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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mardi 3 juillet 1973 - Vol. 13 N° 52

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: M. le Président, je demanderais le consentement unanime de la Chambre afin que les projets de loi puissent être appelés, même ultérieurement au cours de la journée, car les légistes m'avisent que les textes devraient être prêts au cours de l'après-midi.

LE PRESIDENT: II y a consentement unanime à cet effet?

M. PAUL: Encore un exemple de collaboration, M. le Président.

LE PRESIDENT:

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

DOCUMENTS DEPOSES

M.CASTONGUAY: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer deux copies du rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie pour l'exercice 72/73, de même que de l'annexe statistique couvrant l'année 1972, et deux copies des communiqués de presse émis par la régie à la même occasion.

M. PAUL: M. le Président, vous permettez que je pose une question à l'honorable ministre? Peut-il nous dire quand il a eu ces rapports pour dépôt à la Chambre?

M. CASTONGUAY: Vendredi matin, j'ai eu le rapport annuel. L'annexe statistique n'a été livrée qu'au cours de l'après-midi de vendredi. Il était impossible, à mon sens, de les déposer au complet dès la journée de vendredi. C'est la seule et unique raison.

M. PAUL: Je comprends que le ministre exprime, au moins, le regret que nous ne les ayons pas eus pour préparer l'étude de la loi de ce matin.

M. CASTONGUAY: Je doute fort que vous y trouviez des données qui influencent beaucoup vos réactions par rapport à ce projet de loi.

M. PAUL: La fin de semaine était longue; on aurait trouvé quelque chose.

M. TETLEY: Cela commence bien.

LE PRESIDENT: Questions orales des députés.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS DES DEPUTES

Usine Domtar de Trois-Rivières

M. LOUBIER: M. le Président, je ne sais pas si le ministre des Terres et Forêts va être en mesure, en l'absence du ministre de l'Industrie et du Commerce et du premier ministre, de répondre aux questions que je vais lui soumettre. S'il était incapable de le faire, je lui demanderais, à lui ou au leader parlementaire, de prendre avis de ces questions pour que le premier ministre ou le ministre de l'Industrie et du Commerce puisse me répondre demain.

Il s'agit de savoir pourquoi l'annonce officielle de l'achat par Kruger des installations de Domtar à Trois-Rivières, annonce officielle qui devait avoir lieu vendredi dernier, n'a pas eu lieu. Deuxièmement, est-il exact que ce serait le gouvernement du Québec qui, à la dernière minute, aurait fait avorter l'annonce de cette transaction et de la reprise des activités de Domtar à Trois-Rivières? En troisième lieu, serait-il exact qu'en ce faisant le gouvernement mettrait de côté le projet de Kruger qui mûrit depuis dix ans à Saint-Félicien et que ce serait une des raisons fondamentales qui feraient que le gouvernement aurait fait avorter l'annonce de cette transaction?

M. DRUMMOND: M. le Président, en ce qui concerne le projet de Saint-Félicien sur cet aspect de la question, Kruger n'est plus dans le jeu dans cette région. La raison pour laquelle l'annonce n'a pas été faite vendredi dernier, c'est simplement qu'il n'y avait pas entente entre la compagnie Kruger et le gouvernement vis-à-vis des garanties d'approvisionnement. Alors il faut continuer les négociations dans ce sens en essayant de trouver la bonne solution.

M. LOUBIER: Est-ce que j'ai bien compris le ministre quand il dit, premièrement, que le projet de Kruger à Saint-Félicien est définitivement mort et enterré?

M. DRUMMOND: Depuis assez longtemps, M. le Président, on transige avec d'autres intéressés dans cette région et on essaie de trouver une solution vis-à-vis des garanties d'approvisionnement pour l'usine de Trois-Rivières.

M. LOUBIER: Maintenant, est-ce que le ministre des Terres et Forêts est en mesure de

nous dire quand son ministère sera en position de régler cet aspect de la transaction, c'est-à-dire l'approvisionnement en bois pour Kruger?

M. DRUMMOND: Disons qu'on travaille très, très fort en essayant d'arriver à une entente qui serait acceptée par les deux parties. Dire que ça va se réaliser d'ici une semaine, ce serait difficile, mais par contre c'est évidemment prioritaire d'essayer de trouver cette solution.

M. PAUL: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le député de Trois-Rivières est mandaté de la part du gouvernement dans ces négociations et assiste-t-il aux séances prévues entre le gouvernement — dans les circonstances le ministère des Terres et Forêts — et la compagnie Kruger pour tâcher de conclure cette entente d'approvisionnement de bois?

M. DRUMMOND: M. le Président, je suis toujours en contact avec le député de Trois-Rivières, qui suit le projet de près.

M. BELAND: M. le Président, est-il vrai également que le ministre aurait promis à la compagnie Kruger que le projet de la cartonne-rie à Cabano ne partirait pas?

M. DRUMMOND: Non.

M. ROY (Beauce): Un instant, le ministre est prêt à répondre.

M. DRUMMOND: J'ai dit non.

LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

Automobiles Firenza

M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Institutions financières. Suite à de nouvelles démarches auprès du ministre par l'APA, le ministre est-il en mesure de nous dire s'il a l'intention de répondre à ses demandes, notamment en exerçant, au nom du gouvernement du Québec, des pressions auprès du ministre fédéral, M. Herb Gray, et du ministre des Transports, M. Jean Marchand, en ce qui concerne les plaintes des 259 propriétaires québécois de voitures automobiles Firenza?

M. TETLEY: M. le Président, jusqu'à maintenant, j'ai répondu à toutes les demandes de l'APA au sujet de la voiture Firenza. J'ai une autre rencontre ce matin ou cette semaine avec le représentant de l'APA à Québec, M. Rousseau.

M. SAMSON: M. le Président, une question supplémentaire. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si c'est l'intention de son ministère de demander que l'Office de la protection du consommateur ouvre une enquête sur le bien-fondé de chacune des plaintes des 259 propriétaires de voitures Firenza au Québec?

M. TETLEY : Non, M. le Président, c'est un problème trop compliqué. Comme je l'ai déjà dit, c'est un problème plutôt pour le fédéral, mais nous allons faire les pressions nécessaires auprès du fédéral comme nous l'avons fait dans le passé.

M. SAMSON: Est-ce que l'Office de la protection du consommateur pourrait étudier le cas de la publicité qui a été faite autour de cette voiture, suivant l'article 60 de la loi 45?

M. TETLEY: Oui. J'accepte cette suggestion avec plaisir.

LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

Stratégie de développement économique

M. JORON: M. le Président, il n'y a pas beaucoup de ministres économiques; je vais adresser ma question au leader parlementaire, responsable aussi des Affaires intergouvernementales et de l'Office de planification. Est-ce que le ministre peut nous dire comment il se fait qu'une stratégie de développement économique pour le Québec ait été publiée par le gouvernement fédéral, rendue publique la semaine dernière par M. Jamieson avant que le gouvernement ou l'Office de planification, dont le leader parlementaire est responsable, l'ait fait?

Quelle a été la participation de l'Office de planification du Québec à l'élaboration de cette stratégie de développement? Est-ce que cette stratégie, enfin, correspond aux objectifs du gouvernement du Québec? Est-ce que les objectifs énoncés sont complets ou si vous en avez d'autres?

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois bien qu'on ne peut pas dire que le gouvernement fédéral a déposé une stratégie de développement économique. Si mes renseignements sont exacts, on a déposé le volume qu'on nous avait déjà fait connaître ici lors de la visite de M. Jamieson. Il s'agissait plutôt de donner un inventaire, un bilan de la situation telle que vue par Ottawa. Nous poursuivons présentement des études d'une façon intense afin d'être en mesure, le plus tôt possible, de donner ce qu'on appellerait réellement une stratégie de développement économique préconisée, élaborée, articulée au Québec.

M. JORON: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le gouvernement entend prendre acte de quelques-unes des principales

recommandations de M. Jamieson? A titre d'exemple, j'en donne une de mémoire: ses investissements accrus dans le domaine de la sidérurgie. Est-ce que le gouvernement est prêt â prendre acte de quelques-unes des recommandations?

M. LEVESQUE: Nous l'avons déjà dit, les résultats qui paraissent dans ce document nous semblent, généralement parlant, assez fidèles et assez exacts, mais cela ne veut pas dire que cela couvre entièrement le sujet. Nous voulons, à l'invitation même du gouvernement fédéral, faire connaître notre point de vue et cela dans les meilleurs délais.

M. JORON: Par rapport â cette question de délai, faisant peut-être une synthèse de ce qui a été publié à Ottawa et de ce qui est peut-être en préparation à l'Office de planification, est-ce que le ministre peut nous dire quand, approximativement, le gouvernement de Québec peut présenter au public une stratégie de développement pour le Québec?

M. LEVESQUE: M. le Président, il faut bien dire que jusqu'à maintenant, nous avons énormément de données; il y a eu beaucoup d'études de complétées. Nous sommes à faire une évaluation grâce à la collaboration qui existe entre le comité interministériel des affaires économiques, l'Office de planification et de développement du Québec et son groupe ministériel ainsi que le Conseil du trésor. Des communications se font d'une façon très intense présentement. Nous devrions à l'automne être en mesure d'avoir un document complet ou aussi complet qu'on peut l'avoir dans les circonstances. Il ne faut pas croire cependant que du côté d'Ottawa et du côté de Québec la situation est statique en attendant. Au contraire, de nombreuses rencontres ont lieu présentement aux divers niveaux et particulièrement au niveau du comité fédéral-provincial, le comité provincial étant formé du sous-ministre des Affaires intergouvernementales, du sous-ministre de l'Industrie et du Commerce et du président directeur général de l'OPDQ. Même si les documents ne sont pas complets ils servent présentement de base à des discussions entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

Grains de provende

M. VINCENT: M. le Président, en l'absence du ministre de l'Agriculture, j'aimerais adresser ma question au ministre des Finances, pour deux raisons. D'abord, parce que je connais ses antécédents sur le plan agricole et parce qu'au cours de la fin de semaine il a peut-être eu l'occasion de rencontrer des membres de sa famille qui sont dans l'agriculture. Est-ce que le ministre des Finances pourrait faire enquête et par la suite faire rapport à la Chambre sur une question que j'ai soulevée, il y a une dizaine de jours, concernant le prix des grains et plus spécialement le prix de certains aliments à forts pourcentages de protéines tels le colza et le soya qui avaient augmenté au cours des derniers mois d'environ 400 p.c. Pourrait-il aussi faire enquête, à savoir si le litige qui a été connu au grand jour la semaine dernière et qui a amené le gouvernement fédéral à imposer des embargos sur les importations de ces aliments pour bestiaux va causer une perturbation encore plus profonde dans le domaine agricole au Québec? Si le ministre était en mesure de nous faire rapport ces jours-ci, ceci pourrait permettre aux agriculteurs de faire leur planification, au cours des prochains mois, des prochaines semaines, pour l'alimentation du bétail.

M. GARNEAU: Je prends avis de la question, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. LOUBIER: M. le Président, dans le même ordre d'idées, est-ce que le ministre voudrait vérifier le sérieux des menaces faites par le Danemark au Canada et aux Etats-Unis concernant ces exportations pour le Danemark, et ces importations pour nous, de ce que vient de mentionner le député de Nicolet? Je pense que c'est pas mal plus sérieux qu'on n'est porté à le croire, surtout si ces menaces devenaient réalité.

M. GARNEAU: M. le Président, peut-être que le député de Nicolet a fait un lapsus lorsqu'il a parlé des importations. Ce que le gouvernement fédéral, à ma connaissance, a fait, c'est qu'il a, comme mesure de représailles, bloqué les exportations et non pas les importations — je pense que le député de Nicolet a fait un lapsus — ...

M. VINCENT: Les importations également.

M. GARNEAU: ... pour éviter qu'il n'y ait des exportations de ces denrées vers d'autres pays. Mais je ne suis réellement pas en mesure de donner une réponse sérieuse et complète au problème qu'a posé le député de Nicolet, qui est assez vaste et qui, évidemment, dépasse certainement les cadres du ministère des Finances. Je vais en causer avec mon collègue. Peut-être qu'au cours de la semaine on pourra donner une réponse.

M. VINCENT: Mais, en prenant avis de cette question en vue de nous apporter une réponse demain, est-ce que le ministre pourrait également vérifier quelle sera l'influence de la déclaration fracassante du ministre de l'Agricul-

ture, la semaine dernière, contre le gouvernement fédéral sur les prix des grains? Il va falloir que cela donne un résultat un jour.

M. PAUL: Ce n'était pas sérieux.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

Importations de bois venant du Maine

M.ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre des Terres et Forêts. Est-ce que l'honorable ministre des Terres et Forêts pourrait nous dire s'il a reçu une lettre du gouverneur du Maine, concernant le bois exporté et transformé dans la province de Québec? Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il est exact que le Maine s'apprêterait à imposer des restrictions très sévères sur l'exportation du bois?

M. DRUMMOND: M. le Président, je n'ai reçu aucune lettre du gouverneur du Maine.

M. ROY (Beauce): M. le Président, est-ce que l'honorable ministre pourrait nous dire si, à l'heure actuelle, il pourrait faire certaines vérifications à l'effet que le Maine s'apprêterait à imposer des restrictions très sévères sur l'exportation du bois? Est-ce que le ministre des Terres et Forêts pourrait nous dire également s'il compte se pencher sur ce problème et rencontrer, si nécessaire, les dirigeants de l'Etat du Maine, compte tenu du fait qu'un très grand nombre d'industries québécoises, le long de la frontière américaine, vivent de cette importation, de cette transformation du bois.

M.DRUMMOND: M. le Président, je comprends très bien le sérieux de la question. Il y a évidemment des pourparlers depuis quelques années avec l'Etat du Maine concernant tous nos problèmes communs. Je peux assurer le député de Beauce que le gouvernement continuera ses efforts pour protéger l'approvisionnement des usines qui en ont besoin.

M. LATULIPPE: Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac, question additionnelle.

M. LATULIPPE: Est-ce que l'honorable ministre serait en mesure de nous dire si son ministère avait délégué quelques autorités de son ministère aux dernières rencontres du comité interministériel qui ont eu lieu, à la mi-juin, entre les autorités du Maine et les autorités québécoises des divers ministères, et est-ce que cette question a été abordée par vos officiers à cette réunion?

M. DRUMMOND: Oui, M. le Président, le ministère était représenté à cette réunion.

M. LATULIPPE: Une question supplémentaire, M. le Président. Y a-t-il eu des demandes formelles de la part du Québec, y a-t-il eu une politique québécoise d'annoncée aux autorités du Maine et, en retour, est-ce que les autorités du Maine ont fait prévaloir certaines zones d'entente ou certaines préférences pour l'avenir, quant à la politique que les autorités du Maine entendaient adopter à cet égard?

M. DRUMMOND: Disons, M. le Président, qu'on règle ces questions en ayant des réunions d'une façon continuelle. Des réunions qu'on avait commencées, même il y a un an, vont continuer dans le but, évidemment, de protéger les intérêts de la province de Québec.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une question supplémentaire, M. le Président. A quel niveau se poursuivent ces discussions avec l'Etat du Maine? Est-ce qu'il y aura des rencontres au niveau du ministre ou si ce sont actuellement des fonctionnaires qui font les rencontres? Et est-ce qu'il y a d'autres rencontres prévues prochainement?

M. LEVESQUE: M. le Président, il y a eu, en effet, des rencontres assez régulières entre fonctionnaires, de part et d'autre. D y a eu une réunion les 10 et 11 juin dernier, à Augusta. A cette occasion, je représentais le gouvernement, au niveau ministériel. Nous avons eu, avec le gouverneur Curtis, des échanges de vues sur plusieurs sujets, particulièrement sur la question de l'approvisionnement de bois dans l'Etat du Maine ainsi que les problèmes de main-d'oeuvre qui se relient à ce problème,

II a même été question de la situation d'une soixantaine d'usines dans le sud du Québec qui s'approvisionnent au Maine.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Communications aux Affaires sociales

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Il est sûrement au courant du malaise auquel a donné lieu, sur la rive sud, l'implantation d'un nouveau système de communications. Est-ce que le ministère a rencontré les fonctionnaires qui se plaignent du temps et de la fatigue qu'exige la transcription sur de nouveaux formulaires des dossiers de l'assistance sociale, du temps que cela leur enlève pour rencontrer les usagers de la région? Et est-ce que des mesures ont été prises pour corriger les mauvais côtés nécessaires de l'implantation d'un nouveau système qui, par ailleurs, est excellent?

M. CASTONGUAY: C'est la première nouvelle que j'ai de ce problème. L'opération transfert au nouveau système d'administration d'aide sociale se fait de bureau en bureau, selon un certain calendrier. Et il est clair qu'au moment où dans un bureau la transcription se fait en fonction du nouveau système ceci occasionne un certain surplus de travail.

Mais nous avons précisément délégué des équipes pour conseiller le personnel en place, l'aider et, à ce jour, c'est la première nouvelle que j'ai à l'effet qu'il y aurait un malaise dans un bureau donné.

Je vais prendre les renseignements nécessaires.

M. LAURIN: Question additionnelle. Je renvoie le ministre à un article paru dans la Presse du mardi 5 juin. J'aurais voulu poser la question bien auparavant, mais il y avait des questions plus urgentes à poser.

Je voudrais poser une autre question au ministre. Etant donné que l'implantation de ce système doit se poursuivre d'une façon assez rapide à Montréal, à Québec et doit être complétée dans un délai d'un an, le ministère pourrait-il prendre des mesures pour que, dans les autres étapes de l'implantation, on puisse éviter des obstacles auxquels on s'est heurté et accélérer qualitativement aussi bien que quantitativement l'implantation du système?

M. CASTONGUAY: Cela m'intéresse de savoir que la question du député provient d'un article qu'il a lu le 5 juin dernier. Je pense bien que, si le problème s'était perpétué, nous en aurions entendu parler depuis.

Je sais, par les vérifications que j'ai faites, qu'au début il y a eu un certain problème de communications entre les bureaux locaux et l'ordinateur du ministère. Ainsi, pour un après-midi de travail — alors que normalement on aurait pu s'attendre à ce qu'un agent d'aide sociale expérimenté puisse transférer sur ordinateur un certain nombre de dossiers — à cause de problèmes de communications le nombre de dossiers enregistré était beaucoup plus faible au début.

Ce problème a été résolu, selon le rapport que j'ai reçu. Les responsables de la compagnie de télécommunications sont venus et ont analysé la situation. Aujourd'hui le rythme d'inscription a atteint la normale, de telle sorte que le surplus de travail — non anticipé au début — ne semble plus se produire présentement. Et c'est pourquoi je n'ai eu aucun rapport à l'effet qu'il y avait malaise ou difficultés non prévus dans la transformation du système.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, j'aurais eu une question énergique à poser à l'honorable ministre des Richesses naturelles, mais comme il est absent ainsi que quatorze autres ministres, je vous saurais gré de donner la parole au député de Chicoutimi.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Grands Ballets Canadiens

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne suis pas beaucoup plus chanceux, je désirais poser une question au ministre des Affaires culturelles ou, à son défaut, à son adjoint parlementaire. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait refiler la question à ses deux collègues et leur demander de nous faire rapport sur la situation des Grands Ballets Canadiens dont on a dit qu'ils étaient en difficultés très sérieuses?

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): A quel moment, M. le Président, le ministre peut-il nous assurer que réponse sera donnée à nos légitimes inquiétudes?

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de me substituer à ce moment-ci à ceux à qui je dois refiler la question.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.

Politique de câblovision

M. LATULIPPE: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre des Communications. Est-ce que le ministre serait en mesure de nous dire si le comité qu'il avait formé dans le but spécial d'énoncer la politique gouvernementale en matière de câblovision a terminé son travail? Et est-ce que les travaux de ce comité vont se traduire par la présentation d'une loi à l'Assemblée nationale ou si ce sera seulement par réglementation en vertu du bill 35?

M. L'ALLIER: M. le Président, est-ce que le député pourrait répéter le début de sa question; c'est sur la câblodistribution?

M. LATULIPPE: Sur les communications par câble, le ministre avait formé récemment un comité spécial pour établir la politique québécoise; j'aimerais savoir si le comité en question a terminé ses travaux, si la politique québécoise est prête et si ça va faire l'objet d'une réglementation ou d'une loi.

M. L'ALLIER: M. le Président, nous n'avons pas formé de comité spécial pour étudier les questions de câblodistribution. Nous avons plu-

tôt préparé un projet de réglementation que nous avons étudié avec les entreprises de câblodistribution, et nous avons publié, il y a déjà une dizaine de jours, dans la Gazette officielle, le projet de réglementation. Je réfère le député à la Gazette officielle d'il y a une dizaine de jours. Il y trouvera le projet de réglementation sur le câble. Ce projet sera étudié en commission parlementaire au cours de l'été.

LE PRESIDENT: Dernière question. L'honorable député de Maisonneuve.

Congédiement d'employés de CLSC

M. BURNS: M. le Président, il y a quelque temps je posais au ministre des Affaires sociales une question relativement au congédiement de cinq employés du CLSC Hochelaga-Maisonneuve. Il devait faire enquête à ce sujet et nous faire rapport. Sauf erreur, à moins que j'aie été absent quand il l'a fait, je ne l'ai pas entendu faire rapport. Est-ce que le ministre pourrait nous donner des détails à ce sujet?

M. CASTONGUAY: J'ai fait rapport, M. le Président, à la Chambre et je pense bien qu'à ce moment-là le député était absent. Alors, ça va?

M. BURNS: Alors, je n'insiste pas.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales a une réponse à une question posée antérieurement.

Centre hospitalier de Valleyfield

M. CASTONGUAY: Le député de Bourget m'a posé une question vendredi matin au sujet du centre hospitalier de Valleyfield. Il m'a demandé — si ma mémoire est bonne — si nous prévoyions certains services bien spécifiques sur le plan de la radiologie, de la physiothérapie entre autres.

On me dit qu'il y a maintenant aux termes d'un travail très élaboré, une entente générale entre le centre hospitalier et la Direction de la programmation du ministère sur l'identification des services qui doivent être aménagés, leur volume, la distribution des lits, etc. En d'autres termes, le travail de la préparation du programme fonctionnel serait terminé. Présentement, la Direction de l'équipement est en voie de terminer une expertise pour déterminer jusqu'à quel point les bâtiments existants peuvent être utilisés à des fins spécifiques. Ce n'est qu'après cette phase qu'il sera possible d'établir de façon définitive le programme de rénovation et d'addition au centre hospitalier, après qu'un inventaire définitif des bâtiments existants, de leur état, de la possibilité de leur utilisation aura été terminé.

Selon le rapport que j'ai ici, tout se déroule très normalement, et ceci de façon conjointe, c'est-à-dire que le travail s'effectue conjointement par le ministère et les responsables de ce centre hospitalier.

M. LAURIN: Est-ce que le ministre a une idée d'une façon hypothétique du délai qui reste avant le commencement de l'exécution des travaux?

M. CASTONGUAY: Bien, une fois le programme approuvé, une fois l'expertise sur les bâtiments obtenue et le programme de rénovation, d'agrandissement fixé, il va falloir passer à la phase de la préparation des plans et devis avant de pouvoir aller à la phase des soumissions pour la construction. H reste encore un certain nombre de mois pour concrétiser le projet ou le mener au terme de la réalisation concrète de la construction et des améliorations, des rénovations.

M. PAUL: Article 34.

LE PRESIDENT: Oui, allez-y.

M. PAUL: Est-ce que je pourrais savoir du leader du gouvernement quand celui-ci a l'intention de produire le rapport concernant le projet de loi 6 modifiant la Loi des valeurs mobilières, deuxièmement, le rapport de la commission de la justice concernant certaines lois qui ont été étudiées à la commission de la justice? Troisièmement, est-il vrai que c'est l'intention du leader du gouvernement de convoquer à nouveau la commission des affaires municipales pour l'étude du bill de la ville de Montréal et possiblement une reconsidération du projet de loi de la ville de Québec?

M. LEVESQUE: M. le Président, dans les deux premiers cas, je pense bien que le rapport sera fait dès demain. Quand à la dernière question, je sais qu'il y avait certaines modifications mineures d'envisagées, mais je préférerais que le ministre des Affaires municipales explicite ce sujet.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il faudrait effectivement que la commission des affaires municipales siège brièvement, le projet de loi de Montréal devant être modifié en ajoutant un article. Certains députés se rappelleront qu'il y a un article qui doit être ajouté pour prévoir une amélioration de la pension de M. Pacifique Plante. Dans le cas du projet de loi de la ville de Québec il y a également quelques additions qui ont été acceptées par les conseillers juridiques de la ville, qui ne comparaîtront même pas, pour établir une concordance avec ce qui a été accepté dans le cas de Montréal, quant à l'approbation du ministre de l'Industrie et du Commerce pour certains gestes qui pourraient être posés par la ville.

M. PAUL: M. le Président, dans les circonstances, il semblerait, d'après la réponse du ministre, que les parties ne seront pas convoquées devant la commission parlementaire des affaires municipales. Quand le ministre a-t-il l'intention de convoquer la commission des affaires municipales, si on envisage une possibilité de terminer nos travaux cette semaine?

M. GOLDBLOOM: Probablement demain, M. le Président, puisque ce sera une séance très brève. Le leader du gouvernement indiquera le moment.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une courte question également à poser au leader du gouvernement en vertu de l'article 34. Est-ce que le leader du gouvernement, compte tenu du fait qu'il semble que nos travaux seraient ajournés au cours de cette semaine, compte nous annoncer, d'ici â la fin de nos travaux, que des séances de la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pourraient avoir lieu au cours de l'été pour étudier le rapport de la Commission de l'industrie de la construction et les autres problèmes connexes, et également pour étudier le rapport du Vérificateur général et le rapport du Protecteur du citoyen? Est-ce qu'on compte convoquer des commissions parlementaires au cours des vacances d'été à ce sujet-là et est-ce que le ministre, leader du gouvernement, pourrait nous annoncer cela au cours de la semaine? Est-ce qu'il compte nous faire des annonces à ce sujet-là cette semaine?

M. LEVESQUE: M. le Président, nous n'avons pas, à ce moment-ci, de précisions à fournir. Nous tâcherons de répondre à cette question avant l'ajournement.

M. BURNS: M. le Président, ce matin, j'avais une question à poser au ministre de la Justice, relativement à l'affaire Saulnier. Est-ce que le ministre peut nous dire si le ministre de la Justice sera ici pour faire un peu de lumière sur cette affaire et à quel moment il sera ici?

M. LEVESQUE : M. le Président, le ministre de la Justice devrait être ici au cours de la journée. Je n'ai pas reçu d'indication contraire. Il y a, d'ailleurs, des projets de loi au feuilleton à son nom.

M. BURNS: Est-ce qu'on peut s'attendre qu'il soit là lors d'une prochaine période de questions? C'est dans ce sens-là que je posais la question.

M. LEVESQUE: Probablement, oui.

LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, je donnerai la parole à l'honorable député de Beauharnois, sur une question de privilège.

Question de privilège

Médecins spécialistes

M. Gérard Cadieux

M. CADIEUX: M. le Président, les hebdomadaires du comté de Beauharnois ont rapporté les propos du candidat péquiste défait aux dernières élections, à l'effet qu'une assemblée des médecins spécialistes se serait tenue il y a quelques semaines et qu'il y aurait eu, auprès de ces médecins, en vue d'élire un représentant au centre hospitalier, du tripotage libéral et l'intervention du député de Beauharnois. Or, M. le Président, je déclare de mon siège que je n'étais pas au courant qu'il y avait assemblée, que j'étais ici à Québec et que je n'ai communiqué avec aucun médecin par lettre, par téléphone ou de toute autre façon.

De toute façon, M. le Président, ce serait faire injure aux médecins spécialistes de mon comté de penser qu'ils peuvent se laisser tripoter.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LEVESQUE: M. le Président, nous pourrions immédiatement revenir aux projets de loi au nom du gouvernement. Je vous demanderais d'appeler l'article c).

Projet de loi no 33 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lecture de la Loi modifiant la loi de l'évaluation foncière. L'honorable ministre des Affaires municipales.

UNE VOIX: Ce n'est pas fort.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, ce projet propose diverses modifications à la Loi sur l'évaluation foncière, dont plusieurs sont d'ordre technique. Les modifications de fond sont les suivantes. La notion de valeur marchande est remplacée par celle de valeur réelle.

A compter du 1er janvier 1974, c'est le conseil de comté qui aura charge de l'évaluation pour les municipalités qui en font partie, sauf celles qui sont comprises dans une Communauté. La tenue à jour et la révision des rôles seront faites par un évaluateur, détenteur ou non d'un permis, qui sera assisté, pour chaque corporation locale, par une personne désignée par cette corporation.

Le ministre des Affaires municipales ne pourra, sans que le conseil de comté l'ait demandé, rendre obligatoire la confection du premier rôle quinquennal.

Les terrains sur lesquels sont érigés des bâtiments utilisés pour la protection de l'environnement ne seront plus portés au rôle non plus que les sports.

Pour tenir lieu de toute taxe ou compensation, y compris les taxes basées sur la valeur locative, pour la fourniture des services municipaux, les biens mentionnés à l'article 18 de la Loi sur l'évaluation foncière pourront être frappés d'une compensation fixée par le conseil mais qui ne pourra excéder les plafonds mentionnés à l'article 11 du projet.

Les fermes et les boisés sont imposés et taxés suivant une formule nouvelle, décrite à l'article 12 du projet.

Toute municipalité pourra, par entente, déléguer à une autre municipalité sa compétence en matière d'évaluation.

Si le ministre estime qu'il serait souhaitable qu'une municipalité de cité ou de ville non comprise dans une Communauté délègue sa compétence en matière d'évaluation à une autre municipalité, il peut demander aux municipalités concernées de s'entendre à ce sujet; à défaut d'entente, le ministre peut demander à la Commission municipale du Québec de faire enquête; si, après enquête, la Commission estime qu'il serait effectivement souhaitable qu'une délégation de compétence ait lieu, elle ordonne le transfert de compétence.

S'il s'agit toutefois d'une municipalité faisant partie d'un conseil de comté, la Commission ne peut ordonner le transfert de compétence que si elle est d'avis, après l'enquête, que le territoire de cette municipalité est en voie d'urbanisation, est compris dans une agglomération à vocation urbaine et que le développement économique de cette agglomération requiert ce transfert de compétence.

Sauf dans les cas de fusion ou d'annexion à une municipalité ne faisant pas partie du conseil de comté, une municipalité faisant partie d'un conseil de comté qui est constituée en ville continue de faire partie du comté pour fins d'évaluation.

Un bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec est constitué, avec une section à Québec et l'autre à Montréal; le territoire sur lequel aura juridiction le Bureau et chacune de ces sections sera fixé par ordonnance du ministre. Les dépenses de ce Bureau sont à la charge du gouvernement.

Toute municipalité dont le territoire ne sera pas soumis à la juridiction du Bureau et qui exerce une compétence en évaluation devra constituer un bureau de révision de trois membres.

Les Bureaux de révision des districts de Montréal, Québec, Laval, Outaouais et Rive-Sud de Montréal sont abolis et les membres de ces bureaux deviennent membres du nouveau Bureau.

M. PAUL: Est-ce que le ministre des Affaires municipales peut nous dire si, depuis l'impression de son cahier de projet de loi, d'autres amendements lui ont été suggérés? Deuxièmement, est-ce le désir du leader du gouvernement et du ministre des Affaires municipales de référer cette loi à la commission des affaires municipales pour qu'enfin nous ayons un texte qui ne soit pas nécessairement amendable à nouveau, et obligatoirement amendable dès le mois d'octobre prochain?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, en réponse â la première question, il s'agit du texte définitif qui est déjà paginé. Il sera distribué sous cette forme immédiatement et vous le recevrez sous la forme habituelle un peu plus tard dans la journée.

Quant à la deuxième question, suite à des consultations qui ont eu lieu au cours de la semaine dernière et en fin de semaine, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de convoquer la commission des affaires municipales pour entendre des témoins, mais pour l'étudier.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: Sur division, M. le Président. LE PRESIDENT: Adopté sur division.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi: First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture prochaine séance ou séances subséquentes. Affaires du jour.

M. LEVESQUE: Je fais motion, M. le Président, pour que la commission parlementaire des finances, comptes publics et revenu siège immédiatement à la salle 81-A pour étudier article par article le projet de loi relatif aux impôts.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: II était convenu que cette commission ne siégerait qu'à trois heures, cet après-midi.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas convenu de ça, mais s'il y a de bonnes raisons...

M. PAUL: On n'en a convenu ni l'un ni l'autre, on était tous deux chez Son Excellence. Il semblerait qu'à la commission il y ait eu entente pour qu'elle ne siège que cet après-midi.

M. HARVEY (Jonquière): Le leader de l'Opposition a raison quand il dit qu'il y a eu entente. Si la loi sur la santé n'était pas appelée...

M. LEVESQUE: Justement, nous allons suggérer de passer immédiatement â la Loi de l'agriculture pour permettre à l'honorable député...

M. HARVEY (Jonquière): Alors, dans ce cas-là...

M. LEVESQUE: ... quitte, cet après-midi, cependant, à prendre la relève.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, immédiatement, donc, à la salle 81-A, nous entreprendrons l'étude article par article du projet de loi no 22. Ici, en Chambre, nous appellerons tour à tour, pour débuter, les articles 7 et 8. Et, à cause de ce qui vient de se dire, nous commencerons par le projet de loi no 13, article 7.

Projet de loi no 13 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 13, Loi modifiant la loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation et abrogeant certaines dispositions législatives.

L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: M. le Président...

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on est prêt à adopter la deuxième lecture et à aller en commission plénière?

M. VINCENT: Non. Le ministre va faire son intervention.

LE PRESIDENT: Ce projet de loi me paraît être technique, non? Est-ce qu'il y a vraiment un principe dans le projet de loi?

M. VINCENT: Un principe.

M. TOUPIN: II y en a peut-être un seul, qui se trouvait dans la loi auparavant, mais qu'on a clarifié.

M. LEVESQUE: Peut-être qu'on pourrait aller en commission plénière et, à l'article 1, dire ce qu 'on a à dire.

M. VINCENT: ... j'aurai l'occasion d'en faire une.

M. LEVESQUE: Ah, c'est ça.

M. VINCENT: Probablement que le député de Lotbinière en a une, également, ainsi que le député de Gouin.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: M. le Président, ce projet de loi, comme vous le disiez tantôt, a pour objectif d'amender la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation ainsi que certaines dispositions législatives, c'est-à-dire certaines autres lois du ministère de l'Agriculture qui existent depuis longtemps.

Le ministère de l'Agriculture poursuit, à notre point de vue, trois grands objectifs. Ces objectifs peuvent se déterminer de la façon suivante: Le premier concerne la production agricole, c'est-à-dire la production primaire.

Le second objectif poursuit une activité relative à l'aménagement du territoire agricole ou encore à l'utilisation rationnelle de cette ressource québécoise qu'est le sol arable. Le troisième objectif consiste à voir surtout à transformer le produit primaire et à le mettre en marché.

Dans le premier objectif de production agricole, nous nous sommes fixé des sous-objectifs, soit celui de la production du lait sur une échelle un peu plus grande et un peu plus rentable, celui de la production des viandes dans le cadre des programmes récents que nous avons mis de l'avant en ce qui concerne l'élevage, celui des céréales, dont la production, au Québec, est de plus en plus nécessaire, celui de la production maraîchère, dont les besoins du marché sont également très grands dans la province de Québec et également sur des marchés extérieurs, celui également — des sous-objectifs — de la production fruitière, ce qui nous a amenés à faire penser le plus souvent possible aux producteurs de diversifier leur production.

Dans le domaine de l'aménagement, nous nous sommes fixé également des sous-objectifs, ceux, par exemple, du regroupement des fermes, soit par l'intermédiaire d'un crédit approprié ou purement et simplement par l'intermédiaire de deux agriculteurs qui décident de fusionner leur entreprise soit par voie de vente et par voie d'achat.

Nous poursuivons également, comme sous-objectif, dans l'aménagement, celui de l'utilisation des fermes â des fins para-agricoles. Nous retrouverons, dans le projet de loi, un nouveau principe, que nous consacrons, plus ou moins, celui de tenter de mettre en place des programmes permettant l'utilisation plus vaste, plus intelligente des ressources que nous retrouvons dans le milieu de l'agriculture. Par exemple, certaines initiatives, au Québec, se développent mais ne sont coordonnées par presque aucun programme précis, celui des fermes d'équita-tion. D'autres initiatives sont également prises, présentement, par certains agriculteurs, dans le domaine, par exemple, des piscicultures ou de l'élevage du poisson. Nous n'avons presque

aucune politique précise en rapport avec ces nouveaux objectifs. La loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation était, d'ailleurs à ce chapitre, très vague. Nous avons, dans la loi, au niveau de ce principe d'intervention dans ce que nous pouvons appeler l'utilisation des ressources para-agricoles, précisé davantage ce principe d'intervention.

Nous avons également, comme sous-objectif, dans l'aménagement, celui du zonage agricole. Nous en avons parlé depuis bon nombre d'années déjà, deux ou trois ans, et nous avons des expériences concrètes qui se vivent dans certaines régions du Québec, notamment dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, où un programme de zonage bien précis a été mis de l'avant et où les agriculteurs ont accepté d'emblée ce programme de zonage que nous avons mis à leur disposition. Nous tentons également la même chose dans l'Abitibi et nous tentons d'autres études dans d'autres régions pour en arriver à un zonage du territoire qui soit un peu plus conforme non seulement aux désirs des agriculteurs mais aux ressources véritables, aux ressources réelles du milieu, tenant compte du potentiel agricole et tenant compte également de ce qu'on pourrait appeler les zones climatiques.

Dans le domaine de la transformation et de la mise en marché des produits, comme sous-objectifs, nous nous étions fixé la fusion des entreprises. Nous avons, jusqu'à maintenant, travaillé surtout au ministère de l'Agriculture avec les coopératives, très peu avec le secteur privé.

Nous avons, dans le nouveau projet de loi, établi précisément le principe d'une intervention possible au niveau des entreprises privées. Nous avons également clarifié quelques articles de la loi concernant l'implantation de nouvelles entreprises. L'exemple de l'implantation des cidreries au Québec nous a amenés à regarder d'un peu plus près jusqu'où le ministère de 1 Agriculture pouvait intervenir lorsqu'il s'agit d'industries qui prennent naissance à la suite de l'exploitation d'une nouvelle matière première primaire sous la responsabilité du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

Nous avons également, dans le projet de loi no 13, précisé davantage ce que nous entendions par la recherche de marchés nouveaux, la recherche de produits nouveaux, l'analyse des marchés, le profil des consommateurs, etc., pour que nos interventions à ce chapitre soient plus collées à la réalité qu'elles ne pouvaient l'être auparavant.

La poursuite de ces objectifs commande la mise en place de programmes précis, tels ceux qui existent déjà, notamment celui du drainage des terres et celui du creusage des cours d'eau. Nous nous rendons de plus en plus compte qu'il est important que nous intervenions de plus en plus généreusement dans ces domaines, parce que, très souvent, la rentabilité de la production primaire y est directement reliée.

Cela commande également des programmes précis relatifs au regroupement des entreprises. Nous avons, comme je le disais tantôt, tenté l'expérience dans le secteur de l'industrie laitière. Nous voulons maintenant regarder un peu plus loin, aller dans les autres types d'industries qui sont présentement en place et qui mériteraient d'être regroupées pour une plus grande efficacité, d'abord au niveau de l'entreprise, et également pour que ces entreprises soient en mesure d'offrir aux producteurs des prix qui soient plus conformes au coût des produits de l'agriculture, pour qu'ainsi les agriculteurs soient intéressés véritablement à exploiter leur ferme sur une base plus efficace.

De tels objectifs commandent également la mise sur pied de nouvelles facilités d'entreposage. Nous avons, jusqu'à maintenant, fait quelques expériences dans le domaine des produits maraîchers. Ces programmes se sont avérés efficaces et nous entendons, bien sûr, poursuivre ces mêmes objectifs dans le secteur des facilités d'entreposage des produits agricoles.

Nous avons également mis de l'avant — les objectifs que nous poursuivons nous incitaient à le faire — des programmes de productions céréa-lières. On est convaincu que c'est seulement en nous dotant d'un minimum de ces productions céréalières que nous parviendrons à être de plus en plus efficaces au niveau de la production et de l'élevage, par exemple, au Québec tant du porc que de la viande de boeuf ou autre.

Cet ensemble d'objectifs et ces ensembles de programmes font déjà partie depuis longtemps des préoccupations du ministère de l'Agriculture. Nous avons voulu, en apportant quelques amendements à la loi et en présentant devant l'Assemblée nationale le projet de loi no 13, préciser davantage le rôle du ministère relativement aux différents programmes dont je viens de parler.

Nous nous attarderons dans ce projet de loi plutôt lorsque nous le discuterons sur deux principes qui sont fondamentaux pour nous, tout au moins au ministère de l'Agriculture, c'est celui d'être en mesure...

M. DROLET: M. le Président, puis-je vous signaler que nous ne sommes que treize députés pour étudier le bill 13?

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés! Le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. TOUPIN: Je disais, M. le Président, que nous devrions normalement nous attarder sur deux principes fondamentaux que contient le projet de loi 13, soit celui d'une intervention possible du ministère au niveau du regroupement des entreprises vis-à-vis de l'industrie privée, alors qu'auparavant nous n'étions limités qu'au secteur coopératif. Nous sommes bien conscients que le secteur coopératif a joué un rôle extrêmement important dans le développe-

ment de l'agriculture; il en jouera encore un probablement plus grand dans l'avenir. Mais pour compléter le réseau de transformation et le réseau de distribution des produits de l'agriculture, nous avons cru qu'il était nécessaire d'introduire dans la loi ce principe d'intervention vis-à-vis du secteur privé, vis-à-vis de toutes corporations poursuivant les mêmes buts que le secteur coopératif. A ce chapitre, nous avons haussé de $1 million à $4 millions les possibilités d'intervention du ministère de l'Agriculture.

Le deuxième principe fondamental, c'est celui d'une clarification du rôle du ministère dans le domaine de l'aménagement du territoire agricole, c'est-à-dire celui d'une utilisation plus rationnelle des ressources de l'agriculture. Il y existait dans l'ancienne loi, mais de façon plutôt imprécise. Nous avons tenté, dans le projet de loi no 13, de mettre plus d'insistance sur la clarté du texte et sur la précision des objectifs que nous tentons de poursuivre par l'intermédiaire de ce projet de loi qui constitue, tout compte fait, la charte du ministère de l'Agriculture du Québec.

Le troisième point sur lequel j'aimerais non insister mais dont je voudrais faire mention en terminant, c'est qu'avec le projet de loi, dorénavant, le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation portera le nom seulement du ministère de l'Agriculture. Voilà, M. le Président, c'étaient les quelques notes de deuxième lecture que je voulais livrer à l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous, de l'Union Nationale, sommes favorables au principe qu'on apporte des amendements ou des changements à la charte du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation du Québec.

Cependant, si nous acceptions globalempnt ce principe, sans faire connaître à la population, par la voie normale des débats de l'Assemblée nationale, notre position sur ce qu'on voit du futur ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. Je crois que nous manquerions l'occasion de démontrer, de conseiller et d'attirer l'attention du gouvernement sur ce que doit être le ministère de l'Agriculture au Québec. Egalement, M. le Président, en acceptant globalement le principe en deuxième lecture des amendements proposés au bill 13, nous accepterions tacitement, du moins dans l'interprétation que pourrait en faire le gouvernement, certaines choses qui ne sont pas acceptables dans ce projet de loi.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, afin d'éviter toute ambiguïté, nous allons nous prononcer contre le bill no 13, en explicitant sur chacun des articles les raisons qui nous incitent à agir de cette façon.

La loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation a été depuis quelques années amendée, non pas sur le plan législatif, mais dans les faits lorsqu'on a fait disparaître certaines mesures telles, simplement pour le mentionner, les chemins de colonisation, les subventions aux engrais chimiques, certaines subventions pour l'amélioration de la production laitière. Si vous vous souvenez, votre prédécesseur a mentionné qu'il n'y avait pas de grand principe dans cette loi, mais il serait dangereux d'accepter globalement une telle loi, sans avoir au préalable explicité notre pensée, sur le rôle du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation ou du futur ministère de l'Agriculture au Québec, sur ses pouvoirs, ses devoirs et également ce qu'il doit faire au cours des prochaines années.

Donc, j'ai l'intention, dans un premier temps, de vous donner ce que nous de l'Union Nationale nous voulons dans un nouveau ministère restructuré, un nouveau ministère qui s'adapterait aux conditions de notre contexte actuel et futur et, surtout, à la réalité agricole québécoise ou à la réalité rurale québécoise. Né de la fusion du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, le ministère actuel, dans l'avenir, aura à adapter continuellement ses structures aux réalités économiques du monde agricole.

Ce qu'il ne faut pas oublier, M. le Président, c'est que l'activité rurale ne se limite pas à l'agriculture. En fait, 75 p.c. de la population résidant en milieu rural ne tire pas son revenu directement de l'agriculture, mais indirectement l'agriculture est la base de toute l'économie rurale. Quand j'assumais la responsabilité de ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, nous avions, en consultation avec différents organismes, discuté la possibilité d'accorder un changement dans l'appellation de ce ministère.

Nous en étions venus à la conclusion qu'il fallait de toute évidence faire disparaître le mot colonisation dans l'appellation et là il nous restait à choisir entre différentes options, soit agriculture tout court ou encore agriculture et alimentation ou encore agriculture et aménagement rural. De nombreuses consultations se sont poursuivies. Depuis 1970, sous la direction du député de Bellechasse et chef de l'Union Nationale, nous avons parcouru la province de Québec. Nous sommes allés dans les différentes régions et nous avons consulté les agriculteurs.

Après ces nombreuses consultations, il est ressorti, presque à l'unanimité que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation devait désormais avoir comme nom: ministère de l'Agriculture et de l'Aménagement rural, et ce, en considérant les quelques propos que j'ai tenus auparavant. Aménagement rural, c'est très important, car le ministère doit jouer un rôle dans le secteur rural du Québec. Donc, quand nous en serons à l'article où l'on parle du nom

du ministère, nous aurons à donner plus de détails sur les raisons qui militent en faveur de ce changement, et nous espérons être en mesure de faire accepter au gouvernement que le nom soit: ministère de l'Agriculture et de l'Aménagement rural, tel que proposé dans le programme de l'Union Nationale.

En ce qui concerne l'aménagement agricole que le ministre a mentionné, sous le dernier gouvernement de l'Union Nationale, la régionalisation agricole fut amorcée par la mise sur pied de bureaux régionaux intégrés et la construction des premiers laboratoires régionaux. Nous proposons que le ministère de l'Agriculture et de l'Aménagement rural complète sans délai la régionalisation et la décentralisation de ses services. Pourquoi? Malheureusement, le ministre ne nous a pas donné d'indications pour que ce travail se continue, pour que ce travail s'amplifie afin que nous ayons, au Québec, un véritable ministère au service de la population rurale et de la population agricole plus spécifiquement.

Si on veut donner un sens aux régions agricoles telles que nous les connaissons à l'heure actuelle, il devrait être possible d'avoir des programmes régionaux comme la loi actuelle nous le permet, suite aux amendements que nous avons proposés à l'Assemblée nationale en 1969. Chaque région représente des aspects et des caractéristiques particuliers. De plus en plus, des programmes devront être conçus sur le plan régional. Ce qui est encore plus important que les programmes régionaux, ce qui est encore plus important que le nom à donner au ministère qui s'occupe des agriculteurs du Québec, c'est la mentalité qui doit exister à l'intérieur du ministère de l'Agriculture.

Premièrement, il faut, à l'intérieur du ministère de l'Agriculture, une direction éclairée, une direction qui se tient constamment à l'écoute de la population rurale du Québec.

M. PAUL: II faut changer le ministre.

M. VINCENT: Une direction qui se doit non pas d'analyser l'aspect politique, partisane, mais une direction qui se doit d'analyser les situations actuelles dans une perspective d'avenir à court terme, à moyen terme et à long terme. Malheureusement, à notre regret, malgré que nous ayons, au début, envisagé que le ministre actuel ait, à cause des années qu'il a passées au service de la classe agricole, atteint cet objectif, malheureusement trop souvent, je dois le dire, nous voyons le ministre actuel — je ne sais pas si c'est à cause de ses publicistes — faire de la publicité, faire des déclarations fracassantes, faire des déclarations à l'emporte-pièce qui, comme résultats, malheureusement, ne donnent pas grand-chose.

M. PAUL: M. le Président, en entendant les propos du député de Nicolet, je suis un homme transformé, et je regrette qu'il n'y en ait pas au moins vingt pour écouter la sagesse de tels propos.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés. Le député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, je disais donc qu'une des choses importantes, premièrement, c'était la direction du ministère. Je sais que le ministre veut, avec sa bonne volonté, donner le meilleur de lui-même au ministère. Mais comme je le mentionnais, malheureusement, je crois que les publicistes ont changé sa bonne volonté en l'obligeant à faire des déclarations pour mousser la publicité du parti auquel il appartient depuis 1970. Je ne lui fais pas un reproche d'appartenir à un parti politique, mais je lui fais un reproche d'avoir trop souvent dans le passé, comme nous l'avons mentionné au cours de discussions, que ce soit en commission parlementaire ou à l'occasion de l'étude de ses crédits, être devenu une personne qui prononçait des discours, faisait des déclarations, sur les tribunes politiques et en Chambre, qui ne concordaient pas avec les véritables intentions du ministère.

Deuxièmement, le ministère de l'Agriculture du Québec doit être composé de fonctionnaires qui sont au service de l'agriculture, qui sont au service de la population rurale du Québec. Ces fonctionnaires, nous avons voulu, avec la création des douze bureaux régionaux, les faire travailler ensemble sur le plan régional, sans distinction de leur profession, sans distinction de leurs qualités, les faire travailler dans une équipe composée d'agronomes, de médecins-vétérinaires, d'ingénieurs, d'administrateurs et même d'hommes de droit. Et ce, sans distinction de la profession â laquelle ils appartenaient.

A l'heure actuelle, il est malheureux de le dire, il existe un malaise au sein du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. On retrouve encore trop spuvent des agronomes qui se croient lésés, des médecins-vétérinaires qui se croient déclassés ou placés dans un second rôle par d'autres professionnels. On retrouve des ingénieurs qui se croient, à tort ou à raison, suivant ce qui découle des constats du travail des fonctionnaires du ministère, être de troisième ordre à l'intérieur du ministère et qui doivent passer par d'autres personnes avant de donner un rendement à 100 p.c. On rencontre également, à l'heure actuelle, au sein du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, des administrateurs qui ont un rôle bien spécifique, qui ont la fonction importante d'administrer les lois, d'administrer les mesures d'assistance et qui, encore une fois, se croient, à tort ou à raison, sous la coupole ou la houlette de personnes qui ont beaucoup plus en tête la sauvegarde d'une profession que les véritables intérêts de l'agriculture du Québec.

On voit encore — et c'est malheureux — au ministère de l'Agriculture et de la Colonisation,

de nombreuses formules de toutes sortes qu'on doit compléter, recompléter, revérifier, retourner au ministère pour différentes mesures d'assistance. On oublie que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation doit transiger avec des industriels de l'agriculture, que ces industriels de l'agriculture n'ont pas à leur service des secrétaires de façon permanente.

On oublie que ces industriels de l'agriculture ne sont pas habitués à recevoir des lettres, à compléter des formules en deux, trois, quatre, dix, quinze, vingt exemplaires. Ceci rend, aux yeux des agriculteurs du Québec, le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation ou le futur ministère de l'Agriculture et du développement rural un outil qui s'éloigne de plus en plus d'eux. Il faut —c'est là ma suggestion — que le ministre, en ce qui concerne ce deuxième point que j'ai soulevé, s'entoure de personnes, au plan consultatif, du milieu agricole. Qu'il n'aille pas chercher simplement ses conseillers sur le plan politique. Qu'il n'aille pas chercher seulement ses conseillers, malgré tout le respect que j'ai, à la direction générale de l'UPA, à la direction générale de la Coopérative fédérée, malgré tout le respect que j'ai à l'endroit de ses dirigeants. Mais qu'il aille également chercher ses conseillers chez les véritables agriculteurs du Québec qui, tous les jours, pratiquent leur métier, leur profession pour apporter, par la suite, des correctifs nécessaires à l'administration du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. C'est le deuxième point.

Le troisième point, c'est que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation soit véritablement un ministère de services aux agriculteurs, soit véritablement un ministère qui, en plus de préparer des objectifs à court, long et moyen termes, soit un ministère de services de tous les jours. Que ses structures lui permettent non pas d'enfarger le progrès mais, avec les hommes qualifiés qui sont à l'intérieur, avec les hommes qui se sont voués à l'intérêt de l'agriculture du Québec, qu'elles lui permettent de remplir les rôles qui devront lui être assignés au cours des prochaines années dans chacune des régions rurales. Il faut que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, et partant la direction du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, donne des rôles spécifiques d'abord en ce qui concerne le financement rural. Nous avons un organisme qui s'occupe du financement rural. Nous aurions aimé dans cette réforme de la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, dans l'article où l'on mentionne les garanties d'emprunt aux coopératives, garanties d'emprunt aux organisations à capital non coopératif, que cette section s'en aille au service que nous avons, à l'heure actuelle, qui s'occupe de financement rural.

L'Office du crédit agricole, à mon sens, est bien équipé présentement. Il a des conseillers juridiques, des évaluateurs, toute la procédure qui touche la garantie des prêts. Il devrait prendre sous sa responsabilité l'administration de la section, je pense, la plus importante dans la loi actuelle, soit de hausser de $1 million à $4 millions les garanties d'emprunt que le gouvernement peut consentir aux coopératives et aux autres industries rurales à caractère non coopératif.

Ainsi, nous compléterions encore davantage la structure de cet organisme de financement rural.

Il faut bien se rappeler qu'au cours des dernières années nous avons graduellement transféré à l'Office du crédit agricole tout ce qui touchait le financement. Au cours des derniers mois, nous avons voté des lois qui permettaient à l'Office du crédit agricole d'aller plus loin dans le financement; exemple: crédits à la production; crédits aux agriculteurs pour des périodes de désastre. Là, nous aurions pu aller encore plus loin en laissant à l'Office du crédit agricole tout ce qui touche le financement de la ferme.

M. le Président, il faut également que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation — je ne pourrai pas entrer dans ces détails, parce que cela touche la commercialisation et que nous avons également, devant l'Assemblée nationale, en première lecture, la Loi amendant la loi des marchés agricoles — soit à l'avant-garde des progrès constants que nous connaîtrons au cours des prochaines années en ce qui concerne la commercialisation des produits agricoles, tant sur le plan québécois que sur le plan interprovincial et international. Mais, comme nous avons une autre loi en ce domaine, qui sera discutée en commission parce que le projet de loi est déféré à la commission parlementaire, nous reviendrons sur cet aspect particulier.

M. le Président, je ne veux pas être long, mais je veux quand même, pour l'information du ministre des Communications, souligner au ministre que, même si l'Union Nationale était favorable au principe d'un changement majeur en ce qui concerne la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation; même si j'ai eu l'occasion, au cours des quelques minutes précédentes, de donner certaines indications sur ce que nous aurions aimé voir dans cette loi du ministère de demain; même si nous croyons qu'à l'heure actuelle il faudrait un leadership encore beaucoup plus réaliste au ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, nous allons demander au gouvernement, après la deuxième lecture de ce projet de loi — nous allons l'accepter sur division ou en vote ouvert, mais nous serons contre — sur chacun des articles que nous allons discuter, d'être très attentif aux suggestions que nous allons faire, d'être très attentif aux amendements que nous allons proposer. Si, de cette façon, nous pouvions réussir à améliorer l'image du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, qui deviendra le ministère de l'Agriculture ou le ministère del'Agriculture et de l'aménagement rural, nous pourrions ainsi rendre service à la classe agricole du Québec.

Je sais que le ministre de l'Agriculture, avec sa bonne volonté, est prêt à faire beaucoup plus. Nous lui donnerons les moyens de le faire. Je vous remercie, M. le Président. A l'occasion de la discussion article par article, nous apporterons des amendements.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, à mon tour, ce matin, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi portant l'étiquette no 13 et ayant comme objet premier, prétendument du moins, de changer le nom du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation en celui strictement de ministère de l'Agriculture.

En effet, M. le Président, après en avoir fait une étude philologique, j'ai constaté certains aspects plus ou moins acceptables à l'intérieur des propositions qui sont faites par ce bill. On nous demande de faire disparaître le mot Colonisation à l'intérieur de 28 lois déjà existantes.

Je suis d'accord, et ça fait longtemps, pour enlever le mot colonisation à l'intérieur de nos lois où il est encore fait mention de ce mot. Mais devons-nous, à ce moment-ci, rester à l'aspect figure, â l'aspect voile, au départ? Ou si nous ne devrions pas aller — ce serait réellement le moment — en profondeur pour tâcher de résoudre véritablement les problèmes qui existent au niveau de la colonisation ou des personnes qui ont des lots sous billet de location, et qui, dans la plupart des cas, ont énormément de difficultés à faire patenter ces lots, selon les régions de la province.

Je tiens à mentionner ça parce que, dans certaines régions, c'est assez facile d'obtenir les lettres patentes. Par contre, dans d'autres régions, je ne sais si c'est l'aspect politique qui en ressort, mais de toute façon, là où il y a des cultivateurs résidents qui vivent de l'agriculture et qui veulent faire patenter soit le lot sur lequel ils résident ou le lot voisin pour agrandir leur ferme ou encore parce qu'ils possèdent ce billet de location depuis cinq, dix ou quinze ans, qui ont fait des améliorations constantes tant au point de vue culture, défrichement, ou améliorations de boisé, en 1973, ils se voient encore refuser la possibilité de patenter ces lots.

Il y a des anomalies flagrantes qui auraient dû être amorcées lorsqu'on a pensé à enlever tout simplement un mot, le mot colonisation. Sommes-nous encore des colonisés ou si justement on veut, ce matin, réellement enlever de l'esprit des gens — et peut-être principalement des cultivateurs concernés— le mot colonisation, ou si ce n'est pas simplement un voile qui cache la véritable face qui, elle, n'est pas rose?

Il va sans dire que cette loi va donner davantage de pouvoirs au ministre même, pou- voirs de surveillance et de gestion, et également au niveau des décisions à prendre, par exemple, si, dans telle région de la province, il doit y avoir des supports à l'agriculture, une aide au point de vue technique améliorée.

A divers paliers le ministre se réserve ou se donne davantage de pouvoirs par le bill no 13. Par contre, dès ce moment, je dois également apporter mes impressions quant à ce qui a trait à cette délégation — parce qu'en somme c'est une délégation de pouvoirs — de pouvoirs à une certaine quantité de fonctionnaires, probablement et certainement bien intentionnés mais qui auront à décréter toute une série de règlements.

En somme, le ministre — encore comme bien d'autres ministres d'ailleurs l'ont fait dans le passé depuis environ deux, même trois ans — décide un bon matin: Nous, nous donnons les pouvoirs pour agencer toute une réglementation devant régir, à l'intérieur d'un cercle donné, tout ce qui concerne l'application de règlements nouveaux à l'intérieur du ministère.

Mais ces règlements, nous ne les connaissons pas présentement. Donc, nous donnons tout simplement, encore à ce moment-ci, un chèque en blanc —au ministre de l'Agriculture, d'une part, et à ses fonctionnaires, d'autre part — pour tâcher d'agencer toute une série de normes nouvelles, de directives nouvelles devant changer complètement ce qui comprend le ministère de l'Agriculture proprement dit en profondeur.

Je dois également, puisque même le ministre y a fait allusion tout à l'heure en ce qui a trait au changement, à l'amélioration... Je suis fier de le dire, il n'y a pas que du mauvais dans ce bill, il y a du bon. D'ailleurs nous, du Ralliement créditiste, lorsqu'il y a quelque chose de bon dans un bill, nous le disons et quand il y a quelque chose de mauvais, nous sommes là également pour le dire. Or, quant à ce qui est bon dans le bill, l'augmentation d'un fonds d'aide aux entreprises coopératives, aux autres entreprises similaires ou aux entreprises privées, ou pour favoriser la fusion de deux ou trois cultivateurs, je suis pour le principe. Mais j'aurais aimé qu'à l'intérieur de cet article l'on nous donne quelques barèmes, à savoir sur quoi on s'est basé pour décider que deux ou trois cultivateurs, par exemple, pourront être éligibles à une aide bien spécifique de subventions pour se fusionner.

M. le Président, on a vu depuis trois ans, principalement, parce que nous travaillons continuellement avec ce gouvernement, combien de cas où il y a eu de l'aide spéciale seulement si la personne ou les personnes en question pouvaient afficher leur carte de membre du Parti libéral. Or, est-ce que les agriculteurs ne doivent pas tous être traités sur un même pied? Je pense qu'il doit y avoir des normes précises, exactes, pour que l'on connaisse ces normes et que l'on connaisse les directives hors nonnes parce qu'il y a parfois des normes qui sont présentées dans des documents spécifiques

mais, en plus de ne pas nous donner ces normes, il y a des directives supplémentaires qu'on ne connaît pas. Ceci se voit à l'intérieur de tous les ministères. Je dois peut-être signaler en passant, entre autres et plus spécifiquement, le ministère des Affaires sociales.

Je ne sais pas si les autres ministres de ce même cabinet Bourassa s'en sont rendu compte; sinon, je me permets, moi de l'Opposition, de leur signaler en passant, relativement à la politique d'achat de petites fermes, la possibilité de décision qu'a pu avoir le ministre dans le passé. Il va sans dire que lorsqu'il y avait des décisions importantes à prendre, cela devait se faire au cabinet des ministres d'abord. Or, dans cette loi le ministre se donne les pouvoirs nécessaires pour prendre dorénavant les décisions d'usage lorsqu'il s'agit, par exemple, de prendre une décision sur-le-champ lors d'une rencontre avec son homologue fédéral de l'Agriculture.

M. le Président, c'est un changement tout à fait draconien qui peut comporter deux aspects très différents. Le premier que je signale — et je suis fier de le signaler — peut être un bon aspect parce que je remarque qu'en cette Chambre — on n'a qu'à regarder le nombre de députés présents — concernant l'agriculture, il y a peut-être sept ou huit députés qui sont intéressés. Les autres se foutent de l'agriculture, ils se foutent de ce que sera l'agriculture de demain.

M. CASTONGUAY: M. le Président, question de règlement. Je ne crois pas que le député puisse conclure que les députés qui sont ici ne sont pas intéressés par les questions de l'agriculture, comme il vient de le faire. Il dit que simplement cinq ou six députés, ou sept ou huit sont intéressés. Je ne crois pas qu'il puisse conclure comme ça, M. le Président.

M. BELAND: M. le Président, je vois que j'ai fait sursauter l'honorable ministre des Affaires sociales, mais c'était à bon droit. Premièrement, c'était mon droit de le signaler. C'est son droit de penser ce qu'il veut en la matière, mais c'est mon droit de penser et de juger combien de députés en cette Chambre, même parmi ceux qui sont présents, se sont intéressés et s'intéressent encore à l'agriculture et combien ne sont là que pour occuper leur fauteuil, c'est-à-dire user leur fond de culotte. M. le Président, à ce moment-là, je pense que, compte tenu du passé, je pouvais signaler ce fait.

M. le Président...

M. TOUPIN: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement?

M. TOUPIN: ... sur une question de règlement. Je pense que le député de Lotbinière va un peu trop loin.

Premièrement, il devrait regarder le nombre des siens. La deuxième chose, il devrait faire une différence entre s'intéresser à l'agriculture et s'intéresser à un discours qui ne se tient pas.

M. BELAND: M. le Président, je demande au ministre de répéter les derniers mots, car je ne les ai pas compris.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît. J'inviterais le député de Lotbinière à revenir au principe du bill.

M. AUDET: Une question de règlement, M. le Président. Puis-je vous demander dès maintenant s'il y a eu une question de règlement dans l'intervention du ministre de l'Agriculture?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît. Je pense que j'ai été un peu trop large en permettant au député de Lotbinière de sortir des principes du bill no 13. Je l'inviterais à revenir au principe.

M. BELAND: M. le.Président, avec tout le respect que je vous dois — d'ailleurs, on est très respectueux des règlements et de la présidence — tout ce dont j'ai parlé jusqu'ici — je dois malheureusement vous le signaler — regarde le projet de loi en question, parce qu'on remet en question tout ce que peut comporter le ministère de l'Agriculture. A ce moment-là, le champ est très vaste et ça comprend également les personnes, parmi les législateurs, qui sont intéressées ou non à l'agriculture.

Or, je continue mes observations en ce qui a trait à cette forme de colonialisme que l'on refuse de discuter ou que l'on a refusé d'inclure dans le projet de loi. Rien ne laisse, au moins, soupçonner que nous pourrons le voir à l'intérieur de la réglementation. Il s'agit d'enlever toutes les restrictions qui vont faire en sorte que ceux qui possèdent des lots sous billet de location ne pourront pas plus demain qu'ils ne le pouvaient hier obtenir leurs lettres patentes. Cela cause de drôles de préjudices et je pourrais vous donner des exemples précis. Je tairai les noms, mais je me permets de signaler un fait: dans certaines régions — il va sans dire que c'est inclus dans des lois de la colonisation — un fermier donné doit défricher dix acres chaque année sur son lot; sinon, il ne rencontre pas les normes.

Si réellement on réfléchit selon l'optique de 1973, ces normes-là sont-elles encore valables ou si le ministre veut, tout simplement, retourner à la culture où on utilisait des boeufs et où on fauchait à la petite faux alentour des souches? Je me demande si, réellement, le ministre pense encore dans cette optique ou si réellement il conçoit des choses selon l'ordre que l'on vit en 1973.

Il va sans dire que nous sommes d'accord, comme j'étais en train de le dire quand j'ai été

interrompu... Je pense que ça fait mal de l'autre bord, parce que ça semble être drôlement tapageux... sur le fait de porter de $1 million à $4 millions cette forme d'aide. Je suis complètement d'accord sur les faits que j'ai énumérés, mais seulement il y a un autre aspect. Celui-ci est-ce qu'on y a pensé à l'intérieur de ce critère-là? Est-ce qu'on y a pensé? Le ministre, dans ses envolées orageuses, parle, par exemple, de favoriser l'établissement des fils de fermiers. C'est bien beau tout ça, dans les mots, mais, dans les faits, qu'est-ce qui se passe?

Je le ramène, encore là, aux lots sous billet de location, parce que tout se rattache en agriculture. Lorsque, pour une raison quelconque, de toute façon, le père décède, la mère décède, presque en même temps, le fils qui a cultivé cette même terre avec son père ne peut même pas prendre possession dudit lot sous billet de location. Il se le fait, tout simplement, enlever du jour au lendemain par les employés du ministère, sous prétexte qu'il est redevenu propriété de la couronne.

Or, il y en a de ces cas-là, il y en a de ces fils de cultivateur qui ont perdu $5,000 ou $10,000 ou $15,000 de valeurs du jour au lendemain à cause d'une nonchalance du ministre du temps ou du ministre d'aujourd'hui, qui n'a pas voulu apporter les correctifs nécessaires à la loi.

Il va sans dire que l'honorable ministre, tout à l'heure, a donné quelques petites précisions à savoir qu'il y aurait davantage d'aide qui serait apportée dans le cas d'étudiants. Même, cela a fait l'objet d'une déclaration fracassante en fin de semaine, je crois. Une forme d'aide spéciale serait apportée aux étudiants pour travailler sur les fermes. Encore là, j'ai de petites surprises pour le ministre. J'ai constaté, cette fin de semaine-ci, par des personnes qui sont venues me voir, que des gens ont donné leur nom pour se prévaloir de cette forme d'aide. Des étudiants, également, avaient manifesté le désir d'aller dans l'agriculture pour leur travail d'été.

On a dirigé les étudiants sur certaines fermes — parce que ce n'est pas le fermier qui engage l'étudiant, c'est le bureau du ministère qui dirige l'étudiant chez le fermier; il y a toute une différence. On n'a pas tenu compte du tout de ce que l'étudiant pouvait faire, savait faire ou au moins ce qu'il pouvait essayer de faire. A ce moment-là, quelques-uns des étudiants — je ne généraliserai pas — se sont vus dirigés sur des fermes et on a constaté que c'était de gros zéros qui ne pouvaient rien faire du tout.

UNE VOIX: Des créditistes.

M. BELAND: Heureusement, ce n'était pas des étudiants créditistes, ce n'était pas non plus des propriétaires de ferme créditistes; je dois vous signaler cela, M. le ministre.

M. TOUPIN : II n'y en a pas.

M. BELAND: M. le Président, je continue.

On redéfinit les pouvoirs que l'on accorde au ministre par cette loi. Ils sont quand même assez vastes puisqu'on y parle de pouvoirs relatifs à la production, transformation, distribution, commercialisation, utilisation de produits agricoles. C'est très beau, cela mérite qu'il y ait, à un moment donné, des changements peut-être, dans certains cas, assez draconniens pour être plus palpables, si vous me permettez d'employer ce mot, pour les agriculteurs, être plus rentables.

On émet de bons voeux. Je dois signaler à l'honorable ministre que si l'on regarde ces voeux, compte tenu de l'ensemble du bill, c'est à se demander si ce n'est pas tout simplement des portes ouvertes que l'on se donne tout à fait gratuitement pour annuler certaines possibilités culturales dans certaines régions; dans d'autres régions, accélérer la dépossession des agriculteurs ou de certains agriculteurs et, d'autre part, accélérer également la déportation. L'honorable ministre a l'air d'être fort dans les terminaisons en "on", je vais lui en donner. Justement, j'ai constaté que l'on peut très bien apparenter les mots extorsion, concussion, trahison des valeurs et également destruction des espoirs de notre population rurale dans bien des secteurs de l'agriculture.

Cela a été dit tantôt, à savoir qu'il y avait une nécessité d'abonder dans plusieurs domaines touchant des productions bien spécifiques pour étendre, donner de la valeur à plusieurs productions agricoles. A ce moment-là, on ne doit pas ne demeurer que dans les mots mais on doit accentuer les faits exacts. Peut-être, à partir de faits bien spécifiques, on pourrait bâtir des amendements nouveaux pour apporter les correctifs nécessaires qui sont tant demandés. Il y a quand même un autre aspect.

Je vois un honorable député dire oui, en cette Chambre, de l'autre côté, du côté ministériel, mais c'est curieux, il est bon pour dire oui à ce moment-ci, mais quand vient le temps de se lever, par exemple, il ne le fait pas, à son siège.

M. le Président, cet autre aspect que je voulais soulever c'est qu'il aurait été temps, à ce moment-ci, d'apporter le correctif nécessaire étant donné que c'est quand même un changement très profond qui est apporté en enlevant le mot colonisation. Si l'on veut se diriger vers les faits véritables, est-ce qu'on ne devrait pas toucher en même temps à la fonction qu'est devenue, depuis trois ou quatre ans, la profession d'agronome de bureaux régionaux?

Je pense que cela a été dit une couple de fois au moins en cette Chambre, à savoir ques les agronomes, dans les bureaux régionaux, ne sont devenus, à cause de certaines complications du ministère, que des remplisseurs de formules tout simplement. Ce qui fait défaut, c'est au palier des agriculteurs proprement dits, au niveau des renseignements dont ils ont besoin. Ils appellent les agronomes, et les agronomes, malheureusement, n'ont pas le temps de se rendre chez les agriculteurs, tout au moins si ce

n'est pas en assemblée pour en réunir plusieurs, peut-être dans certains cas, la visite chez les agriculteurs eux-mêmes, ils n'ont plus le temps parce qu'ils ne font que remplir des formules de toutes sortes.

Il y a certainement quelque chose qui ne va pas dans la bebelle. J'inviterais le ministre de l'Agriculture à s'ouvrir les yeux, à essayer de faire fonctionner une cellule supplémentaire de son cerveau pour tâcher de trouver une solution à ce problème, parce qu'il me semble qu'on regarde drôlement dans les nuages, de ce côté.

M. le Président, il y a également d'autres faits. On parle de changer bien des aspects à l'intérieur du ministère de l'Agriculture. On parle de donner une accessibilité beaucoup plus grande aux agriculteurs, à l'agriculture. M. le Président, je pose une question au ministre, et il pourra me répondre quand j'aurai terminé. S'il y a une si grande accessibilité des agriculteurs à tous les renseignements possibles, comment se fait-il que, lorsque certains de ceux-ci ou nous-mêmes on veut avoir de la documentation pour donner au syndicat de l'UPA ou aux cerlces de fermières ou encore à d'autres organisations agricoles proprement dites, pour ne s'en tenir qu'à cela, comment se fait-il qu'on nous refuse complètement ces choses? Je sais que ça ne vient certainement pas des fonctionnaires concernés qui ont à régir ce palier d'administration. Cela vient certainement du bureau du ministre si des ordres ont été durcis à ce point, à ce palier.

M. le Président, s'il y a une si grande accessibilité pour les jeunes en agriculture comme pour les moins jeunes et pour les plus vieux, pourquoi n'y a-t-il pas possibilité pour eux de se tenir au fait en leur fournissant des renseignements adéquats, renseignements touchant le porc, la volaille, la vache laitière ou encore la vache à boeuf ou encore n'importe quelle autre production?

M. le Président, il y a un autre aspect également qui mérite d'être souligné ici, et ce n'est pas le moindre. Il y a quelques années, en agriculture — il y a vingt ans, il y a dix ans encore — pour qu'on puisse appeler un type un agriculteur, il fallait qu'il ait des vaches, il fallait qu'il ait des porcs, des volailles, enfin il fallait qu'il ait un peu toutes sortes de choses, soit une quinzaine de productions, un grand jardin, etc. Mais dans les années subséquentes, l'on a dit: Enfin, il va falloir que vous vous spécialisiez dans une ou deux productions au maximum et essayer d'augmenter la productivité de vos fermes, et on met à votre disposition des subventions nécessaires à l'agrandissement de vos fermes.

En fait, il y a eu cette montée vertigineuse vers la spécialité. Enfin, je pense que presque tout le monde en agriculture était pris du malaise de la spécialité à un moment donné. Moi également, pour ma part, parce que j'étais un agriculteur, et je le suis encore, j'ai été pris de ce malaise-là. Je me suis enligné vers deux productions bien spécifiques et j'ai oublié les autres.

Tout à l'heure, le ministre nous disait que, justement, il faudrait diversifier les productions. Ce sont ses propres mots. Cela veut dire quoi en bon français? Je ne lui demande pas en anglais, en chinois ou en japonais. C'est quoi, en bon français, diversifier les productions? Est-ce que c'est les multiplier sur une même ferme pour avoir sept, huit ou dix productions afin que, s'il y a des années de disette dans une, dans deux ou dans cinq productions, on puisse peut-être se reprendre dans les autres? Est-ce cela que cela veut dire? Est-ce que c'est une porte de sortie que le ministre veut se donner encore pour tâcher de se justifier tantôt? En effet, si cela va mal pour les agriculteurs et peut-être aussi pour les producteurs de bovins de boucherie, si le type a deux ou trois autres productions, on lui dira: Mon petit gars, tu aurais dû te lancer dans d'autres productions. Mais, s'il ne s'est pas lancé dans d'autres productions on lui dira: Bien, crève.

D'ailleurs, on a constaté, depuis trois ou quatre ans, plusieurs faillites en agriculture, peut-être moins dans l'année 1972 et au début de 1973, parce qu'il y a des phénomènes mondiaux qui se sont passés; je l'ai signalé déjà en cette Chambre. Des phénomènes de sécheresse dans différents pays ont créé une rareté, mais une rareté qui, aujourd'hui, a ses bienfaits vis-à-vis de beaucoup de productions agricoles. Mais, par contre, il ne faut pas, à cause de ces bons prix, en 1973 et à la fin de 1972, faire l'autruche; il ne faut pas s'entrer la tête dans le sable et oublier la réalité. C'est ce que drôlement le ministre semble faire très souvent.

Il va sans dire qu'il y aurait énormément à dire au sujet de ce bill. Par contre, je me limiterai à ces quelques observations et je me permettrai, en troisième lecture, de proposer des amendements à ce bill. Ces amendements auront pour effet, selon notre formation politique, de faire regarder vers la réalité le ministre de l'Agriculture et de lui donner l'occasion d'apporter les changements qui sont désirés quelque production que ce soit de l'agriculture.

Je n'ai pas souligné, non plus, le fait qu'au niveau de l'Office du crédit agricole il y avait nécessité de certains correctifs. Par exemple, en ce qui a trait aux inspecteurs qui parcourent nos campagnes pour aller vérifier si on doit accorder un prêt ou pas à tel futur agriculteur, — je ne dis pas dans tous les cas, non, mais je dis dans quelques cas — on s'aperçoit que ces inspecteurs ne sont drôlement pas à la hauteur de la situation. Dans certains cas, ce qu'ils font ne concorde réellement pas avec ce que le ministre a dit ce matin. Le ministre parle de diversifier les productions et l'on impose encore à ces futurs agriculteurs d'avoir un quota, par exemple, de production, en ce qui concerne le lait, de 200,000 livres, sinon: Petit gars, tu ne l'as pas, ton prêt. Alors, c'est un refus catégorique.

A ce moment-là, on ne tient pas compte si le type a un à-côté, une production supplémentaire, soit de porc, soit de volaille. Le ministre parlait, tout à l'heure, de productions céréalières. S'il veut diversifier, s'il est réellement conscient de ce qu'il dit, en ce qui concerne les productions céréalières, de ce côté-là également, on doit en tenir compte.

Si la personne en question a, par exemple, 75 ou 100 acres qu'elle veut cultiver selon les nouvelles propositions que le ministre fait, soit, par exemple, au point de vue de la culture du blé, même si, ce printemps, il fallait que les cultivateurs le paient, dans certains cas, $11 les 100 livres. Il y a également d'autres productions semblables, M. le Président, pour lesquelles il faut en tenir compte. Dans l'agriculture, il semble que l'honorable ministre nage encore dans les nuages.

M. le Président, ce n'est pas à l'endroit de sa personne, ce matin, que je parle, mais à l'endroit du ministère qu'il dirige. Il faut dire que les décisions qu'il prend, les décisions qu'il essaie d'interpréter, de placer dans un bill afin de régir l'agriculture, ce seront non pas lui et ses fonctionnaires qui auront à en subir les contrecoups, mais ce seront les agriculteurs proprement dits. Ce sont eux qui seront touchés. Eux qui n'ont pas la possibilité de faire entendre leur voix, je me permets, ce matin, de parler en leur nom, pour tâcher justement qu'on utilise un petit peu, au moins qu'on commence ce matin à utiliser un peu de réalisme en ce qui concerne l'agriculture, compte tenu du contexte canadien, compte tenu également du contexte mondial, parce qu'on ne peut plus ne penser qu'en termes de région.

Le ministre l'a déjà dit. Je suis d'accord sur ce point bien précis. Mais, par contre, il faut essayer de bâtir, au Québec, une agriculture réellement rentable pour les agriculteurs et en même temps essayer de deviner, pour satisfaire, par la suite, les besoins des consommateurs.

Le ministre parlait, dans son exposé, de donner plus de facilités vis-à-vis des productions nouvelles. Mais a-t-il pensé, en même temps, à ce dont nous avons parlé, dans le passé, au moins à trois ou quatre reprises : la culture sous serre, au Québec? Le ministre a-t-il pensé à cela? Il a parlé de cidreries. Cela va pour les cidreries, d'accord. Cela mérite qu'on regarde cet aspect, qu'on le développe. Cela fera probablement sourire le député de Rouville. Par contre, il n'y a pas que le député de Rouville à satisfaire — d'abord, il n'est pas ici pour longtemps— mais il faut satisfaire également ceux qui produisent, ceux qui sont dans d'autres productions et qui veulent, par ces productions, tirer des revenus suffisants pour vivre, faire vivre leur famille et en même temps faire vivre le reste de la population.

De plus en plus, on parle d'autosuffisance. Mais, M. le Président, il faut quand même avoir l'envergure d'esprit pour penser à des choses nouvelles, pour entreprendre des choses nouvel- les, ne pas seulement demeurer au statu quo ou rétrograder. Il faut également envisager quelque chose de tout à fait nouveau pour être au point, être au fait des développements technologiques, être au fait de tous les développements scientifiques.

M. le Président, des expériences ont été faites encore récemment en ce qui a trait à l'agriculture, la possibilité de productions nouvelles qui, à cause de notre climat, seraient possibles au Québec. Mais cela reste en suspens, cela reste sur les tablettes. L'honorable ministre ne devrait-il pas déléguer quelqu'un de son ministère pour tâcher, justement, de scruter ces aspects nouveaux et essayer, soit sur des fermes expérimentales ou à titre expérimental... Le mot n'est pas assez nouveau, je vois le ministre sourire. L'expression ferme expérimentale, ce n'est pas assez nouveau, ils appellent cela maintenant ferme pilote. Il va peut-être sortir demain avec une autre expression mais moi, peu importe l'épellation...

M. TOUPIN: L'appellation.

M. BELAND: ... du moment qu'il y a expérience nouvelle pour essayer de trouver des productions nouvelles...

M. TOUPIN: Ce n'est pas une épellation, c'est une appellation.

M. BELAND: Pardon?

M. TOUPIN: Ce n'est pas une épellation, c'est une appellation.

M. BELAND: M. le Président, je vois que l'honorable ministre s'arrête sur des banalités. Il va sans dire que je n'ai pas été à la petite école tellement, tellement longtemps mais, par contre, cela ne me ferait rien du tout de rencontrer dans une assemblée contradictoire, pour discuter d'agriculture, le ministre de l'Agriculture...

M. TOUPIN: Faites attention!

M. BELAND: ... sur n'importe quel aspect de l'agriculture. A ce moment-là...

M. TOUPIN: Vous vous ferez jouer un tour!

M. BELAND: ... il est entendu que moi, je mettrai de côté, par exemple, les épellations, mais j'agirai plutôt par jugement et par réalisme.

M. le Président, c'étaient mes observations, et j'invite l'honorable ministre de l'Agriculture à répondre tantôt aux interrogations que je lui ai faites. Et il va sans dire que je lui réitère également que j'apporterai en troisième lecture des propositions bien précises. Si on le veut, on peut aller en profondeur avec ce bill. C'est le temps.

N'en restons pas qu'aux mots, allons dans les

faits. J'espère que l'honorable ministre se rendra dans les faits et fera en sorte qu'en troisième lecture nous puissions apporter des correctifs, entre autres en ce qui concerne le phénomène de la colonisation. Qu'on puisse l'effacer de la carte, non pas seulement dans les mots, mais également dans les faits, pour le plus grand bien des agriculteurs du Québec.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, les fonctions antérieures importantes que le ministre exerçait au sein des organismes agricoles du Québec l'ont sûrement préparé, aussi bien que tout autre, à mesurer les problèmes graves et sérieux de l'agriculture québécoise, ainsi qu'à penser aux solutions, aussi bien globales que parcellaires, qu'il convient de leur apporter.

Je serais bien surpris que dans toutes les années que le ministre a consacrées à l'étude de ces problèmes il ne se soit pas rendu compte à quel point notre agriculture au Québec est malade, d'une maladie chronique à laquelle on se demande toujours quel remède il faudrait apporter.

Le ministre sait par exemple le nombre de fermes qui ont dû être éliminées au cours des dix dernières années, nombre effarant si on en regarde aussi bien le chiffre absolu que le pourcentage.

Le ministre sait bien également qu'une bonne partie de nos fermes — pour ne pas dire la moitié — n'ont pas encore atteint le seuil de la rentabilité.

Le ministre sait très bien que le revenu moyen de l'agriculteur québécois se situe encore à un niveau bien inférieur à celui de l'Ontario et encore davantage à celui de l'agriculteur de l'Ouest.

Le ministre sait très bien que la proportion de nos terres drainées est encore largement insuffisante, encore une fois par rapport au nombre de terres drainées qui existent chez nos voisins de l'Ontario, ce qui nous met souvent dans une situation concurrentielle désastreuse.

Le ministre sait très bien également que nos régions n'ont pas encore trouvé leur vocation agricole spécifique.

Le ministre sait très bien que dans plusieurs de nos régions on ne peut pas transformer sur place les produits de l'agriculture et que nous sommes obligés, soit d'exporter nos produits bruts ou de confier cette transformation ici au Québec à des compagnies étrangères.

Le ministre sait très bien que nous sommes aux prises avec une situation d'émiettement des terres qu'il faudrait regrouper pour les rentabiliser, mais qu'il doit faire face, en ce domaine, à des facteurs qu'il ne contrôle pas, étant donné que la juridiction du Québec en la matière est souvent limitée.

Le ministre se rend compte également que dans le domaine des productions qui ont fait la gloire du Québec, comme celle du lait, nous nous heurtons encore aujourd'hui à des difficultés qui donnent lieu à des soubresauts et à des malaises périodiques.

En somme, le ministre a assez fréquenté ces problèmes, a tenté assez souvent de les régler dans ses fonctions antérieures pour se rendre compte à quel point l'agriculture a besoin d'un bon médecin. Tout le monde, au fond, au Québec pensait que le ministre actuel pouvait être ce médecin, d'abord à cause de ses fonctions antérieures, deuxièmement à cause du dynamisme qu'il avait manifesté dans ses fonctions, à cause des déclarations qu'on avait pu lire de lui, à cause de son enthousiasme, de son impétuosité juvénile que nous connaissons très bien.

Je ne doute donc pas qu'il a abordé ses nouvelles tâches avec tout l'enthousiasme, la lucidité et la bonne volonté nécessaires.

Je ne doute pas, non plus, que, dès son accession au ministère, il a dû tenter de procéder différemment, à l'exemple de ce qu'il disait lorsqu'il était secrétaire de l'UCC, c'est-à-dire dépasser les solutions partielles ou parcellaires pour tenter d'en arriver à l'élaboration d'un plan global et d'un plan draconien. D'ailleurs, la tâche lui était facilitée par les nombreuses études qu'avaient faites à ce sujet non seulement la commission April, mais également l'UCC et divers autres organismes intéressés de près ou de loin à l'agriculture. Il a donc dû penser à cette loi qu'il nous présente aujourd'hui depuis qu'il a accédé à ces fonctions. Ce devait être sûrement la pièce maîtresse de la législation qu'il voulait nous présenter en tant que ministre.

Cependant, nous devons bien constater que cette loi vient bien tard, c'est-à-dire trois ans après son accession au cabinet ministériel. Deuxièmement, nous devons bien constater que cette loi est beaucoup moins étoffée, beaucoup moins puissante, beaucoup moins pertinente que ce qu'il avait lui-même souhaité. Je ne lui demanderai pas de nous faire des confidences, mais je pense, le connaissant bien et ayant suivi de près ses déclarations, que cette loi ne correspond qu'à moitié, pour ne pas dire qu'au quart des aspirations qu'il a nourries avant d'entrer en politique. On peut même dire que cette montagne en travail que constituait le ministre de l'Agriculture a accouché, sinon d'une souris, du moins d'un animal qui est loin de posséder la taille dont le ministre avait rêvé.

Il faut s'en demander les raisons. Je pense qu'il faut attribuer ce fait aux difficultés que le ministre a rencontrées. Le ministre n'a pas dû tarder à se rendre compte que le chemin, que les avenues qu'il voulait emprunter se trouvaient obstrués par deux adversaires de taille. Le premier, évidemment, qu'il a souvent dénon-

ce en cette Chambre et hors de cette Chambre: un gouvernement fédéral qui possède en matière d'importations et d'exportations, en matière de législation commerciale, des pouvoirs qu'il exerce trop souvent sans consultation avec les autorités provinciales et, en particulier, avec celles du Québec et qui, en conséquence, met notre gouvernement devant le fait accompli; un gouvernement fédéral qui, d'une façon têtue, a appliqué, particulièrement en ce qui concerne les grains de provende et l'aménagement des petites terres, pour ne pas parler de la commercialisation du lait et autres produits de la ferme, des politiques qui nuisent d'une façon radicale aux intérêts du Québec et dans lesquelles il s'enfonce malgré nos protestations afin de se ménager les faveurs d'un électorat qui lui est moins acquis que celui du Québec.

Le ministre nous a renseignés en cours de route sur les multiples rencontres, colloques qu'il a eus avec son homologue fédéral. Nous sommes bien obligés de déplorer avec lui aujourd'hui, après trois ans d'efforts, que ses ambitions d'harmonisation, de concertation avec le gouvernement fédéral n'ont pas été réalisées et que nous nous retrouvons, après trois ans, à peu près au même point qu'en 1970 avec, dans certains domaines, des aspects encore plus inquiétants.

Le ministre a donc dû constater que son ministère était un demi-ministère qui n'avait pas les pouvoirs qu'il ambitionnait, qui n'avait pas également, en vertu du partage fiscal, les fonds, les budgets qui seuls lui auraient permis d'appliquer une politique globale, en même temps qu'une politique moderne. Il est bien évident que la tentative de modernisation de son ministère, qu'il nous présente aujourd'hui, porte la trace de cette impuissance de ces démêlés et du désespoir qui commence à l'habiter.

Malheureusement, le ministre a également trouvé en face de lui un autre adversaire à l'intérieur même du gouvernement. Je me rappelle, par exemple, tout ce que le ministre avait à déclarer de sage et de pertinent sur l'intégration des domaines agro-alimentaires. Nous l'avons suivi dans ce domaine. Nous sommes parfaitement d'accord sur toutes les déclarations qu'il a pu faire à ce sujet. Et pourtant, lorsque nous lisons son projet de loi, nous constatons que son ministère, au lieu de s'appeler comme il devrait s'appeler, comme le ministre voudrait qu'il s'appelât, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, il ne s'appellera que le ministère de l'Agriculture. Ce qui veut dire, au fond, qu'il est obligé, dans le titre même de la loi, dans l'appellation même de son ministère, d'abandonner une fonction qui symboliserait l'action moderne, précisément, qu'il entendait mener dans ces domaines.

Il est malheureux que dans ces contestations intestines, le ministre de l'Agriculture n'ait pas réussi à faire prévaloir son point de vue et que le cloisonnement que nous avons déploré à tant de reprises dans le passé continue de mettre un frein aux entreprises rationnelles, modernes qu'appelle la conjoncture, désastreuse parfois dans certains domaines, de l'agriculture québécoise.

Je voudrais ici rappeler au ministre certaines déclarations sur lesquelles il aurait peut-être dû s'appuyer davantage dans les efforts qu'il a dû faire pour donner à son ministère le nom de ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. Je voudrais d'abord lui citer une des conclusions du rapport de la commission royale d'enquête sur l'agriculture au Québec, qui a été déposé en 1967, commission mieux connue sous le nom de commission April.

En conclusion d'un chapitre consacré à l'étude des relations entre l'agriculture et l'industrie et le commerce, en conclusion d'un chapitre consacré à l'étude de la place de l'agro-économie dans l'économie québécoise, les commissaires concluaient comme suit : "Mais ce sont surtout les investissements réalisés dans les industries en aval, c'est-à-dire stockage, transformation, transport de produits agricoles, qui peuvent augmenter la rentabilité de l'agriculture dans une économie commerciale puisqu'ils modifient les coûts de distribution du produit sur le marché. A moins qu'elle ne dispose de capitaux fournis par une société coopérative pour effectuer les investissements nécessaires dans les industries en aval, l'agriculture met son sort entre les mains de ceux qui décident de tels investissements. Elle constitue un secteur dominé dans une telle structure économique".

Je sais bien que les conclusions de cette commission d'étude ont été sinon mises de côté, du moins ont reçu peu d'attention de la part du ministère, mais il reste que nous continuons à croire en la valeur profonde des conclusions de cette commission d'étude, et il nous semble que le ministre, dans ses efforts au sein du cabinet, aurait dû s'en servir davantage.

Nous avons également à rappeler à l'attention du ministre d'autres déclarations d'interlocuteurs qu'il peut considérer comme privilégiés. Je pense en particulier à une figure bien connue du secteur agro-alimentaire, M. Léonard Roy, qui est le vice-président exécutif du Conseil d'alimentation du Québec, qui, lui aussi, depuis plusieurs années, multiplie les interventions urbi et orbi pour amener le plus tôt possible au Québec cette intégration de l'agriculture et de l'industrie alimentaire. Dans une intervention qu'il faisait en 1970, devant l'Association professionnelle des meuniers du Québec, M. Roy disait ceci (je résume, je pourrais citer, au fond, toute sa conférence): Du côté de l'appareil administratif gouvernemental au Québec — et je prie le ministre de bien se rappeler cette déclaration — il faut, disait M. Roy, centraliser au même endroit, soit au ministère de l'Agriculture, soit à la Régie des marchés agricoles, soit dans un tout nouveau ministère de l'industrie alimentaire, sous l'autorité d'un seul responsable connu, tous les services, bureaux, divisions

de l'administration gouvernementale impliqués dans la mise en marché, la commercialisation, la classification, l'inspection, l'étiquetage et la présentation des produits agricoles alimentaires. Je suis sûr que le ministre est d'accord sur cette déclaration, je n'en veux pour preuve que la politique agricole globale qu'il présentait lui-même il y a un an au cabinet et dont il nous a remis copie lorsque le ministre, dans cette déclaration fort bien faite, le ministre disait ceci et je le cite: "Une telle connaissance de la chaîne de production agricole permet de son côté de suggérer les interventions pertinentes au point réellement critique de cette chaîne, que ce soit en amont, en aval ou à l'intérieur de la partie du secteur secondaire qui y est rattaché." Le ministre poursuivait, quelques paragraphes plus loin: "D'autre part, la distribution et la transformation sont de plus en plus appelées à jouer un rôle déterminant dans la stratégie d'une politique agricole et à exercer des effets d'entraînement sur le développement de l'agriculture." Le ministre n'a sûrement pas changé d'avis à ce sujet et cette déclaration de lui que je viens de lire, qui rejoint la conclusion de la commission April, qui rejoint l'intervention d'un spécialiste comme M. Léonard Roy, aurait dû nous faire espérer enfin, dans la présentation de ce projet de loi, l'aboutissement d'efforts de toute une génération d'économistes, de spécialistes qui continuent de clamer à tout vent qu'une intégration s'impose au Québec entre l'agriculture et la partie de l'industrie qui s'occupe des aliments, si l'on veut véritablement rentabiliser l'industrie au Québec, si on veut véritablement la moderniser et apporter aux agriculteurs une réponse définitive au problème dont ils se plaignent d'une façon chronique depuis le début du siècle.

D'ailleurs, j'aurais également à rappeler au ministre une autre déclaration d'un de ses bons amis, un de ses conseillers, le professeur Ouel-let, de l'université Laval, qui, lui aussi, constatait notre degré de dépendance, d'insuffisance dans les approvisionnements et qui, à plusieurs reprises, a fait au ministre des suggestions qui vont dans le même sens que celles que je viens de citer. Reprenant l'étude que vient de produire le ministère, qui est très bien faite d'ailleurs, sur la consommation et le degré d'autoapprovisionnement, le profil agro-alimentaire no 2, M. Ouellet disait que l'agriculture et l'industrie alimentaire produisent actuellement au Québec pour une valeur d'environ $800 millions alors que la consommation de produits alimentaires s'élève à quelque $2.5 milliards par année, ce qui est près de 20 p.c. du produit national brut au Québec.

Pourquoi, au Québec, existe-t-il et persiste-t-il un tel écart entre les dépenses de consommation de $2.5 milliards et les dépenses de production de $800 millions? C'est précisément parce que l'agriculture et l'industrie se sont développées d'une façon parallèle, parfois contradictoire, qu'il n'y a pas eu ces efforts d'intégration, d'harmonisation menés par un seul ministère. On voit d'ailleurs les résultats magnifiques auxquels on peut en arriver lorsque, dans un secteur limité qui demeure la responsabilité du ministre, on a pu procéder à ce regroupement. Nous avons applaudi, comme bien d'autres, à la création de Québec Lait, qui regroupait les laiteries Leclerc, qui regroupait Grenache et d'autres coopérateurs. Cela a permis à Québec Lait de prendre une place importante dans le secteur de la transformation des produits laitiers face à des géants comme Sealtest qui était en train de s'emparer de tout le marché.

Si nous avons applaudi à cette création, il demeurait quand même dans nos applaudissements une certaine frustration, parce que nous avions conscience de tous les autres secteurs où pareils regroupements où pareilles fusions s'imposeraient. Le ministre lui-même mentionnait, par exemple, une huilerie qui pourrait être établie à Montréal et qui pourrait recevoir les graines de colza et les graines de soya que le Québec pourrait produire si les producteurs savaient d'avance qu'ils ont un débouché pour leur production agricole. Le ministre lui-même disait que nous pourrions non seulement rentabiliser un secteur important de l'agriculture, augmentant ainsi le revenu moyen des cultivateurs québécois, mais qu'en même temps nous pourrions limiter les importations considérables que nous sommes obligés de faire, chaque année, de nos voisins américains en ces domaines.

Donc, le regroupement, la fusion de l'alimentaire et de l'agricole constitue probablement la réponse la plus radicale, la plus profonde aux problèmes qui nous affligent aujourd'hui, que ce soit des problèmes d'insuffisance de production par rapport à la consommation, que ce soit par rapport à l'émiettement de nos entreprises, que ce soit par rapport au caractère désuet de ces entreprises émiettées, morcelées qui ne peuvent pas faire face aux géants avec lesquels elles sont appelées à entrer en relation dans une économie concurrentielle comme celle d'aujourd'hui. Cela, le ministre le sait aussi bien que nous. Lorsque nous regardons, par exemple, les débouchés auxquels ont à faire face nos agriculteurs qui sont obligés de vendre leurs produits, on constate, comme notre collègue Guy Joron l'a montré à la suite de ses recherches, que la plus grande partie de ces entreprises sont des entreprises étrangères, que ce soit Canada Packers, Kraft Foods, Canadian Dominion Sugar, Western, Ogilvy, Molson, Seagram, Dow, Rothman, Imperial Tobacco. Il n'y a dans ces géants que deux ou trois Canadiens français, que deux ou trois entreprises québécoises et, par hasard — ce n'est pas un hasard, comme le ministre le sait — ce sont des coopératives. Qu'est-ce que la coopérative, sinon une sorte de regroupement qui peut toujours s'élargir, comme justement l'exemple de Québec-Lait vient de la prouver?

C'est donc la raison pour laquelle, M. le Président, nous ne saurions assez insister, pen-

dant qu'il en est encore temps, pour que le ministre se ravise et plaide une dernière fois, auprès de son collègue de l'Industrie et du Commerce, en particulier, auprès de ses collègues du cabinet pour que son ministère possède le nom qu'il devrait posséder, c'est-à-dire ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, et que le cabinet lui donne, dans les articles du projet de loi, tous les pouvoirs dont il a besoin pour procéder le plus rapidement, le plus efficacement possible à ce regroupement des entreprises, à cette intégration des entreprises qui permettra à celles-ci de transformer ici même au Québec, le plus tôt possible, les produits de notre agriculture et qui pourra justement permettre de rationaliser aussi bien en amont qu'en aval cette production agroalimentaire pour le plus grand bien, d'ailleurs, du consommateur québécois aussi bien que pour le plus grand bien du producteur agricole québécois.

Encore une fois, je sais bien que le ministre ne nous fera pas de confidences, la solidarité ministérielle l'en empêchant, mais nous déplorons ces cloisonnements qui permettent cet éparpillement de nos forces, de nos énergies, alors que nous aurions tellement besoin au contraire de nous inspirer de la science, de la raison, de la technique, nous qui, justement, avons à faire face à des situations autrement plus difficiles que celles de nos voisins.

Nous espérons que le temps permettra encore au ministre ce dernier effort et que les voeux qu'il a déjà émis dans le passé, et que nous savons être encore les siens, seront enfin réalisés par la création d'un véritable ministère de l'Agriculture.

Evidemment, ce sera encore un demi-ministère, étant donné que le gouvernement fédéral continue à contrôler plusieurs des avenues qui nous importeraient le plus, que ce soit dans la commercialisation, encore une fois, dans le commerce international ou dans l'aménagement des petites fermes. Mais, au moins, le ministre aura en main un instrument qui est le plus puissant et le plus parfait possible dans les circonstances du demi-Etat où nous devons continuer, durant quelque temps, nos activités. Dans ces limites que je viens de décrire, il aura au moins la satisfaction de posséder un instrument qui lui permettra de mener plus rapidement les réformes auxquelles il songeait quand il était secrétaire de l'UCC et qu'il a rêvé de mettre en pratique maintenant qu'il occupe un poste important au sein du gouvernement.

Evidemment, ceci implique que le ministère perdra son nom de Colonisation . Je pense que c'est là une réforme qu'il ne vaut même plus la peine de souligner, étant donné que la colonisation est, depuis belle lurette, disparue au Québec. Maintenant, nous pensons, au contraire, beaucoup plus en termes d'aménagement qu'en termes de colonisation.

Je voudrais, cependant, rappeler au ministre, avant qu'on enterre de façon définitive cette partie du nom de son ministère qui s'appelle "Colonisation", qu'il reste, malgré tout, des problèmes importants à régler en ce domaine. Même si je ne comprenais peut-être pas grand-chose à la façon dont le député de Lotbinière expliquait le problème, j'ai suivi assez la situation pour me rendre compte qu'il y a des problèmes, peut-être pas tellement nombreux, mais importants pour ceux, en tout cas, qui les vivent dans ce domaine.

Je pense qu'il faudrait profiter de cette occasion pour mettre un terme également à ces billets de location qui font de certains de nos fermiers québécois des métayers, des serfs qui appartiennent beaucoup plus à un régime féodal qu'à un régime moderne, des fermiers que l'on fait vivre dans un état permanent d'insécurité, des fermiers qui cultivent pour un autre, pour une sorte de personnage mythique, inconnu, qui s'appelle l'Etat, qui n'ont pas la pleine propriété de leur terre, qui ne peuvent pas la passer à leurs enfants, qui ne peuvent pas l'aménager, qui ne peuvent pas la cultiver, l'aimer, comme on le fait d'un bien qui nous appartient en propre. Il nous semble que le temps serait venu, pour le ministre, de mettre la hache, en même temps que dans la colonisation, dans les reliquats désastreux qui nous en restent. Il devrait profiter de cette occasion pour remettre enfin la pleine et due propriété de leur terre à tous ceux qui en ont bénéficié sous l'égide des lois de la colonisation, qu'on a cru nécessaire d'adopter, un certain jour, dans cet Etat qui s'appelle le Québec.

Quant aux autres articles du projet de loi, il y en a qui nous réjouissent et il y en a qui nous inquiètent. Parmi ceux qui nous réjouissent, il y a l'allocation supplémentaire de fonds, qui est portée de $1 million à $4 millions, que l'on réserve à certaines entreprises ou coopératives. Je dis "certaines entreprises ou coopératives".

Avant, il ne s'agissait que de coopératives, maintenant le gouvernement veut étendre cette largesse ou cette générosité à d'autres entreprises de type non coopératif. Nous nous en réjouissons, évidemment, car les problèmes de l'agriculture sont tellement nombreux, au point qu'ils peuvent parfois donner l'impression d'être un gouffre sans fond. L'addition de quelques millions ne peut que réjouir tous ceux qui s'intéressent à la correction de ces problèmes. Nous souhaiterions même que le ministre des Finances se montre beaucoup plus généreux qu'il ne l'a fait et qu'il mette à la disposition du ministre non pas $4 millions mais, de préférence, $10 millions ou $15 millions, dans la mesure, précisément, où ces $10 millions ou $15 millions seraient dépensés comme nous le préconisions tout à l'heure, c'est-à-dire d'une façon rationnelle, pour la fusion et le regroupement d'entreprises qui ont besoin de l'être ou pour la constitution d'entreprises nouvelles qui faciliteraient la mise en production de produits nouveaux.

En ce sens, nous souhaiterions, encore une

fois, que le ministre se montrât plus généreux. Mais ce qui nous inquiète quand même dans ce domaine, M. le Président, c'est l'extension, qui peut nous sembler dangereuse, â d'autres types d'entreprises, des fonds qui étaient réservés jusqu'ici aux coopératives. Non pas que nous soyons contre le principe, parce que nous savons bien qu'il y a d'autres entreprises que les coopératives qui s'intéressent à ces domaines — il y a des moyennes, il y a des petites entreprises. Mais, quand il y a un gâteau aussi petit que ces $4 millions ou que ce $1 million dans la loi antérieure et que nous voyons un groupe d'affamés qui veulent se précipiter sur ces subventions déjà insuffisantes, nous craignons beaucoup que les coopératives se retrouvent dans une situation de vaincus chroniques. Car les coopératives n'ont pas toujours bonne presse au Québec. Elles se sont souvent développées contre vents et marées. Elles n'ont pas toujours reçu du gouvernement l'aide à la quelle elles auraient dû s'attendre. Nous craignons beaucoup qu'en étendant le champ des quémandeurs les coopératives reçoivent encore moins qu'elles ont reçu jusqu'ici, alors que nous sommes convaincus, M. le Président, que dans le domaine que nous étudions aujourd'hui les coopératives ont un rôle absolument majeur à jouer, dans une économie contrôlée à 80 p.c. par des sociétés multinationales ou par des sociétés étrangères. Nous savons très bien que les coopératives ont toujours un rôle majeur à jouer, parce que c'est le principal moyen de regroupement, c'est le principal moyen de mise en commun non seulement des épargnes mais des efforts, des initiatives que l'on peut attendre d'un peuple.

D'ailleurs, l'exemple nous vient de loin. Dans d'autres pays qui ont développé leur système coopératif, on a pu voir les résultats imprévus, parfois, tellement ils étaient effarants, de l'initiative des coopérateurs. En Allemagne fédérale, par exemple, dans le secteur alimentaire, les coopératives contrôlent actuellement 40 p.c. de la vente au détail. En Suisse, les fédérations Migro et Co-Op Suisse contrôlent également une partie importante de la vente au détail. En Hongrie, les sociétés coopératives sont particulièrement actives dans trois secteurs dont celui de l'agriculture.

En Suède, enfin, les coopératives contrôlent environ 17 p.c. de la vente au détail et 40 p.c. dans le secteur alimentaire. Il me semble que ce sont là des arguments qui devraient faire penser au ministre qu'on ne soutiendra jamais assez l'effort des coopératives, qu'il faudrait mettre à leur disposition non seulement des budgets supplémentaires mais également les services techniques dont elles ont parfois besoin, que ce soit pour l'étude de produits nouveaux, ou pour stimuler l'ensemencement de produits nouveaux, ou pour étudier les mécanismes de distribution, de commercialisation, de mise en marché ou d'exportation.

Nous aimerions beaucoup qu'à l'occasion de l'étude de ce projet de loi le ministre nous dise qu'il entend mener un effort magistral, énorme, à tous les points de vue budgétaires et techniques, pour stimuler les progrès des coopératives que nous avons déjà, pour stimuler la création de nouvelles coopératives, et également pour aider certaines de ces coopératives dont la taille est encore insuffisante à se grouper en fédérations de coopératives qui pourraient constituer, dans beaucoup de secteurs, la réponse que nous attendons aux problèmes que j'ai soulignés.

Donc, même si nous nous réjouissons de l'augmentation des fonds, nous nous inquiétons de cette dilution possible de l'aide que l'on peut apporter aux coopératives du fait qu'elles vont se trouver face à des compétiteurs qui, souvent, ont davantage la faveur des gouvernements, surtout quand on connaît la philosophie libérale —au sens économique— de ce gouvernement. Et nous craignons que ce qui était une mesure bénéfique finalement se transforme au désavantage d'un mouvement qu'au contraire on devrait encourager par tous les moyens possibles.

Enfin, un article du projet de loi permet au ministre de confier le groupement de certaines fermes ou de certaines entreprises à un organisme gouvernemental. Je vous avoue que ceci nous inquiète grandement. Nous connaissons toutes les critiques qui ont été faites aux organismes gouvernementaux dans les années qui ont précédé.

Encore une fois, nous n'avons rien contre le principe d'un organisme gouvernemental. Nous savons que, dans certains domaines, cela s'impose d'une façon absolue, que ce soit dans le domaine de l'électricité, de l'exploration minière, des initiatives pétrolières et même de l'exploitation de nos forêts.

Mais nous nous demandons si la pensée du ministre est assez explicite à cet égard. Nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu d'étoffer davantage son article pour qu'en même temps qu'on y parle d'un organisme gouvernemental —qui, nécessairement, sera centralisé — on parle également d'organismes régionaux. Nous nous demandons si, dans un domaine qui touche d'aussi près la vie des gens que l'agriculture, il est sage de ne penser qu'en termes d'organismes gouvernementaux centralisés.

D'ailleurs, j'aimerais rappeler au libéral de frafche date qu'est le ministre de l'Agriculture une résolution du programme électoral de 1970 du Parti libéral qui préconisait la création de sociétés régionales de gestion et de planification agricoles administrées par les producteurs avec l'aide du gouvernement.

Ces sociétés, selon le programme libéral, "seraient intégrées verticalement sur une base régionale et seraient responsables: 1— de l'achat, de la consolidation des terres et de la formation de fermes agricoles responsables-, 2— du développement de la mise en marché des productions agricoles; 3— de la consolidation des industries marginales de transformation; 4— de la création d'usines d'empaquetage et de conservation."

Voilà une résolution, M. le Président, à

laquelle nous donnons notre accord le plus complet et le plus enthousiaste. D'ailleurs, on la retrouve dans la version que nous venons de faire paraître du programme du Parti québécois. Voilà un point sur lequel nos deux partis sont complètement d'accord. Mais pourquoi, au moment où nous sommes d'accord, où nous énonçons cet accord, le Parti libéral fait-il machine arrière vers la centralisation, vers la bureaucratisation? Pourquoi devons-nous assister à cette libéralisation, dans le sens économique stuartmillien du terme, devrais-je dire, du parti, alors que précisément les contraintes qui ont amené les militants du Parti libéral à préconiser cette résolution sont toujours de plus en plus pressantes et de plus en plus présentes? Nous ne nous expliquons pas, M. le Président, ce retour en arrière.

Nous voudrions que le ministre profitât de ce dernier moment, de ce dernier délai qui lui est donné pour faire machine arrière, pour repenser la texture de son article. Nous lui accordons toute la bonne foi désirable. Peut-être s'agit-il ici simplement de négligence ou de manque d'explicitations. Nous lui donnons ce dernier délai pour qu'il repense la formulation de son article et pour qu'il — nous l'aiderons, d'ailleurs, par un amendement — confie aux sociétés régionales de gestion et de planification agricoles, qu'il devrait s'employer à créer l'administration de toutes les réformes qu'il a à l'esprit. Il nous semble que les intérêts de la classe agricole, aussi bien que les intérêts généraux du Québec seront beaucoup mieux servis par cette réforme que par l'article qu'il nous soumet aujourd'hui.

Donc, il est un peu difficile de se faire une idée définitive de ce projet de loi tellement nous sentons qu'il ne satisfait qu'à moitié le ministre lui-même, tellement nous sentons qu'il aurait aimé y mettre davantage d'étoffe, de substance et qu'il nous présente sinon un avorton, du moins un petit enfant malingre, à qui on ne peut qu'espérer que Dieu prête vie le plus longtemps possible.

Cependant, ce projet de loi contient quelques réformes que nous préconisons, que nous souhaitons depuis longtemps et à ce titre nous ne pourrions qu'y être favorables. Nous attendrons donc la discussion en deuxième lecture et non pas en troisième lecture, la discussion en comité plénier, pour voir si le ministre peut améliorer davantage son projet de loi pour qu'il colle davantage aux réalités contemporaines de l'agriculture du Québec. Nous savons en effet que l'agriculture, même si elle n'occupe plus que 9 p.c. ou 10 p.c. des citoyens du Québec, constitue un des secteurs les plus importants de notre vie collective, non seulement parce qu'elle est située à un point névralgique où, d'amont, lui parviennent des produits qui entrent pour beaucoup dans la constitution du produit na- tional brut ou parce qu'en aval elle donne à des industries d'autres produits qui, eux aussi, contribuent beaucoup au produit national brut, mais surtout parce que l'agriculture est le seul domaine qui permet à un peuple de se raciner dans son territoire, qui permet à un peuple de se donner un visage, de se donner une âme, d'occuper le territoire, de l'aménager, de le cultiver, selon les lignes de force de son histoire et de sa culture.

C'est la raison pour laquelle nous tenons au progrès du secteur agricole comme à la prunelle de nos yeux, car si nous ne sauvons pas l'agriculture, nous ne pouvons pas sauver le pays, alors que si nous sauvons l'agriculture, c'est là une garantie de santé et de progrès pour tout l'organisme collectif, et nous ne saurions y consacrer trop d'efforts. En ce sens, le projet de loi que nous présente le ministre nous paraît d'une extrême importance et nous l'étudierons avec toute l'attention qui s'impose, afin que nous puissions doter non seulement le gouvernement, mais la classe agricole d'un ministère qui saura lui procurer les instruments, les fonds, l'administration, en même temps que les initiatives surtout qui assureront définitivement son progrès..

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Est-ce que je peux demander la suspension, vu qu'il ne reste qu'une seule minute?

M. LEVESQUE: Vous pouvez la demander, mais ce n'est pas sûr que vous allez l'obtenir.

M. AUDET: Je demande la suspension de la séance, M. le Président.

M. LEVESQUE: La séance est suspendue jusqu'à quinze heures, M. le Président.

M. VINCENT: On continue là-dessus en revenant, et il y a la commission plénière aussi en Chambre.

M. LEVESQUE: Oui, normalement, sujet à changements.

M. LOUBIER: Pourquoi pas quatorze heures trente? Vous allez gagner une demi-heure.

M.LEVESQUE: Si tout le monde est d'accord pour quatorze heures trente, moi, je ne ferai pas d'objection. Quatorze heures trente.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quatorze heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

Reprise de la séance à 14 h 32

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet, avec le consentement unanime de la Chambre, on pourrait déposer immédiatement un rapport de la commission des institutions financières, compagnies et coopératives.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a le consentement?

M. PAUL: On donne le consentement à la production du rapport et, quant à nous, M. le Président, troisième lecture du projet de loi no 6.

M. LEVESQUE: Est-ce que vous voulez faire le rapport là-dessus?

UNE VOIX: Non.

Rapport de la commission des institutions financières

M. BROWN: M. le Président, conformément aux règlements de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de déposer pour André Marchand le rapport de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives qui a étudié le projet de loi no 6, intitulé Loi modifiant la loi des valeurs mobilières.

LE PRESIDENT: Dépôt du rapport.

M. PAUL: M. le Président, n'en déplaise à l'honorable leader du gouvernement, nous serions prêts, nous, à consentir à la troisième lecture de ce projet de loi.

M. LEVESQUE: Si tout le monde est prêt, mais qu'on le dise si on n'est pas d'accord. Le silence, dans ce cas, est l'approbation.

M. PAUL: II faut que ce soit inscrit au journal des Débats, M. le Président. Qui fait un filibuster sur un tel projet de loi?

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. LAURIN: Non, M. le Président.

LE PRESIDENT: J'ai entendu une voix.

M. LEVESQUE: M. le Président, nous pourrions également procéder au dépôt d'un rapport de la commission permanente de la justice.

Rapport de la commission de la justice

M. MARCHAND: M. le Président, confor- mément aux dispositions de nos règlements, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente de la justice, chargée de l'étude des projets de loi privés qui lui sont déférés à savoir: projet de loi no 113, Loi concernant la vente de certains immeubles par la Société d'éducation de Joliette; projet de loi no 149, Loi concernant la succession de Joseph Aldéric Raymond; projet de loi no 152, Loi concernant certains lots de cadastre de la cité de Montréal, quartier Saint-Laurent; projet de loi no 163, Loi concernant la succession de Léona Bessette; projet de loi no 154, Loi concernant le titre de Allis-Chalmers, Rumely, Ltd. sur un immeuble; projet de loi no 156, Loi concernant la corporation Ivanhoe; projet de loi no 158, Loi éteignant une servitude sur une partie d'un lot de cadastre de la municipalité de la paroisse de Montréal; projet de loi no 165, Loi concernant la Fabrique de la paroisse de Sainte-Dorothée; projet de loi no 168, Loi concernant une donation à la Fabrique de la paroisse de Saint-Philéas-de-Villeroy. Respectueusement soumis, Léo Pearson, député de Saint-Laurent. Au nom de M. Léo Pearson, le député de Laurier s'est fait un plaisir de faire ce rapport.

UNE VOIX: Un rappel.

LE PRESIDENT: Rapport déposé?

M. LATULIPPE: Est-ce que vous me permettriez une question? Le projet de loi sur les institutions financières a-t-il été présenté en troisième lecture?

LE PRESIDENT: Le projet de loi de?

M. LATULIPPE: Le projet de loi dont le rapport a été appelé précédemment à celui-ci?

LE PRESIDENT: Non.

M. LATULIPPE: II n'a pas été accepté.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on a objection à ce que les bills privés puissent été présentés en troisième lecture immédiatement?

M. LAURIN: Pas d'objection. M. LEVESQUE: Pas d'objection?

M. PAUL: Bien, je comprends que vous allez réserver les projets de loi nos 152 et 156.

LE PRESIDENT: Est-ce que l'on pourrait voir les rapports, peut-être?

M. LEVESQUE: C'est parce qu'il y en a...

LE PRESIDENT: II y en a qui ne sont pas approuvés, je crois.

M. LEVESQUE: ... qui no sont pas approuvés.

LE PRESIDENT: Non, mais on pourrait procéder à l'adoption des projets de loi sur lesquels les rapports sont favorables.

M. LEVESQUE: C'est ça. Les projets de loi nos 152 et 156, d'après le rapport, sont remis sine die. Alors, pour les autres projets de loi, soit 158, 165, 168, 113, 149, 154 et 163...

M. PAUL: Agréé.

M. LEVESQUE: ... troisième lecture.

LE PRESIDENT: Lesquels sont réservés, s'il vous plaît?

M. LEVESQUE: Nos 152 et 156.

LE PRESIDENT: Premièrement, il faudrait faire les écritures en ce qui concerne l'adoption — le rapport est déposé — du rapport. Est-ce que les rapports concernant les projets de loi suivants: 168, 149, 154, 165, 152, 156, 163, 113 et 158, sont adoptés?

UNE VOIX: Adopté.

Troisième lecture de projets de loi privés

LE PRESIDENT: Troisième lecture des projets de loi suivants: 168, 149, 154, 165, 163, 113 et 158. La troisième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

M. PAUL: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Troisième lecture de ces projets de loi. Third reading of these bills.

Projet de loi no 13 Deuxième lecture (suite)

LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. Aurèle Audet

M. AUDET: M. le Président, sur la deuxième lecture du bill 13, il me fait plaisir d'apporter quelques précisions, quelques informations.

M. le Président, le bill prévoit enlever le mot colonisation. Je crois que nous sommes d'accord sur cela. A toutes fins pratiques, si enlever le mot colonisation avait pour effet de décoloniser les régions rurales, nous pourrions dire que cela fait longtemps que c'est fait. M. le Président, la décolonisation est faite depuis longtemps et cette décolonisation a été bel eh bien faite par la venue du bien-être social dans les années soixante.

Nous savons, M. le Président, que des colons étaient devenus de petits cultivateurs et qui, en ces années, avaient beaucoup de misère à subsister dans leurs colonies. Et la Loi du bien-être social est venue, loi sélective, qui venait offrir sur un plateau un chèque de bien-être social à la condition que le colon ou le cultivateur mal en point accepte de laisser son troupeau, accepte d'arrêter de cultiver, accepte de cesser de bûcher de la pitoune, du bois de quatre pieds, sur son lot.

Je crois, M. le Président, que c'est la formule qu'on a utilisée dans le temps. Je n'accuse pas le ministre actuel parce qu'il n'est certainement pas responsable de ces mesures prises dans le temps, mais rien n'empêche que c'est la formule dont on s'est servi pour décoloniser nos petites paroisses rurales aussi bien dans le nord qu'un peu partout dans la province.

Pour ma part, dans l'Abitibi-Ouest, j'en ai été témoin. J'y étais et j'ai vu la décolonisation se faire par ces moyens. C'était très grave, M. le Président, de voir ces mesures sélectives venir offrir à nos cultivateurs, nos colons qui, nécessairement, à la venue de l'inflation, ne pouvaient pas joindre les deux bouts, le bien-être social à la condition qu'on accepte de ne plus produire, de ne plus garder de troupeau, de ne plus cultiver et de ne pas aller chercher un surplus pour le bien-être de leur famille.

M. le Président, nous acceptons certainement d'enlever ce mot colonisation mais quelles seront les conséquences de la disparition de ce mot colonisation de toutes les lois touchant le domaine agricole?

Quelles seront ces conséquences? Nous sommes très inquiets à ce moment-ci lorsque nous voyons l'enlèvement de ce mot colonisation qui s'inscrit dans un texte de loi qui donne, par contre, des pouvoirs discrétionnaires à un organisme.

On va former un organisme qui n'aura même pas de responsabilités vis-à-vis du gouvernement, en ce qui concerne ses décisions, ses gestes, ses plans ou objets qu'il voudra bien organiser en vue de rétablir des zones forestières, par exemple, faire l'aménagement des fermes ou nommer zones agricoles ou forestières certaines régions de nos comtés ruraux.

Nous sommes très inquiets et nous demandons au ministre aujourd'hui ce qu'il entend faire à la suite de l'enlèvement de ce mot colonisation. Est-ce qu'on se servira de ce projet de loi pour inviter à partir les petits cultivateurs ou les résidents, peut-être juste les assistés sociaux qui demeurent actuellement encore sur des lots sous billet de location, des gens qui travaillent un peu à l'extérieur, qui ne vivent pas nécessairement de leur ferme, mais qui demeurent quand même sur ces lots sous billet

de location, ce qui leur apporte un apport assez considérable pour faire vivre leur famille?

Ne se servira-t-on pas de ce bill pour dire tout simplement à ces résidents: Vos lots, à partir de maintenant, sont retournés au ministère des Terres et Forêts, ils ne sont plus votre propriété, vous n'avez plus le droit de demander de patente sur ces lots; de toute façon, vous devez retourner à l'industrie, â un travail quelconque ou aller vous loger ailleurs; si vous êtes des assistés sociaux, allez-vous en dans les HLM en ville?

Je crois que si c'est l'objectif poursuivi par le ministre actuel dans son bill 13, c'est très néfaste, parce que c'est encore là une forme de déportation. Nous avons parlé, dans l'histoire du Canada, de la déportation des Acadiens, et dans ce temps-là nous nous apitoyions réellement sur le sort de ces Acadiens qui ont été déportés.

Ds n'avaient pas le choix, M. le Président. Je crois qu'au cours de l'histoire, pas plus tard que de 1930 à 1940, nous avons vu une déportation aussi, lorsqu'on a fait de la colonisation. On a pris nos gens de la ville, qui recevaient le secours direct et on les a empaquetés dans des boxcars avec leurs vaches et leurs poules et on les a obligés à monter dans le nord. Vous vous souvenez de ça? Moi, je m'en souviens. Ils étaient forcés de monter dans le nord; c'était de la déportation, M. le Président. On les forçait à aller ouvrir des lots boisés, de peine et de misère. Nous savons quels sacrifices, quels labeurs ont été consentis pour ouvrir ces lots. Aujourd'hui, on veut, avec ce bill, dire à nos cultivateurs du nord ou aux colons, ou peut-être juste aux résidents qui ont ouvert des lots à force de sacrifices et de misères: Ces lots sous billet de location ne sont plus votre propriété. Ils sont maintenant la propriété du ministère des Terres et Forêts et vous n'avez qu'une chose à faire: allez-vous-en dans les HLM en ville. Une autre déportation, M. le Président.

Je crois que, si c'est ça, dans l'esprit du ministre, le bill 13, c'est très néfaste et ignoble et nous n'en voulons pas. Je crois que ça cache quelque chose, ce bill-là. Nous sommes très inquiets et notre population du nord est inquiète à ce sujet. On se dit: Est-ce qu'on nous fera revivre les années trente et quarante? On a payé des millions de dollars pour nous forcer à venir habiter des lots, à arracher des souches avec des boeufs, avec des chevaux, à ouvrir des terres dans le nord. Maintenant, ça va nous coûter des millions pour prendre ces cultivateurs ou ces assistés sociaux et les envoyer dans les HLM. Cela va coûter d'autres millions, M. le Président, au gouvernement parce que les assistés sociaux, actuellement sur leurs terres, dans le nord, ne paient pas de loyer, mais, dans les HLM, ils devront payer leur loyer et ça va coûter des millions. On a fait un calcul rapide. Par exemple, pour 6,000 assistés sociaux qui devraient — ça représente à peu près la moitié des gens qui demeurent dans des lots sous billet de location— retourner dans les HLM, ça coûterait une moyenne de $90 à $100 par mois. En chiffres ronds, ça se traduirait par environ $72 millions au gouvernement. C'est pas mal bon, imaginez-vous, pour faire déserter les terres à nos colons du nord! On serait mieux de les laisser là et de leur laisser la chance de vivre chez eux. Ils veulent demeurer chez eux, ces gens-là; on n'aime pas être transplanté à droite et à gauche, M. le Président.

Le ministre semble dire que ce n'est pas ça, le bill. J'espère que ce n'est pas ça.

M. TOUPIN: Ce n'est pas ça, certain.

M. AUDET: ... mais notre population du nord est inquiète à ce sujet-là...

M. LEVESQUE: Est-ce que le député pourrait nous dire comment il arrive à $75 millions?

M. AUDET: ... prenez 6,000 à $100 par mois, ça fait $1,200 par année, multipliez par 6,000, ça fait $7,200,000.

M. LEVESQUE: Ah! pas $75 millions.

M. AUDET: Excusez-moi, M. le Président. Rien qu'un zéro. M. le Président, $7,200,000, ça fait un gros montant pour permettre de transplanter des gens ailleurs que chez eux, déloger des gens; c'est de la déportation.

M. GRATTON: Cela coûte cher.

M. AUDET: Je crois qu'il y aurait lieu de penser réellement à ce qu'on va faire, parce que dans le bill on est en train de donner des pouvoirs à des organismes qui ne seront pas responsables au gouvernement, qui vont pouvoir décider de faire ce qu'ils vont vouloir lorsqu'il s'agira de l'établissement de zonages forestiers, par exemple. Une petite paroisse de mon comté, Villebois, Abitibi, a sérieusement étudié dernièrement les implications de cette loi et elle voit la venue possible de l'établissement de zonages forestiers dans son district, dans son coin, et on n'en veut pas. Je donne un message ici au ministre de l'Agriculture de bien vouloir porter une attention à la demande de ces paroissiens.

Il y a encore une trentaine de cultivateurs qui ont fait dernièrement un inventaire de leur bétail; ils ont quand même 500 têtes de bétail avec des possibilités de 750 têtes d'ici deux à trois ans. Je crois donc que ces gens-là veulent vivre, veulent demeurer chez eux, qu'ils ne voudraient pas se voir déloger, voir leur ferme retourner à la forêt. On n'en veut pas du retour à la forêt.

C'est bien beau de reboiser des terres faites, mais je crois que dans le Grand Nord, dans mon comté, où on coupe des boisés à raison de plusieurs milliers d'acres par année, il y a amplement de place, d'espace, pour reboiser

sans reboiser les fermes existantes. On n'a pas besoin de ça. Qu'on garde nos fermes qui sont actuellement cultivables, qu'on les laisse à l'agriculture, qu'on encourage l'agriculture plutôt que de retourner ces fermes à la forêt. Nos gens n'en veulent pas et avant de déclarer ces zones, zones forestières, qu'on aille au moins demander à cette population ce qu'elle veut qu'on fasse pour elle. Ce sont ces gens qui ont vécu dans ce coin. Ce sont eux qui ont ouvert leur ferme.

Je me demande si le gouvernement pourrait, facilement, objectivement, sans leur demander, rendre ces coins-là zone forestière; c'est impensable, M. le Président.

DES VOIX: Adopté. M. LEVESQUE: Adopté.

M. AUDET: Ce n'est pas adopté, une minute! Un instant. Cette population du Nord veut réellement demeurer chez elle, ne veut pas être dérangée ou au moins veut être consultée avant de faire des programmes semblables, avant d'accepter, par exemple, de donner libre cours aux fonctionnaires d'entrer sur les fermes, d'aller inventorier quoi que ce soit comme des voleurs, ni plus ni moins. Un article dans la loi mentionne, par exemple, que dorénavant les fonctionnaires pourront librement circuler sur les fermes sans permission, ce qui était accordé déjà à des arpenteurs mais là on veut amplifier ce mode d'intrusion chez les cultivateurs ou surtout, peut-être, chez des gens qui demeurent sur des lots non patentés.

C'est une autre façon de leur dire qu'ils ne sont pas chez eux, même s'ils y ont passé des années, qu'ils ont dépensé des fortunes ou y ont laissé leur vie. On leur dira: Vous n'êtes pas chez vous, allez-vous en ailleurs. Ces gens veulent demeurer chez eux, ils se posent de gros points d'interrogation actuellement. Je vous fais la lecture d'un exposé fait dans le programme du 30e anniversaire de Val-Paradis, une paroisse de mon comté, où on disait: Val-Paradis, est-ce seulement un beau souvenir? Parce qu'ils sont inquiets. Val-Paradis, est-ce une raison de vivre, un espoir perdu, un centre de renouveau ou est-ce un avant-poste du Grand Nord? Ce sont des interrogations qu'on se pose, M. le Président, autant de points d'interrogation qui ponctuent les divers champs de vision.

Je crois que le ministre devrait faire attention à cela. Au moins, avant de poser des gestes néfastes, on devrait aller dans le Nord informer la population et lui demander ce qu'elle veut, elle. C'est à eux qu'il faut le demander, ce n'est pas à des fonctionnaires qu'il faut donner la liberté d'action sans au moins consulter ces gens-là. Les mêmes citoyens disaient, dans un chant composé à l'occasion du 30e anniversaire de leur paroisse: Val-Paradis, joyau d'Abitibi, nouveau né de la baie James...

DES VOIX: Chantez-le! Chantez-le!

M. AUDET: ... produit des défricheurs, Val-Paradis, je n'ai qu'un seul désir, c'est de vivre chez nous!

UNE VOIX: Ainsi soit-il.

M. AUDET: On veut vivre chez nous, M. le Président. Donc, faisons attention à ces gens-là.

Ils ont été assez malmenés dans les années trente et quarante, quand on les a forcés à aller dans le nord pour les faire ouvrir ces terres de peine et de misère, n'allons pas jusqu'à les déloger pour les retourner dans les HLM, malgré eux. Merci.

LE PRESIDENT: Droit de réplique?

M. TOUPIN: Oui, cinq à dix minutes, à moins qu'il n'y en ait un autre.

M. PAUL: Le député de Yamaska s'est levé pour parler.

LE PRESIDENT: La réplique de l'honorable ministre mettra fin au débat de deuxième lecture.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Je voudrais simplement, pendant les quelques minutes qui vont suivre, apporter quelques précisions ou quelques éclaircissements sur ce qui a été dit de l'autre côté.

Je vais laisser de côté toute l'argumentation, si on peut l'appeler ainsi, qu'a apportée le député d'Abitibi-Ouest concernant la colonisation. Tout ce que je puis dire sur ce sujet, c'est qu'il est évident qu'un mouvement de colonisation non seulement s'est dessiné, mais s'est concrétisé au cours des années passées. Aujourd'hui, nous devons avec des nouvelles politiques tenter de réintégrer, soit sur le marché du travail industriel ou sur le marché du travail agricole, ceux qui, jusqu'à un certain point, n'ont pas été en mesure de s'intégrer totalement dans ces politiques de colonisation. Mais je dois dire immédiatement au député d'Abitibi-Ouest qu'il n'a pas à s'inquiéter: le projet de loi no 13 n'a rien de néfaste à cet égard. Tout ce qu'il prévoit, c'est que le ministère pourra préparer des programmes de développement agricole et non pas des programmes de développement des HLM, comme il l'a dit. Il doit développer des programmes agricoles et intégrer les populations rurales et agricoles dans ces programmes, en vue de développer l'agriculture.

Je pense que, s'il y a une région qui, jusqu'à maintenant, a bénéficié des politiques gouvernementales en matière de développement de nouvelles productions, c'est bien la région de l'Abitibi où, depuis trois ans, par exemple, on a

presque quintuplé la production d'élevage. C'est notre intention de continuer dans cette perspective et d'amener tous les intéressés, quels qu'ils soient et quelle que soit la grandeur de terre dont ils disposent, à épouser les objectifs du programme. A ce moment-là, ils ont droit aux subventions que nous avons prévues à cet effet. Nous allons, bien sûr, continuer dans cette perspective, mais cette loi n'a rien à voir actuellement avec les lots de colonisation. Peut-être amenderons-nous, un jour ou l'autre, la Loi concernant les lots de colonisation, mais celle-ci ne touche en rien la colonisation ou les lots sous billet de location ou autrement.

M. AUDET: Est-ce que le ministre me permet une question?

UNE VOIX: II faudrait que ce soit dans le sujet.

M. AUDET: Est-ce que vous prévoyez que les gens du nord seront consultés lorsqu'on établira ces plans?

M. TOUPIN: Bien sûr, M. le Président. Le ministère, jusqu'à maintenant, n'a mis en place aucun programme sans consulter l'UPA, les comités agricoles, les coopératives. Tout le monde a été consulté sur les programmes que nous avons mis de l'avant. Si jamais nous aboutissons dans l'Abitibi à un programme de zonage, nous ferons en Abitibi ce que nous avons fait au Saguenay-Lac-Saint-Jean où le programme est en place actuellement. Nous allons consulter non seulement les organismes, mais, autant que possible, tous les agriculteurs en assemblée générale pour leur demander s'ils sont d'accord sur ça.

On va plus loin; une fois la zone déterminée une première fois, si cela ne correspond pas exactement aux goûts et aux désirs des agriculteurs, nous sommes prêts à amender les zones, à les refaire, à condition, évidemment, qu'on accepte le principe pour que nous puissions utiliser, dans sa perspective la plus rationnelle, les sols arables de l'Abitibi ou du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Alors, le député de Nicolet a parlé beaucoup du nom du ministère. Il a émis les trois hypothèses possibles: soit un ministère qui porterait le nom de ministère de l'Agriculture, ou de l'Agriculture et de l'Alimentation, ou de l'Aménagement rural. Nous avons, effectivement, examiné chacune de ces options. Nous en sommes venus à la conclusion suivante: au fond agro-alimentaire et aménagement rural se trouvent avant et après agriculture de telle sorte que si nous avons jugé préférable de garder le mot agriculture seulement, c'était précisément pour trouver l'appellation ou le nom qui correspondait le mieux à toutes les réalités agricoles et rurales du milieu auquel s'adresse le ministère. Nous n'avons absolument aucune arrière-pensée à savoir que si on maintenait le mot agriculture, c'était pour éliminer aménagement rural ou éliminer agro-alimentaire. Au contraire, on a cru que ce mot agriculture était le plus adéquat pour représenter, le plus clairement possible, les véritables besoins exprimés par l'ensemble du milieu.

Le député de Nicolet a parlé aussi d'une couple d'autres points sur lesquels j'aimerais m'attarder pendant une minute ou deux, notamment sur la régionalisation et sur la décentralisation. Il a fait mention qu'il serait intéressé à voir une direction de ce qu'on pourrait appeler une direction générale qui serait à l'écoute des besoins de la population et qui serait également à la portée de la régionalisation.

Le député de Nicolet doit savoir, sans aucun doute, que nous avons au ministère un service qui relève du service de la production mais dont le responsable s'occupe essentiellement des bureaux et laboratoires régionaux. Son rôle, sa fonction à lui, c'est d'écouter précisément ce que les coordonnateurs régionaux croient que doivent être les programmes agricoles des régions. Ceux-là se réunissent une fois par mois. Ensemble, ils essaient de déterminer quelles sont les priorités pour chacune des régions.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait une rectification? Peut-être...

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: ... que je me suis mal exprimé ou qu'il a mal saisi mes propos. Quand je parle d'une direction qui aurait l'oreille attentive aux véritables problèmes du milieu rural, je parle de la direction du ministère et non pas de la direction générale qui s'occupe des bureaux régionaux, qui entendent les doléances, les plaintes des fonctionnaires. Je parle de la direction du ministère qui serait aux écoutes des agriculteurs pratiquants...

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: ... parallèlement à la direction qui s'occupe des bureaux régionaux et des services.

M. TOUPIN: Oui, alors je vais y revenir. Nous avons, bien sûr, un responsable des bureaux et laboratoires régionaux, qui, eux, d'abord, écoutent ce que les régionaux ont à dire. Je pense que le député de Nicolet est d'accord avec moi pour dire que les bureaux régionaux ont quand même l'oreille attentive aux besoins des agriculteurs. Ainsi, on croit pouvoir canaliser les besoins des agriculteurs.

Nous avons, en plus, un service qu'on appelle les programmes spéciaux, dont le rôle consiste précisément à rencontrer certains comités régionaux d'agriculteurs ou autres dont les objectifs sont de mettre en place de nouvelles initiatives.

L'exemple le plus concret qu'on puisse apporter est celui des serres à tomates de Manseau. Nous avons écouté les groupes d'agriculteurs et nous avons mis à leur disposition un spécialiste en cette matière.

Le député de Nicolet a également parlé — là-dessus, je n'ai pas compris trop trop ses propos, mais je vais essayer quand même de les interpréter — de l'interprofessionnel ou de la multidisciplinarité à l'intérieur du ministère, au niveau des professions. On est bien conscient qu'il n'est pas toujours facile pour des agronomes, pour des ingénieurs, pour des médecins-vétérinaires, pour des administrateurs et pour des économistes, qu'il n'est pas toujours possible à ces derniers, dis-je de s'entendre en même temps sur les mêmes aspects, dans le cadre des mêmes objectifs. Les uns et les autres ont trop souvent ou très souvent — et c'est bon, en soi, je pense — des opinions différentes sur la commercialisation, par exemple, sur l'alimentation du bétail, sur la santé animale, etc., mais ce qui, à notre point de vue, est le plus important, c'est que ces derniers parviennent quand même à travailler ensemble et à épouser ensemble des objectifs généraux, des grands objectifs. J'ai fortement l'impression qu'actuellement, au ministère, l'ensemble des professions qui y oeuvrent ont épousé, en général, les grands objectifs du ministère.

Je voudrais aussi mentionner que nous avons fait tout notre possible, tout au moins depuis que nous sommes au ministère, pour intégrer chacune des professions dans des cadres précis les plus élevés possible. Par exemple, c'est un médecin-vétérinaire qui est responsable du plus gros service au ministère, qu'on appelle le Service des productions. C'est un avocat qui est président de l'Office du crédit agricole, qui est le plus gros organisme de crédit au niveau du ministère de l'Agriculture. Nous confions des tâches bien précises. C'est un économiste, par exemple, qui est immédiatement responsable, après le sous-ministre, de la commercialisation et de la recherche.

Ce sont là, je pense, des faits qui dénotent que l'ensemble des professions parviennent quand même à travailler ensemble à se fixer des objectifs généraux. Je sais que lorsque nous avons discuté des lois des professions, les agronomes avaient demandé qu'on cerne un peu plus leur profession dans la définition des mandats. Les médecins-vétérinaires avaient demandé un peu la même chose, mais je pense qu'au bout de la ligne ils se sont entendus pour situer dans le cadre des responsabilités professionnelles à peu près des statuts équivalents, de telle sorte qu'ils pourront, dans l'avenir, continuer à travailler en étroite collaboration sans que cela crée des problèmes trop sérieux.

Un point du discours du député de Nicolet sur lequel je voudrais insister, en terminant, c'est la notion de service qu'il veut donner au ministère de l'Agriculture.

Vous me permettrez, M. le Président, de ne pas être d'accord du tout avec le député de

Nicolet à ce chapitre pour une raison très simple. C'est que le ministère de l'Agriculture, ce n'est pas un ministère de services. C'est d'abord et avant tout un ministère à caractère économique. Son rôle doit être toujours stimulant dans l'économie. Ses programmes doivent toujours avoir pour conséquence et pour effet le développement économique d'une ferme, le développement économique d'une entreprise, le développement économique d'une commercialisation mieux structurée.

Ce sont là ses premiers objectifs. Mais il doit, bien sûr, dans le cadre de buts économiques bien définis, attacher à ce cadre des services techniques de recherche, etc.

Mais il me reste, quant à moi, l'impression claire et nette que le ministère de l'Agriculture doit demeurer un ministère à vocation essentiellement économique. Et, si nous cherchons encore à lui donner une notion de ministère de services, nous risquons de retrouver dans quelques années le ministère de l'Agriculture qui va distribuer des subventions pour régler des problèmes très souvent sociaux qui peuvent être réglés très facilement par d'autres ministères dont la fonction essentielle est précisément de régler ces problèmes.

Je voudrais m'attarder quelques minutes sur les quelques propos qu'a tenus le député de Lotbinière. Il a fait porter son intervention surtout sur le colonialisme ou encore sur la colonisation. Il n'est absolument pas dans l'intention du ministère de l'Agriculture de faire du colonialisme ou de retourner à la colonisation ou de freiner quelque mouvement qui existe encore de colonisation dans le sens où on veut prendre des lots qui ne sont pas nécessairement prêts à l'agriculture, mais qu'on voudrait prendre et garder pour des fins de résidence ou pour des fins d'agriculture bien artisanale.

On n'est même pas contre ça. On est même d'accord sur ça. Et la preuve c'est que je défie le député de Lotbinière de trouver un agriculteur au Québec à qui on a refusé un lot de colonisation alors qu'il était agriculteur, je dis bien alors qu'il était agriculteur. Non pas parce qu'il était le fils du père qui était agriculteur ou le fils du père dont le grand-père était agriculteur. Non.

Mais c'est celui qui demeure sur un lot de colonisation, qui exploite son lot, qui a répondu aux conditions. Et on va plus loin que ça, même s'il n'a pas satisfait à toutes ces conditions, nous acceptons de lui remettre les patentes pour qu'il puisse vraiment développer son entreprise.

Un certain nombre, d'ailleurs, ne veut même pas qu'on patente les lots, ils veulent rester sous billet de location. Quels sont les seuls qu'on a refusés jusqu'à maintenant, à moins de problèmes techniques incontrôlables? Ce qu'on rencontre des fois, c'est que le père a donné son lot à deux personnes. Au nom de qui va-t-on le patenter? Cela arrive, ce n'est pas facile de démêler ce problème.

Mais quant à tous ceux dont la fonction, sur

le lot, est de résider, si on n'a fait aucune exploitation, on est hésitant — et on a des raisons de l'être — c'est que l'expérience démontre que lorsqu'on cède un lot, un an ou deux après, on le revend. Et très souvent on le revend à des étrangers. Comment arriverons-nous à répondre à ces objectifs de planification et de développement à long terme de l'agriculture, de la forêt et de l'agroforesterie? Comment allons-nous y arriver, si nous laissons les autres s'emparer de ces lots qui joueront dans le temps un rôle extrêmement important tant au niveau du reboisement qu'au niveau de l'agriculture comme telle?

C'est pour ça qu'on est hésitant. D'autant plus que la plupart de ceux-là n'ont pas respecté le minimum des exigences prévues aux règlements. On est conscient qu'il faudrait amender cette loi et dans le plus bref délai. Et on est conscient que tous ceux qui, sur les fermes, font un minimum d'exploitation, on devrait, sans hésiter — même si les règlements n'ont pas été respectés à 100 p.c. — leur remettre immédiatement. Mais les règlements nous empêchent de le faire, quoique nous sommes très larges à ce chapitre, au point où de temps à autre j'ai peur — je le dis bien — de me faire accuser de ne pas respecter les règlements, tellement on les étire et on les interprète de temps en temps vis-à-vis des cas bien particuliers et bien précis.

Donc, il n'est pas question que nous retournions à la colonisation, pas plus qu'il n'est question avec une loi comme celle-là que nous imposions le colonialisme aux agriculteurs. Nous n'imposerons non plus aucune coercition, nous n'imposerons aucune déportation. Nous allons purement et simplement tenter d'exploiter les ressources du milieu. Et quand on parle de ressources du milieu, nous, au ministère, on ne parle pas seulement d'un sol qui peut produire, mais aussi de personnes qui sont capables d'exploiter ces sols.

Il est toujours possible et facile de consentir des prêts; il est toujours possible et facile de labourer un sol, mais il n'est pas toujours possible et facile de trouver le professionnel compétent qui va exploiter ce sol. C'est ce que nous tentons de faire en accélérant, au niveau de la formation professionnelle, des programmes qui permettront l'intégration soit de ceux qui ne sont pas dans l'agriculture, mais qui veulent y entrer, soit de ceux qui y sont, mais qui hésitent à y demeurer parce qu'ils comprennent mal le problème. Ces programmes de formation professionnelle sont loin d'être complets. J'irai plus loin: les ressources financières dont on dispose présentement sont nettement insuffisantes pour que nous puissions aller plus loin.

Mais on ne peut pas, bien sûr, développer en même temps tous les éléments d'une politique générale. Nous procédons par étapes et je pense que, jusqu'à maintenant, même si nous n'avons pas atteint tous les objectifs que nous nous sommes fixés, nous en avons atteint un bon nombre, notamment au niveau de la profession, au niveau du crédit, au niveau du regroupement des fermes, au niveau de la commercialisation. En effet nous avons signé une première entente avec les autres provinces et la juridiction du gouvernement provincial a été totalement préservée, de telle sorte que les plans conjoints provinciaux, les organismes de mise en marché provinciaux pourront continuer comme auparavant à agir dans le même sens, avec les mêmes moyens. Ce ne sont pas des ententes nationales qui vont les empêcher d'agir dans cette perspective, sauf, bien sûr, qu'ils devront s'astreindre à une discipline nationale que nous avons, de part et d'autre, consenti à accepter pour une rationalisation de la commercialisation. Cela va de soi, bien sûr, mais ça n'enlève rien.

Je pense que ce sont là des points extrêmement positifs que nous n'avons pas le droit d'ignorer. Nous avons toujours, par ailleurs, le droit de nous demander si nous sommes allés assez loin. Nous avons toujours, par ailleurs, le droit de nous demander si les politiques actuelles sont véritablement adéquates. On est prêt, quant à nous, de temps en temps, à les mettre en doute. Mais nous essayons, quand même, de les améliorer, jour après jour, semaine après semaine et mois après mois. Et nous réussissons sur plusieurs aspects.

Vous n'avez qu'à regarder — je termine sur les propos qu'a tenus le chef parlementaire du Parti québécois — les pas que nous avons accomplis dans le domaine agro-alimentaire depuis quelques années. L'exemple le plus typique, celui qu'a apporté précisément le chef parlementaire du Parti québécois, c'est la création de Québec-Lait qui va nous permettre non seulement de faire une percée sur le marché mais de conserver, tout au moins, ce que nous avons. C'est là le résultat d'une politique intégrée et ça se fait dans le cadre d'une coopérative.

Nous avons également un autre exemple bien typique, celui du cidre où, à la suite de l'adoption d'une loi, nous sommes parvenus, quand même, à créer au Québec plusieurs centaines d'emplois et à mettre en valeur une ressource qui, avant, ne l'était pas, qui génère plusieurs millions de dollars par année et qui correspond à un besoin véritable du marché.

Nous n'avons qu'à penser également à toutes les facilités d'entreposage que nous avons mises à la disposition des producteurs maraîchers de la région de Montréal pour conserver le produit à l'état frais et être capables d'exploiter de façon plus rentable et plus efficace les marchés disponibles. Ces objectifs ont été atteints.

Nous n'avons qu'à regarder le programme que nous avons mis de l'avant cette année, que nous avons appelé l'auto-approvisionnement, alors que les objectifs que nous nous étions fixés sont présentement atteints. Les seules difficultés que nous avons rencontrées ont trait à la température sur laquelle nous n'avons que très peu d'influence en dépit des machines à

pluie et également aux matières premières où il n'est pas toujours facile de se procurer les semences certifiées tant au Canada que dans les autres pays. Mais nous avons mis en place les mécanismes récents, nouveaux, qui vont nous permettre probablement, au cours des années et plus particulièrement de l'an prochain, d'avoir à notre disposition des semences certifiées en plus grand nombre qui nous permettront de dépasser encore les objectifs que nous nous fixons. En effet, nous croyons très honnêtement et très sincèrement que, même s'il y a amendement au niveau des politiques fédérales concernant la mise en marché des grains, il faudra toujours au Québec développer nos propres céréales pour être de plus en plus efficaces et de plus en plus concurrentiels sur les marchés.

Donc, dans le projet de loi que nous présentons, nous trouvons précisément les deux grands principes qui ont été d'une part soulevés par le député de Nicolet et d'autre part par le chef parlementaire du Parti québécois, à savoir que le projet de loi prévoit précisément que nous pourrons développer dans l'avenir ce qu'on appelle les ressources para-agricoles, c'est-à-dire l'aménagement général du territoire agricole. Nous avons précisément dans ce projet de loi des dispositions qui nous permettront de le faire.

Quant à l'autre grand principe que nous avons toujours soutenu à venir jusqu'à maintenant, c'est celui de l'agro-alimentaire. Nous y avons pourvu également dans ce projet de loi lorsque nous portons de $1 million à $4 millions les sommes dont nous pourrons disposer pour développer le secteur industriel, le secteur de la transformation. Nous y avons pourvu également lorsque nous nous sommes dit qu'il est vrai que le secteur coopératif joue dans le secteur agricole un rôle extrêmement important.

D aura à en jouer un encore plus important dans l'avenir et c'est probablement cette structure que nous devons toujours favoriser en agriculture si nous voulons vraiment développer de grands complexes de transformation. Déjà, les preuves sont faites avec la Coopérative fédérée, avec la Coopérative de Granby et nous pouvons, bien sûr, continuer dans d'autres types de coopératives qui permettront d'atteindre des objectifs aussi importants que ceux qui ont été atteints par la structure déjà en place.

Cela ne nous empêchait pas, bien sûr, de regarder à côté et de voir comment on peut aider ceux qui ne sont pas des coopératives mais qui poursuivent des fins similaires. On pourrait aussi, dans ce secteur, aider au développement d'entreprises plus grandes, non pas de gros mastodontes, mais d'entreprises un peu plus évoluées où il serait possible d'offrir aux agriculteurs de meilleurs prix, de meilleurs services et surtout, je pense, d'être plus compétitifs sur le marché, d'avoir des équipements de transformation plus modernes et d'être en mesure, par conséquent, non seulement de conserver les marchés que nous avons, de prendre les marchés québécois que nous avons non pas perdus, mais que nous n'avons jamais occupés, de les reprendre de temps en temps, jour après jour, mais aussi de regarder du côté de l'extérieur. C'est ce que nous faisons avec quelques-uns de nos produits actuellement, avec le lait notamment, alors qu'on disait tantôt que la production laitière connaît certaines difficultés.

La production laitière, bien sûr, a ses contraintes, mais nous demeurons, depuis deux ans, la plus grosse province productrice de lait au pays. Nous avons l'intention de demeurer cette province et nous avons certainement l'intention d'amender si nécessaire les politiques en vue de les adapter pour que nous demeurions non seulement compétitifs, mais les premiers dans cette production. Je voulais donner seulement quelques explications sur ce qui fut dit, restant convaincu que ce projet de loi prévoit à peu près actuellement tout ce qui est nécessaire à un ministère comme le nôtre pour évoluer dans le secteur rural, dans le secteur agricole et dans le secteur qu'on appelle agro-alimentaire.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

UNE VOIX: Vote.

M. BELAND: Le vote enregistré.

LE PRESIDENT: Un vote enregistré? Est-ce que vous désirez qu'on remette le vote à plus tard, avant le dîner ce soir, ce que je peux faire...

M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection.

LE PRESIDENT: ... pour ne pas déranger la commission qui siège actuellement?

M. LEVESQUE: L'autre ne pourra pas y aller, évidemment, à huit heures, parce que l'autre ne sera pas terminée. On peut donc faire remettre le vote à six heures moins le quart.

LE PRESIDENT: Bon, le vote sur cette motion de deuxième lecture sera demandé à six heures moins le quart.

M. LEVESQUE: M. le Président, à ce moment-là, j'ai l'intention de demander à la Chambre de déférer le projet de loi pour étude article par article à une commission élue, soit la commission parlementaire de l'agriculture et de la colonisation.

LE PRESIDENT: Après la mise aux voix... M. PAUL: C'est prématuré. M. BURNS: Hypothétique. M. PAUL: C'est un voeu...

LE PRESIDENT: C'est un voeu formulé...

M. BURNS: Si c'était battu en deuxième lecture?

M. LEVESQUE: C'est ça, je comprends très bien les objections, mais si on présumait, pour un instant, que la loi qui était adoptée...

M. ROY (Beauce): On ne peut pas présumer.

M. LEVESQUE: Alors, si on ne peut pas présumer...

LE PRESIDENT: Après la mise aux voix...

M. LEVESQUE: Non, parce qu'à ce moment-là, si on n'est pas d'accord parce qu'il est six heures, je ne voudrais pas avoir...

LE PRESIDENT: Non, s'il y a consentement. Il y aura consentement.

M. LEVESQUE: Si c'est un ordre de la Chambre, je suis prêt, autrement, je voudrais avoir le vote immédiatement. Cela ne me fait rien, mais si on veut avoir la collaboration, il faudrait l'avoir.

LE PRESIDENT: Cela dérange une commission pour rien.

M. LEVESQUE: Si on parle de collaboration et qu'après cela on a des singeries comme cela...

LE PRESIDENT: Messieurs, est-ce qu'on pourrait mettre aux voix la deuxième lecture du projet de loi no 13 à six heures moins quart et, immédiatement après, faire la déférence à la commission? Est-ce que la Chambre est d'accord sur cela?

M. ROY (Beauce): Oui, immédiatement après, d'accord.

LE PRESIDENT: Bon! avant la suspension des travaux, d'accord.

M. LEVESQUE : M. le Président, tenant pour acquis le consentement qui a déjà été donné, pourrait-on revenir un instant aux projets de loi au nom du gouvernement? Article a).

Projet de loi no 32 Première lecture

LE PRESIDENT: Article a). L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour le ministre des Transports, propose la première lecture et la Loi modifiant la loi des transports.

M. LEVESQUE: M. le Président, au nom du ministre des Transports, je voudrais simplement signaler que ce projet de loi par son article 1, permet de désigner un nombre suffisant de fonctionnaires pour remplir la tâche de certifier les documents émanant de la Commission des transports et leur donner un caractère d'authenticité.

L'article 2 supprime l'obligation, pour une personne qui désire obtenir un permis de transport, d'avoir eu un domicile ou une place d'affaires depuis douze mois au Québec. A l'avenir, il suffira d'avoir un domicile ou une place d'affaires au Québec au moment de la délivrance du permis.

L'article 3 a pour effet de supprimer les dispositions relatives à la procédure devant la Commission édictées par les articles 41 à 49 pour les remplacer par les règles de pratique et de régie interne de la commission. L'article 4 modifie une disposition par laquelle chaque adjudication de contrat, par une commission scolaire, ne devenait finale qu'après l'approbation de la Commission des transports. La règle sera maintenant que l'adjudication d'un contrat par une commission scolaire pourra être révisée par la Commission des transports à la demande de toute personne intéressée pourvu que cette demande soit formulée dans les quinze jours de l'adjudication.

L'article 5 donne à la Commission des transports de la ville de Laval le pouvoir de négocier avec ses sous-traitants aux fins de remplacer des contrats de transport d'écoliers, renouvelés en vertu de l'article 171 de la Loi des transports, par d'autres contrats de transport d'écoliers.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. BURNS: M. le Président, sur division pour manifester ma désapprobation d'amener des projets de loi de cette nature, comme celui de l'évaluation foncière, en fin de session.

LE PRESIDENT: Adopté sur division.

M. BURNS: C'est uniquement dans ce sens-là que je vous demande d'inscrire ma dissidence.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au leader du gouvernement à propos de cette loi dont nous venons d'adopter la première lecture? Est-ce l'intention du gouvernement de déférer ce projet de loi à la commission parlementaire des transports? Le projet de loi, si le ministre l'a bien lu, change considérablement la loi no 23 que nous avons déjà

adoptée, particulièrement au chapitre du transport écolier.

M. LEVESQUE: M. le Président, à ce moment-ci, je dois répondre par la négative.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le leader peut nous dire si ce projet de loi viendra demain?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que ce projet de loi viendra demain?

M. LEVESQUE: Je crois que ce ne sera pas appelé demain mais jeudi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Le leader sait très bien que nous allons devoir, à l'occasion de ce projet de loi, reprendre toute la loi 23 parce qu'on y touche dans chacune de ses parties principales.

M. LEVESQUE: Article 8).

Projet de loi no 21 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 21, Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et la Loi de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, comme nous le savons, la Loi de l'assurance-maladie a été adoptée au cours du mois de juin 1970 et mise en vigueur à l'automne de 1970. Au mois de juin 1971, certains changements y étaient apportés, notamment pour étendre la couverture de ce régime, tel qu'il avait été dit au moment de l'instauration du régime. En effet, au fur et à mesure que l'expérience permettrait de démontrer que de nouveaux besoins doivent être couverts, que la régie a stabilisé l'administration du régime tel que constitué, que les disponibilités financières le permettent, on avait dit que la couverture du régime pourrait être accrue par étapes pour que de nouveaux soins ou services soient couverts.

Dans le projet de loi no 21, nous retrouvons notamment l'extension de la couverture du régime à certaines prothèses et appareils orthopédiques. Si l'on se souvient que le but premier de la Loi de l'assurance-maladie est d'assurer l'accessibilité financière aux soins et services de santé et que l'on examine le coût de certaines prothèses, le coût de certains appareils orthopédiques, compte tenu de l'évolution des connaissances, du raffinement de ces prothèses et appareils, compte tenu du fait également que, lorsqu'il s'agit d'enfants ou de jeunes, ces prothèses doivent être ajustées ou encore remplacées au fur et à mesure de la croissance de l'enfant; lorsque l'on considère également l'importance d'une prothèse appropriée pour une personne qui souffre d'une déficience physique; lorsque l'on considère également l'importance de prothèses ou appareils orthopédiques dans le processus de guérison ou de réadaptation de personnes qui ont été victimes d'accidents, par exemple, on se rend compte qu'il y a là un élément d'extension de la couverture du régime d'assurance-maladie extrêmement important.

C'est la raison pour laquelle nous avions demandé à un comité présidé par le Dr Gustave Gingras, directeur de l'Institut de réhabilitation de Montréal et spécialiste en matière de réadaptation, d'étudier cette question et de faire des recommandations au gouvernement. Le Dr Gustave Gingras, de même que les membres de son comité ont recommandé précisément l'extension de la couverture du régime d'assurance-maladie aux prothèses et appareils orthopédiques. J'ai déposé ici, il y a quelque temps, soit peu de temps après sa réception, des copies de ce rapport du comité Gingras. On y retrouve, en fait, un exposé des types de prothèses qui, dans un premier temps, devraient être couvertes et des recommandations précises quant aux modalités de couverture, quant aux coûts, etc.

Le rapport, précisément, mentionne les difficultés que nombre de personnes rencontrent dans le paiement qu'elles ont à effectuer lorsqu'elles ont besoin d'une prothèse ou d'un appareil orthopédique, particulièrement lorsqu'il s'agit des parents d'enfants qui sont en pleine croissance. Le rapport confirme le bien-fondé de cette extension de couverture. C'est la raison pour laquelle nous avons procédé à la concrétisation de cette étape que nous avions annoncée, il y a quelque temps.

Je dois mentionner qu'en ce qui a trait aux prothèses auditives et aux prothèses dentaires ou encore aux prothèses visuelles, les lunettes, étant donné que leur coût est beaucoup moins élevé que le coût que peuvent représenter certaines prothèses et appareils orthopédiques, ce n'est pas l'intention, à ce moment-ci, de couvrir les lunettes, les prothèses dentaires et les prothèses auditives.

Si on s'en tient purement et simplement aux prothèses et appareils orthopédiques, nous voyons que le coût de cette nouvelle mesure, pour l'ensemble des citoyens ou des résidents du Québec sera de l'ordre d'environ $1,500,000 par année.

Egalement, au plan de l'extension de la couverture, en juin 1971, nous avions apporté un amendement à la Loi de l'assurance-maladie,

amendement en vertu duquel les bénéficiaires du maximum du supplément de revenu garanti verraient leurs médicaments prescrits couverts de la même façon que les bénéficiaires de l'aide sociale. Au moment où nous avions introduit ces dispositions, nous prévoyions qu'elles seraient financées pour moitié par le gouvernement du Québec et pour moitié par le gouvernement du Canada en vertu du régime canadien d'assistance publique.

Or, le gouvernement du Canada a refusé de partager les frais de cet élément de la couverture du régime d'assurance-maladie, en alléguant que le test ou l'épreuve pour les bénéficiaires du maximum du supplément de revenu garanti n'est pas une épreuve de besoins mais plutôt un test de revenu et que le régime canadien d'assistance publique prévoit le partage des coûts uniquement lorsqu'une personne est admise en vertu d'une loi d'assistance après qu'un examen de ses besoins ait été effectué.

Compte tenu de cette dimension nouvelle du problème, ce refus du gouvernement du Canada et le fait que le régime d'assurance-maladie n'en était encore qu'à ses débuts, à toutes fins pratiques, que la stabilisation dans l'augmentation du volume des services ne s'était pas encore matérialisée, que les coûts de l'assurance-maladie présentaient encore une certaine marge d'incertitude plus grande qu'elle ne l'est présentement, cette extension à la couverture du régime n'avait pas été mise en application.

C'est pourquoi nous recommandons maintenant de faire supporter par la Régie de l'assu-rance-maladie le coût de l'extension de cette couverture. Nous avons maintenant les mécanismes appropriés. La Régie de l'assurance-maladie administre, pour le compte du ministère des Affaires sociales, le programme d'assistance-médicaments; la liste des médicaments a été dressée par le comité de pharmacologie. L'identification des bénéficiaires est attestée par l'émission d'une carte. Les ententes ont été négociées avec l'Association des pharmaciens. La régie a les mécanismes appropriés d'évaluation des demandes de paiement. Alors, il est maintenant possible, sur ce plan, d'étendre sans difficulté le régime.

Au plan du financement, comme nous le verrons plus loin, il va être possible de faire couvrir, sans augmentation des contributions, le coût d'extension de cette couverture. Il nous paraissait important de donner suite à cette extension de la couverture du régime parce que l'on sait que les personnes qui ont atteint un certain âge, dans le cas présent 65 ans et plus, font consommation, utilisation plus grande de médicaments compte tenu de leur âge, de leur affaiblissement ou d'une baisse graduelle des facultés ou encore du fait que certaines souffrent de maladies plus ou moins prolongées.

L'extension du régime touche donc les personnes qui, normalement, n'ont pas d'autre source de revenu que la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti. Cette exten- sion du régime devrait leur apporter un soulagement, au plan financier, assez significatif. On estime qu'environ 147,000 personnes seront protégées par l'extension de cette couverture et que le coût variera entre $12 millions et $15 millions par année, au début.

Quant au financement de ces deux aspects nouveaux de la couverture de l'assurance-maladie, nous pouvons voir dans le rapport de la régie, qui a été déposé ce matin, qu'au cours de l'exercice 72/73, c'est-à-dire l'exercice terminé au 31 mars 1973, la régie a eu un excédent de revenus sur ses dépenses de l'ordre de $28 millions. L'excédent accumulé au 31 mars s'établit à $53.8 millions.

Si l'on déduit de ces $53.8 millions une réserve pour éventualités... La régie a recommandé fortement qu'une telle réserve soit constituée, de telle sorte que, s'il y avait, à un moment donné, une épidémie ou encore une consommation beaucoup plus grande de services pour une raison quelconque au cours d'un exercice donné, la régie puisse assumer ces dépenses additionnelles sans qu'il soit nécessaire de recourir soit à une hausse temporaire des contributions ou encore à d'autres sources de financement.

Si l'on déduit, donc, un montant représentant environ un mois de contributions pour constituer cette réserve pour éventualités — ce montant est celui proposé par la Régie de l'assurance-maladie — nous voyons qu'il demeure un montant de $16 millions que l'on peut identifier comme étant un surplus. Or, pour l'exercice 73/74, la régie, dans son rapport annuel déposé ce matin, prévoit que l'excédent des revenus sur les dépenses sera de l'ordre de $11.6 millions. D'autre part, l'extension de la couverture, qui est proposée dans le projet de loi no 21, entraînera des dépenses de l'ordre de $13.5 millions à $16.5 millions, c'est-à-dire $1.5 million pour les prothèses, entre $12 millions et $15 millions pour les médicaments; donc, un montant quelque peu plus élevé que l'excédent des revenus sur les dépenses prévu pour l'exercice 73/74.

Ceci ne parait pas dangereux, étant donné l'accumulation d'un surplus de $16 millions, d'une part, et, d'autre part, le fait qu'au cours des deux derniers exercices la régie a toujours prévu des excédents de revenus plus faibles que ceux qui se sont matérialisés dans les faits.

Alors, il ne semble pas que cette extension de la couverture place la régie dans une situation qui pourrait être difficile. Au lieu de voir continuer l'accumulation de surplus, maintenant que le président directeur général de la régie nous dit qu'il y a stabilisation dans l'augmentation du volume de services et dans la rémunération moyenne des professionnels couverts, il nous paraît important de faire bénéficier la population et particulièrement ceux qui en ont le plus besoin de ces extensions de couverture.

Voilà, quant au financement de ces deux

mesures touchant la couverture de l'assurance-maladie.

Au même moment où nous apportons ces changements et où nous avons réexaminé attentivement les dispositions du régime canadien d'assistance publique, nous avions soumis au gouvernement du Canada le problème du partage des coûts des soins optométriques, par exemple, des services dentaires et, éventuellement, des prothèses et appareils orthopédiques qui sont couverts pour l'ensemble de la population, mais qui sont couverts également pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Si ce n'était de cette couverture pour l'ensemble de la population, il nous faudrait couvrir, par la voie de l'aide sociale, les soins optométriques qui sont couverts par l'assurance-maladie, les services dentaires, les prothèses et les appareils orthopédiques.

Nous avons demandé au gouvernement fédéral de partager la partie du coût encouru pour les bénéficiaires d'aide sociale. Or, le gouvernement du Canada nous a répondu: Ces soins et services sont couverts en vertu de régimes universels. Il n'y a donc pas l'application d'une épreuve ou d'un test des besoins, tel que le requiert le régime canadien d'assistance publique. Alors, il nous est impossible de partager cette partie des coûts encourus.

C'est la raison pour laquelle nous proposons un changement de nature technique, qui va faire en sorte que nous allons pouvoir obtenir ce partage des coûts en vertu du régime canadien d'assistance publique. Nous allons demander à la régie de facturer le ministère des Affaires sociales pour les coûts, les bénéfices ou les services dispensés, soit les services optométriques, les appareils orthopédiques ou les prothèses, pour des bénéficiaires de l'aide sociale.

La régie a ces renseignements en main puisqu'elle administre le programme d'assistance-médicaments. Et le ministère des Affaires sociales, en recevant cette facture qui va lui être adressée spécifiquement pour des bénéficiaires d'aide sociale qui, eux, ont satisfait aux exigences du régime canadien d'assistance publique, va réclamer la moitié du coût du gouvernement du Canada en vertu du régime canadien d'assistance publique, et, dans un deuxième temps, va rembourser à la Régie de l'assurance-maladie 50 p.c. des coûts. En définitive, nous allons pouvoir, de cette façon, récupérer la moitié du coût des services, tels que les soins optométriques, les prothèses, les appareils orthopédiques, les services dentaires, en vertu du régime canadien d'assistance publique. Et nous estimons qu'il y aura là une récupération de l'ordre d'environ $750,000 par année.

Sur un autre plan, le projet de loi propose la création de cinq comités de révision qui verront — et là nous quittons l'aspect de la couverture du régime ou les aspects du financement du régime — à enquêter sur les cas d'abus ou encore les cas de pratique qui paraissent anormaux, décelés par la Régie de l'assurance- maladie et touchant les services rendus par certains professionnels de la santé.

Et nous savons que la régie a déjà identifié ce qu'elle appelle des profils de distribution de services, par un certain nombre de professionnels, qui lui paraissent soulever des questions. Et comme je l'ai déjà mentionné, présentement les dispositions législatives ne lui donnent pas les pouvoirs nécessaires pour prendre action, que ce soit le collège ou la régie, face à ces profils de pratique professionnelle qui soulèvent des questions.

En vertu de l'article 19 a) de la Loi de l'assurance-maladie, la régie ne peut refuser de payer le coût des services assurés pour le motif qu'elle met en doute la qualité d'un acte pour lequel une demande de paiement a été effectuée, non plus qu'elle ne peut — et ceci avait été l'objet d'un débat extrêmement difficile en 1970 — déterminer la fréquence d'un acte susceptible d'être payé.

On avait fait un grand débat, à ce moment, sur les dangers que présenterait l'établissement de normes sur lesquelles la régie se baserait pour déterminer si elle doit payer ou non des actes médicaux pour lesquels des demandes de paiement lui sont adressées.

C'est la raison pour laquelle, devant l'impossibilité de la régie d'assumer ce rôle, devant le fait que l'Ordre des médecins s'occupe — d'après les lois dont nous sommes en voie de terminer l'étude — non pas de matière financière ou économique, mais plutôt de déontologie, de contrôle de la qualité des soins, non pas de matière économique, nous avons proposé et nous proposons la création de tels comités de révision.

Je dois également mentionner que de tels comités de révision, prenant des formes quelque peu différentes, existent dans chacune des neuf autres provinces du Canada.

Quant au mandat qui est proposé pour ces comités, nous verrons que chaque comité aura la responsabilité d'apprécier les cas où, dans l'opinion de la régie, elle a été appelée à payer pour des services qui ne semblaient pas requis aussi fréquemment, ou encore où elle a été appelée à payer pour des services alors que ces sercices lui semblent avoir été dispensés de façon abusive ou injustifiée, ou encore quand la nature de ces services a été faussement décrite.

Je peux donner quelques exemples, comme un nombre trop grand de visites, d'examens, de consultations, de dispensations de services diagnostiques qui ne semblent pas requis en aussi grand nombre. Lors de l'étude des crédits du ministère on a souligné la fréquence avec laquelle certains professionnels avaient effectué des analyses d'urine, par exemple, ou procédé à l'exérèse de cérumen.

On a fait remarquer des taux chargés par un professionnel plus élevés que ceux qu'auraient normalement justifié les services rendus. A titre d'exemple, le professionnel qui demande un tarif pour un examen complet alors que, selon

toutes les données disponibles à la régie, il semblerait plutôt que ce sont des examens ordinaires qui ont été effectués. Alors, après enquête, ces comités de révision auront le pouvoir de recommander à la régie, qui, elle, sera liée par ces recommandations des comités de révision, soit de payer le montant réclamé par le professionnel, en totalité ou en partie, soit de refuser de payer le montant ou, si le paiement a été effectué, d'exiger le remboursement de ce qui paraît avoir été payé en trop.

La régie devra, en soumettant un cas au comité de révision pour s'assurer que le professionnel est bien au courant, aviser immédiatement le professionnel en cause qu'elle a déféré un cas à un comité de révision.

Maintenant se pose la question de savoir jusqu'à quel point, dans le temps, ces comités de révision pourront faire porter leurs études. Le projet de loi indique que les services rendus ou les paiements d'honoraires pour des services rendus à compter du 1er janvier 1971 pourront faire l'objet d'études de la part de ces comités de révision. Ici, on doit se souvenir, premièrement, qu'il doit toujours s'écouler un certain temps avant que la régie reçoive les relevés d'honoraires, qu'elle en effectue les paiements et aussi un certain temps avant que ne se dégage un certain profil de la pratique d'un groupe de professionnels et d'un professionnel en particulier pour déterminer si elle doit déférer à un comité de révision le profil de pratique d'un professionnel.

C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de retourner pour un certain temps en arrière. Il ne s'agit pas ici d'appliquer une mesure rétroactive, au contraire. Egalement, si l'on examine, par exemple, la législation dans le domaine de l'impôt sur le revenu, on sait que le ministère du Revenu, d'après les lois fiscales, peut retourner en arrière si, d'après les analyses qu'il effectue, il en arrive à la conclusion qu'une personne n'a pas payé les impôts qu'elle devait payer même au cours d'années antérieures.

J'aurai un amendement à proposer pour préciser, outre cette date du 1er janvier 1971 qui a trait au début de l'opération, ce que devraient être les dispositions quant à la période que pourra couvrir la régie en déférant un profil de pratique à un des comités de révision.

Quant à la composition de ces comités de révision, nous avons retenu en déterminant cette composition le même principe que pour la discipline dans le cas des ordres ou des corporations professionnelles, c'est-à-dire le principe de l'autodiscipline. Et c'est pourquoi nous avons, avant de présenter ce projet de loi, consulté les corporations professionnelles concernées de même que les fédérations représentant les médecins spécialistes, les médecins omnipraticiens. Ces organismes se sont dit d'accord sur le principe et même nous ont déclaré que, selon eux, c'était la seule façon d'assurer un fonctionnement approprié assez expéditif de ces questions que soulève l'analyse d'un profil de pratique professionnel qui présente des anomalies. Ils se sont dit prêts à apporter toute leur collaboration de telle sorte que les abus soient éliminés et que la minorité de professionnels qui prend avantage en quelque sorte du régime de l'assurance-maladie ne fasse pas ombrage ou ne fausse pas le fonctionnement du régime tel qu'il est appliqué par la très grande majorité des professionnels de la santé.

Alors, afin de transposer dans le projet de loi ce principe, la composition de chaque comité de révision est donc conçue en conséquence. Ils seront composés de cinq membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil qui désignera, parmi eux, un président. Un des membres sera choisi dans une liste de noms qui sera soumise par l'ordre professionnel concerné; dans le cas des médecins, par l'Ordre des médecins. Trois membres seront choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil, à même une liste de noms soumise par les associations syndicales ou fédérations représentant les professionnels concernés. Enfin, un cinquième membre sera désigné ou nommé sur recommandation de l'Office des professions du Québec qui est en voie d'être créé par le projet de loi no 250.

Il est spécifié que ces personnes ne devront point occuper, au sein de ces organismes, une charge à temps complet ou encore une charge élective, de telle sorte qu'elles puissent vraiment s'acquitter de leurs fonctions. Nous n'avons pas prévu de façon très détaillée les mécanismes que pourront utiliser ces comités de révision, quant â la possibilité pour un professionnel de comparaître, d'être représenté, etc. Etant donné qu'il s'agit de comités de pairs et que nous sommes, en définitive, dans du droit nouveau, nous devons, à mon sens, au départ, limiter le plus possible les dispositions de telle sorte qu'entre pairs le fonctionnement soit assuré sans y introduire des mécanismes de fonctionnement trop lourds.

Enfin, ces comités, afin que les membres de la Chambre et la population en général puissent juger de leur fonctionnement, seront tenus de faire rapport, au plus tard le 31 mars de chaque année, quant à leurs activités pour l'année se terminant le 31 décembre précédent. En définitive, en plus de nous inspirer de ce qui se fait dans les autres provinces, nous avons repris un aspect du régime d'assurance médicale, qui a fonctionné de mai 1966 jusqu'en novembre 1970, c'est-à-dire de l'instauration de l'assurance-maladie. De tels comités ont fonctionné et ont permis de régulariser dans une certaine mesure le fonctionnement du régime d'assistance médicale.

Ici, nous les formons d'une façon un peu plus formelle, en précisant leurs fonctions et leur façon de fonctionner lorsque nécessaire étant donné la plus grande importance du régime d'assurance-maladie. En terminant sur ce plan, je voudrais également mentionner que

j'apporterai, au moment de l'étude article par article, des amendements touchant les recours que pourront avoir les professionnels suite à une décision ou à une recommandation formulée par un quelconque des comités de révision.

Enfin, M. le Président, le projet de loi propose certains amendements de nature technique à la Loi de l'assurance-maladie. En premier lieu, un amendement pour permettre à la régie de détruire les documents originaux, mais ceci sans dispenser la régie des autres dispositions de la Loi de la preuve photographique. Dès qu'un document aura été photographié par la régie, il pourra être détruit, ceci pour éviter une accumulation vraiment tout à fait particulière de documents, qui entrafnerait des coûts, des lourdeurs et qui ne donnerait absolument rien. Si nous n'apportions pas cette modification à la Loi de la preuve photographique, la régie serait tenue d'accumuler, pendant une période de quinze ans, tous les documents qu'elle reçoit de plus de 10,000 professionnels qui posent des actes couverts par le régime de l'assurance-maladie.

On a estimé que, pendant la seule période de 1970 à 1975, la régie, en l'absence d'une telle modification, serait obligée d'accumuler ou d'emmagasiner 400 millions de documents divers.

Egalement, un amendement est proposé en ce qui a trait au régime d'assistance-médicaments pour faire la concordance entre la Loi de l'assurance-maladie et les dispositions de la Loi de l'Ordre des pharmaciens, ceci afin que les aides-pharmaciens, qui peuvent poser des actes, de façon légale, aussi bien en vertu de la loi actuelle de la pharmacie qu'en vertu de la loi modifiée, qui a été étudiée article par article, puissent donc poser ces actes et que le pharmacien puisse en être rémunéré.

Ceci fait partie, d'une façon intégrante, du fonctionnement d'une pharmacie d'officine et c'est pourquoi nous proposons cette modification.

M.VINCENT: M. le Président, avant que le ministre ne reprenne son siège et vu que j'aurai à aller à une autre commission parlementaire, est-ce que le ministre pourrait me permettre une question? A l'heure actuelle, des bénéficiaires du régime de rentes du Québec sont bénéficiaires à titre de veuve, orphelin ou invalide et, pour des raisons que le ministre sait, ont un peu plus de $300 à la banque. Ce groupe de personnes n'est couvert d'aucune façon par la Loi de l'assurance-maladie ou par la Régie de l'assurance-maladie. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, présentement, suivant certains critères à établir, d'apporter une modification à la loi pour leur permettre de bénéficier de certains services qu'on accorde à d'autres personnes? A l'heure actuelle, on exige que ces personnes-là soient bénéficiaires de l'aide sociale avant de recevoir ces services. Cela pose un problème sur le plan administratif, surtout quand elles ont un montant de $2,000 en banque; je cite cela comme exemple seulement.

M. CASTONGUAY: Nous avons examiné un certain nombre d'extensions possibles de la couverture du régime d'assurance-maladie et nous avons conclu, pour le moment, que la tranche la plus importante était encore les personnes de 65 ans et plus étant donné la plus grande consommation de médicaments qu'elles font et leur impossibilité, dans la presque totalité des cas, d'obtenir un revenu sur le marché du travail à cause de leur âge. L'an dernier, nous avons apporté, pour les veuves, des modifications au régime de rentes, en vertu desquelles nous avons haussé les prestations.

Ces prestations augmentées ont commencé à être versées au 1er janvier 1973. Le député souligne qu'il y aurait peut-être avantage à couvrir les médicaments dans ces cas. Cela peut ou cela pourra se faire de deux façons, soit par une libéralisation des règlements, au plan de l'aide sociale, de telle sorte qu'elles puissent devenir admissibles à l'aide sociale et là, automatiquement, admissibles aux médicaments, ou encore par un nouveau prolongement du régime d'assurance-maladie. C'est une suggestion que je retiens, qui me paraît intéressante mais à laquelle nous n'avons pas cru devoir donner suite présentement.

Au moment où le député de Nicolet me posait cette question, je terminais en disant qu'il y aurait peut-être quelques amendements mineurs proposés lors de l'étude article par article en plus des deux que j'ai mentionnés touchant, disons, la prescription en ce qui a trait aux relevés d'honoraires qui peuvent faire l'objet d'une référence à un comité de révision et également les recours auxquels pourront faire appel les professionnels suite à une recommandation d'un comité de révision. Voilà, M. le Président, en ce qui a trait à ce projet de loi no 21 modifiant la Loi de l'assurance-maladie et la Loi de la Régie de l'assurance-maladie.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais faire une brève intervention en deuxième lecture sur le projet de loi no 21 et blâmer le ministre de m'avoir arraché à l'air climatisé de la salle 81, où nous étions à étudier le projet de loi du ministre du Revenu pour m'amener dans cette enceinte dont la température est celle que vous connaissez.

M. CADIEUX: Ma sympathie.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, cela va contribuer à la concision de mes remarques, quitte à retourner en commission

plénière, j'imagine, encore à cette même salle pour élaborer davantage à l'endroit du ministre des Affaires sociales.

Des points qu'a traités le ministre dans son intervention, je voudrais traiter deux points en particulier, à savoir le prolongement du régime de l'assurance-maladie pour couvrir d'autres bénéficiaires et d'autres types de services; deuxièmement, les mécanismes crées, les comités de surveillance créés par ce projet de loi no 21.

Au sujet du premier point, j'ai écouté la réponse que le ministre a fournie, il y a un instant, au député de Nicolet qui s'informait de la clientèle possible qui pourrait bénéficier des avantages de la loi no 21, à savoir le prolongement de la couverture par la fourniture des médicaments par la Régie de l'assurance-maladie. Le ministre a répondu qu'effectivement c'était une suggestion qui est raisonnable, une suggestion qui méritait d'être prise en considération.

Il y aura bien d'autres suggestions à faire quant aux types de couvertures, quant aux types de soins à apporter à la population du Québec. Actuellement, on sait quels sont les soins qui sont couverts par la Régie de l'assurance-maladie et qui sont dispensés par certains professionnels de la santé. On pourrait ajouter à l'attention du ministre, et il en est conscient, qu'après l'adoption des lois concernant les corporations professionnelles, il y aura quatre nouvelles corporations professionnelles qui dispenseront des soins dans le domaine de la santé. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible pour ces professionnels que les soins qu'ils dispensent soient couverts par la Régie de l'assurance-maladie et par le régime de l'assurance-maladie, à condition évidemment que, là encore, on puisse introduire des priorités.

Il y a possiblement des soins qui sont dispensés par ces nouvelles corporations ou même par des corporations professionnelles existantes, dans le domaine de la santé, qui ne sont pas couverts par l'assurance-maladie. C'est un genre de prolongement du régime qui pourrait être considéré. On sait que le problème s'est posé au début pour les optométristes, en 1969, au moment où nous avons étudié le premier projet de loi de l'assurance-maladie et où nous avons créé la Régie de l'assurance-maladie. Les soins dispensés par les médecins spécialistes, les médecins de pratique générale, les chirurgiens en chirurgie buccale et les services dispensés par les optométristes ont été couverts par le premier régime de l'assurance-maladie.

L'un des arguments qu'on avait invoqués pour inclure les optométristes dans le régime de l'assurance-maladie — je dis bien l'une des raisons, parce qu'il reste que fondamentalement les services qui étaient dispensés devaient être couverts, mais si on se place du point de vue de la profession elle-même, il était important que les soins de santé donnés par les optométristes puissent être couverts — c'est qu'il nous sem- blait qu'il y avait là une discrimination en faveur d'un autre groupe de professionnels qu'on appelle les ophtalmologistes dont les services étaient couverts par la Régie de l'assurance-maladie.

Alors, également, je voudrais qu'on tienne compte de ce type de considérations quand le ministre va élargir la couverture du régime dans une étape ultérieure à celle-là, que l'on tienne compte également de la répartition des professionnels sur le territoire du Québec, d'une plus grande accessibilité de certains professionnels dans certaines régions, de sorte que cela puisse être un des facteurs qui soient considérés.

D'autre part, si l'on considère également le type de services, et après le choix qui a retenu l'attention du ministre dans le projet de loi 21, à savoir les prothèses et les prothèses orthopédiques, les médicaments pour les personnes âgées de 65 ans, il reste qu'il y a encore toute une gamme de services, de soins dans le domaine de la santé qui pourraient être envisagés comme possibilités d'extension de la couverture.

Le ministre n'a pas traité longuement, cet après-midi, des raisons qui ont milité en faveur de ce choix qu'il a retenu, bien que j'en aie conclu de ses interventions précédentes, à d'autres moments de nos travaux parlementaires et aujourd'hui, que le coût des prothèses orthopédiques a été un des facteurs qui ont retenu son attention à la suite du rapport extrêmement élaboré qu'a préparé le Dr Gingras, de l'Institut de réhabilitation de Montréal, et que, d'autre part, le coût des médicaments était un obstacle à l'accessibilité pour les personnes âgées qui sont démunies, qui n'ont pas de revenu, sauf le supplément du revenu minimum garanti et la pension de sécurité de la vieillesse.

Alors, ce sont deux bons choix que le ministre a faits. Il a raison de dire que c'est une bonne loi quand on étend les services étatiques à des groupes de personnes et à des types de soins dans le domaine de la santé. Cela m'amène à lui faire la remarque suivante: il me paraît que le rapport de l'exercice 71/72, déposé par la Régie de l'assurance-maladie, indique bien que la régie est dans une bonne position financière et qu'à condition de respecter certaines normes de prudence nécessaires pour un organisme aussi important que celui de la Régie de l'assurance-maladie, pour faire face à toute situation imprévue, il serait possible au ministre des Affaires sociales, à plus ou moins brève échéance — et quand je dis à plus ou moins brève échéance, je pense peut-être à l'automne 1973 ou au printemps 1974 — d'étendre davantage la couverture du régime par la Régie d'assurance-maladie.

A la page 23 de ce rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie, rapport annuel 72/73, on voit que le surplus accumulé à la fin de l'exercice 1973, au 31 mars 1973, est de $53,784,229 alors qu'il était, à la fin de l'année 1972, l'année précédente, surplus redressé après les écritures de régularisation, de $25,798,919.

Alors, il s'agit donc d'une augmentation de $28 millions dans un an â la réserve, au surplus de la régie. Il s'agit donc d'un montant supérieur à $50 millions. Même si, durant l'exercice 73/74, on prévoit couvrir les deux types de services indiqués dans la loi, il reste que cela ne grèvera pas le budget de la régie pour toute l'année. On est rendu au mois de juillet. Avant que ce soit prêt à fonctionner, avant que la loi soit adoptée, que les mécanismes administratifs soient mis en place, même si, j'imagine l'appareil déjà fonctionne bien, on a peut-être déjà anticipé même sur la loi? Non?

M. CASTONGUAY: Je pensais que vous vouliez dire anticiper en versant des paiements.

M. CLOUTIER (Montmagny): Pas dans les paiements, non, non; dans l'instauration de l'appareil administratif. En saine administration, le ministre ne m'apprendra pas comment cela se fait. Quand on prévoit qu le projet de loi va être adopté par l'Assemblée nationale, déjà, on peut mettre en place tous les mécanismes administratifs. On prend de l'avance.

Je disais, M. le Président, que les estimations qu'a données le ministre, je pense, sont pour une année financière de douze mois, alors que les chiffres qu'il faudra retenir pour l'année 73/74 atteindront peut-être 40 p.c, 50 p.c. ou 60 p.c. des estimations. Si on se base sur les chiffres des années dernières, tenant compte de tous les indices économiques — je pense que le ministre des Finance sera d'accord, si je retiens des indices du dernier discours du budget — indice de croissance, indice d'augmentation du revenu personnel, des contribuables — les contribuables paient une cotisation d'assurance-maladie basée sur un pourcentage de ce revenu personnel — il est donc plausible de croire que le surplus de l'année 73/74, pour la Régie de l'assurance-maladie, devrait se situer autour de $25 millions à $30 millions. Egalement, même si le volume des service augmente dans la proportion indiquée au rapport — je le donne de mémoire; j'ai lu cela il y a quelque temps, je pense quand le président de la régie a comparu devant la commission parlementaire — soit de 5.8 p.c. ou 6 p.c, dans le courant de l'année 72/73 pour la Régie de l'assurance-maladie, cela voudrait dire que le surplus, au 31 mars 1974, au lieu d'un peu plus de $50 millions, serait autour de $75 millions, toutes choses étant égales, d'ailleurs.

Je pense que le ministre devrait envisager sérieusement de retenir certaines autres suggestions comme celle qu'a faite tantôt le député de Nicolet, comme celle que j'ai faite moi-même au sujet d'autres types de services rendus par d'autres professionnels de la santé, maintenant, qui vont pratiquer dans la légalité et d'autres suggestions que pourront faire mes collègues, soit du Ralliement créditiste ou du Parti québécois, afin que, le plus tôt possible, la Régie de l'assurance-maladie puisse mettre à la disposi- tion des citoyens, des contribuables québécois, le plus de services possible couverts à l'intérieur du régime. Le but de la création de la Régie de l'assurance-maladie, ce n'était pas d'accumuler des surplus; c'était de mettre sur pied un régime administratif et de donner des services à la population québécoise.

M. le Président, c'est le type de considérations que je voulais faire quant à l'extension de la couverture du régime de l'assurance-maladie. Nous sommes parfaitement d'accord sur les options qui ont été retenues, les options d'extension de la couverture. On pourrait discuter longtemps pour savoir s'il aurait été préférable d'inclure, à ce moment-ci, d'autres choses plutôt que les prothèses orthopédiques. Je ne le crois pas, M. le Président, mais je crois, toutefois, qu'on devrait, le plus tôt possible, prévoir d'autres couvertures de soins médicaux.

Quant à l'autre point couvert par le ministre des Affaires sociales, soit la création, par cette loi, de comités de surveillance, je voudrais faire un retour en arrière pour donner aux députés de cette Chambre un peu de recul aux discussions qui se sont faites ici avant que nous n'en arrivions à ce projet de loi no 21 et aux comités de surveillance qu'il contient.

En 1969-1970, le premier comité qui a préparé la Loi de l'assurance-maladie, projet de loi que j'avais déposé en Chambre en mars 1970, s'était longuement penché sur ce problème des comités d'appréciation des honoraires et des comités de surveillance, en se basant sur l'expérience vécue à l'assistance médicale.

Ce régime fonctionnait depuis quatre ans, depuis le 1er avril 1966 jusqu'en 1970, au moment où nous avons préparé la loi.

Le ministre des Affaires sociales est parfaitement conscient des discussions qui se sont poursuivies à ce moment parce qu'il faisait partie de ce comité spécial comme président de la commission Castonguay-Nepveu avec le président de la régie, M. Robert Després, avec d'autres hauts fonctionnaires des ministères, les sous-ministres de la Santé, des Affaires sociales, qui préparaient la Loi de l'assurance-maladie.

Ceux qui travaillaient — et je me suis joint à cette équipe de travail à quelques reprises — ont posé véritablement le type de questions. Pour vous montrer comment ce problème est complexe, je vous donnerai quelques questions que le comité s'est posées pour montrer que ce n'est pas simple ce comité, ce mécanisme que l'on met en place pour le contrôle quantitatif des honoraires professionnels, parce qu'avec le contrôle qualitatif on rejoint l'acte médical, et c'est la corporation professionnelle, le Collège des médecins ou le Collège des optométristes ou l'ordre ou le bureau de chacune des corporations qui s'occupe de cet aspect.

Je lis dans les notes des procès-verbaux de cette époque, 1969-1070, certaines questions que ce comité s'est posées, auxquelles la loi actuelle doit apporter une réponse. "Est-ce que le régime prévoiera les responsabilités respecti-

ves de la régie, des syndicats et des collèges ou corporations professionnelles vis-à-vis: "1) 1. L'évaluation et le bien fondé des demandes de paiement; 2. Le contrôle de l'activité des professionnels? "2) Le régime prévoira-t-il la représentation des différents corps intéressés au comité d'évaluation? "3) Le régime prévoira-t-il qui a la responsabilité de la décision finale quant aux montants payables, advenant le cas où le comité d'évaluation ne pourrait en arriver à une décision? "4) Est-ce que le comité d'évaluation aura la responsabilité de tarifer de nouveaux actes médicaux, ou est-ce que cette responsabilité sera celle de la régie? "5) Le régime touchera-t-il à la forme de contrôle de la qualité des soins et se prononce-ra-t-il sur l'organisme qui en sera responsable? "6) Le régime prévoira-t-il des mesures pour réprimer les abus de soin? "7) Le régime prévoira-t-il que des sanctions pourraient être prises contre les dispensateurs de soins, et dans quelles circonstances? "

Voilà le type de questions très sérieuses et très complexes que le comité de conceptualisation — comme on l'appelait dans le temps — du régime d'assurance-maladie se posait.

A la séance du 19 novembre 1969 — toujours le même comité — je lis: "A l'article 24 du projet de loi" — on faisait une critique du projet de loi et on apportait certaines considérations — quand il s'est agi de l'article 24, qui traitait des comités d'appréciation, des relevés d'honoraires et de la pratique professionnelle, le comité convenait de certaines choses, de rayer des mots, etc. pour que l'article se lise comme suit: "La régie peut former des comités d'appréciation des relevés d'honoraires relatifs aux services assurés pour chacune des professions concernées."

Dans le procès-verbal, on dit: "On a discuté l'opportunité d'introduire sur ces comités un représentant du Collège des médecins, ce qui éviterait qu'aux yeux du collège la régie soit vue comme un organisme ayant un contrôle complet sur les professionnels de la santé." "Après discussion, le comité est d'avis — le comité de conceptualisation de la loi — que ces comités devraient être composés de six membres, soit deux membres choisis par le Collège des médecins, un membre choisi par la FMSQ — ce sont les spécialistes — un membre choisi par la FMOQ — les omnipraticiens — et deux fonctionnaires de la régie choisis par le directeur général, dont un d'office sans droit de vote.

Cela doit, M. le Président, rappeler au ministre des Affaires sociales des souvenirs, des discussions très élaborées qu'ils ont tenues sur le projet de loi de l'assurance-maladie.

A la séance du 12 février 1970, encore là, à l'article du comité d'appréciation des relevés d'honoraires, on disait qu'on introduisait dans l'article une nouvelle disposition: Le comité convient de modifier la définition de services assurés contenue à l'article 1, interprétation du projet des modalités proposées pour un régime d'assurance-maladie, en ajoutant les mots suivants: "et conformes aux normes de pratique professionnelle"; cette définition doit donc maintenant se lire comme suit: "services assurés" signifient les services et fournitures prescrits qui sont jugés nécessaires et conformes aux normes de pratique professionnelle. L'introduction de cette notion permettra à la régie d'évaluer les services assurés à partir d'éléments quantitatifs. C'est ce qui retient une partie de notre attention parce que, quand le ministre dit que la régie constate des abus pour tel type de pratique médicale ou tel profil de pratique, il s'agit de quantité ou de nombre d'actes et du revenu total que fait ce professionnel par rapport à cet acte, qu'il soit spécialisé dans ce secteur ou non.

M. le Président, ce sont les passages des procès-verbaux de l'hiver 1969-1970, au moment où ce comité préparait la première loi d'assurance-maladie. A l'été 1970, nous avons discuté en Chambre, en juin et juillet, la Loi de l'assurance-maladie par une température aussi chaude qu'à ce moment-ci. Ce serait trop long de donner à cette Chambre les déclarations in extenso qu'a faites le ministre dans son discours sur le bill 8 en deuxième lecture et les commentaires que j'ai faits mais on s'y référera en lisant les Débats du 26 juin 1970, page 556, pour les déclarations du ministre des Affaires sociales, M. Castonguay; en lisant également à la page 615, le jeudi 2 juillet 1970, les commentaires du député de Montmagny sur le projet de loi no 8, l'assurance-maladie; également, le discours du ministre des Affaires sociales en troisième lecture, je crois, à la page 647 du journal des Débats et ma réponse en troisième lecture, à la page 941. On retrouvera là différentes interventions qui ont été faites par le ministre actuel des Affaires sociales et celui qui l'a précédé, au sujet de l'opportunité d'inclure dans la loi les comités de surveillance, les comités d'appréciation des relevés d'honoraires, tels qu'ils avaient d'abord été pensés en vertu de la première loi et inscrits dans la première version de la loi 8.

Le ministre, à ce moment-là, a voulu faire une distinction au sujet de la responsabilité de la corporation professionnelle et effectivement il disait dans ses remarques qu'un rapport serait déposé incessamment sur les corporations professionnelles, rapport devant conduire éventuellement aussi à l'étude par cette Assemblée nationale de lois pertinentes aux corporations professionnelles. Tout ça est arrivé, le rapport a été déposé, la Chambre a étudié les lois des corporations professionnelles et a bien réservé aux corporations professionnelles le secteur qui est le leur, c'est-à-dire la surveillance de la qualité de l'acte médical, le code de déontologie, l'inspection professionnelle, toutes ces matières que nous avons vues, M. le Président,

dans une commission que vous avez présidée à maintes circonstances.

Le ministre n'a pas retenu précisément cette suggestion de la première version du projet de loi no 8 mais il a retenu les clauses que l'on connaît dans la loi actuelle et qui, semble-t-il, ne donnent pas satisfaction.

Ces comités ont été formés par les ententes intervenues entre les professionnels de la santé et le ministre de la Santé du Québec, c'est avant la fusion des deux ministères, en 1970, à l'automne, au moment où il y a eu accord entre, d'une part, les médecins omnipraticiens et le ministère de la Santé, les médecins spécialistes et le ministère de la Santé, les spécialistes en chirurgie buccale et le ministère de la Santé, les optométristes et le ministère de la Santé. Je ne sais pas si j'en oublie, peut-être que ça couvrait les quatre, ce sont les quatre mandats qui sont intervenus.

Et le genre de dispositions que l'on trouvait dans ces ententes était celui-ci, je prends celle des omnipraticiens: entente intervenue le 11 novembre 1970 avec le ministre de la Santé. On disait, à l'article 9, sous le chapitre Comité d'appréciation des relevés d'honoraires: Que la régie forme un comité d'appréciation des relevés d'honoraires réunissant quatre membres dont deux sont désignés par la Fédération des médecins omnipraticiens de la province de Québec et deux autres membres du comité sont désignés par la régie; tous les membres du comité d'appréciation des relevés d'honoraires sont des médecins omnipraticiens.

A l'article 903, on disait: Ce comité fixe les règles de régie interne nécessaires à son bon fonctionnement et précise les modalités d'appréciation du paragraphe 902, notamment le genre de relevés d'honoraires qui doit être soumis. A l'article 902, on décrivait le relevé d'honoraires. Cela c'est le mécanisme sur lequel il y a eu entente entre le ministre de la Santé et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le 11 novembre 1970.

Le même mécanisme a été accepté par la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le 16 décembre 1970: : un comité de quatre membres, deux médecins nommés par la Fédération des médecins spécialistes du Québec et deux nommés par la Régie de l'assurance-maladie. Egalement pour les optométristes, un comité de quatre, formé de deux optométristes désignés par l'association et les deux autres désignés par la régie.

Pour les spécialistes en chirurgie buccale, c'est le même mécanisme. On dit ici, à l'article 6: La régie et l'association désignent respectivement deux membres à un comité d'appréciation des relevés d'honoraires. L'autre entente qui a été conclue, c'est plus tard, c'est en juin 1972, avec l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, mais ce n'était pas dans le cadre de la première loi, le régime d'assurance-maladie.

Alors, voilà quel est le mécanisme actuellement en place et qui ne donne pas satisfaction. On l'a vu par les réactions du Collège des médecins, à la suite de la séance de la commission parlementaire des affaires sociales, pendant laquelle séance le ministre des Affaires sociales et le président de la régie ont signalé à l'attention de la Chambre les abus qui auraient pu se glisser dans la dispensation des soins de santé par les professionnels de la santé et également par les difficultés d'appréciation des profils de pratique ou de la situation de certains professionnels vis-à-vis de la régie de l'assurance-maladie.

D'ailleurs, on a connu ce genre de difficultés quand la Commission d'assistance médicale existait, de 1966 à 1970. Des cas ont été référés au Collège des médecins à ce moment et je me souviens qu'il était assez difficile, pour différentes raisons sur lesquelles je ne voudrais pas m'attarder, d'obtenir, dans un délai raisonnable, une réponse catégorique et affirmative du Collège des médecins qui désirait bien se prononcer sur la qualité de l'acte médical, mais qui hésite et même refuse de se prononcer sur l'aspect quantitatif ou l'aspect économique des services de santé et des soins de santé dispensés par les médecins.

Je comprends, M. le Président, leur point de vue; il appartient plutôt aux fédérations qui s'occupent des intérêts économiques des membres de se pencher sur ces problèmes de difficultés entre la régie et les professionnels de la santé quant aux notes d'honoraires et quant aux réclamations auprès de la régie. Il reste cependant qu'on ne peut pas dissocier l'appréciation du dossier du médecin de l'aspect quantitatif du dossier et de l'aspect qualitatif de l'acte médical. L'un a une certaine influence sur l'autre. C'est pour cela que dans le nouveau mécanisme proposé par le ministre paraissent également le Collège des médecins et les différents ordres professionnels. Je pense qu'il est important que nous ayons une bonne représentation à ce Comité d'appréciation des relevés d'honoraires.

Pour vous montrer jusqu'à quel point ce comité d'appréciation est important, quand le Régime d'assistance médicale a fonctionné avec la Commission d'assistance médicale, alors qu'il n'y avait qu'environ $15 à $20 millions d'engagés annuellement — c'est ce que coûtait le régime — si on prend le rapport annuel de ces années, on a, en 1966, comme nombre total de cas étudiés par la Commission d'assistance médicale, 373 cas; en 1967, 305 cas; en 1968, 454 cas; en 1969, 853 cas ont été étudiés; en 1970 — on se souviendra que c'était la fin du régime— il n'y en a que 293. Nombre de cas soumis au Comité d'appréciation des relevés d'honoraires: en 1966, il n'y en a pas eu, le régime commençait; en 1967, après un mois d'activité seulement, 13 cas; en 1968, 222 cas; en 1969, 502 cas; en 1970, la dernière année du

régime — c'est une partie de l'année, au tout début de l'année — 44 cas ont été soumis au comité. On voit l'importance, pour un régime total comme celui qu'on a actuellement et qui entraîne des dépenses de plus de $300 millions, d'avoir des mécanismes bien rodés, bien structurés dont on connaît bien la responsabilité, qui connaissent bien leur mandat et qui ont toute la collaboration des différents professionnels du domaine de la santé.

A ce sujet, le ministre et la Régie de l'assurance-maladie peuvent avoir la collaboration des professionnels. Si je me base sur une observation qu'ils ont faite au ministre à la suite des travaux de la commission parlementaire, ils ont même pris l'initiative de demander aux médecins s'ils avaient objection à révéler leur profil de pratique et le montant individuel des revenus. Je pense qu'ils ont eu l'accord des médecins, dans une proportion de 98 p.c, disons, en tout cas, de la Fédération des médecins spécialistes. Les médecins sont d'accord, dans l'ensemble, pour réprimer les abus dont est responsable une infime partie des professionnels de la santé. C'est pour cela, M. le Président, que nous voyons d'un bon oeil le ministre accepter de revenir à des suggestions qui ont déjà été faites antérieurement, en 1969-1970, et d'accepter, devant les difficultés que la régie connaît actuellement et devant l'importance qu'il y a que ces abus soient réprimés, de mettre en place ces mécanismes, ces comités d'appréciation des relevés d'honoraires et ces comités de surveillance, de sorte que l'intérêt public sera protégé. Il y a là des millions de dollars qui sont fournis par les contribuables québécois, et c'est un régime qui, on l'a dit tantôt, avec les surplus accumulés par la régie et avec les années, prendra encore plus d'importance et qui dans quelque temps, va probablement doubler.

Alors, il s'agira de sommes supérieures à $500 millions ou $600 millions. Si on ajoute d'autres types de services, ce sera une augmentation proportionnelle. Alors, il est important que, dès maintenant, comme on l'a fait dans d'autres provinces, on mette en place les mécanismes de surveillance nécessaires. Cela ne veut pas dire que tous les professionnels de la santé sont à blâmer, mais il est important que, s'il y a des abus, ils soient réprimés par des mécanismes acceptables. En somme, c'est une bonne loi et nous l'appuierons en deuxième lecture.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, pour faire suite aux propos qui ont été tenus sur ce projet de loi no 21, Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et la loi de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, nous retrouvons dans ce projet de loi, à mon sens, deux principes: premièrement, celui de l'extension de la couverture du régime d'assurance-maladie et, deuxièmement, la création de comités de révision ou de comités de surveillance.

A ce moment-ci, je me demande si le ministre a profité du fait qu'il voulait étendre la couverture du régime d'assurance-maladie pour créer des comités de révision ou de surveillance ou, vice versa, si, à l'occasion de la création de ces comités, le ministre en a profité pour donner une extension au régime d'assurance-maladie. De toute façon, même si nous ignorons laquelle des deux mesures a retenu le plus l'attention du ministre — peut-être que ce sont les deux — je dois dire au ministre que, premièrement, le point qui me paraît important, c'est l'extension de cette couverture aux personnes âgées démunies, qu'on appelle personnes âgées recevant entièrement le supplément de revenu garanti. C'est donc dire qu'elles pourront désormais bénéficier de certains services auxquels elles n'avaient pas droit.

Deuxièmement, sur cette création de comités de révision ou de surveillance, on se souviendra des chiffres qui ont été mentionnés lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales pour, en quelque sorte, justifier la création de ces comités afin de réprimer les abus commis par certains professionnels.

M. le Président, il y a également d'autres mesures qui visent à fournir des prothèses à certains types de personnes à certaines conditions. Si je le dis de cette façon, M. le Président, c'est que nous retrouvons dans cette loi, presque partout, le pouvoir de réglementation. Je voudrais attirer l'attention du ministre, par exemple, sur le fait qu'à presque tous les endroits — du moins à sept endroits stratégiques dans la loi — on dit que tout se fera par règlement. C'est donc dire que ce pouvoir de réglementation qui est donné au lieutenant-gouverneur en conseil fait toute la différence selon que cette loi sera appliquée de la façon que le lieutenant-gouverneur en conseil le décidera ou autrement, si c'est le cas.

M. le Président, ce projet de loi, qui modifie la Loi de l'assurance-maladie et qui étend la couverture du régime à certaines personnes, nous le souhaitions et nous le souhaitions vivement. Ce projet de loi, en même temps, apporte des restrictions ou des précisions relativement aux actes accomplis par certains professionnels, notamment en chirurgie buccale et en optométrie.

Je pense que nous nous attendions à une mesure telle puisque bien souvent des personnes étaient dans le besoin, avaient essentiellement besoin de certains services mais, ces services n'étant pas couverts, ces mêmes personnes étaient obligées d'attendre. Je me demande par contre si ce n'est pas un palliatif également aux besoins spéciaux qui était accordé, dans certains cas, aux assistés sociaux, ceux qui bénéficiaient de la Loi d'assistance sociale et qui leur a été

enlevé il y a quelque temps. Alors, probablement que c'est une forme de compensation entre ce qu'ils avaient et ce qui leur a été enlevé, du fait que l'on donne cette extension en services.

Alors, j'aimerais toucher immédiatement l'autre partie et revenir, par la suite, à l'extension du régime d'assurance-maladie, soit les comités de révision ou de surveillance qui seront formés à la suite de l'application de ce projet de loi.

On se souviendra que le ministre, quand on a étudié les crédits du ministère des Affaires sociales, nous a transmis des données, des chiffres à l'effet que des professionnels avaient abusé par le système concernant la dispensation de services couverts par l'assurance-maladie. Le ministre a donné des exemples tout à l'heure, que nous avons retenus et qui sont d'ailleurs au journal des Débats, lors de l'étude des crédits.

Cependant, étant donné qu'il n'y avait pas de mécanisme prévoyant cette surveillance pour des actes posés par les professionnels, je me demande si le peu de mécanismes qui existait a suffisamment servi. Je m'interroge sur cette collaboration qui devait exister ou qui aurait dû exister entre, d'une part, la Régie de l'assurance-maladie et, d'autre part, les professionnels concernés. Je me demande si la Régie de l'assurance-maladie a collaboré à un point qu'il aurait peut-être été possible d'éviter de tels abus ou encore que cette vérification se fasse au fur et à mesure que les professionnels posaient ces actes.

On se souviendra que cette dénonciation, si je peux me servir de l'expression, par le ministre des Affaires sociales a fait sursauter, en quelque sorte, certains professionnels, notamment le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

On retrouvera, à tort ou à raison, dans le volume ou la revue "Les médecins du Québec", juin 1973, volume VIII, no 6, les propos du président de la Fédération des médecins spécialistes, qui répond au ministre. J'ajoute qu'à tort ou à raison je suis quand même dans l'obligation de retenir les propos, d'une part, des professionnels concernés et, d'autre part, dire qu'il y a réellement des abus qui ont été commis. Il faut qu'ils soient surveillés.

J'aimerais citer, pour le bienfait des membres de l'Assemblée nationale, cette réponse du président de la Fédération des médecins spécialistes, qui nous dit la façon dont il voit ça, qui nous résume cette collaboration qui n'a pas fonctionné entre la régie, d'une part et la fédération, d'autre part.

Je cite la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui répond au ministre: "Le ministre des Affaires sociales a annoncé, au début du mois de mai, durant l'étude des crédits de son ministère, la formation d'une commission de révision des comptes d'honoraires qui serait inscrite comme amendement à la Loi de l'assurance-maladie. "Lors de l'étude de ces crédits, on a mis en évidence certains abus des médecins, abus qui ont été rapportés abondamment par la suite, dans la presse. Le Dr Raymond Robillard, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, lors d'une conférence de presse, a déclaré que les allégations sont fausses et la Fédération des médecins spécialistes est en mesure de prouver que le ministre des Affaires sociales lui-même a empêché les syndicats médicaux et le Collège des médecins et chirurgiens d'intervenir. "On sait qu'il existait, dans le régime de l'assurance-médicale, des mécanismes en vue de mettre un frein aux abus. Or, un tel type de comité n'a pas été inclus dans la Loi de l'assurance-maladie, et ce en dépit des demandes répétées des deux fédérations médicales. La Fédération des médecins spécialistes a formé un comité spécial chargé d'étudier les profils de pratique anormaux soumis par la régie. Cependant, la régie, dans un premier temps, a refusé de fournir ces informations. Lorsque la Fédération des médecins spécialistes a obtenu de ses membres un mandat écrit autorisant la régie à divulguer les sommes qu'elle avait versées, la régie refusa encore de fournir les profils de pratique, c'est-à-dire les noms des médecins et le détail des actes qu'ils avaient posés. "Selon la Fédération des médecins spécialistes du Québec, M. Castonguay, après avoir bloqué systématiquement les mécanismes de participation, est malvenu de discréditer aujourd'hui la profession médicale en l'accusant d'avoir toléré les présumés abus de certains médecins. La Fédération des médecins spécialistes du Québec, selon son président, est prête à discuter avec le ministre des mécanismes de contrôle pour réprimer les abus. Cependant, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, comme la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, est en faveur d'un véritable comité de pairs et non d'un comité gouvernemental. "De plus, le Dr Robillard a réitéré son opposition à tout contrôle de l'exercice de la médecine par la Régie de l'assurance-maladie."

M. le Président, à la suite de ces propos, il est bien évident que la création de ces comités de révision ou de surveillance s'imposait. D'ailleurs, comme d'autres l'ont dit — et je le répète — les membres de la Fédération des médecins spécialistes, du moins par la voix de son président, ne s'y opposent pas, puisqu'il dit, dans cet article, qu'il est prêt à discuter d'un mécanisme quelconque. Cet article nous fait prendre conscience davantage que, s'il y avait des mécanismes à l'intérieur d'une loi quelconque, ils n'ont pas fonctionné. Bien sûr que c'est à la suite de relevés que le ministre a cru bon de permettre ou d'imposer la création de ces comités de surveillance. A partir de là, bien sûr, nous ne nous opposerons pas à la création de ces comités qui auront pour objet d'évaluer la situation et, par la suite, de faire des recomman-

dations à la Régie de l'assurance-maladie qui devra exécuter, si ma mémoire est fidèle, les recommandations de ces comités de révision ou de surveillance.

M. le Président, plus que cela, le travail de ces comités sera donc rétroactif. Moi, je me pose la question suivante: De quelle façon pourra-t-on, de façon rétroactive — je ne dirai pas étudier, car ce sera toujours possible, avec les données qui sont disponibles à la Régie de l'assurance-maladie — si on se rend compte, par exemple, que, de façon abusive ou injustifiée, des actes ou des abus ont été commis, imposer à un professionnel quelconque des mesures de pénalité? De toute façon, l'important, c'est de s'assurer que les abus ne se renouvelleront pas, c'est-à-dire ne seront pas commis dans l'avenir.

J'ajoute, cependant, qu'étant donné l'absence de mécanismes, bien sûr, on a permis à ces professionnels d'abuser du régime. Je me demande, d'autre part, si cela ne justifie pas justement le ministre d'arriver et d'imposer, peut-être, certains contrôles par ces comités. Je ne voudrais pas être trop fort, mais je veux faire ressortir le principe suivant : si on permet tout à quelqu'un, ensuite, on est beaucoup mieux justifié de lui interdire de poser tel ou tel geste ou de poser des actes dans le cas qu'on mentionne.

M. le Président, ces comités seront formés, nous dit-on — je commence par la fin en parlant du cinquième membre — selon une liste soumise par l'Office des professions.

Je me demande un peu si le ministre ne devance pas le travail législatif, étant donné que les autres projets de loi, entre autres le projet de loi 250, qui permettra la formation de l'Office des professions, n'est pas encore accepté par l'Assemblée nationale. Je me demande si le ministre ne présume pas un peu trop vite que cette loi sera acceptée. On pourra mettre dans une autre loi qu'on discute aujourd'hui le fonctionnement de l'Office des professions, entre autres.

Ce projet de loi a également pour objet de consacrer dans les faits, par une loi, l'entente, intervenue entre les pharmaciens et le ministre, qui est en vigueur depuis le 1er août 1972. On se souviendra des propos qui avaient été tenus de ma part et de la part d'autres personnes, et également cette même personne qui est le président de la Fédération des médecins spécialistes, qui trouvait que le public avait de drôles de chances d'être privé de médicaments à la suite d'une entente.

Cette partie du projet de loi consacre donc dans la loi de l'assurance-maladie cette entente qui est intervenue entre le ministre et les pharmaciens, d'autre part. J'ai bien apprécié que le ministre des Affaires sociales nous remette le rapport du comité d'étude sur les orthèses et les prothèses. J'ai pris la peine de relire attentivement chacune des recommandations de ce comité qui a été formé pour justement faire une étude qui a donné suite partiellement à cette loi.

Et entre autres, on peut trouver dans le préambule de ce rapport ceci: "Le comité est d'avis qu'un appareil, qu'il soit interne ou externe, fait partie du traitement et de la réadaptation et devrait être fourni au malade sous le régime de l'assurance-maladie."

Dans un rapport, quand on trouve des propos aussi clairement définis, je pense que c'est très facile pour un ministre de dire: Nous appliquons cette mesure, nous la concrétisons à l'intérieur d'un projet de loi. Et uniquement cette petite partie du rapport que nous trouvons dans le préambule était suffisante pour faire penser au ministre d'inclure dans la Loi de l'assurance-maladie la dispensation de prothèses.

Cependant, l'étude va beaucoup plus loin que ça, elle nous donne également des statistiques: le nombre d'amputés par million de population, également le nombre d'amputations au Québec, le nombre d'amputés en 1973 au Québec, le coût moyen d'une prothèse, le coût moyen d'une orthèse.

Cela nous permet quand même de vérifier jusqu'à quel point il est difficile parfois, pour des personnes défavorisées, de se procurer justement soit une prothèse qui est essentielle pour suppléer à ce qui leur a été enlevé par accident ou infirmité quelconque.

Cela justifie davantage le ministre d'arriver avec une mesure compensatoire pour les personnes qui sont démunies.

Concernant toujours cette même extension de couverture, je trouve un petit peu curieux qu'on ait oublié d'inclure certains bénéficiaires de ces mesures et qu'on dise: les personnes âgées, démunies. Cela signifie donc que c'est une personne qui a 65 ans, d'abord, et deuxièmement qui bénéficie entièrement...

M. CASTONGUAY: Si vous me permettez, en ce qui a trait aux prothèses, c'est pour l'ensemble de la population.

M. GUAY: Je sais, je m'excuse si je n'ai pas précisé, c'est parce que j'écourte un peu trop. Cela sera difficile à relire au journal des Débats, mais, de toute façon, l'important c'est que moi je me comprenne, et j'espère que le ministre comprend aussi.

J'ai l'impression, M. le Président, qu'on a oublié totalement dans ces personnes âgées l'épouse de la personne bénéficiaire. Je peux prendre comme exemple un couple où le mari a 65 ans et plus; il est donc le chef de famille et doit pouvoir aux besoins familiaux, mais si son épouse a moins de 65 ans, elle n'est pas couverte par cette mesure alors que, selon une façon de penser qui est tout à fait normale, comme le chef de famille doit pourvoir aux obligations familiales, je me demande s'il ne serait pas possible d'inclure le conjoint de façon automatique, quel que soit son âge. Bien sûr, j'avoue que cette mesure nécessitera quelques déboursés supplémentaires, sauf que bien souvent les problèmes — je dis bien souvent —

peut-être 50 p.c. des problèmes dans ce domaine sont causés par le conjoint qui, lui, n'aura pas atteint l'âge de la retraite, soit 65 ans. Je me demande si le ministre ne pourrait pas profiter de l'occasion pour étudier la possibilité d'abaisser cette couverture à l'âge de 60 ans. Ce serait peut-être plus normal en 1973, mais de toute façon je demande au ministre s'il a étudié cette possibilité, premièrement, qu'au lieu de dire 65 ans quand on parle de personnes âgées, on dise 60 ans et, deuxièmement, d'inclure automatiquement le conjoint, c'est-à-dire l'épouse, quel que soit son âge. Je crois que ce serait possible puisque ce n'est pas la première fois que cela fait l'objet de discussions. J'aimerais bien savoir de la bouche du ministre au cas où il serait impossible de le faire aujourd'hui, si on croit que ce serait possible très prochainement. Je pense que ce serait tout à fait normal puisque, quand on parle de personnes démunies, dans le cas d'un couple c'est autant de l'épouse que du mari qu'il s'agit. Le ministre est bien au courant de tous les problèmes qui sont causés du fait que le mari est pénalisé parce que son épouse est plus jeune que lui, quand on regarde la loi concernant la pension de sécurité à la vieillesse. M. le Président, ce sont les quelques observations que j'avais à faire sur ce projet de loi 21. Je me réserve en troisième lecture, bien sûr, la possibilité de poser d'autres questions au ministre, d'obtenir toutes les indications qui pourraient nous servir et, si possible, d'amender ce projet de loi de façon à le bonifier.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, la chaleur caniculaire qui prévaut dans cette enceinte ne nous empêchera pas d'élaborer le temps qu'il faut sur les plaisirs en même temps que les frustrations que nous procure cette extension limitée de l'assurance-maladie à de nouvelles catégories de bénéficiaires.

Le ministre connaît nos positions à ce sujet. Depuis le début nous pensons et nous continuons de penser qu'il s'imposait pour le bien collectif des Québécois d'instaurer immédiatement un régime de couverture totale pour tous les besoins de santé qui auraient été financés soit par le régime général de taxation, soit par des contributions venant du citoyen et de son employeur, mais contributions qui n'auraient pas été plafonnées à partir d'un certain niveau de revenu de façon à faire porter le plus gros du fardeau sur la classe moyenne.

Nous continuons à penser que cela aurait été possible, surtout quand on regarde les excédents des revenus sur les dépenses à la suite des deux premières années, excédents qui atteignent déjà $53 millions et qui atteindront probablement l'an prochain $75 millions.

Nous pensons qu'avec un effort supplémentaire, en ce qui concerne le niveau de la prestation, le niveau de la cotisation, il aurait été possible, comme cela d'ailleurs a été fait pour l'assurance-hospitalisation, même si dans les règlements on eût pu procéder par étapes, d'instaurer d'un seul coup en principe un régime intégré d'assurance-maladie portant sur tous les soins de santé, soit médicaux, dentaires, optométriques, et couvrant en même temps les médicaments et les prothèses.

Les raisons qui nous avaient amenés à préconiser cette mesure sont les mêmes aujourd'hui qu'hier, c'est que la santé est un bien individuel aussi bien que collectif, que la santé devient de plus en plus un droit dans nos sociétés démocratiques, que la santé constitue un capital humain inappréciable pour l'ensemble d'une collectivité, qu'il y avait au Québec beaucoup de rattrapage à faire dans ces domaines, particulièrement quand on comparait nos statistiques de morbidité et de mortalité avec celles des autres provinces et des autres pays.

Nous pensions également que ne couvrir qu'un aspect des problèmes de santé pouvait constituer une impossibilité sur le plan médical, étant donné que bien des fois, comme on vient de le rappeler, les médicaments et les prothèses font partie intégrante du traitement et qu'il s'avérait, qu'il pouvait s'avérer très difficile de traiter quelqu'un sans lui accorder en même temps les médicaments ou la prothèse dont il pouvait avoir besoin. Nous pensions également, et nous le pensons encore aujourd'hui, que privilégier certaines catégories de soins et certaines catégories de bénéficiaires par rapport à d'autres pouvait constituer une injustice en particulier pour certaines catégories de citoyens qui n'avaient pas les ressources nécessaires, suffisantes pour se procurer tous les soins et tous les médicaments ou prothèses que pouvait requérir leur état de santé.

Nous continuons donc à penser qu'il eût été possible de procéder il y a déjà trois ans à cette réforme globale de notre système de santé. Etant donné que la chose ne s'est pas produite, il est bien évident que nous ne pouvons que nous féliciter, que nous réjouir de cette extension graduelle à de nouvelles catégories de bénéficiaires. En vertu de la nouvelle loi, il y aura maintenant les prothèses qui seront couvertes, pour toutes les catégories de citoyens. Il y aura, d'après ce que le ministre nous a dit, les citoyens âgés qui bénéficient du supplément de revenu minimum garanti, malgré que nous avons des réserves à cet égard, étant donné que, dans la loi de 1969, l'inclusion de cette catégorie de bénéficiaires était déjà prévue et que ce ne sont que des avatars d'un fédéralisme qui ne s'est pas révélé rentable en ce domaine qui ont empêché la mise en application de cette réforme au cours des deux dernières années. Nous nous demandons d'ailleurs, M. le Président, si ce n'est pas précisément parce qu'il a été impossible, soit parce que les négociations du Québec

avec le fédéral n'ont pas porté fruit en ce qui concerne la couverture des médicaments pour les personnes âgées, soit parce que les ententes n'ont pu être conclues entre le gouvernement du Québec et l'Association des chirurgiens dentistes, que nous constatons un tel excédent des revenus de la Régie de l'assurance-maladie par rapport à ses dépenses.

Si la loi de 1969 avait pu être appliquée dans les délais prévus, si les enfants de 0 à 7 ans avaient pu au cours des deux dernières années bénéficier des soins prévus pour eux dans la loi, si les bénéficiaires, les citoyens âgés bénéficiaires d'un supplément de revenu minimum garanti avaient pu bénéficier comme il était prévu, depuis deux ans, des bénéfices que l'on avait prévus pour eux, nous pensons que cet excédent des revenus sur les dépenses aurait été baucoup moins marqué.

Nous en concluons donc que c'est précisément à cause de cet absence d'application de la loi que le gouvernement peut se montrer aujourd'hui plus généreux.

Nous le déplorons quand même en pensant que les négociations avec le fédéral n'aient pu aboutir à une conclusion heureuse. Il nous semble que les critères que proposait le ministre des Affaires sociales à son homologue du fédéral étaient parfaitement pertinents, parfaitement légitimes, même s'ils n'étaient basés que sur le revenu et non pas sur la détermination du besoin. Il nous semble que le gouvernement fédéral aurait dû, en l'occurrence, faire preuve d'une souplesse plus grande. Il aurait dû considérer d'une façon plus nuancée, plus réelle les besoins particuliers d'une région comme celle du Québec et une entente aurait dû être effectuée.

Nous savons que ce n'est pas le seul domaine où les fonctionnaires et les ministres fédéraux ont fait montre d'un tel dogmatisme, d'une telle intransigeance, mais l'occasion nous est encore donnée de le souligner. Il reste, cependant, comme je le disais tout à l'heure, que ce gouvernement a préféré une extension graduelle de la couverture de l'assurance-maladie plutôt qu'une instauration globale de principes. C'est ce qui nous a valu les amendements apportés, en juin 1971, à la Loi de l'assurance-maladie. Nous venons de voir quand même que ces amendements que nous avons acceptés en 1971 n'ont pu encore être mis en vigueur. Peut-être l'occasion se présente-t-elle de réviser maintenant cette extension de la couverture, particulièrement en ce qui concerne les soins dentaires.

Le ministre nous a déjà donné quelques-unes des raisons qui avaient empêché le gouvernement de s'entendre avec l'Association des chirurgiens dentistes. Il ne fait quand même pas de doute que l'une de ces raisons était le fait que la pratique dentaire, chez les enfants de 0 à 7 ans, ne constitue, quantitativement, qu'un aspect mineur de la pratique des chirurgiens dentistes et que ceci les place dans une situation privilégiée dans leurs négociations avec le gouverne- ment. Si la pratique dentaire avait été totalement couverte par l'assurance-maladie ou encore si elle avait été couverte pour tous les enfants de 0 à 14 ans, peut-être les chirurgiens dentistes auraient-ils vu un intérêt plus grand à conclure une entente avec le ministère. Même, encore aujourd'hui, si le ministre, se ravisant à la dernière minute, nous annonçait son intention de déterminer par règlement une catégorie de bénéficiaires beaucoup plus étendue, couvrant, par exemple, tous les enfants dont l'âge s'échelonne de 0 à 14 ans, peut-être acquerrait-il ainsi un instrument de négociation qui lui permettrait d'en arriver plus tôt à une entente avec cette association.

Ce n'est pas la seule raison, évidemment, qui postule en faveur de cette extension. Je pense — et nous l'avons souligné en juin 1971 — que la meilleure et la principale raison est que les enfants de 7 à 14 ans, eux aussi, ont un très grand besoin de soins dentaires, particulièrement parce que cet âge coincide avec la période pubertaire, qui est une période de croissance physiologique maximum, qui amène souvent des troubles de métabolisme dentaire, aussi bien que d'autres troubles du métabolisme. Cet âge maximum constitue peut-être une excellente occasion de compléter les travaux qu'ont effectués les dentistes chez les enfants de 0 à 7 ans ou les travaux que peuvent effectuer les ligues d'hygiène dentaire.

Nous demanderions donc au gouvernement de profiter de cette occasion pour se montrer moins timide ou plus généreux et de nous permettre d'étendre, par règlement, à tous les enfants dont l'âge s'échelonne de 0 à 14 ans les bénéfices prévus par l'assurance-maladie. Les excédents de revenu dont vient de faire état le ministre et qui sont, encore une fois, de $53 millions avant que la réserve dont a parlé le ministre soit faite permettraient au ministre, à tout le moins, cette extension du régime.

Nous venons de perdre deux années en ce qui concerne l'hygiène dentaire et les soins dentaires. Il ne faudrait pas en perdre davantage et il faudrait surtout rattraper ce que nous avons perdu au cours de ces deux dernières années en étendant du moins dans le temps les bénéfices que par ailleurs le gouvernement est parfaitement en mesure financièrement parlant d'octroyer à une population qui en a un immense besoin. Nous nous demandons également, M. le Président, si le gouvernement, avec les excédents justement dont il peut faire état, n'aurait pas pu étendre à d'autres prothèses que celles dont le ministre nous a parlé les bénéfices de la loi. Je pense en particulier aux prothèses auditives qui, elles aussi, souvent sont d'un prix très élevé, un prix tellement élevé que certaines catégories de citoyens qui ne bénéficient pas de l'assistance sociale, comme le député de Nicolet le faisait valoir tout à l'heure, se voient dans l'impossibilité pratique de se les procurer. Nous savons tous les progrès technologiques qu'a connus cette discipline, depuis quelques années,

nous en avons entendu parler à l'occasion de la discussion du projet de loi sur la corporation des audio-prothésistes, et nous estimons que précisément pour certaines catégories de citoyens, particulièrement certains citoyens âgés, ces appareils constituent plus qu'un instrument susceptible de remédier à leur état de santé déficitaire et un instrument qui est essentiel pour la poursuite des satisfactions minimales de l'existence. On connaît les supplices qu'ont à endurer ceux qui sont affectés de surdité et il nous semble, étant donné que le coût n'en serait quand même pas exagéré, que le gouvernement devrait se rendre à ces arguments et inclure en particulier les prothèses auditives, particulièrement celles dont le coût est le plus élevé, dans la catégorie des services assurés.

Je suis certain qu'un bon nombre de citoyens, peu nombreux, mais pour qui ce déficit est majeur et cruel, lui en sauraient gré et lui en voueraient une reconnaissance absolument compréhensible. Evidemment, il faudrait peut-être penser également, dans un avenir prochain, à inclure également les prothèses visuelles puisque, là aussi, dans certaines situations, pour certaines catégories de citoyens qui ne peuvent pas bénéficier de la loi d'aide sociale, le coût peut se révéler parfois catastrophique. Je sais bien qu'on peut, comme le disait le ministre, tout à l'heure, réglementer, déterminer par règlement de nouvelles catégories de bénéficiaires au titre de la Loi d'aide sociale, mais je me demande s'il ne serait pas mieux d'inclure dans cette Loi de l'assurance-maladie des recommandations qui rendraient possible, le plus rapidement possible, le prolongement de ce bénéfice à ceux qui en ont besoin.

Quant au financement, nous ne pouvons que féliciter le ministre pour l'astuce dont il fait preuve en vue de récupérer par le biais des mécanismes inclus dans la loi le coût des prothèses qu'auront à utiliser les bénéficiaires de l'assistance sociale. Evidemment, cette somme n'est peut-être pas extraordinaire, le ministre a parlé de $750,000, mais il reste que le fédéral ne lui a pas laissé le choix; en se montrant aussi dogmatique et intransigeant au niveau de la discussion générale, au niveau de l'inclusion franche et claire des prothèses dans le régime des frais partagés, il ne laissait plus au gouvernement du Québec que ce choix technique qui lui permettra au moins de récupérer, en ce qui concerne les assistés sociaux, le coût des prothèses, le coût des soins dentaires et opto-métriques pour la catégorie des assistés sociaux.

Nous avons cependant quelques réserves, pour ne pas dire des réserves certaines, en ce qui concerne le mode de financement que nous propose le ministre pour les médicaments aux personnes âgées de 65 ans et qui bénéficient du supplément de revenu minimum garanti.

Le ministre nous a dit que cette mesure profitera à 147,000 bénéficiaires et que le coût probable en est estimé à $12 millions ou $15 millions. Nos réserves, nous les avons, d'ailleurs, déjà exprimées l'an dernier lorsqu'il s'est agi de faire payer à certaines veuves ou invalides, par le régime de rentes, des prestations alors que ces veuves ou leur époux n'avaient pas contribué au régime de rentes.

Nous avions, en cette occasion, établi une distinction très nette entre un régime d'assurance et un régime d'assistance. Le ministre, d'ailleurs, est bien au courant de cette distinction puisqu'elle figure au premier plan du projet qu'il nous proposait dans la commission Caston-guay-Nepveu lorsqu'il disait qu'un régime intégré de politique sociale doit s'asseoir sur une sorte de trépied à trois branches dont l'un est constitué par un régime d'assurance, l'autre par un régime d'assistance et le dernier par un régime d'allocation sociale.

Si nous croyons devoir recourir, dans certains domaines à l'assurance, c'est que justement nous voulons universaliser un régime et que, deuxièmement, nous voulons faire contribuer les bénéficiaires aux bénéfices qu'ils recevront. Il nous semble qu'en ce qui concerne le financement des médicaments pour les personnes âgées bénéficiant du supplément de revenu minimum garanti nous avons évidemment affaire à une mesure d'assistance et non pas à une mesure d'assurance. D'ailleurs, je crois bien que le ministre le reconnaît lui-même puisque c'est de cette façon qu'il avait procédé lorsqu'il nous avait proposé, en juin 1971, ses premiers amendements à la Loi de l'assurance-maladie, loi 69, si mon souvenir est bon.

Dans les premiers amendements, c'est le ministère des Affaires sociales qui devait rembourser à la régie le coût total qu'elle devait assumer pour la couverture de ce régime. Si le ministre nous arrive maintenant avec une proposition différente, je crois bien qu'il faut en trouver la raison uniquement dans le fait que le coût de cette mesure est assez élevé, soit entre $12 millions et $15 millions et, deuxièmement, qu'il n'a pu conclure une entente fructueuse avec le gouvernement fédéral qui aurait fait assumer à celui-ci, au titre de la Loi de l'assistance publique, la moitié du coût.

Je pense que malgré les difficultés qu'a pu rencontrer le ministre au plan du fédéralisme rentable, la distinction qu'il a lui-même établie dans son rapport entre un régime d'assurance et un régime d'assistance continue de demeurer et qu'il ne faudrait pas jouer d'astuce d'une façon exagérée en ce domaine, qu'il ne faudrait pas faire éponger par une régie qui connaît actuellement des excédents de revenus les déficits ou les dépenses assez élevés qu'entraînerait, pour le ministère des Affaires sociales, la couverture d'un pareil régime.

C'est là une astuce qui dépasse, je crois, cette fois, les bornes de la technique législative, qui dépasse les bornes des principes qui doivent présider à l'élaboration de nos lois. J'irais même plus loin, M. le Président. J'ai l'impression qu'on pourrait même accuser le gouvernement et le ministère non pas de fraude politique,

évidemment, mais d'une sorte de tour de passe-passe qui cacherait à la population les dépenses réelles que peut et que doit entraîner, pour un gouvernement, la satisfaction de besoins populaires, exigeants, impérieux et pressants. On pourrait même parler, à ce moment-là, de taxe déguisée, lorsqu'on connaît le régime de prestations d'assurance-maladie, avec son plafond en vertu duquel, passé une certaine catégorie de revenu, les cotisations n'augmentent plus. Ce serait une taxe déguisée qui porterait davantage sur les contribuables de la classe moyenne que sur les contribuables à revenu élevé.

Je pense que, pour ne pas se faire accuser par la population et en particulier par les classes moyennes dont le fardeau est actuellement très lourd, il faudrait que le ministre nous donne des explications qui pourraient lever nos objections ou nos réticences ou encore changer l'optique de son projet de loi et différencier, par les articles qu'il nous soumet, un régime d'assistance d'un régime d'assurance.

Pour notre part, tel que nous avons lu le projet de loi, nous ne pouvons pas accepter le mécanisme qu'a prévu le ministre pour le financement de l'assistance-médicaments aux personnes âgées de 65 ans recevant un supplément de revenu garanti, aussi bien, encore une fois, pour des raisons de logique que pour des raisons de techniques législatives et pour des raisons de transparence gouvernementale et pour des raisons d'équité fiscale, en particulier pour les classes moyennes. Nous pensons que, lorsque la régie peut faire état d'un excédent tel que celui qu'elle nous montre, le gouvernement ne devrait pas profiter de l'occasion pour lui soutirer ses revenus d'une façon qui nous semble condamnable et qu'il devrait, au contraire, assumer franchement ses responsabilités et faire payer à même le fonds consolidé du revenu des dépenses qui relèvent nettement de l'assistance.

En ce qui concerne, M. le Président, les mécanismes de révision, nous constatons nous aussi qu'ils s'imposaient. Le député de Montmagny nous a rappelé, tout à l'heure, les multiples tractations auxquelles avait donné lieu, dans le passé, la nécessité de l'implantation de ces mécanismes de révision. Il fallait peut-être que nous mettions de l'ordre dans les corporations professionnelles, que nous précisions, que nous uniformisions, rationalisions davantage leurs activités afin de voir plus clair dans un domaine où des distinctions subtiles mais précises s'imposent. Mais le moment est arrivé maintenant, je crois, d'instituer des mécanismes de révision qui tiendront compte des devoirs respectifs des corporations professionnelles, aussi bien des professionnels concernés que des associations de professionnels.

Le mécanisme que nous propose le gouvernement nous semble aussi bon qu'un autre, surtout que le ministre vient de lever, par la promesse qu'il nous a faite d'amendements à venir, les quelques réticences que nous entretenions quant à la prescription des délais, d'une part, et quant à la possibilité d'autre part, pour les professionnels concernés, de se faire entendre à l'une ou l'autre des étapes des mécanismes de révision. Nous attendrons ces amendements que nous propose le ministre. Nous nous réjouissons d'avance qu'il nous les ait proposés car autrement, nous aurions, nous aussi, fait valoir la nécessité, pour un professionnel qui aura à se soumettre aux décisions d'un comité de révision qui, à toutes fins pratiques, fonctionnera comme un tribunal administratif, nécessité pour un professionnel de se faire entendre.

Ceci, d'ailleurs, n'est pas nouveau, puisque, même dans les tribunaux de discipline qui avaient constitué les corporations professionnelles, il était possible, pour celui dont la conduite était soumise à un examen, de se faire entendre ou de se faire représenter par un procureur.

Je suis bien d'accord, avec le ministre, qu'il ne faut pas alourdir des mécanismes, dans un domaine nouveau, inutilement et prématurément, au risque de nuire à leur efficacité. Mais il reste cependant qu'en des matières aussi délicates, qui peuvent entacher la réputation d'un professionnel, il faut donner à ceux qui pourront faire l'objet de sanctions éventuelles toutes les possibilités de se faire entendre.

Ces réserves faites, M. le Président, nous ne pouvons, encore une fois, qu'applaudir à l'extension du régime que nous propose le ministre, tout en émettant encore une fois le souhait que cette extension s'étende le plus rapidement possible à d'autres secteurs, pour inclure, dans un délai que nous voudrions aussi rapproché que possible, toute la gamme possible des services assurables.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais deux mots seulement suite aux propos qu'a tenus mon collègue, le député de Dorchester, simplement pour souligner à l'attention de l'honorable ministre l'importance et la nécessité — d'ailleurs le ministre l'a annoncé — d'apporter des modifications au projet de loi pour faire en sorte de permettre au conjoint ou à la conjointe dans le cas des personnes âgées de bénéficier de cette nouvelle extension de l'assurance-médicaments.

J'ai fait parvenir à ce sujet de très nombreuses lettres à l'attention de l'honorable ministre depuis un certain temps, il est au courant de la question. Nous estimons, en ce qui nous concerne, qu'il est très important de tenir compte de ce fait, parce que chez un certain nombre de ces couples, à l'heure actuel-

le, il y a seulement un des conjoints qui est bénéficiaire de la Loi de la sécurité à la vieillesse et, par conséquent, serait admissible à la Loi de l'assurance-médicaments.

Le ministre comprendra facilement qu'un très grand nombre de gens ne pourront bénéficier de cette loi, à moins que le ministre ne consente à l'amender. C'est pourquoi je veux profiter de ces minutes pour demander au ministre de prendre en considération nos demandes en vue d'apporter les amendements nécessaires.

Il y a au Québec un très grand nombre de couples qui, à l'heure actuelle, se voient privés du bénéfice des allocations de sécurité de vieillesse parce qu'il y en a seulement un qui est admissible à cette loi; l'épouse, après avoir élevé une famille, nombreuse dans la majorité des cas, se voit en quelque sorte pénalisée — pour employer un terme utilisé tout à l'heure — par le fait qu'elle ne peut bénéficier, à cause de son âge, de cette assurance-médicaments. Pourtant, à cause des revenus limités du mari, elle ne peut pas, à l'heure actuelle ou a de très grandes difficultés à se procurer les médicaments dont elle aurait besoin pour, autrement dit, avoir les soins nécessaires à son état de santé.

Je demande tout simplement à l'honorable ministre d'apporter des modifications immédiatement à ce projet de loi, compte tenu du fait également que, tel que mentionné au rapport que l'on nous a remis aujourd'hui, la Régie de l'assurance-maladie, à l'heure actuelle, dispose de revenus suffisants pour apporter cette excellente mesure à la partie de la population qui a besoin de ce nouveau service.

Si on regarde la situation — et l'honorable député de Montmagny en a fait mention tout à l'heure — la Régie de l'assurance-maladie a accusé des bénéfices de $27,985,000 au cours de l'innée dernière. Le député de Montmagny, lorsqu'il disait que cette année elle va faire des bénéfices d'au moins $25 millions, a été très conservateur, parce que nous pouvons facilement conclure que cette régie va accuser des bénéfices de l'ordre de $35 millions à $40 millions, et je ne tiens pas compte des nouvelles dispositions que le ministre apporte dans sa nouvelle loi.

Compte tenu du fait qu'il n'y aurait pas lieu, en apportant cette mesure, d'être obligé de hausser les contributions, également du fait qu'il n'y aurait pas lieu d'imposer de nouvelles taxes, et que la régie dispose de suffisamment de fonds pour assurer ces bénéfices aux personnes de la catégorie que j'ai mentionnée tout à l'heure, je demande au ministre de tenir compte de nos propos et de nous annoncer dans quelques minutes de bonnes nouvelles à ce sujet.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aime- rais reprendre certaines des suggestions qui ont été formulées. Je sais qu'elles ont été formulées, particulièrement celle du champ d'extension de la couverture, dans le sens des avantages, des parties de la population ou de l'ensemble de la population face à des besoins réels. Toutefois, je voudrais rappeler que la régie prévoit non pas $30 millions ou $40 millions ou $25 millions d'excédent pour l'exercice qui commence, mais précisément $11.6 millions sur une base annuelle.

Mais ce sont des coûts, comme nous le savons, qui se répètent d'une année à l'autre; nous savons également dans le domaine des médicaments que les prévisions sont assez délicates à faire. Nous savons également que, si nous additionnons le coût des prothèses, le coût des médicaments, déjà nous dépassons la prévision pour l'an prochain. Et j'aurai à discuter en commission la question de la couverture des soins dentaires. Et si nous couvrons les soins dentaires pour tous les enfants disons jusqu'à l'âge de huit ans, il y a un coût de l'ordre de $8 millions additionnel qui doit être inclus, ce qui dépasse largement la prévision pour l'an prochain.

Il ne faut pas oublier aussi que le montant dont la régie dispose présentement ne peut pas totalement être considéré comme du surplus mais qu'une partie doit être mise à part pour des fins d'imprévus. De toute façon, j'ai noté très attentivement les suggestions qui ont été faites quand à l'extension de la couverture du régime et je peux donner l'assurance aux députés qu'au fur et à mesure que le temps passera, que les disponibilités financières le permettront la couverture du régime continuera graduellement d'être étendue comme elle l'a été depuis l'adoption de cette loi.

Je voudrais rappeler sur ce plan, lorsque l'on traite plus spécifiquement des personnes de 65 ans et plus qui ont un conjoint de moins de 65 ans, que récemment il y a eu augmentation à la pension de vieillesse, il y a eu augmentation au supplément du revenu garanti. Le fait, en plus, de couvrir les médicaments pour un des deux conjoints allège quelque peu le fardeau et rend le problème des médicaments pour l'autre conjoint un peu moins lourd. C'est la même chose d'ailleurs chaque fois que nous franchissons une étape dans la couverture, que ce soit par la voie de la couverture de médicaments cans les consultations externes pour des maladies identifiées telles que le cancer, la fibrose kystique. Au fur et à mesure que de nouvelles extensions sent apportées, le fardeau résiduel pour les individus devient moins lourd.

On a mentionné dans les suggestions que j'ai notées la possibilité de couvrir, par exemple, les prothèses auditives. Encore là, sur ce plan, il me semble qu'il va être nécessaire d'attendre que la Corporation des audio-prothésistes soit bien créée, que l'identification des personnes admises à exercer cette profession ait été effectuée selon les mécanismes qui ont été discutés et qui

seront incorporés dans la loi des audio-prothésistes. La remarque générale que je voudrais faire en ce qui a trait aux extensions de la couverture, c'est que dans l'avenir il me semble que nous devrons procéder de la même façon que par le passé et envisager graduellement l'extension de la couverture de l'assurance-maladie par rapport à de nouveaux besoins.

J'aurais d'autres points. A certains moments, certaines affirmations qui m'ont paru plus ou moins exactes ont été formulées; j'aurai l'occasion de reprendre la discussion de ces questions en commission parlementaire. Je voudrais toutefois mentionner pour le député de Dorchester que lorsque la régie a refusé de transmettre à la Fédération des médecins spécialistes des profils de pratique en identifiant les noms des médecins, ce contre quoi s'élevait le Or Robillard, c'est qu'une disposition très précise de la loi empêchait le président de la régie de le faire. Alors, malgré un soi-disant consentement donné par les membres au président de la Fédération des médecins spécialistes, le président de la régie n'avait pas le choix et il devait se conformer à la disposition que nous avions inscrite dans la loi en 1970 pour protéger le secret professionnel.

Sur ce plan, nous aurons l'occasion de revenir. Je pourrais mentionner, pour le député de Bourget, qu'à mon sens l'extension à un plus grand groupe d'âge de la couverture des soins dentaires n'inciterait pas davantage les dentistes à s'engager dans une entente, ceux à tout le moins qui ont refusé une telle entente.

Quant à moi, je suis disposé â ce qu'on envisage peut-être d'aller jusqu'à l'âge de huit ans, au départ, et d'extensionner plus vite — selon l'expérience — qu'il n'avait été prévu. J'aurai un amendement à proposer lors de l'étude article par article qui pourrait permettre à mon sens d'appliquer ce régime.

En d'autres termes, je voudrais que nous prenions le même mécanisme que pour la Loi des services juridiques, c'est-à-dire que nous puissions décréter un tarif à défaut d'une entente. Ceux qui n'aiment pas ce tarif, en attendant la signature d'une entente, ont la possibilité de se désengager. Comme nous avons de multiples indications nous permettant de croire que bien des dentistes auraient voulu participer ou entrer dans une telle entente et qu'ils n'étaient pas présents lors de l'assemblée où on a fait rapport — d'ailleurs, la démission du président de l'association était une indication assez sérieuse du fait qu'une partie des dentistes ne partageaient pas du tout le vote exprimé par une minorité d'entre eux — nous croyons qu'il y a là une approche susceptible de mettre en application, dans les endroits où ce régime est le plus requis, le régime des soins dentaires le plus rapidement possible, et ceci face à une situation qui nous place dans une impossibilité si nous voulons nous en tenir purement et simplement au cadre de la loi actuelle.

Si l'expérience s'avère positive et que, contrairement à ce que l'on nous dit, les dentistes ne sont pas en mesure de répondre à la demande additionnelle créée par la couverture des enfants, il sera toujours possible d'aller plus rapidement.

Enfin, en ce qui a trait au financement de la couverture des médicaments pour les bénéficiaires du maximum du supplément de revenu garanti, je ne sais pas â quelle partie du rapport de la commission le député de Bourget se référait bien précisément. Je sais cependant que lorsque j'ai parlé d'assurance sociale et traité de régime où les prestations sont versées en espèces, qu'il m'apparaissait important d'être assez rigide dans l'identification de ceux qui contribuent et ceux qui reçoivent des prestations.

Dans le cadre de l'assurance-maladie, toutefois, il ne faut pas oublier que la couverture s'applique à tous les résidants du Québec, alors qu'une partie seulement contribue; notamment dans le cas, par exemple, des soins médicaux ou des soins optométriques, un très grand nombre de personnes qui sont âgées de plus de 65 ans sont couvertes et ne contribuent pas. Si je mentionne ceci, c'est qu'à mon sens, dans les régimes d'assurance-sociale, lorsqu'il s'agit de couverture de services, cette rigidité ou disons cette plus grande rigueur est loin d'exister dans la plupart des régimes.

Les modalités de financement deviennent des modalités particulières de répartition des coûts. Je voudrais assurer au député que pour nous il n'y avait pas de motifs cachés. Il nous semble que l'extension de la couverture s'impose et que le mode de financement proposé est un mode qui est satisfaisant dans l'ensemble et qui ne pose pas des problèmes aussi grands au plan de la logique et au plan même des principes si l'on tient compte qu'ici il y a dissociation très claire, dans le régime de l'assurance-maladie, entre la couverture qui touche tous les citoyens du Québec pour les soins médicaux, les soins optométriques, par exemple, et les contributions qui ne sont versées que par les personnes ayant du travail ou des revenus imposables.

A tel point, même, que lorsque nous avions établi le régime de l'assurance-maladie, nous avions discuté de la possibilité d'exclure de la couverture une personne qui ne paierait pas ses contributions. C'est ce qui arriverait normalement dans un régime à prestations en espèces et si nous avions maintenu que ce n'était pas justifié, que le défaut de payer les contributions devrait entraîner les mêmes sanctions que celles que l'on retrouve pour une personne qui ne paie pas ses impôts, par exemple.

Alors, c'est pour cette raison que, devant l'impossibilité d'obtenir un partage des coûts de la part du gouvernement fédéral et devant la situation financière plus confortable de la Régie de l'assurance-maladie que prévu initialement, nous avons proposé ce mécanisme de financement. C'étaient les quelques points, M. le

Président, que je voulais faire ressortir à ce moment-ci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire des affaires sociales et que cette commission soit convoquée pour siéger dès ce soir â vingt heures, à la salle 91 de l'édifice A.

M. LAURIN: 20 h 15.

M. LEVESQUE: Vous préférez 20 h 15? Soit, à 20 h 15.

LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

DES VOIX: Vote! Vote!

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Projet de loi no 13 Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en fa-veut de la deuxième lecture du projet de loi no 13 veuillent bien se lever, s'il vous plait.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Choquette, Castonguay, Garneau, Tessier, Tremblay (Bourassa), Goldbloom, Parent, Harvey (Jonquière), Lamontagne, Tetley, Drummond, Toupin, Massé, L'Allier, Cour-noyer, Mailloux, Théberge, Perreault, Brown, Picard, Pearson, Bacon, Berthiaume, Caron,

Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Larivière, Marchand, Pépin, Pilote, Veilleux, Gallienne, Gratton, Laurin, Burns, Charron, Joron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion de deuxième lecture veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lavoie (Wolfe), Croisetière, Demers, Gauthier, Samson, Roy (Beauce), Latulippe, Drolet, Guay, Béland, Audet.

LE SECRETAIRE: Pour: 45

Contre: 17.

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, qu'il me soit permis de faire motion pour que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire de l'agriculture et de la colonisation et que cette commission parlementaire siège ce soir, à partir de vingt heures quinze, à la salle 81 de l'édifice A.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, vous pourriez peut-être accepter une motion à l'effet que vous quittiez votre fauteuil afin que la Chambre se forme en commission plénière pour l'étude du projet de loi no 88, article 2, Loi de l'expropriation.

LE PRESIDENT: II n'y a pas de motion. On va demander à l'honorable député de Roberval de prendre le fauteuil.

M. LAMONTAGNE (président de la commission plénière): A l'ordre!

Alors, la commission plénière suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

Reprise de la séance à 20 h 22

Projet de loi no 88 Commission plénière (suite)

M. LAMONTAGNE (président de la commission plénière): A l'ordre, messieurs! Projet de loi no 88, article 48.

L'honorable député de Maskinongé.

M.PAUL: M. le Président, à l'article 48, y aurait-il possibilité de savoir du ministre responsable de cette loi s'il a l'intention de se rendre aux amendements que lui a signalés spécialement l'honorable chef de l'Opposition, lorsque cette loi fut appelée, et quelles sont les mesures que le ministre entend prendre pour actualiser d'une façon définitive la prise de possession par l'expropriant?

Il y a une différence de texte entre la première et la deuxième version de la loi. Dans la première version, nous parlions de la permission du tribunal. Dans la première version également, l'expiration d'un délai de 90 jours à compter de la signification de l'avis ou notification dans le cas d'un locataire.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue de Maskinongé...

M. PAUL: Oui.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): ... mais au moment où nous avons ajourné, nous étions à discuter d'un amendement soumis par mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest, amendement dont l'Assemblée n'avait pas encore disposé. Nous en étions à la discussion de l'amendement proposé par mon collègue d'Abitibi-Ouest.

Je voulais simplement signaler ce fait à mon collègue de Maskinongé et aux autres députés de l'Assemblée nationale, pour ne pas arriver en discussion avec deux amendements en même temps.

M. PAUL: M. le Président, je remercie l'honorable député de Beauce et je m'excuse auprès de ceux qui participent d'une façon intelligente au débat d'avoir pu quelque peu les déranger dans la discussion de ce projet de loi. Je cède avec plaisir la parole à mon collègue, l'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président, vous vous rappelez l'amendement que nous avions proposé avant l'ajournement. On demandait que l'article 48 soit modifié en remplaçant, au sous-paragraphe b), aux septième et huitième lignes, les mots "soixante-dix" par le mot "cent". C'est ce que l'expropriant paie actuellement. Nous savons qu'avant que le bill 88 ne soit déposé, au ministère des Travaux publics, 100 p.c. de l'évaluation municipale étaient payés à l'exproprié.

M. LEVESQUE: II s'agit d'une indemnité provisionnelle.

M. AUDET: Oui, provisionnelle. Mais il faut considérer qu'on est revenu à 70 p.c. de l'évaluation municipale. L'évaluation municipale n'est jamais à 100 p.c. de la valeur réelle. On peut donc dire que c'est 75 p.c. ou 80 p.c. de la valeur réelle.

Donc, ça nous remet, à peu près, à 50 p.c. ou 55 p.c. de la valeur réelle. C'est pour cette raison qu'on a cru que 70 p.c. de l'offre de l'évaluation municipale, c'était trop bas, qu'on devrait reporter cela à 100 p.c.;on serait encore à 80 p.c. ou 85 p.c. de la valeur réelle.

M. LEVESQUE: En vertu du deuxième paragraphe de l'article 1792 du code de procédure civile, le gouvernement, en déposant le plan général, pouvait prendre immédiatement possession des biens expropriés, et cela sans avoir à débourser un sou. Le but recherché par l'article 48, c'est justement de protéger l'exproprié en obligeant le gouvernement à verser une indemnité provisionnelle, dont le montant doit être au moins égal à 70 p.c. de l'offre de l'expropriant, soit le ministère des Transports ou un autre ministère. Il y a là certainement, non pas un recul, mais un avantage considérable pour l'exproprié.

M. AUDET: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je vais vous aider; je suis d'accord avec vous.

M. AUDET: Quand un amendement est présenté par un député, ce n'est pas lui qui a la parole le premier?

M. BURNS: Vous avez le droit de revenir aussi souvent que vous voulez.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II faut que je donne la parole aux autres de temps en temps également.

M. AUDET: Allez-y, le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je vais essayer, M. le Président, de parler un peu plus fort à cause des interférences techniques. Je ne peux pas accepter l'affirmation que le ministre vient de faire à l'effet que le code de procédure civile permettait de prendre possession sans aucune indemnité provisionnelle.

Je pense qu'il part d'un peu trop loin, à

notre goût. La première version du projet de loi no 88 faisait une exception de deux cas. La ville de Montréal et le ministère de la Voirie ou, disons, les expropriations faites au nom du gouvernement demandaient, pour la prise de possession, une indemnité provisionnelle de 50 p.c.

Dans les autres cas, l'indemnité provisionnelle exigée pour la prise de possession était de 100 p.c. de l'offre faite. Je pense que c'est un net recul; on nous arrive aujourd'hui avec 70 p.c. exigibles comme versement eu égard à l'offre qui a été faite ou à l'évaluation municipale. Mais, évidemment, je mets de côté l'aspect de l'évaluation municipale. On ne se racontera pas de peurs entre nous autres, l'évaluation municipale pour quelques années encore sera toujours, à mon avis, inférieure à la valeur marchande, donc, si l'expropriant est sérieux, inférieure à l'offre de l'expropriant.

C'est pour ça que je vais appuyer entièrement la motion faite par le député d'Abitibi-Ouest. Ce n'est pas sérieux de faire du chantage à l'égard de l'exproprié en lui disant: Voici l'offre que nous vous faisons. Vous avez un immeuble que nous avons — si nous sommes sérieux, je parle de l'expropriant— fait évaluer à $100,000 et pour prendre possession de votre immeuble, toutes les autres choses ayant été réglées, je vous fais une offre de $70,000. Ce que je fais en tant qu'expropriant, si j'agis comme ça, je ne fais qu'affamer l'exproprié en lui disant: Dépêche-toi à accepter mon offre parce que j'ai un autre montant de $30,000 qui est là, qui te pend au bout du nez. Lesquels $30,000, soit dit en passant —c'est ça qui est peut-être un aspect intéressant à examiner — si l'exproprié conteste, vont être payés au taux d'intérêt légal à moins que le projet de loi soit changé. Ils seront payés à 5 p.c. Or, il est fort possible que cet exproprié doive réinvestir — si c'est un commerce, par exemple, c'est le cas peut-être le plus courant et le plus évident — ailleurs s'il veut continuer son commerce. Ou, si c'est une habitation, une résidence qui sert à lui et à sa famille, il est possible qu'il soit obligé de réinvestir ailleurs. Et, s'il doit réinvestir ailleurs, pour ces 70 p.c. qu'on va lui donner, on va lui laisser traîner les $30,000 — dans l'exemple que je vous ai donné — à 5 p.c. alors que lui, à l'intérêt courant, l'intérêt du marché, devra payer aux alentours de 9 p.c, 9 1/4 p.c, 9 3/4 p.c. selon la période.

On vole strictement l'exproprié.

Je reviens aux affirmations que tous les partis d'Opposition ont faites en deuxième lecture à l'effet que même si on admet le droit exceptionnel qui s'appelle le droit d'expropriation, il faut rendre ce droit très difficile à exercer, pas pour qu'il ne s'exerce pas, mais pour que la personne qui est au bout n'ait pas trop de difficulté à supporter l'expropriation, c'est-à-dire celui qui est propriétaire de quelque chose, puisse dire à un moment donné: Mais ça n'a aucun sens. Et une des façons d'y arriver, c'est de dire à l'expropriant: Vous êtes sérieux, faites une offre sérieuse et quand vous aurez fait votre offre sérieuse déposez 100 p.c. de votre offre. Quand vous aurez fait votre offre de 100 p.c, l'exproprié pourra quand même décider de la contester, mais déposez-là si vous voulez prendre possession du bien exproprié, déposez-là comme indemnité provisionnelle.

Là-dessus, je considère nettement que le projet de loi a fait marche arrière. Je considère que le projet de loi no 88 tel qu'il nous a été présenté en commission parlementaire non seulement n'est pas au pair avec ce qu'il était, mais représente un net recul. Il y avait deux groupes ou deux expropriants notoires qui pouvaient déposer 50 p.c. — et là je ne parle plus d'aucun sou, comme le ministre le disait tantôt — mais les autres expropriants devaient déposer 100 p.c. de leur offre.

Là on a un petit changement, on est revenu à 70 p.c. En quoi c'est une amélioration, c'est ça que je veux savoir. C'est là-dessus, M. le Président, que je vais appuyer la motion du député d'Abitibi-Ouest.

M. LEVESQUE: M. le Président, il faut évidemment tenir compte non seulement de l'évaluation de l'immeuble, mais également des dommages, et à ce moment-là, il est assez difficile d'arriver à 100 p.c On peut parler de 100 p.c. de l'évaluation municipale...

M.PAUL: Ce sont deux problèmes bien différents: les dommages et l'expropriation.

M. LEVESQUE: Un instant. Est-ce qu'on veut me laisser terminer, s'il vous plaît? Dans la première édition de ce projet de loi, il était question de 50 p.c. dans certains cas et de 100 p.c. dans d'autres. Il y avait là une situation que nous avons voulu corriger en rendant cette situation plus normale, plus étendue pour les municipalités, que ce soit Montréal ou les autres municipalités de la province, ainsi que pour le gouvernement du Québec. Il ne s'agit ici que d'un minimum. Il ne s'agit pas d'une règle absolue mais d'un minimum, afin de protéger l'exproprié.

M. BURNS: Ecoutez, c'est parce qu'on parle d'indemnité provisionnelle à l'occasion de la prise de possession: ce n'est pas l'exproprié qu'on protège. Vous ne me vendrez pas cette idée-là. Ce que veut dire l'indemnité provisionnelle, c'est le minimum que moi, comme expropriant, je dois déposer pour dire au gars: Tu avais une propriété, il y a deux secondes; tu n'en as plus, parce que je viens de déposer 70 p.c. de l'offre que je t'ai faite. C'est cela, on parle d'un des éléments essentiels du projet de loi. C'est la personne qui, pendant 25 ans, a habité un édifice ou une maison qui lui appartient et à qui on dit simplement: Voici, je te fais une offre de $50,000. Comme je suis obligé de te donner 70 p.c. de mon offre, voici 70 p.c.

de mon offre; maintenant, ce n'est plus à toi, va-t'en, disparais. C'est cela que ça dit.

C'est absolument incompréhensible, dans le fond, qu'on puisse dire cela à l'exproprié, tranquillement pas vite. Parce que moi, je suis la personne au pouvoir — je parle de corps publics; je ne le dis pas sur le plan des partis politiques, ni rien — la personne qui a droit, de par la loi, d'exproprier, je te fais une offre. Une fois que je t'ai fait l'offre, je te dépose 70 p.c. de l'offre et, bonjour, tu dois quitter. C'est cela, la prise de possession. C'est cela que ça veut dire. Si moi, je demeure depuis 25 ans dans un endroit, dans une maison d'habitation qui me vaut tant, à moi — on pourra discuter aussi, à d'autres articles, la valeur de l'indemnité — ce qu'il y a de grave, dans mon esprit, c'est qu'on me dise sans plus — il n'y a même pas de discussion possible — Voici l'offre. Je te dépose 70 p.c. de cette offre et tu dois quitter. C'est cela que ça dit, la prise de possession.

A ce moment-là, on parle d'un des principes peut-être les plus dangereux pour l'exproprié, parce que si c'est une maison d'habitation et si c'est un commerce qui lui sert à gagner sa vie, là, ça devient important pour cette personne. Comment cette personne va-t-elle se reloger? Comment cette personne va-t-elle continuer son commerce? C'est cela, la question qui se pose. Pourquoi, à ce moment-là, on ferait des flings-flangs et pourquoi on dirait: Voici l'offre? Pourquoi on ne dirait pas: L'offre, on va te la donner à 100 p.c? On a peut-être tort de faire cette offre.

Je pense que c'est sous-jacent à toute procédure d'expropriation d'admettre que l'expropriant peut faire une offre trop forte; c'est assez rare ça, trop forte. A ce moment-là l'exproprié ne s'en plaindra pas, il va l'accepter, il ne dira pas un mot. A ce moment-là, la prise de possession ne fait pas mal. Mais, si elle est trop faible, on reconnaît encore le droit de l'exproprié de s'en plaindre, bien qu'on lui minimise ses dommages entre-temps. Ces dommages entre-temps, il ne faut pas l'oubier, ça veut dire que ça s'étend sur une période, souvent, de six mois, un an, un an et demi, même deux ans. Or, vous avez une personne qui se retrouve pendant deux ans à tenter de reprendre son commerce, de reprendre l'habitation qu'elle avait, selon le cas, avec une offre gracieuse de Sa Majesté représentée par le corps public en question de 70 p.c. Comment voulez-vous qu'une personne se relocalise? Comment voulez-vous qu'une personne reprenne son commerce dans ces conditions? C'est pour ça que je pense qu'il faut absolument qu'au moins le corps public nous démontre, premièrement, qu'il est sérieux quand il fait une offre, que ce n'est pas une offre pour fins de négociation et que, deuxièmement, le minimum de dommages temporaires soit subi par l'exproprié; c'est ça, tout le lien est là. Si on accepte ça, je pense qu'on aura une meilleure loi de l'expropriation, parce qu'on aura aussi une autre façon d'apprécier ce que c'est que ce droit extraordinaire, exorbitant du droit commun qui s'appelle l'expropriation. Il faut d'abord quand même admettre que l'expropriation ce n'est pas un droit ordinaire de tous les jours, ce n'est même pas un droit du type de l'accident d'automobile qui intervient au coin de la rue X et de la rue Y. Cela est assez facile à régler, c'est bien différent, ça. C'est inattendu. Le droit qui nous concerne actuellement est un droit qui, lui, est décidé par une partie qui a, au départ, l'avantage sur l'autre. Puis la partie qui a l'avantage sur l'autre pourrait s'en tirer aussi facilement que de dire: Je te fais une offre, je te paye 70 p.c. de cette offre ou de l'évaluation — en tout cas, je mets ça de côté, parce que pour moi ça n'a aucun sens et j'aimerais bien que quelqu'un me prouve le contraire dans les faits. Une fois qu'on a dit ça, l'autre partie, c'est-à-dire l'under dog, la partie la plus faible des deux, n'a qu'à subir le contrecoup, n'a qu'à recevoir 70 p.c. de l'offre puis s'en aller chez lui, ce chez-lui étant ailleurs.

M. LEVES QUE: J'aimerais rappeler au député de Maisonneuve qui, sans doute, a des arguments qui ont une certaine valeur, que lorsqu'on essaie d'améliorer la situation d'un citoyen, on est toujours dans la bonne voie. Mais il faut se rendre compte que le gouvernement du Québec pouvait, avant ce projet de loi, déposer le plan et n'avait pas un sou, légalement, à verser. Est-ce que le député accepte ça?

M. BURNS: Pas avant le dépôt de la première version.

M. LEVESQUE: Non, non. La première version n'avait pas force de loi.

M. BURNS: Je vous dis que vous faites un net recul...

M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Maisonneuve accepte que la première version n'avait pas force de loi?

M. BURNS: J'accepte.

M. LEVESQUE: La loi, The law of the land c'était que le ministère des Transports, ou un autre ministère du gouvernement, particulièrement le ministère des Transports ou de la Voirie, autrefois, pouvait déposer le plan, prendre possession des lieux sans avoir à verser un sou. Aujourd'hui, il passe de zéro à 70 p.c, étant obligé, maintenant, d'après la loi, de verser un minimum de 70 p.c. de l'évaluation foncière municipale ou 70 p.c. de l'offre et, des deux, le montant supérieur.

Deuxièmement, si on prend, avec l'article 48, l'article 50, parce qu'il n'est pas seulement question d'une propriété, il est également question de dommages causés à un commerce, ou à une exploitation agricole, etc., — laissez-moi finir...

M. BURNS: On ne parle que de la prise de possession, à ce moment-ci.

M. LEVESQUE: Je comprends.Mais il y a des dispositions qui protègent, par l'article 50, ceux qui sont dans une situation que le député de Maisonneuve a illustrée par un exemple. L'article 50 dit ceci: "Dans le cas de locataires ou d'occupants de bonne foi, l'indemnité provisionnelle comprend une indemnité forfaitaire équivalant à trois mois de loyer. "L'indemnité provisionnelle, dans le cas de l'expropriation d'une exploitation agricole, d'un commerce ou d'une industrie, est fixée sommairement par le tribunal, sur requête qui peut être présentée par l'expropriant ou par l'exproprié et qui doit être entendue d'urgence". Donc, pas de délai qui nuise à l'exproprié, qui mette l'exproprié dans une situation comme celle que voulait décrire, tout à l'heure, le député de Maisonneuve. Et si j'ajoute à ça l'article 67 — les dispositions de l'article 67 sont encore une protection pour l'exproprié: "Le tribunal fixe le montant de l'indemnité définitive et statue sur les dépens par une décision motivée, dont il doit transmettre sans délai copie au protonotaire. "Il peut être ajouté au montant ainsi accordé une indemnité calculée en appliquant à ce montant, à compter de la date de la prise de possession du bien exproprié, un pourcentage égal à l'excédent du taux d'intérêt fixé suivant l'article 28 de la Loi du ministère du Revenu (1972, chapitre 22) sur le taux légal d'intérêt."

Ceci se compare avantageusement avec le taux de 5 p.c. que nous avons connu jusqu'à maintenant et le taux d'à peu près 8 p.c. que représentent les dispositions de l'article 67.

Vous avez là, lorsque vous réunissez les avantages compris dans l'article 48, dans l'article 50 et dans l'article 67, une amélioration extrêmement importante pour l'exproprié.

Vous me direz, M. le Président, qu'il y a eu dans le passé certaines dispositions qui affectaient particulièrement les municipalités. On le sait, la plupart des municipalités du Québec n'ont pas à utiliser la Loi de l'expropriation. C'est surtout à Montréal que cela s'est appliqué, dans le passé, du moins.

Mais là encore, rien n'empêche la ville de Montréal de continuer, comme dans le passé, à verser 100 p.c. du montant de l'offre ou de l'évaluation municipale. Mais ce que nous avons voulu, par ce projet de loi, c'est uniformiser, à travers la province, les dispositions qui touchent l'expropriation.

Je désire rappeler au député de Maisonneuve que pour le ministre des Finances il s'agit ici d'un immense progrès. Quant au gouvernement et quant à lui, comme ministre des Finances, évidemment, cela va coûter des sommes considérables. Je voudrais qu'on se rende compte de cela. C'est que le budget du Québec à court terme, sera affecté par cette loi, parce que les expropriés vont réellement recevoir, dans un très bref délai, au moins 70 p.c. de l'offre qui est faite par l'expropriant ou 70 p.c. au moins de l'évaluation municipale, en plus du fait qu'il faut tenir compte des conséquences des articles 50 et 67. Si le gouvernement doit retarder pour le solde, l'exproprié sera protégé par un taux d'intérêt beaucoup plus élevé.

Il serait peut-être idéal d'aller encore plus loin, M. le Président, mais je crois que pour ce que nous pouvons faire à ce moment-ci, nous sommes allés aussi loin et avons été aussi généreux que possible.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je ne nie pas — cela va être très bref...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Très bref. Ilyena trois qui ont demandé la parole.

M. BURNS: Je n'ai pas d'objection, mais je voulais répondre au dernier argument.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Brièvement, s'il vous plaît.

M. BURNS: Je voulais répondre juste au dernier argument du leader du gouvernement à ce sujet. Je me restreindrai, quant aux autres. Je vais laisser mes deux autres collègues des partis de l'Opposition parler et je reviendrai plus tard. L'aspect financier, je ne le nie pas. On l'a admis en commission parlementaire. On sait fort bien que cela va donner un coup aux finances du gouvernement. On n'est pas assez fou pour ne pas avoir lu l'article 153, pour ne pas savoir qu'un certain nombre d'articles de votre projet de loi ne seront pas adoptés automatiquement le jour de la sanction.

Ils vont être comme le dit le no 153: "Mis en vigueur par proclamation à l'exception des articles exclus par cette proclamation." Cela veut dire quoi entre nous autres? Cela veut dire — même si je ne suis pas d'accord, je suis absolument convaincu, je ne veux pas précéder — que votre article 48 va être de ceux qui vont être exclus le jour de la proclamation.

Je ne me conte pas de peur, moi, et l'exproprié ne se conte pas de peur lui non plus s'il lit le no 153. Et s'il écoute...

M. LEVESQUE: Je tiens à rassurer le député de Maisonneuve. Je viens de prendre conseil des conseillers juridiques et ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement ou du ministère; l'article 48 ne serait pas de ceux qui seraient ainsi...

M. BURNS: II ne serait pas de ceux-là?

M. LEVESQUE: Non.

M. BURNS: Mais moi je vais être satisfait,

vous savez, le jour où je verrai la proclamation. Je ne mets pas en doute la parole du leader, ni de son conseiller qui est derrière lui, pas du tout. Mais vous savez, on a chicoté le projet de loi et on a dit: II y a ça, tel calcul. Et le ministre, à plusieurs reprises, nous a dit: Vous savez, cette loi va nous coûter cher. Bien c'est ça une loi d'expropriation. Ce n'est pas une loi qui est gratuite pour le gouvernement.

C'est une loi qui est faite pour la collectivité et utilisée par le gouvernement. Et bravo, et tant mieux! Mais, qu'on ne fasse pas souffrir les personnes en question. Sur ce point, à mon avis, je ne suis pas impressionné, parce que c'est toujours une possibilité qu'à la dernière minute on dise: On exclura certains articles de la proclamation. Le leader me rassure temporairement, j'espère qu'il aura...

M. LEVESQUE: II a assuré, je vous rassure.

M. BURNS: ... encore raison au moment de la proclamation. Mais là-dessus c'était le seul point que je voulais soulever au leader, je reviendrai sur autre chose tantôt, je vais laisser mes collègues continuer.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: L'honorable leader du gouvernement est beaucoup plus expéditif dans la solution des problèmes d'expropriation que ne le sont les parties intéressées aux règlements de l'expropriation et spécialement la Régie des services publics.

Le ministre est parti de l'article 48, il a fait un bond à l'article 50, pour finalement se rendre jusqu'à l'article 67 qui est le jugement d'homologation et d'expropriation. Un instant.

M. LEVESQUE: II faut bien que le député de Maskinongé ajoute que le député de Maisonneuve s'est rendu à l'article 153, lui.

M. PAUL: Oui, je vais y revenir à l'article 153. Et je rejoins les propos du député de Maisonneuve. Quand on sait avec quel empressement le ministre des Transports s'occupe des lois qu'il nous demande d'adopter à l'Assemblée nationale, il y a une loi qui n'est pas encore totalement promulguée, la loi 23; une Commission des transports qui est plus ou moins chancelante; les règlements consécutifs à la loi 23 ne sont pas encore publiés, et voici que le ministre se voit forcé...

M. LEVESQUE: A l'ordre!

M.PAUL: Non, non, je procède par analogie.

M. LEVESQUE: Ah!

M. PAUL: Et tout ça pour rejoindre l'inquié- tude de mon collègue qui, tout à l'heure, dans un grand élan, est allé jusqu'à l'article 153, au sujet duquel il a manifesté une crainte, et moi aussi j'en manifeste une.

Le député de Bonaventure peut bien nous déclarer ce soir, après avoir consulté les légistes, que ce n'est pas l'intention du ministre d'exclure l'article 48 de la loi tel que le prévoirait l'article 153. Mais il ne faut pas oublier qu'il y aura des exigences de la part du ministre des Finances, qui, en dernier ressort, va être appelé à payer; quand il aura fait part au ministre des Transports de ses contraintes et de ses gênes budgétaires, au moment de la promulgation, ce sera très facile d'exclure l'article 48. Alors je ne m'en fais pas là-dessus.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Quel est le montant des expropriations en suspens?

M. PAUL: II serait intéressant de savoir le montant d'expropriations non réglées actuellement par le ministère des Transports, autrefois le ministère de la Voirie. On a parlé, M. le Président...

M. LEVESQUE: Est-ce que le député veut savoir les montants d'expropriations qui n'ont pas été payés par l'ancien gouvernement?

M. PAUL: Non parce que nous avons été obligés d'en payer. Nous avons pris le pouvoir...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): $79 millions.

M. PAUL: Je vais rappeler à mon honorable ami, le ministre des Affaires intergouvernementales, qu'il y avait 16,000 cas d'expropriations qui n'étaient pas réglés sous le régime de M. Jean Lesage, avec le même ministre de la Voirie. Lorsque nous avons quitté le pouvoir, environ 11,000 vieux dossiers avaient été réglés et nous avons été dans l'obligation de payer $79 millions d'expropriations que l'ancien gouvernement n'avait pas voulu régler.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Au seul titre de la voirie.

M.PAUL: Et ce, M. le Président, au seul titre de la voirie. Ce n'est pas parce que le ministre actuel n'est pas bien intentionné, absolument pas. Mais, quand le leader du gouvernement nous dit qu'il ne peut pas supporter l'amendement du député d'Abitibi-Ouest, je dis qu'il erre, qu'il se trompe. Le ministre a proclamé tellement de fois que cette loi en matière d'expropriation était la meilleure loi en Amérique du Nord, qu'aucun Etat américain, qu'aucun gouvernement provincial n'aurait une loi semblable, une loi avant-gardis-te, nous disait-il. Je crois que nous ne pouvons accepter le recul net qui est marqué entre la première et la deuxième version du projet de loi no 88.

Le leader du gouvernement nous dit: II faut tenir compte du fait que le gouvernement sera appelé à débourser un gros montant. Si on se rappelle les anciennes dispositions du code de procédure — d'abord, ce ne sont pas des anciennes dispositions, les dispositions actuelles existent encore jusqu'à ce que la loi présentement à l'étude ait été adoptée par l'Assemblée nationale et qu'elle ait été ensuite proclamée par le lieutenant-gouverneur en conseil. Le gouvernement actuel nous dit: Par notre loi nous allons nous permettre d'offrir 70 p.c. du montant prévu d'expropriation ou au moins 70 p.c. de l'évaluation municipale. C'est déjà beaucoup, oui, M. le Président, c'est déjà beaucoup mais pourquoi pas 100 p.c?

Ce qui m'inquiète, c'est que nous n'avons pas un mode d'évaluation foncière uniforme dans le Québec. D y a cette disparité dans le taux de la taxe, dans les moyens d'évaluation foncière qui font qu'il y a une distorsion énorme entre l'évaluation des immeubles d'une région à l'autre et, souvent même, dans la même région.

Alors, il va arriver que le gouvernement prendra l'évaluation municipale et n'offrira que 70 p.c. de cette évaluation municipale qui, dans certaines paroisses, par exemple, n'est peut-être que de 25 p.c, 30 p.c. ou 35 p.c. de la valeur réelle des immeubles. Par conséquent, nous n'atteindrons pas le but que nous visons par cette loi, soit de payer au moins 70 p.c. de l'évaluation municipale, ce qui est nettement insuffisant si l'on tient compte de la disparité des rôles et du taux différent de la taxe foncière. Lorsque le ministre, qui se fait le parrain de cette loi par accident, nous dit, ce soir: II faut tenir compte du montant des dommages. Je regrette, ce n'est pas ce que l'article de la loi dit. L'article de la loi ne parle que de l'évaluation de l'immeuble et non pas de tous les dommages consécutifs à l'expropriation.

M. LEVESQUE: L'offre comprend les dommages, pas seulement l'évaluation municipale.

M. PAUL: Non, M. le Président.

M. LEVESQUE: Voyons donc! Pas nécessairement, mais...

M. PAUL: Pas nécessairement. M. LEVESQUE: ... logiquement.

M. PAUL: Logiquement, oui, théoriquement, oui, idéalement, oui, mais, en pratique, non. C'est parce qu'en pratique ça ne se passera pas comme ça que je ne puis que souscrire à l'amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest. Je me demande si le ministre aurait eu le temps de lire, par hasard, tous les excellents mémoires qui nous ont été soumis à la Commission municipale. Je ne lui en fais pas grief, mais nous, nous avons eu cet avantage et nous ne pouvons nous expliquer ce net recul du gouvernement.

M. LEVESQUE: La Commission municipale?

M.PAUL: La Commission des affaires municipales, excusez-moi, M. le Président. C'est parce que c'est un problème municipal.

M. LEVESQUE: En partie.

M.PAUL: Le tout résulte d'un manque de planification encore du gouvernement, dans sa politique d'évaluation foncière. Dans le fond, c'est un problème municipal parce que le tout est basé sur l'évaluation municipale, du moins, pour cette indemnité dont parle l'article 48 de la loi. Alors, je regrette que le ministre n'ait pas cette ouverture d'esprit, cette libéralité qu'avait théoriquement, idéalement, en principe, le ministre parrain de la loi, le député de Drummond. C'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous allons appuyer la proposition d'amendement du député d'Abitibi-Ouest. Si le ministre nous disait, ce soir: Nous allons accepter le texte de la première impression de la loi, nous serions fort heureux. Je crois que l'exproprié, qui est victime d'une exigence gouvernementale, se sentirait beaucoup plus à l'aise, beaucoup mieux protégé si le législateur, par conséquent, les députés de l'Assemblée nationale allaient le protéger jusqu'à lui garantir au moins 100 p.c. de l'évaluation principale de son immeuble. Dans certaines circonstances, cela est nécessaire pour la relocalisation de l'exproprié, comme la chose se passe couramment actuellement dans ma propre région, par suite de la construction de l'autoroute Berthier-Trois-Rivières.

Alors, j'espère que le ministre consultera son collègue, le ministre des Finances, pour s'assurer, d'abord, que, pour aucune considération et en aucun temps, on n'exclura l'article 48 en vertu des dispositions de l'article 153.

J'espère que le ministre des Finances est prêt, dès maintenant, à accepter toutes les contraintes, tous les embarras qu'apportera cette loi de l'expropriation. C'est pourquoi je l'invite, je le presse, je le supplie, je lui demande bien respectueusement d'appuyer sans réserve et avec empressement l'amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest.

M. LEVESQUE: M. le Président, je rappellerai au député de Maskinongé que la politique, c'est l'art du possible.

M.PAUL: Quand on fait de grandes déclarations ronflantes, on doit être prudent, aussi.

M. LEVESQUE: II est facile, dans l'Opposition, de parler de toujours avoir l'idéal, 100 p.c; j'en conviens, c'est facile. Je me

rappelle également que lorsque l'ancien chef du député de Maskinongé parlait...

M. PAUL: Lequel? J'en ai eu plusieurs.

M. LEVESQUE : Vous en avez eu plusieurs.

M.PAUL: J'ai eu M. Johnson, j'ai eu M. Bertrand, j'ai eu M. Diefenbaker.

M. LEVESQUE: Bien oui. M. PAUL: Lequel?

M. LEVESQUE: Si je prenais M. Diefenbaker, peut-être que je serais dans une juridiction qui n'est pas la mienne.

M. PAUL: Vous ne seriez plus à la mode.

M. LEVESQUE: Comme nous sommes au Québec, quant à moi, j'ai toujours été un député du Québec...

M. PAUL: Je sais que cela vous manque, ça vous manque, mon collègue le député de Chicoutimi me le mentionne souvent.

M. LEVESQUE: ... mon mandat a toujours été limité, évidemment, au Québec. Je n'aimerais pas m'aventurer...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): IL vous manque une dimension.

M. LEVESQUE: ... sur la scène fédérale, du moins à ce moment-ci. Je rappellerai au député de Maskinongé que lorsqu'on veut avoir une situation idéale, on parle de 100-100-100.

M. PAUL: C'est cela.

M. LEVESQUE: C'est cela?

M. PAUL: Oui, oui.

M. LEVESQUE: C'est cela mais on ne réussit pas toujours.

M. PAUL: Non, non.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est comme le fédéralisme rentable.

M.PAUL: Mais là, on ne demande qu'un 100.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est comme le fédéralisme rentable.

M. PAUL: Là, nous ne demandons qu'un 100.

M. LEVESQUE: Oui.

M.PAUL: Nous ne demandons pas d'apla-ventrisme.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Maskinongé décrit une situation idéale mais qui n'est peut-être pas prudente; que ce soit entre le gouvernement et un exproprié ou que ce soit entre un gros, si vous voulez, et un petit, il y a là une situation de négociation. Ce n'est pas la volonté de l'un qui est imposée à l'autre, on connaît les recours qui sont prévus par la loi pour ceux qui ne sont pas satisfaits de l'offre telle qu'elle est faite.

Il y a donc là un milieu où peut se faire une négociation. Le député de Maskinongé, qui a certainement dû négocier, il a certainement négocié avec moi, du moins, ne met pas 100 p.c. sur la table.

M.PAUL: Ne citez pas le résultat de nos négociations en exemple.

M. LEVESQUE: IL ne met pas immédiatement 100 p.c. sur la table pas plus que quiconque négocie et c'est pourquoi c'est une certaine prudence, une certaine expérience et un désir d'uniformité pour toutes les expropriations à travers la province que nous avons convenu ou nous soumettons respectueusement à cette Chambre le chiffre de 70 p.c. Cela aurait pu être 65 p.c, cela aurait pu être 75 p.c. mais enfin, nous avons voulu vous soumettre 70 p.c.

J'ai mentionné, il y a quelques instants, tous les avantages qui s'ajoutaient à cela pour l'exproprié, d'autant plus qu'on était parti de zéro pour arriver à 70 p.c. sur le plan légal. Lorsque le député de Maskinongé parle de ses réalisations ou de celles de son gouvernement, l'ancien gouvernement, je tiens à lui rappeler des chiffres. Voici quelle était la situation le 1er avril 1970. On sait qu'on venait de vivre une période d'immobilisme de quatre ans. Il y avait là 9,404 dossiers qui n'étaient pas réglés...

M. PAUL: 16,000 en 1966.

M. LEVESQUE: ... pour une somme de $53,112,753.

M. PAUL: Nous en avons payé $79 millions, nous autres.

M. LEVESQUE: On sait avec quelle vigueur le ministre des Transports et de la Voirie a mis en oeuvre une foule de projets et de grands projets à travers le Québec. Malgré cela, il a pu réussir ce record d'abaisser le nombre des dossiers non réglés de 9,404 à 6,239 au 1er avril 1973, portant les engagements de $53 millions à $40 millions et cela, malgré des travaux jamais vus auparavant au Québec.

M. le Président, je crois qu'il faut rendre hommage au ministre des Transports, au ministre des Finances et à tous ceux qui font que

l'administration du Québec aujourd'hui est très saine et cela même de l'avis de la plupart des éditorialistes du Québec. Je crois que je dois profiter de cette occasion pour le souligner. Et ici je veux compléter; ceci c'était pour l'année 1969-1970, comparativement à 1972-1973. Pour l'ensemble de tous les dossiers, il y en avait 18,334 au 1er avril 1970 qui étaient encore actifs, pour une somme totale de $154,326,797 et, au 1er avril 1973, malgré tous les travaux et malgré tous les nouveaux engagements d'un gouvernement dynamique, cela a passé de 18,334 à 17,221 pour un total de $160 millions. C'est dire que malgré tous les grands travaux qui ont été engagés depuis 1970, nous avons maintenu et même amélioré la situation telle qu'elle nous avait été laissée par le gouvernement précédent. Nous voulons faire davantage. Dieu sait si cela va coûter cher. On ne peut pas adopter cette loi sans s'apercevoir que beaucoup des fonds publics vont être, à très court terme, engagés dans le remboursement des expropriés. Nous partons d'une loi qui n'obligeait en rien le ministère de verser quelque somme que ce soit et nous arrivons maintenant à 70 p.c. de l'offre ou de l'évaluation municipale. Il y a là un progrès considérable.

Sans vouloir citer tous les anciens chefs du député de Maskinongé, je me rappelle ce que M. Duplessis disait dans ses meilleures années: Vous savez il faut commencer par le commencement, il faut commencer à se traîner avant de marcher, etc. Mais sans vouloir rappeler ces déclarations de l'ancien premier ministre, je crois que présentement la province, le gouvernement, le Parlement, l'Exécutif fait un pas de géant. Il ne faut pas oublier, lorsque la loi dit 70 p.c, il s'agit d'un minimum, un minimum M. le Président. Les conseillers du gouvernement me mentionnaient tout à l'heure — parce que vous savez que j'ai pris ça un peu à pied levé, je suis très heureux de voir le ministre des Transports revenir à ce moment-ci. Il pourra continuer...

M. PAUL: Et nous donc.

M. LEVESQUE: ... d'éclairer la lanterne de nos honorables amis d'en face. Comme ce sont les dernières paroles que je prononce à ce moment-ci dans ce débat, à moins que l'on m'y invite, je tiens à dire aux honorables députés d'en face que j'ai été très heureux...

M. BURNS: Restez avec nous, c'est intéressant.

M. LEVESQUE: ... d'entendre leurs suggestions. Je sais fort bien que ce projet de loi sera défendu avec beaucoup plus de brio par mon collègue le ministre des Transports, qui connaît à fond cette question parce qu'il l'a vécue et qu'il continue de faire bénéficier le Québec de ses grands talents, de sa vaste expérience et son désir de servir.

M. PAUL: Le ministre des Transports.

M. AUDET: M. le Président, je dois reconnaître que le député de Bonaventure a bien manoeuvré. Je dirai au ministre qu'il vous a sauvé peut-être jusqu'à maintenant de l'acceptation de cet amendement, cependant je dois faire remarquer qu'en commission parlementaire le ministre a reconnu que tous les partis d'Opposition n'ont pas travaillé avec un sens partisan...

M. PAUL: C'est ça.

M. AUDET: Il a dit lui-même que nous étions dégagés de toute partisanerie. Je vous avertis qu'à ce moment-ci je crois que j'abonde dans le même sens. Nous sommes dégagés de partisanerie, c'est en vue de faire bénéficier l'exproprié que nous demandons d'accepter ces amendements. Nous n'avons pas l'intention de nous monter la tête avec ça. Je crois que c'est l'exproprié qui a été lésé dans ses droits dans le passé.

Si le gouvernement a ambitionné et a fait porter le fardeau de la perte ou du retard à verser les sommes dans l'expropriation, imaginez-vous que même si le gouvernement fait la moitié du chemin et devient demi-bon garçon, cela ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas faire davantage.

A part cela, je viens de faire une petite trouvaille. Imaginez-vous que le ministre nous a dit qu'avec la réimpression du bill 88, il était parti de 50 p.c. pour en arriver à 70 p.c. Donc, une nette amélioration! Je dois dire qu'il n'y a aucune amélioration parce que si l'on se rapporte à l'article 56, qui parlait de l'indemnité provisionnelle dans la première version, on disait, au paragraphe a): "de payer dans les 90 jours du dépôt la moitié de l'indemnité provisionnelle prévue à l'article 49". Au sous-paragraphe b), "de payer le solde de l'indemnité adjugée par le tribunal". Cela suppose que l'indemnité de 50 p.c. était basée sur la valeur réelle adjugée par le tribunal. Nous arrivons, à la réimpression, avec 70 p.c. de l'évaluation municipale. On revient à 50 p.c. quand même. On est encore à 50 p.c. et on va nous faire croire qu'on s'est amélioré! On est resté au même niveau.

Le ministre est passablement adroit pour nous présenter des choses semblables. Il est resté à 50 p.c. et il nous fait croire qu'il est à 70 p.c.

M. PINARD: 50 p.c, ce n'est pas 70 p.c, et 70 p.c, ce n'est pas 50 p.c.

M. AUDET: C'est 70 p.c. de l'évaluation municipale tandis que l'autre, c'était 50 p.c. du montant adjugé par le tribunal...

M. PINARD: Ou de l'offre.

M. AUDET: ... donc de la valeur réelle.

M. PINARD: Ou de l'offre.

M. AUDET: Ou de l'offre, mais l'offre adjugée par le tribunal, je crois que c'est la valeur réelle. Lorsqu'on se base sur l'évaluation municipale, le montant est tout à fait en bas de ce montant.

Nous maintenons notre amendement à l'effet que nous demandons 100 p.c, toujours en nous basant sur l'évaluation municipale. Donc, on sera encore en bas de la valeur réelle. On sera peut-être à 75 p.c. ou 80 p.c. de la valeur réelle en payant 100 p.c. de l'évaluation municipale.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce.

M. ROY(Beauce): M. le Président, sur l'amendement proposé par mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest, nous ne pouvons comprendre l'attitude et l'obstination du gouvernement à tant hésiter et même à refuser l'amendement que nous proposons.

L'honorable leader du gouvernement nous a dit tout à l'heure, en se référant à l'article 1792 du code civil, qu'en vertu de l'ancienne procédure et des anciennes législations, on n'avait qu'à préparer un plan, déposer le plan et on prenait possession des propriétés expropriées sans même donner un sou aux personnes qui se faisaient exproprier.

Cette façon de procéder, a été dénoncée à plusieurs reprises. Elle n'a plus sa raison d'être. Lorsqu'un gouvernement agit de cette façon, je dis que la seule différence qu'il y a entre agir de cette façon et un voleur de grands chemins ou un bandit, c'est que le bandit est armé d'une arme à feu alors que le gouvernement est armé d'une loi. C'est légal. Mais c'est prendre possession d'un bien sans dédommager le propriétaire, contre son gré. Quelle différence y avait-il entre l'ancienne Loi de l'expropriation et le vol pur et simple? On a vu des personnes qui, après quatre ans, se sont fait enlever leurs propriétés par leur gouvernement et qui n'avaient pas encore retiré un sou. C'était du hold-up légal. On l'a vu à maintes reprises.

Tantôt, j'ai entendu l'honorable leader du gouvernement faire état du fait que cela prendrait une masse monétaire considérable pour payer, dédommager l'exproprié à partir d'une base de 100 p.c. de l'évaluation municipale alors qu'en même temps le leader du gouvernement disait qu'il allait payer tout de suite. Quelle différence y a-t-il? C'est la raison pour laquelle on s'explique mal l'attitude du gouvernement.

M. le Président, en référant à l'article 50, à l'article 67, j'ai eu la même idée que mon collègue de Maisonneuve en regardant l'article 153 pour savoir quand la loi entrerait en vigueur. On dit à cet article: "La présente loi entrera en vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil, à l'exception des articles exclus par cette proclamation, lesquels entreront en vigueur à toute date ultérieure qui pourra être fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil". Cela veut dire que le gouvernement peut, tout simplement, par proclamation, décider d'adopter dix, quinze, vingt articles et revenir un an, deux ans, trois ans ou quatre ans plus tard pour faire accepter les autres articles.

Je pense que la procédure établie et l'expérience nous ont démontré que, lorsque l'on voit ce genre de clauses dans les projets de loi que nous adoptons à l'Assemblée nationale — je dis que je suis prêt à accorder toute ma confiance au ministre responsable de la présentation d'un projet de loi — il y a trop d'autres implications. Le gouvernement et les ministres responsables ont, quand même, affaire à d'autres ministères, en particulier à la dictature qu'exerce le ministre des Finances, avec son Conseil du trésor, sur la province, à l'heure actuelle. On sait tous les problèmes qui existent et toutes les contorsions que doit faire le ministre des Finances pour tâcher d'administrer le Québec dans un régime économique que nous avons dénoncé et que nous continuons de dénoncer.

M. le Président, je trouve que ce n'est pas une solution à un problème de faire financer le gouvernement, en partie, par l'exproprié, sous prétexte d'économiser des dollars dans le budget de la province. Nous comprenons que le bien public a des droits, mais, lorsque le bien public lèse dans leurs droits les gens qui ont des propriétés privées, on peut se demander ce qu'on peut faire du principe du droit de propriété.

Si, à un moment donné, le bien public exige qu'on exproprie une propriété pour tâcher de faire des travaux qui s'imposent, pour mettre une infrastructure à la disposition des citoyens du Québec, je dis qu'il est quand même tout à fait normal — je dis tout à fait normal — à ce moment-là, qu'on accepte purement et simplement de dédommager les propriétaires et de leur donner au moins — c'est un minimum— l'équivalent de l'évaluation municipale.

Dans cet article de la loi, le ministre pourra nous répondre qu'il y a deux possibilités. Le paragraphe b) est très clair: "il a versé à l'exproprié ou pour son compte, conformément au paragraphe b) de l'article 52, une indemnité provisionnelle dont le montant doit être au moins égal à soixante-dix pour cent de l'offre de l'expropriant visée à l'article 45 ou, suivant le montant le plus élevé, à soixante-dix pour cent de l'évaluation municipale de l'immeuble exproprié". Mais il n'y a rien qui dit, là-dedans, que le gouvernement est obligé de faire une offre. Le gouvernement peut très bien se limiter exclusivement à l'évaluation municipale et prendre une décision à partir de l'évaluation municipale.

A ce moment-là, c'est la deuxième partie de l'article qui compte, mais nous savons très bien, à l'heure actuelle, au Québec, qu'il n'y a pas de rôle d'évaluation municipale qui dépasse

100 p.c. de la valeur réelle. La quasi-totalité ne dépasse pas 90 p.c. de la valeur réelle. On pourrait dire que la grande majorité se situe entre 80 p.c. à 85 p.c, voire même 75 p.c. dans d'autres milieux. Il s'agit, tout simplement, de voir les taux de normalisation qui ont été imposés par le ministère de l'Education sur les rôles municipaux, en vue de normaliser le taux de la taxe scolaire, pour se rendre compte que les municipalités n'ont pas un taux d'évaluation, à l'heure actuelle, équivalent à 100 p.c. de la valeur réelle.

M. le Président, voici un exemple que je cite à l'attention du ministre. Une personne a une propriété résidentielle de $18,000. Elle se voit expropriée, obligée de quitter les lieux. Or, cette propriété est évaluée, sur le plan municipal, à $14,500. Le gouvernement décide de procéder sans faire d'offre, mais uniquement en vertu de l'article 48, deuxième partie de la loi en versant à cette personne 70 p.c. du montant de l'évaluation municipale. Cela veut dire que, pour une propriété dont la valeur marchande serait de $18,000, la personne va se trouver à avoir un acompte du gouvernement de $10,150.

Je cite un cas type qui se multiplie par centaines, voire même par milliers dans la province de Québec.

Mais ce qui se produit, lorsque la personne a une hypothèque sur sa propriété qui dépasse le montant offert par le gouvernement, un montant supérieur, et que cette personne veut procéder à l'achat d'une autre propriété, ou se faire construire et demander un autre emprunt, que ce soit à la Société centrale d'hypothèques et de logement, à la Caisse d'épargne et de crédit, à une caisse populaire ou une autre, il doit donner un acompte appréciable pour être en mesure de bénéficier de son prêt.

En vertu des dispositions de l'article, si le gouvernement ne veut pas accepter notre amendement, qu'est-ce qui va arriver encore à des centaines, voire même des milliers de personnes qui seront aux prises avec ces situations? Si je prends ce cas, c'est que j'ai plusieurs exemples. Et par une curieuse coincidence, j'ai justement aujourd'hui encore un cas, et ça s'est passé la semaine dernière, dans mon comté, où le ministère de la Voirie, après avoir déposé son plan, s'est porté acquéreur d'une propriété sans dédommagement aucun.

Le gouvernement est propriétaire, à l'heure actuelle. Mais les gens, qui sont âgés, sont aux prises avec ces problèmes, ils n'ont jamais eu à vivre ces problèmes, ils sont découragés, ils s'adressent à leurs municipalités, à leur député, et ils veulent trouver une solution à leurs problèmes parce qu'ils doivent quitter les lieux. On a pris possession de leur propriété et ils doivent se loger ailleurs.

On a tellement vanté les mérites de la loi de l'expropriation, on a tellement dit qu'on voulait en faire une loi humaine! L'amendement de l'honorable député d'Abitibi-Ouest propose non pas une avance de 100 p.c. sur la valeur réelle, mais qu'on porte le dépôt provisionnel à peu près à 75 p.c, 80 p.c, 85 p.c. au maximum.

Il reste encore une bonne marge de négociation, de manoeuvre pour garantir la sécurité du gouvernement, afin de ne pas le placer à payer à des taux supérieurs. Je pense qu'en vertu de toutes ces choses qui sont réelles, de toutes ces dispositions et de cette façon de procéder, comme le disaient si bien l'honorable député de Maskinongé, celui de Maisonneuve, ainsi que mon collègue d'Abitibi-Ouest, on sait très bien de quelle façon fonctionne le service d'expropriation de la province à l'heure actuelle.

Et malgré toutes les bonnes intentions et la bonne volonté du ministre et de ses collaborateurs, on sait très bien que, sur le plan réel, pratique, dans le quotidien de tous les jours, ça se passe de façon complètement différente.

C'est pour ces raisons que j'appuierai sans aucune réserve l'amendement de mon collègue d'Abitibi-Ouest que l'exproprié ait des garanties mimimums de façon que l'on cesse au Québec de déposséder les gens, de les exproprier et de ruiner assez souvent ces mêmes personnes qui, après avoir peiné 20 ans, 25 ans, 30 ans de leur vie, ont réussi â accumuler une petite propriété et qui, à la fin de leurs jours ou rendus à un certain âge, se voient obligés de faire face â l'expropriation à cause du développement économique de la société québécoise.

On pourrait aussi donner d'autres exemples, dans le cas des agriculteurs qui sont obligés de déménager, dans certains cas, qui sont obligés de faire démolir toutes leurs bâtisses de ferme. On se rendra compte à ce moment de toutes les difficultés que ces gens ont. Et je pense que le gouvernement n'aurait qu'à aller consulter les dossiers de l'Office du crédit agricole et il aurait suffisamment d'exemples, de dossiers pour lui démontrer jusqu'à quel point nous avons raison de demander que 100 p.c. minimum de l'évaluation municipale soient inclus dans le projet de loi.

J'appuie sans aucune réserve la proposition de l'honorable député d'Abitibi-Ouest en espérant que, cette fois-ci, l'honorable ministre des Transports aura compris le bien-fondé de cet amendement et aura compris également la véracité de notre argumentation, compte tenu du fait qu'il connaît très bien la situation.

Il est ministre depuis 1970 et il a déjà été responsable de ce ministère dans les années 1960 à 1966. Je pense que la grande expérience du ministre des Transports, ancien ministre de la Voirie, en ce domaine, lui prouvera hors de tout doute que cet amendement que nous proposons est tout simplement un minimum, un droit strict que le gouvernement se doit d'accorder aux individus qui ont à vivre et à envisager l'expropriation.

DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Quels sont ceux qui sont en faveur de l'amendement...

M.BURNS: M. le Président, j'ai dit tantôt que je reviendrais sur ce point. C'est peut-être en l'absence du ministre des Transports, avant qu'il arrive, que ces arguments ont été discutés, principalement soulevés par le leader du gouvernement, le ministre des Affaires intergouvemementales. Et il se faisait fort de nous citer particulièrement les dispositions de l'article 50 à l'encontre de notre position. Tout ce que le député d'Abitibi-Ouest, le député de Maskinongé, moi-même et à l'instant le député de Beauce, ce que nous disons dans le fond c'est comment il serait normal de dire: Dépôt de 100 p.c. de l'offre ou de l'évaluation municipale, la plus élevée des deux. Je ne veux pas reprendre toute cette argumentation, c'est juste pour ramener le ministre des Transports dans le fil de nos idées, lui qui dit: On prend votre bien, on prend possession de votre bien sur dépôt de 70 p.c.

Le ministre des Affaires intergouvernementales s'est fait fort de nous citer l'article 50 du projet de loi en disant : Ce projet de loi prévoit déjà qu'une indemnité provisionnelle dans le cas d'expropriation d'une exploitation agricole, ou d'un commerce, ou d'une industrie, peut être fixée sommairement par le tribunal. Et je suis d'accord. Remarquez qu'on a oublié un détail, on pourra peut-être y venir tantôt, celui des résidences. Parce que la valeur de remplacement pour des résidences c'est assez important. En tout cas, je n'insiste pas là-dessus. J'arrête tout amplement sur ce qui semblait être le centre ou le plus gros de l'argument du député de Bonaventure, à savoir que le tribunal pouvait fixer une indemnité provisionnelle. Or, on sait fort bien le temps requis pour des procédures aussi exceptionnelles que des requêtes en injonction interlocutoire, que des requêtes pour émission d'un bref d'évocation, qui sont des procédures en soi et essentiellement des procédures qui doivent être discutées de façon sommaire, rapide, du moins quant au stade interlocutoire de la procédure. On sait aussi — je ne sais pas comment c'est dans d'autres districts judiciaires, je n'ai pas l'habitude des autres districts — que dans Montréal même une injonction qui n'est pas accordée de façon provisoire peut attendre sur le rôle trois, quatre, cinq, des fois six et des fois plusieurs mois avant d'être entendue au niveau interlocutoire.

Cela ne me satisfait pas qu'un texte de ce projet de loi dise que le tribunal peut sommairement discuter de l'indemnité provisionnelle. Cela ne me satisfait pas parce que ça ne veut rien dire nécessairement dans les faits. On n'a pas encore vécu ce système. On a beau avoir les plus belles dispositions possibles dans le code de procédure civile relativement aux injonctions, on a vu des injonctions qui traînent devant le tribunal et y a-t-il une matière qui, en soi, est plus urgente qu'une injonction? Je pense que je n'en connais pas tellement d'autres qui soient aussi urgentes, aussi exceptionnelles.

Alors, en vertu de la Loi de l'expropriation, on nous dit: Ne vous inquiétez pas, vous allez pouvoir obtenir votre indemnité provisoire, soit dit en passant, sauf pour les résidences, en tout cas, mais pour les exploitations agricoles, les commerces, les industries, d'accord. Mais ça ne me satisfait pas. Je ne sais pas comment ça va fonctionner cette histoire; je préfère revenir à mon argumentation et à celle des députés d'Abitibi-Ouest et de Maskinongé relativement à l'article 48. C'est là-dessus que j'aimerais que le ministre nous rassure.

J'ai soulevé, en l'absence du ministre, et ça j'aimerais que ce soit, sauf tout le respect que j'ai pour le député de Bonaventure, ça ne met pas du tout en doute sa crédibilité...

M. LEVESQUE: C'est plutôt le respect du règlement parce que le député de Maisonneuve est reconnu pour utiliser avec parcimonie le temps de la Chambre.

Ce qu'il a à dire, il le dit bien, rapidement, directement. Or, présentement, il déroge aux dispositions de notre règlement.

M. BURNS: Non, mais vous ne m'en voudrez pas, M. le leader du gouvernement, de demander cela au ministre responsable de l'application de cette loi. Ce n'est pas, encore une fois, que je mette en doute votre parole, loin de là, mais, sur le plan technique, j'aimerais bien mieux avoir un engagement formel de la part du ministre. Je pense qu'aucun député ne va me contester ce droit.

Tantôt, on a parlé aussi de la possibilité d'exclusion, en vertu de l'article 153, de certaines dispositions de ce projet de loi. Etant donné l'aspect coûteux de l'article 48, étant donné les remarques que le ministre nous a faites en commission parlementaire, je disais: Peut-être l'article 48 sera un de ceux-là. Peut-être que ce sera un des articles que l'on tentera d'exclure lorsque le lieutenant-gouverneur, en vertu de l'article 153, proclamera les articles exclus. M. le Président, si on veut raccourcir les débats, pour qu'on n'ait pas besoin de revenir constamment à cette question-là, pendant qu'on y est, M. le ministre des Transports, est-ce qu'il y a d'autres dispositions dont vous pouvez nous donner l'assurance qu'elles ne seront pas exclues? A ce stade, est-ce qu'il y en a d'autres, dans votre esprit, à part l'article 48?

D'abord, je vous demande: Est-ce que vous faites vôtre l'affirmation du député de Bonaventure, du leader du gouvernement — encore une fois, ce n'est pas parce que je mets en doute sa parole, mais parce que ce n'était pas à lui de défendre ce projet de loi là — à l'effet que l'article 48 ne sera pas de ceux qui seront exclus dans la proclamation du lieutenant-gouverneur? Si oui, est-ce qu'il y a d'autres articles dont vous pouvez nous dire, à ce stade-ci, qu'il est certain qu'ils ne seront pas exclus ou qui encore seront maintenus ou seront exclus d'une façon ou de l'autre?

Je parle surtout des articles à aspect finan-

cier. Cela peut éclairer la discussion pour le reste de ce projet de loi.

M. PINARD: M. le Président, j'espère que les députés de l'Opposition auront compris qu'il faudra quand même, au départ, créer le Tribunal de l'expropriation, lui donner les pouvoirs édictés par la loi, le rendre opérationnel. Alors, c'est entendu que, dans l'esprit du législateur, l'article 153 prévoit qu'entrera en vigueur, immédiatement après la sanction de la loi, toute la partie qui nous permet de créer le tribunal, de lui accorder des pouvoirs et de le rendre opérationnel.

Alors, je pense qu'il est assez facile pour moi de donner cette assurance.

M. BURNS: Oui, je n'ai pas de problème là-dessus. Je pense surtout aux articles à caractère financier ou à implications financières, eu égard aux déboursés que le gouvernement pourrait être appelé à faire, eu égard à un réaménagement des budgets du ministère des Transports.

M. PAUL: Aux contraintes budgétaires du ministre des Finances.

M. BURNS: C'est, dans le fond, ça qui nous préoccupe, beaucoup plus qu'autre chose, parce que non seulement j'ai entendu le député de Bonaventure nous le dire tantôt, mais j'ai entendu également le ministre des Transports nous le dire à plusieurs reprises et à bon droit. Je pense que tous les députés de l'Opposition l'ont admis. Si vous faites un changement de cette importance-là, il n'y a pas de doute que ça va resserrer un certain nombre de budgets, puis que ça va peut-être causer des problèmes.

Cela, on ne le nie pas, mais c'est assez important, à ce stade-ci, qu'on sache ce qui est envisagé comme étant remis à plus tard dans ces dispositions du projet de loi, sur le plan strictement financier et sur le plan d'une tentative d'équilibrer les budgets avec ces nouvelles mesures qui seront mises en application.

M. PINARD: C'est bien sûr aussi qu'il faudra adopter des mesures administratives qui vont permettre d'atteindre les objectifs prévus par la loi. Une fois que le tribunal sera en place, constitué, capable de fonctionner, d'autres séries de mesures seront adoptées pour rendre opérationnelle cette nouvelle loi de l'expropriation.

En pratique, qu'est-ce qui se passe? Déjà le ministère, sans y être obligé par le texte formel de la loi, dépose 70 p.c. et même davantage soit du montant de l'offre, soit du montant de l'évaluation réelle. En territoire rural, c'est bien sûr que le ministère choisit de déposer 70 p.c. et plus du montant de l'offre parce que, bien souvent, il n'y a pas d'évaluation réelle et cela reviendrait à bien peu de déposer un montant qui serait basé sur 70 p.c. de l'évaluation réelle, comme l'a soulevé tantôt le député de Beauce.

M. PAUL: Le leader du gouvernement, lui, trouvait que c'était suffisant.

M. PINARD: Je ne dis pas que cela ne s'est jamais produit. Je dis que dans la majorité des cas nous déposons 70 p.c. et même davantage de la valeur de l'offre. Il y a parfois des dossiers où il n'est pas possible au ministère d'offrir tout de suite un montant pour des raisons d'évaluation inconnue, qui n'a pas été terminée, etc., mais nous essayons de prendre des mesures rapides, de rendre justice à l'exproprié, compte tenu des moyens techniques et administratifs que nous avons à notre disposition. C'est sûr qu'une fois la loi 88 votée, il n'y aura plus d'échappatoire possible; il y aura une obligation formelle de faire telle et telle chose.

Je pense que l'objectif principal qui a fait que le législateur a proposé la nouvelle Loi de l'expropriation, le projet de loi no 88, c'est pour qu'il n'y ait pas de flottement, pour qu'il y ait une cadence plus accélérée, pour qu'il y ait une meilleure continuation dans le travail des services techniques: service de l'expropriation, service des plans et devis, de façon qu'il y ait un meilleur équilibre entre les différents services administratifs. C'est la garantie que je peux donner, mais on ne peut pas demander au ministre ou aux fonctionnaires de son ministère de fonctionner à pleine vapeur immédiatement. Il faut quand même une certaine période de rodage qui est le lot de toutes les administrations, qu'elles soient à caractère provincial ou qu'elles soient à caractère d'entreprises privées ou publiques pour être capables de fonctionner à l'intérieur d'une nouvelle loi, à l'intérieur de nouvelles structures qui doivent être créées parfois de but en blanc.

C'est la période — quand même raisonnable — de temps que nous demandons avant d'être capables de fonctionner de façon rapide et efficace à l'intérieur des pouvoirs qui sont demandés par la loi 23.

M. AUDET: M. le Président...

M. BURNS: Est-ce que vous maintenez l'affirmation qui nous a été faite tantôt que l'article 48 ne sera pas de ceux qui seront exclus par la proclamation du lieutenant-gouverneur lors de la mise en vigueur de cette loi?

M. PINARD: Je l'ai dit tantôt, je ne vois pas pourquoi on l'exclurait parce qu'en pratique on paie déjà l'équivalent de 70 p.c. de l'évaluation réelle prescrite dans la loi.

LE PRESIDENT: M. le Président...

M. PAUL: Quand le ministre dit qu'on paie déjà, est-ce qu'il peut expliciter davantage?

M. AUDET: M. le Président, d'après ce que le député de Beauce vient de dire...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: ... l'explication qu'il nous a donnée du cas type qu'il a mentionné tout à l'heure, je ne crois pas que le ministère de la Voirie paie actuellement une indemnité provisionnelle. Je ne crois pas qu'il le fasse. Rien nous dit qu'il le fera après que le bill sera adopté. Cet article 48, s'il ne peut pas nous assurer aujourd'hui que ce ne sera pas un de ces articles prévus à l'article 153, qui nous dit qu'il n'y aura pas celui-là et d'autres articles qui ne seront pas acceptés avec l'adoption du bill. Je me demande pourquoi le ministre, tant qu'à avoir fait un bon début et avoir voulu, avoir désiré bonifier sa loi, avoir une vraie Loi de l'expropriation, n'en fait pas une bonne pour de bon en rendant l'indemnisation provisionnelle à 100 p.c. de l'évaluation municipale?

Ce ne serait pas encore 100 p.c. de la valeur réelle, ce serait à peine 80 p.c. ou 85 p.c. de la valeur réelle. On aurait encore une grande latitude de négociation entre ces pourcentages, de 80 p.c, de 85 p.c. jusqu'à 100 p.c. de la valeur réelle.

UNE VOIX: Adopté.

M. AUDET: Amendement adopté?

M. PAUL: Un instant.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maskinongé.

M. LEVESQUE: L'article adopté.

M. PAUL: Un instant, un instant. Il faut voter sur l'amendement.

M. ROY (Beauce): Un instant, un instant.

M. PAUL: II faut voter sur l'amendement, il faut voter d'abord l'amendement. Nous discutons de l'amendement.

M. LEVESQUE: Alors rejeté.

M.PAUL: Un instant, n'allez pas trop vite.

M. ROY (Beauce): Vous êtes prêt à adopter l'amendement? Est-ce que l'honorable leader du gouvernement a dit qu'il était prêt à adopter l'amendement tout de suite?

M. BURNS: Oui, ça fait deux, trois fois qu'il dit ça là.

M. LEVESQUE: Le leader du gouvernement n'a qu'une voix à la commission plénière. Sa voix sera contre l'amendement.

M. ROY:(Beauce): Si le leader du gouvernement est prêt à adopter...

M. PAUL: En attendant, est-ce que je pourrais demander à mon honorable et distingué ami de me faire connaître les raisons, non pas de son retard, mais les justifications à l'appui de sa grande déclaration de principe à l'effet qu'à toutes fins pratiques le ministère, actuellement, paie 70 p.c. du montant de l'évaluation, du montant de l'indemnité prévue de l'expropriation? Est-ce que le ministre peut nous donner certains détails? Nous serions fort heureux de les transmettre à nos commettants pour les renseigner quant à la recette à suivre pour qu'ils puissent être payés le plus tôt possible d'une indemnité d'expropriation qu'ils attendent avec raison dans certains cas et dont ils ont besoin pour la relocalisation de leur propriété.

M. PINARD: C'est clair que, lorsque l'article 48 aura été mis en vigueur, il y aura nécessité, obligation en vertu de la loi de payer au moins 70 p.c. de la valeur de l'offre ou de l'évaluation réelle, alors que sous l'empire de la loi actuelle il n'y a pas d'obligation légale de le faire, mais en pratique on le faisait quand même. Mais dans certains cas, c'était difficile de le faire parce que l'évaluation n'était pas terminée, c'était compliqué au plan technique. Une foule de raisons d'ordre administratif et d'ordre technique faisaient que ce n'était pas possible de déposer immédiatement au moins 70 p.c. de la valeur de l'offre, de la valeur réelle. Je pense que c'est assez simple à comprendre. Il faut quand même être raisonnable aussi, il faut que le tribunal se constitue et soit en état de fonctionnement pour permettre éventuellement un peu plus tard, la mise en activité des autres chapitres et des autres articles de la loi.

M. ROY (Beauce): M. le Président, l'honorable ministre a dit qu'à l'heure actuelle ce n'était pas possible dans tous les cas, mais que ce le sera à partir du moment où l'article 48 sera adopté et promulgué comme étant légal par un arrêté en conseil, par proclamation. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quand il prévoit que l'article 48 va être reconnu comme valable, comme légal par proclamation? Si j'ai bien compris l'honorable ministre tout à l'heure, le premier arrêté en conseil ne comprendra que les dispositions de sa loi qui concernent les tribunaux. M. le Président, j'aimerais savoir l'intention du gouvernement. Je pose une question bien précise parce que nous voulons savoir où nous allons. Je veux savoir si oui ou non l'article 48 fera partie du premier arrêté en conseil pour tâcher que ça devienne légal et obligatoire. Je veux que le ministre nous réponde clairement là-dessus.

M. PINARD: Je pense bien qu'il faut comprendre le mécanisme prévu par la loi. Il faudrait d'abord constituer le tribunal. Il faut qu'éventuellement l'exproprié...

M. BURNS: On le sait ça. Ce n'est pas ça qu'on vous demande.

M. PINARD: ... qui pourrait se plaindre que

les dispositions de l'article 48 n'ont pas été respectées puisse s'adresser au tribunal d'expropriation pour s'en plaindre et obtenir justice. Il faut que le tribunal soit formé. Les juristes du ministère de la Justice et du ministère de la Voirie me disent qu'il peut s'écouler une période de quatre à six mois avant que le tribunal devienne véritablement opérationnel. A quoi servirait de mettre en vigueur certains autres articles de la loi si le tribunal n'est pas là pour sanctionner l'application de ces articles du bill 88? Je pense que c'est facilement compréhensible.

M. BURNS: M. le ministre.

M. ROY (Beauce): Je m'excuse auprès de mon collègue.

Mais, en quoi l'adoption de l'article 48 peut-il nuire à l'adoption des autres articles concernant les tribunaux? En quoi l'adoption des articles concernant les tribunaux peut-elle nuire à l'adoption de l'article 48? Je pense qu'on veut essayer tout simplement de faire un problème qui n'en est pas un. J'aimerais que le ministre nous dise comment, pourquoi l'article 48 semble incompatible, selon lui, pour être adopté en même temps que les dispositions concernant les tribunaux.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Pour ajouter à ce que le député de Beauce vient de dire, je conçois très bien que le tribunal, évidemment, est un des éléments essentiels que vous devrez d'abord mettre en vigueur avant de mettre en vigueur d'autres aspects de la loi. Ce n'est pas là-dessus qu'on s'obstine, M. le Président. Je pense qu'à la fin de ce que le député de Beauce a dit, il semblait comprendre ce qu'on voulait dire.

Vous avez une possibilité et une discrétion qui sont quand même assez grandes. Admettons que les structures minimales requises pour que cette loi devienne effective sont en place, on vous demande — je pense que c'est cela le sens de la question du député de Beauce et de la mienne — une fois que les structures sont en place, est-ce que l'article 48 fait partie d'une exception ou non? C'est cela qu'on veut savoir.

M. PINARD: II ne fait pas partie d'une exception.

M. BURNS: Pardon?

M. PINARD: Cela ne fait pas partie d'une exception.

M. BURNS: Cela ne fait pas partie d'une exception. : Doc, à partir du moment où la loi devient opérante, au minimum requis, l'article 48 serait en vigueur dans l'esprit du ministre. Est-ce cela?

M. PAUL: Est-ce que le ministre a prévu les fonds nécessaires pour l'application de sa loi d'ici la fin de l'année financière?

M. PINARD: C'est entendu qu'il a fallu prendre les précautions nécessaires pour rendre la loi efficace, pour avoir des fonds disponibles au moment où ils seront requis pour fins de dépôt des indemnités provisionnelles. Alors, il y a eu une discussion avec le ministre des Finances qui est également le président du Conseil du trésor. Nous allons demander la constitution d'un fonds qui va nous permettre de faire démarrer la nouvelle procédure et de rendre précisément la loi 88 efficace selon les objectifs visés par le législateur. Autrement, cela n'aurait pas servi à grand-chose d'apporter cette réforme qui, à mon avis, est fondamentale.

M. PAUL: Les prévisions du ministre sont à l'effet que pour la présente année financière 73/74, le montant requis par son ministère en expropriations serait de l'ordre d'environ $112,500,000. Est-ce que, dans l'évaluation de ce montant, le ministre a tenu compte de l'adoption probable de cette Loi de l'évaluation foncière?

M. PINARD: $112 millions — je pense déjà l'avoir déclaré — c'est la valeur consolidée de tous les dossiers d'expropriation actuellement en instance de négociation et d'évaluation au ministère. Cela ne se paie pas tout dans le même mois. Il y a quand même des délais et des échéances. Je ne pense pas que le ministre des Finances s'attende à ce qu'à telle date je lui demande de sortir, des coffres de la province, $112 millions pour payer autant d'expropriés. Je pense que cela se fait sous forme de roulement. Au fur et à mesure que les dossiers seront plus avancés sur le plan de la négociation et du règlement final, il faut bien que le ministère des Finances suive l'évolution voulue par le législateur par l'élaboration d'un nouveau code de l'expropriation qui doit être efficace.

M. AUDET: M. le Président, je me demande pourquoi le ministre veut tellement adopter le projet de loi 88 s'il croit réellement pouvoir mettre de côté l'article 48 pour un temps afin de donner la chance au tribunal de se former. Pourquoi ne vient-il pas avec tout le bloc du projet de loi 88 et l'adopter ensemble dans le temps? Est-ce qu'il veut se donner encore un laps de temps pour acquérir des propriétés sur simples dépôts de plans?

M. LEVESQUE: M. le Président, une question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: II y a, M. le Président, une heure et demie que nous sommes sur la même

motion d'amendement, qui avait été présentée à une séance antérieure. Les opinants sont particulièrement le député proposeur, le député d'Abitibi-Ouest, et d'autres députés qui se reconnaissent. Ils ont dépassé largement les vingt minutes permises par amendement.

Alors, M. le Président, je vous demande bien respectueusement de demander à la commission de se prononcer. Autrement, on pourrait passer la nuit ici — jusqu'à minuit du moins — et continuer demain. La position du gouvernement est connue. Nous avons essayé, d'une façon très ouverte, très démocratique, d'expliquer... Je sais, le député d'Abitibi-Ouest fait signe que non, mais chacun a ses limites: limites de persuation et de conviction, d'une part, et limites de compréhension, d'autre part.

Ceci étant dit, nous pourrons continuer toute la soirée, heure après heure. Ceux qui essaient de persuader ou de convaincre sont limités par leurs possibilités dans ce domaine et ceux qui essaient de comprendre sont également limités dans ce domaine.

M. le Président, je crois que les positions étant bien connues, bien explicitées, bien articulées — je le dis bien respectueusement, tenant compte de l'importance de l'opinion de chacun — il vaudrait mieux s'en remettre à la commission pour décider.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: J'ai écouté avec intérêt le leader du gouvernement, au début de notre séance de ce soir. Il a parlé pendant 18 minutes. Il vient de parler pendant quatre minutes, ce qui fait 22 minutes. Alors, je vous prierais, à l'avenir, lorsqu'il voudra intervenir sur la proposition d'amendement, de ne pas lui donner la parole.

Pour ce qui est de votre humble serviteur, M. le Président, je vous signalerai que je n'ai parlé que onze minutes sur cet amendement.

M. LEVESQUE: Bravo, bravo, bravo!

M.PAUL: Un instant! Ne gâtez pas la sauce! Je n'ai parlé que onze minutes parce que, lors du début de l'étude de cette loi en commission plénière, vous ne sauriez croire comme j'ai été déçu de ne pouvoir apporter ma collaboration au ministre des Transports pour une étude rapide de cette loi. Dans notre planification, il fallait traverser certains articles difficiles, dont, entre autres, l'article 48 et quelques autres. Alors, il ne faut pas que le leader du gouvernement nous presse.

M. le Président, je comprends qu'il est peut-être déçu de notre sérieux, de l'objectivité de nos propos. Pour une fois, je vais soutenir le ministre des Transports, en vous rappelant, M. le Président, que le ministre des Transports a été bien catégorique, tout à l'heure, à une question que lui a posée le député de Maisonneuve. Il a dit que ce n'était point dans son intention d'inclure l'article 48 dans la série d'articles prévus comme pouvant être exclus suivant l'article 153 de notre loi.

Je n'ai pas l'intention, M. le Président, d'utiliser les sept minutes qu'il me reste sur cet article et, quant à moi, je serais prêt à voter sur l'excellent amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest.

M. ROY (Beauce): Sur le point de règlement, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): ... je dois quand même dire à l'honorable leader du gouvernement que nous sommes six députés qui avons pris la parole, ce soir, pendant les discussions qui ont découlé de cette proposition d'amendement et que nous délibérons depuis 90 minutes. Si on fait un calcul, M. le Président, cela fait une moyenne de 15 minutes pour chaque personne. Alors que, jeudi soir dernier, le député de Bellechasse a pris part à la discussion et qu'également un autre député a pris part à la discussion...

M. PAUL: Le député de Labelle.

M. ROY (Beauce): ... le député de Labelle, nous avions, en ce qui nous concerne, pris dix minutes à peu près.

M. le Président, je tenais quand même à faire ces précisions parce que le leader du gouvernement a l'impression qu'on a largement dépassé notre droit de parole.

M. PAUL: On commence!

M. ROY (Beauce): On ne fait tout simplement que commencer!

M. le Président, sur le même point de règlement, l'honorable leader du gouvernement disait, tout à l'heure, qu'on faisait perdre le temps de la Chambre. Oui, on est en train de se poser la question, à savoir si on ne fait pas perdre le temps de la Chambre à discuter de cet article et de cette disposition de la loi, compte tenu du fait qu'on ne sait pas quand le gouvernement va s'organiser pour que cet article de la loi soit en vigueur, au Québec. On n'a aucune garantie, à l'heure actuelle, que ce sera en vigueur en 73/74. On a trop encore à la mémoire la Loi de l'évaluation, la Loi des transports. On vote des lois, on vote des lois! Cela presse, il faut partir en vacances! Mais les lois ne sont pas adoptées. On attend après les proclamations; les règlements ne sont pas faits, on attend et, encore là, il faut se dépêcher à voter des lois.

Un instant ! Je dirais à l'honorable leader du

gouvernement que nous sommes patients devant le gouvernement. Je l'inviterais à être patient également, parce que même s'il fait chaud, même si le gouvernement a hâte d'ajourner la session, nous allons prendre le temps qu'il faut pour examiner les projets de loi que le gouvernement veut nous soumettre, article par article.

M. LEVESQUE: M. le Président, seulement deux mots. Premièrement, dans la question du temps accordé à chaque député, il n'est pas question de moyenne. Cela, c'est une invention créditiste, comme la Banque du Canada.

Deuxièmement...

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas nous qui l'avons inventée — question de privilège, M. le Président — c'est un gouvernement libéral qui l'a inventée, c'est Mackenzie King.

M. LEVESQUE: Deuxièmement, quant à la question d'avoir hâte de prendre des vacances, c'est peut-être ce qui trouble présentement ou traumatise le député de Beauce, mais quant à nous, au gouvernement, nous n'avons pas...

M. ROY (Beauce): Le député de Beauce n'a pas le temps de prendre des vacances.

M. LEVESQUE: ... de vacances, nous sommes toujours présents. Que la session siège ou ne siège pas, nous sommes...

M. BURNS: On manque de ministres par bout, par exemple, il en manquait quatorze ce matin.

M. LEVESQUE: Les ministres sont toujours au travail.

M. PAUL: Oui, il en manquait quatorze ce matin.

M. LEVESQUE: S'ils ne sont pas au travail en Chambre, ils sont au travail à leur bureau ou en dehors, en mission. Jamais un gouvernement n'a été aussi actif par chacun des individus qui le composent.

M. BURNS: A la période de questions, ils doivent être en Chambre.

M. LEVESQUE: Je tiens à rappeler au député de Beauce que quant à nous, membres du gouvernement, qu'on soit ici ou dans nos bureaux, nous sommes à notre travail pour le Québec régulièrement, continuellement, et il n'a qu'à vérifier. Mais il reste un fait, c'est qu'à un moment il faut cesser — j'allais dire de placoter, non je ne ferai pas de peine au député de Beauce, j'ai trop de respect pour mes collègues de la Chambre — de délibérer et finalement décider et permettre à l'Exécutif de mettre en vigueur ce que le Législatif nous indique de faire.

Si on est continuellement pris en Chambre, évidemment, on ne peut pas mettre à exécution les instructions que nous donne le Parlement. C'est simplement dans un but de remplir mieux notre mandat, dans le but d'assumer réellement et pleinement nos responsabilités et d'être utiles au peuple du Québec que nous sommes d'accord pour qu'après une heure et quarante minutes sur un article où toutes les positions ont été bien établies, l'on cesse de continuer de parler pour absolument se répéter.

Que le député de Beauce relise ce que lui ou son collègue d'Abitibi-Ouest ont dit depuis hier ou avant-hier...

M. ROY (Beauce): Est-ce que le leader du gouvernement se rend compte qu'il fait perdre le temps de la Chambre en ce moment?

M. LEVESQUE: ... ou la semaine dernière. Il y a 1,000 répétitions dans ce qu'ils disent. Mais ce n'est pas en répétant les mêmes choses qu'on réussira à convaincre le gouvernement qu'il ne fait pas un pas de géant présentement.

C'est justement parce que nous voulons réellement procéder à ce pas de géant que nous voulons faire ensemble, collégialement, que nous pensons que c'est assez, à dix heures ce soir. S'il y a encore des collègues qui n'ont pas utilisé leur droit de parole, qu'ils l'utilisent si ça leur fait plaisir, mais pas le député de Beauce, pas le député d'Abitibi-Ouest, pas le député de...

M. ROY (Beauce): Un instant, M. le Président, il me reste cinq minutes et je pourrais les prendre. Ce n'est pas le leader du gouvernement qui va m'en empêcher, malgré que j'aie fini.

M. LEVESQUE: Moi, je demanderais...

M. BURNS: Sur la question de règlement...

M. LEVESQUE: ... M. le Président, de consulter les officiers, pas parce que je veux être procédurier, mais parce qu'on me provoque. Tous les gens le savent.

M. PAUL : M. le Président, vous me permettrez, sur le rappel au règlement, de rendre hommage — j'ai demandé le consentement de mon collègue — à la persévérance du leader du gouvernement, le député de Bonaventure. En 1960, il faisait partie de cette équipe du tonnerre. Je ne sais pas quel religieux il avait dans sa famille, lui. Peut-être que son nom était suffisant pour le classer dans cette fameuse équipe du tonnerre.

Et là il vient de nous dire qu'il fait partie d'un gouvernement de ministres qui sont en mission. Je le félicite d'être devenu missionnaire au sein du gouvernement. C'était le seul point que je voulais soulever, parce que ça m'a réellement touché d'entendre le leader du gouvernement sur un rappel au règlement aussi mal fondé.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve, question de règlement.

M. LEVESQUE: J'avais en effet dans l'équipe du tonnerre quelqu'un de ma famille qui faisait partie des ordres religieux.

M.PAUL: Qui?

M. LEVESQUE: Mgr Albert Bérubé.

M. PAUL: Bérubé. Est-ce qu'il a eu autant de persévérance que vous? Est-ce qu'il y est toujours resté?

M. LEVESQUE: Oui, lorsque nous entreprenons quelque chose, nous le faisons jusqu'au bout, dans ma famille.

M. PAUL: Ah! dans votre famille.

M. BURNS: M. le Président, simplement une chose sur la question de règlement. Je n'ai pas d'objection qu'on commence à nous limiter dans notre temps de parole mais je n'accepterai pas comme étant des vérités de l'Evangile, même s'il a des ecclésiastiques dans sa famille, les énoncés du leader du gouvernement. Je ne crois pas que mon temps de parole soit écoulé et j'aimerais savoir quels moyens practico pratiques vous allez avoir de calculer toutes et chacune de nos interventions mises bout à bout. Si vous lisez l'article 160, je peux parler — le député de Maskinongé, le député de Beauce, tout le monde ici, le député de Bonaventure — autant de fois que je veux sur quelque article, paragraphe, question de règlement que ce soit pour autant que ça ne dépasse pas 20 minutes. Tout le monde a admis que ce n'était pas pratique. A moins que vous ayez à faire face à ce qu'on appelle une obstruction systématique clairement détectée, je pense que vous n'avez pas à calculer; je pense qu'il y a toujours eu un gentlemen 's agreement à l'effet que les députés s'exprimaient le mieux possible sur chacun de ces points.

Si on veut commencer à folichonner là-dessus, je vais être un petit peu moins agréable quant à l'application du règlement. Moi aussi, je vais me mettre à surveiller des choses.

M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Maisonneuve a déjà été agréable?

M. BURNS: J'ai toujours été agréable, excepté quand je suis provoqué. Mais, M. le Président, en terminant sur cette question de règlement, je veux tout simplement vous dire que c'est quand même suffisamment important ce qu'on vous disait tantôt et je ne pense pas que ce soit de la nature d'une obstruction systématique. Le ministre du Travail est ici et il se souvient très bien, entre autres quand le code du travail a été changé la dernière fois par voie de proclamation de la même façon qu'on a discuté...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. BURNS: Non, non, je vous donne l'intérêt de cette question qu'on a discutée. Je me souviens que la Commission des relations du travail, par proclamation, avait été abolie et son successeur, le commissaire-enquêteur, n'était pas mis en vigueur par la loi. Vous avez eu des justiciables qui ne savaient plus à qui s'adresser pendant un bout de temps; on a été obligé de faire des acrobaties. C'est pour ça qu'on trouve ça important cette histoire. C'est seulement pour ça qu'on a soulevé ça.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Maisonneuve parle de gentlemen's agreement il doit l'être assez gentleman ou devrait l'être pour savoir qu'il a dépassé 20 minutes. Ce n'est pas difficile.

M. BURNS: Je n'ai pas calculé, je ne peux pas vous le dire.

M. LEVESQUE: Lorsque c'est 19 ou 21, c'est vrai, ça c'est difficile.

M. BURNS: Je n'ai pas calculé. M. LEVESQUE: Mais...

M. BURNS: Je ne peux vraiment pas vous le dire en toute décence.

M. LEVESQUE: ... on peut vous le dire parce qu'on vous a écouté.

M. BURNS: Vous, vous trouvez ça long mais moi, quand je parle, je me trouve tellement bon, je trouve ça court.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Comme le mentionnait le député de Maisonneuve, il a paru à ceux qui président la commission plénière que l'article 160 était assez difficile d'application. Tant qu'il n'apparaît pas qu'il y a de l'obstruction, les officiers de la Chambre n'ont pas calculé le temps, il est assez difficile pour moi de mentionner qui a parlé 20 minutes, il y a eu beaucoup d'interruptions. Simplement, comme on a l'habitude de faire, je demande la collaboration de ceux qui ont parlé sur l'amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest, s'il y en a d'autres qui avaient à parler; sinon on pourrait se prononcer immédiatement.

M. BURNS: Je suis bien d'accord sur votre approche.

M. ROY (Beauce): Notre collaboration vous est acquise, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le vote! Que ceux qui sont en faveur de l'amendement du député d'Abitibi-Ouest veuillent bien se lever. Que ceux qui sont contre veuillent bien

se lever. L'amendement est rejeté. Article 48, le député de Maisonneuve.

UNE VOIX: Adopté.

M. BURNS: Non, pas adopté parce que j'avais un autre aspect que j'ai d'ailleurs mentionné au président au début de la discussion sur l'article 48. Dans l'amendement que je vais vous proposer, vous aurez à extraire la partie qui a déjà été réglée qui concerne les paragraphes c) du deuxième alinéa de ma proposition et 3) du deuxième alinéa de ma proposition. Je vous donne une copie édulcorée de ma motion et j'en fournis une copie aux deux autres. Vous allez en avoir.

Très bien. M. le Président, étant donné que je n'en avais que quatre copies, je vais vous donner ma copie. Elle est en train de circuler pour le député de Beauce.

Est-ce qu'on a une copie pour le député de Beauce?

UNE VOIX: Vous pouvez lui en donner une?

M. BURNS: Oui, je vais la lui remettre, dès que je l'aura'i exposée. Comme vous pouvez le voir, ma proposition ne concerne plus, maintenant, l'aspect 70 p.c. ou 100 p.c; c'est bien évident que ce problème a été réglé. Je ne suis pas pour revenir sur ça. Cependant, au premier paragraphe, je vous propose de remplacer le premier alinéa de l'article 48 par le suivant: "L'expropriant ne peut prendre possession..." Tout de suite, j'insiste auprès du ministre et surtout de ses conseillers sur la forme négative que prend ma proposition par rapport à l'article actuel qui dit: "L'expropriant peut, à toute époque, prendre possession, etc."

Je propose que l'expropriant ne peut prendre possession, pour bien reconnaître le fait que c'est un droit anormal, cette expropriation. Peut-être que certains vont me dire que c'est fendre les cheveux en quatre, mais je pense que c'est beaucoup plus conforme à l'économie, à la pensée d'une loi d'expropriation, de restreindre les droits qui sont exorbitants du droit commun, que de les énoncer comme si c'étaient des choses extraordinaires. Alors, je continue: "L'expropriant ne peut prendre possession du bien exproprié que s'il y a été autorisé par le tribunal et si 90 jours se sont écoulés après la signification à l'exproprié de l'avis d'expropriation ou, suivant le cas, de la notification prévue à l'article 44."

J'arrête là, pour le moment. Pour ceux qui se poseraient la question — je pense bien que le ministre des Transports ne se la pose pas — l'article 44 vise le cas des locataires qui, eux aussi, doivent recevoir un avis lorsque le propriétaire a reçu un avis. Dans leur cas, je pense que c'est 15 jours sans que j'aie besoin de référer directement à l'article, mais c'est ce à quoi je me réfère quand je dis "l'article 44."

Or, à toutes fins pratiques, M. le Président, ce que ce premier paragraphe de mon amendement suggère, c'est de revenir à l'idée originale qu'on retrouvait dans le premier projet de loi, c'est-à-dire que ça ne se fasse pas aussi facilement que ça et aussi, permettez-moi l'expression, gaillardement que ça. Qu'on dise, tout simplement, à l'exproprié: On a décidé d'exproprier; voici l'offre qu'on te fait et voici le dépôt qu'on fait; maintenant, va-t-en.

Bien non, ça ne devrait pas être aussi facile que ça et ceci pas uniquement dans l'intérêt de l'exproprié — je reviens là-dessus, parce que je trouve ça essentiel à toute loi sérieuse d'expropriation — mais dans l'intérêt du ministère ou du corps public expropriant. C'est important que vous ayez une certaine planification derrière ça.

C'est ça qui éventuellement va rassurer l'exproprié qu'il n'est pas dans la situation, encore une fois, des gens qui sont sur le parcours de l'autoroute est-ouest à Montréal. Ils ne savent pas encore, dans bien des cas, ce qui va leur arriver. Ils ne savent pas encore si la maison va leur être démolie en dessous des pieds ou bien si on va leur dire de sortir avant qu'on la démolisse. Ils ne savent pas s'ils vont pouvoir trouver des locataires pour leurs logements parce que les locataires ne veulent pas les louer. Je l'ai déjà dit, cet argument-là, mais je le répète dans l'intérêt du ministre; il ne semble pas l'avoir compris. Il y a encore du monde sur la rue Notre-Dame, à Montréal, qui ont des logements à louer, imaginez-vous, depuis deux ans. Depuis deux ans, la maison est intacte et ces logements-là ne sont pas loués, parce que le locataire qui se présente dit: Vous êtes sur le parcours de l'autoroute, n'est-ce pas? Le propriétaire, qui est honnête, en l'occurrence dans l'exemple auquel je pense, dit: Oui, qu'est-ce que vous voulez, on nous a dit qu'on nous exproprierait, mais on ne sait pas quand.

Alors, le locataire éventuel fait un about turn et il ne loue pas. Je pense que c'est important que vous posiez des gestes précis et que vous convainquiez les expropriés qu'un corps public, quand il pose un geste comme celui-là, est sérieux.

On vous demande tout simplement de faire deux petits préalables, si vous voulez, avant la prise de possession. Vous disiez tout simplement: On est tellement sérieux qu'on y a pensé et voici un avis de 90 jours, c'est-à-dire qu'un délai de 90 jours s'est passé et, ensuite, on s'est présenté devant le tribunal et on a été autorisé. Maintenant, les autres conditions, on les respectera. Il me semble que c'est le minimum quand on dit à quelqu'un: Tu as un bien, on t'en dépossède. On va mettre au moins un petit peu plus de formalités que de dire : On va te donner 70 p.c. de l'offre qu'on te fait ou de l'évaluation municipale.

Dans le deuxième paragraphe de mon amendement, M. le Président, je suggère que l'on remplace le paragraphe b) par le suivant:

L'exproprié n'a pas contesté le droit d'expropriation dans les délais requis ou, le cas échéant, sa contestation a été rejetée. Ce qui suppose que l'expropriation puisse être, à ce stade-là, contestée, et comme telle, la contestation empêche cette prise de possession. Il me semble que c'est normal, cela aussi, que s'il y a un droit de contestation de l'expropriation, qu'on ne dise pas: On passe tout simplement par-dessus cela, le tribunal décidera tantôt; en attendant, on prend possession de votre bien et le tribunal décidera. Il va décider quoi, M. le Président? Il ne décidera absolument rien. Tout aura été réglé; cela, ce n'est pas normal non plus, il ne faut pas ajouter — je ne sais pas l'expression — l'injure à l'injustice si, éventuellement, un justiciable se retrouve devant un tribunal qui lui donne raison et qui dit: Non, vous n'auriez pas dû être exproprié. Le gars dit: Oui, mais ça ne fait rien, ils ont pris possession et je suis rendu dans Montréal-Nord alors que je demeurais dans Hochelaga-Maisonneuve. Cela se passe un an plus tard. Que cela se passe un an et demi ou même juste six mois après, je dis que c'est ajouter l'injure à l'injustice.

Ce n'est pas normal qu'une loi de l'expropriation, dans les cas, encore une fois, non seulement de l'exercice d'un droit qui, lui, est exorbitant du droit commun, mais qu'à l'intérieur de l'exercice de ce droit on fasse quelque chose d'absolument impensable, c'est-à-dire qu'on dise à la personne: On prend possession de ton bien, c'est tout. Ce n'est pas réglé, il y a des tribunaux qui vont décider de cela et on en prend possession et c'est tout. On verra ce qui arrivera. Si on a tort, on s'excusera. C'est ce que dit la Loi de l'expropriation actuellement. Evidemment, dans ma proposition qui devra être complétée, je laisse le paragraphe b) actuel comme devenant le paragraphe c) et le reste des alinéas. Evidemment, il faudra qu'il y ait corrélation; je pense que tout le monde l'a compris puisque j'ai été obligé d'ajuster mon amendement à l'amendement qui a déjà été décidé,

M. le Président, je propose que ces choses minimums soient inscrites comme frein et comme possibilité à l'exproprié; comme frein au droit d'expropriation à outrance et comme garantie à l'exproprié qu'il a quand même affaire à un expropriant sérieux, qui respecte un certain délai, et que si, vraiment, il y a contestation de ce droit, on ne passera pas le rouleau à vapeur sur sa propriété pendant qu'il est en train de se battre devant les tribunaux. C'est le sens de ma proposition, M. le Président. Je pense que ce n'est pas exagéré parce que si un corps public décide d'exproprier, il y aura quand même un délai de 90 jours, il y aura pensé au moins 90 jours avant. Les délais, il les aura planifiés avant. C'est cela que veut dire la proposition que, je l'espère, vous allez incorporer à l'article 48.

J'en fais la proposition, M. le Président.

M. PAUL: Je me demande pour quelles raisons le ministre des Transports hésite tant à accepter cette proposition d'amendement. Je n'ai pas parlé du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je sais, lui, que c'est son rôle d'être hésitant, d'être craintif, d'être prudent.

M. COURNOYER: M. le Président, je n'ai rien dit encore.

M. PAUL: C'est un amendement qui n'aurait pas dû être présenté par les députés de l'Opposition. Je me réjouis que l'honorable député de Maisonneuve fasse sienne une politique que le ministre lui-même aurait dû mettre de l'avant et inscrire dans son texte de loi. A la lecture de l'amendement proposé par le député de Maisonneuve, vous verrez que la sécurité de l'exproprié est garantie davantage au texte de loi que l'on retrouve à l'article 48 de la Loi de l'expropriation. M. le Président, il ne faut jamais oublier que le droit d'expropriation est une mesure extraordinaire qui, une fois utilisé, doit l'être dans des circonstances exceptionnelles avec toutes les mesures appropriées pour atteindre l'objectif visé par le ministre des Transports avec...

M. le Président, c'est trop sérieux, trop de députés ruraux sont affectés par cette future politique des Transports que je me sens incapable de continuer d'argumenter sans que nous ayons le quorum requis pour l'étude de cette loi.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Qu'on appelle les députés!

Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Je suis heureux, M. le Président, de voir l'intérêt que vont apporter à l'amendement proposé par le député de Maisonneuve les députés ministériels. Je sens déjà que le ministre des Transports est prêt à se rallier à cet amendement qui nous a été proposé.

M. PINARD: J'attends qu'il y ait quorum puisque c'est vous qui l'avez demandé.

M.PAUL: Oui, oui, c'est justement. Je me suis rassis, j'ai pris mon siège. Vous savez que, s'il y a quelqu'un qui est soucieux de l'observance des règles de cette Chambre, c'est bien celui qui vous parle.

M. PINARD: II ne faut abuser dans rien.

M.PAUL: Non, excepté que non plus il ne faut pas se désintéresser, comme le font trop de ministériels. Je comprends que le ministre peut avoir des raisons d'arriver en retard, je ne lui en fais pas reproche, je ne lui en fais pas grief. Nous nous étions ici dès huit heures vingt et il a été remplacé à pied levé par le leader du gouvernement...

M. PINARD: Brillamment.

M. PAUL: Bien, brillamment, je pense que,

si vous aviez été dissimulé dans une salle quelconque de cette Assemblée, vous auriez vu qu'il était moins brillant que vous dans ce domaine de l'expropriation. Le ministre des Transports a tellement comme idéal, il veut tellement satisfaire et surtout protéger les droits de l'exproprié que je ne puis penser un seul instant qu'il va rejeter la proposition d'amendement proposée par le député de Maisonneuve. Je suis sûr qu'après avoir fait alliance sur ce point, le Parti québécois et le parti de l'Union Nationale, nous irons chercher probablement le Ralliement créditiste. C'est à l'unanimité par la suite que nous pourrons accepter cet amendement de logique, de raison, nécessaire proposé par le député de Maisonneuve.

M. PINARD: Je voudrais bien être agréable au député de Maisonneuve et souscrire à l'amendement qu'il a proposé, mais il reste que j'ai une responsabilité qui est très grande au poste que j'occupe, c'est d'exercer une action efficace, compte tenu des besoins exprimés par la population, compte tenu des programmes d'action décidés par le gouvernement et réclamés, je n'en fais pas cachette à personne, par tous les députés qu'ils soient ministériels ou qu'ils soient de l'Opposition. Aujourd'hui, on sait très bien que l'action du ministère s'exerce dans tout le territoire québécois aussi bien dans les régions éloignées, dans les régions à caractère rural que dans les régions à caractère mixte et également aussi, en ce qui concerne les grands projets autoroutiers, dans les centres urbains. C'est pourquoi le ministère se doit d'être efficace, d'être rapide dans son action tout en étant juste et équitable envers les contribuables et envers les expropriés plus spécialement.

Alors, nous avons mûrement réfléchi sur la portée de cet article. Même si nous voulons concilier, à la fois, les droits légitimes de l'exproprié et les droits tout aussi légitimes du gouvernement, qui a à réaliser des programmes d'action voulus par la population, il faut arriver à un équilibre, à une juste mesure et à une politique qui sera quand même efficace.

Je pense que, contrairement à ce qui se fait ailleurs, en Ontario notamment, où il n'y a pas d'indemnité provisionnelle payée dans les cas visés à l'article 49 du bill 88 non amendé et à l'article 48 du projet de loi amendé, nous fixons une indemnité provisionnelle d'au moins 70 p.c. de la valeur de l'offre ou de l'évaluation. Pourquoi faudrait-il attendre autant de jours ou de mois pour être mis en état de possession préalable, lorsque, par ailleurs, on réclame que les travaux soient exécutés, parfois, avec rapidité, parce qu'ils ont un caractère d'urgence?

Je connais bien des députés qui nous feraient le reproche d'être inefficaces dans notre action, d'avoir voulu, de façon bien légitime, protéger les droits de l'exproprié, mais, par contre, de ne pas avoir prévu une procédure qui pourrait permettre au ministère d'exécuter rapidement des travaux pour lesquels des sommes d'argent ont été votées.

C'est déjà une plainte qu'on entend même si on fait l'impossible pour donner satisfaction aux députés et aux organismes qui réclament, parfois en même temps que les députés. Alors, il faut quand même équilibrer les choses. C'est là le défi d'une administration dynamique, d'une administration moderne. Je pense qu'il faut toujours tendre à réaliser la solution ou la situation idéale, mais il me paraît difficile de concilier tout cela en même temps.

C'est pourquoi nous en sommes revenus à l'article 48 tel qu'il est rédigé. Je pense vraiment que nous donnons satisfaction et à l'exproprié et à l'expropriant. C'est là la responsabilité que nous devons prendre en proposant l'article tel qu'il a été rédigé.

Je regrette de ne pas pouvoir souscrire à la demande d'amendement du député de Maisonneuve. Je pense que je ne peux pas en dire plus long. J'ai épuisé toutes les explications que je pouvais fournir à cet égard et je demande le vote sur cette proposition d'amendement, à laquelle je ne souscris pas.

M. AUDET: M. le Président, quelques mots sur l'amendement du député de Maisonneuve. Je crois que, dans la première version du bill 88, le gouvernement avait quand même fait un semblant d'effort vis-à-vis de la possibilité d'attendre 90 jours avant de prendre possession. Je crois qu'en ce temps-là la ville pouvait n'offrir que 50 p.c. d'indemnisation provisionnelle. Nous disions, à la commission parlementaire, que ce privilège était excessif pour le ministère de la Voirie et la ville de Montréal, en raison de ce qu'on laissait aux autres expropriants.

Maintenant, le ministre nous arrive avec un autre privilège qu'il veut accorder à la ville de Montréal et au ministère de la Voirie. D mentionne, par exemple, dans ses articles: "Un avis, à l'exproprié, doit être donné dans les quinze premiers jours." Donc, cet avis peut être donné le premier de ces quinze jours-là. Nous sommes rendus à la première journée. L'exproprié est avisé. La deuxième étape: "L'enregistrement de l'avis dans les quinze jours au bureau d'enregistrement." Là aussi, "dans les quinze jours", cela veut dire que, la première journée, lorsque l'exproprié a eu l'avis d'expropriation, l'avis peut être déposé au bureau d'enregistrement. Nous sommes encore à la première journée. La troisième étape: "Dans les quinze jours suivant l'enregistrement, un dépôt de l'avis et plan au tribunal doit être fait." Cela veut dire que nous sommes encore à la première journée. Tout cela peut être fait la première journée. Tout ce qui oblige le gouvernement à aller à un maximum de 30 jours pour prendre possession de la propriété expropriée, ce sont les trente jours donnés à l'expropriant pour contester le droit d'expropriation.

Si l'expropriant se rend au maximum de trente jours qui lui est accordé, le ministre devra obligatoirement attendre trente jours, mais ce sera le maximum, avant de prendre possession.

Donc, je crois, M. le Président, que l'amendement qui demande 90 jours est très raisonnable pour donner la chance à l'exproprié de voir clair dans son affaire. Imaginez-vous, il n'aura que trente jours! Je crois que, quand même, il y a eu amélioration parce qu'auparavant, on déposait un plan et on prenait possession. Mais tant qu'à faire une loi qui est valable, vu qu'un peu plus tard nous allons voir, dans le projet de loi, le droit d'imposition de réserves, je crois que le gouvernement pourrait au moins se servir de ces réserves pour jouer avec le laps de temps accordé à l'exproprié. Il pourrait quand même se servir de la réserve qu'on aura tout à l'heure. C'est un excellent moyen, pour le gouvernement de donner au moins 90 jours à l'exproprié. Qu'il se serve de la réserve pour faire le reste du temps.

M. le Président, de notre côté, nous acceptons cet amendement.

M. PINARD: M. le Président, je pense qu'il faut bien comprendre la portée de la loi. Une loi, cela se discute, évidemment, article par article, mais par hors contexte. Il faut que les articles soient bien imbriqués les uns dans les autres pour donner leur plein effet.

M. AUDET: On a parlé de l'article 153 tout à l'heure.

M. PINARD: Pour bien comprendre le mécanisme de la loi 88, il faut l'avoir lue au complet et par la suite, lorsqu'on en fait la discussion, ne pas faire ressortir isolément chacun des articles pour les mettre hors contexte.

Qu'on lise l'article 48. Toutes les garanties sont là pour l'exproprié. Le tribunal est toujours maître de la décision à rendre, s'il y a contestation de la part de l'exproprié. Lisez l'article 49, un peu plus loin. Cela peut aller jusqu'à dix mois, le délai, avant que la prise de possession soit faite par l'expropriant...

M. AUDET: Oui, mais cela peut être trente jours, aussi.

M. PINARD: ...parce que vous avez des pouvoirs additionnels donnés à l'exproprié de contester le droit devant le tribunal. Lisez l'article 49. Il faut que cela se lise de façon compréhensible, une loi.

UNE VOIX: On l'a lue.

M. PINARD: Vous ne pouvez pas prendre un article isolément de tout le reste de la loi.

M. PAUL: ... du code civil.

M. PINARD: C'est tout imbriqué. C'est comme cela qu'il faut comprendre une loi.

M. le Président, je me prononce contre l'amendement et je demande le vote.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Que ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien se lever.

M. CHARRON: Je n'ai pas terminé, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Excusez-moi, je ne vous avais pas vu exprimer votre désir de prendre la parole.

M. CHARRON: Oui, M. le Président. J'ai attendu d'abord parce que j'étais intéressé par l'argumentation du député de Maisonneuve, par sa qualité, mais j'attendais aussi le point final que le minsitre tenterait de mettre à la discussion pour demander le vote, j'attendais de savoir l'argument final qu'il pouvait nous donner.

L'argument de l'efficacité — somme toute, c'est sur celui-là que le ministre a basé son argumentation pour refuser l'amendement du député de Maisonneuve — je verrais mal le ministre le défendre devant des expropriés, actuellement, ou devant ceux qui sont susceptibles de le devenir demain matin, lors de l'application du projet de loi no 88.

Le député de Maisonneuve a donné, dans ses explications, des exemples de citoyens qui, actuellement, sous l'empire actuel de la Loi de l'expropriation, se trouvent dans des situations peu claires. Il fallait attendre, il fallait souhaiter qu'une nouvelle loi vienne clarifier cette situation. On en avait senti certainement le besoin chez le ministre et autour du ministre puisque, dans la première version du projet de loi qu'il nous avait fait étudier, on avait même été jusque là. C'est donc dire que l'amendement du député de Maisonneuve n'arrive pas comme un poil sur la soupe, n'est absolument pas incongru par rapport à la discussion. C'est une possibilité que le gouvernement lui-même a déjà envisagée.

Or, non seulement, lorsque nous posons ces questions, nous cherchons à savoir ce que le ministre pense de l'amendement que le Parti québécois, propose, mais nous tentons aussi de savoir un peu pourquoi le gouvernement a retraité sur un point qu'il avait lui-même inclus dans son projet de loi lorsqu'il nous avait présenté la première version. Le seul et unique argument que le ministre s'est complu à nous répéter ce soir ne tient pas ou ne tient plus après une analyse efficace de la situation.

Refuser le délai de 90 jours entre la signification et la prise de possession sous le prétexte —je ne dis pas la raison, le prétexte — de la nécessaire efficacité gouvernementale, ça ne tient pas.

Il n'y a pas un citoyen aujourd'hui qui va croire qu'un projet d'une envergure telle qu'une expropriation ou des expropriations massives —comme c'est le cas de l'autoroute qui saccage le bas de la ville de Montréal actuellement — c'est quelque chose qui se décide d'une journée à l'autre et qu'il faut que le citoyen fasse le sacrifice et fi de ses droits de propriétaire ou de

locataire parce qu'une action de cette envergure devient immédiate et nécessaire.

Reprenons simplement quelques exemples d'expropriations rendues nécessaires comme l'exemple que j'avais en tête tout à l'heure, l'autoroute est-ouest à Montréal. Si on a le moindrement de planification — je sais que ce n'est pas le mot qui fait vibrer les cordes de ce gouvernement — on peut facilement introduire la protection des droits des citoyens, des propriétaires à l'intérieur de cette planification.

Un gouvernement qui n'est pas obligé de se ramasser un matin avec une statistique effarante de chômage, qui n'est pas obligé de prendre des décisions à l'emporte-pièce à cause de son inaction passée, qui planifie sérieusement le développement économique ne se trouve pas du jour au lendemain obligé de retirer à des citoyens leur propriété ou de laisser comme seul sursis au citoyen l'article 49, comme le ministre vient de nous le rappeler, c'est-à-dire la contestation devant le tribunal et l'attente de la décision du tribunal sur l'expropriation.

Il n'y a pas un gouvernement rationnel, efficace, qui fonctionne sans une planification qui dépasse les 90 jours. En fait, le ministre vient nous dire qu'il ne peut pas, pour des raisons d'efficacité et pour des raisons de bonne administration, accorder ça aux citoyens qui risquent d'être sérieusement dérangés — on ne peut guère l'être plus que par une expropriation. Le ministre dit que 90 jours de délai supplémentaire constituent une entrave à l'efficacité gouvernementale.

IL n'y a pas un citoyen sérieux qui peut croire une telle affirmation. Plus que ça, je dis que se baser sur cette seule et unique affirmation — comme il s'est plu à le faire ce soir malgré tous nos efforts à lui en faire sortir d'autres — c'est non seulement très mal expliquer le refus de l'amendement du député de Maisonneuve, très mal expliquer la reculade que le gouvernement a faite entre ses deux versions du projet de loi no 88, mais c'est donner à la population une autret preuve qu'elle ne peut s'attendre à grand-chose de ce gouvernement.

Une planification trois mois à l'avance de projets d'envergure aussi importants que ceux qui vont déposséder des gens de ce qu'ils ont eu semble une entrave fantastique à ce gouvernement; c'est lui porter bien peu de crédit.

Je trouve que la façon un peu cavalière dont le ministre refuse cet amendement explique encore une fois ce que bien des citoyens ont commencé à croire de ce gouvernement, c'est qu'il fonctionne au fond lorsqu'il sent une liberté de manoeuvre qui lui est laissée entre les diverses coulisses qu'il dirige, obligé d'agir à la hâte et en tâtonnant, comme nous l'avons vu faire depuis trois ans et comme il se propose encore de faire.

J'aimerais entendre une autre argumentation, avant que nous procédions au vote, qui celle-là porterait sur des arguments beaucoup plus fondés que ceux d'une efficacité gouverne- mentale, parce que je ne crois pas que le gouvernement de l'Ontario, ou le gouvernement fédéral auquel vous aimez vous référer puisse reconnaître comme nécessaire efficacité à son action le fait qu'il se sente obligé de retirer à des citoyens un droit fondamental, soit avoir 90 jours entre la signification de l'expropriation à venir et la prise en possession des biens.

Ce refus de l'amendement du député de Maisonneuve dessine bien l'esprit et la façon de travailler de ce gouvernement chez qui la planification semble être complètement disparue.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre.

M. PINARD: M. le Président, je crois que tous les citoyens du Québec connaissent quelles sont les contraintes dans lesquelles peut se faire une planification gouvernementale efficace. On n'est pas en Floride où on peut réaliser des travaux douze mois par année. On sait jusqu'à quel point la saison de réalisation des programmes routiers peut être courte, surtout dans certaines sections. Notre planification est adoptée en conséquence, pour être en mesure de dépenser des crédits votés par l'Assemblée nationale de façon rapide et efficace. Mais il faut avoir les instruments en notre possession pour y arriver. Cela paraît que le député n'a jamais exercé le pouvoir et il n'aura jamais la chance de l'exercer, s'il n'est pas en mesure de prévoir ces contraintes. Il ne sera pas en Algérie, non plus, pour être capable de dépenser, douze mois par année, dans un programme routier ou autoroutier. Il aura quelques mois pour réaliser les objectifs fixés par le gouvernement et par l'Assemblée nationale, demandés par les citoyens, les contribuables en somme.

J'exerce mon sens des responsabilités. Si, malheureusement, ça ne fait pas l'affaire du député de Saint-Jacques, qu'il garde son opinion; moi, je garde la mienne. Je pense qu'aux articles 49 et 50 toutes les garanties sont là pour protéger l'exproprié de la bonne façon et je dis, encore une fois, qu'il faut lire les articles 48 et 49 ensemble pour savoir comment fonctionnera la loi.

M. MAILLOUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Charlevoix.

M. MAILLOUX: ... si l'on me le permet, je pense que je ne suis pas tellement intervenu dans ce débat et je n'ai même pas participé à la commission parlementaire qui a siégé pour la préparation du projet de loi no 88. J'écoutais tantôt l'honorable député de Saint-Jacques qui nous a apporté, évidemment, des arguments qui semblent les plus idéalistes possible. J'ai oeuvré au ministère de la Voirie à titre d'adjoint parlementaire ou à titre de ministre d'Etat et

même précédemment, car je pense que, comme députés, on est, souventefois, pris dans des milieux ruraux avec des problèmes de voirie.

Le ministre des Transports vient de parler des contraintes du ministère de la Voirie dans la préparation des plans et projets et dans la dépense de l'argent. Quelles que soient les tentatives qu'a faites le ministère de la Voirie depuis des années pour préparer des budgets annuels, budgets triennaux, budgets quinquennaux; quelle que soit la bonne volonté que voudrait manifester le ministère de la Voirie dans la préparation des plans, dans le dépôt des plans, il faudrait savoir des années à l'avance à quel moment nous allons construire telle route, à quel moment arrivera une industrie et quand le ministère de la Voirie devra immobiliser davantage, à quelles autres contraintes il devra faire face et, au bout de la course, quelles seront les sommes que mettront à notre disposition le ministre des Finances et le gouvernement. Ce sont des choses qui évoluent au jour le jour, suivant la demande d'un Parlement, suivant la demande de tous députés de la Chambre.

Tantôt, on parlait évidemment de la partie que l'on doit payer aux expropriés. Venant d'un milieu rural, je sais, évidemment, qu'il serait préférable qu'on donne des délais plus longs, surtout dans le milieu agricole, quand on occupe un terrain et qu'on commence à exécuter des travaux. Souventefois, les spécialistes en expropriation voient les travaux commencer et ne sont pas en mesure de constater tout le bris qu'on a pu faire sur un terrain. Il faudrait être idéaliste et j'aimerais, évidemment, que le ministère se soit rendu encore plus loin. Par rapport à ce qui existait avant — on payait peut-être dans les faits, mais ce n'était pas dans un texte de loi — l'article 48, c'est déjà un pas de géant que fait le ministère.

Quand je considère tous les impératifs auxquels doit faire face le ministère de la Voirie dans toutes les nombreuses transformations qui se produisent dans les plans; quand on pense également, M. le Président, aux retards considérables que l'on subit dans tout le déplacement des services d'utilité publique, Bell Canada, Hydro-Québec, qui retardent les projets de voirie pendant des mois, quand ce n'est pas pendant des années, ça veut donc dire que le ministère de la Voirie est conditionné par tous ces phénomènes; phénomène de l'industrialisation, phénomène de travaux à faire en milieu urbain ou en milieu rural. Souventefois, ces travaux qui sont préparés des années à l'avance on doit les mettre de côté et recommencer toujours afin de faire face aux obligations qui nous arrivent et auxquelles le gouvernement doit faire face.

Je pense, M. le Président, que par les explications qu'a données le ministre des Transports, par l'étude qui a été faite de ce projet de loi, le gouvernement s'est rendu le plus loin qu'il pouvait en tenant compte de sa possibilité financière.

Evidemment, nous concevons qu'il est toujours difficile d'aller exproprier quelqu'un et de donner des délais très courts. Mais je pense que nous ne pouvons pas, en aucune façon, tenant compte de tous ces impératifs, faire autrement que le projet de loi tel que proposé aux articles 48 et 49.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention du ministre d'Etat, le député de Charlevoix, et nous comprenons les préoccupations qui prévalent au ministère de la Voirie et au ministère des Transports, mais nous comprenons également les appréhensions des gens qui doivent subir l'expropriation qui, pendant trop longtemps, a fait trop de victimes au Québec. Je pense que le ministre d'Etat comprendra le sens et la portée de nos interventions, parce que, quand même, il va falloir que l'on finisse par se pencher de façon sérieuse sur le problème des petits propriétaires qui n'ont pas les moyens d'avoir recours à tous les bureaux d'avocats, de conseillers juridiques, d'experts en matière d'évaluation, pour se défendre mais qui se défendent du mieux qu'ils peuvent avec les moyens du bord. Et lorsqu'on regarde le nombre de personnes qui, cette année, sont encore victimes de l'expropriation, dont on s'empare de la propriété, sans dédommagement, on comprendra facilement pourquoi nous sommes inquiets et pourquoi nous intervenons à ce moment-ci, pour demander que le gouvernement pense à ces gens-là, pense à ces petits propriétaires, surtout dans les milieux ruraux, pour qu'on mette un terme à ce qu'on pourrait considérer comme de l'exploitation. Je suis sûr que le député de Charlevoix, ministre d'Etat, est entièrement d'accord avec moi que, malheureusement, dans le passé, il y a eu trop de lacunes de ce côté-là. Il y a eu trop d'abus.

Je ne voudrais pas amener certains cas d'espèce, certains cas types, je sais que le ministre, que ce soit le ministre des Transports, ou le ministre d'Etat à la Voirie, en a suffisamment dans son propre comté, qui démontrent clairement que nous avons raison de nous inquiéter et de demander au gouvernement les meilleures garanties possibles à l'endroit des personnes qui ont été depuis trop longtemps victimes de ce système pour tâcher qu'on y mette un terme.

Et c'est pourquoi il me paraît logique que des dispositions minimums soient prises, de façon à protéger les petites gens. Le ministre d'Etat à la Voirie nous disait qu'ils sont obligés de modifier les plans, nous sommes entièrement d'accord, nous avons vu des exemples, il y a des exemples pratiques, des exemples courants, qui se produisent dans ce domaine.

Mais, lorsqu'on voit, par exemple, les compagnies de téléphone ou l'Hydro-Québec retarder, parfois des années, certains travaux, est-ce que ça

voudrait dire que, pour ces gens-là, il y a des recours particuliers que les petites gens n'ont pas? Est-ce qu'il y a deux poids, deux mesures? Est-ce qu'il y a deux façons de procéder? Une façon avec ceux qui ont les moyens, une façon avec ceux qui n'ont pas les moyens?

C'est pourquoi nous exprimons ces voeux et nous disons que nous sommes inquiets parce que nous avons souscrit au principe de la Loi de l'évaluation foncière, bien qu'on nous ait présenté une loi réimprimée à la toute dernière minute. Nous avons souscrit encore pour le principe, pour qu'il y ait une bonne loi de l'expropriation dans la province de Québec, pour tâcher qu'il y ait des minimums de garantie à l'endroit des expropriés.

Mais, M. le Président, c'est normal que nous exigions à ce moment-ci un minimum de garanties à l'endroit de ces personnes, et nous comprenons mal l'obstination du gouvernement à ne pas vouloir tenir compte, d'aucune façon, des amendements proposés par les députés de l'Opposition. Tout à l'heure, le ministre des Transports nous rappelait les dispositions de l'article 49. Les dispositions de l'article 49 paragraphe 2 sont très claires, nous l'avons lu: "Le juge peut également, sur requête, autoriser la prise de possession par l'expropriant avant l'expiration du délai prévu au paragraphe a) de l'article 48 s'il y a pour l'expropriant une urgence telle que tout retard à la prise de possession entraînerait un préjudice considérable, si l'exproprié n'en souffre pas un préjudice irréparable, et si les autres conditions prévues au paragraphe b) de l'article 48 sont remplies".

Mais les deux ministres comprendront facilement qu'il y a une question d'interprétation là-dedans. Si on dit: II y a un préjudice considérable qu'entraînerait la prise de possession par des retards aux travaux...

M. le Président, il y a peut-être des situations qui peuvent être créées à un moment donné par oubli, par négligence.

Je ne veux pas accuser le gouvernement mais on retarde des projets pendant deux, trois, quatre ou cinq ans et à un moment donné on décide de les réaliser au bout de cinq ans, parce que les pressions sont telles que le gouvernement ne peut plus tenir, que c'est urgent. A ce moment-là, en vertu de l'article 49, pour les expropriés, c'est bien de valeur, mais le gouvernement a décidé d'agir parce que ça presse. C'est sur ces points-là que nous sommes inquiets et que nous nous interrogeons. C'est pourquoi je pense — j'en suis convaincu et c'est pourquoi je l'appuie — que la disposition de l'amendement proposé par l'honorable député de Maisonneuve, compte tenu du fait que l'autre amendement n'a pas été accepté tout à l'heure, nous paraît tout simplement logique et normale dans les circonstances.

M. PINARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre.

M. PINARD: ...si on me permet de faire une discussion à l'article 50, ça va faire la trilogie de 48, 49 et 50. Si je comprends bien, on est inquiet... Oui, non, on est allé à 49, tantôt.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je pense que c'est le ministre des Transports qui, le premier, nous a servi comme argument — j'ai des choses à lui répondre là-dessus — pour ne pas accepter notre proposition à l'article 48 les dispositions de l'article 49. Ecoutez, ne mêlons pas les cartes, on a déjà vu passer les trains nous autres aussi.

M. PINARD: Alors, je demande le vote sur l'amendement.

M. BURNS: M. le Président, c'est justement là-dessus, si vous ne voulez pas utiliser votre droit de parole, que j'ai à vous dire quelques mots. Je trouve absolument inconcevable l'attitude du ministre des Transports, qui nous dit: Je ne peux pas accepter votre proposition à l'article 48 parce qu'il y a l'article 49. Mais on y viendra, à l'article 49, on passera le pont quand on y arrivera. Bien oui, imaginez-vous donc, M. le ministre! Au lieu de parler à vos conseillers techniques et leur dire ce que vous pensez de ce que je suis en train de dire, écoutez donc ce que je suis en train de dire et vous allez peut-être, à un moment donné, vous dire que les députés de l'Opposition peuvent peut-être avoir de bonnes idées aussi. Au lieu d'essayer de vous défouler en disant pourquoi ça n'a pas de bon sens ce que je dis, écoutez donc ce que je dis.

Ce que je suis en train de vous dire, c'est que n'importe quel législateur sérieux prend les articles les uns après les autres. A l'article 48, il se dit: Cela a-t-il du sens, ce qu'on discute? S'il dit oui et qu'il s'aperçoit qu'à l'article 49 il devra y avoir des ajustements, on appelle cela de la concordance, M. le ministre. Il n'y a pas de doute que, si vous adoptez notre proposition, il faudra peut-être ajuster le texte de l'article 49; je n'ai jamais dit le contraire sauf que moi, dans ma proposition, je n'ai pas parlé de l'article 49. Je trouve inconcevable qu'un ministre nous soumette un projet de loi en nous disant: Veuillez me dire ce que vous pensez de ce projet de loi article par article et que, lors d'un article, il nous donne comme argument, pour ne pas adopter la proposition particulière sur l'article 48, un article postérieur qui n'est pas, lui, encore adopté. C'est cela que je dis qui n'est absolument pas acceptable.

Je n'accepterai jamais que le ministre me serve des arguments ultérieurs sinon pour fins de référence, lorsqu'on aurait une inquiétude. Qu'est-ce que l'article 49 dit? Le député de Beauce l'a très bien souligné, il soumet deux volets qui ne sont pas incompatibles avec la proposition qui nous est faite là. Vous avez d'abord, dans le premier alinéa, une possibilité à l'article 49 de proroger le délai de la prise de possession et, dans le deuxième alinéa, une possibilité de l'avancer, le délai; il n'y a rien de

chinois là-dedans, il n'y a rien de compliqué là-dedans et il n'y a rien d'inajustable avec notre proposition.

Je voudrais qu'on écarte ça tout de suite. Après cela, si, par hasard — imaginez-vous! — le gouvernement acceptait notre amendement qui est partagé actuellement par les trois partis d'Opposition, à ce moment-là il faudrait se pencher sur le nouveau texte de l'article 49, qu'il faudra refaire. Et ce n'est pas plus compliqué que cela, on fait cela à la journée longue. On fait des concordances, régulièrement. La proposition elle-même, qu'est-ce qu'elle dit? Ce n'est pas compliqué, cela non plus. La proposition ne demande pas de remuer mer et monde. Elle demande seulement — imaginez-vous donc, c'est rien que cela qu'on demande — que quelqu'un, quand on va lui prendre son bien par voie d'expropriation, on l'avertisse au moins 90 jours d'avance. Si, par hasard, il y a une contestation devant les tribunaux, qu'on attende que cette contestation sur le droit d'expropriation soit réglée. Ce n'est pas chinois, cela non plus, ce n'est pas compliqué, il n'y a rien d'incompréhensible là-dedans.

J'accepterais, malgré ces dispositions, qu'on ajuste l'article 49 en conséquence en disant: Si vraiment ce n'est pas possible, un tribunal — et c'est pour ça qu'on le met, c'est le premier volet à notre amendement — devra être saisi de l'affaire. S'il est déjà saisi du problème avant la prise de possession il pourra aussi décider s'il y a une extrême urgence, comme le dit le deuxième alinéa, puis proroger ce délai de 90 jours aussi, comme le suggère déjà le deuxième alinéa de l'article 49 disant que le délai d'un mois prévu à l'article 48 a) peut être prorogé. Cela non plus n'est pas compliqué. On fait juste s'assurer que le minimum d'empiètement sur les droits individuels des personnes sera fait. Qu'au moins on dise: On va au moins leur prouver qu'on fait attention pour ne pas leur marcher trop trop sur les pieds. Là, le ministre nous amène un argument fantastique, en l'occurrence, parce que si on regarde la grosse expropriation qui a été faite sous l'autorité du ministre actuel, soit l'autoroute est-ouest, ne me parlez pas d'efficacité, parce que je vais tomber raide mort.

Je sais bien que ça ferait plaisir à certains peut-être, là... Quels sont les commentaires?

M. BIENVENUE: Oui.

M. HOUDE (Fabre): Des promesses, des promesses.

M. BURNS: Elle est bonne.

M. le Président, si ma mémoire est fidèle, parlons-en de l'autoroute est-ouest, de l'efficacité. Ce projet a été annoncé à grands coups de publicité, sauf erreur, aux alentours de novembre 1970. C'était urgent. C'est un projet, soit dit en passant, d'expropriation de $105 millions. Cela en achète, un gros sac de "bonbons à la cenne" $105 millions. Ce n'est pas un petit projet. Où est-ce rendu actuellement? Trois ans plus tard, il y a encore des gens qui ne savent pas s'ils vont être expropriés sur le ou les parcours — ça aussi on ne le sait pas — de l'autoroute. On ne sait pas où il arrête, on ne sait pas quand il va arrêter, on ne sait pas quand il va continuer. Cela c'est presque trois ans après. On vous demande 90 jours, ce n'est pas compliqué. Cela empêche un gouvernement de fonctionner dans sa politique d'expropriation! C'est grave, ça! Vraiment les budgets vont être cul par-dessus tête! Moi, je vous dis que ces arguments ne tiennent vraiment pas et le ministre a besoin de nous donner de meilleurs arguments. Autrement, si son gouvernement vote contre l'amendement, il prendra la responsabilité de dire: Tout nous est permis en matière d'expropriation, tant dans le droit d'exproprier que dans les formes qu'on va utiliser. Cela est absolument inacceptable.

Dernier argument, M. le Président, que je trouve que le ministre devrait retenir, parce qu'autrement il n'y a pas de raison d'être ici ce soir et nous autres non plus on n'a pas de raison d'être ici ce soir. Il a pris la peine de nous soumettre un projet de loi qui s'appelle Loi de l'expropriation, projet de loi no 88. Cela a été déposé il y a quand même quelques mois à l'Assemblée nationale. Cela a été déposé sous une première forme et je me rappelle, parce que j'étais présent à cette commission, avoir entendu le ministre nous proposer son projet: C'est la réforme de l'expropriation. Bravo! mais profitons-en, ne faisons pas les choses à moitié quand on a une chance — même si c'est l'Opposition, imaginez-vous qui le propose, parce qu'on peut avoir des bonnes idées nous autres aussi parfois — profitons-en peut-être, dis-je, pour mettre la fine pointe à certains endroits.

Cela, contrairement à ce que le député de Charlevoix disait tantôt, ce n'est pas de l'idéalisme, ce sont des choses possibles. Que le ministre me dise qu'il n'est absolument pas possible d'imposer à l'expropriant un délai de 90 jours avant une prise de possession ou encore que la cause, si l'expropriation elle-même est contestée, soit réglée en laissant toujours — et je l'admets d'avance — le droit au tribunal d'accorder par voie de décision intérimaire le droit de prise de possession, lorsqu'il y a urgence, le fardeau de la preuve reposant alors sur l'expropriant, sur le corps public expropriant. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. On ne se réveille pas en disant: J'ai décidé d'exproprier et demain on prend possession. Si le gouvernement fonctionne ainsi, je suis très sérieusement inquiet puis on va y voir la prochaine fois qu'on va examiner les crédits du ministère des Transports; on va les examiner de près, pas mal plus près qu'on les a examinés. Il y a des choses qui seraient absolument inconcevables si simplement, selon les humeurs d'un ministre, d'un sous-ministre ou d'un conseiller quelconque, on décidait d'exproprier.

II n'y a personne qui est assez simple pour croire que c'est comme ça que cela se passe. Tout le monde sait que ce sont des choses qui, normalement, sont planifiées d'avance. Que, dans cette planification, on ajoute un délai et qu'on prévoie la possibilité d'une contestation. Qu'on mette aussi de notre côté les dispositions qui font que cela nous aidera d'avoir un projet où il y a urgence et que cela nous permettra peut-être de convaincre un juge de prendre possession immédiatement.

Dans le fond, ce qu'on dit par notre amendement et ce que les députés du Ralliement créditiste disaient tantôt par l'amendement des 70 p.c. à 100 p.c, c'est: Mettons donc toutes les chances du côté du corps expropriant pour convaincre les gens que cela ne se fait pas à la légère. Je vous dis que, même en acceptant ce que nous vous proposons, vous allez avoir de la difficulté à convaincre les expropriés que cela ne se fait pas selon les humeurs d'un ministre ou de quelque technocrate. Je sais bien qu'on va avoir de la difficulté, mais je dis: Mettons donc toutes les chances de notre bord.

Je vous en prie, M. le Président, ne nous sortez pas l'argument des dispositions postérieures du projet de loi; ne nous sortez pas les arguments d'urgence que votre propre projet de loi contredit actuellement. Nous vous disons qu'on est des gens raisonnables. On comprend qu'il y a des cas où il devrait y avoir urgence et où vous devriez avoir une ordonnance intérimaire d'un tribunal, mais que cela se fasse selon les règles. On n'en est pas encore au temps où les gens choisissaient leur femme à l'aide d'une massue. Je pense que c'est pas mal dépassé. C'est pour cela qu'on a cru bon de changer le projet de loi. Si on a cru bon de changer le projet de loi de l'expropriation, parce qu'il datait un peu, parce que peut-être, comment dirais-je, il manquait un peu trop de fini dans la façon de s'attaquer aux droits individuels, je dis: D'accord, profitons-en. Mais mettons-en le plus possible de fini dans la façon de s'attaquer aux droits individuels, parce que, dans le fond, ne nous le cachons pas, c'est toujours de cela qu'on discute dans ce projet de loi d'expropriation.

M. PINARD: II faut se souvenir que tous ceux qui ont été en faveur d'une réforme de l'expropriation l'ont été pour mettre fin aux régimes disparates en matière d'expropriation: disparités de procédures, disparités de traitements, disparités de délais. Il y avait à peu près 100 organismes qui pouvaient exproprier avec leurs propres lois constitutives. Alors, nous en sommes venus à une loi unique d'expropriation. C'est pourquoi c'est difficile aujourd'hui de concilier les intérêts de tous les corps expropriants, tout en préservant, de la façon qu'il le faut, les intérêts légitimes des expropriés. C'est la difficulté que nous avons et ce sont des contraintes qui, à mon avis, sont bien compréhensibles.

Après avoir écouté tous les députés de l'Opposition, qui se sont prononcés là-dessus, je pourrais, avec la permission du président et de l'Assemblée nationale, proposer une contrepro-position d'amendement pour arriver, en quelque sorte, à concilier la thèse défendue par le député de Maisonneuve et les intérêts des corps expropriants qui seront soumis à cette loi unique d'expropriation.

Je proposerais que l'article 48 se lise de la façon suivante:

UNE VOIX: On va voter sur le nôtre avant.

M. PINARD: Oui, si j'avais le consentement du proposeur de l'amendement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous consentez?

M. PINARD: Nous allons essayer de nous entendre.

M. BURNS: Lisez votre amendement avant; je vais voir si...

M. PINARD: Ne faisons pas de procédurite, s'il vous plaît.

M. BURNS: D'accord.

M. PINARD: Alors, je le soumets à titre d'hypothèse, si vous voulez, pour le moment. L'article 48 se lirait de la façon suivante: L'expropriant peut, à toute époque après la production de son offre, prendre possession des biens expropriés si : a) un délai de trois mois s'est écoulé depuis la signification à l'exproprié de l'avis d'expropriation ou, dans le cas de l'expropriation ou d'un démembrement du droit de propriété, un mois;

Alors, je pense qu'on arrive à concilier la thèse du député de Maisonneuve et celle que j'ai défendue jusqu'ici.

M. BURNS: Bien, je dois dire que le ministre fait un sérieux effort. Je suis obligé de le reconnaître.

Que faites-vous de l'aspect prohibitif d'utiliser ce droit s'il y a contestation de l'expropriation, quitte à vous dire d'avance qu'à l'article 49, j'accepte que, pour les cas urgents, on puisse s'adresser au tribunal?

M. PINARD: Je m'excuse d'avoir à devancer un petit peu la discussion mais il y aurait quand même les dispositions de l'article 49 qui vont s'appliquer pour le cas soulevé par le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Oui, sauf que l'article 49 est implicite, c'est-à-dire ce droit de l'expropriant d'agir de façon, disons, brutale, selon les règles. On se souvient, on a même eu un cas, ici,

l'année passée, où une ville nous demandait de devancer une décision de la cour Suprême. Tout le monde connaît le cas Dasken, à Hull. Et même l'Assemblée nationale a refusé, elle qui aurait pu précéder le jugement de la cour Suprême, par déférence pour une cour qui était saisie d'un problème, de se mêler de cela. Il me semble qu'on devrait au moins être conséquents dans nos gestes et dire: Si une cour, si un tribunal, en l'occurrence le Tribunal de l'expropriation, est saisi d'une demande d'expropriation, qu'on n'intervienne pas, qu'il n'y ait pas de prise de possession provisoire, pour changer les relations entre les parties, avant que le tribunal ne se soit prononcé. Et là, je dis à moins que — je suis obligé d'embarquer dans l'article 49 — mais je vous dis qu'il n'y a rien d'illogique dans cela. D n'y a rien d'illogique à dire: Si véritablement il y a des motifs graves, si véritablement il y a urgence, bravo! Le tribunal va l'accorder, à ce moment-là, si on lui donne ce droit à l'article 49, comme tout nous porte à croire qu'on va le lui donner, selon le deuxième alinéa.

Je pense que tout ce qu'on pose, comme principe, à l'article 48, c'est dans quel cadre une prise de possession se fait. Une des prohibitions, c'est qu'il n'y ait pas de cause pendante devant le tribunal, que l'affaire soit réglée ou qu'elle ait été rejetée, peu importe. Je pense que si on est au niveau des principes, il faut établir cela, quitte, après cela, à dire dans quel cas on peut écarter le principe. Je pense que cela me satisferait davantage si c'était incorporé à l'amendement du ministre. A ce moment-là, cela me ferait plaisir de retirer mon amendement.

M. PINARD: M. le Président, avec la connaissance que j'ai des dossiers d'expropriation au ministère de la Voirie, des Travaux Publics et des Transports, selon le cas, mais avec la connaissance également que j'ai des droits d'autres corps expropriants qui, aujourd'hui, tomberont sous cette loi unique de l'expropriation et qui conserveront quand même des droits d'expropriation à certaines conditions édictées par la loi, et comme je connais l'ensemble de ces pouvoirs, de ces devoirs d'exproprier dans l'intérêt public, je ne peux pas concilier toutes les demandes à la fois et en arriver quand même à cette situation idéale que voudrait obtenir le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Ce n'est pas nécessairement...

M. PINARD: C'est pour cela que j'ai dit que le plus loin où je puisse me rendre, c'est de proposer en contreproposition d'amendement ce que j'ai souligné tantôt.

M. BURNS: Je ne veux pas, M. le ministre, que vous alliez trop loin. Si c'est demander une situation idéale que de vous demander de faire de la bonne législation, je suis d'accord, je suis entièrement d'accord pour vous demander la situation idéale. Or, faire de la bonne législation, c'est poser des principes et, ensuite, les exceptions.

Et vous allez venir aux exceptions. Je m'excuse, M. le Président, mais je suis obligé d'anticiper. Le débat a été lancé de même par le ministre et je pense, en tout cas, que cela va peut-être faciliter la discussion à l'article 49 si on vide le problème tout de suite. Le deuxième alinéa dit: "Le juge peut également, sur requête, autoriser la prise de possession par l'expropriant avant l'expiration du délai prévu au paragraphe a) — que le ministre suggère de changer de trois mois ou un mois, selon les deux cas qu'il a mentionnés — de l'article 48 s'il y a pour l'expropriant une urgence telle que, etc". Vous posez l'exception au deuxième alinéa de l'article 49.

Moi, tout simplement, ce que je vous demande, c'est qu'à l'article 48, vous reconnaissiez la règle générale. Si on doit s'adresser — je pense que c'est un minimum de technique de législation — à un tribunal par requête, selon le deuxième alinéa de l'article 49 pour être autorisé à prendre possession pour l'expropriant.

Qu'on soit obligé de démontrer qu'il y a urgence, que tout retard à la prise de possession entraînerait un préjudice considérable. En somme, c'est un peu la mentalité qui préside au changement de situation temporaire entre les parties lors d'une requête pour injonction interlocutoire.

C'est la même pensée qui est derrière le deuxième alinéa. Qu'est-ce qui arrive? Quand un juge accorde une injonction au stade interlocutoire, il ne fait que créer une exception à la règle générale, c'est-à-dire que les parties, avant jugement final, doivent rester entre elles dans l'état où elles étaient au début des procédures, tant que le juge n'a pas tranché.

Ce que je vous demande, c'est de reconnaître ça, pas plus. Je vous demande juste de dire que la règle générale c'est qu'on ne change pas la situation des parties avant de prononcer le jugement. Et, s'il y a une exception, je suis d'accord qu'on la mette à l'article 49. Je ne vois pas comment je vous demande quelque chose de bien grave. Je vous demande juste de reconnaître le principe avant de poser l'exception.

C'est un peu comme si, M. le ministre, vous veniez me voir et vous me disiez: J'ai des solutions, as-tu des problèmes? J'ai l'impression que je me poserais de sérieuses questions à l'égard de votre équilibre. Mais c'est un peu ça qu'on fait.

On dit: II y a des exceptions, cherchez donc le principe maintenant. Moi, je vous dis: Posez-le le principe, je n'ai pas d'objection à ce qu'on mette les exceptions, et ça compléterait l'affaire. Moi, dans ces circonstances, je verrais très bien que je retire mon amendement et que...

M. PINARD: Je regrette, mais je ne peux pas

aller plus loin que ça, parce que ce serait en quelque sorte permettre la paralysie de la réalisation des programmes à caractère public. Comme ministre responsable d'un ministère qui a acquis une certaine expérience dans ce domaine, je ne peux pas souscrire à une pareille proposition d'amendement.

M. BURNS: Pourquoi? Vraiment, je ne comprends pas le ministre là-dessus.

M. PINARD: Dans ces circonstances, nous allons demander le vote sur la proposition d'amendement du député de Maisonneuve et nous allons nous en tenir à la rédaction de l'article 48, tel que rédigé.

M. BURNS: Non! ne vous choquez pas, je vous demande bien gentiment — je pense bien que je n'ai pas été chocatif...

M. PINARD: II n'est pas question de ne pas être gentil et d'être gentil. J'ai dit que je connais mes responsabilités, et par expérience je sais ce qui pourra survenir si on va plus loin, comme le veut le député de Maisonneuve.

C'est l'intérêt public qui doit primer. Je pense qu'en conscience j'ai donné les preuves d'avoir le plus souvent respecté l'intérêt public, mes fonctionnaires et moi-même, même si j'ai pu commettre personnellement des erreurs. Je ne peux pas aller plus loin que ça.

M. BURNS: Ce n'est pas vous qui êtes en discussion, c'est la loi. Je vous demande tout simplement pourquoi ce serait tellement extraordinaire de reconnaître un principe avant de lui mettre des exceptions. Vous vous apprêtez à mettre une exception...

M. PINARD: Je n'ai pas à répéter 50 fois la même chose. Nous allons passer au vote...

M. BURNS: Vous n'avez rien dit là.

M. PINARD: ... de la proposition d'amendement. Si elle est rejetée, elle sera rejetée, et tantôt nous arriverons à d'autres articles qui feront la preuve que les droits des expropriés et des expropriants sont protégés.

M. AUDET: M. le Président, juste quelques mots...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: ... pour dire que le ministre de toute façon, s'il veut réellement adopter ce projet de loi tel quel, à l'article 48, et on a fait mention de l'article 49, ça explique à toutes fins pratiques que le ministre de la Voirie maintient le fait que tout aussi bien qu'il avait le droit de prendre possession par un simple dépôt de plan, avec le deuxième alinéa de l'article 49, il se donne le même droit, parce qu'il dit qu'il pourra prendre possession avant l'expiration du délai prévu au paragraphe a) de l'article 48.

Cela veut dire que ça laisse tomber l'article 48. Il avait 30 jours, maintenant il va aller en deçà de 30 jours. Où ira-t-il? Cela veut dire que, sur dépôt de plan encore, il aura droit de prendre possession. Qu'il ne vienne pas nous dire qu'il a été bon garçon et qu'il a amélioré son affaire. Il est au même point qu'il était avant. L'exproprié sera aussi pénalisé qu'il l'était lorsque le ministère de la Voirie arrivait et disait: Moi,j'exproprie, je prends possession aujourd'hui. C'est cela que ça veut dire.

Je conviens qu'il veut faire à sa tête, mais qu'il ne vienne pas nous faire accroire qu'il est bon garçon.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Quels sont ceux qui sont en faveur de l'amendement?

M. BURNS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: ... je fais une dernière tentative. Je vais faire une tentative de conciliation vu que, ce soir, de façon exceptionnelle, mon vis-à-vis, c'est le ministre du Travail, lui qui est un conciliateur-né et que, souvent, j'accuse de mauvaises choses, comme d'aller éteindre des feux.

M. COURNOYER: Un pompier.

M. BURNS: Je vais faire une tentative de conciliation. Est-ce que le ministre pourrait m'écouter puisque ça va être très bref? Vu qu'il semble très peu probable, en tout cas, que la loi soit adoptée ce soir en troisième lecture, je vous fais la suggestion que les articles 48 et 49, qui sont peut-être deux articles qui doivent être examinés ensemble, soient suspendus, quitte à ce qu'en dehors de la Chambre, avant qu'on y revienne la prochaine fois, nous tentions — les trois partis de l'Opposition — de trouver, de part et d'autre, une formule qui plairait au ministre. Ecoutez! ne donnez pas la réponse à vos fonctionnaires. Donnez-la-moi; c'est moi qui vous fais une proposition. Je vous dis, tout simplement: Au lieu de se buter à refuser toute forme d'amendement, il y aurait peut-être lieu de réexaminer la rédaction. C'est peut-être ça, dans le fond, qui accroche chez le ministre dans mes suggestions; c'est peut-être une formule de rédaction. Si tel est le cas, il n'y a pas de péril en la demeure, votre loi ne sera pas adoptée avant demain; je vous l'assure, de toute façon, M. le ministre.

M. PAUL: On attend toujours la réponse du ministre.

M. PINARD: On discute entre nous pour voir quelles sont les conséquences sur le plan pratique.

M. PAUL: Si vous discutez, très bien! Nous invitons le ministre à reconsidérer toute l'argumentation qui a été offerte ce soir. Mais si, chez lui, la décision est déjà prise, irrévocablement, de rejeter l'amendement proposé par le député de Maisonneuve, ça ne sert à rien de reporter l'article à demain. On est mieux d'en disposer. Sauf que si le ministre reste prêt à considérer une formule de compromis qui puisse rencontrer les objectifs du député de Maisonneuve et les implications et les restrictions bien comprises de la part du ministre en raison de ses responsabilités, nous ne mettrons pas d'objection à suspendre l'article.

M. PINARD: Je pense qu'il y a un moyen d'entente.

J'ai essayé de faire comprendre tantôt au député de Maisonneuve que j'aurais une contre-proposition d'amendement en tenant pour acquis que peut-être il retirerait sa propre proposition d'amendement ou que nous en disposerions par un vote et que par la suite je reviendrais avec ma proposition d'amendement pour en arriver au délai de trois mois, comme je l'ai souligné tantôt.

M. BURNS: Ecoutez, M. le Président, pour montrer que je ne suis pas ici pour faire perdre le temps du ministre puis le temps précieux de la Chambre puis des fonctionnaires là-dessus, je pense que j'ai fait valoir mon point. J'espère que les autres députés de l'Opposition ont fait valoir leur point là-dessus. Je suis prêt à retirer mon amendement, avec le consentement des députés, parce que je pense que ça prend le consentement, ça ne m'appartient plus cet amendement.

En ce qui me concerne je suis prêt à le retirer.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Est-ce que l'amendement du député de Maisonneuve est retiré, est accepté?

M. AUDET: II va le falloir.

M. PAUL: Bien, c'est-à-dire qu'il ne peut pas le retirer, puis l'accepter.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Retiré. Je pose la question: Est-ce que c'est accepté?

M. BURNS: Ah! Est-ce qu'on accepte que je le retire, c'est ça.

M. PINARD: M. le Président, j'aimerais pro- poser un amendement à l'article 48. Pour une meilleure compréhension, je vais lire l'article 48 tel qu'il est rédigé et quand j'arriverai à l'alinéa a), je vais proposer l'amendement. "L'expropriant peut, à toute époque après la production de son offre, prendre possession des biens expropriés si: a) un délai de trois mois s'est écoulé depuis la signification à l'exproprié de l'avis d'expropriation ou, dans le cas de l'expropriation d'un démembrement du droit de propriété, un mois;"

Est-ce que vous voulez que je vous le lise, M. le Président, pour...

M. BURNS: C'est la proposition que vous avez faite tantôt, ça?

M. PINARD: C'est ça, oui. M. BURNS: Puis le principe?

M. CHARRON: Fourre-le toi dans le derrière.

M. PINARD: Est-ce que M. le président veut faire lecture de l'amendement?

M. BURNS: Le ministre n'a pas le goût d'aller juste un petit peu plus loin?

M. PINARD: Malheureusement, à cause des raisons que j'ai invoquées tantôt, je ne peux pas aller plus loin.

M. BURNS: Justement, je vous dis ça sans méchanceté, sans nuance péjorative.

M. PINARD: Ah je sais bien que ce n'est pas sans...

M. BURNS: Je trouve que justement vous n'avez pas invoqué tantôt de raisons, sinon des politiques vagues de votre ministère, des problèmes que vous avez allégué que ça causait, mais vous ne les avez pas décrits.

M. PINARD: M. le Président, il faut, pour argumenter de la façon dont le fait actuellement le député de Maisonneuve, ne pas se souvenir des exposés qui nous ont été faits lors des travaux de la commission parlementaire...

M. BURNS: Au contraire, je m'en souviens très bien.

M. PINARD: ... parce que c'est à partir de là que nous avons travaillé avec un instrument de travail qui s'appelait le bill 88 tel que proposé dans sa version originale.

Mais, par la suite, après avoir écouté ceux qui sont venus donner leur point de vue, aussi bien du côté des expropriés que du côté des expropriants, on en est venu à rédiger des amendements pour concilier justement les intérêts des uns et des autres...

M. BURNS: Au contraire.

M. PINARD: ... pour faire une loi unique d'expropriation, et nous pourrons soumettre tous les corps expropriants à cette même loi unique mais pour concilier les intérêts primordiaux des expropriants et des expropriés.

M. BURNS: M. le Président, juste une chose en terminant. Je sais bien qu'on ne fera pas long feu avec cela, mais je vous dis tout simplement qu'au contraire, c'est parce que je me souviens trop bien d'une série d'arguments qui tournaient autour du grand principe de dire: Ecoutez, vous faites une nouvelle loi, profitez-en pour être clairs, profitez-en pour établir ouvertement quels sont les droits de l'exproprié et quels sont les droits de l'expropriant. C'est uniquement dans ce sens-là que j'ai fait ces suggestions.

Je sais fort bien que, même si j'avais décidé de laisser ma motion là, le ministre, avec sa majorité, a décidé de la battre, alors, pour le moment, j'accepte comme un gain très infime et très minime son amendement. Je regrette, je dois dire que je regrette qu'on n'ait pas été juste un peu plus loin.

M. PINARD: M. le Président, adopté, article 48.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'amendement va se lire comme ceci: "a) un délai de trois mois s'est écoulé depuis la signification à l'exproprié de l'avis d'expropriation ou, dans le cas de l'expropriation d'un démembrement du droit de propriété, un mois". L'article 48 est adopté tel qu'amendé? Adopté. Article 49.

M. PAUL: M. le Président, à l'article 49, le ministre peut-il nous dire pourquoi cette différence entre la première et la deuxième version? Alors que la première version parlait d'une requête adressée au tribunal, la deuxième version nous parle d'une requête adressée au juge de la cour Supérieure. Quelle justification le ministre peut-il nous apporter pour changer le texte de la première version?

M. PINARD: C'est parce qu'il s'agit, M. le Président, non pas de l'établissement d'une indemnité à être payée mais du droit d'être mis en possession préalable, ou qu'il s'agit purement et simplement du droit de propriété. C'est pour cela que la requête doit être faite en vertu de l'article 49 par requête à la cour Supérieure.

M. PAUL: Mais au tribunal, cela voulait dire la même chose. Il restait nécessairement le tribunal de la cour Supérieure.

M. PINARD: Sur le plan des expropriations, les juristes qui sont à mes côtés vont s'occuper de l'indemnité, tandis que le tribunal de la cour

Supérieure va s'occuper du droit à la mise en possession préalable et du droit de propriété.

M. PAUL: Le ministre m'apporte une distinction pour laquelle je le remercie.

M. BURNS: M. le Président, ce serait aussi simple que le ministre nous dise que c'est un problème constitutionnel. Il n'a pas le droit d'enlever de juridiction à la cour Supérieure; c'est cela le problème, je pense.

M. PINARD: Je suis bien d'accord pour dire qu'il y a un aspect constitutionnel à ce problème. Article 49, adopté?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Article 49, adopté. Article 50.

M. BURNS: M. le Président, à l'article 49, il serait encore temps de reconnaître, dans le deuxième alinéa, que la prise de possession ne peut pas avoir lieu si le tribunal ne le permet pas. La forme avec laquelle on fait l'exposé, au deuxième alinéa, le juge peut également, sur requête, autoriser la prise de possession, mais nulle part ailleurs, dans la loi, on n'a dit que ce n'était pas permis quand il y avait contestation. Ce serait peut-être le bon moment de le mettre, si ça gênait le ministre de le mettre à l'article 48 tantôt.

Je ne fais pas de proposition précise, mais je trouve que c'est le même principe qui était discuté tantôt; cela dépend peut-être de la formulation.

C'est un peu dans ce sens que j'offrais au ministre, tantôt, de suspendre la discussion des articles 48 et 49. C'est peut-être là qu'on pourrait l'insérer.

M. AUDET: M. le Président, je crois qu'il serait juste et raisonnable d'accepter au moins ça, de donner la chance au coureur, à l'exproprié et de dire au moins "s'il ne conteste pas".

M. PINARD: M. le Président, honnêtement, je pense que cela revient au même, parce que, dans le cas où l'exproprié conteste, le délai qui peut lui être accordé par la cour peut aller jusqu'à dix mois, c'est-à-dire un mois, plus les neuf mois mentionnés à l'article 49, premier paragraphe. Dans le cas de l'expropriant qui invoque l'urgence à exproprier, il faut qu'il ait quand même de bons motifs. C'est le tribunal qui va juger de la validité et de la légitimité de ces motifs. Alors, le juge peut raccourcir, mais il peut ne pas raccourcir aussi le délai.

M. BURNS: Il devrait se sentir obligé d'imposer le fardeau de la preuve, n'est-ce pas, à l'expropriant de façon claire? C'est ça qui n'est pas clair dans votre projet de loi.

M. PINARD: Au paragraphe 2, il me paraît assez clair que le fardeau de la preuve repose sur

l'expropriant qui doit faire la requête qui doit être appréciée au plan du sérieux, au plan de la légitimité et de la validité par le juge du tribunal.

M. BURNS: M. le ministre, on s'en reparlera dans quelques années, quand on aura vu quelques décisions dans ce domaine.

M. PINARD: Moi, je pense que cela me parait suffisant. Alors, j'en demande l'adoption tel que rédigé. Adopté?

M. PAUL: M. le Président, le ministre, dans cet amendement, a tenu compte des recommandations de la Chambre de commerce de Montréal et du Barreau en inscrivant les raisons graves ou "motifs graves" au paragraphe premier de l'article 49, qui se lit comme ceci: "Le délai de prise de possession prévu au premier alinéa de l'article 48 peut être prorogé par un juge de la cour Supérieure, sur requête, pour des motifs graves". Pourquoi le ministre ne retient-il pas la même nécessité de motifs graves au deuxième paragraphe? Le juge peut également, pour des motifs graves, sur requête, autoriser la prise de possession par l'expropriant avant l'expiration du délai, etc. Pourquoi ne pas garder également cette condition de motifs graves dans les deux cas, dans les deux paragraphes?

M. PINARD: Je pense bien que, dans le cas des responsabilités qui incombent au ministre ou au ministère, il ne s'agit pas tellement de gravité que d'urgence à procéder. Alors, c'est ce que le tribunal va juger sur la présentation de la requête de la part de l'expropriant. Il faudra, quand même, que ce soit établi de façon sérieuse devant le tribunal avant que le juge ne rende son ordonnance faisant droit à la requête. Maintenant, si vous allez un peu plus loin dans le paragraphe, vous retrouvez les mots "si l'exproprié n'en souffre pas un préjudice irréparable". Alors, c'est tout comme si le législateur avait écrit préjudice grave.

M. PAUL: Le ministre répond que la preuve devra être tellement forte que...

M. PINARD: ... cela peut avoir la signification de la gravité.

M. PAUL: Oui. La preuve à offrir devra être tellement forte qu'il n'est pas nécessaire de l'invoquer dans le texte pour permettre au tribunal d'accepter, ou d'acquiescer, ou de refuser cette requête. C'est cela qu'apporte, comme explication, le ministre. Je ne lui en fais pas le reproche, je trouve que cela a du bon sens.

Vous ne pouvez pas vous imaginer qu'on est constamment à l'affût pour saisir notre proie. On préviendra le ministre quand on sera pour le saisir.

M. PINARD: Adopté, M. le Président? M. PAUL: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Article 49, adopté. Article 50?

M. PINARD: Vous voyez tout de suite le souci du législateur de protéger l'exploitant agricole. Alors, c'est pourquoi — c'est du droit nouveau — le législateur a voulu inscrire, à l'article 50, le paragraphe 2, pour permettre non seulement le paiement d'une indemnité provisionnelle, dans le cas d'une exploitation agricole, d'un commerce ou d'une industrie, mais la possibilité que ce soit fixé sommairement par le tribunal, sur requête qui peut être présentée par l'expropriant ou par l'exproprié et qui doit être entendue d'urgence.

Alors, je pense que toutes les garanties sont données par le législateur dans cet article 50 pour couvrir les cas qu'on a discutés tantôt, dans le cas de l'exploitant agricole, dans le cas du propriétaire d'un commerce ou d'une industrie qui pourraient subir des préjudices graves si de pareilles précautions n'étaient pas prises par le législateur à l'article 50.

Je pense que c'est facile à imaginer quels sont les cas qui peuvent être prévus. C'est un changement énorme par rapport au régime qu'on a connu sous l'empire de l'ancienne loi.

M. PAUL: M. le Président, aussi entre la première version et la deuxième. Dans la deuxième version, le ministre tient compte des fonds de commerce et d'industrie, ce qui ne semblait pas avoir été retenu dans la première version. Les mémoires du Barreau et de la chambre de commerce ont attiré l'attention du ministre là-dessus.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté, l'article 50?

M. PAUL: Adopté. M. PINARD: Adopté.

M. BURNS: Bien, est-ce que vous attendiez une réponse?

M. PAUL: Non, non.

M. BURNS: Dans l'esprit du ministre et de ses légistes, le mot "comprend", dans le premier paragraphe, relativement aux locataires et occupants de bonne foi, laisse entendre que ce n'est pas, évidemment, limitatif. Est-ce cela?

M. PINARD: Ce n'est pas limitatif, c'est ça. M. BURNS: D'accord. Adopté.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté. Article 51?

M. PINARD: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté. Article 52? Adopté.

M. PAUL: Un instant, un instant. Non, non, je réfléchis pour le moment, ce qui n'est pas la marque de distinction des députés de l'autre côté. Adopté, M. le Président, quant à moi.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Adopté. Article 53?

M. PINARD: II n'y a pas de changement, M. le Président, adopté. Un instant.

M. PAUL: A l'article 53, dans la première version, nous avions l'emploi du terme "provisionnelle": "Peut déposer au greffe de la cour Supérieure le montant de l'indemnité provisionnelle". On ne l'a pas dans ce texte-ci.

M. PINARD: Je pense qu'il s'agit de l'indemnité finale.

M. PAUL: Non, non. On est toujours au même article, l'article 53.

M. PINARD: L'article 53, oui.

M. PAUL: A la deuxième ligne, en haut de la page 12.

M. PINARD: Oui. Il s'agit de l'indemnité finale, non pas de l'indemnité provisionnelle.

M. PAUL: "Lorsque le bien exproprié est grevé de droits réels enregistrés, l'expropriant peut déposer au greffe de la cour Supérieure le montant de l'indemnité..." C'est l'indemnité provisionnelle.

M. PINARD: Non, il s'agit de l'indemnité finale, tandis que l'indemnité provisionnelle est mentionnée à l'article 48 b).

M. PAUL: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Article 53, adopté? Adopté. Article 54.

M. PAUL: M. le Président, à la lecture de l'article 54, ce n'est que dans le cas de désistement partiel que le tribunal indemnisera, fixera le montant de l'indemnité auquel l'exproprié a droit. S'il n'y a pas de désistement partiel, il n'a pas droit à l'indemnité?

M. PINARD: Est-ce que le député de Maskinongé pourrait aller un petit peu plus loin dans l'élaboration de sa pensée et me dire quelle signification sa préoccupation peut avoir?

M.PAUL: Au paragraphe 2 de l'article 54: "Au cas de désistement partiel, le tribunal fixe le montant de l'indemnité auquel l'exproprié a droit en tenant compte du désistement et accorde des dommages, s'il y a lieu, pour la partie dont l'expropriant s'est désisté." S'il n'y a pas de désistement partiel, le tribunal ne fixe pas l'indemnité? Qu'est-ce qui arrive, à ce moment-là?

M. PINARD: D'après l'interprétation que nous en donnons et que les juristes en donnent, il y aurait effectivement indemnité.

M. PAUL: II règle l'indemnité. M. PINARD: Indemnisation.

M. PAUL: Au total. Et c'est à ce momen-là qu'un jugement d'homologation peut intervenir.

M. AUDET: ... M. le Président.

M. PAUL: Oui mais l'accessoire sur le principal.

M. PINARD: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Kennedy): Article 55.

M. PINARD: II s'agit encore, M. le Président, du problème de la mise en possession au cas de refus de l'exproprié de permettre à l'expropriant de prendre possession du bien exproprié. L'expropriant présente une requête devant le tribunal pour se faire mettre en possession. En cour Supérieure, pardon.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Article 55, adopté?

M. PAUL: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté. Article 56.

M. PINARD: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté. Article 57.

M. AUDET: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Ici à l'article 57, je proposerais un amendement. "L'article 57 est modifié en ajoutant les deux alinéas suivants: De plus, une indemnité dite de dommages moraux égale à 5 p.c. de la totalité de l'indemnité devra être ajoutée à l'indemnité globale." Et enfin: "Le tribunal pourra accorder une indemnité pour dommages qui résultent indirectement d'une expropriation à une personne qui lui ferait la preuve de tels dommages."

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député d'Abitibi-Ouest propose que l'article 57 soit modifié en ajoutant les deux alinéas suivants: "De plus, une indemnité dite de dommages moraux égale à 5 p.c. de la totalité devra être ajoutée à l'indemnité globale." Enfin: "Le tribunal pourra accorder une indemnité pour dommages qui résultent indirectement d'une expropriation à une personne qui lui ferait la preuve de tels dommages."

M. AUDET: Nous proposons cet amendement parce que nous croyons que parmi les personnes qui se voient expropriées il y a toutes sortes de gens, des personnes âgées, des personnes plus jeunes ou moins jeunes. Cela n'agit pas toujours de la même façon sur le moral des gens. On voit dans certains cas des vieillards déracinés de leur foyer et transplantés ailleurs, imaginez-vous.

Je crois que même si on peut sourire à l'occasion, dans certains cas, ça ne doit pas être drôle de se faire déraciner, d'être obligé de partir de chez soi, où on a passé sa vie entière. Ils se voient transplantés ailleurs.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais lire une autre fois lentement votre proposition d'amendement avant de vous donner la parole.

M. PINARD: Si vous me le permettez, vous êtes en train de faire l'étude de l'amendement?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai une certaine réticence à accepter l'amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest, parce qu'il dit "de plus, une indemnité de 5 p.c. pour dommages moraux", ce qui vraiment implique un déboursé d'argent.

M. AUDET: M. le Président...

M.PAUL: Si vous me le permettez, je vais différer quelque peu d'opinion avec vous.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai dit que j'avais une certaine réticence; je voudrais avoir des éclaircissements.

M. PAUL: Oui, disons qu'à ce moment-là je vais essayer de vous orienter dans l'appréciation du texte de cet amendement. Je comprends que vous avez la conscience torturée par les dispositions de l'article 64 de notre règlement où il est dit qu'une motion ne peut être présentée que par un représentant du gouvernement, après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'elle a pour objet direct l'imposition d'une charge additionnelle". Mais il ne faut pas oublier une chose, c'est que nous ne légiférons pas exclusivement pour régler des problèmes d'expropriation de voirie ou du ministère des Transports. C'est une loi-cadre de l'expropriation.

D'autant plus que le juge aura toujours cette liberté d'accorder ou de refuser les dommages moraux. Ce serait différent si c'était un genre de clause pénale qu'on ajoutait à l'indemnité d'expropriation. Mais ce n'est pas par le fait qu'un individu aurait droit à une indemnité d'expropriation que le juge devra, chaque fois, la lui accorder. Du moins ça ne semble pas être l'interprétation que je donne à la proposition d'amendement du député d'Abitibi-Ouest. Il y aura possibilité pour le juge d'accorder de tels dommages moraux, mais le juge ne sera pas nécessairement dans l'obligation d'en accorder. Il pourra toujours exiger que la preuve soit faite de certains dommages moraux résultant pour l'exproprié d'une procédure d'expropriation ou d'un déracinement, d'un déportement, appelez-ça comme vous voudrez. Le député d'Abitibi-Ouest employait, tout à l'heure, l'expression "qui sont déracinés" de leur milieu, spécialement les vieillards. Encore là, le tout devrait être laissé à l'appréciation du tribunal.

Quant à moi, j'aimerais mieux, pour rencontrer l'esprit de l'amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest, qu'à la quatrième ligne on emploie le terme "pourra être ajouté à l'indemnité globale" plutôt que "devra être ajouté à l'indemnité globale", ce qui donnerait beaucoup plus de liberté au juge d'apprécier et surtout d'exiger la preuve de certains dommages moraux.

Maintenant, reste à savoir si nous allons accepter le principe de l'indemnité pour dommages moraux. C'est là qu'est le problème.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): En fait, s'il y a un consentement unanime pour changer le mot "devra" pour "pourra", je vais accepter l'amendement, mais si le mot "devra" demeure je ne l'accepterai pas, parce que c'est une indemnité automatique et non pas décidée par le tribunal.

M. AUDET: Nous acceptons, M. le Président, le changement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): "Pourra", parfait. Le député...

M. BURNS: D'accord.

M. MAILLOUX: Le député de Maskinongé a invoqué un article de notre règlement qui dit qu'un membre de l'Opposition n'a pas le droit, évidemment, de proposer un "money bill", une dépense de fonds publics, mais il demeure que si, à l'intérieur de tous les expropriants possibles, il y a également le ministère de la Voirie ou un autre ministère du gouvernement qui est visé par l'amendement proposé par le député d'Abitibi-Ouest, à ce moment-là ça devient un "money bill", même si le ministère de la Voirie n'était qu'un des expropriants possibles.

M.PAUL: M. le Président, je signalerai au ministre d'Etat à la Voirie que le député d'Abitibi-Ouest a amendé le texte de sa proposition. Il a remplacé le mot "devra" par le mot "pourra." Je rejoindrais l'opinion exprimée par le ministre d'Etat si le député d'Abitibi-Ouest s'en était tenu au mot qu'il avait employé originairement, c'est-à-dire "devra", mais puisqu'il assouplit ou permet une interprétation judiciaire de ces dommages moraux, je crois qu'il y a moins de risques d'adopter ce texte d'amendement parce qu'en aucune façon cette charge ne lie le gouvernement. Ce qui arrive assez souvent, en pratique, c'est que nos juges tiennent compte, par exemple, du fait qu'un individu a droit à certains dommages moraux, des douleurs et souffrances, par exemple. Ils n'en tiendront pas compte beaucoup dans l'adjudication d'un montant spécifique pour l'article douleurs et souffrances, mais ils vont peut-être augmenter de $300, $400 ou $500 le montant d'incapacité partielle ou permanente auquel le demandeur peut avoir droit.

Je pense bien que l'emploi du terme "pourra" plutôt que "devra", à mon humble point de vue, devrait calmer l'inquiétude du président et du ministre d'Etat à la Voirie.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, mon collègue d'Abitibi-Ouest a accepté de modifier le premier alinéa de son amendement, qui est en tout point conforme avec l'esprit qui nous avait guidés dans la rédaction de nos amendements, compte tenu du fait que vous remarquerez que dans le deuxième alinéa il est bien dit qu'enfin le tribunal "pourra"... Nous voulons remercier notre collègue, le député de Maskinongé, d'avoir bien voulu apporter cette correction qui respecte très bien l'esprit qui nous a animés.

Si nous avons proposé ces deux alinéas, je dirai que c'est pour des raisons bien particulières. En ce qui a trait au premier, il est temps qu'il y ait des dispositions dans nos lois de l'expropriation pour prévoir des mécanismes en vue d'accorder des bénéfices additionnels, face à des dommages moraux.

Je pense qu'il y a beaucoup de personnes expropriées, surtout les petites gens, qui ont eu à subir de tels dommages sans avoir aucun recours possible parce qu'il n'y avait aucune disposition dans les lois de l'expropriation concernant ce fait.

Au deuxième paragraphe, je demanderais à l'honorable ministre des Transports de porter une attention particulière au cas que nous allons lui signaler. Je vais citer un exemple, prenons le cas de l'expropriation qui a découlé de l'aménagement de l'aéroport de Sainte-Schop.c. lastique. Il y a des personnes qui ont été expropriées, qui ont dû déménager; d'autres personnes, qui ne faisaient pas partie du territoire exproprié, à la limite même, avaient des commerces qui étaient rentables parce qu'il y avait une population sur place qui faisait affaires à ces endroits. Je parle de la région de Sainte-Scholastique, entre autres; on pourrait trouver le même phénomène dans la région du parc de la Gaspésie, on pourrait trouver le même phénomène ailleurs.

Je pense qu'il est temps qu'on se penche sur les cas de personnes qui ne sont pas expropriées mais qui, parce qu'on exproprie une grande partie de la population de l'endroit, qu'on les envoie vivre ailleurs, demeurent seuls avec leur commerce, sans clientèle et sans aucune possibilité de recours pour être en mesure de bénéficier de dédommagements. Je pense que c'est très important et c'est pourquoi nous avons voulu, lors de l'étude de cette présente loi et à l'article 57 particulièrement, puisque c'est l'endroit pour placer ces deux alinéas, qu'on prévoie justement des dispositions pour les deux cas que je viens de vous mentionner.

Il est quand même extrêmement déplorable de voir qu'il y a des gens qui, à un moment donné — je reviens encore sur la question de l'aéroport de Sainte-Scholastique — ont à peu près tout perdu ce qu'ils avaient, des commerces dont la valeur marchande, dont la valeur commerciale, le goodwill comme on l'appelle, est tombé pratiquement à zéro et les possibilités de vendre cesdits commerces sont devenues complètement nulles parce qu'il n'y avait aucune rentabilité.

Je pense que cela a été une omission dans les lois précédentes, une omission que le gouvernement se doit de corriger à ce moment-ci, compte tenu du fait que cette loi de l'expropriation constitue une loi-cadre, une loi que le gouvernement adopte pour un bon bout de temps. Je demanderais donc à l'honorable ministre d'examiner ces deux amendements, c'est-à-dire cet amendement à l'article 57 concernant ces deux alinéas, de bien examiner la question et de prendre les dispositions pour adopter ces deux alinéas pour tâcher que la loi respecte ces points et tienne compte des faits que nous avons mentionnés.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Transports.

M. PINARD: Si on me permet de dire un mot là-dessus, c'est que l'article actuellement en discussion reproduit presque textuellement le premier paragraphe de l'article 780 du code de procédure civile. C'est l'économie de notre loi et qui a été jugée à maintes reprises par les tribunaux. Les tribunaux n'ont jamais reconnu le droit de l'exproprié à se faire indemniser pour les dommages indirects. On se souvient qu'à une certaine époque il y avait 10 p.c. qui étaient payables pour troubles et inconvénients, mais un moment donné la cause a été portée en cour Suprême. Celle-ci a jugé que les 10 p.c. ne devaient pas être payés à titre de dommages indirects ou même pour troubles et inconvé-

nients puisque l'indemnité avait été établie pour payer tous les dommages directs dont la preuve avait été faite. Alors, depuis ce jugement de la cour Suprême, les cours s'en sont toujours tenues à la fixation de l'indemnité pour les dommages directs causés à l'exproprié.

M. AUDET: II faut dire, M. le Président, que dans les lois d'expropriation de la province d'Ontario et du Canada on prévoit l'indemnisation pour dommages indirectes, le Canada et l'Ontario.

M. PINARD: II faut admettre que, dans le cas de relocalisation, la loi fédérale permet la fixation d'une indemnité; ce serait le cas pour les expropriés dans le territoire de Sainte-Scholastique. Dans la loi de l'Ontario c'est vrai qu'il existe cette notion d'indemnisation dans le cas de l"'injurious affection." Cela n'existe pas dans le droit français et dans l'économie de notre droit au Québec, notre loi qui s'inspire du droit français, du code Napoléon, du code civil.

M. PAUL: Dans le dernier jugement de la Régie des services publics dans la cause de la cité de Hull contre Mme Micheline Breton, il y a toute une philosophie dangereuse. J'en ai longuement parlé, en deuxième lecture.

M. PINARD: Enfin, ce n'est pas parce que le vice-président de la Régie des services publics aurait élaboré longuement sur cette notion que sa prétention serait retenue par un tribunal d'appel, par exemple.

M. PAUL: Non, non! c'est parce que le ministre dit qu'on n'en tient pas compte ici. Je voulais tout simplement attirer son attention sur le fait que la Régie des services publics a commencé à en tenir compte. Est-ce une indemnité bien fondée ou pas en droit? Je ne l'ai pas analysée sous cet angle-là dans mon discours de deuxième lecture. J'ai tout simplement cité d'abondance le jugement de la Régie des services publics.

M. PINARD: Alors, je pense qu'il serait très dangereux de mettre dans un texte de loi la possibilité d'indemnisation d'un dommage indirect, qu'il est presque impossible de définir tant il pourrait y avoir de catégories. Ce n'est presque pas appréciable.

M. AUDET: Le juge pourrait en disposer, le juge est là pour ça. S'il juge qu'il y a un dommage indirect, d'après la preuve apportée par l'exproprié, je crois que si c'était mentionné dans le bill, il pourrait en bénéficier.

M. PINARD: Laissons la responsabilité aux juges d'en faire état dans leurs jugements...

M. BURNS: II est minuit, Dr Schweitzer.

M. PINARD: ... s'ils le désirent, quitte à ce qu'il y ait des appels de leurs décisions. Mais je ne suis pas prêt à mettre dans le texte du projet de loi un article spécifique pour couvrir ces dommages indirects dont les catégories peuvent être indéfinies et presque indéfinissables.

M. ROY (Beauce): II est minuit, M. le Président.

M. PINARD: Alors, adopté. M. ROY (Beauce): Non, non! M. BURNS: Non! M. ROY (Beauce): Un instant.

M. BURNS: Je n'ai pas parlé là-dessus encore.

M. PINARD: Je pensais que le député de Maisonneuve...

M. ROY (Beauce): II est minuit, M. le Président.

M. PINARD: ... était impatient de voir cet article adopté.

M. BURNS: Je n'ai pas parlé. Oui, je ne vous blâme pas d'être impatient. C'est votre article central.

M. PINARD: Non, non!

M. BURNS: Bien oui! mais on a des choses à dire là-dessus quand même.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur l'amendement?

M. BURNS: Sur l'amendement et sur l'article aussi. Je ne me risquerai pas d'en parler à minuit parce que...

UNE VOIX: II est minuit.

M. BURNS: ... je violerais le règlement.

M. LEVESQUE: Vous pourriez prolonger le...

M. PAUL: On a prolongé d'une demi-heure, aujourd'hui.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. PAUL: On a prolongé d'une demi-heure, aujourd'hui.

M. LEVESQUE: C'est vrai. M. PAUL: Bon!

M. ROY (Beauce): Minuit, c'est assez.

M. BURNS: Je suis bien prêt à vous donner une autre demi-heure, en ce qui me concerne, demain.

M. LAURIN: Le ministre connaît notre vitalité.

M. BURNS: On est même prêt à vous donner, d'avance, en ce qui vous concerne, je ne parle pas pour les autres partis, une demi-heure, de la même façon, demain.

M. LESSARD: Minuit.

M. LEVESQUE: Demain?

M. BURNS: Demain.

M. LESSARD: On négociera demain.

M. BURNS: Mais pas ce soir.

M. LAMONTAGNE (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière étudiant le projet de loi no 88 n'a pas fini de délibérer et demande la permission de siéger à nouveau.

LE PRESIDENT: Elle siégera?

M. PAUL : Le ministre va-t-il se risquer à nous donner un peu un avant-goût de notre travail d'aujourd'hui?

M. VINCENT: Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui?

M. LOUBIER: Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, M. le leader?

M. PAUL: D'abord, vous êtes au courant que les deux commissions parlementaires ont terminé?

M. LEVESQUE: On serait prêt à continuer immédiatement.

M. LOUBIER: Non, c'était hier, cela. M. PAUL: C'était hier, cela.

M. LEVESQUE: Aujourd'hui, on pourrait passer une heure ensemble, immédiatement.

M. BURNS: Est-ce une proposition?

M. LOUBIER: Une proposition dangereuse.

M. PAUL: Les invitations à minuit, là!

M. LEVESQUE: M. le Président, demain matin, à dix heures, nous reprendrons les travaux de la Chambre. Nous pourrons, ensuite, avoir quelques minutes avec la commission parlementaire des affaires municipales, parce qu'il reste deux projets de loi à revoir pour certains détails. En Chambre, nous pourrons entreprendre l'étude des projets de loi suivants: projet de loi no 29, Loi accordant des subventions aux municipalités de 25,000 habitants ou plus; projet de loi no 31, Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics; projet de loi no 23, Loi constituant la Société Inter-Port de Québec; projet de loi no 2, Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires, projet de loi no 275, Loi modifiant la loi de la Législature; projet de loi no 85, Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux juridicaires; projet de loi no 63, Loi du Conseil du statut de la femme. Nous pourrons également continuer l'étude du projet de loi no 88, Loi de l'expropriation.

M. PAUL: Mais tout ça est sujet à changement?

M. LEVESQUE: Vous l'avez deviné.

M. VINCENT: Si on terminait ça, par hasard?

M. LEVESQUE: Et tout ce qu'il y a au feuilleton. Et le tout sujet à changement.

M. PAUL: Pour rejoindre l'opinion du ministre, l'information qu'il vient de nous donner, tout ce qu'il y a sur le feuilleton, est-ce l'intention du ministre d'appeler demain la deuxième lecture du projet de loi 153, Loi concernant la municipalité de la paroisse de Saint-Raphaël-de-1'Ile-Bizard?

M. LEVESQUE: Cela peut paraître bizarre au leader parlementaire de l'Opposition officielle, mais il n'est pas impossible que nous traitions également de ce sujet.

M. PAUL: Très bien, on va se préparer.

LE PRESIDENT: Après les travaux que vous avez annoncés?

M. LEVESQUE: Oui.

M.PAUL: ... et on va décider d'ajourner à minuit?

M. LEVESQUE: Après, avant ou pendant.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à ce matin dix heures.

(Fin de la séance à 0 h 5)

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