L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le vendredi 20 décembre 1974 - Vol. 15 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

Le vendredi 20 décembre 1974 (Dix heures neuf minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Est-ce qu'il y a des dépôts de commissions élues?

M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je demander le même consentement, s'il y avait des rapports au cours de la journée?

M. BURNS: Accordé.

LE PRESIDENT:

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Correction au feuilleton

M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je vous signaler qu'il y aurait certaines corrections à faire au feuilleton de ce jour. Une en particulier apparaît à la page 7 du feuilleton où il faudrait lire que le projet de loi no 7, Loi sur les assurances, est maintenant à l'étape de la prise en considération du rapport. Nous avions convenu que ceux qui avaient des amendements à proposer avaient jusqu'à midi aujourd'hui pour le faire, mais que les étapes ne devaient pas être ralenties.

LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de correction du feuilleton est adoptée? Adopté.

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT:

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

LE PRESIDENT: Le ministre de l'Agriculture.

Avant-projet de nature agricole

M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais déposer devant cette Chambre un document de travail sur un avant-projet de loi concernant l'assurance stabilisation du revenu agricole et la commission parlementaire sera convoquée au cours des prochains mois en vue d'étudier ce document.

LE PRESIDENT: Question orales des députés.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.

Hausse des coûts des prix des aliments

M. MORIN: M. le Président, le 6e rapport de la commission Plumptre nous apprend que, pour la troisième année consécutive, en 1975, les prix alimentaires vont grimper à un rythme absolument affolant, 15 p.c. ou 16 p.c. encore cette année. Ma question pourrait être adressée à plusieurs ministres puisqu'elle touche à l'ensemble de l'économie. Je ne sais trop si je dois l'adresser au premier ministre, au ministre de l'Industrie et du Commerce, au ministre des Finances, au ministre de l'Agriculture. Peu importe, peut-être le premier ministre pourrait-il les désigner à tour de rôle, pour répondre chacun à la partie de la question qui les intéressent. Et encore une fois cela touche à tous les aspects de l'économie.

Etant donné qu'on nous dit dans le rapport Plumptre qu'il n'y a aucune raison d'être optimiste, mais que les prix de tous les produits alimentaires vont augmenter cette année, j'aimerais demander au premier ministre s'il ne serait pas temps d'instituer cette enquête sur les prix alimentaires que nous avons réclamée depuis quelque temps.

Je lui pose la question parce qu'au cours des débats sur la perte du pouvoir d'achat on nous a souvent démontré que ce n'était pas seulement la hausse des coûts de production qui était responsable de la hausse du coût de la vie, mais probablement davantage les intermédiaires.

Ne serait-ce pas assainir la situation, assainir le climat d'inflation que d'instituer, dès maintenant, avec obligation de faire rapport dans les meilleurs délais, une enquête sur les prix alimentaires?

C'est ma première question.

M. BOURASSA: M. le Président, je félicite le chef de l'Opposition de poser des questions sur des problèmes concrets et réels qui affectent l'ensemble des Québécois, de même que l'ensemble des Canadiens.

Je veux dire au chef de l'Opposition que j'avais déjà partiellement répondu à sa question, en lui disant que cela ne pouvait qu'être une question fédérale-provinciale. J'en ai moi-même parlé au premier ministre du Canada à quelques reprises.

II ne s'agit pas là de mentionner que, si nous étions indépendants, nous pourrions faire cette enquête plus que si nous sommes dans un système fédéral, puisque nous avons des frontières ouvertes quel que soit notre statut politique. Nous avons un système de succursales au Québec qui fait que l'enquête pourrait être réellement efficace, voire couvrir l'ensemble du marché commun canadien. En effet, avec le système de succursales, si une maison mère est à Hawkes, à Ottawa ou à Toronto, l'enquête tournerait court rapidement si elle est strictement locale ou strictement sur le territoire québécois. C'est pourquoi j'ai déjà dit au chef de l'Opposition que j'avais demandé au gouvernement fédéral et au premier ministre du Canada d'examiner cette question de beaucoup plus près que ne le fait la commission qu'a mentionnée tantôt le chef de l'Opposition.

M. MORIN: C'est toujours la même réponse. On attend toujours ce que l'autre va faire. Voici ce que j'aimerais savoir et que je demande au premier ministre: Si, par hypothèse, Ottawa était dans les mêmes dispositions d'esprit et disait: Nous allons attendre de voir ce que les provinces font, attendre de voir ce qui se passe au niveau international.

Ne serait-il pas important et urgent que le gouvernement québécois fasse sa part, puisque, comme le premier ministre le sait sûrement, les prix alimentaires touchent avant tout le budget des gens à bas revenus? Et nous en avons un bon nombre au Québec; c'est un pourcentage important de notre population. Je demande au premier ministre pourquoi toujours se réfugier derrière l'inaction des autres? Pourquoi ne pas faire quelque chose?

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse, mais il y a trop d'argumentation dans votre question.

M. BOURASSA: M. le Président, il peut y en avoir dans la réponse. Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition quand il dit que la hausse des prix alimentaires frappe les petits salariés. C'est pour cela que nous sommes contre l'indexation qui favorise les contribuables les plus riches, parce que dans le cas de l'indexation — cela me permet de répondre au chef de l'Opposition pour hier — celui qui fait $50,000 reçoit 21 fois plus que celui qui fait $5,000. Donc, il ne peut pas faire face, le petit salarié, à l'inflation avec autant d'efficacité que celui qui gagne $50,000. C'est 21 fois plus, d'après les chiffres qui m'ont été soumis.

Nous, dans notre système, pour permettre au petit salarié de répondre au problème de la hausse des prix alimentaires, nous donnons, en vertu du dernier budget, pour ceux qui gagnent entre $5,000 et $6,000, dans beaucoup de cas, au moins 7 fois plus que ce que donnerait l'indexation. Je n'ai pu répondre, hier, au chef de l'Opposition, parce que c'était en réponse à une déclaration ministérielle du ministre des Finances sur la Canadian Tax Journal. Quand on sera tous les deux à la retraite, on pourra en former un pour le Québec. Actuellement, il n'y en a qu'un pour le Canada.

UNE VOIX: Cela va venir vite dans son cas.

M. BOURASSA: Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que le refus du gouvernement du Québec d'indexer, comme lui-même le propose, nous permet, par ailleurs, d'en donner beaucoup plus aux petits salariés qui, eux, doivent faire davantage face à l'inflation des prix alimentaires, si on garde la proportion de leurs revenus qui est affectée à cela. Cela est déjà un moyen de permettre aux petits salariés, avec la hausse des allocations familiales, la hausse des prestations sociales, de faire face aux effets de l'inflation. Cela ne fait pas face aux causes de l'inflation, je suis d'accord avec le chef de l'Opposition là-dessus, mais je crois que même si le Québec — il a demandé au gouvernement fédéral d'agir — voulait faire une enquête strictement provinciale, elle risquerait rapidement d'être sans effet dans plusieurs secteurs, étant donné que nous n'avons qu'une partie des entreprises, par rapport au reste du Canada.

LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle.

M. MORIN: Je ne voudrais pas lancer un débat, parce qu'il y aurait matière à débat sur la question de l'indexation!

LE PRESIDENT: Ce n'est pas le temps.

M. MORIN: Non, je le sais. Je voudrais demander au premier ministre, ou au ministre des Finances, si tant est que l'indexation de l'impôt ne soit pas une réponse parfaite, ce que je conteste partiellement, comme je l'ai dit hier, si le premier ministre ne considérerait pas l'autre technique que nous lui avons suggérée il y a quelques mois —je pense que cela fait même près d'un an que nous avons mis cette suggestion devant l'opinion publique — de procéder par remboursements de montants forfaitaires sur l'impôt, avec des montants forfaitaires plus considérables pour les gens à bas revenus et des montants moindres pour ceux qui ont des revenus excédant les paliers, disons, supérieurs à $15,000 ou $20,000.

Deuxième sous-question, puisque vous m'en avez accordé une dernière, M. le Président; celle-là s'adresse plutôt au ministre des Affaires intergouvernementales. L'une des recommandations de la commission Plumptre, c'est de limiter les dépenses et les revenus, recommandations à l'ensemble des citoyens. La question que je pose est celle-ci: Est-ce que cela n'est pas de nature à amener le ministre des Affaires intergouvernementales à retirer son projet de loi sur

l'augmentation de salaire des députés, étant donné que c'est à nous de donner l'exemple?

M. BOURASSA: Je vais répondre aux deux questions.

M. LEVESQUE: Elle est au feuilleton...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BOURASSA: A la première question du chef de l'Opposition, je lui dis que je constate, avec très grand plaisir, le changement d'attitude du Parti québécois, quoique je crois qu'il y avait une résolution du Parti québécois, au dernier congrès, pour l'indexation, si ma mémoire est bonne.

M. MORIN: Oui mais, attention, nous vous avons proposé depuis un an les montants forfaitaires.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. BOURASSA: Je n'ai pas le texte de la résolution du Parti québécois mais je crois qu'il y avait une résolution favorisant l'indexation. D'ailleurs, je crois que M. Lévesque en a parlé à plusieurs reprises.

Mais là le chef de l'Opposition vient de suggérer, se rendant aux arguments du gouvernement...

M. MORIN: Cela fait un an qu'on vous le suggère.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BOURASSA: Disons que cela a déjà été lancé comme ça...

M. MORIN: Ah oui?

M. BOURASSA: Mais la proposition du chef de l'Opposition a pour but exactement d'appliquer ce que nous faisons, ce que nous avons fait dans le dernier budget, avec des allocations familiales triplées pour les familles nombreuses, avec des augmentations de réduction d'impôt beaucoup plus importantes que dans l'indexation pour les petits salariés.

C'est exactement ce que nous faisons.

Dans la question des augmentations de salaire pour les députés, M. le Président, quelques phrases. Ce n'est pas une augmentation réelle, c'est du rattrapage, alors que l'étau financier se resserre, pour employer l'expression du député de Saint-Jacques, il y a quelques mois, sur les députés. Là, je ne me cite pas, je cite le député de Saint-Jacques. Je ne sais pas s'il a changé d'idée.

M. MORIN: Ne pensez-vous pas que c'est donner le mauvais exemple à la population?

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

DES VOIX: Ha! Ha!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Une question supplémentaire, l'honorable député de...

M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le Président.

M. BOURASSA: Une question de privilège du député de Saint-Jacques, je crois. Est-ce qu'il y a une question de privilège du député de Saint-Jacques?

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: M. le Président, si j'en avais une, ce serait pour citer complètement le discours auquel fait allusion le premier ministre. Je le ferai dans le débat sur le bill 87.

LE PRESIDENT: Je vous félicite. Ce sera le meilleur endroit, d'ailleurs!

Une question additionnelle, l'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, le premier ministre ne voudrait-il pas introduire dans le projet de loi qui vient d'être cité une option faisant en sorte que ceux qui ne voudront pas de l'augmentation pourront la refuser?

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! DES VOIX: Ha! Ha!

LE PRESIDENT: Je vous inviterais à suivre la voie tracée par l'honorable député de Saint-Jacques.

M. SAMSON: C'est une question additionnelle.

LE PRESIDENT: Non, non! Il y a un projet de loi au feuilleton qui sera débattu prochainement.

M. SAMSON: C'est la liberté d'agir, M. le Président. On ne peut pas imposer cela à des vierges qui n'en veulent pas!

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Sauf par viol, peut-être!

DES VOIX: Ha! Ha!

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Malartic Hygrade Gold Mines M. LESSARD: M. le Président, j'adresserai

encore une fois, pour la troisième fois je crois, une question au ministre responsable des Institutions financières et de la Commission des valeurs mobilières, concernant certains agissements de fonctionnaires de la Commission des valeurs mobilières dans le dossier de la Malartic Hygrade Gold Mines. Est-ce que le ministre a l'intention de déposer le rapport et de nous donner une réponse avant la fin de cette session?

M. TETLEY: Oui, M. le Président. Pour être très certain que mes enquêteurs n'ont pas fait erreur, j'ai demandé au ministre de la Justice de vérifier, de nommer des vérificateurs pour vérifier. J'espère déposer le rapport demain. Je voulais être absolument certain.

Je peux répéter tout de suite que je crois que les faits énoncés par le député de Chicoutimi au sujet de certains fonctionnaires sont erronés.

M. LESSARD: Question de privilège, M. le Président. D'abord, il ne s'agit pas du député de Chicoutimi. Deuxièmement — encore une fois, j'insiste, M. le Président — je n'ai jamais porté d'accusation. J'ai demandé un rapport, une enquête concernant des agissements de certains fonctionnaires de la Commission des valeurs mobilières.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.

Diffusions de joutes de hockey

M. ROY: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre des Communications et on me permettra un court préambule pour bien l'expliciter.

Le 25 juillet dernier, un communiqué a été adressé en anglais seulement par le poste CFCF-TV, canal 12, à l'effet que cette station de télévision de Montréal s'était assuré les droits exclusifs de télédiffusion des parties de hockey de la Ligue nationale, le dimanche après-midi, pour les trois prochaines années. Le contrat ainsi conclu donne à cette station de télévision les droits exclusifs de diffusion en anglais et en français du hockey de la Ligue nationale au Québec.

Ma question est la suivante : Le ministre est-il au courant qu'un tel contrat existe et qu'entend-il faire, quelle action envisage-t-il parce qu'à ce jour il n'y aurait rien eu de fait de la part du ministère et du gouvernement à ce sujet-là?

M. L'ALLIER: M. le Président, je croyais avoir déjà répondu à une question semblable. Je vais vérifier et, de toute façon, je serai en mesure de répondre au début de la semaine ou à la prochaine séance, parce que c'est une question qui comporte des éléments de précision de dates et de précisions techniques.

M. ROY: Je voudrais dire au ministre, M. le Président, que cette question n'a pas été posée à l'Assemblée nationale. J'aimerais également lui souligner que cette station de télévision avait déclaré qu'elle avait acquis les droits de diffusion en français et en anglais pour qu'aucune autre station de télévision française ne puisse les obtenir, obligeant, en quelque sorte, les amateurs de hockey francophones du Québec — je dis bien du Québec — à syntoniser la station de télévision anglophone le dimanche après-midi.

M. L'ALLIER: M. le Président, je prends avis de la question.

M. ROY: Je voudrais que le ministre nous dise quelle attitude il entend prendre et nous communique la décision que son ministère entend prendre face à ce problème.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Johnson.

United Aircraft

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, tous les membres de la Chambre se réjouissent ce matin de retrouver le ministre du Travail en vie, malgré ses nombreux soucis et les nombreuses menaces qu'il reçoit de tout le monde.

Je lui poserais ce matin une question bien particulière au sujet de deux cas qui semblent traîner en longueur. Surtout quand on reçoit des télégrammes de cette longueur, un télégramme de deux pages, cela veut tout dire. C'est au sujet des négociations de la United Aircraft.

Si la commission parlementaire doit siéger, quelles sont les nouvelles auxquelles on peut s'attendre et, deuxièmement, est-il vrai que dans le conflit de la Canadian Gypsum, toutes les questions normatives sont réglées, sauf une seule, celle de la formule Rand? A-t-il l'intention aussi de faire siéger la commission sur la Canadian Gypsum?

M. COURNOYER: C'est une question pas mal "loadée".

M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?

M. COURNOYER: C'est une question pas mal "loadée".

M. BELLEMARE (Johnson): Non, non! mais je vous ai souhaité la bienvenue.

M. COURNOYER: Merci beaucoup. Dans le cas de la United Aircraft Corporation, j'ai mis fin, la semaine dernière, à ma médiation. Cela s'est soldé par un échec, échec qui est, bien sûr, consacré par l'assemblée générale qui a eu lieu dimanche dernier. Depuis dimanche dernier, cependant, j'ai reçu les documents qui ont été

présentés lors de l'assemblée générale des grévistes de la United Aircraft. Dans ces documents, j'aimerais qu'on complète l'information aux grévistes, si ces seuls documents ont été l'information qu'on a donnée aux grévistes.

Je n'accuse pas le syndicat, je ne fais que m'interroger sur l'information qu'on a donnée aux grévistes pour qu'ils votent de la façon dont ils ont voté. Si l'information reçue est seulement celle qui est contenue dans un document que j'ai dans mon bureau et qui m'a été remis par un journaliste, je ne m'étonne pas du tout que les grévistes aient voté dans une si forte majorité contre le retour au travail. Je m'arrête donc là pour le moment.

Quant à la tenue de la commission parlementaire du Travail et de la Main-d'oeuvre, pour continuer l'étude du cas de la United Aircraft, je doute fort que nous puissions la tenir pendant la période des vacances, étant donné que je m'en vais en vacances. A moins que la commission parlementaire puisse siéger sans le titulaire du Travail et de la Main-d'oeuvre.

Dans le cas de la Canadian Gypsum, c'est la même chose. Nous avions indiqué pendant l'étude du conflit de la United Aircraft que nous pourrions éventuellement entendre la Canadian Gypsum sur un sujet identique. Il est vrai, M. le Président, que dans le cas de la Canadian Gypsum, la seule chose qui reste est la question de la sécurité syndicale, la formule Rand. Il y a peut-être deux autres points qui restent aussi, c'est que — et je ne suis pas sûr que ceux-là soient réglés, le syndicat demande que les employés de la compagnie Canadian Gypsum qui ont continué de travailler pendant la grève soient congédiés. Deuxièmement, que ces employés laissent tomber les actions qu'ils ont prises contre ceux qui les empêchaient d'aller travailler.

C'étaient trois points qui restaient la semaine dernière. Il est possible, cependant, que ces deux derniers points aient été l'objet de discussion en l'absence du représentant du ministère et qu'ils aient été réglés. Il ne resterait donc que la formule Rand.

Quant à la formule Rand proprement dite ou le financement des syndicats, j'ai indiqué clairement aux parties en présence que je mettais en branle le processus de consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; je l'ai fait, j'en ai parlé avec le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre cette semaine. Je dois rencontrer à nouveau le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre le 9 janvier sur la question du financement des syndicats et de la démocratisation des prises de décision à l'intérieur des syndicats.

Alors, je pense bien que ça répond, partiellement du moins, aux questions posées par le député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, juste une question supplémentaire. Le ministre aurait, je pense, une occasion bien choisie de mettre en application ce que le député de Maisonneuve a proposé dans sa motion du 30 octobre par la Loi modifiant le code du travail pour établir la formule Rand. Mais je crois que le ministre serait peut-être bien avisé aussi s'il recommandait au gouvernement l'adoption de la formule Rand pour qu'elle puisse avoir application partout, en proposant d'ajouter des conditions que le juge lui-même avait dans le temps mentionnées, c'est-à-dire le vote sous le contrôle du gouvernement. Deuxièmement, que le vote soit pour tous les employés, même ceux qui n'appartiennent pas au syndicat. Troisièmement, qu'à l'occasion de l'application de la formule Rand il n'y ait aucune discrimination dans aucun endroit, et que le vote soit contrôlé par le ministère du Travail.

LE PRESIDENT: Le député de...

M. BURNS: M. le Président, tout simplement une courte question additionnelle; est-ce que le ministre serait d'accord pour rendre public son rapport dans le cas de ses recommandations relativement au conflit à la United Aircraft?

M. COURNOYER: Disons que la seule raison pour laquelle j'ai hésité c'est que je veux savoir ce qu'on a dit aux grévistes. J'ai hésité à le rendre public parce que je ne voudrais pas intervenir avec quelque chose qu'on n'a pas dit aux grévistes. L'hésitation que j'ai, je la pense naturelle de mon côté. Etant donné qu'on a dit des choses aux grévistes, je voudrais bien que le syndicat fasse la tentative lui-même d'expliquer aux grévistes réellement ce qui a été proposé.

Si le syndicat ne le faisait pas, je me sentirais à ce moment-là, non pas invité par le député de Maisonneuve, mais obligé de publier l'état des négociations tel qu'il m'est apparu.

M. BELLEMARE (Johnson): Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: Une question additionnelle sur le...

M. BELLEMARE (Johnson): Merci. Est-ce qu'à l'occasion des négociations qu'a entreprises le ministre du Travail il a été question, vis-à-vis de la compagnie, de lui demander de déposer ses états financiers?

M. COURNOYER: M. le Président, non il n'en a pas été question, étant donné que cette demande a déjà été faite par la commission parlementaire. Dans mes tergiversations avec les parties, je ne me suis pas attardé à mettre en question la capacité de payer ou la capacité d'absorption d'une part ou de l'autre. J'ai l'habitude de faire confiance aux parties quant à la façon dont ils décident d'administrer et le syndicat et l'entreprise. C'est leurs affaires,

pour autant que le ministre est concerné; il ne l'a pas demandé et il n'a pas l'intention non plus de le demander.

LE PRESIDENT: Question du député de Lafontaine; suivant, le député d'Anjou.

Subvention à la Communauté urbaine de Montréal

M. LEGER: M. le Président, je m'aperçois que mon ministre vient de disparaître, il était ici tantôt, le ministre des Institutions financières; je ne sais pas s'il est sorti pour quelques secondes. De toute façon, M. le Président, je vais poser une autre question au ministre des Affaires municipales. Est-ce que le ministre des Affaires municipales, à la suite de sa subvention promise à la Communauté urbaine de Montréal de $45 millions, ce qui n'est quand même que la moitié...

Mon ministre est revenu... Je vais continuer avec le premier.

Le ministre a-t-il l'intention, selon la recommandation de M. Hanigan, de bientôt nous donner, à l'Assemblée nationale, des moyens concernant de nouvelles sources de revenu possible, en plus de la taxe foncière, pour la municipalité de Montréal et la Communauté urbaine de Montréal?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il y a une distinction à faire entre la Communauté urbaine, qui a fort peu de sources de revenu qui lui sont propres, et les municipalités membres qui ont un champ d'action un peu plus large.

Il est évident que l'action du gouvernement pour venir en aide à la Communauté urbaine et à sa municipalité membre se situe sur deux plans: le plan de la contribution directe sous forme de subvention et le plan de l'augmentation des revenus. Il y a donc un travail qui est déjà engagé, un travail d'examen par les intéressés eux-mêmes, en collaboration avec celui qui vous parle et avec le ministre de la Justice en ce qui concerne les services policiers, un examen détaillé de chaque service et de ses implications financières.

Donc, il y a cette action tripartite, subvention, augmentation des revenus, nouvel examen d'un organisme qui existe depuis cinq ans et qui n'a pas encore réussi à donner pleine satisfaction à ses contribuables.

M. LEGER: Question supplémentaire. Le ministre peut-il nous dire si, dans cette recommandation, l'une des trois, celle des subventions, le comité est rendu assez loin pour nous dire si cela deviendra des subventions statutaires, c'est-à-dire qui peuvent être prévues dans une planification de n'importe quelle municipalité, et spécialement la Communauté urbaine de Montréal, qui est la plus grosse, pour permettre aux dirigeants de prévoir non pas un budget déficitaire, mais de prévoir ce qu'ils peuvent se permettre au cours d'une année, sachant les sources exactes de revenu possible. Je parle de subventions, disons, discrétionnaires dans le sens qu'ils ne savent pas à l'avance le montant exact qu'ils auront?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, deux suggestions ont été faites à maintes reprises, chacune: celle de plafonner la taxe foncière perçue par la Communauté urbaine avec une contribution du gouvernement pour le solde. Cette recommandation ne peut être retenue pour une raison qui saute aux yeux. Si l'on plafonne la contribution du contribuable au niveau de la Communauté urbaine et que le gouvernement accepte de payer le solde, quel qu'il soit, c'est un chèque en blanc que l'on ne pourrait donner à quelque municipalité que ce soit.

L'autre suggestion, celle que vient de reprendre le député de Lafontaine de donner des subventions statutaires connues à l'avance, est une suggestion qui, au premier abord, semble attrayante, mais il y a une question à poser et je la pose. Si l'on donne de telles subventions, la Communauté urbaine et ses contribuables accepteront-ils de vivre à l'intérieur de ces moyens ou y aura-t-il toujours d'autres demandes? Et dans un tel cas, s'il y en avait d'autres, on n'aurait vraiment pas résolu le problème.

On aurait facilité un peu le travail de préparation du budget, mais on n'aurait pas réglé en profondeur le problème.

Quant au travail du comité d'étude, il y en aura deux, un qui travaillera avec le ministre de la Justice et l'autre avec celui qui vous parle. Je ne sais pas si les membres seront les mêmes dans les deux cas, mais il y aura deux tables de toute façon. Il y a eu une rencontre avec le premier ministre et les deux ministres, le 18 novembre; il y a eu une rencontre avec les deux ministres, le 2 décembre. Il y a déjà une loi inscrite au feuilleton par le ministre de la Justice. Alors, le travail commence, mais il va se dérouler au cours des quelques prochains mois et nous prévoyons qu'il sera terminé avant l'été.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: Dernière question supplémentaire.

M. LEGER: Est-ce que le ministre peut nous dire si, au comité d'étude, on étudie la possibilité d'une réforme complète du régime de taxation municipale et qu'on se penche sur la possibilité que la taxe foncière soit remplacée par une taxe sur le revenu des particuliers, d'une part? Deuxièmement, est-ce qu'on se penche sur le fait que la communauté urbaine, c'est un peu comme la fable de LaFontaine, le pot de terre et le pot de fer? Il y a un grand géant avec beaucoup de petites municipalités, ce qui empêche une certaine coordination et

dans les votes, et dans la valeur d'intervention. Est-ce qu'on se penche sur la possibilité de regrouper cela en des unités plus petites à l'intérieur de l'île de Montréal pour avoir des partenaires à peu près égaux? Est-ce qu'on a écarté cela ou si c'est une possibilité?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, quant à la première partie de la question, ce n'est pas à cette table ou à ces deux tables que l'on examinera la question de la fiscalité municipale, mais bien au ministère, en consultation avec le milieu municipal et en prévision d'une conférence provinciale-municipale ou le sujet sera fatalement, nécessairement — et c'est désirable qu'il en soit ainsi — le principal sujet à l'ordre du jour.

Deuxièmement, quant au regroupement, on sait que la loi constitutive de la Communauté urbaine prévoyait que cette communauté se prononce sur un regroupement possible. Elle s'est prononcée d'une certaine façon par le dépôt du rapport du comité d'étude présidé par M. Hanigan, le président du comité exécutif. Mais il n'y a pas, je pense, là-dedans, d'éléments suffisants pour nous permettre de nous prononcer sur une question qui est assez complexe. Sans doute que nous en discuterons au niveau du comité de travail.

M. LEGER: La commission parlementaire, c'est pour quand?

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse, nous allons tenter de procéder à trois autres courtes questions et réponses, dans l'ordre suivant: les députés d'Anjou, de Rouyn-Noranda et de Dubuc.

Question et réponses, si possible, courtes.

Conflit entre le Barreau et les étudiants en droit

M. TARDIF: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education. A la suite d'une rencontre que j'ai eue récemment avec des étudiants en droit, ceux-ci m'ont fait part de leur inquiétude quant à la formation professionnelle qu'ils doivent suivre à l'automne 1975 et qui serait mise en péril par suite d'un différend existant ou ayant existé entre le Barreau, le ministère de l'Education et les étudiants. Ma première question est la suivante: Est-ce que le ministre est en mesure d'indiquer aux membres de cette Chambre s'il prévoit qu'une entente à ce sujet pourra intervenir d'ici peu? Est-ce que le ministre de l'Education prévoit que son ministère sera appelé à financer en partie cette formation professionnelle des étudiants en droit?

M. CLOUTIER: M. le Président, il y a un malaise en ce qui concerne la formation professionnelle des étudiants en droit, depuis plu- sieurs années. Le ministère de l'Education en a été saisi en mai 1974, à la suite de rencontres avec le Barreau et les doyens des facultés de droit. Le Barreau a admis certaines lacunes dans la formation des étudiants en quatrième année.

Il y a même eu une proposition qui visait à intégrer la formation professionnelle au milieu universitaire. Par la suite, un comité conjoint a été formé, comité où les étudiants étaient représentés. On a mis au point un devis pédagogique et tout un cheminement de manière à arriver à cet objectif.

Malheureusement, il y a eu certains retards. J'ai moi-même rencontré les étudiants en novembre dernier. Par la suite, les choses se sont accélérées et je crois que l'on en est arrivé à une solution qui est une solution valable. C'est que la quatrième année de droit sera intégrée à l'université, non pas en 1975/76, comme l'auraient souhaité les étudiants, mais en septembre 1976, parce qu'il est impossible d'en arriver avant à définir tous les programmes.

C'est donc dire que l'école du Barreau sera maintenue pour une dernière année, en 1975/76, et il s'agira là d'une année de transition. Le Barreau se fait fort d'ailleurs d'appliquer en grande partie le devis pédagogique de manière à préparer l'intégration à l'université.

Il semble également que cette solution permettra au Barreau et aux universités d'en arriver à une entente pour éviter le double examen, ce qui se rapprocherait d'ailleurs de l'esprit du code des professions.

Il y a des implications financières et ceci répond à la deuxième question du député d'Anjou. Le ministère les assumera. Nous pensons être en mesure de subventionner l'école du Barreau dans le cadre précis que j'ai décrit pour un montant qui pourrait être d'à peu près $1 million pour 1975/76 et, bien sûr, les sommes nécessaires seront prévues dans les budgets subséquents de manière que les universités puissent réaliser leur projet d'intégration.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresserait au ministre des Terres et Forêts. Mais je pense qu'il est parti. Je l'adresserai...

UNE VOIX: II a disparu.

M. BELLEMARE (Johnson): II n'est pas parti, il est allé s'habiller!

M. SAMSON: ... M. le Président, au... Avec votre permission, M. le Président, dans ce cas, à l'adjoint parlementaire. Est-ce que...

M. BELLEMARE (Johnson): Un millionnaire socialiste !

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BELLEMARE (Johnson): Un millionnaire socialiste qui ne s'habille pas!

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs!

M. BELLEMARE (Johnson): II est allé enlever ses jeans.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plait! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre, messieurs! ... S'il vous plaît! ... Un peu d'ordre dans cette Assemblée ! ...A l'ordre!

M. CHOQUETTE: Non, non! il s'habille comme beaucoup d'électeurs de Johnson.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous êtes tous les deux coupables, dans le moment.

M. BELLEMARE (Johnson): Ce n'est pas nous autres, c'est le ministre des Terres et Forêts...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE (Johnson): ... qui passe...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE (Johnson): ... pour un mal habillé...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CHOQUETTE: Une question de privilège au nom du ministre des Terres et Forêts. Le député de Johnson adresse des observations sarcastiques et ironiques au ministre des Terres et Forêts alors que celui-ci est absent de la Chambre. Je crois que ce n'est pas...

M. BELLEMARE (Johnson): Non, non.

M. CHOQUETTE: ... la gentilhommerie cou-tumière...

M. BELLEMARE (Johnson): Je lui ai déjà dit d'aller s'habiller, ne craignez pas.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre! ...

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Industrie de sciage de Taschereau

M. SAMSON: M. le Président, c'est un peu difficile. J'ai une question sérieuse et...

M. BELLEMARE (Johnson): Ah bien! une minute.

M. SAMSON: ... le préambule qui a été fait...

J'adresserai ma question à l'adjoint parlementaire du ministre des Terres et Forêts pour lui demander s'il est au courant du fait que l'industrie de sciage de Taschereau, la Fédération des chantiers coopératifs, fermera ses portes ce soir.

Il y aura 180 mises à pied à la suite d'une centaine d'autres mises à pied, la semaine dernière. Si oui, quelles seront ou quelles sont les démarches entreprises par le ministère pour venir en aide à cette industrie et quel sera ou quel est le rôle joué par REXFOR?

Je salue l'arrivée du ministre des Terres et Forêts, M. le Président.

M. ROY: II n'est pas habillé! M. CHOQUETTE: ...

M. BELLEMARE (Johnson): Voulez-vous, M. le Président, que je le lui redise?

M. SAMSON: Non, attendez que j'aie fini! Cela va déranger mon affaire !

M. BOURASSA: Pourquoi est-ce qu'on attaque comme cela le député de Westmount?

DES VOIX: Ha! Ha!

M. BELLEMARE (Johnson): Surtout de Westmount ! Surtout de Westmount, en guenilles!

DES VOIX: Ha! Ha!

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je peux reprendre ma question?

M. CHOQUETTE: Après tout, il s'habille comme le député de Saint-Jacques !

LE PRESIDENT: A l'ordre! DES VOIX: Ha! Ha!

M. CHARRON: M. le Président!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. CHARRON: Vous n'avez pas pris la bonne journée!

M. CHOQUETTE: Je retire mes paroles antiparlementaires.

UNE VOIX: Vous avez mal choisi votre journée !

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. SAMSON: M. le Président...

M. CHARRON: C'est tout ce qui rapproche Saint-Jacques de Westmount. C'est tout ce qui rapproche les deux !

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. SAMSON: M. le Président, si les politiciens peuvent arrêter de se déshabiller en public, je vais poser ma question !

M. BELLEMARE (Johnson): II y en a d'autres qui peuvent commencer à s'habiller, par exemple !

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Un peu moins d'esprit, s'il vous plaît.

M. SAMSON: Je repose ma question au ministre des Terres et Forêts qui vient d'arriver, M. le Président. Je lui demande s'il est au courant de la fermeture de l'usine de sciage de Taschereau, de la Fédération des chantiers coopératifs, des 180 mises à pied de ce matin, des centaines d'autres mises à pied de la semaine dernière. S'il est au courant, est-ce qu'il peut me dire quelles sont les démarches entreprises par son ministère, quel est ou quel sera le rôle joué par REXFOR, et est-ce qu'il est vrai que le rôle à être joué par REXFOR dans cette affaire serait de vouloir s'emparer de la Fédération des chantiers coopératifs?

C'est parce que je veux éviter une question supplémentaire, M. le Président. C'est pour cela que...

M. DRUMMOND: Tout ce que je peux dire à ce sujet, aujourd'hui, M. le Président, c'est que, depuis un certain temps déjà, le gouvernement a accepté, en principe, d'aider l'opération sauvetage de Taschereau, et que REXFOR, le ministère et d'autres intéressés sont en train de trouver une entente qui soit valable pour le gouvernement et pour les gens de la fédération.

M. SAMSON: Est-ce qu'on me permettra une petite courte question supplémentaire, M. le Président, compte tenu de l'urgence de cette situation?

LE PRESIDENT: Oui, allez.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre peut me donner une date possible, pour qu'on puisse dire à ces gens quand ils pourront reprendre leur emploi?

M. DRUMMOND: Disons, M. le Président, que c'est difficile de dire une date. Il y avait des réunions. Il y en a une autre, aujourd'hui, avec les intéressés, pour essayer d'arriver aux termes qui conviennent aux parties en cause.

M. SAMSON: Si vous avez une décision avant la fin de la journée, est-ce que vous pourriez nous la donner avant la fin de la journée?

M. DRUMMOND: Je doute qu'il y ait une décision formelle à annoncer à la fin de la journée, mais s'il y en a une, on l'annoncera aussi vite que possible.

LE PRESIDENT: Dernière question, l'honorable député de Dubuc.

Projet Ferchibal

M. HARVEY (Dubuc): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Pour faire suite à certaines questions posées en Chambre, le ministre a-t-il l'intention de déposer, ce matin, le mandat que son ministère a donné relativement aux options de transport possible du projet Ferchibal reliant par exemple le chemin de fer Albanel-Baie des Ha! Ha! pour l'exploitation des gisements du lac Albanel?

M. MAILLOUX: M. le Président, en réponse à cette question, de même qu'à celle qui a été posée hier par le député de Chicoutimi, je pourrais donner lecture du CT qui a été accepté mercredi et qui se lit comme suit: "la maîtrise d'oeuvre de l'étude de transport relative au projet Ferchibal a été confiée à la Direction politiques et développement du ministère des Transports. Un comité de direction interministériel a été mandaté pour coordonner l'ensemble des études et démarches inhérentes à ce projet d'envergure. Pour répondre aux besoins du ministère des Richesses naturelles, d'une part, et permettre au gouvernement du Québec, d'autre part, de prendre en toute connaissance de cause des décisions qui détermineront l'avenir de ce projet, le ministère des Transports doit, dans une première étape, chercher à préciser, pour diverses options, les coûts de transport du minerai de fer et les frais d'établissement des infrastructures requises. Le coût de cette étude de "factibilité" est évalué à environ $750,000. Divers groupes, organismes, aviseurs et sociétés d'experts-conseils seront appelés à participer à cette démarche analytique qui débutera en décembre 1974 pour se terminer le 30 juin 1975. C'est pourquoi, dans un premier temps, le ministère des Transports demande l'autorisation d'engager, sans délai, les mandataires suivants: premièrement, la société d'étude et de consultation du Canadien Pacifique pour la réalisation de l'étude de "factibilité" d'une voie nouvelle Albanel-Chibiron-Saguenay, à un coût approximatif de $178,400. Le mandat exclut les études de génie civil. Deuxièmement, la société d'ingénierie Tecsult International, pour répondre aux besoins d'étude de génie formulés au gérant de projet pour les divers mandataires dont principalement l'ACEC; le coût approximatif de ce mandat s'élève à $329,000. Ces deux mandats excluent les frais de transport ou de survol par hélicoptère ou autres modes qui seraient la responsabilité du ministère des Transports ou d'un mandataire autorisé".

M. le Président, je voudrais ajouter que ces deux études coûtent $500,000 sur un mandat de $618,000; la différence pourra éventuellement être confiée à des compagnies qui ont déjà fait des offres au gouvernement. Cela pourra être le CN, cela pourra être l'Alcan, qui ont déjà la connaissance du milieu. Mais le ministère des Transports reste le maître d'oeuvre. Si nous avons voulu diversifier les consultants, c'est que nous ne voulons pas identifier le gouvernement pour tout geste qu'il devrait poser ultérieurement. Je dépose, d'ailleurs, des copies de ce document.

M. BEDARD (Chicoutimi): Question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: Une courte question supplémentaire.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je remercie le ministre d'avoir répondu à ma question d'hier en déposant le document qui est important. Maintenant, je lui demandais également dans ma question de profiter de l'occasion pour faire le point sur le projet Ferchibal lui-même, de manière à informer la population, pour autant que c'est possible de le faire pour lui.

M. MAILLOUX: M. le Président, on comprendra qu'au moment où le ministère confie à diverses sociétés la recherche dont nous avons besoin pour que le gouvernement puisse se prononcer, il ne m'est pas permis, évidemment... Je n'ai pas, non plus la connaissance des recherches que nous confions à des gens spécialisés.

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, mais il y a des tractations à différentes compagnies à l'heure actuelle...

LE PRESIDENT: Al'ordre, messieurs!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... des négociations qui se font entre différentes compagnies minières pour l'exploitation du minerai du lac Albanel.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

Questions de privilège

LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, messieurs, j'ai reçu avis de deux questions de privilège. J'accorde la parole, en premier lieu, à l'honorable député de Drummond et, en second lieu, à l'honorable ministre de l'Immigration.

M. Robert Malouin Article de journal

M. MALOUIN: M. le Président, en réponse à un article mensonger et malicieux publié dans "The Gazette", édition du 19 décembre 1974, sous la signature d'un journaliste à la pige, Ralph Noseworthy, je désire faire la déclaration suivante: La veille de la publication de l'article en question, le dénommé Noseworthy m'a appelé pour obtenir certaines informations concernant mon ancienne firme d'ingénieurs. J'ai alors répondu à toutes ces insinuations mensongères en les niant et lui offrant même des preuves assermentées à l'appui. Il avait, d'ailleurs, obtenu les mêmes renseignements de l'un de mes anciens associés, quelque temps auparavant.

Je lui ai même dit de s'informer au ministère des Institutions financières et de mieux contrôler ses prétendues sources d'information. Malgré cela, il a décidé de remettre au journal The Gazette un texte erroné que le journal a publié sans exercer lui-même aucun contrôle sur la véracité du contenu de l'article.

Voilà où nous en sommes rendus au Québec, et je me demande sérieusement, M. le Président, s'il n'est pas impérieux de réviser la Loi de la presse de façon à assurer une certaine protection à l'homme politique qui veut sérieusement et honnêtement servir ses concitoyens, sans cependant être exposé à être l'objet des campagnes de salissage que nous connaissons actuellement.

Je nie donc énergiquement être encore membre de la firme d'ingénieurs-conseils, société que le journaliste aurait dû plutôt indiquer dans son texte. Et je déclare que j'ai quitté cette société par les voies régulières dès le 3 octobre 1973; mon départ fût d'ailleurs accepté par mes anciens associés professionnels dès le 4 octobre 1973, donc avant que je sois choisi comme candidat libéral lors de la dernière élection. Le même jour, j'ai aussi résigné mes fonctions dans une compagnie qui n'avait cependant aucun contrat avec le gouvernement de cette province, malgré l'affirmation mensongère du journaliste à la pige en question. Les parts détenues par une tierce compagnie furent également vendues le même jour et paiement fut effectué quelque temps après.

M. le Président, voilà toute la vérité au sujet de cette fausse nouvelle. Je suis sûr que tous mes collègues de cette Chambre, mes électeurs et concitoyens de cette province jugeront de la malice et du manque de probité intellectuelle de certains journaux et d'individus à leur solde. En conclusion, M. le Président, mon avocat, Me Roger Thibodeau, est saisi de ce dossier depuis hier et jugera quel recours, civil ou criminel, je dois exercer pour conserver le bien le plus précieux que chacun d'entre nous possède, soit sa réputation.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Immigration, question de privilège.

M. Jean Bienvenue Article de journal

M. BIENVENUE: Ma question de privilège,

M. le Président, concerne — j'allais dire un journaliste, mais je devrais plutôt dire un "billettiste" de la galerie de la presse — un certain Jacques Guay, dont je ne vois pas malheureusement l'air intelligent et le sourire...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. BIENVENUE: ... béat ce matin. UNE VOIX: II est collé après sa barbe.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît !

M. BIENVENUE: J'ai été, M. le Président — et vous avez été à travers moi et tous les collègues de cette Chambre, tous ce qu'ils en sont, ceux de l'Opposition inclus — victime d'un de ces traitements de boue quotidiens alors qu'il lance aux autres, je pense bien, une partie de lui-même.

L'article en question, M. le Président, était dans le journal Le Jour d'hier, jeudi 19 décembre; il était intitulé: "Un beau frame-up de Me Bienvenue". Je lis certains passages de ce que j'ai qualifié de boue. Parlant de celui qui vous parle, il dit: "II s'est attaqué hier à l'intégrité du député de Sauvé, Jacques-Yvan Morin". Je nie formellement, M. le Président, m'être attaqué à l'intégrité du député de Sauvé, Me Jacques-Yvan Morin. J'ai dit, lors de ma motion et de ma question de privilège, et aux journalistes que j'ai rencontrés par la suite, qu'il s'agissait d'une accusation d'ordre purement technique comme ce fut le cas lors de cette ancienne affaire qu'on a appelée l'affaire Boutin.

Je n'ai ni voulu attaquer, ni n'ai l'intention en aucun moment d'attaquer l'intégrité du député de Sauvé qui connaît d'ailleurs le respect que j'éprouve à l'endroit de sa personne.

Le même article continuait: "Ainsi, M. Morin serait coupable d'une nouvelle affaire Boutin. Il aurait commis une infraction technique à la Loi de le Législature. Doux euphémisme dans le cas de M. Boutin, belle calomnie dans le cas de M. Morin". C'est-à-dire que le juriste Guay s'est prononcé à l'avance aux lieux et place de l'Assemblée nationale et de sa commission, il a rendu jugement. C'est une calomnie dans le cas qui nous occupe présentement.

Et il termine, M. le Président — je saute les conneries qu'on trouve tout le long de l'article — ainsi: "A sa face même, cette accusation est ce que, dans le langage policier, un langage que connaît Me Bienvenue, on appelle un "frame up". Je n'ai pas à expliquer aux membres de la Chambre ce que l'on appelle un "frame up", M. le Président. C'est un coup monté, une affaire forgée, montée de toutes pièces; c'est ce que j'ai entendu ou lu de plus bas au sujet de ma personne et au sujet de cette Chambre. Suit le dernier jet d'urine, M. le Président: "Parce qu'il a une longue expérience des accusations portées devant les tribunaux, Me Bienvenue devrait se méfier des "frame up". Je ne commente pas, je pense que ça parle par soi-même.

Comme je viens de l'indiquer, il s'est substitué à l'Assemblée nationale, pour ce qu'elle sera appelée à voter, ce que la commission parlementaire sera appelée à juger. Il a déjà, lui, le juriste, rendu jugement. C'est un mépris flagrant de cette Chambre; c'est un outrage à ses prérogatives et à celles de ses membres. C'est une récidive, dont je pense qu'il est utile que je donne l'explication parce qu'elle fera mieux comprendre, pour l'édification des membres de cette Chambre, la haine, la bassesse, le fiel de l'homme petit qu'il est, et je n'ai pas dit du petit homme qu'il est.

Au cours d'une cause de meurtre il y a quelques années, à Rimouski, il s'était livré aux mêmes abus, aux mêmes attitudes sur le fond d'un litige. Il avait fait les mêmes incursions dans un domaine expressément réservé par la loi aux jurés. Je l'avais, et le juge Georges Pelletier de la cour Supérieure m'avait suivi, ramené à sa véritable dimension et lui avait servi une semonce dont il n'est jamais revenu.

M. le Président, vous savez tous, mes collègues savent tous, que tous les êtres de la création ont une fonction, une raison d'être. Dans son cas, je la cherche toujours.

J'avais songé à deux recours, M. le Président. Le premier à une poursuite en dommages pour libelle en matière civile, mais j'y renonce, parce que c'est un insolvable. La deuxième, à laquelle je ne renonce pas, et j'y méditerai pendant les jours qui viennent, est la motion en vertu de l'article 81 pour le faire comparaître devant l'Assemblée nationale et lui faire enfin attrap-per les peines qu'il a largement encourues.

LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour et demander au député de Roberval de prendre ce fauteuil sur les questions de partage de temps, je crois, et de décision, si débat il y a...

Questions inscrites au feuilleton

M. LEVESQUE: Avant qu'on entreprenne cette question, est-ce qu'on pourrait déposer certaines réponses aux questions au feuilleton du mercredi, 18 décembre?

Article no 10. Question de M. Bellemare (Johnson), réponse de M. Mailloux.

M. MAILLOUX: Lu et répondu. (voir annexe)

M. LEVESQUE: Article 16. Question de M. Léger, réponse de M. Goldbloom.

M. GOLDBLOOM: Lu et répondu, M. le Président. (voir annexe)

M. LEVESQUE: Article 31, question de M. Léger, réponse de M. Garneau.

M. GARNEAU: Lu et répondu, M. le Président, (voir annexe)

M. LEVESQUE: Article 32, question de M. Bellemare (Johnson). Je fais motion pour que cette question soit transformée en motion pour dépôt de documents.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Réponse de M. Cournoyer. M. COURNOYER: Document déposé.

M. LEVESQUE: Article 35, question de M. Bellemare (Johnson). Je formule la motion que cette question soit transformée en motion pour dépôt de documents.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. COURNOYER: Document déposé.

M. LEVESQUE: Réponse de M. Cournoyer. Article 79, motion de M. Bellemare (Johnson), dépôt de M. Cournoyer.

M. COURNOYER: Déposé.

M. BELLEMARE (Johnson): II travaille quand il est en Chambre.

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que...

M. ROY: ... leader du gouvernement, je voudrais lui signaler à nouveau qu'il y a des questions qui sont inscrites depuis le 19 mars dernier.

M. LEVESQUE: Que le député soit patient. On voit que...

M. ROY: Un instant! Une question de patience. Il y a des questions qui ne prennent pas tant de temps à recevoir une réponse.

M. LEVESQUE: On a répondu à des questions chaque jour et nous allons continuer chaque jour de la présente session avec autant de célérité que possible. Je n'ai pas reçu d'autres réponses que celles que j'ai déposées. J'attends toujours. J'insiste, et le député de Beauce-Sud devra attendre comme les autres. C'est clair?

M. ROY: M. le Président, un instant! C'est notre privilège de poser des questions et d'inscrire des questions au feuilleton de la Chambre.

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: Notre privilège.

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: Le gouvernement se doit...

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: ... de procéder avec diligence et de répondre aux questions que les députés posent.

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: II y a des questions pour lesquelles il faut attendre un an...

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: ... voire même quinze mois...

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: ... avant d'avoir des réponses, et le leader du gouvernement fait comme un perroquet.

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: II dit oui sans savoir pourquoi.

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: C'est enregistré, un vieux disque usé que nous entendons depuis quatre ans à l'Assemblée nationale.

M. LEVESQUE: Oui. C'est enregistré au journal des Débats.

M. ROY: J'aimerais savoir du leader du gouvernement, à ce moment-ci... Oui?

M. LEVESQUE: Oui. Quoi?

M. ROY: Etant donné que le ministre est parti à répondre oui, je vais lui demander si on peut espérer avoir des réponses demain.

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: J'en prends note.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: Ce n'est pas la première fois que le député espère.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Motion pour faire siéger la commission sur le projet de loi no 98

M. LEVESQUE: Je fais motion pour que la commission parlementaire des affaires municipales se réunisse au salon rouge, immédiate-

ment, pour continuer l'étude sereine et objective, article par article, du projet de loi no 98, Loi concernant certaines municipalités de l'Outaouais et du Haut-Saguenay.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Vote enregistré.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de la motion du leader parlementaire du gouvernement relativement à la convocation de la commission des affaires municipales, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lalonde, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, L'Allier, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Arsenault, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Déom, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Tardif, Tremblay, Vallières, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 85 Contre: 0

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée. Cette commission peut siéger immédiatement.

M. LEVESQUE: M. le Président, s'il y avait consentement, on pourrait retarder jusqu'à cinq heures le dépôt des amendements relatifs au projet de loi no 7.

M. LEGER: D'accord.

M. BURNS: D'accord.

M. LEVESQUE: Cinq heures, cet après-midi.

M. ROY: Le projet de loi no 7?

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: D'accord.

M. LEVESQUE: C'est assez volumineux. LE PRESIDENT: Consentement unanime? M. LEVESQUE: D'accord, M. le Président. LE PRESIDENT: Cela va.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on serait d'accord — je pense que la discussion est pas mal terminée sur un article ici, après consultation avec l'Opposition— pour l'article no... Où est-il?

M. BURNS: II est à la page 7.

M. LEVESQUE: Ah! C'est ça, il est demeuré à la page 7. Prise en considération du rapport et troisième lecture relativement au bill 93, Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et la Loi de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. S'il n'y a pas de discussion sur cet article, nous pourrions l'adopter unanimement immédiatement.

M. BURNS: D'accord, M. le Président.

M. SAMSON: Le rapport de la commission a été fait.

LE PRESIDENT: On l'approuve ici, oui. M. LEVESQUE: On l'approuve. M. SAMSON: D'accord.

Rapport sur le projet de loi no 93

LE PRESIDENT: Le rapport de la commission permanente des affaires sociales, qui a étudié le projet de loi no 93, est-il agréé?

M. BURNS: Agréé.

LE PRESIDENT: Agréé. Troisième lecture?

M. BURNS: Oui.

Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la troisième lecture du projet de loi no 93, Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et la loi de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Cette motion de troisième lecture est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

Motion privilégiée

Accusation portée contre M. Jacques-Yvan Morin

LE PRESIDENT: Relativement à cette motion, sur laquelle l'honorable député de Roberval rendra une décision dans quelques instants, à la demande du ministre de l'Immigration relativement à la correspondance qu'il y a eu sur la mission de l'AIPLF à Bruxelles, j'aimerais remettre aux deux parties une copie de cette correspondance et également, pour le bénéfice de l'Assemblée, en déposer une copie, avec le consentement de la Chambre.

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Roberval.

Décision de M. Lamontagne

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Messieurs, j'ai à statuer aujourd'hui sur la recevabilité de la motion privilégiée de l'honorable député de Crémazie et ministre de l'Immigration, inscrite au feuilleton de l'Assemblée nationale et présentée en vertu de l'article 80 du règlement.

Cette décision que j'ai à rendre fait suite à une question de règlement soulevée hier en cette Chambre par le député de Maisonneuve, le leader de l'Opposition officielle.

Le député de Maisonneuve allègue qu'il appartient au président de décider si une question de privilège qu'un député soulève est une question qui concerne directement les privilèges de la Chambre ou de quelque député. Il doit, dit-il, juger si, prima facie, il y a atteinte à des privilèges. Ensuite, il argumente que, prima facie, il n'y a pas atteinte aux privilèges, puisque l'article 96, invoqué par le député de Crémazie, ne défend pas aux députés de poser certains gestes, mais, au contraire, vise à permettre ou à défendre aux autorités de l'Assemblée nationale de verser aux députés certaines allocations.

Il n'est pas nécessaire de relater en détail ici toute l'argumentation du député de Maisonneuve au soutien de sa thèse, qui tend à faire déclarer par le président que la motion du député de Crémazie était irrecevable et n'aurait pas dû être inscrite au feuilleton.

La doctrine et les précédents veulent que le président a'assure que la question en est une qui, prima facie, concerne les privilèges de la Chambre et, j'ajoute, son indépendance. Quelle interprétation doit-on donner à l'assertion suivante: le président doit s'assurer que, prima facie, la question concerne les privilèges de la Chambre?

En premier lieu, le président doit vérifier si, dans sa forme, elle est présentée selon le règlement. En second lieu, il doit s'assurer que le contenu de la question ou de la motion a trait à une violation des privilèges de la Chambre et de son indépendance.

Il faut d'abord établir ce que le président n'a pas le pouvoir de faire. Il ne peut juger de la motion à son mérite, c'est évident. Il n'a pas le pouvoir non plus de juger des questions de droit. Le droit parlementaire le confirme. Les questions de droit, comme celles qui concernent les faits doivent être débattues devant l'organisme qui aura à se prononcer sur le mérite de la cause, soit la commission de l'Assemblée nationale.

C'est une question de droit, par exemple, que de décider si quelqu'un qui enfreint l'article 96 de la Loi de la Législature se rend coupable ou non d'une atteinte aux privilèges de la Chambre ou à son indépendance.

En étant saisi de la motion du député de Crémazie, le président n'a qu'à s'assurer que son contenu réfère à une violation des privilèges de la Chambre et de son indépendance. S'il va plus loin que cela, il s'immisce dans des questions de droit qui ne sont pas de sa compétence.

Le président peut interpréter le règlement, mais pas la Loi de la Législature ni aucune autre loi. Or, la motion du député de Crémazie allègue des faits suffisamment précis qui, s'ils étaient fondés, pourraient rendre le député de Sauvé et chef de l'Opposition officielle indigne de siéger pour avoir enfreint les dispositions qui visent à assurer l'indépendance de la Législature. C'est le contenu de la motion qui en témoigne.

D'ailleurs, cette motion réfère à l'article 96 et aux articles 75 et suivants de la Loi de la Législature, ces derniers faisant partie de la sous-section qui traite de l'indépendance de la Législature.

Dans sa forme comme dans son contenu, la motion a donc tous les éléments qui militent en faveur de sa recevabilité.

Pour terminer, faut-il mentionner qu'une motion du genre n'est pas usuelle dans nos institutions parlementaires? En 100 ans, peut-on trouver une couple d'exemples, au Québec, où un député porte une accusation de cette gravité contre un de ses collègues? Il s'agit bien d'une procédure extraordinaire qui entraîne de graves conséquences et qui commande un jugement de la part de ses pairs. Dès que les conditions de forme sont respectées, dès que des faits suffisamment précis sont allégués et qu'on accroche l'accusation à la Loi de la Législature en général et que ce type d'accusation n'est pas attribué aux tribunaux ordinaires, il n'appartient plus au président de décider si l'enquête de la commission de l'Assemblée nationale doit avoir lieu ou non, mais bien à l'Assemblée nationale elle-même et c'est le but que vise la motion actuellement devant nous.

Tout à l'heure, par un vote, l'Assemblée nationale décidera elle-même si cette enquête doit être tenue. Si c'est là son désir, la

commission siégera. Elle fera ensuite son rapport et, de nouveau, l'Assemblée sera saisie de l'affaire pour entériner ou rejeter les conclusions de la commission.

Le président ne peut se placer au-dessus de l'Assemblée; il n'en est que le serviteur. Si la motion respecte les conditions de base, à l'Assemblée nationale de se prononcer.

Quant au deuxième volet de l'argumentation du député de Maisonneuve, il m'est impossible d'y apporter quelque commentaire que ce soit parce qu'en ce faisant, j'irais au fond de la question, ce qui n'est pas de mon ressort.

Pour toutes ces raisons, je déclare que la motion du député de Crémazie et ministre de l'Immigration est régulière et doit être déclarée recevable.

Maintenant, le président de l'Assemblée nationale m'a informé qu'il avait consulté chaque parti, le parti ministériel, l'Opposition officielle, le Parti créditiste et également l'honorable député de Johnson. Je vais vous donner le résultat de la rencontre.

Il s'agit d'un débat de trois heures. On m'a informé que le Parti créditiste et l'honorable député de Johnson ne désiraient pas intervenir dans ce débat. Est-ce exact?

M. SAMSON: Véridique.

M. BURNS: M. le Président, j'aimerais apporter la précision suivante, pour qu'on se comprenne bien. C'est un débat qui dure trois heures à compter du début de la séance. Le débat — on n'a qu'à regarder l'horloge — ne peut pas durer trois heures. Il reste une heure et demie, en fait.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Egalement, il a été entendu entre les leaders concernés que ce débat durerait trois heures à compter du début de ce débat, effectivement.

M. LEVESQUE: On pourrait peut-être s'entendre. Si on convenait d'une heure et quart par parti?

M. BURNS: Je n'aurai pas besoin d'autant de temps que cela, personnellement.

M. LEVESQUE: Enfin, d'accord? M. BURNS: D'accord.

M. LEVESQUE: Si cela dépassait une heure, si ça ne prenait que quelques minutes pour terminer, on pourrait terminer; sinon on verra à ce moment-là.

M. BURNS: D'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une heure et quart par parti, d'accord? On m'a également fait part qu'il n'y aurait qu'un interlocuteur de chaque côté, soit, d'un côté, le ministre de l'Immigration et, de l'autre côté, l'honorable député de Maisonneuve. Mais évidemment en laissant tous les droits au chef de l'Opposition officielle, en vertu du règlement, d'intervenir; c'est un droit strict que vous avez si vous le désirez.

M. MORIN: Non.

M. BURNS: M. le Président, je veux juste réserver le droit possible — je ne vous dis pas que ça va se faire — mais le droit possible du député de Saguenay, en ce qui nous concerne, mais à l'intérieur de notre temps.

M. LEVESQUE: M. le Président, il ne faudrait pas oublier qu'il y a le droit de réplique qui appartient au proposeur de la motion. Il a l'intention de l'exercer et d'avoir le temps nécessaire pour l'exercer.

M. BURNS: II a son droit de réplique à l'intérieur de son heure et quart.

M. LEVESQUE: Non, non! je le comprends, d'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Prenons comme principe une heure et quart de chaque côté, incluant le temps de l'honorable chef de l'Opposition officielle s'il désire intervenir; c'est son droit. Il y aura un interlocuteur de chaque côté. Cependant, si un côté veut se servir du privilège pour un autre intervenant, ce même droit sera accordé à l'intérieur de l'heure et quart, incluant le droit de réplique de l'honorable ministre de l'Immigration.

M. BURNS: D'accord.

M. LEVESQUE: D'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Immigration, député de Crémazie.

M. Jean Bienvenue

M. BIENVENUE: M. le Président, je comprends que mon rôle, les objectifs que je dois poursuivre en intervenant sur ma propre motion consistent, comme le dit le règlement, à préciser les accusations.

Evidemment, quand on parle des accusations, dans le cas qui nous concerne, on pense à deux volets, à deux facettes, on pense au droit et on pense aux faits. Je m'explique. Si les faits que nous entendons mettre en preuve subsé-quemment et que nous réussissions à prouver ne débouchent sur rien, ne donnent ouverture à rien, aucun remède, aucune sanction, parce qu'ils ne s'appliqueraient pas — notre règlement ou la Loi de la Législature — aux faits et aux incidents qui nous intéressent, il serait illusoire de se lancer à la poursuite de la preuve des faits.

Donc, je dois ce matin préciser d'une part,

un peu comme l'a fait en anticipant hier le député de Maisonneuve, que ces accusations sont soutenues par le droit qui s'applique et que les faits ont réellement existé.

Je devrai, en conséquence, M. le Président, indiquer la preuve, les éléments de preuve que je tenterai de soumettre à la commission de l'Assemblée nationale, tant sur le droit que sur les faits, de la même façon que l'avait fait mon collègue de Maisonneuve lors des incidents dont nous nous rappelons, au printemps dernier, sur ce qui a été appelé l'affaire Boutin.

Je devrai, enfin, tenter, ce matin, de convaincre tous mes collègues de l'Assemblée nationale, y compris ceux des différentes Oppositions, de voter pour cette motion qui, elle, recherche un but, un objectif, la convocation de la commission parlementaire pour enquêter.

Il est bon, avant d'aller plus loin, de lire ce livre de chevet, cette bible qui va nous guider dans nos délibérations, dans notre enquête, si elle a lieu, si un vote était favorable, qu'est la Loi de la Législature du Québec et ses amendements.

Je veux d'abord lire l'article 96, 2e paragraphe, qui nous concerne de façon particulière dans le cas qui nous occupe: En outre de l'allocation prévue à l'article 99, il est aussi accordé à tout député pour l'indemniser des dépenses qu'il encourt pour les fins d'une mission officielle qu'il a accepté d'accomplir à la demande du président, agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54, une allocation qui lui est versée aux conditions et selon les barèmes et les modalités qui sont établis par ces commissaires.

Sous-paragraphe suivant, qui nous touche d'encore plus près: Aucune allocation ne peut être accordée, en vertu de la présente disposition, aux députés qui sont membres du Conseil exécutif — c'est-à-dire, dans les faits, les ministres au Québec — ou au député qui occupent le poste reconnu de chef de l'Opposition".

On comprend tout de suite, M. le Président — et j'y reviendrai plus tard — que l'article que je viens de lire, la partie positive, le premier des deux alinéas, qui dit: "II est aussi accordé une allocation pour les fins de missions, etc." que cette article est une exception à la règle générale qu'est l'article 75 — et j'y reviendrai — et que le deuxième sous-alinéa qui dit: "Telle indemnité ou allocation ne peut pas cependant être accordée ou à des ministres ou au chef de l'Opposition" devient une exception à l'exception. Je m'expliquerai davantage plus tard.

Les autres articles qui nous intéressent, M. le Président, et qui sont évidemment mentionnés spécifiquement dans la motion, sont les articles 75 et suivants de la même Loi de la Législature, chapeautés par un titre qui est celui de l'indépendance de la législature, et tous chapeautés, ces articles 75 et suivants, par cette section IV de la Loi de la législature dont le premier titre est celui des immunités et privilèges de l'Assemblée nationale.

L'article 75, M. le Président, se lit comme suit: "Sauf les dispositions spéciales ci-après, nul, s'il accepte ou occupe une charge, un office ou en emploi d'une nature permanente ou temporaire, sous le gouvernement de la province, auquel un traitement ou salaire annuel ou des honoraires, allocations, émoluments ou profits d'un genre quelconque venant de la province sont attachés... n'est éligible comme député à l'Assemblée nationale et ne peut siéger ou voter en cette qualité pendant qu'il occupe cette charge, cet office ou cet emploi". Je m'abstiens pour le moment, M. le Président, de lire l'article 76, dont j'ai dit il y a un instant qu'il était, avec ceux qui le suivent, l'exception à ce que je viens de lire, c'est-à-dire aux dispositions de l'article 75.

Je voudrais d'abord, M. le Président, procéder à réfuter l'argumentation du député de Maisonneuve qu'il a servie à cette Chambre hier sur le droit, sur les articles dont il est question, et argumentation que j'ai refusé, moi, de reprendre, à laquelle j'ai refusé de participer hier sciemment, parce que je considérais qu'elle portait exclusivement sur la question de fond, qui concerne le droit, et qui appartenait à la séance d'aujourd'hui, sur l'audition de cette motion.

Le député de Maisonneuve, M. le Président, nous a, hier, tout d'abord servi l'argumentation suivante et, évidemment, j'extrais simplement du journal des Débats certains passages. Je le cite: "Ce n'est pas une question de privilège". Il soutenait que je me référais à l'article 96, mentionné dans la motion, pour dire qu'il ne peut conduire, cet article, à une question de privilège et —j'ajoute évidemment par interprétation — à la motion qui en a découlé sous l'article 80 et qui est devant la Chambre ce matin. Je fais le commentaire suivant, M. le Président: La motion parle de l'article 96, fort bien. Mais elle parle aussi de l'article 75 et de l'article 76 parce que j'ai parlé des articles 75 et suivants. On reviendra en particulier à l'article 76, troisièmement, qui est la base même de la sanction d'inhabilité ou enfin de l'enchaînement du raisonnement légal conduisant à faire le lien entre l'article 96 et l'article 75, donc qui est le jalon sine qua non de la démonstration que j'entends faire. Si l'on regarde l'article 76, on aura tôt fait d'y découvrir qu'il se réfère non pas implicitement mais explicitement à l'article 75.

Pour ce qui est de 75, la jurisprudence qui a été établie en cette Chambre à l'occasion de cette affaire Boutin confirme qu'il faut recourir et à une question de privilège, puis à l'avis au feuilleton et à la motion, si on veut aboutir à une déclaration éventuelle d'inéligibilité ou d'inhabilité.

Le député de Maisonneuve —je poursuis toujours mes commentaires sur l'argumentation qu'il nous a servie hier — dit qu'à l'article 75 on voit l'inhabilité des fonctionnaires provinciaux. On verra au journal des Débats que le député de

Maisonneuve se limite à parler de l'inhabilité. De qui? Des fonctionnaires provinciaux. Et il n'a pas complètement tort à la face même de l'article. En effet, si on regarde le titre en marge, même si je reconnais que le titre n'a aucune valeur juridique, on parle bien dans le texte français de l'inhabilité des fonctionnaires provinciaux.

Si on regarde, par ailleurs, la traduction anglaise, à la droite, on parle de "ineligibility of provincial office-holders, etc." On n'a pas le "etc" dans le texte français et on l'a mis dans le titre de la version anglaise, "etc." Le député de Maisonneuve, M. le Président, oublie l'article 76 où on parle aussi d'inhabilité des députés, et j'y reviendrai. Je dis tout de suite que, lors de l'énumération des articles qu'il a faite hier devant la Chambre, il a parlé de 75, 77, 78 et suivants, mais, par hasard ou autrement, il n'a pas mentionné 76.

On verra l'importance extrême de cet oubli ou, si l'on préfère, les conséquences extrêmes de l'existence de l'article 76 dans le cas qui nous concerne. Le député de Maisonneuve soutient que l'article 96 est de nature différente de 75, mais toujours, je le répète, en oubliant l'existence de 76 qui suit et qui, lui, se réfère explicitement à 75. Le député de Maisonneuve disait: "II ne s'agit pas ici — en parlant de l'article 96 — de défendre aux députés de poser certains gestes, mais, au contraire, de permettre aux autorités de l'Assemblée de verser aux députés certaines allocations."

Evidemment, ce sont là ses commentaires en parlant du premier paragraphe et j'imagine, par interprétation, les conséquences juridiques du second qui dit qu'on ne peut pas verser telle indemnité à telle ou telle personne. Donc, aux yeux du député de Maisonneuve, cette disposition de la loi est d'ordre purement administratif. Elle interdit, selon lui toujours, aux autorités, à des hauts fotionnaires, à des fonctionnaires, au président de la Chambre, au comptable au ministère des Finances et à qui sais-je de verser tel ou tel type d'indemnité à tel ou tel type de personne. Par conséquent, en deux mots, c'est pour lui une simple restriction de payer.

Mon commentaire est le suivant, M. le Président. La défense de poser certains gestes, c'est-à-dire de payer des sommes autres que celles prévues à la loi, si elle n'est pas dans l'article 96, est clairement à l'article 76, troisièmement, puisqu'on y dit que les allocations et indemnités payables en vertu de la loi ne sont pas cause d'inhabilité, toujours d'inhabilité qui est prévue à l'article 75.

Je répète. On dit, à l'article 76, que les allocations indemnités ou autres sommes prévues en vertu de la loi, pas seulement à 76, mais n'importe où dans cette Loi de la Législature, ne sont pas des causes d'inhabilité en vertu de l'article 75, et je préciserai ma pensée un peu plus tard. Je tire évidemment et immédiatement l'argument suivant a contrario... les autres montants, les autres indemnités et allocations payés en dehors des articles 76 et suivants, en dehors de cette même loi ou interdits par cette même loi ne peuvent être encaissés si ce n'est au risque d'encourir la sanction prévue à la section IV, à savoir l'inhabilité.

Je dis, quant à ces sommes payées en dehors de cette loi, non prévues par cette loi, non mentionnées même par cette loi, je dis que ce raisonnement tient, à fortiori, surtout si les sommes dont il s'agit sont formellement et spécifiquement prohibées, comme c'est le cas à l'article 96, deuxièmement.

En deux mots, l'article 76, qui est l'exception à l'article 75, dit que pour cette inhabilité, cette sanction, cette peine que l'on trouve à l'article 75, il y a des règles. On peut y échapper, et ceux qui peuvent y échapper sont ceux qu'on énumère à l'article 76, qu'on énu-mère dans les articles qui suivent, tous faisant partie de ce chapitre de la Loi de la Législature. Ce sont là les indemnités, les montants, les allocations, les sommes d'argent prévus par la loi et qui permettent d'échapper à la rigueur de l'article 76.

Toutes sommes, toutes indemnités, toutes allocations, tous paiements non prévus à l'article 76 ne bénéficient pas de l'exemption, de l'exonération, de la protection des articles 76 et suivants et, en conséquence, rendent passible d'inhabilité celui qui les a reçus.

Mais je dis, à fortiori lorsque le législateur a poussé le zèle, si on veut appeler cela de cette façon, a poussé le souci du détail et de la précision jusqu'à interdire formellement et spécifiquement telles sommes, indemnités, allocations, émoluments, etc., et c'est ce que l'on voit à l'article 96, deuxièmement. Je poursuis.

Le député de Maisonneuve disait aussi, toujours à l'appui de ce premier volet de son argumentation sur le droit, que c'est parce qu'il ne s'agit pas d'une prohibition que l'on retrouve dans la loi et de sanction qui fasse référence à cet article. Je dis que cela est absolument faux en droit.

D'abord, il y a l'article 75 que j'ai déjà lu et dont on se rappelle, qui dit que "nul, s'il accepte ou occupe une charge, un office ou un emploi (...) sous le gouvernement de la province, auquel un traitement ou salaire annuel, ou des honoraires, allocations, émoluments ou profits d'un genre quelconque venant de la province, etc.", n'est éligible et ne peut siéger.

Evidemment, M. le Président, tous les députés, comme le chef de l'Opposition occupent de telles charges. C'est l'article 75 et là, j'arrive à la motion que j'avais à peine effleurée il y a un instant, à savoir que l'article 75 s'applique non seulement aux fonctionnaires, non seulement à un sous-ministre, non seulement à un procureur de la couronne, non seulement à l'ancien député de Johnson, advenant que l'on ait un jour — ce qui n'a pas été fait — fait la preuve qu'il avait retiré, par des mandats, des sommes venant du Québec, mais je vais plus loin et je dis

que l'article 75 s'applique à toute personne qui est député ou veut le devenir. Je m'explique.

Pour suivre à la lettre et avec rigueur mon raisonnement, et je pense d'ailleurs que l'histoire m'approuve là-dessus, il y a de cela bien des années, à une période aussi vieille que ce règlement désuet — je l'ai dit — que cette loi désuète — je l'ai dit et je le reconnais encore aujourd'hui, dura lex, sed lex — je dis que le député, en vertu de l'article 75, au départ, est un bénévole. Je dis que le député est un personnage qui, pour se soumettre à l'article 75, pour ne pas être disqualifié à cause de l'article 75, à la rigueur de mon raisonnement, ne doit pas être payé. C'est un député sans traitement, sans émolument, sans indemnité, sans allocation, s'il veut résister à la sévérité de l'article 75.

En 1974, tous mes collègues et moi, et vous, M. le Président, en droit strict, s'il n'y a pas plus que l'article 75 dans cette loi, nous ne pouvons siéger ici que bénévolement, sans traitement, sans indemnité, sans salaire. Sinon, nous sommes une de ces personnes qui acceptent, qui occupent une charge, un office ou un emploi de nature permanente ou temporaire sous le gouvernement de la province, auxquels un traitement, un salaire annuel ou des honoraires, allocations, émoluments au profit d'un genre quelconque venant de la province sont attachés. Les députés ne sont pas exclus de l'article qui les concerne. Il s'applique, cet article, aussi bien à mon sous-ministre qu'à moi. S'il n'y a que l'article 75, nous ne pouvons recevoir quoique ce soit, tous tant que nous sommes, si nous voulons rester éligibles et habiles. Mais il arrive que l'article 76, qui suit immédiatement, nous a dispensés de ce bénévolat. Il nous a permis de recevoir un traitement pour échapper à l'article 75. L'article 76 nous protège, nous et d'autres, de la sévérité de l'article 75. L'article 76, qui vient tout de suite après, indique clairement que les indemnités et allocations payées en vertu de la présente loi aux ministres, en vertu de la Loi de l'exécutif, au président et à vous, M. le Président, et à votre collègue, au chef de l'Opposition officielle, à qui on a consacré d'ailleurs un article spécial pour justifier l'excédent de traitement et de dépenses qu'il a par rapport aux autres députés, on dit bien que toutes ces personnes et toutes les sommes d'argent qu'elles reçoivent, à des titres divers — et cela va aller, on le verra, jusqu'à parler du logement gratuit — que pour toutes ces personnes le traitement, les émoluments, les indemnités, les allocations qu'elles reçoivent ne sont pas des causes d'inhabilité. Donc, toutes ces personnes on les couvre, on les protège à l'encontre de cet article 75, qui, tout nu, seul dans la loi, exigerait l'héroïsme du bénévolat.

On le voit facilement, M. le Président, et je ne crois pas nécessaire d'insister beaucoup davantage, on le voit, lorsqu'on dit à l'article 76: Des indemnités et allocations — et cela est l'article que par hasard le député de Maisonneu- ve a oublié hier, dans l'énumération de ceux auquels il a fait allusion — de quelque nature qu'elles soient, on verra que cela peut-être...

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet la rectification suivante? Si j'avais parlé de l'article 76, hier, je me serais lancé au fond et au mérite du débat. C'est délibérément que j'ai omis de citer cet article, hier, parce que je parlais de recevabilité, non pas du mérite.

M. BIENVENUE: D'ailleurs, je n'ai pas imputé de motif à ce sujet — et le député de Maisonneuve le sait.

Alors je reprends l'article 76, paragraphe 3. Les indemnités et allocations de quelque nature qu'elles soient. J'ai parlé tout à l'heure de logement, on peut parler de coût attaché au nombre de milles parcourus en automobile. On peut parler d'un tas de choses. Que la loi réserve expressément — on le verra — les indemnités et allocations de quelque nature qu'elles soient, payées en vertu de la présente loi au président et au vice-président de l'Assemblée nationale, aux membres de l'Assemblée nationale et, on le voit tout de suite après, au député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale.

Alors on dit bien: Les allocations et indemnités de quelque nature qu'elles soient payées aux membres de l'Assemblée nationale, mon indemnité de député, M. le Président, mon montant de quelque $7,000 pour frais de représentations non taxable; ce sont les indemnités et allocations de quelque nature qu'elles soient auxquelles fait allusion la loi, le logement d'un de mes collègues de l'extérieur dans la ville de Québec, le montant de tant le mille pour venir à Québec, le nombre de voyages forfaitaires, etc. Ce sont ces indemnités, allocations de quelque nature qu'elles soient, le logement qu'occupe ici le président de l'Assemblée nationale.

Alors, on énumère une série de personnes, et on arrive à la fin de l'article: Ne sont pas des causes d'inhabilité au sens de l'article 75.

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. BIENVENUE: Avec plaisir.

M. BURNS: Le paiement qui a été fait — et d'ailleurs que j'ai admis hier — le paiement de quelque $1,796, je pense, d'après le ministre, c'est ça que j'aimerais entendre, il a été fait, ce paiement, en vertu de quelle loi?

M. BIENVENUE: Ce paiement a été fait et n'aurait pas dû l'être — je le dis et j'y reviendrai lorsqu'on parlera des faits — en vertu d'un article de la Loi de la Législature, qui est l'article 96, paragraphe 2. C'est un des cas — on l'a dit à plusieurs reprises — prévus à la présente loi et faisant exception à l'article 75. Mais j'ai ajouté: n'aurait pas dû l'être, et je dirai plus tard:

n'aurait pas dû davantage être encaissé, endossé et dépensé parce qu'il y a l'exception à l'exception, parce qu'il y a interdiction à ce paiement dans le cas de deux types de personnes.

M. BURNS: Mais il a été fait en vertu de la Loi de la Législature?

M. BIENVENUE: Définitivement. M. BURNS: Bon, d'accord.

M. BIENVENUE: Alors, je dis: Ces indemnités et allocations, payables aux membres de l'Assemblée nationale, ne sont pas des causes d'inhabilité au sens de l'article 75, ce qui démontre, a contrario, ce que je viens d'essayer d'établir devant cette Chambre, c'est qu'on permet aux députés de recevoir un traitement, donc de ne pas être des bénévoles. On leur permet d'échapper à la rigueur et aux sanctions de l'article 75 parce qu'on le dit clairement à l'article 76 et dans les articles qui suivent.

Donc, aux députés, on dit: Messieurs, vous pouvez recevoir un traitement et cela ne vous empêchera pas d'être habiles ou éligibles. Article 75. Mais on ne le dit nulle part des procureurs de la couronne, on ne le dit nulle part des sous-ministres, des fonctionnaires etc. Je dis donc que tout député, recevant, en vertu de la loi, toute somme d'argent, que cela vienne de l'Assemblée nationale, que cela vienne d'ailleurs, que cela vienne de quelque fonds que l'on veuille qui émane des deniers publics du Québec, par opposition à ceux du fédéral ou de l'entreprise privée, je dis donc que ces gens ne peuvent être députés, ne peuvent être qualifiés habiles et éligibles que si les sommes d'argent qu'ils reçoivent leur sont accordées, leur sont permises en vertu de l'un ou l'autre des articles qui suivent l'article 75 et, a fortiori, ne leur sont pas interdites de façon spécifique comme dans le cas qui nous occupe.

En conséquence, les indemnités et allocations payées, et qui ne sont pas prévues à la présente loi, sont cause automatique d'inhabilité et, dans le cas qui nous occupe ici, je me répète mais à dessein, à l'article 96, deuxièmement, non seulement ce ne sont pas des allocations, ou des dépenses ou des indemnités pas prévues, donc non seulement elles ne sont pas "pas prévues" mais davantage elles sont interdites formellement, spécifiquement, le législateur ayant été là à faire une réserve, une interdiction, une prohibition qu'il ne s'est même pas donné la peine de faire ailleurs. C'est donc une cause d'inhabilité comme on vient de le voir.

Or, le chèque encaissé par le député de Sauvé, accepté, encaissé, dépensé par le député de Sauvé, non seulement n'est pas — et je pense que c'est le mot qui donne bien la notion que je recherche — non seulement ce chèque n'est pas protégé dans l'article 76 mais en plus il est formellement interdit, ce chèque, à l'article 96.

Qu'on ait — et j'anticipe — eu tort de le verser, qu'on l'ait versé par erreur, par négligence — j'irai plus loin, Dieu merci j'espère qu'on comprendra bien que c'est seulement pour les fins de l'hypothèse — qu'il ait été versé par malice, par perversité, comme un piège, comme une trappe, comme une source d'embêtement, de façon volontaire et vicieuse, cela ne justifiait pas et cela ne peut jamais justifier son acceptation, son encaissement et son usage.

Le député de Maisonneuve a parlé, pour étayer la thèse contraire à celle que j'explique, pour montrer que s'il devait en être ainsi, cela ne serait plus vivable comme député.

Il donnait cet exemple : La loi nous autorise quinze voyages et qu'arriverait-il si, par malheur, par inadvertance, nous recevions le paiement d'un seizième, l'encaissions et le dépensions sans protester, sans le remettre, etc.?

Pour les fins de l'hypothèse, de la stricte hypothèse, en droit pur, je dis qu'au mieux on pourrait dire que le seizième chèque ou seizième voyage n'est pas interdit spécifiquement, la loi, de façon positive, se contentant de dire: Les députés ont droit à quinze voyages, ont droit à un logement — et là je peux faire erreur — ont droit à $0.14 le mille. Cela implique évidemment que si c'est ce à quoi on a droit — et je pense que c'est une vérité de la Palice — on n'a pas droit à plus que cela. Parce que si on avait droit à 17 voyages, la loi dirait 17 voyages.

Je dis qu'au mieux, on pourrait dire que même si le seizième voyage n'est pas interdit spécifiquement, même si le deuxième logement n'est pas interdit spécifiquement, alors que la loi, pourtant, ne parle que d'un logement, même si les $0.18 le mille ne sont pas interdits spécifiquement, alors que la loi dit, j'imagine, pour les fins de la discussion, que c'est $0.14 le mille, je dis qu'ici, et contrairement à cela, c'est prévu dans le cas qui nous occupe. C'est interdit formellement dans le cas qui nous occupe. C'est ce que, évidemment, pour les fins de la discussion — l'image est peut-être imparfaite — je qualifiais de zèle du législateur, ce que l'on peut discuter. Pourquoi le législateur a-t-il imposé aux ministres et au chef de l'Opposition d'aller en Europe, dans les missions officielles, avec leurs collègues députés, à leur frais? Pourquoi avoir imposé cela? La loi, M. le Président, est ainsi faite. On ne doit pas l'interroger, on doit la respecter.

Je dis que dans le cas actuel, comme pour mieux s'assurer qu'il n'y avait pas moyen d'y échapper contrairement aux exemples que j'ai donnés, on l'a interdit spécifiquement.

Quant à la prétention du député de Sauvé, j'ai mes réserves. Je pense que cela se dégage assez de ce que je dis. On aura l'occasion d'y revenir plus tard. Le député de Sauvé a eu une attitude candide. Cela a été ses propres mots: Mais, M. le Président, je me suis soumis à vos directives. J'ai accepté. Vous représentez à mes yeux le gardien et l'arbitre de la loi qui nous

dirige. Vous m'avez expédié ou fait expédier un chèque. Pour moi, il y avait apparence de légalité. Vous êtes le gardien de la loi.

C'est le raisonnement du député de Sauvé. Et là, je cesse de suivre, M. le Président. Il est quand même professeur de droit, le député de Sauvé, et la loi est la même pour tous. Ce qui me frappe, M. le Président, du moins à ma connaissance et au moment où je vous parle, à midi, ce 20 décembre, c'est que dans cet article 96, deuxièmement, que le député de Sauvé et le député de Maisonneuve ainsi que plusieurs journaux ont repris en coeur, on voit une interdiction d'ordre administratif. On pense que c'est le président qui est visé. Je me rappelle — et j'aurai l'occasion d'y revenir plus tard — cette remarque d'un journaliste, M. Delorme, je pense, de Radio-Canada qui, visant manifestement la présidence, me faisait viser le noir et tuer le blanc. Je dis, M. le Président, que non et je dis que je ne parviens pas à comprendre. Cela deviendra un élément de preuve par la suite, mais je dis, pour indiquer la preuve que je tenterai de faire, au moment où on se parle, à midi, aujourd'hui, que l'article 96 indique bien de façon très claire que c'est une interdiction formelle: "Aucune allocation ne peut être accordée en vertu de la présente disposition aux députés qui sont membres du conseil", etc., "ou au député qui occupe le poste de chef de l'Opposition". Le chef de l'Opposition n'a pas, que je sache, à ce jour, offert de rembourser aux contribuables québécois cette somme de $1,796 qu'il n'a pas le droit d'avoir. Entendons-nous, qu'il n'a pas le droit d'avoir

Qu'on prenne l'interprétation littérale de l'Opposition en disant: C'est l'autre qui n'avait pas le droit de la lui verser, ou qu'on prenne la mienne en disant: Qu'on ait eu ou pas le droit, lui n'avait pas le droit de l'encaisser.

Aujourd'hui, cette somme n'est pas revenue aux contribuables québécois.

Je tenterai de prouver, sous forme de preuve circonstantielle au moment de l'enquête, si la Chambre m'accorde un vote positif sur la motion...

M. BURNS: Vous êtes prêts à en sortir pas mal des poches des contribuables québécois avec votre loi sur l'augmentation de salaires. Vous n'avez pas l'air d'être si gênés!

M. BIENVENUE: Je dis, M. le Président, que je tenterai de faire la preuve circonstantielle qu'il faut en revenir de la candeur, à laquelle j'ai fait allusion, du député qui, face à son président, gardien de la loi, s'incline, accepte, encaisse, en disant que toute l'initiative vient de la présidence, que c'est la présidence qui écrit, que c'est la présidence qui choisit le député en question comme délégué à Bruxelles et que lui se soumet.

Je tenterai de faire la preuve, à titre collatéral, à titre ancillaire, à titre circonstantiel, des initiatives, d'abord, du caucus du député de

Sauvé qui, lui, a désigné le député de Sauvé à la présidence; le député de Sauvé n'a vu son choix ratifié qu'à la suggestion expresse du caucus.

Je tenterai de prouver qu'à la même occasion, à l'occasion de cette mission officielle, le député de Sauvé — enfin, il appartiendra à d'autres de le juger — a fait ou a tenté de faire une chose nettement illégale, soit d'obtenir le paiement de fonds du Conseil du trésor; alors que seuls les chefs, les sous-chefs ou les fonctionnaires autorisés d'un ministère peuvent le faire, le député de Sauvé, comme chef officiel de l'Opposition, a tenté d'obtenir, à l'occasion de ce voyage, pour son attaché de presse, des deniers auxquels il n'avait pas droit, qui, d'ailleurs, ont été refusés par le Conseil du trésor, pour métro, pour chasseurs, pour pourboires, pour hôtels, pour location de salles, etc. Enfin, cela viendra, M. le Président, à l'occasion de la preuve.

Le député de Maisonneuve a ouvert un deuxième volet, celui du document signé par un M. Wilson, du bureau du président de la Chambre, disant, au sujet de ce document dont il se servait pour bien montrer, comme le député de Sauvé, que cela avait été imposé, qu'on s'était soumis, qu'on avait reçu et encaissé parce que ça nous arrivait, que le président ne pouvait interdire aujourd'hui ce qu'il avait lui-même autorisé en juillet.

Mon commentaire est le suivant: Ce n'est pas au président de juger des questions soulevées par la section IV de la Loi de la Législature; c'est à la commission parlementaire, et à la commission parlementaire seule. Je pense que je suis en bonne compagnie avec May's que l'on a souvent cité, le printemps dernier, lors de l'affaire Boutin et je suis en bonne compagnie avec mon ami, le député de Maisonneuve, lorsque je parle de May's.

M. BURNS: Vous avez changé d'avis?

M. BIENVENUE: J'ai réfléchi pendant l'été. J'avais dit, à l'époque, à mon ami, le député de Maisonneuve, que ses arguments me troublaient profondément, m'impressionnaient. La réflexion fut bonne à celui qui vous parle et je me range de plus en plus du côté de mon ami et excellent légiste, le député de Maisonneuve.

Tant qu'un homme peut reconnaître ses erreurs, il y a espoir. Je fais la proposition suivante: Aucun juge, et j'inclus la cour Suprême du Canada, pas plus qu'aucun ministre, pas plus qu'aucun haut fonctionnaire, pas plus qu'un chef de police d'une municipalité, pas plus qu'un conseil municipal et son maire, pas plus que vous, M. le Président, n'avez le pouvoir de faire plus qu'interpréter, et, ensuite, appliquer la loi.

Vous ne pouvez faire davantage.

Un maire et son conseil ne peuvent faire plus qu'interpréter et appliquer les règlements de leur municipalité. Si, par malheur — et je pense que l'histoire assez proche de nous, nous le

rappelle — ils devaient écarter la loi à l'occasion d'un problème de zonage ou de tout autre problème de même nature, ils ne sont pas au-dessus de la loi et doivent en subir les conséquences. Enfin, non pas eux-mêmes mais la chose dont il s'agit, la chose administrée doit en subir les conséquences. Et cela ne légitime pas, cela ne légalise pas.

L'individu à qui le chef de police de sa municipalité dit: Mon ami, je te permets de prendre une course, je te permets d'aller à 140 milles à l'heure sur la route 20 et tu as ma protection. On ne peut pas se défendre en disant: Le policier me l'a permis, M. le Président. Ce n'est pas une défense. Et, si un autre policier s'avise d'être là, on se fait pincer.

Le juge qui dirait: Mon ami, je vous ordonne, non seulement je vous permets mais je vous ordonne d'aller voler. Et vous le faites! Devant un autre juge, vous ne pourrez pas dire: Je ne suis pas coupable, votre collègue me l'a permis.

Ils ne peuvent faire plus, ceux que j'ai nommés, qu'appliquer la loi et l'interpréter. Ils ne peuvent pas, par conséquent, l'écarter ou l'enfreindre ou l'amender, tous gestes, toutes attitudes qui feraient que l'on dirait d'eux qu'ils se placent au-dessus de la loi. S'ils le font, le ministre en question, le haut-fonctionnaire, le chef de police, le maire, le président de la Chambre, le juge de la cour Suprême, s'ils le font, M. le Président, ils le font sous peine de nullité absolue. Et cela, que ce soit fait — je l'ai dit tout à l'heure pour les fins de l'hypothèse — sciemment ou par erreur ou par oubli. Seuls — je dis bien seuls — non seulement peuvent mais sont au-dessus de la loi et en conséquence peuvent faire ce qu'ils veulent de la loi, l'amender, la modifier, l'abroger, la voter, dans le cas des provinces la Législature, au Québec l'Assemblée nationale, et, au gouvernement central, le Parlement, seuls ceux-là peuvent dispenser de, modifier, écarter, amender.

Il aurait fallu, dans le cas du député de Sauvé, pour qu'il puisse avoir le droit d'accepter, d'encaisser, de dépenser, que la Chambre, que l'Assemblée nationale — et elle seule — ait voté un amendement abrogeant l'article 96, deuxièmement, en lui permettant dorénavant, ainsi qu'à mes collègues du Conseil exécutif, d'avoir droit à ces sommes. D'aucune autre façon, quels que soient l'attitude, la faute, la non-faute, la responsabilité, l'acte accompli sciemment, l'oubli, l'erreur, la distraction du président de la Chambre en descendant, du premier ministre en descendant, de n'importe quel tribunal. Est-ce assez clair?

M. le Président, voilà pour l'argumentation du député de Maisonneuve. Je veux maintenant toucher à ce que — si le député de Sauvé était avec nous, il retrouverait l'expression — on appelle le "pit and substance". La substance, M. le Président, de la section IV de la Loi de la Législature et notamment des sous-sections 2, 3, 4 et 5, toutes intimement liées entre elles, en ce qu'elles garantissent que les élus du peuple ne tireront de traitement, d'indemnité, d'allocation, de profit ou tous autres avantages financiers que ce soit pour accomplir en toute indépendance et en toute liberté leur devoir, ce ne sont que ceux — et seulement ceux — expressément prévus par la Loi de la Législature. Est-il nécessaire d'y revenir? Qu'on se sente, si on accepte d'autres, protégé moralement par le gardien, l'arbitre de la loi, peu importe. Ceux et seulement ceux-là font que l'on peut les recevoir et ne pas être inhabile, ne pas être l'objet d'une sanction. Et a fortiori, je le dis pour la quatrième fois, si le législateur a poussé le zèle non seulement d'exclure les autres mais d'en interdire un formellement dans la même loi, à quelques articles plus loin.

C'est le vieux proverbe: La loi est dure. Oui, cruelle, mais c'est la loi, et cela pour tous les membres de l'Assemblée nationale. Dans le cas de l'ex-député de Johnson, M. Jean-Claude Boutin, incidemment on ne l'a jamais appliquée, parce que l'enquête n'a jamais eu lieu, par conséquent je ne puis pas dire ce qu'eut été l'issue s'il avait choisi une voie différente, mais je peux dire qu'elle s'appliquait à lui comme à moi, comme à tous les membres de cette Chambre et au député de Sauvé et a fortiori dans son cas.

M. le Président, on l'a vu, l'article 75 inclut les députés, rend passibles les députés, les force à être bénévoles à moins que par l'article 76, on permette qu'ils soient payés. On voit les exceptions prévues par le législateur, je dirai, contre, versus l'article 75. Pour contrer cette règle générale de l'inhabilité de celui qui accepte quelque argent que ce soit ou avantage que ce soit, on me permettra l'expression pour être bien clair, même s'il n'y a pas de "cash", suivent les articles dilatoires de procédure dans le projet de loi.

Et on reprend ensuite les exceptions. Et à l'article 96, que j'ai eu l'occasion de lire, c'est là qu'est toute la différence — mais je dis bien sur le texte même de 96, pas quant au reste — c'est toute la différence entre la position, d'une part, du député de Maisonneuve et du député de Sauvé et, d'autre part, celle de celui qui vous parle, lorsqu'on interprète, lorsqu'on évalue le sens de 96. Mes amis d'en face disent que c'est une simple interdiction, une simple restriction d'ordre administratif, et nous disons, de ce côté-ci de la Chambre, que c'est davantage. Leur argumentation est la suivante, ils se basent sur la lettre même, et je lis: "Aucune allocation ne peut être accordée." Alors, disent-ils, et je sais que le député de Maisonneuve le redira, on ne défend nulle part de recevoir. On ne dis pas: aucune allocation ne peut être reçue par le député de Sauvé; on dit: aucune allocation ne peut être accordée, donc sous-entendue par ceux qui ont charge ou mandat pour payer.

Mais je démontre tout de suite que ce serait trop facile d'échapper à la loi en l'interprétant par sa lettre. Allons au paragraphe du même article 96 et on retrouve la même philosophie.

Je lis rapidement: Tout député qui a sa résidence principale à l'extérieur de la ville de Québec ou d'un district électoral qui y est contigu a aussi droit au remboursement des dépenses qu'il encourt pour le maintien, etc., etc., d'un logement. Là le député de Sauvé y a droit et il l'a, son logement. Les collègues du Conseil exécutif y ont droit et ils l'ont, enfin, je ne connais pas leur vie privée, mais ils y ont droit à leur logement. Et ils ne sont pas exclus, ils y ont droit. Mais je dis que si c'était exclus là aussi, dans le cas du chef de l'Opposition officielle et de mes collègues et moi, si on l'excluait, on n'y aurait pas droit. On recevrait un avantage ou un bénéfice qui ne nous permet pas d'échapper à la sévérité de l'article 75 et ce serait une cause, je le dis clairement, d'inhabilité.

Mais voici ce qu'on dit, en parlant de tout député qui a sa résidence à Québec: "A aussi droit au remboursement des dépenses"... Retenez l'expression "a aussi droit" qui implique que s'il n'y avait pas droit ce serait le contraire, on dirait il n'y a pas droit. Et on ajoute, à la fin de ce paragraphe: "Ce remboursement n'est pas accordé." On reprend la terminologie à la lettre de ce que j'ai cité précédemment lorsqu'on dit: "aucune allocation ne peut être accordée." On dit ici: "Ce remboursement n'est pas accordé". On voit tout de suite, que ce qu'on vient de dire, ça veut dire, en d'autres termes, que seule la personne que j'ai nommée n'y a pas droit. Cela ne peut lui être accordé et elle n'y a pas droit, comme celles dont j'ai parlé au début qui sont qui? Les personnes qui sont tous les députés de cette Chambre. Ce remboursement n'est pas accordé au premier ministre ni au président de l'Assemblée nationale s'ils occupent un logement à l'Hôtel du gouvernement.

C'est clair. Je dis que, si le premier ministre ou le président de l'Assemblée nationale recevaient le remboursement prévu pour occuper un tel logement, ils tomberaient sous le coup du règlement que j'ai invoqué pour mettre en accusation le député de Sauvé. C'est clair, et ce n'est pas avec la lettre de la loi qu'on peut jouer, parce qu'il y a l'équation: si c'est accordé, c'est parce qu'on y a droit; si cela ne peut être accordé, c'est parce qu'on n'y a pas droit. Et un avocat, professeur de droit par surcroît, devrait le savoir, parce que les étudiants en droit le savent.

Donc, il n'y a pas droit. Si donc — c'est la fin de mon raisonnement — cela ne peut vous être accordé, vous n'y avez pas droit et, si vous n'y avez pas droit, c'est illégal de l'accepter et encore plus illégal de l'encaisser.

M. le Président, l'article 96, paragraphe 2) sert à quoi? Qu'est-ce qu'il fait dans notre Loi de la Législature? C'est ce que j'appellerai volontiers un frein de secours, un deuxième "brake à bras", M. le Président. La loi, son premier frein, il est tout le long des dispositions et il dit: Tout ce qui n'est pas là, vous ne pouvez pas l'avoir, mais ce que j'appelle mon "brake à bras" dans le cas qui nous occupe, c'est que la loi vous met un second frein et dit: Non seulement parce que cela n'y est pas, vous n'avez pas droit de l'avoir, mais vous, je vous défends de l'avoir. C'est l'article 96.

D'ailleurs, on peut se demander pourquoi on enlève des droits au député de Sauvé et à mes collègues, parce qu'on l'a assimilé à mes collègues et à moi-même au point de vue du traitement. C'est parce qu'on lui a donné des sommes d'argent en vertu de la loi. En effet, s'il n'y avait pas l'article 98 qui s'applique au député de Sauvé pour dire combien il gagne, il serait en difficulté non seulement en vertu de l'article 96, paragraphe 2), mais en vertu du fait qu'il recevrait de l'argent que la loi ne lui reconnaît pas, comme telle. Il reçoit aux environs de $41,000, je l'ignore. Les députés reçoivent — je pense que ce n'est pas un secret pour personne; il va en être question dans les heures qui viennent — un salaire de $15,000 et des frais de représentation d'environ $7,000. Le député de Sauvé reçoit tout cela, comme député, et il reçoit, en plus, $15,000 comme chef de l'Opposition et $3,000 pour ses dépenses. Il est privilégié par rapport aux autres députés. On l'assimile au statut des membres du Conseil exécutif à cause de sa responsabilité et qu'on n'aille pas écrire et me faire dire que je conteste son traitement. Il a même — on le sait, c'est de notoriété publique, dans la poursuite de cette analogie — une limousine et un chauffeur, mais le député de Sauvé n'a pas droit aux $0.14 le mille. Le député de Sauvé, celui qui vous parle et ses collègues n'ont pas droit aux $0.14 le mille, parce qu'on a un véhicule à notre disposition. Le loi le dit qu'il n'y a pas droit et je dis que, s'il l'avait malgré tout, ce serait une autre cause d'inhabilité. C'est la logique de mon raisonnement.

Alors, il ne peut pas recevoir un cent — je dis bien un cent — de plus que les $41,000 environ — je n'ai pas le chiffre exact — dont le détail est prévu explicitement dans la Loi de la Législature et j'ai donné grosso modo le détail.

S'il reçoit un cent de plus, la sanction est qu'il ne pourra plus être député. Si la loi va plus loin et dit que, dans tel et tel cas, il ne peut recevoir un cent de plus, vous ne pouvez pas y échapper, M. le Président.

Dans le cas présent, évidemment, il s'agit de 1,796 fois 100 cents. Voilà, M. le Président, pour l'évidence du fondement en droit — je le soumets respectueusement — de mon accusation, que j'entends faire en commission parlementaire, et cela, évidemment, si on me donne un vote appuyant ma motion.

Mais, à toutes fins pratiques ce sera presque inutile, parce que je me bornerai, à ce moment, en commission, à répéter nos textes, ce que je viens de dire, parce que la loi ne changera pas d'ici à ce qu'on soit en commission.

Quant aux faits, M. le Président, que je tenterai de prouver, malgré que le chef de l'Opposition, et cela est manifeste —qu'on ne

bondisse pas, personne si j'emploie le mot "culpabilité", parce que j'ai bien dit que ce n'était pas criminel, que c'était technique — a reconnu — je tenterai de l'établir — devant je ne sais pas combien de millions de téléspectateurs, sa culpabilité quant au fait en disant qu'il avait effectivement participé à une mission officielle, en disant qu'il avait reçu — même s'il met la faute sur d'autres — il avait accepté, qu'il avait encaissé cette allocation de quelque $1,700 dont j'ai dit qu'elle était interdite à l'article 96, paragraphe 2 de notre règlement. Ce qui, à la limite, serait suffisant comme preuve, si on se rappelle que tant au civil qu'au criminel, en toute matière légale, l'aveu de la partie constitue la meilleure preuve.

Quand même, nonobstant cela, soucieux, je pense, comme j'ai toujours essayé de l'être, de permettre — et qu'on ne bondisse pas parce que je dis "l'accusé"; il est accusé par cette motion et on en a appelé d'autres, accusés, et les "trembling knees et les bleeding hearts" n'ont pas pleuré à ce moment — à l'accusé une défense pleine et entière, lorsqu'il fera face à une preuve aussi étanche que complète en droit et en fait. Par conséquent, nonobstant l'aveu qui a été vu — je le répète — à la télévision, qu'il a répété ici, je tenterai de convoquer tous témoins avec tous documents démontrant, premièrement, que le vote d'aujourd'hui, pour la motion, de tous les membres de cette Chambre, comme lors de l'affaire Boutin — je n'ose songer un instant que les membres de l'Opposition voteront contre la motion: Je pense que comme celui qui vous parle et tous les députés de cette Chambre, ils veulent faire la lumière, comme les ministériels dont je suis, en juin dernier, avaient spontanément et sans la moindre hésitation donné un vote pour la motion du député de Maisonneuve — que ce vote, dis-je, à toutes fins pratiques n'a d'autre but que de respecter intégralement les exigences de notre règlement. Cela au sujet d'une enquête qui, je le dis tout de suite, sera à mes yeux une enquête pro forma, pour la forme, mais que, en vertu de notre règlement, il faut tenir, parce que je soumets bien respectueusement que la loi s'applique, on l'a devant nous, et que les faits sont même admis par celui à qui on les reproche.

Deuxièmement, que tout citoyen et à plus forte raison tout député — les députés étant des législateurs — à plus forte raison encore un député parmi ceux-là qui, je l'ai dit, est professeur de droit, professeur émérite, qui a bien des fois émis des avis juridiques, et encore davantage donc un juriste, doit se soumettre à la règle inexorable que nul ne peut ignorer la loi. Que nul ne peut dire quelle autorité a autorisé telle chose, que tel juge, tel maire, tel ministre, tel président de l'Assemblée nationale a autorisé que je fasse telle chose, même si elle est défendue. Non, M. le Président, nul ne peut ignorer la loi. Même s'il l'oublie, même s'il est négligent, même s'il est distrait, le législateur a décidé qu'il ne doit pas l'ignorer. Cela est l'article de base, c'est la tête de chapitre d'une des lois les plus connues dans ce pays qui est notre code pénal. Il serait trop facile, sans cela, de dire: Je ne le savais pas. Bien avant nous, M. le Président, les Romains ont immortalisé — j'aurais une traduction à donner à mon ami le député de Johnson s'il était ici, cette notion, ce diktat en disant: Caveat emptor.

Cela a beaucoup d'analogies avec le cas qui nous intéresse. Caveat emptor signifie: Que l'acheteur soit prudent avant d'acheter; donc, par analogie, que celui qui reçoit soit prudent avant de recevoir. N'est-ce pas? Et, même si on me donne dans l'illégalité quelque chose, cela ne me permet pas de le recevoir dans la légalité, M. le Président.

Alors, pour toutes ces raisons et d'autres qui viendront plus tard... Et je demande à mes collègues et à mes amis de l'Opposition de me donner un vote affirmatif pour une seule raison: Le respect intégral de la Loi de la Législature, avec tous ses défauts, ses failles et ses vieilleries.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, je vais être beaucoup plus bref que le ministre de l'Immigration. Je veux tout simplement dire au départ que je ne veux pas qu'on interprète le vote qu'on donnera sur la motion du député, du ministre de l'Immigration comme étant une admission que le chef de l'Opposition serait inhabile à siéger si on prouve les faits allégués par le ministre de l'Immigration. Cela, je pense, doit être clair. Je n'ai pas l'intention de répéter ici l'argumentation que j'ai faite hier sur la recevabilité, argumentation qui tendait à vous laisser croire — je respecte votre décision, M. le Président, vous avez rendu une décision à l'effet contraire — qu'il n'y a pas de bris de privilège. Je la répéterai en commission, cette argumentation, puisque dans votre décision vous nous avez dit que la question de droit, ce serait quelque chose qui devrait être décidé par la commission.

Cependant, je le dis tout de suite, je me fonderai sur ce fameux article 76, que le ministre de l'Immigration me reproche de ne pas avoir cité hier. Et, particulièrement, je me fonderai sur les mots suivants: Les indemnités et allocations, de quelque nature qu'elles soient, payées en vertu de la présente loi, etc., ne sont pas des causes d'inhabilité en vertu de l'article 75. Je me référerai également, à ce moment-là, à l'admission qu'a faite, tout à l'heure, le ministre de l'Immigration à l'effet que le paiement de $1,796, que nous admettons avoir été fait, a été fait en vertu de la présente loi, a été fait en vertu de la Loi de la Législature.

Je me borne à ça, pour le moment, parce que

j'ai bien compris de votre décision que ce n'était pas à ce stade-ci que j'aurais à argumenter en droit mais plutôt devant la commission. J'ai bien compris votre décision?

J'assure tout de suite le ministre que je ne voterai pas contre sa motion. J'aimerais, cependant, avoir la possibilité de voter pour sa motion, avec les restrictions que je viens de faire, c'est-à-dire que ce soit une admission que le fait reproché au chef de l'Opposition est une cause d'inhabilité à siéger.

Mais pour me permettre véritablement de voter pour la motion, il me semble qu'il y a un certain nombre de prérequis que je demanderai au ministre de l'Immigration et aux collègues qui auront à voter, d'insérer dans la motion qui est devant nous.

Le premier, M. le Président, il est assez évident que nous avons intérêt — et le chef de l'Opposition surtout, principalement, comme je l'ai dit hier, a intérêt à ce qu'une telle chose, si elle doit aller devant la commission parlementaire, ne trame pas dans le paysage pendant les quatre ou cinq prochains mois. De sorte que notre premier intérêt serait de voir la commission parlementaire de l'Assemblée nationale siéger avec au moins autant de célérité qu'on l'a fait dans le cas de l'ancien député de Johnson. Je me souviens que j'avais fait ma motion, si je me rappelle bien, autour du 28 juin et que, dès le début de juillet, nous étions, quelques jours plus tard, en commission parlementaire pour examiner ce qu'on appelait à l'époque, le cas Boutin.

De sorte que, M. le Président, si l'Assemblée nationale décide de soumettre le cas du chef de l'Opposition à la commission de l'Assemblée nationale, je souhaiterais que cela ait lieu dès demain, qu'on ne perde aucun temps et que, dès demain, on soit en mesure d'examiner la preuve, de faire entendre les témoins nécessaires. Je proposerai, dans ce sens, M. le Président, un amendement à la motion du ministre de l'Immigration.

Egalement, M. le Président, puisque l'accusation, comme se plaît à la désigner le ministre de l'Immigration, se fonde sur l'article 96, j'aimerais, toujours pour me permettre de voter en faveur de la motion, que le ministre de l'Immigration accepte d'insérer dans la motion le sens véritable et les étapes véritables qui sont prévues dans ce fameux paragraphe 2 de l'article 96, et plus particulièrement celui-ci: "II est aussi accordé à tout député, pour l'indemniser des dépenses qu'il encourt pour les fins d'une mission officielle qu'il a acceptée — premier élément — d'accomplir à la demande du président et agissant sur recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54".

Il me semble que cela, le ministre de l'Immigration devrait être capable d'accepter que ces étapes, qui ont eu lieu, qui ont effectivement eu lieu — je l'ai personnellement vérifié auprès du président de l'Assemblée nationale — que la motion reflète exactement cet aspect, c'est-à-dire qu'il y a eu demande de la part du président et qu'il y a eu recommandation par des commissaires.

M. BIENVENUE: D'accord.

M. BURNS: Vous êtes d'accord pour qu'on insère cela. Alors je ferai une motion, tout à l'heure, qui englobera tout cela.

D'autre part, qui sont ces commissaires, M. le Président? C'est peut-être bon qu'on le sache. A tous les ans, au début d'une session, le Conseil exécutif, soit le cabinet des ministres, adopte un arrêté en conseil qui désigne des commissaires. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce système, il ne s'agit pas de commissaires extérieurs au gouvernement. Ce sont des ministres. Le 20 mars dernier, le cabinet des ministres a adopté un arrêté en conseil, qui porte le no 98674, qui désigne nommément comme commissaire: l'honorable Gérard-D. Levesque, ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Jean Bienvenue, ministre de l'Immigration, et l'honorable Oswald Parent, ministre de la Fonction publique, tous trois membres de l'Assemblée nationale du Québec, etc.

Je dis au ministre de l'Immigration qu'il est vraiment chanceux. Il est vraiment chanceux qu'il existe un autre arrêté en conseil qui, lui aussi, est adopté à tous les ans, au début de chaque session; Celui-là porte le no 98774, également en date du 20 mars. Cet autre arrêté en conseil dit: que MM. Gérald Harvey, Paul Phaneuf et Denis Hardy, tous trois membres de l'Assemblée nationale, soient nommés et constitués commissaires suppléants, avec les mêmes pouvoirs, de sorte que, quand l'un ou l'autre des trois commissaires ne peut pas aller faire ses recommandations à ce qu'on appelle, dans le langage du milieu, le comité de régie de l'Assemblée nationale, il y a suppléance.

Quand je dis que le ministre de l'Immigration est bien chanceux, c'est que dans le cas qui nous préoccupe...

M. BIENVENUE: II n'y était pas.

M. BURNS: ... le ministre de l'Immigration s'était fait remplacer par le ministre du Revenu. Je trouve qu'aujourd'hui le ministre de l'Immigration serait dans une drôle de position de venir argumenter ce qu'il vient de nous argumenter quand cela aurait été lui qui aurait autorisé le paiement. Ce n'est pas lui.

Cependant, M. le Président — cet aspect est important et je ferai une proposition d'amendement en ce sens — il me semble qu'on est en droit d'affirmer quelque chose à ce stade-ci; c'est que, si le député de Sauvé est reprochable d'avoir fait quelque chose, c'est-à-dire d'avoir encaissé un chèque qu'il n'a pas demandé et qu'on lui a envoyé, il me semble que seraient tout aussi reprochables ceux qui ont autorisé le député de Sauvé à poser un tel geste.

Si c'est vrai pour le député de Sauvé, c'est surtout vrai pour ceux qui ont le droit de contrôler ces dépenses. Je proposerai que, dans la motion, on insère le nom de M. Gérard-D. Levesque, à titre de commissaire; qu'on insère également le nom de M. Gérald Harvey, ministre du Revenu, à titre de commissaire suppléant, et qu'on insère le nom de M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publique, à titre de commissaire, qui ont autorisé ce paiement. Je demanderai également qu'on insère le nom du président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Noël Lavoie, dans cette motion. Toujours me basant sur ce principe-ci, c'est qu'il me semble qu'on devrait être capable d'admettre, tous ensemble, peu importe le résultat que donnera la commission de l'Assemblée nationale, que, s'il y a un reproche à faire au député de Sauvé, ceux qui l'ont, d'une part, incité à agir ainsi et ceux qui l'ont autorisé, eux qui sont en autorité, devraient être au moins aussi reprocha-bles, sinon plus.

Motion d'amendement

M. BURNS: Je vous demanderai donc, M. le Président, de faire les amendements suivants. Je propose que la motion actuellement en discussion soit amendée, premièrement, en remplaçant les mots "après avis du leader parlementaire du gouvernement, au cours de la présente session ou de la session subséquente", par les mots "le samedi, 21 décembre, à onze heures du matin, dans la salle 81-A".

Deuxièmement, en insérant, dans la neuvième ligne, après le mot "Morin", ce qui suit: "M. Jean-Noël Lavoie, président de l'Assemblée nationale, M. Gérard-D. Levesque, leader du gouvernement et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu et commissaire suppléant, nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, et M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publique et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature."

Pour être conforme avec cette deuxième partie de mon amendement, je suggère également, toujours dans la même motion, qu'on fasse les concordances nécessaires, c'est-à-dire en remplaçant, dans la 9e ligne, le mot "indigne" au singulier par le mot "indignes" au pluriel et, dans la 10e ligne, le mot "inhabile" au singulier par le mot "inhabiles" au pluriel. Quatrièmement en insérant, après le mot "avoir" dans la 13e ligne, les mots: "accorder ou dans le cas de M. Jacques-Yvan."

En remplaçant, dans la 17e ligne, les mots: "indemniser" par les mots: "indemniser le chef de l'Opposition" et, enfin, en insérant, après le millésisme 1974, dans la 20e ligne, ce qui suit: "A la demande du président agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature et qui lui a été versée aux conditions et selon les barèmes et les modalités établis par ces commissaires."

Je mets à la disposition du secrétaire et des autres membres de la Chambre le texte tel qu'il se relirait pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur l'intention qu'il y a... Vous avez l'amendement et vous avez la motion telle qu'elle se lirait une fois amendée. Je propose cet amendement, M. le Président, et me borne pour le moment à ces quelques remarques.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Puis-je m'informer si on désire de la consultation? On veut parler sur l'amendement?

UNE VOIX: Adopté?

M. BURNS: Adopté.

UNE VOIX: Vous pensez vous en sauver?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais faire une suggestion, vu le silence qui se produit. Est-ce que vous préférez, à une heure moins douze, une suspension? On en tiendra compte au retour.

M. BURNS: D'accord. M. LEVESQUE: D'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

Reprise de la séance à 15 h 7

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: M. le Président, une question de règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Etant donné l'article 80, je me demande, M. le Président, si vous ne devriez pas demander l'application du paragraphe 2, à l'effet que les personnes accusées ne doivent pas assister à la séance, après que vous leur avez demandé de s'expliquer si elles le veulent. Depuis ce matin, il y a le nom de quatre autres personnes qui apparaissent dans la motion. Alors, je vous demanderais l'application de l'article...

M. LEVESQUE: Complètement ridicule et farfelu. Il le sait, d'ailleurs.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! A l'ordre, messieurs! Je pense que, dans la motion, je préfère parler d'abord.

M. BIENVENUE: Est-ce que je pourrai vous interrompre, avec votre permission?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais compte tenu de l'importance de la motion présentée par le député de Crémazie et ministre de l'Immigration, également de la motion d'amendement proposée par le député de Maisonneuve, je crois personnellement de mon devoir de prendre la parole immédiatement sur l'amendement du député de Maisonneuve. Si vous voulez apporter certains commentaires, je vous en donnerai l'occasion.

Le député de Maisonneuve a choisi de présenter un amendement. De toute évidence, une partie de l'amendement a trait à la date de la convocation de la commission parlementaire. Je pense qu'évidemment, sur cette partie-là tout le monde s'entend...

M. BURNS: M. le Président, je ne veux pas vous interrompre, mais si je comprends bien, je vous regarde aller, sur quoi êtes-vous en train de rendre une décision?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais rendre une décision immédiatement sur une partie de votre amendement.

M. BURNS: Concernant la recevabilité?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Concernant la recevabilité.

M. BURNS: M. le Président, il me semble que ce serait plus normal...

LE VICE-PRESIDENT (M.Lamontagne): Mais je préférerais...

M. BURNS: ... que vous me posiez des problèmes sur la recevabilité, que le leader adjoint du gouvernement ait la possibilité d'argumenter et que j'aie la possibilité d'argumenter.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais, pour des raisons, je n'exclus pas...

M. BURNS: Autrement, je vais être placé devant une situation de fait accompli.

Je ne pourrai pas argumenter, je ne peux pas en appeler de votre décision, puis je n'aurai même pas le temps de vous dire ce que je pense du problème que vous soulevez.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je comprends l'opinion que vous émettez mais, personnellement, je crois de mon devoir d'intervenir immédiatement, sans aller plus loin sur la recevabilité de votre motion pour des raisons...

M. LEVESQUE: M. le Président, je suis d'accord avec le député de Maisonneuve. Si vous êtes pour vous prononcer immédiatement avant que nous puissions apporter nos propres commentaires ou essayer d'éclairer la présidence — malgré que je crois qu'elle a toutes les raisons d'être bien éclairée — je crois, cependant, M. le Président, avec le député de Maisonneuve, qu'on ne devrait pas arriver devant un fait accompli et qu'à ce moment, on mette en cause votre propre décision.

Je pense que le règlement ne nous permet pas de discuter de votre décision, une fois qu'elle est rendue. Vous avez peut-être d'autres raisons. Il y a peut-être d'autres choses que vous voulez dire, si je comprends bien. Je pense que le député de Maisonneuve et moi-même sommes d'accord sur la procédure.

M. LESSARD: ... une consultation...

M. LEVESQUE: Si la présidence a quelques conseils à nous donner ou quelques directives à nous donner, j'en suis, mais si c'est pour rendre une décision finale qui nous empêche, à ce moment, d'intervenir, je pense que c'est irrégulier, malgré tout le respect que je vous dois.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je comprends, des deux côtés, l'opinion que vous émettez, mais la décision que je rendrai est une décision d'une clarté absolue et basée sur les règlements. Je me demande comment on pourrait apporter un éclairage devant une telle clarté.

Maintenant, si vous êtes d'accord, je peux vous écouter, et je vous assure qu'en aucune circonstance vous ne pourrez modifier ma décision.

Dans ce cas précis, si vous permettez... Ecoutez, je pense qu'on ne joue pas avec ces

choses. Je voudrais seulement porter à votre attention, pour vous montrer l'importance justement de la responsabilité que j'assume cet après-midi en prononçant ces paroles, en matinée, pour me citer au texte, j'ai mentionné une phrase: "Pour terminer, faut-il mentionner qu'une motion du genre n'est pas usuelle dans nos institutions parlementaires? En 100 ans, peut-on trouver une couple d'exemples au Québec où un député porte une accusation...

UNE VOIX: J'en connais au moins trois.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Deux ou trois, en 100 ans.

M. BURNS: II y en a deux dans cette Législature-ci. M. le Président. Il y en a une du député de Crémazie, ce matin, et il y en a eu une du député de Maisonneuve, en juin dernier, il y en a eu une sur Gabias, et il y en a eu une autre quelques années avant.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.

M. BURNS: Vous en trouvez une.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais porter à votre attention...

M. BURNS: Ce n'est pas l'argument, M. le Président. C'est une procédure qui existe ou non, dans notre règlement. C'est la question. Si cette procédure existe, je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas utilisée tant par le ministre de l'Immigration que par moi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Exactement.

M. BURNS: Je ne pense pas que ce type de procédure me soit réservé. Parce que c'est rare, parce que cela n'arrive pas souvent, cela ne veut pas dire qu'à ce moment, vous devez tout "sacrer" cela dehors. Je vais en donner d'autres procédures qu'il y a dans ce règlement. Une motion pour division : Vous en avez vu combien depuis quatre ans? Vous n'en avez pas vu souvent.

Il y en a eu une à ma connaissance, peut-être deux. Cela ne veut pas dire que la motion pour division doit être réglée d'un trait de plume de la présidence. C'est ça qui est le point important. Ce qui m'inquiète, M. le Président, beaucoup, énormément — je dois vous le dire tout de suite— c'est que, lorsque le leader du gouvernement a endossé, à toutes fins pratiques, mon point de vue sur le fait qu'on pensait que, s'il y avait une question de recevabilité, il faudrait peut-être en parler avant — là-dessus, on est d'accord, on ne se fera pas de querelle — vous avez dit: II n'y a pas grand-chose qui va changer mon opinion. Je me demande, M. le Président, ce qu'on vient faire ici.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez, je vais vous donner la parole après, si vous le permettez, II est évident que, pendant la suspension, j'ai examiné très attentivement la motion d'amendement que vous avez proposée. Or, il m'a paru que votre motion d'amendement me mettait dans une position où une décision ne pouvait être influencée parce qu'elle était basée sur des arguments complètement clairs. Je pense que tout le monde les comprendra facilement.

Maintenant, comme vous êtes tous les deux d'accord, je vais...

M. LESSARD: Ce n'est pas facile d'argumenter si vous avez pris une décision, comme vous venez de nous l'indiquer.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je ne vous le cache pas, je n'ai pas passé le temps de la suspension avec les deux leaders parlementaires; j'ai étudié, pendant ce temps, la motion d'amendement proposée par le député de Maisonneuve. J'en suis venu à la conclusion qu'il était de mon devoir d'intervenir immédiatement. Evidemment, si je me levais pour intervenir immédiatement, c'est parce que ma décision était prise. Si elle était prise, je la portais à votre attention. Même si je ne vous l'avais pas dit qu'elle était prise, le seul fait que je me levais pour porter à votre connaissance une décision, c'est parce que je l'avais prise.

Maintenant, si les deux parties sont d'accord, je vais les entendre évidemment.

M. LEVESQUE: Qu'on se comprenne bien, on peut, évidemment, imaginer, étant donné le temps que vous avez eu pour préparer votre décision, qu'elle vous semble très claire. J'en suis convaincu, d'ailleurs, moi-même, même si je n'ai pas pris autant de temps pour en arriver aux mêmes conclusions, auxquelles je m'imagine vous êtes arrivé. Mais je crois que, simplement pour le respect de notre règlement, il est important que vous permettiez aux parties de s'exprimer. Peut-être y aurait-il quelque chose qui vous a échappé. Personne n'est au-dessus d'erreurs humaines. Errare humanum est. On peut avoir oublié quelque chose. Je crois, M. le Président, que vous devez permettre...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous donne la parole...

M. LEVESQUE: ... à chacun d'exprimer son point de vue, même si, prima facie et de toute évidence, la décision aurait pu être rendue à une heure moins le quart.

M. BURNS: La décision aurait peut-être pu être rendue à une heure moins le quart, mais il y a aussi une chose que le président aurait pu faire pendant ce long silence où personne ne savait comment meubler l'immobilité de l'Assemblée nationale.

Cela aurait peut-être été le moment de soulever des problèmes relativement à la recevabilité et cela m'aurait fait plaisir d'en parler.

De toute façon, M. le Président, j'ai soulevé une question de règlement. Je ne veux pas l'empêcher d'intervenir, mais le leader du gouvernement, actuellement, est visé par la motion. Je me demande si vous ne devriez pas appliquer l'article 80.

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne veux pas toucher, à ce moment, le fond de la question. C'est tellement farfelu, comme je l'ai mentionné, que je ne veux même pas, à ce moment-ci, intervenir. Le député de Maisonneuve sait fort bien que, s'il a une accusation à porter contre le leader du gouvernement, il n'a qu'à le faire, il a les moyens pour le faire. Il le sait cela, qu'il le fasse visière levée, selon les règlements.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais répondre à la question de l'honorable député de Maisonneuve. En fait, il est vrai que l'article 80, c'est lorsque la motion est appelée; c'est donc dire qu'à ce moment-là elle a été déclarée recevable. Mais à ce moment-ci, nous en sommes... A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre!

Je pense que c'est un problème assez sérieux et je ne pourrai permettre des interventions de part et d'autre pour aucune considération. Ce n'est pas facile pour moi et je sais que ce n'est pas facile pour d'autres également. Cependant, je ne peux demander à personne actuellement de se retirer, compte tenu du fait que nous en sommes encore à la recevabilité et non pas à une motion dûment appelée devant l'Assemblée nationale. C'est dans cet esprit que j'en étais venu à une conclusion; évidemment il s'agit d'une décision qui tenait compte un peu de tous ces facteurs. Mais vous semblez unanimes de part et d'autre à intervenir sur la recevabilité de la motion, à l'intérieur, évidemment, du laps de temps permis pour le débat. On s'est entendu pour un débat d'une durée de deux heures et demie, maximum de trois heures, suivant ce que vous avez décidé de part et d'autre ce matin, avec une durée initiale pour chaque parti d'une heure et quinze minutes. Pour bien vous situer, j'aimerais avoir la collaboration des hauts fonctionnaires de l'Assemblée. L'honorable ministre de l'Immigration, député de Crémazie, à sa première intervention, a parlé pendant 61 minutes. Maintenant, j'aurais besoin...

M. LEVESQUE: Disons que cela va jusqu'à quatre heures et quart, c'est à peu près cela.

M. BURNS: La répartition du temps, c'est important.

M. LEVESQUE: On va prendre le temps que vous voudrez.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): On m'informe que pour l'honorable député de Maisonneuve, c'est seize minutes.

M. LEVESQUE: ... en masse.

M. BURNS: Quand c'est clair, on n'a pas besoin d'une heure pour s'exprimer. Quinze minutes, c'est assez.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Maintenant, si vous désirez parler sur la recevabilité, puisqu'il s'agit tout de même d'une motion d'amendement à l'intérieur d'un débat...

M. LEVESQUE: Le leader parlementaire de l'Opposition officielle s'est levé. Tout ce qu'on demande, c'est de lui laisser la parole. Il s'est levé pour parler, tout à l'heure, sur la recevabilité.

M. BURNS: J'ai dit que j'étais étonné parce que personne n'avait soulevé la question de recevabilité.

M. LEVESQUE: Alors, parlez.

M. BURNS: Je vais vous dire qu'elle est recevable. Je dis: Bien oui, elle est recevable. Que voulez-vous que je vous dise? J'aimerais bien savoir sur quoi elle n'est pas recevable.

M. LEVESQUE: Alors assoyez-vous, si vous n'avez rien à dire.

M. BURNS: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

Sur la recevabilité, l'honorable ministre de l'Immigration.

M. BIENVENUE: Avant, M. le Président, de parler sur la recevabilité, je suis sûr que le député de Maisonneuve, qui est un "gentleman", va me permettre de faire une brève remarque sur ce qu'il a dit il y a un instant, à savoir que j'avais fait des insinuations à l'endroit du leader, à l'endroit du chef...

M. BURNS: Ce n'est pas cela que j'ai dit, M. le Président. J'ai dit...

M. BIENVENUE: Ces insinuations...

M. BURNS: ... que ce ne sont pas plus des insinuations que celles qui ont été faites.

UNE VOIX: Ah, bon!

M. BURNS: Elles sont au même niveau. Si vous, vous en avez fait et si le leader du gouvernement se sent visé...

M. LEVESQUE: M. le Président, une question de privilège.

M. BURNS: ... par l'amendement que j'ai fait ce matin...

M. LEVESQUE: Une question de privilège.

M. BURNS: ... il doit se sentir visé autant et de la même façon...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de privilège.

M. LEVESQUE: Une question de privilège.

M. BURNS: ... que le député de Sauvé par le leader adjoint.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEVESQUE: Une question de privilège.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais avant votre question de privilège...

M. LEVESQUE: Elle n'est pas prioritaire?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui, je vais vous donner la parole, mais je veux vous inviter, pour la dernière fois, de part et d'autre, à parler seulement un à la fois. Je pense que c'est bien important, vu le débat en cours. Je ne puis permettre aucune intervention, sous peine de grande sévérité de ma part.

M. LEVESQUE: M. le Président, simplement une question de privilège, pour que le leader parlementaire de l'Opposition officielle pèse bien ses paroles, et que, concernant cette procédure de diversion qu'il a faite ce matin —je ne le blâme pas de l'avoir faite — il ne vienne pas identifier une telle procédure de diversion à une procédure extrêmement grave, celle qui a fait l'objet de la motion ce matin.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Immigration.

M. BIENVENUE: D'accord. Je voulais dire, M. le Président, que, de toute façon, je n'avais pas fait — je parle pour moi et non pour les autres — d'insinuations. Au contraire, je n'insinuais rien. J'accusais formellement le député de Sauvé, parfaitement conscient de mes responsabilités et du sort qui peut m'advenir, à moi, si je fais fausse route.

M. le Président, reprenant ce qu'a dit il y a un instant avant moi le leader du gouvernement —je n'irai pas au fond; si je vais au fond, qu'on m'arrête, qu'on me corrige, je respecte trop le règlement — je dis que la motion d'amendement du député de Maisonneuve est, à mes yeux, de la foutaise et une excellente manoeuvre de diversion.

J'admets que sur le plan — je ne suis pas familier dans ce domaine-là — journalistique, heure de pointe, bon "punch" publicitaire, ce n'est pas mon domaine mais mon instinct me dit que c'est bon. Quand je dis diversion, je pensais presque à divertissement mais je reviens à une note plus sérieuse.

M. le Président, il est manifeste, face à l'article 80 de notre règlement, qu'un amendement de forme — et je m'en tiens à la recevabilité — tel que celui-ci n'est pas admissible dans un cas tel qu'il aurait pour effet, dans le cas actuel, de rendre des députés indignes, sujet évidemment à une preuve, parce qu'inhabiles. L'article 80 est bien clair, M. le Président: "Lorsqu'un député désire accuser un de ses collègues — et on accuse des collègues lorsqu'on...

A l'ordre, M. le leader, j'ai la parole...

Le règlement dit: "Lorsqu'un député désire accuser un de ses collègues d'un acte qui le rend indigne de siéger, etc., il doit présenter une motion de fond annoncée dans laquelle il énonce l'accusation en termes explicites, etc."

C'est la procédure que j'ai suivie pour accuser le député de Sauvé. J'avais suivi l'exemple, en cela, du député de Maisonneuve lorsqu'il avait accusé l'ancien député de Johnson, motion de fond, précédée, suivant les voeux et la jurisprudence établis par le président de la Chambre, d'un avis, d'une question de privilège. Pourquoi cette précaution, pourquoi ces formalités? C'est trop sérieux, et j'en suis combien conscient, d'accuser un de ses collègues pour qu'on puisse le faire par une simple motion d'amendement greffée à une motion principale sans avis, sans question de privilège, etc.

Voilà. Deuxièmement, M. le Président, je m'excuse de le répéter, je le fais brièvement, toujours sans toucher au fond, ce que je croyais avoir dit 100 fois ce matin et qui, apparemment, n'a pas été reçu dans toutes les oreilles de cette Chambre. L'article 96-2 via 75, via 76, il appartient au même chapitre, il est une exception à l'exception contenue à l'article 76, qui est l'exception à l'article 75.

Il y a interdiction formelle d'être payé, M. le Président, via la Loi de la Législature, pas via d'autres lois. On dit dans quels cas on a droit ou on n'a pas droit à telle chose. La sanction, M. le Président, contre ceux qui sont payés pour une chose à laquelle ils n'avaient pas droit, elle est là dans la Loi de la Législature. Mais on ne vise pas, de près ou de loin, les erreurs administratives, les erreurs des fonctionnaires, les erreurs, comme je l'ai dit, des juges, des maires, des présidents d'Assemblée nationale, de tout ce que l'on voudra. L'Assemblée nationale et sa commission ne sont pas le forum, ne sont pas les lieux pour entendre, enquêter sur ou pénaliser toute personne qui aurait fait une erreur, je le répète, d'ordre administratif.

Si moi, comme ministre, M. le Président — je

vais procéder par un exemple — je décidais que je suis tellement satisfait de mon sous-ministre que je lui verse dorénavant une allocation ou un salaire de $100,000 par année et que mon comptable, au ministère, me disait: M. le ministre, vous n'avez pas le droit, et que je le faisais quand même, ce n'est pas l'endroit pour me punir, l'Assemblée nationale. Est-ce assez clair, M. le Président?

Enfin, mon collègue, le député de Maisonneuve, lui-même nous a tracé la voie lorsqu'il a accusé l'ex-député Boutin. Il n'a pas assigné ou demandé de faire assigner comme coaccusés le ministre de la Justice, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et tous les autres chefs de ministères qui étaient en cause; il n'a pas demandé que l'on mette comme coaccusée la machine IBM qui, semble-t-il, avait fait les chèques, les paiements de façon automatique. Non, M. le Président, il avait parfaitement raison et les personnes dont je parle...

M. BURNS: Ce n'est pas de la foutaise, ce que vous êtes en train de dire?

M. BIENVENUE: Non.

M. BURNS: Cela, c'est de la foutaise.

M. BIENVENUE: C'est de l'évidence à laquelle il faut recourir...

M. BURNS: Cela en est.

M. BIENVENUE: ... pour convaincre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Je vous inviterais à terminer rapidement.

M. BIENVENUE: C'est cela, je termine. Alors, M. le Président, voilà pour ce qui est de l'irrecevabilité quant aux additions de noms; il ne me paraît pas utile d'en dire davantage. Pour ce qui est de la date qui fait l'objet également de la même motion, je ne suis pas en mesure, moi, de la fixer dans ma motion.

M. BURNS: II va au fond, M. le Président; il n'est pas...

M. BIENVENUE: Est-ce que je pourrais finir?

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. BURNS: Question de règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement, l'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous nous avez demandé de parler sur la recevabilité. S'il n'est pas d'accord pour que je fixe la date à demain, il dira pourquoi il vote contre, mais cela n'a rien à faire avec la recevabilité.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous inviterais, une fois de plus, à terminer votre intervention.

M. BIENVENUE: J'étais pour dire quelque chose, je ne le dirai pas, M. le Président. On demandera à d'autres que moi pour la date. Très bien.

M. BURNS: Vous le direz quand on en discutera au mérite.

M. LACROIX: Vous n'avez plus de pelle, mais vous avez encore du fumier.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous devez vous y connaître en fumier de la façon que vous en parlez.

M. LACROIX: Quand je vous regarde, je vois le tas!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous inviterais à parler le plus brièvement possible, comme je l'ai fait pour le ministre de l'Immigration.

M. BURNS: Je vais être très bref, M. le Président. Ma proposition est bien simple. C'est que lorsqu'on retrouve, aux articles 79 et suivants, en particulier à l'article 80, le fait qu'une motion de fond doit être soulevée pour accuser une personne pour bris de privilège en vertu des articles 79 et suivants, il est évident que quand on demande un avis, c'est pour une raison bien simple; c'est pour ne prendre personne par surprise.

Les personnes qui normalement auraient pu être prises par surprise connaissent, depuis hier, leur participation à l'acte reproché au député de Sauvé. Depuis hier, M. le Président, il y a une motion qui est affichée. Depuis aujourd'hui, elle est débattable, mais hier elle était en avis puis avant-hier elle était annoncée verbalement par le député de Crémazie. Ces personnes, si elles sont responsables — ce que je pense personnellement; je pense qu'on doit accorder un minimum de responsabilité, dans le sens véritable du mot, à des gens qui sont des commissaires qui adoptent et qui recommandent des paiements — à partir du moment où le ministre de l'Immigration a soulevé sa question en Chambre, à partir du moment où l'une ou l'autre de ces personnes, le président de l'Assemblée nationale, le leader du gouvernement, le ministre de la Fonction publique ou le ministre du Revenu savaient que la question venait dans le cas du député de Sauvé, elles ne

pouvaient qu'être en droit de s'attendre à être mêlées à cette affaire.

Et c'est tellement vrai, M. le Président, qu'avant toute argumentation, avant quelque argumentation que ce soit, le président de l'Assemblée nationale, qui est justement parmi les quatre personnes que je veux ramener dans cette motion, s'est tellement senti visé lui-même qu'il a dit: Je ne siégerai pas dans ce débat.

M. BIENVENUE: ...

M. BURNS: Quand je dis qu'il s'est senti visé, je ne le dis pas de façon qu'il savait à ce moment, que je pouvais faire cette motion. Si c'est la seule et unique raison qu'actuellement on a à l'encontre de la recevabilité, je vous dis qu'il y a une autre façon. Il n'y a pas d'injustice actuellement à l'endroit du leader du gouvernement, ni du ministre du Revenu, ni du ministre de la Fonction publique, ni du président de l'Assemblée nationale, parce que ce problème est dans l'air depuis deux jours. Il n'y a aucune espèce d'injustice à leur endroit. Je vous dis que techniquement, vous pouvez peut-être arriver à la conclusion que ça prend une motion de fond pour le faire. Mais je vous dis aussi que s'il y a des gens en face qui n'ont pas peur de discuter du problème véritablement, qui n'ont pas peur qu'on puisse dire à un moment donné qu'il y a un système de deux poids, deux mesures dans cette Chambre, qui n'ont pas peur à un moment donné de relever, s'il y a des gens qui n'ont pas peur, je le répète... C'est ce qui a provoqué l'ire, apparemment, du député des Iles-de-la-Madeleine.

S'il y a des gens dans cette Chambre qui n'ont pas peur de confronter les vrais problèmes pour ne pas qu'on en arrive à dire qu'il y a un système de deux poids, deux mesures, M. le Président, il peut y avoir consentement de l'autre côté, si c'est l'avis qui est un problème, si c'est cela. Je vais plus loin que cela, M. le Président. Toute l'argumentation...

M. LEVESQUE: Question de privilège.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de privilège, l'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois que nous sommes témoins présentement de propos qui sont remplis d'insinuations comme la motion d'amendement elle-même. Je serais prêt à faire la proposition suivante au leader parlementaire de l'Opposition officielle. Je suis prêt à demander à mon groupe ministériel de donner le consentement unanime de la Chambre pour passer par-dessus les étapes mentionnées, d'avis, de motions, etc. et que le leader parlementaire de l'Opposition officielle mette son siège en jeu et porte immédiatement des accusations contre mes collègues et moi-même en vertu de la Loi de la Législature.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Est-ce que cela peut satisfaire le leader du gouvernement si je lui dis qu'à mon avis l'amendement que je propose a le même effet qu'une motion de fond?

M. LACROIX: Pas vrai.

M. LEVESQUE: Vous, vous reculez.

M. LACROIX: Vous êtes un hypocrite et un lâche.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BURNS: Si vous n'avez pas peur, acceptez mon amendement et arrêtez de vous cacher derrière la procédure.

M. LEVESQUE: M. le Président, question de privilège.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: Je ne me suis jamais caché. Cela fait près de 20 ans que je suis dans cette Assemblée. Je n'ai rien à me reprocher comme administrateur public ou comme député dans cette Législature. Je ne permettrai pas au leader parlementaire de l'Opposition officielle de jeter de la boue de mon côté. Je le mets au défi — même si le règlement ne me le permet pas, à ce moment-ci — de mettre son siège en jeu et de m'accuser, moi. S'il ne veut pas le faire pour mes collègues, qu'il m'accuse, moi, personnellement, et qu'il mette son siège en jeu, d'avoir enfreint le moindrement la Loi de la Législature du Québec.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de vous laisser continuer, je voudrais — à l'ordre, s'il vous plaît — vous inviter, sur les question d'amendement, à terminer le plus rapidement possible, comme je l'avais fait pour l'honorable ministre de l'Immigration.

M. BURNS: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: ... je le dis de mon siège. Je n'ai aucune crainte à le dire. J'accuse le leader du gouvernement, j'accuse le ministre de la Fonction publique et j'accuse le ministre du Revenu d'avoir contrevenu aux dispositions de la Loi de la Législature en tant que commissaires en accordant, si l'argumentation du ministre est exacte...

M. LEVESQUE: C'est cela. Commencez à faire du conditionnel.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît ! Si vous voulez vous asseoir tous les deux. Comprenez-vous un peu mieux pourquoi je ne voulais pas donner la parole au départ? Et j'invite... Avez-vous terminé sur votre question d'amendement?

M. BURNS: M. le Président, on m'a demandé de mettre en accusation...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je veux régler la question de l'amendement.

M. BURNS: L'accusateur a quand même le droit de faire son accusation, s'il doit les mettre en accusation. Sans aucune restriction, je dis que j'ai mis les trois ministres en accusation.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous devons disposer de l'amendement actuellement.

M. BURNS: Je dis que si, et c'est cela le but de mon amendement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Un moment, s'il vous plaît, je demande votre collaboration. Est-ce que je vais monter debout sur le siège? Je demande votre collaboration. Vous le savez, ce n'est pas facile. Quand c'est l'autre bord, je le demande, ne vous inquiétez pas. Mais là, j'insiste. Si vous voulez porter des accusations, c'est votre droit le plus strict évidemment, compte tenu qu'on vous libère de tous les articles de règlement, mais quant à moi, je veux terminer la motion d'amendement que vous avez proposée. Dans cet esprit, après je vous redonnerai la parole, d'ailleurs c'est vous qui en avez largement le droit, et compte tenu de la proposition qui vous a été faite par le leader du gouvernement, vous pourrez utiliser vos privilèges.

M. BURNS: M. le Président, quand je dis que je prends sur moi mon amendement et que je le prends au même titre qu'une accusation, je le prends exactement de la même façon. C'est ça, M. le Président, qui fait que j'ai proposé une motion d'amendement, et non pas proposé une motion individuelle. C'est parce que je considère que ces deux problèmes, c'est-à-dire ceux des trois ministres mentionnés et du président de l'Assemblée nationale, d'une part, et celui du député de Sauvé, d'autre part, je trouve ça intimement lié.

M. LEVESQUE: Je pose une question au leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. BURNS: Oui, j'accepte.

M. LEVESQUE: La motion, est-ce que c'est la motion du député de Maisonneuve ou la motion du député de Crémazie?

M. BURNS: C'est la motion du député de Crémazie, et c'est mon amendement. Et je vous dis que sur l'amendement...

M. LEVESQUE: Non, non.

M. BURNS: ... je suis prêt à subir les conséquences de ce que je dis.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît... A l'ordre! ... A l'ordre! ...

Franchement, vous me permettrez de me faire publiquement le reproche d'avoir écouté cette unanimité que vous m'avez proposée à trois heures et deux minutes. Je le regrette sincèrement.

En vertu de l'article 65, je le relis pour le bénéfice de tous les collègues qui sont ici présents à l'Assemblée, le président doit mettre en délibération toute motion, mais dès qu'une motion lui paraît irrégulière en elle-même ou par les buts qu'elle peut atteindre, il doit le signaler à l'Assemblée et il peut, après avoir motivé sa décision refuser qu'on en délibère ou qu'on la mette aux voix.

Voici donc ma décision concernant la motion de l'honorable député de Maisonneuve. Evidemment, j'avais commencé tout à l'heure à parler de la question qui concerne, dans votre motion, la date de la convocation.

M. BURNS: On ne vous a pas tellement influencé, jusqu'à maintenant, je pense. Cela a l'air que vous allez lire le même texte que vous avez rédigé durant l'heure du dîner.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le même texte, mais, justement, je m'en fais le reproche de ne pas l'avoir fait avant. En fait, le texte que j'ai devant moi est simplement un rappel, qu'on le veuille ou non, mais je pense que c'est important, à des membres de l'Assemblée nationale.

C'est un genre de motion qui arrive — même si elle est arrivée quatre fois en cent ans, ce n'est pas beaucoup, on peut en convenir — puis le règlement de l'Assemblée nationale ne prévoit aucune discussion là-dessus. Il y a un article 80 absolument clair pour tous ceux qui veulent bien le lire. Pour accuser un collègue et mettre son siège en jeu, si on n'est pas en mesure de prouver ces avancés, il faut une motion de fond annoncée. Je suis lié comme tout le monde là-dessus. Or, le but de la motion du député de Maisonneuve est évidemment de greffer à la motion du député de Crémazie une accusation qu'il est en droit de porter, s'il le désire, évidemment.

Je n'ai pas le droit d'aller au fond d'une motion éventuelle de l'honorable député de Maisonneuve mais il ne peut se servir d'une motion d'amendement. L'article 80 est très

clair et, à la fin de votre intervention tout à l'heure, vous l'avez présumé vous-même.

Egalement, je porte à l'attention des membres de l'Assemblée que c'est toujours la motion de l'honorable député de Crémazie — je termine ma phrase et je vous donne la parole...

M. LEVESQUE: On ne peut pas lui donner la parole après.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, non! c'est une question de...

M. LEVESQUE: On va continuer la discussion?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Crémazie, c'est sa motion, bon!

M. BURNS: ... M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si la motion d'amendement était acceptée, elle serait incorporée à la motion d'amendement du député de Crémazie. Ce qui veut dire que c'est l'honorable député de Crémazie qui devrait répondre des accusations contre cinq personnes au lieu d'une qu'il aurait portée. J'arrête là, je pourrais vous en dire dix pages. Mais c'est tellement clair... Vos droits sont stricts.

M. BURNS: C'est une question que je vous pose, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.

M. BURNS: En somme, si je comprends bien, c'est au paragraphe b) de ma motion que vous en avez.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Au paragraphe... A tous les autres paragraphes, sauf a).

M. BURNS: Pardon?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Tous les autres paragraphes, sauf a), le premier, qui concerne...

M. BURNS: C'est-à-dire que vous trouvez que les autres... Evidemment, il y en a qui sont reliés.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui.

M. BURNS: Le paragraphe c) est relié au paragraphe b).

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): De concordance.

M. BURNS: Mais le paragraphe f), M. le Président, je vous signale que le ministre de l'Immigration, au nom du gouvernement, l'avait accepté, ce matin. Il a même accepté de l'incorporer à sa motion. Cela est enregistré au journal des Débats.

M. LEVESQUE: Qu'est-ce que c'est, le paragraphe f )?

M. BURNS: Le paragraphe f) c'est: En insérant après le millésime 1974, dans la 20e ligne, ce qui suit: A la demande du président agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature et qui lui a été versée aux conditions et selon les barèmes et les modalités établis par ces commissaires.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien...

M. BURNS: Le ministre de l'Immigration a accepté ce matin. Pendant que je parlais, il a quitté les abords du fauteuil du président où il...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez...

M. BURNS: ... était temporairement, il a même repris son siège et, pendant que je parlais, il m'a dit: Oui, on est d'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bon!

M. BURNS: Au moins, celle-là...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous me permettez...

M. BURNS: ... incorporez-la.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... mais je voudrais...

M. LEVESQUE: On ne peut pas avoir des bouts qui sont recevables...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... apporter là-dessus...

M. LEVESQUE: ... et de petits morceaux qui ne sont pas recevables.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je comprends. Je me souviens fort bien que, à la question que vous avez posée à l'honorable ministre de l'Immigration, il a dit oui. Mais ceci devient tout de même un amendement.

M. BURNS: Oui, c'est un amendement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais, maintenant, si vous voulez, on va relire ensemble l'amendement, auquel on a répondu

affirmativement. Il faut tout de même le soumettre à la présidence.

M. BURNS: Oui, je me soumets, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Or, cet amendement, même si vous êtes d'accord tous les deux là-dessus...

M. BIENVENUE: Ah non! C'est correct, je viens de comprendre M. le Président. Je n'ai jamais accepté d'amendement. Le député m'a demandé si je reconnaissais que c'était à la demande d'un tel agissant..., j'ai dit: Oui, je le reconnais. Mais je n'ai pas reconnu que c'était un amendement, par exemple. Jamais. Je reconnais et il y a un tas de choses...

M. BURNS: J'ai demandé au ministre...

M. BIENVENUE: ... que je pourrais reconnaître.

M. BURNS: J'ai demandé au ministre...

M. BIENVENUE: Alors, on s'est mal compris.

M. BURNS: ... s'il n'accepterait pas...

M. BIENVENUE: Que c'était à la demande d'un tel.

M. BURNS: ... que cette partie-là soit incorporée à sa motion...

M. BIENVENUE: Bon! Alors je m'excuse.

M. BURNS: ... puisque, dans le fond, c'est un reflet fidèle...

M. BIENVENUE: Bon!

M. BURNS: ... de ce qui existe dans la loi.

M. BIENVENUE: Alors, je m'excuse, mais...

M. BURNS: D'accord, si vous ne comprenez pas...

M. BIENVENUE: ... si...

M. BURNS: ... ce n'est pas ma faute.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais...

M. BIENVENUE: Non, non, M. le Président, une seconde. Je m'excuse, on s'est mal compris. Si on me demandait que je le reconnaissais, c'est évident, c'est la loi qui dit que c'est le président qui, à un moment donné, fait les convocations pour les missions officielles. Oui. Mais je n'ai jamais accepté que ce soit sous forme d'amendement. On se comprend là-dessus?

M. BURNS: On ne se comprend pas là-dessus...

M. BIENVENUE: Bon. Enfin...

M. BURNS: ... parce que ce n'est pas ça que j'ai compris.

M. BIENVENUE: ... moi, je me comprends.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Voici ma décision également là-dedans. J'ai écouté et, effectivement, j'ai compris la question très bien et j'ai compris la réponse très bien. Mais, quant à moi, on ne m'a pas soumis d'amendement, sauf quand vous me l'avez soumis à midi moins quart.

Or, quant à moi, vous demandez : Vous êtes d'accord que c'est à la demande du président. Je réponds: Oui, effectivement. Mais il reste, je pense que vous en conviendrez, que c'est au président lui-même de témoigner de ce fait...

M. BURNS: D'accord, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... et c'est à titre de témoin qu'il devrait le faire.

M. BURNS: ... c'est là que je vais vous sauver du temps dans votre décision. Je vous avise tout de suite que j'accepte l'offre du leader du gouvernement. Si d'ici demain matin il accepte — le si s'applique à lui au cas où vous n'auriez pas compris — que je sois relevé des délais, je vous promets que, demain matin, je vais soulever la question et je vais faire ma motion demain. Vous allez en avoir — je ne vous prendrai pas par surprise — une copie avant la fin de la journée. Je vous dis tout de suite que ceux que je vais mettre en accusation seront le leader du gouvernement, le ministre de la Fonction publique, le ministre du Revenu et le président de l'Assemblée nationale. Je vous le dis tout de suite. Si vous acceptez...

M. LEVESQUE: On voit que vous...

M. BURNS: ... ça, il va y avoir débat sur une motion, demain.

M. LEVESQUE: ... êtes de plus en plus désintéressé de la politique.

M. BURNS: De sorte que, M. le Président, si l'objection...

M. LACROIX: Vous n'aurez pas...

M. BURNS: ... concerne l'aspect motion de fond...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... je vous dis...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Si l'objection concerne l'aspect de la motion de fond et de l'annonce de cette motion, je vous dis: Ne perdez pas votre temps à nous rendre une décision qui pourrait être longue, ni quoi que ce soit. Je m'y plie d'avance. J'ai compris ce que vous vouliez dire. Mais j'aimerais bien savoir, par exemple, pourquoi le paragraphe f) ne serait pas recevable.

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas compris tout à fait ce que le paragraphe f) vient faire dans le reste.

M. BURNS: Le paragraphe f ) est simplement pour mettre dans la motion l'essence même de l'article 96, l'essence même de l'article 96 en vertu duquel le député de Sauvé est accusé.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve a proposé un amendement impliquant une tierce personne qui n'est pas ici et même, à mon avis, si tous les membres de l'Assemblée nationale acceptaient "à la demande du président agissant sur la recommandation..." il me paraît, quant à moi, que cette affirmation qui serait comprise par l'acceptation de votre motion d'amendement ne pourrait véritablement être établie que par le témoignage du président lui-même.

M. BURNS: Bien non. M. le Président, est-ce que vous avez bien lu le paragraphe f)? Le paragraphe f) se lit comme suit: "Ajouter, dans la vingtième ligne, après 1974, les mots qui suivent : A la demande du président agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature et qui lui a été versée aux conditions et selon les barèmes et les modalités établies par ces commissaires".

Après avoir lu cela, M. le Président, je vous réfère à l'article 96, deuxième paragraphe, qui se lit comme suit: "En outre de l'allocation prévue à l'article 99, il est aussi accordé à tout député, pour l'indemniser des dépenses qu'il encourt pour les fins d'une mission officielle — je vous prie de porter attention aux mots qui suivent — qu'il a accepté d'accomplir à la demande du président agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54, une allocation qui lui est versée aux conditions et selon les barèmes et les modalités qui sont établies par des commissaires".

C'est exactement, M. le Président, mon amendement, ce qui se trouve dans la loi. Je voudrais qu'on se comprenne et je voudrais bien, si on fait une accusation en vertu de l'article 96, qu'on complète la motion.

Si on n'est pas d'accord de l'autre côté...

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas terminé.

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas d'objection, personnellement.

M. BURNS: Vous n'avez pas d'objection? Bon, d'accord. C'est réglé.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection.

M. BIENVENUE: Oui, mais une minute. Moi, j'en ai, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je voudrais...

Une question de privilège.

M. BURNS: Je veux tout simplement, parce que je ne l'avais pas devant moi et que maintenant je l'ai, citer la transcription de ce matin.

M. LACROIX: ...

M. BURNS: Je tiens à vous dire que j'ai été... M. le Président, ce n'est peut-être pas de la mauvaise foi de la part du ministre de l'Immigration, mais j'ai été lancé sur une fausse piste et je ne veux pas qu'on mêle les problèmes.

Ce matin, R/5239, page 1, pendant mon intervention, je dis ceci: "II me semble que cela, le ministre de l'Immigration devrait être capable d'accepter que ces étapes, qui ont eu lieu, qui ont effectivement eu lieu —je l'ai personnellement vérifié auprès du président de l'Assemblée nationale — que la motion reflète exactement cet aspect, c'est-à-dire qu'il y a eu demande de la part du président et qu'il y a eu recommandation par des commissaires. "M. Bienvenue: D'accord. "M. Burns: Vous êtes d'accord pour qu'on insère cela? Alors je ferai une motion, tout à l'heure, qui englobera tout cela".

M. LEVESQUE: ... du député de Maisonneuve, aussi, quant à faire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEVESQUE: C'est le député de Maisonneuve qui a recommandé la candidature du chef de l'Opposition...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre, s'il vous plaît! J'étais en train de rendre la décision et sur les deux parties. Là, on parle de la recevabilité, en fait.

A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre!

Bon, sur les deux parties. La partie qui

concerne la date, la partie qui concerne le président, je les déclare recevables. C'est rien que cela que je peux faire, moi.

M. BURNS: Recevables.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Recevables. C'est sur votre motion. On est sur la recevabilité.

M. BURNS: Mais la partie f).

M. BIENVENUE: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui, f).

M. BURNS: Elle est recevable.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.

M. BURNS: Bon, d'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Moi, je rends une décision sur la recevabilité, actuellement.

M. BIENVENUE: M. le Président...

M. BURNS: Alors les paragraphes a) et f) sont recevables.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Un instant, s'il vous plait!

Evidemment, les officiers portent à mon attention que, dans votre esprit, quand vous avez fait votre motion, vous avez fait "une" motion, mais il y a plusieurs choses dans votre motion. C'est pour cela que, quitte à ce que, tout à l'heure, il y ait une rencontre entre les leaders parlementaires, moi je prends la motion comme vous la présentez.

M. BURNS: II n'y a pas eu de rencontre entre les leaders.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai dit tout à l'heure parce que je vais vous en suggérer une dans quelques instants.

M. BURNS: Je pensais que vous disiez qu'il y en avait eu une, parce que je n'ai pas vu passer cela, moi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Parce que vous saviez fort bien, je l'ai présumé, en la divisant, que le fait qu'une partie d'une motion soit irrégulière rend la motion totalement irrégulière. Mais, avant de suggérer que les deux leaders se rencontrent, je voudrais tout de même dire que, quant à moi, je voudrais examiner, dans la motion globale que vous avez faite, les parties f) et a) parce que vous auriez pu en faire quelques autres. Là-dessus, je suspens pour dix minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 51)

Reprise de la séance à 16 h 34

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

L'honorable premier ministre.

M. BOURASSA: Avec la permission des membres de l'Opposition, est-ce qu'on permettrait au ministre du Travail — j'en ai discuté avec les leaders et le chef parlementaire — de déposer un projet de loi? Il y avait une réunion à Montréal ce matin dont on attendait le résultat avant de déposer le projet de loi. Le résultat de la réunion a été négatif et c'est pourquoi nous ne l'avons pas déposé ce matin étant donné que nous avions espéré, dans un dernier effort, que cela puisse se régler. Le député de Maisonneuve est au courant de la situation extrêmement sérieuse dans le domaine de la construction à Montréal, affectant des chantiers aussi importants que celui des Jeux olympiques. Alors je demanderais, avec sa permission, que le ministre du Travail puisse proposer la deuxième lecture de ce projet de loi.

M. SAMSON: La première.

M. BOURASSA: La première, pardon.

M. BURNS: Parce que la deuxième, je dirais non. M. le Président, évidemment, à cause de ces raisons, je comprends. Je me demandais pourquoi cela n'avait pas été déposé ce matin puisque c'est en avis au feuilleton déjà depuis un certain nombre de jours. Mais avec les raisons que mentionne le premier ministre à l'effet que ce matin il y avait des négociations de dernière minute et que, peut-être, cela aurait évité de déposer le projet de loi, je n'ai pas d'objection, personnellement, et je donne mon consentement au dépôt du projet de loi, si mes collègues de Rouyn-Noranda et de Johnson sont d'accord.

M. SAMSON: M. le Président, j'ai également accepté de donner mon consentement, au nom de notre parti, pour le dépôt de ce projet de loi.

Projet de loi no 201 Première lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre du Travail propose la première lecture de la Loi modifiant la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction.

M. COURNOYER: M. le Président, ce projet de loi autorise le gouvernement à prolonger, abroger ou modifier le décret, sans l'accord des parties, quand il est d'avis que, dans l'intérêt public, cette solution est la seule qui puisse

remédier à la situation existante. Il prévoit aussi que les poursuites intentées par le procureur général peuvent l'être par toute personne qu'il autorise généralement ou spécialement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. SAMSON: Adopté. M. BURNS: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE VICE-PRESIDENT: (M. Lamontagne): Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Motion privilégiée (suite) Rejet de l'amendement

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Revenant au débat qui était en cours avant la suspension, je voudrais rappeler qu'en vertu du règlement, comme une partie de la motion d'amendement proposée par l'honorable député de Maisonneuve était irrecevable, je déclare la motion complète irrecevable. Et je voudrais m'informer du résultat de la rencontre des leaders parlementaires.

M. BURNS: Pas de résultat, M. le Président. M. LEVESQUE: Pardon?

M. BURNS: Le président voudrait savoir quel est le résultat de la rencontre des leaders parlementaires.

M. LEVESQUE: Voici, nous nous sommes parlé.

M. BURNS: Nous ne nous sommes pas entendus.

LE VICE-PRESIDENT: (M. Lamontagne): Est-ce que je pourrais m'informer si vous avez parlé du sujet en question?

M. LEVESQUE: Oui.

M. BURNS: M. le Président, je pourrais demander au leader du gouvernement comment ça va. Mais vraiment, M. le Président, il y a eu des tractations entre le leader du gouvernement, le leader adjoint...

M. LEVESQUE: C'est un gros mot, ça; je ne comprends pas ça.

M. BURNS: ... et moi-même pour essayer d'en arriver à une entente sur la formulation du texte. Je dois vous dire...

M. LEVESQUE: Je vais être plus précis, peut-être, M. le Président.

M. BURNS: ... qu'on n'a pas pu arriver à une entente.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: Nous avons compris, M. le Président — je pense bien que c'est aussi l'impression du leader parlementaire du Parti québécois — que vous étiez pour déclarer la motion irrecevable.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est fait maintenant.

M. LEVESQUE: C'est fait maintenant. Nous avons regardé les possibilités de trouver une formulation un peu différente. En tenant compte de la motion d'amendement, même si elle est irrecevable, il y aurait peut-être lieu de considérer certaines modifications au texte de la motion principale, de concert, évidemment, avec l'auteur de la motion. Je ne voudrais pas, à ce moment-ci, me substituer, pas plus, j'imagine, que le leader de l'Opposition officielle ne voudrait le faire, au parrain de la motion.

Mais, dans le paragraphe a) de la motion d'amendement, il était question d'une date pour la convocation de la commission de l'Assemblée nationale. La motion ne contient pas de date et on sait pourquoi; c'est le privilège du leader parlementaire du gouvernement de décider de l'ordre des travaux et de fixer les dates de convocation des commissions parlementaires, particulièrement et même lorsqu'il s'agit de convocation durant la période interses-sionnelle.

Alors j'étais d'accord, bon prince, pour dire: Trouvons-nous une date qui ferait l'affaire un peu de tous ceux qui doivent participer à cette commission. Je suis encore prêt à soumettre une date ou à suggérer au parrain de la motion d'y inscrire une date, date dont j'ai parlé avec le leader parlementaire de l'Opposition officielle. Nous sommes encore prêts à préciser avec une date et je pense qu'il y aurait accord là-dessus.

Deuxièmement, il y avait l'article f) de la motion d'amendement. Même si vous la déclarez irrecevable, M. le Président, il y avait là, j'ai compris, un but d'informer le public qui n'est pas au courant des articles 96 et 75. Je le dis en toute objectivité, en toute franchise: J'étais d'accord pour qu'on suggère au parrain de la motion de citer les deux articles en question ou les trois articles en question.

Maintenant, je ne parlerai pas au nom du leader parlementaire de l'Opposition officielle.

Je ne crois pas que cela serait de mon devoir de parler à sa place ou d'essayer d'interpréter sa pensée ou ce qu'il voulait. Quant à nous, c'est ce que nous avons à faire et nous pourrions, je pense bien, avec l'accord du député et ministre de l'Immigration... Je pense, d'après son regard et son sourire, qu'il serait peut-être prêt à concourir avec ceci. C'est la réponse à la question que vous avez posée, quant à nous.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Immigration.

M. BIENVENUE: M. le Président, je voudrais soulever une question de privilège à la suite des paroles que vient de prononcer le leader du gouvernement. Ne pourrait-il pas m'appeler autrement que le parrain?

M. CHARRON: C'est parce que lui, il est le parrain du bill 87.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Nous avons discuté, les deux leaders du gouvernement, c'est-à-dire le leader, le leader adjoint et moi-même, et là où on ne peut s'entendre, c'est bien simple, qu'est-ce que vous voulez? C'est quand vous qui nous dites que si le paragraphe a) et que le paragraphe f) des amendements ne sont pas recevables, ce n'est pas pour les mêmes raisons que les autres paragraphes, si j'ai bien compris.

Vous avez tout simplement dit que si une partie n'était pas recevable, je comprends que ce sont les paragraphes b ) à e) inclusivement qui ne sont pas recevables, à ce moment, les autres ne sont pas recevables non plus. Or, je pourrais très bien demander à un de mes collègues d'intervenir et de faire les amendements que je propose.

Le leader du gouvernement m'a dit: Ce n'est pas ta motion, c'est la motion du ministre de l'Immigration. C'est vrai. Je l'admets, mais ce que je veux, c'est une accusation complète. Or, pour qu'il y ait accusation complète à l'endroit — à mon avis, je vous le soumets respectueusement — du chef de l'Opposition, il faut d'une part qu'il y ait ce qu'il y a déjà dans la motion, c'est-à-dire la mention d'avoir encaissé un chèque de $1,796, mais je pense qu'une accusation complète devrait dire comment le chef de l'Opposition a obtenu ce chèque. Il a obtenu ce chèque sur mandat donné par le président de l'Assemblée nationale et sur recommandation...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Et là, vous comprendrez que la décision étant rendue, on ne peut plus la discuter. Je comprends le point de vue de tous et chacun, mais nous en sommes maintenant au fond de la motion...

M. LEVESQUE: M. le Président, vous me permettrez cependant d'ajouter que je suis d'accord — parce qu'on a permis au leader parlementaire de l'Opposition officielle de dire cela — avec lui, l'accusation devrait être aussi complète que possible. Il suggérait, pour être bien clair, d'ajouter après les mots "...22 septembre 1974..." "... à la demande du président agissant sur la recommandation des commissaires, etc.". C'est le but de la motion.

Je me suis dit d'accord, quant à moi, pour suggérer au parrain de la motion d'ajouter cela, à condition qu'on ajoute également le reste de l'article qui fait une prohibition particulière aux membres de l'Exécutif et au chef de l'Opposition officielle de bénéficier des dispositions de l'alinéa précédent. Là, ce serait complet. C'est tout ce que j'ai dit et je suis encore prêt à cela, à le recommander au parrain de la motion. Moi, je dis que c'est encore plus complet en citant l'article au long plutôt que de laisser tomber l'alinéa sur lequel est fondée la motion elle-même. Simplement par honnêteté intellectuelle, on devrait suggérer au parrain, toujours, de garder sa motion comme elle est là et en y ajoutant, après les mots "contrairement aux articles 96 et 75 et suivants". Qui se lisent comme suit. C'est pour que tous ceux qui prennent connaissance de la motion le sache et n'aient pas à se référer à la Loi de la Législature. C'est pour qu'ils aient les éléments nécessaires pour comprendre très bien la motion, je suis d'accord sur cela. Mais ne pas sortir du contexte un élément qui pourrait possiblement, pour le leader de l'Opposition officielle, servir de base à une défense éventuelle en commission ou quelque chose comme ça. Mais je dis que c'est pour informer le public, qui n'est pas tellement averti sur la Loi de la Législature. Si on est pour citer une partie des articles 96 et 75 et 76, il me semble qu'il est acceptable de citer l'ensemble, et 96 et 75 et 76, et non pas tronquer ces articles; c'est tout.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Moi, je vais demander une directive, maintenant. Il est cinq heures moins dix; pouvez-vous m'indiquer quand va se terminer le débat, compte tenu de la suspension?

M. CHARRON: Cinq heures moins cinq. DES VOIX: Vote.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En ce cas-là, nous voterons sur la motion telle que proposée, sans amendement.

M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet, pour encore être aussi démocratique que possible, aller un peu plus loin que le client demande, on pourrait peut-être s'entendre sur une date, avant de voter.

M. LACROIX: Non, non! Quand ça fera notre affaire. Ce n'est pas à eux de...

M. LEVESQUE: Je suis prêt à suggérer, M. le Président, le mardi 14 janvier ou le mercredi 15 janvier...

M. LACROIX: Le 15 février, le 15 mars. M. LEVESQUE: Autrement, je...

M. BURNS: Mardi. D'accord pour le mardi 14 janvier.

M. CHARRON: Le mardi 14 janvier.

M. LEVESQUE: Alors si on veut changer ça à mardi 14 janvier.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je demanderais aux officiers de changer...

M. LEVESQUE: A dix heures de la matinée.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): II s'agit d'amender en conséquence la motion du député de Crémazie pour y inclure comme date le mardi 14 janvier à dix heures de la matinée.

M. BELLEMARE (Rosemont): Quelle année?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): 1975. Intervention pertinente.

Est-ce qu'on est prêt à se prononcer sur la motion?

M. CHARRON: C'est une bonne précaution.

M. BURNS: M. le Président, il me vient une idée. Je ne suis pas certain, je n'ai pas pu revérifier cela avec le chef de l'Opposition, on n'est pas certain que le chef de l'Opposition sera disponible à ce moment-là. Je vous demande simplement...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. BURNS: Je vous demande simplement de laisser la date ouverte. Si le leader du gouvernement m'indique que, quant à lui, le 14 janvier ferait son affaire, qu'on ne le mette pas dedans.

M. LACROIX: ... nous autres.

M. BURNS: On parle entre adultes, le député des Iles-de-la-Madeleine, ne vous mêlez pas de cela.

M. LACROIX: Cré bateau, quand je vous vois patiner.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si je comprends bien, la date vous vous entendrez entre les leaders.

M. BURNS: Quant à y être, je prends simple- ment l'indication que le leader vient de me donner. Je vais faire les vérifications nécessaires; que la motion demeure telle quelle.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela demeure une indication et non pas un amendement.

M. LEVESQUE: Voici, est-ce que... Pardon?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela demeure une indication et non pas un amendement.

M. LEVESQUE: Dans ce cas, on est mieux d'adopter la motion telle quelle et ensuite nous vous consulterons. Mais l'indication que nous donnons présentement serait le 14 ou 15 janvier 1975. Mais, on pourra le dire.

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

LE VICE-PRESCDENT (M. Lamontagne): Enregistré?

M. BURNS: S'il vous plaît.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion de M. Bienvenue

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

La motion, qui sera mise aux voix, est la motion privilégiée présentée par le député de Crémazie, ministre de l'Immigration, et qui se lit comme suit : "Que la commission de l'Assemblée nationale se réunisse, après avis du leader parlementaire du gouvernement, au cours de la présente session ou de la session subséquente de la présente Législature en vue de procéder à une enquête sur les faits suivants qui, s'ils sont fondés, rendront le député de Sauvé et chef de l'Opposition, Me Jacques-Yvan Morin, indigne de siéger à l'Assemblée nationale parce qu'inhabile en vertu des articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la Législature, savoir: "Avoir accepté et encaissé une allocation sous forme de chèque du gouvernement du Québec, daté du 28 août 1974, portant le numéro 813025 et au montant de $1,796 pour l'indemniser des dépenses encourues pour les fins d'une mission officielle qu'il a accomplie à Bruxelles en Belgique, du 16 au 22 septembre 1974, contrairement aux articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la Législature. "Que cette commission soit autorisée à faire de temps à autre des rapports exprimant ses observations et ses vues sur cette affaire, à convoquer devant elle et à envoyer chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont elle aura besoin."

Que celle et ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Giasson, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Marchand, Caron, Côté, Denis, Déom, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE ADJOINT: Abstentions. MM. Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 71

Contre: 0

Abstentions: 8

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La motion est adoptée.

M. LEVESQUE: M. le Président, article 21.

Projet de loi no 87 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement propose la deuxième lecture du projet de loi no 87, Loi modifiant la loi de la Législature et la loi de l'Exécutif.

L'honorable leader du gouvernement.

M. Gérard-D. Levesque

M. LEVESQUE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande sérieusement l'étude en Chambre.

M. ROY: II vous manque 30 "applaudis-seux".

M. BURNS: M. le Président, juste une seconde.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: Avec la permission du leader. Je ne veux pas vous interrompre, je serai bref, deux secondes.

Je comprends bien — je ne veux pas revenir dans l'autre débat — que, si j'ai l'intention de faire une motion à l'endroit des quatres autres personnes que je voulais ajouter à la motion qui vient d'être adoptée, le leader du gouvernement va consentir à me faire sauter des étapes.

DES VOIX: Non!

M. LEVESQUE: Quant à moi, M. le Président, j'ai dit que je donnerais mon consentement. Je le donne encore.

DES VOIX: Non! Non!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEVESQUE: Je donne mon consentement, M. le Président.

M. BURNS: Cela veut dire qu'on ne me le donne pas ailleurs, dans la Chambre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais l'honorable député de Maisonneuve à faire la vérification demain matin.

M. BURNS: II faut le demander maintenant.

M. LEVESQUE: M. le Président, la question du salaire des députés a toujours constitué un sujet délicat, surtout parce que ce sont les députés eux-mêmes qui doivent en discuter. Pourtant, il faut aborder cette question de temps à autre, si ce n'était que dans un but de justice, dans un but de protection de l'intégrité des élus du peuple, dans un but d'éviter d'éloigner de cette fonction des candidats valables.

En effet, M. le Président, les citoyens qui occupent une fonction publique, qui est devenue maintenant une fonction à plein temps doivent s'attendre à une rémunération qui leur permette de rencontrer leurs obligations familiales et sociales.

L'intégrité, en second lieu... M. le Président, est-ce que je peux avoir...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. LEVESQUE: L'intégrité est un critère auquel s'attache de plus en plus l'opinion publique, et cette opinion considère l'intégrité

comme un critère, un facteur aussi important et essentiel même que la compétence, l'esprit de travail. Les députés, eux, l'ont bien compris, mais ils ont compris également qu'ils étaient possiblement, théoriquement du moins, mal placés jusqu'à un certain point pour juger eux-mêmes, faire eux-mêmes l'évaluation des salaires et allocations et que des experts de l'extérieur seraient peut-être dans une situation meilleure pour étudier la question en toute objectivité et en plein désintéressement personnel.

D'ailleurs, M. le Président, les députés de toutes les formations politiques l'ont reconnu, et plus particulièrement si l'on se réfère au journal des Débats des jeudi et vendredi, 6 et 7 juin 1974, on aura des témoignages non équivoques qui en disent bien long.

Je n'ai pas l'intention de citer tous ces témoignages, qui viennent d'un côté de la Chambre comme de l'autre et qui indiquent la volonté de voir les députés traités avec justice et le voeu que l'objectivité soit atteinte davantage, si l'on veut, en confiant à des experts de l'extérieur l'évaluation de ces rémunérations.

Qu'on me permette de signaler, par exemple, les interventions du député de Saint-Jacques, du député de Maisonneuve, en particulier, du député de Beauce-Sud, etc. Le vendredi 7 juin, par exemple, le député de Saint-Jacques disait: "Quant à dire que les revenus actuels, tels qu'ils sont depuis 1971, n'ont pas senti le contrecoup de l'inflation, je serais le premier à dire le contraire".

Sur une note peut-être humoristique, il ajoutait: "Des six députés de l'Opposition, je suis le seul à n'avoir qu'une personne à charge, soit moi-même — c'est déjà beaucoup — mais mon collègue de Lafontaine, qui a plusieurs enfants, je ne sais pas à combien il est rendu depuis la dernière fois que je m'en suis informé, et les autres également, j'ai pu très sincèrement, au cours des discussions que nous avions entre nous, vérifier qu'effectivement l'étau se resserrait véritablement beaucoup plus sur eux que sur moi".

Il continuait: "Je puis vous dire qu'aussi libre que je sois, je sens personnellement, d'une façon très nette, depuis quelques mois, des difficultés financières à simplement remplir mon mandat sans exagération, comme je voudrais l'entendre. Encore une fois, je n'ai que de moi à m'occuper. J'imagine donc que, pour certains collègues, aussi bien du parti ministériel que ceux que je connais de l'Opposition, la difficulté se fait encore plus ressentir."

Un peu plus loin, le député de Saint-Jacques continuait: "Ce qui veut dire que j'accepterais volontiers cette proposition que faisait le député de Maisonneuve hier — on verra que, la veille, le député de Maisonneuve avait, en effet, fait une telle proposition sur laquelle je reviendrai tout à l'heure — qu'un comité, peut-être même extérieur à l'Assemblée nationale, se penche sur cette question, parce que je crois que, dans ce domaine, il y a nettement sujet à amélioration." Un peu plus loin, le député de Saint-Jacques faisait des comparaisons entre les conditions faites aux députés et celles faites aux gens qui sont soit dans la fonction publique québécoise ou encore dans le secteur privé. Il référait à certains de ses confrères qui étaient maintenant dans un secteur public ou privé et qui avaient des conditions plus avantageuses, avec des responsabilités plus limitées, cependant.

M. le Président, le député de Saint-Jacques poursuivait: "Je sais bien qu'il y a toujours la question politique de savoir qui va tirer avantage d'une mesure non populaire. Si l'Opposition s'oppose à une mesure non populaire, c'est l'Opposition qui se fait, comme on dit, du capital politique; si c'est l'Opposition qui la défend, c'est le gouvernement, bien sûr".

M. le Président, le député de Maisonneuve, la veille, avait, en effet, participé au débat et il disait, entre autres: "Je suis actuellement, c'est sûr, de ceux qui sont d'accord avec l'indexation". Il disait en plus: "Vous voulez l'ajuster, le salaire des députés. Je dis d'accord mais on va le faire selon des normes. On va confier ce problème à un comité d'experts". Alors, M. le Président, on pourrait dbnner beaucoup de témoignages comme ceux-là.

Il y a celui du député deBeauce-Sud que l'on retrouve dans les débats du jeudi, 6 juin 1974.

M. ROY: Citez-le au complet.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M.Gratton): A l'ordre!

M. ROY: C'est très important.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: Je ne le citerai pas du tout, M. le Président.

M. ROY: C'est de l'interprétation; citez-le au complet.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. SAMSON: S'il y a un bon bout, prenez-le.

M. LEVESQUE: Alors, il va être heureux.

M. SAMSON: S'il y a un bon bout, prenez-le.

M. LEVESQUE: Je pense que je peux prouver mon point sans citer le député de Beauce-Sud.

M. HARVEY (Charlesbourg): Hypocrite.

M. BELLEMARE (Johnson): Ah! Ah! Ah!

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. HARVEY (Charlesbourg): Hypocrite.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BELLEMARE (Johnson): Question de privilège.

M. LEVESQUE: Je crois, M. le Président, que nous en avons suffisamment présentement...

M. BELLEMARE (Johnson): Un instant, M. le Président, je soulève un point de règlement. L'honorable député...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de Johnson, sur une question de règlement.

M. BELLEMARE (Johnson): ... de Charlesbourg...

UNE VOIX: Allez vous entendre et vous reviendrez.

M. BELLEAMRE (Johnson): Pardon? UNE VOIX: Allez...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! L'honorable député de Johnson.

M. BELLEAMRE (Johnson): L'honorable député vient d'utiliser à l'endroit de son collègue une expression qui est antiparlementaire. Dire hypocrite et le répéter, récidiver, je pense que ce n'est pas être gentilhomme. Je le connais trop pour cela, cela a dépassé sa pensée. Je sais qu'il va la retirer parce qu'on ne doit pas se traiter de la sorte en Chambre.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Pourrais-je inviter l'honorable député de Charlesbourg, s'il le veut bien, à retirer cette parole?

M. HARVEY (Charlesbourg): J'ai qualifié l'attitude du député de Beauce-Sud d'hypocrite et je continue, M. le Président.

M. ROY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: SI on est pour faire un débat de cette façon à l'Assemblée nationale, alors qu'un certain nombre sont impatients d'avoir leur augmentation pour les Fêtes... M. le Président, je ne me suis pas encore prononcé sur le projet de loi et déjà on commence à me qualifier d'hypocrite. Ce terme est antiparlementaire. Pour le bon ordre de nos travaux, afin qu'on commence l'étude de ce projet de loi dans le calme, la sérénité, je vous demanderais, M. le Président, vous qui avez l'obligation de faire respecter notre règlement et l'ordre en Chambre, d'inviter le collègue de Charlesbourg à retirer ses paroles.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Ce que je fais à l'instant même.

M. HARVEY (Charlesbourg): Je les retire, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Merci. L'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: M. le Président, la suggestion de la formation d'un comité...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plait!

M. LEVESQUE: ... avait été faite, comme on le voit, par la plupart de ceux qui sont intervenus dans le débat, à ce moment-là, au mois de juin 1974, et une décision a été prise de donner suite à ce voeu des membres de l'Assemblée nationale. Un comité a été formé, un comité extraparlementaire, qui était composé des personnes suivantes: Me Lucien Cliche, avocat, ancien président de l'Assemblée nationale, Me Jean-Charles Bonenfant, avocat, professeur à la faculté de droit de l'université Laval, et Mme Yvette Rousseau, vice-présidente du Conseil consultatif de la situation de la femme au Canada.

Me Bonenfant a agi comme président du comité. Ce comité consultatif sur les indemnités et allocations des parlementaires du Québec a été formé le 19 juillet 1974 par la commission de régie interne de l'Assemblée nationale dans le but de faire une évaluation des montants ainsi que de la nature des indemnités et allocations attribuées aux membres de l'Assemblée nationale et aux titulaires de certaines fonctions reconnues par la Loi de la Législature.

M. le Président, vu que la suggestion semblait faire l'unanimité, on s'est dit: Enfin, une fois pour toutes, réglons le problème, sans partisa-nerie politique. Cette solution fait l'affaire de l'Opposition, du gouvernement, des ministériels; elle répond, autrement dit, aux objectifs de l'ensemble de l'Assemblée nationale. C'est ce qui nous a fait accepter cette suggestion et former le comité dont il a été question précédemment, et cela sous l'initiative du président.

Donc, au départ, toutes les garanties pour que ce comité soit compétent, apolitique et objectif, toutes ces garanties étaient sûres. Les conclusions auxquelles le comité en arriverait deviendraient celles de tous les parlementaires

et n'interviendrait plus, sous aucune forme, toute discussion teintée de démagogie. Comme l'a écrit d'ailleurs le célèbre politicologue français Maurice Duverger, "la démagogie autour de l'indemnité parlementaire est facile." Mais, en faisant nôtre la proposition honnête de l'Opposition de constituer un comité extraparlementaire, nous avons dit: Enfin, fini la démagogie à ce sujet.

Et, M. le Président, le rapport du comité Bonenfant a été déposé le 12 novembre 1974. Je sais que tous les membres de l'Assemblée nationale et le public, le public intéressé, la presse ont reçu une copie de ce rapport qui a été déposé, un rapport assez volumineux qui contient environ 70 pages. Il a été préparé à la suite de plusieurs séances du comité spécial, qui a reçu des témoignages, consulté énormément, a même fait compléter des questionnaires, a eu des entrevues, a consulté des rapports de l'extérieur du Québec, etc.

Alors, ce rapport, qui a été déposé le 12 novembre 1974, a fait les constatations suivantes.

Premièrement, que le public ne se rend pas suffisamment compte du travail considérable et varié qu'accomplissent les députés. Deuxièmement, qu'on a, de l'activité du député, une vision souvent déformée et parfois même moqueuse et injuste. Troisièmement, que le travail de législateur et de contrôleur du député a pris, à Québec, ces dernières années, une forme originale qui a considérablement augmenté sa participation et son efficacité. Quatrièmement, le député ne travaille pas uniquement au Parlement, une grande partie de son activité se déroule dans sa circonscription. Cinquièmement, dans l'Opposition comme au pouvoir, le député sert de lien indispensable entre la population et un Etat qui semble de plus en plus lointain, complexe et impersonnel. Sixièmement, le député est aussi l'intermédiaire entre le gouvernement, les municipalités, les commissions scolaires et d'autres organismes. Septièmement, le député est encore un véritable agent d'information auprès de ses électeurs. Huitièmement, le député est obligé de participer intensément à la vie sociale et politique de sa circonscription. Neuvièmement, quand on fait la somme de toutes ses formes d'activité, on s'aperçoit que le député n'a pas beaucoup de temps libre, que son rôle n'est pas confiné aux activités parlementaires. Dixièmement, depuis quelques années, on admet que la fonction parlementaire en est une à temps plein qui est de nature professionnelle et qui doit être rémunérée comme telle. Onzièmement, l'indemnité que reçoit le député au Québec est moins élevée que celle du député fédéral et celle du parlementaire de la Colombie-Britannique. Douzièmement, le député voit, comme tous les autres travailleurs de la société, augmenter le coût de la vie et il est en droit d'être mieux rémunéré et de recevoir des compensations correspondant davantage à ses dépenses.

Et, M. le Président, le comité, que l'on appelle le comité Bonenfant, a eu comme principales recommandations les suivantes: D'abord, deux principes de base. Il faut fixer l'indemnité parlementaire pour qu'elle corresponde au travail accompli et aux besoins des députés. Deuxièmement, il faut, autant que possible, éviter que ceux-ci, s'ils doivent être mieux payés, en décident eux-mêmes directement à l'avenir.

Tout d'abord, l'indemnité des députés serait rattachée à la classe IV des administrateurs où, présentement, le traitement est de $19,000 à $25,000. Cette indemnité serait la moyenne entre le plus élevé et le plus bas de ce traitement, passant ainsi de $15,600 à $22,000.

Deuxièmement, l'allocation du député non imposable resterait au montant actuel, soit $7,140.

Troisièmement, l'augmentation qui en résulterait, l'indemnité d'allocation passant de $22,740 à $29,140, serait de l'ordre de 27.88 p.c. — et là ce n'est pas le rapport qui le dit. Il y avait une interprétation qui parlait de 40 p.c, mais le chiffre exact est 27.88 p.c. tel que proposé par le rapport Bonenfant.

Quatrièmement, l'augmentation annuelle de l'indemnité résulterait de deux opérations. D'abord, si le gouvernement augmente le traitement le plus élevé des administrateurs, classe IV, la ligne médiane qui est attribuée aux députés subira une légère hausse. Et, en second lieu, l'augmentation annuelle statutaire de l'indemnité serait le pourcentage de l'augmentation de la masse salariale globale des cadres qui fut, en 1974, de 6.5 p.c, et qui a été établie, pour 1975, à 6 p.c.

Cinquièmement, en plus, les députés bénéficieraient de la même indexation, prime de vie chère, que les administrateurs, ce qui aurait entraîné, en 1974, un pourcentage additionnel d'environ 15 p.c, et possiblement autant pour 1975.

Sixièmement, en somme, en 1975, les députés bénéficieraient d'une augmentation de 6 p.c. et d'une indexation qui pourrait atteindre 15 p.c. — et je dis tous ces chiffres sous réserve — soit une hausse réelle qui dépasserait 20 p.c.

Septièmement, enfin le comité recommande, en ce qui concerne les indemnités additionnelles pour les députés qui exercent des fonctions supplémentaires qu'elles soient augmentées d'un pourcentage qui tienne compte de la hausse générale du coût de la vie et des traitements.

Alors, M. le Président, devant ce rapport, qu'a fait le gouvernement? Et qu'est-ce que nous proposons aujourd'hui, par ce projet de loi? Quant à l'indemnité du député, même s'il croit que le député mérite l'indemnité que recommande le rapport Bonenfant, le gouvernement va moins loin.

La base du calcul de l'indemnité n'est pas la ligne médiane du traitement des administrateurs

classe IV mais le plus bas salaire de cette catégorie plus un tiers de l'écart entre le plus bas et le plus élevé, ce qui donne $21,000 au lieu de $22,000. En fait, la nouvelle indemnité du député rejoint sensiblement le montant qu'elle aurait atteint aujourd'hui si. à compter de 1971, le salaire avait été indexé en tenant compte du coût de la vie.

Il s'agit donc, en pratique, d'une indexation et d'un rattrapage. Notons que cette forme d'indexation est rétroactive au 1er avril seulement, et non au 1er janvier, et non plus rétroactive quant à ceux qui ont siégé en cette Chambre en 1972, 1973 et jusqu'au 1er avril 1974 qui, pour ces périodes, évidemment, n'auront pas de compensation. Il s'agit d'une rétroactivité au 1er avril et il y aura sans doute un amendement. Apparemment, on n'aurait couvert qu'une partie des députés avec cette rétroactivité ne touchant pas les membres de l'Exécutif qui étaient également affectés par ces modifications. Je pense qu'il y a un article à ajouter. Nous le ferons en commission parlementaire.

Une indexation pour l'avenir. C'est là qu'il faut regarder maintenant, et j'aimerais ajouter ici, M. le Président, qu'il y a eu... Non, je reviendrai là-dessus quant aux fonctions additionnelles tout à l'heure. C'est peut-être là que j'aurais dû parler de la rétroactivité, mais j'en ai parlé à l'avance.

Quant à l'indexation pour l'avenir, M. le Président, le gouvernement n'a pas retenu la recommandation du comité Bonenfant, soit rattacher les augmentations futures à celles des cadres. Et il faut — c'est là la raison principale, je crois — qu'il ne subsiste dans l'esprit de la population aucune apparence de conflit d'intérêts possible. Peut-on à jamais rejeter l'idée qu'un jour une commission parlementaire ait à examiner un conflit qui aurait trait, par exemple, au salaire offert aux administrateurs de la fonction publique? Nous avons choisi une autre formule qui n'implique les députés ni de près ni de loin. Quant à l'indexation proprement dite, le gouvernement va moins loin encore que le rapport lui-même. Avec l'augmentation annuelle proposée et la prime de vie chère, on pouvait songer particulièrement, durant ces années-ci, à 20 p.c., tandis que les chances sont que la nouvelle formule réduise de 20 p.c. à 9 p.c. cette indexation, et cela même dans une période comme celle que nous connaissons présentement.

M. le Président, non seulement nous n'augmentons pas l'allocation des députés, partie non taxable, mais nous la baissons de $7,140 à $7,000. Les revenus au même niveau qu'en 1971, elle devrait valoir aujourd'hui $8,590, d'après ceux qui ont fait les calculs, pour suivre, au cours des années, le fil du coût de la vie. Les députés subissent donc une baisse réelle de $1,590 à ce chapitre, ce qui réduit d'autant l'augmentation ou l'ajustement apparent à $21,000 pour l'indemnité parlementaire, sur- tout que l'allocation de dépenses n'était pas taxée. Le total de la nouvelle indemnité et d'allocations forme la somme de $28,000, soit une augmentation de 23.13 p.c, alors que le rapport Bonenfant en proposait une de 27.88 p.c. et même que certains médias avaient parlé de 40 p.c.

Quant à l'indemnité additionnelle, notre formule accorde un ajustement sensiblement le même que pour le salaire de base. Vu la hausse du coût de la vie et les responsabilités accrues que commandent toutes les fonctions additionnelles, on a fondu ensemble une indemnité additionnelle et les frais additionnels de représentation afin de faire disparaître une ambiguïté sur le plan fiscal. Cette indemnité quant aux fonctions additionnelles, que ce soit fonction de président de commission, de whip, de leader, de chef de parti, de ministre, de président de l'Assemblée nationale, de chef de l'Opposition, de premier ministre, toutes ces indemnités sont dorénavant taxables au complet.

On en parlera peut-être un peu plus tard, mais je veux mentionner qu'il y avait trois ajustements spéciaux, qui ont été faits dans le cas des indemnités additionnelles, et qui touchent le whip en chef du gouvernement, les whips adjoints du gouvernement, de l'Opposition officielle et les whips des autres partis reconnus, à cause de la somme de travail accrue.

Le président devient sur le même pied que le ministre, à cause de ses nombreuses responsabilités nouvelles, et le ministre d'Etat à cause de ses responsabilités accrues et variées. Il y a eu là de petits changements, des ajustements dans leur cas, qui font qu'ils sont un peu au-dessus de la moyenne générale des autres classes.

Nous ajouterons un nouvel amendement au projet de loi. Il présentera une mesure efficace pour lutter contre l'absentéisme en partant de $60 —je l'espère bien du moins— à $100 la déduction faite sur l'indemnité pour chaque jour en plus de dix qu'un député n'assiste pas à une séance. Evidemment...

M. MORIN: L'avez-vous déjà appliquée?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEVESQUE: Bien voici, M. le Président. Je suggérerais à l'honorable chef de l'Opposition de consulter ce qu'en dit le rapport Bonenfant. Il en a fait une question de conscience personnelle.

M. ROY: Ce n'est pas le rapport, ce n'est jamais appliqué.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. ROY: Ce n'est pas le rapport, ce n'est jamais appliqué.

M. LEVESQUE: Le rapport parle justement d'absentéisme. Evidemment, s'il y a des députés qui ont des suggestions à faire, je serai le premier à les considérer très sérieusement.

M. MORIN: L'absentéisme, vous l'avez devant vous.

M. LEVESQUE: Voici ce que...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: ... dit le rapport Bonenfant, à la page 21. "Nous croyons nécessaire de toucher au problème de l'absentéisme, qui a soulevé des discussions dans le monde entier. En effet, ce qui, dans bien des cas, semble nuire auprès du public à la réputation du député, c'est le fait qu'il ne soit pas toujours présent à l'Assemblée nationale. "Dans quelques pays, on applique aux absents des sanctions disciplinaires sévères qui, parfois, vont jusqu'à la déchéance du mandat. A Québec, rappelons qu'en vertu du premier alinéa de l'article 95 de la Loi de la Législature, une déduction de $60 est faite sur l'indemnité pour chaque jour en plus de dix qu'un député n'assiste pas aux séances de l'Assemblée nationale. "Dans le passé, on a généralement, à la fin de chaque session, proposé que les dispositions de l'article 95 ne soient pas appliquées aux députés, ce qui était une sorte de pardon à l'absentéisme et, en fait, jamais une déduction pour absence n'a été appliquée à un député. "Le troisième alinéa de l'article 95 dit: "Ne doit pas être considéré comme jour d'absence à une séance de l'Assemblée nationale chaque jour où un député est empêché d'être présent pour cause de maladie ou d'activités officielles." Il n'est pas toujours facile d'établir avec précision ce qui est une activité officielle. La loi actuelle laisse évidemment ouverture à plusieurs interprétations. On peut se demander en effet ce que signifie assister à une séance et aussi ce qu'est une activité officielle. "A l'heure actuelle, l'article 100 de la Loi de la Législature impose des exigences que plusieurs députés trouvent inutiles. Cet article dit qu'à chaque session de la Législature, chaque député doit fournir au comptable de l'Assemblée nationale, à la fin de chaque mois et à la fin de la session, un état signé de sa main indiquant le nombre de jours qu'il a été présent au cours du mois ou de la session, selon le cas. Et si l'état comprend des jours où le député a été absent pour cause de maladie ou d'une activité officielle, l'état doit mentionner le fait et spécifier que son absence était due à telle cause et était inévitable. Cet état doit être certifié par le comptable de l'Assemblée nationale et attesté sous serment par le député devant lui. "Même si nous attachons beaucoup d'importance à la réponse des députés en Chambre et même si nous savons que l'absentéisme, dont on les accuse parfois à tort, nuit beaucoup à leur réputation, nous croyons tout de même que la déclaration sous serment devrait disparaître. En effet, nous croyons qu'il faut accepter la parole du député et que celui-ci, comme le fonctionnaire, pour retirer son indemnité, ne devrait pas être soumis à l'exigence du serment. "En réalité, dans notre système d'origine britannique, il semble qu'à Québec, comme à Londres, l'obligation d'assister aux séances doit être laissée à la conscience individuelle renforcée, comme c'est le cas à la Chambre des communes britannique, par la pression des whips du parti. En effet, dans ce domaine, les deux meilleures garanties d'assiduité devraient être la parole du député et la surveillance des whips."

Voilà, ce que dit le rapport Bonenfant, M. le Président. Je pourrais bien en dire davantage mais je crois que, pour le moment, c'est suffisant pour indiquer la difficulté de la chose. Cela ne nous empêche pas de songer à des solutions pour augmenter la présence à l'Assemblée nationale.

On voit bien qu'il se dégage également du rapport Bonenfant le fait qu'il y a... Les activités des députés ne se limitent pas uniquement aux travaux parlementaires. Ils doivent, en certaines occasions, être présents ailleurs dans la province pour d'autres fins, toujours, évidemment, dans l'exercice de leurs fonctions.

Je ne veux pas prolonger indûment cette intervention en deuxième lecture.

Je voudrais, avant de terminer, simplement, référer l'Assemblée nationale à plusieurs édito-riaux qui m'ont été signalés, dans plusieurs journaux de la province. Je voudrais simplement signaler l'éditorial du Devoir du mardi 17 décembre 1974, sous la signature de M. Claude Ryan. Il y a l'éditorial dans le journal Le Soleil, sous la signature de M. Paul Lachance. On aurait intérêt à lire ces éditoriaux qui, je crois, sont très objectifs et qui regardent d'une façon très objective, d'une façon dépourvue de passion les faits que renferme le projet de loi qui est présentement à l'étude.

Je n'ai pas l'intention de passer à des conclusions en voulant laisser croire qu'il y a, de l'autre côté, de l'Opposition à ce projet de loi. Mais j'ai entendu dire, je ne peux pas faire autrement que d'avoir entendu dire qu'il y avait un message qui venait de l'extérieur du Parlement, du conseil national, me dit-on, du Parti québécois, qui aurait donné des instructions aux députés de ne pas accepter ce projet de loi.

Je pourrais être malin, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de l'être. Mais j'aurais un conseil à donner au Parti québécois. C'est de tenir compte de l'indépendance de la Législature. Il est important, M. le Président, que les députés, parce que, s'ils étaient tous d'accord avant d'aller au conseil national — peut-être pas tous d'accord, je ferais peut-être exception pour le chef de...

M. MORIN: ... l'indépendance de se servir soi-même?

M. LEVESQUE: Vous aurez l'occasion, M. le Président...

Le chef de l'Opposition ne devrait pas parler comme cela.

M. MORIN: C'est vous qui ne devriez pas parler comme cela.

M. LEVESQUE: II aura l'occasion...

M. HARDY: Franchement, vous êtes inconscient.

M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition aura l'occasion, tout à l'heure, d'intervenir. Ce que je dis, cependant, M. le Président, c'est qu'il y a une certaine indépendance de la Législature. Je me pose la question à savoir si le chef de l'Opposition et les autres collègues doivent aller au conseil national pour toutes les décisions qu'ils ont à prendre ici, à l'Assemblée nationale.

M. MORIN: Certaines, oui.

M. LEVESQUE: Si tel est le cas... Certaines, par exemple, lorsqu'on décide qui sera chef parlementaire de l'Opposition officielle? C'est le conseil national qui décide cela? C'est donc le conseil national qui décide quelle somme additionnelle sera payée à tel député? Je trouve qu'il y a là un conflit possible. On dira peut-être que c'est théorique mais cela veut dire que le conseil national, formé de gens, souvent, qui ont été rejetés par le peuple, est ici pour dicter la conduite du chef de l'Opposition officielle et lui assurer une indemnité additionnelle. C'est dangereux ! Dangereux !

M. MORIN: Vous ne savez pas ce que c'est qu'un parti démocratique !

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LEVESQUE: M. le Président, je sais que le chef de l'Opposition se met dans une situation, actuellement, très inconfortable sur le plan des principes. Des non-élus donnent des ordres aux élus lorsque les élus ont décidé d'une telle ligne de conduite. Les élus de l'Opposition officielle, en particulier, ont recommandé une formule, il y a à peine quelques mois. Cette formule a été mise en place à leur demande et à la demande des autres parlementaires et aujourd'hui on s'apprête à se lever en vierges offensées, non pas parce qu'on n'est pas d'accord en majorité, dans l'Opposition officielle, sur cette augmentation, mais parce qu'on a reçu un ordre du conseil national...

M. MORIN: Attention!

M. LEVESQUE: ... quelque part, de gens qui n'ont pas été élus par le peuple et dont quelques-uns ont même été rejetés par la population. Ce sont eux qui viendront ici, M. le Président...

M. le Président, si on le fait dans ce cas, qu'est-ce qui empêche l'Opposition officielle — ne l'oublions pas — de prendre des attitudes, de poser des gestes par des votes, ici, à l'Assemblée nationale, qui ne traduiraient pas la volonté de leurs électeurs, qui ne seraient pas une interprétation de leurs principes mais seraient une volonté extérieure au Parlement, extérieure à la volonté du peuple par un certain conseil national?

M. le Président, est-ce ça, la véritable démocratie dans le sens que la comprend le chef de l'Opposition officielle?

Non, M. le Président...

M. MORIN: Comment faites-vous pour dire cela sans rire?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEVESQUE: Nous avions un problème ici, à l'Assemblée nationale, comme nous avons plusieurs problèmes à régler. Celui-là est venu sur le tapis lors de l'étude des crédits de l'Assemblée nationale. Tous les députés, incluant particulièrement les députés d'en face, se sont penchés sur ce problème. Tout le monde était d'accord qu'il fallait une augmentation à ce moment-là, un rajustement, si vous voulez.

M. CHARRON: M. le Président, question de privilège.

M. LEVESQUE: Un instant, vous parlerez à votre tour. Cela fait mal!

M. CHARRON: Question de privilège, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Question de privilège, le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'attendais cette affirmation mensongère du leader du gouvernement qui, tout à l'heure, s'est servi de certains extraits de ma déclaration.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plait!

M. CHARRON: Comme il a dit que tout le monde était d'accord sur des augmentations, je lui demande juste l'honnêteté, après l'état de fait que je ne nie pas et qu'il a cité, de se rendre jusqu'à la fin de cette intervention que je faisais le 7 juin dernier. Je vous communique les trois dernières lignes, M. le Président, mais il y a deux pages qui précédaient cette conclusion.

Je dis, dans les trois dernières lignes: "Lors-

que nous devons aborder le problème en termes de la société québécoise et de notre place — particulière — dans la société québécoise, je crois que nous sommes parmi ceux qui bénéficient actuellement d'un excellent revenu et que nous n'avons, à cet effet, aucune charge à demander de plus aux contribuables québécois".

C'est ça ma question de privilège pour rétablir les faits. Et le député de Maisonneuve...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: ... s'il était ici, M. le Président, pourrait également puiser dans la même intervention que citait le leader du gouvernement, en date du 6 juin.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: Je l'ai ici M. le Président et permettez-moi de la citer, parce qu'il a dit que tout le monde était pour l'augmentation? Je vous signale, M. le Président, que le député de Maisonneuve...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre s'il vous plaît! A l'ordre!

M. CHARRON: ... parlant de l'augmentation, a dit le 6 juin: "Notre conviction est toujours que, quand on fera cela à l'égard des députés — d'ailleurs, on l'a dit quand il a été question des juges — il faudra qu'on tienne compte d'autres catégories de la population qui, elles aussi, sont à toutes fins pratiques des salariés... Je pense, entre autres, aux gens qui sont au salaire minimum". Le député de Maisonneuve et celui qui vous parle ont encore aujourd'hui la même position qu'au moment de ce débat et nous la remettrons sur la table lorsque vous nous appellerez en deuxième lecture, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'avais simplement interprété ce que le député de Saint-Jacques — je ne parlerai pas des autres — disait à la page 1014 du journal des Débats du vendredi, 7 juin 1974: "Toutes proportions gardées quant aux responsabilités, nous méritons plus que ce que nous avons". Qu'est-ce que ça veut dire, ça?

M. CHARRON: Mais j'ai posé des conditions avant...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. CHARRON: ... que nous nous le donnions.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: De toute façon, M. le Président, je lui répondrai en deuxième lecture; je n'ai aucunement crainte des insinuations du leader du gouvernement.

M. MASSICOTTE: Marionnette du conseil national.

M. LEVESQUE: M. le Président, lorsque le député de Saint-Jacques... Je n'ai pas l'intention de continuer; c'est simplement pour montrer que ce n'est pas...

M. CHARRON: Non, ne continuez pas, parce que vous n'êtes pas sur un terrain sûr.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEVESQUE: Non, non. Un instant, du calme. J'ai simplement dit ça parce que ça sort évidemment du contexte et non seulement du contexte, mais du texte même de ce que j'ai relu ce matin dans le journal des Débats du vendredi, 7 juin 1974. Lorsque, par exemple, il parlait de son collègue le député de Lafontaine, il parlait également de sa propre expérience.

Le député de Saint-Jacques disait: "J'ai pu très sincèrement, au cours des discussions que nous avions entre nous, vérifier qu'effectivement les taux se resserraient véritablement plus sur eux que sur moi." Alors, les taux, qu'est-ce que cela veut dire?

M. CHARRON: On ne nie pas, on a posé des conditions.

M. LEVESQUE: Alors, on va revenir aux conditions, M. le Président, mais on pourrait fort bien en discuter en commission, ce n'est pas un problème. Ce que je dis cependant, c'est que parce qu'il y avait ici un problème à l'Assemblée nationale, lors de l'étude des crédits, les députés — le député qui vient d'intervenir et d'autres — ont suggéré la formation d'un comité d'experts. Plus que cela, lorsque la décision a été prise de donner suite à ce voeu de l'Assemblée nationale, l'Opposition officielle a été consultée pour la formation de ce comité d'experts. C'est l'Opposition officielle qui a désigné un des membres de la commission; c'est après consultation avec l'Opposition officielle que Mme Rousseau a été nommée membre de la commission, du comité. C'est beaucoup plus que ce qui a été fait pour d'autres.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEVESQUE: ... un ancien président de la Chambre et M. Jean-Charles Bonenfant qui a présidé ce comité d'experts. Tout le monde était d'accord sur la composition de ce comité.

L'Opposition officielle, comme les ministériels, était d'accord sur le fait qu'il s'agissait là d'un comité d'experts indépendant. Lorsque le rapport a été déposé, il a été reçu par l'ensemble des députés. Il y a ensuite des députés de l'Opposition qui l'ont commenté. Je n'ai pas l'intention de parler de conversations privées, mais il y a même des media d'information qui ont parlé de la réaction des députés de divers partis et en particulier de l'Opposition officielle qui ont dit: Bien, peut-être que ce serait tel montant plutôt que tel autre, etc.

A ce moment-là, M. le Président, on était d'accord pour deux choses: pour un ajustement et pour l'indexation. On était d'accord pour accrocher même le salaire du député à une classe de fonctionnaires, et cela était dangereux, M. le Président. C'est pour cela que ce n'est pas dans le projet de loi présentement, parce que nous ne voulons pas être à la fois juge et partie. Nous ne voulons pas de conflit d'intérêts. C'est pourquoi nous n'avons pas retenu cette suggestion qui pouvait paraftre valable et qui nous a paru au début très valable. Mais lorsqu'on y pense sérieusement, il n'est pas normal que le législateur soit pris dans une situation, dans une position où il ait à voter des crédits, à décider dans une commission parlementaire, par exemple, d'un conflit où il y a une question de rémunération pour une partie ou l'autre de la fonction publique, des employés de l'Etat, lorsque ce parlementaire serait lui-même affecté par la décision qu'il a à rendre dans cette commission.

C'est pourquoi nous avons préféré que le salaire soit indexé selon une méthode absolument scientifique, qu'il suive l'évolution des salaires de la main-d'oeuvre, des salariés au Canada, et cela par un chiffre fourni régulièrement par Statistique Canada.

Alors nous avons pris toutes les dispositions nécessaires objectives, qui ont eu, à toutes les étapes, l'assentiment de l'ensemble de la députation, d'un côté comme de l'autre de l'Assemblée nationale. Nous arrivons aujourd'hui avec un projet de loi qui traduit la volonté exprimée il y a quelques mois par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale et qui, en même temps, est le fruit d'études d'un comité d'experts extérieur à la Législature.

Qu'est-ce que c'est qu'on a à suggérer comme autre méthode ou est-ce qu'on sera assez franc pour dire que l'on veut geler à tout jamais salaires et allocations? Peut-être que c'est possible pour d'aucuns, mais pas pour tous dans cette Assemblée, et nous en connaissons. Et le comité Bonenfant s'est rendu compte qu'il y a une justice à établir, à respecter, il y a une intégrité à conserver. Troisièmement, il y a une autre chose, c'est qu'il faut s'assurer que les conditions soient telles qu'on n'évite pas que des gens très valables puissent s'intéresser à venir à l'Assemblée nationale.

M. le Président, je crois que nous avons été très objectif. Très modestement, mais avec la conscience de n'avoir fait que mon devoir envers les parlementaires, je présente ce projet de loi et j'espère qu'il recevra l'assentiment de l'ensemble de la députation.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: Ainsi donc, M. le Président, malgré les admonestations de l'Opposition et du Parti québécois, malgré le scandale que va créer son geste dans l'opinion publique québécoise...

M. BELLEMARE (Rosemont): ... en voyage, ... en voyage.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): S'il vous plaît! Est-ce que je pourrais demander à tous les députés... A l'ordre! A l'ordre! Je n'endurerai pas qu'on interrompe celui qui a la parole. Je serai tout aussi sévère pour les deux côtés de la Chambre et c'est le dernier avertissement que je donne. Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Malgré le scandale, je le répète, le scandale que cela va créer dans l'opinion publique québécoise, le gouvernement Bourassa, bousculé par son caucus, a décidé d'augmenter coûte que coûte — c'est bien le cas de le dire — le salaire des députés.

M. le Président, on prend soin d'habiller la chose avec soin. Le nouvel article 92 nous dit qu'il est accordé à chaque député une indemnité annuelle de $21,000. Mais la réalité c'est que, lorsque l'on tient compte de l'article 92 a), l'augmentation est tout autre. Si l'on avait rédigé le projet de loi en des termes clairs, il aurait été rédigé de la façon suivante: L'indemnité sera désormais de $23,205, à compter du 1er janvier 1975.

C'est cela la réalité: $23,205 quand on tient compte de l'article 92 et qu'on y ajoute l'augmentation prévue à l'article 92 a). De plus, on aurait dit clairement dans la loi qu'un montant forfaitaire de $4,050 sera versé en rétroactivité à tous les députés. Voilà ce que fait vraiment ce projet de loi.

M. le Président, il me paraît que cela constitue un abus de pouvoir. Oui.

M. BELLEMARE (Rosemont): II s'en va en voyage.

M. MORIN: Et j'irai même plus loin, un abus de confiance de votre part à l'endroit des Québécois...

M. MERCIER: Oui.

M. MORIN: ... un abus de confiance!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LACROIX: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une question?

M. MORIN: Vous interviendrez tout à l'heure. Il est six heures moins cinq et je n'autorise pas de question. Asseyez-vous, Monsieur.

M. LACROIX: Votre secrétaire particulier gagnera $24,500 à ce moment.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. BELLEMARE (Rosemont): Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une question?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! Non. Il n'en permet pas. Assoyez-vous.

M. MORIN: M. le Président, on emploie d'habitude, dans la théorie juridique, l'expression "abus de pouvoir" à l'endroit de l'Exécutif, quelquefois à l'endroit du pouvoir judiciaire, mais dans notre cas, ce sera un abus de pouvoir de la part du pouvoir législatif. Peut-il exister un moment plus mal choisi pour procéder à une telle hausse de salaire?

M. BACON: Hypocrite!

M. MORIN: Le ministre de l'Industrie et du Commerce...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Saguenay sur une question de règlement.

M. LESSARD: M. le Président, on vient de lancer, à plusieurs reprises le terme hypocrite. Cela a été le cas pour le député de Rosemont, tout à l'heure et on vient de le faire. Je demande, M. le Président, que vous interveniez, tant auprès du député de Rosemont qu'auprès du député qui vient de dire au chef de l'Opposition qu'il était hypocrite, afin de faire respecter l'article 45 des règlements et qu'il puisse retirer leurs paroles.

M. BELLEMARE (Rosemont): Question de privilège, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Je n'exige pas le retrait. Ces insultes ne me dérangent pas.

M. BELLEMARE (Rosemont): Question de privilège, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Rosemont, sur une question de privilège.

M. BELLEMARE (Rosemont): Je viens d'être attaqué. J'ai droit...

M. MORIN: Nous sommes tellement habitués d'entendre des inepties...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! On va l'écouter et on va voir. A l'ordre! Le député de Rosemont, question de privilège.

M. BELLEMARE (Rosemont): Je pose une question de privilège. On m'a attaqué. Le député de Saguenay m'a attaqué. Il m'a nommé et il a dit que j'ai traité le chef de l'Opposition d'hypocrite, ce qui est archi-faux.

Je n'ai pas dit qu'il était un hypocrite, ce n'est pas vrai; j'ai dit que c'était un sépulcre blanchi.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Vous ne pourriez pas sortir toutes vos insultes, tout de suite?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Parlez au président. A l'ordre! Parlez au président, s'il vous plaît.

M. MORIN: M. le Président, j'inviterais les collègues à proférer toutes leurs insultes tout de suite, pour qu'on en finisse. Après, je parlerai.

M. BOSSE: Que René Lévesque renvoie les $4,000 d'indexation qu'il a reçus.

M. MORIN: Et je tiens à dire, M. le Président, pour que ce soit clair...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. BACON: Vous avez votre chauffeur et votre limousine.

M. MORIN: Je tiens à dire que, malgré les insultes, malgré l'intimidation, malgré le chantage de toutes les motions qu'on voudra présenter à mon endroit, je dirai ce que je pense. Je tiens à le dire! Je dirai ce que je pense et nous lutterons contre ce projet de loi jusqu'au bout. Est-ce assez clair? Jusqu'au bout.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce nous apprenait, dimanche dernier, le triste état de la conjoncture, particulièrement pour l'avenir. Nous nous apprêtons à nous voter des augmentations de salaires et des montants forfaitaires rétroactifs au moment où la con-

joncture économique se gâte, au moment même où nous sommes au seuil de la "stagflation", c'est-à-dire du niveau de croissance 0 accompagné d'une inflation qui dépasse 10 p.c.

M. le Président, voulons-nous montrer que nous sommes au service des Québécois, des serviteurs du bien commun ou donner l'impression que nous pensons avant tout à nous-mêmes et passer pour des sangsues collées aux fonds publics?

M. le Président, qui sommes-nous, après tout? Sommes-nous des profiteurs? On nous a élus pour diriger, pour participer à la direction des affaires de ce pays. Nous sommes responsables du bien commun de l'état de notre demeure collective qu'est le Québec.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, sur un point d'ordre ou de règlement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Johnson, sur une question de règlement.

M. BELLEMARE (Johnson): Le chef de l'Opposition — cela a certainement dépassé sa pensée — vient de nous dire que nous sommes des sangsues. M. le Président, il y a des termes plus parlementaires.

M. MORIN: M. le Président, j'ai posé une question et je continue de la poser.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je ne pense pas que le chef de l'Opposition puisse employer à l'égard de ses collègues une attitude et surtout des expressions aussi malheureuses. Nous ne sommes pas des sangsues, M. le Président, et je n'accepte pas ce terme, même si c'est attaché à une partie de son discours.

M. MORIN: Je constate...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. ROY: Sur le même point de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud sur le même point de règlement.

M. MORIN: Je constate que le député va voter contre le projet de loi.

M. ROY: Sur le même point de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Beauce-Sud sur la question de règlement.

M. ROY: J'inviterais mon collègue, le chef de l'Opposition... J'avais demandé tout à l'heure que ce débat ait lieu dans le calme, qu'il se fasse de façon sereine. Il ne faut pas oublier que nous sommes à quelques jours de la fête de Noël. Etant donné les propos que j'entends depuis trois jours à l'Assemblée nationale, on est loin des mots: Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté!

On a le droit de penser ce qu'on voudra sur la loi concernant le salaire des députés, mais qu'on emploie des propos dignes à l'Assemblée nationale, que chacun s'exprime dignement, qu'il exprime ses convictions et qu'il le fasse dans la dignité. Il y a des propos que je n'accepterai pas, M. le Président, d'où qu'ils viennent.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Pourrais-je demander au chef de l'Opposition officielle s'il accepterait de retirer...

M. MORIN: Après avoir constaté que le député de Johnson, puisqu'il n'est pas une sangsue," votera contre ce projet de loi, je demande...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que vous les retirez sans commentaire?

M. MORIN: Je demande la suspension de la séance.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Je vous demande de retirer vos propos, sans commentaire.

M. MORIN: Non. J'ai posé une question; je n'ai pas affirmé. Je ne retire rien. C'est clair.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition officielle accepte...

M. LEVES QUE: II est six heures.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): ... de retirer ses paroles, sans commentaire? Je lui demande, de façon très polie...

M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de règlement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): ... de collaborer.

M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de règlement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! ... Je suis debout... J'ai posé une question au chef de l'Opposition officielle... A l'ordre, s'il vous plait! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ... Assoyez-vous, on y verra après!

Assoyez-vous pour commencer! ... A l'ordre! ... Je rappelle l'honorable député de Saguenay à l'ordre! ... A l'ordre! ... Est-ce que je peux demander au chef de l'Opposition qu'il me réponde oui ou non? Est-ce qu'il a l'intention de retirer ses paroles?

M. MORIN: M. le Président, j'ai posé la question suivante...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Je vous demande de me dire si oui ou non, vous avez l'intention...

M. MORIN: J'ai demandé si nous voulions passer pour des sangsues collées aux fonds publics et je ne retire pas l'expression.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Merci pour votre collaboration.

L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à ce soir...

M. LEVESQUE: Vingt heures.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): ... vingt heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 5

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

Le chef de l'Opposition officielle.

M. BURNS: Combien sommes-nous en Chambre, M. le Président?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II y a une commission qui siège.

M. BURNS: II n'y a pas de commission qui siège avant huit heures et quart, M. le Président. Non, non, si on veut être exact, là...

On est 30? D'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): 32. M. BURNS: D'accord.

M. MORIN: M. le Président, au moment de la suspension du débat, j'étais en train d'expliquer qu'à notre avis l'augmentation que cette Chambre s'apprête à se voter est tout à fait déraisonnable par rapport au contexte économique dans lequel nous vivons, et j'entends le démontrer longuement ce soir.

J'ai expliqué que, si le projet de loi avait été rédigé en langage clair, il aurait décrété que, désormais, l'indemnité du député sera, à compter du 1er janvier 1975, de $23,205 et qu'en sus un montant forfaitaire de $4,050 sera versé à tous les députés pour tenir compte de la période écoulée depuis le 1er avril.

Seulement pour le salaire que les membres de cette Chambre vont toucher, à compter du 1er janvier, cela représente une augmentation de $7,600. Ce qu'on a vu dans les journaux à l'effet qu'il s'agissait d'une augmentation de 25 p.c. est donc erroné. En réalité, M. le Président, l'augmentation sera de l'ordre de 50 p.c. Je mets quiconque, ici, dans cette Chambre, au défi de prouver le contraire.

C'est tout à fait déraisonnable, M. le Président. On ne peut choisir un moment plus inopportun pour procéder à une telle hausse. Le ministre de l'Industrie et du Commerce ne nous apprenait-il pas, dimanche dernier, que l'année 1975 allait être difficile pour les Québécois, alors que paraissent déjà à l'horizon les signes les plus clairs de ce qu'on appelle, dans le jargon des économistes américains, la "stagflation", c'est-à-dire la croissance zéro alliée à un taux d'inflation qui dépasse les 10 p.c.

Le ministre nous a fait une description selon laquelle tous les indicateurs sont à la hausse mais lorsqu'il en est venu à parler de l'année prochaine, de l'année 1975, il a dû s'abstenir de risquer des prédictions, il a dû se montrer très circonspect et même plutôt pessimiste. Effectivement, n'entendons-nous pas tous les jours, par tous les journaux, être annoncée cette récession, sinon cette période grave de — comment dire — "stagflation", s'il n'y a pas de

meilleur mot pour décrire ce vers quoi le Québec se dirige.

Le ministre nous a dit que 1975 allait être difficile pour les Québécois, les signes sont sur le mur, à la manière biblique, pour qui veut les lire. Nous nous acheminons, tous les Québécois ensemble, vers une situation dont on ne voit pas l'issue encore en ce moment. Il se peut même que 1976 soit pire que 1975, quoique, je ne m'aventurerai pas à la moindre prévision pour la période de 1976 et au-delà.

Pour l'immédiat, nous sommes devant une conjoncture difficile, peut-être allons-nous être obligés de demander des sacrifices aux Québé-crois, peut-être cette Chambre va-t-elle être obligée, d'ici quelques mois, de se pencher sur des problèmes sociaux considérables. M. le Président, si nous voulons demander, exiger des sacrifices des citoyens, il faut que nous donnions l'exemple de la modération.

Oh! Nous serions prêts, nous de l'Opposition — et je le dis au nom de l'Opposition officielle aussi bien qu'au nom du Parti québécois — à accepter l'indexation du salaire des députés de cette Chambre, l'indexation au coût de la vie, non pas selon la formule qui a été retenue dans la loi, dont je ferai l'analyse tout à l'heure, mais sans rétroactivité, sans rattrapage. Nous serions prêts à accepter cela à compter du 1er janvier prochain, mais à certaines conditions.

Et que mes collègues m'entendent bien: Ces conditions, il est possible de les rencontrer.

Ce que je suis en train de vous dire, c'est que, si nous consentons à nous indexer nous-mêmes, nous devons faire la même démarche, à tout le moins, pour l'ensemble des citoyens québécois. Je n'ai pas d'objection de principe à ce qu'on indexe les députés. Cela a été dit très clairement lorsque, à la suite du conseil national de la fin de semaine dernière, j'ai exposé devant l'opinion publique les positions que nous avions prises. Nous n'avons pas d'objection à l'indexation du salaire des députés au coût de la vie, à certaines conditions: Que cela s'applique à tout le monde. Ce qui est bon pour les députés est certainement bon pour l'ensemble de la population.

Nous devrions être, dans cet Etat, dans ce pays qui est le nôtre, les premiers à servir et non pas les premiers servis. J'espère que mes collègues entendent bien ce que je leur dis. Ce n'est pas que nous nous opposons à toute indexation qui leur permettrait de maintenir leur pouvoir d'achat, au contraire, mais, M. le Président, nous voulons que les députés aient d'abord le souci de l'ensemble des Québécois. Quand nous aurons, selon nos responsabilités, posé ce geste pour les Québécois, il sera tout naturel que nous puissions, nous aussi, bénéficier des mêmes principes. Mais appliquer ces principes à nos "modestes" personnes, en nous disant que les autres se débrouilleront comme ils le pourront, cela, M. le Président, jamais, en ce qui nous concerne.

Les conditions, je les décrirai tout à l'heure, après m'être étendu un peu plus longtemps sur l'état de l'économie et après avoir soulevé une question de privilège.

Il est rare qu'on soulève une question de privilège au milieu d'un discours, M. le Président, mais j'en ai une question de privilège à vous soumettre.

Vous savez que je me trouve depuis cet après-midi, de par la volonté de la majorité libérale en cette Chambre, dans une situation particulière. Il plane sur moi une certaine menace de cette Chambre. Or tout à coup, à la fin de la dernière séance, alors que je venais de terminer une partie de mon exposé sur le salaire des députés et que je venais de soutenir que nous n'avons pas le droit d'abuser de notre pouvoir, d'abuser de la confiance des Québécois, un député s'est levé, est venu vers moi et, devant témoin, m'a fait des menaces. Oui, je tiens à le dire car c'est fort important. Ce député est le député de Saint-Jean, qui — et je l'invite à s'expliquer...

M. VEILLEUX: Une question de privilège.

M. MORIN: Je veux bien qu'il fasse sa question de privilège et qu'il me dise exactement ce qu'il a voulu dire, quand il m'a dit: "Vous nous payerez ça".

UNE VOIX: Ce n'est pas à toi de décider.

M. MORIN: Dans la situation où je me trouve, ça peut être très grave, M. le Président; je ne voudrais pas interpréter ces paroles avant d'avoir entendu le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Une question de privilège.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Pouvez-vous demander au député de Lafontaine, M. le Président... Après la séance, si ma mémoire est bonne, j'ai dit au député de Sauvé qu'il ravalerait les paroles qu'il disait tout à l'heure. Et effectivement, quand il aura terminé son intervention, et ses autres collègues, j'ai l'intention de prendre la parole et de lui faire ravaler les paroles qu'il a dites avant le souper et qu'il continue à dire. C'est tout simplement ça; je ne veux pas soulever de débat.

M. MORIN: Ce n'est pas ça que le député m'a dit, M. le Président. Non, que ce soit bien clair. Il y avait un témoin et il a été entendu clairement. Le député l'a dit à haute et intelligible voix — il était peut-être hors de lui — mais je voudrais bien savoir ce que signifiait exactement les mots: "Vous nous payerez ça".

M. HARDY: Vous écouterez son discours.

M. MORIN: C'était plus direct que cela: "Tu nous payeras ça".

M. HARDY: Vous écouterez son discours tantôt, vous allez voir.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. MORIN: Est-ce que le député voudrait bien s'expliquer, M. le Président?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais je pense que le député a expliqué ce qu'il a dit et si le chef de l'Opposition veut... A l'ordre, à l'ordre! Si le député de Sauvé veut procéder plus loin, il a toujours les dispositions de nos règlements pour attaquer la conduite d'un confrère.

M. HARDY: Attendez son discours.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. MORIN: En ce qui concerne la situation économique, il est évident que les indicateurs économiques pour l'année 1974 aient été, en apparence, à la hausse, il faut se rendre compte que le ministre parlait presque constamment en termes pécuniaires et que nous connaissons, à l'heure actuelle, un taux d'inflation de l'ordre de 10 p.c, supérieur à 10 p.c. Nous verrons, à la lumière de ces faits, que dans plusieurs cas les indicateurs économiques, en termes réels, sont à la baisse. Qu'il s'agisse des salaires et traitements, qu'il s'agisse des immobilisations dans les secteurs primaire, gouvernemental ou encore dans le secteur de l'habitation, qui sont des secteurs déterminants, des indicateurs déterminants pour l'économie, nous sommes en réalité à la baisse.

Par exemple, dans une période d'inflation où les coûts de construction ont augmenté de 15 p.c. et plus, une hausse de 13 p.c. des investissements gouvernementaux signifie que le gouvernement a bâti un moins grand nombre d'écoles, d'hôpitaux qu'en 1973. Une hausse de 10.7 p.c, — pour prendre un chiffre précis — des salaires hebdomadaires moyens signifie qu'en réalité, nous sommes devant une diminution réelle du pouvoir d'achat.

Pour la première fois depuis les années 50, nous nous trouvons devant une situation économique sombre. Les indicateurs économiques doivent donc être analysés dans cette perspective. Il est clair que la performance économique du Québec, à l'heure actuelle, ce contexte plus vaste dont j'ai parlé au début de mon exposé, et qui est déterminant pour le montant des salaires que nous pouvons nous permettre de nous payer dans cette Chambre, la performance économique du Québec et, par voie de conséquence, la gestion, la politique économique du gouvernement, sont déterminants. Si nous devons juger d'après cela, nous devons procéder par comparaison avec l'ensemble canadien en général et, en particulier, avec notre voisin ontarien.

Je tenterai de décrire le contexte économique général dans lequel nous nous trouvons, à l'intérieur duquel se pose cette question de l'augmentation de salaires des députés. Il n'est pas inutile de rappeler que le Québec accuse un retard par rapport au reste du Canada sur le plan économique. Il faut se rappeler également que l'écart est encore plus grand quand nous comparons l'économie québécoise et l'économie ontarienne.

La revue des principaux indices statistiques permet de constater un ralentissement de la croissance économique plus marqué au Québec, en fait, que dans l'ensemble de l'économie canadienne. La conjoncture peu reluisante qui accable, depuis près d'un an, l'économie nord-américaine, c'est-à-dire croissance nulle de la production, en termes réels, accompagnée de taux d'inflation qui sont supérieurs à 10 p.c, frappe, quoique plus modérément, l'économie canadienne et l'économie québécoise, depuis six mois. Tout indique que ces facteurs se feront sentir encore davantage au cours de l'année 1975. Bien sûr, ce phénomène était attendu, dans une certaine mesure, mais ce qui l'était moins, et qui, pour nous, est plus grave encore, c'est que ce phénomène de stagflation relative frappe plus durement l'économie québécoise que l'économie canadienne.

Les indicateurs qui ont été rendus publics révèlent pour le Québec un taux de croissance du PNB, en termes réels, de 3.8 p.c. Il s'agit donc d'un très sérieux ralentissement par rapport à 1973. Je pense que le ministre n'en disconviendra pas, puisque le taux, en 1973, était de 7.5 p.c. De plus, le taux de croissance du PNB québécois s'est avéré inférieur à l'augmentation du PNB canadien qui, en termes réels, a atteint, l'année dernière, 4.3 p.c.

Nous sommes donc en présence d'une croissance inférieure de plus de 10 p.c. à la moyenne canadienne. L'écart entre les économies québécoise et canadienne continue donc de s'agrandir.

J'ai dit, tout à l'heure, qu'il était devenu, pour ainsi dire, traditionnel, cet écart. Mais il s'approfondit en ce moment. L'année 1975, sur ce plan, nous apportera certainement de mauvaises nouvelles. En tout cas, nous devons y être prêts, puisque c'est notre responsabilité de voir venir, de prévoir dans toute la mesure où cela peut être fait.

Parallèlement à cette faible croissance, un phénomène totalement nouveau s'est manifesté au Québec. Pour la première fois depuis de bien longues années, le taux d'inflation québécois dépasse le taux observé à l'échelle canadienne. Traditionnellement, en effet, le Québec connaissait environ 1 p.c. de moins d'inflation que l'ensemble canadien. Et ce 1 p.c. avait tout de même son importance, étant donné que, sur le plan du PNB, nous étions toujours en dessous.

Or, voici que se conjuguent deux facteurs,

pour la première fois depuis très longtemps: d'une part, la décroissance du PNB qui pourrait bien se trouver en chute libre au cours de l'année 1975 et, d'autre part, la croissance de l'inflation au-delà du niveau canadien. Les effets sociaux de cette poussée inflationniste sont d'autant plus graves qu'ils se font surtout sentir au niveau des prix alimentaires. Ainsi, l'indice des prix alimentaires augmentait, au cours des dix premiers mois de 1974, de 17.7 p.c. à Montréal, comparativement à 16.2 p.c. pour l'ensemble du Canada. Il s'agit, là encore, d'un désavantage de l'ordre de 10 p.c. pour le Québec par rapport à la moyenne canadienne.

M. le Président, si l'on ne sait pas lire les conséquences de ces faits pour l'avenir, si les membres de cette Chambre ne sont pas capables de se rendre compte que nous allons vers une situation économique difficile, je comprends qu'ils soient enclins à se dire: L'économie est prospère, donc "on peut se servir". Rien ne serait plus grave et on nous le reprocherait pendant les années qui viennent — et l'opinion publique a la mémoire longue — à bon droit quand, d'ici quelques mois, l'économie prendrait une mauvaise tournure.

Une seconde constatation se dégage des données rendues publiques au sujet de l'année qui se termine. La somme des salaires et traitements divers a augmenté de 13.8 p.c, passant du total de $16.2 milliards à $18.4 milliards. A première vue, on pourrait se dire: Voilà un élément réjouissant. Puisque la masse des salaires augmente si vite, "on peut se servir"! Mais compte tenu d'une augmentation de 3.1 p.c. du nombre de personnes occupant un emploi, on peut en déduire mathématiquement que l'augmentation moyenne de revenu par travailleur se situe approximativement à 10.7 p.c, soit un taux inférieur à l'augmentation du coût de la vie qui, lui, a été de 11.1 p.c. C'est la vérité brutale.

Je crains bien que lorsque nous nous reverrons dans une année, nous serons devant des chiffres encore plus graves. En tout cas, c'est une hypothèse dont on sait qu'elle est sérieuse parce que la plupart des économistes voient les choses de cette façon. En somme, les gains pécuniaires réalisés par l'ensemble des salariés et de tous ceux qui reçoivent des traitements divers n'auront été qu'illusoires, même au cours de 1974. J'admets que 1974 a été une année qui, sans être aussi reluisante que 1973, a été annonciatrice de problèmes sérieux.

Par ailleurs, il faut également souligner que la stagnation du pouvoir d'achat de l'ensemble des Québécois constitue une moyenne. Il est évident que le pouvoir d'achat d'un grand nombre de petits salariés, surtout chez les non-syndiqués, a subi une chute encore plus importante.

Je voyais les chiffres qui ont été publiés concernant les taux de croissance réelle aux Etats-Unis, au Canada. En ce qui concerne le Québec, il est vrai que nous n'avons aucun chiffre, mais nous n'avons, d'autre part, aucun indice qui nous permette de conclure qu'il existe ici une situation tellement différente de celle de l'ensemble canadien. Aux Etats-Unis, M. le Président, si on examine la croissance de trimestre en trimestre, exprimée en taux annuel, on obtient, au cours du premier trimestre 1974, non pas une croissance, comme j'allais le dire, mais une décroissance réelle de moins 7 p.c.

Au Canada, l'impact a été moins considérable et, toujours de trimestre en trimestre, le premier de 1974 a donné plus 1.5 p.c, ce qui montrait que le Canada s'en tirait mieux que les Etats-Unis pour ce qui est du taux de croissance réelle.

Mais la situation évolue rapidement. Au deuxième trimestre 1974, aux Etats-Unis, il y avait un certain redressement, on passait à -1.6 p.c. tandis qu'au Canada le chiffre devenait zéro. C'est une chute assez draconnienne. Pour le troisième trimestre, la tendance se confirme. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui connaît ces chiffres encore mieux que moi, sait que c'est sur la foi de ces chiffres que les économistes s'inquiètent de l'avenir. Au troisième trimestre 1974...

M. SAINT-PIERRE: Si le chef de l'Opposition me le permet, il fait une légère erreur, vous allez...

M. MORIN: Non, je vous en prie M. le ministre. M. le Président, je voudrais faire savoir au ministre, par votre intermédiaire, qu'il aura tout le loisir de nous dire s'il est en faveur de l'augmentation de salaire des députés et des ministres, tout à l'heure. J'attends son discours, d'ailleurs, non sans intérêt.

M. le Président, au troisième trimestre 1974, aux Etats-Unis la croissance, en termes réels, a été de -2.9 p.c. Donc, aux Etats-Unis, il s'agit vraiment d'une aggravation de trimestre en trimestre tandis qu'au Canada, pour le même espace de temps, la croissance, toujours trimestre par trimestre, a été de 0 p.c.

Nous n'avons pas de raison de croire qu'il en aille différemment pour le Québec. Nous sommes donc tout près du point de croissance zéro et il se peut qu'en 1975 nous passions sous le zéro.

M. le Président, devant une situation économique comme celle-là, je ne m'explique pas que l'on puisse augmenter les salaires des membres de cette Chambre de 50 p.c. Je sais que la chose a été habillée habilement dans le projet de loi. Peut-être même certains députés ne savent-ils pas que le projet de loi entraîne une augmentation de salaire de cet ordre. Aussi, nous nous opposerons avec la dernière énergie, compte tenu du cadre économique à l'intérieur duquel la question nous est posée, à toute indexation du salaire des membres de cette Chambre à moins que certaines conditions ne soient respectées.

Ce ne sont pas des conditions impossibles à

respecter. Si nous indexons nos propres salaires, si même nous nous permettons plus de $4,000 de montant forfaitaire pour le passé, j'imagine que nous pouvons avoir au moins autant de considération pour l'ensemble des citoyens, à commencer par les plus démunis, et en n'oubliant pas la masse des travailleurs, même ceux qui sont syndiqués et qui ont vu leur salaire augmenter, tant bien que mal de 10 p.c. en moyenne au cours de cette année, ce qui leur permet, au moins dans certains cas — pour les plus chanceux — de faire face à l'augmentation du coût de la vie.

Je ne pense pas que les conditions que nous posons soient impossibles à respecter. Je sais que j'ai eu des paroles dures tout à l'heure en commençant mon exposé, et le député de Johnson m'en a fait des reproches; c'était une question que je posais. Je me demandais si, avec des augmentations de l'ordre de 50 p.c, nous n'étions pas en train de nous comporter comme des sangsues des fonds publics.

Je suis prêt à admettre que les députés ont des problèmes comme les autres. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avions consenti à ce que soit créé un comité consultatif sur les indemnités et allocations des parlementaires du Québec. Mais, quand nous avons donné notre consentement à cela, nous avons bien dit que cela ne préjugeait en rien notre attitude sur le projet de loi quand il paraîtrait. Nous avons bien eu soin de préciser que, dans notre esprit, cela était sujet à certaines conditions. Cependant, la façon dont vous nous présentez les choses, avec 50 p.c. d'augmentation de traitement, sans que les Québécois, eux, aient la chance d'en obtenir même 15 p.c. dépasse les bornes.

Nous ne pourrons certainement pas marcher. Encore une fois, qu'y a-t-il d'impossible dans ce que nous vous proposons? Au fond, c'est presque — pour parler jargon — un "bargain" que nous vous proposons. Oui, un "bargain", un quid pro quo, pour parler au niveau du ministre des Affaires culturelles. Messieurs...

M. le Président, et j'aurais dû dire Madame, parce que je sais que le ministre d'Etat aux Affaires sociales et le ministre des Affaires sociales, qui est là également, seront peut-être sensibles aux conditions que je vais énumérer.

La première est celle-ci: Pourquoi ne pas immédiatement porter le salaire minimum à $2.50? Si nous sommes capables de nous voter des augmentations de 50 p.c, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas nous pencher sur la condition de ceux qui sont les plus mal pris.

Le taux du salaire minimum a augmenté, c'est vrai, au cours de la dernière décennie. Il était — c'est presque honteux d'avoir à le dire — de $0.70 en 1961. Ce n'était même pas un salaire minimum, M. le Président, à cette époque, c'était en-dessous de tout. Il est passé à $1.40 en 1971 et, depuis 1972, nous avons été témoins d'une hausse en mai et en novembre de chaque année, passant successivement de $1.50 à $1.60 à $1.65 à $1.70 à $1.85 à $2.10 et à $2.30 au 1er novembre. Peut-être les membres de cette Assemblée pensent-ils que c'est suffisant? Ils ne doivent pas penser que c'est bien considérable puisqu'eux mêmes, étant aux prises avec des problèmes de cherté de la vie, sont prêts à s'augmenter de 50 p.c, M. le Président. Pour une semaine de 40 heures, le salaire hebdomadaire minimum est passé de $66 à $92 entre novembre 1972 et novembre 1974. C'est une augmentation qui peut paraître considérable à première vue, mais quand on tient compte du rattrapage à effectuer dans ce domaine, M. le Président, c'est tout à fait insuffisant. Si l'on tient compte de la hausse du coût de la vie, l'augmentation réelle du salaire hebdomadaire n'a été que de $10.80, soit 16.4 p.c

L'indice des prix à la consommation est passé, pendant cette période, de 132.3 à 162.8. Encore faut-il considérer que le budget d'une famille qui vit avec $92 par semaine est entièrement mobilisé pour les premières nécessités de la vie: la nourriture, le logement, l'habillement; secteurs qui ont subi, vous le savez, des hausses encore supérieures à celles reflétées par l'indice des prix à la consommation. Si l'on tient compte de ce phénomène, on constate que l'augmentation réelle du salaire minimum depuis deux ans se situe entre 5 p.c. et 10 p.c.

Je me répète, M. le Président, car cela est fort pertinent dans le débat. J'ai dit que l'augmentation réelle du salaire minimum depuis deux ans se situe entre 5 p.c. et 10 p.c. Et nous, dans notre magnanimité, nous allons nous voter des augmentations de salaire de 50 p.c. M. le Président, voilà ce que je voulais dire tout à l'heure quand j'ai dit que cela constituait un scandale.

Par ailleurs, le maintien, pendant des années, du salaire minimum à un niveau anormalement bas, quand on songe qu'il était de $0.64 en 1960, $1.05 en 1968, $1.25 en 1970, cela a nécessité un rattrapage rapide qui n'a pas eu lieu ou, en tout cas, qui n'est pas terminé, de sorte que si l'on tient compte de l'inflation et de ce rattrapage que nous devrions accélérer, la hausse du salaire minimum, même si elle a été rapide, a été simplement insuffisante.

La seule véritable question que l'on doive poser à cet égard est de savoir quel est le minimum nécessaire en 1974 pour élever une famille. Malheureusement, ce n'est pas comme ça qu'on pose la question. Le salaire minimum, ça devrait être le salaire nécessaire à un homme besogneux, fiable, pour gagner sa vie convenablement et élever sa famille, et non pas celui qui est défini en fonction de ce que les industries souvent les plus mal fichues sont capables de payer à leurs employés.

M. le Président, il nous paraît évident qu'il est impossible, pour une famille moyenne qui à l'heure actuelle compte un peu plus de quatre personnes, de vivre convenablement avec $92 par semaine et...

M. BOSSE: La pertinence du débat.

M. MORIN: ... je vois que le député ne fait pas le lien entre son salaire et celui de ceux qui gagnent $92 par semaine...

M. BOSSE: II reste qu'il y a quelqu'un qui fait le lien, puis ce n'est sûrement pas le chef de l'Opposition pour ce qu'il en connaît, lui, des situations des petits salariés, pour ce qu'il en connaît, lui, dans sa tour d'ivoire de l'université.

M. MORIN: Oui, oui, M. le Président, je puis assurer le député que j'ai rencontré beaucoup de gens qui n'ont même pas ça, durant certaines de mes tournées, et qu'ils m'ont parlé. Je me suis "fait parler", aussi du salaire des députés parce que la question était dans l'air déjà. Un homme comme le député de Dorion, qui a été près des problèmes sociaux, un homme qui s'est frotté aux problèmes sociaux, devrait savoir ça.

M. BOSSE: II y est encore puisqu'il est encore élu, lui, alors que Lévesque ne l'est pas. Et Lévesque, lui, accepte des augmentations chaque année, l'indexation du salaire, l'indexation du fonds de pension, par exemple.

M. MORIN: Et M. le Président, c'est ce député qui me rappelle à la pertinence du débat!

M. BOSSE: Justement.

M.MORIN: II y a peu de députés mieux placés que le député de Dorion pour parler des problèmes du monde qui se trouve au bas de l'échelle des salaires. J'ai hâte de l'entendre parler du salaire des députés tout à l'heure. J'ai hâte qu'il nous dise comment il peut justifier une augmentation de salaire qui ira jusqu'à $30,000 dans son cas. Vous nous direz cela tout à l'heure, M. le député. En attendant, c'est moi qui ai la parole.

M. BOSSE: Pour moi, ce sera facile, mais pour vous qui en avez $41,000 présentement, plus la limousine et les autres services...

M. MORIN: M. le Président, je ne voudrais pas que le député de Dorion prenne mes paroles en mauvaise part. J'ai dit que j'ai hâte de l'entendre, parce que je sais qu'il s'est frotté à ces problèmes. Mais, tout à l'heure... Laissez-moi parler pour l'instant.

La deuxième condition que nous posons, M. le Président, après avoir mentionné déjà le relèvement du salaire minimum à $2.50 immédiatement, c'est l'indexation de ce salaire minimum. Nous voulons l'indexation. J'expliquerai tout à l'heure que nous la voulons même dans des termes qui nous seront plus que favorables. Nous allons même nous servir comme salaire de base, pour employer les termes techniques, de ce qu'on appelle le salaire moyen des Cana- diens, qui est plus élevé que celui des Québécois, mais c'est une démonstration que je ferai tout à l'heure. Nous nous sommes vraiment bien avantagés! On a couvert tous les angles, comme on dit dans le jargon.

La troisième condition, c'est la réouverture des conventions collectives, de façon qu'on puisse y insérer désormais des clauses d'indexation des salaires et des traitements au coût de la vie. Nous avons déjà proposé cela depuis plusieurs mois. On ne nous a pas écoutés. Pourtant, ça s'imposait, cela s'imposait, parce qu'au Québec, 40 p.c. de la main-d'oeuvre seulement est syndiquée.

Cependant, en soi, la syndicalisation n'assure pas nécessairement un moyen de défense efficace contre la hausse du coût de la vie.

Plusieurs conventions collectives qui ont été négociées avant la période où l'inflation est devenue galopante, avant le moment où il est devenu évident qu'il fallait prévoir des clauses d'indexation, sont littéralement "fermées", sont maintenues fermées par les employeurs.

C'est pourquoi, selon les derniers chiffres que je possède — qui ont peut-être évolué légèrement depuis quelques mois — 94 p.c. des conventions collectives, touchant 79.6 p.c. des salariés syndiqués, n'ont pas de clause d'indexation au coût de la vie, des clauses de vie chère. Je n'invente pas ces chiffres. Ils ont fait l'objet de recherches systématiques par le Service d'analyse des conventions collectives de l'université McGill. Le chiffre que j'ai mentionné n'est peut-être pas le plus récent, mais il est bien clair que la très grande majorité des conventions collectives ne comporte pas de clause de vie chère. On peut dire que huit employés syndiqués sur dix n'ont d'autre recours contre l'inflation que de demander la réouverture de leur convention collective pour négocier une formule d'indexation des salaires.

M. le Président, dans un Etat où le dirigisme économique serait plus prononcé que celui que nous connaissons au Québec, il serait peut-être possible à l'Etat d'intervenir et de dicter, par une loi, une augmentation automatique des traitements. Cependant, nous avons voulu être plus modestes dans nos exigences. Nous avons voulu nous placer à l'intérieur du contexte de laisser-faire économique et social qui sert de philosophie politique à ce gouvernement. Nous lui disons: II n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à décréter des augmentations de 10 p.c. ou 12 p.c. des salaires. Non. Qu'on permette — c'est plus conforme à la philosophie du gouvernement — aux travailleurs de négocier cela avec leurs employeurs. Mais, pour cela, il faut rouvrir les conventions collectives parce que certaines ne viendront à expiration que dans un an, un an et demi, peut-être même davantage, avec le résultat que, dans l'intervalle, ces travailleurs sont sans défense devant la perte de leur pouvoir d'achat.

M. le Président, il me semble que c'est le bon sens. Il me semble que nous n'exigeons pas des

choses impossibles. Remplissez ces trois conditions et, ensuite, prenez ce que vous voudrez, messieurs, à l'intérieur des limites de la décence, à l'intérieur des limites de l'indexation, à compter du 1er janvier 1975.

La carotte n'est-elle pas suffisante, messieurs? Tout ce que nous demandons, c'est le relèvement du salaire minimum à $2.50, immédiatement. Deuxièmement, l'indexation de ce salaire minimum et, troisièmement, un amendement au code du travail qui permette la réouverture de toutes les conventions collectives, à certaines conditions. On pourrait peut-être — je le mentionne pour mémoire — préciser que seules les conventions venant à échéance après une date à déterminer seraient visées. Par exemple, les conventions qui viennent à échéance dans plus de quatre, cinq ou six mois. On pourrait exiger que seules les conventions collectives ne contenant pas d'ajustement au coût de la vie puissent être révisées; il ne s'agit pas de s'attaquer aux conventions qui contiennent déjà des clauses d'indexation au coût de la vie. On pourrait préciser que seules les clauses pécuniaires pourraient faire l'objet de nouvelles négociations et non pas les autres clauses de la convention.

On pourrait prévoir un certain nombre de tempéraments, mais, sur le principe, je pense que l'Opposition ne peut bouger. Ces trois conditions nous paraissent essentielles, si l'on veut en arriver à une indexation de l'ensemble des salaires et traitements des Québécois en vue de maintenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

M. le Président, je ne sais combien de temps il me reste.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cinq minutes.

M. MORIN: Cinq minutes. Diable! J'avais encore quelques petites choses à vous dire, mais j'ai l'impression que nous allons avoir tout le temps nécessaire d'en parler. Peut-être profite-rai-je de ces quelques minutes qui me restent pour attirer votre attention sur un certain nombre de faits qui peut-être ont échappé aux membres de cette Chambre.

Lorsque nous comparons les indemnités et allocations des membres de cette Chambre avec celles qui ont cours dans les autres provinces du Canada, nous sommes obligés de constater que nous ne sommes pas si maltraités que cela, même dans la situation actuelle.

M. le Président, nous venons au second rang, si l'on fait le total des indemnités et des allocations. Au premier rang se trouve la Colombie-Britannique...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Des sociaux-démocrates.

M. MORIN: ...avec $24,000. Et, au second rang, les "sociaux-démocrates" québécois...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Avec $41,400.

M. MORIN: ... qui arrivent bons deuxièmes avec $22,740. M. le Président, il faudrait peut-être maintenant comparer cela avec les revenus des particuliers per capita, province par province. La situation est alors un peu moins reluisante. La première province est évidemment l'Ontario, avec, selon les derniers chiffres que nous avons, un revenu par tête de $4,324, qui a probablement augmenté depuis l'époque de ces statistiques.

Au second rang, ce n'est pas le Québec, mais la Colombie-Britannique, avec $4,078. Passons-en plusieurs avant d'arriver au Québec, qui vient au cinquième rang. On nous présente toujours comme l'une des provinces des plus prospères. Ce n'est pas vrai, M. le Président; nous venons après l'Ontario, la Colombie-Britannique, l'Alberta et le Manitoba, avec un revenu per capita de $3,359, c'est-à-dire près de $1,000 en moins. Je sais que le ministre, tout à l'heure, pourra nous donner les chiffres les plus récents, c'est vrai qu'il y a eu amélioration, mais nous demeurons dans une position défavorable par rapport aux autres provinces.

M. le Président, il est pour le moins paradoxal que nous soyons au second rang pour les indemnités payées aux députés dans la situation actuelle, mais au cinquième rang pour le revenu per capita. Il y a là un déséquilibre sur lequel...

M. LACROIX: Comment vous situez-vous comme leader de l'Opposition?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: J'ai hâte d'entendre mes collègues s'exprimer.

En conclusion, M. le Président : Voulons-nous nous montrer au service des Québécois? Voulons-nous être les premiers à servir ou les premiers servis? Voilà la question. Qui sommes-nous, dans cette Chambre? On nous a élus pour diriger ce pays. Nous sommes responsables du bien commun.

M. le Président, c'est la conception même du député qui est en cause et, n'ayons pas d'illusion, ce sont également sa réputation et son image dans le peuple. Les gens d'Ottawa l'ont compris sur le tard et nous semblons plus obtus ou peut-être plus âpres au gain, je ne sais trop. C'est pourquoi, en terminant, je voudrais informer mes collègues, le plus modérément possible, que nous entendons lutter jusqu'au bout contre ce projet qui constitue un véritable abus de pouvoir, doublé d'un abus de confiance. Merci, M. le Président.

M. LACROIX: Amen.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. MORIN: Ce que vous voulez dire c'est "amène", sans doute.

M. LACROIX: C'est ça que je voulais dire, innocent !

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi qui a fait parler beaucoup de lui depuis quelque temps et qui intéresse non seulement les membres de l'Assemblée nationale, mais également la population du Québec.

Intervenir dans un projet de loi qui nous touche personnellement est toujours une chose assez délicate, est toujours une chose assez difficile. Cependant, je veux le faire avec franchise, avec objectivité et avec un certain sens des responsabilités, sans fausse modestie et sans vouloir jouer à l'héroïsme.

Le salaire des députés est fixé par une loi qu'on appelle la Loi de la Législature et cette loi, seuls les députés qui ont été élus ont le pouvoir de la modifier. Il n'y a personne d'autre au Québec qui, actuellement, est mandaté pour modifier la Loi de la Législature. C'est une responsabilité qui est énorme. Je dirai également qu'en plus d'être énorme, cette responsabilité, elle est double.

Nous avons la responsabilité de voir à ce que les élus du peuple, ceux qui ont été mandatés par la population, aient un traitement équitable pour être en mesure de remplir leurs fonctions, de servir leurs électeurs, de servir leur province, en un mot de servir leur patrie, cela de façon honnête, avec intégrité.

Ce n'est pas facile, actuellement, au Québec...

M. VEILLEUX: Le chef de l'Opposition officielle vient de me menacer.

M. ROY: Ce n'est pas...

M. VEILLEUX: Qu'il fasse attention à lui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. ROY: M. le Président, je disais donc qu'actuellement au Québec ce n'est pas une tâche facile pendant les campagnes électorales d'aller recruter des personnes compétentes, des personnes intègres, des personnes honnêtes, des personnes qui font office de leader dans leur milieu pour les inviter à briguer les suffrages dans un comté à l'occasion d'une élection générale, même complémentaire. J'ai eu l'occasion, depuis trois ou quatre campagnes électorales, tant fédérales que provinciales, mais je vais dire au cours des deux dernières élections provinciales, de m'occuper d'organisation politique sur le plan provincial. J'ai eu à m'occuper d'organiser des conventions dans des comtés et de voir à solliciter des gens responsables, des gens du milieu, capables de remplir un mandat avec honneur et dignité. On sait ce que l'on se fait dire. Actuellement, il y a de moins en moins de personnes qui sont intéressées à la vie publique.

C'est un aspect de notre responsabilité qui n'a pas été soulevé tout à l'heure, mais je dis que nous avons le devoir de soulever cette responsabilité. C'est que nous devons faire en sorte, justement, que, de ce côté, il y ait un traitement suffisamment équitable, qui ne ferme pas la porte aux hommes compétents et aux hommes sincères qui pourraient jouer un rôle important, un rôle très important dans la vie politique de leur province. Cela, c'est une responsabilité.

Il y en a une autre. Cette responsabilité est que nous devons éviter la tentation de nous servir en abusant de ce pouvoir. C'est là qu'il y a un point qui est extrêmement important. Nous devons éviter de nous servir. Nous devons éviter d'abuser de ce pouvoir parce que nous n'avons pas été élus pour nous servir mais nous avons été élus pour servir. C'est différent et je pense que c'est important que nous y attachions une énorme importance à ce moment-ci.

Avant de discuter d'une juste rémunération, je dirais qu'il y a une autre question à régler en premier lieu. Et je dois dire, malheureusement, avant de parler d'augmentation de salaire, qu'il y en a qui sont déjà trop payés parce qu'ils ne remplissent pas leur mandat.

Le taux d'absentéisme à l'Assemblée nationale n'est pas à l'honneur de l'actuel gouvernement et n'est pas non plus à l'honneur non seulement de l'actuel gouvernement mais du Parlement tout entier. Encore cet après-midi, au moment d'un vote sur une motion qui mettait en cause la carrière politique de deux hommes, il y avait encore 30 absences. Est-ce qu'on peut reprocher réellement à l'Opposition son absentéisme à l'Assemblée nationale?

Je pense qu'on ne peut reprocher à aucun membre de l'Opposition officielle, ni à ceux des deux autres oppositions de ne pas faire leur devoir, de ne pas être présents à l'Assemblée nationale, de ne pas jouer un rôle important dans la vie politique. Pourquoi, M. le Président, punirait-on ces personnes?

M. le Président, ces responsabilités, comme je le disais tout à l'heure, nous les devons à nos électeurs qui nous ont confié un mandat. Ce sont nos patrons. C'est à eux que nous avons des comptes à rendre. Ce sont eux qui nous ont donné le mandat et nous devons travailler dans le meilleur intérêt de ceux qui nous ont confié notre mandat. C'est notre première responsabilité.

Nous avons également une deuxième responsabilité, celle de servir nos concitoyens et de servir notre province. C'est une responsabilité

qui est très grande, une responsabilité qui est immense, M. le Président, et qui demande beaucoup à l'homme public et à l'homme politique.

Mais il y en a une troisième, M. le Président. C'est que, même si nous avons des responsabilités envers nos électeurs, même si nous avons des responsabilités envers notre province, nous gardons nos responsabilités envers nos familles. Nous n'avons pas le droit de sacrifier les intérêts, de mettre de côté les responsabilités que nous avons envers nos familles. C'est pour cela que je dis que le traitement des députés doit être équitable, compte tenu de sa fonction, de ses responsabilités, de son engagement et de tout ce que cela comporte comme obligations envers une population.

M. le Président, au point de vue des responsabilités familiales, il y a des députés ministériels qui ont de grandes responsabilités envers leur famille, il y a également des collègues de l'Opposition. M. le Président, j'ai mes responsabilités envers ma famille, comme ceux du Parti québécois ont également leurs responsabilités envers leur famille. Nous avons eu, comme tout le monde, à subir les augmentations constantes du coût de la vie. Nous avons eu à subir les taux d'inflation que le chef de l'Opposition a cités tout à l'heure. M. le Président, nous avons des dépenses auxquelles nous ne pouvons pas nous soustraire, et cela tous les parlementaires, de quelque parti que ce soit, le savent. Il y a des responsabilités, il y a des obligations auxquelles nous ne pouvons pas nous soustraire. Si nous ne pouvons pas nous soustraire à ces obligations et si nous devons subir l'érosion de notre pouvoir d'achat comme tout le monde, cela veut dire que nous devons sacrifier nos responsabilités familiales pour servir les intérêts de la population, de ceux qui nous ont mandatés.

M. le Président, je dis que ces trois responsabilités sont parallèles. C'est pourquoi je dis que nous avons droit à un traitement équitable.

Il y a un autre point qu'il serait important aussi de discuter. On aura beau faire des comparaisons avec des députés des autres provinces au Canada, on aura beau faire des comparaisons avec les députés d'autres pays, mais, actuellement, au Québec, nous savons que la responsabilité de député, c'est une tâche à plein temps. Il n'est plus question d'être des députés à temps partiel. Ceux qui sont des députés à temps partiel — nous savons qu'il y en a, à l'Assemblée nationale, actuellement — ne peuvent servir deux maîtres. Si la personne exerce une profession de façon à en tirer des revenus et qu'en même temps elle travaille dans l'intérêt de ses électeurs, selon son mandat de député, elle ne peut pas faire les deux de façon efficace, compétente et responsable. C'est une chose impossible.

Alors, on doit exiger de l'homme public, du député québécois, qu'il soit à plein temps au service de ses électeurs.

M. le Président, il y a un autre point sur lequel je veux également attirer l'attention. Il n'en est pas tellement fait mention dans le rapport qui a été soumis et la loi n'en a encore rien dit: c'est la responsabilité du député d'un comté rural versus un député d'un comté urbain. Nous savons, M. le Président, que la tâche d'un député rural n'est pas comparable à celle d'un député urbain, pour la bonne raison qu'il y a une question de territoire à desservir.

Quand je vois des gens qui ont des comtés comme le comté de Compton, le comté de Lotbinière, le comté de Roberval, le comté de Saguenay, le comté d'Abitibi-Est, de Laurentides-Labelle et j'en passe; et vous-même, M. le Président, vous avez également un grand comté, le comté de Gatineau.

Nous savons ce que ça comporte comme responsabilité et comme travail de fin de semaine, lorsque nous avons à parcourir nos paroisses, lorsque nous devons rencontrer nos populations, lorsque nous ouvrons nos bureaux pour offrir des services que les gens ne peuvent pas avoir ailleurs qu'au bureau du député de leur comté, parce qu'il n'y a pas de services gouvernementaux dans la très grande majorité des comtés ruraux.

Je déplore que dans la loi actuelle on n'en ait pas tenu compte. Je le déplore vivement. C'est une question de justice à l'endroit des députés des circonscriptions rurales vis-à-vis les députés des circonscriptions urbaines, compte tenu des coûts que ça comporte.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on me permet une question? Est-ce que j'ai compris que le député mentionne qu'on n'en a pas tenu compte dans la loi? Cela a été déféré à la commission de régie interne.

M. LACROIX: La commission tripartite.

M. ROY: Disons que la commission tripartite et la commission de régie interne, nous n'en sommes pas informés, mais à ce moment-ci, selon les informations que nous avons et selon ce qui a été fait... On a formé un comité de régie interne, d'accord, mais qui devra peut-être passer par certaines réglementations qui seront adoptées par le lieutenant gouverneur en conseil par la suite. Il y a un danger à cela et je voudrais y revenir tout à l'heure.

Je disais donc que dans un comté rural, il y a une question de territoire. Il y a également une question de services à la population. Tous les députés des comtés ruraux savent qu'ils ont affaire à peu près à tous les ministères, à soumettre les doléances de leurs électeurs, à fournir de l'information sur tous les ministères. Il y a de la représentation à faire partout. Dans des comtés où il y a 31, 32, 35, 40 municipalités, c'est complètement différent de ce que nous voyons dans une grande ville comme Montréal, où il peut y avoir 10, 12 ou 15 comtés dans la même ville, où les services municipaux sont organisés de façon que le

député n'a à peu près aucun travail à exécuter en particulier ni aucune représentation à faire auprès du gouvernement.

On sait que plus la population est dispersée, plus nous avons de paroisses, plus nous avons de municipalités, dans les comtés ruraux, plus le député est appelé à participer, à souscrire à toutes sortes de dons, souscriptions, d'aide qu'il doit fournir à ses électeurs. Je ne peux pas mettre fin demain matin à ce système, et je me demande quel député pourrait y mettre fin. Il existe. Cela fait partie d'une obligation que nous avons de soutenir les oeuvres de nos paroisses et de nos comtés, comme députés, comme tous les gens le font, soit dans le milieu professionnel ou industriel.

M. le Président, il y a également la question de l'âge du député. J'aimerais qu'on en parle. J'ai peut-être l'air de parler un peu pour moi-même, je m'en excuse, j'ai dit que je le ferais avec franchise, objectivité, que je tenterais de le faire avec responsabilité. On sait que la majorité des hommes publics oeuvrent dans la vie publique dans un âge qui varie entre 35 et 50 ans, les meilleures années de leur vie. J'ai dit la majorité, j'ai bien spécifié la majorité. Entre 35 et 50 ans, ce sont les années durant lesquelles une personne peut donner le meilleur d'elle-même, ayant acquis une certaine expérience de la vie et étant en mesure d'être le plus utile possible pour les siens.

Je m'excuse auprès de notre collègue, le doyen de L'Assemblée nationale, mais je ne l'ai pas inclus dans la majorité. Je dis tout simplement que je parlais de majorité comme telle et je n'ai pas voulu toucher des personnes en particulier.

M. SAMSON: La majorité simple.

M. ROY: Mon collègue de Rouyn-Noranda parle de la majorité simple. Je disais donc que si ces personnes, au lieu de servir les intérêts de leurs concitoyens, au lieu de servir la population, leur province, gardaient pour elles-mêmes leurs entreprises, leur bureau professionnel ou autres, elles pourraient avoir des avantages de beaucoup supérieurs à ceux qu'elles peuvent avoir dans la vie publique.

L'on sait le nombre de personnes qui ont laissé leur santé, qui ont même laissé leur vie dans la vie publique, et Dieu sait comme la vie publique peut être ingrate!

Je parle d'ingratitude, je pense que c'est peut-être le temps qu'on en parle à l'Assemblée nationale. Je regarde des personnes dont on ne peut pas mettre l'intégrité en doute, comme le chef de l'Opposition officielle entre autres, actuellement, dans des circonstances que tout le monde connaît. Je ne veux pas toucher le fond de la question, je me suis abstenu cet après-midi mais je le prends à titre d'exemple. Son intégrité ne peut pas être mise en doute. M. le Président, c'est là qu'on peut mesurer jusqu'à quel point la vie d'homme publique peut être exigeante, peut être engageante, voire même marquer des personnes au fer rouge. Lorsque je parle de rouge, je ne parle pas du Parti libéral. Elle peut marquer des personnes au fer rouge pour le reste de leur vie. Il y en a une bonne douzaine de marquées au fer rouge depuis trois semaines dans cette Assemblée, M. le Président. Je pense qu'il est bon de dire ces choses-là.

Lorsque nous allons entrer dans une prochaine campagne électorale et que nous aurons la responsabilité de recruter des candidats, forts de l'expérience de ceux qui les ont précédés dans quelle situation serons-nous placés pour faire appel à des hommes intègres, des hommes de valeur afin de les inciter à venir travailler pour l'intérêt de leurs concitoyens et travailler pour l'intérêt de leur province? M. le Président, ce sont des points que nous devons examiner sans partisanerie politique, en toute objectivité et en toute sincérité.

Que dire des personnes qui, après avoir été sollicités maintes et maintes fois par leurs concitoyens de briguer les suffrages et qui, après avoir fait un mandat comme députés à l'Assemblée nationale, ne peuvent pas se faire réélire et se retrouvent sur l'aide sociale? Je ne donnerai pas de noms, M. le Président, mais il y en a que nous connaissons, qui ont dû avoir recours à l'aide sociale après avoir travaillé pour le meilleur intérêt et avoir laissé des carrières très payantes. La récompense d'avoir voulu servir! M. le Président, il y a un de nos collègues qui était avec nous avant le 29 octobre dernier, qui, actuellement, à l'âge de 54 ans, travaille comme mineur dans des puits de mines, M. le Président, une personne qui siégeait avec nous lors de la dernière Législature. M. le Président, je pense que cela devrait faire l'objet de réflexion pour plusieurs, pour plusieurs.

M. LACROIX: ... l'ancien député de Mégantic.

M. ROY: Je ne voulais pas le nommer, M. le Président, mais c'est un cas que je connais personnellement. M. le Président, je veux dire ceci cependant: Je ne dois pas, je ne peux pas louer le gouvernement pour son habileté puisqu'il a choisi ce moment-ci pour présenter sa loi. Le moment n'est pas idéal. Je pense que le gouvernement n'a pas fait preuve véritablement de leadership et n'a pas fait preuve de clairvoyance dans sa stratégie en nous amenant une loi de cette façon, dans les circonstances que nous connaissons, M. le Président. J'aurais quelque chose à ajouter sur le salaire proposé. Je l'ai dit et je le répète, je trouve que l'échelle de salaires proposée — je pourrai y revenir et j'y reviendrai lors de l'étude article par article de la loi — est trop élevée. Je suis en faveur, et je ne me cache pas pour le dire, d'une indexation juste et raisonnable du salaire de député. Je suis en faveur de cela. Mais de là, par exemple, à aller dans une autre exagération, là je ne marche

pas dans les circonstances. Il y a trop de problèmes qui ne sont pas réglés actuellement et le gouvernement est le premier responsable de la situation. C'est lui qui est mandaté pour présenter les projets de loi à l'Assemblée nationale.

Je veux bien que le salaire minimum soit porté à $2.50 l'heure; je veux bien qu'on mette un terme, qu'on trouve moyen d'abaisser le taux d'inflation; qu'est-ce que le gouvernement attend pour nous présenter des lois dans ce sens? Qu'est-ce que le gouvernement attend pour nous présenter des politiques susceptibles de mettre fin aux problèmes ou de les corriger et de faire en sorte que les Québécois, demain, se retrouvent mieux dans la province et qu'ils puissent partager les fruits d'une économie d'abondance? M. le Président, c'est ce que la population désire de ses parlementaires; c'est ce que la population désire des élus du peuple. Il y a la responsabilité des députés mais il y a la responsabilité de l'Exécutif. Quant aux projets de loi des députés, il y en a un qui est au feuilleton, nous en avons vu un projet de loi de député à la dernière Législature et nous savons quel sort a été réservé à ce projet de loi. Alors les députés, nous, que voulez-vous, M. le Président, que nous fassions sinon voter pour ou contre les projets de loi que l'Exécutif veut bien nous présenter? Ou encore nous agissons par des stratégies, ou encore par des motions à l'Assemblée nationale, ou encore, à l'occasion de débats, on tente de forcer le gouvernement à agir et à prendre ses responsabilités.

C'est le devoir et ce sont nos responsabilités. C'est pourquoi il nous faut être en mesure de faire ce travail, et pour être en mesure de le faire, il faut justement avoir des personnes qui sont capables et qui sont désireuses de travailler. Mais je ne pense pas que personne actuellement au Québec ait un reproche à faire à un seul député de l'Opposition. Je dis en toute sincérité et en toute objectivité que personne au Québec actuellement ne peut faire des reproches à un seul membre de l'Opposition.

Nous ne sommes que neuf à l'Assemblée nationale et je pense que la population du Québec sait que nous avons pris nos responsabilités et que nous avons fait notre devoir. J'ai fait un sondage chez nous dans mon comté, j'ai interrogé les gens, je leur ai demandé ce qu'ils en pensaient. J'ai toujours l'habitude de procéder de cette façon, de me tenir près de la population pour savoir ce que les gens pensent.

Ce que les gens veulent, ils veulent que leur député les représente et travaille pour eux, c'est ça qu'ils veulent. Ils n'ont pas d'objection à ce qu'ils soient bien payés. La grande majorité de la population du Québec n'a pas d'objection. Maintenant, il ne faut pas oublier une chose, c'est elle, en définitive, qui est juge. C'est elle qui va nous juger. Que nous soyons pour ou contre l'augmentation de salaire des députés, qui va juger l'attitude et la décision que nous allons prendre lorsque ce projet de loi sera appelé en deuxième ou troisième lecture? Ce sont nos électeurs qui vont nous juger.

En ce qui me concerne, M. le Président, j'ai dit que j'étais en faveur du principe de l'indexation juste et raisonnable. Je trouve que l'échelle proposée est trop élevée, je le dis et je le répète. Mais je tiens, cependant, à ce que la formule d'indexation qui se rattache au salaire du député attache un caractère de permanence dans des normes normales, de façon à ce qu'on cesse de faire de la politique avec cette question dans le Québec.

Je pense qu'il commence à être important qu'on règle cette question une fois pour toute, de façon à cesser de soumettre les élus du peuple à toutes sortes de pression ou encore à toutes sortes de tentations, et je dis bien tentations, M. le Président. Alors la population c'est ça qu'elle dit. Elle n'a pas d'objection à ce que les députés soient payés, elle n'a pas d'objection à ce que les membres du gouvernement soient payés, mais elle exige, en retour, des lois justes, des lois saines, une administration juste, une administration honnête, et elle désire vivre dans un système économique qui lui permet d'avoir sa place, d'avoir sa part, et de pouvoir bénéficier des avantages d'une économie d'abondance.

M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur les trois conditions que l'Opposition officielle a posées à l'endroit du gouvernement. Je suis bien d'accord sur ces conditions, M. le Président. Je voudrais dire à mon collègue, le chef de l'Opposition, que je connais trop bien le gouvernement pour savoir qu'il ne le fera pas. Nous le savons. Depuis quinze ans. Les libéraux ont été au pouvoir pendant onze ans. Cela on le sait.

La situation économique actuelle n'est pas due à des politiques d'il y a un an, une politique à moyen et à long terme ça se prépare. Administrer c'est prévoir. Il y a bien des choses qui auraient pu et auraient dû être faites au Québec, de façon à ce que nous ne nous trouvions pas actuellement avec tous les problèmes que nous avons. On aura beau prétexter toutes les circonstances de l'économie mondiale, je me souviens trop bien que lorsqu'il y avait une création d'emplois, ici dans le gouvernement, c'était grâce à l'initiative du gouvernement. On se rappelle de ça. Mais à la minute qu'il y a du chômage, c'est dû à la conjoncture internationale.

C'est là qu'on voit le sérieux de l'actuel gouvernement. Nous ne le ferons pas le gouvernement. Ce que je propose — et c'est là que je diffère un peu d'opinion avec le chef de l'Opposition officielle — c'est que le traitement soit suffisamment équitable pour nous permettre d'aller recruter de bonnes équipes, des équipes de bons candidats, d'hommes compétents, d'hommes honnêtes, d'hommes qui exercent un leadership dans leur milieu, qui ont de l'influence dans leur milieu, qui sont représen-

tatifs et qui sont capables de travailler et de batailler dans l'intérêt de la population.

M. le Président, ce n'est pas en restreignant ou en limitant le salaire des députés que nous allons rendre cela possible et plus facile. C'est lorsqu'il y aura un traitement équitable que nous pourrons travailler dans ce sens. Et, pour renforcer peut-être mon argumentation, je dirai ceci: Lorsque j'ai comparu devant le comité chargé de faire enquête et de préparer le rapport, j'ai suggéré qu'on indexe le salaire du député avec la catégorie de fonctionnaires, administrateurs, classe IV. J'ai suggéré. Je trouvais ça normal.

J'en avais discuté avec d'autres personnes. J'avais pris des informations. Malheureusement, je me suis rendu compte que, pour atteindre ce degré — remarquez bien, administrateur classe IV — la marche était trop élevée. Je dois aujourd'hui changer d'opinion. Cela signifie-t-il que ceux qui sont capables dans le fonctionnarisme d'aller chercher le salaire d'administrateur, classe IV, ou qui vont chercher l'équivalent dans l'industrie, dans le commerce ou dans les entreprises, sont intéressés à la vie publique et seront intéressés à briguer les suffrages pour représenter un parti politique, de façon à solliciter un mandat à la prochaine élection?

Je pense que seulement ce point devrait faire l'objet de sérieuses réflexions en ce qui nous concerne. Posons-nous cette question. L'administrateur classe IV ou l'équivalent dans l'industrie privée sera-t-il intéressé à être candidat à une prochaine élection?

M. le Président, au cours de la dernière campagne électorale — je le dis surtout à l'intention du Parti libéral qui a une grosse caisse électorale — on fini par aller chercher de bons candidats ou, du moins, des gens qui militent dans leur milieu. Mais combien cela coûte-t-il chaque fois? Je n'accuse personne, mais que le député de Terrebonne ne soit pas scandalisé. On sait très bien toutes les pressions qu'on fait dans certains milieux pour pouvoir avoir des candidats.

Voici ce que je me suis laissé raconter. Je ne nommerai pas la personne; qu'on ne me force pas à la nommer, c'est sous le sceau de la confidence, mais la personne a refusé, parce que cela a été offert à une personne honnête. Elle a refusé. On lui a offert $50,000 comptant pour qu'elle soit candidate. La personne a refusé.

M. LEVESQUE: Attention là.

M. ROY: Non, que le ministre de l'Industrie et du Commerce ne charrie pas. Il y a encore des gens honnêtes dans la province de Québec, mais, quand on est obligé de faire cela. Ne faites pas les hypocrites. Ne jouez pas à l'hypocrisie.

M. HARDY: Votre ancien chef. M. ROY: Vous savez que cela se viens de toucher justement un problème, un bobo.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. ROY: Vous essaierez dans des partis politiques qui n'ont pas de grosse caisse électorale pour voir, alors que nous sommes obligés, assez souvent, de faire les campagnes électorales à nos propres frais, ce que cela coûte, ce que cela demande à un homme qui veut travailler dans l'intérêt de sa population, défendre des principes et batailler sur la place publique.

Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin, sinon que je désire rappeler à mes illustres collègues ce qu'on dit dans certains journaux. J'ai pris quatre éditoriaux de journaux différents pour bien illustrer le sérieux et l'importance de la question- qui est actuellement en discussion. Voici ce que dit M. Gilles Brunet, du journal Le droit d'Ottawa, du mardi, 17 décembre. Je le cite pour les fins du journal des Débats, M. le Président: "Les salaires actuels, tout comme les hausses projetées, sont sans conteste trop élevés pour des députés qui ne participent que sporadiquement aux travaux parlementaires ou bien qui ne sont pas en mesure d'apporter une contribution positive à ces travaux en raison de leur incompétence notoire étalée quotidiennement. Dans de tels et nombreux cas, c'est du gaspillage de deniers publics que de verser des salaires de $23,000 ou de $26,000. D'autres, par contre, ministres, certains députés de l'Opposition et de l'arrière-ban ministériel abattent du travail respectable et, en raison de leur compétence ou plus simplement du sérieux qu'ils y mettent, méritent les hausses de traitements qui seront débattues ces jours-ci. Une argumentation supplémentaire veut qu'un représentant mal rémunéré soit plus vulnérable aux tentations de toucher des contributions qui donnent lieu à des conflits d'intérêts. Le propos est de taille et les vérifications ne manquent pas". Et on continue ici: "A cela, le conseil national du Parti québécois ne fait pas écho, préférant donner l'exemple, électoralement rentable, des députés qui renoncent à toute augmentation de traitements tant que l'ensemble des travailleurs n'auront pas acquis l'indexation. Finalement, on parle de la piètre qualité des élus du peuple et de la difficulté de recruter dans l'entreprise publique ou privée des candidats compétents. On a beau dire qu'on a les représentants qu'on mérite, il n'empêche que le goût de faire le saut en politique est fréquemment freiné par la maigre rétribution qu'on y tire. Pour un représentant ouvrier, enseignant ou agriculteur, $23,000 sont déjà énormes; pour l'administrateur chevronné, $39,000 ne valent souvent pas les tracas qui sont le lot des députés compétents". Signé, M. Gilbert Brunet, une personne qui a voulu faire une étude objective.

Il y a une autre personne ici, M. Paul

Lachance, dans le journal Le Soleil: "A vrai dire, si l'on veut admettre que, dans le contexte actuel, le député ne reçoit pas tout à fait le juste prix de son mandat, il est indispensable que l'on tente de fixer pour l'avenir une croissance ajustée aux exigences vitales, de manière à ne pas être contraint de nommer des comités d'experts chaque fois qu'il s'agit d'augmenter le traitement des parlementaires". Et il termine son article en disant ceci: "En soupesant les recommandations du rapport Bonen-fant, nos députés devront se dépouiller d'une certaine fausse modestie électoralement exigible et user d'un réalisme serein et pratique. Si l'exemple doit venir d'en haut, et à plus forte raison en temps de crise, il ne faut pas, par ailleurs, que cette exigence soit poussée au point de risquer de compromettre l'efficacité accrue qu'on est en droit d'attendre de notre monde parlementaire. C'est là une question qui doit être vidée sans passion, sans hypocrisie et sans aucune forme de cupidité."

Il y a aussi M. Ryan du journal Le Devoir, un article que tout le monde a lu, et voici ce qu'il dit: "En infligeant aux députés un gel indéfini de leur rémunération à une période où le coût de la vie augmente pour eux comme pour tout le monde, on les mettrait dans une classe à part, et au nom de quel principe sacré? S'il fallait accepter, comme le propose un parti politique, qu'aucun ajustement ne soit apporté au salaire des députés tant qu'ils n'auront pas trouvé la pierre philosophale, on devrait appliquer la même norme d'airain à tous les citoyens, y compris les fonctionnaires, qui touchent une rémunération équivalente ou supérieure à la leur. On serait vite conduit à des conclusions absurdes."

M. le Président, voulant faire preuve d'objectivité, j'ai également découpé l'article de M. Yves Michaud, un ancien député à l'Assemblée nationale, qui a paru dans le journal Le Jour. M. le Président, j'ai dit que je voulais le faire en toute objectivité, on va mettre les cartes sur la table et on va faire valoir les deux côtés de la médaille. Voici ce que dit M. Michaud. Je ne cite pas tout l'article, je prends le principal paragraphe: "II y a des exceptions, bien sûr, mais c'est le secret de polichinelle qu'une forte proportion de nos parlementaires québécois vit davantage à l'état de parasite et de sangsue du trésor public plutôt que d'ajouter à l'intelligence des débats et à l'amélioration des lois".

M. QUENNEVILLE: Lui, il connaît cela. M. LACROIX: Qui a écrit cela? M. ROY: M. le Président...

M. LACROIX: Michaud qui n'était même pas ici dans le temps qu'il siégeait et qui était payé. Maudite putain politique de Michaud !

M. ROY: M. le Président, écoutez...

M. LACROIX: II peut bien être au Jour.

M. ROY: M. le Président, tâchez donc... Quand je lis des arguments qui font votre affaire, vous ne parlez pas.

M. LACROIX: Je parle de Michaud.

M. ROY: C'est mon affaire, moi. C'est moi qui le fais. Je n'irai pas trouver le député des Iles-de-la-Madeleine pour lui demander quoi dire.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. ROY: Prenez-la, la pilule, en passant!

M. LACROIX: Je ne parle pas contre vous, je parle de Michaud.

M. ROY: Et il continue: "II n'est pas agréable de dire ces choses mais pour quiconque connaît un tant soit peu les arcanes de la vie parlementaire et le fainéantisme qui y règne, la vérité est encore plus triste"

Laissez-moi terminer. "Les exemples ne manquent pas de députés qui siègent depuis dix ou quinze ans au Parlement québécois et qui nous font rarement l'honneur d'élever la voix à l'Assemblée nationale". Il y en a ici, M. le Président, mais ce ne sont pas les membres de l'Opposition. "Tel comptable de métier préparera les rapports d'impôt de ses clients dans son bureau du parlement, tel avocat continuera à plaider en marge ou à vaquer à ses affaires professionnelles, tel homme d'affaires suivra avec plus d'attention les comptes d'exploitation de son entreprise que le dépôt des projets de loi, et le reste à l'avenant."

M. le Président, c'est là-dessus que j'ai une réponse et je fais une note ici à l'attention de M. Michaud. Ce n'est pas en gelant le salaire des députés qu'on va régler les sous-questions qu'il dénonce. Je pense qu'il est bon que ce soit dit, ces choses. Il n'y a pas un député actuellement dans le Québec, pas un homme public qui est intéressé à avoir des saisies de salaire, qui est intéressé à avoir la réputation d'une personne qui ne paie pas ses comptes. Personne n'est intéressé à cela.

M. BOSSE: Ce n'est pas tout le monde qui a des comptes.

M, ROY: M. le Président, il y en a parfois qui sont obligés d'exercer une deuxième profession pour être capables de passer à travers, à cause des exigences de leurs électeurs et à cause de l'ampleur de leur mandat. C'est ce que je veux dire, M. le Président. Je dis que geler le salaire des députés, parce qu'il y en a qui sont absents à l'Assemblée nationale plus souvent qu'à leur tour, parce qu'il y en a qui n'élèvent

jamais la voix à l'Assemblée nationale, n'est pas régler le problème de façon objective et responsable. Ces gens méritent d'être dénoncés. Ils doivent être dénoncés. Et leurs électeurs ont droit de savoir ce qu'ils font et de quelle façon ils remplissent leur mandat à l'Assemblée nationale. C'est aux électeurs de juger.

En ce qui me concerne, je prends mes responsabilités et je dis encore une fois en terminant que le moment est mal choisi pour le gouvernement d'apporter ce projet de loi, mais nous l'avons devant nous. Le salaire proposé est trop élevé. Je dis qu'il aurait été nécessaire qu'il y ait une consultation entre les partis, étant donné que cela concernait tous les députés dans leur ensemble. Je pense qu'il aurait été normal qu'il puisse y avoir des consultations entre partis avant que le projet de loi soit déposé à l'Assemblée nationale. Je déplore cet état de choses. Je dis que cela aurait dû être fait.

Quatrièmement, je dénonce encore une fois le Parti libéral, qui doit supporter l'odieux de sa mesure, de son attitude parce que le gouvernement libéral devrait prendre la responsabilité de s'assurer que ses députés, son équipe, remplissent leur mandat, travaillent dans l'intérêt de leurs électeurs et soient plus souvent présents à l'Assemblée nationale du Québec.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, mes propos, ce soir, seront peut-être pris par certaines personnes comme une certaine critique d'un passé qui est tout récent et, particulièrement, contre certaines autres personnes qui se cachent derrière des masques très honorables.

M. Lachance, qui est un grand éditorialiste au Soleil, disait ces jours derniers, sur la question de l'indemnité des parlementaires: "C'est là une question qui doit être enfin vidée sans passion, sans hypocrisie et sans aucune forme de cupidité".

La Chambre a pris bien des précautions cette année — plus qu'avant — pour essayer de trouver un modus vivendi plus acceptable parce que, en étant juge et partie, on a voulu confier la responsabilité à un comité qui s'est appelé le comité Bonenfant, composé de personnes étrangères à la vie parlementaire. J'ai eu l'occasion de présenter devant cette commission un mémoire où j'ai énuméré les principales raisons qui devaient être reçues par les membres de ce comité pour motiver certains changements à cause de l'état de la vie, de l'inflation et autres choses.

Ce n'est pas nous, de l'Assemblée nationale, qui avons choisi de calquer un peu notre salaire sur celui d'autres fonctionnaires et, particulièrement, sur celui de fonctionnaires de cadre.

Sur ce point, je voudrais simplement vous citer des statistiques qui, à mon sens, sont très révélatrices.

Le salaire des députés dans la province de Québec, ce n'est pas la première fois qu'on en parle. Je suis ici depuis nombre d'années et si la jeunesse est une qualité, c'est aussi une maladie dont on perd les illusions en vieillissant.

J'ai trop souvent eu connaissance dans cette Chambre des changements qu'a apportés le gouvernement dans le statut et dans les indemnités parlementaires payées aux députés. Loi de 1928, indemnité des députés, $2,500; salaire du fonctionnaire, grade IV aujourd'hui, correspondant dans le temps à un salaire de sous-ministre ordinaire, $3,000. En 1929, salaire du député, $2,500 plus $300 d'allocations, $2,800; salaire du sous-ministre, $3,000. En 1941, la même chose pour les députés et $3,500 pour les sous-ministres. En 1946. $4,000 pour les députés; $5,000 pour les sous-ministres. En 1952/53, $6,000 pour les députés, $6,500 pour les fonctionnaires sous-ministres. En 1956/57, $7,000 pour les députés; $6,500 pour les sous-ministres. En 1958/59, $8,000 pour les députés, $7,000 pour les sous-ministres. En 1960/61, $10,000 pour un député, composés de $6,300 comme indemnité et $3,300 d'allocations, ce qui faisait un total de $10,000; $8,500 pour un sous-ministre.

Loi de 1963, première session, salaire des députés, $10,000 comme indemnités, $5,000 comme allocations, soit $15,000; salaire du sous-ministre, $10,250. En 1965, M. le Président, première session, salaire du député, $12,000 en indemnités, $6,000 d'allocations, soit $18,000; salaire du sous-ministre, $17,500. Loi de 1971, indemnités des députés, $15,000, allocations, $7,000, soit $22,000 pour le député et $21,000 pour le sous-ministre. En 1971, dernière partie de la session, $15,600 plus $7,140, soit $22,740; salaire du sous-ministre, $23,500.

Si, aujourd'hui, M. le Président, on fait une comparaison entre ce qu'on reçoit présentement ou ce qu'on va nous donner en vertu du projet de loi no 87, le sous-ministre sera encore notre supérieur, il gagnera encore de $4,000 à $5,000 de plus.

M. le Président, quelle est la responsabilité d'un sous-ministre? Je ne le critique pas, ni dans sa loyauté, ni dans son travail mais il a une convention collective de 32 1/2 heures par semaine. Montrez-moi un seul député, dans la province, qui ne travaille pas 60 heures par semaines, un seul député qui ne donne pas en Chambre un effort raisonnable, dans la préparation des textes qu'il doit donner dans un Parlement auquel on appartient! Montrez-moi un seul député, M. le Président, qui ne reçoit pas 50, 75 lettres par jour, auxquelles il doit répondre! Montrez-moi un seul député, M. le Président, dans la province de Québec, qui, une fois que ses travaux parlementaires sont terminés, ne s'en va pas dans son bureau, dans son

comté passer des heures et des heures à recevoir des gens, ses électeurs, parce que c'est son devoir de continuer de rester en contact avec eux! C'est cet esprit, M. le Président, qui fait que demain on aura plus de compréhension des problèmes individuels de nos électeurs, parce qu'on fait le contact continuellement.

Cela, ce sont des heures que chaque député paie de sa présence. Si l'apostolat de la prière dans l'Eglise est bonne, je vous garantis que l'apostolat de la présence, en politique, cela rapporte !

Montrez-moi, M. le Président, un seul député qui n'a pas, au point de vue social, mis de côté toutes les joies familiales, des fins de semaine complètes! Quel est celui d'entre nous qui n'a pas deux, trois ou quatre engagements pour aller représenter, aller assister, aller manifester, aller organiser même, M. le Président? Quel est le député qui peut dire que véritablement, dans une semaine, il a eu personnellement 24 heures à lui pour vivre avec sa famille? Pensez-vous que cela ne serait pas agréable, aujourd'hui, M. le Président, d'être dans nos familles, pour vivre cet esprit des Fêtes? Nous allons arriver dans nos familles épuisés et nous aurons, M. le Président, comme je le dirai dans un instant, une récompense qui est réservée probablement à tous les hommes publics, l'ingratitude la plus sale au monde.

M. le Président, est-ce que les maires des municipalités, qui gagnent $10,000, $12,000 et $15,000 par année, ne se votent pas eux-mêmes des salaires pour du temps partiel? Est-ce qu'un maire peut être comparé à un député? Je connais des maires, dans ma région, qui ont $10,000 et $15,000 pour du temps partiel!

M. CARON: Verdun, $17,000.

M. BELLEMARE (Johnson): M. Caron, je pense que j'ai bien des exemples à vous donner. Mais le temps, M. le Président, que met un député qui veut réellement s'occuper de bien servir ses électeurs, ce ne sont pas 20 heures, 30 heures ni 40 heures, cela peut être 100 heures par semaine.

Et on va nous critiquer parce que nous allons accepter un bill comme celui-là, qui va reconnaître un peu les efforts que l'on fait et les sacrifices que l'on s'impose!

J'ai personnellement au moins 30 ans de vie publique de faits. J'ai fêté, cette année, 35 ans de mariage. Ma femme me disait, lorsque je suis parti pour aller me présenter dans le comté de Johnson: Reste donc avec moi. Tu as donné 30 ans de ta vie, Maurice; qu'est-ce que ça t'a donné de plus? Nous n'avons pas d'enfant. Tu vas encore te faire tirailler et accuser de toutes sortes de choses. J'ai dit à ma femme: Tu as raison, mais j'ai dit tu ne peux pas comprendre ce qu'un homme public peut ressentir à l'appel du devoir. Entre mes souvenirs qui sont dans le passé, mes espoirs qui sont dans l'avenir, il y a mes devoirs qui sont dans mon présent. Pour moi, servir ma province, servir mon comté, servir mon parti, c'est un devoir d'honneur et je m'en glorifie. J'ai dit à ma femme: C'est l'équation et j'accepte encore de servir. Mais c'est dur pour un homme public. Quel est celui d'entre vous qui n'a pas ressenti au fond de son coeur ces choses cruelles que l'on endure quand on voit, dans une soirée, tout le monde et qu'on dit: Vous allez nous excuser, on s'en va à des noces d'or. Vous allez m'excuser, il y a une religieuse qui prononce ses voeux, ou un curé, ou on va à une partie de hockey pour mettre une rondelle au jeu. Mais c'est multiple et ça ne compte pas?

Si on veut invoquer véritablement la démocratie — parce que les temps sont peut-être difficiles: je reviendrai, dans deux minutes, sur ce sujet — en vertu du code municipal aujourd'hui, les maires ont toute la liberté de s'accorder un salaire, dans bien des cas, sans référendum.

Nous sommes écorchés vifs, tramés dans le sillage de la boue, avec une cruauté sans pareille, et nous sommes obligés de rester debout face à la tempête. Nous pouvons l'endurer, cela, parce que nous avons une cuirasse d'homme public, mais pas notre famille. Quand ma femme me dit: Maurice, est-ce vrai? Ma mère, un jour où j'avais "faussement été accusé, m'avait fait demander. Elle avait 71 ans. C'était à l'occasion d'une élection. Elle avait vu dans le Nouvelliste du matin une certaine accusation prononcée par un de mes adversaires. Elle avait le journal et, je n'oublierai jamais cela, elle m'a montré l'article sans me parler. Elle m'a dit: Est-ce vrai cela, Maurice? J'ai dit: Pauvre mère, c'est impossible que ce soit vrai. Mais voyez-vous le mal que l'on peut faire à des hommes publics en publiant des scandales ou en accusant à tort!

Cessons donc ces luttes fratricides, comme le disait Honoré Mercier. Rallions-nous donc dans un sain parlementarisme. Je n'ai pas connu un seul gouvernement, ni un seul député qui ait été battu parce qu'il avait voté en faveur d'une augmentation de salaire, depuis 30 ans que je suis en cette Chambre.

On va venir me dire: Vous allez vous en souvenir. Non, les grands hommes deviennent des petits avec les années et, souvent, ils disparaissent comme de grands oubliés. Leur règne a été éphémère, parce qu'ils n'ont pas eu le courage de se tenir debout. Pour se tenir debout, face à l'adversaire, face à l'amertume, face aux accusations perfides, face aux épithè-tes malodorantes, il faut avoir du cran et du courage.

Les bourgeois les mieux rangés aujourd'hui n'ont-ils pas été presque tous des anciens révolutionnaires?

L'audace de se lever ce soir en cette Chambre pour un vieux comme moi, puisqu'on m'appelle le vieux, je l'accepte, M. le Président. J'ai surtout un bagage aussi, comme vieux, d'une expérience qui me vaut bien des diplômes que certaines personnes peuvent avoir.

Cela devient un crime pour un homme comme moi, M. le Président, qui a le courage de se lever et de faire devant l'Assemblée, devant la province, l'exposé que je fais présentement. Je défends véritablement un bon parlementaire, je défends le député parce que le député a besoin d'être défendu dans les temps difficiles que nous traversons, devant les injures, devant les accusations perfides, devant les accusations mensongères qu'on lance spécialement pour avoir une certaine publicité. Cela, M. le Président, ce n'est pas digne d'une province comme la nôtre.

Au lieu de la recherche du bien commun, on cherche plutôt le scandale, la critique risquée pour essayer de se faire une en-tête de journal. Pauvres gens! J'ai vécu, M. le Président, plusieurs enquêtes publiques, ici même dans cette Chambre, et tous ceux qui ont fait des enquêtes publiques ont été punis. L'enquête des comptes publics de 1936 a fait battre M. Duplessis; l'enquête Salvas de 1962 a fait battre M. Lesage. En 1966, M. le Président, après notre assermentation lors de la première assemblée du conseil des ministres, j'avais devant moi, à titre de doyen, de leader du cabinet, des jeunes qui arrivaient, et voici la première chose qu'ils ont dite: Bon, là on va leur en faire, une enquête; là on va les descendre; là ils vont en manger, monsieur, quelque chose de pas bon. Ils ont dit: Qu'est-ce que vous en pensez, vous, le doyen? Bien, ai-je dit: Ecoutez, je vais vous dire une chose, je pense qu'on n'a pas été élus pour faire des enquêtes; on a été élus pour faire de l'administration saine. Si les autres se sont trompés, n'allons pas nous tromper.

M. le Président, les enquêtes publiques chez les parlementaires n'ont jamais rien rapporté de bon, de profitable, sauf la haine qui existe aujourd'hui dans ce Parlement, que je retrouve après quelques années, où l'on se déteste au lieu de fraterniser comme de bons parlementaires et se donner une bonne chaude poignée de main, même après un débat très acerbe. Mais il faut savoir, par exemple, qu'il y a des limites qu'on ne doit pas franchir par des épithètes malodorantes ou des accusations mensongères pour le petit bénéfice d'un petit triomphe d'une journée éphémère, M. le Président! Climat, M. le Président, extrêmement défavorable, surtout quand on est à la recherche du bien commun et particulièrement dans les temps que nous traversons, à la recherche d'une élite parlementaire.

On peut différer d'opinion, M. le Président. Dieu sait que moi aussi je diffère d'opinion; je ne pourrais certainement pas toujours être d'accord. D'ailleurs, je vous le dirai dans quelques minutes. On ne peut pas être tous d'accord, mais il y a des moyens, je pense, qui sont désignés par notre règlement pour être virulents, être très ardents, même enthousiastes, M. le Président, mais il y a aussi des limites qu'il n'est pas permis de franchir quand on est des gentilshommes. Et si on n'est pas l'élite de la société québécoise, que sommes-nous? Voulez-vous que l'on revienne au temps des sans-culottes où l'on a égalisé toutes les têtes en France, en 1792, la dernière tête qu'on a égalisée ayant été celle de celui qui s'est appelé Robespierre, le fondateur de la révolution française? On l'a égalisé, lui aussi.

On a besoin d'une élite dans la province de Québec, une élite de gentilshomme, et c'est ici dans ce Parlement québécois que l'on devrait en trouver toute la plénitude. Des hommes choisis d'un peu partout, avec chacun leur expérience, apportent leur bagage et le fruit particulier de leur travail, se traitent en gentilshommes, font disparaître ce climat malsain, M. le Président. Je vous dis: J'ai honte, M. le Président, de siéger à certains jours. M. le Président, les députés méritent un salaire, ils méritent une indemnité.

Combien est-ce qu'il y a de députés de 1944 qui sont vivants, qui ont été assermentés? Cela ne fait pas longtemps. Huit! On était 92. Il n'y en a plus rien qu'un en politique active, M. le Président, je n'ai pas besoin de vous le nommer. L'âge moyen est terrible. J'ai ici des statistiques du Parlement de Londres et l'âge moyen d'un député est 44 ans; celui de la France, 39 ans; celui de la province de Québec, 47 ans. Est-ce que ce sont des années pour mourir? On a cinq premiers ministres qui sont morts dans l'Union Nationale, M. Duplessis à 70 ans, M. Sauvé à 52 ans, M. Johnson à 54 ans, M. Bertrand à 56 ans. Cela en sont, M. le Président, des gens qu'on ne verra plus autour de nous, qui ont payé cher à la société québécoise pour lui donner leur santé et sacrifier les joies de la famille. Ils sont tous disparus.

Les députés, nous autres, contrairement à ceux qui ont des conventions collectives et qui peuvent les faire rouvrir en faisant une grève illégale, nous sommes obligés de nous faire élire à tous les quatre ans, et ça pour un député, c'est une obligation extraordinaire. On n'a pas choisi un jour ou l'autre une profession qui est appelée la deputation, on a été appelé, M. le Président, à servir. Mais parce qu'on a été appelé on a répondu et, d'une élection à l'autre, on a pris un peu d'expérience et on est devenu peut-être utile à notre communauté provinciale. Mais il faut se faire élire et, à partir de là, regardez les obligations financières que ça peut représenter durant le mandat de quatre ans.

Est-ce qu'il y a un professionnel, qu'il soit ingénieur, médecin, avocat ou de toute autre profession, qui met la main dans sa poche aussi souvent qu'un député? A tous les jours, à toutes les semaines, à tous les mois et à tous les ans, qu'est-ce que ça représente? Vous avez des gens qui vous visitent, qui viennent au parlement pour vous saluer; vous leur offrez de venir manger au café du parlement, vous venez de dépenser $25. C'est bon marché quand on ne prend pas de vin. Le gars qui s'en va il est bien heureux, il dit: Le député c'est un gars "smart". Oui, le gars qui paye, lui il se dit: J'ai perdu $25. Si tout d'un coup dans l'après-midi il y a

un autre groupe qui arrive, il faut que vous le receviez à souper. Bien vous avez mangé vos $50.

Multipliez ça par dix ou vingt fois. Vous êtes invité à un moment donné dans une soirée. C'est bien simple, tout le monde sait ça, je n'ai pas besoin de dire ça à tout le monde, tout le monde sait ça. On est à une table, on est dix ou douze alentour d'une table et puis qu'est-ce que vous voulez? les verres sont vides, tu dis: Eh, viens ici, remplis donc ça mon chum; tu es député toi, tu est le gros gars, tu es le gars de l'élite, alors remplis donc ça. Tu arrives avec une facture de $40, tu n'as quasiment plus envie de rire.

M. LACROIX: Cela c'est quand il n'y a pas de journaliste.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, est-ce qu'on doit se cacher, invoquer l'argument que c'est à la fin de la session? Quand bien même ç'aurait été au commencement de la session, le bill serait venu, on aurait fait la même bataille; à la fin ou au commencement, j'aurais dit la même chose. Est-ce que le président, de l'International Paper consulte les ouvriers de son usine pour s'accorder un salaire de $100,000 par année? Vous allez me dire, oui, il y a une différence, c'est de l'industrie privée tandis que l'autre c'est l'argent des taxes. Je l'admets, M. le Président.

Le salaire payé dans toutes les grandes compagnies, Bell Canada ou autres, savez-vous qu'il y a des salaires de $75,000 et $100,000? Savez-vous qu'à Ottawa il y a des fonctionnaires qui gagnent pas loin de $65,000 à $75,000?

Savez-vous que dans notre province de Québec, si malheureuse, on a des employés qui gagnent $55,000 par année à part les dépenses autorisées?

S'il vous plaît, M. le Président, pas de personnalité. Je n'en ai pas fait et je ne veux pas en faire. Un instant. Laissez-moi faire mon discours.

M. le Président, notre salaire? Je n'ai pas honte de cela. J'ai reçu 69 personnes il y a deux semaines, dans mon comté de Johnson. J'en ai parlé en tout aise. Cela venait d'être annoncé. Qu'est-ce que vous pensez du salaire d'un député? Les gars ont dit: Nous, ici, à la Acton Shoe, on gagne $12,000; $1,000 par mois. Hein? Ils ont dit: On gagne $12,000. On va avoir un réajustement... $12,000...

Ecoutez, M. le Président, entre le gars qui travaille 32 1/2 heures par semaine et qui a sa boîte à lunch comme responsabilité, et nous qui avons un comté et des responsabilités, cela doit être une grosse différence. M. le Président, n'oubliez pas que les risques inhérents à notre vie publique sont terribles. Je connais assez le métier pour vous dire que je n'ai jamais fait le voeu de pauvreté quand j'ai décidé d'être député de Champlain. Je n'ai jamais fait le voeu de pauvreté, et je ne pense pas manquer à mon voeu en acceptant ce soir le bill qui est devant nous.

M. le Président, le chef du Parti québécois, M. René Lévesque... Je parle en toute objectivité parce qu'il a eu à notre propos, comme députés, des paroles que je ne peux pas accepter, et c'est sur cela que je le critique. Je ne le critique pas sur sa pensée politique, je n'ai pas affaire à cela, mais sur ce qu'il a eu pour ou contre nous, les parlementaires. Le chef du Parti québécois, M. René Lévesque a siégé ici. Il a siégé devant moi comme ministre et il a siégé ici comme indépendant et comme chef. Dans ce temps-là, je ne sais pas si c'était le parti du RIN ou du Mouvement Souveraineté Association — MS A — il aimait cela, oui? Bon.

Mais cet homme qui dit que les députés n'ont pas droit à aucune indexation, qui sont largement payés, ce député, René Lévesque, j'étais comme leader parlementaire pendant des années et leader parlementaire dans l'Opposition, je sais ce que je dis, j'ai conservé des statistiques des présences en Chambre, c'était l'homme le plus absent de toute la Législature.

Il a eu le record de l'absentéisme, mais par exemple, même malgré son absentéisme, la province lui paie, au 6 février 1974, une pension indexée de $13,543.40.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LACROIX: C'est $14,070 actuellement. Je voudrais rectifier. C'est $14,070 actuellement.

M. BELLEMARE (Johnson): Je reçois une pension de $21,000. Je n'ai pas besoin de le cacher. Je l'ai payée. J'ai contribué.

M. LACROIX: Vous l'avez gagnée.

M. BELLEMARE (Johnson): Je n'ai jamais été absent. J'ai manqué un vote dans 28 ans. Un vote. Mais, par exemple, je n'étais pas absent de la Chambre, et quand un débat ne faisait pas mon affaire, je n'arrivais pas et je ne m'en allais pas en courant en disant: Mangez de la... Il l'a dit ici.

Je dis que M. Lévesque, le vieux chef du Parti québécois, n'a pas le droit de nous critiquer quand on demande un indexation de notre salaire, de notre indemnité parce que malgré son absentéisme total, ayant le record de toutes les absences de tous les députés qui ont siégé en cette Chambre, il reçoit aujourd'hui, malgré tout, une pension indexée d'environ $13,000.

Je n'ai pas honte de dire la pension que je reçois. Mais moi, par exemple, je l'ai gagnée par mon assiduité, je l'ai gagnée par mon travail très acharné. M. le Président, vous qui connaissez mes origines, vous savez combien j'ai eu de la misère, dans la vie, à parvenir un peu à être ce que je suis. Mais, quand je vois un René

Lévesque qui vient donner des directives à ses députés de voter contre l'indexation, je trouve cela injurieux pour la Chambre, injurieux pour l'Assemblée nationale.

M. MORIN: Sur un point de privilège...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce un point de privilège?

M. MORIN: En vertu de l'article 96...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Je m'excuse, à l'ordre! A l'ordre, messieurs !

M. MORIN: ... j'aimerais simplement dire...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

Est-ce un point de privilège?

M. MORIN: Est-ce qu'il a terminé?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Non.

M. MORIN: Alors, s'il n'a pas terminé, c'est une question de privilège. Je voudrais dire au député de Johnson...

DES VOIX: Ah! Ah!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! ... A l'ordre, messieurs! Attendez.

M. MORIN: Je voudrais dire, M. le Président au député de Johnson, en toute amitié, que nous ne recevons pas d'instructions du chef du Parti québécois et que...

DES VOIX: Oh! Oh!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!...... A l'ordre! ... Il ne s'agit pas là d'une question de privilège.

L'honorable député de Johnson. ... A l'ordre! ...

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, même s'il y a des députés qui n'aiment pas cela, parce que je rappelle le souvenir de mon ancien chef, l'honorable M. Duplessis, il avait dit, un soir, à un orateur qui l'avait interrompu, comme vient de le faire le chef de l'Opposition: "Ils sont ridicules ou ils le deviennent".

M. le Président, s'il ne reçoit pas d'ordres, pourquoi avoir changé d'idée? Moi, j'ai eu connaissance de certaines conversations très confidentielles que je ne répéterai pas, mais j'ai eu le témoignage de personnes qui sont dans cette Chambre qui m'ont dit que c'était bien raisonnable et que c'était juste. Je crois que franchement ils avaient raison. Du jour au lendemain, on est revenu avec une attitude différente. Différente, parce qu'à l'occasion d'un ralliement, d'un groupement, d'une rencontre, il y a eu probablement des discussions qui se sont faites sur ce sujet. Si ce n'est pas le vieux chef du parti PQ, c'est peut-être d'autres qui ont dit: Ecoutez, l'attitude de notre parti devrait être plutôt cela que cela. Je dis qu'ils ont changé d'avis. Puis, ils ont le droit de changer d'avis.

M. le Président, mais seulement moi, dans mon caucus et dans mon conseil national, ils sont pour.

M. LACROIX: Ce ne sont pas les caucus qui mènent les élus.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je voudrais simplement, puisque c'est un sujet qui me passionne particulièrement... Parce que j'ai dit dit, tout à l'heure, que j'avais une pension de $21,000, II ne faudrait pas penser que je la reçois présentement. J'ai été prudent. Le 28 au matin, avant que le résultat du vote sorte, j'étais tellement sûr que j'ai fait annuler ma pension.

M. HARDY: Vous n'avez pas attendu le président de la Chambre.

M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?

M. HARDY: Vous n'avez pas attendu le Président de la Chambre. Vous connaissiez la loi vous-même.

M. BELLEMARE (Johnson): Non, non, ma lettre...

M. LACROIX: Etes-vous professeur de droit?

M. BELLEMARE (Johnson): Non, M. le Président, je suis "brakeman" et je connais la ligne "drette".

Il y a une chose, par exemple, M. le Président, que je vais faire avant longtemps et cela va peut-être déplaire à mes honorables amis. En termes de chemin de fer, je vais essayer de "kicker dans le back" le Parti libéral et je vais "spiker les switches aux deux bouts".

Alors, M. le Président, trève de plaisanterie pour le moment, il me reste encore des choses très sérieuses, peut-être moins amusantes pour les honorables amis, mais que je vais dire avec un certain courage.

Il y a, dans cette Chambre, des défauts et surtout des malaises que l'on ressent par l'absence du premier ministre aux débats. Si vous aviez vu siéger l'honorable M. Taschereau, si vous aviez vu siéger l'honorable M. Godbout, si vous aviez vu siéger l'honorable M. Duplessis, M. Johnson, M. Lesage... M. Lesage, c'était un homme qui arrivait à trois heures bien tapant. Il

ne laissait jamais la Chambre. Cela est une des raisons pour lesquelles il y a un malaise en Chambre.

L'honorable premier ministre, malgré tout le respect que j'ai pour lui — je sais qu'il a des occupations qui sont fort importantes — son premier devoir, à mon sens, c'est d'être assis à son fauteuil. S'il ne veut pas prendre part au débat, c'est son affaire. Mais sa présence en Chambre apporterait beaucoup plus de sérénité et je pense qu'avec son autorité il pourrait peut-être refréner certaines humeurs, ou certains "back-benchers" qui se plaisent à nous interrompre.

Deuxième chose: on devrait établir, en même temps qu'on adopte ce projet de loi, des pénalités. L'honorable leader du gouvernement, cet après-midi, nous disait: Si les honorables messieurs de l'Opposition ont de bonnes suggestions à nous faire, qu'il nous les fassent, nous allons les écouter et en discuter. Lorsque j'ai été comparaître devant le comité Bonenfant, j'avais préparé un mémoire et, dans ce mémoire, je mentionnais deux choses: l'absentéisme en Chambre et les propos disgracieux que certaines personnes tiennent, que certains parlementaires tiennent. Pour ce qui est de l'absentéisme, je recommanderais que deux votes soient pris par jour. Un vote après les questions le matin ou l'après-midi, vers quatre heures et un autre vote à neuf heures ou huit heures et demie, le soir. Si on est obligé de faire ça, c'est parce qu'il y a de la négligence coupable de certains députés. On siège, nous, on endure les longues heures de la Chambre. On reste en Chambre.

Alors, je pense que ceux qui, le jour même, ne pourront pas justifier leur absence, il faudra qu'ils soient pénalisés de $100 par jour, tout de suite. Deuxième chose: quand vous en aurez pris 40 ou 41 par jour, cela va vous faire quarante fois $100, cela va vous faire $4,000. Cela va faire du bien au Conseil de la trésorerie.

M. LACROIX: ... pour acheter les votes.

M. BELLEMARE (Johnson): Cela pour les honorables messieurs qui s'absentent pour rien, sauf s'ils ont une bonne raison, tel que le dit la Loi de la Législature, soit être malade ou être officiellement en service commandé. Mais, pour les autres, $100 par jour, et cela devrait être envoyé immédiatement par l'honorable secrétaire général de l'Assemblée nationale avec une facture: $100. Je vous garantis que les députés... Si on est rendu là, c'est parce qu'il n'y a pas d'autres moyens. Cela va être la sévérité. Je pense que ceux qui siègent ont beaucoup de mérite à siéger. Mais ceux qui n'y sont pas méritent d'être pénalisés.

Deuxièmement, puisque la peur est le commencement de la sagesse, je pense qu'au député qui emploierait une expression antiparlementaire à l'endroit d'un de ses collègues ou qui interromprait un débat par une allusion malveillante, le président serait autorisé à imposer $25 d'amende à chaque fois. Pourquoi, dans le hockey professionnel, impose-t-on deux minutes à d'excellents joueurs? Parce qu'ils ont manqué aux règlements du hockey. Pourquoi est-ce que le président ne pourrait pas, de son chef, parce que quelqu'un dit "vous êtes un bandit", "vous êtes un hypocrite", "vous êtes un lâche", "vous êtes un baveux", à partir de là, se lever et dire: M. le député de Johnson, $25 d'amende.

M. SAMSON: Est-ce que je pourrais poser une question à l'honorable député de Johnson?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Non.

M. SAMSON: M. le Président, c'est à lui que je pose la question.

M. BELLEMARE (Johnson): Je n'ai pas d'objection.

M. SAMSON: Suivant ce raisonnement juste et valable...

M. HARVEY (Charlesbourg): Laisse-lui le "show", c'est à son tour !

M. SAMSON: ... est-ce que le député de Johnson peut me dire qui paierait, advenant certains cas, par exemple, où le salaire ne serait pas assez élevé pour payer les amendes?

M. BELLEMARE (Johnson): Là, M. le Président, je pense...

M. BIENVENUE: ... assurance.

M. BELLEMARE (Johnson): ... on se référerait à son parti.

M. SAMSON: Vous allez vider le PQ!

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, écoutez, il faut qu'il y ait de l'ordre dans la Chambre. Aux joutes de hockey, c'est rendu tellement loin qu'ils imposent des amendes très sévères pour tâcher de donner une certaine dignité à ce sport national. M. le Président, on est ici dans une assemblée constituante, on est dans un Parlement et, depuis quelques jours, c'est terrible ce qu'on entend comme épithètes et comme interruptions, à tout venant.

Il n'y a rien de plus difficile que de prononcer un discours dans cette Chambre quand tout le monde vous interrompt. Ils peuvent dire quelque chose qui a trait à votre discours, qui est peut-être offensant ou peut-être insignifiant mais vous êtes porté à prêter l'oreille et cela, ce n'est pas bien.

J'ai assisté, M. le Président, dernièrement à une séance — je vous l'ai conté — au Parlement de Toronto, quand deux ministres, au sujet de l'aéroport de Beaverton, ont été expulsés du

cabinet Davis. J'ai assisté à ces réunions. J'étais heureux de constater quelle gentilhommerie. Ils ont fait les choses en grands seigneurs. C'est vrai qu'ils sont d'un tempérament plus froid que nous mais qu'importe. Ils ont dit des choses difficiles, des choses qui étaient dures mais toujours en conformité, avec un langage châtié et particulièrement, M. le Président, avec des manières qui étaient recevables par l'Assemblée. Mais là on est rendu à se traiter de voyous, de baveux, on est rendu à se dire des imprécations épouvantables. Moi, M. le Président, j'ai déjà été expulsé de la Chambre, une fois dans ma carrière, parce que j'avais osé dire à l'honorable premier ministre, M. Lesage, qu'il était un dictateur. C'était un vendredi matin; ce n'était pas le temps de lui dire cela !

DES VOIX: Ha! Ha!

M. BELLEMARE (Johnson): II m'a demandé de me rétracter; j'ai dit: Oui. Je dis deux fois dictateur. Il m'a sorti, pour une semaine, et il m'a enlevé mon allocation pour une semaine. Bien, je ne l'ai pas redit ! Mais je l'ai pensé !

M. le Président...

M. LACROIX: ... cela ne vous aurait rien coûté.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je voudrais aussi ajouter une troisième chose. La ponctualité en Chambre, c'est la politesse des rois. Par son assiduité, on dénote qu'on a intérêt à gagner les émoluments, les indemnités qu'on nous paie et, particulièrement, à bien remplir notre devoir de législateur.

Oh, ce n'est pas intéressant. Il y a des discours qui ne sont pas intéressants. Je les écoute, moi, M. le Président, et puis je ne m'en formalise pas. Je pense qu'on doit accepter, d'un côté comme de l'autre, qu'il y ait des discours plus intéressants les uns que les autres. Il y en a qui sont "plats" à mort et il y a des choses qui me font sauter haut de même. Les gens qui répètent que l'Union Nationale n'a rien fait, cela, M. le Président, je ne peux pas endurer cela mais je ne dis rien. Il n'y a rien de plus pas vrai que cela, M. le Président.

Donc, l'assiduité, punir les absents sévèrement, M. le Président. Imposer une amende de $25 à un député qui va interrompre sans raison, sans avoir demandé la permission, qui a employé une épithète malodorante à l'endroit d'un député. $25, M. le Président.

Oui, c'est cela qu'il va falloir faire parce qu'autrement le Parlement va sauter. Les boites de vote vont sauter. On s'en va vers cela. Ce n'est pas seulement une révolution sanglante et intellectuelle, cela va être une révolution qui va coûter cher à la province. C'est ici qu'elle va commencer. Si on n'apporte pas des correctifs absolument très très rigides, on regrettera de ne pas avoir mis le Parlement au pas.

M. le Président, une autre chose que je voudrais dire et qui me ferait énormément plaisir, si l'honorable leader de la province voulait bien la retenir, c'est lorsque nous avons des visiteurs et que nous allons au café du parlement. A Ottawa, ils ont un certain prix statutaire pour les députés qui ont des invités. Je crois que c'est bien normal.

Je suis allé plusieurs fois à Ottawa et j'ai eu l'occasion de manger au café du parlement. Ils ont établi un prix pour les députés, qui est bien normal, bien raisonnable.

Imaginez-vous, j'amène quatre invités au parlement, il y en a un qui prend un T-bone, un autre prend un steak au poivre. Je ne suis pas capable de dire à mon invité: arrête, prend du steak haché ou prend du lait en poudre, c'est recommandé par les honorables ministres d'Ottawa, cela.

M. LACROIX: ... des affamés.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, l'honorable ministre nous a demandé des suggestions, je lui en ai fait quelques-unes. Je pense qu'elles seront bien comprises.

Maintenant, ce sera mon dernier point, il y a 2,300,000 travailleurs dans la province de Québec. Il y en a 800,000, parmi ces 2,300,000, qui sont syndiqués, qui appartiennent aux grandes centrales, CEQ, CSN, FTQ ou CSD. Ces 800,000 qui font partie des syndicats ont certainement des conventions collectives qu'ils ont négociées avec les patrons et qui ont obtenu, je pense, des résultats assez tangibles, quant à l'indexation ou quant au coût de la vie. Ils ont, même dans plusieurs des cas, comme le disait le chef de l'Opposition tout à l'heure, rouvert plusieurs conventions collectives.

Mais, il y a 1,500,000 travailleurs et travailleuses qui vivent avec les décrets et le salaire minimum, et cela, c'est important pour une province. Il n'y a rien sauf le décret, et il y a peut-être 25, 30 ou 40 décrets dans la province de Québec, où le salaire est fixé par entente par des comités paritaires mais qui est loin d'être le salaire que pourrait négocier une convention collective, qui est en-deça de toutes les normes presque acceptables, il y a le salaire minimum à $2.30. Avec les conditions de vie actuelles, quand la famille est de cinq personnes, je vous garantis qu'il ne reste pas grand-chose à part le gruau et la viande hachée.

Il faudrait que le ministre pense à cela. Je pense qu'il est temps de mettre le salaire minimum à $2.50. Je l'ai pris à $0.60 quand je suis arrivé comme ministre en 1966. Je n'ai pas eu peur, dans le temps ce n'était pas populaire; je l'ai remonté graduellement jusqu'à $1.85. Quand je suis parti du ministère, c'était rendu à $1.85. Je suivais un peu l'évolution, et je pense que l'évolution, aujourd'hui, veut que les travailleurs gagnent au moins $2.50. Et pourquoi ne pas penser à ces 1,500,000 personnes qui, elles, ont les mêmes problèmes que celles qui

sont, en vertu de conventions collectives, gâtées parce que leur salaire a été négocié? Il y en a 800,000 qui ont des salaires raisonnables. Je ne dis pas que c'est extravagant mais, par exemple, quand celui qui vit avec un décret ou qui vit avec le salaire minimum va s'acheter une pinte de lait, un pain ou une bofte de sardines, il va payer le même prix. Quand il va aller s'acheter un complet ou une paire de chaussures, il va la payer le même prix ou bien il va s'en passer, parce que le revenu familial n'est pas suffisant.

A part cela, je n'ai pas besoin de demander au ministre des Affaires sociales combien il y a présentement de personnes qui vivent à même l'assistance sociale dans la province. Là encore il faudrait penser à ces gens à qui on a accordé dernièrement une certaine hausse d'allocation. C'est toutes les semaines que l'on reçoit des cas, peut-être des cas marginaux, mais toutes les semaines nous recevons des gens dans notre bureau qui viennent se plaindre qu'ils n'en ont pas assez pour vivre.

Quand on reçoit des salaires comme ceux que nous allons recevoir et que des pauvres gens viennent nous raconter leurs misères, on a presque honte, je vous le dis, on a presque honte. Pourquoi le gouvernement ne prendrait-il pas ses responsabilités? Pourquoi, pour une fois, le gouvernement ne ferait-il pas un geste d'autorité? Vous en avec 101 devant vous autres, vous êtes au pouvoir encore pour un an, c'est sûr.

Alors, pourquoi ne pas faire un geste d'autorité et dire: C'est cela, le gouvernement impose cela, M. le Président, et ce sera populaire. Si les indemnités que l'on demande ne sont pas populaires, c'est parce que les gens ne nous ont pas entendus citer les bonnes raisons que je viens de donner.

M. LEVESQUE: Est-ce que je pourrais faire une suggestion à l'honorable député?

M. BELLEMARE (Johnson): Certainement. J'ai fini là, M. le Président.

M. LEVESQUE: Ce serait de vérifier les chiffres qu'il nous a donnés, tout à l'heure, sur le salaire minimum de 1966 à 1970.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, est-ce que l'honorable ministre conteste qu'il y a 2,300,000 travailleurs?

M. LEVESQUE: Les chiffres qu'il a donnés sur les...

M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?

M. LEVESQUE: ... taux, lorsqu'il est entré au ministère en 1966, du salaire minimum.

M. BELLEMARE (Johnson): Le salaire minimum était à $0.60 et, quand je suis parti, il était à $1.80.

M. LACROIX: C'est faux.

M. BELLEMARE (Johnson): Oui, M. le Président.

M. LEVESQUE: Voici, M. le Président... M. LACROIX: II était à $1.25. M. LEVESQUE: Pardon?

M. CHARRON: Quand il est parti, il était à $1.25.

M. LEVESQUE: C'est cela...

UNE VOIX: $1.25.

M. LEVESQUE: ... $1.25

M. CHARRON: Vous avez raison.

M. LEVESQUE: Pas $1.85.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je pense que le ministre veut faire une diversion. Je n'ai pas d'objection...

M. LEVESQUE: Non, non.

M. BELLEMARE (Johnson): ...mais, si c'est vrai, M. le Président...

M. LEVESQUE: Le député de Johnson a fait une excellente intervention. Je ne voulais pas que dans le journal des Débats on trouve des chiffres qui ne correspondent pas à la vérité, c'est tout.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, on a changé tous les décrets; on a changé le salaire minimum qui était à $0.60 et on l'a porté certainement, M. le Président, alentour de $1.80.

M. LEVESQUE: Non.

M. BELLEMARE (Johnson): Oui, M. le Président, parce qu'il était indexé. Quand je suis parti, on était à $1.25, mais, pour les six mois qui suivaient, on avait ordonné qu'il aille jusqu'à $1.85. Oui, M. le Président. On avait dit, M. le Président: Pendant les mois qui suivront, il se rendra à $1.85.

M. LEVESQUE: En avril 1971, il était à $1.45.

M. BELLEMARE (Johnson): Oui, continuez en novembre.

M. LEVESQUE: Je vais continuer. En novembre 1971, $1.50.

M. BELLEMARE (Johnson): Bon.

M. LEVESQUE: Vous n'étiez pas là depuis une couple d'années.

M. BELLEMARE (Johnson): Oui, mais, M. le Président, un bon administrateur prévoit d'avance.

M. CHARRON: M. le Président, pour ajouter...

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président...

M. CHARRON: ... à la définition de député qu'il faisait tout à l'heure, on vient d'avoir l'exemple qu'un député peut mentir aussi.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président...

UNE VOIX: Amende, $25.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, il y avait une vieille expression qui disait : On ne peut pas empêcher un chien de lever la patte sur une église. Je pense, M. le Président, que l'honorable ministre du Travail est bien intentionné. Il a manifesté plusieurs fois l'idée de porter le salaire minimum de $2.30 à $2.50 le plus rapidement possible. Je sais que cela serait bien vu, ce serait un geste fort apprécié de la part de toute la population et particulièrement de ceux qui en ont le plus besoin.

Je pense, M. le Président, que, pendant l'année 1975, il va s'ouvrir des centaines de conventions qui vont venir à échéance. Pendant les discussions de ces 100 conventions qui vont s'ouvrir, il va y avoir justement une indexation qui va être négociée. Mais, pour celles qui ne le seront pas, M. le Président — elles ne seront pas nombreuses à la fin de 1975— est-ce que le ministre ne pourrait pas prévoir qu'une indexation serait possible même rendu à la fin de 1975, même si on subit une récession? On devrait, M. le Président, y penser très sérieusement.

M. le Président, pour revenir au sujet de l'augmentation des salaires, de notre indemnité, vous ne serez pas surpris si je vous dis que je suis fier de voter en faveur de l'indemnité parlementaire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en apportant ma contribution au débat du projet de loi que la Chambre a devant elle ce soir, je me dois de le faire un peu de la même façon que d'autres, à savoir d'exprimer comment il peut être difficile non seulement sur le plan privé, mais sur le plan public de tenter de justifier une augmentation, une hausse des traitements qui sont donnés à une classe de notre société dont on fait partie soi-même. Enfin, chacun, nous avons nos traits de caractère particuliers. Quant à moi, avant même d'être dans cette Chambre, je n'ai jamais dépensé beaucoup d'énergie à tenter d'obtenir des hausses de salaire. Lorsqu'on n'est pas satisfait, on prend son chapeau et on s'en va, mais je comprends, en lisant la Loi de la Législature, que, dans cette Chambre, c'est un des devoirs que le législateur, que le pouvoir législatif a de parler publiquement dans un débat et de dire pour quelles raisons, oui ou non, les augmentations devraient être consenties.

C'est d'ailleurs peut-être à cause de cette difficulté qu'il m'a semblé que le gouvernement a fait une bonne démarche en confiant un mandat à la commission Bonenfant, composée de trois membres, qui nous a donné un rapport sérieux sur l'ensemble du problème qui confronte le projet de loi que nous avons ce soir.

De l'avis de tous, on conviendra que c'était là un rapport sérieux, un rapport qui, après avoir fait une rétrospective historique de tout ce problème, après avoir colligé beaucoup d'informations sur la situation prévalant dans d'autres Parlements, dans d'autres pays, après avoir examiné comment, dans différents Parlements, on faisait face aux mêmes problèmes, à savoir le traitement des parlementaires, après avoir brièvement fait une revue de l'évolution du salaire des députés québécois — sans retourner à 1928, rappelons les grandes étapes: $10,000 en 1963, $12,000 en 1965, $15,000 en 1971 et $15,600 en 1972 — s'est arrêté à parler de la fonction du parlementaire.

Pour chacun d'entre nous dans cette enceinte, même ceux qui ont été élus à la dernière élection, déjà le travail quotidien, les difficultés, les frustrations, les consolations, à l'occasion, nous permettent de très bien comprendre le sens de chaque mot dans ce rapport sur la fonction parlementaire. Mais je m'arrête à la page 13 du rapport qui décrit peut-être deux caractéristiques qu'il ne faudrait jamais perdre de vue et que malheureusement, dans le grand public, à cause peut-être d'exemples dans d'autres provinces que le Québec, on a tendance à oublier.

Ces deux caractéristiques données à la page 13 sont: 1) La fonction de membre du Parlement doit être regardée comme à plein temps et comme professionnelle de sa nature; 2) On doit présumer qu'un membre du Parlement n'a aucune autre source de revenu. Il y a bien sûr quelques modestes exceptions à tout ça. Peut-être, à l'occasion, l'un d'entre nous peut avoir un travail partiel qui l'occupe le samedi matin, ou quelques-uns peuvent être dans certains groupes de profession qui permettent un travail, mais avouons-le, pour la très grande majorité d'entre nous, le travail du parlementaire en

1974 est un travail à plein temps et deuxièmement, pour la très grande majorité d'entre nous, la rémunération comme parlementaire est essentiellement la seule source de revenu que nous ayons.

Le rapport mentionne également que pour la plupart nous avons dû abandonner nos activités professionnelles et il ajoute, je cite encore, "que souvent le public ne se rendait pas parfaitement compte du travail considérable et varié qu'accomplissent les députés". M. le Président, d'autres orateurs l'ont mentionné avant moi, mais nous avons eu, chacun d'entre nous, l'occasion de vivre ce que mentionnait le député de Johnson, à savoir qu'il est très difficile de donner moins de 60 heures par semaine à la tâche de député. Souvent, je regrette que ce soit uniquement au sein de cette enceinte que le grand public peut nous voir à l'oeuvre. Cela donne aux étudiants et au public en général, souvent, il me semble, une déformation de la vérité lorsqu'on voit le début de la journée à trois heures, lorsqu'on voit qu'à quatre heures il y a trois commissions et qu'immédiatement tous les députés partent dans toutes les directions pour siéger dans ces commissions. On a un peu l'impression, finalement, que le travail du député n'a été que de trois à quatre heures, et pourtant je n'ai pas à vous en convaincre, M. le Président, vous savez que dans nombre de cas — nous l'avons évoqué — en dehors de cette présence en Chambre, de cette participation à nos débats, il y a tout un travail, que le rapport décrit d'ailleurs, de préparation du travail législatif, qui n'est pas tant la rédaction de textes de loi — ceci étant confié à des spécialistes — que notre engagement personnel à l'intérieur d'un parti politique, notre engagement personnel à l'intérieur d'un caucus, notre engagement personnel de nous documenter sur les grands problèmes de la société, d'être capables de nous donner un apport sur tous les points de vue qui touchent notre société, sur le plan économique, sur le plan social, sur le plan de la justice, sur le plan culturel, notre travail de rencontrer la population et d'être souvent un intermédiaire entre le pouvoir et cette population.

Le rapport, d'ailleurs, mentionnait une étape, un aspect, une facette de notre travail de parlementaire qui est un peu unique au Québec, c'est-à-dire l'importance très grande qu'ont prises les commissions parlementaires. En 1973, il faut se rappeler qu'il y a eu 176 séances de commissions parlementaires. C'est un aspect du travail parlementaire qu'on ne rencontre, à ma connaissance, dans aucun autre Parlement des autres provinces canadiennes où c'est uniquement l'Assemblée nationale ou l'Assemblée législative qui occupe le temps des parlementaires.

M. le Président, il faut recevoir les électeurs, rencontrer dans son comté, non seulement des gens qui ont des problèmes, mais également, à plus long terme, des représentants des corps intermédiaires, rencontrer les autorités scolaires, les autorités municipales. On a à l'esprit ceux qui représentent les circonscriptions rurales, qui ont peut-être 17, 18, 19 municipalités réparties sur un très grand territoire, où on ne peut pas, à toutes les semaines ou à tous les mois, exiger que tous ces gens viennent nous rencontrer dans le chef-lieu ou dans la ville principale, mais où, souvent, le député est obligé, avec sa voiture, de se promener dans tous ces endroits pour rencontrer le plus souvent qu'il le peut tous ces gens.

Il faut également, comme l'ont mentionné d'autres, donner suite à une correspondance qui est très nombreuse. Il faut même souvent se rendre compte que la véritable pauvreté dans notre société ne s'exprime pas, comme semble le suggérer le chef de l'Opposition officielle, en termes de revenus ou de dollars, mais la véritable pauvreté qu'on rencontre souvent; et le rapport fait état jusqu'à quel point le travail du député est moins politisé qu'il ne l'était auparavant.

Notre véritable travail dans les comtés est souvent de guider une personne qui est bafouée à l'occasion, soit par la fonction publique, d'une façon souvent inconsciente, soit par des autorités municipales ou fédérales. La fonction du député est un peu comme un intermédiaire tentant de faciliter, sur le plan administratif, la démarche d'une personne qui, vouée à elle-même, risquerait d'avoir une frustration vis-à-vis de la société. Elle a cette conviction qu'on ne lui a pas donné justice alors que souvent une explication la réconforte ou lui exprime le sens véritable des lois et des règlements qui ont été faits.

A la page 17 du rapport, on mentionne que le député est devenu un lien indispensable entre la population et l'Etat, dans son sens le plus large, qui semble de plus en plus lointain, complexe et impersonnel. C'est ce qu'on a appelé la bureaucratie, mais je pense que c'est un mal nécessaire, dans ce sens que la complexité des problèmes qui frappent l'Etat oblige le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif à confier de plus en plus des tâches à un nombre de plus en plus grand de personnes qui sont essentiellement la fonction publique.

M. le Président, il y a onze ans, à peu près dans des circonstances identiques, en juillet 1963, lors de la présentation d'un projet de loi visant à réajuster les salaires des députés, deux anciens premiers ministres de cette province exprimaient des mots que je voudrais vous laisser.

M. Lesage disait, et je cite: "Les députés sont ainsi forcés de délaisser leurs affaires personnelles davantage chaque jour. Les moins fortunés d'entre eux en souffrent énormément, c'est clair. Cela les place dans une situation difficile, souvent intenable et les expose à toutes sortes de tentations auxquelles ils peuvent être amenés à succomber à cause de leurs obligations familiales ou autres. C'est un risque, à mon sens, que ne peut se permettre de courir la démocratie. D'autre part, plusieurs hommes

de valeur qui pourraient être un apport précieux à notre vie politique hésitent ou refusent de se porter candidat parce que, disent-ils, ils n'ont pas les moyens d'être député. Combien de fois avons-nous entendu dire cela? Dans trop de cas, c'est malheureusement l'exacte vérité."

Participant au même débat, le 11 juillet 1963, débat auquel l'actuel député de Johnson a d'ailleurs participé, un autre premier ministre de la province, M. Daniel Johnson, disait, et je cite: "M. le Président, en principe, il faut rechercher une rémunération qui, dans les limites de la décence, dans les limites de l'appréciation la plus objective possible, respecte à la fois la fonction, la qualité de la fonction et constitue une rémunération adéquate pour le travail accompli."

Récemment, des éditorialistes ont écrit sur le sujet. Je m'en voudrais de répéter ce qui a déjà été mentionné, mais vous me permettrez de citer deux points qui me paraissent pertinents. M. Paul Lachance, dans un éditorial récent dans le journal Le Soleil, disait — et peut-être que le chef de l'Opposition pourrait prêter une oreille attentive — et je cite: "En fait, au lieu d'évaluer une telle hausse en termes de pourcentage et mettre en parallèle le salaire d'un député avec les revenus dégradants des défavorisés, ce qui est hautement démagogique, il faudrait se demander à quelle classe appartient un parlementaire et quel est le revenu susceptible de lui permettre le meilleur accomplissement possible de sa tâche." Le même éditorialiste, un peu plus loin, ajoutait: "Sans aller jusqu'à prétendre qu'il faille verser aux élus du peuple le salaire de certains cadres de grandes entreprises, pas plus d'ailleurs que de donner au premier ministre de notre province le salaire de président de la compagnie Ford et même de certains athlètes, il faut tout au moins se résoudre à penser que l'attrait doit être de taille, mais de taille malgré tout raisonnable pour éviter l'effet contraire à ce que l'on peut prétendre."

Dans un autre éditorial, M. Ryan — on se rappelle que celui-là faisait état de la rémunération des députés en 1971 — disait: "Dans l'ensemble — en parlant de ces salaires qui avaient été votés — ces montants étaient raisonnables à l'époque où ils furent fixés. Il y a évidemment et il y aura toujours des députés qui sont trop bien payés, parce qu'ils ne travaillent pas. Mais quant à ceux qui travaillent sérieusement, qui voudra soutenir qu'ils sont trop payés? " Et un peu plus loin, M. Ryan d'ajouter: "A la mesure où il voudra s'en tenir aux recommandations du comité Bonenfant, le gouvernement Bourassa disposera néanmoins, s'il décide d'agir, d'une base solide et impartiale. Le comité Bonenfant a soumis un rapport documenté et judicieux. On ne voit pas au nom de quel masochisme il faudrait refuser indéfiniment de donner suite à ses conclusions".

M. le Président, l'éditorial de ce soir dans la Presse pose la question: Que vaut un député? Question bien difficile, puisque, comme M.

Ryan le mentionnait lui-même, en démocratie parlementaire, le député est seul de son espèce, et toute tentative de relier son salaire avec d'autres pourra toujours, sur certains aspects, être boiteux.

Je voudrais soulever peut-être cinq ou six points qui, il me semble, mériteraient notre attention. Il faut se rappeler que le seul dénominateur commun qui réunit les gens dans cette Chambre et qui nous différencie de ceux qui ne sont pas dans cette Chambre, c'est que toutes les personnes ici ont reçu un mandat du peuple, que nous soyons jeunes ou un peu plus vieux, que nous ayons eu un cours primaire, secondaire, universitaire, que nous soyons de toute race, de toute religion, cela ne compte pas. La seule chose qui compte, nous sommes tous égaux, et nous avons tous eu un mandat que nous détenons du peuple, de telle sorte qu'en tentant de donner une rémunération à tous ces gens, il faut bien se rendre compte qu'en prenant des barèmes propres à la société en général, il faudra admettre que, dès le départ, on pourra pointer du doigt tel cas qui cause une exception, tel cas qui semble trop généreux par rapport à tel autre, mais en même temps il faudra également pointer d'autres cas où il semble ne pas être généreux. Mais nous avons laissé de côté les modèles de Platon. Nous n'avons pas pensé que la meilleure forme de gouvernement était une forme d'aristocratie. Nous avons dit: C'est la démocratie. Nous avons dit: Chaque homme à l'intérieur de l'Assemblée nationale a la même valeur. Mes cinq ans d'expérience ici me prouvent que personne n'a absolument rien à apprendre d'un autre collègue. Tous les gens dans cette Chambre ont quelque chose à nous apprendre et, je pense, méritent, comme le suggérait d'ailleurs le député de Johnson, notre respect mutuel.

Mais, M. le Président, il y a quelques exceptions en cette Chambre. Il faut bien voir qu'en général on n'entre pas en politique comme on gradue d'une faculté universitaire ou comme on entre en commerce ou en droit. En général, on entre en politique à un moment critique de sa vie, à un moment où, dans une large mesure, on peut avoir une carrière bien établie, où, finalement, après avoir travaillé très fort pendant quelques années, on pourrait, avec notre famille, comme l'a suggéré le député de Johnson, bénéficier de quelques années où la société nous donnerait de bons revenus, où, finalement, nous pourrions consacrer beaucoup plus de temps à notre famille. Souvent, pour des raisons très différentes, à l'âge de 32, 35, 39, 40, même beaucoup plus vieux que cela — et j'ai beaucoup de respect pour le député de Johnson, et tous ses propos me touchent, puisqu'il faut se rappeler que celui qui a parlé est un homme qui, pour venir dans cette Chambre, a aussi renoncé à une pension de $21,000 pour recevoir un salaire de $15,000 en travaillant douze mois par année. Cela mérite plus de respect que...

A un moment critique d'une carrière, nous avons dit non à cela et nous avons dit oui à un engagement à l'intérieur d'un parti politique, avec tous les risques que cela peut comprendre. Bien sûr, s'il y en a 102 dans cette Chambre, il ne faudrait pas oublier le sort des 400 autres, ou même plus, qui ont tenté aux dernières élections d'obtenir notre dénominateur commun, ce mandat du peuple, mais qui ne l'ont pas obtenu et dont, souvent la carrière a été très bouleversée, qui ont pu avoir même des échecs sur le plan financier.

Un autre point qui frappe dans le travail d'un député, c'est que ce dernier peut travailler très fort, il peut donner toutes ses énergies, toute sa santé à sa tâche.

Il peut se mériter le respect complet de tous ses contribuables, mais, pour des causes et des raisons qui ne sont pas reliées à sa performance ou à son travail, il peut connaître l'échec quatre ans après. Combien de cas n'avons-nous pas vus où des gens, qui auraient dû normalement avoir un renouvellement de mandat à cause de l'effort qu'ils avaient fourni à la tâche, parce qu'ils n'appartenaient pas à la bonne formation politique ou parce que l'ensemble de l'évolution politique ne les favorisait pas, ont connu l'échec.

Dans le secteur privé, ces situations, en général, ne se rencontrent pas. En général, quand quelqu'un fournit un bon travail, au bout de quatre ans, on ne le renvoie pas en lui disant: Bien, va-t'en et trouve-toi un autre emploi. On lui donne une promotion. On lui donne un salaire plus élevé.

Un autre point que j'aimerais soulever et qui mérite votre attention, c'est le fait que, parmi les députés, il n'y a pas de progression d'échelle. Il n'y a pas, dans nos salaires, un enrichissement qu'on peut obtenir avec l'ancienneté. Il n'y a pas ici des députés classe I, des députés classe II, des députés classe III, soit par leur participation aux débats ou par le nombre d'années où ils ont été en Chambre. Nous sommes tous sur la même base.

Ce critère est important, puisqu'en faisant la comparaison du taux de salaire il faut se rappeler que, dans le secteur privé, dans une large mesure, il y a cet enrichissement. Je ne voudrais pas donner des noms. J'ai simplement retrouvé certaines listes. On a aimé faire une comparaison avec les administrateurs classe IV. Mais je regarde au ministère de l'Industrie et du Commerce des gens qui sont actuellement administrateurs IV et je suis frappé de voir que quelques-uns — sûrement, ce doit être parmi les brillants— ont réussi, depuis 1972, à passer d'agents de recherche classe I à adjoints aux cadres supérieurs, à administrateurs IV, de telle sorte que, dans cette courte période de deux ans, ils sont passés d'un salaire, en avril 1972, de $14,322 à $23,400 qu'ils toucheront en janvier 1975.

Chez les députés, il n'y a pas cela. Même si on se rattachait à la classe IV — j'aurai des raisons plus tard pour dire pourquoi il ne faut pas le faire — il faut se rappeler que, même si on est ici huit ans, dix ans, douze ans, même si, après ce temps, on a plus d'habilité pour remplir sa tâche, on a toujours la même échelle: député classe I, si on veut utiliser l'expression.

D'ailleurs, ce qui me frappe au ministère de l'Industrie et du Commerce, c'est que, parmi les quatorze administrateurs classe IV que j'ai dans le moment, six seulement étaient en classe IV, il y a à peine deux ans. Les autres sont venus de promotions, en général, d'adjoints aux cadres supérieurs.

Souvent, on fait état de la pension comme étant une panacée qui doit corriger tous ces problèmes. J'aurai l'occasion de dire tantôt qui reçoit véritablement ces bénéfices de la pension, mais je pense que le témoignage que nous en a donné le député de Johnson mérite une période d'attention. Nous l'avons vu travailler dans cette Chambre, mais qu'a valu à M. Bertrand, l'ex-député de Missisquoi, la pension qu'il a obtenue après tant d'années? Il n'y a même pas touché. Combien de collègues avons-nous vus qui, finissant une carrière politique et après avoir donné souvent leur santé, n'ont même pas touché un sou.

M. PILOTE Coiteux.

M. SAINT-PIERRE: M. Coiteux en serait un autre. On pourrait étirer la liste. Mais on y reviendra tantôt pour vous montrer d'autres genres d'individus qui, aujourd'hui, s'offusquent de la hausse de traitements et qui, eux, ont des chances de retirer beaucoup en matière de pension. Peut-on même, M. le Président, se comparer aux autres provinces canadiennes? Je n'ai pas de statistique devant moi, mais je reviens d'un séjour, à l'automne, dans plusieurs provinces de l'Ouest et j'ai été frappé par le fait que, par rapport à toutes ces provinces, sauf peut-être l'exception du Parlement d'Ottawa et du Parlement de Toronto, nos sessions sont beaucoup plus longues que les leurs. Dans les circonscriptions même de la social-démocratie de la Colombie-Britannique la session d'automne dure à peine trois ou quatre semaines et la session du printemps dure à peine six ou sept semaines. En Alberta, la session, cette année, à l'automne, a duré sept ou huit jours, question d'adopter quelques projets de loi.

Il faut comparer ceci avec la situation que nous avons au Québec. Je pense qu'il serait malhonnête de tirer, comme l'a fait le chef de l'Opposition, des parallèles pour tenter de dire que nous sommes au cinquième rang du revenu, mais au deuxième rang parmi la rémunération des députés.

Malheureusement, dès qu'on parle de chiffres — j'aurai l'occasion de le démontrer à nombre de reprises— dans le Parti québécois, on mélange souvent non pas les citrons et les oranges, niais les citrons avec les vaches.

Brièvement, le rapport Bonenfant, qui nous

avait été soumis, nous a fait deux grandes recommandations :

Que le traitement soit fixé à $22,000 et qu'il soit relié à la médiane des cadres no 4 de la fonction publique. Nous savons que la loi, contrairement à l'invitation que M. Ryan nous faisait dans le Devoir, ne va même pas jusqu'à la recommandation du rapport Bonenfant, mais qu'elle fixe la rémunération à $21,000 pour les députés et que l'indexation, au lieu d'être reliée à celle des cadres, est reliée à l'évolution des salaires des ouvriers, des traitements des salariés dans l'industrie canadienne.

M. le Président, pourquoi $21,000? Brièvement, il faut se rappeler, comme l'a signalé le premier ministre de la province, que cette augmentation de $5,260, de 1972 à aujourd'hui, représente une augmentation de 23.13 p.c. alors que l'indice des prix à la consommation a augmenté d'un montant supérieur, c'est-à-dire de 24 p.c. entre mai 1972 et novembre 1974. Nous tentons de redonner au député le pouvoir d'achat qu'il avait il y a deux ans.

Deuxièmement, M. le Président, durant cette même période, il y a lieu de se rappeler — M. le premier ministre l'évoquait — que pour les hauts fonctionnaires et particulièrement pour les cadres, les augmentations de salaire on été de l'ordre de 44 p.c, ce qui doit se comparer aux 23.13 p.c. qui sont donnés aux députés.

Troisièmement, M. le Président, il faut se rappeler que le salaire minimum, pour la même période de mai 1972 à novembre 1974, a augmenté, lui, d'un montant supérieur au pourcentage prévu pour les députés, c'est-à-dire qu'il a augmenté de 33.3 p.c.

Je sais que j'ai à convaincre non pas l'Opposition, M. le Président, parce que c'est un secret de polichinelle qu'il y a une semaine, ces gens étaient convaincus, mais les gens qui manipulent les marionnettes que nous avons devant nous.

Aussi, M. le Président, vous me permettrez un petit exercice de mathématique. Sûrement que le chef de l'Opposition — non pas conseillé par M. Michaud, puisqu'en chiffres, là, c'est désastreux, mais peut-être par M. Joron — pourrait le faire. Le président de ce conseil national, qui a donné des ordres et des directives, cela m'inquiète, comme parlementaire, puisque je me sens mal à l'aise quand des gens sont manipulés de l'extérieur par des gens qui n'ont pas de mandat, mais oublions ce point...

M. MORIN: M. Lévesque n'est pas président du conseil national.

M. SAINT-PIERRE: M. Lévesque siège à ce conseil national et, apparemment, y exerce un leadership incontesté.

M. MORIN: II s'est tu pendant ce débat.

M. LEGER: On vous expliquera cela tout à l'heure.

M. MORIN: On vous expliquera cela. M. SAINT-PIERRE: M. le Président... M. MORIN: ... démocratique.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît ! A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en 1965, celui qui était alors député de Laurier — et qui, depuis ce temps, a essuyé à deux reprises l'échec devant l'électorat pour obtenir un autre mandat — et membre de notre parti avait voté, avec les députés, à l'époque — et j'ai comme témoin le député de Johnson — pour que le salaire des députés soit porté à $12,000. Nous étions en 1965.

M. le Président, si on veut faire des calculs, le salaire moyen des salariés canadiens, à l'époque, était de $88.62. Il est maintenant, en mai 1974, de $169.57. Si on applique au traitement des députés qui, en 1965, était de $12,000, et convenait à M. Lévesque — et même, malheureusement, je n'ai pas eu le temps de faire la recherche, on me dit qu'à l'époque, il a fait de violents discours contre ceux qui faisaient de la démagogie vis-à-vis du salaire des députés — ces $12,000, si on les augmente du même taux que la majorité des salaires au Canada, on obtient, non pas aujourd'hui mais en mai 1974, un salaire de plus de $23,000. Ce que le projet de loi propose, c'est $21,000. Donc, c'est moindre que la croissance, comme pourcentage, des salaires depuis 1965, dans le secteur des salariés.

M. le Président, peut-être un mot également pour dire — et je l'ai mentionné au début — cette importance exagérée qu'on donne à la présence en Chambre et aux discours qui sont faits par les parlementaires. Je ne voudrais pas déborder du projet de loi qui est là. Je sais que, pour plusieurs d'entre nous, il y a peut-être des réflexions profondes à engager sur tout l'appareil législatif, sur les responsabilités qui devraient être données aux parlementaires à une période où la complexité des problèmes, où la discipline de parti, où la croissance de la fonction publique font que la fonction législative se trouve dans un carcan qui mériterait d'être étudié en profondeur.

Je ne voudrais pas m'y attarder ce soir mais simplement dire que cette présence en Chambre et particulièrement des discours qui sont faits par les députés ne doivent pas, à mon sens, être considérés comme l'unique critère par lequel on pourrait évaluer la performance ou le travail d'un député. On comprendra, en particulier, qu'avec plus de 100 députés le parti ministériel, si nous voulions rester ici treize mois par année, nous pourrions faire des discours très longtemps. A l'occasion souvent, c'est peut-être même une frustration que plusieurs doivent contenir, on ne peut pas dire tout ce qu'on veut dire, compte tenu du rôle qui traditionnellement est donné à l'Opposition, qui, malheureusement, ou heureusement sûrement pour la

province, est représentée ici par seulement moins de dix députés.

Un deuxième point du rapport a touché à l'index et il me paraît approprié que nous ayons, sur ce point, abandonné les recommandations du rapport Bonenfant. En effet, avec raison, comme l'Exécutif fixe le salaire des cadres de niveau 4, peu importe l'index que nous aurions pu prendre, d'une façon peut-être sous la couverte, on aurait pu dire: l'Exécutif donne ces traitements à ses députés. D'autres ont suggéré que peut-être comme hausse de traitement on pourrait envisager la hausse qui est donnée aux derniers échelons à l'intérieur d'une convention collective, c'est-à-dire les professionnels 1. Même là il y aurait eu des esprits dans la province pour dire qu'on a fait des concessions aux professionnels parce que ça nous permettait d'augmenter nos salaires.

Je pense que l'indice qui a été retenu, qui est l'évolution des salaires dans l'industrie canadienne, les ouvriers, les salariés canadiens, devrait nous éviter, pour la plus longue période de temps possible, des débats comme ceux que nous avons ce soir.

Le chef de l'Opposition, sur ce plan, nous a donné un portrait très noir. Il a oublié, bien sûr, de nous dire qu'en 1974 il y a 9 p.c. de moins d'assistés sociaux qu'en 1973. Il pourrait également prendre conseil auprès de l'ancien député de Gouin, qui, en 1973, nous reprochait de mettre trop l'accent sur une seule année et qui nous invitait à étaler sur quelques années nos conclusions en matière économique. Si le chef de l'Opposition veut bien étaler sur quelques années les performances du gouvernement actuel, il verra que nous n'avons absolument rien à envier à tout autre gouvernement ou même à plusieurs des autres provinces canadiennes. Je lui rappelle, en passant, que sous l'ancien gouvernement, où on avait flirté avec l'idée du séparatisme, le nombre de chômeurs avait cru, en quatre années de 83 p.c, alors que depuis que le gouvernement libéral est au pouvoir, malgré une hausse très forte de notre main-d'oeuvre, le nombre de chômeurs, en quatre ans, n'a augmenté que de 2 p.c.

J'ai abordé cette question, de la même façon que les qualifications ne sont pas les mêmes pour tous, les bénéfices ne sont pas les mêmes pour tous dans cette salle. Je pense qu'il serait impossible d'avoir au compte-gouttes une façon de mesurer les indemnités ou les dépenses de voyages ou la pension qui rendrait parfaitement justice à l'effort que chacun y met.

Mais quand on regarde ceux qui vont le plus bénéficier de la loi actuelle où nos regards devraient-ils se diriger? Mes regards s'arrêtent sur le député de Saint-Jacques. Pourquoi le député de Saint-Jacques? Si je regarde le travail de M. Benjamin Faucher, je m'excuse de le nommer par son nom, le député de Nicolet-Yamaska, et que je le compare aussi au travail du député de Compton, voici trois députés qui ont eu un premier mandat le 29 avril 1970.

Inutile de dire que c'est à des âges différents mais je pense qu'on sera mal placé du côté de l'Opposition pour reprocher à la fois au député de Compton et à celui de Nicolet-Yamaska de ne pas avoir été présents dans cette Chambre. Sur ce point et sur beaucoup d'autres ils ont dépassé en performances ce qu'a pu faire le député de Saint-Jacques, malgré que je ne voudrais pas lui reprocher qu'il n'ait pas été présent en Chambre. Mais je pense que, particulièrement au niveau du député de Nicolet-Yamaska, on a des performances remarquables. Pourquoi je dis cela? C'est que dans trois ans, parce que ce n'est pas l'an prochain — et d'ailleurs on n'est pas encore pour un an au pouvoir, c'est peut-être un siècle que vous vouliez dire.

Si en 1978, on pourrait prendre 1977, on avait des élections et si volontairement, parce que d'eux-mêmes les trois députés auraient décidé de ne plus se présenter ou parce que l'électorat voudrait les remplacer par d'autres, particulièrement dans le cas du député de Saint-Jacques, qu'arriverait-il?

Je pense, pour avoir donné un travail très valable — et là je pense que chacun comprendra— le député de Compton, à 74 ans, va se retrouver avec une pension annuelle de $9,360 pour le reste de ses jours. Je lui souhaite longue vie. Je sais qu'il a eu une vie rangée et que peut-être il dépassera les pronostics habituels des agents d'assurance. Mais les chances de capitaliser sur cette pension ne peuvent se comparer avec celles du député de Saint-Jacques qui, à 31 ans, se retirera avec une pension indexée de $9,360. Je pense que cela lui permettra de retourner aux études. M. le Président, en mesurant qui reçoit trop et en portant des accusations contre des gens qui ne sont pas dans cette Chambre ce soir, le député de Saint-Jacques pourrait demander — et là je lui recommanderais M. Parizeau — de faire calculer, par un étudiant, ce que représente la somme de $9,360 qu'on obtient à vie à l'âge de 31 ans et de demander le même calcul pour ses deux collègues dans cette Chambre. Il pourra alors nous transmettre à tous quel est, sur le plan d'annuités sur le plan d'une somme totale, la différence de ce qui a été rémunéré.

M. le Président, si, parmi les députés, il y a quelqu'un qui obtient beaucoup pour ses services, peut-être trop, c'est sûrement le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Question de privilège. M. le Président, je fais une question de privilège. Non pas...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CHARRON: ... à cause des insinuations malveillantes du ministre de l'Industrie et du Commerce, simplement pour dire une chose. Si, par éventualité, je devais prendre et recevoir mon fonds de pension à 31 ans, comme vient de

le dire le ministre de l'Industrie et du Commerce, j'aurais à ce moment-là — je ne crois pas, M. le Président, on m'avait prédit aussi que je ne reviendrais pas, je suis revenu avec une majorité accrue la dernière fois — mais dans cette hypothèse qu'a soulevée le ministre de l'Industrie et du Commerce, j'aurais effectivement la même pension, ayant siégé le même nombre d'années, ayant contribué au même montant, selon la même Loi de la Législature, que les deux honorables députés qu'a mentionnés le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Je trouve que ce genre d'exemple, M. le Président — je termine ma question de privilège, je tiens à la faire, et je la fais sans aucune agressivité — je trouve que l'allusion du ministre de l'Industrie et du Commerce est de mauvais goût. Si j'ai commencé ma vie politique à 23 ans, M. le Président, c'est que les électeurs de Saint-Jacques ont eu confiance en quelqu'un de 23 ans à ce moment-là. Et si j'ai eu la chance, je l'admets...

M. MARCHAND: Ils ne vous connaissaient pas.

M. CHARRON: ... M. le Président, d'avoir commencé aussi jeune et d'avoir pu donner cette période de ma vie entre 20 et 30 ans où, j'imagine, on a une productivité qu'on ne peut retrouver ailleurs...

M. MARCHAND: M. le Président, question de règlement.

M. CHARRON: ... ce n'est pas au ministre de l'Industrie et du Commerce...

M. MARCHAND: Question de règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Question de règlement.

M. CHARRON: Ce n'est pas au ministre de l'Industrie et du Commerce à m'en faire grief.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. MARCHAND: Question de règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! Question de règlement.

M. MARCHAND: Question de règlement. Il y a un règlement de l'Assemblée nationale, M. le Président, qui dit qu'on doit rétablir les faits après que l'opinant a fini de parler.

M. CHARRON: ... pas pour rétablir les faits. C'était une question de privilège, ce n'était pas pour rétablir les faits. Je pense que le genre d'insinuations que fait le ministre de l'Industrie et du Commerce sont parfaitement déplacées.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord, continuez.

M. SAINT-PIERRE: Sur la question de règlement, avant de poursuivre mon texte. Je pense que je n'ai fait aucune accusation malveillante; je n'ai pas dit que le député n'avait pas travaillé pendant les huit ans de son mandat. J'ai dit que, dans l'alternative où, volontairement, il se retirerait et/ou les électeurs ne lui renouvelleraient pas un mandat, je dois constater qu'en dollars et en sous, parce que c'est cela dont vous voulez parler ce soir, des dollars et des sous, à cause d'une question d'âge, il n'y a aucune comparaison entre ce que l'Etat aura donné au député de Saint-Jacques et ce que l'Etat aura donné au député de Compton et au député de Nicolet-Yamaska. Je n'ai pas fait d'accusation malveillante.

M. le Président, j'ai un autre point à soulever également, parce qu'il n'y a pas seulement la question d'âge qui nous différencie dans cette Chambre. Le chef de l'Opposition officielle va me comprendre. Il y a des gens ici qui ont accepté de servir le Québec et d'obtenir un mandat, ils ont dit non à une carrière très prometteuse dans le secteur privé. Il y a des gens qui ont fermé la porte dans un commerce, dans une profession qu'ils avaient et ils ont dit:

Oui, nous, on va aller travailler pour le Québec. Il y en a d'autres, M. le Président, ce n'est pas la peine de les nommer, qui ont choisi, à cause de leur situation, et je ne leur en fais pas grief, je veux simplement le souligner parce qu'il y a une pertinence au débat, il y en a d'autres qui bénéficient d'un congé sans solde. Ce sont des gens qui prennent leur chapeau puis disent à l'université: Moi, je m'en vais au Parlement du Québec, peut-être que je reviendrai dans quatre ans, n'oubliez pas de garder ma place. Tout ça est payé par le gouvernement du Québec.

M. le Président...

M. MARCHAND: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. SAINT-PIERRE: Sûrement.

M. MARCHAND: Est-ce que vous pensez qu'un député de l'Assemblée nationale, professeur d'université, sera réengagé après avoir conclu qu'il ne connaissait pas son droit?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, peut-être que plusieurs vont se poser des questions sur sa capacité de réellement continuer, mais je suis certain que le député, c'est mon point, contractuellement, compétent ou non compétent — je pense qu'il est compétent — va avoir son emploi également.

M. le Président, il y a un troisième point que j'aimerais souligner, puisque, bien sûr, derrière la tâche de député il y a aussi, dans le projet de loi, des choses qui touchent les ministres, et Dieu sait que certains veulent partager le

fardeau que plusieurs ont accepté ici au Québec. Ils verront que — le député de Johnson je pense s'en rappelle — ce n'est plus 60 heures, mais souvent beaucoup plus près de 100 heures par semaine que ça peut durer.

Il faut remarquer qu'au niveau des revenus et au niveau des indemnités, le chef de l'Opposition officielle est au même niveau que les ministres. On a parlé de limousine ce matin, on a parlé de présence. Je pose la question que finalement, si on avait à mesurer l'effort qu'on doit donner dans sa tâche directe, et je ne veux pas faire de comparaison malveillante, je me pose des questions, dis-je, sur les tâches qui sont confiées à tous mes collègues et qui impliquent 100 heures par semaine. Pas pour un parti politique, mais pour un gouvernement puis pour la province, par rapport à celui qui dirige, finalement, qui dirige, je pense que c'est bien ça, le terme employé, qui dirige six députés et qui reçoit des consignes d'un conseil national.

M. le Président, en conclusion, je pense que le problème devant nous ce soir est un problème épineux, mais je pense que le gouvernement a fait une bonne démarche. Il a confié à un groupe d'experts le soin de s'attarder sur ce problème. Nous avons eu un rapport sérieux.

Le gouvernement, dans son projet de loi, ne va même pas acccepter intégralement ce qui lui est recommandé. Il est en-deça: au lieu de $22,000, il va à $21,000, et au niveau de l'indexation il se rattache à l'évolution des traitements et salaires des ouvriers et des salariés canadiens. Pour toutes ces raisons, M. le Président, il me paraît que dans l'esprit même de la démocratie et compte tenu de toute la démagogie qu'on va nous servir, de l'électoralisme et de cet aspect puritain à court terme, M. le Président, cette Assemblée devrait ratifier ce projet de loi et prendre tous les moyens pour bien l'expliquer à la population. Je sais que dans certaines lignes ouvertes on voudra, bien sûr, faire de la démagogie, mais que l'ensemble des Québécois voudront avoir des parlementaires qui, comme le disait si bien M. Paul Lachance, reçoivent un traitement susceptible de leur permettre de donner le meilleur accomplissement possible dans leur tâche. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Laurier.

M. André Marchand

M. MARCHAND: M. le Président, je ne veux pas perdre mon droit de parole sur le projet de loi, mais je veux quand même, selon le règlement, rétablir les faits. Le ministre de l'Industrie et du Commerce a dit que l'ancien député de Laurier avait déclaré que le salaire d'un député devrait être au moins de $12,000 par année, en 1960. A ce moment-ci, M. le Président, je me permets, est-ce que je... 1965, alors je dis qu'en 1960 et 1961, à son bureau de comté, devant 150 personnes réunies dans un sous-sol, l'ancien député de Laurier avait déclaré qu'un député ne devrait pas gagner en bas de $40,000. C'est René Lévesque qui a dit ça, dans un sous-sol, au coin des rues Taillon et Saint-Denis. L'hypocrisie ça tue, mais ça ne fait pas vivre tout le monde.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que cette Chambre est prête à se prononcer? Le député de Lafontaine?

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, permettez-moi sur un sujet aussi peu populaire dans un sens, vous expliquer le point de vue que je peux avoir, le plus sincèrement possible, et les raisons pour lesquelles j'ai décidé, il y a près de cinq ans, de me présenter dans mon comté.

J'avais deux objectifs, deux idéaux à atteindre. C'était, d'abord, de bâtir une patrie, le Québec, en acquérant l'indépendance, et, deuxièmement, de faire un changement social, c'est-à-dire d'avoir une préoccupation pour mes concitoyens.

Ce sont les deux objectifs, les deux idéaux que j'avais. J'ai cru qu'au niveau du député je pouvais faire ma part pour améliorer la situation de mes concitoyens et d'en convaincre suffisamment, dans tout le Québec, avec mes confrères, pour arriver à la création de ce pays qui est le mien, le Québec.

Depuis ces cinq ans, j'ai perdu la plupart de mes illusions. J'ai tenté de conserver mon idéal. Aussi, quand j'ai été élu, c'était pour représenter, d'abord, mes électeurs de mon comté, deuxièmement, j'ai été élu sous l'étiquette d'un parti qui préconise une philosophie bien particulière, bien précise et, finalement, j'ai été élu pour aider, par la modeste contribution que je puis apporter, la législation provinciale, c'est-à-dire une amélioration de la législation nationale.

M. le Président, cette idéologie est bien différente de celle qu'ont ceux qui sont au gouvernement actuellement. Très souvent, sur le plan personnel, je rencontre beaucoup de députés avec qui je m'entends très bien. J'en vois qui me regardent avec qui j'ai parlé sur un plan personnel. On se rejoint sur le plan de la discussion, de l'amitié. Je m'aperçois, cependant, que, sur le plan de l'idéologie, nous sommes très loin. Nous ne sommes pas sur le même canal. Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde.

Je disais même à une de ces personnes avec qui je parlais en toute amitié: As-tu des amis, en plus des amis de ton parti, qui sont des péquistes? Elle me disait: oui. As-tu remarqué ces amis péquistes avec lesquels tu es? Tu a assez d'amitié avec eux pour être capable de discuter, jaser, sans avoir à combattre? Oui. Et, quand tu discutes avec eux, as-tu l'impression qu'ils ont une façon différente de penser, qu'ils

ont une échelle de valeurs différente de la tienne, qui peut être considérée par toi meilleure ou moins bonne, mais elle est différente, et qu'elle guide sa façon de fonctionner et dirige ses décisions?

Même ces personnes, que je considère comme des amis libéraux, admettent qu'il y a dans cette Chambre maintenant deux partis qui s'affrontent, avec deux idéologies tellement différentes et que la façon de se combattre est tellement différente que, lorsqu'une personne d'un ancien parti revient, elle ne s'y retrouve plus.

Auparavant, c'étaient deux partis, avec à peu près le même système. Il s'agissait, tout simplement, de faire une administration différente et on s'entendait bien sur plusieurs choses. On s'accommodait sur différents sujets et les luttes étaient plutôt gentilles, sans trop d'acrimonie. Tout à coup, arrive en Chambre un parti qui est issu d'une population qui a vécu depuis tellement longtemps dans un colonialisme qu'elle ne connaissait pas...

M. SAINT-PIERRE: Maintenant, il y a les bons, puis les mauvais.

M. LEGER: ... et qu'elle ne pouvait reconnaître. L'éducation et l'évolution aidant, les media d'information aidant, nous en avons vu surgir...

UNE VOIX: C'est une farce monumentale.

M. LEGER: ... dans la population du Québec, une quantité tellement nombreuse que, maintenant, vous avez devant vous à peu près deux groupes de citoyens québécois qui s'affrontent quasi d'égale force et non pas en Chambre actuellement, mais deux parties, le gouvernement et le Parti québécois, qui s'affrontent sur une idéologie tellement différente que les moyens de s'attaquer se déplaisent même. Tantôt, j'entendais le député de Johnson dire: II y a de la haine ici.

UNE VOIX: Farce monumentale.

M. LEGER: M. le Président, j'ai doté qu'il y a beaucoup d'agressivité. Le sujet que nous touchons actuellement possède une bonne dose d'agressivité puisque cela touche, pour une des rares fois, directement les personnes concernées. M. le Président, c'est la raison pour laquelle je me dois aujourd'hui de dire que ce changement de régime que nous proposons amène un affrontement tel que parfois on ne peut pas se comprendre. On ne peut pas s'entendre sur certaines choses et c'est tellement évident que cela a amené le comportement de l'Assemblée nationale à changer d'une telle façon que la population se dit: Qu'est-ce que sont devenus nos députés? Comment cela se fait que ça se passe comme ça à l'Assemblée nationale? Faites un sondage, aujourd'hui, son- dage systématique par des spécialistes comme le CROP, l'IQOP, tout ce que vous voulez. Demandez aux gens: Est-ce que nos députés devraient se voter ce salaire? Vous auriez une proportion très élevée de gens, qui approcherait les 90 p.c, qui diraient: Non, ils ne le méritent pas. Je ne dis pas qu'ils ont raison, mais je dirais simplement: Quelle image avons-nous donnée à la population, par notre comportement? M. le Président, j'aimerais vous lire un petit passage humoristique extrait d'un journal et dont le titre était: Bons traitements. "Selon les nouvelles qui nous viennent de Québec, les membres de l'Assemblée nationale auront bientôt à se voter un nouveau barème de leurs indemnités. Ministres et députés coûteraient ainsi annuellement au trésor plus de $3 millions. C'est le prix de la démocratie, diront les ennemis du totalitarisme, qui estiment que mieux vaut des parlementaires dispendieux que pas de députés du tout. On pourrait toutefois tempérer les augmentations qu'ils s'accordent en leur appliquant le système de point de démérite récemment adopté pour les automobilistes, les fautes pouvant aller jusqu'au retrait du permis de conduire le char de l'Etat".

M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce faisait des comparaisons. Nous sommes tous ici responsables de nos électeurs, de la philosophie de notre partie et de la législation nationale québécoise. M. le Président, si les citoyens, dans les "hotlines" actuellement, vocifèrent contre ces augmentations de salaire — c'est vrai, il faut l'admettre — c'est parce qu'ils ne sont pas informés du rôle du député comme tel. Est-ce qu'on l'a fait, M. le Président? Est-ce que chacun des députés de cette Chambre aurait le courage d'aller dans son comté, dans une assemblée publique pour dire...

DES VOIX: Oui.

M. LEGER: Parfait, et c'est pour cela, M. le Président, que j'aurai tantôt un amendement devant le oui unanime, pour nous permettre cette chose.

M. le Président, si les concitoyens du Québec jugent actuellement mal le rôle du député, c'est à nous de leur vendre notre rôle, la valeur du député, nos responsabilités et nous conduire bien ici en Chambre — pas comme vous le faites actuellement — d'une façon décente et normale. Nous qui légiférons, qui faisons des lois, devrions être les premiers à respecter ce règlement-là. J'admets que j'ai ma part de non-respect parfois des règlements. C'est sûr qu'on s'attaque et c'est normal.

UNE VOIX: A part ça tu en es un bon.

M. LEGER: Mais sur le plan de la législation, M. le Président, est-ce que c'est normal que, jusqu'à hier soir, 37 députés de l'Assemblée nationale n'avaient même pas les deux tiers des

présences en Chambre depuis cette législation? Est-ce que c'est normal? Les points de démérite, l'absence en Chambre, est-ce que c'est normal?

M. BERARD: Parle de René Lévesque.

M. LEGER: M. le Président, je suis en train de parler de ceux qui demandent une augmentation de salaire actuellement.

M. BERARD: Celui que René Lévesque...

M. LEGER: Est-ce qu'actuellement nous avons mérité cette réputation? Et pour quelle raison les gens vocifèrent-ils?

M. le Président, j'admets qu'il y en a, par exemple, qui ont été présents de façon exemplaire, autant dans l'Opposition — c'était notre devoir, nous avons été là, on a le mérite, mais pas plus que cela, on est obligé d'être là.

Mais j'ai des députés qui sont présents. Je vais en nommer pour montrer que je ne suis pas seulement partisan. J'ai le député de Taschereau, qui est un des plus présents en Chambre, et il est un de ceux qui mériteraient un salaire plus élevé. Il y a le député de Verdun, qui est continuellement assidu en Chambre et qui remplit une tâche extraordinaire, et dans son comté et ici. J'ai le leader parlementaire, qui est un des plus grands assidus ici, depuis tellement longtemps qu'il est en Chambre! Il y a le député de Lotbinière, qui vient juste de sortir, mais qui était là tantôt; il est continuellement en Chambre. Et, comme de raison, le député de Nicolet-Yamaska, qui est un des plus assidus de la Chambre. Sous l'aspect présence en Chambre, je pense qu'on ne peut pas leur donner de leçon, ils sont là.

Mais j'aimerais, par exemple, nommer les 37 autres qui ont manqué le tiers des présences.

M. BELLEMARE (Rosemont): Nommez-les.

M. LEGER: Eh bien, j'en ai 37 ici. J'ai les noms, je n'ai pas les comtés, j'espère que je ne me tromperai pas à chaque fois.

M. BELLEMARE (Rosemont): Nommez-les.

M. LEGER: Bien, il y a des comtés comme le comté de Gouin, entre autres. Vous avez le comté de Montmorency. Vous avez le comté de Saint-Louis. Vous avez le comté de Dorion. Vous avez le comté de Bourget. Vous avez le comté... Vous avez le premier ministre, mais pour lui, on peut comprendre, le premier ministre parfois s'absente pour des raisons. Vous avez le comté de Beauharnois qui, malheureusement, parfois, est peut-être dans la bâtisse mais quand le vote est appelé, normalement il devrait venir voter. Vous avez le député de Mont-Royal. Vous avez le ministre de l'Industrie et du Commerce.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BLANK: M. le Président, j'ai fait un relevé, récemment, avec le secrétaire. Je pense que je n'ai pas manqué dix jours durant toute l'année.

M. LEGER: M. le Président, je ne prends pas les présences...

M. BLANK: Mais je ne sais pas où vous prenez vos chiffres.

M. LEGER: Il se peut que vous soyez présent en Chambre en dehors de la période des votes. Moi, je parle des jours où il y a des votes.

M. BLANK: Ah! Ah! Des fois j'occupe le fauteuil aussi.

M. LEGER: Je pense que le rôle d'un député, quand le vote est demandé, c'est d'être présent.

M. BLANK: Oui. Peut-être que je suis au fauteuil quand on vote.

M. LEGER: Maintenant, quand vous êtes président, c'est sûr que vous avez une raison.

M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement, M. le Président.

M. LEGER: Ecoutez, je ne fais que mentionner des noms...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement, M. le Président.

M. LEGER: ...pour des députés qui ne sont pasprésents. De toute façon, M. le Président...

M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement, M. le Président. Pour mon bon ami et collègue, le vice-président de l'Assemblée nationale, le député de Saint-Louis, souvente-fois il siège et il n'a pas le droit de vote. Si c'est de la façon dont il enregistre les votes, cela ne les lâche pas, ...en hypocrite.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Alors, M. le Président, je n'ai pas l'intention de tous les nommer mais comme j'ai nommé ceux qui étaient assidus, j'en nommais quelques-uns qui étaient réellement absents. Le député, qui n'est pas loin de nous, le maire et député de la Côte-Nord, du comté de Duplessis, il n'est pas souvent en Chambre.

Il faut que les citoyens sachent qu'ils sont

bien représentés en Chambre. J'en ai 37 comme ça. Si j'ai mentionné ça, c'est pour faire valoir le point de vue suivant: que les citoyens du Québec, actuellement, pensent que leurs députés ne remplissent pas leur rôle. C'est à nous de leur prouver que nous le remplissons.

Je ne discuterai pas du contenu du projet de loi au point de vue argent. Je pense que ce montant est peut-être trop élevé mais, normalement, les députés ont droit à un bon salaire, et l'argument du ministre de l'Industrie et du commerce est exact. Dans le domaine privé, on fixe un montant à une fonction. On dit: Cette somme, c'est pour une fonction qui exige telle ou telle compétence, telle ou telle présence et telle ou telle fonction ainsi que des responsabilités.

A ce moment-là, on engage quelqu'un. Cette personne, si elle n'est pas bonne, on ne la diminue pas de salaire, on la congédie. Et si elle est la meilleure et qu'il n'y a pas de promotion possible parce que le poste se termine là, elle est sous-payée. Je pense qu'on ne peut pas juger de la valeur de la tâche du député en comparant le meilleur avec le pire. Je pense qu'il y a un salaire qui devrait être donné à un député, basé sur les responsabilités qu'il a à remplir. Et l'électorat, qui est le juge en la matière, devrait, si son député ne remplit pas son mandat, le foutre dehors, comme dans l'entreprise privée s'il ne fonctionne pas quand c'est le temps.

Je pense que le salaire des députés est une chose qui doit être pensée et, à un moment donné, ne plus être décidé par nous-mêmes, comme ie le disais au début.

Si nous avons été élus, M. le Président, notre parti, c'est parce que nous avons une philosophie bien particulière et que nous devons suivre. Notre parti, contrairement à ce que pense le ministre de l'Industrie et du Commerce, est un parti qui défend la social-démocratie, et je vais la définir maintenant. La vraie social-démocratie, M. le Président, c'est le préjugé que pourrait avoir un élu en face de la partie de la population qui est la plus démunie; premièrement, préjugé complet, total, régulier, permanent de voir à prendre la défense de ceux qui sont les plus démunis.

M. SAINT-PIERRE: Comment se fait-il que vous ramassez juste la bourgeoisie?

M. BEDARD: Vous êtes un parti bourgeois!

M. LEGER: Deuxièmement, M. le Président, de voir à ce qu'il y ait le moins d'écart possible entre ceux qui sont les mieux payés et ceux qui sont les plus démunis. Cela, c'est dans notre préoccupation première, non seulement dans les paroles, mais dans les actes.

M. le Président, je dis que le projet de loi — je ne veux pas l'apprécier dans le contenu au point de vue pécuniaire — aurait de l'allure, mais il n'est pas présenté au bon moment. Ce n'est pas faire preuve de social-démocratie, d'un préjugé envers les classes les plus démunies en disant: Eh bien, nous autres, nous avons été élus pour servir et, à ce moment-là, on se sert au lieu de servir les autres.

M. le Président, quand on voit des gens qui sont installés, qui arrivent rapidement autour d'une table pour manger un gâteau, il y a un proverbe qui dit: Les premiers seront les derniers. Les premiers qui se servent sont les derniers à être considérés. M. le Président, si devant les problèmes qu'il y a dans la société québécoise, nous sommes les premiers à nous servir, comment voulez-vous que les citoyens, qui ont, tous les jours, des responsabilités difficiles à remplir et qui ont des revenus insuffisants pour remplir leurs responsabilités, comprennent que les députés vont s'occuper d'eux, si ce sont eux, d'abord, qui se servent? Si les députés se servent en premier, les citoyens n'auront pas confiance en eux.

C'est la raison pour laquelle, même si nous croyons que le projet de loi a des choses qui sont bonnes, nous calculons qu'il faut d'abord penser à d'autres qui ont des problèmes et que, si on a été élu, c'est pour s'occuper d'eux. C'est cela, la social-démocratie, M. le Président. C'est ne pas penser à son revenu particulier, mais penser à son revenu comparativement à l'ensemble de la population. C'est continuellement avoir une préoccupation de la collectivité, c'est être continuellement sensibilisé à la résonance sociale des revenus des gens qui nous entourent. Il ne s'agit pas de dire d'abord combien je veux, mais il s'agit de dire: Est-ce que les autres en ont assez et, dans cela, est-ce que je peux me servir après avoir servi les autres?

M. le Président, quand on est élu pour défendre les autres, on est 110 députés qui n'ont pas à négocier leurs revenus. Quand on parle d'ouvrir, comme le disait le député de Johnson, la convention collective, c'est facile, M. le Président. On n'a pas à le négocier, on a à le décider. Alors, c'est une grande différence avec le reste des négociations collectives.

M. le Président, si on n'a pas à négocier, il faut penser que les autres, dans la population, eux, ont ce problème, particulièrement ceux qui sont limités par le salaire que leur donne leur patron, spécialement ceux qui reçoivent le salaire minimum qui devrait être augmenté. Ceux-là, M. le Président, on devrait y penser. Je pense que cela aurait été une mesure beaucoup plus populaire de dire: Voici, on va augmenter le salaire minimum. On va voir à ce que les ententes salariales établies dans le cadre des conventions collectives soient rouvertes pour permettre une indexation. On va voir à ce que les décrets couvrant les conditions salariales d'un grand nombre de Québécois non syndiqués soient rouverts et repensés. On verra à ce que les revenus, après impôt, de l'ensemble des contribuables soient repensés dans le cadre de l'indexation de l'impôt et que les revenus des différents groupes de la société soient repensés et, en même temps, en faisant cela, les députés ont droit à leur salaire.

Motion de report à six mois

M. LEGER: M. le Président, c'est la raison pour laquelle je voudrais présenter l'amendement suivant, qui se lirait comme suit: "Que la motion en discussion soit amendée, en retranchant le mot "maintenant" pour le remplacer par les mots "dans six mois".

La raison de cet amendement, M. le Président, c'est que, même si on a convenu qu'il faut indexer le salaire des députés, qu'il faut améliorer sa situation.

Il faut le faire en pensant au plan d'ensemble, puisque c'est notre préoccupation continuelle, dans une réelle social-démocratie, de penser aussi aux autres. Je ne dis pas qu'il faut s'oublier, mais il ne faut pas penser à nous d'abord. C'est cela l'amendement. Il dit six mois pour permettre peut-être au gouvernement de hausser le salaire minimum, permettre de rouvrir les conventions collectives de ceux qui sont bloqués et à qui l'indexation n'est pas permise et permettre en même temps aussi, et c'est important, pour revaloriser le rôle du député en Chambre, aux députés, qui m'ont dit oui en choeur tantôt, d'aller dire à leurs électeurs, dans leur comté: Voici, on présente un projet de loi qui nous donne ces avantages-là, jugez-vous que moi, dans mon comté, je les vaux, et si je les vaux, dites-le moi... Puis revenez dans six mois le dire à l'Assemblée nationale, la population l'aura réellement voté avec vous.

DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay sur la motion d'amendement.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous cacher que ce n'est pas de gaieté de coeur que nous engageons ce débat.

Attendez...

M. CLOUTIER: Des applaudissements.

M. LESSARD: Attendez, vous ne m'applaudirez pas tantôt. M. le Président ...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, j'appuierai la motion qui nous est présentée par le député de Lafontaine, malgré le fait que j'aie dit tout à l'heure que ce n'est pas de gaieté de coeur que nous engageons cette lutte et que nous engageons ce débat.

En effet, je n'ai jamais vu, tant à l'intérieur de cette Chambre qu'à l'extérieur de l'Assem- blée nationale, des gens qui aient refusé des augmentations de salaire. Je n'ai jamais vu, tant au niveau du syndicalisme qu'au niveau de l'Assemblée nationale, des gens qui aient négocié pour conserver le même salaire. Il est certain...

M. LEVESQUE: La motion.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: Oui, oui, on va revenir, c'est ce que je voulais. Il est certain que le fait de retarder — j'allais le dire — ce projet de loi à six mois sans discuter du fond, des chiffres, ne nous plaît pas plus à nous qu'à vous.

Mais cependant, il me semble qu'il y a une chose qui est très importante. Avant de discuter ou avant de décider de l'augmentation de nos salaires à nous, nous qui avons la responsabilité de la surveillance des fonds publics, il me semble qu'on doit être très prudents. Malgré le fait que — et je le dirai lors de mon discours de deuxième lecture — je reconnaisse comme fondé un certain nombre d'arguments qui ont été énoncés tant par le député de Johnson, par le député de Beauce-Sud que le ministre de l'Industrie et du Commerce, malgré le fait que je reconnaisse que ces arguments sont fondés, je continue à dire que nous, de l'Assemblée nationale, nous devrions accepter la proposition qui nous est présentée par le député de Lafontaine.

Pourquoi? On se rappelle que l'an dernier, à peu près à la même date, le Parti québécois s'engageait dans une bataille où nous sommes allés, encore là, jusqu'au bout et nous allons encore aller, dans cette bataille, jusqu'au bout de nos forces. Nous allons utiliser tous les moyens parlementaires qui nous sont permis en vertu des règlements pour protester contre cette augmentation de salaire. Mais, M. le Président, si nous le faisons, c'est exactement pour les mêmes raisons que nous avons fait, l'an dernier, jusqu'à épuisement, une lutte contre l'augmentation des salaires des juges. S'il avait fallu que les députés du Parti québécois ne se battent pas, quand il s'agit de nous augmenter de salaire, avec la même énergie que nous avons démontrée lorsqu'il s'est agi d'augmenter le salaire des juges, là vous auriez pu dire que nous étions seulement des hypocrites.

UNE VOIX: C'est vrai.

M. LESSARD: Mais par la lutte que nous engageons ce soir et en appuyant la motion du député de Lafontaine de renvoi à six mois, nous allons démontrer que la préoccupation que nous avions lors de la discussion sur le salaire des juges en décembre 197 3 continue d'exister encore en 1974. Et c'est pourquoi j'appuie la motion du député de Lafontaine. Je l'appuie d'abord à cause de la période qu'on a choisie

pour augmenter le salaire des députés. A chaque fois qu'on a à passer un sapin aux Québécois, on utilise toujours la période du mois de décembre ou la période du mois de juillet, comme vous l'avez utilisée lorsque vous avez passé par-dessus la tête des Québécois en adoptant le bill 22. On adopte toujours, M. le Président...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: On adopte toujours des projets de loi au moment où l'opinion publique n'est pas éveillée, au moment où l'opinion publique est occupée ailleurs. Or, nous disons que cela c'est de l'hypocrisie parce que, vous autres, vous n'avez pas le courage de présenter un projet de loi comme celui-là dans une période propice à une discussion sereine et normale. Dans une période, M. le Président, où on pourrait fonctionner selon les règlements normaux de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, M. le Président...

UNE VOIX: Un filibuster.

M. LESSARD: Oui, vous allez en avoir un filibuster. Je vous le garantis que vous allez en avoir un, M. le Président.

M. BEDARD: II ne durera pas longtemps son filibuster.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce que je pourrais vous demander de finir dans le calme et la sérénité? Il reste à peine 25 minutes.

M. LESSARD: Je le voudrais d'ailleurs, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): S'il vous plaît! L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, une des premières raisons pour lesquelles j'appuie la motion du député de Lafontaine, c'est donc d'abord parce que la période n'est pas propice à la discussion et qu'au cours des prochains mois il serait probablement possible, lorsque nous nous réunirons à nouveau, d'étudier ce projet de loi à tête un peu plus reposée, de façon un peu plus sereine, en ayant peut-être de façon plus particulière conscience de nos responsabilités comme serviteurs du public, comme députés de l'Assemblée nationale. Il me paraîtrait normal, M. le Président, que nous ne nous servions pas dans les deniers publics au moment où l'opinion publique est actuellement occupée ailleurs. Parce que, M. le Président, et je l'expliquerai de façon plus particulière lorsque je discuterai du fond de la motion qui nous est présentée par ce gouvernement, parce que nous ne sommes pas, de façon absolue, contre l'augmentation des salaires des députés, nous ne le sommes pas du tout, et je ne m'en cacherai pas, lorsque j'aurai...

M. CARPENTIER: Pourquoi parler contre, vous êtes un hypocrite !

M. LESSARD: On va vous le dire pourquoi nous sommes contre actuellement attendez un peu je vais vous le dire. Et je ne m'en cacherai pas, M. le Président, lorsque j'aurai à discuter du fond de la question. S'il y a un député en cette Chambre, comme il y en a probablement d'autres, qui a conscience, dans un comté rural de plus de 150 milles de longueur, qui a conscience de presque la nécessité actuellement, de payer des salaires aux députés, de façon un peu plus normale, c'est bien le député de Saguenay, M. le Président, mais...

M. MARCHAND: Le député de Sauvé ne dit pas ça.

M. LESSARD: ... s'il y a aussi un député, M. le Président...

M. MARCHAND: Le député de Sauvé ne dit pas ça.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre s'il vous plaît!

M. LESSARD: ... qui a conscience qu'il y a des problèmes qui existent dans le Québec, s'il y a un député qui, justement, avant de se servir lui-même, a décidé de regarder un peu ce qui se passe autour de lui, comme d'autres députés peut-être ici en cette Chambre, c'est bien aussi le député de Saguenay, puis on va essayer de regarder les problèmes. C'est pourquoi nous avons fixé des conditions à cette augmentation des salaires. Et j'en parlerai tout à l'heure, M. le Président, ce des conditions.

Motion d'ajournement

M. LESSARD: Comme il est minuit moins vingt, et comme la séance de ce soir n'est pas sereine, n'est pas propice à une dicsussion normale de ce débat, je proposerais, en vertu de l'article 77 de notre règlement, une motion d'ajournement du débat, afin que chacun des députés de cette Chambre puisse, au cours de cette nuit, penser à la décision qu'il devra prendre d'ici quelques jours.

Or, il me paraîtrait très normal, à minuit moins vingt, alors que nous sommes à discuter depuis dix heures ce matin de certains projets de loi, il me paraîtrait normal que nous acceptions cet ajournement du débat, afin de revenir...

DES VOIX: Non.

M. LESSARD: ... probablement demain, avec de meilleurs sentiments pour les meilleurs intérêts de la population québécoise.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que cette motion... A l'ordre! Est-ce que cette... A l'ordre ! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MARCHAND: J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Une question de règlement, le député de Laurier.

M. MARCHAND: Je me demande, M. le Président, si vous acceptez que je demande au député de Saguenay s'il est d'accord avec son chef lorsqu'il parle...

M. LESSARD: Oui je suis d'accord avec mon chef. Oui je suis d'accord avec mon chef et je vous le démontrerai que je suis d'accord avec mon chef. Et je suis d'accord avec le conseil national.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Est-ce que cette motion d'ajournement du débat du député de Saguenay est adoptée?

Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, sur la motion d'ajournement présentée par le député de Saguenay, je pense qu'il y a une contrepartie que cette Assemblée est obligée de s'imposer à elle-même devant les tactiques de l'exécutif à son endroit. Quand l'exécutif...

M. MARCHAND: Quel exécutif?

M. CHARRON: ... M. le Président, je vais passer à l'étape des dessins pour ceux à qui c'est nécessaire. Quand l'exécutif du Québec, c'est-à-dire le conseil des ministres...

M. MARCHAND: Faites-en!

M. CARPENTIER: Une minute, quel exécutif? Une minute, explication!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: ... quand l'exécutif, le conseil des ministres du Québec, choisit, de façon systématique, comme c'est son habitude depuis cinq ans, d'accumuler la législation importante, contentieuse, discutable et devant être discutée, à cause de l'importance du sujet, de toujours concentrer cette législation dans les dernières semaines des sessions, alors il faut...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, une question de règlement.

M. le Président, je rappelle au député de Saint-Jacques que la pertinence du débat nous invite à des propos autres que ceux qu'il nous tient. Justement, ce soir, on nous a dit que le député devait travailler davantage. Il nous reste encore 20 minutes et je ne vois pas pourquoi on doit perdre du temps à discuter sur des propos qu'il nous tient et qui n'ont rien à voir avec l'article 77 qui touche les motions d'ajournement du débat.

M. CHARRON: C'est faux.

M. SAINT-PIERRE: A moins, évidemment, que le député de Saint-Jacques ne veuille faire la preuve qu'il y a certains députés dans cette Chambre qui tentent de nous faire perdre du temps.

M. CHARRON: M. le Président, l'intervention traditionnelle du ministre de l'Industrie et du Commerce ne réussira pas à enlever de mon esprit ce que j'étais en train de vous dire.

Puisque l'Exécutif du Québec a pris l'habitude que je vous décrivais, il faut que cette Assemblée se protège devant le "bulldozage" auquel nous sommes littéralement soumis à chaque fin de session.

Si vous regardez le feuilleton, après avoir été, pendant des semaines,, littéralement aux prises avec des projets d'ordre mineur où il fallait nous fracasser le crâne pour y trouver quelque importance que ce soit, du type de ceux que le ministre de l'Industrie et du Commerce a présentés à cette Assemblée au cours de la session, voilà que cette Assemblée est obligée, au rythme de dix heures du matin à minuit, à quelques jours de Noël, par calcul stratégique de l'Exécutif, de siéger et de discuter dans des conditions anormales.

Ce que propose le député de Saguenay, c'est que ce soir, faisant justement écho à tous ce que les députés participant au débat en cours ont dit, soit l'importance du débat, nous prenions nos distances des manoeuvres du conseil des ministres et que cette Assemblée, parce qu'elle a le pouvoir de le contrôler au moins théoriquement, le fasse, cette fois, de façon pratique en adoptant la motion d'ajournement présentée par le député de Saguenay comme une contrepartie au véritable "bulldozage" auquel nous sommes soumis aujourd'hui.

Parce que demain — il y a aussi un demain — constituera la sixième journée consécutive de cette semaine de travail des parlementaires et parce que nous aurons ici...

UNE VOIX: Pour une fois que tu travailles comme nous.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: ... je n'ai pas besoin d'être un grand prophète — nombre de discours, nombre d'interventions irrégulières comme celles

auxquelles se prêtent les députés qui m'entendent en ce moment, nombre d'interruptions, nombre de périodes de tension je crois que la période, aujourd'hui, aura été suffisante à ce genre de manoeuvre et qu'il faut, à notre tour, appuyer la position du député de Saguenay et ajourner immédiatement ce débat. Demain, nous le reprendrons là où chacun des partis a pu poser ses premières cartes et ses premiers jalons, pour qu'il ait la qualité que tout le monde a dit, d'un souffle unanime de l'Assemblée, vouloir donner à ce débat. Je trouve donc qu'il serait de mise, à ce moment-ci, que le gouvernement consente à ajourner le débat pour que, demain, nous reprenions la discussion au meilleur endroit où nous croyons devoir l'abandonner ce soir.

C'est donc parce que je considère cette motion comme utile à cette heure-ci des travaux, que je considère que l'Assemblée devrait se prononcer en faveur de cette motion.

M. MARCHAND: M. le Président, sur la motion d'ajournement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MARCHAND: Sur la motion d'ajournement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je ne peux quand même pas reconnaître plus d'un député. Il y a seulement un député qui a droit de parole au nom du parti ministériel et j'aimerais qu'on me le désigne.

Le député de Saint-Jean, au nom du parti ministériel.

M. VEILLEUX: M. le Président, quand le député de Saguenay fait une proposition, une motion d'ajournement du débat pour prier instamment... Pourriez-vous demander, M. le Président, s'il y a un caucus...

UNE VOIX: Silence.

M. VEILLEUX: ... fait une motion d'ajournement du débat suppliant, priant les membres du Parti libéral d'aller se coucher, d'aller se reposer pour changer d'idée, c'est bien beau faire des motions d'ajournement du débat pour prier les membres du Parti libéral d'aller changer d'idée, cette nuit, se reposer pour changer d'idée, mais lorsqu'on envoie quelqu'un se reposer, il est susceptible de changer d'idée, lui aussi. Or, je sais d'avance que le député de Saguenay, le député de Chicoutimi, les députés de Lafontaine, de Saint-Jacques, de Maisonneuve et de Sauvé, même avec cinq jours de repos, ne pourraient pas changer d'idée, parce qu'ils se retrouvent ici en Chambre les deux mains liées par une décision de leur conseil national. Agir de cette façon, avec une telle motion, c'est rire des représentants du peuple. Et moi, en tant que député de Saint-Jean, démocratiquement élu, présent en Chambre aussi souvent que le député de Lafontaine, je dois m'élever contre une telle procédure, parce que pour faire plaisir au député de Saguenay, il faudrait absolument que les députés du Parti libéral changent d'idée, alors qu'il se garde bien, lui, M. le Président, le privilège de dire: Moi, je peux aller me reposer et ne pas changer d'idée parce que je suis poigné avec mon conseil national, conseil national formé d'individus qui ont raté leur élection en 1973, formé de frustrés, M. le Président.

Qu'est-ce qu'on fait élire au conseil national du Parti québécois? Qu'est-ce qu'on fait élire à l'exécutif du Parti québécois? Des gars comme Jérôme Proulx, qui essaie de se faire élire deux fois, en 1970, en 1973, pas pour travailler pour les électeurs de Saint-Jean, mais uniquement pour toucher une pension au bout de sept ou huit ans.

Je ne peux pas accepter que des élus du peuple, même du parti séparatiste, je ne peux pas, en tant que membre de l'Assemblée nationale, accepter que des individus tels que ceux qui forment le Conseil national lient à tout jamais des députés en cette Chambre.

Mercredi passé, nous avons eu, au Parti libéral du Québec, un conseil de direction. J'ai posé la question: Allez-vous, un jour ou l'autre, lier les députés du Parti libéral, les menacer pour qu'ils votent de telle façon plutôt que de l'autre? Ils m'ont dit: N'ayez aucune inquiétude. Vous êtes élus par une population. Vous devez travailler pour cette population, au nom de cette population et jamais on ne vous liera. Parce que le jour où le Parti libéral du Québec liera les 100 députés libéraux de cette Chambre, il en sera fait de la démocratie au Québec.

Imaginez-vous un gouvernement séparatiste, qu'est-ce qu'il adviendrait de la démocratie au Québec? Nous sommes élus par des gens qui votent pour tel individu, pour tel parti. Mais moi, quand l'élection est terminée, je suis élu pour travailler pour l'ensemble de la population de mon comté. Jamais je n'accepterai de ne recevoir dans mon bureau de député que des gens qui ont pu ou qui auraient pu voter pour moi. La porte est ouverte à tout le monde et jamais je n'accepterai, comme ces six individus, de me faire lier par une décision de mon conseil de direction. Nous, dans le Parti libéral, nous sommes beaucoup trop démocratiques pour ça. Et le conseil de direction du Parti libéral l'a dit mercredi passé. Jamais, au grand jamais, on ne se permettra de rire de la démocratie comme le conseil national du Parti québécois s'est permis de le faire il y a une semaine.

Il vient nous dire, cet individu qui devrait représenter tous les électeurs de son comté, le député de Lafontaine a dit tout à l'heure: Moi, j'ai été élu pour défendre une idéologie, celle de mon parti. Moi et les 99 autres députés libéraux, on a été élus d'abord et avant tout pour défendre les intérêts de l'ensemble de nos électeurs de nos comtés, qu'ils soient séparatistes, créditistes, présidentiels, unionistes, parce

qu'il en reste quelques-uns, ou libéraux. On est élus pour l'ensemble des électeurs, pas pour représenter uniquement une idéologie de parti. Ce gars-là de Lafontaine va se permettre de venir donner des leçons de présence aux députés du Parti libéral? Quel culot! Parce que lorsque les députés...

M. LESSARD: La pertinence...

M. VEILLEUX: ... du Parti libéral s'absentent...

M. LEVESQUE: Ajournement de la Chambre.

M. VEILLEUX: Quand cela fait mal, M. le Président, on recourt à la pertinence.

M. LEVESQUE: Ajournement du débat, toujours pertinent.

M. VEILLEUX: Moi, M. le Président, cela fait depuis dix heures ce matin que je me bouche les deux oreilles pour ne pas entendre les "éculubrations"...

M. BURNS: Eculubrations!

M. VEILLEUX: ... les élucubrations de l'accusé, non, excusez, du député de Sauvé ou de tous les autres, M. le Président. Qu'on me permette de dire la vérité, qu'on me permette de dire quel genre de démocratie existe dans ce parti.

Ce ne sont pas des gens, M. le Président, qui n'ont pas réussi à se faire élire en 1973 qui vont venir conduire les débats des membres, notamment du gouvernement, du Parti libéral. Qu'ils viennent, M. le Président, ces gens; qu'ils nous fassent des suggestions comme les militants du Parti libéral en font à leur congrès annuel, lors de congrès régionaux ou lors de la réunion de l'Association libérale. Mais jamais, M. le Président, le Parti libéral, pour autant qu'il est concerné, ne se permettra de venir donner un diktat aux députés du Parti libéral comme ces six individus ont accepté d'en recevoir un de René Levesque, continuellement absent de la Chambre, comme on l'a mentionné tout à l'heure, à l'époque où il siégeait ici. Jamais, M. le Président.

Je termine en disant tout simplement ceci sur la raison invoquée par le député de Saguenay qui nous a dit: Retournez réfléchir, retournez, et peut-être que vous allez changer d'idée. M. le Président, j'aurais été prêt à retourner, moi, à minuit moins vingt, réfléchir au problème si les 110 députés avaient été libres de réfléchir au problème, avaient été libres de changer d'idée cette nuit. Comme ce n'était pas le cas des six séparatistes, M. le Président, de telles motions sont très malvenues ici, en Chambre, ce soir, surtout de la part de ces six personnes.

M. LEVESQUE: Est-ce que nous pourrions considérer le débat comme ajourné et, en même temps, je proposerais... Mais attendons cette motion.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): La Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 22 h 55)

ANNEXE

Question de M. Bellemare (Johnson) 1. Depuis le 12 mai 1970, combien de contrats ont été accordés à Renova Entreprises, 3340 de la Pérade, Sainte-Foy? 2. Combien de contrats ont-ils été accordés: a) après soumissions publiques; b) après soumissions négociées; c) après soumissions en circuit fermé? 3. Pour chaque contrat: a) quel est le ministère impliqué; b) quel en est le montant; c) à quelle date a-t-il été signé; d) quel est le pourcentage payé pour l'administration, le profit et la coordination des travaux exécutés par les sous-traitants; e) quel est le total des paiements effectués ou à effectuer?

4. A quelle date cette compagnie a-t-elle été incorporée et quels étaient alors ses administrateurs? 5. Quels sont les noms, prénoms et adresses de ses administrateurs actuels?

Réponse de M. Mailloux 1. Trois 2. a) aucun b) trois c) aucun 3. a) Travaux publics et Approvisionnement 1. Modification des puisards au garage de la Voirie — Laurier Station. 2. Rénovation de l'ancien poste de la Sûreté du Québec — ministère des Transports — Pont de Québec 3. Construction d'un garage au Centre de voirie — Lac Etchemin b) 1. $996. 2. $2,275. 3. $4,500. c) 1. 7 avril 1972 2. 24 janvier 1972 3. 27 avril 1972 d) Le pourcentage de l'administration et de profit inclus dans les montants forfaitaires négociés. e) Paiements effectués 1. $996. 2. $2,275 3. $4,500. $7,771. TOTAL 4. Il s'agit d'une firme enregistrée et par conséquent, il n'y a pas eu d'incorporation. N'étant pas incorporée, il n'y a pas d'administrateurs. 5. NIL

Question de M. Léger 1. Les propriétaires de Place Duchesne, à Saint-Eustache (Deux-Montagnes) ont-ils obtenu le certificat d'autorisation exigé par les articles 22 et 23 de la Loi de la qualité de l'environnement pour effectuer du remplissage dans la rivière Duchesne? 2. Les carrières de M. Maurice Arbic, à Oka (Deux-Montagnes) ont-elles obtenu un certificat d'autorisation tel qu'exigé par la Loi de la qualité de l'environnement (article 23)?

Réponse de M. Goldbloom 1. Après avoir consulté les dossiers du ministère des Affaires municipales, ceux du génie sanitaire, le dossier général de la ville de Saint-Eustache et ceux du bureau de Montréal, il n'a été trouvé aucun document traitant du sujet en question, par le fait même, aucun certificat d'autorisation et aucune demande ou plainte. 2. Les carrières de M. Maurice Arbic ayant commencé à opérer avant 1973, un certificat d'autorisation suivant la Loi de la qualité de l'environnement n'est pas requis.

Question de M. Léger Quel est le salaire du président de la Société des alcools du Québec?

Réponse de M. Gameau Le salaire du Président de la Société des alcools du Québec est de $38,500. à compter du 1er janvier 1974.

Document(s) associé(s) à la séance