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(Quinze heures sept minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
Questions orales des députés.
QUESTIONS DES DÉPUTÉS
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Port de Gros-Cacouna
M. MORIN: M. le Président, est-ce que le ministre responsable de
l'ODEQ pourrait dire à cette Assemblée où en est le projet
de port de Gros-Cacouna et plus particulièrement le projet de
transbordement de marchandises en vrac?
M. LEVESQUE: Est-ce que le chef de l'Opposition veut se renseigner au
cas où il aille là bientôt?
M. MORIN: Cela se pourrait. M. LEVESQUE: Oui!
M. BOURASSA: M. le Président, je comprends très bien le
chef de l'Opposition de vouloir être informé, de la façon
la plus complète ou récente possible, des derniers
événements. J'ai reçu un groupe de cette région qui
m'a fait des représentations. J'en ai discuté avec M. Marchand,
parce qu'il y a là une responsabilité fédérale.
J'espère que d'ici quelques mois nous pourrons avoir des nouvelles
définitives sur cette question.
M. MORIN: J'ai cru constater dans la correspondance justement, que le
premier ministre favorise éminemment ce projet. L'Opposition s'en
réjouit. Mais est-ce que le premier ministre pourrait nous dire si la
société Havre Champlain offre toutes les garanties de
sérieux nécessaires pour entreprendre ce projet?
M. BOURASSA: Bien je dois dire, M. le Président, que je ne suis
pas au courant des détails que vient de soulever le chef de
l'Opposition; c'est une question assez générale et pas tellement
précise. Qu'est-ce que veut dire le chef de l'Opposition par toutes les
garanties nécessaires? Sur le plan financier? Sur le plan de
l'expertise?
M. MORIN: On ne peut rien vous cacher! C'est là le sens de ma
question. Pourriez-vous y répondre maintenant?
M. BOURASSA: Pas aujourd'hui, M. le Président.
M. MORIN: Bien. Est-ce que le premier ministre sera en mesure
peut-être, en question supplémentaire, de nous donner des
éclaircissements là-dessus d'ici quelque temps?
M. BOURASSA: M. le Président, je dois quitter Montréal
demain pour les funérailles de M. Pompidou. Je serai de retour
probablement... La session reprendra à la fin d'avril. Aussitôt
que j'aurai les informations, je pourrai les donner au chef de
l'Opposition.
Je souhaite bonne chance au chef de l'Opposition. C'est une nouvelle
tournée que fait le chef de l'Opposition, devant le déclin rapide
du Parti québécois. Il faut qu'il fasse une nouvelle
tournée.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MORIN: Je suis heureux de pouvoir rassurer le premier ministre, M. le
Président. Devant le succès que j'ai rencontré au cours de
la première tournée, je songe effectivement à en
entreprendre d'autres.
Mais, pour l'heure, je voudrais poser une question additionnelle. Est-ce
qu'il est exact que, d'après les renseignements que nous avons, en tout
cas, le ministre fédéral des Transports favoriserait
l'implantation d'un tel port dans les Maritimes, plutôt qu'à Gros
Cacouna? Si tel est le cas, qu'entend faire le premier ministre?
M. BOURASSA: Cela ne me paraît pas exact, d'après les
discussions que j'ai eues avec M. Marchand.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LACROIX: Je ne laisserai pas passer ça aux
Iles-de-la-Madeleine.
Transport en commun pour personnes
âgées
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Transports. A la suite de l'échec du rapport Springate et des promesses
faites par les députés libéraux pendant la campagne
électorale concernant la gratuité ou la réduction du tarif
du transport en commun pour les personnes âgées, ma question est
la
suivante: Est-ce que, premièrement, le ministre a informé
officiellement toutes les municipalités du Québec où il y
a du transport en commun de la politique générale du gouvernement
concernant le tarif pour les personnes âgées? Sinon, comment
peut-il s'attendre à des demandes des municipalités, comme c'est
le cas pour le ministre du Revenu, qui dit à la Communauté
urbaine de Montréal de faire une demande? Comment peut-il s'attendre
à des demandes s'il n'y a pas une politique générale
d'énoncée sur le coût et sur le tarif possible qu'on peut
permettre à des personnes âgées?
Troisièmement, est-ce qu'une étude a été
faite par son ministère sur l'ensemble des transports en commun de tout
le Québec, concernant le coût et la fréquence d'utilisation
des transports en commun pour les personnes âgées?
M. MAILLOUX: M. le Président, il y avait effectivement, à
l'intérieur du programme du Parti libéral, une indication
à l'effet que le gouvernement actuel s'intéresserait davantage au
tarif que doivent payer les personnes âgées dans les transports en
commun, dans le Québec. Je suppose que le gouvernement voudra se
prononcer au moment où il le jugera à propos.
Quant à savoir si le ministère des Transports a
commandé des études sur l'ensemble des déficits que
rencontrent les commissions de transport, de même que sur tous les
problèmes inhérents à ces commissions de transport, j'ai
effectivement reçu un rapport préliminaire des études qui
sont terminées. Ce rapport m'a été soumis au cours des
derniers jours.
Je ne pense pas pouvoir me présenter devant les autres instances
de décision que sont le Conseil du trésor et le conseil des
ministres avant quelques semaines, parce qu'aux recommandations qui me sont
faites, je dois moi-même faire, en contrepartie, d'autres
suggestions.
M. LEGER: Question supplémentaire. Est-ce que le ministre des
Transports a remis le rapport au conseil des ministres qui l'avait
mandaté le 12 janvier 1972, concernant justement le problème
précis du tarif réduit ou gratuit des personnes
âgées, premièrement?
Et deuxièmement, est-ce que vous attendez une demande
précise de la Commission de transport de la communauté urbaine de
Montréal (M. Hanigan) avant de lui répondre? Et comment peut-il
faire une demande, comme le ministre Garneau l'a faite, si on n'a pas la
politique du ministère des Transports?
M. MAILLOUX: M. le Président, je viens de dire que j'ai
reçu très récemment le rapport que le ministère
avait commandé. Et comme c'est mon intention de le présenter
ultérieurement au conseil des ministres, à ce moment il
appartiendra au gouvernement de dire ce qu'il pense du rapport et des
possibilités financières qui pourront être offertes aux
commissions de transport quant à la réduction des tarifs aux
personnes âgées.
M. LEGER: Dernière question supplémentaire.
LE PRESIDENT: Dernière.
M. LEGER: Est-ce que le gouvernement s'attend, d'une façon ou
d'une autre, à subventionner, soit totalement ou partiellement, les
commissions de transport? M. Drapeau a dit qu'il ne paierait pas ce surplus,
que ça revient au gouvernement provincial. Alors, que ce soit gratuit ou
réduit, est-ce que le ministère s'attend à subventionner
les commissions de transport pour les personnes âgées, oui ou non,
quelle que soit l'échelle de grandeur?
Et finalement, est-ce qu'il ne serait pas plus simple de permettre aux
personnes âgées d'utiliser leur carte d'assurance-maladie
où l'âge est inscrit et ça ne coûterait
absolument rien aux usagers?
M. BOURASSA: Je crois qu'il y a une erreur dans la question du
député. J'ai parlé à M. Drapeau avant-hier. Il m'a
dit qu'il était prêt à payer la moitié du montant
qui serait fourni. Le ministre des Finances a également dit qu'il
était prêt à donner une subvention à cet effet si
une demande était faite.
On me dit que le coût serait de $600,000. Le gouvernement est
certainement prêt à fournir la moitié pour les personnes
âgées, qui reçoivent un supplément, je crois. Et la
ville de Montréal ou la communauté urbaine l'organisme
approprié fournirait l'autre moitié. C'est ce que j'ai dit
à M. Drapeau.
M. LEGER: Question supplémentaire. Est-ce que le premier ministre
peut nous dire...
LE PRESIDENT: Bien, est-ce que...
M. LEGER: C'est la dernière, parce que c'est un autre qui m'a
répondu. Très courte, M. le Président, très courte.
Est-ce que le premier ministre affirme que si le maire Drapeau peut payer la
moitié, le gouvernement défraierait l'autre moitié? Est-ce
qu'il peut affirmer ça aujourd'hui?
M. BOURASSA: Je n'ai pas soumis la question encore au conseil des
ministres. Je vais la soumettre ce soir.
Le gouvernement du Québec est prêt et le maire Drapeau m'a
dit que si c'était une dépense de l'ordre de $600,000 pour les
personnes âgées, la communauté urbaine ou la ville de
Montréal étaient prêtes à financer cette question.
On me dit que ce serait $600,000 pour les personnes âgées.
M. LEGER: Pour la gratuité ou la réduction à
$0.10?
M. BOURASSA: C'est une réduction, si ma mémoire est
bonne.
M. LEGER: Ah! oui.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.
Demande d'entrevue de syndiqués
M. ROY: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable premier ministre. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire
s'il a effectivement reçu une lettre ou des télégrammes
demandant une rencontre, de la part du Comité spécial de la loge
aérienne, dite 1751, de l'Association internationale des machinistes et
travailleurs de l'aéro-astronautique, relativement au problème
que posera le déménagement éventuel, concernant
l'entretien des nouveaux avions de la société Air-Canada, les
Boeing 727? Je résume ma question, M. le Président, pour
m'assurer que le premier ministre a bien compris: Est-ce que le premier
ministre a eu des demandes de rencontre et, si oui, est-ce qu'il pourrait nous
dire quand cette rencontre doit avoir lieu?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai eu des demandes de rencontre;
j'ai discuté de la question avec le ministre des Transports, M.
Marchand, dont c'est la compétence. Il m'a donné l'assurance
qu'il n'y aurait aucune perte d'emploi et qu'il était à examiner
cette question. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, étant
donné mon absence à Paris, doit les rencontrer lundi.
M. ROY: M. le Président, le premier ministre dit qu'il n'y aura
aucune perte d'emploi. Est-ce que ça veut dire que le gouvernement
envisage une autre solution ou si le gouvernement peut nous dire qu'il a obtenu
la certitude et la garantie que cette base d'entretien, tel que prévu
originairement, sera maintenue et que les décisions ne seront pas
changées? Est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il a eu de
l'honorable Jean Marchand, du fédéral, une confirmation, une
certitude à l'effet que la base d'entretien demeurerait à
Montréal?
M. BOURASSA: M. Marchand m'a dit qu'il avait communiqué avec les
responsables. Il m'a dit, de toute manière, qu'il n'y aurait pas de
perte d'emploi, quels que soient les changements qui pourraient survenir.
M. ROY: M. le Président, je pense que le premier ministre a mal
saisi ma question ou ne veut pas comprendre. Je demande au premier ministre si
l'entretien de ce type d'avions va être maintenu à Dorval. Est-ce
que le premier ministre en a été informé? Est-ce qu'il a
eu une certitude du ministre Jean Marchand que cela allait se maintenir? Parce
qu'il s'agit de 2,000 à 3,000 emplois que nous risquons de perdre au
Québec. Je veux avoir une réponse claire et nette.
M. LACROIX: Et précise.
M. BOURASSA: La certitude...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. BOURASSA: ... que m'a communiquée M. Marchand, c'est qu'il n'y
aura pas de perte d'emploi, quels que soient les changements qui peuvent
survenir.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
Cartonnerie de Cabano
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Industrie et du Commerce.
Depuis les dernières élections, on entend très peu
parler du projet de Cabano. Est-ce que le ministre pourrait nous dire où
en est rendu ce projet et si les gens de Cabano, comme les gens du
Québec, peuvent espérer incessamment l'implantation de cette
usine?
M. SAINT-PIERRE: Les gens de Cabano, comme les gens de la province,
peuvent espérer incessamment des nouvelles encourageantes sur Cabano.
Les gens de Cabano eux-mêmes sont complètement au courant des
négociations que M. Lucien Saulnier, le mandataire du gouvernement, a
actuellement avec une ou plusieurs entreprises. Mais, d'un commun accord, et de
la part de M. Saulnier et de la part des gens de Cabano, il fut convenu qu'il
n'était pas dans l'intérêt justement des gens de Cabano, de
dévoiler la teneur de ces discussions et des négociations qui
sont en cours actuellement. J'ai parlé à M. Saulnier, de Cabano,
il y a à peine quelques jours et, à l'époque, il me disait
espérer que, d'ici trois ou quatre semaines, il pourra
révéler des choses concluantes à l'ensemble de la
population.
M. LESSARD: Merci d'une bonne réponse.
LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-L'Islet.
Production porcine
M. GIASSON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Agriculture. Je sais que ce dernier est très sensibilisé par la
situation qui prévaut présentement dans le domaine de la
production porcine. Face aux problèmes que vivent ces producteurs au
Québec, j'aimerais
savoir du ministre s'il a tenté d'approcher le gouvernement
fédéral, en vue de négocier des ventes d'un
caractère peut-être spécial à d'autres pays, face
à la surproduction de porcs que nous avons dans les frigorifiques.
Deuxièmement, j'aimerais également savoir, si le dossier
des grains de provende de l'Ouest vers l'Est, a trouvé sa réponse
dans le sens des demandes que le ministre a déjà formulées
vis-à-vis de son collègue fédéral.
LE PRESIDENT: Le ministre de l'Agriculture.
M. TOUPIN: On va commencer par la dernière question qui devient
la première. Le problème des grains de provende, comme vient de
le souligner le député de Montmagny-L'Islet, est
réglé jusqu'à un certain point dans le sens suivant: Nous
avions, quant à nous de l'Est et plus particulièrement du
Québec, soutenu que les prix que doivent payer les utilisateurs, qu'ils
soient dans l'Est ou dans l'Ouest, soient les mêmes. Effectivement, c'est
ce qui s'est produit depuis le mois d'octobre 1973. Les prix dans l'Est sont
relativement les mêmes que ceux dans l'Ouest, mise à part bien
sûr la commercialisation du grain une fois qu'il est transformé en
alimentation du bétail. Cela a eu pour effet d'augmenter les coûts
de production et dans l'Ouest et dans l'Est, ainsi que de faire faire plus
d'argent aux producteurs de provende de l'Ouest.
Donc il est réglé jusqu'à un certain point.
L'idéal, ce serait qu'on puisse avoir accès libre à ce
marché et que nous puissions, nous, du Québec, acheter et tenter
de voir comment dans des transactions directement avec les provinces de
l'Ouest, on pourrait économiser, soit dans le transport, soit dans
l'entreposage, etc.
Cela se reflète, bien sûr, sur le problème de la
production porcine au Québec et dans les provinces de l'Ouest. Je n'ai
pas tous les renseignements; ceux que j'ai jusqu'à maintenant me
paraissent être les suivants. Ils me paraissent aussi concorder avec la
réalité.
Les provinces de l'Ouest, depuis quelques années, cherchent
à développer leur production porcine, ce qui est tout à
fait normal et légitime; dans les provinces de l'Est, le Québec,
notamment, n'a pas, lui, pour autant diminué sa production. Au
contraire, il a cherché, lui aussi, à l'augmenter, les
marchés étant bons notamment au Japon et dans d'autres parties du
monde. La crise du pétrole, nous dit-on, a eu des effets sur le
marché international et les ventes à l'étranger sont plus
difficiles. Cela a refoulé au pays et autant dans les provinces de
l'Ouest que dans les provinces de l'Est il y a des surplus. C'est ce qui a
amené le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta à mettre des
subventions importantes pour la production du porc dans leurs provinces. C'est
ce qui fait aussi que des surplus de l'Ouest viennent se déverser sur
les marchés de l'Est et, par conséquent, créent des
surplus sur le marché de Montréal et font tomber les prix au
niveau des producteurs.
Je le disais il y a quelques semaines et je le
répète encore les producteurs du Québec, au
chapitre du porc, perdent présentement entre $8 et $10 pour chaque
unité mise en marché. C'est intenable. Cette situation,
économiquement, ne peut pas persister plus longtemps. Ce soir, j'apporte
le problème au conseil des ministres; nous allons en discuter et d'ici
quelques jours, peut-être une semaine, j'espère que j'aurai une
proposition concrète à offrir aux producteurs de porcs. Je ne
sais pas de quelle nature elle sera. J'ai tenté, en réponse
à la question que vous m'avez posée, de situer le problème
réel où se trouvent les producteurs de porcs non seulement du
Québec mais aussi du Canada et, notamment, des trois provinces de
l'Ouest.
Quant au fédéral, bien sûr, j'ai communiqué
avec lui; j'ai envoyé un télégramme à M. Whelan lui
faisant part de la situation de la production porcine au Québec. Il m'a
répondu immédiatement me disant qu'il attacherait au
problème tout le sérieux que ce problème mérite. Je
suis certain qu'il va le faire mais ça ne me donne pas de solution
immédiate de sa part. Je reste convaincu par ailleurs que, si l'ensemble
des provinces voulait faire, dans la production porcine, ce que nous avons fait
dans la production de la chair de volaille, ce que nous avons fait dans la
production des oeufs, nous parviendrions à trouver une solution qui
soit, cette fois-ci, non pas isolée de province en province mais qui
soit une politique canadienne qui respecterait, bien sûr, les politiques
provinciales et qui serait, en même temps, une politique à long
terme. C'est ce que nous visons, d'ailleurs, au gouvernement du
Québec.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
Tentatives de corruption d'un
député
M. BURNS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
la Justice. J'aimerais savoir de la part du ministre s'il a fait étudier
par ses conseillers la possibilité de porter des accusations en vertu du
code criminel à l'égard des tentatives de corruption faites par
MM. Jean-Jacques Côté, Frank Dasti et Nicola Di Iorio
auprès du député de Taillon?
M. CHOQUETTE: M. le Président, le sujet que soulève le
député de Maisonneuve fait actuellement l'objet d'une
enquête par la Commission de police dans le cadre de l'enquête sur
le crime organisé. Il est évident que cette commission sera en
mesure, à un moment donné ou à un autre, de faire des
recommandations à l'occasion d'un rapport qu'elle pourrait rendre public
sur certaines phases de son enquête. Voilà le premier point.
Deuxième point, M. le Président, j'ai fait
désigner un substitut du procureur général à
Montréal qui a la responsabilité de suivre l'enquête et de
déterminer au fur et à mesure du déroulement de cette
enquête s'il y a lieu de porter des accusations criminelles et s'il y a
lieu d'instituer des poursuites. Par conséquent, le ministère de
la Justice suit l'enquête sur le crime organisé de près et
agira s'il y a lieu.
M. BURNS: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que
je dois comprendre de la réponse du ministre que tant et aussi longtemps
que la commission d'enquête sur le crime organisé va
siéger, il n'y aura pas d'accusations criminelles qui seront
portées contre des individus dont la commission a pris connaissance au
niveau des faits qu'ils pouvaient être mis en accusation devant les
tribunaux?
M. CHOQUETTE: Pas nécessairement, M. le Président. Il se
peut que des accusations criminelles résultent des travaux de la
commission une fois que la commission aura déposé un ou plusieurs
rapports intérimaires, mais il se peut également qu'à un
moment donné, au cours de l'enquête, des procédures
criminelles soient instituées. Tout dépend des circonstances et
je ne voudrais pas m'engager d'une façon catégorique et
définitive à procéder d'une façon ou de
l'autre.
M. BURNS: Une question additionnelle, M. le Président. Comme le
ministre nous dit que tout dépend des circonstances, je vais donc lui
poser le cas précis de Jean-Jacques Côté, Nicola Di Iorio
et Frank Dasti. Est-ce l'intention du ministère d'attendre la fin de la
commission d'enquête pour prendre des poursuites si le ministère
juge qu'il y a lieu d'en prendre?
M. CHOQUETTE: Je pense que la preuve devant la commission
d'enquête sur les circonstances auxquelles le député de
Maisonneuve fait allusion n'est pas encore terminée. Par
conséquent, pour le moment, je ne voudrais rien indiquer au
député de Maisonneuve, à savoir si nous avons l'intention
de procéder ou si nous n'avons pas l'intention de procéder.
Je pense que, lorsque les faits seront suffisamment connus et
vérifiés au ministère de la Justice, nous prendrons alors
nos responsabilités.
M. BURNS: Question supplémentaire, M. le Président.
LE PRESIDENT: Dernière.
M. BURNS: Vraiment la dernière, très brève,
d'ailleurs. Est-ce que, parallèlement, à l'enquête de la
commission elle-même, il y a une enquête policière
actuellement en cours relativement au fait que j'ai mentionné,
c'est-à-dire MM. Jean-Jacques Côté, Di Iorio et Dasti, par
rapport à la tentative de corruption du député de
Taillon?
Est-ce qu'il y a une enquête policière parallèle
à l'enquête faite par la commission actuellement.
M. CHOQUETTE: M. le Président, actuellement, c'est la Commission
de police qui a la charge de cette enquête. Elle a le loisir de demander
le concours des corps policiers, soit de la Sûreté du
Québec ou soit encore de la police de la Communauté urbaine de
Montréal. Par conséquent, la Commission de police peut
très bien faire appel à des policiers, comme elle le fait
d'ailleurs, pour enquêter sur un certain nombre de faits qui peuvent
être intéressants.
Mais je ne connais pas d'autre enquête que celle qui porte sur ces
faits, qui est dirigée par la Commission de police, et qui serait
dirigée par un corps de police, indépendamment de l'action de la
Commission de police avec le concours des corps policiers
intéressés.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
Nomination de M. Philippe Demers
M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre. Est-il exact qu'uri ancien député de l'Union Nationale,
dans le comté de Saint-Maurice, M. Philippe Demers, ancien directeur
général de l'Union Nationale, est désormais nommé
je le vois, j'ai déjà la confirmation par le caucus auquel
j'assiste conseiller auprès du ministre de l'Agriculture et que
l'essentiel de ses fonctions serait de s'occuper des laboratoires et des
centres expérimentaux du ministère? Je veux demander au premier
ministre si c'est exact, si ce nouveau poste a été ouvert et si
M. Demers l'occupe à la suite d'un concours ouvert au public.
M.BOURASSA: M. le Président, je dois féliciter le
député pour la façon dont il a posé la question. Je
pense que la leçon de décence parlementaire, que je lui ai
donnée hier, a porté fruit.
M. CHARRON: Je vais voir si vous avez de la décence comme premier
ministre. Répondez à ma question.
M. BOURASSA: J'ai toujours répondu aux questions quand elles
étaient posées...
M. CHARRON: Avez-vous...
M. BOURASSA: ... d'une façon polie et normale.
M. LEGER: Oui, aux questions, mais pas aux réponses.
M. CHARRON: ... récompensé Philippe Deniers, oui ou
non?
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE: Ah!
M. BOURASSA: Ah! Il commence. Il est comme le député de
Maisonneuve, cela ne dure pas longtemps!
Le ministre de l'Agriculture vient de me faire part qu'il a subi un
concours. Il a réussi le concours.
M. LEGER: Cela a été plus facile que pour Paragon.
UNE VOIX: On est bien content pour lui.
M. LEGER: Cela a été plus facile que pour Paragon.
M. CHARRON: Est-ce que c'était le concours de maman Fonfon?
M. BURNS: Est-ce que c'est le même concours que pour M.
Jean-Noël Tremblay?
M. BOURASSA: II est en période de probation. Dans le cas de M.
Tremblay, je crois que M. Tremblay n'est pas engagé à titre de
fonctionnaire. C'est contractuel. Mais, dans le cas de M. Demers, il avait le
droit. Ce n'est pas parce que quelqu'un a été
député qu'il devient inéligible pour toute fonction.
M. CHARRON: Bien sûr. C'est bien certain.
M. BOURASSA: II est possible que le député de
Saint-Jacques, éventuellement, devienne éligible pour des postes
importants dans la fonction publique.
M. CHARRON: Ministre, par exemple.
M. BOURASSA: Avec la petite majorité qu'il a eue aux
dernières élections, il n'est pas sûr qu'en 1978 il ne sera
pas éligible pour un poste de la fonction publique.
M. CHARRON: M. le Président, en rappelant au premier ministre que
je suis maintenant détenteur d'une majorité accrue par rapport
à 1970, je veux lui demander à quel salaire Philippe Demers a
reçu sa récompense.
M. LEVESQUE: Au feuilleton!
M. BOURASSA: On me dit que c'est prévu par la convention
collective.
M. TOUPIN: ... qui règle la fonction publique.
M. BOURASSA: Le salaire normal prévu par la convention
collective. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition a une question
additionnelle à poser.
M. CHARRON: Une dernière question addi- tionnelle. Est-ce que le
premier ministre a l'intention d'offrir un job à Maurice Bellemare?
M. BOURASSA: Est-ce que M. Bellemare commence déjà
à faire peur au Parti québécois?
M. CHARRON: Est-ce que le premier ministre considère que M.
Bellemare est d'utilité pour le Parti libéral au point de lui
promettre une fiole immédiatement, comme dans le cas des deux
précédents?
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Affaires du jour.
M. LEVESQUE: M. le Président, en réponse à des
questions posées au feuilleton.
Article 5. Question de M. Roy, réponse de M. Drummond.
M. DRUMMOND: Lu et répondu, (voir annexe)
M. LEVESQUE: Article 12. Question de M. Roy, réponse de M.
Cloutier.
M. CLOUTIER: Lu et répondu, (voir annexe)
M. LEVESQUE: Article 33. Motion de M. Léger, dépôt
par M. Phaneuf.
Article 49. Motion de M. Léger, dépôt par M.
Forget.
M. le Président...
M. ROY: M. le Président, je voulais demander...
Travaux parlementaires
M. LEVESQUE: Un instant, s'il vous plaît. Je vais terminer. Au
salon rouge, immédiatement, la commission des affaires sociales...
M. ROY: Justement sur les questions, M. le Président.
LE PRESIDENT: Tout de suite après. Allez.
M. LEVESQUE: ... projet de règlements relativement à la
contribution des bénéficiaires de l'aide sociale. Donc,
immédiatement. Ce sera la seule commission qui siégera cet
après-midi. Elle siégera au salon rouge.
Demain matin, à dix heures de la matinée, à la
salle 81-A, commission de la justice pour l'étude des crédits du
ministère de la Justice. A dix heures, également, demain matin,
à la salle 91-A, commission des finances, des comptes publics et du
revenu, pour l'étude des crédits du ministère du Revenu.
Si la commission des affaires sociales n'a pas terminé ses travaux, elle
pourra, si elle en décide ainsi, siéger au salon rouge, demain
matin, à partir de dix heures.
Dès que la commission des finances, des comptes publics et du
revenu aura terminé l'étude des crédits du
ministère du Revenu, nous procéderons, immédiatement
après, à l'étude des...
M. LESSARD: Des comptes publics?
M. LEVESQUE: ... crédits du ministère de la Fonction
publique.
M. LESSARD: Vous dites des comptes publics?
M. LEVESQUE: Bien oui, elle siège aujourd'hui, elle a
siégé, elle continuera de siéger.
M. LESSARD: Pour étudier les transactions du gouvernement?
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Nous avons besoin d'une motion, du
moins en ce qui concerne la séance de la commission des affaires
sociales cet après-midi, durant la séance. Cette motion est-elle
adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté. LE PRESIDENT: Adopté.
M. ROY: M. le Président, j'aurais deux questions à poser
à l'honorable leader du gouvernement. Est-ce que la commission
parlementaire du revenu et c'est bien important que ce soit dit de
façon à ce que ce soit très clair est exclusivement
mandatée pour étudier les crédits du ministère du
revenu ou si elle est mandatée pour examiner également certains
comptes publics? J'aimerais le savoir pour la bonne gouverne de tous les
membres de l'Assemblée nationale, parce que le premier ministre, hier, a
enregistré sur des appareils des journalistes que la commission
parlementaire des comptes publics et du revenu pourrait examiner les questions
qui ont été posées.
M. BOURASSA: M. le Président, je m'excuse...
M. ROY: Je voudrais que ce soit clair, de façon qu'il n'y ait pas
d'équivoque, que tout le monde sache à quoi s'en tenir.
M. BOURASSA: II faut toujours être très clair avec le
député de la Beauce. Ce que j'ai dit, c'est que les commissions
des comptes publics, du revenu et des finances siégeaient ensemble en
vertu de la réforme des règlements parlementaires, et que la
question posée par le député de Maisonneuve relevait de la
commission de l'industrie et du commerce au titre du service des achats.
M. LEVESQUE: C'est ça.
M. ROY: Alors, ça ne répond pas à la
première partie. Est-ce que la commission parlementaire du revenu sera
exclusivement limitée à discuter des crédits du
ministère du Revenu?
M. LEVESQUE: Je pense que le premier ministre avait bien raison, encore
une fois, en disant comment il faut être précis pour être
compris du député de Beauce-Sud. Il me semble que c'est
très clair. Si on veut parler des sujets amenés par le
député de Maisonneuve, il y a un endroit qui s'appelle le
ministère de l'Industrie et du Commerce, parce que ce cas se rattache au
service général des achats.
Et comme on parle présentement des crédits du
ministère du Revenu, c'est l'endroit parce que ce ministère fait
l'objet d'études de la part de la commission parlementaire des finances,
des comptes publics et du revenu.
Lorsque nous arriverons, par exemple, à étudier les
crédits du ministère des Finances, ce sera encore la même
commission qui étudiera les crédits du ministère des
Finances, c'est-à-dire la commission des finances, des comptes publics
et du revenu. Merci.
M. BOURASSA: M. le Président, je veux faire une
rectification...
M. BURNS: M. le Président...
M. BOURASSA: C'est une erreur de ma part, je m'excuse. Le service des
achats relève du ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement. Anciennement, il était au ministère de
l'Industrie et du Commerce. Alors, c'est au ministère des Travaux
publics et de l'Approvisionnement.
M. LEVESQUE: Cela a été transféré.
M. BURNS: Je vois qu'on nous promène d'un ministère
à l'autre. M. le Président, vu qu'on s'est
référé à deux reprises à des questions que
j'ai formulées hier, il serait peut-être important de dire tout de
suite au premier ministre et au leader du gouvernement pourquoi nous demandons
la commission des comptes publics comme telle et non pas la commission que ce
soit la commission des travaux publics à cause de l'examen des achats ou
encore de l'industrie et du commerce, même si ç'avait
été vrai ce que le premier ministre disait tantôt.
La raison fondamentale pour laquelle nous demandons la commission des
comptes publics, c'est parce que nous avons la possibilité à
cette commission de convoquer des témoins, alors que lors de
l'étude des crédits, cette possibilité n'est pas
normalement présente. Et c'est ça qui est important.
M. BOURASSA: M. le Président...
M. BURNS: ... à moins que le premier ministre, M. le
Président on va mettre les choses bien claires ne nous
dise et ne s'engage
formellement devant le Parlement à accepter que, lors de
l'étude des crédits du ministère des Travaux publics,
lorsqu'on étudiera, comme il dit, le service des achats, les
députés de l'Opposition aient la possibilité de faire
venir des témoins. Si vous vous engagiez à cela, à ce
moment-là, ce serait une bataille de noms; là, j'aurais l'air du
gars qui demanderait tout simplement la commission des comptes publics, parce
que je veux la commission des comptes publics. Mais si vous me dites que vous
acceptez qu'on convoque des témoins à la commission qui
étudiera les crédits des Travaux publics, de sorte que, lorsqu'on
arrivera au service des achats, on puisse amener des témoins, je vais
dire: D'accord, on ne parle plus des comptes publics.
M. BOURASSA: Le ministre responsable de la commission des engagements
financiers me dit que ce droit existe pour l'Opposition. Il me signale que la
question du député est, à cet égard,
désuète.
M. BURNS: C'est absolument inexact, absolument inexact.
M. LEVESQUE: M. le Président, il ouvre un débat.
M. BURNS: Je ne veux pas ouvrir un débat, M. le Président,
mais je veux tout simplement dire que c'est absolument inexact au niveau de la
commission des engagements financiers, premièrement. J'aimerais bien
savoir si ce serait l'endroit idéal pour convoquer des témoins,
pour parler de ce genre de choses, surtout quand on sait que les débats
de la commission des engagements financiers ne sont même pas
enregistrés au journal des Débats.
LE PRESIDENT: C'est ça, c'est ça.
M. BURNS: C'est un autre des petits problèmes. Si,
véritablement, on veut faire la lumière sur une situation, si,
véritablement, on veut convoquer des gens et leur poser des questions
sur certains contrats, à ce moment-là, je pense qu'il est
d'intérêt public que ce soit connu de l'ensemble de la population
et, entre autres, que ce soit enregistré au journal des Débats.
C'est une des façons.
M. BOURASSA: Monsieur Lefaivre m'a dit que très, très
prochainement il travaille constamment sur cette question il me
fera un rapport sur la question posée par le député.
Alors, on va prendre connaissance du rapport de M. Lefaivre je pense que
c'est l'étape normale et, après ça, on pourra
discuter de la procédure à suivre.
LE PRESIDENT: Bon. Affaires du jour.
M. ROY: M. le Président, en vertu de l'article 34, est-ce qu'il
me serait permis de demander au leader du gouvernement si, demain, à
l'occasion des travaux normaux de l'Assemblée nationale, nous allons
continuer le débat sur le discours du budget ou si nous allons
procéder à certaine législation? Je pense, M. le
Président, que nous avons quand même le droit de savoir, en vue de
planifier notre travail, sur quoi nous aurons à travailler demain.
M. LEVESQUE: M. le Président, sans être tout à fait
catégorique, nous avons l'intention de présenter deux projets de
loi en deuxième lecture d'ici l'ajournement. Il s'agit des articles 54
et 55 du feuilleton, soit les projets de loi 2 et 3, Loi des caisses d'entraide
économique et Loi modifiant la loi de l'assurance-dépôts du
Québec, deux projets de loi au nom du ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
Alors, d'ici mardi, soit demain ou vendredi probablement, nous
procéderons, si nous n'avons pas terminé le débat sur le
discours du budget, à l'étude de ces deux projets de loi.
M. ROY: Serait-ce trop demander au leader du gouvernement de nous
aviser, si c'était possible, d'ici la fin de la journée, si une
décision définitive est prise?
M. LEVESQUE: Nous essaierons de collaborer, comme nous l'avons toujours
fait, avec la loyale Opposition de Sa Majesté.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Je pose une question, M. le Président, en vertu de
l'article 34; c'en est véritablement une. Hier, j'ai entendu le
leader...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Est-ce que je pourrais inviter les
honorables députés à prendre leur fauteuil respectif?
M. BURNS: Je disais donc, M. le Président, qu'hier j'ai entendu
le leader du gouvernement nous mentionner qu'il était plus que probable,
il était même certain, que nous siégerions lundi prochain.
Cela me fait poser une question relativement aux travaux de la Chambre: Est-ce
que, dans l'esprit du leader du gouvernement, cela veut dire qu'on siège
lundi prochain pour éviter de siéger mercredi prochain?
L'importance de cette question, M. le Président, c'est que, le mercredi
étant journée réservée aux députés,
c'est-à-dire aux membres de l'Opposition jusqu'à nouvel
ordre, jusqu'à nouvelle interprétation nous aimerions
savoir si ça veut dire qu'on ne siégera pas mercredi prochain,
donc qu'on ne pourra pas discuter de projets de loi ou de motions inscrites au
nom des députés.
M. LEVESQUE: M. le Président, nous avons pris cette
décision après consultation avec
l'Opposition, même avec les Oppositions. Deuxièmement, j'ai
mentionné, lors de ces consultations...
M. BURNS: Lundi, quant à ne pas siéger le mercredi?
M. LEVESQUE: Quant à siéger lundi. M. BURNS: Oui,
ça c'est vrai.
M. LEVESQUE: J'ai mentionné à ce moment-là qu'il y
avait trois heures de plus de séance le lundi que le mercredi. C'est
pourquoi nous avons choisi de siéger le lundi plutôt que le
mercredi.
M. BURNS: C'est-à-dire que, si on siège lundi, vous ne
voulez pas siéger mercredi?
M. LEVESQUE: SI les besoins sont tels que nous devions continuer
après mardi, nous continuerons.
Nous croyons que ce que nous devons adopter avant l'ajournement de
Pâques devrait normalement se faire d'ici mardi soir. Si ce n'est pas
suffisant, nous prendrons les jours qu'il nous reste durant la semaine.
M. BURNS: Mercredi est une journée des députés,
vous ne pouvez pas la prendre pour les affaires gouvernementales.
M. LEVESQUE: Nous respecterons la journée des
députés si elle se présente dans le cours du temps qui
reste.
M. BURNS: Merci.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
UNE VOIX: Article 26.
LE PRESIDENT: Oui, le député de Maisonneuve.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait de
revenir au dépôt de documents? Le ministre des Terres et
Forêts voudrait déposer un document.
REXFOR
M. DRUMMOND: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
rapport général de Rexfor pour 1972/73.
Motion de M. Burns concernant le salaire
minimum
LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, en date du 19 mars dernier, j'ai
déposé une motion je suis bien content de voir que le
premier ministre est intéressé à ce qui se passe
relativement au salaire minimum et qu'il reste avec nous pendant cette
discussion qui demandait, à toutes fins pratiques, à
l'Assemblée nationale de se prononcer relativement au taux du salaire
minimum. Cette motion qui est inscrite à l'article 26 de notre
feuilleton se lit comme suit: Que cette Assemblée est d'avis que le taux
de base du salaire minimum doit être porté, le 1er mai 1974,
à $2.50 l'heure et, par la suite, être indexé annuellement
à l'indice du coût de la vie.
Alors, M. le Président, on en est rendu à discuter de
cette motion aujourd'hui. Je m'excuse, je suis obligé de retirer les
paroles que je mentionnais tantôt. Il semble que le salaire minimum
n'intéresse pas le premier ministre puisqu'il nous quitte
immédiatement. De toute façon, on va continuer à en
discuter.
M. le Président, plus particulièrement, la semaine
dernière, avant de nous annoncer que le salaire minimum allait
être haussé de $2 à $2.10, au 1er mai, qu'il serait
maintenu comme prévu à $2.15, au 1er novembre, le ministre du
Travail nous expliquait qu'il fallait, quand on modifie le salaire minimum,
tenir compte d'une part de la capacité de payer des entrepreneurs et,
d'autre part, du niveau des prestations sociales. Ce qu'il nous
définissait, à toutes fins pratiques, par ses explications
préliminaires, longues et difficiles, ce n'était pas une
politique du salaire minimum, c'était beaucoup plus une politique de
subvention des travailleurs à l'endroit des entreprises. Parce que
comment pou-vais-je comprendre l'attitude du ministre du Travail, lorsqu'il
annonçait une hausse du salaire minimum, en disant: Vous savez je ne
peux pas vous en donner plus que ça, parce que les entreprises ne
pouvaient pas le supporter? Ce n'est pas ça le problème du
salaire minimum, du niveau du salaire minimum.
Un salaire minimum, M. le Président, c'est ce qu'il faut pour
vivre en 1974. Il est bien important qu'on retienne, tout au cours de ce
débat, le sens du niveau du salaire minimum. Il me semble que c'est
facile à comprendre, il me semble qu'il n'y a rien de compliqué
là-dedans. Il me semble qu'on n'a pas besoin de remonter aux calendes
grecques avec un tas de statistiques à gauche et à droite, en
haut et en bas, relativement aux entreprises et relativement au marché.
Il s'agit de se poser la question bien simple: Est-ce qu'avec ce qu'on
établit comme salaire minimum, c'est suffisant, pour faire vivre une
personne, deux personnes, etc., selon le nombre moyen de personnes dans une
famille?
M. le Président, pour en arriver à des conclusions
là-dessus, on n'a pas besoin d'études qui vont durer un an ou
deux ans, comme celles que le ministre du Travail semble vouloir nous imposer
par l'entremise de l'ex-ministre
des Affaires sociales, M. Castonguay, qui actuellement va étudier
toutes les conséquences de cette histoire.
Ce qui est important, c'est de se poser la question suivante.
Est-ce suffisant pour faire vivre quelqu'un cela, $2.00, $2.10, $2.50,
$1.85, peu importe le chiffre? Là-dessus, il y a des indicateurs qui
nous ont été fournis en 1971, en particulier par le Conseil
économique du Canada. Cet indicateur-là, c'est le seuil de la
pauvreté. Indexé au coût de la vie, ce seuil de la
pauvreté serait, au 1er mai 1974, de $5,553 pour une famille de deux
enfants et $6,345 pour une famille de trois enfants.
Prenons, si vous voulez, ce qu'il y a de plus courant actuellement,
c'est-à-dire la famille de deux enfants. On n'exagère pas, on ne
charrie pas. Selon cette étude, le seuil de la pauvreté pour une
famille, un père, une mère et deux enfants, se situe à
$5,553, c'est-à-dire à moins de $100 par semaine. Je me
réfère également à un autre indicateur. Soit dit en
passant, je vais citer, à une autre reprise, le document que j'ai entre
les mains actuellement et qui est une déclaration conjointe du Groupe de
réflexion et d'information politique, du Conseil de développement
social et de la Fédération des ACEF du Québec, document
qui s'intitule Les fabricants de slogans répondent à l'honorable
ministre du Travail ou "comment on se sent à la veille de devenir
riche".
De ce document, que j'espère tous les députés vont
examiner avant d'enregistrer leur vote, parce qu'il y a des choses assez
intéressantes, il y a une chose que j'aimerais extraire
immédiatement et citer à cette Assemblée. A la page 3 du
document on lit ceci. C'est un autre indicateur qui est utilisé par ces
trois groupements qui, depuis le début, demandent, avec plusieurs autres
groupes, que le salaire minimum soit relevé à $2.50 l'heure comme
ma motion l'exige. Je cite le document: "Enfin, nous aimerions soumettre
à l'attention de ceux qui préfèrent se confiner aux
statistiques officielles, plutôt que d'observer les conséquences
humaines et sociales de l'exploitation inqualifiable des salariés
à $2.10 l'heure, qu'une étude gouvernementale, celle d'un
comité du Sénat sur la pauvreté au Canada, fixa en 1971
ils ne l'ont même pas indexée, leur statistique, M. le
Président à $5,279 le seuil de pauvreté pour une
famille de quatre personnes au Canada. "La simple indexation de ce seuil
à l'IPC (fidèle baromètre de la
détérioration du pouvoir d'achat des travailleurs) fixe à
plus de $6,000 en 1974 voici l'indexation le revenu minimum net
d'une famille pour ne pas croupir dans la pauvreté. Face à ces
chiffres, comment peut-on oser prétendre que $5,200 par année est
du luxe à moins d'être ou inconscient ou de mauvaise foi?" M. le
Président, vous avez devant vous deux sources différentes qui
sont à peu près unanimes pour dire que lorsqu'on demande $2.50
l'heure, c'est-à-dire dans un contexte d'une semaine de travail de 40
heures à $100 par semaine, il n'y a rien d'exagéré, comme
la motion que j'ai déposée.
C'est cela, M. le Président, le minimum vital, le minimum
décent et c'est cela que devrait être, soit dit en passant
je me réfère à la récente déclaration du
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre le taux d'aide sociale et du
revenu annuel garanti, si c'était possible de le faire. Mais je vois
qu'un certain nombre de ministres devant moi vont être obligés
d'admettre que, dans la situation confédérative actuelle, c'est
absolument impossible pour le Québec de se fixer une véritable
politique de revenu minimum garanti.
Qu'est-ce qui est arrivé de l'aide sociale depuis que ces
soi-disant socio-démocrates sont au pouvoir? Elle a été
délibérément maintenue j'insiste sur cette
affirmation de ma part à des taux très bas pour maintenir
une incitation au travail. C'est ce que le ministre des Affaires sociales
lui-même nous a dit aux alentours du 22 décembre dernier.
Rappelons simplement que les barèmes de l'aide sociale ont
été diminués le 1er janvier 1974 de telle sorte que ces
familles, celles qui sont sur l'assistance sociale, sont les seules au
Québec à ne pas avoir joui pleinement de la hausse des
allocations familiales.
Ils ont, en même temps, été rajustés pour
tenir compte d'une hausse du coût de la vie de 3 p.c. à 4 p.c,
alors que la hausse réelle, en 1973, a été de 9.1 p.c. et
que l'on s'en va, M. le Président, allègrement vers 10 p.c. et
peut-être plus. Ces barèmes, contrairement à ce que
répétait le ministre des Finances dans le discours du budget, ne
sont pas indexés, ce qui fait que, chaque jour, ces personnes sont de
plus en plus pauvres.
Je réfère à nouveau, M. le Président
j'ai trouvé ça assez intéressant au document
que je mentionnais tantôt, préparé par le GRIP, le CDS et
les ACEF. En annexe, on nous cite, un peu avec le sourire aux lèvres, le
cas d'une famille particulière, la famille de J'en-ai-marre Cournoyer
dont le père a 32 ans, la mère a 32 ans, elle est
ménagère et a des enfants, deux garçons de 14 et 12 ans,
et une fille de 9 ans. On nous cite simplement un budget type. Si jamais les
députés ont eu communication de ce document, je les invite
à lire ce budget type où, dans un budget total de $117.88, on
s'aperçoit que l'alimentation prend $59.88 de ce budget. C'est assez
important parce que j'ai aussi une autre statistique à citer à
l'appui de notre demande de hausser le salaire minimum à $2.50. Pour le
reste, c'est le loyer, l'électricité, l'huile, le
téléphone, les vêtements, etc. Je vous fais grâce des
chiffres, mais il y a une toute petite note en bas: "Ces chiffres sont
très conservateurs. Les dépenses sont tout à fait
incompressibles. Ne sont pas comptés c'est ça que je
trouve important les loisirs, les vacances, le mobilier et les soins
dentaires." Avec ce résultat que vous en arrivez à un
déficit total, avec le revenu qu'on nous propose comme salaire minimum,
de $21.66.
M. le Président, ce qu'on fait, tout simplement, en haussant le
salaire minimum, c'est qu'on accepte que de gens qui travaillent au salaire
minimum continuent de s'endetter allègrement, sans qu'il y ait trop de
problèmes.
Il est évident qu'actuellement c'est pour ça que
j'ai cité ce budget type compressé d'une famille qui s'appelle
J'en-ai-marre Cournoyer là où les gens y goûtent le
plus, au sens le plus général, le plus vulgaire du terme, c'est
au niveau de l'alimentation. C'est assez important de savoir que, par exemple,
entre février 1973 et février 1974, l'indice du coût de la
vie, pour la partie alimentation seulement, est passé de 148.3 à
175.2, c'est-à-dire une hausse de 18.1 p.c, uniquement au niveau de
l'alimentation, d'une année à l'autre, en février. Cet
indice général, si on le rapporte sur l'ensemble de
l'augmentation du coût de la vie, se traduit par les chiffres suivants:
février 1973, 135.7; février 1974, 148.8, de sorte que
l'augmentation générale, elle, se situe à 9.7 p.c, mais
l'alimentation, elle, se situe à 18.1 p.c. M. le Président,
qu'est-ce qui arrive dans une famille...
M. SAINT-PIERRE: C'est faux!
M. BURNS: Si c'est faux, le ministre de l'Industrie et du Commerce me
reprendra tantôt et il donnera ses statistiques à lui. Mais, pour
le moment, c'est moi qui ai la parole et je n'ai pas l'intention de le laisser
m'interrompre.
M. SAINT-PIERRE: Vous induisez la Chambre en erreur. Je tentais
simplement de faire briller la vérité.
M. BURNS : M. le Président, le ministre de l'Industrie et du
Commerce tentera de faire briller la vérité à son tour,
tantôt, avec ses statistiques et son opinion sur les statistiques, avec
sa philosophie sociale, surtout, comme vient de me le souffler le chef de
l'Opposition. Ce serait assez important qu'il nous dise sa philosophie
sociale.
Tout ça, M. le Président, parce qu'il faut maintenir
c'est ça, dans le fond, la philosophie sociale de ce gouvernement
une incitation au travail pour les bénéficiaires de l'aide
sociale.
Or, c'est assez important de le savoir. Cela aussi le ministre nous en
parlera tantôt. S'il veut réviser mes chiffres, il y a plus des
deux tiers des adultes, qui bénéficient de l'aide sociale, qui ne
peuvent pas travailler, soit parce qu'ils sont inaptes au travail ou qu'ils
sont des chefs de famille uniques, par exemple les veuves, les divorcés,
les séparés, les abandonnés. Il n'est pas souhaitable de
les forcer à retourner au travail étant donné les
circonstances désastreuses pour la famille. Cela aussi est un
élément dont il faut tenir compte dans cet ensemble ou dans cette
politique d'établissement d'un salaire minimum.
Toujours en relation avec la déclaration du ministre du Travail,
la semaine dernière, qui, lui-même, faisait le lien entre le taux
de l'aide sociale et le salaire minimum, pour ceux qui ne l'auraient pas
entendu, le ministre disait à peu près ceci: II faut qu'il y ait
une relation de salaire plus élevée au salaire minimum que ce que
l'on donne comme aide sociale.
Alors, qu'est-ce que cela donne comme résultats? C'est que le
salaire minimum qu'on nous propose est de $4,368 vous vous rappelez les
chiffres que j'ai cités tantôt quant au seuil de pauvreté
alors que le seuil minimum se situe à $5,553 par année
pour une famille de deux enfants. Le salaire minimum devrait être,
à mon avis et de l'avis de mon parti, au-dessus de ce seuil minimum. Il
me semble que ce n'est pas beaucoup demander. On dit : Si on en arrive à
un chiffre minimum de $5,500 par année, il me semble que le salaire
minimum devrait être au moins égal et possiblement au-dessus de ce
seuil de la pauvreté.
Ce que l'on nous propose actuellement, c'est beaucoup moins que
ça. Ce que ma motion propose, d'ailleurs, c'est même moins que le
seuil de la pauvreté. Ce que l'on nous propose actuellement, c'est de
dire à l'ensemble de la population : Vous allez élever votre
famille avec $84 par semaine, pour ceux qui sont au salaire minimum. C'est
ça que cela veut dire. Moi, je demande tout simplement aux
députés d'en face, qui seront appelés
éventuellement à voter j'espère qu'ils vont voter
selon leur conscience plutôt que selon une ligne de parti
Qu'est-ce que je peux dire au citoyen de mon comté ou d'un autre
comté qui vient m'expliquer qu'il n'est pas capable de vivre avec le
salaire minimum? Ce n'est que cela que je demande. Je demande que, par votre
vote, vous nous disiez, une fois pour toutes, comment je vais répondre
au gars qui va dire: Avec deux enfants et $84 par semaine, je ne suis pas
capable de vivre, je continue à m'endetter et je ne sais plus, diable,
quoi faire. C'est cela que je vous demande, dans le fond, par la motion qu'on
vous soumet aujourd'hui.
Il est peut-être important à ce stade-ci de relever une
déclaration antérieure du ministre du Travail : Ce n'est pas en
tant que fabricant de slogans que je dépose cette motion, ce n'est pas
à ce titre-là que je demande à l'Assemblée
nationale de se prononcer sur le fait de savoir s'il est possible de vivre avec
moins de $100 par semaine. Si c'était ça, on est plusieurs dans
notre équipe de fabricants de slogans. Je vais vous en citer
quelques-uns. Je vous en ai mentionné trois. Le Groupe de
réflexion et d'information politique, de Saint-Henri, qui est à
l'origine de cette campagne, et que je félicite, soit dit en passant,
pour cette campagne magnifique qu'ils ont menée pour sensibiliser un tas
de gens. Ils seraient des fabricants de slogans, eux aussi. Le Conseil de
développement social et la Fédération des ACEF du
Québec seraient aussi des fabricants de slogans. Il y en a d'autres par
exemple, M. le Président. Les centrales
syndicales qui se sont prononcées ouvertement; les trois
centrales syndicales se sont prononcées en faveur de ce salaire minimum
de $2.50. Vous allez me dire: C'est encore tout du monde du même
côté. C'est de votre "gang", c'est ce qu'on nous dit souvent.
Evidemment, le PQ et les centrales syndicales, c'est du pareil au même,
même si ce n'est pas exact ce que ces gens disent. Je suis prêt
à dire: D'accord.
Prenons d'autres exemples, maintenant. Il y en a d'autres, exemples.
J'ai devant moi un télégramme du député de
Sainte-Marie, qui était adressé, en date du 4 mars, je crois, au
GRIP. C'est assez important de savoir qu'il était adressé au
Groupe de réflexion et d'informaiton politique. Donc, le
député de Sainte-Marie doit savoir ce qu'il dit quand il
s'adresse au GRIP.
Le GRIP, cela faisait déjà deux mois, M. le
Président, peut-être plus, qu'il était en campagne pour
faire hausser le salaire minimum à $2.50.
Le député de Sainte-Marie dit ceci: "Présence
impossible c'était lors de la première, je pense, ou
deuxième commission extraparlementaire organisée par le GRIP
pouvez compter sur mon appui pour augmentation du salaire minimum",
alors que c'était clair que ce que demande le GRIP, c'est une hausse du
salaire minimum à $2.50, non pas à $2.10. Il n'était pas
question de ça dans la campagne que le GRIP a faite.
D'autres fabricants de slogans, M. le Président. J'ai
mentionné, l'autre jour, le député de Taschereau, qui
était présent, avec moi, ainsi que les députés de
Saint-Jacques et de Saguenay, lors de la deuxième commission
extraparlementaire qui a été tenue à Québec. J'ai
très bien entendu le député de Taschereau nous dire qu'il
était d'accord sur le principe d'une augmentation. Il se posait
je vais être bien honnête à son égard des
questions sur ce que les Anglais appellent la "feasibility" de la chose,
d'accord, mais il s'est prononcé en faveur de ce principe.
D'autres fabricants de slogans, M. le Président cela ne
sera pas long, il me reste une minute ou deux le député de
Verdun qui, à l'émission à moins qu'il ne me
contredise là-dessus "Présent", il y a quelques jours,
à Radio-Canada, se prononçait carrément en faveur d'une
hausse du salaire minimum à $2.50 l'heure.
Alors, M. le Président, c'est assez important que ces
députés, aujourd'hui, viennent nous dire comment ils vont voter
sur notre motion. C'est ça qu'on leur demande. 47
députés...
M. CARON: M. le Président, est-ce que je pourrais...
M. BURNS: Oui, vous allez avoir la possibilité.
M. CARON: Est-ce que je pourrais poser une question? Après?
M. BURNS: En vertu de l'article 96, c'est après que j'aurai fini
de parler.
M. CARON: Je reviendrai après.
M. BURNS: S'il me pose une question, oui, mais pour autant, M. le
Président, que vous ne me coupiez pas la parole.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Vous avez déjà
dépassé votre temps de parole.
M. BURNS: Bon, alors j'ai dépassé mon temps. L'honorable
député de Verdun va comprendre que je me dépêche
à finir, avec le consentement unanime de la Chambre.
Il y en a d'autres, M. le Président. Il y a même des
milliers de personnes. J'ai cité quelques-uns des soi-disant fabricants
de slogans, mais il y a des milliers de personnes qui ont signé,
à la demande du GRIP. J'ai les feuilles, ici. Il y en a au-delà
de 6,000, je n'ai malheureusement pas pu les compter, mais j'ai
photocopié une pétition qui est signée. Ce n'est plus
Robert Burns, ce n'est plus le chef de l'Opposition, ce sont des gens qui ont
signé tout simplement ceci: "Vos députés ont voté
$5,000 d'augmentation aux juges sur leur salaire de $28,000. Voulez-vous voter
$800 d'augmentation aux travailleurs de $4,000? Si oui, inscrivez votre nom. Le
GRIP de Saint-Henri, Montréal, apportera le vote des citoyens au
Parlement du Québec, à la reprise de la session. "Je vote oui
à la hausse du salaire minimum de $1.85 à $2.20 au 1er mars
on est déjà dépassé cette date et,
deuxièmement, à $2.50 l'heure, le 1er mai, avec indexation au
coût de la vie."
C'est ma motion, M. le Président. Je vois que le premier ministre
n'est pas présent. J'avais pris l'engagement de livrer ces documents au
premier ministre. En l'absence du premier ministre, je vais les livrer, pour le
convaincre que je ne suis peut-être pas tout seul à le faire, je
demanderais à un page de remettre photocopie de cette pétition au
moins au vice-premier ministre pour qu'il en fasse prendre connaissance au
premier ministre, qu'il en fasse prendre connaissance au ministre du Travail et
que peut-être M. le Président, à un moment donné,
cela convaincra d'autres libéraux.
Je ne le dépose pas, M. le Président, je le donne, je le
livre au vice-premier ministre, à titre de représentant du chef
du gouvernement, chose que j'ai parfaitement le droit de faire, je pense. Ce
n'est pas un dépôt de documents.
M. LEVESQUE: II s'est déjà déposé des choses
plus...
M. BURNS: Je ne sais pas si vous en avez reçu copie mais...
M. LEVESQUE: ... dans le passé.
M. BURNS: ... si vous n'en avez pas reçu copie, trop fort ne
casse pas, je vous en donne une copie additionnelle.
M. le Président, sur ces mots, vous avez été bien
tolérant, à mon égard, de me laisser dépasser un
petit peu mon temps. Je vous remercie. J'espère que les
députés libéraux vont nous dire pourquoi ils vont voter et
comment ils vont voter sur cette motion. J'espère qu'ils vont le faire
aussi en sachant véritablement ce qu'ils font, c'est-à-dire en
décidant quel est le niveau de salaire qui est le minimum...
UNE VOIX: ...
M. BURNS: Pas du tout. Cela ne fausse pas le problème du tout.
Quel est le minimum, M. le Président, d'un salaire décent, quel
est le seuil de la pauvreté? C'est ça qu'on est en train de
décider.
M. HARDY: Ce qui est grave, c'est que vous êtes
démagogiquement sincère!
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. CIACCIA : Le député de Maisonneuve, en parlant du
salaire minimum, prétend que le salaire minimum doit être
déterminé par ce qu'il faut pour vivre en 1974. Il parle comme si
tous les Québécois avaient le salaire minimum. On apporte
certains chiffres qui eux-mêmes peuvent être contestés. On
pourrait facilement démontrer que $2.50 si on était dans
une cour ne serait pas même suffisant. On parle de
demi-vérité et on perd de vue les lois économiques qui
vont agir en dépit de ce que nous allons dire et ce que nous allons
faire ici. On peut les modérer, on peut faciliter leur application, mais
on ne peut pas les contredire.
Premièrement, M. le Président, je voudrais porter à
votre attention que j'ai été un des signataires de la
pétition demandant au gouvernement d'augmenter le salaire minimum. Je
suis conscient de la nécessité d'une telle augmentation. Et le
gouvernement a réalisé d'une façon très
concrète les demandes des signataires, en proposant une augmentation
à $2.10 l'heure.
La motion devant nous est une proposition qui semble être
simpliste, avec des répercussions sérieuses sur toute
l'économie de la province. Ceux qui proposent cette motion ne semblent
pas en réaliser les conséquences ou ils ne veulent pas s'occuper
des conséquences.
Commençons par un premier principe, que le gouvernement doit agir
d'une façon responsable envers tous les Québécois, et
énonçons un autre principe, que le gouvernement doit
répondre de ses actions. Les actions d'un gouvernement ont des
répercussions sur tous les secteurs économiques de notre
province.
Ce n'est pas la même chose lorsqu'une motion est
présentée par l'Opposition, elle n'a des répercussions que
sur le plan publicitaire. Si nous analysons les effets de ce qui est
proposé, nous allons venir à la conclusion que ce qui, à
première vue, parait être pour le bénéfice de
certains ouvriers va créer des conditions qui seront au détriment
de ces mêmes personnes qu'une telle loi doit favoriser.
Une augmentation du salaire minimum de $1.85 l'heure à $2.50
l'heure et la suggestion d'indexer ce salaire à l'indice du coût
de la vie représentent une augmentation de salaire d'environ 30 p.c.
Cela veut dire que le salaire de ce secteur de la population serait
immédiatement augmenté de 30 p.c.
Si les effets s'arrêtaient là, si le seul effet
était d'augmenter ce secteur particulier, je crois que ce serait
certainement faisable. Mais les effets ne s'arrêtent pas là. Un
des effets directs il y a des effets directs et indirects est que
cette augmentation va être passée directement au consommateur.
Un restaurateur, par exemple, ne peut absorber une augmentation de 30
p.c. dans le salaire de ses employés. Il sera obligé d'augmenter
ses prix, et cela va se répéter dans les autres industries
affectées par cette augmentation.
Alors, qui va souffrir de cela? Ce seront tous les
Québécois affectés par ces industries
particulières, incluant les mêmes travailleurs qu'on est
censé protéger. Directement on fait face à une hausse de
prix pour les consommateurs.
On parle de l'inflation et on accuse le gouvernement de ne pas combattre
l'inflation. Si jamais il y a une suggestion inflationniste, c'est bien de
suggérer une augmentation de salaire de 30 p.c. avec toutes les
conséquences que cela va apporter.
Indirectement, une augmentation de 30 p.c. dans un secteur va
créer des pressions sur tous les autres salariés, qui vont
demander les mêmes augmentations proportionnelles. Vous pouvez vous
imaginer les conditions et le climat de négociation et les effets
possibles d'une telle augmentation.
Dans un secteur qui est déjà mouvementé, où
déjà on parle de confrontation et de menace de violence,
où la violence existe, les conditions deviendraient vraiment
intolérables.
Le salaire minimum, remarquons bien, affecte plutôt les emplois
marginaux, par exemple les emplois de services.
Il faut prendre en considération, malgré le plaidoyer du
député de Maisonneuve, la capacité d'une entreprise de
payer des salaires à ses employés. En théorie, on peut
envisager un certain salaire pour tout le monde, avec des conditions de travail
idéales, mais, si les entreprises ne peuvent pas payer ces salaires ou
rencontrer ces conditions, elles fermeront leurs portes. Si ce ne sont que les
industries majeures qui peuvent rencontrer ces exigences, alors que le petit
entrepreneur doit fermer ses portes, on n'est pas plus avancé et on n'en
aura pas fait bénéficier les ouvriers.
On pourrait, par ces mesures suggérées dans la motion du
député de Maisonneuve, forcer les
petites entreprises et les petits marchands à perdre leur
entreprise ou à fermer leurs portes pour se joindre au marché des
ouvriers, avec les conséquences que cela aura. Alors, il faut
procéder par étapes, il faut procéder de façon
responsable. Maintenir l'équilibre dans l'économie, c'est une des
responsabilités d'un gouvernement. Un gouvernement ne doit pas
légiférer de telle façon que l'économie puisse se
déséquilibrer. Légiférer une augmentation de 30
p.c, c'est, premièrement, risquer que certaines industries ou certains
commerces ferment leurs portes et, deuxièmement, c'est empêcher la
formation d'autres entreprises. Alors, les résultats seront soit le
chômage, soit l'augmentation du nombre de personnes sur le
bien-être social. Je crois que nos lois ne doivent pas avoir pour effet
de forcer les gens à se placer sur le bien-être social.
On peut augmenter le salaire minimum à tel point que les ouvriers
ne seront pas employés dans certains secteurs. Il vaut mieux avoir le
plein emploi à $2.10 l'heure que de l'emploi partiel à $2.50,
avec les conséquences économiques, sociales et humaines que cela
peut apporter. Si on veut commencer à détruire l'entreprise
privée, la petite entreprise privée au Québec, on peut le
faire par le genre de motion qu'a faite le député du Maisonneuve.
Quand je parle de l'entreprise privée, je ne parle pas des grandes
industries ou des compagnies multinationales. Je parle des milliers de petits
et moyens entrepreneurs et propriétaires québécois qui
apportent leur contribution à la richesse de ce pays et qui aident
à faire la force de tous.
M. le Président, nous ne sommes pas ici pour détruire
l'entreprise privée. L'entreprise privée d'aujourd'hui, avec
toutes les restrictions qui existent, imposées dans un sain climat de
liberté démocratique, pas une entreprise privée sans
limite, mais une entreprise privée qui doit porter attention au
bien-être des ouvriers par des lois faisant preuve de modération
pour tous, c'est cela qui contribue à la richesse d'un pays et on doit
être modéré dans nos mesures pour ne pas détruire
ces initiatives.
Ce que certaines personnes ne veulent pas reconnaître, c'est qu'on
peut avoir l'entreprise privée tout en protégeant les ouvriers.
Il n'est pas nécessaire de détruire l'un ou l'autre et il ne faut
pas avoir de mesures extrêmes, ni par l'un, ni par l'autre. Le climat de
confrontation doit finir; il faut comprendre que c'est la modération et
le bon sens qui doivent nous guider.
M. le Président, pour toutes ces raisons, je considère que
la motion du député de Maisonneuve doit être
rejetée. Oui, le salaire minimum doit être augmenté, mais
il doit l'être dans des conditions qui tiennent compte de
l'économie de la province, des conditions qui vont permettre la
création d'emplois et non la création de chômage et
d'assistance sociale, des conditions qui vont maintenir l'équilibre
économique avec toutes ses implications sociales. Les politiques du
gouvernement libéral, dans le secteur économique, ont remis le
Québec sur ses pieds.
Le gouvernement, en proposant que le salaire minimum soit
augmenté à $2.10 l'heure, agit d'une façon
modérée et responsable, tenant compte des besoins de tous les
Québécois.
M. Claude Charron
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je ne sais pas si c'est symbolique,
le fait que la réponse gouvernementale soit ouverte par le
député de Mont-Royal sur cette question des hausses du salaire
minimum tel que le propose la motion du député de Maisonneuve. Je
ne sais pas si c'est symbolique et, en même temps, complètement
représentatif de la totalité de la pensée qui pourrait
exister dans ce parti politique qui nous entoure, que le député
de Mont-Royal choisisse comme premier argument, la défense ultime, comme
si la motion du député de Maisonneuve était une attaque
à la racine du système privé de l'entreprise capitaliste
telle que nous le connaissons actuellement.
Ces appels à la modération et à la vertu du
député de Mont-Royal, j'aurais bien aimé les entendre,
lorsque le ministre de la Justice nous a invités, en décembre
dernier, à donner à une classe de privilégiés, qui
fait déjà $28,000 par année, $100 par semaine
d'augmentation. J'aurais bien voulu qu'il se trouve un courageux
député "backbencher" libéral, comme l'est le
député de la ville de Mont-Royal, pour venir rappeler à
ces honorables juges, qu'ils allaient tôt ou tard, malgré leur
petit nombre dans la société, enclencher un système qui
fait dire à tout le monde, que l'on n'est pas plus bête que les
autres et que si les entreprises peuvent profiter de l'inflation, si le
gouvernement lui-même profite de l'inflation en allant chercher des taxes
supplémentaires dans les poches des citoyens, pourquoi les plus petits
citoyens ne se réclameraient pas de ce même droit, légitime
et minimum? Ne jamais oublier lorsque vous parlez de modération, qu'il
s'agit d'un minimum et non pas de gens qui vivent déjà avec
aisance.
Est-ce que le député de la ville de Mont-Royal, lui, sait
ce que c'est que vivre avec le salaire minimum de $84 par semaine? Je l'invite
à venir visiter des citoyens du comté de Saint-Jacques avec moi
ou avec ses collègues de Sainte-Marie ou d'ailleurs, pour
connaître la situation. Le député de la ville de Mont-Royal
et tous les honorables députés libéraux qui
s'apprêteront à voter contre la motion du député de
Maisonneuve, savent-ils exactement pourquoi des gens sont condamnés
à vivre suivant le salaire minimum? Savent-ils exactement dans quelle
situation ils se trouvent? Une
des raisons a été l'absence de cohérence dans
toutes les politiques sociales que ce gouvernement a
présentées.
Puis-je vous donner un cas, un parmi tant d'autres? Mais quand vous
faites par exemple une visite porte à porte, à toutes les dix
portes sur une rue et que vous rencontrez fréquemment le même cas,
vous commencez à croire qu'il s'agit d'une situation
généralisée.
Quels sont les travailleurs qui aujourd'hui, en 1974, sont encore des
travailleurs qui gagnent le salaire minimum? Ce sont la plupart du temps, M. le
Président, des gens qui, pas depuis 1974, depuis le début de leur
existence sur le marché du travail ont toujours été des
gens qui ont manqué de protection syndicale d'une part, parce que jamais
un gouvernement n'a voulu légiférer pour assurer cette protection
minimale à tout le monde; des gens qui ont dû se défendre
avec un petit bagage d'instruction, que l'ancien gouvernement leur avait
laissé comme héritage et dont ils ne peuvent plus
éventuellement sortir.
Combien de cas, M. le Président? Par exemple, chez nous le
député de Sainte-Marie qui m'écoute peut certainement
ratifier ce genre de propos que je tiens je connais des femmes, beaucoup
de femmes qui travaillent dans de petites "shops", de petites usines, au
salaire minimum actuellement, qui sont exploitées, des immigrants dont
le député de la ville de Mont-Royal est l'ardent défenseur
lorsqu'il s'agit de la langue d'enseignement. Combien d'immigrants, arrivant au
Québec, n'ont même pas ce salaire minimum et doivent se battre
dans chacune des entreprises, alors que les patrons, eux, se trouvent bien
à l'aise lorsque vient le temps de retirer leur revenu annuel. Des gens,
je donne un cas, un homme malade, à 40, 45 ans; un homme en bonne
santé à 48, 51 ans, ne peut plus se trouver de travail au
Québec, il se fait dire partout qu'il est trop vieux, il se fait dire
partout qu'il est un citoyen qui doit penser à son recyclage ou à
se trouver un autre emploi.
Combien de cas de citoyens de Saint-Jacques, M. le Président,
j'ai vus dans cette situation? Qui devient le soutien de famille dans ce cas?
Qui doit faire entrer du revenu dans la famille, parce qu'il y a des enfants?
Peu importe que le père soit malade ou non, il y a des enfants qui
mangent, il y a des enfants qui grandissent, il y a des prix qui augmentent et
que le gouvernement laisse augmenter.
Ils ont toutes ces responsabilités-là à assumer.
C'est la femme qui doit, à ce moment-là, se constituer soutien de
famille. Sur la rue Ontario le député de Sainte-Marie peut
en témoigner il y a des centaines de petites usines, de fabriques
de cravates, de boutons, etc., qui fonctionnent au strict salaire minimum, quel
que soit le taux de profit que fait l'entreprise annuellement, qui, lui, est
croissant et qui bénéficie de l'inflation. Elles continuent
à maintenir la population au salaire minimum.
Il y a des gens, parce que le régime social dans lequel nous
vivons fixe la pension à 65 ans, qui à 50, 52 ans, comme le cas
de mon père, à 55 ans, ne peuvent plus se trouver de travail. Le
soutien de famille devient alors la mère qui doit sortir du foyer. C'est
la seule ouverture pour une femme qui, à cet âge, n'a jamais
travaillé, n'a aucune expérience en rien, a bien peu
d'instruction parce qu'elle a concentré toutes ses énergies
à élever sa famille. Qu'est-ce qui s'offre comme emploi à
cette femme-là, sans expérience, sans qualification sinon les
dizaines de petites "shops" au salaire minimum? Ce salaire minimum devient le
revenu familial pour une famille du bas de la ville de Montréal ou de
partout ailleurs.
Le député de Mont-Royal nous incite à la
modération mais ces gens-là pratiquent une modération
trois fois plus forte que ne peuvent l'être les propos du
député de la ville de Mont-Royal. Ces gens-là vivent dans
une situation trois fois plus dégoûtante que n'importe quel aspect
que le député de la ville de Mont-Royal pourrait soulever
à l'intérieur de l'Assemblée nationale. La pension est
à 65 ans, elle est trop loin, il n'y a aucune sécurité
professionnelle pour ces gens qui vivent au salaire minimum. Le syndicat, cet
outil que les travailleurs se sont donné, ces nombreux travailleurs ne
l'ont pas encore connu; cette protection minimale n'existe même pas pour
eux, c'est de nous qu'ils doivent attendre maintenant une protection.
Un gouvernement, d'un côté, s'entête à
maintenir la retraite à 65 ans; l'autre, ici, a toujours refusé
de légiférer pour étendre les protections syndicales aux
travailleurs. Ces travailleurs ne dépendent que d'une décision,
celle d'une hausse du salaire minimum. Ce n'est pas de leur entreprise qu'ils
peuvent l'attendre. Ils exigent, parce qu'ils exigent maintenant, comme les
juges ont exigé de monter à $33,000 par année, comme les
députés ont exigé, à un moment donné, une
augmentation de salaire qui convienne à leur occupation. Ces
gens-là exigent maintenant, face à l'inflation, puisque le
gouvernement a laissé fructifier cette inflation, puisque le
gouvernement, par exemple, dans le discours inaugural ne touche le
problème que de cinq lignes. C'est devenu la règle que tout le
monde, dans cette période d'inflation, peut augmenter ses profits. Les
compagnies pétrolières peuvent augmenter leur profit annuel de
152 p.c, les compagnies de produits alimentaires peuvent
bénéficier d'une hausse de 23 p.c. dans leur profit. Alors, ceux
qui engraissent les uns comme les autres et qui engraissent aussi le
gouvernement qui peut, après cela, se vanter de ne pas hausser
les taxes parce que, bien sûr, il bénéficie, comme la plus
dégoûtante des compagnies privées, de l'inflation qu'il se
refuse à contrôler exigent eux aussi maintenant d'avoir
leur part.
Le député de Maisonneuve a parlé du budget qui est
le budget de dizaines de familles dans Montréal ou ailleurs. Il est
peut-être plus élevé à
part cela parce que ce n'est pas toutes les familles qui peuvent se
limiter à deux enfants ou qui doivent faire face à cette
situation avec seulement deux enfants. Il y a dans Saint-Jacques, comme il y a
dans Sainte-Marie, comme il y a dans Maisonneuve, comme il y a dans l'ensemble
du Québec, des travailleurs qui vivent cette réalité qui
touche aujourd'hui l'ensemble de l'Assemblée nationale. On s'imagine
même, au dépôt du document par le groupement de Saint-Henri,
si c'est réaliste. Allez le demander à ces gens qui vivent avec
ce budget. H est particulièrement réaliste, M. le
Président, et il constitue actuellement le plus grand témoignage
à l'encontre du système qu'est venu défendre, en se levant
le premier au nom de la majorité ministérielle, le
député de Mont-Royal, qui nous dit: II faut qu'il y ait du monde
qui paie pour que d'autres s'enrichissent.
Il n'est plus possible, dans une société qui
prétend arriver à la social-démocratie, que des
travailleurs vivent ainsi en 1974, alors que l'incitation au travail diminue
par rapport à la Loi de l'aide sociale. Il ne faut pas que le salaire
minimum demeure aussi ridicule qu'avec les $4 de social-démocratie que
vient de rajouter le ministre du Travail au revenu des travailleurs à
chaque semaine.
Il n'est plus admissible dans une société que le salaire
minimum se tienne à ce niveau. Je vous dirai, en terminant, M. le
Président, que tous les arguments que nous avons entendus de la part du
Conseil du patronat et d'autres entreprises à l'effet que la moindre
hausse du salaire minimum constituerait une catastrophe dont l'entreprise
privée ne saurait se relever, ces avertissements, nous les avons eus en
1968, nous les avons eus en 1970 et le ministre les a eus lorsqu'il a
fixé, l'été dernier, son calendrier. Bien sûr, ces
appels à la catastrophe existent, mais avez-vous connu pareilles
fluctuations de l'économie et de l'entreprise privée, même
si le salaire minimum atteint aujourd'hui $1.85 l'heure? Pouvons-nous croire
que la catastrophe s'abattrait sur le Québec au moment où toutes
les entreprises, dans cette période d'inflation, déclarent des
profits plus élevés que l'année dernière, du fait
qu'on donnerait à une famille un montant brut de $100 pour se
débrouiller du mieux qu'elle peut contre les géants de
l'entreprise privée, les profiteurs de l'inflation, les alliés du
gouvernement?
Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Sainte-Marie.
M. Jean-Claude Malépart
M. MALEPART: M. le Président, je dois avouer, tout comme le
mouvement GRIP, que, pour le bien-être de l'individu et en tenant compte
de l'augmentation du coût de la vie, j'aurais
préféré que le salaire minimum soit haussé à
$2.50 ou, au moins, à $2.25. Pour des raisons économiques, le
ministre du Travail a jugé bon de le porter à $2.10. J'ose
espérer que le ministre du Travail, en coopération avec le
ministère de l'Industrie et du Commerce, trouvera, le plus rapidement
possible, des solutions pour que le salaire minimum soit haussé le plus
rapidement possible, soit par l'aide de subventions aux petites entreprises
qu'on mentionne qu'on peut démolir, pour que ces individus qui vivent
avec le revenu du salaire minimum puissent vivre d'une façon normale.
Merci.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, en écoutant les propos du
député de Sainte-Marie, après les propos du
député de Mont-Royal, on est à se demander et
j'espère que les deux seront présents lors du vote s'ils
vont voter de la même façon, s'il y a une liberté de vote
dans ce gouvernement.
M. le Président, je ne veux qu'ajouter quelques mots...
M. LEVESQUE: II faudrait que le député dise qu'il a
compris ce que le député a dit et non qu'il
l'interprète.
M. LEGER: Le député a souhaité...
M. LEVESQUE: Le député a formulé un voeu.
M. LEGER: ... que le montant soit de $2.50. M. LEVESQUE: II a
formulé un voeu.
M. LEGER: II a compris que le ministre, de façon pratique,
parlait de $2.10, mais il souhaitait $2.50. C'est ce qu'on propose, nous
autres, que ce soit $2.50.
M. le Président, je voulais simplement résumer ma
pensée sociale sur le problème de l'entreprise privée et
des individus, des citoyens qui font souvent les frais des problèmes que
subissent la grosse, la moyenne et la petite entreprises. Le grand
défenseur de l'entreprise privée, qui s'est prononcé
tantôt, le député de Mont-Royal, a semblé dire qu'il
faut nécessairement qu'il y ait des gens en bas du seuil de la
pauvreté pour que d'autres compagnies ou d'autres personnes puissent
faire des profits et aient de l'argent; que c'est normal, dans une
société, qu'il y ait des pauvres pour qu'il y ait des riches.
M. le Président, s'il y a des pauvres, c'est justement parce que
ceux qui sont aux postes de commande n'ont pas su trouver des solutions pour
donner à ceux qui sont en bas du
minimum vital des montants ou des salaires qui conviennent aux besoins
du moment. Quand une entreprise privée se dit incapable de payer un
salaire minimum de $2.50, qui a été jugé et je
répète les propos du député de Maisonneuve
comme un minimum vital pour une famille qui a deux enfants, trois enfants et
qui a des obligations normales moyennes, et qui n'est même pas le seuil
de pauvreté accepté selon le rapport fédéral de la
statistique, cette entreprise privée devrait fermer ses portes. Une
entreprise est là pour faire de l'argent, mais est-ce qu'il est plus
important qu'un petit groupe de citoyens partent une entreprise et fassent des
profits pour eux que les citoyens qui vivent avec elle soient au-dessous du
seuil de la pauvreté?
C'est un choix qu'il faut faire. C'est un choix entre les profits d'un
petit groupe et les citoyens qui doivent travailler dans cette compagnie. Les
grosses compagnies, qu'est-ce qu'elles font? Elles voient le coût de
leurs opérations, et le salaire qu'elles doivent payer à leurs
employés est inclus dans leur coût d'opérations. Elles
ajoutent un pourcentage de profits et cela devient le prix coûtant de la
marchandise qu'elles ont à distribuer ou à vendre.
Je doute que ce soit uniquement pour protéger la petite
entreprise que le député de Mont-Royal faisait son exposé
en disant que l'entreprise privée serait ébranlée si l'on
élevait le montant à $2.50. C'est le contraire. Si tous les
citoyens, toutes les entreprises doivent payer un minimum de $2.50, on est tous
sur un pied d'égalité. Toutes les entreprises sont capables de
fournir des produits ayant à la base le même coût
d'exploitation. C'est sûr que les entreprises plus grosses, par un
pouvoir d'achat énorme, sont capables d'avoir une meilleure concurrence
dans ce domaine.
Mais est-ce parce qu'une petite entreprise ne peut pas payer un salaire
décent que l'on doit dire: On ne doit pas augmenter le salaire
décent? Je voyais un chiffre tantôt: Près de 500,000
personnes ont à recevoir un salaire décent. Est-ce que le choix
doit être fait entre une majorité de personnes qui doivent avoir
un salaire décent et une minorité de personnes qui ont des
entreprises, qui ne peuvent même pas l'administrer et donner un salaire
décent? C'est le grand problème de la philosophie auquel on a
à faire face. Est-ce que le profit d'une compagnie est plus important
que la responsabilité sociale de cette compagnie? Est-ce qu'une personne
qui entreprend une affaire a comme objectif unique le profit ou doit-elle avoir
une responsabilité sociale comme tout citoyen au Québec? Je pense
qu'il faut d'abord inculquer aux entreprises, dans le système
capitaliste où nous vivons, une conscience sociale permettant à
ces gens de ne pas s'occuper uniquement de profits mais des problèmes
sociaux engendrés par le fait qu'elles ont des employés qui
méritent des salaires.
Actuellement, je tiens compte non seulement des employés qui sont
syndiqués mais de ceux qui ne sont pas syndiqués. Ce sont
ceux-là surtout que le ministre du Travail doit protéger. C'est
sûr qu'il y a des problèmes avec les syndiqués et les
syndicats qui peuvent s'entendre et ne pas s'entendre ou demander des
augmentations et des négociations. Mais tous ceux qui ne sont pas
syndiqués, ce sont eux que l'on rejoint par les $2.50 l'heure, qui est
un chiffre minimum.
Il y aurait peut-être moins de problèmes dans le domaine du
salaire minimum si le gouvernement avait le courage, comme nous l'avons
proposé dans le budget du Parti québécois,
d'établir un revenu minimum garanti. C'est donc dire que si une
entreprise ne pouvait pas payer un salaire X à ses employés mais
qu'elle offre du travail, le citoyen pourrait accepter un travail dans cette
entreprise et ce qui lui manque pour avoir son revenu minimum garanti, c'est
l'Etat qui le fournirait. Cela est une politique sociale cohérente. Mais
tout cela fait partie d'un grand ensemble qu'on ne peut régler
pièce par pièce.
Nous avons devant nous un projet qui exige qu'on tienne compte de la
situation actuelle, de l'inflation, de toutes les entreprises qui ont
profité de l'inflation pour augmenter elles-mêmes leurs profits
alors que leurs produits ne leur coûtaient pas plus cher. Mais parce que
c'était dans le mouvement, dans la situation normale, les prix
augmentaient. On en profite, nous aussi, pour augmenter et tout le monde
augmente ses prix parce que personne n'a une politique, ni au gouvernement
fédéral, ni au gouvernement provincial, pour arrêter
l'inflation. Parce que ceux qui avaient des raisons ont augmenté leurs
prix, ils l'ont fait les premiers, et cela a amené comme
conséquence que la majorité des autres entreprises ont
augmenté leurs prix, même si elles n'avaient pas de raison, pas de
motif valable sauf celui de profiter d'une situation pour faire plus de
profits. Cela a amené que le citoyen le plus démuni, qui n'a pas
de "lobby" auprès du gouvernement comme d'autres groupes de la
société qui font défendre leurs intérêts par
des députés du gouvernement, doit être
protégé par le gouvernement. Il doit tenir compte de cette
majorité de citoyens qui sont en bas du seuil nécessaire
vital.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je pense que pour
l'inflation que nous vivons, le salaire minimum qui est proposé, $2.50,
est à peine décent. J'espère que les députés
du parti gouvernemental oseront voter selon leur conscience. J'espère
que le député de Sainte-Marie reviendra pour voter, à la
suite des belles paroles qu'il a prononcées tantôt.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable député
de Verdun.
M. Lucien Caron
M. CARON: M. le Président, j'aimerais lire la
pétition que j'ai fait parvenir au ministre du Travail le jeudi
14 mars 1974.
Nous, le groupe qui avons signé, sommes tous conscients qu'il
faut que le salaire minimum soit augmenté. C'est la raison pour laquelle
j'ai demandé à mes collègues de bien vouloir signer ma
pétition.
On parle de slogans. Quant à moi, ce n'est pas un slogan. Que ce
soit le GRIP ou les syndicats, je suis bien heureux qu'on s'occupe de
travailler dans le but de faire augmenter le salaire minimum. Mais avant de
discuter de cela, j'aimerais vous lire la pétition transmise par des
députés libéraux au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, M. Jean Cournoyer, aux fins d'obtenir une augmentation du
salaire minimum au Québec et de permettre ainsi aux petits
salariés de mieux faire face à l'augmentation du coût de la
vie. "M. le ministre, le gouvernement libéral a déjà
posé des gestes significatifs pour combattre les hausses du coût
de la vie, en augmentant les pouvoirs d'achat réels des
Québécois, tels son nouveau programme d'allocations familiales,
les ajustements aux prestations sociales, la lutte à la hausse des
loyers, l'adoption d'un prix unique des produits pétroliers au Canada
qui a empêché une hausse additionnelle de $0.12 le gallon
d'essence, la mise en place d'une politique agricole dynamique et soucieuse des
intérêts du consommateur. "Compte tenu de l'augmentation du
coût de la vie constatée pour l'année 1973, les
députés libéraux soussignés insistent, au nom de
leurs électeurs, pour que vous examiniez la possibilité d'une
augmentation rapide du salaire minimum, en appliquant les mêmes
critères que ceux que vous aviez appliqués lors des
dernières augmentations".
Alors, comme vous le voyez, dans cette pétition, nous demandons
une augmentation, mais nous ne parlons pas de montants. Nous aimerions que ce
soit $2.50, $2.75, $3.00, mais il y a des étapes à suivre. Si
vous regardez une augmentation comme le petit salarié va avoir, à
partir du 1er mai, c'est une augmentation de salaire, si vous la calculez sur
une base de 45 heures, de $11.25 par semaine, ce qui fait environ $600 par
année. Pour une petite entreprise qui emploie 10 personnes, c'est $6,000
par année. Alors, il faut des étapes.
Si je vais voter avec le ministre du Travail, ce n'est pas que je sois
contre le petit salarié, au contraire. J'aimerais qu'il ait plus que
$2.50. Mais nous devons suivre les étapes. Dès que le rapport
Castonguay sera déposé, au mois de novembre, si l'augmentation
n'est pas suffisante, nous reviendrons à la charge.
M. MORIN: Pour l'augmentation du salaire des juges, il n'y avait pas
d'étapes.
M. CARON: Les juges ont attendu plusieurs années avant d'avoir
une augmentation. Actuellement, nous ne parlons pas des juges. Nous parlons des
petits salariés.
M. MORIN: C'est ça.
M. CARON: Vous n'étiez pas ici, vous, lorsque nous avons
augmenté le salaire des juges. En plus de ça, des juges, il n'y
en a seulement environ 250. Ici, cela touche 500,000 personnes qui
intéressent plusieurs entreprises. Est-ce que vous voulez qu'on ferme
ces entreprises et que ces gens vivent du bien-être social, sur les bras
de l'Etat?
M. MORIN: Allons donc!
M. CARON : Alors, il y a des étapes. Je pense qu'on doit faire
confiance au ministre du Travail.
Depuis que le ministre du Travail est en fonction, il a passé
à maintes reprises à travers des difficultés et je suis
convaincu, quand le rapport Castonguay sera déposé, que nous
aurons encore quelque chose à offrir aux petits salariés.
Le gouvernement de M. Bourassa a toujours pris ses
responsabilités et il continuera à les prendre. Je peux vous dire
que je félicite le GRIP, le Parti québécois et les autres
de continuer à penser aux petits, comme le Parti libéral le fait.
Merci.
M. BURNS: Comment allez-vous voter là-dessus? Est-ce que le
député de Verdun peut nous dire comment il va voter sur la
motion?
M. CARON: Oui, je vais voter avec le ministre, parce que j'ai
été interviewé à CKAC et je n'ai pas parlé
de montant.
M. LEGER: Le ministre du $0.10.
M. CARON: En autant que je suis concerné, j'aimerais même
plus que vous autres. Vous autres, vous parlez de $2.50; moi, j'aimerais qu'on
ait $2.65, $2.75 ou $3, mais il y a des étapes à suivre. Alors,
nous attendons les étapes...
M. LEGER: Autrement dit...
M. CARON: ... et nous prendrons nos responsabilités, comme nous
les avons toujours prises depuis quatre ans.
M. BURNS: J'offre au député de Verdun par ce qu'il
vient de dire d'amender ma motion; s'il veut qu'on mette $2.65, je n'ai
pas d'objection. Est-ce que c'est ça qu'il veut?
M. LEVESQUE: Le député a été très
clair et le député de Maisonneuve a très bien compris.
M. BURNS: Peut-être qu'il voterait pour si c'était $2.65?
Si c'est ça, je vais la changer.
M. LEGER: Cela va être la "march of the dimes".
M. LEVESQUE: Est-ce qu'il y a un autre orateur?
M. CARON: Je pourrais dire au député de Maisonneuve, M. le
Président, que dès qu'on aura le rapport, nous prendrons nos
responsabilités.
M. LEGER: Le président de la campagne de la marche des dix
cents.
M. CARON: Le ministre du Travail n'a pas encore parlé. Je suis
convaincu qu'avec ses explications vous serez satisfaits, parce que je sais que
vous allez comprendre; vous n'êtes pas durs de "comprenure".
M. LEGER: La marche des dix cents.
M. BURNS : Ce que je voudrais comprendre, c'est comment le gars vit en
attendant que toutes les études soient faites. Comment est-ce qu'il
arrive à vivre en bas du seuil de pauvreté?
M. LEVESQUE: Nous sommes en Chambre présentement.
M. BURNS: C'est vrai, j'arrive d'une commission; c'est pour ça
que je suis encore dans le même...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. ROY: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour,
faire quelques brèves remarques sur cette motion importante qui fait
l'objet d'un débat spécial aujourd'hui, motion
présentée par l'honorable député de Maisonneuve et
qui recommande que le salaire minimum soit porté à $2.50
l'heure.
Ce ne sera du nouveau pour personne, nous appuierons cette demande parce
que nous estimons qu'il n'est que logique et normal, compte tenu des
circonstances et compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent des
milliers de travailleurs au Québec, que le salaire minimum soit
porté à $2.50 l'heure.
Il y a quelque 500,000 travailleurs et je prends les chiffres de
l'honorable député de Verdun qui ne sont pas
syndiqués au Québec et qui n'ont d'autre recours, d'autre
protection que la Loi du salaire minimum. J'ai été surpris
d'entendre l'honorable député de Verdun venir dire que ça
va mettre des petites entreprises en danger.
Evidemment, il faut faire en sorte que le gagne-petit, le travailleur,
soit obligé de subventionner les entreprises parce que le gouvernement
n'a pas de politique de subvention aux petites entreprises marginales. C'est se
défiler complètement de ses responsabilités lorsque,
encore une fois, au lieu de tâcher de pallier l'incurie,
l'irresponsabilité du gouvernement, on dit qu'on ne peut pas augmenter
le salaire minimum, bien non, car ça va mettre des petites entreprises
marginales en danger.
Parce que le gouvernement n'a jamais eu le coeur, ni le courage d'avoir
des politiques pour permettre aux petites entreprises québécoises
de se développer de façon normale. On ne permet même pas,
non plus, aux petites et aux moyennes entreprises québécoises
marginales, qui seraient intéressées à participer au
développement des richesses naturelles du Québec, de le faire.
Non, on garde ça pour les trusts, pour les entreprises multinationales;
on leur donne des subventions, on leur donne nos richesses naturelles en plus
et on leur fait des prêts sans intérêt.
Je le dis encore: On a eu un exemple assez frappant, dans le cas de
ITT-Rayonier, des subventions et des prêts sans intérêt.
Cela démontre une fois de plus que nul ne peut servir deux
maîtres. Et le Parti libéral n'est pas autre chose et n'a jamais
été autre chose qu'une structure politique.
Je ne parle pas des militants libéraux à la base qui se
font tromper par leurs dirigeants, mais le parti n'a jamais été
autre chose qu'une grande entreprise de sociétés multinationales,
et, évidemment, on ne peut pas servir les intérêts de la
finance et ceux du peuple en même temps.
Il est quand même désolant de voir qu'alors que nous avons
une province immensément riche, une des plus riches du Canada, nous
sommes considérés à l'heure actuelle comme une province
pauvre.
Qu'on ne vienne pas me dire, M. le Président, que le
développement des richesses naturelles qui pourrait se faire par des
entreprises québécoises qui pourraient payer de meilleurs
salaires aux employés ça dépend du gouvernement
fédéral. Les lois concernant les richesses naturelles et les
politiques de l'entreprise, c'est une chose qui regarde, surtout pour les
richesses naturelles, les provinces. C'est une chose qui regarde la province de
Québec pour les richesses naturelles de la province de
Québec.
M. le Président, on continue de cette façon. On n'aura pas
besoin tellement d'insister au niveau du Parti libéral pour demander au
gouvernement des politiques de développement, des politiques
d'encouragement à l'endroit des petites entreprises pour qu'elles
puissent payer des salaires décents, des salaires raisonnables, des
salaires aux ouvriers de la province de Québec. Quand on a parlé
de $100 par semaine au niveau de la fonction publique, c'est une chose que nous
avons appuyée, il y a deux ans. Nous avons connu un taux d'inflation
épouvantable au cours de la dernière année, un taux
d'inflation sans précédent dans notre histoire, surtout au niveau
de l'alimentation. Et ces gens-là, à l'heure actuelle, voient
diminuer leur pouvoir d'achat à chaque année. Compte tenu
du fait que le pouvoir d'achat diminue, il en coûte plus cher pour
acheter un produit à un moment donné. Cela permet au gouvernement
de percevoir plus en taxes de vente, ça permet au gouvernement
comme on a eu l'occasion de le dire hier d'aller chercher des revenus
additionnels, de profiter de l'inflation pour prendre sa part de la diminution
du pouvoir d'achat des contribuables, des citoyens, des gagne-petit de la
province de Québec.
M. le Président, c'est un débat que nous n'aurions pas
dû être obligés de faire devant l'Assemblée nationale
si on avait eu un gouvernement libre, un gouvernement désireux d'aider
la population du Québec et capable de prendre ses
responsabilités. Mais c'est une chose que nous n'avons pas au
Québec, parce que c'est le gouvernement de la finance, le gouvernement
élu par la finance, au service de la finance, pour donner des
privilèges à la finance. Et, pour sauver la petite entreprise, on
dit: Petits travailleurs du Québec, serrez-vous la ceinture ! On ne peut
pas vous donner d'augmentation de salaire, on ne peut pas augmenter le salaire
minimum. Bien non, on va faire crever les petites entreprises du
Québec:
Les politiques commerciales, les politiques tarifaires, les ententes
internationales, quand est-ce que le gouvernement du Québec prendra ses
responsabilités dans ce domaine et ne se gênera pas pour faire
connaître ses politiques et aller auprès du gouvernement
fédéral? Depuis des années et des années,
l'industrie du textile, dans la province de Québec, demande des choses
particulières au gouvernement, demande que le gouvernement prenne ses
responsabilités. On a eu la même chose dans l'industrie de la
chaussure. M. le Président, j'ai eu l'occasion d'en rencontrer des
industriels; les industriels ne s'opposent pas au principe du salaire de $2.50
l'heure. Ils demandent tout simplement des politiques équivalentes pour
leur permettre de continuer à faire fonctionner leurs entreprises et
à donner du travail aux populations de nos milieux.
Mais comme le gouvernement attend à la dernière minute
et ces gens-là doivent s'ajuster au moins trois, quatre, cinq
mois à l'avance pour vendre leurs produits il est évident
que ça peut poser certains problèmes à un moment
donné. Mais le gouvernement n'est pas d'avant-garde, toujours il marche
à reculons et attend que les situations se compliquent, que les
situations deviennent intolérables avant de bouger. Le gouvernement est
toujours pris au dépourvu, il est pris par surprise ou il fait semblant
d'être pris par surprise. Nous avons de bons acteurs et, à ce
moment-là, ils disent: Petits ouvriers du Québec, le salaire
minimum à $2.50 l'heure, n'y pensez pas; on ne peut pas vous donner
ça, ça va créer une situation épouvantable aux
industries de la province de Québec et ça va accroître le
chômage. Pendant ce temps-là, on va ouvrir la porte aux industries
nationales et multinationales qui ne veulent pas s'établir dans
l'Ontario pour qu'elles viennent s'établir au Québec. Ici il y a
peut-être des conditions de travail un peu plus faciles et des salaires
minimums moins élevés. A ce moment-là on se fait, en
quelque sorte, les receveurs de sociétés qui viennent exploiter
la main-d'oeuvre du Québec pour concurrencer d'autres entreprises qui
offrent de meilleures conditions de travail à leurs employés.
On sait à l'heure actuelle qu'au Québec un grand nombre de
nos entreprises typiquement québécoises ont à faire face
au dumping, à des ententes commerciales sur lesquelles le gouvernement
du Québec n'a pas élevé la voix, sur lesquelles le
gouvernement du Québec n'a pas pris ses responsabilités, pour
lesquelles le gouvernement de la province de Québec n'a absolument rien
fait. Et, encore une fois, on dit tout simplement ceci: Petits ouvriers du
Québec, contentez-vous du mini, minisalaire minimum, on ne peut pas
faire plus. M. le Président, j'ai trouvé curieux d'entendre le
député, tout à l'heure, sembler vouloir faire porter
l'odieux de la décision gouvernementale de ne pas augmenter le salaire
minimum sur l'entreprise privée. Quelle ne fut pas notre surprise de
découvrir, lorsque nous sommes arrivés à
l'Assemblée nationale, dans quelles conditions certains employés
mêmes de l'Assemblée nationale, certaines personnes tout
près de nous, n'avaient même pas le salaire minimum.
Nous avons vécu cette expérience et nous avons dû
intervenir à maintes et maintes reprises. Pourtant, il y a quand
même un domaine, où si on avait donné de meilleures
conditions de travail et de meilleurs traitements à certaines
catégories de personnes au service de l'Assemblée nationale, du
Québec, je ne sache pas, que ce fait aurait mis les entreprises du
Québec en danger de fermer leurs portes. Je ne sache pas que le
gouvernement aurait fermé ses portes, qu'on aurait fermé les
portes du parlement, de l'édifice A.
Et pourtant ce sont des situations que nous avons vécues, qui
démontrent clairement encore une fois, que le gouvernement pour des
raisons qu'il n'avoue pas, mais que nous soupçonnons facilement, est
trop intéressé à servir les intérêts de la
finance internationale, des sociétés multinationales parce que
ça paye bien dans la caisse électorale. Le gouvernement va
arriver et encore, comme on a pu le constater, il va voter contre le salaire
minimum.
Le gouvernement va voter contre le salaire minimum. Ce gouvernement,
fort de sa majorité de 102 députés, qu'on ne vienne quand
même pas me dire qu'il n'a pas les pouvoirs à l'heure actuelle, de
prendre ses responsabilités en matière d'entreprise, en
matière de commerce, en matière d'industrie, pour faire en sorte
que nos entreprises, nos commerces soient capables de donner des augmentations
de salaire aux travailleurs du Québec, aux petits travailleurs, pour
qu'ils puissent payer les augmentations qu'ils ont à rencontrer,
augmentations qui leur sont
imposées, par certains cartels, certains trusts, certains
monopoles, comme ceux de l'industrie pétrolière.
Or, M. le Président, je terminerai mon observation
là-dessus, parce que mon temps de parole est écoulé. Je
dirai quand même à l'endroit du gouvernement, que c'est à
deux mains que je vais voter pour le salaire minimum de $2.50 l'heure et que je
vais appuyer de toutes mes forces la motion du député de
Maisonneuve. Si ce dernier n'avait pas présenté cette motion
lui-même, M. le Président, c'est nous qui l'aurions
présentée et le gouvernement aurait été
obligé de se prononcer quand même.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Le député
d'Iberville.
M. Jacques Tremblay
M. TREMBLAY: M. le Président, permettez-moi à ce stade-ci
du débat, d'apporter mes commentaires bien personnels, mais qui
s'allient bien sincèrement à ceux de la majorité des
membres de cette Assemblée, à l'effet que le ministre du Travail
se propose de présenter devant cette Assemblée, une loi
augmentant le salaire minimum au Québec.
Parmi les nombreuses satisfactions que puisse éprouver un nouveau
député en cette Chambre, j'en ai expérimenté une
tout récemment, M. le Président, il y a une couple de semaines,
lorsque au travail au 2e étage, de l'édifice A, je vois mon ami,
mon collègue, le député de Verdun, s'affairer de porte en
porte, chez les membres de son parti de l'Assemblée nationale, avec un
papier en main, un papier qui n'était pas un papier symbolique, mais qui
était un document qui est appelé à faire époque
justement, au niveau de ce projet de loi présenté par notre
ministre du Travail.
Le député de Verdun me tend ce document et me dit ceci: Je
ne m'y attendais pas, mais j'avais lu quelque part, dans un journal, j'avais
entendu un reportage à la radio, faisant état que certains
membres du caucus du parti ministériel, s'apprêtaient à
faire pression auprès du ministre du Travail, afin de hâter cette
augmentation du salaire minimum, qui d'ailleurs aurait été
institué, mais dans des délais un peu plus longs.
Ce fut pour moi l'occasion d'apprécier, dans une mesure bien
juste, le dévouement doublé d'une certaine dose de courage que me
démontrait mon collègue le député de Verdun en se
faisant le porte-parole de ses collègues afin,
précisément, d'apporter un élément de contestation
au sein de son parti.
On se plait, évidemment, dans les milieux de l'Opposition,
à dire du parti ministériel les "backbenchers" comme on
les appelle ou les "sidebenchers" comme les appelle le plus souvent mon
collègue de Mont-Royal, mais lui, par exemple, ne nous taxe pas des
mêmes reproches que l'Opposition nous fait que nous n'avons
qu'à entériner certaines des décisions des ministres.
Cette expérience que j'ai vécue tout récemment, et qui se
rapporte précisément à l'élément de projet
que nous sommes en train de débattre, cet élément de
satisfaction, je l'ai connu, je l'ai expérimenté. Mais ce n'est
pas l'unique cas, et je m'aperçois que si nous sommes nombreux et
il est heureux que nous soyons nombreux c'est sans doute la preuve
évidente que le Québec, en octobre dernier, a prononcé son
verdict clair et sans équivoque que le gouvernement de Robert Bourassa
était, en somme, celui qui était le plus en mesure de donner au
Québec une administration saine et progressive.
Nous en avons, encore aujourd'hui, une preuve que l'on peut toucher, une
preuve bien tangible: la présence du ministre du Travail, un gars bien
de son temps, un gars qui est certainement la cible de critiques acerbes de
part et d'autres, mais je dois, ici, sans flagornerie, lui rendre un hommage
qui lui revient certainement. Cette Chambre est l'endroit tout
désigné parce que, malgré ce que peut en penser le noble
chef de l'Opposition officielle de Sa Majesté, c'est bien sans
flagornerie mais en hommage bien sincère que je le fais à
l'égard du ministre du Travail. C'est un petit Québécois,
lui aussi. Le Québec, c'est aussi à nous autres.
Quand on voit, quand on constate, quand on se rend compte de visu, cent
fois par année depuis quatre ans, des problèmes aigus, des
problèmes sérieux, des problèmes de conséquence
grave auxquels a été confronté le ministre, et lorsqu'on
constate la façon sage avec laquelle il sait arriver à des
solutions en donnant à ses commettants, aux gens qui dépendent de
lui, les décisions équitables que l'on connaît, dont celle
d'aujourd'hui de porter à $2.10, pour le moment, le taux du salaire
minimum, nous sommes en mesure, M. le Président, de le féliciter,
sans en être gêné par aucun propos qu'une Opposition mal
informée puisse formuler à son égard.
Oh, moi aussi j'aimerais bien que le salaire minimum soit porté
à $2.65 ou $2.80 mais j'imagine les contraintes économiques, les
contraintes que cela pourrait entraîner au niveau du petit employeur, par
exemple, qui, lui aussi, doit faire face à des obligations
énormes.
M. le Président, vu la grande sagesse et la prévoyance de
notre gouvernement, je suis convaincu, moi, que le ministre du travail saura,
en temps utile et à un moment, encore une fois, qui devancera celui de
l'Opposition, peut-être aiguillonné quelque peu par le caucus du
parti ministériel, demander à cette Chambre l'approbation d'un
nouveau projet de loi portant le salaire minimum à un niveau plus
élevé qu'il ne le sera après que nous aurons voté
le présent bill.
M. le Président, je vous remercie de l'occasion que vous m'avez
donnée d'apporter ma modeste voix. Je peux assurer le ministre du
Travail de l'appui du député d'Iberville et je suis bien
heureux de me faire le porte-parole des gens de mon comté qui, pour une
bonne part, bénéficieront du taux majoré du salaire
minimum, ce qui placera sans doute devant l'opinion publique une façon
plus réaliste de voir comment on peut enrayer de façon pratique
et immédiate, au niveau de ceux qui en ont peut-être un peu plus
besoin dans l'immédiat, ce fléau qui est l'inflation. Merci, M.
le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable ministre des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives.
M. William Tetley
M. TETLEY: Ne partez pas, restez là.
M. le Président, le problème posé par cette motion
importante et intéressante est très difficile. En effet, c'est un
dilemme posé par le député de Maisonneuve qui a
demandé à cette Chambre que le salaire minimum soit
augmenté jusqu'à $2.50. C'est un dilemme et je crois qu'il est au
courant de ce dilemme autant que moi et vous, M. le Président, parce que
la motion n'affecte pas simplement ceux qui reçoivent, mais ceux qui
payent. La motion n'affecte pas simplement les consommateurs qui vont recevoir,
mais aussi les consommateurs qui vont payer par, je présume, une
augmentation de prix. Vous n'affectez pas simplement les
bénéficiaires du salaire minimum, apparemment un demi-million de
personnes, mais vous affectez les industries du Québec et vous affectez
même leur position concurrentielle avec l'extérieur.
M. le Président, le salaire minimum aujourd'hui est de $1.85
l'heure. C'était dans le plan du gouvernement, annoncé lors d'une
déclaration ministérielle qui a commencé comme une
réponse à une question, mais qui est devenu, plus tard, une
déclaration ministérielle. Cela a été prévu
pour le 1er mai au montant de $2.00. Le ministre du Travail l'a augmenté
à $2.10 et l'augmentation aura lieu le 1er mai. C'est lent, c'est la
"march of time".
M. LEGER : March of dimes.
M. TETLEY: March of dimes, pardon. Perhaps it is the march of dimes,
since it was a march of $0.25. Je comprends le souci de l'honorable
député de Lafontaine.
Pour lui, c'est très peu et, pour moi, c'est très peu, je
l'admets, comme augmentation. D'autre part, peut-être que c'est un peu
trop. Il y a l'exemple des chauffeurs de taxi, expliqué
déjà par le ministre du Travail. Ils ont dû accepter une
augmentation et ils l'ont mal acceptée à cause de l'augmentation
du salaire minimum. Mais, en conséquence, ils ont dû accepter une
baisse de salaire, parce qu'il fallait les forcer à travailler moins
d'heures. Le "take home pay" belle expression anglaise qui veut dire
l'argent que l'homme apporte à son épouse et à sa famille
à la fin de la semaine dans le cas des chauffeurs de taxi de
Québec, a été réduit.
Il y a un dilemne. Peut-être que c'est une "march of dimes".
Peut-être qu'il faut marcher avant de courir. J'ai été
impressionné lorsque nous avons discuté de la question, parce
qu'évidemment nous l'avons discutée au conseil des ministres. Je
n'ai pas l'intention de révéler les secrets du Conseil
exécutif, mais j'ai été impressionné par plusieurs
arguments. Un surtout m'a frappé, c'était celui-ci: les
économistes de la province, les conseillers du ministre avaient peur
qu'une augmentation, donnée trop vite, bouleverse l'économie de
la province. Qui est économiste? Comme Adam Smith l'a dit, c'est une
science sombre. Est-ce une science ou plutôt un art? Ce n'est pas une
science exacte. Mais je présume que, comme pour les opinions des
avocats, si vous voulez une autre opinion, il ne faut que consulter un autre
avocat. Peut-être que, dans le cas des économistes, il ne faut que
consulter un deuxième, troisième ou quatrième
économiste.
Mais j'ai été frappé par cet argument et j'ai
été frappé par la sincérité du ministre du
Travail qui a été lui-même déchiré par
l'argument. Il a dit: A mon avis, il n'y a qu'une seule solution, celle que je
vous propose: $2.10 le 1er mai et $2.15 le 1er novembre. Il y a aussi la
question de l'inflation. Il faut, évidemment, aider les travailleurs
contre l'inflation, mais il ne faut pas créer l'inflation. N'oubliez pas
aussi, que, s'il y a 500,000 personnes touchées directement par
l'augmentation, une autre partie, environ 1,500,000 personnes sont
touchées indirectement, c'est-à-dire que les conventions
collectives vont augmenter nécessairement, soit directement et
immédiatement ou dans un délai presque prévisible.
Mr. President, allow me to say a few words in English because this is a
matter that does not merely touch the French-speaking electorate. There are
many English-speaking citizens who receive the minimum wage.
M. BLANK: Some speak Italian and Greek.
M. TETLEY: Some speak Italian and Greek, according to the Honourable
Member from Saint-Louis and Vice-President of this House.
Many of them live in NDG. And it is not a decision the Government has
taken lightly. It is not a decision that is a happy decision, no matter what
decision is taken. The Parliamentary Leader knows that very well as I see from
the reaction on his face. It is not an easy decision but it is a decision that
has to be taken. Governing means deciding. You have to decide. Gouverner, c'est
décider. And we have taken this decision. I think we have to walk before
we run. We have made the increase of $0.25
Is it too little? We have the opinion of our economists, we have the
question of inflation and we have the factor, which is very important, that
this is not merely a raise for 500,000 people but the rest of the working
force, over 1.5 million persons.
M. le Président, je termine en disant que la décision a
été prise par le gouvernement. Ce n'était pas facile. Cela
a été plutôt difficile. Cela a été une
décision pondérée. Que nous tenions la
vérité, je n'en suis pas certain, pas à chaque fois, mais
en effet c'est une décision que nous avons prise honnêtement.
C'était une décision très difficile. Il serait plus facile
d'augmenter le salaire minimum et de tourner le dos à notre
économie et au reste des citoyens.
Donc, M. le Président, je termine et j'aimerais écouter
les commentaires d'autres députés de cette honorable Chambre.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable député
de Beauce-Nord.
M. Denis Sylvain
M. SYLVAIN: M. le Président, à la suite de l'annonce, par
le ministre du Travail, d'augmenter le taux du salaire minimum à $2.10,
au mois de mai, j'étais moi-même convié à faire une
déclaration, en tant que député de Beauce-Nord,
après avoir signé, moi aussi, cette requête. Le journaliste
qui me demandait de faire cette déclaration voulait que je
répète à peu près ce qu'on avait dit sur cette
formule présentée au ministre du Travail, que je dise que nous
étions les 47 ou 49 signataires pour l'augmentation du
salaire minimum à $2.50.
Au départ, j'ai apporté une rectification, en disant
simplement que les requérants demandaient au ministre du Travail une
augmentation prématurée sur ce qui était
déjà prévu dans la Loi du salaire minimum.
Evidemment, comme d'autres collègues l'ont souligné tout
à l'heure, je suis l'un de ceux qui préconisent, pour mon
comté de Beauce-Nord et, en n'étant pas mesquin, pour les autres
Beaucerons de Beauce-Sud, des mesures sociales pour essayer d'acclimater le
mieux possible notre population au genre de vie qu'on a à vivre
aujourd'hui.
J'ai été quand même surpris de constater que les
demandes, par rapport à ma région, pour l'augmentation du salaire
minimum ne se sont pas faites très pressantes. On a voulu
développer, dans mon comté comme dans le comté du
représentant de Beauce-Sud, une incitation au travail par le
développement industriel de la petite entreprise, de l'entreprise
autochtone, celle qui pouvait fonctionner indépendamment des lieux
où elle était créée.
Depuis cinq ou six années, certains individus ont fait des
efforts assez immenses pour essayer d'embaucher toute la main-d'oeuvre qui y
était disponible. Evidemment, ce n'est pas dans notre région
qu'on retrouve les taux de salaires les plus astronomiques mais c'est
peut-être dans notre région qu'on retrouvait, notamment au cours
de l'hiver 1972 et de l'hiver 1973, le taux de chômage le plus bas au
Canada.
Alors que Statistique Canada, pour les mois de l'hiver 1972, donnait un
taux de chômage de 8.2 p.c. la région de la Beauce avait un taux
de chômage entre 3.2 p.c. et 3.5 p.c. maximum. Nous avons là une
petite entreprise qu'il faut protéger.
A titre d'exemple, hier m'en retournant dans mon comté, et
principalement en arrêtant dans un restaurant de ma ville, Sainte-Marie,
j'ai été abordé tout de suite en entrant par la patronne
du restaurant qui me disait: Mais c'est quoi ça le salaire minimum
à $2.50? Qu'est-ce qu'on va faire avec les "waitresses"? On va en mettre
six au lieu de huit? Par rapport à des secrétaires de bureau,
comment va-t-on leur donner? Combien vont-ils exiger?
On est rendu à l'heure actuelle au phénomène
où cette boule économique grossit à tel point qu'on se
demande souvent, ou on est peut-être porté à se poser la
question suivante. L'ensemble des travailleurs syndiqués, surtout
à l'heure actuelle, demandent comme principale négociation dans
les conventions collectives des hausses de salaire et aussi des heures minimum
de travail garanties. Il se produit donc que sans réellement augmenter
le salaire évidemment on travaille avec certaines conventions
collectives 37.5 ou 40 ou 42.5 heures ouïes revenus de ces
travailleurs, on prend plus de temps de loisirs et les industries qui peuvent
se mécaniser difficilement vont voir ou ont vu certaines des productions
baisser.
Les gens travaillant moins, le revenu n'étant pas
supérieur, demandent dans le secteur des municipalités, au
haut-commissariat, à tous les ministères intéressés
des subventions aux loisirs. Je me demande si, à un moment donné,
avec toute cette inflation ou toute cette croissance économique
"one-way" jusqu'à quel point on va être capable de répondre
ou de continuer dans cette voie qui semble tracée dans la province de
Québec.
Il y a aussi un autre problème, et nous le vivons à
l'heure actuelle dans des comtés comme le nôtre où le
domaine des érablières est en vue. C'est peut-être la
même chose dans les Cantons de l'Est, dans la région des
Bois-Francs. Des cultivateurs qui voudraient faire une production dans le
domaine de l'érablière me demandent si je n'aurais pas, comme
député, quelques travailleurs à leur suggérer.
Evidemment ces sucriers qui veulent exploiter une
érablière n'ont certainement pas les moyens de donner $2.65 ou $3
l'heure. D'après l'annonce du ministre du Travail, il y a une
augmentation de prévue de $0.25. Je crois qu'il est raisonnable à
l'heure actuelle, sans avoir de données plus positives, sans avoir pris
connaissance de ce rapport Castonguay, que le taux du salaire minimum se situe
dans ce cadre.
Je n'ai pas de bride. Je serai toujours prêt, comme
député d'un comté représentant une classe de gens
qui travaillent encore au salaire minimum, à regarder si ce taux horaire
devrait être augmenté.
Mais à l'heure actuelle l'effort économique de Beauce-Nord
et de Beauce-Sud s'est fait par l'implantation de la petite entreprise, par des
gens de nos localités, sans amener beaucoup d'individus à
investir de l'extérieur de la région de la Beauce. C'est un
effort qui est si jeune que faire passer le salaire de $1.85 à $2.50,
pour ma part, j'aime autant dire publiquement et devant
l'Assemblée nationale que j'aime mieux protéger les gens
de la classe sociale en garantissant de l'emploi et en surveillant le taux de
chômage, que d'aller me préoccuper de peut-être faire fermer
certaines entreprises.
Ce ne sont pas des paroles en l'air. Dans la Beauce, à un moment
donné, les bureaux du député étaient devenus des
bureaux de succursales d'aide sociale. A l'heure actuelle, nous sommes en train
de nous orienter vers une meilleure conception du député parce
que nous y mettons des efforts personnels. Ces efforts personnels sont faits
chez nous dans la petite entreprise.
C'est cette petite entreprise que je veux protéger dans le
contexte où ma région vit.
Au fur et à mesure que je pourrai prendre connaissance de
nouvelles données, au fur et à mesure que certains des
travailleurs pourront venir se plaindre à moi, collectivement, je
m'occuperai de ma région. Merci, M. le Président.
DES VOIX: Vote! Vote!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. Jean-Hugues Boutin
M. BOUTIN (Abitibi-Ouest): M. le Président, relativement...
M. LEVESQUE: ... il n'a pas exercé son droit de parole.
M. HARDY: Beaucoup de respect pour la liberté des autres.
UNE VOIX: Laissez parler les gens.
M. BOUTIN (Abitibi-Ouest): Relativement, M. le Président,
à ces commentaires qui ont été faits tout à
l'heure, j'en ai retenu quelques-uns. Il y en a un surtout qui m'a
frappé, c'est celui où on mentionnait le chiffre de 500,000
travailleurs qui seraient affectés par la hausse de ce salaire minimum.
Si on faisait, disons, une extrapolation de ces 500,000 personnes, on
s'apercevrait probablement que ce n'est pas tout à fait selon la
réalité, pour les raisons que j'énumère.
Premièrement, je crois qu'en ce qui concerne bien des individus,
ceci sert simplement comme deuxième travail ou ce qu'on appelle des
emplois de fins de semaine seulement, alors qu'il y a un certain nombre de gens
qui sentent le besoin d'aller gagner davantage, pour différentes
raisons. Il y a un autre point aussi qui est à souligner, c'est celui de
la femme au foyer qui, de plus en plus, travaille dans les différents
secteurs de service ou de l'industrie. Ce côté est un peu
oublié et je crois qu'il est important de le souligner parce qu'il
fausse le chiffre des 500,000 personnes concernées.
De plus, si on le regarde sous un autre angle, en troisième lieu,
je crois que ceci affecte un secteur de la population qui, il est vrai, n'est
pas tellement qualifié puisqu'il doit se trouver au-deçà
de ce salaire, mais c'est un travaillant qui doit débuter dans le monde
du travail. Alors, je pense qu'on doit tenir compte de ces
considérations. Je pense que le chiffre de 500,000 emplois qu'on
mentionne concernant les personnes sujettes au salaire minimum sera assez
modifié.
Il y a une chose aussi qui m'a surtout impressionné depuis assez
longtemps, c'est le fait que l'Opposition revienne continuellement avec le
salaire des juges. Je pense que, dans le temps, on a complètement
oublié et on a complètement faussé la discussion parce
qu'on considère simplement la question du salaire des juges en ce qui
concerne les personnes qui sont actuellement en place. A mon point de vue, dans
l'esprit où j'ai voté pour ce bill, c'était pour aller
chercher des hommes dans les bureaux d'avocats et les nommer juges. Je pense
que le salaire n'était pas assez alléchant ces personnes auraient
été mieux de garder leur bureau d'avocat plutôt que
d'accepter une nomination de juge. De plus, il faut qu'un salaire soit
suffisamment acceptable parce que, normalement, les bureaux d'avocats qui
fonctionnent très bien et qui prouvent, dans une certaine mesure, que
ces gens ont peut-être plus de compétence en
général, ce sont ordinairement ces gens qu'on veut avoir pour les
placer dans les tribunaux ou comme présidents d'un tribunal.
Je pense que c'est un point qui est à considérer. Je n'ai
pas voté pour augmenter les salaires des juges existants, j'ai
voté pour le salaire des juges à venir, pour que le gouvernement
soit en position d'aller sur le marché de l'offre et de la demande et
puisse entrer en concurrence dans une certaine mesure, avec les grands bureaux
d'avocats et réussir quand même à avoir du personnel
compétent et qualifié.
Si le gouvernement ne fait pas concurrence aux bureaux en
général, il y aura toujours sur les tribunaux des avocats
peut-être de deuxième ordre ou de troisième ordre et, comme
le souci de l'Opposition officielle, c'est toujours d'avoir la justice et la
liberté, je crois qu'il manque le bateau en ne comprenant pas ce point
de vue là.
Alors, M. le Président, c'est un peu ces considérations
que je voulais faire en soulignant
des facteurs qui, je crois, ne sont pas encore entrés dans la
discussion. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Le ministre des Affaires
culturelles.
M. Denis Hardy
M. HARDY: M. le Président, combien l'attitude actuelle du chef de
l'Opposition, le député de Sauvé, est
révélatrice du vrai visage de ces gens-là! Ces
gens-là, M. le Président, qui s'apitoient sur le sort du peuple,
ces gens-là qui nous parlent de démocratie avec des sanglots dans
la voix, ces gens-là qui nous parlent du respect de la liberté,
M. le Président, sont les premiers à essayer d'empêcher les
gens d'exprimer leur pensée, d'exprimer leurs opinions. C'est ça,
le vrai visage du député de Sauvé et de son groupe!
M. MORIN: Allons donc!
M.HARDY: Le député de Sauvé, M. le
Président, qui, à l'ouverture de la dernière session, se
lamentait parce qu'il n'avait pas eu exactement le nombre de pieds
carrés qu'il voulait, le député de Sauvé qui se
lamentait à tous les saints, parce qu'il n'avait pas eu tous les
avantages matériels...
UNE VOIX: Sa limousine.
M. HARDY: ... M. le Président, ce même député
de Sauvé, chaque fois qu'un député de ce
côté-ci de la Chambre se lève pour dire ce qu'il pense,
pour traduire la pensée de ses électeurs, le député
bougonne et voudrait empêcher les élus du peuple...
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. HARDY: ... d'exprimer leurs opinions, comme le député
de Saint-Jacques tente de le faire actuellement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Le député de
Saint-Jacques sur un point de règlement.
M. CHARRON: M. le Président, avant que le ministre parte
complètement dans les nuages, j'aimerais mieux lui rappeler qu'on est
à discuter une motion et qu'il s'éloignait du sujet.
Il peut bien continuer à divaguer, s'il le veut, mais il a dix
minutes pour parler de la motion.
M. BACON: Cela fait mal!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): J'agirai avec la même
sévérité envers le ministre des Affaires culturelles
qu'envers tous les membres de cette Chambre. Je demanderais à tout le
monde de s'en tenir au débat.
M. HARDY: M. le Président, je reconnais dans votre
décision...
M. MORIN: II tue le temps volontairement.
M. HARDY: ... et votre sens de l'impartialité, votre désir
d'accorder à tous les membres de cette Chambre des droits égaux
et je vous en félicite chaleureusement.
M. le Président, la motion du député de Maisonneuve
puisque le député de Saint-Jacques préfère
que j'en parle plutôt que de parler du député de
Sauvé. Je le comprends la motion du député de Maisonneuve
est largement plus intéressante que le député de
Sauvé. La motion du député de Maisonneuve, M. le
Président, est une motion à deux faces. La première face,
c'est la face alléchante. Bien sûr, M. le Président, tous
les citoyens sont d'accord pour reconnaître que $2 l'heure est un salaire
très minime. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que les
gens qui gagnent $2 l'heure sont loin de pouvoir faire une vie très
agréable. Bien sûr, tout le monde compatit aux descriptions
déchirantes que le député de Saint-Jacques nous a faites
tantôt.
Nous sommes tous des êtres humains. Nous sommes tous conscients de
ces réalités. Nous sommes tous conscients qu'il est souhaitable
que le niveau de vie de l'ensemble des citoyens du Québec augmente. Nous
sommes tous conscients de ça. Mais, M. le Président, quand je
vous dis que cette motion est une motion à deux faces, c'est qu'il ne
s'agit pas seulement de constater une réalité. Décrire les
difficultés, décrire les maux d'une société,
décrire les problèmes, c'est facile.
D'ailleurs, dans ce domaine du diagnostic des problèmes, la
description des problèmes qui peuvent se poser dans une province, il y a
des gens qui sont bien meilleurs que les séparatistes pour faire cela.
Les créditistes sont les champions dans ce domaine-là. Que les
séparatistes n'essaient pas de concurrencer les créditistes dans
la description des problèmes d'une société. Les
créditistes, en commençant par M. Caouette et en allant jusqu'au
plus humble de ces gens-là, nous font des descriptions très
exactes, très valables des problèmes qui existent dans la
société, au Québec comme au Canada. Les
députés séparatistes ne gagneront jamais de prix en
s'orientant vers cette direction.
Là où c'est plus difficile pour les hommes politiques
et c'est là qu'on reconnaît les hommes politiques
courageux, les hommes politiques lucides et les démagogues c'est
de trouver des solutions valables aux problèmes qui se posent. Bien
sûr, il y a des hommes politiques qui font de la démagogie en
étant conscients qu'ils sont démagogues et il y en a d'autres qui
sont des démagogues que j'appellerai des démagogues
sincères; c'est le cas du député de Maisonneuve. Je
connais assez bien le député de Maisonneuve, je le connais depuis
longtemps. Même si mes pensées, sur le plan social et
économique, sont aux antipodes des
siennes je reconnais ce que je ne peux pas dire de tous les
séparatistes que le député de Maisonneuve est un
homme sincère, est un homme qui croit à ce qu'il dit.
Quand il fait, comme cet après-midi, une certaine forme de
démagogie, je dis qu'il est démagogiquement sincère. Mais
pour ceux-là...
M. ROY: Quelle déclaration savante!
M. HARDY: Pardon?
M. ROY: Quelle déclaration savante!
M. HARDY: Est-ce que vous avez une question?
M. ROY: Non, non, j'écoutais religieusement le ministre faire ses
savantes déclarations.
M. HARDY: M. le Président...
M. MORIN: Le ministre, lui, ne fait pas de démagogie en ce
moment?
M.HARDY: ...récemment le député de
Beauce-Sud...
M. ROY: C'est cela.
M. HARDY: ... a fait de grandes interventions pour dire que tout devrait
être enregistré au journal des Débats. Entre autres, il
donnait comme raison qu'il fallait qu'il y ait plus de décorum, plus de
respect du règlement. Il donne un très mauvais exemple, à
l'heure actuelle. Je suis prêt à l'écouter, je suis
prêt à ce qu'il respecte le règlement, je suis prêt
à reprendre mon siège s'il a des questions à me poser mais
le député de Beauce-Sud ne semble pas avoir de question
sérieuse à me poser. Il préfère intervenir de son
siège de façon illégale, il préfère ne pas
respecter le décorum, il préfère ne pas respecter le
règlement de cette Chambre. M. le Président, il faudrait que le
député de Beauce-Sud soit un peu plus cohérent avec les
positions qu'il a prises récemment.
Revenant à la motion du député de Maisonneuve, M.
le Président, je vous dis que le député de Maisonneuve
était démagogiquement sincère parce qu'il croit à
ce qu'il dit. Mais ceux-là qui, de ce côté-ci de la
Chambre, ont la responsabilité d'administrer les affaires publiques,
ceux qui, de ce côté-ci de la Chambre, doivent, avant de poser un
geste, avant de prendre une décision, mesurer toutes les
conséquences précises du geste qu'ils vont poser ne peuvent pas
se contenter de suivre la pente facile de la démagogie, fût-elle
sincère. Il arrive parfois, dans l'administration publique, que des
mesures qui, à première vue, semblent favorables à la
population ou à un certain secteur de la population s'avèrent,
à cause des conséquences négatives qui en
découlent, plus néfastes que l'aspect positif que l'on pouvait
poursuivre.
Bien sûr, dans la théorie du député de
Maisonneuve et des gens de son groupe, c'est-à-dire certains
syndicalistes, on nous dit: Si une entreprise n'est pas capable de payer un
salaire convenable, qu'elle ferme. C'est là une solution
d'irresponsables. Dire des choses semblables, c'est être irresponsable.
Affirmer, comme le député de Maisonneuve l'a fait cet
après-midi, que payer un salaire minimum de $2 c'est subventionner
l'entreprise, je regrette, encore une fois, le député de
Maisonneuve est peut-être sincère quand il dit cela mais il trompe
et la Chambre et la population quand il le dit. Si le député de
Maisonneuve voulait réfléchir un instant, il saurait fort bien
que, si à un moment donné le ministre du Travail augmente le
salaire minimum à un taux tel que certaines entreprises devront fermer
leurs portes, ce ne sont pas les méchants capitalistes qui vont en
souffrir, ce ne sont pas les propriétaires de l'entreprise qui vont en
souffrir.
Ils vont tout simplement fermer leur usine, ces gens, ils vont prendre
leur argent, ils vont le placer ailleurs et ils vont continuer à bien
vivre. Mais les gens, par exemple, qui travaillaient dans cette entreprise,
qui, peut-être, ne gagnent pas un salaire très
considérable, qui, peut-être, ont un niveau de vie qui devrait
être meilleur, ces gens, en devenant des chômeurs, auront une
situation à la fois économique et humaine encore plus
pénible que celle qu'ils ont actuellement, même malgré le
salaire inférieur qu'il gagnent. Parce que pour tous ceux qui ont encore
un peu de fierté, pour tous ceux qui ont encore un peu de coeur au
ventre, il vaut mieux travailler même à un salaire
inférieur que d'être chez eux et de recevoir
l'assurance-chômage ou du bien-être social. C'est une valeur, c'est
un élément que certaines personnes, comme le député
de Maisonneuve, tentent d'oublier.
M. BURNS: Etes-vous en train de faire un "filibuster"?
M. HARDY: Bien sûr, encore une fois... Pardon? Avez-vous une
question?
M. BURNS: Oui. Etes-vous en train de faire un "filibuster"?
M. HARDY: M. le Président...
M. BURNS: Parce qu'il n'y a rien de nouveau dans ce que vous dites, il
n'y a rien de nouveau.
M. HARDY: M. le Président, c'est extraordinaire comme certaines
personnes sont...
M. BURNS: Non, je me demande tout simplement si vous êtes en train
de faire un "filibuster"?
M. HARDY: Je vais vous répondre. C'est extraordinaire, M. le
Président, combien il y a
des gens qui ont de la propension à faire de la projection. Le
député de Maisonneuve dans cette Chambre a fait tellement souvent
de "filibuster"...
M. BURNS: Jamais!
M. HARDY: ... a fait tellement souvent perdre le temps des
députés...
M. MORIN: Mais nous, on l'admettait.
M. HARDY: II l'a fait d'une façon tellement rationnelle,
tellement lucide, tellement consciente qu'il l'affirmait d'une façon
claire.
M. BURNS: Les fois que je l'ai fait, je l'ai admis.
M. HARDY: II a fait ça tellement souvent, le député
de Maisonneuve, qu'il s'imagine que d'autres, lorsqu'ils prennent la parole
pour exprimer leur opinion, se livrent à des manoeuvres dilatoires comme
celles auxquelles il a très souvent recours. Bien non, je ne fais pas un
"filibuster".
M. BURNS: Ce n'est pas cela, mon cher ami le député de
Terrebonne...
M. HARDY: Mais voulez-vous vous lever pour...
M. BURNS: Je me rends compte que vous répétez ce que vos
collègues viennent de dire, et de façon peut-être moins
bien que vos collègues l'ont dit...
M. HARDY: C'est fort possible, M. le Président. Je reconnais que
je n'ai pas le talent, je n'ai pas l'éloquence, je n'ai pas la
facilité d'expression de la plupart de mes collègues qui, cet
après-midi, ont eu l'honneur de prendre la parole dans cette Chambre. Je
le reconnais bien volontiers. Mais quand même, j'ai reçu, le 29
octobre dernier, un mandat, celui de représenter les électeur du
comté de Terrebonne, et j'ai le droit...
M. BURNS: ...
M. HARDY : ... malgré le modeste talent que j'ai, malgré
les difficultés d'expression que je peux avoir...
M. BURNS: Blablabla! M. MORIN: Continuez.
M. HARDY: M. le Président, je ne sais pas ce que le
député de Sauvé, ex-professeur à
l'Université de Montréal aurait dit...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je suis
obligé d'interrompre le "filibuster" du ministre. Il a
déjà largement dépassé son temps.
M. HARDY: M. le Président...
M. MORIN: Qui va continuer, maintenant?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A la suite de plusieurs
interventions, j'ai été tolérant, je demanderais au
ministre de conclure le plus rapidement possible.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement, vous
n'avez même pas le droit d'être tolérant, vous avez besoin
de l'unanimité de la Chambre pour lui permettre de parler plus de dix
minutes.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Alors je donne...
M. BURNS: Je suis prêt, par condescendance pour le ministre,
à lui laisser une minute pour terminer.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Alors, M. le ministre.
M. HARDY: M. le Président, je conclus brièvement en disant
que tous les députés de cette Chambre sont désireux que le
revenu des citoyens du Québec augmente. Mais nous croyons que pour
atteindre cet objectif, ce n'est pas en adoptant des mesures irresponsables qui
auront pour effet de créer plus de chômage, d'accroître le
fardeau financier de ceux qui continueront à travailler. Ce n'est pas la
façon de régler le problème économique des
Québécois.
La façon de régler le problème économique
des Québécois, c'est de faire ce que le gouvernement actuel fait,
d'être responsable et de continuer à développer
l'économie de la province malgré tous les enfarges, malgré
tous les inconvénients que les séparatistes sèment sur
notre route.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député
de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, exerçant mon droit de
réplique...
DES VOIX: Non, non.
M. BURNS: M. le Président, il est six heures moins le quart.
J'imagine que le vote va se tenir très bientôt.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Non, mais il y a deux semaines pour... Il
y a d'autres opinants qui veulent parler.
UNE VOIX: Il y en a d'autres qui veulent parler.
M. BURNS: Ah! Il y en a d'autres, M. le Président!
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui, il y en a d'autres qui veulent
parler.
M. BURNS: D'accord.
M. MORIN: C'est un "filibuster".
M. CHAGNON: M. le Président,...
M. BURNS: C'est un "filibuster" en somme, M. le Président. On est
victimes...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Appelez-le...
M. BURNS: ...d'un "filibuster" de la part de ces 102
députés libéraux. Incroyable.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Lévis.
M. Vincent Chagnon
M. CHAGNON: Que le député de Maisonneuve se rassure. Je ne
serai pas très long, vu l'heure tardive. Tout de même, je suis
très heureux de pouvoir me prononcer sur une question que je
considère importante, qui affecte une masse d'employés dans cette
province.
Je suis très à mon aise parce que je n'ai pas signé
la requête, ni pour, ni contre. Je suis très objectif dans les
circonstances. Mais je considère, d'autre part, que l'augmentation de
$1.85 à $2.10 représente, dans les circonstances actuelles, une
augmentation normale.
D'autre part, je suis d'avis qu'il aurait certainement été
préférable, si la chose eût été possible,
d'accroître cette augmentation. Mais il va falloir nécessairement
procéder par étapes. J'ai recueilli un témoignage, hier,
M. le Président, de la part d'un chef d'entreprise de Québec,
propriétaire de trois grands magasins. Il me faisait part que
l'augmentation de $1.85 à $2.10 représentait, pour l'année
fiscale, pour sa compagnie, $480,000, annuellement. Cela représente une
somme formidable. Nécessairement, il faut que ce soit absorbé au
fur et à mesure. D'autre part, je sais pertinemment qu'un commerce de
Québec, à cause de cette augmentation de $1.85 à $2.10, a
dû restreindre le nombre de ses employés. Déjà la
chose s'est faite dans Québec même. Je ne donnerai pas le nom en
cette Chambre, mais il s'agit d'une compagnie que tout le monde
connaît.
C'est pourquoi je suis d'avis que nécessairement il ne faut pas
bouleverser l'économie de cette province. Lorsque la décision a
été prise par l'honorable ministre du Travail, il y a eu des
normes, il y a eu des analyses, des études qui ont été
faites, suivant des critères, par des spécialistes en la
matière.
Je sais pertinemment, depuis que je suis député, que nous
avons un bureau fortement achalandé de gens venant chercher de l'emploi.
Maintenant, s'il faut accroître, par une mesure excessive, le nombre de
chômeurs de cette province, j'ai fortement l'impression que l'on va
aggraver la situation à un tel point que l'inflation va se produire
alors que dans certains milieux, avec raison, l'on cherche à restreindre
cette inflation qui s'accentue constamment dans tous les secteurs de la
province. C'est pourquoi il faut agir avec prudence, par étapes, de
façon à donner quand même justice aux petits
employés.
Je suis 100 p.c. en faveur du petit salarié. Par contre, il faut
tout de même être logique et ne pas bouleverser tout ce sens
économique de la province parce qu'actuellement c'est facile de parler
quand on parle des juges qui ont eu $5,000 d'augmentation. Je pense que ce sont
des choses qui ne sont pas comparables. Un type, qui est nommé juge,
vous le savez comme moi, peut facilement se créer, comme avocat, un
salaire de $45,000 à $50,000.
Lorsqu'on lui demande d'assumer la tâche de la magistrature, il
passe d'un salaire de $28,000 à $33,000; je ne crois pas que ce soit
excessif. Ce sont des choses qui ne sont pas comparables.
Quand on considère, d'autre part, la masse des employés,
la masse de petits salariés, qui représente un demi-million de
personnes dans cette province, de main-d'oeuvre, il faut nécessairement
procéder par étapes. C'est pourquoi je me rallie, actuellement,
à ce montant de $2.10, avec l'espoir je le dis bien ouvertement
que cette décision sera révisée selon les
conditions éventuelles.
Je suis favorable à la décision de l'honorable ministre
que je considère comme un ministre très responsable face à
la situation actuelle. Par contre, je dois m'opposer à la motion de
l'honorable député de Maisonneuve.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Bellechasse.
M. Pierre Mercier
M. MERCIER: M. le Président, à mon tour, je suis heureux
de pouvoir exprimer quelques commentaires sur ce sujet fort important, qui
touche, comme vient de le souligner notre collègue, le
député de Lévis, une quantité assez
appréciable de notre population.
Nous avons entendu des commentaires fort intéressants, qui nous
permettent, tout de même, de mesurer non seulement la portée de
cette mesure, mais l'importance de cette question. Particulièrement au
cours des derniers mois et dans la période que nous traversons, cette
question est d'actualité pour bon nombre
de nos citoyens, de Québécois, face à cette
augmentation du coût de la vie, particulièrement des aliments qui,
pour des familles, présente un problème majeur.
Il serait facile non seulement pour le député de
Bellechasse, mais pour la majorité de mes collègues, je pense
bien, d'arriver vis-à-vis de nos électeurs et de dire: Nous
sommes entièrement d'accord pour augmenter le salaire minimum à
$3, $4 ou $5 l'heure. Mais je pense que c'est une mesure, justement
celle qui est proposée par le député de Maisonneuve
pour plaire à la galerie, considérant qu'on n'a pas à
payer les pots cassés ou à en payer la note.
M. le Président, j'aimerais personnellement pouvoir dire que je
suis favorable à un salaire minimum de $3.50 ou de $3 l'heure.
Sûrement que ce serait apprécié par bon nombre de nos
électeurs. Mais si l'on regarde l'autre côté de la
médaille et que l'on s'interroge sur la capacité de payer de
plusieurs propriétaires de petites entreprises, qu'on envisage les
conséquences que cela pourrait entraîner, également, sur
l'embauche d'un bon nombre de personnes, actuellement, dans des entreprises de
services, on peut s'interroger drôlement sur les conséquences
d'une telle décision.
C'est pourquoi je pense que les commentaires du député de
Lévis et de ceux qui ont précédé du ministre
des Affaires culturelles nous permettent de juger d'une action ou d'une
politique par étapes en ce domaine, non pas que le besoin n'est pas
là, mais parce que, évidemment, il faut considérer la
capacité de payer des propriétaires de petites entreprises, la
quantité assez appréciable de personnes qu'une telle mesure peut
toucher et les conséquences qu'une telle mesure pourrait avoir.
C'est pourquoi, même si c'est un strict minimum j'en
conviens je crois qu'il est sage d'y aller par étapes en
fonction, justement, de l'économie présente, en fonction aussi de
la possibilité d'embauche de ces personnes qui pourraient être
jetées sur le pavé advenant une augmentation considérable
du salaire minimum, laquelle augmentation bon nombre de petits
propriétaires d'entreprises ne pourraient assumer.
Et n'en déplaise au député de Maisonneuve
même si électoralement parlant ça peut lui être
vraiment agréable de proposer une telle mesure je crois que nous
devons, comme l'a mentionné le ministre des Affaires culturelles,
prendre nos responsabilités.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. On me
prête des intentions actuellement. On me prête des intentions, ce
qui n'est pas permis en vertu du règlement. Voulez-vous qu'on lise le
texte, M. le Président? Je pense que vous le connaissez par coeur.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Lequel? M. BURNS: L'article 100,
paragraphe 9.
M. HARDY: Quel article?
M. BURNS: L'article 100, paragraphe 9, ou 99, paragraphe 9, dans la
dernière version. Je ne le sais pas. Je vais vous le dire tout de suite,
ce ne sera pas long.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Article 100,paragraphe 9? Je ne sais pas
si...
M. BURNS: Bien, M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... le motif politique est un motif
indigne.
M. BURNS: Pas du tout. J'ai exposé ma motion en toute
sincérité. Le député de Terrebonne, ministre des
Affaires culturelles, ne m'a peut-être pas traité gentiment, mais
il m'a au moins dit que j'étais sincèrement démagogue.
M. HARDY: Je le crois.
M. BURNS: C'est en toute sincérité que je faisais
ça. Ce n'est pas tellement gentil de parler de démagogie, mais en
tout cas. C'est une autre affaire. Mais le député, actuellement,
est en train de dire à toutes fins pratiques que j'ai
déposé cette motion pour des fins uniquement électorales.
C'est absolument faux.
M. MERCIER : Ce n'est pas ça que j'ai dit, j'ai dit...
M. HARDY: Vous faites un "filibuster" là.
M. BURNS: M. le Président, je suis toujours sur la question de
règlement. On interprète mon intention. Mon intention
était tout simplement de donner un salaire au minimum décent
à un certain nombre de travailleurs qui sont visés par cette
motion. Ce n'est sûrement pas dans un but électoral, parce que je
suis convaincu que dans deux, trois ou quatre ans il n'y a pas grand-monde qui
va se souvenir que j'aurai déposé cette motion.
M. HARDY: M. le Président, sur la question de
règlement.
M. MERCIER: M. le Président, je regrette...
M. BURNS : Je suis bien prêt à l'exercer mon droit de
réplique.
M. MERCIER: Le député de Maisonneuve...
M. HARDY: Le député de Maisonneuve, sûrement,
connaît mieux son règlement qu'il vient de le faire voir. A
l'article 99, paragraphe 9, il est dit qu'il est interdit à un
député d'imputer des motifs indignes à un autre
député.
M. BURNS: C'est ça, je considère que c'est
indigne quand on m'impute des motifs de cette nature, alors que je crois
carrément et vous êtes obligés de prendre ma parole
en vertu du même paragraphe, celui que vous citez et clairement
à ce que j'ai dit tantôt.
M. HARDY: M. le Président, le député de Maisonneuve
a raison de dire qu'on doit prendre sa parole. Mais le député de
Maisonneuve ne peut pas interdire à un député de juger du
contenu d'une action. Or, ce n'est pas imputer des motifs indignes à un
député que de dire qu'il pose tel geste dans une optique
électorale. Personnellement, si c'était un autre membre de la
députation séparatiste, je ne dirais pas la même chose,
mais personnellement, je ne pense pas que le député de
Maisonneuve ait proposé sa motion dans un but électoral. Mais un
autre député peut bien concevoir que c'est dans ce but, il n'y a
rien d'indigne là-dedans. Donc, M. le Président, le rappel au
règlement du député de Maisonneuve est totalement non
fondé.
M. BURNS: Au contraire, M. le Président, je trouve que c'est
indigne à partir du moment où je vous dis, et où on refuse
de prendre ma parole, que ça n'a...
M. ROY: Sur le point de règlement.
M. BURNS: ... rien à faire à quelque forme
d'électoralisme que ce soit.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre! Le
député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, sur le point de règlement
soulevé, j'aimerais quand même qu'il y ait plus de cohésion
et de coordination dans l'interprétation de notre règlement. Le
propos soulevé par l'honorable député de Maisonneuve a
aussi été soulevé par le président de la commission
parlementaire des Affaires sociales, tantôt, qui a refusé au
député de Chicoutimi le droit de parler parce qu'il aurait
prêté des intentions à l'endroit du ministre des Affaires
sociales. On lui a refusé la parole tout simplement.
M. le Président, on n'aura qu'à vérifier dans le
journal des Débats pour se rendre compte de la situation. Je ne voudrais
quand même pas qu'il y ait deux, trois ou quatre interprétations
de notre règlement, compte tenu que ça fait l'affaire du
gouvernement ou non. Il y a des présidents de commission, il y a un
président de l'Assemblée nationale, il y a des
vice-présidents de l'Assemblée nationale, il y a même un
ancien vice-président de l'Assemblée nationale qui est un expert
en procédures parlementaires. Réunissez-vous donc et
entendez-vous donc pour adopter la même règle de procédures
partout.
M. HARDY: M. le Président, sur la question invoquée par le
député de Beauce-Sud, il n'est pas question que les
présidents de commissions s'entendent avec les membres du gouvernement.
Nous avons trop de respect pour l'intégrité, pour
l'impartialité, pour l'objectivité des présidents de
commissions pour nous entendre avec eux; les présidents de commissions,
et vous M. le Président, interprètent le règlement
objectivement, selon leurs connaissances. Ce n'est pas aux ministres, ce n'est
pas aux députés d'aller vous dire quoi faire ou quoi dire. Le
député de Beauce, M. le Président, n'a aucun respect pour
la présidence.
M. ROY: Sur le point soulevé par l'honorable ministre...
M. BURNS: On veut un vote. M. ROY: ... ce n'est pas du tout... M. BURNS:
On veut un vote.
M. ROY: ... ce que j'ai dit et le ministre a complètement
faussé mes paroles. Il l'a fait délibérément, M. le
Président, il suffit de regarder son attitude.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque mon privilège de
député. Le député de Beauce-Sud n'a pas le droit de
me prêter des motifs indignes et...
M. ROY: Tiens!
M. HARDY: ... ça se sont des motifs indignes.
M. MERCIER: M. le Président, de toute façon je pense que
si ces messieurs m'avaient laissé poursuivre...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le vote.
M. MERCIER: ... je pense qu'on aurait pu éviter cette perte de
temps et permettre à cette Assemblée de pouvoir peut-être
mieux comprendre l'attitude du député de Bellechasse sur cette
question. Je disais justement au député de Maisonneuve qu'on peut
s'interroger, vous savez, sur ces motions présentées
évidemment sur différents sujets, en ce qui concerne
présentement la question du salaire minimum. Le commentaire que j'ai
émis peut aussi bien s'attribuer à votre humble serviteur, en ce
sens que, électoralement parlant, même pour le
député de Bellechasse, c'est une mesure qui aurait pu plaire
sûrement à bon nombre de nos électeurs. Mais en
étant membre d'un gouvernement responsable, d'un gouvernement conscient
des besoins de la population, mais aussi étant en mesure de prendre ses
responsabilités, c'est la raison pour laquelle j'ai été un
des signataires de cette requête demandant au ministre du Travail de
revoir la question de l'augmentation possible du salaire minimum avec à
l'esprit une politique à long terme, à moyen terme, à
court terme et à
long terme d'y aller étape par étape. Je suis
persuadé que notre gouvernement actuel saura appliquer cette
social-démocratie que nous avons actuellement et au
bénéfice de l'ensemble de la population du Québec.
M. BURNS: Puis, ils y croient pour vrai à part ça; ou bien
ils sont fous ou ils sont malades. Ce n'est pas possible. Je pensais que
c'était une farce. Alors le vote, M. le Président.
M. LEDUC: M. le Président, j'ai l'honneur de demander
l'ajournement du débat.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion d'ajournement du
débat est adoptée?
Adopté.
M. BURNS: On n'a pas le choix, M. le Président, on va faire face
au "filibuster". On fait dur!
M. BACON: C'est bien normal que vous n'aimiez pas ça.
UNE VOIX: Cela signe puis ça "désigne".
M. LEVESQUE: M. le Président, demain matin est-ce
nécessaire de le répéter? il y aura commission
parlementaire pour l'étude des crédits du ministère du
Revenu et du ministère de la Justice.
M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: Je ne sais pas quel sort est réservé à
la commission parlementaire des affaires sociales.
M. BURNS: Nous lui avons donné je pense, aujourd'hui, le mandat
de s'ajourner elle-même, c'est-à-dire d'ajourner la date.
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on le sait? De toute façon...
M. BURNS: Actuellement elle est encore en séance.
M. LEVESQUE: Si les membres se sont ajournés à demain,
ça va, ce sera au même endroit, sans doute; si la commission est
ajournée sine die, demain matin on commencera aussi la commission
parlementaire de la fonction publique, si c'est possible.
M. BURNS: M. le Président, je ne veux pas... M. LEVESQUE:
Non?
M. BURNS: ...faire "brailler" le leader du gouvernement, mais je
siège à la commission de la justice. Je suis également
membre de la commission de la fonction publique.
Je vais avoir de la difficulté à être aux deux
endroits. S'il y avait...
M. LEVESQUE : Peut-être qu'on...
M. BURNS: Oui, mais je n'ai pas le don d'ubiquité, M. le
Président.
M. LEVESQUE: ... acceptera un compromis. Lorsque la commission
parlementaire du revenu, tel qu'on l'a dit, aura terminé ses travaux,
à ce moment-là il faudrait bien commencer la Fonction
publique.
M. BURNS: Je suis entièrement d'accord pour collaborer avec le
leader là-dessus.
M. LEVESQUE: D'accord.
M. BURNS : Je demande simplement qu'on ait un peu de flexibilité
là-dessus.
M. LEVESQUE: D'accord. M. le Président, je propose l'ajournement
de la Chambre à demain, quinze heures.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
La Chambre ajourne ses travaux à demain, quinze heures.
(Fin de la séance à 18 h 2)
Référer à la version PDF pages 366 et 367