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Version finale

30e législature, 1re session
(22 novembre 1973 au 22 décembre 1973)

Le vendredi 14 décembre 1973 - Vol. 14 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

M.LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DEPUTES

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Vente du Soleil

M. MORIN: M. le Président, j'ai posé, il y a deux jours, une question au ministre d'Etat, député de Saint-Laurent, au sujet de l'intention du gouvernement de prolonger le moratoire imposé à la vente du quotidien Le Soleil. C'est le premier ministre qui m'avait promis une réponse pour le lendemain ou le surlendemain. Nous en sommes au surlendemain, à l'avant-veille de l'expiration du moratoire. Est-ce qu'il y aura renouvellement du moratoire et combien de temps durera le nouveau moratoire, le cas échéant?

Je pose la question au leader du gouvernement en l'absence des deux principaux intéressés.

M. LEVESQUE: M. le Président, je pourrais être un peu malin et dire au député de Sauvé que, s'il veut attendre l'arrivée dans quelques instants du député de Saint-Laurent, il pourra avoir une réponse, mais peut-être sera-t-il un peu embêté de répondre parce que ce n'est pas tellement sa responsabilité.

M. MORIN: C'est le député de Marguerite-Bourgeoys que je voulais nommer, je m'excuse.

M. LEVESQUE: Ah! bon, alors on pourrait repartir de là...

M. MORIN: Oui, je parlais de M. Lalonde.

M. LEVESQUE: ... et dire que le député de Marguerite-Bourgeoys, ministre d'Etat, m'a prévenu ce matin qu'il ne pouvait être ici, en Chambre, justement parce qu'il est retenu probablement, pour les fins qui intéressent particulièrement le chef de l'Opposition.

M.MORIN: Et le premier ministre, M. le leader?

M. LEVESQUE: Le premier ministre est retenu à son bureau de l'Hydro-Québec à Montréal.

M. LEGER: Et les 19 autres ministres, M. le Président?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. LEGER: Les 19 autres qui manquent?

LE PRESIDENT: L'honorable député...

M. LEVESQUE: Ils sont à votre disposition.

LE PRESIDENT: ... de Saguenay.

M. LEGER: Non, ceux qui manquent? Est-ce qu'ils sont déjà épuisés?

Exportation de pétrole

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que le ministre des Richesses naturelles est aussi retenu auprès de Golden Eagle pour apprendre l'exportation de produits pétroliers à l'extérieur du Québec? J'aurais que une question très importante à lui adresser.

M. LEVESQUE: M. le Président, le ministre des Richesses naturelles a fait un exposé qui a confondu l'Opposition hier. S'il doit revenir...

M. LESSARD: Non, M. le Président. Non, M. le Président.

Je pose ma question au député adjoint...

M. LEVESQUE: Le député de Saint-Laurent est arrivé, le ministre des Affaires sociales...

M. LESSARD: Non, M. le Président, je pose ma question au député adjoint au ministre des Richesses naturelles. Hier j'informais le ministre des Richesses naturelles qu'il se faisait de l'exportation de produits pétroliers à l'extérieur du Québec, au moment où nous vivons une certaine pénurie. Est-ce que le ministre d'Etat aux Richesses naturelles pourrait aujourd'hui confirmer ou nier cette rumeur? Est-ce que le ministre d'Etat aux Richesses naturelles pourrait nous dire si son homologue — comment est-ce qu'il disait ça, son monologue — du gouvernement fédéral l'a informé qu'on permettait l'exportation du pétrole à l'extérieur du Québec? Et est-ce que le ministre d'Etat pourrait maintenant nous dire si réellement l'information que je lui donnais hier était fausse, tel que l'avait dit le ministre au moment de son discours?

M. LEVESQUE: M. le Président, le député

de Saguenay devrait savoir deux choses: D'abord, il s'agissait d'un cas d'exportation et il était normal qu'il y ait une précision des autorités fédérales. Le ministre, M. Macdonald, a donné l'explication qu'il ne s'agissait ni d'essence, ni de pétrole pour usage domestique comme l'huile à chauffage, mais qu'il s'agissait...

M.LESSARD: Non!

M. LEVESQUE: Ne dites pas non, c'est ça qu'il a dit, je l'ai entendu moi-même à la télévision.

M. LESSARD: Oui, mais est-ce que... M. LEVESQUE: II disait justement...

M. LESSARD: Est-ce que le vice-premier ministre est conscient...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. LEVESQUE: Je suis très conscient. Justement je ne me ferai pas emplir.

M. LESSARD: Non, mais nous autres non plus, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, le ministre, M. Macdonald, a expliqué qu'il s'agissait d'un produit qui était du pétrole d'une autre qualité pour lequel nous avions des surplus; vous appelez ça du "bunker C". Dans les circonstances, cela n'affectait en rien ce dont nous avions besoin pour les fins des contribuables, et citoyens québécois.

M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre est conscient qu'il s'agit pour Golden Eagle de diminuer son raffinage de produits légers et d'augmenter simplement par ce fait même la production de "fuel" industriel, ce qui permet une diminution des produits pétroliers, de l'huile à chauffage en particulier pour les foyers québécois?

C'est là, justement, que la compagnie Golden Eagle peut jouer avec l'exportation du pétrole.

M. LEVESQUE: Si je comprends bien, est-ce que le député affirme ce qu'il dit ou s'il pose une question? Est-ce qu'il va à la pêche ou, autrement dit, donne-t-il...

M. LESSARD: Je pose une question, M. le Président.

M. LEVESQUE: ... une opinion technique sur l'utilisation possible du "bunker C" et la possibilité de l'utiliser pour d'autres fins?

M. LESSARD: C'est cela, M. le Président.

M. LEVESQUE: C'est cela, alors, nous allons demander une opinion technique à une question d'ordre technique.

M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le vice-premier ministre a pris connaissance des rapports financiers concernant les profits des compagnies et est-ce qu'il a pu constater, par exemple, que les compagnies pétrolières...

M. LEVESQUE: Est-ce vraiment une question d'urgence, M. le Président?

M. LESSARD: ... avaient augmenté leur profit de 62 p.c. au cours des trois derniers mois justement en exploitant une situation de panique? Est-ce que le ministre...

M. LEVESQUE: Un discours? Ah! laissez-le faire, laissez-le faire !

M. LESSARD: ... pourrait nous donner aussi des informations concernant justement les profits des compagnies pétrolières au Québec? Dernière question, M. le Président: Comment le vice-premier ministre peut-il prétendre que le gouvernement du Québec peut établir une politique énergétique quand on constate qu'il ne contrôle absolument rien, même pas l'exportation du pétrole?

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce le genre de questions que vous allez admettre? Moi, j'attends...

M. LESSARD: C'est le genre de questions auxquelles vous ne pouvez pas répondre.

M. LEVESQUE: ... que vous vous prononciez, M. le Président.

M. LESSARD: C'est ridicule.

M. LEVESQUE: Je ne répondrai pas autrement.

M. LEGER: Le pouvez-vous ou non?

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais faire remarquer que le règlement prévoit pour des affirmations comme celles que vient de faire le député, qu'on ne peut pas vérifier, le président n'est pas en mesure de vérifier si c'est vrai ou non que les compagnies ont augmenté leur profit, c'est la raison pour laquelle le règlement ne permet pas des affirmations... A l'ordre, s'il vous plaît! Laissez-moi donc terminer! C'est la raison pour laquelle le règlement ne permet pas, à la période des questions, des affirmations de la sorte. Je prends la parole du député mais, par contre, ce sont des choses qu'on ne peut pas vérifier. Même les documents que vous avez en main, qu'est-ce qui assure qu'ils sont vrais? C'est la

raison pour laquelle cela amène des débats comme nous avons actuellement.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce qu'il est possible de vérifier que Golden Eagle fait de l'exportation de produits pétroliers à l'extérieur du Québec? C'est une affirmation que je fais et je demande au ministre...

LE PRESIDENT: A l'ordre! C'était votre question précédente. Ne contournez pas l'affaire. C'était votre question précédente; la dernière portait sur les profits des compagnies.

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président. Le vice-premier ministre dit qu'il a vu M. Macdonald à la télévision, hier soir, affirmer lui-même sa déclaration. Est-ce qu'il a vu également le ministre des Richesses naturelles du Québec? Peut-il dire à la Chambre si, hier, le ministre avait consciemment menti à la Chambre ou si c'était une preuve de son incompétence, encore une fois, qu'il a donnée à la télévision, hier soir?

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne comprends pas du tout la question du député de Saint-Jacques.

M. LEGER: Vous êtes dur d'oreille.

M. LEVESQUE: Je sais que le ministre des Richesses naturelles dit toujours la vérité. Particulièrement hier, il a fait un exposé très brillant et...

M. LESSARD: Donc, il est inconscient.

M. LEVESQUE: ... il a confondu l'Opposition. Il a donné, je crois, toutes les réponses pertinentes sur cette situation. S'il y a d'autres questions précises que veut poser le député de Saint-Jacques, je serai très heureux d'en prendre avis au nom du ministre des Richesses naturelles, de lui faire part de la question du député de Saint-Jacques...

M. LESSARD: Vous auriez été mieux de faire ça ce matin.

M. LEVESQUE: ... et de lui apporter la réponse dans les meilleurs délais.

M. MORIN: Là, c'est vous qui évitez la question.

M. LESSARD: Il est incompétent et inconscient.

M. LEVESQUE: De qui parlez-vous, là? De vous-même?

M. CHARRON: L'impuissance heureuse.

M. MORIN: ... du ministre des richesses naturelles.

LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Lafontaine.

Ventes pyramidales

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives qui, malgré les heures tardives de clôture, est toujours présent le matin. Je le félicite. Concernant la compagnie Holiday Magic, qui exploite présentement un commerce de produits pharmaceutiques sous forme de ventes pyramidales, et depuis déjà un an, est-ce que le ministre peut nous dire si le directeur de l'Office de la protection du consommateur a fait enquête? Deuxièmement, est-ce qu'il a ordonné à la compagnie de cesser ses activités illégales, comme la loi le lui permet?

M. TETLEY: Est-ce que l'honorable député parle de Holiday Magic à Sherbrooke?

M. LEGER: Exactement.

M. TETLEY: Evidemment, nous avons, de puis six mois, procédé contre cette compagnie. Nous avons même engagé un avocat renommé de la ville de Montréal qui était expert contre les sociétés de ventes pyramidales, un nommé Faucher, qui a eu un grand succès contre Holiday Magic. Nous espérons avoir un jugement contre celle-ci. J'espère mettre en prison certains de ses organisateurs.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que l'avocat les chauffe suffisamment parce que cette compagnie a déjà été frappée d'un interdit? Est-ce qu'elle a déjà été frappée d'un interdit par l'office, dans une autre municipalité que Sherbrooke? Deuxièmement, pourquoi, dans le cas de Holiday Magic, le gouvernement procède-t-il plutôt par plaintes en vertu du code criminel plutôt qu'en vertu de la Loi de la protection du consommateur qui, elle, oblige à cesser immédiatement les activités de la compagnie pendant l'appel?

M. TETLEY: Exactement, M. le Président. Nous avons essayé de faire adopter une telle procédure à la cour, on nous l'a refusé une fois. J'espère que nous aurons soit une injonction, soit l'emprisonnement des organisateurs. Mais c'est très difficile parce que, malgré les 60 procédures intentées dans toutes les régions du Québec contre Inspiration & Succès, un juge a condamné à $500 au lieu d'emprisonner les coupables. C'est une question d'éducation des juges et de la population autant que de prise de procédures. Je note...

M. LEGER: II ne faudrait pas augmenter les salaires tout de suite, comme ça!

M. TETLEY: C'est peut-être pourquoi il faut augmenter les salaires.

LE PRESIDENT: Les honorables députés de Beauce-Sud, de Dubuc et le chef de l'Opposition officielle.

Candidats libéraux défaits

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre des Affaires municipales. Est-ce que l'honorable ministre est au courant du fait que certains candidats défaits — il n'y a pas beaucoup de candidats libéraux défaits — auraient tenu des réunions auxquelles on aurait forcé en quelque sorte les maires des municipalités de participer et qu'ils auraient été avertis que toute demande qui serait faite par l'entremise d'un député de l'Opposition ne serait pas prise en considération par le ministère des Affaires municipales? Est-ce que, dans un premier temps, le ministre des Affaires municipales est au courant de cette situation? Dans un deuxième temps, est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait nous dire quelle attitude il prendra face aux démarches qui seront faites par les députés de la Chambre?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je ne suis pas au courant d'une telle démarche. Je n'ai pas donné quelque assentiment que ce soit à des contacts avec des maires de municipalités par des personnes autres que le personnel du ministère des Affaires municipales.

M. ROY: M. le Président, une deuxième question. Est-ce que je pourrais demander — je vais revenir sur la deuxième question que j'ai posée — au ministre des Affaires municipales s'il accordera autant d'importance aux démarches qui seront faites par les députés de l'Opposition qu'à celles qui seront faites par les députés ministériels?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je suis titulaire de ce ministère depuis dix mois. Je ne pense pas que le député de Beauce-Sud ait à se plaindre des relations que nous avons entretenues.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Dubuc.

Conseil régional de la santé

M. HARVEY (Dubuc): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales et porte sur les relations du ministère des Affaires sociales avec le Conseil régional de la santé et des services sociaux de la région 02. J'ai donné avis au ministre, hier, de ma question.

Premièrement, est-ce que la réunion dont on avait discuté et qui était prévue pour le 13 décembre, avec le Conseil régional de la santé et des services sociaux de la région 02, a effectivement eu lieu?

Deuxièmement, quelles sont les recommandations principales du rapport déposé par le conseil régional?

Troisièmement, est-ce que le ministre entend donner suite à ces recommandations?

M. FORGET: M. le Président, la rencontre qui avait été annoncée pour le 13 décembre avec des représentants du conseil régional de la région no 2 a effectivement eu lieu hier matin. A cette occasion, les représentants du conseil régional nous ont fait tenir un mémoire qui résume l'état actuel de leurs réflexions sur l'aménagement des ressources dans le secteur des affaires sociales dans leur région.

Il y a eu également, outre ces rencontres avec le conseil régional, plusieurs consultations, évidemment, qui se sont déroulées et en particulier, bien évidemment, avec les députés de la région, y compris mon collègue, député de Jonquière et ministre du Revenu. Ces rencontres se sont déroulées dans un excellent climat.

Pour ce qui est de la deuxième question, cette partie du travail du conseil régional a porté principalement sur l'organisation des ressources dans le secteur de la périnatalité, s'inspirant des politiques de mon ministère relativement à la périnatalité, de même que sur les priorités qui sont apparues absolument de premier ordre au conseil régional dans le secteur.

Pour ce qui est de la suite qui sera donnée à ces rencontres, il me fait plaisir d'indiquer que suite, encore une fois, aux consultations qui ont eu lieu durant la journée d'hier et aux efforts déployés depuis plusieurs mois par le conseil régional et par un grand nombre d'autres instances, il nous est possible d'annoncer dès maintenant que les conclusions du conseil régional seront retenues par notre ministère, et en particulier — et ceci est très important pour la région, si je comprends bien — le service d'obstétrique du Centre hospitalier Jonquière-Arvida sera maintenu pour les accouchements sans risques élevés.

Le nombre de lits sera déterminé.

D sera légèrement inférieur à ce qu'il est dans le moment, correspondant avec la référence des cas plus difficiles d'obstétrique au Centre hospitalier de Chicoutimi.

J'ai également déterminé que des discussions soient entreprises immédiatement afin de voir au réaménagement et à la mise en place de services d'urgence et de clinique externes, ainsi que d'un département de santé communautaire qui, comme on le sait, est essentiel pour l'évaluation de tous ces programmes de médecine communautaire à l'hôpital de Chicoutimi.

D'autre part, j'ai invité — et je rencontrais hier les représentants des centres hospitaliers en question — en particulier l'hôpital de Chicoutimi à réexaminer ses priorités quant aux lits de courte durée, afin de se rapprocher de la norme provinciale et également d'assurer le financement des services développés externes et d'ur-

gence à 1'intérieur de son budget de fonctionnement dans toute la mesure du possible.

D'ici deux mois, nous avons l'intention de prendre des décisions concernant l'unité en périnatalité à l'hôpital de Chicoutimi, de manière à en voir précisément les modalités de son implantation.

Et enfin, nous avons invité le conseil régional à poursuivre son travail quant à l'aménagement des priorités régionales dans la région du Saguenay-Lac Saint-Jean.

Exportation de pétrole

M. LESSARD: M. le Président, étant donné que le ministre des Richesses naturelles est maintenant revenu, est-ce que vous lui permettriez de répondre aux questions que je lui ai posées?

Hier, j'informais le ministre des Richesses naturelles que des exportations de pétiole se faisaient du Québec vers les Etats-Unis, en particulier à la Golden Eagle. Est-ce que le ministre pourrait maintenant nous dire, contrairement à ce qu'il a dit hier, si véritablement il y a des exportations? Et est-ce que le ministre entend prendre des mesures pour empêcher ces exportations puisqu'il s'agit de réduire le raffinage des produits légers et d'augmenter la production des produits lourds tel que le "bunker fuel"?

M. MASSE: M. le Président, le ministère des Richesses naturelles a quand même deux sources d'information concernant les exportations, soit l'Office national de l'énergie et les compagnies pétrolières, les raffineurs québécois. Je dois dire que j'ai pris connaissance de la déclaration de M. Macdonald en même temps que tout le monde. Personnellement, je n'ai jamais été informé que du produit fini était exporté aux Etats-Unis.

Mais il faut dire que dans le cas du "bunker C" qui aurait été exporté, ce n'est pas un besoin urgent du Québec. Ce n'est pas un besoin à moyen ou à court terme que nous avons dans ce produit, ce genre de produit, et il semble que les réserves soient à pleine capacité. Selon M. MacDonald, ce seraient des exédents qui auraient été exportés aux Etats-Unis.

Maintenant, dès la connaissance de cette nouvelle j'ai fait parvenir hier à M. MacDonald un télégramme lui demandant de plus amples explications sur cette question. Je pense qu'actuellement...

M. LEGER: M. le Président...

M. MASSE: Est-ce que le député aurait des qualifications spéciales...

M. LEGER: ... je me demande si c'est un "monologue".

M. MASSE: ... pour contrôler l'exportation au Québec?

M. LEGER: J'ai demandé si c'est un "monologue".

M. MORIN: Vous ne savez pas ce qui se passe au Québec.

M. MASSE: M. le Président, je pense que... M. LEVESQUE: ... dans le même sens. UNE VOIX: Ils sont désappointés.

M. MASSE: M. le Président, si la réponse ne satisfait pas le PQ, c'est la seule que j'ai à lui offrir.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que le ministre sait que les raffineurs peuvent intensifier la production d'huile à chauffage, puisque nous avons actuellement, semble-t-il, une pénurie et qu'on peut geler cet hiver, en utilisant le produit industriel "bunker fuel"?

M. LEVESQUE: ... ne le savait pas lui-même qu'il demandait une opinion là-dessus. Nous avons pris avis disant que nous allons informer le député dès que nous aurons l'opinion qu'il sollicite sur le plan technique. Ù répète la question, non plus sous forme de question, mais disant qu'on peut utiliser le "bunker C" maintenant pour l'huile à chauffage. D l'affirme; tout à l'heure il posait la question.

M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président.

M. LEVESQUE: Il sait tout!

M. LESSARD: Le ministre nous a parlé de deux sources d'information. Est-ce qu'on pourrait savoir laquelle est meilleure et, deuxièmement, est-ce qu'on pourrait savoir comment le ministre peut prétendre élaborer et contrôler l'application d'une politique énergétique quand on constate qu'il n'est même pas informé par son "monologue" fédéral?

M. MASSE: M. le Président, je pense que le député de Saguenay est complètement ignorant des questions constitutionnelles. Les règlements ou les lois concernant l'importation, l'exportation, les échanges commerciaux entre les provinces ne relèvent pas des provinces mais du gouvernement fédéral.

M. LEGER: Fédéralisme rentable.

M. MASSE: Nous sommes dans une confédération...

M. LEGER: Dépendance du Québec.

M. MASSE: ... nous sommes dans un gouvernement fédéral, il y a des avantages à appartenir à une telle confédération et les partages des pouvoirs...

M. MORIN: ... coquetteries constitutionnelles!

M. MASSE: ... sont essentiels.

M. MORIN: Le ministre fait des "coquetteries".

M. MASSE: Cela vous fait mal, ça?

M. le Président, je voudrais informer le député de Saguenay que présentement et depuis quelques mois les raffineries de Montréal fonctionnent à pleine capacité pour augmenter les réserves d'huile à chauffage pour cet hiver mais les capacités de stockage sont très limitées. C'est, en fait, une des explications, il semble, de ce surplus qui aurait été exporté aux Etats-Unis.

M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président.

LE PRESIDENT: Dernière, s'il vous plaît.

M. LESSARD: Dernière question additionnelle.

LE PRESIDENT: Vous êtes à peu près à la huitième ou neuvième question ce matin.

M. LESSARD: Dernière question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait dire si on va utiliser les réservoirs de l'Hydro-Québec qui seraient actuellement vides pour faire du stockage?

Une dernière question, M. le Président, dans ce fédéralisme rentable, est-ce que le ministre pourrait nous dire, s'il n'est pas normal au moins que le ministre des Richesses naturelles soit informé des exportations du pétrole entre le Québec et les pays extérieurs?

M. MASSE: Je suis d'accord, M. le Président.

LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle...

M. LESSARD: Mais est-ce que, M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Les réservoirs de l'Hydro-Québec, M. le Président.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je vous ferai remarquer que vous bâillonnez votre chef actuellement.

Le chef de l'Opposition officielle.

Famine en Ethiopie

M. MORIN: M. le Président, j'ai une question que je voudrais adresser au leader du gouvernement, en tant que ministre des Affaires intergouvernementales. C'est une question qui nous éloigne un peu des problèmes strictement québécois. Il s'agit d'une question qui, je pense, va intéresser mes collègues de tous les côtés de la Chambre puisqu'il s'agit de la famine en Ethiopie. Oui, je pense que c'est une question à laquelle nous ne pouvons pas être insensibles.

La semaine dernière, les Québécois ont vu à la télévision un film, un documentaire très dramatique sur les conditions pénibles de certains habitants de l'Ethiopie, où sévit une famine absolument terrible depuis plusieurs mois. Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a examiné la possibilité, pour le gouvernement du Québec, d'apporter une contribution, en tant que gouvernement, pour soulager un tant soit peu la misère qui sévit dans ce pays?

Je pose la question dans le contexte d'une journée spéciale consacrée à la radio, aujourd'hui, à cette question?

M. LEVESQUE: M. le Président, je suis heureux que le chef de l'Opposition soulève cette question. Cela touche évidemment une situation qui a alarmé une grande partie de la population du Québec, ailleurs au Canada et dans le monde. Mon ministère a posé des gestes et il y a eu, je sais, des subventions, peut-être pas directement dirigées vers l'Ethiopie, mais je peux vérifier ce que nous faisons dans ce domaine-là et en faire rapport...

M. MORIN: A OXFAM.

M. LEVESQUE: A OXFAM, oui. Mais j'aimerais mieux préciser ma réponse pour ne pas laisser qui que ce soit dans l'incertitude à ce sujet-là.

Taximètres

M. LEGER: M. le Président, je voulais poser ma question au ministre des Transports, mais en son absence, je la poserai au député de Laprairie, est-ce qu'il est présent? Il s'agit des nouveaux tarifs sur les taximètres. Comment se fait-il que les fonctionnaires du ministère du Transport, notamment un M. Tousignant, auraient autorisé les compagnies à ajuster les taximètres selon les nouveaux tarifs? Le ministre d'Etat a-t-il bien dit aux nouvelles, dernièrement, que d'ajuster les taximètres aux nouveaux tarifs serait illégal si on les mettait en application d'ici le 1er janvier 1974?

M. BERTHIAUME: Comme ça devient coutumier pour la Presse, les raisons du conflit au sujet de ce que les fonctionnaires peuvent avoir dit et ce que j'ai dit au téléphone à un journaliste de la Presse hier, elle a rapporté exactement le contraire de ce que j'avais dit.

M. LEGER: Est-ce que le ministre peut répondre, savoir si c'est illégal ou non, avant le

1er janvier, et si M. Tousignant a ordonné aux compagnies autorisées à ajuster les taximètres, de le faire, selon les nouveaux tarifs? Est-ce vrai ou faux?

M. BERTHIAUME: Ce que les fonctionnaires ont annoncé reflète exactement la politique du ministère. Les tarifs qui ont été ajustés par la Commission des Transports et qui doivent entrer en vigueur le 1er janvier impliquent nécessairement un rajustement des taximètres. Etant donné qu'à Montréal en particulier il y a 5,800 taxis, il est physiquement impossible de les ajuster tous au 31 décembre.

Pour cette raison, nous avons annoncé que les fonctionnaires, les inspecteurs du ministère ne seraient pas exigeants outre mesure en ce qui concerne la date à laquelle les taximètres en question seraient ajustés. En pratique, cela veut dire que si, demain matin ou au courant des quinze jours d'ici le 1er janvier les chauffeurs de taxi ou les propriétaires de taxi de Montréal ajustent leur taximètre, ils ne seront pas poursuivis par le ministère.

M. LEGER: Et ça ne sera pas illégal pour tous ceux qui ont été assez rapides?

M. BERTHIAUME: Ce n'est pas illégal. M. LEGER: Ce n'est pas illégal?

M. BURNS : C'est illégal mais ils ne seront pas poursuivis.

M. BERTHIAUME: Ce n'est pas illégal. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. ROY: M. le Président, avant de passer aux affaires du jour, j'aurais deux questions. Je voudrais me prévaloir de l'article 34 de notre règlement. J'aimerais savoir de l'honorable leader du gouvernement ce qu'il est advenu du projet de loi inscrit au feuilleton hier, à l'article b), Loi instituant une chambre des loyers à la cour Provinciale, et qui ne paraît pas au feuilleton ce matin?

LE PRESIDENT: II a été retiré. M. ROY: II a été retiré.

Droit de parole aux députés créditistes en troisième lecture

M. ROY: Deuxième question, M. le Président. Etant donné que nous aurons aujourd'hui — c'est une directive que je vous demande en même temps — possiblement des projets de loi qui seront soumis en troisième lecture à l'Assemblée nationale, j'aimerais savoir, en ce qui nous concerne, quelles seront nos possibilités de représenter nos électeurs et d'intervenir comme il se doit sur les motions de troisième lecture à l'Assemblée nationale. M. le Président, je sais que vous êtes le protecteur des minorités en cette Chambre, alors j'aimerais savoir où en sont rendus également les pourparlers concernant la reconnaissance de notre parti à ce sujet-là, concernant les travaux parlementaires. Il y aura des troisièmes lectures aujourd'hui à l'Assemblée nationale et je veux savoir si ce sera possible pour nous d'intervenir.

LE PRESIDENT: Vous êtes au courant que nous en avons discuté hier entre les leaders parlementaires. Je crois que le premier article qui sera appelé ne sera pas une troisième lecture. Avec votre permission, j'aimerais consulter les leaders parlementaires immédiatement après la période des questions et je pourrai vous...

M. LEVESQUE: Ce sera probablement des troisièmes lectures, M. le Président.

LE PRESIDENT: Immédiatement?

M. LEVESQUE: Malgré que je ne croie pas qu'aucun parti ait l'intention de parler là-dessus, il s'agit de deux bills techniques. Nous avions seulement retardé la troisième lecture...

M. LEGER: Vous présumez.

M. LEVESQUE: ... si je ne m'abuse, pour voir si on aurait des échos des municipalités en question.

M. BURNS: Oui, mais la nuit porte conseil. Des fois, cela peut avoir donné de la verve à certains de nos députés.

M. LEVESQUE: Est-ce que le député voudrait intervenir?

M. BURNS: Oui, il y aura sans doute des remarques à faire sur les projets de loi en troisième lecture.

M. ROY: M. le Président, comme je ne suis pas au courant des projets de loi qui seront probablement appelés en troisième lecture, je voulais poser ma question non pas en faveur de tel ou tel projet de loi mais une question d'ordre général, parce que c'est le même principe qui s'applique dans n'importe quel projet de loi.

LE PRESIDENT: Bon, est-ce que vous avez objection, messieurs les leaders, à ce qu'on accorde quelques minutes de paroles en troisième lecture aux représentants du Parti créditis-te?

M. BURNS: M. le Président, je n'ai aucune objection. Je l'ai suggéré l'autre jour, même. Si cela a semblé être un changement d'attitude de

ma part, c'est, disons, la façon dont, la première fois, cela s'était présenté qui m'a forcé à m'y opposer. Après avoir discuté avec les représentants du Parti créditiste, je leur ai dit clairement, et je n'ai pas peur de le dire devant la Chambre, que je ne m'opposerais jamais à ce qu'ils fassent des interventions en troisième lecture. Cela vaudra non pas pour aujourd'hui, non pas pour demain, mais pour toute la session, et je suis même prêt à m'engager, si c'est possible, pour une prochaine session.

M. LEVESQUE: M. le Président, je suis très heureux que le Parti québécois ait changé son fusil d'épaule et soit revenu à des sentiments plus généreux, plus démocratiques.

Quant à nous, nous sommes heureux de voir que l'unanimité s'est finalement faite et que nous pourrons entendre l'un des deux indépendants créditistes.

M. ROY: M. le Président, une question de privilège.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. ROY: Nous n'avons pas été élus comme indépendants et je n'aime pas que ce terme-là soit utilisé à l'Assemblée nationale. Nous sommes des députés créditistes. Je tiens à être bien clair, M. le Président, à l'endroit de l'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: Non, mais j'ai pensé un moment donné, à voir agir récemment les pseudo-créditistes, qu'ils étaient à la remorque du parti indépendantiste. Alors, je les appelais les indépendants créditistes, sachant qu'il y avait des relations avec le parti de M. Dupuis, d'une part,...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEVESQUE: ... et il semblait y avoir une nouvelle relation avec le Parti québécois, d'autre part.

D'accord.

M. ROY: M. le Président, si nous parlions des relations — je m'excuse, mais j'invoque une question de privilège — que vous avez avec M. Trudeau, on aurait énormément de débats à l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. ROY: Si l'honorable leader du gouvernement...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LEVESQUE: Mais évidemment je suis... LE PRESIDENT: Messieurs, affaires du jour. M. LEVESQUE: M. le Président, nous som- mes bien d'accord que vous exerciez le jugement que vous exercez toujours, la discrétion — judicieuse, ajoute le ministre de la Justice. M. le Président, je sais que c'est le voeu du leader parlementaire de l'Opposition officielle, je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un précédent que nous voulons établir. Nous ne pourrions jamais en sortir. Ce que nous voulons, c'est un modus vivendi pour la présente session, quitte ensuite à nous revoir pour tâcher d'institutionnaliser davantage. Mais, pour le moment, il s'agit de trouver pour nos amis — enfin je ne sais pas comment les qualifier — une façon de pouvoir se décharger de leurs obligations vis-à-vis de la Chambre.

M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, je voudrais avoir une directive. En supposant qu'un député de l'Assemblée nationale mette opposition à cette permission à ce feu vert, qu'est-ce qui se produirait?

LE PRESIDENT: Je crois que les deux leaders parlementaires se sont prononcés pour les deux partis officiels reconnus qui existent en cette Chambre. Il s'agit de donner un droit de parole, je crois, raisonnable. Si j'ai bien compris, les leaders parlementaires se prononçaient au nom des deux partis reconnus que nous avons en Chambre.

UNE VOIX: IL faudrait qu'un autre se lève encore.

LE PRESIDENT: ... commentaires. M. LEVESQUE: Article 2).

Projet de loi no 16 Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la troisième lecture du projet de loi no 16, Loi concernant la ville des Laurentides.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, je voulais simplement rajouter quelques mots, en troisième lecture, sur le projet de loi no 16 qui concerne la ville des Laurentides, qu'on appelait auparavant, je pense, la ville de Saint-Lin. Son conseil a siégé, depuis 1957, d'une façon qui aurait pu être illégale, si cela n'avait pas été porté à l'attention du ministre. Nous avons voté en faveur, en deuxième lecture, mais je dois quand même dire, en troisième lecture, que nous trouvons étrange que cette loi n'ait pas été proposée, n'ait pas été surveillée par la Commission municipale, avant la date d'aujourd'hui.

Cela fait exactement seize ans que cette anomalie existe et c'est en 1973 qu'on décide de corriger la situation. Ces fonctionnaires ont agi de bonne foi Mais la surveillance du ministère des Affaires municipales a fait défaut. La ville elle-même était peut-être inconsciente de ce fait. Je trouve malheureux que cela ait pris seize ans avant que l'on découvre ça. Il aurait pu y avoir des défauts de juridiction. Il y aurait pu y avoir des faits et gestes illégaux qui pourraient être repris aujourd'hui. Il pourrait y avoir des gestes qu'on accepte aujourd'hui comme étant normaux. On ne pourra jamais savoir. On a amendé cette loi seize ans après.

Je voudrais simplement dire, en troisième lecture, qu'il faudrait peut-être qu'à l'avenir le ministère surveille davantage les anomalies de ce genre au cas où il se révélerait, par la suite, des situations fâcheuses. Les députés de cette Chambre, en toute bonne foi, voyant un projet de loi qui leur est soumis à la vapeur, à la dernière minute, dont on dit que c'est un petit projet de loi insignifiant, secondaire, d'aucune portée et qu'il faut adopter à la vapeur... Je pense que ce n'est pas une chose normale à accepter. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu, en troisième lecture, faire remarquer au ministre qu'il est important que son ministère surveille davantage des situations comme celle-là pour qu'on ne soit pas obligé d'en passer sept ou huit à la vapeur, à la fin d'une session, alors qu'il y a d'autres projets de loi beaucoup plus importants qui pourraient nous être soumis et pour lesquels nous aurions le temps de nous préparer.

Là, nous n'avons qu'à accepter la parole du ministre, pour qui j'ai beaucoup d'estime et en qui j'ai beaucoup de confiance. Mais lui-même ne vient que de présenter ce projet de loi, seize ans après que l'anomalie a été décelée.

C'est à peu près tout ce que j'avais à dire sur ce projet de loi. En ce qui nous concerne, nous l'adoptons.

M. MORIN: M. le Président,...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): En troisième lecture ce n'est qu'un représentant par parti...

M. ROY: II y a un représentant qui a droit de parole.

M. MORIN: C'est vrai, cela est dans les nouveaux règlements, d'accord.

M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, quelques mots seulement pour dire que nous appuierons ce projet de loi no 16 concernant la ville des Laurentides. Il s'agit, en quelque sorte, comme l'a dit le député de Lafontaine, de légaliser les décisions qui ont été prises par les dirigeants municipaux, décisions qui auraient été prises de leur plein gré et dans le meilleur intérêt de leur population. Il est évident que cette situation n'était pas normale. Il est important qu'elle devienne normale. Alors, le projet de loi présentement en discussion le projet de loi no 16, permettra de légaliser définitivement une situation qui, malheureusement, a tramé en longueur depuis beaucoup trop longtemps.

M. Victor Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, quelques mots seulement. Je voudrais répondre d'abord à l'honorable député de Lafontaine pour lui dire que ce dont il s'agit ici, c'est tout simplement de l'omission de quelques mots qui auraient dû être inscrits dans un texte de loi. Quand il demande que les fonctionnaires du ministère, les commissaires et fonctionnaires de la Commission municipale soient plus vigilants, je suis pleinement d'accord, la vigilance est indispensable. Mais la vigilance ici aurait été de reprendre et de relire chacune des lois constitutives de chacune des municipalités. Je pense bien qu'on a d'autres choses à faire que cela. La surveillance doit être exercée au niveau des actions posées plutôt que de relire les textes pour être certain que personne n'a oublié quelques mots qui auraient dû y être inscrits.

Deuxièmement, je voudrais apporter une précision à ce que j'ai dit hier parce que, n'ayant pas une formation d'avocat, peut-être que je ne me suis pas exprimé avec une clarté suffisante. Il ne s'agit pas, par une telle loi, celle que nous sommes sur le point d'adopter, de légaliser des gestes posés par le conseil municipal en question.

Ce dont il s'agit, c'est simplement dire que les gestes posés par le conseil municipal demeurent attaquables quant à leur valeur, sauf qu'ils ne sont pas attaquables en vertu de la loi que nous allons adopter, par le fait même qu'il n'y a pas eu de mots inscrits dans la loi pour préciser le nombre de postes au conseil municipal.

C'est aussi simple que cela, M. le Président. Nous ne légalisons pas les gestes. Nous disons tout simplement: Ils ne sont pas attaquables par le fait même que le législateur avait négligé de préciser le nombre de sièges au conseil municipal.

M. MORIN: Le ministre n'est pas juriste mais c'est la question que j'allais lui poser. C'est une excellente réponse.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion de troisième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Le no 3).

Projet de loi no 18 Troisième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le minis-

tre des Affaires municipales propose la troisième lecture de la Loi concernant les villes d'Arthabaska, de Belleterre et de Malartic. Le député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, quant au projet de loi no 18, que nous avons adopté hier en deuxième lecture et rapidement en commission plénière, la situation était différente, hier, d'aujourd'hui. La nuit porte conseil. Il est passé plusieurs projets de loi en Chambre, depuis ce temps. Ce projet touche, comme le disent les notes explicatives, la rotation pour l'élection des maires et des conseillers, à compter de novembre 1974, dans le cas de la ville de Belleterre et, de novembre 1975, dans le cas des villes d'Arthabaska et de Malartic.

Il s'agissait, M. le Président, dans ce projet de loi qu'on nous présente aujourd'hui, d'établir une rotation normale, régulière, parce que chacun des conseillers était élu à des dates différentes, avait droit à un mandat d'une même durée mais dont la terminaison ne correspondait pas avec la terminaison de celui des autres conseillers. Avec ce projet de loi, le tout va rentrer dans l'ordre. Les conseillers dont le mandat se termine en 1974, tous les conseillers ainsi que le maire, pour la ville de Belleterre, pourront maintenant être élus ensemble, en équipe.

Cela permettra d'avoir une élection plus démocratique, surtout que de plus en plus on s'aperçoit que, dans les municipalités, les candidats forment une équipe ayant une même philosophie politique ou un même parti politique. Quand il n'y avait qu'un ou deux conseillers avec un maire pour une année et, l'année suivante, trois conseillers, il était difficile de faire équipe, puisqu'il y avait des gens en place qui représentaient une philosophie ou une certaine façon d'administrer leur ville et les autres, une autre façon. C'était difficile d'avoir cette homogéniété de présentation de deux ou trois partis, dans les municipalités.

Je donne un exemple. A Val-David, quand il s'est passé quelque chose, l'année dernière, dans une municipalité, c'était une rotation encore. Comme les citoyens étaient insatisfaits de la façon dont s'étaient comportés certains dirigeants de leur municipalité, pas tous, ils n'avaient, cette année, pour se défendre devant cette situation, que le choix de l'élection de quelques conseillers et d'un maire. Ils ne pouvaient pas montrer d'une façon bien démocratique qu'ils n'avaient pas accepté l'ancienne administration, puisqu'ils ne pouvaient corriger que quelques cas. Mais quand toutes les personnes qui sont susceptibles d'être élues dans une municipalité le sont en même temps, cela permet à une population de s'exprimer sur l'ensemble de l'administration et de voter pour ou contre une des deux factions qui se présentent, de façon systématique.

Je pense que c'est la base même de la démocratie que de pouvoir laisser les administrateurs élus pour un certain temps administrer selon le mandat qu'ils ont obtenu. Certains administrateurs administrent leur ville avec la participation des citoyens; d'autres le font en se disant: S'ils ne sont pas satisfaits de nous, eh bien dans trois ans, dans quatre ans ou dans deux ans, nous irons devant les électeurs. A ce moment-là, ils ne participent pas avec les citoyens. Mais les citoyens ont un mot à dire, à un moment donné.

La situation qui prévaut dans les villes de Belleterre, Arthabaska et Malartic va maintenant être réajustée et va permettre d'exercer, parmi les citoyens de ces trois villes, une démocratie réellement nouvelle.

Je pense que ceci devrait se réajuster généralement dans toutes les villes du Québec puisque ainsi nous pourrions voir en même temps les municipalités obligées d'administrer selon le courant de 1974 qui est celui de la participation des citoyens à la chose publique, sinon ça devient quelque chose d'absolument anormal. Il y a une insensibilité de la part d'une grande majorité de citoyens, ce qu'on appelle cette majorité silencieuse, comme tout le monde se plaît à dire, parce qu'elle ne s'est pas exprimée.

Il y a cette inertie de la population. Et je pense que si toutes les municipalités avaient des élections à peu près à la même date, pour l'ensemble des postes à combler, il y aurait au Québec, peut-être, un changement complet ou une acceptation complète ou des diversifications permettant à tous les citoyens de s'intéresser davantage à la chose municipale.

Trop souvent on a vu des municipalités s'exprimer de façon arrogante auprès de leurs administrés, et c'est seulement quand arrivait le compte de taxes que les gens se réveillaient. J'ai vu des villes de mon comté où les citoyens n'étaient pas du tout intéressés, une population absolument en dehors des préoccupations de l'administration, mais la minute où on a augmenté les taxes, on était tous inquiets, déçus. Il a fallu que cette minorité agissante informe les gens de leurs droits, les pousse à prendre conscience de leurs responsabilités et peut-être — je vais un peu loin — redonner à un peuple, qui est habitué à se laisser mener par les autres, un sens de la revalorisation personnelle, lui fasse connaître ses possibilités afin d'être capable de prendre en main ses destinées, et redonner un petit peu de vigueur à un peuple qui a laissé aux autres le soin de s'administrer.

C'est la raison pour laquelle je pense que cette loi est une bonne loi et je félicite le ministre de l'avoir présentée. Nous souhaitons qu'il y en ait d'autres de ce style pour qu'on puisse encore appuyer le ministre quand il aura des lois aussi bien faites.

M. Fabien Roy M. ROY: M. le Président, une phrase très

courte; je n'ai rien à ajouter à tout ce qui a été dit. Nous serons d'accord sur cette loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion de troisième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Est-ce que la loyale Opposition serait prête à aborder le projet de loi no 13?

UNE VOIX: De Sa Majesté. M. LEVESQUE: De Sa Majesté. M. LESSARD: Polyvalente. M. LEVESQUE: Article 11).

Projet de loi no 13 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi intitulé Loi autorisant de nouveaux crédits pour fins de prêts agricoles.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

Rapidement, c'est un projet de loi qui donne à l'Office du crédit agricole du Québec l'occasion de dépenser $15 millions de plus qu'il avait été prévu au début de l'année financière.

Je pense que $30 millions lui avaient été accordés au début de l'année et les agriculteurs, cette année, ont augmenté leur demande de prêts dans une proportion de 107 p.c, c'est-à-dire qu'on a emprunté deux fois plus cette année par rapport aux années précédentes et plus particulièrement par rapport à l'année dernière, et c'est à cause de ça que nous recommandons à la Chambre d'accepter le plus rapidement possible ce projet de loi mettant $15 millions de plus à la disposition de l'Office du crédit agricole pour qu'elle puisse continuer à consentir des prêts aux agriculteurs.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, la loyale Opposition de Sa Majesté va certainement approuver ce projet de loi, des projets de loi bien minimes, comme dirait un ex-collègue, l'ex-député de Maskinongé. Ce n'est pas une loi, c'est une "loiselle".

M. le Président, quand je vois l'urgence du gouvernement, quand je vois, par exemple, que le gouvernement est forcé de présenter d'urgence un projet de loi, comme celui que nous avons discuté hier, en particulier sur l'augmentation du salaire des juges, et quand je vois par contre un projet de loi comme celui-ci sur le crédit agricole qui ne fait qu'ajouter un montant de $15 millions sur les crédits qui sont déjà prévus, je me dis que je serais prêt à faire une entente avec le ministre actuel de l'Agriculture. Je serais prêt à lui demander de communiquer avec son leader du gouvernement et lui dire: J'ai une loi fort importante concernant toute la réforme du crédit agricole. Cette loi-là, il semble — d'après, en tout cas, les informations de la loyale Opposition de Sa Majesté — qu'elle soit prête. Alors pourquoi, au lieu de discuter, par exemple, d'une chose comme l'augmentation du salaire des juges, ne ferait-on pas un travail de quatorze heures par jour pour discuter de toute la réforme du crédit agricole? Je pense que ça serait une loi importante. D'ailleurs, les agriculteurs l'attendent avec impatience et je sais, d'autre part, que le ministre est impatient de présenter ce projet de loi.

Ce qu'on nous propose ce matin, c'est du rapiéçage et, malheureusement, c'est bien souvent ce que nous propose le gouvernement, soit rapiécer des lois qui sont mal faites, ajouter à des lois, en fait, certaines choses. Mais le problème fondamental, le problème global, on n'y touche pas, on attendra plus tard. C'est maintenant que c'est important, une réforme du crédit agricole quand on parle du développement agricole, et le ministre en est certainement conscient. Le crédit agricole est un outil indispensable pour le développement de l'agriculture, que ce soit au sujet du regroupement des fermes ou au sujet du réaménagement des fermes; c'est un outil indispensable. Et cet outil, actuellement, est inadéquat. Cet outil, actuellement, est divisé, éparpillé. Les pouvoirs du ministre sont endettés. D'ailleurs le ministre lui-même, dans un rapport qu'il soumettait au cabinet, le soulignait. On fonctionne encore actuellement avec deux sources de crédits agricoles. Les agriculteurs sont encore "pognés" avec deux systèmes, mais deux systèmes qui fonctionnent à moitié, deux systèmes inadéquats, deux systèmes qui, si on les mettait ensemble, si on les regroupait, au lieu d'avoir, par exemple, l'Office du crédit agricole du Québec et, de l'autre côté, la Société de crédit agricole au gouvernement fédéral où les agriculteurs peuvent avoir des prêts maximum de $100,000 — par contre, au Québec, je pense que c'est $40,000 — ce qui fait que nous avons deux moitiés de système, on pourrait probablement avoir un outil important et efficace qui pourrait être beaucoup mieux utilisé par les agriculteurs afin de faire du développement agricole.

Je sais que le ministre en est conscient. Mais quand va-t-il y avoir des solutions pratiques?

Quand le ministre, lui qui a fait valoir certaines revendications fondamentales auprès de son cabinet en ce qui concerne l'agriculture, va-t-il négocier d'égal à égal avec le ministère de l'Agriculture à Ottawa pour obtenir la récupération de ces crédits qui permettraient certainement — je sais que le ministre est d'accord sur cela — une meilleure orientation du crédit agricole? Actuellement, on constate, lorsque le ministre nous propose ce projet de loi, qu'il ajoute $15 millions, mais s'il ajoute $15 millions c'est parce qu'il n'en a pas assez et probablement que s'il avait plus d'argent, il pourrait, il devrait probablement en ajouter davantage. Mais si, par exemple, le ministre avait les crédits qui sont actuellement entre les mains du gouvernement fédéral, la Société du crédit agricole, et si le ministre pouvait justement prendre ces crédits et les ajouter à l'Office du crédit agricole du Québec, avec le même nombre de fonctionnaires probablement, on pourrait épargner énormément d'argent.

On pourrait sauver pas mal de gaspillage, puis tout ça serait au profit des agriculteurs d'abord. Cela pourrait profiter beaucoup plus aux agriculteurs. C'est pour ça qu'on ne peut pas être contre un projet de loi comme celui-là. On ne peut pas être contre un projet de loi qui donne $15 millions de plus pour permettre aux agriculteurs d'avoir l'argent disponible pour le développement agricole, l'achat de terres, etc. Mais, on est pour des petits pas. On est pour du travail à la pièce. Je me dis qu'il y a autre chose à faire à l'intérieur de cette Assemblée nationale. Il me semble qu'on n'est pas l'Assemblée nationale pour voter $15 millions supplémentaires ou $25 millions supplémentaires. Cela se fait au niveau des crédits lorsque le gouvernement nous présente ses crédits. D peut arriver que je sois d'accord, — c'est le cas ce matin, par exemple — qu'on constate que l'Office du crédit agricole du Québec n'est pas capable de satisfaire à tous les besoins des agriculteurs, à toutes les demandes. Là-dessus, je suis bien d'accord.

Mais il y a autre chose, je pense bien, qui est encore plus important. Le mal n'est peut-être pas dans les $15 millions. Le mal est dans cette multiplication des services où les agriculteurs ne se retrouvent pas. Et ce n'est pas seulement en agriculture, mais c'est dans à peu près tous les autres ministères.

Je souhaite donc que le ministre va nous présenter une loi globale du crédit agricole, mais une loi globale où, par exemple, il aura véritablement tous les pouvoirs pour faire le développement agricole, où ces pouvoirs ne seront pas émiettés entre, d'un côté, le gouvernement fédéral puis, d'un autre côté, le gouvernement provincial, où, surtout, l'argent ne sera pas émiettée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, parce que c'est toujours notre argent quand même.

Je suis assuré, M. le Président, que si le ministre avait ces instruments, il pourrait pré- senter une loi pas mal plus efficace que celle qui nous présente ce matin. D'ailleurs, le ministre en est très conscient. Le ministre, en lisant le rapport qu'il a présenté au cabinet, aux membres de l'Exécutif, l'année dernière ou il y a deux ans, rapportait justement le fait que les pouvoirs sont émiettés, le fait que même dans le crédit agricole les instruments étaient divisés entre les deux gouvernements. On espère justement que le ministre, qui a fait au début un bon travail dans la négociation avec le gouvernement fédéral, ne proposera pas encore une réforme de papier; que le ministre, qui a présenté un document fort important à ce gouvernement, un document qui était secret mais qui a été connu, je pense, va se battre, que le ministre va se tenir debout, que le ministre va aller revendiquer des choses qui nous appartiennent à Ottawa, afin de nous présenter autres choses qu'une loi comme celle-là.

De toute façon, pour les agriculteurs, je pense bien que ces $15 millions pourront être utiles. Ces $15 millions leur apporteront des crédits nouveaux, mais il y a autre chose. Le ministre en est bien conscient. Nous espérons qu'il va faire un effort pour récupérer nos pouvoirs à Ottawa.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, j'ai entendu l'honorable ministre de l'Agriculture dans la présentation de son projet de loi qui comprend deux articles. Grosse loi: deux articles, et la longueur du discours du ministre a été proportionnelle à la longueur de son projet de loi.

M. SAMSON: Ne commencez pas la chicane.

M. ROY: Sur ce projet de loi ce matin, on me permettra quand même de souligner certains points au ministre, parce que je pense que nous avons là justement l'occasion de souligner certains problèmes concernant les prêts agricoles qui sont consentis aux agriculteurs du Québec, concernant les conditions qu'on impose aux agriculteurs pour bénéficier de ces prêts agricoles et concernant également les difficultés qu'éprouvent plusieurs régions du Québec pour permettre aux agriculteurs de ces régions de bénéficier d'un prêt agricole.

On aura beau augmenter la masse monétaire entre les mains de l'Office du crédit agricole tant qu'on voudra mais, par la voie de la réglementation, on réduit de plus en plus le nombre d'agriculteurs au Québec. On est en train, en quelque sorte, d'assassiner — j'emploie bien le terme — l'agriculture de plusieurs régions. L'économie rurale de toutes ces régions est dans le marasme, l'économie rurale de ces régions est en voie de disparaître. Les popula-

tions, évidemment, n'ont pas d'autres ressources que de s'accrocher — je dis bien s'accrocher — à quelques petites pitances du ministère des Affaires sociales, le bien-être social.

J'entendais le ministre dire que les prêts agricoles ont augmenté de 107 p.c. l'an dernier. On constate, en prenant les mêmes chiffres, l'endettement pyramidal dans lequel sont impliqués les agriculteurs du Québec à l'instar du gouvernement provincial qui, lui aussi, s'adonne à l'endettement pyramidal de toutes les classes de la société québécoise. De la sorte jamais l'agriculteur du Québec n'a été aussi endetté que présentement. Jamais non plus il n'a été dans une telle insécurité que présentement. Il suffit — le ministre est parfaitement au courant de ces choses — de regarder toutes les régions du Québec pour voir dans quelle situation se trouve la classe agricole. Quand je parle d'insécurité, je parle d'insécurité pour l'agriculteur qui, rendu à 50, 55, 58 ans, doit attendre encore huit, dix et parfois même douze ans pour pouvoir prendre sa retraite. A cause de toutes ces conditions, il se voit obligé de s'endetter, sans jamais voir le jour de s'en sortir, pour être en mesure de continuer son exploitation agricole. Ou, encore, on le laisse tout simplement végéter dans une situation dans laquelle, à un moment donné, il ne peut plus prendre d'expansion; il ne peut plus, autrement dit, rapetisser non plus. Il est pris, il est "pogné", comme on dit, et il doit compter les années, les jours du calendrier dans l'espoir de pouvoir en venir un jour à s'en sortir.

C'est la situation dans laquelle se trouve présentement la classe agricole. On aura beau dire que dans le Bas-Saint-Laurent, que dans certaines régions du Québec l'agriculture a été marginale, que cela a été défriché par erreur. Dans des régions comme la mienne, dans des régions comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, des régions comme certains plateaux des Laurentides, on connaît présentement les mêmes difficultés qu'éprouvent les agriculteurs de la vallée du Richelieu. Lorsque nous avons à parcourir le Québec, qu'il nous suffise de regarder la belle région de Joliette, la région de Nicolet et la région du Richelieu pour voir le nombre de plus en plus grand de fermes complètement abandonnées par leur propriétaire...

M. OSTIGUY: Nommez-les, nommez-les!

M. ROY: ... et même pas cultivées par les autres. Si le député veut faire un discours, M. le Président, il se prévaudra de son privilège tout à l'heure au lieu d'essayer d'interrompre ses collègues et de dire des stupidités, des choses inutiles. Il n'aura qu'à se lever et à faire un discours. Je disais que dans ces belles régions on constate de plus en plus que les cultivateurs délaissent l'agriculture parce que ce n'est plus vivable en agriculture dans la province de Québec; c'est aussi simple que cela, c'est aussi tragique que cela. Ce n'est plus vivable de l'agriculture dans la province de Québec. L'agriculteur qui réussit à répondre à toutes les exigences, toutes les conditions de l'Office du crédit agricole et de sa réglementation, il se retrouve un bon matin endetté de $75,000, $80,000, $85,000 ou $90,000.

Le problème, à ce moment-là, c'est: Qui va acheter son entreprise? Qui pourra acheter son entreprise? Ces entreprises devront se vendre un jour; soit qu'elles seront transmises de père en fils ou elles se vendront à des étrangers, à d'autres personnes, à d'autres agriculteurs.

M. le Président, pour le cultivateur, le jeune, à l'heure actuelle, qui veut se lancer dans l'agriculture et qui veut acheter une de ces fermes rentables, de $75,000 de passif, de dettes, comment voulez-vous, à l'âge de 22, 23 ans, à la sortie du CEGEP, diplômé en agriculture, endetté par des frais de scolarité, des prêts-bourses du gouvernement, parce qu'il doit se marier, s'acheter un ménage, une automobile et autres, qu'il puisse se consacrer à l'agriculture dans la province de Québec? Je pose la question et je pense que c'est extrêmement important que cette question finisse par être discutée. Il n'y a aucune possibilité, à moins d'avoir un héritage de $10,000, $15,000 ou $20,000, à l'heure actuelle, pour les jeunes au Québec, de s'établir en agriculture. Cela, le gouvernement le sait et le ministre de l'Agriculture le sait, parce que lui, autant que moi, a travaillé dans les caisses d'établissement rurales et il a été en mesure de travailler exactement dans le même domaine, dans la même sphère d'activité que moi-même. Alors, on peut se rendre compte que, depuis quatre ans surtout, des difficultés nombreuses qui ont été amenées, la réglementation de plus en plus exigeante et le fait que justement, aujourd'hui, l'agriculture pour les jeunes est une impossibilité.

M. le Président, comme un peuple doit nécessairement avoir besoin de se nourrir, il est évident que le gouvernement libéral ouvre la porte toute grande aux industries, aux monopoles et aux cartels, les contrats de production, l'intégration verticale. Vous avez de plus en plus de ces choses, dans la province de Québec. Les gens sont obligés d'avoir des contrats financés par les grosses compagnies, financés par les trusts. Je comprends que le gouvernement libéral doit protéger les trusts, les gros fournisseurs de la caisse électorale. Je comprends que le gouvernement, à l'heure actuelle, est mal pris, surtout après avoir fait la campagne électorale qu'il vient de faire. Il est joliment mal pris, le gouvernement, après avoir dépensé les dizaines de millions qu'il a dépensés, au cours de la dernière campagne électorale; il fallait quand même que le gouvernement prenne cet argent quelque part.

M. le Président, nous assistons au Québec à cette impossibilité qu'ont les jeunes de pouvoir s'établir dans une ferme, ici, au Québec. On favorise la formation de compagnies en certains milieux, à certains moments, je comprends ce

ne sont pas tous les agriculteurs du Québec qui sont en mesure de le faire, parce qu'il faut quand même tenir compte des personnes, il faut quand même tenir compte du milieu, il faut quand même tenir compte des possibilités d'organiser une exploitation agricole de cette nature.

M. le Président, ce ne sont pas tous les agriculteurs du Québec qui pourront accepter cette formule. Si cette formule est fort louable et souhaitable en certains milieux, qu'on ne parte pas en tentant de la vendre comme étant la formule idéale et surtout la formule unique pour permettre aux agriculteurs de survivre et d'être capables de vivre.

M. le Président, je disais donc que, dans la réglementation de l'Office du crédit agricole présentement, il n'y a à peu près pas de possibilités de satisfaire aux exigences du gouvernement à ce sujet, pour pouvoir bénéficier d'un prêt agricole.

J'ai justement ici des cas de jeunes cultivateurs. J'ai deux dossiers ici, devant moi, deux exemples typiques de jeunes agriculteurs qui, fort désireux de s'établir, ont fait une demande à l'Office du crédit agricole pour pouvoir moderniser leur exploitation agricole. On a vu simplement que ces jeunes personnes n'ont pas été capables d'avoir un sou, un sou de subvention, ni la subvention de $1,000 pour l'établissement d'abord, ni la subvention d'aménagement et de modernisation de $3,000, ce qui fait une subvention totale de $4,000. Or, comme ils ne peuvent pas bénéficier de la subvention de $4,000, ils ne peuvent pas satisfaire aux exigences de la marge de sécurité, du montant d'équité que l'agriculteur doit fournir personnellement pour être en mesure de garantir, en quelque sorte, les emprunts qui lui sont consentis par l'Office du crédit agricole du Québec. Voilà un point. Je pense que le gouvernement se berce d'illusions, ou le gouvernement tente de leurrer la population. C'est pourquoi je comprends très bien le ministre, ce matin, de ne pas avoir été plus enthousiaste qu'il le fallait et de ne pas avoir eu tellement d'arguments en présentant son projet de loi.

Il a fait un petit discours, très petit justement, pour ne pas ouvrir la porte à toutes ces discussions.

Qu'il nous suffise maintenant de regarder la production agricole au Québec pour voir dans quelle direction nous nous orientons. Qu'on regarde la production agricole. La province de Québec a toujours été au Canada la province laitière par excellence. Cela, tout le monde le sait. En disant ces choses ce matin à l'Assemblée nationale, je n'apprends rien à personne et je ne surprends personne parce que c'est un fait connu et admis de tout le monde. Alors, qu'il nous suffise de regarder les statistiques fournies par le ministère de l'Industrie et du Commerce de la province de Québec, notre ministère de l'Industrie et du Commerce, spécialisé en statistiques, sa plus grande spécialité. Pour le beurre de crémerie, l'année dernière, en 1972, au 31 août, il y avait eu une production, pour le mois d'août, de 17,325,000 livres; nous avons, cette année, en comparaison, une production de 15,823,000 livres. Donc, la production est 91 p.c. de ce qu'elle était l'année dernière. Cela est dans la province de Québec, province agricole par excellence.

Si on regarde un peu plus loin vers la production de fromage, nous constatons qu'il n'y a pas eu de changement d'orientation dans la production parce que vous avez là, également, une diminution. C'est que la production, pour le mois d'août, un des meilleurs mois de l'année, a été de 96 p.c. par rapport à l'année dernière. Et, pour les mois de juin et juillet, c'est la même chose. Dans la province de Québec, au mois de juin de cette année, la production du beurre de crémerie a été 83 p.c. de ce qu'elle était l'année dernière, donc une diminution de 17 p.c. Le mois de juin est considéré comme le meilleur mois de l'année. Le ministre de l'Agriculture aura beau faire signe que non, les mois de juin et de juillet sont les deux meilleurs mois de l'année dans la production laitière.

M. TOUPIN: Deux mois!

M. ROY: M. le Président, pour ce qui a trait aux stocks de beurre — ce n'est pas parce que les Québécois mangent moins de beurre — ils étaient de 33 millions de livres au 31 juillet l'année dernière; cette année, les stocks sont de 25 millions de livres, soit 77 p.c. de ce qu'ils étaient l'année dernière, et les stocks de fromage sont 89 p.c. de ce qu'ils étaient l'année dernière. On pourrait regarder dans d'autres domaines et on retrouverait encore les mêmes problèmes et les mêmes phénomènes.

Je pense que ces chiffres parlent par eux-mêmes. Ils démontrent clairement que le ministère de l'Agriculture du Québec et tous les organismes qui dépendent du ministère de l'Agriculture sont sur une voie d'évitement, sur la mauvaise voie et qu'on est en train, à l'heure actuelle, de conduire l'agriculture du Québec vers la banqueroute la plus totale, la plus complète. A ce moment, le deuxième phénomène qui arrivera, c'est que vous verrez de grosses entreprises, des millionnaires, des investisseurs qui achèteront des paroisses ou des rangs complets, et c'est commencé dans le Québec. On a investi $250,000, $300,000, $400,000 et même $1 million dans la production agricole et, tantôt, on se retrouvera dans une situation telle que 4 p.c. à 5 p.c. de la population, peut-être 3 p.c. de la population agricole sera propriétaire des terres et vous verrez les ruraux devenir des salariés, des manoeuvres au service de ces personnes. A ce moment, on préparera la venue d'un Castro qui viendra nous parler de la réforme agraire pour la redistribution des terres.

C'est cela que vous préparez. C'est comme cela que vous orientez l'agriculture du Québec,

à l'heure actuelle. Je ne sais pas pour quelle raison le ministère de l'Agriculture, avec l'expérience que le ministre de l'Agriculture a connue au cours de ses longues années d'expérience comme défenseur et protecteur de la classe agricole dans sa région, ayant travaillé à l'union professionnelle des agriculteurs, je ne comprends vraiment pas comment, il se fait, dis-je, que le ministre de l'Agriculture ne voit pas ces choses et qu'il oriente l'agriculture du Québec dans cette direction. Je ne comprends vraiment pas pourquoi, au ministère de l'Agriculture, le ministre ne fait pas preuve de leadership pour essayer de replacer certains théoriciens ou certains technocrates qui rêvent en couleur, qui peltent les nuages et qui se promènent à 35,000 ou 40,000 pieds d'altitude au-dessus de la province de Québec pour ne pas voir l'agriculture de près.

M. le Président, ce sont encore des points sur lesquels nous pouvons constater que dans le domaine agricole, dans la province de Québec, rien ne va plus et nous courons vers le désastre.

M. le Président, j'ai parlé de l'établissement des jeunes, tout à l'heure. J'ai parlé également de la production agricole, des statistiques, qui parlent par elles-mêmes et qui sont là pour vous prouver le bien-fondé de nos avancés. Je voudrais également parler d'une catégorie importante d'agriculteurs, au Québec, qui, une fois rendus à un certain âge...

Le ministre aura beau regarder l'heure tant qu'il voudra. Je comprends que c'est fatigant, M. le Président, mais nous sommes ici pour faire notre devoir, que cela plaise ou non au ministre. Le ministre aurait intérêt à prendre note de mes remarques, parce que ce serait dans l'intérêt de la province de Québec et dans l'intérêt de la classe agricole.

M. LEVESQUE: Nous écoutons. Nous sommes tout oreilles. Nous écoutons depuis tout à l'heure.

M. SAMSON: Mais ce n'est pas le bon ministre qui écoute !

M. ROY: Le problème, c'est cela, en somme.

M. le Président, j'ai soulevé un problème, au cours de la dernière session, à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale. J'ai eu des contacts avec le ministre. Il y a eu de nombreuses lettres d'échangées, appels téléphoniques ou autres concernant l'obligation que les industriels laitiers font, au Québec, aux producteurs agricoles pour qu'ils s'organisent pour faire refroidir leur lait dans des réservoirs spéciaux, dans des "bulk tanks", qu'on appelle, parce qu'on veut mettre fin complètement au transport de lait en bidons.

Le ministre sait très bien, par les rapports qu'il a eus de l'UPA, par les rapports qu'il a eus de ses agronomes, par un rapport qu'il a reçu et qui a été préparé conjointement avec le ministère des Affaires sociales, les services sociaux de certaines régions du Québec et les bureaux régionaux des agronomes, les conséquences...

Je vais vous en parler, de votre problème ! Je sais très bien de quelle façon les recommandations ont été faites.

M. SAMSON: En agriculture...

M. ROY: Voici ce que le ministre a fait, M. le Président. Pendant la campagne électorale — parce qu'il fallait des votes — le ministre...

M. TOUPIN: II en a eu aussi, n'est-ce pas?

M. SAMSON: Plus que vous n'en méritiez!

M. ROY: ... sous de fausses représentations a émis un communiqué. "Transport de lait en vrac. "Le ministre, Normand Toupin, annonce une aide financière pour l'achat de réservoirs de lait. "Québec. Le ministre de l'Agriculture du Québec...

M. SAMSON: Tu parles au nom du parti, vas-y!

M. ROY: ... M. Normand Toupin, annonce qu'une aide financière appréciable sera dorénavant offerte aux producteurs de lait industriel, qui s'équiperont de réservoirs de lait dans le cadre du programme de conversion du transport du lait en vrac. "Face à la situation d'urgence créée par la hausse des coûts de transport de lait en bidons et conscient que les producteurs se voient pratiquement forcés, dans la situation, de faire la conversion du bidon en vrac, le ministre Toupin a voulu poser un geste concret". "Concret", a dit M. Toupin.

Voici de quelle façon on a procédé. L'apport financier consiste en un remboursement de l'intérêt au-dessus de 2.5 p.c. sur tout emprunt contracté en vertu de la Loi de l'amélioration des fermes. Cependant, l'emprunt maximum à cette fin est limité à $4,000 et le remboursement de la part du ministère à 25 p.c. de la remise de capital, la première année.

C'est cela, M. le Président. Endettez-vous! On va vous payer un petit surplus d'intérêt.

M. TOUPIN: Lisez tout. Vous n'avez pas tout lu.

M. ROY: Et aussi peut-être qu'on va vous donner une subvention de $1,000, bien entendu à la condition que vous puissiez...

M. TOUPIN: C'est mieux. C'est plus vrai.

M. ROY: Le ministre aura un droit de réplique, M. le Président, tout à l'heure.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): C'est fini, votre temps.

M. ROY: Non, non, il y a consentement unanime, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne le sais pas. Je vais le demander.

M. ROY: Est-ce que le ministre aura son droit de réplique tout à l'heure?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Excusez-moi! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, à l'ordre ! Le temps du député de Beauce-Sud est expiré. Est-ce qu'il y a consentement unanime pour qu'il procède?

DES VOIX: Oui, oui! DES VOIX: Non!

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II y a des non.

M. SAMSON: Comment, il y a des non!

M. ROY: C'est le député de Rouville qui dit non!

M. SAMSON: C'est le ministre de l'Agriculture qui dit non?

M. ROY: Le député de Rouville.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre!

M. ROY: Un député qui est dans un comté agricole!

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plait!

Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent prendre la parole?

Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, depuis que je suis à l'Assemblée nationale, vous ne m'avez pas vu intervenir très très fréquemment sur les projets de loi présentés par le député de Champlain, honorable ministre de l'Agriculture.

Toutefois, je me souviens d'être intervenu au moins une fois, c'était il y a quelques mois, lors de la présentation de la Loi du syndicalisme agricole, qui coïncidait d'ailleurs, dans les travaux de la Chambre, avec un projet de loi qu'a ensuite retiré le gouvernement, le projet de loi no 28, la restructuration scolaire de l'île de Montréal.

Je ne suis pas intervenu souvent, mais ce n'était pas par manque d'intérêt. Ce n'est pas parce que je n'aurais pas voulu couvrir ce domaine, mais je sentais que, dans la précédente

Législature, mon collègue de Sainte-Marie faisait efficacement le travail. C'est maintenant le député de Saguenay qui a repris ces responsabilités, et il le fait d'une façon tout aussi efficace, même s'il n'est en possession du dossier que depuis quelques semaines.

J'avais moi-même beaucoup de préoccupations dans les autres domaines de l'activité gouvernementale, mais lors des discussions et des prises de position de notre parti sur différents projets de loi, j'ai suivi très attentivement les explications que me donnaient les collègues responsables du dossier et j'ai participé, au sein du parti, aux prises de position qui devaient être les nôtres.

Ce n'est pas non plus parce que je suis député montréalais, et de la partie peut-être la plus populeuse de Montréal, où d'ailleurs, grâce au magnifique travail du ministre des Affaires municipales, on est à la veille de ne plus avoir un seul arbre alentour de la ville, ce n'est pas parce que je suis député de Montréal que je ne m'intéresserai pas aux problèmes agricoles.

Il n'y a pas, je ne vous le cache pas, d'agriculteurs dans le comté de Saint-Jacques. Pourtant, il y a beaucoup de consommateurs de produits agricoles dans le comté de Saint-Jacques et il y a beaucoup de gens qui ont dû abandonner le métier d'agriculteur, immigrer à Montréal et se joindre au lot d'assistés sociaux et de chômeurs qui occupent déjà une effarante partie de la population du comté de Saint-Jacques.

C'est donc grâce à ce qu'ils m'ont enseigné en les rencontrant, et aussi aux préoccupations de consommateurs québécois que je puis ce matin intervenir sur le projet de loi no 13.

Les Montréalais sont tout aussi intéressés que les régions proprement agricoles du Québec à l'avenir de l'agriculture dans notre pays. Nous sommes des consommateurs de ces produits, et quand les producteurs agricoles des régions de l'Estrie ou de la vallée du Saint-Laurent connaissent des problèmes, doivent faire appel à l'Office du crédit agricole, qui fait l'objet de ce projet de loi, ou encore à la Régie des marchés agricoles pour obtenir l'autorisation d'augmenter leurs prix, comme les producteurs laitiers — comme l'a signalé tout à l'heure le député de Beauce-Sud — ça a des conséquences immédiates sur le budget des familles montréalaises comme de toutes les familles québécoises. Et je ne vois pas pourquoi un député montréalais ne devrait pas se préoccuper de ces problèmes.

Je vous rappelais tout à l'heure que depuis que je suis à l'Assemblée nationale, j'ai vu défiler plusieurs petites lois dans le domaine de l'agriculture. Le principe même du projet de loi 13 qui occupe nos travaux ce matin n'en est pas à sa première apparition. Je crois même qu'à peu près à chaque année, il est arrivé à ce temps-ci un appel du ministre de l'Agriculture —et c'est le même que nous avons depuis maintenant presque quatre ans — pour demander une nouvelle autorisation de l'Assemblée

nationale, pour solliciter, à même le fonds consolidé du revenu, un budget supplémentaire devant être mis aux mains de l'Office du crédit agricole pour remplir les missions que la loi lui confie.

Et comme l'a signalé mon collègue le député de Saguenay tout à l'heure, ces petites lois finissent par être agaçantes, non pas qu'elles ne suscitent pas le consentement de l'Opposition — c'est ce que nous sommes à vous exprimer du mieux que nous pouvons ce matin — il est bien sûr que nous appuyons le rôle de l'Office du crédit agricole, et que si ses besoins nécessitent un fonds supplémentaire, ce n'est certes pas l'Opposition officielle qui va s'y objecter.

Mais, à chaque fois, et de fois en fois, M. le Président, nous devenons de plus en plus convaincus qu'il y a un malaise à l'arrière de ces appels successifs du ministre de l'Agriculture et que, de notre part, les appels que nous avons faits depuis que nous sommes à l'Assemblée nationale, pour une réforme qui soit plus en profondeur que celle-ci, deviennent de plus en plus fondés et de plus en plus justifiés dans le cadre actuel.

Je n'ai pas d'objection, ce matin, à apporter mon consentement à l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture, pas plus d'ailleurs que je ne fais d'objection quant à une étape ultérieure des travaux de l'Assemblée nationale; nous serons appelés à l'étudier d'abord en commission plénière et, comme vous le savez, M. le Président, selon les règlements de la Chambre, à un autre moment de nos travaux, à une autre séance, l'adopter en troisième lecture. Mais j'aurais aimé, ce matin, sans être un spécialiste en agriculture, que le ministre profite de la déposition pour la nième fois de ce genre de projets de loi pour nous citer quelques-unes des justifications qu'il tente d'apporter, au fait qu'il se refuse depuis qu'il est à la direction du ministère de l'Agriculture de toucher le problème de fond; peut-être n'est-ce pas parce qu'il le refuse, mais parce que dans le régime actuel il en est incapable. Mais j'ai remarqué que sa présentation, de fois en fois où ce genre de lois revient, et un peu comme l'a fait le ministre de la Justice à propos du projet de loi qui a occupé nos travaux hier soir, était de plus en plus écourtée comme si le ministre avait de plus en plus honte de revenir avec ce genre d'appels. Je me souviens que la première fois qu'il nous avait appelé à apporter des crédits supplémentaires aux crédits agricoles, il l'avait parfaitement justifié en déposant le dossier. Maintenant, ce matin, il se lève et dit: M. le Président, je n'ai pas besoin d'apprendre à qui que ce soit le contenu de cette loi, c'est la routine habituelle qui fait que dans le régime dans lequel nous sommes condamnés à vivre, je suis obligé d'appeler de temps à autre l'Assemblée nationale à subvenir à ces fonds. Si j'interviens, ce matin, c'est que je considère que le ministre de l'Agriculture aurait pu dire autre chose. H aurait pu dire, par exemple, que le revenu moyen des agriculteurs québécois était le plus bas du Canada, exception faite du Nouveau-Brunswick et de l'Ile-du-Prince-Edouard: $2,957 par ferme, au Québec, contre $6,312 en Saskatchewan et $5,905 en moyenne pour les trois provinces des prairies. Ces chiffres sont les statistiques les plus récentes émises par le gouvernement fédéral.

Comment expliquer cette différence de $3,000 au moment où on vient nous demander d'adopter des fonds supplémentaires pour l'Office du crédit agricole? M. le Président, en agriculture, autant, sinon plus qu'ailleurs, les législations et les réglementations à deux niveaux de gouvernement et surtout leur mise en application, ce chevauchement, ce dédoublement, cette superposition, ou alors ce manque de coordination, occasionnent de nombreuses et de graves difficultés aux producteurs intéressés, particulièrement ceux du Québec. Tant que le Canada demeurera ce qu'il est, aucun gouvernement québécois, aucun ministre québécois avec autant de bonne volonté que ne le fait le député de Champlain depuis qu'il occupe ce poste, ne pourra éviter que les productions se déplacent vers l'ouest et que les revenus correspondant les suivent. C'est à tel point qu'on peut se demander si dans dix ans, comme le signalait tout à l'heure le député de Beauce-Sud, il restera assez de jeunes dans les fermes pour qu'on puisse encore parler sérieusement d'une agriculture québécoise.

Je considère que s'il est un milieu qui doit se rallier sans délai à l'option de la souveraineté, c'est bien le monde agricole. C'est peut-être lui qui en a le plus urgent besoin et nous ne serions pas obligés de discuter périodiquement ce genre de petits appels ridicules dans l'absence de solutions à long terme que nous apporte le ministre de l'Agriculture périodiquement. Je suis convaincu que nous n'aurions pas à nous prononcer sur le principe de ce projet de loi si, avec l'appui éclairé et efficace d'un seul gouvernement, celui des Québécois, l'agriculture québécoise arrivait à vivre décemment et à se développer. Or, M. le Président, de l'industrie laitière à l'élevage, en passant par les oeufs et toutes les autres productions agricoles, on n'a qu'à regarder les résultats lamentables du régime actuel et c'est ce qui est à la base du projet de loi 13 qui occupe nos travaux ce matin, pour voir ce que nous coûte le manque permanent d'un tel gouvernement.

Ottawa-Québec, ce monstre à deux têtes, M. le Président, est la cause principale des politiques cataplasmes, comme celle du projet de loi 13 de ce matin, confuses et souvent contradictoires dont notre classe agricole au Québec est l'une des victimes les plus durement éprouvées.

Par là tous les consommateurs québécois le sont parce que les produits de nos agriculteurs viennent tôt ou tard sur la table de chacun des Québécois, y compris sur la table des honorables juges, M. le Président.

J'aurais bien aimé qu'un projet de loi vienne

ce matin de la même façon et avec la même générosité que le ministre de la Justice, par exemple, a pour une classe privilégiée. Le ministre aurait pu nous dire que le revenu agricole moyen de tous les producteurs agricoles du Québec, avec l'assentiment de la Chambre, connaîtra avant Noël une augmentation équivalente à celle de $5,000 sur $28,000 par exemple. J'aurais bien aimé que l'augmentation de salaire de 18 p.c. que nous propose le ministre de la Justice pour une classe déjà privilégiée de citoyens ait au moins la même correspondance pour des gens dont je vous disais tout à l'heure que le revenu moyen était inférieur à $3,000.

Plutôt qu'en sourdine et en cachette, nous suppliant de voter un petit budget de $15 millions supplémentaires qui en fin de compte ne fera qu'endetter encore plus la classe agricole, j'aurais bien aimé que le ministre de l'Agriculture nous propose un projet de loi aussi radical et aussi effronté que le ministre de la Justice a fait en cette Chambre. Il aurait pu nous dire: II est temps que l'on augmente de façon substantielle les revenus moyens de cette classe agricole. De ces revenus moyens et de leur possibilité d'assurer d'eux-mêmes leur subsistance, le reflet se transportera par la suite sur la table de tous les consommateurs québécois. Et peut-être que l'ensemble des consommateurs québécois, y compris ceux que je représente à cette Assemblée, connaîtraient un frein à la hausse vertigineuse des denrées alimentaires que connaît le marché québécois actuellement.

J'aurais bien aimé, du ministre de l'Agriculture, qu'il ressemblât plus au ministre de la Justice, qu'il ait son audace, qu'il ait le courage d'amener et de justifier pour une classe déshéritée une augmentation de salaire substantielle. Non, M. le Président, le seule endroit où j'y reconnais une ressemblance, et celle-là frappante, entre le ministre de l'Agriculture et le ministre de la Justice, c'est lorsqu'ils reviennent tpus les deux d'Ottawa. Ils sont exactement tous les deux dans la même situation. Ils se sont tous les deux fracassé le nez. Ils cherchent tous les deux un interlocuteur valable. Us viennent tous les deux en Chambre déplorer le fait qu'ils sont incompris, qu'ils sont maltraités, mais qu'ils ne lâcheront pas.

Tous les deux sont la caution nationaliste du gouvernement, mais ils viennent s'écraser en Chambre et se contentent par la suite de nous présenter des petites lois d'appel à l'aide à certains moment donnés. C'est le seul endroit où le ministre de l'Agriculture ressemble à s'y méprendre à chacun de ses collègues dans d'autres domaines. Je suis prêt à le lui concéder ce matin, en d'autres domaines le ministre de l'Agriculture est un des plus compétents de ce gouvernement, mais en même temps il est un des plus prisonniers du régime.

Il est aussi un des plus conscients. A l'intérieur de ce gouvernement où l'absence de préoccupation du développement du Québec est à peu près le plus bas commun dénominateur, je suis convaincu que si le ministre de l'Agriculture — plutôt que de faufiler des petites lois et les présenter à la sauvette derrière son micro — avait l'occasion d'informer la Chambre sur sa considération fondamentale du régime dans lequel nous vivons et sur le sort qu'il réserve à la classe de citoyens dont il est le représentant ici à l'Assemblée nationale, nous en apprendrions beaucoup plus ce matin.

Je suis convaincu aussi que même le ministre de l'Agriculture doit être un peu mal à l'aise, ce matin, de nous présenter ce genre de projet de loi qui n'aura que des conséquences bien inférieures, à retardement, sur le niveau de vie de la classe agricole québécoise. Il doit se sentir dans ses petits souliers en sachant qu'en même temps un collègue du cabinet propose une augmentation de salaire de $5,000 à une classe de citoyens déjà privilégiée.

Il doit en être lui-même très conscient ce matin. C'est peut-être ça qui explique qu'il a fait de façon si tenue et si cachée la présentation de son projet de loi ce matin. Il doit être bien conscient qu'il y a là une inégalité, une injustice, une provocation sociale, en même temps, qu'on ne saura maintenir plus longtemps. Dieu merci, il se trouve en cette Chambre une Opposition, et une Opposition forte, pour noter sur chacun des projets de loi les contradictions, en même temps que l'espèce de méthodisme que met le gouvernement actuel à maintenir les disparités de revenus et à les encadrer, à les justifier et par les deux projets auxquels je faisais référence tantôt, à les accroître entre les classes de citoyens québécois.

Je considère que le ministre de l'Agriculture, en faisant appel ce matin à la Chambre pour que nous apportions, sur ce projet de loi, notre consentement, ne s'attendait probablement pas que l'Opposition, cette fois-ci, intervienne de façon plus vigoureuse qu'elle ne l'a fait à chaque fois que ce genre de projet est intervenu. Je le préviens, ce matin, que ce débat en deuxième lecture n'est que la première étape d'un acharnement que l'Opposition mettra sur l'ensemble des questions agricoles maintenant parce que, nous en sommes convaincus, le régime que l'Opposition officielle combat, celui qu'elle propose à l'ensemble des Québécois, s'il est une classe à qui elle devrait s'adresser en premier et pour qui elle aura le plus de conséquences, en fin de compte, c'est probablement la classe pour qui le ministre de l'Agriculture sollicite ce matin des fonds supplémentaires.

Qu'adviendra-t-il, M. le Président, de toutes ces conférences fédérales-provinciales, de tous ces doubles champs de juridiction? Finalement, quel est celui qui paie le plus, sinon l'agriculteur québécois? Le ministre, dans son droit de réplique, aura peut-être l'occasion de nous en informer, mais pour le moment, sans refuser le consentement que j'ai à donner, avec mon parti, à l'adoption de ce projet de loi, je lui signale

qu'à chaque fois qu'il reviendra, s'il s'entête à ne procéder que de cette façon plutôt qu'aller dans le domaine des réformes en profondeur, nous le lui rappellerons. Non seulement c'est notre conviction et c'est notre mission, mais c'est, en plus de cela, la seule façon de prendre convenablement la défense des intérêts des agriculteurs québécois. Merci, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président...

Motion d'ajournement du débat

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le leader parlementaire du gouvernement, le député de Bonaventure.

M. LEVESQUE: ... je propose l'ajournement du débat.

M. BURNS: M. le Président, c'est une motion...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Sur la motion d'ajournement?

M. Robert Burns

M. BURNS: Oui. Ecoutez, M. le Président, il y a quand même des limites. Nous ne pourrons sûrement pas être d'accord sur la motion d'ajournement du débat. On semble vouloir, du côté gouvernemental, simplement amener des projets de loi quand ça les tente, en discuter quand ça les tente, et le leader du gouvernement s'offusque parce que des députés d'Opposition utilisent leur droit, c'est-à-dire de parler sur un projet de loi quel qu'il soit. Cela m'étonne de la part d'un gouvernement qui dit ne pas vouloir abuser de sa majorité en Chambre. C'est le premier ministre lui-même, à la suite des élections, lorsqu'on parlait de ce nombre effarant de 102 députés élus avec 55 p.c. du vote, qui disait: On va conduire les travaux comme si on avait élu à peu près 60 députés. Je me souviens l'avoir entendu et je me souviens même l'avoir cru, à ce moment-là.

De la façon dont les travaux de la Chambre se déroulent actuellement, il est assez évident que ce qu'on veut simplement faire, avec cette grosse majorité gouvernementale, c'est de bousculer littéralement l'Opposition. On l'a vu hier, on l'a vu avant-hier, on l'a vu depuis que la motion a été adoptée, la fameuse motion traditionnelle de fin des travaux, de fin de session. Depuis ce moment, tout ce qu'on a tenté de faire avec l'Opposition — je suis convaincu que mes deux collègues du Parti créditiste le comprennent très bien, peut-être encore mieux que moi parce qu'ils sont dans une position encore plus désavantagée — c'est de temps en temps nous amener une petite loi ici, nous faire courir à une commission parlementai- re lorsqu'on avait commencé à faire autre chose ici, nous faire revenir ici, discuter en commission plénière de crédits pour pouvoir faire siéger deux commissions à la fois si possible. Ces méthodes-là, on ne peut absolument pas les accepter.

Il est absolument impensable qu'une Opposition, en cette Chambre, puisse se laisser bousculer de cette façon-là.

Maintenant, qu'est-ce qu'on va faire, M. le Président, si le débat est ajourné? On va passer à une autre loi, on va passer à un autre projet de loi? Les députés de l'Opposition vont être obligés de courir à leur bureau pour aller chercher des documents concernant une autre loi que le gouvernement veut faire voter. Puis, Dieu sait si peut-être, à la fin, du deuxième discours d'un autre projet de loi, le leader ne se lèvera pas, alors que les députés de l'Opposition auront commencé à se préparer en vue de discuter de ce projet de loi, et on se retrouvera avec une autre motion d'ajournement, puis encore le même système qui continuera.

M. le Président, je trouve que c'est absolument inacceptable que je puisse laisser passer une telle motion, alors que le chef de l'Opposition n'a pas encore même eu l'occasion de se prononcer sur cette loi. Je trouve que, vous-même, M. le Président, vous m'en blâmeriez. Nous allons voter contre cette motion. A chaque fois que ces tactiques seront utilisées de la part du leader du gouvernement, à chaque fois qu'utilisant la vapeur avec laquelle on passe les projets de loi de fin de session on tentera de nous dire: Là-dessus, vous n'avez pas été gentils, MM. de l'Opposition, vous n'êtes pas assez fins pour nous autres, vous n'adoptez pas notre projet de loi assez vite, à notre goût, à chaque fois qu'on va faire cela, on va crier notre dégoût à l'endroit de ce système.

Si, au moins, on nous disait: C'est parce que le débat va reprendre dans quelques heures. Pas du tout, de façon tout à fait laconique, le leader se lève. Il a parfaitement le droit de le faire, remarquez, au sens même, ou à la lettre même de notre règlement. Il a le droit de se lever n'importe quand et de proposer, comme tout autre député, l'ajournement du débat, je ne lui conteste pas ça. Mais même si la lettre de notre règlement le permet, le sens des travaux parlementaires, à mon avis, ne le permet pas. C'est absolument incompréhensible qu'un parti si fort de sa majorité, qui se pète les bretelles tellement souvent de cette majorité, utilise des moyens comme ceux-là pour, disons-le, M. le Président, museler une opposition. Je le dis même si on me dit que je prête des intentions au gouvernement. J'en prête des intentions au gouvernement, mais je n'en prête pas à un député en particulier/ J'en prête au gouvernement et j'ai le droit de le faire. Ce qu'on tente de faire, depuis quelques jours, dans cette Chambre, c'est de museler l'Opposition. Soyez beaux, soyez fins, soyez gentils et surtout ne parlez pas longtemps...

M. BACON: ... de bonne humeur.

M. BURNS: ... et surtout pas souvent. Nous autres, en attendant, on va faire de la législation. On a des choses à vous annoncer. On a peut-être quelque chose à vous apprendre. Dans le système constitutionnel actuel où vous fonctionnez, vous autres mêmes, dans le système parlementaire où, quand même, 30 p.c. de la population nous a dit, à nous autres, d'aller la représenter, où, quand même, près de 10 p.c. de la population a dit à deux députés du Ralliement créditiste, d'aller la représenter, bien, on a l'intention de le jouer notre rôle. On n'a pas l'intention de regarder, comme le disait le député de Beauce-Sud l'autre jour, l'Exécutif fonctionner, décider comme s'il avait un pouvoir réglementaire, décider comme s'il était capable de régler tout d'un bureau. Actuellement, c'est la conclusion à laquelle je devrai malheureusement en venir si ces tactiques continuent, qu'on fasse simplement un "show" de façade ici, qu'on ait l'air de faire de la législation, qu'on ait l'air de laisser fonctionner les moyens normaux d'une démocratie — c'est drôle, M. le Président, les députés du Parti québécois n'ont pas du tout l'intention de participer à ce style de bouffonneries — à chaque fois que cela va avoir lieu, on va vous le dire qu'on n'a pas l'intention de participer à cela. C'est pourquoi, nous voterons contre la motion et c'est pourquoi, je demande le vote enregistré sur cette motion.

M. LEVESQUE: M. le Président, je veux exercer mon droit de réplique.

M. ROY: Avant d'exercer le droit de réplique...

M. LEVESQUE: Non, M. le Président. M. SAMSON: Comment non?

M. LEVESQUE: Il n'y a pas de consentement de notre côté.

M. SAMSON: H n'y a pas de consentement?

M. LEVESQUE: Non, il n'y en a pas, ce matin.

M. ROY: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander une directive? Est-ce qu'on va être appelé à voter sur cette motion, tantôt?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Blank): Oui.

M. ROY: Si on est appelé à voter, comment pouvons-nous justifier la position que nous allons prendre si on nous empêche de parler? Il y a eu le consentement unanime ce matin. Est-ce qu'on va se mettre à genoux devant le gouvernement pour lui demander: S'il vous plaît, pour l'amour du Bon Dieu, allez-vous...

M. LEVESQUE: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre ! A l 'ordre ! A l'ordre !

Je suis lié par le règlement et je n'ai aucun choix.

Le député de Bonaventure.

M. Gérard-D. Levesque

M. LEVESQUE: Je dirai simplement ceci. C'est qu'on vient de faire, d'abord, une tempête dans un verre d'eau. Je comprends que cela fait partie de la tactique de "filibuster" du Parti québécois.

M. MORIN: ... que c'est une tempête dans un verre d'eau...

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Vous me privez de mon droit de parole sur ce projet de loi.

M. LEVESQUE: Hypocrite. Vous ne connaissez rien à l'agriculture, vous ne viendrez pas nous en montrer là-dedans.

M. BURNS: On verra.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. BURNS: Ecoutez ce qu'il a à dire et vous allez voir s'il ne connaît rien.

M. LEVESQUE: ... je dirai que nous venons d'assister à une pièce maîtresse d'hypocrisie, de tartuferie, de mesquinerie, d'un "show", M. le Président.

M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président. Je demande au leader du gouvernement de retirer ses paroles étant donné que ce qu'il vient de dire me traite, moi, d'hypocrite puisque c'est moi qui viens de parler.

M. LEVESQUE: C'est une pièce de...

M. BURNS: II est très facile — laissez-moi terminer mon point de règlement — ...

M. CHOQUETTE: Vous jouez un rôle. M. LEVESQUE: C'est un rôle. M. BURNS: ... il est très facile... M. LEVESQUE: C'est un "show".

M. BURNS: ... d'interpréter ce que vient de dire le leader du gouvernement. Je suis la personne qui vient de parler et qui vient de s'opposer à la motion du leader du gouvernement. Or, il qualifie ce que je viens de faire de pièce d'hypocrisie. J'ai des droits ici, à cette Assemblée nationale. Et, un de mes droits, c'est de ne pas me faire traiter d'hypocrite. Je lui demande,

M. le Président, de retirer les paroles qu'il a eues à mon égard.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je pense que les mots, comme je les ai compris... C'est qu'il a interprété vos remarques comme étant l'opinion de votre parti. Et il a déjà été décidé ici que l'on pouvait traiter un groupement par des mots...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Les mêmes mots, s'ils sont dirigés vers un député en particulier, peuvent être antiparlementaires. Mais quand ils sont dirigés contre un groupement, ils ne sont pas antiparlementaires.

M. BURNS: Qui est-ce qui a parlé, M. le Président, je vous le demande? Qui est-ce qui a parlé là-dessus au nom du parti? Cela s'adonne que c'est un député. C'est drôle...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): J'ai rendu...

M. BURNS: ... mais ce n'est pas une espèce de pur esprit qui vous a parlé ici.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... ma décision.

M. BURNS: C'est un député en chair et en os.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Bonaventure.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Maisonneuve sait fort bien que si, ce matin, nous avons proposé l'étude du projet de loi relativement à l'augmentation des sommes consacrées au crédit agricole, c'était simplement parce que j'avais eu l'assurance que nous pouvions disposer de la deuxième lecture de ce projet de loi, quant au Parti québécois, après une période d'une vingtaine de minutes au plus. C'est ça. Autrement, nous n'aurions pas demandé à la Chambre d'étudier, ce matin, ce projet de loi. C'est le député de Saguenay qui me l'a dit; je sais qu'il est assez gentilhomme pour ne pas le contredire et le leader de l'Opposition officielle m'a référé au député de Saguenay pour ce projet de loi quant au temps dont le Parti québécois avait besoin. Alors, j'ai agi en toute objectivité et en toute bonne foi.

Si le Parti québécois m'avait dit que le chef du Parti québécois, le député de Sauvé, manifestait récemment et soudainement un intérêt particulier pour la classe agricole ou que le député de Saint-Jacques...

M. MORIN: C'est mon droit.

M. LEVESQUE: ... se sentait, tout récem- ment, une mission en matière agricole, à ce moment-là, j'aurais dit à l'honorable leader de l'Opposition officielle et à l'expert du Saguenay: Bien voici, nous procéderons la semaine prochaine à ce sujet. Parce que, normalement, nous devions continuer l'étude du projet de loi, au nom du ministre de la Justice, que nous avons entreprise hier; c'était logique. Mais c'est pour cela que nous avons procédé aux troisièmes lectures des deux projets de loi municipaux. C'est pourquoi j'avais cru que nous pouvions disposer de ce projet de loi qui revient chaque année, celui de l'augmentation des crédits aux agriculteurs, parce que, d'habitude, l'Opposition n'en parle pas puisque c'est une excellente mesure. Lorsque nous avons affaire à une mesure aussi excellente que celle que propose le ministre de l'Agriculture, lorsqu'il s'agit d'augmenter les crédits pour les agriculteurs, l'Opposition aime mieux parler de l'augmentation des juges que de l'augmentation des crédits donnés aux agriculteurs. On voit là qu'il n'y a pas d'électoralisme dans leur attitude. Mais, tout de même, on peut s'attendre à une réaction comme celle-là de la part de l'Opposition.

Alors, de notre côté, je veux répéter qu'il s'agit simplement d'avoir voulu être très objectif. Nous avons pris les renseignements nécessaires. Et si j'ai qualifié la pièce du leader parlementaire de l'Opposition officielle comme je l'ai fait au début de mes remarques, c'est justement à cause des faits que je viens de citer.

Maintenant, cela ne m'empêche pas d'avoir pour le leader de l'Opposition officielle, sur le plan personnel, la plus grande considération, mais je dis que, probablement parce qu'il était pris dans des situations qu'il a peut-être lui-même créées mais qu'il n'a pas voulues, M. le Président, il est arrivé avec ce genre de discours. Dans le fond de son coeur, il sait fort bien que cela n'a pas de bon sens.

M. le Président, je ne veux pas aller plus loin avec cela. Je veux simplement croire qu'il s'agit là de quelque chose qui arrive dans les moments de "filibuster", et qu'on est même prêt à manquer à sa parole, quelquefois, dans les moments de "filibuster".

M. LESSARD: Je soulève une question de privilège, M. le Président.

M. LEVESQUE: Ne vous choquez pas!

M. LESSARD: M. le Président, une question de privilège.

M. LEVESQUE: J'ai décrit exactement ce qui s'est passé.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre! Une question de privilège.

M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de privilège, puisque cela me concerne directement lorsque le leader parle-

mentaire dit qu'on est prêt à retirer notre parole.

M. le Président, je n'ai pris, personnellement, lorsque le leader parlementaire est venu, tout à l'heure, me consulter aucun engagement au nom du Parti québécois. Le leader parlementaire du gouvernement m'a demandé ceci: Combien de temps, à peu près, parles-tu sur ce projet de loi? J'ai dit: Environ 20 minutes. Le leader parlementaire du gouvernement ne m'a pas demandé combien de temps le Parti québécois prendrait pour discuter de ce projet de loi. Cela ne relève pas de ma fonction. Cela relève de la fonction du leader parlementaire du Parti québécois, les différentes interventions qui doivent se faire.

Personnellement, je dis donc, M. le Président, sur ma question de privilège, que je n'ai eu aucune entente avec le leader parlementaire...

M. LEVESQUE: M. le Président, motion adoptée?

M. LESSARD: ... si ce n'est qu'au sujet de mon discours personnel.

M. LEVESQUE: D'accord, d'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord.

M. LESSARD: C'est cela, M. le Président, que je voulais dire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion d'ajournement du...

M. BURNS : M. le Président, je vais soulever une question de privilège parce que moi aussi j'ai été attaqué, en même temps que le député de Saguenay.

M. LEVESQUE: Cela fait partie du "filibuster". Allez-y!

M. BURNS: Cela va être très bref. Je veux juste rétablir un certain nombre de faits.

Je n'ai pas donné ma parole au leader du gouvernement. Il sait qu'habituellement, quand je la lui donne, je n'y manque pas. Je n'ai pas donné ma parole au leader du gouvernement, à savoir qu'il n'y aurait qu'un seul discours sur cela. Je ne peux pas toujours, non plus, donner cette parole.

M. LEVESQUE: D'accord, d'accord.

M. BURNS: S'il me l'avait demandée, ce matin, j'aurais été dans l'impossibilité de la lui donner.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. BURNS: Ce que je lui ai dit, c'est:

Demande au député de Saguenay, ou demandez au député de Saguenay — quoiqu'on se tutoie quand on se parle, M. le Président — combien de temps il va parler. Or, le brillant discours du député de Saguenay a provoqué chez le député de Saint-Jacques et sans doute chez le chef de l'Opposition le désir de participer à ce débat.

M. LEVESQUE: Une réaction en chaîne.

M. BURNS: C'est notre droit, M. le Président, de toute façon. Qu'on ne nous le conteste pas.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord, d'accord.

M. LEVESQUE: No 5.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

M. BURNS: Je demande un vote enregistré, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés!

Je demande aux députés de reprendre leur siège pour le vote.

A l'ordre, messieurs!

Que tous ceux qui sont en faveur de cette motion d'ajournement du débat veuillent bien se lever.

Vote sur la motion d'ajournement du débat

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiau-me, Goldbloom, Simard, Quenneville, Bienvenue, Toupin, Massé, Houde (Abitibi-Est), Giasson, Brown, Fortier, Kennedy, Bacon, Brisson, Houde (Limoilou), Ostiguy, Picard, Dionne, Faucher, Marchand, Springate, Bellemare.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je m'excuse d'interrompre le vote, mais M. Charron s'est levé pour voter favorablement à la motion. Je l'ai vu.

UNE VOIX: Vous n'avez pas le droit de parole avant que le vote soit fini.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plait! A l'ordre!

M. BELLEMARE: Oui, je l'ai vu.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bonnier, Boudreault, Chagnon, Denis, Déziel, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Sylvain, Tardif, Vallières, Verreault.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard.

M. ROY: M. le Président, le député de Rouyn-Noranda et moi-même, députés créditis-tes, nous nous abstiendrons de voter sur cette motion pour la raison que le gouvernement nous a bâillonnés encore une fois et nous a empêchés de parler ce matin.

M. SAMSON: C'est ça.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

LE SECRETAIRE: Pour: 39

Contre: 5

Abstentions: 2

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion est adoptée.

M. LEVESQUE: Article 5).

Projet de loi no 8 Deuxième lecture (suite)

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Reprise du débat sur l'amendement de M. Burns à la motion de M. Choquette.

Le chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, lorsque la séance s'est terminée hier soir, j'étais en train de parler sur la motion de mon collègue, le leader parlementaire du Parti québécois, à l'effet de remettre ce projet de loi à six mois. La raison pour laquelle je voudrais appuyer la motion de mon collègue, j'ai commencé à la donner hier soir. Il est visible, à la suite de l'intervention du ministre de la Justice, que nous n'avons pas tous les éléments qui nous permettraient de trancher une question aussi importante et dont les retombées sociales peuvent être aussi considérables que cette question de la rémunération des juges de la cour Provinciale. Le ministre...

M. LEGER: M. le Président, excusez-moi d'interrompre mon éminent collègue, est-ce que vous pourriez demander aux députés de prendre leur siège et d'écouter religieusement ce que le chef de l'Opposition a à dire? Actuellement, c'est la parade de la Saint-Jean-Baptiste sur la rue Sainte-Catherine. Tout le monde se promène. Pouvez-vous demander à chacun de prendre son siège et ne pas enlever le temps que j'ai pris sur le temps de mon éminent collègue?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs! S'il vous plaît, un peu de décorum en Chambre afin d'entendre le discours du chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je ne sais pas si mon estimé collègue se référait à ma religiosité personnelle ou à celle de ceux qui m'écoutent, mais j'aimerais bien être entendu, en effet, et j'aimerais bien être entendu surtout du ministre de la Justice parce que j'estime que ce projet de loi est suffisamment important, ses retombées sont suffisamment larges, notamment dans le secteur public, dans le secteur des salaires de la fonction publique, pour qu'il considère non seulement la remise à six mois, ce qui en somme ne serait que purement dilatoire comme il l'a dit hier soir, mais qu'il considère de profiter de ce délai, non pas seulement pour laisser dormir le projet de loi sur les tablettes, ce n'est pas ce que nous recherchons, mais pour convoquer une commission parlementaire qui pourrait étudier tous les aspects controversés, ou pas, de ce projet de loi.

A cette commission parlementaire pourraient par exemple être entendus les représentants des principaux intéressés, les juges, et peut-être aussi leurs conseillers. Leurs conseillers pourraient venir nous démontrer que l'échelle de salaire réclamée est conforme à ce qui se paye dans d'autres secteurs de la vie publique et peut-être même dans les secteurs de la vie privée, notamment la pratique du droit, pour qu'on puisse se rendre compte, M. le Président, que les salaires que le ministre propose sont très supérieurs au revenu d'un avocat qui gagne bien sa vie ou d'un notaire qui gagne bien sa vie ou d'un professionnel quelconque qui gagne convenablement sa vie.

J'avais commencé à donner quelques chiffres hier soir, pour démontrer à quel point il est important de remettre ce projet à six mois; par exemple, j'avais démontré que l'Ontario consacre onze fois moins de dépenses au paiement de ses juges. Bien sûr, vous allez me dire, M. le Président, que, dans l'Ontario, la grande majorité des juges sont nommés et sont stipendiés par le pouvoir fédéral. Il n'y a qu'un petit nombre de "Surrogate Court Judges" qui sont nommés par la province. Cela, c'est vrai, et c'est pourquoi il en coûte finalement si peu cher, $500,000, à cette province pour les salaires des juges provinciaux.

Mais, il n'en reste pas moins que lorsqu'on additionne les dépenses fédérales et les dépenses provinciales, on arrive à des résultats étonnants. J'aimerais bien avoir l'attention du ministre de la Justice sur cette questions-là, parce qu'il pourrait peut-être être appelé à s'expliquer un jour, devant cette Chambre, des chiffres astronomiques, des chiffres incroyables, que nous obtenons en additionnant les dépenses fédérales et provinciales dans l'Ontario et au Québec, pour l'administration de la justice.

M. le ministre de la Justice, saviez-vous que lorsqu'on additionne les dépenses fédérales et

provinciales dans l'Ontario, pour l'administration de la Justice, pour les salaires des juges en 1973 — ce ne sont pas des chiffres d'il y a dix ans — on arrive avec $4,353,000 de dépenses fédérales et $500,000 de dépenses provinciales, on arrive au total de $4,853,000, c'est-à-dire un peu moins de $5 millions, tandis qu'au Québec, les dépenses fédérales sont de $4,108,000, elles sont presque aussi élevées qu'en Ontario, mais les dépenses provinciales, elles, sont de $5,600,000, et le résultat, c'est que ça fait des dépenses totales pour les salaires des juges au Québec de $9,708,000, presque $10 millions, c'est-à-dire le double, le double...

M.MERCIER: La justice est meilleure au Québec.

UNE VOIX A l'ordre!

M. MORIN: Et ce qui est encore plus frappant, vraiment, là, ça dépasse les bornes, et j'aimerais bien que le ministre de la Justice m'apporte des éclaircissements là-dessus, j'aimerais bien qu'il contredise mes chiffres s'il en est capable, parce qu'il ne m'en a pas apporté de ces chiffres-là.

M. le Président, la population de l'Ontario est de 7,700,000 habitants, celle du Québec est de 6 millions d'habitants, ce qui veut dire — et là encore je crois que le ministre de la Justice pourrait bien être appelé à me répondre là-dessus un jour ou l'autre — ce qui veut dire que, dans l'Ontario, nous avons une dépense per capita de $0.63 pour les salaires des juges tandis qu'au Québec, la dépense per capita, tenez-vous bien, elle est de $1.61 per capita, plus que le double.

Est-ce que le ministre de la Justice va nous expliquer cela? Est-ce que cela a du sens, dans une province où, comme je l'ai expliqué hier, le revenu par tête de même que le produit national brut sont inférieurs à ceux de l'Ontario? J'estime que ces chiffres-là, à moins que le ministre ne les contredise, doivent être portés à la connaissance des citoyens. Le ministre vient nous demander des augmentations de salaire, mais il se garde bien de nous mettre au courant de ces faits-là. Pourtant, j'imagine qu'ils doivent bien se trouver dans quelque document de son ministère. Il faudra bien qu'il en fasse état dans son livre blanc sur l'administration de la justice.

J'estime que la commission parlementaire doit être convoquée pour prendre connaissance du dossier dans tous ses détails. M. le Président, puis-je vous demander combien de temps il me reste? Parce que je voudrais résumer mon propos...

M. MERCIER: C'est déjà fini.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je n'ai pas de chiffres.

M. MORIN: ... si je n'ai plus beaucoup de temps, j'en encore beaucoup de choses à dire là-dessus.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dix minutes.

M. MORIN: D me reste dix minutes, merci. Devant cette commission parlementaire, étant donné qu'il s'agit d'une question qui intéresse tous les citoyens du Québec, devraient être convoqués non seulement les principaux intéressés eux-mêmes mais des experts dans ces questions d'administration publique, des experts en finance publique qui viendraient déposer devant la commission les chiffres comparatifs. Par exemple, sans aller jusqu'aux Etats-Unis où, pourtant, on trouverait des choses intéressantes, en se documentant auprès des autres provinces canadiennes puisque, paraît-il, nous vivons dans ce régime encore, il est tout de même intéressant d'aller voir ce qui se fait ailleurs et ne pas se retrouver dans une situation où l'une des provinces les plus mal en point économiquement, l'une des plus pauvres, comme se plaît toujours à le rappeler le ministre fédéral des Affaires sociales, M. Lalonde, que dans une province aussi pauvre que celle-ci on ait des juges qui soient mieux payés qu'à l'extérieur du Québec.

Est-ce que, par exemple, le ministre de la Justice sait que dans la plupart des provinces, le salaire en vigueur, en 1973, est de $28,000 à l'heure actuelle? C'est-à-dire le salaire qui est payé actuellement aux juges québécois. Est-ce que le ministre est au courant de ces chiffres-là? S'il l'était, est-ce qu'il viendrait nous proposer une loi comme celle-là qui est une loi qui tend à privilégier les juges québécois par rapport aux juges des autres provinces? On nous dit toujours que nous sommes une province comme les autres, que nous faisons partie d'un grand tout rentable. Si tel est le cas — ce n'est pas moi qui soutient cette idée, c'est le gouvernement — pourquoi ne serions-nous pas une province comme les autres pour les salaires des juges comme sur le plan constitutionnel, comme sur tous les autres plans, qu'il s'agisse d'agriculture, de main-d'oeuvre, de frais d'administration policière? On nous rabat toujours au même niveau que les autres provinces. Pourquoi tout à coup sur ce point particulier ferait-on une exception? Puisque nous sommes une province comme les autres, soyons-le jusqu'au bout, surtout lorsqu'il s'agit de protéger les deniers publics, surtout lorsqu'il s'agit de protéger la fiscalité québécoise, lorsqu'il s'agit de protéger ceux qui vont payer ces salaires aux juges et qui sont les administrés, qui sont ceux qui vont se présenter devant les juges.

M. le Président, il y a une limite. En Colombie-Britannique, où il y a un juge pour 127,000 administrés, on paie $28,000.

Le revenu net per capita dans cette province est de $3,719. En Alberta, on a un juge par 108,000 habitants. Il est payé lui aussi $28,000, avec un revenu moyen per capita de $3,405. Je prends les cas les plus flagrants. Au Nouveau-Brunswick, vous avez un juge pour 105,759 habitants. Combien les juges sont-ils payés?

Egalement $28,000. Cette fois, à mon avis, c'est trop, parce que le revenu per capita, en 1971, dans cette province, était de $2,469, c'est-à-dire que c'est une province beaucoup moins riche que celles que j'ai mentionnées auparavant. A Terre-Neuve, il y a un juge pour 104,400 habitants. Là aussi les juges provinciaux sont payés $28,000 pour un revenu per capita de $2,211... Il me semblait aussi que je faisais une erreur en commençant par le montant de $3,000, parce que Terre-Neuve est une des provinces les moins favorisées sur le plan du revenu per capita. Prenons l'Ontario; on aime volontiers se comparer à l'Ontario. En ce qui me concerne, ce n'est pas une comparaison que je trouve toujours fructueuse. Cette fois-ci, elle pourra nous apprendre quelque chose. M. le Président, est-ce que vous savez qu'en Ontario il y a un juge pour 78,593 habitants et que le salaire est également de $28,000, à l'heure actuelle, alors que le revenu per capita est de $3,967? C'est, si je ne m'abuse le plus élevé au pays.

Comment se compare maintenant le Québec avec les chiffres que je viens de donner? Je suis toujours étonné de voir à quel point le ministre de la Justice a l'air de se ficher complètement de ces questions. Ce sont pourtant des chiffres importants.

M. CHOQUETTE: On en discute...

M. MORIN: Oui. Il est amusant de constater à quel point, dans l'esprit du ministre de la Justice, l'intelligence s'identie automatiquement aux gens de son parti. C'est une largeur de vues que je reconnais bien là. Pourtant, il me semble que depuis l'enfance — le ministre de la Justice et moi-même nous nous connaissons depuis l'âge des culottes courtes — il y a eu chez lui une certaine évolution.

M. le Président, au Québec, il y a un juge pour 31,892 habitants. Le ministre de la Justice ne peut pas établir la comparaison, sans doute parce qu'il n'a pas écouté tout à l'heur,-. Je compare le Québec, 31,892 habitants par juge, avec la Colombie-Britannique, 127,000 habitants, l'Alberta, 108,000 habitants, le Nouveau-Brunswick, 105,000 habitants, Terre-Neuve, 104,000...

M. CHOQUETTE: Oui, mais le crime là-bas est terrible. Justement, j'ai rencontré le procureur général de la Colombie Britannique à cette conférence fédérale-pronviciale et il nous a dit que le crime augmentait en Colombie-Britannique d'une façon terrible, alors que moi, je peux dire que sous mon administration, depuis que je suis ministre de la Justice, le crime n'a pas augmenté au Québec.

M. LEGER: C'est parce que vous êtes à l'écoute.

M. CHOQUETTE: Vous voyez l'efficacité du gouvernement, du ministre de la Justice en particulier et des juges.

M. MORIN: Cela doit être pour ça que les prisons du Québec sont parmi les plus achalandées du Canada.

Je reviens à mon propos. Un juge par 31,000 habitants, payé à l'heure actuelle, comme dans le reste du Canada, $28,000 par année. Je souligne au ministre de la Justice que le revenu per capita, dans le Québec, en 1971, a été de $3,027, $3,000 en gros, c'est-à-dire que ce revenu net per capita est inférieur de plus de $900 aux chiffres de l'Ontario. Est-ce que c'est pertinent, M. le Président, ou si cela ne l'est pas de constater que le Québec.province plus pauvre que les autres, à ce que nous dit toujours le ministre fédéral Lalonde, est-ce que c'est pertinent, dis-je, de constater que nous nous apprêtons à payer plus cher que les autres pour l'administration de la justice et, en particulier, pour le salaire des juges?

J'estime qu'il y a là matière à réflexion. Si le ministre pense qu'il peut tout simplement passer son projet de loi à la vapeur, je crois qu'il fait tort à l'ensemble des Québécois, il fait tort à ceux qui vont payer pour l'administration de la justice. C'est pour cela que j'estime, pour ma part, que la commission parlementaire devrait permettre non seulement aux principaux intéressés de se faire entendre mais également, comme je l'ai dit, à des spécialistes de la fonction publique. Des spécialistes, il n'en manque pas au Québec dans ce domaine. Les salaires de la fonction publique, Dieu sait si on en a parlé l'année dernière et Dieu sait si probablement on va en parler au cours des mois qui viennent aussi.

Je conclus, M. le Président, puisque mon temps est, pour ainsi dire, expiré. Il faudrait qu'on fasse entendre tous ceux que cette question des salaires des juges pourrait intéresser. Les juges, je le disais hier, sont peut-être encore, dans une certaine mesure, un mythe dans la société québécoise. Mais, dans une société moderne, il faut envisager ces questions de façon fonctionnelle, au regard de la fonction précise, utile qu'ils exercent dans la société. Mais ce n'est pas la seule fonction utile. C'est une fonction parmi d'autres et il faut donc juger des salaires des juges dans le contexte général des salaires.au Québec. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, j'ai écouté la motion qui a été présentée par le député de Maisonneuve. Elle demande que dans ce projet de loi, en deuxième lecture, le mot "maintenant" soit remplacé par les mots "dans six mois".

Remettre à six mois la deuxième lecture d'un projet de loi de cette envergure, est-ce la meilleure solution? C'est le dilemme dans

lequel je me trouve placé. Cette motion de remettre à six mois un projet de loi qui est le bébé du gouvernement libéral depuis près de deux ans, est-ce manquer de réalisme, est-ce suffisant, est-ce que cela devrait être plus?

Tout le monde a bien remarqué qu'actuellement — je ne dis pas dans une semaine, dans six mois, dans un an ou dans deux ans — le Parti québécois est complètement contre le projet de loi du ministre de la Justice. Il n'a pas d'autre solution, pour empêcher l'adoption de ce projet de loi, que de suivre ce que le règlement lui permet.

M. CHARRON: M. le Président,... M. LEGER: C'est de proposer,...

M. CHARRON: ... je m'excuse auprès de mon collègue de...

M. LEGER: J'espère que cela n'est pas enlevé sur mon temps, M. le Président.

M. CHARRON: ...Lafontaine de devoir l'interrompre, mais je soulève une question de règlement. Je ne crois pas que, quant aux députés officiellement à leur place, nous ayons le quorum.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on sonne.. J'inviterais...

M. CHOQUETTE: Je n'aurais pas cru, M. le Président, voir le député de Saint-Jacques succéder à l'ancien député de Chicoutimi dans le rôle de préfet de discipline de la Chambre.

M. LESSARD: Oui, M. le Président.

M. CHARRON: J'aime mieux l'être ici que penser que je le suis pour la grandeur du Québec, comme vous.

M. CHOQUETTE: Pardon?

UNE VOIX: De toute façon, il n'est jamais à sa place.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, vous avez additionné et vous avez remarqué qu'il y avait suffisamment de députés assis?

UNE VOIX: Certainement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je demande aux députés de réintégrer leur siège.

M. LEGER: II y a quorum?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Beaucoup plus.

M. LEGER: M. le Président, vous avez calculé que nous avons quorum. Alors, le dilemme est le suivant. Le Parti québécois est opposé au projet de loi. Il ne le serait peut-être pas dans six mois, dans un an, dans trois mois.

Cela dépendra de la conjoncture, de la situation qui pourrait être changée, selon ce que le ministre de la Justice pourrait nous apporter comme éléments nouveaux, selon les réponses que nous obtiendrons à une série de questions que nous avons fait valoir lors de l'exposé en deuxième lecture. M. le Président, nous n'avons pas d'autre choix que de suivre le règlement de l'Assemblée nationale pour nous opposer, avec les moyens du bord, qui sont de proposer de remplacer le mot "maintenant" par d'autres mots qui nous permettent de retarder le projet de loi.

La motion du député de Maisonneuve était à l'effet de remettre cela à six mois. Le chiffre six, pour nous, cela ne veut pas dire que c'est suffisant. On aurait pu trouver une solution qui nous convienne avant six mois comme après six mois, mais c'est la façon, dans le règlement, de s'opposer.

M. le Président, ce que nous voulons, c'est sensibiliser la population à ce problème grave de l'augmentation de salaire d'un groupe de citoyens du Québec qui ont un rôle important à jouer, un rôle vital, et à qui on veut donner une augmentation de salaire sans s'occuper de la situation globale, au Québec, et sans s'occuper même de savoir si les juges eux-mêmes seraient satisfaits d'une augmentation de $5,000, alors que peut-être, par une augmentation de $5,000, on les empêche d'obtenir d'autres choses qui ne sont pas des avantages pécuniaires.

M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux poser une question au député de Lafontaine?

M. LEGER: Certainement, d'abord que ce n'est pas enlevé sur mon temps, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, c'est pris sur votre temps.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Lafontaine voudrait proposer une plus grosse augmentation que celle qui est proposée dans le projet de loi?

M. LEGER: M. le Président, la question du ministre a été pensée avant que j'aie fini ma phrase. Il n'aurait pas dit cela s'il avait écouté jusqu'à la fin ce que je lui ai dit. J'ai dit que peut-être les juges voudraient avoir d'autres avantages qu'uniquement pécuniaires.

M. CHOQUETTE: ... suggéré?

M. LEGER: C'est cela que je demande.

M. CHARRON: Est-ce que le député de

Lafontaine me permet de lui poser une question?

M. LEGER: Certainement, pourvu que ce ne soit pas pris sur mon temps, M. le Président.

M. CHARRON: Est-ce que je peux demander au député de Lafontaine d'énumérer certains autres avantages que les juges auraient pu avoir?

M. LEGER: Voici, M. le Président: Est-ce que les juges, actuellement, ont des conditions de travail qui leur conviennent? Est-ce qu'ils ont une rotation qui leur permet d'agir selon leurs qualifications, selon leurs spécialités? Il y a plusieurs choses qui auraient pu être demandées.

M. le Président, la motion du député de Maisonneuve avait pour but de permettre, peut-être, pendant la période de six mois — on n'est pas sûr que la période de six mois soit suffisante— un certain rattrapage des autres classes de la société. Est-ce que dans deux mois, il y aurait eu des projets de loi permettant à d'autres classes de la société de voir leurs revenus augmentés? Est-ce que dans huit mois ou dans un an, on l'aurait su? A ce moment-là, nous aurions eu une attitude différente devant ce projet de loi.

Mais, M. le Président, comme je le dis, des députés se demandent: Qu'est-ce qu'il fait là, le Parti québécois, actuellement, s'opposer à cela et proposer des choses, ou retarder et faire un "filibuster"? Bien oui, on en fait un "filibuster"! C'est nécessaire. C'est la seule façon que nous ayons, M. le Président, de démontrer...

M. MERCIER: ... dans les journaux demain!

M. LEGER: ... jusqu'à quel point nous sommes opposés à ce projet de loi. Nous devons, pour le faire, M. le Président, nous servir du règlement. On est pris comme une société un peu drôle. On a une vie américaine, une culture française et un mode politique britannique. Alors, on est une drôle de société, mais on est obligé de vivre avec un règlement parlementaire. On est obligé, M. le Président, de se servir des moyens du bord pour dire à la population jusqu'à quel point nous sommes opposés à ce projet de loi.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, le député de Maisonneuve a proposé de remettre cela à six mois.

Mais moi, je me demande si six mois c'est quelque chose d'acceptable. Il y aurait peut-être d'autres solutions à proposer étant donné l'urgence — parce que ça fait trois fois que le ministre de la Justice essaie de nous présenter un projet comme celui-là.

Motion de retrait de l'amendement de M. Burns

M. LEGER: Ce n'est pas parce qu'on est divisé dans notre parti, mais je voudrais me prévaloir de l'article 85 du règlement: "Tant qu'une motion n'a pas été mise en délibération, elle peut être retirée avec la permission du député qui l'a présentée. Après la mise en délibération, elle peut faire l'objet d'une motion non annoncée de retrait avec la permission de son auteur. Le proposeur de la motion de retrait doit se borner à énoncer succinctement ses motifs, et la motion est mise immédiatement aux voix."

Je demande au député de Maisonneuve, qui a proposé la motion, s'il n'a pas d'objection que je propose le retrait de cette motion de renvoi à six mois pour qu'on puisse trouver peut-être, devant l'urgence, une autre solution. C'est la raison pour laquelle je propose cette motion.

M. BURNS: M. le Président, en tant que proposeur de la motion, je peux dire au député de Lafontaine que je n'ai pas d'objection — je le dis à la Chambre également — à ce que ma motion fasse l'objet de sa motion de retrait. D'ailleurs, il m'avait consulté avant. Je pense qu'il y aurait peut-être, selon ce que m'a dit le député de Lafontaine, de très bonnes raisons à émettre pour justifier cette chose.

Je me plierai aux désirs de la Chambre là-dessus. Tout ceci, M. le Président, simplement pour vous dire que je consens à ce qu'il fasse sa motion.

LE PRESIDENT: Ce que je m'attendais de vous, c'était un oui ou un non.

M. BURNS: J'ai été un peu plus long.

M. LEGER: II faut dire que les oui et les non ne viennent pas souvent de l'autre bord.

LE PRESIDENT: Vous faites cette motion. Vous avez parlé sur ça?

M. LEGER: Je n'ai pas parlé encore, j'ai encore dix minutes.

M. BURNS: Sur la question de règlement, est-ce que je peux vous faire une représentation?

LE PRESIDENT: Parlez quelques minutes.

M. BURNS: Le deuxième paragraphe de l'article 85, en vertu duquel le député de Lafontaine a fait sa motion, se lit comme suit: "Cette motion ne peut provoquer qu'un débat restreint au cours duquel le proposeur peut parler dix minutes..." Là, je pense qu'il est clan-que, même s'il a parlé sur ma motion, il a dix minutes pour expliquer la sienne.

LE PRESIDENT: Un instant. Si je suivais le règlement à la lettre, il a parlé, il a donné ses raisons et il s'est rassis. Continuez quand même, je ne serai pas trop sévère.

M. LEGER: Voyez-vous, la raison pour laquelle je me suis rassis, c'est que deux députés ne peuvent parler en même temps. Et le député de Maisonneuve, je voulais m'assurer qu'il appuyait et qu'il avait accepté mon retrait. C'est la raison pour laquelle je me suis assis.

Et maintenant je me suis relevé. D'ailleurs, toute l'allure de ma présentation dénotait jusqu'à quel point je m'interrogeais sur le fait que la motion de renvoi à six mois n'était peut-être pas idéale, en ce sens qu'il se pourrait que ça soit plus urgent que six mois. Peut-être pourrions-nous réellement trouver des moyens à court terme qui permettraient aux juges eux-mêmes d'être consultés pour obtenir immédiatement, et non pas dans six mois, des solutions à leurs préoccupations.

En dedans d'une période plus raccourcie, il serait peut-être possible d'avoir une commission parlementaire immédiate, dans les quinze jours qui suivraient les Fêtes. Elle permettrait à des juges, qui nous ont déjà contactés, qui nous ont donné leur point de vue, de démontrer jusqu'à quel point leur situation est mal foutue, jusqu'à quel point ils sont dans une drôle de situation. La question financière n'est peut-être pas la seule façon d'envisager le rôle du juge au Québec.

Ils auraient peut-être à cette occasion d'une commission parlementaire, réclamée dans un délai très rapproché, en janvier, l'occasion de venir exprimer ce qui se passe à l'intérieur de cette vie qu'un juge a à mener.

Justement, vous savez, il y a des gens qui aiment avoir la compagnie des juges, il y en a d'autres qui sont toujours mal à l'aise avec les juges et il y a tout un monde différent dans lequel il faut se...

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Lafontaine me permet une petite...

M. LEGER: Certainement, pour autant que ce ne soit pas enlevé sur mon droit de parole.

M. CHOQUETTE: ... disons donc, interruption à l'intérieur de son discours? Je dirais que les gens qui se sentent en général mal à l'aise en la présence des juges, ce sont les gens qui ont quelque chose à se reprocher.

M. LEGER: On reconnaît, M. le Président, le manque de largeur de pensées du ministre de la Justice parce qu'il sait fort bien qu'une personne qui a un titre, vis-à-vis d'une personne qui est un peu moins renseignée, une personne effacée, une personne qui est mal à l'aise, un personne ... On va à la cour, et on voit justement des citoyens qui sont accusés d'avoir passé sur un feu rouge, d'avoir fait de la vitesse. Quand le juge arrive, on exige des citoyens: Tout le monde debout! Les gens sont tout énervés et regardent le juge entrer. Une personne qui n'a qu'une petite contravention pour stationnement illégal et qui veut discuter, arrive devant le juge et on lui dit: Coupable ou non coupable? Bien... Coupable ou non coupable? Bien, M. le juge, je vais expliquer... Assoyez-vous, monsieur, là! Alors la personne est tout à coup estomaquée devant l'attitude du juge et si elle ne...

M. CHOQUETTE: Le député de Lafontaine...

M. LEGER: Une autre question aussi brillante? Oui.

M. CHOQUETTE: Je vois que le député de Lafontaine est très accessible aujourd'hui aux questions et aux interruptions. Je constate ce fait et je le félicite d'ailleurs de son attitude. Mais je lui citerai un exemple différent de celui qu'il nous donne, soit cette espèce de justice mécanique, la distribution des amendes pour des offenses ou des infractions à la circulation. S'il va au tribunal des petites créances, il verra une toute autre attitude de la part des magistrats, et là, d'après ce qu'on me dit, justement, la justice est beaucoup plus humaine, détendue et proche des citoyens. C'est justement ce que cette expérience a révélé, à savoir qu'il était possible de rendre la justice beaucoup plus sympathique que cet aspect rébarbatif sur lequel le député de Lafontaine met l'accent dans son intervention.

M. LEGER: Je félicite le ministre justement de nous montrer qu'il y a déjà un secteur du ministère de la Justice qui commence à s'humaniser. Justement, je me demande quand il va pouvoir amener cette humanisation, ce rapprochement des juges avec les citoyens dans tout l'ensemble de l'appareil judiciaire.

M. CHOQUETTE: On fait des efforts.

M. LEGER: Peut-être qu'une commission parlementaire rapide, avec le contact de ces juges, pourrait nous permettre de connaître davantage leurs préoccupations qui sont certainement... s'ils ont atteint ce haut degré de compétence, ce détachement des préoccupations matérielles que nous reconnaissons à certains d'entre eux... de nous donner tous les autres aspects de leur vie quotidienne de juge, du fonctionnement normal de l'appareil judiciaire et venir nous expliquer jusqu'à quel point ils aimeraient avoir une révision complète de la Loi des tribunaux judiciaires.

M. le Président, ce serait une occasion merveilleuse de ne pas régler un problème à la pièce — quand je dis pièce, des pièces de monnaie, ou une pièce du grand problème majeur du rattrapage dans le domaine des lois et des tribunaux judiciaires — une occasion inespérée pour la commission parlementaire d'entendre ces personnes.

M. le Président, il y a quand même différents modes aussi pour déterminer les salaires, à

l'occasion d'une commission parlementaire immédiate plutôt que de laisser trainer en longueur ces choses-là. Pour nous, la situation actuelle ne permet pas d'appuyer l'augmentation de salaire des juges. Nous sommes assurés que c'est un problème important, urgent. Nous avons aussi des amis du côté des juges; de plus en plus ils s'aperçoivent que la justice devrait être améliorée, comme il y a beaucoup de juges qui sont restés quand même dans le même esprit que ceux du parti qui les ont nommés. C'est sûr qu'il y a tout un ensemble de corrections à amener, de correctifs à apporter.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je pense qu'il est important que nous révisions ça peut-être plus rapidement que dans six mois. Entre autres, ce qui m'a frappé dans les arguments du député de Sauvé, c'était justement le fait que chez nous, au Québec, on payait deux fois plus de dépenses, dans le domaine de la Justice, pour les juges, qu'en Ontario, où la population est plus grande, et que la même proportion ou à peu près des dépenses faites par le fédéral étaient faites au Québec comme en Ontario, alors qu'au Québec nous sommes obligés d'en rajouter une portion.

Alors, c'est la raison pour laquelle nous voulons vous demander de retirer ce projet de loi pour qu'on puisse régler d'une façon peut-être plus globale, plus complète, le problème de la situation générale des juges au Québec.

On a parlé aussi du recyclage. Il y a des nouveaux juges qui vont être nommés, et il y a des juges existants qui, depuis longtemps n'ont pas pratiqué. Ils ont été confinés à une certaine juridiction, à une certaine discipline. Il faudrait peut-être leur demander, à cette occasion, comment ils entrevoient, eux qui sont rendus peut-être à un certain âge, embarquer dans un système de recyclage du domaine judiciaire. Et ainsi que le domaine des nouveaux juges qui pourraient être...

LE PRESIDENT: J'aimerais bien que vous parliez de la motion de retrait. C'est un débat de deuxième lecture.

M. LEGER: La raison, M. le Président, c'est que six mois c'est peut-être trop long, et on veut avoir une réponse plus rapprochée, étant donné l'urgence avec laquelle le ministre nous a présenté ce projet de loi-là. Cela fait trois fois qu'il nous le présente et ce n'est pas encore passé. Je présume qu'un jour ou l'autre il faudrait le passer. H faut avoir les informations nécessaires et on propose que ce soit fait plus rapidement. Si, par hasard, la motion de retrait que je fais était battue, à ce moment-là vous serez obligés de voter pour la motion qui a précédé, parce que, là au moins, c'est certain que dans six mois on aura réglé le problème. Nous, on propose au gouvernement de régler le problème de façon peut-être plus rapide, et c'est la raison pour laquelle je me sens d'avance obligé de demander — et c'est...

M. MALOUIN: Une affaire honnête.

M. LEGER: ... ce que j'ai demandé au député de Maisonneuve — le retrait de sa motion, pour nous permettre de trouver une solution plus rapide au problème. D'ailleurs, je remercie le député de Maisonneuve de sa coopération et sa compréhension parce que c'est un spécialiste du domaine judiciaire et maintenant je...

M. MALOUIN: Yakety Yak. M. LEGER: ... vais voir si...

M. BURNS: Je vous ai donné la permission de faire votre motion, cela ne veut pas dire que je vais voter pour.

M. LEGER: Nous allons voir tantôt la gentillesse, la coopération qu'il y a dans le parti. Il m'a donné la permission de la retirer et nous verrons s'il va voter pour ou contre.

M. BURNS: J'ai donné la permission de faire la motion, M. le Président.

M. MALOUIN: C'est bien le seul qui manifeste de la coopération.

M. LEGER: Nous allons voir si les membres du Parti libéral vont voter pour ou contre cette motion de retrait. De toute façon, par la suite nous verrons si nous allons procéder avec la motion de six mois. M. le Président, respectueux du règlement comme je le suis et parlant toujours dans le corridor de pensée que me permet ce règlement, je vais maintenant permettre aux députés de l'Opposition d'accepter ou de refuser ce retrait.

M. CHOQUETTE: Je demande le vote tout de suite, M. le Président.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, avant le vote, je pense, en vertu du deuxième paragraphe, que j'ai le droit de m'exprimer en tant que leader d'un parti reconnu. Je vous soumets respectueusement que si on lit le deuxième paragraphe de l'article 85, on voit que "cette motion ne peut provoquer qu'un débat restreint — il y a un débat restreint, M. le Président — au cours duquel le proposeur peut parler dix minutes et exercer un droit de réplique de même durée, après que — un droit de réplique — les représentants des partis reconnus d'Opposition se sont fait entendre pendant une durée d'au plus dix minutes chacun."

Je m'explique. La motion qui a été faite... C'est pour cela, tantôt, que je tenais à dire que c'est ma permission qu'il a eue de présenter sa motion.

LE PRESIDENT: Bon, parlez donc vos dix minutes. Je vous l'accorde.

M. BURNS: D'accord, M. le Président.

LE PRESIDENT: On ne fera pas la guerre de l'horloge.

M. BURNS: D'accord. M. le Président, le député de Lafontaine m'avait consulté, comme je l'ai mentionné tantôt, avant de faire sa motion et nous nous demandions, tout au cours de ce débat — moi-même d'ailleurs — si l'Opposition que nous semblons voir poindre à l'horizon gouvernemental à notre motion ou à la motion que j'avais formulée n'était pas sur une question de durée de ma motion. Quand je parle de la durée de ma motion, je veux dire la durée que j'impose dans ma motion, c'est-à-dire une deuxième lecture reportée à six mois.

Je n'ai pas entendu beaucoup d'interventions du côté gouvernemental sur ma motion, mais j'étais dans le doute, sentant là une espèce d'opposition à savoir si la durée de six mois n'est pas, en fait, la première raison de son opposition, qu'encore une fois je sens, de sorte que j'accepterai de voter pour la motion que vient de faire le député de Lafontaine, même si elle a pour effet d'envoyer la mienne au panier, pour des raisons pratiques.

C'est que je me dis: Si cette motion n'est plus dans le chemin, si la motion de reporter la deuxième lecture à six mois est écartée, il n'y a donc plus de motion d'amendement de la motion principale de deuxième lecture. Donc, le règlement qui nous dit qu'une seule motion peut être faite à la motion de forme qui est assimilée à une motion de fond d'adopter la deuxième lecture, cette règle qui m'empêche de faire un autre amendement ou un autre sous-amendement n'existe plus, puisqu'il n'y aurait plus de motion.

Ceci aurait comme avantage de nous permettre, une fois que la motion de retrait aura été adoptée — j'espère bien que le gouvernement votera avec nous là-dessus — une fois qu'on aura écarté la motion que j'ai faite de reporter la deuxième lecture à six mois, nous pourrions peut-être — et je serais même prêt à consulter le ministre de la Justice à l'heure du dîner là-dessus — nous pourrions peut-être formuler une deuxième motion, qui en fait deviendrait la première puisque l'autre serait retirée, qui risquerait d'aller chercher le consentement du gouvernement.

Encore une fois, si l'objection gouvernementale à ma motion est basée sur le fait que le délai est trop long quant au report de la deuxième lecture à six mois, on pourrait même envisager de faire une seconde motion qui deviendrait, comme je le disais tantôt, pour la raison du retrait, une première motion, de reporter la deuxième lecture, non pas à six mois, mais seulement à trois mois. Si la motion qui est actuellement l'objet de la motion de retrait du député de Lafontaine était amendable, de par notre règlement, j'aurais procédé de cette façon. J'aurais même suggéré à un de mes collègues qui a encore le droit de parole sur ma motion de l'amender en changeant les mots "six mois" par les mots "trois mois". Mais le règlement me l'interdit. Tout le monde sait que c'est absolument impossible d'amender la motion ou de sous-amender la motion d'amendement à la motion de deuxième lecture, de sorte que le seul moyen que nous ayons pour tenter de faire comprendre, une dernière fois, au ministre de la Justice et à nos collègues ministériels d'en face qu'il serait peut-être utile de se pencher sur ce problème des juges très sérieusement... Comme je l'ai dit dans mon intervention de deuxième lecture qui a justifié la motion qui est actuellement l'objet d'une motion de retrait, il est important pour la population qu'on sache qu'on a vraiment examiné le dossier des salaires et revenus des juges.

Or, si six mois, c'est trop long, et si ces messieurs les juges sont trop pressés pour obtenir leur augmentation de salaire, laquelle, soit disant en passant, comme l'a dit un autre collègue, sera de toute façon rétroactive à deux ans en arrière à peu près, bien, à ce moment-là, on dit: Pour ne pas choquer les susceptibilités, il y aurai peut-être lieu de nous imposer à nous-mêmes un autre délai plus court tout en assurant le même but que ma motion. C'est pourquoi je voterai en faveur de la motion du député de Lafontaine, car elle est dans le même sens, elle ne contredit pas carrément le fond de la motion. Et, après avoir bien écouté le député de Lafontaine, je vois que, par ses motifs, il vise le même but que la motion que j'avais formulée à l'endroit de la motion de deuxième lecture. De la sorte, j'inviterai mes collègues et également le gouvernement à voter en faveur de la motion que le député de Lafontaine a formulée, même si, dans le fond, j'ai l'air de détruire ma propre motion. Comme je l'ai mentionné tantôt, cela ne la détruit pas, cela la perfectionne et cela la rend peut-être plus acceptable au gouvernement.

A ce moment-là, on aura tout le loisir, durant les mois qui viendront, les trois mois qui viendront, d'examiner ce dossier. Alors, pour ces raisons et en tant que leader du Parti québécois, nous voterons en faveur de la motion du député de Lafontaine.

UNE VOIX: Vote.

LE PRESIDENT: Vote?

DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a un vote enregistré?

M. BURNS: Un vote enregistré, s'il vous plaît.

Reprise de la séance à 15 h 4

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

Décès d'un employé de l'Assemblée nationale

M. BIENVENUE: M. le Président, j'apprenais ce midi, comme d'autres membres de cette Chambre, le décès malheureux de M. Walter Mitchell, employé de l'Assemblée nationale qui est survenu devant le parlement. Je prie la famille au nom des membres de l'Assemblée nationale d'agréer l'expression de nos plus sincères condoléances.

M. BURNS: M. le Président, je l'apprends à l'instant même, nous avions appris l'incident mais je tiens à joindre mes condoléances et celles de mon parti à celles que vient d'exprimer le député de Crémazie. C'est évident que nous avons connu M. Mitchell; il nous a été utile à de nombreuses reprises de sorte que nous nous sentons d'autant plus touchés de ce départ subit. M. le Président, nous joignons nos condoléances à celles du gouvernement.

M. ROY: M. le Président, on me permettra à mon tour, étant donné que j'apprends à l'instant même l'affreuse nouvelle, de joindre ma voix à celle de mes deux prédécesseurs pour exprimer à cette famille nos plus vives condoléances. M. le Président devant des nouvelles aussi renversantes, on ne peut faire autrement que penser que la vie tient, à quelques exceptions près, à un fil seulement. Devant des événements aussi tragiques, je veux exprimer, au nom de mon parti, mes plus vives condoléances à l'endroit de tous ses parents, tous ses amis, tous les membres de sa famille.

Reprise du débat sur l'amendement de M. Burns.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: Alors, M. le Président, après cette nouvelle, il est difficile d'intervenir dans ce débat, mais comme vous le savez, nous avons un projet de loi extrêmement important à discuter et nous, du Parti québécois, ne nous en cachons pas, nous avons décidé de nous opposer jusqu'à la dernière limite de nos énergies à ce projet de loi parce que nous constatons tout simplement que c'est un mauvais projet de loi; c'est un projet de loi qui a été certainement présenté à un mauvais moment et il nous faut continuer cette lutte.

Je veux, pendant les quelques minutes que

LE PRESIDENT: Bien non, vous n'êtes pas cinq.

A l'ordre, messieurs! Est-ce que vous êtes prêts à voter? Prenez vos sièges, s'il vous plaît.

Votre sur la motion de M. Léger

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de retrait de l'honorable député de Lafontaine veuillent bien se lever, s'il vous plait.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaft.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Choquette, Garneau, Goldbloom, Quenneville, Bienvenue, Massé, Houde (Abitibi-Est), Giasson, Perreault, Brown, Kennedy, Lamontagne, Brisson, Houde (Limoilou), Ostiguy, Picard, Dionne, Faucher, Springate, Bellemare.

LE PRESIDENT: Vous ne pouvez pas entrer dans la salle durant le vote, je m'excuse.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Boudreault, Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon, Denis, Déziel, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Samson.

LE SECRETAIRE: Pour: 4 Contre: 37

LE PRESIDENT: La motion est rejetée. Nous revenons à la motion. Qui a le droit...

M. LESSARD: M. le Président, je demande la suspension du débat sur la motion du député de Maisonneuve.

LE PRESIDENT: Je vous accorderai la parole après la suspension des travaux. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

j'ai, appuyer la motion du député de Maisonneuve, même si j'aurais appuyé — et d'ailleurs nous avons voté en faveur de la motion — une autre motion suite au retrait qu'on avait demandé de la motion du député de Maisonneuve. Nous aurions pu appuyer une motion, par exemple, de renvoi à trois mois. Puisque c'est tellement urgent, nous aurions été prêts à nous rallier, en fait, à une motion de renvoi à trois mois afin de permettre justement d'entendre les témoins et de réfléchir sur les conséquences de ce projet de loi.

Cependant, M. le Président, je dois me rallier à la motion du député de Maisonneuve et je voudrais baser mon argumentation sur deux points particuliers. D'abord, je voudrais rappeler certaines discussions de 1969 au moment où le Parlement a eu à discuter de l'augmentation du salaire des juges.

M. le Président, il y a aujourd'hui, dans ce Parlement, certains députés libéraux, comme d'autres députés qui ont eu à discuter de ce projet de loi, qui justement était à peu près semblable à celui que nous présente le ministre de la Justice actuellement pour augmenter le salaire des juges de $5,000. Le député de Fabre avait fait à cette occasion certaines remarques extrêmement pertinentes, qui rejoignent la nécessité d'accepter la motion que nous propose le député de Maisonneuve.

En 1969, le député de Fabre aussi demandait au gouvernement de l'Union Nationale du temps de retarder à six mois la lecture de ce projet de loi. Sur quelle argumentation le député de Fabre se basait-il pour demander le rejet à six mois? Il disait ceci, M. le Président: "Comme cela a été dit auparavant, je pense bien qu'actuellement, puisque tout le monde — le gouvernement en tête, à peu près à l'unanimité dans le monde des affaires, dans le monde de l'industrie et du commerce — prêche l'austérité. Je pense, quant à moi, quand on connaît en tout cas ceux qui vivent dans des quartiers comme là où nous vivons, étant donné le chômage, étant donné les difficultés pour nos finissants de CEGEP et même nos finissants au niveau universitaire de se trouver de l'emploi, je pense que le temps est mal choisi, mal venu, actuellement, d'accorder une augmentation de salaire, non pas à un ou à deux juges", mais à l'ensemble des juges.

M. le Président, nous autres aussi, nous disons que le temps est mal choisi. Nous autres aussi, nous disons que l'Assemblée nationale, quelques semaines avant le jour de Noël, n'est pas là pour donner des cadeaux. L'Assemblée nationale continue encore, même à quelques semaines de Noël, à administrer les deniers publics et les deniers publics, comme ce gouvernement-là nous le prêche depuis trois ans et demi — mais il nous le prêche en paroles et non pas en pratique — doivent être administrés avec une certaine austérité.

Je continue avec les remarques du député de Fabre: "Je termine tout simplement — disait-il en 1969 — en demandant en tout cas au gouvernement — qui était le gouvernement de l'Union Nationale du temps — et cela a été fait dans d'autres cas. Je ne vois pas pourquoi, puisqu'on l'a fait dans d'autres cas pour des lois quand même tout aussi importantes que la loi qui est devant nous, on ne puisse pas retarder à une autre session. Peut-être que d'ici ce temps-là l'essor économique du Québec, avec — et cela, on peut en douter actuellement — les politiques du ministère de l'Industrie et du Commerce que nous entreprendrons très bientôt, va s'améliorer. "A ce moment-là — si la loi est reportée à six mois, à un an comme le demande d'ailleurs dans cette motion le député de Maisonneuve — selon le contexte de l'actualité, nous pourrions changer d'opinion et voter avec grand plaisir cette augmentation aux juges. D'ici ce temps-là — disait encore le député de Fabre — je partage l'opinion d'autres collègues. Que les juges fassent comme tout le monde, se serrent un peu la ceinture, continuent de travailler de neuf heures à cinq heures et nous en serons tous plus contents et plus heureux. Lorsqu'un jour arrivera leur augmentation de salaire, eux aussi l'auront au moins méritée doublement peut-être; ils en seront très fiers. Quant à moi, s'il y a vote, je voterai contre ce projet de loi actuellement."

M. le Président, ces paroles du député de Fabre en 1969, je les fais miennes. Je devrai voter contre ce projet de loi, si notre motion de renvoi à six mois n'est pas acceptée. Cependant, contrairement au député de Fabre qui s'était prononcé contre l'augmentation des salaires des juges et qui n'avait pas voté contre elle, quant à moi, soyez assuré que je me prononce contre elle et que je voterai contre elle.

Un autre représentant de la loyale Opposition officielle de Sa Majesté en 1969 s'était aussi prononcé contre l'augmentation des salaires des juges et justifiait justement la motion du député de Maisonneuve de renvoi à six mois. Malheureusement, encore là, après s'être prononcé contre, malheureusement le député du temps, qui est actuellement ministre des Affaires municipales, avait voté pour l'augmentation des salaires des juges.

Voici ce que disait, à ce moment-là, le ministre actuel des Affaires municipales, M. Victor Goldbloom. "Je n'exprime pas d'opinion — disait-il — sur l'augmentation des salaires quoique je doive dire que si j'étais membre du gouvernement j'aurais un peu de mal à expliquer au public comment, lundi et mardi de cette semaine, on a refusé aux assistés sociaux une augmentation suffisante de leur allocation alors que mercredi on a proposé des augmentations importantes à nos juges."

M. le Président, je vois arriver le ministre des Affaires municipales, M. Goldbloom. Justement, le ministre actuel des Affaires municipales s'était opposé, en tout cas en paroles, à l'augmentation des salaires des juges. Malheureusement, après avoir fait les vérifications

nécessaires, j'ai pu constater que le ministre actuel des Affaires municipales avait voté pour l'augmentation. Outre ces deux personnes que j'ai citées, soit le ministre actuel des Affaires municipales et le député actuel de Fabre, d'autres députés s'étaient prononcés officiellement contre l'augmentation des salaires des juges et avaient demandé, exactement dans le sens de la motion que nous présente le député de Maisonneuve, un renvoi à six mois afin d'étudier plus amplement cette question de salaires. Il s'agissait d'un député de l'Union Nationale, M. Jérôme Proulx, qui, comme on le sait, a continué au moins dans la même ligne de pensée. Il nous donnait, comme travail, comme mandat, dernièrement à l'Assemblée nationale, suite à un mandat que l'exécutif avait voté, de nous battre contre l'augmentation des salaires des juges. De la même façon, moi, comme député d'un comté de travailleurs, député d'un comté d'ouvriers, j'ai reçu le mandat de mon exécutif, suite à une consultation lors d'une réunion générale, de me battre jusqu'à la dernière énergie contre l'augmentation des salaires des juges.

D y avait aussi l'ex-député de Bourassa, M. Georges Tremblay, qui s'était battu contre l'augmentation des salaires des juges. Il y avait aussi là le regretté député de Saint-Laurent, qui, comme on le sait, à quelques reprises, a pris position, l'ex-député.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais interrompre le député de Saguenay, s'il me le permet, pour une rectification. L'ex-député de Saint-Laurent n'est pas mort. Pourquoi parler du regretté?

M. LESSARD: Non, non, je parle, M. le Président...

M. LEGER: Sur un point de règlement M. le Président. Le député de Saguenay n'a pas donné l'autorisation au ministre de lui poser une question. Deuxièmement, quand le député de Saguenay a parlé du regretté, il regrettait que la personne ne soit pas encore ici et que le Parti libéral l'ait rejetée.

M. LESSARD: Je ne pense pas, M. le Président, que...

M. CHOQUETTE: Je voudrais que le député de Saguenay...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Alors, lorsque je parle du regretté ex-député de Saint-Laurent, je parle au niveau de l'Assemblée nationale. Je pense que le député de Saint-Laurent aurait pu, lui qui avait une certaine franchise, intervenir dans ce débat et faire valoir certaines revendications que, nous, nous faisons valoir ici, que nous faisons valoir auprès du ministre de la Justice.

Je regrette, M. le Président, mais on m'informe que mon temps s'écoule. J'aurais voulu utiliser les paroles même du ministre de la Justice pour faire valoir encore la motion du députéde Maisonneuve.

Motion de M. Lessard

M. LESSARD: Mais je termine en utilisant l'article 77 du règlement, qui dit ceci: "Une motion non annoncée d'ajournement du débat peut être faite en tout temps", etc. Alors, pour permettre à ces députés que j'ai cités tout à l'heure et, en particulier, le ministre actuel des Affaires municipales et le député de Fabre de réfléchir un peu sur les conséquences de ce projet de loi et les conséquences, en particulier, de la motion du député de Maisonneuve, je propose une motion d'ajournement du débat.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un veut parler sur cette motion?

M. BURNS: On laisse la priorité au gouvernement, M. le Président.

M. VEILLEUX: II n'a rien à dire. On vote contre.

DES VOIX: Vote.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous êtes prêts à vous prononcer par vote? L'honorable...

M. BURNS: Bien non, M. le Président. S'il n'y a personne qui veut parler de l'autre côté, moi, je suis bien...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: ... prêt à dire...

M. DESJARDINS: Une question de règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Louis-Hébert, sur une question de règlement.

M. DESJARDINS: En vertu de l'article 77 du règlement, un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes. Or, en droit parlementaire, celui qui annonce une motion est considéré comme ayant parlé sur cette motion. L'honorable député de Saguenay ayant déjà parlé, le parti reconnu, le Parti québécois, a donc épuisé son droit de parole sur la motion.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Hier soir,...

M. BURNS: ... des affaires de même.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... je crois que nous avons longuement discuté de ce sujet.

M. BURNS: Oui. Le député de Louis-Hébert n'était pas là.

M. DESJARDINS: Oui, j'étais là,...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La décision...

M. DESJARDINS: ... je m'excuse.

M. BURNS: Vous n'étiez pas là, certain.

UNE VOIX: II n'a rien compris.

M. BURNS: Ou bien il n'a rien compris.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Ou bien il était trop préoccupé à préparer la succession du ministère de la Justice et cela le dérangeait.

M. DESJARDINS: Vous êtes méchant!

M. BURNS: En tout cas, on en reparlera plus tard. D'ailleurs, on ne l'a pas oublié votre petit bout de phrase, vous savez. Restez dans le bout, cela va être le "fun".

UNE VOIX: La motion !

M. BURNS: Restez dans le bout, cela va être le "fun".

M. CHOQUETTE: ... si vous voulez que je reste...

M. BURNS: Moi, je vous avoue qu'au moins, vous, je vous connais. J'aime bien mieux que vous restiez.

M. DESJARDINS: Moi aussi.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, je ne sais pas si cela va créer un précédent ou si cela va être mal compris, l'intervention que je fais. C'est au nom de l'Opposition que je réponds à la motion du député de Saguenay, même s'il fait partie du même groupement politique que moi. Mais je vous avoue que ma première réaction est de me poser la question, à savoir s'il est véritablement utile, à ce stade-ci, que le député de Saguenay fasse la proposition qu'il vient de faire.

Je reste quand même au niveau de la question, M. le Président. Je ne dis pas que je suis carrément opposé à ce que dit le député de Saguenay mais je suis dans un doute tel, M. le Président, que je devrai probablement voter contre la motion du député de Saguenay.

DES VOIX: Farceur! DES VOIX: Scission!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. VEILLEUX: De la zizanie!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve. A l'ordre ! s'il vous plaît !

M. VEILLEUX: C'est de la zizanie.

M. BURNS: M. le Président, il est bien évident qu'il y a plusieurs membres de la Chambre qui ne savent pas ce qui se passe !

UNE VOIX: Comique!

M. BURNS: Ils peuvent continuer à crier à la scission aussi longtemps qu'ils le voudront, M. le Président. Cela ne m'en fera pas moins sourire.

M. CHARRON: Ils comprendront bien un jour.

M. BURNS: Ils comprendront dans quelques jours, peut-être dans quelques semaines.

M. le Président, j'étais à dire, lorsqu'on m'a crié à la scission...

M. LEGER: On a enlevé deux minutes de ton temps.

M. BURNS: ... et qu'on m'a enlevé du temps de parole, tout simplement ceci, que je ne crois pas, avec les arguments que, jusqu'à maintenant, le député de Saguenay nous a donnés, qu'il serait opportun d'adopter une motion d'ajournement du débat.

Je n'ai tout simplement comme raison, pour appuyer mon intervention, qu'à citer deux cas. Jusqu'à maintenant, si je comprends bien, tous les députés qui voulaient s'exprimer sur la motion que j'ai formulée, ont pu le faire, c'est-à-dire la motion qui demande de reporter à six mois l'étude du projet de loi en deuxième lecture. Je n'ai pas entendu quelque député que ce soit s'exprimer sur cette motion, du côté ministériel.

Il semble que seulement les membres de l'Opposition officielle et quelques autres ont désiré se prévaloir de ce droit.

Donc, il est à présumer jusqu'à maintenant que les députés ministériels n'ont pas voulu, ne

veulent pas se prévaloir de leur droit de parler sur ma motion d'ajournement à six mois du débat de deuxième lecture.

Je présume également la même chose relativement aux députés du Parti créditiste, ce qui est parfaitement leur droit d'ailleurs. Je ne blâme personne ni d'un côté ni de l'autre, de ne pas s'être exprimé là-dessus.

En admettant que ma présomption est valable, que ni un député ministériel, ni un député du Parti créditiste ne veuille se prononcer sur la motion que j'ai proposée, ça veut dire, à toutes fins pratiques, que si la motion du député de Saguenay était adoptée dans les quelques minutes qui suivent, tout le débat — le débat est limité à ma motion, mais entraîne également la motion principale — sur l'augmentation de salaire des juges, donc sur le projet de loi no 8, serait ajourné.

A quand? Je ne le sais pas. A quand? Je n'ai plus l'initiative de décider à quel moment ça reviendra. Le député de Saguenay est le dernier intervenant pour l'Opposition officielle. S'il y avait un vote sur ma motion, on reviendrait à la motion principale, c'est-à-dire la motion demandant la deuxième lecture du projet de loi no 8.

Evidemment, je m'attends à ce que, du côté gouvernemental, on vote contre ma motion. Leur silence est tellement éloquent. Je présume qu'on va voter contre. C'est pas pire, mes déductions, M. le ministre? Je n'ai pas tort quand je dis que vous allez voter contre? Bon. Je pensais bien ça.

C'était d'ailleurs pour cette raison que, ce matin, le député de Lafontaine tentait d'amadouer nos amis d'en face en disant: Peut-être que six mois c'est trop long, on va le réduire éventuellement à trois mois si vous nous permettez de retirer notre motion.

Cela a déjà été réglé, donc, je n'en parlerai pas. Mais il reste qu'au niveau de la discussion de la motion de deuxième lecture qui est devant nous actuellement il y a au moins un député de l'Opposition officielle qui ne s'est pas exprimé.

Le député de Saint-Jacques désire s'exprimer le plus vite possible parce qu'il a énormément de choses à nous dire là-dessus. Je suis sûr que le ministre de la Justice et que les députés ministériels vont avoir — parce que le député de Saint-Jacques m'a parlé un peu de la substance de son discours— à réfléchir à la suite de ce discours. Je suis sûr également que le député de Beauce-Sud, ou le député de Rouyn-Noranda, s'ils se joignent à nous, voudront peut-être parler sur le projet de loi en deuxième lecture. Peut-être que c'est le moment où ils ont choisi de le faire. En tout cas, en ce qui concerne le député de Saint-Jacques, je pense que c'est cet après-midi qu'il voulait s'exprimer à ce sujet.

M. le Président, avec toute la bonne foi que je reconnais à la proposition du député de Saguenay, sachant qu'il veut, tout simplement, donner encore plus de temps aux députés ministériels pour réfléchir à cet ensemble de situations qu'on a exposées devant la Chambre depuis deux jours, je pense qu'il s'est dit que, peut-être, ce serait utile d'ajourner le débat purement et simplement pour qu'on pense à cette affaire-là soit jusqu'à demain ou soit jusqu'à lundi ou soit jusqu'à mardi. Cela, je ne le sais pas, car je ne suis plus en communication directe avec le leader du gouvernement; il y a quelqu'un qui a coupé la ligne quelque part. Avec le député de Saguenay, je suis en communication directe, mais avec le leader du gouvernement, je ne suis pas en communication directe; c'est ça que je disais. Je ne sais pas quels peuvent être ses projets, à ce leader du gouvernement, à savoir s'il veut nous faire siéger ce soir, demain, lundi, ce que sa fameuse motion permet... dimanche ce n'est pas possible. J'ai lu sur les lèvres du député de Bourassa qu'il disait dimanche, mais ce n'est pas possible d'après notre règlement.

Ne sachant pas cela, M. le Président, et sachant qu'il y a une possibilité que la Chambre ajourne dans les heures, peut-être même dans les minutes qui vont suivre — je ne le sais pas, je l'ignore — jusqu'à lundi ou mardi ou jusqu'à demain, je préférerais que le député de Saint-Jacques, tout au moins quand nos droits de parole auront été utilisés sur la motion que j'ai proposée qui voudrait reporter le débat de deuxième lecture à six mois, ait la possibilité de s'exprimer. Maintenant, je suis prêt à admettre que le député de Saguenay a peut-être de très bonnes raisons pour tenter de me convaincre de changer mon vote, parce que, jusqu'à maintenant, je vous dis, M. le Président, que ma tendance est de voter contre la motion du député de Saguenay; c'est ma première tendance, pour les raisons que je viens de vous exposer. Peut-être que le député de Saguenay aura de bonnes raisons à nous donner. En réplique à l'intervention que je fais actuellement, peut-être qu'il pourra nous dire pourquoi je dois accepter cette motion d'ajournement du débat. J'ai compris déjà que ce qu'il voulait, c'était faire réfléchir un certain nombre de gens en face de nous. Est-ce que mon temps achève, M. le Président?

UNE VOIX: Douze minutes.

M. BURNS: II achève, M. le Président, j'ai été obligé de répondre...

DES VOIX: C'est fini.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Trente secondes.

M. BURNS: ... galamment au député de Bourassa qui m'a fait des signes de lèvres. M. le Président, il a fallu que je lui réponde.

DES VOIX: Hé! Hé!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Quelques secondes.

M. BURNS: J'ai lu sur ses lèvres. Je dis, tout simplement, qu'au stade où j'en suis j'aurais tendance à voter contre la motion du député de Saguenay. J'aimerais qu'il m'explique plus profondément pourquoi il croit que le débat doit être ajourné, parce que, jusqu'à maintenant, je n'ai rien entendu dans ce qu'il a dit qui me motiverait à voter en faveur de sa motion.

DES VOIX: Vote!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique du député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je ne suis pas offusqué...

M. BIENVENUE: J'invoque le règlement. Dois-je comprendre, M. le Président — j'aimerais avoir de vous une directive à cet effet — que l'esprit de notre règlement est tel que le droit de réplique puisse jouer dans le cas où un membre du même parti reconnu a parlé avant, accordant ainsi un droit de réplique au proposeur du même parti?

M. BURNS: Sur la question de règlement, M. le Président, est-ce que je peux dire, tout simplement, un mot? Ce seront vraiment quelques mots. M. le Président, je me réfère à votre décision d'hier. Je ne sais pas si c'était vous, comme député en particulier, qui occupiez le fauteuil, mais, vu la permanence de ce fauteuil, je reconnais que c'est vous qui avez rendu cette décision. Une décision a été rendue en notre faveur, qui était bien claire là-dessus, je pense, et qui nous dit qu'il n'y a pas de droit de réplique si tout le monde se manifeste d'accord. Alors, je vous manifeste d'avance mon désaccord et je serais intéressé à savoir pourquoi je devrais changer mon idée. C'est possible que j'aie à changer d'idée à la suite de la réplique, prévue à l'article 101, du député de Saguenay. Pour le moment, je vous avoue que ma tendance est de voter contre cette motion.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En accordant le droit de réplique, tout à l'heure, au député de Saguenay, je reconnais comme recevable ce droit de réplique, en vertu de décisions rendues hier.

M. LESSARD: M. le Président, soyez assuré que je ne suis aucunement offusqué du fait que mon collègue de Maisonneuve s'interroge encore sur la motion que j'ai présentée. D'ailleurs, vous, M. le Président, qui venez d'un comté à l'extérieur de Montréal, vous comprendrez ma situation. Je suis encore "pogné", M. le Président, avec cinq députés de Montréal, puis un député qui représente le reste du Québec. Je devrais dire quatre, étant donné que mon collègue de Chicoutimi est absent, M. le Président. J'ai tenté un peu, au cours des quelques minutes pendant lesquelles nous avons dîné ensemble, de convaincre de la nécessité de ce projet de loi mon collègue de Maisonneuve, mais il y avait encore un certain nombre d'arguments auxquels je veux ici répondre.

D'abord, il y a une chose sur laquelle on doit être d'accord. Pour moi, lorsque je propose l'ajournement du débat, il ne s'agit pas de faire perdre le droit de parole à mon collègue de Saint-Jacques. Je sais que mon collègue de Saint-Jacques a des choses importantes à dire concernant ce projet de loi et je sais que les 102 députés libéraux, en tout cas ce qu'il en reste, sont extrêmement intéressés à entendre l'intervention du député de Saint-Jacques et à connaf-tre l'argumentation du député de Saint-Jacques concernant la motion principale.

Il ne s'agit pas non plus de faire perdre le droit de parole à nos collègues et amis du crédit social. Je sais que ces gens-là aussi ont certaines choses à faire valoir auprès des députés libéraux, à faire valoir auprès du ministre de la Justice. Donc, cette motion-là n'a pas pour but d'enlever le droit de parole à quiconque dans cette Chambre veut intervenir sur la motion principale.

Lorsque je demande, en vertu de l'article 77, une motion d'ajournement du débat, c'est que je constate qu'il s'agit d'une loi importante. Je constate qu'il s'agit d'une loi qui a des conséquences sur d'autres secteurs de la société québécoise, en particulier, par exemple, dans toute la politique salariale du gouvernement québécois. Je constate qu'il y a aussi des relations entre le décision que nous allons prendre aujourd'hui et la politique salariale du ministère des Affaires sociales concernant les médecins, comme on en a discuté hier.

Je constate que cette loi peut avoir des conséquences, comme nous le soulignait d'ailleurs en juillet dernier le ministre de la Justice, énormes sur le recrutement des juges, sur toutes les conditions sociales de la vie des juges. Je me dis: Cette loi est importante, cette loi est sérieuse, et je pense que c'est probablement une loi sérieuse. Je me dis que tous et chacun d'entre nous, après avoir accepté la motion du leader du gouvernement qui nous oblige à siéger pendant quatorze heures par jour, devrions peut-être discuter beaucoup plus sereinement de ce projet de loi. Nous avons peut-être besoin, chacun d'entre nous, non seulement de nous reposer mais, comme je l'ai souligné tout à l'heure, de relire certains débats.

Nous pourrions accepter d'ajourner le débat jusqu'à mardi prochain. Peut-être que nos collègues libéraux n'ont pas eu l'occasion de lire les Débats de l'Assemblée nationale du 4 décembre 1969, Débats dans lesquels certains députés libéraux, comme je le soulignais tout à l'heure, l'ex-ministre des Affaires municipales, le député de Fabre, ont pris position contre l'augmentation des salaires des juges. Peut-être que certains députés libéraux n'ont pas lu ces Débats et peut-être que cette période leur permettrait — là, j'en appelle à mon collègue de Maisonneu-

ve — non seulement se reposer mais de voir quelles étaient les positions, en 1969, du ministre actuel des Affaires municipales, du député de Fabre et d'autres ex-ministres dont, par exemple, un ministre qui est juge actuellement, M. Bernard Pinard, qui s'opposait à l'augmentation des salaires des juges.

M. le Président, d'après ce que je vois, en particulier sur le code des loyers, il semble que le ministre de la Justice n'ait pas reçu l'appui de ses collègues.

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, les députés libéraux semblent avoir reproché au ministre le fait qu'ils n'aient pas été consultés en ce qui concerne ce projet de loi, qu'une quantité de projets de loi ont été soumis à l'Assemblée nationale sans que les libéraux soient consultés en caucus.

Peut-être que c'est un projet de loi sur lesquels les 102 députés libéraux n'ont pas eu l'occasion de faire valoir véritablement leurs propositions. Je ne dois pas prononcer les noms, mais je dois dire que depuis hier soir beaucoup de députés libéraux, en tout cas, quelques-uns, pas beaucoup, mais quelques députés libéraux...

DES VOIX: Rien qu'un...

M. LESSARD: M. le Président, tout ce qui se discute à l'extérieur de la Chambre entre un député du Parti québécois et un député libéral, si on veut être "fair play", doit demeurer secret. Mais, M. le Président, je sais que quelques députés libéraux ont encore les mêmes opinions en 1973 qu'un certain nombre de député libéraux en 1969. Ces députés, peut-être d'ici la fin de semaine, auraient l'occasion d'avoir un caucus convoqué, par exemple, par le député des Iles-de-la-Madeleine. Ils pourraient y exprimer leur opinion, ils pourraient relire les différentes possibilités qu'offrait le ministre de la Justice, le 6 juillet 1973, concernant le paiement ou l'évaluation du salaire des juges.

Il y avait un certain nombre de possibilités. Il y avait en particulier la nomination d'un conseil consultatif. En lisant ces documents, en lisant l'intervention du ministre de la Justice — les députés libéraux et même nous, du Parti québécois — ces députés vont probablement constater qu'il serait nécessaire d'accepter la motion; c'est justement pour favoriser la motion du député de Maisonneuve que j'ai proposé l'ajournement du débat. Ces députés pourraient prendre conscience qu'il est nécessaire d'accepter la motion du député de Maisonneuve pour faire entendre, par exemple, les membres du conseil consultatif qui a été nommé par le ministre de la Justice; en tout cas cela nous a été annoncé en date du 6 juillet 1973. Sans doute y a-t-il eu un rapport concernant les différentes modalités de paiement des salaires des juges. Je ne sais pas si ce rapport a été déposé, je pense que le chef parlementaire du Parti québécois a demandé hier le dépôt de ce rapport. Mais moi, je voudrais que ces gens soient interrogés. Je suis assuré que, lorsque les députés libéraux liront cette intervention très pertinente, très intelligente, très perspicace du ministre de la Justice, un certain nombre de questions vont se soulever dans leur tête, des questions que, aujourd'hui, ils ne se posent pas. Ds sont habitués à chaque fois d'accepter comme ça les projets de différents ministres, de rester assis sur leur siège et de ne pas intervenir, parce qu'on les a avertis d'intervenir seulement lorsque le parti au pouvoir le leur permettra.

M. le Président, je voudrais, en terminant, convaincre mon collègue, le député de Maisonneuve, qu'il ne s'agit pas du tout de faire perdre leur droit de parole soit à mon collègue le député de Beauce-Sud ou à mon collègue de Saint-Jacques. Je suis assuré que l'un et l'autre de ces collègues ont des choses très importantes à dire.

Mais, peut-être que, mardi prochain, lors de la reprise du débat, les esprits seront plus sereins, les corps seront plus reposés, et je suis assuré qu'à ce moment-là les députés libéraux accepteront la motion de reporter à six mois l'adoption de ce projet de loi, faite par le député de Maisonneuve. Merci, M. le Président, et j'espère avoir convaincu mon collègue de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, c'est évident que je n'ai pas de droit de réplique et je n'en utiliserai pas. Mais je vous avoue que les arguments qui viennent d'être donnés...

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre !

M. BURNS: ... par le député de Saguenay...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !

M. BURNS: ... me touchent profondément, et c'est à ce point-là...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ... Est-ce que vous êtes prêts à voter?

M. BURNS: Votre enregistré, M. le Président.

M. LESSARD: Qu'on appelle les députés!

M. BURNS: C'est pour cela...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

M. BURNS: Je vous disais qu'on voulait un vote enregistré.

Vote sur la motion de M. Lessard

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'ajournement du débat de l'honorable député de Saguenay veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. BURNS: M. le Président, est-ce qu'il y aurait moyen de lire la motion avant qu'on ait à se prononcer à son sujet?

LE PRESIDENT: Non, on ne peut pas la lire parce que c'est une motion conventionnelle qui ne se fait pas par écrit.

M. BURNS: Ah bon. D'accord, M. le Président.

LE PRESIDENT: Très bien.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Lacroix, Bienvenue, Massé, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Sain-don, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Marchand, Harvey (Charlesbourg), Springate, Beauregard, Bellemare, Bonnier, Boudreault, Boutin (Jonhson), Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Vallières, Verreault.

M. ROY: M. le Président, n'ayant pas le droit de me prononcer sur cette motion, je vais m'abstenir.

LE SECRETAIRE: Pour: 5 Contre: 53 Une abstention.

LE PRESIDENT: La motion est rejetée.

Nous allons procéder maintenant à la mise aux voix de la motion d'amendement de l'honorable député de Maisonneuve pour reporter à six mois la deuxième lecture de ce projet de loi.

Que ceux qui sont en faveur...

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, est-ce que je n'ai pas le droit de réplique sur ma motion? Je vous demande tout simplement une directive.

LE PRESIDENT: Non. C'est une motion de forme.

M. BURNS: Parce qu'en vertu...

LE PRESIDENT: Nécessairement, si elle est de forme, elle n'est pas de fond.

M. BURNS: Votre décision c'est que... En vertu de l'article 101a), c'est soit une motion de fond ou une motion qui a proposé la deuxième ou la troisième lecture... Je n'ai pas de droit de réplique.

Alors, je me plie, bien à regret... J'aurais eu énormément de choses à dire en réplique à ce silence que j'ai entendu de l'autre côté.

Vote sur la motion de M. Burns

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion d'amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Lacroix, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Saindon, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Marchand, Harvey (Charlesbourg), Springate, Beauregard, Bellemare, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Vallières, Verreault.

M. ROY: Abstention, M. le Président.

LE SECRETAIRE: Pour: 5.

Contre: 55.

Abstention: 1

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! La motion est rejetée et nous revenons au débat sur la motion principale, en deuxième lecture.

M. LEGER: D manque encore 47 libéraux, M. le Président.

Reprise du débat de deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques. A l'ordre, messieurs!

M. Claude Charron

M. CHARRON: Merci, M. le Président. M. le Président, je serai donc le dernier du Parti

québécois à intervenir sur la motion de deuxième lecture, mais je vous préviens immédiatement que la loi n'aura franchi qu'une bien courte étape, qu'il lui en restera beaucoup à franchir avant que l'intention de ce gouvernement de doter une classe privilégiée, qui gagne $28,000 par année, d'une augmentation de salaire de $5,000 ait franchi le cap de la sanction et qu'on ait ainsi engraissé cette classe sociale du Québec.

Nous avons, depuis le début de ce débat, successivement entendu le ministre de la Justice, celui qui voudrait le remplacer et quelques murmures de députés "back-benchers" qui nous ont suffisamment informés, je crois bien, sur l'état d'esprit qui anime le Parti libéral actuellement, la sauvette qu'il voudrait voir cette loi prendre et entrer en vigueur, et j'ai cru déceler dans chacune de ces interventions plus ou moins claires, plus ou moins concises, plus ou moins brillantes, qu'on essayait de détourner véritablement le principe qui est à la base de ce projet de loi pour faire refléter une autre attitude et attirer l'attention de l'opinion publique sur autre chose qu'est véritablement ce projet de loi.

Je crois même, M. le Président, avec tout le respect que j'ai à votre égard, qu'il vous aurait été permis à plusieurs reprises d'interrompre les deux députés libéraux qui sont intervenus en faveur de ce projet de loi puisque je crois bien qu'ils n'ont pas toujours été pertinents à la motion en cours et qu'ils ont fait dévier le sujet sur bien d'autres domaines que le principe du projet de loi. Mais puisque le précédent est fait, M. le Président, je me prévaudrai donc à mon tour de la clémence que vous avez manifestée à l'égard du ministre de la Justice et de l'aspirant ministre de la Justice.

M. le Président, le vrai principe de ce projet de loi n'est pas que la Chambre affirme à nouveau son respect pour la magistrature; le vrai principe de ce projet de loi n'est pas de consacrer l'autorité dans notre société à cette classe de magistrats qu'on appelle les juges. Toutes les tergiversations qu'on a voulu faire de l'autre côté pour nous en convaincre ne réussiront pas à nous faire oublier le véritable principe de ce projet de loi. Vous connaissez tout le respect que nous avons pour la magistrature, au point que nous avons pris quelques minutes de notre court temps consacré à notre prise de position pour vous suggérer les domaines perfectibles de l'administration de la justice.

Malgré tous ces détours que le ministre de la Justice et son aspirant ont voulu faire prendre au débat, il reste que le principe fondamental demeure de doter une classe déjà privilégiée de la société d'une augmentation de salaire et donc d'accroître son pouvoir d'achat de $5,000 supplémentaires.

J'ai, à l'égard des gens concernés par ce projet de loi, le même état d'esprit et la même opinion, et je pourrais en faire état avec la même vigueur que les précédents opinants. J'ai tout le respect qu'il faut à l'égard de cette classe de la société, mais je n'ai aucune crainte à dire que je n'oublierai pas, dans tout ce respect que j'ai pour les juges, qu'ils sont déjà parmi les seuls 3 p.c. de la population du Québec qui ont un revenu supérieur à $25,000. Comme la loi m'invite à me prononcer sur une augmentation de salaire pour ces gens, c'est donc avec ça dans l'esprit que je participerai au débat.

M. le Président, le ministre nous a dit, comme il l'avait dit en juillet 1973 en présentant ce projet de loi avant que le gouvernement ne l'abandonne, qu'il aurait bien voulu trouver un autre moyen pour que ces honorables juges reçoivent une augmentation de salaire de $100 par semaine sans que cette Chambre ait à se prononcer là-dessus, mais qu'à sa courte honte il n'avait pu trouver d'autre moyen et qu'il était donc obligé de procéder par législation et de faire face au feu nourri de l'Opposition officielle.

Je dis que le ministre de la Justice ne doit pas avoir honte de soumettre les crédits publics à l'attention de ceux qui ont été élus pour les administrer. Les juges, malgré tout le respect que j'ai, ne sont, à toutes fins pratiques, que les administrateurs et les interprètes des lois que nous-mêmes, nous votons ici. Deuxièmement, les juges, malgré tout le respect que j'ai pour eux, reçoivent leur salaire, leurs honoraires, avec tous les bénéfices qui les accompagnent, à partir des taxes et des impôts que les contribuables nous ont chargé d'administrer au cours des quatre prochaines années. Il n'y a donc aucune honte à ce qu'une Assemblée nationale, si grotesque qu'elle soit, ait l'occasion de se prononcer et d'étudier le salaire des juges.

M. LESSARD: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, le député de Saint-Jacques, qui fait une intervention qui sera probablement extrêmement remarquée parmi les députés, mais je constate que nous n'avons pas quorum, si nous acceptons le principe que les députés doivent être assis et même en calculant ceux qui sont debout.

LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais inviter les députés à reprendre leur siège, s'il vous plaît, pour qu'on puisse faire le compte? Le député de Saint-Jacques.

M. LESSARD: Vous comptez les pages.

M. MALOUIN: Comme d'habitude, ils ne savent pas compter.

M. LESSARD: J'ai bien précisé, M. le Président, parmi les députés.

M. CHARRON: M. le Président, dans les arguments qu'ont fait valoir, je crois, l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice et même le ministre de la Justice dans ses efforts pour justifier cette augmentation indue de salaire à

une classe privilégiée, il y avait le suivant et je vais tenter de le reprendre. On disait: Si nous accordons aux honorables juges le salaire annuel de $33,000 — rétroactif, d'ailleurs, à l'année 1972 — ils deviendront ainsi moins tentés d'accepter des honoraires particuliers qui pourraient venir d'ailleurs.

On a mis — et j'y ai senti une attaque à la magistrature — un lien direct entre la probité de ceux qui occupent ces fonctions et le salaire qu'ils reçoivent. C'est un peu, pour suivre la logique du nouveau député de Louis-Hébert, qui, incidemment, et on s'en aperçoit, est loin d'avoir la dimension de son prédécesseur, comme si on disait: Si nous offrions $100,000 aux juges, alors nous serions complètement assurés de leur honnêteté. C'est comme si l'honnêteté des juges était proportionnelle à leur salaire. C'est une atteinte à la réputation de la magistrature et je ne peux pas croire que le ministre de la Justice et celui qui aspire à le devenir puissent tenir des propos comme cela en cette Chambre.

Je ne crois pas, moi, qu'il y ait de rapport entre la probité de ceux qui occupent ces postes et le salaire qu'ils reçoivent pour les occuper. Nous pourrions alors certainement examiner le salaire des députés, le salaire des ministres, également, et reprendre la même proportion pour dire que le ministre de la Justice ou, par exemple, l'ancien ministre du Travail aurait été ipso facto incorruptible du fait qu'on leur aurait voté un salaire plus élevé que celui qu'ils ont. Il ne doit pas y avoir de rapport entre le salaire de ces personnes qui occupent des postes aussi importants et les responsabilités que la société leur a données.

Qu'en pensent les citoyens à une époque de l'année où la plupart des contribuables québécois ressentent vivement l'augmentation du coût de la vie? Ce gouvernement s'est refusé, parce qu'au fond il en est incapable, de contrôler la hausse des prix. C'est une époque de l'année où la plupart des citoyens du Québec sentent qu'ils n'ont pas dans leurs poches les moyens de combler leurs désirs. Ce gouvernement profite de cette époque où l'électorat est, j'en conviens, moins attentif à la chose publique qu'en d'autre temps, et il est parfaitement légitimé de le faire. C'est une époque où les règles normales des travaux de la Chambre sont bousculées par une motion qui nous oblige à fonctionner comme des chevaux, une époque où les débats sont un peu dissous dans toute l'activité publique. Ce gouvernement en profite et, si ce n'était des interventions marquées des députés de l'Opposition, il voterait à la vapeur une augmentation de salaire de $100 par semaine après que ce même gouvernement l'eut refusée, comme simple salaire, à des fonctionnaires du secteur public ou parapublic dont il a, comme patron, en même temps que législateur, la charge.

Que doivent penser les députés libéraux? Auront-ils suffisamment de courage, comme l'ont eu, en 1969, des députés qui étaient membres du parti ministériel à l'époque — je nomme l'ancien député de Saint-Jean — pour se séparer de leur parti sur une question comme celle-là et voter à l'encontre d'une augmentation de salaire? Auront-ils au moins le courage, ces "backbenchers" qui se contentent de murmurer,...

M. VEILLEUX: Ce n'est pas lui qui... c'est sa femme.

M. CHARRON: ... d'intervenir dans le débat en cours avant que nous puissions procéder à son adoption et de faire comme au moins avait eu un tant soit peu le courage ce ministre des Affaires municipales, ce ministre roseau du cabinet qui laisse abattre les chênes à Montréal, mais qui avait quand même signalé à ce moment qu'il se sentait mal? Il disait: Si j'étais membre d'un gouvernement, j'aurais du mal à justifier à cette époque de l'année une augmentation de salaire aussi substantielle à une classe déjà privilégiée.

Y en a-t-il, parmi les députés libéraux, qui auront ce courage, à un moment donné, d'intervenir, comme le député de Fabre l'avait eu, comme l'ancien député de Drummond, qui est maintenant devenu juge, l'avait eu? Ils se sont dit que franchement une société qui vit dans l'état où la nôtre se trouve ne doit trouver aucune excuse pour continuer à augmenter les écarts de salaire. Bien sûr, ce Parlement a voté, il y a une semaine, une augmentation des allocations familiales dont bénéficieront aussi les juges qui sont pères de famille. Mais avez-vous remarqué que le ministre des Affaires sociales s'est empressé, par la suite, de diminuer, de réajuster, disait-il, les allocations sociales que reçoivent les bénéficiaires de la loi 26, qu'on n'a jamais profondément modifiée? Avez-vous vu que tout ce qui est donné d'une main se trouve automatiquement retiré par l'autre?

Qu'est-ce que les honorable juges recevront et que perdront-ils effectivement?

M. le Président, je crois que vous savez déjà, vous-même, étant proche de cette profession, dans votre vie privée, qu'il pèse une hypothèque déjà sérieuse sur la fonction de la magistrature. Le ministre de la Justice en a fait état pour les plaindre. J'en conviens, c'était son rôle. Un large courant de l'opinion publique considère déjà les efforts du ministre de la Justice pour sa réforme de l'administration de la justice comme acceptables mais encore insuffisants, et il considère la classe de la magistrature comme une caste sociale. Est-ce qu'un projet de loi comme le projet de loi no 8 qui est présentement à l'étude de l'Assemblée améliore cette image de la magistrature, alors qu'un projet de loi présenté par le gouvernement augmente l'écart entre cette catégorie qui juge les citoyens et les plus petits citoyens, comme ceux du comté de Saint-Jacques que je représente à cette Assem-

blée? Est-ce vraiment s'attaquer à l'image et défendre la magistrature que de légiférer d'une telle façon, à la sauvette, à l'époque de Noël, et consacrer une fois de plus un écart de salaire?

J'ai tout le respect qu'il faut pour la magistrature lorsqu'elle est en fonction. Je suis parfaitement d'accord qu'un juge doit être bien rémunéré; là n'est pas la question, mais $28,000 en 1973, c'est déjà être bien rémunéré. On ne parle pas de citoyens qui vivent de l'aide sociale, on ne parle pas de travailleurs qui sont obligés de faire des semaines de grève pour obtenir $100 par semaine. On parle de gens qui bénéficient déjà, la plupart du temps, d'une fortune accumulée au moment où ils étaient dans la pratique privée ou dans la politique, parce qu'un bon nombre d'entre eux sont d'anciens députés et d'anciens ministres, on connaît ce système de récompense politique. Ils bénéficient déjà de latitude, de secrétaires, de bureaux que lui fournissent gratuitement les contribuables du Québec. Ces citoyens ne sont pas en danger de périr. Ils ont déjà $28,000. Ils sont déjà bien rémunérés.

Aujourd'hui, on veut leur offrir une augmentation comme ça, à l'époque de Noël, avec d'ailleurs une rétroactivité qui leur vaudra à chacun, je vous le signale, un joyeux Noël et un chèque de $2,854, simplement en rétroactivité, en plus des $100 par semaine qu'ils pourront percevoir, à compter du 1er janvier. Est-ce que ces citoyens sont en danger? J'ai tout le respect qu'il faut pour les juges, même si parfois leur passé politique m'oblige à les voir avec circonspection. Mais, les juges, une fois sortis du palais de justice, une fois sortis des clubs mondains où ils vont se rencontrer, demeurent, comme chacun d'entre nous, comme le plus petit des citoyens du Québec, des consommateurs québécois. Y a-t-il un membre de l'Assemblée nationale qui va me dire qu'un consommateur québécois qui bénéficie déjà de $28,000 pour se défendre est un consommateur mal pris? Est-ce sur le sort de ces pauvres juges qui ne peuvent s'offrir tout ce qu'ils veulent, car les $28,000 ne suffisent pas, qu'on veut faire pleurer l'opinion publique et entraîner dans ce panneau l'Opposition officielle, qui s'en garde bien, il n'en est pas question. Qu'on n'essaie pas, par toutes les tactiques et tous les moyens qu'on possède, d'inclure le respect que toute société doit à l'égard de la magistrature au sort qui est réservé, dans le domaine financier, à chacun de ceux-là.

Le député d'Outremont et celui de Louis-Hébert se sont avancés dangereusement sur ce terrain, mêlant la probité que devaient avoir les membres de cette profession et le montant qu'ils reçoivent du Québec.

M. le Président, je m'oppose à ce projet de loi, comme les députés du Parti québécois qui ont déjà pris la parole, parce que je le considère comme un acte absolument irresponsable du gouvernement et provocant en même temps. Et j'ai le même dédain à l'égard de ce gouvernement que l'exprimait en 1969 le ministre roseau responsable des Affaires sociales, à l'époque, pour l'Opposition officielle qui était le Parti libéral et lorsqu'il blâmait le gouvernement de l'Union nationale d'augmenter le salaire. J'éprouve le même souci de voir le respect de la magistrature maintenu dans le Québec.

Je sais bien que le ministre de la Justice et un gouvernement tacite à l'arrière, qui se tait depuis l'ouverture de ce débat, aimeraient que cela dure le moins longtemps possible. Ils en ont assez d'entendre l'Opposition, je l'admets, utiliser tous les moyens que notre règlement nous permet pour attirer l'attention du public et pour lui montrer que ce gouvernement, avec l'accord tacite de ce nombre élevé de députés écrasés dans leur fauteuil, est en train d'engraisser une classe sociale qui est déjà parmi les mieux nourries du Québec.

M. LACROIX: On n'est pas intéressé à faire de la démagogie.

M. CHARRON: C'est de la provocation sociale. Je crois que plusieurs citoyens seront désormais édifiés de voir qu'un gouvernement, dans la même semaine, en se pliant à la demande de son caucus, abandonne la protection des locataires — et nous sommes 80 p.c. de locataires dans le Québec — et, du même souffle, se propose d'augmenter le salaire des juges.

UNE VOIX: C'est faux! M. LACROIX: Démagogue!

M. CHARRON: C'est pourquoi, M. le Président...

M. LACROIX: Démagogue!

M. CHARRON: ... ce sujet me semble...

M. LACROIX: Irresponsable!

M. CHARRON: ... suffisamment important...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! ...

M. CHARRON: ... pour que même le député des Iles-de-la-Madeleine puisse commencer à y comprendre quelque chose.

M. LACROIX: Irresponsable!

M. CHARRON: Je suis convaincu qu'ensemble, cette Assemblée nationale peut désormais procéder et avoir l'occasion de dire immédiatement que nous ne pouvons apprécier et accepter un geste de cette sorte. Le ministre de la Justice aura, dans une période qui viendra sans aucun doute, l'occasion de justifier, beaucoup

mieux qu'il ne l'a fait en présentant ce projet de loi, pourquoi le gouvernement du Parti libéral a choisi ce projet de loi parmi ses premières mesures, en arrivant à l'Assemblée nationale, profitant du fait que les élections sont éloignées, il va sans dire — la dernière fois, ce n'était pas le cas et on a abandonné le projet — et aussi profitant de sa confortable majorité. Les citoyens peuvent déjà se faire une idée sur le genre de gouvernement que nous aurons et des dangers que nous encourons en les ayant élus d'une façon aussi forte que ça, par un système électoral désuet.

Les premières traces et les premières conséquences néfastes et dangereuses pour le Québec apparaissent déjà, quand, quelques semaines à peine après son élection, ce gouvernement demande à la Chambre de procéder, le plus calmement possible, à l'adoption du projet de loi no 8. Considérant que cette Assemblée est suffisamment éclairée et qu'elle a suffisamment d'hommes capables de prendre des décisions, si seulement ils en ont le courage, comme quelques-uns de leurs prédécesseurs l'ont déjà eu, je crois que le temps est venu de mettre fin à ce débat.

Question préalable

M. CHARRON: C'est pourquoi, M. le Président, je propose la question préalable: Soit que la motion principale soit immédiatement mise aux voix.

LE PRESIDENT: Personnellement, je crois que c'est la première fois, depuis sans doute au moins 20 ans, que cette motion n'a pas été faite dans cette Assemblée.

M. CHARRON: J'avais sept ans, M. le Président.

LE PRESIDENT: Pardon?

M. CHARRON: J'avais sept ans.

LE PRESIDENT: Vous aviez sept ans. Article 82: "La question préalable a pour objet d'obtenir un vote direct sur une motion principale en délibération." Article 83... je vais vous libérer de cette lecture. Je me demande si cette motion est vraiment utile à l'occasion de ce débat. Le but de l'honorable député de Saint-Jacques est d'avoir un vote le plus rapidement possible. C'est le but de la question préalable, d'avoir un vote sur la motion principale de deuxième lecture, dans les plus courts délais.

On sait, actuellement, du moins dans le contexte actuel, que tous les députés, je crois, de l'Opposition officielle ont épuisé leur droit de parole sur cette motion. Il reste sans doute l'honorable député de Beauce-Sud et peut-être certains députés ministériels. Est-ce qu'il y en a du côté ministériel?

M. LEVESQUE: Non.

LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Beauce-Sud a l'intention de parler? Cela veut dire qu'il ne resterait qu'un seul discours, d'une longueur de 20 minutes.

A moins qu'on fasse uniquement de la procédure, je me demande si cette question est vraiment recevable. Je crois qu'elle n'est pas nécessaire et qu'elle est inutile, dans les circonstances, à mon point de vue.

M. LEVESQUE: Contradictoire.

M. BURNS: Est-ce que je peux vous dire quelques mots, M. le Président, là-dessus?

M. le Président, l'avantage d'une motion proposant la question préalable... Je pense que lorsque vous avez, M. le Président, avec notre collaboration, amendé le vieux règlement, vous avez été sage en gardant dans le texte de l'article 83 le paragraphe 6. C'est justement ce qui justifie, M. le Président, l'utilisation de la motion proposant la question préalable.

Je lis le paragraphe 6 de l'article 83: "Le débat peut porter tant sur la question préalable que sur la motion principale." Ceci, M. le Président, vous permet d'accepter la question préalable, de la mettre en délibération sans sentir que des gens, qui, à la dernière minute, auraient pensé peut-être pouvoir intervenir, puissent être lésés.

Toute personne qui pourrait intervenir sur la motion de question préalable peut parler sur l'utilité de l'adopter immédiatement, c'est-à-dire sur l'utilité de passer au vote ou de mettre la motion principale aux voix immédiatement ou — et c'est cela l'avantage et je vous souligne, M. le Président, c'est la seule motion, à ma connaissance, dans le règlement, où la pertinence du débat ne s'applique pas — parler de la motion principale. C'est cela que je trouve être la sagesse de ce texte.

Comme ce texte a cette sagesse, M. le Président, je trouve que cela vous donne, comme corollaire, une grande latitude pour l'accepter.

Permettez-moi, M. le Président — je ne veux pas être long là-dessus, loin de là — de vous dire bien franchement, bien ouvertement que la question préalable de tout temps, dans un Parlement qui fonctionne dans le système parlementaire britannique, est une motion dilatoire, aussi drôle que cela puisse paraître. C'est une motion qui permet aux députés de l'Opposition d'allonger leur temps de parole.

Je ne m'en cache pas, M. le Président. C'est carrément et clairement dans ce but qu'on le fait. Il y a un tas de gens qui nous ont dit qu'on faisait un "filibuster", une obstruction systématique à ce projet de loi.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas vrai! LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: C'est rendu, M. le Président, que ce sont eux qui disent que ce n'est pas vrai.

Vous vous contredisez. Vous vous contredisez. C'est vous autres qui nous criez cela par la tête tout le temps.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai !

M. BURNS: Moi, je vous dis, M. le Président: Oui, c'est vrai. C'est cela qu'on fait. Au cas où il y en aurait qui dormiraient encore, c'est cela qu'on fait. Et une des méthodes de rallonger notre droit de parole, c'est de poser la question préalable.

Vous avez, M. le Président, une latitude, une latitude qui est bien drôle. Je vais en discuter. En vertu du paragraphe 2 de l'article 83, vous pourriez juger qu'elle est irrecevable, cette motion, seulement pour deux raisons. Seulement. Il n'y en a pas dix, il y en a deux. Les deux raisons, M. le Président, je vous les lis, au paragraphe 2: "Le président peut refuser que soit posée la question préalable s'il juge que le débat sur une motion n'a pas été prolongé indûment — ce n'est pas ce que nos amis d'en face nous ont dit, soit dit en passant, depuis le début du débat — ou s'il croit que les droits de la minorité seraient lésés par l'acceptation de la question préalable."

M. le Président, je vous dis que vous n'êtes dans aucun des deux cas qui sont cités au paragraphe 2. Le débat, je vous le dis, M. le Président, a été indûment prolongé par nous. Nous sommes d'accord, nous avons indûment prolongé le débat, indûment au sens que le gouvernement voudrait l'entendre. Nous avons, M. le Président, jusqu'à maintenant, utilisé toutes les possibilités de prolonger ce débat.

Nous avons fait jusqu'à maintenant une obstruction systématique à ce projet de loi, nous avons tenté et nous continuons de tenter de bloquer ce projet de loi par tous les moyens que le petit livre vert nous donne.

Je vous dis que non seulement le débat n'a pas été prolongé indûment, je vous avoue — et l'aveu de la partie adverse, le ministre de la Justice le sait, c'est...

M. CHOQUETTE: ... le député...

M. BURNS: ... peut-être ce qu'il y a de plus fort — que nous avons prolongé...

M. CHOQUETTE: ... sa propre turpitude.

M. BURNS: ... que nous avons prolongé, dis-je, indûment le débat jusqu'à maintenant.

M. CHOQUETTE: Alors, M. le Président...

M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas fini sur ma question de règlement.

M. LACROIX: La procédurite du député de Maskinongé qui reprend.

M. BURNS: Quant aux droits de la minorité, je vous dis que tous les députés de l'Opposition officielle ont parlé et reparlé sur toutes et chacune des motions, que ce soit les motions dilatoires comme celle de deuxième lecture, que ce soit la motion de fond pour reporter la deuxième lecture à six mois, qui est une motion...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, tant et aussi longtemps que vous ne vous déclarerez pas satisfait de mon argumentation, je pense que j'ai le droit... Ce n'est surtout pas le député des Iles-de-la-Madeleine qui va me dire... Parce que lui ne comprend strictement rien à ce qu'on se dit tous les deux actuellement.

M. LACROIX: Vous êtes donc bien intelligent!

M. BURNS: Ce n'est sûrement pas lui qui va nous dire ça.

M. LACROIX: Si vous aviez été aussi intelligents que vous le pensez vous auriez été plus de six rats ici.

UNE VOIX: Grugeur de dunes! LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: J'essaie de le faire, je pense, le plus succinctement possible. Ce n'est pas sur des questions de règlement que je vais faire de l'obstruction. Je vous dis simplement que cette motion est recevable, d'une part, parce que vous avez la preuve qu'il y a eu obstruction jusqu'à maintenant. Donc, le débat a été indûment retardé, c'est sûr.

Parce que si tout avait été normal, vous auriez eu un discours. Il y en a eu je ne sais pas combien, je ne suis même plus capable de les compter.

D y a eu toutes les motions possibles et impossibles. Il y a eu aussi, je pense, l'expression de tous les députés, tous les députés de l'Opposition jusqu'à maintenant, sauf le député de Beauce-Sud. Et j'en viens au cas du député de Beauce-Sud.

C'est là que je retrouve la sagesse de votre règlement. Le député de Beauce-Sud peut prononcer son discours de deuxième lecture, s'il le veut, sur la discussion lors de la mise en délibération de la motion préalable. C'est ce que veut dire le paragraphe 6 de l'article 83.

Lorsqu'on dit que le débat peut porter, cela en "achale" du monde, en face, cette affaire.

LE PRESIDENT: Allez! Allez! A l'ordre! M. LACROIX: Obstruction!

M. BURNS: Lorsqu'on dit au paragraphe 6 que le débat peut porter tant sur la question préalable que sur la motion principale, je dis

que le député de Beauce-Sud n'est pas privé de ses droits. Il pourra faire son discours de deuxième lecture sur le débat...

M. TETLEY: Laissez-le parler.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. TETLEY: C'est injuste, vous voulez bâillonner le député de Beauce-Sud.

M. BURNS: Vous n'avez rien compris, ça paraît.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Mon Dieu, que vous ne vous aidez pas quand vous parlez.

LE PRESIDENT: S'il y a des interventions, des débats ou des échanges...

M. BURNS: Qu'est-ce que vous voulez, on parle entre adultes et il y a des enfants qui se mêlent à des jeux d'adultes.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LACROIX: Voulez-vous qu'on aille chercher Robert Lemieux?

M. BURNS: Voilà un autre enfant qui se mêle à un débat d'adultes.

LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé?

M. BURNS: Non, c'est mon dernier argument. Je vous dis simplement ceci...

M. LACROIX: On va aller chercher les Rose.

M. BURNS: Si...

UNE VOIX: ...les dunes.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Si l'hésitation que vous pouvez avoir porte sur le fait qu'une telle motion peut brimer les droits du député de Beauce-Sud, je vous dis: Pas du tout. Je vous dis que le député de Beauce-Sud aura le droit de parler avec toute la latitude voulue, sans être bloqué par les règles de pertinence du débat sur la tiuestion préalable. D pourra dire ce qu'il pense du projet de loi augmentant le salaire des juges sans que le président doive le rappeler à l'odre.

Je vous dis que les deux seules raisons en vertu desquelles vous pourriez ne pas accepter notre motion pour une question préalable en vertu de l'article 83 sont décrites au paragraphe 2) de l'article 83. Je vous dis qu'aucune des conditions décrites à l'article 83, paragraphe 2), ne sont en mesure de vous justifier de juger irrecevable cette motion.

LE PRESIDENT: J'ai retenu surtout dans l'argumentation de l'honorable député de Maisonneuve son insistance sur le paragraphe 6 de l'article 83 qui dit que le débat peut porter tant sur la question préalable que sur la motion principale.

Il a oublié, peut-être, de mentionner que, dans notre droit parlementaire, il existe un autre principe sacré ou un principe reconnu, établissant qu'on ne peut pas avoir deux fois le même débat sur une même question.

M. BURNS: Qu'est-ce que ça vient faire là, alors?

LE PRESIDENT: Justement, je vais répondre à votre remarque. Cela vient là pour la protection de ceux qui voudraient parler sur la question principale, lorsque la question préalable est acceptée. Si la question préalable était acceptée par le président et si le débat s'était limité uniquement à la question préalable, ça priverait les députés qui voudraient parler sur la question principale... A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! C'est déjà assez compliqué de prendre des décisions, je demanderais votre collaboration. Bon!

Pour cette raison, je crois, justement qu'en insistant peut-être trop sur ce sixième paragraphe l'honorable député de Maisonneuve a déprécié son argumentation, parce qu'il m'a prouvé qu'il voulait justement faire deux fois le débat sur la même question, ce qui n'est pas reconnue en droit parlementaire. Maintenant, l'autre point; c'est vrai que ça peut être considéré comme une motion dilatoire...

M. BURNS: C'est ça.

LE PRESIDENT: Laissez-moi terminer, s'il vous plaît! Mais je ne peux pas mettre de côté l'article 82 qui dit que "la question préalable a pour objet d'obtenir — c'est l'intention de l'honorable député de Saint-Jacques, son but en la faisant — un vote direct" et le plus rapidement possible sur cette question.

Rejet de la question préalable

LE PRESIDENT: Dans les circonstances, je trouve que le mode le plus direct et le plus rapide serait de laisser parler l'honorable député de Beauce et de voter sur cette motion. Pour cette raison, je refuse la question préalable.

M. LEVESQUE: Très bien.

Reprise du débat de deuxième lecture M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, qu'il me soit permis d'intervenir à mon tour dans ce débat de deuxième lecture du projet de loi no 8 qui a pour objet de modifier à nouveau la Loi des

tribunaux judiciaires. Comme on le sait, cette loi concerne l'augmentation de salaires des juges au Québec. Il n'y a pas beaucoup de catégories de fonctionnaires ou de personnes dont le salaire est fixé par l'Assemblée nationale du Québec. A part les députés et les juges, je pense qu'il y a seulement le Protecteur du citoyen, l'Auditeur général ou quelque chose comme ça. Je n'ai pas la liste, M. le Président.

Si ce système a été voulu — je me pose la question — j'imagine facilement que c'est pour être en mesure d'examiner l'appareil judiciaire et de se rendre compte de quelle façon la justice est administrée. Je pense que c'est l'occasion idéale, lorsque ces ajustements ou ces augmentations de salaires sont demandés pour regarder tout l'appareil judiciaire dans son ensemble, de façon à être en mesure de tirer les conclusions qui s'imposent ou encore de faire des suggestions pertinentes en vue d'apporter des améliorations ou des modifications à notre système.

M. le Président, cette loi est venue devant l'Assemblée nationale le 6 juillet dernier. On rappellera qu'à ce moment-là le gouvernement, devant l'obstination des députés du Parti québécois qui avaient publiquement manifesté leur intention de faire un "filibuster", avait ajourné les travaux de la Chambre au 23 octobre, pour aller devant l'électorat du Québec par la suite, avec les résultats que nous connaissons. Il est évident que, suite aux résultats des élections, le gouvernement a dû revenir devant l'Assemblée nationale avec un nouveau projet de loi.

Cependant, il y a une question que je me pose: Pourquoi le gouvernement a-t-il capitulé l'été dernier devant ce projet de loi? Est-ce qu'il avait peur du "filibuster" du Parti québécois? Est-ce que, d'autre part, il avait peur de l'opinion publique et, à partir de ce moment-là, refusait de faire face à ses responsabilités? De quelles raisons le gouvernement s'est-il inspiré pour se justifier? D'après ce que j'ai entendu depuis le début de ce débat — c'est le cas de le dire, c'est un débat— je me pose la question suivante:

Est-ce qu'on n'est pas en train à l'heure actuelle de se servir des juges pour en faire les boucs émissaires de tous les maux que connaît la société québécoise? Je pense que c'est une question que nous avons le droit de nous poser, et c'est une question que personnellement je me pose sérieusement.

M. le Président, tout ce débat a pour conséquence de discréditer l'appareil judiciaire auprès de l'opinion publique. On est en train d'élargir le fossé entre le peuple et ceux qui ont la lourde responsabilité d'administrer la justice au Québec et de voir à ce que la justice suive son cours.

Or, dans les pays où on a procédé à discréditer l'appareil judiciaire au point que le peuple y perde toute confiance, l'appareil judiciaire a été remplacé par un appareil militaire, et on sait ce que ça donne. M. le Président, je suis conscient et nous sommes conscients qu'il y a des réformes importantes qui s'imposent dans la justice. La population du Québec se plaint, et de bon droit, de la lenteur des procédures judiciaires. C'est le cas de tous les députés qui sont conscients de servir leurs électeurs. Il n'y a personne parmi les membres de l'Assemblée nationale qui n'ait eu des gens qui se sont rendus à leur bureau pour dire: Cela fait huit mois que j'attends un jugement, ça fait douze mois que j'attends un jugement, ça fait dix-huit mois que j'attends un jugement. Ou encore venir nous dire : Cela fait quatre ans que j'attends que ma cause passe et elle ne passe pas.

Qu'on fasse le tour de la province de Québec, à l'heure actuelle, et on se rendra compte que la population se plaint de ces choses, et se plaint de bon droit. Le gouvernement aurait pu, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi, apporter des modifications majeures à l'administration et à l'exécution de la justice au Québec. Le gouvernement, encore une fois, se contente tout simplement de présenter une petite loi de quelques petits paragraphes où on augmente le salaire des juges et tout est réglé. Les juges mieux payés, comme le disait le député de Saint-Jacques, les juges mieux payés, c'est un critère d'une meilleure justice.

M. le Président, je pense que c'est complètement ridicule. Ce n'est pas de cette façon qu'un gouvernement responsable, un gouvernement consciencieux doit agir devant une population. Mais il y a quand même un autre fait aussi. Il faut faire la part des choses, appeler les choses par leur nom, prendre nos responsabilités. Qui donc à l'heure actuelle, à part l'Assemblée nationale du Québec, peut permettre aux juges d'avoir une augmentation de salaire?

Quelle est la catégorie d'individus au Québec, à l'heure actuelle, qui dit: Moi des augmentations de salaire je n'en veux pas? Je n'en connais pas, M. le Président. Je me demande si vous en connaissez vous, des catégories d'individus au Québec qui à l'heure actuelle disent ceci: Des augmentations de salaire on n'en veut pas. Mais, c'est à l'Assemblée nationale qu'incombe cette responsabilité.'On a parlé de 3 p.c. de la population qui, à l'heure actuelle, vit de mieux en mieux alors qu'on laisse des masses laborieuses, des quantités de gens dans la province de Québec avec leurs problèmes. Le gouvernement n'est pas tellement soucieux de prendre ses responsabilités pour améliorer leur sort.

C'est vrai, M. le Président, je me dois de l'admettre, c'est absolument vrai et c'est la réalité. Mais, je me demande, le fait de ne pas augmenter le salaire des juges, si ça réglerait le problème. C'est une autre question que nous devons nous poser également. Lorsqu'on dit qu'avec $28,000 de salaire...

M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de Beauce, mais je vous demanderais de vérifier le quorum. Je considère qu'il n'existe pas.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

J'inviterais les honorables députés à prendre leur siège pour que je vérifie le quorum.

L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, on a parlé d'un écart de salaire entre certaines catégories de la population et une catégorie de personnes privilégiées. Disons qu'on peut être entièrement d'accord. Je pense que toute personne qui voit clair, qui est consciente de la réalité ne peut faire autrement que d'admettre que ces choses existent, que c'est réel au Québec. Il y a quand même d'autres points sur lesquels nous devrions réfléchir sérieusement, examiner avec toute l'attention possible. C'est pourquoi je me permettrai, à ce moment-ci, de poser une question — on n'est pas obligé de me répondre à l'Assemblée nationale — à mes honorables collègues du Parti québécois. Est-ce qu'ils seraient prêts, eux, à participer à un débat et à prendre position, ici à l'Assemblée nationale du Québec, pour plafonner les salaires des hauts fonctionnaires et des hauts technocrates du gouvernement, en incluant les juges, à $30,000 par année? De cela, je n'en ai pas entendu parler.

Pourtant, je me suis permis de fouiller dans les comptes publics et de regarder quelles sont les échelles de salaire, au niveau du haut fonctionnarisme dans la province de Québec, au niveau des postes de sous-ministre. Naturellement, comme je n'ai pas eu les livres de 1972/73, je me suis référé aux comptes publics de l'année 1971/72. M. le Président, je vais taire les noms par respect pour ces personnes qui sont quand même des gens qui travaillent dans la province de Québec. Si le principe vaut, à la suite de tout ce que j'ai entendu, à l'endroit des juges, je dis qu'il vaut également pour ces personnes-là. Nous allons être justes avec tout le monde pour ne pas faire de catégorie de personnes et dire aux juges de la province de Québec: Vous, messieurs les juges, vous allez être les seules personnes au Québec qui allez avoir un salaire plafonné dans l'avenir. Vous autres, les juges de la province de Québec, pas d'augmentation de salaire. C'est réglé, on n'en veut pas.

Pourtant, pour d'autres catégories de hauts fonctionnaires au Québec, je constate des salaires de $33,340, de $31,873, de $30,331, de $33,341, de $53,084, de $35,975, de $31,217, de $32,199, de $33,728, de $34,818, de $35,976. Je vais aller dans un ministère cher à ces messieurs, le ministère des Affaires intergouvernementales. Un monsieur retire $31,873; en lisant le salaire, M. le Président, il va se reconnaître. Un autre, $35,600; un autre $30,331; $53,084; $31,876; $41,419; $38,673; $34,700; $34,623. Avec, évidemment, des augmentations de salaire l'année dernière, avec encore des augmentations de salaire cette année et une clause de sécurité d'emploi, de même que tous les bénéfices marginaux qui s'y rattachent. Cela, je suis surpris, on n'en parle pas.

On a fait des comparaisons avec les Etats-Unis, on a fait des comparaisons avec l'Ontario mais je ne suis pas aux Etats-Unis, je ne suis pas dans l'Ontario; je suis ici dans la province de Québec, dans le Parlement de Québec. Si on veut être honnête, si on veut être juste, il faut traiter des personnes qui occupent des fonctions équivalentes sur un même pied. Je pense que c'est un principe de justice que nous nous devons de respecter. Si on veut remettre en cause ce principe, on doit le remettre en cause dans son ensemble. Il y a des choses élémentaires sur lesquelles nous devons faire preuve d'objectivité, nous devons faire preuve de sérieux et nous devons être des personnes capables de prendre leurs responsabilités et dire les choses telles qu'elles sont.

Je comprends qu'aller crier dans la province de Québec: Nous avons été contre l'augmentation du salaire des juges cela fait applaudir bien du monde. Nous le comprenons mais faire la lutte des classes, cela a toujours été la chose la plus facile. Pour démolir, on n'a pas besoin de spécialistes; bâtir, c'est plus difficile.

Dans une société, c'est de bâtisseurs que nous avons besoin et, pour bâtir, il faut faire preuve d'objectivité, il faut faire preuve d'esprit de justice. C'est sur le point, M. le Président. Si on veut engager un débat dans cette Assemblée nationale pour dire que les salaires vont être plafonnées au Québec pour tous les employés du gouvernement, de la fonction publique ou du secteur parapublic, incluant les juges à $30,000 par année, cela pourrait être intéressant. Mais laisser toutes ces catégories de personnes de côté pour créer des écarts à des niveaux de personnes, de compétence, d'instruction et de connaissances à peu près égales, je trouve que c'est de la discrimination. Je ne verrais pas pourquoi on se servirait de l'appareil judiciaire et des juges, à l'heure actuelle, pour faire une lutte de classes, pour faire un débat discriminatoire à l'endroit d'autres personnes de la même compétence qu'eux, qui peuvent avoir des responsabilités équivalentes.

M. le Président, devant tous ces faits, les créditistes n'ont jamais eu peur de prendre leurs responsabilités. En ce qui me concerne, je vais prendre les miennes, aujourd'hui. Je vais prendre mes responsabilités, mais avec certaines réserves. Je dirai, d'abord, que le gouvernement doit, premièrement, s'assurer qu'il y ait suffisamment de juges et faire en sorte d'en augmenter la qualité par des critères de sélection.

M. le Président, mon collègue, le député de Portneuf, qui s'est acquitté de la responsabilité que je tente d'occuper, de la meilleure façon possible — il s'en est occupé avec brio, puisque cela lui a valu le titre, conféré par l'honorable ministre de la Justice, d'avocat populaire — a été très explicite sur ce point dans le passé. Il est intervenu à l'Assemblée nationale, à plusieurs reprises. La population du Québec demande qu'il y ait plus de juges à sa disposition de façon que nous puissions éliminer les délais, de façon qu'elle puisse être jugée et que les

jugements puissent être prononcés avec beaucoup moins de délais que ceux que nous connaissons, à l'heure actuelle, dans malheureusement beaucoup trop de cas.

M. le Président, deuxièmement — je ne suis pas un spécialiste en ces matières; j'en suis bien conscient — tout le monde admet, tout le monde reconnaît, à l'heure actuelle, que la procédure judiciaire est trop longue et trop lourde. Il faudrait l'assouplir. Il faudrait faire quelque chose de ce côté, de façon à pouvoir améliorer l'exécution de la justice, pour tâcher d'éliminer les délais. Il est important, troisièmement, qu'on procède à la révision du mode de nomination des juges. Qu'on cesse de regarder le critère de récompense politique, à la suite de la participation ou de l'appartenance à telle ou telle formation politique. Je pense quand même que c'est important. C'est un troisième point sur lequel, j'insiste aujourd'hui. Nous demandons aussi un système d'indexation permanente et un mécanisme de révision de l'appareil judiciaire. M. le Président, il serait important qu'au moins tous les quatres ans, non pas au moment où nous procédons à l'étude des crédits du ministère de la Justice, mais au moins une fois par Législature, qui dure normalement quatre ans, il y ait des séances de commissions parlementaires spécialement convoquées à cette fin, qu'il y ait un mécanisme de révision de l'appareil judiciaire et que ce mécanisme de révision soit sous l'autorité du pouvoir législatif et non du pouvoir exécutif. Si je dis ces choses, c'est qu'il ne faut pas, pour aucune considération, que le pouvoir judiciaire devienne l'appareil du pouvoir exécutif. Il faut absolument que l'appareil judiciaire demeure sous l'autorité complète, totale du pouvoir législatif.

M. le Président, pour toutes ces raisons et vu que mon temps de parole s'achève, je dirai que je regrette que ce débat ait pris la tournure d'un débat hypocrite. Je le dis: Cela a pris la tournure d'un débat hypocrite. On a voulu procéder, à ce moment, d'une façon fausse pour tâcher de parler, et pour dire qu'on veut sauver la population, le peuple du Québec, en demandant qu'on fasse en sorte que nous ayons un plus grand nombre de propriétaires au Québec, à cause de certains pourcentages de locataires dont j'ai entendu parler tantôt.

M. le Président, on ne m'a pas convaincu et on ne pourra jamais me convaincre que c'est par le salaire des juges qu'on pourra faire en sorte que nous aurons un plus grand nombre de propriétaires au Québec et que la basse classe sera mieux traitée.

M. le Président, c'est par un ensemble de dispositions législatives et c'est par des changements profonds, des changements radicaux d'un système économique et d'un mode de financement que nous utilisons au Québec, qui, à l'heure actuelle, est en train de nous coûter jusqu'à $2.25 millions par jour en intérêts seulement, qu'on pourra le faire.

Alors, quand on voudra sauver le peuple du Québec, on ne s'orientera pas dans des débats de ce genre pour tâcher de prendre une catégorie, surtout les juges, ceux qui ont la responsabilité de l'appareil judiciaire, pour en faire les boucs émissaires de tous les maux de la société québécoise.

Alors, pour cette fois-ci, je dis bien pour cette fois-ci, nous serons d'accord pour que les juges puissent avoir un rajustement de traitement, non pas un changement de palier dans la société, mais un rajustement de traitement de façon qu'ils puissent se retrouver à peu près proportionnellement à ce qu'ils étaient au moment où la dernière loi a été votée à l'Assemblée nationale.

Mais j'ajoute les réserves suivantes. C'est conditionnel. C'est à la condition qu'on ait pris bien note et qu'on prenne bien note des cinq recommandations que j'ai faites parce que nous aurons certainement l'occasion de revenir sur le sujet et d'examiner, avec toute l'attention, la bonne foi du gouvernement, la sincérité du gouvernement et, surtout, la bonne intention que le gouvernement devra avoir afin de faire en sorte que les Québécois puissent avoir la meilleure justice possible et la justice de la meilleure qualité possible.

UNE VOIX: Très bien.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres de l'Assemblée qui aimeraient participer à ce débat de deuxième lecture?

DES VOIX: Vote!

LE PRESIDENT: Vote!

M. LEGER: Ceux qui étaient contre la dernière fois.

LE PRESIDENT: Un vote enregistré?

M. BURNS: M. le Président, il n'y a même pas de réplique de la part du ministre.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que c'est un vote enregistré?

M. LESSARD: Tout ce qu'il veut, c'est de passer sa loi.

M. BURNS: Passer sa loi sans aucun...

LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre! ...A l'ordre! ...

Un vote enregistré?

M. BURNS: Enregistré.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Que celle et ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable ministre de la Justice, proposant la deuxième lecture du projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Lachapelle, Berthiau-me, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Desjardins, Giasson, Brown, Kennedy, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Springate, Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Vallières, Verreault, Roy.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard.

LE SECRETAIRE: Pour: 51 Contre: 5

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires, soit maintenant déféré à la commission parlementaire de la justice. Et je propose que cette commission siège immédiatement au salon rouge et continue de siéger selon l'horaire présentement en vigueur, et cela même après l'ajournement de la Chambre.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je m'apprête à vous soumettre que la motion que le leader du gouvernement vient de faire est irrégulière. Pour justifier cet argument, j'ai l'intention de me baser sur certains textes du règlement. Je vous dis tout de suite que, connaissant votre désir de trancher le problème — et c'est peut-être la première fois que ça se pose, c'est bon que ça se pose à un moment donné ou à un autre — dans toute la sérénité possible et avec l'étude nécessaire que ça peut requérir, vous pourrez peut-être vouloir — et je ne m'y opposerai pas — suspendre la séance pendant quelques instants pour y réfléchir ou pour délibérer.

La motion qui est faite actuellement est une motion qui devrait être normalement faite en vertu de l'article 122 de notre règlement. Je dis qu'elle devrait être faite en vertu de cet article, qui nous dit: "Après la deuxième lecture, un projet de loi, sauf s'il est de subsides, doit être envoyé à la commission élue appropriée sur une motion non annoncée du leader parlementaire du gouvernement..."

Je vous épargne la lecture du reste. J'admets que la motion, si elle était faite comme ça, n'est pas débattable; elle n'est aucunement débattable, c'est écrit clairement dans le texte qui suit où on nous dit: "... Sur cette motion, qui ne peut subir d'amendement, chaque parti reconnu..." Cela c'est sur l'autre, celle qui envoie en commission plénière.

Mais celle-là, c'est tout simplement le renvoi à une commission élue, c'est le processus législatif normal. Sauf que, de la façon que le leader vient de la faire, je suis pris dans un dilemme. Il y a une partie de sa motion qui est le renvoi à la commission, qui n'est pas débattable. Il y a une autre partie, c'est quand la commission va siéger, ça ne parait pas à l'article 122. Je vais vous dire un peu plus loin où je pense que ça parait.

Cela devrait être débattable. Et cela je ne peux pas le débattre s'il le fait de la façon qu'il l'a fait. Il aurait dû, d'une part, faire une première motion, nous dire que le projet de loi, en vertu du processus législatif normal est déféré à la commission parlementaire de la justice. D'accord, et nous aurions pu voter pour ou contre, peu importe, mais sans débat et sans amendement.

Il y a aussi l'article 140, celui-là qui traite de la deuxième partie de la motion du leader du gouvernement, où on lit ceci: "Une commission élue est convoquée par le secrétaire des commissions à la demande du leader parlementaire du gouvernement. La demande et l'avis de convocation doivent indiquer l'heure, l'endroit et l'objet de la réunion et aucun autre sujet ne peut y être discuté." Je pense que c'est bien clair, c'est le projet de loi no 8 qui devrait être discuté là.

Sauf que l'article 140 nous dit qu'on doit savoir l'endroit, l'heure, etc. Comment, maintenant? ... "La convocation se fait — continue l'article — par un avis donné à l'Assemblée ou remis à chaque membre de la commission personnellement au plus tard la veille du jour pour lequel la commission est convoquée ou déposé au bureau de poste de l'Assemblée au plus tard quarante-huit heures avant ce jour." M. le Président, la motion qui est faite est absolument irrégulière, cette commission ne peut pas siéger aujourd'hui. Cette motion, si le leader voulait la faire, il y a une autre méthode; il pourrait la faire aux motions non annoncées. Je lui dis parce que c'est demain matin qu'il pourra faire cela. Il pourrait la faire aux motions non annoncées demain, auquel cas cette motion deviendra débattable, auquel cas j'aurai le droit de dire que je ne veux pas qu'elle siège à tel endroit, à telle heure ou à tel

moment. Mais là, dans le moment, de la façon que la motion est faite, M. le Président, on me prive de ce droit clairement établi en vertu du règlement 140.

Je demande que la motion soit déclarée irrégulière. Je n'ai pas d'objection que la déférence soit faite, c'est le processus législatif normal mais j'ai objection qu'elle siège aujourd'hui parce que je n'ai pas reçu l'avis la veille de cette commission. Je n'ai pas reçu non plus un avis donné par voie de motions non annoncées en Chambre, mais qui pourrait être débattu en Chambre. Je demande tout simplement, M. le Président, que vous jugiez que cette motion est irrégulière, que seulement la partie régulière de cette motion peut être mise aux voix.

M. LEVESQUE: M. le Président, parlant sur ce point d'ordre — ou de désordre — je ferai remarquer à l'honorable député de Maisonneuve que ma motion, tel qu'il l'admet lui-même, est faite en vertu de l'article 122 et que la dernière partie ou les dernières remarques que j'ai faites c'était simplement un avis. Je l'ai fait évidemment en vertu de l'article 142 mais un avis n'est pas débattable. Cela permet d'indiquer...

M. BURNS: Votre avis est irrégulier.

M. LEVESQUE: ... l'endroit et l'heure où la commission va siéger.

M. BURNS: Votre avis est irrégulier.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. BURNS: Votre avis est irrégulier.

M. LEVESQUE: Non, il est fait en vertu de l'article 142 et se fait par un avis devant l'Assemblée, un avis verbal.

M. BURNS: Bien oui mais...

LE PRESIDENT: Vous voulez dire quelques mots?

M. ROY: Je voulais tout simplement dire que le gouvernement est très soucieux...

M. LEVESQUE: II faut bien qu'on le dise.

M. ROY: ... de nous faire suivre le règlement à la lettre; je demanderais au gouvernement de l'appliquer, les mesures qu'il nous fait appliquer à nous, de suivre le règlement.à la lettre. Il est bien dit au paragraphe 2 de l'article 140: "La convocation se fait par un avis donné à l'Assemblée ou remis à chaque membre de la commission personnellement au plus tard la veille du jour pour lequel la commission est convoquée ou déposé au bureau de poste de l'Assemblée..."

LE PRESIDENT: Bon! Voici, sans aucun doute la première partie de la motion est faite en vertu de l'article 122, où il y a déférence du projet de loi à la commission, sans débat ni amendement. Bon! L'honorable député de Maisonneuve me mentionne l'article 140 et je vais vous donner mon interprétation. L'article 140 dit bien — ou du moins la conception que j'en ai ou l'interprétation que j'en donne: "Une commission élue est convoquée par le secrétaire des commissions à la demande du leader parlementaire du gouvernement. La demande et l'avis de convocation doivent indiquer l'heure, l'endroit et l'objet de la réunion et aucun autre sujet ne peut être discuté. "2. La convocation se fait par un avis donné à l'Assemblée..." Bon! Ce que je vois dans ça c'est que l'article 140 s'applique surtout lorsque les commissions doivent siéger alors que la Chambre ne siège pas, disons, durant l'inter...

M. BURNS: M. le Président...

LE PRESIDENT: Laissez-moi, je n'ai pas fini. Je n'ai pas fini, laissez-moi terminer, laissez-moi terminer.

M. LEVESQUE: Ils sont nerveux.

LE PRESIDENT: Bon, laissez-moi terminer. "La convocation se fait — lorsque l'Assemblée siège, mon interprétation est la suivante — par un avis donné à l'Assemblée — maintenant — ou remis à chaque membre de la commission personnellement au plus tard la veille du jour pour lequel la commission est convoquée ou déposée au bureau de poste de l'Assemblée au plus tard 48 heures avant ce jour."

Je crois que depuis que ce règlement existe, cela a toujours fonctionné ainsi, mais il y a un article très important que vous oubliez, que vous ne m'avez pas mentionné, c'est l'article 150 où il est dit: "Les commissions élues peuvent siéger en tout temps. Toutefois, une seule commission élue peut siéger durant les séances de l'Assemblée sur une motion qui n'est pas annoncée, qui peut être faite en tout temps et qui ne peut soulever de débat, mais elle ne peut siéger durant la période des affaires courantes. "2) Pas plus de deux commissions élues ne peuvent siéger en même temps que..."

Je vais demander au leader parlementaire de corriger sa motion, de faire premièrement une motion de déférence et, immédiatement après, une autre motion en vertu de l'article 150. En vertu de l'article 150, vous dites que la commission élue doit siéger pendant la séance de la Chambre. Vous pouvez faire cette motion en tout temps.

M. LEVESQUE: M. le Président, je me rends à votre décision et je m'exécute immédiatement. Je propose donc que ce projet de loi no 8, Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires, soit maintenant déféré à la commission parlementaire de la justice. Et en vertu de l'article 150, M. le Président...

M. BURNS: Un par un, quand même!

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Non, M. le Président, je demande un vote enregistré.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'il y a un vote là-dessus?

LE PRESIDENT: Est-ce qu'on est prêt à voter?

M. LEVESQUE: Nous sommes prêts, M. le Président.

M. BURNS: Qu'on attende, je demande que l'appel soit fait, M. le Président.

M. LEGER: Pour la protection des minorités!

LE PRESIDENT: A l'ordre! De toute façon, pour le moment, il n'y avait pas de préjudice. Qu'on appelle les députés, mais on va voter assez rapidement. Je vous demanderais de garder vos fauteuils. On va voter assez rapidement.

Qu'on appelle les députés!

Que ceux qui sont en faveur de la motion de déférence de l'honorable leader parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Lachapelle, Berthiau-me, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Desjardins, Giasson, Brown, Kennedy, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher Harvey (Charlesbourg), Sprin-gate, Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Verreault.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard.

LE SECRETAIRE: Pour: 49

Contre: 5

Abstention : 1

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

M. LEVESQUE: M. le Président, en vertu de l'article 150 de notre règlement, je propose que cette commission parlementaire de la Justice, à laquelle a été déféré il y a quelques instants le projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires, siège immédiatement au salon rouge, dans cet édifice...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président, immédiatement. C'est un avis, une motion et tout ce que vous voudrez.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: Non, je n'ai pas fini... immédiatement, et que cette commission continue de siéger — je vais vous demander une directive, si vous m'empêchez, M. le Président.

LE PRESIDENT: Je préférerais que vous arrêtiez là, puis vous demanderez une directive.

M. LEVESQUE: D'accord.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion...

M. BURNS: M. le Président, j'ai une directive à vous demander. Moi, j'en ai une directive.

M. LEVESQUE: Moi j'ai demandé une directive et il a dit non.

M. BURNS: Ecoutez, M. le Président, je ne sais pas dans quelle limite je vais devoir me prononcer sur cette motion-là.

LE PRESIDENT: Le leader du gouvernement m'a demandé...

M. BURNS: II a demandé une directive? D'accord.

M. LEVESQUE: M. le Président, comme il faut s'attendre à tout, la première question? Si cet avis indique le salon rouge et que, par mégarde, ces messieurs mettaient le feu ce soir au salon rouge, est-ce que la commission peut siéger ailleurs?

Deuxième question, M. le Président.

M. BURNS: C'est vraiment très fort, c'est exactement au niveau de l'attitude que vous avez maintenue depuis le début; c'est très fort.

M. LEVESQUE: M. le Président, dans un genre d'obstruction comme celui que conduit le député de Maisonneuve, on peut s'attendre à tout. Deuxièmement, M. le Président, je comprends que le règlement le dit, mais je veux votre "ruling", si on peut dire, là-dessus. Nous

comprenons que lorsqu'une commission reçoit le mandat de siéger et qu'elle commence à siéger, c'est elle-même qui décide de s'ajourner, autrement dit si cette commission siège jusqu'à minuit ce soir, et qu'elle s'ajourne à demain matin, dix heures, elle siégera demain matin à dix heures sans qu'un avis soit nécessaire, en vertu du règlement, si je comprends bien le règlement, et elle peut siéger ainsi, et elle doit siéger ainsi, de dix heures du matin, selon l'horaire de la Chambre, jusqu'à minuit demain soir. Et si, au moment où elle décide de s'ajourner, à onze heures ou à minuit demain soir, la commission propose de siéger de nouveau lundi matin, à dix heures, ou à une autre heure qu'elle décide de siéger, cela se continue tant que le mandat n'aura pas été changé par la Chambre. Est-ce que j'ai bien compris qu'il n'est pas nécessaire, autrement dit, de faire un avis pour samedi et lundi à l'heure présente? C'est ça que je veux que ce soit bien clair.

LE PRESIDENT: Est-ce que c'est dans le même sens?

M. BURNS: Non, c'est un peu plus que ça. Il n'est pas question de mettre le feu, mais vous êtes en train de nous le mettre, par exemple.

LE PRESIDENT: Surtout ne le mettez pas dans l'Assemblée.

M. BURNS: Non, non, d'ailleurs, M. le Président, vous savez, c'est peut-être un signe de la couleur du complet que je porte, c'est froid le bleu.

LE PRESIDENT: Non, mais c'est un feu symbolique.

M. BURNS: Bon. M. le Président, je veux tout simplement dire ceci et c'est là la directive que je vous demande: Vous avez eu recours à l'article 150 et la raison pour laquelle j'ai eu recours à l'article 140, c'est la façon dont le leader avait fait sa motion, c'est-à-dire: Ce soir, demain soir, etc. Moi, je ne sais pas si la Chambre va siéger ce soir, je ne sais pas si elle va siéger demain, je ne sais pas si elle va siéger lundi. Si la Chambre siège durant toutes ces périodes, je suis d'accord sur votre interprétation, M. le Président. On va très bien s'entendre au départ. "Les commissions élues peuvent siéger en tout temps. Toutefois, une seule commission élue peut siéger durant les séances de l'assemblée sur une motion qui peut être faite en tout temps." La motion doit être faite quand la Chambre siège. D'accord.

Mais si c'est l'intention — et c'est cela que je vous demande tout simplement, si vous ne croyez pas que cela doive changer votre attitude — du leader du gouvernement d'ajourner la Chambre et de faire siéger la commission, parce que je pressentais cela dans sa façon de formuler: Ce soir, demain, amusez-vous tant que vous voudrez, jasez et nous autres on se promènera chez nous et on fumera notre cigare, à ce moment-là, je pense que l'article 140 reprend son importance. Si nous sommes ici en séance, cette motion peut être faite et c'est vrai qu'elle n'est pas débattable. Mais si, par contre, l'idée est de faire siéger la commission parlementaire sans faire siéger la Chambre, je pense que cela prend une motion particulière qui, elle, devient débattable, que j'aimerais bien débattre, d'ailleurs.

LE PRESIDENT: Dans cette demande double de directives, mon opinion est la suivante, pour ce qui est de procéder à la tenue d'une séance d'une commission pendant que la Chambre siège, ce qui est notre cas actuellement. Une fois qu'un mandat est confié à une commission, la commission devient maîtresse de ses travaux. Mon opinion est que la commission qui va aller siéger, qui sortira de cette enceinte tout à l'heure pour aller siéger ailleurs, a un mandat d'étudier le projet de loi no 8. Elle-même, étant maîtresse, décidera si elle doit siéger ce soir, ou demain, ou demain après-midi, sauf dimanche, et on dit que les règlements de l'Assemblée s'appliquent aux commissions. J'interprète que les heures de l'Assemblée, que nous avons adoptées récemment, s'appliquent aux commissions. Le seul moment où cette commission ne pourra pas siéger — elle pourra ajourner ses travaux et c'est la commission qui le décidera — est le dimanche, nécessairement, et elle ne pourra pas décider de siéger si la Chambre siège demain ou lundi, pendant les affaires courantes. Elle pourra s'ajourner comme elle le voudra et elle travaillera comme elle l'entendra.

M. LEVESQUE: A l'endroit qui lui plaira.

LE PRESIDENT: Bien ce serait le salon rouge, d'après moi. Ne me compliquez pas...

M. LEVESQUE: Oui mais si demain le salon rouge est pris pour autre chose, disons, elle peut, d'elle-même...

LE PRESIDENT: Le grand principe, c'est que...

M. LEVESQUE: Oui, oui.

LE PRESIDENT: ... la commission est maîtresse de ses travaux.

M. LEVESQUE: Bon. D'accord. LE PRESIDENT: C'est un principe. M. LEVESQUE: Bon.

LE PRESIDENT: Alors, cette motion, faite en vertu de l'article 150, est-elle adoptée?

M. BURNS: M. le Président, je demande le vote enregistré.

LE PRESIDENT: Même vote?

M. BURNS: Non, M. le Président. On demande un vote. Qu'on appelle les députés!

M. LESSARD: H y a 53 députés qui sont partis. Qu'ils viennent voter.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Si je comprends bien...

M. BURNS: C'est parce qu'il y a des députés qui ne sont pas à leur place.

LE PRESIDENT: Nous allons voter dans deux minutes. Appelez les députés.

Que celle et ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable leader parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Desjardins, Giasson, Brown, Kennedy, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Sprin-gate, Beauregard Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Verreault.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Y a-t-il une abstention? Abstention de l'honorable député de Beauce-Sud.

LE SECRETAIRE: Pour: 49

Contre : 5

Abstention : 1

LE PRESIDENT: A l'ordre! La motion est adoptée.

Etude des crédits supplémentaires (suite)

LE PRESIDENT: L'honorable député de Jeanne-Mance, s'il vous plaît.

M. BRISSON (président de la commission plénière): A l'ordre! Page 107, transports. Services aux usagers, élément 1, information, contrôle et sécurité,

M. LESSARD: Est-ce que le ministre pour- rait nous donner des explications concernant cette augmentation à $1,510,000?

M. MAILLOUX: II s'agit en fait de deux articles dans le montant de $580,000. Il y a un montant de $380,000 en supplément pour les subventions accordées aux clubs de motoneiges. L'estimation qu'en avait faite le ministère nous avait fait accorder par la Chambre un budget de $315,000. Par la suite, les clubs de la province qui ont réussi à recevoir leur agrément ont été tellement nombreux que le ministère est obligé de demander un budget supplémentaire de $365,000. Et la différence de $15,000 concerne cinq subventions, la première au Conseil canadien de la sécurité routière, la deuxième à la Fédération des jeunes chambres du Canada français, la troisième à l'Ecole de cyclisme et promenade...

M. LESSARD: C'est $20,000.

M. MAILLOUX: C'est $15,000 globalement.

M. LESSARD: $15,000 et vous me dites que ça se divise en trois subventions.

M. MAILLOUX: En cinq subventions, Sécurité routière de Sherbrooke et Corporation village de sécurité routière de Chicoutimi-Nord.

M. LESSARD: Cinq de $3,000?

M. MAILLOUX: Possiblement, mais je ne pourrais pas l'affirmer. J'ai le montant de $15,000 pour les cinq.

M. LESSARD: Bon.

M. ROY: Est-ce que vous avez la liste, M. le ministre, des subventions qui ont été accordées pour les $580,000?

M. MAILLOUX: Je n'ai pas la liste des subventions.

M. ROY: Est-ce qu'il serait possible de nous fournir la liste?

M. MAILLOUX: Oui, nous pourrions avoir la liste de tous les clubs qui ont reçu du ministère des Transports leur agrément durant la saison et la déposer en Chambre, je pense, dans un délai de quelques jours, même avant l'ajournement de la Chambre.

M. LESSARD: Est-ce qu'il s'agit, M. le Président, concernant les clubs de motoneige, du programme qui avait été accepté l'an dernier et qui était au montant de $600,000? C'était un programme d'aide selon le nombre de membres dans un club, le nombre de milles de construction de pistes de motoneige. Est-ce qu'il s'agit de ce programme?

M. MAILLOUX: II s'agit en fait, je pense, d'un règlement découlant du règlement numéro 7, où tous les clubs qui rencontraient les exigences du ministère des Transports et qui pouvaient recevoir, en se conformant à ces exigences, leur agrément, recevaient une subvention statutaire, suivant le nombre de milles de route qui étaient entretenus par les clubs de motoneige et le nombre de membres. Malheureusement, plusieurs clubs n'ont pu satisfaire à ces exigences, principalement sur la rive nord du Saint-Laurent, et n'ont pu avoir la subvention donnée. Cela s'est produit malheureusement également dans mon comté où les clubs n'ont pu recevoir cet agrément. Mais tous les clubs qui ont satisfait aux exigences du ministère ont reçu la subvention au prorata des membres et du millage que ces clubs devaient entretenir.

M. LESSARD: Maintenant, à quelle date doivent se faire — la date finale — ces demandes? Est-ce le 1er décembre ou si encore, actuellement, certains clubs pourraient faire la demande au ministère?

M. MAILLOUX: Non. Dans les clubs auxquels je me référais, de la rive nord, qui n'ont pu être acceptés, il y avait une date limite où les demandes devaient être enregistrées au ministère. Tous les clubs qui, par la suite, ont fait des demandes, ont été reportés aux prochaines prévisions budgétaires. Il faudra forcément attendre après le 31 mars. Je pourrai informer ultérieurement le député de Saguenay de la date finale à laquelle les clubs auront à se conformer, s'ils désirent être éligibles aux subventions du prochain budget.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre...

M. ROY: M. le Président, sur cette information...

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que vous fassiez rapport.

M. LESSARD: C'est une motion débattable, ça. M. le Président, c'est une motion débattable. M. le Président, on ne sait pas trop où on s'en va; il faudrait que le leader parlementaire nous explique un peu dans quelle direction il a décidé d'aller d'ici à demain soir. On vient de commencer, il y a à peine quelques minutes, la discussion sur les crédits du ministère des Transports. Or, je ne sais pas quelle mouche le pique de ce temps-ci ou s'il n'est pas capable de planifier son travail, mais voilà que le leader parlementaire du gouvernement nous dit: Je propose qu'on fasse rapport.

M. le Président, même si on est six députés en cette Chambre, nous n'avons pas l'intention de nous laisser bousculer avec des tracasseries comme semble vouloir le faire actuellement le leader parlementaire du gouvernement. Il sem- ble que le leader parlementaire du gouvernement veut faire de la procédurite; il nous le prouve, ce n'est pas la première fois.

Ce matin, et si c'était la première fois encore, mais ce matin, alors que mon collègue et d'autres collègues avaient l'intention de discuter sur un projet de loi concernant l'agriculture, voilà qu'une autre mouche le piquant le leader parlementaire du gouvernement nous propose l'ajournement du débat. Je voudrais bien que le leader du gouvernement soit un peu plus logique, que le leader du gouvernement planifie un peu mieux son travail, que le leader du gouvernement aide, en tout cas, les parlementaires de l'Opposition à pouvoir planifier leur travail aussi.

Nous nous préparions pour discuter des crédits du ministère des Transports. Après quelques minutes, deux ou trois minutes — d'autant plus que nous étions en train de discuter d'un article particulier — au moment où on avait engagé le débat avec le ministre des Transports, au moment où ce ministre commençait à nous donner un certain nombre de renseignements, voilà que le leader nous coupe tout simplement, le leader nous arrête de parler, et là il fait une motion. Il me semble que non seulement c'est de l'impolitesse pour l'Opposition officielle, M. le Président, mais c'est même de l'impolitesse pour le ministre, qui n'a même pas été consulté dans la décision du leader parlementaire du gouvernement.

Le ministre a attendu depuis ce matin pour discuter des crédits des Transports, et voilà qu'on coupe la parole au ministre, voilà qu'on arrête le ministre de nous donner...

M. MALOUIN: ... il n'a rien compris. LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre!

M. LESSARD: Voilà, M. le Président qu'on coupe la parole au ministre, on devrait plutôt couper la parole aux députés qui n'appliquent pas les articles 26 et 50 du règlement. Depuis ce matin au moins ils auraient dû apprendre un certain nombre d'articles. Alors, on veut nous, en tout cas, faire un travail efficace, un travail utile dans cette Chambre. Pour faire ce travail efficace et utile, on a besoin...

M. LEVESQUE: On va être franc.

M. LESSARD: ... de savoir ce qu'on va avoir à discuter aujourd'hui, puis ce qu'on va avoir à discuter demain, M. le Président. Il me semble que c'est une chose qui est logique. Je comprends que les libéraux ont le feu à la bonne place, et ce ne sont pas les députés du Parti québécois qui vont mettre le feu au salon rouge.

J'ai l'impression, M. le Président, que les députés du Parti québécois, la seule chose qu'ils ont faite depuis ce matin, en plus de discuter sérieusement sur un projet de loi important, ç'a été de mettre le feu à la bonne place des

députés libéraux et en particulier du leader parlementaire du gouvernement. Avec la quantité de députés qu'on a, de l'autre côté de la Chambre puis tout autour de nous, il me semble que le leader du gouvernement devrait être capable d'avoir de l'esprit de décision.

Quand il décide que ce sont les crédits qu'on discute, il me semble, M. le Président, que si le leader parlementaire est quelque peu responsable des décisions qu'il prend, il ne doit pas modifier ces décisions-là deux ou trois minutes par la suite, après qu'un engagement sérieux ait commencé à se faire entre les membres de l'Opposition et le ministre des Transports. Je trouve cela absolument illogique, je trouve cela absolument insensé, je trouve cela absolument irresponsable de la part du leader du gouvernement qui devrait, lui qui nous demande de prendre nos responsabilités et qui nous accuse à tort et à travers, comme il l'a fait ce matin, justement de ne pas respecter notre parole, il me semble que le leader du gouvernement devrait, lui aussi, nous prouver qu'il a organisé son travail, lui aussi nous prouver qu'il sait où il va, lui aussi nous prouver qu'il est prêt à montrer une certaine collaboration aux députés de l'Opposition et nous dire quel travail nous aurons à faire d'ici les quelques heures qui nous restent à siéger avant d'ajourner à lundi prochain.

Il me semble que c'est quelque chose d'élémentaire, quelque chose d'important pour les six députés que nous sommes et les deux députés créditistes qui sont ici en cette Chambre. Nous avons malheureusement, à cause du nombre, des dossiers importants à assimiler et on doit les assimiler très vite, ces dossiers-là. Pour pouvoir, en tout cas, partager le travail entre les six, et aussi pour les deux autres députés créditistes, il faut savoir quel travail nous avons à faire. Toutes ces tracasseries administratives, ce n'est pas la première fois, M. le Président, que cela se présente. Dès l'ouverture de l'Assemblée nationale, nous avons eu à discuter de ce problème-là, des tracasseries administratives que le gouvernement tente de nous créer pour nous mettre des bâtons dans les roues continuellement.

C'est justement là qu'on voit ce que le gouvernement tente, à cause, comme dit le député de Saint-Jacques, de sa représentation grotesque; il tente de bloquer l'Opposition, il tente d'empêcher l'Opposition de faire son travail; il essaie d'empêcher l'Opposition de planifier son travail pour, justement, écraser les représentants de 45 p.c. de la population.

M. VEILLEUX: 45 p.c, il sont rendus à 45 p.c.

M. LESSARD: Qui n'ont pas voté pour le Parti libéral, quoi qu'en dise le député...

M. VEILLEUX: Cela va finir qu'ils vont avoir gagné, M. le Président.

M. LESSARD: ... insignifiant de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, question de privilège.

M. LESSARD: Quoi qu'il en dise, M. le Président.

M. VEILLEUX: Question de privilège, qu'il retire le mot "insignifiant" qu'il vient de prononcer. Cela s'applique à lui, pas à moi.

M. CHARRON: Votre leader vient de vous faire signe.

M. VEILLEUX: Cela, ça ne te regarde pas le jeune.

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

M. VEILLEUX: Qu'il retire ses paroles, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! A l'ordre !

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Il me semble qu'à l'intérieur d'un parti comme celui-là il doit y avoir un minimum...

LE PRESIDENT (M. Brisson): Quel article?

M. CHARRON: J'invoque le règlement pour rétablir les faits, M. le Président.

M. LESSARD: Une question de règlement, M. le Président.

M. CHARRON: J'ai l'impression qu'à l'intérieur d'un parti comme celui-là, il doit y avoir un minimum d'autorité. Le leader fait signe à son "back-bencher" de ne pas intervenir pour ne pas prolonger inutilement les débats, c'est-à-dire qu'il se résigne à assister passivement au débat mais il intervient quand même, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, ce n'est pas une question de règlement, cela.

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! Je ne crois pas que ce soit une question pertinente au débat et j'inviterais le député de Saguenay à continuer.

M. CHARRON: C'est un manque de respect de l'autorité.

M. LESSARD: M. le Président, comme je suis très respectueux des règlements et qu'il est vrai que j'ai probablement utilisé un terme non parlementaire à l'égard du député de Saint-Jean et comme il nous est impossible quelquefois de dire à certains députés la vérité en cette Chambre, alors j'accepte de retirer mes paroles, tout en n'en pensant pas moins.

M. VEILLEUX: C'est réciproque.

M. LESSARD: M. le Président, il semble que les 102 députés libéraux...

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je ferai remarquer au député de Saguenay que son temps est expiré.

M. LESSARD: M. le Président, je termine en disant que nous avons l'intention de faire notre travail malgré les tracasseries du leader du gouvernement. Malgré les tracasseries du gouvernement actuel pour essayer de nous écraser, on va le faire.

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!

La motion est-elle adoptée?

M. ROY: M. le Président...

M. LEVESQUE: M. le Président, non.

M. ROY: ... en vertu de l'article 50, je soulève une question de privilège et je suis dans mon droit. L'article 50 dit ceci: "Un député qui soulève une question de privilège doit se borner à protester." Je vais me limiter à protester contre cette façon de procéder. On fait des petites motions, puis on dit: Toi, Roy, tais-toi. On dirait qu'on est revenu aux années 1950, 1955, 1956. Je proteste, M. le Président, en vertu de l'article 50, contre cette façon de procéder, contre ce manque de planification, contre ce bâillonnement continuel et je proteste également...

M. LEVESQUE: Il n'a pas le droit de parler, M. le Président, à ce moment-ci.

M. ROY: ... en vertu de l'article 50... LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY: ... contre cette perte de temps continuelle. On s'amuse, à l'heure actuelle, comme des enfants aux frais des contribuables du Québec. Je pense qu'on devrait faire preuve de beaucoup plus de sérieux.

M. MALOUIN: C'est pour vous autres, ça.

M. ROY: Si nous avons des petites questions à poser à l'honorable ministre des Transports — c'est normal que nous ayons des questions à poser; j'en ai posé et j'en ai à poser aussi — je n'entends pas être bâillonné...

LE PRESIDENT (M. Brisson): La motion, s'il vous plaît.

M. ROY: ... et être manipulé par des motions sur lesquelles je n'ai pas droit de prendre la parole. M. le Président, en vertu de l'article 50, je proteste.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Cette motion est-elle adoptée?

M. LESSARD: M. le Président, motion dé-battable.

M. LEVESQUE: Non, non.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Motion dé-battable par un représentant de chaque parti.

M. LESSARD: Donnez-moi l'article.

M. CHARRON: Nous sommes en commission plénière.

M. LESSARD: Nous sommes en commission plénière.

M. LEVESQUE: Non, non. Un instant, lisez votre règlement. Vous m'avez demandé de lire le règlement.

M. CHARRON: Lisez-le donc. Vous vous êtes mal pris, hier. Vous ne connaissiez même pas l'article 77, comme leader du gouvernement. Lisez-le, l'article du règlement qui m'interdit de parler, actuellement. Lisez-le donc. Vous ne le connaissez même pas.

M. LEVESQUE: 157.

M. LESSARD: Oui, d'accord.

M. LEVESQUE: 1. "En commission plénière, un député peut proposer de rapporter à l'Assemblée que la commission n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la permission de siéger à nouveau. En commission élue, un député peut proposer que la commission ajourne ses travaux. 2. Ces motions sont mises aux voix, sans amendement, et elles ne peuvent être faites qu'une fois au cours d'une séance, sauf par un ministre. Elles ne peuvent être débattues, sauf qu'un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes chacun à leur sujet."

Je demanderais au député de Saint-Jacques de s'excuser.

M. LESSARD: M. le Président, on peut quand même s'essayer.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté.

M. LESSARD: Sur division, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Sur division, d'accord.

M. LEVESQUE: Le rapport.

M. BRISSON (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission n'a pas fini de délibérer et demande la permission de siéger à nouveau.

LE PRESIDENT: Très bien.

M. LEVESQUE: Je propose l'ajournement de la Chambre à mardi, dix heures de la matinée.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi prochain, dix heures.

(Fin de la séance à 17 h 48)

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