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Version finale

30e législature, 1re session
(22 novembre 1973 au 22 décembre 1973)

Le mardi 4 décembre 1973 - Vol. 14 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures sept minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

DEPOT DE DOCUMENTS Conférence fédérale-provinciale

M. VEILLEUX: J'ai l'honneur de déposer une copie de la déclaration du ministre des Communications, M. Jean-Paul L'Allier, lors de la première conférence fédérale-provinciale des ministres des Communications tenue à Ottawa, les 29 et 30 novembre dernier, de même qu'une copie d'une pochette distribuée à cette occasion contenant notamment un document intitulé Le Québec maître d'oeuvre de la politique des communications sur son territoire.

LE PRESIDENT: Questions orales des députés.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS DES DEPUTES Vérificateur général

M. MORIN: M. le Président, j'aurais une question destinée au ministre des Finances, concernant le rapport du vérificateur général du Québec, qui a été rendu public la semaine dernière. A la suite des révélations qui sont contenues dans ce rapport, en particulier en ce qui concerne l'abus des mandats spéciaux, le ministre a-t-il l'intention de donner suite à une importante recommandation du vérificateur à l'effet de convoquer les commissions permanentes chargées de l'étude des crédits des ministères pour étudier ces nouveaux crédits octroyés par mandats spéciaux? A-t-il l'intention, en particulier, d'appliquer cette recommandation, le cas échéant, au cours de la période d'ajournement de Noël?

M. GARNEAU: M. le Président, je dois d'abord vous dire que le rapport du vérificateur général, dont j'ai pris connaissance récemment, est extrêmement intéressant. Il s'agit du premier document qu'il ait présenté dans le cadre de ses nouvelles attributions.

C'est un rapport qui va être extrêmement précieux non seulement pour l'équipe ministérielle, mais, je dirais, peut-être davantage pour les administrateurs des ministères parce que plusieurs recommandations, qui sont faites de bonne foi et sont techniquement valables, pourront être mises en application plus facilement avec la pression morale des recommandations du vérificateur.

Pour ce qui est, maintenant, des mandats spéciaux, il faudrait apporter des amendements à la Loi de l'administration financière. Je ne suis pas en mesure, présentement, de dire si le conseil des ministres acceptera de présenter ces amendements et, s'il l'acceptait, à quel moment il pourrait le faire. Chose certaine, c'est que, dans le cadre des crédits des ministères du gouvernement, les commissions parlementaires sont habituellement réunies et, dans un premier temps, le débat est ouvert sur l'ensemble des activités du ministère, de telle sorte que les mandats spéciaux, qui ont été demandés par les ministres responsables de chacun des ministères, pourraient faire l'objet de discussions à ces commissions parlementaires sans qu'il soit nécessaire de réunir, de façon spécifique, chacune des commissions au moment de la reprise des travaux. Donc, avant de prendre une décision, je veux analyser l'ensemble du problème et faire une recommandation, que je jugerai utile, au conseil des ministres qui prendra la décision.

M. CLOUTIER : Une très bonne réponse.

M. MORIN: Question supplémentaire, M. le Président, toujours au ministre des Finances et toujours au sujet de ce rapport du vérificateur général. Compte tenu du fait que ce rapport a été remis avec huit mois de retard au ministre — ce rapport, je le souligne au président, a été soumis au mois d'août 1973, au lieu de décembre 1972 — et qu'il révèle, tout de même, de graves irrégularités qui auraient été commises pendant l'année financière 1971/72, est-ce que le ministre a envisagé des mesures précises — je sais que, la semaine dernière, il a donné une réponse tout à fait générale à une question qui lui a été posée à ce sujet — pour corriger ces délais qui rendent passablement inopérante la surveillance des finances publiques par l'Assemblée nationale, surtout qu'en l'occurrence il s'agit de sommes atteignant $64 millions.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition mêle deux choses. S'il veut se référer aux recommandations du vérificateur général, je pense qu'il est tout à fait normal que, dans une administration publique de $5 milliards, avec la décentralisation que l'on connaît, il y ait des choses qu'il faille continuellement améliorer.

Le rapport est pour l'année financière 1972, comme vous l'avez mentionné, au 31 mars1972, et plusieurs des éléments qui sont soûle-

vés dans ce rapport ont fait l'objet de discussions au niveau de l'administration depuis ce temps. Il faudra donc vérifier — c'est ce que j'ai demandé au contrôleur des finances — lesquelles des recommandations ont été corrigées déjà et lesquelles pourraient l'être.

Il y a un certain nombre de points sur lesquels le vérificateur a droit à son opinion mais d'autres experts comptables ont aussi droit à leur opinion et cela devient une question d'interprétation pratique. C'est notre intention, d'ailleurs, de soulever certains de ces points que j'appellerais plutôt de nature théorique, non pas pour engager un débat ou une polémique avec le vérificateur mais pour faire valoir les points de vue différents, du côté des autres experts comptables qui travaillent au niveau de l'administration.

Pour ce qui est maintenant du deuxième aspect du commentaire du chef de l'Opposition, en ce qui a trait aux mandats spéciaux, je pense que j'ai donné l'indication, tout à l'heure, de l'attitude que j'entendais prendre là-dessus.

M. MORIN: Une question additionnelle, compte tenu de ce que vient de dire le ministre, M. le Président. Est-ce que le ministre a l'intention de convoquer, avant l'ajournement de Noël, la commission des comptes publics, des finances et du revenu, pour étudier le rapport qui nous a été soumis et discuter avec le vérificateur des causes et aussi des moyens de remédier à la situation qu'il décrit dans son rapport?

M. GARNEAU: M. le Président, j'avais oublié de répondre, tout à l'heure, à un aspect de la question du chef de l'Opposition. Pour ce qui est du délai du dépôt du rapport, ses collègues pourront lui mentionner qu'au cours de la session dernière, j'avais déposé ici, à l'Assemblée nationale, une lettre du vérificateur m'indi-quant qu'il ne serait pas capable de respecter les délais que lui prescrit la loi, compte tenu du fait que c'était la première année que cette vérification se faisait et devait nécessiter l'implantation d'un système qui avait été un peu plus long que prévu.

La semaine dernière, j'ai dit, en réponse à une question du député de Beauce, je crois, que le vérificateur m'avait assuré que le rapport pour l'exercice financier terminé le 31 mars 1973 serait vraisemblablement disponible vers la fin d'avril, parce que la loi dit — je parle de mémoire — qu'il doit être déposé à l'Assemblée nationale avant le 31 décembre si celle-ci siège à cette date, sinon dans les quinze jours qui suivent la reprise des travaux parlementaires.

Evidemment, je ne peux pas vous dire autre chose que ce que le vérificateur m'a dit, à l'effet que, cette année, il serait sans doute disponible pour être déposé quelques semaines seulement après le dépôt des compte publics.

M. MORIN: M. le Président, j'ai posé une question précise en ce qui concerne les comptes publics, dont nous avons eu le rapport la semaine dernière. Est-ce que le ministre va ou non convoquer la commission avant Noël?

M. GARNEAU: J'ai répondu à cette question la semaine dernière. Je réfère le chef de l'Opposition au journal des Débats.

M. MORIN: C'est non, si je comprends bien.

M. GARNEAU: J'ai répondu, alors si vous avez écouté vous avez entendu.

M. BURNS: Non, vous n'avez pas répondu. Répondez donc!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. ROY: Question additionnelle sur le même sujet. J'aimerais que le ministre des Finances nous dise de façon bien précise si c'est son intention, oui ou non, de convoquer la commission parlementaire des comptes publics, parce que le ministre fait référence...

LE PRESIDENT: A l'ordre! M. ROY: M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plait! A l'ordre! Si je me rappelle bien, cette question avait été posée la semaine dernière par l'honorable député de Beauce-Sud. Le ministre, à ma souvenance, aurait répondu. Je ne sais pas s'il a répondu d'une manière satisfaisante ou non.

M. MORIN: Ce que nous avons pu tirer de l'interprétation, c'est que c'était non, mais nous voudrions que ce soit clair. Est-ce que c'est oui ou non?

M. GARNEAU: Je croyais le chef de l'Opposition plus vif intellectuellement. J'ai répondu d'une façon assez claire et assez précise que d'ici la fin de la session — il nous reste quinze jours, peut-être trois semaines au maximum d'ici l'ajournement de Noël — des travaux parlementaires sont inscrits à l'ordre du jour et il y en a d'autres qui le seront. Il s'agit d'avoir le temps disponible. J'ai bien mentionné que l'ordre des travaux de la Chambre était fixé par le leader parlementaire à la réunion des leaders.

Deuxièmement, que le rapport du vérificateur général dont on vient de prendre connaissance était un rapport pour l'année financière terminée le 31 mars 1972 et qu'il convenait peut-être — c'était là une suggestion que je faisais pour la réflexion des députés de cette Chambre— d'attendre le rapport se terminant au 31 mars 1973, de telle sorte que les deux documents pourraient être déférés pour étude à la commission parlementaire des comptes publics à la reprise des travaux au début de 1974.

Je trouve tout à fait précise cette réponse que j'ai donnée la semaine dernière et que je répète pour la mémoire du chef de l'Opposition.

M. BURNS: Dernière question additionnelle, M. le Président.

M. ROY: Si vous permettez, M. le Président, à la suite de la question additionnelle que j'ai posée...

M. BURNS: D'accord.

M. ROY: ... lorsque j'ai posé cette question la semaine dernière, le rapport du vérificateur n'était pas déposé. Depuis, le rapport a été déposé avec les recommandations que l'on connaît. Cela change complètement la nature de la question et c'est pourquoi j'aimerais savoir du ministre, moi, s'il ne peut pas convoquer la commission parlementaire d'ici la fin de nos travaux pour l'ajournement des Fêtes. Est-ce qu'il peut nous garantir que la commission siégera avant la reprise d'une nouvelle session qui devra avoir lieu normalement vers la fin de février 1974, de façon que nous puissions, avant l'étude des nouveaux crédits du ministère des Finances et du nouveau budget du gouvernement, examiner, regarder et scruter à la loupe toutes ces recommandations pour être en mesure de juger — comme nous devons le faire — parce que le vérificateur général est responsable devant la Chambre et non pas devant le ministère?

Est-ce que le ministre peut me donner l'assurance qu'au moins la commission parlementaire sera convoquée avant le début d'une nouvelle session?

M. GARNEAU: J'ai répondu tout à l'heure que les convocations de commissions étaient déterminées par le leader parlementaire à la conférence des leaders, la plupart du temps, et c'est à eux qu'appartient cette prise de décision.

Quant à moi, je peux vous dire que je suis extrêmement surpris de constater que le député de Beauce, comme le chef de l'Opposition, sera en mesure de discuter demain, par exemple, le rapport du vérificateur général. C'est un document que j'ai pu parcourir en fin de semaine, qui nécessite certainement, de ma part, beaucoup plus qu'une journée d'analyse avant que je sois en mesure d'en discuter logiquement avec le vérificateur à une réunion d'une commission parlementaire. Peut-être que je suis sous-doué sur le plan administratif, mais je doute que les distingués membres des oppositions soient en mesure de discuter d'une façon éclairée et intelligente ce document à aussi brève échéance.

M. BURNS: Une question additionnelle, et dernière, M. le Président. Que ce soit bien clair pour le ministre des Finances qu'on lui demande simplement ceci: on ne lui demande pas de régler des problèmes qui peuvent exister entre le député de Bonaventure et le député de Maisonneuve à une conférence de leaders; on lui demande tout simplement: Est-ce que, les travaux de la Chambre le permettant, il est de l'intention du gouvernement de faire siéger la commission des comptes publics relativement au rapport du vérificateur général? C'est rien que cela qu'on lui demande, un oui ou un non; c'est pas compliqué.

M. GARNEAU: Cela fait assez de fois que je réponds; je réponds la même chose depuis le début.

M. BURNS: Non, M. le Président, j'invoque une question de privilège.

M. BOURASSA: Je peux répondre au député.

M. BURNS: Une question de privilège, M. le Président.

LE PRESIDENT: Quelle est votre question de privilège?

M. BURNS: Ma question de privilège, c'est que, depuis tantôt, comme leader de l'Opposition, on m'implique dans une chose dans laquelle je n'ai rien à faire, c'est-à-dire...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... relativement aux travaux de la Chambre. Bien sûr, le député de Bonaventure va me consulter relativement aux travaux de la Chambre, je l'admets. Mais ça n'a strictement rien à faire avec la question qu'on pose actuellement. Dans ce sens, je trouve qu'on brime non seulement mes privilèges, mais les privilèges des autres députés de la Chambre, lorsqu'on pose une question bien claire sur une politique gouvernementale...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: ... à savoir...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS:... quelle est l'intention...

LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! A l'ordre, s'il vous plait! Je vous ai permis d'établir la question de privilège sur l'implication que le ministre des Finances vous donnait dans les travaux de la Chambre, mais ça devait s'arrêter là, par contre.

M. GARNEAU: M. le Président, je comprends mal l'attitude des gens de l'Opposition. Depuis le début, je dis qu'on n'a aucune objection à ce que la commission des comptes publics siège, au contraire. Pour nous, le rapport du vérificateur...

DES VOIX: Quand?

M. GARNEAU: Je ne peux vous dire: demain ou après-demain. Si je vous disais demain et que d'autre chose était prévu à l'ordre du jour des travaux de la Chambre, je ne serais pas en mesure de respecter mon engagement. Alors, en termes de principe, il n'y a certainement pas d'objection à ce que siège la commission des comptes publics. Je l'ai dit je ne sais combien de fois.

M. BURNS: Cela commence à être plus clair, ça.

M. GARNEAU: Mais vous venez tout juste de comprendre; je pense que j'avais raison tout à 'heure. Pour moi...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GARNEAU: ... la vivacité de l'intelligence du chef de l'Opposition...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GARNEAU: ... n'est pas aussi grande que celle que sa réputation lui donnait.

M. BURNS: En ce qui nous concerne, M. le Président...

LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. BURNS: ... je donne d'avance mon acceptation au gouvernement de la faire siéger n'importe quand, le plus tôt possible, n'importe quand.

LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

Conférence fédérale-provinciale sur les communications

M. CHARRON: M. le Président, je déplore vivement l'absence du ministre des Communications, parce que je serai obligé de me contenter des réponses du premier ministre. Je vais donc lui poser une première question. Au sujet du mémoire qui a été déposé à une autre conférence fédérale-provinciale, la semaine dernière, je voudrais demander si dans l'esprit du cabinet, qui a probablement accepté ce document, on fixait un délai quant aux discussions dans lesquelles le ministre fédéral des Communications tente de noyer le poisson actuellement.

Est-ce que les positions affirmées dans le document sont également assorties d'un délai quant aux réponses que nous devons avoir du gouvernement fédéral ou si — et là le premier ministre sera parfaitement libre de me répondre — on recommence pour une autre période de quatre ans la ronde du taponnage fédéral-provincial?

M. BOURASSA: M. le Président, en parlant de taponnage, je pourrais renvoyer le député de Saint-Jacques à ce qu'a dit M. André Larocque, le chef de cabinet du député de Maisonneuve, dans la Presse d'aujourd'hui.

M. BURNS: Est-ce qu'il y a des gens chez vous qui ont cette liberté de s'exprimer?

M. BOURASSA: Mais, est-ce que M. Larocque parlait au nom du député de Maisonneuve quand il traitait le chef du Parti québécois d'effronté?

M. MORIN: La question, M. le Président!

LE PRESIDENT: A l'ordre!

Est-ce que je pourrais inviter l'honorable premier ministre à revenir à la question du député de Saint-Jacques?

M. BURNS: J'ai quasiment le goût d'invoquer une question de privilège, parce qu'on m'attaque directement et c'est justement ce que je disais au premier ministre. Je n'ai pas à dicter, contrairement à ce qu'il fait lui, l'idéologie de mes employés. C'est la grosse différence entre le Parti libéral et le Parti québécois.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Vous lirez l'article dans la Presse d'aujourd'hui.

M. BURNS: Je l'ai très bien lu. Je l'ai très bien lu, merci.

M. BOURASSA: C'est édifiant. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Oui. Pour répondre à la question du député de Saint-Jacques, il n'y a pas eu de délai précis de fixé.

M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président. Le premier ministre est-il en mesure de m'expliquer pourquoi son ministre des Communications, à la conférence fédérale-provinciale, n'a pas revendiqué, comme le ministre des Communications de la Colombie-Britannique, la complète juridiction intérieure sur la société Bell Canada fonctionnant sur le territoire du Québec?

M. BOURASSA: M. le Président, je ne sais pas si le député a lu tout le mémoire. Quand même dans le domaine des communications, pour ce qui a trait à l'aspect culturel, il y avait des demandes très claires du Québec. Quant à la situation de Bell Canada, le député est fort au courant que la situation existant au Québec est différente de celle de la Colombie-Britannique.

Cela n'empêche pas des négociations sur cette question-là avec la compagnie elle-même et avec le gouvernement fédéral, éventuellement.

M. CHARRON: Dernière question additionnelle, M. le Président. Puis-je demander au ministre, au premier ministre également, pourquoi, dans le mémoire présenté par le gouvernement du Québec dans sa philosophie de séparatisme culturel dans une dépendance économique, on n'a pas revendiqué également la possibilité d'émettre par Radio-Québec, les ondes publiques comme la société Radio-Canada, plutôt que se contenter de demander un siège au conseil d'administration d'une société anglo-fédérale?

M. LEVESQUE: Il y a eu un débat sur cela.

M. BOURASSA: Le député de Saint-Jacques fait des jeux de mots sur la souveraineté culturelle. Il devrait lire la Presse d'hier: Souveraineté culturelle, Lévesque appuie Bourassa. C'est une autre division au sein du parti, M. le Président.

M. CHARRON: C'est parce que nous sommes certains que cela, comme ailleurs, vous ne le ferez pas.

LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Beauce-Sud.

Taxe sur les carburants

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable premier ministre. J'espère que l'honorable premier ministre me répondra parce qu'il s'agit de l'intérêt public. Est-ce que le ministre a l'intention de donner suite aux propos qu'il a tenus à l'effet qu'il songerait à réduire les taxes sur les carburants de façon à compenser, pour le consommateur, les hausses excessives des prix exigées par les compagnies pétrolières?

M. BOURASSA: J'ai dit qu'il fallait quand même que le Québec obtienne du gouvernement fédéral les moyens de financement à cette fin-là, puisque c'est M. Macdonald qui a fait cette proposition. S'il veut concrétiser cette proposition, il pourrait donner aux provinces les moyens de financement pour l'appliquer.

M. ROY: Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il a eu des entretiens avec son homologue fédéral ou s'il a entrepris des pourparlers à ce sujet de façon à demander, à exiger une compensation du gouvernement fédéral? Est-ce que des entretiens ou des pourparlers ont eu lieu à ce jour?

M. BOURASSA: Nous avons continuelle- ment des entretiens avec le gouvernement fédéral pour ce qui a trait à un transfert de ressources pour les provinces, étant donné que nous avons un taux de croissance de revenu qui est inférieur et que, surtout, nous avons à tenir compte des problèmes financiers des municipalités, notamment de la Communauté urbaine et de la ville de Montréal.

Donc, il n'y en a pas eu sur cette question-là très précise puisque la suggestion a été faite ces jours-ci, mais il y en a continuellement sur l'ensemble du transfert de ressources.

M. ROY: Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il a l'intention d'avoir des entretiens, des pourparlers, de faire des demandes précises au cours des prochains jours? Est-ce qu'il pourrait me dire également s'il a étudié cette question avec son collègue le ministre du Revenu de son cabinet?

M.BOURASSA: Je ne sais pas si c'est tellement compliqué pour le député de Beauce-Sud puisqu'il s'agit tout simplement...

M. ROY: ... compliqué.

M. BOURASSA: ... de faire un calcul de ce que comporte une baisse de la taxe sur la gazoline et il s'agit d'obtenir les ressources en conséquence.

M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président.

M. ROY: Question supplémentaire à l'honorable premier ministre, M. le Président.

LE PRESIDENT: Dernière.

M. ROY: Est-ce que le premier ministre prévoit faire des demandes précises en ce sens et avoir des entretiens avec son homologue du fédéral sur cette question particulière, pas sur l'ensemble, mais sur la question qui touche présentement le Québec plus particulièrement, la question de la crise de l'énergie?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Richesses naturelles a dit, la semaine dernière, qu'il rencontrerait ces jours-ci M. Macdonald. Il va lui en parler.

M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Dans l'optique d'une pénurie de pétrole et de la nécessité du développement du transport en commun, est-ce que le premier ministre, en collaboration avec le ministre du Revenu, aurait aussi étudié la possibilité d'exempter les commissions de transport en commun des nombreuses taxes qu'elles doivent payer sur le carburant, l'immatriculation, etc., en vue justement de développer le transport en commun, plutôt que laisser aux individus le soin de se transporter eux-mêmes?

M. BOURASSA: II y a différents moyens, M. le Président. Actuellement, nous examinons le déficit, notamment, de la Commission de transport de la communauté urbaine de Montréal, déficit relativement élevé, qui est de $18 millions, je crois. Si nous diminuons les impôts nous allons tout simplement réduire les subventions par la suite. Alors, il y a différents moyens de faire face aux questions financières des commissions de transport.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Village olympique

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Sur la base du dossier actuel, de la situation aujourd'hui, le premier ministre peut-il nous dire, simplement par oui ou non, s'il a l'intention de s'opposer à la construction d'un village permanent sur le terrain du parc Viau? Oui ou non.

M. BOURASSA: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que les membres du parti de l'Opposition se remontent le moral avec...

M. LEGER : Je ne veux pas avoir une réponse en cassette, c'est oui ou non.

M. BOURASSA: C'est le chef du cabinet du député de Maisonneuve qui parlait des cassettes du Parti québécois.

M. BURNS: Vous les avez apprises par coeur.

M. BOURASSA: On en a pour quelques jours. Le ministre des Affaires municipales a répondu à cette question dans sa réponse sur le discours inaugural.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Comme je n'ai eu ni un oui ni un non, comme d'habitude, est-ce que le premier ministre a discuté avec son ministre des Affaires municipales de l'utilisation possible de l'article 53 e) de la Loi sur les biens culturels, sur les arrondissements naturels ou bien de l'article 23 de la Loi de la protection de l'environnement, concernant la protection des sols, pour empêcher immédiatement l'érection d'un village permanent au parc Viau? Je peux lui citer la loi, c'est une possibilité qu'il pourrait utiliser.

M. BOURASSA: Non, M. le Président.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le premier ministre a l'intention de déposer incessamment une loi spéciale pour interdire d'office la construction d'un village permanent sur le terrain du parc

Viau dans le sens des lois spéciales comme Mirabel et Gaspé?

M. BOURASSA: Je crois que le député est au courant des implications financières des différentes formules. Ce n'est pas l'intention du gouvernement, à ce jour, du moins ceci n'a pas été soumis par le ministre des Affaires municipales à une réunion du conseil des ministres. Il n'y a pas eu, de la part du ministre des Affaires municipales, demande d'une loi spéciale sur cette question.

M. LEGER: Une dernière question supplémentaire, M. le Président.

Qu'est-ce que le premier ministre va faire pour appuyer son ministre des Affaires municipales? Est-ce qu'il le laisse tomber, oui ou non?

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le député de Lafontaine a lu la réponse que lui a faite le ministre des Affaires municipales, très claire, très convaincante...

M. LEGER: Elle n'était pas très convaincante, mais très claire.

M. BOURASSA: ... et qui parlait au nom de tout le gouvernement?

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Traversiers Québec-Lévis

M. BEDARD (Chicoutimi): Ma question s'adresse au ministre des Transports. Est-ce que le ministre peut expliquer à la population les raisons qui font que le service de traversiers Québec-Lévis sera interrompu pour le mois de décembre, après un service de plus en plus ralenti dans les derniers mois? Le ministre considère-t-il qu'il existe une mauvaise administration à la Société des traversiers Québec-Lévis?

M. MAILLOUX: M. le Président, quelques jours après les élections, j'ai été averti par le président de la Société des traversiers Québec-Lévis qu'effectivement le constructeur du quai, du côté ouest, à Québec même, était en retard dans la livraison de quelques semaines. J'ai, à ce moment-là, donné ordre qu'un service d'autobus soit organisé afin que ne soient pas pénalisés les gens qui ont à traverser de la rive sud à la rive nord du Saint-Laurent au mois de décembre.

Je sais que les premières discussions nous ont obligés à modifier notre décision et à discuter non pas avec les autorités d'un service d'autobus de la rive sud du Saint-Laurent, mais avec celles d'un autre service. Mais je veux croire que le service, qui sera offert aux usagers durant la

période de Noël, sera suffisant afin que personne ne soit pénalisé. J'ajoute que la compagnie qui oeuvre sur la rive nord du Saint-Laurent a quand même à son contrat une pénalité prévue à cet effet et, si le quai de Québec n'est pas livré à temps, les pénalités seront exigées de la compagnie.

M. BEDARD (Chicoutimi): Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre peut expliquer le fait que, malgré ces déficits d'opération, malgré le pouvoir que lui donne sa charte, la Société des traversiers Québec-Lévis n'a pas commencé à faire des voyages de plaisance, tel que cela avait été recommandé?

M. MAILLOUX: M. le Président, il serait difficile de répondre à une question en quelques mots. Je pense que toutes les sociétés qui oeuvrent dans le transport maritime rencontrent des difficultés assez variées. Comme le rapport de la Société des traversiers Québec-Lévis sera déposé prochainement, il appartiendra, à ce moment, au député de Chicoutimi de poser les questions pertinentes.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Lait nature

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et concerne — il me semble que je l'ai vu tantôt — la demande de la Fédération des producteurs de lait nature à la Régie des marchés agricoles d'augmenter de $0.40 les cent livres le lait nature. Etant donné que la demande doit être jugée demain par la Régie des marchés agricoles et étant donné aussi que le gouvernement fédéral accorde une subvention de $0.05 la pinte, à une certaine condition, c'est-à-dire pour autant que les prix des produits sont gelés, est-ce que le ministre a négocié avec le gouvernement fédéral pour avoir la certitude que, même si la Régie des marchés agricoles accorde l'augmentation des prix, il y aura, en même temps, subvention de $0.05 la pinte du gouvernement fédéral? Est-ce qu'il y a eu négociation avec le gouvernement fédéral à ce sujet et est-ce que le ministre a eu une réponse positive?

M. TOUPIN: M. le Président, je ne sais pas si la régie prendra sa décision demain ou après-demain. Je n'en ai pas d'idée. Mais les négociations se font, effectivement, aujourd'hui. Il reste qu'on ne peut pas appeler cela des négociations; on appelle cela des contacts permanents avec le ministère fédéral, pour une raison très simple, c'est que c'était une politique fédérale et nous avons, au Québec, évidemment, pour en faire bénéficier les consommateurs, agi les premiers dans le pays.

Il est prévu, dans l'entente, qu'il est possible pour l'une ou l'autre des parties, en tout temps, je pense, de renégocier cette entente.

Donc, aujourd'hui, je pense que le sous-ministre était à Ottawa avec un des représentants de la régie — ou, si ce n'est pas aujourd'hui, c'était hier— pour s'enquérir de l'état actuel de la situation. Une fois que la régie aura pris sa décision, je serai plus en mesure de répondre à la deuxième question, à savoir si on va demander au fédéral de continuer à verser les $0.05 ou si les $0.05 seront versés aux producteurs, c'est-à-dire les transférer du consommateur au producteur.

M. LESSARD: M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que cela veut dire qu'actuellement, dans ces consultations éternellement permanentes entre le fédéral et le provincial, il n'y a pas eu de décision concernant la subvention de $0.05 la pinte du gouvernement fédéral aux producteurs de lait nature?

M. TOUPIN: Comme je vous le disais tantôt, la décision vient de la Régie des marchés agricoles du Québec. Donc, je ne peux pas, personnellement, vous dire ce que sera le résultat des rencontres avec le gouvernement fédéral tant et aussi longtemps que la régie n'aura pas pris sa décision. Si la régie décide de ne pas toucher au prix des producteurs, c'est clair, il n'y a plus rien à faire. Si elle décide d'y toucher, elle va y toucher je ne sais dans quelle proportion, $0.02, $0.03, $0.04 les cent livres. Je ne le sais pas. Il faut que j'attende que la régie prenne sa décision. Si elle la prenait demain, eh bien après-demain ou vendredi je serais en mesure de répondre mais, pour le moment, ce n'est pas possible.

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question...

LE PRESIDENT: Dernière question. L'honorable député de Beauce-Sud.

Officiers d'élection

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable premier ministre et, croyez-le ou non, je ne lui demande pas une réponse aujourd'hui. Il pourra me répondre demain.

Le premier ministre est-il au courant que les officiers d'élection n'auraient pas encore été payés? Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire également s'il est au courant que le rapport aurait été soumis et approuvé par le président général des élections et que le tout serait bloqué au Conseil du trésor depuis le 11 octobre? Est-ce que le premier ministre pourrait prendre avis de cette question et nous répondre demain?

M. BOURASSA: M. le Président, cela me parait plus sérieux que son 1.25 million d'appels téléphoniques auxquels il se référait durant la campagne électorale. On va lui répondre demain.

M. ROY: Si vous voulez que je vous parle du 1.25 million d'appels téléphoniques, on pourrait faire un petit débat là-dessus, M. le Président. Mais je n'ai pas parlé des appels téléphoniques pour vous faciliter la tâche.

M. LESSARD: Les comptes publics, les comptes publics. Cela fait un an qu'on les demande.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Avant de passer aux affaires du jour, je donnerai la parole à l'honorable ministre des Transports, sur une question de privilège.

Question de privilège

M. Raymond Mailloux

Article de journal

M. MAILLOUX: M. le Président, j'ai invoqué l'article 49 en raison d'une publication qui a fait la manchette du quotidien La Presse le 30 novembre dernier.

Le responsable de cet article serait le journaliste Réal Bercier, à qui mon collègue de Laprairie et moi-même avions accordé une entrevue précédemment.

Je précise, M. le Président, que cette réunion a été enregistrée. Il est inconcevable qu'une telle déformation de nos réponses ait été involontaire. On ne retrouvera aucune affirmation de notre part à l'effet que Québec veut imposer un rationnement obligatoire mais plutôt le souci que doit avoir un gouvernement sérieux d'inventorier les mesures à prendre suivant les réductions des approvisionnements.

Il n'est pas non plus donné comme réponse que le gouvernement s'apprêtait à ralentir le programme des travaux publics mais une allusion aux effets que pourrait entraîner, sur les chantiers, un manque d'approvisionnement.

Je proteste énergiquement contre l'affirmation à l'effet que, à titre de ministre des Transports, je m'apprêtais à consentir des hausses substantielles de tarifs de transport au cours des prochaines semaines alors qu'il fut fait mention des demandes d'augmentation que recevait la Commission des transports. J'ai mis en doute les résultats escomptés des mesures volontaires annoncées par le fédéral, mais je ne me rappelle pas avoir employé l'expression "insignifiantes et ridicules". Que mon collègue et moi-même ayons dit que le cabinet avait l'obligation d'apporter une attention particulière à ce problème ne permet pas d'avancer: "Durant l'entretien, M. Mailloux a indiqué que la plupart de ces mesures avaient été discutées lors de la réunion du conseil des ministres tenue mercredi matin et d'une réunion des chefs des ministères à vocation économique."

M. le Président, le conseil des ministres n'a pas siégé mercredi matin, et je ne sache pas que les chefs des ministères à vocation économique aient siégé, ou je ne le savais pas, et rien de tel ne fut avancé dans notre conversation. Qu'à titre de ministre des Transports et des Travaux publics j'aie le souci de prendre toutes les informations qui permettraient éventuellement des recommandations pour une économie de quantité impressionnable dont ces ministères ont besoin n'indique pas que mes propos et gestes contrastent avec ceux de mon collègue, M. Massé, dont d'ailleurs il n'a pas été question.

Qu'il me suffise de donner lecture du dernier alinéa de l'article pour comprendre jusqu'où il n'est pas possible de retracer les réponses que nous avons données: "A moins que le ministère des Finances du Québec n'augmente de façon notable le budget du ministère, le troisième en importance au Québec avec $90 millions par année —alors qu'on sait qu'il est au-delà de $700 millions— il faut réduire les projets envisagés de façon notable."

Au lieu de la citation dont je viens de donner lecture, mon collègue de Laprairie avait fait référence au coût du transport scolaire qui, seul, pourrait atteindre les $90 millions.

Je n'ai pas à qualifier une telle déformation. Je comprends mieux cependant pourquoi, malgré l'enregistrement, des hommes publics hésitent à accorder des entrevues à certains journalistes.

DEPOT DE DOCUMENTS (suite)

M. LEVESQUE: M. le Président, pouvons-nous revenir au dépôt de documents?

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement?

M. BURNS: Oui, consentement.

LE PRESIDENT: Dépôt de documents. L'honorable ministre du Travail.

M. COURNOYER: J'ai l'honneur de déposer...

M. BURNS: II est revenu, c'est le fun. Bienvenue, M. le ministre!

M. COURNOYER: Vous m'avez rendu malade pendant la campagne électorale.

M. BURNS: Votre session va être plus courte, vous avez commencé une semaine en retard.

Puis vous, vous ne nous avez pas rendus malades?

M. COURNOYER: J'ai l'honneur de déposer...

M. CHARRON: Vous êtes député de quel comté?

M. COURNOYER: Vous aussi, vous m'avez rendu malade pendant la campagne électorale.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. CHARRON: Robert-Baldwin?

M. COURNOYER: M. le Président, un document intéressant pour l'Opposition.

M. CHARRON: Saint-Jacques, ancien Chambly, envoye donc !

M. COURNOYER: J'en ai beaucoup, n'est-ce pas? J'en représente dix fois plus que toi, là.

M. CHARRON: Vous changez de comté à chaque législature.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. COURNOYER: M. le Président, j'aurais dû lui dire vous.

LE PRESIDENT: Déposez, déposez!

Conseil consultatif du travail

M. COURNOYER: J'ai l'honneur de déposer le rapport du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pour l'année 1972/1973.

LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: Article 1).

Reprise du débat sur le message inaugural

LE PRESIDENT: L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Paul Phaneuf

M. PHANEUF: M. le Président, vous allez me permettre, à moi aussi, de vous transmettre mes plus sincères félicitations pour votre nomination, et de profiter de l'occasion pour remercier les électeurs de Vaudreuil-Soulanges d'avoir renouvelé mon mandat et de me permettre de siéger encore une fois à l'Assemblée nationale.

Comme j'ai pris le temps d'écouter le discours inaugural, il y a une partie qui m'intéresse particulièrement et je pense que ce n'est un secret pour personne que j'ai l'intention cet après-midi de prendre quelque peu de votre temps et de vous parler du domaine des sports et loisirs, et des activités socio-culturelles qui sont chapeautées actuellement par le haut-commissariat.

J'ai, à plusieurs reprises, eu l'occasion de rencontrer...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Est-ce qu'on peut attendre quelques minutes? Les galeries se vident et il y un peu de bruit. S'il vous plaît, hâtez-vous, en haut.

Le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. PHANEUF: Merci, M. le Président. Une chance que nous ne sommes pas en campagne électorale; si ceci m'arrivait dans une assemblée publique, je serais fort déçu et fort inquiet.

J'ai rencontré à plusieurs reprises, depuis que j'ai la responsabilité du haut-commissariat, les organismes de sports, de loisirs et, malheureusement, pour certaines raisons, nous parlons encore d'étatisation de certains pouvoirs que le haut-commissariat aurait.

Ces pouvoirs que le haut-commissariat a dans les faits maintenant ont été, si on regarde les journaux du temps, demandés et souhaités par tous les organismes qui étaient, à l'époque, financés.

On déplorait justement ce manque de pouvoir, ce manque de reconnaissance de la part du gouvernement d'un organisme aussi important et tous et chacun souhaitaient à ce moment-là qu'une fois pour toutes nous donnions des pouvoirs au haut-commissariat. Maintenant que certains pouvoirs ont été donnés — je ne dis pas tous les pouvoirs — on peut lire des déclarations à l'effet que le haut-commissariat a des pouvoirs et que le monde du sport et des loisirs peut maintenant connaître certaines craintes, avoir certaines peurs parce que le haut-commissariat a l'intention d'étatiser le monde du sport.

Cela devient inquiétant parce qu'il faudrait peut-être savoir ce qu'on veut exactement. Je sais que les milieux sportifs que je côtoie, parce que je les connais bien, avaient souhaité depuis longtemps des normes, des critères pour qu'on puisse, une fois pour toutes, financer d'une façon logique le monde des loisirs. Nous avons sorti des cahiers qui correspondaient exactement à ces besoins; ces cahiers ne sont pas parfaits mais correspondaient dans un premier temps à ce qui avait été souhaité. Des amendements ont été apportés et je suis certain que des amendements, encore une fois, seront apportés.

Ce qui est important pour le monde des loisirs, c'est qu'une fois pour toutes, sans nombre d'un doute, depuis 1970 le gouvernement a su répondre dans un premier temps aux premières aspirations que ce domaine avait exprimées depuis fort longtemps. Je sais que le Parti québécois, qui est aujourd'hui l'Opposition officielle, a senti l'obligation de mettre dans son programme certaines choses dans le monde des loisirs. On a parlé même d'un secrétariat, peut-être que oui, peut-être que

non, et celui qui représente ici le comté de Lafontaine nous parle constamment du domaine des loisirs mais il est attaché à une chose — je l'écoutais encore à la période des questions — le village olympique. C'est à peu près tout ce qui s'est dit. Il faudrait peut-être qu'il ouvre un peu ses horizons, qu'il comprenne que le village olympique est une chose et c'est un problème pour certains mais ce n'est pas le seul problème du domaine des loisirs au Québec actuellement et que votre chef n'a pas été élu et qu'il a senti le besoin de profiter de l'occasion des jeux de Rouyn-Noranda pour venir nous parler de ce qu'on devrait faire dans ce domaine, après avoir avoué humblement qu'il n'en connaissait absolument rien. Il faudrait peut-être à un moment donné que quelqu'un dans votre parti fasse non seulement des critiques mais fasse des suggestions logiques, des suggestions qui collent aux besoins et aux réalités du domaine des loisirs du Québec.

J'attends avec beaucoup d'impatience et j'espère qu'une fois, une fois dans cette Chambre, j'entendrai de votre part des suggestions logiques.

M. MORIN: Quelle est votre attitude sur le parc?

M. PHANEUF: Je ne savais pas que le nouveau chef parlementaire avait des aspirations dans ce domaine. J'espère qu'un jour il les fera peut-être sentir ici, il nous expliquera ce qu'il entend, lui, par le domaine des loisirs, ce qu'il faut faire dans le domaine du sport; quelles sont les solutions, quels sont les programmes qui collent à nos réalités et à nos besoins. J'espère que j'aurai le plaisir de l'entendre, je le souhaite.

De toute façon, M. le Président, malgré les difficultés, nous sommes, je pense — à trois ans des olympiques — plus prêts que jamais à faire face à nos obligations, à nos défis. Nous avons mis sur pied un organisme qui s'appelle Mission Québec '76 et, cette année, cet organisme reçoit $750,000 du gouvernement pour tenter d'obtenir une fois 30 p.c. d'athlètes québécois sur les équipes canadiennes. C'est un nouveau défi, ça demeure un défi. Je ne sais pas si on va l'atteindre mais je pense que ce qu'il est important de reconnaître, c'est qu'on a mis tous les moyens possibles à la disposition des fédérations sportives pour que ce défi soit au moins tenté. Et si vous lisez les journaux, je pense qu'on ne reproche pas justement au gouvernement, actuellement, de ne pas avoir rempli ses obligations dans ce domaine. Si on a 26 p.c, ou 27 p.c, ou 28 p.c, je ne dis pas que je serai déçu; si on a 35 p.c., je serai d'autant plus heureux.

Il reste que dans notre domaine, beaucoup est encore à faire. Je sais que certains députés de cette Chambre, qui sont concernés par le problème, ont dit de l'éducation physique, que ça ne relève pas directement du haut-commissa- riat mais plutôt du ministère de l'Education. Je sais qu'on a aussi discuté encore de besoins au niveau des arénas, de besoins au niveau d'organismes sportifs. Je sais que tout le monde est touché par ces besoins de loisirs, dans tous les comtés de la province de Québec.

Je peux vous dire que d'une façon rationnelle, d'une façon qui correspond aux véritables réalités que sont la capacité de payer du Québec, la capacité de payer de tous et chacun par le biais des impôts, nous allons tenter encore cette année de répondre aux besoins prioritaires de vos comtés selon un ordre de priorité qui est établi, qui est étudié.

Je demanderais — parce que j'ai beaucoup de collègues à l'Assemblée nationale maintenant — à tous et chacun d'avoir une certaine patience.

M. BURNS: On n'est pas des collègues nous, M. le ministre?

M. PHANEUF: Sûrement. D'ailleurs, le député de Maisonneuve sait fort bien qu'il est un de mes collègues et quand il a demandé...

M. BURNS: C'est parce que vous disiez: J'ai beaucoup de collègues. Maintenant, vous en avez seulement deux de plus que la dernière fois. C'est pour ça que je me demandais si vous pensiez que c'étaient des députés libéraux, vos collègues.

M. PHANEUF: C'est important deux députés de plus au Québec.

M. BURNS: Très bien. C'est bon à savoir.

M. PHANEUF: II ne faudrait pas que le député de Maisonneuve se sente lésé, parce qu'il sait fort bien que quand il a eu à discuter des problèmes de loisirs de son comté, il a toujours été très bien reçu, et je suis toujours ouvert pour des discussions futures.

M. BURNS: Je le confirme, d'accord.

M. PHANEUF: Ce que je demande à tous mes collègues, tous et chacun dans cette Assemblée, c'est quand même de reconnaître qu'il y a des priorités au Québec. Pour moi, le sport, les loisirs, c'est une priorité. Il existe d'autres priorités et il faut faire un heureux partage dans tout ça. Il y a un taux de croissance qui est normal, il y a un taux de croissance qui peut être acceptable, mais toujours basé sur la véritable réalité qui est la capacité de payer des gens du Québec. Je pense qu'il ne faut pas perdre ça de vue non plus.

Je n'ai pas l'intention de parler bien longtemps parce que tous et chacun ici, ceux qui ont siégé avec moi, savent que ce n'est pas mon habitude d'être très long. J'aime beaucoup mieux retourner à mes bureaux et travailler sur certains programmes. On nous a accusés à certaines occasions, justement, de ne pas avoir

écrit la politique gouvernementale en matière de loisirs et de sport. Je réponds à ceux qui ont dit ceci que, pour moi, il est beaucoup plus important de faire du sport, de faire des programmes que seulement d'en parler et d'en écrire. Je vous remercie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-François.

M. Gérard Déziel

M. DEZIEL: M. le Président, considérant que le passé est garant de l'avenir, il me plaît énormément de vous voir réélu à l'auguste fonction que vous occupez présentement. Depuis 1970, vous avez su remplir ce rôle difficile avec dignité et efficacité. J'en profite également pour féliciter le premier ministre qui a démontré sans équivoque son rôle de leader du plus grand parti dans l'histoire du Québec au cours de cette dernière élection, tout comme il a su le faire, d'ailleurs, depuis qu'il est le premier ministre de la belle province.

Comme tous les députés qui ont eu à s'exprimer avant moi ont trouvé le moyen de souligner qu'ils représentaient le plus beau comté de la province, j'aimerais revendiquer, preuves à l'appui, ce titre pour le comté de Saint-François. En effet, avec tout le respect que je dois à mes chers collègues, qui d'entre eux peut se vanter de représenter deux universités, une anglaise et une française, trois gros centres hospitaliers, dont le centre hospitalier universitaire qui jouit d'une réputation internationale, la moitié de la quatrième agglomération urbaine du Québec en même temps qu'une région de culture agricole et forestière très importante? Je n'insisterai pas sur d'autres aspects importants tels que le fait d'être dans une région touristique de premier ordre et de constituer un pôle de développement industriel et commercial de premier ordre, au bénéfice de l'ensemble de la région de l'Estrie en particulier et de la belle province en général.

Donc, M. le Président, lorsque vous penserez au nouveau comté de Saint-François, n'hésitez pas à y voir un comté unique, de par la complexité et la varitété des responsabilités de son humble représentant.

J'aimerais profiter de l'occasion des quelques minutes que vous m'offrez, M. le Président, pour vous présenter bien modestement le petit discours inaugural du comté de Saint-François en vous exposant les techniques de travail que le nouveau représentant d'un nouveau comté peut prendre pour répondre aux exigences d'une situation aussi polyvalente que celle à laquelle j'ai à faire face chez nous.

Comme le lieutenant-gouverneur l'a remarquablement indiqué lors de la lecture du discours inaugural, "la croissance économique, l'amélioration de la qualité de vie du citoyen et l'affirmation culturelle de la collectivité consti- tuent les besoins prioritaires de la collectivité québécoise".

Je considère que ma tâche essentielle sera de traduire cet objectif national et fondamental en termes d'objectifs concrets pour tous les citoyens de mon comté. Une fois que ces objectifs seront clairement et concrètement identifiés, je suis assuré que je possède les instruments nécessaires pour les réaliser et que ces instruments se retrouvent dans le dynamisme inhérent à la région de l'Estrie. On me permettra de puiser à l'intérieur des divers ministères qui constituent notre administration provinciale. A priori, je me dois d'apprécier à sa juste valeur une somme immense de réflexion et de recherches qui ont été faites dans ma région depuis l'avènement du Parti libéral, il y a quatre ans.

Je prends à témoin de la qualité des propositions qui émanent de ces efforts le projet du parc industriel de Sherbrooke qui, dans une première phase, a été bien conçu par les autorités régionales et les fonctionnaires de certains de nos ministères et qui fut ensuite défendu, avec autant de succès, par mon collègue représentant du comté de Sherbrooke. Les résultats rapides obtenus par cette entreprise prouvent bien que le patron idéal des décisions du gouvernement provincial doit passer par la consultation avec les autorités intéressées et que ces dernières sont encore nos leviers les plus importants du développement intégral du Québec comme l'a si bien exprimé l'honorable ministre des Affaires municipales dans son exposé du 29 novembre dernier.

Essentiellement, ceci revient à dire qu'avec les organismes qui constituent des représentants valables de la population que je représente je me dois de faire, d'abord, un tri des demandes innombrables qui nous sont faites et identifier, parmi ces demandes, celles qui correspondent à des besoins réels et prioritaires. Grâce à mon expérience au sein du conseil municipal de Sherbrooke, à mes activités auprès des corps parapublics je peux déjà formuler une certaine cote d'appréciation sur des projets bien concrets dans le domaine du développement industriel, du développement social, du développement de l'infrastructure qui supportent des activités de transport, d'agriculture, de la forêt aussi bien que les problèmes qui touchent au financement des municipalités.

Au cours des quatre prochaines années je présenterai respectueusement à votre analyse les projets suivants: Au chapitre des infrastructures, l'agglomération de Sherbrooke souffre d'un problème majeur, en ce qui concerne son réseau d'approvisionnement d'eau potable, son réseau d'aqueduc et d'égout, qui provient du fait que la ville de Sherbrooke doit fournir l'eau potable à diverses municipalités de sa banlieue et doit recevoir les égouts de l'ensemble du bassin qui entoure la ville, lequel bassin se développe à un rythme accéléré. Je n'ai pas besoin de dire que ces développements n'avaient pas été prévus

lorsque le réseau de collecteur principal avait été conçu il y a plus de 50 ans.

Il en va de même pour le réseau routier pour lequel le ministère de la Voirie a fourni des efforts réels depuis quelque temps en collaboration avec le député de Sherbrooke et qu'il doit continuer à soutenir pour résoudre des problèmes évidents qui sont d'ailleurs bien connus des officiers supérieurs du ministère et qui sont inscrits à sa programmation. On peut mentionner la voie de contournement nord pour desservir le secteur est de la ville et les autres municipalités de mon comté ainsi que l'hôpital universitaire. Il va de soi que l'autoroute des Cantons de l'Est et la Transquébécoise devraient être complétées.

Au chapitre du développement industriel, les engagements déjà pris par notre gouvernement permettent certainement un décollage adéquat du développement d'une structure d'accueil essentielle à l'implantation d'industries modernes. Mais, il faudra s'attendre à compléter ce projet en fonction d'un développement continu et bien supporté. Ce parc industriel métropolitain est nécessaire non seulement à la région de Sherbrooke, pour qu'elle demeure un pôle de développement régional, mais aussi pour que ce pôle joue vraiment son rôle dans le développement d'un triangle industriel québécois qui serait bordé par les axes Montréal, Québec, Sherbrooke.

Je profite de l'occasion pour reconnaître la collaboration du ministère de l'Industrie et du Commerce qui semble concevoir le Sherbrooke métropolitain comme une région industrielle importante en supportant notre commissariat industriel, et en l'inscrivant sur sa liste pour les fins de délégations industrielles régulières.

Dans le domaine des améliorations au bien-être social, nous sommes à constituer quatre dossiers qui présenteront des hypothèses de réalisation réalistes et originales, qui deviendront probablement des modèles applicables à d'autres régions semblables à la nôtre: premièrement, un plan de régionalisation des services d'urgence, dans le domaine hospitalier, qui devrait être expérimenté à titre de projet pilote dans la région de Sherbrooke; deuxièmement, une étude sérieuse du marché du logement à prix modique pour personnes âgées et pour les foyers d'hébergement qui fait présentement partie d'une étude élaborée conjointement par la ville de Sherbrooke, l'Office municipal d'habitation et le Centre de recherche en aménagement régional de l'Université de Sherbrooke pour être présentée à la Société d'habitation du Québec, ainsi qu'à la Société centrale d'hypothèques et de logement; finalement un projet qui tient à coeur aux représentants du comté Saint-François; le développement du centre hsopitalier Saint-Vincent-de-Paul, et, plus particulièrement, du bloc opératoire et des services qui en découlent.

Je conclus, M. le Président, en soulignant que je me permets d'établir mon programme d'action dans mon comté, à l'occasion de ma première intervention à l'Assemblée nationale, pour une raison bien précise. C'est que je crois fermement que non seulement les décisions législatives sont importantes, en ce qui concerne l'amélioration de la qualité de la vie, pour les citoyens du Québec, mais qu'en dehors des moyens législatifs, seul le gouvernement supérieur à ceux des municipalités possède les instruments financiers à la réalisation pratique de cet objectif.

En d'autres termes, je reprends en cela une parole de l'honorable ministre des Affaires municipales. Pour les municipalités de 50,000 âmes ou plus, il y a augmentation beaucoup plus rapide des responsabilités financières qu'il y a augmentation des moyens pour répondre à ces responsabilités. Comme finalement, le parallélisme dont parle l'honorable ministre des Affaires municipales entré l'augmentation de la population et l'augmentation des coûts impliqués par l'administration d'une municipalité de 50,000 âmes ou plus, en l'équation essentielle et impossible à laquelle font face les gouvernements municipaux, je crois fermement qu'il est dans l'ordre des choses que tous les projets dont j'ai parlé plus haut, et certainement d'autres que j'aurai l'occasion de défendre, doivent être reçus au niveau du gouvernement provincial. On doit évidemment se féliciter du fait que le bill 29 ait été adopté sous un gouvernement libéral et j'espère qu'on y voit là une indication claire des choses à venir et que le même gouvernement libéral poursuivra ses efforts en ce sens, à mesure que ses moyens le lui permettront Ce genre de péréquation semble s'accorder avec une philosophie administrative qui consiste à décentraliser les moyens d'intervention et, de ce fait, à s'approcher non près des demandes irréalistes de la population mais des besoins réels et prioritaires dont j'ai parlé plus haut.

Mr President, I am grateful for the opportunity you are giving me and I pledge to you and to my colleagues that I will do to the best of my ability in order to remain faithful in the confidence that the people of my constituency has bestowed in me.

M. le Président, je vous remercie pour votre bienveillante attention et veuillez croire que je suis prêt à donner le meilleur de moi-même afin de remplir mon mandat et de demeurer fidèle à la confiance que mes commettants m'ont accordée en me faisant l'honneur de les représenter à l'Assemblée nationale. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Vanier.

M. Fernand Dufour

M. DUFOUR: M. le Président, permettez-

moi d'abord de vous féliciter de votre réélection au poste de président de l'Assemblée nationale. Je tiens également à transmettre mes plus sincères félicitations ainsi que mes remerciements à l'honorable premier ministre qui a su mener l'équipe libérale à une si brillante victoire électorale. J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour remercier encore une fois mes électeurs du comté de Vanier de m'avoir choisi pour les représenter et de m'avoir permis de venir travailler à l'Assemblée nationale. Ils me permettent ainsi de poursuivre à un palier supérieur la tâche entreprise en vue de réaliser mes aspirations les plus chères qui sont de servir la population et, plus particulièrement, d'humaniser le milieu dans lequel nous vivons actuellement.

Ceci dit, j'aimerais adresser quelques mots aux membres de cette Chambre au sujet de la réforme qui a été entreprise dans l'organisation des services de soins et des services sociaux. Car, en fait, si je suis en politique aujourd'hui, c'est avant tout à cause des problèmes que j'ai constatés et que j'ai vécus moi-même dans le secteur de la santé et du bien-être, problèmes devant lesquels j'étais trop souvent impuissant.

Comme je pratique la médecine générale depuis 20 ans, j'ai acquis une connaissance pratique des besoins de la population dans ce domaine. Ces problèmes de notre population, j'ai appris à les connaître et à les vivre à l'hôpital, dans les foyers pour convalescents et pour vieillards, à mon cabinet de consultation. Chaque jour, j'en ai rencontré et j'ai été à même de réaliser tout ce qu'il y avait encore à faire pour améliorer le système. Cependant, en tant qu'individu, en tant que médecin, j'ai constaté que mon action se trouvait en quelque sorte limitée. Cest ce qui m'a amené à la politique, car j'ai pensé qu'ici, avec tous les membres de cette Assemblée, je pourrais peut-être faire plus pour contribuer à humaniser le système. Ainsi, après avoir vécu les problèmes dans mon propre milieu, après avoir côtoyé depuis des années des malades, des défavorisés, des oubliés, je suis particulièrement sensible aux problèmes qui se posent actuellement et pour lesquels on propose des solutions qui ne tiennent pas toujours compte de la réalité.

Je voudrais que cet exposé soit clair et bref. Je le diviserai donc en trois parties. Je parlerai, d'abord, de l'accessibilité aux soins; ensuite, de l'humanisation du système et, pour finir, de la question des coûts.

Dans chaque cas, je décrirai brièvement la situation, pour ensuite suggérer quelques solutions qui, on s'en rendra compte, ne seront pas nécessairement celles qui ont été envisagées jusqu'à présent par le ministère des Affaires sociales et par la Régie de l'assurance-maladie.

En terminant, je dirai quelques mots des relations qui doivent exister entre le gouvernement et les professionnels de la santé, si l'on veut qu'une réforme, quelle qu'elle soit, puisse aboutir à des résultats véritablement positifs.

M. le Président, il y a quelques années, on a cru régler le problème de l'accessibilité en instaurant le régime universel de l'assurance-maladie. On a présumé que l'abolition du prix direct des services rendrait uniforme l'accès aux soins pour toutes les classes de la société et dans toutes les régions du Québec. On s'aperçoit aujourd'hui que la question monétaire n'était pas le seul obstacle à une accessibilité égale pour tous.

En effet, toutes sortes de facteurs socioculturels font que certaines catégories de citoyens — et l'on peut parler ici des habitants des régions éloignées — consomment moins de services que les autres bien souvent à cause du fait que les services ne sont pas accessibles sur le plan physique ou technique.

Face à cette situation, la réaction du ministère des Affaires sociales a été d'instaurer une réforme de l'organisation des services de santé au moyen de la loi 65. Or, bien que la population dans son ensemble ait reconnu le bien-fondé des principes qui ont donné naissance à cette loi, plusieurs restent sceptiques face à ce réaménagement d'abord structural.

Prenons, par exemple, les centres locaux de services communautaires, communément appelés les CLSC. Autant la création de tels centres semble raisonnable dans certaines zones défavorisées, autant la généralisation de cette structure paraît hasardeuse. Je me demande si l'on n'est pas en train de transformer l'organisation de la production des services de santé en ce que les économistes appellent des monopoles naturels à but non lucratif. Si la réforme imaginée par les technocrates se réalisait et que la production des services du médecin se trouvait centralisée pour chaque territoire en une unité de production unique, les patients devraient recourir aux services du producteur assigné à leur quartier. Est-ce qu'on ne sait pas que le statut d'institution à but non lucratif mène à l'inefficacité, c'est-à-dire à des coûts plus élevés en raison de la suppression de la concurrence? Cherche-t-on à recréer l'encadrement institutionnel établi dans le domaine de l'enseignement? On en connaît pourtant certains résultats dont l'accroissement énorme des coûts et l'insatisfaction des consommateurs qui, en grand nombre, se tournent vers les institutions privées.

Jusqu'à maintenant, les efforts gouvernementaux en vue de combler certaines lacunes ont surtout porté sur la création de nouveaux éléments à l'intérieur du secteur public. Dans le domaine de la distribution des soins, le ministère des Affaires sociales s'est surtout préoccupé de la réorganisation des structures et l'exemple le plus frappant est la réforme prévue par la loi 65 et ses règlements.

L'action du ministère s'est aussi caractérisée par le morcellement des problèmes et des solutions. Je pense, par exemple, à cette directive concernant la participation des médecins aux frais d'opération des cliniques externes. Je pense également à la mise sur pied des centres locaux de services communautaires.

M. le Président, si l'on examine l'expérience

de ces centres, on ne peut plus affirmer sérieusement qu'ils seront la principale porte d'entrée aux soins généraux. Certains, parce que l'on n'a pas compris l'importance d'utiliser d'abord les effectifs du milieu, se sont même transformés en ghettos, tant pour les médecins que pour les malades.

Quant aux cliniques externes, elles ne peuvent constituer qu'une approche partielle qui ne peut tout régler.

Il ne pouvait en être autrement, à partir du moment où on avait décidé de trouver une solution uniquement à l'intérieur du système public. On s'est attaché à des formules de type institutionnel et on a négligé les ressources privées et individuelles.

J'aimerais signaler ici le fait que, conscients de ce problème d'accessibilité physique aux soins, des médecins ont pris l'initiative, dans la plupart des régions du Québec où il y a suffisance d'effectifs, de mettre sur pied un système de distribution des soins généraux à tous les niveaux, c'est-à-dire domiciles, hôpitaux, cabinets privés, polycliniques, foyers, entreprises.

Ce système qui met l'accent sur la coordination des services, tant publics que privés, plutôt que sur une réorganisation des structures a déjà donné d'excellents résultats. Ceci, je le signale, car vous n'ignorez pas que l'on a essayé, par tous les moyens, de détruire la réputation des médecins dont on essaie chaque jour de diminuer la valeur du travail qu'ils accomplissent auprès de la population.

Je sais qu'il existe des moutons noirs au sein de ma profession, comme partout ailleurs. Mais la plupart de mes collègues médecins ont assez de coeur au ventre pour continuer à travailler, et surtout pour chercher à améliorer la pratique de la médecine en allant toujours de l'avant.

Déjà plusieurs cabinets de groupe, polycliniques et centres médicaux privés ont été créés qui assurent l'accessibilité aux soins 24 heures par jour. Pour ma part, et cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres, je connais un cabinet de médecins regroupant six omnipraticiens, lequel cabinet fait publier ses listes de garde dans le journal local. Le poste de police du secteur est au courant des services disponibles. Un membre de l'équipe s'occupe des soins urgents pendant que ses confrères reçoivent les malades sur rendez-vous.

Le fonctionnement est facilité par la mise en commun des locaux, du matériel et du personnel de soutien. Il n'y a qu'un dossier par malade et tous les médecins y ont accès.

Parallèlement à la dispensation des soins généraux, tant urgents que courants, le groupe s'est préoccupé d'ajouter des services de consultation spécialisés, chirurgical, psychiatrie, gynécologie et bien d'autres. Ceci permet d'éliminer des frais de transport et des pertes de temps en plus d'accroître l'accessibilité.

Par ailleurs, le centre se veut un complément aux structures régionales déjà existantes. Il n'est pas question de concurrencer les services déjà établis.

Une pratique communautaire de ce genre est, à mon avis, une des formules les plus susceptibles d'améliorer l'accessibilité aux soins. Il faut bien réaliser que ceci s'est effectué sans bousculade, sans coercition, sans augmentation des coûts pour la population en recourant tout simplement à la bonne volonté des intéressés.

De tels centres devraient recevoir une aide gouvernementale leur permettant d'atteindre encore une plus grande multidisciplinarité par l'addition de physiothérapeutes, diététistes, travailleurs sociaux, psychologues.

Plutôt que de penser à des mesures coerciti-ves pour pallier l'insuffisance d'effectifs médicaux dans certaines régions, je suggère des négociations entre le gouvernement et les différentes fédérations. En effet, dans l'intérêt de la population, pourquoi ne négocierait-on pas des dispositions qui auraient pour effet de faciliter le travail des médecins qui assurent déjà l'accessibilité aux soins 24 heures par jour?

J'aimerais ici proposer la création d'un comité mixte qui serait composé de représentants du ministère des Affaires sociales et de représentants des fédérations.

Ce comité pourrait d'abord procéder à l'identification des régions défavorisées et favorisées et se charger d'informer les médecins et les étudiants des endroits où l'on a besoin d'effectifs tout en les incitant à aller s'y établir. Les finissants qui décideraient d'aller pratiquer dans des régions suffisamment pourvues en effectifs médicaux pourraient présenter une demande d'autorisation qui serait évaluée par les membres du comité. On pourrait penser sûrement à différentes modalités pour assurer l'efficacité d'un tel comité. Là-dessus, j'inviterais d'ailleurs mes collègues à faire des suggestions.

Ce qu'il faut retenir, c'est que les réalisations que l'on pourrait attendre de la formation d'un tel comité seraient le résultat d'engagements pris par des parties responsables et non pas la suite de décisions unilatérales prises par le gouvernement. Je pense aussi, M. le Président, que l'une des façons d'inciter les médecins à aller s'établir dans les régions éloignées serait de les intéresser davantage aux besoins de ces régions. On pourrait organiser, en collaboration avec les fédérations et les facultés de médecine, des programmes de stages pour les internes et les externes dans les régions défavorisées. Les médecins qui se trouvent déjà dans des régions éloignées pourraient jouer un rôle important. L'expérience a démontré que des étudiants qui avaient eu l'occasion de travailler dans une équipe de médecins en place étaient beaucoup plus incités à retourner ensuite dans ces endroits.

On parle également beaucoup de l'humanisation des services de soins. Or, si l'on veut humaniser le système de distribution des soins, il faut favoriser les niveaux où se dispensent les

soins les plus personnels, soit les consultations au cabinet du médecin et les visites à domicile. Les cabinets de groupe oeuvrent à ces niveaux et la personnalisation des soins est un de leurs premiers soucis. Ainsi, les organisateurs du cabinet dont j'ai parlé tout à l'heure ont tout fait pour revaloriser le malade. Chacun est appelé par son nom; s'il y a une période d'attente, des hôtesses offrent des revues et des boissons; le salon de réception est divisé en îlots de fauteuils afin que les gens aient un peu plus d'intimité; chaque cabine de déshabillage est munie d'une clef que le patient transporte avec lui, laissant ainsi ses effets personnels en sécurité.

Il ne fait aucun doute que ces exemples témoignent des efforts qui sont déployés par les médecins d'aujourd'hui afin d'humaniser le système de distribution des soins, et que c'est la responsabilité du gouvernement de les aider à continuer dans cette voie en adoptant les mesures appropriées au cours de la prochaine ronde de négociations.

Enfin, j'aimerais attirer l'attention sur la question des coûts des services de santé. On est porté à penser dans certains milieux que la hausse des coûts provient des abus commis par les bénéficiaires d'une part et par les distributeurs des soins d'autre part. Ces abus, bien que réels dans certains cas, demeurent marginaux. Il y a, en fait, deux grandes causes à l'augmentation du coût des soins: d'abord, l'instauration par l'Etat d'un régime dit universel, et l'extension de la couverture, soins hospitaliers, médicaux, dentaires, optométriques, etc. On peut compter au nombre des causes secondaires le vieillissement de la population et d'autres facteurs reliés à la démographie et au sexe, l'accroissement des effectifs et la formation d'équipes multidisciplinaires.

On peut se poser de sérieuses questions par ailleurs sur le coût des CLSC. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la réforme amorcée par la Loi 65 en fait des monopoles naturels à but non lucratif. Or, il s'avère que l'absence de concurrence s'accompagne plus souvent d'une absence quasi totale du souci de minimiser les coûts. Certains ont démontré qu'un producteur de services hospitaliers universitaires ou gouvernementaux a tout intérêt à encourir des dépenses et des frais qui n'augmentent en rien la production destinée au consommateur.

Il utilise les économies potentielles qu'il pourrait réaliser pour les affecter à des dépenses discrétionnaires qui augmentent son bien-être, son prestige, son revenu, son statut ou son pouvoir.

Comme les CLSC, dans le régime actuel, n'ont pas ces éléments d'incitation à l'économie, on peut supposer qu'ils reproduisent les travers attribués jusqu'à maintenant aux hôpitaux. Il me semble donc urgent, M. le Président, de procéder à une enquête sur la rentabilité des CLSC déjà établis, avant de continuer dans cette voie qui risque d'être fort coûteuse. Il serait bon de réfléchir, de faire une pose avant de procéder à un gaspillage des énergies et des ressources.

A-t-on songé, par exemple, à faire une analyse comparative des coûts des soins dispensés dans un CLSC et dans un cabinet de consultation du secteur privé? A ce stade, je demande à tous les membres de cette Chambre de s'enquérir du coût réel et de l'efficacité d'un CLSC. Il ne faut pas attendre qu'une prochaine Assemblée vienne nous reprocher d'avoir multiplié inutilement les CLSC, comme on a reproché à nos prédécesseurs d'avoir construit trop d'hôpitaux. Avant de généraliser ce que l'on avait convenu d'implanter à titre d'expérience pilote, il faut dès maintenant analyser les résultats en les comparant avec ce que le système actuel, que l'on travaille d'ailleurs à améliorer, promet déjà à la population.

En terminant, je voudrais souligner la nécessité d'instaurer un véritable dialogue entre les médecins et l'Etat. Le manque d'information et de consultation avec les autorités gouvernementales est flagrant. Les médecins admettent que le système actuel est déshumanisant et rempli d'aberrations. Ils sont les premiers à reconnaître la nécessité d'une réforme. Il revient maintenant au gouvernement de prouver sa bonne volonté.

C'est pourquoi, M. le Président, je fais appel à tous les membres de cette Assemblée pour qu'ils unissent leurs efforts afin de travailler au mieux-être de la population dans ce secteur d'importance cruciale. J'invite tous mes collègues libéraux, péquistes, créditistes à se pencher sérieusement sur ces problèmes pour que nous puissions, tous ensemble, y apporter les solutions les plus appropriées.

Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): On dit que c'est le député de Laurentides-Labelle.

M. Roger Lapointe

M. LAPOINTE: M. le Président, mes premiers mots seront pour vous féliciter, ainsi que les deux vice-présidents pour votre nomination à ce poste et vous assurer de mon entière collaboration pour la bonne marche de cette Assemblée. Je voudrais remercier la population du comté de Laurentides-Labelle, qui m'a accordé sa confiance pour la représenter à l'Assemblée nationale. Je voudrais l'assurer que toutes mes énergies seront consacrées au développement cohérent et rationnel du comté de Laurentides- Labelle.

Je voudrais féliciter la population du comté de Laurentides-Labelle de son réalisme, du bon sens dont elle a fait preuve en votant pour le Parti libéral. La population du comté de Laurentides-Labelle a compris les réalisations du gouvernement libéral sur le plan économique et sur le plan social depuis 1970. La population a

compris que le programme proposé en 1970 a été réalisé presque en entier, au cours des trois dernières années. La population a compris aussi la démagogie de certains partis qui tentaient de laisser croire à la population que le Québec allait pour le pire, et qui proposaient à la population des mesures irréalistes, sans dire comment ils allaient les réaliser et où ils allaient prendre l'argent pour les réaliser.

La population du comté de Laurentides-Labelle a compris aussi l'irréalisme et l'aventure proposés par un certain parti politique.

Elle a refusé d'embarquer dans un bateau sans connaître le port d'arrivée. Je voudrais prendre quelques minutes pous souligner certains aspects du comté de Laurentides-Labelle qui est sûrement le plus beau comté de la province. Le comté de Laurentides-Labelle est un nouveau comté formé de l'ancien comté de Labelle — soit dit en passant, l'ancien comté de Labelle était représenté par l'Union Nationale depuis 1935, soit 38 ans— d'une partie de l'ancien comté de Terrebonne et d'une partie de l'ancien comté de Papineau. Il comprend 46 municipalités, il s'étend d'une extrémité à l'autre sur une distance de 150 milles, il touche le territoire de cinq commissions scolaires et est parcouru par 2,500 milles de chemins principaux ou secondaires.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que la tâche qui m'attend, comme représentant du comté de Laurentides-Labelle, n'est pas des plus faciles mais je suis prêt à relever le défi et à travailler pour le bien du comté de Laurentides-Labelle. Le comté de Laurentides-Labelle est un comté où l'industrie touristique est de première importance. L'industrie touristique y est développée, mais il reste beaucoup à faire pour améliorer, pour exploiter cette industrie à fond. Des milliers de touristes, des milliers de visiteurs, des milliers de villégiateurs ou d'amateurs de plein air se rendent chaque année dans le comté de Laurentides-Labelle. Il faudra prévoir un plan d'aménagement touristique du territoire pour assurer le développement cohérent des ressources touristiques que nous avons.

Pour faire une exploitation rationnelle de toutes ces ressources, il faudra améliorer le fonctionnement des parcs Papineau-Labelle qui ont été créés il y a quelques années, améliorer le fonctionnement du parc Mont-Tremblant afin d'assurer une plus grande accessibilité de ce parc à la population locale et une plus grande exploitation des ressources qui y sont contenues. H faudra continuer les efforts pour améliorer le réseau routier principal. Il y a eu des réalisations formidables au cours des dernières années, soit le prolongement de l'autoroute des Laurentides, l'amélioration de la route 11 jusqu'à Saint-Jovite, mais il faudra continuer ces travaux. Il faudra faire des efforts spéciaux quant à la voirie rurale et apporter une aide accrue aux municipalités qui ont la responsabilité de l'entretien de la majorité des chemins secondaires et qui n'ont pas les moyens d'entretenir ces chemins d'une façon convenable.

Il faudra poursuivre et accélérer les politiques de protection de l'environnement. Des organismes ou des compagnies forestières ont détruit des sites touristiques formidables. Il faudra réglementer le domaine de l'exploitation forestière pour éviter que des choses comme celles-là se reproduisent. Il faudra poursuivre et accélérer les mesures pour protéger nos lacs et nos cours d'eau de la pollution. Il faudra prendre des mesures pour protéger la faune contre les prédateurs. Il faudra apporter une aide accrue aux individus, aux groupes ou aux organismes qui s'occupent de la mise en valeur ou de la promotion des sites touristiques, accroître aussi l'information touristique par l'établissement de centres d'accueil touristiques comme cela se fait déjà dans certaines régions de la province.

Le comté de Laurentides-Labelle est aussi un comté où de nombreux agriculteurs vivent. Il faudra, comme par les années passées — comme depuis trois ans on peut dire que les agriculteurs ont connu une période de prospérité — que des mesures, pour assurer des revenus convenables aux agriculteurs, se poursuivent. On devra leur apporter une aide accrue et faire en sorte que les jeunes puissent prendre la relève et s'établir sur des fermes.

Le comté de Laurentides-Labelle est aussi un comté où l'industrie forestière a beaucoup d'importance. Plusieurs compagnies forestières y font des exploitations. Il faudra à l'avenir assurer la polyvalence des forêts. La forêt ne doit pas servir seulement à produire du papier, mais doit aussi servir à l'industrie touristique. Il faudra apporter de l'aide aux petites industries qui connaissent des difficultés d'approvisionnement.

J'aurais beaucoup de choses à dire, M. le Président, dans le domaine de l'éducation. On pourrait parler d'humanisation des écoles. On pourrait parler de décentralisation ou de centralisation excessive au niveau du ministère de l'Education et d'une décentralisation qui serait nécessaire au niveau régional et au niveau local. On pourrait parler d'une participation qui devrait être accrue, de la part des enseignants, à la chose scolaire et souhaiter que l'administration, à quelque niveau que ce soit, prenne les mesures pour améliorer cette participation. On pourrait parler d'une meilleure coordination des différentes directions générales au ministère de l'Education afin d'éviter que la pédagogie ne soit conduite ou dirigée par les finances et l'équipement. On pourrait parler aussi de pouvoirs accrus à accorder aux administrateurs pédagogiques et de services éducatifs, alors qu'actuellement on constate, malheureusement, que l'enseignement et la pédagogie sont au service des finances et de l'équipement.

Il faudrait aussi penser à des mesures pour rendre accessibles — et particulièrement dans ma région, M. le Président — les études secondaires et les études collégiales. Sur un territoire aussi grand que le mien, où la population est très éparpillée, nous rencontrons des difficultés

considérables. Beaucoup d'étudiants doivent loger dans des pensionnats. Les routes sont dans un état déplorable, ce qui exige des transports d'une heure à une heure trente, matin et soir, pour une grande proportion des étudiants. Il faudra tenir compte, dans le domaine de l'éducation comme dans d'autres domaines, des particularités régionales et faire en sorte que les normes soient assez souples pour tenir compte de ces particularités et que des régions comme la région du comté de Laurentides-Labelle ne soient pas défavorisées.

Je me réjouis, M. le Président, de voir que dans le programme du Parti libéral et dans le message inaugural des mesures précises ont été proposées pour remédier à l'ensemble de ces problèmes.

En terminant, M. le Président, je voudrais faire part du plaisir, de la satisfaction que je ressens de me retrouver à l'Assemblée nationale avec des collègues aussi dynamiques, qui recherchent tous le mieux-être des Québécois. Je voudrais aussi vous faire part de ma déception du rôle joué par les collègues de l'Opposition depuis l'ouverture de la présente session. Je crois que si l'Opposition s'intéressait autant au décorum qu'au quorum, ça pourrait aller bien.

M. LEGER: II faudrait être d'accord avec vous autres?

M. LAPOINTE: Je m'attendais que l'Opposition joue un rôle positif de temps à autre, que l'Opposition ne soit pas toujours négative. Je ne m'attends pas, M. le Président, que l'Opposition fasse des courbettes devant le parti au pouvoir ou les membres du parti au pouvoir. Je m'attends à ce que l'Opposition dise ce qu'elle pense...

M. LESSARD: C'est ça, on vient de commencer, ce n'est rien.

M. LAPOINTE: ... le dise lorsqu'elle n'est pas d'accord, mais dise aussi les aspects positifs des projets qui seront présentés. Je pense qu'il y a du positif dans tout.

M. LEGER: On a appuyé le ministre des Affaires municipales, mais Bourassa ne l'accepte pas.

M. LAPOINTE: Je pense que les membres de l'Opposition pourraient, en plus d'apporter des critiques, apporter des solutions positives aux problèmes.

M. le Président, en terminant, je souhaite que tous ensemble nous construisions un Québec fort dans un Canada uni. Je vous remercie, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Dubuc.

M. Ghislain Harvey M. HARVEY (Dubuc): M. le Président, à titre de député du comté de Dubuc, je tiens d'abord à féliciter le président de l'Assemblée nationale ainsi que les deux vice-présidents, dont l'un est de notre région, l'honorable député de Roberval. Je leur offre en outre toute ma collaboration.

Par la même occasion, il me fait plaisir de porter à votre attention la présence de la seule femme siégeant à l'Assemblée nationale, laquelle présence contribuera, de façon non équivoque, à humaniser davantage au cours des prochaines années cet amalgame un peu anonyme et froid de rouages administratifs et législatifs que constitue le ministère des Affaires sociales.

Il m'a semblé également opportun de noter l'élection de six députés libéraux de moins de 30 ans, ce qui est un signe de jeunesse pour le Parti libéral et augure, sans aucun doute, un avenir prometteur pour le Parti libéral du Québec.

L'élection provinciale du 29 octobre dernier avait une grande importance tant pour les citoyens que pour le gouvernement du Québec. La grande victoire du Parti libéral, avec plus de 50 p.c. des votes, est un précédent dans l'histoire politique du Québec; elle signifie l'obtention d'un mandat clair de la population afin que soit maintenue, d'une part, l'option constitutionnelle du fédéralisme accordant une part équitable des pouvoirs aux provinces et, d'autre part, que soit assurée la continuité des objectifs du gouvernement en matière d'éducation, de travail, de justice, de voirie, etc., dans tous les secteurs vitaux, en somme, qui affectent directement ou indirectement les citoyens du Québec.

Ceci étant dit, je représente un de ces comtés à caractère mi-urbain et mi-rural, un comté qui a, depuis longtemps, les yeux tournés vers l'avenir et qui, en raison de sa situation géographique particulière, du dynamisme de sa population et de ses potentialités énormes de développement, surtout économique, attend beaucoup de l'action de notre gouvernement au cours des prochaines années.

Les besoins du comté sont grands et je voudrais, ici, vous présenter schématiquement les secteurs où l'intervention du gouvernement paraît la plus pressante. En matière de santé, le plus fondamental me paraît d'abord être le maintien de la vocation de nos services hospitaliers et particulièrement de l'hôpital de La Baie. Un autre projet dont la réalisation me tient à coeur est la création de services de santé en milieu rural. En matière de voirie, la population rurale du comté attend, avec une certaine impatience, l'améliroation de son réseau routier. Enfin — et cela a constitué, dans une certaine mesure, mon objectif fondamental durant la campagne électorale — il y a le grand projet pour le comté de Dubuc et c'est un projet qui risque de s'étendre sur une très longue période de temps. La population de Dubuc et celui qui vous parle veulent, en raison surtout de sa situation géographique et l'importance de ses ressources naturelles, faire de

Dubuc un axe industriel important. Sans vouloir trop entrer dans les détails, un des éléments importants de cet objectif d'industrialisation maximum du secteur est le projet du lac Albanel.

Déjà, des efforts sont faits en vue de la mise en oeuvre de développements miniers dans ce secteur. La population du comté suit de très près l'évolution de ce projet.

Il me fait plaisir, enfin, d'endosser la politique du gouvernement libéral dont les grandes lignes ont été exposées lors du dernier discours inaugural. Ces deux notions de continuité dans la priorité accordée à la croissance économique et l'ouverture sur un problème comme l'amélioration de la qualité de vie du citoyen, je les ferai miennes au cours des prochaines années. Je suis entièrement d'accord sur ce qui a été dit dans le discours inaugural à l'effet que, dans notre monde moderne, c'est la prospérité qui donne la mesure de la force réelle d'une collectivité en même temps qu'elle détermine le degré de liberté et de sécurité dont jouissent les citoyens qui y vivent. C'est à cette prospérité que les citoyens de mon comté aspirent et c'est avec acharnement que celui qui vous parle donnera la mesure de lui-même afin que se concrétise, dans son comté, cette prospérité. On voit encore dans le discours inaugural que les objectifs majeurs de la politique économique du gouvernement sont le renforcement de la structure industrielle, l'accroissement de la rentabilité pour le Québec de la mise en valeur de ses richesses naturelles, la modernisation de l'économie agricole, la promotion de l'industrie touristique et l'amélioration de l'infrastructure économique et des systèmes de transport.

De tels objectifs, M. le Président, ont constitué — et ce depuis le début de la campagne électorale, à l'échelle de mon comté — des centres de cristallisation des idées maîtresses, une toile de fond sur laquelle j'engagerai toute mon action au cours des prochaines années, tout ceci afin de procurer à mes concitoyens ce mieux-être qu'ils sont légitimement en droit d'attendre.

Je suis bien conscient encore de l'importance capitale pour l'avenir du Québec des lois que mes collègues et moi-même aurons à adopter. J'en suis d'autant plus conscient que lorsqu'on évoque, dans le discours inaugural, les potentialités touristiques, les richesses naturelles et le développement industriel, je me sens impliqué à titre de député d'un comté où ces termes deviennent presque des définitions et ce, non pas de façon vague et lointaine mais de façon immédiate, concrète et d'une réalité de tous les jours.

Enfin, M. le Président, soyez assuré qu'à l'instar de tous les collègues ici présents, je ferai au cours des prochaines années des intérêts du Québec mes intérêts. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, je veux remercier mes collègues de leurs applaudissements, surtout d'avoir applaudi au début parce que j'ai crainte qu'à la fin ils ne m'applaudissent pas.

M. le Président, mes premiers mots seront pour vous féliciter bien sincèrement de votre réélection à ce poste très important qui consiste à présider les délibérations de l'Assemblée nationale. J'ai été très heureux, en ce qui me concerne, d'appuyer votre candidature à ce poste, d'autant plus que, vous connaissant à l'avance, connaissant votre impartialité et connaissant votre gentilhommerie, je savais à l'avance que vous étiez en mesure de diriger nos débats avec célérité.

La deuxième raison pour laquelle je vous ai appuyé sans aucune réserve, c'est que j'étais heureux de voir diminuer cette majorité libérale de 102 à 101, pour pouvoir au moins équilibrer quelque peu les forces de l'Opposition avec celles du gouvernement, même si l'écart est encore extrêmement grand.

M. le Président, je veux vous assurer, ainsi que vos collègues qui ont à assumer la responsabilité de vice-président en cette Assemblée, de notre entière collaboration et je puis vous assurer à l'avance que l'Opposition collaborera dans toute la mesure du possible avec vous pour que nos travaux parlementaires fonctionnent de façon normale et pour que chacun des députés puisse s'exprimer en toute logique, en toute légitimité, compte tenu des responsabilités qu'ils ont reçues de leurs électeurs.

Je voudrais aussi que le gouvernement collabore avec vous parce que, M. le Président, j'ai crainte que vous ayez plus de difficulté du côté ministériel à présider nos travaux parlementaires qu'avec les membres de l'Opposition. Quand même, j'invite les députés du côté ministériel à collaborer avec la présidence de la Chambre de façon que chacun, quel qu'il soit, où qu'il soit, de quelque formation politique que ce soit, puisse représenter dignement et convenablement et se faire le porte-parole des électeurs, de ceux qui lui ont confié un mandat le 29 octobre dernier.

M. le Président, je vous demanderais aussi de faire preuve de beaucoup d'impartialité, surtout en ce qui a trait à l'Opposition parce que, vous savez, M. le Président, mon collègue de Rouyn-Noranda a dit qu'il y avait beaucoup de "rouge" à l'Assemblée nationale. Je vous dirai ceci: Connaissant votre souci pour tâcher de mener à bien cette lutte que le Québec a entamée contre la pollution, je vous demanderais, M. le Président, d'avoir une note particulière pour le peu d'espaces verts que nous avons à l'Assemblée nationale.

M. le Président, je veux aussi, au début de mon intervention, remercier sincèrement tous les électeurs et électrices du comté de Beauce-Sud qui m'ont renouvelé leur confiance en m'accordant un nouveau mandat pour revenir

les représenter à l'Assemblée nationale du Québec. M. le Président, je veux leur rendre cet hommage particulier parce qu'ils ont été ceux qui ont réussi, en quelque sorte, à enrayer cette grande marée libérale qui a englouti, envahi le Québec, pour ne pas dire dévasté le Québec.

M. le Président, on peut quand même avoir une lueur d'espoir, on peut quand même regarder l'avenir avec confiance.

Il y a encore quelques petits territoires libres au Québec et je me permets de dire que le comté de Beauce-Sud est un de ces petits territoires libres.

M. le Président, si vous avez l'occasion de venir le visiter...

M. VEILLEUX: Le comté de Saint-Jean.

M. ROY :... soyez assuré d'une chose: vous serez toujours le bienvenu dans notre beau comté de Beauce-Sud.

Cette élection, qui a eu lieu le 29 octobre dernier, a été passablement extraordinaire. Nous avons vécu des phénomènes que le Québec n'était pas habitué à vivre. En effet, c'était la première fois dans l'histoire du Québec que nous voyions un courant aussi fort se dégager chez le peuple pour faire un choix à l'occasion de cette élection, compte tenu de la situation particulière dans laquelle le Québec se trouvait.

Je veux dire à nos amis les ministériels que, si la population a voté très majoritairement pour le Parti libéral, il ne faudrait pas croire pour autant que la population vous a donné un mandat total et qu'elle vous a renouvelé cette confiance d'une façon absolue. Cela ne veut pas dire, non plus, que la population du Québec, si elle a refusé de trancher la question du séparatisme comme tel au cours d'une campagne électorale, accepte le fédéralisme asservissant auquel nous a habitués le gouvernement Bourassa depuis le mois de juin 1970.

Je pense que le sort n'en est pas jeté, que cette question n'a pas été décidée par la population du Québec. Le problème reste posé de façon totale, entière. Je pense que le gouvernement n'a pas le droit de laisser cette question de côté pour tenter à nouveau, au cours des élections qui auront lieu en 1977 ou 1978, de vouloir faire un référendum chez la population du Québec de façon à ne pas être obligé de rendre compte de son mandat, de son administration, de sa législation, et à ne pas porter, à l'occasion de l'élection, devant les Québécois les véritables problèmes qui se posent à la société québécoise.

Les gens de Beauce-Sud ont réussi à contrer cette marée, cette stratégie du Parti ibéral qui a voulu amplifier en quelque sorte un problème, qui a voulu faire en sorte d'apeurer la population — je dis bien apeurer, et je vais vous en donner des exemples — pour tâcher d'aller chercher le pouvoir à tout prix, par tous les moyens possibles.

Dans le comté de Beauce-Sud, grâce à sa ténacité et à son courage, la population a décidé de s'unir, de se serrer les coudes et de ne pas se laisser influencer par la grosse caisse électorale, par les promesses électorales, par les menaces et les intimidations de toutes sortes. Cette population s'est serré les coudes et elle a démontré...

M. VEILLEUX: Dans Saint-Jean, on n'a pas eu ça, des menaces.

M. ROY: ... que, lorsqu'une population a décidé de s'unir, il n'y a pas de machine électorale assez puissante, de caisse électorale assez grosse pour pouvoir contrer ses désirs.

Je pense que nous avons eu un exemple frappant qu'il est encore possible au Québec de penser nos problèmes, de regarder l'intérêt de notre nation, du Québec, avec sérénité.

Je tiens à dire au gouvernement libéral qu'au cours de cette campagne électorale tous les moyens ont été utilisés. Lorsqu'on a parlé de faire peur à la population, dans mon comté...

M. VEILLEUX: Dans Saint-Jean...

M. ROY: Si vous voulez les rappeler à l'ordre, M. le Président; je comprends que c'est agaçant. H y a même eu une manifestation péquiste, organisée, payée et commanditée par le Parti libéral, pour venir saboter une assemblée de créditistes. On a même organisé ça, et les jeunes étaient payés $20 chacun. Et ça s'est fait ailleurs, dans d'autres régions de la province de Québec.

On a profité de cette situation...

M. BACON: Prouvez4e.

M. ROY: ... on a engagé des jeunes, on les a payés pour faire en sorte...

M. BACON: Prouvez-le. M. ROY: ... justement...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les honorables députés à laisser le député de Beauce-Sud continuer son exposé. Ceux qui n'ont pas encore pris la parole pourront la prendre facilement après lui.

UNE VOIX: Avec plaisir.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: Merci, M. le Président. Je disais donc qu'on a organisé toutes sortes de petites manifestations payées et commanditées par le Parti libéral pour faire peur à là population et fausser le débat, de façon à éviter au gouvernement d'avoir à rendre compte de son mandat, à parler de ses dettes, de ses taxes, de ses déficits, du socialisme dans lequel le gouvernement nous

a enlisés depuis qu'il est au pouvoir, depuis avril 1970.

En face de tous les problèmes auxquels nous avons à faire face, M. le Président, je veux dire ceci à l'adresse de tous les députés libéraux qui sont ici dans cette Chambre: Je les ai écoutés depuis le début du débat sur le discours inaugural et j'ai été étonné et agréablement surpris de constater le dynamisme, le courage, les idées sincères et les voeux qu'ont exprimés ces députés devant cette Assemblée. Mais, M. le Président, je dois dire ceci: Que de déceptions les attendent, que de déceptions les guettent! et combien ces gens seront déçus tout à l'heure...

M. BACON: ... déception, vous.

M. ROY: ... dans un an, dans deux ans, de constater que dans le Parti libéral ils n'ont à peu près aucune influence, qu'ils ne sont pratiquement jamais consultés et que le dépôt des projets de loi se fait bien avant qu'ils soient consultés et bien avant qu'ils le sachent. Ils l'apprennent en même temps que nous. Nous avons au moins, dans l'Opposition, le privilège de nous lever à l'Assemblée nationale et dire au gouvernement, en face, quelles sont les lacunes dans le projet de loi et quelles sont les conséquences de ce projet de loi alors qu'eux-mêmes sont liés par l'obligation de se donner la main dans un parti politique.

M. BACON: ... créditiste là, vous.

M. ROY: Ils sont liés par le secret du caucus, ils sont liés par toutes sortes de moyens qui font qu'ils sont obligés de défendre les positions du gouvernement, que ça fasse leur affaire ou non.

M. le Président, je pourrais même rappeler quelques petites anecdotes qui se sont produites à l'Assemblée nationale au cours de certains débats sur certains projets de loi alors que les députés de l'Opposition recevaient de petites notes sur leurs bureaux pour suggérer des choses à dire parce que ces gens-là n'étaient pas capables de les dire. Ce n'est pas nouveau et ce n'est pas un secret pour personne. Nous savons, M. le Président, que ces choses vont continuer.

Nous commençons la première session de cette trentième Législature. M. le Président, je disais tout à l'heure que la population du Québec n'accepte pas le statu quo du fédéralisme actuel. Si la population du Québec a rejeté le séparatisme comme tel, ce n'est pas pour autant que la population du Québec se situe dans une extrémité ou dans l'autre. Je pense que la place du Québec est au centre, au juste milieu, et je pense que toutes ces questions devront être discutées non pas dans des conférences à huit clos, non pas dans des conférences dans lesquelles aucun parlementaire de l'Opposition n'est admis, non pas non plus dans des conférences auxquelles même les gens de la presse ne sont pas admis, ces personnes devant simplement se contenter de petits communiqués de presse qu'on leur émet à l'issue de ces conférences. M. le Président...

M. VEILLEUX: Nous autres, on n'assiste pas à vos assemblées.

M. ROY: ... je dis ceci aussi au gouvernement: Si le Québec n'accepte pas le statu quo actuel, le Québec n'a pas accepté pour autant le genre d'endettement pyramidal auquel nous a habitués, dans lequel nous a entraînés l'équipe libérale du gouvernement actuel depuis 1970. M. le Président, la population du Québec n'accepte pas non plus d'aller à l'heure actuelle vers les contrôles d'Etat de plus en plus grands, par le fait que tout le monde perd sa liberté chaque jour et que de plus en plus de gens se retrouvent à la solde du gouvernement provincial.

Nous avons vu quelques phénomènes au cours de la dernière Législature; nous avons vu l'apparition de la "castonguette"; nous avons vu l'apparition de la "choquette" et nous avons vu l'apparition de la "toupinette". Trois choses qui font en sorte qu'à l'heure actuelle, avec ces petits appareils, ces petites machines, nous avons des gens qui se facturent des salaires et qui envoient le compte à l'Etat. Je ne serais pas surpris d'en voir apparaître d'autres au cours de la présente session. Je ne serais pas surpris de voir apparaître en quelque sorte une nouvelle "massette" ou encore une "garnette", M. le Président, pour faire en sorte qu'encore un plus grand nombre de personnes se retrouvent à la solde du gouvernement provincial, travaillent comme fonctionnaires du gouvernement provincial, ayant perdu toute initiative, perdu toute liberté, vivant autrement dit avec les deniers des contribuables.

Je pense que toutes ces choses et tous ces faits font en sorte que, dans toute cette stratégie et cette politique organisées et orchestrées par le gouvernement libéral, nous nous trouvons aujourd'hui avec les problèmes que nous connaissons. M. le Président, je pense que le gouvernement qui vient de recevoir un nouveau mandat, qui vient de recevoir la confiance du peuple du Québec par les moyens discutables qu'il a pris, je pense que le gouvernement a d'immenses responsabilités devant lui. Parmi celles-ci, M. le Président, il a à faire en sorte que les Québécois puissent bénéficier des immenses ressources et des richesses qu'ils ont chez eux.

Les Québécois ont le droit de participer au développement économique de leur province. Qu'ils puissent y participer mais qu'ils puissent profiter également du développement économique de leur province en étant des citoyens à part entière.

Et le gouvernement a pour fonction et pour mandat, M. le Président, de faire en sorte également que nos institutions scolaires, muni-

cipales ou hospitalières, soient en mesure de remplir leur mandat et d'être capables de donner à la population du Québec les meilleurs services, de la meilleure qualité et au meilleur prix possible, de façon que chacun des Québécois puisse bénéficier de ces services.

Et je pense qu'encore là nous avons l'exemple, si nous nous référons à la dernière administration du gouvernement, que ceci n'a pas été dans le meilleur des mondes, que ceci ne s'est pas fait en fonction du meilleur intérêt des Québécois, parce que justement on a assisté, au cours des dernières sessions, au cours de la dernière Législature, à l'endettement pyramidal du Québec, on a assisté à la dépossession collective des Québécois, on a assisté à l'asservissement de nos organismes municipaux, supra-municipaux, des organismes scolaires et hospitaliers, de sorte que tous ces gens-là, à l'heure actuelle, se retrouvent pris, enrégimentés...

M. LESSARD: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue de Beauce-Sud, qui fait un exposé formidable, mais nous n'avons pas encore quorum, malgré 102 députés libéraux, 28 députés, M. le Président dans cette Chambre. Vingt-huit députés sur 102.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés !

M. LESSARD: 110. Non, non, vous êtes 102, c'est à vous autres à faire le quorum; ce n'est pas nous qui allons faire le quorum, soyez-en assurés. Même si on le voulait, on ne le pourrait pas.

M. CARON: On a le quorum, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, quant au rôle que l'Opposition a joué dans ce gouvernement, il est extrêmement important, compte tenu de notre nombre limité, et compte tenu également du fait que nous devons encore batailler et réclamer du gouvernement les services et les budgets dont nous avons besoin pour être en mesure de nous acquitter adéquatement de nos responsabilités.

On sait, M. le Président, que l'Opposition a été réduite au cours de cette élection, mais le gouvernement devrait être conscient du fait que dans un vrai régime démocratique, on doit permettre à l'Opposition de s'acquitter de ses responsabilités, on doit permettre à l'Opposition de s'acquitter de sa tâche et on doit permettre à l'Opposition d'être en mesure, en lui offrant les services nécessaires, de le faire de la meilleure façon possible.

En ce qui nous concerne, M. le Président, que nous soyons à la deuxième semaine de nos travaux parlementaires, c'est encore le statu quo, il n'y a absolument rien de réglé de ce côté et nous ne savons absolument rien, nous ne connaissons pas les intentions du gouvernement en ce qui a trait à notre statut à l'Assemblée nationale du Québec.

Le gouvernement se fait fort de sa grande victoire et de sa grande majorité, le gouvernement analyse des chiffres, des résultats électoraux, et si on prend les mêmes chiffres que le gouvernement prend à l'heure actuelle pour essayer de se justifier, en quelque sorte de bâillonner ou limiter les moyens ou limiter le rôle de l'Opposition dans l'Assemblée nationale, j'aimerais quand même lui rappeler certains chiffres, à lui rappeler certains faits, pour démontrer, si nous faisons l'analyse à l'inverse, ce que ça pourrait donner.

M. le Président, en ce qui nous concerne, notre parti a obtenu, au cours de la dernière campagne électorale — il me manque les résultats de deux comtés évidemment — 281,245 votes, soit près de 10 p.c. du vote et nous sommes deux députés à l'Assemblée nationale, ce qui veut dire que nous représentons chacun 140,000 électeurs qui ont voté pour le Parti créditiste.

M. le Président, si on ajoute à cela ceux qui n'ont pas voté pour le Parti québécois, ceux qui n'ont pas voté non plus pour le Parti libéral...

UNE VOIX: Ceux qui n'ont pas voté du tout.

M. ROY: ... mais qui ont quand même exercé leur droit de vote au cours de la dernière campagne électorale et qui se situent au centre et dont le programme les rapprochait du programme du Parti créditiste, on retrouve également là 144,000 électeurs.

Si on fait une moyenne, si on regarde les votes d'électeurs qu'a reçus le Parti libéral, 1,595,626, si on divise par le nombre de députés, cela veut dire que chaque député libéral qui siège à l'Assemblée nationale du Québec représente 15,643 électeurs qui ont choisi le Parti libéral alors que nous représentons chacun 213,000 électeurs...

M. BACON: C'est faux, c'est faux!

M. ROY: ... qui n'ont pas voté pour le Parti libéral.

M. BACON: C'est faux, c'est faux!

M. ROY: Si on représentait le même nombre d'électeurs...

M. BACON: C'est faux, vous n'êtes même pas créditistes.

M. ROY: ... si les créditistes représentaient le même nombre d'électeurs que le Parti libéral représente à l'Assemblée nationale, cela nous donnerait dix députés. Si on ajoute à cela les

autres qui n'ont pas de représentants à l'Assemblée nationale, cela veut dire qu'il y aurait quinze députés de l'Opposition de plus...

M. BACON: Dupuis ne sera pas là non plus.

M. ROY: ... qui ne seraient pas du Parti québécois, évidemment, pour siéger à l'Assemblée nationale du Québec. Par contre, si on prend le même nombre d'électeurs qui ont voté créditiste pour obtenir le nombre de députés libéraux qu'il pourrait y avoir à l'Assemblée nationale, les libéraux se retrouveraient tout simplement avec onze députés à l'Assemblée nationale du Québec. Ce qui veut dire que dans notre mode électoral il y a beaucoup de changements à faire si nous voulons respecter l'opinion publique, si nous voulons respecter l'électeur québécois et si nous voulons permettre à l'électeur québécois d'être représenté par la meilleure méthode possible à l'Assemblée nationale du Québec.

M. BELLEMARE: II y a trop de chefs, chez vous.

M. ROY : Devant ces faits, dans ces circonstances, le Parti libéral n'a pas à se vanter de sa trop grande majorité et de sa trop grande victoire. Je pense que le Parti libéral devrait tout simplement regarder la réalité bien en face, il devrait s'humilier en quelque sorte. Avec un peu d'humilité, il pourrait commencer à voir clair, à voir les vrais problèmes dont souffrent les Québécois, à voir les changements que réclame la société québécoise; elle réclame des modifications, des correctifs le plus tôt possible.

Si nous voulons accéder à une vraie démocratie au Québec, il faut que cette démocratie permette au peuple d'être consulté. Je pense que c'est un premier point, permettre au peuple d'être consulté. Il faut que ce peuple soit également respecté. Il faut que nos lois, que l'administration gouvernementale — c'est une chose qui n'a pas été dite souvent à l'Assemblée nationale du Québec — fassent en sorte que les citoyens du Québec soient héritiers dans la société québécoise. Si on regarde la démocratie de façade que nous avons, la fausse démocratie que nous avons, nous sommes plutôt en lieu de constater que le peuple est complètement ignoré, que le peuple n'est pas suffisamment consulté.

Nous sommes en mesure de constater également que le peuple du Québec est contrôlé de plus en plus par des lois, par des réglementations gouvernementales. On se retrouve en face du fait que de plus en plus de Québécois sont conditionnés, sont comprimés, sont contrôlés et ne peuvent plus exercer librement leur métier, leur profession en vue d'être un actif dans la société québécoise, en vue de pouvoir gagner leur vie et la vie de leur famille. Le Québécois, au lieu d'être un héritier dans la société québécoise, est un citoyen de plus en plus dépossédé; dépossédé de son salaire, d'abord, dépossédé de sa propriété et, ensuite, dépossédé de son patrimoine national.

Je pense qu'on a vu de multiples exemples, au cours des quatre dernières années, de ce phénomène qui va en s'accentuant. Encore une fois, dans le discours inaugural de cette année, je n'ai absolument rien vu —je dis bien absolument rien vu — qui nous permette de conclure ou de déduire que le gouvernement a l'intention de prendre les moyens réels pour donner aux Québécois ce qu'il se propose de donner en façade dans tout son discours inaugural. On se trouvera en face du fait que le Québécois, pour bénéficier d'une soi-disant société, d'une économie d'abondance, d'un peu d'abondance, si vous voulez, devra continuer à transférer ses propriétés aux étrangers, aux Américains ou encore aux Européens, devra continuer à se déposséder de son patrimoine national et céder ses richesses naturelles et tous ses droits aux entreprises multinationales. On leur accorde de généreuses subventions, on leur fait bénéficier de généreuses exemptions d'impôts, comme on l'a vu dans les cas de la société Rayonier ou de Falconbridge. On pourrait citer d'autres exemples.

C'est là, je pense, le point important. Je pense que le gouvernement a comme responsabilité première — et je le répète pour que ce soit bien compris— de consulter la population du Québec pour savoir ce qu'elle veut, de respecter cette population une fois qu'on l'aura consultée et de permettre à chacun de ces Québécois d'être les héritiers de ce patrimoine national et de ce pays immensément riche que nous avons l'avantage de posséder.

M. le Président, quand on regarde toutes ces choses et qu'on regarde de quelle façon, encore une fois — je reviens sur ce point — on a orienté l'économie québécoise depuis un certain nombre d'années, on constate, encore là, que, devant cette dépossession, on fait en sorte par les lois, que ce soit au ministère de l'Industrie et du Commerce, que ce soit au ministère des Richesses naturelles, que ce soit encore au ministère de l'Agriculture, d'éliminer de plus en plus de propriétaires. En regroupant de plus en plus les industries pour qu'elles deviennent de plus en plus grosses, on fait en sorte que les Québécois ne pourront pas s'en porter acquéreurs si, à un moment donné, les propriétaires décident de vendre. On les livre pieds et mains liés aux entreprises multinationales, à la finance internationale et on fait en sorte de déposséder les ruraux des services publics auxquels ils ont droit et qu'ils s'étaient donnés, depuis quelques générations, et on assasine ainsi l'économie rurale du Québec.

M le Président, quelques mots sur l'économie rurale du Québec. Etant donné que, comme député de l'Opposition dans cette Assemblée, je suis le seul qui représente la rive sud du Saint-Laurent, de Gaspé à Montréal, représen-

tant un comté rural du Québec, je voudrais, pendant les quelques minutes qu'il me reste, me faire le porte-parole de ces populations rurales pour dire au gouvernement ce que les ruraux ressentent, à l'heure actuelle, face à leur gouvernement, ce que les ruraux ressentent, à l'heure actuelle, face à cette situation dans laquelle on les a placés et face aussi à l'avenir qu'on leur réserve.

M. le Président, ce n'est un secret pour personne qu'on a tout fait, depuis une quinzaine d'années, pour saboter l'économie rurale du Québec, et même on a réussi à la saborder complètement.

DES VOIX: C'est faux!

M. ROY: J'inviterais ceux qui disent que c'est faux à s'ouvrir les yeux et à regarder à côté d'eux lorsqu'ils ont l'occasion de parcourir le Québec, si jamais ils en ont la permission. Qu'ils regardent ce qui se passe et ils verront dans quelle situation se trouvent les régions agricoles, nos belles régions prospères du Québec. Des milliers de fermes sont abandonnées et des milliers de fermes seront abandonnées au cours des prochains mois, au cours des deux prochaines années. On se retrouve dans cette situation au niveau de l'agriculture, alors que, dans le Canada, la province de Québec était considérée comme la province agricole par excellence, la province de l'industrie laitière et que la culture mixte était en quelque sorte la marque de commerce de la société québécoise.

M. le Président, quelques statistiques seulement pour montrer au gouvernement jusqu'à quel point, à l'heure actuelle, nous nous dirigeons vers la servitude la plus complète, la servitude la plus absolue, parce que le gouvernement a les pieds et les mains liés et ne peut pas prendre ses responsabilités.

M. le Président, si on regarde les statistiques publiées par le ministère de l'Industrie et du Commerce de la province de Québec, pour ce qui a trait à la production des produits laitiers, dans le beurre de crèmerie, on constate qu'à la fin d'août la production était de 91 p.c. de l'année précédente, cette année, et qu'au Canada la production était de 86 p.c. Comme il y a une diminution au Canada, nous aurions dû faire en sorte, dans la province de Québec, de combler cette différence de façon à pouvoir permettre aux agriculteurs du Québec de conserver leurs fermes, d'avoir des revenus décents et d'être en mesure d'y vivre. Dans la production du fromage, c'était 96 p.c. Je pourrais y aller de multiples exemples, mais je me contenterai simplement de souligner un point, parce que c'est la production agricole numéro 1, au Québec, dans l'industrie laitière. Le stock de beurre au Québec, au 31 août cette année, n'était que de 77 p.c. de ce qu'il était l'année dernière, alors qu'au Canada il est plus élevé que dans la province de Québec.

M. le Président, toutes ces statistiques — je pourrais en citer plusieurs autres — démontrent clairement dans quelle situation le Québec est rendu présentement. Je dis que, face à tous ces faits et à toutes ces circonstances, l'avenir de la nation est en danger.

Il n'y a rien dans le discours inaugural qui puisse nous donner l'espoir d'un redressement. Ce qui est tragique à constater, c'est que tout ce qui nous a permis de survivre et d'être ce que nous sommes a été complètement renié, complètement bafoué. L'économie rurale du Québec, c'est une chose qui ne compte plus pour ce gouvernement, ce n'est plus dans ses préoccupations. On se trouve à faire en sorte qu'au lieu que nos centres urbains se développent par de la main-d'oeuvre qui nous arrive des milieux ruraux, à l'heure actuelle les centres urbains sont obligés de se développer en ayant recours à l'immigration avec les problèmes que nous connaissons.

Ces problèmes, j'en serais le premier heureux si nous pouvions les régler par une petite loi à l'Assemblée nationale du Québec. Je serais heureux d'approuver une loi qui nous permettrait de régler dans cette Assemblée ou en dehors de la Chambre la survie du Canada français, la survie du Canadien français dans la province de Québec. Mais je ne sache pas que personne ait la formule magique. Si personne n'a la formule magique, cela veut dire que la formule magique n'existe pas. Ce n'est pas une chose aussi facile que cela à régler. Il va nous falloir un ensemble de mesures qui, en développant une économie authentiquement québécoise, permettra aux Québécois d'être des Québécois, d'être propriétaires dans leur province et d'être des citoyens à part entière, et aussi que nous ayons des politiques sociales — je vois le nouveau titulaire du ministère des Affaires sociales — que nous ayons des politiques familiales au Québec qui permettent à nos familles québécoises de vivre dans des conditions humaines, de vivre dans des conditions normales, que nos lois sociales cessent d'être discriminatoires comme elles le sont à l'heure actuelle alors qu'elles persécutent les gens qui ont le malheur d'être malades, les gens qui ont le malheur d'être invalides ou encore les femmes qui ont le malheur de perdre leur mari. Qu'elles cessent de les persécuter comme on les persécute à l'heure actuelle dans la province de Québec.

Si l'honorable ministre des Affaires sociales avait l'occasion de venir faire du bureau dans mon comté ou dans n'importe quel bureau de ses collègues libéraux pour entendre les témoignages que nous avons des gens, de nos mères de famille du Québec, de nos gens défavorisés, de nos gens qui ont connu le malheur dans la province de Québec, il serait surpris. Je pense que la responsabilité qu'a le ministre des Affaires sociales est une responsabilité énorme, une responsabilité immense parce que sur lui repose, je dirais, une partie très grande de l'avenir de la nation parce qu'il va falloir que nous nous décidions, à un moment donné, de donner au

Québec et aux Québécois des lois humaines, des lois qui respectent l'individu, des lois qui respectent le citoyen. Qu'on tâche donc que dans ces lois sociales on ne fasse pas en sorte de contribuer à établir un régime de pauvreté garanti et permanent. Quand on rencontre des gens et lorsque nous réclamons, par exemple, d'abaisser l'âge de la pension de sécurité de la vieillesse, il est évident que le gouvernement provincial pourrait faire quelque chose de ce côté. Lorsqu'on demande qu'on accorde la pension de sécurité à la personne, il y aurait des amendements à apporter à la Loi de l'aide sociale qui est de juridiction provinciale. H y aurait des amendements à apporter également à la Loi de la Régie des rentes du Québec de façon à donner à l'épouse la même allocation que l'on peut donner à son mari, même si elle n'a pas 65 ans.

M. VEILLEUX: C'est assez.

M. ROY: Lorsque des personnes sont rendues invalides, lorsque des personnes sont rendues dans cette situation après avoir travaillé 40 ou 45 ans, parce qu'il y a beaucoup de gens au Québec qui ont travaillé, qui ont dû entrer sur le marché du travail à l'âge de 14 ou 15 ans, ces personnes, rendues à 60 ans, ont donné 40 et 45 ans de leur vie à travailler pour leur province, à travailler pour leur famille, à travailler pour leur patron.

M. le Président, je termine là-dessus. Je comprends que le député de Saint-Jean est extrêmement nerveux. D'abord, c'est une personne qui a toujours fait cela à l'Assemblée nationale...

M. VEILLEUX: M. le Président, je...

M. ROY: ... interrompre ses collègues et taper sur les bureaux.

M. VEILLEUX: M. le Président, j'en appelle au règlement.

M. ROY: J'aimerais dire quand même, M. le Président...

M. VEILLEUX: M. le Président, j'en appelle au règlement.

M. ROY: ... que je vais appuyer, sans réserve...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Question de règlement.

M. VEILLEUX: Le temps est écoulé, M. le Président, selon notre règlement. Veuillez rappeler à l'ordre le député de Beauce.

LE PRESIDENT: Le temps est écoulé. Est-ce qu'il y a...

M. ROY: 30 secondes, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce demande 30 secondes.

DES VOIX: Non.

UNE VOIX: D'accord, d'accord.

LE PRESIDENT: Un instant. Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. VEILLEUX: Non.

M. LESSARD: Consentement, M. le Président.

M. VEILLEUX: Non. LE PRESIDENT: Non.

UNE VOIX: C'est le député de Saint-Jean, M. le Président.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Messieurs, il n'y a pas consentement. L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Jean-Claude Malépart

M. MALEPART: M. le Président, tout comme mes collègues, je tiens à vous féliciter pour votre élection ainsi qu'à féliciter vos deux vice-présidents. Je profite également de l'occasion pour féliciter tous les députés de cette Assemblée et spécialement le député de Mercier, l'honorable Robert Bourassa.

M. le Président, le discours inaugural, à mon avis, démontre le sens des responsabilités du gouvernement libéral envers la population du Québec par le développement des politiques économiques et sociales, par l'amélioration des services dans le domaine de la santé et dans le domaine des services sociaux, par l'humanisation du système d'éducation, par le développement des activités sportives et des services de loisirs, et j'en passe.

M. le Président, le résultat de l'élection du 29 octobre dernier démontre, à mon avis, que la population du Québec a grandement confiance dans le Parti libéral. Cette marque de confiance nous a été démontrée non seulement par l'élection des 102 députés mais surtout par la réélection de tous les députés sortants du Parti libéral, alors qu'en même temps cette même population démontrait sa non-confiance à l'endroit des trois autres formations politiques en ne réélisant aucun des députés sortants de l'Union Nationale, ni la grande majorité des députés sortants du Parti créditiste et près de 50 p.c. des députés sortants du Parti québécois.

M. le Président, le portrait de la population du comté de Sainte-Marie se lit comme suit: 32,000 électeurs, 98 p.c. de francophones, 33 p.c. de la population sont âgés de 51 ans et plus, 44 p.c. se situent entre 26 et 50 ans et 23 p.c. entre 18 et 25 ans, 30 p.c. de cette population sont des employés de bureaux ou

exercent des métiers spécialisés, 30 p.c. sont des dames au foyer, 25 p.c. des journaliers, 10 p.c. des pensionnés, 4 p.c. des étudiants, 1 p.c. des professionnels.

M. le Président, vous comprendrez que cette population, qui se regroupe dans huit paroisses de l'est de Montréal, a les besoins suivants: construction de résidences pour personnes âgées, développement des services de soins à domicile, rénovation de logements, construction de logements à prix modique, amélioration de l'aide sociale non seulement par la hausse des subventions mais par la continuité et l'amélioration des ateliers protégés, développement des loisirs communautaires, tant dans le domaine culturel que dans le domaine des sports et ouverture de garderies populaires.

M. le Président, je tiens à assurer cette population du comté de Sainte-Marie que, malgré toutes les accusations de mes adversaires, je continuerai comme par le passé à travailler avec les groupements populaires tels que le Centre d'information communautaire et de dépannage, la conférence Saint-Vincent-de-Paul, les loisirs paroissiaux, les clubs de l'âge d'or, comités de parents et comités d'élèves, le CLSC et tous les clubs sociaux qui font partie de la vie du comté de Sainte-Marie. Soyez assuré, M. le Président, que j'inciterai ces groupements à participer à tous les programmes que les différents gouvernements, tant fédéral, provincial que municipal, mettront à leur disposition.

En terminant, M. le Président, je me suis réjoui, la semaine dernière, de l'annonce faite par le député de Iles-de-la-Madeleine à l'effet que les députés libéraux auraient comme mandat d'informer la population. On sait que cette population manque énormément d'information. Je me permets de faire à cette Assemblée la suggestion que tous les députés de cette Assemblée aient droit, une ou deux fois par année, de faire parvenir à tous leurs électeurs du courrier par la poste pour mieux les informer. Ceci nous permettrait de mieux les consulter. Merci.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Mille-Iles.

M. Bernard Lachance

M. LACHANCE: M. le Président, me joignant aux autres collègues qui m'ont précédé, je profite de la première occasion qui m'est donnée de m'adresser à l'Assemblée nationale pour vous féliciter, au nom de la population du comté de Mille-Iles, de votre élection au poste de président de cette Chambre. Par extension, j'adresse des félicitations aux vice-présidents de la Chambre, le député de Roberval et le député de Saint-Louis, pour leur nomination.

M. le Président, depuis plusieurs années déjà, je m'occupe de la chose publique, tant par ma participation active aux côtés de mon collègue, le député de Fabre, que par le rôle que j'ai joué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. J'ai acquis une expérience que je veux mettre à profit pour la population du comté de Mille-Iles d'abord et pour l'ensemble de la collectivité québécoise.

Les collègues qui m'ont précédé ont contribué, par leurs témoignages, à mettre en relief les aspects négatifs du parti séparatiste. Je souscris entièrement aux démonstrations de mes collègues. En plus, j'ajouterai des éléments à ce dossier.

Au cours de la dernière campagne électorale, dans mon comté, nous avons vu les partisans de l'organisation du Parti québécois se ficher éper-dument des lois et des règlements municipaux en affichant, sur les panneaux de signalisation routière et les poteaux de l'Hydro-Québec.

Nous avons assisté à l'opération sabotage du parti séparatiste qui déchirait et arrachait nos banderoles et pancartes au fur et à mesure qu'on les posait. Et par deux fois, ils ont mis le feu à nos roulottes placées dans des centres d'achat.

Nous avons assisté aussi à d'autres tactiques sournoises du parti séparatiste qui a essayé de nous voler l'élection...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LACHANCE: ... par ses équipes de commandos qui se spécialisent dans la radiation d'électeurs dont les noms ont des consonnan-ces ethniques et dans l'addition massive de noms sur des listes électorales. Cela, je l'ai vécu en 1970, pour votre information, MM. les péquistes.

A ce sujet, j'aimerais rappeler à cette Chambre qu'en 1970, à l'élection générale, une enquête menée par le journaliste, feu Teddy Chevalot, avait mis en lumière le fait troublant que le nombre de noms ajoutés à certaines listes électorales des comtés de Fabre et de Saint-Jacques étaient identiques. C'était là l'oeuvre de séparatistes qui élisaient domicile dans les deux comtés, et assez paradoxalement avant l'ouverture des bureaux de dépôt. Cette enquête a été passée sous silence à cause de la pression que des personnages influents du parti séparatiste exerçaient sur les journalistes en ce temps-là.

M. BACON: Y avait-il du monde influent là-dedans?

M. LACHANCE: Quelques-uns. UNE VOIX: Péquistes. UNE VOIX: Séparatistes.

M. LACHANCE: Dans un compte rendu du journal Montréal-Matin, dans l'édition du dimanche 2 décembre, au sujet d'une interview accordée par le chef séparatiste, René Lévesque, à la Presse canadienne, ce dernier a déclaré: "Si

on s'adresse à la classe bourgeoise, je me demande pourquoi dans Ahuntsic et Mille-Iles par exemple, deux comtés qui sont essentiellement des comtés francophones, une bonne bourgeoisie moyenne québécoise a réagi en panique et diminué le vote du PQ par rapport à 1970."

Eh bien, René Lévesque, chef du parti séparatiste, vous mentez effrontément à la population de mon comté.

M. LESSARD: C'est fini, les élections!

M. LACHANCE: Et c'est un affront à l'intelligence de l'électeur de mon comté que de justifier votre échec en disant que les gens ont eu peur et ont pris panique lors de la dernière élection. Vous vous donnez trop facilement bonne conscience en mettant sur la faute des autres tous les échecs que vous devriez prendre à votre compte.

Je vais vous dire à vous, M. René Lévesque, pourquoi le PQ a perdu pied dans Mille-Iles et pourquoi nous avons gagné par une forte majorité. C'est parce que le Parti québécois, son organisation, ses penseurs, cherchent à détruire les liens de l'individu avec la société dans laquelle il vit.

C'est à cause de la frénésie destructive de vos intellectuels qui proposent la séparation du Québec du reste du pays. C'est la passion que vous avez de jouer un rôle à l'échelle mondiale. C'est à cause de votre action politique par l'irrationnel au point de perdre complètement de vue les réalités.

C'est à cause du goût de l'aventure que vous proposez à la population. Je prends comme témoin de ce que je déclare le fameux budget de l'an 1 que le Parti québécois a présenté. C'est à cause du terrorisme politique que vous pratiquez.

A vous entendre, il n'y a que les séparatistes qui sont en possession de la vérité pure. Le langage que vous utilisez pour parler des autres partis politiques et la rhétorique des bas-fond dont vous faites monnaie courante pour décrire le fond de votre pensée politique démontrent jusqu'à quel point vous n'avez pas le respect de la population, et elle vous le rend bien.

Dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es. Durant la dernière campagne électorale, on a voulu refaire l'image du chef séparatiste.

M. LESSARD: Di Iorio, Dasti, Vic Cotroni. Allez-y !

M. LACHANCE: On l'a montré, dit-on, sous le jour nouveau de l'homme serein avec un "new-look".

UNE VOIX: A l'ordre, messieurs!

M. LACHANCE: Je constate. Je pense que le député de Saguenay n'est pas à sa place. Il aimerait mieux se voir en Arabie Saoudite, comme il dit si bien. C'est Séoudite.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plait! L'honorable député des Mille-Iles.

M. LACHANCE: Puis-je continuer là? On a voulu...

M. BURNS: On peut vous demander qui vous hantez, vous aussi.

M. LACHANCE: ... refaire l'image du chef séparatiste. La vérité fâche? On l'a montré, dit-on, sous un jour nouveau, de l'homme serein avec un "new look". La population du Québec n'a pas marché. Pas bête! Elle s'est aperçue que la photo était truquée. Le PQ a même voulu truquer sa publicité vers la fin de la campagne en disant que la séparation du Québec se ferait peut-être mais plus tard. Derrière une façade sereine, les mêmes idées destructrices mises de l'avant par le PQ ont transpiré. Les missions impossibles, la population n'en veut pas, et elle l'a dit clairement lors de la dernière élection. Et si aujourd'hui le PQ est le seul parti de l'Opposition, ne nous trompons pas, c'est par défaut, parce que les deux autres factions politiques n'ont pas su canaliser l'électorat de la façon appropriée.

M. BURNS: Cela, ça vous fait de la peine! M. LACHANCE: Pas tellement. M. BURNS: Ah oui!

M. LACHANCE: J'aimerais signaler à cette Chambre...

M. BURNS: Cela parait. Allez-vous augmenter notre caisse électorale? C'est sérieux.

M. LACHANCE: J'aimerais signaler à cette Chambre que le comté des Mille-Iles, selon le recensement de 1971, Statistique Canada, produit en 1973, est l'endroit où le degré d'instruction est le plus élevé au Canada. C'est aussi le plus politisé au Québec. Les citoyens du comté des Mille-Iles sont des gens qui se sont aperçus que le programme du PQ est une utopie, extrêmement stérile; ils l'ont dit sans équivoque.

Aujourd'hui, la panique s'est emparée de ces pseudo-intellectuels séparatistes qui sont tourmentés par la peur et la crainte de finir dans les poubelles de l'histoire. En conclusion, le Parti québécois est donc un pot-pourri d'idées éparses et c'est ce qui fit en grande partie sa défaite du 29 octobre dernier.

M. le Président, nos adversaires et principalement le PQ ont mis en doute le thème majeur de la campagne électorale de notre parti: "Bourassa construit". J'aimerais vous signaler pour votre gouverne les principales réalisations du gouvernement dans les comtés de l'île Jésus, à Laval, et principalement dans le comté des Mille-Iles depuis les trois dernières années: l'autoroute 25 et le doublage du pont Pie-IX, le

prolongement de l'autoroute Papineau-Leblanc, le prolongement et l'élargissement du boulevard Saint-Martin, la construction de l'école Vanier, la Cité de la santé, type d'hôpital complètement nouveau, la première au Québec, le Centre de la nature, subventionné par le haut-commissariat, le CEGEP Montmorency, l'autoroute Chomedey ou autoroute 50, à la suite d'une entente fédérale-provinciale, qui reliera l'aéroport de Dorval à Mirabel, l'autoroute Laval, qui relie l'autoroute Chomedey à l'autoroute 25, et qui permettra de développer le centre-ville, le boulevard Labelle à Fabreville.

Tous ces travaux sont en majorité complétés ou en voie d'être réalisés. C'est un investissement qui se chiffre par au-delà de $150 millions par notre gouvernement. Par ailleurs, parmi les perspectives nouvelles pour la ville de Laval et le comté des Mille-Iles, et en qualité de député de ce comté, j'ai placé les priorités suivantes: l'abolition du poste de péage à Laval-des-Rapides. Suite à maintes demandes formulées dans le passé par mes collègues des comtés de Laval et Fabre — et ici je m'adresse au ministre des Transports — je désire vous exposer un état de fait qui crée un déséquilibre fiscal dans différentes régions du Québec et qui pénalise injustement les contribuables de la ville de Laval. Je demande officiellement aujourd'hui au ministre des Transports d'instituer au sein de son ministère un comité pour réévaluer globalement le système qui existe. Ce comité pourra vous faire rapport dans un délai utile, après avoir entendu les représentations de toutes les personnes intéressées.

L'on sait que présentement l'autoroute des Laurentides comprend un poste de péage sur l'île Jésus et que l'autoroute 50 sera aussi dotée d'un poste de péage.

Signalons ici que la ville de Québec est dotée d'un magnifique réseau routier comprenant, entre autres, les boulevards de la Capitale, Champlain, Charest et des Laurentides, ainsi que l'autoroute Dufferin-Montmorency, où aucun poste de péage n'existe. Outre le projet de loi 29 qui accorde aux municipalités de 25,000 âmes et plus une subvention spéciale, afin d'alléger le fardeau fiscal des contribuables et dont bénéficie la ville de Laval d'un montant de $2,280,100, je m'adresse au ministre des Affaires municipales et de l'environnement pour qu'il accentue l'aide financière à Laval, afin d'harmoniser son développement.

Parmi les priorités, Laval a un besoin pressant d'aide. Je pense en particulier au transport en commun, à la dépollution de nos plans d'eau, rivière des Prairies, rivière des Mille-Iles, et aussi, au métro. Laval sera dotée prochainement d'un CEGEP moderne où l'enseignement sera d'un type nouveau, tel que préconisé par le ministère de l'Education. Non pas que je sois réfractaire à l'essai de nouvelles techniques et méthodes d'enseignement, je demande au ministre de l'Education, de bien vouloir réviser globalement le système pédagogique du CEGEP

Montmorency, pour bien s'assurer que ce système correspond au meilleur épanouissement de notre jeunesse étudiante.

Grâce, je l'espère, à une subvention du gouvernement, la ville de Laval pourrait être dotée d'un aréna pour faciliter l'enseignement du patinage artistique. Cet aréna pourrait être érigé dans le comté de Mille-Iles. Cette subvention soulignerait le caractère spécial de la ville de Laval, qui est le centre du patinage artistique le mieux structuré au Canada, grâce à la participation de la population et des commissions scolaires.

La construction de la cité de la santé continue de progresser normalement. Ce centre de la santé sera doté de tous les services médicaux conformément aux nouvelles directives du ministère des Affaires sociales. Dans un autre ordre d'idées, je rappelle au ministre des Affaires sociales, que le comté de Mille-Iles est très en retard dans l'établissement de maisons pour personnes âgées. Même si notre comté est un comté jeune, nous avons aussi nos personnes âgées dont il faut assurer un âge d'or heureux.

M. le Président, contrairement à ce que l'Opposition officielle pense, les nouveaux députés élus ne sont pas et ne seront pas des "back-benchers". Ils ont un rôle positif à jouer. Ils participeront aux travaux de la Chambre, travailleront au niveau de toutes les commissions et ils seront présents à l'Assemblée nationale, comme représentants d'une population qui regarde fièrement vers l'avenir.

LE PRESIDENT: Le député de Verdun.

M. Lucien Caron

M. CARON: II me fait grand plaisir, M. le Président, d'apporter ma contribution à la discussion sur l'adresse en réponse au discours inaugural. Un discours inaugural qui, soit dit en passant, reflète pleinement l'image positive et dynamique du parti au pouvoir.

Mais, avant de m'engager plus profondément dans mes commentaires, j'aimerais, M. le Président, profiter de l'occasion qui m'est offerte, aujourd'hui, pour témoigner à mes électeurs du comté de Verdun ma plus sincère reconnaissance pour la confiance qu'ils m'ont manifestée le 29 octobre dernier, alors qu'ils m'ont offert une majorité écrasante.

C'est là une preuve irréfutable qu'ils ont apprécié pleinement le travail constant que j'ai déployé ici même, dans cette enceinte, et aussi celui que j'ai accompli auprès d'eux. Je les remercie profondément et veuillez croire que je poursuivrai ce que j'ai commencé en 1970 avec la même sincérité.

Le discours inaugural, M. le Président, nous permet de constater que la province de Québec n'a cessé d'évoluer depuis 1970, date à laquelle notre jeune gouvernement libéral a pris en main les destinées de la province. Une quantité

considérable de lois ont été votées afin de doter le Québec de moyens d'action efficaces lui permettant d'atteindre des objectifs jusque là inespérés. Dans divers domaines, le gouvernement libéral n'a pas craint d'affronter les difficultés et, à chaque occasion, il a trouvé la solution requise. Le domaine économique, pour sa part, a reçu une attention particulière du gouvernement. Aujourd'hui, le Québec peut se glorifier de posséder une économie équilibrée et continuellement en progression. C'est peut-être dans ce secteur que le gouvernement libéral a démontré le plus sa valeur et sa force réelle.

Là où ses prédécesseurs avaient subi des échecs, le gouvernement libéral a réussi de façon brillante. Les résultats majeurs sont que le Québec se trouve aujourd'hui au travail dans un climat sain et serein. Sachez, M. le Président, que le gouvernement libéral n'arrêtera pas là son action jugée si efficace par la population le 29 octobre dernier; rien non plus ne l'empêchera vis-à-vis de l'économie, et cela quel que soit le contexte. Des mesures positives, réalistes et d'envergure vous seront bientôt annoncées vous démontrant que de 1973 à 1977 le Québec présentera l'image de la province la plus prospère, la plus florissante de toute la confédération canadienne.

L'économie, nous l'avons dit si souvent, est le point de départ de toute activité gouvernementale. Le gouvernement libéral s'acharnera à le démontrer. Le domaine social, lui non plus, n'a pas échappé à l'intérêt du gouvernement de 1970 à 1973.

Je profite de cette occasion pour rendre un hommage particulier au ministre responsable, à l'époque, de ce ministère, qui a fait preuve de travail sérieux et assidu durant son mandat. Son oeuvre a marqué cette Chambre d'une façon remarquable. Je n'ai nul doute, cependant, que le nouveau ministre, le ministre actuel en Chambre, le député de Saint-Laurent, remplira de façon adéquate les énormes tâches de ce ministère. Le responsable des Affaires sociales a déclaré que l'année 1973 permettra davantage à la population d'évaluer concrètement la portée des mesures législatives, administratives et financières adoptées dans ce même secteur depuis trois ans et demi.

J'ose croire, M. le Président, que la réponse donnée par la population, le 29 octobre, révèle vraiment qu'elle a évalué concrètement tout ce que le gouvernement libéral a accompli dans ce domaine. Et, là encore, ce n'est qu'un début. Si notre gouvernement a donné, depuis trois ans et demi, à la population du Québec le droit à la santé, il veut maintenant lui transmettre la possibilité d'avoir ce même droit dans un climat plus humain encore. Plusieurs personnes de mon comté n'ont pas manqué de me rappeler la justesse de cet élément du programme libéral. Les électeurs du Québec le veulent; le gouvernement libéral le leur donnera.

Le gouvernement libéral annonce aussi un programme universel d'allocations familiales.

Voilà, M. le Président, de quoi réjouir toutes les classes de la société québécoise. Il y a déjà quelque temps que la population du Québec attend un tel régime. Les gouvernements précédents ont craint de fournir un tel appui à chaque famille. Encore ici, il a fallu que le Parti libéral prenne le pouvoir pour que la famille soit vraiment aidée et protégée au Québec.

Des projets pour garderies d'enfants sont actuellement à l'étude et seront en opération pendant notre mandat. Que penser aussi, M. le Président, de l'attention que porte le gouvernement libéral au respect de la liberté de chaque citoyen du Québec, en adoptant une charte québécoise des droits de l'homme? C'est déjà assurer à chaque citoyen la protection de ses libertés fondamentales. Pour appuyer une telle politique, notre gouvernement entend réformer les tribunaux, la magistrature et créer un tribunal de la famille. N'est-ce pas là, M. le Président, le vrai gouvernement pour le peuple, que représente si bien le gouvernement libéral?

Parlant de la réforme des tribunaux, j'ose espérer que le ministre de la Justice, en coopération avec son personnel, assouplira certaines lois et invitera MM. les juges à faire preuve de compréhension lors de la comparution des accusés qui en seraient à leur premier délit. Ces accusés, pour la plupart des jeunes, seront peut-être faciles à réhabiliter si, à leur premier faux pas, ils n'ont pas été écrasés par une sentence trop forte qui, forcément, les obligera à vivre dans un milieu où ils ne verront que désespoir et agressivité.

Les libérations conditionnelles surveillées ont plusieurs fois donné des résultats encourageants. On parle très souvent de récidivistes, mais on oublie toujours de faire mention de ceux qui ont su profiter de la chance qui leur a été donnée. Ma suggestion vaut sûrement la peine qu'on s'y arrête.

Le domaine du logement en est un autre que le gouvernement libéral n'oublie pas. En effet, le gouvernement a répondu adéquatement aux appels de ses électeurs et a lui-même dépassé leurs aspirations. Nous lisons dans le discours inaugural que le gouvernement libéral entend créer une chambre des loyers à la cour Provinciale de façon à assurer un équilibre plus sain entre les droits des locateurs et des locataires. C'est là une autre preuve qui démontre, de façon pertinente, que le secteur du logement sera une première préoccupation du gouvernement libéral dans les quatre prochaines années.

Dans le domaine des loisirs, le gouvernement libéral entend faire sa large part comme, d'ailleurs, il l'a si bien fait depuis 1970. La tenue prochaine des Jeux olympiques à Montréal et tout l'appui que le gouvernement libéral leur a apporté et leur apportera démontrent que ce domaine est privilégié au Québec. De plus en plus, le public québécois est conscient de la nécessité de l'éducation physique et du besoin de loisirs dans notre société qui s'achemine à grands pas dans une civilisation dite de loisir. Le

ministre responsable du Haut-Comisssariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, le député de Vaudreuil-Soulanges, un homme dont le dévouement et la compétence sont reconnus de tous, donnera, nous en sommes persuadés, un élan encore jamais vu à toutes les formes d'activités physiques et de loisirs.

En somme, le gouvernement libéral veut continuer ce qu'il a si bien fait depuis 1970.

Les 102 membres qui forment notre nouvelle équipe prouveront à toute la population du Québec qu'ils seront à la hauteur de la confiance que chaque comté porte à son représentant.

Il y a aujourd'hui, parmi nous, des hommes de valeur, à ma droite et à ma gauche, qui sont de la nouvelle portée, qui ne demandent pas mieux que de travailler au bien-être et au progrès de notre province. Chacun d'eux nous sera précieux avec ses talents, ses capacités et ses expériences.

M. le Président, je profite de l'occasion, à titre de whip adjoint, pour leur souhaiter la bienvenue, assuré d'avance de leur sincérité et de leur collaboration. N'en déplaise à mes collègues de l'Opposition, les "back-benchers" ne sont pas parmi les députés libéraux. Le défi que notre parti doit relever durant le présent mandat est trop grand. Nous avons besoin de tous nos élus, sans exception aucune, pour continuer l'évolution de notre beau Québec.

D'ailleurs, une famille unie ne compte jamais trop de membres et c'est sous le signe de la continuité dans le progrès que s'ouvre cette session et c'est guidé par ces principes que le gouvernement libéral transmettra aux Québécois la prospérité dans la paix et la stabilité. Prospérité économique, bien sûr, mais prospérité sociale aussi, en protégeant les citoyens du Québec contre tout abus de la société. Assurer la qualité de la vie économique et de la vie sociale, voilà l'objectif du gouvernement libéral à l'ouverture de cette première session de la 30e Législature. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: M. le Président, permettez-moi, d'abord, de remercier les électeurs du comté de Saint-Jean, soit francophones ou anglophones, d'origine italienne, grecque ou autre, qui ont accordé leur appui à celui qui vous parle.

Permettez-moi aussi de remercier bien sincèrement les nombreux bénévoles du comté de Saint-Jean qui ont collaboré, en 1973, à battre pour une deuxième fois le parti séparatiste, et, pour une première fois, à faire disparaître le chef contesté du Parti créditiste.

Comme je le disais pendant ma campagne électorale, à la fin de la session, en juin dernier, je faisais un promesse au député de Rouyn-Noranda. Sachant qu'il aimait les batailles épiques et qu'il aspirait à conserver son poste de chef du Parti créditiste, je lui promettais de battre celui qui se présentait sous l'étiquette de futur premier ministre du Québec.

En effet, grâce à la collaboration des bénévoles et des électeurs du comté de Saint-Jean, celui qui se présentait sous l'étiquette, comme je le disais tout à l'heure, de futur premier ministre du Québec, est devenu, depuis, l'ex-futur premier ministre du Québec.

La semaine passée, compte tenu du fameux congrès ou réunion à Brassard, dans le comté de mon collègue de Laprairie, je disais au député de Rouyn-Noranda: J'ai fait tout ce qu'il m'était possible de faire pour battre le chef du Parti créditiste; maintenant, tu ne me demanderas quand même pas d'aller jouer à l'intérieur du Parti créditiste pour t'aider à te faire élire comme chef. A lui maintenant de jouer.

Mais si le chef du Parti créditiste s'est fait battre dans le comté de Saint-Jean — et ça, je tiens à le répéter — c'est grâce au travail extraordinaire des nombreux bénévoles, grâce au vote massif des électeurs du comté de Saint-Jean pour le Parti libéral, pour le premier ministre du Québec, Robert Bourassa.

Un, sinon le principal rôle d'un député de quelque parti politique qu'il soit, c'est d'être présent dans son comté entre les périodes électorales, d'être dans le comté à l'affût des problèmes que la population rencontre. Vous pouvez être persuadé que mon premier devoir comme représentant du comté de Saint-Jean sera de continuer à être présent dans mon comté. Lors des élections dans le comté de Saint-Jean, sauf pour le Parti libéral parce qu'il s'est toujours caractérisé par un travail d'équipe, c'était la course aux vedettes ou de gens qui se croyaient vedettes dans les partis d'Opposition. Sous prétexte qu'ils étaient des fils d'anciens premiers ministres du Québec, Marc Johnson et Jean-François Bertrand se prenaient pour des vedettes.

D'ailleurs, je tiens à vous dire qu'il y a un an et demi environ, à grand renfort de publicité, le parti séparatiste annonçait à l'ensemble de la population l'adhésion dans les rangs du parti séparatiste de Marc Johnson. Le parti séparatiste a oublié de vous dire, a oublié de dire à l'ensemble de la population du Québec que ce dénommé Johnson était déjà pour le parti séparatiste dans le comté de Saint-Jean le 29 avril 1970. Son adhésion il y a un an ou un an et demi n'était quand même pas nouvelle.

On reproche au représentant du Parti libéral, celui qui vous parle, le député de Saint-Jean, d'avoir fait sa campagne électorale à coup de millions, d'avoir parlé pendant seulement dix minutes et d'être parti en vacances. Il faut vous dire, M. le Président, que celui qui s'est exprimé de cette façon dans le journal local, c'est celui qui s'est fait battre par deux fois par celui qui vous parle. Il n'a pas compris pendant la campagne électorale que parler pour ne rien dire ça donnait tout simplement, comme résul-

tat, zéro. Et le résultat du parti séparatiste dans le comté de Saint-Jean est le suivant: De 29 p.c. des votes que ce parti avait ramassés dans le comté de Saint-Jean en 1970, il se retrouve après le 29 octobre 1973 avec 28 p.c, tandis que le Parti libéral, lui, a augmenté de 8 p.c.

Malgré tout ça, M. le Président, malgré cette baisse du pourcentage du parti séparatiste, ce parti-là criait encore à la victoire le soir du 29 octobre.

D'ailleurs, le député de Beauce-Sud n'a fait tout à l'heure que reprendre les schèmes de pensée qu'ils essayaient d'exprimer à la population en cette Chambre en 1970 et 1973. C'est ce qu'il a fait tout à l'heure comme c'est ce qu'a fait tout le Parti créditiste pendant la dernière campagne électorale. Et vous savez la réponse qu'a donnée la population du Québec à ce genre de discours, à ce genre de démagogie: on se retrouve aujourd'hui avec 102 députés du Parti libéral.

Si le Parti créditiste, jusqu'au 29 octobre, a réussi à survivre dans le comté de Beauce-Sud, c'est certainement dû à la brillante et rationnelle intervention du député de Beauce-Sud, lors de la discussion à la télévision de l'ex-budget de l'ex-an I.

M. le Président, je demande la suspension des travaux jusqu'à...

M. BIENVENUE: Huit heures et quinze.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures et quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 21

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!' L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Je terminais, M. le Président, en vous disant que ce qui avait fait gagner le député de Beauce-Sud — le député de Beauce-Sud mentionnait qu'il était le seul député de l'Opposition de Gaspé à Montréal, sur la rive sud — c'était certainement sa brillante et rationnelle intervention lors de la discussion de l'ex-budget de l'ex-an 1, à la télévision.

Le député de Beauce-Sud a mentionné les méthodes ténébreuses employées lors de la dernière élection par le Parti libéral. C'est vrai que le député de Beauce-Sud est venu faire son tour dans le comté de Saint-Jean, mais il n'est pas resté assez longtemps pour se rendre compte que certaines personnes de l'organisation de son parti, dans le comté de Saint-Jean, employaient, elles aussi, des méthodes assez ténébreuses qui allaient, à certains moments, jusqu'à l'intimidation — on ne prenait pas les grosses personnes du Parti libéral — vis-à-vis des femmes bénévoles du Parti libéral dans le comté de Saint-Jean.

On reproche au premier ministre et au Parti libéral un boycottage de la presse et de s'être servi de cassettes pour annoncer différentes mesures gouvernementales. Le Parti libéral n'a jamais mis à la porte de ses assemblées publiques la presse, comme l'a fait, pendant la campagne électorale, un certain parti politique. Même le premier ministre, lorsqu'il est venu à Saint-Jean, a été à même de constater la pleine et entière liberté de fonctionnement des journalistes, lors de l'assemblée libérale à Saint-Jean où toutes les lumières étaient allumées, où les journalistes pouvaient filmer ce qu'ils voulaient et tout le temps qu'ils voulaient. D'ailleurs, les journalistes qui suivaient un certain chef de parti, qui venait assez souvent dans le comté de Saint-Jean...

M. BERTHIAUME: Nommez-les, nommez-les!

M. VEILLEUX: ... — pendant que les gens le cherchaient à Thetford Mines, ce chef de parti faisait du porte-à-porte dans le comté de Saint-Jean — étaient très malvenus au comité central du parti en question. Les journalistes venaient dialoguer et rencontrer les personnes qui donnaient la liberté aux journalistes, c'est-à-dire les gens qui travaillaient pour le Parti libéral; ils venaient passer la journée au comité central du Parti libéral à Saint-Jean. Je pense qu'on n'a pas de leçon de démocratie à recevoir de ce parti et du député de Beauce-Sud, comme des différents chefs de son parti politique.

On parle, depuis qu'on est arrivé en cette Chambre, de reconnaître à une opposition marginale un statut d'Opposition.

M. le Président, combien, le 30 octobre? Ils étaient deux du Parti créditiste. La semaine passée, au début de la semaine, il n'y en avait qu'un, le député de Beauce-Sud. Cela a tout l'air que lundi prochain, il n'y en aura plus, parce que le député de Beauce-Sud va à un autre congrès régional et cela a tout l'air qu'on va y expulser l'ex-futur premier ministre du Québec qui s'est fait battre dans le comté de Saint-Jean. Là, on va retrouver un autre parti politique, le Ralliement des créditistes qui n'a pas fait l'élection sous cette étiquette, mais sous l'étiquette du Parti créditiste.

Pour assurer une bonne représentativité, je pourrais suggérer au premier ministre et au leader du gouvernement de prendre un article du programme du Parti créditiste avec six députés qui n'avaient pas à passer par l'élection. A ce moment-là, on pourrait peut-être prendre la même idée et demander notamment au Parti créditiste, si on peut réussir à s'y entendre, de déléguer un de ses chefs pour venir siéger ici en cette Chambre. Si les deux députés en question ne sont pas capables de parler au nom d'un parti politique, M. le Président, il serait peut-être bon qu'un des deux cède sa place au chef qui sera élu — s'il peut y en avoir un — un jour pour venir siéger et parler réellement au nom des créditistes. Je pense que nous, ici, nous avons eu beaucoup de gens qui ont voté créditiste en 1970 et qui ont appuyé sans contredit le Parti libéral en 1973, et nous sommes capables, à 102, de les représenter efficacement à l'Assemblée nationale et dans l'appareil gouvernemental.

On reproche au Parti libéral d'avoir tué, depuis 1970, l'agriculture au Québec mais j'ai dit pendant le discours du député de Beauce que c'était faux, et je le redis, M. le Président. Quand le député de Beauce-Sud est venu à Saint-Jean, il aurait dû prendre la peine de visiter quelques fermes du comté. On se rend compte facilement que le ministère de l'Agriculture a apporté, depuis 1970, notamment pour l'agriculture, dans le centre du Québec, des palliatifs. Il n'a pas réglé tous les problèmes, c'est sûr, mais il y a un commencement à tout et je peux vous dire que si le ministère de l'Agriculture continue dans ce sens — et je ne doute pas qu'il continue dans ce sens — d'ici trois ans, d'ici quatre ans, d'ici cinq ans — parce que le premier ministre peut déclencher les élections en 1978 — je suis perduadé que la très très grande majorité des problèmes agricoles qu'on connaît — et le député de Laprairie en est témoin — dans notre région seront efficacement réglés.

Je voudrais terminer en disant que la semaine passée, il s'est tenu, à Ottawa, la première conférence fédérale-provinciale qui réunissait tous les ministres des Communications ou responsables des communications au niveau des onze gouvernements. L'on peut dire que cette conférence est le cheminement logique de la conférence des premiers ministres qui s'est tenue à Halifax le 4 août 1972, et la suite aussi des trois conférences interprovinciales qui se sont tenues soit à Québec, Moncton ou Calgary. C'est la suite aussi et c'est le départ d'une négociation qui fait suite à la parution du livre vert intitulé "Pour une politique québécoise des communications." Je peux vous dire que, la semaine passée, les onze gouvernements ont accepté — cela était important pour la délégation du Québec — de discuter du problème entier des communications, c'est-à-dire de négocier, de remettre en cause l'ensemble du secteur des communications. L'esprit qui régnait, tant chez les représentants des dix gouvernements provinciaux que chez le représentant du gouvernement fédéral, laisse présager, hors de tout doute, que des résultats concrets en découleront et ce dans un avenir assez rapproché.

M. le Président, je termine en rappelant que je suis heureux d'avoir comme confrère en cette Assemblée nationale le député de Bourassa, qui a "bourrassé" un fonctionnaire du gouvernement qui a osé faire face à la présidente du Parti libéral du Québec, et grâce au dynamisme que la présidente a su apporter au Parti libéral lors des trois dernières années, ce dynamisme, elle l'a mis en pratique dans son comté où elle a eu une victoire très éclatante, et je crois que tous les collègues, notamment du Parti libéral, sont très heureux de saluer la présence de Mme Bacon, député de Bourassa. Merci M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais vous féliciter, en premier lieu, pour votre élection pour un nouveau mandat comme président de l'Assemblée nationale. J'avais eu l'occasion, lors de la première journée de la session de signaler vos très grandes qualités, votre expérience pour remplir ce poste. Je suis convaincu que, quels que soient les incidents qui ont marqué la première journée de la session, tous les députés à l'unanimité étaient au fond heureux de votre réélection comme président de l'Assemblée nationale.

Je voudrais également féliciter le chef de l'Opposition. Il est normal que je le fasse mais je le fais en toute sincérité. Il s'est adapté relativement rapidement à son nouveau poste de chef de l'Opposition parlementaire, avec une expérience forcément limitée. Evidemment, on a été mis au courant aujourd'hui de la façon dont il a été élu chef de l'Opposition mais je veux l'assurer quand même, au nom du député de Maisonneuve, que je connais bien, de sa sincérité, de sa loyauté, de son dévouement. Il

peut avoir peut-être quelques sautes d'humeur de temps à autre, on le connaît bien, mais avec un peu de patience je suis convaincu que le chef de l'Opposition saura très bien travailler avec le leader parlementaire, le député de Maisonneuve.

Je veux féliciter également tous les participants à ce débat. Même si je n'ai pas pu assister à toutes les séances, je me suis efforcé de lire toutes les allocutions, la plupart des allocutions et j'ai remarqué la très grande qualité de cette participation et les suggestions très positives qui ont été faites.

Il est normal, M. le Président, à la suite de l'élection du 29 octobre, de dire quelques mots sur l'interprétation de cette victoire électorale qui est la plus importante dans l'histoire parlementaire du Québec. Nous pouvons examiner et donner plusieurs raisons. Je pense bien que la raison principale a été rendue publique par des sondages et des études scientifiques qui ont été faits au début de la campagne. Tous ces sondages, quelle que soit leur origine, quels que soient les groupes ou les personnes qui les ont faits, arrivaient à une même conclusion. Dans ce sens, ces sondages révélaient une certaine authenticité, arrivaient à une même conclusion, c'est-à-dire que 57 p.c. des gens, parmi ceux qui se prononçaient — cela veut dire peut-être un pourcentage plus élevé au total — étaient satisfaits du gouvernement.

Ils étaient satisfaits des 400 lois que nous avons adoptées, étaient satisfaits de notre attitude dans les épreuves que nous avons dû traverser, à la fois de cette souplesse, de cette prudence et de cette fermeté quand c'était nécessaire pour faire face aux crises que vous connaissez, étaient satisfaits également de la façon dont nous avons fait fonctionner le régime fédéral avec les résultats économiques qui sont bien connus.

En 1970, les Québécois étaient évidemment et visiblement fatigués des querelles stériles, des affrontements, de la réthorique creuse qui leur avait été servie trop souvent. Les Québécois, en 1970, voulaient une bonne gestion, ils l'ont eue avec le gouvernement actuel.

Ces sondages et ces études scientifiques qui concordaient tous ont révélé que dans toutes les régions, dans tous les groupes et dans toutes les classes, dans l'ensemble il y avait une très nette majorité pour le Parti libéral, y compris dans les groupes de jeunes. On voit, par exemple, que dans cette Assemblée nationale il y a sept députés dans la vingtaine. Il y a plus de députés dans la vingtaine dans le Parti libéral qu'il y a de membres du Parti québécois.

Si nous examinons comment le vote — toujours d'après ces mêmes études — a été distribué, nous voyons que dans toutes les classes de la société, sauf une, nous avions une nette avance sur tous les autres partis politiques, que ce soit les ouvriers ou travailleurs de toutes catégories, les étudiants, les ménagères, les rentiers, les employés de bureau, les administrateurs, les commerçants, dans toutes les classes de la société nous avions une nette avance. C'est seulement dans les classes bourgeoises où le Parti québécois nous a dépassés.

Nous pourrions analyser ces résultats de différentes façons. Par exemple, même si nous répugnons quelque peu à faire ces distinctions pour les groupes ethniques — mais on a tellement dit que le Parti québécois était sur le point de devenir le premier parti francophone au Québec — on peut examiner les résultats à la lumière de la dernière élection et constater que si l'on tient compte que le Parti québécois a doublé son vote anglophone, que le vote dans ces comtés a été quelque peu moins fort que dans les autres comtés, le Parti libéral du Québec a près de 50 p.c. des voix de la population francophone contre un peu plus du tiers pour le Parti québécois.

Le résultat est donc clair pour ce qui a trait à l'appui donné au Parti libéral par toutes les classes de la société, sauf la bourgeoisie, et tous les groupes de toutes les régions.

On pourra expliquer ça de différentes façons; je pense que le député de Maisonneuve s'en souvient. Lui-même se pose peut-être des questions; je comprends que sa majorité a baissé dans son comté, mais il se pose peut-être des questions. Qu'est-ce qui explique cela? Je pense que nous avons adopté plusieurs lois dans...

M. BURNS: 51 p.c.

M. BOURASSA: Pardon?

M. BURNS: 51 p.c. est-ce que ça vous intéresse?

M. BOURASSA: 54 p.c. pour mon comté.

M. BURNS: Bien oui!

M. BOURASSA: C'est plus.

M. BURNS: C'est même pas fort pour un premier ministre.

M. BOURASSA: Bien, la moyenne, c'est 55 p.c.

M. BURNS: C'est même inquiétant pour un premier ministre.

M. BOURASSA: Bien, je peux vous parler de votre chef, dans le comté de Dorion.

M. BURNS: II va en entendre parler, du comté de Dorion.

M. BOURASSA: M. le Président, on peut rapidement donner dix exemples d'une bonne gestion, celle que nous avons donnée au Québec, en passant très rapidement, puisque j'ai eu l'occasion, durant la campagne électorale, d'en faire état: réduction des taxes, réduction du

déficit, réduction du coût des emprunts, baisse des assistés sociaux, le succès de l'opération placement; taux de croissance des dépenses de fonctionnement, qui a été réduit au profit d'une augmentation des dépenses de capital, de manière à stimuler l'économie; hausse du taux de croissance des investissements privés, quand on sait jusqu'à quel point c'est important d'avoir cette croissance des investissements privés, 20 p.c. d'augmentation en 1972 et 25 p.c. d'augmentation en 1973. Ce sont quand même des chiffres qui parlent par eux-mêmes et qui sont tellement importants pour la vraie force du Québec.

Quelles alternatives offraient les partis d'Opposition? C'est beau de critiquer les investissements étrangers, de critiquer le capital privé, mais quelles solutions de rechange étaient offertes aux Québécois pour tenir compte de cette nécessité pressante d'avoir un niveau d'activités économiques qui était absolument indispensable pour trouver des débouchés aux travailleurs du Québec? On peut comparer également la dette par tête avec les autres provinces ou l'évolution de cette dette par tête. Voyez les résultats que nous avons obtenus dans le domaine des nouveaux emplois, 130,000. Alors que les autres chefs de partis ou les autres partis se fixaient comme objectif 75,000 emplois par année, on en a eu 130,000 cette année.

Vous avez là une dizaine d'exemples: réduction des taxes, du déficit, du coût des emprunts.

Ce sont des résultats concrets et qui révèlent, par l'immense appui que la population nous a donné, la lucidité, la maturité et le bon sens de la population, puisque ce sont ces résultats qui, en fin de compte, donnent la vraie force à la population du Québec.

Tout cela, M. le Président, est évidemment lié, tout cela est lié avec comme point de départ, la croissance économique. Il n'y a pas un homme politique, je pense, qui a autant insisté que je l'ai fait depuis que je suis en politique sur l'importance de la croissance économique, non pas en elle-même, mais comme point de départ pour le dynamisme de toute société. Je ne suis évidemment pas le seul. Je pourrais citer combien d'hommes politiques au Québec ou à l'extérieur qui l'ont également dit à plusieurs reprises. Je lisais il y a quelques jours un exposé du ministre français des Finances, M. Valéry Giscard d'Estaing qui écrivait: "Une société, même intellectuellement très avancée, ne peut connaître la justice sans un accroissement de la ressource; à toutes fins pratiques, sans croissance économique, le débat sur la justice devient un débat creux et comme le premier objectif, à mon sens, de tout homme politique est de rechercher la justice sous toutes ses formes, il est essentiel, pour pouvoir l'appliquer, d'avoir cette croissance économique."

On voit les résultats que cela donne également en France. Cette insistance sur la croissance économique par le gouvernement français fait que la France est actuellement devenue la troisième puissance sur le plan du commerce international, immédiatement après l'Allemagne et les Etats-Unis, alors qu'elle a une population considérablement inférieure à plusieurs autres pays. Ceci permet à ce pays, comme aux autres pays qui ont la croissance économique, l'Allemagne, la Suède et d'autres pays, ceci permet à ces pays, dis-je, de pouvoir appliquer des politiques de justice sociale. C'est ce que nous avons fait depuis quatre ans et c'est ce que la population a compris le 29 octobre. La dernière élection se trouve à relancer le débat sur la question de la réforme électorale. On en a beaucoup parlé; on en parlera beaucoup. C'est vrai qu'il y a encore des choses à faire mais il faut quand même tenir compte que nous avions une nouvelle carte. La première fois depuis 1853, une réforme fondamentale. On parle beaucoup du mode de scrutin. Nous sommes prêts à étudier des réformes au mode de scrutin, mais nous voulons être prudents à cause des conséquences très importantes. Le chef de l'Opposition, je crois, faisait l'éloge de M. Meynaud dans son exposé ou à un autre moment. Or, c'est M. Meynaud lui-même qui mettait en relief les inconvénients très sérieux du scrutin proportionnel qui se trouve à établir deux classes de députés: ceux qui peuvent se faire élire et ceux qui ne peuvent pas se faire élire.

Comme député de Mercier, j'ai eu une expérience irremplaçable. Evidemment, comme premier ministre, j'avais beaucoup moins de temps pour rencontrer mes électeurs, pour des raisons que vous comprenez. Mais, lorsque j'étais député, j'ai pu rencontrer des centaines et des milliers de personnes dans mon comté qui m'ont fait voir, d'une façon très concrète et très réelle, les problèmes des travailleurs québécois. Cela a été certainement un élément dans l'insistance que nous avons mise, quelles que soient les circonstances que nous avions à traverser, pour établir l'assurance-maladie et beaucoup d'autres mesures sociales.

Il faut également tenir compte des changements au mode de scrutin, des effets que cela peut impliquer pour l'instabilité politique. Je pourrais donner des dizaines et des dizaines d'exemples de pays avec un scrutin proportionnel où l'instabilité politique implique et comporte des désavantages autrement sérieux. Je pourrais parler également de la situation que nous avons connue au Québec, avec le scrutin que nous avons, où le Parti libéral a été très souvent défavorisé sans crier au viol de la démocratie, en acceptant les règles du jeu comme semble le faire, du moins un peu soudainement, le Parti québécois depuis quelques jours.

Nous sommes prêts à étudier, dans l'intérêt des Québécois, dans l'intérêt du système, des changements s'ils nous paraissent valables. Je pense qu'il est essentiel, dans des réformes aussi fondamentales et qui ont autant d'implications

pour l'avenir politique des Québécois, d'être prudent. Il ne faudrait quand même pas faire comme le Parti québécois l'a fait dans son propre programme, alors qu'il a changé de système pour le régime présidentiel une ou deux fois. Je me souviens qu'à la suite d'une suggestion du chef de l'Opposition, l'an dernier, on a changé complètement la formule de régime présidentiel proposée par le Parti québécois parce qu'on avait lu un sondage dans le journal Le Figaro qui disait que la gauche était pour gagner les élections. Tout de suite, le député de Sauvé...

M. MORIN: Cela n'avait aucun rapport et le premier ministre le sait fort bien.

M. BOURASSA: M. le Président, je pourrai trouver l'extrait du journal qui dit que le député de Sauvé, à ce moment-là, a fait une proposition invoquant le danger qui pouvait exister en France avec un gouvernement contrôlé par la gauche et avec un président de la république qui ne l'était pas. Il parlait des dangers que cela pouvait impliquer pour le régime présidentiel. Le député de Sauvé avait invoqué un sondage qui, de fait, à ce moment-là, mettait la gauche en avant, et le résultat a été le contraire. Je ne sais pas si, à son prochain congrès, le Parti québécois va revenir à la formule du régime présidentiel français. Tout cela pour vous montrer le peu de sérieux ou le danger de bouleverser, sur des résultats ou sur des incidents ou sur des données, un régime qui est quand même aussi important, de le bouleverser avec des réformes qui peuvent avoir des implications extrêmement importantes pour l'avenir.

Nous pourrions parler longuement de tout ce que nous avons fait; je n'ai pas l'intention de le faire très longuement puisque les députés, les participants l'ont fait à plusieurs reprises et j'ai plusieurs collègues qui vont parler également que ce soit à l'occasion de ce débat-ci ou à l'occasion d'autres débats. A la suite des attaques qui ont été faites et qui seront peut-être faites tantôt par les membres du Parti québécois, puisqu'ils ont la chance de pouvoir répliquer — ce que l'on permet très généreusement — je veux simplement leur montrer en quelques mots ce que nous avons fait dans les domaines de l'assurance-maladie, de l'assistance-médicaments, de la Loi des petites créances, de l'assistance juridique, de l'élimination de l'impôt pour 125,000 travailleurs, de la hausse considérable des allocations pour les familles à revenu modeste.

Je donne comme ça, un peu au hasard, une demi-douzaine de mesures sociales très concrètes qui ont favorisé principalement les travailleurs du Québec et qui nous permettent de dire que le Parti libéral, avec le gouvernement actuel, est celui qui, dans les faits et concrètement, a le plus contribué à la vraie social-démocratie.

M. le Président, je voudrais réfuter certaines affirmations du chef de l'Opposition. Notamment, quand il accuse le gouvernement de ne pas respecter ou de ne pas favoriser la participation, je voudrais lui faire part de données qu'il ne connaît peut-être pas. Lui qui dit dans son exposé que, pour le gouvernement, la participation est purement quelque chose de symbolique et n'est pas reconnue par le gouvernement, je voudrais lui rappeler, pour lui rafraîchir la mémoire, qu'il y a eu, par exemple, en 1971, 1972 et 1973 — et l'année 1973 n'est pas terminée — 510 séances de travaux en commissions parlementaires où 1,295 mémoires et documents et 637 communications orales ont été soumis. On pourrait discourir longuement, mais ces trois chiffres montrent que le gouvernement du Québec n'a pas hésité et n'hésitera pas à recourir au maximum aux commissions parlementaires, de manière à entendre les représentations des différents groupes de la société québécoise. Même, nous étions prêts, dans le cas du financement des partis, à écouter les chefs de parti ou à permettre aux chefs de parti qui n'étaient pas députés de participer aux délibérations de la commission. Je pense que nous avons fait preuve, dans le passé et que nous sommes prêts à faire preuve dans le futur du maximum de flexibilité et de souplesse dans un outil aussi important pour la démocratie parlementaire.

Le chef de l'Opposition a également commenté la révolution tranquille. Pour le chef de l'Opposition, le mouvement extraordinaire qu'a vécu le Québec, au début des années soixante, s'est limité presque exclusivement à la mise sur pied d'instruments collectifs de développement économique, tels la Société générale de financement, la Régie des rentes, SOQUEM et d'autres organismes. C'est là une interprétation bien courte de la signification du travail accompli par le Parti libéral, au cours des années soixante. En fait, la révolution tranquille a été bien d'autres choses que cela. Cette période a permis au Québec de devenir, dans la plénitude du terme, une société moderne et dynamique. Pour les individus, ce fut l'apprentissage d'une nouvelle liberté; pour la collectivité québécoise, ce fut l'apparition d'une nouvelle fierté. Cette période a permis au Québec de devenir une société plus saine, plus ouverte et plus démocratique. Cette période fut celle de la construction d'une fonction publique compétente et de l'expansion considérable des services gouvernementaux. La valeur de cette période pour le développement du Québec demeure incontestable. On a été cependant, peut-être trop porté à croire que la mise en place de structures équivalait à la définition d'une politique. On a confondu trop facilement structures et politiques. Très tôt, on a dû se rendre compte qu'il s'agissait là, en fait, de choses très différentes. C'est ce que nous a appris, entre autres, l'expérience de la Société générale de financement.

Pour les membres de l'Opposition officielle, qui conçoivent le développement futur du Québec dans la stricte perspective d'un changement au niveau des structures politiques, il n'est pas surprenant de les voir, par la voix, du chef de l'Opposition, commettre la même erreur en laissant entendre que la solution au problème du développement économique du Québec est d'abord une question de structure.

Les besoins de développement économique du Québec commandent bien d'autres choses que cela. Une politique économique réaliste et efficace pour le Québec comporte bien d'autres dimensions. Nous croyons, nous aussi, à l'importance de doter le Québec d'instruments collectifs de développement économique. Nous y croyons davantage qu'en paroles. Nous avons agi. Le développement de la baie James a permis d'accroître le rôle économique de l'Hydro-Québec. Il a été aussi l'occasion de créer une nouvelle société d'Etat, la Société de développement de la baie James et ses filiales, et de permettre à des entreprises publiques comme SOQUEM, SOQUIP et REXFOR de participer à un gigantesque projet de développement.

Dans le domaine minier, nous avons accru le rôle de SOQUEM en haussant le capital-actions de cette société de $15 millions, ce qui permet à SOQUEM de progresser considérablement, contrairement à ce qu'a dit le chef de l'Opposition.

Dans le domaine industriel, nous avons créé la Société de développement industriel pour nous attaquer au problème fondamental de notre économie, c'est-à-dire le renforcement de la structure industrielle du Québec et la création d'emplois.

Dans le domaine forestier, des moyens et des pouvoirs additionnels ont été octroyés à REXFOR pour lui permettre de participer directement au développement de l'industrie forestière québécoise.

Enfin, la Caisse de dépôt et placement a vu ses pouvoirs de placement accrus afin de renforcer son rôle dans l'économie.

Je pourrais mentionner toutes les autres lois pour SIDBEC, pour accroître les pouvoirs des caisses populaires et montrer tout ce qui a été fait sur le plan des nouvelles lois et sur le plan administratif par le gouvernement.

Nous n'avons pas négligé d'accroître le rôle de l'Etat lorsque c'était souhaitable. Bien au contraire, l'attitude dont nous faisons preuve dans cette action est une attitude essentiellement pragmatique et non une attitude dogmatique. C'est la volonté des Québécois, à toutes fins pratiques, qui nous guide pour ce qui a trait au rôle de l'Etat dans l'économie du Québec. Sous ce rapport, nous n'avons pas de leçon à recevoir des petits-bourgeois ou des pseudo-socialistes du Parti québécois.

Il faut tenir compte de la capacité de payer de l'Etat québécois, de la capacité de payer des contribuables québécois. C'est vrai que la Caisse de dépôt et placement fonctionne très bien et nous pouvons nous en féliciter. Mais elle est alimentée quand même par des contributions obligatoires des travailleurs du Québec. L'Hydro-Québec fonctionne très bien mais je pense que dans son secteur elle a une situation de monopole qui lui permet de faire face à la concurrence avec beaucoup plus de facilité que d'autres entreprises d'Etat comme SIDBEC et la SGF.

Nous sommes prêts à aider au maximum les entreprises d'Etat à accroiître leur importance, mais quand c'est justifié. Nous sommes prêts à le faire, d'autant plus quand des milliers d'emplois sont en cause. Mais il faut tenir compte de l'ensemble des priorités du gouvernement du Québec et, encore une fois, de la capacité de payer des contribuables québécois.

Le chef de l'Opposition a, une nouvelle fois, critiqué les décisions qu'a prises le gouvernement dans l'investissement de ITT. Je crois que le ministre des Terres et Forêts va répondre, en détail, au chef de l'Opposition. Il va répondre une nouvelle fois à une vieille rengaine du Parti québécois et montrer les avantages de cet investissement exceptionnellement important. Je vois le député de Saguenay qui est encore sceptique sur cet investissement. Je voudrais qu'il considère l'attitude de son chef vis-à-vis des investissements sur la Côte-Nord. René Lévesque avait la même attitude que le député de Saguenay il y a quinze ans. Il y a six mois, il a dit qu'il s'était trompé et que le gouvernement Duplessis avait eu raison d'adopter l'attitude qu'il a adoptée sur les investissements de la Côte-Nord, autrement il n'y aurait aucun développement sur la Côte-Nord. Alors, qu'il réfléchisse sur l'attitude de son chef, René Lévesque, vis-à-vis du développement de la Côte Nord.

Peut-être que dans quelques années, à l'extérieur de la Chambre, évidemment, le député de Saguenay fera l'éloge du gouvernement pour l'audace et l'initiative dont il a fait preuve dans le cas de l'investissement de ITT.

Il aurait été plus facile de ne rien faire, M. le Président, parce que personne n'a proposé de solutions de rechange pour cet investissement. Je l'ai demandé aux députés du Parti québécois durant la campagne électorale. Tantôt, le député de Maisonneuve doit me répondre. J'espère qu'il va apporter une solution de rechange pour l'investissement de ITT, et me dire où, lui, il aurait trouvé les $500 millions. Est-ce que les centrales syndicales auraient été prêtes à investir dans ITT?

M. LESSARD: II n'y a jamais eu d'investissement de $500 millions!

DES VOIX: Ah! Ah!

M.LESSARD: Charriez, mais pas trop!

M. BOURASSA: M. le Président, le député

est au courant que l'investissement est réparti sur une dizaine d'années.

M. LESSARD: Avec l'autofinancement.

M. BOURASSA: La première tranche est de $160 millions mais même là...

M. LESSARD: Avec $40 millions du gouvernement.

DES VOIX: A l'ordre!

M. BOURASSA: ... quels organismes auraient pu investir cette somme avec le capital de risque que cela comporte?

Il aurait été plus facile de ne rien faire. On ne se serait pas fait critiquer. Mais je pense que le choix du gouvernement était un choix lucide. Le ministre des Terres et Forêts, quand même, a pris sa décision, avec l'appui du cabinet, avec compétence. Cela a pris plusieurs années de négociation. Cela n'a pas été négocié rapidement. Cela a commencé avec l'ancien gouvernement, des négociations très serrées qui ont abouti à cet investissement qui, j'en suis convaincu, avec tous les effets indirects qu'il comporte, a empêché des centaines et des centaines de jeunes de quitter le Québec pour aller enrichir nos concurrents. C'est cela qu'était notre objectif.

Si vous avez d'autres solutions, nous sommes prêts à vous écouter. Est-ce que les caisses populaires étaient prêtes à investir dans du capital de risque comme celui-là? Elles hésitent et je respecte leurs raisons. Elles ont quand même leur autonomie vis-à-vis du gouvernement, elles ont leurs responsabilités vis-à-vis des épargnants. Elles hésitent même à contribuer à l'achat du journal Le Soleil, où les sommes impliquées sont considérablement moindres. Pensez-vous qu'elles auraient été prêtes à investir des dizaines de millions dans une entreprise de risque comme celle-là?

Ce sont des questions, je pense, honnêtement — on est quand même à quatre ans d'une élection — qu'on peut se poser. Et si on n'a pas de solution de rechange, on devrait admettre que le gouvernement a pris une bonne décision pour que les jeunes travailleurs du Québec restent et travaillent au Québec. C'est cela qu'était notre objectif.

Même chose sur la baie James, M. le Président. Evidemment, je vais en parler avec un peu plus de prudence, étant donné que la cause est devant les tribunaux, même si j'ai l'immunité parlementaire.

M. BURNS: Cela prend du temps à comprendre.

M. BOURASSA: Attention, le député de Maisonneuve se trouve à interférer dans l'administration de la justice.

M. BURNS: Non, non. Je dis que cela prend du temps à comprendre, c'est tout.

M. BOURASSA: Oui mais on m'a poursuivi parce que j'avais parlé de la crise de l'énergie dans mon livre.

M. BURNS: Bien oui mais vous porterez une plainte, si vous pensez que je n'ai pas le droit de dire: Cela prend du temps à comprendre.

M. BOURASSA: Non mais j'invite le député à être prudent...

M. BURNS: Je suis très... Je sais ce que c'est qu'un outrage au tribunal, moi.

M. BOURASSA: ... dans son propre intérêt.

M. BELLEMARE: Le député de Saguenay n'est grand que lorsqu'il est assis!

M. BOURASSA: M. le Président, dans le cas de la baie James, le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre des Richesses naturelles, combien de fois nous avons donné tous les chiffres, démontrant les coûts, les chiffres étaient publiés, je peux donner le volume: commission parlementaire, tome 6, page B-1722, session 1972, tous les chiffres, sur le plan des coûts, sur le plan des retombées économiques, les avantages pour les Québécois, sur le plan de l'écologie.

Je suis d'accord — et cela a été dit dans le jugement — que cela cause des problèmes écologiques, la question de la baie James, mais nous y voyons au maximum, pour ce qui a trait à la faune, aux oiseaux, aux poissons, à 600 milles de Montréal. Mais il reste quand même qu'avec 18 centrales nucléaires sur le fleuve Saint-Laurent, cela aussi créerait des problèmes écologiques, 18 centrales nucléaires dans la région densément peuplée qu'est la région de Montréal et la région de Québec. Et encore là, c'est un choix que nous avions à faire.

Est-ce que le chef de l'Opposition prétend que les 18 centrales nucléaires ne créeraient pas d'effets écologiques? Est-ce que cela serait accepté facilement par la population, la construction de 18 centrales nucléaires? Je peux référer...

M. MORIN: Dans des conditions de sécurité.

M. SAINT-PIERRE: Allez voir aux Etats-Unis ce que cela fait!

M. BOURASSA: Oui. Comme dit le ministre de l'Industrie et du Commerce, allez voir la situation aux Etats-Unis, où vous avez peut-être 25 centrales nucléaires qui ne peuvent pas obtenir les permis nécessaires pour fonctionner.

M. MORIN: Mais il y en a combien qui fonctionnent aussi?

M. BOURASSA: Oui, les réserves d'électricité sont de 2 p.c, alors qu'elles doivent être de 25p.c.

M. MORIN: Et en Europe?

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition a d'excellents recherchistes, comme le député de Maisonneuve, d'ailleurs. Qu'il demande à ses recherchistes de vérifier la situation qui existe aux Etats-Unis avec les centrales nucléaires. Nous avons un grand privilège ici, nous sommes l'une des seules régions au monde à avoir des ressources hydrauliques, à pouvoir produire de l'énergie propre à bon marché. C'est vrai que ça pose des problèmes sur l'endroit. Nous voulons négocier de la façon la plus rapide possible avec les Indiens. Nous voulons tenir compte des problèmes écologiques, mais il faut quand même tenir compte des solutions de rechange pour l'ensemble de la population québécoise. C'est pourquoi je voudrais que le chef de l'Opposition, avant de nous critiquer sur le développement de la baie James, tienne compte des effets des 18 centrales nucléaires.

Je l'entendais à la télévision, dimanche, exposer brillamment, quant à la forme...

M. BURNS: Enfin, une admission. M. BOURASSA: Attendez.

M. MORIN: Attendez, je parie qu'elle est venimeuse.

M. BURNS: Tout le reste va détruire ce qu'il vient de dire.

M. BOURASSA: ... exposer brillamment quant à la forme ses arguments sur cette question, mais le fond du problème... Quand il propose de construire des centrales thermiques, est-ce que le chef de l'Opposition se rend compte...

M. MORIN: Pas des centrales thermiques.

M. BOURASSA: Oui, vous l'avez dit et je l'ai retenu. Vous avez dit centrales nucléaires voire thermiques.

M. MORIN: Oui, bien sûr, avec accent sur le nucléaire.

M. BOURASSA: Vous l'avez dit. M. MORIN: Allons, allons.

M. BOURASSA: Les centrales thermiques, avec la hausse du coût du pétrole et avec les effets de pollution encore plus considérables que dans le cas des centrales nucléaires.

M. MORIN: Vous déformez mes paroles. M.BOURASSA: Je cite textuellement le chef de l'Opposition qui a dit qu'il préférait la construction de centrales nucléaires et thermiques. Je lui demande de relire son texte. J'en suis convaincu, je l'ai noté. Il pourra vérifier et s'excuser demain après-midi.

Est-ce que le chef de l'Opposition se rend compte du coût, dans le cas des centrales thermiques, qui augmente très rapidement et surtout des effets de la pollution et des retombées économiques?

M. MORIN: Bien sûr.

M. BOURASSA: Alors que, dans le cas des centrales hydrauliques, les retombées économiques sont de l'ordre de 80 p.c, dans le cas des centrales nucléaires, c'est 60 p.c. Et tout ça se trouve dans les chiffres que je vous ai mentionnés tantôt et la référence aux débats de la commission parlementaire.

Dans le cas des centrales thermiques, les retombées économiques pour le Québec sont encore moindres que dans le cas des centrales nucléaires et des centrales hydrauliques, avec plus de pollution et un coût plus élevé. Et c'est ça que propose le Parti québécois comme alternative à la baie James.

M. MORIN: Non, non, non.

M. BOURASSA: L'objectif du gouvernement et du Parti libéral sous ma direction est de faire du Québec un Etat moderne —c'est ça, notre objectif — et de prendre les moyens nécessaires. Dans cette optique, le fédéralisme pour nous est une technique de gestion d'un Etat moderne, plus qu'une option idéologique.

Je ne dis pas que la formule soit parfaite, mais elle est autrement plus efficace et moins risquée pour les autres formules qui ont été proposées à l'électorat québécois.

J'entendais également le chef de l'Opposition dire que, si nous étions indépendants, nous pourrions discuter d'égal à égal — c'est ce qu'il a dit— avec les Etats-Unis, avec le reste du Canada, avec le Marché commun. Mais est-ce qu'il se rend compte que les Etats-Unis sont 40 fois plus peuplés que le Québec et 60 fois plus forts économiquement?

M. BURNS: Impuissant que vous êtes, impuissant. Manifestation impuissante.

M. BOURASSA: Laissez-moi terminer. C'est une manifestation de réalisme et de bon sens.

M. BURNS: Vous avez l'air d'un impuissant.

M. BOURASSA: C'est une stupéfiante naïveté dont fait preuve le député de Maisonneuve. S'imaginer qu'on peut négocier...

M. BURNS: Vous avez l'air d'un impuissant.

M. BOURASSA: ... d'égal à égal avec les Etats-Unis! Il me semble que la population du

Québec va très bien comprendre que nous ne sommes pas aussi forts que les Etats-Unis.

Avec le Canada, le reste du Canada trois fois plus populeux que le Québec, trois fois plus fort économiquement, je serais heureux d'entendre les explications du député de Maisonneuve; qu'est-ce qu'il entend par discuter d'égal à égal? Dans le régime fédéral, dont l'une des principales raisons d'être est la redistribution de la richesse, nous avons au départ un avantage très net. Alors que le revenu par tête du Québec est inférieur sensiblement à celui de l'Ontario, nous avons un avantage très net à vivre dans un régime fédéral dont l'une des raisons d'être est de redistribuer les ressources, de réduire les disparités régionales. Nous avons également avantage puisque nous avons quand même des Canadiens français, des Québécois qui siègent au gouvernement fédéral. Je ne crois pas que ça ait nui au Québec d'avoir Jean Marchand comme ministre québécois à Ottawa. Je ne crois pas que ça ait nui à l'industrie du textile d'avoir M. Jean-Luc Pépin comme ministre de l'Industrie et du Commerce à Ottawa.

Dans le domaine de la recherche scientifique, nous avons actuellement Mme Sauvé, qui est consciente des disparités actuelles. C'est quand même un atout, avec le régime fédéral qui redistribue les richesses, les Québécois qui sont là. Ce sont quand même des avantages qui sont évidents par rapport à l'indépendance théorique et risquée que propose le Parti québécois. Est-ce que, par exemple, en faisant partie du Canada le Québec ne participe pas à la richesse économique du Canada? On n'a pas de nickel au Québec, il est en Ontario. On n'a pas de pétrole, on n'a pas de blé, c'est dans d'autres provinces. Il y a là une participation à une richesse qui peut nous profiter. Quand on regarde cette question sous l'angle pratique, sous l'angle réel à toutes fins pratiques, nous voyons qu'il y a là des avantages sur le plan économique qui dépassent largement les inconvénients, sans compter d'autres avantages comme l'union monétaire parce qu'il faut un régime fédéral pour l'union monétaire. Et le Parti québécois en a été tellement convaincu qu'il a proposé une monnaie québécoise; il l'a fait en pleine campagne électorale. C'est sa responsabilité s'il a fait des erreurs de stratégie, ce n'est pas ma faute.

Combien de fois, M. le Président, j'avais proposé au Parti québécois de publier son budget avant la campagne électorale. Combien de fois je lui ai dit, depuis un an: Publiez-le avant la campagne électorale. Il n'a pas voulu m'écouter, il a payé pour, M. le Président. Il est clair que le marché commun permet cette union monétaire et permet évidemment d'avoir des risques beaucoup moindres pour ce qui est fondamental dans toute économie, la stabilité d'une monnaie. On pourra en parler longuement à l'occasion de débats que nous pourrons tenir sur ces questions. Mais je pense que ce qui a paru évident est encore évident, c'est que tant que nous voudrons avoir cette union monétaire — et j'ai l'impression que l'immense majorité des Québécois ne veut pas de séparatisme économique, même une bonne partie de ceux qui ont appuyé le Parti québécois aux dernières élections — tant que l'immense majorité des Québécois sera contre le séparatisme économique, elle sera pour une union monétaire et elle sera pour un lien fédéral parce que l'un ne peut pas aller sans l'autre.

Si nous revenons au discours du chef de l'Opposition, on voit qu'il n'hésite pas à sombrer dans le ridicule pour essayer de trouver des arguments appuyant sa thèse. Si le Québec avait été indépendant — il l'a répété à la télévision — il aurait pu prévoir la guerre au Moyen-Orient, si le Québec avait été indépendant il aurait pu prévoir l'embargo des pays arabes. Le Quai d'Orsay ne l'a pas prévu, le Foreign Office ne l'a pas prévu, le State Department ne l'a pas prévu mais eux l'auraient prévu. Encore là, il aurait discuté d'égal à égal avec les pays arabes, et c'est textuel.

Le président Nixon, le président Pompidou, M. Heath n'ont pas réussi, à ce jour, mais le député de Sauvé, qui aurait probablement été ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement péquiste — pure hypothèse évidemment — aurait réussi à convaincre les pays arabes!

Actuellement — on pourrait en faire rénumération — la plupart des pays, tous les pays d'Occident ont des problèmes énormes avec cette question. Et, quand on voit le chef de l'Opposition, avec le respect que je lui dois, dire que, si le Parti québécois avait été au pouvoir, le Québec aurait été exempté de ces problèmes, je pense que ce n'est absolument pas réaliste; c'est rire de la population du Québec. Il l'a dit lui-même à la télévision. C'est le seul moment où il m'a fait rire à son émission.

C'est cette absence de réalisme, c'est cette nai'veté, c'est cette inconscience dont fait preuve le Parti québécois, même après l'élection, et dont il a fait preuve durant l'élection qui expliquent qu'aujourd'hui, comme le chef de l'Opposition l'a dit lui-même, le parti est coincé entre deux colonnes de libéraux.

Encore plus que la pauvreté désolante des arguments avancés et dont nous avons donné quelques exemples, nous pouvons mettre en relief surtout les omissions qu'il a faites dans son discours et qui sont révélatrices de l'attitude du Parti québécois. C'est surtout cela qui ressort du discours du chef de l'Opposition puisque, dans plusieurs autres cas, c'étaient des vieilles rengaines. Dans son discours de deux heures, pas un mot sur l'agriculture, rien. Rien sur les problèmes des agriculteurs québécois et je sens que le chef de l'Opposition a honte. Je sens qu'il est prêt à s'excuser immédiatement.

M. MORIN: J'en ai parlé en dehors de la Chambre.

M. BOURASSA: Oui. Oh! Pas un mot sur les problèmes agricoles, durant deux heures.

M. LEGER: II y a tellement de problèmes au Québec!

M. BOURASSA: Je comprends que pas un comté rural n'a élu un membre du Parti québécois, mais le député de Sauvé, le chef de l'Opposition, n'avait aucune excuse, puisque nous en faisions mention dans le discours inaugural qui est, quand même, un discours de 25 minutes, alors que son discours était de deux heures. Il est quand même assez étonnant et révélateur, je dirais, qu'il n'y ait absolument rien sur les problèmes agricoles dans son discours. Pas un mot sur l'administration financière.

Evidemment, le Parti québécois est un parti essentiellement littéraire, mais les finances, c'est quand même quelque chose d'essentiel dans toute nation. Enfin, comment s'attendre à des propos sérieux sur cette question, quand on sait que, durant la campagne électorale, on a annoncé une dévaluation d'avance? Cela ne s'était jamais fait — je l'ai dit dans la plupart de mes discours — qu'un parti politique annonce d'avance une dévaluation à telle date.

Je n'ai pas besoin de donner des cours au chef de l'Opposition, mais ça veut dire quoi, ça? On vous parlera dans quelques instants de leur référendum. Cela veut dire quoi, ça, annoncer d'avance une dévaluation? Quels effets sur les travailleurs québécois? La question du référendum. Est-ce que vous vous rendez compte, en proposant un référendum dans deux ans, de ce que ça veut dire? Dans quelles conditions va se tenir ce référendum? Est-ce que vous vous en rendez compte, quand M. Lévesque et M. Parizeau disent eux-mêmes — et on pourrait me répondre là-dessus — qu'il va y avoir une fuite de capitaux mobiles.

C'est évident que, pour les capitaux immobiles, il n'y aura pas de fuite, par définition, mais, quand M. Lévesque et M. Parizeau disent qu'il va y avoir une fuite de capitaux mobiles d'ici le référendum, ça veut dire quoi? Cela veut dire quoi, une fuite de capitaux mobiles? C'est moins d'investissements, moins de capitaux, moins d'emplois. Cela veut dire que le référendum va se tenir dans les pires conditions, après deux ans, avec la période intermédiaire ou incertaine. C'est ça que vous avez proposé, toute une stratégie, une stratégie combien maladroite et combien coûteuse! Mais qui dirige votre stratégie?

Je vois le député de Lafontaine, il ne devait pas être trop d'accord. On lui a dit de se tenir tranquille, puis d'aller gagner son comté, ce qu'il a fait, d'ailleurs.

Mais quand on voit les conséquences de ces gestes, proposer un référendum dans deux ans, en sachant fort bien que durant ces deux ans il y aura une incertitude à son maximum, avec tous les effets économiques que cela comporte, c'est placer les Québécois dans une position impossible pour faire leur option et dans la pire — du point de vue du Parti québécois— des positions. Il faudrait quand même qu'ils s'expliquent là-dessus.

Il y aune autre omission du chef de l'Opposition qui a trait à l'attitude du Parti québécois durant la campagne électorale. Là, il n'est pas question de naiveté, il est plutôt question de cynisme, et cela a trait à la radiation de milliers de Québécois sur les listes électorales. Dans certains cas, même des francophones avec des noms qui ne l'étaient pas ont été rayés. C'est très franchement l'un des gestes les plus honteux qui aient été posés depuis très longtemps dans une campagne électorale. Ils n'en parlent pas, de cette question, le chef de l'Opposition n'en a pas dit un mot.

On parle de télégraphes comme Camilien Houde parlait de télégraphes quand il a été défait il y a quelques années, sans même donner un cas; on parle de télégraphes, sans preuve. Si vous en avez, poursuivez. C'est aussi simple que cela.

M. MORIN: C'est cela qui va arriver. M. BURNS: C'est cela qui va arriver.

M. BOURASSA: C'est là non seulement un geste honteux, mais c'est également un geste qui a été coûteux pour le parti lui-même. Ces milliers de Québécois qui ont été défranchisés à cause des tactiques du Parti québécois, il n'est pas étonnant qu'ils aient décidé de travailler au maximum et de toutes leurs forces dans des comtés clefs, notamment, de manière à faire battre les chefs du Parti québécois, les vedettes du Parti québécois, les dirigeants du parti. Ces gens-là, qui avaient été rayés ou qui étaient menacés de l'être ont travaillé de toutes leurs forces — et on les comprend — de manière à faire battre les dirigeants d'un parti qui, s'ils prenaient le pouvoir, les considéreraient comme des citoyens de deuxième classe. C'est là l'une des causes principales, je l'ai dit le premier jour de la session, de la défaite de votre chef et de plusieurs autres dirigeants du Parti québécois, cette discrimination honteuse dont vous avez fait preuve durant la campagne électorale.

Comme dirait Talleyrand, c'est pire qu'une faute, c'est une erreur. Dans la même veine, le chef de l'Opposition n'a pas parlé des mensonges flagrants du Parti québécois dans sa publicité officielle; je ne parle pas de ce que peuvent faire des candidats dans un ou l'autre comté, mais dans sa publicité officielle. Le député de Maisonneuve va me répondre tantôt, ou le député de Saint-Jacques. J'aimerais qu'ils répondent à cette question que je me permets de poser. Comment se fait-il que, dans la publicité officielle du Parti québécois sur le budget, c'est écrit "sans augmentation de taxes" alors que le 18 octobre M. Parizeau disait, à Joliette, dans une déclaration officielle, qu'il y aurait $430 millions d'augmentation de taxes, y compris la taxation de l'aide sociale? Est-ce que le député de Maisonneuve pourrait me répondre là-dessus?

M. BURNS: Je vais vous répondre.

M. BOURASSA: Comment se fait-il vous ayez écrit "sans augmentation de taxes"? Comment concilier cela avec la déclaration?

M. BURNS: Attendez.

M. BOURASSA: J'ai demandé quinze ou vingt fois aux membres du Parti québécois, durant la campagne électorale, les journalistes sont témoins, comment ils s'organiseraient pour financer les Jeux olympiques. Je l'ai demandé 19 fois, et même dans le comté de Dorion. Je n'ai pas eu de réponse. Si le député de Lafontaine a une solution, il pourra la donner au député de Maisonneuve ou bien au député de Saint-Jacques. Je ne parle pas de déficits, je parle du financement des Jeux olympiques avec la Banque du Canada et la loterie dans tout le Canada. C'est dans le comté du député de Maisonneuve, c'est quand même important pour ses électeurs. S'il avait répondu comme je le lui ai demandé, sa majorité n'aurait pas baissé comme elle a baissé substantiellement.

On pourrait parler également de certains candidats du Parti québécois.

Je peux parler du candidat dans mon comté, un prêtre qui a recouru à des attaques bassement personnelles, laissant tomber complètement pour la campagne électorale l'esprit évan-gélique, excitant la haine de mes électeurs dans le comté de Mercier. Je pense que comme prêtre il a une lourde responsabilité en agissant de la sorte et c'est bon que cela soit dit.

M. MORIN : Vous avez vous-même une lourde responsabilité de dire des choses semblables, M. le premier ministre.

M. BOURASSA: Je peux donner des exemples concrets au chef de l'Opposition.

M. MORIN: Donnez-les donc.

M. BOURASSA: Je peux donner des exemples concrets au chef de l'Opposition.

M. MARCHAND: ... côté à part ça.

M. BOURASSA: Je pourrai donner des exemples concrets qui ont été rapportés dans les journaux.

M. MARCHAND: ... ses prières.

M. MORIN: Donnez-les.

M. BOURASSA: M. le Président, je pense que le chef de l'Opposition peut se référer à un article qu'a signé l'abbé O'Neil lui-même dans la Presse, il y a quelques jours, et qui a été vertement critiqué par un éditorialiste. Je pense qu'il peut relire l'article avant de m'interrom-pre. Je peux lui faire lire d'autres articles, d'autres affirmations qu'a faites l'abbé O'Neil. Quand on voit cela, M. le Président...

M. MORIN: Je les ai lus et cela n'enlève aucunement la responsabilité du premier ministre de faire une affirmation comme celle-là.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BOURASSA: Quand on voit cela, on n'est pas étonné des divisions, des démissions, des contradictions, des remises en question que l'on a actuellement au sein du Parti québécois. J'ai eu l'occasion d'en parler à quelques reprises, cet après-midi, je n'ai pas quand même à tourner le couteau dans la plaie et à répéter toutes les déclarations qui ont été faites par M. André Larocque, porte-parole du député de Maisonneuve ou chef de cabinet, sur la suffisance, l'incompétence et l'étroitesse d'esprit des dirigeants du Parti québécois.

Il y a même des candidats du Parti québécois qui ont compris le lendemain de l'élection et qui ont dit publiquement que la vraie solution c'était la souveraineté culturelle dans le fédéralisme économique, le candidat du Parti québécois dans le comté de Mont-Royal. Le député de Lafontaine a parlé d'un fédéralisme à deux, le candidat dans Louis-Hébert a parlé d'indépendance par étapes. René Lévesque dit maintenant que la souveraineté culturelle va retarder l'indépendance si elle est acquise. Entre les lignes, ça veut dire quoi? C'est que le parti est en train de réviser très sérieusement son option. C'est son droit et c'est même son devoir. Mais ceci révèle quand même pourquoi la population nous a donné un tel appui.

D'ailleurs, les commentateurs, même la presse internationale, vis-à-vis de cette option de la souveraineté culturelle, dans un fédéralisme économique, tous les journaux, la plupart des grands journaux, du New York Times à un journal que le député de Maisonneuve et moi-même lisons de temps à autre, l'Humanité, journal français...

M. BURNS: Cela ne fait pas votre affaire, hein?

M. BOURASSA: Du New York Times à l'Humanité, tous les grands journaux sont d'accord pour dire que l'appui électoral qui a été donné au gouvernement libéral est un appui à la souveraineté culturelle, dans un fédéralisme économique. Ils l'ont interprété de cette façon. Le ministre de l'Education, le ministre des Communications, le ministre des Affaires culturelles ont eu l'occasion ou auront l'occasion d'expliciter, dans les détails, tous les aspects de cette souveraineté culturelle. Nous pourrions

parler très longtemps, très longtemps encore du programme du Parti libéral énoncé à l'occasion de la campagne électorale ou énoncé dans le discours inaugural. Nous l'avons fait et nous le ferons encore. Mais je pense que j'ai suffisamment donné, ce soir, de raisons positives en examinant plusieurs aspects positifs de notre programme social et économique, et de raisons disons moins positives en mettant en relief les faiblesses du Parti québécois, en mettant en relief les faiblesses du chef de l'Opposition dans son discours. J'ai suffisamment donné de raisons pour justifier la population du Québec de nous avoir donné le mandat le plus éloquent de toute son histoire. Merci.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, vous, comme moi, venez d'entendre ce qui devait être le message d'un chef de gouvernement à l'ouverture d'une législature qui, normalement, à moins d'essoufflement comme la précédente, devait remplir son mandat.

Vous, comme moi, avez probablement regretté, l'espace d'un moment, de ne pas entendre le matamore de la campagne électorale. Je n'ai pas eu le plaisir d'assister aux assemblées du Parti libéral qui ont marqué le début de la campagne électorale où, sur le conseil de ses techniciens bien payés, le député de Mercier, chef de ce gouvernement, s'appliquait à corriger la faiblesse lamentable de son image qu'avait perçue l'ensemble des Québécois, son manque de décision et son manque de leadership. C'est donc sur le dos des travailleurs et sur le dos des centrales syndicales, en particulier...

DES VOIX: Ah! Ah!

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. CHARRON: C'est donc sur le dos des travailleurs, organisés dans les centrales syndicales en particulier, qu'il avait choisi de corriger cette image. Elle était simple à faire. Elle était maniérée en quelque sorte et tout avait été prévu. Ce n'est pas, hélas! ce matamore de campagne électorale que nous avons vu ce sou-mais nous avons retrouvé efficacement et au même endroit, sans avoir évolué d'un seul pouce, le même politicien qui s'esquive entre les problèmes, qui sursaute devant les demandes de la population et qui se cabre derrière un vocabulaire qui ne cache plus rien.

M. le Président, nous devons reconnaître vous et moi maintenant, puisque son message a été livré — avec un si petit général et une armée si grosse qu'elle en est grotesque — avec un cabinet si vieux, que le Québec, durant les quatre prochaines années, devra, tant bien que mal, assurer sa survie et son piétinement.

Je me disais, en entendant la nouvelle portée de "back-benchers" jusqu'au discours du premier ministre, que le Québec aura bien passé par tous les endroits avant d'aboutir à être lui-même. Cette dernière étape — puisqu'il est maintenant clair, de la place que nous occupons en cette Chambre, qu'il s'agit vraiment de la dernière étape du Québec provincial — cette dernière étape sera probablement aussi la plus pénible et la plus triste, celle du cirque qu'offre le Parti libéral, où les bouffons sont plus nombreux que les spectateurs et où se multiplient, dans l'insolence du nombre et dans la défaillance de l'esprit, tous ces...

DES VOIX: Ah! Ah!

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: ... funambules du vocabulaire...

DES VOIX: Ah! Ah!

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: ... tous ces trapézistes des questions économiques, tous ces bras forts contre les syndicats, ces souleveurs de masses réactionnaires, les nains de la réforme sociale, les géants de la soumission, les dompteurs de la dignité, les charmeurs de serpents anglais, les avaleurs de capital étranger et les vendeurs de territoires. Nous aurons eu le temps, au cours de ce débat, de nous faire une idée première — et vous l'avez subi encore plus longtemps...

UNE VOIX: ... Saint-Jacques.

M. CHARRON: ... que moi M. le Président — sur la nouvelle députation libérale. La première impression, c'est qu'aucune amélioration de qualité n'a accompagné la maladie du nombre et que nous nous trouvons devant le même stérile piétinement.

J'ai écouté, forcément, quelques-uns des discours où, à part les félicitations d'usage à la belle-mère et à la grand-mère, rien de concret n'était apporté à l'analyse du Québec. Je fais exception, toutefois, d'une intervention du nouveau député de Taschereau, dont certaines remarques quant aux coopératives vont certainement profiter au développement du programme économique du Parti québécois. Il y a aussi une remarque du député de Frontenac, je crois, qui a souligné certains aspects de la maladie de l'amiantose que les députés du Parti québécois avaient soulevés lors de la précédente Législature.

Même je vous dirais, M. le Président, que je suis plus déçu que lors de la précédente Législature. Comme l'a rappelé le chef de ce gouvernement, cette députation, dit-on, compte

cinq députés en bas de trente ans. De ceux que j'ai entendus, je crois que je dois me faire une idée ferme et précise pour le reste de la Législature: ils raisonnent comme s'ils en avaient deux fois plus et ils sont plus traditionnels que tout ce qu'on avait pu imaginer.

Et dire, M. le Président, que ce cirque loufoque avait pour fonction de rassurer la population lors de la dernière élection! C'est curieux de voir comment le maquillage fourni par la caisse électorale peut à ce point transformer l'image d'hommes aussi faibles. L'argent, véritablement, cela aide beaucoup. Le député de Richelieu comprend certainement ce que je veux dire. L'argent aide beaucoup, et c'est probablement pour cela que le Parti libéral avait choisi comme thème principal d'expliquer clairement, précisément, avec chiffres à l'appui, tableaux devant s'adresser à l'intelligence de la population, comment une dévaluation de la monnaie devait arriver.

M. le Président, est-ce mon rôle, puisque je suis dans l'Opposition, de remercier le premier ministre de nous avoir prévenus, au cours de la campagne électorale, que nous n'étions pas un peuple normal? A l'heure où certains d'entres nous — et nous sommes quand même assez nombreux, maintenant, parmi les Québécois — commençaient à croire que là où une balance commerciale est favorable et là où un pays se permet d'exporter les capitaux, il est aussi permissible de croire qu'il peut avoir une monnaie qui se fixe au même rendement que les autres, le premier ministre, économiste par correspondance, s'est chargé, pendant la campagne électorale, de nous aviser et de nous rappeler encore une fois, selon la plus vieille tradition du plus vieux parti traditionnel, que nous étions des malchanceux, que nous étions nés pour un petit pain et, comme le rappelait cet évangélique message qu'on distribuait à travers tout le Québec, que nous n'étions qu'un peuple de porteurs d'eau, que nous devions donc nous résigner et ne pas assumer nous-mêmes le rôle normal que tant d'autres sociétés bien moins dotées que nous, avec une balance commerciale bien moins favorable que la nôtre, avec des capitaux bien moins nombreux que les nôtres, ont quand même été capables d'assumer.

M. le Président, quelle campagne propre, honnête, évangélique et élevée a mené le Parti libéral tout au long de la campagne! Ils auraient pu, M. le Président, s'adresser aux citoyens, activer leur peur, leur inventer des chiffres pour les énerver. Non! A leur bonne marque traditionnelle de vieux parti croupissant, ils ont continué, tout au long de la campagne électorale, à s'adresser à l'intelligence des Québécois, à leur vendre le fédéralisme rentable, à leur prouver d'un coin à l'autre qu'aucune aventure n'était plus sérieuse que celle dans laquelle le Québec achève de s'enfoncer depuis maintenant plus de cent ans.

M. le Président, si on avait été démagogues et si on avait été menteurs comme certains membres de cette Chambre, on aurait pu, comme l'a fait évangéliquement le député de Sainte-Marie, qui siège ici, en cette Chambre, M. le Président, s'adresser, dans une propagande dégoûtante, à la population et lui affirmer que, si le choix normal du Québec devait se faire — comme ces citoyens l'avaient déjà choisi et comme, n'eussent été certaines manoeuvres, ils l'auraient encore choisi en 1973 — ils allaient perdre leur pension de vieillesse, leur bien-être social, qu'ils deviendraient un numéro dans la société, que la nourriture serait rationnée, que l'Etat socialiste s'instaurerait. Toutes ces manoeuvres, combien elles étaient élevées, M. le Président, combien elles étaient pures, lorsqu'elles s'adressaient aux citoyens démunis du bas de la ville de Montréal, qu'un fonctionnaire fédéral, payé à temps plein depuis quelque temps, était chargé de manipuler au nom de la machine libérale de Paul Desrochers!

Comme elle a été élevée la campagne électorale du Parti libéral! Non, on aurait pu peut-être faire peur aux citoyens. On s'est contenté de nous rappeler, selon notre bonne vieille formule, que nous étions faibles nous, les Québécois, sans consistance, braillards.

Et comme l'a rappelé, même un député anglophone, tragiquement latin, on est remonté à chacun des endroits, on a écorché notre âme collective jusqu'au point où nous puissions nous démontrer à nous-mêmes, une fois en miettes, que nous ne pouvions plus nous rassembler et que nous devions subir — puisque c'était la loi — un grotesque gouvernement comme celui qui achevait de paralyser le développement du Québec.

Somme toute, on nous a rappelés — comme ç'a toujours été la marque de ce parti et des deux trognons qui se sont accrochés à lui au cours de la campagne électorale — que nous étions des anormaux. Il fallait avertir les citoyens. C'était la fonction d'un chef de gouvernement responsable. Et il l'a fait avec une telle dignité, n'est-ce pas? Avec une telle hauteur de débat, n'est-ce pas?

Tous les moyens étaient bons pour avertir les citoyens. J'en note un, que j'ai trouvé le plus ridicule et que j'ai réentendu cet après-midi en cette Chambre de quelque "back-bencher" de je ne sais plus quel coin, qui rappelait le parti séparatiste. On nous a appelés au cours de la campagne électorale, le parti séparatiste. Les moins évolués des "back-benchers" continuent à maintenir ce langage depuis le début de la session.

Des ministres plus responsables ont repris le tempo que nous avions au cours de la précédente Législature, et ont reconnu le nom que nous avions. Peu importe, je dis qu'un parti gouvernemental, fort comme il l'était, qui est obligé de recourir à des techniques aussi insidieuses, aussi "niaiseuses" que celles d'évoquer de sombres souvenirs à certains moments, est un parti qui est nerveux, qui est sur la défensive, même à 102. Et c'est encourageant.

M. BOURASSA: On ne dormira pas ce soir.

M. CHARRON: Qu'est-ce que l'on visait quand les stratèges du Parti libéral ont donné le mot d'ordre à leur caucus — et comme d'habitude le caucus a suivi — de désormais appeler le Parti québécois, le parti séparatiste? C'est simple, M. le Président, vous êtes d'un âge où vous pouvez vous rappeler comme moi certains événements qui ont marqué notre histoire.

Il s'agissait d'évoquer les débuts du mouvement. Alors que le mouvement est devenu le porte-parole d'une majorité de citoyens dans certains territoires du Québec et d'une minorité croissante de citoyens, il fallait, pour stopper cette évolution, rappeler les débuts qui ont marqué ce mouvement, rattacher la mauvaise image qui avait été, à l'époque, si bien maintenue. Les séparatistes — avec trois s — les communistes, les socialistes. Il s'agissait de redescendre aussi bas que ça. Ils étaient tellement nerveux et ils avaient tellement peur, nous étions tellement peu attaquables sur d'autres champs, qu'ils se sont sentis obligés de recourir à d'aussi basses manoeuvres.

Je profite de ces tactiques justement pour évoquer un certain point. Ces artifices de peur dégradants, ridicules, certes nous rappellent quand même quelque chose. Le "parti séparatiste," "être séparatiste," "les séparatistes," c'est une époque de 1963 à peu près. Vous rappelez-vous, M. le Président? Vous étiez vous-même ici en cette Chambre. Ici, c'était le combat tranquille des deux bons vieux partis. On ne changeait rien. On s'assoyait l'un devant l'autre, on s'encensait en attendant d'avoir l'assiette au beurre à son tour.

C'était patroneux pour patroneux, télégraphe pour télégraphe. Tout tournait rond, tout marchait bien. Ici, il y avait un gouvernement qui venait de sortir d'une campagne électorale menée par un homme dynamique et qui insistait pour reprendre en main ce secteur vital de notre économie, l'électricité. On s'apprêtait ici à effectuer la nationalisation de l'électricité.

Mais dehors — les honorables parlementaires qui pourrissent sur leur fauteuil ne regardent pas souvent dehors — qu'est-ce qui se passait? On a bien eu le samedi de la matraque qui est venu tout près d'ici. Mais jusqu'à ce que ça monte ici, c'était quoi être séparatiste? C'était effectivement être, comme le rappelait je ne sais plus lequel, barbu, poilu, intellectuel, instruit. C'était péché que d'être instruit, c'était dangereux.

UNE VOIX: Botteux, barbeux.

M. CHARRON: L'instruction, c'est comme la boisson, il y en a qui ne portent pas ça. Et qui étaient tout simplement là et qui s'écrasaient dans leur coin.

C'est vrai, vous avez bien fait de nous rappeler pendant la campagne électorale qu'en 1963, être séparatiste, c'était ça. J'avais 17 ans,

M. le Président, à l'époque et je me rappelle très bien que, comme étudiants, nos réunions étaient secrètes parce que, automatiquement, nous étions identifiés au FLQ; automatiquement les chemins de la démocratie étaient tellement bloqués, tellement pourris par les deux vieux partis que les plus jeunes des générations devaient tenter à ce moment-là, à ce tragique moment-là, M. le Président, de choisir d'autres voies. Mais l'époque dont je vous parle, l'époque des caves sombres, l'époque des réunions secrètes, l'époque des échanges de documents, l'époque du harcèlement de la police, où le seul fait de s'afficher comme voulant vivre dans un Québec qui nous appartenait nous mettait automatiquement sur les fichiers de la Gendarmerie royale, ce n'est pas d'il y a cent ans que je vous parle, M. le Président, c'est de dix ans seulement. Depuis dix ans, ce mouvement est sorti des caves, et sorti des universités, et sorti des collèges, et sorti des coeurs des vieux Québécois qui, dans toutes les régions, tranquillement, continuaient à espérer depuis toujours d'avoir un pays à eux autres avant de mourir. En dix ans, M. le Président! Ce n'est pas long dans la vie d'un peuple. En dix ans, ce mouvement — c'est presque légendaire et incroyable — est devenu aujourd'hui, ici, l'Opposition officielle: 900,000 Québécois qui veulent l'indépendance du Québec. En dix ans, M. le Président, l'idée est sortie des caves où d'ailleurs elle aurait pourri comme toutes les idées pourrissent dans les caves. Elle a dû être bruyante à certaine époque, elle a dérangé des gens, mais elle a conquis aussi des gens parce que nous savions que cette idée parle au coeur et à la tête de chacun des Québécois. Elle s'est même parfaite en s'en allant, M. le Président. Son cheminement continuel entre le coeur et la tête des Québécois l'a solidifiée, valorisée, et en quelque sorte consacrée. Elle s'est développée au point, M. le Président, d'un jour pouvoir se donner — il n'y a que cinq ans de cela — et elle reçoit aujourd'hui 30 p.c. des votes déjà. Il n'y a que cinq ans de cela, un parti politique pour incarner cette idée de l'indépendance du Québec. Et encore, M. le Président, elle n'a pas choisi les chemins les plus faciles, je vous le répète. Elle aurait pu, elle aussi, se donner un bon vieux parti politique où toutes les idées viennent d'en haut, où tous les membres sont simplement des porte-parole des autres qui ont dénoncé avant eux les idées et où le financement est assuré par des sources aussi secrètes que nauséabondes.

Elle aurait pu, elle aussi, M. le Président; elle a choisi le chemin le plus dur, celui de confier le développement de son programme uniquement, totalement, d'un couvert à l'autre par les militants de cette idée. Et c'est cette même idée qui s'est véhiculée au cours de la campagne électorale. Et elle a choisi de se financer elle-même aussi. Pour la première fois dans l'histoire politique de notre pays et de notre Québec, une idée qui a germé dans le coeur des

Québécois, qui était latente depuis le jour où nous sommes arrivés sur cette terre d'Amérique, depuis ce jour-là...

M. BOSSE: ... arrêté à Dorion.

M. CHARRON: ... cette idée s'est financée elle-même et a assuré son propre gouvernement. Aujourd'hui, ce petit groupe parlementaire, tronqué par un système électoral désuet, il va sans dire, M. le Président, mais quelle que soit sa taille, représente 900,000 Québécois, des jeunes, des vieux, des ouvriers, des syndiqués, des travailleurs...

M. BOSSE: Bien des jeunes, surtout des jeunes.

M. CHARRON: ... des cols bleus, des cols blancs, des professionnels, des hommes d'affaires aussi, des retraités, des chômeurs, des femmes...

M. BOSSE: Laissez les chômeurs!

M. CHARRON: ... dont l'essentiel de leur métier est d'élever des familles, comme d'autres qui sont devenues des femmes de carrière.

Des gens de tous les coins, les rejetés de 1963, les mis à l'index d'il y a dix ans, les péchés capitaux d'il y a dix ans, M. le Président, les séparatistes, communistes, felquistes d'il y a dix ans, avec lesquels on essayait encore, au cours de la campagne électorale, de faire peur à ma grand-mère.

M. BOSSE: Les racistes d'aujourd'hui.

M. CHARRON: ... Savez-vous ce qu'ils sont devenus en dix ans seulement — et ce n'est pas long dans la vie d'un peuple, M. le Président — la deuxième force politique dans douze régions sur quatorze, 45.7 p.c. sur la Côte Nord,...

M. BOSSE: Bien petit.

M. CHARRON: ... 44.1 p.c. dans Montréal-Est, 35 p.c. dans cette capitale nationale des Québécois, près de 30 p.c. en Gaspésie et dans le Bas-du-Fleuve, 35 p.c. au Saguenay-Lac Saint-Jean, plus de 60 p.c. de francophones, indistinctement des classes sociales, puisque nous avons 60 p.c. du vote aussi bien français, aussi bien dans Outremont que dans Saint-Henri, M. le Président...

M. BOSSE: 90 p.c. de professeurs.

M. CHARRON: ... et nous sommes à 777 votes d'arracher le bastion libéral de Louis-Hébert à la vieille formation politique qui siège à votre droite. Au cours des seules trois dernières années de cette vie de notre peuple, M. le Président, l'idée de l'indépendance a augmenté de 10 p.c. en Gaspésie, 15 p.c. dans le

Québec métropolitain, 11 p.c. dans le Québec extramétropolitain, 10 p.c. sur la rive sudde Montréal et 11 p.c. dans l'Outaouais, cette région la plus prisonnière peut-être de notre régime.

M. le Président, je comprends bien...

M. BOSSE : Pas encore assez.

M. CHARRON: ... qu'on ait même encore peur de l'idée de l'indépendance, d'autant plus que cette peur est si habilement menée et financée par le parti qui siège à votre droite. Mais les Québécois comprennent vite, M. le Président. Dix ans, qu'est-ce que c'est dans la vie d'un peuple?

Puis-je vous donner simplement, M. le Président, l'exemple des citoyens de Saint-Jacques, qui, devant la mer de mensonges et de trucs dont on essayait de recouvrir la misère qui est le lot de la plupart d'entre eux, ont réitéré leur confiance en l'équipe du Parti québécois, avec une majorité accrue de 7 p.c. et la majorité absolue sur le territoire de Saint-Jacques, M. le Président?

Cet électorat le plus fidèle, comme on l'analyse partout, n'est pas celui des vieux partis, il devient notre meilleure arme. Plus nous sommes nombreux, moins il en reste à convaincre par le fait même. Nous sommes donc plus de militants, plus de convaincus, pour aller chercher, retrouver en quelque sorte, puisque chacun le sent, ce message-là, le reste des Québécois qu'il nous reste à convaincre; et parmi ces gens-là qui viennent de se regrouper à nous, au point de nous donner 36 p.c. du vote de ceux qui parlent la langue dans laquelle nous nous comprenons, et qui est la nôtre ce soir, qui est celle du Québec, M. le Président, dans ceux-là qui viennent de se grouper, il y a certainement des voisins des honorables députés libéraux.

Il y a probablement des irréductibles de 1970, ceux dont on disait qu'ils resteraient toujours libéraux et qui, dès 1973, leur avaient faussé compagnie. Chacun a connu dans son comté des défections aux rangs du Parti québécois. Ces fidèles, mais ça va venir, ça viendra même encore plus de vos familles. Les enfants vont grandir, M. le Président et on ne les maintiendra pas toujours dans le même régime.

M. le Président, devrais-je ajouter que nous ne sommes pas pressés? Comme le disaient justement en 1963, les Rolling Stones, "Time is on our side". C'est bien certain que ce gouvernement-là va passer. Ce gouvernement-là va mourir. Ces idées-là vont mourir un jour. Nous ne sommes pas pressés, M. le Président. Ce qui se passe maintenant, autour de l'idée d'indépendance, c'est la rencontre de deux générations. C'est le meilleur gage en fin de compte.

Je ne suis plus, M. le Président, Dieu merci, le plus jeune de cette Assemblée.

Bientôt, je franchirai le cap de la trentaine; je ne suis pas pressé. Dans huit ans j'aurai 35 ans

et je suis convaincu que je vais voir l'indépendance plus jeune que le premier ministre ne l'était quand il a atteint le poste qu'il occupe actuellement. Puis-je rappeler simplement...

M. BOURASSA: Votre chef a dit dans dix ans.

M. CHARRON: ... au député de Mercier, qui intervient comme un "back-bencher", l'exemple du vieux dinosaure de Diefenbaker en 1958?

M. BOURASSA: ... dit que vous diriez cela.

M. CHARRON: M. le Président, 210 sièges sur 260.

M. HARVEY (Jonquière): 208.

M. CHARRON: 208, peu importe, cela fait longtemps que cela ne m'intéresse plus. Savez-vous ce qui est arrivé de ce grotesque gouvernement comme celui qui m'entoure, ces innombrables "back-benchers" qui coûtent une fortune au Québec? Le savez-vous, M. le Président, ce qui est arrivé à ce gouvernement à l'élection suivante, pas quinze ans après? Le plus fort gouvernement de l'histoire du Canada devenait minoritaire et l'année suivante, un an après, il était renversé. Depuis ce temps-là, les conservateurs n'ont jamais repris le pouvoir à Ottawa. Nous ne sommes pas pressés.

M. BOURASSA: Encouragez-vous! Encouragez-vous avec cela!

M. CHARRON: Nous avons tout le temps devant nous pour savoir ce qu'ils vont nousservir. Au fond, tous les députés libéraux qui sont ici doivent bien s'en douter, politiciens comme ils sont et attentifs qu'ils ont été à monter leur machine électorale pour le jour du vote. Puis-je leur rappeler que nous ne serons pas toujours malchanceux...

M. BOURASSA: Toujours?.

M. CHARRON: ... comme nous l'avons été depuis le début de cette existence, que le système électoral que le député de Mercier vient de s'engager à défendre, encore une fois, passé le cap des 30 p.c, finit par jouer pour le parti d'Opposition et que c'est finalement à notre tour, un jour, que nous bénéficierons des lacunes de ce système injuste avant de le changer le jour où nous arriverons? Puis-je leur rappeler également, à tous ces députés fiers et assis sur une majorité qu'ils affirment confortable — ce n'est pas moi qui voudrait les faire changer d'idée aussi — qu'il y a 110,000 membres du Parti québécois maintenant qui, au moment où nous travaillons du mieux que nous pouvons dans cette enceinte, sont déjà à pied d'oeuvre pour la prochaine élection?

M. BOURASSA: On a vu cela aujourd'hui.

M. CHARRON: Je vous rappellerai, M. le Président, qu'en 1970 le lendemain de l'élection avait peut-être été plus pénible que celui-ci. Pourquoi, au lendemain de 1973, alors que pour une deuxième fois des militants aussi généreux et aussi bénévoles que ceux qui ont marqué l'histoire du Parti québécois se sont retrouvés avec un résultat aussi injuste que celui qui vous entoure, M. le Président, le même affaissement qui avait marqué nos troupes au lendemain de 1970, nos jeunes troupes de 1970, n'a pas marqué l'existence du Parti québécois maintenant et que nous pouvons nous livrer en toute honnêteté à une analyse de notre orientation et de nos fautes au cours de la campagne électorale sans avoir aucune crainte de mettre en péril la barque dans laquelle nous sommes?

C'est qu'il y a au coeur de chacun des militants du Parti québécois — et je dirais au coeur de chacun de ses électeurs — une certitude, depuis le 29 octobre. Il nous en reste moins à faire que nous n'en avons fait.

M. BOSSE: Vous allez en radier moins que vous en avez radié.

M. CHARRON: Et ce n'est pas possible, M. le Président, que nous perdions aussi souvent par malchance que nous l'avons fait au cours de la dernière campagne électorale. Surtout, quelle est l'autre certitude qui peut mener notre travail et qui mènera le groupe parlementaire duquel je fais partie? C'est la certitude aussi, sans remise en question inutile, quelles que soient les tentations auxquelles les éditorialistes libéraux voudraient nous faire succomber, de ne pas remettre en question le fondement même de notre option, puisque ce serait remettre en question le fondement même du peuple auquel nous appartenons. Ce peuple-là est normal, ce peuple-là est mieux équipé que bien d'autres peuples du monde lorsqu'ils ont pris leur décision de peuple adulte. Ce sera notre tour un jour et au fond, peut-être, plus nous attendrons, mieux nous serons préparés, et les gages d'une réussite, peut-être, deviendront plus forts.

Sous la croûte de confort qu'a apportée la société américaine, malgré tous les avatars que nous a laissés le fait que la génération qui nous précède a un niveau de scolarité aussi peu élevé qu'une septième année, malgré tous les défauts que nous a laissés notre passé économique d'être, comme le rappelait le Parti libéral, uniquement des porteurs d'eau et des scieurs de bois, malgré tous ces avatars du passé, nous sommes convaincus qu'au coeur de chaque Québécois, comme au coeur de chacun des membres de cette Chambre, il y a la conviction que nous appartenons à un groupe différent, pas meilleur et pas pire. J'entendais tout à l'heure des députés libéraux qui disaient: Vous vous prenez pour d'autres. On ne se prend pas

pour d'autres, mais c'est fini le temps où on se prend pour moins que ce que nous sommes.

Nous sommes aussi une société industrielle prête à accomplir, à sa façon, selon son propre modèle, avec ses défauts et avec ses qualités, l'orientation de sa vie à elle. Tous les moyens sont là à nous. Il ne manque que la volonté. Et, pour que la volonté arrive et s'épanouisse, il faudra, un moment donné, que craque et que se fissure de partout le dernier ramassis de la peur et le dernier ramassis colonial que représente actuellement le vieux gouvernement qui est à votre droite, M. le Président. Il passera comme tous les gouvernements précédents ont passé. C'est maintenant clair, depuis le 29 octobre, que les prochains à aller de l'autre côté, il n'en reste qu'un groupe, c'est le groupe qui a choisi le chemin le plus dur et l'option la plus difficile.

On nous a dit partout: Si vous n'étiez pas indépendantistes, vous auriez été élus le 29 octobre, car dès trois ans et demi après l'existence de ce gouvernement...

M. BOSSE: Des promesses électorales.

M. CHARRON: ... dirigé par le député de Mercier, il existait un dégoût tel de ce parti politique que nous aurions pu le remplacer simplement en fignolant, comme ils l'ont fait, un programme de dernière minute. Il y avait tellement de qualité à l'intérieur de l'équipe que nous étions prêts, dès le 29 octobre, à les remplacer. Nous aurions pu. Nous ne l'avons pas fait parce que, au fond de nous et de façon indéniable, il reste cette volonté d'être le premier vrai gouvernement national des Québécois. Et c'est parce que nous savons que tous les Québécois, au fond, espèrent un jour avoir un pays à eux et qu'il n'en dépend que de nous, contre les artifices que la vieille machine fournira avant de s'éteindre, il n'en tient qu'à nous, par notre travail, par le financement démocratique que nous assurons à l'épanouissement de cette idée, de lui assurer son développement. Les rigolades de cette majorité, dont le quotient intellectuel est à votre discrétion, peu importe, je suis prêt à les subir pendant encore quatre ans, huit ans s'il le faut...

M. BOURASSA: C'est suffisant. M. CHARRON: Ce que je sais... M. BOURASSA: C'est suffisant.

M. CHARRON: ... c'est qu'en dehors de ces murs, cette idée qui, en 1963, n'était que celle d'une poignée, est maintenant celle des citoyens les plus éveillés, les plus attentifs, les plus politisés aussi que nous trouvions dans le Québec et aussi des plus jeunes et des plus prêts à assumer la relève lorsqu'elle viendra. Le Québec aura son tour comme toutes les autres sociétés du monde l'ont eu. Merci, M. le Président.

M. BOURASSA: Des mots, ça.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu.

UNE VOIX: Des mots, des mots!

M. Gérald Harvey

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, permettez-moi, au début de cette courte intervention, de vous féliciter chaleureusement d'avoir été nommé, de nouveau, président de cette Assemblée, car votre sincérité, votre dévouement et votre compétence vous permettront d'agir encore plusieurs années comme président de cette Chambre.

Je profite de cette occasion également pour féliciter vos deux vice-présidents de leur nomination, un de mes collègues de la région, le député de Roberval, et le député de Saint-Louis.

Mes félicitations également à mes collègues députés qui ont été nommés de nouveau à leurs postes respectifs au sein du cabinet, de même qu'aux nouveaux venus et à la seule dame élue à l'Assemblée nationale, le député de Bourassa, qui a été nommée à l'exécutif.

M. le Président, vendredi dernier, les membres de l'Assemblée nationale ont été très charitables lorsqu'ils ont écouté sans broncher l'exposé du député de Chicoutimi. Après avoir fait un portrait des plus pessimistes de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le député de Chicoutimi a tenu à énoncer une liste des secteurs d'activité qui, selon lui, mériteraient plus d'attention de la part du gouvernement du Québec.

Pour ma part, M. le Président, je répondrai au député de Chicoutimi que ce n'est pas d'aujourd'hui que nous, les libéraux, sommes conscients des besoins de notre région. Nous n'avons pas attendu au mois de novembre 1973 pour préconiser le développement du Saguenay-Lac-Saint-Jean selon une planification ordonnée mise à jour régulièrement, suite aux consultations avec les corps intermédiaires, le conseil régional de développement et l'Office de planification du Québec.

M. le Président, le relèvement de l'agriculture et l'exploitation rationnelle de nos forêts, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, sont les résultantes du programme agro-forestier mis de l'avant par le gouvernement du Québec en collaboration avec le gouvernement fédéral grâce à l'entente ARDA 3. Ce premier plan de développement régional, dont nous commencerons la troisième année, sur un plan de cinq ans, dans quelques mois, a été mis de l'avant à la demande des forces du milieu, après une étude de fond préparée par les gens du milieu et également par une mission de planification gouvernementale dont le rapport final et l'esquisse du plan ont été déposés en novembre 1969 au gouvernement du Québec.

Dès la prise du pouvoir, au mois d'avril 1970, et grâce à l'intervention des députés de la région, le programme agro-forestier a été converti dans un programme de développement régional appelé Programme de développement intégré des ressources, puisque nous y avons ajouté le secteur du développement touristique par la mise en place de l'exploitation des sites exceptionnels du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, en y comprenant également l'équipement d'accueil pour avoir un circuit touristique répondant non seulement aux besoins interrégionaux, mais aux besoins du tourisme qui vient de l'extérieur.

En ce qui concerne les ressources minières de notre région, je crois que le député de Chicoutimi devrait être le premier à reconnaître les efforts du gouvernement du Québec pour développer le Moyen-Nord. La collaboration entre les députés du Saguenay-Lac-Saint-Jean et le CRD à ce sujet s'est établie dans un climat de franchise, sous l'habile direction de mon collègue, ministre responsable de l'ODEQ et de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le député de Joliette.

La mise de l'avant du projet du lac Albanel fait l'objet d'études et de négociations des plus sérieuses de la part des autorités gouvernementales. Les autorités de l'OPDQ, sous les recommandations du ministre responsable, sont conscientes des répercussions favorables à notre région tant au niveau de la création de nouveaux emplois, dont le nombre ne peut être établi à l'heure actuelle, que des retombées économiques qui ne seraient certainement pas des plus négligeables.

En réponse à l'assertion du député de Chicoutimi à l'effet que la décision à prendre au sujet du développement du projet du lac Albanel est d'un ordre politique, je peux affirmer que c'en est une non pas de politicaillerie qui sera prise, mais bien une de politique de planification.

Le cas de l'exploitation de la mine de colombium de Saint-Honoré est, dans mon esprit, identique à celui posé par le développement du lac Albanel.

Quant à l'industrie du tourisme, l'élaboration d'infrastructures à l'intérieur des plans conjoints actuels ARDA se concrétise par la réalisation par étapes, bien entendu, de l'exploitation des sites exceptionnels: le projet du lac Kénogami, ainsi que plusieurs autres projets au Lac-Saint-Jean.

Je m'inscris en faux contre l'affirmation du député de Chicoutimi qui ose prétendre que le député de Jonquière a fait tout récemment de l'idée d'une autoroute régionale une de ses priorités.

Le député de Chicoutimi, qui croit que nous sommes venus au monde en 1973, devrait savoir que nous, nous n'avons pas sorti trois sortes de plans de développement de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Celui de 1970 du défunt candidat séparatiste Gilles Grégoire, nous l'avons jeté au panier après la campagne puisque nous avions fini de le critiquer. Celui de 1973, un de ses collègues candidats défaits, concernant le regroupement municipal, il devrait le jeter également. Cela fait plusieurs années, c'est-à-dire depuis la publication de l'esquisse du plan, soit en novembre 1969, qu'on y revoit, comme grande priorité régionale de développement entre le port de mer de Port-Alfred et la ville d'Alma, une autoroute à quatre voies qu'il sera possible de réaliser si nous réussissons grâce au ministre responsable de l'OPDQ, à obtenir de l'argent additionnel en plus des ententes actuelles pour l'élaboration et le développement au niveau régional d'un des dossiers moteurs.

Ce que j'ai toujours préconisé pour le mieux-être de la population et pour accélérer le développement de notre région, M. le Président, c'est une réorganisation des transports et des voies de communication. L'élargissement du boulevard Talbot et sa réfection étaient et sont encore des plus justifiés sur une bonne partie de son parcours. Cependant, je ne suis pas prêt à admettre que nous ayons les moyens aujourd'hui de nous payer une autoroute Québec-Saguenay. Ce serait rêver en couleur comme ils ont rêvé tous ensemble durant la période électorale et crié longtemps. Nous avons préféré insister auprès de mon collègue, le ministre des Transports qui, dès cette année, a dépensé plusieurs millions de dollars pour améliorer la sécurité sur le boulevard Talbot en construisant une troisième voie dans les courbes et dans les côtes et en refaisant le revêtement bitumineux sur une longueur de plus de 80 milles.

En ce qui concerne les communications intermunicipales au Haut-Saguenay, la mise en chantier au cours des prochains mois d'une route à voie rapide entre la Baie des Ha-Ha et Jonquière concrétisera les efforts que notre gouvernement fait pour doter la région d'un équipement adéquat.

Le député de Chicoutimi a, au cours de son exposé, utilisé, M. le Président, les termes "renaissance municipale". C'est un grand mot.

Pour ma part, j'aime mieux employer une expression plus réaliste, soit regroupement municipal, non pas parce que je suis contre une formule dite de renaissance des villes, mais plutôt parce que je suis d'avis qu'avant de parler de renouveau idéologique il faut regrouper les efforts et consolider les biens et les services à offrir à nos populations urbaines vivant dans des villes collées les unes sur les autres.

En terminant, j'aimerais souligner au député de Chicoutimi que, dès le mois de février 1973, le député de Jonquière, le député de Roberval du temps et d'aujourd'hui, le député du Lac-Saint-Jean et maintenant le député de Dubuc, nous prenions position face aux problèmes des services de santé et nous préconisions le maintien des services essentiels.

Suite aux représentations des députés de notre région concernant le réseau hospitalier, il ne fait aucun doute, dans mon esprit, que le ministre des Affaires sociales est conscient que les normes établies pour les très grands centres urbains comme Québec et Montréal sont difficilement applicables au Saguenay-Lac Saint-Jean et qu'elles doivent être réajustées selon nos besoins précis.

M. le Président, en terminant, je dirai au député de Chicoutimi que la philosophie dégagée et mise en pratique par celui qui vous parle, étant responsable à l'OPDQ d'une région plan, et mes collègues, les députés de Joliette, de D'Arcy-McGee, d'Arthabaska et de Bonaventure, c'est la théorie de Nehru. Planifier, on dit que c'est examiner les faits et les choses, se servir de son intelligence et régler les problèmes. Pour eux, planifier c'est rêver. Qu'ils continuent de rêver avec leurs 30 p.c. et leurs six députés; nous avec nos 55 p.c, nous allons appliquer la philosophie de Nehru, nous allons examiner les faits, les situations et les choses et nous allons continuer à régler les problèmes y compris ceux du Saguenay-Lac Saint-Jean. Merci.

LE PRESIDENT: Le ministre responsable à l'OPDQ.

M. QUENNEVILLE: M. le Président, je propose l'ajournement du débat.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain quinze heures.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté également.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain quinze heures.

(Fin de la séance à 22 h 10)

ANNEXE Commissions parlementaires instituées le 27 novembre 1973

COMMISSION DES AFFAIRES MUNICIPALES COMMITEE ON MUNICIPAL AFFAIRS

MM. Bédard (Chicoutimi), Boutin (Abitibi-Ouest), Caron (Verdun), Chagnon (Lévis), Goldbloom (D'Arcy-McGee), Leduc (Taillon), Léger (Lafontaine), Ostiguy (Verchères), Parent (Prévost), Picotte (Maskinongé), Roy (Beauce-sud), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Vaillancourt (Orford).

Nombre de membres (Number of members:) - 13 — Quorum: — 7

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES COMMITTEE ON SOCIAL AFFAIRS

MM. Bacon (Bourassa), Bédard (Chicoutimi), Bellemare (Rosemont), Bonnier (Taschereau), Boudreault (Bourget), Charron (St-Jacques), Dufour (Vanier), Forget (St-Laurent), Fortier (Gaspé), Harvey (Dubuc), Lecours (Frontenac), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Samson (Rouyn-Noranda).

Nombre de membres (Number of members:) -13 — Quorum: — 7

COMMISSION DE L'AGRICULTURE ET DE LA COLONISATION COMMITTEE ON AGRICULTURE AND COLONIZATION

MM. Burns (Maisonneuve), Carpentier (Laviolette), Denis (Berthier), Dionne (Mégantic-Compton), Faucher (Nicolet-Yamaska), Fraser (Huntingdon), Lessard (Saguenay), Massicotte (Lotbinière), Ostiguy (Verchères), Pagé (Portneuf), Roy (Beauce-sud), Toupin (Champlain), Tremblay (Iberville).

Nombre de membres (Number of members:) -13 — Quorum: — 7

SUITE DES ANNEXES Référer à la version PDF page 217 À 219

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