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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le vendredi 13 décembre 1974 - Vol. 15 N° 96

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commission élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président, s'il vous plaît. Article d).

Projet de loi no 81 Première lecture

LE PRESIDENT: Le leader parlementaire du gouvernement propose la première lecture de la Loi concernant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale.

M. LEVESQUE: M. le Président, en vertu de ce projet de loi, chaque parti politique a le droit de recevoir, au prorata des votes qui lui ont été attribuées lors des dernières élections générales, une partie d'un montant de $400,000.

Toutefois, un parti ne pourra recevoir une contribution moindre que $50,000, même si, pour ce faire, le montant de $400,000 doit être dépassé. Cette assistance financière est accordée aux partis politiques pour leur permettre de couvrir les frais de leur administration courante, d'assurer la diffusion de leur programme politique et de coordonner l'action politique de leurs membres.

Tout montant attribué est versé par le président général des élections, à la suite de la présentation par l'agent officiel du parti d'un rapport avec pièces justificatives de dépenses permises, encourues et acquittées, et couvrant les frais de son administration courante, assurant la diffusion de son programme politique et coordonnant l'action politique de ses membres. Un détail succinct des montants ainsi payés est publié dans la Gazette officielle du Québec.

Toutefois, les pièces justificatives qu'un parti produit à l'appui de son rapport ne sont pas des documents publics, et seul le président général des élections et son agent vérificateur y ont accès. Elles doivent être retournées à l'agent officiel du parti, en même temps que lui est adressé un chèque.

Le projet de loi modifie également un certain nombre de dispositions de la Loi électorale.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article e).

Projet de loi no 86 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des renseignements sur les compagnies.

L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. TETLEY: M. le Président, le projet de loi no 86, Loi modifiant la loi des renseignements sur les compagnies, a les buts suivants: les compagnies dissoutes faute d'avoir produit leur rapport annuel auront désormais deux ans pour faire révoquer la décision si leur activité principale est reliée à la possession d'un permis ou autre autorisation gouvernementale. Une telle compagnie dissoute depuis le 7 juillet 1971, date de l'entrée en vigueur du chapitre 76 des Lois de 1971, peut obtenir cette révocation en agissant avant le 1er juillet 1975. Les permis ou autorisations de cette compagnie seront alors réputés être demeurés en vigueur, sauf caducité pour d'autres causes.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote de première lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de première lecture de la Loi modifiant la loi des renseignements sur les compagnies veuillent bien se lever, s'il vous plait.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lalonde, Lachapelle, Goldbloom, Quenneville, Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Houde (Fabre), Giasson, Perreault, Brown, Bacon, Bédard (Montmorency), Veilleux, Brisson, Séguin, Houde (Limoilou), La-

france, Pilote, Lamontagne, Picard, Gratton, Gallienne, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pepin, Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Leduc, Caron, Harvey (Dubuc), Lecours, Malépart, Massicotte, Pagé, Picotte, Tardif, Vallières, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chitoutimi), Samson, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Tour: 70 Centre: 0

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet de faire des dépôts de projets de loi qui sont en appendice, nous sommes prêts.

M. BURNS: D'accord.

M. LEVESQUE: Le premier, le deuxième et le quatrième.

Projet de loi no 91 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lecture de la Loi modifiant de nouveau la loi des cités et villes et le code municipal.

L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, ce projet autorise une municipalité à adopter un règlement interdisant pour au plus douze mois la démolition d'un immeuble pouvant constituer un bien culturel au sens de la Loi sur les biens culturels.

Une fois ce règlement adopté, la municipalité doit s'adresser au ministère des Affaires culturelles aux fins de faire reconnaitre ou classer l'immeuble comme bien culturel. Si la requête de la municipalité n'est pas agréée dans les douze mois, le règlement de la municipalité cesse d'avoir effet.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lec- ture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Projet de loi no 96 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lecture de la Loi concernant la protection de l'environnement.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, ce projet déclare que les règlements adoptés par l'arrêté en conseil 479 du 12 février 1944, c'est-à-dire les règlements de l'ancienne Loi sur l'hygiène publique, constituent depuis le 21 décembre 1972 des règlements adoptés en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement.

Le projet prévoit également que ces règlements sont réputés être des règlements dont l'application relève des municipalités.

L'article 5 du projet supprime l'exigence de procéder par réglementation pour l'application de l'article 35 de la Loi de la qualité de l'environnement.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Projet de loi no 78 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements.

M. CHOQUETTE: M. le Président, ce projet porte création d'un comité pour la protection de la jeunesse. Ce comité a pour fonction de favoriser la protection des enfants soumis à des mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligences, de prévenir ces excès et ces négligences et de préserver, dans la mesure du possible, la vie de l'enfant dans son milieu familial.

Le comité est formé d'un président, d'un vice-président et d'au plus dix membres de

professions ou occupations diverses et intéressées à la protection de l'enfance. Le comité est assisté d'un nombre suffisant de personnes qui seront chargées de recueillir les informations nécessaires ou utiles au comité.

Le projet crée une obligation à toute personne, même liée par le secret professionnel, d'informer sans délai le comité lorsqu'elle a des motifs raisonnables de croire qu'un enfant est soumis à des mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligence. Tout manquement à cette obligation constitue une infraction.

Le comité ne peut être contraint de dévoiler l'identité de cette personne et celle-ci ne peut être poursuivie en justice parce que, de bonne foi, elle a fourni une information au comité.

Lorsque le comité est informé qu'un enfant est soumis à des mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligence, il fait conduire une enquête et il examine ensuite la situation. S'il est d'avis que le cas n'est pas sérieux, il ferme le dossier. S'il estime que des mesures devraient être prises pour remédier à la situation, il formule des recommandations en ce sens et les fait transmettre aux personnes en cause. Il peut exiger d'être informé de l'évolution de la situation. S'il estime, par contre, que la situation nécessite l'intervention de la cour du Bien-Etre social, il défère l'affaire à celle-ci.

Lorsque la cour est saisie d'une situation d'enfant soumis à des mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligence, elle peut confier l'enfant à la surveillance d'une personne à l'emploi du comité et ordonner à cette personne de lui faire rapport.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.

Terres et Forêts

M. DRUMMOND: M. le Président, j'ai l'hon- neur de déposer le rapport annuel du ministère des Terres et Forêts pour 1973/74.

Elections générales et partielles

LE PRESIDENT: A la demande du président général des élections, j'ai l'honneur de déposer le rapport détaillé sur les dernières élections générales, ainsi que sur les élections partielles qui ont eu lieu pendant la Législature précédente.

Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

Mouvement étudiant

M. CHARRON: M. le Président, puis-je demander au ministre de l'Education de faire, à travers la période des questions, la déclaration ministérielle que nous attendions ce matin?

M. CLOUTIER: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire une déclaration ministérielle. Si j'avais eu cette intention, je l'aurais fait au moment que prévoit notre règlement. Si le député de Saint-Jacques veut me poser une question, j'y répondrai avec plaisir.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre de l'Education veut informer la Chambre sur les rencontres qu'il a eues dans la journée d'hier avec les directeurs généraux des CEGEP en grève au Québec?

M. CLOUTIER: M. le Président, cette réunion, qui a duré toute une journée, a permis de revoir la situation dans chacun des CEGEP et elle a permis également d'en arriver à un accord sur les principes d'une intervention.

Par conséquent, je demande aux conseils d'administration des collèges, premièrement, de prendre les mesures nécessaires pour que les collèges soient ouverts le 17 décembre 1974 et soient en mesure de fonctionner normalement.

Deuxièmement, si le conseil d'administration d'un collège juge que les activités pédagogiques des étudiants réguliers ne peuvent reprendre normalement, le conseil d'administration reportera au 6 janvier 1975 la reprise de ses activités. Entre-temps, le collège doit rester ouvert et les autres activités doivent s'y dérouler normalement. Si, de l'avis du conseil d'administration, le collège ne peut demeurer ouvert et accessible, le conseil d'administration décidera de le fermer jusqu'au 6 janvier 1975.

Troisièmement, chaque collège soumettra à l'approbation du ministre de l'Education, au plus tard le 6 janvier 1975, son plan de récupération et d'aménagement de la session d'automne 1974. Ces plans devront respecter les règles financières en vigueur et ne pas

comporter de dépenses supplémentaires à celles qui auraient été encourues si la session régulière d'automne s'était déroulée normalement.

Le ministre ne reconnaîtra les études de la session d'automne 1974 que dans les cas où il aurait approuvé les plans de récupération et d'aménagement de cette session. L'approbation du ministre ne tiendra compte que des activités inscrites au programme.

Je me dois, M. le Président, après avoir annoncé ce plan, de rappeler les mesures qui ont été prises jusqu'ici dans le cadre de la révision des prêts-bourses. Je le ferai le plus brièvement possible.

Les correctifs dont j'ai parlé à plusieurs reprises ont eu pour effet de permettre à 89 p.c. des étudiants ayant fait une demande de se qualifier pour un prêt par rapport à 82 p.c. l'année précédente et permettront à 10 p.c. de plus d'étudiants par rapport à l'année précédente de toucher une bourse, laquelle sera versée en un seul versement au début de l'an prochain. Dans l'ensemble, il y a une hausse du montant moyen des bourses. Voilà par conséquent le résultat de la révision entreprise et s'il n'y avait pas eu ce cheminement difficile, nous aurions d'emblée obtenu ces résultats. Ils sont désormais acquis.

De plus, nous avons pu apporter les modifications suivantes à la suite des discussions avec les étudiants: un prêt complémentaire est possible et a été possible dans la majorité des cas pour le montant maximum pour tous ceux qui avaient fait une demande. Une nouvelle période d'aide a été ouverte du 1er décembre au 1er janvier sous forme de demande. Le principe de la décentralisation a été acquis...

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le règlement invite le ministre à être court dans ses réponses comme il limite les questions du député qui pose les questions. Le ministre nous a servi, vous l'avez remarqué comme moi, ce qui aurait dû être une déclaration ministérielle; il en est même rendu à exagérer, à nous répéter la salade qu'il nous a servie depuis le début...

DES VOIX: Ah! Ah!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: Cette partie, M. le Président, j'ai vraiment l'impression que la Chambre peut s'en passer et j'inviterais le ministre à s'asseoir, je considère la réponse comme donnée.

LE PRESIDENT: S'il vous plaft! Il n'est pas permis de manifester dans les galeries. A l'ordre, messieurs! Le règlement prévoit soit des questions, des réponses ou des déclarations ministérielles. La question a été posée par l'honorable député de Saint-Jacques: je comprends qu'il est difficile de déterminer exactement où commence une réponse et où elle se termine, où commence une déclaration ministérielle et où elle se termine. Par contre, il y a d'autres articles ou d'autres droits que le député peut utiliser en vertu du règlement, l'article 174, si vous désirez peut-être faire des commentaires sur la réponse du ministre, et vous pourrez invoquer cet article.

Cela vous donnera un droit à un minidébat de cinq minutes, mais à une heure peut-être un peu tardive.

M. CLOUTIER: J'aurais un point de règlement avant de reprendre ma réponse.

LE PRESIDENT: Oui, une question de règlement.

M. CLOUTIER: Moi aussi.

M. LESSARD: Le problème fondamental qui se pose pour l'Opposition aussi dans des circonstances comme celles-là, c'est que la période des questions passe puis, à un moment donné, on n'est plus capable de poser des questions.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: Tous les vendredis matins c'est la même chose.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Il n'y a pas tellement longtemps, il y a eu de longues réponses des ministres. Cela arrive peut-être trop souvent, mais il s'agit par contre, d'une question très importante, qui a une amplitude énorme actuellement au Québec. Chaque fois, j'ai toujours accordé dix ou quinze minutes et je n'ai jamais voulu rogner la période des questions pour cette raison.

M. CLOUTIER: J'invoque le règlement. M. le Président, je n'aurais aucune objection à faire une déclaration ministérielle. Je n'aurais eu aucune objection à la faire. Cependant le règlement — loin de moi d'idée de le critiquer à ce stade-ci — ne me donne que trois minutes et je me sens totalement incapable de traiter d'une question aussi complexe en trois minutes. C'est aussi simple que ça. Je considère que les déclarations ministérielles, dans l'optique de cette refonte du règlement, ne peuvent être appliquées qu'à des politiques ministérielles.

Si, par exemple, je fais une déclaration sur le système métrique, comme j'ai l'intention d'en faire une prochainement, je la ferai dans le cadre d'une déclaration ministérielle. J'affirme qu'il m'est impossible de traiter cette question dans ce cadre-là.

LE PRESIDENT: Je vais corriger vos trois minutes, le règlement dit cinq minutes.

M. CLOUTIER: Je vous remercie et mon raisonnement vaut pour cinq minutes également.

LE PRESIDENT: D'accord, continuez votre raisonnement.

M. CLOUTIER: J'ajoute donc, M. le Président, parmi ces mesures que nous avons pu apporter de manière à rencontrer les aspirations des étudiants, en plus de la décentralisation dont j'ai parlé, la possibilité de retour aux études à tous les étudiants qui auraient à cause de leurs problèmes financiers, renoncé à les poursuivre et ceci sans frais d'inscription.

M. le Président, le député de Saint-Jacques ne semble pas intéressé...

LE PRESIDENT: Parlez au président, s'il vous plaît, ne considérez pas ces interventions, adressez-vous au président.

M. CLOUTIER: Vous voulez que j'ignore le député de Saint-Jacques? Très volontiers. Après avoir parlé de ces mesures, M. le Président, j'annonce la création immédiate d'un comité spécial qui groupera les représentants des parents. J'ai d'ailleurs reçu en ce sens une demande de la Fédération des parents, des étudiants de CEGEP, s'ils souhaitent y participer, des représentants des institutions d'enseignement, universités et des CEGEP, ainsi que du ministère.

Ce comité est actuellement créé, les invitations sont parties pour que l'on nomme des représentants, le comité se mettra au travail dès la semaine prochaine et il se penchera en priorité sur deux problèmes, la contribution des parents et la contribution des étudiants. En ce qui concerne la contribution des parents, je reviens sur ce que j'ai dit à maintes reprises publiquement et lors de mes deux rencontres avec les étudiants. Le principe de supprimer la contribution des parents dans l'optique d'une réforme qui dissocie les prêts et les bourses est acquis en ce qui concerne les prêts. Autrement dit, nous pouvons supprimer l'élément contribution des parents dans le calcul du programme, en ce qui concerne les prêts et ceci dès l'an prochain.

En ce qui concerne les bourses, le comité pourra étudier la possibilité de réduire cette contribution progressivement, mais, comme je l'ai dit à maintes reprises, à cause des implications financières et des implications sociales qu'il ne faudrait pas négliger, ceci ne peut être fait instantanément.

M. le Président, un autre élément dont on a parlé récemment, c'est celui du budget. Je signale que le montant total de l'aide aux étudiants est passé de $21.4 millions, en 1973/74, à $25.8 millions en 1974/75. Ceci représente une augmentation importante qui se situe entre 15 p.c. et 20 p.c. Je crois qu'il est essentiel d'en tenir compte et je souhaite, pour ma part, que, dans l'optique d'une réforme en profondeur, une telle progression puisse continuer.

Il ne me reste plus qu'à lancer un appel aux étudiants et à leur demander de reprendre leurs activités éducatives en prenant conscience de leurs responsabilités vis-à-vis d'eux-mêmes, vis-à-vis de leurs collègues et vis-à-vis de toute la société québécoise.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je reviendrai à la première affirmation du ministre qui a été purement et simplement de la répétition. Dans le texte qu'il nous a lu, qui semble être une manière de communiqué émis à la suite de la rencontre avec les directeurs généraux de CEGEP, la toute première position fait référence à l'obligation pour les conseils d'administration des CEGEP, et je crois citer à la lettre puisque je n'ai pas eu ce texte, de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les CEGEP soient ouverts le 17 décembre prochain.

Que veut dire "prendre les mesures nécessaires"?

M. CLOUTIER: M. le Président, dans l'optique de notre système d'éducation décentralisé, cette responsabilité revient au niveau local et je souhaite respecter l'autonomie locale autant qu'il me sera possible de le faire. Je compte donc sur le sens des responsabilités des conseils d'administration des CEGEP.

M. CHARRON: M. le Président, je repose la question au ministre. Vous n'avez pas, comme vous avez dit, demandé aux conseils d'administration de prendre les mesures nécessaires sans envisager qu'elles étaient ces mesures nécessaires?

M. CLOUTIER: J'ai répondu clairement. M. CHARRON: Non, vous avez camouflé...

M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: Une question supplémentaire.

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, j'ai remarqué que le ministre a fait un autre appel pour demander aux étudiants de reprendre les cours. Le ministre ne considère-t-il pas qu'il serait peut-être valable à ce moment-ci, tout en faisant cet appel pour la reprise des activités, d'offrir en même temps, en guise de garantie de bonne foi du gouvernement aux étudiants, qu'une commission parlementaire siège, invitant les représentants des étudiants, invitant également les représentants des administrations des CEGEP ainsi que les représentants du ministère et tous les députés intéressés à siéger à cette commission aux fins d'étudier spécifiquement et spécialement le problème qui est devant

nous? De cette façon, il me semble que les étudiants auraient au moins l'impression que, même s'ils reprennent les activités, quelqu'un s'occupera de leurs problèmes et qu'il y aura là des représentants de l'Opposition également pour faire valoir leurs droits. Cela constituerait, à mon point de vue, une garantie qui pourrait les inciter davantage à reprendre leurs activités, sachant qu'on va s'occuper de leurs problèmes et que l'Opposition sera là également.

M. CLOUTIER: J'imagine que le député de Rouyn-Noranda s'associe à l'appel que je fais aux étudiants et je l'imagine à cause du ton raisonnable et serein qu'il a adopté. En ce qui concerne la possibilité de convoquer une commission parlementaire, j'y ai pensé et j'y ai pensé très sérieusement. J'aurais souhaité que, à cause de l'ouverture d'esprit que le ministère a manifestée, les étudiants acceptent de collaborer à la réforme entreprise depuis déjà un an.

J'aurais plutôt voulu réserver la commission parlementaire pour discuter du rapport que j'ai commandé au Conseil supérieur de l'Education et qui doit me parvenir bientôt. En effet, ce rapport fondera probablement une refonte éventuelle de la loi 21 qui constitue les CEGEP. Il m'aurait paru beaucoup plus normal que la commission parlementaire se penche sur l'ensemble des problèmes que sur un problème limité, sur un problème parcellaire. Cependant, si j'arrive à la conviction — et je suis ouvert à toutes les suggestions— qu'une commission parlementaire peut faciliter les choses, en ce qui concerne le point particulier, je n'hésiterai pas à en faire la proposition au leader parlementaire.

M. SAMSON: Est-ce que, M. le Président, le ministre serait prêt à considérer de la convoquer immédiatement, advenant que les représentants des étudiants seraient disposés à reprendre les activités normales sur la promesse du ministre d'une telle convocation de la commission parlementaire? Est-ce que le ministre serait disposé à la convoquer immédiatement?

M. CLOUTIER: M. le Président, je n'ai pas besoin de pressions pour tenter de prendre des décisions au meilleur de ma connaissance et au meilleur de ma compétence. Aucune pression, autrement dit, ne risque de changer l'analyse que je fais avec mes collaborateurs et mes collègues du gouvernement de la situation. Par conséquent, si vraiment une commission parlementaire peut aider à assainir l'atmosphère, je suis entièrement d'accord pour la convoquer. Mais il reste que les dispositions du plan que j'ai proposé au conseil d'administration tiennent et devront s'appliquer pour l'ensemble du territoire québécois.

LE PRESIDENT: Une question additionnelle de l'honorable député de Johnson, sur le même sujet.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Prési- dent, à l'occasion de la réunion, hier, des principaux avec l'honorable ministre de l'Education, est-ce qu'il serait vrai qu'il y a eu plusieurs dissidences parmi les principaux, quant au mode de règlement qui vient de nous être donné par l'honorable ministre?

M. CLOUTIER: Est-ce que j'ai bien compris? Vous avez parlé de dissidences...

M. BELLEMARE (Johnson): Qu'il y aurait eu des dissidents parmi les principaux.

M. CLOUTIER: Parmi les principaux? M. BELLEMARE (Johnson): Oui.

M. CLOUTIER: II s'agissait d'une réunion des directeurs généraux et il ne s'agissait pas de prendre des décisions conjointement. Les directeurs généraux relèvent de leur conseil d'administration. Nous avons un système qui est ainsi conçu et le ministre de l'Education qui prend, en général, le blâme pour tout ce qui se passe, n'a malheureusement pas toujours les pouvoirs d'intervention. En fait, le ministre de l'Education a infiniment moins de pouvoirs vis-à-vis du réseau que le ministre des Affaires sociales vis-à-vis de son propre réseau.

Ceci dit, mon but n'a jamais été d'associer les directeurs généraux aux décisions que je proposerais, mais il l'a été d'évaluer la situation locale et de les sensibiliser. Par conséquent, il n'y avait pas à avoir de vote sur des propositions comme cela. J'ai eu l'impression, et je crois traduire un certain consensus, mais il n'y a pas de doute qu'il doit y avoir quelques directeurs généraux qui ne sont pas tout à fait d'accord sur le plan de rentrée et le plan d'ordre qui est proposé. C'est parfaitement possible, mais ça ne change strictement rien au fait que le plan est bel et bien devant l'Assemblée nationale et devant l'opinion publique et que les conseils d'administration devront prendre leurs responsabilités et je me refuse, à ce stade-ci, à envisager quelles mesures nous prendrons si les conseils d'administration ne devaient pas le faire.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, c'est simplement une question supplémentaire et la dernière. Selon l'information que j'ai eue, il y avait plus qu'une majorité qui était contre les décisions qu'avait suggérées l'honorable ministre à ces directeurs généraux. Il ne semblait pas y avoir un consensus, comme dit l'honorable ministre, aux directives qu'il devait transmettre à leurs CEGEP.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas l'impression que j'ai eue. Je ne sais pas si le député de Johnson était présent, en tout cas, moi, j'y étais, et tout le monde a eu l'occasion de s'exprimer. La réunion a duré plusieurs heures avec moi-même et encore plusieurs heures avec les directeurs généraux. J'ai eu l'impression qu'en

ce qui concernait les principes, il y avait très certainement une compréhension de ces principes et un accord général. Mais je répète qu'il y a certainement des directeurs généraux, soit à cause de leur évaluation de la situation ou à cause de leurs problèmes locaux, il y a une distinction entre les CEGEP ruraux et les CEGEP urbains, par exemple, de ce point de vue, qui ne sont pas d'accord.

Mais ce que je répète, c'est qu'ils n'ont pas à être d'accord ou à ne pas être d'accord, dans l'optique d'un plan qui est un plan gouvernemental et qui est un plan qui vise à remettre de l'ordre dans le système. J'ai fait appel à leurs responsabilités d'administrateurs publics. J'ai fait appel à l'éthique professionnelle qui doit être la leur et je leur ai demandé de transmettre ce plan tel quel à leur conseil d'administration. Il reste à voir si les conseils d'administration décideront d'agir dans le cadre de ce plan ou non.

Je ne me permets pas de préjuger des décisions que ces administrateurs publics seraient tentés de prendre.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Projet Ferchibal

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports, concernant le projet Ferchibal.

Le ministre des Transports peut-il nous faire le point sur le projet de construction d'un chemin de fer reliant Port-Alfred au lac Albanel et nous dire plus particulièrement s'il est exact qu'une étude de $750,000 a été commandée à la firme des consultants du Canadien Pacifique en vue d'établir le meilleur tracé pour ce chemin de fer éventuel?

M. MAILLOUX: M. le Président, en réponse à la deuxième partie de la question, je voudrais dire qu'il n'est pas exact qu'un mandat a été confié à la firme dont le nom a été mentionné dans un journal. Mercredi prochain, sera soumis à l'attention du Conseil du trésor un nouveau projet de mandat; les consultants seront multiples, mais le maître d'oeuvre serait le ministère des Transports du Québec. Je pourrai ultérieurement, à la suite de la séance de mercredi prochain du conseil des ministres et du Conseil du trésor, informer la Chambre sur le mandat qui sera confié quant aux études sur le projet Ferchibal.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que le ministre a entrepris, parallèlement à ces tractations auprès des sociétés ferroviaires, des démarches avec le gouvernement fédéral relativement à la construction d'installations portuaires qui pourraient accueillir des bateaux de 130,000 tonnes, lesquels travaux seraient estimés à environ $50 millions?

M. MAILLOUX: M. le Président, j'ai rencontré mon collègue, M. Marchand, lundi matin, à Québec. Il y a eu des discussions préliminaires Ferchibal est venu sur le tapis, mais aucune décision n'a été prise. Cela a été simplement un tour d'horizon qui a été fait durant cette discussion.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Coupures d'électricité

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question à l'honorable ministre de la Justice. Il y a quelque temps, je posais des questions au ministre concernant les demandes faites par le groupement des locataires du Québec métropolitain, qui voulait rencontrer le ministre aux fins de discuter avec lui de la possibilité de proposer soit des lois ou encore une réglementation pour protéger les locataires au cas de coupures des services d'électricité de l'Hydro-Québec parce que certains propriétaires n'auraient pas payé leurs factures.

Le ministre, dans ses réponses, m'a dit être disposé à rencontrer le groupement et, jusqu'à ce jour, mes informations sont à l'effet qu'il n'y a pas eu de possibilité de rencontre encore.

Est-ce que le ministre peut me dire, ce matin, s'il est disposé à fixer un rendez-vous aux fins de rencontrer ces gens qui ont des problèmes très sérieux à lui soumettre?

M. CHOQUETTE: Sans doute.

M. SAMSON: M. le Président, c'est une réponse très courte, très précise, mais j'ai eu la même il y a quinze jours. Il n'y a rien qui a bougé. Est-ce qu'on pourrait fixer... Ces gens ont même dû envoyer un télégramme au ministre, le 3 décembre dernier.

M. CHOQUETTE: Lundi matin.

M. SAMSON: Lundi matin?

M. CHOQUETTE: Oui. A onze heures.

M. SAMSON: A onze heures.

UNE VOIX: Ah bon!

M. SAMSON: Alors, si le ministre ne les avertit pas par lettre, le président de la Chambre...

M. CHOQUETTE: Au ministère, 225 Grande-Allée Est.

M. SAMSON: 225 Grande-Allée Est. M. CHOQUETTE: Premier étage. M. SAMSON: Premier étage.

M. CHOQUETTE: Bureau du ministre.

M. SAMSON: Vous êtes sûr que vous allez être là?

M. CHOQUETTE: A onze heures. M. SAMSON: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Johnson.

Perte de productivité sur les chantiers de construction

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, à ma question, j'ai un léger préambule. Cela s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. L'honorable ministre disait, ces jours derniers: A comparer aux Etats-Unis, les chantiers du Québec ont perdu 70 p.c. de productivité; $150 millions en investissements sont compromis.

Ma question est celle-ci: L'honorable ministre peut-il nous dire quelle est la part des $150 millions en investissements manufacturiers qui ont été irrémédiablement compromis par la perte énorme de productivité sur les chantiers de construction dans la province?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en parlant de la productivité des travailleurs québécois, je pense qu'une nuance s'impose et le député de Johnson me permettra de la faire. Il n'y a aucun problème au Québec au niveau de la productivité dans le secteur manufacturier ou de la productivité de la main-d'oeuvre en général.

Le problème assez épineux, qui a peut-être commencé il y a plusieurs mois mais qui s'est précisé d'une façon plus accentuée au cours des six derniers mois, touche certains corps de métiers dans l'industrie de la construction, plus particulièrement ce qu'on appelle les techniciens en tuyauterie, les soudeurs, les électriciens et les plombiers.

Dans ces groupes, sur les grands chantiers uniquement — j'insiste là-dessus — répondant, ce qui semble évident, à des mots d'ordre de l'establishment syndical, la productivité, à certaines périodes, tombe au tiers de ce qu'elle est normalement ou au tiers des normes généralement admises en Amérique du Nord.

On comprendra que dans cet état, qui peut correspondre à une vue à très court terme de certains délégués de chantiers qui pensent qu'il y a un avantage pour les ouvriers de prolonger le travail sur un chantier donné, on voue irrémédiablement les investissements au Québec à ne pas connaître le taux de croissance qu'ils ont pu connaître au cours des trois dernières années, ou nous avons rattrapé le terrain perdu par rapport à l'ensemble du Canada.

Les $150 millions que j'ai mentionnés ne touchent pas des projets comme celui de SIDBEC où, déjà, le président d'une régie d'Etat a indiqué les craintes que pouvait poser un investissement au Québec. Ils ne touchent pas le climat d'incertitude qui peut toucher des investissements prévus par la compagnie Dono-hue dans le secteur des pâtes et papier, où il nous semble pour le moins aventureux, sinon irresponsable, de s'engager dans des projets quand les taux de productivité sont si bas.

Les $150 millions touchent plusieurs régions du Québec, où, demain matin, si on pouvait par magie rétablir la productivité dans le secteur de la construction à des niveaux acceptables, il y aurait de nouveaux projets d'annoncés. Je pense que dans quelques cas les conseils d'administration ont dû remettre à plus tard des décisions, mais si nous ne parvenons pas à régler la situation, dans plusieurs projets, particulièrement les gros projets, les projets d'une certaine importance, on choisira d'autres endroits que le Québec. Les premiers qui devront payer la note — je tiens à le préciser, M. le Président — à cause de l'irresponsabilité de ces mots d'ordre qui sont donnés, seront les ouvriers eux-mêmes qui — on l'a vu par des enquêtes récentes — ont comme première préoccupation la sécurité de leur emploi, la certitude de gagner le pain et le beurre demain.

Mais la meilleure façon pour gagner le pain et le beurre, c'est que l'establishment syndical comprenne qu'à long terme on vole le Québec lorsque, sur des chantiers de construction, cela prend trois fois plus de temps à Varennes, à Bécancour, à Québec et à Montréal que dans certains endroits des Etats-Unis.

M. MORIN: Une question supplémentaire.

M. BELLEMARE (Johnson): Une question supplémentaire. Devant l'état de fait que vient d'admettre le ministre, je pense que ce serait bien sa responsabilité — et je pense que la province en serait fort heureuse — de convoquer une conférence tripartite, comme on l'a déjà fait au ministère du Travail pour régler certains problèmes qui étaient de grande urgence. On avait alors convoqué le gouvernement, le représentant des employeurs et le représentant de l'establishment syndical. On avait, pendant une journée, regardé toutes les implications et le ministre...

M. LEGER: Question!

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, le ministre ne serait-il pas d'avis qu'il serait utile et nécessaire que cette réunion tripartite ait lieu?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de discuter avec le premier ministre et mon collègue du Travail de ce problème très épineux. La suggestion du député de Johnson est sûrement valable. Le problème,

c'est qu'en décembre 1974, tout ce beau monde se trouve devant la commission Cliche. Il y a peut-être lieu d'espérer qu'un rapport préliminaire de la commission Cliche nous permettra tout au moins de pointer du doigt les causes profondes de cette baisse de productivité, les agents qui la provoquent et, peut-être, donnant suite à votre suggestion, de trouver dès le début de l'année 1975 les moyens de remettre ceci à un niveau plus acceptable. Encore une fois, je le précise, il n'y a absolument personne, sauf quelques individus, qui peuvent avoir — je m'excuse du mot — des petits "rackets" dans certains contrats, qui a intérêt, au Québec, à ce que la productivité de nos ouvriers soit 30 p.c. de ce qu'elle est dans d'autres endroits aux Etats-Unis. D'autant plus que dans le secteur manufacturier, et quand on connaît les ouvrier québécois, on sait que c'est presque contraire à leur nature. Ils ont la réputation, en Amérique du Nord, d'avoir un des taux de productivité les plus élevés. C'est anormal de retrouver ce qu'on a actuellement dans le secteur de la construction.

LE PRESIDENT: Une question additionnelle. L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Le ministre a raison de penser que la productivité des Québécois est excellente, mais je me demande s'il ne tombe pas dans le simplisme quand il ramène cette baisse de la productivité, qui reflète un malaise réel, au seul secteur de la construction.

Deuxièmement, l'explication qu'il en donne est-elle complète? La baisse de productivité, je crois que le ministre a raison là-dessus, est contraire à la nature même de nos citoyens qui sont consciencieux; ne reflète-t-elle pas un malaise réel dû à des causes auxquelles le ministre n'a pas fait allusion une seule fois dans les propos qu'il vient de tenir, c'est-à-dire notamment l'inflation, la difficulté croissante pour les travailleurs de faire face à la perte de leur pouvoir d'achat, à la hausse du coût de la vie?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en raison d'une enquête scientifique, j'ai demandé à certains groupes directement touchés de déposer volontairement à la commission Cliche les résultats de leurs recherches, mais je ne peux souscrire à la thèse du chef de l'Opposition pour deux raisons. Premièrement, sur les petits chantiers et là où il ne semble pas y avoir un enjeu sur le plan syndical, la productivité des mêmes personnes, des mêmes ouvriers, est excellente, on n'a rien à redire; c'est simplement dans certains chantiers où les soudeurs vont faire 30 p.c. de ce que d'autres soudeurs font sur un chantier deux ou trois milles plus loin.

Deuxièmement, sur les grands chantiers, la faible productivité n'est pas constante, c'est-à-dire qu'elle varie, qu'elle oscille énormément et lorsqu'elle varie, elle semble coïncider com- me par magie avec la venue d'un délégué de chantier ou d'un personnage plus important du monde syndical de la construction, qui déclenche immédiatement, pour une période de temps, des taux très bas.

M. MORIN: En question supplémentaire. LE PRESIDENT: Dernière.

M. MORIN: Le ministre cherche une sorte de deus ex machina pour expliquer le phénomène de la baisse de productivité. Il dit: IL suffit que les gens de l'extérieur viennent gâter le climat. Le ministre ne s'est-il pas demandé si...

M. CHOQUETTE: Le Parti québécois contribue fortement à gâter le climat.

M. MORIN: ...les conditions qui existent dans ces chantiers et dans la vie courante des travailleurs ne sont pas les raisons qui prédisposent justement certains travailleurs à restreindre leur productivité?

Autrement dit, je demande au ministre s'il ne devrait pas se pencher sur les causes profondes de ce malaise et éviter de s'en tenir à la surface des choses. Alors, il découvrirait peut-être les vrais maux, il pourrait porter un diagnostic exact et peut-être venir à bout de ce problème.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, on sait bien que les problèmes d'inflation, et, bien sûr, ça peut-être un élément dont on doit tenir compte, existent dans toutes les provinces canadiennes, et à un degré plus élevé qu'il n'existe au Québec dans nombre de pays européens où le pouvoir d'achat des travailleurs a été beaucoup plus affecté qu'il ne le fut au Québec. D'ailleurs, les statistiques qui seront révélées en fin de semaine prochaine montreront que le revenu net par capita a augmenté plus rapidement en 1974 que l'inflation ou le niveau des taux d'inflation.

Je pense que ce qu'il faut retenir sur ce même problème d'inflation commun à nombre de pays, c'est uniquement au Québec qu'on enregistre cette baisse de productivité. Dans des usines qui sont exactement les mêmes actuellement en construction dans certains endroits des Etats-Unis par rapport au Québec, là où ça prend 3,000 heures pour faire un certain travail au Québec, ça ne prend que 1,000 heures dans d'autres endroits des Etats-Unis.

LE PRESIDENT: Dernière question, l'honorable député de Saguenay.

Nationalisation de la Compagnie Asbestos Corporation

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Richesses naturelles. Le ministre pourrait-il nous dire s'il est exact

qu'un rapport aurait été préparé par des spécialistes du ministère et dans lequel on recommanderait la nationalisation ou l'expropriation de la compagnie Asbestos Corporation afin de créer un secteur témoin, et si c'est le cas, quelles sont les intentions du ministre suite à cette recommandation?

M. MASSE: M. le Président, il est exact qu'il y a eu une étude effectuée par des fonctionnaires de la Direction générale des mines au ministère et que cette étude qui m'a été communiquée il y a environ deux ou trois mois n'était pas pour moi satisfaisante. J'ai demandé de reprendre ou d'ajouter des chapitres à ce document et je n'ai pu encore prendre connaissance de ce nouveau rapport. Je ne peux dire si on voudrait nationaliser une compagnie par rapport à d'autres hypothèses possibles d'interventions dans ce domaine.

La décision n'est pas prise par le ministre. Elle n'a pas été soumise au conseil des ministres.

M. LESSARD: Dernière question additionnelle, M. le Président.

Compte tenu que cela fait déjà quatre ans que le ministre nous parle de la nécessité pour les Québécois de tirer des bénéfices dans l'industrie de l'amiante, est-ce qu'on pourrait lui demander s'il a l'intention d'agir dans un délai assez bref dans ce secteur et ne pas attendre encore trois ou quatre ans?

M. MASSE: M. le Président, j'ai dit que je devrais, d'ici la fin de 1974, annoncer une nouvelle politique possible dans le secteur de l'amiante et je pense que je devrai reporter cette décision au début de 1975.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Question inscrite au feuilleton

M. LEVESQUE: M. le Président, au feuilleton de mercredi, le 11 décembre, article 71. Motion de M. Charron, dépôt de M. Quennevil-le.

M. QUENNEVILLE: Document déposé.

Travaux parlementaires

M. LEVESQUE: Merci. M. le Président, la commission des affaires sociales se réunira immédiatement, et j'en fais motion, au salon rouge, avec le mandat de poursuivre l'étude des projets de loi no 40 et 41 et de demeurer en commission jusqu'à l'adoption finale de ces deux projets de loi. A la vitesse qu'on a montrée hier, je pense bien que c'est un mandat tout naturel.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est nécessaire.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, puis-je faire motion pour que ce voeu soit interprété comme unanime en cette Chambre?

LE PRESIDENT: Est-ce que ce voeu est exaucé? Est-ce que cette motion est adoptée?

M. MORIN: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté. Cette commission peut siéger immédiatement.

M. LEVESQUE: Peut et doit. M. le Président, puis-je suggérer que nous procédions à l'adoption en troisième lecture de certains projets de loi: article 2)?

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives propose la troisième lecture du projet de loi no 77, Loi modifiant la loi des compagnies de fidéicommis.

UNE VOIX: Adopté.

M. TETLEY: M. le Président, il y a un amendement.

LE PRESIDENT: II y a un amendement?

M. LEVESQUE: Je retire cet article, M. le Président, il y a un amendement que me signale le ministre. Alors je retire l'appel.

LE PRESIDENT: Cette motion est retirée.

M. LEGER: Vous retirez quoi, l'adoption ou la motion?

LE PRESIDENT: La motion.

M. LEVESQUE: Article 3), d'accord?

Projet de loi no 64 Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la troisième lecture du projet de loi no 64, Loi modifiant le régime de rentes du Québec. Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Article 4).

Projet de loi no 39 Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre

d'Etat, député de Marguerite-Bourgeoys, propose la troisième lecture du projet de loi no 39, Loi modifiant le code des professions et d'autres dispositions législatives.

UNE VOIX: Adopté.

M. BURNS: Non, juste une seconde. M. le Président, sur ce projet de loi, il me semblait qu'on s'était entendu pour que les trois projets de loi concernant les affaires sociales reviennent ensemble. Alors, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de remettre à plus tard la troisième...

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on parle de l'article 4)?

M. BURNS: Article 4), ah! ce sont les professions, excusez-moi. Adopté.

LE PRESIDENT: Motion de troisième lecture du projet de loi no 39, adopté.

M. LEVESQUE: Articles 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13.

LE PRESIDENT: On peut grouper cette motion de troisième lecture.

M. LEVESQUE: Comme on l'a fait jusqu'à maintenant.

Projets de loi 67 à 74 Troisième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu propose la troisième lecture des projets de loi nos 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73 et 74. Ces motions de troisième lecture sont-elles adoptées?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Articles 14, 15 et 16.

LE PRESIDENT: Egalement une motion groupée du ministre de la Fonction publique.

M. BURNS: C'est que, dans un cas, j'ai un vote différent à prendre. Pour les projets nos 61 et 63 je n'ai pas d'objection à ce qu'ils soient adoptés ensemble, mais sur le projet no 62 je voudrais inscrire ma dissidence.

LE PRESIDENT: D'accord.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, j'inscris ma dissidence sur le projet no 62.

Projets de loi 61 et 63 Troisième lecture

LE PRESIDENT: De toute façon, disons la motion de troisième lecture des projets de loi nos 61 et 63. Ces motions de troisième lecture sont-elles adoptées?

Adopté.

Projet de loi no 62 Troisième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre de la Fonction publique propose la troisième lecture du projet de loi no 62.

M. BURNS: Sur division, M. le Président, avec la dissidence des députés de Sauvé, Lafontaine, Saint-Jacques, Chicoutimi, Saguenay et Maisonneuve.

M. BELLEMARE (Johnson): Plus Johnson. M. SAMSON: Abstention.

LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est adoptée sur division, avec la dissidence des honorables députés de Sauvé, Maisonneuve, Lafontaine, Saint-Jacques, Saguenay, Chicoutimi et Johnson et l'abstention du député de Rouyn-Noranda.

Motion adoptée sur division.

M. LEVESQUE: Article 17.

Projet de loi no 57 Troisième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre des Terres et Forêts propose la troisième lecture du projet de loi no 57, Loi sur les réserves écologiques. Adopté? Cette motion est adoptée.

M. MORIN: Oui, adopté.

M. BURNS: L'article 5, vous ne l'avez pas appelé? Il y aurait quelques brèves remarques de la part du député de Saguenay.

M. LEVESQUE: Le ministre n'étant pas ici, il ne serait pas en mesure de répliquer.

M. BURNS: D'accord.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'il y aurait avantage à faire de même pour les articles 29 et 30, pour leur faire passer cette étape?

M. BURNS: D'accord. Sur les agents de recouvrement, je vous signale que le député de Lafontaine a des amendements; on pourrait les passer tout de suite.

M. LEVESQUE: Attendons un peu plus tard dans la journée. On pourrait peut-être régler le cas de l'article 30 pour le moment.

M. BURNS: A l'article 30, je vous signale qu'à ma connaissance le député de Johnson a un amendement.

M. BELLEMARE (Johnson): J'ai un amendement.

M. LEVESQUE: Alors, peut-être plus tard dans la journée.

M. MORIN: Nous ferons des interventions sur l'article 30 du feuilleton.

M. LEVESQUE: Si le député de Johnson doit avoir d'autres engagements, nous attendrons.

M. BELLEMARE (Johnson): Pour l'Inter-Port.

M. LEVESQUE: Oui. Est-ce long, l'intervention du député de Johnson pour Inter-Port?

M. BELLEMARE (Johnson): Non, c'est très court. Je l'ai déposée entre les mains du ministre qui est bien au courant.

M. LEVESQUE: Alors, si c'était très court, on pourrait en disposer tout de suite, vu les engagements du député de Johnson.

M. BURNS: Egalement, je suis obligé de faire la même demande pour l'article 29 parce que le député de Lafontaine devra s'absenter dans le courant de la journée.

M. LEVESQUE: Je ne connais pas la nature des propos; si c'est simplement un exposé très serein, moi, je suis bien d'accord.

M. BURNS: Ce sera très serein comme toujours.

M. LEVESQUE: Mais si c'est quelque chose comme j'ai déjà vu...

M. BURNS: Quand ça vient du député de Lafontaine, c'est toujours très serein.

M. LEVESQUE: On verra, on décidera ensuite.

Alors, article 29, commençons pendant qu'il sourit.

Rapport sur le projet de loi no 26

LE PRESIDENT: Article 29. Le député d'Anjou, pour le député de Dubuc, propose l'adoption du rapport de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives qui a étudié le projet de loi no 26, Loi des agents de recouvrement.

M. CHARRON: Je pense que vous lui en demandez trop là; il ne comprend pas ce qui lui arrive. Expliquez-lui.

LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, sur le projet de loi no 26 et sur la prise en considération du rapport, je me dois d'inscrire ma dissidence.

Trois amendements très importants ont été refusés: à l'article 11, à l'article 27 et à l'article 32.

A l'article 11, nous aurions voulu que tout agent de recouvrement duquel on exige un permis pour fonctionner au Québec soit obligé de porter un nom français.

Deuxièmement, à l'article 27, nous voulions que tout agent de recouvrement ayant un permis du Québec soit obligé de communiquer avec son débiteur uniquement par écrit, de façon à éviter tout problème de harcèlement, de pression sur les personnes qui ont des comptes et sur lesquelles les agents de recouvrement font pression pour en obtenir le paiement. A l'article 32, nous aurions voulu que toute communication avec des Québécois par des agents de recouvrement soit faite en français.

Or, le projet de loi no 26 concernant les agents de recouvrement que parraine le ministre anglophone est fortement teinté de mesures visant à protéger des privilèges de la minorité anglophone du Québec, privilèges que ces derniers ont cru perdre lors de la fameuse loi 22, qui devait censément faire du français la langue officielle chez nous. Si on avait voulu accorder au français cette place officielle qui lui revient de droit au Québec, on aurait donné des dents à cette loi-cadre. Nous avons prouvé hors de tout doute, avec l'appui d'ailleurs de centaines des plus prestigieux groupes et associations du Québec, que l'article 1 de la loi 22 était affaibli, amoindri et annulé par les 129 autres articles.

J'ai fait cette parenthèse pour expliquer la mauvaise foi dont font preuve à la fois et le gouvernement et le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives et la fin de non-recevoir qui m'a été donnée au sujet des trois amendements que je viens de mentionner concernant le projet de loi no 26, ce qui aurait permis d'officialiser le français comme langue des affaires, du moins dans ce domaine particulier, et qui aurait pu être un commencement, un début.

Comment peut-on désormais prétendre, comme on le fait dans le préambule de la loi 22,

que la langue française doit être omniprésente dans le monde des affaires, particulièrement en ce qui concerne la direction des entreprises, les raisons sociales, l'affichage public, les contrats, d'adhésion et les contrats conclus par les consommateurs, quand un ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives refuse catégoriquement d'ordonner à toute corporation ou société qui sollicite ou détient un permis de franciser sa raison sociale? C'est en effet l'amendement que m'a refusé le ministre à l'article 11 du projet de loi no 26 et sur lequel je discute actuellement.

Comment a-t-on osé déjà prétendre que la déclaration de principe de la loi 22 obligeant les professions à communiquer avec la population en français ferait du français la langue des affaires quand nous sommes dans un Etat où les citoyens ne peuvent même pas s'assurer que les compagnies qui font d'immenses profits grâce à eux vont communiquer avec eux dans leur langue? C'est là le second amendement de base que le ministre a carrément refusé à l'article 32 du projet de loi no 26 en discussion actuellement.

Quand un gouvernement n'est pas capable de corriger une telle situation et que ce même gouvernement va chercher une crédibilité inutile dans un pays étranger pour une loi que la population rejette massivement dans son propre pays, je dis que nous ne sommes pas dans un pays normal. Que le gouvernement veuille faire du français la langue officielle du Québec en omettant le primordial mot "seule" devant "langue officielle", que le gouvernement refuse de franciser les raisons sociales d'un secteur commercial qui fait affaires avec des milliers de Québécois à chaque année, que le gouvernement oublie d'indiquer à ces entreprises qu'elles doivent communiquer avec les Québécois francophones dans leur propre pays dans leur langue maternelle, j'en conclus que ce gouvernement tient à récupérer sa clientèle anglophone, celle qui alimente la caisse électorale, celle qui a participé à financer la course à la chefferie du Parti libéral du député de Mercier, celle qui lui a permis de lancer le projet du siècle, celle qui lui a accordé son deuxième mandat, et j'en passe.

En contre-argument, le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives m'a avoué que lorsque son gouvernement a adopté la loi 22, il a en même temps stipulé certains principes. Or, ce dont il est question ici, c'est justement de l'un des principes de la loi 22 qui oblige le monde des affaires à communiquer avec les francophones du Québec dans leur langue.

A ce que je sache, une loi-cadre est par définition, une loi qui a pour but de dicter la conduite du législateur dans un sens bien précis, à savoir de franciser les communications que le monde des affaires a avec les citoyens consommateurs. Cela le ministre le refuse, par son objection aux amendements que je lui ai proposés. Je le rappelle au ministre, la loi-cadre ne dit absolument rien au sujet des agents de recouvrement.

En ce qui concerne l'objection du ministre à ne pas vouloir légiférer sur la vie privée des citoyens en adoptant les amendements que je lui ai soumis, c'est un argument faible même ridicule. C'est pourquoi j'accuse, M. le Président, le présent gouvernement d'être traître à la langue française au Québec. C'est en effet le seul gouvernement que je connaisse qui refuse catégoriquement le droit à sa majorité linguistique de vivre dans sa langue. Que ce soit en France, au Brésil ou en Allemagne, les compagnies anglaises communiquent avec les Français en français, avec les Brésiliens en portugais et avec les Allemands en allemand. Au Canada, ils vont communiquer en anglais et dans la seule province francophone, nous n'avons même pas un gouvernement capable d'obliger les milieux d'affaires à respecter ses citoyens. Les relations qui existent entre un agent de recouvrement et le débiteur doivent être faites en français. Que l'on préserve au moins la dignité des gens qui ont des problèmes financiers.

M. TETLEY: Voulez-vous que je réponde? M. LEVESQUE: Allez-y!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. TETLEY: M. le Président, j'ai écoutez avec intérêt les remarques de l'honorable député de Lafontaine, les mêmes qu'il avait prononcées en commission élue. Au moins, il n'a pas changé d'idée, c'est peut-être une bonne qualité. Dans les circonstances, je crois que c'est sa seule qualité, parce que je regrette de dire qu'il a encore tort, à mon avis.

Il a proposé trois amendements: à l'article 11, à l'article 27 et à l'article 32. Le premier argument est au sujet de la langue, de la langue du nom d'une compagnie, d'un agent de recouvrement. Il voulait que le nom soit en langue française.

M. le Président, nous avons déjà adopté, cette année même, la loi 22 intitulée: Loi sur la langue officielle qui est une loi-cadre qui touche la langue dans tous les endroits où le gouvernement veut que la loi touche la langue. L'article 30 parle exactement des noms des compagnies et le gouvernement et l'Assemblée nationale n'ont pas l'intention d'aller plus loin.

De plus, comment forcer une compagnie de l'extérieur à avoir un nom français, sauf par l'amitié, par l'exemple, et je dois dire à cette Assemblée que depuis une visite à Toronto que j'ai faite avec certains de mes cadres, au ministère, de la consommation et des corporations, le ministre de l'Ontario, lui-même, Mr John Clément, m'a avisé qu'il projette un changement de la loi.

Est-il mieux d'essayer de réglementer ici ou

d'adopter une loi qui est non constitutionnelle, qui est abusive, qui est agressive ou est-ce mieux de convaincre par notre exemple les autres provinces et nos concitoyens du Canada? M. le Président, le gouvernement du Québec préfère le pas de l'amitié, le pas de l'argument fort, l'argument convaincant plutôt que la force.

Le deuxième amendement proposé par le député de Lafontaine concerne l'article 27 de ce projet de loi no 26, Loi des agents de recouvrement. Il veut que tout débiteur reçoive ses avis, ses lettres et toutes communications par écrit.

J'ai déjà avisé cette Chambre que notre projet de loi est plus avancé que toute autre loi au Canada. Je crois que cette constatation ne peut être contredite. Aucune loi n'insiste pour qu'un agent de recouvrement communique par écrit parce que parfois c'est impossible. Il faut vérifier l'existence et l'adresse du débiteur. Il faut souvent parler au débiteur. Et pour protéger le débiteur, nous avons certaines règles, par exemple, qu'on ne peut pas communiquer avant huit heures le matin et après huit heures le soir. Nous avons insisté sur des permis, des cautionnements et une liste de protection qui se trouve dans la loi.

Mais on ne peut pas retirer à l'agent presque tous ses pouvoirs, tous ses droits. C'est pourquoi nous avons rejeté l'amendement de l'honorable député de Lafontaine. Nous avons même adopté un amendement, en commission élue, à l'effet que l'agent de recouvrement devait envoyer un avis écrit avant de communiquer en anglais ou en français ou oralement.

Le troisième amendement. Je dois demander à mes honorables collègues de voter contre l'amendement du député de Lafontaine, à l'article 32. C'est encore un amendement concernant la langue. Il veut que tout avis soit rédigé en français. Et ma réponse, c'est la même: Nous avons adopté une loi-cadre, la Loi sur la langue officielle, la loi no 22. Nous avons une loi qui donne à la langue une très grande protection. Même en Belgique il n'y a pas de loi aussi étendue qui touche les panneaux-réclame et, en certains endroits, les droits des citoyens. Mais aller plus loin n'est pas le désir du gouvernement et, je crois, de la population.

Donc, pour ces raisons, je ne peux pas appuyer les amendements proposés par l'honorable député de Lafontaine. Je vous remercie.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, nous avons devant nous trois amendements. D'abord, dans l'ordre, l'amendement proposé par l'honorable député de Lafontaine à l'article 11. J'ai eu l'occasion, au cours du débat sur le projet de loi no 26, de faire valoir l'opinion de notre parti en ce qui concerne le sujet mentionné, c'est-à-dire que le nom doit être en langue française.

Pour la bonne compréhension du journal des Débats, je dois lire l'article 11, tel que déjà amendé en commission parlementaire, c'est-à-dire: "Une société ou corporation qui détient un permis doit maintenir une place d'affaires du Québec pour les fins de la présente loi." Là, on ajouterait: Son nom doit être en langue française.

Je ne suis pas d'accord avec l'amendement proposé pour plusieurs bonnes raisons mais, entre autres, que ce soit le nom d'une compagnie ou autres, un nom, à mon sens, peut être en langue française, en langue anglaise, en langue italienne ou autres, et être tout aussi valable.

Même si on ajoutait, à l'article 11, que son nom doit être en langue française, cela ne veut pas dire que cela rendrait la compagnie plus française pour ça. Ce n'est pas ça qui va avancer la langue française.

Un nom peut être italien, japonais et les représentants de cette compagnie peuvent très bien dispenser leurs services en langue française. Un nom propre, il n'y a jamais de faute là-dedans. Il peut être en français, il peut être en d'autres langues. Ce n'est pas cela qui va régler nos problèmes.

Pour ces raisons, M. le Président, nous ne voterons pas pour cet amendement à l'article 11.

Cependant, je crois qu'il est raisonnable que nous acceptions l'article 27, car nous savons, M. le Président, qu'il y a beaucoup d'abus du côté des agents de recouvrement. Des gens, qui n'ont aucune espèce de scrupules, tentent de percevoir de l'argent à certaines heures, comme on l'a déjà dit, et, également, en utilisent des moyens de pression, d'intimidation, soit en appelant au lieu de travail ou des choses comme cela. Je pense que le député de Lafontaine avait raison de présenter cet amendement à l'article 27.

Quant à l'amendement à l'article 32, tel que nous l'avons, il permettrait d'ajouter: "Ces avis doivent être rédigés en français". Cela, M. le Président, c'est le moins qu'on puisse exiger. On est dans la province de Québec, on est encore une province francophone jusqu'à ce jour...

M. TETLEY: Jusqu'à nouvel ordre.

M. SAMSON: ... ou, comme le dit le ministre, jusqu'à nouvel ordre. Si on est une province francophone, M. le Président, je pense qu'on n'aurait même pas besoin, dans des conditions normales, de faire ajouter ces mots à l'article 32. Normalement, on ne devrait pas être obligé de le faire, mais dans des conditions qui ne sont pas tout à fait normales — c'est notre condition — il faut protéger notre majorité.

C'est drôle à dire. Généralement, c'est la minorité qu'il faut protéger, mais là, dans les conditions où nous sommes, c'est la majorité qu'on est obligé de protéger. Alors, moi, je suis favorable et d'accord sur l'amendement proposé à l'article 32 également.

En résumé, M. le Président, je voterai contre l'amendement à l'article 11, mais je voterai en

faveur des amendements à l'article 27 et à l'article 32.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on peut enregistrer les dissidences?

M. TETLEY: J'ai répondu à son amendement. Il y a mon amendement, tout simplement, à l'article 54.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. TETLEY: C'est tout simplement une exigence du ministère des Finances, qui veut qu'on ajoute l'année 1975/76.

M. BURNS: A l'article 26?

M. TETLEY: A l'article 54 du projet de loi no 26.

Je viens de distribuer l'amendement, qui a été distribué par le courrier, aussi, il y a trois jours.

M. LEVESQUE: D'accord. Adopté?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'amendement proposé par l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives est-il adopté?

M. BURNS: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous avons maintenant trois amendements proposés par l'honorable député de Lafontaine, concernant les articles 11, 27 et 32.

M. BURNS: Adopté.

M. SAMSON: Non, non, une minute.

LE VICE-PRESIDENT(M. Lamontagne): On vote sur les amendements proposés.

M. SAMSON: Un par un.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on pourrait enregistrer les dissidences?

M. BURNS: Ce ne sont pas les dissidences, parce que nous, nous allons voter pour.

M. LEVESQUE: Bien, cela va être long à enregistrer les dissidences.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je pourrais suggérer que vous appeliez les amendements dans l'ordre?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne):

Bon, parfait. On va procéder amendement par amendement.

L'honorable député de Lafontaine propose un amendement à l'article 11, soit d'ajouter, à la fin, la phrase suivante: "Son nom doit être en langue française".

Est-ce que vous êtes prêts à vous prononcer?

M. LEVESQUE: Rejeté sur division.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Rejeté sur division?

M. BURNS: Rejeté sur division, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Amendement à l'article 27, proposé par l'honorable député de Lafontaine: "Remplacer le paragraphe e) par le suivant: Communiquer avec le débiteur ou sa caution autrement que par écrit".

M. LEVESQUE: Rejeté sur division. M. BURNS: Rejeté sur division.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine propose un amendement à l'article 32. Ajouter, à la fin, la phrase suivante: Ces avis doivent être rédigés en français".

M. LEVESQUE: Rejeté sur division.

LE VICE-PRESIDENT- (M. Lamontagne): Rejeté sur division.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le rapport amendé du projet de loi no 26, Loi des agents de recouvrement. Ce rapport amendé est-il agréé?

M. BURNS: Agréé.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Agréé.

M. LEVESQUE: Troisième? M. BURNS: Oui.

Troisième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Troisième lecture adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté.

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.

M. LEVESQUE: Merci. Numéro 30.

Rapport sur le projet de loi no 4

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Taschereau propose l'adoption du rapport de la commission plénière qui a étudié le projet de loi no 4, Loi constituant la Société Inter-Port de Québec.

L'honorable député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, seulement deux mots. D'ailleurs j'ai vu il y a quelques instants le ministre, qui s'oppose à mon amendement. Je voudrais simplement dire que lors de l'étude en commission parlementaire, le chef de l'Opposition et moi-même avons fait valoir au ministre que le titre du bill n'était pas véritablement opportun puisqu'il parle de la Société Inter-Port et que dans l'ancien bill, lui qui portait autrefois le no 23, il était question d'une installation portuaire. Comme on a fait sauter le mot "portuaire", cela devient plutôt une promotion industrielle et un parc de développement industriel. Le titre du nouveau bill devrait être modifié et il faudrait modifier l'article 2, en remplaçant les mots entre guillemets, à la deuxième ligne, "Société Inter-Port de Québec" par les mots suivants: "Société de promotion industrielle".

Le premier argument est que plusieurs personnes ont vu là un geste pour faire oublier le superport de Cacouna et il y a eu de nombreuses protestations à cet effet. Quand on eut discuté à fond en commission parlementaire le bien-fondé de la nouvelle société, on s'est aperçu, et tout le monde l'a reconnu que c'était simplement un parc industriel qu'on voulait organiser.

Dans ces circonstances, je propose que l'article 1 soit changé et qu'on remplace, au paragraphe c), après le mot "Société", les mots Société Inter-Port de Québec" par les mots suivants: "la Société de promotion industrielle de Québec" et, à l'article 2 que je viens de lire, qu'on remplace les mots entre parenthèses, à la deuxième ligne: "Société Inter-Port de Québec", par les mots suivants: "Société de promotion industrielle de Québec", pour véritablement changer le nom, le titre du bill.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais apporter mon appui aux amendements proposés par le député de Johnson. En effet, le nom actuel proposé pour ce projet de loi me paraît être trompeur. Il s'agit, en réalité, non pas d'une société destinée à favoriser le développement portuaire, à construire des quais ou encore à favoriser l'accès au port de Québec ou aux autres ports de la zone spéciale de Québec, mais, d'une société de développement industriel qui va faire concurrence aux organismes déjà mis en place par la Communauté urbaine de Québec en vue de favoriser l'implantation d'industries dans la région.

M. le Président, si l'on s'en tenait au titre du projet, "Société Inter-Port," on pourrait être tenté — peut-être est-ce là le but du projet — de croire que ce projet de loi va permettre au gouvernement ou à la Société créée par le gouvernement d'assurer le développement portuaire de la zone spéciale de Québec. Or il n'en est rien.

M. le Président, dans l'ancien projet de loi qui portait, je pense, le numéro 23, on faisait allusion au développement portuaire, mais le gouvernement s'est rendu compte qu'en réalité le Québec est impuissant dans ce domaine. Le Québec ne peut pas légiférer en matière de navigation; le Québec ne saurait légiférer en matière de construction portuaire. Il est clair, que ces compétences essentielles au développement du Québec, appartiennent hélas! exclusivement au pouvoir fédéral. On va peut-être tenter de camoufler ce fait, qui a entraîné pour le développement de l'ensemble de la vallée du Saint-Laurent les conséquences les plus néfastes, derrière un titre de projet de loi qui ne correspond absolument pas à la réalité. D'ailleurs, en commission, l'autre jour, le ministre, à toutes fins pratiques, a admis que ce titre ne réfléchit pas la réalité. M. le Président, quel que soit le titre de ce projet de loi, il ne changera rien au fait qu'Ottawa contrôle la navigation sur le Saint-Laurent et tous les ports du Saint-Laurent, tous les ports du Québec.

Rien ne peut être accompli sans l'autorisation d'Ottawa. C'est ce qui fait que, dans le passé, la partie de la vallée du Saint-Laurent située dans le Québec a connu le peu de développement qu'on sait. C'est la raison pour laquelle les ports de la vallée du Saint-Laurent se sont trouvés à tomber, pour ainsi dire, entre deux chaises, c'est-à-dire entre le port de Halifax à une extrémité et le port de Montréal — je devrais dire "Montreal" — de l'autre côté. C'est pour cela, M. le Président, c'est parce que ce domaine est de compétence fédérale que nous accusons un retard sérieux dans le développement des ports du Québec. Et ce n'est pas ce projet de loi qui va pouvoir changer quoi que ce soit à cette réalité, malgré son titre ronflant; Québec ne peut s'approprier — à moins d'un changement constitutionnel que ces messieurs ne sont pas prêts à proposer, on s'en doute — des compétences qu'il ne possède pas. Québec est impuissant et ce n'est pas le décor que nous propose ce projet de loi qui va y changer quoi que ce soit.

M. le Président, le député de Johnson a eu tout à fait raison de proposer qu'on soit modeste, qu'on reconnaisse que le Québec est impuissant dans ce domaine comme dans bien d'autres et qu'on ramène le titre de ce projet de loi à ce qu'il contient vraiment, c'est-à-dire tout juste une société de développement industriel, que le député de Johnson a appelée Société de promotion industrielle. Je n'ai pas de querelle sur ce titre; peu importe, ce qui compte c'est l'idée et, en ce qui me concerne, je ne m'explique pas qu'un ministre aussi sérieux que le

ministre de l'Industrie et du Commerce se prête à de petits jeux de vocabulaire. Je me demande bien ce qu'il peut y avoir à gagner, sauf évidemment, comme le disaient certains députés à la commission s'il s'agit d'une sorte de "balloune" politique.

S'il s'agit de faire illusion et de pouvoir se présenter devant la population de la région de Québec ensuite en disant: Voyez, nous venons de créer une société qui va organiser le développement portuaire, si l'on fait cela — et je pense qu'on s'apprête à le faire avec ce projet de loi — on trompera les gens de la région de Québec.

Il ne s'agit de rien de plus, l'article 4 d'ailleurs le dit clairement, que "d'élaborer des plans et programmes en vue de l'établissement dans la zone décrite à l'annexe — c'est-à-dire la zone spéciale de Québec telle que décrite dans les ententes fédérales-provinciales — d'un complexe industriel susceptible de bénéficier des avantages de l'infrastructure portuaire de Québec et de contribuer au développement de celle-ci". Il ne faut jamais perdre de vue, dans un contexte où toujours le gouvernement fédéral a négligé les ports du Saint-Laurent et en particulier du Bas-Saint-Laurent, que le développement industriel ne peut se faire que si un gouvernement possède également les compétences nécessaires en matière portuaire. Si, par le truchement du Conseil des ports nationaux, le pouvoir fédéral freine, bloque, comme il l'a fait depuis toujours, le développement portuaire du Québec, on s'illusionne en pensant qu'on pourra greffer sur ce qui n'existe pas le développement industriel.

Aussi, M. le Président, j'appuie les amendements proposés par mon collègue le député de Johnson. Toutefois, j'ajouterais que même avec ce changement, qui va ramener le projet de loi à des dimensions plus réelles et plus modestes, on continuera sans doute de s'illusionner sur la portée véritable d'un projet de loi qui ne peut que connaître des limites précises tant et aussi longtemps que le Québec ne sera pas souverain dans ce domaine comme dans les autres. Merci, M. le Président.

M. LEVESQUE: L'amendement adopté sur division.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le vote sur l'amendement proposé par le député de Johnson aux articles 1 et 2. C'est le même amendement, à savoir: remplacer, après le mot "Société", les mots la Société Inter-Port de Québec par les mots suivants: la Société de promotion industrielle de Québec. Egalement, à l'article 2, remplacer les mots entre guillemets à la deuxième ligne, "Socété Inter-Port de Québec", par les mots suivants: Société de promotion industrielle de Québec.

M. BELLEMARE (Johnson): Oui, oui un vote enregistré, monsieur.

M. LEVESQUE: Ah!

M. BELLEMARE (Johnson): Non.

M. LEVESQUE: Les commissions siègent en bas.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous voulez, on pourra suggérer d'enregistrer les dissidences.

M. SAMSON: II y a l'Opposition en bloc en faveur de l'amendement.

M. MORIN: C'est de la dissidence des gouvernementaux qu'il s'agit.

M. SAMSON: C'est ça.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ceux qui votent en faveur. Est-ce que vous voulez faire indiquer les noms?

M. BURNS: Voulez-vous inscrire, s'il vous plaît, M. le Président, que le député de Johnson, que le député de Rouyn-Noranda, que le député de Saguenay, que le député de Sauvé et que le député de Maisonneuve ont voté en faveur de cet amendement, mais que le gouvernement a voté contre?

M. LEVESQUE: C'est exactement ça.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Maintenant le rapport...

M. LEVESQUE: Au désespoir du secrétaire général qui va avoir de la difficulté... Non, ça va?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le rapport de la commission permanente qui a étudié le projet de loi no 4, Loi constituant la Société Inter-Port de Québec. Ce rapport est-il agréé?

M. BURNS: Agréé sur division.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Agréé sur division.

M. LEVESQUE: Troisième lecture?

M. BELLEMARE (Johnson): Même vote enregistré en troisième lecture.

M. MORIN: En troisième lecture, nous avons des choses à dire, M. le Président.

M. LEVESQUE: Troisième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Troisième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce

qu'on peut revenir au dépôt de rapports de commissions élues?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a consentement pour revenir au dépôt de rapports de commissions élues?

M. BURNS: Consentement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Consentement.

M. LEVESQUE: Article 24. Pardon? Est-ce qu'il y a autre chose?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): II y a le rapport du projet de loi no 90.

M. LEVESQUE: C'est ce que j'ai demandé. Cela n'a pas été fait? J'ai demandé qu'on revienne au...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui, c'est adopté.

L'honorable député de Châteauguay.

Rapport sur le projet de loi no 90

M. KENNEDY: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires sociales qui a siégé le jeudi 12 décembre 1974 afin d'étudier le projet de loi no 90, Loi modifiant la loi de la protection du malade mental, dont tous les articles ont été adoptés.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ce rapport est maintenant déposé.

Ai-je bien entendu que vous avez appelé l'article 24?

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.

Projet de loi no 79 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 79, Loi modifiant le code civil et la loi concernant le louage de choses.

L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'année dernière, nous avons amendé d'une façon très complète, très exhaustive tout le chapitre du code civil au sujet du louage de choses, qui comprend évidemment le louage de maisons d'habitation ou de logements d'habitation. On se souviendra que nous avons repris de fond en comble les dispositions centenaires du code civil au sujet du louage. Je pense que nous avons réussi à moderniser de façon très importante cette partie du code civil. En effet, on sait que, si les gens, en général, ne passent pas de contrats commerciaux ou de contrats civils, il y a sûrement un contrat qu'ils vont passer pour la majorité et c'est un contrat de louage, soit qu'il s'agisse d'un propriétaire qui désire louer des logements à des locataires ou de locataires qui désirent louer des logements d'un propriétaire. Alors, le contrat de louage est un des plus importants de tout notre code civil au point de vue social, cela est incontestable. Par conséquent, l'année dernière, nous avons fait une révision extrêmement complète des dispositions du code civil, dont un certain nombre étaient dépassées par la vie économique et sociale, puisque l'ensemble des dispositions que nous avons reprises dataient de l'époque où on avait adopté le code civil. Je me permets de signaler aux honorables membres que le code civil de la province de Québec a été adopté, pour la première fois, en 1866. Ceci ne veut pas dire que le code civil n'a pas subi de modifications. Il a subi des modifications, mais le législateur est toujours extrêmement prudent dans les modifications qu'il apporte au code civil, car il s'agit d'un monument juridique auquel on ne touche pas facilement. On peut affecter tel ou tel article et cela a des conséquences partout dans d'autres dispositions du code civil.

Par conséquent, les Parlements québécois ont toujours été très prudents dans leur façon de proposer des amendements au code civil.

Donc, l'année dernière, nous avons pris, je pense, le taureau par les cornes. Nous avons révisé l'ensemble de la législation du code civil au point de vue du contrat de louage et je crois qu'on peut se féliciter des changements qui ont été apportés. En particulier, je me permets de rappeler le bail type pour les maisons d'habitation, qui a très bien fonctionné au cours de l'année dernière.

Il a été sans aucun doute d'une précieuse utilité et je crois qu'il a contribué véritablement à mettre de l'ordre dans les relations entre propriétaire et locataire. Mais voici, M. le Président, toute oeuvre législative est toujours faillible. On néglige toujours des choses, parce qu'on n'a pas prévu certaines situations. On a mal appréhendé certains aspects de la loi et il faut revenir, n'est-ce pas, pour la perfectionner. Aujourd'hui, ce projet de loi no 79 que je présente n'a pas de portée particulièrement importante, sauf de corriger, dans une certaine mesure, certaines des dispositions qui ont été adoptées par ce Parlement l'année dernière.

Le seul point qui présente une certaine importance — je me permets de le signaler au moment de mon exposé en deuxième lecture — est que l'article 1 permettra au locataire de procéder par voie de requête pour obtenir l'autorisation de retenir le loyer afin de procéder aux réparations ou aux améliorations que le locateur fait défaut d'effectuer, conformément

à l'article 1612 du code civil. La raison pour laquelle nous proposons cette procédure de requête plutôt qu'une procédure d'action est, évidemment, la question des délais. On sait que lorsqu'un locataire veut retenir le loyer parce que le propriétaire refuse de faire des réparations nécessaires, et bien, il y a nécessairement urgence dans une telle situation, donc la procédure de requête s'impose.

Suivent d'autres articles dans ce projet de loi qui visent à améliorer, dans une certaine mesure, la loi que nous avons adoptée l'année dernière.

Sur ce, je m'assieds, M. le Président, et je propose à la Chambre l'adoption de ce projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, comme le dit le ministre de la Justice, il s'agit principalement d'un projet de loi qui vient faire des ajustements à une loi qu'on a mise à l'essai il y a un an. Il est parfaitement normal, comme le disait le ministre, que dans l'application d'une loi aussi importante que celle que nous avions adoptée pour changer le titre du louage dans le code civil, on se rende compte à l'usage qu'il y avait un certain nombre de failles. C'est ce que le projet de loi no 79 vient corriger, de sorte que nous voterons en faveur du projet de loi no 79, quitte à garder des remarques particulières lorsque nous étudierons le projet de loi article par article, là où nous aurons sans doute quelques suggestions à faire au ministre.

Maintenant, je signale, comme il l'a fait d'ailleurs, l'importance, à mon avis, de l'article 1 qui aura pour effet d'accélérer cette procédure de rétention du loyer dans les cas où des réparations ou des améliorations sont exigées par le locataire. Evidemment, même si les actions qu'on appelle "loc et loc", c'est-à-dire entre locataire et locateur, sont habituellement accélérées devant les tribunaux, il n'en demeure pas moins que, même à Montréal, on se retrouve souvent avec un délai de six, huit et même neuf mois avant que l'action puisse être entendue, de sorte que si on améliore la situation pour le locataire qui pourra procéder sur requête, cela veut dire qu'on risque d'avoir des décisions, avec le caractère d'urgence que comporte la mesure.

M. le Président, sans plus de remarques, je déclare que nous voterons pour le projet de loi no 79.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson M. SAMSON: M. le Président, d'après le règlement de cette Chambre, en deuxième lecture, nous devons discuter du principe du projet de loi. Or, dans le projet de loi no 79, Loi modifiant le code civil et la loi concernant le louage des choses, il est difficile de retrouver un principe autre que celui d'accepter ou de ne pas accepter de modifier. Il est évident que nous avons devant nous une espèce de "package deal". On peut être favorable à certaines modifications, sans être favorable à d'autres qui sont incluses dans cette loi. Ce n'est pas facile, M. le Président, de déterminer jusqu'à quel point on est pour ou contre le principe qui est devant nous, parce que le principe est d'accepter ou non de modifier le code civil et la Loi concernant le louage des choses.

C'est évident qu'on est favorable à des modifications, mais on n'est pas favorable à toute modification. Il y a de très bonnes choses qui paraissent dans ce projet de loi, mais il y en a une à l'article 8 qui m'inquiète un peu. On y dit: "Dans un bail de plus de douze mois, les parties peuvent convenir que le loyer sera rajusté en fonction de toute variation des taxes municipales ou scolaires affectant l'immeuble, du coût unitaire du combustible ou de l'électricité dans le cas d'un logement chauffé ou éclairé aux frais du locateur et des primes d'assurance-incendie et d'assurance-responsabilité. "Ce rajustement ne peut avoir lieu au cours des douze premiers mois du bail et ne peut avoir lieu plus d'une fois au cours de chaque période additionnelle de douze mois."

Bien sûr,...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je comprends votre point de vue. Maintenant, comme vous le savez, vous allez avoir l'occasion de discuter l'article 8 à votre choix et de faire les suggestions que vous souhaitez à ce moment-là sur l'article 8.

Comme vous l'avez souligné, actuellement, c'est le principe lui-même et non pas les articles du projet de loi.

M. SAMSON: Oui, mais, M. le Président, avec votre permission et votre bonne compréhension, je n'en ai pas pour longtemps, ce n'est pas facile de discuter d'un principe quand le principe est: On amende ou on n'amende pas. Pour la bonne compréhension du débat, cela m'oblige de citer. Je sais que cela ne se fait pas régulièrement; habituellement, nos projets de loi ont un principe à défendre. Mais celui-là n'en a pas. Qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est pas ma faute, c'est un projet de loi quand même technique qui amende quelque chose.

Ce que je veux dire par là et là je vais le rattacher peut-être au principe pour me permettre de rentrer dans le corridor que vous semblez vouloir m'imposer, c'est que... Pardon?

M. TARDIF: C'est le règlement.

M. SAMSON: Bien oui, mais quanti le règle-

ment empêche-t-il quelqu'un d'user de son jugement? Jamais. Voyons donc. M. le Président, je sais que vous êtes capable d'utiliser votre jugement.

Alors, ceci est pour dire au ministre qu'avant de l'envoyer en commission parlementaire, je lui souligne que, dans ce projet d'amendement du code civil, il y a peut-être une chose inquiétante: c'est de savoir dans quelle proportion cela n'ouvrira pas la porte encore une fois à certains abus. Quand on dit: II y aura des dispositions dans le projet de loi — là, je ne cite pas l'article — qui pourront permettre qu'entre locataires et propriétaires il y ait un genre de clause d'indexation. Cela nous amène à nous poser des questions. Dans le passé, il y a eu plusieurs exemples. L'expérience nous a prouvé que chaque fois qu'une hausse quelconque est arrivée, soit au coût de la vie relativement, par exemple, au chauffage, relativement aux taxes, ce sont surtout les taxes municipales et scolaires qui ont été, dans le passé, les plus grands prétextes à augmentation du coût des loyers. Il m'est arrivé d'avoir des plaintes — le ministre en a sûrement eues aussi — de la façon suivante: Un propriétaire de cinq logements a vu ses taxes annuelles augmenter de $50 et il en a profité pour augmenter les loyers de $15 à tout le monde. Cela veut donc dire qu'il a utilisé un prétexte pour augmenter trois fois plus que l'augmentation réelle.

C'est évident que si on pense à une clause genre indexation, mais qui est basée sur des faits réels et vérifiables, cela se défend très bien. Mais je ne retrouve pas là-dedans le mécanisme garantissant au locataire que lorsqu'on lui signifiera une hausse de 5 p.c. ou 10 p.c. en prétextant hausse du coût de la vie, hausse du chauffage, hausse d'électricité, etc., etc., je ne retrouve pas le mécanisme, dis-je, qui va garantir aux locataires que la hausse que l'on va lui proposer sera réellement basée sur des faits vérifiables.

C'est la seule inquiétude que j'ai. Je n'en ai pas contre le principe d'ajouter dans ces baux certaines clauses agréées de part et d'autre, qui empêchent de toujours réviser le bail annuellement.

Il y a des cas, quand même, où le bail peut être de plus d'un an. C'est préférable qu'il soit de cinq ou peut-être de dix ans. Il ne faut pas barrer les jambes à tout le monde dans cette affaire non plus.

Alors c'est en toute objectivité que je souligne ce fait. Je n'ai pas la phraséologie en tête pour apporter ce mécanisme que je suggère, mais les légistes pourront peut-être suggérer des choses pour la commission parlementaire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce qu'il y a d'autres collègues qui ont l'intention de prendre la parole? Sinon, je vais répliquer immédiatement, en faisant quelques observations au député de Rouyn-Noranda qui seraient de nature à le rassurer.

M. SAMSON: Si on me permet, j'aimerais juste dire au ministre, quand même, en terminant, que, malgré ce que je viens de dire, je suis d'accord sur le bill.

M. CHOQUETTE: Je veux dire le rassurer sur la solution...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique du ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: ... au problème soulevé par le député de Rouyn-Noranda. Je dois dire que le député de Rouyn-Noranda a fait preuve de beaucoup de perspicacité, ce matin, en soulevant un problème très réel. Mais je crois que les solutions au problème qu'il a soulevé se trouvent autant dans le projet de loi que dans le projet de loi no 80, qui sera abordé par la Chambre plus tard aujourd'hui et qui doit se lire en même temps qu'on lit le projet de loi no 79.

Mais si le député me permet immédiatement de lui dire quelles sont les solutions apportées au problème qu'il a soulevé, je lui dirai que le but de l'article 8, dans le projet de loi no 79, c'est de resserrer, dans une certaine mesure, les clauses d'indexation permises en vertu de la loi que nous avons adoptée l'année dernière, c'est-à-dire la loi qui a repris, dans son ensemble, le chapitre du code civil sur le louage de choses.

Dans cette loi qui se trouve dans les lois québécoises actuelles, nous avons adopté le principe suivant: si un bail est pour un terme de douze mois ou moins, il ne peut pas y avoir de clause d'indexation dans un tel bail. Si, par contre, un bail est pour une durée de plus d'une année, là il peut y avoir une clause d'indexation. Et dans l'amendement que je soumets ce matin, nous ne faisons simplement que limiter la portée de ces clauses d'indexation, dans ce sens qu'il ne sera permis de considérer, dans une clause d'indexation, que l'accroissement des dépenses réelles, soit par exemple les taxes municipales ou des facteurs objectivement vérifiables comme ceux-là. Ainsi, la clause d'indexation ne pourra pas servir à élargir le fardeau du locataire par suite du fait qu'elle serait beaucoup trop étendue et que le locataire n'en ressentirait pas la pression au moment de la signature du bail, puisqu'au fond elle n'entrerait en action qu'un an après la signature.

Donc, nous tenons compte du point de vue signalé par le député de Rouyn-Noranda dans ce sens que les clauses d'indexation devront, en somme, ne comprendre que des facteurs objectifs qui sont de nature à avoir des répercussions réelles sur les coûts encourus par les propriétaires.

Deuxièmement, si on me permet de le men-

tionner, dans le projet de loi no 80, s'il y a désaccord entre le propriétaire et le locataire sur l'incidence de l'application de la clause d'indexation, c'est-à-dire le montant en supplément qui est dû par le locataire par suite du jeu de la clause d'indexation, la Commission des loyers sera habilitée à décider ce litige entre le propriétaire et le locataire.

Je pense que quand on combine les deux lois, on obtient une solution satisfaisante à l'effet des clauses d'indexation qui sont, par ailleurs, permises par le code civil, permises par le bill 79, mais qui pourront jouer dans certaines conditions bien déterminées.

En somme, les clauses d'indexation sont réglementées et il y a un mode de décision de l'effet de ces clauses d'indexation. Je crois que ceci devrait être de nature, M. le Président, à dissiper les inquiétudes du député de Rouyn-Noranda qui, ce matin, par la pertinence de ses observations, par la luminosité de son exposé et par, disons donc, l'acuité de sa perception législative s'est certainement classé comme un des grands juristes de toute notre époque moderne.

M. SAMSON: M. le Président, c'est assez pour m'empêcher de parler le reste de la journée, mais j'aurais quand même une question à poser au ministre.

M. CHOQUETTE: Je pense que le chef de l'Opposition m'approuve dans mes observations, M. le Président. Il m'approuve en souriant.

M. SAMSON: Je pense que le ministre n'avait pas tout à fait terminé son exposé, ce qui me permet de lui demander la permission de lui poser une question. Je me demande si le ministre est disposé à considérer une possibilité de résoudre le problème que j'ai soulevé autrement que par les dispositions qui paraissent, comme il le dit, dans le bill 80 ou dans les lois actuelles, c'est-à-dire par l'obligation pour un locataire de se présenter devant la Commission des loyers, soit pour demander justice, s'il considère qu'on lui impose une augmentation trop forte, ou soit encore par simple curiosité, car c'est quand même un droit d'un citoyen de pouvoir s'informer pour savoir si l'augmentation qu'on lui propose est basée sur des faits réels.

Pour le savoir actuellement, si j'ai bien compris le ministre — c'est la question que je lui pose — il faudra que ce citoyen s'adresse à la Commission des loyers. Est-ce qu'il n'y aurait pas un autre moyen pour éviter ce processus?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je ne veux pas surtout être désagréable du tout, mais je crois que la discussion que vous avez là, devrait être posée à l'étude de l'article 8; c'est là que vous allez entendre le dialogue sur cet article. Je pense que tantôt j'ai permis une question, mais que je n'aurais pas dû le faire. Vous posez une question directement sur l'article 8.

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Je ne crois pas que dans notre règlement il soit dit que, lorsqu'on veut poser une question à quelqu'un qui a la parole et qu'on lui demande la permission, la question doit durer 30 secondes ou une minute: elle peut être plus longue. Il n'y a rien qui nous l'interdit. Par contre, je pose la question de privilège à ce moment-ci, si on m'empêche de poser cette question, parce que le ministre, dans sa réplique, a cerné le problème d'une façon telle que je n'ai pas d'autre moyen que celui de poser une question dès maintenant pour lui faire préciser sa pensée. C'est pourquoi j'ai posé cette question.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je crois que notre discussion — et j'en prends une part de responsabilité — est hors d'ordre. Nous sommes en train de discuter d'un article spécifique de ce projet de loi et je crois que sincèrement cette discussion devrait avoir lieu au moment de la commission plénière. Je serai alors en mesure de donner toutes les explications voulues au député de Rouyn-Noranda et je le ferai avec beaucoup de plaisir. Mais je crois qu'actuellement nous sommes en train de transgresser les règles qui s'appliquent au débat en deuxième lecture.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. BIENVENUE: Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet de loi no 79 soit déféré pour étude article par article à la commission parlementaire de la justice.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de renvoi à la commission parlementaire de la justice est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.

M. BIENVENUE: Article 25, M. le Président.

Projet de loi no 80 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 80, Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que je pourrais attirer l'attention du secrétaire sur le fait que cette loi entraîne une dépense d'argent? Par conséquent, on devrait me donner le papier habituel.

M. HARDY: L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de cette loi et il en recommande l'adoption par la Chambre.

M. CHOQUETTE: J'ai raison certainement. Je ne veux pas faire entraîner une dépense d'argent sans avoir l'autorisation du lieutenant-gouverneur.

M. BURNS: Sans voir le papier.

M. CHOQUETTE: Sans voir le papier, non plus.

Vous me donnez le papier, donc, nous allons être dans la bonne voie.

Merci beaucoup.

M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. VEILLEUX: Très bien.

M. HARDY: Si on était respectueux, on ne discuterait même pas; on l'adopterait.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je tiens à prévenir nos honorables collègues de la Chambre que je vais prononcer un discours très technique, qui a 30 pages, qui ne comporte rien de...

M. SAMSON: Est-ce que vous pourriez le déposer?

M. CHOQUETTE: Si c'était la procédure acceptée, probablement que je le suggérerais.

Mais, par contre, je crois que c'est un exposé qui mérite d'être fait, étant donné que ce sont les aspects économiques du contrôle des loyers auxquels je m'intéresse dans mon exposé et que ceci est une dimension très importante. Mais je laisserai de côté, je le dis en toute franchise et ceci pour ne pas allonger mon discours, les aspects sociaux et juridiques. Je prends en considération que nous avons toujours, à l'occasion de ces projets de loi, discuté des aspects sociaux et juridiques et j'ai pensé que le temps était venu de faire un exposé de l'aspect économique du contrôle des loyers.

M. BIENVENUE: ... si le ministre n'a pas le temps. Très bien. Est-ce que c'est à peu près une page à la minute?

M. CHOQUETTE: On peut dire cela, oui.

M. HARDY: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, le leader adjoint. Je ne voudrais pas retarder les travaux, mais je trouve que de plus en plus on a tendance à minimiser l'esprit du parlementarisme, à minimiser l'art oratoire. Je pense que le ministre de la Justice a un excellent exposé à faire. Je m'inscris en faux contre les. remarques du député de Rouyn-Noranda et, au nom du respect de la tradition parlementaire, je souhaite que le ministre prononce intégralement son discours.

M. SAMSON: Sur la question de règlement, M. le Président, je regrette énormément que l'honorable ministre des Affaires culturelles se soit senti piqué par mes remarques qui n'étaient que très amicales. Je lui soulignerai, M. le Président, que je me rappelle l'avoir déjà entendu, lui, par certaines remarques, suggérer que nos travaux passent beaucoup plus vite qu'ils ne passaient à l'occasion, M. le Président, de certaines fins de session. Comme je ne voudrais pas m'inscrire en faux contre ce que j'ai déjà entendu de lui, M. le Président, je me limiterai à ces quelques remarques.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Kennedy) : Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je donnerai au journal des Débats le texte de ce discours qui comporte certains sous-titres de façon que ces sous-titres se trouvent dans la transcription au journal des Débats pour la compréhension du texte.

Le projet de loi no 80 a pour objet de prolonger la Loi pour favoriser la conciliation entre propriétaires et locataires pour une période d'une année, tout en y apportant certaines améliorations désirables. a) La petite histoire depuis 1972: Vous connaissez ce que l'on pourrait appeler en quelque sorte la petite histoire de cette loi, soit le code des loyers en 1972, la Loi pour contrôler les hausses abusives en 1973, les projets de loi no 78 et 79 déposés et retirés en 1973 et la prolongation de la loi de conciliation pour 1974. Un élément fondamental de cette petite histoire est certainement le contrôle des loyers et toutes les questions et problèmes qui se rattachent au contrôle des loyers. C'est un domaine auquel j'attache une grande importance. La liste des projets antérieurs le démontre,

ainsi que les nombreuses heures de commission parlementaire que nous y avons consacrées, mais un domaine dans lequel il faut également être très prudent.

Je le dis d'autant plus explicitement et sans aucune réticence que cette prudence n'a pas nui aux intérêts de la population puisque, en fait, le contrôle des loyers a été appliqué à la grande majorité des logements du Québec en 1973 et en 1974 et qu'il le sera en 1975, ceci sans effets économiques néfastes prévisibles. b)Déclaration de principe. Le projet de loi maintenant déposé indique que je suis convaincu que le contrôle des loyers est nécessaire en 1975, que je suis satisfait des effets de son application en 1974, même s'il est possible d'améliorer le contenu de la loi. Mais le moment n'est pas venu d'instaurer le contrôle des loyers sous une forme permanente, pas plus que de fixer définitivement la nature de l'institution qui devrait administrer un éventuel contrôle permanent. c)Le plan de l'exposé.

Avant de répondre à deux questions qui viennent immédiatement à l'esprit. La première, c'est le risque que nous nous acheminions vers une crise du logement; la deuxième, le fait qu'un contrôle des loyers ne règle pas tous les problèmes du logement, et on peut en ajouter une troisième: Pourquoi encore une prolongation temporaire?

Je crois qu'il faut d'abord dire pourquoi le logement n'est pas un bien comme les autres, qu'on pourrait laisser obéir aux lois d'un marché libre, et dire aussi pourquoi le contrôle des loyers est nécessaire en 1975 et ce qu'il a donné comme résultat en 1974. Et, si vous me le permettez, j'ai l'intention d'indiquer également de quelle façon fonctionne la fixation des loyers au Québec.

Justification du principe du contrôle des loyers, a) Le logement n'est pas un bien comme les autres. Effectivement, le logement locatif n'est pas un bien comme les autres et ne se compare pas au vêtement ou à l'automobile. C'est un bien que l'on consomme sans jamais en être le propriétaire et sans même l'user de façon significative puisqu'un locataire, en payant son loyer, paye l'entretien, les réparations et tous les autres frais.

C'est un bien dont on ne peut pas retarder la consommation, alors que l'on peut attendre pour changer de voiture ou pour se payer un filet mignon. C'est un bien non substituable, en ce sens qu'on ne peut pas le remplacer par un autre bien équivalent. Ainsi, les locataires ne peuvent pas décider de faire du camping ou de vivre dans des maisons mobiles, tandis qu'on peut, jusqu'à un certain point, remplacer la voiture par les transports publics, ou la viande par le lait ou le poisson.

Il faudrait consulter les savants diététiciens de mon collègue des Affaires sociales. Le logement est un bien dont on ne peut pas diminuer aisément la consommation temporairement, par exemple un locataire ne peut pas consacrer moins pour son loyer pendant quelques mois ou, s'il décide de déménager dans un logement moins coûteux, il doit encourir les frais du déménagement et d'une nouvelle installation. b)Importance sociale du logement. Donc, le logement n'est pas un bien comme les autres et c'est une dépense difficilement compressible, même si elle peut constituer un poste important du budget familial. Je vous cite quelques chiffres éloquents. En mai 1972, à Montréal, des familles, gagnant moins de $5,000 par année, consacraient 37.7 p.c. de leurs revenus au logement, proportion qui diminue rapidement avec les hausses de revenu. Les ménages non familiaux, donc essentiellement les personnes seules, gagnant moins de $5,000 par année, consacraient 41.6 p.c. de leur revenu au logement. Or, les études montrent que, pour les familles à faible revenu, toute hausse de loyer amène des sacrifices au niveau de l'alimentation et du vêtement. c)Le marché du logement n'est pas réellement concurrentiel. Reste à voir pourquoi on ne peut pas confier entièrement la satisfaction du besoin de logement au fonctionnement libre de la loi de l'offre et de la demande. Point n'est besoin d'être économiste pour comprendre qu'en théorie, sur un marché ordinaire, un accroissement de la demande provoque une hausse des prix et que cette hausse des prix stimule la production jusqu'au point où, finalement, l'offre satisfait la demande et les prix se rétablissent à un niveau normal.

Ce mécanisme économique très simple peut fonctionner à merveille si le marché est concurrentiel, par exemple si les producteurs ne peuvent pas artificiellement maintenir des prix élevés. Il fonctionne aussi lorsque la production peut s'adapter, ce qui n'est pas toujours le cas, lorsque, par exemple, le climat ne favorise pas la production agricole ou que les ressources énergétiques se font rares. Le marché du logement est lui aussi dans une situation bien particulière et ne fonctionne pas selon le schéma concurrentiel théorique. Comme disent les économistes, il y a des imperfections du marché.

D'abord, l'offre des logements ne s'adapte pas aisément à la pression de la demande. Bien sûr, il est possible de construire des logements neufs.

Les logements neufs de 1974 coûtent beaucoup plus cher à construire que les logements de qualité similaire construits il y a quelques années, et ceci résulte de l'inflation. Alors, quand bien même la population désirerait habiter des logements construits il y a quinze ou vingt ans à des coûts qui nous paraîtraient maintenant ridicules, il est absolument impossible d'augmenter l'offre de ces logements. Toute hausse de la demande pour de tels logements risque littéralement de propulser les prix jusqu'à un niveau où ils entrent en concurrence avec des logements neufs, ce qui est tout à fait possible lorsque le taux de vacance est très bas.

Ceci nous explique une théorie qui a cours dans certains milieux et selon laquelle il conviendrait de louer un logement selon sa valeur de remplacement. Il est évident qu'en période d'inflation une telle pratique permet aux propriétaires des plus-values très considérables. Retenons cependant que plus un logement est récent, plus il subit la concurrence des logements neufs, si bien qu'un contrôle des loyers serait moins nécessaire pour les logements neufs que pour les autres.

Un deuxième problème de ce marché est le coût des déménagements. Les locataires sont pénalisés quand ils décident de déménager plutôt que d'accepter une augmentation de loyer, d'où un problème relié à l'immobilité des locataires alors que la mobilité est une condition nécessaire à l'existence d'un marché concurrentiel. d)Le contrôle n'est pas une hérésie.

Tout ceci nous démontre qu'il y a des raisons sérieuses pour que l'Etat intervienne sur le marché du logement locatif. L'intervention sur les prix n'est d'ailleurs pas une hérésie dans un système capitaliste. Nous avons déjà l'exemple des interventions sur les prix du lait, du pain, du téléphone, du pétrole, etc. Il y a effectivement un contrôle des prix dans le domaine de l'éducation, de l'hospitalisation, des soins de santé. Evidemment, l'intervention tient compte des caractéristiques propres à chaque besoin. La société a, à toutes fins pratiques, contrôlé à peu près tout le système d'enseignement. Il en est de même des hôpitaux. L'intervention sur les soins de santé est différente, mais l'assurance-maladie serait impensable sans une négociation avec les professionnels de la santé, négociation qui a eu pour objet la fixation des prix des soins de santé. Même chose pour l'aide juridique.

Alors, dans le domaine du logement, la question, à mon sens, n'est pas de savoir si on doit intervenir, mais bien de quelle façon il faut le faire. e) Justification partielle du caractère temporaire de la prolongation.

Mon collègue des Affaires municipales et moi-même avons récemment créé un groupe de travail sur l'habitation avec le mandat d'examiner la politique d'habitation du Québec. Je ne veux pas présumer de la conclusion de ces travaux et des recommandations qui nous seront faites, mais je constate que pour plusieurs programmes de portée sociale il a fallu négocier ou imposer une forme de contrôle des prix.

En ce qui concerne l'habitation, il est déjà connu que les programmes de subventions sont souvent accompagnés d'un contrôle des loyers ou des hausses des loyers. Je me demande si nous pourrons étoffer notre politique d'habitation sans conserver le contrôle des loyers. Je pense, pour ma part, que le contrôle des loyers serait une mesure nécessairement complémentaire aux autres programmes d'habitation. Et c'est une des raisons pour lesquelles il me paraîtrait hâtif de fixer d'une façon permanente le contrôle des loyers sans avoir des indications plus précises des programmes d'habitation que nous déciderons dans l'avenir et qui pourront nous être recommandés par le comité créé par le ministre des Affaires municipales et moi-même, lequel est présidé par M. Guy Legault. Je rappelle à ce sujet que ce comité sur l'habitation a reçu un mandat très large, que sa composition est très diversifiée et qu'il représente tous les secteurs intéressés au domaine de l'habitation à partir des constructeurs-développeurs en passant par les locataires et allant jusqu'aux urbanistes, et j'en passe.

Je rappelle aussi, M. le Président, que j'ai demandé au comité de s'intéresser en priorité à la question du contrôle des prix des logements et, en particulier, à toute la législation québécoise qui existe et qui sera probablement adoptée par ce Parlement, prévoyant le contrôle des prix par le moyen de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

Pourquoi le contrôle en 1975? a)L'inflation en 1975. Il me paraît, toutefois, que le contrôle des loyers est nécessaire en 1975. En effet, rien ne nous permet de penser que la poussée inflationniste se ralentira très sensiblement en 1975, malgré tous nos efforts. Par contre, la population est en droit de s'attendre que nous atténuions, autant que possible, les effets de l'inflation et ceci est particulièrement important dans le domaine du logement locatif.

De plus, la poussée inflationniste risque d'être particulièrement forte dans ce domaine en 1975 à cause du faible taux de vacances et de la baisse de la construction en 1974. Nous reviendrons, tout à l'heure, sur les causes de cette baisse. b)Réussite de l'expérience de 1974. Déjà, nous pouvons évaluer les bénéfices du contrôle des loyers en 1974. Les recherches effectuées, au cours de 1974, indiquent que probablement au moins 25 p.c. des locataires du Québec, soit 220,000 personnes, auront obtenu des informations de la Commission des loyers, alors que le nombre de causes d'élèvera probablement à environ 38,000 durant cette année. On peut donc conclure que l'impact de l'existence de la loi est beaucoup plus important que ne le laisse supposer le nombre de causes, et c'est exactement ce qu'il faut rechercher.

La loi de conciliation n'a pas résulté en un très grand nombre de causes, mais son impact réel provient de son existence même et de l'intense publicité qui a été effectuée au début de l'année 1974. Un très grand nombre de locataires et de propriétaires se sont entendus librement entre eux, tout en sachant qu'un recours à la Régie des loyers était possible.

Les effets économiques. Ceci étant, il faut reconnaître qu'un contrôle des loyers a pour effet inévitable de ralentir la croissance des profits des propriétaires. Il s'ensuit qu'on pourrait craindre que ce genre de choses ne nous amène rapidement à une crise du logement locatif.

a)Explication de la baisse de la construction résidentielle en 1974.

Examinons d'abord le cas de l'année 1974. Même si je n'ai pas tous les chiffres en main, il est quasiment de notoriété publique que la construction de logements locatifs a diminué en 1974. Même si nos chercheurs ne se sont pas livrés à une étude approfondie des causes de cette diminution, il y a des explications qui s'imposent d'elles-mêmes. La hausse des taux d'intérêts hypothécaires et des coûts de construction doit nécessairement se répercuter sur les loyers des logements neufs et sur la construction de ces logements. Or, dans une telle situation inflationniste, les prix des biens et des services s'ajustent plus aisément à la hausse des prix que les revenus des locataires. Il est normal que les constructeurs trouvent alors la construction commerciale et industrielle plus intéressante que la construction résidentielle. Autrement dit, un marchand peut modifier ses prix de vente sans délai et ainsi absorber une hausse de loyer, tandis qu'un salarié obtient plus difficilement un ajustement de son salaire. Du point de vue du constructeur, il est donc préférable d'attendre un peu que les revenus salariaux s'ajustent.

Cette explication est un peu technique, évidemment, et des études approfondies permettraient de l'étoffer et de la raffiner. b)Les préoccupations économiques importantes et l'entreprise privée.

Voyons maintenant ce qui pourrait arriver durant les années prochaines. Les craintes concernant une crise du logement due au contrôle des loyers se résument à deux points précis: D'abord que les investissements s'orientent vers d'autres secteurs, par exemple la construction de maisons unifamiliales ou de logements en copropriété, ce qui précipiterait une pénurie de logements locatifs alors que ces derniers sont essentiels, et le demeureront, à la satisfaction des besoins actuels et prévisibles. Ensuite, que les propriétaires actuels ne s'intéressent plus à l'entretien et à l'amélioration du stock de logements ce qui amènerait à une "taudifica-tion" rapide du stock et à une détérioration des conditions de logement et de la qualité de la vie.

Il y a bien des expériences connues où le contrôle des loyers a créé des difficultés insurmontables.

M. ROY: Pour moi, le ministre n'avait pas lu le projet de loi avant.

M. CHOQUETTE: Pardon?

M. ROY: Pour moi, le ministre n'avait pas lu le projet de loi avant.

M. MORIN: Ce n'est pas son discours, il ne l'avait pas lu.

M. CHOQUETTE: Je l'ai composé et je l'ai repris plusieurs fois. Mais là, j'ai buté sur un mot. Je répète, M. le Président, parce que vous étiez distrait par quelques facéties, peut-être par le chef de l'Opposition ou le député de Beauce-Sud.

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. CHOQUETTE: Tout allait bien dans cette Chambre...

M. SAMSON: J'invoque le règlement, M. le Président...

M. CHOQUETTE: Avez-vous...

M. SAMSON: ... articles 1 à 134 pour vous dire, M. le Président, que c'est le ministre qui nous a distrait quand il vous a parlé de "taudification".

M. MORIN: Je dois dire d'ailleurs que cela nous a réveillés, M. le Président.

M. CHOQUETTE: Avez-vous remarqué, M. le Président, que tout allait bien dans cette Chambre tant que le député de Beauce-Sud n'est pas arrivé?

M. MORIN: Tout le monde dormait, M. le Président. Tout le monde dormait paisiblement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Kennedy): Continuez!

M. CHOQUETTE: Le sérieux fait dormir le chef de l'Opposition. Cela n'est pas la réputation qu'il s'était acquise avant de venir en cette Chambre. Il avait la réputation d'un homme très sérieux qui ne s'endormait pas dans les conférences universitaires ou lorsqu'on lui faisait des discours savants.

M. MORIN: Le ministre est divertissant.

M. CHOQUETTE: J'espère que ce n'est pas la politique qui l'a transformé, qui l'a changé. J'espère qu'il reste toujours le même.

M. MORIN: L'influence du ministre déteint sur moi.

M. CHOQUETTE: J'espère, M. le Président, que je n'ai pas une si mauvaise influence sur le chef de l'Opposition. Si c'est le cas, je vais tenter d'y remédier.

M. SAMSON: Parlez-nous de la "taudification".

M. CHOQUETTE: Je reviens donc et je répète la dernière phrase que mes honorables collègues d'en face n'ont peut-être pas saisie mais qui me paraît importante.

M. MORIN: Les cailloux de Démosthène vous seraient utiles.

M. CHOQUETTE: II y a bien des expériences connues où le contrôle des loyers a créé des difficultés insurmontables. Ces craintes sont donc normales et c'est le genre de questions que nous avons examinées en priorité.

L'industrie privée et la propriété privée assurent la grosse part de la croissance du stock de logements et de son entretien. Je ne pense pas que ceci puisse se modifier. Ce n'est ni possible ni même souhaitable. Il n'est pas question de nationaliser les logements. Les interventions de l'Etat au niveau de la construction, de l'entretien ou de l'amélioration vont demeurer complémentaires à l'activité privée et s'adresser à des clientèles spécifiques. Il s'agit ici d'être réaliste tout en s'assurant que les programmes gouvernementaux d'habitation auront un impact maximal.

Par conséquent, forcé de reconnaître que le profit va demeurer le principal moteur du marché de l'habitation, il faut que la construction soit payante, de même que l'entretien. Mais jusqu'à quel point ces activités doivent-elles être rentables? Le réponse est: Jusqu'au point où elles seront aussi intéressantes que d'autres activités de remplacement. Il n'est pas essentiel pour cela de permettre des hausses de loyers sans aucun contrôle. c)Exemple de plus-value abusive. Prenons un exemple concret. La valeur d'un édifice à revenu dépend du revenu net d'exploitation actuelle et prévisible. Le revenu net d'exploitation est le revenu brut moins les dépenses d'exploitation, soit moins les taxes, les assurances, les combustibles, l'entretien, les réparations mineures et les frais d'administration.

Si un propriétaire accroît ses loyers dans une mesure supérieure à l'accroissement de ses dépenses d'exploitation, il accroît son revenu net d'exploitation, donc la valeur de son immeuble. Supposons qu'un immeuble de $100,000 est acheté avec $15,000 de comptant et $85,000 d'hypothèque.

Si la valeur de l'immeuble passe de $100,000 à $110,000 dans un an et que le propriétaire revend cet immeuble, il lui reste $25,000 dans ses goussets, au lieu des $15,000 qu'il avait investis un an auparavant. C'est un profit de 66 p.c. dans un an.

Des profits de cette envergure ne sont certainement pas une condition absolue pour que l'habitation demeure un investissement intéressant et concurrentiel. d)Incitation à la construction, période de cinq ans.

Il y a toutefois une exception en ce qui concerne les logements neufs, lesquels doivent pouvoir bénéficier d'une totale liberté pendant cinq ans, ce qui est prévu au paragraphe 7 de l'article 34 du bill 80.

Je sais que, durant cette période, les propriétaires sauront se montrer raisonnables. Nous avons déjà vu que le contrôle des loyers est moins nécessaire dans le cas des logements neufs parce que le marché y est plus concurrentiel.

Une autre raison est que les propriétaires doivent disposer du délai nécessaire pour bien connaître leurs frais d'exploitation et planifier leur revenu brut en conséquence.

Finalement, il convient de reconnaître que les constructeurs-développeurs dont l'activité est très importante pour la construction résidentielle nouvelle, construisent surtout dans l'espoir de revendre l'immeuble récemment construit avec un bénéfice intéressant. Ce bénéfice dépend de la justesse des prévisions du constructeur-développeur et de sa compétence technique, et il est de nature essentiellement spéculative.

En effet, un tel investissement constitue un risque souvent important et il est normal que la rémunération dépende de l'ampleur du risque.

Un contrôle des loyers sur les immeubles neufs supposerait que l'Etat mesure l'ampleur du risque pour en fixer la rémunération normale, ce qui est évidemment impossible sur le plan technique.

Autrement dit, étant donné les caractéristiques propres au marché de la construction, j'estime que la loi de l'offre et de la demande esta même de jouer son rôle adéquatement lorsqu'il s'agit de logements neufs. Si le contrôle des loyers ne doit pas s'appliquer durant les cinq années suivant la date de la fin des travaux, c'est parce qu'il faut accorder un délai pour que puissent se dérouler les étapes suivantes: 1. Que le constructeur ait le temps de louer tous les logements de l'immeuble. 2. Qu'il ait le temps de trouver un acheteur dans les délais qui ne soient pas brefs au point de lui enlever toute possibilité d'analyse du marché et de négociations sérieuses. 3. Que l'acheteur ait le temps requis pour connaître ses coûts d'opération et ajuster ses loyers en conséquence.

La nature du contrôle des loyers au Québec. a) On détermine la hausse et non pas la valeur absolue.

Il résulte de cette analyse que le contrôle des loyers peut s'appliquer durant la sixième année qui suit la fin des travaux — notion juridique que le chef de l'Opposition connaît bien — et qu'un tel contrôle ne doit concerner que les variations de loyers et non pas leur niveau absolu.

Je m'explique. Ce que nous faisons au Québec, c'est un contrôle des augmentations de loyers dans le but d'empêcher les hausses abusives. Puisqu'il est essentiel d'accorder cinq années de non-contrôle sur les immeubles neufs, il serait incohérent de vouloir, au cours de la sixième année, intervenir rétroactivement sur ce qui s'est passé durant ces cinq dernières années.

De plus, il ne serait pas sérieux de vouloir déterminer la valeur réelle ou objective d'un logement. D'abord, la valeur d'un logement dépend de chaque personne concernée. Celui

qui, en déménageant, se rapproche de son travail et économise ainsi des frais de transport et du temps sera prêt à payer un loyer plus élevé que son voisin.

Tout dépend de leurs désirs respectifs pour ce genre de logements. Donc, il est normal que plusieurs logements identiques soient loués à des prix différents. Nous ne pourrions pas égaliser les loyers de logements identiques sans créer des injustices et des inéquités flagrantes.

Une technique qui consisterait à faire la moyenne des loyers de logements identiques pour trouver la vraie valeur ne conviendrait pas à nos objectifs. La valeur du marché n'est pas une indication valable, sauf pour les logements neufs. J'ai expliqué plus tôt que la loi de l'offre et de la demande ne donnait pas des résultats satisfaisants dans le cas des logements déjà construits et qu'en pratique il est souhaitable d'appliquer un contrôle des hausses de loyers sur les logements vieux de plus de cinq ans.

On nous a souvent dit que la valeur du marché libre devrait servir à déterminer les hausses de loyers. Ceci serait absolument contraire au principe même du contrôle, lequel est précisément justifié par les imperfections du marché libre. d) Exposé général de la méthode de fixation. Je crois que toutes ces explications me permettent de résumer la nature du contrôle des loyers inhérent à la loi de conciliation. Il s'agit de déterminer les augmentations justes et raisonnables des loyers des logements vieux de six ans ou plus. L'augmentation a comme point de départ le loyer antérieur fixé librement ou par le mécanisme de contrôle des hausses de loyers.

La Commission des loyers a mis au point une méthode, une technique de calcul des hausses de loyers. Les administrateurs et les commissaires aux loyers utilisent cette méthode, mais tiennent également compte des facteurs humains, administratifs et juridiques pertinents à chaque cas lorsqu'ils rendent leurs décisions.

La méthode de fixation permet de déterminer quelle serait la hausse juste et raisonnable d'un loyer qu'un locataire devrait supporter, selon un point de vue strictement financier et économique. Elle n'est pas conçue pour évaluer si le loyer antérieurement payé était trop bas ou trop élevé, mais uniquement pour estimer une augmentation juste, donc pour enrayer des hausses abusives de loyers.

Comme il s'agit d'un mode de calcul, d'une variation, il suffit de tenir compte des éléments ou facteurs qui ont varié et non pas des autres. Ainsi, le calcul technique habituel n'incorpore pas les facteurs relatifs au site ou à la grandeur d'un logement, non plus qu'à la qualité des matérieux qui ont été utilisés pour construire l'immeuble. c) Exposé technique de la méthode de fixation: La méthode technique de fixation des variations de loyer consiste à évaluer dans quelle mesure une augmentation de revenus doit être accordée à un locateur ou propriétaire pour la totalité d'un immeuble et à répartir les effets parmi les locataires au prorata du loyer payé par chacun. Bien entendu, une telle répartition ne peut toucher que les locataires dont les cas sont soumis à la Régie des loyers.

Les principales étapes sont les suivantes. D'abord, la totalité des augmentations réellement encourues par le propriétaire au chapitre des taxes et des assurances doit être répartie entre les locataires. Deuxièmement, les locataires doivent également absorber les augmentations pour les combustibles, l'électricité et les dépenses courantes d'entretien, de services ou de réparations mineures, mais uniquement dans la mesure où ces éléments de dépenses ont été influencés par la hausse des prix et en excluant les frais d'administration. En d'autres termes, si l'huile à chauffage a coûté $200 au propriétaire, le locataire doit absorber la part de ces $200 qui est attribuable à la hausse du prix de l'huile. Troisièmement, les améliorations et réparations majeures effectuées par un propriétaire donnent également lieu à des hausses de loyer calculées de façon à accorder au propriétaire un rendement normal sur ce genre de dépenses capitales. Je suppose que ce rendement pourrait être aux environs de 11 p.c. en 1975. Il en va de même pour les nouveaux services qui seraient mis à la disposition des locataires par le propriétaire, sauf que, dans ce cas, le rendement fixé peut varier selon la désirabilité du nouveau service.

L'application des trois étapes que je viens de vous exposer a pour résultat de maintenir intact le revenu net d'exploitation puisque les hausses de dépenses subies par le propriétaire sont incorporées au nouveau loyer, à l'exception des frais d'administration dont la part n'est pas énorme. Pourtant, il faut ajouter une quatrième étape pour tenir compte de deux facteurs supplémentaires: la plus-value et les taux d'intérêt. En ce qui a trait à la plus-value, l'explication est la suivante. Nous savons que l'inflation est la croissance du prix des biens et services, soit de leur valeur monétaire. Une personne qui achète des biens se protège contre l'inflation puisque la valeur de ses avoirs croît au rythme de l'inflation, contrairement à ce qui se passe pour les capitaux prêtés ou placés à la banque, leur pouvoir d'achat diminuant au rythme de l'inflation. Une façon d'acheter des biens et services, c'est de se procurer des actions sur le marché de la Bourse. L'observation de la valeur quotidienne des actions ou valeurs mobilières nous montre qu'elles ont actuellement tendance à diminuer en dépit de l'inflation.

Mais il s'agit là d'un phénomène qui ne peut pas se poursuivre à long terme. Les hausses peuvent être aussi soudaines et brusques que les baisses. Une autre façon d'acheter des biens c'est d'investir dans l'immeuble. Or, si nous ne permettons pas aux propriétaires une certaine plus-value, ils seront sur le même pied que ceux qui placent leur argent à la banque, subissant une dépréciation constante au rythme de l'inflation.

Dès lors, l'immeuble ne sera plus un placement intéressant, à moins que le rendement

annuel ne soit très élevé, ce qui aurait des conséquences malheureuses sur la construction et le niveau de loyer des logements neufs. Pour éviter de telles conséquences, nous devons faire en sorte que les immeubles enregistrent annuellement une plus-value raisonnable, sans connaître des fluctuations aussi erratiques et prononcées que celles des valeurs mobilières auxquelles je faisais allusion tout à l'heure.

Quant aux taux d'intérêt hypothécaire, leur hausse rapide en 1974 a placé en mauvaise posture financière un certain nombre de propriétaires qui devaient refinancer leurs immeubles et dont les paiements mensuels d'intérêt et de capital se sont accrus sensiblement. Or, il est impensable de faire varier le loyer d'un locataire en fonction directe et immédiate de la variation des paiements mensuels de son propriétaire. Ceci inciterait les propriétaires à hypothéquer leurs immeubles au maximum, sans tenir compte aucunement des taux d'intérêt puisque les locataires absorberaient tous les contrecoups de ces actes des propriétaires.

Par ailleurs, il n'est pas raisonnable de procéder de telle façon que la hausse des paiements mensuels risque de mettre en faillite certains propriétaires à cause d'un contrôle des loyers trop rigide. Il faut donc trouver une solution valable qui puisse s'appliquer à l'ensemble des immeubles sans s'attacher à la situation financière spécifique de chacun des propriétaires. d) Détails sur le facteur de rendement. Dans cette optique, la Commission des loyers utilise ce qu'elle appelle le facteur de rendement. C'est un pourcentage d'augmentation du revenu net d'opération, pourcentage qui permet une plus-value raisonnable et modérée et qui tient compte de la variation des taux d'intérêt sur le marché hypothécaire.

Ce pourcentage ou facteur de rendement s'ajoute à celui qui est déjà calculé selon la hausse des dépenses d'exploitation et le montant des dépenses capitales, soit les réparations et les améliorations majeures.

En 1974, le facteur de rendement était calculé en observant la croissance annuelle moyenne, sur une période de dix ans, d'une série d'actions cotées à la Bourse. Il assurait ainsi une hausse de loyer suffisante pour permettre une plus-value raisonnable, en quelque sorte normalisée sur dix ans, ainsi que pour couvrir les hausses des frais d'administration et des taux d'intérêt encourus en 1973.

La hausse des taux d'intérêt en 1974 nous oblige à modifier le facteur de rendement pour 1975, modification qui s'appliquera aussi et nécessairement aux fixations de loyers effectuées en 1974. Le facteur de rendement de 1975 sera calculé de façon à compenser à moyen terme, soit sur environ trois années, l'effet de la variation des taux d'intérêt sur la valeur économique des immeubles.

M. le Président, je constate qu'il est une heure, mais il me reste environ cinq ou six pages à lire. Je me demande si je ne pourrais pas, avec l'acquiescement de nos collègues, terminer mon discours.

M. BURNS: Cela veut dire quinze minutes, cinq ou six pages.

M. CHOQUETTE: Je n'insiste pas.

M. ROY: M. le Président, en ce qui nous concerne, on n'a aucune objection à entendre le ministre; c'est une lecture très intéressante et fort passionnante.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de...

M. BURNS: Je n'ai pas d'objection, mais je vous indique que cela veut dire à peu près quinze minutes.

M. SAMSON: Revenez-vous cet après-midi?

M. CHOQUETTE: Oui, oui, je reviens cet après-midi, certainement.

M. SAMSON: Vous continuerez cet après-midi.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je constate qu'il y a trois préopinants qui me demandent de suspendre; alors, je demande la suspension.

M. ROY: M. le Président, il va y en avoir quatre parce que j'étais convaincu que la Chambre ajournait ses travaux à midi pour reprendre mardi. Comme nous revenons cet après-midi, je suis entièrement d'accord pour que vous repreniez cet après-midi, afin de nous remettre dans l'ambiance.

M. CHOQUETTE: Très bien, M. le Président. Alors, je reprendrai le texte de mon discours, à deux heures trente?

M. BURNS: Trois heures.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

Reprise de la séance à 15 h 8

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, au moment de la suspension de la Chambre, plus tôt aujourd'hui, j'étais à expliquer la préparation, la composition du facteur de rendement dont nous tenons compte dans l'établissement des augmentations de loyer qui peuvent être autorisées par les administrateurs et les commissaires de la Commission des loyers.

Je reprends donc mes propos, M. le Président, quelques phrases avant l'endroit où je suspendais, de façon que la transition soit assurée entre ce que je disais ce matin et ce que je vais continuer à dire cet après-midi au cours de cet exposé en deuxième lecture.

M. MORIN: M. le Président, nous dispenserions volontiers le ministre de relire ce qu'il nous a déjà lu ce matin.

M. CHOQUETTE: Merci. Je ne répéterai pas entièrement tout ce que j'ai dit.

La hausse des taux d'intérêt, en 1974, nous oblige à modifier le facteur de rendement pour 1975, modification qui s'appliquera aussi et nécessairement aux fixations de loyer effectuées en 1974. Le facteur de rendement de 1975 sera calculé de façon à compenser à moyen terme, soit sur environ trois années, l'effet de la variation des taux d'intérêt sur la valeur économique des immeubles.

La valeur économique est l'actualisation au taux d'intérêt courant du revenu net de fonctionnement d'un immeuble, de sorte qu'une hausse du taux d'intérêt baisse la valeur économique d'un immeuble si le revenu net n'est pas ajusté.

Le facteur de rendement variera en fonction de l'âge de l'immeuble, de la marge bénéficiaire qui est le rapport du revenu net de fonctionnement sur le revenu brut et les variations du taux d'intérêt sur le marché.

La méthode de fixation se résume donc le plus simplement possible de la façon suivante: répartir entre les locataires les hausses de dépenses de fonctionnement et la hausse nécessaire du revenu net de fonctionnement. En général, l'adminstrateur réduira les augmentations de loyer ainsi calculées s'il est prouvé que le logement se détériore d'une façon anormale, sans que la faute en incombe au locataire.

Bien entendu, l'augmentation accordée par l'administrateur peut être supérieure à celle qui serait techniquement calculée lorsque le propriétaire peut faire état de circonstances spéciales concernant ses revenus et ses dépenses et les prouver. e) Effets pour les locataires et les propriétaires. On remarquera que cette méthode de fixation ne tient pas compte du coût de remplacement de l'immeuble ou du logement en question. Elle vise à éviter qu'un locataire d'un logement existant voie son loyer augmenter en fonction de l'augmentation des coûts de contruction des logements neufs. Elle vise également à éviter que les locataires ne soient victimes d'une procédure qui consisterait, pour le propriétaire, à mettre en location un logement à un loyer inférieur à sa valeur normale et à accroître abusivement ledit loyer durant les années subséquentes en misant sur le fait que le locataire préférera supporter une forte augmentation de loyer plutôt que d'inclure de nouveaux frais de déménagement ou d'installation.

Par contre, il a fallu s'assurer que la méthode de fixation était telle qu'elle ne décourageait pas la construction nouvelle, non plus que l'entretien et l'amélioration du stock existant de logements.

Nous avons voulu éviter de créer une crise du logement dont les conséquences sociales néfastes effaceraient totalement tout le bénéfice d'un contrôle des hausses abusives de loyers. Tout en assurant aux propriétaires des augmentations raisonnables, qui représentent, en somme, une indexation modérée et normalisée de leurs revenus, elle protège efficacement les locataires contre les augmentations très considérables qui pourraient survenir sur un marché libre.

Commentaires sur les principales objections à la méthode de fixation. Je me permettrai maintenant de répondre à quelques-unes des questions ou objections qui nous sont soulevées le plus fréquemment. Il y a d'abord le problème de la qualité du logement et des services rendus en relation avec leur valeur sur un marché libre. Par exemple, on nous démontre qu'il y a tout un ensemble de services offerts, très coûteux, et que le logement vaut bien plus que le loyer actuel. La réponse est que tous ces services sont déjà inclus dans le loyer antérieur qui sert de base de calcul à l'augmentation et que, par conséquent, la méthode de fixation, qui incorpore les hausses de dépenses, est bien suffisante.

Quant à la valeur sur un marché libre, elle ne prouve rien puisque le contrôle des loyers a été instauré précisément à cause des aléas du marché libre.

Une deuxième objection, c'est qu'en choisissant comme base de calcul le loyer antérieur nous officialisons en quelque sorte tous les abus antérieurs qui ont pu se produire. Je répondrai qu'un contrôle des loyers doit partir de quelque part et qu'il n'est pas possible de corriger tous les abus commis dans le passé. Nous devons nous contenter d'empêcher de nouveaux abus.

Une autre objection très courante provient des propriétaires qui sont ou se prétendent en situation de déficit et qui se demandent quelle possibilité de rétablissement leur est offerte. La réponse à cette question est en deux parties: 1— La méthode de fixation, puisqu'elle accorde une plus-value qui signifie une augmentation du profit, accorde d'office une réduction du déficit, réduction telle qu'elle permettra éventuellement au propriétaire de se rétablir. 2— II nous est absolument impossible de

garantir aux propriétaires un taux minimal de rentabilité, lorsque ce taux ne leur était pas permis par la situation du marché libre, étant donné que cette garantie serait offerte au détriment des locataires. En effet, un déficit peut être provoqué par un mauvais investissement, par une mauvaise administration ou par l'achat à un prix trop élevé. Si nous faisions en sorte que les locataires représentent la garantie de rentabilité pour tous les propriétaires, il n'y aurait plus aucune assurance quant à la bonne administration des immeubles et des capitaux.

Il peut se faire qu'un immeuble soit encore en déficit après cinq ans sur le marché libre. Les décisions de la Commission des loyers ne doivent pas forcer les locataires à éponger rapidement un grand nombre de déficits, alors que ceci n'aurait pas été possible sur le marché libre.

Il me semble donc que le rattrapage inhérent à la méthode de fixation est suffisant, à moins de circonstances bien particulières dont le propriétaire pourra faire état devant l'administrateur des loyers.

Une de ces circonstances spéciales est le cas des logements qui ont été construits depuis 1970 ou 1971 et qui n'ont pas bénéficié sur le marché libre d'une période suffisante pour permettre aux propriétaires d'ajuster leurs loyers. Exclure de tout contrôle les logements construits depuis 1970, et ceci dans le but de leur permettre de se rajuster avant de tomber sous le contrôle de la commission, serait une solution trop radicale puisqu'elle ouvrirait la porte à tous les abus.

C'est pourquoi seule la catégorie de logements stipulée dans la loi ne fera pas l'objet d'un contrôle des loyers, et ceci pour une période de cinq années consécutives.

En ce qui concerne les logements construits précédemment et qui n'auront pas bénéficié d'au moins deux baux libres, nous leur appliquerons une procédure spéciale assurant que le revenu net d'exploitation sera au moins égal au paiement mensuel en intérêt et remboursement de capital, ceci dès 1975 dans la plupart des cas.

En effet, dans les cas de déficits très lourds, il se pourrait que nous soyons forcés d'étaler sur deux années le rattrapage nécessaire pour que le revenu net d'exploitation soit égal au paiement mensuel d'intérêt et de capital.

Programmes d'habitation et copropriété. Le contrôle des loyers n'est qu'un élément partiel d'une politique d'habitation. Ses effets sont d'autant plus limités qu'il intervient au niveau des symptômes, soit au niveau des prix beaucoup plus qu'au niveau des causes. Toutefois, comme je l'ai indiqué précédemment, il me semble que le contrôle des loyers est une mesure qui devrait être permanente. Mais sa forme définitive ne pourra être connue que lorsque nous saurons exactement quel est le rôle d'une telle mesure au sein d'une politique globale d'habitation.

Nous devons également mettre au point les institutions administratives et judiciaires néces- saires. En attendant une loi permanente, j'ai voulu améliorer la loi temporaire de conciliation entre propriétaires et locataires en allégeant notamment la lourdeur de certaines procédures.

J'ajouterai que le problème de la transformation en copropriété fera l'objet d'une étude prioritaire de la part du groupe de travail sur l'habitation. Je crains que la transformation en copropriété ne soit un moyen d'évasion du contrôle des loyers et n'ouvre les portes à une spéculation injustifiée.

Par contre, il me paraît prématuré pour le gouvernement d'intervenir immédiatement, sous forme de blocus total de la conversion en copropriété, étant donné qu'il peut s'agir d'un mode intéressant d'accession à la propriété.

En conclusion, je compte beaucoup sur les recommandations que le groupe de travail sur l'habitation fera concernant la redéfinition d'une politique globale de l'habitation. Je compte, notamment, sur les recommandations concernant le rôle du contrôle des loyers et de la transformation en copropriété au sein d'une telle politique.

J'estime que les délais entrâmes par les différentes recherches effectuées et à venir seront rentables, M. le Président, compte tenu de l'importance de ces questions, et que des décisions hâtives ne sont pas justifiées. Au cours de cet exposé, j'ai traité principalement des aspects économiques qui se rattachent à la Loi de conciliation entre locataires et propriétaires parce que ceci n'avait pas été fait avec autant de détails jusqu'à maintenant. Or, comme je l'ai souligné, ce genre de loi peut avoir des incidences économiques très importantes.

Je n'ignore pas pour autant les aspects sociaux et juridiques de la loi. Par exemple, il ne faudrait pas oublier que le droit au maintien dans les lieux est une mesure d'une portée sociale très importante et que le contrôle des loyers est essentiel à l'exercice de ce droit. J'ai estimé ne pas devoir allonger indûment un exposé déjà long comportant des considérations parfois arides ou techniques. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M.BURNS: M. le Président, j'ai été content d'apprendre, à la fin du discours du ministre, qu'il ne serait pas long.

M. le Président, je suis — je vous le dis au départ — extrêmement déçu de voir le ministre de la Justice nous présenter, à ma connaissance, moi qui siège à l'Assemblée nationale depuis 1970, pour une quatrième fois consécutive un projet de loi qu'il nous a, à quatre reprises différentes, promis de ne pas ramener devant l'Assemblée nationale. Je me rappelle qu'en 1970, lors de la première occasion où il nous a

été donné de discuter de ce projet de loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, j'avais fait des critiques à l'endroit du ministère de la Justice, Je trouvais que c'était absolument inacceptable que, depuis 1951, date à laquelle — je pense, sauf erreur, c'est cela, c'est 1950-51, chapitre 20 — cette loi a été promulguée pour la première fois, on nous apporte, d'année en année, des modifications qui, à toutes fins pratiques, sont tout simplement la reconduction de la loi pour l'année qui vient. Cette année, le ministre a été économe, il a décidé de la rendre applicable pour les deux années à venir.

En effet, si on lit bien l'article 1, il prolonge la loi jusqu'au 30 juin 1976. Il s'est dit: On va éviter encore une critique de l'Opposition en 1975. Mais je suis extrêmement déçu, parce que les critiques que nous avions faites à plusieurs reprises semblaient avoir trouvé leur chemin auprès du ministre. Entre autres, je peux, en résumé, mentionner que ce que nous trouvions inacceptable dans la loi qui nous revenait périodiquement, c'était le fait qu'il n'y avait pas de permanence dans cette loi, donc pas de permanence dans l'organisme qui voit à assurer l'application de cette loi.

Nous avions également critiqué l'aspect non universel de la loi, c'est-à-dire qu'à l'époque ça ne couvrait pas tous les territoires du Québec et ça ne couvrait pas toutes les catégories de loyers. Finalement, sur un autre point que nous avions trouvé inacceptable, nous étions presque arrivés à notre but l'année dernière, lorsque le ministre nous avait présenté une loi qui aurait inversé ou renversé le fardeau de la preuve en ce qui concerne l'augmentation des loyers. Nous sommes venus tout près de notre but, lorsque le ministre, dans la première version de cette loi, avait accepté cette théorie, du renversement du fardeau de la preuve qu'il a changée dans la version finale.

Or, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, M. le Président? C'est que, d'universelle qu'elle était au point de vue de son application, cette loi devient d'une application partielle. Je m'attaque particulièrement à la position qui défend le ministre pour des raisons qui semblent l'impressionner, mais qui ne m'impressionnent pas du tout. En particulier, lorsqu'on examine l'article 22 du projet de loi qui promulgue l'article 34 on voit que son application, d'universelle qu'elle était, devient particulière, alors qu'on avait, l'année dernière, fait un pas magistral. On avait félicité le ministre dans ce sens. Je pense que le ministre s'en souvient; on n'a pas tari d'éloges à son endroit, lorsqu'il a accepté que la loi s'applique à tout le territoire du Québec, quelle que soit la municipalité où le locataire a à se plaindre de l'augmentation de son loyer.

Mais il y avait aussi une chose très importante.

C'était que toutes les catégories de logements grâce à la loi sur les augmentations abusives en 1973 et grâce au fait que l'on donnait à la Régie des loyers juridiction sur cela, on couvrait toutes les catégories de logements.

Nous avions félicité le ministre à ce moment. Malheureusement, je ne peux féliciter le ministre, cette année, parce qu'il fait machine arrière, particulièrement à cet article où il exclut de la Régie des loyers toutes les nouvelles constructions dont les travaux ont commencé après le 31 décembre 1973, et ce pour 5 ans.

J'aurais même le goût de vous donner mon propre cas comme exemple, moi qui suis locataire, qui habite un logement qui, autrefois, n'était pas régi par cette loi favorisant la conciliation entre propriétaires et locataires. Normalement, j'aurais dû l'année dernière, à l'expiration de mon bail, s'il n'y avait pas eu l'amélioration que le ministre a apportée l'année dernière, me fermer complètement la boîte, si on peut dire, devant une demande d'augmentation de mon propriétaire de $160, loyer que je payais, à $210 d'un seul coup. Et, comme pour me faire une faveur — cela ne me fait rien de raconter mon cas parce que je trouve qu'il identifie bien le cas des gens qui habitent dans les immeubles à appartements de Montréal — devant ma réticence, le propriétaire m'a dit : On va te faire une faveur parce que tu es un bon locataire, etc., au lieu de $210, on va te demander $190. J'ai dit: C'est encore trop de $160 à $190. Je suis allé devant la régie et qu'est-il arrivé? La régie a dit: $165. Et c'était un logement qui n'était pas, il y a quelques années, couvert par la régie. Le propriétaire a appris qu'à l'avenir il fallait qu'il se restreigne à un certain montant d'augmentation. Je ne suis pas seul dans ce cas, il y a un tas de mes voisins qui sont également locataires de cet immeuble et qui ont obtenu une même décision de la régie.

Ce qui m'inquiète, ce que j'ai remarqué, dans l'argumentation du ministre, c'est que c'est surtout ce genre d'immeuble qui semble être protégé par l'amendement qu'on aperçoit à l'article 22, c'est-à-dire les nouveaux immeubles à habitation multiple qu'on appelle généralement les immeubles à appartements.

C'est là que véritablement le nouveau propriétaire devra bâtir — et je pense véritablement ce que je vais dire — une augmentation progressive pour la date à laquelle il sera régi par la Régie des loyers ou par l'organisme qui, normalement, devrait être successeur de la Régie des loyers. Il va arriver, M. le Président, par l'amendement prévu à l'article 22 — je ne veux pas le disctuer dans le détail, on aura l'occasion en commission parlementaire de discuter de ce détail, mais je trouve que c'est un des principes nouveaux qu'on introduit dans le projet de loi et c'est à ce titre que j'en parle — lorsqu'un immeuble va être construit, que le propriétaire — on ne veut pas lui demander de faire de l'angélisme — va délibérément mettre son loyer à des niveaux assez élevés pour que l'organisme

qui contrôle l'augmentation des loyers soit forcé de partir d'un chiffre suffisamment élevé pour qu'il n'y perde pas de profit, selon lui.

J'ai entendu le ministre, ce matin — et dans le fond il rencontrait à cet égard mon opinion que j'ai répétée à deux ou trois reprises, à l'occasion du réexamen de ce projet de loi — comparer les locataires à des consommateurs, et c'est mon avis, ce sont des consommateurs. Ce ne sont peut-être pas des consommateurs du même type que celui qui achète du lait, du pain, de celui qui achète une automobile, de celui qui achète une maison, mais c'est un consommateur quand même. Et c'est un consommateur d'un bien essentiel, c'est-à-dire son logement. C'est la première chose qu'il doit assurer à lui-même et à sa famille.

M. le Président, si on fait fi de ce droit, si on ne se préoccupe pas de l'exploitation dont ce type de consommateur peut être l'objet, je me pose de très sérieuses questions relativement à l'intention de ce gouvernement de véritablement protéger le consommateur en général.

Si on laisse cette ouverture à des nouveaux propriétaires ou à des constructeurs de fixer le loyer comme ils le veulent, durant une première période de cinq ans, vous faussez complètement la situation. C'est absolument incompréhensible qu'au bout de cinq ans le locataire qui se retrouvera en face d'un niveau de loyer qu'on aura fixé sans aucun contrôle puisse véritablement faire valoir son point de vue à la Régie des loyers ou à tout autre organisme qui le remplacera dans le futur.

De façon délibérée et de façon intentionnelle, de façon systématique, on fixera les loyers, dans ces nouveaux édifices qu'on veut exclure, en vertu de l'article 22 du projet de loi, plus particulièrement de l'article 22 qui amende l'article 34 de la loi. On fixera délibérément, systématiquement de façon plus élevée les loyers de ces logements pour en arriver à ce que, si l'administrateur des loyers ou la Régie des loyers décide d'une augmentation de 3 p.c, de 4 p.c. de 6 p.c. ou de 8 p.c. ou de 10 p.c, ces 3 p.c, 4 p.c, 6 p.c, 8 p.c. et 10 p.c. s'appliquent sur un montant le plus élevé possible. C'est ça que je n'accepte pas, malgré l'argumentation du ministre qui dit qu'il faut donner une injection, qu'il faut insuffler à la construction de nouveaux immeubles un certain enthousiasme.

Je trouve qu'en faisant ça on nuit dangereusement au contrôle dans l'ensemble des loyers. Je m'explique. Si vous avez tout un secteur nouveau de loyers, qui, lui, se place au-dessus de la moyenne, c'est évident que la Régie des loyers, que l'administrateur des loyers ou que le tribunal des loyers, si jamais il est formé, seront influencés par ce niveau d'augmentation. C'est impossible de nier ce que je suis en train de dire là, parce que c'est comme ça que la Régie des loyers, que l'administrateur des loyers, actuellement, fixent des barèmes quant à l'augmentation.

Ils regardent la progression moyenne des loyers et obtiennent ainsi un calcul qui, jusqu'à maintenant, remarquez, n'est pas faussé, surtout depuis l'année passée, depuis qu'on a décidé d'empêcher les gens qui n'étaient pas couverts par la Régie des loyers de se sauver de cette augmentation. Si le ministre a les chiffres en main, parce qu'ils lui sont beaucoup plus disponibles qu'à moi, je lui demande de nous les dévoiler.

Je suis convaincu que l'augmentation des loyers, l'année dernière, a été beaucoup plus normalisée à travers le Québec pour deux raisons. C'est qu'on a universalisé la juridiction de la Régie des loyers à tout le territoire du Québec et, deuxièmement, qu'on l'a universalisée à tous les types et à toutes les catégories de logements.

Ce qu'on est en train de faire, c'est de défaire cette situation par l'article 22 qui amende l'article 34. Soit dit en passant, c'est assez intéressant de dire que, dans le projet de loi que nous avons étudié l'année dernière, il y avait une telle disposition et qu'à la suite de pressions de l'Opposition le ministre a accepté de la retirer. Il a accepté ça basé sur le même raisonnement. Il est absolument incompréhensible et aberrant de voir qu'on laisse une catégorie de loyers fluctuer selon le bon vouloir des propriétaires et selon, évidemment, les besoins des locataires qui, eux, doivent ou ne doivent pas louer un tel genre de logements.

Ce que l'on va contribuer à faire par l'article 22, cela va être tout simplement de créer une catégorie de loyers qui, à toutes fins pratiques, sont des infirmes dans le sens de la régie totale ou du contrôle total des loyers, mais qui vont transmettre à l'ensemble des autres loyers leur propre infirmité. Cette infirmité, cela va être une hausse sans absolument aucun contrôle. Quand va arriver le contrôle, au bout de cinq ans, on va dire: Bien oui, vous payez déjà $210 par mois. Vous payez déjà $190 par mois. On est obligé. C'est comme ça que la régie juge, c'est comme ça que l'administrateur des loyers détermine ses sentences. Il part du loyer existant. Cela, il ne faut jamais l'oublier. Il ne part pas d'une vague opinion de ce que doit être un loyer payé dans tel et tel logement. Il part d'une situation qui existe et il part de cette situation qui existe en faisant un pourcentage d'augmentation.

Si on adopte l'article 22, c'est ça qu'on vient détruire dans un bon projet de loi. Je trouve ça absolument aberrant.

Je trouve cela inacceptable et je me demande comment il se fait que le ministre de la Justice, qui avait si longtemps résisté à toutes les pressions qu'on avait faites sur lui dans le domaine des constructeurs d'immeubles, tout à coup décide de fléchir devant ces pressions.

S'il y a un ministre de qui on est en droit d'attendre qu'il ne fléchisse pas devant cela, c'est bien le ministre de la Justice, à moins qu'il nous dise que c'est son testament, qu'il est

tanné et qu'il ne sera plus au cabinet à compter du mois de janvier. Cela, je ne le sais pas. Ce n'est pas moi qui décide de cela, c'est le premier ministre.

M. LACROIX: Voulez-vous être couché sur le testament?

M. CHOQUETTE: On va attendre l'article de demain!

M. BURNS: L'article de demain! De toute façon, vous n'avez pas été classé parmi les non-indispensables. C'est déjà pas mal!

M. LACROIX: Voulez-vous être couché sur le testament?

M. BURNS: Non. Je le dis, M. le Président, sans aucune méchanceté. Nous serons intraitables là-dessus — je le dis au ministre, sans lui annoncer une obstruction systématique à son projet de loi, parce qu'il n'en est pas question — sur cette modification qui, à mon avis, détruit l'intention du projet de loi très bon que le ministre de la Justice nous a fait adopter à l'unanimité l'année dernière. Nous l'avions même félicité d'avoir enfin compris que l'un des éléments importants d'une loi de la Régie des loyers était de rendre cette loi universelle dans son application, tant au niveau de la catégorie des loyers qu'au niveau du territoire couvert.

On n'a qu'à relire le journal des Débats. Je n'ai pas l'intention de refaire, à l'endroit du ministre, les éloges que j'ai faits l'année dernière pour accentuer les reproches que je lui fais cette année, mais j'espère qu'en cours de route on pourra régler ce problème que je considère, personnellement en tout cas, en toute humilité, comme très grave. Je trouve qu'on perd complètement le sens d'une loi qui a pour but de contrôler l'augmentation des loyers.

Egalement, M. le Président, nous avons dans le passé, à de nombreuses reprises, réclamé un caractère de permanence à cette loi et, encore une fois cette année, depuis, comme je le disais tout à l'heure, les années 1950/51 —chapitre 20 des lois de 1950/51 — pour la xième fois on nous revient avec une loi qui retarde de deux ans, dans le cas présent, la véritable modification, le véritable caractère permanent de cette loi.

Il y a deux façons de rendre cette loi permanente. D'une part, en établissant les normes et les règles de façon stricte et permanente, mais aussi en rendant permanent l'organisme qui régit, qui contrôle les loyers. Encore une fois, cette année, on nous dit que l'application de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires est prolongée jusqu'au 30 juin 1976.

Là, on nous reporte une véritable refonte, un véritable tribunal des loyers, comme le ministre nous l'a promis à plusieurs reprises, encore à deux ans. C'est évident, M. le Président, qu'il n'y aura pas de sérieuses modifications, encore une fois, à moins que le ministre dise: Ce sera à mon successeur de régler cela. J'espère que non, parce que je sais que le ministre connaît le problème. Je mentirais à la Chambre si je disais le contraire. Je sais que le ministre est préoccupé par le problème. J'ai entendu ses remarques, au cours des années précédentes.

Cela fait quatre ans que l'on discute de ce projet de loi avec lui. Je sais qu'il est conscient de ce qui se passe et je sais qu'il n'est pas d'accord sur son projet de loi. Je ne sais pas pourquoi, cependant, le ministre ne s'est pas affirmé et n'a pas dit: C'est le temps, cette année, d'accorder la permanence à cette loi, de lui donner un organisme de contrôle permanent. Qu'on l'appelle le tribunal des loyers ou qu'on l'appelle toute autre chose, cela n'importe peu, mais qu'on accorde à ce tribunal le caractère, de permanence. C'est ce que nous voulons et c'est ce que cette loi n'accorde pas, alors qu'on nous l'a promis à plusieurs reprises depuis 1970.

Je suis convaincu que le député de Rouyn-Noranda, qui siège en cette Chambre depuis autant d'années que moi, a entendu à autant de reprises que moi ces promesses que nous faisait le ministre. Je lui demande, cette année, qu'est-ce qui nous empêche de régler le problème définitivement? Qu'est-ce qui nous empêche de bâtir pour l'avenir un organisme qui régit les loyers, qui aura ses traditions, qui aura sa permanence et, de ce fait, qui aura des personnes à l'intérieur qui auront l'intérêt continuel du contrôle des loyers? C'est la deuxième critique que je fais à l'endroit du projet de loi qui ne règle pas ce problème.

Encore l'année dernière, lors de l'étude du projet de loi qui devait remplacer et le projet de loi modifiant le code civil au titre du louage de choses et le projet de loi qui devait modifier en tribunal des loyers la loi prolongeant la loi des relations entre propriétaire et locataire, nous avons passé à un cheveu d'obtenir une véritable réforme. Déjà, le projet original du ministre inscrivait une des dispositions que nous réclamions, c'est-à-dire celle de renverser le fardeau de la preuve à l'endroit du propriétaire lorsqu'il excédait un certain pourcentage d'augmentation.

Je ne retrouve pas cela dans le projet de loi cette année. L'année dernière, le ministre nous a dit: Peut-être que c'est trop. J'avais, à ce moment-là peut-être été un peu dur à l'endroit du ministre en lui disant que c'étaient peut-être les seules pressions qui l'avaient fait plier au cours de sa réforme; qu'il avait plié sous les pressions qui avaient été faites par toutes les organisations qui s'occupent d'immeubles, que ce soient les agents d'immeubles eux-mêmes, que ce soient les associations de propriétaires, que ce soient les constructeurs, que ce soit tout autre organisme qui a intérêt à un autre bout du bâton que celui du locataire. Nous avions même dit que nous étions favorables à faire varier une position qui était, si je me souviens bien, celle

de la CEQ qui disait que toute augmentation supérieure à 3 p.c. devait être autorisée par la régie, à la demande du propriétaire. Nous avions laissé entendre que nous pourrions discuter avec le ministre à l'intérieur d'une variante entre 3 p.c. et 5 p.c.

Cela aurait été non pas une façon de bloquer les augmentations normales de loyer.

Mais cela aurait été une façon de dire aux propriétaires: Lorsque vous demandez une augmentation de votre loyer, soyez assurés que vous avez de bonnes raisons pour le faire. Un peu comme le disait le député de Rouyn-Noranda, ce matin, lorsqu'il parlait du problème des taxes municipales, des taxes scolaires, des autres phénomènes qui peuvent faire varier éventuellement les baux de plus de douze mois, on dirait: Soyez certains d'une chose, c'est que vous êtes capables de justifier cette augmentation.

C'est là un principe qu'on devrait le plus rapidement possible inscrire dans une loi comme celle-ci. Si véritablement un propriétaire — et je suis de ceux qui voient très mal qu'un propriétaire doive subventionner ses locataires si ce propriétaire n'est pas un organisme public — a investi de l'argent dans une propriété, je ne comprends pas et je n'accepte pas que ce soit le propriétaire individuel qui subventionne son locataire parce que celui-ci n'a pas les moyens de payer le loyer. Mais ce que je n'accepte pas non plus, M. le Président, c'est que simplement en m'annonçant que ses frais généraux ont augmenté de façon telle qu'il sent le besoin d'augmenter le loyer de 10 p.c, à ce moment-là, ce soit à toutes fins pratiques — et je vous réfère aux procédures devant l'administrateur des loyers et devant la Régie des loyers — le locataire qui ait lui-même à prouver qu'il n'a pas à être augmenté.

C'est pour cela qu'une telle mesure, M. le Président, devrait être insérée dans une telle loi si on ne veut pas, actuellement, faire une véritable réforme, si on ne veut pas changer fondamentalement l'approche, l'idéologie qui préside à une telle loi. Il y a au moins cela qu'on pourrait faire, dire au propriétaire: C'est sérieux quand vous demandez une augmentation de loyer. C'est tellement sérieux que vous devrez vous-même demander la permission, c'est vous-même qui devrez avoir le fardeau de la preuve si jamais vous voulez augmenter votre loyer de plus de 3 p.c. ou 5 p.c, peu importe le chiffre. J'irais jusqu'à 5 p.c. Mais cela, on ne le retrouve pas dans la loi et c'est une autre des façons qui me permettent de dire qu'on ne veut pas faire une véritable réforme dans ce domaine. Et je le regrette sérieusement.

Le ministre, fondamentalement — je le connais très bien, je connais ses interventions depuis trois ou quatre ans — je le sais, est préoccupé par cette situation et je lui rends hommage, car c'est un ministre qui, même si on a souvent l'occasion de le critiquer, a un sens social très élevé. Or, son sens social devrait s'exercer surtout dans ce domaine parce que c'est l'endroit où, actuellement, les gens qui sont visés par de tels types de projets de loi sont les plus démunis et sont placés de façon telle devant la loi qu'ils ont de la difficulté à se défendre à l'endroit de cette loi. A ce moment-là, qu'est-ce que la loi doit faire? Elle doit inverser le fardeau de la preuve.

Je dis, M. le Président, que pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, parce qu'on régresse sur l'universalité de l'application de la loi, parce qu'on n'a pas avancé sur le plan de la permanence de la loi, c'est-à-dire en créant un tribunal des loyers, parce qu'on n'a pas remis dans la loi — ce sont les trois principales raisons — le renversement du fardeau de la preuve dans les cas d'augmentation supérieure à 5 p.c. je devrai voter contre le projet de loi no 80.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, au train où vont les choses, dans une couple d'années on sera en mesure de fêter les noces d'argent d'une loi temporaire. Cela fait 23 ans que c'est temporaire et il semble que c'est parti pour être temporaire encore longtemps. Je me rappelle également — j'écoutais avec beaucoup d'intérêt l'honorable député de Maisonneuve — avoir entendu des propos du ministre de la Justice qui nous laissaient entrevoir des choses passablement différentes de ce qu'est la triste réalité d'aujourd'hui.

Bien entendu, sans vouloir charrier, si le ministre nous dit — d'ailleurs, il nous l'a dit ce matin — qu'il est très important pour lui, afin de pouvoir présenter une loi permenente, d'attendre le rapport Legault sur l'habitation, je suis d'accord pour reconnaître que, si c'est là l'effort ultime, il vaut mieux attendre encore un peu, puis d'avoir quelque chose de bien, que de le faire trop vite, puis de risquer de ne pas couvrir l'ensemble du problème, encore une fois, ou risquer de passer à côté. Mais je voudrais faire ressortir autant que possible qu'il faudrait que ce soit la dernière fois que ça revienne devant le Parlement, ce genre de loi. Cela nous revient comme cadeau de Noël aux locataires tous les ans et, chaque fois, on plonge un peu dans l'insécurité tout le monde. Il faut comprendre les locataires, les associations de locataires qui, chaque fois, se demandent: Est-ce que ça va être encore une loi temporaire, est-ce que ce sera une loi permanente, est-ce que ça va couvrir tous nos problèmes?

Il y a de l'insécurité et le fait qu'on revienne tous les ans avec un projet de loi temporaire n'est évidemment pas susceptible de rassurer ces gens-là. Comme je le disais ce matin, il y a un autre projet de loi, soit le projet de loi no 79, qui se rattache quelque peu au projet de loi no

80. Quand je fais référence au problème, par exemple, de l'augmentation du prix des loyers, comme le député de Maisonneuve, je suis obligé de critiquer cette fameuse question des logements qui ne seront pas sous le contrôle de la Commission ou de la Régie des loyers — appelons ça comme on voudra — pendant cinq ans.

Bien entendu, M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et je suis sympathique à une partie des idées qu'a soumises le ministre, ce matin. J'ai également, en toute objectivité, compris son souci de ne pas empêcher les constructions nouvelles par une loi qui en quelque sorte pourrait restreindre ce genre d'activité économique. Par contre, M. le Président, même si je suis un de ceux qui veulent favoriser davantage la construction et permettre que la construction puisse continuer, avec aussi une certaine sécurité pour les investisseurs, pour ceux-là qui ont le courage de risquer des capitaux, je me demande si, encore une fois, nous ne passons pas à côté de la question dans le sens que nous n'utilisons pas, en tout cas en vertu de la présente loi, le mécanisme qui devrait être utilisé pour favoriser davantage la construction nouvelle, tout en garantissant une meilleure sécurité contre les abus de certains propriétaires envers des locataires.

C'est une loi de conciliation entre locataires et propriétaires, mais je me demande si on est dans l'esprit de la loi avec ce genre d'article où on dit que, par exemple, seront exemptés de l'application de la loi tous les immeubles construits depuis 1974, et ce pour une période de cinq ans. J'ai l'impression qu'on déroge à l'esprit de la loi qui se veut une loi de conciliation. Ce n'est pas de la conciliation de sortir de l'application de cette loi une partie qui peut être très importante, soit les constructions nouvelles.

Voici ce que je peux peut-être suggérer; ça ne veut pas dire que le ministre va l'accepter. Il n'accepte pas toujours nos suggestions, quoi qu'il lui arrive parfois d'en accepter. Je me demande s'il ne serait pas intéressant d'introduire un mécanisme d'évaluation des logements à être construits. Nous savons tous qu'avant de construire des résidences nouvelles, des logements nouveaux, il faut faire des plans, puis il faut évaluer.

C'est donné à contrat et on sait d'avance combien cela va coûter, sauf l'imprévu, évidemment.

Si on est capable d'établir cela à l'avance, on est capable en même temps, à l'avance, par la technique qui est à notre disposition, d'établir quel sera le montant de loyer à être demandé aux éventuels locataires par la suite. Ce qui fait qu'en l'établissant de façon assez claire, tout investisseur connaîtrait l'ensemble du risque avant de s'engager dans un investissement. Ce qui veut dire que, je le pense honnêtement, cela m'empêcherait par les constructions nouvelles. J'ai cru saisir dans l'argumentation du ministre son inquiétude à l'effet que si on ne laisse pas ce marché libre, les investisseurs ne risqueront pas de placer des montants d'argent. Ne sachant pas à l'avance la décision de la régie ou de la commission de contrôle, ils pourraient risquer de se retrouver avec des engagements supérieurs au revenu qui pourrait être entrevu par la location des logements. Cela, je ne pourrais m'associer à ce genre de risque que nous exigerions des constructeurs.

Par contre, si on a un mécanisme qui, avant la construction, peut fixer un prix du loyer futur, — et je pense que le ministre comprendra mieux mon idée si je lui dis que je fais référence à l'évaluation scientifique qui se fait dans le domaine de la taxation municipale et scolaire — cela peut se faire également avant la construction en partant des plans, du coût de l'argent, du taux d'inflation. Avec toutes ces données, cela peut se faire.

Evidemment, on peut avoir une certaine marge d'erreur qui peut être considérée. Mais, à à l'avance, il y aurait une possibilité, par un mécanisme semblable, d'établir, à l'intérieur d'une fourchette minimum et maximum, un minimum de loyer et un maximum, ce qui fait que l'investisseur saurait exactement quel sera son revenu futur en partant de l'investissement qu'il fait. Cela lui permettrait de faire tous les calculs et de décider si, oui ou non, il construit. Et nous pourrions en même temps sauvegarder, et c'est important, les droits des locataires à avoir accès à des logements à un prix juste. Je ne veux pas dire à un prix inférieur à la valeur, mais un prix juste. Ce qui n'est pas le cas lorsque nous soustrayons de l'application de la loi les immeubles nouveaux. Tout le monde sait que tout locataire qui a le choix entre un immeuble nouveau et un immeuble de cinq ou dix ans sera plus tenté de louer un logement neuf. C'est évident que le logement neuf vaut plus qu'un logement qui est bâti depuis cinq ou dix ans, mais cela ne vaut pas deux fois plus que le prix normal.

Et, bien entendu, une certaine catégorie de gens sont peut-être capables de payer plus cher que cela vaut réellement pour habiter un logement neuf plutôt qu'un logement construit depuis cinq ou dix ans, mais il demeure un fait indéniable, c'est que tous ne sont pas capables de ces mêmes extravagances. Et même ceux qui ne peuvent pas faire de telles extravagances peuvent se retrouver un jour devant l'obligation d'avoir à louer neuf, faute d'autre logement disponible, ce qui fait qu'il y a là matière à injustice.

Cette injustice, bien sûr, n'est pas voulue du ministère de la Justice. Nous connaissons sa philosophie, depuis le temps qu'on discute de ce genre de projet de loi avant Noël, chaque année, nous connaissons sa philosophie.

Alors, je suis persuadé que ce n'est pas le genre d'injustice que veut le ministre de la Justice. Mais cela arrive parce qu'il n'y a pas le mécanisme requis, nécessaire pour, d'une part, garantir à tous les locataires qu'il n'y aura pas

abus sans, d'autre part, empêcher les gens qui le veulent de construire. Je rejoins le ministre, lorsque je dis qu'il ne faut quand même pas empêcher, freiner la construction nouvelle. Je m'en soucie de ce problème, M. le Président, et je veux que le ministre me comprenne bien; ce n'est pas mon intention de faire de la policaille-rie et de dire: Les locataires sont plus nombreux que les propriétaires; on va se "garro-cher" de ce bord, cela va être meilleur pour les votes.

M. le Président, c'est le juste milieu. La justice, ce n'est pas toujours une question de votes; c'est une question de prendre ses responsabilités. Nos responsabilités nous dictent de prendre la position que nous prenons présentement, c'est-à-dire de protéger, d'une part, les locataires et de protéger, d'autre part aussi, les propriétaires qui doivent quand même investir.

M. le Président, c'est pourquoi je dis: Si on est pris pour aller fêter les noces d'argent de la Régie des loyers, cela ne réglera pas tellement notre problème, parce que la situation actuelle n'est pas la meilleure. Cela, le ministre l'a dit, ce matin. Il l'a avoué et il ne s'en est pas caché: La situation actuelle n'est pas la meilleure. La Régie des loyers, ce n'est pas le meilleur mécanisme, compte tenu de ce que nous avons et du genre de loi que nous avons; je dirais même plus que ça, compte tenu de son genre d'administration et d'opérations. C'est peut-être cela le meilleur mot "opérations".

Il ne faut pas se le cacher: sans vouloir faire subir de préjudice à qui que ce soit — ce n'est pas là mon intention — il demeure que nous devons tenir compte des plaintes que nous recevons en tant qu'élus du peuple aussi. Nous recevons des plaintes de la part de locataires, puis on en reçoit de la part de propriétaires également. Les locateurs, évidemment, nous disent que les gens de la Régie des loyers ne connaissent rien, qu'ils sont toujours du côté des locataires, qu'ils n'exigent pas assez. C'est le genre de plaintes qu'on a des propriétaires. Les locataires nous disent exactement le contraire: Ils ne connaissent rien à la Régie des loyers, ils exigent trop.

Qu'est-ce que vous voulez, M. le Président, c'est un arbitre qui se doit de prendre une décision. Quand il y a conflit entre deux parties concernées, si le conflit est réglé à la satisfaction d'une partie, c'est clair que l'autre n'est pas contente. C'est évident qu'on doit vivre un peu avec ce genre d'arbitrage, mais je pense qu'on n'a pas le mécanisme d'arbitrage qu'il faut, non plus. Nos gens, avec toute la bonne volonté que je leur reconnais, ne sont quand même pas des juges. Ce sont des administrateurs qui, de bonne foi, prennent des décisions, en se basant sur une certaine expérience. Mais je n'ai pas l'impression qu'on leur donne les outils pour faire un travail qui serait sans aucune critique. Alors, on se retrouve devant cette situation et il y a un risque.

De façon assez claire dernièrement, avec l'inflation, on a parlé du trust du pétrole; on parle du trust du sucre. Les prix montant en flèche. On nous a fait croire toutes sortes de choses pour justifier des augmentations, mais il reste que le problème est là. Il ne faudrait pas, non plus, en arriver, par une loi qui le permettrait, à un trust des loyers un bon jour, parce que seuls ceux qui ont les capacités d'investir beaucoup pourraient construire facilement et exiger n'importe quoi comme prix, sachant qu'il y a un marché de gens qui veulent des constructions nouvelles. A ce moment, on se retrouverait devant le trust des loyers. On se retrouverait devant un trust qui ressemblerait au trust du pétrole, au trust du sucre ou aux autres trusts qui font payer aux consommateurs plus cher que le prix normal, plus cher que cela ne vaut. Mais ils n'ont pas le choix, il faut passer par là.

M. le Président, j'espère du moins que le ministre, avec la bonne volonté et la bonne foi que je lui reconnais — cela ne veut pas dire que je pense qu'il va régler ça d'un coup, comme ça — retiendra l'idée que j'émets et qu'il y aura une possibilité d'envisager un certain mécanisme comme cela.

Je sais que ce n'est pas facile. A première vue, cela peut sembler difficile à dire: Si on demande que ce soit évalué d'avance, quand la construction sera terminée, il y aura peut-être des coûts différents. A ce moment-là, si on retient le mécanisme de l'évaluation à l'avance, si l'évaluation est en fonction du temps où l'évaluation est faite, si la construction a coûté 15p.c. de plus que prévu à cause de fluctuations économiques, je pense qu'il faut aussi considérer que comme la Société centrale d'hypothèques et de logement, qui fait certaines évaluations avant la construction, envoie des inspecteurs avant que la construction soit terminée pour voir si cela a été fait selon les normes, etc., etc., la même chose peut se produire dans ce domaine.

On me dira que cela va prendre bien du monde. Peut-être que cela va prendre des gens. Mais cela en prend aussi à la Régie des loyers pour surveiller tout ce qui se passe, pour recevoir toutes les plaintes. Et cela ne donne pas toujours satisfaction. Dans ce sens, je pense que cela donnerait satisfaction.

Je demande au ministre de retenir l'idée. Je ne lui demande pas de l'inscrire dans le présent projet de loi parce que, quand même, on a un temps qui est assez limité. Mais dans l'optique que le ministre veut déposer une loi permanente dès que le rapport Legault sur l'habitation sera déposé, je lui demande de retenir l'idée. Peut-être que nous pourrions la retrouver dans la loi permanente, cette idée, qui ferait qu'il y aurait réellement une possibilité de conciliation, c'est-à-dire ne pas empêcher les constructions nouvelles et empêcher les abus d'augmentation pour les nouveaux logements qui pourraient découler de l'article 22 du présent projet de loi.

Il y a beaucoup de choses que nous pour-

rions souligner à l'occasion de ce débat. Il y a, par exemple — j'y touche seulement un peu, sachant que le ministre, lundi matin, à onze heures, rencontrera des gens sur cette question particulière — un problème particulier qui mérite une solution à brève échéance parce que c'est un problème grave. Plusieurs locataires ont subi des préjudices parce que des propriétaires n'ont pas payé les factures d'électricité à temps. On a coupé l'électricité à certains propriétaires, en plein hiver, l'hiver dernier. Présentement, il y a encore une compagnie qui vient de faire faillite, qui s'appelle Piecaré Ltée — on devrait appeler cela Pied plat — avec $125,000 de dettes à l'Hydro-Québec. C'est évident que l'Hydro-Québec ne peut quand même pas supporter indéfiniment les comptes. Si le propriétaire ne paie pas, qu'est-ce que l'Hydro-Québec a comme recours légal présentement? C'est de couper l'électricité.

Bien, il reste que tous les locataires qui sont aux prises avec ce problème ne sont pas responsables mais ils en sont les innocentes victimes. Et on pourrait en nommer d'autres parce que pour l'an dernier, de juin 1973 à février 1974, il y en a une liste intéressante ici: les Immeubles Beauvarre à Charlesbourg, les Immeubles Beauvarre également à Charlesbourg, une autre sorte d'immeubles, Arthur Bussières, les Immeubles Fortin, Lorenzo Lali-berté, Stato Construction, Montmartre Construction, Immeubles Rémi, etc., etc. Ce sont tous des gens qui ont subi des dommages. Nombre de logements: il y en a qui ont 28 logements, d'autres 16, 25, 42 logements. Ce sont des locataires qui ont subi des préjudices.

Notre projet de loi actuel ne les couvre pas. Je sais que le ministre a accepté de recevoir les responsables du regroupement des locataires et qu'il en discutera avec eux de façon très objective. Je ne fais que le souligner parce que c'est le bon temps de le faire. Cela devrait paraître dans le projet de loi que nous avons aujourd'hui.

Je sais qu'il y a des possibilités d'amender le projet de loi, ou peut-être, par arrêté en conseil, de donner une possibilité à ces gens d'avoir une sécurité. Ce que j'ai nommé comme exemple, ce sont seulement des logements de Québec. Il y en a à Montréal. Il y en a dans toutes les villes du Québec. Il y a d'autres endroits où les locataires ne sont pas regroupés mais où ils ont quand même ce genre de problèmes.

Malheureusement, je ne pourrai acquiescer au projet de loi tel qu'il nous est présenté en raison de cette fameuse question des cinq ans. C'est surtout ça qui m'empêche d'appuyer le projet de loi. Si le ministre m'annonce qu'il a l'intention de faire des changements cela modifiera peut-être ma façon de voter. Mais, pour le moment, malheureusement, je ne peux pas accepter ça.

Alors, en deuxième lecture, j'attendrai la réplique du ministre et nous verrons ce qu'il y aura lieu de faire comme position à prendre. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): L'honorable ministre de la Justice. Son droit de parole mettra fin au débat de deuxième lecture.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de répliquer très longuement à nos honorables collègues d'en face, autant du Parti québécois que du Parti créditiste, excepté qu'on me permettra de m'étonner de l'attitude qu'ils ont annoncée en deuxième lecture, c'est-à-dire de voter contre ce projet de loi en deuxième lecture.

Même si on avait des critiques à adresser au projet de loi, ainsi qu'en a fait état le député de Maisonneuve et ainsi qu'en a fait état, à un degré moindre, le député de Rouyn-Noranda, je me demande où en est rendu le sens de la logique de nos amis d'en face de voter contre ce projet de loi, ce qui veut dire, M. le Président, si on est pour les suivre complètement — ceci simplement pour les fins de la démonstration que je veux faire — que si nos honorables collègues que je vois assis dans cette Chambre et qui m'entourent, les honorables collègues du Parti libéral, décidaient de suivre l'exemple des partis de l'Opposition, M. le Président, les locataires, l'année prochaine, n'auraient aucune protection contre l'inflation. C'est là la logique des partis de l'Opposition!

M. le Président, c'est quasi scandalisant de voir cette attitude de la part de nos honorables amis. Evidemment, je sais très bien...

M. MORIN: Pharisien, va!

M. CHOQUETTE: ... que le député de Maisonneuve et le député de Rouyn-Noranda sont des députés très intelligents et, d'ailleurs, ils ont beaucoup d'expérience dans cette Chambre. Ils y siègent depuis quatre ou cinq ans maintenant. Ce sont des parlementaires avertis. Ils connaissent les conséquences de leurs actes. M. le Président, devant cette intention manifestée de voter contre ce projet de loi absolument essentiel pour une large partie de la population du Québec, je rappelle à nos collègues les conséquences de leur vote. Il y a plus de 900,000 logements locatifs au Québec. Si on prend la famille moyenne comme étant de 4.2 personnes, cela veut dire qu'ils sont en train de se mettre à dos environ 3,600,000 personnes par un vote complètement ridicule et auquel ils ne croient pas, M. le Président, parce qu'au fond d'eux-mêmes, ils sont favorables à ce projet de loi.

C'est vrai qu'ils ont fait des critiques. Je ne nie pas qu'ils ont fait des critiques. Mais, en réalité, si le député de Maisonneuve et le député de Rouyn-Noranda étaient de ce côté-ci de la Chambre et qu'ils devaient présenter un projet de loi aujourd'hui pour venir en aide aux locataires du Québec et même aux propriétai-

res, ils présenteraient un projet de loi sensiblement identique à celui que je présente.

Evidemment, ils auraient tenu compte des critiques qu'ils m'ont formulées tout à l'heure et en ceci, je n'essaie pas de dénaturer leur pensée.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au ministre?

M. SAMSON: Oui, quelle attitude aurait le ministre s'il était de ce côté-ci?

M. CHOQUETTE: J'aurais une attitude logique, je peux vous le dire.

M. SAMSON: Vous auriez quoi comme attitude, si vous étiez ici?

M. CHOQUETTE: Je vais vous répondre. La question du député de Maisonneuve, est en même temps la vôtre.

M. BURNS: Ce n'est pas la même question.

M. CHOQUETTE: J'aurais peut-être fait des critiques au projet de loi, si j'étais de votre côté, mais j'aurais dit, à la fin de mon discours: Ce projet de loi va quand même protéger la majorité de la population québécoise. Par conséquent, je vais voter pour, mais quand nous arriverons en commission, par exemple, je vais suggérer des amendements au ministre pour améliorer son projet de loi. C'est l'attitude que j'aurais prise si j'avais été à votre place.

Je me demande si le député de Rouyn-Noranda n'est pas en train de se faire mener comme un petit garçon par le député de Maisonneuve!

M. SAMSON: Cela veut dire que le ministre...

M. CHOQUETTE: C'est ce que je me demande. Je commence par...

M. SAMSON: Est-ce que cela veut dire que le ministre se sentirait mieux de ce côté-ci de la Chambre? Il serait meilleur dans l'Opposition!

M. CHOQUETTE: Non, non! On n'a pas entendu un mot tantôt.

M. BURNS: Est-ce que je peux poser ma question maintenant?

M. CHOQUETTE: Oui, oui!

M. BURNS: C'est que, depuis le début de sa réplique, le ministre tourne ses regards vers le député de Louis-Hébert. Est-ce qu'il est en train de demander l'approbation à son successeur?

DES VOIX: Ah! Ah!

M. MORIN: II a besoin d'être approuvé; cela le rassure.

M. CHOQUETTE: Ecoutez! je répondrai à cela tout à l'heure.

M. BIENVENUE: Si on me le permet, M. le Président, une question de privilège. Je ne regardais pas moi-même, j'écrivais, mais je présume que mon collègue et ami...

M. BURNS: C'est peut-être vous qu'il regardait.

M. BIENVENUE: ... regardait le député de Louis-Hébert.

M. BURNS: C'est peut-être vous, le successeur.

M. CHOQUETTE: M. le Président, assez de ces trivialités et de ces plaisanteries! Je voudrais quand même un peu mettre nos honorables collègues devant leurs responsabilités.

Cela fait maintenant depuis 1966 que je suis en cette Chambre et franchement je n'ai jamais vu des partis d'Opposition manquer de façon tellement évidente à la logique et au bon sens de notre procédure parlementaire. Je dis qu'il est temps pour eux de se reprendre. Le député de Rouyn-Noranda s'est peut-être laissé embarquer un peu par le député de Maisonneuve.

Le député de Maisonneuve, vous savez, a pas mal de trucs dans son sac. J'ai l'impression là qu'il a embarqué un peu notre collègue. Notre collègue va le regretter, la semaine prochaine, quand il va retourner dans son comté de Rouyn-Noranda et que ses électeurs, en particulier ses électeurs locataires vont lui dire: Comment se fait-il, vous avez voté contre ce projet de loi? Que va-t-il pouvoir répondre?

M. LACROIX: Fabien s'est abstenu.

M. CHOQUETTE: Quant au député de Maisonneuve, je crois que lui, il essaie de nous passer un Québec vite fait, mais je ne suis pas pour le laisser faire sans le mettre au moins en contradiction un peu avec lui-même. En effet, je sais que le député de Maisonneuve est très fortement en faveur d'une législation établissant le contrôle des loyers. Alors, comment peut-il, même avec ses insuffisances, voter contre ce projet de loi?

Il est toujours temps aussi pour le député de Maisonneuve de rétablir sa position pour que ses opinions soient conformes au vote qu'il va exprimer en cette Chambre.

Qu'il nous dise en troisième lecture qu'il vote contre. C'est ça, la signification de la troisième lecture dans notre système parlementaire. Quand un projet de loi n'atteint pas les objectifs qu'il devrait réaliser, les députés peuvent l'exprimer par un vote négatif en troisième lecture. Mais ce n'est pas sur le principe du projet de loi en deuxième lecture qu'on doit manifester qu'on est insatisfait de certains aspects ou de certaines dispositions du projet de

loi, surtout lorsqu'on est pleinement d'accord sur le principe.

Alors, que nos honorables collègues pensent donc à cela et je pense qu'ils vont faire avec les autres députés de cette Chambre l'unanimité qui s'impose autour de cet excellent projet de loi.

Cela étant dit, je ne reviendrai pas sur tout ce que j'ai dit ce matin pour me répéter d'une autre façon. Je voudrais seulement, quand même, répondre à certaines des critiques qui ont été formulées par nos collègues.

Je pense que je leur dois cela, parce que je suis sûr qu'ils ont fait un effort sincère pour tenter de pointer — ce qui est leur rôle tout à fait légitime comme membres de partis de l'Opposition — les faiblesses de la loi que je présente.

Le député de Maisonneuve fait des reproches au ministre de la Justice pour avoir introduit cette disposition qui exempterait de l'application de la loi des logements pendant une période de cinq années à partir de la date de leur construction, en disant que je viens de sacrifier par là un principe adopté l'année dernière, à l'effet qu'il y avait une application universelle du contrôle des loyers à tous les logements locatifs du Québec.

Je suis parfaitement d'accord avec lui que possiblement il y a là une entorse au principe de l'universalité. Mais devons-nous nous faire mener, devons-nous prendre des décisions législatives exclusivement en fonction des principes? Il me semble que l'aspect pratique, empirique doit nous préoccuper aussi.

C'est en vertu de préoccupations de cet ordre que j'introduis cette notion de l'absence de contrôle durant les cinq premières années. En effet, je pense qu'on ne peut pas considérer les citoyens dans notre société seulement comme des propriétaires et des locataires. Il faut penser à eux comme à des travailleurs aussi et le député de Maisonneuve devrait être très sensible à cela. Les travailleurs de la construction, qui travaillent dans le domaine de l'habitation, si nous tarissons le régime de la construction domiciliaire, ce seront eux qui seront affectés; ce seront eux qui n'auront pas d'emploi dans le domaine de la construction.

Peut-être qu'à ce moment-là, dans quelque temps, le député de Maisonneuve serait bien fondé d'adresser des reproches au gouvernement et dire que le gouvernement n'a pas tenu compte des incitations qu'il devait apporter au point de vue de l'emploi dans la construction. Alors, je lui dis qu'il faut quand même tenir compte de cette dimension.

D'autre part, M. le Président, si nous devions, par un contrôle excessif, tarir d'une certaine façon la construction domiciliaire, nous engendrerions une crise dans le logement, dans le sens que le nombre de logements locatifs va diminuer. Le taux de vacance, qui est un taux qui existe en général dans les grandes agglomérations, va avoir tendance à tomber à zéro, et là, les propriétaires vont pouvoir se livrer à des surenchères de la part de locataires éventuels. C'est ce qui se produit dans les régimes les plus contraignants de contrôle des loyers. Lorsque le taux de vacance est tombé à zéro et que la mobilité des locataires en est sérieusement affectée, les locataires sont obligés de payer sous la table à des propriétaires pour avoir accès à un logement. Evidemment, ce paiement ne paraît pas dans le bail, ou bien on trouve toutes sortes de subterfuges, comme l'achat de meubles à des prix complètement ridicules, pour contourner la loi qui interdit de payer ce que l'on appelle des pas de porte.

Il faudrait faire attention que notre législation en matière de contrôle des loyers ne nous mène pas à une crise du logement où il y a rareté de logements disponibles, avec les conséquences que cela entraîne, au point de vue des locataires en général, qui n'auraient, pour ainsi dire, plus de choix, et aussi les obligations qui en découleraient de payer des montants pour obtenir des endroits vacants, ou encore une réduction de l'activité dans le domaine de la construction.

Alors le gouvernement se devait, M. le Président, de tenir compte de cette dimension très importante de la situation. C'est la raison pour laquelle, devant les statistiques de l'année dernière qui indiquent généralement, au Canada, une baisse dans la construction domiciliaire, nous avons cru qu'il était plus prudent de donner cette latitude aux logements construits depuis moins de cinq ans de ne pas subir le contrôle de la Régie des loyers.

Le député de Maisonneuve et le député de Rouyn-Noranda nous disent que cela, en plus de défaire le principe de l'universalité, va avoir des conséquences sur les locataires qui n'auront pas la protection que leur donne la loi. Mais, M. le Président, il s'agit là d'une partie assez infime de la population parce que la plupart des gens habitent des logements construits depuis plus de cinq ans. Donc, il s'agit d'un pourcentage très faible de la population.

Au surplus, les gens qui vont s'installer dans de nouveaux logements sont généralement des gens qui ont un peu plus de moyens économiques que d'autres et je pense qu'ils pourront se défendre, sur le plan économique, avec leur propriétaire. N'oublions pas que le locataire n'est pas exclusivement une victime du propriétaire. Le locataire peut réagir contre les demandes abusives du propriétaire en disant: Je n'accepte pas les augmentations que vous me proposez, je quitte les lieux, ou enfin, je prends des mesures de cet ordre. Par conséquent, il ne faudrait quand même pas dramatiser et exagérer la situation du pauvre locataire qui n'est pas protégé durant les cinq premières années. Quand on regarde la situation à Montréal — et je pense bien que le député de Maisonneuve la connaît autant que moi — les constructions nouvelles ont généralement ou, hélas! peut-être un peu trop souvent, des appartements assez

luxueux qui ne sont pas nécessairement accessibles aux classes populaires. Je le déplore.

Evidemment, je ne prétends pas, comme je l'ai dit ce matin, que cette loi est une politique de l'habitation. C'est peut-être une partie éventuelle et importante d'une politique de l'habitation, car je ne suis pas revenu des idées que j'ai déjà exprimées en cette Chambre. Quand on intervient dans les mécanismes économiques, surtout les mécanismes économiques qui ont autant de portée que le domaine de l'habitation et du logement, il faut, je pense, le faire avec une certaine prudence.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je n'ai pas cru que je devais cette année présenter une législation permanente et structurer la Régie des loyers d'une façon permanente tant et aussi longtemps que nous n'avions par le rapport du comité de l'habitation que j'ai institué avec le concours du ministre des Affaires municipales et qui est présidé par M. Guy Legault, de la ville de Montréal.

Ce comité, je suis heureux de sa composition, je l'exprime bien franchement à la Chambre. Je crois que le comité a une variété de personnes intéressées à ce domaine-là, comporte des personnalités reconnues pour leur compétence et leur objectivité, même si elles sont identifiées à certains milieux ou à diverses activités dans le secteur du logement et l'habitation. J'ai confiance que ce comité pourra vraiment nous apporter une opinion, un avis sur une législation permanente dans ce domaine et également comment cette législation permenen-te devrait se marier avec d'autres législations, d'autres mesures ou d'autres politiques gouvernementales de l'habitation.

Je crois, M. le Président, que tout le travail n'est pas à reprendre à zéro. Premièrement, parce que le Québec commence à avoir une expérience assez importante dans le domaine du contrôle des loyers, et même si le député de Rouyn-Noranda fait de l'humour en disant qu'il espère ne pas être à la Chambre pour célébrer les noces d'argent ou les noces d'or de ce genre de loi.

M. SAMSON: J'ai dit que j'espérais que vous ne les fêteriez pas. Ce n'est pas pareil.

M. CHOQUETTE: Je pensais que vous souhaitiez ne plus être à la Chambre, excusez-moi.

M. SAMSON: Vous seriez le premier à le regretter.

M. CHOQUETTE: Même si le député de Rouyn-Noranda nous a dit qu'il espérait ne pas assister aux noces d'argent de ce projet de loi, il a dit cela pour souligner le fait que c'est à peu près la 21e fois que ce genre de législation est présenté dans ce Parlement, et c'était absolument exact. Malgré tout, il faut dire qu'il découle de cette situation une expérience que d'autres provinces et d'autres pays ne possèdent pas dans le domaine du contrôle des loyers. Je dirais aussi au député de Rouyn-Noranda que j'ai eu la visite récemment du procureur général de la Colombie-Britannique, M. Alex MacDonald, un homme que j'estime hautement, d'ailleurs membre du Nouveau parti démocratique. Or, cette province est aux prises avec des problèmes de contrôle de logement chez elle et ses dirigeants viennent au Québec justement pour étudier notre expérience. Ceci me permettra également de répondre d'une certaine façon à une autre objection du député de Maisonneuve.

Le député de Maisonneuve voudrait que nous fixions un pourcentage d'augmentation qu'on pourrait évidemment dépasser, mais en renversant le fardeau de la preuve sur le propriétaire. Je dirai au député de Maisonneuve que la Colombie-Britannique a fait l'expérience de ce pourcentage d'augmentation; même l'année dernière, en Colombie-Britannique, le pourcentage autorisé pour les augmentations de loyer était de 8 p.c. Or, la Colombie-Britannique s'est aperçu que ce genre de pourcentage ou de taux général qui s'applique à tous les logements et qui ne tient pas compte des cas particuliers, des situations particulières des propriétaires et des locataires, avait un effet infla-tionnaire sur le marché et, deuxièmement, était aussi injuste suivant les circonstances soit pour le propriétaire, soit pour le locataire.

C'est la raison pour laquelle la Colombie-Britannique se prépare à laisser, à abandonner ce système d'augmentation autorisée en termes de pourcentage pour en venir à un système comme celui du Québec. Je voudrais également faire part au député d'une autre expérience d'un genre assez semblable, celle de la ville de New York, où, avec beaucoup de contradictions d'année en année, on a suivant les circonstances autorisé des augmentations de 4 p.c, 5 p.c; d'autres années, on a gelé les loyers. M. le Président, vous êtes notaire et par conséquent, vous êtes extrêmement familier avec tout ce qui concerne les matières immobilières, puisque c'est votre spécialité, M. le Président, cette politique de pourcentage d'augmentation de loyer, a apporté des conséquences désastreuses pour la ville de New York.

Certains propriétaires ont carrément abandonné leurs immeubles ne voulant plus les entretenir, ne voulant faire aucune réparation, ne voulant même pas payer les taxes municipales, les polices d'assurance, en somme voulant se départir d'un investissement encombrant qu'ils ne pouvaient même pas réussir à vendre à d'autres propriétaires.

Voilà où un contrôle des loyers abusif, exagéré peut mener. Je ne raconte pas d'histoire, on pourra se renseigner en lisant les articles publiés dans le New York Times sur cette question et qui démontrent que le contrôle des loyers, même si c'est une chose à laquelle je suis favorable, encore faut-il qu'il donne un rendement suffisant au propriétaire pour qu'il entre-

tienne son immeuble, pour qu'il paie ses taxes foncières, pour qu'il paie ses coûts d'administration en fait. Le contrôle des loyers doit nécessairement être compatible avec l'aspect économique de la propriété immobilière. Et même si nous avons des objectifs sociaux, si ces objectifs doivent faire abstraction de considérations économiques, eh bien, ils vont avoir des conséquences sociales désastreuses à long terme en ce sens que, finalement, il n'y aura pas suffisamment de logements pour tout le monde ou encore, comme je le disais plus tôt, un certain nombre de pratiques répréhensibles vont s'instaurer dans le marché.

En revenant au député de Rouyn-Noranda, je dis donc que malgré que cela fait 20 ans que nous avons ce genre de législation, elle a quand même subi certaines transformations au cours des années. Il y a eu une évolution, surtout dans les dernières années, vers le principe de l'universalité. Il y a eu une évolution vers une législation plus souple et qui s'est assez habilement mariée, je pense, même si elle était temporaire, avec les dispositions nouvelles du code civil. De telle sorte qu'aujourd'hui le comité présidé par M. Legault est muni d'une expérience très précieuse pour analyser les répercussions possibles du contrôle des loyers et surtout de l'établissement d'une législation et d'organismes permanents dans ce domaine.

J'ajouterai finalement que je n'ai pas attendu le mois dernier pour vraiment commencer à faire faire des études sociales ou économiques sérieuses sur la question parce que j'avais constitué au début de l'année un minigroupe, composé de M. Claude Chapdelaine, de M. Daniel Jacoby, du professeur Joseph Chung qui a commandité des recherches à l'Université du Québec à Montréal, qui a recueilli une documentation très importante sur le sujet, documentation qui va être remise à ce comité beaucoup plus large d'une dizaine de membres présidé par M. Legault. Je pense que l'année prochaine nous serons en position de prendre une meilleure décision, du moins une décision plus éclairée que celle que nous pourrions prendre cette année, à la lumière des renseignements, de l'expérience que nous possédons, au moins une décision où nous aurons minimisé les risques économiques et sociaux pour la population québécoise.

Ce n'est pas parce que je considère qu'aujourd'hui, en présentant ce projet de loi, nous accomplissons un grand pas en avant. Je n'aurai pas l'audace de soutenir cela devant la Chambre, mais au moins nous savons que nous protégeons la grande partie de la population québécoise. Nous savons que nous la protégeons contre l'inflation dans une certaine mesure, du moins pour ce qui est du logement, ce qui est pas mal plus que ce qui se fait dans d'autres secteurs parce que, après tout... je vois le chef de l'Opposition plongé dans une lettre qu'il est en train de lire et qui omet de m'écouter avec l'attention qu'il pourrait peut-être m'accorder.

Eh bien, le chef de l'Opposition a soulevé très fréquemment le problème en cette Chambre en adressant un oeil réprobateur au premier ministre, si ce n'est pas un doigt pointé dans sa direction pour lui dire: Qu'est-ce que vous faites pour combattre l'inflation? Accusation grave s'il en est. Je sais que le premier ministre en a été vivement impressionné à plusieurs reprises, à ce qu'il m'a dit. Mais pour une fois que le gouvernement agit contre l'inflation dans le domaine du logement, il faudrait quand même qu'il ait d'une certaine façon un peu l'appui de l'Opposition. Il faudrait qu'il ait un peu de cet appui.

Vous savez que tous les domaines de l'inflation ne sont pas des domaines de compétence provinciale. Il appartiendrait plutôt à M. Pierre Elliot Trudeau, à Ottawa, de prendre des mesures pour combattre l'inflation en général. Enfin, je n'apprends rien à personne, mais c'est quasi impossible de combattre l'inflation. Nous n'avons pas à notre disposition les politiques de crédit dont dispose le député de Rouyn-Noranda, en vertu des théories du major Douglas, et le contrôle de la Banque du Canada. Nous n'avons pas non plus à notre disposition l'indépendance et le contrôle de notre Etat, de nos outils...

M. SAMSON: On n'a pas encore le contrôle complet.

M. CHOQUETTE: ... comme l'ont nos collègues du Parti québécois.

M. MORIN: Très bien, je suis heureux de vous entendre reconnaitre ces faits.

M. CHOQUETTE: Par conséquent, nous, pauvres petits, nous sommes bien démunis.

M. MORIN: Impuissants plutôt ! M. SAMSON: Vous n'avez rien.

M. MORIN: Impuissants plutôt !

M. CHOQUETTE: Non, non! M. le Président, je ne voudrais pas quand même que l'on caricature ce que le gouvernement peut faire. Dans un domaine comme celui du logement — et le chef de l'Opposition devrait l'admettre — nous pouvons agir et nous agissons. Je ferai remarquer au chef de l'Opposition qu'il y a bien des provinces canadiennes qui n'ont pas un système de contrôle de loyers aussi avancé que le nôtre. Le chef de l'Opposition le sait. Il n'y a que la Colombie-Britannique qui a commencé à imiter le Québec, et encore s'agit-il d'un parti, le Nouveau parti démocratique, qui est assez à gauche, d'après les déclarations que j'ai lues dans les journaux, que ce gouvernement Nouveau parti démocratique suive un minable petit parti conservateur-libéral comme le nôtre, je me demande où est la logique dans tout cela.

Je dirai au chef de l'Opposition que je suis allé en Colombie-Britannique...

M.MORIN: Nous n'irions pas si loin que cela, mais enfin si vous y tenez aux mots "minable" et "conservateur", libre à vous.

M. CHOQUETTE: Ces parce que nous savons rire de nous-mêmes. Nous ne nous prenons pas au sérieux autant que le chef de l'Opposition.

Je suis allé en Colombie-Britannique, M. le Président et j'ai vu ce gouvernement à l'oeuvre. Il comporte certainement des personnalités remarquables, entre autres, celle de M. MacDonald. Je vous dirai que nous politique au Québec est aussi avancée, dans le domaine social et économique, que le gouvernement de la Colombie-Britannique, aussi avancée. Alors, je crois que le chef de l'Opposition est injuste à l'égard du gouvernement actuel et qu'en votant contre ce projet de loi, il ajoute à cette injustice, chose qu'il va regretter en fin de semaine. Il va dire: Comment se fait-il que j'aie pu poser un geste qui n'honore pas suffisamment une loi importante apportée par le gouvernement qui, après tout, fait la part des choses et ne veut pas lancer le Québec dans une aventure économique avec des conséquences imprévisibles?

Durant l'année, je pense que j'aurai un rapport de la part du comité présidé par M. Legault. Ce rapport sera rendu public. J'ai demandé au comité d'étudier en priorité cette question de contrôle des loyers, parce qu'il faudra bien en finir un jour, de cette affaire. Comme l'a dit si bien le député de Rouyn-Noranda, cela fait 21 fois qu'un ministre de la Justice ou un Secrétaire de la province se présente avec ce genre de loi dans cette Chambre, toujours en promettant que, l'année prochaine...

M. SAMSON: Vingt-trois fois!

M. CHOQUETTE: Vingt-trois fois, c'est beaucoup. M. le Président, ces mécanismes sont compliqués, et des erreurs peuvent être coûteuses sur le plan économique et sur le plan de l'emploi. J'ai répondu d'une certaine façon à une autre critique du leader du Parti québécois lorsqu'il a parlé du problème de la permanence de la loi et du problème de la permanence de l'organisme. Lorsque nous aurons le rapport du comité Legault, je crois que nous pourrons être mieux rassurés sur les mesures permanentes dans ce domaine.

Finalement, M. le Président, je ne voudrais pas terminer mon intervention sans quand même faire quelques commentaires sur la suggestion du député de Rouyn-Noranda au sujet d'un mécanisme d'évaluation des immeubles et des loyers dans le temps. M. le Président, c'est absolument impensable qu'un tel organisme puisse être créé. Vous savez comme moi qu'un propriétaire d'immeuble doit subir la surprise de l'augmentation des taxes foncières et municipales, et on ne sait pas d'avance ce que les organismes publics vont imposer comme taxes foncières.

Il doit subir la surprise de l'augmentation du coût du pétrole. Je me rappelle très bien qu'il y a quelques années le gallon de pétrole se vendait $0.12 ou $0.13. Eh bien! aujourd'hui, le gallon d'huile à chauffage est rendu dans les $0.33, $0.35 ou $0.36. Cette augmentation a eu lieu l'année dernière, lorsque les pays arabes ont appliqué cet embargo sur le pétrole, ce qui a fait monter le prix de l'huile à chauffage partout dans le monde.

Alors, comment pourrait-on savoir d'avance ce qui va se passer au point de vue économique? Ce sont justement ça, les risques de la propriété. C'est d'assumer un certain nombre de ces risques possibles contre le fait de recevoir des loyers qui, eux, ont une certaine stabilité.

M. BURNS: Qu'est-ce qu'on fait dans le cas des conventions collectives? On tente d'évaluer l'augmentation du coût de la vie à venir. C'est exactement ce que l'on fait.

M. CHOQUETTE: Ah! Si on devait avoir une politique d'indexation appliquée à tous les domaines, je sais que cela pourrait se défendre. Si on devait dire qu'on va indexer les salaires, les loyers, les prix, cela pourrait se défendre, parce que, toutes choses étant égales d'ailleurs, s'il y a augmentations de l'indice du coût de la vie, eh bien, tous les prix monteraient en même temps et les positions respectives des partenaires économiques resteraient exactement les mêmes.

Il y a certains pays qui pratiquent cette indexation générale. Je pourrais donner l'exemple du Brésil, l'exemple de la Belgique, que le chef de l'Opposition a visitée cet été, au cours d'un voyage où il a fait des déclarations que j'ai eu le plaisir de lire dans les journaux belges. L'indexation est une solution qui fonctionne d'une certaine façon. Mais est-ce qu'elle n'encourage pas, justement, ce cycle inflationniste sans limite? Par conséquent, encore là faut-il peser les risques de l'opération.

Le chef de l'Opposition sait que les Belges sont un peuple bien pacifique, très bourgeois, très peu contestataire, riche, cossu. La richesse belge est très considérable.

M. MORIN: La question n'est pas là. Comment le ministre fait-il pour dire que l'indexation contribue à l'inflation, alors qu'elle a pour but, justement, d'en corriger les effets?

M. CHOQUETTE: Non, non! Elle s'adapte à une inflation qui peut être chronique. Je veux dire que c'est une manière de s'adapter au phénomène de l'inflation comme à un phénomène permanent. C'est une manière d'avoir des institutions souples, compte tenu de cette réalité inflationniste. Je ne dis pas que la solution brésilienne ou belge est mauvaise. Je dis que c'est une politique vis-à-vis du phénomè-

ne inflationniste. Il y a d'autres pays qui, pour juguler l'inflation, essaient de réduire certaines causes de cette inflation, qu'elle ait une origine monétaire ou encore qu'elle résulte de l'augmentation des coûts de production, etc. Mais tout ça est un débat économique extrêmement complexe et le fait est, pour qui lit un peu sur ces questions, que les plus grands économistes aux Etats-Unis ne pensent pas la même chose sur ces problèmes et que personne n'a la solution à ces problèmes, à l'heure actuelle.

Il y a M. Milton Friedman, un grand économiste américain, M. Greenspan, qui est le conseiller économique du président Ford, des professeurs de Harvard; il n'y en a pas un qui pense de la même façon et, surtout, il n'y en a pas un qui a trouvé le moyen d'arrêter l'inflation actuelle.

Alors, c'est très beau de venir préconiser des solutions qui ont une apparence de véracité ou de crédibilité. Mais encore faut-il constater que ceux qui peuvent penser qu'ils ont ces solutions à leur portée, eh bien, sont les seuls à le penser parce que la plupart des gens sérieux constatent que les gouvernements actuels, quels qu'ils soient, pas juste le gouvernement du Québec, sont largement démunis devant le phénomène inflationniste.

Je me suis laissé entraîner pour parler d'inflation; c'est le chef de l'Opposition qui m'a amené sur ce terrain par ses interruptions constantes et son agressivité qu'il me décerne habituellement. Mais cela me fait plaisir quand même d'avoir eu l'occasion de parler un peu à ce niveau avec lui. Tout cela pour dire que le gouvernement du Québec n'est franchement pas en reste vis-à-vis d'autres gouvernements quant à prendre ses responsabilités, soit sur le plan économique, soit sur le plan social, dans le domaine de l'habitation et du logement.

Nous sommes vraiment en Amérique du Nord et peut-être même dans le monde une des provinces ou un des pays les plus avancés au point de vue des mesures sociales que nous avons mises de l'avant. La preuve en est ce projet de loi sur le logement, qui n'a pas son pareil, vraiment, dans d'autres endroits du globe.

Donc, je dis, M. le Président, que l'on peut constater nos réalisations dans ce domaine comme dans d'autres, dont le domaine de l'aide juridique. Moi aussi, M. le Président, je voyage de temps à autre. Il n'y a pas que le chef de l'Opposition et le leader du Parti québécois qui font de beaux voyages. Le ministre de la Justice s'échappe.

M. BURNS: On ne s'appelle pas Ulysse, nous autres !

M. MORIN: Ulysse Choquette!

M. CHOQUETTE: Non, mais je dis que, quand même, dans certains domaines de la législation sociale, nous n'avons pas grand-chose à envier à d'autres pays qui passent pour les plus progressistes au monde, la Suède, par exemple, et d'autres pays. Là, je suis franchement en état de digression par rapport au projet de loi, mais je voulais situer ce projet de loi dans le contexte général des mesures bienfaisantes que le gouvernement actuel...

M. MORIN: Nous n'avons rien à envier à la Suède, dites-vous?

M. CHOQUETTE: Pardon?

M. MORIN: Nous n'avons rien à envier à la Suède?

M. CHOQUETTE: Je dis dans beaucoup de domaines. Je crois que le chef de l'Opposition est mesquin quand il dit cela. Je crois qu'il est trop sévère, trop critique...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre! Vous en reparlerez au retour d'un prochain voyage! Si vous voulez revenir...

DES VOIX: Ha, ha!

M. CHOQUETTE: Je m'incline, M. le Président, je m'incline. Mais tout cela pour conclure, M. le Président, que je ne vois pas de bonnes raisons pour que nos collègues d'en face votent contre ce projet de loi.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque l'article 96. La raison remonte à plusieurs minutes. Je n'ai pas voulu interrompre le ministre de la Justice, parce que le règlement me dit que je dois faire cela après son intervention.

Il y a plusieurs minutes, le ministre de la Justice nous a accusés, le député de Rouyn-Noranda et moi, de vouloir qu'aucune protection ne soit donnée aux locataires contre l'inflation et c'est de cette façon qu'il interprétait le vote que je m'apprête à donner contre le projet de loi. Je veux tout simplement lui dire que, dans mon intervention — et c'est là-dessus que j'invoque l'article 96 — j'ai mentionné que je voterais contre le projet de loi pour deux raisons: D'une part, pour des choses qui se trouvent dans le projet de loi, c'est-à-dire l'addition ou, si vous voulez, la régression complète en matière de couverture ou, si vous voulez, de l'aspect universel de la loi qui est détérioré, à mon avis, par les amendements. C'est en ce sens que les gens qui habiteront des maisons construites depuis cinq ans ne seront pas couverts, une chose qui se trouve dans la loi et que je ne peux pas accepter, que je considère comme étant un des principes de la loi. C'est, deuxièmement, pour des choses qui ne sont pas dans la loi et que j'aurais aimé voir dans la loi. Ce n'est sûrement pas contre une protection des locataires à l'endroit de l'inflation que je motive mon vote contre le projet de loi. Je trouve que le

projet de loi aurait dû être tout autre que ce qu'il est. Dans ce sens, je pense que c'est mon devoir de député de l'Opposition de voter contre, le projet de loi, même si j'admets que, dans l'immédiat, comme pis-aller, cela apporte quand même mieux que rien. Mais je me sens l'obligation, pour les raisons mentionnées, de voter contre le projet de loi.

Ce faisant, M. le Président, je vous demande un vote enregistré. Je pense qu'il y a le député de Rouyn-Noranda qui est d'accord sur cela, le député de Sauvé, le député de Maisonneuve. Je pense que le ministre de l'Immigration, qui, normalement, devrait en valoir deux, m'a dit qu'il serait d'accord pour qu'un vote enregistré soit pris.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): On va le lui demander.

M. BIENVENUE: Etant donné que, comme l'a dit le député de Maisonneuve, je considère modestement que j'en vaux deux, M. le Président, cela fait cinq ! Vote enregistré.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture du projet de loi no 80 veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Choquette, Lachapelle, Goldbloom, Quenneville, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Massé, Har-vey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Desjardins, Perreault, Brown, Kennedy, Bédard, (Montmorency), Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Pilote, Lamontagne, Assad, Carpentier, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Bellemare (Rosemont), Bonnier, Boudreault, Marchand, Leduc, Caron, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Massicotte, Mercier, Pagé, Sylvain, Tardif, Vallières, Verreault.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy.

LE SECRETAIRE: Pour: 51. Contre: 6.

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no 80 soit déféré à la commission parlementaire de la justice pour étude article par article.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Article 2.

Projet de loi no 77 Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives propose la troisième lecture du projet de loi no 77, Loi modifiant la loi des compagnies de fidéicommis.

M. LEVESQUE: Adopté.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, simplement pour expliquer le sens de notre vote. Nous voterons contre le projet de loi no 77 en troisième lecture. Nous avons, le député de Lafontaine et moi-même, longuement exposé, lors de l'étude en commission plénière de ce projet de loi, notre réprobation d'une attitude d'impuissance de la part du gouvernement qui se déclare absolument incapable d'utiliser une juridiction que nous croyons que ce gouvernement a, et que, d'ailleurs, on retrouve à plusieurs endroits dans le projet de loi qu'on amende. Nous trouvons entre autres, M. le Président, que le fait d'avoir une politique qui manque d'agressivité à l'endroit — et je répète ces mots, même si, l'autre jour, le ministre m'a reproché de parler d'agressivité, ce n'est pas une agressivité à l'endroit des parlants anglais — de la juridiction concurrente du fédéral en matière de formation de compagnies, en particulier de compagnies de fidéicommis.

Je n'ai pas à répéter tous les arguments que nous avons soumis l'autre jour, le député de Lafontaine et moi-même. Je ne veux pas recommencer un débat, je veux simplement dire, M. le Président, que nous voterons contre le projet de loi no 77 en troisième lecture.

M. ROY: M. le Président, quelques mots seulement.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. ROY: Quelques mots seulement sur ce projet de loi, M. le Président. Je ne veux pas revenir sur le débat que nous avons tenu en deuxième lecture ni revenir sur les arguments que j'ai invoqués à l'occasion de l'étude en commission plénière. Je veux tout simplement dire que le gouvernement, par ce projet de loi, vient de rater une belle occasion de se donner de véritables pouvoirs pour s'assurer de la façon dont l'épargne québécoise est canalisée et de la façon dont l'épargne est administrée, et aussi, pour être en mesure de vérifier si nos économies servent à notre développement économique.

M. le Président, il y avait des dispositions, dans ce projet de loi, qui concernaient l'obligation des institutions, quelles soient nationales, multinationales, américaines ou québécoises, de porter un nom français. J'ai dit que c'était une mesure à laquelle nous souscrivions. Mais le gouvernement avait l'obligation de se donner plus de pouvoirs de vérification, je ne dirai pas de pouvoirs de contrôle comme tels mais des pouvoirs de vérification pour se donner les mécanismes nécessaires qui, par des mesures incitatives, pourraient faire en sorte que nos économies, nos épargnes soient canalisées et orientées en vue de notre développement économique.

M. le Président, un petit point en dernier lieu que je tiens à souligner à l'attention du ministre. A la suite de l'adoption des dispositions des articles de ce projet de loi et compte tenu de la réglementation qui prévaut dans l'ensemble des politiques adoptées sous la responsabilité du ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, j'ai dit au ministre et je dis au ministre d'être extrêmement prudent, pour ne pas obliger quelques petites institutions québécoises qui actuellement rendent des services immenses dans leur milieu, de s'enregistrer comme société de fiducie et de tomber sous la tutelle de la loi actuelle qui les oblige d'avoir $1 million de capital social, ce qui signifierait leur disparition pure et simple.

Or, ce sont les points sur lesquels j'ai voulu attirer l'attention du ministre. Je profite de la troisième lecture pour les rappeler à son attention, mais compte tenu du fait que nous n'avons aucune garantie, que nous n'avons aucune certitude et compte tenu du fait également — et je n'ai pas à répéter les mêmes paroles que mon collègue de Maisonneuve vient de dire — qu'il y a des dispositions dans ce projet de loi qui font que le gouvernement du Québec ne prend pas toutes ses responsabilités et qu'il laisse une porte ouverte aux autres de venir chez nous, sans que le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives ait son mot à dire, c'est une loi qui pour nous est inacceptable. Je voterai donc contre la troisième lecture.

M. William Tetley

M. TETLEY: M. le Président...

LE PRESIDENT: Le ministre exerce sont droit de réplique.

M. TETLEY: ... quelques commentaires très brefs. Au sujet de la langue, nous avons adopté, ici à l'Assemblée nationale, la Loi sur la langue officielle, la loi no 22. Nous avons de plus, M. le Président, par cette loi incité d'autres provinces à gir dans la constitution et suivant la loi et au lieu d'essayer de changer les noms de compagnies fédérales ou extra-provinciales — ce qui est illégal pour notre Assemblée nationale — nous avons incité ces provinces et ces autres juridictions à suivre notre exemple. Je répète la bonne nouvelle que j'ai annoncée hier: d'autres provinces m'ont téléphoné, sont venues me voir, m'ont même écrit à l'effet qu'elles vont suivre notre exemple d'avoir des noms français et anglais. Je peux dire que j'ai visité Toronto, récemment et le ministre de la Consommation et des Corporations d'Ontario m'a donné lui-même cet avis.

Donc, M. le Président, je crois que le Québec a agi dans le plus grand bon sens, dans l'amitié plutôt que dans la force et c'est pourquoi je crois que cette loi amicale doit être adoptée sans délai.

LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de troisième lecture du projet de loi no 77 est adoptée?

M. BURNS: M. le Président, sans demander un vote enregistré, je voudrais tout simplement qu'on note la dissidence du chef de l'Opposition, du député de Sauvé, du député de Saguenay, du député de Chicoutimi et du député de Maisonneuve.

M. ROY: Sans oublier celle du député de Rouyn-Noranda et du député de Beauce-Sud.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Adopté sur division avec la dissidence des députés précités.

M. LEVESQUE: Article no 26).

Projet de loi no 59 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Le vice-premier ministre, ministre des Affaires intergouvernementales et leader parlementaire, dit de la majorité, propose la deuxième lecture du projet de loi no 59, Loi

du ministère des Affaires intergouvernementales.

M. BURNS: M. le Président, on devrait dire le ministre indispensable.

M. Gérard-D. Levesque

M. LEVESQUE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, le projet de révision de la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales, dont j'ai l'honneur de proposer l'approbation en deuxième lecture aujourd'hui, a deux objets principaux. Le premier est de l'ordre de la gestion et a pour but de parfaire l'institutionnalisation de la fonction de coordination du ministère, de manière à en faire un instrument efficace au service des ministères sectoriels.

Le deuxième objet principal consiste, d'autre part, à énoncer les éléments fondamentaux du cadre politique dans lequel s'inscrit l'action du Québec en matière de relations intergouvernementales. Ce sont là les deux aspects du projet de loi sur lesquels je voudrais attirer votre attention pendant les quelques minutes qui suivront.

Si on l'envisage d'abord d'un point de vue organique, ce projet vise essentiellement à compléter la mise en place de l'instrument de coordination qu'est le ministère des Affaires intergouvernementales. L'institutionnalisation de la fonction de coordination des relations avec l'extérieur dans un régime fédéral comme le nôtre semble une nécessité dans tout appareil gouvernemental digne de ce nom. En effet, la mise au point d'une telle structure a pour effet essentiellement de favoriser la cohérence des actions des diverses administrations publiques à l'extérieur du Québec.

Or, dans un régime de type fédératif, ce qui distingue, en fait sinon juridiquement, l'Etat membre de la fédération d'un organisme administrativement décentralisé, c'est précisément la concertation des différentes parties de l'appareil étatique qui le gouverne. Cette concertation permet en fait d'affirmer l'existence d'un gouvernement. Au plan interne, cette fonction est assumée par le ministère du Conseil exécutif. Au plan externe, elle appartient au ministère des Affaires intergouvernementales.

De l'efficacité de cet instrument dépend, en fait, du point de vue externe, la consistance d'un ordre de gouvernement distinct du gouvernement central au Canada. Quelles que soient les garanties apportées par la constitution aux pouvoirs des Etats membres de la fédération, il est clair que dans les faits la multiplication de rapports purement sectoriels entre le gouvernement fédéral et les divers ministères provinciaux risquerait fort d'avoir pour effet de créer, à toutes fins utiles, une subordination de l'administration québécoise ainsi sectorialisée par rapport à l'administration centrale située, elle, dans un véritable ordre de gouvernement.

C'est donc l'existence même du fédéralisme canadien qui requiert la mise sur pied, au sein des divers Etats membres de la fédération, d'organismes de coordination des relations avec l'extérieur destinés à réaliser la tâche exigeante d'assurer la cohérence des actions externes par rapport à la politique interne du gouvernement.

Cette tâche est devenue au cours des quinze dernières années, de plus en plus exigeante. Comme chacun le sait, l'élargissement des champs d'intervention des gouvernements au Canada, d'une part, et l'ouverture sur l'extérieur, d'autre part, provoquée par la révolution tranquille, ont généré une progression géométrique de relations avec les autres gouvernements canadiens, avec les gouvernements étrangers, leurs ministères et organismes, et avec plusieurs organisations internationales dans les domaines les plus diversifiés.

C'est dans cette perspective que le projet de révision de la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales doit être envisagé. Sur ce point de vue, il constitue la troisième étape de la mise au point de cet instrument de coordination dont le gouvernement a un besoin essentiel pour ses relations avec l'extérieur: l'étape de la révision des moyens.

On se rappellera que la première étape, celle de la naissance du ministère, a été franchie en 1961, dès le début du gouvernement de M. Lesage. En adoptant la Loi du ministère des Affaires fédérales-provinciales, le Parlement du Québec confiait alors en termes très généraux au ministère le mandat de coordonner les relations du Québec avec le gouvernement central et les gouvernements des autres Etats membres de la fédération canadienne.

On peut aisément comprendre qu'à cette époque il a paru opportun de définir le rôle du ministère en termes suffisamment généraux pour permettre de faire l'expérience de ce qui était alors le premier instrument de ce type à être institutionnalisé au Canada. Il est clair que dans un tel contexte un excès de souplesse valait mieux qu'un excès de rigidité.

Notons en passant que pendant cette même année, la Loi des agents généraux qui prévoit la nomination des représentants du Québec à l'étranger était révisée en profondeur de manière à pourvoir dorénavant, sous l'autorité du ministre de l'Industrie et du Commerce, à l'organisation de maisons du Québec à l'étranger.

Ces deux démarches législatives témoignent, en fait, de l'entrée du gouvernement du Québec dans l'ère moderne. Il y aurait beaucoup à dire sur cette période dont peu d'entre nous avons été témoins comme membres de cette Assemblée, et je m'exclus. Mais je ne m'arrêterai pas sur la fécondité de ce passé mémorable, si ce

n'est pour souligner la continuité dans laquelle se situe le gouvernement actuel par rapport à la préoccupation d'efficacité de gestion des affaires de l'Etat qui a caractérisé cette époque.

La deuxième étape de la mise en place de notre structure de coordination a été franchie en 1967, alors que cette Assemblée adoptait une modification à la loi organique du ministère, de manière à élargir son champ de compétence aux relations internationales. Cet amendement permettait de consacrer dans une loi le résultat d'une série de gestes significatifs posés par le Québec sur la scène internationale depuis 1961 et dont les plus importants résident sans doute dans les accords de coopération conclus avec la France en 1964 et en 1965. Cette loi de 1967, qui conféra au ministère son appellation de ministère des Affaires intergouvernementales, modifiait de plus la Loi des agents ou délégués généraux de manière à transférer du ministère de l'Industrie et du Commerce à celui des Affaires intergouvernementales la responsabilité à l'égard des maisons du Québec établies à l'étranger depuis 1961.

Ce second apport législatif, en accroissant le champ de responsabilité du ministère, n'a pas cependant eu pour effet d'expliciter le rôle du ministère au plan administratif. De plus, il convient de noter que ce transfert de responsabilité s'est traduit au plan budgétaire par un transfert de l'ensemble du budget des programmes de coopération. Mais le personnel responsable de la conception et de la mise en oeuvre de ces programmes, dans les domaines de l'éducation et des affaires culturelles, est demeuré au ministère de l'Education et des Affaires culturelles. Selon ce modèle, qui s'explique historiquement par l'antériorité de ces services par rapport au ministère des Affaires intergouvernementales, des services analogues se sont constitués ou sont en voie de formation dans certains autres ministères. Le gouvernement estime maintenant le moment venu d'aborder la troisième étape du processus, celle du raffinement des moyens de coordination.

Du point de vue de l'organisation étatique, le but essentiel de ce projet n'est pas de modifier la nature du mandat conféré au ministère en 1961, ni son champ de responsabilité tel qu'il a été élargi en 1967, mais plutôt d'attribuer au ministère des moyens de coordination mieux accordés aux exigences de la réalité gouvernementale moderne.

Cet ensemble de moyens nouveaux prévus dans ce projet de loi vous est proposé à la lumière de 13 années d'expérience administrative de la coordination au Québec. Il est également le fruit de nombreux échanges avec plusieurs responsables des relations intergouvernementales ailleurs qu'au Canada. Il importe de noter à cet égard que, si le Québec a fait figure de pionnier en 1961 en confiant ces fonctions à un ministère, son exemple a été suivi ailleurs. L'Ontario, 1'Alberta et, depuis quelques semaines, Terre-Neuve ont tour à tour mis sur pied des ministères comme le nôtre.

Ces moyens sont de quatre types. Premièrement, ils consistent en un certain nombre de précisions et d'explications sur le mandat du ministère. Ces précisions visent à dissiper les ambiguïtés que les termes généraux du mandat actuel laissent subsister en matière de relations extérieures. De telles clarifications, qui ont paru nécessaires à l'expérience, ne touchent pas cependant au contenu sectoriel des relations extérieures. Il est important de souligner, je crois, que leur intention ne déborde pas le rôle de coordination et d'administration des relations extérieures.

Le ministère des Affaires intergouvernementales doit demeurer un organisme central et ne doit pas se substituer aux ministères responsables des divers secteurs de l'administration par le biais des relations extérieures. Cette intention est traduite de façon non équivoque par les articles 11 et 14 du projet de loi. L'article 11 du projet prévoit que "le ministre, en accord avec les ministères et organismes intéressés, a pour fonction de favoriser le développement culturel, économique et social des Québécois par l'établissement de relations intergouvernementales".

Et l'article 14 prévoit en outre que: "le ministre collabore avec les autres ministères du gouvernement dans la mise en oeuvre, à l'extérieur du Québec, des politiques dont ils ont la responsabilité.

L'esprit des nouvelles dispositions relatives au mandat du ministère est de lui maintenir son caractère de ministère de service et de favoriser, par une plus grande précision, l'efficacité de ses services. L'essentiel, en définitive, est de permettre au ministère de jouer, en temps utile, dans le processus décisionnel, son rôle principal: c'est-à-dire inscrire dans un dossier de relations intergouvernementales les éléments pertinents qui émargent des secteurs autres que celui auquel il appartient de même qu'une dimension de politique extérieure.

Deuxièmement, un deuxième type de moyens prévus par ce projet de loi réside dans l'attribution au ministre de pouvoirs nouveaux en ce qui concerne les ententes intergouvernementales et les ententes conclues avec d'autres gouvernements par ces organismes publics. Le chapitre 3 du projet attribue au ministre la responsabilité de veiller... (troubles techniques)

M. LACROIX: Sabotage!

M. SAMSON: Sabotage intergouvernemental!

M. LEVESQUE: Peut-être que les gens sont fatigués le vendredi après-midi ! On ne peut pas l'appeler non plus! Cela recommence?

LE PRESIDENT: C'est correct, cela va.

M. LEVESQUE: Un deuxième type de moyens prévus par ce projet de loi réside dans l'attribution au ministre de pouvoirs nouveaux

en ce qui concerne les ententes intergouvernementales et les ententes conclues avec d'autres gouvernements par des organismes publics.

Le chapitre 3 du projet attribue au ministre la responsabilité de veiller à la négociation et à la mise en oeuvre de toute entente à intervenir entre le gouvernement, l'un de ses ministères ou organismes et tout autre gouvernement, l'un de ses ministères ou organismes. De plus, le projet prévoit que toute entente entre un organisme public et un autre gouvernement, l'un de ses ministères ou organismes, devra dorénavant recevoir l'approbation du lieutenant-gouverneur sous peine de nullité. Par organisme public, le projet comprend et je cite l'article 21 : "Tout organisme dont le lieutenant-gouverneur en conseil ou un ministre nomme la majorité des membres, dont la loi ordonne que les fonctionnaires ou employés soient nommés ou rémunérés suivant la Loi de la Fonction publique ou dont les ressources proviennent pour plus de la moitié du fonds consolidé du revenu".

Notons immédiatement que la mise en application de cette dernière disposition va requérir la détermination de types d'ententes auxquelles le projet ne s'applique pas. Il est évident que la promulgation de cet article doit attendre une telle détermination. C'est pourquoi l'article 21 a été identifié comme devant prendre effet sur proclamation par opposition à l'ensemble des autres dispositions du projet que l'on désire voir prendre effet à la date de la sanction de la loi. La réglementation requise devra d'ailleurs être élaborée par les ministères intéressés, en collaboration avec les organismes du gouvernement ou les organismes privés qui sont visés par ces dispositions.

Troisièmement. La représentation du Québec à l'extérieur, à l'égard de laquelle la loi actuelle ne précisait pas les responsabilités, est placée de façon non équivoque par ce projet sous la responsabilité du ministère et du ministre des Affaires intergouvernementales. C'est ainsi que dorénavant, le ministre sera seul habilité par la loi à affecter le personnel à l'étranger dans les délégations du Québec. Il ne pourra évidemment le faire à l'encontre de la volonté de tout ministère sectoriel auquel un fonctionnaire appartient. Cependant, nul ne pourra, à l'encontre de sa volonté, affecter quiconque à l'étranger de façon permanente. La même règle s'applique d'ailleurs pour ce qui est des représentations ad hoc sous forme de missions ou de participations à des conférences intergouvernementales. Dans ces derniers cas, le projet requiert l'intervention du ministre des Affaires intergouvernementales pour la définition du mandat et représentants du Québec.

Ces mesures visent évidemment à favoriser la concertation au niveau de l'expression des positions du Québec à l'extérieur. Dans les maisons du Québec, à l'extérieur, tout le personnel, y compris les fonctionnaires appartenant à des ministères sectoriels, se trouvent dorénavant placés de façon formelle sous l'autorité du délégué ou chef de poste, lequel relève, pour ce qui est de la présence du Québec à l'extérieur, du ministère des Affaires intergouvernementales. 4. Ce quatrième type de moyens destinés à rendre plus efficace la fonction de coordination du ministère réside dans le transfert d'un certain nombre de fonctionnaires dont la fonction principale correspond à l'une des fonctions attribuées au ministre par le projet.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, la loi de 1967 a eu pour effet de transférer, en certaines matières, le budget au ministère des Affaires intergouvernementales sans affecter le personnel chargé de l'administrer. Le projet, à cet égard, vise à compléter le mouvement amorcé en 1967 de manière à simplifier les procédures administratives, surtout pour ce qui a trait à la coopération avec l'extérieur.

Notons incidemment que, pour ce qui est de la coopération avec l'extérieur, le gouvernement du Québec ne limite pas ses intérêts aux accords qu'il conclut avec les autres Etats. C'est ainsi que le projet prévoit que le ministre devra voir à la ratification et à la mise en oeuvre, au Québec, des traités ou accords internationaux conclus par le gouvernement fédéral et qui impliquent le Québec.

Ces quatre types de moyens qui sont, pour les uns, nouveaux, et pour d'autres, la précision d'idées latentes, permettront au ministère d'assumer plus efficacement son rôle au sein de l'administration québécoise. D'un ministère reposant exclusivement sur des hommes, l'on passera ainsi à l'institutionnalisation de façons de faire et à la création d'un organisme vraiment équipé pour jouer le rôle qui lui est imparti par la loi.

Par ailleurs, ce projet de loi, comme je l'ai indiqué au début, comporte un deuxième objet majeur. Nous venons de parler de gestion, d'administration. Ce deuxième objet est celui de tracer les éléments fondamentaux de la voie d'action du gouvernement en matière de relations intergouvernementales.

D'abord, sur le plan canadien, le projet comprend trois éléments primordiaux de politique: —le devoir imposé au ministre de faire respecter la compétence constitutionnelle du Québec, —le mandat donné au ministre d'assurer la participation du Québec à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques et des programmes fédéraux affectant le Québec, —le rôle confié au ministre de veiller au maintien de la qualité des ordres de gouvernement au Canada en surveillant l'application de l'article 20, qui prohibe les ententes entre le gouvernement fédéral et les corporations municipales ou scolaires.

Ces trois éléments représentent des attitudes constantes du gouvernement du Québec qu'il nous paraît nécessaire d'inscrire dans la loi afin de consacrer leur caractère permanent.

Au-delà des mots, nous souhaitons par cette

loi apporter des garanties pour que l'administration québécoise traduise concrètement cette ligne de force de la politique québécoise.

D'autre part, sur le plan international, nous souhaitons, par ce projet, inscrire dans la législation la vocation particulière du Québec à l'égard des institutions internationales francophones.

Je n'ai pas besoin de rappeler notre participation à l'Agence de coopération culturelle et technique des pays francophones, à titre de gouvernement participant. Je n'ai pas à rappeler le dernier festival, la Superfrancofête. Je n'ai pas à rappeler les rapports directs et privilégiés avec la France qui seront stimulés par la dernière visite du premier ministre du Québec en France.

M. le Président, ainsi balisées par la loi, les relations du Québec avec l'extérieur prennent un tournant irréversible. Au-delà des formes traditionnelles auxquelles certains esprits trop étroitement juridiques persistent, hélas, à s'attacher, le gouvernement du Québec est résolu à poursuivre sa marche dans le monde moderne. Le projet de révision de la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales que je vous propose aujourd'hui est, en définitive, une traduction concrète de ce mouvement amorcé en 1961 et stimulé de façon significative depuis 1970.

C'est pourquoi, M. le Président, je propose son adoption en deuxième lecture.

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, on nous promettait, depuis quelques temps, des modifications essentielles à la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales. Dans le message inaugural, dont on sait qu'il ne faut pas toujours prendre toutes les dispositions à la lettre, il était question de modifications substantielles destinées à intégrer dans une même loi organique des responsabilités exercées sous l'empire de plusieurs lois à l'heure actuelle.

On comprend le gouvernement d'avoir voulu refaire l'image de ce ministère. Depuis les fuites qui ont révélé le bilan négatif des rapports Ottawa-Québec, bilan que le ministre s'est bien gardé de rendre public malgré tous les appels que j'ai pu faire à son ouverture d'esprit, depuis ce bilan, l'image de ce ministère laissait quelque peu à désirer.

Bien sûr, sous MM Lesage et Johnson, avant 1970, le ministère avait été actif; il avait innové, il avait créé, il avait mis en marche un projet national. A cette époque, comme le soulignait le Devoir ce matin, il y avait à la barre de ce ministère un homme très dynamique, M. Claude Morin.

Hélas, depuis 1970, on doit constater que le ministère a perdu quelque peu de son envergure. Le sous-ministre lui-même, voyant l'agonie lente qu'on faisait subir au ministère, s'est décidé à le quitter. Le ministère, il faut bien le dire, s'est étiolé, un peu comme les fleurs à l'automne; lui qui était si plein de promesses au début, on l'a vu perdre ses feuilles les unes après les autres à compter de 1970. Après une période de floraison qui marque dans l'histoire du Québec, on l'a vu perdre de son importance. Peut-être parce que ce n'était pas dans le style du premier ministre actuel de développer la coopération avec l'étranger. Cela ne faisait pas partie de ses préoccupations principales.

Ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est en quelque sorte de redorer le blason de ce ministère, c'est de lui redonner vie, mais je crains que ce ne soit en ramassant des feuilles mortes. En effet, on peut s'interroger sur la portée véritable de la "réforme" qu'on nous propose. Il semble que le projet, présenté comme un renforcement de ce ministère, en fait puisse entraîner un certain affaiblissement de ses compétences.

On a dit tout à l'heure que le mandat du ministère n'était pas modifié. Je crains qu'il ne le soit. Dans l'ancienne loi, modifiée en 1967, le ministre avait mission, d'après l'article 2, de coordonner "toutes les activités du gouvernement à l'extérieur du Québec ainsi que celles de ses ministères et organismes". Chacun de ces mots avait son importance. La loi dit bien qu'il "coordonne toutes les activités du gouvernement à l'extérieur du Québec".

Or, désormais, la fonction de coordination sera beaucoup moindre.

J'espère que le ministre suit attentivement mon raisonnement. Ce que je disais, M. le Président...

M. LEVESQUE: J'aurais pu intervenir...

M. MORIN: ... je le disais en grande partie pour le ministre.

M. LEVESQUE: C'est parce que j'aurais pu intervenir souvent depuis que l'honorable chef de l'Opposition a commencé ses propos. Je veux respecter le règlement et je veux attendre mon droit de réplique pour mettre certaines choses au point. Je pourrais...

M. MORIN: M. le Président...

M. LEVESQUE: Si le chef de l'Opposition pense que je n'écoutais pas, je pourrais lui donner des exemples où il vient de fauter, lorsqu'il a parlé du degré de coopération de 1970 à nos jours. Je pourrais lui faire part de l'augmentation des crédits de coopération. Je pourrais lui faire part de beaucoup de choses qui montrent justement que même s'il n'y a pas eu le bruit ou le spectaculaire qu'aimerait peut-être le chef de l'Opposition, il y a eu de l'efficacité au ministère des Affaires intergouvernementales.

M. MORIN: M. le Président, si le ministre veut me donner la réplique plus tard, il faudrait tout de même qu'il écoute lorsque j'explique les objections que nous avons à un point tout à fait fondamental de son projet, n'est-ce pas?

M. LEDUC: II écoute.

M. MORIN: Le ministre nous a dit: Le mandat de mon ministère n'est pas modifié...

M. LEVESQUE: Ne sortez pas cela du contexte.

M. MORIN: ... je lui explique...

M. LEVESQUE: Je ne veux pas que le chef de l'Opposition sorte cela du contexte. Là aussi, j'ai gardé le silence...

M. MORIN: Laissez-moi terminer. M. LEVESQUE: ... lorsqu'il a dit cela.

M. MORIN: Vous aurez le droit de répliquer mais...

M. LEVESQUE: Mais oui, mais c'est pour cela.

M. MORIN: ... écoutez bien ce que j'ai à dire.

M. LEVESQUE: J'écoute, je ne perds pas une parole.

M. MORIN: Je soulignais au ministre que le mandat de son ministère, tel que décrit dans la loi de 1967, l'autorisait à coordonner toutes les activités du gouvernement à l'extérieur du Québec. Désormais, ce n'est plus le mandat de son ministère. Désormais, le ministère des Affaires intergouvernementales ne coordonne que les relations entre organismes officiels. C'est l'article 10 du projet de loi. Autrement dit, on renonce à confier au ministère la coordination de l'ensemble des activités générales, mandat qui lui était imparti par la loi, à venir jusqu'à maintenant.

M. LEVESQUE: Exemple?

M. MORIN: Et...

M. LEVESQUE: Illustration?

M. MORIN: ... je pense en particulier à cet ensemble de rapports avec l'extérieur, d'activités qui ne font pas l'objet d'une coopération d'organisme gouvernemental à organisme gouvernemental. Désormais, d'après l'article 10, pour que le ministère soit compétent pour coordonner, il faut qu'il y ait de ce côté-ci un organisme gouvernemental et, du côté correspondant, soit dans une autre province ou au niveau fédéral, ou dans un Etat étranger, il faut que le ministère ait affaire à un organisme gouvernemental. Ce n'était pas... Laissez-moi terminer.

M. LEVESQUE: Au public.

M. MORIN: Ce n'était pas le cas dans l'ancienne loi où votre mandat était beaucoup plus large, où vous pouviez coordonner, je le répète, toutes les activités du gouvernement à l'extérieur du Québec, ainsi que celles de ses ministères et organismes. On a fait sauter toute la partie générale du mandat pour vous restreindre maintenant aux activités, au contact, au rapport entre organismes:

M. LEVESQUE: Mais, vous...

M. MORIN: M. le ministre, j'ai écouté le ministre religieusement. Voudrait-il...

M. LEVESQUE: C'est parce que... M. MORIN: ... me donner la chance... M. LEVESQUE: Oui. M. MORIN: ... de finir? M. LEVESQUE: D'accord. M. MORIN: N'est-ce pas?

M. LEVESQUE: Mais tout ce que je veux dire c'est que j'aurai l'occasion — et je voudrais bien que ce soit enregistré au journal des Débats — de revenir là-dessus.

M. MORIN: Je l'espère.

M. LEVESQUE: Je ne laisse pas passer tout cela, là.

M. MORIN: Je l'espère, que vous allez... M. LEVESQUE: D'accord.

M. MORIN: ... revenir sur ce point, M. le ministre, parce que vous nous avez dit tout à l'heure que le mandat de votre ministère n'était pas modifié alors qu'en fait il l'est. Maintenant...

M. LEVESQUE: II est amplifié.

M. MORIN: ... il y a une autre possibilité...

M. LEVESQUE: II est modifié dans le sens qu'il est amplifié.

M. MORIN: Un instant, s'il vous plaît ! M. le Président, je vous demanderais de rappeler à l'ordre le ministre parce que je l'ai écouté religieusement. Il se pourrait...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): C'est que vous le provoquez.

M. MORIN: Allons donc! De quelle sorte d'impartialité faites-vous preuve, M. le Président?

M. LEDUC: Vous faites votre petit démagogue, là. Un instant !

M. MORIN: Depuis quand, M. le Président, n'ai-je pas le droit de donner mon opinion sur un projet de loi? Vous faites un joli président !

M. LEDUC: Bon! on a un autre con...

M. MORIN: Je m'attendais à plus d'impartialité de votre part.

M. le Président, il se pourrait que ce soit un oubli, il se pourrait qu'on ait oublié le mandat général du ministère dans la.nouvelle rédaction, auquel cas le ministre aura tout le loisir de recevoir un amendement et de corriger la mauvaise impression que nous laisse son projet de loi.

Peut-être conviendrait-il de jeter un coup d'oeil sur une disposition très importante du projet d'après laquelle le ministre recommande au lieutenant-gouverneur en conseil la ratification des traités ou accords internationaux dans les domaines ressortissant à la compétence constitutionnelle du Québec.

Voilà une disposition difficile à interpréter. On peut la comprendre de deux façons. Je propose au ministre, M. le Président, deux hypothèses de travail. A 1), il s'agit dans cet article, de la ratification des traités conclus par le gouvernement fédéral, mais alors, si tel est bien le cas, le Québec ne peut pas ratifier des accords qu'il n'a pas conclus. Ce serait entièrement contraire à la pratique internationale et à la pratique constitutionnelle de ce pays. Un état ne peut pas...

M. LEVESQUE: La mise en oeuvre.

M. MORIN: Ah! ce n'est pas ce que dit l'article, M. le Président, et puisque le ministre m'a interrompu une fois de plus, je lui rappelle que l'article 15 lui permet de recommander la ratification et dans le paragraphe suivant, la mise en oeuvre. Mais nous parlons en ce moment, de la ratification. Or, M. le Président, je n'ai pas de doute que le Québec puisse mettre en oeuvre les traités conclus par le gouvernement fédéral. C'est d'ailleurs ce que nous dit la jurisprudence du Conseil privé, en particulier dans l'arrêt relatif à l'affaire des conventions de travail.

Mais, M. le Président, il s'agit ici de la ratification, un gouvernement ne peut ratifier un traité qu'il n'a pas conclu. C'est impossible. On jouerait sur les mots si l'on s'en tenait à cette première hypothèse de travail. Si un état, un gouvernement n'est pas partie à un traité, à un accord international, il ne peut pas ratifier celui-ci. Ratifier, cela signifie expédier des lettres de ratification. Est-ce que le ministre prétend par cet article que le Québec va expédier des lettres de ratification aux gouvernements étrangers avec lesquels le pouvoir fédéral aura conclu des accords? M. le Président, c'est absurde.

Je préférerais, en ce qui me concerne, écarter cette première hypothèse qui décidément n'est pas la bonne. En second lieu, il pourrait s'agir de traités ou accords internationaux conclus par le Québec. En toute logique, le gouvernement du Québec pourrait alors ratifier un accord qu'il aurait négocié et conclu avec un état étranger. Connaissant la compétence des conseillers du ministre, j'imagine que s'ils ont utilisé un vocabulaire aussi technique que celui-là, ils savaient ce qu'ils faisaient et que, lorsqu'ils parlent de ratification, ils font allusion à la possibilité pour le Québec de signer désormais des accords internationaux et non plus seulement ces modestes ententes auxquelles les articles suivants du projet de loi font allusion.

Alors, si ma seconde hypothèse est la bonne, nous sommes devant un progrès considérable, et le ministre portera, dans l'avenir, le mérite d'avoir élargi considérablement les ambitions internationales du Québec. Le ministre n'en est peut-être pas conscient, c'est une autre hypothèse. Peut-être cet article 15 a-t-il été rédigé par des conseillers qui devançaient la pensée du ministre.

Ce projet donc, si cette hypothèse est exacte, affirmerait enfin la compétence du Québec non seulement à l'égard des ententes intergouvernementales, cette expression modeste que l'on a inventée pour caractériser les accords conclus par le Québec avec l'étranger, mais également à l'égard des traités. Je ne sais pas, à vrai dire, laquelle de ces deux hypothèses est la bonne. Si je me montrais pessimiste sur les ambitions de ce gouvernement, je dirais que ce serait plutôt la première hypothèse qui serait la bonne, mais alors la solution technique qui a été retenue est fausse. Elle ne correspond ni au droit international ni au droit constitutionnel. Si, par ailleurs, ma seconde hypothèse plus optimiste est la bonne, alors le ministre est peut-être, sans en être tout à fait conscient, en train de poser des gestes historiques pour l'avenir du Québec.

Je vois que le temps s'écoule rapidement et il convient peut-être que je termine cet exposé de seconde lecture en disant toute l'importance que j'attache personnellement et que l'Opposition officielle attache au ministère des Affaires intergouvernementales. Au cours de l'étude des crédits de ce ministère, en juin dernier, j'ai eu l'occasion de dire au ministre à quel point son ministère est important pour l'avenir du Québec. Je ne sais si j'ai réussi à le persuader, compte tenu de l'attention qu'il accorde à ce ministère dans la réalité quotidienne.

Les "Afinter", comme on les appelle quel-

quefois, devraient être un organisme de synthèse dans la croissance de Québec et dans sa lente maturation. Il en va des sociétés, des nations comme des individus. On se définit soi-même en se définissant par rapport aux autres.. De même, l'identité québécoise dépend, dans une large mesure, même à l'intérieur du régime fédératif, d'un organisme capable de se donner des vues d'ensemble sur l'avenir du Québec et de ses rapports avec les autres. Mais pour cela, il nous faut un projet national.

Il nous faut plus qu'une simple structure qui ne serait pas animée par un grand dessein. C'est malheureusement ce qui manque le plus dans ce projet de loi. Le ministère par ce projet ramasse des feuilles mortes. Il met ensemble des choses qui existaient déjà. Il donne un peu plus de cohérence aux activités du Québec, mais c'est seulement sur le plan administratif. Sur le plan de son mandat, il le réduit en éliminant la compétence générale à l'égard de toutes les activités qui lient le Québec avec l'extérieur.

Le ministre ne ramasse que des feuilles mortes et je crains bien que ce projet de loi, qui n'est pas entièrement inutile, ne puisse rendre vie à l'arbre sec qu'est devenu le ministère des Affaires intergouvernementales.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON; Je pense que le ministre veut invoquer l'article 96?

M. LEVESQUE: Non, merci.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais proposer l'ajournement...

M. LEVESQUE: M. le Président, je suis très heureux que le député de Rouyn-Noranda m'ait suggéré d'invoquer l'article 96, parce que lui-même s'est aperçu que j'avais à préciser certaines choses. Je le remercie de cette invitation.

M. MORIN: Vous aurez beaucoup à préciser.

M. LEVESQUE: Mais vu que cela prendrait plus de cinq minutes, on me permettra de remettre à la semaine prochaine ce privilège.

M. SAMSON: M. le Président, je n'ai pas voulu suggérer au ministre d'invoquer l'article 96, mais cela semblait évident qu'il voulait l'invoquer.

Je voudrais proposer l'ajournement du débat, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Est-ce que cette proposition d'ajournement est adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, il y aura sanction immédiatement, chez le lieutenant-gouverneur, de 18 projets de loi qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale, ces derniers jours. Les représentants de chacun des partis sont invités à accompagner le président chez le lieutenant-gouverneur.

M. le Président, nous reprendrons nos travaux lundi prochain, à quinze heures.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): La Chambre ajourne ses travaux...

M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président. Je pense bien que le menu législatif se retrouve au feuilleton. S'il y a des questions à poser, je suis prêt à y répondre.

Mais je pense bien que l'on peut s'attendre à ce que l'ensemble du menu législatif paraissant au feuilleton puisse être appelé la semaine prochaine à n'importe quel moment.

M. MORIN: II y a tout de même un certain nombre de projets qui nous sont tombés dessus à l'improviste, ce matin.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: J'espère que le leader...

M. LEVESQUE: Nous allons donner...

M. MORIN: ... nous donnera tout le temps de les étudier correctement.

M. LEVESQUE: Oui, nous allons sûrement coopérer avec l'Opposition comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Et nous tâcherons de présenter les projets de loi avec le concours de ceux qui ont à travailler à la préparation des interventions dans chacun des cas.

M. MORIN: Je voudrais dire, M. le Président, que je regrette, cependant, qu'un si grand nombre de projets de loi nous arrivent comme ça, au dernier moment.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. MORIN: Malheureusement, c'est en train de devenir une tradition de nous forcer, durant la dernière semaine de session, à ingurgiter quasiment autant de projets de loi que dans les trois semaines qui précèdent.

M. LEVESQUE: ... je n'ai pas l'intention de manifester des sentiments de mauvaise humeur ou d'impatience comme ceux que vient de manifester le chef de l'Opposition. Je n'ai pas l'intention de rappeler le temps que nous avons consacré aux motions de censure, aux motions de députés, à de nombreuses procédures que le règlement permet mais qui, en même temps, ont retardé le gouvernement dans les travaux qu'il avait à soumettre à cette Chambre.

UNE VOIX: Très bien.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas non plus à rappeler au chef de l'Opposition que, malgré que nous ayons devant nous une motion qui ait été adoptée par cette Chambre il y a peu de temps relativement aux heures de séance, nous n'avons pas voulu utiliser cette motion à son maximum, si vous voulez, parce que nous ne voulions pas exiger des heures inhumaines ou demander un effort inhumain à ceux qui ont à intervenir dans l'étude de ces projets de loi.

Au contraire, l'exemple que je donne à ce moment-ci, en demandant l'ajournement de nos travaux maintenant, vendredi, six heures, à lundi, quinze heures, et la nature des propos que je tiens à ce moment-ci sont dans l'esprit des choses que nous voulons faire, dans un esprit de collaboration et de compréhension des responsabilités qui sont celles de nos amis d'en face.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais remercier le leader de nous assurer de son esprit de coopération. Je suis sûr qu'il n'a pas voulu dire par ses paroles que l'Opposition ne fait pas son métier en présentant les motions qu'elle a présentées au cours de cette session.

Le sens de ce que j'ai dit est le suivant. Si les projets de loi du gouvernement nous étaient connus un peu plus tôt, plutôt que d'arriver comme une sorte de grêle, tout de suite avant la dernière semaine, cela faciliterait énormément le travail de l'Opposition.

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne pourrai jamais convaincre le chef de l'Opposition qu'il en a toujours été ainsi et qu'il en sera toujours ainsi. Je ne pourrai jamais le convaincre de cela parce qu'il faut vivre cela pour en être convaincu. Comme il n'en aura jamais l'occasion, je ne peux pas le convaincre.

DES VOIX: Ha! Ha!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): La Chambre ajourne ses travaux à lundi, quinze heures.

(Fin de la séance à 17 h 55)

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