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(Quinze heures quatre minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues..
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: Article a).
Projet de loi no 24 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture propose la
première lecture de la Loi sur les marchés agricoles.
M. TOUPIN: M. le Président, ce projet de loi sur les
marchés agricoles remplace la Loi des marchés agricoles.
La section II du projet porte sur la constitution, la composition,
l'objet et l'administration de la Régie des marchés agricoles du
Québec.
La section IV traite de la formation, l'approbation, la modification et
l'administration d'un plan conjoint de mise en marché d'un produit
agricole.
La section V contient des dispositions relatives aux pouvoirs
généraux et à certains devoirs de l'organisme
chargé d'appliquer et d'administrer un plan conjoint.
La section VI traite des assemblées générales ou
spéciales des producteurs visés par un plan conjoint.
La section VII concerne la fusion d'organismes chargés
d'appliquer et d'administrer un plan conjoint.
La section VIII porte sur l'accréditation par la régie
d'associations de personnes liées par un plan pour permettre à
une telle association d'agir à titre de représentant de ces
personnes auprès des producteurs à certaines fins
précisées par le projet ou, le cas échéant, par la
régie.
La section IX contient des dispositions concernant la conciliation et
l'arbitrage de différends entre, d'une part, les producteurs
visés par un plan conjoint et, d'autre part, les acheteurs des produits
agricoles auxquels ce plan conjoint s'applique, ou d'autres personnes qui sont
assujetties à ce plan.
La section X contient notamment les pouvoirs de réglementation de
l'organisme chargé d'administrer un plan conjoint à
l'égard de la mise en marché des produits agricoles auxquels ce
plan s'applique. Cela ne sera pas long!
La section XI traite des ententes que la régie, seule ou
conjointement avec un organisme chargé d'administrer un plan, peut
conclure avec le gouvernement du Canada ou un de ses organismes ou avec le
gouvernement d'une autre province ou un organisme de ce gouvernement.
La section XII prévoit les contributions des producteurs
visés par un plan pour défrayer les dépenses encourues
pour l'administration d'un plan conjoint et des règlements qui le
complètent.
Les sections XIII et XIV prévoient les pouvoirs de la
régie relatifs à la suspension d'un plan conjoint, d'un
règlement ou d'une de leurs dispositions, de même que certains
autres pouvoirs de la régie relatifs à la mise en marché
d'un produit agricole. Ce projet contient de plus des dispositions concernant
les enquêtes de la régie, la liquidation d'un organisme
chargé d'administrer un plan conjoint et les saisies, infractions et
peines.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
M. VINCENT: Est-ce que je peux demander au leader parlementaire s'il a
l'intention de déférer ce projet de loi à la commission
parlementaire immédiatement ou après la deuxième
lecture?
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que le projet de loi que
nous venons d'adopter en première lecture soit
déféré à la commission parlementaire de
l'agriculture et de la colonisation.
LE PRESIDENT: Suivant les règles de pratique?
M. LEVESQUE: Suivant les règles de pratique.
UNE VOIX: Avec audition des parties? M. LEVESQUE: Avec audition.
LE PRESIDENT: La motion de première lecture est adoptée.
Maintenant, cette motion de déférence à la commission
est-elle adoptée?
Adopté. Article b)?
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président, je m'excuse. Vous aviez
bien deviné, article b)
Projet de loi no 23 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose
la première
lecture de la Loi constituant la Société Inter-Port de
Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une loi cochonne, ça?
M. PAUL: Est-ce en rapport avec le pain?
M. SAINT-PIERRE: Ce projet a pour objet de créer un organisme
sous le nom de Société Inter-Port de Québec. L'organisme
aura pour fonction, premièrement, d'élaborer des plans et
programmes en vue de l'établissement dans la zone spéciale dans
la ville de Québec d'un complexe industriel et portuaire susceptible de
contribuer au développement économique du Québec et
particulièrement à celui de la région de
Québec.
Deuxièmement, d'exécuter, dans le cadre des ententes
conclues avec le gouvernement du Canada ou ceux des provinces, les travaux
requis pour la mise en oeuvre des plans et programmes qui auront ainsi
été élaborés. Et, dans la mesure prévue par
ces ententes, d'exercer les industries, les commerces et autres
activités de nature à contribuer au développement du
complexe industriel et portuaire.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents. Questions orales des députés.
L'honorable député de Maskinongé.
Questions des députés Affaire
Saulnier
M. PAUL: M. le Président, j'aurais une question à poser au
ministre de la Justice. Maintenant que la cour d'Appel a disposé du cas
Saulnier et, entre parenthèses, je veux féliciter le
ministre pour son attitude et le respect qu'il a eu à l'endroit de
l'autorité judiciaire tant et aussi longtemps que la cour d'Appel ne
s'était pas prononcée le ministre de la Justice peut-il
nous dire s'il a été mis au courant de certaines bobines
d'enregistrement de conversations de M. Saulnier avec des gens de la
pègre? Deuxièmement, est-ce que le ministre a porté
l'existence de ces bobines à la connaissance du président de la
Commission de police ou de l'un des commissaires? Troisièmement, est-ce
que le ministre peut nous dire pourquoi il n'aurait pas confié ces
bobines à la Commission de police chargée de tenir
l'enquête sur le cas Saulnier? Quatrièmement, est-ce que le
ministre a ordonné une enquête policière dès qu'il
eut pris connaissance de l'enregistrement de bobines? Et, cinquièmement,
l'enquête est-elle terminée et est-ce que le ministre se propose
de porter certaines accusations?
M. CHOQUETTE: M. le Président, évidemment, comme l'a dit
le député de Maskinongé, le fait que la cour d'Appel se
soit prononcée hier par un jugement rejetant un bref d'évocation
qui avait été sollicité et émis par la cour
Supérieure me permet de parler plus librement aujourd'hui. Tout d'abord,
je pense qu'il faut commencer par le commencement.
Au mois de décembre 1971, ou à peu près, dans cette
période de l'année 1971, la Sûreté du Québec
et divers autres corps policiers avaient mis sur pied une très vaste
opération policière qui consistait en partie, en plus des
enquêtes ordinaires qui pouvaient avoir lieu par l'intermédiaire
d'agents de police, à de l'écoute électronique. Je dirais
qu'une vingtaine d'écoutes électroniques avaient
été installées à divers endroits. Cette
enquête avait pour but principalement de nous permettre d'agir à
l'encontre de certaines personnes qui avaient été
impliquées ou étaient soupçonnées d'être
impliquées dans une affaire de drogue à dimension internationale
et également relativement aux mêmes personnes quant à
certaines activités criminelles ici au Québec.
A un moment donné, certaines transcriptions de conversations
téléphoniques furent portées â mon attention, ceci
au moment où j'obtenais une enquête de la Commission de police sur
la conduite de M. Jacques Saulnier. A ce moment-là, j'ai consulté
mon sous-ministre, M. Robert Normand; j'ai également consulté
l'inspecteur Hervé Patenaude, de la Sûreté du
Québec.
Sur le plan policier, le fait de divulguer l'existence de ces
conversations téléphoniques était de nature à
mettre en péril cette vaste opération policière à
laquelle j'ai fait allusion, c'est-à-dire qu'en utilisant les bandes ou
en utilisant des extraits de ces conversations téléphoniques nous
mettions en péril une vaste enquête policière qui
d'ailleurs s'est soldée par des résultats entre autres la
condamnation à New York d'un nommé Paul O'Doe, et la fermeture
d'une maison de jeu du boulevard Taschereau, qui était connue comme le
Victoria Sporting Club, maison de jeu qui existait depuis un certain nombre
d'années.
Des procès ont été institués à la
suite de la fermeture de cette maison de jeu. Cette enquête
policière a permis également de déboucher sur un certain
nombre de procès et aussi de connaissances en matière
d'activités du crime organisé.
Par conséquent, du côté de la police, on m'a
fortement dissuadé d'utiliser ou de permettre que soient
utilisées ces bandes, ces inscriptions ou enregistrements
téléphoniques. Du côté juridique, maintenant, quant
à la valeur probante de ces conversations téléphoniques,
je dois dire en gros parce que vous comprenez qu'il est assez difficile,
dans une simple réponse en Chambre, de résumer des conversations
téléphoniques qui prennent des pages et des pages que nous
avions des conversations téléphoniques entre M. Jean-Jacques
Saulnier et un nommé Roland Lamothe qui fut, autrefois, un policier de
Montréal et qui avait gardé des relations d'amitié avec M.
Saulnier.
Ces conversations téléphoniques entre M. Saulnier et M.
Lamothe sont, je dirais, généralement de nature personnelle; on
pourra en tirer les conclusions que l'on voudra. L'examen que j'en ai fait,
avec mon sous-ministre, ne nous a pas persuadés qu'il y avait, dans ces
conversations téléphoniques, des éléments tellement
probants à l'égard de M. Saulnier. Il y avait, d'autre part, des
conversations téléphoniques intervenues entre le
dénommé Roland Lamothe, un nommé Nicholas Diorio et,
finalement, un nommé Vic Cotroni au cours desquelles ces personnes,
à mots couverts, se parlaient de la nomination prochaine ou imminente de
M. Saulnier comme chef de police de la ville de Montréal.
Evidemment, cette dernière partie de la conversation, ces
dernières conversations, avaient lieu hors la présence de M.
Saulnier et, par conséquent, n'étaient pas en soi une preuve qui
pouvait lui être opposée. Nous en sommes arrivés à
la conclusion, après mûre consultation, qu'il n'y avait pas, dans
tout cela, une valeur probante, surtout en regard d'autres
éléments du dossier. En effet, il ne faut pas oublier que, devant
la commission, il y avait des éléments importants de preuves
à l'égard de M. Saulnier, qui ont été produits.
Considérant l'ensemble, il a été décidé de
ne pas utiliser ces conversations téléphoniques.
Je dois dire que notre avocat a été mis au fait, non pas
du texte même des conversations, mais de l'aspect général
de ces conversations pour sa compréhension du problème. Dans les
circonstances, M. le Président, il existait ces deux motifs principaux:
premièrement, parce que ça mettait en péril une
enquête policière d'une très grande importance à nos
yeux et, en second lieu, parce que la valeur probante de tout cela demeurait
discutable, d'autant plus qu'on se rappellera qu'à cette époque
il était beaucoup moins question d'écoute électronique
qu'il ne peut en être question à l'heure actuelle. Aujourd'hui,
avec le bill que le gouvernement fédéral veut apporter et toute
la discussion publique qui a eu lieu sur cette question, c'est devenu un fait
avéré que les corps de police la pratiquent tandis qu'à
l'époque cette façon d'enquêter avait quand même un
caractère plus secret qu'elle n'a maintenant.
Alors, M. le Président, dans ces circonstan- ces, la
décision fut prise, en fonction de l'intérêt public, de ne
pas utiliser ces éléments pour ces motits. Et j'ai pris cette
décision avec le concours de mes hauts fonctionnaires, qui
étaient parfaitement au courant de la situation et qui ont
partagé, je dois le dire, notre point de vue, puisqu'en fait un
consensus s'est dégagé.
J'ajouterai, M. le Président, qu'à la même
époque, au moment où l'enquête Saulnier était
déclenchée, c'est-à-dire vers le 12 ou le 13 janvier 1972,
on se rappellera que l'Assemblée nationale avait fait adopter un projet
de loi, le bill 281, créant l'intégration des forces de police
sur l'île de Montréal. Je m'étais fait l'artisan de la
création d'un conseil de sécurité, j'avais même fait
inscrire dans la loi que le futur chef de police ne pourrait être
nommé que sur la recommandation du ministre de la Justice par le conseil
des ministres. Ceci, je l'ai fait pour que la police de Montréal soit
entre des mains sûres. Je rappellerai aussi que, lorsque le jugement de
la Commission de police fut rendu et que M. Saulnier a entrepris des
procédures en évocation devant la cour Supérieure, on a
entendu dans certains milieux des protestations du fait que M. Saulnier
était chez lui, sans travailler, et recevait un salaire.
C'est-à-dire qu'on a soulevé l'argument administratif du
fait qu'il était à l'écart de la police.
Lorsque j'ai entendu dire que le Conseil de sécurité de
Montréal se préparait, pour des raisons, en apparence,
légitimes, pour des raisons administratives, à reprendre M.
Saulnier à son service dans un poste ou un autre, j'ai pensé
qu'il était de mon devoir d'éclairer certains membres du Conseil
de sécurité et le chef de la police de Montréal qui,
à ce moment- là, était M. René Daignault, qui avait
été nommé à la fin de janvier 1972.
C'est dans ces circonstances que le juge Coderre et M. René
Daignault, entre autres, ont eu le loisir d'entendre des extraits de
conversations téléphoniques de façon qu'ils puissent
considérer cet aspect dans les décisions qu'ils auraient à
prendre.
C'est tout ce qu'il y a sur ce sujet.
M. PAUL : Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le
ministre de la Justice peut nous dire si les conversations
téléphoniques enregistrées entre M. Saulnier et M. Lamothe
donnaient l'information que M. Saulnier serait bientôt nommé chef
de police de la ville de Montréal?
Comme deuxième question, le ministre de la Justice peut-il nous
dire si les informations qu'il aurait pu transmettre à la Commission de
police auraient, de quelque façon, impliqué davantage M. Saulnier
ou si ces informations auraient été inutiles pour
compléter la preuve qu'avait mandat d'offrir à la Commission de
police le procureur chargé, par le ministère de la Justice, de
mener une telle enquête?
M. CHOQUETTE: A la première question du
député de Maskinongé, il n'y a aucune mention, dans
les conversations entre M. Saulnier et M. Lamothe, que M. Saulnier serait
incessamment nommé chef de police. Je tiens tout d'abord à dire
ceci. Par conséquent, il y a une certaine disjonction entre des
éléments de cette preuve, ce qui lui donnait, dans une certaine
mesure, le caractère que l'on peut apprécier, à savoir que
c'était douteux comme preuve, ou enfin...
En second lieu, M. le Président, on sait que la preuve
d'écoute téléphonique ou l'enregistrement de conversations
téléphoniques, dans les tribunaux, ordinairement, et devant des
commissions, au moins dans le passé, est une matière qu'il a
été difficile de faire admettre. Je pense que tous ceux qui ont
pratiqué dans le droit criminel admettront cela.
Troisièmement, il faudrait quand même se rappeler, aussi,
que dans cette histoire Saulnier, nous n'étions pas dans l'enquête
sur le crime organisé. Ce n'était pas une enquête at large
sur tout le monde. C'était une enquête sur la conduite d'un
individu en particulier. Par conséquent, les éléments de
preuve devaient pouvoir lui être rattachés.
Quatrièmement, M. le Président, le député de
Maskinongé me demande en fait de rendre jugement à la place de la
commission. Je n'ose pas le faire. J'ai pris mes responsabilités,
à l'époque, en fonction de ce que j'ai cru être
l'intérêt général.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve, une
question additionnelle.
M. BURNS: M. le Président, est-ce que le ministre a eu
connaissance de ces enregistrements avant ou après le 21 avril 1971,
c'est-à-dire avant ou après la nomination de M. Jean-Jacques
Saulnier comme directeur de la police de Montréal? Si oui, est-ce qu'il
en a communiqué la teneur aux autorités civiles de la ville de
Montréal?
M. CHOQUETTE: M. le Président, il est possible que j'aie eu
connaissance de ces conversations à l'époque où M.
Saulnier a été nommé, mais vous comprenez que c'est
tellement loin dans le temps qu'il m'est très difficile de me le
rappeler avec précision.
Maintenant, je n'ai pas communiqué ces renseignements aux
autorités de la ville de Montréal. Tout cela faisait partie d'un
ensemble et je ne considérais pas qu'il était de mon devoir de le
faire à ce moment. D'autant plus que la nomination était faite.
Parce que la conversation relativement à la nomination de M. Saulnier
dans laquelle, je tiens à le dire, il n'est pas impliqué
personnellement est de la même journée que la
résolution du comité exécutif de la ville de
Montréal qui l'a nommé, c'est-à-dire que cette
conversation a été enregistrée la même
journée, mais probablement dans l'après-midi, alors que la
nomination a été faite en fin d'après-midi ou dans la
soirée. Par conséquent, j'ai dû l'apprendre
postérieurement parce qu'on ne me fait pas rapport au fur et à
mesure de certaines informations.
M. BURNS: M. le Président, est-ce qu'il est exact que, dans cette
conversation, on se réjouissait de cette nomination imminente de M.
Saulnier?
M. CHOQUETTE: M. le Président, il faut quand même aussi
faire un peu la part des choses dans tout cela. Quand on parle de conversations
téléphoniques, ceux qui ne sont pas initiés à ce
genre de technique pourrait croire que toutes ces transcriptions nous donnent
une preuve comment pourrais-je dire? claire et nette.
UNE VOIX: M. le Président...
M. CHOQUETTE: Non, non, je fais une petite réserve avant de
répondre à votre question, si vous me le permettez.
M. BURNS: D'accord.
M. CHOQUETTE: Souvent, les conversations sont à demi-mots. Il
faut être au courant de beaucoup d'autres aspects pour pouvoir comprendre
de quoi on parle. Comprenez-vous? Ce n'est pas aussi direct que le
député de Maisonneuve pourrait le croire.
C'est la raison pour laquelle lorsque j'ai parlé,
récemment, de l'utilisation des enregistrements
téléphoniques, j'ai dit que, souvent, ces enregistrements
n'étaient pas tellement utiles pour élucider des crimes qui
avaient été commis, mais pour donner de l'intelligence à
la police, de la compréhension sur ce qui pouvait se passer.
C'est dans ce sens, M. le Président, qu'il faut lire le tout.
Evidemment, je dois dire que pour la conversation à laquelle le
député de Maisonneuve fait allusion, on peut en tirer les
conclusions que l'on veut. Je n'ose pas tirer de conclusions. Cela m'est
difficile de porter un jugement. Je crois qu'on n'était pas malheureux,
disons.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques, une
question supplémentaire.
M. CHARRON: Lorsque le ministre de la Justice a considéré
la possibilité de présenter ou non cet élément de
preuve et qu'il s'est décidé, avec l'aide de ses hauts
fonctionnaires, de ne pas le faire pour les raisons on les jugera, les
raisons qu'il vient de nous donner pour lesquelles il n'a pas
présenté cette preuve, est-ce que ses consultations se sont
étendues en dehors du ministère de la Justice? A-t-il
consulté le cabinet, et en particulier le chef du gouvernement, quant
à la décision qu'il devait prendre de déposer ou non cet
élément de preuve embrouillé devant la Commission de
police?
M. CHOQUETTE: Je ne sais pas, je ne pense pas avoir fait part
spécifiquement au premier ministre des décisions que nous
prenions. Je lui ai peut-être mentionné à cette
époque des choses qui se passaient, comme je le fais
généralement sur la conduite de mon ministère.
Je prends mes décisions moi-même. Et je ne crois pas non
plus qu'il s'agissait d'une décision qui devait aller au niveau du
cabinet. Ce n'était pas une décision qu'il appartenait au cabinet
de prendre, et je voudrais dire que, d'aucune façon, dans ces
décisions, aucun collègue n'a influé sur la
décision qui fut prise.
La décision fut prise à l'intérieur du
ministère de la Justice, c'est exact, en consultant les personnes qu'il
fallait consulter et avec lesquelles il fallait discuter ces
problèmes.
M. CHARRON: La décision n'est-elle pas assez grave pour que vous
vous rappeliez exactement si vous en avez parlé ou non au premier
ministre?
M. CHOQUETTE: Je parle très fréquemment au premier
ministre de différents problèmes. Je ne me rappelle pas que...
Et, d'ailleurs, il y a une tradition dans un certain sens, que le
député de Saint-Jacques ignore peut-être, c'est qu'en
matière judiciaire, le ministre de la Justice doit, la plupart du temps,
prendre ses responsabilités lui-même.
LE PRESIDENT: La dernière question supplémentaire.
M. BURNS: Question additionnelle. Maintenant que le problème
n'est plus devant les tribunaux et, dans le but de dissiper tout doute dans
l'esprit de qui que ce soit, est-ce que le ministre de la Justice accepterait
de faire part aux membres de l'Assemblée nationale d'une transcription
de l'enregistrement en question, afin que ce ne soit pas lui qui
apprécie ces faits, mais que d'autres personnes puissent
l'apprécier?
Je le dis dans l'intention d'aider le ministre, remarquez.
M. LACROIX: ... Michel Chartrand.
M. CHOQUETTE: J'apprécie hautement l'offre d'aide du
député de Maisonneuve. Il a certainement su apprécier ma
situation durant ces derniers jours.
D'autre part, je ne pense pas que ce serait là une tradition
qu'il faudrait établir dans ce Parlement; mais je verrai en temps et
lieu ce qu'il y a lieu de faire à ce sujet.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Transport de bois à pâte
M. SAMSON: Ma question s'adresse à l'ho- norable ministre des
Terres et Forêts, suite à la décision de la compagnie CIP
de transporter le bois, qui est actuellement au moulin de Témiscaming,
vers le moulin de Gatineau. Est-ce que le ministre peut nous dire ou peut nous
faire rapport des entretiens qu'il aurait eus hier à Montréal
avec le président de CIP, M. Flenniken?
M. DRUMMOND: Peut-être que je peux parler d'une façon
générale sur le projet Tembec. Je pense qu'après
l'adoption en Chambre de la loi de Rexfor, on a tous les outils
nécessaires pour procéder à la réalisation du
projet Tembec. Je ne veux pas, franchement, parler en public des
négociations, dire comment ça marche jusqu'à maintenant,
parce que je préfère négocier en privé pour arriver
à une solution assez juste en ce qui concerne la réalisation de
ce projet.
Je pense que je peux dire, quand même, que nous avons tous les
éléments pour arriver à régler ce problème
vers la fin de la semaine prochaine. En ce qui concerne l'exportation de bois,
je pense que c'est probablement la meilleure chose à faire lorsqu'on
sera en mesure de réaliser le projet, soit, je l'espère bien,
d'ici une semaine. Par contre, si on livre 3,000 cordes de bois, ça ne
met aucunement en danger le projet de Tembec. Le tout est vraiment dans la
bonne voie.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est vrai, suivant
les informations que nous avons eues, que Tembec compterait essentiellement sur
le bois qui est présentement à l'usine de Temiscaming pour
alimenter son usine advenant que l'achat se fasse et que ce bois lui
permettrait justement d'avoir une exploitation rentable? Est-ce que le
ministre, à l'occasion de ses conversations avec le président de
la CIP, a eu l'assurance que, pour le moment du moins, le bois resterait en
place jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise,
décision que vous entendez prendre d'ici la fin de semaine, si je
comprends bien?
M. DRUMMOND: M. le Président, évidemment, on aimerait
acheter le bois là-bas. Quand même, comme je l'ai dit, je
préfère que le bois ne parte pas cette semaine, mais c'est un
pourcentage minime de bois disponible. Alors, je ne vois pas grand
problème pour faire fonctionner Tembec.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre peut nous dire si les
déclarations faites hier par la CIP à l'effet que cette compagnie
n'aurait reçu, à ce jour, aucune offre raisonnable ou acceptable
pour l'achat de son usine risquent de compromettre le projet Tembec?
M. DRUMMOND: M. le Président, pas du tout. C'est vrai qu'avant
l'adoption de la loi de Rexfor nous n'avions pas vraiment les moyens de faire
l'offre qui était nécessaire. On vient de
terminer les études et on a les moyens en main maintenant pour
arriver avec des offres formelles et logiques pour faire fonctionner ce
projet.
LE PRESIDENT: Question supplémentaire?
M. LESSARD: Question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que, dans la rencontre que le ministre a eue avec M. Flenniken de la
CIP, on a strictement discuté de l'achat de l'usine Tembec ou si on a
discuté du problème posé par l'exportation des 50,000
cordes de bois vers la région de Gatineau? Deuxième question,
à ces négociations qu'a eues le ministre avec le président
de la CIP, les représentants de Tembec et ceux de Rexfor
étaient-ils présents? Est-ce que le ministre a l'intention
d'utiliser ses instruments, enfin?
M. DRUMMOND: M. le Président, au cours de ces discussions, on a
fait le tour de tous les problèmes en ce qui concerne la
réouverture de l'usine de Temiscaming. Quant à ceux qui
étaient présents, je n'ai aucune objection à dire que le
président de Rexfor était là et je me suis mis en contact
immédiatement avec Tembec.
M. LESSARD: M. le Président, je voudrais que le ministre
complète. La compagnie a annoncé, dans un communiqué de
presse, qu'elle n'avait pas eu d'offre raisonnable de Tembec, ou du
gouvernement, etc.
Est-ce que dans ces négociations les représentants de
Tembec ont été présents avec le ministre des Terres et
Forêts et avec Rexfor? Ce sont eux qui sont responsables aussi, il
faudrait qu'ils sachent ce qui se passe.
M. DRUMMOND: M. le Président, les négociations
relèvent d'une certaine façon du gouvernement et il faut avoir
les disponibilités en ce qui concerne l'argent nécessaire pour
faire fonctionner le projet. C'était ce qui manquait au commencement
lorsqu'on a discuté il y a plusieurs mois déjà. Toutes les
questions de financements n'étaient pas réglées.
Maintenant, comme je viens de le dire, on a les moyens nécessaires pour
formuler nos offres, j'espère bien, d'une façon satisfaisante
pour tout le monde.
LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques, une question
principale.
Affaire Saulnier
M. CHARRON; M. le Président, l'article 3 de notre
règlement m'interdisait tout à l'heure de poser une question
supplémentaire au premier ministre; je la formulerai donc en question
principale. Est-ce que lui, le premier ministre, se souvient qu'à un
moment où un autre, alentour de la nomination du chef Saulnier, le
ministre de la Justice, député d'Outremont, l'a mis au courant
qu'il était détenteur à son ministère de bandes
sonores pouvant impliquer le chef Saulnier?
M. BOURASSA: M. le Président, je ne sais pas où veut en
venir le député, mais le ministre de la Justice a dit
tantôt que c'étaient des preuves à examiner, des preuves
que le jugement qu'il avait porté était de nature technique et
normalement fait par le ministre de la Justice. Comme c'était une
décision de nature technique il n'avait pas à consulter le
cabinet.
M. CHARRON: Est-ce que oui ou non vous avez été
consulté sur cette décision?
M. BOURASSA: Si ma mémoire est bonne, non, M. le
Président, je ne me souviens pas que le ministre de la Justice m'ait
consulté sur cette question-là.
M. CHARRON: Je connais la mémoire du premier ministre, elle est
excellente.
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON : Est-ce que...
M. BOURASSA: Cela fait quand même deux ans. Si le
député veut faire de la petite démagogie avec ça,
c'est son choix. Cela fait quand même deux ans que la chose est
arrivée. Je ne peux pas me souvenir de toutes mes conversations,
très souvent quotidiennes, avec le ministre de la Justice. Mais le
ministre de la Justice a été très clair en disant que
c'était une décision technique du ministère et que le
cabinet n'était pas impliqué.
LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle, sans soulever de
débat.
M. CHARRON: Ah! Je ne suis pas capable, M. le Président.
LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.
Hausse de tarifs de Bell Canada
M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse soit au
premier ministre ou au ministre des Communications. Est-ce que le ministre des
Communications ou le premier ministre est au courant que Bell Canada vient
d'avoir la permission de hausser ses tarifs? En second lieu, est-ce qu'il y a
eu des pressions ou des démarches de faites par le gouvernement du
Québec par le truchement ou l'intermédiaire du ministre des
Communications ou du premier ministre? Et quelles ont été ces
pressions, s'il y en a eu d'effectuées?
M. L'ALLIER: M. le Président, je vais vérifier
l'information qui m'est transmise à l'instant par le chef de
l'Opposition. Le chef de l'Opposition officielle sait que les demandes
d'augmentation de tarifs de Bell Canada doivent être
présentées devant la Commission canadienne des transports, que la
dernière demande a été présentée en
décembre et entendue en janvier, février et que le gouvernement
fédéral a suspendu pendant 90 jours la décision de la
commission d'augmenter les tarifs.
Je ne suis pas informé, au moment où je vous parle, de ce
que la décision du gouvernement fédéral ait
été révoquée ou de ce que les tarifs soient
effectivement en vigueur.
Donc, je prends avis de la question.
M. LOUBIER: M. le Président, ma question additionnelle
était la suivante: Est-ce qu'à ce jour le ministre des
Communications a fait des représentations auprès des
autorités fédérales, a transmis ses réflexions, ses
commentaires quant à cette hausse éventuelle des tarifs qui,
vraisemblablement, se serait concrétisée aujourd'hui?
M. L'ALLIER: M. le Président, le gouvernement
québécois a plaidé devant la Commission canadienne des
transports. D'ailleurs, les témoignages des experts
québécois ont fait plusieurs milliers de pages devant la
Commission canadienne des transports. Nous avons monté un dossier
très important en collaboration avec le gouvernement de l'Ontario et au
moment où le gouvernement fédéral a suspendu la
décision de la Commission des transports, nous avons fait parvenir au
gouvernement fédéral le dossier que nous avions en main en
offrant la collaboration des techniciens qui avaient préparé
l'opposition québécoise. Nous avons donc offert les services des
techniciens québécois pour permettre au ministère des
Communications fédéral et au cabinet fédéral de
réévaluer la décision de la Commission des transports.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.
Arrestation de 29 personnes pour
indécence
M. DROLET: M. le Président, j'aurais une question à poser
à l'honorable ministre de la Justice. Je tiens à vous aviser, M.
le Président, au début, que cela va peut-être en faire
sourire un peu quelques uns mais quand même, je veux que ces questions
demeurent sérieuses car je considère le problème
très sérieux et très grave. J'en ai discuté ce
matin avec le ministre de la Justice lors d'une commission parlementaire et il
était censé prendre des informations à l'heure du
dfner.
Est-ce que le ministre de la Justice peut nous confirmer que 29
personnes, des hommes, ont été arrêtées hier sur les
bords pollués du fleuve
Saint-Laurent à Saint-Augustin? Est-ce que le ministre de la
Justice peut nous dire comment il se fait que le ministère de la Justice
ait attendu un an avant de répondre aux demandes
répétées du maire Raymond Julien de Saint-Augustin et de
plusieurs personnalités de Saint-Augustin et de Cap-Rouge qui, depuis
quelques années, quelques mois, semblaient au courant de ce qui se
passait là? Troisièmement, est-ce que le ministre peut nous
confirmer que la moitié de ces 29 personnes seraient des enseignants,
des professeurs d'école?
M. CHOQUETTE: M. le Président... LE PRESIDENT: A l'ordre,
messieurs!
M. CHOQUETTE: ... le député de Portneuf m'a parlé
de ce problème extrêmement grave ce matin à la commission
parlementaire de la justice qui siégeait sur la Loi des huissiers. Je me
suis dépêché d'obtenir les renseignements que je pouvais
obtenir dans un court délai. Tout d'abord, je ne peux pas dire quelle
est l'occupation des 29 personnes arrêtées. Je n'ai pas
suffisamment de détails à l'heure actuelle pour pouvoir indiquer
dans quelle profession principalement se retrouvent les 29 personnes.
Deuxièmement, les accusations portées...
M. DEMERS: C'est parce qu'elles n'avaient pas d'habit de travail, je
suppose.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. CHOQUETTE: En second lieu, les accusations portées contre ces
personnes sont des accusations de grossière indécence et d'actes
indécents dans des lieux publics. Evidemment, ces personnes ont
été mises en accusation à l'heure actuelle et leur
comparution a été fixée à une date
ultérieure.
Je dois dire que ces arrestations et ces plaintes font suite à
une plainte parvenue à la Sûreté, le 2 juin de cette
année, et qu'à la suite de cette plainte, la Sûreté
a fait enquête et que c'est par la suite que les accusations furent
portées. Le député de Portneuf laisse entendre qu'une
plainte aurait été portée il y a environ un an par la
personne qui a attiré l'attention de la Sûreté sur les
activités qui auraient eu lieu au bord de la falaise, sur le terrain des
Pères, à Saint-Augustin. Je dois lui dire que, d'après les
renseignements que je possède, c'est plutôt il y a cinq, six ou
huit mois qu'on aurait attiré l'attention de la Sûreté sur
des choses étranges qui se produisaient à ce moment-là. La
Sûreté a enquêté, mais vu la saison froide, elle n'a
pas pu déceler à ce moment-là d'indice de crime.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. DROLET: M. le Président, une question
supplémentaire.
LE PRESIDENT: Sur le même sujet?
M. DROLET: D'ailleurs, j'aurais plusieurs questions à poser, M.
le Président, mais je vais me contenter de trois. Est-ce que le ministre
de la Justice, devant ce problème extrêmement grave du fait que
cela s'est passé sur un terrain scolaire où il y avait
énormément de jeunes, peut nous assurer qu'il va faire une
véritable enquête sérieuse et qu'il fera connaître
tous les noms des personnes qui y sont reliées de près ou de
loin? Que le ministre aille au fond des choses et il va s'apercevoir qu'il y a
des noms très sérieux qui peuvent sortir.
Deuxième question supplémentaire. Est-ce que le ministre
de la Justice peut nous assurer, avant que des choses semblables se
reproduisent dans le comté parce qu'on a eu l'affaire Dion,
déjà, à Pont-Rouge, on a l'affaire des 29 à
Saint-Augustin qu'un permis ne sera pas émis à un groupe
de personnes qui veulent également ouvrir un genre de terrain d'orgies
semblables à Notre-Dame-des-Anges, encore dans mon comté?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je comprends maintenant...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. CHOQUETTE: M. le Président, je comprends maintenant pourquoi
la charge du député du comté de Portneuf est si lourde.
Deuxièmement, le ministre de l'Education attire mon attention sur le
fait que le député de Portneuf peut au moins dormir sur ses deux
oreilles pendant quelques mois, car l'année scolaire est
terminée.
M. DROLET: C'est bien en quoi ! Les jeunes sont lotisses dans les rues
et sur tous les terrains. Que le ministre de l'Education arrête de rire
et qu'il prenne les choses au sérieux pour une fois.
M. CHOQUETTE: Je puis dire au député que nous allons
porter une attention toute particulière à ces demandes. Quant aux
personnes qui ont été accusées, je préfère,
M. le Président, ne rien dire et laisser les tribunaux agir à
leur égard comme il se doit.
LE PRESIDENT: Dernière question. M. BROCHU: M. le
Président.
LE PRESIDENT: Dernière question, l'honorable
député...
M. BROCHU: M. le Président, une question
supplémentaire.
LE PRESIDENT: Une question supplémentaire.
M. BROCHU: Est-ce que le ministre de la
Justice peut assurer cette Chambre qu'il ne consultera pas le ministre
de l'Education afin de ne pas paralyser l'opération?
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Dernière question.
L'honorable député de Maisonneuve.
Affaire Saulnier
M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas pu, parce qu'il y avait
trop de questions additionnelles, poser d'autres questions au ministre de la
Justice, alors j'utilise comme question principale la question suivante:
J'imagine que sur cet ou ces enregistrements, le ministre n'a pas
été clair; il y a eu des dates. On a pris en note les dates de
ces enregistrements. Je ne m'attends pas à ce que le ministre me
réponde immédiatement là-dessus. Mais j'aimerais qu'il
fasse la recherche et me dise si deux choses que je vais lui souligner sont
exactes. Premièrement, est-ce qu'il n'est pas vrai qu'une
première conversation entre Vic Cotroni et Nicholas Diorio a eu lieu
trois semaines avant la nomination de M. Jean-Jacques Saulnier, et qu'une
deuxième conversation téléphonique entre Diorio et Angelo
Lanzo a eu lieu deux semaines avant la nomination?
Je ne m'attends pas qu'il me réponde immédiatement. Je
comprends qu'il n'ait pas ces chiffres à la mémoire. Je lui pose
la question tout simplement pour lui demander de vérifier ces faits.
Demain, peut-être, il sera en mesure de me donner les réponses
nécessaires. J'aurai peut-être d'autres questions à ce
moment-là.
M. CHOQUETTE: M. le Président, on comprendra que nous avons aux
archives de la Sûreté du Québec et au Bureau de recherche
du Québec sur le crime organisé de multiples dossiers sur de
telles conversations. Cela occupe des chambres entières.
Par conséquent, je n'ai sûrement pas lu tout cela, c'est
impossible. Quand à deux conversations antérieures de deux ou
trois semaines à la nomination de M. Saulnier, je ne me souviens pas
qu'on ait porté cela à mon attention. Alors, pour le moment,
c'est la réponse que je peux donner au député.
M. BURNS: Est-ce que le ministre veut vérifier ces
faits-là...
M. CHOQUETTE: Je vais vérifier.
M. BURNS: ... pour pouvoir nous donner les réponses
nécessaires afin qu'on ait le coeur net là-dessus?
LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, j'accorderai la
parole à l'honorable ministre responsable de l'ODEQ, sur une question de
privilège dont il m'a donné avis.
Question de privilège
Activités de l'ODEQ
M. Robert Quenneville
M. QUENNEVILLE: M. le Président, au sujet d'un débat
télévisé concernant les activités de l'ODEQ,
certains media d'information ont affirmé que je me défilais et
même que je refusais le débat. Je tiens à
répéter qu'il me paraît essentiel de connaître la
position officielle du CRD de l'Est avant de donner suite à cette
proposition de débat télévisé.
Vous savez que le CRD de l'Est du Québec représente pour
nous l'interlocuteur privilégié. Il est, en quelque sorte, un
associé. Je vois mal comment je participerais au débat sans
connaître son attitude face au manifeste de Matane.
Je ne me défile pas et je ne refuse sûrement pas le
débat. Merci.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. BURNS: M. le Président, en vertu de l'article 34. Nous avons,
je pense, les députés de tous les partis, reçu un certain
nombre de télégrammes d'associations féminines
relativement au projet de loi no 63 concernant le Conseil du statut de la
femme.
Tous ces télégrammes réclament que le projet de loi
soit déféré à une commission parlementaire et que
des auditions publiques puissent être tenues. Alors, la question...
Pardon?
M. LEVESQUE: Quel projet de loi?
M. BURNS: Le projet de loi no 63 sur le Conseil du statut de la femme.
Ce que j'allègue, c'est qu'on a reçu une série de
télégrammes. Je pense que tous les députés en ont
reçu. Je demande simplement au leader du gouvernement si c'est
l'intention du gouvernement de déférer ce projet de loi à
une commission parlementaire, je n'ose pas me prononcer sur laquelle. En tout
cas, on verra. Probablement celle des affaires sociales, ou celle de
l'éducation, ou celle des affaires culturelles, je ne le sais pas. Je
laisse le choix au leader du gouvernement. Mais est-ce que c'est l'intention du
gouvernement de le déférer à une...
LE PRESIDENT: Des communications!
M. BURNS: On me dit celle des richesses naturelles!
LE PRESIDENT: Des communications! M.PAUL: La qualité de
l'environnement!
M. BURNS: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de soumettre ce
projet de loi, après ou avant la deuxième lecture, surtout avant,
je pense, à une commission parlementaire et de tenir des auditions
publiques?
M. LEVESQUE: M. le Président, nous n'avions pas l'intention de le
faire. Il s'agit maintenant d'évaluer ce qui est le mieux: Avoir la loi
avant l'ajournement ou déférer le projet de loi à une
commission parlementaire qui siégerait durant la période
d'ajournement d'été. Alors, nous sommes à faire cette
évaluation.
M. BOIS: M. le Président,...
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
M. BOIS: ... une question de privilège concernant une question au
feuilleton. J'aimerais attirer l'attention de l'honorable leader parlementaire
à l'article 19, dans les questions, qui paraît au feuilleton
depuis sept mois et demi. J'apprécierais infiniment si l'honorable
leader parlementaire pouvait faire quelque chose...
M. LEVESQUE: On va répondre à quelques questions dans
quelques instants, mais pas à toutes.
M. PAUL: M. le Président,...
M. BOIS: Ah! vous ne l'avez pas vue, comme ça?
M. PAUL: ... j'aurais une question à poser...
LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire...
M. PAUL: ... au leader du gouvernement, conformément aux
dispositions de l'article 34 de notre règlement. Est-ce que le leader du
gouvernement peut nous dire si c'est son intention d'inviter les membres de la
commission parlementaire sur le code des professions à étudier
les lois des corporations professionnelles dont le ministre de l'Industrie et
du Commerce serait le parrain?
Si oui, devons-nous manger le pain, d'abord, avant d'aller à
l'étude des lois des corporations professionnelles?
M. LOUBIER: "The godfather"!
M. LEVESQUE: M. le Président, pour la deuxième partie de
la question, la réponse viendra assez vite. Pour la première
partie, je crois que nous pourrons entreprendre, dès ce soir, à
vingt heures quinze, l'étude des projets de loi relatifs aux
professions, qui sont sous la responsabilité du ministre de l'Industrie
et du Commerce.
M. PAUL: Laquelle des lois?
M. LEVESQUE: Par ordre numérique. C'est
ce que vient de me dire l'honorable ministre de l'Industrie et du
Commerce. Mais c'est sujet à changements.
M. PAUL: Ah, d'accord! Avec cela, on est correct.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Affaires du jour.
Questions inscrites au feuilleton
M. LEVESQUE: M. le Président, des réponses à
quelques questions.
Article 1), question de M. Tremblay (Chicoutimi), réponse de M.
Cloutier (Ahuntsic).
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Lu et répondu. (voir annexe)
M. LEVESQUE : Article 25 ), question de M. Lavoie (Wolfe),
réponse de M. Cloutier (Ahuntsic).
M. CLOUTIER (Ahuntsic): Lu et répondu. (voir annexe)
M. LEVESQUE: Article 27), question de M.
Samson, réponse de M. Tessier.
Pour M. Tessier, lu et répondu. (voir annexe) Article 33),
question de M. Vincent. Je propose que cette question soit transformée
en motion pour dépôt de documents.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Article 33), question de M. Vincent, réponse de M.
Parent.
M. PARENT: Document déposé.
M. LEVESQUE: Article 36), question de M. Vincent, réponse de M.
Parent.
M. PARENT: Lu et répondu, (voir annexe)
M. LEVESQUE : Quant au d.puté de Saint-Sauveur, voudrait-il
m'indiquer le numéro de la question qui l'intéresse?
M. BOIS: Article 19), M. le Président.
M. LEVESQUE: Article 19). J'en prends note.
M. BOIS: Merci.
M. LEVESQUE: M. le Président, immédiatement, à la
salle 81-A...
M. ROY (Beauce): M. le Président, un instant. Avant que
l'honorable leader du gouverne- ment passe à un autre article, je lui ai
déjà posé une question concernant un ordre de
dépôt de documents, qui apparaît au feuilleton depuis la
moitié de l'année dernière, donc près d'un an. Il
s'agit de l'article 95), page 34.
J'avais demandé à l'honorable leader du gouvernement,
à ce moment-là, s'il accepterait de faire enquête, à
son ministère, pour savoir si, oui ou non, des fonctionnaires
péquistes empêcheraient de divulguer des informations que nous
avons demandées par cette question que nous estimons très
importante, en ce qui nous concerne, et que le gouvernement n'a pas à
juger.
M. le Président, j'aimerais savoir de l'honorable leader du
gouvernement si on répondra à cette question et quand. Si le
gouvernement n'a pas l'intention de répondre ou si le gouvernement ne
peut pas se faire obéir de ses technocrates, qu'il nous le dise. Nous
ferons une motion spéciale, à l'Assemblée nationale, et
nous verrons à nous prévaloir de nos droits.
M. LEVESQUE: M. le Président, la question de l'honorable
député se situe au temps du Bloc populaire et non pas du Parti
québécois. En effet, il s'agit d'une entente de 1942. Je ne vois
pas que des fonctionnaires de mon ministère...
M. ROY (Beauce): J'ai dit, M. le Président, que le gouvernement
n'avait pas à juger de la question. J'ai posé une question bien
précise. Je sais que cela les fatigue. Je sais, M. le Président,
qu'ils tentent toujours de se défiler.
LE PRESIDENT: A l'ordre !
M. ROY (Beauce): Je demande une réponse. Je ne demande pas des
commentaires sur la question que j'ai posée. M. le Président, je
pose une question de privilège.
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Vous n'avez pas le droit de soulever
un débat dans une question de privilège.
M. ROY (Beauce): C'est le leader du gouvernement qui soulève un
débat. Alors, je vous inviterais, M. le Président, à
appliquer le règlement de la même façon...
LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! A l'ordre, à l'ordre!
A l'ordre, s'il vous plaît! Je ne considère pas cela comme une
question de privilège, parce que je ne pourrais pas permettre une
réponse. Je considère qu'il s'agit d'une question en vertu de
l'article 34. Est-ce que vous avez une réponse à apporter?
M. LEVESQUE: M. le Président, puisque je voulais donner une
réponse complète, ce qui provoque une nervosité
compréhensible chez le député de Beauce...
M. ROY (Beauce): Je ne suis pas nerveux du tout.
M. LEVESQUE: ... je vais lui donner la même réponse que
j'ai donnée au député de Saint-Sauveur. J'ai pris
note...
M. ROY (Beauce): Vous allez répondre quand?
LE PRESIDENT: A l'ordre! Affaires du jour.
Travaux parlementaires
M. LEVESQUE: M. le Président, à la salle 81-A,
commission des affaires municipales pour l'étude de projets de loi
d'ordre privé.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée en ce qui concerne la
séance de la commission des affaires municipales?
Adopté.
M. LEVESQUE: Article 72). M. le Président, je voudrais, avant que
vous appeliez cet article, vous informer, pour que tous les membres soient bien
au courant et je pense bien que c'est l'endroit où le faire
que ce soir dès la reprise à vingt heures quinze, il
appert que la commission des affaires municipales aura terminé son
travail. Je fais donc motion pour qu'à ce moment, si la Chambre
siège, la commission parlementaire spéciale des corporations
professionnelles puisse siéger et commencer à entreprendre
l'étude des projets de loi au nom du ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. BURNS: Simplement une question, avant de commencer tout ça.
Est-ce que le leader du gouvernement peut nous donner une indication, advenant
l'adoption du projet de loi 277, du moins en commission plénière,
de l'ordre du jour qu'il voudra appeler par la suite?
M. LEVESQUE: Si je savais évidemment le temps que chacun doit
prendre pour épuiser ce débat, je serais peut-être en
meilleure posture pour répondre, parce qu'à un moment
donné la stratégie doit changer selon les circonstances, ce que
comprend très bien le député de Maisonneuve.
M. PAUL: Mais pourquoi ne pas travailler en plein jour? On n'a pas de
stratégie, nous autres, on y va franchement.
M. LOUBIER: Mais si jamais...
M. LEVESQUE: Mais si jamais tout allait bien, voici ce qui se
passerait.
M. LOUBIER: Si jamais l'étude du projet de loi no 277
n'était pas terminée à six heures, est-ce que le ministre
de l'Industrie et du Commerce ira quand même à la commission
parlementaire sur les professions?
M, LEVESQUE: Pour ça, il faudra attendre à six heures.
M. LOUBIER: Mais oui, on veut savoir un peu. Le leader parlementaire a
dû mieux planifier que ça.
M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition n'était pas ici, je crois,
hier soir...
M. LOUBIER: Ah! oui, jusqu'à minuit cinq. M. PAUL: Ah! oui.
M. LEVESQUE: S'il était ici et je pense bien qu'il
l'était il sait pourquoi je ne réponds pas à ce
moment-ci. Il sait fort bien que l'étude en commission
plénière, normalement, achève sur le commerce du pain.
M. LESSARD: II est minuit, Dr Schweitzer.
M. LEVESQUE: Normalement, cette question est hypothétique.
Normalement.
M. LOUBIER: Quel projet de loi viendrait par la suite?
M. PAUL: L'expropriation.
M. LEVESQUE: Comme le dit le député de Maskinongé,
il a bien deviné...
M. PAUL: Je suis prêt.
M. LEVESQUE: ... l'article 77), projet de loi 88, Loi de
l'expropriation. En ensuite...
M. LOUBIER: Si c'était...
M. LEVESQUE: Oui, si c'était adopté, nous pourrions
procéder à la Loi des valeurs mobilières.
M. PAUL: Est-ce que c'est plus urgent que l'agriculture?
M. LEVESQUE: Et si elle était adoptée
immédiatement, nous pourrions procéder à la Loi modifiant
la loi de la division territoriale. Enfin, nous verrons.
M. LOUBIER: C'est déjà bien.
M. PAUL: Mais le tout est sujet à changement.
M. LEVESQUE: Le tout sujet à changement. Merci.
LE PRESIDENT: Concernant cette motion pour la tenue de la commission des
corporations professionnelles ce soir à vingt heures quinze, cette
motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Hypothétiquement.
M. LOUBIER: Le tout sujet à changement.
LE PRESIDENT: Quitte à rajustement de tir.
M. LEVESQUE: Je propose, M. le Président, que vous quittiez le
fauteuil.
LE PRESIDENT: Article 73). M. LEVESQUE: Article 72).
Projet de loi no 277 Commission plénière
(suite)
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 9. M. DEMERS: Article 9. M. PAUL: Un
instant.
M. DEMERS: Est-ce que l'article 6 était réellement...
oui?
M. PAUL: On ne sait jamais ce qu'on fait d'une minute à l'autre,
on change de livre.
M. DEMERS: Tout est sujet à changement.
LE PRESIDENT (M. Blank): L'article 9 est amendé. Il y a un
amendement à l'article 9.
M. DEMERS: Est-ce qu'on peut...
LE PRESIDENT (M. Blank): L'amendement était déjà
donné.
M. DEMERS: Une minute.
M. PAUL: Je comprends qu'on les a, mais ce n'est pas nous qui sommes
obligés de les lire pour le ministre.
M. DEMERS: Est-ce qu'on pourrait relire cet amendement, s'il vous
plaît?
LE PRESIDENT (M. Blank): Certainement, je vous donne la permission.
M. SAINT-PIERRE: A l'article 9, l'amendement proposé est le
suivant: "Tout pain doit porter sur l'emballage le nom de l'entreprise qui le
fabrique et l'endroit de la fabrication."
M. PAUL: Vous amendez encore l'amendement que vous aviez
donné.
M. SAINT-PIERRE: Pardon?
M. PAUL: Vous amendez à nouveau l'amendement que vous nous avez
donné.
M. SAINT-PIERRE: A votre demande je lis l'amendement que je vous ai fait
parvenir il y a une semaine. C'est le même amendement.
M. PAUL: Là vous parlez de la fabrique et nous avons le nom de
celui qui l'a fabriqué.
M. ROY (Beauce): L'amendement que vous avez donné est...
M. SAINT-PIERRE: Oui.
M. ROY (Beauce): ... Tout pain doit porter sur la partie
supérieure ou un des deux côtés latéraux de
l'emballage le nom de la boulangerie qui le fabrique. C'est le texte de
l'amendement que l'on nous avait remis.
LE PRESIDENT (M. Blank): Le texte d'amendement que j'ai ici,
c'est...
M. ROY (Beauce): Le texte de l'amendement, je pense que ce serait normal
que nous en ayons une copie.
M. PAUL: Est-ce que le ministre a pris connaissance de sa loi?
M. SAINT-PIERRE: Bien, j'ai une photocopie là.
M. DEMERS: II amende...
M. SAINT-PIERRE: Le texte que j'ai et qui a été
distribué par le secrétariat est la suivant: Remplacer l'article
9 par le suivant: Tout pain doit porter sur l'emballage le nom de l'entreprise
qui le fabrique et l'endroit de la fabrication. Tout pain dont l'emballage
porte comme inscription principale un nom ou une marque de commerce qui
n'appartient pas à l'entreprise qui le fabrique doit porter
l'inscription suivante: "Fabriqué par (nom du fabricant) selon les
indications de (nom de l'entreprise qui l'a commandé).
M. DEMERS: Ce n'est pas ce que vous nous chantiez tantôt.
M. PAUL: Pourquoi arrivez-vous encore avec un texte aussi touffu?
Pourquoi est-ce que l'honorable ministre ah! je suis content de voir que
son brillant conseiller est arrivé, là on peut discuter
d'égal à égal, on peut être placé sur la
même longueur d'onde n'accepterait-il pas les conseils du brillant
légiste qui siège par accident à sa gauche pour que le
premier paragraphe de l'amendement qu'il vient de nous proposer se lise
plutôt comme suit? Vous savez, la langue française, et je suis
heureux de constater l'arrivée de mon collègue le
député de Chicoutimi qui va maintenant nous surveiller...
M. DEMERS: Un fin linguiste.
M. PAUL: Le ministre nous propose le texte suivant : Tout pain doit
porter sur l'emballage le nom de celui qui le fabrique et l'endroit de la
fabrication. C'est une redondance; pourquoi ne pas dire tout simplement: "Tout
pain doit porter sur l'emballage le nom et l'adresse du fabricant"? Comme c'est
beau la langue française!
M. DEMERS: C'est concis, n'est-ce pas?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est parfait pourvu que "tout pain" ne soit
pas entendu au sens du ministre de l'Agriculture.
M. PAUL: Autrement, c'est lourd.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela alourdit le pain pour rien.
M. DEMERS: Cela fait retomber le pain.
M. PAUL: "Tout pain doit porter sur l'emballage le nom et l'adresse du
fabricant."
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est tellement plus simple. C'est tellement
plus légal.
M. PAUL: Je remercie le ministre de m'avoir félicité pour
l'excellente suggestion que je viens de lui faire.
M. DEMERS: II a l'intention de vous écrire.
LE PRESIDENT (M. Blank): "Tout pain doit porter le nom et l'adresse du
fabricant."
M. PAUL: Oui, le texte est amélioré. M. DEMERS: Là
c'est très bien.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté?
M. DEMERS: Bien oui.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 10.
M. DEMERS: M. le Président, article 10: "Le lieutenant-gouverneur
en conseil peut adopter des règlements pour régir le commerce du
pain au Québec et plus particulièrement: a) pour établir
des normes relatives à la publicité, à l'étiquetage
et à l'emballage du pain."
Je trouve excessifs ces pouvoirs et je me demande ce que vient faire le
ministre dans l'établissement "des normes relatives à la
publicité, à l'étiquetage et à l'emballage du
pain." Ne serait-il pas beaucoup plus simple de laisser ça aux
boulangers pour qu'ils puissent faire eux-mêmes leur publicité
dans le sens de leurs besoins? Là, le gouvernement non seulement fixe
des minimums, mais il fixe la façon dont on va étiqueter ces
minimums. Lorsque le pain sera fabriqué maintenant, il faudra que le
type qui veut faire de la publicité consulte le ministre. Même le
ministre des Institutions financières aurait son mot à dire
là-dedans, si on veut tirer l'affaire par les cheveux. Je ne parle pas
du ministre, il n'y a pas grand prise.
M.PAUL: C'est un homme qui a du front.
M. DEMERS: C'est un homme qui a beaucoup de front. Je voudrais qu'on
enlevât ce paragraphe a) que je trouve surérogatoire. Je me
demande ce que ça vient faire, et pourquoi le ministre s'arroge des
pouvoirs semblables, alors que la publicité doit relever de l'initiative
privée et du bon vouloir de chacun.
M. SAINT-PIERRE: II me semble qu'on peut voir dans ce pouvoir de
réglementation non pas le type de pouvoir abusif que le
député de Saint-Maurice soulève. Nous avons une loi qui
touche l'ensemble du commerce du pain. Je pense que, tout au long du rapport
Tessier, tout au long du projet de loi que nous avons discuté à
maintes reprises, tant lorsque nous avons parlé de la protection des
consommateurs que de la protection et de la survie des petites boulangeries,
les articles de publicité abusive, d'étiquetage non conforme aux
faits ou d'emballage pouvant tromper le consommateur ont surgi.
H s'agit de donner un pouvoir de réglementation qui permettrait
de corriger des abus possibles. Cela ne va pas dans l'essence même du
projet de loi, mais il me semble que c'était un des aspects du
problème. D'ailleurs, ce n'est pas le ministre; c'est le
lieutenant-gouverneur en conseil, c'est l'Exécutif qui possèdent
certains pouvoirs de réglementation.
S'il y a des abus dans ces secteurs, ce n'est pas, demain matin, qu'on
va commencer à dire: Vous n'avez pas le droit de faire de la
publicité dans les journaux. Ce n'est pas notre intention, mais on se
dit que si, dans la publicité, on tente de tromper, de contourner la loi
le député de Beauce mentionnait que des gens ont beaucoup
d'imagination pour contourner la loi il y aura une réglementation
qui permettrait de préciser, puis, enfin, de définir, tant pour
la protection des consommateurs que pour la protection des boulangeries, ce qui
survient exactement.
M. DEMERS: Quelle sécurité vont avoir les fabricants de
pain au sujet de la publicité? Est-ce qu'il y a un coussin de
sécurité pour ces gens-là? Est-ce qu'ils peuvent avoir un
semblant de protection, si toute la réglementation est laissée au
conseil des ministres par règlement? Quelle va être l'initiative
privée dans ce domaine-là, si, avant de faire de la
publicité, on doit téléphoner au bureau du ministre? Les
règlements vont être affichés, je suppose, puis on va
recevoir un livre de règlements disant qu'on n'a pas le droit de dire
ceci ou cela, de dire qu'il y a tel ingrédient dans le pain.
Les croissants devront être faits de telle façon. Je me
demande où est l'initiative privée
là-dedans. C'est rendu tellement socialisant qu'on va même
dans le pain, dans les croissants, dans les brioches, dans les baguettes, dans
tout. On a laissé passer la fixation d'un prix minimum, malgré
nous, on a demandé une fixation du prix du pain au gros, ça nous
a été refusé. Aujourd'hui, pour des affaires aussi
tatillonnes que de fixer la publicité, bien, le gouvernement va
lui-même édicter quelle sera la réglementation sans laisser
à l'initiative privée aucune marge.
LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, sur cette question, je suis
parfaitement d'accord avec le ministre, si c'est l'intention du gouvernement
d'inclure le paragraphe a) de l'article 10. Je voudrais répondre aux
arguments du député de Saint-Maurice. Il ne s'agit pas de
socialisation à outrance. Je dirais même, pour l'information du
député de Saint-Maurice, que...
M. DEMERS: D'abord, vous n'avez pas d'affaire à me
répondre. C'est le ministre que je questionne ; laissez-le me
répondre.
M. CHARRON: D'accord, si vous êtes pointilleux cet
après-midi. Je vais vous parler d'une autre façon. M. le
Président, je parle en faveur du paragraphe a), et j'ajoute des
arguments à ceux que le ministre vient déjà d'apporter.
Que le député de Saint-Maurice les écoute ou ne les
écoute pas.
M. DEMERS: Ah! je les écoute.
M. CHARRON: Je dis que dans ce modèle d'intervention de l'Etat
dans ce qui s'appelle la protection du consommateur je ne dis pas dans
les règles de tout ce qui doit entrer partout dans le comportement des
individus un des gouvernements les plus intervenants dans ce
domaine-là, et même les militants pour la protection du
consommateur le reconnaissent, c'est le gouvernement peut-être le plus
libéral au monde, le gouvernement des Etats-Unis. Au cours des
dernières années, on a multiplié ce genre d'interventions
non pas pour obliger l'entreprise privée à se conformer à
des normes de production mais dans l'esprit d'une protection du
consommateur.
Cela m'étonne d'entendre des arguments comme ceux-là parce
que je me souviens du débat sur le bill 45 où on insistait, nous
aussi de notre côté, parce qu'il y avait vraiment des failles dans
ce projet de loi, pour dire que la protection du consommateur n'était
pas à ce point claire et précise et que le gouvernement
s'esquivait. Je suis convaincu que si, demain matin, une marque de pain
était annoncée et que des consommateurs avertissaient des
députés de cette Chambre qu'il y a fraude, publicité
frauduleuse, le député de Saint-Maurice, vigilant comme il l'a
toujours été depuis qu'il est en Chambre, serait le premier
à bondir et à demander au ministre de l'Industrie et du
Commerce.: Qu'est-ce que le ministre entend faire contre ce genre de
publicité où l'on annonce des ingrédients qui ne figurent
pas dans le produit, où on annonce un poids qui n'est pas le poids
réel du produit? Il s'agit de protéger le consommateur sur ce
plan-là.
On serait les premiers à demander l'intervention de l'Etat, du
gouvernement dans ce domaine-là; ce n'est pas du socialisme, c'est de la
civilisation. A une époque où, souvent, la course au profit est
à ce point folle qu'on peut truquer une publicité et les
exemples s'accumulent déjà sur le bureau de l'Office de
protection du consommateur qui existe depuis très peu de temps je
ne vois pas pourquoi une matière aussi vitale, sans aucun jeu de mots,
que le pain ne nécessiterait pas une intervention. Je suis parfaitement
d'accord pour que le paragraphe a) figure à l'article 10.
M. DEMERS: M. le Président...
M. ROY (Beauce): M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, sur ce point du paragraphe a),
nous avons adopté une loi, à l'Assemblée nationale, qu'on
appelle la loi 45, la Loi de la protection du consommateur, qui n'est pas
complète, nous le savons. On sait aujourd'hui que, dans ce domaine, les
commerces, les industries sont obligées de satisfaire aux exigences de
la Loi de la protection du consommateur, ils sont obligés de s'y
soumettre mais il faut aussi regarder la logique, il faut regarder le bon sens,
je pense, il faut avoir un peu plus de sens pratique. Il y a déjà
toutes les normes, tous les règlements découlant de la Loi de la
protection du consommateur, qui sont des règlements qui doivent
être suivis, et il arrive, en plus, une autre forme de
réglementation, d'autres règlements, par la loi du pain, pour
régir la publicité, l'étiquetage et l'emballage du
pain.
Nous ne sommes pas opposés, au contraire, à ce qu'il y ait
certaines normes dans la publicité et qu'on respecte la
vérité. Nous sommes bien d'accord que l'étiquetage des
produits soit fait de façon à identifier le produit, mais
lorsqu'on est rendu dans l'emballage du pain, je me demande sincèrement
où on veut aller, je me demande si on n'est pas en train de créer
d'autres carcans qui vont encore augmenter les frais fixes, augmenter les frais
d'administration de l'entreprise et alors, au nom de la protection du
consommateur, on fait encore payer cela par le consommateur. Les frais que doit
envisager l'entreprise, il ne faut jamais oublier que c'est le consommateur qui
paie, en définitive, il n'y a jamais eu d'erreur là-dessus, je
pense.
Il y aura deux lois, deux formes d'étiqueta-
ge, deux formes de publicité. Je comprends qu'il peut y avoir une
relation entre cette loi-ci et la Loi de la protection du consommateur de
façon que la réglementation tienne compte de ce qu'il y a
déjà d'édicté, de prévu dans la Loi de la
protection du consommateur. Si c'est déjà dans la Loi de la
protection du consommateur, pourquoi l'inclure dans la Loi de la fabrication du
pain? Pour quelle raison avoir deux catégories d'inspecteurs sur les
routes, des gens qui vont enquêter au nom de la protection du
consommateur, et des gens qui vont aller faire l'inspection des
établissements au nom de l'application de la loi du pain, et doubler
encore le personnel, le service d'inspection?
Or, on connaît l'habileté de certaines personnes à
faire des règlements compliqués et des règlements
très étendus dans tous les domaines pour tout régir, y
compris les virgules. M. le Président, toute cette réglementation
abusive que nous avons, je comprends que ça fait l'affaire du Parti
québécois, parce qu'il s'agissait tout simplement pour le
député de Saint-Maurice de proposer, de prononcer le mot
"socialisation", je savais immédiatement que le Parti
québécois allait être pour, parce que la socialisation pour
lui, peu importe ce que c'est, on y va. Il ne se pose même pas de
question là-dessus. Il faut l'intervention de l'Etat partout. Mais
l'Etat c'est qui? L'Etat c'est quoi? Pourquoi toujours intervenir? Je comprends
qu'il faut de la surveillance, qu'il y ait des normes, mais de là
à tout régir, à tout réglementer, de façon
que plus personne ne soit capable de poser un geste sans avoir dans ses poches
le petit livre de règlements pour savoir s'il est dans la
légalité ou dans l'illégalité...
On régit au Québec à l'heure actuelle puis on
appelle ça de la civilisation. La civilisation, dans l'esprit de
certaines personnes, c'est qu'il y a 5,900,000 personnes dans la province de
Québec qui sont dépourvues d'intelligence, 5,900,000 personnes
dans la province de Québec qui n'ont plus de compétence,
5,900,000 personnes dans la province de Québec qui n'ont plus aucun sens
des responsabilités, qui n'ont plus aucun critère
d'honnêteté. Il y a seulement les 100,000 fonctionnaires, si vous
voulez, qui, d'après certaines personnes, sont mandatés par
l'Etat avec un mandat précis de faire surveiller des règlements,
de surveiller l'application de certains règlements et de voir à
faire des règlements pour tâcher qu'ils soient le plus
compliqués possible, pour tâcher de faire des rapports le plus
volumineux possible, et on sait les rapports volumineux qui ont suivi lorsque
la réglementation a été établie. J'ai fait un
parallèle la semaine dernière, et je le fais encore aujourd'hui
avec la Loi des produits pétroliers qui a décidé
jusqu'à la grosseur du tuyau qui peut relier la pompe au
réservoir. C'est tout simplement ridicule. De cette façon on
place les gens dans une situation telle, à un moment donné, que
c'est encore les petites entreprises qui ne sont pas capables de tenir le coup,
parce que justement elles n'ont pas les moyens, elles n'ont pas le personnel
voulu et que tous ces changements de réglementation nécessitent
pour elles des déboursés toujours additionnels, des
déboursés toujours de plus en plus grands.
Si on réunit, par exemple, les normes de publicité, si on
parle de la publicité à la télévision, de la
publicité dans les journaux, on sait que tenant compte du type, de la
grosseur de l'entreprise, de l'endroit où elle est située au
Québec, elle n'utilise pas toujours les mêmes moyens de
publicité pour se faire connaître, pour faire connaître son
produit au public. Mais on sait très bien que le gouvernement n'a jamais
établi dans aucun ministère des normes différentes d'un
endroit du Québec à un autre. Cela veut dire que de La Sarre,
Abitibi, jusqu'en Gaspésie, les normes vont être les mêmes
partout dans la province de Québec. Si on a, à un moment
donné, une petite boulangerie qui veut faire preuve d'initiative, qui
veut faire la promotion de son produit parce qu'elle n'a pas les moyens
d'aller à la télévision, ni les moyens d'aller dans la
grosse publicité à la radio et un peu partout et qui veut
utiliser son papier d'emballage pour essayer d'attirer l'attention, elle sera
prise, encarcannée par les normes du ministère, les normes du
gouvernement et elle ne pourra plus bouger.
Moi, je pense que, dans la question de la réglementation,
à ce sujet, si la Loi de la protection du consommateur est là,
qu'on s'en serve donc. Dans cette Loi de la protection du consommateur, nous
savons qu'il y a quand même des normes, des minimums à respecter.
Qu'on protège le consommateur, d'accord, mais lorsqu'il s'agit de
réglementation qui ne protège plus le consommateur mais qui est
de la réglementation puis de la réglementation, nous, en ce qui
nous concerne, nous nous y opposons.
M. DEMERS: M. le Président, je voudrais faire une petite mise au
point à la suite des propos tenus par mon excellent ami le
député de Saint-Jacques. Je voudrais dire qu'en ce qui a trait
à la protection du consommateur, je suis d'accord, mais le but de la loi
est de protéger aussi le boulanger, d'assurer la survie du boulanger. Je
comprends qu'il y aura un contrôle des poids et mesures, et que c'est le
gouvernement d'une autre juridiction qui va l'exercer.
Il y aura aussi les ingrédients qui doivent entrer dans le pain.
Et il y aura une foule d'inspecteurs, comme l'a dit le député de
Beauce tantôt, qui verront à l'application. Mais je voulais, dans
mes propos, laisser un peu d'initiative à ceux qui fabriquent le pain
parce que ce sont eux qui doivent établir un chiffre d'affaires à
la fin de l'année. S'ils ont été limités à
un carcan, à un cadre très précis par la publicité,
par l'emballage et toutes ces choses, et s'ils ne font pas d'affaires, ce sont
eux qui vont s'en aller et disparaître. C'est ce que le ministre veut
éviter.
Il n'y a pas, comme le disait hier soir un
collègue, un opinant, d'autre produit à vendre pour ces
gens que du pain. Leur seul marché, c'est de vendre du pain. Ils ne
peuvent pas avoir d'adjuvant comme, par exemple, s'ils vendaient des oeufs avec
le pain pour passer le pain. Ce n'est pas cela, ils sont limités au
pain.
M. LAVOIE (Laval): C'est leur gagne-pain!
M. DEMERS: C'est leur gagne-pain, comme me dit si bien un loustic, M. le
Président. C'est le sens de mon intervention. Je voudrais que le
ministre, dans sa réplique, nous précise exactement dans quel
esprit il entend appliquer le paragraphe a) de l'article 10.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, on a soulevé le fait que
dans une loi, le chapitre 74 des lois de 1971, qui touche la protection des
consommateurs on avait des dispositions analogues à celles qu'on
retrouve dans l'article 10.
Si on regarde bien cette loi, je pense qu'on conviendra avec moi que,
bien que la Loi de la protection du consommateur a tenté d'aborder bien
des thèmes, elle n'a pas touché au thème qui nous
intéresse. Elle a touché surtout les ventes à
crédit. Elle a touché les vendeurs itinérants. Elle a
touché les questions de résiliation de contrats. Elle a
touché à tous ces aspects, surtout ce qui touche des engagements
contractuels, le prêt d'argent, le contrat accordé à un
crédit variable, le contrat assorti d'un crédit accessoire, la
vente à tempérament.
C'est dans d'autres lois qu'on trouve des dispositions semblables
à celles-ci. Dans la Loi des heures d'affaires il y a un pouvoir de
réglementation qui permet des variations et qui a été
bénéfique, je pense, aux petits commerçants.
C'est pour cela que je ne puis accepter le point de vue soulevé
par le député de Beauce à l'effet que ce pouvoir de
réglementation va atteindre d'une façon plus difficile les
petites boulangeries puisqu'elle va leur imposer à elles-mêmes
l'obligation de se conformer à des règlements en matière,
comme nous le mentionnons, de publicité, d'étiquetage et
d'emballage. D'ailleurs, encore une fois, je renvoie le député de
Beauce à la commission parlementaire où les représentants
des boulangeries n'ont exprimé aucune opposition vis-à-vis de ce
pouvoir de réglementation. Si j'avais le temps voulu, je pourrais lire
au député de Beauce, peut-être qu'il a déjà
commencé à en recevoir, des télégrammes des
boulangers qui demandent que ces dispositions soient appuyées.
Enfin, comme je le mentionnais également, dans l'ensemble de nos
discussions il n'y a pas une intervention qui n'a pas abordé, dans le
commerce du pain, des aspects très importants de publicité,
d'étiquetage et d'emballage.
En nous donnant un tel pouvoir, nous ne voulons pas restreindre
l'exercice normal de la liberté d'entreprise chez des gens. Mais nous
pensons, encore là, établir un moyen terme entre les droits des
consommateurs et les droits des boulangeries. Ce n'est pas l'intention d'avoir
des mesures excessives mais il nous parait nécessaire d'avoir ce pouvoir
de réglementation. Sinon c'est ouvrir la porte à des abus
flagrants par lesquels on va tenter de contourner l'esprit même de la loi
qui aurait été votée en cette Chambre.
M. DEMERS: M. le Président, est-ce que la réglementation
est prête? Non? Vous n'avez aucune idée encore.
LE PRESIDENT (M. Blank): L'article 10 a), adopté sur
division.
M. DEMERS: Ah non! pas sur division.
LE PRESIDENT (M. Blank): Non. Alors, adopté. Article 10 b)?
M. ROY (Beauce): L'article 10 a) seulement. L'article 10 b)...
M. SAINT-PIERRE: L'article 10 b), M. le Président, s'explique
à sa lecture même. Il touche des points qui avaient
été soulevés par le député de Nicolet.
Justement, l'article 10 b) nous montre jusqu'à quel point on ne veut pas
avoir des nonnes qui vont s'appliquer sans aucune nuance. On voit que par
l'article 10 b) il nous sera possible d'exempter, en totalité ou en
partie, de l'application de la présente loi et des règlements
certaines catégories de pain. Alors, c'est utiliser le bon sens, si je
prends l'exemple du député de Nicolet.
Il est bien sûr que si dans nos dispositions réglementaires
on exige que le pain soit emballé pour des raisons sanitaires, on
pourrait permettre à des artisans, le long de la route 6 de la
Gaspésie, de vendre un pain de ménage qui n'est pas
emballé. C'est simplement une possibilité pour donner plus de
flexibilité à la loi.
M. DEMERS: M. le Président, au sujet de ce pain de ménage,
je pense qu'il serait peut-être bon qu'on ait des précisions.
Est-ce que la catégorisation d'un pain rassis, à quatre jours,
s'appliquera ou si le ministère a l'intention d'exempter globalement ce
pain? On ne nous dit pas quelle est l'intention du gouvernement à ce
sujet. IL se réserve la possibilité d'intervenir. Mais si les
boulangers, un matin, viennent vous dire: Exemptez donc cela, soumettez-les
donc à la loi du pain, vous allez les embarquer sous la même loi.
Ces gens, comment pourront-ils faire pour vivre?
Leur pain, d'abord, ne répond aucunement aux normes de poids. Il
y a aussi l'emballage, l'âge, la texture et les ingrédients.
Est-ce l'intention du ministre de soustraire ces pains à la loi?
M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président. Dans les propos du
député de Saint-Maurice, on tient pour acquis que, dès que
les boulan-
gers vont nous demander quelque chose, on va s'incliner, on va dire oui.
Ce n'est pas du tout notre intention. L'esprit, comme je l'ai mentionné,
de l'article 10, c'est simplement le gros bon sens. Le but de la loi, je pense
qu'il était clair cela fait trois jours qu'on en parle de
même que les objectifs et le principe même de la loi.
Je vous donne un exemple. Si un pain danois se vend à raison de
1,000 par semaine dans le Québec, on n'est pas pour commencer à
le réglementer. Si on vise le but de la loi, tant vis-à-vis de la
protection du consommateur que vis-à-vis des boulangeries, on comprend
bien que pour un pain danois, qui se vend à raison de 1,000 exemplaires
par semaine et qui est une spécialité ce serait réellement
compliquer la vie de tous et chacun de tenter d'avoir une
réglementation.
Les pains qui se vendent en petites quantités, les genres de
petits pains qu'on sert dans les cocktails ou ailleurs, est-ce qu'on a un
intérêt à entrer dans cela? D'ailleurs, à l'article
6, on a soustrait les pains de six onces et moins, pour les raisons que j'ai
fait valoir à ce moment. Alors, c'est pour tenter de ne pas être
pris avec une loi, en fait, qui nous empêcherait d'accepter le bon sens.
Vous avez donné des exemples, mais ce n'est pas du tout notre intention
de tenter d'exclure la fabrication du pain de ménage ou de tenter de
rendre la vie compliquée à des artisans. Nous voulons atteindre
les fins de la loi en ayant un certain pouvoir de réglementation pour
exempter des choses qui devraient l'être.
Je pense que tous les partis de l'Opposition en conviendraient.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Paragraphe c)?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, encore là, je pense que
cela va toucher le député de Beauce. Comme il y a
déjà des communautés urbaines qui, au niveau de
l'inspection des aliments, de l'inspection de l'hygiène, ont certains
services, qui surveillent des établissements, pour ne pas
dédoubler ce personnel, pour ne pas centraliser à Québec,
on se donne, au paragraphe c), un pouvoir de réglementation qui nous
permet de confier à une municipalité ou à une
communauté urbaine l'application de la présente loi.
Bien sûr, on n'obligera pas une petite municipalité de la
Beauce que ce soit Saint-Georges ou une autre à engager un
inspecteur pour surveiller le pain. On le fera pour elles. Mais, dans une ville
plus importante, comme Sherbrooke, si elle est dotée, au niveau de ses
services municipaux, d'un service d'inspection, on pourrait alors confier
l'application de la loi à l'autorité municipale.
M. ROY (Beauce): Autrement dit, le ministre veut nous dire par là
qu'il veut être en mesure d'utiliser les services déjà
existants dans les municipalités, mais qu'il n'obligerait pas les
municipalités à se doter d'un tel service, compte tenu du fait
que la surveillance de cette réglementation touchant le pain
s'ajouterait aux autres surveillances déjà nécessaires
pour les établissements qui vendent de la viande et autres choses.
Aucune municipalité ne serait obligée. Autrement dit, le
gouvernement n'a pas l'intention de forcer aucune municipalité à
accepter cela. Cela va.
LE PRESIDENT (M. Blank): Paragraphe c), adopté.
UNE VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 10, adopté.
Article 11?
M. DEMERS: M. le Président, dans le domaine des inspections et
des inspecteurs, c'est bien l'intention du ministre de créer des
inspecteurs avec un rôle spécifique d'inspection du pain.
D'après la loi, ce serait cela?
M. SAINT-PIERRE: Comme au ministère nous sommes également
responsables de l'application d'autres mesures je pense à la Loi
des heures d'affaires ce n'est pas impossible qu'à
l'intérieur de la division du commerce il y ait un groupe d'inspection
qui reçoive des plaintes de nos délégués
régionaux ou qui fasse lui-même enquête sur plus d'une loi,
dont celle-ci.
M. DEMERS: A moins que je ne me trompe, il y a l'inspection sanitaire
des boulangeries qui relève d'un autre ministère que le
vôtre; peut-être qu'il y aurait possibilité de greffer le
tout à ça pour ne pas faire une superfétation, d'avoir un
dédoublement. Moi, je n'ai aucune objection.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 11, adopté. Article 12.
M. DEMERS: Un instant, s'il vous plaît. Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 13.
M. DEMERS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 14.
M. DEMERS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 15.
M. DEMERS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 16.
M. DEMERS: Une minute, s'il vous plaît. Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Article 17. M. DEMERS: Adopté. LE
PRESIDENT (M. Blank): Article 18. M. DEMERS: A 18, j'ai une question...
LE PRESIDENT (M. Blank): II y a un amendement. L'article 17 devient
l'article 16.
M. DEMERS: C'est là que je trouve qu'il y a une faiblesse dans la
loi. On dit: "Lorsqu'une corporation commet une infraction à la
présente loi ou à un règlement, tout officier,
administrateur, employé ou agent de cette corporation qui a prescrit ou
autorisé l'accomplissement de l'infraction ou qui y a consenti...", il
devrait être puni d'après l'article 18 selon
l'infraction commise à l'article 16. Il devrait être
considéré comme une personne, et non pas comme une personne
morale. C'est bien ça?
M. SAINT-PIERRE: C'est ce que l'amendement fait à l'article
16.
M. DEMERS: Mais vous n'avez pas pensé que si on fait ça,
les grandes chaînes, les grandes maisons auront toujours un indivudu qui
épousera leurs responsabilités, elles le mettront en avant comme
paravent, show boy et il sera astreint à payer $200 d'amende au lieu de
$500 ou de $1,000 ou de $5,000.
M. SAINT-PIERRE: Non, je pense que le sens de l'article 17, c'est
justement...
M. DEMERS: Je parle de l'article 18.
M. SAINT-PIERRE: Oui, je sais. Mais 17 établit clairement que la
corporation peut être poursuivie. L'article 16 établit qu'une
personne peut être poursuivie. L'article 18, avec l'amendement qui change
17 à 16, établit que lorsqu'une corporation commet l'infraction,
non seulement la corporation peut être poursuivie suivant l'article 17,
mais, en plus, on peut poursuivre "tout officier, administrateur,
employé ou agent de cette corporation qui a prescrit..."
M. DEMERS: C'est très bien. J'ai saisi. Non seulement la
corporation, le gros est poursuivi, mais l'homme qui travaille pour eux a une
poursuite individuelle, comme si c'était un simple individu.
M. PAUL: Nous avons les mêmes dispositions dans les lois du
revenu.
M . CHARRON: Mais quand les deux dernières lignes de l'article 18
disent: "... que la corporation ait ou non été poursuivie ou
déclarée coupable.", comment l'article 18 peut-il s'appliquer si
l'article 17 ne s'applique pas? Parce qu'on commence l'article 18 en disant:
"Lorsqu'une corporation...", on présume qu'elle a commis une infraction.
Si elle a commis une infraction, elle doit automatiquement être
poursuivie en vertu de l'article 17. Qu'on ne dise pas, à la fin:
qu'elle ait ou non été poursuivie. Comment va-t-on poursuivre le
gars si on n'a pas poursuivi la corporation?
M. SAINT-PIERRE: Souvent, dans le cas des infractions commises à
l'intérieur des corporations, il nous revient d'établir le
fardeau de la preuve et le mécanisme de décision qui a
donné lieu à l'infraction. L'article 18, tel qu'il est
rédigé, nous permettrait d'entamer des poursuites contre la
personne, sans être obligés d'attendre qu'il y ait preuve suivant
l'article 17, vis-à-vis de la corporation elle-même.
Et deuxièmement, l'article 18 nous permettrait je
reconnais la justesse des propos que vous tenez, en le lisant moi-même
dans certains cas douteux... Il se peut que, dans certains cas, à
l'intérieur d'une corporation, l'infraction ait été
commise; mais en faisant la preuve, on établit que, bien que
l'infraction ait été commise à l'intérieur du
marché d'alimentation disons Steinberg, ni la compagnie, ni
ses officiers, ni même son gérant de l'établissement
n'était partie à l'infraction.
Cela nous permet donc, même si l'infraction est commise à
l'intérieur du cadre d'affaires de la compagnie, d'attaquer une personne
qui, directement, aurait pu violer la loi. Et plus la deuxième...
M. CHARRON: Je signale au ministre que je n'en avais pas à la
dernière partie qui s'appelle "ou déclarée coupable".
J'admets que la corporation peut être innocentée et que la
faute repose sur un individu qui aurait pris la décision de
lui-même. Mais qu'on dise qu'elle "ait été ou non
poursuivie", alors que dans la première ligne de l'article on admet
qu'elle a commis une infraction, le moins qu'on fasse c'est qu'on la poursuive
également. Il se peut qu'au bout du jugement il n'y ait que l'individu
de coupable et non pas la corporation. Si on commence un article de loi en
disant: II y a eu une infraction commise par une corporation et qu'à la
fin on dit qu'on ne la poursuivra même pas...
M. DEMERS: Cela dépend comment les avocats...
M. CHARRON: ... à moins que le député de
Maskinongé...
M PAUL: M. le Président, il me fait toujours plaisir d'instruire
le jeune député de Saint-Jacques. Voici, il arrive trop souvent
hélas que les compagnies fassent faillite. Dans le présent
cas, il peut être évident qu'une infraction ait
été commise par une compagnie qui est devenue entièrement
insolvable ou en faillite. En vertu de notre droit pénal, une amende est
imposée contre une corporation; il n'y a pas d'emprisonnement, c'est une
amende qui est imposée. En face d'une telle situation, il peut arriver
que le ministère ait une plainte, une preuve d'une infraction commise
mais qu'il lui serait tout â fait inutile de porter plainte ou de faire
la preuve devant les tribunaux à cause de l'insolvabilité ou la
faillite de la corporation. A ce moment-là, le ministère pourrait
toujours rejoindre la partie à l'infraction conformément aux
dispositions de l'article 18 de notre loi.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 19, adopté.
Article 20, adopté.
M. DEMERS: Adopté, M. le Président. LE PRESIDENT (M.
Blank): Article 21. M. DEMERS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Le nouvel article 22
maintenant.
M. SAINT-PIERRE: A l'article 22, M. le Président, on a
l'amendement suivant: Jusqu'à ce qu'un arrêté en conseil
soit adopté en vertu de l'article 3, le prix minimum visé
à l'article 2 est fixé de la façon suivante: pain seize
onces, prix $0.18; 20 onces, $0.20; 24 onces, $0.22 et 32 onces, $0.30.
Je voudrais aborder quelques thèmes pour justifier cet
amendement. Le rapport Tessier a été amorcé après
des études tant au niveau provincial que fédéral. Elles
avaient commencé en 1967-1968 devant une situation bien difficile. Je ne
voudrais pas reprendre tous les thèmes mais le plus rapidement possible
nous avons déposé le projet de loi devant cette Chambre, compte
tenu des problèmes constitutionnels qui nous ont retardés pendant
cinq ou six mois et qui ont été réglés. Je l'ai
déposé le 22 décembre 1971. Vous vous rappelez qu'on avait
presque obtenu un consensus mais, devant des réactions non pas
négatives mais des doutes d'un des partis de l'Opposition, soumis par le
député de Maskinongé, nous avions décidé
qu'il était prudent de ne pas adopter à la vapeur ce projet de
loi, de le déférer à une commission parlementaire pour
entendre les parties.
Nous l'avons fait le plus rapidement possible et nous avons passé
une journée entière à entendre les parties, à la
fois les consommateurs, les boulangeries et les représentants de la
grande entreprise. Par après, compte tenu de l'étude des
crédits, l'étude sur le budget et d'autres dispositions du projet
de loi, nous nous retrouvons dans une autre période de trois mois
écoulés et les boulangeries n'ont encore rien qui corresponde
à ce qu'elles prétendent et â ce que nous croyons
être un remède nécessaire pour remédier â la
situation actuelle.
J'ai déposé l'autre jour et je ne sais pas, pour
les fins de la discussion, si chacun des députés en a une copie,
peut-être qu'on a des copies additionnelles un relevé des
prix du pain blanc tranché enveloppé, le 21 juin 1973. Compte
tenu des variations de poids, on se rend compte que les prix mentionnés
dans mon amendement sont égaux ou supérieurs à ceux qui
sont proposés dans l'amendement. Tout cela pour dire que si nous
acceptons l'amendement Il n'y a aucune augmentation de prix, dans
l'hypothèse où les marchands pourraient retenir le prix minimum
inscrit dans la loi.
Il n'y a aucune augmentation de prix pour toutes les régions du
Québec, sauf trois: la ville de Sherbrooke où le pain se vendait,
dans une partie des établissements, à $0.18 ailleurs,
c'était à $0.27 et $0.28 ce qui représenterait une
augmentation de $0.02; Trois-Rivières où le pain de 20 onces se
vend $0.19, alors que la loi prévoit $0.020 et, finalement, Valleyfield
où, pour le pain de $0.24, il y aurait une augmentation de $0.04. On se
rend compte que Valleyfield est l'endroit dans la province où, pour
différentes raisons, il y a eu la plus grande bataille des prix du pain
par rapport à n'importe quelle autre là-bas.
Alors, j'explique mon amendement. S'il était minuit, je
demanderais presque le consentement unanime, mais nous avons encore un peu de
temps avant l'ajourenement.
M. PAUL: Oui, jusqu'à minuit.
M. SAINT-PIERRE: On peut aller jusqu'à minuit. En expliquant le
sens de cet amendement, bien entendu, je réitère la promesse que
j'ai faite, hier soir, que, dès que nous utiliserions le
mécanisme de l'article 2 et de l'article 3, nous convoquerions une
commission parlementaire pour entendre toutes les parties.
Je reconnais que ce n'est pas facile. Il n'y a pas un ordinateur, il n'y
a pas une équation mathématique qui puisse jouer avec les
paramètres des prix de revient et indiquer la nécessité
d'avoir une hausse. L'article que nous apportons s'inscrit donc dans les
dispositions transitoires pour permettre à la loi votée par la
Législature d'avoir au moins un effet immédiat au niveau des
petites boulangeries. Je ne voudrais pas vous lire une pléiade de
télégrammes que j'ai reçus. J'ai passé quelque
temps à mon bureau; j'en ai devant moi de M. Bertrand Gagnon, de la
région de Rimouski, de la boulangerie Saint-Laurent, de Luceville.
Chacun de ces témoignages il y en a d'autres qui ont
été reçus indique jusqu'à quel point le
projet de loi est nécessaire et urgent. Or, si nous votons le projet de
loi sans l'amendement proposé, il faut bien se rendre compte qu'avec la
meilleure volonté du monde la loi ne pourrait pas avoir effet avant le
mois de septembre. Expliquons-nous. La loi est votée. Nous
procédons avec beaucoup de diligence. Nous faisons faire les avis dans
la Gazette officielle et nous laissons le délai de trente
jours. Je remplis ma promesse de convoquer la commission parlementaire
dans le mois d'août. Nous écoutons les parties, nous
réfléchissons à l'ensemble du problème. Nous serons
à la mi-septembre, peut-être même au début d'octobre,
avant d'avoir des correctifs à la situation actuelle.
Alors, pour ces raisons et reconnaissant la dissidence, quand
même, exprimée par l'Opposition sur le principe de la loi, il me
semble que, tout au moins, si la loi est acceptée par l'Assemblée
nationale, l'amendement que je propose permet de donner un effet
immédiat pour apporter un correctif, tout en nous laissant, de
surcroît, le temps voulu pour examiner les propositions
différentes. Comme je l'ai mentionné, avant de toucher à
ces prix, nous convoquerions une commission parlementaire, nous prendrions tout
le temps nécessaire pour nous assurer que le prix fixé, le
plafond, le seuil établi correspond bien à l'évolution des
prix.
Je réitère que j'ai fait des calculs rapides qui montrent
ce qui arriverait si les prix minimums que je propose dans l'article 22
étaient utilisés par les marchands.
M. DEMERS: Est-ce que vous pourriez les répéter, s'il vous
plaît?
M. SAINT-PIERRE: Ces prix sont: 16 onces, $0.18; 20 onces, $0.20; 24
onces, $0.22 et, 32 onces, $0.30.
M. DEMERS: II n'y en a pas de 48 onces?
M. SAINT-PIERRE: Non, parce qu'on a enlevé les pains de 40 onces
dans la loi. Alors, si on les compare au 21 juin, cela ce sont des seuils
minimums. Les marchands peuvent demander davantage, mais ce seraient les seuils
minimums. Si ces seuils minimums étaient utilisés par tous et
chacun, effectivement ce serait une diminution. Je suis assez honnête
pour vous dire que je ne pense pas que cela arrivera parce que les prix
minimums vont être plus bas que les prix du marché. Prenons des
exemples un peu concrets, disons à Amos ou à Rouyn-Noranda. A
Amos, les prix sont actuellement de $0.29 et de $0.25. Je suis certain que, si
on vote la loi pour les pains de 20 onces et de 24 onces, il n'y aura pas,
demain matin, une diminution. Je pense que les prix vont rester les
mêmes.
Mais ce qu'il est essentiel de se rappeler, c'est que, suivant ce
tableau, pour 92 p.c. des consommateurs québécois, l'amendement
que je propose ne représente aucune hausse de prix. Dans les cas
où il le fait, ce sont des cas flagrants où il y a eu des abus
depuis longtemps et où, justement, nous tentons d'intervenir par des
correctifs.
Alors, je soumets respectueusement à cette Chambre qu'ayant
accepté en deuxième lecture le projet de loi il serait
approprié d'apporter un correctif immédiat, ou bien d'avoir ce
mécanis- me qui ferait en sorte que cela nous prendrait trois ou quatre
mois de plus avant d'apporter un correctif au problème.
M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre pourrait nous faire parvenir une
copie de l'amendement qu'il vient de nous proposer?
M. DEMERS: M. le Président, l'amendement que le ministre vient de
nous proposer comme une soeur jumelle ou un frère jumeau au
télégramme qu'il avait reçu des boulangers en date du 19
juin 1973. C'est exactement cela?
M. SAINT-PIERRE: En toute honnêteté...
M. DEMERS: Ce n'est pas son amendement, c'est l'amendement des
boulangers.
M. SAINT-PIERRE: Non, je m'excuse. En toute honnêteté, je
réclame la paternité de l'amendement.
M. DEMERS: Vous aviez envoyé un autre télégramme
aux boulangers avant?
M. SAINT-PIERRE: Non, non, un instant. M. DEMERS: D'accord.
M. SAINT-PIERRE: Compte tenu des délais et pour les motifs que je
vous ai donnés, avant même qu'on commence le débat de
deuxième lecture, il m'avait paru nécessaire d'apporter
l'amendement. Ici, je reconnais que pour fixer comme cela un prix, il faut se
rappeler qu'à la commission parlementaire il s'était
dégagé un consensus pour un prix un peu plus élevé.
Si vous vous rappelez, à la commission parlementaire, Steinberg et les
boulangers parlaient de $0.24 pour 24 onces alors qu'ici nous parlons de $0.22
pour 24 onces. C'est donc légèrement inférieur.
Comme ces prix étaient inférieurs à ce qui avait
été mentionné à la commission parlementaire, j'ai
pris sur moi de demander des réactions à l'Association
professionnelle des boulangers, à ceux qui sont directement
touchés par le problème. Je leur ai demandé quelle
était leur réaction à cette échelle de prix, et
c'est là qu'ils m'ont transmis un télégramme que j'aurais
dû vous lire et dont je vous ai donné une copie il y a
déjà une semaine, lequel télégramme se lisait
ainsi: "L'Association professionnelle des boulangers du Québec exprime
son accord sur quatre poids, 16, 20, 24, 32 onces stop accepte
également que le prix minimum soit fixé dans la loi selon
l'échelle suivante $0.18 pour 16 onces, $0.20 pour 20 onces, $0.22 pour
24 onces, $0.30 pour 32 onces à condition que ces prix puissent
être modifiés par arrêté en conseil selon
l'évolution des prix de revient." Fin du télégramme.
C'est-à-dire que c'est tel que nous l'avons actuellement dans l'article
2.
M. DEMERS: M. le Président, à cet article, je me demande
comment vous pouvez appliquer l'article 2 amendé avec les taux que vous
venez de nous donner. Est-ce qu'on pourrait nous relire l'article 2, s'il vous
plaît?
LE PRESIDENT (M. Blank): L'article 2 dit: "... le prix minimum en tenant
compte du coût moyen de production d'une boulangerie faisant preuve d'une
productivité satisfaisante."
M. DEMERS: Est-ce que cela a été réellement
pensé en fonction de cet article ou si c'est fixé d'une
façon arbitraire?
M. SAINT-PIERRE: Je pense que si l'on se réfère à
l'ensemble des discussions à la commission parlementaire avec les
grandes boulangeries et avec les petites, nous étions très
près de ces prix. Il y en a qui étaient un peu à la hausse
mais on parle de $0.01 de différence. Il faut quand même voir,
dans l'article 22, une mesure intérimaire. Elle peut être
modifiée. Il n'y a rien, dans la loi, qui nous empêcherait de la
modifier à la baisse, si on le voulait et si, devant la commission
parlementaire, l'Assemblée nationale était convaincue que ces
prix sont trop élevés. Je pense qu'honnêtement, compte tenu
je vous les ai mentionnés que les prix du marché
sont actuellement supérieurs à ceux-ci, compte tenu des
discussions de tous les groupes à la commission parlementaire, tant des
groupes comme Steinberg que des petites boulangeries, il semblait que cette
échelle de prix pouvait correspondre à notre définition
d'un seuil minimum ou d'un plafond des prix de vente.
M. LAFONTAINE: Le ministre vient de mentionner le seul minimum de prix.
D'après la façon dont j'ai entendu ces prix tout à
l'heure, il semble plutôt qu'on ait suivi l'article 2: "De façon
à assurer la rentabilité des opérations d'une boulangerie
faisant preuve d'une productivité satisfaisante." Je calcule que les
prix sont gelés au moins pour une couple d'années. Je ne pense
pas qu'il soit prévisible qu'il y ait une révolution dans la
fabrication du pain.
Les prix pourraient simplement varier suivant le taux d'inflation ou le
taux de déflation. Est-ce bien cela?
M. SAINT-PIERRE: Comme je l'ai dit, on pourrait... Vous dites que les
prix vont être gelés? J'espère que cela va convaincre ceux
qui avaient peur pour les consommateurs.
M. LAFONTAINE: Minute, M. le Président, je m'excuse, c'est
toujours par arrêté ministériel. Quand on dit que les prix
vont être gelés, c'est pour autant qu'on fasse confiance au
lieutenant-gouverneur.
M. SAINT-PIERRE: D'accord.
M. LAFONTAINE: Et je pense bien que personne de ce côté-ci
ne fait confiance au lieutenant-gouverneur ces temps-ci. Par
arrêté en conseil, évidemment.
M. SAINT-PIERRE: Pour répondre à la question, prenez le
prix de la farine.
Même si la technique ne change pas, il y a des
éléments dans le coût de revient qui peuvent changer sur
une période de temps. On m'informait que le prix de la farine, qui est
actuellement $5 les 100 livres, pourrait augmenter de près de 50 p.c.
prochainement. C'est quand même une hausse possible. Cela ne veut pas
dire que le prix du pain augmentera de 50 p.c., c'est peut-être un
facteur négligeable, mais l'ensemble de tous ces facteurs pourrait faire
que, dans huit ou neuf mois, nous devrions envisager de modifier ces prix.
Là, ce serait le processus que nous avons prévu à
l'article 2 qui s'appliquerait, incluant la convocation de la commission
parlementaire.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté? Le député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): Si le gouvernement veut l'adopter, on va l'adopter sur
division.
LE PRESIDENT (M. Blank): Sur division, l'article 23.
M. DEMERS: Vous l'avez.
M. PAUL: N'en parlez plus, vous l'avez.
M. DEMERS: Vous l'avez là, n'en parlez plus.
M. PAUL: N'en parlez plus, parce que...
LE PRESIDENT (M. Blank): L'article 23, sur division aussi?
M. BURNS: Sur division de la part des trois partis d'Opposition. Cela
est important que vous le notiez.
M. ROY (Beauce): On va maintenir nos positions.
M. BLANK (président de la commission plénière): M.
le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission a
adopté le bill 277 avec des amendements.
LE PRESIDENT: Ce rapport est-il agréé?
DES VOIX: Agréé.
LE PRESIDENT: Agréé.
M. ROY (Beauce): Sur division.
LE PRESIDENT: Sur division.
M. ROY (Beauce): Sur division, non seulement d'un seul parti mais des
trois partis de l'Opposition.
LE PRESIDENT: Cela fait beaucoup de divisions.
UNE VOIX: La troisième lecture.
M. PAUL: Jamais, parce que j'aurai en temps opportun une motion
utile.
LE PRESIDENT: Troisième lecture, suivant le règlement,
prochaine séance ou séance subséquente.
M. BURNS: M. le Président, nous avons des remarques à
faire en troisième lecture. Nous préférerions que cela se
fasse normalement à une prochaine séance.
M. PAUL: L'Opposition reste unie dans la division.
M. LEVESQUE: Article 8). LE PRESIDENT: Pardon?
M. LEVESQUE: Excusez, je n'ai pas le bon feuilleton.
LE PRESIDENT: Projet de loi 88? M. LEVESQUE: Oui.
Projet de loi no 88
Deuxième
lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Transports propose la
deuxième lecture du projet de loi no 88, Loi de l'expropriation. Il
s'agit de la réimpression du projet de loi.
M. PINARD: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de
la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée? Adopté.
M. PAUL: Non, le ministre n'a pas de discours?
M. Bernard Pinard
M. PINARD: M. le Président, je n'avais pas l'intention de faire
un long discours sur la nécessité de présenter le projet
de loi 88 réimprimé, c'est-à-dire avec les amendements qui
ont été préparés à la suite des travaux de
la commission parlementaire, qui a fait un travail constructif pour bonifier la
loi, comme c'était le devoir des députés de le faire,
qu'ils soient d'un côté ou de l'autre de la Chambre.
Il serait peut-être séant de faire un court historique des
travaux entrepris par le comité Alary, qui a été
formé en 1965, à la suite de plaintes, de critiques parfois
très acerbes sur les régimes d'expropriation à ce moment
en vigueur dans la province de Québec. Nous avions à peu
près 100 lois différentes en matière d'expropriation, avec
des instances très nombreuses pour s'occuper de ces problèmes
d'expropriation. Les conséquences étaient qu'il y avait des
régimes disparates quant aux méthodes d'évaluation, quant
aux droits des instances d'agir en matière d'expropriation, quant
à la façon de régler les problèmes, quant à
la façon de protéger les droits des expropriés et quant
à la façon également de protéger les droits des
expropriants, surtout dans le cas des corps publics.
Alors, c'est un travail de longue haleine qui a été
entrepris. Il y a eu 114 séances d'étude de la commission Alary
ou du comité d'étude Alary en matière d'expropriation qui,
en 1968, a présenté un rapport très volumineux, en trois
tomes; j'ai les deux autres ici. Cela donnait un document de travail
très considérable avec de multiples recommandations qui, si elles
avaient été appliquées intégralement, auraient
obligé le gouvernement à créer ce que nous avons
appelé à l'époque et ce qui nous a été
recommandé par le comité, l'Office du domaine, qui était,
en quelque sorte, une synthèse de tous les régimes
d'expropriation actuellement en vigueur dans les pays suffisamment
structurés pour s'occuper de ces problèmes.
Ces recommandations qui, finalement, au point de vue de bien des
spécialistes, et surtout de ceux qui avaient l'expérience de
l'administration publique, étaient peut-être un peu trop
calquées sur le régime d'expropriation actuellement en vigueur en
France, qui, dans le contexte politique, administratif, social de ce pays, a
rendu d'immenses services, aussi bien à l'Etat qu'à la
population. Mais il faut quand même tenir pour acquis qu'il s'agit
là d'un pays unitaire, avec un gouvernement fortement centralisé
mais en voie d'être décentralisé de plus en plus au niveau
des régions, avec des pouvoirs régionaux. Alors, régime
d'expropriation qui, lui aussi, évolue en France comme le nôtre
évolue ici et comme il évolue également dans d'autres
pays.
Comme nous sommes dans un contexte nord-américain, avec des
problèmes sociaux assez particuliers, avec des problèmes
techniques, géographiques, topographiques et démographiques qui
nous sont également particuliers, il a fallu faire une synthèse
des besoins, une synthèse des recommandations qui nous ont
été faites pour en arriver, finalement, à proposer
à l'Assemblée nationale un premier texte de loi en matière
d'expropriation, qui a été déposé à
l'Assemblée nationale en décembre 1972, si ma
mémoire est fidèle.
Nous n'avons pas eu la prétention, lorsque nous avons
déposé ce premier projet de loi, d'avoir atteint la situation
idéale ou la perfection. Nous savions qu'il était perfectible.
Mais nous savions, par ailleurs, que nous avions là un excellent
instrument de travail pour permettre aux députés de prendre
connaissance des problèmes en matière d'expropriation, de faire,
en quelque sorte, un examen de conscience sur les façons nouvelles de
légiférer et de réglementer en matière
d'expropriation, tout en protégeant l'autorité gouvernementale
qui a la responsabilité de donner suite à des besoins
jugés urgents et prioritaires par la population, pour ne pas le
paralyser dans son action légale, administrative.
C'est ainsi que le projet de loi a cheminé, jusqu'à ce que
nous convoquions la commission parlementaire pour entendre d'abord ce que les
députés avaient à dire du projet de loi lui-même, et
ce que les municipalités, par exemple, les corps publics avaient
également à dire à ce sujet. Cela a été une
surprise agréable de constater que le projet de loi, dans sa
première présentation, a été jugé
très acceptable. Il n'y a eu que quelques modifications à faire,
des modifications de substance parfois, des modifications de détail le
plus souvent, pour en arriver à présenter aujourd 'hui, à
l'Assemblée nationale, un projet de loi qui, vraiment, est
considéré comme un nouvel instrument de travail capable de
permettre au gouvernement de donner suite à des besoins qui sont
jugés urgents et prioritaires en matière de travaux publics, pour
permettre à la province de continuer dans la voie du progrès
économique et social, pour doter notre territoire, qui est sept fois
plus grand que la France il faut toujours se le rappeler de
moyens de communications et de systèmes de transport capables de
permettre une décentralisation de l'industrie sur son territoire, pour
permettre aussi de meilleures communications entre les régions, entre
les villes importantes et aussi entre les villages.
Nous avons tenu compte aussi du fait que la province de Québec
est séparée par ce fleuve magnifique, qui s'appelle le
Saint-Laurent, mais qui pose chaque jour des défis presque
insurmontables à l'administration publique, quand il s'agit de
réaliser des oeuvres de première importance, capables de relier
entre elles des régions qui, historiquement, démographiquement,
culturellement et socialement, ont été isolées pendant des
dizaines et des dizaines d'années.
Je pense, M. le Président, qu'il n'est pas nécessaire de
prolonger cette discussion, étant convaincu à l'avance que le
gouvernement n'a pas voulu agir seul dans le domaine de l'expropriation en
présentant cette loi 88, qu'il a voulu faire participer tous les
députés de l'Assemblée nationale et que cela a
été le but premier de la convocation de la commission
parlementaire.
Nous n'avons qu'à relire le journal des Débats pour nous
apercevoir que, dans un domaine aussi vital que celui-là, aussi
délicat et, parfois, aussi explosif, les députés ont voulu
prendre leurs responsabilités, indépendamment des
étiquettes politiques. Ce qui m'a fait plaisir au cours des travaux de
cette commission parlementaire, c'est de constater que le débat n'a
été politisé en aucun moment. Je pense que c'est la seule
façon d'arriver vraiment à faire adopter par l'Assemblée
nationale des lois susceptibles de donner les fruits attendus par la population
et aussi voulus par le législateur, surtout quand on touche à des
domaines aussi délicats, que celui de la propriété
privée, que celui des droits individuels et collectifs, alors qu'il se
mêle à toutes ces questions de droit, de technique ou de
technologie avancée, des faits strictement à caractère
humain, à caractère individuel et à caractère
collectif qui prennent une dimension sociale.
Nous n'avons qu'à relire toutes les critiques qui ont
été faites depuis plusieurs années sur ce régime
d'expropriation, qui était en vigueur dans la province de Québec
à l'époque. Nous l'avons, quand même, bonifié par
des mesures administratives avant même d'en arriver à la Loi qui
est proposée pour discussion et adoption en Chambre, aujourd'hui. Comme
nous n'avions pas les instruments légaux dont nous avions besoin pour
agir, à l'époque du lancement des grands projets routiers, par
exemple, en 1960, et, de nouveau, à l'époque préparatoire
de ce grand événement que fut l'exposition internationale de
Montréal, en 1967, il a bien fallu jouer et agir avec les moyens du
bord. C'est par réglementation, c'est par des mesures administratives
que nous avons, quand même, tenu le coup et fait face à la
situation, alors qu'augmentait sensiblement, chaque année, le nombre de
cas d'expropriation dont la valeur totale augmentait aussi par 100, par 200 et
par 300.
M. le Président, je pense que, malgré les faiblesses du
système, à l'époque, il y a quand même eu de la
bonne volonté de la part des hommes publics en place et de la part des
fonctionnaires qui avaient la responsabilité d'administrer la Loi de
l'expropriation et qui avaient aussi certaines autres responsabilités
quotidiennes de juger, d'apprécier, de recommander au ministre le
traitement qui devait être accordé à un ou à des
expropriés. Aussi, aujourd'hui, personne n'est surpris de voir que le
gouvernement a décidé de prendre ses responsabilités et de
présenter ce que nous appelons un nouveau code de l'expropriation.
Je pense que, sans avoir atteint la perfection, nous pouvons nous dire,
de part et d'autre de la Chambre que nous avons accompli un bon travail. J'ai
eu des consultations, de nouveau, avec des porte-parole des corps publics qui
sont venus se faire entendre devant la commission parlementaire et tous sont
d'accord, pour ne pas dire unanimes, pour affirmer qu'il s'agit là d'un
bon projet de loi. Il est sans doute perfectible; il est susceptible,
probablement, d'amendements, au fur et à mesure qu'il sera
appliqué dans ses principales dispositions. Il est possible que
nous ayons oublié certaines choses qui, nous l'espérons, seront
des questions de détail, plutôt que des questions de substance.
Cependant, je crois que nous aurons fait, quand même, un grand pas, tous
ensemble, pour apaiser une opinion publique qui, parfois, a eu raison de
s'impatienter des délais apportés par le gouvernement à
légiférer de nouveau en matière d'expropriation. Je crois
que le projet de loi que nous avons pour discussion et adoption en cette
Assemblée nationale sera de nature à permettre au gouvernement de
continuer à réaliser des oeuvres à caractère public
pour donner satisfaction à la population et que personne, du moins, ne
nous tiendra grief de ne pas avoir fait des efforts tout à fait
spéciaux pour essayer d'amenuiser les difficultés qui
séparaient à l'époque les autorités
gouvernementales de la population et, en particulier de certains
expropriés.
Je propose donc la discussion et l'adoption de ce projet de loi 88,
étant convaincu à l'avance que, même si les
représentants de l'Opposition ont des remarques judicieuses à
faire sur ce projet de loi, il restera une chose certaine, c'est que nous nous
sommes entendus je le crois sincèrement sur la substance
et la valeur de la substance contenue dans le projet de loi. Nous pourrons
peut-être discuter au cours des heures qui vont suivre certains
détails, peut-être des questions plus fondamentales que j'ignore
pour le moment, mais nous n'aurons pas à chambarder de fond en comble ce
projet de loi qui a été, encore une fois, le fruit d'une
très étroite coopération entre les membres du gouvernement
et les membres de l'Opposition. Et je ne compte pas toutes les heures de
travail qui ont été données par les spécialistes de
l'équipe pluridisciplinaire du ministère des Transports et de la
Voirie, non plus des travaux d'appoint de grande importance et de très
haute valeur qui ont été faits par les membres de la commission
Alary, qui avait reçu le mandat en 1965 de faire une revue d'ensemble de
toutes les matières relatives au régime de l'expropriation.
M. le Président, je vous remercie et j'entendrai les remarques de
l'Opposition avec beaucoup d'attention.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, réellement ça me
déroute de voir le leader parlementaire m'ap-plaudir. Il doit y avoir
anguille sous roche.
Mais je vais oublier momentanément le leader parlementaire pour
rappeler au ministre très brièvement les raisons pour lesquelles
je ne pouvais cet après-midi quitter l'Assemblée nationale pour
aller â la commission parlementaire des affaires municipales parce que le
ministre et moi-même nous nous combattons depuis plusieurs
années.
Et qu'il me soit permis de rappeler à ces jeunes collègues
que le ministre des Transports et moi-même nous luttions, amicalement
cependant, dès les années 1946 et 1947 dans ce tournoi oratoire,
mémorable à l'époque, pour le trophée du cardinal
Villeneuve.
M. PINARD: Des débats.
M. PAUL: Je suis toujours resté attaché...
M. LESSARD: Qui avait gagné?
M.PAUL: II n'y avait pas eu de gagnant, parce qu'il n'y avait pas de PQ
à ce moment. Je suis toujours resté attaché sur le plan
amical au ministre des Transports et aujourd'hui je le trouve libéral
plus que jamais. Il a remercié, félicité l'Opposition du
grand travail de collaboration dont ont fait preuve les trois partis
d'Opposition dans l'étude de cet avant-projet de loi, soit la
première version de la Loi de l'expropriation.
Le ministre a raison. Effectivement, ce projet de loi que nous sommes
appelés à étudier aujourd'hui est la résultante
d'un travail d'équipe, d'une ouverture d'esprit tout à fait
dépolitisée. Et le ministre, aujourd'hui, nous a
résumé en quelque sorte tout ce qui avait été fait
pour régler le problème de l'expropriation.
Le ministre s'attribue la paternité de la commission Alary. Je ne
voudrais pas être malin à l'endroit du ministre, mais il
reconnaîtra et il admettra avec moi que même la nouvelle version de
la loi 88 ne tient pas beaucoup compte des recommandations de la commission
Alary.
J'ai longuement discuté du projet de loi 88 avec mon
collègue le député de Labelle qui, lui-même,
à une autre époque, avec les moyens de fortune qu'il avait
à sa disposition et la restriction de crédit qui existait, avait
mis pour la première fois sur machine IBM les problèmes
d'expropriation au ministère de la Voirie. Il avait même
créé un comité d'étude pour disposer de certains
dossiers de voirie qui embarrassaient en quelque sorte les classeurs du
ministère depuis de nombreuses, nombreuses années et qui
n'étaient pas sans causer préjudice aux expropriés. Le
ministre actuel j'en suis sûr s'est inspiré des
excellentes mesures mises de l'avant par mon collègue le
député de Labelle que je veux remercier cet après-midi
pour l'apport généreux et les sages conseils qu'il m'a
donnés, les renseignements qu'il m'a communiqués et qui me
permettront de faire la revue de ce projet de loi que le ministre des
Transports nous invite à adopter cet après-midi.
Je veux dès maintenant assurer le ministre de notre appui au
principe de cette loi. Mais comme il s'agit d'entrer dans un champ nouveau,
vous conviendrez qu'il est de mise que je fasse une certaine revue ou une
analyse de tous
les événements qui se sont passés devant la
commission parlementaire chargée de l'étude du projet de loi
88.
Il y a un grand principe général qu'il ne faut pas
oublier. C'est que, dans la vie d'une société, une des plus
grandes préoccupations des gouvernements consiste à fournir aux
citoyens de cette société un équipement collectif
adéquat, telles les grandes voies de communication, les ponts, les
hôpitaux, les écoles, les universités, etc. L'effort pour
équiper collectivement la société oblige le pouvoir
exécutif, et par voie de conséquences le gouvernement, quel qu'il
soit, ainsi que certains corps publics à acquérir des terrains et
des immeubles qui doivent servir à l'érection de tels
équipements. Cependant, tous les corps publics quels qu'ils soient sont
sujets à la rareté des ressources, c'est-à-dire à
des restrictions budgétaires importantes provenant de la
médiocrité des rentrées fiscales. Cela a été
le problème avec lequel fut aux prises mon collègue le
député de Labelle alors qu'il devait régler des cas
d'expropriation. Il aurait voulu en régler davantage, mais il
était captif en quelque sorte de ces contraintes budgétaires dont
je viens de vous signaler l'existence à l'époque, alors que le
ministre actuel des Finances était un fidèle spectateur des
travaux de cette Assemblée nationale.
Malgré tout, les gouvernements acquièrent de plus en plus
de terrains et d'immeubles par cet acte administratif gouvernemental qu'on
appelle l'expropriation.
A ce sujet, la Chambre de commerce de la province de Québec, dans
son mémoire présenté en février dernier â la
commission parlementaire chargée de l'étude de la loi 88,
s'exprimait ainsi: "Le pouvoir d'exproprier constitue, avec le pouvoir de
taxer, une des grandes assises du rôle d'un gouvernement d'agir en
fonction du bien public. Il s'agit, d'une part, d'un problème de
fiscalité pour l'Etat, car un coût excessif peut remettre en
question tout l'effort d'équipement collectif de notre
société. "D'autre part, il s'agit aussi d'un problème de
droit, du respect pour la propriété privée et de justes
compensations pour les dommages causés pour ou par cette expropriation.
De plus, l'expropriation par un corps public traduit à la fois le
comportement de l'Etat vis-à-vis ses citoyens et la fine ligne de
démarcation qui existe entre les droits des individus et les droits de
la collectivité."
C'était, comme je le disais en votre absence, honorable et
distingué ami, un extrait du mémoire de la Chambre de commerce
que l'on retrouve à la page 2 du mémoire. En effet, chaque
année, le gouvernement et les autres corps publics achètent par
expropriation un nombre très imposant de terrains et d'immeubles des
particuliers. C'est ainsi que le seul gouvernement québécois a
dépensé, durant l'exercice financier 71/72, la somme de
$66,447,319.77, dont $55,871,807.45 pour le ministère de la Voirie.
Pour l'exercice financier 73/74, c'est-à-dire pour la
présente année fiscale, le ministère de la Voirie du
Québec estime que ces expropriations lui coûteront environ $112
millions, et cette répartition peut s'établir comme suit:
En 67/68, pour l'exercice financier de cette année-là, le
montant des expropriations du minsitère de la Voirie fut de
$37,919,118.81; pour 68/69, $33,099,548.03; pour l'année 69/70,
$30,654,539.89; pour l'année 70/71, $60,959,335.97; et pour
l'année 71/72, comme je vous l'ai mentionné tout à
l'heure, $55,871,807.45; et pour l'année 73/74, une estimation de $112
millions, seulement pour le ministère de la Voirie.
Il est à remarquer que, dans ces chiffres, l'on ne tient pas
compte des montants d'argent d'expropriation dépensés par les
régies, les offices du gouvernement, tels que l'Hydro-Québec, par
exemple, et l'on ne tient pas compte non plus des expropriations des
municipalités et des commissions scolaires qui sont, elles-mêmes,
des expropriantes en certaines circonstances, suivant les pouvoirs qu'accorde
soit la Loi des cités et villes ou le code municipal.
C'est donc dire que les sommes consacrées à
l'expropriation représentent une tranche importante de la
fiscalité québécoise. Quand le ministre nous dit que cette
loi est très importante, j'appuie cet énoncé. C'est
pourquoi je me dois, malgré le poids du jour et la chaleur accablante,
d'inscrire au journal des Débats certaines statistiques qui pourront
servir d'informations en temps utile pour tous ceux-là qui, de
près ou de loin, s'intéressent à ce problème
d'expropriation.
Le second volet de l'expropriation tient du principe de la
propriété privée. Vous, M. le Président, dans
l'exercice de votre noble profession, celle de notaire, admettrez que le droit
de propriété, spécialement dans les milieux ruraux, est un
droit sacré auquel on tient avec raison de génération en
génération. En effet, en expropriant, les corps publics
s'approprient des terrains et des immeubles qui appartiennent à des
propriétaires privés la plupart du temps soit comme
résidence ou comme fonds de commerce ou place d'affaires. En perdant
cette propriété, l'individu propriétaire et par richochet
l'individu locataire subissent des dommages irréparables si une
indemnisation n'est pas adéquate.
Premièrement, il faut donc que l'indemnisation soit juste et
équitable. Deuxièmement, il faut que cette indemnisation ne
dépasse pas le coût réel des dommages. C'est dans ce sens
que les commissaires chargés d'étudier l'aménagement du
territoire et l'expropriation soulignaient, dans le rapport de novembre 1968:
Un coût d'acquisition excessif des terrains ou des immeubles requis en
face de ressources budgétaires médiocres ralentit le rythme de
construction des routes, des ponts, des hôpitaux, des universités
ou des écoles ainsi que des logements à prix modique, diminue la
part des investissements publics consacrés à des travaux
d'intérêt général qui sont, en outre,
créateurs d'emplois et compromet l'expansion économique
elle-même.
Ici, il s'agit bien de l'expansion économique lorsque l'on parle
d'expropriation car il faut se rendre compte que les travaux qui suivent une
expropriation créent des emplois. Ces emplois durent toute la
période de construction ou de fonctionnement des infrastructures ou
équipement collectif. C'est ainsi que, par le biais de l'expropriation,
l'essor économique de la société s'accroît pour
autant que les dépenses de l'expropriation sont nécessaires et
que l'indemnité est juste. S'appuyant sur des arguments très
pratiques de l'expansion économique, du droit de tous et chacun à
la propriété privée et du droit à une juste
indemnisation pour les dommages causés par l'expropriation et les
réserves, l'Union Nationale constate avec plaisir là,
j'espère que le ministre va m'écouter que la
deuxième version du projet de loi 88 souscrit aux principes d'une loi
unique pour régir au Québec toutes les expropriations et
l'imposition de réserves pour fins publiques.
A la suite des représentations qui nous ont été
faites en commission parlementaire par la plupart des organismes invités
à donner leur point de vue, cette modification importante et
élémentaire s'imposait. Le ministre a fait preuve de courage ou
d'ouverture d'esprit. A ce titre, il mérite d'être
félicité. Je regrette, M. le Président, que le ministre
n'ait pas écouté l'éloge que je viens de lui adresser. Je
le répète, car c'est trop inhabituel chez moi. D faut que le
ministre se rende compte qu'il a fait preuve de courage et d'ouverture d'esprit
et, à ce titre, il mérite d'être
félicité.
Maintenant, le pot! A mon grand regret, je dois arrêter ici mes
louanges à l'endroit du ministre qui parraine ce projet de loi. Mais
n'ayez crainte, M. le Président, je ne serai pas dur; ce n'est pas mon
habitude, vous le savez. Quand j'ai écouté le ministre, tout
à l'heure, faire l'apologie de la commission Alary, je me suis
touché pour réaliser que je ne dormais pas, parce que, lors de la
première séance de la commission permanente des transports, des
travaux publics et de l'approvisionnement, le mardi 13 février 1973, je
disais dans ma déclaration d'ouverture, au sujet de la commission Alary,
page 8,794 du journal des Débats: "II faut retenir que M. Alary, qui
avait été chargé d'étudier tout ce problème
de l'expropriation au Québec, a préparé un excellent
mémoire, un excellent rapport. Il est regrettable que nous ne puissions
retrouver certains points importants de son rapport dans ce texte de loi" qui
nous était soumis, alors, pour étude, soit la première
version de la loi 88. "Il reste que M. Alary va beaucoup plus loin dans
l'exposé de son rapport que certains textes législatifs que nous
retrouvons dans le projet de loi no 88."
Nous étions donc en droit de nous attendre à une plus
grande ouverture d'esprit de la part du ministre à l'égard des
recommandations de la commission Alary, recommandations, d'ailleurs, qui n'ont
jamais été officiellement rendues publiques. Je ne crois pas
qu'il y ait eu...
M. PINARD: Si le député de Maskinongé me le permet.
Sur une motion que j'ai présentée devant l'Assemblée
nationale, en 1968, motion que j'ai répétée et
répétée, finalement, le gouvernement de l'époque a
consenti à déposer sur la table de l'Assemblée nationale
une copie du volumineux rapport de la commission Alary. Alors, est-ce que cela
a pris un caractère officiel comme présentation? Je laisse aux
exégètes le soin d'en déterminer le caractère.
M. PAUL: Le ministre réalisera que nous avons collaboré;
nous aussi, nous écoutions les revendications de l'Opposition. Parfois,
on la faisait attendre, parfois on résistait, nous aussi, pour
connaître la persévérance des députés de
l'Opposition et, finalement, quand nous voyions qu'ils étaient de bonne
foi et comme le ministre avait été celui qui avait
créé la commission parlementaire, le leader parlementaire de
l'époque, votre humble serviteur, ne pouvait refuser de se rendre
à la demande du député de Drummond. H reste, M. le
Président, que ce rapport de la commission Alary n'a jamais
été public, dans le sens que les députés en
auraient reçu des copies et qu'il y aurait eu beaucoup de
publicité autour de ce rapport.
Pourquoi le ministre des Transports a-t-il préféré
la création du tribunal de l'expropriation, ayant pour fonction
principale de fixer le montant des indemnités qui découlent de
l'imposition des réserves pour fins publiques et de l'expropriation
d'immeubles ou de droits réels immobiliers à la recommandation de
la commission Alary à l'effet de marier dans deux organismes distincts,
soit l'Office du domaine de l'aménagement foncier et la Régie de
l'aménagement foncier et de l'expropriation, les domaines de
l'aménagement foncier et de l'expropriation?
Le peuple québécois, le citoyen québécois a
le droit de connaître les motifs qui ont poussé l'honorable
ministre et, par voie de conséquence, le gouvernement à
réfuter cette solution pourtant réaliste. Par ailleurs, je ferai
remarquer au ministre que la commission Alary n'a pas été la
seule à adopter cette voie. Maints organismes qui sont venus
témoigner devant la commission parlementaire, dont la Chambre de
commerce de Montréal, entre autres, et la Corporation des
évaluateurs agréés ainsi que l'UPA ont demandé au
ministre de soumettre aux règles établies dans le titre III de
son projet de loi concernant les réserves pour fins publiques les
programmes de rénovation urbaine et les zonages municipaux pour fins
publiques, ces programmes et ces zonages ayant le même effet qu'une
réserve.
Dans la deuxième version du projet de loi, le ministre a
diminué le nombre total des juges au tribunal de l'expropriation; de
quinze, ce nombre tombe maintenant à dix. Dans un premier
temps, nous nous interrogeons sur les raisons qui ont motivé ce
changement inattendu. La plupart des organismes qui ont fait des
représentations à ce sujet ont demandé une augmentation du
nombre des juges. Sûrement que ces organismes, comme nous, furent surpris
de constater que le ministre, loin de répondre aux aspirations de ces
organismes, les décevait en diminuant le nombre des juges.
Dans un deuxième temps, nous nous demandons si le fait que
seulement cinq des membres du tribunal seront choisis parmi les juges de la
cour Provinciale est une indication que les autres membres du tribunal seront
choisis parmi les experts dans le domaine immobilier, de manière
à assurer une composition interdisciplinaire comprenant des experts de
toutes les disciplines intéressées, soit les juristes, les
ingénieurs, les comptables, les évaluateurs. De plus, nous
croyons que le tribunal serait beaucoup plus efficace dans les causes agricoles
s'il s'adjoignait un ou des spécialistes en cette matière, comme
l'a demandé avec raison l'Union des producteurs agricoles dans son
mémoire.
Comme l'a demandé également le Barreau dans son
mémoire, l'Union Nationale est d'avis que le ministre de la Justice
là, j'espère que mon bon ami ne se froissera pas de ce
point de vue que notre parti adopte, de cette prise de position devrait
être le ministre responsable de l'application de la Loi sur
l'expropriation. Sur ce point, nous n'hésitons pas à faire
nôtre la recommandation du Barreau. Il serait, en effet, inconvenant
qu'elle relève du ministre de la Voirie et des Travaux publics
à l'époque il n'y avait qu'un seul ministère ou
encore du ministère de l'Equipement de qui émanent la plupart des
expropriations effectuées par la province.
Il nous parait plus équitable de confier l'administration d'une
loi aussi importante à une partie qui n'est pas directement
impliquée dans l'acte d'expropriation proprement dit. Aussi, le ministre
de la Justice nous semble dans une meilleure position pour coordonner les
expropriations des ministères en vue d'une plus grande efficacité
et d'une plus grande protection des droits des citoyens.
Je crois que l'honorable ministre aurait une remarque ou une question
à me poser.
M. PINARD: Dans le projet de loi réimprimé, il est bien
déclaré que tout le titre premier du projet de loi no 88 tombe
sous la responsabilité du ministère de la Justice. Il s'agit du
tribunal de l'expropriation, des pouvoirs du tribunal et de l'application de
ces pouvoirs.
Je ne sais pas si le député de Maskinongé veut
aller plus loin quand il désire confier des responsabilités au
ministère de la Justice en matière d'expropriation. Je suis bien
prêt à l'écouter là-dessus.
M.PAUL: M. le Président, il aurait été impensable
et inconcevable que les problèmes juridiques qui se soulèvent
à l'occasion d'une expropriation ne retombassent pas sur le dos ou sous
la responsabilité du ministère de la Justice. Mais le Barreau, se
détachant de cet aspect juridique, soutient, recommande et nous
partageons ce point de vue que tout le problème de
l'expropriation devrait être confié au ministère de la
Justice, non pas parce que le ministre actuel titulaire de ce ministère
ne peut pas remplir théoriquement ses fonctions d'expro-priateur. Je dis
bien théoriquement. Quand on sait la responsabilité que commande
le ministère des Transports, la documentation que le ministre doit
signer, les nombreuses communications interministérielles, il est
impensable que le ministre ait le temps ou le loisir de voir à
l'application de la Loi de l'expropriation.
Le ministre me répondra: Nous avons des spécialistes pour
ce faire. Nous avons un Service d'expropriation. Loin de moi l'idée de
mettre en doute sa compétence. Mes remarques ne devront jamais
être considérées comme étant des reproches à
la direction de l'expropriation du ministère des Transports, mais tous
conviendront qu'à un moment ou l'autre de la procédure
d'expropriation, les fonctionnaires du ministère de la Voirie doivent se
rappeler que leur patron immédiat, ce n'est pas le gouvernement, c'est
le ministre de la Voirie.
Les mêmes hommes compétents qui pourraient être
mutés au ministère de la Justice pourraient continuer à
oeuvrer, à s'acquitter de leurs obligations, mais dans un climat de
désintéressement total et sans qu'ils soient victimes de
l'atmosphère du milieu.
Je retiens toujours cette prévision du ministre à l'effet
que, dans le cours du présent exercice financier, une somme de $112
millions sera payée pour l'expropriation.
C'est avec tristesse, sincèrement, que je dois rappeler au
ministre les paroles suivantes que j'ai prononcées à la
première séance de la commission: "A la lecture brève du
projet de loi, j'ai constaté que la loi était silencieuse quant
aux conséquences indirectes d'une expropriation. Mais, connaissant
l'ouverture d'esprit, la libérablité du ministre qui parraine ce
projet de loi, considérant que son séjour avec nous sera
maintenant de courte durée, si l'on tient compte des années de
service données à la population du Québec, je suis
sûr que le ministre chargé d'appliquer cette loi, en attendant
peut-être les fonctions lourdes de conséquences de
l'interpréter, verra à recevoir d'un bon oeil les recommandations
qui lui seront faites."
Je suis tenté de reprendre les paroles du père de Rodrigue
et de crier: Oh! désespoir! Mes souhaits, pourtant légitimes,
n'ont pas été exaucés pour les raisons que le ministre des
Transports connaît sûrement, et pour des raisons dont je peux
douter.
Il reste que le ministre nous a présenté une nouvelle
version de la loi 88, sans cependant reconnaître la position logique
prise par le
Barreau à l'effet que tout le service de l'expropriation devrait
être confié au ministère de la Justice.
Vous me permettrez, M. le Président, de citer un article de la
loi. Je n'ai pas l'intention de le commenter, mais c'est dans cette analyse
générale que je fais de la loi. A l'article 57 de la
deuxième version du projet de loi on y lit ce qui suit:
"L'indemnité est fixée d'après la valeur du bien
exproprié et le montant des dommages qui résultent directement de
l'expropriation." De même en ce qui concerne le locataire ou l'occupant
de bonne foi, l'article 65 du projet de loi dit: "L'indemnité due au
locataire ou occupant de bonne foi est fixée d'après les dommages
qui lui résultent directement de l'expropriation, sous réserve
des autres dispositions de la présente loi."
A la lecture de ces deux articles, nous sommes forcés de
constater que le projet de loi ne prévoit absolument rien comme
dédommagement pour atteinte défavorable ou ce que l'on pourrait
appeler injurious affection ou ce que les juristes appellent également
les dommages ou préjudices indirects je dis bien indirects
causés par l'expropriation.
Nous ne saurions déplorer assez fortement le silence du
gouvernement sur ce point primordial des dommages indirects.
Le ministre n'est pas sans connaître la pertinence de cette
question longuement discutée dans une décision de la Régie
des services publics, en décembre 1972, dans un cas de groupe de
propriétaires de l'aire no 6, à Hull.
Dans cette cause, la cité de Hull expropriait une cinquantaine de
lots bâtis voisins l'un de l'autre et formant une aire
géographique identique. Après avoir fait un état exhaustif
de la situation actuelle de la loi et de la jurisprudence et après avoir
décrit fort judicieusement les problèmes que pose la
rénovation urbaine de nos jours, la régie déclarait:
"Parmi les diverses notions de valeurs, la régie a retenu pour
application particulière dans chaque cause spécifique, le cas
échéant, les valeurs dites d'agrément, de convenance,
d'utilisation et de substitution quand la preuve révèle qu'elles
réfèrent à la valeur vénale, et qui sont objets
d'indemnités. "Les notions de valeurs précitées entrent
toutes, pour ainsi dire, dans le champ des valeurs subjectives. Ainsi, la
valeur d'agrément pour l'habitant d'une propriété
s'établit-elle dans les relations quotidiennes et soutenues de cet
habitant avec l'écologie mentale qui crée tant l'environnement
physique que l'entourage lui-même de son habitat, y compris cette
insertion dans une vie communautaire dont les dernières manifestations
semblent avoir été la présence assidue de nombreux
expropriés tout au long des auditions. Sous le vocable de valeurs de
convenance, on peut classer différents types de valeurs subjectives qui
s'affilient à la valeur d'utilisation. Cette valeur se rattache souvent
à certains aménagements, certaines commodités, certaines
combinaisons des lieux avantageuses pour le propriétaire, augmentant
l'agrément de celui-ci. Il est évident que telle valeur ne peut
être revendiquée que par un exproprié qui occupe
lui-même les biens expropriés. "Quant à la valeur
d'affection, l'expérience judiciaire canadienne révèle
qu'on est peu enclin à la constituer en chef d'indemnité, pour la
raison que la base de l'expropriation, l'utilité publique, oblige au
rejet de toutes les considérations d'ordre sentimental. Par contre,
puisque les préjudices purement moraux font l'objet d'indemnisations en
matière de responsabilité civile, selon la jurisprudence,
pourquoi un préjudice de même nature résultant de
l'expropriation ne serait-il pas indemnisé? Quoi qu'il en soit, la
régie préfère, dans les circonstances, ne tenir aucun
compte de préjudice dont le sort controversé est tel que son
acceptation pourrait être de nature â désavantager
judiciairement les personnes auxquelles, par ailleurs, elle pourrait
échoir. "Puisqu'il s'agit de réparer l'intégralité
du préjudice causé à l'exproprié, la principale
difficulté dans la fixation de l'indemnité totale est de
déterminer les valeurs particulières qui viennent s'ajouter dans
chaque cas à la valeur vénale de base. "La régie,
procédant à évaluer l'indemnité subjective,
excédant la valeur vénale préalablement
déterminée, a pris en considération les divers
éléments et chefs d'indemnité ci-haut décrits et,
pour tous les motifs déjà exprimés, ajouterait à la
vénale sus-dite, une indemnité exceptionnelle arbitrée,
complétant ainsi la valeur à l'exproprié. "Cette
indemnité exceptionnelle doit être pondérée pour
tenir compte des éléments subjectifs propres à
l'exproprié quant à sa personne et à sa famille et
n'être pas relative à la seule valeur immobilière,
même si celle-ci sert quand même de table de base." A titre
d'illustration, et c'est pour la sanctification du ministre des Finances... Je
le vois trembler. Il se demande si toute cette planification budgétaire
ne croulera pas tout d'un coup s'il fallait que le ministre des
Transports...
M. GARNEAU: S'il fallait que le ministre de la Voirie ajoute la valeur
vénale.
M. PAUL: Bien, c'est un jugement que l'on ne peut pas rejeter du revers
de la main puisqu'il émane de la Régie des services publics
où, à mon humble point de vue, on introduit une notion nouvelle
d'indemnité en matière d'expropriation. Le
précédent créé va certainement susciter des
appétits ou des déboursés énormes additionnels tant
au ministre de la Voirie, par voie de conséquence au ministre des
Finances, que pour les municipalités qui elles-mêmes seront dans
l'obligation de procéder en certaines circonstances à
l'expropriation.
A titre d'illustration, considérons le cas d'un exproprié
qui résidait avec sa famille dans une
maison familiale dont la valeur marchande est de $10,000 par rapport au
cas d'un exproprié résidant avec sa famille, dans l'un des
logements de son triplex où il y a deux locataires, triplex dont la
valeur marchande serait de $35,000.
La régie est d'opinion que le rapport 3-5 existant entre les
valeurs marchandes des deux bâtisses ne peut servir à lui seul de
rapport final, pour les fins de l'évaluation, de l'indemnité
exceptionnelle issue des divers éléments subjectifs. A la
lumière des deux pôles d'appréciation
précités, soit les valeurs immobilières
excédentaires et préjudices personnels, la régie
répartira la masse d'indemnités en pondérant des
attributions spécifiques de sorte qu'aucun exproprié ayant droit
à une telle indemnité exceptionnelle ne recevra pas moins de
$1,500 et plus de $5,000.
Ce mode d'arbitrage tout à fait nouveau reflète la
complexité même de l'appréciation des
éléments susdits et l'effet de justice auquel les circonstances
obligent. Ainsi, l'expropriante n'est pas touchée par ce mode puisque la
somme globale affectée à ce type d'indemnités ne change
pas elle-même, mais ce n'est que la même somme globale qui se
trouve répartie plus équitablement entre les expropriés.
Dans l'application des facteurs de pondération, la régie tiendra
donc compte, à l'intérieur de l'indemnité exceptionnelle,
d'une part, de ce qui a trait à la valeur immobilière
excédentaire de la valeur vénale pour tous les immeubles
expropriés et, d'autre part, de ce qui a trait au préjudice
personnel monnayable mais alors pour valoir seulement quand l'exproprié
réside dans la bâtisse expropriée, le tout,
évidemment, sujet à l'existence des éléments
probants formant la base de l'indemnité exceptionnelle en tout ou en
partie pour chaque cause particulière dont il est disposé
spécifiquement. A moins qu'il en soit autrement décidé
pour des raisons expresses, ces critères généraux
s'appliquent dans chaque cas.
Révolution à l'époque lorsque la régie a
rendu un tel jugement. C'est pourquoi, de plus en plus, on voit de savants
disciples de Thémis commencer à s'intéresser â
l'expropriation.
Le ministre des Finances a beau accepter ou ne pas accepter, la
Régie des services publics a créé une jurisprudence
qu'elle suivra sûrement à l'avenir. Ceux-là qui se
spécialiseront dans les problèmes d'expropriation n'oublieront
pas d'inclure dans leur demande d'indemnité d'expropriation cette
analyse que vient de nous présenter pour la première fois la
Régie des services publics. Il ne m'appartient pas d'interroger le
ministre pour savoir si son ministère a suivi de près les
conséquences de ce jugement de la Régie des services publics. Il
faut reconnaf-tre que ce n'était pas le ministère de la Voirie
qui était en cause, mais une ville amie de l'honorable ministre de la
Voirie, la ville de Hull. Est-ce que la ville de Hull a accepté sans
aller en appel cette indemnité? Je l'ignore, mais jusqu'à ce que,
au cas où il y a eu appel, la cour d'Appel énonce de nouveaux
principes, il nous est impossible maintenant, en matière d'expropriation
de mettre de côté ce jugement d'autorité et de droit
nouveau de la part de la Régie des services publics.
Sur cet exposé de droit nouveau, je vous signale un
événement qui est quotidien, M. le Président, c'est qu'il
est six heures, et je demande la suspension des travaux.
M. GARNEAU: C'est du droit ancien.
M. PAUL: C'est du droit ancien, ça.
LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend...
M. LEVESQUE: J'attends un message de la salle 81-A d'ici 30
secondes.
M. BURNS: Y aurait-il moyen d'installer l'air climatisé ici,
éventuellement? En conserve.
M. LEVESQUE: M. le Président, la commission parlementaire des
affaires municipales semble pouvoir terminer ses travaux vers six heures et
quart ou six heures vingt. C'est donc dire qu'à vingt heures quinze la
commission spéciale des corporations professionnelles pourra, tel que
prévu, entreprendre l'étude des projets de loi au nom du ministre
de l'Industrie et du Commerce.
UNE VOIX: A la salle 81?
M. LEVESQUE: A la salle 81. Alors, je suggère la suspension des
travaux jusqu'à vingt heures quinze.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
Reprise de la séance à 20 h 24
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, avant la suspension de nos travaux pour
l'heure du dîner, j'avais commenté assez longuement le dernier
jugement de la Régie des services publics, qui traitait, à la
surprise de bien des avocats, du problème de Vinjurious affection.
Je voudrais, M. le Président, vous signaler que ces extraits du
jugement prononcé par la Régie des services publics, dans le cas
des propriétaires de l'aire no 6, de Hull, font preuve de la
rigidité...
M. LEVESQUE: Je m'excuse. Est-ce que le député me
permettrait de prendre la parole?
M. PAUL: Oui.
M. LEVESQUE: Je voudrais prévenir cette Chambre
immédiatement, pour que les whips le sachent, que demain matin il y a
trois commissions qui siègent: La commission de la justice, pour les
projets de loi d'ordre privé qui ont été
déférés à la commission parlementaire de la
justice, deuxièmement la commission des corporations professionnelles,
pour continuer l'étude des projets de loi au nom du ministre de
l'Industrie et du Commerce, troisièmement la commission des engagements
financiers.
A la salle 81, normalement, la commission des corporations
professionnelles va continuer. A la salle 91 on pourra alterner
après, selon les voeux du ministre des Transports, je ne sais pas quels
sont ses voeux demain matin, la commission parlementaire... Ah non, il y
a la commission de la justice aussi.
M. PAUL: On a neuf projets de loi.
M. LEVESQUE: C'est plutôt le contraire, parce qu'il y aura des
témoins à la commission parlementaire de la justice. Donc, la
commission parlementaire de la justice à la salle 81, la commission
parlementaire des corporations professionnelles à la salle 91 et,
à la salle 93, la commission des engagements financiers.
Je m'excuse auprès du député de
Maskinongé.
M. ROY (Beauce): Toutes ces commissions sont-elles à dix heures,
demain matin?
M. LEVESQUE: A dix heures, demain matin. A dix heures. La Chambre ne
siégera pas demain matin.
M. ROY (Beauce): Seulement demain après-midi, la Chambre?
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY (Beauce): Très bien.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: Je disais donc, M. le Président, que ces extraits du
jugement prononcé par la Régie des services publics, dans le cas
des propriétaires de l'aire no 6 du district de Hull, n'ont pas
été sans bouleverser, en quelque sorte, l'économie de
l'expropriation.
Ces extraits du jugement font preuve de la rigidité de notre
droit à l'heure actuelle, en ce qui concerne la fixation d'une
indemnité pour tenir compte de l'intégralité du
préjudice causé à l'exproprié.
N'est-il pas ridicule que, pour donner justice à certains
expropriés, la régie soit dans l'obligation de passer par un
exercice intellectuel aussi ardu? Je n'ajouterai pas aux commentaires, sauf
que, personnellement, je trouve étrange une telle notion de droit en
matière d'expropriation. Mais comme je vous le disais plus tôt
dans le cours de mes remarques de l'après-midi, ce jugement de la
régie fait jurisprudence, et je souhaiterais, personnellement, que la
même théorie soit appliquée ou que la même
jurisprudence soit appliquée dans un cas d'expropriation, soit du
ministère de la Voirie ou d'une ville importante comme Montréal,
afin que la cour d'Appel puisse être saisie de cette notion de droit
nouveau que l'on appelle injurious affection.
J'inviterais le ministre, dans les circonstances, à prendre
sérieusement en considération la conclusion de la Chambre de
commerce de la province de Québec, laquelle se lit comme suit : "Nous
notons que le projet de loi no 88 ne fait aucune mention des préjudices
indirects, alors que les lois de l'Ontario et du Canada prévoient une
indemnisation. Il est certain que les gestes posés par l'expropriant
peuvent occasionner des dommages ou préjudices indirects à la
fois à ceux qui sont immédiatement touchés par une
expropriation, ainsi qu'à d'autres personnes qui, sans être
expropriées, voient leur environnement ou leur commerce
entièrement bouleversé."
Etant donné que le projet de loi de l'urbanisme pourra corriger
cette situation et en passant c'est un projet de loi dont on n'entend
plus parler, la commission parlementaire a commencé à
siéger sur ce problème et personne n'en parle maintenant, le
ministre, comme sur d'autres projets de loi, est devenu de plus en plus muet
à long terme, il nous paraît important de tenir compte de
cette dimension dès maintenant, cependant.
Cette recommandation va beaucoup plus loin que le jugement de la
Régie des services publics, car toute personne atteinte de
manière préjudiciable par une expropriation aurait donc droit,
suivant la recommandation de la chambre de commerce, à une
indemnité juste et équitable. Par exemple, en souscrivant
à cette théorie, le gouvernement devra mettre fin, une fois
pour
toutes, à l'injustice flagrante de l'article 97 de la Loi de la
voirie, maintes fois dénoncée par le Protecteur du citoyen et qui
permet au ministre de la Voirie de détourner ou de fermer un chemin
public sans qu'une indemnité d'expropriation puisse être
attribuée à ceux qui en subiront un préjudice.
Le ministre réalise donc que les implications de sa loi sont
nombreuses et qu'elles invitent le législateur à une grande
prudence, car le projet de loi semble mettre de côté une tradition
juridique qui a trait au traitement à l'amiable d'un problème
juridique. Il semble que, par le projet de loi 88, on mette de
côté les dispositions des articles 1918 et suivants du code civil,
qui parlent de la transaction dans toute l'acception pure du mot. J'ai cru
comprendre ou voir dans la figure du ministre des Finances que le terme
transaction pouvait signifier patronage, dans les circonstances. Mais non,
c'est une expression juridique de droit pur pour définir une
procédure que les parties conviennent de reconnaître comme
étant un compromis ou un règlement à l'amiable pour
éviter la naissance d'un procès ou pour mettre fin à un
litige existant entre elles.
Alors que la date de l'instruction a été fixée
suivant les dispositions de la loi 88, le tribunal peut, s'il le croit utile ou
s'il en est requis, convoquer les parties avec leur procureur pour
conférer avec lui ou avec l'un de ses membres ou officiers sur les
moyens propres à concilier leurs points de vue, le cas
échéant sur l'opportunité de définir les points
véritablement en litige, d'admettre des faits ou documents ou d'amender
les actes de procédure.
Disons que c'est cette disposition du code de procédure civile
qui permet au juge de convoquer les procureurs des parties, avant un
procès, à une conférence préparatoire qui
déblaie le terrain ou les sujets à discussion, qui permet
l'admission de certains faits et, dans certaines circonstances, de convenir
à une entente au sujet du quantum des dommages, quitte à ce que
le juge ne soit saisi que de la responsabilité dans le cas, par exemple,
d'un accident d'automobile.
Les ententes et décisions prises à une telle
conférence sont rapportées dans un procès-verbal
signé par les parties, le procureur et l'un des membres du tribunal.
Elles gouvernent pour autant l'instruction devant le tribunal, à moins
que celui-ci ne permette d'y déroger pour prévenir une injustice.
Devant ces propositions du projet de loi 88, nous voyons qu'une
possibilité d'entente à l'amiable excluant les procédures
judiciaires n'apparaît pas répondre au sentiment du gouvernement
et surtout du ministre responsable de l'application de cette loi.
Nous nous interrogeons sur les raisons qui motivent une telle absence
dans le projet de loi, alors que, par exemple, les lois de l'Ontario et du
gouvernement fédéral le mentionnent, implicitement, cependant.
Pour notre part, nous députés de l'Union Nationale, nous sommes
d'avis que les ententes à l'amiable ne présentent pas qu'une
panacée au problème, mais bien une solution très valable
pour régler bien des problèmes, même s'il s'agit des
problèmes d'expropriation.
Les raisons pour lesquelles nous demandons un retour à cette
méthode de règlement sont multiples. Mais dans le cadre de cette
discussion, qu'il nous soit permis d'en détailler celles qui nous
paraissent les plus importantes.
Voici le problème, en résumé, M. le
Président. C'est que la Voirie, par l'office de ses fonctionnaires
chargés de l'expropriation, ne pourra plus régler à
l'amiable un problème d'expropriation avec un exproprié, et il
devra toujours y avoir intervention du tribunal en matière
d'expropriation.
C'est une mesure que nous trouvons extraordinaire. Le ministre ne
conviendrait-il pas avec moi que cette possibilité d'entente, de
règlement à l'amiable entre les parties intéressées
puisse être à nouveau acceptée en vertu des dispositions de
la loi 88?
Nous sommes d'avis que les ententes à l'amiable ne
représentent pas qu'une panacée. D'abord, nous croyons qu'il y va
d'une tradition bien établie. Sur ce point, permettez-moi une
brève explication, M. le Président. Il est de
notoriété publique que cette méthode d'entente à
l'amiable est employée par presque toutes les municipalités du
Québec en matière d'expropriation, car, il faut bien le
remarquer, les municipalités entendent que le règlement des
litiges se fasse le plus rapidement possible, d'autant plus que les cas
réels d'insatisfaction des citoyens expropriés, selon cette
méthode, par les municipalités sont peu nombreux.
Pourquoi risquer d'éterniser des procédures pour
expropriation, alors que la rapidité et la satisfaction se
côtoient facilement dans le règlement de problèmes
d'expropriation par les municipalités? Est-ce que le ministre pourra
nous dire dans sa réplique les raisons pour lesquelles ces dispositions,
qui se sont avérées fructueuses par leurs résultats dans
le domaine de l'expropriation municipale, ne pourraient pas être retenues
dans le cas d'expropriations faites par le gouvernement ou par des organismes
tels que l'Hydro-Québec?
Ensuite, il ne faut pas mettre de côté toute la question de
l'efficacité. En effet, nous nous demandons pourquoi le gouvernement
tient tant à référer toute expropriation à un
tribunal avant que les parties se soient rencontrées et aient pu prendre
entente. Nous croyons que ce tribunal sera surchargé d'une foule de
causes qui auraient pu se régler sans son intervention. Je crois que le
tribunal ne sera pas capable d'examiner toutes les causes
présentées et que cela aura pour conséquence de laisser
traîner longtemps des cas. Nous assistons présentement à
une telle situation au Québec, avec la Régie des services
publics.
Les chiffres sont là pour en témoigner. Par
exemple, en 1959, il y avait 62 dossiers en souffrance devant la
régie, alors qu'au 30 juin 1965 il y en avait 1,234. Au 30 juin 1970, il
y en avait 1,504 et, au 30 juin 1971, c'étaient 1,812 cas
d'expropriation qui étaient en attente devant la Régie des
services publics. Comment peut-on espérer et éviter que ces
procédures nouvelles que l'on veut introduire dans la Loi de
l'expropriation ne trament pas, en donnant tous les cas d'expropriation au seul
tribunal alors que la régie n'avait pas à s'occuper des cas
où l'on était parvenu à des ententes? A noter
également que le nombre de juges a été diminué en
vertu des dispositions de la nouvelle loi. Dans la première version ou
rédaction de la loi 88, quinze juges pouvaient être
assignés au tribunal de l'expropriation alors que la nouvelle loi ou le
texte réimprimé réduit de 15 à 10 le nombre de
juges attachés à ce tribunal. En outre, nous soutenons la
validité des ententes à l'amiable parce que cette
procédure minimise les frais de cour et par là
nécessairement les frais d'expropriation.
M. le Président, je crois me rendre compte que
théoriquement mon droit de parole serait expiré. Je voudrais
obtenir le consentement unanime de la Chambre pour compléter,
peut-être dans l'espace de 7 à 10 minutes. J'ai voulu
dépolitiser jusqu'ici le problème et je tiens à remercier
mes collègues...
M. LOUBIER: Non!
M. PAUL: M. le Président, est-ce que vous pourriez nommer trois
fois de chef de l'Opposition?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le consentement unanime moins celui du
chef de l'Union Nationale. Sur division !
M. PAUL: Je vous prie de croire, M. le Président, que je
préférerais de beaucoup reprendre immédiatement mon
siège.
M. le Président, comment peut-on pensa-que tous les citoyens
expropriés sont capables de payer un procureur pour les
représenter aux différents niveaux des procédures
judiciaires? Le ministre me rétorquera immédiatement: Nous avons
aujourd'hui le bénéfice et l'avantage de l'aide juridique.
Très bien!
Mais si un individu est exproprié, c'est parce qu'il
possède des biens. S'il possède des biens, au départ, la
présomption existe qu'il ne pourra pas bénéficier de
l'aide juridique. Nous disons, sans arrière pensée, que les
citoyens ordinaires la masse, parce que c'est toujours la masse du petit
peuple qui est expropriée, et Dieu me garde de vouloir faire de la
démagogie à ce moment-ci n'ont pas la compétence,
ni surtout le goût de plaider leur cause devant un tribunal où la
procédure n'est compréhensible que pour les seuls initiés,
et encore là des initiés jouissant d'une certaine
expérience. Les avocats qui ne se sont jamais présentés
devant la Régie des services publics sont fort inquiets et, ne
connaissant pas la procédure adoptée par la régie, se
trouvent eux aussi, malheureusement, au début de leur expérience
devant cette régie, égarés dans le dédale des
procédures fort simples mais qui sortent un peu de l'ordinaire, des
procédures courantes devant nos tribunaux. Dans tout ce problème
d'expropriation, les corps publics auront beau jeu de se faire
représenter par des procureurs chevronnés au détriment,
somme toute, des deniers publics de leurs contribuables ou commettants alors
que les municipalités et le gouvernement, iront chercher les avocats
d'expérience, les plus expérimentés, les plus
chevronnés, ceux-là qui ont eu l'occasion, la chance de plaider
assez régulièrement devant les tribunaux ou devant la
Régie des services publics. Ainsi, ils pourront se servir,
nécessairement, des impôts payés par les contribuables et
des taxes des contribuables pour mener une action contre ces mêmes
contribuables dont les revenus ne leur permettraient pas toujours de se faire
représenter par un procureur très compétent et très
habile dans ce domaine de l'expropriation. Une telle situation ne peut pas
être tolérée si l'on peut trouver des palliatifs plus
valables. Nous croyons que les ententes à l'amiable sont un de ces
poids, une de ces possibilités d'éviter l'encombrement du
rôle devant la Régie des services publics.
Je voudrais formuler une suggestion très importante et que l'on
se réfère à la loi 136 du gouvernement
fédéral, à l'article 8, par exemple, paragraphe 9) et
à l'article 27 de la loi ontarienne, des statuts revisés de
l'Ontario, 1968-1969, chapitre 36 et à l'article 7, paragraphe 10) et
à l'article 33. J'ai voulu ici résumer, M. le Président,
en ne donnant que la référence aux articles, le problème
que je traite très brièvement et très imparfaitement
à ce moment-ci dans le cadre des lois existantes, tant au niveau
fédéral qu'au niveau de la loi de l'Ontario en matière
d'expropriation.
Il s'agirait donc, pour l'expropriant, de payer tous les frais
juridiques des deux parties devant le tribunal. On me dira que c'est la coutume
qui existe actuellement et qu'à toutes fins pratiques, c'est le
ministère de la Voirie qui paie les frais des procureurs des parties
devant la Régie des services publics, lorsqu'une cause d'expropriation
s'y plaide.
Nous comprenons que le coût d'expropriation serait plus
élevé si le gouvernement ou si l'expropriant ou l'expropriante
devait assumer les frais des parties représentées par un
procureur, mais nous pensons que cela pourrait permettre au citoyen
d'être mieux protégé, étant donné que le
gouvernement n'est pas disposé à remettre en vigueur des ententes
à l'amiable.
Par le fait qu'on va faire disparaître les ententes à
l'amiable, la transaction dont je vous ai parlé tout à l'heure,
et que l'on retrouve aux articles 1918 et suivants du code, étant
disparue, il faudra nécessairement que l'exproprié,
qu'il le veuille ou non, retienne les services d'un avocat pour aller
devant la régie. Et même si les ententes à l'amiable
étaient incluses dans ce projet de loi, nous pensons qu'il appartient au
gouvernement de payer tous les frais juridiques sauf, il va de soi, si le
tribunal en décide autrement à cause de la mauvaise foi de
l'exproprié.
C'est beau de se pencher sur le sort de l'exproprié, mais il
arrive quelquefois que l'exproprié est nettement de mauvaise foi, qu'il
est réellement entêté et qu'il n'a aucune justification de
s'opposer à l'expropriation qu'en principe, les services publics ou les
autorités gouvernementales, tant fédérales que
provinciales ou municipales, ont le droit d'exercer, en autant que ce soit pour
le bien de la communauté.
Nous croyons que cette suggestion est valable parce qu'elle pourra
empêcher le gouvernement de se servir d'arbitraire en face des
expropriés et également parce qu'elle a été soumise
par la commission Alary et c'est fort important. La fameuse commission Alary.
Vous l'aviez oubliée, M. le Président. J'en ai parlé au
début de mes propos et j'y reviens. C'est une des recommandations que
l'on trouve dans le rapport de la commission Alary et que l'honorable ministre
des Transports a oubliée, mais je compte sur la vigilance du leader du
gouvernement pour rappeler à son collègue, le ministre des
Transports, en temps utile, que cette mesure devrait être retenue, que
cette recommandation de la commission Alary devrait être retenue.
A la suite d'un règlement entre l'expropriant et
l'exproprié, en cour ou hors de cour, il arrive que l'exproprié
soit obligé d'attendre plusieurs mois avant de recevoir
l'indemnité à laquelle il a droit.
Or, dans le présent projet de loi de l'expropriant, on fait
mention des intérêts que pourrait obtenir l'exproprié de la
façon suivante: "II peut être ajouté" on ne dit pas
il doit être ajouté "au montant ainsi accordé une
indemnité calculée en appliquant à ce montant, à
compter de la date de la prise de possession du bien exproprié, un
pourcentage égal à l'excédent du taux
d'intérêt fixé suivant l'article 28 de la Loi du
ministère du Revenu (chapitre 22 des Statuts de 1972) sur le taux
légal d'intérêt." C'est à l'article 67, paragraphe
2.
D'après la Loi du ministère du Revenu, l'article 26 et ses
règlements, l'intérêt payable pour créance est de 8
p.c. La différence entre le taux d'intérêt excédant
le taux légal d'intérêt atteint rarement le taux de 8 p.c.
du ministère du Revenu. Nous invitons avec instance le gouvernement
à traiter les citoyens à qui il doit de l'argent de la même
façon qu'il traite les citoyens qui lui doivent de l'argent.
Si nous sommes prêts à aller plus loin pour protéger
et faire respecter les droits du citoyen, dans le cas où l'expropriant
retarde indûment le paiement d'une indemnité, nous demandons
qu'une norme de pénalité soit prévue. C'est ainsi que tout
retard de plus de 60 jours après une ordonnance exécutoire ou de
plus de 90 jours à la suite d'un règlement, ratifié
toujours par entente devant le tribunal, à la suite d'une
conférence préparatoire ou pour ratification d'une entente,
implique le paiement par l'expropriant d'un surplus d'intérêt sur
lequel la cour devra statuer à la demande de l'exproprié.
Je ne vois pas pourquoi les corps publics du Québec ne seraient
pas pénalisés, alors que ceux de l'Ontario et du gouvernement
fédéral le sont, pour ne nommer que ceux-là, dans le but
de protéger les expropriés victimes d'un tel
préjudice.
Pour le cas où ce sont les expropriés qui retardent
indûment le paiement de l'indemnité, nous croyons que ce sera
à la cour de statuer sur le paiement de l'intérêt par
l'exproprié à qui il appartiendra de prouver, toujours, sa bonne
foi.
J'arrive aux conclusions de mon intervention dont je garderai longtemps
le souvenir, à cause de l'énergie que j'ai été
obligé de déployer. J'ai regardé d'assez près les
principes de ce projet de loi sur l'expropriation et je m'en voudrais de ne pas
formuler très brièvement quelques remarques â son
endroit.
Je ne crois pas qu'au cours de mes propos j'aie épuisé le
sujet et toutes les implications de la loi 88. Cependant, je me réserve
le droit de coopérer avec le ministre. Je suis sûr qu'il ne
refusera pas une telle coopération de ma part, lorsque moi ou mes
collègues les députés de Labelle ou de Chicoutimi, nous
nous rendrons discuter de ce projet de loi à la commission élue,
à moins que le leader du gouvernement ne désire compléter
l'étude de cette loi en commission plénière.
Tout au long de cet exposé des problèmes sous-jacents
à l'expropriation, j'ai voulu poser des principes et formuler quelques
critiques fondamentales, non pas dans le but de critiquer d'une façon
destructive le ministre parrain de cette loi mais dans le but d'essayer de
procurer une protection accrue aux citoyens victimes du préjudice de
l'expropriation. Je répète ici que nous ne nous sommes pas
arrêtés assez dans cette loi à l'humain et â
l'humanisation des procédures d'expropriation. En cela nous approuvons
et nous encourageons le Protecteur du citoyen, qui, dans son rapport de 1971,
dit ceci: "Nous sommes dans un domaine où l'humanisation s'allie fort
bien â la rationalisation, et les efforts en ce sens pourraient â
mon avis changer cette situation s'ils portaient sur trois plans principaux.
D'abord, il faudrait redéfinir partiellement la tâche des
négociateurs et être extrêmement attentif â ce qu'ils
aient les connaissances suffisantes et les qualités de
disponibilité et de compréhension nécessaires pour leur
permettre de remplir pleinement leur rôle d'agents de l'Etat
chargés d'évaluer correctement et justement des situations et de
convaincre les expropriés du bien-fondé des offres qui leur sont
proposées. Ensuite, il y aurait le
plus grand avantage à promouvoir au plus tôt
l'établissement de critères et de normes d'évaluation
valables pour la province, ce qui permettrait l'établissement de
données plus précises et plus complètes et diminuerait le
champ aujourd'hui si vaste des opinions et des appropriations. Enfin et
surtout, il serait nécessaire de raffermir les offres faites aux
expropriés en les formalisant et en s'employant à les motiver
adéquatement par les soins des négociateurs et de n'y
déroger par la suite qu'au cas d'erreurs, ce qui diminuerait sans doute
la fréquence des interventions des agents de l'extérieur mais
leur assurerait un sens véritable et professionnel." C'est un extrait de
la page III du rapport du Protecteur du citoyen pour l'année 1971.
Ici, dans ce projet de loi, cette fonction des négociateurs a
complètement été oubliée ou rejetée,
étant donné que toute cause doit être maintenant
déférée obligatoirement au tribunal pour régler un
problèmes d'expropriation. On peut se demander si les membres du
tribunal sauront humaniser les procédures d'expropriation; si cela n'est
pas nous retournerons dans les mêmes erreurs que dénonce le
Protecteur du citoyen. Il faut bien le voir, l'expropriation est et doit
continuer d'être d'abord un problème humain sur lequel les agents
de l'Etat devront se pencher de plus en plus. La suggestion du Protecteur du
citoyen du Québec n'a pas été retenue par le ministre
responsable de l'application du projet de loi. Je serais fort surpris cependant
si le ministre n'avait pas discuté de tout ce problème avec le
Protecteur du citoyen.
Il est à espérer que la structure judiciaire pourra
pallier avantageusement ce problème, sinon qu'est-ce qu'une telle
institution fait dans notre droit parlementaire ou dans notre droit
québécois? Pour clore cet exposé, je demande au
gouvernement de prendre en considération les suggestions que je lui ai
faites au nom du parti de l'Union Nationale et surtout celle qui a trait
à une procédure autorisant les ententes à l'amiable et
celle concernant les dommages indirects.
Je tiens à souligner que je devrai être très
exigeant sur ces points mes collègues le seront sûrement
lorsque nous étudierons la loi article par article.
Cette deuxième version du projet de loi comporte encore de
nombreuses lacunes, certaines très sérieuses. Si nous sommes
disposés, nous députés de l'Union Nationale, à
accepter le principe de ce projet de loi, c'est parce que nous sommes
conscients que malgré les carences qu'on y trouve, que nous avons
notées, il a le mérite de mettre un certain ordre et de
réglementer le domaine très complexe de l'expropriation.
J'ai confiance que l'étude article par article de ce projet de
loi en commission parlementaire l'améliore. Nous rejoindrons ainsi
l'objectif que nous fixait le ministre au début de ses propos, savoir
que l'étude de cette loi continue d'être totalement
dépolitisée, et ce pour la protection même du citoyen
québécois.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Aurèle Audet
M. AUDET: M. le Président, il me fait plaisir de prendre la
parole en deuxième lecture sur ce projet de loi no 88. Le projet de loi
no 88 a une tâche très délicate à accomplir, celle
d'équilibrer avec justice les droits individuels et les droits
collectifs. D'une part, il y a le droit à la propriété
privée qui est un droit sacré.
La propriété d'un homme est ce qu'il y a de plus cher, car
elle représente la somme de son labeur quotidien. Notre
société, notre mode de vie, nos institutions sont fondés
sur ce principe et nous entendons bien le conserver et le défendre
contre toute attaque injustifiée. D'autre part, notre
société moderne comporte certains impératifs auxquels nous
devons nous soumettre. Il y a là affrontement entre les droits
collectifs et les droits individuels. Lesquels doivent avoir priorité
sur les autres. Vivant dans un système démocratique, où la
règle de la majorité s'applique, nécessairement, les
droits collectifs doivent primer sur les droits individuels lorsque la
situation le nécessite.
Cependant, cette priorité doit s'affirmer en limitant le plus
possible le préjudice causé aux droits de l'individu. Est-ce que
le projet de loi no 88 répond à cette préoccupation
majeure? Nous devons admettre, M. le Président, que dans ses grandes
lignes, le projet de loi semble soucieux du respect des droits de l'individu.
Il est certain que l'unification des procédures est une grande
amélioration en ce sens. L'individu aux prises avec une procédure
complexe par sa diversité pouvait se sentir écrasé et
voué à son sort, contre lequel il ne pouvait rien.
Une procédure unique est de nature à le rassurer, à
lui assurer une protection plus adéquate de ses droits. M. le
Président, cependant, relativement à l'unification des
procédures, nous avons vu, dans la première impression du bill
88, cette tentative du gouvernement de se donner, pour fins de voirie, ainsi
qu'à la ville de Montréal, un statut particulier en
matière d'expropriation.
Cela a été tellement critiqué en commission
parlementaire par la quasi-totalité des organismes qui ont
présenté des mémoires, ainsi que par les partis
d'Opposition que le ministre a accepté de faire une vraie unification
des procédures, laissant tomber, dans ce bill réimprimé,
les avantages marqués qu'il prodiguait alors au ministère de la
Voirie et à la ville de Montréal.
Si nous pouvions blâmer le ministre de faire fi des nombreuses
recommandations du rapport Alary dans la première présentation du
bill 88, nous devons admettre, bien que nous aurons de nombreuses questions
à poser au ministre, ainsi que plusieurs amendements à lui
proposer en commission plénière, que cette réimpression
présente quand même une nette amélioration
sur la première version. Il y a, cependant, plusieurs points
obscurs dans cette nouvelle présentation. Certains articles semblent
offrir à l'exproprié des avantages ou, du moins, des
éléments de justice à son égard, tandis qu'un peu
plus loin on laisse des ouvertures qui viennent contredire et même
annuler ces avantages.
La commission Alary, qui avait à sa disposition quantité
d'experts, de gros budgets et qui a comparé sur place notre
système avec celui des Européens et des Américains, a
étudié pendant trois années. Nous pouvons dire que le
gouvernement n'a pas prêté une oreille tellement attentive
à ses recommandations. Une autre recommandation du rapport Alary, qui
n'est pas entérinée par le projet de loi, est celle de la
compensation au préjudice indirect accordée par le tribunal. Nous
croyons que le projet de loi, en fermant hermétiquement la porte au
préjudice indirect, risque de créer de graves injustices dans des
cas particuliers. Nous notons, en étudiant la Loi d'expropriation de la
province de l'Ontario et du Canada que ces deux gouvernements, dans leur loi
d'expropriation, reconnaissent le préjudice indirect.
Pour notre part, nous préférons laisser la porte
entrouverte pour permettre au tribunal de se prononcer en toute latitude
lorsque des cas individuels d'injustice se présenteront. Nous
considérons que cette recommandtion est très sage, car elle
pourrait permettre à des personnes de se voir indemniser pour des
dommages réels, mais indirects n'étant pas elles-mêmes
expropriées. Le cas du petit marchand du quartier, qui voit sa
clientèle notablement diminuée en raison d'une expropriation
massive dans son quartier est un exemple type.
M. le Président, il faudra s'attarder d'une façon
très minutieuse sur ces articles qui confondent, en quelque sorte, cet
esprit de justice que cette Loi de l'expropriation devrait contenir, dans ses
principes, envers l'exproprié. Nous devons également reprocher au
projet de loi d'être trop restrictif au chapitre de l'indemnité,
en ne considérant que la valeur réelle du bien exproprié.
Soulignons que les lois ontarien-nes et canadiennes sont plus humanitaires.
Non seulement elles tiennent compte de la valeur réelle du droit
exproprié mais aussi, dans le cas d'un propriétaire d'une maison
unifamiliale, du coût de remplacement et de relocalisation dans des
conditions semblables, du coût de déménagement et du
coût de la pénalisation pour le rachat d'une
hypothèque.
Je suis très fier d'avoir entendu le député de
Maskinongé noter les vues du Protecteur du citoyen lorsqu'il parlait
d'humanisation en matière d'expropriation et je me fais fort ici
d'appuyer sur le sujet que je vais citer. Je dois dire, M. le Président,
qu'en plus de considérer justement les valeurs des biens
expropriés par une évaluation scientifique, on devrait aussi
considérer le fait que la décision d'une expropriation ne
découlant pas de la volonté de l'exproprié, mais
étant plutôt une action qui vient à l'encontre de sa
volonté, mérite, par le fait même, un dédommagement
moral pour une semblable imposition.
M. le Président, pour mieux illustrer ma pensée, disons
que quelqu'un décide personnellement de vendre sa
propriété. Il est libre d'exploiter les occasions qui lui sont
offertes en allant jusqu'à faire de la spéculation aussi bien
qu'il pourrait librement accepter une perte quelconque. Mais lorsqu'il y a
expropriation, cette décision prise par une autre personne ou organisme
enlève toute cette liberté d'action, toute cette liberté
de décision ainsi que toute possibilité de spéculations ou
profits à réaliser. N'ayant que cette seule évaluation
scientifique pour déterminer arbitrairement la juste et stricte valeur
de la propriété de l'exproprié, je dis qu'il y a un
principe fondamental à respecter, si on veut être
réellement juste envers l'exproprié. Ce principe, c'est cette
décision arbitraire de l'expropriant qui vient léser moralement
l'exproprié en lui enlevant ce droit de décider de ses propres
biens. C'est ce droit de décision qu'on enlève au
possédant que nous devrions évaluer d'une certaine façon
et ainsi lui accorder une compensation distincte que l'on pourrait qualifier de
compensation d'honoraires d'expropriation, par exemple. Cette compensation
pourrait être déterminée par un certain pourcentage de la
valeur réelle de l'expropriation. Nous traduisons ce principe dans la
présentation d'amendements à cet effet en troisième
lecture.
M. le Président, une autre des recommandations que nous endossons
est celle de la reconnaissance du principe qu'un exproprié a droit
à l'assistance d'un expert et d'un avocat. Et cela, aussi bien dans le
cas d'un règlement à l'amiable que dans celui d'un
règlement judiciaire. Ces frais devraient s'ajouter au coût de
l'expropriation. Nous croyons que cette recommandation de la commission Alary
devrait être incorporée à la loi afin de placer sur un
même pied l'exproprié et l'expropriant. Ce dernier jouit en effet
d'une batterie d'experts en évaluation et quantité d'avocats. IL
est indéniablement en position de force vis-à-vis de
l'exproprié qui craint de recourir aux services d'experts en raison du
coût élevé de ces consultations.
M. le Président, je crois qu'il serait bon d'inclure à la
loi cette prévoyance de pouvoir ajouter au service de l'exproprié
ce droit de se défendre adéquatement avec les experts voulus.
Une autre chose qui retient notre attention dans le bill 88, c'est cette
indemnité provisionnelle insuffisante que le gouvernement a
décidée pour permettre la prise de possession après
expropriation. Le gouvernement, dans sa première impression du bill 88,
avait retenu, pour le ministère de la Voirie et la ville de
Montréal l'avantage de verser une indemnité provisionnelle
d'à peine 50 p.c. de la valeur réelle de l'expropriation.
Je crois, ici, que nous devons reconnaître
l'effort du gouvernement pour rehausser, à la demande de nombreux
organismes lors de la commission parlementaire, cette indemnisation
provisionnelle. Mais je crois que s'arrêter à 70 p.c. est encore
trop bas. Nous aurions dû aller aussi loin que 85 p.c. et 90 p.c. Dans
bien des cas, nous verrons les expropriés devoir attendre des mois, si
ce n'est des années, pour obtenir le règlement final de leur
expropriation.
C'est là que les expropriés seront lésés
dans leurs droits par une attente trop longue pour ce règlement final.
Nous avons connu au ministère de la Voirie dans le passé ces
délais extraordinaires. Surtout sur la route 20 on me disait
qu'après expropriation, même encore cette année, on voyait
des cultivateurs qui étaient désireux d'acheter des terrains
appartenant au ministère de la Voirie. Le ministère de la Voirie
n'était même pas au courant qu'il en était
propriétaire et les règlements finaux n'avaient pas
été faits aux expropriés. Donc, on devait commencer par
inventorier les terres et les terrains appartenant au ministère de la
Voirie, compléter les règlements, déterminer la valeur
réelle de ces terres et, par la suite, passer à la vente des
terres dont le ministère n'avait plus besoin. Il en coûtait plus
cher pour suivre toutes les procédures nécessaires à la
reconnaissance des droits qu'on avait sur ces terrains, à terminer les
règlements et à mettre en vente les terrains que le montant que
la vente de ces derniers rapportait.
C'est en vue de pallier ces injustices vis-à-vis de
l'exproprié que nous aimerions voir au moins une indemnisation
provisionnelle plus élevée.
Nous nous demandons si le bill 88 prévoit un article quelconque
qui pourrait, par exemple, modifier ou abroger une loi abusive qui a
été accordée à la ville de Québec en 1967 au
sujet des terrains longeant la rivière Saint-Charles. Je note ici un
article du bill privé no 200, Loi modifiant la charte de la cité
de Québec, sanctionnée le 16 mars 1967, qui se lit comme suit:
Aucune modification, transformation ou addition ne peut être faite, sauf
par la ville, pour fins municipales aux immeubles situés sur une
lisière de 400 pieds de largeur de chaque côté de la
rivière Saint-Charles jusqu'à ce que le plan définitif de
l'aménagement de ces rives soit définitivement approuvé
par le conseil. Le conseil peut approuver définitivement un plan pour un
secteur qu'on veut déterminer.
Depuis 1967, ces propriétaires de terrains longeant la
rivière Saint-Charles ont vu leurs propriétés
gelées par ce projet de loi privé. Je me demande si dans le bill
88, en lisant ses articles, réellement nous trouvons quelque chose qui
viendra mettre un terme à cette réserve abusive de la part de la
ville de Québec.
D'autres dispositions du projet laissent subsister des doutes quant au
maintien de ces privilèges abusifs de la ville de Québec sur ces
propriétaires, qui se demandent quand finira cette réserve, qui
est retenue depuis 1967, sur leur propriété. Seront-ils jamais
payés pour cette expropriation? Leur plus grand intérêt,
leur grande inquiétude est de savoir quand finira ce suspense
enduré depuis 1967. Dans la première version du bill 88, on
prévoyait un délai de 90 jours avant la prise de possession par
l'expropriant, sauf la Voirie et la ville de Montréal, qui se
conservaient le droit de prise de possession sur simple dépôt de
plans et avis. Dans la première version du bill 88, nous savons que le
ministre de la Voirie et la ville de Montréal se réservaient le
droit de verser une indemnité provisionnelle de 50 p.c. et pouvaient
prendre possession sur le simple dépôt de plans et avis.
Or, dans la réimpression du bill, on a assujetti le
ministère de la Voirie et la ville de Montréal et la même
obligation que tout autre expropriant, mais on a raccourci le terme de 90
à 60 jours pour ce délai de prise de possession. Je crois que
nous aurions dû conserver ce délai de 90 jours avant la prise de
possession par l'expropriant des biens expropriés.
M. le Président, je conçois que le gouvernement a fait des
efforts assez louables en vue d'améliorer ce projet de loi mais, quand
même, j'espère qu'il acceptera encore les quelques amendements que
nous présenterons en troisième lecture, ce qui complétera
le mieux possible ce respect des droits de l'individu.
Je dois vous dire, M. le Président, que nous serons en faveur du
principe de ce bill en deuxième lecture. Merci, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT: (M. Blank): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, face à un projet de loi comme
celui qui s'appelle le projet de loi no 88, Loi de l'expropriation, au
départ, nous sommes obligés de faire certaines admissions.
La première admission est que, sans aucun doute, le droit pour
l'Etat, au nom de la collectivité, d'utiliser cette possibilité
d'exproprier au nom de l'ensemble de la communauté est un droit
nécessaire que l'Etat, que les organismes publics doivent avoir. Il n'y
a aucune espèce de doute là-dessus. Je pense que nier ce droit
à l'Etat, même s'il est un peu exceptionnel, même s'il va
à l'encontre de cette espèce de sacro-sainte théorie de la
propriété, du droit de propriété absolument
inviolable, on ne peut pas le faire. Je pense qu'il est absolument
nécessaire de reconnaître que l'Etat doit, à l'occasion,
violer des droits individuels je le dis sans que l'aspect
péjoratif y paraisse de propriété.
Cependant, M. le Président, comme pendant à ce droit qu'on
est obligé de reconnaître en plein 20e siècle, il faut
aussi reconnaître le fait que l'exproprié est souvent celui qu'on
oublie, dans ce cas, à l'égard de cette espèce de besoin
collectif de rendre service à la communauté.
Le problème est particulièrement important quand on sait,
du moins de par certaines statistiques de 1965, qui n'ont pas, je pense
à moins que le ministre nous dise le contraire changé ,
que le Québec se classait, en 1965, au quatrième rang, en
Amérique du nord, pour le volume de ses expropriations. Je ne sais pas
si cela a changé beaucoup depuis ce temps mais c'est, à
l'époque, ce qui a créé tout l'intérêt autour
de la commission Alary, qui nous a fait un certain nombre de
recommandations.
Je pense qu'il est important qu'on s'arrête à un tel projet
de loi, qu'on l'examine à fond, et surtout je pense que c'est
ça, l'aspect que je voudrais souligner par mon intervention en
deuxième lecture qu'on s'arrête aussi aux travaux de cette
commission Alary, qui ont été tellement attendus. Ils n'ont pas
été, peut-être, publicisés comme ils auraient
dû l'être, mais ils nous ont amenés, quand même, une
certaine philosophie qui, à mon humble avis, tend à respecter,
comme je le disais tantôt, d'une part, le droit de l'Etat, de la
collectivité d'exproprier, de violer les droits individuels et, d'autre
part, à protéger le plus possible, à l'encontre de ce mal
nécessaire qui s'appelle l'expropriation, les droits des individus dans
leur propriété par suite des problèmes que ça leur
cause.
Le texte du rapport Alary, comme je le mentionnais, est très peu
connu puisqu'il n'a jamais été officiellement rendu public. A mon
avis, c'est malheureux, car il s'agit là d'un des meilleurs
rapports.
M. PINARD: Est-ce que le député me le permet? Il n'a
peut-être pas été rendu public de la façon la plus
officielle ou ordinairement employée par le gouvernement. J'ai dit, cet
après-midi, qu'il avait été déposé à
la suite d'une motion que j'ai faite, alors que j'étais
député de l'Opposition. Par la suite, les journaux en ont obtenu
des exemplaires et il est sorti presque intégralement dans les
journaux.
M. BURNS: Je comprends le ministre de soulever ce problème.
D'ailleurs, je vais lui rendre immédiatement justice, en disant
c'est que j'allais dire, d'ailleurs qu'il n'a pas été rendu
public officiellement, mais qu'il a circulé. Mais, comme on est dans un
domaine tellement technique qui est vraiment réservé aux
initiés, je pense que le gouvernement aurait dû, eu égard
à l'importance de ce rapport, peut-être le rendre
véritablement public, même le distribuer largement, le
vulgariser.
C'est un peu l'opinion de tous les gens qui se sont
préoccupés de cette situation. La commission elle-même,
à mon avis, relativement aux deux phénomènes que je
mentionnais au tout début, a fait un certain nombre de
dénonciations encore une fois, ce n'est pas péjoratif, ce
que je dis assez claires du système actuel.
Je cite, entre autres, à la page 3 du premier volume du rapport
de la commission, un extrait qui, je pense, doit nous rester très
présent à la mémoire au cours de toute l'étude de
ce projet de loi. "La constatation fondamentale que nous avons finalement
retirée de l'ensemble de nos enquêtes ou travaux est que le
désordre légal et administratif qui règne au niveau des
expropriations entreprises par les autorités publiques est finalement
aussi nuisible et aussi coûteux pour les pouvoirs publics que pour les
expropriés eux-mêmes. L'ensemble des budgets affectés
à des acquisitions immobilières, tant amiables que
forcées, par le gouvernement provincial, par les municipalités ou
par les commissions scolaires représente au minimum $150 millions chaque
année." Ce n'est pas moi qui le dis; c'est la commission dans ses
premières pages. "Par suite du manque de coordination entre les
différents corps publics, du désordre légal et
administratif, ainsi que du jeu des plus-values et de la spéculation
foncière, $30 millions à $40 millions sont, chaque année,
dépensés en pure perte par les corps publics. La solution qu'il
convient d'apporter au problème des expropriations ne concerne donc pas
seulement les expropriés, mais intéresse au premier chef les
pouvoirs publics eux-mêmes."
C'est, je pense, peut-être la citation qui doit nous guider au
cours de l'étude de ce projet de loi. Cette constatation est venue
à la suite d'examens et de travaux faits par une commission qui est
considérée comme une des plus sérieuses que le
Québec ait instituées depuis plusieurs années.
Elle tient compte, justement, des deux facteurs que je mentionnais
tantôt, c'est-à-dire le droit de l'exproprié d'avoir
justice, d'une part, et le droit aussi de l'Etat d'exercer ce privilège
ou cet empiètement sur les droits de propriété
individuels. Pour corriger cette situation, M. le Président, la
commission Alary a fait 209 recommandations qu'elle a même pris la peine
de concrétiser dans un projet de loi que l'on trouve au volume 2 de son
rapport. La commission elle-même a groupé ces recommandations en
treize recommandations principales, et je cite la référence,
toujours au rapport du comité d'études sur l'expropriation, aux
pages 4, 5 et 6 qui, soit dit en passant, ont été
inversées par erreur; en tout cas, si on se retrouve aux alentours de
ces pages, on va trouver les treize recommandations.
Je me permets, M. le Président, de passer brièvement sur
chacune de ces recommandations. La première recommandation de la
commission est la suivante: La création d'un office du domaine et de
l'aménagement foncier qui serait formé, comme première
étape, par la réunion de la Société d'habitation du
Québec et du Service des expropriations du ministère de la
Voirie. Les problèmes d'expropriation les plus onéreux se posent
dans les villes. Et c'est là qu'une coordination étroite entre
l'ensemble des corps publics est indispensable si on veut réaliser des
économies substantielles et lutter utilement contre la
spéculation foncière.
On a entendu le ministre, cet après-midi, nous dire que cette
recommandation qui, à mon avis, est fondamentale dans le rapport Alary,
n'a pas été retenue parce que disait-il cet
après-midi c'était une suggestion qui nous venait de
milieux européens, en particulier de la France, et que le
phénomène de régionalisation n'était pas rendu
à un point tel ici que ça exigeait que cette recommandation soit
retenue par le projet de loi. M. le Président, il n'y a rien, en ce qui
nous concerne, dans la situation actuelle, qui nous empêcherait
d'intégrer une telle mesure dans le projet de loi, et nous regrettons
très sérieusement que le ministre ne l'ait pas retenue. C'est
là, selon notre avis, une carence fondamentale à laquelle il
faudra absolument remédier si on veut obtenir l'assentiment de notre
parti à l'ensemble de ce projet de loi.
La création de l'office du domaine permettrait au Québec
d'épargner, à notre avis, des dizaines de millions par
année et fournirait à l'Etat l'outil principal dont il a besoin
pour combattre la spéculation foncière et aider à un
développement planifié des centres urbains. Sans cet office du
domaine, il ne peut y avoir de vraie réforme d'expropriation. Aussi,
nous insistons fortement pour que le ministère revienne aux
recommandations de la commission Alary à ce sujet. M. le
Président, nous insistons sur la création de cet office pour la
simple et unique raison que tout le rapport Alary, à notre avis, est
axé autour de la création de cet office. Je pense que c'est une
des plus importantes recommandations qui n'ont pas été retenues
par le ministre comme je le disais tantôt mais le ministre
devra nous donner éventuellement des réponses beaucoup plus
satisfaisantes que celles qu'il nous a données cet après-midi en
passant par-dessus le problème et en nous disant tout simplement: Bien,
ça, c'est une histoire qui peut s'appliquer en France mais qui ne
s'applique pas ici.
La deuxième recommandation, parmi les treize que je mentionnais,
du rapport Alary est la suivante: La création d'une régie de
l'aménagement foncier et de l'expropriation, à la fois juge de
l'expropriation, tribunal de zonage et arbitre dans les conflits qui pourront
opposer entre eux les différents corps publics. Le projet de loi no 88
ne donne que partiellement suite à cette recommandation, enlevant au
tribunal de l'expropriation toute fonction administrative. C'est là une
philosophie conforme, je l'admets, aux recommandations du rapport Dassault sur
les tribunaux administratifs et qui, par conséquent, peut, selon cette
thèse, se défendre. Il reste cependant que le rapport Dussault
n'a jamais fait l'objet d'une discussion publique et que ses principales
recommandations n'ont jamais été mises en oeuvre.
J'aimerais bien que le ministre nous réponde à ce
sujet-là, nous dise tôt ou tard, soit au niveau de la
deuxième lecture ou au niveau de la discussion en commission, quelle est
la raison pour laquelle il n'a pas retenu cette recommandation qui, je pense,
est aussi très importante, comme celle que je mentionnais en premier
lieu.
La troisième recommandation du rapport Alary à laquelle je
veux faire référence est la suivante: L'institution d'une
procédure de réserve pour fins publiques au
bénéfice de tous les corps publics y compris le gouvernement et
ses organismes. Ces réserves pourront être imposées soit
pour deux ans, soit pour dix ans. A ce point-ci, M. le Président, je
suis prêt à rendre hommage au ministre, qui a changé son
attitude, en tout cas en ce qui concerne le premier projet qu'il avait
déposé après avoir entendu les parties et de nombreuses
recommandations à ce sujet. J'admets que le ministre a posé un
geste qui dans notre esprit est louable en acceptant les nombreuses remarques
qui ont été faites là-dessus, c'est-à-dire de ne
pas faire du gouvernement et de la ville de Montréal une espèce
de système à part, relativement aux droits et à la forme
et à la façon d'en arriver à l'expropriation. Sur ce
point-là, nous ne pouvons qu'appuyer entièrement le ministre dans
sa décision d'avoir changé son projet de loi.
La quatrième recommandation à laquelle je veux faire
référence est la suivante: La possibilité pour le
lieutenant-gouverneur en conseil, sur avis conforme de l'office et après
enquête, d'accorder aux ministères du gouvernement provincial
comme aux collectivités publiques de toute nature les pouvoirs
d'expropriation et de réserve nécessaires à la
réalisation de leurs fins, lorsque leurs lois statutaires ne leur
donnent pas des pouvoirs suffisants pour la réalisation d'un projet
donné.
M. le Président, comme la première recommandation
était à l'effet de créer ce fameux office je l'ai
mentionné tantôt, le projet de loi ne le retient pas
évidemment cette quatrième recommandation n'est pas non plus
retenue par le projet de loi no 88 puisque c'est un peu une suggestion
accessoire à la première recommandation; ainsi, je ne
m'attarderai pas là-dessus. Je fais la même critique à
l'égard de l'absence d'une telle disposition dans le projet de loi no 88
que celle que j'ai faite à l'égard de l'absence même de
dispositions créant l'office du domaine et d'aménagement
foncier.
La cinquième recommandation qui a attiré notre attention
est la suivante: L'attribution à l'office de pouvoirs particuliers en
matière de réserve, d'expropriation et d'urbanisme afin de lui
permettre, à la demande des municipalités, des commissions
scolaires, des ministères du gouvernement provincial et de tout autre
organisme, de constituer des réserves foncières
générales.
M. le Président, toujours pour la même raison étant
donné qu'on n'a pas retenu l'idée de l'office, il n'y a rien dans
le projet de loi concernant cet aspect primordial de la question. Ces
réserves générales seraient un instrument puissant, et
j'insiste, très puissant pour combat-
tre la spéculation foncière qui coûte si cher aux
contribuables. C'est l'aspect collectif de la Loi de l'expropriation. C'est
l'aspect de la protection de la collectivité. Je mentionnais l'aspect de
la protection des individus tantôt. Il y a aussi l'aspect de la
protection de la collectivité, c'est-à-dire des taxes servent
éventuellement à payer ces millions et ces millions de dollars
qui sont engloutis littéralement et, selon le rapport Alary, de
façon très peu recommandable à certaines occasions dans
des expropriations.
C'est pourquoi, M. le Président, nous insistons pour que les
recommandations du rapport Alary, à ce sujet-là, au sujet de
l'office en particulier, soient mises en pratique. Il y a tout l'aspect
spéculatif qu'on semble oublier, qui est quand même là, qui
est constamment là, qui est omniprésent en matière
d'expropriation. On n'a qu'à penser comment les gens donneraient leur
bras droit puis même leur bras gauche en même temps pour savoir
à quel endroit telle et telle route vont passer, à quel endroit
tel et tel pont vont passer, à quel endroit tel et tel édifice
public vont être érigés, pour pouvoir spéculer
d'avance.
Et d'ailleurs, M. le Président, vous n'avez qu'à remonter
dans la petite histoire de l'expropriation au Québec et vous allez
trouver constamment des gens que j'appelle des profiteurs du système.
Ceux-ci, parce qu'il n'y a pas de règle stricte à ce
sujet-là, parce qu'il n'y a pas d'office d'aménagement, parce
qu'il n'y a pas de contrôle central, profitent tout simplement du
système et cela, malheureusement, aux dépens de la
collectivité elle-même, car c'est elle qui paie pour cela.
La sixième recommandation était la suivante : la
suppression du droit reconnu au ministre de la Voirie d'exproprier au moyen du
dépôt d'un plan général, le rôle du plan
général étant dorénavant joué par le plan de
réserve de deux ans, qui doit permettre l'étude sérieuse
et la mise au point définitive des plans d'expropriation proprement dits
et d'éviter la multiplication des amendements successifs, comme c'est le
cas présentement. Encore une fois, c'est un amendement qui est
relié â celui que je mentionnais tantôt. Je félicite
encore, à ce niveau-ci, le ministre d'avoir adopté cette
procédure unique, d'avoir inséré dans son projet de loi
une espèce de procédure qui s'applique à tout le monde, y
compris au gouvernement provincial, y compris à la ville de
Montréal. Là-dessus, je ne peux qu'endosser entièrement
l'attitude du ministre qui a accepté de modifier le projet de loi qu'il
nous avait présenté et qu'il nous présente maintenant
réimprimé.
Evidemment, on n'a pas souvent l'occasion de féliciter le
ministre des Transports; j'en profite, je le félicite. Je pense que
c'est une des améliorations majeures de son projet de loi
réimprimé. Là-dessus, nous serons, évidemment,
entièrement d'accord avec lui et nous le supporterons totalement
à ce sujet-là.
Une autre recommandation, puisque je fais le tour de ces treize
recommandations succintes de la commission Alary, que le ministre a
acceptée, a intégrée si vous voulez, il a
enlevé des dispositions dans son projet de loi pour rendre celle-ci
applicable c'est la septième: l'adoption d'une procédure
d'expropriation unique pour toutes les autorités dotées d'un
pouvoir d'expropriation, qui consiste à déposer â
l'enregistrement un plan parcellaire, ce dépôt entraînant le
transfert du droit de propriété. Je fais les mêmes
remarques à l'égard de cette recommandation que ce que je viens
de faire â l'égard de l'autre qui précède.
La huitième recommandation était l'institution d'un
délai légal de 90 jours entre le dépôt du plan et la
prise de possession, délai susceptible de prorogation par le
président de la régie. Je ne m'éterniserai pas sur cette
recommandation-là. Je pense qu'elle fait beaucoup plus l'objet des
commentaires que je devrai faire au niveau de la discussion en commission
plénière. Je ne veux pas, loin de là ma pensée, M.
le Président, utiliser à mauvais escient les règlements
qui me permettent, en deuxième lecture, d'avoir une discussion assez
large.
La neuvième recommandation, selon nous, est très
importante. Malheureusement, je considère que le ministre a fait un
compromis que je qualifierais de facile, en l'occurrence, mais qui ne rencontre
pas les critiques que nous lui avons faites au moment de la discussion du
projet de loi en commission élue. Je cite cette recommandation no 9 qui
se lit comme suit: "L'indication qu'il ne peut y avoir de prise de possession
sans paiement d'une indemnité provisionnelle aussi proche que possible
de la valeur de l'indemnité principale, arbitrée, en cas de
nécessité, par le président de la régie".
La première version du projet de loi nous donnait une
indemnité provisionnelle de 100 p.c. pour tout le monde, sauf pour le
ministère de la Voirie et pour la ville de Montréal, auxquels cas
on donnait une indemnité provisionnelle de 50 p.c. Le compromis qu'on
semble avoir mis dans le projet de loi, c'est de dire qu'on va diminuer
l'indemnité provisionnelle pour tout le monde de 100 p.c. à 70
p.c. et qu'on va augmenter l'indemnité provisionnelle pour ces deux
groupes-là, puisqu'on fait une règle unique applicable à
tout le monde, de 50 p.c. à 70 p.c. Je pense que, tant qu'à avoir
bougé de ce côté-là, on aurait dû bouger
complètement.
Je sais ce que le ministre des Transports va nous dire. Je m'attends au
genre de réponse qu'il va nous donner et il n'a peut-être pas
complètement tort. Je reconnais qu'un des problèmes de base, dans
la discussion d'un tel projet de loi, est un problème purement et
simplement de piastres et de cents. Je sais fort bien que le ministre va avoir
des problèmes lors de la mise en application de son projet de loi parce
qu'il y a quand même un changement assez important, je le reconnais,
quant à la façon d'approcher les indemnités.
II y aurait autre chose plutôt que d'avoir une loi boiteuse
à ce niveau je reviens à ce que je disais tantôt
plutôt que de faire souffrir davantage l'exproprié dans une
situation où il n'a vraiment aucun choix, dans une situation où
il est placé vis-à-vis de ce gros appareil qui s'appelle l'Etat
ou qui s'appelle quelque représentant gouvernemental à quelque
niveau que ce soit, plutôt que de le faire souffrir en lui disant:
Ecoutez, on vous fait une offre puis vous allez l'accepter parce que
c'est ça la technique vous allez l'accepter le plus rapidement
possible. Les 30 p.c. qu'on ne vous donne pas, sur notre première offre,
on va vous les donner le jour où vous allez avoir assez faim pour
accepter notre proposition. Ce n'est peut-être pas l'intention du
ministre, ce n'est peut-être pas de si mauvaise foi que ça, mais
en pratique ce n'est pas le ministre qui, à chacune des expropriations,
va aller négocier avec l'exproprié. Ce n'est pas le ministre, ce
n'est même pas le sous-ministre comme tel qui va aller négocier.
Ce sont des gens qui ont et on ne peut pas les blâmer
là-dessus intérêt à ce qu'un moment
donné on dise: T'es très bon en négociation
d'expropriation, tu nous a épargné tant de milliers de dollars,
tant de centaines de milliers de dollars cette année. Ce n'est qu'humain
cette attitude-là, sauf que, quand c'est ça la philosophie qui
préside à une loi d'expropriation, je trouve que c'est
très mauvais parce qu'on oublie et j'y reviens parce que c'est
essentiel le droit de l'individu.
Je ne suis pas plus en amour qu'il faut avec le droit de
propriété, je ne suis pas de ceux qui vont dire que ça
sort de la cuisse gauche de Jupiter, le droit de propriété. Il
reste quand même que dans notre société actuelle on est
obligé de le reconnaître comme étant quelque chose qui fait
partie d'un tas de pensées, de conceptions, je dirais même que
c'est culturel presque. Je vois le député de Terrebonne qui va
sûrement trouver un aspect culturel à ce droit sacré de la
propriété.
M. HARDY: Certainement.
M. BURNS: Mais ça existe, on est obligé de le
reconnaître. On n'a qu'à voir dans un comté comme
Maisonneuve, par exemple je n'aime pas parler de ma paroisse puis de mon
patelin, comme ça, cela a l'air un peu chauvin comment des gens
ont souffert par l'expropriation pour la fameuse autoroute est-ouest, comment
des petits propriétaires du comté de Maisonneuve, du comté
de Saint-Jacques, du comté de Sainte-Marie, du comté de Bourget
sont maintenus dans une espèce d'incertitude absolument totale. Je pense
que si j'allais plus à l'ouest on aurait peut-être le même
plénomène, mais c'est plus vrai dans le cas de l'est
montréalais, parce que l'autoroute n'est pas encore passée
là et les expropriations ne sont pas encore complétées.
Mais il y a un tas de gens qui, actuellement, se posent la question: Quand
est-ce qu'elle va venir l'autoroute? Je vous renvoie à la chanson de
Donald Lautrec, qui dit: L'autoroute, à s'en vient pas vite, puis quand
est-ce qu'à va venir la maudite? Il y a un tas de gens dans l'est
montréalais qui se posent cette question-là. Pourquoi? Parce
qu'ils sont dans un état d'insécurité totale. Comment
va-ton leur rembourser c'est ça qui est assez inquiétant
véritablement cette insécurité qui n'est pas
monnayable? Pensez au petit propriétaire qui, de peine et de
misère, en mettant un peu de son salaire de côté puis des
fois la pension que ses enfants apportaient à la fin de la semaine, a
réussi, imaginez-vous donc, à s'acheter une maison de deux
étages avec deux logements en haut, un triplex. Puis il se dit
actuellement: Je ne veux pas louer mes deux étages du haut, parce que
les gens disent: L'autoroute s'en vient, l'autoroute va passer ici. On n'est
pas pour venir s'installer dans un logement puis se faire dire au bout de
quelques mois qu'on s'en va. Mais c'est ça la philosophie qui
préside à l'expropriation, à la façon d'exproprier
les gens. C'est basé d'ailleurs sur une déclaration qui est quand
même valable, que je ne nie pas, qu'au nom de la collectivité on
doit peu importe ce que je pense de l'autoroute est-ouest poser
tel ou tel geste. Mais en attendant ce sont des individus qui paient pour
ça. L'indemnité provisionnelle devrait être une des
façon de dire aux gens: Ecoutez, on n'est pas là pour vous
organiser, on n'est pas là pour vous mettre en boîte, voici
l'offre qu'on vous fait. Prenez-la, contestez-la si vous voulez, on n'a pas
d'objection puis prenez-la à 100 p.c. On ne vous fera pas chanter
là-dessus.
Si vous trouvez qu'elle n'est pas suffisante, contestez-là. A ce
moment-là, vous paierez pour si vous perdez. Il y aura l'aspect frais,
etc.
Véritablement j'insiste sur cette neuvième recommandation
du rapport de la commission Alary. Je trouve que le ministre aurait pu
continuer cette bonne attitude qu'il avait entreprise, c'est-à-dire
celle de dire: On va passer de 50 p.c. pour la ville de Montréal et le
ministère de la Voirie et on va se rendre à 100 p.c. tel
qu'était la règle, à l'origine, fixée pour
l'ensemble des expropriations.
J'arrive à la dixième recommandation qui se lit comme
suit: "L'institution de la saisine automatique de la régie, qui
connaît de toutes les causes non réglées amiablement, dans
les six mois qui suivent l'expropriation." Selon la commission Alary, la
saisine automatique constituait une des recommandations les plus importantes de
son rapport puisqu'elle avait pour effet de soumettre à la surveillance
du tribunal toutes les expropriations effectuées au Québec,
même celles qui sont réglées à l'amiable.
Malheureusement, le gouvernement n'a pas jugé bon de suivre cette
recommandation et je le déplore. Pourquoi est-ce que l'on demande que
toutes les expropriations, dans le rapport Alary, soient soumises à un
même organisme, même
celles réglées à l'amiable? C'est pour qu'il y ait
une certaine constance dans ces règlements, qu'ils soient à
l'amiable, qu'ils soient de gré à gré ou qu'ils soient
forcés ou décidés par un tribunal.
Je pense que c'est très regrettable que le ministre n'ait pas
retenu cette recommandation no 10 de la commission Alary.
J'en arrive à la onzième recommandation qui nous dit que
cette commission recommande l'institution d'une procédure de paiement
gratuite pour l'exproprié. Encore ici, la recommandation de la
commission est restée lettre morte puisque le protonotaire, en suivant
les règles du code de procédures, continuera à retenir une
somme pour la préparation de l'état de collocation et à
titre de droits et d'honoraires. De plus, la distribution, par le protonotaire
et non pas par les notaires privés, n'est pas le mode universel de
paiement comme l'avait recommandé la commission puisqu'elle ne couvre
pas le cas où le règlement se fait à l'amiable.
Encore une fois, je n'insiste pas davantage sur cette recommandation.
Nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque nous discuterons de ce
problème en commission, que ce soit en commission plénière
ou en commission élue. Mais nous préférons réserver
davantage nos remarques à l'étape de la discussion article par
article.
J'en arrive à la douzième recommandation dans la liste de
celles que je vous ai mentionnées et qui est la suivante: "La
reconnaissance du droit de l'exproprié à être
indemnisé pour les frais d'assistance technique et juridique qu'il a
dû encourir suivant un barème forfaitaire." C'est une des
recommandations à laquelle j'attache peut-être le plus
d'importance. Même si cette recommandation tombe presque sous le sens
commun, le gouvernement, encore une fois, refuse d'y donner suite. Il est vrai
que les experts, témoignant devant le tribuanl, pourront être
assujettis par règlements à un tarif. Mais il n'y a rien qui
reconnaisse à l'exproprié le droit d'être indemnisé
pour l'assistance technique dont il a besoin pour faire valoir sa cause.
Dans la pratique, un grand nombre de causes ne peuvent être
réglées à l'amiable parce que l'expropriant se refuse
à payer les comptes d'experts auxquels l'exproprié a eu recours
pour défendre ses droits. Nous ne voyons pas pourquoi cette
recommandation ne serait pas retenue. Qu'on pense simplement je fais une
règle générale à cet égard au petit
propriétaire qui, déjà, comme je le mentionnais
tantôt, de peine et de misère, a gagné une petite
propriété, qui lui rapporte ou qui ne lui rapporte pas, et qui,
éventuellement, se retrouve face à cette espèce de grosse
bibite, de grosse machine gouvernementale qui vient l'exproprier, qui vient lui
enlever ce qu'il a gagné de peine et de misère. Il sera
placé, pour faire face à cette grosse machine qui s'appelle le
corps public en question, que ce soit le gouvernement, la municipalité
ou la commission scolaire devant un dilemme.
Le dilemme est le suivant: ou bien j'accepte la proposition qui m'est
faite par l'expropriant ou bien je risque d'aller brûler une partie des
sommes que j'acquerrai éventuellement par cette expropriation à
cause d'honoraires d'experts, à cause d'honoraires d'avocats.
M. le Président, on n'est pas dans un domaine vous le
savez où la Loi de l'aide juridique pourrait facilement
s'appliquer, c'est-à-dire que les gens de la Commission de l'aide
juridique vont tout simplement demander à la personne qui s'adresse
à eux: Est-ce que vous êtes propriétaire d'un immeuble?
Est-ce que vous gagnez tant et tant de salaire par semaine? Quand ils vont
constater que la personne vient les voir pour des raisons d'expropriation
je pense même que c'est exclu, soit dit en passant, dans les
règlements de la Commission de l'aide juridique ils vont dire:
Allez voir un avocat de pratique privée.
Dieu sait que cela coûte quelque chose d'utiliser ce type
d'avocats. Je ne les blâme pas. Ce sont des avocats
spécialisés. Il y a très peu d'avocats qui font ce qu'on
appelle du droit d'expropriation. Donc, ce sont des gens qui sont
recherchés, ce sont des gens qui ont leurs tarifs et leurs tarifs sont,
disons, en dehors de l'ordre d'une pure et simple consultation.
Je dis que dans le projet de loi on devrait tenir compte de cela. Je
pense que l'Etat et tous les corps publics qui sont sujets à utiliser le
droit d'expropriation y gagneraient à la longue, en ce sens qu'il y a un
tas d'expropriés qui vont dire: Je ne règle pas pour tel montant
parce que si je règle pour tel montant, je vais perdre tel autre montant
que je devrai payer à titre de commission à mon avocat, tel autre
montant que je devrai payer à titre d'honoraires à mon
évaluateur, etc. Je pense qu'à ce moment-là, si l'Etat
dit: Vous vous sentez lésé à l'égard de
l'expropriation que je vous impose, éventuellement, on pourra tenir
compte, dans le montant de l'expropriation, de tous les honoraires d'experts
que vous devrez payer, vous, M. l'exproprié, éventuellement.
M. le Président, je considère que cette recommandation no
12 est peut-être une des plus importantes parce que, très souvent,
c'est justement au petit exproprié que ces dispositions s'appliquent. Il
est évident que si le ministère de la Voirie, à un moment
donné, décide d'exproprier tout un quartier ou toute une partie
de quartier, qu'ici et là il y a un certain nombre de gens qui vont
figuerer parmi les expropriés et qui auront les moyens de payer, mais
quand on fait des expropriations, je dirais, en quantités industrielles,
comme celle qu'on a été obligé de faire à
l'occasion de l'autoroute est-ouest, à l'intérieur de
Montréal, il est évident que la majorité des gens qu'on
frappe sont des gens à petits revenus, des gens qui, déjà,
se sentent démunis vis-à-vis de l'appareil judiciaire et se
sentent démunis vis-à-vis du recours à des experts,
à de l'aide technique, qu'elle soit juridique ou qu'elle soit d'un
autre
ordre. A ce moment-là, ce sont eux qui, véritablement,
paient pour l'ensemble de cette politique, à mon avis
incohérente, d'expropriation.
Je ne voudrais pas que l'expropriation se fasse sur, justement, les gens
qui sont peut-être parmi les plus démunis même s'ils
ne sont pas complètement démunis qui sont parmi les plus
démunis parmi ceux qui possèdent un petit quelque chose, parmi
ceux qui ont gagné un petit quelque chose avec leurs
économies.
M. le Président, je termine en vous rappelant la treizième
et dernière recommandation de la commission Alary, qui se lit comme
suit: "La possibilité, pour le gouvernement et les corporations soumises
aux dispositions de la loi des dettes et emprunts municipaux et scolaires, de
payer l'indemnité à l'aide d'obligations de la province de
Québec, sous réserve de l'accord de l'exproprié."
M. le Président, encore une fois, le projet de loi no 88 ne tient
pas compte de cette recommandation. Il est vrai je l'avoue qu'il
s'agit là d'un point mineur n'ayant pas l'importance pratique des douze
autres recommandations principales de la commission Alary, mais je me demande
et j'aimerais qu'on en discute éventuellement plus à fond
s'il n'y aurait pas lieu de penser à cet aspect.
M. le Président, en deuxième lecture, c'étaient les
remarques que nous avions à faire relativement au projet de loi. Encore
une fois, je félicite le ministre d'avoir eu l'humilité, si je
dois dire, ou, en tout cas, la largeur d'esprit d'accepter un certain nombre de
recommandations qui ont été faites au cours d'auditions publiques
à la suite du premier dépôt du projet de loi no 88, ce qui
prouve j'ouvre la parenthèse qu'il n'est pas toujours
inutile d'entendre les parties, les gens qui sont concernés
immédiatement par un projet de loi.
Je pense que, dans le cas présent, on a au moins trois
améliorations importantes dans le nouveau projet de loi, tel que
réimprimé. Je pense que le ministre a su écouter les
remarques qui lui ont été faites tant par les personnes qui sont
venues témoigner devant la commission que par les partis
d'Opposition.
Pour toutes ces raisons, en deuxième lecture, nous voterons en
faveur du projet de loi. Nous aurons un certain nombre d'amendements à
proposer en commission plénière et qui nous aideront à
voter aussi, si possible, en faveur du projet de loi en troisième
lecture.
Evidemment, notre attitude dépendra, j'en suis certain, de cette
largesse d'esprit du ministre lorsque nous discuterons de nos amendements pour
nous justifier de voter sur le projet de loi quant à son contenu
définitif.
M. PINARD: M. le Président, j'aimerais...
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président...
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: ... même si j'ai l'impression que tout a
été dit sur ce projet de loi ou à peu près tout,
j'ai l'intention d'intervenir quelques minutes, mais je ne le ferai pas en tant
qu'expert. Je suis un profane là-dedans et je n'ai même pas pu
assister à la commission parlementaire qui a étudié ce
problème, mais je voudrais surtout insister sur le problème
humain que pose l'expropriation, parce que nous avons eu l'occasion, depuis
quelques années, de voir certaines expropriations massives. Que
ça soit, par exemple, le cas de Sainte-Scholastique, le cas de
l'autoroute est-ouest, en particulier le cas du parc Forillon, il y a eu
là des problèmes humains considérables. Je déplore,
encore une fois, qu'on n'en parle pas dans un des projets de loi
peut-être les plus importants de cette session, parce qu'il s'agit d'un
projet de loi qui touche directement des individus, qui touche, en grande
majorité, des gens qui n'ont pas les moyens nécessaires pour
faire face à cet appareil massif qu'est le gouvernement
québécois ou toute autre institution bien organisée.
Je sais et on l'a dit que l'expropriation est un mal
nécessaire, mais il faut, au moins, que ce mal nécessaire, on le
rende le plus humain possible, qu'on essaie d'amoindrir les conséquences
néfastes que ça peut comporter chez les individus. Depuis quelque
temps, je n'ai pas l'impression du tout que le ministère des Travaux
publics a eu des succès considérables en ce qui concerne en
particulier les expropriations massives que je soulignais tout à
l'heure.
Je comprends que le ministre nous dira qu'on n'avait pas les instruments
nécessaires à ce moment. Mais je me demande si le projet de loi
qui nous est soumis touche véritablement les problèmes complexes
et surtout les problèmes sociaux que comporte l'expropriation.
C'est bien facile pour un ministre et pour des députés
à l'Assemblée nationale de parler d'expropriation, parce que
ça ne nous touche pas. C'est bien facile pour des fonctionnaires au
niveau du gouvernement de faire des expropriations parce que, derrière
leur bureau, ils ne voient pas souvent les problèmes sociaux que
ça comporte.
Mais quand on est directement impliqué, comme je l'ai vu lors
d'une visite que j'ai faite dans la région du Bas-Saint-Laurent,
ça devient plus difficile de parler de l'expropriation. Là, on
constate véritablement les conséquences néfastes et
désastreuses, bien souvent, que ça peut avoir sur le comportement
social des individus.
D y a une chose qu'il faut se mettre dans la tête, c'est que
l'exproprié n'a pas choisi de l'être. L'exproprié, ce n'est
pas un vendeur ordinaire. A ce sujet, je pense à l'ordonnance du juge
Dorion. Qu'on fasse bien attention et qu'on ne me rappelle pas à l'ordre
à partir du règlement 99, parce qu'il y a quand même un
certain nombre d'expropriés qui ont réglé leur
problème, qui ont accepté ce qui leur a été
proposé par le ministère des Travaux publics.
Il y en a 1,900 qui ont accepté, M. le Président, et c'est
surtout de ceux-là que je veux parler.
Je dis que l'exproprié n'est pas un vendeur ordinaire.
L'exproprié n'a pas le choix; il faut absolument qu'il vende. Sa
négociation est bien limitée par rapport au gouvernement du
Québec ou à toute autre institution gouvernementale. Ce n'est pas
un prix qu'on doit déterminer pour lui, ce n'est pas une valeur
marchande qu'on doit déterminer parce que, bien souvent, comme c'est le
cas en ce qui concerne les expropriés de Forillon, il y en a très
peu de valeur marchande là-dedans. La valeur marchande était
très faible dans ce cas, mais il fallait relocaliser ces gens, il
fallait leur donner les instruments et les moyens financiers nécessaires
pour se retrouver dans un autre milieu.
En ce qui concerne Forillon en particulier, puisque je connais ce cas
plus précisément, j'ai l'impression que le ministère des
Travaux publics a complètement manqué son coup. Il deviendra de
plus en plus difficile de faire accepter des projets comme le parc Forillon par
la population, parce que les gens et cela a été publicise;
en tout cas, ça commence à être publicise y ont
goûté à l'expropriation gouvernementale dans le coin. Il
s'en vient d'autres parcs nationaux où on va devoir exproprier aussi des
individus. Est-ce que cette loi va permettre, au moins, d'agir humainement
vis-à-vis de ces individus? J'en doute, exactement pour les mêmes
raisons que soulignait le député de Maisonneuve tout à
l'heure.
Il semble qu'on crée des commissions d'enquête, mais, quand
il s'agit, toutefois d'accepter des recommandations les plus valables de ces
commissions d'enquête, on ne marche plus, on n'accepte plus ça.
Pourtant, M. le Président, surtout après une expérience
que je considère aussi néfaste que celle du parc Forillon, nous
constatons, quand il s'agit d'exproprier des individus, des conséquences
énormes sur la mentalité de ces gens. C'est d'abord le
déracinement social. On a pris des gens qui avaient plus ou moins le
choix le député de Maisonneuve l'a expliqué et je
reviendrai tout à l'heure sur la façon, dans ce cas particulier,
dont on a forcé des individus à accepter les offres
gouvernementales dans le territoire du parc Forillon et on les a
situés dans des HLM, bien souvent, avec les moyens très
limités qu'on leur a accordés.
M. le Président, ces gens ont subi des conséquences. Quand
on discute d'un projet de loi comme celui-là, je pense qu'il faut bien
tenir compte de ce problème. J'apporte le cas de Forillon parce que
c'est un exemple concret et j'ai le droit, en vertu du règlement,
d'utiliser tous les moyens pour illustrer ce que je pense du projet de loi.
Quand il s'agit d'exproprier ces gens; il faut tenir compte de ce que ça
va leur coûter pour se relocaliser; il faut quand même tenir compte
aussi des conséquences sociales que ça comporte pour ces
gens.
Il semble qu'encore là ce projet de loi ne donne pas
satisfaction. Je comprends que, dans son principe même, au moins, il
tente d'unifier ce qui était éparpillé dans
différents ministères.
Mais est-ce que lorsqu'il s'agira d'exproprier on va choisir les normes
du ministère de la Voirie? Est-ce qu'on va choisir les normes du
ministère des Travaux publics? Ce qui est troublant, M. le
Président, quand on voit ce qui s'est passé à Forillon,
c'est qu'alors que le ministère de la Voirie payait $106 l'acre, le
ministère des Travaux publics payait $19 l'acre pour exproprier les
individus. Sur quels critères, les mêmes? Pourtant, ce sont des
institutions gouvernementales. Est-ce que ça va être les
critères du ministère des Travaux publics que nous allons
utiliser ou est-ce que ça va être les critères du
ministère de la Voirie? Je pense que c'est quand même un
problème important pour ces gens-là. On a parlé du prix
à payer à ces gens-là. D'ailleurs, la commission Alary
fait des recommandations très précises à ce sujet. Et il
me semble qu'on doit tenir compte de certains critères qu'on a
délaissés en ce qui concerne Forillon.
Par exemple, on souligne, je ne dirai pas dans une ordonnance de la
Régie des services publics, on cite, c'est-à-dire, un expert en
ce qui concerne l'expropriation, M. Picard, et on dit ceci: Pour se procurer
une habitation, non pas précisément identique, c'est bien
difficile dans des cas comme le parc Forillon. Ce qui est quasi impossible mais
analogue, ils vont avoir c'est-à-dire les expropriés
à subir des exigences et des charges exceptionnelles.
L'expropriation crée donc ainsi pour eux des embarras et une
augmentation de frais généraux dont il est incontestable qu'il
faut les indemniser. C'est ce que nous appelons l'augmentation des charges
d'occupation.
J'espère que ce projet de loi permettra au gouvernement du
Québec d'arrêter, à un moment donné, d'exploiter les
gens qu'on exproprie comme ç'a été le cas bien souvent,
parce qu'il y a deux classes de gens qu'on exproprie. Il y a les riches puis il
y a les pauvres. Les riches ont les moyens financiers de se payer des avocats.
Il n'y a pas de problème, puis bien souvent ils réussissent
à profiter d'un projet de loi comme celui-là ou d'autres projets
de loi pour obtenir l'indemnisation la plus élevée.
Mais en ce qui concerne les individus les plus démunis, ces gens
sont bien souvent apathiques. Devant cette force gouvernementale, le
député de Maisonneuve le décrivait tout à l'heure,
ils acceptent bien patiemment, comme ç'a été le cas des
1,900 expropriés du parc Forillon, ce que le gouvernement leur
propose.
Mais il nous semble qu'il y a quelque chose de fondamental dans le
rapport Alary, qu'on a encore laissé de côté, parce que
ça permettait justement à ces petites gens de pouvoir se
défendre devant cette masse gouvernementale
anonyme, de pouvoir obtenir l'aide juridique. Tout le monde a
parlé, de ce côté-ci de la Chambre, d'obtenir l'aide
juridique, la reconnaissance, dit le rapport Alary, du principe qu'un
exproprié a le droit à l'assistance d'un expert et d'un avocat.
Et cela aussi bien dans le cas d'un règlement à l'amiable que
dans celui d'un règlement judiciaire.
Que ces gens puissent au moins être informés de leurs
droits. Que ces gens puissent au moins être informés qu'ils
peuvent aller en appel. Que ces gens, dans le cas de cette loi, puissent
être informés qu'il y a un tribunal d'arbitrage puis qu'ils
peuvent s'adresser à ce tribunal d'arbitrage. Mais malheureusement
étant donné bien souvent, qu'ils sont obligés de se
débattre individuellement dans ce système, qu'ils se voient
obligés d'engager des experts qui coûtent énormément
cher, d'engager un avocat qui peut coûter énormément cher,
manger peut-être le petit montant qu'on leur a accordé, ces gens
n'ont pas le choix. Cela a été le cas, exactement, des 1,900 cas
réglés ou à peu près, en tout cas de 90 p.c. des
1,900 cas réglés dans le parc Forillon.
Je pense que c'est une recommandation qui est peut-être la plus
importante; au moins, quand les gens savent comment se défendre, au
moins, quand les gens savent qu'ils ont des moyens légaux. Encore
là, j'insiste. Ces gens-là n'ont pas demandé à
être expropriés. Je comprends qu'au nom de l'intérêt
collectif d'une société on puisse sacrifier des droits
individuels, mais il faut le faire au moins en permettant à ces gens de
pouvoir se défendre.
On va me dire: II y a toujours la Commission de l'aide juridique qu'on a
créée. Je dis que ce n'est pas du tout satisfaisant, je dis que
le gars qui est exproprié, qu'il gagne $10,000, $15,000, $20,000 ou
$7,000, doit avoir les mêmes avantages devant le gouvernement
québécois. Le gouvernement du Québec a des experts dans ce
domaine en quantité, il me semble qu'il pourrait au moins former un
genre de comité qui pourrait conseiller, qui pourrait aider les
expropriés à connaître, à un moment donné,
quels sont leurs droits.
Il y a un autre problème que je soulève en ce qui concerne
la façon bien souvent, dont on a fait ces expropriations. Dans le cas de
Forillon, par exemple le ministre pourra peut-être le nier
d'après mes informations, on a...
M. PINARD: M. le Président, sur un point de règlement. Je
ne voudrais pas être désagréable envers le
député de Saguenay, mais il bâtit toute sa thèse sur
la substance même, sur le principe même du bill 88 en prenant pour
exemple des choses qui ne vont pas bien, l'exemple de Forillon, alors que cette
cause est précisément devant la cour d'Appel. J'aurais pu lui
dire tout de suite, au début de ses remarques, qu'il violait le
règlement en parlant d'une affaire qui est sub judice. Je n'ai pas voulu
le faire pour ne pas l'embarrasser dans l'élabora- tion de sa
thèse, mais quand même, qu'il soit raisonnable. Je suis d'accord
avec lui...
M. LESSARD: M. le Président, sur le point de
règlement.
M. PINARD: ... pour dire qu'il y a des problèmes d'ordre humain
et qu'il faut que les lois finissent par rejoindre les soucis d'ordre humain et
que c'est même le devoir du législateur d'y arriver. Mais
là, qu'il passe à l'action, qu'il vienne me dire s'il est en
faveur du principe du bill, si le bill 88 respecte les droits de la personne
humaine au plan individuel et au plan collectif et s'il prétend que non,
qu'il en donne des preuves.
M. LESSARD: M. le Président, le ministre a soulevé son
point de règlement.
M. PINARD: Là, il parle d'un régime antérieur au
bill 88 en matière d'expropriation, et la cause...
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Qu'est-ce que vous avez
invoqué comme point de règlement? Vous vouliez rétablir
certains faits ou quoi?
M. PINARD: J'ai dit que le député ne parle pas du principe
du bill 88, il parle d'une question de principe qui faisait l'objet d'une loi
antérieure qu'on ne discute plus. On est devant l'Assemblée
nationale pour discuter de la substance, du principe du bill 88; je n'ai pas
d'objection qu'à titre d'exemple le député de Saguenay
passe au parc Forillon, comme le député de Maisonneuve l'a fait
dans le cas des expropriations de l'autoroute est-ouest à
Montréal, mais le député de Maisonneuve s'en est tenu au
règlement et il a discuté du contenu, du principe, de la
substance même du bill 88 et il a fait sa thèse là-dessus,
ce dont je le félicite.
M. LESSARD: M. le Président, d'abord, sur le premier point de
règlement qu'a soulevé le ministre, le ministre me dit qu'en ce
qui concerne le parc Forillon la cause est en appel. Le ministre se base
probablement sur l'article 99 où il est dit: "II est interdit à
un député qui a la parole de parler d'une affaire qui est devant
les tribunaux ou devant un organisme quasi-judiciaire ou d'une affaire qui est
sous enquête, lorsque, dans ce dernier cas, etc.."
M. le Président, j'ai bien explicité au début qu'il
y a six causes qui sont actuellement en appel; il y a 1,900 cas qui ont
été réglés. En ce qui me concerne, je n'ai pas
parlé des causes qui sont en appel, je dis que c'est sub judice. Le
ministre s'organisera avec ses troubles en ce qui concerne cette
affaire-là. Je parle des moyens qu'on a utilisés, je parle
toujours de la Loi de l'expropriation, dans un cas très précis,
et j'utilise le cas de Forillon comme exemple pour illustrer ce que cela peut
comporter comme
problème d'expropriation. J'ai dit que l'une des recommandations
les plus fondamentales du rapport Alary, qui empêcherait des abus comme
il en a été permis lors du parc Forillon, n'a pas
été acceptée par le ministre des Travaux publics.
M. le Président, si le ministre me rappelle à l'ordre en
disant que je parle de cas sub judice il y en a six je lui dirai
que je n'en parle pas, mais les 1,900 autres, là je peux en parler.
LE PRESIDENT: Disons que la présidence, comme d'habitude, ne sera
pas trop stricte ni sévère. Je vous autorise et la Chambre vous
autorise à continuer votre intervention pendant les quelques deux
minutes qu'il reste de votre droit de parole.
M. LESSARD: D'accord, M. le Président.
Non, je ne nommerai pas les 1,900.
Dans les moyens utilisés, je ne voudrais pas, M. le
Président, qu'on fasse ce qui a été fait dans le
passé puis qu'on cède à une firme privée le pouvoir
d'aller exproprier des individus. En tout cas, si on le fait, quand on le fera,
qu'on détermine des conditions très précises. On sait que
ces gens bien souvent, c'est normal, veulent aller le plus vite possible.
Même, on se glorifiait que ça allait vite à Forillon;
ça allait vite à Forillon, un moment donné, des
chèques étaient versés ainsi de suite, mais là
ça va aller moins vite.
On va revenir sur ça, c'est un projet de loi qui me paraît
d'importance. Si le ministre ne veut pas aller jusqu'à accepter toutes
les recommandations du rapport Alary, au moins qu'il accepte l'une des
recommandations les plus fondamentales, celle qui va permettre à ces
individus de pouvoir se défendre devant le gouvernement. Que ces gens
puissent obtenir l'aide juridique gratuite d'un avocat et d'experts, de telle
façon qu'ils sachent exactement quels sont leurs droits. Je pense que
c'est l'une des recommandations importantes. Je ne peux pas comprendre pourquoi
le ministre ne l'a pas acceptée puisque, encore une fois, ces gens sont
bien démunis devant l'Etat. Ils n'ont pas choisi leur sort, on leur
impose cette situation-là. Au moins qu'on leur donne les moyens
nécessaires de pouvoir se défendre.
M. PINARD: M. le Président, j'aimerais exercer mon droit de
réplique s'il vous plaît.
LE PRESIDENT: La réplique du ministre va mettre fin au
débat de deuxième lecture.
M. Bernard Pinard
M. PINARD: De façon très brève, je répondrai
aux dernières remarques du député de Saguenay en lui
disant qu'il n'y a rien dans le bill 88 qui empêche un exproprié
d'avoir recours à la Loi de l'aide juridique, comme l'a souligné
tantôt le député de Maskinongé. Si, par hasard, la
Loi de l'aide juridique ne peut aider une personne jugée trop pauvre
pour retenir les services d'un procureur spécialisé en
matière d'expropriation pour mieux défendre sa cause, je pense
qu'il s'agira de faire une demande au ministre de la Justice, qui examinera de
nouveau la loi et qui verra si oui ou non la loi est suffisante pour couvrir le
cas mentionné par le député de Saguenay.
On aurait voulu, M. le Président, et c'est une réponse
générale aux objections ou oppositions qui ont été
faites au bill 88 par les députés de l'Opposition qui ont pris la
parole aujourd'hui, que le bill 88 contienne presque toutes les recommandations
du rapport Alary, surtout la création de l'office du domaine de
l'aménagement du territoire et la création d'un tribunal ad hoc
en matière d'expropriation. Je crois avoir expliqué, cet
après-midi, pourquoi le gouvernement n'avait pas retenu toutes les
recommandations du rapport Alary. Mais il a tenté, dans la
rédaction des premiers projets de loi, de créer cet office du
domaine, puisque le titre de la première loi qui a été
rédigée était la Loi des expropriations et de l'Office du
domaine. C'est que nous nous sommes aperçus, à la lumière
de l'expérience vécue en France, et de façon douloureuse
et très coûteuse, que ça n'avait pas marché.
Il y a eu, à un moment donné, en France, un gouvernement
unitaire avec des structures plus ou moins décentralisées, avec
des gouvernements régionaux, dans certains cas, et qu'il y avait eu
séparation des pouvoirs. D y avait, d'une part, le ministère de
l'Aménagement du territoire qui avait des pouvoirs en matière
d'expropriation, en ce sens que c'était ce ministère qui avait le
droit de décréter d'intérêt public tel ouvrage ou
tel programme de travaux, et il y avait toute une foule de procédures
qui devaient être appliquées avant que le ministère de
l'Equipement, qui était en quelque sorte l'agent d'exécution ou
le réalisateur des programmes de travaux publics, puisse passer à
l'action.
Si bien qu'on a paralysé, pendant plusieurs années, tous
les programmes de travaux publics en France, en particulier dans le domaine des
routes et des autoroutes. A tel point que la France était un des
derniers pays d'Europe en ce qui concerne le nombre de milles d'autoroutes
construites dans ce pays par rapport à sa capacité
financière, surtout si l'on tient compte du fonds routier qui avait
été spécialement voté pour permettre au
gouvernement de la France de bâtir des autoroutes et de faire du
rattrapage par rapport aux autres pays voisins. On n'a jamais été
capable, à cause des tracasseries de procédure et de la
séparation des pouvoirs en matière d'expropriation, de passer
à l'action et de prendre le revenu du fonds routier pour l'appliquer
à la réalisation de programmes routiers ou autoroutiers. A tel
point que les autorités françaises se sont alarmées, que
le
ministre des Finances français s'est alarmé, â juste
titre, de la situation, que le premier ministre a décidé de faire
l'arbitrage dans tout cet imbroglio et qu'il a donné raison, finalement,
au ministre de l'Equipement qui était à l'époque, je
pense, M. Alban Chalendon. Le pouvoir en matière d'expropriation, la
déclaration d'intérêt public est revenue dans le giron du
ministère de l'Equipement qui était le principal
réalisateur des programmes de travaux publics, surtout en matière
de voirie, en matière de construction de routes et d'autoroutes et,
finalement, la France a été capable de passer à l'action
et de faire du rattrapage au plan autoroutier. Si bien qu'aujourd'hui la
France, même si elle a encore du rattrapage à faire, peut se
considérer avantageusement par rapport à d'autres pays.
Alors, on aurait été assez bête de tomber dans les
mêmes exagérations, dans les mêmes carences, dans les
mêmes difficultés? Il est bon d'aller étudier ailleurs ce
qui se fait, mais il est bon aussi de voir de très près les
bénéficces directs ou indirects et surtout les carences qui
peuvent survenir de l'adoption d'une nouvelle législation. H faut aussi
regarder si elle a fait ses preuves.
Nous avons étudié aussi la commission Alary l'avait
fait parce qu'elle a visité quand même plusieurs pays ce
qui s'est fait en matière de législation relative aux
expropriations dans la plupart des Etats américains et dans les autres
provinces du Canada. Je pense que la commission Alary a fait quand même
la synthèse de ce qu'il y avait de meilleur au monde en matière
de régime d'expropriation.
Je pense avoir expliqué, cet après-midi, qu'il faut quand
même, lorsque nous voulons rapatrier des lois qui ont force d'application
ailleurs, les rapatrier, les placer et les faire fonctionner dans un contexte
qui est le nôtre au plan démographique, au plan des traditions, au
plan des habitudes de la population en matière de comportement
vis-à-vis du respect droits collectifs, vis-à-vis aussi les
institutions qui sont en place au plan judiciaire, au plan politique, au plan
administratif, au plan gouvernemental, au niveau de toutes les instances
gouvernementales, si l'on veut, et replacer cette législation dans le
contexte sociologique et aussi selon la technologie qui est en vigueur dans
notre province par rapport à celle qui peut être en vigueur
ailleurs dans le monde.
Je pense que c'est tout cela que la commission Alary a
étudié et finalement elle a préparé la
synthèse, qui a beaucoup de valeur, je l'admets. Mais lorsque nous
sommes arrivés, en pratique, pour rédiger un projet de loi
susceptible de donner raison, dans la plupart des cas, à tous ceux qui,
à juste titre, s'étaient plaints aux autorités
gouvernementales, au Protecteur du citoyen dont le poste venait
d'être créé et aux tribunaux qui avaient cette
responsabilité d'adjuger dans les cas de réclamations, lorsque
nous sommes venus pour rédiger cette loi qui aurait été la
plus idéale possible, nous nous sommes aperçus que nous nous
butions à des difficultés d'ordre administratif, d'ordre
d'application et que nous n'étions pas capables de trouver cette formule
idéale pouvant donner raison aux uns et aux autres à la fois.
Il est bien difficile, M. le Président, dans ce domaine,
d'équilibrer les droits individuels par rapport aux droits collectifs.
C'est toujours le défi qui est posé à toute
démocratie qui veut réellement être efficace et qui veut
réellement porter le nom de démocratie en matière
gouvernementale. C'est pourquoi les tribunaux sont toujours prudents. C'est
pourquoi même le juge présidant la Régie des services
publics, qui a rendu ce fameux jugement dans l'affaire Foril-lon, a quand
même fait des distinctions. C'est pourquoi le même juge, dans
l'affaire de Hull, a fait les mêmes distinctions, même s'il a
donné ouverture à ce que nous appelons aujourd'hui des droits
à caractère social.
Je suis d'accord là-dessus jusqu'à un certain point, mais,
là aussi, il faut quand même poser, déterminer certaines
limites. Sans cela que devient le droit de la collectivité par rapport
au droit de l'individu? Comment voulez-vous faire fonctionner une
démocratie, réaliser le progrès demandé par la
société, par les contribuables, si on continue à
pénaliser l'ensemble de la société pour plaire à un
groupe d'individus qui, peut-être à juste titre, se plaint d'avoir
été lésé dans ses droits? C'est la
difficulté d'une démocratie agissante d'équilibrer la
valeur des droits individuels par rapport à la valeur du droit
collectif.
Je ne ferai pas de philosophie longuement là-dessus, ce soir,
mais je veux tout simplement, au passage, rappeler ces principes.
M. le Président, je pense qu'il aurait été plus
réaliste, cet après-midi et ce soir, de lire certains passages du
rapport du Protecteur du citoyen, qui a été déposé
à l'Assemblée nationale il y a quelques semaines à peine.
Pris quotidiennement par des problèmes qui lui sont posés par des
citoyens de cette province, il a fait l'étude de toutes les lois qui
nous gouvernent, ou à peu près. Lui, surtout, qui est pris et qui
a été pris avec des préjudices qui ont été
causés par des carences de la Loi de l'expropriation, de la Loi de la
Voirie et qui a eu à faire des recommandations aux ministres d'un
gouvernement ou de l'autre, était bien placé pour savoir si, oui
ou non, le bill 88, dans sa conception originale, maintenant dans son texte
amendé, est capable de réaliser une solution plus idéale
que ne l'était celle qui a prévalu auparavant.
Je pense qu'à la page 102 le Protecteur du citoyen se montre
juste à l'endroit des expropriés qui se sont plaints à
lui, à qui il a donné parfois raison et à qui il a
donné souvent tort. Il dit: "II faut dire, incidemment, que les
modifications que le projet de loi no 88 suggère d'apporter à
l'article 97 qui établit toute une série d'exclusions de
responsabilité contribueront heureusement à clarifier un certain
nombre de points spécialement controversés, encore
qu'on puisse se demander si, en éliminant toute limite ou
possibilité de réclamation pour dommages résultant du
changement de niveau d'une route, elles ne soulèveront pas de
difficultés d'un autre ordre, notamment pour l'établissement
inévitable de critères d'admissibilité, qui risquent
d'être tout aussi sérieuses". C'est un exemple parmi tant
d'autres.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre me permet une question?
M. PINARD: Oui.
M. PAUL: Je le remercie d'abord de nous signaler ce texte. Ne
trouve-t-il pas indécent de la part du Protecteur du citoyen, quel que
soit l'individu en question, qu'il émette une opinion sur des lois
à l'étude à l'Assemblée nationale, sans savoir si
ces lois seront finalement adoptées par cette même
Assemblée nationale?
M. PINARD: M. le Président, je ne voudrais pas faire le
procès...
M. PAUL: Je me permettrai dès maintenant, je tiens
à vous en avertir, M. le Président de le signaler, dans
une correspondance, au Protecteur du citoyen.
M. PINARD: Je n'ai pas saisi la dernière partie de la remarque du
député.
M. PAUL: J'ai dit que je me chargerai de donner mon point de vue sur
cette question au Protecteur du citoyen lui-même, dans une correspondance
que je lui adresserai.
M. BROCHU: M. le Président, si vous me le permettez et si le
ministre me le permet également, j'aimerais, suite aux remarques du
député de Maskinongé, souligner quand même une
chose. Depuis que le Protecteur du citoyen existe, si je comprends bien son
rôle, il est quand même de son devoir, suite aux recommandations
qui lui sont faites, suite aux cas que lui-même a à
réssoudre et aux problèmes qu'il décèle, de faire
des recommandations à la Chambre. S'il prévoit qu'un projet de
loi peut venir, il peut donner son avis ou, si un projet de loi n'est pas
à l'horizon sur tel ou tel sujet, il peut même le
suggérer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas dans ses attributions.
M. BROCHU: Je pense qu'il faut quand même faire des nuances
à ce sujet et voir le rôle du Protecteur du citoyen dans son
contexte bien précis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas dans ses attributions.
M. BROCHU: Je voulais faire cette distinction...
M. HARDY: ... dictateur.
M. BROCHU: ... parce que je pense que ce que le ministre des Transports
mentionne actuellement dans le rapport du Protecteur du citoyen, je le vois
comme une chose normale. Et même, si on voulait aller plus loin, on
devrait donner encore plus de pouvoirs au Protecteur du citoyen de ce
côté dans ses recommandations possibles à
l'Assemblée nationale.
M. HARDY: Si vous étiez au pouvoir, il faudrait lui donner tous
les droits.
M. BROCHU: Parce qu'il a les cas litigieux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... il y a l'exécutif.
M. PINARD: Evidemment, je ne veux pas mettre en cause le Protecteur du
citoyen, je ne veux pas faire son procès, je ne veux pas l'accuser
d'avoir débordé son rôle. Il s'agit de faire
référence à la loi qui l'a constitué dans sa
fonction de Protecteur de citoyen pour savoir quels sont ses pouvoirs, si oui
ou non en pratique il déborde ses pouvoirs.
Mais je l'ai fait tout simplement à titre de
référence, parce que souvent il a donné tort au
ministère de la Voirie, au gouvernement. Il a quand même
éclairé le gouvernement sur les carences de l'ancien
régime en matière d'expropriation et il a souhaité que le
gouvernement en arrive à adopter une nouvelle loi qui pourrait donner
une meilleure justice et aux uns et aux autres.
C'est ce à quoi je voulais en venir en faisant les remarques que
j'ai faites tantôt. Mais je pense que les députés auraient
quand même intérêt à lire le contenu du rapport du
Protecteur du citoyen. Ils vont s'apercevoir que le Protecteur du citoyen,
lorsqu'il entend des plaintes, cherche â faire comprendre comment
fonctionne un gouvernement, comment fonctionnent les lois, comment elles sont
appliquées, si elles sont appliquées de la mauvaise façon
ou de la bonne façon, si oui ou non le plaignant a raison de se
plaindre. Et souvent il a raison de se plaindre. Il lui donne raison et
à ce moment il envoie au ministre responsable un état de la
question, ses recommandations, en disant: Une loi a été
violée de mauvaise ou de bonne foi. C'est tout simplement une carence au
plan administratif ou au plan législatif.
Le législateur serait bien malvenu de ne pas se servir d'un
instrument aussi valable que celui-là pour bonifier ses lois, les
amender selon que la nécessité en est prouvée.
C'était ça mon propos. Ce n'était pas pour mettre en cause
le Protecteur du citoyen.
Comme c'est le rôle du législateur, quel qu'il soit, de
prendre connaissance des jugements rendus par nos cours pour bonifier les lois,
les amendements. Les jugements des cours font habituellement jurisprudence. A
quoi servirait qu'un gouvernement laisse aller des dossiers
devant des cours, que des cours rendent des jugements qui resteraient en
quelque sorte lettre morte? Le gouvernement ne passerait jamais à
l'action pour amender ses lois ou les bonifier, selon l'évolution
sociale, selon l'évolution technologique, selon l'évolution du
régime de nos lois.
Je pense que c'est là la responsabilité principale du
législateur...
M. LAFONTAINE: Je voulais demander au ministre des Transports s'il va
admettre qu'il n'appartient pas au Protecteur du citoyen de donner son avis sur
des projets de loi qui ne sont même pas adoptés par le Parlement.
En droit parlementaire, c'est le Parlement qui est le maître. Le
Protecteur du citoyen est là pour analyser comment est traité un
citoyen par une loi existante, et non pas donner des ordres à la
Chambre.
Je pense qu'à ce moment il outrepasse sa fonction, quelle que
soit la pensée du député créditiste qui a
parlé tout à l'heure. Le ministre, qui est un avocat, devrait au
moins reconnaître ça et non pas essayer de prouver que le
député créditiste a raison.
M. PINARD: Je n'ai jamais déclaré que le Protecteur du
citoyen donnait des ordres à la Chambre. Il faut tout simplement un
aparté...
M. LAFONTAINE: ... à son affaire.
M. PINARD: ... dans son rapport à l'aide d'exemples de plaintes
qui lui ont été soumises.
M. LAFONTAINE: Si un député en cette Chambre posait une
question au ministre de la Justice sur une cause qui serait devant la cour, on
dirait qu'il discute d'une cause sub judice. Je pense que le bill 88 est encore
sub judice, y compris pour le Protecteur du citoyen. La loi n'est pas encore
adoptée, le parlementaire ne s'est pas encore prononcé
là-dessus.
Je pense que même s'il s'en va sur le jardin du voisin il n'a pas
le droit d'y aller. Qu'il traite donc le citoyen en fonction des lois qui
existent. Qu'il laisse donc le parlementaire faire sa job, il en a assez, il en
a plein ses bras. Je comprends mal comment le ministre des Transports peut se
fier sur le rapport du Protecteur du citoyen sur une question semblable.
M. PINARD: Je ne veux pas soulever de débat sur le rôle du
Protecteur du citoyen. S'il y a des députés qui ne sont pas
satisfaits du rapport du Protecteur du citoyen...
M. LAFONTAINE: Ce n'est même pas une question d'être
satisfait ou pas, on n'aime pas l'argumentation du ministre là-dessus.
Il allait bien le ministre tout à l'heure sans se prendre...
M PINARD: ... ils ont des pouvoirs pour le rappeler à l'ordre, si
la chose est nécessaire.
Mais, lorsque nous avons créé ce poste, c'était
tout simplement pour donner la chance à un personnage très
important dans notre société de sonner le signal d'alarme pour
avertir le gouvernement des carences au plan administratif et au plan
législatif. Je ne pense pas qu'à ce jour il ait donné
d'ordres à personne; il a fait tout simplement son devoir, il nous a
envoyé des rapports annuels, des rapports spécifiques dans
certains cas, et le ministre est toujours libre de tenir compte ou non des
remarques faites par le Protecteur du citoyen.
M. PAUL: Est-ce que le ministre me permet une question? Est-ce que le
ministre conviendra que le Protecteur du citoyen doit analyser les plaintes qui
sont portées à sa connaissance suivant des lois qui existent et
qui doivent lui servir de guide dans l'appréciation des faits qui lui
sont soumis? Mais lorsque le Protecteur du citoyen se permet de faire des
commentaires sur un projet de loi, c'est là, à mon humble point
de vue, qu'il outrepasse le mandat que lui a donné, à
l'unanimité, l'Assemblée nationale à l'époque.
M. PINARD: M. le Président, j'interprète ce passage comme
étant une incidente dans un rapport qui a quand même 240 pages. Je
pense que ce serait faire un procès bien injuste au Protecteur du
citoyen que de prendre une phrase dans un paragraphe d'un rapport qui contient
240 pages...
M. LAFONTAINE: II n'existe pas comme autorité, c'est une
incidence.
M. PINARD: C'est une incidente.
M. LAFONTAINE: Alors, est-ce que le ministre continue sans faire appel
au Protecteur du citoyen pour défendre sa thèse?
M. PINARD: Sauf que le Protecteur du citoyen, ayant analysé
beaucoup de plaintes, est en mesure d'éclairer le législateur et
l'administrateur public. C'était mon point de vue.
Je passe à autre chose pour dire que les députés
qui ont parlé cet après-midi et ce soir n'ont peut-être pas
tenu assez compte des amendements qui ont été apportés au
bill 88, à l'article 97 b). On a parlé d'intérêt, on
a parlé d'indemnité provisionnelle. Pour répondre au
député de Maisonneuve, par exemple, qui dit: Pourquoi ne pas
avoir inscrit dans la loi qu'il y avait obligation pour l'expropriant
d'accorder une indemnité provisionnelle équivalant à 100
p.c. de l'évaluation du bien exproprié, je ferai remarquer au
député que la loi dit: Une indemnité provisionnelle au
moins égale à 70 p.c. de l'évaluation du bien
exproprié. Donc, ça ne défend pas au corps expropriant de
payer plus que 70 p.c, il ne peut pas payer moins.
M. BURNS: Non, non, la loi parle de 70 p.c. de l'offre.
M. PINARD: Oui ou de la valeur, enfin on n'a qu'à se
référer au texte de l'article.
M. BURNS: Ou de l'évaluation, la plus élevée des
deux. Mais il reste quand même que l'offre est là.
M. PINARD: Bon, on n'a qu'à se référer au texte de
l'article 48. Je le signale en passant; lorsque nous arriverons en commission
plénière, nous discuterons le projet de loi article par article
et nous verrons ce que ça donne comme résultat.
M. le Président, je ne veux pas prolonger mes remarques, mais je
pense que ce projet de loi est bon, tout le monde l'a signalé. Qu'il
existe encore des carences, c'est fort possible, mais c'est seulement à
la lumière de l'expérience qui sera faite de bonne foi que nous
pourrons voir si vraiment nous avons fait un pas dans la bonne voie, et si le
régime qui est proposé, pour fins de discussion et d'adoption,
aux membres de cette Assemblée nationale, est meilleur et même
beaucoup meilleur que celui avec lequel nous avons vécu pendant si
longtemps, avec quand même des difficultés que nous avons
éprouvées lorsque la province de Québec s'est mise au
diapason du progrès des autres provinces et que nous avons
décidé de faire du rattrapage dans le domaine des travaux publics
et plus spécifiquement en matière de voirie, de construction de
routes et d'autoroutes.
Je pense avoir démontré de façon très
précise et d'ailleurs les députés qui ont
participé activement aux travaux de la commission parlementaire l'ont
dit avec beaucoup d'à-propos et d'esprit de justice que c'est un
bon projet de loi. Nous avons travaillé en équipe, comme nous
l'avons signalé cet après-midi, pour apporter des amendements de
substance, et je pense que ce projet de loi que nous avons en discussion ce
soir est, de beaucoup, meilleur que celui qui avait été
apporté comme instrument de travail pour permettre à
l'Assemblée nationale de légiférer selon les besoins de
l'époque dans laquelle nous vivons.
C'étaient là les remarques que j'avais à faire.
Nous allons passer tantôt en commission plénière; nous
allons travailler à la discussion de ce projet de loi article par
article, et s'il y en a qui veulent proposer des amendements, ils sont libres
de le faire, c'est même leur responsabilité et leur devoir. Nous
verrons ce que ça va donner. Pour le moment, je me contente de remarques
que j'ai faites au niveau du principe, de la substance même, du contenu
du projet de loi et nous attendrons cette étape de la commission
plénière avec beaucoup d'espoir.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Kennedy): Cette motion de deuxième
lecture est-elle adoptée?
Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. LEVESQUE: M. le Président, après consultation des
autres partis, je vais faire une motion pour que nous procédions
à l'étude de ce projet de loi article par article en commission
plénière, avec l'entente que, si nos travaux parlementaires
l'exigeaient, nous pourrions continuer en commission élue.
Alors, M. le Président, je propose que vous quittiez le fauteuil
et que nous puissions poursuivre l'étude de ce projet de loi en
commission plénière.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Kennedy): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté.
La Chambre se forme maintenant en commission plénière pour
l'étude du bill 88.
Commission plénière
M. LAMONTAGNE (président de la commission
plénière): Article 1. Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, à l'article 1, je tiens à
m'excuser d'abord quant à mon peu de connaissances de la langue de
Shakespeare. Voici qu'à l'article 1, version anglaise, on emploie le
terme Expropriation Court. Je suis heureux de voir que le député
de Saint-Louis a sa curiosité intellectuelle en éveil.
Expropriation Court n'est pas, à mon humble point de vue, le terme par
excellence qui devrait être employé ici, parce que l'Anglais qui
lira la version anglaise du projet de loi 88 en viendra vite à la
conclusion que nous avons créé une cour d'expropriation. Alors,
il conviendrait, à mon humble point de vue, de changer le terme qu'on
emploie Expropriation Court; par Expropriation Tribunal, en opposition à
l'expression que nous rencontrerons, par exemple, à l'article 3 de la
loi, toujours dans la version anglaise, alors qu'il sera question de Provincial
Court; là, le terme est exact. Peut-être que l'on pourrait retenir
l'expression Board, mais je l'aimerais moins.
M. PINARD: Régie.
M. PAUL: De toute façon, je ne sais pas si le ministre saisit le
danger de traduire Tribunal de l'expropriation par Expropriation Court. A mon
humble point de vue, nous ne devrions pas aller plus loin que le
législateur lui-même a l'intention d'aller. En second lieu, nous
ne devrions pas prêter flanc à une action en contestation de la
constitutionnalité de cette loi par la création d'un nouveau
tribunal que, malheureusement, la constitution canadienne, dans son texte
actuel, ne permet pas de créer. C'est pourquoi j'inviterais le ministre
à consulter les shakespeariens qui l'entourent pour qu'ils nous fassent
part de l'opportunité ou non de changer l'emploi du terme Court,
à la suite de l'expression anglaise expropriation.
M. PINARD: M. le Président, au comité de
législation, je me souviens qu'il s'est élevé un
débat à ce sujet. Personnellement, je me souviens avoir
préféré le mot "Tribunal de l'expropriation."
M. PAUL: En français, il n'y a pas d'inconvénient.
M. PINARD: En effet, comme vient de le souligner le député
de Maskinongé, la cour Provinciale est l'organisme
générique, tandis que le Tribunal de l'expropriation est une
émanation et a une action beaucoup plus spécifique.
Je serais peut-être enclin à donner raison au
député de Maskinongé sauf que je voulais savoir le motif
précis qui a fait que dans la nouvelle rédaction nous avons
choisi plutôt les mots "Expropriation Court" que Expropriation Tribunal.
J'ai demandé tantôt au ministre du Travail comment, dans le texte
anglais, on avait traduit le Tribunal du travail; est-ce qu'on a dit "Tribunal"
au lieu du mot Court? Le ministre du Travail fait des recherches en ce moment.
On pourrait peut-être laisser cet article de côté et nous
enquérir auprès des légistes et des linguistes pour savoir
pourquoi nous avons retenu en anglais Expropriation Court plutôt que
Expropriation Tribunal. Je peux aller faire la vérification tout de
suite et on pourrait, d'ici quelques instants, disposer de l'article 1.
M. PAUL: M. le Président, je suis content de voir que nous avons
un véritable bilingue maintenant pour préciser les travaux de
notre commission. A l'article no 2 j'attirerai votre attention, toujours dans
le texte anglais, à la quatrième ligne. Je reconnais encore ma
faiblesse dans la langue anglaise mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
mentionner Appeal Court plutôt que Court of Appeal?
LE PRESIDENT (M. Blank): On peut dire les deux en anglais. Je ne sais
pas quel est le terme dans le texte de loi mais on appelle cela Court of Appeal
ou "Appeal Court" couramment dans la langue. Mais je ne sais pas quel est le
terme officiel dans les statuts. C'est facile de trouver le statut qui a
créé cette cour et on va voir si c'est "Appeal Court" ou "Court
of Appeal". C'est la même chose, demandez à mon confrère
anglais, ici.
M. PAUL: Je n'insiste pas, M. le Président, sur cela.
LE PRESIDENT (M. Blank): Mais on peut vérifier. Si on change le
tribunal en premier, on doit faire de même dans le paragraphe 2.
M. BURNS: Les deux sont régulièrement utilisés,
inversement.
M. PAUL: On est plus habitué je ne dis pas que c'est plus
juridique à l'emploi du terme Appeal Court que Court of Appeal.
Article 2, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Blank): Oui, on suspend l'article 2. Article 3.
M.PAUL: A l'article 3, M. le Président, est-ce que...
LE PRESIDENT (M. Blank): Du côté anglais, encore?
M. PAUL: Non, là, je vais rester dans le français, je
retourne à mon naturel. A l'article 3, le ministre peut-il nous dire
pourquoi...
M. PINARD: L'article 2 est-il adopté?
M. PAUL: Non, il est suspendu également.
M. PINARD: Sous réserve de ...
M. PAUL: On est à la recherche. A l'article 3, le ministre
peut-il nous donner la justification pour laquelle il n'a pas suivi, par
exemple, la recommandation de la Corporation des éva-luateurs
agréés et de la Chambre de commerce de Montréal aux fins
d'augmenter le nombre de juges alors qu'à toutes fins pratiques il a
réduit de 33 p.c. le nombre de juges que le texte original
comportait?
La première impression de la loi 88 mentionnait 15 juges comme
membres du Tribunal de l'expropriation alors qu'aujourd'hui, dans la version
réimprimée de la loi 88 à l'article 3, on y trouve une
réduction de cinq membres au tribunal.
M. LAFONTAINE: II y a seulement cinq juges.
M. PAUL: Quand je parle de cinq juges, je parle toujours de membres, de
dix membres. Je remercie mon collègue, le député de
Labelle; vous voyez une fois de plus, M. le Président, que c'est un
homme averti en matière d'expropriation.
Il m'a arrêté sur la pente dangereuse vers laquelle je
glissais. Lorsque je parle de juges, je parle toujours de dix membres pouvant
former le tribunal de l'expropriation.
M. AUDET: M. le Président, sur ce troisième article nous
avons cru...
M. PINARD: Est-ce qu'on me permet tout de suite de donner les
explications relatives à l'article 1 et à l'article 2?
Des recherches nous permettent de constater que les deux termes
s'emploient: Expropriation Court et Expropriation Tribunal, mais je pense que
pour être constant dans l'appellation qui avait été faite
dans d'autres lois, vu que nous avons donné en anglais le nom de Labour
Court au tribunal du travail, le nom de Transport
Tribunal au tribunal des transports, je pense dis-je, que, dans les deux
cas, cela s'emploie, mais il faudrait quand même avoir certaine
constance.
LE PRESIDENT (M. Blank): Dans les deux exemples que vous donnez, vous
pouvez constater, peut-être que ça peut aider ici, qu'au Labour
Court, ce sont tous des juges, mais qu'au Transport Tribunal, ce ne sont pas
tous des juges. Etant donné qu'ici ce ne sont pas tous des juges, le mot
tribunal serait mieux. Parce qu'une cour, ce sont tous des juges. Ce n'est pas
ça la distinction? Je pense que cela ne change pas grand-chose.
M. PINARD: Je pense que c'est une distinction quand même
importante, parce qu'il y aura cinq juges.
M. PAUL: ... souci de perfection qui nous anime tous. Là, c'est
parce que je veux rejoindre le ministre.
LE PRESIDENT (M. Blank): Les mots Expropriation Tribunal.
M. PAUL: Le président a décidé, d'accord.
M. PINARD: Je n'ai pas d'objection à ce qu'en anglais on dise:
Expropriation Tribunal, si on tient pour acquis la distinction qui vient
d'être faite. C'est que ce tribunal, cette cour est composée de
cinq juges mais aussi de techniciens spécialistes en expropriation, en
évaluation, etc...
LE PRESIDENT (M. Blank): Les mots Court of Appeal sont plus
utilisés dans le texte de nos lois.
M. PAUL: Ils sont plus utilisés.
LE PRESIDENT (M. Blank): Oui, mais avec un "s", Court of Appeals. Dans
la loi on met toujours un "s", mais pas ici. On peut laisser Court of Appeal,
parce qu'on dit couramment: Court of Appeal.
M. PAUL: D'accord. Articles 1 et 2, adopté, M. le
Président.
M. LAFONTAINE: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait
m'expliquer pourquoi son tribunal est composé de dix membres et non pas
de quinze? Pourquoi sur les dix membres, y a-t-il cinq juges de la cour de
Magistrat? Pourquoi le ministre, du même coup, assure-t-il ces gens d'un
contrat de dix ans par loi?
M. PINARD: C'est que nous avons constaté que pour faire face aux
besoins et pour permettre aussi la négociation des dossiers
d'expropriation à l'amiable, il fallait évidemment mettre des
juristes au sein du tribunal. Nous avons décidé d'en faire nommer
cinq, mais nous devons également faire nommer des techniciens
spécialistes en expropriation, en évaluation qui vont faciliter
des procédures où il y aura moins de juridisme, qui vont
provoquer dans la majorité des cas des règlements à
l'amiable, qui seront éventuellement sanctionnés par le tribunal
de l'expropriation. Je pense que c'est la distinction importante qui fait que
nous avons préféré réduire le nombre des membres du
tribunal pour en arriver à faire une bonne composition face aux besoins
que nous connaissons en ce moment.
M. LAFONTAINE: Le ministre vient de dire qu'il nomme cinq juges parce
qu'il veut nommer cinq juristes. Est-ce qu'il est nécessaire, pour
nommer cinq juristes, de faire nommer cinq juges? Est-ce que cinq avocats sans
le titre de juge peuvent être cinq juristes? J'ai l'impression que c'est
un genre de prostitution de la cour du Magistrat. Quand on veut nommer
quelqu'un à un poste, on le nomme juge puis après ça on le
protège puis on l'envoie à une job. On a tellement peur qu'on lui
enlève son statut qu'on le protège par la loi pour dix ans. Il y
a tout de même une limite! Un avocat qui est nommé juge est
nommé à vie. A moins de mauvaise conduite, il est nommé
à vie.
On veut tellement lui assurer sa job au tribunal d'expropriation qu'on
le protège en plus par la loi pour dix ans, et on sait qu'un
gouvernement peut être véreux, à un moment donné,
parce qu'on en a déjà vu dans le passé. H n'aime pas la
loi, il n'aime pas le gars qui est en place, on change la loi et le gars n'a
plus son dix ans de protection. On a déjà vu cela il n'y a pas
tellement longtemps.
Alors, je me demande pourquoi, en même temps qu'on nomme un
juriste et qu'on nomme des juges de la cour du Magistrat, en plus on les
protège pendant dix ans. H y a tout de même une limite à
rire du monde.
M. AUDET: M. le Président, sur l'article 3...
M. LAFONTAINE: M. le Président, j'ai posé une question au
ministre.
M. AUDET: Ah!
M. PINARD: Je pense qu'il est assez facile de comprendre pourquoi on
nomme des juges à un tribunal. C'est parce qu'il y a des questions de
droit qui doivent être décidées et aussi des questions de
faits. Mais il faut être assuré de l'indépendance, du
comportement du ou des membres du tribunal qui ont à rendre des
jugements ou des ordonnances qui ont valeur judiciaire, qui peuvent être
susceptibles d'appel. Je pense que c'est important parce qu'il y a des
questions de droits importantes en jeu.
Ce n'est pas non plus une raison pour ne nommer que des juges à
un tribunal. Lorsqu'il y
a des problèmes d'ordre technique à évaluer, je
pense que c'est excellent de nommer des juristes, qui vont s'occuper des
questions de droit très importantes en matière d'expropriation,
et de nommer également, au tribunal, des assesseurs qui sont membres du
tribunal, qui vont faire l'évaluation technique en matière
d'expropriation, qui vont préciser les règles d'évaluation
et qui vont faire des recommandations de la plus haute valeur, nous
l'espérons, aux membres du tribunal qui, eux, sont des juges, qui ont
à juger à la fois des questions de droit et de fait et qui vont
sanctionner, par leur ordonnance, par leur jugement, l'évaluation enfin
qui sera payée à l'exproprié et qui font droit, en quelque
sorte, à la réclamation de l'exproprié. Alors, je pense
que c'est assez facile à comprendre.
M. LAFONTAINE: M. le Président, je viens d'entendre le ministre
dire que le tribunal est composé de cinq juges, qui sont des juristes,
et de cinq assesseurs qui font des études et conseillent les cinq juges.
Ce n'est pas cela que l'article 3 dit. L'article 3 dit que le tribunal est
composé de dix membres, dont cinq juges de la cour du Magistrat. J'ai
l'impression que les cinq autres membres du tribunal sont aussi membres du
tribunal que les cinq juges qui viennent de la cour du Magistrat. Alors, ce ne
sont pas des assesseurs. Ce sont, au même titre, des juges du tribunal,
des membres du tribunal. Alors, je pense bien que le ministre, dans son
explication, est embarqué dans une tangente.
Maintenant, le ministre dit: On les nomme pour dix ans pour assurer une
continuité, pour assurer une tranquilité du tribunal. Je m'excuse
mais on a eu un exemple, il n'y a pas tellement longtemps. Il y avait ce qu'on
appelait la Régie des alcools. Il y avait un juge qui s'appelait le juge
Lacoste, qui était nommé pour dix ans, en vertu de la loi. On
n'aimait pas le juge Lacoste. On a changé la loi. Le juge Lacoste n'est
plus président. Là, on va forcer n'importe quel gouvernement, y
compris le gouvernement qui est en place, à un moment donné,
à nommer dix personnes, cinq juges de la cour du Magistrat et cinq
personnes prises dans le grand public, et cela ne marchera pas. On va chercher
un amendement à la loi. En amendant la loi, on va amender cet article
pour être capable de dégommer la personne qu'on a nommée.
Je me demande pourquoi le gouvernement se donne une jambette en les nommant,
par une loi, pour dix ans. La personne, qui est nommée au tribunal, est
compétente ou n'est pas compétente. Si elle n'est pas
compétente, elle ne doit pas demeurer là. Si elle est
compétente, je pense bien qu'elle n'a pas besoin d'un article de
protection pour dix ans pour la garder en fonction.
Alors, je me demande pourquoi le ministre met "dix ans".
Le ministre n'a pas compris ma question, je pense qu'il parlait.
M. PINARD: Il faudrait que le député lise...
M. LAFONTAINE: Je me demande pourquoi le ministre met...
M. PINARD: ... le texte de l'article 46. Oui, mais si le
député veut lire le texte de l'article 46, il va voir comment va
fonctionner ce tribunal.
M. LAFONTAINE: Oui.
M. PINARD: Le tribunal va fonctionner avec des membres. Cinq seront
juges. D'autres ne le seront pas mais ils seront des spécialistes en
matière d'expropriation, qui vont aider le tribunal à rendre des
jugements.
M. LAFONTAINE: Ils vont aider les cinq juges de la cour du
Magistrat.
M. PINARD: Les juristes vont s'occuper des questions juridiques et les
spécialistes de l'expropriation vont s'occuper de la partie technique
des dossiers d'expropriation.
Il y aura également, dans l'organisation de ce tribunal, sans
qu'ils soient membres ad hoc, des officiers qui, eux, vont quand même
faciliter le règlement à l'amiable des dossiers
d'expropriation.
Je trouve que c'est bien équilibré, que c'est une bonne
composition. C'est un tribunal qui sera constitué spécifiquement
pour faire face à des problèmes d'expropriation.
M. LAFONTAINE: M. le Président, j'entends le ministre parler de
juristes. Je n'ai rien contre les juristes, mais un juriste n'est pas
nécessairement un juge de la cour du Magistrat. Il peut prendre,
à un moment donné, cinq avocats qu'il veut nommer à son
Tribunal de l'expropriation, cinq brillants avocats, bien brillants, les
avocats. Il les prend. Du moment qu'il les nomme juges de la cour du Magistrat,
il peut avoir, à côté de lui parmi les cinq autres un
arpenteur, un ingénieur, un architecte. Qu'est-ce qu'on leur donne,
à ceux-là? Un suçon? Rien. Eux autres, ils demeurent dans
le civil. Ils ne jugeront jamais dans les cours du Magistrat; ils seront
seulement au tribunal du travail. Ils n'ont pas de pouvoirs autres que ceux
attribués aux dix membres du tribunal. Pourquoi nom-me-t-on les cinq
juristes?
Si, à un moment donné, parmi les juristes que le
gouvernement nomme, il nomme un juge, deux juges, trois, je n'ai pas
d'objection. Mais pourquoi l'obligation de nommer les cinq juristes juges? Je
ne la comprends pas, celle-là. Est-ce pour services rendus dans le
passé au Parti libéral; un genre de récompense, un genre
de suçon? Est-ce ce qu'on veut faire vis-à-vis de certains
avocats?
Je demande, à part cela, au ministre pourquoi, en plus de les
avoir nommés juges, on les protège par une loi pour dix ans.
M. PINARD: M. le Président, je pense que, si le
député de Labelle a bien lu la loi, il va constater qu'il y aura
des bancs, plusieurs bancs. Des juges vont juger à Montréal;
d'autres vont juger dans le district judiciaire de Québec.
M. LAFONTAINE: Trois à Montréal, deux à
Québec; cela fait cinq.
M. PINARD: Je pense que c'est bon, aussi, de leur donner
l'indépendance judiciaire, la sécurité pour être
sûr d'en arriver à...
M. LAFONTAINE: M. le Président, je m'excuse. J'arrête le
ministre. Un juge, normalement, est libre de toute attache politique. Je ne
peux pas comprendre qu'en plus de le nommer juge, on lui promette sa job pour
dix ans, pour l'assurer qu'il soit neutre. Du moment qu'il est nommé
juge, il est neutre. Pourquoi ces dix ans supplémentaires?
M. PINARD: M. le Président, en tenant pour acquis que je prends
un juge de la cour Provinciale actuellement en fonction et que le conseil des
ministres décide de le nommer au Tribunal de l'expropriation, il le
nomme pour une durée de dix ans.
M. LAFONTAINE: Pourquoi?
M. PINARD: Pour qu'il puisse accomplir son travail.
M. LAFONTAINE: Mais si, au bout de six ans, il est rendu sénile
et qu'il ne s'en rend pas compte, le gouvernement est pris pour quatre ans de
plus avec lui.
M. PINARD: A ce moment-là, nous y verrons. Il y a des lois pour
cela.
M. LAFONTAINE: Je ne le comprends pas.
M. PINARD: II y a, quand même, la Loi des tribunaux
judiciaires.
M. LAFONTAINE: Non, le seul geste du gouvernement, à ce
moment-là, c'est d'amender sa loi comme il l'a fait pour la Loi de la
Régie des alcools. On se dit: Le juge est gênant; on va changer la
loi et on va changer le juge. C'est clair. C'est ce qu'on a fait
dernièrement. Et, là, pour qu'il ne gueule pas trop, on dit: Ne
parle pas trop. On va te garder cela, on va te donner tel avantage ici, tel
avantage là. Tu ne seras peut-être pas obligé d'aller
siéger tous les jours. Prends cela slack, mon gros! C'est comme cela
qu'on procède.
Je ne comprends pas le ministre qui arrive avec une chose comme cela,
qui dit, dans son article 3, cinq juristes, mais ce sont cinq juges. On les
nomme pour être bien sûr qu'ils vont l'avoir, la job.
Deuxièmement, on les protège avec une loi pour dix ans, pour
assurer leur intégrité. J'ai l'impression, quand on nomme un
juge, qu'il doit être intègre. S'il ne l'est pas, on ne doit pas
le nommer. Mais jamais on ne doit garantir, par une loi, sa job pour dix ans
à un juge, pour avoir le bénéfice de son
intégrité. Le ministre ne m'a pas convaincu avec ses
explications.
M. COURNOYER: Avez-vous pensé qu'un juge qui est nommé au
Tribunal de l'expropriation ou qui est nommé au tribunal du travail,
pour ce que cela peut valoir, est dans des situations conflictuelles qui
peuvent faire en sorte qu'au lieu de le garder, comme cela, juge du Tribunal de
l'expropriation, on décide de l'envoyer à Chibougamau? Quand le
gars part de Montréal pour s'en aller à Chibougamau, c'est aussi
bien de lui donner son congédiement. Cela semble pareil. On peut
l'envoyer au Lac-des-Iles, pour administrer Sogefor.
M. LAFONTAINE: M. le Président, le juriste qui accepte
d'être nommé juge accepte les charges qui vont avec le titre de
juge, en même temps qu'il accepte son salaire.
M. COURNOYER: Oui.
M. LAFONTAINE: C'est le caractère itinérant de la
fonction. Qu'il aille siéger à Mont-Laurier ou qu'il aille
siéger à Chibougamau, ce sont des places du Québec. S'il a
accepté sa position, qu'il fasse son travail et, s'il n'est pas capable
de faire la job, qu'il démissionne. C'est clair, cela.
Il n'y a aucune façon de penser qu'on peut donner raison à
un juge pour lui mettre dans la tête qu'il doit faire sa job et l'assurer
d'une job de dix ans quand il est déjà juge pour le reste de sa
vie, à moins d'être révoqué pour cause par le
lieutenant-gouverneur en conseil.
M. COURNOYER: Est-ce qu'il y a une raison particulière? Est-ce
que le bill n'a pas été présenté comme ayant une
raison particulière de nommer un tribunal d'expropriation?
M. LAFONTAINE: Oui.
M. COURNOYER: II a été question aussi dans le passé
d'un tribunal du travail.
M. LAFONTAINE: Oui.
M. COURNOYER: Les juges qui ont accepté de venir siéger au
tribunal du travail, c'est parce qu'ils avaient une certaine
notoriété dans le monde du travail.
M. LAFONTAINE: Oui.
M. COURNOYER: Ils étaient acceptés par le conseil
consultatif avant de devenir juges du tribunal du travail. Si ces juges je les
change de place et que je les envoie à la cour Provinciale
ordinaire demain matin, vous pensez qu'ils vont accepter ça?
M. LAFONTAINE: Et après? Moi je connais un ancien ministre du
Travail de l'ancien gouvernement qui a décidé de traverser de
l'autre côté et il l'a fait d'après lui-même et
d'après sa conscience. IL était libre. Je pense bien que les
juges sont pareils dans la vie, ils sont libres de leurs faits et gestes. Et je
ne comprends pas un gouvernement...
M. COURNOYER: Le juge est toujours libre, ne comparez pas le
président...
M. LAFONTAINE: ... qui va s'atteler en arrière d'un homme pour
dix ans. Parce que le juge peut-être qu'aujourd'hui il est bon et que
dans deux ans il ne sera pas bon.
M. COURNOYER: C'est de moi? Je pensais que vous parliez de M. Bellemare,
qui était rendu à la commission ...
M. LAFONTAINE: Non, je parle du ministre, qui dit à un moment
donné: D faut promettre ça. Il n'y a personne qui peut promettre
ça dans la vie.
M. COURNOYER: Promettre quoi?
M. LAFONTAINE: Et pourquoi qu'on promettrait ça à des
juges de la cour Provinciale? S'ils ne veulent pas aller siéger au
tribunal du travail, qu'ils le disent au gouvernement et on ne les nommera pas.
Je vous garantis, moi, qu'avec le paquet d'avocats qu'on a dans le
Québec il y en a pas mal qui vont vouloir aller siéger là.
Je pense qu'ils vont vouloir accepter.
Mais pourquoi leur donner et leur promettre un contrat de dix ans par
une loi? Pourquoi? Cela protège quoi à ce moment?
M. COURNOYER: Je vous donne l'exemple. Je ne connais pas les sources
dans l'expropriation, mais je sais bien que ce n'est pas n'importe qui qui peut
être juge du tribunal du travail. Et, quand je le nomme au tribunal du
travail, il faut que je lui assure que c'est au tribunal du travail qu'il va et
non pas à la cour des petites créances.
M. LAFONTAINE: D'accord.
M. COURNOYER: Ce serait une punition pour lui de s'en aller à la
cour des petites créances parce qu'il n'aurait peut-être pas fait
mon affaire. C'est dans ce sens que je vous dis qu'on lui assure une
liberté parce qu'il a une "job" particulière, c'est tout.
M. LAFONTAINE: Je regarde le ministre à l'heure actuelle et il
n'a pas été nommé ministre du Travail par une loi pour dix
ans, comme il n'était pas nommé dans le passé.
M. COURNOYER: Il y a une désespoir de différence entre
ministre du Travail, juge et membre d'un tribunal. J'espère du
moins.
M. BIENVENUE: Ce serait même bon qu'il soit nommé pour dix
ans. Ce serait même une bonne chose.
M. LAFONTAINE: On est en train de me dire qu'au tribunal du travail, ce
n'est même pas pour dix ans qu'ils sont nommés, c'est à
vie.
M. COURNOYER: C'est encore pire. Pourquoi on fait ça?
M. LEVESQUE: II est bien placoteux, lui.
M. COURNOYER: Je n'ai jamais parlé de dix ans.
M. LAFONTAINE: On fait ça parce que la démocratie est
boiteuse au Québec.
M. COURNOYER: Pas boiteuse, c'est le judiciaire...
M. LAFONTAINE: On prend cinq avocats qui peuvent être bons
à l'heure actuelle. Non seulement on leur donne un poste où ils
n'ont plus besoin de plaider, mais ils sont juges en arrière d'un grand
bureau et ils écoutent tout le monde qui vient. Ils sont assurés
de leur salaire, de leur pension. Ils ont la sécurité en
arrière.
En plus de ça, on les nomme juges. S'ils ne font pas de mauvais
coups, ils sont juges jusqu'à leur pension.
M. COURNOYER: ... juges c'est-à-dire d'avoir leur salaire
jusqu'à la pension?
M. LAFONTAINE: Pour mauvaise conduite, ils vont être démis
par le lieutenant-gouverneur en conseil. Mais, non contents de ça, on
les nomme pour dix ans par la loi. Et là je me questionne, ma question
va sortir. Est-ce pour le gouvernement une façon d'avoir les juges de
son côté? Si ce n'est pas ça, je me demande pourquoi on les
nomme pour dix ans.
J'ai l'impression que dans le commun des mortels quelqu'un qui fait sa
job est aimé et continue à la faire. Mais quand on est
obligé d'arriver dans un texte de loi et promettre à quelqu'un
qu'on va lui garder sa job pour dix ans, c'est parce qu'on ne trust pas trop la
personne en question. Je me questionne. Pardon?
M. LEVESQUE: Adopté.
M. LAFONTAINE: Ah! non, ce n'est pas adopté. Je n'ai pas eu de
réponse logique à ma question. Pourquoi protéger des juges
de la cour Provinciale par un contrat, dans une loi, de dix ans? Est-ce que le
gouvernement je regarde, je vois le gouvernement ne se
questionne
pas? Si dans quelque temps, dans six mois, dans un an, dans un an et
demi ou deux ans, les gens qu'il a nommés ne font plus l'affaire,
comment fera-t-il pour les démettre? On sera obligé de changer la
loi.
On vient de s'encarcaner et on dit: Je te prends parce que tu es bon
aujourd'hui et je te garde pendant dix ans parce que tu es bon aujourd'hui. Et
peut-être, que, dans un an, un an et demi, deux ans, les juges qu'on va
avoir nommés et les autres personnes ne correspondront pas à
l'image qu'on s'attend des gens qui occupent la fonction. Et on est pris par la
loi, on ne peut même pas les changer, il faut les endurer pendant dix
ans. Ce n'est pas un cadeau, ça.
Si on veut les changer, il va falloir amender la loi.
LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté? M. PAUL: M. le Président
...
M. AUDET: Sans être contre l'amendement ou la motion du
député de Labelle pour enlever le dix ans. Nous croyons que
l'organisme qui s'en vient s'appellera le tribunal de l'expropriation, donc on
a supposé qu'il y avait des juges là-dedans. Puis, même on
a prétendu qu'il n'y en avait pas assez. Le 30 juin 1972, selon le
rapport annuel 71/72 de la Régie des services publics, il y avait,
à Montréal, 1,408 causes pendantes d'expropriation, non comprises
celles du Bureau d'expropriation de la ville de Montréal. A
Québec, à la même période, il y avait 721 dossiers
enn cours. Donc l'amendement que nous voulons présenter justement porte
à douze le nombre de membres du tribunal, de telle sorte qu'il y ait
à Montréal huit membres plutôt que six, et l'amendement se
lirait comme suit: Remplacer, à la première ligne du premier
alinéa, le chiffre dix par le chiffre douze; remplacer, à la
quatrième ligne du premier alinéa, le chiffre six par le chiffre
huit, et remplacer, dans la deuxième ligne du deuxième
alinéa, le chiffre trois par le chiffre quatre.
M. LEVESQUE: Impossible.
LE PRESIDENT (M. Blank): Cette motion est irrecevable, elle implique une
dépense d'argent de la couronne.
M. AUDET: Irrecevable, pourquoi?
LE PRESIDENT (M. Blank): Parce que c'est une dépense
additionnelle d'argent...
M. LESSARD: Dépense d'argent.
M. AUDET: Vous ne voulez même pas de copie?
M. LOUBIER: Si c'était le gouvernement, ce serait sans
intérêt.
M. AUDET: Oui. J'en ai un autre, M. le Président, sur le
même article.
M. LESSARD: M. le Président...
M. LAFONTAINE: M. le Président, j'ai laissé au
gouvernement l'initiative d'apporter un amendement à l'article 3, et vu
que je n'ai pas eu de succès dans mon intervention, j'aurais un
amendement à apporter à l'article 3 : qu'il se lise tel qu'il est
composé mais qu'à la deuxième phrase on biffe les mots
"pour dix ans".
M. PINARD: Qu'on biffe les mots "pour dix ans".
M. LAFONTAINE: Que l'article 3 se lise tel qu'il est écrit moins,
à la deuxième ligne, les mots "pour dix ans".
LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cet amendement est adopté?
Rejeté sur division?
M. LAFONTAINE: Le ministre est en train d'organiser ça et je sais
que j'ai touché le ministre au point sensible. Je connais le ministre
comme étant un homme responsable et je sais qu'il n'est pas pour bien
longtemps encore en politique; il va penser au geste qu'il est en train de
poser...
M. GARNEAU: Est-ce que le député de Labelle fait une
distinction entre...
M. LAFONTAINE: ... je pourrais dire, M. le Président, que j'ai
reçu ici des messages de députés de l'Opposition et du
pouvoir; je les ai ici mais je ne les lirai pas.
M. GARNEAU: Nommez-les.
M. LAFONTAINE: Mais ils sont bien étoffés.
M. GARNEAU: Nommez-les. Est-ce que le député de Labelle
fait une distinction entre les juges et les autres membres du tribunal?
M. LAFONTAINE: Non, M. le Président, j'ai fait la distinction
tout à l'heure; je ne comprends pas pourquoi on prend les juristes et
qu'obligatoirement on les nomme juges.
UNE VOIX: II y en a qui ne sont pas juristes là-dedans.
M. GARNEAU: Non, mais...
M. LAFONTAINE: Cela a été dit, M. le Président,
mais pour les dix ans, c'est tout le monde sur la même base. La personne
qui est là comme juge du tribunal, est bonne ou elle n'est pas
bonne.
M. GARNEAU: Et les autres?
M. LAFONTAINE: Si elle n'est pas bonne parce que le gouvernement,
ça arrive qu'il se trompe dans ses nominations et si jamais il
nomme une "plorine", il ne faudrait pas que le gouvernement du Québec,
que l'Etat du Québec soit pris avec la "plorine" pour dix ans. C'est
clair ça? Les dix ans s'appliquent à eux autres, je ne comprends
pas la question du ministre du Travail.
M. COURNOYER: Ma question c'est que le tribunal ici n'est pas
formé que de juges, si j'ai bien compris?
M. LAFONTAINE: II est formé de dix personnes dont cinq juges,
mais les dix sont nommés pour dix ans.
M. COURNOYER: Oui.
M. LAFONTAINE: Je trouve ça indécent.
M. COURNOYER: Les cinq juges, vous voudriez qu'ils n'aient pas, eux, la
protection des autres?
M. LAFONTAINE: Les cinq autres non plus. Ils vont prendre le boulot et
s'ils font bien, on les garde. Et s'ils font mal, c'est bien de valeur, s'ils
ne servent pas les intérêts supérieurs de la nation
québécoise, c'est dehors!
M. COURNOYER: Disons que le gouvernement...
M. LAFONTAINE: II faut arrêter à un moment donné de
créer des tribunaux pour caser des amis. Parce que c'est ça que
la loi veut dire ici, non seulement ça, on prend dix amis et on les
case. On en prend cinq qui sont avocats et on leur donne le titre de juges et
à part ça, on les protège pour dix ans, il y a tout de
même une limite.
M. HARDY: II ne se rend pas compte que c'est...
M. LAFONTAINE: Je veux bien concevoir que le gouvernement est libre
d'accorder ses largesses, mais qu'il fasse attention.
M. COURNOYER: Le député de...
M. LAFONTAINE: Ce n'est pas parce que le lieutenant-gouverneur en
conseil va nommer dix personnes, qu'il va nommer des gens qui connaissent leur
métier. Et peut-être ces gens-là et à ce
moment-là j'aide le gouvernement l'année prochaine ou dans
deux ans seront un embarras pour le gouvernement. Pas dans deux ans parce que
le gouvernement ne sera plus là mais définitivement
l'année prochaine.
M. COURNOYER: ... une décision qui n'est pas favorable au
gouvernement, ils peuvent être un embarras pour le gouvernement.
M. PINARD: M. le Président, on a tellement reproché aux
gouvernements qui se sont succédé je ne fais le
procès d'aucun gouvernement lorsqu'on a créé des
tribunaux ou des régies, de toujours nommer des personnes qui venaient
du monde juridique et qui faisaient beaucoup de juridisme, obligeant les
parties qui venaient plaider devant elles à faire beaucoup de
procédure, qu'on a voulu simplifier ça. On a rendu ça plus
humain, plus facile d'accès, et pour que ce soit plus explicite, pour
faire des procès moins longs, moins coûteux, comme il y a quand
même des questions très importantes en droit qui se
soulèvent en matière d'expropriation, parce que ç'a de
fortes incidences sur le régime de la propriété
prévue au code civil il y a d'autres incidences aussi, mais je
pense à l'incidence fondamentale cela fait quand même des
personnes capables de bien apprécier les situations, de bien juger les
dossiers, ça prend surtout des spécialistes en droit
d'expropriation.
Il n'y en a pas beaucoup. Tout le monde était d'accord pour dire
ça, pour l'affirmer ce soir. D est sûr que c'est l'intention du
gouvernement de nommer à ce tribunal des spécialistes du droit de
l'expropriation et nous allons aller en chercher. Mais ça
n'intéresse pas tout le monde d'être nommé au tribunal de
l'expropriation, parce qu'on préfère continuer dans la pratique
privée, et ceux-là qui sont de véritables
spécialistes en matière d'expropriation, pour la plupart ne
veulent pas être nommés juges. Ils veulent continuer à
exercer leur profession qui est beaucoup plus rentable.
Il y en a quand même qui sont intéressés au poste.
Nous avons l'intention de nommer parmi ceux-là des personnes vraiment
compétentes et capables d'imprimer un élan nouveau à ce
nouveau régime d'expropriation. En tant que juristes compétents,
ils vont avoir la sécurité, l'indépendance judiciaire pour
être en mesure d'établir une constance dans la jurisprudence.
Comment voulez-vous qu'un juge que j'irais puiser, que le gouvernement irait
puiser dans les effectifs de la cour Provinciale soit appelé à
venir siéger au tribunal de l'expropriation sans aucune garantie qu'il
sera là au moins pour lui permettre de travailler de façon
efficace, et pour lui permettre de juger avec une constance dans ses jugements
qui vont faire jurisprudence?
Si on ne lui donne pas cette garantie, comment voulez-vous qu'il soit
motivé, si demain, selon le caprice du législateur, du
gouvernement ou du ministre, il est retourné subito presto à la
cour des petites créances ou à un autre tribunal et qu'on se met
à faire des changements, à tout bout de champ, au sein du
tribunal des expropriations. Cela n'a pas de bon sens. Cela ne garantit aucune
efficacité de la bonne application de cette loi et ne donne aucune
garantie non plus que les expropriés qui réclament justice
recevront justice. Par contre, pour éviter d'avoir trop de juridisme
aussi, nous avons nommé des spécialistes qui ne seront pas
juges, qui ne seront pas juristes, qui sont des spécialistes en
évaluation et qui seront en mesure d'apprécier les dossiers au
plan technique.
Je pense que c'est une bonne composition pour former ce que nous
appelons le tribunal des expropriations.
M. LESSARD: M. le Président...
M. LAFONTAINE: Je n'ai rien contre les cinq juristes que le ministre va
nommer, va chercher. Je n'ai rien contre ça. Ce que je trouve curieux,
c'est qu'on va chercher cinq juristes. On veut s'assurer de l'apport de cinq
avocats, une continuité, et on les nomme juges parce que si on ne les
nomme pas juges, il n'y aura pas de continuité.
Par contre, on prend cinq spécialistes, dont un ingénieur,
un architecte, un arpenteur-géomètre, un évaluateur. Eux,
on ne peut pas les nommer juges. Si je suis le raisonnement du ministre, savoir
que pour assurer aux avocats une certaine continuité on est
obligé de les nommer juges, pourquoi ne nomme-t-on pas juges les autres
cinq membres du tribunal? On ne peut pas le faire, ce ne sont pas des avocats.
A ce moment-là pour les cinq autres, le ministre vient de dire qu'il n'y
aura pas de continuité, parce que le ministre a dit: Je ne peux pas
aller à la cour du Magistrat chercher cinq juges sans être
sûr qu'ils vont donner une continuité à la cour. C'est un
raisonnement qui ne se tient pas debout. C'est un point.
Deuxième point, je ne comprends pas le mandat de dix ans. Je
connais tellement le gouvernement qui est en face de moi. D y a un genre
d'office qui s'appelle l'Office des autoroutes. A un moment donné, on a
pris le président de l'Office des autoroutes, on ne voulait plus l'avoir
là, on l'a rencontré puis on a dit: Ecoute, il faut que tu
démissionnes. Le président a dit : Je suis nommé pour dix
ans. On a répondu : On sait que tu es nommé pour dix ans, on peut
amender la loi. On ne l'amendera pas si tu voulais t'en aller pour le
Québec à New York. Puis l'ancien président est rendu
à New York. On a négocié en arrière de la
couverture et à l'heure actuelle l'Office des autoroutes n'a même
pas de président. Pourtant, le président de l'Office des
autoroutes était nommé pour dix ans.
S'il n'était pas parti, on aurait fait comme dans le cas de la
Régie des alcools; on aurait changé la loi et le président
serait parti. Cette loi-là, cela me fait rire. On prend dix personnes et
on les nomme, par la loi, pour dix ans. C'est évident qu'on ne viendra
pas piger dans les effectifs de l'Union Nationale; c'est assuré. On va
regarder dans le contingent des avocats libéraux qui ont rendu service
au Parti libéral en 1970. On va dire: Viens ici, mon petit
bébé; voici ta récompense, ton suçon. On te nomme
juge; en plus de cela, on va te protéger par une loi pour dix ans. Si
jamais on perd le pouvoir, ils ne pourront même pas te mettre à la
porte. C'est exactement cela que la loi veut dire.
Par contre, si tu fais mal ton travail, on négociera ton affaire
ou on changera la loi. C'est peut-être l'article le plus dangereux, parce
que le reste de la loi est administré par ces gens-là, le
tribunal nommé en vertu de l'article 3. J'entendais tout à
l'heure le ministre me dire: "Quand je vais aller choisir les juristes." Le
chef de l'Opposition m'a demandé: Est-ce bien cela qu'il a dit? Oui,
c'est cela qu'il a dit. C'est le ministre qui va choisir les juristes et,
pourtant, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui doit les nommer. Je
vois le ministre des Transports avec un grand sas, sasser tout le monde. La
première qualité qu'on va demander à l'avocat qui va
être nommé juge, c'est d'être membre de l'Association
libérale. S'il n'est pas membre de l'Association libérale, il ne
passera pas. C'est la première qualification qui n'est pas
indiquée là-dedans. Je le dis pour ceux qui ne sont pas
initiés.
La deuxième chose, on prend un organisateur libéral et on
le nomme juge, pour ceux qui ont l'avantage d'être avocats; pas les
autres, ceux qui sont avocats. Après cela, on les protège pendant
dix ans par une loi. Je trouve cela, tout simplement, indécent de la
part du gouvernement de marcher de même. On a quelque chose à
cacher, de l'autre côté.
M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Labelle est au
courant...
M. LESSARD: M. le Président...
M. LEVESQUE: ... que le bill 62 a été adopté avant
Noël?
M. LAFONTAINE: Je ne comprends pas. M. LESSARD: M. le
Président... M. LEVESQUE: Pensez-y.
M. LAFONTAINE: C'est parce que le leader parlementaire me pose une
question. Des bills 62, M. le Président, il y en a eu toutes les
années. De quel bill 62 le leader parlementaire veut-il parler? Est-ce
le bill 62 qui est devenu le bill 28 et qui n'a jamais été
adopté?
M. LEVESQUE: Le bill 62 où s'est illustré le
député de Labelle.
M. LAFONTAINE: M. le Président, je ne sais pas, moi; je me suis
tellement illustré souvent dans la vie. Lequel?
M. LESSARD: M. le Président, je ne suis pas juriste, je ne suis
pas avocat, mais il me semble que cela apporte une protection, cette
affaire-là. Au moins, lorsqu'on veut changer un juge qui a
été nommé pour dix ans, on est obligé d'amender la
loi. Or, on est obligé de se
présenter devant l'Assemblée nationale pour amender la
loi. Si véritablement il y a un conflit entre le gouvernement et le
tribunal, qui doit être un tribunal indépendant justement pour
certaines raisons que j'ai tenté d'expliquer, c'est très
important, justement, qu'on n'ait pas de ballottage, comme la proposition,
à un moment donné, du député de Labelle pourrait en
apporter.
A ce moment-là, on peut arriver à un problème. Si
on ne fixe pas au moins dix ans ou cinq ans je m'en fous le
ministre pourrait dire chaque année: Ecoute, tu ne fais pas mon affaire,
tu t'en vas. Ou, au bout de deux ans : Tu ne fais pas mon affaire, tu t'en vas.
Tandis que, là, au moins, on est obligé de passer par
l'Assemblée nationale. On a eu le cas, par exemple, du président
de la Banque du Canada, il y a quelques années, Coynes au
fédéral. Je comprends qu'il fallait nécessairement passer
par la Chambre des communes, pour amender la loi, étant donné
qu'il était nommé pour dix ans. Au moins, le problème a
été posé devant la population du Canada par
l'intermédiaire des parlementaires.
C'est d'autant plus important que la Régie des services publics
actuelle vient de prendre position justement à rencontre du gouvernement
provincial. Le gouvernement du Québec est allé en appel sur une
décision de la Régie des services publics. Qu'est-ce qui aurait
pu arriver, par exemple, si ces gens-là n'avaient pas été
nommés pour dix ans? Le ministre dit: Ecoutez, vous autres, vous ne
faites plus mon affaire; on vous fait sauter. On en nomme d'autres et le public
n'est pas informé du tout. A l'Assemblée nationale, justement, on
a à surveiller le gouvernement dans des décisions importantes
comme celle-là, en ce qui concerne des tribunaux justement qui sont
importants, qui doivent avoir une certaine liberté vis-à-vis du
gouvernement au pouvoir.
En tout cas, comme parlementaire, moi, je pense qu'il est très
important que, lorsque le gouvernement décide, soit pour
sénilité ou pour autres motifs, de modifier le temps de
nomination des juges, il doive passer par les parlementaires.
Au moins, les parlementaires pourront juger le gouvernement, et ils
pourront en même temps, justement, expliquer à la population
québécoise si le gouvernement a mal fait en changeant ces juges
ou s'il a bien fait, c'est tout. Moi, je pense que c'est important pour
apporter une certaine sécurité à ces juges, une certaine
indépendance.
M. LAFONTAINE: M. le Président, j'ai entendu avec beaucoup
d'intérêt le député de Saguenay. Peut-être que
le député de Saguenay a oublié que, lorsque le
lieutenant-gouverneur en conseil va nommer ces dix membres, c'est le
lieutenant-gouverneur en conseil qui va les choisir.
M. LESSARD: Je suis d'accord.
M. LAFONTAINE: Du moment qu'il va les choisir, pour les embarquer il va
dire: T'as pas besoin d'avoir peur, on est là pour longtemps.
Deuxième des choses, il va dire à cinq de ces gens: Je te nomme
juge; non seulement je te nomme juge, mais je protège ta job pour dix
ans par la loi. Je trouve ça tout simplement indécent. C'est un
défi. Les personnes qui vont accepter d'être nommées au
tribunal de l'expropriation, ce sont des gens qui vont accepter un défi,
comme le ministre du Travail a accepté un défi quand il est
allé de l'autre côté, M. le Président. On ne le
blâme pas, mais il a accepté un défi. Jusqu'à
maintenant, ce n'est pas pire. C'est comme l'ancien secrétaire de M.
Lesage qui un moment donné des devenu ministre des Finances, il a
accepté un défi. Il n'est pas protégé, lui, par une
loi de dix ans.
M. PAUL: C'est moins bien.
M. LAFONTAINE: Pas plus que les anciens étaient
protégés par une loi de dix ans. Je les regarde tous, il n'y a
personne qui est protégé par une loi de dix ans. On prend dix
personnes dans le public, on les nomme là puis on dit à cinq
d'entre eux autres: On te nomme juge, tu peux être sûr que tu vas
être juge jusqu'à la fin de tes jours. Le député lui
il gagne $15,000, mais toi comme juge tu vas gagner $32,000, tu es
assuré d'un salaire. En plus, tu vas siéger là, tu vas
avoir droit à ci, tu vas avoir droit a ça. Le gars a un peu de
réticence, il dit: Je vais assez bien dans ma pratique privée. On
réplique: Ecoute, je vais te protéger encore plus, la loi te
protège pendant dix ans. Puis on embarque quelqu'un. Là, je
protège le gouvernement quand je le dis. Peut-être que le ministre
de la Voirie, tel que je le connais, n'ira pas chercher ces dix membres de son
tribunal de l'expropriation parmi les patroneux les plus honnis. Je connais son
niveau moral. J'ai l'impression qu'il va aller vers le plus beau choix, il va
prendre des gens qui n'ont jamais fait de politique partisane à nulle
part, des gens purs. Puis là il va les nommer. Je sais moi que le
ministre du Transport connaît très bien la grande
différence entre le bon patronage puis le mauvais patronage. Alors il ne
fera pas du mauvais patronage, il va faire du bon patronage. Il va aller
chercher dix belles figures, puis il va les nommer. Je vois qu'il est à
la veille de partir le ministre des Transports, mais qu'il pense à celui
qui va le suivre, celui qui va occuper la tâche qu'il occupe
présentement. Il va être pris peut-être avec deux ou trois
personnes qui ne répondent pas aux normes, parce qu'on les a mal
jugées. A ce moment-là, lui ou son successeur va être pris
pour sept, huit ou neuf ans à endurer cette personne qui ne fera pas son
travail. Cette personne est payée à même les deniers de
l'Etat. Je demande au ministre d'y repenser encore. Le leader du gouvernement
n'est pas ici, mais je pense bien que le leader du gouvernement, je le connais
assez, pense comme moi, exactement la même chose que moi. Il reste
à convaincre un peu le ministre des Transports.
M. HARDY: Est-ce qu'il vous a envoyé un petit billet?
M. LAFONTAINE: II va dire: C'est vrai, je peux peut-être me faire
organiser là-dessus. Si c'était un autre ministre, non, mais je
sais que le ministre des Transports lui il est en faveur du bon patronage, pas
du mauvais patronage. Il va prendre des belles figures, peut-être des
figures qui paraissent compétentes mais qui seront peut-être un
peu incompétentes en arrière. A ce moment-là, il vient de
geler le gouvernement. Là ça n'accélère pas le
règlement des causes. Je comprends mal le pourquoi des dix ans. La
personne qui va accepter un poste semblable, ce n'est certainement pas
quelqu'un qui est journalier, ce n'est certainement pas quelqu'un qui travaille
à la petite semaine, c'est certainement quelqu'un qui a de la voile.
Cela peut ne pas faire l'affaire au tribunal de l'expropriation, parce que le
gouvernement essaie d'intervenir, parce que les causes se jugent mal, parce que
sur les dix membres du tribunal il y en a cinq qui ne fonctionnent pas. Si
c'est quelqu'un de vigilant, si c'est quelqu'un qui se respecte, il va tout
simplement envoyer sa démission puis s'en aller. Je ne connais personne,
moi dans mon entourage, qui veut s'asseoir sur un siège puis attendre
que le temps passe. En plus d'en protéger cinq par une job de juge, si
on les protège en plus de ça avec la loi pour une durée de
dix ans, on vient de composer, à mon sens, une gang de paresseux qui
vont se fier sur la loi qui les protège pendant dix ans. Puis là,
ça va bloquer la bebelle.
M. LESSARD: M. le Président, je voudrais poser une question au
député de Labelle. Etant donné que ces juges peuvent quand
même être dans l'obligation de prendre des décisions
à l'encontre de certaines décisions gouvernementales, de
certaines expropriations qui ont été faites par le
ministère des Travaux publics, comment voulez-vous que ces gens puissent
être indépendants vis-à-vis du pouvoir?
M. LAFONTAINE: Parce qu'ils sont juges.
M. LESSARD: Voici, si ces gens sont intéressés, sont des
spécialistes en expropriation, sont intéressés à ce
travail, sont intéressés au tribunal du travail, comment
voulez-vous qu'ils soient indépendants vis-à-vis une
décision qu'ils ont à prendre, qui va à l'encontre,
à un moment donné, des intérêts du gouvernement si
le ministre peut toujours tripoter, tant qu'il veut, le changement des juges? A
mon sens, au moins, si le ministre décide que cela ne fait pas son
affaire, comme cela a été le cas pour M. Lacoste, le
président de la Régie des alcools du Québec, il
doit...
M. LAFONTAINE: Comme cela a été le cas pour Poliquin.
M. LESSARD: ... se présenter devant l'As- semblée
nationale et amender la loi. Là, on aura à juger le ministre. Je
ne sais pas mais...
M. PINARD: M. le Président, si le député de Labelle
voulait être juste là dans la discussion, il prendrait
peut-être le cas de l'ancienne Régie des transports. Qu'est-ce que
le titulaire actuel du ministère des Transports a fait à
l'ancienne Régie des transports?
M. LAFONTAINE: Je l'ai dit tout à l'heure.
M. PINARD: J'ai gardé tous les membres qui composaient l'ancienne
Régie des transports sauf le président, le juge Roger, qui a
demandé, plusieurs fois, à être relevé de ses
fonctions pour être renvoyé tout simplement à la cour
Provinciale. Il a fait sa demande au juge en chef Gold.
Nous avons fait droit à sa demande, même si nous lui avons
demandé, à plusieurs reprises, de rester en place pour assurer la
permanence jusqu'à ce que le tribunal des transports soit en vigueur et
puisse établir la continuité.
Les autres membres de la régie, je les ai gardés, sauf
ceux qui étaient arrivés à la retraite, qui ont
demandé à être relevés de leurs fonctions. Je n'ai
pas fait d'autres changements. J'ai gardé ceux qui étaient en
place pour établir cette continuité, pour être en mesure
aussi que le nouveau Tribunal des transports puisse partir d'une jurisprudence
établie et juger en fonction des dispositions de la nouvelle loi qui a
été adoptée par l'Assemblée nationale.
Alors, je pense que si le député ne veut pas susciter de
débat et veut être juste envers celui qui parle en ce moment et ne
pas faire de procès particulier, je pense qu'il se rendra à
l'évidence que c'est vrai ce que je lui dis et que je n'ai
tripoté dans la composition d'aucun tribunal, d'aucune régie.
S'il a des reproches à adresser, je ne pense pas les mériter ce
soir, qu'il les adresse à ceux qu'il pense coupables et qui
méritent ces reproches.
M. LAFONTAINE: M. le Président, le ministre ne m'a pas saisi. Je
ne veux pas l'accuser. D'ailleurs je l'ai dit, tout à l'heure, c'est lui
qui a déjà fait, dans le passé, une distinction bien nette
entre le bon patronage et le mauvais patronage. Je n'accuserai pas le ministre
des Transports, ce soir, d'avoir mal agi, etc.
Mais je viens de l'entendre parler pendant au moins trois minutes, M. le
Président. Il a dit: Le député de Labelle va admettre
qu'il y avait l'ancienne Régie de Transports et que je n'ai
changé personne là-dedans. Je n'ai pas voulu muter personne
là-dedans. J'ai gardé tout le monde. La seule chose, que j'ai
acceptée, c'est la démission du président qui est venu me
trouver, un M. Roger. Je me rends compte que le lieutenant-gouverneur en
conseil parle, ce soir, par la bouche du ministre des Transports. C'est clair
ça.
M. PINARD: Je suis membre du comité exécutif.
M. LAFONTAINE: C'est clair, ça. Il parle et c'est le gouvernement
qui parle, quand on sait que les régies, ce n'est pas le ministre qui
les nomme, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil. Là, il se
substitue au gouvernement en disant: Je n'ai pas fait ceci, je n'ai pas fait
cela. Je viens de l'entendre M. le Président. Là, il dit: Je vais
être indépendant du nouveau Tribunal des expropriations. Je le
crois, le ministre des Transports. Je crois qu'il va être
indépendant de cela. Mais ce n'est pas à cela que je pense. Je
pense, par exemple, à un député en cette Chambre, qui est
un de mes bons amis, d'ailleurs. C'est le leader parlementaire qui me faisait
penser, tout à l'heure, au bill 62, alors on m'a dit: Ce n'est pas le
bill 62 qui s'est changé en bill 28. C'est du bill 62, la réforme
de la carte électorale, dont le leader parlementaire voulait parler. Je
comprends. Mais en parlant de réforme de la carte électorale, je
lisais, ce matin...
M. TETLEY: A l'ordre! A l'ordre!
M.HARDY: Vous faites toute votre session entre deux nuages.
M. TETLEY: A l'ordre! A l'ordre!
M. LAFONTAINE: ... dans Montréal-Matin, que le maire de
Saint-Jérôme s'opposait à l'intrusion d'un
député de la région dans les affaires municipales. Je
voulais justement demander je n'ai pas eu le temps cet après-midi
parce qu'on a le droit seulement à quatre questions et la mienne
était la cinquième au ministre des Affaires municipales
s'il avait l'intention de procéder à une enquête dans le
cas de Saint-Jérôme pour savoir...
LE PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre!
M. LAFONTAINE: ... qui fait de l'intrusion dans le monde...
LE PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Revenez au projet de loi, s'il vous
plait.
M. LAFONTAINE: Je vais vous expliquer, M. le Président, le
parallèle que je veux faire relativement à ça.
LE PRESIDENT (M. Blank): Expliquez-moi. A part cela, je pense que vous
avez déjà dépassé vos vingt minutes d'au moins dix
minutes sur le même article.
M. LAFONTAINE: Ecoutez, je peux peut-être accepter votre parole,
M. le Président. Vous dites "je pense", cela veut dire que vous
n'êtes pas sûr. Vous n'avez pas de chronomètre.
LE PRESIDENT (M. Blank): Je n'ai pas de chronomètre, mais j'ai
regardé l'heure.
M. LAFONTAINE: J'ai regardé l'heure, M. le Président, et
je suis sûr qu'il me reste encore à peu près une minute et
demie. J'ai vérifié l'heure, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Blank): D'accord. Je vous donne une minute et demie et
je vais vérifier, cette fois-ci.
M. LAFONTAINE: Mais on ne sait jamais si le député de
Terrebonne, un jour, ne sera pas le ministre des Transports. S'il agit avec le
Tribunal d'expropriation comme il a agi avec la ville de
Saint-Jérôme c'est récent, dans le journal de ce
matin à quelle place allons-nous aboutir, M. le
Président?
Je pense que notre devoir de législateurs, ici, à nous qui
sommes présents ce soir, c'est d'empêcher le ministre de commettre
un impair. Pour les gens qui seront nommés là, il ne faudrait
tout de même pas qu'il y ait entente dans le genre: Ne t'en fais pas, tu
seras mon haut-parleur là-bas, mais je te nomme pour dix ans. Si la
personne n'est pas nommée pour dix ans, elle aura peur qu'en Chambre une
Opposition vigilante se lève et critique ses gestes. A ce
moment-là, cela va bonifier les gestes des cinq juges et des cinq autres
qui seront nommés.
M. le Président, je maintiens que la proposition que j'ai faite
tout à l'heure devant la commission se lise: "Que l'article 3 demeure
tel quel, moins les mots "pour dix ans", à la deuxième ligne". Je
suis assuré du concours du ministre des Transports parce que toute la
loi est basée là-dessus, le pouvoir discrétionnaire, avec
la protection qu'on accorde à dix personnes.
M. le Président, ma minute et demie est finie.
LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maskinongé
veut avoir ses vingt minutes?
M. PAUL: M. le Président, l'attitude du député de
Labelle m'inquiète.
M. LEVESQUE: Oui, nous autres aussi!
M. PAUL: Ah! pas pour les mêmes raisons! Je me demande quelle est
la motivation du député de Labelle de prendre autant de soin pour
protéger aussi clairement son ami, le ministre des Transports. Dans
l'argumentation qu'a présentée le député de
Labelle, j'ai décelé un souci de protection à l'endroit du
ministre des Transports qui m'inquiète. Il a, M. le Président,
invoqué des raisons protégeant en quelque sorte le ministre pour
le mettre à l'abri de toute critique possible à son endroit, et
pour qu'il ne s'encarcane pas, qu'il ne devienne pas captif, qu'il ne devienne
pas gêné de nominations pour une période de dix ans.
Je m'inquiète sérieusement quant à l'attitude du
député de Labelle et j'aimerais bien qu'il ait autant le souci de
combattre le gouvernement
qu'il en a à vouloir protéger le ministre actuel des
Transports.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je me demnande, quand
le vote viendra sur la proposition d'amendement du député de
Labelle, qui, en quelque sorte, a tout simplement pour effet de rayer, à
la deuxième ligne, les trois mots "pour dix ans", comment je voterai,
parce qu'en votant pour la motion, j'aurais l'impression de vouloir
protéger le ministre des Transports, comme son argumentation,
d'ailleurs, le prouvait. Quant à moi, j'hésiterais, et je
souhaiterais même, que l'amendement du député de Labelle
soit défait pour que le ministre ait les conséquences des
nominations qu'il aura à proposer au lieutenant-gouverneur en
conseil.
LE PRESIDENT (M. Blank): La motion du député de Labelle
est rejetée sur division.
M. PAUL: Un instant, un instant. Je vais le consulter.
LE PRESIDENT (M. Blank): Sur division? M. PAUL: Sur division.
M. AUDET: M. le Président, j'ai un autre amendement à
l'article 3.
LE PRESIDENT (M. Blank): A l'article 3, un autre amendement.
M. AUDET: Je crois, M. le Président, qu'on s'inquiète
peut-être du fait qu'il y a des gouvernements véreux et même
des juges véreux, mais je ne m'en offusque pas plus.
Pour rassurer le législateur, pour qu'il ait la certitude que le
tribunal est composé de personnes ayant la compétence minimum
requise pour remplir leurs responsabilités, j'aurais un autre amendement
à apporter ici, qui se lirait comme suit: "Ajouter à l'article 3
l'alinéa suivant, â la fin de l'article 3: Les autres membres du
tribunal doivent être choisis équitablement parmi les corporations
professionnelles suivantes: Le Barreau du Québec, la Corporation
professionnelle des ingénieurs, la Corporation professionnelle des
arpenteurs-géomètres, la Corporation professionnelle des
comptables agréés, la Corporation professionnelle des
évaluateurs agréés et la Corporation professionnelle des
agronomes".
M. HARDY: Cela va faire du monde!
LE PRESIDENT (M. Blank): Comment peut-on choisir...
M. AUDET: Ceci n'ajoute rien aux dépenses...
LE PRESIDENT (M. Blank): D'accord, la motion d'amendement est recevable.
Mais je me demande comment on peut diviser équitablement cinq par
six.
M. PAUL: Je vais vous donner un exemple,
M. le Président. Un bon jour, un père de famille
décède. Il avait 17 cochons à séparer. Et dans son
testament...
LE PRESIDENT (M. Blank): Ce n'est pas la loi des cochons, c'est
illégal.
M. PAUL: ... il était mentionné que le plus
âgé de ses fils bénéficierait de la moitié
des cochons.
M. LAFONTAINE: C'était un créditiste, le gars.
M. PAUL: Le deuxième bénéficierait du tiers. Et le
troisième du neuvième. Il n'y avait pas possibilité de
diviser et là la même inquiétude s'est emparée des
enfants, inquiétude que vous nourrissiez, M. le Président, quant
à la division des cinq.
A ce moment, le créditiste a trouvé la solution. Il a
emprunté un cochon chez le voisin, ce qui faisait 18 cochons. La
moitié de 18 faisait 9, le tiers de 18 faisait 6, ce qui faisait 15. Et
le neuvième de 18 faisait 2. Cela faisait 17 cochons. Le
créditiste est retourné avec son cochon et le problème
était résolu.
M. AUDET: M. le Président, j'aime autant m'occuper des cochons
que des avocats. C'est probablement le fait que je devais amender mon
amendement, parce que le premier amendement n'avait pas été
accepté. On prévoyait une augmentation des membres du tribunal.
C'est pour cette raison que le nombre figurant sur le deuxième
amendement ne correspond pas. Il faudrait en enlever un.
M. LESSARD: M. le Président...
M. LAFONTAINE: M. le Président, est-ce que je pourrais demander
au député d'Abitibi-Ouest de me répéter les
professions qui sont mentionnées dans son amendement?
UNE VOIX: Enlève le Barreau et le problème est
réglé.
M. AUDET: Le Barreau du Québec, la Corporation professionnelles
des ingénieurs...
M. LAFONTAINE: Est-ce qu'on me permet une question? Est-ce que le
député ne pense pas qu'avec cinq juges le Barreau est
suffisamment représenté au tribunal? Si le député
enlève le Barreau...
M. AUDET: Si on doit en enlever un, enlevons celui-là.
M. LAFONTAINE: A ce moment, je vais être d'accord avec le
député sur sa motion.
M. LESSARD: Ou bien que les dix membres soient choisis parmi les six
professions.
M. PINARD: Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'accepter
l'amendement du député d'Abitibi-Ouest, même si je trouve
qu'il a beaucoup de bon sens. C'est justement l'intention du gouvernement, du
Conseil exécutif d'aller chercher dans les professions
spécialisées en matière d'expropriation, en
évaluation, des personnes capables de bien évaluer les dossiers
qui sont soumis au tribunal et qui viendront prêter main forte à
ceux qui auront plus spécifiquement la tâche de s'occuper des
questions de droit.
Il est fort probable sinon certain qu'il y aura un
représentant des corporations mentionnées par le
député d'Abitibi-Ouest. Je ne pense pas que ce soit
nécessaire de l'inclure dans la loi. Cela va de soi.
M. AUDET: Nous savions que le président verrait à placer
ces professionnels dans le tribunal de l'expropriation. Nous voyons que
l'article ne mentionnait pas ces professions. C'est juste...
M. LAFONTAINE: Parlant sur la motion d'amendement du
député d'Abitibi-Ouest, est-ce que le ministre...
LE PRESIDENT (M. Blank): Seize minutes seulement.
M. LAFONTAINE: ... pourrait nous dire comment il entend que le
gouvernement s'acquitte de la tâche qui est mentionnée à
l'article 3, à quelle place ou de quelle façon le ministre ou le
cabinet vont-ils choisir les représentants ou les juges ou les dix
membres du Tribunal de l'expropriation? De quelle façon va-t-il faire
cela? Le ministre a dit tout à l'heure, en réponse au
député d'Abitibi-Ouest, qu'il est évident qu'il va
regarder du côté des arpenteurs, des ingénieurs, des
évaluateurs etc. A-t-il l'intention de consulter les corps
professionnels ou s'il a, tout simplement, l'intention de les nommer
lui-même sans consultation préalable?
M. PINARD: M. le Président, je pense que le député
de Labelle, qui a été ministre, sait comment ça se passe.
Nous avons des recommandations...
M. LAFONTAINE: Cela a changé depuis ce temps-là.
M. PINARD: ... valables qui sont faites par des corporations
professionnelles. Nous en avons eu justement. Tous ceux qui sont venus devant
la commission parlementaire représenter les intérêts de
leur corporation n'ont pas manqué, dans leur mémoire, de faire
les recommandations dont a parlé tanôt le député
d'Abitibi-Ouest. Mais, comme le nombre des membres du tribunal est
limité il faut le limiter je ne peux pas avoir la
représentation de toutes les corporations qui, plus
spécifiquement ou moins, sont versées en matière
d'expropriation.
Mais nous allons essayer de faire le meilleur partage et voir à
aller chercher les meilleurs membres possible pour qu'ils fassent partie du
tribunal.
M. LAFONTAINE: Le ministre vient de dire: Le député de
Labelle sait bien, parce qu'il a déjà été
là, comment ça fonctionne. Là, je me demande comment
ça fonctionne; je sais qu'il y en a beaucoup d'appelés, mais peu
d'élus.
M. PINARD: En tant que ministre, vous savez comment ça
fonctionne.
M. LAFONTAINE: Le ministre va être obligé de nommer dix
personnes parmi beaucoup d'appelés. Il va y en avoir seulement dix
d'élus. Je demande au ministre s'il a l'intention de consulter les corps
d'expropriateurs, etc., ou s'il va se fier simplement à son jugement ou
au jugement de son entourage. Je me demande comment le ministre va faire son
choix. Disons que le député d'Abitibi-Ouest a un peu vu ça
et il a dit: Il faudrait qu'il prenne ici et là; il a fait un genre de
carcan, d'accord. Moi, j'aimerais savoir, même dans le carcan
imposé si jamais l'amendement du député d'Abitibi-Ouest
est accepté, comment le ministre va faire pour choisir une personne de
chacune des professions qui sont représentatives au sein de ce Tribunal
de l'expropriation. A quelle porte va-t-il aller frapper pour dire: Avez-vous
quelqu'un à nous proposer? Le ministre va-t-il se fier, tout simplement,
à son jugement à lui et dire: Je connais assez le
problème, ça fait assez longtemps que je suis là. Un tel
serait bon, un tel serait bon et un tel serait bon. Est-ce de cette
façon que le ministre a l'intention de proposer au conseil des ministres
de nommer le tribunal de dix membres ou s'il a l'intention d'aller
vis-à-vis de la chambre de commerce, par exemple, ou vis-à-vis de
l'association des expro-priateurs de Québec ou vis-à-vis de la
chambre des notaires ou vis-à-vis des ingénieurs, des arpenteurs,
etc.? Est-ce que le ministre a l'intention de prendre l'avis des corps
intermédiaires ou s'il va prendre simplement l'avis du cercle qui
l'entoure?
M. PINARD: M. le Président, je pense avoir répondu assez
directement à la question tantôt. Je n'ai pas d'objection à
répéter. J'ai déjà consulté des corporations
professionnelles et j'attends des recommandations. On a déjà
commencé à en faire. Nous allons essayer de faire le meilleur
choix possible. C'est sûr que toutes les corporations qui sont
directement ou indirectement mêlées au domaine des expropriations
veulent être représentées, comme c'est arrivé dans
bien des cas. Mais je leur réponds qu'il y aura dix membres au Tribunal
de l'expropriation. Vous comprenez que, forcément, je ne peux pas avoir
une représentation de toutes les corporations qui sont
intéressées.
Nous allons choisir parmi les meilleurs, et
qui me dit que, compte tenu des problèmes que nous connaissons en
matière de protection de l'environnement, ça ne prendrait pas un
écologiste? C'est une nouvelle profession qui a été
formée très récemment, mais qui répond aux besoins
de la situation, aux besoins de l'heure. Je pense que ce sera un
élément très valable qui pourrait être amené
au sein du tribunal.
Mais ma décision n'est pas faite là-dessus, je consulte.
Je pense qu'on peut faire confiance au Conseil exécutif et je pense que
c'est naturel aussi de faire confiance. Tout le monde ne peut pas être
membre d'un tribunal ou d'une régie.
M. LAFONTAINE: Tout de même, le ministre va admettre quelque
chose. C'est que d'une recommandation de quinze membres il en fait, dans son
optique, une chose coercitive de dix membres. Quand le ministre décide
de dire, parce que c'est lui qui parraine la loi devant la Chambre qu'au lieu
de quinze membres ça va être dix membres, c'est parce que le
ministre dit: Quinze membres ça va être trop, mais dix membres
ça devrait assez bien fonctionner. Je pense bien que le processus mental
du ministre doit voir des gens qui sont en place.
Le ministre je viens de l'entendre parler de peut-être un
écologiste. Alors je sais que le ministre est sérieux, là
je commence à me questionner. Il vient de dire: Peut-être un
écologiste. Si après-demain il pense qu'un écologiste sera
rentable au tribunal du travail, comme il a fait voter sa loi avec seulement
dix membres, il devra l'amender pour en mettre un onzième.
Alors je pense bien que le ministre est parti avec quelque chose dans la
tête. J'aimerais savoir de sa part quels sont les cinq juristes
épatants qui existent à l'heure actuelle dans le Québec et
qui seraient aptes à remplir la situation de juge de la cour
Provinciale.
M. BURNS: Et qui vont accepter de travailler à salaire fixe.
M. LAFONTAINE: Et qui vont accepter de travailler à salaire fixe.
Alors, je me questionne. Le ministre des Transports n'a certainement pas dit
cinq personnes à être nommés juges de la cour Provinciale
sans avoir personne en tête. Il y a certainement une personne en
tête, je le connais, parce que c'est une personne de précaution
mon ministre.
M. GARNEAU: Le député de Maskinongé.
M. LAFONTAINE: Quand il part il se fait un plan, puis il est
travailleur, il est loyal, puis il y va, mais il n'a pas mis dix pour rien. Je
suis bien sûr que le ministre a déjà catalogué les
dix dans sa tête. Qui va être président, par exemple?
J'aimerais ça. Qui va être président du tribunal de
l'expropriation? Qui va être le président, ce n'est certainement
pas moi.
M. HARDY: Pas vous.
M. LAFONTAINE: Je vais demander au ministre des Transports de ne jamais
recommander le député de Terrebonne, qui est avocat, parce que je
pense qu'il s'en vient une charge. Lui et le maire de
Saint-Jérôme, ça ne s'entend plus beaucoup. Ils sont pris
en chicane de convention. Lequel va aller dans Prévost? Alors, si une
personne qui est en autorité au point de vue provincial martyrise son
maire de Saint-Jérôme de cette façon-là, je le vois
mal occuper une situation de juge à la cour de l'expropriation. A ce
moment-là tous les déboires pourront lui être permis et
c'est le peuple du Québec qui en souffrira.
Moi, je connais assez le ministre, il doit savoir dans sa tête
déjà. Il a calculé tout ça, c'est dix membres, cinq
avocats, ah non! je viens d'entendre une chose, M. le Président, que je
n'ose pas croire. Certainement pas le ministre des Transports qui s'en va en
charge du tribunal de l'expropriation? Non, je connais assez le
député de Drummond; quand il va partir de là, il va s'en
aller puis il ne voudra plus jamais en entendre parler. Je suis assuré
de ça.
M. PINARD: Beau choix.
M. LAFONTAINE: Non, il accepterait peut-être, oui? Je le connais
assez, il n'est...
M. BURNS: II a une autre job.
M. LAFONTAINE: ... pas limité dans ses possibilités.
D'ailleurs je vais lui faire un compliment ce soir, il le mérite parce
qu'il a bien servi son parti.
M. PAUL: Pensez pas que ce n'est pas beau ça!
M. LAFONTAINE: Non, cela a été, de tous ceux que je vois
de l'autre côté j'en vois quelques-uns, à quelques
exceptions près peut-être le député
libéral qui a le mieux servi son parti, mais, Dieu merci, il n'a pas
été récompensé en conséquence, par exemple.
De toute façon, M. le Président, il est tard, il est minuit moins
sept; on serait prêt à accepter l'article 3 si le ministre voulait
nous dire qui il entend nommer. Les cinq avocats, les cinq juristes qui
devront, quand ils vont siéger, être des juges de la cour
Provinciale, est-ce que ce sont des juges qui existent à l'heure
actuelle ou des juges à être nommés?
LE PRESIDENT (M. Blank): Je ne veux pas empêcher le
député de Labelle de parler, mais son droit de parole sur cet
article est déjà écoulé. H parle maintenant sur
l'amendement. Son amendement ne touche pas les juges; il touche les cinq
autres.
M. LAFONTAINE: M. le Président, je m'excuse; je laisse tomber les
juges. J'espère que quelqu'un va me suivre pour parler des juges, parce
que j'aimerais savoir qui va être
président. Je suis assuré que ce sera un juge qui sera
président. Je vois le ministre des Transports qui regarde vers le haut;
je ne regarderais même pas vers le haut, mais je me questionne; j'en
connais, des juges.
M. GARNEAU: Si vous étiez assis à sa place,
peut-être que vous le feriez.
UNE VOIX: Est-ce qu'il y a des juges en haut?
M. LAFONTAINE: Est-ce que ce bill intéresse à ce point des
juges qu'ils viennent écouter les débats de l'Assemblée
nationale? Je n'oserais pas le croire, M. le Président.
M. BURNS: Ils n'ont même pas le droit de vote.
M. LAFONTAINE: Ils n'ont pas le droit de vote, M. le Président.
Je pense bien que, si jamais il y a un juge dans les galeries, il vient
simplement, en passant par Québec, voir la façon dont ça
marche à l'Assemblée nationale.
M. le Président, j'aimerais que le ministre nous dise qui il a en
vue. Il n'a pas restreint pour rien son choix à dix personnes, quand la
recommandation disait quinze. Il a certainement des personnes en vue, le
ministre. Je pense bien qu'il n'aurait pas d'objection à nous dire qui
et, personnellement, s'il nous donnait les noms des dix personnes qui seront
nommées, je serais prêt à accepter l'article 3.
M. MAILLOUX: Le député de Labelle est aussi curieux qu'une
femme.
M. BURNS: Je veux, tout simplement, appuyer la motion d'amendement faite
par le député d'Abitibi-Ouest; je la trouve tout à fait
raisonnable. Comme le Barreau est déjà très fortement
représenté par les juges qui feront partie du tribunal les
juges, tout le monde le sait, sont nommés parmi les membres du Barreau
je pense bien que c'était normal qu'il retire le Barreau de ce
groupe-là. Si on regarde les autres corporations professionnelles, ce
sont toutes des corporations dont les membres de ces corporations sont des
personnes essentielles.
Vous allez me dire que le tribunal pourrait toujours aller chercher des
services d'experts, vous allez me dire aussi que le ministre pourra toujours,
lui, décider ça sans que ce soit dans le projet de loi, mais moi
je dis: J'aime mieux le voir dans le projet de loi. J'aime mieux voir que ce
tribunal va comporter au moins un ingénieur, au moins un
arpenteur-géomètre, au moins un comptable, au moins un
évaluateur agréé. Ce que je crains, soit dit en passant,
c'est qu'on oublie de mettre un évaluateur. Je le crains
sérieusement si on ne le met pas dans le projet de loi. C'est pour
ça que j'appuie l'amendement du député d'Abitibi-Ouest.
Puis au moins un agronome. Il est fort possible qu'à un moment
donné on ait besoin de quelqu'un qui ait des idées sur ce qui se
passe dans le domaine agricole, à cause des fermes qui pourront
être expropriées. Je pense, entre autres, que ce n'est pas
exagéré de demander qu'il y ait un agronome là-dedans et
que les autres professions aussi soient là.
Le ministre nous dit: Laissez ça à ma discrétion.
Je dis: Bien non, j'aime bien mieux qu'on mette dans la loi la limite de votre
discrétion. On vous croit, M. le ministre, quand vous dites que vous
voulez en mettre de ces gens, de ces professions au tribunal, bravo ! Si c'est
votre intention, pourquoi éviter de l'écrire dans la loi? C'est
ça qu'on vous demande, tout simplement. Je suis entièrement
d'accord sur cet amendement que je vais appuyer, M. le Président.
M. LESSARD: M. le Président, je voudrais ajouter ceci. Le
ministre disait tout à l'heure: Pourquoi pas un écologiste,
pourquoi pas autre chose? Je pense bien que ce tribunal pourra toujours
s'associer d'autres experts qui sont peut-être moins reconnus au niveau
professionnel aujourd'hui puis au niveau des corporations, il n'y a aucun
problème. Je pense bien, que ce tribunal ne fonctionnera pas sans
s'associer à un certain nombre d'experts. En tout cas, le ministre
réfléchit...
M. LEVESQUE: Faites rapport.
M. AUDET: II y a seulement cinq postes à nommer. Ce ne serait pas
tellement difficile pour le ministre de déterminer les professions qui
siégeront au tribunal d'expropriation.
M. LEVESQUE: Faites rapport.
M. AUDET: Dès maintenant, on fait figurer à
l'article...
M. LEVESQUE: Faites rapport.
M. PINARD: Je pense que j'ai une bonne réponse à donner
quand même à la motion d'amendement du député. C'est
qu'à sa connaissance personnelle...
M. LESSARD: La mise aux voix.
M. PINARD: ... il y a eu plus de corporations professionnelles...
M. LESSARD: La mise aux voix, il est minuit moins deux.
M. PINARD: ... qui sont venues présenter des mémoires sur
le bill 88 que je ne peux nommer de représentant au sein du tribunal.
Alors pourquoi je m'encarcanerais? J'aime mieux être, libre de faire un
choix et d'aller puiser parmi les membres de ces corporations professionnelles
directement ou indirectement
intéressées par l'administration de la Loi de
l'expropriation et qui vont venir...
M. BURNS: M. le Président, il y a une motion du leader du
gouvernement de faire rapport actuellement.
M. PINARD: Oui, je comprends. Mais il n'est pas...
M. BURNS: Le ministre enfreint complètement le
règlement.
M. PINARD: ... minuit.
M. BURNS: Ce n'est pas moi qui ai fait la motion, c'est le leader du
gouvernement.
M. PINARD: M. le Président, si on était capable d'avancer
dans nos travaux; je réponds au député d'Abitibi, et je
pense qu'il va comprendre le bien-fondé de mon argument.
M. AUDET: Est-ce que le ministre veut dire, actuellement, qu'il veut se
garder la liberté d'échanger une profession contre une autre au
cours de l'existence du tribunal ou si, â un moment donné, il
décidera, une fois pour toutes, quelles seront les professions qui
siégeront au tribunal? Est-ce que vous le ferez plus tard,
définitivement, ou si vous voulez vous garder une porte de sortie pour
les changer suivant les besoins futurs?
M. PINARD: Le député peut faire confiance aux
législateurs, au conseil exécutif pour composer le
Tribunal...
M. BURNS: A l'ordre!
M. LESSARD: Les lois doivent être faites pour les pires
ministres!
M. PINARD: ... des expropriations avec des personnes
compétentes.
LE PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! M. LAFONTAINE: On ne sait
jamais.
M. PINARD: Même si on m'interrogeait pendant trois semaines, je ne
changerais pas d'idée là-dessus.
M. BLANK (président de la commission plénière): M.
le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que votre commission a
siégé, et n'a pas fini de délibérer et demande la
permission de siéger à nouveau.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontange): Quand siégera-t-elle?
Prochaine séance ou séance subséquente.
M. LEVESQUE: M. le Président, on sait le programme de demain
matin. A dix heures, à la salle 81, la commission parlementaire de la
justice; à la salle 91, la commission parlementaire sur les corporations
professionnelles; à la salle 93, les engagements financiers.
Je propose l'ajournement de la Chambre à demain, quinze
heures.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée ajourne ses
travaux à demain après-midi, quinze heures.
(Fin de la séance à 0 h 1)
ANNEXE
Question de M. Tremblay (Chicoutimi) 1. Depuis le 12 mai 1970, le
gouvernement du Québec a-t-il autorisé aucun de ses membres ou
fonctionnaires ou tout autre agent à trouver un locataire pour
l'administration de restaurants, bars, discothèques ou tout
établissement du même genre dans l'une ou l'autre des maisons de
la Place Royale à Québec? 2. Quels sont les locataires
intéressés à cette exploitation? 3. Les
représentants de Hilton International ont-ils été
rencontrés à cet effet, par qui et quand? 4. Des soumissions
ont-elles été ou seront-elles demandées et quand? 5. Quand
les baux de location doivent-ils être signés? 6. Quels espaces
seront loués et où sont-ils situés?
Réponse de M. Cloutier (Ahuntsic) 1. Non, aucune
autorisation n'a été donnée, les personnes
intéressées dans la location d'un logement ou d'un commerce
adressent une demande écrite au coordonnateur de Place Royale. 2.
Certains locataires anciens de la Place Royale désirent conserver leur
activité dans ce quartier, d'autres qui en ont entendu parler font
application.
3. Les représentants de Hilton se sont adressés au
coordonnateur, au début de l'été 1972. Ils ont
visité le chantier alors en cours.
A l'automne, ils ont visité à nouveau les lieux qu'ils
désiraient louer. 4. Pas de soumissions demandées, mais plusieurs
offres reçues (4 en tout). MM. Gérard Julien de
Montréal
Pierre Labossière, Guy Lefèvre, Jean-Jacques Racicot,
Mario Poudrette de Montréal Yves Simard, Québec (La Traite du
Roy) Hilton Place Québec Ltée. L'offre la plus avantageuse
était Hilton. 5. Le bail a été signé en mars 1973.
6. Les espaces sont les sous-sols des maisons Leber, Charest et St-Amant (rue
St-Pierre) et les étages en partie de la maison St-Amant.
Question de M. Lavoie (Wolfe) 1. Le ministère de l'Education
a-t-il autorisé la vente du Séminaire de Joliette, connu aussi
sous le nom de Société d'Education? 2. Dans l'affirmative: a)
à quelle date; b) à quel prix; c) à qui? 3. Quelle est la
subvention consentie par le ministère? 4. Quels sont les liens de
parenté entre l'avocat Serge Joyal et le notaire Claude Joyal qui ont
présidé à la négociation et à la
rédaction de documents juridiques dans cette affaire? 5. Me Serge Joyal
a-t-il été ou est-il encore à l'emploi du gouvernement
fédéral? 6. Sinon, depuis quelle date? 7. Quels sont les
honoraires reçus par chacun d'eux et sont-ils inclus dans le coût
de la transaction? 8. Quels sont les autres honoraires et à qui ont-ils
été payés?
Réponse de M. Cloutier (Ahuntsic) 1. Le
lieutenant-gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre de
l'Education, a autorisé le CEGEP de Joliette à acquérir
les biens, meubles et immeubles du Séminaire de Joliette et ce, par
l'arrêté en conseil no 1250-73 du 4 avril 73.
Cette transaction était toutefois sujette à une condition
: que les propriétaires du Séminaire de Joliette fassent
clarifier, par une loi privée, les titres de propriété et
ce, avant le 1er juillet 1973. 2. a) Le 6 avril 1973 b) $3,515,000 plus
$850,000 de dettes en cours, plus un intérêt de 5 1/2 p.c. depuis
le 1er juillet 1969, date d'occupation des lieux. c) Au CEGEP de Joliette. 3.
A) Le montant de $3,515,000. et les intérêts seront payés
à même le produit d'une émission d'obligations
spéciale qui sera acquise par la partie venderesse. Le ministère
subventionnera le remboursement du capital et des intérêts de
cette émission à chaque échéance.
B) La dette en cours sera remboursée, à
échéance, par le CEGEP à même une subvention du
ministère de l'Education.
C) Les subventions seront autorisées lorsque la condition de la
vente aura été satisfaite. 4. En autant que nous pouvons savoir,
Me Serge Joyal faisait partie de l'étude légale de Dugas et
Dugas, de Joliette, conseillers juridiques de la partie venderesse. Le
ministère n'est donc pas en mesure ni en droit de répondre
à cette question, non plus qu'aux question 5, 6 et 7. 5. N.A. 6. N.A. 7.
N.A. 8. A ce jour, des honoraires ont été payés à
l'arpenteur géomètre, Lucien Leclerc, au montant de $3,188.00
pour l'établissement du certificat de localisation des immeubles et des
terrains. Des honoraires seront vraisemblablement versés au conseiller
juridique, Me Luc Râtelle, et au notaire Luc Forest, dont les services
ont été retenus par le CEGEP de Joliette pour cette transaction.
Leurs comptes d'honoraires n'ont pas encore été soumis.
Question de M. Samson
1. Combien le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement a-t-il signé de contrats de location pour locaux
dans le comté de Rouyn-Noranda : a) pour l'année 1972; b) pour
l'année 1973? 2. a) Quels étaient les signataires de ces
contrats; b) quel était le montant de chacun; c) à quoi servent
ces locaux; d) quelle est la durée de chaque bail; e) dans le cas
où un immeuble est loué au complet, quelle est son
évaluation municipale? 3. a) Y a-t-il eu appels d'offre dans chaque cas;
b) s'il s'agit de contrats négociés, par qui l'ont-ils
été?
Réponse de M. Tessier 1. a) Trois (3) baux furent
signés en 1972; b) Aucun bail signé en 1973 à ce jour. 2.
a) Hôpital Youville de Noranda; b) 5,280 pieds carrés à
$3.10 pour un coût annuel de $16,368.00; c) Occupé par le
ministère de l'Education (Multi-Média); d) Durée du bail
est d'un (1 ) mois, renouvelable mensuellement; e) Edifice loué
partiellement. a) Docteur Roch Paradis; b) 1,458 pieds carrés à
$3.60 pour un coût annuel de $5,248.80; c) Occupé par la
Protection Civile du Québec; d) Durée du bail est de deux (2)
ans; e) Edifice loué partiellement. a) Hôpital de Noranda; b)
1,400 pieds carrés à $3.10 pour un coût annuel de
$4,464.00; c) Occupé par le ministère des Affaires sociales
(Service de Probation); d) Durée du bail est de un (1 ) mois
renouvelable mensuellement; e) Edifice loué partiellement. 3. a) Nous ne
procédons pas par appels d'offre pour ces locations. b) Les baux
susmentionnés furent négocies par notre Représentant au
Bureau Régional de Rouyn et furent soumis à Québec pour
approbation.
Question de M. Vincent 1. Quel était le nombre des
employés occasionnels dans la Fonction publique: a) au 1er avril 1970;
b) au 1er avril 1971 ; c) au 1er avril 1972; d) au 1er avril 1973? 2. Quel
organisme gouvernemental fixait la rémunération? 3. En vertu des
règlements en vigueur, quelles sont les circonstances qui autorisent les
ministères ou organismes à procéder à de tels
engagements? 4. Quelle doit être la durée maximum d'un emploi
occasionnel? 5. Par qui est établie l'éligibilité de
chaque candidat?
Réponse de M. Parent 1. Aucune donnée d'ensemble
n'existe sur le nombre d'employés occasionnels embauchés par
chaque ministère et organisme. L'engagement des employés
occasionnels relève de la compétence des ministères. Vu
qu'il y a des périodes de pointe au cours d'une année, il devient
impossible d'avoir des renseignement exacts. Pour répondre à une
telle question, il faudrait qu'un recensement soit effectué et qu'une
conversion en années-hommes soit faite. 2. Pour les fins de la
classification, des qualifications, de la rémunération et des
heures de travail du titulaire d'un emploi ou fonction d'un caractère
occasionnel, il appartient au chef du ministère de les déterminer
suivant la nature du travail à accomplir en tenant compte des conditions
applicables dans l'espèce aux employés réguliers de
l'unité administrative à laquelle tel titulaire est
assigné.
3. Besoin causé par une période de pointe ou un projet
spécifique. 4. Habituellement, quatre (4) mois et deux (2) mois de
prolongation. Une telle période peut être d'une durée plus
longue lorsqu'il s'agit d'un projet spécifique. Ex: Commission
d'enquête. 5. Par le chef de chaque ministère et organisme en
suivant les normes d'admission apparaissant aux divers règlements de la
Commission de la fonction publique.