procureur aient au moins
la chance d'être honnêtes et d'être logiques avec
eux-mêmes, l'article 3 du projet de loi dit bien que, désormais,
ils ne pourront plus se prononcer par la voie du vote. A partir de ce
moment-là, il sera beaucoup plus facile pour eux de respecter, encore
une fois, cette formule avec beaucoup plus d'honnêteté,
d'objectivité et d'impartialité. J'ai quand même
l'impression que la loi ne va pas aussi loin non plus et qu'en dehors des
activités professionnelles, un substitut du procureur ne pourra pas
faire part à ses amis, dans son milieu, à sa famille, de ses
options politiques ou même consulter, à certains moments, pour
connaître l'évolution de notre société, si c'est
impossible pour lui d'en prendre connaissance au fur et à mesure. Je
dis, contrairement à ce que prétendent les membres du Parti
québécois, qu'il y a d'autres façons pour les substituts
du procureur d'évoluer dans cette société. Il y a sans
doute d'autres moyens et je dis que le moyen le plus important n'est
sûrement pas celui de se prononcer dans un scrutin, qu'il soit
fédéral, provincial, municipal ou scolaire.
J'ai déjà assisté à des réunions du
Parti québécois et pourtant je ne suis pas péquiste. J'ai
déjà assisté aussi à des assemblées du Parti
libéral et pourtant je ne suis pas libéral. J'écoute,
depuis que je suis en cette Chambre,...
M. LAFRANCE: On n'y tient pas, non plus.
M. GUAY: ... des discours par tous les membres de cette Chambre et,
pourtant, je conserve mon option politique. Bien sûr, j'ai le droit de
vote, mais ce n'est pas ce droit de vote qui va perpétuer chez moi les
idées que j'ai. Ce n'est pas non plus le droit de vote qui m'oblige et
m'astreint à dire ce que je dis en cette Chambre, absolument pas. Pour
ma part, j'ai l'impression que c'est tout simplement une tempête dans un
verre d'eau. Je pense que c'est un moyen palpable, visible, pour les substituts
du procureur général, d'être en mesure de dire:
Politiquement, je suis neutre. On ne pourra pas, à ce moment-là,
les accuser d'avoir, tôt ou tard, participé à une
décision par voie de vote. Je pense que c'est un minimum de protection.
On aura beau penser qu'ils ont voté pour telle ou
telle option politique, on aura beau le dire, ils nous feront
réponse qu'ils n'ont même pas le droit de vote et on oubliera
aussitôt qu'ils ont pu être en faveur de telle ou telle opinion
politique.
Ils auront beau nous les dire, leurs idées politiques, ils auront
beau les crier, dans notre esprit, puisqu'on a parlé de mentalité
le député de Saint-Jacques l'a fait bien adroitement
on aura beau le prétendre, dans notre mentalité, on saura
toujours qu'ils n'ont pas le droit de vote.
Je pense, M. le Président, qu'on attache une importance
démesurée au fait de leur enlever ce droit de vote. Il faut
regarder dans la population. C'est non seulement et non uniquement pour la
sécurité des substituts du procureur général, mais
c'est également pour la sécurité mentale de la population,
qui a prétendu et qui prétend encore que les juges ou les
substituts du procureur, comme on les appelle, rendent des décisions
politisées, dans la majorité des cas.
M. le Président, quand on reçoit à nos bureaux des
personnes qui se croient lésées uniquement parce que celui qui
devait ou qui a jugé la cause a défendu ou a soi-disant
défendu une personne de telle ou telle option politique par rapport
à une autre, à partir de ce moment-là, les substituts du
procureur général pourront dire: Vous n'avez aucunement raison.
Nous sommes neutres. Nous n'avons pas le droit de nous prononcer par la voie du
vote.
Je pense que c'est un début de concrétisation dans la
dépolitisation des substituts du procureur général. Ce
n'est là qu'un outil. Je dis, en passant, que le ministre de la Justice
ne fait que flirter avec la solution. C'est un début, un petit
début.
M. le Président, on peut prendre un exemple du milieu municipal,
qui peut nous rapprocher un peu plus, dans un cadre moins grand, plus petit,
pour supposer que la décision qui a été rendue a
été une décision politisée. Il est bien facile de
le prétendre. Plus on va dans un gouvernement qui est petit, qui est
local, plus cela semble facile d'accuser de politiser les problèmes.
M. le Président, puisque ce sont eux qui l'ont demandé, si
c'est réellement le cas nous le verrons parce qu'une fois que la
loi s'appliquera, si ce n'est pas le cas, ils vont regimber et qu'on
veut réellement, une fois pour toutes, enlever dans l'esprit des gens
que les substituts du procureur général rendent des
décisions politisées, qu'on commence à le
concrétiser dans les lois et qu'on laisse l'article 3 tel qu'il est
là.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane, ministre de
l'Immigration et ancien procureur de la couronne.
M. BIENVENUE: M. le Président, je voudrais participer à ce
débat brièvement cela ne sera pas long, qu'on ne
s'inquiète pas parce qu'il concerne un sujet qui
m'intéresse beaucoup, qui m'a toujours intéressé et que je
crois modestement connaître un tout petit peu, presque autant que
certains membres de cette Chambre et presque autant que le député
de Saint-Jacques et le député de Maisonneuve.
Je voudrais d'abord faire une mise au point au sujet d'une certaine
remarque du député de Maisonneuve à l'endroit du juge
Claude Wagner. Une certaine remarque au sujet de laquelle, à tort ou
à raison, je me sentais presque visé parce que, sans avoir
à la main le texte du journal des Débats, le député
de Maisonneuve disait qu'à l'époque du juge Wagner, il a
parlé de mémo j'y reviendrai dans un instant il y a
peut-être des députés de cette Chambre qui pourraient en
témoigner, qui en étaient des témoins vivants.
Je me sentais presque aussi visé à titre d'exemple que le
député de Sainte-Marie ou le député de
Saint-Jacques à ce sujet. Je veux faire cette mise au point, non pas
parce que M. Claude Wagner qui était ministre de la Justice à
l'époque est juge aujourd'hui je le crois suffisamment capable de
se défendre à l'endroit où il est non pas parce
qu'on me reprochera mon appui pour lui sur le plan politique, parce que lors de
la dernière convention au leadership du parti auquel j'appartiens
j'appuyais M. Pierre Laporte, mais je veux faire cette mise au point au nom de
la plus pure vérité et de la plus stricte justice.
Je n'ai jamais, quant à moi, pendant les années durant
lesquelles j'occupais les fonctions auxquelles vous avez fait allusion à
la blague tout à l'heure, reçu de mémos écrits ou
d'instructions verbales de M. Wagner au sujet de sentences, que ce soit de dix
ans ou autres.
Mais j'ajoute tout de suite que c'était son droit strict, comme
c'est actuellement le droit strict du procureur général actuel,
et de son prédécesseur, le député de
Maskinongé, de donner de telles instructions ou de donner de tels
mémos si jamais il l'avait fait et je connais un petit peu le
sujet dont je parle comme c'est le droit strict de tout avocat de la
défense d'aller, à son tour et de son côté, devant
les tribunaux et demander de faibles sentences par opposition au
procureur général d'en demander de plus fortes et de
demander même aucune sentence, c'est-à-dire l'acquittement.
Et les droits du procureur général sont également
ceux de ses substituts. Je ne recourrai pas à Larousse pour donner
à cette Chambre la définition du mot substitut. On sait que le
procureur général, s'il le pouvait, plaiderait lui-même
toutes les causes pénales devant tous les tribunaux de la province. Mais
il ne peut le faire physiquement et ce sont ses substituts qui le font et qui
exécutent ou transmettent ses ordres, ou à défaut,
exécutent eux-mêmes les leurs devant les tribunaux.
Et je les ai exercés fort souvent ces droits, sans recevoir de
mémo du procureur général de l'époque ou de l'un ou
l'autre de ses prédéces-
seurs sous qui j'ai servi. Et c'était le plus souvent à la
demande des tribunaux. Et pour peu que l'on connaisse la pratique des tribunaux
dans cette province, comme partout ailleurs au Canada en vertu du code
pénal canadien, les tribunaux demandent au substitut du procureur
général de la Couronne, comme à celui de la
défense, leurs représentations face à toute sentence qu'il
s'apprête à imposer.
Et le substitut du procureur général représente le
procureur général et la société, il ne
représente pas l'accusé qui a lui-même un procureur pour
s'occuper de ses droits. J'ai exercé moi-même ces droits et
c'était mon droit de le faire. Parce que, vous savez, on entend souvent
dire que les tueurs, les terroristes et les poseurs de bombes, que les
kidnappers, les fraudeurs et les voleurs à main armée ont des
droits. Ces grands personnages ont des droits, je le concède. Mais il
arrive que la société aussi a des droits. Et la
société exerce ses droits par ceux qui la
représentent.
M. LE PRESIDENT: J'espère que le ministre reviendra au propos du
bill.
M. BIENVENUE: Celui qui vous parle répond ad rem à une
accusation qui a été portée contre un magistrat qui n'est
plus dans cette Chambre. Et j'ai l'intention de répondre pour que tout
soit couvert, sujet au règlement.
M. PAUL : L'honorable ministre me permet-il une question?
M. BIENVENUE: Avec plaisir.
M. PAUL: Si je ne m'abuse, le ministre a déjà
été procureur de la couronne. Le ministre est donc en train de
nous exposer quel est le rôle du procureur permanent de la couronne, pour
en arriver aux raisons qui sont à l'appui de la présentation du
projet de loi du ministre de la Justice.
M. BIENVENUE: C'est pour mieux arriver à dire pourquoi ils
devraient être dépolitisés, même si ça fait
mal à certains membres de cette Chambre. M. le Président, le
discours du député de Saint-Jacques...
M. HARVEY (Jonquière): Discours crachat.
M. BIENVENUE: Ah oui, j'accepte l'expression "crachat". Je la prends
à mon compte. D'ailleurs, j'y avais pensé avant que le dise le
ministre du Revenu. Ce sont peut-être les propos les plus
dégueulasses, les plus bas, les plus vils, les plus
dégoûtants, pour employer l'expression du ministre de la Justice,
les propos les plus à l'image physique et morale du député
de Saint-Jacques.
Le député de Saint-Jacques ne connaît absolument
rien de la question; il n'a peut-être même pas l'âge et la
maturité pour connaître la question. Ses propos me convainquaient
davantage, au fur et à mesure que je l'écoutais, de l'importance
et de l'urgence d'une disposition législative comme celle-ci. Plus je
l'écoutais, plus je me convainquais, si c'était
nécessaire, de l'urgence d'une telle disposition législative. Il
faut se rappeler d'autres l'ont fait avant moi les condamnations
combien récentes, par des amis du député de Saint-Jacques,
par ceux qui le fréquentent et qui me permettent de dire qui il est,
condamnation de magistrats, des juges de la cour Supérieure de cette
province, qui ont fait leur devoir.
Je pense à plusieurs de ces magistrats ils ont
été assez salis sans qu'il soit nécessaire de revenir sur
leur identité qui, parce qu'ils ont condamné des amis du
député de Saint-Jacques, ont été traité de
tout ce que l'on voudra, à qui on a reproché... Pas de question,
là.
M. JORON: J'invoque le règlement, M. le Président. Le
ministre associé à je ne sais plus quoi est en train de verser
dans la diffamation calomnieuse et je voudrais bien qu'il soit plus
spécifique s'il a l'intention de porter des accusations.
UNE VOIX: Cela fait assez longtemps que vous en dites de ça, vous
autres.
M. JORON: Je ne sais pas si vous vous êtes déjà vus
dans un miroir, ceux qui parlaient de l'image de tout à l'heure.
Attention, là, vous entrez sur un terrain dangereux, je vous
préviens.
M. BIENVENUE: Les mises en garde et les menaces du député
de Gouin me laissent indifférent. Deuxièmement, il n'y a aucune
question de règlement, M. le Président. Je ne diffame personne;
je tâche, au contraire...
M. JORON: Vous faites des allusions calomnieuses. Ayez le courage de
dire ce que vous avez à dire.
M. BIENVENUE: Assoyez-vous.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. BIENVENUE: Je suis loin de diffamer qui que ce soit...
M. LACROIX: Le fils à papa.
M. JORON: Vous n'êtes pas le fils de votre père, vous?
M. BIENVENUE : ... je tente de laver la réputation de magistrats
honnêtes et intègres de cette province qu'on a tenté de
salir dans certains milieux que l'on connaît et sur lesquels je ne veux
pas revenir. C'est ça, M. le Président. Ces magistrats, je les
respecte, d'ailleurs, et les applaudissements des membres de cette Cham-
bre me font croire que d'autres que moi les respectent aussi, comme
l'ensemble de la population. M. le Président, on a reproché
à certains d'entre eux d'avoir appartenu à certains partis
politiques. J'en parle allègrement et bien à l'aise de ces
magistrats, parce qu'on les a assimilés d'autres orateurs l'ont
fait avant moi justement à ces substituts permanents du procureur
général que l'on veut contribuer, par une loi saine, à
dépolitiser davantage.
On ne veut pas les dépolitiser dans les faits parce que je
ne crois pas à leur politisation mais dans l'esprit de la
population et surtout dans l'esprit de ceux qui les dénigrent, qui les
ont dénigré ce soir je pense au député de
Saint-Jacques et aux propos auxquels j'ai fait allusion comme on
dénigre les magistrats dans la société actuellement.
M. LACROIX: On a affaire à des juges autrement plus valables que
ce petit...
M. BURNS: Va te coucher dans ta boîte!
M. LACROIX: Je ne me drogue pas, moi. Le député de
Saint-Jacques le fait, mais pas moi.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. BURNS: Va te coucher dans ta
boite! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve comme
c'était son droit a posé une question, hier
après-midi à l'ouverture de la séance, au ministre de la
Justice, relativement à de soi-disant rumeurs suivant lesquelles un
magistrat aurait exercé des pressions sur les hauts fonctionnaires ou
sur les substituts du procureur général dans la cause d'un
individu du nom de Léo Tremblay afin que la cause soit portée en
appel devant la cour Suprême.
Le député de Maisonneuve c'était manifeste
s'insurgeait, si telle rumeur était fondée contre
l'intervention du judiciaire dans le pouvoir politique. On connaît la
réponse qu'a donnée le ministre de la Justice. Au lieu de
dépolitiser les procureurs permanents du ministère de la Justice,
les juges, politisons-les. Redonnons le droit de vote aux juges, laissons-le
dans le cas des procureurs permanents. Et plus tôt qu'on ne le croit
assisterons-nous, non plus cette fois à des rumeurs, mais à des
interventions fort possibles du pouvoir judiciaire dans le pouvoir
politique.
Peut-être faudrait-il donner plus d'ouverture, permettre plus de
discours politiques, plus d'interventions au niveau électoral, plus de
participation à ces gens que j'ai nommés, aux juges et aux
procureurs de la couronne pour pouvoir ensuite mieux les critiquer, à
moins que les gens du Parti québécois, du parti
séparatiste, ne nous donnent une indication de ce qu'ils souhaiteraient
face à la venue bâtarde d'un gouvernement péquiste, qui ne
viendra jamais, d'ailleurs. Peut-être voudrait-on, sous un régime
péquiste, que les magistrats ou les procureurs de la couronne soient
politisés, je l'ignore. Je pense me faire l'interprète du
ministre de la Justice, tant et aussi longtemps que le Parti libéral
sera au pouvoir ou même l'Unité-Québec ou le Ralliement
créditiste, s'ils y viennent, nous travaillerons à
dépolitiser la justice, pas à la politiser pour des fins que
j'aime mieux ne pas qualifier.
Ceci m'amène à dire que le projet de loi je
l'affirme fait mal au Parti québécois. Les propos que j'ai
entendus de certains d'entre eux, plus spécifiquement du
député de Saint-Jacques, dont j'ai dit ce que j'ai dit il
n'est pas nécessaire de répéter me portent à
croire que tout ce qui consiste, dans cette province, à nettoyer,
à purifier, à mettre de l'ordre dans la justice, à toutes
les couches de la population, va à l'encontre des visées
séparatistes, socialisantes et socialistes du Parti
québécois. J'ajoute que j'ai appartenu moi-même à
une époque où les substituts du procureur général
étaient nommés par le pouvoir à chaque changement de
gouvernement. J'en ai souffert et j'en suis le témoignage vivant avec
d'autres; la justice a souffert de ce qu'à chaque changement de
gouvernement il ait fallu remplacer les procureurs de la couronne. On veut
parler de politique ou de dépolitisation des procureurs de la
couronne.
Parce qu'un jour j'ai fait mon devoir et j'ai occupé à une
certaine enquête du coroner contre la première vague de
felquistes, de membres du FLQ au Québec au début des
années soixante, parce que j'y ai fait mon devoir et rien de plus que
mon devoir, j'ai été traité dans un sale bouquin qui
faisait l'apologie de ce mouvement de quelques épithètes du genre
de chien, du chien à Bienvenue, ou du sale ou de l'écoeurant
à Bienvenue. Faisant toujours mon devoir, toujours à cette
époque, où j'ai souffert d'occuper mes fonctions alors que nous
n'étions pas permanents, j'ai occupé, sur la demande de ceux qui
étaient mes supérieurs, dans certaines causes impliquant des
personnages qui ont appartenu à un parti politique. J'ai eu des menaces,
des promesses. Il m'aura fallu, je le dis publiquement devant cette Chambre, un
jour occuper, toujours pas par plaisir, et j'en ai souffert, contre un ministre
fédéral d'une autre allégeance politique, et, pour un
moment donné, me voir presque lavé et pardonné de ce que
j'aie participé, quelques années auparavant, à des causes
où étaient impliqués des personnages d'une autre
allégeance politique.
Suivant que l'on poursuit des gens qui sont considérés
comme des adversaires politiques, on est critiqué; suivant que l'on
poursuit, toujours suivant les ordres reçus, des gens qui sont
considérés comme des amis politiques, si les poursuites
aboutissent à l'acquittement, on nous dit facilement: II n'a pas fait
son devoir pour protéger un ami. Si, au contraire, cet ami
politique est condamné, on dit alors: II a craint d'être
soupçonné d'avoir aidé un ami, alors, il a forcé
davantage ou mis plus de zèle pour faire condamner le même
ami.
Il y a eu des étapes graduelles dans la dépolitisation de
la fonction extrêmement importante de substitut du procureur
général: l'honorable juge Rivard, de la cour d'Appel, qui est un
juge extrêmement respecté, qui fut un jour procureur
général, avait lancé le premier l'idée des
procureurs permanents au Québec. Son successeur, Me Georges-Emile
Lapalme, qui fut à son tour procureur général, a mis en
application cette idée des procureurs permanents à Québec
et, comme on le rapportait, la première, sinon l'une des
premières nominations, fut celle d'un personnage considéré
comme d'allégeance politique opposée.
Aujourd'hui, on veut aller plus loin, on veut dépolitiser
davantage en enlevant le droit de vote. M. le Président, je n'ai pas
à vous rappeler à vous que, sauf dans des cas de très
rares exceptions, des cas très rares, à mes modestes
connaissances, vous ne votez pas, ni le vice-président, lorsqu'il occupe
le fauteuil, ni le vice-président adjoint, lorsqu'il occupe le fauteuil,
parce qu'on se soucie ici aussi davantage de dépolitiser la
présidence de la Chambre; le président ne se mêle pas aux
débats, parce qu'on veut davantage assurer son impartialité et
s'assurer qu'il est un personnage dépolitisé. Ce qui vaut ici
vaut ailleurs.
Je terminerai en invitant les membres de cette Chambre et en particulier
mon collègue et mon confrère du Barreau, le député
de Maisonneuve, à lire avec extrêmement d'attention cette
étude complète, combien sérieuse, combien à point,
et déjà vieille de quelques années, faite par un autre
éminent membre de la magistrature, le juge Brossard, de la cour du Banc
de la reine, de la cour d'Appel du Québec. Dans les
considérations de sa décision, à la suite de
l'enquête sur l'affaire Coffin, il a énoncé, avec combien
de clarté, de clairvoyance, d'objectivité, de sérieux et
de compétence, les fonctions, les devoirs, le rôle,
l'objectivité et surtout l'impartialité qui doivent
caractériser cette fonction combien importante et que je qualifie de
quasi judiciaire, qui est celle du procureur de la couronne.
Cette lecture, je pense, non seulement pour le député de
Maisonneuve, mais même pour le jeune député de
Saint-Jacques, les aidera à comprendre davantage un problème dont
j'ai vu manifestement qu'ils avaient rien compris. Pour employer une expression
bien de chez nous, cela mettra au député de Saint-Jacques du
plomb dans la tête.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. UNE VOIX: Le
somnifère.
M. LAURIN: M. le Président, si nous accordons une telle
importance au droit de vote, qu'il concerne le citoyen ou le substitut du
procureur général, c'est que ce droit de vote est un droit
fondamental des plus sacrés, dont l'importance existe non seulement pour
l'individu, mais également pour la société. Pour
l'individu, parce que c'est un droit qui a été acquis de haute
lutte et qui symbolise justement son statut d'être libre, libre
d'organiser la société avec la modeste contribution qu'il peut y
apporter. Deuxièmement, parce qu'il peut, au point de vue de la
société, constituer l'équivalent du travail que chaque
individu peut apporter à l'édification d'une
société valable. C'est la raison pour laquelle il faut le
protéger comme la prunelle de ses yeux, d'une part, dans le sens positif
et dans le sens négatif, qu'il faut ne penser à l'enlever que
pour les raisons les plus importantes, les plus sérieuses et les plus
urgentes.
C'est précisément parce que nous avions la conviction que
l'article 3 du projet de loi ne constituait pas cet argument absolument
irréfutable que nous avons posé la question au ministre et que
nous lui avons demandé de reconsidérer cet article. Ce n'est
certes pas en recourant aux poncifes, aux lieux communs, aux clichés les
plus éculés qui soient, ce n'est pas en recourant à des
manoeuvres où l'injure tient lieu de raisonnement que l'on pourra
véritablement apporter une solution à ce problème
extrêmement important.
J'ai écouté avec la plus extrême attention les
discours sérieux qui ont été prononcés, ce soir,
sur cette question et je dois avouer qu'après les avoir entendus il me
reste quand même des questions et des doutes à l'esprit, que je
voudrais soumettre candidement à l'attention du ministre.
Dans son exposé, comme dans celui du député de
Matane que je viens d'entendre, il m'a semblé relever quand même
une contradiction; contradiction qu'avait déjà relevée le
député de Maisonneuve, mais que je voudrais quand même
reprendre. Comment se fait-il qu'on enlève le droit de vote aux
subalternes alors qu'on ne l'enlève pas au chef, en l'occu-rence le
sous-ministre qui est quand même le chef des substituts du procureur
général? C'est une question à laquelle on n'a pas
répondu.
L'exposé du député de Matane m'amène
à poser au ministre une autre question. Je l'ai entendu dire que c'est
simplement faute de temps, parce qu'il ne possède pas le don
d'ubiquité, que le ministre de la Justice, qui est en même temps
procureur général, ne peut agir comme procureur
général dans toutes les causes plaidées au Québec.
Mais il est de l'essence même de ce rôle qu'il plaide
lui-même toutes ces causes. Ce n'est que parce qu'il ne le peut pas qu'il
est obligé de déléguer son pouvoir. Il reste quand
même que c'est le ministre de la Justice qui est le procureur de toutes
les causes au Québec. Pourtant, ce procureur général qui
devrait plaider toutes les causes et qui ne le peut pas, il vote, lui, de
même que son
sous-ministre vote. Pourquoi alors faudrait-il enlever à ceux qui
sont sous sa gouverne un droit aussi fondamental, un droit aussi sacré,
un droit aussi important pour l'édification d'une société
démocratique? C'est une question à laquelle on n'a pas
répondu.
Un autre argument que j'ai relevé dans tout ce qui a
été dit, c'est qu'il importe de penser à cette mesure pour
mettre la justice, en particulier les procureurs permanents, au-dessus de tout
soupçon, peut-être à cause de toutes les attaques qui ont
été lancées depuis quelques années contre la
justice, à commencer par les ministres qui se sont
succédé, les sous-ministres, les procureurs permanents de la
couronne et, en général, contre l'appareil judiciaire.
Peut-être veut-on répondre à ces attaques par des
correctifs, par des améliorations qui, en l'occurrence, portent le nom
de retrait de vote aux substituts permanents du procureur
général.
Il me semble que c'est une des plus mauvaises façons de
répondre à ces doutes, à ces interrogations du public, de
l'opinion que de procéder de cette façon, car enlever le droit de
vote peut risquer d'être interprété comme une entreprise de
tartuferie politique afin de redorer le blason de la justice dans le sens
suivant: Etant donné que la justice est attaquée dans ses
représentants, mettons les représentants formellement au-dessus
de tout soupçon. Nous pourrons dire à la population qu'ils n'ont
pas droit de vote, donc, en conséquence, qu'ils n'ont pas d'opinion
politique, qu'ils ne sont pas partisans de tel ou tel parti politique. Donc,
ils sont au-dessus de la mêlée.
Mais, comme l'a dit le député de Sainte-Marie, ceci ne
peut pas convaincre la population parce que cette image que l'on veut donner a
été, dans le passé, trop souvent contredite par les faits
et des faits qui ne sont pas nécessairement scandaleux, des faits qui
sont tout à fait normaux et humains, des faits, par exemple, qui
amènent la population à se dire que les juges, comme les
substituts permanents du procureur général, ont des opinions
politiques, se font une opinion sur tel problème, sur telle
législation, sur telle action du pouvoir exécutif et c'est tout
à fait normal.
D'ailleurs, une fois qu'on a nommé quelqu'un substitut permanent
du procureur général, à l'âge de 35, 36 ou 37 ans,
que tout le voisinage, la région, la parenté, les amis
connaissent les accointances politiques de ce substitut, qu'ils les connaissent
parce qu'ils l'ont entendu, avez-vous l'impression que ces gens, qui le
connaissent, vont croire que parce qu'un jour un homme de 35 ou 40 ans,
déjà formé, ayant ses opinions bien définies, que
parce qu'il a été nommé substitut permanent du procureur
général, le Saint-Esprit va tomber sur lui sous la forme d'une
langue de feu et qu'il va, soudainement, trouver son chemin de Damas de
l'impartialité? Avez-vous l'impression que tout à coup, il va
s'opérer, s'effectuer au-dedans de lui une purification, une
transformation qui va en faire l'être absolument aseptisé,
impartial, impavide qui, en toute matière va oublier ses
conditionnements antérieurs, ses gauchissements antérieurs, ses
opinions antérieures?
Ce serait absolument manquer de réalisme que de croire cela. On
sait très bien que même s'il ne vote pas, même s'il fait
profession d'impartialité, d'objectivité, étant
donné qu'il reste humain, qu'il reste normal, il ne pourra quand
même pas pencher de l'autre côté où il a grandi. Ce
serait absolument ne rien connaître à la nature humaine que de
penser cela. Ce n'est pas parce qu'il ne votera pas, c'est-à-dire qu'il
ne posera pas l'acte formel, l'acte visible, l'acte manifeste du vote que ceux
qui le connaissent et toute la population vont penser que, de ce fait, il a
acquis, comme un don du Saint-Esprit, l'impartialité et
l'objectivité. Ceci, on ne le fera jamais croire. Ce n'est pas, encore
une fois, par un acte formel qu'on va effacer tout un conditionnement
antérieur. Cet argument a déjà été
développé.
Mais il y a un autre dont on n'a pas encore parlé jusqu'ici et je
le soumets à l'attention du ministre de la Justice.
Ce qui me paraît plus grave, à moi, c'est qu'en enlevant le
droit de vote aux élections fédérales, provinciales,
municipales et scolaires à un homme dont le rôle social, qu'on le
veuille ou non, est extrêmement important, c'est comme si on l'invitait
à sortir de la réalité sociologique, c'est comme si on
l'invitait à sortir de son milieu, comme si on l'invitait à se
réfugier dans une tour d'ivoire, sur une colline isolée, dans une
sorte d'olympe inacessible, où il n'est plus touché par les
émotions, par les problèmes de la collectivité. C'est
comme si on l'invitait, en somme, à ne plus se former d'opinion
politique. Dans le sens où je l'emploie, le mot politique veut dire non
pas l'appartenance à un parti politique mais simplement une opinion, que
ce soit sur un projet de loi, que ce soit sur une action des citoyens, à
quelque niveau que ce soit, que ce soit sur l'administration on la gestion de
la chose publique.
C'est un peu comme si on l'invitait à démissionner de ses
responsabilités de citoyen, de socius appartenant à des groupes
divers auxquels il doit son allégeance. Ceci me paraît grave parce
que, précisément, en tant que substitut permanent du procureur
général, il doit être quelqu'un qui, pour se former un
jugement, doit être au courant de tout ce qui se passe dans la
société, de l'évolution des idéologies, qui doit
faire partie de son siècle, qui, quand même, possède une
formation, une maturité suffisante pour pouvoir, quand même,
à l'aide de ses connaissances, qui lui viennent de son appartenance au
milieu et au groupe, les dépasser et les étudier, les scruter,
les analyser à la lumière des principes qui sont propres à
sa discipline, qui sont propres au rôle, à la mission que le
ministre lui a confiés.
Je ne pense pas que ce soit en l'invitant à se détacher,
à se désinsérer du milieu qu'on
l'aidera à mieux remplir sa tâche. Au contraire, c'est de
cette façon qu'on facilitera plutôt une sorte de
dégagement, qui ne peut que le rendre plus étranger aux
problèmes non seulement du milieu mais aux influences que le milieu
exerce sur l'individu, qui peut-être très important, parfois,
lorsqu'on analyse les causes du comportement intellectuel dans quelque
procès que ce soit.
M. PAUL: L'honorable député me permettrait-il une
question?
M. LAURIN: Oui, bien sûr.
M. PAUL: En suivant l'argumentation de l'honorable député,
je me suis interrogé à savoir si la thèse qu'il vient de
nous exposer s'applique également à l'endroit des juges et que,
de ce fait, nos juges devraient retourner à la vie politique.
M. LAURIN: Vous avez remarqué, M. le Président, que j'ai
bien pris soin de ne pas parler des juges.
M. PAUL: L'honorable député pourrait-il donner son opinion
sur ce point?
M. LAURIN: J'ai voulu me limiter à l'article du projet de loi. Si
jamais comme j'ai invité le ministre à le faire
nous avions une commission parlementaire de la justice sur l'un ou l'autre des
problèmes que je signale parfois à son attention, j'aimerais
beaucoup développer mes idées sur ce sujet, car une partie de ce
que je dis, bien sûr, peut s'appliquer également aux juges mais il
y a quand même un cas d'espèce. Un juge n'est quand même pas
un substitut permanent du procureur général, puisque le substitut
n'est pas appelé à juger mais simplement à
présenter une cause, alors que le juge a une autre fonction.
J'aimerais bien, avant de passer d'une sphère à l'autre,
poser les distinctions nécessaires. Malgré que ce serait un sujet
extrêmement intéressant, tout ce que je pourrais trouver à
dire là-dessus...
M. LEDUC: Un autre sujet pour nous endormir!
M. LAURIN: ... pour le moment, c'est que tant que les juges seront
nommés comme ils sont nommés actuellement, que la professsion de
juge ne constituera pas une profession séparée, spécifique
en soi, on peut peut-être penser que l'ère des réformes
n'est pas encore achevée dans ce sens. Je referme la parenthèse
immédiatement.
Je demande quand même au ministre de penser aux
conséquences, peut-être un peu impondérables, de
l'argumentation que je lui soumets et penser qu'en enlevant le droit de vote
à des citoyens qui ont le droit, d'abord, de l'exercer, d'une part, et
deuxièmement pour qui le fait de l'exercer peut justement leur permettre
de mieux comprendre un milieu dans lequel ils sont insérés et
dont la compréhension peut s'avérer essentielle pour la meilleure
exécution des tâches qui leur sont confiées, constitue un
problème important sur lequel j'aimerais quand même avoir son
opinion.
D'ailleurs, ceci m'amène tout naturellement à parler des
droits de l'homme. Le droit de vote est un droit fondamental, un droit
sacré. Je pense bien que le ministre le reconnaît. Je pense qu'en
reconnaissant le droit de vote à un substitut permanent du procureur
général, ce n'est pas politiser la justice.
Contrairement à ce que disait le député de Matane,
un substitut permanent du procureur général ne vote pas comme le
président de l'Assemblée nationale ou un président de
commission, qui y va d'une façon ouverte, au vu et au su de tous, mais
un substitut vote, comme tous les citoyens, en secret, derrière un
isoloir. Il n'est pas obligé de dire à personne pour quel parti
il vote et à quelle allégeance il appartient.
Je ne pense pas, comme le député de Rouyn-Noranda le
disait tout à l'heure, qu'un citoyen, substitut permanent du procureur
général, placé dans cette situation constitue une victime.
Evidemment, il sera sollicité de donner son allégeance à
tel ou tel parti. Il le sera par les mass media, par les candidats, mais,
précisément parce que c'est un homme bien formé, bien
éduqué, qui possède une grande maturité, il pourra
écouter tous les avis qu'on lui présente, se former une
idée, comme tant de citoyens s'en forment dans le secret de leur
conscience, comme les fonctionnaires s'en forment, sans qu'on sache pour qui
ils se prononcent. Et, le moment venu, il pourra voter pour tel parti.
Je ne pense pas que le fait de voter constitue une entreprise de
dépolitisation de la justice. Je pense, au contraire, qu'enlever le
droit de vote peut contribuer à politiser la justice, en ce sens que le
substitut, étant absent de son milieu, peut être amené
à se forger une opinion qui ne corresponde plus à la
réalité sur laquelle il a à se prononcer.
Par ailleurs, on a fait remarquer que, si on veut dépolitiser la
justice, ce n'est pas par des gestes formels et uniques qu'on y arrivera, mais
par bien d'autres mesures que le ministre connaît aussi bien que moi, qui
ont fait l'objet de livres blancs dans le passé et qui feront l'objet de
livres blancs dans l'avenir. C'est une entreprise difficile parce qu'elle est
liée à l'émotion viscérale, à l'humain.
C'est par un train de mesures et non pas uniquement par cette mesure qu'on y
arrivera et encore moins, je crois, par cette mesure, puisqu'elle peut aller
à l'encontre même des buts que le ministre poursuit.
Donc, de même qu'accorder le droit de vote aux substituts
permanents n'est pas politiser la justice, de la même façon
enlever le droit de vote aux substituts permanents du procureur
général n'est pas dépolitiser la justice. En effet,
comme je le disais tout à l'heure, si on enlève son droit de vote
à quelqu'un qui est rendu à l'âge de la maturité et
qui s'est formé des opinions, il n'en continue pas moins de croire aux
opinions qu'il s'est formées jusque-là.
On a souvent lancé dans le débat le mot démagogie.
On a voulu nous en accuser. Je trouve qu'on emploi ce mot bien trop souvent,
quand on veut discuter sereinement d'un problème, bien sûr, qui
engage les émotions de chacun. C'est un mot qu'on brandit trop
volontiers. Pour moi, le mot démagogie constitue une caricature de la
démocratie et je pense bien être un adepte fervent de la
démocratie. Si jamais on peut me soupçonner de démagogie,
je m'examinerai pour voir si ces accusations sont bien fondées.
Par ailleurs, il y a aussi des caricatures qui peuvent exister dans le
sens inverse. H peut exister une certaine caricature de l'ordre
également. L'ordre peut devenir quelque chose de tellement
éculé, vidé de sa substance, de son essence, qu'il n'en
reste que la forme extérieure. Alors, ce qu'on retrouve à
l'analyse, ce n'est plus l'ordre véritable qui apporte la paix et la
justice, mais c'est, trop souvent comme ça arrivait dans le
passé et comme ça arrivera dans l'avenir, puisque c'est humain
le visage impassible, rigide et olympien de satrape de l'appareil
politique, aussi bien que de l'appareil judiciaire.
Je pense que, s'il faut se méfier de la caricature de la
démocratie que constitue la démagogie, de la même
façon, il faut se méfier de la caricature de l'ordre que
constituent cette fausse sérénité, cette fausse
impartialité ou fausse objectivité. Plus loin que les formules,
plus loin que la surface, que la façade ou l'enveloppe, il faut essayer
de voir ce qui se cache derrière la façade et ce n'est qu'aux
fruits qu'on jugera l'arbre. Ce n'est véritablement qu'en examinant le
fond des choses, ce qui correspond à la réalité vraie, que
l'on pourra juger si l'on a affaire aux valeurs que l'on prétend
défendre ou à leur caricature.
C'est la raison pour laquelle, malgré la longueur de ce
débat, je croyais qu'il convenait de le faire, car le principe en jeu
est important, la valeur sur laquelle nous nous interrogeons est importante.
J'espère que ce débat aura quand même permis au ministre,
en dépit de tous les incidents de parcours que nous avons connus ce
soir, de revenir à la sérénité qui doit être
la sienne comme elle doit être la nôtre et nous apporter une
réponse qui vaudra sub specie aeternitatis, et non pas simplement dans
les circonstances du débat que nous avons connu ce soir.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais tout d'abord, avant de
faire cette intervention, dire que je préfère de beaucoup le
niveau où s'est situé le député de Bourget au
niveau de la discussion qu'ont adopté les députés de
Maisonneuve et de Saint-Jacques. Le député de
Bourget a posé le problème. Je ne peux pas dire que je
partage son orientation sur le fond, mais il l'a quand même posé
je crois, dans un esprit, d'objectivité.
M. le Président, je crois que lorsque nous examinons l'article en
question du projet de loi, nous devons immédiatement nous reporter
à ce que sont les fonctions d'un substitut du procureur
général, c'est d'abord l'examen de l'accusation à porter
et, au moment où on lui rapporte les faits, où la police lui
apporte les faits, où le plaignant vient à la justice pour se
plaindre d'un crime commis à son égard, le procureur de la
couronne a à ce moment-là une fonction quasi judiciaire à
jouer dans ce sens qu'il doit dire : Eh bien, nous allons accuser cette
personne dé tel crime ou de tel autre crime. Il doit donc exercer un
jugement qui réclame chez lui énormément
d'impartialité et d'objectivité dans son travail.
De la même manière, M. le Président, au cours d'un
procès, alors que le procureur de la couronne représente la
société, alors qu'il doit amener la preuve et qu'il doit se
battre avec un adversaire dans un système où il sait que le
bénéfice du doute appartient à l'accusé, encore une
fois, tout en apportant tous les faits pertinents pour que le jury ou le juge
puisse juger en toute connaissance de cause, le procureur de la couronne doit
toujours garder cette réserve, cette objectivité et cette
impartialité, parce qu'il est à ce moment-là un auxiliaire
du juge et qu'il n'est pas là pour triompher dans une cause.
Et ce ne sont pas seulement de grands principes que j'exprime là,
M. le Président. Ils ont été reconnus et consacrés
par des jugements dans leur cour, ce qui fait que la fonction du procureur de
la couronne, essentiellement, tient à mon sens du rôle du
magistrat, du juge.
M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question?
M. CHOQUETTE: Et finalement j'ajoute ceci le député
pourra me poser une question tout à l'heure on faisait allusion
tout à l'heure, au cours de l'intervention du député de
Matane, à la fonction du procureur de la couronne lorsqu'il s'agit
d'aller en appel, de porter une cause en appel. Encore là, il doit
exercer un jugement, compte tenu de la preuve, compte tenu de la
décision de première instance, compte tenu de
l'intérêt de la société, des principes de droit en
cause, il doit à ce moment-là encore exercer une fonction qu'on
peut décrire comme quasi judiciaire.
C'est la raison pour laquelle, si l'on veut atteindre à un
degré raisonnable, un degré optimum même de
dépolitisation de notre système judiciaire, il me semble
impératif que celui qui a une fonction quasi judiciaire à jouer
dans le système, tout comme le juge, soit en dehors des mouvements de la
politique et que lui-même accepte, à cause de sa haute fonction,
de se départir de ce droit de vote.
Le député de Bourget nous disait tout à l'heure
dans son intervention qu'il s'agit d'un droit fondamental.
Sans doute le droit de vote est-il fondamental pour la majorité
des citoyens mais il n'est pas moins fondamental pour les juges et, pourtant,
on les a privés de leur droit de vote. Si l'on nomme des juges, ne
devrait-on pas dire que ces gens ont le plus de jugement dans la
société et, par conséquent, pourquoi les priver de leur
droit de juger de la question politique et donc d'aller déposer un vote?
C'est parce que les citoyens d'une société réclament,
comme un besoin fondamental, que ceux qui administrent la justice le fassent
avec le plus d'impartialité et d'objectivité possible. Les
procureurs de la couronne, à cause des fonctions que j'ai
décrites tout à l'heure, participent tellement intimement au
résultat du processus judiciaire que leur enlever le droit de vote
c'est, en somme, les consacrer magistrats, d'une certaine façon.
C'est là l'idée fondamentale qui préside à
cet article. Ce n'est pas, comme pourrait le penser le député de
Bourget, dans le but de les désincarner, de les retirer de la
réalité, ce n'est pas pour leur enlever un attribut essentiel
chez l'être humain; ce n'est pas, en somme, en faire des personnages qui
n'ont aucune vie sociale ou qui ne participent pas aux activités de la
société. C'est faire en sorte que les justiciables aient vraiment
conscience que le système judiciaire est administré d'une
façon objective et d'une façon totalement impartiale. Je sais
bien que ce n'est pas par une mesure isolée comme celle-là qu'on
peut je ne l'ai jamais affirmé à cette Chambre
redorer le blason de la justice, que l'on a sali dans certains milieux. Au
fond, il faut dire la vérité: La justice du Québec est une
excellente justice, c'est une justice qui a atteint un point
d'objectivité et d'impartialité peu commun dans le monde
occidental. Je pense que ces choses-là doivent être dites de temps
à autre, quand on entend des accusations contre notre système
judiciaire proférées partout dans les media d'information et
surtout par des incompétents pour en juger.
D'un autre côté, si j'était parfaitement satisfait
des institutions et des hommes que nous avons, je ne chercherais pas à
faire des améliorations au système judiciaire dans son ensemble
et à y apporter, peu à peu, des mesures qui vont faire que le
système, à un moment donné, va connaître sa pleine
réalisation. Je suis conscient de ses carences mais je regarde
l'ensemble et je constate les progrès qui ont été
accomplis sous les différents régimes politiques que nous avons
eus, et je ne fais pas de personnalités. Il y a quand même eu,
à chaque moment de l'histoire québécoise récente,
un progrès d'accompli, nous avançons. Par conséquent, je
n'admets pas qu'à la faveur d'une période de contestation
politique on retourne contre un système judiciaire qui se veut,
dans l'ensemble, objectif et impartial des critiques qu'il ne
mérite pas. Je suis quand même prêt à examiner la
situation dans un esprit de totale réceptivité; nous allons
apporter les éléments qui peuvent manquer. J'ai
présenté à la Chambre un élément mais pas
comme la solution définitive, pas comme cette solution qui
guérirait tout le système judiciaire de ses maux. Je sais qu'il y
en a encore d'autres mesures à apporter. Mais encore faut-il commencer
quelque part. Il faut, à chaque fois que nous avons des lois à
présenter, apporter la mesure qui va faire que dans quelques
années d'ici nous pourrons nous dire, comme législateurs, que
malgré tout le système judiciaire vaut plus, est mieux
apprécié, mieux compris qu'il ne l'était quelques
années auparavant.
Je pense qu'il est suprêmement injuste et faux de situer le
débat, au plan de la privation du droit de vote, pour ceux que j'ai
mentionnés tout à l'heure, remplir une fonction quasi judiciaire
et, d'un autre côté, dire que la contre partie de cela n'est qu'un
fardage sur le visage de la justice.
C'est suprêmement injuste parce que la mesure en soi n'a qu'une
portée limitée, je l'apprécie à sa juste valeur, je
ne lui donne pas plus d'importance qu'elle n'en a, mais je dis que c'est quand
même une des pierres qui complétera un édifice
éventuel d'une justice encore plus avancée que celle que nous
avons à l'heure actuelle.
M. le Président, c'est dans cet esprit que je présente ce
projet de loi et ce n'est pas pour dévaloriser, ou diminuer ceux qui
exercent la fonction de procureur de la couronne à l'heure actuelle,
c'est au contraire pour que le fait qu'ils n'aient pas les droits de tout le
monde leur apporte la réalisation ou la compréhension de la
pleine fonction qu'ils jouent et qu'ils doivent jouer en toute
objectivité dans le processus judiciaire.
En terminant, je regrette ici de devoir être plus
désagréable que je ne l'ai été au cours de mon
intervention. Je déplore cette attaque qu'a faite le
député de Maisonneuve à l'égard d'un ancien
procureur général alors qu'il n'a aucune preuve à
soumettre à la Chambre de ce fait, alors que même si cela
était vrai, cela se serait passé il y a combien d'années?
C'était une attaque gratuite, inutile contre quelqu'un qui a, à
sa façon je ne dis pas que tous sont obligés de
l'approuver dans tous les gestes qu'il a posés a contribué
à nettoyer et à faire avancer le système judiciaire au
Québec. Parce que je lui dois quand même cette défense,
à mon prédécesseur, c'est qu'il a entrepris des actions
dans certains domaines, entre autres dans le domaine du crime organisé,
qui ont fait avancer la cause de la justice au Québec.
Alors, M. le Président, je ne vois pas pourquoi on s'en est pris
à lui à l'occasion d'un débat où il n'a rien
à faire alors qu'il siège sur le banc et qu'il n'a exprimé
aucun avis sur ce projet de loi, comme d'ailleurs la loi lui défend de
le faire puisqu'il doit siéger, à l'heure actuelle, en toute
objectivité et impartialité.
Je trouve que le député de Maisonneuve
devrait, s'il était présent, faire amende honorable pour
ce qu'il a dit à la Chambre en rapport avec les accusations qu'il
portait.
Je termine mon intervention en disant que je ne crois pas qu'on puisse,
du jour au lendemain, arriver à la perfection. Je ne suis pas de cette
naiveté extrême mais je pense quand même que des cadres
juridiques doivent être établis, que des mesures doivent
être apportées pour faire en sorte que, dans quelques
années d'ici, nous ayons un système qui donne encore de meilleurs
résultats que celui que nous avons actuellement. C'est simplement dans
cet esprit que cet article est présenté, que je l'ai
présenté et que je crois que la Chambre devrait le voter.
M. LAURIN: Pourrais-je poser une question au ministre?
M. le ministre, nous avons eu des substituts permanents qui ont eu droit
de vote jusqu'ici. Vous venez de rendre un certificat d'excellence à
l'endroit de la justice au Québec et vous l'avez fait dans des accents
assez forts. Pouvez-vous me dire si ces substituts que nous avons connus
jusqu'ici même si on connaissait leurs allégeances
politiques, avec le droit de vote qu'ils ont exercé jusqu'ici
n'ont pas pu témoigner de cette impartialité et de cette
objectivité que vous prétendez plus grande que vous
prétendez leur attribuer une fois que vous leur aurez retiré leur
droit de vote?
D'une autre façon, pouvez-vous nous dire que, lorsque vous leur
aurez enlevé leur droit de vote, ils se montreront plus impartiaux, plus
objectifs qu'ils se sont montrés jusqu'au 5 juillet 1972?
M. CHOQUETTE : La preuve serait assez difficile à faire parce que
je n'ai pas de règle pour apprécier les différentes
possibilités que m'a posées le député de Bourget,
mais je lui dirai que, lorsque je suis devenu ministre de la Justice, une des
premières décisions que j'ai eu à prendre fut en rapport
avec des juges municipaux à temps partiel qui avaient participé,
d'une certaine façon, à certaines campagnes politiques. Par
conséquent, il s'agissait de juges municipaux à temps partiel,
c'est-à-dire d'avocats qui exercent leur profession mais qui vont juger
des causes dans les municipalités et qui avaient fait de la politique
d'une certaine façon.
J'ai dû poser le geste de demander la démission de ces
gens. J'ai dû leur dire: J'exige votre démission. En effet,
comment voulez-vous que ces magistrats, une fois revenus dans leur milieu et,
d'une certaine façon, identifiés à une position politique,
reçoivent de la population la confiance que la justice est en droit
d'exiger d'eux? Donc, par analogie, le cas me paraît le même chez
les substituts du procureur général qui exercent une fonction
judiciaire. C'est la raison pour laquelle, sans pouvoir répondre par des
calculs mathématiques à ce que le député de Bourget
m'a demandé, je peux lui dire que je considère que c'est une
mesure qui va dans la bonne direction. Cela ne me fait pas plaisir d'enlever le
droit de vote à quelqu'un. Je ne le fais pas parce que je
considère qu'en soi cela va être un bien nécessairement du
point de vue du droit de vote, pas du tout. Mais je dis que, quand on se situe
au niveau de l'ensemble du système judiciaire, qu'on veut l'orienter
vers une dépolitisation et arriver à des objectifs
d'impartialité, c'est une des mesures qu'il faut prendre, à mon
sens.
M. LAURIN: Le député de Matane et vous-même avez dit
que, jusqu'ici, malgré que vous connaissiez leur allégeance
politique et qu'ils avaient droit de vote, vous étiez satisfaits de leur
impartialité, de leur objectivité. Là, vous venez de dire
que vous n'êtes pas capable de prouver qu'en leur enlevant le droit de
vote ils pourraient être plus impartiaux et plus objectifs. Pourquoi
présenter cette mesure-là, alors qu'elle n'est pas prouvée
et qu'elle n'est pas prouvable?
M. CHOQUETTE: Oui, mais elle ne serait pas prouvable, non plus, dans le
cas des juges. Nous pourrions trouver des magistrats d'une très grande
intelligence et d'une très grande honnêteté, à qui
on pourrait donner le droit d'aller voter. Si on leur donnait le droit d'aller
voter, les gens diraient: II a voté pour tel parti cette année
et, l'année dernière, il a voté pour tel autre parti. Ce
juge serait dans une situation où il n'aurait pas la confiance de la
population. Je ne sais pas qui l'a dit, mais je pense que plusieurs
députés l'on dit ce soir: La confiance de la population à
l'égard du système judiciaire, c'est une bonne partie de la
question. Vous me saisissez? Je ne dis pas que quelqu'un qui est
politisé ne peut pas être objectif. Cela n'est pas exclu. Mais,
quand on regarde l'ensemble de la société et les besoins
réels des citoyens d'avoir confiance dans leur système
judiciaire, je dis qu'à ce moment-là, et sur ce plan, ceux qui
exercent la justice, qui décident ou qui y participent tellement
intimement, comme les substituts du procureur général, ne doivent
pas être politisés.
M. LAURIN: Une dernière remarque, M. le ministre. Vous dites que
le bienfait que vous voulez apporter reste, quand même,
hypothétique, alors que ce que vous enlevez, c'est certain, c'est
visible, c'est manifeste. Donc, il importe de bien y songer avant de remplacer
un bienfait hypothétique par une perte réelle dont on peut
mesurer les inconvénients.
M. CHOQUETTE: La question du député de Bourget est habile
et véritable. Ce n'est pas une fausse question. Mais, devant les
attaques violentes dont le système est l'objet, devant la contestation
de ce système, je pense que c'est une des mesures à prendre et
que la balance penche plutôt en faveur de dénier le droit de vote
à ces citoyens. C'est comme cela que je
résous la question. Si nous étions dans une période
historique calme et que je voyais que, continuellement, l'on conçoit le
système judiciaire que nous avons comme parfait ou le plus
adéquat possible, je ne serais peut-être pas porté à
proposer une mesure comme celle-là. Je dois me rendre compte que le
système judiciaire est l'objet de tellement de contestation qu'il me
faut prendre toutes les mesures possibles pour le rehausser.
M. LAURIN: II faudra davantage penser à réformer la
réalité que l'image, quand même.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, juste une petite
question d'information avant de passer au vote. Par cette loi, nous allons
enlever le droit de vote au substituts du procureur général. Le
procureur général, c'est le ministre de la Justice. Alors, vous
qui êtes ministre de la Justice et procureur général,
est-ce que vous avez le droit de vote?
M. CHOQUETTE : Tout le monde sait que je suis homme politique, mais vous
me surveillez. Si vous voulez avoir un ministre de la Justice permanent, je ne
dis pas que je m'offre, mais il y aurait de plus grands dangers encore parce
que ce serait lui donner des pouvoirs extraordinaires sans qu'on puisse exercer
des sanctions à son égard.
M. LE PRESIDENT: Adopté? M. PAUL: Un instant.
M. VINCENT: M. le Président, nous avons, depuis quelques heures,
discuté surtout de l'article 3 du projet de loi no 52. Nous avons ici,
au Québec, environ 139 substituts du procureur général.
D'après certains députés de cette Chambre, parmi les 139
substituts du procureur général, il y a deux catégories.
Ce sont les propos du député de Saint-Jacques: "Certains se
rangeront du côté de la majorité ministérielle, ce
qui est parfaitement leur droit. Eux je continue la citation
préconiseront l'ordre, le bâton, la hache. Ils
préconiseront leur dictature, ils préconiseront l'Etat policier.
C'est leur affaire. Je les jugerai, quant à moi, là-dessus".
Ceux-là, ce sont les méchants parmi les 139.
Les bons, maintenant, dans les 139. "D'autres, parmi ces mêmes
hommes, pourront préconiser une réforme complète du
système de la justice, pourront préconiser une réforme
complète de la société, du système
économique. C'est aussi leur droit. Ils auront l'idée, c'est ce
qui est important. Ils auront l'idée, quel que soit le droit qu'on leur
accorde ou qu'on leur supprime, quant au vote. Je dis que, s'ils n'ont pas
l'occasion d'exprimer cette idée dans le vote, ils trouveront un autre
endroit pour l'exprimer".
Là, vous voyez que d'après le député de
Saint-Jacques, on a deux catégories de substituts du procureur de
la couronne. Les méchants, ceux qui sont pour la couronne, qui vont
préconiser l'idée du gouvernement, et les bons. Maintenant, on a
posé une question au ministre de la Justice: Quelle est l'opinion
exprimée par les substituts du procureur général en ce qui
concerne l'article 3, où on leur enlève le droit de vote? Le
ministre de la Justice nous a répondu qu'ils étaient d'accord. Ce
sont eux qui l'ont demandé. C'est la très grande majorité
des substituts du procureur de la couronne qui l'ont demandé. Le fait
qu'ils l'aient demandé, les 139 citoyens qui sont quand même des
citoyens honnêtes du Québec...
M. PAUL: Non, 129.
M. VINCENT: ... les 129 plutôt, ce sont quand mêmes des
citoyens honnêtes du Québec, des citoyens qui ont un certain
prestige.
UNE VOIX: Ce ne sont pas des poseurs de bombes!
M. VINCENT: Savez-vous ce que le député de Saint-Jacques
dit parce que ces 129 citoyens du Québec ont demandé qu'on leur
enlève le droit de vote afin que ce soit mieux interprété
parmi la population? Le député de Saint-Jacques, là, n'est
plus d'accord. Les 129 substituts, il les qualifie de cette façon. "Le
fait qu'ils aient accepté cette suppression de leur droit indique, quant
à moi, c'est le député de Saint-Jacques qui parle
qu'ils en sont rendus à une véritable habitude de manger
dans la main du pouvoir ceci, c'est pour les 129 d'en
dépendre quant à leur nomination, quant à leur existence,
quant à leur passé, quant à leur
crédibilité, quant à leur préférence, quant
à la hiérarchie qu'ils occupent dans les
préférences de la couronne, certains mieux cotés
auprès du ministre, d'autres l'étant moins, certains ayant connu
des carrières florissantes, d'autres devant être
déménagés perpétuellement. Ils sont soumis aux
caprices de l'Exécutif tout le monde le sait.
Cela, c'est le jugement général du député de
Saint-Jacques sur les 129 substituts du procureur de la couronne du
Québec.
Il continue: "S'ils sont à ce point colonisés,
incrustés dans ce que le système a de plus mauvais, ça ne
me dérange pas, non plus. Je suis convaincu que nous ferons des
réformes dans le Québec, et des réformes en profondeur,
lorsque nous donnerons des coups de pied au derrière à certains
citoyens qui ne s'aperçoivent même pas qu'ils doivent en avoir.
"Il y a ce qu'on appelle des cocus contents, il s'adresse toujours aux
129 substituts du procureur de la couronne des bienheureux de la
galette. Ces gens-là, s'ils veulent y vivre, s'ils veulent s'y enfoncer,
c'est parfaitement mon droit de leur dire, à certains moments, qu'ils y
vivent."
Imaginez, M. le Président. Vous avez vu le député
de Saint-Jacques les cataloguer en deux groupes et après cela, prendre
le groupe complet, et parce qu'ils ont eux-mêmes demandé la
supression du droit de vote, les qualifier de colonisés, de "mangeux"
dans la main du pouvoir, de "guetteux" de galette du gouvernement.
Si, par exemple, les substituts du procureur de la couronne
s'étaient opposés à ce que l'Assemblée nationale
leur enlève leur droit de vote, qu'est-ce que le député de
Saint-Jacques aurait dit? Je me pose la question. Que nous aurait-il dit? Il
aurait dit: Ce sont des hommes intègres, intelligents, qui veulent
absolument défendre un point de vue que nous partageons. Mais parce
qu'ils ont osé appuyer le gouvernement ou demander au gouvernement
d'adopter l'article 3, ce sont des colonisés.
M. le Président, est-ce la façon pour nous, les
parlementaires, pour nous, les députés qui siégeons en
cette Chambre, de créer, dans notre société
québécoise, la confiance que nous devons créer autour de
l'appareil judiciaire? Si à chaque fois qu'il y a des lois, si à
chaque fois qu'il y a des jugements, si â chaque fois qu'il y a des
causes qui nous plaisent ou qui ne nous plaisent pas, quant aux
résultats ou quant aux jugements qui sont rendus, si nous sommes
prêts à prendre la parole et critiquer le système
judiciaire, critiquer même les hommes qui font de leur mieux à
l'intérieur du système judiciaire, il est vrai que, dans la
province de Québec, la justice ne sera pas reconnue. Nous nous poserons
des points d'interrogation sur l'application de la justice.
A mon avis, M. le Président, en ce qui concerne l'article 3 plus
spécialement, je suis d'accord que, si nous voulons au moins
créer cette impression, que ce soient les juges, les procureurs de la
couronne, les substituts du procureur de la couronne, que ces gens sont
dépolitisés, il faut prendre des moyens. Quels sont les moyens
que nous pouvons prendre?
Nous avons entendu au cours de la soirée, pendant des heures, les
membres du Parti québécois nous dire que les juges étaient
politisés. Est-ce qu'ils ont suggéré un, deux ou trois
moyens? Absolument pas. De quelle façon pourrions-nous avoir des hommes
et des femmes ici au Québec qui occuperaient des postes clés dans
nos cours? De quelle façon pourrions-nous avoir de ces personnes qui
seraient complètement dépolitisées aux yeux des membres du
Parti québécois? Nous ne le savons pas encore.
Est-ce qu'il faudrait aller chercher des anges? Il n'en existe pas dans
le Québec. Est-ce qu'il faudrait aller chercher des anges de
l'extérieur de la province? Je n'en vois pas tellement à
l'extérieur qui seraient beaucoup mieux qualifiés que nos
citoyens du Québec. Est-ce qu'il faudrait aller chercher des superhommes
qui ont été incubés dans une région, comme on le
fait au ministère de l'Agriculture quand on fait venir des animaux de
l'extérieur? On les place en quarantaine pour qu'ils n'aient pas de
maladies. Il faudrait élever des hommes et, à l'âge de 30
ou 35 ans, on les amènerait dans la province de Québec et on leur
dirait : C'est vous autres maintenant qui allez exercer le pouvoir
judiciaire.
Je ne vois aucune solution, sauf aller chercher des hommes et des femmes
citoyens de la province de Québec. Tant et aussi longtemps que nous
irons chercher des femmes et des hommes québécois, ces personnes
auront des défauts, des penchants, des opinions. C'est
inévitable. Mais le gouvernement de la province se doit quand
même, comme ce fut le cas quand les postes furent créés,
comme c'est le cas présentement avec le projet de loi no 52, de faire en
sorte que de plus en plus nous puissions donner au moins l'impression aux
citoyens du Québec que nos juges, nos procureurs de la couronne, nos
substituts du procureur de la couronne sont dépolitisés, que ces
gens-là sont à l'abri de tout soupçon.
J'entendais certains collègues dire en cette Chambre que le fait
de voter ne signifie rien. Je ne sais pas si j'ai une figure qui exprime plus
facilement que d'autres mon idée politique, mais je pense bien que le
type qui va me voir entrer dans un bureau de votation va savoir à peu
près pour quel candidat je vote. C'est tellement vrai que nous avons
dans nos organisations politiques, tous et chacun de nous, de bons scrutateurs,
de bons représentants dans les bureaux de votation. Ils peuvent,
à quelques exceptions près, nous dire le soir quelle est la
majorité dans le bureau de votation, seulement en voyant entrer les
gens, en les voyant se présenter à la table du scrutateur. Ils
peuvent dire presque exactement qui était favorable à tel ou tel
candidat.
Il est bien certain qu'il y aura d'autres amendements à apporter
à nos lois dans la province de Québec pour créer encore
davantage cette impression ou un climat de confiance à l'endroit de nos
tribunaux, à l'endroit de la justice au Québec, mais qu'on nous
en donne les moyens.
Cela fait deux ans que nous entendons dire que la justice est
politisée, que la police est politisée.
Jamais on ne nous a donné de solution ou encore on ne nous a fait
de suggestion pour apporter des amendements afin d'enlever toute politique
à l'intérieur de la justice, de l'administration de nos tribunaux
judiciaires.
Quant à moi, M. le Président, je voudrais, comme disait le
député de Bourget, "bien candidement" féliciter le
ministre de la Justice c'est-à-dire que je ne me
réfère pas au discours du député de Bourget, mais
en employant l'expression "bien candidement" féliciter le
ministre de la Justice d'avoir non pas apporté un grand projet de loi
qui va tout chambarder, qui va créer demain matin un climat de confiance
sans bornes, sans limites, à
l'endroit de la justice québécoise, mais qui va avoir
apporté un élément nouveau. Peut-être seulement une
goutte d'eau, mais un élément nouveau qui pourra permettre
à certains citoyens et à plusieurs citoyens du Québec bien
pensants d'avoir plus confiance en ceux qui représentent la justice dans
la province. Donc, je vote avec beaucoup de plaisir en faveur du projet de loi
no 52 et de tous les articles y contenus.
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté. Article 2, adopté.
Article 3, adopté sur division.
M. PAUL: A l'article 3, je n'ai pas l'intention de faire un grand
discours, mais c'est pour demander au ministre s'il aurait l'intention
d'ajouter le mot "permanent" après substitut?
M. CHOQUETTE: Oui, cela a été fait.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Le bill est adopté.
Articles 5 et 6. Adopté.
M. BLANK (Président de la commission plénière): M.
le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le bill 52 a
été adopté par la commission plénière avec
un amendement.
M. LAVOIE (Président): Ce rapport est-il agréé?
Agréé sur division. Troisième lecture.
M. LAURIN: Sur division.
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
troisième lecture du projet de loi no 52. Adopté sur
division.
M. LEVESQUE: M. le Président, je pense bien qu'on peut dire qu'il
est minuit. Je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix
heures.
M. LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain,
dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 56)