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(Dix heures douze minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: M. le Président, je demanderais le consentement
unanime de la Chambre afin que les projets de loi puissent être
appelés, même ultérieurement au cours de la journée,
car les légistes m'avisent que les textes devraient être
prêts au cours de l'après-midi.
LE PRESIDENT: II y a consentement unanime à cet effet?
M. PAUL: Encore un exemple de collaboration, M. le Président.
LE PRESIDENT:
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DOCUMENTS DEPOSES
M.CASTONGUAY: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer
deux copies du rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie pour
l'exercice 72/73, de même que de l'annexe statistique couvrant
l'année 1972, et deux copies des communiqués de presse
émis par la régie à la même occasion.
M. PAUL: M. le Président, vous permettez que je pose une question
à l'honorable ministre? Peut-il nous dire quand il a eu ces rapports
pour dépôt à la Chambre?
M. CASTONGUAY: Vendredi matin, j'ai eu le rapport annuel. L'annexe
statistique n'a été livrée qu'au cours de
l'après-midi de vendredi. Il était impossible, à mon sens,
de les déposer au complet dès la journée de vendredi.
C'est la seule et unique raison.
M. PAUL: Je comprends que le ministre exprime, au moins, le regret que
nous ne les ayons pas eus pour préparer l'étude de la loi de ce
matin.
M. CASTONGUAY: Je doute fort que vous y trouviez des données qui
influencent beaucoup vos réactions par rapport à ce projet de
loi.
M. PAUL: La fin de semaine était longue; on aurait trouvé
quelque chose.
M. TETLEY: Cela commence bien.
LE PRESIDENT: Questions orales des députés.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
QUESTIONS DES DEPUTES
Usine Domtar de Trois-Rivières
M. LOUBIER: M. le Président, je ne sais pas si le ministre des
Terres et Forêts va être en mesure, en l'absence du ministre de
l'Industrie et du Commerce et du premier ministre, de répondre aux
questions que je vais lui soumettre. S'il était incapable de le faire,
je lui demanderais, à lui ou au leader parlementaire, de prendre avis de
ces questions pour que le premier ministre ou le ministre de l'Industrie et du
Commerce puisse me répondre demain.
Il s'agit de savoir pourquoi l'annonce officielle de l'achat par Kruger
des installations de Domtar à Trois-Rivières, annonce officielle
qui devait avoir lieu vendredi dernier, n'a pas eu lieu. Deuxièmement,
est-il exact que ce serait le gouvernement du Québec qui, à la
dernière minute, aurait fait avorter l'annonce de cette transaction et
de la reprise des activités de Domtar à Trois-Rivières? En
troisième lieu, serait-il exact qu'en ce faisant le gouvernement
mettrait de côté le projet de Kruger qui mûrit depuis dix
ans à Saint-Félicien et que ce serait une des raisons
fondamentales qui feraient que le gouvernement aurait fait avorter l'annonce de
cette transaction?
M. DRUMMOND: M. le Président, en ce qui concerne le projet de
Saint-Félicien sur cet aspect de la question, Kruger n'est plus dans le
jeu dans cette région. La raison pour laquelle l'annonce n'a pas
été faite vendredi dernier, c'est simplement qu'il n'y avait pas
entente entre la compagnie Kruger et le gouvernement vis-à-vis des
garanties d'approvisionnement. Alors il faut continuer les négociations
dans ce sens en essayant de trouver la bonne solution.
M. LOUBIER: Est-ce que j'ai bien compris le ministre quand il dit,
premièrement, que le projet de Kruger à Saint-Félicien est
définitivement mort et enterré?
M. DRUMMOND: Depuis assez longtemps, M. le Président, on transige
avec d'autres intéressés dans cette région et on essaie de
trouver une solution vis-à-vis des garanties d'approvisionnement pour
l'usine de Trois-Rivières.
M. LOUBIER: Maintenant, est-ce que le ministre des Terres et
Forêts est en mesure de
nous dire quand son ministère sera en position de régler
cet aspect de la transaction, c'est-à-dire l'approvisionnement en bois
pour Kruger?
M. DRUMMOND: Disons qu'on travaille très, très fort en
essayant d'arriver à une entente qui serait acceptée par les deux
parties. Dire que ça va se réaliser d'ici une semaine, ce serait
difficile, mais par contre c'est évidemment prioritaire d'essayer de
trouver cette solution.
M. PAUL: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que
le député de Trois-Rivières est mandaté de la part
du gouvernement dans ces négociations et assiste-t-il aux séances
prévues entre le gouvernement dans les circonstances le
ministère des Terres et Forêts et la compagnie Kruger pour
tâcher de conclure cette entente d'approvisionnement de bois?
M. DRUMMOND: M. le Président, je suis toujours en contact avec le
député de Trois-Rivières, qui suit le projet de
près.
M. BELAND: M. le Président, est-il vrai également que le
ministre aurait promis à la compagnie Kruger que le projet de la
cartonne-rie à Cabano ne partirait pas?
M. DRUMMOND: Non.
M. ROY (Beauce): Un instant, le ministre est prêt à
répondre.
M. DRUMMOND: J'ai dit non.
LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
Automobiles Firenza
M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Institutions financières. Suite à de nouvelles démarches
auprès du ministre par l'APA, le ministre est-il en mesure de nous dire
s'il a l'intention de répondre à ses demandes, notamment en
exerçant, au nom du gouvernement du Québec, des pressions
auprès du ministre fédéral, M. Herb Gray, et du ministre
des Transports, M. Jean Marchand, en ce qui concerne les plaintes des 259
propriétaires québécois de voitures automobiles
Firenza?
M. TETLEY: M. le Président, jusqu'à maintenant, j'ai
répondu à toutes les demandes de l'APA au sujet de la voiture
Firenza. J'ai une autre rencontre ce matin ou cette semaine avec le
représentant de l'APA à Québec, M. Rousseau.
M. SAMSON: M. le Président, une question supplémentaire.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire si c'est l'intention de son
ministère de demander que l'Office de la protection du consommateur
ouvre une enquête sur le bien-fondé de chacune des plaintes des
259 propriétaires de voitures Firenza au Québec?
M. TETLEY : Non, M. le Président, c'est un problème trop
compliqué. Comme je l'ai déjà dit, c'est un
problème plutôt pour le fédéral, mais nous allons
faire les pressions nécessaires auprès du fédéral
comme nous l'avons fait dans le passé.
M. SAMSON: Est-ce que l'Office de la protection du consommateur pourrait
étudier le cas de la publicité qui a été faite
autour de cette voiture, suivant l'article 60 de la loi 45?
M. TETLEY: Oui. J'accepte cette suggestion avec plaisir.
LE PRESIDENT: Le député de Gouin.
Stratégie de développement
économique
M. JORON: M. le Président, il n'y a pas beaucoup de ministres
économiques; je vais adresser ma question au leader parlementaire,
responsable aussi des Affaires intergouvernementales et de l'Office de
planification. Est-ce que le ministre peut nous dire comment il se fait qu'une
stratégie de développement économique pour le
Québec ait été publiée par le gouvernement
fédéral, rendue publique la semaine dernière par M.
Jamieson avant que le gouvernement ou l'Office de planification, dont le leader
parlementaire est responsable, l'ait fait?
Quelle a été la participation de l'Office de planification
du Québec à l'élaboration de cette stratégie de
développement? Est-ce que cette stratégie, enfin, correspond aux
objectifs du gouvernement du Québec? Est-ce que les objectifs
énoncés sont complets ou si vous en avez d'autres?
M. LEVESQUE: M. le Président, je crois bien qu'on ne peut pas
dire que le gouvernement fédéral a déposé une
stratégie de développement économique. Si mes
renseignements sont exacts, on a déposé le volume qu'on nous
avait déjà fait connaître ici lors de la visite de M.
Jamieson. Il s'agissait plutôt de donner un inventaire, un bilan de la
situation telle que vue par Ottawa. Nous poursuivons présentement des
études d'une façon intense afin d'être en mesure, le plus
tôt possible, de donner ce qu'on appellerait réellement une
stratégie de développement économique
préconisée, élaborée, articulée au
Québec.
M. JORON: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le
gouvernement entend prendre acte de quelques-unes des principales
recommandations de M. Jamieson? A titre d'exemple, j'en donne une de
mémoire: ses investissements accrus dans le domaine de la
sidérurgie. Est-ce que le gouvernement est prêt â prendre
acte de quelques-unes des recommandations?
M. LEVESQUE: Nous l'avons déjà dit, les résultats
qui paraissent dans ce document nous semblent, généralement
parlant, assez fidèles et assez exacts, mais cela ne veut pas dire que
cela couvre entièrement le sujet. Nous voulons, à l'invitation
même du gouvernement fédéral, faire connaître notre
point de vue et cela dans les meilleurs délais.
M. JORON: Par rapport â cette question de délai, faisant
peut-être une synthèse de ce qui a été publié
à Ottawa et de ce qui est peut-être en préparation à
l'Office de planification, est-ce que le ministre peut nous dire quand,
approximativement, le gouvernement de Québec peut présenter au
public une stratégie de développement pour le Québec?
M. LEVESQUE: M. le Président, il faut bien dire que
jusqu'à maintenant, nous avons énormément de
données; il y a eu beaucoup d'études de complétées.
Nous sommes à faire une évaluation grâce à la
collaboration qui existe entre le comité interministériel des
affaires économiques, l'Office de planification et de
développement du Québec et son groupe ministériel ainsi
que le Conseil du trésor. Des communications se font d'une façon
très intense présentement. Nous devrions à l'automne
être en mesure d'avoir un document complet ou aussi complet qu'on peut
l'avoir dans les circonstances. Il ne faut pas croire cependant que du
côté d'Ottawa et du côté de Québec la
situation est statique en attendant. Au contraire, de nombreuses rencontres ont
lieu présentement aux divers niveaux et particulièrement au
niveau du comité fédéral-provincial, le comité
provincial étant formé du sous-ministre des Affaires
intergouvernementales, du sous-ministre de l'Industrie et du Commerce et du
président directeur général de l'OPDQ. Même si les
documents ne sont pas complets ils servent présentement de base à
des discussions entre le gouvernement fédéral et le gouvernement
du Québec.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
Grains de provende
M. VINCENT: M. le Président, en l'absence du ministre de
l'Agriculture, j'aimerais adresser ma question au ministre des Finances, pour
deux raisons. D'abord, parce que je connais ses antécédents sur
le plan agricole et parce qu'au cours de la fin de semaine il a peut-être
eu l'occasion de rencontrer des membres de sa famille qui sont dans
l'agriculture. Est-ce que le ministre des Finances pourrait faire enquête
et par la suite faire rapport à la Chambre sur une question que j'ai
soulevée, il y a une dizaine de jours, concernant le prix des grains et
plus spécialement le prix de certains aliments à forts
pourcentages de protéines tels le colza et le soya qui avaient
augmenté au cours des derniers mois d'environ 400 p.c. Pourrait-il aussi
faire enquête, à savoir si le litige qui a été connu
au grand jour la semaine dernière et qui a amené le gouvernement
fédéral à imposer des embargos sur les importations de ces
aliments pour bestiaux va causer une perturbation encore plus profonde dans le
domaine agricole au Québec? Si le ministre était en mesure de
nous faire rapport ces jours-ci, ceci pourrait permettre aux agriculteurs de
faire leur planification, au cours des prochains mois, des prochaines semaines,
pour l'alimentation du bétail.
M. GARNEAU: Je prends avis de la question, M. le Président.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. LOUBIER: M. le Président, dans le même ordre
d'idées, est-ce que le ministre voudrait vérifier le
sérieux des menaces faites par le Danemark au Canada et aux Etats-Unis
concernant ces exportations pour le Danemark, et ces importations pour nous, de
ce que vient de mentionner le député de Nicolet? Je pense que
c'est pas mal plus sérieux qu'on n'est porté à le croire,
surtout si ces menaces devenaient réalité.
M. GARNEAU: M. le Président, peut-être que le
député de Nicolet a fait un lapsus lorsqu'il a parlé des
importations. Ce que le gouvernement fédéral, à ma
connaissance, a fait, c'est qu'il a, comme mesure de représailles,
bloqué les exportations et non pas les importations je pense que
le député de Nicolet a fait un lapsus ...
M. VINCENT: Les importations également.
M. GARNEAU: ... pour éviter qu'il n'y ait des exportations de ces
denrées vers d'autres pays. Mais je ne suis réellement pas en
mesure de donner une réponse sérieuse et complète au
problème qu'a posé le député de Nicolet, qui est
assez vaste et qui, évidemment, dépasse certainement les cadres
du ministère des Finances. Je vais en causer avec mon collègue.
Peut-être qu'au cours de la semaine on pourra donner une
réponse.
M. VINCENT: Mais, en prenant avis de cette question en vue de nous
apporter une réponse demain, est-ce que le ministre pourrait
également vérifier quelle sera l'influence de la
déclaration fracassante du ministre de l'Agricul-
ture, la semaine dernière, contre le gouvernement
fédéral sur les prix des grains? Il va falloir que cela donne un
résultat un jour.
M. PAUL: Ce n'était pas sérieux.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
Importations de bois venant du Maine
M.ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à
poser à l'honorable ministre des Terres et Forêts. Est-ce que
l'honorable ministre des Terres et Forêts pourrait nous dire s'il a
reçu une lettre du gouverneur du Maine, concernant le bois
exporté et transformé dans la province de Québec? Est-ce
que le ministre pourrait nous dire s'il est exact que le Maine
s'apprêterait à imposer des restrictions très
sévères sur l'exportation du bois?
M. DRUMMOND: M. le Président, je n'ai reçu aucune lettre
du gouverneur du Maine.
M. ROY (Beauce): M. le Président, est-ce que l'honorable ministre
pourrait nous dire si, à l'heure actuelle, il pourrait faire certaines
vérifications à l'effet que le Maine s'apprêterait à
imposer des restrictions très sévères sur l'exportation du
bois? Est-ce que le ministre des Terres et Forêts pourrait nous dire
également s'il compte se pencher sur ce problème et rencontrer,
si nécessaire, les dirigeants de l'Etat du Maine, compte tenu du fait
qu'un très grand nombre d'industries québécoises, le long
de la frontière américaine, vivent de cette importation, de cette
transformation du bois.
M.DRUMMOND: M. le Président, je comprends très bien le
sérieux de la question. Il y a évidemment des pourparlers depuis
quelques années avec l'Etat du Maine concernant tous nos
problèmes communs. Je peux assurer le député de Beauce que
le gouvernement continuera ses efforts pour protéger l'approvisionnement
des usines qui en ont besoin.
M. LATULIPPE: Une question supplémentaire, M. le
Président.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac, question
additionnelle.
M. LATULIPPE: Est-ce que l'honorable ministre serait en mesure de nous
dire si son ministère avait délégué quelques
autorités de son ministère aux dernières rencontres du
comité interministériel qui ont eu lieu, à la mi-juin,
entre les autorités du Maine et les autorités
québécoises des divers ministères, et est-ce que cette
question a été abordée par vos officiers à cette
réunion?
M. DRUMMOND: Oui, M. le Président, le ministère
était représenté à cette réunion.
M. LATULIPPE: Une question supplémentaire, M. le
Président. Y a-t-il eu des demandes formelles de la part du
Québec, y a-t-il eu une politique québécoise
d'annoncée aux autorités du Maine et, en retour, est-ce que les
autorités du Maine ont fait prévaloir certaines zones d'entente
ou certaines préférences pour l'avenir, quant à la
politique que les autorités du Maine entendaient adopter à cet
égard?
M. DRUMMOND: Disons, M. le Président, qu'on règle ces
questions en ayant des réunions d'une façon continuelle. Des
réunions qu'on avait commencées, même il y a un an, vont
continuer dans le but, évidemment, de protéger les
intérêts de la province de Québec.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une question supplémentaire, M. le
Président. A quel niveau se poursuivent ces discussions avec l'Etat du
Maine? Est-ce qu'il y aura des rencontres au niveau du ministre ou si ce sont
actuellement des fonctionnaires qui font les rencontres? Et est-ce qu'il y a
d'autres rencontres prévues prochainement?
M. LEVESQUE: M. le Président, il y a eu, en effet, des rencontres
assez régulières entre fonctionnaires, de part et d'autre. D y a
eu une réunion les 10 et 11 juin dernier, à Augusta. A cette
occasion, je représentais le gouvernement, au niveau ministériel.
Nous avons eu, avec le gouverneur Curtis, des échanges de vues sur
plusieurs sujets, particulièrement sur la question de
l'approvisionnement de bois dans l'Etat du Maine ainsi que les problèmes
de main-d'oeuvre qui se relient à ce problème,
II a même été question de la situation d'une
soixantaine d'usines dans le sud du Québec qui s'approvisionnent au
Maine.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Communications aux Affaires sociales
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Il
est sûrement au courant du malaise auquel a donné lieu, sur la
rive sud, l'implantation d'un nouveau système de communications. Est-ce
que le ministère a rencontré les fonctionnaires qui se plaignent
du temps et de la fatigue qu'exige la transcription sur de nouveaux formulaires
des dossiers de l'assistance sociale, du temps que cela leur enlève pour
rencontrer les usagers de la région? Et est-ce que des mesures ont
été prises pour corriger les mauvais côtés
nécessaires de l'implantation d'un nouveau système qui, par
ailleurs, est excellent?
M. CASTONGUAY: C'est la première nouvelle que j'ai de ce
problème. L'opération transfert au nouveau système
d'administration d'aide sociale se fait de bureau en bureau, selon un certain
calendrier. Et il est clair qu'au moment où dans un bureau la
transcription se fait en fonction du nouveau système ceci occasionne un
certain surplus de travail.
Mais nous avons précisément délégué
des équipes pour conseiller le personnel en place, l'aider et, à
ce jour, c'est la première nouvelle que j'ai à l'effet qu'il y
aurait un malaise dans un bureau donné.
Je vais prendre les renseignements nécessaires.
M. LAURIN: Question additionnelle. Je renvoie le ministre à un
article paru dans la Presse du mardi 5 juin. J'aurais voulu poser la question
bien auparavant, mais il y avait des questions plus urgentes à
poser.
Je voudrais poser une autre question au ministre. Etant donné que
l'implantation de ce système doit se poursuivre d'une façon assez
rapide à Montréal, à Québec et doit être
complétée dans un délai d'un an, le ministère
pourrait-il prendre des mesures pour que, dans les autres étapes de
l'implantation, on puisse éviter des obstacles auxquels on s'est
heurté et accélérer qualitativement aussi bien que
quantitativement l'implantation du système?
M. CASTONGUAY: Cela m'intéresse de savoir que la question du
député provient d'un article qu'il a lu le 5 juin dernier. Je
pense bien que, si le problème s'était perpétué,
nous en aurions entendu parler depuis.
Je sais, par les vérifications que j'ai faites, qu'au
début il y a eu un certain problème de communications entre les
bureaux locaux et l'ordinateur du ministère. Ainsi, pour un
après-midi de travail alors que normalement on aurait pu
s'attendre à ce qu'un agent d'aide sociale expérimenté
puisse transférer sur ordinateur un certain nombre de dossiers
à cause de problèmes de communications le nombre de dossiers
enregistré était beaucoup plus faible au début.
Ce problème a été résolu, selon le rapport
que j'ai reçu. Les responsables de la compagnie de
télécommunications sont venus et ont analysé la situation.
Aujourd'hui le rythme d'inscription a atteint la normale, de telle sorte que le
surplus de travail non anticipé au début ne semble
plus se produire présentement. Et c'est pourquoi je n'ai eu aucun
rapport à l'effet qu'il y avait malaise ou difficultés non
prévus dans la transformation du système.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, j'aurais eu une question
énergique à poser à l'honorable ministre des Richesses
naturelles, mais comme il est absent ainsi que quatorze autres ministres, je
vous saurais gré de donner la parole au député de
Chicoutimi.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
Grands Ballets Canadiens
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne suis pas beaucoup
plus chanceux, je désirais poser une question au ministre des Affaires
culturelles ou, à son défaut, à son adjoint parlementaire.
Est-ce que le leader du gouvernement pourrait refiler la question à ses
deux collègues et leur demander de nous faire rapport sur la situation
des Grands Ballets Canadiens dont on a dit qu'ils étaient en
difficultés très sérieuses?
M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): A quel moment, M. le Président, le
ministre peut-il nous assurer que réponse sera donnée à
nos légitimes inquiétudes?
M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de me
substituer à ce moment-ci à ceux à qui je dois refiler la
question.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.
Politique de câblovision
M. LATULIPPE: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre des Communications. Est-ce que le ministre serait en
mesure de nous dire si le comité qu'il avait formé dans le but
spécial d'énoncer la politique gouvernementale en matière
de câblovision a terminé son travail? Et est-ce que les travaux de
ce comité vont se traduire par la présentation d'une loi à
l'Assemblée nationale ou si ce sera seulement par réglementation
en vertu du bill 35?
M. L'ALLIER: M. le Président, est-ce que le député
pourrait répéter le début de sa question; c'est sur la
câblodistribution?
M. LATULIPPE: Sur les communications par câble, le ministre avait
formé récemment un comité spécial pour
établir la politique québécoise; j'aimerais savoir si le
comité en question a terminé ses travaux, si la politique
québécoise est prête et si ça va faire l'objet d'une
réglementation ou d'une loi.
M. L'ALLIER: M. le Président, nous n'avons pas formé de
comité spécial pour étudier les questions de
câblodistribution. Nous avons plu-
tôt préparé un projet de réglementation que
nous avons étudié avec les entreprises de
câblodistribution, et nous avons publié, il y a déjà
une dizaine de jours, dans la Gazette officielle, le projet de
réglementation. Je réfère le député à
la Gazette officielle d'il y a une dizaine de jours. Il y trouvera le projet de
réglementation sur le câble. Ce projet sera étudié
en commission parlementaire au cours de l'été.
LE PRESIDENT: Dernière question. L'honorable député
de Maisonneuve.
Congédiement d'employés de CLSC
M. BURNS: M. le Président, il y a quelque temps je posais au
ministre des Affaires sociales une question relativement au congédiement
de cinq employés du CLSC Hochelaga-Maisonneuve. Il devait faire
enquête à ce sujet et nous faire rapport. Sauf erreur, à
moins que j'aie été absent quand il l'a fait, je ne l'ai pas
entendu faire rapport. Est-ce que le ministre pourrait nous donner des
détails à ce sujet?
M. CASTONGUAY: J'ai fait rapport, M. le Président, à la
Chambre et je pense bien qu'à ce moment-là le
député était absent. Alors, ça va?
M. BURNS: Alors, je n'insiste pas.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales a une
réponse à une question posée antérieurement.
Centre hospitalier de Valleyfield
M. CASTONGUAY: Le député de Bourget m'a posé une
question vendredi matin au sujet du centre hospitalier de Valleyfield. Il m'a
demandé si ma mémoire est bonne si nous
prévoyions certains services bien spécifiques sur le plan de la
radiologie, de la physiothérapie entre autres.
On me dit qu'il y a maintenant aux termes d'un travail très
élaboré, une entente générale entre le centre
hospitalier et la Direction de la programmation du ministère sur
l'identification des services qui doivent être aménagés,
leur volume, la distribution des lits, etc. En d'autres termes, le travail de
la préparation du programme fonctionnel serait terminé.
Présentement, la Direction de l'équipement est en voie de
terminer une expertise pour déterminer jusqu'à quel point les
bâtiments existants peuvent être utilisés à des fins
spécifiques. Ce n'est qu'après cette phase qu'il sera possible
d'établir de façon définitive le programme de
rénovation et d'addition au centre hospitalier, après qu'un
inventaire définitif des bâtiments existants, de leur état,
de la possibilité de leur utilisation aura été
terminé.
Selon le rapport que j'ai ici, tout se déroule très
normalement, et ceci de façon conjointe, c'est-à-dire que le
travail s'effectue conjointement par le ministère et les responsables de
ce centre hospitalier.
M. LAURIN: Est-ce que le ministre a une idée d'une façon
hypothétique du délai qui reste avant le commencement de
l'exécution des travaux?
M. CASTONGUAY: Bien, une fois le programme approuvé, une fois
l'expertise sur les bâtiments obtenue et le programme de
rénovation, d'agrandissement fixé, il va falloir passer à
la phase de la préparation des plans et devis avant de pouvoir aller
à la phase des soumissions pour la construction. H reste encore un
certain nombre de mois pour concrétiser le projet ou le mener au terme
de la réalisation concrète de la construction et des
améliorations, des rénovations.
M. PAUL: Article 34.
LE PRESIDENT: Oui, allez-y.
M. PAUL: Est-ce que je pourrais savoir du leader du gouvernement quand
celui-ci a l'intention de produire le rapport concernant le projet de loi 6
modifiant la Loi des valeurs mobilières, deuxièmement, le rapport
de la commission de la justice concernant certaines lois qui ont
été étudiées à la commission de la justice?
Troisièmement, est-il vrai que c'est l'intention du leader du
gouvernement de convoquer à nouveau la commission des affaires
municipales pour l'étude du bill de la ville de Montréal et
possiblement une reconsidération du projet de loi de la ville de
Québec?
M. LEVESQUE: M. le Président, dans les deux premiers cas, je
pense bien que le rapport sera fait dès demain. Quand à la
dernière question, je sais qu'il y avait certaines modifications
mineures d'envisagées, mais je préférerais que le ministre
des Affaires municipales explicite ce sujet.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il faudrait effectivement que la
commission des affaires municipales siège brièvement, le projet
de loi de Montréal devant être modifié en ajoutant un
article. Certains députés se rappelleront qu'il y a un article
qui doit être ajouté pour prévoir une amélioration
de la pension de M. Pacifique Plante. Dans le cas du projet de loi de la ville
de Québec il y a également quelques additions qui ont
été acceptées par les conseillers juridiques de la ville,
qui ne comparaîtront même pas, pour établir une concordance
avec ce qui a été accepté dans le cas de Montréal,
quant à l'approbation du ministre de l'Industrie et du Commerce pour
certains gestes qui pourraient être posés par la ville.
M. PAUL: M. le Président, dans les circonstances, il semblerait,
d'après la réponse du ministre, que les parties ne seront pas
convoquées devant la commission parlementaire des affaires municipales.
Quand le ministre a-t-il l'intention de convoquer la commission des affaires
municipales, si on envisage une possibilité de terminer nos travaux
cette semaine?
M. GOLDBLOOM: Probablement demain, M. le Président, puisque ce
sera une séance très brève. Le leader du gouvernement
indiquera le moment.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une courte question
également à poser au leader du gouvernement en vertu de l'article
34. Est-ce que le leader du gouvernement, compte tenu du fait qu'il semble que
nos travaux seraient ajournés au cours de cette semaine, compte nous
annoncer, d'ici â la fin de nos travaux, que des séances de la
commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pourraient avoir
lieu au cours de l'été pour étudier le rapport de la
Commission de l'industrie de la construction et les autres problèmes
connexes, et également pour étudier le rapport du
Vérificateur général et le rapport du Protecteur du
citoyen? Est-ce qu'on compte convoquer des commissions parlementaires au cours
des vacances d'été à ce sujet-là et est-ce que le
ministre, leader du gouvernement, pourrait nous annoncer cela au cours de la
semaine? Est-ce qu'il compte nous faire des annonces à ce
sujet-là cette semaine?
M. LEVESQUE: M. le Président, nous n'avons pas, à ce
moment-ci, de précisions à fournir. Nous tâcherons de
répondre à cette question avant l'ajournement.
M. BURNS: M. le Président, ce matin, j'avais une question
à poser au ministre de la Justice, relativement à l'affaire
Saulnier. Est-ce que le ministre peut nous dire si le ministre de la Justice
sera ici pour faire un peu de lumière sur cette affaire et à quel
moment il sera ici?
M. LEVESQUE : M. le Président, le ministre de la Justice devrait
être ici au cours de la journée. Je n'ai pas reçu
d'indication contraire. Il y a, d'ailleurs, des projets de loi au feuilleton
à son nom.
M. BURNS: Est-ce qu'on peut s'attendre qu'il soit là lors d'une
prochaine période de questions? C'est dans ce sens-là que je
posais la question.
M. LEVESQUE: Probablement, oui.
LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, je donnerai la
parole à l'honorable député de Beauharnois, sur une
question de privilège.
Question de privilège
Médecins spécialistes
M. Gérard Cadieux
M. CADIEUX: M. le Président, les hebdomadaires du comté de
Beauharnois ont rapporté les propos du candidat péquiste
défait aux dernières élections, à l'effet qu'une
assemblée des médecins spécialistes se serait tenue il y a
quelques semaines et qu'il y aurait eu, auprès de ces médecins,
en vue d'élire un représentant au centre hospitalier, du
tripotage libéral et l'intervention du député de
Beauharnois. Or, M. le Président, je déclare de mon siège
que je n'étais pas au courant qu'il y avait assemblée, que
j'étais ici à Québec et que je n'ai communiqué avec
aucun médecin par lettre, par téléphone ou de toute autre
façon.
De toute façon, M. le Président, ce serait faire injure
aux médecins spécialistes de mon comté de penser qu'ils
peuvent se laisser tripoter.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. LEVESQUE: M. le Président, nous pourrions immédiatement
revenir aux projets de loi au nom du gouvernement. Je vous demanderais
d'appeler l'article c).
Projet de loi no 33 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
première lecture de la Loi modifiant la loi de l'évaluation
foncière. L'honorable ministre des Affaires municipales.
UNE VOIX: Ce n'est pas fort.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, ce projet propose diverses
modifications à la Loi sur l'évaluation foncière, dont
plusieurs sont d'ordre technique. Les modifications de fond sont les suivantes.
La notion de valeur marchande est remplacée par celle de valeur
réelle.
A compter du 1er janvier 1974, c'est le conseil de comté qui aura
charge de l'évaluation pour les municipalités qui en font partie,
sauf celles qui sont comprises dans une Communauté. La tenue à
jour et la révision des rôles seront faites par un
évaluateur, détenteur ou non d'un permis, qui sera
assisté, pour chaque corporation locale, par une personne
désignée par cette corporation.
Le ministre des Affaires municipales ne pourra, sans que le conseil de
comté l'ait demandé, rendre obligatoire la confection du premier
rôle quinquennal.
Les terrains sur lesquels sont érigés des bâtiments
utilisés pour la protection de l'environnement ne seront plus
portés au rôle non plus que les sports.
Pour tenir lieu de toute taxe ou compensation, y compris les taxes
basées sur la valeur locative, pour la fourniture des services
municipaux, les biens mentionnés à l'article 18 de la Loi sur
l'évaluation foncière pourront être frappés d'une
compensation fixée par le conseil mais qui ne pourra excéder les
plafonds mentionnés à l'article 11 du projet.
Les fermes et les boisés sont imposés et taxés
suivant une formule nouvelle, décrite à l'article 12 du
projet.
Toute municipalité pourra, par entente, déléguer
à une autre municipalité sa compétence en matière
d'évaluation.
Si le ministre estime qu'il serait souhaitable qu'une
municipalité de cité ou de ville non comprise dans une
Communauté délègue sa compétence en matière
d'évaluation à une autre municipalité, il peut demander
aux municipalités concernées de s'entendre à ce sujet;
à défaut d'entente, le ministre peut demander à la
Commission municipale du Québec de faire enquête; si, après
enquête, la Commission estime qu'il serait effectivement souhaitable
qu'une délégation de compétence ait lieu, elle ordonne le
transfert de compétence.
S'il s'agit toutefois d'une municipalité faisant partie d'un
conseil de comté, la Commission ne peut ordonner le transfert de
compétence que si elle est d'avis, après l'enquête, que le
territoire de cette municipalité est en voie d'urbanisation, est compris
dans une agglomération à vocation urbaine et que le
développement économique de cette agglomération requiert
ce transfert de compétence.
Sauf dans les cas de fusion ou d'annexion à une
municipalité ne faisant pas partie du conseil de comté, une
municipalité faisant partie d'un conseil de comté qui est
constituée en ville continue de faire partie du comté pour fins
d'évaluation.
Un bureau de révision de l'évaluation foncière du
Québec est constitué, avec une section à Québec et
l'autre à Montréal; le territoire sur lequel aura juridiction le
Bureau et chacune de ces sections sera fixé par ordonnance du ministre.
Les dépenses de ce Bureau sont à la charge du gouvernement.
Toute municipalité dont le territoire ne sera pas soumis à
la juridiction du Bureau et qui exerce une compétence en
évaluation devra constituer un bureau de révision de trois
membres.
Les Bureaux de révision des districts de Montréal,
Québec, Laval, Outaouais et Rive-Sud de Montréal sont abolis et
les membres de ces bureaux deviennent membres du nouveau Bureau.
M. PAUL: Est-ce que le ministre des Affaires municipales peut nous dire
si, depuis l'impression de son cahier de projet de loi, d'autres amendements
lui ont été suggérés? Deuxièmement, est-ce
le désir du leader du gouvernement et du ministre des Affaires
municipales de référer cette loi à la commission des
affaires municipales pour qu'enfin nous ayons un texte qui ne soit pas
nécessairement amendable à nouveau, et obligatoirement amendable
dès le mois d'octobre prochain?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, en réponse â la
première question, il s'agit du texte définitif qui est
déjà paginé. Il sera distribué sous cette forme
immédiatement et vous le recevrez sous la forme habituelle un peu plus
tard dans la journée.
Quant à la deuxième question, suite à des
consultations qui ont eu lieu au cours de la semaine dernière et en fin
de semaine, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de convoquer la
commission des affaires municipales pour entendre des témoins, mais pour
l'étudier.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
M. PAUL: Sur division, M. le Président. LE PRESIDENT:
Adopté sur division.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi:
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture prochaine séance ou
séances subséquentes. Affaires du jour.
M. LEVESQUE: Je fais motion, M. le Président, pour que la
commission parlementaire des finances, comptes publics et revenu siège
immédiatement à la salle 81-A pour étudier article par
article le projet de loi relatif aux impôts.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: II était convenu que cette commission ne
siégerait qu'à trois heures, cet après-midi.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas convenu de ça, mais s'il y a de bonnes
raisons...
M. PAUL: On n'en a convenu ni l'un ni l'autre, on était tous deux
chez Son Excellence. Il semblerait qu'à la commission il y ait eu
entente pour qu'elle ne siège que cet après-midi.
M. HARVEY (Jonquière): Le leader de l'Opposition a raison quand
il dit qu'il y a eu entente. Si la loi sur la santé n'était pas
appelée...
M. LEVESQUE: Justement, nous allons suggérer de passer
immédiatement â la Loi de l'agriculture pour permettre à
l'honorable député...
M. HARVEY (Jonquière): Alors, dans ce cas-là...
M. LEVESQUE: ... quitte, cet après-midi, cependant, à
prendre la relève.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, immédiatement, donc,
à la salle 81-A, nous entreprendrons l'étude article par article
du projet de loi no 22. Ici, en Chambre, nous appellerons tour à tour,
pour débuter, les articles 7 et 8. Et, à cause de ce qui vient de
se dire, nous commencerons par le projet de loi no 13, article 7.
Projet de loi no 13 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture propose la
deuxième lecture du projet de loi no 13, Loi modifiant la loi du
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation et abrogeant certaines
dispositions législatives.
L'honorable ministre de l'Agriculture.
M. TOUPIN: M. le Président...
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on est prêt à adopter la
deuxième lecture et à aller en commission
plénière?
M. VINCENT: Non. Le ministre va faire son intervention.
LE PRESIDENT: Ce projet de loi me paraît être technique,
non? Est-ce qu'il y a vraiment un principe dans le projet de loi?
M. VINCENT: Un principe.
M. TOUPIN: II y en a peut-être un seul, qui se trouvait dans la
loi auparavant, mais qu'on a clarifié.
M. LEVESQUE: Peut-être qu'on pourrait aller en commission
plénière et, à l'article 1, dire ce qu 'on a à
dire.
M. VINCENT: ... j'aurai l'occasion d'en faire une.
M. LEVESQUE: Ah, c'est ça.
M. VINCENT: Probablement que le député de
Lotbinière en a une, également, ainsi que le député
de Gouin.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture.
M. Normand Toupin
M. TOUPIN: M. le Président, ce projet de loi, comme vous le
disiez tantôt, a pour objectif d'amender la Loi du ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation ainsi que certaines dispositions
législatives, c'est-à-dire certaines autres lois du
ministère de l'Agriculture qui existent depuis longtemps.
Le ministère de l'Agriculture poursuit, à notre point de
vue, trois grands objectifs. Ces objectifs peuvent se déterminer de la
façon suivante: Le premier concerne la production agricole,
c'est-à-dire la production primaire.
Le second objectif poursuit une activité relative à
l'aménagement du territoire agricole ou encore à l'utilisation
rationnelle de cette ressource québécoise qu'est le sol arable.
Le troisième objectif consiste à voir surtout à
transformer le produit primaire et à le mettre en marché.
Dans le premier objectif de production agricole, nous nous sommes
fixé des sous-objectifs, soit celui de la production du lait sur une
échelle un peu plus grande et un peu plus rentable, celui de la
production des viandes dans le cadre des programmes récents que nous
avons mis de l'avant en ce qui concerne l'élevage, celui des
céréales, dont la production, au Québec, est de plus en
plus nécessaire, celui de la production maraîchère, dont
les besoins du marché sont également très grands dans la
province de Québec et également sur des marchés
extérieurs, celui également des sous-objectifs de
la production fruitière, ce qui nous a amenés à faire
penser le plus souvent possible aux producteurs de diversifier leur
production.
Dans le domaine de l'aménagement, nous nous sommes fixé
également des sous-objectifs, ceux, par exemple, du regroupement des
fermes, soit par l'intermédiaire d'un crédit approprié ou
purement et simplement par l'intermédiaire de deux agriculteurs qui
décident de fusionner leur entreprise soit par voie de vente et par voie
d'achat.
Nous poursuivons également, comme sous-objectif, dans
l'aménagement, celui de l'utilisation des fermes â des fins
para-agricoles. Nous retrouverons, dans le projet de loi, un nouveau principe,
que nous consacrons, plus ou moins, celui de tenter de mettre en place des
programmes permettant l'utilisation plus vaste, plus intelligente des
ressources que nous retrouvons dans le milieu de l'agriculture. Par exemple,
certaines initiatives, au Québec, se développent mais ne sont
coordonnées par presque aucun programme précis, celui des fermes
d'équita-tion. D'autres initiatives sont également prises,
présentement, par certains agriculteurs, dans le domaine, par exemple,
des piscicultures ou de l'élevage du poisson. Nous n'avons presque
aucune politique précise en rapport avec ces nouveaux objectifs.
La loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation était,
d'ailleurs à ce chapitre, très vague. Nous avons, dans la loi, au
niveau de ce principe d'intervention dans ce que nous pouvons appeler
l'utilisation des ressources para-agricoles, précisé davantage ce
principe d'intervention.
Nous avons également, comme sous-objectif, dans
l'aménagement, celui du zonage agricole. Nous en avons parlé
depuis bon nombre d'années déjà, deux ou trois ans, et
nous avons des expériences concrètes qui se vivent dans certaines
régions du Québec, notamment dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean,
où un programme de zonage bien précis a été mis de
l'avant et où les agriculteurs ont accepté d'emblée ce
programme de zonage que nous avons mis à leur disposition. Nous tentons
également la même chose dans l'Abitibi et nous tentons d'autres
études dans d'autres régions pour en arriver à un zonage
du territoire qui soit un peu plus conforme non seulement aux désirs des
agriculteurs mais aux ressources véritables, aux ressources
réelles du milieu, tenant compte du potentiel agricole et tenant compte
également de ce qu'on pourrait appeler les zones climatiques.
Dans le domaine de la transformation et de la mise en marché des
produits, comme sous-objectifs, nous nous étions fixé la fusion
des entreprises. Nous avons, jusqu'à maintenant, travaillé
surtout au ministère de l'Agriculture avec les coopératives,
très peu avec le secteur privé.
Nous avons, dans le nouveau projet de loi, établi
précisément le principe d'une intervention possible au niveau des
entreprises privées. Nous avons également clarifié
quelques articles de la loi concernant l'implantation de nouvelles entreprises.
L'exemple de l'implantation des cidreries au Québec nous a amenés
à regarder d'un peu plus près jusqu'où le ministère
de 1 Agriculture pouvait intervenir lorsqu'il s'agit d'industries qui prennent
naissance à la suite de l'exploitation d'une nouvelle matière
première primaire sous la responsabilité du ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation.
Nous avons également, dans le projet de loi no 13,
précisé davantage ce que nous entendions par la recherche de
marchés nouveaux, la recherche de produits nouveaux, l'analyse des
marchés, le profil des consommateurs, etc., pour que nos interventions
à ce chapitre soient plus collées à la
réalité qu'elles ne pouvaient l'être auparavant.
La poursuite de ces objectifs commande la mise en place de programmes
précis, tels ceux qui existent déjà, notamment celui du
drainage des terres et celui du creusage des cours d'eau. Nous nous rendons de
plus en plus compte qu'il est important que nous intervenions de plus en plus
généreusement dans ces domaines, parce que, très souvent,
la rentabilité de la production primaire y est directement
reliée.
Cela commande également des programmes précis relatifs au
regroupement des entreprises. Nous avons, comme je le disais tantôt,
tenté l'expérience dans le secteur de l'industrie
laitière. Nous voulons maintenant regarder un peu plus loin, aller dans
les autres types d'industries qui sont présentement en place et qui
mériteraient d'être regroupées pour une plus grande
efficacité, d'abord au niveau de l'entreprise, et également pour
que ces entreprises soient en mesure d'offrir aux producteurs des prix qui
soient plus conformes au coût des produits de l'agriculture, pour
qu'ainsi les agriculteurs soient intéressés véritablement
à exploiter leur ferme sur une base plus efficace.
De tels objectifs commandent également la mise sur pied de
nouvelles facilités d'entreposage. Nous avons, jusqu'à
maintenant, fait quelques expériences dans le domaine des produits
maraîchers. Ces programmes se sont avérés efficaces et nous
entendons, bien sûr, poursuivre ces mêmes objectifs dans le secteur
des facilités d'entreposage des produits agricoles.
Nous avons également mis de l'avant les objectifs que nous
poursuivons nous incitaient à le faire des programmes de
productions céréa-lières. On est convaincu que c'est
seulement en nous dotant d'un minimum de ces productions
céréalières que nous parviendrons à être de
plus en plus efficaces au niveau de la production et de l'élevage, par
exemple, au Québec tant du porc que de la viande de boeuf ou autre.
Cet ensemble d'objectifs et ces ensembles de programmes font
déjà partie depuis longtemps des préoccupations du
ministère de l'Agriculture. Nous avons voulu, en apportant quelques
amendements à la loi et en présentant devant l'Assemblée
nationale le projet de loi no 13, préciser davantage le rôle du
ministère relativement aux différents programmes dont je viens de
parler.
Nous nous attarderons dans ce projet de loi plutôt lorsque nous le
discuterons sur deux principes qui sont fondamentaux pour nous, tout au moins
au ministère de l'Agriculture, c'est celui d'être en mesure...
M. DROLET: M. le Président, puis-je vous signaler que nous ne
sommes que treize députés pour étudier le bill 13?
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés! Le ministre de
l'Agriculture et de la Colonisation.
M. TOUPIN: Je disais, M. le Président, que nous devrions
normalement nous attarder sur deux principes fondamentaux que contient le
projet de loi 13, soit celui d'une intervention possible du ministère au
niveau du regroupement des entreprises vis-à-vis de l'industrie
privée, alors qu'auparavant nous n'étions limités qu'au
secteur coopératif. Nous sommes bien conscients que le secteur
coopératif a joué un rôle extrêmement important dans
le développe-
ment de l'agriculture; il en jouera encore un probablement plus grand
dans l'avenir. Mais pour compléter le réseau de transformation et
le réseau de distribution des produits de l'agriculture, nous avons cru
qu'il était nécessaire d'introduire dans la loi ce principe
d'intervention vis-à-vis du secteur privé, vis-à-vis de
toutes corporations poursuivant les mêmes buts que le secteur
coopératif. A ce chapitre, nous avons haussé de $1 million
à $4 millions les possibilités d'intervention du ministère
de l'Agriculture.
Le deuxième principe fondamental, c'est celui d'une clarification
du rôle du ministère dans le domaine de l'aménagement du
territoire agricole, c'est-à-dire celui d'une utilisation plus
rationnelle des ressources de l'agriculture. Il y existait dans l'ancienne loi,
mais de façon plutôt imprécise. Nous avons tenté,
dans le projet de loi no 13, de mettre plus d'insistance sur la clarté
du texte et sur la précision des objectifs que nous tentons de
poursuivre par l'intermédiaire de ce projet de loi qui constitue, tout
compte fait, la charte du ministère de l'Agriculture du
Québec.
Le troisième point sur lequel j'aimerais non insister mais dont
je voudrais faire mention en terminant, c'est qu'avec le projet de loi,
dorénavant, le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation
portera le nom seulement du ministère de l'Agriculture. Voilà, M.
le Président, c'étaient les quelques notes de deuxième
lecture que je voulais livrer à l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
M. Clément Vincent
M. VINCENT: M. le Président, de ce côté-ci de la
Chambre, nous, de l'Union Nationale, sommes favorables au principe qu'on
apporte des amendements ou des changements à la charte du
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation du Québec.
Cependant, si nous acceptions globalempnt ce principe, sans faire
connaître à la population, par la voie normale des débats
de l'Assemblée nationale, notre position sur ce qu'on voit du futur
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. Je crois que nous
manquerions l'occasion de démontrer, de conseiller et d'attirer
l'attention du gouvernement sur ce que doit être le ministère de
l'Agriculture au Québec. Egalement, M. le Président, en acceptant
globalement le principe en deuxième lecture des amendements
proposés au bill 13, nous accepterions tacitement, du moins dans
l'interprétation que pourrait en faire le gouvernement, certaines choses
qui ne sont pas acceptables dans ce projet de loi.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, afin
d'éviter toute ambiguïté, nous allons nous prononcer contre
le bill no 13, en explicitant sur chacun des articles les raisons qui nous
incitent à agir de cette façon.
La loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation a
été depuis quelques années amendée, non pas sur le
plan législatif, mais dans les faits lorsqu'on a fait disparaître
certaines mesures telles, simplement pour le mentionner, les chemins de
colonisation, les subventions aux engrais chimiques, certaines subventions pour
l'amélioration de la production laitière. Si vous vous souvenez,
votre prédécesseur a mentionné qu'il n'y avait pas de
grand principe dans cette loi, mais il serait dangereux d'accepter globalement
une telle loi, sans avoir au préalable explicité notre
pensée, sur le rôle du ministère de l'Agriculture et de la
Colonisation ou du futur ministère de l'Agriculture au Québec,
sur ses pouvoirs, ses devoirs et également ce qu'il doit faire au cours
des prochaines années.
Donc, j'ai l'intention, dans un premier temps, de vous donner ce que
nous de l'Union Nationale nous voulons dans un nouveau ministère
restructuré, un nouveau ministère qui s'adapterait aux conditions
de notre contexte actuel et futur et, surtout, à la
réalité agricole québécoise ou à la
réalité rurale québécoise. Né de la fusion
du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, le ministère
actuel, dans l'avenir, aura à adapter continuellement ses structures aux
réalités économiques du monde agricole.
Ce qu'il ne faut pas oublier, M. le Président, c'est que
l'activité rurale ne se limite pas à l'agriculture. En fait, 75
p.c. de la population résidant en milieu rural ne tire pas son revenu
directement de l'agriculture, mais indirectement l'agriculture est la base de
toute l'économie rurale. Quand j'assumais la responsabilité de
ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, nous avions, en consultation
avec différents organismes, discuté la possibilité
d'accorder un changement dans l'appellation de ce ministère.
Nous en étions venus à la conclusion qu'il fallait de
toute évidence faire disparaître le mot colonisation dans
l'appellation et là il nous restait à choisir entre
différentes options, soit agriculture tout court ou encore agriculture
et alimentation ou encore agriculture et aménagement rural. De
nombreuses consultations se sont poursuivies. Depuis 1970, sous la direction du
député de Bellechasse et chef de l'Union Nationale, nous avons
parcouru la province de Québec. Nous sommes allés dans les
différentes régions et nous avons consulté les
agriculteurs.
Après ces nombreuses consultations, il est ressorti, presque
à l'unanimité que le ministère de l'Agriculture et de la
Colonisation devait désormais avoir comme nom: ministère de
l'Agriculture et de l'Aménagement rural, et ce, en considérant
les quelques propos que j'ai tenus auparavant. Aménagement rural, c'est
très important, car le ministère doit jouer un rôle dans le
secteur rural du Québec. Donc, quand nous en serons à l'article
où l'on parle du nom
du ministère, nous aurons à donner plus de détails
sur les raisons qui militent en faveur de ce changement, et nous
espérons être en mesure de faire accepter au gouvernement que le
nom soit: ministère de l'Agriculture et de l'Aménagement rural,
tel que proposé dans le programme de l'Union Nationale.
En ce qui concerne l'aménagement agricole que le ministre a
mentionné, sous le dernier gouvernement de l'Union Nationale, la
régionalisation agricole fut amorcée par la mise sur pied de
bureaux régionaux intégrés et la construction des premiers
laboratoires régionaux. Nous proposons que le ministère de
l'Agriculture et de l'Aménagement rural complète sans
délai la régionalisation et la décentralisation de ses
services. Pourquoi? Malheureusement, le ministre ne nous a pas donné
d'indications pour que ce travail se continue, pour que ce travail s'amplifie
afin que nous ayons, au Québec, un véritable ministère au
service de la population rurale et de la population agricole plus
spécifiquement.
Si on veut donner un sens aux régions agricoles telles que nous
les connaissons à l'heure actuelle, il devrait être possible
d'avoir des programmes régionaux comme la loi actuelle nous le permet,
suite aux amendements que nous avons proposés à
l'Assemblée nationale en 1969. Chaque région représente
des aspects et des caractéristiques particuliers. De plus en plus, des
programmes devront être conçus sur le plan régional. Ce qui
est encore plus important que les programmes régionaux, ce qui est
encore plus important que le nom à donner au ministère qui
s'occupe des agriculteurs du Québec, c'est la mentalité qui doit
exister à l'intérieur du ministère de l'Agriculture.
Premièrement, il faut, à l'intérieur du
ministère de l'Agriculture, une direction éclairée, une
direction qui se tient constamment à l'écoute de la population
rurale du Québec.
M. PAUL: II faut changer le ministre.
M. VINCENT: Une direction qui se doit non pas d'analyser l'aspect
politique, partisane, mais une direction qui se doit d'analyser les situations
actuelles dans une perspective d'avenir à court terme, à moyen
terme et à long terme. Malheureusement, à notre regret,
malgré que nous ayons, au début, envisagé que le ministre
actuel ait, à cause des années qu'il a passées au service
de la classe agricole, atteint cet objectif, malheureusement trop souvent, je
dois le dire, nous voyons le ministre actuel je ne sais pas si c'est
à cause de ses publicistes faire de la publicité, faire
des déclarations fracassantes, faire des déclarations à
l'emporte-pièce qui, comme résultats, malheureusement, ne donnent
pas grand-chose.
M. PAUL: M. le Président, en entendant les propos du
député de Nicolet, je suis un homme transformé, et je
regrette qu'il n'y en ait pas au moins vingt pour écouter la sagesse de
tels propos.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés. Le député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, je disais donc qu'une des choses
importantes, premièrement, c'était la direction du
ministère. Je sais que le ministre veut, avec sa bonne volonté,
donner le meilleur de lui-même au ministère. Mais comme je le
mentionnais, malheureusement, je crois que les publicistes ont changé sa
bonne volonté en l'obligeant à faire des déclarations pour
mousser la publicité du parti auquel il appartient depuis 1970. Je ne
lui fais pas un reproche d'appartenir à un parti politique, mais je lui
fais un reproche d'avoir trop souvent dans le passé, comme nous l'avons
mentionné au cours de discussions, que ce soit en commission
parlementaire ou à l'occasion de l'étude de ses crédits,
être devenu une personne qui prononçait des discours, faisait des
déclarations, sur les tribunes politiques et en Chambre, qui ne
concordaient pas avec les véritables intentions du ministère.
Deuxièmement, le ministère de l'Agriculture du
Québec doit être composé de fonctionnaires qui sont au
service de l'agriculture, qui sont au service de la population rurale du
Québec. Ces fonctionnaires, nous avons voulu, avec la création
des douze bureaux régionaux, les faire travailler ensemble sur le plan
régional, sans distinction de leur profession, sans distinction de leurs
qualités, les faire travailler dans une équipe composée
d'agronomes, de médecins-vétérinaires,
d'ingénieurs, d'administrateurs et même d'hommes de droit. Et ce,
sans distinction de la profession â laquelle ils appartenaient.
A l'heure actuelle, il est malheureux de le dire, il existe un malaise
au sein du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. On retrouve
encore trop spuvent des agronomes qui se croient lésés, des
médecins-vétérinaires qui se croient
déclassés ou placés dans un second rôle par d'autres
professionnels. On retrouve des ingénieurs qui se croient, à tort
ou à raison, suivant ce qui découle des constats du travail des
fonctionnaires du ministère, être de troisième ordre
à l'intérieur du ministère et qui doivent passer par
d'autres personnes avant de donner un rendement à 100 p.c. On rencontre
également, à l'heure actuelle, au sein du ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation, des administrateurs qui ont un rôle
bien spécifique, qui ont la fonction importante d'administrer les lois,
d'administrer les mesures d'assistance et qui, encore une fois, se croient,
à tort ou à raison, sous la coupole ou la houlette de personnes
qui ont beaucoup plus en tête la sauvegarde d'une profession que les
véritables intérêts de l'agriculture du Québec.
On voit encore et c'est malheureux au ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation,
de nombreuses formules de toutes sortes qu'on doit compléter,
recompléter, revérifier, retourner au ministère pour
différentes mesures d'assistance. On oublie que le ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation doit transiger avec des industriels de
l'agriculture, que ces industriels de l'agriculture n'ont pas à leur
service des secrétaires de façon permanente.
On oublie que ces industriels de l'agriculture ne sont pas
habitués à recevoir des lettres, à compléter des
formules en deux, trois, quatre, dix, quinze, vingt exemplaires. Ceci rend, aux
yeux des agriculteurs du Québec, le ministère de l'Agriculture et
de la Colonisation ou le futur ministère de l'Agriculture et du
développement rural un outil qui s'éloigne de plus en plus d'eux.
Il faut c'est là ma suggestion que le ministre, en ce qui
concerne ce deuxième point que j'ai soulevé, s'entoure de
personnes, au plan consultatif, du milieu agricole. Qu'il n'aille pas chercher
simplement ses conseillers sur le plan politique. Qu'il n'aille pas chercher
seulement ses conseillers, malgré tout le respect que j'ai, à la
direction générale de l'UPA, à la direction
générale de la Coopérative fédérée,
malgré tout le respect que j'ai à l'endroit de ses dirigeants.
Mais qu'il aille également chercher ses conseillers chez les
véritables agriculteurs du Québec qui, tous les jours, pratiquent
leur métier, leur profession pour apporter, par la suite, des correctifs
nécessaires à l'administration du ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation. C'est le deuxième point.
Le troisième point, c'est que le ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation soit véritablement un
ministère de services aux agriculteurs, soit véritablement un
ministère qui, en plus de préparer des objectifs à court,
long et moyen termes, soit un ministère de services de tous les jours.
Que ses structures lui permettent non pas d'enfarger le progrès mais,
avec les hommes qualifiés qui sont à l'intérieur, avec les
hommes qui se sont voués à l'intérêt de
l'agriculture du Québec, qu'elles lui permettent de remplir les
rôles qui devront lui être assignés au cours des prochaines
années dans chacune des régions rurales. Il faut que le
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, et partant la
direction du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, donne des
rôles spécifiques d'abord en ce qui concerne le financement rural.
Nous avons un organisme qui s'occupe du financement rural. Nous aurions
aimé dans cette réforme de la Loi du ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation, dans l'article où l'on mentionne
les garanties d'emprunt aux coopératives, garanties d'emprunt aux
organisations à capital non coopératif, que cette section s'en
aille au service que nous avons, à l'heure actuelle, qui s'occupe de
financement rural.
L'Office du crédit agricole, à mon sens, est bien
équipé présentement. Il a des conseillers juridiques, des
évaluateurs, toute la procédure qui touche la garantie des
prêts. Il devrait prendre sous sa responsabilité l'administration
de la section, je pense, la plus importante dans la loi actuelle, soit de
hausser de $1 million à $4 millions les garanties d'emprunt que le
gouvernement peut consentir aux coopératives et aux autres industries
rurales à caractère non coopératif.
Ainsi, nous compléterions encore davantage la structure de cet
organisme de financement rural.
Il faut bien se rappeler qu'au cours des dernières années
nous avons graduellement transféré à l'Office du
crédit agricole tout ce qui touchait le financement. Au cours des
derniers mois, nous avons voté des lois qui permettaient à
l'Office du crédit agricole d'aller plus loin dans le financement;
exemple: crédits à la production; crédits aux agriculteurs
pour des périodes de désastre. Là, nous aurions pu aller
encore plus loin en laissant à l'Office du crédit agricole tout
ce qui touche le financement de la ferme.
M. le Président, il faut également que le ministère
de l'Agriculture et de la Colonisation je ne pourrai pas entrer dans ces
détails, parce que cela touche la commercialisation et que nous avons
également, devant l'Assemblée nationale, en première
lecture, la Loi amendant la loi des marchés agricoles soit
à l'avant-garde des progrès constants que nous connaîtrons
au cours des prochaines années en ce qui concerne la commercialisation
des produits agricoles, tant sur le plan québécois que sur le
plan interprovincial et international. Mais, comme nous avons une autre loi en
ce domaine, qui sera discutée en commission parce que le projet de loi
est déféré à la commission parlementaire, nous
reviendrons sur cet aspect particulier.
M. le Président, je ne veux pas être long, mais je veux
quand même, pour l'information du ministre des Communications, souligner
au ministre que, même si l'Union Nationale était favorable au
principe d'un changement majeur en ce qui concerne la Loi du ministère
de l'Agriculture et de la Colonisation; même si j'ai eu l'occasion, au
cours des quelques minutes précédentes, de donner certaines
indications sur ce que nous aurions aimé voir dans cette loi du
ministère de demain; même si nous croyons qu'à l'heure
actuelle il faudrait un leadership encore beaucoup plus réaliste au
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, nous allons demander
au gouvernement, après la deuxième lecture de ce projet de loi
nous allons l'accepter sur division ou en vote ouvert, mais nous serons
contre sur chacun des articles que nous allons discuter, d'être
très attentif aux suggestions que nous allons faire, d'être
très attentif aux amendements que nous allons proposer. Si, de cette
façon, nous pouvions réussir à améliorer l'image du
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, qui deviendra le
ministère de l'Agriculture ou le ministère del'Agriculture et de
l'aménagement rural, nous pourrions ainsi rendre service à la
classe agricole du Québec.
Je sais que le ministre de l'Agriculture, avec sa bonne volonté,
est prêt à faire beaucoup plus. Nous lui donnerons les moyens de
le faire. Je vous remercie, M. le Président. A l'occasion de la
discussion article par article, nous apporterons des amendements.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lotbinière.
M. Jean-Louis Béland
M. BELAND: M. le Président, à mon tour, ce matin, il me
fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi portant
l'étiquette no 13 et ayant comme objet premier, prétendument du
moins, de changer le nom du ministère de l'Agriculture et de la
Colonisation en celui strictement de ministère de l'Agriculture.
En effet, M. le Président, après en avoir fait une
étude philologique, j'ai constaté certains aspects plus ou moins
acceptables à l'intérieur des propositions qui sont faites par ce
bill. On nous demande de faire disparaître le mot Colonisation à
l'intérieur de 28 lois déjà existantes.
Je suis d'accord, et ça fait longtemps, pour enlever le mot
colonisation à l'intérieur de nos lois où il est encore
fait mention de ce mot. Mais devons-nous, à ce moment-ci, rester
à l'aspect figure, â l'aspect voile, au départ? Ou si nous
ne devrions pas aller ce serait réellement le moment en
profondeur pour tâcher de résoudre véritablement les
problèmes qui existent au niveau de la colonisation ou des personnes qui
ont des lots sous billet de location, et qui, dans la plupart des cas, ont
énormément de difficultés à faire patenter ces
lots, selon les régions de la province.
Je tiens à mentionner ça parce que, dans certaines
régions, c'est assez facile d'obtenir les lettres patentes. Par contre,
dans d'autres régions, je ne sais si c'est l'aspect politique qui en
ressort, mais de toute façon, là où il y a des
cultivateurs résidents qui vivent de l'agriculture et qui veulent faire
patenter soit le lot sur lequel ils résident ou le lot voisin pour
agrandir leur ferme ou encore parce qu'ils possèdent ce billet de
location depuis cinq, dix ou quinze ans, qui ont fait des améliorations
constantes tant au point de vue culture, défrichement, ou
améliorations de boisé, en 1973, ils se voient encore refuser la
possibilité de patenter ces lots.
Il y a des anomalies flagrantes qui auraient dû être
amorcées lorsqu'on a pensé à enlever tout simplement un
mot, le mot colonisation. Sommes-nous encore des colonisés ou si
justement on veut, ce matin, réellement enlever de l'esprit des gens
et peut-être principalement des cultivateurs
concernés le mot colonisation, ou si ce n'est pas simplement un
voile qui cache la véritable face qui, elle, n'est pas rose?
Il va sans dire que cette loi va donner davantage de pouvoirs au
ministre même, pou- voirs de surveillance et de gestion, et
également au niveau des décisions à prendre, par exemple,
si, dans telle région de la province, il doit y avoir des supports
à l'agriculture, une aide au point de vue technique
améliorée.
A divers paliers le ministre se réserve ou se donne davantage de
pouvoirs par le bill no 13. Par contre, dès ce moment, je dois
également apporter mes impressions quant à ce qui a trait
à cette délégation parce qu'en somme c'est une
délégation de pouvoirs de pouvoirs à une certaine
quantité de fonctionnaires, probablement et certainement bien
intentionnés mais qui auront à décréter toute une
série de règlements.
En somme, le ministre encore comme bien d'autres ministres
d'ailleurs l'ont fait dans le passé depuis environ deux, même
trois ans décide un bon matin: Nous, nous donnons les pouvoirs
pour agencer toute une réglementation devant régir, à
l'intérieur d'un cercle donné, tout ce qui concerne l'application
de règlements nouveaux à l'intérieur du
ministère.
Mais ces règlements, nous ne les connaissons pas
présentement. Donc, nous donnons tout simplement, encore à ce
moment-ci, un chèque en blanc au ministre de l'Agriculture, d'une
part, et à ses fonctionnaires, d'autre part pour tâcher
d'agencer toute une série de normes nouvelles, de directives nouvelles
devant changer complètement ce qui comprend le ministère de
l'Agriculture proprement dit en profondeur.
Je dois également, puisque même le ministre y a fait
allusion tout à l'heure en ce qui a trait au changement, à
l'amélioration... Je suis fier de le dire, il n'y a pas que du mauvais
dans ce bill, il y a du bon. D'ailleurs nous, du Ralliement créditiste,
lorsqu'il y a quelque chose de bon dans un bill, nous le disons et quand il y a
quelque chose de mauvais, nous sommes là également pour le dire.
Or, quant à ce qui est bon dans le bill, l'augmentation d'un fonds
d'aide aux entreprises coopératives, aux autres entreprises similaires
ou aux entreprises privées, ou pour favoriser la fusion de deux ou trois
cultivateurs, je suis pour le principe. Mais j'aurais aimé qu'à
l'intérieur de cet article l'on nous donne quelques barèmes,
à savoir sur quoi on s'est basé pour décider que deux ou
trois cultivateurs, par exemple, pourront être éligibles à
une aide bien spécifique de subventions pour se fusionner.
M. le Président, on a vu depuis trois ans, principalement, parce
que nous travaillons continuellement avec ce gouvernement, combien de cas
où il y a eu de l'aide spéciale seulement si la personne ou les
personnes en question pouvaient afficher leur carte de membre du Parti
libéral. Or, est-ce que les agriculteurs ne doivent pas tous être
traités sur un même pied? Je pense qu'il doit y avoir des normes
précises, exactes, pour que l'on connaisse ces normes et que l'on
connaisse les directives hors nonnes parce qu'il y a parfois des normes qui
sont présentées dans des documents spécifiques
mais, en plus de ne pas nous donner ces normes, il y a des directives
supplémentaires qu'on ne connaît pas. Ceci se voit à
l'intérieur de tous les ministères. Je dois peut-être
signaler en passant, entre autres et plus spécifiquement, le
ministère des Affaires sociales.
Je ne sais pas si les autres ministres de ce même cabinet Bourassa
s'en sont rendu compte; sinon, je me permets, moi de l'Opposition, de leur
signaler en passant, relativement à la politique d'achat de petites
fermes, la possibilité de décision qu'a pu avoir le ministre dans
le passé. Il va sans dire que lorsqu'il y avait des décisions
importantes à prendre, cela devait se faire au cabinet des ministres
d'abord. Or, dans cette loi le ministre se donne les pouvoirs
nécessaires pour prendre dorénavant les décisions d'usage
lorsqu'il s'agit, par exemple, de prendre une décision sur-le-champ lors
d'une rencontre avec son homologue fédéral de l'Agriculture.
M. le Président, c'est un changement tout à fait draconien
qui peut comporter deux aspects très différents. Le premier que
je signale et je suis fier de le signaler peut être un bon
aspect parce que je remarque qu'en cette Chambre on n'a qu'à
regarder le nombre de députés présents concernant
l'agriculture, il y a peut-être sept ou huit députés qui
sont intéressés. Les autres se foutent de l'agriculture, ils se
foutent de ce que sera l'agriculture de demain.
M. CASTONGUAY: M. le Président, question de règlement. Je
ne crois pas que le député puisse conclure que les
députés qui sont ici ne sont pas intéressés par les
questions de l'agriculture, comme il vient de le faire. Il dit que simplement
cinq ou six députés, ou sept ou huit sont
intéressés. Je ne crois pas qu'il puisse conclure comme
ça, M. le Président.
M. BELAND: M. le Président, je vois que j'ai fait sursauter
l'honorable ministre des Affaires sociales, mais c'était à bon
droit. Premièrement, c'était mon droit de le signaler. C'est son
droit de penser ce qu'il veut en la matière, mais c'est mon droit de
penser et de juger combien de députés en cette Chambre,
même parmi ceux qui sont présents, se sont
intéressés et s'intéressent encore à l'agriculture
et combien ne sont là que pour occuper leur fauteuil,
c'est-à-dire user leur fond de culotte. M. le Président, à
ce moment-là, je pense que, compte tenu du passé, je pouvais
signaler ce fait.
M. le Président...
M. TOUPIN: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement?
M. TOUPIN: ... sur une question de règlement. Je pense que le
député de Lotbinière va un peu trop loin.
Premièrement, il devrait regarder le nombre des siens. La
deuxième chose, il devrait faire une différence entre
s'intéresser à l'agriculture et s'intéresser à un
discours qui ne se tient pas.
M. BELAND: M. le Président, je demande au ministre de
répéter les derniers mots, car je ne les ai pas compris.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.
J'inviterais le député de Lotbinière à revenir au
principe du bill.
M. AUDET: Une question de règlement, M. le Président.
Puis-je vous demander dès maintenant s'il y a eu une question de
règlement dans l'intervention du ministre de l'Agriculture?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît. Je
pense que j'ai été un peu trop large en permettant au
député de Lotbinière de sortir des principes du bill no
13. Je l'inviterais à revenir au principe.
M. BELAND: M. le.Président, avec tout le respect que je vous dois
d'ailleurs, on est très respectueux des règlements et de
la présidence tout ce dont j'ai parlé jusqu'ici je
dois malheureusement vous le signaler regarde le projet de loi en
question, parce qu'on remet en question tout ce que peut comporter le
ministère de l'Agriculture. A ce moment-là, le champ est
très vaste et ça comprend également les personnes, parmi
les législateurs, qui sont intéressées ou non à
l'agriculture.
Or, je continue mes observations en ce qui a trait à cette forme
de colonialisme que l'on refuse de discuter ou que l'on a refusé
d'inclure dans le projet de loi. Rien ne laisse, au moins, soupçonner
que nous pourrons le voir à l'intérieur de la
réglementation. Il s'agit d'enlever toutes les restrictions qui vont
faire en sorte que ceux qui possèdent des lots sous billet de location
ne pourront pas plus demain qu'ils ne le pouvaient hier obtenir leurs lettres
patentes. Cela cause de drôles de préjudices et je pourrais vous
donner des exemples précis. Je tairai les noms, mais je me permets de
signaler un fait: dans certaines régions il va sans dire que
c'est inclus dans des lois de la colonisation un fermier donné
doit défricher dix acres chaque année sur son lot; sinon, il ne
rencontre pas les normes.
Si réellement on réfléchit selon l'optique de 1973,
ces normes-là sont-elles encore valables ou si le ministre veut, tout
simplement, retourner à la culture où on utilisait des boeufs et
où on fauchait à la petite faux alentour des souches? Je me
demande si, réellement, le ministre pense encore dans cette optique ou
si réellement il conçoit des choses selon l'ordre que l'on vit en
1973.
Il va sans dire que nous sommes d'accord, comme j'étais en train
de le dire quand j'ai été
interrompu... Je pense que ça fait mal de l'autre bord, parce que
ça semble être drôlement tapageux... sur le fait de porter
de $1 million à $4 millions cette forme d'aide. Je suis
complètement d'accord sur les faits que j'ai
énumérés, mais seulement il y a un autre aspect. Celui-ci
est-ce qu'on y a pensé à l'intérieur de ce
critère-là? Est-ce qu'on y a pensé? Le ministre, dans ses
envolées orageuses, parle, par exemple, de favoriser
l'établissement des fils de fermiers. C'est bien beau tout ça,
dans les mots, mais, dans les faits, qu'est-ce qui se passe?
Je le ramène, encore là, aux lots sous billet de location,
parce que tout se rattache en agriculture. Lorsque, pour une raison quelconque,
de toute façon, le père décède, la mère
décède, presque en même temps, le fils qui a cultivé
cette même terre avec son père ne peut même pas prendre
possession dudit lot sous billet de location. Il se le fait, tout simplement,
enlever du jour au lendemain par les employés du ministère, sous
prétexte qu'il est redevenu propriété de la couronne.
Or, il y en a de ces cas-là, il y en a de ces fils de cultivateur
qui ont perdu $5,000 ou $10,000 ou $15,000 de valeurs du jour au lendemain
à cause d'une nonchalance du ministre du temps ou du ministre
d'aujourd'hui, qui n'a pas voulu apporter les correctifs nécessaires
à la loi.
Il va sans dire que l'honorable ministre, tout à l'heure, a
donné quelques petites précisions à savoir qu'il y aurait
davantage d'aide qui serait apportée dans le cas d'étudiants.
Même, cela a fait l'objet d'une déclaration fracassante en fin de
semaine, je crois. Une forme d'aide spéciale serait apportée aux
étudiants pour travailler sur les fermes. Encore là, j'ai de
petites surprises pour le ministre. J'ai constaté, cette fin de
semaine-ci, par des personnes qui sont venues me voir, que des gens ont
donné leur nom pour se prévaloir de cette forme d'aide. Des
étudiants, également, avaient manifesté le désir
d'aller dans l'agriculture pour leur travail d'été.
On a dirigé les étudiants sur certaines fermes
parce que ce n'est pas le fermier qui engage l'étudiant, c'est le bureau
du ministère qui dirige l'étudiant chez le fermier; il y a toute
une différence. On n'a pas tenu compte du tout de ce que
l'étudiant pouvait faire, savait faire ou au moins ce qu'il pouvait
essayer de faire. A ce moment-là, quelques-uns des étudiants
je ne généraliserai pas se sont vus dirigés
sur des fermes et on a constaté que c'était de gros zéros
qui ne pouvaient rien faire du tout.
UNE VOIX: Des créditistes.
M. BELAND: Heureusement, ce n'était pas des étudiants
créditistes, ce n'était pas non plus des propriétaires de
ferme créditistes; je dois vous signaler cela, M. le ministre.
M. TOUPIN : II n'y en a pas.
M. BELAND: M. le Président, je continue.
On redéfinit les pouvoirs que l'on accorde au ministre par cette
loi. Ils sont quand même assez vastes puisqu'on y parle de pouvoirs
relatifs à la production, transformation, distribution,
commercialisation, utilisation de produits agricoles. C'est très beau,
cela mérite qu'il y ait, à un moment donné, des
changements peut-être, dans certains cas, assez draconniens pour
être plus palpables, si vous me permettez d'employer ce mot, pour les
agriculteurs, être plus rentables.
On émet de bons voeux. Je dois signaler à l'honorable
ministre que si l'on regarde ces voeux, compte tenu de l'ensemble du bill,
c'est à se demander si ce n'est pas tout simplement des portes ouvertes
que l'on se donne tout à fait gratuitement pour annuler certaines
possibilités culturales dans certaines régions; dans d'autres
régions, accélérer la dépossession des agriculteurs
ou de certains agriculteurs et, d'autre part, accélérer
également la déportation. L'honorable ministre a l'air
d'être fort dans les terminaisons en "on", je vais lui en donner.
Justement, j'ai constaté que l'on peut très bien apparenter les
mots extorsion, concussion, trahison des valeurs et également
destruction des espoirs de notre population rurale dans bien des secteurs de
l'agriculture.
Cela a été dit tantôt, à savoir qu'il y avait
une nécessité d'abonder dans plusieurs domaines touchant des
productions bien spécifiques pour étendre, donner de la valeur
à plusieurs productions agricoles. A ce moment-là, on ne doit pas
ne demeurer que dans les mots mais on doit accentuer les faits exacts.
Peut-être, à partir de faits bien spécifiques, on pourrait
bâtir des amendements nouveaux pour apporter les correctifs
nécessaires qui sont tant demandés. Il y a quand même un
autre aspect.
Je vois un honorable député dire oui, en cette Chambre, de
l'autre côté, du côté ministériel, mais c'est
curieux, il est bon pour dire oui à ce moment-ci, mais quand vient le
temps de se lever, par exemple, il ne le fait pas, à son
siège.
M. le Président, cet autre aspect que je voulais soulever c'est
qu'il aurait été temps, à ce moment-ci, d'apporter le
correctif nécessaire étant donné que c'est quand
même un changement très profond qui est apporté en enlevant
le mot colonisation. Si l'on veut se diriger vers les faits véritables,
est-ce qu'on ne devrait pas toucher en même temps à la fonction
qu'est devenue, depuis trois ou quatre ans, la profession d'agronome de bureaux
régionaux?
Je pense que cela a été dit une couple de fois au moins en
cette Chambre, à savoir ques les agronomes, dans les bureaux
régionaux, ne sont devenus, à cause de certaines complications du
ministère, que des remplisseurs de formules tout simplement. Ce qui fait
défaut, c'est au palier des agriculteurs proprement dits, au niveau des
renseignements dont ils ont besoin. Ils appellent les agronomes, et les
agronomes, malheureusement, n'ont pas le temps de se rendre chez les
agriculteurs, tout au moins si ce
n'est pas en assemblée pour en réunir plusieurs,
peut-être dans certains cas, la visite chez les agriculteurs
eux-mêmes, ils n'ont plus le temps parce qu'ils ne font que remplir des
formules de toutes sortes.
Il y a certainement quelque chose qui ne va pas dans la bebelle.
J'inviterais le ministre de l'Agriculture à s'ouvrir les yeux, à
essayer de faire fonctionner une cellule supplémentaire de son cerveau
pour tâcher de trouver une solution à ce problème, parce
qu'il me semble qu'on regarde drôlement dans les nuages, de ce
côté.
M. le Président, il y a également d'autres faits. On parle
de changer bien des aspects à l'intérieur du ministère de
l'Agriculture. On parle de donner une accessibilité beaucoup plus grande
aux agriculteurs, à l'agriculture. M. le Président, je pose une
question au ministre, et il pourra me répondre quand j'aurai
terminé. S'il y a une si grande accessibilité des agriculteurs
à tous les renseignements possibles, comment se fait-il que, lorsque
certains de ceux-ci ou nous-mêmes on veut avoir de la documentation pour
donner au syndicat de l'UPA ou aux cerlces de fermières ou encore
à d'autres organisations agricoles proprement dites, pour ne s'en tenir
qu'à cela, comment se fait-il qu'on nous refuse complètement ces
choses? Je sais que ça ne vient certainement pas des fonctionnaires
concernés qui ont à régir ce palier d'administration. Cela
vient certainement du bureau du ministre si des ordres ont été
durcis à ce point, à ce palier.
M. le Président, s'il y a une si grande accessibilité pour
les jeunes en agriculture comme pour les moins jeunes et pour les plus vieux,
pourquoi n'y a-t-il pas possibilité pour eux de se tenir au fait en leur
fournissant des renseignements adéquats, renseignements touchant le
porc, la volaille, la vache laitière ou encore la vache à boeuf
ou encore n'importe quelle autre production?
M. le Président, il y a un autre aspect également qui
mérite d'être souligné ici, et ce n'est pas le moindre. Il
y a quelques années, en agriculture il y a vingt ans, il y a dix
ans encore pour qu'on puisse appeler un type un agriculteur, il fallait
qu'il ait des vaches, il fallait qu'il ait des porcs, des volailles, enfin il
fallait qu'il ait un peu toutes sortes de choses, soit une quinzaine de
productions, un grand jardin, etc. Mais dans les années
subséquentes, l'on a dit: Enfin, il va falloir que vous vous
spécialisiez dans une ou deux productions au maximum et essayer
d'augmenter la productivité de vos fermes, et on met à votre
disposition des subventions nécessaires à l'agrandissement de vos
fermes.
En fait, il y a eu cette montée vertigineuse vers la
spécialité. Enfin, je pense que presque tout le monde en
agriculture était pris du malaise de la spécialité
à un moment donné. Moi également, pour ma part, parce que
j'étais un agriculteur, et je le suis encore, j'ai été
pris de ce malaise-là. Je me suis enligné vers deux productions
bien spécifiques et j'ai oublié les autres.
Tout à l'heure, le ministre nous disait que, justement, il
faudrait diversifier les productions. Ce sont ses propres mots. Cela veut dire
quoi en bon français? Je ne lui demande pas en anglais, en chinois ou en
japonais. C'est quoi, en bon français, diversifier les productions?
Est-ce que c'est les multiplier sur une même ferme pour avoir sept, huit
ou dix productions afin que, s'il y a des années de disette dans une,
dans deux ou dans cinq productions, on puisse peut-être se reprendre dans
les autres? Est-ce cela que cela veut dire? Est-ce que c'est une porte de
sortie que le ministre veut se donner encore pour tâcher de se justifier
tantôt? En effet, si cela va mal pour les agriculteurs et peut-être
aussi pour les producteurs de bovins de boucherie, si le type a deux ou trois
autres productions, on lui dira: Mon petit gars, tu aurais dû te lancer
dans d'autres productions. Mais, s'il ne s'est pas lancé dans d'autres
productions on lui dira: Bien, crève.
D'ailleurs, on a constaté, depuis trois ou quatre ans, plusieurs
faillites en agriculture, peut-être moins dans l'année 1972 et au
début de 1973, parce qu'il y a des phénomènes mondiaux qui
se sont passés; je l'ai signalé déjà en cette
Chambre. Des phénomènes de sécheresse dans
différents pays ont créé une rareté, mais une
rareté qui, aujourd'hui, a ses bienfaits vis-à-vis de beaucoup de
productions agricoles. Mais, par contre, il ne faut pas, à cause de ces
bons prix, en 1973 et à la fin de 1972, faire l'autruche; il ne faut pas
s'entrer la tête dans le sable et oublier la réalité. C'est
ce que drôlement le ministre semble faire très souvent.
Il va sans dire qu'il y aurait énormément à dire au
sujet de ce bill. Par contre, je me limiterai à ces quelques
observations et je me permettrai, en troisième lecture, de proposer des
amendements à ce bill. Ces amendements auront pour effet, selon notre
formation politique, de faire regarder vers la réalité le
ministre de l'Agriculture et de lui donner l'occasion d'apporter les
changements qui sont désirés quelque production que ce soit de
l'agriculture.
Je n'ai pas souligné, non plus, le fait qu'au niveau de l'Office
du crédit agricole il y avait nécessité de certains
correctifs. Par exemple, en ce qui a trait aux inspecteurs qui parcourent nos
campagnes pour aller vérifier si on doit accorder un prêt ou pas
à tel futur agriculteur, je ne dis pas dans tous les cas, non,
mais je dis dans quelques cas on s'aperçoit que ces inspecteurs
ne sont drôlement pas à la hauteur de la situation. Dans certains
cas, ce qu'ils font ne concorde réellement pas avec ce que le ministre a
dit ce matin. Le ministre parle de diversifier les productions et l'on impose
encore à ces futurs agriculteurs d'avoir un quota, par exemple, de
production, en ce qui concerne le lait, de 200,000 livres, sinon: Petit gars,
tu ne l'as pas, ton prêt. Alors, c'est un refus catégorique.
A ce moment-là, on ne tient pas compte si le type a un
à-côté, une production supplémentaire, soit de porc,
soit de volaille. Le ministre parlait, tout à l'heure, de productions
céréalières. S'il veut diversifier, s'il est
réellement conscient de ce qu'il dit, en ce qui concerne les productions
céréalières, de ce côté-là
également, on doit en tenir compte.
Si la personne en question a, par exemple, 75 ou 100 acres qu'elle veut
cultiver selon les nouvelles propositions que le ministre fait, soit, par
exemple, au point de vue de la culture du blé, même si, ce
printemps, il fallait que les cultivateurs le paient, dans certains cas, $11
les 100 livres. Il y a également d'autres productions semblables, M. le
Président, pour lesquelles il faut en tenir compte. Dans l'agriculture,
il semble que l'honorable ministre nage encore dans les nuages.
M. le Président, ce n'est pas à l'endroit de sa personne,
ce matin, que je parle, mais à l'endroit du ministère qu'il
dirige. Il faut dire que les décisions qu'il prend, les décisions
qu'il essaie d'interpréter, de placer dans un bill afin de régir
l'agriculture, ce seront non pas lui et ses fonctionnaires qui auront à
en subir les contrecoups, mais ce seront les agriculteurs proprement dits. Ce
sont eux qui seront touchés. Eux qui n'ont pas la possibilité de
faire entendre leur voix, je me permets, ce matin, de parler en leur nom, pour
tâcher justement qu'on utilise un petit peu, au moins qu'on commence ce
matin à utiliser un peu de réalisme en ce qui concerne
l'agriculture, compte tenu du contexte canadien, compte tenu également
du contexte mondial, parce qu'on ne peut plus ne penser qu'en termes de
région.
Le ministre l'a déjà dit. Je suis d'accord sur ce point
bien précis. Mais, par contre, il faut essayer de bâtir, au
Québec, une agriculture réellement rentable pour les agriculteurs
et en même temps essayer de deviner, pour satisfaire, par la suite, les
besoins des consommateurs.
Le ministre parlait, dans son exposé, de donner plus de
facilités vis-à-vis des productions nouvelles. Mais a-t-il
pensé, en même temps, à ce dont nous avons parlé,
dans le passé, au moins à trois ou quatre reprises : la culture
sous serre, au Québec? Le ministre a-t-il pensé à cela? Il
a parlé de cidreries. Cela va pour les cidreries, d'accord. Cela
mérite qu'on regarde cet aspect, qu'on le développe. Cela fera
probablement sourire le député de Rouville. Par contre, il n'y a
pas que le député de Rouville à satisfaire d'abord,
il n'est pas ici pour longtemps mais il faut satisfaire également
ceux qui produisent, ceux qui sont dans d'autres productions et qui veulent,
par ces productions, tirer des revenus suffisants pour vivre, faire vivre leur
famille et en même temps faire vivre le reste de la population.
De plus en plus, on parle d'autosuffisance. Mais, M. le
Président, il faut quand même avoir l'envergure d'esprit pour
penser à des choses nouvelles, pour entreprendre des choses nouvel- les,
ne pas seulement demeurer au statu quo ou rétrograder. Il faut
également envisager quelque chose de tout à fait nouveau pour
être au point, être au fait des développements
technologiques, être au fait de tous les développements
scientifiques.
M. le Président, des expériences ont été
faites encore récemment en ce qui a trait à l'agriculture, la
possibilité de productions nouvelles qui, à cause de notre
climat, seraient possibles au Québec. Mais cela reste en suspens, cela
reste sur les tablettes. L'honorable ministre ne devrait-il pas
déléguer quelqu'un de son ministère pour tâcher,
justement, de scruter ces aspects nouveaux et essayer, soit sur des fermes
expérimentales ou à titre expérimental... Le mot n'est pas
assez nouveau, je vois le ministre sourire. L'expression ferme
expérimentale, ce n'est pas assez nouveau, ils appellent cela maintenant
ferme pilote. Il va peut-être sortir demain avec une autre expression
mais moi, peu importe l'épellation...
M. TOUPIN: L'appellation.
M. BELAND: ... du moment qu'il y a expérience nouvelle pour
essayer de trouver des productions nouvelles...
M. TOUPIN: Ce n'est pas une épellation, c'est une
appellation.
M. BELAND: Pardon?
M. TOUPIN: Ce n'est pas une épellation, c'est une
appellation.
M. BELAND: M. le Président, je vois que l'honorable ministre
s'arrête sur des banalités. Il va sans dire que je n'ai pas
été à la petite école tellement, tellement
longtemps mais, par contre, cela ne me ferait rien du tout de rencontrer dans
une assemblée contradictoire, pour discuter d'agriculture, le ministre
de l'Agriculture...
M. TOUPIN: Faites attention!
M. BELAND: ... sur n'importe quel aspect de l'agriculture. A ce
moment-là...
M. TOUPIN: Vous vous ferez jouer un tour!
M. BELAND: ... il est entendu que moi, je mettrai de côté,
par exemple, les épellations, mais j'agirai plutôt par jugement et
par réalisme.
M. le Président, c'étaient mes observations, et j'invite
l'honorable ministre de l'Agriculture à répondre tantôt aux
interrogations que je lui ai faites. Et il va sans dire que je lui
réitère également que j'apporterai en troisième
lecture des propositions bien précises. Si on le veut, on peut aller en
profondeur avec ce bill. C'est le temps.
N'en restons pas qu'aux mots, allons dans les
faits. J'espère que l'honorable ministre se rendra dans les faits
et fera en sorte qu'en troisième lecture nous puissions apporter des
correctifs, entre autres en ce qui concerne le phénomène de la
colonisation. Qu'on puisse l'effacer de la carte, non pas seulement dans les
mots, mais également dans les faits, pour le plus grand bien des
agriculteurs du Québec.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, les fonctions antérieures
importantes que le ministre exerçait au sein des organismes agricoles du
Québec l'ont sûrement préparé, aussi bien que tout
autre, à mesurer les problèmes graves et sérieux de
l'agriculture québécoise, ainsi qu'à penser aux solutions,
aussi bien globales que parcellaires, qu'il convient de leur apporter.
Je serais bien surpris que dans toutes les années que le ministre
a consacrées à l'étude de ces problèmes il ne se
soit pas rendu compte à quel point notre agriculture au Québec
est malade, d'une maladie chronique à laquelle on se demande toujours
quel remède il faudrait apporter.
Le ministre sait par exemple le nombre de fermes qui ont dû
être éliminées au cours des dix dernières
années, nombre effarant si on en regarde aussi bien le chiffre absolu
que le pourcentage.
Le ministre sait bien également qu'une bonne partie de nos fermes
pour ne pas dire la moitié n'ont pas encore atteint le
seuil de la rentabilité.
Le ministre sait très bien que le revenu moyen de l'agriculteur
québécois se situe encore à un niveau bien
inférieur à celui de l'Ontario et encore davantage à celui
de l'agriculteur de l'Ouest.
Le ministre sait très bien que la proportion de nos terres
drainées est encore largement insuffisante, encore une fois par rapport
au nombre de terres drainées qui existent chez nos voisins de l'Ontario,
ce qui nous met souvent dans une situation concurrentielle
désastreuse.
Le ministre sait très bien également que nos
régions n'ont pas encore trouvé leur vocation agricole
spécifique.
Le ministre sait très bien que dans plusieurs de nos
régions on ne peut pas transformer sur place les produits de
l'agriculture et que nous sommes obligés, soit d'exporter nos produits
bruts ou de confier cette transformation ici au Québec à des
compagnies étrangères.
Le ministre sait très bien que nous sommes aux prises avec une
situation d'émiettement des terres qu'il faudrait regrouper pour les
rentabiliser, mais qu'il doit faire face, en ce domaine, à des facteurs
qu'il ne contrôle pas, étant donné que la juridiction du
Québec en la matière est souvent limitée.
Le ministre se rend compte également que dans le domaine des
productions qui ont fait la gloire du Québec, comme celle du lait, nous
nous heurtons encore aujourd'hui à des difficultés qui donnent
lieu à des soubresauts et à des malaises périodiques.
En somme, le ministre a assez fréquenté ces
problèmes, a tenté assez souvent de les régler dans ses
fonctions antérieures pour se rendre compte à quel point
l'agriculture a besoin d'un bon médecin. Tout le monde, au fond, au
Québec pensait que le ministre actuel pouvait être ce
médecin, d'abord à cause de ses fonctions antérieures,
deuxièmement à cause du dynamisme qu'il avait manifesté
dans ses fonctions, à cause des déclarations qu'on avait pu lire
de lui, à cause de son enthousiasme, de son impétuosité
juvénile que nous connaissons très bien.
Je ne doute donc pas qu'il a abordé ses nouvelles tâches
avec tout l'enthousiasme, la lucidité et la bonne volonté
nécessaires.
Je ne doute pas, non plus, que, dès son accession au
ministère, il a dû tenter de procéder différemment,
à l'exemple de ce qu'il disait lorsqu'il était secrétaire
de l'UCC, c'est-à-dire dépasser les solutions partielles ou
parcellaires pour tenter d'en arriver à l'élaboration d'un plan
global et d'un plan draconien. D'ailleurs, la tâche lui était
facilitée par les nombreuses études qu'avaient faites à ce
sujet non seulement la commission April, mais également l'UCC et divers
autres organismes intéressés de près ou de loin à
l'agriculture. Il a donc dû penser à cette loi qu'il nous
présente aujourd'hui depuis qu'il a accédé à ces
fonctions. Ce devait être sûrement la pièce maîtresse
de la législation qu'il voulait nous présenter en tant que
ministre.
Cependant, nous devons bien constater que cette loi vient bien tard,
c'est-à-dire trois ans après son accession au cabinet
ministériel. Deuxièmement, nous devons bien constater que cette
loi est beaucoup moins étoffée, beaucoup moins puissante,
beaucoup moins pertinente que ce qu'il avait lui-même souhaité. Je
ne lui demanderai pas de nous faire des confidences, mais je pense, le
connaissant bien et ayant suivi de près ses déclarations, que
cette loi ne correspond qu'à moitié, pour ne pas dire qu'au quart
des aspirations qu'il a nourries avant d'entrer en politique. On peut
même dire que cette montagne en travail que constituait le ministre de
l'Agriculture a accouché, sinon d'une souris, du moins d'un animal qui
est loin de posséder la taille dont le ministre avait
rêvé.
Il faut s'en demander les raisons. Je pense qu'il faut attribuer ce fait
aux difficultés que le ministre a rencontrées. Le ministre n'a
pas dû tarder à se rendre compte que le chemin, que les avenues
qu'il voulait emprunter se trouvaient obstrués par deux adversaires de
taille. Le premier, évidemment, qu'il a souvent dénon-
ce en cette Chambre et hors de cette Chambre: un gouvernement
fédéral qui possède en matière d'importations et
d'exportations, en matière de législation commerciale, des
pouvoirs qu'il exerce trop souvent sans consultation avec les autorités
provinciales et, en particulier, avec celles du Québec et qui, en
conséquence, met notre gouvernement devant le fait accompli; un
gouvernement fédéral qui, d'une façon têtue, a
appliqué, particulièrement en ce qui concerne les grains de
provende et l'aménagement des petites terres, pour ne pas parler de la
commercialisation du lait et autres produits de la ferme, des politiques qui
nuisent d'une façon radicale aux intérêts du Québec
et dans lesquelles il s'enfonce malgré nos protestations afin de se
ménager les faveurs d'un électorat qui lui est moins acquis que
celui du Québec.
Le ministre nous a renseignés en cours de route sur les multiples
rencontres, colloques qu'il a eus avec son homologue fédéral.
Nous sommes bien obligés de déplorer avec lui aujourd'hui,
après trois ans d'efforts, que ses ambitions d'harmonisation, de
concertation avec le gouvernement fédéral n'ont pas
été réalisées et que nous nous retrouvons,
après trois ans, à peu près au même point qu'en 1970
avec, dans certains domaines, des aspects encore plus inquiétants.
Le ministre a donc dû constater que son ministère
était un demi-ministère qui n'avait pas les pouvoirs qu'il
ambitionnait, qui n'avait pas également, en vertu du partage fiscal, les
fonds, les budgets qui seuls lui auraient permis d'appliquer une politique
globale, en même temps qu'une politique moderne. Il est bien
évident que la tentative de modernisation de son ministère, qu'il
nous présente aujourd'hui, porte la trace de cette impuissance de ces
démêlés et du désespoir qui commence à
l'habiter.
Malheureusement, le ministre a également trouvé en face de
lui un autre adversaire à l'intérieur même du gouvernement.
Je me rappelle, par exemple, tout ce que le ministre avait à
déclarer de sage et de pertinent sur l'intégration des domaines
agro-alimentaires. Nous l'avons suivi dans ce domaine. Nous sommes parfaitement
d'accord sur toutes les déclarations qu'il a pu faire à ce sujet.
Et pourtant, lorsque nous lisons son projet de loi, nous constatons que son
ministère, au lieu de s'appeler comme il devrait s'appeler, comme le
ministre voudrait qu'il s'appelât, le ministère de l'Agriculture
et de l'Alimentation, il ne s'appellera que le ministère de
l'Agriculture. Ce qui veut dire, au fond, qu'il est obligé, dans le
titre même de la loi, dans l'appellation même de son
ministère, d'abandonner une fonction qui symboliserait l'action moderne,
précisément, qu'il entendait mener dans ces domaines.
Il est malheureux que dans ces contestations intestines, le ministre de
l'Agriculture n'ait pas réussi à faire prévaloir son point
de vue et que le cloisonnement que nous avons déploré à
tant de reprises dans le passé continue de mettre un frein aux
entreprises rationnelles, modernes qu'appelle la conjoncture,
désastreuse parfois dans certains domaines, de l'agriculture
québécoise.
Je voudrais ici rappeler au ministre certaines déclarations sur
lesquelles il aurait peut-être dû s'appuyer davantage dans les
efforts qu'il a dû faire pour donner à son ministère le nom
de ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. Je voudrais d'abord
lui citer une des conclusions du rapport de la commission royale
d'enquête sur l'agriculture au Québec, qui a été
déposé en 1967, commission mieux connue sous le nom de commission
April.
En conclusion d'un chapitre consacré à l'étude des
relations entre l'agriculture et l'industrie et le commerce, en conclusion d'un
chapitre consacré à l'étude de la place de
l'agro-économie dans l'économie québécoise, les
commissaires concluaient comme suit : "Mais ce sont surtout les investissements
réalisés dans les industries en aval, c'est-à-dire
stockage, transformation, transport de produits agricoles, qui peuvent
augmenter la rentabilité de l'agriculture dans une économie
commerciale puisqu'ils modifient les coûts de distribution du produit sur
le marché. A moins qu'elle ne dispose de capitaux fournis par une
société coopérative pour effectuer les investissements
nécessaires dans les industries en aval, l'agriculture met son sort
entre les mains de ceux qui décident de tels investissements. Elle
constitue un secteur dominé dans une telle structure
économique".
Je sais bien que les conclusions de cette commission d'étude ont
été sinon mises de côté, du moins ont reçu
peu d'attention de la part du ministère, mais il reste que nous
continuons à croire en la valeur profonde des conclusions de cette
commission d'étude, et il nous semble que le ministre, dans ses efforts
au sein du cabinet, aurait dû s'en servir davantage.
Nous avons également à rappeler à l'attention du
ministre d'autres déclarations d'interlocuteurs qu'il peut
considérer comme privilégiés. Je pense en particulier
à une figure bien connue du secteur agro-alimentaire, M. Léonard
Roy, qui est le vice-président exécutif du Conseil d'alimentation
du Québec, qui, lui aussi, depuis plusieurs années, multiplie les
interventions urbi et orbi pour amener le plus tôt possible au
Québec cette intégration de l'agriculture et de l'industrie
alimentaire. Dans une intervention qu'il faisait en 1970, devant l'Association
professionnelle des meuniers du Québec, M. Roy disait ceci (je
résume, je pourrais citer, au fond, toute sa conférence): Du
côté de l'appareil administratif gouvernemental au Québec
et je prie le ministre de bien se rappeler cette déclaration
il faut, disait M. Roy, centraliser au même endroit, soit au
ministère de l'Agriculture, soit à la Régie des
marchés agricoles, soit dans un tout nouveau ministère de
l'industrie alimentaire, sous l'autorité d'un seul responsable connu,
tous les services, bureaux, divisions
de l'administration gouvernementale impliqués dans la mise en
marché, la commercialisation, la classification, l'inspection,
l'étiquetage et la présentation des produits agricoles
alimentaires. Je suis sûr que le ministre est d'accord sur cette
déclaration, je n'en veux pour preuve que la politique agricole globale
qu'il présentait lui-même il y a un an au cabinet et dont il nous
a remis copie lorsque le ministre, dans cette déclaration fort bien
faite, le ministre disait ceci et je le cite: "Une telle connaissance de la
chaîne de production agricole permet de son côté de
suggérer les interventions pertinentes au point réellement
critique de cette chaîne, que ce soit en amont, en aval ou à
l'intérieur de la partie du secteur secondaire qui y est
rattaché." Le ministre poursuivait, quelques paragraphes plus loin:
"D'autre part, la distribution et la transformation sont de plus en plus
appelées à jouer un rôle déterminant dans la
stratégie d'une politique agricole et à exercer des effets
d'entraînement sur le développement de l'agriculture." Le ministre
n'a sûrement pas changé d'avis à ce sujet et cette
déclaration de lui que je viens de lire, qui rejoint la conclusion de la
commission April, qui rejoint l'intervention d'un spécialiste comme M.
Léonard Roy, aurait dû nous faire espérer enfin, dans la
présentation de ce projet de loi, l'aboutissement d'efforts de toute une
génération d'économistes, de spécialistes qui
continuent de clamer à tout vent qu'une intégration s'impose au
Québec entre l'agriculture et la partie de l'industrie qui s'occupe des
aliments, si l'on veut véritablement rentabiliser l'industrie au
Québec, si on veut véritablement la moderniser et apporter aux
agriculteurs une réponse définitive au problème dont ils
se plaignent d'une façon chronique depuis le début du
siècle.
D'ailleurs, j'aurais également à rappeler au ministre une
autre déclaration d'un de ses bons amis, un de ses conseillers, le
professeur Ouel-let, de l'université Laval, qui, lui aussi, constatait
notre degré de dépendance, d'insuffisance dans les
approvisionnements et qui, à plusieurs reprises, a fait au ministre des
suggestions qui vont dans le même sens que celles que je viens de citer.
Reprenant l'étude que vient de produire le ministère, qui est
très bien faite d'ailleurs, sur la consommation et le degré
d'autoapprovisionnement, le profil agro-alimentaire no 2, M. Ouellet disait que
l'agriculture et l'industrie alimentaire produisent actuellement au
Québec pour une valeur d'environ $800 millions alors que la consommation
de produits alimentaires s'élève à quelque $2.5 milliards
par année, ce qui est près de 20 p.c. du produit national brut au
Québec.
Pourquoi, au Québec, existe-t-il et persiste-t-il un tel
écart entre les dépenses de consommation de $2.5 milliards et les
dépenses de production de $800 millions? C'est précisément
parce que l'agriculture et l'industrie se sont développées d'une
façon parallèle, parfois contradictoire, qu'il n'y a pas eu ces
efforts d'intégration, d'harmonisation menés par un seul
ministère. On voit d'ailleurs les résultats magnifiques auxquels
on peut en arriver lorsque, dans un secteur limité qui demeure la
responsabilité du ministre, on a pu procéder à ce
regroupement. Nous avons applaudi, comme bien d'autres, à la
création de Québec Lait, qui regroupait les laiteries Leclerc,
qui regroupait Grenache et d'autres coopérateurs. Cela a permis à
Québec Lait de prendre une place importante dans le secteur de la
transformation des produits laitiers face à des géants comme
Sealtest qui était en train de s'emparer de tout le marché.
Si nous avons applaudi à cette création, il demeurait
quand même dans nos applaudissements une certaine frustration, parce que
nous avions conscience de tous les autres secteurs où pareils
regroupements où pareilles fusions s'imposeraient. Le ministre
lui-même mentionnait, par exemple, une huilerie qui pourrait être
établie à Montréal et qui pourrait recevoir les graines de
colza et les graines de soya que le Québec pourrait produire si les
producteurs savaient d'avance qu'ils ont un débouché pour leur
production agricole. Le ministre lui-même disait que nous pourrions non
seulement rentabiliser un secteur important de l'agriculture, augmentant ainsi
le revenu moyen des cultivateurs québécois, mais qu'en même
temps nous pourrions limiter les importations considérables que nous
sommes obligés de faire, chaque année, de nos voisins
américains en ces domaines.
Donc, le regroupement, la fusion de l'alimentaire et de l'agricole
constitue probablement la réponse la plus radicale, la plus profonde aux
problèmes qui nous affligent aujourd'hui, que ce soit des
problèmes d'insuffisance de production par rapport à la
consommation, que ce soit par rapport à l'émiettement de nos
entreprises, que ce soit par rapport au caractère désuet de ces
entreprises émiettées, morcelées qui ne peuvent pas faire
face aux géants avec lesquels elles sont appelées à entrer
en relation dans une économie concurrentielle comme celle d'aujourd'hui.
Cela, le ministre le sait aussi bien que nous. Lorsque nous regardons, par
exemple, les débouchés auxquels ont à faire face nos
agriculteurs qui sont obligés de vendre leurs produits, on constate,
comme notre collègue Guy Joron l'a montré à la suite de
ses recherches, que la plus grande partie de ces entreprises sont des
entreprises étrangères, que ce soit Canada Packers, Kraft Foods,
Canadian Dominion Sugar, Western, Ogilvy, Molson, Seagram, Dow, Rothman,
Imperial Tobacco. Il n'y a dans ces géants que deux ou trois Canadiens
français, que deux ou trois entreprises québécoises et,
par hasard ce n'est pas un hasard, comme le ministre le sait ce
sont des coopératives. Qu'est-ce que la coopérative, sinon une
sorte de regroupement qui peut toujours s'élargir, comme justement
l'exemple de Québec-Lait vient de la prouver?
C'est donc la raison pour laquelle, M. le Président, nous ne
saurions assez insister, pen-
dant qu'il en est encore temps, pour que le ministre se ravise et plaide
une dernière fois, auprès de son collègue de l'Industrie
et du Commerce, en particulier, auprès de ses collègues du
cabinet pour que son ministère possède le nom qu'il devrait
posséder, c'est-à-dire ministère de l'Agriculture et de
l'Alimentation, et que le cabinet lui donne, dans les articles du projet de
loi, tous les pouvoirs dont il a besoin pour procéder le plus
rapidement, le plus efficacement possible à ce regroupement des
entreprises, à cette intégration des entreprises qui permettra
à celles-ci de transformer ici même au Québec, le plus
tôt possible, les produits de notre agriculture et qui pourra justement
permettre de rationaliser aussi bien en amont qu'en aval cette production
agroalimentaire pour le plus grand bien, d'ailleurs, du consommateur
québécois aussi bien que pour le plus grand bien du producteur
agricole québécois.
Encore une fois, je sais bien que le ministre ne nous fera pas de
confidences, la solidarité ministérielle l'en empêchant,
mais nous déplorons ces cloisonnements qui permettent cet
éparpillement de nos forces, de nos énergies, alors que nous
aurions tellement besoin au contraire de nous inspirer de la science, de la
raison, de la technique, nous qui, justement, avons à faire face
à des situations autrement plus difficiles que celles de nos
voisins.
Nous espérons que le temps permettra encore au ministre ce
dernier effort et que les voeux qu'il a déjà émis dans le
passé, et que nous savons être encore les siens, seront enfin
réalisés par la création d'un véritable
ministère de l'Agriculture.
Evidemment, ce sera encore un demi-ministère, étant
donné que le gouvernement fédéral continue à
contrôler plusieurs des avenues qui nous importeraient le plus, que ce
soit dans la commercialisation, encore une fois, dans le commerce international
ou dans l'aménagement des petites fermes. Mais, au moins, le ministre
aura en main un instrument qui est le plus puissant et le plus parfait possible
dans les circonstances du demi-Etat où nous devons continuer, durant
quelque temps, nos activités. Dans ces limites que je viens de
décrire, il aura au moins la satisfaction de posséder un
instrument qui lui permettra de mener plus rapidement les réformes
auxquelles il songeait quand il était secrétaire de l'UCC et
qu'il a rêvé de mettre en pratique maintenant qu'il occupe un
poste important au sein du gouvernement.
Evidemment, ceci implique que le ministère perdra son nom de
Colonisation . Je pense que c'est là une réforme qu'il ne vaut
même plus la peine de souligner, étant donné que la
colonisation est, depuis belle lurette, disparue au Québec. Maintenant,
nous pensons, au contraire, beaucoup plus en termes d'aménagement qu'en
termes de colonisation.
Je voudrais, cependant, rappeler au ministre, avant qu'on enterre de
façon définitive cette partie du nom de son ministère qui
s'appelle "Colonisation", qu'il reste, malgré tout, des problèmes
importants à régler en ce domaine. Même si je ne comprenais
peut-être pas grand-chose à la façon dont le
député de Lotbinière expliquait le problème, j'ai
suivi assez la situation pour me rendre compte qu'il y a des problèmes,
peut-être pas tellement nombreux, mais importants pour ceux, en tout cas,
qui les vivent dans ce domaine.
Je pense qu'il faudrait profiter de cette occasion pour mettre un terme
également à ces billets de location qui font de certains de nos
fermiers québécois des métayers, des serfs qui
appartiennent beaucoup plus à un régime féodal qu'à
un régime moderne, des fermiers que l'on fait vivre dans un état
permanent d'insécurité, des fermiers qui cultivent pour un autre,
pour une sorte de personnage mythique, inconnu, qui s'appelle l'Etat, qui n'ont
pas la pleine propriété de leur terre, qui ne peuvent pas la
passer à leurs enfants, qui ne peuvent pas l'aménager, qui ne
peuvent pas la cultiver, l'aimer, comme on le fait d'un bien qui nous
appartient en propre. Il nous semble que le temps serait venu, pour le
ministre, de mettre la hache, en même temps que dans la colonisation,
dans les reliquats désastreux qui nous en restent. Il devrait profiter
de cette occasion pour remettre enfin la pleine et due propriété
de leur terre à tous ceux qui en ont bénéficié sous
l'égide des lois de la colonisation, qu'on a cru nécessaire
d'adopter, un certain jour, dans cet Etat qui s'appelle le Québec.
Quant aux autres articles du projet de loi, il y en a qui nous
réjouissent et il y en a qui nous inquiètent. Parmi ceux qui nous
réjouissent, il y a l'allocation supplémentaire de fonds, qui est
portée de $1 million à $4 millions, que l'on réserve
à certaines entreprises ou coopératives. Je dis "certaines
entreprises ou coopératives".
Avant, il ne s'agissait que de coopératives, maintenant le
gouvernement veut étendre cette largesse ou cette
générosité à d'autres entreprises de type non
coopératif. Nous nous en réjouissons, évidemment, car les
problèmes de l'agriculture sont tellement nombreux, au point qu'ils
peuvent parfois donner l'impression d'être un gouffre sans fond.
L'addition de quelques millions ne peut que réjouir tous ceux qui
s'intéressent à la correction de ces problèmes. Nous
souhaiterions même que le ministre des Finances se montre beaucoup plus
généreux qu'il ne l'a fait et qu'il mette à la disposition
du ministre non pas $4 millions mais, de préférence, $10 millions
ou $15 millions, dans la mesure, précisément, où ces $10
millions ou $15 millions seraient dépensés comme nous le
préconisions tout à l'heure, c'est-à-dire d'une
façon rationnelle, pour la fusion et le regroupement d'entreprises qui
ont besoin de l'être ou pour la constitution d'entreprises nouvelles qui
faciliteraient la mise en production de produits nouveaux.
En ce sens, nous souhaiterions, encore une
fois, que le ministre se montrât plus généreux. Mais
ce qui nous inquiète quand même dans ce domaine, M. le
Président, c'est l'extension, qui peut nous sembler dangereuse, â
d'autres types d'entreprises, des fonds qui étaient
réservés jusqu'ici aux coopératives. Non pas que nous
soyons contre le principe, parce que nous savons bien qu'il y a d'autres
entreprises que les coopératives qui s'intéressent à ces
domaines il y a des moyennes, il y a des petites entreprises. Mais,
quand il y a un gâteau aussi petit que ces $4 millions ou que ce $1
million dans la loi antérieure et que nous voyons un groupe
d'affamés qui veulent se précipiter sur ces subventions
déjà insuffisantes, nous craignons beaucoup que les
coopératives se retrouvent dans une situation de vaincus chroniques. Car
les coopératives n'ont pas toujours bonne presse au Québec. Elles
se sont souvent développées contre vents et marées. Elles
n'ont pas toujours reçu du gouvernement l'aide à la quelle elles
auraient dû s'attendre. Nous craignons beaucoup qu'en étendant le
champ des quémandeurs les coopératives reçoivent encore
moins qu'elles ont reçu jusqu'ici, alors que nous sommes convaincus, M.
le Président, que dans le domaine que nous étudions aujourd'hui
les coopératives ont un rôle absolument majeur à jouer,
dans une économie contrôlée à 80 p.c. par des
sociétés multinationales ou par des sociétés
étrangères. Nous savons très bien que les
coopératives ont toujours un rôle majeur à jouer, parce que
c'est le principal moyen de regroupement, c'est le principal moyen de mise en
commun non seulement des épargnes mais des efforts, des initiatives que
l'on peut attendre d'un peuple.
D'ailleurs, l'exemple nous vient de loin. Dans d'autres pays qui ont
développé leur système coopératif, on a pu voir les
résultats imprévus, parfois, tellement ils étaient
effarants, de l'initiative des coopérateurs. En Allemagne
fédérale, par exemple, dans le secteur alimentaire, les
coopératives contrôlent actuellement 40 p.c. de la vente au
détail. En Suisse, les fédérations Migro et Co-Op Suisse
contrôlent également une partie importante de la vente au
détail. En Hongrie, les sociétés coopératives sont
particulièrement actives dans trois secteurs dont celui de
l'agriculture.
En Suède, enfin, les coopératives contrôlent environ
17 p.c. de la vente au détail et 40 p.c. dans le secteur alimentaire. Il
me semble que ce sont là des arguments qui devraient faire penser au
ministre qu'on ne soutiendra jamais assez l'effort des coopératives,
qu'il faudrait mettre à leur disposition non seulement des budgets
supplémentaires mais également les services techniques dont elles
ont parfois besoin, que ce soit pour l'étude de produits nouveaux, ou
pour stimuler l'ensemencement de produits nouveaux, ou pour étudier les
mécanismes de distribution, de commercialisation, de mise en
marché ou d'exportation.
Nous aimerions beaucoup qu'à l'occasion de l'étude de ce
projet de loi le ministre nous dise qu'il entend mener un effort magistral,
énorme, à tous les points de vue budgétaires et
techniques, pour stimuler les progrès des coopératives que nous
avons déjà, pour stimuler la création de nouvelles
coopératives, et également pour aider certaines de ces
coopératives dont la taille est encore insuffisante à se grouper
en fédérations de coopératives qui pourraient constituer,
dans beaucoup de secteurs, la réponse que nous attendons aux
problèmes que j'ai soulignés.
Donc, même si nous nous réjouissons de l'augmentation des
fonds, nous nous inquiétons de cette dilution possible de l'aide que
l'on peut apporter aux coopératives du fait qu'elles vont se trouver
face à des compétiteurs qui, souvent, ont davantage la faveur des
gouvernements, surtout quand on connaît la philosophie libérale
au sens économique de ce gouvernement. Et nous craignons que
ce qui était une mesure bénéfique finalement se transforme
au désavantage d'un mouvement qu'au contraire on devrait encourager par
tous les moyens possibles.
Enfin, un article du projet de loi permet au ministre de confier le
groupement de certaines fermes ou de certaines entreprises à un
organisme gouvernemental. Je vous avoue que ceci nous inquiète
grandement. Nous connaissons toutes les critiques qui ont été
faites aux organismes gouvernementaux dans les années qui ont
précédé.
Encore une fois, nous n'avons rien contre le principe d'un organisme
gouvernemental. Nous savons que, dans certains domaines, cela s'impose d'une
façon absolue, que ce soit dans le domaine de
l'électricité, de l'exploration minière, des initiatives
pétrolières et même de l'exploitation de nos
forêts.
Mais nous nous demandons si la pensée du ministre est assez
explicite à cet égard. Nous nous demandons s'il n'y aurait pas
lieu d'étoffer davantage son article pour qu'en même temps qu'on y
parle d'un organisme gouvernemental qui, nécessairement, sera
centralisé on parle également d'organismes
régionaux. Nous nous demandons si, dans un domaine qui touche d'aussi
près la vie des gens que l'agriculture, il est sage de ne penser qu'en
termes d'organismes gouvernementaux centralisés.
D'ailleurs, j'aimerais rappeler au libéral de frafche date qu'est
le ministre de l'Agriculture une résolution du programme
électoral de 1970 du Parti libéral qui préconisait la
création de sociétés régionales de gestion et de
planification agricoles administrées par les producteurs avec l'aide du
gouvernement.
Ces sociétés, selon le programme libéral, "seraient
intégrées verticalement sur une base régionale et seraient
responsables: 1 de l'achat, de la consolidation des terres et de la
formation de fermes agricoles responsables-, 2 du développement de
la mise en marché des productions agricoles; 3 de la consolidation
des industries marginales de transformation; 4 de la création
d'usines d'empaquetage et de conservation."
Voilà une résolution, M. le Président, à
laquelle nous donnons notre accord le plus complet et le plus
enthousiaste. D'ailleurs, on la retrouve dans la version que nous venons de
faire paraître du programme du Parti québécois.
Voilà un point sur lequel nos deux partis sont complètement
d'accord. Mais pourquoi, au moment où nous sommes d'accord, où
nous énonçons cet accord, le Parti libéral fait-il machine
arrière vers la centralisation, vers la bureaucratisation? Pourquoi
devons-nous assister à cette libéralisation, dans le sens
économique stuartmillien du terme, devrais-je dire, du parti, alors que
précisément les contraintes qui ont amené les militants du
Parti libéral à préconiser cette résolution sont
toujours de plus en plus pressantes et de plus en plus présentes? Nous
ne nous expliquons pas, M. le Président, ce retour en
arrière.
Nous voudrions que le ministre profitât de ce dernier moment, de
ce dernier délai qui lui est donné pour faire machine
arrière, pour repenser la texture de son article. Nous lui accordons
toute la bonne foi désirable. Peut-être s'agit-il ici simplement
de négligence ou de manque d'explicitations. Nous lui donnons ce dernier
délai pour qu'il repense la formulation de son article et pour qu'il
nous l'aiderons, d'ailleurs, par un amendement confie aux
sociétés régionales de gestion et de planification
agricoles, qu'il devrait s'employer à créer l'administration de
toutes les réformes qu'il a à l'esprit. Il nous semble que les
intérêts de la classe agricole, aussi bien que les
intérêts généraux du Québec seront beaucoup
mieux servis par cette réforme que par l'article qu'il nous soumet
aujourd'hui.
Donc, il est un peu difficile de se faire une idée
définitive de ce projet de loi tellement nous sentons qu'il ne satisfait
qu'à moitié le ministre lui-même, tellement nous sentons
qu'il aurait aimé y mettre davantage d'étoffe, de substance et
qu'il nous présente sinon un avorton, du moins un petit enfant malingre,
à qui on ne peut qu'espérer que Dieu prête vie le plus
longtemps possible.
Cependant, ce projet de loi contient quelques réformes que nous
préconisons, que nous souhaitons depuis longtemps et à ce titre
nous ne pourrions qu'y être favorables. Nous attendrons donc la
discussion en deuxième lecture et non pas en troisième lecture,
la discussion en comité plénier, pour voir si le ministre peut
améliorer davantage son projet de loi pour qu'il colle davantage aux
réalités contemporaines de l'agriculture du Québec. Nous
savons en effet que l'agriculture, même si elle n'occupe plus que 9 p.c.
ou 10 p.c. des citoyens du Québec, constitue un des secteurs les plus
importants de notre vie collective, non seulement parce qu'elle est
située à un point névralgique où, d'amont, lui
parviennent des produits qui entrent pour beaucoup dans la constitution du
produit na- tional brut ou parce qu'en aval elle donne à des industries
d'autres produits qui, eux aussi, contribuent beaucoup au produit national
brut, mais surtout parce que l'agriculture est le seul domaine qui permet
à un peuple de se raciner dans son territoire, qui permet à un
peuple de se donner un visage, de se donner une âme, d'occuper le
territoire, de l'aménager, de le cultiver, selon les lignes de force de
son histoire et de sa culture.
C'est la raison pour laquelle nous tenons au progrès du secteur
agricole comme à la prunelle de nos yeux, car si nous ne sauvons pas
l'agriculture, nous ne pouvons pas sauver le pays, alors que si nous sauvons
l'agriculture, c'est là une garantie de santé et de
progrès pour tout l'organisme collectif, et nous ne saurions y consacrer
trop d'efforts. En ce sens, le projet de loi que nous présente le
ministre nous paraît d'une extrême importance et nous
l'étudierons avec toute l'attention qui s'impose, afin que nous
puissions doter non seulement le gouvernement, mais la classe agricole d'un
ministère qui saura lui procurer les instruments, les fonds,
l'administration, en même temps que les initiatives surtout qui
assureront définitivement son progrès..
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Est-ce que je peux demander la suspension, vu qu'il ne reste
qu'une seule minute?
M. LEVESQUE: Vous pouvez la demander, mais ce n'est pas sûr que
vous allez l'obtenir.
M. AUDET: Je demande la suspension de la séance, M. le
Président.
M. LEVESQUE: La séance est suspendue jusqu'à quinze
heures, M. le Président.
M. VINCENT: On continue là-dessus en revenant, et il y a la
commission plénière aussi en Chambre.
M. LEVESQUE: Oui, normalement, sujet à changements.
M. LOUBIER: Pourquoi pas quatorze heures trente? Vous allez gagner une
demi-heure.
M.LEVESQUE: Si tout le monde est d'accord pour quatorze heures trente,
moi, je ne ferai pas d'objection. Quatorze heures trente.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à quatorze heures trente.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
Reprise de la séance à 14 h 32
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet, avec le
consentement unanime de la Chambre, on pourrait déposer
immédiatement un rapport de la commission des institutions
financières, compagnies et coopératives.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a le consentement?
M. PAUL: On donne le consentement à la production du rapport et,
quant à nous, M. le Président, troisième lecture du projet
de loi no 6.
M. LEVESQUE: Est-ce que vous voulez faire le rapport
là-dessus?
UNE VOIX: Non.
Rapport de la commission des institutions
financières
M. BROWN: M. le Président, conformément aux
règlements de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de
déposer pour André Marchand le rapport de la commission
permanente des institutions financières, compagnies et
coopératives qui a étudié le projet de loi no 6,
intitulé Loi modifiant la loi des valeurs mobilières.
LE PRESIDENT: Dépôt du rapport.
M. PAUL: M. le Président, n'en déplaise à
l'honorable leader du gouvernement, nous serions prêts, nous, à
consentir à la troisième lecture de ce projet de loi.
M. LEVESQUE: Si tout le monde est prêt, mais qu'on le dise si on
n'est pas d'accord. Le silence, dans ce cas, est l'approbation.
M. PAUL: II faut que ce soit inscrit au journal des Débats, M. le
Président. Qui fait un filibuster sur un tel projet de loi?
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?
M. LAURIN: Non, M. le Président.
LE PRESIDENT: J'ai entendu une voix.
M. LEVESQUE: M. le Président, nous pourrions également
procéder au dépôt d'un rapport de la commission permanente
de la justice.
Rapport de la commission de la justice
M. MARCHAND: M. le Président, confor- mément aux
dispositions de nos règlements, j'ai l'honneur de déposer le
rapport de la commission permanente de la justice, chargée de
l'étude des projets de loi privés qui lui sont
déférés à savoir: projet de loi no 113, Loi
concernant la vente de certains immeubles par la Société
d'éducation de Joliette; projet de loi no 149, Loi concernant la
succession de Joseph Aldéric Raymond; projet de loi no 152, Loi
concernant certains lots de cadastre de la cité de Montréal,
quartier Saint-Laurent; projet de loi no 163, Loi concernant la succession de
Léona Bessette; projet de loi no 154, Loi concernant le titre de
Allis-Chalmers, Rumely, Ltd. sur un immeuble; projet de loi no 156, Loi
concernant la corporation Ivanhoe; projet de loi no 158, Loi éteignant
une servitude sur une partie d'un lot de cadastre de la municipalité de
la paroisse de Montréal; projet de loi no 165, Loi concernant la
Fabrique de la paroisse de Sainte-Dorothée; projet de loi no 168, Loi
concernant une donation à la Fabrique de la paroisse de
Saint-Philéas-de-Villeroy. Respectueusement soumis, Léo Pearson,
député de Saint-Laurent. Au nom de M. Léo Pearson, le
député de Laurier s'est fait un plaisir de faire ce rapport.
UNE VOIX: Un rappel.
LE PRESIDENT: Rapport déposé?
M. LATULIPPE: Est-ce que vous me permettriez une question? Le projet de
loi sur les institutions financières a-t-il été
présenté en troisième lecture?
LE PRESIDENT: Le projet de loi de?
M. LATULIPPE: Le projet de loi dont le rapport a été
appelé précédemment à celui-ci?
LE PRESIDENT: Non.
M. LATULIPPE: II n'a pas été accepté.
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on a objection à ce que les bills
privés puissent été présentés en
troisième lecture immédiatement?
M. LAURIN: Pas d'objection. M. LEVESQUE: Pas d'objection?
M. PAUL: Bien, je comprends que vous allez réserver les projets
de loi nos 152 et 156.
LE PRESIDENT: Est-ce que l'on pourrait voir les rapports,
peut-être?
M. LEVESQUE: C'est parce qu'il y en a...
LE PRESIDENT: II y en a qui ne sont pas approuvés, je crois.
M. LEVESQUE: ... qui no sont pas approuvés.
LE PRESIDENT: Non, mais on pourrait procéder à l'adoption
des projets de loi sur lesquels les rapports sont favorables.
M. LEVESQUE: C'est ça. Les projets de loi nos 152 et 156,
d'après le rapport, sont remis sine die. Alors, pour les autres projets
de loi, soit 158, 165, 168, 113, 149, 154 et 163...
M. PAUL: Agréé.
M. LEVESQUE: ... troisième lecture.
LE PRESIDENT: Lesquels sont réservés, s'il vous
plaît?
M. LEVESQUE: Nos 152 et 156.
LE PRESIDENT: Premièrement, il faudrait faire les
écritures en ce qui concerne l'adoption le rapport est
déposé du rapport. Est-ce que les rapports concernant les
projets de loi suivants: 168, 149, 154, 165, 152, 156, 163, 113 et 158, sont
adoptés?
UNE VOIX: Adopté.
Troisième lecture de projets de loi
privés
LE PRESIDENT: Troisième lecture des projets de loi suivants: 168,
149, 154, 165, 163, 113 et 158. La troisième lecture est-elle
adoptée?
Adopté.
M. PAUL: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Troisième lecture de ces projets de loi.
Third reading of these bills.
Projet de loi no 13 Deuxième lecture
(suite)
LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.
M. Aurèle Audet
M. AUDET: M. le Président, sur la deuxième lecture du bill
13, il me fait plaisir d'apporter quelques précisions, quelques
informations.
M. le Président, le bill prévoit enlever le mot
colonisation. Je crois que nous sommes d'accord sur cela. A toutes fins
pratiques, si enlever le mot colonisation avait pour effet de
décoloniser les régions rurales, nous pourrions dire que cela
fait longtemps que c'est fait. M. le Président, la décolonisation
est faite depuis longtemps et cette décolonisation a été
bel eh bien faite par la venue du bien-être social dans les années
soixante.
Nous savons, M. le Président, que des colons étaient
devenus de petits cultivateurs et qui, en ces années, avaient beaucoup
de misère à subsister dans leurs colonies. Et la Loi du
bien-être social est venue, loi sélective, qui venait offrir sur
un plateau un chèque de bien-être social à la condition que
le colon ou le cultivateur mal en point accepte de laisser son troupeau,
accepte d'arrêter de cultiver, accepte de cesser de bûcher de la
pitoune, du bois de quatre pieds, sur son lot.
Je crois, M. le Président, que c'est la formule qu'on a
utilisée dans le temps. Je n'accuse pas le ministre actuel parce qu'il
n'est certainement pas responsable de ces mesures prises dans le temps, mais
rien n'empêche que c'est la formule dont on s'est servi pour
décoloniser nos petites paroisses rurales aussi bien dans le nord qu'un
peu partout dans la province.
Pour ma part, dans l'Abitibi-Ouest, j'en ai été
témoin. J'y étais et j'ai vu la décolonisation se faire
par ces moyens. C'était très grave, M. le Président, de
voir ces mesures sélectives venir offrir à nos cultivateurs, nos
colons qui, nécessairement, à la venue de l'inflation, ne
pouvaient pas joindre les deux bouts, le bien-être social à la
condition qu'on accepte de ne plus produire, de ne plus garder de troupeau, de
ne plus cultiver et de ne pas aller chercher un surplus pour le bien-être
de leur famille.
M. le Président, nous acceptons certainement d'enlever ce mot
colonisation mais quelles seront les conséquences de la disparition de
ce mot colonisation de toutes les lois touchant le domaine agricole?
Quelles seront ces conséquences? Nous sommes très inquiets
à ce moment-ci lorsque nous voyons l'enlèvement de ce mot
colonisation qui s'inscrit dans un texte de loi qui donne, par contre, des
pouvoirs discrétionnaires à un organisme.
On va former un organisme qui n'aura même pas de
responsabilités vis-à-vis du gouvernement, en ce qui concerne ses
décisions, ses gestes, ses plans ou objets qu'il voudra bien organiser
en vue de rétablir des zones forestières, par exemple, faire
l'aménagement des fermes ou nommer zones agricoles ou forestières
certaines régions de nos comtés ruraux.
Nous sommes très inquiets et nous demandons au ministre
aujourd'hui ce qu'il entend faire à la suite de l'enlèvement de
ce mot colonisation. Est-ce qu'on se servira de ce projet de loi pour inviter
à partir les petits cultivateurs ou les résidents,
peut-être juste les assistés sociaux qui demeurent actuellement
encore sur des lots sous billet de location, des gens qui travaillent un peu
à l'extérieur, qui ne vivent pas nécessairement de leur
ferme, mais qui demeurent quand même sur ces lots sous billet
de location, ce qui leur apporte un apport assez considérable
pour faire vivre leur famille?
Ne se servira-t-on pas de ce bill pour dire tout simplement à ces
résidents: Vos lots, à partir de maintenant, sont
retournés au ministère des Terres et Forêts, ils ne sont
plus votre propriété, vous n'avez plus le droit de demander de
patente sur ces lots; de toute façon, vous devez retourner à
l'industrie, â un travail quelconque ou aller vous loger ailleurs; si
vous êtes des assistés sociaux, allez-vous en dans les HLM en
ville?
Je crois que si c'est l'objectif poursuivi par le ministre actuel dans
son bill 13, c'est très néfaste, parce que c'est encore là
une forme de déportation. Nous avons parlé, dans l'histoire du
Canada, de la déportation des Acadiens, et dans ce temps-là nous
nous apitoyions réellement sur le sort de ces Acadiens qui ont
été déportés.
Ds n'avaient pas le choix, M. le Président. Je crois qu'au cours
de l'histoire, pas plus tard que de 1930 à 1940, nous avons vu une
déportation aussi, lorsqu'on a fait de la colonisation. On a pris nos
gens de la ville, qui recevaient le secours direct et on les a
empaquetés dans des boxcars avec leurs vaches et leurs poules et on les
a obligés à monter dans le nord. Vous vous souvenez de ça?
Moi, je m'en souviens. Ils étaient forcés de monter dans le nord;
c'était de la déportation, M. le Président. On les
forçait à aller ouvrir des lots boisés, de peine et de
misère. Nous savons quels sacrifices, quels labeurs ont
été consentis pour ouvrir ces lots. Aujourd'hui, on veut, avec ce
bill, dire à nos cultivateurs du nord ou aux colons, ou peut-être
juste aux résidents qui ont ouvert des lots à force de sacrifices
et de misères: Ces lots sous billet de location ne sont plus votre
propriété. Ils sont maintenant la propriété du
ministère des Terres et Forêts et vous n'avez qu'une chose
à faire: allez-vous-en dans les HLM en ville. Une autre
déportation, M. le Président.
Je crois que, si c'est ça, dans l'esprit du ministre, le bill 13,
c'est très néfaste et ignoble et nous n'en voulons pas. Je crois
que ça cache quelque chose, ce bill-là. Nous sommes très
inquiets et notre population du nord est inquiète à ce sujet. On
se dit: Est-ce qu'on nous fera revivre les années trente et quarante? On
a payé des millions de dollars pour nous forcer à venir habiter
des lots, à arracher des souches avec des boeufs, avec des chevaux,
à ouvrir des terres dans le nord. Maintenant, ça va nous
coûter des millions pour prendre ces cultivateurs ou ces assistés
sociaux et les envoyer dans les HLM. Cela va coûter d'autres millions, M.
le Président, au gouvernement parce que les assistés sociaux,
actuellement sur leurs terres, dans le nord, ne paient pas de loyer, mais, dans
les HLM, ils devront payer leur loyer et ça va coûter des
millions. On a fait un calcul rapide. Par exemple, pour 6,000 assistés
sociaux qui devraient ça représente à peu
près la moitié des gens qui demeurent dans des lots sous billet
de location retourner dans les HLM, ça coûterait une moyenne
de $90 à $100 par mois. En chiffres ronds, ça se traduirait par
environ $72 millions au gouvernement. C'est pas mal bon, imaginez-vous, pour
faire déserter les terres à nos colons du nord! On serait mieux
de les laisser là et de leur laisser la chance de vivre chez eux. Ils
veulent demeurer chez eux, ces gens-là; on n'aime pas être
transplanté à droite et à gauche, M. le
Président.
Le ministre semble dire que ce n'est pas ça, le bill.
J'espère que ce n'est pas ça.
M. TOUPIN: Ce n'est pas ça, certain.
M. AUDET: ... mais notre population du nord est inquiète à
ce sujet-là...
M. LEVESQUE: Est-ce que le député pourrait nous dire
comment il arrive à $75 millions?
M. AUDET: ... prenez 6,000 à $100 par mois, ça fait $1,200
par année, multipliez par 6,000, ça fait $7,200,000.
M. LEVESQUE: Ah! pas $75 millions.
M. AUDET: Excusez-moi, M. le Président. Rien qu'un zéro.
M. le Président, $7,200,000, ça fait un gros montant pour
permettre de transplanter des gens ailleurs que chez eux, déloger des
gens; c'est de la déportation.
M. GRATTON: Cela coûte cher.
M. AUDET: Je crois qu'il y aurait lieu de penser réellement
à ce qu'on va faire, parce que dans le bill on est en train de donner
des pouvoirs à des organismes qui ne seront pas responsables au
gouvernement, qui vont pouvoir décider de faire ce qu'ils vont vouloir
lorsqu'il s'agira de l'établissement de zonages forestiers, par exemple.
Une petite paroisse de mon comté, Villebois, Abitibi, a
sérieusement étudié dernièrement les implications
de cette loi et elle voit la venue possible de l'établissement de
zonages forestiers dans son district, dans son coin, et on n'en veut pas. Je
donne un message ici au ministre de l'Agriculture de bien vouloir porter une
attention à la demande de ces paroissiens.
Il y a encore une trentaine de cultivateurs qui ont fait
dernièrement un inventaire de leur bétail; ils ont quand
même 500 têtes de bétail avec des possibilités de 750
têtes d'ici deux à trois ans. Je crois donc que ces gens-là
veulent vivre, veulent demeurer chez eux, qu'ils ne voudraient pas se voir
déloger, voir leur ferme retourner à la forêt. On n'en veut
pas du retour à la forêt.
C'est bien beau de reboiser des terres faites, mais je crois que dans le
Grand Nord, dans mon comté, où on coupe des boisés
à raison de plusieurs milliers d'acres par année, il y a
amplement de place, d'espace, pour reboiser
sans reboiser les fermes existantes. On n'a pas besoin de ça.
Qu'on garde nos fermes qui sont actuellement cultivables, qu'on les laisse
à l'agriculture, qu'on encourage l'agriculture plutôt que de
retourner ces fermes à la forêt. Nos gens n'en veulent pas et
avant de déclarer ces zones, zones forestières, qu'on aille au
moins demander à cette population ce qu'elle veut qu'on fasse pour elle.
Ce sont ces gens qui ont vécu dans ce coin. Ce sont eux qui ont ouvert
leur ferme.
Je me demande si le gouvernement pourrait, facilement, objectivement,
sans leur demander, rendre ces coins-là zone forestière; c'est
impensable, M. le Président.
DES VOIX: Adopté. M. LEVESQUE: Adopté.
M. AUDET: Ce n'est pas adopté, une minute! Un instant. Cette
population du Nord veut réellement demeurer chez elle, ne veut pas
être dérangée ou au moins veut être consultée
avant de faire des programmes semblables, avant d'accepter, par exemple, de
donner libre cours aux fonctionnaires d'entrer sur les fermes, d'aller
inventorier quoi que ce soit comme des voleurs, ni plus ni moins. Un article
dans la loi mentionne, par exemple, que dorénavant les fonctionnaires
pourront librement circuler sur les fermes sans permission, ce qui était
accordé déjà à des arpenteurs mais là on
veut amplifier ce mode d'intrusion chez les cultivateurs ou surtout,
peut-être, chez des gens qui demeurent sur des lots non
patentés.
C'est une autre façon de leur dire qu'ils ne sont pas chez eux,
même s'ils y ont passé des années, qu'ils ont
dépensé des fortunes ou y ont laissé leur vie. On leur
dira: Vous n'êtes pas chez vous, allez-vous en ailleurs. Ces gens veulent
demeurer chez eux, ils se posent de gros points d'interrogation actuellement.
Je vous fais la lecture d'un exposé fait dans le programme du 30e
anniversaire de Val-Paradis, une paroisse de mon comté, où on
disait: Val-Paradis, est-ce seulement un beau souvenir? Parce qu'ils sont
inquiets. Val-Paradis, est-ce une raison de vivre, un espoir perdu, un centre
de renouveau ou est-ce un avant-poste du Grand Nord? Ce sont des interrogations
qu'on se pose, M. le Président, autant de points d'interrogation qui
ponctuent les divers champs de vision.
Je crois que le ministre devrait faire attention à cela. Au
moins, avant de poser des gestes néfastes, on devrait aller dans le Nord
informer la population et lui demander ce qu'elle veut, elle. C'est à
eux qu'il faut le demander, ce n'est pas à des fonctionnaires qu'il faut
donner la liberté d'action sans au moins consulter ces gens-là.
Les mêmes citoyens disaient, dans un chant composé à
l'occasion du 30e anniversaire de leur paroisse: Val-Paradis, joyau d'Abitibi,
nouveau né de la baie James...
DES VOIX: Chantez-le! Chantez-le!
M. AUDET: ... produit des défricheurs, Val-Paradis, je n'ai qu'un
seul désir, c'est de vivre chez nous!
UNE VOIX: Ainsi soit-il.
M. AUDET: On veut vivre chez nous, M. le Président. Donc, faisons
attention à ces gens-là.
Ils ont été assez malmenés dans les années
trente et quarante, quand on les a forcés à aller dans le nord
pour les faire ouvrir ces terres de peine et de misère, n'allons pas
jusqu'à les déloger pour les retourner dans les HLM,
malgré eux. Merci.
LE PRESIDENT: Droit de réplique?
M. TOUPIN: Oui, cinq à dix minutes, à moins qu'il n'y en
ait un autre.
M. PAUL: Le député de Yamaska s'est levé pour
parler.
LE PRESIDENT: La réplique de l'honorable ministre mettra fin au
débat de deuxième lecture.
M. Normand Toupin
M. TOUPIN: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de
la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à l'Assemblée.
Je voudrais simplement, pendant les quelques minutes qui vont suivre,
apporter quelques précisions ou quelques éclaircissements sur ce
qui a été dit de l'autre côté.
Je vais laisser de côté toute l'argumentation, si on peut
l'appeler ainsi, qu'a apportée le député d'Abitibi-Ouest
concernant la colonisation. Tout ce que je puis dire sur ce sujet, c'est qu'il
est évident qu'un mouvement de colonisation non seulement s'est
dessiné, mais s'est concrétisé au cours des années
passées. Aujourd'hui, nous devons avec des nouvelles politiques tenter
de réintégrer, soit sur le marché du travail industriel ou
sur le marché du travail agricole, ceux qui, jusqu'à un certain
point, n'ont pas été en mesure de s'intégrer totalement
dans ces politiques de colonisation. Mais je dois dire immédiatement au
député d'Abitibi-Ouest qu'il n'a pas à s'inquiéter:
le projet de loi no 13 n'a rien de néfaste à cet égard.
Tout ce qu'il prévoit, c'est que le ministère pourra
préparer des programmes de développement agricole et non pas des
programmes de développement des HLM, comme il l'a dit. Il doit
développer des programmes agricoles et intégrer les populations
rurales et agricoles dans ces programmes, en vue de développer
l'agriculture.
Je pense que, s'il y a une région qui, jusqu'à maintenant,
a bénéficié des politiques gouvernementales en
matière de développement de nouvelles productions, c'est bien la
région de l'Abitibi où, depuis trois ans, par exemple, on a
presque quintuplé la production d'élevage. C'est notre
intention de continuer dans cette perspective et d'amener tous les
intéressés, quels qu'ils soient et quelle que soit la grandeur de
terre dont ils disposent, à épouser les objectifs du programme. A
ce moment-là, ils ont droit aux subventions que nous avons
prévues à cet effet. Nous allons, bien sûr, continuer dans
cette perspective, mais cette loi n'a rien à voir actuellement avec les
lots de colonisation. Peut-être amenderons-nous, un jour ou l'autre, la
Loi concernant les lots de colonisation, mais celle-ci ne touche en rien la
colonisation ou les lots sous billet de location ou autrement.
M. AUDET: Est-ce que le ministre me permet une question?
UNE VOIX: II faudrait que ce soit dans le sujet.
M. AUDET: Est-ce que vous prévoyez que les gens du nord seront
consultés lorsqu'on établira ces plans?
M. TOUPIN: Bien sûr, M. le Président. Le ministère,
jusqu'à maintenant, n'a mis en place aucun programme sans consulter
l'UPA, les comités agricoles, les coopératives. Tout le monde a
été consulté sur les programmes que nous avons mis de
l'avant. Si jamais nous aboutissons dans l'Abitibi à un programme de
zonage, nous ferons en Abitibi ce que nous avons fait au
Saguenay-Lac-Saint-Jean où le programme est en place actuellement. Nous
allons consulter non seulement les organismes, mais, autant que possible, tous
les agriculteurs en assemblée générale pour leur demander
s'ils sont d'accord sur ça.
On va plus loin; une fois la zone déterminée une
première fois, si cela ne correspond pas exactement aux goûts et
aux désirs des agriculteurs, nous sommes prêts à amender
les zones, à les refaire, à condition, évidemment, qu'on
accepte le principe pour que nous puissions utiliser, dans sa perspective la
plus rationnelle, les sols arables de l'Abitibi ou du
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Alors, le député de Nicolet a parlé beaucoup du nom
du ministère. Il a émis les trois hypothèses possibles:
soit un ministère qui porterait le nom de ministère de
l'Agriculture, ou de l'Agriculture et de l'Alimentation, ou de
l'Aménagement rural. Nous avons, effectivement, examiné chacune
de ces options. Nous en sommes venus à la conclusion suivante: au fond
agro-alimentaire et aménagement rural se trouvent avant et après
agriculture de telle sorte que si nous avons jugé
préférable de garder le mot agriculture seulement, c'était
précisément pour trouver l'appellation ou le nom qui
correspondait le mieux à toutes les réalités agricoles et
rurales du milieu auquel s'adresse le ministère. Nous n'avons absolument
aucune arrière-pensée à savoir que si on maintenait le mot
agriculture, c'était pour éliminer aménagement rural ou
éliminer agro-alimentaire. Au contraire, on a cru que ce mot agriculture
était le plus adéquat pour représenter, le plus clairement
possible, les véritables besoins exprimés par l'ensemble du
milieu.
Le député de Nicolet a parlé aussi d'une couple
d'autres points sur lesquels j'aimerais m'attarder pendant une minute ou deux,
notamment sur la régionalisation et sur la décentralisation. Il a
fait mention qu'il serait intéressé à voir une direction
de ce qu'on pourrait appeler une direction générale qui serait
à l'écoute des besoins de la population et qui serait
également à la portée de la régionalisation.
Le député de Nicolet doit savoir, sans aucun doute, que
nous avons au ministère un service qui relève du service de la
production mais dont le responsable s'occupe essentiellement des bureaux et
laboratoires régionaux. Son rôle, sa fonction à lui, c'est
d'écouter précisément ce que les coordonnateurs
régionaux croient que doivent être les programmes agricoles des
régions. Ceux-là se réunissent une fois par mois.
Ensemble, ils essaient de déterminer quelles sont les priorités
pour chacune des régions.
M. VINCENT: M. le Président, est-ce que le ministre me
permettrait une rectification? Peut-être...
M. TOUPIN: Oui.
M. VINCENT: ... que je me suis mal exprimé ou qu'il a mal saisi
mes propos. Quand je parle d'une direction qui aurait l'oreille attentive aux
véritables problèmes du milieu rural, je parle de la direction du
ministère et non pas de la direction générale qui s'occupe
des bureaux régionaux, qui entendent les doléances, les plaintes
des fonctionnaires. Je parle de la direction du ministère qui serait aux
écoutes des agriculteurs pratiquants...
M. TOUPIN: Oui.
M. VINCENT: ... parallèlement à la direction qui s'occupe
des bureaux régionaux et des services.
M. TOUPIN: Oui, alors je vais y revenir. Nous avons, bien sûr, un
responsable des bureaux et laboratoires régionaux, qui, eux, d'abord,
écoutent ce que les régionaux ont à dire. Je pense que le
député de Nicolet est d'accord avec moi pour dire que les bureaux
régionaux ont quand même l'oreille attentive aux besoins des
agriculteurs. Ainsi, on croit pouvoir canaliser les besoins des
agriculteurs.
Nous avons, en plus, un service qu'on appelle les programmes
spéciaux, dont le rôle consiste précisément à
rencontrer certains comités régionaux d'agriculteurs ou autres
dont les objectifs sont de mettre en place de nouvelles initiatives.
L'exemple le plus concret qu'on puisse apporter est celui des serres
à tomates de Manseau. Nous avons écouté les groupes
d'agriculteurs et nous avons mis à leur disposition un
spécialiste en cette matière.
Le député de Nicolet a également parlé
là-dessus, je n'ai pas compris trop trop ses propos, mais je vais
essayer quand même de les interpréter de
l'interprofessionnel ou de la multidisciplinarité à
l'intérieur du ministère, au niveau des professions. On est bien
conscient qu'il n'est pas toujours facile pour des agronomes, pour des
ingénieurs, pour des médecins-vétérinaires, pour
des administrateurs et pour des économistes, qu'il n'est pas toujours
possible à ces derniers, dis-je de s'entendre en même temps sur
les mêmes aspects, dans le cadre des mêmes objectifs. Les uns et
les autres ont trop souvent ou très souvent et c'est bon, en soi,
je pense des opinions différentes sur la commercialisation, par
exemple, sur l'alimentation du bétail, sur la santé animale,
etc., mais ce qui, à notre point de vue, est le plus important, c'est
que ces derniers parviennent quand même à travailler ensemble et
à épouser ensemble des objectifs généraux, des
grands objectifs. J'ai fortement l'impression qu'actuellement, au
ministère, l'ensemble des professions qui y oeuvrent ont
épousé, en général, les grands objectifs du
ministère.
Je voudrais aussi mentionner que nous avons fait tout notre possible,
tout au moins depuis que nous sommes au ministère, pour intégrer
chacune des professions dans des cadres précis les plus
élevés possible. Par exemple, c'est un
médecin-vétérinaire qui est responsable du plus gros
service au ministère, qu'on appelle le Service des productions. C'est un
avocat qui est président de l'Office du crédit agricole, qui est
le plus gros organisme de crédit au niveau du ministère de
l'Agriculture. Nous confions des tâches bien précises. C'est un
économiste, par exemple, qui est immédiatement responsable,
après le sous-ministre, de la commercialisation et de la recherche.
Ce sont là, je pense, des faits qui dénotent que
l'ensemble des professions parviennent quand même à travailler
ensemble à se fixer des objectifs généraux. Je sais que
lorsque nous avons discuté des lois des professions, les agronomes
avaient demandé qu'on cerne un peu plus leur profession dans la
définition des mandats. Les médecins-vétérinaires
avaient demandé un peu la même chose, mais je pense qu'au bout de
la ligne ils se sont entendus pour situer dans le cadre des
responsabilités professionnelles à peu près des statuts
équivalents, de telle sorte qu'ils pourront, dans l'avenir, continuer
à travailler en étroite collaboration sans que cela crée
des problèmes trop sérieux.
Un point du discours du député de Nicolet sur lequel je
voudrais insister, en terminant, c'est la notion de service qu'il veut donner
au ministère de l'Agriculture.
Vous me permettrez, M. le Président, de ne pas être
d'accord du tout avec le député de
Nicolet à ce chapitre pour une raison très simple. C'est
que le ministère de l'Agriculture, ce n'est pas un ministère de
services. C'est d'abord et avant tout un ministère à
caractère économique. Son rôle doit être toujours
stimulant dans l'économie. Ses programmes doivent toujours avoir pour
conséquence et pour effet le développement économique
d'une ferme, le développement économique d'une entreprise, le
développement économique d'une commercialisation mieux
structurée.
Ce sont là ses premiers objectifs. Mais il doit, bien sûr,
dans le cadre de buts économiques bien définis, attacher à
ce cadre des services techniques de recherche, etc.
Mais il me reste, quant à moi, l'impression claire et nette que
le ministère de l'Agriculture doit demeurer un ministère à
vocation essentiellement économique. Et, si nous cherchons encore
à lui donner une notion de ministère de services, nous risquons
de retrouver dans quelques années le ministère de l'Agriculture
qui va distribuer des subventions pour régler des problèmes
très souvent sociaux qui peuvent être réglés
très facilement par d'autres ministères dont la fonction
essentielle est précisément de régler ces
problèmes.
Je voudrais m'attarder quelques minutes sur les quelques propos qu'a
tenus le député de Lotbinière. Il a fait porter son
intervention surtout sur le colonialisme ou encore sur la colonisation. Il
n'est absolument pas dans l'intention du ministère de l'Agriculture de
faire du colonialisme ou de retourner à la colonisation ou de freiner
quelque mouvement qui existe encore de colonisation dans le sens où on
veut prendre des lots qui ne sont pas nécessairement prêts
à l'agriculture, mais qu'on voudrait prendre et garder pour des fins de
résidence ou pour des fins d'agriculture bien artisanale.
On n'est même pas contre ça. On est même d'accord sur
ça. Et la preuve c'est que je défie le député de
Lotbinière de trouver un agriculteur au Québec à qui on a
refusé un lot de colonisation alors qu'il était agriculteur, je
dis bien alors qu'il était agriculteur. Non pas parce qu'il était
le fils du père qui était agriculteur ou le fils du père
dont le grand-père était agriculteur. Non.
Mais c'est celui qui demeure sur un lot de colonisation, qui exploite
son lot, qui a répondu aux conditions. Et on va plus loin que ça,
même s'il n'a pas satisfait à toutes ces conditions, nous
acceptons de lui remettre les patentes pour qu'il puisse vraiment
développer son entreprise.
Un certain nombre, d'ailleurs, ne veut même pas qu'on patente les
lots, ils veulent rester sous billet de location. Quels sont les seuls qu'on a
refusés jusqu'à maintenant, à moins de problèmes
techniques incontrôlables? Ce qu'on rencontre des fois, c'est que le
père a donné son lot à deux personnes. Au nom de qui
va-t-on le patenter? Cela arrive, ce n'est pas facile de démêler
ce problème.
Mais quant à tous ceux dont la fonction, sur
le lot, est de résider, si on n'a fait aucune exploitation, on
est hésitant et on a des raisons de l'être c'est que
l'expérience démontre que lorsqu'on cède un lot, un an ou
deux après, on le revend. Et très souvent on le revend à
des étrangers. Comment arriverons-nous à répondre à
ces objectifs de planification et de développement à long terme
de l'agriculture, de la forêt et de l'agroforesterie? Comment allons-nous
y arriver, si nous laissons les autres s'emparer de ces lots qui joueront dans
le temps un rôle extrêmement important tant au niveau du
reboisement qu'au niveau de l'agriculture comme telle?
C'est pour ça qu'on est hésitant. D'autant plus que la
plupart de ceux-là n'ont pas respecté le minimum des exigences
prévues aux règlements. On est conscient qu'il faudrait amender
cette loi et dans le plus bref délai. Et on est conscient que tous ceux
qui, sur les fermes, font un minimum d'exploitation, on devrait, sans
hésiter même si les règlements n'ont pas
été respectés à 100 p.c. leur remettre
immédiatement. Mais les règlements nous empêchent de le
faire, quoique nous sommes très larges à ce chapitre, au point
où de temps à autre j'ai peur je le dis bien de me
faire accuser de ne pas respecter les règlements, tellement on les
étire et on les interprète de temps en temps vis-à-vis des
cas bien particuliers et bien précis.
Donc, il n'est pas question que nous retournions à la
colonisation, pas plus qu'il n'est question avec une loi comme celle-là
que nous imposions le colonialisme aux agriculteurs. Nous n'imposerons non plus
aucune coercition, nous n'imposerons aucune déportation. Nous allons
purement et simplement tenter d'exploiter les ressources du milieu. Et quand on
parle de ressources du milieu, nous, au ministère, on ne parle pas
seulement d'un sol qui peut produire, mais aussi de personnes qui sont capables
d'exploiter ces sols.
Il est toujours possible et facile de consentir des prêts; il est
toujours possible et facile de labourer un sol, mais il n'est pas toujours
possible et facile de trouver le professionnel compétent qui va
exploiter ce sol. C'est ce que nous tentons de faire en
accélérant, au niveau de la formation professionnelle, des
programmes qui permettront l'intégration soit de ceux qui ne sont pas
dans l'agriculture, mais qui veulent y entrer, soit de ceux qui y sont, mais
qui hésitent à y demeurer parce qu'ils comprennent mal le
problème. Ces programmes de formation professionnelle sont loin
d'être complets. J'irai plus loin: les ressources financières dont
on dispose présentement sont nettement insuffisantes pour que nous
puissions aller plus loin.
Mais on ne peut pas, bien sûr, développer en même
temps tous les éléments d'une politique générale.
Nous procédons par étapes et je pense que, jusqu'à
maintenant, même si nous n'avons pas atteint tous les objectifs que nous
nous sommes fixés, nous en avons atteint un bon nombre, notamment au
niveau de la profession, au niveau du crédit, au niveau du regroupement
des fermes, au niveau de la commercialisation. En effet nous avons signé
une première entente avec les autres provinces et la juridiction du
gouvernement provincial a été totalement préservée,
de telle sorte que les plans conjoints provinciaux, les organismes de mise en
marché provinciaux pourront continuer comme auparavant à agir
dans le même sens, avec les mêmes moyens. Ce ne sont pas des
ententes nationales qui vont les empêcher d'agir dans cette perspective,
sauf, bien sûr, qu'ils devront s'astreindre à une discipline
nationale que nous avons, de part et d'autre, consenti à accepter pour
une rationalisation de la commercialisation. Cela va de soi, bien sûr,
mais ça n'enlève rien.
Je pense que ce sont là des points extrêmement positifs que
nous n'avons pas le droit d'ignorer. Nous avons toujours, par ailleurs, le
droit de nous demander si nous sommes allés assez loin. Nous avons
toujours, par ailleurs, le droit de nous demander si les politiques actuelles
sont véritablement adéquates. On est prêt, quant à
nous, de temps en temps, à les mettre en doute. Mais nous essayons,
quand même, de les améliorer, jour après jour, semaine
après semaine et mois après mois. Et nous réussissons sur
plusieurs aspects.
Vous n'avez qu'à regarder je termine sur les propos qu'a
tenus le chef parlementaire du Parti québécois les pas que
nous avons accomplis dans le domaine agro-alimentaire depuis quelques
années. L'exemple le plus typique, celui qu'a apporté
précisément le chef parlementaire du Parti
québécois, c'est la création de Québec-Lait qui va
nous permettre non seulement de faire une percée sur le marché
mais de conserver, tout au moins, ce que nous avons. C'est là le
résultat d'une politique intégrée et ça se fait
dans le cadre d'une coopérative.
Nous avons également un autre exemple bien typique, celui du
cidre où, à la suite de l'adoption d'une loi, nous sommes
parvenus, quand même, à créer au Québec plusieurs
centaines d'emplois et à mettre en valeur une ressource qui, avant, ne
l'était pas, qui génère plusieurs millions de dollars par
année et qui correspond à un besoin véritable du
marché.
Nous n'avons qu'à penser également à toutes les
facilités d'entreposage que nous avons mises à la disposition des
producteurs maraîchers de la région de Montréal pour
conserver le produit à l'état frais et être capables
d'exploiter de façon plus rentable et plus efficace les marchés
disponibles. Ces objectifs ont été atteints.
Nous n'avons qu'à regarder le programme que nous avons mis de
l'avant cette année, que nous avons appelé
l'auto-approvisionnement, alors que les objectifs que nous nous étions
fixés sont présentement atteints. Les seules difficultés
que nous avons rencontrées ont trait à la température sur
laquelle nous n'avons que très peu d'influence en dépit des
machines à
pluie et également aux matières premières où
il n'est pas toujours facile de se procurer les semences certifiées tant
au Canada que dans les autres pays. Mais nous avons mis en place les
mécanismes récents, nouveaux, qui vont nous permettre
probablement, au cours des années et plus particulièrement de
l'an prochain, d'avoir à notre disposition des semences
certifiées en plus grand nombre qui nous permettront de dépasser
encore les objectifs que nous nous fixons. En effet, nous croyons très
honnêtement et très sincèrement que, même s'il y a
amendement au niveau des politiques fédérales concernant la mise
en marché des grains, il faudra toujours au Québec
développer nos propres céréales pour être de plus en
plus efficaces et de plus en plus concurrentiels sur les marchés.
Donc, dans le projet de loi que nous présentons, nous trouvons
précisément les deux grands principes qui ont été
d'une part soulevés par le député de Nicolet et d'autre
part par le chef parlementaire du Parti québécois, à
savoir que le projet de loi prévoit précisément que nous
pourrons développer dans l'avenir ce qu'on appelle les ressources
para-agricoles, c'est-à-dire l'aménagement général
du territoire agricole. Nous avons précisément dans ce projet de
loi des dispositions qui nous permettront de le faire.
Quant à l'autre grand principe que nous avons toujours soutenu
à venir jusqu'à maintenant, c'est celui de l'agro-alimentaire.
Nous y avons pourvu également dans ce projet de loi lorsque nous portons
de $1 million à $4 millions les sommes dont nous pourrons disposer pour
développer le secteur industriel, le secteur de la transformation. Nous
y avons pourvu également lorsque nous nous sommes dit qu'il est vrai que
le secteur coopératif joue dans le secteur agricole un rôle
extrêmement important.
D aura à en jouer un encore plus important dans l'avenir et c'est
probablement cette structure que nous devons toujours favoriser en agriculture
si nous voulons vraiment développer de grands complexes de
transformation. Déjà, les preuves sont faites avec la
Coopérative fédérée, avec la Coopérative de
Granby et nous pouvons, bien sûr, continuer dans d'autres types de
coopératives qui permettront d'atteindre des objectifs aussi importants
que ceux qui ont été atteints par la structure déjà
en place.
Cela ne nous empêchait pas, bien sûr, de regarder à
côté et de voir comment on peut aider ceux qui ne sont pas des
coopératives mais qui poursuivent des fins similaires. On pourrait
aussi, dans ce secteur, aider au développement d'entreprises plus
grandes, non pas de gros mastodontes, mais d'entreprises un peu plus
évoluées où il serait possible d'offrir aux agriculteurs
de meilleurs prix, de meilleurs services et surtout, je pense, d'être
plus compétitifs sur le marché, d'avoir des équipements de
transformation plus modernes et d'être en mesure, par conséquent,
non seulement de conserver les marchés que nous avons, de prendre les
marchés québécois que nous avons non pas perdus, mais que
nous n'avons jamais occupés, de les reprendre de temps en temps, jour
après jour, mais aussi de regarder du côté de
l'extérieur. C'est ce que nous faisons avec quelques-uns de nos produits
actuellement, avec le lait notamment, alors qu'on disait tantôt que la
production laitière connaît certaines difficultés.
La production laitière, bien sûr, a ses contraintes, mais
nous demeurons, depuis deux ans, la plus grosse province productrice de lait au
pays. Nous avons l'intention de demeurer cette province et nous avons
certainement l'intention d'amender si nécessaire les politiques en vue
de les adapter pour que nous demeurions non seulement compétitifs, mais
les premiers dans cette production. Je voulais donner seulement quelques
explications sur ce qui fut dit, restant convaincu que ce projet de loi
prévoit à peu près actuellement tout ce qui est
nécessaire à un ministère comme le nôtre pour
évoluer dans le secteur rural, dans le secteur agricole et dans le
secteur qu'on appelle agro-alimentaire.
LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée?
UNE VOIX: Vote.
M. BELAND: Le vote enregistré.
LE PRESIDENT: Un vote enregistré? Est-ce que vous désirez
qu'on remette le vote à plus tard, avant le dîner ce soir, ce que
je peux faire...
M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection.
LE PRESIDENT: ... pour ne pas déranger la commission qui
siège actuellement?
M. LEVESQUE: L'autre ne pourra pas y aller, évidemment, à
huit heures, parce que l'autre ne sera pas terminée. On peut donc faire
remettre le vote à six heures moins le quart.
LE PRESIDENT: Bon, le vote sur cette motion de deuxième lecture
sera demandé à six heures moins le quart.
M. LEVESQUE: M. le Président, à ce moment-là, j'ai
l'intention de demander à la Chambre de déférer le projet
de loi pour étude article par article à une commission
élue, soit la commission parlementaire de l'agriculture et de la
colonisation.
LE PRESIDENT: Après la mise aux voix... M. PAUL: C'est
prématuré. M. BURNS: Hypothétique. M. PAUL: C'est un
voeu...
LE PRESIDENT: C'est un voeu formulé...
M. BURNS: Si c'était battu en deuxième lecture?
M. LEVESQUE: C'est ça, je comprends très bien les
objections, mais si on présumait, pour un instant, que la loi qui
était adoptée...
M. ROY (Beauce): On ne peut pas présumer.
M. LEVESQUE: Alors, si on ne peut pas présumer...
LE PRESIDENT: Après la mise aux voix...
M. LEVESQUE: Non, parce qu'à ce moment-là, si on n'est pas
d'accord parce qu'il est six heures, je ne voudrais pas avoir...
LE PRESIDENT: Non, s'il y a consentement. Il y aura consentement.
M. LEVESQUE: Si c'est un ordre de la Chambre, je suis prêt,
autrement, je voudrais avoir le vote immédiatement. Cela ne me fait
rien, mais si on veut avoir la collaboration, il faudrait l'avoir.
LE PRESIDENT: Cela dérange une commission pour rien.
M. LEVESQUE: Si on parle de collaboration et qu'après cela on a
des singeries comme cela...
LE PRESIDENT: Messieurs, est-ce qu'on pourrait mettre aux voix la
deuxième lecture du projet de loi no 13 à six heures moins quart
et, immédiatement après, faire la déférence
à la commission? Est-ce que la Chambre est d'accord sur cela?
M. ROY (Beauce): Oui, immédiatement après, d'accord.
LE PRESIDENT: Bon! avant la suspension des travaux, d'accord.
M. LEVESQUE : M. le Président, tenant pour acquis le consentement
qui a déjà été donné, pourrait-on revenir un
instant aux projets de loi au nom du gouvernement? Article a).
Projet de loi no 32 Première lecture
LE PRESIDENT: Article a). L'honorable leader parlementaire du
gouvernement, pour le ministre des Transports, propose la première
lecture et la Loi modifiant la loi des transports.
M. LEVESQUE: M. le Président, au nom du ministre des Transports,
je voudrais simplement signaler que ce projet de loi par son article 1, permet
de désigner un nombre suffisant de fonctionnaires pour remplir la
tâche de certifier les documents émanant de la Commission des
transports et leur donner un caractère d'authenticité.
L'article 2 supprime l'obligation, pour une personne qui désire
obtenir un permis de transport, d'avoir eu un domicile ou une place d'affaires
depuis douze mois au Québec. A l'avenir, il suffira d'avoir un domicile
ou une place d'affaires au Québec au moment de la délivrance du
permis.
L'article 3 a pour effet de supprimer les dispositions relatives
à la procédure devant la Commission édictées par
les articles 41 à 49 pour les remplacer par les règles de
pratique et de régie interne de la commission. L'article 4 modifie une
disposition par laquelle chaque adjudication de contrat, par une commission
scolaire, ne devenait finale qu'après l'approbation de la Commission des
transports. La règle sera maintenant que l'adjudication d'un contrat par
une commission scolaire pourra être révisée par la
Commission des transports à la demande de toute personne
intéressée pourvu que cette demande soit formulée dans les
quinze jours de l'adjudication.
L'article 5 donne à la Commission des transports de la ville de
Laval le pouvoir de négocier avec ses sous-traitants aux fins de
remplacer des contrats de transport d'écoliers, renouvelés en
vertu de l'article 171 de la Loi des transports, par d'autres contrats de
transport d'écoliers.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
M. BURNS: M. le Président, sur division pour manifester ma
désapprobation d'amener des projets de loi de cette nature, comme celui
de l'évaluation foncière, en fin de session.
LE PRESIDENT: Adopté sur division.
M. BURNS: C'est uniquement dans ce sens-là que je vous demande
d'inscrire ma dissidence.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que je pourrais
poser une question au leader du gouvernement à propos de cette loi dont
nous venons d'adopter la première lecture? Est-ce l'intention du
gouvernement de déférer ce projet de loi à la commission
parlementaire des transports? Le projet de loi, si le ministre l'a bien lu,
change considérablement la loi no 23 que nous avons
déjà
adoptée, particulièrement au chapitre du transport
écolier.
M. LEVESQUE: M. le Président, à ce moment-ci, je dois
répondre par la négative.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le leader peut nous dire si ce
projet de loi viendra demain?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que ce projet de loi viendra
demain?
M. LEVESQUE: Je crois que ce ne sera pas appelé demain mais
jeudi.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Le leader sait très bien que nous allons
devoir, à l'occasion de ce projet de loi, reprendre toute la loi 23
parce qu'on y touche dans chacune de ses parties principales.
M. LEVESQUE: Article 8).
Projet de loi no 21 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
deuxième lecture du projet de loi no 21, Loi modifiant la loi de
l'assurance-maladie et la Loi de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande
l'étude à la Chambre.
M. le Président, comme nous le savons, la Loi de
l'assurance-maladie a été adoptée au cours du mois de juin
1970 et mise en vigueur à l'automne de 1970. Au mois de juin 1971,
certains changements y étaient apportés, notamment pour
étendre la couverture de ce régime, tel qu'il avait
été dit au moment de l'instauration du régime. En effet,
au fur et à mesure que l'expérience permettrait de
démontrer que de nouveaux besoins doivent être couverts, que la
régie a stabilisé l'administration du régime tel que
constitué, que les disponibilités financières le
permettent, on avait dit que la couverture du régime pourrait être
accrue par étapes pour que de nouveaux soins ou services soient
couverts.
Dans le projet de loi no 21, nous retrouvons notamment l'extension de la
couverture du régime à certaines prothèses et appareils
orthopédiques. Si l'on se souvient que le but premier de la Loi de
l'assurance-maladie est d'assurer l'accessibilité financière aux
soins et services de santé et que l'on examine le coût de
certaines prothèses, le coût de certains appareils
orthopédiques, compte tenu de l'évolution des connaissances, du
raffinement de ces prothèses et appareils, compte tenu du fait
également que, lorsqu'il s'agit d'enfants ou de jeunes, ces
prothèses doivent être ajustées ou encore remplacées
au fur et à mesure de la croissance de l'enfant; lorsque l'on
considère également l'importance d'une prothèse
appropriée pour une personne qui souffre d'une déficience
physique; lorsque l'on considère également l'importance de
prothèses ou appareils orthopédiques dans le processus de
guérison ou de réadaptation de personnes qui ont
été victimes d'accidents, par exemple, on se rend compte qu'il y
a là un élément d'extension de la couverture du
régime d'assurance-maladie extrêmement important.
C'est la raison pour laquelle nous avions demandé à un
comité présidé par le Dr Gustave Gingras, directeur de
l'Institut de réhabilitation de Montréal et spécialiste en
matière de réadaptation, d'étudier cette question et de
faire des recommandations au gouvernement. Le Dr Gustave Gingras, de même
que les membres de son comité ont recommandé
précisément l'extension de la couverture du régime
d'assurance-maladie aux prothèses et appareils orthopédiques.
J'ai déposé ici, il y a quelque temps, soit peu de temps
après sa réception, des copies de ce rapport du comité
Gingras. On y retrouve, en fait, un exposé des types de prothèses
qui, dans un premier temps, devraient être couvertes et des
recommandations précises quant aux modalités de couverture, quant
aux coûts, etc.
Le rapport, précisément, mentionne les difficultés
que nombre de personnes rencontrent dans le paiement qu'elles ont à
effectuer lorsqu'elles ont besoin d'une prothèse ou d'un appareil
orthopédique, particulièrement lorsqu'il s'agit des parents
d'enfants qui sont en pleine croissance. Le rapport confirme le
bien-fondé de cette extension de couverture. C'est la raison pour
laquelle nous avons procédé à la concrétisation de
cette étape que nous avions annoncée, il y a quelque temps.
Je dois mentionner qu'en ce qui a trait aux prothèses auditives
et aux prothèses dentaires ou encore aux prothèses visuelles, les
lunettes, étant donné que leur coût est beaucoup moins
élevé que le coût que peuvent représenter certaines
prothèses et appareils orthopédiques, ce n'est pas l'intention,
à ce moment-ci, de couvrir les lunettes, les prothèses dentaires
et les prothèses auditives.
Si on s'en tient purement et simplement aux prothèses et
appareils orthopédiques, nous voyons que le coût de cette nouvelle
mesure, pour l'ensemble des citoyens ou des résidents du Québec
sera de l'ordre d'environ $1,500,000 par année.
Egalement, au plan de l'extension de la couverture, en juin 1971, nous
avions apporté un amendement à la Loi de l'assurance-maladie,
amendement en vertu duquel les bénéficiaires du maximum du
supplément de revenu garanti verraient leurs médicaments
prescrits couverts de la même façon que les
bénéficiaires de l'aide sociale. Au moment où nous avions
introduit ces dispositions, nous prévoyions qu'elles seraient
financées pour moitié par le gouvernement du Québec et
pour moitié par le gouvernement du Canada en vertu du régime
canadien d'assistance publique.
Or, le gouvernement du Canada a refusé de partager les frais de
cet élément de la couverture du régime
d'assurance-maladie, en alléguant que le test ou l'épreuve pour
les bénéficiaires du maximum du supplément de revenu
garanti n'est pas une épreuve de besoins mais plutôt un test de
revenu et que le régime canadien d'assistance publique prévoit le
partage des coûts uniquement lorsqu'une personne est admise en vertu
d'une loi d'assistance après qu'un examen de ses besoins ait
été effectué.
Compte tenu de cette dimension nouvelle du problème, ce refus du
gouvernement du Canada et le fait que le régime d'assurance-maladie n'en
était encore qu'à ses débuts, à toutes fins
pratiques, que la stabilisation dans l'augmentation du volume des services ne
s'était pas encore matérialisée, que les coûts de
l'assurance-maladie présentaient encore une certaine marge d'incertitude
plus grande qu'elle ne l'est présentement, cette extension à la
couverture du régime n'avait pas été mise en
application.
C'est pourquoi nous recommandons maintenant de faire supporter par la
Régie de l'assu-rance-maladie le coût de l'extension de cette
couverture. Nous avons maintenant les mécanismes appropriés. La
Régie de l'assurance-maladie administre, pour le compte du
ministère des Affaires sociales, le programme
d'assistance-médicaments; la liste des médicaments a
été dressée par le comité de pharmacologie.
L'identification des bénéficiaires est attestée par
l'émission d'une carte. Les ententes ont été
négociées avec l'Association des pharmaciens. La régie a
les mécanismes appropriés d'évaluation des demandes de
paiement. Alors, il est maintenant possible, sur ce plan, d'étendre sans
difficulté le régime.
Au plan du financement, comme nous le verrons plus loin, il va
être possible de faire couvrir, sans augmentation des contributions, le
coût d'extension de cette couverture. Il nous paraissait important de
donner suite à cette extension de la couverture du régime parce
que l'on sait que les personnes qui ont atteint un certain âge, dans le
cas présent 65 ans et plus, font consommation, utilisation plus grande
de médicaments compte tenu de leur âge, de leur affaiblissement ou
d'une baisse graduelle des facultés ou encore du fait que certaines
souffrent de maladies plus ou moins prolongées.
L'extension du régime touche donc les personnes qui, normalement,
n'ont pas d'autre source de revenu que la pension de vieillesse et le
supplément de revenu garanti. Cette exten- sion du régime devrait
leur apporter un soulagement, au plan financier, assez significatif. On estime
qu'environ 147,000 personnes seront protégées par l'extension de
cette couverture et que le coût variera entre $12 millions et $15
millions par année, au début.
Quant au financement de ces deux aspects nouveaux de la couverture de
l'assurance-maladie, nous pouvons voir dans le rapport de la régie, qui
a été déposé ce matin, qu'au cours de l'exercice
72/73, c'est-à-dire l'exercice terminé au 31 mars 1973, la
régie a eu un excédent de revenus sur ses dépenses de
l'ordre de $28 millions. L'excédent accumulé au 31 mars
s'établit à $53.8 millions.
Si l'on déduit de ces $53.8 millions une réserve pour
éventualités... La régie a recommandé fortement
qu'une telle réserve soit constituée, de telle sorte que, s'il y
avait, à un moment donné, une épidémie ou encore
une consommation beaucoup plus grande de services pour une raison quelconque au
cours d'un exercice donné, la régie puisse assumer ces
dépenses additionnelles sans qu'il soit nécessaire de recourir
soit à une hausse temporaire des contributions ou encore à
d'autres sources de financement.
Si l'on déduit, donc, un montant représentant environ un
mois de contributions pour constituer cette réserve pour
éventualités ce montant est celui proposé par la
Régie de l'assurance-maladie nous voyons qu'il demeure un montant
de $16 millions que l'on peut identifier comme étant un surplus. Or,
pour l'exercice 73/74, la régie, dans son rapport annuel
déposé ce matin, prévoit que l'excédent des revenus
sur les dépenses sera de l'ordre de $11.6 millions. D'autre part,
l'extension de la couverture, qui est proposée dans le projet de loi no
21, entraînera des dépenses de l'ordre de $13.5 millions à
$16.5 millions, c'est-à-dire $1.5 million pour les prothèses,
entre $12 millions et $15 millions pour les médicaments; donc, un
montant quelque peu plus élevé que l'excédent des revenus
sur les dépenses prévu pour l'exercice 73/74.
Ceci ne parait pas dangereux, étant donné l'accumulation
d'un surplus de $16 millions, d'une part, et, d'autre part, le fait qu'au cours
des deux derniers exercices la régie a toujours prévu des
excédents de revenus plus faibles que ceux qui se sont
matérialisés dans les faits.
Alors, il ne semble pas que cette extension de la couverture place la
régie dans une situation qui pourrait être difficile. Au lieu de
voir continuer l'accumulation de surplus, maintenant que le président
directeur général de la régie nous dit qu'il y a
stabilisation dans l'augmentation du volume de services et dans la
rémunération moyenne des professionnels couverts, il nous
paraît important de faire bénéficier la population et
particulièrement ceux qui en ont le plus besoin de ces extensions de
couverture.
Voilà, quant au financement de ces deux
mesures touchant la couverture de l'assurance-maladie.
Au même moment où nous apportons ces changements et
où nous avons réexaminé attentivement les dispositions du
régime canadien d'assistance publique, nous avions soumis au
gouvernement du Canada le problème du partage des coûts des soins
optométriques, par exemple, des services dentaires et,
éventuellement, des prothèses et appareils orthopédiques
qui sont couverts pour l'ensemble de la population, mais qui sont couverts
également pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Si ce
n'était de cette couverture pour l'ensemble de la population, il nous
faudrait couvrir, par la voie de l'aide sociale, les soins optométriques
qui sont couverts par l'assurance-maladie, les services dentaires, les
prothèses et les appareils orthopédiques.
Nous avons demandé au gouvernement fédéral de
partager la partie du coût encouru pour les bénéficiaires
d'aide sociale. Or, le gouvernement du Canada nous a répondu: Ces soins
et services sont couverts en vertu de régimes universels. Il n'y a donc
pas l'application d'une épreuve ou d'un test des besoins, tel que le
requiert le régime canadien d'assistance publique. Alors, il nous est
impossible de partager cette partie des coûts encourus.
C'est la raison pour laquelle nous proposons un changement de nature
technique, qui va faire en sorte que nous allons pouvoir obtenir ce partage des
coûts en vertu du régime canadien d'assistance publique. Nous
allons demander à la régie de facturer le ministère des
Affaires sociales pour les coûts, les bénéfices ou les
services dispensés, soit les services optométriques, les
appareils orthopédiques ou les prothèses, pour des
bénéficiaires de l'aide sociale.
La régie a ces renseignements en main puisqu'elle administre le
programme d'assistance-médicaments. Et le ministère des Affaires
sociales, en recevant cette facture qui va lui être adressée
spécifiquement pour des bénéficiaires d'aide sociale qui,
eux, ont satisfait aux exigences du régime canadien d'assistance
publique, va réclamer la moitié du coût du gouvernement du
Canada en vertu du régime canadien d'assistance publique, et, dans un
deuxième temps, va rembourser à la Régie de
l'assurance-maladie 50 p.c. des coûts. En définitive, nous allons
pouvoir, de cette façon, récupérer la moitié du
coût des services, tels que les soins optométriques, les
prothèses, les appareils orthopédiques, les services dentaires,
en vertu du régime canadien d'assistance publique. Et nous estimons
qu'il y aura là une récupération de l'ordre d'environ
$750,000 par année.
Sur un autre plan, le projet de loi propose la création de cinq
comités de révision qui verront et là nous quittons
l'aspect de la couverture du régime ou les aspects du financement du
régime à enquêter sur les cas d'abus ou encore les
cas de pratique qui paraissent anormaux, décelés par la
Régie de l'assurance- maladie et touchant les services rendus par
certains professionnels de la santé.
Et nous savons que la régie a déjà identifié
ce qu'elle appelle des profils de distribution de services, par un certain
nombre de professionnels, qui lui paraissent soulever des questions. Et comme
je l'ai déjà mentionné, présentement les
dispositions législatives ne lui donnent pas les pouvoirs
nécessaires pour prendre action, que ce soit le collège ou la
régie, face à ces profils de pratique professionnelle qui
soulèvent des questions.
En vertu de l'article 19 a) de la Loi de l'assurance-maladie, la
régie ne peut refuser de payer le coût des services assurés
pour le motif qu'elle met en doute la qualité d'un acte pour lequel une
demande de paiement a été effectuée, non plus qu'elle ne
peut et ceci avait été l'objet d'un débat
extrêmement difficile en 1970 déterminer la
fréquence d'un acte susceptible d'être payé.
On avait fait un grand débat, à ce moment, sur les dangers
que présenterait l'établissement de normes sur lesquelles la
régie se baserait pour déterminer si elle doit payer ou non des
actes médicaux pour lesquels des demandes de paiement lui sont
adressées.
C'est la raison pour laquelle, devant l'impossibilité de la
régie d'assumer ce rôle, devant le fait que l'Ordre des
médecins s'occupe d'après les lois dont nous sommes en
voie de terminer l'étude non pas de matière
financière ou économique, mais plutôt de
déontologie, de contrôle de la qualité des soins, non pas
de matière économique, nous avons proposé et nous
proposons la création de tels comités de révision.
Je dois également mentionner que de tels comités de
révision, prenant des formes quelque peu différentes, existent
dans chacune des neuf autres provinces du Canada.
Quant au mandat qui est proposé pour ces comités, nous
verrons que chaque comité aura la responsabilité
d'apprécier les cas où, dans l'opinion de la régie, elle a
été appelée à payer pour des services qui ne
semblaient pas requis aussi fréquemment, ou encore où elle a
été appelée à payer pour des services alors que ces
sercices lui semblent avoir été dispensés de façon
abusive ou injustifiée, ou encore quand la nature de ces services a
été faussement décrite.
Je peux donner quelques exemples, comme un nombre trop grand de visites,
d'examens, de consultations, de dispensations de services diagnostiques qui ne
semblent pas requis en aussi grand nombre. Lors de l'étude des
crédits du ministère on a souligné la fréquence
avec laquelle certains professionnels avaient effectué des analyses
d'urine, par exemple, ou procédé à l'exérèse
de cérumen.
On a fait remarquer des taux chargés par un professionnel plus
élevés que ceux qu'auraient normalement justifié les
services rendus. A titre d'exemple, le professionnel qui demande un tarif pour
un examen complet alors que, selon
toutes les données disponibles à la régie, il
semblerait plutôt que ce sont des examens ordinaires qui ont
été effectués. Alors, après enquête, ces
comités de révision auront le pouvoir de recommander à la
régie, qui, elle, sera liée par ces recommandations des
comités de révision, soit de payer le montant
réclamé par le professionnel, en totalité ou en partie,
soit de refuser de payer le montant ou, si le paiement a été
effectué, d'exiger le remboursement de ce qui paraît avoir
été payé en trop.
La régie devra, en soumettant un cas au comité de
révision pour s'assurer que le professionnel est bien au courant, aviser
immédiatement le professionnel en cause qu'elle a
déféré un cas à un comité de
révision.
Maintenant se pose la question de savoir jusqu'à quel point, dans
le temps, ces comités de révision pourront faire porter leurs
études. Le projet de loi indique que les services rendus ou les
paiements d'honoraires pour des services rendus à compter du 1er janvier
1971 pourront faire l'objet d'études de la part de ces comités de
révision. Ici, on doit se souvenir, premièrement, qu'il doit
toujours s'écouler un certain temps avant que la régie
reçoive les relevés d'honoraires, qu'elle en effectue les
paiements et aussi un certain temps avant que ne se dégage un certain
profil de la pratique d'un groupe de professionnels et d'un professionnel en
particulier pour déterminer si elle doit déférer à
un comité de révision le profil de pratique d'un
professionnel.
C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de retourner pour
un certain temps en arrière. Il ne s'agit pas ici d'appliquer une mesure
rétroactive, au contraire. Egalement, si l'on examine, par exemple, la
législation dans le domaine de l'impôt sur le revenu, on sait que
le ministère du Revenu, d'après les lois fiscales, peut retourner
en arrière si, d'après les analyses qu'il effectue, il en arrive
à la conclusion qu'une personne n'a pas payé les impôts
qu'elle devait payer même au cours d'années
antérieures.
J'aurai un amendement à proposer pour préciser, outre
cette date du 1er janvier 1971 qui a trait au début de
l'opération, ce que devraient être les dispositions quant à
la période que pourra couvrir la régie en déférant
un profil de pratique à un des comités de révision.
Quant à la composition de ces comités de révision,
nous avons retenu en déterminant cette composition le même
principe que pour la discipline dans le cas des ordres ou des corporations
professionnelles, c'est-à-dire le principe de l'autodiscipline. Et c'est
pourquoi nous avons, avant de présenter ce projet de loi,
consulté les corporations professionnelles concernées de
même que les fédérations représentant les
médecins spécialistes, les médecins omnipraticiens. Ces
organismes se sont dit d'accord sur le principe et même nous ont
déclaré que, selon eux, c'était la seule façon
d'assurer un fonctionnement approprié assez expéditif de ces
questions que soulève l'analyse d'un profil de pratique professionnel
qui présente des anomalies. Ils se sont dit prêts à
apporter toute leur collaboration de telle sorte que les abus soient
éliminés et que la minorité de professionnels qui prend
avantage en quelque sorte du régime de l'assurance-maladie ne fasse pas
ombrage ou ne fausse pas le fonctionnement du régime tel qu'il est
appliqué par la très grande majorité des professionnels de
la santé.
Alors, afin de transposer dans le projet de loi ce principe, la
composition de chaque comité de révision est donc conçue
en conséquence. Ils seront composés de cinq membres nommés
par le lieutenant-gouverneur en conseil qui désignera, parmi eux, un
président. Un des membres sera choisi dans une liste de noms qui sera
soumise par l'ordre professionnel concerné; dans le cas des
médecins, par l'Ordre des médecins. Trois membres seront choisis
par le lieutenant-gouverneur en conseil, à même une liste de noms
soumise par les associations syndicales ou fédérations
représentant les professionnels concernés. Enfin, un
cinquième membre sera désigné ou nommé sur
recommandation de l'Office des professions du Québec qui est en voie
d'être créé par le projet de loi no 250.
Il est spécifié que ces personnes ne devront point
occuper, au sein de ces organismes, une charge à temps complet ou encore
une charge élective, de telle sorte qu'elles puissent vraiment
s'acquitter de leurs fonctions. Nous n'avons pas prévu de façon
très détaillée les mécanismes que pourront utiliser
ces comités de révision, quant â la possibilité pour
un professionnel de comparaître, d'être représenté,
etc. Etant donné qu'il s'agit de comités de pairs et que nous
sommes, en définitive, dans du droit nouveau, nous devons, à mon
sens, au départ, limiter le plus possible les dispositions de telle
sorte qu'entre pairs le fonctionnement soit assuré sans y introduire des
mécanismes de fonctionnement trop lourds.
Enfin, ces comités, afin que les membres de la Chambre et la
population en général puissent juger de leur fonctionnement,
seront tenus de faire rapport, au plus tard le 31 mars de chaque année,
quant à leurs activités pour l'année se terminant le 31
décembre précédent. En définitive, en plus de nous
inspirer de ce qui se fait dans les autres provinces, nous avons repris un
aspect du régime d'assurance médicale, qui a fonctionné de
mai 1966 jusqu'en novembre 1970, c'est-à-dire de l'instauration de
l'assurance-maladie. De tels comités ont fonctionné et ont permis
de régulariser dans une certaine mesure le fonctionnement du
régime d'assistance médicale.
Ici, nous les formons d'une façon un peu plus formelle, en
précisant leurs fonctions et leur façon de fonctionner lorsque
nécessaire étant donné la plus grande importance du
régime d'assurance-maladie. En terminant sur ce plan, je voudrais
également mentionner que
j'apporterai, au moment de l'étude article par article, des
amendements touchant les recours que pourront avoir les professionnels suite
à une décision ou à une recommandation formulée par
un quelconque des comités de révision.
Enfin, M. le Président, le projet de loi propose certains
amendements de nature technique à la Loi de l'assurance-maladie. En
premier lieu, un amendement pour permettre à la régie de
détruire les documents originaux, mais ceci sans dispenser la
régie des autres dispositions de la Loi de la preuve photographique.
Dès qu'un document aura été photographié par la
régie, il pourra être détruit, ceci pour éviter une
accumulation vraiment tout à fait particulière de documents, qui
entrafnerait des coûts, des lourdeurs et qui ne donnerait absolument
rien. Si nous n'apportions pas cette modification à la Loi de la preuve
photographique, la régie serait tenue d'accumuler, pendant une
période de quinze ans, tous les documents qu'elle reçoit de plus
de 10,000 professionnels qui posent des actes couverts par le régime de
l'assurance-maladie.
On a estimé que, pendant la seule période de 1970 à
1975, la régie, en l'absence d'une telle modification, serait
obligée d'accumuler ou d'emmagasiner 400 millions de documents
divers.
Egalement, un amendement est proposé en ce qui a trait au
régime d'assistance-médicaments pour faire la concordance entre
la Loi de l'assurance-maladie et les dispositions de la Loi de l'Ordre des
pharmaciens, ceci afin que les aides-pharmaciens, qui peuvent poser des actes,
de façon légale, aussi bien en vertu de la loi actuelle de la
pharmacie qu'en vertu de la loi modifiée, qui a été
étudiée article par article, puissent donc poser ces actes et que
le pharmacien puisse en être rémunéré.
Ceci fait partie, d'une façon intégrante, du
fonctionnement d'une pharmacie d'officine et c'est pourquoi nous proposons
cette modification.
M.VINCENT: M. le Président, avant que le ministre ne reprenne son
siège et vu que j'aurai à aller à une autre commission
parlementaire, est-ce que le ministre pourrait me permettre une question? A
l'heure actuelle, des bénéficiaires du régime de rentes du
Québec sont bénéficiaires à titre de veuve,
orphelin ou invalide et, pour des raisons que le ministre sait, ont un peu plus
de $300 à la banque. Ce groupe de personnes n'est couvert d'aucune
façon par la Loi de l'assurance-maladie ou par la Régie de
l'assurance-maladie. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, présentement,
suivant certains critères à établir, d'apporter une
modification à la loi pour leur permettre de bénéficier de
certains services qu'on accorde à d'autres personnes? A l'heure
actuelle, on exige que ces personnes-là soient
bénéficiaires de l'aide sociale avant de recevoir ces services.
Cela pose un problème sur le plan administratif, surtout quand elles ont
un montant de $2,000 en banque; je cite cela comme exemple seulement.
M. CASTONGUAY: Nous avons examiné un certain nombre d'extensions
possibles de la couverture du régime d'assurance-maladie et nous avons
conclu, pour le moment, que la tranche la plus importante était encore
les personnes de 65 ans et plus étant donné la plus grande
consommation de médicaments qu'elles font et leur impossibilité,
dans la presque totalité des cas, d'obtenir un revenu sur le
marché du travail à cause de leur âge. L'an dernier, nous
avons apporté, pour les veuves, des modifications au régime de
rentes, en vertu desquelles nous avons haussé les prestations.
Ces prestations augmentées ont commencé à
être versées au 1er janvier 1973. Le député souligne
qu'il y aurait peut-être avantage à couvrir les médicaments
dans ces cas. Cela peut ou cela pourra se faire de deux façons, soit par
une libéralisation des règlements, au plan de l'aide sociale, de
telle sorte qu'elles puissent devenir admissibles à l'aide sociale et
là, automatiquement, admissibles aux médicaments, ou encore par
un nouveau prolongement du régime d'assurance-maladie. C'est une
suggestion que je retiens, qui me paraît intéressante mais
à laquelle nous n'avons pas cru devoir donner suite
présentement.
Au moment où le député de Nicolet me posait cette
question, je terminais en disant qu'il y aurait peut-être quelques
amendements mineurs proposés lors de l'étude article par article
en plus des deux que j'ai mentionnés touchant, disons, la prescription
en ce qui a trait aux relevés d'honoraires qui peuvent faire l'objet
d'une référence à un comité de révision et
également les recours auxquels pourront faire appel les professionnels
suite à une recommandation d'un comité de révision.
Voilà, M. le Président, en ce qui a trait à ce projet de
loi no 21 modifiant la Loi de l'assurance-maladie et la Loi de la Régie
de l'assurance-maladie.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais faire une
brève intervention en deuxième lecture sur le projet de loi no 21
et blâmer le ministre de m'avoir arraché à l'air
climatisé de la salle 81, où nous étions à
étudier le projet de loi du ministre du Revenu pour m'amener dans cette
enceinte dont la température est celle que vous connaissez.
M. CADIEUX: Ma sympathie.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, cela va contribuer
à la concision de mes remarques, quitte à retourner en
commission
plénière, j'imagine, encore à cette même
salle pour élaborer davantage à l'endroit du ministre des
Affaires sociales.
Des points qu'a traités le ministre dans son intervention, je
voudrais traiter deux points en particulier, à savoir le prolongement du
régime de l'assurance-maladie pour couvrir d'autres
bénéficiaires et d'autres types de services; deuxièmement,
les mécanismes crées, les comités de surveillance
créés par ce projet de loi no 21.
Au sujet du premier point, j'ai écouté la réponse
que le ministre a fournie, il y a un instant, au député de
Nicolet qui s'informait de la clientèle possible qui pourrait
bénéficier des avantages de la loi no 21, à savoir le
prolongement de la couverture par la fourniture des médicaments par la
Régie de l'assurance-maladie. Le ministre a répondu
qu'effectivement c'était une suggestion qui est raisonnable, une
suggestion qui méritait d'être prise en considération.
Il y aura bien d'autres suggestions à faire quant aux types de
couvertures, quant aux types de soins à apporter à la population
du Québec. Actuellement, on sait quels sont les soins qui sont couverts
par la Régie de l'assurance-maladie et qui sont dispensés par
certains professionnels de la santé. On pourrait ajouter à
l'attention du ministre, et il en est conscient, qu'après l'adoption des
lois concernant les corporations professionnelles, il y aura quatre nouvelles
corporations professionnelles qui dispenseront des soins dans le domaine de la
santé. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible pour ces
professionnels que les soins qu'ils dispensent soient couverts par la
Régie de l'assurance-maladie et par le régime de
l'assurance-maladie, à condition évidemment que, là
encore, on puisse introduire des priorités.
Il y a possiblement des soins qui sont dispensés par ces
nouvelles corporations ou même par des corporations professionnelles
existantes, dans le domaine de la santé, qui ne sont pas couverts par
l'assurance-maladie. C'est un genre de prolongement du régime qui
pourrait être considéré. On sait que le problème
s'est posé au début pour les optométristes, en 1969, au
moment où nous avons étudié le premier projet de loi de
l'assurance-maladie et où nous avons créé la Régie
de l'assurance-maladie. Les soins dispensés par les médecins
spécialistes, les médecins de pratique générale,
les chirurgiens en chirurgie buccale et les services dispensés par les
optométristes ont été couverts par le premier
régime de l'assurance-maladie.
L'un des arguments qu'on avait invoqués pour inclure les
optométristes dans le régime de l'assurance-maladie je dis
bien l'une des raisons, parce qu'il reste que fondamentalement les services qui
étaient dispensés devaient être couverts, mais si on se
place du point de vue de la profession elle-même, il était
important que les soins de santé donnés par les
optométristes puissent être couverts c'est qu'il nous sem-
blait qu'il y avait là une discrimination en faveur d'un autre groupe de
professionnels qu'on appelle les ophtalmologistes dont les services
étaient couverts par la Régie de l'assurance-maladie.
Alors, également, je voudrais qu'on tienne compte de ce type de
considérations quand le ministre va élargir la couverture du
régime dans une étape ultérieure à celle-là,
que l'on tienne compte également de la répartition des
professionnels sur le territoire du Québec, d'une plus grande
accessibilité de certains professionnels dans certaines régions,
de sorte que cela puisse être un des facteurs qui soient
considérés.
D'autre part, si l'on considère également le type de
services, et après le choix qui a retenu l'attention du ministre dans le
projet de loi 21, à savoir les prothèses et les prothèses
orthopédiques, les médicaments pour les personnes
âgées de 65 ans, il reste qu'il y a encore toute une gamme de
services, de soins dans le domaine de la santé qui pourraient être
envisagés comme possibilités d'extension de la couverture.
Le ministre n'a pas traité longuement, cet après-midi, des
raisons qui ont milité en faveur de ce choix qu'il a retenu, bien que
j'en aie conclu de ses interventions précédentes, à
d'autres moments de nos travaux parlementaires et aujourd'hui, que le
coût des prothèses orthopédiques a été un des
facteurs qui ont retenu son attention à la suite du rapport
extrêmement élaboré qu'a préparé le Dr
Gingras, de l'Institut de réhabilitation de Montréal, et que,
d'autre part, le coût des médicaments était un obstacle
à l'accessibilité pour les personnes âgées qui sont
démunies, qui n'ont pas de revenu, sauf le supplément du revenu
minimum garanti et la pension de sécurité de la vieillesse.
Alors, ce sont deux bons choix que le ministre a faits. Il a raison de
dire que c'est une bonne loi quand on étend les services
étatiques à des groupes de personnes et à des types de
soins dans le domaine de la santé. Cela m'amène à lui
faire la remarque suivante: il me paraît que le rapport de l'exercice
71/72, déposé par la Régie de l'assurance-maladie, indique
bien que la régie est dans une bonne position financière et
qu'à condition de respecter certaines normes de prudence
nécessaires pour un organisme aussi important que celui de la
Régie de l'assurance-maladie, pour faire face à toute situation
imprévue, il serait possible au ministre des Affaires sociales, à
plus ou moins brève échéance et quand je dis
à plus ou moins brève échéance, je pense
peut-être à l'automne 1973 ou au printemps 1974
d'étendre davantage la couverture du régime par la Régie
d'assurance-maladie.
A la page 23 de ce rapport annuel de la Régie de
l'assurance-maladie, rapport annuel 72/73, on voit que le surplus
accumulé à la fin de l'exercice 1973, au 31 mars 1973, est de
$53,784,229 alors qu'il était, à la fin de l'année 1972,
l'année précédente, surplus redressé après
les écritures de régularisation, de $25,798,919.
Alors, il s'agit donc d'une augmentation de $28 millions dans un an
â la réserve, au surplus de la régie. Il s'agit donc d'un
montant supérieur à $50 millions. Même si, durant
l'exercice 73/74, on prévoit couvrir les deux types de services
indiqués dans la loi, il reste que cela ne grèvera pas le budget
de la régie pour toute l'année. On est rendu au mois de juillet.
Avant que ce soit prêt à fonctionner, avant que la loi soit
adoptée, que les mécanismes administratifs soient mis en place,
même si, j'imagine l'appareil déjà fonctionne bien, on a
peut-être déjà anticipé même sur la loi?
Non?
M. CASTONGUAY: Je pensais que vous vouliez dire anticiper en versant des
paiements.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pas dans les paiements, non, non; dans
l'instauration de l'appareil administratif. En saine administration, le
ministre ne m'apprendra pas comment cela se fait. Quand on prévoit qu le
projet de loi va être adopté par l'Assemblée nationale,
déjà, on peut mettre en place tous les mécanismes
administratifs. On prend de l'avance.
Je disais, M. le Président, que les estimations qu'a
données le ministre, je pense, sont pour une année
financière de douze mois, alors que les chiffres qu'il faudra retenir
pour l'année 73/74 atteindront peut-être 40 p.c, 50 p.c. ou 60
p.c. des estimations. Si on se base sur les chiffres des années
dernières, tenant compte de tous les indices économiques
je pense que le ministre des Finance sera d'accord, si je retiens des indices
du dernier discours du budget indice de croissance, indice
d'augmentation du revenu personnel, des contribuables les contribuables
paient une cotisation d'assurance-maladie basée sur un pourcentage de ce
revenu personnel il est donc plausible de croire que le surplus de
l'année 73/74, pour la Régie de l'assurance-maladie, devrait se
situer autour de $25 millions à $30 millions. Egalement, même si
le volume des service augmente dans la proportion indiquée au rapport
je le donne de mémoire; j'ai lu cela il y a quelque temps, je
pense quand le président de la régie a comparu devant la
commission parlementaire soit de 5.8 p.c. ou 6 p.c, dans le courant de
l'année 72/73 pour la Régie de l'assurance-maladie, cela voudrait
dire que le surplus, au 31 mars 1974, au lieu d'un peu plus de $50 millions,
serait autour de $75 millions, toutes choses étant égales,
d'ailleurs.
Je pense que le ministre devrait envisager sérieusement de
retenir certaines autres suggestions comme celle qu'a faite tantôt le
député de Nicolet, comme celle que j'ai faite moi-même au
sujet d'autres types de services rendus par d'autres professionnels de la
santé, maintenant, qui vont pratiquer dans la légalité et
d'autres suggestions que pourront faire mes collègues, soit du
Ralliement créditiste ou du Parti québécois, afin que, le
plus tôt possible, la Régie de l'assurance-maladie puisse mettre
à la disposi- tion des citoyens, des contribuables
québécois, le plus de services possible couverts à
l'intérieur du régime. Le but de la création de la
Régie de l'assurance-maladie, ce n'était pas d'accumuler des
surplus; c'était de mettre sur pied un régime administratif et de
donner des services à la population québécoise.
M. le Président, c'est le type de considérations que je
voulais faire quant à l'extension de la couverture du régime de
l'assurance-maladie. Nous sommes parfaitement d'accord sur les options qui ont
été retenues, les options d'extension de la couverture. On
pourrait discuter longtemps pour savoir s'il aurait été
préférable d'inclure, à ce moment-ci, d'autres choses
plutôt que les prothèses orthopédiques. Je ne le crois pas,
M. le Président, mais je crois, toutefois, qu'on devrait, le plus
tôt possible, prévoir d'autres couvertures de soins
médicaux.
Quant à l'autre point couvert par le ministre des Affaires
sociales, soit la création, par cette loi, de comités de
surveillance, je voudrais faire un retour en arrière pour donner aux
députés de cette Chambre un peu de recul aux discussions qui se
sont faites ici avant que nous n'en arrivions à ce projet de loi no 21
et aux comités de surveillance qu'il contient.
En 1969-1970, le premier comité qui a préparé la
Loi de l'assurance-maladie, projet de loi que j'avais déposé en
Chambre en mars 1970, s'était longuement penché sur ce
problème des comités d'appréciation des honoraires et des
comités de surveillance, en se basant sur l'expérience
vécue à l'assistance médicale.
Ce régime fonctionnait depuis quatre ans, depuis le 1er avril
1966 jusqu'en 1970, au moment où nous avons préparé la
loi.
Le ministre des Affaires sociales est parfaitement conscient des
discussions qui se sont poursuivies à ce moment parce qu'il faisait
partie de ce comité spécial comme président de la
commission Castonguay-Nepveu avec le président de la régie, M.
Robert Després, avec d'autres hauts fonctionnaires des
ministères, les sous-ministres de la Santé, des Affaires
sociales, qui préparaient la Loi de l'assurance-maladie.
Ceux qui travaillaient et je me suis joint à cette
équipe de travail à quelques reprises ont posé
véritablement le type de questions. Pour vous montrer comment ce
problème est complexe, je vous donnerai quelques questions que le
comité s'est posées pour montrer que ce n'est pas simple ce
comité, ce mécanisme que l'on met en place pour le contrôle
quantitatif des honoraires professionnels, parce qu'avec le contrôle
qualitatif on rejoint l'acte médical, et c'est la corporation
professionnelle, le Collège des médecins ou le Collège des
optométristes ou l'ordre ou le bureau de chacune des corporations qui
s'occupe de cet aspect.
Je lis dans les notes des procès-verbaux de cette époque,
1969-1070, certaines questions que ce comité s'est posées,
auxquelles la loi actuelle doit apporter une réponse. "Est-ce que le
régime prévoiera les responsabilités respecti-
ves de la régie, des syndicats et des collèges ou
corporations professionnelles vis-à-vis: "1) 1. L'évaluation et
le bien fondé des demandes de paiement; 2. Le contrôle de
l'activité des professionnels? "2) Le régime prévoira-t-il
la représentation des différents corps intéressés
au comité d'évaluation? "3) Le régime prévoira-t-il
qui a la responsabilité de la décision finale quant aux montants
payables, advenant le cas où le comité d'évaluation ne
pourrait en arriver à une décision? "4) Est-ce que le
comité d'évaluation aura la responsabilité de tarifer de
nouveaux actes médicaux, ou est-ce que cette responsabilité sera
celle de la régie? "5) Le régime touchera-t-il à la forme
de contrôle de la qualité des soins et se prononce-ra-t-il sur
l'organisme qui en sera responsable? "6) Le régime prévoira-t-il
des mesures pour réprimer les abus de soin? "7) Le régime
prévoira-t-il que des sanctions pourraient être prises contre les
dispensateurs de soins, et dans quelles circonstances? "
Voilà le type de questions très sérieuses et
très complexes que le comité de conceptualisation comme on
l'appelait dans le temps du régime d'assurance-maladie se
posait.
A la séance du 19 novembre 1969 toujours le même
comité je lis: "A l'article 24 du projet de loi" on
faisait une critique du projet de loi et on apportait certaines
considérations quand il s'est agi de l'article 24, qui traitait
des comités d'appréciation, des relevés d'honoraires et de
la pratique professionnelle, le comité convenait de certaines choses, de
rayer des mots, etc. pour que l'article se lise comme suit: "La régie
peut former des comités d'appréciation des relevés
d'honoraires relatifs aux services assurés pour chacune des professions
concernées."
Dans le procès-verbal, on dit: "On a discuté
l'opportunité d'introduire sur ces comités un représentant
du Collège des médecins, ce qui éviterait qu'aux yeux du
collège la régie soit vue comme un organisme ayant un
contrôle complet sur les professionnels de la santé."
"Après discussion, le comité est d'avis le comité
de conceptualisation de la loi que ces comités devraient
être composés de six membres, soit deux membres choisis par le
Collège des médecins, un membre choisi par la FMSQ ce sont
les spécialistes un membre choisi par la FMOQ les
omnipraticiens et deux fonctionnaires de la régie choisis par le
directeur général, dont un d'office sans droit de vote.
Cela doit, M. le Président, rappeler au ministre des Affaires
sociales des souvenirs, des discussions très élaborées
qu'ils ont tenues sur le projet de loi de l'assurance-maladie.
A la séance du 12 février 1970, encore là, à
l'article du comité d'appréciation des relevés
d'honoraires, on disait qu'on introduisait dans l'article une nouvelle
disposition: Le comité convient de modifier la définition de
services assurés contenue à l'article 1, interprétation du
projet des modalités proposées pour un régime
d'assurance-maladie, en ajoutant les mots suivants: "et conformes aux normes de
pratique professionnelle"; cette définition doit donc maintenant se lire
comme suit: "services assurés" signifient les services et fournitures
prescrits qui sont jugés nécessaires et conformes aux normes de
pratique professionnelle. L'introduction de cette notion permettra à la
régie d'évaluer les services assurés à partir
d'éléments quantitatifs. C'est ce qui retient une partie de notre
attention parce que, quand le ministre dit que la régie constate des
abus pour tel type de pratique médicale ou tel profil de pratique, il
s'agit de quantité ou de nombre d'actes et du revenu total que fait ce
professionnel par rapport à cet acte, qu'il soit
spécialisé dans ce secteur ou non.
M. le Président, ce sont les passages des procès-verbaux
de l'hiver 1969-1970, au moment où ce comité préparait la
première loi d'assurance-maladie. A l'été 1970, nous avons
discuté en Chambre, en juin et juillet, la Loi de l'assurance-maladie
par une température aussi chaude qu'à ce moment-ci. Ce serait
trop long de donner à cette Chambre les déclarations in extenso
qu'a faites le ministre dans son discours sur le bill 8 en deuxième
lecture et les commentaires que j'ai faits mais on s'y référera
en lisant les Débats du 26 juin 1970, page 556, pour les
déclarations du ministre des Affaires sociales, M. Castonguay; en lisant
également à la page 615, le jeudi 2 juillet 1970, les
commentaires du député de Montmagny sur le projet de loi no 8,
l'assurance-maladie; également, le discours du ministre des Affaires
sociales en troisième lecture, je crois, à la page 647 du journal
des Débats et ma réponse en troisième lecture, à la
page 941. On retrouvera là différentes interventions qui ont
été faites par le ministre actuel des Affaires sociales et celui
qui l'a précédé, au sujet de l'opportunité
d'inclure dans la loi les comités de surveillance, les comités
d'appréciation des relevés d'honoraires, tels qu'ils avaient
d'abord été pensés en vertu de la première loi et
inscrits dans la première version de la loi 8.
Le ministre, à ce moment-là, a voulu faire une distinction
au sujet de la responsabilité de la corporation professionnelle et
effectivement il disait dans ses remarques qu'un rapport serait
déposé incessamment sur les corporations professionnelles,
rapport devant conduire éventuellement aussi à l'étude par
cette Assemblée nationale de lois pertinentes aux corporations
professionnelles. Tout ça est arrivé, le rapport a
été déposé, la Chambre a étudié les
lois des corporations professionnelles et a bien réservé aux
corporations professionnelles le secteur qui est le leur, c'est-à-dire
la surveillance de la qualité de l'acte médical, le code de
déontologie, l'inspection professionnelle, toutes ces matières
que nous avons vues, M. le Président,
dans une commission que vous avez présidée à
maintes circonstances.
Le ministre n'a pas retenu précisément cette suggestion de
la première version du projet de loi no 8 mais il a retenu les clauses
que l'on connaît dans la loi actuelle et qui, semble-t-il, ne donnent pas
satisfaction.
Ces comités ont été formés par les ententes
intervenues entre les professionnels de la santé et le ministre de la
Santé du Québec, c'est avant la fusion des deux
ministères, en 1970, à l'automne, au moment où il y a eu
accord entre, d'une part, les médecins omnipraticiens et le
ministère de la Santé, les médecins spécialistes et
le ministère de la Santé, les spécialistes en chirurgie
buccale et le ministère de la Santé, les optométristes et
le ministère de la Santé. Je ne sais pas si j'en oublie,
peut-être que ça couvrait les quatre, ce sont les quatre mandats
qui sont intervenus.
Et le genre de dispositions que l'on trouvait dans ces ententes
était celui-ci, je prends celle des omnipraticiens: entente intervenue
le 11 novembre 1970 avec le ministre de la Santé. On disait, à
l'article 9, sous le chapitre Comité d'appréciation des
relevés d'honoraires: Que la régie forme un comité
d'appréciation des relevés d'honoraires réunissant quatre
membres dont deux sont désignés par la Fédération
des médecins omnipraticiens de la province de Québec et deux
autres membres du comité sont désignés par la
régie; tous les membres du comité d'appréciation des
relevés d'honoraires sont des médecins omnipraticiens.
A l'article 903, on disait: Ce comité fixe les règles de
régie interne nécessaires à son bon fonctionnement et
précise les modalités d'appréciation du paragraphe 902,
notamment le genre de relevés d'honoraires qui doit être soumis. A
l'article 902, on décrivait le relevé d'honoraires. Cela c'est le
mécanisme sur lequel il y a eu entente entre le ministre de la
Santé et la Fédération des médecins omnipraticiens
du Québec, le 11 novembre 1970.
Le même mécanisme a été accepté par la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec, le 16 décembre 1970: : un comité de quatre
membres, deux médecins nommés par la Fédération des
médecins spécialistes du Québec et deux nommés par
la Régie de l'assurance-maladie. Egalement pour les
optométristes, un comité de quatre, formé de deux
optométristes désignés par l'association et les deux
autres désignés par la régie.
Pour les spécialistes en chirurgie buccale, c'est le même
mécanisme. On dit ici, à l'article 6: La régie et
l'association désignent respectivement deux membres à un
comité d'appréciation des relevés d'honoraires. L'autre
entente qui a été conclue, c'est plus tard, c'est en juin 1972,
avec l'Association québécoise des pharmaciens
propriétaires, mais ce n'était pas dans le cadre de la
première loi, le régime d'assurance-maladie.
Alors, voilà quel est le mécanisme actuellement en place
et qui ne donne pas satisfaction. On l'a vu par les réactions du
Collège des médecins, à la suite de la séance de la
commission parlementaire des affaires sociales, pendant laquelle séance
le ministre des Affaires sociales et le président de la régie ont
signalé à l'attention de la Chambre les abus qui auraient pu se
glisser dans la dispensation des soins de santé par les professionnels
de la santé et également par les difficultés
d'appréciation des profils de pratique ou de la situation de certains
professionnels vis-à-vis de la régie de l'assurance-maladie.
D'ailleurs, on a connu ce genre de difficultés quand la
Commission d'assistance médicale existait, de 1966 à 1970. Des
cas ont été référés au Collège des
médecins à ce moment et je me souviens qu'il était assez
difficile, pour différentes raisons sur lesquelles je ne voudrais pas
m'attarder, d'obtenir, dans un délai raisonnable, une réponse
catégorique et affirmative du Collège des médecins qui
désirait bien se prononcer sur la qualité de l'acte
médical, mais qui hésite et même refuse de se prononcer sur
l'aspect quantitatif ou l'aspect économique des services de santé
et des soins de santé dispensés par les médecins.
Je comprends, M. le Président, leur point de vue; il appartient
plutôt aux fédérations qui s'occupent des
intérêts économiques des membres de se pencher sur ces
problèmes de difficultés entre la régie et les
professionnels de la santé quant aux notes d'honoraires et quant aux
réclamations auprès de la régie. Il reste cependant qu'on
ne peut pas dissocier l'appréciation du dossier du médecin de
l'aspect quantitatif du dossier et de l'aspect qualitatif de l'acte
médical. L'un a une certaine influence sur l'autre. C'est pour cela que
dans le nouveau mécanisme proposé par le ministre paraissent
également le Collège des médecins et les différents
ordres professionnels. Je pense qu'il est important que nous ayons une bonne
représentation à ce Comité d'appréciation des
relevés d'honoraires.
Pour vous montrer jusqu'à quel point ce comité
d'appréciation est important, quand le Régime d'assistance
médicale a fonctionné avec la Commission d'assistance
médicale, alors qu'il n'y avait qu'environ $15 à $20 millions
d'engagés annuellement c'est ce que coûtait le
régime si on prend le rapport annuel de ces années, on a,
en 1966, comme nombre total de cas étudiés par la Commission
d'assistance médicale, 373 cas; en 1967, 305 cas; en 1968, 454 cas; en
1969, 853 cas ont été étudiés; en 1970 on se
souviendra que c'était la fin du régime il n'y en a que
293. Nombre de cas soumis au Comité d'appréciation des
relevés d'honoraires: en 1966, il n'y en a pas eu, le régime
commençait; en 1967, après un mois d'activité seulement,
13 cas; en 1968, 222 cas; en 1969, 502 cas; en 1970, la dernière
année du
régime c'est une partie de l'année, au tout
début de l'année 44 cas ont été soumis au
comité. On voit l'importance, pour un régime total comme celui
qu'on a actuellement et qui entraîne des dépenses de plus de $300
millions, d'avoir des mécanismes bien rodés, bien
structurés dont on connaît bien la responsabilité, qui
connaissent bien leur mandat et qui ont toute la collaboration des
différents professionnels du domaine de la santé.
A ce sujet, le ministre et la Régie de l'assurance-maladie
peuvent avoir la collaboration des professionnels. Si je me base sur une
observation qu'ils ont faite au ministre à la suite des travaux de la
commission parlementaire, ils ont même pris l'initiative de demander aux
médecins s'ils avaient objection à révéler leur
profil de pratique et le montant individuel des revenus. Je pense qu'ils ont eu
l'accord des médecins, dans une proportion de 98 p.c, disons, en tout
cas, de la Fédération des médecins spécialistes.
Les médecins sont d'accord, dans l'ensemble, pour réprimer les
abus dont est responsable une infime partie des professionnels de la
santé. C'est pour cela, M. le Président, que nous voyons d'un bon
oeil le ministre accepter de revenir à des suggestions qui ont
déjà été faites antérieurement, en
1969-1970, et d'accepter, devant les difficultés que la régie
connaît actuellement et devant l'importance qu'il y a que ces abus soient
réprimés, de mettre en place ces mécanismes, ces
comités d'appréciation des relevés d'honoraires et ces
comités de surveillance, de sorte que l'intérêt public sera
protégé. Il y a là des millions de dollars qui sont
fournis par les contribuables québécois, et c'est un
régime qui, on l'a dit tantôt, avec les surplus accumulés
par la régie et avec les années, prendra encore plus d'importance
et qui dans quelque temps, va probablement doubler.
Alors, il s'agira de sommes supérieures à $500 millions ou
$600 millions. Si on ajoute d'autres types de services, ce sera une
augmentation proportionnelle. Alors, il est important que, dès
maintenant, comme on l'a fait dans d'autres provinces, on mette en place les
mécanismes de surveillance nécessaires. Cela ne veut pas dire que
tous les professionnels de la santé sont à blâmer, mais il
est important que, s'il y a des abus, ils soient réprimés par des
mécanismes acceptables. En somme, c'est une bonne loi et nous
l'appuierons en deuxième lecture.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Dorchester.
M. Florian Guay
M. GUAY: M. le Président, pour faire suite aux propos qui ont
été tenus sur ce projet de loi no 21, Loi modifiant la loi de
l'assurance-maladie et la loi de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, nous retrouvons dans ce projet de loi, à mon sens, deux
principes: premièrement, celui de l'extension de la couverture du
régime d'assurance-maladie et, deuxièmement, la création
de comités de révision ou de comités de surveillance.
A ce moment-ci, je me demande si le ministre a profité du fait
qu'il voulait étendre la couverture du régime d'assurance-maladie
pour créer des comités de révision ou de surveillance ou,
vice versa, si, à l'occasion de la création de ces
comités, le ministre en a profité pour donner une extension au
régime d'assurance-maladie. De toute façon, même si nous
ignorons laquelle des deux mesures a retenu le plus l'attention du ministre
peut-être que ce sont les deux je dois dire au ministre
que, premièrement, le point qui me paraît important, c'est
l'extension de cette couverture aux personnes âgées
démunies, qu'on appelle personnes âgées recevant
entièrement le supplément de revenu garanti. C'est donc dire
qu'elles pourront désormais bénéficier de certains
services auxquels elles n'avaient pas droit.
Deuxièmement, sur cette création de comités de
révision ou de surveillance, on se souviendra des chiffres qui ont
été mentionnés lors de l'étude des crédits
du ministère des Affaires sociales pour, en quelque sorte, justifier la
création de ces comités afin de réprimer les abus commis
par certains professionnels.
M. le Président, il y a également d'autres mesures qui
visent à fournir des prothèses à certains types de
personnes à certaines conditions. Si je le dis de cette façon, M.
le Président, c'est que nous retrouvons dans cette loi, presque partout,
le pouvoir de réglementation. Je voudrais attirer l'attention du
ministre, par exemple, sur le fait qu'à presque tous les endroits
du moins à sept endroits stratégiques dans la loi on dit
que tout se fera par règlement. C'est donc dire que ce pouvoir de
réglementation qui est donné au lieutenant-gouverneur en conseil
fait toute la différence selon que cette loi sera appliquée de la
façon que le lieutenant-gouverneur en conseil le décidera ou
autrement, si c'est le cas.
M. le Président, ce projet de loi, qui modifie la Loi de
l'assurance-maladie et qui étend la couverture du régime à
certaines personnes, nous le souhaitions et nous le souhaitions vivement. Ce
projet de loi, en même temps, apporte des restrictions ou des
précisions relativement aux actes accomplis par certains professionnels,
notamment en chirurgie buccale et en optométrie.
Je pense que nous nous attendions à une mesure telle puisque bien
souvent des personnes étaient dans le besoin, avaient essentiellement
besoin de certains services mais, ces services n'étant pas couverts, ces
mêmes personnes étaient obligées d'attendre. Je me demande
par contre si ce n'est pas un palliatif également aux besoins
spéciaux qui était accordé, dans certains cas, aux
assistés sociaux, ceux qui bénéficiaient de la Loi
d'assistance sociale et qui leur a été
enlevé il y a quelque temps. Alors, probablement que c'est une
forme de compensation entre ce qu'ils avaient et ce qui leur a
été enlevé, du fait que l'on donne cette extension en
services.
Alors, j'aimerais toucher immédiatement l'autre partie et
revenir, par la suite, à l'extension du régime
d'assurance-maladie, soit les comités de révision ou de
surveillance qui seront formés à la suite de l'application de ce
projet de loi.
On se souviendra que le ministre, quand on a étudié les
crédits du ministère des Affaires sociales, nous a transmis des
données, des chiffres à l'effet que des professionnels avaient
abusé par le système concernant la dispensation de services
couverts par l'assurance-maladie. Le ministre a donné des exemples tout
à l'heure, que nous avons retenus et qui sont d'ailleurs au journal des
Débats, lors de l'étude des crédits.
Cependant, étant donné qu'il n'y avait pas de
mécanisme prévoyant cette surveillance pour des actes
posés par les professionnels, je me demande si le peu de
mécanismes qui existait a suffisamment servi. Je m'interroge sur cette
collaboration qui devait exister ou qui aurait dû exister entre, d'une
part, la Régie de l'assurance-maladie et, d'autre part, les
professionnels concernés. Je me demande si la Régie de
l'assurance-maladie a collaboré à un point qu'il aurait
peut-être été possible d'éviter de tels abus ou
encore que cette vérification se fasse au fur et à mesure que les
professionnels posaient ces actes.
On se souviendra que cette dénonciation, si je peux me servir de
l'expression, par le ministre des Affaires sociales a fait sursauter, en
quelque sorte, certains professionnels, notamment le président de la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec.
On retrouvera, à tort ou à raison, dans le volume ou la
revue "Les médecins du Québec", juin 1973, volume VIII, no 6, les
propos du président de la Fédération des médecins
spécialistes, qui répond au ministre. J'ajoute qu'à tort
ou à raison je suis quand même dans l'obligation de retenir les
propos, d'une part, des professionnels concernés et, d'autre part, dire
qu'il y a réellement des abus qui ont été commis. Il faut
qu'ils soient surveillés.
J'aimerais citer, pour le bienfait des membres de l'Assemblée
nationale, cette réponse du président de la
Fédération des médecins spécialistes, qui nous dit
la façon dont il voit ça, qui nous résume cette
collaboration qui n'a pas fonctionné entre la régie, d'une part
et la fédération, d'autre part.
Je cite la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, qui répond au ministre: "Le
ministre des Affaires sociales a annoncé, au début du mois de
mai, durant l'étude des crédits de son ministère, la
formation d'une commission de révision des comptes d'honoraires qui
serait inscrite comme amendement à la Loi de l'assurance-maladie. "Lors
de l'étude de ces crédits, on a mis en évidence certains
abus des médecins, abus qui ont été rapportés
abondamment par la suite, dans la presse. Le Dr Raymond Robillard,
président de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, lors d'une conférence de presse, a
déclaré que les allégations sont fausses et la
Fédération des médecins spécialistes est en mesure
de prouver que le ministre des Affaires sociales lui-même a
empêché les syndicats médicaux et le Collège des
médecins et chirurgiens d'intervenir. "On sait qu'il existait, dans le
régime de l'assurance-médicale, des mécanismes en vue de
mettre un frein aux abus. Or, un tel type de comité n'a pas
été inclus dans la Loi de l'assurance-maladie, et ce en
dépit des demandes répétées des deux
fédérations médicales. La Fédération des
médecins spécialistes a formé un comité
spécial chargé d'étudier les profils de pratique anormaux
soumis par la régie. Cependant, la régie, dans un premier temps,
a refusé de fournir ces informations. Lorsque la
Fédération des médecins spécialistes a obtenu de
ses membres un mandat écrit autorisant la régie à
divulguer les sommes qu'elle avait versées, la régie refusa
encore de fournir les profils de pratique, c'est-à-dire les noms des
médecins et le détail des actes qu'ils avaient posés.
"Selon la Fédération des médecins spécialistes du
Québec, M. Castonguay, après avoir bloqué
systématiquement les mécanismes de participation, est malvenu de
discréditer aujourd'hui la profession médicale en l'accusant
d'avoir toléré les présumés abus de certains
médecins. La Fédération des médecins
spécialistes du Québec, selon son président, est
prête à discuter avec le ministre des mécanismes de
contrôle pour réprimer les abus. Cependant, la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec, comme la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec, est en faveur d'un véritable
comité de pairs et non d'un comité gouvernemental. "De plus, le
Dr Robillard a réitéré son opposition à tout
contrôle de l'exercice de la médecine par la Régie de
l'assurance-maladie."
M. le Président, à la suite de ces propos, il est bien
évident que la création de ces comités de révision
ou de surveillance s'imposait. D'ailleurs, comme d'autres l'ont dit et
je le répète les membres de la Fédération
des médecins spécialistes, du moins par la voix de son
président, ne s'y opposent pas, puisqu'il dit, dans cet article, qu'il
est prêt à discuter d'un mécanisme quelconque. Cet article
nous fait prendre conscience davantage que, s'il y avait des mécanismes
à l'intérieur d'une loi quelconque, ils n'ont pas
fonctionné. Bien sûr que c'est à la suite de relevés
que le ministre a cru bon de permettre ou d'imposer la création de ces
comités de surveillance. A partir de là, bien sûr, nous ne
nous opposerons pas à la création de ces comités qui
auront pour objet d'évaluer la situation et, par la suite, de faire des
recomman-
dations à la Régie de l'assurance-maladie qui devra
exécuter, si ma mémoire est fidèle, les recommandations de
ces comités de révision ou de surveillance.
M. le Président, plus que cela, le travail de ces comités
sera donc rétroactif. Moi, je me pose la question suivante: De quelle
façon pourra-t-on, de façon rétroactive je ne dirai
pas étudier, car ce sera toujours possible, avec les données qui
sont disponibles à la Régie de l'assurance-maladie si on
se rend compte, par exemple, que, de façon abusive ou
injustifiée, des actes ou des abus ont été commis, imposer
à un professionnel quelconque des mesures de pénalité? De
toute façon, l'important, c'est de s'assurer que les abus ne se
renouvelleront pas, c'est-à-dire ne seront pas commis dans l'avenir.
J'ajoute, cependant, qu'étant donné l'absence de
mécanismes, bien sûr, on a permis à ces professionnels
d'abuser du régime. Je me demande, d'autre part, si cela ne justifie pas
justement le ministre d'arriver et d'imposer, peut-être, certains
contrôles par ces comités. Je ne voudrais pas être trop
fort, mais je veux faire ressortir le principe suivant : si on permet tout
à quelqu'un, ensuite, on est beaucoup mieux justifié de lui
interdire de poser tel ou tel geste ou de poser des actes dans le cas qu'on
mentionne.
M. le Président, ces comités seront formés, nous
dit-on je commence par la fin en parlant du cinquième membre
selon une liste soumise par l'Office des professions.
Je me demande un peu si le ministre ne devance pas le travail
législatif, étant donné que les autres projets de loi,
entre autres le projet de loi 250, qui permettra la formation de l'Office des
professions, n'est pas encore accepté par l'Assemblée nationale.
Je me demande si le ministre ne présume pas un peu trop vite que cette
loi sera acceptée. On pourra mettre dans une autre loi qu'on discute
aujourd'hui le fonctionnement de l'Office des professions, entre autres.
Ce projet de loi a également pour objet de consacrer dans les
faits, par une loi, l'entente, intervenue entre les pharmaciens et le ministre,
qui est en vigueur depuis le 1er août 1972. On se souviendra des propos
qui avaient été tenus de ma part et de la part d'autres
personnes, et également cette même personne qui est le
président de la Fédération des médecins
spécialistes, qui trouvait que le public avait de drôles de
chances d'être privé de médicaments à la suite d'une
entente.
Cette partie du projet de loi consacre donc dans la loi de
l'assurance-maladie cette entente qui est intervenue entre le ministre et les
pharmaciens, d'autre part. J'ai bien apprécié que le ministre des
Affaires sociales nous remette le rapport du comité d'étude sur
les orthèses et les prothèses. J'ai pris la peine de relire
attentivement chacune des recommandations de ce comité qui a
été formé pour justement faire une étude qui a
donné suite partiellement à cette loi.
Et entre autres, on peut trouver dans le préambule de ce rapport
ceci: "Le comité est d'avis qu'un appareil, qu'il soit interne ou
externe, fait partie du traitement et de la réadaptation et devrait
être fourni au malade sous le régime de l'assurance-maladie."
Dans un rapport, quand on trouve des propos aussi clairement
définis, je pense que c'est très facile pour un ministre de dire:
Nous appliquons cette mesure, nous la concrétisons à
l'intérieur d'un projet de loi. Et uniquement cette petite partie du
rapport que nous trouvons dans le préambule était suffisante pour
faire penser au ministre d'inclure dans la Loi de l'assurance-maladie la
dispensation de prothèses.
Cependant, l'étude va beaucoup plus loin que ça, elle nous
donne également des statistiques: le nombre d'amputés par million
de population, également le nombre d'amputations au Québec, le
nombre d'amputés en 1973 au Québec, le coût moyen d'une
prothèse, le coût moyen d'une orthèse.
Cela nous permet quand même de vérifier jusqu'à quel
point il est difficile parfois, pour des personnes défavorisées,
de se procurer justement soit une prothèse qui est essentielle pour
suppléer à ce qui leur a été enlevé par
accident ou infirmité quelconque.
Cela justifie davantage le ministre d'arriver avec une mesure
compensatoire pour les personnes qui sont démunies.
Concernant toujours cette même extension de couverture, je trouve
un petit peu curieux qu'on ait oublié d'inclure certains
bénéficiaires de ces mesures et qu'on dise: les personnes
âgées, démunies. Cela signifie donc que c'est une personne
qui a 65 ans, d'abord, et deuxièmement qui bénéficie
entièrement...
M. CASTONGUAY: Si vous me permettez, en ce qui a trait aux
prothèses, c'est pour l'ensemble de la population.
M. GUAY: Je sais, je m'excuse si je n'ai pas précisé,
c'est parce que j'écourte un peu trop. Cela sera difficile à
relire au journal des Débats, mais, de toute façon, l'important
c'est que moi je me comprenne, et j'espère que le ministre comprend
aussi.
J'ai l'impression, M. le Président, qu'on a oublié
totalement dans ces personnes âgées l'épouse de la personne
bénéficiaire. Je peux prendre comme exemple un couple où
le mari a 65 ans et plus; il est donc le chef de famille et doit pouvoir aux
besoins familiaux, mais si son épouse a moins de 65 ans, elle n'est pas
couverte par cette mesure alors que, selon une façon de penser qui est
tout à fait normale, comme le chef de famille doit pourvoir aux
obligations familiales, je me demande s'il ne serait pas possible d'inclure le
conjoint de façon automatique, quel que soit son âge. Bien
sûr, j'avoue que cette mesure nécessitera quelques
déboursés supplémentaires, sauf que bien souvent les
problèmes je dis bien souvent
peut-être 50 p.c. des problèmes dans ce domaine sont
causés par le conjoint qui, lui, n'aura pas atteint l'âge de la
retraite, soit 65 ans. Je me demande si le ministre ne pourrait pas profiter de
l'occasion pour étudier la possibilité d'abaisser cette
couverture à l'âge de 60 ans. Ce serait peut-être plus
normal en 1973, mais de toute façon je demande au ministre s'il a
étudié cette possibilité, premièrement, qu'au lieu
de dire 65 ans quand on parle de personnes âgées, on dise 60 ans
et, deuxièmement, d'inclure automatiquement le conjoint,
c'est-à-dire l'épouse, quel que soit son âge. Je crois que
ce serait possible puisque ce n'est pas la première fois que cela fait
l'objet de discussions. J'aimerais bien savoir de la bouche du ministre au cas
où il serait impossible de le faire aujourd'hui, si on croit que ce
serait possible très prochainement. Je pense que ce serait tout à
fait normal puisque, quand on parle de personnes démunies, dans le cas
d'un couple c'est autant de l'épouse que du mari qu'il s'agit. Le
ministre est bien au courant de tous les problèmes qui sont
causés du fait que le mari est pénalisé parce que son
épouse est plus jeune que lui, quand on regarde la loi concernant la
pension de sécurité à la vieillesse. M. le
Président, ce sont les quelques observations que j'avais à faire
sur ce projet de loi 21. Je me réserve en troisième lecture, bien
sûr, la possibilité de poser d'autres questions au ministre,
d'obtenir toutes les indications qui pourraient nous servir et, si possible,
d'amender ce projet de loi de façon à le bonifier.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, la chaleur caniculaire qui
prévaut dans cette enceinte ne nous empêchera pas
d'élaborer le temps qu'il faut sur les plaisirs en même temps que
les frustrations que nous procure cette extension limitée de
l'assurance-maladie à de nouvelles catégories de
bénéficiaires.
Le ministre connaît nos positions à ce sujet. Depuis le
début nous pensons et nous continuons de penser qu'il s'imposait pour le
bien collectif des Québécois d'instaurer immédiatement un
régime de couverture totale pour tous les besoins de santé qui
auraient été financés soit par le régime
général de taxation, soit par des contributions venant du citoyen
et de son employeur, mais contributions qui n'auraient pas été
plafonnées à partir d'un certain niveau de revenu de façon
à faire porter le plus gros du fardeau sur la classe moyenne.
Nous continuons à penser que cela aurait été
possible, surtout quand on regarde les excédents des revenus sur les
dépenses à la suite des deux premières années,
excédents qui atteignent déjà $53 millions et qui
atteindront probablement l'an prochain $75 millions.
Nous pensons qu'avec un effort supplémentaire, en ce qui concerne
le niveau de la prestation, le niveau de la cotisation, il aurait
été possible, comme cela d'ailleurs a été fait pour
l'assurance-hospitalisation, même si dans les règlements on
eût pu procéder par étapes, d'instaurer d'un seul coup en
principe un régime intégré d'assurance-maladie portant sur
tous les soins de santé, soit médicaux, dentaires,
optométriques, et couvrant en même temps les médicaments et
les prothèses.
Les raisons qui nous avaient amenés à préconiser
cette mesure sont les mêmes aujourd'hui qu'hier, c'est que la
santé est un bien individuel aussi bien que collectif, que la
santé devient de plus en plus un droit dans nos sociétés
démocratiques, que la santé constitue un capital humain
inappréciable pour l'ensemble d'une collectivité, qu'il y avait
au Québec beaucoup de rattrapage à faire dans ces domaines,
particulièrement quand on comparait nos statistiques de morbidité
et de mortalité avec celles des autres provinces et des autres pays.
Nous pensions également que ne couvrir qu'un aspect des
problèmes de santé pouvait constituer une impossibilité
sur le plan médical, étant donné que bien des fois, comme
on vient de le rappeler, les médicaments et les prothèses font
partie intégrante du traitement et qu'il s'avérait, qu'il pouvait
s'avérer très difficile de traiter quelqu'un sans lui accorder en
même temps les médicaments ou la prothèse dont il pouvait
avoir besoin. Nous pensions également, et nous le pensons encore
aujourd'hui, que privilégier certaines catégories de soins et
certaines catégories de bénéficiaires par rapport à
d'autres pouvait constituer une injustice en particulier pour certaines
catégories de citoyens qui n'avaient pas les ressources
nécessaires, suffisantes pour se procurer tous les soins et tous les
médicaments ou prothèses que pouvait requérir leur
état de santé.
Nous continuons donc à penser qu'il eût été
possible de procéder il y a déjà trois ans à cette
réforme globale de notre système de santé. Etant
donné que la chose ne s'est pas produite, il est bien évident que
nous ne pouvons que nous féliciter, que nous réjouir de cette
extension graduelle à de nouvelles catégories de
bénéficiaires. En vertu de la nouvelle loi, il y aura maintenant
les prothèses qui seront couvertes, pour toutes les catégories de
citoyens. Il y aura, d'après ce que le ministre nous a dit, les citoyens
âgés qui bénéficient du supplément de revenu
minimum garanti, malgré que nous avons des réserves à cet
égard, étant donné que, dans la loi de 1969, l'inclusion
de cette catégorie de bénéficiaires était
déjà prévue et que ce ne sont que des avatars d'un
fédéralisme qui ne s'est pas révélé rentable
en ce domaine qui ont empêché la mise en application de cette
réforme au cours des deux dernières années. Nous nous
demandons d'ailleurs, M. le Président, si ce n'est pas
précisément parce qu'il a été impossible, soit
parce que les négociations du Québec
avec le fédéral n'ont pas porté fruit en ce qui
concerne la couverture des médicaments pour les personnes
âgées, soit parce que les ententes n'ont pu être conclues
entre le gouvernement du Québec et l'Association des chirurgiens
dentistes, que nous constatons un tel excédent des revenus de la
Régie de l'assurance-maladie par rapport à ses
dépenses.
Si la loi de 1969 avait pu être appliquée dans les
délais prévus, si les enfants de 0 à 7 ans avaient pu au
cours des deux dernières années bénéficier des
soins prévus pour eux dans la loi, si les bénéficiaires,
les citoyens âgés bénéficiaires d'un
supplément de revenu minimum garanti avaient pu bénéficier
comme il était prévu, depuis deux ans, des
bénéfices que l'on avait prévus pour eux, nous pensons que
cet excédent des revenus sur les dépenses aurait
été baucoup moins marqué.
Nous en concluons donc que c'est précisément à
cause de cet absence d'application de la loi que le gouvernement peut se
montrer aujourd'hui plus généreux.
Nous le déplorons quand même en pensant que les
négociations avec le fédéral n'aient pu aboutir à
une conclusion heureuse. Il nous semble que les critères que proposait
le ministre des Affaires sociales à son homologue du
fédéral étaient parfaitement pertinents, parfaitement
légitimes, même s'ils n'étaient basés que sur le
revenu et non pas sur la détermination du besoin. Il nous semble que le
gouvernement fédéral aurait dû, en l'occurrence, faire
preuve d'une souplesse plus grande. Il aurait dû considérer d'une
façon plus nuancée, plus réelle les besoins particuliers
d'une région comme celle du Québec et une entente aurait dû
être effectuée.
Nous savons que ce n'est pas le seul domaine où les
fonctionnaires et les ministres fédéraux ont fait montre d'un tel
dogmatisme, d'une telle intransigeance, mais l'occasion nous est encore
donnée de le souligner. Il reste, cependant, comme je le disais tout
à l'heure, que ce gouvernement a préféré une
extension graduelle de la couverture de l'assurance-maladie plutôt qu'une
instauration globale de principes. C'est ce qui nous a valu les amendements
apportés, en juin 1971, à la Loi de l'assurance-maladie. Nous
venons de voir quand même que ces amendements que nous avons
acceptés en 1971 n'ont pu encore être mis en vigueur.
Peut-être l'occasion se présente-t-elle de réviser
maintenant cette extension de la couverture, particulièrement en ce qui
concerne les soins dentaires.
Le ministre nous a déjà donné quelques-unes des
raisons qui avaient empêché le gouvernement de s'entendre avec
l'Association des chirurgiens dentistes. Il ne fait quand même pas de
doute que l'une de ces raisons était le fait que la pratique dentaire,
chez les enfants de 0 à 7 ans, ne constitue, quantitativement, qu'un
aspect mineur de la pratique des chirurgiens dentistes et que ceci les place
dans une situation privilégiée dans leurs négociations
avec le gouverne- ment. Si la pratique dentaire avait été
totalement couverte par l'assurance-maladie ou encore si elle avait
été couverte pour tous les enfants de 0 à 14 ans,
peut-être les chirurgiens dentistes auraient-ils vu un
intérêt plus grand à conclure une entente avec le
ministère. Même, encore aujourd'hui, si le ministre, se ravisant
à la dernière minute, nous annonçait son intention de
déterminer par règlement une catégorie de
bénéficiaires beaucoup plus étendue, couvrant, par
exemple, tous les enfants dont l'âge s'échelonne de 0 à 14
ans, peut-être acquerrait-il ainsi un instrument de négociation
qui lui permettrait d'en arriver plus tôt à une entente avec cette
association.
Ce n'est pas la seule raison, évidemment, qui postule en faveur
de cette extension. Je pense et nous l'avons souligné en juin
1971 que la meilleure et la principale raison est que les enfants de 7
à 14 ans, eux aussi, ont un très grand besoin de soins dentaires,
particulièrement parce que cet âge coincide avec la période
pubertaire, qui est une période de croissance physiologique maximum, qui
amène souvent des troubles de métabolisme dentaire, aussi bien
que d'autres troubles du métabolisme. Cet âge maximum constitue
peut-être une excellente occasion de compléter les travaux qu'ont
effectués les dentistes chez les enfants de 0 à 7 ans ou les
travaux que peuvent effectuer les ligues d'hygiène dentaire.
Nous demanderions donc au gouvernement de profiter de cette occasion
pour se montrer moins timide ou plus généreux et de nous
permettre d'étendre, par règlement, à tous les enfants
dont l'âge s'échelonne de 0 à 14 ans les
bénéfices prévus par l'assurance-maladie. Les
excédents de revenu dont vient de faire état le ministre et qui
sont, encore une fois, de $53 millions avant que la réserve dont a
parlé le ministre soit faite permettraient au ministre, à tout le
moins, cette extension du régime.
Nous venons de perdre deux années en ce qui concerne
l'hygiène dentaire et les soins dentaires. Il ne faudrait pas en perdre
davantage et il faudrait surtout rattraper ce que nous avons perdu au cours de
ces deux dernières années en étendant du moins dans le
temps les bénéfices que par ailleurs le gouvernement est
parfaitement en mesure financièrement parlant d'octroyer à une
population qui en a un immense besoin. Nous nous demandons également, M.
le Président, si le gouvernement, avec les excédents justement
dont il peut faire état, n'aurait pas pu étendre à
d'autres prothèses que celles dont le ministre nous a parlé les
bénéfices de la loi. Je pense en particulier aux prothèses
auditives qui, elles aussi, souvent sont d'un prix très
élevé, un prix tellement élevé que certaines
catégories de citoyens qui ne bénéficient pas de
l'assistance sociale, comme le député de Nicolet le faisait
valoir tout à l'heure, se voient dans l'impossibilité pratique de
se les procurer. Nous savons tous les progrès technologiques qu'a connus
cette discipline, depuis quelques années,
nous en avons entendu parler à l'occasion de la discussion du
projet de loi sur la corporation des audio-prothésistes, et nous
estimons que précisément pour certaines catégories de
citoyens, particulièrement certains citoyens âgés, ces
appareils constituent plus qu'un instrument susceptible de remédier
à leur état de santé déficitaire et un instrument
qui est essentiel pour la poursuite des satisfactions minimales de l'existence.
On connaît les supplices qu'ont à endurer ceux qui sont
affectés de surdité et il nous semble, étant donné
que le coût n'en serait quand même pas exagéré, que
le gouvernement devrait se rendre à ces arguments et inclure en
particulier les prothèses auditives, particulièrement celles dont
le coût est le plus élevé, dans la catégorie des
services assurés.
Je suis certain qu'un bon nombre de citoyens, peu nombreux, mais pour
qui ce déficit est majeur et cruel, lui en sauraient gré et lui
en voueraient une reconnaissance absolument compréhensible. Evidemment,
il faudrait peut-être penser également, dans un avenir prochain,
à inclure également les prothèses visuelles puisque,
là aussi, dans certaines situations, pour certaines catégories de
citoyens qui ne peuvent pas bénéficier de la loi d'aide sociale,
le coût peut se révéler parfois catastrophique. Je sais
bien qu'on peut, comme le disait le ministre, tout à l'heure,
réglementer, déterminer par règlement de nouvelles
catégories de bénéficiaires au titre de la Loi d'aide
sociale, mais je me demande s'il ne serait pas mieux d'inclure dans cette Loi
de l'assurance-maladie des recommandations qui rendraient possible, le plus
rapidement possible, le prolongement de ce bénéfice à ceux
qui en ont besoin.
Quant au financement, nous ne pouvons que féliciter le ministre
pour l'astuce dont il fait preuve en vue de récupérer par le
biais des mécanismes inclus dans la loi le coût des
prothèses qu'auront à utiliser les bénéficiaires de
l'assistance sociale. Evidemment, cette somme n'est peut-être pas
extraordinaire, le ministre a parlé de $750,000, mais il reste que le
fédéral ne lui a pas laissé le choix; en se montrant aussi
dogmatique et intransigeant au niveau de la discussion générale,
au niveau de l'inclusion franche et claire des prothèses dans le
régime des frais partagés, il ne laissait plus au gouvernement du
Québec que ce choix technique qui lui permettra au moins de
récupérer, en ce qui concerne les assistés sociaux, le
coût des prothèses, le coût des soins dentaires et
opto-métriques pour la catégorie des assistés sociaux.
Nous avons cependant quelques réserves, pour ne pas dire des
réserves certaines, en ce qui concerne le mode de financement que nous
propose le ministre pour les médicaments aux personnes
âgées de 65 ans et qui bénéficient du
supplément de revenu minimum garanti.
Le ministre nous a dit que cette mesure profitera à 147,000
bénéficiaires et que le coût probable en est estimé
à $12 millions ou $15 millions. Nos réserves, nous les avons,
d'ailleurs, déjà exprimées l'an dernier lorsqu'il s'est
agi de faire payer à certaines veuves ou invalides, par le régime
de rentes, des prestations alors que ces veuves ou leur époux n'avaient
pas contribué au régime de rentes.
Nous avions, en cette occasion, établi une distinction
très nette entre un régime d'assurance et un régime
d'assistance. Le ministre, d'ailleurs, est bien au courant de cette distinction
puisqu'elle figure au premier plan du projet qu'il nous proposait dans la
commission Caston-guay-Nepveu lorsqu'il disait qu'un régime
intégré de politique sociale doit s'asseoir sur une sorte de
trépied à trois branches dont l'un est constitué par un
régime d'assurance, l'autre par un régime d'assistance et le
dernier par un régime d'allocation sociale.
Si nous croyons devoir recourir, dans certains domaines à
l'assurance, c'est que justement nous voulons universaliser un régime et
que, deuxièmement, nous voulons faire contribuer les
bénéficiaires aux bénéfices qu'ils recevront. Il
nous semble qu'en ce qui concerne le financement des médicaments pour
les personnes âgées bénéficiant du supplément
de revenu minimum garanti nous avons évidemment affaire à une
mesure d'assistance et non pas à une mesure d'assurance. D'ailleurs, je
crois bien que le ministre le reconnaît lui-même puisque c'est de
cette façon qu'il avait procédé lorsqu'il nous avait
proposé, en juin 1971, ses premiers amendements à la Loi de
l'assurance-maladie, loi 69, si mon souvenir est bon.
Dans les premiers amendements, c'est le ministère des Affaires
sociales qui devait rembourser à la régie le coût total
qu'elle devait assumer pour la couverture de ce régime. Si le ministre
nous arrive maintenant avec une proposition différente, je crois bien
qu'il faut en trouver la raison uniquement dans le fait que le coût de
cette mesure est assez élevé, soit entre $12 millions et $15
millions et, deuxièmement, qu'il n'a pu conclure une entente fructueuse
avec le gouvernement fédéral qui aurait fait assumer à
celui-ci, au titre de la Loi de l'assistance publique, la moitié du
coût.
Je pense que malgré les difficultés qu'a pu rencontrer le
ministre au plan du fédéralisme rentable, la distinction qu'il a
lui-même établie dans son rapport entre un régime
d'assurance et un régime d'assistance continue de demeurer et qu'il ne
faudrait pas jouer d'astuce d'une façon exagérée en ce
domaine, qu'il ne faudrait pas faire éponger par une régie qui
connaît actuellement des excédents de revenus les déficits
ou les dépenses assez élevés qu'entraînerait, pour
le ministère des Affaires sociales, la couverture d'un pareil
régime.
C'est là une astuce qui dépasse, je crois, cette fois, les
bornes de la technique législative, qui dépasse les bornes des
principes qui doivent présider à l'élaboration de nos
lois. J'irais même plus loin, M. le Président. J'ai l'impression
qu'on pourrait même accuser le gouvernement et le ministère non
pas de fraude politique,
évidemment, mais d'une sorte de tour de passe-passe qui cacherait
à la population les dépenses réelles que peut et que doit
entraîner, pour un gouvernement, la satisfaction de besoins populaires,
exigeants, impérieux et pressants. On pourrait même parler,
à ce moment-là, de taxe déguisée, lorsqu'on
connaît le régime de prestations d'assurance-maladie, avec son
plafond en vertu duquel, passé une certaine catégorie de revenu,
les cotisations n'augmentent plus. Ce serait une taxe déguisée
qui porterait davantage sur les contribuables de la classe moyenne que sur les
contribuables à revenu élevé.
Je pense que, pour ne pas se faire accuser par la population et en
particulier par les classes moyennes dont le fardeau est actuellement
très lourd, il faudrait que le ministre nous donne des explications qui
pourraient lever nos objections ou nos réticences ou encore changer
l'optique de son projet de loi et différencier, par les articles qu'il
nous soumet, un régime d'assistance d'un régime d'assurance.
Pour notre part, tel que nous avons lu le projet de loi, nous ne pouvons
pas accepter le mécanisme qu'a prévu le ministre pour le
financement de l'assistance-médicaments aux personnes âgées
de 65 ans recevant un supplément de revenu garanti, aussi bien, encore
une fois, pour des raisons de logique que pour des raisons de techniques
législatives et pour des raisons de transparence gouvernementale et pour
des raisons d'équité fiscale, en particulier pour les classes
moyennes. Nous pensons que, lorsque la régie peut faire état d'un
excédent tel que celui qu'elle nous montre, le gouvernement ne devrait
pas profiter de l'occasion pour lui soutirer ses revenus d'une façon qui
nous semble condamnable et qu'il devrait, au contraire, assumer franchement ses
responsabilités et faire payer à même le fonds
consolidé du revenu des dépenses qui relèvent nettement de
l'assistance.
En ce qui concerne, M. le Président, les mécanismes de
révision, nous constatons nous aussi qu'ils s'imposaient. Le
député de Montmagny nous a rappelé, tout à l'heure,
les multiples tractations auxquelles avait donné lieu, dans le
passé, la nécessité de l'implantation de ces
mécanismes de révision. Il fallait peut-être que nous
mettions de l'ordre dans les corporations professionnelles, que nous
précisions, que nous uniformisions, rationalisions davantage leurs
activités afin de voir plus clair dans un domaine où des
distinctions subtiles mais précises s'imposent. Mais le moment est
arrivé maintenant, je crois, d'instituer des mécanismes de
révision qui tiendront compte des devoirs respectifs des corporations
professionnelles, aussi bien des professionnels concernés que des
associations de professionnels.
Le mécanisme que nous propose le gouvernement nous semble aussi
bon qu'un autre, surtout que le ministre vient de lever, par la promesse qu'il
nous a faite d'amendements à venir, les quelques réticences que
nous entretenions quant à la prescription des délais, d'une part,
et quant à la possibilité d'autre part, pour les professionnels
concernés, de se faire entendre à l'une ou l'autre des
étapes des mécanismes de révision. Nous attendrons ces
amendements que nous propose le ministre. Nous nous réjouissons d'avance
qu'il nous les ait proposés car autrement, nous aurions, nous aussi,
fait valoir la nécessité, pour un professionnel qui aura à
se soumettre aux décisions d'un comité de révision qui,
à toutes fins pratiques, fonctionnera comme un tribunal administratif,
nécessité pour un professionnel de se faire entendre.
Ceci, d'ailleurs, n'est pas nouveau, puisque, même dans les
tribunaux de discipline qui avaient constitué les corporations
professionnelles, il était possible, pour celui dont la conduite
était soumise à un examen, de se faire entendre ou de se faire
représenter par un procureur.
Je suis bien d'accord, avec le ministre, qu'il ne faut pas alourdir des
mécanismes, dans un domaine nouveau, inutilement et
prématurément, au risque de nuire à leur
efficacité. Mais il reste cependant qu'en des matières aussi
délicates, qui peuvent entacher la réputation d'un professionnel,
il faut donner à ceux qui pourront faire l'objet de sanctions
éventuelles toutes les possibilités de se faire entendre.
Ces réserves faites, M. le Président, nous ne pouvons,
encore une fois, qu'applaudir à l'extension du régime que nous
propose le ministre, tout en émettant encore une fois le souhait que
cette extension s'étende le plus rapidement possible à d'autres
secteurs, pour inclure, dans un délai que nous voudrions aussi
rapproché que possible, toute la gamme possible des services
assurables.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais deux mots seulement
suite aux propos qu'a tenus mon collègue, le député de
Dorchester, simplement pour souligner à l'attention de l'honorable
ministre l'importance et la nécessité d'ailleurs le
ministre l'a annoncé d'apporter des modifications au projet de
loi pour faire en sorte de permettre au conjoint ou à la conjointe dans
le cas des personnes âgées de bénéficier de cette
nouvelle extension de l'assurance-médicaments.
J'ai fait parvenir à ce sujet de très nombreuses lettres
à l'attention de l'honorable ministre depuis un certain temps, il est au
courant de la question. Nous estimons, en ce qui nous concerne, qu'il est
très important de tenir compte de ce fait, parce que chez un certain
nombre de ces couples, à l'heure actuel-
le, il y a seulement un des conjoints qui est bénéficiaire
de la Loi de la sécurité à la vieillesse et, par
conséquent, serait admissible à la Loi de
l'assurance-médicaments.
Le ministre comprendra facilement qu'un très grand nombre de gens
ne pourront bénéficier de cette loi, à moins que le
ministre ne consente à l'amender. C'est pourquoi je veux profiter de ces
minutes pour demander au ministre de prendre en considération nos
demandes en vue d'apporter les amendements nécessaires.
Il y a au Québec un très grand nombre de couples qui,
à l'heure actuelle, se voient privés du bénéfice
des allocations de sécurité de vieillesse parce qu'il y en a
seulement un qui est admissible à cette loi; l'épouse,
après avoir élevé une famille, nombreuse dans la
majorité des cas, se voit en quelque sorte pénalisée
pour employer un terme utilisé tout à l'heure par
le fait qu'elle ne peut bénéficier, à cause de son
âge, de cette assurance-médicaments. Pourtant, à cause des
revenus limités du mari, elle ne peut pas, à l'heure actuelle ou
a de très grandes difficultés à se procurer les
médicaments dont elle aurait besoin pour, autrement dit, avoir les soins
nécessaires à son état de santé.
Je demande tout simplement à l'honorable ministre d'apporter des
modifications immédiatement à ce projet de loi, compte tenu du
fait également que, tel que mentionné au rapport que l'on nous a
remis aujourd'hui, la Régie de l'assurance-maladie, à l'heure
actuelle, dispose de revenus suffisants pour apporter cette excellente mesure
à la partie de la population qui a besoin de ce nouveau service.
Si on regarde la situation et l'honorable député de
Montmagny en a fait mention tout à l'heure la Régie de
l'assurance-maladie a accusé des bénéfices de $27,985,000
au cours de l'innée dernière. Le député de
Montmagny, lorsqu'il disait que cette année elle va faire des
bénéfices d'au moins $25 millions, a été
très conservateur, parce que nous pouvons facilement conclure que cette
régie va accuser des bénéfices de l'ordre de $35 millions
à $40 millions, et je ne tiens pas compte des nouvelles dispositions que
le ministre apporte dans sa nouvelle loi.
Compte tenu du fait qu'il n'y aurait pas lieu, en apportant cette
mesure, d'être obligé de hausser les contributions,
également du fait qu'il n'y aurait pas lieu d'imposer de nouvelles
taxes, et que la régie dispose de suffisamment de fonds pour assurer ces
bénéfices aux personnes de la catégorie que j'ai
mentionnée tout à l'heure, je demande au ministre de tenir compte
de nos propos et de nous annoncer dans quelques minutes de bonnes nouvelles
à ce sujet.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aime- rais reprendre certaines
des suggestions qui ont été formulées. Je sais qu'elles
ont été formulées, particulièrement celle du champ
d'extension de la couverture, dans le sens des avantages, des parties de la
population ou de l'ensemble de la population face à des besoins
réels. Toutefois, je voudrais rappeler que la régie
prévoit non pas $30 millions ou $40 millions ou $25 millions
d'excédent pour l'exercice qui commence, mais précisément
$11.6 millions sur une base annuelle.
Mais ce sont des coûts, comme nous le savons, qui se
répètent d'une année à l'autre; nous savons
également dans le domaine des médicaments que les
prévisions sont assez délicates à faire. Nous savons
également que, si nous additionnons le coût des prothèses,
le coût des médicaments, déjà nous dépassons
la prévision pour l'an prochain. Et j'aurai à discuter en
commission la question de la couverture des soins dentaires. Et si nous
couvrons les soins dentaires pour tous les enfants disons jusqu'à
l'âge de huit ans, il y a un coût de l'ordre de $8 millions
additionnel qui doit être inclus, ce qui dépasse largement la
prévision pour l'an prochain.
Il ne faut pas oublier aussi que le montant dont la régie dispose
présentement ne peut pas totalement être considéré
comme du surplus mais qu'une partie doit être mise à part pour des
fins d'imprévus. De toute façon, j'ai noté très
attentivement les suggestions qui ont été faites quand à
l'extension de la couverture du régime et je peux donner l'assurance aux
députés qu'au fur et à mesure que le temps passera, que
les disponibilités financières le permettront la couverture du
régime continuera graduellement d'être étendue comme elle
l'a été depuis l'adoption de cette loi.
Je voudrais rappeler sur ce plan, lorsque l'on traite plus
spécifiquement des personnes de 65 ans et plus qui ont un conjoint de
moins de 65 ans, que récemment il y a eu augmentation à la
pension de vieillesse, il y a eu augmentation au supplément du revenu
garanti. Le fait, en plus, de couvrir les médicaments pour un des deux
conjoints allège quelque peu le fardeau et rend le problème des
médicaments pour l'autre conjoint un peu moins lourd. C'est la
même chose d'ailleurs chaque fois que nous franchissons une étape
dans la couverture, que ce soit par la voie de la couverture de
médicaments cans les consultations externes pour des maladies
identifiées telles que le cancer, la fibrose kystique. Au fur et
à mesure que de nouvelles extensions sent apportées, le fardeau
résiduel pour les individus devient moins lourd.
On a mentionné dans les suggestions que j'ai notées la
possibilité de couvrir, par exemple, les prothèses auditives.
Encore là, sur ce plan, il me semble qu'il va être
nécessaire d'attendre que la Corporation des audio-prothésistes
soit bien créée, que l'identification des personnes admises
à exercer cette profession ait été effectuée selon
les mécanismes qui ont été discutés et qui
seront incorporés dans la loi des audio-prothésistes. La
remarque générale que je voudrais faire en ce qui a trait aux
extensions de la couverture, c'est que dans l'avenir il me semble que nous
devrons procéder de la même façon que par le passé
et envisager graduellement l'extension de la couverture de l'assurance-maladie
par rapport à de nouveaux besoins.
J'aurais d'autres points. A certains moments, certaines affirmations qui
m'ont paru plus ou moins exactes ont été formulées;
j'aurai l'occasion de reprendre la discussion de ces questions en commission
parlementaire. Je voudrais toutefois mentionner pour le député de
Dorchester que lorsque la régie a refusé de transmettre à
la Fédération des médecins spécialistes des profils
de pratique en identifiant les noms des médecins, ce contre quoi
s'élevait le Or Robillard, c'est qu'une disposition très
précise de la loi empêchait le président de la régie
de le faire. Alors, malgré un soi-disant consentement donné par
les membres au président de la Fédération des
médecins spécialistes, le président de la régie
n'avait pas le choix et il devait se conformer à la disposition que nous
avions inscrite dans la loi en 1970 pour protéger le secret
professionnel.
Sur ce plan, nous aurons l'occasion de revenir. Je pourrais mentionner,
pour le député de Bourget, qu'à mon sens l'extension
à un plus grand groupe d'âge de la couverture des soins dentaires
n'inciterait pas davantage les dentistes à s'engager dans une entente,
ceux à tout le moins qui ont refusé une telle entente.
Quant à moi, je suis disposé â ce qu'on envisage
peut-être d'aller jusqu'à l'âge de huit ans, au
départ, et d'extensionner plus vite selon l'expérience
qu'il n'avait été prévu. J'aurai un amendement
à proposer lors de l'étude article par article qui pourrait
permettre à mon sens d'appliquer ce régime.
En d'autres termes, je voudrais que nous prenions le même
mécanisme que pour la Loi des services juridiques, c'est-à-dire
que nous puissions décréter un tarif à défaut d'une
entente. Ceux qui n'aiment pas ce tarif, en attendant la signature d'une
entente, ont la possibilité de se désengager. Comme nous avons de
multiples indications nous permettant de croire que bien des dentistes auraient
voulu participer ou entrer dans une telle entente et qu'ils n'étaient
pas présents lors de l'assemblée où on a fait rapport
d'ailleurs, la démission du président de l'association
était une indication assez sérieuse du fait qu'une partie des
dentistes ne partageaient pas du tout le vote exprimé par une
minorité d'entre eux nous croyons qu'il y a là une
approche susceptible de mettre en application, dans les endroits où ce
régime est le plus requis, le régime des soins dentaires le plus
rapidement possible, et ceci face à une situation qui nous place dans
une impossibilité si nous voulons nous en tenir purement et simplement
au cadre de la loi actuelle.
Si l'expérience s'avère positive et que, contrairement
à ce que l'on nous dit, les dentistes ne sont pas en mesure de
répondre à la demande additionnelle créée par la
couverture des enfants, il sera toujours possible d'aller plus rapidement.
Enfin, en ce qui a trait au financement de la couverture des
médicaments pour les bénéficiaires du maximum du
supplément de revenu garanti, je ne sais pas â quelle partie du
rapport de la commission le député de Bourget se
référait bien précisément. Je sais cependant que
lorsque j'ai parlé d'assurance sociale et traité de régime
où les prestations sont versées en espèces, qu'il
m'apparaissait important d'être assez rigide dans l'identification de
ceux qui contribuent et ceux qui reçoivent des prestations.
Dans le cadre de l'assurance-maladie, toutefois, il ne faut pas oublier
que la couverture s'applique à tous les résidants du
Québec, alors qu'une partie seulement contribue; notamment dans le cas,
par exemple, des soins médicaux ou des soins optométriques, un
très grand nombre de personnes qui sont âgées de plus de 65
ans sont couvertes et ne contribuent pas. Si je mentionne ceci, c'est
qu'à mon sens, dans les régimes d'assurance-sociale, lorsqu'il
s'agit de couverture de services, cette rigidité ou disons cette plus
grande rigueur est loin d'exister dans la plupart des régimes.
Les modalités de financement deviennent des modalités
particulières de répartition des coûts. Je voudrais assurer
au député que pour nous il n'y avait pas de motifs cachés.
Il nous semble que l'extension de la couverture s'impose et que le mode de
financement proposé est un mode qui est satisfaisant dans l'ensemble et
qui ne pose pas des problèmes aussi grands au plan de la logique et au
plan même des principes si l'on tient compte qu'ici il y a dissociation
très claire, dans le régime de l'assurance-maladie, entre la
couverture qui touche tous les citoyens du Québec pour les soins
médicaux, les soins optométriques, par exemple, et les
contributions qui ne sont versées que par les personnes ayant du travail
ou des revenus imposables.
A tel point, même, que lorsque nous avions établi le
régime de l'assurance-maladie, nous avions discuté de la
possibilité d'exclure de la couverture une personne qui ne paierait pas
ses contributions. C'est ce qui arriverait normalement dans un régime
à prestations en espèces et si nous avions maintenu que ce
n'était pas justifié, que le défaut de payer les
contributions devrait entraîner les mêmes sanctions que celles que
l'on retrouve pour une personne qui ne paie pas ses impôts, par
exemple.
Alors, c'est pour cette raison que, devant l'impossibilité
d'obtenir un partage des coûts de la part du gouvernement
fédéral et devant la situation financière plus confortable
de la Régie de l'assurance-maladie que prévu initialement, nous
avons proposé ce mécanisme de financement. C'étaient les
quelques points, M. le
Président, que je voulais faire ressortir à ce
moment-ci.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième
lecture est-elle adoptée?
Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi
soit maintenant déféré à la commission
parlementaire des affaires sociales et que cette commission soit
convoquée pour siéger dès ce soir â vingt heures,
à la salle 91 de l'édifice A.
M. LAURIN: 20 h 15.
M. LEVESQUE: Vous préférez 20 h 15? Soit, à 20 h
15.
LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
DES VOIX: Vote! Vote!
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Projet de loi no 13 Vote de deuxième
lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en fa-veut de la deuxième lecture
du projet de loi no 13 veuillent bien se lever, s'il vous plait.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Choquette,
Castonguay, Garneau, Tessier, Tremblay (Bourassa), Goldbloom, Parent, Harvey
(Jonquière), Lamontagne, Tetley, Drummond, Toupin, Massé,
L'Allier, Cour-noyer, Mailloux, Théberge, Perreault, Brown, Picard,
Pearson, Bacon, Berthiaume, Caron,
Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau),
Houde (Limoilou), Larivière, Marchand, Pépin, Pilote, Veilleux,
Gallienne, Gratton, Laurin, Burns, Charron, Joron, Lessard.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion de deuxième
lecture veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi),
Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lavoie (Wolfe), Croisetière,
Demers, Gauthier, Samson, Roy (Beauce), Latulippe, Drolet, Guay, Béland,
Audet.
LE SECRETAIRE: Pour: 45
Contre: 17.
LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, qu'il me soit permis de faire
motion pour que ce projet de loi soit maintenant déféré
à la commission parlementaire de l'agriculture et de la colonisation et
que cette commission parlementaire siège ce soir, à partir de
vingt heures quinze, à la salle 81 de l'édifice A.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, vous pourriez peut-être
accepter une motion à l'effet que vous quittiez votre fauteuil afin que
la Chambre se forme en commission plénière pour l'étude du
projet de loi no 88, article 2, Loi de l'expropriation.
LE PRESIDENT: II n'y a pas de motion. On va demander à
l'honorable député de Roberval de prendre le fauteuil.
M. LAMONTAGNE (président de la commission
plénière): A l'ordre!
Alors, la commission plénière suspend ses travaux
jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 17 h 51)
Reprise de la séance à 20 h 22
Projet de loi no 88 Commission plénière
(suite)
M. LAMONTAGNE (président de la commission
plénière): A l'ordre, messieurs! Projet de loi no 88, article
48.
L'honorable député de Maskinongé.
M.PAUL: M. le Président, à l'article 48, y aurait-il
possibilité de savoir du ministre responsable de cette loi s'il a
l'intention de se rendre aux amendements que lui a signalés
spécialement l'honorable chef de l'Opposition, lorsque cette loi fut
appelée, et quelles sont les mesures que le ministre entend prendre pour
actualiser d'une façon définitive la prise de possession par
l'expropriant?
Il y a une différence de texte entre la première et la
deuxième version de la loi. Dans la première version, nous
parlions de la permission du tribunal. Dans la première version
également, l'expiration d'un délai de 90 jours à compter
de la signification de l'avis ou notification dans le cas d'un locataire.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je m'excuse auprès de
mon collègue de Maskinongé...
M. PAUL: Oui.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): ... mais au moment où nous avons ajourné,
nous étions à discuter d'un amendement soumis par mon
collègue, le député d'Abitibi-Ouest, amendement dont
l'Assemblée n'avait pas encore disposé. Nous en étions
à la discussion de l'amendement proposé par mon collègue
d'Abitibi-Ouest.
Je voulais simplement signaler ce fait à mon collègue de
Maskinongé et aux autres députés de l'Assemblée
nationale, pour ne pas arriver en discussion avec deux amendements en
même temps.
M. PAUL: M. le Président, je remercie l'honorable
député de Beauce et je m'excuse auprès de ceux qui
participent d'une façon intelligente au débat d'avoir pu quelque
peu les déranger dans la discussion de ce projet de loi. Je cède
avec plaisir la parole à mon collègue, l'honorable
député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: M. le Président, vous vous rappelez l'amendement que
nous avions proposé avant l'ajournement. On demandait que l'article 48
soit modifié en remplaçant, au sous-paragraphe b), aux
septième et huitième lignes, les mots "soixante-dix" par le mot
"cent". C'est ce que l'expropriant paie actuellement. Nous savons qu'avant que
le bill 88 ne soit déposé, au ministère des Travaux
publics, 100 p.c. de l'évaluation municipale étaient payés
à l'exproprié.
M. LEVESQUE: II s'agit d'une indemnité provisionnelle.
M. AUDET: Oui, provisionnelle. Mais il faut considérer qu'on est
revenu à 70 p.c. de l'évaluation municipale. L'évaluation
municipale n'est jamais à 100 p.c. de la valeur réelle. On peut
donc dire que c'est 75 p.c. ou 80 p.c. de la valeur réelle.
Donc, ça nous remet, à peu près, à 50 p.c.
ou 55 p.c. de la valeur réelle. C'est pour cette raison qu'on a cru que
70 p.c. de l'offre de l'évaluation municipale, c'était trop bas,
qu'on devrait reporter cela à 100 p.c.;on serait encore à 80 p.c.
ou 85 p.c. de la valeur réelle.
M. LEVESQUE: En vertu du deuxième paragraphe de l'article 1792 du
code de procédure civile, le gouvernement, en déposant le plan
général, pouvait prendre immédiatement possession des
biens expropriés, et cela sans avoir à débourser un sou.
Le but recherché par l'article 48, c'est justement de protéger
l'exproprié en obligeant le gouvernement à verser une
indemnité provisionnelle, dont le montant doit être au moins
égal à 70 p.c. de l'offre de l'expropriant, soit le
ministère des Transports ou un autre ministère. Il y a là
certainement, non pas un recul, mais un avantage considérable pour
l'exproprié.
M. AUDET: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Je vais vous aider; je suis d'accord avec vous.
M. AUDET: Quand un amendement est présenté par un
député, ce n'est pas lui qui a la parole le premier?
M. BURNS: Vous avez le droit de revenir aussi souvent que vous
voulez.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II faut que je donne la parole aux autres
de temps en temps également.
M. AUDET: Allez-y, le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Je vais essayer, M. le Président, de parler un peu plus
fort à cause des interférences techniques. Je ne peux pas
accepter l'affirmation que le ministre vient de faire à l'effet que le
code de procédure civile permettait de prendre possession sans aucune
indemnité provisionnelle.
Je pense qu'il part d'un peu trop loin, à
notre goût. La première version du projet de loi no 88
faisait une exception de deux cas. La ville de Montréal et le
ministère de la Voirie ou, disons, les expropriations faites au nom du
gouvernement demandaient, pour la prise de possession, une indemnité
provisionnelle de 50 p.c.
Dans les autres cas, l'indemnité provisionnelle exigée
pour la prise de possession était de 100 p.c. de l'offre faite. Je pense
que c'est un net recul; on nous arrive aujourd'hui avec 70 p.c. exigibles comme
versement eu égard à l'offre qui a été faite ou
à l'évaluation municipale. Mais, évidemment, je mets de
côté l'aspect de l'évaluation municipale. On ne se
racontera pas de peurs entre nous autres, l'évaluation municipale pour
quelques années encore sera toujours, à mon avis,
inférieure à la valeur marchande, donc, si l'expropriant est
sérieux, inférieure à l'offre de l'expropriant.
C'est pour ça que je vais appuyer entièrement la motion
faite par le député d'Abitibi-Ouest. Ce n'est pas sérieux
de faire du chantage à l'égard de l'exproprié en lui
disant: Voici l'offre que nous vous faisons. Vous avez un immeuble que nous
avons si nous sommes sérieux, je parle de l'expropriant
fait évaluer à $100,000 et pour prendre possession de votre
immeuble, toutes les autres choses ayant été
réglées, je vous fais une offre de $70,000. Ce que je fais en
tant qu'expropriant, si j'agis comme ça, je ne fais qu'affamer
l'exproprié en lui disant: Dépêche-toi à accepter
mon offre parce que j'ai un autre montant de $30,000 qui est là, qui te
pend au bout du nez. Lesquels $30,000, soit dit en passant c'est
ça qui est peut-être un aspect intéressant à
examiner si l'exproprié conteste, vont être payés au
taux d'intérêt légal à moins que le projet de loi
soit changé. Ils seront payés à 5 p.c. Or, il est fort
possible que cet exproprié doive réinvestir si c'est un
commerce, par exemple, c'est le cas peut-être le plus courant et le plus
évident ailleurs s'il veut continuer son commerce. Ou, si c'est
une habitation, une résidence qui sert à lui et à sa
famille, il est possible qu'il soit obligé de réinvestir
ailleurs. Et, s'il doit réinvestir ailleurs, pour ces 70 p.c. qu'on va
lui donner, on va lui laisser traîner les $30,000 dans l'exemple
que je vous ai donné à 5 p.c. alors que lui, à
l'intérêt courant, l'intérêt du marché, devra
payer aux alentours de 9 p.c, 9 1/4 p.c, 9 3/4 p.c. selon la
période.
On vole strictement l'exproprié.
Je reviens aux affirmations que tous les partis d'Opposition ont faites
en deuxième lecture à l'effet que même si on admet le droit
exceptionnel qui s'appelle le droit d'expropriation, il faut rendre ce droit
très difficile à exercer, pas pour qu'il ne s'exerce pas, mais
pour que la personne qui est au bout n'ait pas trop de difficulté
à supporter l'expropriation, c'est-à-dire celui qui est
propriétaire de quelque chose, puisse dire à un moment
donné: Mais ça n'a aucun sens. Et une des façons d'y
arriver, c'est de dire à l'expropriant: Vous êtes sérieux,
faites une offre sérieuse et quand vous aurez fait votre offre
sérieuse déposez 100 p.c. de votre offre. Quand vous aurez fait
votre offre de 100 p.c, l'exproprié pourra quand même
décider de la contester, mais déposez-là si vous voulez
prendre possession du bien exproprié, déposez-là comme
indemnité provisionnelle.
Là-dessus, je considère nettement que le projet de loi a
fait marche arrière. Je considère que le projet de loi no 88 tel
qu'il nous a été présenté en commission
parlementaire non seulement n'est pas au pair avec ce qu'il était, mais
représente un net recul. Il y avait deux groupes ou deux expropriants
notoires qui pouvaient déposer 50 p.c. et là je ne parle
plus d'aucun sou, comme le ministre le disait tantôt mais les
autres expropriants devaient déposer 100 p.c. de leur offre.
Là on a un petit changement, on est revenu à 70 p.c. En
quoi c'est une amélioration, c'est ça que je veux savoir. C'est
là-dessus, M. le Président, que je vais appuyer la motion du
député d'Abitibi-Ouest.
M. LEVESQUE: M. le Président, il faut évidemment tenir
compte non seulement de l'évaluation de l'immeuble, mais
également des dommages, et à ce moment-là, il est assez
difficile d'arriver à 100 p.c On peut parler de 100 p.c. de
l'évaluation municipale...
M.PAUL: Ce sont deux problèmes bien différents: les
dommages et l'expropriation.
M. LEVESQUE: Un instant. Est-ce qu'on veut me laisser terminer, s'il
vous plaît? Dans la première édition de ce projet de loi,
il était question de 50 p.c. dans certains cas et de 100 p.c. dans
d'autres. Il y avait là une situation que nous avons voulu corriger en
rendant cette situation plus normale, plus étendue pour les
municipalités, que ce soit Montréal ou les autres
municipalités de la province, ainsi que pour le gouvernement du
Québec. Il ne s'agit ici que d'un minimum. Il ne s'agit pas d'une
règle absolue mais d'un minimum, afin de protéger
l'exproprié.
M. BURNS: Ecoutez, c'est parce qu'on parle d'indemnité
provisionnelle à l'occasion de la prise de possession: ce n'est pas
l'exproprié qu'on protège. Vous ne me vendrez pas cette
idée-là. Ce que veut dire l'indemnité provisionnelle,
c'est le minimum que moi, comme expropriant, je dois déposer pour dire
au gars: Tu avais une propriété, il y a deux secondes; tu n'en as
plus, parce que je viens de déposer 70 p.c. de l'offre que je t'ai
faite. C'est cela, on parle d'un des éléments essentiels du
projet de loi. C'est la personne qui, pendant 25 ans, a habité un
édifice ou une maison qui lui appartient et à qui on dit
simplement: Voici, je te fais une offre de $50,000. Comme je suis obligé
de te donner 70 p.c. de mon offre, voici 70 p.c.
de mon offre; maintenant, ce n'est plus à toi, va-t'en,
disparais. C'est cela que ça dit.
C'est absolument incompréhensible, dans le fond, qu'on puisse
dire cela à l'exproprié, tranquillement pas vite. Parce que moi,
je suis la personne au pouvoir je parle de corps publics; je ne le dis
pas sur le plan des partis politiques, ni rien la personne qui a droit,
de par la loi, d'exproprier, je te fais une offre. Une fois que je t'ai fait
l'offre, je te dépose 70 p.c. de l'offre et, bonjour, tu dois quitter.
C'est cela, la prise de possession. C'est cela que ça veut dire. Si moi,
je demeure depuis 25 ans dans un endroit, dans une maison d'habitation qui me
vaut tant, à moi on pourra discuter aussi, à d'autres
articles, la valeur de l'indemnité ce qu'il y a de grave, dans
mon esprit, c'est qu'on me dise sans plus il n'y a même pas de
discussion possible Voici l'offre. Je te dépose 70 p.c. de cette
offre et tu dois quitter. C'est cela que ça dit, la prise de
possession.
A ce moment-là, on parle d'un des principes peut-être les
plus dangereux pour l'exproprié, parce que si c'est une maison
d'habitation et si c'est un commerce qui lui sert à gagner sa vie,
là, ça devient important pour cette personne. Comment cette
personne va-t-elle se reloger? Comment cette personne va-t-elle continuer son
commerce? C'est cela, la question qui se pose. Pourquoi, à ce
moment-là, on ferait des flings-flangs et pourquoi on dirait: Voici
l'offre? Pourquoi on ne dirait pas: L'offre, on va te la donner à 100
p.c? On a peut-être tort de faire cette offre.
Je pense que c'est sous-jacent à toute procédure
d'expropriation d'admettre que l'expropriant peut faire une offre trop forte;
c'est assez rare ça, trop forte. A ce moment-là
l'exproprié ne s'en plaindra pas, il va l'accepter, il ne dira pas un
mot. A ce moment-là, la prise de possession ne fait pas mal. Mais, si
elle est trop faible, on reconnaît encore le droit de l'exproprié
de s'en plaindre, bien qu'on lui minimise ses dommages entre-temps. Ces
dommages entre-temps, il ne faut pas l'oubier, ça veut dire que
ça s'étend sur une période, souvent, de six mois, un an,
un an et demi, même deux ans. Or, vous avez une personne qui se retrouve
pendant deux ans à tenter de reprendre son commerce, de reprendre
l'habitation qu'elle avait, selon le cas, avec une offre gracieuse de Sa
Majesté représentée par le corps public en question de 70
p.c. Comment voulez-vous qu'une personne se relocalise? Comment voulez-vous
qu'une personne reprenne son commerce dans ces conditions? C'est pour ça
que je pense qu'il faut absolument qu'au moins le corps public nous
démontre, premièrement, qu'il est sérieux quand il fait
une offre, que ce n'est pas une offre pour fins de négociation et que,
deuxièmement, le minimum de dommages temporaires soit subi par
l'exproprié; c'est ça, tout le lien est là. Si on accepte
ça, je pense qu'on aura une meilleure loi de l'expropriation, parce
qu'on aura aussi une autre façon d'apprécier ce que c'est que ce
droit extraordinaire, exorbitant du droit commun qui s'appelle l'expropriation.
Il faut d'abord quand même admettre que l'expropriation ce n'est pas un
droit ordinaire de tous les jours, ce n'est même pas un droit du type de
l'accident d'automobile qui intervient au coin de la rue X et de la rue Y. Cela
est assez facile à régler, c'est bien différent,
ça. C'est inattendu. Le droit qui nous concerne actuellement est un
droit qui, lui, est décidé par une partie qui a, au
départ, l'avantage sur l'autre. Puis la partie qui a l'avantage sur
l'autre pourrait s'en tirer aussi facilement que de dire: Je te fais une offre,
je te paye 70 p.c. de cette offre ou de l'évaluation en tout cas,
je mets ça de côté, parce que pour moi ça n'a aucun
sens et j'aimerais bien que quelqu'un me prouve le contraire dans les faits.
Une fois qu'on a dit ça, l'autre partie, c'est-à-dire l'under
dog, la partie la plus faible des deux, n'a qu'à subir le contrecoup,
n'a qu'à recevoir 70 p.c. de l'offre puis s'en aller chez lui, ce
chez-lui étant ailleurs.
M. LEVES QUE: J'aimerais rappeler au député de Maisonneuve
qui, sans doute, a des arguments qui ont une certaine valeur, que lorsqu'on
essaie d'améliorer la situation d'un citoyen, on est toujours dans la
bonne voie. Mais il faut se rendre compte que le gouvernement du Québec
pouvait, avant ce projet de loi, déposer le plan et n'avait pas un sou,
légalement, à verser. Est-ce que le député accepte
ça?
M. BURNS: Pas avant le dépôt de la première
version.
M. LEVESQUE: Non, non. La première version n'avait pas force de
loi.
M. BURNS: Je vous dis que vous faites un net recul...
M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Maisonneuve accepte
que la première version n'avait pas force de loi?
M. BURNS: J'accepte.
M. LEVESQUE: La loi, The law of the land c'était que le
ministère des Transports, ou un autre ministère du gouvernement,
particulièrement le ministère des Transports ou de la Voirie,
autrefois, pouvait déposer le plan, prendre possession des lieux sans
avoir à verser un sou. Aujourd'hui, il passe de zéro à 70
p.c, étant obligé, maintenant, d'après la loi, de verser
un minimum de 70 p.c. de l'évaluation foncière municipale ou 70
p.c. de l'offre et, des deux, le montant supérieur.
Deuxièmement, si on prend, avec l'article 48, l'article 50, parce
qu'il n'est pas seulement question d'une propriété, il est
également question de dommages causés à un commerce, ou
à une exploitation agricole, etc., laissez-moi finir...
M. BURNS: On ne parle que de la prise de possession, à ce
moment-ci.
M. LEVESQUE: Je comprends.Mais il y a des dispositions qui
protègent, par l'article 50, ceux qui sont dans une situation que le
député de Maisonneuve a illustrée par un exemple.
L'article 50 dit ceci: "Dans le cas de locataires ou d'occupants de bonne foi,
l'indemnité provisionnelle comprend une indemnité forfaitaire
équivalant à trois mois de loyer. "L'indemnité
provisionnelle, dans le cas de l'expropriation d'une exploitation agricole,
d'un commerce ou d'une industrie, est fixée sommairement par le
tribunal, sur requête qui peut être présentée par
l'expropriant ou par l'exproprié et qui doit être entendue
d'urgence". Donc, pas de délai qui nuise à l'exproprié,
qui mette l'exproprié dans une situation comme celle que voulait
décrire, tout à l'heure, le député de Maisonneuve.
Et si j'ajoute à ça l'article 67 les dispositions de
l'article 67 sont encore une protection pour l'exproprié: "Le tribunal
fixe le montant de l'indemnité définitive et statue sur les
dépens par une décision motivée, dont il doit transmettre
sans délai copie au protonotaire. "Il peut être ajouté au
montant ainsi accordé une indemnité calculée en appliquant
à ce montant, à compter de la date de la prise de possession du
bien exproprié, un pourcentage égal à l'excédent du
taux d'intérêt fixé suivant l'article 28 de la Loi du
ministère du Revenu (1972, chapitre 22) sur le taux légal
d'intérêt."
Ceci se compare avantageusement avec le taux de 5 p.c. que nous avons
connu jusqu'à maintenant et le taux d'à peu près 8 p.c.
que représentent les dispositions de l'article 67.
Vous avez là, lorsque vous réunissez les avantages compris
dans l'article 48, dans l'article 50 et dans l'article 67, une
amélioration extrêmement importante pour l'exproprié.
Vous me direz, M. le Président, qu'il y a eu dans le passé
certaines dispositions qui affectaient particulièrement les
municipalités. On le sait, la plupart des municipalités du
Québec n'ont pas à utiliser la Loi de l'expropriation. C'est
surtout à Montréal que cela s'est appliqué, dans le
passé, du moins.
Mais là encore, rien n'empêche la ville de Montréal
de continuer, comme dans le passé, à verser 100 p.c. du montant
de l'offre ou de l'évaluation municipale. Mais ce que nous avons voulu,
par ce projet de loi, c'est uniformiser, à travers la province, les
dispositions qui touchent l'expropriation.
Je désire rappeler au député de Maisonneuve que
pour le ministre des Finances il s'agit ici d'un immense progrès. Quant
au gouvernement et quant à lui, comme ministre des Finances,
évidemment, cela va coûter des sommes considérables. Je
voudrais qu'on se rende compte de cela. C'est que le budget du Québec
à court terme, sera affecté par cette loi, parce que les
expropriés vont réellement recevoir, dans un très bref
délai, au moins 70 p.c. de l'offre qui est faite par l'expropriant ou 70
p.c. au moins de l'évaluation municipale, en plus du fait qu'il faut
tenir compte des conséquences des articles 50 et 67. Si le gouvernement
doit retarder pour le solde, l'exproprié sera protégé par
un taux d'intérêt beaucoup plus élevé.
Il serait peut-être idéal d'aller encore plus loin, M. le
Président, mais je crois que pour ce que nous pouvons faire à ce
moment-ci, nous sommes allés aussi loin et avons été aussi
généreux que possible.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, je ne nie pas cela va
être très bref...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Très bref. Ilyena trois qui ont
demandé la parole.
M. BURNS: Je n'ai pas d'objection, mais je voulais répondre au
dernier argument.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Brièvement, s'il vous
plaît.
M. BURNS: Je voulais répondre juste au dernier argument du leader
du gouvernement à ce sujet. Je me restreindrai, quant aux autres. Je
vais laisser mes deux autres collègues des partis de l'Opposition parler
et je reviendrai plus tard. L'aspect financier, je ne le nie pas. On l'a admis
en commission parlementaire. On sait fort bien que cela va donner un coup aux
finances du gouvernement. On n'est pas assez fou pour ne pas avoir lu l'article
153, pour ne pas savoir qu'un certain nombre d'articles de votre projet de loi
ne seront pas adoptés automatiquement le jour de la sanction.
Ils vont être comme le dit le no 153: "Mis en vigueur par
proclamation à l'exception des articles exclus par cette proclamation."
Cela veut dire quoi entre nous autres? Cela veut dire même si je
ne suis pas d'accord, je suis absolument convaincu, je ne veux pas
précéder que votre article 48 va être de ceux qui
vont être exclus le jour de la proclamation.
Je ne me conte pas de peur, moi, et l'exproprié ne se conte pas
de peur lui non plus s'il lit le no 153. Et s'il écoute...
M. LEVESQUE: Je tiens à rassurer le député de
Maisonneuve. Je viens de prendre conseil des conseillers juridiques et ce n'est
pas du tout l'intention du gouvernement ou du ministère; l'article 48 ne
serait pas de ceux qui seraient ainsi...
M. BURNS: II ne serait pas de ceux-là?
M. LEVESQUE: Non.
M. BURNS: Mais moi je vais être satisfait,
vous savez, le jour où je verrai la proclamation. Je ne mets pas
en doute la parole du leader, ni de son conseiller qui est derrière lui,
pas du tout. Mais vous savez, on a chicoté le projet de loi et on a dit:
II y a ça, tel calcul. Et le ministre, à plusieurs reprises, nous
a dit: Vous savez, cette loi va nous coûter cher. Bien c'est ça
une loi d'expropriation. Ce n'est pas une loi qui est gratuite pour le
gouvernement.
C'est une loi qui est faite pour la collectivité et
utilisée par le gouvernement. Et bravo, et tant mieux! Mais, qu'on ne
fasse pas souffrir les personnes en question. Sur ce point, à mon avis,
je ne suis pas impressionné, parce que c'est toujours une
possibilité qu'à la dernière minute on dise: On exclura
certains articles de la proclamation. Le leader me rassure temporairement,
j'espère qu'il aura...
M. LEVESQUE: II a assuré, je vous rassure.
M. BURNS: ... encore raison au moment de la proclamation. Mais
là-dessus c'était le seul point que je voulais soulever au
leader, je reviendrai sur autre chose tantôt, je vais laisser mes
collègues continuer.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: L'honorable leader du gouvernement est beaucoup plus
expéditif dans la solution des problèmes d'expropriation que ne
le sont les parties intéressées aux règlements de
l'expropriation et spécialement la Régie des services
publics.
Le ministre est parti de l'article 48, il a fait un bond à
l'article 50, pour finalement se rendre jusqu'à l'article 67 qui est le
jugement d'homologation et d'expropriation. Un instant.
M. LEVESQUE: II faut bien que le député de
Maskinongé ajoute que le député de Maisonneuve s'est rendu
à l'article 153, lui.
M. PAUL: Oui, je vais y revenir à l'article 153. Et je rejoins
les propos du député de Maisonneuve. Quand on sait avec quel
empressement le ministre des Transports s'occupe des lois qu'il nous demande
d'adopter à l'Assemblée nationale, il y a une loi qui n'est pas
encore totalement promulguée, la loi 23; une Commission des transports
qui est plus ou moins chancelante; les règlements consécutifs
à la loi 23 ne sont pas encore publiés, et voici que le ministre
se voit forcé...
M. LEVESQUE: A l'ordre!
M.PAUL: Non, non, je procède par analogie.
M. LEVESQUE: Ah!
M. PAUL: Et tout ça pour rejoindre l'inquié- tude de mon
collègue qui, tout à l'heure, dans un grand élan, est
allé jusqu'à l'article 153, au sujet duquel il a manifesté
une crainte, et moi aussi j'en manifeste une.
Le député de Bonaventure peut bien nous déclarer ce
soir, après avoir consulté les légistes, que ce n'est pas
l'intention du ministre d'exclure l'article 48 de la loi tel que le
prévoirait l'article 153. Mais il ne faut pas oublier qu'il y aura des
exigences de la part du ministre des Finances, qui, en dernier ressort, va
être appelé à payer; quand il aura fait part au ministre
des Transports de ses contraintes et de ses gênes budgétaires, au
moment de la promulgation, ce sera très facile d'exclure l'article 48.
Alors je ne m'en fais pas là-dessus.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Quel est le montant des expropriations en
suspens?
M. PAUL: II serait intéressant de savoir le montant
d'expropriations non réglées actuellement par le ministère
des Transports, autrefois le ministère de la Voirie. On a parlé,
M. le Président...
M. LEVESQUE: Est-ce que le député veut savoir les montants
d'expropriations qui n'ont pas été payés par l'ancien
gouvernement?
M. PAUL: Non parce que nous avons été obligés d'en
payer. Nous avons pris le pouvoir...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): $79 millions.
M. PAUL: Je vais rappeler à mon honorable ami, le ministre des
Affaires intergouvernementales, qu'il y avait 16,000 cas d'expropriations qui
n'étaient pas réglés sous le régime de M. Jean
Lesage, avec le même ministre de la Voirie. Lorsque nous avons
quitté le pouvoir, environ 11,000 vieux dossiers avaient
été réglés et nous avons été dans
l'obligation de payer $79 millions d'expropriations que l'ancien gouvernement
n'avait pas voulu régler.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Au seul titre de la voirie.
M.PAUL: Et ce, M. le Président, au seul titre de la voirie. Ce
n'est pas parce que le ministre actuel n'est pas bien intentionné,
absolument pas. Mais, quand le leader du gouvernement nous dit qu'il ne peut
pas supporter l'amendement du député d'Abitibi-Ouest, je dis
qu'il erre, qu'il se trompe. Le ministre a proclamé tellement de fois
que cette loi en matière d'expropriation était la meilleure loi
en Amérique du Nord, qu'aucun Etat américain, qu'aucun
gouvernement provincial n'aurait une loi semblable, une loi avant-gardis-te,
nous disait-il. Je crois que nous ne pouvons accepter le recul net qui est
marqué entre la première et la deuxième version du projet
de loi no 88.
Le leader du gouvernement nous dit: II faut tenir compte du fait que le
gouvernement sera appelé à débourser un gros montant. Si
on se rappelle les anciennes dispositions du code de procédure
d'abord, ce ne sont pas des anciennes dispositions, les dispositions actuelles
existent encore jusqu'à ce que la loi présentement à
l'étude ait été adoptée par l'Assemblée
nationale et qu'elle ait été ensuite proclamée par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Le gouvernement actuel nous dit: Par notre
loi nous allons nous permettre d'offrir 70 p.c. du montant prévu
d'expropriation ou au moins 70 p.c. de l'évaluation municipale. C'est
déjà beaucoup, oui, M. le Président, c'est
déjà beaucoup mais pourquoi pas 100 p.c?
Ce qui m'inquiète, c'est que nous n'avons pas un mode
d'évaluation foncière uniforme dans le Québec. D y a cette
disparité dans le taux de la taxe, dans les moyens d'évaluation
foncière qui font qu'il y a une distorsion énorme entre
l'évaluation des immeubles d'une région à l'autre et,
souvent même, dans la même région.
Alors, il va arriver que le gouvernement prendra l'évaluation
municipale et n'offrira que 70 p.c. de cette évaluation municipale qui,
dans certaines paroisses, par exemple, n'est peut-être que de 25 p.c, 30
p.c. ou 35 p.c. de la valeur réelle des immeubles. Par
conséquent, nous n'atteindrons pas le but que nous visons par cette loi,
soit de payer au moins 70 p.c. de l'évaluation municipale, ce qui est
nettement insuffisant si l'on tient compte de la disparité des
rôles et du taux différent de la taxe foncière. Lorsque le
ministre, qui se fait le parrain de cette loi par accident, nous dit, ce soir:
II faut tenir compte du montant des dommages. Je regrette, ce n'est pas ce que
l'article de la loi dit. L'article de la loi ne parle que de
l'évaluation de l'immeuble et non pas de tous les dommages
consécutifs à l'expropriation.
M. LEVESQUE: L'offre comprend les dommages, pas seulement
l'évaluation municipale.
M. PAUL: Non, M. le Président.
M. LEVESQUE: Voyons donc! Pas nécessairement, mais...
M. PAUL: Pas nécessairement. M. LEVESQUE: ... logiquement.
M. PAUL: Logiquement, oui, théoriquement, oui, idéalement,
oui, mais, en pratique, non. C'est parce qu'en pratique ça ne se passera
pas comme ça que je ne puis que souscrire à l'amendement
proposé par le député d'Abitibi-Ouest. Je me demande si le
ministre aurait eu le temps de lire, par hasard, tous les excellents
mémoires qui nous ont été soumis à la Commission
municipale. Je ne lui en fais pas grief, mais nous, nous avons eu cet avantage
et nous ne pouvons nous expliquer ce net recul du gouvernement.
M. LEVESQUE: La Commission municipale?
M.PAUL: La Commission des affaires municipales, excusez-moi, M. le
Président. C'est parce que c'est un problème municipal.
M. LEVESQUE: En partie.
M.PAUL: Le tout résulte d'un manque de planification encore du
gouvernement, dans sa politique d'évaluation foncière. Dans le
fond, c'est un problème municipal parce que le tout est basé sur
l'évaluation municipale, du moins, pour cette indemnité dont
parle l'article 48 de la loi. Alors, je regrette que le ministre n'ait pas
cette ouverture d'esprit, cette libéralité qu'avait
théoriquement, idéalement, en principe, le ministre parrain de la
loi, le député de Drummond. C'est avec beaucoup d'enthousiasme
que nous allons appuyer la proposition d'amendement du député
d'Abitibi-Ouest. Si le ministre nous disait, ce soir: Nous allons accepter le
texte de la première impression de la loi, nous serions fort heureux. Je
crois que l'exproprié, qui est victime d'une exigence gouvernementale,
se sentirait beaucoup plus à l'aise, beaucoup mieux
protégé si le législateur, par conséquent, les
députés de l'Assemblée nationale allaient le
protéger jusqu'à lui garantir au moins 100 p.c. de
l'évaluation principale de son immeuble. Dans certaines circonstances,
cela est nécessaire pour la relocalisation de l'exproprié, comme
la chose se passe couramment actuellement dans ma propre région, par
suite de la construction de l'autoroute Berthier-Trois-Rivières.
Alors, j'espère que le ministre consultera son collègue,
le ministre des Finances, pour s'assurer, d'abord, que, pour aucune
considération et en aucun temps, on n'exclura l'article 48 en vertu des
dispositions de l'article 153.
J'espère que le ministre des Finances est prêt, dès
maintenant, à accepter toutes les contraintes, tous les embarras
qu'apportera cette loi de l'expropriation. C'est pourquoi je l'invite, je le
presse, je le supplie, je lui demande bien respectueusement d'appuyer sans
réserve et avec empressement l'amendement proposé par le
député d'Abitibi-Ouest.
M. LEVESQUE: M. le Président, je rappellerai au
député de Maskinongé que la politique, c'est l'art du
possible.
M.PAUL: Quand on fait de grandes déclarations ronflantes, on doit
être prudent, aussi.
M. LEVESQUE: II est facile, dans l'Opposition, de parler de toujours
avoir l'idéal, 100 p.c; j'en conviens, c'est facile. Je me
rappelle également que lorsque l'ancien chef du
député de Maskinongé parlait...
M. PAUL: Lequel? J'en ai eu plusieurs.
M. LEVESQUE : Vous en avez eu plusieurs.
M.PAUL: J'ai eu M. Johnson, j'ai eu M. Bertrand, j'ai eu M.
Diefenbaker.
M. LEVESQUE: Bien oui. M. PAUL: Lequel?
M. LEVESQUE: Si je prenais M. Diefenbaker, peut-être que je serais
dans une juridiction qui n'est pas la mienne.
M. PAUL: Vous ne seriez plus à la mode.
M. LEVESQUE: Comme nous sommes au Québec, quant à moi,
j'ai toujours été un député du Québec...
M. PAUL: Je sais que cela vous manque, ça vous manque, mon
collègue le député de Chicoutimi me le mentionne
souvent.
M. LEVESQUE: ... mon mandat a toujours été limité,
évidemment, au Québec. Je n'aimerais pas m'aventurer...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): IL vous manque une dimension.
M. LEVESQUE: ... sur la scène fédérale, du moins
à ce moment-ci. Je rappellerai au député de
Maskinongé que lorsqu'on veut avoir une situation idéale, on
parle de 100-100-100.
M. PAUL: C'est cela.
M. LEVESQUE: C'est cela?
M. PAUL: Oui, oui.
M. LEVESQUE: C'est cela mais on ne réussit pas toujours.
M. PAUL: Non, non.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est comme le fédéralisme
rentable.
M.PAUL: Mais là, on ne demande qu'un 100.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est comme le fédéralisme
rentable.
M. PAUL: Là, nous ne demandons qu'un 100.
M. LEVESQUE: Oui.
M.PAUL: Nous ne demandons pas d'apla-ventrisme.
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Maskinongé décrit une situation idéale mais qui n'est
peut-être pas prudente; que ce soit entre le gouvernement et un
exproprié ou que ce soit entre un gros, si vous voulez, et un petit, il
y a là une situation de négociation. Ce n'est pas la
volonté de l'un qui est imposée à l'autre, on
connaît les recours qui sont prévus par la loi pour ceux qui ne
sont pas satisfaits de l'offre telle qu'elle est faite.
Il y a donc là un milieu où peut se faire une
négociation. Le député de Maskinongé, qui a
certainement dû négocier, il a certainement négocié
avec moi, du moins, ne met pas 100 p.c. sur la table.
M.PAUL: Ne citez pas le résultat de nos négociations en
exemple.
M. LEVESQUE: IL ne met pas immédiatement 100 p.c. sur la table
pas plus que quiconque négocie et c'est pourquoi c'est une certaine
prudence, une certaine expérience et un désir d'uniformité
pour toutes les expropriations à travers la province que nous avons
convenu ou nous soumettons respectueusement à cette Chambre le chiffre
de 70 p.c. Cela aurait pu être 65 p.c, cela aurait pu être 75 p.c.
mais enfin, nous avons voulu vous soumettre 70 p.c.
J'ai mentionné, il y a quelques instants, tous les avantages qui
s'ajoutaient à cela pour l'exproprié, d'autant plus qu'on
était parti de zéro pour arriver à 70 p.c. sur le plan
légal. Lorsque le député de Maskinongé parle de ses
réalisations ou de celles de son gouvernement, l'ancien gouvernement, je
tiens à lui rappeler des chiffres. Voici quelle était la
situation le 1er avril 1970. On sait qu'on venait de vivre une période
d'immobilisme de quatre ans. Il y avait là 9,404 dossiers qui
n'étaient pas réglés...
M. PAUL: 16,000 en 1966.
M. LEVESQUE: ... pour une somme de $53,112,753.
M. PAUL: Nous en avons payé $79 millions, nous autres.
M. LEVESQUE: On sait avec quelle vigueur le ministre des Transports et
de la Voirie a mis en oeuvre une foule de projets et de grands projets à
travers le Québec. Malgré cela, il a pu réussir ce record
d'abaisser le nombre des dossiers non réglés de 9,404 à
6,239 au 1er avril 1973, portant les engagements de $53 millions à $40
millions et cela, malgré des travaux jamais vus auparavant au
Québec.
M. le Président, je crois qu'il faut rendre hommage au ministre
des Transports, au ministre des Finances et à tous ceux qui font que
l'administration du Québec aujourd'hui est très saine et
cela même de l'avis de la plupart des éditorialistes du
Québec. Je crois que je dois profiter de cette occasion pour le
souligner. Et ici je veux compléter; ceci c'était pour
l'année 1969-1970, comparativement à 1972-1973. Pour l'ensemble
de tous les dossiers, il y en avait 18,334 au 1er avril 1970 qui étaient
encore actifs, pour une somme totale de $154,326,797 et, au 1er avril 1973,
malgré tous les travaux et malgré tous les nouveaux engagements
d'un gouvernement dynamique, cela a passé de 18,334 à 17,221 pour
un total de $160 millions. C'est dire que malgré tous les grands travaux
qui ont été engagés depuis 1970, nous avons maintenu et
même amélioré la situation telle qu'elle nous avait
été laissée par le gouvernement précédent.
Nous voulons faire davantage. Dieu sait si cela va coûter cher. On ne
peut pas adopter cette loi sans s'apercevoir que beaucoup des fonds publics
vont être, à très court terme, engagés dans le
remboursement des expropriés. Nous partons d'une loi qui n'obligeait en
rien le ministère de verser quelque somme que ce soit et nous arrivons
maintenant à 70 p.c. de l'offre ou de l'évaluation municipale. Il
y a là un progrès considérable.
Sans vouloir citer tous les anciens chefs du député de
Maskinongé, je me rappelle ce que M. Duplessis disait dans ses
meilleures années: Vous savez il faut commencer par le commencement, il
faut commencer à se traîner avant de marcher, etc. Mais sans
vouloir rappeler ces déclarations de l'ancien premier ministre, je crois
que présentement la province, le gouvernement, le Parlement,
l'Exécutif fait un pas de géant. Il ne faut pas oublier, lorsque
la loi dit 70 p.c, il s'agit d'un minimum, un minimum M. le Président.
Les conseillers du gouvernement me mentionnaient tout à l'heure
parce que vous savez que j'ai pris ça un peu à pied levé,
je suis très heureux de voir le ministre des Transports revenir à
ce moment-ci. Il pourra continuer...
M. PAUL: Et nous donc.
M. LEVESQUE: ... d'éclairer la lanterne de nos honorables amis
d'en face. Comme ce sont les dernières paroles que je prononce à
ce moment-ci dans ce débat, à moins que l'on m'y invite, je tiens
à dire aux honorables députés d'en face que j'ai
été très heureux...
M. BURNS: Restez avec nous, c'est intéressant.
M. LEVESQUE: ... d'entendre leurs suggestions. Je sais fort bien que ce
projet de loi sera défendu avec beaucoup plus de brio par mon
collègue le ministre des Transports, qui connaît à fond
cette question parce qu'il l'a vécue et qu'il continue de faire
bénéficier le Québec de ses grands talents, de sa vaste
expérience et son désir de servir.
M. PAUL: Le ministre des Transports.
M. AUDET: M. le Président, je dois reconnaître que le
député de Bonaventure a bien manoeuvré. Je dirai au
ministre qu'il vous a sauvé peut-être jusqu'à maintenant de
l'acceptation de cet amendement, cependant je dois faire remarquer qu'en
commission parlementaire le ministre a reconnu que tous les partis d'Opposition
n'ont pas travaillé avec un sens partisan...
M. PAUL: C'est ça.
M. AUDET: Il a dit lui-même que nous étions
dégagés de toute partisanerie. Je vous avertis qu'à ce
moment-ci je crois que j'abonde dans le même sens. Nous sommes
dégagés de partisanerie, c'est en vue de faire
bénéficier l'exproprié que nous demandons d'accepter ces
amendements. Nous n'avons pas l'intention de nous monter la tête avec
ça. Je crois que c'est l'exproprié qui a été
lésé dans ses droits dans le passé.
Si le gouvernement a ambitionné et a fait porter le fardeau de la
perte ou du retard à verser les sommes dans l'expropriation,
imaginez-vous que même si le gouvernement fait la moitié du chemin
et devient demi-bon garçon, cela ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas
faire davantage.
A part cela, je viens de faire une petite trouvaille. Imaginez-vous que
le ministre nous a dit qu'avec la réimpression du bill 88, il
était parti de 50 p.c. pour en arriver à 70 p.c. Donc, une nette
amélioration! Je dois dire qu'il n'y a aucune amélioration parce
que si l'on se rapporte à l'article 56, qui parlait de
l'indemnité provisionnelle dans la première version, on disait,
au paragraphe a): "de payer dans les 90 jours du dépôt la
moitié de l'indemnité provisionnelle prévue à
l'article 49". Au sous-paragraphe b), "de payer le solde de l'indemnité
adjugée par le tribunal". Cela suppose que l'indemnité de 50 p.c.
était basée sur la valeur réelle adjugée par le
tribunal. Nous arrivons, à la réimpression, avec 70 p.c. de
l'évaluation municipale. On revient à 50 p.c. quand même.
On est encore à 50 p.c. et on va nous faire croire qu'on s'est
amélioré! On est resté au même niveau.
Le ministre est passablement adroit pour nous présenter des
choses semblables. Il est resté à 50 p.c. et il nous fait croire
qu'il est à 70 p.c.
M. PINARD: 50 p.c, ce n'est pas 70 p.c, et 70 p.c, ce n'est pas 50
p.c.
M. AUDET: C'est 70 p.c. de l'évaluation municipale tandis que
l'autre, c'était 50 p.c. du montant adjugé par le tribunal...
M. PINARD: Ou de l'offre.
M. AUDET: ... donc de la valeur réelle.
M. PINARD: Ou de l'offre.
M. AUDET: Ou de l'offre, mais l'offre adjugée par le tribunal, je
crois que c'est la valeur réelle. Lorsqu'on se base sur
l'évaluation municipale, le montant est tout à fait en bas de ce
montant.
Nous maintenons notre amendement à l'effet que nous demandons 100
p.c, toujours en nous basant sur l'évaluation municipale. Donc, on sera
encore en bas de la valeur réelle. On sera peut-être à 75
p.c. ou 80 p.c. de la valeur réelle en payant 100 p.c. de
l'évaluation municipale.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Beauce.
M. ROY(Beauce): M. le Président, sur l'amendement proposé
par mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest, nous ne
pouvons comprendre l'attitude et l'obstination du gouvernement à tant
hésiter et même à refuser l'amendement que nous
proposons.
L'honorable leader du gouvernement nous a dit tout à l'heure, en
se référant à l'article 1792 du code civil, qu'en vertu de
l'ancienne procédure et des anciennes législations, on n'avait
qu'à préparer un plan, déposer le plan et on prenait
possession des propriétés expropriées sans même
donner un sou aux personnes qui se faisaient exproprier.
Cette façon de procéder, a été
dénoncée à plusieurs reprises. Elle n'a plus sa raison
d'être. Lorsqu'un gouvernement agit de cette façon, je dis que la
seule différence qu'il y a entre agir de cette façon et un voleur
de grands chemins ou un bandit, c'est que le bandit est armé d'une arme
à feu alors que le gouvernement est armé d'une loi. C'est
légal. Mais c'est prendre possession d'un bien sans dédommager le
propriétaire, contre son gré. Quelle différence y avait-il
entre l'ancienne Loi de l'expropriation et le vol pur et simple? On a vu des
personnes qui, après quatre ans, se sont fait enlever leurs
propriétés par leur gouvernement et qui n'avaient pas encore
retiré un sou. C'était du hold-up légal. On l'a vu
à maintes reprises.
Tantôt, j'ai entendu l'honorable leader du gouvernement faire
état du fait que cela prendrait une masse monétaire
considérable pour payer, dédommager l'exproprié à
partir d'une base de 100 p.c. de l'évaluation municipale alors qu'en
même temps le leader du gouvernement disait qu'il allait payer tout de
suite. Quelle différence y a-t-il? C'est la raison pour laquelle on
s'explique mal l'attitude du gouvernement.
M. le Président, en référant à l'article 50,
à l'article 67, j'ai eu la même idée que mon
collègue de Maisonneuve en regardant l'article 153 pour savoir quand la
loi entrerait en vigueur. On dit à cet article: "La présente loi
entrera en vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du
lieutenant-gouverneur en conseil, à l'exception des articles exclus par
cette proclamation, lesquels entreront en vigueur à toute date
ultérieure qui pourra être fixée par proclamation du
lieutenant-gouverneur en conseil". Cela veut dire que le gouvernement peut,
tout simplement, par proclamation, décider d'adopter dix, quinze, vingt
articles et revenir un an, deux ans, trois ans ou quatre ans plus tard pour
faire accepter les autres articles.
Je pense que la procédure établie et l'expérience
nous ont démontré que, lorsque l'on voit ce genre de clauses dans
les projets de loi que nous adoptons à l'Assemblée nationale
je dis que je suis prêt à accorder toute ma confiance au
ministre responsable de la présentation d'un projet de loi il y a
trop d'autres implications. Le gouvernement et les ministres responsables ont,
quand même, affaire à d'autres ministères, en particulier
à la dictature qu'exerce le ministre des Finances, avec son Conseil du
trésor, sur la province, à l'heure actuelle. On sait tous les
problèmes qui existent et toutes les contorsions que doit faire le
ministre des Finances pour tâcher d'administrer le Québec dans un
régime économique que nous avons dénoncé et que
nous continuons de dénoncer.
M. le Président, je trouve que ce n'est pas une solution à
un problème de faire financer le gouvernement, en partie, par
l'exproprié, sous prétexte d'économiser des dollars dans
le budget de la province. Nous comprenons que le bien public a des droits,
mais, lorsque le bien public lèse dans leurs droits les gens qui ont des
propriétés privées, on peut se demander ce qu'on peut
faire du principe du droit de propriété.
Si, à un moment donné, le bien public exige qu'on
exproprie une propriété pour tâcher de faire des travaux
qui s'imposent, pour mettre une infrastructure à la disposition des
citoyens du Québec, je dis qu'il est quand même tout à fait
normal je dis tout à fait normal à ce
moment-là, qu'on accepte purement et simplement de dédommager les
propriétaires et de leur donner au moins c'est un minimum
l'équivalent de l'évaluation municipale.
Dans cet article de la loi, le ministre pourra nous répondre
qu'il y a deux possibilités. Le paragraphe b) est très clair: "il
a versé à l'exproprié ou pour son compte,
conformément au paragraphe b) de l'article 52, une indemnité
provisionnelle dont le montant doit être au moins égal à
soixante-dix pour cent de l'offre de l'expropriant visée à
l'article 45 ou, suivant le montant le plus élevé, à
soixante-dix pour cent de l'évaluation municipale de l'immeuble
exproprié". Mais il n'y a rien qui dit, là-dedans, que le
gouvernement est obligé de faire une offre. Le gouvernement peut
très bien se limiter exclusivement à l'évaluation
municipale et prendre une décision à partir de
l'évaluation municipale.
A ce moment-là, c'est la deuxième partie de l'article qui
compte, mais nous savons très bien, à l'heure actuelle, au
Québec, qu'il n'y a pas de rôle d'évaluation municipale qui
dépasse
100 p.c. de la valeur réelle. La quasi-totalité ne
dépasse pas 90 p.c. de la valeur réelle. On pourrait dire que la
grande majorité se situe entre 80 p.c. à 85 p.c, voire même
75 p.c. dans d'autres milieux. Il s'agit, tout simplement, de voir les taux de
normalisation qui ont été imposés par le ministère
de l'Education sur les rôles municipaux, en vue de normaliser le taux de
la taxe scolaire, pour se rendre compte que les municipalités n'ont pas
un taux d'évaluation, à l'heure actuelle, équivalent
à 100 p.c. de la valeur réelle.
M. le Président, voici un exemple que je cite à
l'attention du ministre. Une personne a une propriété
résidentielle de $18,000. Elle se voit expropriée, obligée
de quitter les lieux. Or, cette propriété est
évaluée, sur le plan municipal, à $14,500. Le gouvernement
décide de procéder sans faire d'offre, mais uniquement en vertu
de l'article 48, deuxième partie de la loi en versant à cette
personne 70 p.c. du montant de l'évaluation municipale. Cela veut dire
que, pour une propriété dont la valeur marchande serait de
$18,000, la personne va se trouver à avoir un acompte du gouvernement de
$10,150.
Je cite un cas type qui se multiplie par centaines, voire même par
milliers dans la province de Québec.
Mais ce qui se produit, lorsque la personne a une hypothèque sur
sa propriété qui dépasse le montant offert par le
gouvernement, un montant supérieur, et que cette personne veut
procéder à l'achat d'une autre propriété, ou se
faire construire et demander un autre emprunt, que ce soit à la
Société centrale d'hypothèques et de logement, à la
Caisse d'épargne et de crédit, à une caisse populaire ou
une autre, il doit donner un acompte appréciable pour être en
mesure de bénéficier de son prêt.
En vertu des dispositions de l'article, si le gouvernement ne veut pas
accepter notre amendement, qu'est-ce qui va arriver encore à des
centaines, voire même des milliers de personnes qui seront aux prises
avec ces situations? Si je prends ce cas, c'est que j'ai plusieurs exemples. Et
par une curieuse coincidence, j'ai justement aujourd'hui encore un cas, et
ça s'est passé la semaine dernière, dans mon comté,
où le ministère de la Voirie, après avoir
déposé son plan, s'est porté acquéreur d'une
propriété sans dédommagement aucun.
Le gouvernement est propriétaire, à l'heure actuelle. Mais
les gens, qui sont âgés, sont aux prises avec ces
problèmes, ils n'ont jamais eu à vivre ces problèmes, ils
sont découragés, ils s'adressent à leurs
municipalités, à leur député, et ils veulent
trouver une solution à leurs problèmes parce qu'ils doivent
quitter les lieux. On a pris possession de leur propriété et ils
doivent se loger ailleurs.
On a tellement vanté les mérites de la loi de
l'expropriation, on a tellement dit qu'on voulait en faire une loi humaine!
L'amendement de l'honorable député d'Abitibi-Ouest propose non
pas une avance de 100 p.c. sur la valeur réelle, mais qu'on porte le
dépôt provisionnel à peu près à 75 p.c, 80
p.c, 85 p.c. au maximum.
Il reste encore une bonne marge de négociation, de manoeuvre pour
garantir la sécurité du gouvernement, afin de ne pas le placer
à payer à des taux supérieurs. Je pense qu'en vertu de
toutes ces choses qui sont réelles, de toutes ces dispositions et de
cette façon de procéder, comme le disaient si bien l'honorable
député de Maskinongé, celui de Maisonneuve, ainsi que mon
collègue d'Abitibi-Ouest, on sait très bien de quelle
façon fonctionne le service d'expropriation de la province à
l'heure actuelle.
Et malgré toutes les bonnes intentions et la bonne volonté
du ministre et de ses collaborateurs, on sait très bien que, sur le plan
réel, pratique, dans le quotidien de tous les jours, ça se passe
de façon complètement différente.
C'est pour ces raisons que j'appuierai sans aucune réserve
l'amendement de mon collègue d'Abitibi-Ouest que l'exproprié ait
des garanties mimimums de façon que l'on cesse au Québec de
déposséder les gens, de les exproprier et de ruiner assez souvent
ces mêmes personnes qui, après avoir peiné 20 ans, 25 ans,
30 ans de leur vie, ont réussi â accumuler une petite
propriété et qui, à la fin de leurs jours ou rendus
à un certain âge, se voient obligés de faire face â
l'expropriation à cause du développement économique de la
société québécoise.
On pourrait aussi donner d'autres exemples, dans le cas des agriculteurs
qui sont obligés de déménager, dans certains cas, qui sont
obligés de faire démolir toutes leurs bâtisses de ferme. On
se rendra compte à ce moment de toutes les difficultés que ces
gens ont. Et je pense que le gouvernement n'aurait qu'à aller consulter
les dossiers de l'Office du crédit agricole et il aurait suffisamment
d'exemples, de dossiers pour lui démontrer jusqu'à quel point
nous avons raison de demander que 100 p.c. minimum de l'évaluation
municipale soient inclus dans le projet de loi.
J'appuie sans aucune réserve la proposition de l'honorable
député d'Abitibi-Ouest en espérant que, cette fois-ci,
l'honorable ministre des Transports aura compris le bien-fondé de cet
amendement et aura compris également la véracité de notre
argumentation, compte tenu du fait qu'il connaît très bien la
situation.
Il est ministre depuis 1970 et il a déjà été
responsable de ce ministère dans les années 1960 à 1966.
Je pense que la grande expérience du ministre des Transports, ancien
ministre de la Voirie, en ce domaine, lui prouvera hors de tout doute que cet
amendement que nous proposons est tout simplement un minimum, un droit strict
que le gouvernement se doit d'accorder aux individus qui ont à vivre et
à envisager l'expropriation.
DES VOIX: Vote.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Quels sont ceux qui sont en faveur de
l'amendement...
M.BURNS: M. le Président, j'ai dit tantôt que je
reviendrais sur ce point. C'est peut-être en l'absence du ministre des
Transports, avant qu'il arrive, que ces arguments ont été
discutés, principalement soulevés par le leader du gouvernement,
le ministre des Affaires intergouvemementales. Et il se faisait fort de nous
citer particulièrement les dispositions de l'article 50 à
l'encontre de notre position. Tout ce que le député
d'Abitibi-Ouest, le député de Maskinongé, moi-même
et à l'instant le député de Beauce, ce que nous disons
dans le fond c'est comment il serait normal de dire: Dépôt de 100
p.c. de l'offre ou de l'évaluation municipale, la plus
élevée des deux. Je ne veux pas reprendre toute cette
argumentation, c'est juste pour ramener le ministre des Transports dans le fil
de nos idées, lui qui dit: On prend votre bien, on prend possession de
votre bien sur dépôt de 70 p.c.
Le ministre des Affaires intergouvernementales s'est fait fort de nous
citer l'article 50 du projet de loi en disant : Ce projet de loi prévoit
déjà qu'une indemnité provisionnelle dans le cas
d'expropriation d'une exploitation agricole, ou d'un commerce, ou d'une
industrie, peut être fixée sommairement par le tribunal. Et je
suis d'accord. Remarquez qu'on a oublié un détail, on pourra
peut-être y venir tantôt, celui des résidences. Parce que la
valeur de remplacement pour des résidences c'est assez important. En
tout cas, je n'insiste pas là-dessus. J'arrête tout amplement sur
ce qui semblait être le centre ou le plus gros de l'argument du
député de Bonaventure, à savoir que le tribunal pouvait
fixer une indemnité provisionnelle. Or, on sait fort bien le temps
requis pour des procédures aussi exceptionnelles que des requêtes
en injonction interlocutoire, que des requêtes pour émission d'un
bref d'évocation, qui sont des procédures en soi et
essentiellement des procédures qui doivent être discutées
de façon sommaire, rapide, du moins quant au stade interlocutoire de la
procédure. On sait aussi je ne sais pas comment c'est dans
d'autres districts judiciaires, je n'ai pas l'habitude des autres districts
que dans Montréal même une injonction qui n'est pas
accordée de façon provisoire peut attendre sur le rôle
trois, quatre, cinq, des fois six et des fois plusieurs mois avant d'être
entendue au niveau interlocutoire.
Cela ne me satisfait pas qu'un texte de ce projet de loi dise que le
tribunal peut sommairement discuter de l'indemnité provisionnelle. Cela
ne me satisfait pas parce que ça ne veut rien dire nécessairement
dans les faits. On n'a pas encore vécu ce système. On a beau
avoir les plus belles dispositions possibles dans le code de procédure
civile relativement aux injonctions, on a vu des injonctions qui traînent
devant le tribunal et y a-t-il une matière qui, en soi, est plus urgente
qu'une injonction? Je pense que je n'en connais pas tellement d'autres qui
soient aussi urgentes, aussi exceptionnelles.
Alors, en vertu de la Loi de l'expropriation, on nous dit: Ne vous
inquiétez pas, vous allez pouvoir obtenir votre indemnité
provisoire, soit dit en passant, sauf pour les résidences, en tout cas,
mais pour les exploitations agricoles, les commerces, les industries, d'accord.
Mais ça ne me satisfait pas. Je ne sais pas comment ça va
fonctionner cette histoire; je préfère revenir à mon
argumentation et à celle des députés d'Abitibi-Ouest et de
Maskinongé relativement à l'article 48. C'est là-dessus
que j'aimerais que le ministre nous rassure.
J'ai soulevé, en l'absence du ministre, et ça j'aimerais
que ce soit, sauf tout le respect que j'ai pour le député de
Bonaventure, ça ne met pas du tout en doute sa
crédibilité...
M. LEVESQUE: C'est plutôt le respect du règlement parce que
le député de Maisonneuve est reconnu pour utiliser avec
parcimonie le temps de la Chambre.
Ce qu'il a à dire, il le dit bien, rapidement, directement. Or,
présentement, il déroge aux dispositions de notre
règlement.
M. BURNS: Non, mais vous ne m'en voudrez pas, M. le leader du
gouvernement, de demander cela au ministre responsable de l'application de
cette loi. Ce n'est pas, encore une fois, que je mette en doute votre parole,
loin de là, mais, sur le plan technique, j'aimerais bien mieux avoir un
engagement formel de la part du ministre. Je pense qu'aucun
député ne va me contester ce droit.
Tantôt, on a parlé aussi de la possibilité
d'exclusion, en vertu de l'article 153, de certaines dispositions de ce projet
de loi. Etant donné l'aspect coûteux de l'article 48, étant
donné les remarques que le ministre nous a faites en commission
parlementaire, je disais: Peut-être l'article 48 sera un de
ceux-là. Peut-être que ce sera un des articles que l'on tentera
d'exclure lorsque le lieutenant-gouverneur, en vertu de l'article 153,
proclamera les articles exclus. M. le Président, si on veut raccourcir
les débats, pour qu'on n'ait pas besoin de revenir constamment à
cette question-là, pendant qu'on y est, M. le ministre des Transports,
est-ce qu'il y a d'autres dispositions dont vous pouvez nous donner l'assurance
qu'elles ne seront pas exclues? A ce stade, est-ce qu'il y en a d'autres, dans
votre esprit, à part l'article 48?
D'abord, je vous demande: Est-ce que vous faites vôtre
l'affirmation du député de Bonaventure, du leader du gouvernement
encore une fois, ce n'est pas parce que je mets en doute sa parole, mais
parce que ce n'était pas à lui de défendre ce projet de
loi là à l'effet que l'article 48 ne sera pas de ceux qui
seront exclus dans la proclamation du lieutenant-gouverneur? Si oui, est-ce
qu'il y a d'autres articles dont vous pouvez nous dire, à ce stade-ci,
qu'il est certain qu'ils ne seront pas exclus ou qui encore seront maintenus ou
seront exclus d'une façon ou de l'autre?
Je parle surtout des articles à aspect finan-
cier. Cela peut éclairer la discussion pour le reste de ce projet
de loi.
M. PINARD: M. le Président, j'espère que les
députés de l'Opposition auront compris qu'il faudra quand
même, au départ, créer le Tribunal de l'expropriation, lui
donner les pouvoirs édictés par la loi, le rendre
opérationnel. Alors, c'est entendu que, dans l'esprit du
législateur, l'article 153 prévoit qu'entrera en vigueur,
immédiatement après la sanction de la loi, toute la partie qui
nous permet de créer le tribunal, de lui accorder des pouvoirs et de le
rendre opérationnel.
Alors, je pense qu'il est assez facile pour moi de donner cette
assurance.
M. BURNS: Oui, je n'ai pas de problème là-dessus. Je pense
surtout aux articles à caractère financier ou à
implications financières, eu égard aux déboursés
que le gouvernement pourrait être appelé à faire, eu
égard à un réaménagement des budgets du
ministère des Transports.
M. PAUL: Aux contraintes budgétaires du ministre des
Finances.
M. BURNS: C'est, dans le fond, ça qui nous préoccupe,
beaucoup plus qu'autre chose, parce que non seulement j'ai entendu le
député de Bonaventure nous le dire tantôt, mais j'ai
entendu également le ministre des Transports nous le dire à
plusieurs reprises et à bon droit. Je pense que tous les
députés de l'Opposition l'ont admis. Si vous faites un changement
de cette importance-là, il n'y a pas de doute que ça va resserrer
un certain nombre de budgets, puis que ça va peut-être causer des
problèmes.
Cela, on ne le nie pas, mais c'est assez important, à ce
stade-ci, qu'on sache ce qui est envisagé comme étant remis
à plus tard dans ces dispositions du projet de loi, sur le plan
strictement financier et sur le plan d'une tentative d'équilibrer les
budgets avec ces nouvelles mesures qui seront mises en application.
M. PINARD: C'est bien sûr aussi qu'il faudra adopter des mesures
administratives qui vont permettre d'atteindre les objectifs prévus par
la loi. Une fois que le tribunal sera en place, constitué, capable de
fonctionner, d'autres séries de mesures seront adoptées pour
rendre opérationnelle cette nouvelle loi de l'expropriation.
En pratique, qu'est-ce qui se passe? Déjà le
ministère, sans y être obligé par le texte formel de la
loi, dépose 70 p.c. et même davantage soit du montant de l'offre,
soit du montant de l'évaluation réelle. En territoire rural,
c'est bien sûr que le ministère choisit de déposer 70 p.c.
et plus du montant de l'offre parce que, bien souvent, il n'y a pas
d'évaluation réelle et cela reviendrait à bien peu de
déposer un montant qui serait basé sur 70 p.c. de
l'évaluation réelle, comme l'a soulevé tantôt le
député de Beauce.
M. PAUL: Le leader du gouvernement, lui, trouvait que c'était
suffisant.
M. PINARD: Je ne dis pas que cela ne s'est jamais produit. Je dis que
dans la majorité des cas nous déposons 70 p.c. et même
davantage de la valeur de l'offre. Il y a parfois des dossiers où il
n'est pas possible au ministère d'offrir tout de suite un montant pour
des raisons d'évaluation inconnue, qui n'a pas été
terminée, etc., mais nous essayons de prendre des mesures rapides, de
rendre justice à l'exproprié, compte tenu des moyens techniques
et administratifs que nous avons à notre disposition. C'est sûr
qu'une fois la loi 88 votée, il n'y aura plus d'échappatoire
possible; il y aura une obligation formelle de faire telle et telle chose.
Je pense que l'objectif principal qui a fait que le législateur a
proposé la nouvelle Loi de l'expropriation, le projet de loi no 88,
c'est pour qu'il n'y ait pas de flottement, pour qu'il y ait une cadence plus
accélérée, pour qu'il y ait une meilleure continuation
dans le travail des services techniques: service de l'expropriation, service
des plans et devis, de façon qu'il y ait un meilleur équilibre
entre les différents services administratifs. C'est la garantie que je
peux donner, mais on ne peut pas demander au ministre ou aux fonctionnaires de
son ministère de fonctionner à pleine vapeur
immédiatement. Il faut quand même une certaine période de
rodage qui est le lot de toutes les administrations, qu'elles soient à
caractère provincial ou qu'elles soient à caractère
d'entreprises privées ou publiques pour être capables de
fonctionner à l'intérieur d'une nouvelle loi, à
l'intérieur de nouvelles structures qui doivent être
créées parfois de but en blanc.
C'est la période quand même raisonnable de
temps que nous demandons avant d'être capables de fonctionner de
façon rapide et efficace à l'intérieur des pouvoirs qui
sont demandés par la loi 23.
M. AUDET: M. le Président...
M. BURNS: Est-ce que vous maintenez l'affirmation qui nous a
été faite tantôt que l'article 48 ne sera pas de ceux qui
seront exclus par la proclamation du lieutenant-gouverneur lors de la mise en
vigueur de cette loi?
M. PINARD: Je l'ai dit tantôt, je ne vois pas pourquoi on
l'exclurait parce qu'en pratique on paie déjà l'équivalent
de 70 p.c. de l'évaluation réelle prescrite dans la loi.
LE PRESIDENT: M. le Président...
M. PAUL: Quand le ministre dit qu'on paie déjà, est-ce
qu'il peut expliciter davantage?
M. AUDET: M. le Président, d'après ce que le
député de Beauce vient de dire...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: ... l'explication qu'il nous a donnée du cas type qu'il
a mentionné tout à l'heure, je ne crois pas que le
ministère de la Voirie paie actuellement une indemnité
provisionnelle. Je ne crois pas qu'il le fasse. Rien nous dit qu'il le fera
après que le bill sera adopté. Cet article 48, s'il ne peut pas
nous assurer aujourd'hui que ce ne sera pas un de ces articles prévus
à l'article 153, qui nous dit qu'il n'y aura pas celui-là et
d'autres articles qui ne seront pas acceptés avec l'adoption du bill. Je
me demande pourquoi le ministre, tant qu'à avoir fait un bon
début et avoir voulu, avoir désiré bonifier sa loi, avoir
une vraie Loi de l'expropriation, n'en fait pas une bonne pour de bon en
rendant l'indemnisation provisionnelle à 100 p.c. de l'évaluation
municipale?
Ce ne serait pas encore 100 p.c. de la valeur réelle, ce serait
à peine 80 p.c. ou 85 p.c. de la valeur réelle. On aurait encore
une grande latitude de négociation entre ces pourcentages, de 80 p.c, de
85 p.c. jusqu'à 100 p.c. de la valeur réelle.
UNE VOIX: Adopté.
M. AUDET: Amendement adopté?
M. PAUL: Un instant.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maskinongé.
M. LEVESQUE: L'article adopté.
M. PAUL: Un instant, un instant. Il faut voter sur l'amendement.
M. ROY (Beauce): Un instant, un instant.
M. PAUL: II faut voter sur l'amendement, il faut voter d'abord
l'amendement. Nous discutons de l'amendement.
M. LEVESQUE: Alors rejeté.
M.PAUL: Un instant, n'allez pas trop vite.
M. ROY (Beauce): Vous êtes prêt à adopter
l'amendement? Est-ce que l'honorable leader du gouvernement a dit qu'il
était prêt à adopter l'amendement tout de suite?
M. BURNS: Oui, ça fait deux, trois fois qu'il dit ça
là.
M. LEVESQUE: Le leader du gouvernement n'a qu'une voix à la
commission plénière. Sa voix sera contre l'amendement.
M. ROY:(Beauce): Si le leader du gouvernement est prêt à
adopter...
M. PAUL: En attendant, est-ce que je pourrais demander à mon
honorable et distingué ami de me faire connaître les raisons, non
pas de son retard, mais les justifications à l'appui de sa grande
déclaration de principe à l'effet qu'à toutes fins
pratiques le ministère, actuellement, paie 70 p.c. du montant de
l'évaluation, du montant de l'indemnité prévue de
l'expropriation? Est-ce que le ministre peut nous donner certains
détails? Nous serions fort heureux de les transmettre à nos
commettants pour les renseigner quant à la recette à suivre pour
qu'ils puissent être payés le plus tôt possible d'une
indemnité d'expropriation qu'ils attendent avec raison dans certains cas
et dont ils ont besoin pour la relocalisation de leur
propriété.
M. PINARD: C'est clair que, lorsque l'article 48 aura été
mis en vigueur, il y aura nécessité, obligation en vertu de la
loi de payer au moins 70 p.c. de la valeur de l'offre ou de l'évaluation
réelle, alors que sous l'empire de la loi actuelle il n'y a pas
d'obligation légale de le faire, mais en pratique on le faisait quand
même. Mais dans certains cas, c'était difficile de le faire parce
que l'évaluation n'était pas terminée, c'était
compliqué au plan technique. Une foule de raisons d'ordre administratif
et d'ordre technique faisaient que ce n'était pas possible de
déposer immédiatement au moins 70 p.c. de la valeur de l'offre,
de la valeur réelle. Je pense que c'est assez simple à
comprendre. Il faut quand même être raisonnable aussi, il faut que
le tribunal se constitue et soit en état de fonctionnement pour
permettre éventuellement un peu plus tard, la mise en activité
des autres chapitres et des autres articles de la loi.
M. ROY (Beauce): M. le Président, l'honorable ministre a dit
qu'à l'heure actuelle ce n'était pas possible dans tous les cas,
mais que ce le sera à partir du moment où l'article 48 sera
adopté et promulgué comme étant légal par un
arrêté en conseil, par proclamation. Est-ce que le ministre
pourrait nous dire quand il prévoit que l'article 48 va être
reconnu comme valable, comme légal par proclamation? Si j'ai bien
compris l'honorable ministre tout à l'heure, le premier
arrêté en conseil ne comprendra que les dispositions de sa loi qui
concernent les tribunaux. M. le Président, j'aimerais savoir l'intention
du gouvernement. Je pose une question bien précise parce que nous
voulons savoir où nous allons. Je veux savoir si oui ou non l'article 48
fera partie du premier arrêté en conseil pour tâcher que
ça devienne légal et obligatoire. Je veux que le ministre nous
réponde clairement là-dessus.
M. PINARD: Je pense bien qu'il faut comprendre le mécanisme
prévu par la loi. Il faudrait d'abord constituer le tribunal. Il faut
qu'éventuellement l'exproprié...
M. BURNS: On le sait ça. Ce n'est pas ça qu'on vous
demande.
M. PINARD: ... qui pourrait se plaindre que
les dispositions de l'article 48 n'ont pas été
respectées puisse s'adresser au tribunal d'expropriation pour s'en
plaindre et obtenir justice. Il faut que le tribunal soit formé. Les
juristes du ministère de la Justice et du ministère de la Voirie
me disent qu'il peut s'écouler une période de quatre à six
mois avant que le tribunal devienne véritablement opérationnel. A
quoi servirait de mettre en vigueur certains autres articles de la loi si le
tribunal n'est pas là pour sanctionner l'application de ces articles du
bill 88? Je pense que c'est facilement compréhensible.
M. BURNS: M. le ministre.
M. ROY (Beauce): Je m'excuse auprès de mon collègue.
Mais, en quoi l'adoption de l'article 48 peut-il nuire à
l'adoption des autres articles concernant les tribunaux? En quoi l'adoption des
articles concernant les tribunaux peut-elle nuire à l'adoption de
l'article 48? Je pense qu'on veut essayer tout simplement de faire un
problème qui n'en est pas un. J'aimerais que le ministre nous dise
comment, pourquoi l'article 48 semble incompatible, selon lui, pour être
adopté en même temps que les dispositions concernant les
tribunaux.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Pour ajouter à ce que le député de Beauce
vient de dire, je conçois très bien que le tribunal,
évidemment, est un des éléments essentiels que vous devrez
d'abord mettre en vigueur avant de mettre en vigueur d'autres aspects de la
loi. Ce n'est pas là-dessus qu'on s'obstine, M. le Président. Je
pense qu'à la fin de ce que le député de Beauce a dit, il
semblait comprendre ce qu'on voulait dire.
Vous avez une possibilité et une discrétion qui sont quand
même assez grandes. Admettons que les structures minimales requises pour
que cette loi devienne effective sont en place, on vous demande je pense
que c'est cela le sens de la question du député de Beauce et de
la mienne une fois que les structures sont en place, est-ce que
l'article 48 fait partie d'une exception ou non? C'est cela qu'on veut
savoir.
M. PINARD: II ne fait pas partie d'une exception.
M. BURNS: Pardon?
M. PINARD: Cela ne fait pas partie d'une exception.
M. BURNS: Cela ne fait pas partie d'une exception. : Doc, à
partir du moment où la loi devient opérante, au minimum requis,
l'article 48 serait en vigueur dans l'esprit du ministre. Est-ce cela?
M. PAUL: Est-ce que le ministre a prévu les fonds
nécessaires pour l'application de sa loi d'ici la fin de l'année
financière?
M. PINARD: C'est entendu qu'il a fallu prendre les précautions
nécessaires pour rendre la loi efficace, pour avoir des fonds
disponibles au moment où ils seront requis pour fins de
dépôt des indemnités provisionnelles. Alors, il y a eu une
discussion avec le ministre des Finances qui est également le
président du Conseil du trésor. Nous allons demander la
constitution d'un fonds qui va nous permettre de faire démarrer la
nouvelle procédure et de rendre précisément la loi 88
efficace selon les objectifs visés par le législateur. Autrement,
cela n'aurait pas servi à grand-chose d'apporter cette réforme
qui, à mon avis, est fondamentale.
M. PAUL: Les prévisions du ministre sont à l'effet que
pour la présente année financière 73/74, le montant requis
par son ministère en expropriations serait de l'ordre d'environ
$112,500,000. Est-ce que, dans l'évaluation de ce montant, le ministre a
tenu compte de l'adoption probable de cette Loi de l'évaluation
foncière?
M. PINARD: $112 millions je pense déjà l'avoir
déclaré c'est la valeur consolidée de tous les
dossiers d'expropriation actuellement en instance de négociation et
d'évaluation au ministère. Cela ne se paie pas tout dans le
même mois. Il y a quand même des délais et des
échéances. Je ne pense pas que le ministre des Finances s'attende
à ce qu'à telle date je lui demande de sortir, des coffres de la
province, $112 millions pour payer autant d'expropriés. Je pense que
cela se fait sous forme de roulement. Au fur et à mesure que les
dossiers seront plus avancés sur le plan de la négociation et du
règlement final, il faut bien que le ministère des Finances suive
l'évolution voulue par le législateur par l'élaboration
d'un nouveau code de l'expropriation qui doit être efficace.
M. AUDET: M. le Président, je me demande pourquoi le ministre
veut tellement adopter le projet de loi 88 s'il croit réellement pouvoir
mettre de côté l'article 48 pour un temps afin de donner la chance
au tribunal de se former. Pourquoi ne vient-il pas avec tout le bloc du projet
de loi 88 et l'adopter ensemble dans le temps? Est-ce qu'il veut se donner
encore un laps de temps pour acquérir des propriétés sur
simples dépôts de plans?
M. LEVESQUE: M. le Président, une question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement.
M. LEVESQUE: II y a, M. le Président, une heure et demie que nous
sommes sur la même
motion d'amendement, qui avait été présentée
à une séance antérieure. Les opinants sont
particulièrement le député proposeur, le
député d'Abitibi-Ouest, et d'autres députés qui se
reconnaissent. Ils ont dépassé largement les vingt minutes
permises par amendement.
Alors, M. le Président, je vous demande bien respectueusement de
demander à la commission de se prononcer. Autrement, on pourrait passer
la nuit ici jusqu'à minuit du moins et continuer demain.
La position du gouvernement est connue. Nous avons essayé, d'une
façon très ouverte, très démocratique,
d'expliquer... Je sais, le député d'Abitibi-Ouest fait signe que
non, mais chacun a ses limites: limites de persuation et de conviction, d'une
part, et limites de compréhension, d'autre part.
Ceci étant dit, nous pourrons continuer toute la soirée,
heure après heure. Ceux qui essaient de persuader ou de convaincre sont
limités par leurs possibilités dans ce domaine et ceux qui
essaient de comprendre sont également limités dans ce
domaine.
M. le Président, je crois que les positions étant bien
connues, bien explicitées, bien articulées je le dis bien
respectueusement, tenant compte de l'importance de l'opinion de chacun
il vaudrait mieux s'en remettre à la commission pour décider.
M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: J'ai écouté avec intérêt le leader
du gouvernement, au début de notre séance de ce soir. Il a
parlé pendant 18 minutes. Il vient de parler pendant quatre minutes, ce
qui fait 22 minutes. Alors, je vous prierais, à l'avenir, lorsqu'il
voudra intervenir sur la proposition d'amendement, de ne pas lui donner la
parole.
Pour ce qui est de votre humble serviteur, M. le Président, je
vous signalerai que je n'ai parlé que onze minutes sur cet
amendement.
M. LEVESQUE: Bravo, bravo, bravo!
M.PAUL: Un instant! Ne gâtez pas la sauce! Je n'ai parlé
que onze minutes parce que, lors du début de l'étude de cette loi
en commission plénière, vous ne sauriez croire comme j'ai
été déçu de ne pouvoir apporter ma collaboration au
ministre des Transports pour une étude rapide de cette loi. Dans notre
planification, il fallait traverser certains articles difficiles, dont, entre
autres, l'article 48 et quelques autres. Alors, il ne faut pas que le leader du
gouvernement nous presse.
M. le Président, je comprends qu'il est peut-être
déçu de notre sérieux, de l'objectivité de nos
propos. Pour une fois, je vais soutenir le ministre des Transports, en vous
rappelant, M. le Président, que le ministre des Transports a
été bien catégorique, tout à l'heure, à une
question que lui a posée le député de Maisonneuve. Il a
dit que ce n'était point dans son intention d'inclure l'article 48 dans
la série d'articles prévus comme pouvant être exclus
suivant l'article 153 de notre loi.
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, d'utiliser les sept
minutes qu'il me reste sur cet article et, quant à moi, je serais
prêt à voter sur l'excellent amendement proposé par le
député d'Abitibi-Ouest.
M. ROY (Beauce): Sur le point de règlement, M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): ... je dois quand même dire à l'honorable
leader du gouvernement que nous sommes six députés qui avons pris
la parole, ce soir, pendant les discussions qui ont découlé de
cette proposition d'amendement et que nous délibérons depuis 90
minutes. Si on fait un calcul, M. le Président, cela fait une moyenne de
15 minutes pour chaque personne. Alors que, jeudi soir dernier, le
député de Bellechasse a pris part à la discussion et
qu'également un autre député a pris part à la
discussion...
M. PAUL: Le député de Labelle.
M. ROY (Beauce): ... le député de Labelle, nous avions, en
ce qui nous concerne, pris dix minutes à peu près.
M. le Président, je tenais quand même à faire ces
précisions parce que le leader du gouvernement a l'impression qu'on a
largement dépassé notre droit de parole.
M. PAUL: On commence!
M. ROY (Beauce): On ne fait tout simplement que commencer!
M. le Président, sur le même point de règlement,
l'honorable leader du gouvernement disait, tout à l'heure, qu'on faisait
perdre le temps de la Chambre. Oui, on est en train de se poser la question,
à savoir si on ne fait pas perdre le temps de la Chambre à
discuter de cet article et de cette disposition de la loi, compte tenu du fait
qu'on ne sait pas quand le gouvernement va s'organiser pour que cet article de
la loi soit en vigueur, au Québec. On n'a aucune garantie, à
l'heure actuelle, que ce sera en vigueur en 73/74. On a trop encore à la
mémoire la Loi de l'évaluation, la Loi des transports. On vote
des lois, on vote des lois! Cela presse, il faut partir en vacances! Mais les
lois ne sont pas adoptées. On attend après les proclamations; les
règlements ne sont pas faits, on attend et, encore là, il faut se
dépêcher à voter des lois.
Un instant ! Je dirais à l'honorable leader du
gouvernement que nous sommes patients devant le gouvernement. Je
l'inviterais à être patient également, parce que même
s'il fait chaud, même si le gouvernement a hâte d'ajourner la
session, nous allons prendre le temps qu'il faut pour examiner les projets de
loi que le gouvernement veut nous soumettre, article par article.
M. LEVESQUE: M. le Président, seulement deux mots.
Premièrement, dans la question du temps accordé à chaque
député, il n'est pas question de moyenne. Cela, c'est une
invention créditiste, comme la Banque du Canada.
Deuxièmement...
M. ROY (Beauce): Ce n'est pas nous qui l'avons inventée
question de privilège, M. le Président c'est un
gouvernement libéral qui l'a inventée, c'est Mackenzie King.
M. LEVESQUE: Deuxièmement, quant à la question d'avoir
hâte de prendre des vacances, c'est peut-être ce qui trouble
présentement ou traumatise le député de Beauce, mais quant
à nous, au gouvernement, nous n'avons pas...
M. ROY (Beauce): Le député de Beauce n'a pas le temps de
prendre des vacances.
M. LEVESQUE: ... de vacances, nous sommes toujours présents. Que
la session siège ou ne siège pas, nous sommes...
M. BURNS: On manque de ministres par bout, par exemple, il en manquait
quatorze ce matin.
M. LEVESQUE: Les ministres sont toujours au travail.
M. PAUL: Oui, il en manquait quatorze ce matin.
M. LEVESQUE: S'ils ne sont pas au travail en Chambre, ils sont au
travail à leur bureau ou en dehors, en mission. Jamais un gouvernement
n'a été aussi actif par chacun des individus qui le
composent.
M. BURNS: A la période de questions, ils doivent être en
Chambre.
M. LEVESQUE: Je tiens à rappeler au député de
Beauce que quant à nous, membres du gouvernement, qu'on soit ici ou dans
nos bureaux, nous sommes à notre travail pour le Québec
régulièrement, continuellement, et il n'a qu'à
vérifier. Mais il reste un fait, c'est qu'à un moment il faut
cesser j'allais dire de placoter, non je ne ferai pas de peine au
député de Beauce, j'ai trop de respect pour mes collègues
de la Chambre de délibérer et finalement décider et
permettre à l'Exécutif de mettre en vigueur ce que le
Législatif nous indique de faire.
Si on est continuellement pris en Chambre, évidemment, on ne peut
pas mettre à exécution les instructions que nous donne le
Parlement. C'est simplement dans un but de remplir mieux notre mandat, dans le
but d'assumer réellement et pleinement nos responsabilités et
d'être utiles au peuple du Québec que nous sommes d'accord pour
qu'après une heure et quarante minutes sur un article où toutes
les positions ont été bien établies, l'on cesse de
continuer de parler pour absolument se répéter.
Que le député de Beauce relise ce que lui ou son
collègue d'Abitibi-Ouest ont dit depuis hier ou avant-hier...
M. ROY (Beauce): Est-ce que le leader du gouvernement se rend compte
qu'il fait perdre le temps de la Chambre en ce moment?
M. LEVESQUE: ... ou la semaine dernière. Il y a 1,000
répétitions dans ce qu'ils disent. Mais ce n'est pas en
répétant les mêmes choses qu'on réussira à
convaincre le gouvernement qu'il ne fait pas un pas de géant
présentement.
C'est justement parce que nous voulons réellement procéder
à ce pas de géant que nous voulons faire ensemble,
collégialement, que nous pensons que c'est assez, à dix heures ce
soir. S'il y a encore des collègues qui n'ont pas utilisé leur
droit de parole, qu'ils l'utilisent si ça leur fait plaisir, mais pas le
député de Beauce, pas le député d'Abitibi-Ouest,
pas le député de...
M. ROY (Beauce): Un instant, M. le Président, il me reste cinq
minutes et je pourrais les prendre. Ce n'est pas le leader du gouvernement qui
va m'en empêcher, malgré que j'aie fini.
M. LEVESQUE: Moi, je demanderais...
M. BURNS: Sur la question de règlement...
M. LEVESQUE: ... M. le Président, de consulter les officiers, pas
parce que je veux être procédurier, mais parce qu'on me provoque.
Tous les gens le savent.
M. PAUL : M. le Président, vous me permettrez, sur le rappel au
règlement, de rendre hommage j'ai demandé le consentement
de mon collègue à la persévérance du leader
du gouvernement, le député de Bonaventure. En 1960, il faisait
partie de cette équipe du tonnerre. Je ne sais pas quel religieux il
avait dans sa famille, lui. Peut-être que son nom était suffisant
pour le classer dans cette fameuse équipe du tonnerre.
Et là il vient de nous dire qu'il fait partie d'un gouvernement
de ministres qui sont en mission. Je le félicite d'être devenu
missionnaire au sein du gouvernement. C'était le seul point que je
voulais soulever, parce que ça m'a réellement touché
d'entendre le leader du gouvernement sur un rappel au règlement aussi
mal fondé.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve, question de règlement.
M. LEVESQUE: J'avais en effet dans l'équipe du tonnerre quelqu'un
de ma famille qui faisait partie des ordres religieux.
M.PAUL: Qui?
M. LEVESQUE: Mgr Albert Bérubé.
M. PAUL: Bérubé. Est-ce qu'il a eu autant de
persévérance que vous? Est-ce qu'il y est toujours
resté?
M. LEVESQUE: Oui, lorsque nous entreprenons quelque chose, nous le
faisons jusqu'au bout, dans ma famille.
M. PAUL: Ah! dans votre famille.
M. BURNS: M. le Président, simplement une chose sur la question
de règlement. Je n'ai pas d'objection qu'on commence à nous
limiter dans notre temps de parole mais je n'accepterai pas comme étant
des vérités de l'Evangile, même s'il a des
ecclésiastiques dans sa famille, les énoncés du leader du
gouvernement. Je ne crois pas que mon temps de parole soit écoulé
et j'aimerais savoir quels moyens practico pratiques vous allez avoir de
calculer toutes et chacune de nos interventions mises bout à bout. Si
vous lisez l'article 160, je peux parler le député de
Maskinongé, le député de Beauce, tout le monde ici, le
député de Bonaventure autant de fois que je veux sur
quelque article, paragraphe, question de règlement que ce soit pour
autant que ça ne dépasse pas 20 minutes. Tout le monde a admis
que ce n'était pas pratique. A moins que vous ayez à faire face
à ce qu'on appelle une obstruction systématique clairement
détectée, je pense que vous n'avez pas à calculer; je
pense qu'il y a toujours eu un gentlemen 's agreement à l'effet que les
députés s'exprimaient le mieux possible sur chacun de ces
points.
Si on veut commencer à folichonner là-dessus, je vais
être un petit peu moins agréable quant à l'application du
règlement. Moi aussi, je vais me mettre à surveiller des
choses.
M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Maisonneuve a
déjà été agréable?
M. BURNS: J'ai toujours été agréable,
excepté quand je suis provoqué. Mais, M. le Président, en
terminant sur cette question de règlement, je veux tout simplement vous
dire que c'est quand même suffisamment important ce qu'on vous disait
tantôt et je ne pense pas que ce soit de la nature d'une obstruction
systématique. Le ministre du Travail est ici et il se souvient
très bien, entre autres quand le code du travail a été
changé la dernière fois par voie de proclamation de la même
façon qu'on a discuté...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. BURNS: Non, non, je vous donne l'intérêt de cette
question qu'on a discutée. Je me souviens que la Commission des
relations du travail, par proclamation, avait été abolie et son
successeur, le commissaire-enquêteur, n'était pas mis en vigueur
par la loi. Vous avez eu des justiciables qui ne savaient plus à qui
s'adresser pendant un bout de temps; on a été obligé de
faire des acrobaties. C'est pour ça qu'on trouve ça important
cette histoire. C'est seulement pour ça qu'on a soulevé
ça.
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Maisonneuve parle de gentlemen's agreement il doit l'être assez gentleman
ou devrait l'être pour savoir qu'il a dépassé 20 minutes.
Ce n'est pas difficile.
M. BURNS: Je n'ai pas calculé, je ne peux pas vous le dire.
M. LEVESQUE: Lorsque c'est 19 ou 21, c'est vrai, ça c'est
difficile.
M. BURNS: Je n'ai pas calculé. M. LEVESQUE: Mais...
M. BURNS: Je ne peux vraiment pas vous le dire en toute
décence.
M. LEVESQUE: ... on peut vous le dire parce qu'on vous a
écouté.
M. BURNS: Vous, vous trouvez ça long mais moi, quand je parle, je
me trouve tellement bon, je trouve ça court.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Comme le
mentionnait le député de Maisonneuve, il a paru à ceux qui
président la commission plénière que l'article 160
était assez difficile d'application. Tant qu'il n'apparaît pas
qu'il y a de l'obstruction, les officiers de la Chambre n'ont pas
calculé le temps, il est assez difficile pour moi de mentionner qui a
parlé 20 minutes, il y a eu beaucoup d'interruptions. Simplement, comme
on a l'habitude de faire, je demande la collaboration de ceux qui ont
parlé sur l'amendement proposé par le député
d'Abitibi-Ouest, s'il y en a d'autres qui avaient à parler; sinon on
pourrait se prononcer immédiatement.
M. BURNS: Je suis bien d'accord sur votre approche.
M. ROY (Beauce): Notre collaboration vous est acquise, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le vote! Que ceux qui sont en faveur de
l'amendement du député d'Abitibi-Ouest veuillent bien se lever.
Que ceux qui sont contre veuillent bien
se lever. L'amendement est rejeté. Article 48, le
député de Maisonneuve.
UNE VOIX: Adopté.
M. BURNS: Non, pas adopté parce que j'avais un autre aspect que
j'ai d'ailleurs mentionné au président au début de la
discussion sur l'article 48. Dans l'amendement que je vais vous proposer, vous
aurez à extraire la partie qui a déjà été
réglée qui concerne les paragraphes c) du deuxième
alinéa de ma proposition et 3) du deuxième alinéa de ma
proposition. Je vous donne une copie édulcorée de ma motion et
j'en fournis une copie aux deux autres. Vous allez en avoir.
Très bien. M. le Président, étant donné que
je n'en avais que quatre copies, je vais vous donner ma copie. Elle est en
train de circuler pour le député de Beauce.
Est-ce qu'on a une copie pour le député de Beauce?
UNE VOIX: Vous pouvez lui en donner une?
M. BURNS: Oui, je vais la lui remettre, dès que je l'aura'i
exposée. Comme vous pouvez le voir, ma proposition ne concerne plus,
maintenant, l'aspect 70 p.c. ou 100 p.c; c'est bien évident que ce
problème a été réglé. Je ne suis pas pour
revenir sur ça. Cependant, au premier paragraphe, je vous propose de
remplacer le premier alinéa de l'article 48 par le suivant:
"L'expropriant ne peut prendre possession..." Tout de suite, j'insiste
auprès du ministre et surtout de ses conseillers sur la forme
négative que prend ma proposition par rapport à l'article actuel
qui dit: "L'expropriant peut, à toute époque, prendre possession,
etc."
Je propose que l'expropriant ne peut prendre possession, pour bien
reconnaître le fait que c'est un droit anormal, cette expropriation.
Peut-être que certains vont me dire que c'est fendre les cheveux en
quatre, mais je pense que c'est beaucoup plus conforme à
l'économie, à la pensée d'une loi d'expropriation, de
restreindre les droits qui sont exorbitants du droit commun, que de les
énoncer comme si c'étaient des choses extraordinaires. Alors, je
continue: "L'expropriant ne peut prendre possession du bien exproprié
que s'il y a été autorisé par le tribunal et si 90 jours
se sont écoulés après la signification à
l'exproprié de l'avis d'expropriation ou, suivant le cas, de la
notification prévue à l'article 44."
J'arrête là, pour le moment. Pour ceux qui se poseraient la
question je pense bien que le ministre des Transports ne se la pose pas
l'article 44 vise le cas des locataires qui, eux aussi, doivent recevoir
un avis lorsque le propriétaire a reçu un avis. Dans leur cas, je
pense que c'est 15 jours sans que j'aie besoin de référer
directement à l'article, mais c'est ce à quoi je me
réfère quand je dis "l'article 44."
Or, à toutes fins pratiques, M. le Président, ce que ce
premier paragraphe de mon amendement suggère, c'est de revenir à
l'idée originale qu'on retrouvait dans le premier projet de loi,
c'est-à-dire que ça ne se fasse pas aussi facilement que
ça et aussi, permettez-moi l'expression, gaillardement que ça.
Qu'on dise, tout simplement, à l'exproprié: On a
décidé d'exproprier; voici l'offre qu'on te fait et voici le
dépôt qu'on fait; maintenant, va-t-en.
Bien non, ça ne devrait pas être aussi facile que ça
et ceci pas uniquement dans l'intérêt de l'exproprié
je reviens là-dessus, parce que je trouve ça essentiel à
toute loi sérieuse d'expropriation mais dans
l'intérêt du ministère ou du corps public expropriant.
C'est important que vous ayez une certaine planification derrière
ça.
C'est ça qui éventuellement va rassurer l'exproprié
qu'il n'est pas dans la situation, encore une fois, des gens qui sont sur le
parcours de l'autoroute est-ouest à Montréal. Ils ne savent pas
encore, dans bien des cas, ce qui va leur arriver. Ils ne savent pas encore si
la maison va leur être démolie en dessous des pieds ou bien si on
va leur dire de sortir avant qu'on la démolisse. Ils ne savent pas s'ils
vont pouvoir trouver des locataires pour leurs logements parce que les
locataires ne veulent pas les louer. Je l'ai déjà dit, cet
argument-là, mais je le répète dans l'intérêt
du ministre; il ne semble pas l'avoir compris. Il y a encore du monde sur la
rue Notre-Dame, à Montréal, qui ont des logements à louer,
imaginez-vous, depuis deux ans. Depuis deux ans, la maison est intacte et ces
logements-là ne sont pas loués, parce que le locataire qui se
présente dit: Vous êtes sur le parcours de l'autoroute, n'est-ce
pas? Le propriétaire, qui est honnête, en l'occurrence dans
l'exemple auquel je pense, dit: Oui, qu'est-ce que vous voulez, on nous a dit
qu'on nous exproprierait, mais on ne sait pas quand.
Alors, le locataire éventuel fait un about turn et il ne loue
pas. Je pense que c'est important que vous posiez des gestes précis et
que vous convainquiez les expropriés qu'un corps public, quand il pose
un geste comme celui-là, est sérieux.
On vous demande tout simplement de faire deux petits préalables,
si vous voulez, avant la prise de possession. Vous disiez tout simplement: On
est tellement sérieux qu'on y a pensé et voici un avis de 90
jours, c'est-à-dire qu'un délai de 90 jours s'est passé
et, ensuite, on s'est présenté devant le tribunal et on a
été autorisé. Maintenant, les autres conditions, on les
respectera. Il me semble que c'est le minimum quand on dit à quelqu'un:
Tu as un bien, on t'en dépossède. On va mettre au moins un petit
peu plus de formalités que de dire : On va te donner 70 p.c. de l'offre
qu'on te fait ou de l'évaluation municipale.
Dans le deuxième paragraphe de mon amendement, M. le
Président, je suggère que l'on remplace le paragraphe b) par le
suivant:
L'exproprié n'a pas contesté le droit d'expropriation dans
les délais requis ou, le cas échéant, sa contestation a
été rejetée. Ce qui suppose que l'expropriation puisse
être, à ce stade-là, contestée, et comme telle, la
contestation empêche cette prise de possession. Il me semble que c'est
normal, cela aussi, que s'il y a un droit de contestation de l'expropriation,
qu'on ne dise pas: On passe tout simplement par-dessus cela, le tribunal
décidera tantôt; en attendant, on prend possession de votre bien
et le tribunal décidera. Il va décider quoi, M. le
Président? Il ne décidera absolument rien. Tout aura
été réglé; cela, ce n'est pas normal non plus, il
ne faut pas ajouter je ne sais pas l'expression l'injure à
l'injustice si, éventuellement, un justiciable se retrouve devant un
tribunal qui lui donne raison et qui dit: Non, vous n'auriez pas dû
être exproprié. Le gars dit: Oui, mais ça ne fait rien, ils
ont pris possession et je suis rendu dans Montréal-Nord alors que je
demeurais dans Hochelaga-Maisonneuve. Cela se passe un an plus tard. Que cela
se passe un an et demi ou même juste six mois après, je dis que
c'est ajouter l'injure à l'injustice.
Ce n'est pas normal qu'une loi de l'expropriation, dans les cas, encore
une fois, non seulement de l'exercice d'un droit qui, lui, est exorbitant du
droit commun, mais qu'à l'intérieur de l'exercice de ce droit on
fasse quelque chose d'absolument impensable, c'est-à-dire qu'on dise
à la personne: On prend possession de ton bien, c'est tout. Ce n'est pas
réglé, il y a des tribunaux qui vont décider de cela et on
en prend possession et c'est tout. On verra ce qui arrivera. Si on a tort, on
s'excusera. C'est ce que dit la Loi de l'expropriation actuellement.
Evidemment, dans ma proposition qui devra être complétée,
je laisse le paragraphe b) actuel comme devenant le paragraphe c) et le reste
des alinéas. Evidemment, il faudra qu'il y ait corrélation; je
pense que tout le monde l'a compris puisque j'ai été
obligé d'ajuster mon amendement à l'amendement qui a
déjà été décidé,
M. le Président, je propose que ces choses minimums soient
inscrites comme frein et comme possibilité à l'exproprié;
comme frein au droit d'expropriation à outrance et comme garantie
à l'exproprié qu'il a quand même affaire à un
expropriant sérieux, qui respecte un certain délai, et que si,
vraiment, il y a contestation de ce droit, on ne passera pas le rouleau
à vapeur sur sa propriété pendant qu'il est en train de se
battre devant les tribunaux. C'est le sens de ma proposition, M. le
Président. Je pense que ce n'est pas exagéré parce que si
un corps public décide d'exproprier, il y aura quand même un
délai de 90 jours, il y aura pensé au moins 90 jours avant. Les
délais, il les aura planifiés avant. C'est cela que veut dire la
proposition que, je l'espère, vous allez incorporer à l'article
48.
J'en fais la proposition, M. le Président.
M. PAUL: Je me demande pour quelles raisons le ministre des Transports
hésite tant à accepter cette proposition d'amendement. Je n'ai
pas parlé du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je sais, lui,
que c'est son rôle d'être hésitant, d'être craintif,
d'être prudent.
M. COURNOYER: M. le Président, je n'ai rien dit encore.
M. PAUL: C'est un amendement qui n'aurait pas dû être
présenté par les députés de l'Opposition. Je me
réjouis que l'honorable député de Maisonneuve fasse sienne
une politique que le ministre lui-même aurait dû mettre de l'avant
et inscrire dans son texte de loi. A la lecture de l'amendement proposé
par le député de Maisonneuve, vous verrez que la
sécurité de l'exproprié est garantie davantage au texte de
loi que l'on retrouve à l'article 48 de la Loi de l'expropriation. M. le
Président, il ne faut jamais oublier que le droit d'expropriation est
une mesure extraordinaire qui, une fois utilisé, doit l'être dans
des circonstances exceptionnelles avec toutes les mesures appropriées
pour atteindre l'objectif visé par le ministre des Transports
avec...
M. le Président, c'est trop sérieux, trop de
députés ruraux sont affectés par cette future politique
des Transports que je me sens incapable de continuer d'argumenter sans que nous
ayons le quorum requis pour l'étude de cette loi.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Qu'on appelle les députés!
Le député de Maskinongé.
M. PAUL: Je suis heureux, M. le Président, de voir
l'intérêt que vont apporter à l'amendement proposé
par le député de Maisonneuve les députés
ministériels. Je sens déjà que le ministre des Transports
est prêt à se rallier à cet amendement qui nous a
été proposé.
M. PINARD: J'attends qu'il y ait quorum puisque c'est vous qui l'avez
demandé.
M.PAUL: Oui, oui, c'est justement. Je me suis rassis, j'ai pris mon
siège. Vous savez que, s'il y a quelqu'un qui est soucieux de
l'observance des règles de cette Chambre, c'est bien celui qui vous
parle.
M. PINARD: II ne faut abuser dans rien.
M.PAUL: Non, excepté que non plus il ne faut pas se
désintéresser, comme le font trop de ministériels. Je
comprends que le ministre peut avoir des raisons d'arriver en retard, je ne lui
en fais pas reproche, je ne lui en fais pas grief. Nous nous étions ici
dès huit heures vingt et il a été remplacé à
pied levé par le leader du gouvernement...
M. PINARD: Brillamment.
M. PAUL: Bien, brillamment, je pense que,
si vous aviez été dissimulé dans une salle
quelconque de cette Assemblée, vous auriez vu qu'il était moins
brillant que vous dans ce domaine de l'expropriation. Le ministre des
Transports a tellement comme idéal, il veut tellement satisfaire et
surtout protéger les droits de l'exproprié que je ne puis penser
un seul instant qu'il va rejeter la proposition d'amendement proposée
par le député de Maisonneuve. Je suis sûr qu'après
avoir fait alliance sur ce point, le Parti québécois et le parti
de l'Union Nationale, nous irons chercher probablement le Ralliement
créditiste. C'est à l'unanimité par la suite que nous
pourrons accepter cet amendement de logique, de raison, nécessaire
proposé par le député de Maisonneuve.
M. PINARD: Je voudrais bien être agréable au
député de Maisonneuve et souscrire à l'amendement qu'il a
proposé, mais il reste que j'ai une responsabilité qui est
très grande au poste que j'occupe, c'est d'exercer une action efficace,
compte tenu des besoins exprimés par la population, compte tenu des
programmes d'action décidés par le gouvernement et
réclamés, je n'en fais pas cachette à personne, par tous
les députés qu'ils soient ministériels ou qu'ils soient de
l'Opposition. Aujourd'hui, on sait très bien que l'action du
ministère s'exerce dans tout le territoire québécois aussi
bien dans les régions éloignées, dans les régions
à caractère rural que dans les régions à
caractère mixte et également aussi, en ce qui concerne les grands
projets autoroutiers, dans les centres urbains. C'est pourquoi le
ministère se doit d'être efficace, d'être rapide dans son
action tout en étant juste et équitable envers les contribuables
et envers les expropriés plus spécialement.
Alors, nous avons mûrement réfléchi sur la
portée de cet article. Même si nous voulons concilier, à la
fois, les droits légitimes de l'exproprié et les droits tout
aussi légitimes du gouvernement, qui a à réaliser des
programmes d'action voulus par la population, il faut arriver à un
équilibre, à une juste mesure et à une politique qui sera
quand même efficace.
Je pense que, contrairement à ce qui se fait ailleurs, en Ontario
notamment, où il n'y a pas d'indemnité provisionnelle
payée dans les cas visés à l'article 49 du bill 88 non
amendé et à l'article 48 du projet de loi amendé, nous
fixons une indemnité provisionnelle d'au moins 70 p.c. de la valeur de
l'offre ou de l'évaluation. Pourquoi faudrait-il attendre autant de
jours ou de mois pour être mis en état de possession
préalable, lorsque, par ailleurs, on réclame que les travaux
soient exécutés, parfois, avec rapidité, parce qu'ils ont
un caractère d'urgence?
Je connais bien des députés qui nous feraient le reproche
d'être inefficaces dans notre action, d'avoir voulu, de façon bien
légitime, protéger les droits de l'exproprié, mais, par
contre, de ne pas avoir prévu une procédure qui pourrait
permettre au ministère d'exécuter rapidement des travaux pour
lesquels des sommes d'argent ont été votées.
C'est déjà une plainte qu'on entend même si on fait
l'impossible pour donner satisfaction aux députés et aux
organismes qui réclament, parfois en même temps que les
députés. Alors, il faut quand même équilibrer les
choses. C'est là le défi d'une administration dynamique, d'une
administration moderne. Je pense qu'il faut toujours tendre à
réaliser la solution ou la situation idéale, mais il me
paraît difficile de concilier tout cela en même temps.
C'est pourquoi nous en sommes revenus à l'article 48 tel qu'il
est rédigé. Je pense vraiment que nous donnons satisfaction et
à l'exproprié et à l'expropriant. C'est là la
responsabilité que nous devons prendre en proposant l'article tel qu'il
a été rédigé.
Je regrette de ne pas pouvoir souscrire à la demande d'amendement
du député de Maisonneuve. Je pense que je ne peux pas en dire
plus long. J'ai épuisé toutes les explications que je pouvais
fournir à cet égard et je demande le vote sur cette proposition
d'amendement, à laquelle je ne souscris pas.
M. AUDET: M. le Président, quelques mots sur l'amendement du
député de Maisonneuve. Je crois que, dans la première
version du bill 88, le gouvernement avait quand même fait un semblant
d'effort vis-à-vis de la possibilité d'attendre 90 jours avant de
prendre possession. Je crois qu'en ce temps-là la ville pouvait n'offrir
que 50 p.c. d'indemnisation provisionnelle. Nous disions, à la
commission parlementaire, que ce privilège était excessif pour le
ministère de la Voirie et la ville de Montréal, en raison de ce
qu'on laissait aux autres expropriants.
Maintenant, le ministre nous arrive avec un autre privilège qu'il
veut accorder à la ville de Montréal et au ministère de la
Voirie. D mentionne, par exemple, dans ses articles: "Un avis, à
l'exproprié, doit être donné dans les quinze premiers
jours." Donc, cet avis peut être donné le premier de ces quinze
jours-là. Nous sommes rendus à la première journée.
L'exproprié est avisé. La deuxième étape:
"L'enregistrement de l'avis dans les quinze jours au bureau d'enregistrement."
Là aussi, "dans les quinze jours", cela veut dire que, la
première journée, lorsque l'exproprié a eu l'avis
d'expropriation, l'avis peut être déposé au bureau
d'enregistrement. Nous sommes encore à la première
journée. La troisième étape: "Dans les quinze jours
suivant l'enregistrement, un dépôt de l'avis et plan au tribunal
doit être fait." Cela veut dire que nous sommes encore à la
première journée. Tout cela peut être fait la
première journée. Tout ce qui oblige le gouvernement à
aller à un maximum de 30 jours pour prendre possession de la
propriété expropriée, ce sont les trente jours
donnés à l'expropriant pour contester le droit
d'expropriation.
Si l'expropriant se rend au maximum de trente jours qui lui est
accordé, le ministre devra obligatoirement attendre trente jours, mais
ce sera le maximum, avant de prendre possession.
Donc, je crois, M. le Président, que l'amendement qui demande 90
jours est très raisonnable pour donner la chance à
l'exproprié de voir clair dans son affaire. Imaginez-vous, il n'aura que
trente jours! Je crois que, quand même, il y a eu amélioration
parce qu'auparavant, on déposait un plan et on prenait possession. Mais
tant qu'à faire une loi qui est valable, vu qu'un peu plus tard nous
allons voir, dans le projet de loi, le droit d'imposition de réserves,
je crois que le gouvernement pourrait au moins se servir de ces réserves
pour jouer avec le laps de temps accordé à l'exproprié. Il
pourrait quand même se servir de la réserve qu'on aura tout
à l'heure. C'est un excellent moyen, pour le gouvernement de donner au
moins 90 jours à l'exproprié. Qu'il se serve de la réserve
pour faire le reste du temps.
M. le Président, de notre côté, nous acceptons cet
amendement.
M. PINARD: M. le Président, je pense qu'il faut bien comprendre
la portée de la loi. Une loi, cela se discute, évidemment,
article par article, mais par hors contexte. Il faut que les articles soient
bien imbriqués les uns dans les autres pour donner leur plein effet.
M. AUDET: On a parlé de l'article 153 tout à l'heure.
M. PINARD: Pour bien comprendre le mécanisme de la loi 88, il
faut l'avoir lue au complet et par la suite, lorsqu'on en fait la discussion,
ne pas faire ressortir isolément chacun des articles pour les mettre
hors contexte.
Qu'on lise l'article 48. Toutes les garanties sont là pour
l'exproprié. Le tribunal est toujours maître de la décision
à rendre, s'il y a contestation de la part de l'exproprié. Lisez
l'article 49, un peu plus loin. Cela peut aller jusqu'à dix mois, le
délai, avant que la prise de possession soit faite par
l'expropriant...
M. AUDET: Oui, mais cela peut être trente jours, aussi.
M. PINARD: ...parce que vous avez des pouvoirs additionnels
donnés à l'exproprié de contester le droit devant le
tribunal. Lisez l'article 49. Il faut que cela se lise de façon
compréhensible, une loi.
UNE VOIX: On l'a lue.
M. PINARD: Vous ne pouvez pas prendre un article isolément de
tout le reste de la loi.
M. PAUL: ... du code civil.
M. PINARD: C'est tout imbriqué. C'est comme cela qu'il faut
comprendre une loi.
M. le Président, je me prononce contre l'amendement et je demande
le vote.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Que ceux qui sont en faveur de l'amendement
veuillent bien se lever.
M. CHARRON: Je n'ai pas terminé, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, je ne vous avais pas vu exprimer
votre désir de prendre la parole.
M. CHARRON: Oui, M. le Président. J'ai attendu d'abord parce que
j'étais intéressé par l'argumentation du
député de Maisonneuve, par sa qualité, mais j'attendais
aussi le point final que le minsitre tenterait de mettre à la discussion
pour demander le vote, j'attendais de savoir l'argument final qu'il pouvait
nous donner.
L'argument de l'efficacité somme toute, c'est sur
celui-là que le ministre a basé son argumentation pour refuser
l'amendement du député de Maisonneuve je verrais mal le
ministre le défendre devant des expropriés, actuellement, ou
devant ceux qui sont susceptibles de le devenir demain matin, lors de
l'application du projet de loi no 88.
Le député de Maisonneuve a donné, dans ses
explications, des exemples de citoyens qui, actuellement, sous l'empire actuel
de la Loi de l'expropriation, se trouvent dans des situations peu claires. Il
fallait attendre, il fallait souhaiter qu'une nouvelle loi vienne clarifier
cette situation. On en avait senti certainement le besoin chez le ministre et
autour du ministre puisque, dans la première version du projet de loi
qu'il nous avait fait étudier, on avait même été
jusque là. C'est donc dire que l'amendement du député de
Maisonneuve n'arrive pas comme un poil sur la soupe, n'est absolument pas
incongru par rapport à la discussion. C'est une possibilité que
le gouvernement lui-même a déjà envisagée.
Or, non seulement, lorsque nous posons ces questions, nous cherchons
à savoir ce que le ministre pense de l'amendement que le Parti
québécois, propose, mais nous tentons aussi de savoir un peu
pourquoi le gouvernement a retraité sur un point qu'il avait
lui-même inclus dans son projet de loi lorsqu'il nous avait
présenté la première version. Le seul et unique argument
que le ministre s'est complu à nous répéter ce soir ne
tient pas ou ne tient plus après une analyse efficace de la
situation.
Refuser le délai de 90 jours entre la signification et la prise
de possession sous le prétexte je ne dis pas la raison, le
prétexte de la nécessaire efficacité
gouvernementale, ça ne tient pas.
Il n'y a pas un citoyen aujourd'hui qui va croire qu'un projet d'une
envergure telle qu'une expropriation ou des expropriations massives comme
c'est le cas de l'autoroute qui saccage le bas de la ville de Montréal
actuellement c'est quelque chose qui se décide d'une
journée à l'autre et qu'il faut que le citoyen fasse le sacrifice
et fi de ses droits de propriétaire ou de
locataire parce qu'une action de cette envergure devient
immédiate et nécessaire.
Reprenons simplement quelques exemples d'expropriations rendues
nécessaires comme l'exemple que j'avais en tête tout à
l'heure, l'autoroute est-ouest à Montréal. Si on a le moindrement
de planification je sais que ce n'est pas le mot qui fait vibrer les
cordes de ce gouvernement on peut facilement introduire la protection
des droits des citoyens, des propriétaires à l'intérieur
de cette planification.
Un gouvernement qui n'est pas obligé de se ramasser un matin avec
une statistique effarante de chômage, qui n'est pas obligé de
prendre des décisions à l'emporte-pièce à cause de
son inaction passée, qui planifie sérieusement le
développement économique ne se trouve pas du jour au lendemain
obligé de retirer à des citoyens leur propriété ou
de laisser comme seul sursis au citoyen l'article 49, comme le ministre vient
de nous le rappeler, c'est-à-dire la contestation devant le tribunal et
l'attente de la décision du tribunal sur l'expropriation.
Il n'y a pas un gouvernement rationnel, efficace, qui fonctionne sans
une planification qui dépasse les 90 jours. En fait, le ministre vient
nous dire qu'il ne peut pas, pour des raisons d'efficacité et pour des
raisons de bonne administration, accorder ça aux citoyens qui risquent
d'être sérieusement dérangés on ne peut
guère l'être plus que par une expropriation. Le ministre dit que
90 jours de délai supplémentaire constituent une entrave à
l'efficacité gouvernementale.
IL n'y a pas un citoyen sérieux qui peut croire une telle
affirmation. Plus que ça, je dis que se baser sur cette seule et unique
affirmation comme il s'est plu à le faire ce soir malgré
tous nos efforts à lui en faire sortir d'autres c'est non
seulement très mal expliquer le refus de l'amendement du
député de Maisonneuve, très mal expliquer la reculade que
le gouvernement a faite entre ses deux versions du projet de loi no 88, mais
c'est donner à la population une autret preuve qu'elle ne
peut s'attendre à grand-chose de ce gouvernement.
Une planification trois mois à l'avance de projets d'envergure
aussi importants que ceux qui vont déposséder des gens de ce
qu'ils ont eu semble une entrave fantastique à ce gouvernement; c'est
lui porter bien peu de crédit.
Je trouve que la façon un peu cavalière dont le ministre
refuse cet amendement explique encore une fois ce que bien des citoyens ont
commencé à croire de ce gouvernement, c'est qu'il fonctionne au
fond lorsqu'il sent une liberté de manoeuvre qui lui est laissée
entre les diverses coulisses qu'il dirige, obligé d'agir à la
hâte et en tâtonnant, comme nous l'avons vu faire depuis trois ans
et comme il se propose encore de faire.
J'aimerais entendre une autre argumentation, avant que nous
procédions au vote, qui celle-là porterait sur des arguments
beaucoup plus fondés que ceux d'une efficacité gouverne- mentale,
parce que je ne crois pas que le gouvernement de l'Ontario, ou le gouvernement
fédéral auquel vous aimez vous référer puisse
reconnaître comme nécessaire efficacité à son action
le fait qu'il se sente obligé de retirer à des citoyens un droit
fondamental, soit avoir 90 jours entre la signification de l'expropriation
à venir et la prise en possession des biens.
Ce refus de l'amendement du député de Maisonneuve dessine
bien l'esprit et la façon de travailler de ce gouvernement chez qui la
planification semble être complètement disparue.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre.
M. PINARD: M. le Président, je crois que tous les citoyens du
Québec connaissent quelles sont les contraintes dans lesquelles peut se
faire une planification gouvernementale efficace. On n'est pas en Floride
où on peut réaliser des travaux douze mois par année. On
sait jusqu'à quel point la saison de réalisation des programmes
routiers peut être courte, surtout dans certaines sections. Notre
planification est adoptée en conséquence, pour être en
mesure de dépenser des crédits votés par
l'Assemblée nationale de façon rapide et efficace. Mais il faut
avoir les instruments en notre possession pour y arriver. Cela paraît que
le député n'a jamais exercé le pouvoir et il n'aura jamais
la chance de l'exercer, s'il n'est pas en mesure de prévoir ces
contraintes. Il ne sera pas en Algérie, non plus, pour être
capable de dépenser, douze mois par année, dans un programme
routier ou autoroutier. Il aura quelques mois pour réaliser les
objectifs fixés par le gouvernement et par l'Assemblée nationale,
demandés par les citoyens, les contribuables en somme.
J'exerce mon sens des responsabilités. Si, malheureusement,
ça ne fait pas l'affaire du député de Saint-Jacques, qu'il
garde son opinion; moi, je garde la mienne. Je pense qu'aux articles 49 et 50
toutes les garanties sont là pour protéger l'exproprié de
la bonne façon et je dis, encore une fois, qu'il faut lire les articles
48 et 49 ensemble pour savoir comment fonctionnera la loi.
M. MAILLOUX: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Charlevoix.
M. MAILLOUX: ... si l'on me le permet, je pense que je ne suis pas
tellement intervenu dans ce débat et je n'ai même pas
participé à la commission parlementaire qui a siégé
pour la préparation du projet de loi no 88. J'écoutais
tantôt l'honorable député de Saint-Jacques qui nous a
apporté, évidemment, des arguments qui semblent les plus
idéalistes possible. J'ai oeuvré au ministère de la Voirie
à titre d'adjoint parlementaire ou à titre de ministre d'Etat
et
même précédemment, car je pense que, comme
députés, on est, souventefois, pris dans des milieux ruraux avec
des problèmes de voirie.
Le ministre des Transports vient de parler des contraintes du
ministère de la Voirie dans la préparation des plans et projets
et dans la dépense de l'argent. Quelles que soient les tentatives qu'a
faites le ministère de la Voirie depuis des années pour
préparer des budgets annuels, budgets triennaux, budgets quinquennaux;
quelle que soit la bonne volonté que voudrait manifester le
ministère de la Voirie dans la préparation des plans, dans le
dépôt des plans, il faudrait savoir des années à
l'avance à quel moment nous allons construire telle route, à quel
moment arrivera une industrie et quand le ministère de la Voirie devra
immobiliser davantage, à quelles autres contraintes il devra faire face
et, au bout de la course, quelles seront les sommes que mettront à notre
disposition le ministre des Finances et le gouvernement. Ce sont des choses qui
évoluent au jour le jour, suivant la demande d'un Parlement, suivant la
demande de tous députés de la Chambre.
Tantôt, on parlait évidemment de la partie que l'on doit
payer aux expropriés. Venant d'un milieu rural, je sais,
évidemment, qu'il serait préférable qu'on donne des
délais plus longs, surtout dans le milieu agricole, quand on occupe un
terrain et qu'on commence à exécuter des travaux. Souventefois,
les spécialistes en expropriation voient les travaux commencer et ne
sont pas en mesure de constater tout le bris qu'on a pu faire sur un terrain.
Il faudrait être idéaliste et j'aimerais, évidemment, que
le ministère se soit rendu encore plus loin. Par rapport à ce qui
existait avant on payait peut-être dans les faits, mais ce
n'était pas dans un texte de loi l'article 48, c'est
déjà un pas de géant que fait le ministère.
Quand je considère tous les impératifs auxquels doit faire
face le ministère de la Voirie dans toutes les nombreuses
transformations qui se produisent dans les plans; quand on pense
également, M. le Président, aux retards considérables que
l'on subit dans tout le déplacement des services d'utilité
publique, Bell Canada, Hydro-Québec, qui retardent les projets de voirie
pendant des mois, quand ce n'est pas pendant des années, ça veut
donc dire que le ministère de la Voirie est conditionné par tous
ces phénomènes; phénomène de l'industrialisation,
phénomène de travaux à faire en milieu urbain ou en milieu
rural. Souventefois, ces travaux qui sont préparés des
années à l'avance on doit les mettre de côté et
recommencer toujours afin de faire face aux obligations qui nous arrivent et
auxquelles le gouvernement doit faire face.
Je pense, M. le Président, que par les explications qu'a
données le ministre des Transports, par l'étude qui a
été faite de ce projet de loi, le gouvernement s'est rendu le
plus loin qu'il pouvait en tenant compte de sa possibilité
financière.
Evidemment, nous concevons qu'il est toujours difficile d'aller
exproprier quelqu'un et de donner des délais très courts. Mais je
pense que nous ne pouvons pas, en aucune façon, tenant compte de tous
ces impératifs, faire autrement que le projet de loi tel que
proposé aux articles 48 et 49.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'attention l'intervention du ministre d'Etat, le député
de Charlevoix, et nous comprenons les préoccupations qui
prévalent au ministère de la Voirie et au ministère des
Transports, mais nous comprenons également les appréhensions des
gens qui doivent subir l'expropriation qui, pendant trop longtemps, a fait trop
de victimes au Québec. Je pense que le ministre d'Etat comprendra le
sens et la portée de nos interventions, parce que, quand même, il
va falloir que l'on finisse par se pencher de façon sérieuse sur
le problème des petits propriétaires qui n'ont pas les moyens
d'avoir recours à tous les bureaux d'avocats, de conseillers juridiques,
d'experts en matière d'évaluation, pour se défendre mais
qui se défendent du mieux qu'ils peuvent avec les moyens du bord. Et
lorsqu'on regarde le nombre de personnes qui, cette année, sont encore
victimes de l'expropriation, dont on s'empare de la propriété,
sans dédommagement, on comprendra facilement pourquoi nous sommes
inquiets et pourquoi nous intervenons à ce moment-ci, pour demander que
le gouvernement pense à ces gens-là, pense à ces petits
propriétaires, surtout dans les milieux ruraux, pour qu'on mette un
terme à ce qu'on pourrait considérer comme de l'exploitation. Je
suis sûr que le député de Charlevoix, ministre d'Etat, est
entièrement d'accord avec moi que, malheureusement, dans le
passé, il y a eu trop de lacunes de ce côté-là. Il y
a eu trop d'abus.
Je ne voudrais pas amener certains cas d'espèce, certains cas
types, je sais que le ministre, que ce soit le ministre des Transports, ou le
ministre d'Etat à la Voirie, en a suffisamment dans son propre
comté, qui démontrent clairement que nous avons raison de nous
inquiéter et de demander au gouvernement les meilleures garanties
possibles à l'endroit des personnes qui ont été depuis
trop longtemps victimes de ce système pour tâcher qu'on y mette un
terme.
Et c'est pourquoi il me paraît logique que des dispositions
minimums soient prises, de façon à protéger les petites
gens. Le ministre d'Etat à la Voirie nous disait qu'ils sont
obligés de modifier les plans, nous sommes entièrement d'accord,
nous avons vu des exemples, il y a des exemples pratiques, des exemples
courants, qui se produisent dans ce domaine.
Mais, lorsqu'on voit, par exemple, les compagnies de
téléphone ou l'Hydro-Québec retarder, parfois des
années, certains travaux, est-ce que ça
voudrait dire que, pour ces gens-là, il y a des recours
particuliers que les petites gens n'ont pas? Est-ce qu'il y a deux poids, deux
mesures? Est-ce qu'il y a deux façons de procéder? Une
façon avec ceux qui ont les moyens, une façon avec ceux qui n'ont
pas les moyens?
C'est pourquoi nous exprimons ces voeux et nous disons que nous sommes
inquiets parce que nous avons souscrit au principe de la Loi de
l'évaluation foncière, bien qu'on nous ait présenté
une loi réimprimée à la toute dernière minute. Nous
avons souscrit encore pour le principe, pour qu'il y ait une bonne loi de
l'expropriation dans la province de Québec, pour tâcher qu'il y
ait des minimums de garantie à l'endroit des expropriés.
Mais, M. le Président, c'est normal que nous exigions à ce
moment-ci un minimum de garanties à l'endroit de ces personnes, et nous
comprenons mal l'obstination du gouvernement à ne pas vouloir tenir
compte, d'aucune façon, des amendements proposés par les
députés de l'Opposition. Tout à l'heure, le ministre des
Transports nous rappelait les dispositions de l'article 49. Les dispositions de
l'article 49 paragraphe 2 sont très claires, nous l'avons lu: "Le juge
peut également, sur requête, autoriser la prise de possession par
l'expropriant avant l'expiration du délai prévu au paragraphe a)
de l'article 48 s'il y a pour l'expropriant une urgence telle que tout retard
à la prise de possession entraînerait un préjudice
considérable, si l'exproprié n'en souffre pas un préjudice
irréparable, et si les autres conditions prévues au paragraphe b)
de l'article 48 sont remplies".
Mais les deux ministres comprendront facilement qu'il y a une question
d'interprétation là-dedans. Si on dit: II y a un préjudice
considérable qu'entraînerait la prise de possession par des
retards aux travaux...
M. le Président, il y a peut-être des situations qui
peuvent être créées à un moment donné par
oubli, par négligence.
Je ne veux pas accuser le gouvernement mais on retarde des projets
pendant deux, trois, quatre ou cinq ans et à un moment donné on
décide de les réaliser au bout de cinq ans, parce que les
pressions sont telles que le gouvernement ne peut plus tenir, que c'est urgent.
A ce moment-là, en vertu de l'article 49, pour les expropriés,
c'est bien de valeur, mais le gouvernement a décidé d'agir parce
que ça presse. C'est sur ces points-là que nous sommes inquiets
et que nous nous interrogeons. C'est pourquoi je pense j'en suis
convaincu et c'est pourquoi je l'appuie que la disposition de
l'amendement proposé par l'honorable député de
Maisonneuve, compte tenu du fait que l'autre amendement n'a pas
été accepté tout à l'heure, nous paraît tout
simplement logique et normale dans les circonstances.
M. PINARD: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre.
M. PINARD: ...si on me permet de faire une discussion à l'article
50, ça va faire la trilogie de 48, 49 et 50. Si je comprends bien, on
est inquiet... Oui, non, on est allé à 49, tantôt.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
pense que c'est le ministre des Transports qui, le premier, nous a servi comme
argument j'ai des choses à lui répondre là-dessus
pour ne pas accepter notre proposition à l'article 48 les
dispositions de l'article 49. Ecoutez, ne mêlons pas les cartes, on a
déjà vu passer les trains nous autres aussi.
M. PINARD: Alors, je demande le vote sur l'amendement.
M. BURNS: M. le Président, c'est justement là-dessus, si
vous ne voulez pas utiliser votre droit de parole, que j'ai à vous dire
quelques mots. Je trouve absolument inconcevable l'attitude du ministre des
Transports, qui nous dit: Je ne peux pas accepter votre proposition à
l'article 48 parce qu'il y a l'article 49. Mais on y viendra, à
l'article 49, on passera le pont quand on y arrivera. Bien oui, imaginez-vous
donc, M. le ministre! Au lieu de parler à vos conseillers techniques et
leur dire ce que vous pensez de ce que je suis en train de dire, écoutez
donc ce que je suis en train de dire et vous allez peut-être, à un
moment donné, vous dire que les députés de l'Opposition
peuvent peut-être avoir de bonnes idées aussi. Au lieu d'essayer
de vous défouler en disant pourquoi ça n'a pas de bon sens ce que
je dis, écoutez donc ce que je dis.
Ce que je suis en train de vous dire, c'est que n'importe quel
législateur sérieux prend les articles les uns après les
autres. A l'article 48, il se dit: Cela a-t-il du sens, ce qu'on discute? S'il
dit oui et qu'il s'aperçoit qu'à l'article 49 il devra y avoir
des ajustements, on appelle cela de la concordance, M. le ministre. Il n'y a
pas de doute que, si vous adoptez notre proposition, il faudra peut-être
ajuster le texte de l'article 49; je n'ai jamais dit le contraire sauf que moi,
dans ma proposition, je n'ai pas parlé de l'article 49. Je trouve
inconcevable qu'un ministre nous soumette un projet de loi en nous disant:
Veuillez me dire ce que vous pensez de ce projet de loi article par article et
que, lors d'un article, il nous donne comme argument, pour ne pas adopter la
proposition particulière sur l'article 48, un article postérieur
qui n'est pas, lui, encore adopté. C'est cela que je dis qui n'est
absolument pas acceptable.
Je n'accepterai jamais que le ministre me serve des arguments
ultérieurs sinon pour fins de référence, lorsqu'on aurait
une inquiétude. Qu'est-ce que l'article 49 dit? Le député
de Beauce l'a très bien souligné, il soumet deux volets qui ne
sont pas incompatibles avec la proposition qui nous est faite là. Vous
avez d'abord, dans le premier alinéa, une possibilité à
l'article 49 de proroger le délai de la prise de possession et, dans le
deuxième alinéa, une possibilité de l'avancer, le
délai; il n'y a rien de
chinois là-dedans, il n'y a rien de compliqué
là-dedans et il n'y a rien d'inajustable avec notre proposition.
Je voudrais qu'on écarte ça tout de suite. Après
cela, si, par hasard imaginez-vous! le gouvernement acceptait
notre amendement qui est partagé actuellement par les trois partis
d'Opposition, à ce moment-là il faudrait se pencher sur le
nouveau texte de l'article 49, qu'il faudra refaire. Et ce n'est pas plus
compliqué que cela, on fait cela à la journée longue. On
fait des concordances, régulièrement. La proposition
elle-même, qu'est-ce qu'elle dit? Ce n'est pas compliqué, cela non
plus. La proposition ne demande pas de remuer mer et monde. Elle demande
seulement imaginez-vous donc, c'est rien que cela qu'on demande
que quelqu'un, quand on va lui prendre son bien par voie d'expropriation, on
l'avertisse au moins 90 jours d'avance. Si, par hasard, il y a une contestation
devant les tribunaux, qu'on attende que cette contestation sur le droit
d'expropriation soit réglée. Ce n'est pas chinois, cela non plus,
ce n'est pas compliqué, il n'y a rien d'incompréhensible
là-dedans.
J'accepterais, malgré ces dispositions, qu'on ajuste l'article 49
en conséquence en disant: Si vraiment ce n'est pas possible, un tribunal
et c'est pour ça qu'on le met, c'est le premier volet à
notre amendement devra être saisi de l'affaire. S'il est
déjà saisi du problème avant la prise de possession il
pourra aussi décider s'il y a une extrême urgence, comme le dit le
deuxième alinéa, puis proroger ce délai de 90 jours aussi,
comme le suggère déjà le deuxième alinéa de
l'article 49 disant que le délai d'un mois prévu à
l'article 48 a) peut être prorogé. Cela non plus n'est pas
compliqué. On fait juste s'assurer que le minimum d'empiètement
sur les droits individuels des personnes sera fait. Qu'au moins on dise: On va
au moins leur prouver qu'on fait attention pour ne pas leur marcher trop trop
sur les pieds. Là, le ministre nous amène un argument
fantastique, en l'occurrence, parce que si on regarde la grosse expropriation
qui a été faite sous l'autorité du ministre actuel, soit
l'autoroute est-ouest, ne me parlez pas d'efficacité, parce que je vais
tomber raide mort.
Je sais bien que ça ferait plaisir à certains
peut-être, là... Quels sont les commentaires?
M. BIENVENUE: Oui.
M. HOUDE (Fabre): Des promesses, des promesses.
M. BURNS: Elle est bonne.
M. le Président, si ma mémoire est fidèle,
parlons-en de l'autoroute est-ouest, de l'efficacité. Ce projet a
été annoncé à grands coups de publicité,
sauf erreur, aux alentours de novembre 1970. C'était urgent. C'est un
projet, soit dit en passant, d'expropriation de $105 millions. Cela en
achète, un gros sac de "bonbons à la cenne" $105 millions. Ce
n'est pas un petit projet. Où est-ce rendu actuellement? Trois ans plus
tard, il y a encore des gens qui ne savent pas s'ils vont être
expropriés sur le ou les parcours ça aussi on ne le sait
pas de l'autoroute. On ne sait pas où il arrête, on ne sait
pas quand il va arrêter, on ne sait pas quand il va continuer. Cela c'est
presque trois ans après. On vous demande 90 jours, ce n'est pas
compliqué. Cela empêche un gouvernement de fonctionner dans sa
politique d'expropriation! C'est grave, ça! Vraiment les budgets vont
être cul par-dessus tête! Moi, je vous dis que ces arguments ne
tiennent vraiment pas et le ministre a besoin de nous donner de meilleurs
arguments. Autrement, si son gouvernement vote contre l'amendement, il prendra
la responsabilité de dire: Tout nous est permis en matière
d'expropriation, tant dans le droit d'exproprier que dans les formes qu'on va
utiliser. Cela est absolument inacceptable.
Dernier argument, M. le Président, que je trouve que le ministre
devrait retenir, parce qu'autrement il n'y a pas de raison d'être ici ce
soir et nous autres non plus on n'a pas de raison d'être ici ce soir. Il
a pris la peine de nous soumettre un projet de loi qui s'appelle Loi de
l'expropriation, projet de loi no 88. Cela a été
déposé il y a quand même quelques mois à
l'Assemblée nationale. Cela a été déposé
sous une première forme et je me rappelle, parce que j'étais
présent à cette commission, avoir entendu le ministre nous
proposer son projet: C'est la réforme de l'expropriation. Bravo! mais
profitons-en, ne faisons pas les choses à moitié quand on a une
chance même si c'est l'Opposition, imaginez-vous qui le propose,
parce qu'on peut avoir des bonnes idées nous autres aussi parfois
profitons-en peut-être, dis-je, pour mettre la fine pointe à
certains endroits.
Cela, contrairement à ce que le député de
Charlevoix disait tantôt, ce n'est pas de l'idéalisme, ce sont des
choses possibles. Que le ministre me dise qu'il n'est absolument pas possible
d'imposer à l'expropriant un délai de 90 jours avant une prise de
possession ou encore que la cause, si l'expropriation elle-même est
contestée, soit réglée en laissant toujours et je
l'admets d'avance le droit au tribunal d'accorder par voie de
décision intérimaire le droit de prise de possession, lorsqu'il y
a urgence, le fardeau de la preuve reposant alors sur l'expropriant, sur le
corps public expropriant. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. On ne se
réveille pas en disant: J'ai décidé d'exproprier et demain
on prend possession. Si le gouvernement fonctionne ainsi, je suis très
sérieusement inquiet puis on va y voir la prochaine fois qu'on va
examiner les crédits du ministère des Transports; on va les
examiner de près, pas mal plus près qu'on les a examinés.
Il y a des choses qui seraient absolument inconcevables si simplement, selon
les humeurs d'un ministre, d'un sous-ministre ou d'un conseiller quelconque, on
décidait d'exproprier.
II n'y a personne qui est assez simple pour croire que c'est comme
ça que cela se passe. Tout le monde sait que ce sont des choses qui,
normalement, sont planifiées d'avance. Que, dans cette planification, on
ajoute un délai et qu'on prévoie la possibilité d'une
contestation. Qu'on mette aussi de notre côté les dispositions qui
font que cela nous aidera d'avoir un projet où il y a urgence et que
cela nous permettra peut-être de convaincre un juge de prendre possession
immédiatement.
Dans le fond, ce qu'on dit par notre amendement et ce que les
députés du Ralliement créditiste disaient tantôt par
l'amendement des 70 p.c. à 100 p.c, c'est: Mettons donc toutes les
chances du côté du corps expropriant pour convaincre les gens que
cela ne se fait pas à la légère. Je vous dis que,
même en acceptant ce que nous vous proposons, vous allez avoir de la
difficulté à convaincre les expropriés que cela ne se fait
pas selon les humeurs d'un ministre ou de quelque technocrate. Je sais bien
qu'on va avoir de la difficulté, mais je dis: Mettons donc toutes les
chances de notre bord.
Je vous en prie, M. le Président, ne nous sortez pas l'argument
des dispositions postérieures du projet de loi; ne nous sortez pas les
arguments d'urgence que votre propre projet de loi contredit actuellement. Nous
vous disons qu'on est des gens raisonnables. On comprend qu'il y a des cas
où il devrait y avoir urgence et où vous devriez avoir une
ordonnance intérimaire d'un tribunal, mais que cela se fasse selon les
règles. On n'en est pas encore au temps où les gens choisissaient
leur femme à l'aide d'une massue. Je pense que c'est pas mal
dépassé. C'est pour cela qu'on a cru bon de changer le projet de
loi. Si on a cru bon de changer le projet de loi de l'expropriation, parce
qu'il datait un peu, parce que peut-être, comment dirais-je, il manquait
un peu trop de fini dans la façon de s'attaquer aux droits individuels,
je dis: D'accord, profitons-en. Mais mettons-en le plus possible de fini dans
la façon de s'attaquer aux droits individuels, parce que, dans le fond,
ne nous le cachons pas, c'est toujours de cela qu'on discute dans ce projet de
loi d'expropriation.
M. PINARD: II faut se souvenir que tous ceux qui ont été
en faveur d'une réforme de l'expropriation l'ont été pour
mettre fin aux régimes disparates en matière d'expropriation:
disparités de procédures, disparités de traitements,
disparités de délais. Il y avait à peu près 100
organismes qui pouvaient exproprier avec leurs propres lois constitutives.
Alors, nous en sommes venus à une loi unique d'expropriation. C'est
pourquoi c'est difficile aujourd'hui de concilier les intérêts de
tous les corps expropriants, tout en préservant, de la façon
qu'il le faut, les intérêts légitimes des
expropriés. C'est la difficulté que nous avons et ce sont des
contraintes qui, à mon avis, sont bien compréhensibles.
Après avoir écouté tous les députés
de l'Opposition, qui se sont prononcés là-dessus, je pourrais,
avec la permission du président et de l'Assemblée nationale,
proposer une contrepro-position d'amendement pour arriver, en quelque sorte,
à concilier la thèse défendue par le député
de Maisonneuve et les intérêts des corps expropriants qui seront
soumis à cette loi unique d'expropriation.
Je proposerais que l'article 48 se lise de la façon suivante:
UNE VOIX: On va voter sur le nôtre avant.
M. PINARD: Oui, si j'avais le consentement du proposeur de
l'amendement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous consentez?
M. PINARD: Nous allons essayer de nous entendre.
M. BURNS: Lisez votre amendement avant; je vais voir si...
M. PINARD: Ne faisons pas de procédurite, s'il vous
plaît.
M. BURNS: D'accord.
M. PINARD: Alors, je le soumets à titre d'hypothèse, si
vous voulez, pour le moment. L'article 48 se lirait de la façon
suivante: L'expropriant peut, à toute époque après la
production de son offre, prendre possession des biens expropriés si : a)
un délai de trois mois s'est écoulé depuis la
signification à l'exproprié de l'avis d'expropriation ou, dans le
cas de l'expropriation ou d'un démembrement du droit de
propriété, un mois;
Alors, je pense qu'on arrive à concilier la thèse du
député de Maisonneuve et celle que j'ai défendue
jusqu'ici.
M. BURNS: Bien, je dois dire que le ministre fait un sérieux
effort. Je suis obligé de le reconnaître.
Que faites-vous de l'aspect prohibitif d'utiliser ce droit s'il y a
contestation de l'expropriation, quitte à vous dire d'avance qu'à
l'article 49, j'accepte que, pour les cas urgents, on puisse s'adresser au
tribunal?
M. PINARD: Je m'excuse d'avoir à devancer un petit peu la
discussion mais il y aurait quand même les dispositions de l'article 49
qui vont s'appliquer pour le cas soulevé par le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Oui, sauf que l'article 49 est implicite, c'est-à-dire
ce droit de l'expropriant d'agir de façon, disons, brutale, selon les
règles. On se souvient, on a même eu un cas, ici,
l'année passée, où une ville nous demandait de
devancer une décision de la cour Suprême. Tout le monde
connaît le cas Dasken, à Hull. Et même l'Assemblée
nationale a refusé, elle qui aurait pu précéder le
jugement de la cour Suprême, par déférence pour une cour
qui était saisie d'un problème, de se mêler de cela. Il me
semble qu'on devrait au moins être conséquents dans nos gestes et
dire: Si une cour, si un tribunal, en l'occurrence le Tribunal de
l'expropriation, est saisi d'une demande d'expropriation, qu'on n'intervienne
pas, qu'il n'y ait pas de prise de possession provisoire, pour changer les
relations entre les parties, avant que le tribunal ne se soit prononcé.
Et là, je dis à moins que je suis obligé
d'embarquer dans l'article 49 mais je vous dis qu'il n'y a rien
d'illogique dans cela. D n'y a rien d'illogique à dire: Si
véritablement il y a des motifs graves, si véritablement il y a
urgence, bravo! Le tribunal va l'accorder, à ce moment-là, si on
lui donne ce droit à l'article 49, comme tout nous porte à croire
qu'on va le lui donner, selon le deuxième alinéa.
Je pense que tout ce qu'on pose, comme principe, à l'article 48,
c'est dans quel cadre une prise de possession se fait. Une des prohibitions,
c'est qu'il n'y ait pas de cause pendante devant le tribunal, que l'affaire
soit réglée ou qu'elle ait été rejetée, peu
importe. Je pense que si on est au niveau des principes, il faut établir
cela, quitte, après cela, à dire dans quel cas on peut
écarter le principe. Je pense que cela me satisferait davantage si
c'était incorporé à l'amendement du ministre. A ce
moment-là, cela me ferait plaisir de retirer mon amendement.
M. PINARD: M. le Président, avec la connaissance que j'ai des
dossiers d'expropriation au ministère de la Voirie, des Travaux Publics
et des Transports, selon le cas, mais avec la connaissance également que
j'ai des droits d'autres corps expropriants qui, aujourd'hui, tomberont sous
cette loi unique de l'expropriation et qui conserveront quand même des
droits d'expropriation à certaines conditions édictées par
la loi, et comme je connais l'ensemble de ces pouvoirs, de ces devoirs
d'exproprier dans l'intérêt public, je ne peux pas concilier
toutes les demandes à la fois et en arriver quand même à
cette situation idéale que voudrait obtenir le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Ce n'est pas nécessairement...
M. PINARD: C'est pour cela que j'ai dit que le plus loin où je
puisse me rendre, c'est de proposer en contreproposition d'amendement ce que
j'ai souligné tantôt.
M. BURNS: Je ne veux pas, M. le ministre, que vous alliez trop loin. Si
c'est demander une situation idéale que de vous demander de faire de la
bonne législation, je suis d'accord, je suis entièrement d'accord
pour vous demander la situation idéale. Or, faire de la bonne
législation, c'est poser des principes et, ensuite, les exceptions.
Et vous allez venir aux exceptions. Je m'excuse, M. le Président,
mais je suis obligé d'anticiper. Le débat a été
lancé de même par le ministre et je pense, en tout cas, que cela
va peut-être faciliter la discussion à l'article 49 si on vide le
problème tout de suite. Le deuxième alinéa dit: "Le juge
peut également, sur requête, autoriser la prise de possession par
l'expropriant avant l'expiration du délai prévu au paragraphe a)
que le ministre suggère de changer de trois mois ou un mois,
selon les deux cas qu'il a mentionnés de l'article 48 s'il y a
pour l'expropriant une urgence telle que, etc". Vous posez l'exception au
deuxième alinéa de l'article 49.
Moi, tout simplement, ce que je vous demande, c'est qu'à
l'article 48, vous reconnaissiez la règle générale. Si on
doit s'adresser je pense que c'est un minimum de technique de
législation à un tribunal par requête, selon le
deuxième alinéa de l'article 49 pour être autorisé
à prendre possession pour l'expropriant.
Qu'on soit obligé de démontrer qu'il y a urgence, que tout
retard à la prise de possession entraînerait un préjudice
considérable. En somme, c'est un peu la mentalité qui
préside au changement de situation temporaire entre les parties lors
d'une requête pour injonction interlocutoire.
C'est la même pensée qui est derrière le
deuxième alinéa. Qu'est-ce qui arrive? Quand un juge accorde une
injonction au stade interlocutoire, il ne fait que créer une exception
à la règle générale, c'est-à-dire que les
parties, avant jugement final, doivent rester entre elles dans l'état
où elles étaient au début des procédures, tant que
le juge n'a pas tranché.
Ce que je vous demande, c'est de reconnaître ça, pas plus.
Je vous demande juste de dire que la règle générale c'est
qu'on ne change pas la situation des parties avant de prononcer le jugement.
Et, s'il y a une exception, je suis d'accord qu'on la mette à l'article
49. Je ne vois pas comment je vous demande quelque chose de bien grave. Je vous
demande juste de reconnaître le principe avant de poser l'exception.
C'est un peu comme si, M. le ministre, vous veniez me voir et vous me
disiez: J'ai des solutions, as-tu des problèmes? J'ai l'impression que
je me poserais de sérieuses questions à l'égard de votre
équilibre. Mais c'est un peu ça qu'on fait.
On dit: II y a des exceptions, cherchez donc le principe maintenant.
Moi, je vous dis: Posez-le le principe, je n'ai pas d'objection à ce
qu'on mette les exceptions, et ça compléterait l'affaire. Moi,
dans ces circonstances, je verrais très bien que je retire mon
amendement et que...
M. PINARD: Je regrette, mais je ne peux pas
aller plus loin que ça, parce que ce serait en quelque sorte
permettre la paralysie de la réalisation des programmes à
caractère public. Comme ministre responsable d'un ministère qui a
acquis une certaine expérience dans ce domaine, je ne peux pas souscrire
à une pareille proposition d'amendement.
M. BURNS: Pourquoi? Vraiment, je ne comprends pas le ministre
là-dessus.
M. PINARD: Dans ces circonstances, nous allons demander le vote sur la
proposition d'amendement du député de Maisonneuve et nous allons
nous en tenir à la rédaction de l'article 48, tel que
rédigé.
M. BURNS: Non! ne vous choquez pas, je vous demande bien gentiment
je pense bien que je n'ai pas été chocatif...
M. PINARD: II n'est pas question de ne pas être gentil et
d'être gentil. J'ai dit que je connais mes responsabilités, et par
expérience je sais ce qui pourra survenir si on va plus loin, comme le
veut le député de Maisonneuve.
C'est l'intérêt public qui doit primer. Je pense qu'en
conscience j'ai donné les preuves d'avoir le plus souvent
respecté l'intérêt public, mes fonctionnaires et
moi-même, même si j'ai pu commettre personnellement des erreurs. Je
ne peux pas aller plus loin que ça.
M. BURNS: Ce n'est pas vous qui êtes en discussion, c'est la loi.
Je vous demande tout simplement pourquoi ce serait tellement extraordinaire de
reconnaître un principe avant de lui mettre des exceptions. Vous vous
apprêtez à mettre une exception...
M. PINARD: Je n'ai pas à répéter 50 fois la
même chose. Nous allons passer au vote...
M. BURNS: Vous n'avez rien dit là.
M. PINARD: ... de la proposition d'amendement. Si elle est
rejetée, elle sera rejetée, et tantôt nous arriverons
à d'autres articles qui feront la preuve que les droits des
expropriés et des expropriants sont protégés.
M. AUDET: M. le Président, juste quelques mots...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: ... pour dire que le ministre de toute façon, s'il veut
réellement adopter ce projet de loi tel quel, à l'article 48, et
on a fait mention de l'article 49, ça explique à toutes fins
pratiques que le ministre de la Voirie maintient le fait que tout aussi bien
qu'il avait le droit de prendre possession par un simple dépôt de
plan, avec le deuxième alinéa de l'article 49, il se donne le
même droit, parce qu'il dit qu'il pourra prendre possession avant
l'expiration du délai prévu au paragraphe a) de l'article 48.
Cela veut dire que ça laisse tomber l'article 48. Il avait 30
jours, maintenant il va aller en deçà de 30 jours. Où
ira-t-il? Cela veut dire que, sur dépôt de plan encore, il aura
droit de prendre possession. Qu'il ne vienne pas nous dire qu'il a
été bon garçon et qu'il a amélioré son
affaire. Il est au même point qu'il était avant.
L'exproprié sera aussi pénalisé qu'il l'était
lorsque le ministère de la Voirie arrivait et disait: Moi,j'exproprie,
je prends possession aujourd'hui. C'est cela que ça veut dire.
Je conviens qu'il veut faire à sa tête, mais qu'il ne
vienne pas nous faire accroire qu'il est bon garçon.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Quels sont ceux qui sont en faveur de
l'amendement?
M. BURNS: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: ... je fais une dernière tentative. Je vais faire une
tentative de conciliation vu que, ce soir, de façon exceptionnelle, mon
vis-à-vis, c'est le ministre du Travail, lui qui est un
conciliateur-né et que, souvent, j'accuse de mauvaises choses, comme
d'aller éteindre des feux.
M. COURNOYER: Un pompier.
M. BURNS: Je vais faire une tentative de conciliation. Est-ce que le
ministre pourrait m'écouter puisque ça va être très
bref? Vu qu'il semble très peu probable, en tout cas, que la loi soit
adoptée ce soir en troisième lecture, je vous fais la suggestion
que les articles 48 et 49, qui sont peut-être deux articles qui doivent
être examinés ensemble, soient suspendus, quitte à ce qu'en
dehors de la Chambre, avant qu'on y revienne la prochaine fois, nous tentions
les trois partis de l'Opposition de trouver, de part et d'autre,
une formule qui plairait au ministre. Ecoutez! ne donnez pas la réponse
à vos fonctionnaires. Donnez-la-moi; c'est moi qui vous fais une
proposition. Je vous dis, tout simplement: Au lieu de se buter à refuser
toute forme d'amendement, il y aurait peut-être lieu de réexaminer
la rédaction. C'est peut-être ça, dans le fond, qui
accroche chez le ministre dans mes suggestions; c'est peut-être une
formule de rédaction. Si tel est le cas, il n'y a pas de péril en
la demeure, votre loi ne sera pas adoptée avant demain; je vous
l'assure, de toute façon, M. le ministre.
M. PAUL: On attend toujours la réponse du ministre.
M. PINARD: On discute entre nous pour voir quelles sont les
conséquences sur le plan pratique.
M. PAUL: Si vous discutez, très bien! Nous invitons le ministre
à reconsidérer toute l'argumentation qui a été
offerte ce soir. Mais si, chez lui, la décision est déjà
prise, irrévocablement, de rejeter l'amendement proposé par le
député de Maisonneuve, ça ne sert à rien de
reporter l'article à demain. On est mieux d'en disposer. Sauf que si le
ministre reste prêt à considérer une formule de compromis
qui puisse rencontrer les objectifs du député de Maisonneuve et
les implications et les restrictions bien comprises de la part du ministre en
raison de ses responsabilités, nous ne mettrons pas d'objection à
suspendre l'article.
M. PINARD: Je pense qu'il y a un moyen d'entente.
J'ai essayé de faire comprendre tantôt au
député de Maisonneuve que j'aurais une contre-proposition
d'amendement en tenant pour acquis que peut-être il retirerait sa propre
proposition d'amendement ou que nous en disposerions par un vote et que par la
suite je reviendrais avec ma proposition d'amendement pour en arriver au
délai de trois mois, comme je l'ai souligné tantôt.
M. BURNS: Ecoutez, M. le Président, pour montrer que je ne suis
pas ici pour faire perdre le temps du ministre puis le temps précieux de
la Chambre puis des fonctionnaires là-dessus, je pense que j'ai fait
valoir mon point. J'espère que les autres députés de
l'Opposition ont fait valoir leur point là-dessus. Je suis prêt
à retirer mon amendement, avec le consentement des
députés, parce que je pense que ça prend le consentement,
ça ne m'appartient plus cet amendement.
En ce qui me concerne je suis prêt à le retirer.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Est-ce que l'amendement du
député de Maisonneuve est retiré, est accepté?
M. AUDET: II va le falloir.
M. PAUL: Bien, c'est-à-dire qu'il ne peut pas le retirer, puis
l'accepter.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Retiré. Je pose la question:
Est-ce que c'est accepté?
M. BURNS: Ah! Est-ce qu'on accepte que je le retire, c'est
ça.
M. PINARD: M. le Président, j'aimerais pro- poser un amendement
à l'article 48. Pour une meilleure compréhension, je vais lire
l'article 48 tel qu'il est rédigé et quand j'arriverai à
l'alinéa a), je vais proposer l'amendement. "L'expropriant peut,
à toute époque après la production de son offre, prendre
possession des biens expropriés si: a) un délai de trois mois
s'est écoulé depuis la signification à l'exproprié
de l'avis d'expropriation ou, dans le cas de l'expropriation d'un
démembrement du droit de propriété, un mois;"
Est-ce que vous voulez que je vous le lise, M. le Président,
pour...
M. BURNS: C'est la proposition que vous avez faite tantôt,
ça?
M. PINARD: C'est ça, oui. M. BURNS: Puis le principe?
M. CHARRON: Fourre-le toi dans le derrière.
M. PINARD: Est-ce que M. le président veut faire lecture de
l'amendement?
M. BURNS: Le ministre n'a pas le goût d'aller juste un petit peu
plus loin?
M. PINARD: Malheureusement, à cause des raisons que j'ai
invoquées tantôt, je ne peux pas aller plus loin.
M. BURNS: Justement, je vous dis ça sans
méchanceté, sans nuance péjorative.
M. PINARD: Ah je sais bien que ce n'est pas sans...
M. BURNS: Je trouve que justement vous n'avez pas invoqué
tantôt de raisons, sinon des politiques vagues de votre ministère,
des problèmes que vous avez allégué que ça causait,
mais vous ne les avez pas décrits.
M. PINARD: M. le Président, il faut, pour argumenter de la
façon dont le fait actuellement le député de Maisonneuve,
ne pas se souvenir des exposés qui nous ont été faits lors
des travaux de la commission parlementaire...
M. BURNS: Au contraire, je m'en souviens très bien.
M. PINARD: ... parce que c'est à partir de là que nous
avons travaillé avec un instrument de travail qui s'appelait le bill 88
tel que proposé dans sa version originale.
Mais, par la suite, après avoir écouté ceux qui
sont venus donner leur point de vue, aussi bien du côté des
expropriés que du côté des expropriants, on en est venu
à rédiger des amendements pour concilier justement les
intérêts des uns et des autres...
M. BURNS: Au contraire.
M. PINARD: ... pour faire une loi unique d'expropriation, et nous
pourrons soumettre tous les corps expropriants à cette même loi
unique mais pour concilier les intérêts primordiaux des
expropriants et des expropriés.
M. BURNS: M. le Président, juste une chose en terminant. Je sais
bien qu'on ne fera pas long feu avec cela, mais je vous dis tout simplement
qu'au contraire, c'est parce que je me souviens trop bien d'une série
d'arguments qui tournaient autour du grand principe de dire: Ecoutez, vous
faites une nouvelle loi, profitez-en pour être clairs, profitez-en pour
établir ouvertement quels sont les droits de l'exproprié et quels
sont les droits de l'expropriant. C'est uniquement dans ce sens-là que
j'ai fait ces suggestions.
Je sais fort bien que, même si j'avais décidé de
laisser ma motion là, le ministre, avec sa majorité, a
décidé de la battre, alors, pour le moment, j'accepte comme un
gain très infime et très minime son amendement. Je regrette, je
dois dire que je regrette qu'on n'ait pas été juste un peu plus
loin.
M. PINARD: M. le Président, adopté, article 48.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'amendement va se lire comme ceci:
"a) un délai de trois mois s'est écoulé depuis la
signification à l'exproprié de l'avis d'expropriation ou, dans le
cas de l'expropriation d'un démembrement du droit de
propriété, un mois". L'article 48 est adopté tel
qu'amendé? Adopté. Article 49.
M. PAUL: M. le Président, à l'article 49, le ministre
peut-il nous dire pourquoi cette différence entre la première et
la deuxième version? Alors que la première version parlait d'une
requête adressée au tribunal, la deuxième version nous
parle d'une requête adressée au juge de la cour Supérieure.
Quelle justification le ministre peut-il nous apporter pour changer le texte de
la première version?
M. PINARD: C'est parce qu'il s'agit, M. le Président, non pas de
l'établissement d'une indemnité à être payée
mais du droit d'être mis en possession préalable, ou qu'il s'agit
purement et simplement du droit de propriété. C'est pour cela que
la requête doit être faite en vertu de l'article 49 par
requête à la cour Supérieure.
M. PAUL: Mais au tribunal, cela voulait dire la même chose. Il
restait nécessairement le tribunal de la cour Supérieure.
M. PINARD: Sur le plan des expropriations, les juristes qui sont
à mes côtés vont s'occuper de l'indemnité, tandis
que le tribunal de la cour
Supérieure va s'occuper du droit à la mise en possession
préalable et du droit de propriété.
M. PAUL: Le ministre m'apporte une distinction pour laquelle je le
remercie.
M. BURNS: M. le Président, ce serait aussi simple que le ministre
nous dise que c'est un problème constitutionnel. Il n'a pas le droit
d'enlever de juridiction à la cour Supérieure; c'est cela le
problème, je pense.
M. PINARD: Je suis bien d'accord pour dire qu'il y a un aspect
constitutionnel à ce problème. Article 49, adopté?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Article 49, adopté. Article
50.
M. BURNS: M. le Président, à l'article 49, il serait
encore temps de reconnaître, dans le deuxième alinéa, que
la prise de possession ne peut pas avoir lieu si le tribunal ne le permet pas.
La forme avec laquelle on fait l'exposé, au deuxième
alinéa, le juge peut également, sur requête, autoriser la
prise de possession, mais nulle part ailleurs, dans la loi, on n'a dit que ce
n'était pas permis quand il y avait contestation. Ce serait
peut-être le bon moment de le mettre, si ça gênait le
ministre de le mettre à l'article 48 tantôt.
Je ne fais pas de proposition précise, mais je trouve que c'est
le même principe qui était discuté tantôt; cela
dépend peut-être de la formulation.
C'est un peu dans ce sens que j'offrais au ministre, tantôt, de
suspendre la discussion des articles 48 et 49. C'est peut-être là
qu'on pourrait l'insérer.
M. AUDET: M. le Président, je crois qu'il serait juste et
raisonnable d'accepter au moins ça, de donner la chance au coureur,
à l'exproprié et de dire au moins "s'il ne conteste pas".
M. PINARD: M. le Président, honnêtement, je pense que cela
revient au même, parce que, dans le cas où l'exproprié
conteste, le délai qui peut lui être accordé par la cour
peut aller jusqu'à dix mois, c'est-à-dire un mois, plus les neuf
mois mentionnés à l'article 49, premier paragraphe. Dans le cas
de l'expropriant qui invoque l'urgence à exproprier, il faut qu'il ait
quand même de bons motifs. C'est le tribunal qui va juger de la
validité et de la légitimité de ces motifs. Alors, le juge
peut raccourcir, mais il peut ne pas raccourcir aussi le délai.
M. BURNS: Il devrait se sentir obligé d'imposer le fardeau de la
preuve, n'est-ce pas, à l'expropriant de façon claire? C'est
ça qui n'est pas clair dans votre projet de loi.
M. PINARD: Au paragraphe 2, il me paraît assez clair que le
fardeau de la preuve repose sur
l'expropriant qui doit faire la requête qui doit être
appréciée au plan du sérieux, au plan de la
légitimité et de la validité par le juge du tribunal.
M. BURNS: M. le ministre, on s'en reparlera dans quelques années,
quand on aura vu quelques décisions dans ce domaine.
M. PINARD: Moi, je pense que cela me parait suffisant. Alors, j'en
demande l'adoption tel que rédigé. Adopté?
M. PAUL: M. le Président, le ministre, dans cet amendement, a
tenu compte des recommandations de la Chambre de commerce de Montréal et
du Barreau en inscrivant les raisons graves ou "motifs graves" au paragraphe
premier de l'article 49, qui se lit comme ceci: "Le délai de prise de
possession prévu au premier alinéa de l'article 48 peut
être prorogé par un juge de la cour Supérieure, sur
requête, pour des motifs graves". Pourquoi le ministre ne retient-il pas
la même nécessité de motifs graves au deuxième
paragraphe? Le juge peut également, pour des motifs graves, sur
requête, autoriser la prise de possession par l'expropriant avant
l'expiration du délai, etc. Pourquoi ne pas garder également
cette condition de motifs graves dans les deux cas, dans les deux
paragraphes?
M. PINARD: Je pense bien que, dans le cas des responsabilités qui
incombent au ministre ou au ministère, il ne s'agit pas tellement de
gravité que d'urgence à procéder. Alors, c'est ce que le
tribunal va juger sur la présentation de la requête de la part de
l'expropriant. Il faudra, quand même, que ce soit établi de
façon sérieuse devant le tribunal avant que le juge ne rende son
ordonnance faisant droit à la requête. Maintenant, si vous allez
un peu plus loin dans le paragraphe, vous retrouvez les mots "si
l'exproprié n'en souffre pas un préjudice irréparable".
Alors, c'est tout comme si le législateur avait écrit
préjudice grave.
M. PAUL: Le ministre répond que la preuve devra être
tellement forte que...
M. PINARD: ... cela peut avoir la signification de la
gravité.
M. PAUL: Oui. La preuve à offrir devra être tellement forte
qu'il n'est pas nécessaire de l'invoquer dans le texte pour permettre au
tribunal d'accepter, ou d'acquiescer, ou de refuser cette requête. C'est
cela qu'apporte, comme explication, le ministre. Je ne lui en fais pas le
reproche, je trouve que cela a du bon sens.
Vous ne pouvez pas vous imaginer qu'on est constamment à
l'affût pour saisir notre proie. On préviendra le ministre quand
on sera pour le saisir.
M. PINARD: Adopté, M. le Président? M. PAUL:
Adopté.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Article 49, adopté. Article 50?
M. PINARD: Vous voyez tout de suite le souci du législateur de
protéger l'exploitant agricole. Alors, c'est pourquoi c'est du
droit nouveau le législateur a voulu inscrire, à l'article
50, le paragraphe 2, pour permettre non seulement le paiement d'une
indemnité provisionnelle, dans le cas d'une exploitation agricole, d'un
commerce ou d'une industrie, mais la possibilité que ce soit fixé
sommairement par le tribunal, sur requête qui peut être
présentée par l'expropriant ou par l'exproprié et qui doit
être entendue d'urgence.
Alors, je pense que toutes les garanties sont données par le
législateur dans cet article 50 pour couvrir les cas qu'on a
discutés tantôt, dans le cas de l'exploitant agricole, dans le cas
du propriétaire d'un commerce ou d'une industrie qui pourraient subir
des préjudices graves si de pareilles précautions
n'étaient pas prises par le législateur à l'article
50.
Je pense que c'est facile à imaginer quels sont les cas qui
peuvent être prévus. C'est un changement énorme par rapport
au régime qu'on a connu sous l'empire de l'ancienne loi.
M. PAUL: M. le Président, aussi entre la première version
et la deuxième. Dans la deuxième version, le ministre tient
compte des fonds de commerce et d'industrie, ce qui ne semblait pas avoir
été retenu dans la première version. Les mémoires
du Barreau et de la chambre de commerce ont attiré l'attention du
ministre là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté, l'article 50?
M. PAUL: Adopté. M. PINARD: Adopté.
M. BURNS: Bien, est-ce que vous attendiez une réponse?
M. PAUL: Non, non.
M. BURNS: Dans l'esprit du ministre et de ses légistes, le mot
"comprend", dans le premier paragraphe, relativement aux locataires et
occupants de bonne foi, laisse entendre que ce n'est pas, évidemment,
limitatif. Est-ce cela?
M. PINARD: Ce n'est pas limitatif, c'est ça. M. BURNS: D'accord.
Adopté.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté. Article 51?
M. PINARD: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté. Article 52? Adopté.
M. PAUL: Un instant, un instant. Non, non, je réfléchis
pour le moment, ce qui n'est pas la marque de distinction des
députés de l'autre côté. Adopté, M. le
Président, quant à moi.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté. Article 53?
M. PINARD: II n'y a pas de changement, M. le Président,
adopté. Un instant.
M. PAUL: A l'article 53, dans la première version, nous avions
l'emploi du terme "provisionnelle": "Peut déposer au greffe de la cour
Supérieure le montant de l'indemnité provisionnelle". On ne l'a
pas dans ce texte-ci.
M. PINARD: Je pense qu'il s'agit de l'indemnité finale.
M. PAUL: Non, non. On est toujours au même article, l'article
53.
M. PINARD: L'article 53, oui.
M. PAUL: A la deuxième ligne, en haut de la page 12.
M. PINARD: Oui. Il s'agit de l'indemnité finale, non pas de
l'indemnité provisionnelle.
M. PAUL: "Lorsque le bien exproprié est grevé de droits
réels enregistrés, l'expropriant peut déposer au greffe de
la cour Supérieure le montant de l'indemnité..." C'est
l'indemnité provisionnelle.
M. PINARD: Non, il s'agit de l'indemnité finale, tandis que
l'indemnité provisionnelle est mentionnée à l'article 48
b).
M. PAUL: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Article 53, adopté? Adopté.
Article 54.
M. PAUL: M. le Président, à la lecture de l'article 54, ce
n'est que dans le cas de désistement partiel que le tribunal
indemnisera, fixera le montant de l'indemnité auquel l'exproprié
a droit. S'il n'y a pas de désistement partiel, il n'a pas droit
à l'indemnité?
M. PINARD: Est-ce que le député de Maskinongé
pourrait aller un petit peu plus loin dans l'élaboration de sa
pensée et me dire quelle signification sa préoccupation peut
avoir?
M.PAUL: Au paragraphe 2 de l'article 54: "Au cas de désistement
partiel, le tribunal fixe le montant de l'indemnité auquel
l'exproprié a droit en tenant compte du désistement et accorde
des dommages, s'il y a lieu, pour la partie dont l'expropriant s'est
désisté." S'il n'y a pas de désistement partiel, le
tribunal ne fixe pas l'indemnité? Qu'est-ce qui arrive, à ce
moment-là?
M. PINARD: D'après l'interprétation que nous en donnons et
que les juristes en donnent, il y aurait effectivement indemnité.
M. PAUL: II règle l'indemnité. M. PINARD:
Indemnisation.
M. PAUL: Au total. Et c'est à ce momen-là qu'un jugement
d'homologation peut intervenir.
M. AUDET: ... M. le Président.
M. PAUL: Oui mais l'accessoire sur le principal.
M. PINARD: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Kennedy): Article 55.
M. PINARD: II s'agit encore, M. le Président, du problème
de la mise en possession au cas de refus de l'exproprié de permettre
à l'expropriant de prendre possession du bien exproprié.
L'expropriant présente une requête devant le tribunal pour se
faire mettre en possession. En cour Supérieure, pardon.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Article 55, adopté?
M. PAUL: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté. Article 56.
M. PINARD: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté. Article 57.
M. AUDET: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Ici à l'article 57, je proposerais un amendement.
"L'article 57 est modifié en ajoutant les deux alinéas suivants:
De plus, une indemnité dite de dommages moraux égale à 5
p.c. de la totalité de l'indemnité devra être
ajoutée à l'indemnité globale." Et enfin: "Le tribunal
pourra accorder une indemnité pour dommages qui résultent
indirectement d'une expropriation à une personne qui lui ferait la
preuve de tels dommages."
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest propose que l'article 57 soit modifié en ajoutant les
deux alinéas suivants: "De plus, une indemnité dite de dommages
moraux égale à 5 p.c. de la totalité devra être
ajoutée à l'indemnité globale." Enfin: "Le tribunal pourra
accorder une indemnité pour dommages qui résultent indirectement
d'une expropriation à une personne qui lui ferait la preuve de tels
dommages."
M. AUDET: Nous proposons cet amendement parce que nous croyons que parmi
les personnes qui se voient expropriées il y a toutes sortes de gens,
des personnes âgées, des personnes plus jeunes ou moins jeunes.
Cela n'agit pas toujours de la même façon sur le moral des gens.
On voit dans certains cas des vieillards déracinés de leur foyer
et transplantés ailleurs, imaginez-vous.
Je crois que même si on peut sourire à l'occasion, dans
certains cas, ça ne doit pas être drôle de se faire
déraciner, d'être obligé de partir de chez soi, où
on a passé sa vie entière. Ils se voient transplantés
ailleurs.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je
voudrais lire une autre fois lentement votre proposition d'amendement avant de
vous donner la parole.
M. PINARD: Si vous me le permettez, vous êtes en train de faire
l'étude de l'amendement?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai une certaine réticence
à accepter l'amendement proposé par le député
d'Abitibi-Ouest, parce qu'il dit "de plus, une indemnité de 5 p.c. pour
dommages moraux", ce qui vraiment implique un déboursé
d'argent.
M. AUDET: M. le Président...
M.PAUL: Si vous me le permettez, je vais différer quelque peu
d'opinion avec vous.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai dit que j'avais une certaine
réticence; je voudrais avoir des éclaircissements.
M. PAUL: Oui, disons qu'à ce moment-là je vais essayer de
vous orienter dans l'appréciation du texte de cet amendement. Je
comprends que vous avez la conscience torturée par les dispositions de
l'article 64 de notre règlement où il est dit qu'une motion ne
peut être présentée que par un représentant du
gouvernement, après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil,
lorsqu'elle a pour objet direct l'imposition d'une charge additionnelle". Mais
il ne faut pas oublier une chose, c'est que nous ne légiférons
pas exclusivement pour régler des problèmes d'expropriation de
voirie ou du ministère des Transports. C'est une loi-cadre de
l'expropriation.
D'autant plus que le juge aura toujours cette liberté d'accorder
ou de refuser les dommages moraux. Ce serait différent si c'était
un genre de clause pénale qu'on ajoutait à l'indemnité
d'expropriation. Mais ce n'est pas par le fait qu'un individu aurait droit
à une indemnité d'expropriation que le juge devra, chaque fois,
la lui accorder. Du moins ça ne semble pas être
l'interprétation que je donne à la proposition d'amendement du
député d'Abitibi-Ouest. Il y aura possibilité pour le juge
d'accorder de tels dommages moraux, mais le juge ne sera pas
nécessairement dans l'obligation d'en accorder. Il pourra toujours
exiger que la preuve soit faite de certains dommages moraux résultant
pour l'exproprié d'une procédure d'expropriation ou d'un
déracinement, d'un déportement, appelez-ça comme vous
voudrez. Le député d'Abitibi-Ouest employait, tout à
l'heure, l'expression "qui sont déracinés" de leur milieu,
spécialement les vieillards. Encore là, le tout devrait
être laissé à l'appréciation du tribunal.
Quant à moi, j'aimerais mieux, pour rencontrer l'esprit de
l'amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest,
qu'à la quatrième ligne on emploie le terme "pourra être
ajouté à l'indemnité globale" plutôt que "devra
être ajouté à l'indemnité globale", ce qui donnerait
beaucoup plus de liberté au juge d'apprécier et surtout d'exiger
la preuve de certains dommages moraux.
Maintenant, reste à savoir si nous allons accepter le principe de
l'indemnité pour dommages moraux. C'est là qu'est le
problème.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): En fait, s'il y a un consentement unanime
pour changer le mot "devra" pour "pourra", je vais accepter l'amendement, mais
si le mot "devra" demeure je ne l'accepterai pas, parce que c'est une
indemnité automatique et non pas décidée par le
tribunal.
M. AUDET: Nous acceptons, M. le Président, le changement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): "Pourra", parfait. Le
député...
M. BURNS: D'accord.
M. MAILLOUX: Le député de Maskinongé a
invoqué un article de notre règlement qui dit qu'un membre de
l'Opposition n'a pas le droit, évidemment, de proposer un "money bill",
une dépense de fonds publics, mais il demeure que si, à
l'intérieur de tous les expropriants possibles, il y a également
le ministère de la Voirie ou un autre ministère du gouvernement
qui est visé par l'amendement proposé par le député
d'Abitibi-Ouest, à ce moment-là ça devient un "money
bill", même si le ministère de la Voirie n'était qu'un des
expropriants possibles.
M.PAUL: M. le Président, je signalerai au ministre d'Etat
à la Voirie que le député d'Abitibi-Ouest a amendé
le texte de sa proposition. Il a remplacé le mot "devra" par le mot
"pourra." Je rejoindrais l'opinion exprimée par le ministre d'Etat si le
député d'Abitibi-Ouest s'en était tenu au mot qu'il avait
employé originairement, c'est-à-dire "devra", mais puisqu'il
assouplit ou permet une interprétation judiciaire de ces dommages
moraux, je crois qu'il y a moins de risques d'adopter ce texte d'amendement
parce qu'en aucune façon cette charge ne lie le gouvernement. Ce qui
arrive assez souvent, en pratique, c'est que nos juges tiennent compte, par
exemple, du fait qu'un individu a droit à certains dommages moraux, des
douleurs et souffrances, par exemple. Ils n'en tiendront pas compte beaucoup
dans l'adjudication d'un montant spécifique pour l'article douleurs et
souffrances, mais ils vont peut-être augmenter de $300, $400 ou $500 le
montant d'incapacité partielle ou permanente auquel le demandeur peut
avoir droit.
Je pense bien que l'emploi du terme "pourra" plutôt que "devra",
à mon humble point de vue, devrait calmer l'inquiétude du
président et du ministre d'Etat à la Voirie.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, mon collègue
d'Abitibi-Ouest a accepté de modifier le premier alinéa de son
amendement, qui est en tout point conforme avec l'esprit qui nous avait
guidés dans la rédaction de nos amendements, compte tenu du fait
que vous remarquerez que dans le deuxième alinéa il est bien dit
qu'enfin le tribunal "pourra"... Nous voulons remercier notre collègue,
le député de Maskinongé, d'avoir bien voulu apporter cette
correction qui respecte très bien l'esprit qui nous a animés.
Si nous avons proposé ces deux alinéas, je dirai que c'est
pour des raisons bien particulières. En ce qui a trait au premier, il
est temps qu'il y ait des dispositions dans nos lois de l'expropriation pour
prévoir des mécanismes en vue d'accorder des
bénéfices additionnels, face à des dommages moraux.
Je pense qu'il y a beaucoup de personnes expropriées, surtout les
petites gens, qui ont eu à subir de tels dommages sans avoir aucun
recours possible parce qu'il n'y avait aucune disposition dans les lois de
l'expropriation concernant ce fait.
Au deuxième paragraphe, je demanderais à l'honorable
ministre des Transports de porter une attention particulière au cas que
nous allons lui signaler. Je vais citer un exemple, prenons le cas de
l'expropriation qui a découlé de l'aménagement de
l'aéroport de Sainte-Schop.c. lastique. Il y a des personnes qui ont
été expropriées, qui ont dû déménager;
d'autres personnes, qui ne faisaient pas partie du territoire exproprié,
à la limite même, avaient des commerces qui étaient
rentables parce qu'il y avait une population sur place qui faisait affaires
à ces endroits. Je parle de la région de Sainte-Scholastique,
entre autres; on pourrait trouver le même phénomène dans la
région du parc de la Gaspésie, on pourrait trouver le même
phénomène ailleurs.
Je pense qu'il est temps qu'on se penche sur les cas de personnes qui ne
sont pas expropriées mais qui, parce qu'on exproprie une grande partie
de la population de l'endroit, qu'on les envoie vivre ailleurs, demeurent seuls
avec leur commerce, sans clientèle et sans aucune possibilité de
recours pour être en mesure de bénéficier de
dédommagements. Je pense que c'est très important et c'est
pourquoi nous avons voulu, lors de l'étude de cette présente loi
et à l'article 57 particulièrement, puisque c'est l'endroit pour
placer ces deux alinéas, qu'on prévoie justement des dispositions
pour les deux cas que je viens de vous mentionner.
Il est quand même extrêmement déplorable de voir
qu'il y a des gens qui, à un moment donné je reviens
encore sur la question de l'aéroport de Sainte-Scholastique ont
à peu près tout perdu ce qu'ils avaient, des commerces dont la
valeur marchande, dont la valeur commerciale, le goodwill comme on l'appelle,
est tombé pratiquement à zéro et les possibilités
de vendre cesdits commerces sont devenues complètement nulles parce
qu'il n'y avait aucune rentabilité.
Je pense que cela a été une omission dans les lois
précédentes, une omission que le gouvernement se doit de corriger
à ce moment-ci, compte tenu du fait que cette loi de l'expropriation
constitue une loi-cadre, une loi que le gouvernement adopte pour un bon bout de
temps. Je demanderais donc à l'honorable ministre d'examiner ces deux
amendements, c'est-à-dire cet amendement à l'article 57
concernant ces deux alinéas, de bien examiner la question et de prendre
les dispositions pour adopter ces deux alinéas pour tâcher que la
loi respecte ces points et tienne compte des faits que nous avons
mentionnés.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Transports.
M. PINARD: Si on me permet de dire un mot là-dessus, c'est que
l'article actuellement en discussion reproduit presque textuellement le premier
paragraphe de l'article 780 du code de procédure civile. C'est
l'économie de notre loi et qui a été jugée à
maintes reprises par les tribunaux. Les tribunaux n'ont jamais reconnu le droit
de l'exproprié à se faire indemniser pour les dommages indirects.
On se souvient qu'à une certaine époque il y avait 10 p.c. qui
étaient payables pour troubles et inconvénients, mais un moment
donné la cause a été portée en cour Suprême.
Celle-ci a jugé que les 10 p.c. ne devaient pas être payés
à titre de dommages indirects ou même pour troubles et
inconvé-
nients puisque l'indemnité avait été établie
pour payer tous les dommages directs dont la preuve avait été
faite. Alors, depuis ce jugement de la cour Suprême, les cours s'en sont
toujours tenues à la fixation de l'indemnité pour les dommages
directs causés à l'exproprié.
M. AUDET: II faut dire, M. le Président, que dans les lois
d'expropriation de la province d'Ontario et du Canada on prévoit
l'indemnisation pour dommages indirectes, le Canada et l'Ontario.
M. PINARD: II faut admettre que, dans le cas de relocalisation, la loi
fédérale permet la fixation d'une indemnité; ce serait le
cas pour les expropriés dans le territoire de Sainte-Scholastique. Dans
la loi de l'Ontario c'est vrai qu'il existe cette notion d'indemnisation dans
le cas de l"'injurious affection." Cela n'existe pas dans le droit
français et dans l'économie de notre droit au Québec,
notre loi qui s'inspire du droit français, du code Napoléon, du
code civil.
M. PAUL: Dans le dernier jugement de la Régie des services
publics dans la cause de la cité de Hull contre Mme Micheline Breton, il
y a toute une philosophie dangereuse. J'en ai longuement parlé, en
deuxième lecture.
M. PINARD: Enfin, ce n'est pas parce que le vice-président de la
Régie des services publics aurait élaboré longuement sur
cette notion que sa prétention serait retenue par un tribunal d'appel,
par exemple.
M. PAUL: Non, non! c'est parce que le ministre dit qu'on n'en tient pas
compte ici. Je voulais tout simplement attirer son attention sur le fait que la
Régie des services publics a commencé à en tenir compte.
Est-ce une indemnité bien fondée ou pas en droit? Je ne l'ai pas
analysée sous cet angle-là dans mon discours de deuxième
lecture. J'ai tout simplement cité d'abondance le jugement de la
Régie des services publics.
M. PINARD: Alors, je pense qu'il serait très dangereux de mettre
dans un texte de loi la possibilité d'indemnisation d'un dommage
indirect, qu'il est presque impossible de définir tant il pourrait y
avoir de catégories. Ce n'est presque pas appréciable.
M. AUDET: Le juge pourrait en disposer, le juge est là pour
ça. S'il juge qu'il y a un dommage indirect, d'après la preuve
apportée par l'exproprié, je crois que si c'était
mentionné dans le bill, il pourrait en bénéficier.
M. PINARD: Laissons la responsabilité aux juges d'en faire
état dans leurs jugements...
M. BURNS: II est minuit, Dr Schweitzer.
M. PINARD: ... s'ils le désirent, quitte à ce qu'il y ait
des appels de leurs décisions. Mais je ne suis pas prêt à
mettre dans le texte du projet de loi un article spécifique pour couvrir
ces dommages indirects dont les catégories peuvent être
indéfinies et presque indéfinissables.
M. ROY (Beauce): II est minuit, M. le Président.
M. PINARD: Alors, adopté. M. ROY (Beauce): Non, non! M. BURNS:
Non! M. ROY (Beauce): Un instant.
M. BURNS: Je n'ai pas parlé là-dessus encore.
M. PINARD: Je pensais que le député de Maisonneuve...
M. ROY (Beauce): II est minuit, M. le Président.
M. PINARD: ... était impatient de voir cet article
adopté.
M. BURNS: Je n'ai pas parlé. Oui, je ne vous blâme pas
d'être impatient. C'est votre article central.
M. PINARD: Non, non!
M. BURNS: Bien oui! mais on a des choses à dire là-dessus
quand même.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur l'amendement?
M. BURNS: Sur l'amendement et sur l'article aussi. Je ne me risquerai
pas d'en parler à minuit parce que...
UNE VOIX: II est minuit.
M. BURNS: ... je violerais le règlement.
M. LEVESQUE: Vous pourriez prolonger le...
M. PAUL: On a prolongé d'une demi-heure, aujourd'hui.
M. LEVESQUE: Pardon?
M. PAUL: On a prolongé d'une demi-heure, aujourd'hui.
M. LEVESQUE: C'est vrai. M. PAUL: Bon!
M. ROY (Beauce): Minuit, c'est assez.
M. BURNS: Je suis bien prêt à vous donner une autre
demi-heure, en ce qui me concerne, demain.
M. LAURIN: Le ministre connaît notre vitalité.
M. BURNS: On est même prêt à vous donner, d'avance,
en ce qui vous concerne, je ne parle pas pour les autres partis, une
demi-heure, de la même façon, demain.
M. LESSARD: Minuit.
M. LEVESQUE: Demain?
M. BURNS: Demain.
M. LESSARD: On négociera demain.
M. BURNS: Mais pas ce soir.
M. LAMONTAGNE (président de la commission
plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire
rapport que la commission plénière étudiant le projet de
loi no 88 n'a pas fini de délibérer et demande la permission de
siéger à nouveau.
LE PRESIDENT: Elle siégera?
M. PAUL : Le ministre va-t-il se risquer à nous donner un peu un
avant-goût de notre travail d'aujourd'hui?
M. VINCENT: Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui?
M. LOUBIER: Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, M. le leader?
M. PAUL: D'abord, vous êtes au courant que les deux commissions
parlementaires ont terminé?
M. LEVESQUE: On serait prêt à continuer
immédiatement.
M. LOUBIER: Non, c'était hier, cela. M. PAUL: C'était
hier, cela.
M. LEVESQUE: Aujourd'hui, on pourrait passer une heure ensemble,
immédiatement.
M. BURNS: Est-ce une proposition?
M. LOUBIER: Une proposition dangereuse.
M. PAUL: Les invitations à minuit, là!
M. LEVESQUE: M. le Président, demain matin, à dix heures,
nous reprendrons les travaux de la Chambre. Nous pourrons, ensuite, avoir
quelques minutes avec la commission parlementaire des affaires municipales,
parce qu'il reste deux projets de loi à revoir pour certains
détails. En Chambre, nous pourrons entreprendre l'étude des
projets de loi suivants: projet de loi no 29, Loi accordant des subventions aux
municipalités de 25,000 habitants ou plus; projet de loi no 31,
Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes
publics; projet de loi no 23, Loi constituant la Société
Inter-Port de Québec; projet de loi no 2, Loi modifiant la loi des
tribunaux judiciaires, projet de loi no 275, Loi modifiant la loi de la
Législature; projet de loi no 85, Loi modifiant de nouveau la loi des
tribunaux juridicaires; projet de loi no 63, Loi du Conseil du statut de la
femme. Nous pourrons également continuer l'étude du projet de loi
no 88, Loi de l'expropriation.
M. PAUL: Mais tout ça est sujet à changement?
M. LEVESQUE: Vous l'avez deviné.
M. VINCENT: Si on terminait ça, par hasard?
M. LEVESQUE: Et tout ce qu'il y a au feuilleton. Et le tout sujet
à changement.
M. PAUL: Pour rejoindre l'opinion du ministre, l'information qu'il vient
de nous donner, tout ce qu'il y a sur le feuilleton, est-ce l'intention du
ministre d'appeler demain la deuxième lecture du projet de loi 153, Loi
concernant la municipalité de la paroisse de
Saint-Raphaël-de-1'Ile-Bizard?
M. LEVESQUE: Cela peut paraître bizarre au leader parlementaire de
l'Opposition officielle, mais il n'est pas impossible que nous traitions
également de ce sujet.
M. PAUL: Très bien, on va se préparer.
LE PRESIDENT: Après les travaux que vous avez
annoncés?
M. LEVESQUE: Oui.
M.PAUL: ... et on va décider d'ajourner à minuit?
M. LEVESQUE: Après, avant ou pendant.
LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à ce matin
dix heures.
(Fin de la séance à 0 h 5)