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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le jeudi 12 juin 1975 - Vol. 16 N° 45

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Vice-Président (M. La montagne): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

M. Bienvenue: Pourriez-vous, M. le Président, reporter cet article après la période des questions?

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a consentement unanime?

Des Voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Rapport sur le projet de loi no 180

M. Bienvenue: Le greffier en loi de la Législature fait le rapport suivant que je porte à la connaissance des membres de cette Chambre. J'ai examiné, suivant les règles de pratique, le projet de loi no 180, Loi concernant la ville de Longueuil. L'avis régulier est suffisant et le projet déposé est conforme à l'avis.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Ce rapport est-il agréé?

Présentation de motions non annoncées. Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

L'honorable ministre de l'Education.

DEPOT DE DOCUMENTS

Rapports concernant les universités du Québec

M. Cloutier: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les documents suivants: 1) Arrêté en conseil concernant l'octroi de subventions pour le paiement des dépenses de fonctionnement des universités du Québec en 1974/75. 2) Arrêté en conseil concernant l'octroi de subventions pour le paiement des dépenses de fonctionnement des universités du Québec en 1975/76. 3) Rapport du ministre de l'Ed ucation sur les subventions de fonctionnement. 4) Avis du Conseil des universités au ministre de l'Education sur les subventions de fonctionnement pour 1975/76. 5) Commentaires du ministère de l'Education sur les recommandations formulées par le Conseil des universités. 6) Calcul des subventions de fonctionnement des universités du Québec pour 1974/75. 7) Calcul des subventions de fonctionnement des universités du Québec pour 1975/76. 8) Règles relatives au financement des universités du

Québec, pour 1975/76, pour les subventions de fonctionnement.

Contrairement aux deux dernières années où j'avais l'habitude de déposer simultanément le plan quinquennal des investissements universitaires en même temps que les subventions de fonctionnement, je dépose uniquement les subventions de fonctionnement et je prévois déposer le plan quinquennal des investissements un peu plus tard au cours de la présente session.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

Rapport des Institutions financières Compagnies et Coopératives

M. Tetley: J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives pour l'année qui se termine le 31 mars 1975.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Question orales des députés.

L'honorable député de Saguenay.

QUESTIONS DES DEPUTES Grève à Asbestos Corporation

M. Lessard: Ma question s'adresse au ministre du Travail. S'il veut me répondre, il va falloir qu'il prenne sa place. Le ministre du Travail est informé qu'une grève se continue à Asbestos Corporation. Le 3 mai 1975, selon le journal Le Devoir, le ministre du Travail a révélé qu'il venait d'ordonner à la Commission des Accidents du travail de tout mettre en oeuvre pour indemniser, à leur plein salaire et ce jusqu'à leur retraite, tous les travailleurs des mines qui seront déclarés éventuellement inaptes au travail en vertu d'un nouvel arrêté en conseil adopté le 1er mai.

Je voudrais savoir, de la part du ministre du Travail, s'il a l'intention, avant la fin de cette session, de proposer sa loi pour permettre aux travailleurs qui seront déclarés inaptes au travail d'obtenir une pleine compensation de leur salaire. D'autant plus qu'on sait que cela pourrait être une partie du règlement de la grève actuelle à Asbestos Corporation, selon les informations des syndicats.

M. Cournoyer: C'est l'intention du gouvernement de proposer une loi avant la fin de la présente session, sur le problème des pertes de permis de travail par les individus à la suite de l'arrêté en conseil 887.

M. Lessard: Le ministre peut-il nous assurer, puisque cela a été déclaré le 3 mai 1975, que cette loi va être déposée d'ici la fin de juin?

M. Cournoyer: Je vous ai dit que c'était l'intention du gouvernement de présenter une loi avant la fin de la présente tranche de session — pour éviter de dire: session, continuation — avant la fin de la présente tranche de session.

M. Lessard: D'accord. Est-ce qu'on peut obtenir aussi l'assurance, du ministre du Travail ou du ministre des Richesses naturelles, que seront compris dans cette loi ou dans une autre loi les règlements ou les normes concernant l'amiantose ou le nombre de fibres par centimètre cube?

M. Cournoyer: Je ne peux répondre à cette dernière partie de la question, mais je vous dis que la loi que je propose est intimement reliée à la mise en application du règlement qui est fait par le ministre des Richesses naturelles.

M. Massé: M. le Président, pour compléter la réponse du ministre du Travail, il existe un comité interministériel pour étudier les normes de salubrité. Les règlements devraient paraître dans la Gazette officielle dans quelques mois.

M. Lessard: Une question additionnelle au ministre des Richesses naturelles. Est-ce que le ministre des Richesses naturelles, suite à certaines révélations qui ont été faites concernant les mines d'amiante dans l'Ungava, Asbestos Hill, a fait une enquête à ce sujet et envoyé ses inspecteurs?

M. Massé: M. le Président, je pense que ce qui a été déclaré en fin de semaine passée est en grande partie exact. Je dois dire, d'autre part, que, lorsque l'on mentionne qu'il existe 145 fois plus de fibres par centimètre cubeque la normale, c'est qu'il y a eu des échantillons à différents endroits. Quand on parle de 726 fibres par centimètre cube, c'est dans des endroits où il n'existe pas de travailleurs. Des recommandations ont été transmises à la compagnie. Plusieurs vérifications du ministère nous assurent que, dans la plupart des cas, il y a eu des changements. Ce que j'ai demandé à mes fonctionnaires et aux inspecteurs, autant du ministère des Richesses naturelles que de l'environnement ou que de tout autre organisme, c'est que d'ici la fin de juin il y ait une inspection des plus sévère dans cette compagnie.

M. Roy: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud, une question additionnelle.

M. Roy: Cela s'adresse au ministre du Travail. Puisqu'on a parié de l'amiantose, M. le Président, on se rappellera qu'à la dernière commission parlementaire à laquelle a comparu la Commission des accidents de travail, il avait été question de ce sujet.

J'aimerais savoir du ministre du Travail si la commission parlementaire du travail va siéger à nouveau pour faire comparaître la Commission des accidents du travail, d'abord sur ce sujet, parce qu'il y avait des discussions qui avaient été laissées en plan ce soir-là; il y aura également d'autres sujets à discuter lorsque la Commission des accidents du travail comparaîtra.

J'aimerais savoir du ministre si c'est son intention — je me répète, M. le Président, je m'ex- cuse — de faire siéger la commission parlementaire avant l'ajournement de nos travaux pour l'été.

M. Cournoyer: M. le Président, je ne sais pas combien de fois je vais répondre à cette question. Je peux référer le député de Beauce-Sud à la même question qui m'a été posée par le député de Maisonneuve lors de l'étude de mes crédits en commission parlementaire; il pourra trouver là une réponse.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Projet d'usine d'uranium enrichi

M. Morin: M. le Président, ma question est destinée au premier ministre. Il y a quelques jours, le ministre français du commerce extérieur, M. Sé-guard, a déclaré qu'il était temps que le gouvernement canadien se commette dans le dossier de l'uranium enrichi, compte tenu de ce qu'il a appelé "les conclusions positives" du rapport produit par le groupe Canadif.

Il a déclaré qu'avant d'aller plus loin, cependant, il fallait que le gouvernement français connaisse "la volonté politique" du gouvernement fédéral.

Le premier ministre du Québec a-t-il effectué des démarches auprès du ministre fédéral, M. Mac-donald, en vue de faire avancer ce dossier? Comment le premier ministre du Québec peut-il concilier ces faits et ces déclarations du ministre Séguard avec ses propres déclarations, il y a quelque temps, à savoir que, dans ce dossier, le rôle du gouvernement fédéral était limité à celui d'un simple douanier?

M. Bourassa: M. le Président, je vois que le chef de l'Opposition est en forme ce matin. Je peux lui repondre...

M. Bums: II est toujours en forme. M. Morin: Toujours.

M. Bourassa: Oui, bon. Je peux référer le chef de l'Opposition à l'interview que j'avais donnée dans le Monde sur cette question. Je n'ai pas besoin de reprendre ce que j'ai déjà dit.

Pour ce qui a trait aux démarches entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, il doit y avoir une rencontre entre le ministre de l'Industrie et du Commerce du Québec et M. Macdo-nald dans les prochaines semaines pour discuter de cette question, de manière à pouvoir prendre une décision définitive dans les prochains mois, étant donné que nous devons nous décider sur la deuxième étape s'il paraissait avantageux, pour le Québec et le Canada, de procéder à l'établissement d'une telle usine.

Donc, nous devons nous décider avant d'entreprendre cette deuxième étape qui coûterait de $5 millions à $6 millions, de part et d'autre. Avant de dépenser de tels montants, il faudrait être assuré de la rentabilité d'une telle usine pour le Canada et pour le Québec.

M. Morin: M. le Président, en question supplémentaire, je ne sais si la rencontre entre le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Saint-Pierre, et le ministre français a eu lieu. J'ai cru savoir qu'elle devait avoir lieu sous la forme d'une rencontre du comité mixte France-Québec. A-t-elle eu lieu? Dans la mesure où il y a eu des échanges entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, et peut-être aussi, d'autre part, le gouvernement français, le premier ministre pourrait-il nous éclairer un peu plus sur la nature des objections que fait valoir le gouvernement fédéral? Cela tient-il au fait qu'il s'agit d'exportation d'énergie? Le gouvernement fédéral veut-il d'abord faire une évaluation des besoins en électricité non seulement du Québec, mais aussi du Canada, ou encore cela tient-il tout simplement davantage, dans l'esprit de M. Macdonald, à la rentabilité du projet?

M. Bourassa: Tous ces facteurs ont déjà été mentionnés par le ministre fédéral. Dans notre cas, nous avons fait valoir les avantages, pour le Québec, notamment, des retombées dans le domaine économique. Nous avons répondu aux critiques de ceux qui ont dit que ce serait de l'exportation nette d'électricité en faisant valoir les avantages sur le plan de l'énergie, pour le Québec, de la conversion d'un kilowatt d'électricité en énergie sous forme d'uranium enrichi et en faisant valoir également la possibilité de convertir les centrales CANDU à l'uranium enrichi, du moins dans une certaine mesure. Je crois que M. Macdonald a corrigé ses premières déclarations sur ce point en disant qu'il était possible de faire une telle conversion, du moins en partie.

C'est l'ensemble de ces éléments qui vont être discutés et étudiés dans les relations fédérales-provinciales, c'est-à-dire dans les rencontres entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.

M. Morin: Dernière question supplémentaire, M. le Président. J'imagine que l'Hydro-Québec et le gouvernement se sont penchés sur la question de la demande intérieure en électricité au Québec d'ici non seulement 1980 ou 1985, mais sans doute au-delà, jusqu'à la fin du siècle présent.

Le premier ministre est-il en mesure de nous dire si cette question de la demande intérieure en électricité a été étudiée à fond avant que l'on se lance dans ce projet d'exportation d'uranium enrichi qui, comme le premier ministre vient de le reconnaître, correspond à une exportation d'énergie électrique.

M. Bourassa: M. le Président, personne ne peut démentir que cela ne correspond pas à une exportation d'énergie, mais je faisais une distinction avec l'exportation nette, car, si en fabriquant de l'uranium enrichi, le Québec en consomme, éventuellement, pour lui, et si la production, l'"input" d'électricité qui s'y trouve mis aboutit à une plus grande proportion, à un plus grand montant d'énergie dont profite le Québec, il n'y a pas d'exportation nette d'électricité.

Il est évident que le gouvernement du Québec et

Hydro-Québec examinent les besoins énergétiques du Québec, c'est l'une des raisons du développement de la baie James. Si l'on devait réduire le développement de la baie James, comme l'a proposé le chef de l'Opposition à Sainte-Anne-de-la-Pocatière où il proposait de réduire la puissance du développement de la baie James, ou il faudrait construire des centrales nucléaires, ou il faudrait importer de l'électricité de l'Ontario ou d'ailleurs. Or, on sait que les taux d'électricité vont augmenter de 30% en Ontario; alors je ne comprends pas du tout la position du chef de l'Opposition sur cette question. Je trouve que cela est complètement ridicule de proposerque le Québec importe l'électricité de l'extérieur à des coûts sensiblement supérieurs.

M. Morin: M. le Président, sur une question de privilège. Le premier ministre s'amuse à déformer mes paroles pour tenter de me prendre en défaut. Le premier ministre est expert à ce petit jeu qui consiste à prendre les paroles de l'adversaire et à les retourner à l'envers comme des crêpes. En ce qui me concerne, j'ai simplement dit qu'il conviendrait, après avoir fait une étude du développement de la baie James, une étude approfondie des coûts, de limiter les dégâts, le cas échéant.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce-Sud.

Pénurie de logements au Québec

M. Roy: M. le Président, j'ai une question à poser à l'honorable ministre des Affaires municipales, responsable de l'habitation. Le ministre a-t-il pris connaissance des statistiques qui démontrent qu'une grave crise de logement est à prévoir au Québec, compte tenu du fait qu'à Montréal, il y a trois ans, l'on disposait d'environ 8. 2% de logements vacants, taux qui a baissé à 1. 5% en avril, et qu'à Québec le taux de 8. 4% d'il y a trois ans est également baissé à 1. 6%.

Etant donné que la situation semble s'aggraver et continuera de s'aggraver au cours des prochains mois, j'aimerais demander au ministre des Affaires municipales quelles sont les mesures que le gouvernement du Québec — et j'insiste — entend prendre pour corriger cette situation au Québec.

M. Goldbloom: L'honorable député de Beauce-Sud devient vraiment québécois, ces jours-ci.

M. Roy: Je suis du Québec et je n'en ai pas honte.

M. Goldbloom: II paraît que vous avez honte de votre parti, cependant.

M. Le Président, je pensequ'ilyaunedistinction importante à faire en répondant à la question de l'honorable député de Beauce-Sud. Il y a deux secteurs dans l'habitation. Il y a l'entreprise privée qui

oeuvre dans ce domaine et qui produit des logis selon le marché. Ceux qui peuvent s'adresser à ce marché achètent ou louent des maisons, des logements de toutes sortes. Je ne crois pas que ce soit de la responsabilité de quelque gouvernement que ce soit d'intervenir de façon majeure dans ce marché. Il s'agit plutôt d'aider des gens qui ne peuvent normalement s'adresser au marché et cela se fait de deux façons. D'abord, il y a la production de logements sociaux, c'est notre responsabilité et nous nous penchons présentement sur la mise en chantier de la programmation découlant des montants alloués en 1974 et de la programmation pour 1975. Je serai en mesure, très prochainement, d'indiquer le nombre d'unités de logementsque nous compterons ajouter à notre stock au cours de cette année.

Deuxièmement, il y a l'aide que nous fournissons à ceux qui ne sont pas admissibles au régime d'aide pour le logement social, mais qui ont besoin d'uneaide pour pouvoir s'adresse rau marché. Là, le gouvernement fédéral afait une contribution importante, une contribution de plusieurs millions de dollars, qui est utilisée par les Québécois et qui sera utilisée par les Québécois cette année et nous en prenons avantage. Alors, il y aura augmentation du stock de logements au cours de l'année.

M. Roy: M. le Président, une question additionnelle. Le ministre nous parle toujours, évidemment, des logements sociaux.

Je suis en train de me demander si on n'est pas en mesure, à l'heure actuelle, de diriger une certaine partie de la population vers ces logements sociaux. Il y avait, au Québec, certaines lois; entre autres, je me réfère à la Loi de l'habitation familiale, qui a été un stimulant dans le secteur privé pour permettre à un certain nombre de personnes de devenir propriétaires d'une maison unifamiliale. Etant donné que cette loi a pris fin le 30 juin dernier, je demanderais au ministre, ce matin encore, compte tenu de la situation et compte tenu de l'urgence du problème, si le gouvernement serait prêt à réviser sa décision afin de reconduire cette loi pour qu'elle devienne de nouveau en vigueur, ce qui contribuerait énormément à relancer l'industrie de la construction domiciliaire et à faciliter à un très grand nombre la possibilité d'y avoir accès et d'être propriétaire d'une maison familiale.

M. Goldbloom: M. le Président, nous venons d'avoir une injection de plusieurs millions de dollars. De mémoire, je ne voudrais pas essayer de donner un chiffre, mais j'ai été informé par le gouvernement fédéral que cette infection a été un succès complet, c'est-à-dire que c'est plusieurs millions, plus de $10 millions, si ma mémoire est fidèle. Des demandes ont été reçues pour utiliser tout ce montant. Devant ce fait, qui constitue une amélioration considérable de la situation, nous ne croyons pas nécessaire de poser des gestes additionnels dans ce domaine. Nous verrons l'effet de cette injection d'argent fédéral dans le Québec pour le bien des Québécois.

M. Roy: M. le Président, une dernière question additionnelle. Le ministre me répond comme s'il était un fonctionnaire du gouvernement fédéral. Pourtant, j'ai interrogé le ministre responsable de l'habitation au Québec. Qu'est-ce qu'il faudra de plus au gouvernement, à la suite des révélations qui ont été faites, des statistiques qui ont été publiées, pour qu'il se décide à prendre ses responsabilités afin de permettre au secteur privé, aux caisses populaires, aux compagnies d'assurance, qui seraient prêtes actuellement à le faire, de financer le secteur privé? Les difficultés proviennent du taux de l'intérêt et de la hausse considérable des coûts. Il devrait y avoir des politiques québécoises à ce niveau. Je demande au ministre ce qu'il faudra de plus pour convaincre le gouvernement du Québec.

M. Goldbloom: M. le Président, quant aux caisses populaires, nous avons fait des pressions pour que ces institutions soient reconnues. Je l'ai déjà dit à l'honorable député, nous continuons de faire ces pressions. J'ai bon espoir que nous réussirons à faire accepter les caisses populaires comme prêteurs reconnus en vertu des lois existantes. Cela aidera. Mais cela ne voudra pas dire que nous pourrons baisser les taux d'intérêt. Nous sommes obligés de suivre le marché ou bien de donner des montants additionnels. Il y a des limites aux montants que l'on peut consacrer à chaque domaine. Nous avons une responsabilité fondamentale. Sans faire de dirigisme dans ce secteur, même avec l'effort que nous faisons présentement et que nous ferons au cours de l'année, nous ne satisferons pas tous les besoins dans le domaine du logement social. Il ne s'agit donc pas de faire du dirigisme pour augmenter cette clientèle. Mais c'est notre principale responsabilité et c'est à cette responsabilité que nous donnons priorité.

M. Roy: M. le Président, seulement une précision. Le ministre a dit que les caisses populaires seraient reconnues. Veut-il dire que les caisses populaires seraient reconnues par la Société centrale d'hypothèques et de logement, un organisme fédéral?

Est-ce cela que le ministre a voulu dire?

M. Goldbloom: Cela devient très clair, l'orientation que prend l'honorable député de Beauce-Sud. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, ne trouvons pas mauvais que le gouvernement du Canada aide des Canadiens qui habitent le Québec.

M. Roy: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Johnson.

M. Léger: Gouvernement de soumission.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Johnson.

M. Léger: On a un gouvernement qui se soumet.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

Des Voix: Allez voir vos enveloppes.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

Tuteurs de certains syndicats de la construction

M. Bellemare (Johnson): Ma question s'adresse à l'honorable ministre du Travail. Tel qu'il a été spécifié dans la loi 29, la nomination des tuteurs aurait dû être adoptée, je pense, par un arrêté en conseil hier. Est-ceque l'honorable ministre peut nous dire si les tuteurs ont été véritablement nommés hier ou s'ils le seront très prochainement?

M. Cournoyer: Ils n'ont pas été nommés hier. Le président de la commission de tutelle a été nommé il y a déjà un bon bout de temps, mais les autres tuteurs le seront très prochainement.

J'en profite pour répondre à la question qui a été posée hier ou avant-hier par le député de Maisonneuve et je ne peux que lire le texte de la loi qu'il citait sans faire de commentaires puisque je donnerais, à ce moment-là, une opinion professionnelle. "L'absence ou l'incapacité d'agir du président ou d'un autre membre du conseil d'administration n'empêche pas les membres du conseil d'administration d'exercer leurs fonctions. Il en est de même en cas de vacances au sein dudit conseil. "

M. Burns: II n'est pas formé, votre conseil, comment voulez-vous parler d'absence et d'incapacité d'agir?

M. Cournoyer: Un instant, M. le Président! Une Voix: Taisez-vous donc!

M. Cournoyer: "Est institué un conseil d'administration pour chacun des syndicats. Ce conseil est composé d'un président et de deux autres membres nommés parle lieutenant-gouverneur en conseil. " Il est formé, le conseil, il n'y a qu'une personne de nommée actuellement, c'est le président; les deux autres postes sont considérés par le président comme des vacances qui doivent être remplies. En conséquence, le président a agi comme il croyait bon de le faire en interprétant son propre mandat.

M. Burns: Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Louis.

M. Burns: Question additionnelle, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Question additionnelle.

M. Burns: Ah! C'est la fin du monde! Est-ce que le ministre du Travail a demandé à l'avocat en chef au Québec, c'est-à-dire au procureur général, au ministre de la Justice, si cette interprétation peut être soutenue par le gouvernement si jamais il y a une poursuite ou une contestation à l'encontre des gestes qui vont être posés par ce tuteur? M. le Président, puis-je ouvrircette parenthèse? La parenthèse c'est qu'on parle dans la loi, je l'admets, d'absence ou d'incapacité d'agir; mais, pour être absent, il faut d'abord avoir été là et, pour être incapable d'agir, il faut avoir été nommé. Il n'y a personne de nommé.

M. Cournoyer: II oublie le deuxième paragraphe qui parle de vacances, et ce ne sont pas les vacances d'été.

M. Morin: Ce n'est pas très cartésien, ce raisonnement.

M. Burns: Ce n'est pas fort, votre affaire.

M. Cournoyer: Je n'ai pas à être fort non plus, je vous dis l'interprétation que le président du conseil de tutelle a donnée pour expliquer son geste. Ce n'est pas la mienne que je donne.

M. Burns: Question additionnelle. Là, ça précise.

M. Cournoyer: Moi, je le demande au ministre de la Justice, le procureur en chef. Par la voie du député de Maisonneuve, pourriez-vous examiner la question qu'il vient de poser et donner au ministre du Travail le soin de donner l'interprétation qu'il faudra?

M. Burns: Question additionnelle. Je comprends le ministre de la Justice d'être bien embêté avec une telle opinion. Ce qui me soulage...

Une Voix: Ce n'est pas une opinion, c'est une question.

M. Burns: Non, non, son opinion telle que rapportée par le ministre du Travail.

M. Cournoyer: Le ministre n'a pas donné d'opinion. Un instant!

M. Burns: Cela me rassure de savoir que ce n'est pas l'opinion du gouvernement. Cela me rassure.

M. Morin: C'est bien différent, cela!

M. Burns: M. le Président, je demande au ministre si le ministre du Travail ou le ministre de la Justice, l'un ou l'autre ou les deux, ont l'intention de poser des gestes précis auprès de M. Ryan pour empêcher que des contestations, possiblement inutiles, n'interviennent.

M. Cournoyer: La réponse est oui. M. Burns: Je pense que c'est clair, ça. M. Cournoyer: Oui.

M. Burns: Autre question: Quels sont ces gestes que vous avez l'intention de poser auprès de M. Ryan?

M. Cournoyer: Vous ne le saurez pas, je ne le sais pas. C'est oui.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, question supplémentaire. Voici une déclaration d'un ministre irresponsable.

M. Cournoyer: M. le Président, ce n'est pas une question...

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, surtout...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre! Est-ce que vous avez une question?

M. Bellemare (Johnson): Oui, j'ai une question.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Parce que c'est une déclaration que vous venez de faire.

M. Bellemare (Johnson): Non, non, ce n'est pas une déclaration, c'est une constatation. J'ai constaté simplement, M. le Président. Ma question est: Quand le conseil va-t-il être formé pour que la tutelle, qui était si urgente, puisse fonctionner? C'était urgent; on a même mis de côté toutes les lois de la procédure parlementaire.

M. Cournoyer: M. le Président, elle fonctionne, la tutelle fonctionne.

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

M. Cournoyer: La tutelle fonctionne. On me demande comment faire pour qu'elle ne fonctionne pas. Actuellement, elle fonctionne.

M. Bellemare (Johnson): Bien non, elle ne fonctionne pas, elle n'a pas d'autorité en vertu de la loi.

M. Cournoyer: Vous l'avez vu, elle fonctionne.

M. Bellemare (Johnson): La loi spécifie qu'il doit y avoir un conseil...

M. Cournoyer: On met en doute le premier geste posé par la commission de tutelle.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cournoyer: Puis à part cela, la prochaine fois que vous direz que je suis un homme irresponsable, je vais me venger un jour, je vo us avertis tout de suite.

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas compris ce qu'il a dit.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député de Saint-Louis.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas compris.

M. Cournoyer: Je vous le dirai.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare (Johnson): II va se venger!

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, regardez la grosseur des deux.

M. Cournoyer: Je vous avertis tout de suite. On ne calculera pas cela au poids.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

Le député de Saint-Louis.

M. Bellemare (Johnson): C'est épouvantable!

M. Lessard: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Additionnelle à quoi, il n'y a pas de question?

M. Burns: Oui, M. le Président, une question additionnelle adressée au ministre du Travail. Est-ce que le ministre...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Une question additionnelle.

M. Burns: Qu'est-ce qu'il y a?

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. Burns: M. le Président, est-ce que le ministre du Travail, après avoir eu l'opinion de M. Ryan sur l'absence et l'incapacité d'agir, donc la vacance, à son sens, a pris connaissance de la Loi d'interprétation du Québec, chapitre 1 de nos lois de 1964?

M. Cournoyer: Non.

M. Burns: Est-ce que le ministre a l'intention de consulter la Loi d'interprétation, chapitre 1 de nos lois de 1964?

M. Cournoyer: M. le Président, le ministre a demandé, par le truchement du député de Maisonneuve, au procureur chef du Québec de lui donner un avis sur l'interprétation à donner aux actions posées par le tuteur nommé, M. Ryan.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député de Saint-Louis.

Université Concordia

M. Blank: J'ai une question à poser au ministre de l'Education. Même si le ministre des Affaires culturelles a refusé le projet Valorinvest pour le couvent des Soeurs grises, le problème n'est pas résolu encore. On sait que l'université Concordia est propriétaire de beaucoup de maisons sur les rues Crescent, Bishop, MacKay et qu'elle a besoin de ces maisons pour des fins administratives, ce qui va nécessiter le déménagement des personnes qui y habitent et même la démolition pour la conversion de ces bâtisses qui ont en fait une valeur historique...

Des Voix: Question...

M. Bellemare (Johnson): C'est à son tour, les questions.

M. Blank: Je pense que j'ai le même droit que les députés de l'Opposition de donner une petite...

M. Bellemare (Johnson): Préambule, préambule.

M. Blank:... explication avant.

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Saint-Louis, vice-président de la Chambre, n'est pas obligé de suivre le mauvais exemple des députés séparatistes.

M. Blank: Je veux attirer l'attention de mon confrère sur le fait que le règlement me donne le droit de faire un bref préambule.

Je dis qu'à mon avis Concordia University a fait des démarches auprès du ministre de l'Education pour transférer des bureaux administratifs au couvent des soeurs Grises pour sauver cette place historique et sauver les rues Crescent, MacKay et Bishop. Est-il vrai que le ministre a reçu telle requête? Si oui, quelle a été sa réaction?

M. Cloutier: M. le Président, je remercie le député de Saint-Louis de m'avoir donné un préavis. Je le félicite de s'intéresser à notre patrimoine. C'est loin d'être la première question qu'il pose d'ailleurs dans ce domaine.

Cela se comprend parce qu'il y a dans son comté un grand nombre d'édifices qui méritent d'être protégés.

M. le Président, je pense que la façon la plus simple de répondre à la question du député de Saint-Louis est de lire la lettre que j'ai écrite récemment au recteur de l'université Concordia.

Ceci me permet, en même temps, d'apporter des précisions à la réponse que je donnais, suite à une question du député de Saint-Jacques. "M. le recteur, j'ai reçu votre lettre du 2 avril dernier, qui était accompagnée du document intitulé Le campus Sir George Williams, mémoire relatif au site de son nouveau projet". Votre mémoire aborde deux questions: "a) vos besoins d'agrandissement des espaces présentement occupés; "b) votre position concernant la propriété des soeurs Grises. "Pour ce qui est de la première question, elle fait actuellement l'objet d'études entreprises par la direction générale de l'enseignement supérieur sur les prévisions de clientèles étudiantes anglophones de cette ville et, enfin, sur les espaces qui devraient être prévus pour satisfaire les besoins des clientèles attendues. "Pour le moment, le ministère ne propose de construire que 100, 000 pieds carrés nets des 300, 000 pieds carrés demandés, soit les espaces nécessaires pour remplacer l'édifice Norris que le YMCA reprendra en 1979" Entre parenthèses, il s'agit d'un édifice qui loge actuellement la bibliothèque de Concordia et, depuis déjà un certain temps, le ministère cherche, avec les autorités de l'université, des solutions de remplacement.

Je reprends la lecture de la lettre: "Cette proposition du ministère doit faire prochainement l'objet d'un avis du Conseil des universités. "Quant à la deuxième question concernant l'acquisition par l'université Concordia de la propriété des soeurs Grises, le ministère de l'Education ne peut, pour le moment, émettre d'opinion à ce sujet puisque: "a) les ministères intéressés à cette question n'en sont pas encore venus à une conclusion quant à la meilleure utilisation que l'on puisse faire de ces lieux historiques; "b) les études entreprises par la direction générale de l'enseignement supérieur sur les besoins d'espace des universités anglophones de Montréal n'étant pas encore complétées, il est difficile, aujourd'hui, de justifier les 50, 000 pieds carrés que cette propriété accorderait à l'université, en plus des 100, 000 pieds carrés nécessaires pour remplacer l'édifice Norris; "c) aucune étude n'a encore été transmise au ministère sur les implications financières d'une telle acquisition, lesquelles pourraient s'avérer beaucoup plus élevées que celles d'une construction nouvelle sur un terrain moins vaste. "Je vous prie, M. le recteur, de bien vouloir accepter l'expression de mes sentiments les meilleurs. "

M. Blank: Est-ce que le ministre fera faire ces études dans l'avenirou si l'affaire est close pour lui?

M. Cloutier: L'affaire n'est pas close du tout, comme en témoigne la lettre. Toutes ces études sont en cours. Des renseignements sont demandés à l'université Concordia. De plus, le Conseil des universités et la direction générale de l'enseignement supérieur s'interrogent actuellement sur le nombre de pieds carrés qui seront nécessaires, compte tenu du développement des clientèles anglophones. Comme la lettre le précise fort bien, l'utilisation de Concordia supposerait des affectations de fonds beaucoup plus élevées, puisqu'on ne pourrait pas, dans ces conditions, appliquer les normes habituelles.

Alors, tous ces points étant, par définition,

complexes, il est nécessaire d'en envisager tous les aspects et c'est ce qui se fait actuellement.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Bon, deux dernières questions, sans question additionnelle.

M. Léger: Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le temps est déjà écoulé, comme vous le savez. L'honorable député de Lafontaine et l'honorable député de Beauharnois. Ensuite, il y aura une réponse à une question de l'honorable ministre des Institutions financières.

M. Léger: Sans question additionnelle, M. le Président, on ne peut pas...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Bien, écoutez, on va la remettre à mardi; ce n'est pas moi qui fais les règlements.

M. Léger: M. le Président...

M. Burns: Je pense que vous devriez quand même tenir compte de l'importance de la question du député de Lafontaine.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Bon. A l'ordre, messieurs! Je pense que faire une question de règlement... Vous comprenez comme moi que la période est déjà écoulée. Nous avons commencé à dix heures huit minutes. Il est capable de poser sa question de façon à tout comprendre.

M. Burns: M. le Président, je ne veux pas faire une question de règlement; je veux tout simplement faire une question de bon entendement...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): C'est ça.

M. Burns:... si vous voulez, relativement à cette période de questions. Si vous donnez la parole au député de Lafontaine à ce stade-ci, je vous en remercie, mais il faudrait aussi permettre au député de Lafontaine d'explorer sa question au complet. S'il a des questions additionnelles... Il ne le sait pas d'avance s'il aura des questions additionnelles.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Bien, justement, je préviens.

M. Burns: Cela dépendra de la réponse du ministre.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): La décision — je vous donne le choix — c'est ou bien il n 'y a pas de question du tout ou bien il y a une question sans question additionnelle. Le temps est écoulé déjà.

M. Léger: M. le Président...

M. Burns: II ne peut pas le savoir avant.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Bien, écoutez, moi non plus; c'est pour ça que je lui donne le choix.

M. Léger: Surtout que ma question est adressée au premier ministre.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Pardon?

M. Léger: Comme ma question est adressée au premier ministre, on est toujours sûr d'avoir des questions supplémentaires.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Bon.

Conseil des loisirs de Valleyfield

M. Léger: Alors, M. le Président, je vais tenter. Depuis plusieurs semaines, j'essaie de poser des questions au ministre responsable du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. Il est constamment absent. Il y a eu 18 présences du ministre sur 45 jours de session.

M. le Président, je me vois dans la pénible obligation de poser ma question au premier ministre. Comme le président me limite à une question et que j'aime bien être le plus concis et précis possible, je vais être obligé de faire trois volets, ce qui permettra au premier ministre de voguer entre les trois.

M. le Président, ma question est la suivante: Est-il exact — je sais que le whip n'aimera pas cette question, c'est certain...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Lacroix: De toute façon, vous êtes un imbécile parfait!

M. Léger: Est-il exact que le premier ministre a demandé à son ministre responsable du haut-commissariat des explications concernant la décision du ministre de faire disparaître le Conseil régional des loisirs de Valleyfield, qui voulait s'approprier le mont Sainte-Agathe pour un projet de vacances, pour le remplacer par un service régional des loisirs qui favorisait le mont Rigaud à l'intérieur du comté du député de Vaudreuil, c'est-à-dire le ministre responsable des sports?

Deuxièmement, est-ce que le premier ministre a reçu des représentations des personnes de Valleyfield qui lui demandaient de vérifier cette possibilité de patronage venant du ministre responsable des sports pour son comté?

Troisièmement, M. le Président, est-ce que le premier ministre a l'intention de faire enquête sur ce sujet?

M. Bourassa: M. le Président, je vais prendre avis des questions du député. Je vais vérifier exactement ce qu'il en est et je répondrai à la prochaine séance.

M. Léger: Est-ce que vous avez reçu des représentations?

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauharnois.

Conflit de travail à Union Carbide de Beauharnois

M. Cadieux: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail. Elle fait suite à une question que je lui posais la semaine dernière concernant le conflit à Union Carbide, à Beauharnois. Le ministre me disait qu'un enquêteur spécial et très bon, M. Laporte, devait lui fournir un rapport, en fin de semaine, et qu'après cela, il déciderait s'il y aurait, oui ou non, un médiateur, je crois. Est-ce que le ministre peut nous éclairer concernant ce conflit qui n'a pas encore pris fin et qui dure depuis plusieurs semaines?

M. Cournoyer: II y aura un médiateur. Je pense qu'il a commencé, d'ailleurs, à travailler hier après-midi. M. Roger Pilote.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives désire répondre à une question.

Situation dans l'assurance-automobile

M. Tetley: M. le Président, le député de Lafontaine m'a posé deux questions, une au sujet des restrictions du marché de l'assurance-automobile et la deuxième au sujet des primes. J'ai une réponse partielle aux deux questions.

Le député s'est référé au Bureau des assurances du Canada, le BAC, c'est-à-dire le IBC, the Insurance Bureau of Canada, et à un de ses dépliants du 29 avril 1975, qui est émis chaque année, après les résultats du livre vert. J'ai fait enquête depuis que j'ai reçu le dépliant et avant les questions du député de Lafontaine. Je ferai peut-être rapport à la Chambre de mes enquêtes. Mais je voudrais lire le télégramme que j'ai reçu, ce matin, du Bureau des assurances du Canada, signé par Charles Moreau, le directeur: "Les articles de la presse concernant restrictions du marché par les assureurs reflètent une situation sérieuse mais qu'on ne peut pas qualifier de crise, situation moins critique au Québec que dans les autres provinces. "Les résultats techniques des assureurs, en 1974 et début 1975, très défavorables partout au Canada et Etats-Unis à cause de l'inflation des dernières années dont l'effet se fait sentir en 1974 antérieurement. Coût de la main-d'oeuvre pour réparation de voitures au Canada a augmenté de 23% depuis six mois. Au Québec, l'augmentation a été de près de 40% en un an, de $13 l'heure à $18 dans certaines villes. Augmentation du prix des matériaux au Canada, peinture, 22%, métal en feuilles, 75%, matière plastique, 83%. Stop. "Vu les résultats désastreux, bon nombre d'assureurs révisent la composition de leur portefeuille et doivent temporairement ralentir l'augmentation de leurs affaires tout en continuant de servir les courtiers et le public. "But satisfaire aux exigences de solvabilité du gouvernement et contrôler l'ampleur des pertes techniques. Stop. Résultat, certains courtiers ont difficulté à placer les risques dans les compagnies habituelles et doivent réorienter le placement de leurs affaires. Stop. Cela cause des difficultés plus apparentes que réelles pour le public et sauf exceptions tous trouvent à s'assurer. Stop. " La situation faite en janvier ou mars ou juillet, et je répète, faite en janvier ou mars ou juillet, se fait... pardon. Un instant. "La situation devrait s'améliorer graduellement lorsque les augmentations de tarifs faites en janvier ou mars ou juillet se feront sentir dans les résultats et le marché devrait se stabiliser. " C'est signé Charles Moreau, Bureau des assurances du Canada, auquel vous avez fait référence.

M. Léger: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre qui vient d'affirmer posséder le bulletin 7514 du 29 avril 1975 peut le déposer à la Chambre.

M. Tetley: M. le Président, je ne dépose pas de document de l'extérieur. Si vous le voulez, c'est un document public qui a même paru dans le Jour et dans tous les journaux.

M. Léger: M. le Président, cela est faux. Stop. C'est un document privé des compagnies d'assurance et je demanderais au ministre de le déposer pour confirmer l'affirmation que j'ai faite hier.

M. Tetley: Si le document est privé, je ne vais pas le déposer. S'il est public, c'est public. Moi j'ai cru que tout le monde l'avait, parce que vous l'avez, et j'ai reçu des lettres de partout du Québec à ce sujet.

M. Léger: Qu'est-ce qui vous empêche de le déposer actuellement puisque vous l'avez en main?

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Question de règlement, l'honorable député de Beauce-Sud.

M. Roy: Question de règlement, M. le Président, en vertu de l'article 177...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Roy: "... Quand un ministre cite, ne serait-ce qu'en partie, un document, il peut être requis, sans autre formalité, de le déposer immédiatement, à moins qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt public de le faire. " Je suis entièrement d'accord avec le député de Maisonneuve que ce document devrait être connu. C'est d'intérêt public, il devrait être déposé devant l'Assemblée nationale.

M. Tetley: M. le Président, j'ai cité le téléphone et je vous en donne une copie.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. Lessard: Vous vous lavez les mains, comme d'habitude.

M. Bienvenue: Dépôt de rapports de commissions élues.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Bourget pour l'honorable député de Rosemont.

Rapport sur les projets de loi nos 36 et 37

M. Boudreault: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des Affaires sociales, qui a siégé le 10 juin 1975 et adopté le projet de loi no 36, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, sans amendement, et le projet de loi no 37, Loi modifiant la Loi de la commission des Affaires sociales avec un amendement, et sur division.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député de Saint-Maurice pour l'honorable député de Gouin.

Rapport sur le projet de loi no 16

M. Bérard: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des Institutions financières, compagnies et coopératives qui a étudié le projet de loi no 16, Loi modifiant la Loi du ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, article par article, et l'a adopté sans amendement.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Y a-t-il lieu d'adopter immédiatement ces rapports?

M. Burns: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Affaires du jour.

Travaux parlementaires

M. Bienvenue: J'annonce qu'immédiatement, à la salle 81-A, la commission des institutions financières, compagnies et coopératives va siéger pour étudier les projets de loi privés 112, 115, 118, 119, 178, 186, 171 et 192. A la salle 91-A, la commission du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration, afin d'entendre la FTQ relativement aux recommandations du rapport Cliche.

Motion pour faire siéger la commission des affaires culturelles

M. Bienvenue: Au salon rouge, avec le consentement des différentes oppositions, la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 1, Loi sur le cinéma. Je fais une motion de cette annonce.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Que l'on appelle les députés!

Vote sur la motion

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable leader adjoint du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Cloutier, Lalonde, Lachapelle, Cournoyer, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Lacroix Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, L'Allier, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Kennedy, Bacon, Blank, Bédard (Montmorency), Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Pelletier, Shanks, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Roy, Bellemare (Johnson), Leduc.

M. Burns: Le député de Laurier ne s'est pas levé et on l'a nommé comme ayant voté pour, est-ce qu'on peut vérifier son opinion?

M. Marchand: M. le Président, cela prouve que je n'ai pas un visage à deux faces, quand j'ai le dos tourné, ils ne me reconnaissent pas.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Je voudrais profiter de l'intervention de l'honorable député de Maisonneuve. J'ai remarqué que, de moins en moins, on se lève pour voter. Je voudrais porter à votre attention le fait qu'il faut tout de même se lever.

Le Secrétaire: Pour: 80 Contre: 0

Le Vice-Président (M. Lamontagne): La motion est adoptée. Pour le bénéfice des membres des commissions parlementaires, je vais les rappeler: à la salle 81-A, commission des institutions financières, compagnies et coopératives pour l'étude de projets de loi privés.

A la salle 91-A, commission du travail et de la main-d'oeuvre afin d'entendre la FTQ relativement aux recommandations du rapport Cliche. Et, au salon rouge, commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, étude article par article du projet de loi no 1, Loi sur le cinéma.

M. Bienvenue: Les commissions peuvent commencer leurs séances.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Immédiatement.

M. Bienvenue: M. le Président, article no 2.

Projet de loi no 2 Deuxième lecture (suite)

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. Toupin: M. le Président, hier à l'ajournement nous étions à discuter sur les lois de crédit agricole et j'avais déjà exposé une très grande partie des arguments qui ont amené le gouvernement à apporter ces amendements aux lois du crédit agricole. Et parmi ces arguments se trouvait celui d'organiser dans la province de Québec, au niveau de l'économie agricole, des fermes qui soient plus rentables, plus grandes, qui procurent par conséquent à l'économie la production requise par cette dernière et, aux producteurs, le revenu visé par ce dernier.

Etant donné que tout est relié dans le secteur agricole, qu'il est impossible de penser à développer des fermes sans que nous regardions du côté des marchés, de l'entreposage, de la transformation, je terminerai mon intervention par ces quelques propos. Cette programmation de financement des fermes au Québec devra se continuer, comme ça se fait déjà depuis quelques années, dans des structures de commercialisation qui soient encore plus adaptées, également dans des structures de transformation qui de plus en plus méritent d'être développées.

Cela devra également se poursuivre dans des programmes de promotion en vue d'amener le consommateur québécois à consommer d'abord des produits provenant des fermes québécoises.

Voilà, dans leurs grandes lignes, les principaux arguments que je voulais exposer relativement au financement agricole dans la province de Québec.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: J'ai écouté l'intervention du ministre de l'Agriculture concernant la Loi modifiant la Loi du crédit agricole et un certain nombre d'énoncés m'ont fait sursauter, en particulier, lorsque le ministre de l'Agriculture nous dit qu'il est impossible d'assurer une agriculture rentable sans créer des conditions pour assurer la rentabilité de la ferme. Je suis d'accord sur l'affirmation du ministre, mais il faudrait ajouterqu'assurer la rentabilité de la ferme nécessite aussi des conditions générales pourdévelopper l'agriculture et assurer des revenus stables à l'agriculteur, ce qui n'est pas le cas, comme je tenterai de le prouver au cours de cette intervention.

Le ministre nous a aussi parlé de l'augmentation des revenus des agriculteurs. J'aurai l'occasion — je ne sais pas où le ministre prend ses chiffres — de prouver, au cours de cette intervention, que le revenu de l'agriculteur baisse constamment depuis 1973. Le revenu net de l'agriculteur baisse constamment. Le ministre, comme argument massue concernant le développement de l'agriculture au Québec, nous faisait le raisonnement suivant. Les agriculteurs, disait-il, n'hésitent pas à emprunter quand l'économie est bonne. Le ministre concluait en disant que l'économie agricole se porte bien, puisque les agriculteurs empruntent de plus en plus.

Nous pourrions aussi faire le raisonnement suivant: Si les agriculteurs sont obligés d'emprunter de plus en plus, n'est-ce pas justement parce que l'agriculteur ne trouve plus, à l'intérieur de sa ferme, les montants nécessaires pour son immobilisation? Les arguments que nous a apportés le ministre de l'Agriculture peuvent être facilement renversés et me paraissent vraiment faussés. Je voudrais, au cours de ce débat...

M. le Président, je voudrais vous indiquer d'abord que nous n'avons pas quorum. Nous sommes quinze députés à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Blank): Oui, mais je pense qu'il y a trois commissions qui siègent.

M. Lessard: Je comprends, M. le Président, qu'il y a trois commissions, mais cela prend vingt députés à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Blank): Ne sonnez pas les cloches, on ne veut pas déranger les commissions; on va essayer de trouver des gens. Si on sonne les cloches, ils vont tous venir ici, pensant que c'est un vote.

A l'ordre, messieurs! Nous avons quorum, nous sommes 21.

M. Lessard: M. le Président, je voudrais quand même, au cours de cette intervention, tenter de semer quelques doutes dans l'esprit du ministre, qui nous affirme constamment, tant en commission parlementaire qu'à l'Assemblée nationale, qu'il n'y a pas de problème actuellement dans l'agriculture québécoise. Malgré le fait que les agriculteurs soient obligés de descendre dans la rue pour essayer d'exprimer leurs problèmes ou d'alerter l'opinion publique; malgré le fait que l'Union des producteurs agricoles soit intervenue, à plusieurs reprises, auprès du ministre de l'Agriculture comme auprès du conseil des ministres, pour essayer de faire valoir ou de faire reconnaître certains problèmes fondamentaux dans l'agriculture québécoise, le ministre continue de se fermer les yeux. Le ministre continue de faire comme une autruche, la tête dans le sable, et de ne rien voir. Le ministre continue de parler d'augmentation des revenus des agriculteurs. Le ministre continue de nous affirmer que les problèmes du marché, il n'y en a à peu près pas...

M. Mercier: Tu commences à être usé, mon vieux, change de disque.

M. Lessard: C'est le député de Bellechasse qui veut faire une intervention?

M. Mercier: Certainement, certainement, je suis en train de dire que ton disque est usé.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre!

M. Lessard: Bien, il faudrait quand même dire au ministre de l'Agriculture que son disque commence à être usé.

M. Mercier:... mémérer. M. Bienvenue: Allez.

M. Lessard: M. le Président, avant d'analyser les éléments essentiels de ce projet de loi, je reconnais les modifications majeures qu'il comporte par rapport à l'ancienne Loi du crédit agricole. Je voudrais d'abord, un peu comme l'a fait le ministre, le situer dans une perspective plus globale, c'est-à-dire dans l'ensemble de l'économie agricole au Québec. Ainsi, au lieu de se voiler la face, on pourra voir si le projet de loi qui nous est soumis, ce matin, nous paraît satisfaisant ou encore pourquoi ce projet de loi ne pourra modifier la situation présente de l'agriculture québécoise. Celle-ci ne cesse, malgré les affirmations des députés libéraux et du ministre de l'Agriculture, de dépérir depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement et de ce ministre de l'Agriculture.

Je vais essayer d'utiliser les rapports mêmes du ministre de l'Agriculture actuel. Je vais essayer d'utiliser les chiffres mêmes, qui nous ont été exposés en janvier dernier, de façon particulière, par le ministre de l'Agriculture lors de sa conférence annuelle, qui lui ont permis de tracer un bilan de l'agriculture québécoise.

On dirait que le ministre de l'Agriculture, qui est obligé, annuellement, de présenterce bilan, qui était négatif à ce moment-là, on dirait que le ministre, dis-je, tente d'oublier ce bilan maintenant.

En janvier dernier, le ministre de l'Agriculture du Québec traçait le tableau suivant de l'agriculture québécoise pour l'année 1974: "Les agriculteurs québécois ont enregistré, au cours de l'année 1974 par rapport à 1973, une diminution de leur revenu net de 9%. " Ce sont là des chiffres qui ont été énoncés par le ministre de l'Agriculture et dont il ne parle plus ou dont il n'a pas parlé au cours de son intervention d'hier.

Si l'on additionne le taux d'inflation de 12. 4%, qui touche naturellement l'ensemble de la population, les producteurs québécois se retrouvent ainsi avec une réduction de leur pouvoir d'achat de 21. 4% en 1974. Mais le pire dans tout ça, c'est que le ministre de l'Agriculture ne pouvait pas nous assurer, lors du bilan qu'il a tracé, à sa conférence de presse, que la situation ne continuerait pas de se détériorer au cours de l'année 1975.

L'année 1975 ne promet pas d'être meilleure et le ministre a dû admettre qu'il était plus que probable que l'agriculteur québécois subirait une autre diminution de ses revenus au cours de l'année 1975, d ue, naturellement, à l'augmentation des coûts de production qui ne cessent de grimper.

Donc, on peut estimer que, compte tenu de l'inflation, les agriculteurs quebecois auront subi, au cours des années 1974 et 1975, une diminution de leur revenu net de plus de 40%. C'est quand même un pourcentage important. Les agriculteurs du Québec auront subi au cours des années 1974 et 1975 une diminution de leur revenu de 40%. Cela correspond justement à l'augmentation des salaires des députés, ou à peu près. Mais la différence, c'est que pour eux, c'est une diminution, non une augmentation. Est-ce qu'il y a une classe de la société québécoise qui accepterait de voir diminuer en deux ans, son revenu net de 40%?

Les agriculteurs du Québec, d'ailleurs, avaient senti cette situation désastreuse lorsqu'en octobre dernier ils avaient décidé de descendre dans la rue pour alerter le gouvernement et alerter l'opinion publique sur la situation.

Mais il ne semble pas que cela puisse avoir porté fruit. Les réactions de certains députés libéraux, comme les réactions du ministre de l'Agriculture, nous démontrent qu'on n'a pas compris encore. Les agriculteurs, probablement, seront dans l'obligation, encore une fois, pour tenter d'alerter ce gouvernement, de descendre dans la rue pour obtenir des politiques agricoles.

N'est-ce pas là, M. le Président, une justification de la contestation? Quand des gens sont obligés, pour faire valoir leurs revendications, de descendre dans la rue, c'est qu'il n'y a pas d'autre moyen. Cela prouve qu'il n'y a pas d'autre moyen pour ces personnes de faire reconnaître par un gouvernement sourd et par un ministre muet leurs revendications.

Mais encore faut-il se demander si la situation est semblable dans l'ensemble du Canada. En effet, M. le Président, si on retrouvait une situation semblable dans l'ensemble du Canada, le ministre pourrait toujours nous répondre: C'est dû à la conjoncture. Quand ce n'est pas la conjoncture canadienne, cela devient la conjoncture internationale. M. le Président, quelle est la situation de l'agriculture dans l'ensemble du Canada?

C'est encore le ministre de l'Agriculture du Québec qui nous informait, lors de sa conférence de presse de janvier dernier, que les recettes de l'agriculture du Québec, en 1974, se sont accrues de 16% par rapport à 37% pour l'agriculture canadienne. Autrement dit, M. le Président, les recettes de l'agriculture canadienne se sont accrues deux fois plus vite que les recettes de l'agriculteur québécois. Si des agriculteurs québécois ont vu, naturellement, étant donné les augmentations de prix, l'augmentation de leur revenu brut cornplètement annulée, ce ne fut pas le cas pour les autres agriculteurs canadiens dont l'augmentation considérable des revenus bruts s'est manifestée par une hausse appréciable de leur revenu net.

M. le Président, voyons comment s'est comporté le revenu moyen par ferme dans l'ensemble du Canada. J'indique immédiatement que ces chiffres, qui ontété contestés par le ministre de l'Agriculture lors d'une émission de télévision que nous avions faite ensemble, proviennent du rapport de la Conférence des perspectives agricoles canadiennes de 1975. J'indique que ces chiffres ont été préparés en prenant le revenu brut des agriculteurs des provinces canadiennes et en le divisant par le nombre d'agricuIteurs à temps plein. Je pense, M. le Président, que cela nous donne le revenu moyen par ferme.

Ces chiffres, aussi, M. le Président, proviennent

d'un rapport qui a été présenté, le 19 juin 1974, au conseil des ministres par l'Union des producteurs agricoles. Seule l'année 1974aétéextrapolée, puis-que je reprends tout simplement les chiffres qui ont été préparés par l'Union des producteurs agricoles du Québec sur les revenus des agriculteurs québécois et canadiens à temps plein par région.

Quelle est donc cette situation? Il faut quand même se baser sur un certain nombre de critères pour évaluer la situation de l'agriculture au Québec.

Il faut quand même essayer de la comparer à d'autres régions du Canada. Il me semble que si les statistiques que le ministre de l'Agriculture nous présente chaque année, en janvier, lorsqu'il trace le bilan, sont satisfaisantes, il me semble aussi qu'il est tout à fait normal que nous utilisions les statistiques canadiennes pour tenter de faire des comparaisons entre la situation de l'agriculteur québécois et celle de l'agriculture canadienne dans l'ensemble.

Je donne le tableau, quitte, par la suite, à le discuter et à le commenter.

En 1971, le revenu moyen par ferme, des agriculteurs à temps plein était, dans des Maritimes, de $4, 376; dans le Québec, $4, 999; en Ontario, $5, 049; dans les Prairies, $7, 315; en Colombie-Britannique, $9, 500; moyenne canadienne, $6, 351. Si je donne tous ces chiffres, c'est que l'on se souvient, que lors d'un débat antérieur, l'on avait refusé de déposer un tel tableau. Dans les circonstances, je ne prends pas le risque de faire la demande; je cite donc les chiffres intégralement.

En 1972: Maritimes, $7, 069; Québec, $5, 837; Ontario, $8, 429; Prairies, $7, 645; Colombie-Britannique, $11, 021.

En 1973: Maritimes, $12, 732; Québec, $8, 169; Ontario, $12, 163; Prairies, $16, 602; Colombie-Britannique, $18, 242; moyenne canadienne, $14, 092.

Pour 1974, avec des montants estimés à partir du revenu brut des agriculteurs, divisé par le nombre d'agriculteurs, nous arrivons aux chiffres suivants: Maritimes, $11, 204; Québec, $7, 444; Ontario, $13, 520; Prairies, $24, 019; Colombie-Britannique, $21, 790; moyenne canadienne, $18, 080.

Je voudrais faire les commentaires suivants. En 1971, le Québec se plaçait donc, par quelques dollars supplémentaires, avant les Maritimes et était la deuxième parmi les provinces que j'ai nommées. En 1972, le revenu de l'agriculteur québécois tombe au dernier rang de toutes les provinces canadiennes. Nous sommes en train, non seulement dans ce secteur mais dans d'autres aussi, de nous maritimiser. Nous sommes en train de tomber dans la cave de la confédération canadienne: le Québec tombe au dernier rang. La situation ne se modifie pas du tout en 1973, Au contraire, elle se détériore. En 1974, la situation de l'agriculteur québécois, qui est encore au dernier rang de toutes les provinces canadiennes, et se détériore par rapport à l'année 1973.

Voyons ce que cela peut donner comme comparaison. Au cours des années1971 à1974, les agriculteurs, les producteurs des provinces maritimes ont vu leur revenu brut augmenter de 156%. En Ontario, les producteurs agricoles ont vu leur revenu augmenter de 168%.

Dans les Prairies, augmentation du revenu, toujours de 1971 à 1974, de 228%; Colombie-Britannique, augmentation du revenu de 129%; moyenne canadienne — je garde justement le Québec pour la fin — augmentation de 185%. Au Québec, quelle est la situation du revenu de l'agriculteur québécois? Augmentation de 49%.

Le ministre de l'Agriculture nous disait, dans son intervention d'hier, que si les agriculteurs empruntent, c'est parce q ue l'économie agricole va bien. Ne serait-ce pas, M. le Président, plutôt parce que les agriculteurs ne voient pas augmenter leur revenu au même rythme que les autres agriculteurs canadiens et se voient dans l'obligation d'aller justement sur les marchés financiers, au niveau des caisses populaires ou au niveau des banq ues, en vue d'empêcher la faillite? C'est probablement cela, la situation: en vue d'éviter la faillite. C'est clair. Ce sont des chiffres qui peuvent être vérifiés; ce sont des chiffres qui ont été rapportés à la page 7 du rapport de l'Union des producteurs agricoles au conseil des ministres du gouvernement du Québec, en datedu 19 juin 1974, et qui n'ont pas été contestés jusqu'ici.

M. le Président, le Québec tire le diable par la queue, comme d'habitude, mais le pire c'est qu'il tire de plus en plus le diable par la queue; le pire, c'est que le ministre de l'Agriculture continue de se fermer les yeux, continue de faire comme une autruche, se cacher la tête dans le sable pour ne rien voir. C'est clair. Augmentation des revenus des agriculteurs québécois de 49% par rapport à une augmentation moyenne, pour l'ensemble du Canada, de 185%. Voilà la situation de l'agriculteur québécois et la situation des revenus de l'agriculture québécoise.

La question que tous les agriculteurs et que nous aussi, de l'Opposition, nous nous posons constamment est: Comment le ministre de l'Agriculture du Québec peut-il, dans les circonstances, se surprendre que la productivité de l'agriculture québécoise soit moins forte que celle des autres provinces du Canada? Lorsque le ministre de l'Agriculture du Québec demande aux agriculteurs d'accroître leur productivité s'ils veulent voir croître leurs revenus, il fait preuve soit d'une ignorance inacceptable de la partd'un ministre de l'Agriculture ou d'une irresponsabilité qu'il nous démontre de plus en plus de ce temps-ci, particulièrement depuis 1973, et qui correspond en fait à l'irresponsabilité qui a toujours caractérisé ce ministre depuis 1971.

La vérité, c'est que le revenu des agriculteurs québécois n'augmente pas au même rythme que celui des agriculteurs des autres provinces et que son revenu net diminue constamment à cause de l'augmentation des coûts de production. Le ministre pourra tenter de contester ces chiffres et de démontrer, M. le Président, que la liquidité de l'agriculture québécoise augmente de plus en plus. Or, je regrette, ces chiffres sont confirmés par une étude du gouvernement fédéral, le patron du ministre, étude du gouvernement fédéral qui a été commandée par la commission Plumptre et qui a été réalisée par le professeur Frank T. Denton, David Freshwater et le professeur Leslie Robb. Cette étude démontre ceci. Les cultivateurs québécois, affirme-t-on, avec une diminution de 9% de leur revenu en 1974, pourront

difficilement s'équiper et améliorer ainsi leur productivité.

Les cultivateurs de l'Ouest ont pu, grâce au prix élevé des grains, augmenter considérablement leurs revenus — plus de 34% en 1974 — et ainsi acheter de l'équipement qui va accroître leur productivité. Toutes proportions gardées le cultivateur québécois, selon l'étude de la commission Plumptre, est celui qui investit le plus pour améliorer son entreprise agricole. Pour un revenu agricole net de $189 millions, les chiffres de 1972, les agriculteurs québécois ont investi 121% alors que leurs homologues ontariens n'ont investi que 116% pour un revenu net de $385 millions. Quant aux Albertains, avec des revenus nets de $334 millions, ils ont investi 99%. Et ce rapport continue en disant: "On peut donc en déduire que les agriculteurs québécois, s'ils avaient des revenus plus élevés avec un tel taux d'investissement, atteindraient une productivité qui dépasserait de loin celle des autres provinces. "

Faut-il que le ministre ait du front pour se présenter devant les agriculteurs québécois et leur demander d'augmenter leur productivité? La réponse qu'on pourrait faire au ministre, c'est que lui-même augmente sa productivité. Je pense que ça serait beaucoup plus efficace pour l'agriculture québécoise.

Et le rapport continue en disant: "Malheureusement, le manque d'aide gouvernementale, l'absence d'une politique de marché cohérente ne favorisent pas l'accroissement de leur revenu. " Cela, c'est une étude du gouvernement fédéral. La théorie qui est défendue par le ministre de l'Agriculture depuis un certain temps est complètement opposée à celle-là en tout cas.

Quand le ministre de l'Agriculture demande aux agriculteurs d'augmenter leur productivité, il devrait lui-même répondre à cette question en disant aux agriculteurs: On va appliquer des politiques qui vous permettront d'augmenter vos revenus et, en conséquence, vous pourrez augmenter votre productivité.

Le quatrième point que constate le rapport présenté à la commission Plumptre: "Marché ouvert, livré à toutes les concurrences et les dumpings, tant étrangers que des autres provinces, le Québec, s'il n'est pas protégé par une politique provinciale au moins énergique, ne peut développer une agriculture économiquement rentable qui favoriserait son expansion. " Je pense que je vais le répéter, parce que ce sont là des choses que j'ai affirmées avec insistance à la commission qui avait pour but d'étudier l'ensemble des crédits de l'agriculture. "Marché ouvert — dit la commission Plumptre — livré à toutes les concurrences et les dumpings, tant étrangers que des autres provinces, le Québec, s'il n'est pas protégé par une politique provinciale au moins énergique, ne peut développer une agriculture économiquement rentable qui favoriserait son expansion. "

Le ministre se rappellera que j'ai dit à plusieurs reprises, à cette Assemblée nationale comme en commission parlementaire, que le Québec était devenu le dumping, la poubelle — c'est bien l'expression — de l'Amérique du Nord. C'est de plus en plus l'expression de ce temps-ci, parce qu'on mange même de la charogne qui nous provient de l'Ontario.

Le Québec est devenu la poubelle de l'Amérique du Nord en ce qui concerne les produits agricoles, et le ministre ne fait rien. Et la commission Plumptre, commission du gouvernement fédéral, le constate, elle souligne abondamment ce fait. Une des conséquences de cette situation, conséquence qu'on a tendance à négliger quand on examine la hausse d u prixde l'alimentation, est que la majoration des revenus agricoles permet d'accroître les investissements et donc, d'améliorer la productivité du secteur agricole canadien.

La commission, par ailleurs, constate que depuis 1921 la répartition des terres agricoles canadiennes s'est déplacée notablement de l'est vers l'ouest. On en compte de moins en moins, dans l'agriculture canadienne, et particulièrement depuis 1970. Encore là, le ministre de l'agriculture n'a qu'une chose à nous dire: Cela va bien. C'est vrai. Tel que le disait tout à l'heure le député de Bellechasse, c'est vrai que je sens que de plus en plus mon disque est usé. C'est vrai qu'il faut constamment répéter, à cette Assemblée nationale. Parfois on se demande si on ne devrait pas tout simplement rester silencieux, si on ne devrait pas tout simplement arrêter de parler. On réaffirme ces choses depuis 1970, que ce soit dans le domaine municipal, que ce soit dans le secteur énergétique, dans le secteur des richesses naturelles il y a peut-être un ministre qui fait exception, c'est le ministre des Transports — dans celui du travail.

Il n'y a plus rien qui fonctionne dans ce gouvernement, ça ne marche plus. Il n'y en a plus. C'est vrai que parfois on constate nous-mêmes qu'on répète constamment les mêmes choses, mais c'est dans l'espoir qu'un jour ou l'autre ce gouvernement va se réveiller, c'est dans l'espoir qu'un jour ou l'autre ce ministre de l'Agriculture va se réveiller et va tenir compte de certaines recommandations que nous lui faisons à l'Assemblée nationale. Là, ce n'est pas le député de Saguenay qui l'affirme, c'est une étude du gouvernement fédéral. On en est rendu à un point que pour connaître la vérité sur l'agriculture québécoise il va falloir prendre nos statistiques, prendre nos informations au gouvernement fédéral parce qu'il n'y a plus de ministre de l'Agriculture au Québec, parce que les véritables maîtres de l'agriculture québécoise c'est à Ottawa qu'ils sont. Toute décision importante concernant l'agriculture canadienne et qui a des conséquences sur l'agriculture québécoise se prend à Ottawa et nous n'avons pas de pouvoirs. Le ministre de l'Agriculture continue constamment à se fermer les yeux. C'est cela qui est grave.

C'est d'autant plus grave que ce ministre est originaire du secteur agricole, ce ministre a particulièrement travaillé comme fonctionnaire à l'Union des producteurs agricoles. On pouvait naturellement — je comprends les agriculteurs — espérer qu'avec un tel ministre l'agriculture pourrait recevoir des politiques qui soient conformes au développement de ce secteur d'activité. Non pas que je doute de la volonté du ministre. C'est lui-même qui, il y a quelque temps — je comprends maintenant qu'on l'ait oublié parce que de plus en plus les ministres deviennent amnésiques, y compris le premier ministre du Québec — allait devant des étudiants du polytechnique affirmer qu'on ne le comprenait pas à

l'intérieur du cabinet, que ce n'était pas sa faute mais qu'au conseil des ministres il fallait qu'il développe, qu'il fasse des énoncés sur l'économie agricole et qu'il était tout seul à comprendre.

Je pense que ce que disait à ce moment-là le ministre de l'Agriculture correspond à la réalité. Ce gouvernement n'a jamais eu comme préoccupation première ou comme préoccupation importante, par rapport à d'autres secteurs de l'activité économique du Québec, de s'occuper du secteur agricole. C'est tellement vrai, quoi qu'en dise encore le ministre de l'Agriculture, que le budget de l'agriculture québécoise a diminué constamment.

Pourêtre plus réaliste, le pourcentagedu budget de l'agriculture du Québec, par rapport au budget de l'ensemble du Québec, a diminué constamment depuis l'arrivée de ce gouvernement. En 1962/63, par exemple, le budget de l'agriculture québécoise, par rapport à l'ensemble des activités économiques du Québec, correspondait à 6. 1%. En 1969/70, 2. 5%, donc, juste avant l'arrivée du gouvernement Bourassa.

On va prendre maintenant les années du gouvernement Bourassa. En 1970/71, pourcentage du budget, 2. 1%; en 1971/72, 1. 9%; en 1972/73, 2%; en 1973/74, 2%; en 1974/75, à cause des contestations, une légère augmentation, 2. 4%; en 1975/76, 2%. Je dois dire que, depuis seize ans, il y eut seulement cinq années où le pourcentage fut plus faible. Ces cinq années coïncident avec le gouvernement de M. Bourassa, ce gouvernement tellement conscient des besoins de l'agriculture québécoise, tel que le disait M. Bourassa, il y a quelque temps. C'est grave, c'est grave! Le ministre nous expliquait, encore hier, pratiquement, qu'il se réjouissait de la diminution du nombre de fermes depuis 1970.

Je ne dis pas que je suis pour le retour à des petites fermes qui ne sont pas rentables sur le plan économique; je dis qu'il va falloir conserver la ferme familiale, mais que cette ferme devra être une entreprise rentable. Je ne suis pas prêt à revenir à une agriculture artisanale. Cependant, il ne faudrait quand même pas qu'on fasse des politiques qui auront comme conséquence une diminution de plus en plus forte du nombre d'agriculteurs au Québec. Qu'on se souvienne que nous n'avons que 5% du sol qui est cultivable au Québec.

On peut donc en déduire que les agriculteurs québécois, tel que nous le soumet la commission Plumptre, s'ils avaient des revenus plus élevés, avec un tel taux d'investissement, atteindraient donc une productivité qui dépasserait de loin celle des autres provinces. Malheureusement, le manque d'aide gouvernementale, l'absence d'une politique de marché cohérente ne favorise pas l'accroissement de leurs revenus.

Voilà la situation telle que décrite dans cette étude. Le bilan agricole est pourtant clair, depuis 1970. La base agricole de ce pays qu'on appelle le Canada se déplace vers l'ouest. Du point de vue du fédéral, c'est sans doute normal, naturel, désirable même et rentable, politiquement et économiquement, mais, du point de vue des Québécois, ce n'est pas la même chose. Résultats en agriculture: ici c'est le marasme, là-bas c'est l'abondance. Ici, baisse de 9% du revenu net, hausse de 36% dans les Prairies; baisse de 21. 4% du pouvoir d'achat de nos agriculteurs, augmentation dans les Prairies; baisse continue de la part québécoise dans les recettes agricoles du Canada.

Le pourcentage des recettes ou des revenus des agriculteurs québécois, par rapport aux revenus de l'ensemble des agriculteurs canadiens, diminue constamment. En 1970, ce pourcentage était de 15. 7%, en 1971, 15. 1%, en 1972, 14. 3%; en 1973, 14. 1% et, en 1974, environ 13%.

Résultat des politiques agricoles de ce gouvernement: Notre situation se détériore de plus en plus. Les revenus agricoles per capita les plus faibles au Canada, en dessous de tout le monde, même en dessous des Provinces maritimes.

En plus de tout cela, on prévoit que le revenu net des agriculteurs au Québec devrait encore diminuer de 8% en 1975. En tenant cornpte de l'inflation prévue aux alentours de 10%, on arrive donc à un pouvoir d'achat moyen pour le cultivateur québécois, en 1975, à peu près égal aux deux tiers de ce qu'il était en 1973.

C'est grave, M. le Président. Pendant que toutes les autres classes de la société voient leur revenu augmenter, seuls les agriculteurs constatent une baisse de leur revenu de plus de 35% au cours des deux dernières années' Comment voulez-vous que ces gens augmentent leur productivité?

Il ne faut pas que le ministre de l'Agriculture soit gêné pour aller leur dire encore d'augmenter leur productivité. "Toupin — en date du 22 novembre 1974, dans la Presse de Montréal — aux agriculteurs: Accroissez votre productivité et vos revenus augmenteront. " Il faut avoir du front, de la part du ministre de l'Agriculture, pour aller affirmer une telle chose, quand on constate la productivité négative de ce ministre de l'Agriculture et de ce gouvernement depuis 1970.

Une Voix: Cela prend du toupet.

M. Lessard: Oui, cela prend du toupet. A quand l'augmentation de la productivité du ministre de l'Agriculture? On aimerait obtenir une réponse à ce sujet.

Alors, dans tout ce bilan global, que viendra donc faire ce projet de loi pour les agriculteurs québécois, si le ministre continue à ne rien faire?

Les agriculteurs pourront de plus en plus s'endetter et auront de moins en moins d'argent pour payer leurs dettes. Comme ils ne sont pas capables de trouver à l'intérieur de leur propre entreprise, comme c'est le cas dans tous les secteurs économiques, l'autofinancement nécessaire pour s'équiper, acheter du matériel nouveau, améliorer leur ferme, eh bien! ils devront, de plus en plus, passer par l'Office du crédit agricole. Non pas que cette loi n'améliore pas, pour l'individu comme tel, la situation. Il est certain que bien souvent l'endettement ou les emprunts empêchent les faillites. Mais, à longue période, si le ministre continue de ne rien faire, l'agriculture québécoise continuera de s'en aller dans le trou et on continuera d'être à la queue des autres provinces canadiennes. Cela, le ministre de l'Agriculture, ne semble pas en prendre conscience.

Non seulement ces agriculteurs continueront de

s'endetter, le pire c'est que l'argent des contribuables québécois s'en ira chez les intermédiaires. Le ministre, encore là, ne semble pas en prendre conscience. Le 19 mars — ce n'est pas le député de Saguenay — les libéraux de Montréal-Nord demandaient, dans une résolution, au ministre de l'Agriculture d'exercer une étroite surveillance sur les profits des intermédiaires dans l'alimentation. Même ces libéraux s'inquiètent de la situation.

Le ministre, en janvier dernier, disait qu'il n'y avait pas de problème. Pour que des libéraux s'en scandalisent, il faut que ce soit grave. Pour que des libéraux commencent à s'en scandaliser, il faut que la situation soit grave.

Par son refus obstiné d'enquêter chez les intermédiaires, le ministre se trouve tout simplement à canaliser, chez ces derniers, l'argent des taxes publiques tandis que l'agriculteur restera toujours ainsi endetté. L'agriculture, si cela continue, sera un tonneau sans fond. On va subventionner les agriculteurs, les prix vont augmenter e til ne restera plus rien pour les agriculteurs, encore une fois. Ils vont aller s'endetter à l'Office du crédit agricole. Ils vont emprunter. Et les grandes compagnies multinationales vont augmenter leurs prix. Il va rester quoi? Voulez-vous avoir des chiffres? On va vous en donner pour vous éclairer un peu. Je peux vous en donner.

Prenons les compagnies qui fournissent les matières premières aux agriculteurs: Maple Leaf, de 1969 à 1972, les profits avaient été de $2, 359, 000; 1973, $7, 859, 000, augmentation de 333%.

M. Massicotte: Quel est le chiffre d'affaires?

M. Lessard: De 333%.

M. Massicotte: Quel est le chiffre d'affaires brut?

M. Lessard: International Harvester Canada, moyenne 1969-1972, $7, 620, 000; 1973, $21, 864, 000, augmentation de 287%.

Ah! le chiffre d'affaires aurait augmenté, tout à coup, considérablement, en un an? Le chiffre d'affaires aurait augmenté de 287%? C'est drôle, on constate une même moyenne pour l'ensemble des entreprises multinationales comme si, cette année-là, les compagnies multinationales, les intermédiaires, avaient décidé d'augmenter leur chiffre d'affaires tout d'un coup! Voyons! Ne nous faites pas rire. A défaut d'en pleurer, il faut bien en rire, par exemple.

Massey-Ferguson, 1969-1972, moyenne des profits, $13, 667, 000; 1973, $58, 213, 000, augmentation de 426%. Cela, ce n'est pas scandaleux, c'est normal.

Je pourrais continuer mais cela, c'est en haut de l'agriculteur, là où l'agriculteur va chercher ses produits primaires. Puisque les prix ont augmenté, on pourrait s'attendre que les agriculteurs fassent de l'argent. Mais si c'est un problème d'inflation, on pourrait aussi s'attendre que les compagnies ne profitent pas de l'inflation.

Voyons maintenant, au niveau de la transformation des produits, quelle est la situation en ce qui concerne les principales chaînes de transformation.

Canada Packers. Je ne sais pas si j'ai Federal

Packing là-dedans. Non, je ne l'ai pas. Canada Packers, moyenne 1969-1972, $9, 350, 000; 1973, $14, 097, 000, augmentation de 50%.

B. C. Packers, moyenne 1969-1972, $2, 094, 000; 1973, $9, 343, 000, augmentation de 446%.

Pour faire plaisir à mon collègue, le député de Maisonneuve, Burns Food, moyenne de 1969-1972... Vous n'êtes pas actionnaire de cette compagnie?

M. Burns: Non.

M. Lessard: Burns Food, moyenne de 1969-1972, $2, 715, 000.

M. Bacon: Conflit d'intérêts.

M. Lessard: Augmentation ou profits en 1973, $4, 562, 000; augmentation de 168%.

Nous retrouvons, M. le Président, la même situation chez Dominion, en fait chez les principales chaînes de distribution: Dominion, Steinberg, Provigo, etc. Il y a juste les producteurs, à la base, qui, eux, ne font pas de profits.

Autrement dit, si le ministre ne fait rien, si le ministre ne contrôle pas les intermédiaires, si le ministre ne contrôle pas ses marchés, de telle façon que le Québec soit toujours la poubelle de l'Amérique du Nord, l'agriculture québécoise, malgré la Loi du crédit agricole, sera toujours dans la même situation.

En elle-même, la loi me paraît être une bonne loi. Mais comme elle s'intègre dans une politique générale de laisser-faire et de laisser-aller, elle ne contribuera qu'à l'endettement de plus en plus grand des agriculteurs québécois.

Je dis, M. le Président, que la loi me paraît satisfaisante puisqu'elle ne fait, en tout cas, au moins que se conformer à la situation économique du jour. En effet, les deux points majeurs de ce projet de loi ont pour objectif d'augmenter le crédit agricole, pour les agriculteurs, qui passera, pour un individu, de $40, 000 à $100, 000 et, dans le cas de groupes, de $60, 000 à $200, 000. Je pense que cela correspond à la réalité puisque, depuis 1961, les investissements moyens par ferme canadienne n'ont cessé d'augmenter.

En 1961, ces investissements étaient de $27, 400, alors qu'en 1971 ils sont de $64, 700 et on prévoit que ce chiffre atteindrait $100, 000 en 1980. Donc, pour satisfaire un tel besoin, une telle augmentation des investissements, il faut davantage de crédit. Or, ce qui peut passer pour une hausse du crédit agricole à court terme comme tel, dans le présent projet de loi, est, en fait, seulement une mise à jour, compte tenu des besoins et de la valeur décroissante de l'argent. En fait, avec la présente hausse, on maintient la situation telle quel le, tout au plus; on l'empêche de se détériorer, maison ne l'améliore pas ou presque pas.

Je voudrais, M. le Président — j'espère que le ministre nous apportera un amendement à ce sujet — souligner le fait que cette loi n'encourage pas tellement le regroupement agricole et même est une loi négative en ce qui concerne l'incitation au regroupement. Pourquoi? Parce qu'un individu pourra recevoir, comme crédit agricole, $100, 000 et, si trois

individus se regroupent, leur crédit est limité à $200, 000; alorsque, si chacun empruntait individuellement, ils pourraient obtenir $300, 000.

C'est donc un découragement des politiques prônées par le ministère de l'Agriculture, à savoir, autant que possible, de permettre le regroupement des fermes. D'ailleurs, ce point est souligné dans La terre de chez nous du 2 avril 1975 où on écrit ceci: "Ainsi donc, dans le cas du long terme, si le projet franchit le cap de la troisième lecture dans sa version actuelle, il deviendrait possible pour un individu d'obtenir un prêt maximum de $100, 000 de l'Office du crédit agricole, à comparer avec un plafond de $40, 000 à l'heure actuelle. Dans le cas d'un groupe, le montant total passerait de $60, 000 à $200, 000. En définitive, ces nouveaux maxima constituent une étape devant permettre à l'office de financer des fermes familiales industrialisées sans rendre possible, pour autant, le financement des grosses entreprises agricoles québécoises et certaines, mu Itifami-liales. Le service d'étude et de recherche de l'UPA signale à cet effet que les spécialistes du gouvernement auraient avantage à explorer ces besoins particuliers de financement pour être en mesure de couvrir l'ensemble des exploitations. Pour la ferme de groupe, la norme de $200, 000 ne tient pas compte du nombre de propriétaires exploitants; il demeure encore plus facile à cinq personnes d'obtenir chacune $100, 000 plutôt que de se grouper et de limiter, en ce faisant, leur crédit à $200, 000. Il aurait été plus logique, selon l'UPA, de baser les prêts sur un multiple du nombre de propriétaires exploitants. " S'il y a cinq propriétaires exploitants, qu'on leur permette tout simplement de pouvoir emprunter $500, 000.

J'espère, M. le Président, que le ministre de l'Agriculture, qui nous a annoncé un amendement particulièrement à cet article, pourrait peut-être nous proposer de hausser ces $200, 000 à $300, 000. Ce serait plus logique et cela inciterait les regroupements, alors qu'actuellement, par la loi qui nous est présentée, on combat en fait le regroupement; on n'encourage pas les gens à se regrouper.

En ce qui concerne un autr élément essentiel de ce projet de loi, à savoir l'aspirant agriculteur, il est défini comme "toute personne physique âgée d'au moins 18 ans et d'au plus 40 ans, propriétaire ou locataire d'une ferme, qui s'adonne à l'agriculture sans en faire sa principale occupation et s'engage à en faire sa principale occupation dans les délais et suivant les conditions fixées par règlement. " Je dis que cela est une modification majeure, importante et qui va certainement permettre à plus de jeunes de s'intéresser à l'agriculture. En effet, il y avait beaucoup de jeunes qui étaient intéressés à l'agriculture, mais ne pouvaient profiter du crédit agricole à cause du fait qu'ils se trouvaient un autre revenu d'appoint à l'extérieur de l'agriculture.

M. le Président, je termine sur ce point. Malgré le fait que cette loi soit nécessaire, améliore individuellement la situation de l'agriculteur québécois et lui permette d'avoir accès à des crédits supplémentaires, je dis, M. le Président, que le problème de l'agriculture québécoise n'est pas pour autant réglé. Au contraire, si le ministre nefait rien pour contrôler les marchés, contrôler les intermédiaires; fi le ministre ne fait rien pour assurer non pas la stabilisation des déficits, non pas la stabilisation des faillites, mais pour assurer des revenus stables aux agriculteurs québécois, je dis que l'agriculture continuera de se détériorer au Québec.

M. le Président, le ministre fait payer par la collectivité québécoise l'absence totale de contrôle sur les concurrents et le dumping, pratiqué tant par les étrangers que par les autres provinces et qui détruit le revenu des agriculteurs, forçant ces derniers à avoir de plus en plus recours à l'Office du crédit agricole. Les intermédiaires comme ceux qui viennent vendre leurs produits chez nous en faisant du dumping, voilà les vrais bénéficiaires de l'aide accrue que le ministre s'apprête à accorder à la classe agricole, tout en sachant fort bien que cet argent ne restera pas, en définitive, dans la poche des agriculteurs et qu'un revenu normal assurerait aux agriculteurs une indépendance accrue face au crédit agricole. Je dis que le ministre de l'Agriculture ne devrait plus aller demander aux agriculteurs d'augmenter leur productivité, mais que le ministre de l'Agriculture devrait lui-même augmenter sa propre productivité s'il veut assurer une agriculture rentable au Québec, agriculture qui ne cesse de se détériorer depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement en 1970.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, qu'il me soit permis de signaler, au début de mon intervention, la présence d'un groupe d'étudiants de Saint-Honoré, comté de Beauce-Sud, accompagnés de leur professeur et de leur souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale.

Nous avons ce matin devant nous le projet de loi no 2, Loi modifiant la loi du crédit agricole. On se rappellera que des amendements à la Loi du crédit agricole avait été exigés par l'UPA. On se rappellera également que d'autres organismes avaient exigé des modifications à la loi de façon qu'elle soit mieux adaptée aux besoins de l'agriculture québécoise modèle 1975 et pour les années q ui vont suivre, 1976, 1977 et les autres.

Il est évident que ce projet de loi ne comporte rien de mauvais en soi, sauf un point sur lequel je voudrais immédiatement attirer l'attention du ministre. Dans ce projet de loi, et pour la première fois dans l'histoire de l'Office du crédit agricole, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui va autoriser les augmentations de crédits qui doivent être mis à la disposition de l'office pour lui permettre de consentir des prêts aux agriculteurs. Cette disposition à la loi est complètement nouvelle. On vient de mettre de côté un principe sur lequel on avait tenu à l'époque, lors de la création de l'Office du crédit agricole, voulant que toute augmentation des montants mis à la disposition de l'office serait dorénavant soumise à la Chambre parce que ceci faisait l'objet d'un projet de loi qui était soumis à l'Assemblée législative du temps, aujourd'hui l'Assemblée nationale.

Et aujourd'hui, du revers de la main, on enlève ce pouvoir au législateur, pour le donner encore aux technocrates et aux hauts fonctionnaires du gouver-

nement qui vont préparer un arrêté en conseil qui sera porté devant la table du conseil des ministres, parmi une multitude d'autres arrêtés en conseil, de façon qu'on va régler dans 30 secondes la question importante qui concerne le crédit agricole.

Je m'oppose à cette mesure. Le député de Vanier dit: Encore. Oui, M. le Président, malheureusement encore. Si le règlement de la Chambre me permettait d'interroger nos col lègues, à savoir si ce projet de loi no 2 a été soumis au caucus du Parti libéral avant d'être soumis devant l'Assemblée nationale, jeserais curieux d'avoir les réponses. Probablement que ce projetde loi, comme les autres, n'a pas reçu l'approbation d u Parti libéral, du parti qui a la responsabilité, le mandat d'administrer le Québec.

Comme d'habitude, on a mis encore de côté l'opinion de nos collègues ministériels, par le fait que les projets de loi sont précipités devant l'Assemblée nationale du Québec, sans même que les députés ministériels soient consultés.

Je le dis et je le répète, sans que les députés ministériels soient consultés. Et si mon collègue, le député de Huntingdon, veut intervenir, il a un pupitre derrière moi; il n'a qu'à se lever, vous demander la parole et je l'écouterai avec un grand plaisir. Mais à ce moment je ne lui reconnais pas le droit, d'autant plus qu'il se promène derrière le fauteuil, d'intervenir dans ce débat, surtout avec un gros cigare, alors qu'on sait que c'est interdit de fumer à l'Assemblée nationale.

M. Cadieux:... péquiste.

M. Roy: II veut peut-être démontrer sa prospérité personnelle. Pour revenir de façon sérieuse à l'objet du projetde loi qui est actuellement devant nous, je trouve encore cela mal heureux cette fois. Lorsque le gouvernement est obligé de représenter un nouveau bill à l'Assemblée nationale et que ce bill permet aux députés d'interroger le gouvernement et aux députés ministériels d'intervenir pour faire leurs recommandations, on vient tout simplement, encore ce matin, comme dans les autres projets de loi, enlever aux législateurs cette responsabilité qu' ils avaient de fixer eux-mêmes les montants par un bill présenté devant l'Assemblée nationale. Cela permettrait aux membres de l'Assemblée nationale, aux élusdu peuple d'intervenir dans les affaires du crédit agricole, d'exiger du gouvernement de rendre des comptes, d'exiger du gouvernement des précisions quant à l'application de ses politiques et d'exiger du gouvernement des modifications quant aux politiques et aux modernisations des lois ou encore de la réglementation. Cela nous permettrait de critiquer ou de faire des suggestions pertinentes au gouvernement pour ce qui a trait à l'application de la Loi du crédit agricole, à ses règlements et la façon dont le crédit agricole est appliqué dans le Québec.

Encore là le législateur n'aura plus son mot à dire. Si c'est la philosophie qui anime le gouvernement, il n'aurait qu'à adopter un projet de loi en Chambre dans lequel on donnerait au lieutenant-gouverneur en conseil tous les crédits, tous les pouvoirs de faire tous les règlements dans tous les domaines et le tour serait joué. C'est en quelque sorte là où nous nous dirigeons à l'heure actuelle.

Nous sommes limités actuellement, comme députés, comme élus du peuple, comme représentants élus d'une population, à des petites questions de détails techniques. Nous avons de moins en moins notre mot à dire dans les grandes politiques gouvernementales et dans les grandes décisions administratives du gouvernement.

Je dis que c'est extrêmement malheureux que le gouvernement continue de faire la sourde oreille aux mémoires et aux recommandations qui ont été présentés par le Barreau, la Chambre de commerce du Québec, dans lesquels on a voulu attirer l'attention non seulement des législateurs mais également de l'opinion publique et du gouvernement surtout sur ce pouvoir discrétionnaire totalitaire qu'on est en train de donner au lieutenant-gouverneuren conseil, aux hauts technocrates, c'est à un point tel que nous sommes en train de donner aux technocrates tous les pouvoirs que peut comporter un gouvernement parallèle.

On aeu l'occasion de le dire dans le passé et je le répète encore ce matin. Dans un domaine aussi important que celui du secteur agricole, qu'on fasse en sorte, encore une fois, de référer le tout au lieutenant-gouverneur en conseil et de soustraire de ses responsabilités l'Assemblée nationale, je dis que c'est un abus de pouvoirs. Je ne suis pas d'accord, pour ce qui me concerne, sur cette situation parce que c'était le seul moyen que nous avions, à part l'étude des crédits du ministère qui nous limite quand même à un certain nombre d'heures, c'était la seule occasion que nous avions d'intervenir dans les affaires de l'Office du crédit agricole et de faire part de nos observations et de nos recommandations au gouvernement.

Quand le gouvernement nous parle d'une réforme dans la Loi du crédit agricole et qu'il nous présente un projet de loi comme le projet de loi no 2, je pense qu'il aurait été important, au préalable, de définir les orientations — je dis bien les orientations, je pourrais parler de l'orientation — que le gouvernement entend suivre vis-à-vis du monde agricole. Est-ce que le gouvernement veut être le sauveur de ce qu'on pourrait appeler la production agricole ou s'il veut travailler dans l'intérêt des producteurs agricoles qui sont des citoyens du Québec à part entière, des citoyens qui paient des taxes, des citoyens qui paient des impôts, des citoyens qui apportent leur contribution au développement économique de la province, des citoyens qui jouent un rôle fondamental, un rôle primordial dans l'économie du Québec parce que ce sont eux qui ont la responsabilité de nourrir la population du Québec?

On a l'impression très nette, depuis cinq ans mais surtout depuis les deux dernières années, qu'on ne cherche pas du tout, qu'on ne se soucie d'aucune façon des problèmes humains, des problèmes auxquels les agriculteurs ont à faire face là où l'action gouvernementale est centrée uniquement vers la productivité et la production en termes de q uantité de prod uits agricoles. Si c'était encore l'objectif que le gouvernement poursuivait, en ce sens que le gouvernement voudrait qu'on produise majoritairement, qu'on produise tous les produits agricoles qu'on peut produire au Québec de façon à satis-

faire les besoinsde la société québécoise, de façon à nous libérer de la tutelle du commerce international, je dirais qu'au moins nous avons une consolation, mais ce n'est même pas cela. On ne cherche pas du tout, au Québec actuellement, à faire en sorte que la production agricole puisse se développerde façon à assurer au Québec et aux Québécois une autosuffisance de façon qu'on dépende de moins en moins des grands marchés internationaux.

Je pense que le premier principe qui devrait guider le gouvernement dans l'orientation de ses politiques agricoles — et c'est fondamental dans la Loi du crédit agricole — c'est que l'agriculture doit être la responsabilité et l'exclusivité des agriculteurs. En termes simples, faciles à comprendre pour tout le monde, que l'agriculture reste aux agriculteurs du Québec. Il y a actuellement la Loi du rachat des petites fermes, une loi fédérale. Il y a d'autres lois du gouvernement fédéral qui viennent s'implanter, qui viennent s'ingérer dans nos politiques agricoles provinciales, qui viennent contrecarrer "certaines" politiques provinciales. J'en parle à ce moment-ci parce que la Loi du rachat des petites fermes est une des politiques qui concernent directement l'Office du crédit agricole du Québec.

Je le dis à l'intention de l'honorable ministre qui est ici, la loi fédérale du rachat des petites fermes accorde des primes à des professionnels, à des in-dustriels qui achètent les petites fermes de nos petits agriculteurs du Québec à l'heure actuelle. J'espère que le ministre est au courant.

Si le ministre n'est pas au courant de ce fait, j'ai suffisamment de dossiers à mon bureau pour lui apporter des preuves.

M. Toupin: II n'y a pas de prime, c'est le vendeur qui en a une.

M. Roy: Pardon?

M. Toupin: Dans le programme rachat des petites fermes, l'acheteur n'a aucune...

M. Roy: Oui, on encourage les agriculteurs à laisser leur ferme; on leur donne des primes pour se débarrasser de leur ferme, pour permettre aux hommes d'affaires, aux industriels et aux professionnels de devenir des propriétaires agricoles...

M. Toupin: C'est du rêve.

M. Roy: J'ai desfaits, M. le Président. Le ministre le sait, le ministre ne peut pas me contredire à ce moment. Il y a des gens qui s'en vont dans l'agriculture pour trouver un moyen d'avoir plus de dépenses pour tâcher de diminuer leur impôt sur le revenu.

M. Toupin: C'est cela, l'argument classique.

M. Roy: Le ministre est d'accord avec moi là-dessus.

Qu'est-ce que fait le gouvernement du Québec, face à cette situation, face à cette législation qui devraitêtre dénoncée par le ministre de l'Agriculture du Québec?

M. Toupin: Si le gars produit des produits agricoles.

M. Roy: Tout à l'heure, dans quelques années, l'agriculture du Québec ce ne sera pas entre les mains des agriculteurs. Le peu d'agriculteurs professionnels que nous aurons continueront à se débattre, à se démener contre des entreprises, de grosses entreprises dans lesquelles on aura mis d'énormes capitaux. Celles-ci auront atteint des taux de productivité ou des coûts de production peut-être inférieurs, parce qu'il y aura toutes sortes d'expédients et toutes sortes de façons de pouvoir bénéficier de telle ou telle disposition, de telle ou telle réglementation, mais elles placeront les agriculteurs professionnels, les agriculteurs authentiques du Québec, dans un état de dépendance de plus en plus grande.

Cette absence de philosophie, cette absence de principe, cette absence d'épine dorsale, au niveau du ministère de l'Agriculture du Québec, ne peut que favoriser l'inquiétude grandissante du monde agricole et de l'économie rurale dans son ensemble.

Quand on voit qu'actuellement le Québec tente de faire le contingentement de la production agricole, tente de distribuer des quotas, tente de limiter les producteurs agricoles du Québec, et qu'on voit que d'un autre côté les importateurs, les compagnies importatrices font des chiffres d'affaires d'or, font les plus grandes affaires qu'ils n'ont jamais faites, réalisent des millions en détruisant l'agriculture du Québec, d'une part, et en exploitant le consommateur, d'autre part... Je vois mon collègue qui fait des signes de la tête. Je comprends qu'il n'a pas tellement, ce collègue, de problèmes agricoles dans son comté. J'aimerais quand même porter à son attention...

M. Dufour: On en a déjà entendu parler.

M. Roy:... certaines statistiques qui vont certainement lui permettre...

M. Dufour: Je viens d'un comté rural puis je connais cela.

M. Roy:... et je le lui dis poliment, délicatement, qui vont lui permettre de se rendre compte et d'apprendre quelque chose, pour ce qui regarde l'agriculture au Québec.

M. Dufour: Oui, mais...

M. Roy: A une question... M. le Président, le député n'a pas le droit d'intervenir, il n'est pas à son siège. Je vous inviterais à le rappeler à l'ordre.

M. Lacroix: II vient d'un comté rural, il vient du comté de Charlevoix. C'est un comté rural.

M. Dufour: Je me garde bien de rêver tout haut.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lacroix: Oui, M. le Président.

M. Dufour: Bonjour.

M. Roy: Peut-être qu'on aimerait qu'on parle un peu d'autre chose, mais je ne bifurquerai pas, je vais poursuivre mon intervention sur la loi qui est actuellement en discussion.

Je veux dire à mes illustres collègues que la province de Québec a été une province qui, dans le domaine de l'industrie laitière, s'est toujours située au premier rang des provinces canadiennes. Je suis convaincu que je n'apprends rien à personne en disant cela. Sous prétexte de rentabilité, sous prétexte de modernisation, sous prétexte de nouvelles politiques, on a procédé à la fusion coercitive des usines laitières pour rendre l'agriculture du Québec de plus en plus dépendant d'une seule entreprise laitière, une entreprise de transformation de produits laitiers de plus en plus grosse, de plus en plus grande, de plus en plus puissante, réduisant de plus en plus l'agriculteur à un petit numéro vis-à-vis de ce gigantisme qu'on a érigé en système. On a fait du Québec et du Canada, qui était un pays exportateur de produits laitiers, de beurre en particulier, aujourd'hui, un des pays importateurs.

M. le Président, lorsqu'on regarde les prix que les importateurs paient pour les produits étrangers qu'ils viennent mettre sur le marché du Québec, on ne peut pas faire autrement que commencer à comprendre pourquoi le gouvernement est impuissant, pourquoi il n'intervient pas.

Parce qu'on sait — les chiffres sont là pour le démontrer — que le gouvernement a des intérêts particuliers quelque part.

Le député de Bellechasse posait au gouvernement fédéral la question no 1361, le 24 mars 1975; ce n'est pas une question qui a été posée en 1970, ni en 1972, mais une question qui a été posée le 24 mars 1975. Cette question se posait comme suit: "Le Canada a-t-il importé du beurre au cours de la période allant du 1er avril 1974 au 31 décembre 1974? Dans l'aff i rmative, dans q uel s pays et à quels prix et quel le est la quantité importée de chaque pays?"

M. Gaston Clermont, secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie et du Commerce, répondait de la façon suivante: "Statistique Canada nous communique les renseignements suivants: les importations de beurre au Canada, au cours de la période allant d'avril à décembre 1974, se sont élevées — là, j'attire l'attention de mon collègue de Vanier — à 41, 716, 900 livres de beurre pour une valeur de $24, 666, 000. Le tableau ci-dessous représente la quantité importée de chaque pays d'expédition et le prix moyen en cents la livre. " Or, du 1 er avril 1974 au 31 décembre 1974, le Canada a importé des Etats-Unis 235, 000 livres de beurre à $0. 44 la livre. Demandons aux consommateurs du Québec quel prix ils ont payé le beurre lorsqu'ils se sont rendus dans leurs marchés d'alimentation. Qui a encaissé la différence, soit plus du double? Ce sont des questions qui intéresseraient les membres de l'Assemblée nationale. C'est une question qui intéresserait tous les Québécois, tous les consommateurs du Québec. De la Nouvelle-Zélande, nous avons acheté 16, 615, 000 livres de beurre à $0. 61 la livre. Est-ce que le consommateur du Québec a payé son beurre $0. 70 la livre?

Est-ce qu'il l'a payé $0. 80 la livre, son beurre? Qui a empoché les millions de dollars? Peut-être que le député de Huntingdon, qui siègederrière moi, pourrait nous le dire. Qui a empoché ces millions, au détriment, d'une part, de l'agriculture québécoise et, d'autre part, des consommateurs du Québec? Quels sont ceux qui profitent de la situation?

En Australie, 15, 680, 000 livres de beurre, à $0. 61 la livre. Encore là, qui a profité de la situation? Qui a empoché les millions de dollars?

De la Suède, 6, 613, 000 livres de beurre, à $0. 54 la livre, moins de la moitié du prix que les consommateurs du Québec doivent payer. Il y a quand même des limites! Qui empoche ces millions de dollars, encore une fois? A qui cela profite-t-il? Comment se fait-il que le Québec soit en train de devenir une province archipauvre? Comment se fait-il que nos agriculteurs du Québec abandonnent leur ferme, par milliers, chaque année? Comment se fait-il qu'il y ait tellement de ventes à l'encan?Comment se fait-il que l'Officedu crédit agricole refuse tant de prêts?On dit, dans les réponses aux cultivateurs qui font des demandes de prêts agricoles: Vous n'avez pas prouvé que votre exploitation était rentable. C'est ça qu'on dit aux cultivateurs.

On vient encore, ce matin, faire croire à la population du Québec que, par le bill 2, on va régler les problèmes de l'agriculture! Même si on est d'accord en partie sur ce projet de loi — je l'ai dit tout à l'heure, c'est une excellente loi en soi— il ne faut pas qu'on se limite à cela. Il va falloir faire en sorte que les agriculteurs du Québec ne soient pas des éternels hypothéqués, endettés pour le reste de leurs jours. Il va falloir, quand même, qu'on leur donne la chance, à ces gens, de pouvoir prospérer et de pouvoir entrevoir le jour où ils pourront être libérés des servitudes financières qui augmentent chaque année. J'entends le ministre dire, en parlant des agriculteurs du Québec: II faut qu'ils deviennent plus productifs. Il faut qu'ils augmentent leurs productions. Est-ceque le ministre est en train d'installer un système d'esclavage pire que celui qu'on connaissait dans le temps des galères espagnoles?

Qu'on aille donc voir chez les agriculteurs du Québec qui gardent 25, 30, 35 vaches laitières, actuellement, si ce sont des gens qui ne font pas leur possible, qu'on aille donc voir si ces gens ne font pas preuve d'intelligence dans l'exploitation de leur ferme. Ce sont des gens qui travaillent sept jours par semaine. Ce ne sont pas des gens q ui sont syndiqués et qui sont limités à faire des 30et 35 heures de travail. On sait cela, M. le Président. Et le ministre a l'audace de venir dire devant l'Assemblée nationale: Pour permettre aux agriculteurs du Québec d'accroître leur production. Il y a quand même des limitesl

M. le Président, qu'on laisse l'agriculture aux agriculteurs d'abord; cela devrait être la première préoccupation du gouvernement. La deuxième préoccupation du gouvernement: Qu'on fasse en sorte que le Québec puisse produire les biens de consommation qu'il peut produire et dont il a besoin pour satisfaire les consommateurs québécois sans accroître notre dépendance sur les marchés internationaux. Bientôt nous aurons des problèmes de ce côté-là.

M. le Président, le ministre de l'Agriculture notre ministre de l'Agriculture qui, pourtant, est un expert dans les questions agricoles, un ministre qui a vécu auprès des agriculteurs de sa région, un ministrequi a travaillé au niveau des associations agricoles, qand va-t-il parler au Québec des fermes à dimension humaine? On est en train de réduire ce qu'il reste d'agriculteurs au Québec dans l'esclavage le plus total, l'esclavage absolu et cela avec non seulement la bénédiction du gouvernement mais avec des politiques gouvernementales qui visent à accroître ce système. C'est quand même là un point, M. le Président, sur lequel on ne peut pas être d'accord et sur lequel nous nous opposons de façon sérieuse. C'est le troisième point sur lequel je voulais attirer l'attention du ministre.

Un autre point, M. le Président, que je pense important, lorsque l'Office du crédit agricole fait des prêts pour 39 ans et demi — c'est le règlement, c'est la loi: 39 ans et demi — lorsqu'un agriculteur est âgé de 40 ans et qu'il a recours à la Loi du crédit agricole, qu'il emprunte pour 39 ans et demi, il n'en demeure pas moins vrai que sa ferme et son prêt seront payés lorsqu'il aura atteint l'âge respectable de 79 ans et demi. S'il a 41 ans, c'est un ciltivateur qui devra attendre d'avoir l'âge de 80 ans...

M. Lessard: Et demi.

M. Roy:... et demi, comme dit mon collègue de Saguenay, avant d'avoir remboursé l'Office du crédit agricole.

Une Voix: 80 ans. M. Roy: 80 ans.

M. Toupin: 80 ans parce que le premier paiement est six mois en retard.

M. Roy: Oui mais, quand il y a un retard à cause de la grève des postes, cela fait 80 ans et demi.

M. Toupin: II va avoir 79 ans et demi quand il va recevoir son dernier compte.

M. Roy: M. le Président, quand il y a une grève des postes et qu'il y a des retards comme il y en a à l'heure actuelle, cela fait facilement 80 ans et demi.

M. Toupin: C'est juste une question mathématique, M. le Président.

M. Roy: M. le Président, ceci veut dire que cet agriculteur devra, au moment de prendre sa retraite, vendre son exploitation agricole soit à un de ses fils, soit à quelqu'un du milieu ou à une autre personne par l'entremise de courtiers, de services d'établissement, les caisses d'établissement, les institutions financières locales, soit encore par l'entremise des services organisés par l'UPA, les syndicats de production agricole de façon à trouver quelqu'un qui puisse acheter sa propriété agricole.

M. le Président, c'est bien beau de dire q ue nous allons augmenter les prêts agricoles de façon que l'agriculteur du Québec puisse emprunter jusqu'à concurrence de $100, 000, s'endetter jusqu'à $100, 000. Cela fait un beau chiffre rond. M. le Président, à qui cet agriculteur, rend u à 65 ans, pourra-t-il vendre sa propriété agricole?

M. le Président, on sait qu'actuellement, malheureusement, il n'y a pas de relève, il n'y a pas de relève ou très peu de relève en agriculture. Le ministre aura beau nous citer les nouveaux prêts agricoles qu'il y a eu l'an dernier, ce n'est pas suffisant pour nous convaincre. On constate que, s'il y a eu de nouveaux prêts agricoles, le nombre d'agriculteurs enregistrés au Québec a diminué au cours de l'année. C'est dire qu'il n'y a pas de relèvesuffisante dans le domaine de l'agriculture. Et, M. le Président, qui va acheter une ferme d'une valeur de $150, 000 ou $200, 000? Est-ce que ce sont les jeunes qui sortent desécoles? Est-ce que ce sont les jeunes travailleurs qui, après deux ou trois ans de travail sur la ferme paternelle ou sur une autre ferme, pour prendre un peu d'expérience, auront la liquidité nécessaire pour devenir propriétaires d'une ferme rentable? Quels sont les capitaux, actuellement, qui sont requis, comme mise de fonds, pour se porter acquéreur d'une nouvelle exploitation agricole?

M. le Président, la porte est pratiquement fermée. Si un jeune agriculteur, actuellement, ne reçoit pas de son paternel une partie de l'héritage de $20, 000 à $25, 000 et qu'on lui vend la ferme à rabais, il n'est pas admissible au prêt agricole. Si le jeune agriculteur, avec $3, 000, veut s'acheter une ferme rentable, selon les normes et les exigences de l'Office du crédit agricole, la porte est fermée. Il n'y a pas de jeunes agriculteurs qui, avec des capitaux de $2, 000 à $3, 000, actuellement, peuvent être acceptés par le prêt agricole et par les sociétés qui font des prêts éligibles aux subventions.

Peut-être que dans certaines régions du Québec...

M. Toupin: II y en a eu 1, 200 l'année dernière.

M. Roy: Dans ma région, les dossiers se multiplient sur mon bureau, pour lesquels j'ai toujours la même réponse. On fait parvenir la même réponse au cultivateur: Vous n'avez pas une mise de fonds suffisante, votre liquidité ou votre équité ne répondent pas aux normes de l'office, ou votre exploitation agricole n'est pas rentable.

M. Toupin: C'est vrai.

M. Roy: Bon, le ministre l'admet.

M. Toupin: La dernière...

M. Roy: II faudrait être millionnaire, il faudrait être riche, pour être capable de s'établir en agriculture.

M. Toupin: La dernière raison, c'est vrai.

M. Roy: Ai-je la parole, M. le Président? Je n'ai pas interrompu le ministre.

M. Toupin: Si vous n'avez pas d'argent, je ne vous prêterai pas d'argent.

M. Roy: Je n'ai pas interrompu le ministre, M. le Président.

M. Toupin: Je ne vous interromps pas, M. le Président.

M. Roy: Le ministre pourra intervenir tout à l'heure, il aura droit de réplique en vertu de la loi.

M. Lacroix: Vous dites des faussetés.

M. Roy: Je veuxdire ceci au ministre... Le député des Iles-de-la-Madeleine, on pourrait lui parler de quelque chose.

M. Lacroix: Allez-y!

M. Roy: On pourrait lui parler de ses consommateurs, à l'heure actuelle, du prix qu'ils paient le lait, aux Iles-de-la-Madeleine.

M. Lacroix: Je pourrais vous en parler, moi aussi, parce que vous ne connaissez rien là-dedans, comme dans bien d'autres domaines.

M. Roy: Mais vous vous êtes plaint. Je le comprends, le député des Iles-de-la-Madeleine, et, pour une fois, je suis d'accord avec lui. Le gin coûte noins cher que le lait aux Iles-de-la-Madeleine.

M. Lacroix: Tout cela prouve que vous ne connaissez rien, encore une fois.

M. Roy: Les gens des lles ont été obligés d'écrire à celui qui vous parle pour tâcher de l'intéresser à la question.

M. Lacroix: Imaginez-vous bien que ce n'est pas lui qui va régler le problème.

M. Roy: M. le Président, je ne suis pas intervenu pour voir...

M. Lacroix: Vous vous prenez pour un autre.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy:... si le ministre... Pas le ministre, M. le Président, j'ai fait un lapsus épouvantable. C'est le député des Iles, je le retire immédiatement, j'ai failli dire le ministre des Iles... Le député des Iles, notre collègue, député des Iles-de-la-Madeleine, est incapable de régler la question. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas touché. Dans quelques jours, peut-être dans quelques semaines, on verra si la situation a été réglée. Je comprends les gens des Iles. Je comprends le députédes Iles, qui ades problèmes particuliers, de ce côté, qui demande l'action du gouvernement et du ministère de l'Agriculture. Je le comprends, je ne le blâme pas, je ne lui fais pas de reproche à ce moment-ci. Je dis qu'il a un problème dans son comté, qui est réel et véritable...

M. Lacroix: Ce n'est pas le seul problème.

M. Roy: Les problèmes que le député des Iles a chez lui, nous risquons de les retrouver ailleurs, dans d'autres régions du Québec dans un avenir plus ou moins rapproché.

M. le Président, je dis, en terminant, à l'intention du ministre, qu'il y a de jeunes agriculteurs qui ont réussi le tour de force de se porter acquéreur d'un établissement agricole, d'exploiter une ferme q ui les fait vivre, mais sans avoir pu bénéficier d'un prêt de l'Office du crédit agricole et sans avoir pu obtenir les subventions qui s'y rattachent, sans avoir pu bénéficier des autres prêts en vertu des autres lois.

M. le Président, quand un agriculteurdu Québec est capable d'avoir des prêts ailleurs pour s'établir dans l'agriculture et qu'il est capable de démontrer qu'il y a possibilité de vivre sur une petite ferme bien organisée à laquelle on a agencé une série de revenus d'appoint, et que l'Office du crédit agricole ne reconnaît pas ce cultivateur, ne reconnaît pas cet agriculteur, il est temps que les membres de l'Assemblée nationale, tous les membresde l'Assemblée nationale se posent de sérieuses questions. Il y a quelque chose qui ne va pas quelque part et ce quelque part, actuellement, nous le disons, c'est au ministère de l'Agriculture. ll y a quelquechose qui ne tourne pas rond dans l'esprit de quelques personnes qui ont administré ou appliqué la Loi du crédit agricole.

En ce qui a trait aux fermes rentables, j'aurais pu intervenir et parler du lait. J'aurais pu intervenir et parler des grains de provende, l'occasion aurait été idéale. J'aurais pu parler du problème avec lequel sont actuellement aux prises les éleveurs de bovins de boucherie. J'aurais pu parlerde la mise en marché de la viande au Québec, problème qui va avoir des conséquences extrêmement lourdes pour les éleveurs de bovins de boucherie du Québec, problème qui va avoir des conséquences pour plusieurs années auprès de petits producteurs de bovins de boucherie du Québec. Ce que le gouvernement a fait, c'est-à-dire ce que le gouvernement n'a pas fait, je m'excuse — et je remercie mon collègue, le député d'Iberville, d'avoir attiré mon attention — ce que le gouvernement n'a pas fait, pas ce que le gouvernement a fait...

M. Ostiguy: De Verchères.

M. Roy:... ce que le gouvernement n'a pas fait, le ministre a annoncé, en fin de semaine, M. le Président, que depuis dix ans nous savions, que c'est nous qui avons informé l'Ontario et c'est cela qui est important, que ce soit nous qui ayons informé l'Ontario plutôt que ce soit l'Ontario qui ait informé le Québec. On vas'en reparler, on aurad'autresoccasionsd'en parler, il y a d'autres lois qui s'en viennent.

M. Toupin: Je l'ai dit, vous dégonflez une bal-loune encore une fois.

M. Roy: II y a d'autres lois qui s'en viennent. On pourra en reparler. Quand un ministre avoue qu'il est au au courant d'une situation depuis dix ans et qu'il ne fait rien — et je cite ses paroles, s'il a été mal cité,

c'était à lui de faire les rectifications qui s'imposaient — qu'il n'a absolument rien fait, je dis qu'on peut se poser de sérieuses questions. Il y aurait d'autres secteurs à développer dans l'économie rurale, dans l'économie agricole. On a parlé d'une deuxième betteraverie au Québec qui pourrait favoriser la culture de betteraves dans les comtés de Nicolet, Lotbinière comme dans le comté de Portneuf. Il y a des études q ui ont été faites par des gens de l'Université Laval. Il est prouvé actuellement qu'il pourrait y avoir une deuxième raffinerie de sucre au Québec, mais quand on regarde la façon dont celle que nous avions a été administrée, on s'aperçoit de quelle façon actuellement elle a servi aux trusts du sucre, de moyen pour hausser les prix de façon injustifiée, abominable, parce qu'elle n'était plussur le marché.

Si la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire avait continué à mettre du sucre sur le marché, elle aurait pu, l'an dernier, empêcher les trusts, les cartels, du sucre d'exploiter le consommateur du Québec comme ils l'ont exploité, parce que nous aurions eu là un outil entre les mains qui nous aurait permis de compenser, de servir en quelque sorte de modérateur, d'équilibre pour empêcher l'abus que certaines entreprises, de grandes sociétés multinationales, exercent sur les consommateurs du Québec.

Toute une série de mesures sont nécessaires, urgentes au ministère de l'Agriculture, pour que le Québec puisse compter sur une classe agricole prospère, sur une économie agricole rentable et sur une économie rurale qui répondrait aux besoins et aux aspirations du Québec et qui pourrait même faire l'envie des autres provinces du Canada.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que mes collègues de Saguenay et de Beauce-Sud ont couvert largement, au point de vue des statistiques, le problème du crédit agricole. Mais il est peut-être opportun aujourd'hui, après 40 ans de l'institution d'un crédit agricole provincial, de rendre un témoignage bien particulier aux cultivateurs de la province pour leur probité et surtout pour leur excellente performance de payer leurs dettes, leur endettement.

Les cultivateurs de la province, il y en a 90, 958 depuis 1936 ont emprunté à l'Office du crédit agricole un montant de $485, 583, 445. De ce montant considérable de $500 millions qui ont été prêtés à la classe agricole de la province de Québec, il y a eu seulement 0. 5% à ce jour qui ont été perdus par l'office. C'est-à-dire qu'il y a eu des pertes de $202, 822 soit $4. 17 par $10, 000 de prêt.

Il n'y a pas une institution bancaire, pas un organisme quelconque qui fait des prêts, qui peut se vanter d'avoir administré l'Office du crédit agricole avec autant de dextérité. Mais aussi rendons hommage aujourd'hui aux cultivateursqui ont voulu démontrer d'une manière extraordinairel eur grande honnêteté et la loyauté qu'ils ont vis-à-vis des prêts dont ils ont eu besoin dans le temps.

Je ne voudrais pas intervenir trop longtemps, je vais essayer de me résumer dans quatre ou cinq minutes, pour hâter les travaux de la Chambre, parce que, sur le crédit agricole, on a eu 36 fois l'occasion d'en parler dans 36 amendements de la Loi du crédit agricole depuis 1936. Il y a eu à toutes les sessions des lois et des lois. Cette année, comme disait le député de Beauce, on a fait un changement de base par une nouvelle législation qui voudra que maintenant, simplement par arrêté en conseil, le montant soit fixé.

On augmente de quatre à cinq le nombre de régisseurs. Je voudrais savoir, tout à l'heure, de l'honorable ministre...

M. Toupin: Le crédit forestier.

M. Bellemare (Johnson): Ah! le crédit forestier. Bon, je comprends que c'est à cause de ce changement qui va venir durant la semaine prochaine, probablement, sur le crédit forestier. Est-ceque ce nouveau régisseur tiendra feu et lieu au crédit agricole? Est-ce que ce sera administré par le crédit agricole, comme le prévoit la loi, avec les mêmes régisseurs et les mêmes montants?

Il y a une chose qui me frappe particulièrement. Le ministre a-t-il envie de déménager? Parce que, dans la loi, il est dit que le siège social pourrait être transporté ailleurs qu'à Québec, dans une région qui devrait être, par exemple, sur le territoire de la communauté urbaine.

M. Toupin: Sainte-Foy.

M. Bellemare (Johnson): Ah bon! le ministre a décidé de déménager. C'est peut-être pour cela qu'on l'a prévu dans la loi.

M. Lacroix: II s'approche du Cap.

M. Bellemare (Johnson): Pas du Cap maintenant, mais d'Acton Vale. Je comprends aussi qu'il y aura des prêts qui seront, en partie, garantis par une autre ferme. Une autre ferme inoccupée, par exemple, pourra servir de garantie maintenant à celui qui demandera un prêt du crédit agricole. ll y a aussi dans la loi une nouvelle disposition quand il s'agit de réduire de 66 2/3% à 60%, selon le cas, la proportion des intérêts que doivent détenir les exploitants. Je pense que c'est une amélioration à la loi qui tend vers le service qu'on doit rendre aux cultivateurs.

Que le prêt soit porté de $40, 000 à $100, 000, cela ne m'impressionne pas, parce que ceux qui vont avoir à se rendre à $100, 000 parmi les cultivateurs, ce sont des gens qui, déjà, possèdent une organisation agricole assez volumineuse et dont l'évaluation doit être au moins de $200, 000. D'après la statistique que nous a fournie le ministre —je ne veux pas revenir sur toutes les statistiques qui ont été données — la moyenne d'âge est de 36 ans pour un emprunteur et sa superficie en acres est de 220 acres. Ces emprunteurs représentent 80% de ceux qui, continuellement, font affaires avec le crédit agricole, pour une valeur de propriété de $26, 000 ou $27, 000.

A ce moment, l'actif réel de l'évaluation de la terre est de $50, 000 et si on prête à 90%, on va

atteindre le chiffre de $26, 000 au maximum. Là, je dis qu'il y a peut-être un écart pour le petit qui en a plus besoin que celui qui a une ferme de 500 acres, avec une évaluation de $150, 000 ou $200, 000. Il y a une moyenne de 80% des petits prêts qui vont se chiffrer entre $25, 000, $30, 000 et $35, 000 qui ne pourront pas être atteints parce que, d'après la Loi du crédit agricole, avec 90% sur une ferme ordinaire de $50, 000, le maximum que pourra obtenir un agriculteur est de $26, 000.

M. le Président, je pense que cela pourrait subir une amélioration. Je crois aussi que le ministre va me répondre qu'il y a un nantissement agricole qui passe de $15, 000 à $40, 000. Je corn prends cela aussi, parce que c'est dans la loi. Il y a là une amélioration très sensible.

Maintenant, M. le Président, il y aura aussi une qualité d'emprunteurs conjoints, qui n'existait pas auparavant dans la Loi du crédit agricole. J'ai de forts doutes quant à la garantie supplémentaire et surtout quant à l'efficacité que cela peut apporter, quand il s'agit d'un prêt agricole avec un emprunteur conjoint. Hier, le ministre parlait dans son allocution des personnes mariées ou non mariées. Je me suis mis à rire parce que je me dis que les personnes non mariées qui pourraient... Même si c'est l'année de la femme, je vois mal qu'une femme s'occupe de cela. Il faudrait qu'elle ait une organisation collective, avec un personnel assez considérable pour diriger toutes les activités. Cela peut arriver, en de très très rares cas.

Mme Bacon: Est-ce que vous sous-estimez les femmes?

M. Bellemare (Johnson): Non, mais en agriculture, je les vois mal là. Je les vois plutôt dans des rôles où elles peuvent utiliser leur doigté, leur gentillesse, parce que c'est un métier trop rude pour une femme, celui d'agriculteur.

M. Toupin: On a consenti, il me semble, 56 prêts à des femmes, l'an dernier.

M. Bellemare (Johnson): Je pense que le ministre pourrait peut-être...

M. Bienvenue: Des prêts à des femmes prêtes.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je dis que la Loi du crédit agricole, que nous avons eu l'honneur d'instaurer dans cette province, a fait énormément de bien. Elle aété modifiée en cours de route. Elle aété mise à la disposition des cultivateurs d'une manière plus pratique, mais je pense que mon collègue de Beauce-Sud a touché à plusieurs points, ce matin, qui sont fort importants pour le ministre.

Sans vouloir reprendre son argumentation sur l'importation, par exemple, de certains produits agricoles, qui sont considérés chez nous comme des bases de l'agriculture, surtout l'industrie laitière, je pense que mon collègue de Beauce-Sud avait parfaitement raison d'attirer l'attention du ministre sur cette importation massive, qui rentre chez nous à un prix quasiment dérisoire parce que le consommateur paie le gros prix.

Alors, c'est la fin de mes remarques. Je neveux pas persister plus longtemps à dire que j'approuve le projet de loi. Il a sûrement des choses très intéressantes sur lesquelles nous allons voter avec plaisir. Mais je pense aussi qu'il faudrait que le petit cultivateur, le moyen, celui qui n'ira jamais à $100, 000 mais qui aurait besoin de $25, 000 à $30, 000, puisse, à cause de son évaluation, être d'une manière particulière, traité simplement par "gentlemen's agreement".

La loi, je pense qu'elle est effective dans son texte. Mais la loi du législateur est toujours interprétée par des gens qui l'appliquent. Là, il faudrait qu'il y ait une certaine discrétion pour ne pas être à cheval sur un principe et dire: Bien, il a $25, 000 et je ne peux pas dépasser à cause de son évaluation. Il faudrait le faire pour un petit cultivateur; j'en ai un, moi, à Wickham, qui a subi ce critère inexorable et qui n'a pas pu avoir son prêt.

Je suis intervenu. J'ai dit: Je vais te comprendre un peu. On l'a amélioré un peu mais très peu. Alors, je dis que là il y aurait peut-être une directive — ce n'est pas nécessaire que ce soit dans le règlement — à donner aux officiers pour qu'on puisse aider le petit, qui a besoin de plus, de $30, 000 ou $35, 000, que celui qui a besoin de $150, 000.

Le Vice-Président (M. Blank): The Honourable Member of Huntingdon.

M. Fraser: Mr. President, I ask the ajournment of the debate.

Le Vice-Président (M. Blank): Suspension of the debate.

M. Fraser: The suspension of the debate.

Le Vice-Président (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

Reprise de la séance à 15 h 6

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. Bienvenue: M. le Président, de consentement, pourriez-vous revenir au dépôt de projets de loi au nom des députés et appeler l'article k)?

Projet de loi privé no 195 Première lecture

Le Vice-Président (M. Blank): Le député du Lac-Saint-Jean propose la première lecturedu projet de loi intitulé Loi concernant la ville de Jonquière.

Est-ce que cette motion de première lecture est adoptée?

M. Charron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. Bienvenue: Je fais motion, M. le Président, pour que l'étude de ce projet de loi soit déférée à la commission parlementaire élue des affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Blank): Cette motion est-elle adoptée?

M. Charron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

Projet de loi no 2 Deuxième lecture (suite)

M. Bienvenue: On revient, M. le Président, à l'article 2, étude du projet de loi no 2.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Huntingdon.

M. Bienvenue: M. le Président, les règles de pratique sont suspendues pour le projet de loi de la ville de Jonquière dont nous venons de parler.

Le Vice-Président (M. Blank): D'accord pour la suspension des règles?

M. Charron: Adopté. Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

M. Kenneth Fraser

M. Fraser: Mr. Speaker, I would like to make a few remarks to congratulate the Minister of Agriculture for having presented — thank you, boss — this bill no 2 to change the Farm Credit Act, to bring the Farm Credit Bureau more in line with the needs of modern farming and the increasing need for credit, reasonable credit, at reasonable terms to enable farmers to expand and develop their farms or exploitations in modern day Quebec.

Increasing the number of members from four to five will help, I hope, to give faster service when a farmer makes a request for a farm loan. The fifth man, according to the Minister, will look after the Forest Loan Division.

The age limit will be from 18 to 40, thus encouraging young men to start farming on their own behalf at a younger age. this Act will increase the maximum loan to $100, 000 for one person or $200, 000 for a corporation and up to 90% of the value of the farm, one important change I consider being that it will not be necessary to take the whole of a person's holdings to guarantee a loan if a part of the farm gives sufficient guarantee for repayment of the loan.

I would also like to congratulate the members of the Farm Loan Board on the efficient manner that they have loaned public money to farmers over the years. I have found them to be a fine group of men dedicated to helping farmers and would-be farmers. I have never had a complaint that there has been any discrimination on their part because of race, religion or language; for this, I extend to them my congratulations.

M. le Président, j'ai écouté le député de Saguenay, ce matin, faire un discours dans lequel il cite encore tous ces chiffres sur l'agriculture, pour encore prouver qu'il est un cultivateur de la ville, fort en théorie, mais très faible en expérience. On discute le bill no 2 pour changer les limites des prêts que les cultivateurs peuvent obtenir de l'Office du crédit agricole; le député de Saguenay gaspille le temps de la Chambre pour citer tous ces chiffres. Je lui demande d'aller parler avec un vrai cultivateur et apprendre comment on utilise les prêts agricoles.

M. Lessard: C'est ce que nous faisons, d'ailleurs, et c'est ce qu'ils nous disent que l'on vient faire ici.

M. Fraser: Laissez faire, M. Lessard. Lorsqu'un cultivateur emprunte du crédit agricole, c'est pour acheter une ferme ou agrandir sa ferme, pour vivre là, lui et sa famille, toute sa vie. C'est une profession différente des autres. Les cultivateurs ne jugent pas leur entreprise sur les revenus d'un an, mais ils prennent les bonnes années et les moins bonnes, et remboursent les prêts et paient la ferme sur une base de 25, 30 ou 35 ans.

Je laisserais le soin au ministre de l'Agriculture d'essaye r d'éclai rer le dép uté de Sag uenay; je co nsi dère que cela est une tâche impossible.

Le député de Beauce-Sud, lui aussi, dans son discours fracassant, a parlé des millions de livres de beurre importées de Nouvelle-Zélande à $0. 61 la livre.

Une Voix: $0. 44.

M. Fraser: II a dit $0. 61.

M. Bellemare (Johnson): $0. 44.

M. Fraser: Et ils prétendent que quelqu'un a fait des millions. Quand on adistribué ce beurre à travers le Canada et qu'on a payé les frais de transport et de distribution, sans doute que le profit n'était que raisonnable. Aujourd'hui, tous les travailleurs dans toutes les professions veulent de gros salaires.

Je demanderais au député de Beauce-Sud s'il veut travailler pour rien. S'il veut se charger de livrer le beurre partout pour rien, on peut lui donner le poste. Le député de Beauce-Sud rêve en couleur, comme il le fait souvent en cette Chambre. Il est aussi perdu que le député de Saguenay.

M. Lessard: II n'a pas dû me comprendre, M. le Président; cela doit être le problème.

M. Fraser: Le député de Johnson a fait un petit discours raisonnable aujourd'hui, mais il le faisait seul. M. le Président, je vois que mes cinq minutes sont écoulées. Merci bien.

Le Vice-Président (M. Blank): L'honorable député de Verchères

M. Marcel Ostiguy

M. Ostiguy: M. le Président, je voudrais, à mon tour, apporter mes commentaires et les commentaires des cultivateurs du comté de Verchères sur ce projet de loi no 2, Loi modifiant la Loi du crédit agricole. Après avoir entendu les discours des membres des partis de l'Opposition, nous pourrions uniquement commenter les déclarations qu'ils ont faites ce matin. Par contre, je pense que je m'en tiendrai plutôt au fond du projet de loi qui aider à l'agriculture, qui aidera l'agriculteur à améliorer son revenu.

Il ne faut pas perdre de vue qu'il fut un temps où l'agriculture était peut-être l'économie numéro 1 dans la province de Québec. Personne ne soutient plus cette thèse, maintenant, puisque le développement industriel a vraiment pris place dans la province de Québec et que l'intérêt général a porté à reléguer la production agricole au rang des préoccupations mineures. Il est bien évident que la véritable place de l'agriculture se situe actuellement entre ces deux extrêmes.

Dans cette optique, il me paraît essentiel que l'Assemblée nationale adopte ce projet de loi no 2, soit la Loi modifiant la Loi du crédit agricole. Principalement, cette loi augmente le montant maximum des prêts qui peuvent être consentis par l'Office du crédit agricole. Dans le cas d'un individu, le montant maximum passe de $40, 000 à $100, 000 et de $60, 000 à $200, 000, dans le cas d'un groupe ou d'une corporation. L'agriculture ne doit pas être considérée comme une activité économique vouée à son déclin, loin de là. Certes, l'importance relative de l'agriculture dans l'économie québécoise diminue sans cesse.

Mais son importance absolue s'accroît considérablement. En outre, il y a lieu de s'intéresser au secteur agricole, pour des motifs d'ordre social et des mobiles découlant de l'évolution de ses techniques. Un coup d'oeil sur cette activité nous permet d'en mesurer l'importance.

L'exode rural est un phénomène qui, sans être particulier au Québec, y est particulièrement manifeste. Dans la province, la population de toutes les fermes baisse graduellement, de même que sa proportion par rapport à l'ensemble. Constituée, en 1941, de quelque 839, 000 personnes, qui représentaient 25. 2% de la population, en 1971 cette population agricole est tombée à 335, 000 personnes et ne constitue plus que 5. 6% du total de la population. On prévoitdonc que l'exode rural se poursuivra, maison prétend que, dans un pays bien équilibré, avec un haut degré d'autosuffisance, la population agricole ne peut s'abaisser beaucoup en dessous de 5%.

On prévoit déjà qu'en 1980, la population active ne représentera plus que 2. 7% de la main-d'oeuvre totale du Québec. Ces tendances, bien sûr, sont engendrées par l'évolution générale d'une économie industrialisée et le développement de la scolarisation en milieu rural. La capitalisation croissante de l'agriculture résulte, notamment, de la hausse relative du prix de la terre, de l'aménagement, de l'équipement foncier, de la substitution du capital mécanique au travail humain, de l'achat croissant de l'agriculteur aux autres secteurs de l'économie, tels les carburants, la machinerie, les engrais chimiques, les pesticides et les aliments du bétail.

En somme, il en coûte de plus en plus cher pour administrer une exploitation agricole. Nous n'avons qu'à regarder une ferme d'environ 180 acres, là où il y a une cinquantaine de bêtes à cornes, et nous pouvons être assurés qu' uniquement au point de vue de l'équipement l'investissement se situe aux environs de $100, 000, si on comprend l'équipement de la ferme, celui de l'étable, etc.

C'est donc dire que l'agriculteur actuel, qui cultive avec un tracteur et toute une kyrielle de machines représentait, en 1971, une mise de fonds minimum de $60 par acre cultivée. En 20 ans, le parc des tracteurs est passé de 32, 000 à 81, 000; celui des moissonneuses batteuses de 420 à 5, 800; celui des presses-ramasseuses, mieux connues sous le nom de presses à foin, de quelques unités seulement à 31, 000.

Le fait que la plupart des agriculteurs soient propriétaires de leur ferme ne signifie pas qu'ils soient libres de toute dette, loin de là. Le cultivateur puise de plus en plus aux diverses sources de crédit agricole car pour poursuivre il doit recourir sans cesse et davantage aux techniques modernes de production. Il a besoin de crédits de toutes sortes pour améliorer la productivité de sa ferme tout comme uneindustrie, comme un marchand a besoin, lui aussi, de crédits pour faire fonctionner son industrie ou son commerce.

Le nombre de fermes, au recensement de 1971, était aux environs de 60, 250 comparativement à 134, 300 en 1951. En 1975, les statistiques nous disent qu'il reste environ 55, 000 fermes au Québec. Il est à remarquer cependant que la superficie moyenne par ferme atteignait, en 1971, 180 acres contre 125 en 1941. Cette augmentation, bien sûr, est attribuable à plusieurs facteurs dont la mécanisation, l'exode des cultivateurs et la disparition d'un grand nombre de fermes marginales. Je pense qu'hier le ministre de l'Agriculture, dans son exposé, soulignait l'importance d'avoir des fermes rentables. Il est bien en-

tendu, il est sûr que les petites fermes, si nous ne prévoyons pas un regroupement, ne pourront vraiment pas subir l'influence du développement économique qui se fait à travers le monde entier.

A cette consolidation sur le plan horizontal, qui s'exprime par l'agrandissement desfermes, s'ajoute aussi une consolidation verticale qui se manifeste par l'amélioration du fonds de terre tels le drainage, la fertilisation, et par une meilleure gestion. Le souci qu'a le gouvernement du Québec du bien-être des agriculteurs se concrétise par les travaux du ministère de l'Agriculture dont les activités leur sont entièrement consacrées. Son action s'exerce dans des domaines aussi variés que l'aménagement, la production, la commercialisation, la vulgarisation, la recherche et le crédit.

Le Gouvernement Bourassa, depuis 1970, par l'application de lois réalistes, contribue à assurer une meilleure rentabilité des exploitations agricoles. De concert avec les groupements agricoles, le gouvernement travaille à la valorisation des agriculteurs sur le plan social et économique.

Nous n'avons qu'à regarder, nonobstant la pen-sée de nos collègues de l'Opposition, l'agriculteur au Québec, actuellement, celui qui a une ferme rentable, retire des revenus convenables, et je puis vous en assurer que les agriculteurs du comté de Verchères qui n'ont pas des fermes marginales retirent des revenus convenables.

L'agriculture québécoise vit actuellement une mutation historique. Malgré les problèmes que posent les changements, de grands espoirs sont permis. L'agriculteur homme d'affaires formé et informé se substitue de plus en plus à l'habitant qui évoquait traditionnellement le statut d'un homme sédentaire isolé et le plus souvent soumis à la nature et aux autres hommes. Là aussi, je pense que l'agriculteur, en 1975, est devenu vraiment un homme d'affai res. Il l'est devenu vraiment au même titre que n'importe quelle autre classe de la société. L'éducation se propage. Elle produit des hommes capables de s'adapter à de nouvelles formes de production et d'organisation, suggérées par l'évolution et par l'utilisation finale des produits ainsi que par le jeu du commerce international.

Le gouvernement est pleinement conscient de l'ampleur des difficultés à surmonter dans le déve-loppement et la modernisation de l'agriculture. L'objectif de son action est d'aider l'agriculteur à faire la transition entre ce qu'est l'agriculture d'aujourd'hui et ce que devra être l'agriculture de demain. Comme je l'ai souligné précédemment, les agriculteurs québécois ont besoin de crédits agricoles de plus en plus adaptés à la situation existante et ils les exigent.

En 1951, un agriculteur québécois produisait suffisamment de produits agricoles pour nourrir seize personnes. Le même agriculteur, en 1971, produit suffisamment d'aliments pour nourrir 47 personnes. Une telle évolution, je pense, exige, de la part de l'agriculteur et de tous ceux qui s'intéressent vraiment au secteur de l'agriculture, une constante adaptation. L'Office du crédit agricole travaille donc à ajuster à la situation québécoise son système de financement.

A ce chapitre, les membres de cette Chambre ont déjà voté des crédits supplémentaires pour des fins de crédit agricole. Aujourd'hui, M. le Président, nous avons à modifier la Loi du crédit agricole.

Le Québec se dote graduellement d'un système de financement agricole articulé, fonctionnel et de plus en plus complet.

Je pense que les projets de loi que présente le ministre de l'Agriculture, celui que nousdiscutons, le projet de loi no 2, et les projets de loi nos 3, 4 et les autres, sont vraiment des projets de loi pour aider, encore unefois, l'agriculteur dans son exploitation. Et ainsi cela permet de mieux répondre aux impératifs d'une agriculture de plus en plus complexe, de plus en plus exigeante du point de vue des techniques de production, et de plus en plus avide de capitaux.

Nous avions déjà amendé la Loi du crédit agricole. Aujourd'hui, nous voulons augmenter les maximums possibles répondant aux besoins de plus en plus grands des agriculteurs québécois. A ses débuts, la Loi du crédit agricole prévoyait exclusivement l'octroi de prêts hypothécaires aux agriculteurs. Et ici, je voudrais rendre un hommage tout à fait particulier à l'honorable Laurent Barré qui a été, lui aussi, comme moi, député du comté de Rouville et qui a été le fondateur, le promoteur, le parrain de la Loi du crédit agricole. Je veux rendre aussi un hommage tout particulier aux membres de la famille Barré qui, encore dans le comté de Rouville, sont de vrais bons cultivateurs, des exploitants de fermes qui réussissent très bien.

Alors, à cette époque, de $6, 000 qu'étaient les prêts du crédit agricole, le maximum des prêts fut porté à $40, 000, en 1972, dans le cas d'un individu, et à $60, 000 dans le cas d'un groupe. Le projet de loi no 2, que nous proposons aujourd'hui, augmente le crédit à $100, 000 dans le cas d'un individu et à $200, 000 pour un groupe.

Ceci nous prouve, je pense, l'évolution constante qu'il y a eue dans l'agriculture depuis 1936, depuis la date où l'honorable Barré déposait le projet de loi créant l'Office du crédit agricole.

Les agriculteurs québécois — il ne faut jamais l'oublier — sont à la merci du climat, de la nature et de la température. Le domaine agricole est un secteur clé de notre économie, comme j'ai tenté de le démontrer depuis 1970. Le gouvernement Bourassa s'est engagé à redonner à cette classe agricole la fierté et la possibilité d'épanouissement qu'elle est en droit d'exiger. Et, ce matin, lorsque j'écoutais le députéde Beauce-Sud parlerde la raffineriedesucre de Saint-Hilaire, bien, je m'excuse, le député de Beauce-Sud aurait avantage à étudier les états financiers et les rapports de la raffinerie de sucre, les succès qu'a connus la raffinerie de sucre en 1974et aussi les succès qu'ont connus les producteurs de betteraves à sucre, en 1974.

C'est bien beau de dire qu'on a laissé aller des cartels de sucre.

M. Roy: C'est vrai.

M. Ostiguy: II ne connaît rien là-dedans, le député de Beauce-Sud. Tout ce qu'il sait, c'est prendre

du sucre pour le mettre dans son café. Cela, il connaît ça. Mais en fabriquer, du sucre, c'est une autre affaire.

M. Roy: Une grande déclaration.

M. Ostiguy: Nous devons, M. le Président, aussi — c'est là un objectif de notre gouvernement créer une autosuffisance dans la mesure du possible en approvisionnement pour la consommation québécoise. Pour ce faire, les agriculteurs doivent produire. Pour produire, c'est bien simple, c'est clair, ils ont besoin de capitaux. Une industrie qui ne peut s'agrandir, faute de capitaux, se verra dans une bien mauvaise situation financière, il en est de même pour l'agriculture.

Pourquoi le ministre de l'Industrie et du Commerce travaille-t-il si ardemment à élaborer des politiques au niveau de la SDI? C'est pour aider l'industrie. Le ministre de l'Agriculture, avec l'Office du crédit agricole, doit aussi fournir les capitaux nécessaires pour l'amélioration de l'agriculture les années soixante-quinze.

Le Québec a besoin, M. le Président, d'une agriculture forte et rentable. Deux nouveaux types d'agriculteurs seront maintenant admissibles pour l'obtention d'un prêt agricole. Il s'agit de l'aspirant agriculteur et des coopératives d'exploitation agricole. L'exploitant agricole âgé de 18 à 40 ans pourra obtenir un prêt pouvant atteindre 90% de la valeur de la ferme, à la condition, bien sûr, que celui-ci détienne 20% des intérêts du groupe auquel il appartient. De plus, cette nouvelle loi détermine l'intérêt annuel que produit tout versement arriéré de principal ou d'intérêt. Egalement, l'Office du crédit agricole pourra, en plus de prêter de l'argent, surveiller et participer à la réalisation du programme pour lequel l'emprunt fut effectué.

M. le Président, en terminant — j'aurais beaucoup de choses à dire dans le secteur agricole, mais nous avons plusieurs lois et nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir — je voudrais réitérer mon appui au projet de loi no 2 et au ministre de l'Agriculture. Les agriculteurs de Verchères que j'ai l'honneur de représenter appuient fermement cette loi. Le ministre de l'Agriculture le sait parce qu'il est venu rencontrer les agriculteurs du comté de Verchères et nous avons eu un dialogue très amical, nonobstant, encore une fois, le passage d'un certain député de Saguenay ou quelque chose comme cela.

Les agriculteurs de Verchères le font dans leur intérêt et dans l'intérêt de tous les agriculteurs québécois. Le gouvernement, M. le Président, s'est engagé à doter le Québec d'une structure agricole solide et qui sait s'adapter à l'évol ution québécoise. Le Québec désire une agriculture forte et rentable; c'est ce que le gouvernement Bourassa veut donner aux Québécois. Merci, M. le Président.

M. Mark Assad

M. Assad: M. le Président, je ne voudrais pas laisser passer l'occasion...

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Papineau.

M. Assad:... de dire quelques mots sur cette question du crédit agricole. Comme M. le Président et moi-même venons d'un peuple où, au moins, nos ancêtres étaient des cultivateurs, je voudrais seulement dire quelques mots dans le sens que, il y a quelque temps, il y a eu une conférence internationale, àToronto, concernant l'avenir de l'agriculture. Le directeur de la United Nations Food and Agricultural Organization, M. Walter Pawley, y avait déclaré que, si l'on espérait que, dans les années à venir, les nations produisent assez de nourriture pour toutes les nations sous développées, il fallait faire un partage, et que les nations développées, comme l'Europe, une partie de l'Afrique et surtout l'Amérique du Nord, donnent un coup de main. Il est intéressant de regarder les chiffres pour se rendre compte que 40% de toute la nourriture produite dans le monde est produite en Amérique du Nord. Cela donne une idée de l'obligation morale que nous avons de donner de l'aide à tous les autres pays qui sont actuellement sous-développés.

Pour ramener cela à notre niveau, ici, le crédit agricole, je crois que les cultivateurs du Québec, dans le passé, étaient pi utôt des gens qui avaient une vocation, car, pour les cultivateurs, les bénéfices étaient très minimes. Au fur et à mesure des années, nous nous rendons compte qu' il faut que nos cuItivateurs soient aidés par l'Etat pour que leur entreprise soit rentable, car si elle n'est pas rentable, avec les années, nous verrons le nombre de cultivateurs diminuer. Mais les mesures que le ministre a présentées ici sont un début. Je crois que cela sera accueilli par plusieurs cultivateurs comme un espoir qu'ils pourront peut-être rejoindre les autres couches de la société ou qu'ils auront des bénéfices qui en vaudront la peine. Ce sont des mesures que nous connaissons que nous allons présenter dans cette assemblée. Je crois qu'il y aura un renouveau, ou au moins un peu d'espoir, et que ceux qui ont encore cette vocation et qui veulent devenir cultivateurs, qui veulent avoir une entreprise, nous allons leur rendre un grand service.

Une autre chose est intéressante. Un des plus grands inventeurs du 20e siècle est un nommé Fuller, qui est un homme assez âgé maintenant. Je me souviens d'avoir lu une interview qui avait eu lieu aux Etats-Unis. Les Etats-Unis lui ont rendu hommage en 1967 lors de la construction deTerre des hommes, où leur pavillon, que nous connaissons, la boule, était l'invention de Fuller, qui était en avance de 20 ans.

On disait que c'était impossible son affaire, parce que c'était impossible de construire des structures de cette envergure, que c'était pour s'écraser. Mais, après avoir prouvé que c'était possible, les Etats-Unis lui ont rendu hommage en construisant à Terre des hommes en 1967. Mais Fuller avait été questionné une fois. Ils ont dit: Dans le monde actuel, avec les techniques que nous possédons dans le moment, est-il possible de nourrir tout le monde, disons dans 25 ans, dans l'avenir? Fuller, qui était un homme réaliste, un inventeur, je citerai ses paroles,

traduites naturellement — malheureusement il n'était pas affecté par le bill 22, il ne parlait pas le français malgré que c'était un grand inventeur: Nous avons les techniques dans le moment pour assurer assez de nourriture que chaque individu sur la terre pourrait être 20 livres: au-dessus de son poids. Il y avait des techniques...

M. Gratton: II y en a qui le sont déjà.

M. Assad: II y en a qui le sont déjà, on a l'avance, on a la vitesse accrue déjà. Mais, disons qu'il est intéressant de constater ce qu'il avait dit, que nous avons des techniques dans le moment pour produire amplement. Mais ce qu'on croyait qui était l'obstacle majeur, c'est qu'il a dit que des hommes publics ne prenaient pas l'agriculture au sérieux.

M. Lessard: Bravo! C'est vrai. M. Assad: Malheureusement... M. Lessard: Le ministre de l'Agriculture.

M. Assad: Non, c'est le contraire, parce que, s'il y a un ministre que j'envie dans cette Chambre, c'est bien le ministre de l'Agriculture parce qu'il a un ministère qui est passionnant.

M. Roy: Vous n'êtes pas exigeant.

M. Assad: M. le Président, peut-être que je ne suis pas exigeant mais au moins je suis réaliste et je m'aperçois que le ministre de l'Agriculture, actuellement, a certainement la piqûre, comme on dit...

M. Lessard: II n'a pas l'argent. M. Assad: Malheureusement.

M. Roy: Auriez-vous toléré le commerce de la viande avariée si vous aviez étéà la placedu ministre?

M. Bienvenue: A l'ordre, M. le Président!

M. Assad: En tout cas, le ministre de l'Agriculture actuel, il y a une chose qu'il a et qui est la plus importante de toutes; il a la bonne foi et il a un ministère, comme je l'ai mentionné, qui est passionnant. Il y a l'évolution des années; malgré que ce soit lent, cela ne fait rien du moment qu'on avance. Nous allons avoir un essor dans le domaine de l'agriculture au Québec...

M. Bienvenue: Pas un Lessard, un essor! M. Assad: Non, non, pas de cette sorte-là. M. Lessard: L'essor du Québec serait assuré.

M. Assad: No us allons avoir, je crois, des années qui vont être prospères pour nos cultivateurs et j'espère que ce sera bientôt. Cela prend du temps, mais je suis convaincu que d'ici quelques années nous allons voir les premiers signes d'une agriculture qui sera saine et prospère au Québec.

M. Roy: Ce n'est pas "Quebec approved", c'est "Toupin approved".

Le Vice-Président(M. BIank): S'il n'y a pas d'autres opinants, la réplique du ministre mettra fin au débat.

Le ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. Toupin: Je ne voudrais pas être long, M. le Président, parce que d'autres lois suivent — d'autant plus, même si je voulais l'être, ma taille ne me permettrait pas de le faire avec mes 5'5" — et je voudrais réserver du temps aussi pour ces lois. C'est seulement un certain nombre de points que je voudrais apporter pour réfuter ainsi un certain nombre d'arguments qui sont venus de l'autre côté. D'abord, le discoursdudéputéde Saguenay, c'est exactement le même qu'il a fait il y a quatre mois et c'est celui qu'il a fait aussi, il y asix mois, et c'est exactement celui qu'il va faire probablement d'ici un ou deux mois, lorsque de nouvelles lois viendront.

M. Lessard: Vous ne comprenez pas plus.

M. Toupin: Cela dénote une chose, c'est qu'il est emprisonné dans sa théorie des chiffres de la même manière qu'il est emprisonné dans sa théorie politique.

Il n'est pas capable de voir à l'extérieur d'une ligne droite tracée. C'est son problème, au fond. Il n'arrive pas à ouvrir ses horizons, à côtéd'un certain nombre de statistiques qui, d'ailleurs, méritent une interprétation très souvent.

Je vais relever un certain nombre d'affirmations qu'il afaites, pour démontrer jusqu'où cela peut être folichon parfois d'interpréter des statistiques sans en connaître exactement les significations profondes. Au départ, il a soutenu que les revenus agricoles en 1974 avaient diminué de 9%, ce qui est vrai. C'est nous qui le lui avons dit, parce que c'est nous qui avons rendu ces statistiques publiques. Un peu plus loin, il dit: Ce n'est plus 9%, c'est 40%. Où est la vérité? Est-ce 9% de diminution ou si c'est 40% de diminution? Nous soutenons que c'est 9%. Il y a eu augmentation dans les autres provinces du pays. C'est vrai qu'il y a eu augmentation.

M. Lessard: Une augmentation du coût de la vie.

M. Toupin: Oui, je parlerai de cela tantôt.

M. Lessard: De 21. 4%

M. Toupin: Des augmentations qu'il y a eu dans les autres pays. Donc, il y a une contradiction là-dedans que, personnellement, je n'arrive pas à comprendre.

M. Lessard: Je vous comprends, c'est parce que vous ne voulez pas.

Le Président: A l'ordre!

M. Toupin: II y a un deuxième point. Le député de Saguenay n'a pas cru bon de signaler que, depuis 1971, les revenus nets des producteurs québécois ont doublé. Il n'a pas cru bon de le dire. De $4, 500que nous avions à ce moment, nous approchons les $9, 000 en 1974. Ils ont doublé.

M. Lessard: Je vous l'ai dit. Parlez-nous des autres provinces!

M. Toupin: Nous apporterons d'autres corrections pour les autres affirmations que vous avez faites. Vous ne pouvez pas réfuter que les revenus agricoles ont doublé au Québec. C'est un fait.

M. Lessard: ll ne faut pa sêtre menteur non plus!

M. Toupin: Un autre point. Lorsque le député de Saguenayfait des comparaisons, il prend lesstatisti-ques de 1971. Il est vrai qu'en 1971, les revenus agricoles des Maritimes étaient plus bas que ceux du Québec. Il est aussi vrai qu'il y avait une marge, entre les revenus du Québec et ceux de l'Ontario, à peu près égale à celle qui existe présentement. Il y a toujours eu une marge de revenu net entre les pro-ducteurs de l'Ontario e tceux du Québec, comme il y a toujours eu une marge de surplus entre les producteurs de la Colombie-Britannique, ceux des provinces de l'Ouest et ceux de l'Ontario. Il y a toujours eu une marge en moins. Cela s'explique. Il y a des raisons à cela, parce que les consommateurs onta-riens ne paient pas plus cher leur alimentation que les consommateurs québécois.

Si les entreprises multinationales, sur lesquelles vous faites du gros tapage de ce temps-ci, font de l'argent au Québec, elles en font aussi en Ontario et en Colombie-Britannique. Il y a des raisons à cela, autres que celles que vous avez soutenues dans votre discours. Nous allons les donner.

Au Québec, vous avez six millions d'acres de terre qui se partagent entre presque 60, 000 producteurs. Six millions et demi ou à peu près. Dans les provincesde l'Ouest, les trois provinces ensemble ne dépassent pas beaucoup plus 125, 000 producteurs. Ceux-là ensemble ont plus de 70 millions d'acres. Si vous ramenez les revenus agricoles au Québec à l'acre, vous allez constater que les revenus au Québec sont plus élevés à l'acre que ceux des autres provinces du pays, peut-être à l'exclusion de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. En Ontario, ils ont le double d'acres en culture que nous. Ils ont le double des producteurs que nous, mais les revenus agricoles ne sont pas le double de ceux du Quebec, il y a 30% à peu près de différence entre les revenus nets des producteurs québécois et les revenus nets des producteurs ontariens. Les producteurs onta-riens ont une gamme de production de fruits que nous n'avons pas au Québec. Ce sont les secteurs les plus payants dans le domaine agricole. Ils ont également un climat qui les avantage, sur le plan des céréales, ce que le Québec n'a pas, ici, présentement. Nous sommes obligés d'acheter les céréales, alors qu'ils les produisent chez eux. Nous sommes autosuffisants à peu près à 55% dans les céréales, à 60% au maximum, eux le sont, en Ontario, à 85% ou 90%. C'est là la différence.

Le député d'Huntingdon le disait tantôt, grosso modo. Il n'est pas possible, actuellement, de développer une ferme, au Québec, qui soit rentable, en pensant à quelque chose comme 80 ou 85 acres. Il a parlé du regroupement. C'est le but du crédit agricole. Il a parlé de l'équipement d'une ferme. C'est le but du crédit agricole. Et pourtant, le député d'Huntingdon est un producteur agricole. Ce n'est pas un improvisé dans le secteur agricole, c'est un gars qui connaît son domaine, puisqu' il y a fait sa vie. Il a très bien vécu le député d'Huntingdon, parce qu'il a de l'initiative et qu'il dépasse les paroles. Il va dans les actions, en tant que professionnel de l'agriculture. Cela explique beaucoup de choses, des phénomènes comme cela.

Quand je continue à soutenir qu'il faudra qu'un certain nombre de petits producteurs au Québec disparaissent encore, il le faudra, sinon, nousaurons toujours une marge de revenu inférieure, notamment, à celui de l'Ontario.

La moyenne d'acres par producteur au Québec n'a pas encore atteint 120; c'est à peine 125 ou 130 avec les boisés. En Ontario, cela a dépassé les 180, et dans les provinces de l'Ouest, c'est 400 et 450 acres en moyenne. Vous ne pouvez pas comparer les revenus avec ceux des entreprises qui sont trois fois plus grandes. Ce sont des comparaisons qui ne tiennent pas, en soi.

Evidemment, cela cadre bien dans un discours politique, cela cadre bien dans une philosophie qui frise parfois la démagogie, mais ce n'est pas la réalité, ce n'est pas la vérité. Si je prends le discours du député de-Saguenay, normalement il devrait voter contre notre loi. Il devrait voter contre notre loi s'il est logique avec lui-même, mais je sais qu'il ne votera pas contre. Je sais qu'il va voter pour. Et s'il vote pour, cela veut dire qu'il appuie la politique gouvernementale. C'est ce que cela veut dire. S'il vote contre, cela veut dire qu'il va charrier encore une fois les producteurs; c'est ce que cela veut dire. Tantôt ou quand on aura à voter surcette loi, il aura à s'expliquer sur la position qu'il va prendre, les politiques gouvernementales via les besoins des agriculteurs. S'il vote contre, il ira expliquer aux producteurs agricoles pourquoi il a voté contre une loi comme celle-là.

M. Lessard: Le ministre n'a pas compris quand j'ai dit que j'allais voter pour.

M. Toupin: Le député de Beauce-Sud, je sais qu'il s'apprête à partir, je vaisjuste lui dire un mot en passant.

M. Lessard: Le ministre est sourd tout le temps.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Toupin: Je vais juste dire un mot, en passant, au député de Beauce-Sud.

M. Lessard: II entend ce qu'il veut bien entendre.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!

M. Toupin: Le député de Beauce-Sud a parlé d'un tas de choses dans son discours. C'était, cette

fois-ci, peut-être un peu plus que d'habitude. Cela peut s'expliquer parce qu'il a moins le temps que le député de Saguenay de préparer ses discours. Eux, de ce côté-là, ont plus de recherchistes et le Ralliement créditiste en a peut-être un peu moins. Il était peut-être un peu moins articulé que d'habitude, son discours, mais il y a une chose qu'il a affirmée et qui mérite d'être relevée.

Quand il parle, par exemple, du beurre qui vient d'Australie et qui est exporté au Québec et au Canada, on n'est pas les seuls, les Québécois, à manger du beurre.

M. Roy: Pas exporté, importé.

M. Toupin: II est exporté quand je me mets dans les bottes de ceux qui sont de ce pays, il est importé quand je me mets dans les bottes des Québécois.

Une Voix: C'est une question de bottes.

M. Toupin: C'est une question de botté, voilà. Il serait bien placé pour nous expliquer comment se fait un botté.

Ce n'est pas toute la vérité. Quand on exporte, nous, des dizaines et des centaines de millions de livres de fromage et de lait en poudre, quel mal y a-t-il à ce qu'on accepte 20 ou 35 millions de livres de beurre des autres pays? Quel mal y a-t-il à cela? C'est une économie d'échanges dans laquelle on vit. On peut bien le retirer, notre lait en poudre, du marché et on peut fairedu beurre à la placedu lait en poudre, mais les producteurs vont recevoir $0. 60 de moins les cent livres de lait. Le député de Beauce-Sud est-il d'accord pour qu'on diminue les revenus des producteurs agricoles? S'il est d'accord, il faudrait aller le dire aux producteurs, pas le crier ici, à l'Assemblée nationale, alors que personne, tout compte fait, ne nous entend ou très peu de gens.

Quand il ira rencontrer ses agriculteurs de la Beauce, qu'il leur pose la question. Quand il rencontrera les coopératives qui appartiennent aux producteurs, qu'il leur demande pourquoi les producteurs, dans leurs coopératives, ont pris l'option de faire du lait en poudre et du fromage plutôt que de faire du beurre. C'est parce que ça payait de le faire. C'est pour cela qu'ils l'ont fait. Si on prenait ce lait pour faire du beurre, on ne pourrait pas le prendre pour faire du lait en poudre et le producteur paierait la note. C'est comme cela que ça se traduit. Cela ne veut pas dire qu'il faut importer...

M. Roy: Et les 7, 000 cultivateurs qui ont dû abandonner?

M. Toupin:... tous les produits, cela veut dire qu'il faut faire des échanges acceptables et tenir compte des revenus des producteurs québécois.

M. Roy: Et les 7, 000 cultivateurs qui ont dû abandonner?

M. Toupin: Le discours du député de Beauce-Sud est un peu similaire à celui du député de Saguenay. S'il est logique avec lui-même, il devrait presque, normalement, voter contre ce projet de loi. S'il vote contre, il ira le dire aux producteurs de sa région pourquoi il a voté contre un projet de loi comme celui-là. S'il vote pour, il fera comme tous les députés qui sont sérieux dans cette Chambre, il appuiera la politique gouvernementale. Merci, M. le Président.

M. Bédard (Chicoutimi): II est parti, i I aime mieux s'en aller.

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce que cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 2 est adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. Bienvenue: Article...

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce qu'on la défère à une commission?

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: Oui. Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet de loi no 2 soit déféré à la commission élue de l'agriculture pour y être étudié article par article.

Le Vice-Président (M. Blank): Cette motion de déférence est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

M. Bienvenue: Article 5, M. le Président.

Projet de loi no 4 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 4, Loi modifiant la Loi du prêt agricole.

Le ministre de l'Agriculture.

M. Bienvenue: Je crois qu'il va être bref.

M. Toupin: M. le Président, c'est simplement une loi de concordance avec la Société du crédit agricole fédérale.

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce que cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 4 est adoptée?

M. Roy: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

M. Bienvenue: Adopté. Même motion de déférence. Si on avait fait les écritures de la commission plénière sans aller à la troisième lecture, est-ce que cela aurait été possible pour celui-là? Est-ce que les Oppositions seraient d'accord.

M. Roy: M. le Président, comme il s'agit d'une loi de concordance et qu'il est possible que l'autre loi puisse recevoir des amendements, à un moment donné, je pense qu'il serait prématuré, à ce moment-ci, de l'adopter.

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: D'accord. La motion de déférence est adoptée.

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée? Adopté.

M. Bienvenue: Article 4, M. le Président, où j'ai lieu de croire que le ministre de l'Agriculture va être encore plus court.

Projet de loi no 3 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 3, Loi modifiant la Loi de l'amélioration des fermes.

Le ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. Toupin: M. le Président, cette fois-ci, je devrai m'allonger un peu, parce qu'il eet plus important celui-là que la Loi modifiant la Loi du prêt agricole.

M. le Président, cette loi-ci, au fond, augmente grosso modo les sommes mises à la disposition des producteurs dans le cadre des prêts à court terme. Tout ce qu'on a discuté, jusqu'à maintenant, sur la définition du producteur agricole se retrouve également dans cette loi-ci. Au fond, les amendements à cette loi sont concordants avec la loi première qui est la Loi du crédit agricole, sauf que celle-ci augmente les montants mis à la disposition des producteurs agricoles qui empruntent à des caisses populaires ou à des banques pour financer à court ou à moyen ternies les activités de leur entreprise. Les seules spécifications qu'on retrouve dans cette loi, par rapport à la dernière, c'est que ces prêts à court terme maintenant seront disponibles pour l'achat de terre. Pour cet article d'achat de terre, les banques et les caisses seront autorisées à prêter jusqu'à quinze ans, plutôt que dix ans.

J'aurai également en commission parlementaire un amendement à proposer dans le cadre de cette loi relativement au drainage souterrain pour que nous puissions tenter d'accélérer, via le crédit, les programmes de drainage souterrain.

Je n'ai pas à ajouter sur cette loi, parce que le premier discours que j'ai fait contenait dans l'ensemble la philosophie, la théorie des programmes du ministère en matière de financement.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, j'aurais une directive à vous demander. Est-ce qu'il nous serait permis de saluer les jeunes hommes de douze ans du Kiwanis Little League, champions de l'Est du Canada, qui sont dans les galeries en haut? Ils sont du comté de Rosemont.

M. Lessard: M. le Président, on sait que le député de Rosemont est toujours en dehors des règlements, mais on le lui permet quand même.

M. Bellemare (Rosemont): Comme toi. M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, si j'interviens sur ce projet de loi, c'est d'abord pour répondre au ministre de l'Agriculture lorsqu'il m'a répondu concernant le projet de loi du crédit agricole. Je pourrais faire la même intervention à ce projet de loi que celle que j'ai faite, ce matin, concernant le crédit agricole. Je veux simplement vous démontrer comment le ministre a tenté de fausser les faits, en particulier sur deux points précis. Je voudrais très bien préciser ce que j'ai dit ce matin. Si j'appuie le projet de loi no 3, ce n'est pas parce que j'appuie l'ensemble de la politique agricole de ce ministre, parce qu'il n'y en a pas de politique agricole, ce ministre du gouvernement actuellement. Quand le ministre a tenté de me mettre en contradiction, tout à l'heure, concernant les revenus...

M. Bellemare (Rosemont): La pertinence du débat.

M. Lessard: Oui, c'est pertinent à l'intérieur du débat. Voyez donc la loi, lisez donc la loi que nous avons à étudier, à savoir le projet de loi no 3.

Quand le ministre a semblé trouver une contradiction entre ce que j'ai dit à propos d'une diminution du revenu net de l'agriculteur québécois, en 1974, par rapport à 1973, c'est que le ministre n'a pas voulu comprendre; comme d'habitude, le ministre est sourd et muet.

J'ai affirmé, c'est encore le cas, que ce projet de loi va probablement venir aider, sur le plan individuel, les agriculteurs québécois. Cependant, sur le plan collectif, si le ministre ne prends aucune mesure pour faire en sorte que le revenu des agriculteurs québécois augmente, la conséquence, c'est qu'on va arriver encore à un endettement progressif des agriculteurs.

En effet, en 1974, le revenu net de l'agriculteur québécois a diminué de 9%, et j'ai ajouté ceci: Si on tient compte du taux d'augmentation du coût de la vie, qui est de 12. 4%, cela veut dire que le revenu net de l'agriculteur québécois a diminué de 21. 4%, Je comprends que le ministre...

M. Toupin: M. le Président, ça n'a rien à voir parce que le coût de la vie affecte le pouvoir d'achat et non pas le revenu net.

M. Lessard: M. le Président, le coût de la vie affecte le pouvoir d'achat...

M. Toupln: Et non pas le revenu net. M. Lessard:... et le coût de la vie... Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!

M. Lessard:... affecte le revenu de l'agriculteur aussi. Le ministre de l'Agriculture lui-même, dans son rapport annuel concernant le bilan de son administration, qui n'en est pas une malheureusement, affirmait que le revenu net de l'agriculteur québécois diminuerait probablement, en 1975, aussi de 8% à 9%. Même si on exclut l'augmentation du coût de la vie, cela veut dire qu'en l'espace de deux ans, soit 1974 et 1975, le revenu net de l'agriculteur québécois aura diminué de 18%.

M. Toupin: Ce n'est pas vrai, M. le Président.

M. Lessard: M. le Président, ou bien le ministre ne se comprend plus, ou bien le ministre trompe la population constamment quand il donne ses chiffres et quand il fait ses conférences de presse. C'est ça le problème fondamental, actuellement, au Québec.

M. Toupln: 9%, c'est vrai.

M. Lessard: C'est que le ministre de l'Agriculture ne comprend plus rien. Le ministre de l'Agriculture minimise tous les problèmes de l'agriculture au Québec, actuellement.

Le deuxième point est celui-ci. Quand le ministre de l'Agriculture m'a accusé de ne pas avoir dit que le revenu de l'agriculteur du Québec avait doublé depuis 1971...

M. Toupin: C'est un fait.

M. Lessard:... je dis que je n'ai pas affirmé ça. J'aurais menti à l'Assemblée nationalesi j'avais affirmé ça. Et celui qui l'affirme ment effrontément à l'Assemblée nationale. Mais ce que le ministre aurait dû dire, c'est que j'ai donné, ce matin, exactement — si le ministre n'a pas compris, je devrais lui répéter, mais qu'il lise le journal des Débats de temps en temps — quels étaient les revenus de l'agriculteur québécois par rapport aux agriculteurs canadiens, quels étaient les revenus, pour les années 1971, 1972, 1973 et 1974. Le ministre n'a qu'à faire une petite soustraction et il va s'apercevoir que cela n'a pas doublé. Le revenu de l'agriculteur québécois n'a pas doublé. Depuis 1971, le revenu de l'agriculteur québécois a augmenté seulement de 89%, c'est-à-dire pas de 89%, mais de 49%.

M. Toupin: Bon!

M. Lessard: De 49%. Il est passé de $4, 999, en 1971, à $7, 444, en 1974, et non pas à $9, 000 comme l'a dit le ministre de l'Agriculture.

M. Toupln: En 1973, c'est quelque $8, 000.

M. Lessard: Ce sont les chiffres que nous pouvons obtenir de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Cependant, quand le ministre parle, de façon absolue, de l'augmentation du revenu de l'agriculteur québécois, il faut comparer avec l'augmentation des revenus dans d'autres provinces canadiennes.

En 1971, on était au moins avant les provinces maritimes. L'agriculteur québécois se situait au moins avant ceux des provinces maritimes. Mais là l'agriculteur québécois se situe à la queue de la confédération, comme c'est tout le temps le cas. Et je vois que le ministre confirme ce que j'affirme.

M. Toupin: Seulement pour une année.

M. Lessard: Et le ministre est satisfait. Et le ministre est heureux. Et le ministre est content. Il faut dire que le ministre se satisfait de pas grand-chose.

On sait que le ministre a même menacé de démissionner parce qu'il n'avait pas assez de budget et il n'a rien fait. C'est qu'il passe de plus en plus pour le dindon de la farce ou le mouton de la famille.

M. le Président, le revenu de l'agriculteur canadien, pendant la même période, augmentait de 185%. C'est la situation, quoi que puisse en dire le ministre. Je sais — le ministre a raison — et je l'ai dit ce matin...

M. Toupin: Pas les producteurs canadiens.

M. Lessard: Voulez-vous on va tout citer? En Ontario, augmentation, de 1971 à 1974, de 228% — c'est encore plus grave — par rapport à l'agriculteur québécois. Je sais qu'il y a toujours eu une marge enre l'agriculteur de l'Ontario et l'agriculteur de la Colombie-Britannique, mais cette marge, maintenant, devient de plus en plus importante, de plus en plus grave. Et cela, le ministre de l'Agriculture n'en a pas conscience; cela, le ministre de l'Agriculture nous dit que ce n'est pas grave. On va être dans le trou, les agriculteurs québécois vont être en faillite, il va en rester juste 25, 000, et le ministre de l'Agriculture va nous dire: Ce sont là les lois du marché. Tant mieux si on n'a que 25, 000 agriculteurs québécois. Ils vont pouvoir se partager une plus grande superficie de la terre. C'est !a réaction continuelle du ministre de l'Agriculture.

C'est vrai, M. le Président, que je reviens constamment avec ces choses à l'Assemblée nationale. C'est vrai que depuis 1971, et particulièrement depuis 1973, au moment où on m'a confié la responsabilité de ce ministère, j'ai répété au ministre de l'Agriculture des choses que j'ai eu l'occasion de répéter ce matin, mais la différence, par exemple — et cela, le ministre de l'Agriculture n'en a pas parlé — c'est que, maintenant, les propos que je tiens depuis 1973 sont confirmés par une étude du gouvernement fédéral. Cela, le ministre n'en a pas parlé. La commission Plumptre, le ministre n'en a pas parlé. Le ministre ne m'a pas répondu sur les affirmations ou sur les conclusions du rapport de la

commission Plumptre concernant justement l'agriculture québécoise.

M. Toupin: Je vais vous en dire un mot tantôt.

M. Lessard: Le ministre n'a pas dit un mot. Un "marché ouvert". Quand je dis que le Québec est la poubelle de l'Amérique du Nord, le ministre n'en a pas parlé. La commission Plumptre dit, je le répète encore pour le ministre: "Marché ouvert livré à toutes les concurrences et les dumpings, tant étrangers que des autres provinces. Le Québec, s'il n'est pas protégé par une politique provinciale — au moins — énergique ne peut développer une agriculture économiquement rentable qui favoriserait son expansion. "

La commission Plumptre continue et souligne abondamment ce fait: "Une des conséquences de cette situation, conséquence qu'on a tendance à négliger quand on examine la hausse des prix de l'alimentation, est que la majoration des revenus agricoles permet d'accroître les investissements et donc d'améliorer la productivité du secteur agricole canadien. "

Or, chez nous, il n'y a pas de majoration de revenu; je parle de revenu net. Le revenu de l'agriculteur québécois a diminué depuis deux ans — je le répète — de 40% et le ministre a encore le front de venir dire aux agriculteurs: Augmentez votre productivité. Quand, M. le Président, on tente de me reprocher, ici, à l'Assemblée nationale, de ne pas être un agriculteur, il y a une chose que je dis au ministre. C'est que depuis deux ans, moi, je ne les ai pas laissés de côté, les agriculteurs. Je suis allé les voir et je passe encore le front haut. Mais le ministre, maintenant, n'est plus capable de passer parmi les agriculteurs le front haut. D'ailleurs, les agriculteurs ont compris l'irresponsabilité et l'incapacité du ministre de l'Agriculture actuel; les agriculteurs ont compris que ce ministre ne pouvait plus rien faire et les agriculteurs, maintenant, s'adressent au premier ministre parce qu'ils ne peuvent recevoirde réponse satisfaisante du ministre de l'Agriculture. Les agriculteurs ont compris autre chose, aussi. Ils ont compris que ce gouvernement ne prenait pas ses responsabilités en ce qui concerne l'agriculture québécoise.

Je demande encore une fois, malgré le fait, M. le Président, que ce projet de loi no 3 permette une augmentation des crédits aux agriculteurs et que ce projet de loi me paraisse nécessaire parce qu'il vient simplement compenser pour l'augmentation des coûts...

Il est tout à fait normal que l'on conforme nos lois à la situation économique. Ce que je dis au ministre de l'Agriculture, c'est que, s'il n'établit pas de politique générale de contrôle des marchés, de stabilisation des revenus; s'il n'établit pas des politiques pour assurer aux agriculteurs québécois des revenus q ui seront stables, qui seront en fonction de leurs coûts de production, le ministre ne fera que permettre aux agriculteurs de s'endetter de plus en plus. Les agricuIteurs québécois auront de moins en moins de revenus pour payer leur endettement.

Si le ministre me dit que mes chiffres sont des chiffres lancés en l'air, qui ne correspondent pas à la réalité, je l'invite, encore une fois, ce ministre de l'Agriculture, â lire les rapports de l'Union des producteurs agricoles, lors de leur congrès annuel. Il faudrait que le ministre sorte de sa tour d'ivoire. Lui qui fut, pendant longtemps, employé de l'Union des producteurs agricoles, il faudrait qu'il sorte de sa tour d'ivoire. Il faudrait au moins, qu'il commence à avoir des doutes dans son esprit. Le ministre agit comme s'il n'y avait que lui qui avait le pas, qui avait la vérité. Le ministre, lorsqu'il nous parle de l'augmentation du revenu de l'agriculteur québécois, va à rencontre de toutes les affirmations des experts de l'Union des producteurs agricoles.

A ce sujet, en terminant, le ministre devrait lire de nouveau le mémoire qui lui a été présenté, qui a même été présenté au conseil des ministres, le 19 juin 1974. Ce mémoire avait pour sujet l'importance que l'on doit accorder à l'agriculture au Québec. J'ai utilisé, dans mon intervention de ce matin, certaines affirmations de ce mémoire. C'est curieux, le ministre se sert de l'Assemblée nationale pour essayer de contester des chiffres qui lui sont présentés par les agriculteurs, mais, lorsqu'il en rencontre, à Sainte-Foy par exemple, 300 en face de lui, le ministre n'a pas le courage de les contester alors. Le ministre n'a pas le courage de contester les chiffres qui sont avancés.

M. le Président, j'arrête sur cela, car, quoi que l'on puisse dire depuis 1970, ce ministre a décidé d'agir comme une autruche, de se cacher la tête dans le sable et de ne rien comprendre. Pendant ce temps, les agriculteurs sont obligés de descendre dans la rue pour essayer d'alerter l'opinion publique sur leurs problèmes et essayer, justement, de se battre pour pouvoir faire reconnaître leurs revendications. Durant ce temps, le ministre de l'Agriculture continue son petit jeu; il minimise tous les problèmes. Pour lui, il n'y a plus de problèmes. Annuellement, il vient nous dire que le revenu annuel, net, de l'agriculteur diminue constamment, mais, par ailleurs, à l'Assemblée nationale il nous dit: L'agriculture va bien au Québec.

Dans ces circonstances, nous disons: Ou le ministre est ignorant, ou il est insouciant, ou il est irresponsable; choisissez entre les trois.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Ce n'était pas dans mon intention d'intervenir sur le projet de loi no 3, car je croyais avoir été suffisamment clair dans mon intervention de deuxième lecture du projet de loi no 2. Je me suis rendu compte, une fois de plus, que le ministre n'avait pas voulu comprendre, parce que l'on peut quand même présumer qu'il est un homme intelligent, M. le Président. Dire qu'il n'a pas compris, c'est peut-être dire beaucoup. Mais je pourrais dire, sans crainte de me tromper, au moins en étant très généreux à son endroit, que le ministre n'a pas voulu comprendre. Il a même été jusqu'à dire que, si nous votions en faveur de son projet de loi, c'était parce que nous étions en faveur des politiques agricoles de son ministère. M. le Président, j'inviterais le

ministre à regarder les dispositions de l'article 120 du règlement. M. le Président, voter pour le projet de loi qui modifie la Loi du crédit agricole n'est pas un référendum sur les politiques globales du ministère de l'Agriculture.

A moins que le ministre n'ait compris et qu'il soit moins dépourvu d'intelligence qu'on veut bien lui en donner, il y a quand même des limites pour faire dire n'importe quoi au texte et pour interpréter une situation de façon à camoufler la réalité. Ce que le ministre veut faire, en se promenant dans le Québec, actuellement, c'est tenter de créer des illusions. C'est pourquoi je dis que le ministre de l'Agriculture, à l'heure actuelle, est un marchand d'illusions vis-à-vis des agriculteurs du Québec. D'ailleurs, on peut donner un exemple d'illusion. Nous avions tous l'illusion que les inspecteurs de son ministère faisaient leur travail dans l'application du règlement concernant l'inspection des viandes, mais on a eu la preuve que c'était une illusion que nous avions. Je pense que cela a été dit assez largement et répété.

M. Toupin: Je n'irais pas trop loin là-dessus!

M. Roy: Je n'ai pas à intervenir là-dessus. Il y a également de l'illusion dans d'autres domaines. Le ministre dit qu'il y a de plus en plus de fermes rentables au Québec et qu'il y a de moins en moins de fermes non rentables. On les assassine, les fermes non rentables, au lieu de les rendre rentables. C'est cela que l'on fait au ministère de l'Agriculture.

Un article qui n'est pourtant pas récent, datant du 20 novembre 1973, disait: En quinze mois, 7, 000 agriculteurs du Québec ont quitté leur ferme. Je l'ai mentionné au ministre tout à l'heure, je n'ai jamais dit qu'on ne devait pas faire en sorte de trouver des débouchés pour la production laitière, le lait en poudre et le fromage. Au contraire, j'ai dit que, actuellement, il y a une déficience au niveau de la production agricole au Québec, qu'il y a de la place pour ces agriculteurs et que ces agriculteurs ont besoin de l'aide gouvernementale pour être en mesure de rendre leur exploitation rentable. C'est cette aide gouvernementale qui n'existe pas parce qu'il n'y a pas de politique agricole actuellement au Québec de façon à protéger les petits et les moyens agriculteurs québécois.

M. le Président, on a dit que le nombre des agriculteurs dans cette province était ainsi passé de 52, 000 à 45, 000 et que ce mouvement ne faisait que s'amplifier. Cela, c'était en 1973. Nous savons que maintenant, au Québec, il y a à peu près 36, 000 ou 37, 000 agriculteurs et que ce nombre diminue d'année en année.

Si on fait une projection à partir des réalisations gouvernementales depuis les cinq dernières années, qu'on regarde les résultats que nous avons jusqu'à présent et qu'on maintient cette projection pour les cinq prochaines années, où allons-nous nous retrouver dans le domaine de l'agriculture dans cinq ans? C'est là qu'est le point.

Je vois notre ministre de l'agriculture se réjouir de la disparition des petites fermes, des moyennes fermes, des petits agriculteurs du Québec pour en faire des assistés sociaux, des gens qui vivent à la charge de la société et qui contribuent à cette pyramide de taxation gouvernementale, par l'accroissement des budgets. Les gens ne peuvent plus vivre par eux-mêmes, alors que nous avons, au Québec, un potentiel qui est inexploité et qui devrait être exploité parce que cela serait rentable pour le Québec, cela permettrait au Québec de s'autosuffire davantage, de se libérer des conditions et des contingences qui nous arrivent du marché international.

Cela, nous le répétons au ministre. Je m'excuse d'être obligé de revenir à la charge encore sur ce point, mais le ministre n'a pas encore compris, lui, en 1975, que c'est la situation dans laquelle se trouvent un grand nombre de petits producteurs agricoles au Québec. Or, ces petits producteurs agricoles sont justement ceux qui, par la croissance de leur entreprise, à cause de leur travail, après un certain nombre d'années iraient acheter les grosses exploitations agricoles dont il fait mention lui-même et qu'il se glorifie de vouloir créer au Québec.

Je dis que les grosses exploitations agricoles qu'on est en train de faire au Québec contribuent à déposséder les Québécois de leur agriculture. On est en train de livrer l'agriculture aux professionnels, aux hommes d'affaires et aux industriels.

On est en train de préparer le Québec à de grandes sociétés ou de grands complexes agroalimentaires qui seront possédés, contrôlés, administrés par du capital étranger. Et il arrivera au Québec ce qui est arrivé ailleurs. J'avertis le ministre tout de suite: Dans dix ans, dans douze ans, dans quinze ans — c'est assez vite passé, on aura peut-être l'occasion de revenir sur ces propos — dans dix ou quinze ans, il y aura quelqu'un qui sera obligé de se lever au Québec et de préconiser une réforme agraire. Ce ne serait pas nouveau, nous en entendons parler à toutes les semaines. Dans certains pays, on est obligé de faire une réforme agraire parce qu'on a découvert que l'agriculture nationale est entre les mains des multinationales, que l'agriculture n'était plus entre les mainsde la population.

Là, on fait la révolution et on fait des réformes agraires. C'est ce qu'on tente de faire pour régler la question dans ces pays pour permettre aux paysans, aux habitants de ces pays d'être les maîtres d'oeuvre de leur politique; on accélère le mouvement inverse, actuellement, au Québec. C'est ce qui est grave ! C'est ce qui est sérieux! C'est ce qui va causer tantôt des préjudices extrêmement graves et extrêmement sérieux à l'endroit non seulement des agriculteurs du Québec, de l'économie rurale, mais à l'endroit de toute l'économie agricole du Québec.

Des gens se donnent la peine d'écrire dans un journal agricole, en page éditoriale, et je cite à l'intention du ministre le journal Le Meunier, avril 1975: "L'agriculture prise en otage". M. le Président, ce sont quand même des gens qui connaissent le milieu! "Au cours des dernières semaines, l'économie agricole du Québec a tracé son sillon sur l'arête d'un précipice. Déjà affectée par six grèves consécutives qui avaient réduit au minimum les réserves de provende et perturbé leur transport sur la ferme, l'in-

dustrie de l'élevage vient de vivre une nouvelle épreuve dont les conséquences demeurent incalculables". Et on dit, plus loin dans l'article: "A tel point que, dans certaines régions, dont celle de Québec en particulier, la situation a frôlé le désastre". Et j'ajouterai la région de la Beauce et la région de la Chaudière, qui ont été particulièrement affectées par ces grèves.

Nous avons proposé une motion à l'Assemblée nationale pour demander la création d'un office québécois de grains de provende. Le ministre a dit non. Mais les gens qui vont emprunter, en vertu de la Loi de l'amélioration des fermes, vont emprunter pour acheter des troupeaux, pour faire l'élevage de bovins de boucherie, pour continuer dans l'industrie laitière. Ils vont acheter des équipements pour leur ferme, pour tâcher de produire davantage et mieux, pour permettre l'élevage et le développement de leur troupeau, de façon à satisfaire les besoins de l'alimentation au Québec, au niveau des bovins de boucherie, au niveau des marchés de l'alimentation.

Les agriculteurs, on se propose, par la loi actuellement déposée devant l'Assemblée nationale, de les faire bénéficier de rabais d'intérêt, de facilités de crédit qui leur permettraient d'agrandir leur troupeau, d'augmenter leur outillage et de faire en sorte que leurs investissements se répartissent sur un certain nombre d'années. Verront-ils par ricochet, à cause de l'absence d'autres politiques, la porte du marché se fermer? Seront-ils livrés à l'exploitation honteuse par certaines grandes sociétés, dont les sociétés multinationales, les trusts et les cartels? C'est le point. Je le dis et le répète encore une fois au ministre. La Loi modifiant la Loi de l'amélioration des fermes, la loi no 3, est une loi qui favorise les prêts agricoles, c'est-à-dire qu'elle permet aux agriculteurs d'emprunter davantage et de bénéficier des avantages que leur procurait la Loi de l'amélioration des fermes. Je le dis à l'attention du ministre, pour qu'il n'y ait pas de méprise. La loi n'a rien de mauvais en soi, malgré qu'on ouvre une porte et que la porte soit fermée ailleurs. Le fait de voter cette loi n'est pas pour l'Opposition un appui des politiques gouvernementales en matière agricole.

Je regarde le ministre sourire et cela me décourage. Quand je vois le ministre actuel de l'Agriculture responsable de la situation dans laquelle se trouvent les agriculteurs du Québec, pour les consommateurs du Québec...

M. Toupin: Arrêtez de pleurer!

M. Roy: II n'a rien fait. J'irais me cacher, si j'étais à la place du ministre de l'Agriculture, au lieu de me promener dans la province comme un marchand de bonheur, un marchand d'illusion. J'irais me cacher, si j'étais à la place du ministre de l'Agriculture!

Si j'étais à la place du premier ministre de la province, cela ferait longtemps que j'aurais remplacé le ministre actuel de l'Agriculture parce qu'avec lui comme avec certains de ses collègues, malgré qu'il y ait de ses collègues pour qui j'ai beaucoup d'estime...

Le Président suppléant (M. Gratton): La pertinence.

M. Roy: Oui, M. le Président, je suis sur le projet de loi 3. Je ne parle pas de la couleur de votre veston, M. le Président. Je comprends que cela pourrait être désagréable pour certains de nos collègues. Mais, quand même, j'aimerais dire à l'attention de l'honorable ministre que si nous appuyons son projet de loi, ce n'est pas parce que nous appuyons les politiques actuelles du ministère de l'Agriculture. On n'a même pas l'avantage de les appuyer, ces politiques, parce qu'il n'y en a pas.

Le Président suppléant (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent prendre la parole avant que le ministre ne donne la réplique?

M. Normand Toupin

M. Toupin: M. le Président, très rapidement. Le député de Saguenay, comme toujours, s'emporte et utilise des termes qui font souvent... J'espère, en tout cas, qu'il le regrette après.

Il y a un autre terme qu'il a employé aujourd'hui, et il en a employé un autre il n'y a pas longtemps: Menteur, c'est ceci et c'est cela. Ce sont des termes qui, personnellement, n'ont pas besoin de passer dans ma bouche pour me défouler. Je peux me défouler ailleurs que dans des choses comme ça. ll me paraît, à moi, qu'on doit être capable, à l'intérieur de cette Assemblée, de trouver des gars, des députés qui ont assez d'éthique pour utiliser des mots qui, au moins, ne choquent pas l'oreille.

Le député de Beauce-Sud m'accusait tantôt de rire. J'aime mieux rire que de toujours avoir l'air de pleurer, cela je vous le dis bien franchement.

Les 40% dont vous parliez, je vais juste apporter une précision là-dessus. Vous présumez que les revenus agricoles vont diminuer en 1975. Vous ne le savez pas et moi non plus.

M. Lessard: Vous l'avez confirmé.

M. Toupin: Je n'ai rien confirmé, on m'a posé la question: Comment cela se comportera en 1975? Si les conditions du marché ne changent pas, cela va demeurer ce que c'est. Mais si les conditions du marché changent, on verra ce que cela donnera à la fin de l'année. Alors je ne pense pas qu'on puisse affirmer ça. C'est simplement ce que j'ai voulu dire. Ce sont des affirmations gratuites.

On peut l'émettre sous forme d'hypothèse. Je n'ai rien contre ça. Mais l'affirmer et tenter de laisser croire aux gens qu'il y a des diminutions de 40%, c'est non seulement chercher à faire de la politique mais, je le répète, c'est proche de la démagogie, si cela n'en est pas. On n'a pas le droit de charrier les gens comme ça. Les. gens qui nous écoutent, j'espère qu'ils nous prennent au sérieux. J'espère que les gens qui écoutent le député de Saguenay le prennent au sérieux dans ses déclarations. J'espère en tout cas.

Lorsqu'il a soutenu tantôt qu'il va appuyer le projet de loi, bien tant mieux. Moi, je vais le dire aux

gens, que le député de Saguenay a appuyé mon projet de loi. Mais s'il ne l'appuie pas, je vais le dire aux gens aussi, qu'il n'a pas appuyé mon projet de loi. Je vais le dire. Mais s'il l'appuie, je vais informer le public que même si le député de Saguenay ne comprend pas trop l'agriculture, au moins il appuie les politiques gouvernementales. C'est déjà un acquis.

M. Lessard: Ne dites pas ça!

M. Toupin: Une politique gouvernementale, M. le Président. Cela en est au moins une, une politique gouvernementale. Le député de Beauce-Sud, je suis convaincu que dans tout ce qu'il a dit à la fin, c'est probablement un peu la fatigue qui l'a emporté, mais, habituellement il...

M. Roy: M. le Président, je tiens à dire au ministre...

M. Toupin:... est plus...

M. Roy:... que ce n'est pas une question de fatigue, c'est une question de privilège, M. le Président.

Des Voix: Ah!

Le Président suppléant (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! C'est quoi la question de privilège?

M. Roy: Je suis capable de remplir mes fonctions et de faire mon devoir ici à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une question de fatigue parce que les propos que j'ai tenus...

Le Président suppléant (M. Gratton): A l'ordre!

M. Roy:... je peux les répéter devant lui, avec lui dans n'importe quelle assemblée publique.

Le Président suppléant (M. Gratton): A l'ordre! Ce n'est pas une question de privilège et vous le savez fort bien.

M. Roy:...

Le Président suppléant (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît!

L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, qu'y a-t-il de fâchant de se faire dire qu'on est fatigué? Cela m'arrive souvent d'être fatigué, mais la seule différence entre lui et moi, c'est que lorsque je suis fatigué, je me repose. C'est la seule différence qu'il y a.

Probablement que ses propos ont dépassé un peu sa pensée. D'ailleurs, c'est un peu son habitude...

M. Roy: Je m'excuse, c'est faux.

Le Président suppléant (M. Gratton): Je rappelle le député de Beauce-Sud à l'ordre.

M. Toupin: M. le Président, je ne veux pas faire fâcher le député de Beauce-Sud, mais je dis que, ce temps-ci, il est possible qu'il soit un peu fatigué. Sa déclaration d'hier ou d'avant-hier disait qu'il faudrait regrouper toute l'Opposition autour du Parti québécois. Il a déjà dit le contraire il n'y a pas tellement longtemps.

Le Président suppléant (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Toupin: M. le Président, je n'irai pas plus loin.

M. Roy:... un débat là-dessus.

Le Président suppléant (M. Gratton): A l'ordre!

M. Toupin: Je n'irai pas plus loin que cela, M. le Président.

M. Roy: Ah bon!

M. Toupin: C'est simplement pour dire que cela arrive parfois lorsqu'il est fatigué qu'il dise des choses qui dépassent sa pensée et c'est normal quand on est fatigué.

Alors, je prends le discours du député de Beauce-Sud comme étant un discours sérieux, bien sûr, si je me mets dans ses souliers, mais quant à moi, je considère qu'il en a déjà fait de meilleurs.

M. Lessard: Article 96.

Le Président suppléant (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay sur une question de règlement.

M. Lessard: Je n'ai jamais accusé le ministre de l'Agriculture d'être un menteur. Je suis assuré que vous m'auriez fait retirer mes paroles, si j'avais affirmé une telle chose. J'ai dit que, si j'avais affirmé que le revenu de l'agriculteur québécois a doublé depuis 1971, j'aurais été un menteur. Celui qui affirme une telle chose, en vertu des chiffres, ne dit pas la vérité, puis que ce n'est pas le cas.

Le Président suppléant (M. Gratton): Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 3, Loi modifiant la Loi de l'amélioration des fermes est adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet de loi no 3 soit déféré à la commission parlementaire de l'agriculture pour y être étudié, article par article.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. Bienvenue: Article 18).

Projet de loi no 5 Deuxième lecture

Le Président suppléant (M. Gratton): Le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 5, Loi modifiant la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles.

Le ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. Toupin: Le lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, ce projet de loi est concordant avec les deux autres. L'avantage que le gouvernement a actuellement dans bien des domaines, c'est qu'il a des politiques qui sont cohérentes. On a pris quatre lois pour préparer une politique de financement; elle est, par conséquent, totale. Elle est globale, puis elle touche tout le secteur. C'est une loi qui porte plus particulièrement sur les subventions à être versées aux agriculteurs. Nous avons adopté cette loi aux nouvelles corporations, aux nouvelles coopératives, etc., de telle sorte que, si cinq jeunes décidaient, demain matin, de former une corporation, ils pourraient recevoir jusqu'à $20, 000 de subvention pour développer une entreprise. Très souvent, le député de Beauce-Sud parie des petites fermes. Bien, si cinq de ces petites fermes, demain matin, se groupaient et si les fermiers ont moins de 40 ans, ils pourront recevoir $20, 000 de subvention pour développer cette entreprise. Le but de ce projet de loi, c'est de subventionner l'établissement sur les fermes et ainsi remplacer ceux qui partent et également prendre les fermes les plus rentables qu'on constitue en vertu des autres lois et les exploiter. C'étaient seulement les quelques propos que je voulais tenir.

Le Président suppléant (M. Gratton): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, je constate que le ministre de l'Agriculture n'est pas docile vis-à-vis de son leader parlementaire; il crée toujours un climat pour nous faire intervenir.

M. le Président, comme il s'agit d'une loi de concordance, soit le projet de loi no 5, je réserve mes commentaires lors de la discussion de l'article 1 en commission parlementaire.

Le Président suppléant (M. Gratton): La motion de deuxième lecture du projet de loi no 5, Loi modifiant la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles, sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: Je fais motion, M. le Président, pour que cet autre projet de loi que nous venons d'adopter en deuxième lecture, le projet de loi no 5, soit déféré à la commission parlementaire de l'agriculture, pour y être étudié article par article.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée.

Des Voix: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

M. Bienvenue: Article 10), M. le Président.

Projet de loi no 22

Deuxième lecture

Le Président suppléant (M. Gratton): Le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 22, Loi constituant la Société québécoise d'initiative agro-alimentaire.

Le ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. Toupin: Le lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, il s'agit, cette fois-ci, d'une loi nouvelle dans le ministère de l'Agriculture. Il ne s'agit pas d'un amendement et il ne s'agit pas, non plus, de remplacer une loi qui existait déjà, après l'avoir refondue ou rédigée à nouveau. C'est une loi totalement nouvelle.

Lorsque nous avons travaillé, en 1972/73, sur ce qu'on a convenu d'appeler, ce qui est encore vrai, un programme intégré de développement de l'agriculture au Québec, nous avons rendu public un document que nous avons appelé Esquisses sur l'agro-alimentaire au Québec. Dans ce document, nous pariions de l'organisation des fermes.

Comme on le disait auparavant, sur les autres projets de loi que nous avons discutés aujourd'hui, la ferme constitue le noyau de base de toute l'agriculture québécoise et de l'agriculture également dans les autres pays du monde.

Alors, dans ce document d'esquisses agroalimentaires, nous avions prévu une politique de financement renouvelée pour l'organisation des fermes au Québec, d'où les quatre projets de loi que nous avons discutés au cours de l'après-midi.

Celui-ci est un prolongement. Il est, bien sûr, intéressant de les rendre plus rentables, de les faire produire davantage. Mais il faut que les produitsqui viennent de ces fermes se rendent jusque sur la table du consommateur. Pourque ces produits de la

ferme puissent se rendre sur la table du consommateur, ils doivent passer par différentes entreprises. Ils doivent suivre un cheminement. Ce cheminement se définit en au moins trois secteurs: le premier est celui de la transformation du produit; le second, c'est celui de l'entreposage et le troisième, c'est celui de la distribution des denrées alimentaires. Il existe, bien sûr, au Québec une structure de transformation des produits agricoles, qui est bien développée. Il en existe une aussi au niveau des transports et de l'entreposage qui se développent de plus en plus. Quant au troisième secteur, celui de la distribution, je pense qu'il est, parmi les trois, le mieux organisé sur le plan de la structure et sur le plan également de l'économie.

Alors, ce projet de loi vise essentiellement des initiatives nouvelles. Il devra autoriser la constitution d'une corporation, laquelle aura la responsabilité d'administrer des capitaux qui serviront soit à mettre en place des industries nouvelles, soit à consolider le secteur industriel déjà en place. L'expérience que nous avons vécue dans le secteur laitier nous a démontré qu'il était non seulement utile, mais nécessaire que nous ayons des politiques d'aide, tant économiques que techniques, pour développer le secteur de la transformation des produits agricoles.

Dans le secteur laitier, il est présentement évident que la province de Québec est, sans aucun doute, la mieux organisée, sur le plan de la transformation des produits laitiers, de tout le Canada.

Donc, ces expériences devront se retrouver dans d'autres domaines. Nous allons bientôt attaquer un domaine qui est très populaire, celui des abattoirs. Il en existe plusieurs qui sont petits. Il nous faudra donc les regrouper. Des programmes particuliers devront être offerts à ces propriétaires de petits abattoirs. Une société, comme celle que propose le projet de loi no 22, a précisément pour objectif d'aider ces petites entreprises à devenir plus grandes, à devenir plus efficaces et à répondre, par conséquent, aux besoins du marché, aux besoins du secteur des transports, de la conservation et de la distribution des denrées alimentaires.

Il y a également, au niveau du Québec et au niveau du Canada, des éléments nouveaux de consommation qui se font sentir. Par exemple, les produits congelés, les produits préparés, etc., prennent de plus en plus d'importance dans le choix que font les consommateurs des aliments qu'ils doivent consommer. Il n'existe pas au Québec et très peu, d'ailleurs au Canada d'entreprises qui, présentement, transforment, empaquettent et mettent en marché des produits préparés, c'est-à-dire prêts à manger, ou congelés pour pouvoir être transportés et mangés un peu plus tard. C'est-à-dire qu'on peut se passer des activités de cuisine dans une maison pour ces aliments qui sont préparés d'avance.

Or, une société comme celle-là, parce qu'elle a un caractère d'initiative, pourra entreprendre de tels projets, chercher des partenaires, travailler avec eux sur le plan de l'investissement, soit 40%, 50% ou 30%, selon les disponibilités monétaires de ceux qui voudront bien se joindre à nous, et mettre sur pied des entreprises nouvelles qui correspondent à des besoins nouveaux des consommateurs, qui viennent aussi répondre à des exigences nouvelles de l'agriculture moderne.

De plus en plus, l'agriculteur se donne des moyens techniques, efficaces et raffinés.

Si on prend seulement les entrepôts que le gouvernement, d'ailleurs, a contribué à faire construire dans la région de Montréal, concernant la conservation à l'état frais des carottes, des pommes, des salades, etc., cela démontre que le producteur est également, lui aussi, préoccupé d'être à la pointe de la technique moderne pour la conservation des produits. Mais ces produits, étant conservés sur la ferme, doivent trouver preneur dans une entreprise de transformation et, très souvent, il n'est pas possible de vendre tous ces produits à l'état frais. Il faut parfois les faire passer par l'entreprise de transformation pour qu'ils puissent rejoindre la table des consommateurs.

Ce projet de loi, cette société aura pour fonction aussi de tenter de régler ce problème de nouvelles entreprises nécessaires pour le développement de l'agriculture.

Le troisième volet sur lequel une telle loi aura des effets bienfaisants est celui de la commercialisation. Bien sûr, il existe au Québec des mécanismes de commercialisation. Les producteurs s'en sont donnés par l'intermédiaire de plans conjoints, d'agences de vente et de coopératives. D'ailleurs, une des plus grandes entreprises de transformation des produits alimentaires au Québec, celle qui fait le chiffre d'affaires le plus élevé dans le domaine de la transformation, je pense que c'est une coopérative, la Coopérative fédérée qui, avec ses coopératives affiliées, notamment la Coopérative de Granby, dépasse les $200 millions ou les $250 millions de chiffre d'affaires au Québec. Mais ces mécanismes de commercialisation ne sont pas suffisants présentement. Un certain nombre d'activités commerciales pourraient être amorcées par des producteurs, individuellement, par des groupes de producteurs ou par le ministère lui-même, notamment pour les marchés internationaux et aussi, bien sûr, un certain nombre de marchés locaux qui, présentement, ne sont pas rejoints par les systèmes de commercialisation qui existent dans les circonstances actuelles.

Cet aspect commercial des activités de la société pourra aussi toucher au chapitre des approvisionnements de ce qu'on appelle les intrants en agriculture. Là, je réponds à l'argumentation qu'apportait tantôt le député de Beauce-Sud, m'accusant d'avoir évité de trouver une solution acceptable à un problème de commercialisation des provendes en votant contre la motion qui voulait que nous instaurions au Québec un office des grains de provende.

J'ai dit, au moment de l'argumentation que j'ai apportée, que le gouvernement avait déjà une politique d'arrêtée dans ce secteur. Cette politique se retrouve dans le secteur commercial de la société d'initiative agro-alimentaire. Cette société pourra acheter des grains si elle le désire. Elle pourra en acheter en collaboration avec les groupes de pro-

ducteurs; elle pourra, si elle le désire, les entreposer et pourra, par la suite, les distribuer ou aux producteurs ou aux meuneries. Elle aura les pouvoirs de le faire.

Des problèmes comme ceux avec lesquels on a été aux prises il n'y a pas tellement longtemps pourraient trouver une partie de leur solution dans des initiatives de cette nature que pourra prendre cette société. Bien sûr, on disait tantôt qu'il est possible que la crise des provendes, notamment la grève, ait eu des effets néfastes sur le plan de l'économie agricole. C'est possible, les preuves ne sont pas encore faites. Mais si, toutefois, à l'analyse du comportement de l'économie pour l'année 1975, il s'avérait que de telles grèves nuisent vraiment à l'économie de l'agriculture, c'est certain qu'il faudra changer, dans l'avenir, une partie tout au moins des activités commerciales de ce secteur, celle de l'entreposage, pour ne pas être limité à un seul endroit d'entreposage, c'est-à-dire les quais, le bord de l'eau. Il faudra trouver d'autres moyens, à l'extérieur, pour éviter que des grèves de débardeurs puissent affecter les intrants dont les agriculteurs ont besoin pour alimenter leur bétail.

On avait dit, M. le Président, au cours de cette crise — les journaux en ont parlé abondamment, les producteurs également; un certain nombre d'entre eux, tout au moins, ont fait des déclarations là-dessus — que le secteur agricole était pris avec des problèmes sérieux, que les cochons se mangeaient les pattes les uns les autres, etc. M. le Président, après vérification, tout cela s'est avéré inexact. Il n'y eut presque aucune de ces choses qui se soient produites sur les fermes au Québec.

Je n'ai pas encore rencontré de producteur agricole qui m'ait dit qu'il ait manqué de céréales pour alimenter son bétail et pourtant la crise est déjà passée. Au pire de la crise, même si on le disait, je n'en ai pas rencontré de ces producteurs qui m'ont dit qu'ils avaient manqué de céréales. Or, cette société pourra, si elle le désire, prendre des initiatives dans ce secteur. Elle pourra également, au niveau de la commercialisation, entrer en contact avec des pays qui, présentement, ont besoin de denrées alimentaires et tenter, avec eux, d'établir des programmes à long terme.

Un des problèmes de la commercialisation sur le plan international ou de l'exportation des produits agricoles, c'est de trouver des pays qui sont prêts à signer des contrats à long terme. Trouver des pays qui sont prêts à signer des contrats pour une quantité donnée, pour une année donnée, cela est facile; nous avons tenté l'expérience avec le Japon, nous avons vécu une expérience avec Cuba. Mais cela n'a pas donné satisfaction aux politiques à long terme de développement de la commercialisation sur le plan international des produits de l'agriculture. Une société comme celle-là pourra prendre l'initiative de signer des contrats avec des pays importateurs et pourra également signer des contrats avec les producteurs qui voudront s'engager à long terme dans une production donnée, qui correspond à un marché donné; que ce soit un marché local ou international.

Comme vous voyez, M. le Président, cette loi offre une gamme assez grande de possibilités. Evidemment, elle ne pourra pas, dès l'automne ou dès l'an prochain, réaliser toutes ces activités. Mais, à long terme, elle pourra conclure ces types d'ententes, elle pourra prendre ce type d'initiatives et pourra, par conséquent, avoir un effet bienfaisant, bénéfique, sur le développement de l'économie agricole. Cela fait d'ailleurs suite aux lois que nous venons d'adopter en deuxième lecture, en principe tout au moins. Le développement de la ferme doit se poursuivre dans le développement de la transformation des produits; il doit se poursuivre dans l'exportation et la commercialisation des produits. C'est une politique logique en soi; nous finançons d'abord les activités de l'industrie primaire et nous mettons à la disposition du secteur secondaire des moyens additionnels pour répondre aux améliorations, au développement du secteur primaire.

M. le Président, cette loi, dont nous parlons déjà depuis quelque temps, qui se discute présentement en deuxième lecture, j'espère que nous pourrons l'adopter au cours de la présente session pour que nous puissions, dans les plus brefs délais, répond re à des problèmes aussi importants que ceux de l'exportation des produits et aussi importants que celui du regroupement de cet ensemble de petits abattoirs qui existent au Québec présentement. Ils doivent nécessairement, pour devenir rentables, correspondre à la nouvelle réglementation et, pour être concurrentiels, ils devront nécessairement se regrouper et devenir ainsi plus efficaces. Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Gratton): L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, je dois dire que le chiffre 22 aura été notoire au Québec. Nous voici encore avec un projet de loi — et ce n'est pas parce que je n'aime pas le ministre — dont les principes généraux sont excellents, très beaux, mais qui, à l'intérieur, ne nous présente à peu près rien. Un peu comme dans la loi 22, notoirement connue, où on avait un grand principe général, la langue française devenait la langue officielle, mais, dans tous les autres articles, on l'annulait.

Il s'agit là, M. le Président, d'un projet de loi pour lequel nous devrons voter, parce que nous sommes pour le principe d'une loi constituant une société québécoise d'initiative agro-alimentaire. Mais, il s'agit, encore une fois, d'une loi d'image, de façade, de trompe-l'oeil.

Jamais depuis 1970, soit depuis les débuts de notre présence à l'Assemblée nationale comme Opposition, a-t-on présenté un projet de loi aussi peu consistant. Jamais on ne nous a présenté un projet de loi créant une société d'Etat et dans lequel on propose des objectifs aussi vagues et imprécis que ceux qui sont mentionnés à l'article 3 a) et 3 b) du projet de loi no 22.

On est pour la vertu, tout le monde est pour la vertu. On est pour une société qui aura pour objet "de favoriser l'implantation, la modernisation, l'ex-

pansion, le développement, la consolidation ou le regroupement des industries du secteur alimentaire. " On n'a rien oublié là-dedans. On est pour tout cela. Nous sommes d'accord avec le ministre à ce sujet. Nous sommes d'accord pour que cette société puisse participer ou intervenir dans la production, la transformation, le conditionnement et la commercialisation de tout produit relié au secteur agricole ou alimentaire ou aux pêcheries commerciales. On a même compris les pêcheries commerciales, on n'a rien oublié.

On est pour tout cela. On est pour que les Québécois aient de plus en plus une part importante à l'intérieur de l'industrie agro-alimentaire. On est pour qu'une société québécoise puisse s'insérer à l'intérieurde ce secteur, mais, M. le Président, on est pour une loi qui va avoir de l'épine dorsale. On est pour une loi qui va nous préciser quels sont les moyens que prendra cette société pour appliquer ces objectifs, pour concrétiser ces objectifs.

Le mandat de la Société québécoise d'initiative agro-alimentaire est très vaste et très large. Mais quand on regarde le projet de loi, parexemple, on se demande de quelle façon on va concrétiser ces objectifs, de quelle façon on va concrétiser ce mandat. On sait d'ailleurs que ce projet de loi est l'enfant chéri du ministre de l'Agriculture. On sait d'ailleurs qu'il y a eu une lutte très importante à l'intérieur du conseil des ministres, et particulièrement avec le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant de présenter ce projet de loi. On sait que le ministre de l'Industrie et du Commerce était très jaloux de conserver ses prérogatives, de conserver ses pouvoirs dans l'administration de la Société de développement industriel.

J'ai l'impression que, si le ministre de l'Agriculture nous a présenté aujourd'hui ce projet de loi, c'était pour essayer de corriger l'image du ministre de l'Agriculture. Mais ce n'est pas tout de présenter une loi qui a des grands principes généraux, il faut prévoir des moyens pour concrétiser ces principes. Jamais, depuis 1970, on ne nous a présenté un projet de loi où, après avoir exposé les buts d'une société, on ne nous propose aucun pouvoir, aucun moyen mis à la disposition de la société pour atteindre ces objectifs. J'ai beau chercher entre les lignes pour savoir par quel moyen cette société d'initiative agro-alimentaire pourrait développer, favoriser une meilleure intégration de l'industrie en aval et en amont de l'agriculture, je ne trouve rien. C'est cela qui est malheureux.

J'aurais été heureux, cet après-midi, d'appuyer fermement un projet de loi qui nous aurait été présenté par le ministre de l'Agriculture et qui nous aurait démontré que le ministre de l'Agriculture a l'intention, véritablement, de permettre à cette société de s'intégrer dans le secteur agro-alimentaire. On sait que les Québécois ne contrôlent que 30% de ce secteur, selon, justement, les dires du ministre de l'Industrie et du Commerce. Pourtant c'est un secteur où on a le marché. Le marché est québécois. Le marché, c'est six millions de Québécois qui mangent et qui achètent pour manger. On a le marché. Pourtant, on ne contrôle que 30% du secteur agro- alimentaire. Il était donc extrêmement important qu'on nous présente un projet de loi qui soit efficace, un projet de loi qui soit dynamique, un projet de loi qui aurait compris des moyens énergiques pour concrétiser les grands objectifs généraux qui sont précisés là-dedans.

No us sommes pour la vertu. Nous sommes pour tout cela, mais quels seront les moyens que nous prendrons pour concrétiser ces objectifs? Le ministre de l'Agriculture ne nous le dit pas. Nous ne l'apprenons pas par la lecture de son projet de loi. Quels seront les pouvoirs concrets de cette société? Quels seront ses moyens d'intervention? Est-ce que ce seront des prêts à taux réduits, dans certains cas, comme c'est précisé dans la loi de la Société de développement industriel? Si oui, dans quels cas? Est-ce que ce seront des subventions versées aux entreprises, aux coopératives, aux producteurs ou aux agriculteurs? Est-ce que ce seront des achats de capital-actions? Nous allons le voir tout à l'heure.

M. Toupin: Oui.

M. Lessard: Dans l'article 17, on limite passablement la société... Est-ce que ce sera l'exploitation d'une banque ou d'un pool de grains de provende destiné à stabiliser les prix de cet intrant, le plus coûteux et le plus instable? Est-ce que cette société pourra créer cet organisme pour assurer une stabilisation des coûts des intrants, qui, pour les agriculteurs, sont des coûts assez considérables? Est-ce que ce sera par la création de coopératives de transformation dans le domaine du boeuf, de la volaille, de la pomme de terre, ou autrement? Est-ce que ce sera la participation ou l'initiative à la transformation d'un réseau de commercialisation au détail ou en gros des produits de notre agriculture? On ne le sait pas. Il n'y a rien de précis dans la loi. Pourtant, avant de présenter ce projet de loi, si le ministre avait analysé la loi de la Société de développement industriel, il aurait constaté qu'on accordait ces pouvoirs de façon très explicite.

Non seulement ce projet de loi ne définit pas ces moyens, ou ces pouvoirs de la société, comme c'est le cas des autres sociétés d'Etat qu'on a créées, mais encore pousse-t-on le ridicule jusqu'à spécifier, de façon très nette cette fois, les moyens d'intervention qui seront refusés comme pouvoir de plein droit à la société. Ceci nous paraît véritablement un manque de confiance du gouvernement envers le ministre de l'Agriculture et la société québécoise d'initiative agro-alimentaire. La société ne pourra, "sans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil — d'habitude, dans une loi semblable, on dit que la société pourra, "avec" l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, mais là, c'est limitatif — la société ne pourra, dis-je sans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, acquérir des actions ou des biens d'entreprises poursuivant les mêmes fins ou des fins similaires. "

Le ministre vient de me dire, tout à l'heure, qu'elle pourra acquérir des actions, mais elle ne pourra acquérir des actions sans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil. La société ne

pourra, "sans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, contracter un emprunt qui porte à plus de $500, 000 le total des sommes empruntées par elle et non encore remboursées. "

C'est toujours limitatif, ce n'est pas une loi positive, ce n'est pas une loi où on sent une confiance du gouvernement envers le ministre et envers cette société.

On sent une méfiance constante du gouvernement vis-à-vis de son ministre, vis-à-vis de cette société dans cette loi. La société ne pourra, sans l'autorisation du lieutenant-gouverneuren conseil, acquérir des immeubles ou en disposer. D'habitude on dit: La société pourra, avec l'autorisation du lieutenant-gouverneur, acquérir des immeubles ou en disposer.

On précise aussi qu'à l'intérieur d'une limite particulière la société a plein droit d'agir. Là, la société n'a presque pas de pouvoird'agirsans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil. Si ce n'est pas une mise en tutelle de la société par le gouvernement, je ne sais pas ce que c'est.

La société ne pourra, sans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, prendre des engagements financiers au-delà des limites fixées par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil, lequel règlement doit avoir été publié dans la Gazette officielle du Québec. En tout cas, cela au moins, on va faire un règlement et la société va pouvoir agir à l'intérieur de ce règlement et elle ne peut pas dépasser le règlement. C'est tout à fait normal.

M. Toupin: C'est cela qui va se faire.

M. Lessard: La société ne pourra, sans l'autorisation du lieutenant-gouverneuren conseil, adopter des règlements concernant l'exercice de ses pouvoirs et de sa régie interne.

M. Toupin: Seul le lieutenant-gouverneur en conseil peut passer des règlements.

M. Bums: A l'ordre!

M. Lessard: Le ministre dit qu'il va y avoir des règlements, mais ce n'est pas ce que la loi dit. La loi dit, en ce qui concerne les actions, que la société ne pourra acquérir des actions ou des biens d'entreprises poursuivant les mêmes fins ou des fins similaires. On ne dit pas que la société ne pourra pas, au-delà des règlements, acquérir des actions. C'est bien clair, onexclut les règlements et la société ne pourra pas acquérir des actions.

Ceci m'amène à ma troisième remarque. Jamais un projet de loi n'aura démontré avec autant de clarté la méfiance et même la non-confiance du conseil des ministres à l'égard d'un de ses membres, en l'occurrence ici le ministre de l'Agriculture. Non seulement le projet de loi, après avoir passé sous silence les pouvoirs de la société, précise-t-il les pouvoirs qu'elle n'a pas, mais encore impose-t-on des conditions de fonctionnement tout à fait inhabituelles, des conditions d'autant plus exceptionnelles qu'on les retrouve dans le texte même du projet de loi, telles que l'obligation légale, selon la loi, de soumettre un budget d'investissement et de fonctionnement trois mois avant le début de l'année financière.

Si je pouvais vous le souligner à l'article 14: Le conseil d'administration de cette société devra, au moins trois mois avant le début de chaque année financière, préparer un budget d'investissement et un budget de fonctionnement et les soumettre pour approbation au ministre de l'Agriculture. Le budget est sans effet tant que le ministre de l'Agriculture ne l'a pas approuvé. Si ce n'est pas de la tutelle, je me demande ce que c'est.

Les directives du ministre portant sur les objectifs et l'orientation de la société doivent être soumises au lieutenant-gouverneur en conseil pour approbation. Disons qu'il est important que l'on détermine un cadre général à l'intérieur duquel doit fonctionner un organisme d'Etat. Il ne faut pas qu'un organisme d'Etat devienne un Etat dans l'Etat comme c'est malheureusement souvent le cas pour Hydro-Québec ou autre organisme semblable. Cependant, il faut accorder, pour permettre un fonctionnement efficace, un minimum de confiance à une société ou à une entreprise. Si ce n'est une quasi-tutelle, c'est un manque de confiance. Ceci aurait-il été imposé par le ministre des Finances ou par le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui veut sauvegarder les prérogatives de la Société de développement industriel?

On se rappelle que, lorsque nous avons discuté du rapport du vérificateur général, le ministre des Finances n'était pas particulièrement heureux du fait que la Régie des marchés agricoles avait fait des règlements qui n'avaient pas été soumis au lieutenant-gouverneur.

Le ministre des Finances avait démontré une certaine méfiance vis-à-vis du ministre de l'Agriculture, à ce moment-là. Est-ce que cela ne se concrétiserait pas dans ce projet de loi?

On a tout simplement l'impression — et c'est malheureux — que ce que le ministre de l'Agriculture nous présente, c'est un projet de loi publicitaire, c'est un projet de loi bâclé rapidement pour sauver l'image du ministre qui a été passablement ternie depuis quelques semaines. Tout à l'heure, on aura l'occasiond'endiscuter. C'est un projet de loi qu'on a permis au ministre de présenter en lui disant, probablement: Si cela peut donner l'impression que des problèmes seront résolus, qu'il s'agisse des abattoirs qui font le commerce de la viande avariée ou encore des grains de provende, on va te permettre de présenter un projet de loi, mais il ne faudrait pas s'attendre à ce qu'on donne trop de pouvoirs à cette société.

M. le Président, c'est exactement ce qu'on constate. Malgré le fait que ce projet de loi énonce un très grand nombre de principes généraux sur lesquels nous devons être d'accord, nous constatons par ailleurs que ce projet de loi est très limitatif, que ce projet de loi ne prévoit pas de moyens concrets pour réaliser ces objectifs généraux.

Le ministre de l'Agriculture est pour la vertu et nous aussi. On va être obligé de voter pour un tel projet de loi. Mais nous disons qu'il s'agit, encore une fois, d'un projet de loi pour sauver la face du ministre

de l'Agriculture, d'un projet de loi qui ne veut que protéger l'image de ce gouvernement, d'un projet de loi de façade, d'un projet de loi trornpe-l'oeil. J'aurais aimé, parce que nous avions, à plusieurs reprises, demandé l'établissement d'une telle société, j'aurais aimé dire, pour une fois, au ministre de l'Agriculture qu'il avait enfin un excellent projet de loi, qu'il avait un projet de loi qui allait permettre aux Québécois, comme collectivité québécoise, de s'intég rerà l'intérieur d'un secteur où on est absent, malheureusement, d'un secteur où l'on contrôle le marché, mais d'un secteur où on ne représente, où on n'existe que pour 30% dans l'économie agro-alimentaire québécoise.

Encore une fois, je dois dire au ministre qu'il a manqué son coup. Je dois dire au ministre que cette loi représente exactement ce qu'il est au conseil des ministres, c'est-à-dire un ministre très faible, un ministre qui est dans l'impuissance de pouvoir obtenir des crédits, des budgets satisfaisants, un ministre pour qui on a de la méfiance, en qui on a perdu confiance. Je trouve que c'est malheureux, non seulement pour les producteurs québécois, pour les agriculteurs québécois, mais cela va être malheureux pour l'ensemble de l'économie québécoisequi, normalement, aurait besoin d'un tel projet de loi, les objectifs généraux qu'on trace à l'article 3 de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, ce projet de loi no 22, Loi constituant la Société québécoise d'initiative agroalimentaire vient s'ajouter...

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!

M. Roy: Le député ferait peut-être aussi bien de retourner dans le petit appartement où il n'y a pas de numéro à la porte.

M. Marchand: M. le Président, je voudrais dire au député que j'étais aux institutions financières tout l'après-midi.

M. Roy:... au lieu de revenir interrompre ses collègues. M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

Le Vice-Président (M. Blank): Oui.

M. Roy: Est-ce qu'on peut vous demander de rappeler nos collègues à l'ordre?

Le Vlce-Présldent(M. Blank): J'ai rappelée l'ordre. C'était tranquille jusqu'à ce que vous commenciez à parler d'affaires personnelles.

M. Roy: M. le Président, j'ai l'intention de continuer.

Le Vice-Président (M. Blank): Vous aurez des réponses.

M. Roy: S'ils veulent intervenir dans le débat, qu'ilsfassent comme nous, comme mon collègue de Saguenay et moi-même avons fait, qu'ils demandent la parole et ils auront le droit d'intervenir. C'est cela, M. le Président, je vous demande une directive.

Le Vice-Président (M. Blank): Si vous ne faites pas d'attaque personnelle, vous n'aurez pas de réponse.

M. Roy: Est-ce que je peux intervenir tranquille?

M. le Président, je ne fais pas d'attaque personnelle, mais je ne me laisserai pas marcher sur les pieds par des gens qui passent leur ternps à intervenir pour essayer de prolonger nos travaux parlementaires.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy: Oui!

M. Marchand: Est-ce qu'il y a une autorité...

M. Roy: II y en a qui commencent à se cacher.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demande au député de Laurier, s'il vous plaît...

M. Lessard: Vous pouvez en expulser des députés libéraux aussi.

Le Vice-Président (M. Blank): Cela arrivera. Le député de Beauce-Sud sur le bill 22.

M. Roy: M. le Président, sur le bill 22, je disais que le ministre de l'Agriculture veut se donner, lui aussi, par l'entremise du projet de loi no 22, un organisme que d'autres ministères se sont donné pour accomplir leur mandat. Comme ils nous l'ont répété à quelques occasions — je me réfère à leurs propos — c'est pour être capables de mieux jouer leur rôle.

Or, il ne fait aucun doute que la fondation de cette société québécoise d'initiative agroalimentaire est le pendant de REXFOR, pour le ministère des Terres et Forêts, le pendant de SOQUEM et de SOQUIP pour le ministère des Richesses naturelles, le pendant de la SDI et de la SGF pour le ministère de l'Industrie et du Commerce, le pendant, en quelque sorte, de SIDBEC dans le cas du ministère des Finances. Elle vient s'ajouter à huit organismes qui sont déjà sous la juridiction du ministre de l'Agriculture.

Parmi ces organismes, il y a l'Office du crédit agricole du Québec, la Raffinerie de sucre du Québec, la Régie de l'assurance-récolte, la Régie des marchés agricoles du Québec, le comité consultatif de la Régie de l'assurance-récolte, le comité consultatif de la Régie des marchés agricoles, le comité de surveillance des étalons — cela, je ne m'adresse à personne — le comité de recherche agricole.

Il s'agit du neuvième organisme sous la juridic-

tion du ministre de l'Agriculture. Si je me réfère aux notes explicatives contenues dans ce projet de loi, on dit que la société a pour objet "de favoriser l'implantation, la modernisation, l'expansion, le développement, la consolidation ou le regroupement des industries du secteur alimentaire; b), de participer ou d'intervenir dans la production, la transformation, le conditionnement et la commercialisation de tout produit relié au secteur agricole ou alimentaire ou aux pêcheries commerciales. "

Ce projet de loi donne au gouvernement le d roit de tout faire, ainsi que la permission de ne rien faire, parce qu'il n'y a rien d'obligatoire dans ce projet de loi. La permission de tout faire, mais aucune obligation de faire quelque chose. Grand projet de loi-cadre, aux multiples espoirs, mais on peut déjà s'attendre à de bien grandes déceptions. Si on se réfère aux autres organismes gouvernementaux qui existent dans les autres ministères, on doit dire que la majorité d'entre eux n'a pas rendu les services, actuellement, que le Québec et les Québécois auraient été en droit d'attendre de ces organismes.

Administration déficitaire, officiers nommés par favoritisme politique pour placer les amis du régime, tolérance à l'endroit de certaines décisions d'ordre administratif, inefficacité, absence de rendement, etc.; c'est la caractéristique qu'on retrouve dans à peu près toutes les sociétés paragouvernementales. Dans le domaine agricole, actuellement, le ministre n'a pas de programme particulier à offrir, mais il se donne un grand cadre dans lequel il pourra tout faire, intervenir dans tous les domaines.

On sait qu'actuellement la tendance du gouvernement est d'utiliser les sociétés para gouvernementales pour éliminer les petites entreprises, éliminer les entreprises possédées et dirigées par les Québécois", de façon à créer, comme on dit, une certaine concurrence aux grandes sociétés multinationales, alors qu'en réalité on conclut des accords avec les sociétés multinationales.

Ceci est la garantie de succès des sociétés multinationales parce que les sociétés paragouvernementales dirigés et administrées par le Québec, à cause justement de toute cette dépendance que nous avons vis-à-vis du grand capital extérieur et vis-à-vis des grandes sociétés multinationales font qu'on accroît notre dépendance en dépossédant nos Québécois de leurs moyens, de leurs industries et de leurs entreprises.

M. le Président, je suisen train de me demander, à ce moment-ci, si, demain, le gouvernement provincial ne sera pas propriétai re de grandes usines laitières. Je suis en train de me le demander. Le ministre me fait signe que oui. Cela veut dire qu'il peut aller là, le ministre: Etre propriétaire, au Québec, de grandes usines laitières, sociétés d'Etat. Le ministre, demain matin, peut décider, à un moment donné...

Le Vice-Président (M. Blank): S'il vous plaît, le groupe, en arrière, des cultivateurs de... Je ne veux pas nommer les comtés mais, s'il vous plaît, donnez une chance au député de Beauce-Sud de finir son discours.

Le député de Beauce-Sud.

M. Lacroix: Les habitants de la ville.

M. Roy: Le député des Iles-de-la-Madeleine a raison, M. le Président.

Je disais donc que le ministre, demain matin, pourra décider de se porter acquéreur d'abattoirs au Québec. Pas de se porter acquéreur des trusts, non, non. On ne dérangera pas les gros, les grandes sociétés multinationales. Elles ont une quiétude absolue, elles ont une tranquilité totale et le ministre, nous savons qu'il ne les dérangera pas. Mais, par exemple, on va faire en sorte de concurrencer et d'éliminer la petite entre prise possédée et dirigée par des Québécois, pour la remplacer par une société d'Etat qu'on appellera la Société québécoise d'initiative agro-alimentaire, ce qui veut dire beaucoup de choses, comme je le disais tout à l'heure.

M. le Président...

M. Lessard: M. le Président, je soulève une question de règlement. Depuis le début de l'intervention du député de Beauce-Sud, on crie un peu partout et on parle un peu partout en cette Chambre. Je pense que le député de Beauce-Sud, comme n'importe quel autre député, a le droit de s'exprimer, et, comme président de l'Assemblée nationale, vous avez le devoir, en vertu de l'article 10, je pense, de faire appliquer les règlements non seulement vis-à-vis des députés de l'Opposition mais vis-à-vis aussi de vos collègues, députés libéraux.

Je vous rappelle, M. le Président, l'article 26 du règlement où on dit: "Pendant le cours des séances, les députés prennent la place qui leur a été désignée par le président, demeurent assis et gardent le silence, a moins d'avoir obtenu la parole, et il s doivent éviter tout ce qui est de nature à nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée".

Est-ce qu'il va falloir crier à l'Assemblée nationale pour se faire entendre? M. le Président, vous savez que cela crée, parfois, un climat malsain quand vous ne faites pas appliquer le règlement. Je vous invite à être un peu plus sévère, parce que je constate que, malheureusement, lorsque vousoccupezle fauteuil, on se permet, d'un doté de la Chambre, de crier et de créer une situation absolument malsaine, pour nous empêcher d'exposer, en fait, à l'Assemblée nationale, certaines idées.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, sur ce rappel au règlement, je vous inviterais, avant de continuer mon intervention, à faire une mise au point à l'Assemblée nationale et à inviter les collègues du côté ministériel à l'ordre. Je pense que le député de Saguenay a été très clair. Je vous le demande. Je vous l'ai demandé au début et vous n'avez pas été écouté, M. le Président. Je vous demande d'intervenir.

Le Vice-Président (M. Blank): J'ai déjà fait des demandes deux fois.

M. Roy: Je vous demande d'intervenir auprès des collègues.

Le Vice-Président (M. Blank): Je n'ai pas besoin des leçons du député de Beauce-Sud pour diriger la Chambre. J'ai déjà fait mon devoir et je ferai mon devoir. Si vous voulez continuer votre discours, continuez-le.

M. Roy: Je constate, M. le Président, que si vous êtes intervenu, vous avez très peu d'autorité. Je le regrette, M. le Président. Je le regrette...

Une Voix: La preuve est là.

M. Roy: La preuve... Ecoutez encore!

M. Dufour:... taire, toi.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre! Ce sont vos remarques qui suscitent ces débats.

M. Lacroix: M. le Président, j'ai l'impression que de l'autre côté, on prêche la vertu mais on pratiq ue le vice!

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je reviens encore sur ce point, surce projet de loi no 22, pourdire encore une fois — je m'excuse de me répéter — que le gouvernement se donne les pouvoirs de tout faire avec l'obligation de ne rien faire, avec aucune obligation de faire quelque chose. M. le Président, on va créer encore une certaine illusion dans le monde agricole, on va créer encore une certaine illusion vis-à-vis des Québécois, vis-à-vis des consommateurs québécois.

Le gouvernement va avoir un outil et nous ne savons pas du tout à l'heure actuelle dans quel secteur particulier, dans quel domaine il va l'employer et quelle est la situation que le gouvernement veut corriger. On se crée une grande société, une grande entreprise dans laquelle on va placer les amis du régime. Je sais que cela déplaît à mes collègues lorsque je dis ces choses, mais c'est vrai, on n'a qu'à regarder ailleurs. On va continuer à placer les amis d u régime, on va faire en sorte encore que ces sociétés manquent d'efficacité sur le plan administratif, on facturera les déficits aux Québécois. Les millions — oui je dis bien les millions — qu'on va aller investir dans cette société, on va se dépêcher d'aller les emprunter sur le marché de New York, aux Etats-Unis pour créer une servitude encore davantage vis-à-vis d'une dépendance américaine. La dépendance américaine comme telle.

Vous avez pu le constater, M. le Président, il y a tellement de respect, on est tellement intéressé au mieux-être des Québécois, on est tellement intéressé à ce que le Québec se gouverne par lui-même qu'on applaudit même lorsqu'on dit que le gouvernement provincial va être encore réduit à aller emprunter de l'argent chez les Américains sous prétexte de nous donner des structures administratives pour être en mesure d'être les maîtres d'oeuvre de nos politiques en ce qui a trait au domaine agro-alimentaire.

M. le Président, si le gouvernement était venu devant l'Assemblée nationale avec un projet de loi précis dans un domaine particulier de l'agro-alimentaire, avec un programme d'expansion, voire même de consolidation qui aurait permis au Québec de se doter d'une bonne infrastructure pour être en mesure d'aller offrir les produits du Québec sur le marché international, dans un secteuren particulier, un secteur pilote, avant de se lancer dans tous les domaines, on pourrait se réjouir de ce projet de loi. Mais le discours que le ministre a fait lors de son intervention de deuxième lecture a été aussi vague que possible, a à peu près tout couvert sans rien couvrir en particulier, pour dire: Le gouvernement a un outil entre les mains qui va nous permettre de faire beaucoup.

M. le Président, on constate qu'un pays comme la France doit à son agriculture et à son industrie alimentaire d'être le troisième exportateur mondial. On se rend compte de ces faits, de cette réalité et on se rend compte de toutes les possibilités qu'il va pour trouver des marchés dans le domaine agroalimentaire, des marchés internationaux. Mais on voit que le gouvernement du Québec se limite, tente de contingenter la production pour satisfaire les besoins locaux. Lorsque nous avons le bonheur de faire de l'exportation dans un autre domaine, on permet tout de suite l'importation d'autres produits qui viennent, en quelque sorte, annuler ce qu'on pourrait considérer comme étant un surplus commercial, une balance commerciale favorable sur le plan international, même sur le plan extraprovincial. M. le Président, nous sommes loin d'en être là.

De toute façon, le gouvernement demande aujourd'hui à l'Assemblée nationale de lui donner les moyens d'agir. Le gouvernement demande à l'Assemblée nationale aujourd'hui d'être en mesure de disposer de structures juridiques qui lui permettent d'intervenir. Je n'aime pas les sociétés d'Etat, je ne les aime pas plus aujourd'hui que jel es aimais hier. Je n'ai pas plus confiance aux sociétés d'Etat aujourd'hui que j'en avais confiance hier et je ne crois pas que demain j'aurai confiance aux sociétés d'Etat. Mais, M. le Président, on ne nous accusera pas d'empêcher le gouvernement de se donner un outil pour faire quelque chose. Je tiens à avertir le ministre que nous allons la surveiller cette société d'initiative agro-alimentaire québécoise. Je tiens à dire au ministre ceci: Le ministre veut-il se donner une structure dans le but d'éliminer les petites entreprises québécoises, dans le but de favoriser une concentration pour faire de grosses patentes au Québec, de façon à les éloigner davantage du point de production et, par le fait même, d'éloigner le consommateur des sources d'approvisionnement?

On fait faire de grands détours aux produits agro-alimentaires dans le Québec avant qu'ils puissent atteindre la table du consommateurquébécois. Je dis au ministre que si c'est son intention de créer des sociétés dans le but de faire disparaître des sociétés québécoises, des sociétés qui sont la propriété de québécois, la propriété de Canadiens français, dans le but de traiter avec les grandes sociétés multinationales et de leur garantir des approvisionnements sûrs pour leur mise en marché à eux, comme REXFOR le fait actuellement avec les compagnies papetières, M. le Président, ce n'est pas

un secret — je me sers de cela à titre d'exemple — comme REXFOR l'a fait, dis-je, avec certaines compagnies papetières, alors que la Société REXFOR est exemptée de droits de coupe pour être capable d'offrir plus d'avantages aux grandes sociétés internationales, sociétés multinationales qui travaillent au Québec...

Je ne conteste pas le fait que certaines grandes sociétés ont quand même des possibilités et des ressources à leur disposition et qu'elles ont des moyens techniques de façon à pouvoir produire des produits de qualité à des prix avantageux dans certains cas, mais lorsque cela devient des cartel s, nous avons des objections et lorsque ces sociétés multinationales et ces grandes sociétés sont encouragées par des sociétés d'Etat qui deviennent leurs pendants, je dis que nous ne marchons pas dans ce domaine. C'est la crainte que j'exprime à ce moment-ci que cette société d'initiative agroalimentaire ne soit qu'une illusion pour le Québec et les Québécois et qu'elle serve de paravent ou d'intermédiaire entre les producteurs pour tâcher d'offrir une meilleure garantie d'approvisionnement aux grandes sociétés d'alimentation qui sont dépendantes des grandes sociétés multinationales.

De toute façon, M. le Président, l'avenir nous démontrera si nous avons raison ou non. Je serais heureux, en ce qui me concerne, de me tromper dans les propos que j'ai tenus aujourd'hui et dans les craintes que j'ai voulu porter à l'attention du ministre. Je serais le premier heureux de me tromper et de constater que cette société peut fai re quelque chose de vraiment positif, qu'elle est là non pas pour aider les multinationales, mais pour permettre a nos Québécois, à nos entreprises québécoises de jouer leur rôle, d'être plus dynamiques et d'être capables de se développer dans le Québec. Je pense que c'est de cette façon que nous pouvons réussir à atteind re un véritable équilibre économique, être les maîtres d'oeuvre de nos politiques économiques et être les maîtres d'oeuvre dans nos grandes polibiques, tout court.

Le Vice-Président (M. Blank): Y a-t-il d'autres opinants? Le ministre va exercer son droit de réplique.

Le ministre.

M. Normand Toupin

M. Toupin: Oui, M. le Président. Je voudrais seulement pendant quelques minutes apporter certaines précisions sur ce qui fut dit dans les discours, notamment ceux du député de Saguenay et du député de Beauce-Sud. Je voudrais d'abord dire, au départ, que cela fait déjà près d'un an et demi, je pense, que je parle d'une telle initiative dans la province de Québec. Il a fallu que j'en discute avec mes collègues, ce qui est tout à fait normal; il a fallu aussi que j'en discute avec les principales industries intéressées avant de connaître leur point de vue et ainsi rédiger un projet de loi qui soit conforme au moins aux intérêts et aux opinions de ceux qui sont dans le secteur de l'agro-alimentaire.

J'ai retardé, avant de déposer cette loi en pre- mière lecture, à cause de ces contacts, mais combien de fois ne m'a-t-on pas dit dans cette Assemblée, à l'occasion de discours sur d'autres projets de loi: Qu'est-ceque le ministre de l'Agriculture attend pour déposer sa loi? Qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture attend pour nous dire si c'est vrai ou pas qu'il y aura une société d'initiative agro-alimentaire? J'entends encore le député de Saguenay dire: "Le ministre dit cela pour faire de la publicité, le ministre dit cela pour essayer de démontrer qu'il a des idées dans le secteur agricole".

Aujourd'hui, cette loi est déposée en première lecture, on la discute en deuxième lecture et on dit: Pas bonne, ce n'est plus bon cette loi, on devrait en penser une autre, etc. Or, M. le Président, cette loi, telle q u'elle est rédigée, est générale, parce que nous avons voulu nous donner la possibilité de travailler dans tous les champs d'activité et non pas nous limiter. Par exemple, on aurait pu inclure dans la loi, au chapitre des activités commerciales, que la société se limitera d'une part aux grains de provendes et, d'autre part, à l'industrie avicole. On aurait pu écrire cela dans la loi. Là, je me serais imposé des limites qui m'auraient empêché de régler un problème qui se serait posé dans le secteur laitier, mais on n'a pas fixé de limites dans cette loi. On l'a faite le plus large possible pour que nous puissions agir sur tous les secteurs et dans tous les domaines, tant de la transformation que de la distribution, que de la commercialisation des produits de l'agriculture.

C'est pour cela que nous l'avons mis large comme cela. Bien sûr, le député de Saguenay a critiqué notamment les articles 14 et 17 de cette loi. C'est une politique gouvernementale maintenant que de contrôler les activités des organisations pa-ragouvernementales.

Il me paraît d'une importance vitale que nous soyons, nous, au conseil des ministres, en mesure de déterminer des objectifs à une société que nous créons. Les articles14 et 17 disent seulement cela. Ils disent que le lieutenant-gouverneur en conseil devra, obligatoirement, pas pourra, mais devra obligatoirement approuver tout programme d'investissement, mais ces programmes seront préparés par la société. Et si elle ne prépare pas des programmes qui correspondent aux objectifs du gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra les changer. Il pourra, par la suite, les imposer à la société et lui dire que c'est dans ce secteur que le gouvernement veut agir, que c'est tel type d'initiatives que le gouvernement veut prendre. Ce n'est pas de la tutelle, c'est de l'administration prévoyante. Ce n'est pas de la tutelle pour un gouvernement que de décider ce que ses filiales feront avec les capitaux d'ailleurs que lui-même lui a donnés, ou lui a donné l'occasion d'avoir. C'est simplement une politique rationnelle d'administration et d'intervention.

Lorsque nous avons discuté, il n'y a pas longtemps, des amendements à la Loi de la Régie des marchés agricoles du Québec, nous avons profité de l'occasion pour mettre dans la loi les dispositions similaires à celles que nous retrouvonsdanscelle-ci, de telle sorte que le lieutenant-gouverneuren conseil peut renverser n'importe quand une décision que prendra la Régie des marchés agricoles du Québec.

Ainsi, il est capable d'administrer ses politiques. C'est important, dans les sociétés comme celle-là, au niveau d'une politique générale du gouvernement, que nous ayons un mot à dire, tout au moins dans les grandes orientations que doit prendre la société.

Le gouvernement n'ira pas se mettre le nez dans les filiales de la société. Si la société décide, demain matin, de devenir partenaire, avec une entreprise, dans le domaine des produits congelés, le lieutenant-gouverneur en conseil n'ira pas dire au président de cette corporation comment faire sa mise en marché, comment organiser ses politiques d'achat, absolument pas. Ces filiales seront autonomes, et elles agiront en vertu des lois actuelles, mais les grandes orientations seront dictées par le gouvernement.

Le député de Beauce-Sud parlait un peu des multinationales et des petites entreprises. Sur les multinationales, je suis porté à avoir un peu ses appréhensions. Il est évident que plusieurs petites entreprises québécoises, actuellement dans le domaine de l'agro-alimentaire, passent trop souvent aux mains des multinationales. Quand la compagnie Québec Poultry est venue, je ne dirai pas sur le bord de la faillite, mais a rencontré certaines difficultés, il y avait des possibilités qu'une multinationale puisse acheter cette entreprise. J'ai pris contact avec les entreprises québécoises et je leur ai demandé de se mettre ensemble pour acheter la compagnie Quebec Poultry, pour qu'elle demeure entre les mains des Canadiensfrançais. La Coopérative fédérée a décidé de se porter acquéreur de cette entreprise. Si la Société d'initiative agro-alimentaire avait existé à ce moment, et si la Fédérée n'eut pas été capable de l'acheter, nous serions intervenus pour conserver cette entreprise chez nous, qui touche des producteurs agricoles et des consommateurs québécois.

Dans le domaine du lait, la création de Québec-Lait a fait qu'on a regroupé une dizaine de petites entreprises laitières qui, jour après jour, passaient entre les mains des multinationales. Nous avons créé un complexe valable, capable de concurrencer. C'est sain, dans une province comme la nôtre, qu'il y ait de la concurrence. Il est évident que la société aura l'oeil ouvert sur les transactions possibles de petites entreprises québécoises, via des multinationales.

Ce qu'elle va chercher à faire surtout, c'est de les regrouper, c'est de mettre ensemble quatre ou cinq petites entreprises, en faire un ou deux qui soient rentables. J'apporte l'exemple du secteur des conserveries. Il existe au Québec six ou sept petites conserveries, alors qu'on pourrait en avoir peut-être trois, mais mieux structurées et beaucoup plus polyvalentes. Il est nécessaire que nous ayons des conserveries au Québec, si nous voulons développer nos productions maraîchères. Je disais tantôt: On n'est pas capable de vendre tous les produits maraîchers à l'état frais. Il faut, par conséquent, les transformer et la transformation oblige l'implantation d'usinesde transformation. Ce sera là le rôle de cette entreprise.

Je suis persuadé que cette société rendra d'énormes services à l'ensemble de l'agriculture québécoise. C'est un aspect important de la politique du gouvernement en matière de développement agricole et en matière de développement de l'agro-alimentaire. Je sais fort bien que le député de Saguenay ainsi que le député de Beauce-Sud voteront en faveur de cette loi. Pour une deuxième fois, ils appuieront un deuxième programme du gouvernement, peut-être un troisième cet après-midi. Cela sera presque toute la politique agricole du gouvernement qui sera approuvée par les députés de l'Opposition en cette matière.

Il est normal, bien sûr, que le député de Saguenay et le député de Beauce-Sud essaient de trouver des faiblesses dans ces lois. Mais je ne soutiens pas que ces lois sont complètes. Ce sont des lois nouvelles qui mériteront dans le temps, à l'expérience, à l'application, d'être amendées, renforcées pour en arriver à leur donner une meilleure structure et, par conséquent, une meilleure performance.

Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion de l'honorable ministre de l'Agriculture que le projet de loi no 22, Loi constituant la Société québécoise d'initiative agro-alimentaire, soit lu pour la deuxième fois est-elle adoptée? Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire de l'agriculture pour y être étudié article par article.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. Bienvenue: Article no 15).

Projet de loi no 39 Deuxième lecture

Le Président suppléant (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 39, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles et les aliments.

L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. Toupin: M. le Président, je ne vodurais pas prendre trop de temps sur ce projet de loi. Je serais plutôt porté à utiliser à la fin mon droit de réplique; tout dépend de ce que diront mes collègues de l'Opposition.

Je voudrais simplement soutenir que ce problème des viandes impropres à la consommation qui aété découvert récemment par la Commission d'enquête sur le crime organisé m'a obligé à réviser de fond en comble les politiques et les programmes que nous avions dans ce secteur.

Je n'ai pas attendu que la Commission d'enquête sur le crime organisé fasse son rapport final avant de poser des gestes. La santé du public étant mise en cause, il me paraissait urgent et important de poser des gestes dans l'immédiat. Les gestes que nous avons posés et les décisions que nous avons prises sont déjà connus du public. J'ai annoncé la semaine dernière que de nouveaux règlements seront mis en vigueur incessamment. Dans ces règlements, il sera interdit à toute personne qui ne détient pas un permis de transformer desviandes au Québec et de les abattre plus particulièrement. Par conséquent, toute personne qui aura à oeuvrer dans ce secteur dans l'avenir devra obtenir l'autorisation du ministère de l'Agriculture ainsi que ceux qui seront appelés à commercialiser les viandes impropres à la consommation: les animaux morts ou malades pour lesquels iI existe des marchés, bien sur, et qui rapportent un minimum de revenu aux agriculteurs. Je dis bien un minimum car c'est vraiment infime en termes de revenu, mais cela répond à un besoin de notre société actuellement, notamment en matière de fertilisants et en matière d'aliments pour les petits animaux.

Ces derniers seront tenus de se procurer un permis et toute personne, qui travaillera pour ces entreprises qui détiendront un permis, devra nous faire parvenir son nom et son adresse et les activités auxquelles elle sera rattachée. Ainsi, on pourra suivre toutes les personnes qui, dans l'avenir, auront la responsabilité de cueillir, d'entreposer, de détruire ou de transformer par la suite, pour des fins spécifiques, des viandes impropres à la consommation.

Je termine par ceci, M. le Président. La décision du ministère de l'Agriculture là-dessus est ferme. Elle est définitive. Toute personne, dans l'avenir, qui prendra le risque de mettre des viandes impropres à la consommation sur le marché, sera tenue de payer des amendes fortes. Si ces amendes ne sont pas payées, je n'hésiterai pas à demander au ministre de la Justice d'appliquer la Loi sur les poursuites sommaires, qui va jusqu'à l'emprisonnement.

Le Président suppléant (M. Gratton): Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, le ministre revient après près de onze mois avec certaines modifications mineuresà la loi qui avait été présentée au mois de juillet dernier. C'était la loi 31 qui s'intitulait Loi sur les produits agricoles et les aliments.

Le ministre nous propose certaines modifications dans le projet de loi no 39. Je dis que ce sont des modifications mineures par rapport à l'ensemble de la loi, mais elles sont quand même assez importantes. La modification, je pense qui est importante là-dedans, concerne les amendes. En effet, dans l'ancienne loi, la loi 31 adoptée et sanctionnée le 31 juillet 1974, on prévoyait, pour une première infraction, une amende d'au moins $25 et d'au plus $500, dans le cas d'un individu, et d'au moins $50 et d'au plus $1, 000, dans le cas d'une corporation; pour toute récidive dans les deux ans, une amende de $3, 000, dans le cas d'un individu, et de $5, 000, dans le cas d'une corporation. On constate maintenant, après des profits considérables qu'ont dû faire certaines compagnies, que ces amendes étaient absolument insuffisantes. Le projet de loi no 39 vient corriger un peu cette situation, en haussant les amendes de façon assez importante, puisque, pour une première infraction, l'amende prévue sera d'au moins $1, 000 et d'au plus $5, 000 et, à défaut de paiement de l'amende et des frais, et, pour toute récidive dans les deux ans, d'une amende d'au moins $3, 000 et d'au plus $10, 000.

Mais je souligne, M. le Président, qu'à l'exception de cette modification importante dans le projet de loi il n'y a pas tellement de différence entre le projet de loi no 31, adopté en juillet dernier, et le projet de loi qui nous est présenté actuellement par le ministre de l'Agriculture. La question fondamentale qui se pose actuellement, étant donné la situation que nous connaissons, est la suivante: Comment se fait-il que le ministre de l'Agriculture ait pris onze mois avant de nous présenter et de mettre en application son projet de loi? Non seulement onze mois, mais le projet de loi n'est pas encore en application.

Je vous dis immédiatement, M. le Président, que je serai très prudent dans mon intervention et je m'abstiendrai, comme le stipule notre règlement, à l'article 99, de faire référence à la Commission d'enquête sur le crime organisé, puisque cet article m'interdit de parler d'un problème qui relève d'une enquête d'une commission judiciaire et dont la discussion peut nuire à un ou plusieurs individus. C'est quand même important de bien préciser que l'intervention est interditesi ça peut nuireà un ou plusieurs individus; cela ne m'empêche pas, quand même, de parler de la Commission d'enquête sur le crime organisé. Je m'en tiendrai donc aux déclarations du ministre et à sa conduite politique, en ce qui concerne la non-application de la loi actuelle sur les produits agricoles et les aliments, et sur l'opportunité qu'il a maintenant de la modifier.

Depuis quelques semaines, nous avons posé plusieurs questions au ministre de l'Agriculture concernant le commerce de la viande avariée. Le ministre a toujours tenté de laisser entendre qu'il n'avait pas les moyens nécessaires d'agir. Le ministre nous a toujours dit qu'il attendait des preuves concrètes.

Malgré ses dénégations de vierge offensée, le ministre connaissait bien la situation. Or, le ministre n'a rien fait pour la régler. Le ministre a prétendu qu'il n'avait pas les pouvoirs nécessaires pour agir. Or, le ministre avait tous les moyens pour empêcher le commerce de la viande avariée et il n'a rien fait. Pourquoi?

Quant au projet de loi actuel, rien ne nous assure qu'il ne connaîtra pas le même sort que les autresqui l'ont précédé. Jusqu'à présent, le ministre et ses inspecteurs n'ont pas fait leur travail et n'ont pas appliqué la loi. Feront-ils respecter le nouveau projet de loi? Et pour combien de temps?

Premier point, le ministre connaissait la situation. A moins d'être sourd comme un pot et aveugle comme une taupe, en plus d'être amnésique, le mi-

nistre était au courant de la situation. Ces histoires de charognards existent depuis longtemps au Québec. Elles sont connuesde tout le monde, dans lesmilieux ruraux et dans le commerce de la viande. Et le ministre de l'Agriculture nous dit qu'il n'en a pas été saisi. Pourtant, dans la Presse du 30 mai 1975, on lit ce qui suit: "L'ex-présidente et actuelle secrétaire de l'Association de la protection des consommateurs de Trois-Rivières, Mme Jacques Valentine, déclarait, au cours d'une conversation téléphonique, que son organisme avait mené, dès juillet 1973, une enquête sur le commerce de la viande. Elle signale que cinq ans de pression auprès du ministre de l'Agriculture n'ont pas changé la situation. On a présenté, dit-elle, des mémoires, des résolutions. On possède même un dossier rempli de coupures de journaux faisant état de saisies de viande dans les environs. Mais cela restait là, cela recommençait quand même. On n'obtenait jamais de réponse. Mme Valentine ajoute même qu'après trois entrevues avec le ministre Toupin, au cours desquelles il offrait sa collaboration, ce dernier aurait fait état des difficultés rencontrées au sein du cabinet des ministres pour faire approuver un projet de loi visant à rendre obligatoire l'inspection gouvernementale dans tous les abattoirs. "Mme Valentine soutient que M. Toupin déclarait que six ou huit ministres s'opposaient à cette loi. "

Plus que ça, le 21 août 1973, selon une dépêche de la Presse canadienne, qui s'intitulecomme suit "le ministre de l'Agriculture aurait déclaré: "La charogne, cela va finir. " En effet, en provenance du Cap-de-la-Madeleine, nous lisons ceci en ce qui concerne cette information publiée dans le Journal de Québec, du 21 août 1973: "Le ministre de l'Agriculture du Québec, M. Normand Toupin, a déclaré, hier, dans une interview à son bureau du Cap-de-la-Madeleine, qu'il semble bien que le problème de la viande impropre à la consommation sera réglé demain, lors de la réunion du conseil des ministresdu gouvernement Bourassa. "Il a ajouté qu'une nouvelle réglementation était prête et qu'elle donnera au gouvernement du Québec le moyen d'exercer une complète autorité sur la qualité des animaux allant aux abattoirs et également sur la qualité de la viande que l'on vendra. " Journal de Québec, 21 août 1973. Ceci, M. le Président, en 1973.

Le 23 mai dernier, le ministre déclarait qu'il avait commencé à avoir des doutes il y a trois ou quatre mois, selon la Presse du 24 mai 1975. Pourtant, le ministre avait été averti bien avant et lui-même avait dit qu'il allait régler le problème du commerce de la charogne.

Le 27 avril 1973, un article du journal La Presse titrait en gros: "Trois gangs écoulent 25 tonnes de viande avariée par semaine". Tout continue comme avant; le ministre n'est jamais intervenu.

Le 31 octobre 1974, en première page de la Tribune, on faisait état d'une déclaration choc de M. Guy Gauvin, qui est président du Syndicat des producteurs de boeuf de L'Estrie, directeur national des producteurs de boeuf du Canada, vice-président de l'Association des races pures du Québec, président de l'Association charolaisedu Québec, représentant pour l'Est du Canada de l'Association charolaise canadienne. Le journal disait ceci: "Poursuivant son analyse, M. Gauvin a dit qu'il fallait maintenant, compte tenu de la situation actuelle, que le grand public apprenne certaines choses qui lui étaient cachées, jusqu'à maintenant, que les gens en place toléraient. Une de ces choses est l'emprise exercée par la pègre montréalaise sur la manipulation, à quelque degré que ce soit, de toute la viande qui passe par la métropole".

Voilà, M. le Président, une déclaration d'un homme responsable. Le ministre, naturellement, n'a pas entendu parler de cette déclaration. llyaquelquesjours, M. Jules Pépin, présidentdu conseil d'administration de la firme Jean Demers Inc., qui exploite un abattoir de chevaux et une conserverie d'aliments pour chiens et chats, a déclaré qu'à plusieurs reprises, au cours des années, il s'était plaint aux représentants gouvernementaux de tous les paliers que les récupérateurs d'animaux morts ou malades qui l'approvisionnaient ne lui fournissaient que les mauvaises parties de viande. Il a souvent fait part aux autorités concernés de ses doutes quant à l'utilisation des belles parties d'animaux qu'il n'arrivait pas à se procurer. Selon le témoin, chaque fois qu'il a fait des représentations auprès des services gouvernementaux, il abénéficié un temps d'un accroissement important de son approvisionnement, mais, par la suite, rien ne se faisait.

Le ministre de l'Agriculture nous dit qu'il n'était pas au courant.

Le 5 mai 1967, dans un débat avec le ministre de la Justice d'alors, M. Jean-Jacques Bertrand, M. Claude Wagner lui rappelait jusqu'à quel point la pègre s'est infiltrée à l'Expo. "Un membre connu de la pègre opère un racket de protection dans la viande". Je cite textuellement M. Wagner: "II s'appelle, selon mes renseignements, William O'Bront et il aurait la concession de la viande à l'Expo".

Le ministre n'a qu'à vérifier. Le tout en resta là et le monde entier goûta à la charogne "made in Québec". Le ministre n'en a pas entendu parler.

Le 1er mars 1962, M. Gilles Constantineau, en première page du Nouveau Journal, écrivait: "Les producteurs laitiers de la rive sud et des Cantons de l'Est n'hésite pas à livrer leurs vaches mortes ou malades au marché de la consommation de Montréal, dans des conditions épouvantablement écoeurantes, 25 à 30 tonnes par semaine". Le ministre n'en a pas entendu parler.

L'Association des consommateurs de l'époque répliquait: "Nous savons que de la viande d'animaux morts de tuberculose ou d'autres maladies, ou morts noyés ou des suites d'un accident, est mise en vente grâce à des systèmes illégaux de distribution dans le Québec".

Cela a été publié dans le Nouveau Journal, le 13 janvier 1962. Le ministre n'en a pas entendu parler.

C'est encore en 1962 que dans une résolution prophétique, l'Union des ouvriers de salaison déclaraient ceci: "Les ouvriers de salaisons n'ont pas confiance du tout dans le genre d'inspection que font les gouvernements des provinces dans le domaine de l'alimentation et surtout dans le traitement des viandes. Un représentant syndical a même ajouté

qu'il ne mangeait jamais de sous-produits de la viande qui ne portaient pas le sceau fédéral tant il se méfiait de la qualité et de l'hygiène de ces produits fabriqués souvent dans des endroits malpropres et au mépris de toute propreté élémentaire. " Le Nouveau Journal, 30 novembre 1962. Le ministre n'en a pas entendu parler.

De régime rouge en régime bleu ou de bleu en rouge, rien n 'a changé depuis 1969, et les Québécois ont toujours mangé de la charogne. Ou plutôt, si, il y a quelque chose de changé. En 1962, le Québec était encore exportateur de charogne vers l'Ontario et les Etats-Unis; maintenant que les contrôles se sont resserrés partout, sauf ici, le Québec est devenu importateur de charogne. Soyons sérieux.

Malgré toutes ces dénégations de politiciens pris au prège et qui ne convainquent personne, le ministre était très certainement au courant de la situation. Tout comme il ne disait pas la vérité lors-qu'en commission récemment, il nous déclarait, suite à une question que j'avais posée à ce moment-là, que la Federal Packing, c'était "Approuvé Canada". Mensonge caractérisé ou simple erreur? Une erreur est difficilement acceptable ou concevable quand on sait que la Federal Packing produisait à elle seule plus de 50% de toutes les viandes de charcuterie produites sous surveillance provinciale. Si le ministre l'ignorait, depuis cinq ans qu'il occupe son poste, on peut se poser des questions sur sa compétence. De toute façon, comme l'a titré justement l'éditorial de la Presse du 30 mai: "M. Toupin dit n'importe quoi. " C'est que le premier ministre détient sur ses collègues. Le premier ministre dit n'importe quoi et ses ministres disent aussi n'importe quoi.

Le ministre avait tous les pouvoirs pour agir. Chaque fois que l'actuel ministre de l'Agriculture est pris les culottes baissées — et c'est fréquent de ce temps-ci — il est toujours en attente de quelque nouvelle loi ou de quelque réglementation qui viendra tout régler sur le papier. Or, nous avons affirmé et nous continuerons d'affirmer que le ministre avait tous les pouvoirs nécessaires, et les autres ministres de l'Agriculture qui l'ont précédé également. Seulement, il ne semble pas qu'il y ait songé, qu'il ait songé à les faire appliquer. Je n'ai pas besoin de reprendre l'intervention que j'ai faite en commission parlementaire lors de la discussion des crédits. Il y avait même plus que cela. Il y avait une loi concernant l'hygiène publique, qu'on appelle Loi de l'hygiène publique, chapitre 161 des Statuts refondus du Québec 1964, loi qui n'a jamais été appliquée, M. le Président, et qui permettait au ministre de la Santé d'avoir un contrôle sur la viande avariée.

Mais que pouvons-nous attendre d'un gouvernement lui-même avarié? Comme l'a fait remarquer l'Association des consommateurs du Canada, section Québec: "II est inacceptable qu'un gouvernement et son ministre de l'Agriculture n'assument pas leurs responsabilités. Une loi existe, qui n'est pas appliquée. "Les règlements qui y sont rattachés sont galvaudés au plus grand mépris de la santé desQuébécois. " Journal Le Jour, 6 juin 1975.

Les déclarations optimistes que nous servent actuellement le ministre de l'Agriculture et le premier ministre n'ont rien de différent de celles qu'on a servies aux consommateurs en 1962, en 1967 et en 1973. "Fiez-vous à votre boucher", dit le ministre, faute de pouvoir vous fier à votre ministre, devrait-il ajouter. Et M. Bourassa d'affirmer: "Nous prenons toutes les mesures, y compris les plus énergiques, pour nous assurer que la population q uébécoise est bien protégée". 25 mai 1975, déclaration de M. Bourassa à l'Assemblée nationale. Comme le disait le Dr Couturier en 1962 — écoutez ça: "Nous prenons toutes les mesures pour protéger la santé du public. Le gouvernement fait l'impossible pour empêcher le commerce de la viande gâtée. " Publié dans le Nouveau Journal.

Quelle assurance les Québécois peuvent-ils avoir que la loi qui nous est présentée aujourd'hui sera appliquée alors que toutes les précédentes ne l'ont pas été? Nous savons fort bien, comme l'Association des consommateurs l'a aussi fait remarquer, le risque d'oeuvrer au sein du Parti libéral, qui a beaucoup d'intérêts à protéger avant ceux des consommateurs.

D'autant plus, s'il n'y avait pas eu le coup du gouvernement fédéral via l'enquête sur le crime organisé, l'intervention à Federal Packing, il n'y aurait pas eu de projet de loi no 39. Les règlements resteraient sur les tablettes, comme c'est le cas depuis 1970 et comme cela a été particulièrement le cas depuis juillet 1974.

Alors, malgré le fait que le ministre, comme à son habitude, cherche à ne pas connaître, à ne pas donner à ce problème la dimension politique et cherche à noyer la charogne, il s'agit bel et bien d'un problème d'ordre politique. Les quatre autos qui attendaient un inspecteur du ministère, à son domicile, qui se serait fait casser les jambes et aurait fait renverser son automobile dans le fossé, c'est de la politique, telle que l'exprimait le secrétaire particulier, sans l'accord du ministre, M. Gilles Biron.

Il ne semble pas que l'inspecteur ait été fortement appuyé des autorités. En tout cas, le ministre a tout au plus reconnu avoir eu vent de certaines rumeurs sur les difficultés qu'ont pu rencontrer ces inspecteurs. Nous n'avons jamais eu aucune plainte, disait-il, selon la Presse du 24 mai 1975.

Le ministre de l'Agriculture s'imagine que nous allons le croire! En guise de conclusion, j'aimerais citer un article paru dans le journal Le Nouvelliste du 4 juin 1975, justement le journal qui couvre la région du ministre. Se pourrait-il qu'on l'y connaisse davantage dans cette région? Ce journal dit ceci: "A notre humble avis, et d'aucuns partagent cette idée, il s'agit avant tout d'une affaire de patronage et de rentabilité électorale. D'ailleurs, un ministre, de passage dans la région, disait, à la blague, il y a deux ans: On ne peut pas faire cela, plusieurs sont de bons libéraux et d'anciens "bleus" convertis. Les réticences, voire les objections soulevées, tant au sein de la députation que du cabinet, ne font que confirmer nos dires. L'ex-présidente de l'Association des consommateurs, Mme Valentine, a d'ailleurs obtenu ce genre de réponse de la part d'un autre ministre qui a tenté de nier ces faits, la semaine dernière.

"Un des personnages les plus opposés à une loi avec des dents est nul autre que le célèbre député Louis-Plilippe Lacroix, organisateur d'élections de premier ordre. On n'a qu'à consulter les journaux de 1970 à 1974 pour constater les embûches dont a été victime le ministre Toupin, et l'opposition du député Lacroix, ci-devant whip en chef du parti. A ce sujet, un informateur qui a fait sursauter tout le monde é-crit encore ce journal — à la Commission d'enquête sur le crime organisé, nous dévoilait des chiffres très significatifs sur le commerce de la charogne. Le Québec compte entre 900, 000 et un million de têtes de bétail, et le taux de mortalité naturelle est de l'ordre de 2. 3%.

C'est donc dire environ 20, 000 animaux qui devraient être dirigés vers les abattoirs où l'on fabrique de la viande pour les chiens et les chats. Cela devrait donner cinq millions de livres à ce genre de commerce. "Or, il appert que les statistiques du gouvernement sont de beaucoup inférieures à la réalité, en l'occurrence en deça de deux millions de livres enregistrées dans les dossiers du ministère de l'Agriculture. Le reste, c'est vous et moi qui l'avons sans doute bouffé, et cette triste situation continuera tant et aussi longtemps que le gouvernement persistera à accorder plus d'importance à l'électoratisme qu'à la santé des Québécois". Québec, juin 1975.

Je dis que, naturellement, nous n'avons pas le choix: nous devrons appuyer ce projet de loi, mais nous nous demandons quel sera le sort de ce projet de loi comme des règlements. C'est la question fondamentale. Esf-ce que ce projet de loi subira le même sort que les autres projets de loi qui ont déjà été présentés à cette Assemblée nationale? Si c'est le cas, cela ne vaudrait pas la peine de présenter un tel projet de loi. L'important, c'est d'avoir un ministre qui prend ses responsabilités, un ministre qui n'est pas soumis au patronage et qui ne sera pas soumis aux caisses électorales. Merci.

M. Roy: M. le Président, puis-je proposer la suspension du débat?

M. Bienvenue: Le député de Beauce-Sud aurait la parole. Nous allons suspendre le débat qui va reprendre à vingt heures quinze. Nous allons suspendre le débat pour permettre au ministre des Travaux publics de se lever sur l'article 9).

M. Roy: Je n'ai pas proposé la suspension de la Chambre, j'ai proposé la suspension du débat.

M. Bienvenue: Vous ne pouvez proposer l'ajournement du débat... Je m'excuse, mais enfin, merci, M. le Secrétaire, ne discutons pas là-dessus. Ce qui est important, plus que les mots, c'est qu'à vingt heures quinze, le député de Beauce-Sud aura la parole sur ce projet de loi.

Article 9), M. le Président.

Projet de loi no 7 Deuxième lecture

Le Président suppléant (M. Gratton): L'hono- rable ministre des Travaux publics propose la deuxième lecture du projet de loi no 7, Loi modifiant la Loi de l'expropriation.

M. Mailloux: M. le Président, je pense que le projet de loi en question n'amène pas de grands discours en deuxième lecture. D'ailleurs, c'est un projet de loi tellement technique et juridique que le député de Charlevoix serait probablement profane en la matière.

De toute façon, ayant discuté cet après-midi avec le leader de l'Opposition, le député de Maisonneuve, de même qu'avec les députés de Chicoutimi et de Beauce-Sud, je voudrais proposer, si cela est accepté, l'adoption en deuxième lecture du projet de loi qui sera déféré à une commission élue ultérieurement pour l'étude article par article, où on pourra discuter du projet.

M. Burns: D'accord, M. le Président. Nous sommes prêts à adopter la deuxième lecture et nous amènerons en commission les points de vue que nous avons sur ce projet de loi.

M. Roy: D'accord, M. le Président. Egalement, si nous avons des observations à faire d'une façon particulière, qu'on nous permette de les faire d'entreprendre l'étude article par article, en commission élue.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: Je fais motion pour que ce projet de loi no 7 soit déféré à la commission élue des transports pour y être étudié ultérieurement article par article.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté.

M. Bienvenue: M. le Président, en proposant la suspension des travaux de la Chambre jusqu'à huit heures quinze ce soir, je rappelle, pour rassurer mon ami le député de Beauce-Sud, que nous reprendrons immédiatement l'étude du projet de loi no 39 du ministre de l'Agriculture. Il aura la parole et nous lui donnerons le temps de s'exprimer.

Le Président suppléant (M. Gratton): Cette motion de suspension des travaux est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président suppléant (M. Gratton): Adopté. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 19

Projet de loi no 39 Deuxième lecture (suite)

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: J'apprécie toujours les applaudissements au début, M. le Président, parce qu'à la fin, je n'en ai jamais.

Or, M. le Président, avant l'ajournement de nos travaux...

M. Harvey (Charlesbourg): Une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Question de règlement, l'honorable député de Charlesbourg.

M. Harvey (Charlesbourg): Question de règlement. Etant donné que le député de Beauce-Sud a la parole, je me demande s'il ne représente pas en même temps le PQ, puisqu'il n'y a aucun député PQ, aucun créditiste, aucun député de l'Union nationale...

Une Voix: Aucune Opposition.

M. Harvey (Charlesbourg):... aucune Opposition, il est le seul.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Roy: Je représente l'Opposition, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Roy: M. le Président, ces honorables collègues n'ont qu'à prendre le soin d'être bien patients et d'écouter ce que j'ai à dire. Je n'ai pas l'intention de gaspiller mon temps de parole pour intervenir et faire un débat qui n'a aucun rapport avec le présent projet de loi.

M. le Président, le projet de loi qui est actuellement à l'étude fait suite à la dénonciation, et aux révélations — révélations, ce n'est pas peu dire — qui ont été faites par la fameuse commission d'enquête sur le crime organisé, la CECO, qui ne nous a pas appris, mais qui nous a permis de constater qu'encore aujourd'hui, au Québec, il se fait un commerce de viande avariée, que tout le monde appelle de la charogne.

On sait, M. le Président, que ce commerce s'est pratiqué sur une haute échelle et a permis à un certain nombre d'individ us de faire des affaires d'or. Si ces gens ont pu faire des affaires d'or, c'est parce que les lois qui avaient été adoptées par le Parlement de Québec n'ont pas été appliq uées, que ceux qui avaient le mandat de faire respecter ces lois ont fermé les yeux, que les inspecteurs ne se sont pas

souciés de faire leur devoir et que ceux qui avaient à les diriger, ceux qui avaient a leur demander des comptes n'ont pas fait leur devoir non plus.

M. le Président, lorsque je vois que le ministre de l'Agriculture, qui est titulaire de ce ministère depuis cinq ans, a toléré un tel état de choses au Québec, et que c'est ce même ministère, aujourd'hui, qui présente une loi devant l'Assemblée nationale, le projet de loi no 39, je me demande s'il faut en rire ou s'il faut en pleurer.

Je l'avais dit, M. le Président, qu'ils n'applaudiraient pas après que j'aurais commencé mon intervention.

M. le Président, comment ce ministre, actuellement, encore titulaire du ministère de l'Agriculture, qui s'est fermé lee yeux sur la situation, pourra-t-il faire appliquer la loi qu'il a déposée devant l'Assemblée nationale et que nous sommes appelés à vote ren deuxième lecture ou, du moins, que nous serons appelés à voter en deuxième lecture ce soir? M. le Président, je me demande sérieusement si on n'est pas encore en train de créer une illusion aux Québécois, illusion qui a causé un tort énorme à la population du Québec.

M. le Président, le ministre de l'Agriculture a déclaré, en fin de semaine, que son ministère savait depuis dix ans qu'il se faisait un commerce de viande avariée au Québec. J'aimerais rappeler au ministre que plusieurs journaux, que je ne nommerai pas, ont fait des rapports et des recherches, ont publié des révélations. Dès 1943, alors que nous avions encore un gouvernement libéral à cette époque, on peut lire ceci: Viandes grignotées par les rats, du cheval pour du boeuf, du chat pour du lapin. M. le Président, c'est presque antiparlementaire. Je n'ose même plus continuer tellement c'est épouvantable parce que je respecte les gensqui liront le journal des Débats.

C'est pour vous dire, M. le Président, qu'il est gênant de définir, dans des termes bien français, d'expliquer la situation dans laquelle les consommateurs du Québec ont été placés devant ce commerce épouvantable qu'on a fait à leur détriment et à leur insu. En 1962...

M. Côté:... en manger...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy: Je voudrais rappeler à mes honorables collègues que je n'ai pas l'intention d'intervenir, comme avant le souper, pour demander des rappels à l'ordre. Ils pourront m'enterrer s'ils le veulent. Je les comprends, M. le Président. Malgré que je ne sympathise pas avec eux, je comprends que c'est fatigant et que c'est gênant pour eux.

Le gérant général de la Coopérative fédérée déclare, dans le journal Le Devoir du 19 février 1962: "Un pourcentage effarant de viande impropre est livrée au consommateur. " Ce n'est pas en 1975, ce n'est pas en 1971, ce n'est pas en 1970, c'est en 1962. "Non seulement des millions de livres de viande sont vendues au consommateur sans avoir été inspectées mais un pourcentage effarant de viande impropre est livrée à la consommation, a déclaré samedi le gérant général de la division des viandes de la Coopérative fédérée de Québec, M. Hector Nadeau.

Cela remonte au 19 février 1962, pour rafraîchir la mémoire de nos collègues. "L'enquête concernant la viande impropre à la consommation — l'Evénement, 21 février 1962 — aucun commentaire du ministre de la Santé. Motus. Le ministère de la Santé garde le silence et ses informations sur l'enquête en cours concernant la viande impropre à la consommation. Hier, le député de Saint-Sauveur, M. Francis Boudreault, a demandé au ministre, en Chambre, si des mesures avaient été prises pour protéger la population contre le commerce de la viande impropre à la consommation. " C'est en 1962, M. le Président.

Dans l'Evénement du lendemain, 22 février 1962: "Le maire demande un rapport sur l'inspection de la viande. A la suite des déclarations faites concernant le problème de la viande impropre à la consommation dans la province, les autorités de la ville de Québec ont réagi, et le maire Wilfrid Hamel a demandé un rapport et des statistiques sur le travail des inspecteurs municipaux. D'après les chiffres officiels, il y a à Québec exactement 250 étals de boucher, et 129 épiceries-charcuteries, y compris les magasins à chaînes et les charcuteries elles-mêmes. Pour accomplir le travail d'inspection, la municipalité dispose de quatre médecins vétérinaires réguliers, de deux médecins vétérinaires supplémentaires, de deux inspecteurs d'étals privés, deux inspecteurs de restaurants etc. " Je pourrais citer tout l'article, mais l'article est suffisamment révélateur pour nous dire qu'il se faisait un commerce de viande avariée à Québec. C'est le 22 février 1962.

Dans le Devoir du 22 février 1962, M. Nadeau, gérant général de la division des viandes de la Coopérative fédérée, est revenu sur la déclaration de la fin de la semaine. Et le 22 février, nous apprenions, toujours dans le journal l'Evénement, qu'au Québec, 1, 200, 000 livres de viande impropres à la consommation ont été vendues en 1961.

En 1962, le journal Le Devoir publie une autre enquête dans laquelle le ministre de la Santé déclare: "Au Québec, il n'existe pas de cas sérieux de maladies imputables à la consommation de la viande". Le ministre de la Santé a examiné, dans le temps, si les gens pouvaient être malades. On n'a pas regardé pour mettre un terme au commerce de la viande avariée.

Dans le Nouveau Journal, le jeudi 1er mars 1962: "Des Cantons de l'Est à la rive sud, de 25 à 30 tonnes de viande gâtée par semaine livrées à Montréal. " Il y a à ce niveau, toute une série de commentaires et d'articles pour démontrer qu'en 1962 le commerce de la viande avariée était excessivement prospère au Québec. Le 2 mars, toujours dans le journal Le Devoir: "Le Conseil de l'industrie de la viande donnera son point de vue cet après-midi. " Plus loin: "M. Couturier, concernant la viande pourrie dans la province, mène une enquête strictement gouvernementale. " Le 3 mars, on dit que l'industrie des salaisons enquête tout en réclamant des preuves.

"Alerte au public, toujours, viande avariée", le 3 mars 1962. Les proprios d'abattoirs réclamaient une enquête, dès 1962. Pourquoi, M. le Président, parce qu'il y avait des gens qui étaient propriétaires d'abattoirs, qui exploitaient un abattoir au Québec, qui étaient des gens honnêtes, sérieux et qui n'avaient pas pratiqué ce commerce de viande avariée. Ils avaient toujours eu à subir énormément de préjudices à cause de ce commerce qui se pratiquait. Je continue: Le Devoir, le 5 mai 1962. "Pour faire échec aux gros intérêts, les petites salaisons réclament le droit de cité à l'estampille provinciale. " Le 3 août 1962: "Une loi pour protéger les gens contre la viande malsaine. " Et nous nous reportons en 1965 pour découvrir, toujours dans le journal L'Evénement: "Saisie de 20, 000 livres de viande contaminée en provenance des Etats-Unis. " C'est un article qui a été signé par M. Lucien Bouchard, journaliste qui avait fait une enquête sérieuse sur la question. Dans l'Evénement du 31 décembre: "Le maire Gilles Lamontagne exigera peut-être une enquête en haut lieu. "

M. le Président, je pourrais continuer en 1965, 1966, 1967, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972 et en 1974. En 1974, M. le Président, il y a une loi qui a été votée à l'Assemblée nationale du Québec...

M. Marchand:... parler, il ne sera plus là.

M. Roy:... loi qui a été déposée devant la Chambre par l'actuel ministre de l'Agriculture, loi qui, comme vous le savez, n'a jamais été appliquée. Il y a eu une commission parlementaire pendant laquelle nous avions étudié un projet de réglementation concernant l'inspection des viandes et la classification de certaines catégories de viandes qui avaient — parce qu'on avait menacé de fermer les petits abattoirs, on avait menacé de fermer des commerces honnêtes qui desservaient, c'est là que c'est important, des régions éloignées du Québec, qui permettaient à des agriculteurs, éleveurs de bovins de boucherie, vendeurs de bétail, de pouvoir avoir de meilleurs prix par l'entremise de ces petites entreprises pour être en mesure de satisfaire les exigences du marché local. M. le Président, je m'excuse auprès de l'honorable ministre, à moins qu'il ne connaisse pas l'agriculture du tout, qu'il ne connaisse pas le domaine, ce dont je doute, je dis qu'il y avait des petits commerces, répartis dans le territoire du Québec, qui ont exercé un commerce honnête et qui n'ont pas fait le commerce de la charogne.

Il suffit de se promener dans les régions rurales du Québec pour découvrir que ce ne sont pas les ruraux qui ont fait affaires avec des petits abattoirs locaux qui ont été les gens qui ont contribué et qui ont été victimes du commerce des viandes avariées. Vouloir reporter le problème à ce niveau, c'est faire fausse route, c'est être totalement injuste envers les petits propriétaires d'entreprises québécoises.

Le ministre a eu certaines difficultés à regrouper les petits abattoirs, parce qu'on sait que, derrière cela, les trusts veulent le regroupement des petits abattoirs. Qu'il suffise de citer la progressivité des profits des grandes sociétés. Je le dis au minis- tre, et je vais nommer les trois plus grandes: Canada Packers, Burns Foods et J M Schneider. Les profits de la compagnie Canada Packers, de 1969 à 1974, sont passés de $7 millions à $19 millions. Ceux de Burns Foods, de $1, 900, 000 à $4. 5 millions et ceux de J M Schneider, de $1, 200, 000 à $2, 700, 000. On sait actuellement que, lorsque ces petits abattoirs seront regroupés, il y aura certaines fusions, comme cela s'est fait dans d'autres domaines, vis-à-vis des grandes sociétés, des grandes entreprises qui deviendront acquéreurs, de façon à éliminer la concurrence, pour tâcher d'établir un monopole. Ce ne sera pas uniquement dans ce seul secteur que nous verrons des monopoles s'installer au détriment des consommateurs, des gens honnêtes et des petits producteurs.

Comment se fait-il qu'un gouvernement ait attendu aussi longtemps pour agir? Comment se fait-il qu'un gouvernement ait laissé pourrir une situation de ce genre? Comment se fait-il qu'un gouvernement procède de façon à éliminer les gens honnêtes, sous prétexte qu'il y a eu quelques bandits dans certains domaines?

J'ai été renversé de lire une déclaration que le premier ministre du Québec a faite, la semaine dernière, à un journaliste du Financial Post. Parlons de celle-là, et je pense que vous allez en avoir assez! Le premier ministre a déclaré: Parfois, les pouvoirs normaux de la police, des tribunaux et des services d'inspection ne sont pas suffisants, dit-il. Il est bien certain qu'une bonne partie des révélations faites aux enquêtes, concernant la viande et la construction, ont été recueillies par la police.

Présentées en cour, précise M. Bourassa, les preuves ne sont peut-être pas suffisantes pour mener à des condamnations, mais sous la lumière des réflecteurs, les révélations permettent que l'action gouvernementale — c'est là que ça commence à être important — soit acceptable socialement et politiquement. Il faut créer un état de crise pour faire accepter des lois qui camouflent une intention réelle d'assurer plus de contrôle et plus de monopole à ceux qui en ont déjà trop, de contrôle, et à ceux qui constituent, en quelque sorte, le monopole de la viande contre lequel les agriculteurs du Québec, l'automne dernier, les éleveurs de bovins en particulier, ont dû se battre, question qui a été tempérée par une injection de subventions de la part du ministère de l'Agriculture, mais question qui n'est pas réglée actuellement.

Les agriculteurs des différentes régions ont réussi à se dépanner tant bien que mal par l'entremise de leurs petits abattoirs, par l'entremise des petits commerces qu'il y avait dans les différentes régions du Québec. N'eût été cela, il y aurait un grand nombre d'agriculteurs du Québec qui auraient été voués à la faillite et qui auraient dû abandonner le secteur agricole. C'est un problème. Ceci nejustifie pas, par exemple, le gouvernement de les fermer sous prétexte que dans d'autres milieux on a pratiqué un commerce de viande avariée. Le commerce de la viande avariée n'a pas passé par les abattoirs parce que les animaux étaient déjà morts. Il a passé par les charcuteries, par les usines de transformation, par les ateliers de transformation de

la viande. Les animaux morts n'avaient pas besoin d'aller à l'abattoir.

On voit le premier ministre du Québec déclarer: Vous imaginez-vous quel tollé il y aurait eu si nous avions tenté de faire adopter une telle loi avant les rapports et avant les révélations des commissions d'enquête? Quel but poursuit le gouvernement? C'est une question que l'on peut se poser. Avec un gouvernement qui compte 101 députés à l'Assemblée nationale, 100 à l'exception de vous, M. le Président. 100 députés, un gouvernement qui a une force numérique comme jamais un gouvernement du Québec n'en a eue, qu'on ne vienne pas me dire que c'est l'Opposition qui a empêché le gouvernement actuel de faire appliquer le) loi 31 qui a été votée l'an dernier. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est l'Opposition qui a empêché le ministre de dire à ses inspecteurs: Prenez des mesures draconiennes, prenez vos responsabilités, soyez sévères, faites-moi rapport et nous allons poursuivre les coupables.

Depuis que ces révélations ont été faites à l'Assemblée nationale, nous avons interrogé, contre-interrogé le ministre de l'Agriculture, pendant au moins deux semaines consécutives, pour lui demander quelle était l'action qu'il entendait prendre dans l'immédiat, de façon qu'à partir de maintenant, et c'est la question qu'on posait dans le temps, il puisse garantir aux consommateurs du Québec que le gouvernement allait sévir de la façon la plus draconienne et la plus directe possible, contre ceux qui seront trouvés coupables de commerce de viande avariée. Jamais on n'a pu faire dire cette phrase au ministre de l'Agriculture. Jamais le ministre de l'Agriculture n'a voulu nous faire une telle déclaration, et pourtant, tous les Québécois attendaient cette déclaration de notre ministre de l'Agriculture.

M. le Président, dans ces nouveaux règlements, actuellement, qui nous sont présentés, quelles sont les garanties que le gouvernement va faire appliquer cette loi? C'est exactement la même situation que nous retrouvons au ministère de l'Agriculture, que nous avons trouvée au ministère du Travail et que nous trouvons encore: laisser-aller, laisser-faire, tolérance. On laisse les gangsters, les bandits profiter de la situation, puis on laisse gangrener une situation de sorte que c'est tout le Québec, tous les Québécois qui s'interrogent et qui sont inquiets.

M. le Président, le ministre va se buter à deux choses dans l'application de son nouveau règlement. Quel est l'organisme québécois, atelier d'abattage, charcuterie ou autre, qui va être intéressé à utiliser l'estampille "Québec Approved"? Je pense qu'il ne faudra pas seulement des mois, il va falloir des années pour que l'estampille "Québec Approved" puisse avoir une certaine crédibilité auprès des consommateurs. Et on ne peut pas faire de reproche aux consommateurs.

Quelles sont les entreprises québécoises, aujourd'hui, demain, dans une semaine, qui pourront faire des affaires normales avec le sceau "Québec Approved"? J'ai eu l'occasion, en fin de semaine, de rencontrer des gens des milieux ruraux, de ma région, qui ont utilisé l'estampille "Québec Approved". Il y a un abattoir dans lequel il s'est investi $200, 000, il y a quelques années, un abattoir qui n'est pas dans mon comté, qui est fermé, à l'heure actuelle, à cause de cela.

Dans un abattoir de mon comté, on a investi plus de $100, 000. Le chiffre d'affaires est réduit à 40%, M. le Président, et ces personnes propriétaires sont inquiètes. Il y a des gens qui, n'étant pas millionnaires, devront vendre au plus viteou se contenter de faire faillite, parce qu'ils ne pourront pas vendre à moins que le gouvernement les achète ou les exproprie dans leur valeur résiduelle, c'est-à-dire selon la valeur aux livres.

M. le Président, pourquoi tout cela? Parce que les gens se sont fiés qu'avec l'estampille "Québec Approved", il y avait une inspection des viandes valable au Québec, et que cela pouvait constituer une marque de confiance, à l'effet que le consommateur pourrait se retrouver, lui, dans un climat de confiance, de certitude et avec un produit de qualité. Mais, tel n'a pas été le cas. Qui va nous dire qu'à partir de telle date, l'utilisation de cette fameuse estampille "Québec Approved" pourra ramener la confiance des consommateurs québécois?

M. le Président, ce n'est un secret pour personne, et je n'apprendrai rien à aucun de mes collègues, ici, ce soir, en rappelant toute la publicité qui se fait, à l'heure actuelle, par les grandes chaînes d'alimentation. Elles se vantent, elles le disent, elles le répètent et multiplient les annonces pour dire que leur produit est "Approuvé Canada", l'estampille du fédéral. Comment l'épicier du coin, qui cherche à s'alimenter sur le marché québécois, avec des institutions québécoises qui utiliseront, demain, l'estampille "Québec Approved", pourra-t-il reconquérir son marché?

C'est le premier obstacle — il est de taille — auquel le ministre de l'Agriculture du Québec va avoir à faire face. Les torts qu'on a causés à l'économie québécoise, à l'économie rurale vont constituer des pertes de dizaines et de dizaines de millions de dollars pour les industriels, pour les cultivateurs, pour les hommes d'affaires, pour nos épiciers. Au bénéfice de qui? Au bénéfice des grands de l'alimentation et au bénéfice des abattoirs des grosses compagnies qui contrôlent les abattoirs des grandes compagnies filiales de multinationales. Cela, le gouvernement le sait, et le ministre le sait. Toute cette situation qui ne fait que renchérir ou renforcer la domination du Québec par les grandes sociétés, par les grands trusts de l'alimentation ou par les grands trusts des abattoirs, ne fait, M. le Président, que placer l'agriculteur du Québec, l'éleveur de bovins dans une situation de servitude, dans une situation de dépendance vis-à-vis de ces grandes personnes, parce qu'on aura, à toutes fins pratiques, éliminé la concurrence. On reviendra au vieux système qu'il y avait au Québec, il y a une vingtaine d'années, alors que l'agriculteur du Québec devait expédier ses animaux le lundi, animaux qui étaient abattus le mardi, pesés parfois le mercredi, parce qu'il fallait les faire refroidir — ils pesaient moins — classés le mercredi. On leur envoyait un chèque le vendredi ou le samedi suivant en leur disant: Nous avons classé vos animaux, nous avons pesé vos animaux. Ils pèsent tant. Ils sont

classés de telle façon, et nous avons décidé de vous donner tant. L'agriculteur n'a pas un mot à dire parce que l'animal est abattu, débité et assez souvent, détaillé. Combien de fois, M. le Président, des coopératives agricoles — ce que je dis, à ce moment-ci, c'est une expérience qui a été vécue partout, et c'est un exemple qui illustrait et qui a justifié la création de toute une série de coopératives agricoles, il y a quelques années — se sont occupées de la vente des animaux des cultivateurs.

M. le Président, dans ce domaine, je sais un peu de quoi je parle, parce que j'ai eu à y travailler personnellement pendant un certain nombre d'années. Il a fallu que, dans le domaine coopératif, nous puissions, en quelque sorte, par le système coopératif, remonter la pente.

Lorsque le Québec avait décidé de procéder à l'inspection des viandes, il y avait eu une lueur d'espoir parce qu'à ce moment-là, on avait élargi les possibilités du marché québécois. Mais, M. le Président, tout est à refaire, tout est à zéro, parce que le mal est fait. Il y a beaucoup de mal de fait. La loi que nous votons ce soir n'aura que peu de répercussion parce que les Québécois ont perdu confiance, parce que l'estampille "Québec Approved", c'est un synonyme de "Bourassa approved" et ce n'est pas un critère de qualité. Ce n'est pas un critère de qualité parce que l'estampille "Québec Approved", c'est un synonyme de "Bourassa approved", à l'heure actuelle.

M. le Président, c'est un premier point.

M. Mercier: Là tu es drôle, mon vieux!

M. Roy: M. le Président, je vous l'avais dit qu'on ne m'applaudirait pas.

M. Mercier: C'est un "smart".

M. Roy: Je vous l'avais dit, M. le Président, q u'ils n'applaudiraient pas à la fin.

M. Mercier: Péquiste avarié!

M. Roy: M. le Président, dans cette loi, on semble vouloir augmenter les amendes, ce qui est très bien. Le ministre ne va pas assez loin. Je dis, M. le Président, qu'en cas de récidive — je veux que le ministre en prenne note...

Une Voix: Vous avez compris, là!

M. Roy: Ils auraient intérêt, M. le Président, nos illustres collègues, membres des I00...

M. Massicotte: Les acteurs ne sont pas tous à Hollywood!

M. Roy:... les sans génie, le chiffre et le mot, ce n'est pas au sens péjoratif. Tout de suite, M. le Président, ils ont été portés à penser que c'était d'un seul mot que je disais cela. Les I00. M. le Président, je dis à l'honorable ministre qu'il devrait prendre des mesures.

M. Marchand: Séparatiste avarié!

M. Roy: En cas de récidive, dans le domaine d'un commerce aussi épouvantable que celui-là, il devra y avoir des dispositions dans la loi qui imposeront la prison. Il faut que le gouvernement se décide à aller jusque-là. Dans le cas de récidive, ce n'est pas assez, l'amende. Nous exigeons la prison, M. le Président. Je vais, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire, article par article, proposer des amendements dans ce sens. En cas de récidive, M. le Président, il faut que le gouvernement se décide de mettre un terme, une fois pour toutes: La prison pour les coupables. C'est le seul moyen. Parce que ces gens, qui ont réalisé des millions, c'est une pinotte pour eux que de payer $2, 000 ou $3, 000 d'amende, surtout quand on sait que les procès prennent passablement de temps. Ils ont le temps de réaliser une fois, deux fois, trois fois le profit.

Il faut la prison pour ces personnes. Je vais plus loin, M. le Président. Ceux qui auront la responsabilité — je parle des inspecteurs gouvernementaux — de l'application des règlements, qui auront à prendre les mesures de façon que les Québécois soient assurés d'avoir de la viande de qualité, je dis que pour les inspecteurs, le gouvernement devra être extrêmement sévère. A partir du moment où il serait prouvé qu'un inspecteur du gouvernement, de concert avec ces "hommes d'affaires", passerait outre à la réglementation, se ferait complice, en se fermant les yeux, d'un commerce de viande avariée, le gouvernement devrait avoir le courage d'imposer à ces personnes la prison.

Vous allez me dire, M. le Président, que ce sont des mesures radicales. C'est vrai que ce sont des mesures radicales. Mais, M. le Président, aux grands maux, les grands remèdes.

Il faut, de toute urgence, redonner la confiance aux consommateurs du Québec dans les produits qui seront inspectés par leur ministère provincial de l'Agriculture. Le seul moyen pour le gouvernement de redonner cette confiance aux consommateurs québécois, c'est de prendre les grands moyens, les grandes mesures, d'être extrêmement sévère dans l'application des règlements, et d'aller jusqu'à la prison pour ces gens. Il y a tout de même des limites à abuser d'une situation et à exploiter de manière aussi honteuse les consommateurs de la province.

A la lumière de tous ces événements, et pour renforcer mon argumentation, je pourrais citer une série de déclarations, pour dire que je ne suis pas le seul, M. le Président, à exiger des mesures radicales de la part du gouvernement. Il y a toute une série d'éditorialistes qui ont écrit dans les journaux, qui se sont déclarés indignés par ces révélations, qui ont été renversés de l'inaction gouvernementale, et qui exigent des mesures draconiennes et radicales.

Si cette loi, que nous voterons ce soir en deuxième lecture et qui sera adoptée au cours des prochaines heures ou des prochains jours, ne reçoit pas plus d'attention du gouvernement que la loi no 31 votée l'an dernier, nous aurons perdu notre temps. C'est encore le Québec et les Québécois qui

en paieront les frais, et, cette fois, ils paieront peut-être un prix que nous n'aurons pas les moyens de payer au niveau du commerce de la viande dans le Québec, pour permettre aux cultivateurs québécois de reprendre une place sur le marché qui devrait leur appartenir. M. le Président, nous avons perdu notre temps, nous ferons rire de nous et ce sera gênant de sortir à l'extérieur du Québec et de dire aux gens que nous rencontrerons que nous demeurons au Québec.

Le tort fait à la réputation du Québec, par les révélations qui ont été faites à la commission d'enquête sur le crime organisé, ne peut pas s'évaluer en termes de dollars. Nous avons été la risée de tout le continent nord-américain, de toute l'Europe; on a parlé de nous partout, c'est un genre de publicité dont nous aurions pu nous passer. Comment pourra-t-on, par l'entremise du ministère de l'Industrie et du Commerce...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! La générosité du président a des limites. Nous ne nous entendons plus du tout et c'est assez difficile pour moi de mettre le blâme sur les députés de l'Opposition, il n'y en a qu'un et il parle. Alors, je demanderais la collaboration des collègues; c'est extrêmement fatigant pour celui qui préside et également pour celui qui parle.

M. Roy: Merci beaucoup, M. le Président, j'apprécie vos bonnes paroles. Il y a un article, que j'aimerais citer à nos honorables collègues, de l'éditorialiste, qui porte le nom de Raynald Brière. Il a déclaré, dans le Nouvelliste du 6 juin 1975, ça ne fait pas tellement longtemps: "Les conséquences de la négligence éhontée de ceux chargés de veiller sur la qualité de la viande forcent maintenant des commerces honnêtes à diminuer leur personnel et à enregistrer des pertes importantes. Il est difficile de blâmer la population de se montrer hésitante". Et il dit plus loin, dans le même article, ce même éditorialiste: "Le plus aberrant, toutefois a été d'apprendre que le temps supplémentaire fait par les inspecteurs à l'emploi du gouvernement était rémunéré par les propriétaires d'abattoirs.

A-t-on idée de faire preuve d'autant de naiveté! Jusqu'à maintenant le ministre n'a guère impressionné par sa litanie d'explications. Il a peut-être subi des pressions de l'intérieur comme le note plusieurs observateurs, mais sa position qui frise l'inertie est difficile à justifier. Le député de Champlain a tenté, tant bien que mal, de se défendre, mais il n'a pas été tellement convaincant. "

M. le Président, il y a un autre article d'un éditorialiste qui est intitulé: "Les pitreries de M. Bourassa. Nous prenons toutes les mesures, y compris les plus énergiques, pour nous assurer que la population québécoise est bien protégée. " Quelles mesures a-t-on prises M. le Président?

M. Côté: Quel journaliste?

M. Roy: Non, ne déviez pas. Je pose une question embarrassante. Certaines personnes sont injustes en reprochant aux corps policiers de n'avoir pas sévi il y a un an, deux ans, trois ans. Enfin, les preuves faisaient défaut et c'est précisément pour cela que notre gouvernement a créé des commissions d'enquête pour accumuler les faits. Comme accumulation de mensonges et de demi-vérités, il est difficile de faire mieux. M. le Président, il y a ici un petit billet de Charles Petit-Martinon qui a écrit dans un journal: "II n'y a pas que la viande avariée, la politique l'est aussi. Dans tout autre pays — ce n'est pas de moi, M. le Président, c'est de M. Charles Petit-Martinon — ces ministres incriminés auraient déjà dû donner leur démission. " M. le Président, dans d'autres pays, il y a des hommes publics qui ont assez de fierté, qui ont assez de dignité et assez de valeur que lorsqu'ils se font prendre dans des situations aussi compromettantes que celles où s'est trouvé le ministre de l'Agriculture, je dis qu'il y a quand même, dans le monde, des gens qui ont assez d'épine dorsale pour quitter leurs fonctions et avouer qu'ils ont failli pour permettre à leur gouvernement de nommer un autre titulaire de façon que la population de leur pays ne perde pas une confiance totale en leur gouvernement. Lorsque la population a perdu confiance en son gouvernement, qu'est-ce qui lui reste, M. le Président, pour croire qu'il y a encore une possibilité d'avoir un régime démocratique et d'avoir un gouvernement responsable pour l'administrer?

M. le Président, je pourrais continuer à citer davantage certains de ces articles. Si on me demande de les déposer, M. le Président, certainement, je vais en faire faire 110 photocopies et je vais les faire distribuer par les pages sur le bureau de chacun des députés parce que je pense que ce petit document devrait servir de réflexion à tous ceux qui actuellement se limitent, malheureusement, à accepter, pour des raisons que j'ignore, cette tolérance injustifiée et injustifiable du ministre titulaire de l'Agriculture.

M. le Président, je terminerai par ces mots, pour un gouvernement responsable, jamais on ne peut avoir pire, jamais on ne peut voir autant d'incurie, jamais on ne peut voir autant d'irresponsabilité. Je regrette si je suis obligé d'être dur à l'endroit de mon collègue, le ministre de l'Agriculture, mais il y a quand même des limites. Le Québec ne s'est pas choisi un gouvernement pour rire. Le ministre de l'Agriculture n'a pas été nommé là pour rire non plus. Il a des responsabilités, le ministre de l'Agriculture. Il avait la responsabilité de l'application des lois et il avait la responsabilité, puisqu'il a admis qu'il le savait, de prendre les mesures qui s'imposaient et d'ordonner à son collègue, le ministre de la Justice, de prendre les mesures draconniennes qui s'imposaient.

Il avait la responsabilité de corriger la situation avant qu'elle prenne l'ampleur qu'elle a prise actuellement dans le Québec et cause des préjudices très sérieux à la population honnête et aux personnes qui ont exploité un commerce honnête.

Cela me dépasse de voir l'attitude du ministre de l'Agriculture. Je dis qu'un enfant de quatre ans n'aurait pas fait pire que lui.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député d'Anjou.

M. Yves Tardif

M. Tardif: M. le Président, je reconnaîtrai au départ que je connais pas grand-chose en matière d'agriculture, mais je pense, comme la plupart de mes collègues libéraux ici, que j'ai un minimum de bon sens qui me force à refuser les sophismes que l'on a entendus depuis deux semaines de la part du député de Saguenay et de la part du député de Beauce-Sud.

En effet, depuis deux semaines, on a entendu ces deux députés revenir constamment à la charge sur cette question en prétendant que le gouvernement n'avait rien fait et que s'ils avaient été au pouvoir il va de soi que cette situation ne se serait pas produite.

J'ai écouté avec attention, même si ce n'est pas toujours facile, je dois l'avouer, le discours du député de Beauce-Sud ainsi que le discours du député de Saguenay cet après-midi. J'ai également écouté les questions qu'ils ont posées en Chambre sur cette question au cours des deux dernières semaines et, fondamentalement, leurs idées reviennent à celle-ci, à savoir qu'à peu près tout le Québec a ingurgité de façon continue au cours des dernières années de la viande avariée; deuxièmement, que cette situation ou l'inaction du gouvernement a causé un tort irréparable au Québec. Je n'ai pas entendu souvent le député de Beauce-Sud ni le député de Saguenay mentionner des chiffres, mais je pense qu'il serait bon, à ce moment-ci, d'en mentionner quelques-uns pour replacer dans sa juste perspective le problème qui a été évoqué ici à l'Assemblée nationale et dans les media depuis deux semaines.

Il se consomme environ 900 millions de livres de viande au Québec, c'est-à-dire environ 152 livres par personne par année. Là-dessus, selon les chiffres que j'ai consultés brièvement, il me semble qu'il y a environ trois millions et demie de livres de viande avariée durant une année ou si vous préférez 0. 3% ou un tiers de 1%. C'est-à-dire que sur 152 livres consommées par année par une personne, il y a environ d'une demi-livre a une livre de viande qui serait avariée parmi la viande que la personne consomme au cours de l'année.

Si vous préférez mettre les chiffres d'une autre façon, cela veut dire qu'il y a au moins 99. 7% de la viande qui est une viande de bonne qualité au Québec. Malgré tout, malgré ces chiffres, le député de Beauce-Sud et le député de Saguenay ont voulu laisser croire d'une façon systématique que la situation était grave, qu'elle était désespérée, que c'était un problème qui affectait tous les Québécois parce qu'il y avait beaucoup de viande avariée au Québec.

C'est faux et je pense que les arguments utilisés par ces deux députés manquent vraiment de corps. Evidemment, ils ont voulu faire de la démagogie sur cette question. On ne peut peut-être pas les blâmer parce que c'est peut-être la façon d'attaquer le gouvernement, mais je m'attendais à ce que des gens qui sont si peu nombreux dans l'Opposition compensent ce petit nombre par la qualité. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

J'aimerais poser, par votre intermédiaire, M. le Président, une question au député de Beauce-Sud. A-t-il entendu parler récemment d'un scandale en matière alimentaire en Italie? Je ne sais pas s'il en a entendu parler. ll continue à lire, probablement qu'il n'en a pas entendu parler. Je vais vous citer...

M. Roy: Puis-je répondre à la question du député?

M. Tardif: Ah! vous pouvez y répondre.

M. Roy: Est-ce que le député a été élu pour surveiller les intérêts des Italiens, en Italie, ou si vous avez été élu pour surveiller les intérêts des Québécois?

M. Tardif: J'essaie de donner un exemple mais je pense que le député de Beauce-Sud, évidemment, ne comprendra rien. Il y a environ une couple de semaines a éclaté un scandale en Italie sur des pâtes alimentaires avariées. Comme vous savez, en Italie, la cuisine est fondée en grande partie sur les pâtes alimentaires. Il y a un scandale qui a éclaté mais j'aimerais savoir, sur les 110 députés ici, qui a entendu parler de ce scandale. Est-ce que cela a causé un tort irréparable à l'Italie et à sa cuisine? Est-ce que cela vous a empêché de continuer à manger des pâtes alimentaires?

M. Roy: Ce ne sont pas les pâtes alimentaires, c'est la viande qu'il y a dedans.

M. Tardif: De la façon que le député de Beauce-Sud et le député de Saguenay sont intervenus au cours des deux dernières semaines, cette question a causé un tort irréparable et irrémédiable au Québec et on ne pourra pas s'en tirer. C'est pour montrer, par ce petit exemple, que des choses qui peuvent paraître importantes pour nous autres n'ont probablement aucun retentissement à l'extérieur de l'endroit où nous vivons.

Pourtant, l'Italie est tout de même un pays qui a une population plus considérable que le Québec mais il n'y a à peu près personne, y compris le député de Beauce-Sud, qui ait entendu parler de ce scandale. Est-ce vrai que cela va causer un tort irréparable au Québec? Je ne pense pas. Evidemment, il faut dire que les députés de l'Opposition n'ont pas rempli leur devoir, ils ont essayé de jeter de l'huile sur le feu. Je pense qu'ils sont responsables en grande partie de ce tort en abusant, c'est bien le cas, de la situation et en laissant croire, comme encore cet après-midi le député de Saguenay — qui soit dit en passant est absent ce soir — l'a laissé croire aux membres de cette Chambre en disant: II y a un tort irréparable qui a été causé au Québec et pendant des années les Québécois ont ingurgité, de façon continue, de la viande avariée.

Je ne veux pas tellement prolonger mon intervention sur cette question, mais je voulais replacer, dans une perspective un peu plus juste, cette question qui a soulevé l'attention de la plupart des Québécois au cours des deux dernières semaines. Le ministre l'a dit lors de la présentation du projet de loi no 39, la loi 31 adoptée l'année dernière n'était

peut-être pas parfaite et peut-être ce projet de loi lui-même n'est pas parfait. Mais pour les députés de l'Opposition, et spécialement les deux que j'ai mentionnés, il faudrait que tout soit parfait, dans tous les domaines.

Voyez-vous, quand vous êtes dans l'Opposition et que vous savez que vous n'avez aucune chance d'être au pouvoir un jour, c'est facile de prêcher la vertu. C'est facile de demander la perfection, c'est également facile de prétendre qu'on est infaillible. Je ne dirai pas que trois millions et demi de livres de viande avariée au Québec c'est une situation qu'il faut maintenir; non, trois millions et demi de livres de viande avariée au Québec, c'est trois millions et demi de livres de trop, je le reconnais. Mais l'infaillibilité, ça n'existe pas. Le député de Beauce-Sud devrait le savoir parce que de ce temps-ci il se demande s'il va adhérer à l'Union Nationale ou au Parti québécois. Il n'a même pas l'infaillibilité, lui aussi, alors qu'il se pose une question fondamentale; comment voulez-vous qu'un gouvernement, qui fait tout de même son possible et qui réussit dans une proportion de 99. 7% à assurer l'hygiène publique dans le domaine de la viande, puisse également atteindre la perfection ou l'infaillibilité?

Je pense que cela n'existe pas. Je n'essaie pas de faire un plaidoyer pro domo, un plaidoyer en faveur du ministre; non, ce n'est pas le cas. Je pense, d'un autre côté, que l'Opposition, une fois de plus, a failli à la tâche parce qu'elle a abusé de cette situation et a voulu laisser croire à tout le monde qu'au Québec les gens mangeaient constamment de la viande avariée et qu'on ne pourrait pas se tirer de cette situation-là. J'espère qu'au cours des prochains mois, au cours des prochaines années ces distingués membres de l'Opposition vont faire preuve d'un peu plus de discernement, vont faire preuve d'un peu plus de maturité. Au lieu de jeter de l'huile sur le feu, quand une situation comme celle-ci arrive, qu'ils essaient plutôt de suggérer des moyens concrets. Je pense que le ministre a réagi de cette façon-là parce qu'il n'a pas attendu un an avant de présenter un projet de loi pour modifier une loi qui a été adoptée il y a dix mois et demi. Non, il l'a fait dès qu'il a senti qu'il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas. Je pense que c'est la raison pour laquelle on devrait être unanime pour adopter et appuyer le projet de loi en deuxième lecture.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): La réplique du ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. Toupin: M. le Président, je ne voudrais pas être très long dans la réplique que je vais donner aux discours faits par les partis de l'Opposition, parce que rien dans ce qu'ils ont dit, jusqu'à maintenant, n'est nouveau. Ils ont simplement répété ce qu'ils répètent depuis un certain nombre de semaines, c'est-à-dire essayer de tirer de cette situation une certaine crédibilité politique et tenter de se faire un peu de publicité. C'est typique d'ailleurs du député de Beauce-Sud, parce que très souvent, pour avoir une manchette, si petite soit-elle, il est souvent forcé de faire des déclarations contradictoires. C'est vrai dans le secteur politique et c'est vrai aussi dans le secteur de l'administration publique en tant que, pour lui, représentant d'une minime partie de l'Opposition. Je vais vous démontrer, ce soir, jusqu'où le député de Beauce-Sud est véritablement contradictoire dans tout ce qu'il affirme ou dans tout ce qu'il dit depuis un certain nombre d'années.

Vous vous rappelez sans doute la crise des provendes qu'on a vécue il n'y a pas tellement longtemps. Je le disais cet après-midi et je le répète, tous les députés de l'Opposition, y compris le député de Beauce-Sud, y compris également le député de Saguenay, criaient sur tous les toits: Les producteurs agricoles du Québec s'en vont vers la faillite, des crises de cannibalisme existent dans le secteur agricole, etc.. Une fois la crise passée, enquête faite, aucune preuve valable n'est venue appuyer ces affirmations faites de la part de l'Opposition.

Il est vrai qu'il existe une crise de consommation de viande au Québec. Je peux apporter des statistiques. Cela ne vaut pas seulement pour le secteur des viandes provenant des abattoirs Approuvé-Québec, cela vaut également pour le secteur des viandes provenant des abattoirs Approuvé-Canada et appartenant à des entreprises canadiennes, de même que des entreprises multinationales. Nous sommes tous d'avis que la charcuterie, notamment, a subi, depuis deux ou trois semaines, une diminution de consommation importante. Cela varie, selon les secteurs de distribution, entre 10% et 30% ou 32%. Mais par ailleurs, certains autres secteurs des viandes ont augmenté, en termes d'alimentation. Le poulet, par exemple, a augmenté de 17%, en termes d'alimentation, le poisson a augmenté de 30% ou 35%, en termes d'alimentation au niveau de la consommation. C'est sûr que cela crée des problèmes dans le secteur des viandes, mais par ailleurs, cela améliore jusqu'à un certain point la position de certains autres secteurs.

Mais ce qui est encore plus important dans ce problème de la crise de consommation des viandes, ce n'est pas de tenterde faire des statistiques sur ce qui peut diminuer en termes de consommation, par rapport à ce qui peut augmenter. C'est d'essayer de trouver des moyens pour rééquilibrer la situation. Nous les avons pris ces moyens. Nous les avons pris depuis longtemps. Ce n'est pas d'hier que le gouvernement du Québec fait des saisies de viande. Il en a fait au cours des cinq dernières années, plus qu'au cours des années précédentes. Il a protégé les Jeux du Québec, je pense, à Rouyn-Noranda, en I973 où il a saisi des dizaines et des dizaines de milliers de livres de viande avariée. Il a fait, dans la région de la Mauricie, en I972, 1973, 1974 beaucoup de saisies, parce qu'on nous disait de part et d'autre qu'il existait des réseaux de vente de viande avariée au Québec.

Cet après-midi, le député de Saguenay me renotait une responsable, dans la région de la Mauricie, des consommatrices qui serait venue à mon bureau pour me dire qu'il existait des réseaux de viande avariée, etc. On a également signalé des personnes qui auraient écrit au ministère pour nous informer

qu'il existait des réseaux de viande avariée. Mais je n'ai pas vu une personne, pas une seule personne me donner le nom de quiconque mettait en marché des viandes avariées, absolument pas. Personne n'a osé me donner des noms. On a simplement présumé que de tels réseaux existaient.

Nous avions personnellement des doutes sur cette question. Je l'ai dit et je le répète, ce n'est pas pour rien, que nous avons commandé une commission d'enquête sur un problème comme celui-là. On cite des chiffres de I962, de I965, mais on est les premiers à avoir eu le courage et l'audace de mettre en place un mécanisme, nous permettant de dépister le problème. C'est cela qui compte dans le problème actuel.

On aurait pu dire, M. le Président, comme ceux qui nous ont précédés, tant les gouvernements de l'Union Nationale que les gouvernements libéraux: II n'y a pas de problème. Très peu de viande avariée se consomme au Québec. D'ailleurs, le député d'Anjou a donné des statistiques, tantôt, qui sont révélatrices de cette situation, en termes de quantité. On aurait pu faire comme ceux-là, se fermer les yeux, tenter de convaincre la population que ce n'est pas dangereux, que la santé du public n'est pas en cause, qu'on n'a pas de preuve de maladie émanant de la consommation de viande avariée au Québec. On aurait pu utiliser tous ces arguments. Probablement, M. le Président, que la population nous aurait crus; probablement que l'Opposition, aussi, aurait fini par nous croire, mais cela aurait été, de notre part, non seulement maladroit, mais malhonnête. Ce n'est pas ce que nous avons fait. Nous avons choisi la voie positive et nous avons tenté, avec les moyens dont on disposait, de dépister le réseau. Nous avons mis la main sur le réseau et nous avons immédiatement amendé nos règlements et amendé aussi notre loi. Cette loi 39, M. le Président, est fondamentale dans l'opération que nous engageons pour nettoyer les marché de ces viandes avariées. Elle est fondamentale.

J'espère, M. le Président, que cette fois-ci, le député de Beauce-Sud va voter pour cette loi, parce qu'il a voté contre la loi 31, l'an dernier...

M. Roy: J'ai dit pourquoi, M. le Président. J'y reviendrai.

M. Toupln: Sous mille et un prétextes, il a voté contre la loi 31, l'an dernier. Il a invoqué toutes sortes de raisons. C'est dangereux pour les petits abattoirs, c'est dangereux pour les transporteurs. On va se mettre le nez dans les camions. On va se mettre le nez dans les entrepôts. On va rentrer dans les magasins, dans les restaurants, on va brimer les libertés individuelles. C'est en vertu de ces raisons qu'il a voté contre le projet de loi, M. le Président, et, aujourd'hui, c'est ce même député qui vient nous faire la leçon.

Non, M. le Président! On est plus sérieux que cela, de ce côté-ci.

M. Picotte: Farceur public!

M. Toupin: On a adopté des lois, on est allé en commission parlementaire, on a discuté les règle- ments en commission parlementaire. C'est cette même Opposition, M. le Président, qui m'a demandé, avant de passer mes règlements sur les viandes, au Québec, de convoquer une commission parlementaire, et je le lui ai promis. Nous avons tenu cette commission parlementaire. Cela a retardé l'application des règlements. Cela a permis, par ailleurs, de légères améliorations aux règlements. Les députés de l'Opposition crient actuellement, que c'est le gouvernenent qui est responsable de cette situation, et ils partent d'arguments basés sur les années 1962-1965. Ils n'ont même pas appuyé le gouvernement en 1973, lorsque ce dernier a tenté d'apporter une solution plus valable que celle qui existait. On a voté contre des lois qui avaient pour mission d'assainir la situation et on a exigé du gouvernement des commissions parlementaires pour ralentir l'action du gouvernement. Ce sont ces mêmes gens, aujourd'hui, qui viennent nous "chanter la pomme", si je peux m'exprimer ainsi.

Je vais aller plus loin que cela, M. le Président. Le député de Beauce-Sud, dans une partie de son discours, maintient et soutient le statu quo. Il est encore d'accord pour qu'il y ait, au Québec, de petits abattoirs qui fonctionnent sans inspection.

M. Roy: Pardon, M. le Président! Je ne laisserai pas dire des choses comme cela. Je regrette, M. le Président, je n'ai pas dit cela.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre!

M. Toupln: II est contre, M. le Président, le regroupement des abattoirs. C'est cela, M. le Président, qui a été dit, cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy: L'article 46...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Si vous pouviez me regarder un instant! Vous savez fort bien que, tout à l'heure, le ministre aurait pu intervenir comme vous, vous souhaitez le faire. J'espère qu'à l'occasion, lorsqu'une parole ne fait pas votre affaire, vous pouvez l'endurer.

M. Massicotte: Très bien!

M. Toupin: M. le Président, je continue à soutenir que le député de Beauce-Sud, dans une partie de son discours, veut maintenir le statu quo qu'il a soutenu lorsqu'il a voté contre le bill 31. Sous prétexte de sauvegarder la petite entreprise au Québec, sous prétexte de respecter les libertés individuelles, il est prêt — il l'a dit dans son discours — à laisser de côté des secteurs où il est extrêmement important que nous ayons, présentement, une inspection valable. Il est prêt à soutenir cette thèse, M. le Président. Je ne comprends pas les propos que tient le député de Beauce-Sud. Il tient les mêmes propos, en matière d'administration qu'en matière politique.

II ne sait jamais où il va se brancher! Selon qu'il est fatigué ou pas, cela dépend des rêves qu'il fait. S'il est beaucoup fatigué, il rêve au Parti québécois, s'il est moins fatigué, il rêve à l'Union Nationale! S'il est reposé, il rêve au crédit social ! Etant donné qu'il n'est jamais reposé, M. le Président, il ne rêve plus au crédit social.

C'est comme cela, M. le Président, qu'on essaie de démontrer à la population le sérieux d'une Opposition. Le député d'Anjou avait raison tantôt: La qualité, M. le Président, doit compenser pour le nombre. Ils sont peu, ils devraient faire l'effort de proposer au gouvernement des solutions qui soient valables, puisqu'ils disent qu'ils ont des solutions. Mais non, M. le Président, ce n'est pas ce qu'on fait. On essaie de laisser croire au public que les purs sont de ce côté et que les mauvais sont de l'autre côté.

M. le Président, en I970, la population n'a pas mordu à ces sortes de pièges. En I973, elle n'a pas mordu non plus. En I977, elle mordra encore moins, M. le Président, Ce que la population du Québec veut — et le gouvernement actuel l'a démontré, notamment en matière agricole — c'est d'être protégée, c'est que les agriculteurs aient des revenus convenables, c'est que l'industrie ait sa place dans la province de Québec au niveau de l'agro-alimentaire.

Ils ont voté, M. le Président, cet après-midi, en principe nous dit-on, sur les lois du crédit agricole. Seulement celle-là, pas les autres. Seulement celle-là. On est pour celle-là, mais cela ne veut pas dire qu'on appuie la politique gouvernementale. Un quart d'heure après, j'ai apporté un programme pour la commercialisation, la société d'initiative agro-alimentaire. Ils ont dit: Celle-là aussi, on vote pour, mais seulement celle-là. On apporte celle des viandes, ce soir, et ils vont voter pour, mais seulement celle-là. Ces trois ensemble, M. le Président, c'est 55% de la politique gouvernementale. Ils sont pour notre politique et ils n'ont pas le courage de le dire, M. le Président. C'est cela leur problème.

Nous avons amendé nos règlements, M. le Président. Nous proposons des amendements à la loi actuelle. Notre objectif, il est net, il est clair: c'est de nettoyer le marché qui existe depuis longtemps dans ce secteur, c'est de protéger le consommateur, c'est de donner à la population du Québec une confiance dans ce qui se produit comme viande au Québec, tant transformée que naturelle. C'est notre objectif, M. le Président. Ce ne sont pas des discours décousus et sans fondement, tels celui du député de Beauce-Sud et celui du député de Saguenay qui vont nous empêcher d'agir.

M. Roy: M. le Président, j'invoque l'article 96 du règlement.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Je voudrais attirer l'attention...

M. Roy:... pour rectifier les faits.

Le Vice-Président (M. Lamontagne):... de l'honorable député de Beauce-Sud. S'il invoque l'article 96, c'est pour le discours qu'il a fait ce soir et non pas sur des actions qu'il aurait posées l'an passé ou avant.

Egalement, j'attire son attention sur une autre chose parce que j'ai écouté également l'honorable député de Beauce-Sud à l'occasion de son intervention et cela donnait beaucoup d'ouvertures aux personnes auxquelles il s'adressait. Je pense que c'est du parlementarisme que d'accepter les paroles de part et d'autre. Mais, je vous invite à faire bien attention parce que, si je me suis levé avant, c'est que le corridor est très étroit.

M. Roy: Je vous remercie, M. le Président. En vertu de l'article 96, je voudrais rappeler au ministre que je n'ai jamais dit ce soir — il pourra référer au journal des Débats — que j'ai réclamé la survie et le maintien des petits abattoirs sans inspection. Je n'ai pas parlé de cela, en aucun moment, d'aucune façon, dans mon intervention. J'ai parlé des petits abattoirs, c'est vrai, mais j'ai dit que le gouvernement devrait avoir plus d'inspecteurs.

M. le Président, pour ce que j'ai déclaré sur la loi 31, j'ai dit ce soir au ministre que la loi avait été votée en Chambre et j'ai dit au ministre ce soir que c'était la loi et qu'il était de sa responsabilité de la faire respecter. C'est tout ce que j'ai dit, M. le Président.

J'ai dit autre chose, mais sur ce point, je veux être bien précis.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet de loi no 39 soit déféré à la commission de l'agriculture pour y être étudié article par article.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Cette motion de déférence est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Bienvenue: Article 11, M. le Président.

Projet de loi no 25

Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires municipales et de l'environnement propose la deuxième lecture du projet de loi no 25, Loi modifiant la Loi permettant aux municipalités d'imposer les centres hospitaliers et les centres d'accueil.

M. Victor Goldbloom M. Goldbloom: M. le Président, l'honorable

lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre. Ce qui est une autre preuve de son intelligence. Après les événements dramatiques et colorés qui viennent de se dérouler dans cette Chambre, et je voudrais en féliciter mon collègue de l'Agriculture...

M. Roy: Je soulève un point de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Beauce-Sud, sur une question de règlement.

M. Roy: Nous venons de disposer d'un projet de loi, et, en vertu de notre règlement, un interlocuteur n'a pas le droit d'intervenir sur une chose dont la Chambre vient de disposer. Je dirai au ministre que s'il avait quelque chose à dire sur la loi...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je suis obligé de vous...

M. Roy:... il faudra qu'il le dise.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): II faut croire que nous n'entendons pas tout à fait les mêmes choses. J'ai bien entendu le ministre féliciter son collègue et non pas faire référence au projet de loi.

M. Roy: Sur quoi m'a-t-il félicité?

Le Vice-Président (M. Lamontagne): C'est comme vous, parfois, lorsque vous attaquez le gouvernement, on se demande sur quoi vous l'attaquez, c'est la même chose.

M. Roy: M. le Président, je pense qu'il peut y avoir des plaisanteries, mais il y en a qui dépassent vraiment les bornes. C'est une chose que je n'accepte pas de la part de la présidence de faire des commentaires sur les propos que tient un député, qu'il soit du côté ministériel ou de l'autre. Il appartient à la présidence de faire respecter le règlement; il peut être d'accord ou non sur les propos que tient un collègue, mais il n'a pas à faire de commentaire là-dessus. C'est une question d'intégrité pour la présidence.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Evidemment, je comprends vos paroles à la suite d'un peu d'humour, à cette heure, mais vous comprendrez un collègue qui se lève après trois mots d'un autre collègue et qu'il y a déjà une question de règlement parce que le seul mot qu'il a dit est de féliciter son collègue. Je maintiens qu'il y a a bus de questions de règlement dans cette Chambre, et nous en avons eu un témoignage vivant, une fois de plus, ce soir.

M. Toupin: Sur une question de règlement, je voudrais apporter un commentaire.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'hono- rable ministre de l'Agriculture, question de règlement.

M. Toupin: Cela fait deux fois aujourd'hui, M. le Président, que le député de Beauce-Sud s'attaque à la présidence. Cet après-midi, il a dit presque clairement qu'il n'avait plus confiance à la présidence, et encore une fois ce soir, il est intervenu dans le même sens. Au nom des membres de cette Assemblée, je n'accepte pas cette façon de voir les choses. Il me paraît évident que nous devons, ici dans cette Chambre, respecter les décisions que prend le président. Tous les députés doivent s'astreindre à ses décisions.

M. Roy: Sur le même point de règlement...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy:... si le ministre de l'Agriculture avait bien écouté, j'ai dit cet après-midi que le président...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. Roy:... avait de la difficulté à se faire écouter par la Chambre, et je viens de dire que le président n'avait pas à intervenir et à commenter les propos d'un membre de l'Assemblée nationale. C'est une question de principe, et sur ce point, c'est dommage, mais je ne peux pas démordre.

C'est une question de principe. Le président n'a pas à commenter les propos que tient un membre de l'Assemblée nationale. Il est là pour faire respecter les règlements de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Messieurs, vous avez dû remarquer que j'avais eu quelque difficulté à prononcer le mot "féliciter"; c'est parce que je ne l'entends pas souvent.

L'honorable ministre des Affaires municipales et de l'environnement.

M. Goldbloom: M. le Président, je pense bien qu'il n'y a rien dans notre règlement qui empêche un député d'en féliciter un autre et je pense bien qu'il n'y a rien dans notre règlement qui empêche le député de Beauce-Sud de changer de place avec le député de Rouyn-Noranda pour être plus près du Parti québécois.

M. le Président, tout ce que je voulais dire, après mes félicitations, que je crois bien méritées, à l'endroit de mon collègue de l'Agriculture, c'est que je n'ai pas l'intention de faire un discours en deuxième lecture, pour une bonne et simple raison. Pour ce projet de loi et pour les deux qui suivront, le discours de deuxième lecture a été fait le 17 avril par l'honorable ministre des Finances. Ce que nous faisons ici ce soir, c'est de confirmer ce que la population connaît déjà, l'intention du gouvernement de bonifier le régime de financement municipal.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, concernant le projet de loi no 25, nous n'avons pas d'intervention à faire, sinon des questions à poser lorsque nous irons en commission. Egalement...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. Bédard (Chicoutimi):... sur le projet de loi no 26. Mais, sur le projet de loi no 28, nous voudrions intervenir. Etant donné que ces trois projets de loi couvrent un même principe, à savoir une aide aux municipalités, que ce soit par le biais de subventions ou par la permission de prélever certaines taxes supplementaires, que ce soit au niveau des centres d'accueil ou au niveau de maisons d'enseignement, je me demande, M. le Président, s'il y aurait lieu de procéder à la deuxième lecture sur les trois de manière à couvrir...

M. Goldbloom: M. le Président, je trouve excellente la suggestion de l'honorable député de Chicoutimi. S'il veut, pour sa part procéder immédiatement à son discours sur le projet de loi no 28, nous pourrons envisager les trois ensemble et en adopter la deuxième lecture ensemble.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, le ministre...

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Un instant, s'il vous plaît. Vous vous apprêtez à parler sur le projet de loi no 28. Il n'a pas été appelé. Si vous voulez l'appeler, je crois qu'il y a...

M. Bienvenue: Est-ce que tous les membres de cette Chambre seraient consentants à ce qu'on appelle simultanément et dans un effort unique les projets de loi no 25, 26 et 28?

M. Bédard (Chicoutimi): C'est ce que je voulais. C'est ce que j'avais proposé.

M. Bienvenue: Est-ce que le député de Beauce-Sud, qui ne m'a peut-être pas entendu, mais que je veux consulter aussi, serait d'accord que nous passions les trois projets de loi?

M. Roy: En même temps et qu'il n'y ait qu'une seule intervention, je suis d'accord, M. le Président.

M. Bienvenue: Merci. Alors, je vous demande, M. le Président, d'appeler les trois projets de loi.

Projets de loi nos 26 et 28 Deuxièmes lectures

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires municipales et de l'environnement propose la deuxième lecture du projet de loi no 26, Loi modifiant la Loi permettant aux municipalités d'imposer certaines maisons d'enseignement. L'honorable ministre des Affaires municipales et de l'environnement propose la deuxième lecture du projet de loi no 28, Loi sur les subventions aux municipalités de 15, 000 habitants ou plus. L'honorable député de Viau.

M. Picard: M. le Président, le ministre doit faire la lecture de la petite prière dans chacun des cas.

M. Goldbloom: M. le Président, trois fois, le lieutenant-gouverneur nous a prié, avec insistance, d'étudier ces projets de loi.

M. Roy: Est-ce que le ministre peut nous dire quand il a eu cette rencontre avec le lieutenant-gouverneur?

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, le ministre des Affaires municipales vient de nous dire qu'il ne voit pas la nécessité d'intervenir puisque l'intervention principale a été faite par le biais du discours du budget.

Il est clairque le ministre comme l'Opposition et tous les députés de cette Chambre ont été à même de constater certaines augmentations de crédits à l'intérieur du budget qui ont été affectées à des fins municipales. Loin de nous la pensée que c'est une mauvaise chose, mais il ne faudrait quand même pas que les maires des municipalités, que la population et surtout que le ministre croient que ces subventions, dont une très grande partie est conditionnelle à des projets, des priorités et des normes nationales et non locales, il ne faudrait pas que le ministre essaie de nous faire croire que le discours du budget avec les augmentations qu'il comportait a réglé l'ensemble du problème de la fiscalité.

Au contraire, je crois que ces subventions et leur augmentation sont tout simplement l'aveu du blocage de la fiscalité locale et de l'insuffisance majeure des sources actuelles de taxation du point de vue local. Il est clairque ce n'est pas notre intention d'être contre ces trois projets de loi qui annoncent des subventions aux municipalités de 15, 000 habitants et plus, qui annoncent aussi des subventions qui permettront aux municipalités, par le biais du projet de loi no 26, d'imposer un peu plus certaines maisons d'enseignement. Ce n'est pas notre intention d'être contre le projet de loi no 25 non plus qui, comme vous le savez, permettra aux municipalités d'imposer un peu plus les centres hospitaliers et les centres d'accueil.

Cependant, il faut admettre une chose, c'est que le gouvernement n'avait pas le choix. Il lui fallait nécessairement, dans son discours du budget, annoncer des hausses de subventions aux municipalités et annoncer des mesures qui étaient de nature à aider financièrement les municipalités puisque, comme on le sait, et le gouvernement le savait a ce moment-là, les gouvernements municipaux étaient tout simplement au bord de la faillite. Il est clair que les mesures qui ont été annoncées par le gouvernement, même si elles ont un certain effet bénéfique

pour les édiles municipaux, sont loin d'assurer l'état de santé financier des municipalités.

Nous savons très bien, et le ministre le sait aussi, que les municipalités se voient de jour en jour confrontées avec des responsabilités accrues. Que ce soit dans le domaine de l'environnement, que ce soit dans le domaine des loisirs, les municipalités voient leurs responsabilités augmenter. Je crois qu'on pourrait citer également les responsabilités supplémentaires auxquelles elles ont à faire face dans le domaine des services récréatifs et communautaires dont l'augmentation entre I964 et I974 a été de 74%.

Il en va de même d'une autre responsabilité qui échoit aux municipalités, à savoir l'obligation de veiller à la qualité de l'eau potable et, dans des cas encore trop limités naturellement, de l'épuration des eaux. Il en va de même de certaines responsabilités qu'ont les municipalités de créer des espaces verts, d'être impliquées de plus en plus dans la vie culturelle de leurs citoyens, d'être également, et cela, nous le savons à travers tout le Québec, aux prises continuellement avec le problème que constitue pour eux le transport en commun.

Tout ce que cela représente de dépenses pour ces municipalités et leurs citoyens fait que que les municipalités, à l'heure actuelle, sont tiraillées entre les services importants qu'elles doivent donner et un endettement aussi impopulaire que les hausses de la taxe foncière, c'est-à-dire la pression d'une taxesur le logement, bien aussi fondamental que les médicaments ou la nourriture.

Je crois que ce n'est pas parce que le Québec n'a pas le courage politique d'aller chercher l'argent qui lui est dû à Ottawa que les municipalités doivent nécessairement tirer de la langue et baisser la qualité des services qu'elles sont dans l'obligation de donner à leurs citoyens. Je mentionnais, tout à l'heure, le taux d'endettement des municipalités. J'ai eu l'occasion de le citer déjà, le Bureau de la statistique du Québec est très clair sur ce point et montre jusqu'à quel point l'état financier des municipalités est catastrophique. Entre autres, le Bureau de la statistique du Québec disait ceci: Entre les années I960 et I970, les revenus et dépenses courantes du gouvernement provincial étaient deux fois plus élevés que ceux des municipalités, mais cet écart s'est élargi jusqu'à six fois.

Le Bureau de la statistique continuait en disant: Alors que l'augmentation annuelle moyenne des revenus du Québec a été de 19. 3%, cette croissance était de 10% pour l'ensemble des municipalités. Le Bureau de la statistique du Québec concluait en disant que l'écart s'élargit à tel point que le déficit des municipalités serait multiplié par quatre entre 1973 et 1980. Ce projet de loi, s'il annonce une certaine aide aux municipalités, ne doit pas contribuer à endormir le ministre dans un état de béatitude, s'imaginant qu'il a réglé une grande partie des problèmes des municipalités. Loin de là. En plus de toutes les responsabilités nouvelles qu'ont les municipalités, il y a également les cadeaux de Grecs, si je peux employer l'expression, que fait le gouvernement aux municipalités, entre autres, lorsqu'elles lui cèdent certaines routes, lorsqu'elles lui cèdent certains chemins et qu'il leur en impose l'entretien. Il leur annonce une certaine subvention, mais il arrive très régulièrement et très fréquemment que les subventions qui sont données par le gouvernement ne couvrent pas les frais d'entretien qui sont imposés aux municipalités, ce qui veut dire qu'au bout de la ligne, ce qui devait être une sorte de cadeau de la part du gouvernement se solde par une dette supplémentaire à payer par les municipalités, ce qui les oblige, d'une certaine façon, à recourir à la taxation de ceux qu'ils ont à administrer.

On sait jusqu'à quel point, déjà, ces citoyens sont surtaxés. Des exemples de cadeaux de Grecs, on pourrait en apporter plusieurs autres. Je ne veux pas être trop long, mais j'ai eu l'occasion de visiter plusieurs conseils municipaux, tant celui de la ville de Québec qu'en dehors de Québec, et il est clair que cette habitude, qu'a prise le gouvernement de remettre entre les mains des municipalités certains bouts de route ou certaines rues a pour effet qu'on oblige encore une fois les municipalités à faire face à des dépenses supplémentaires. Je crois, encore une fois, que le ministre ne doit pas s'endormir sur la petite législation qu'il présente aujourd'hui.

La situation financière des municipalités est précaire et également leur autonomie. Cette autonomie dont elles ont besoin pour planifier leur développement est de plus en plus mitigée, ce qui les oblige à multiplier les pèlerinages, les courbettes, les processions auprès du gouvernement du Québec, afin d'obtenir des subventions pour répondre à leurs besoins.

M. le Président, je crois qu'on peut facilement dire que le Québec des libéraux, si on se place au niveau des affaires municipales, est un Québec à genoux, avec des municipalités qui, continuellement, ont à venir quémander au gouvernement du Québec des ressources financières, pour faire face à leurs responsabilités. Le gouvernement entretient cet état de choses — je ne sais pas si c'est parce q ue c'est rentable politiquement — cette situation, puisqu'il n'a pas encore cru bon de penser véritablement à l'autonomie des municipalités, en libérant, par exemple, des sources de taxation qui puissent permettre aux municipalités de planifier leur développement et de les empêcher d'être toujours courbées devant le gouvernement du Québec, quand ce n'est pas le gouvernement fédéral.

M. le Président, le ministre n'a pas à avoir le sourire trop large, ce soir, puisqu'il sait très bien jusqu'à quel point il y a une nécessité, à l'heure actuelle, d'une réforme globale de la fiscalité municipale, jusqu'à quel point cette réforme globale est nécessaire. Ce n'est pas seulement l'Opposition qui le dit, c'est également la requête qui a été faite au ministre des Affaires municipales par l'Union des municipalités et par les conseils de comté. Je sais que, lors de la conférence provinciale-municipale, qui a eu lieu récemment, les municipalités ont eu l'occasion de formuler, non pas des souhaits, mais des exigences très précises au gouvernement du Québec, lesquelles exigences se devaient d'être satisfaites si le gouvernement du Québec croyait vraiment à la nécessité de l'autonomie des municipalités, si le gouvernement du Québec croyait vraiment

à la santé nécessaire financière des municipalités. Les gouvernements municipaux, le ministre le sait, étant les gouvernements les plus près des gens, les plus près de la population, les plus aptes à connaître les besoins de cette population, ces gouvernements municipaux — si je peux employer l'expression — se doivent d'être pourvus de moyens financiers qui puissent leur permettre de remplir pleinement leurs responsabilités. Pas seulement une responsabilité qui consiste à essayer d'avoir les bonnes grâces du ministre, pas seulement une sorte de responsabilité qui se concrétise par les jeux de coulisse ou encore les jeux d'influence afin d'obtenir du gouvernement le plus de subventions possible pour leurs administrés, mais, au contraire, qu'ils aient affaire à un gouvernement qui attaque le problème de fond, le problème de la réforme de la fiscalité municipale.

D'ailleurs, les municipalités, lors du dernier congrès dont je faisais état tout à l'heure, l'Union des conseils de comté ont demandé au ministre des Affaires municipales, étant donné qu'ils en voyaient l'urgence, de consentir qu'il y ait au plus vite la formation d'une commission autonome afin d'étudier tout le problème de la fiscalité municipale.

Il est clair que le ministre, avec le sourire, a répondu — puisqu'on peut dire qu'on a un ministre, M. le Président, qui est marqué du signe du sourire — avec beaucoup d'empressement, avec force courbettes, avec un ton très serein aussi, aux demandes des municipalités et des conseils de comté. Il s'est engagé à acheminer leurs demandes au niveau du conseil des ministres. Il a fait tout cela, M. le Président, avec le sourire, mais de là à acheminer les demandes des municipalités et des conseils de comté au conseil des ministres, et le fait de s'engager à défendre ces demandes devant le conseil des ministres, ce sont deux choses, M. le Président. Ce sont tellement deux choses que nous avons déjà eu, il n'y a pas tellement longtemps — la semaine passée, je crois — l'occasion de demander au ministre des Affaires municipales s'il avait l'intention de donner suite à cette demande de l'Union des municipalités pour la formation d'une commission autonome et non pas d'une commission ministérielle, parce qu'on sait que cela tourne toujours en rond et que cela mène souvent nulle part. Cela ne fait, souvent, que justifier bien des retards.

Lorsque nous avons demandé au ministre s'il avait l'intention de défendre cette demande de l'Union des municipalités, il nous a répondu, tout simplement, qu'il allait acheminer cela vers le conseil des ministres, sans s'engager plus qu'il ne faut.

M. le Président, je crois que le ministre sait très bien qu'il y a, en plus des éléments dont j'ai parlé tout à l'heure, à savoir, libérer des sources de taxation, à savoir, la réforme, une fois pour toutes, de la fiscalité municipale, d'autres manières aussi d'aider les municipalités. Le ministre retarde indûment à poser des gestes qui aideraient vraiment les municipalités à planifier leur développement. Ce n'est pas mon intention, M. le Président, de développerce point, mais je voudrais, entre autres, mentionner que le ministre devrait faire preuve de beaucoup plus d'acharnement à faire respecter les lois et les règlements sur l'environnement. Continuellement, dans les municipalités, ces lois sont violées, et dans ce cas comme dans bien d'autres, au niveau du gouvernement, on assiste encore à la situation de ministres qui ne s'occupent pas de faire respecter les règlements des lois qu'ils font adopter.

Il y a également une manière d'aider les municipalités à planifier leur développement, de les aider, du point de vue financier, entre autres, en édictant, au plus vite, une loi sur la spéculation foncière. On sait jusqu'à quel point la spéculation foncière est de nature à gêner et, quelquefois même, M. le Président, à faire rater complètement, faire avorter le désir qu'ont certaines municipalités de se développer. Entre autres, on a eu l'occasion de mentionner au ministre des Affaires municipales le cas d'un développement, dans Québec, à savoir, Lebourg-neuf, où il est très clairement établi que la spéculation foncière est à ce point importante qu'elle est en train de risquer de compromettre le développement qui est envisagé.

On a eu l'occasion, M. le Président, lors de la discussion des crédits, de demander — d'ailleurs, le ministre avait accédé à cette demande — une enquête sur la spéculation foncière dans la région de l'Outaouais. Le rapport devait être normalement déposé au mois de mai. Nous n'en avons pas entendu parler, M. le Président. Il nel'est pas encore.

Il y a d'autres manières aussi, pour le ministre des Affaires municipales, de sortir de cet état de négligence dans lequel il se complait, d'aider les municipalités.

Il y a entre autres, par exemple, en essayant de voir à ce que soit adoptée, le plus vite possible — je comprends qu'il y a des études là-dessus — une loi sur l'urbanisme, qui aiderait les municipalités, encore une fois, à planifier leur développement.

Je sais pertinemment, M. le Président, que sur la question de l'urbanisme, il y a quand même le groupe Castonguay qui fait une étude et qui doit remettre son rapport à l'automne, mais je voudrais quand même soulignerque cette loi aété annoncée à plusieurs reprises et à la fin du compte, elle n'a jamais été votée et elle est remise de session en session.

M. le Président, je crois que le ministre nous propose ce soir trois lois qui ont pour effet d'aider financièrement les municipalités. Mais, encore une fois, j'espère que ce n'est pas avec une petite législation comme celle-là que le ministre va se croire justifié de s'endormir paisiblement et de croire qu'il a réglé un peu les problèmes des municipalités.

Le Président suppléant (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, quelques mots seulement sur les projets de loi nos 25, 26 et 28. Je veux rassurer le ministre tout de suite en lui disant que l'intervention ne sera pas longue puisque ce sont des choses qui ont été discutées lors du discours du

budget. Nous avons abordé largement le problème du financement municipal à l'occasion d'un mercredi, alors que j'avais présenté une motion en vue de doter le Québec d'un Office de crédit municipal pour aider les municipalités du Québec.

J'aimerais dire, tout simplement, à l'honorable ministre qu'il ne faudrait pas considérer que ces trois lois constituent des pièces majeures dans les politiques gouvernementales.

Une Voix: Question de règlement!

M. Bossé: Est-ce que je pourrais demander une directive? Je voudrais signaler la présence du député de Vanier dans les galeries, puisqu'il est de passage.

Le Président suppléant (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je n'ai pas compris les propos de notre collègue de Dorion, M. le Président.

M. Bossé: M. le Président, je ne crois pas que le député de Beauce-Sud comprenne souvent parce qu'il aurait fallu qu'il regarde en arrière de lui.

Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je disais donc que ces trois lois ne doivent pas être interprétées, de la part du gouvernement, comme étant la politique financière gouvernementale pour venir en aide aux municipalités du Québec de façon à pouvoir avoir le plus de souveraineté possible. S'il y a des gouvernements qui devraient avoir le maximum de souveraineté pour être capables d'administrer selon les besoins de leurs populations et selon leurs désirs, c'est bien les municipalités du Québec. Mais, M. le Président, on doit admettre à ce moment-ci que les municipalités ont de plus en plus de difficultés; les hausses de taxes sont considérables et beaucoup de municipalités doivent attendre pendant des mois, voire même des années, avant de pouvoir mener à terme des projets majeurs.

Je dis, M. le Président, que c'est un domaine où le gouvernement devra porter une attention particulière au cours des prochains mois, au cours de l'an prochain, de façon à éviter que la plupart des municipalités du Québec soient bientôt sous la tutelle gouvernementale. Parce que c'est extrêmement inquiétant, à l'heure actuelle, pour un grand nombre de nos municipalités du Québec, qui ont de plus en plus de difficultés à se financer.

M. le Président, pour ce qui a trait aux projets de loi nos 25 et 26, il s'agit de la taxation. On permet aux municipalités du Québec d'imposer une taxe à des institutions qui vivent et qui fonctionnent par la taxation. Ce sont, en quelque sorte, deux lois qui visent à taxer les taxes que paient les citoyens du Québec, pour établir un soi-disant équilibre entre les municipalités qui disposent de services dans le domaine de l'éducation ou dans le domaine hospitalier par rapport aux autres municipalités qui n'ont pas ces services.

Pour ce qui a trait au projet de loi no 28, M. le Président, je n'ai pas l'intention de reprendre tous les propos que j'ai tenus l'an dernier, mais je pense qu'ils sont encore à propos.

Je dis à l'intention du gouvernement que plusieurs comtés du Québec ont des agglomérations qui comptent plus de 15, 000 âmes mais qui ne peuvent pas bénéficier de ces subventions. Pourtant, les besoins sont les mêmes. Ce n'est pas parce qu'une agglomération de 15, 000, 16, 000 ou 17, 000 âmes a deux municipalités que les besoins sont moindres pour la population qui y demeure. Je le dis encore une fois, je le répète à l'intention de l'honorable ministre: II s'agit d'une loi un peu coercitive dans ce domaine, qui a pour objet indirect de favoriser le regroupement municipal, alors qu'il y a des endroits où ce regroupement municipal n'est pas désiré par la population, qu'il n'est pas dans leur intérêt qu'il soit fait. Il est malheureux que ces populations soient pénalisées par le fait qu'elles pourraient bénéficier d'une subvention, si la municipalité était élargie, de $6 par tête.

M. le Président, pour ce qui a trait aux comtés de Beauce-Sud, de Beauce-Nord, de Montmagny-L' Islet, de Bellechasse, de Montmorency, et je passe plusieurs comtés il n'y a pas d'argent prévu dans le projet de loi présenté par l'honorable ministre. Je sais que j'ai l'appui de mes collègues de ce côté-là. Je dis même que si ces projets de loi sont bons pour les municipalités qui peuvent en bénéficier, il ne faudrait pas les interpréter comme étant la politique de financement municipale du gouvernement provincial. Le gouvernement devra aller plus loin dans ce domaine. Le règlement m'interdit de revenir sur la motion que nous avons discutée l'autre jour, mais il va falloir que le gouvernement fasse preuve de plus d'imagination pour permettre aux municipalités du Québec d'être vraiment plus efficaces, d'être à la hauteur de la situation et d'offrir davantage à leurs citoyens.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): La réplique, pour les trois projets de loi du ministre des Affaires municipales et de l'environnement.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, je serai très bref, mais je voudrais tout de même relever certains commentaires de nos deux collègues péquistes. L'honorable député de Chicoutimi a fait allusion à des subventions conditionnelles, mais si nous présentons trois projets de loi, c'est pour, effectivement, rendre ces subventions statutaires en vertu d'une loi. Il n'y a rien de conditionnel là-dedans.

M. Bédard (Chicoutimi): Je vous ai parlé de celles qui demeurent conditionnelles et qui sont encore beaucoup trop nombreuses.

M. Goldbloom: II y en a qui demeurent conditionnelles, mais...

M. Bédard (Chicoutimi): Qui sont l'objet de patronage, c'est de cela que je vous ai parlé.

M. Goldbloom: Mais, M. le Président, quand on a 80% des municipalités du Québec qui ont moins de 1, 000 de population, il n'est pas possible de les rendre autosuffisantes et de les faire vivre avec des subventions statutaires. Il faut garder des fonds pour pouvoir utiliser cet argent là où on en a besoin.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous distribuez des chèques aux députés pour qu'ils les remettent à leur conseil municipal.

M. Goldbloom: Nos deux collègues ont, tous les deux, parlé des municipalités qui seraient, selon eux, au bord de la faillite. Je reconnais que la nature humaine étant ce qu'elle est, quel que soit le niveau de taxe dans une municipalité, à peu près tout le monde dit: On est pris à la gorge, on est surtaxé, impossible pour nous de payer un cent de plus. Mais lorsque l'on analye la situation financière des municipalités selon des barèmes uniformes, on trouve qu'elle se situe sur un éventail assez large et qu'il y a des gens qui se plaignent d'être surtaxés qui ne paient pas la moitié de ce que paient ceux qui sont vraiment surtaxés.

Alors, cette idée que l'on ne doit pas laisser répandre, voulant que les municipalités sont sur le bord de la faillite, est une idée qu'il faut examiner de façon objective. Quand on l'examine, on trouve que oui, on paie des taxes qui sont élevées, qui sont lourdes, et même, dans de rares cas, exagérées.

Mais quand même, c'est un équilibre raisonnable que l'on doit chercher entre l'effort local et l'effort collectif qui se traduit par l'attribution de subventions. Je pense que c'est le député de Chicoutimi qui a indiqué que le déficit des municipalités doublerait entre I973 et I980...

M. Bédard (Chicoutimi): Ce n'est pas le député de Chicoutimi, c'est le Bureau de la statistique du Québec.

M. Goldbloom: D'accord, mais quand même...

M. Bédard (Chicoutimi): Si vous voulez faire une sortie contre le Bureau de la statistique du Québec, vous pouvez y aller.

M. Goldbloom: Mais, M. le Président, il faut une mise au point. La loi exige un budget équilibré. Ce n'est pas le déficit qui peut doubler, c'est la dette possiblement, mais pas le déficit. La dette, c'est autre chose. Il y a des investissements que nous faisons aujourd'hui pour les générations futures et nous ne sommes pas obligés de tout payer nous-mêmes. Cela est normal. Si nous implantons dans des municipalités des équipements qui doivent être utiles pour 40, 50 ou 75 ans, on n'est pas obligé de tout payer aujourd'hui. Le fait d'imposer un certain fardeau de dettes est une chose absolument normale et désirable.

Enfin, M. le Président, on parle pour la nième fois des pèlerinages et de façon péjorative. Je ne trouve pas mauvais que des municipalités viennent voir le ministre des Affaires municipales ou les autres ministres. J'ai dit à répétition que j'aurais honte si une municipalité devait venir plusieurs fois pour le même dossier; mais qu'une municipalité vienne saisir le ministre des particularités de son problème, je trouve que c'est normal et souhaitable. Je me dirige vers les municipalités pour les visiter chez elles. Quand on parle de courbettes, M. le Président, je dis tout simplement en terminant: Quand on reçoit des amis, on ne leur fait pas faire des courbettes.

Le Vice-Président (M. La montagne): Ces motions de deuxièmes lectures sont-elles adoptées?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxièmes lectures de ces projets de loi. Second readings of these bills.

M. Bienvenue: M. le Président, tout en priant nos collègues de rester avec nous encore quelques minutes, je vous prierais, avec beaucoup de respect, de quitter le fauteuil pour que nous siégions en commission plénière. Je comprends que le député de Chicoutimi aura quelques courtes questions à poser au ministre des Affaires municipales relativement aux bills no 25, 26 et 28.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'honorable leader adjoint du gouvernement propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en commission plénière pour l'étude article par article des projets de loi 25, 26 et 28. Cette motion est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Adopté. Commission plénière

Le Président (M. Pilote): Article I du projet de loi no 25.

M. Bédard (Chicoutimi): Une seconde, s'il vous plaît. Au projet de loi no 25, je n'ai pas de question à poser.

Le Président (M. Pilote): Alors l'article I est adopté? L'article 2 est adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

Le Président (M. Pilote): Article 3, adopté? Article 4, adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

Le Président (M. Pilote): Le projet de loi no 26. Article I.

M. Bédard (Chicoutimi): Au projet de loi no 26, article 2.

Le Présider* (M. Pilote): Est-ce que cela veut dire que l'article I est adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Une seconde, M. le Président. Au niveau de ce projet, c'est plutôt une question que je voudrais poser au ministre. La loi parle de la possibilité pour les municipalités de taxer plus certaines maisons d'enseignement. J'imagine qu'il s'agit, puisque rénumération n'en est pas faite dans la loi, des CEGEP, des universités. Est-ce que dans l'esprit du ministre il peut y avoir d'autres taxations possibles?

M. Goldbloom: Evidemment, la définition est déjà faite dans la loi. Pour aller plus loin, il faudrait réaménager le budget de la province pour effectuer un transfert additionnel du ministère de l'Education vers les municipalités. Ce n'est pas immédiatement l'intention du gouvernement de le faire. Ce n'est pas une porte qui est fermée. Il est possible que l'on examine l'opportunité d'élargir ce champ, mais, pour l'instant, le champ demeure ce qu'il est et les montants sont augmentés.

M. Bédard (Chicoutimi): Je voudrais savoir du ministre si la taxation, dont il est question dans la loi, vise les collèges privés d'enseignement également. Si elle visait seulement les collèges publics, à ce moment, il y aurait quand même une situation que je voudrais bien que le ministre m'explique, une situation beaucoup plus favorisée pour les institutions d'enseignement privé, par rapport aux institutions publiques.

M. Goldbloom: La question du député de Chicoutimi est un peu particulière. S'il me permet quelques secondes de consultation, j'aimerais les prendre avant de lui répondre.

M. Bédard (Chicoutimi): Le ministre comprendra que le but de ma question est de savoir s'il y a un régime de faveur institué d'une certaine façon en faveur des collèges privés, par rapport au secteur public.

M. Goldbloom: Je pense que la réponse se trouve dans la loi qui est modifiée par le projet qui est devant nous. C'est le chapitre 51 des lois de I97I. Le premier article définit l'expression "maison d'enseignement", et cela, de la façon suivante, je ne fais pas lecture de tout l'article, mais je veux simplement résumer: "Une université, un collège d'enseignement général et professionnel au sens de la loi créant ces institutions, et tout autre établissement dispensant l'enseignement au niveau collégial ou universitaire que désigne le lieutenant-gouverneur en conseil. "

A ma connaissance, le lieutenant-gouverneur en conseil n'a pas désigné d'institutions privées pour les soumettre à l'application de la loi.

M. Bédard (Chicoutimi): Dans l'esprit du minis- tre, est-ce que cela ne crée pas une sorte de situation plus favorable pour les institutions privées, par rapport aux institutions publiques, puisque les institutions privées n'étant pas visées par ce projet de loi, il n'y a rien qui nous assure que le même mode de taxation leur sera imposé?

M. Goldbloom: Je comprends l'argumentation du député de Chicoutimi. Il est vrai que cela peut sembler créer un avantage aux institutions privées. Quand même, je dois souligner que c'est, en fin de compte, le gouvernement qui effectue le transfert. Si l'on assujettissait les institutions privées à l'application de la loi, on serait obligé de leur donner une compensation, ce que l'on peut faire facilement dans le cas des CEGEP, puisque la contribution du gouvernement est annuelle, mais dans le cas des institutions privées, il faudrait une compensation directe, qui n'est pas prévue présentement. Ce n'est pas une question de donner un avantage à l'un ou l'autre des deux réseaux.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais, le ministre admettra qu'au bout de la ligne, lorsqu'on fait le compte, il y a quand même une tendance, à moins qu'elle ne soit corrigée, à favoriser plus le secteur privé que le secteur public. Cette situation peut exister.

M. Goldbloom: Je ne le crois pas, M. le Président, parce que l'institution privée ne paie pas les taxes en question. L'institution publique est l'objet d'un transfert de fonds et la différence est nulle parce que l'argent passe par l'intermédiaire du CEGEP, par exemple, pour être versé dans les coffres de la municipalité pour que la municipalité ne soit pas pénalisée. Le CEGEP n'est ni gagnant ni perdant.

M. Bédard (Chicoutimi): Enfin, on aura l'occasion d'y revenir. Je voulais avoir des éclaircissements du ministre. Alors, je n'ai pas d'autre question sur ce projet de loi.

Le Président (M. Pilote): Article I, adopté? L'honorable député d'Argenteuil.

M. Salndon: J'aurais une question à poser au ministre des Affaires municipales. Est-ce que ce projet de loi touche les écoles polyvalentes et les régionales? Il faut se rappeler qu'au dernier changement de la loi de nombreuses municipalités avaient fait leur budget sur l'ancienne loi et lorsque les derniers amendements sont arrivés plusieurs municipalités se sont retrouvées avec un déficit budgétaire. Je me demande si votre projet de loi va rajuster les évaluations et les taxes des polyvalentes et des régionales.

M. Goldbloom: M. le Président, je dois répondre à mon collègue d'Argenteuil que le projet de loi que nous étudions présentement n'effectue pas ce redressement qu'il souhaite. Par contre, c'est cette année que nous avons baissé le taux normalisé de la taxe scolaire de $1. 25 à $1. 05 à l'avantage des municipalités. C'est notre désir de compenser certaines

pertes subies par les municipalités. On a fait mention de la remise de route, on a fait mention du fait que certaines institutions ne sont pas imposables et que les municipalités ont été les perdantes dans cela. Reconnaissant cette situation, on a voulu compenser par un transfert effectué par une modification du taux normalisé de la taxe scolaire.

Le gouvernement n'a pas, jusqu'à maintenant, voulu englober dans l'application de cette loi les institutions de niveau secondaire. Mais, comme je l'ai dit au député de Chicoutimi tout à l'heure, je n'exclus pas la possibilité que le gouvernement se penche sur cette question. Je ne peux aller plus loin pour le moment. Je suis conscient du fait que des municipalités ont perdu des revenus importants à cause des ajustements que nous avons faits dans l'assiette de taxation.

M. Bédard (Chicoutimi): Lorsque le ministre parle de la normalisation des rôles d'évaluation concernant la taxe scolaire, j'espère que le ministre admettra avec moi que ce qui avait été annoncé, si on regarde l'année qui vient de finir, comme une diminution de $0. 15 — je crois, de la part du ministre des Finances, étant donné qu'il y a eu la normalisation des rôles d'évaluation — que cela a représenté au bout de la ligne une augmentation de taxe entre $43 millions et $50 millions et cela de l'aveu même des commissions scolaires.

M. Goldbloom: L'honorable député...

M. Bédard (Chicoutimi): Si vous me permettez, M. le Président. Lorsque, dans le budget, on a annoncé une baisse de $0. 20 de l'impôt scolaire, une grande partie de cette baisse n'avait pour fonction que de compenser pour une augmentation qui avait eu lieu l'année dernière.

M. Goldbloom: L'honorable député de Chicoutimi a raison, s'il parle du passé, mais pas s'il parle de cette année. C'est-à-dire que dans le passé il est vrai que la baisse qui était plutôt lente — $0. 05 à la fois — a été compensée par des augmentations des dépenses dites inadmissibles et aussi par des ajustements au rôle d'évaluation lui-même.

Cette année, nous avons mis un plafond sur l'augmentation de l'évaluation, un plafond de 10% d'augmentation, et nous avons baissé de $0. 20 le taux normalisé. L'effet de cette mesure sera de baisser d'au moins $40 millions la masse monétaire perçue par les commissions scolaires. Cela ramènera cette masse au niveau d'il y a deux ans. Entre-temps, puisque les dépenses des commissions scolaires sont à la hausse, comme celles de tout le monde, la compensation qui se trouve dans le budget du ministère de l'Education est presque le double du montant que j'ai indiqué. C'est-à-dire que les commissions scolaires recevront plus, les municipalités recevront plus aussi, dans la mesure qu'elles profiteront de la baisse pour augmenter leur perception et le gouvernement comblera la différence. La masse monétaire perçue par les commissions scolaires devra baisser d'au moins $40 millions par rapport à 1974/75.

Le Président (M. Pilote): Article 1, adopté. Article 2, adopté. Article 3, adopté.

M. Bédard (Chicoutimi): Une seconde, M. le Président. Où en êtes-vous, au projet de loi no 26?

Le Président (M. Pilote): Le projet de loi no 26, vous m'avez dit que c'était adopté.

Projet de loi no 28, Loi sur les subventions aux municipalités de 15, 000 habitants et plus. Article 1.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, article 1, adopté. Au niveau de cet article, je voudrais simplement fournir une explication au ministre qui a parlé tout à l'heure des déficits des municipalités et s'est référé au service de la dette, disant qu'il fallait faire la différence. Il est évident que nous savons faire la différence entre les deux, mais je voudrais simplement informer le ministre que le Bureau de la statistique, concernant le sujet sur lequel je lui ai cité certains chiffres qui montraient jusqu'à quel point les municipalités étaient dans une situation financière difficile, concernant le service de la dette, prétendait que celui-ci continuerait de ronger 26% des dépenses municipales, soit $70 par habitant, trois fois le montant des sommes d'argent dépensées pour les services récréatifs et culturels. Il prétendait que pour les six années de 1964 à 1970, le service de la dette municipal avait augmenté de 81%.

M. Goldbloom: M. le Président, le député de Chicoutimi se rachète en précisant qu'il parle de dette et pas de déficit.

M. Bédard: Je ne me rachète pas, je veux simplement vous préciser cela.

M. Goldbloom: Justement, il est clair que les investissements à long terme qui sont faits, les immobilisations qui sont faites augmentent le service de la dette, mais je voudrais souligner que la Commission municipale du Québec a, entre autres responsabilités, celle de surveiller l'endettement des municipalités et qu'elle nous avertit si, dans un cas particulier, le service de la dette commence à représenter une proportion trop importante du budget de la municipalité. Cela nous préoccupe. Il y a un montant raisonnable que l'on peut porter comme dette à long terme et cela à cause du phénomène que j'ai indiqué, que les immobilisations valent pour les générations futures. Il ne faut pas cependant que cela soit exagéré. Je suis pleinement d'accord avec le député de Chicoutimi là-dessus. C'est pour cela que nous avons la Commission municipale du Québec dont c'est la responsabilité d'être chien de garde en ce qui concerne l'endettement des municipalités et de nous avertir d'allumer la lumière rouge si le service de la dette devient exagéré dans une municipalité donnée.

M. Bédard (Chicoutimi): Je veux simplement souligner que le ministre m'avait bien mal compris s'il a pensé que je voulais me racheter en lui citant ces chiffres. Au contraire, je voulais lui prouver

jusqu'à quel point le service de la dette constituait une partie beaucoup trop importante. Les revenus des municipalités sont englobés par le service de la dette. A ce moment, cela prouvait jusqu'àquel point, sur cet aspect bien particulier, les municipalités étaient en situation difficile.

M. le Président, sur le projet de loi 28, article I, adopté?

Le Président (M. Pilote): L'honorable député d'Argenteuil avait une question.

M. Salndon: M. le Président, c'est une question au ministre, touchant les subventions en compensation aux municipalités de 15, 000 de population ou plus. Ce que j'aimerais savoir, c'est sur quel recensement ces chiffres se basent. Depuis quelques années, depuis le dernier recensement, certaines municipalités ont vu leur population augmenter assez rapidement; notamment, à Lachute, la population augmente assez rapidement. Si on se fie au dernier recensement, ces chiffres ne révèlent pas du tout la population actuelle.

A ce moment, il y a certaines municipalités qui peuvent, peut-être, ne pas recevoir des compensations auxquelles elles auraient droit.

M. Goldbloom: La population de Lachute n'a pas connu de chute. Bon!

M. le Président, jusqu'à cette année, nous avons dû nous fier aux chiffres fédéraux, chiffres quinquennaux du recensement, et nous avons été frappés par le développement rapide de certaines municipalités dans les périodes de cinq ans entre les recensements fédéraux. Nous n'avions pas de mécanisme valable, jusqu'à cette année, pour déterminer nous-mêmes le vrai chiffre de population. Nous avons constaté un certain enthousiasme de la part des municipalités, en fournissant leurs propres chiffres. Pour cette raison, nous avons consulté notre Bureau de la statistique et nous avons développé, avec lui, un mécanisme qui se reflète dans les annexes au discours du budget. Ainsi, dorénavant, au lieu de prendre le chiffre du recensement fédéral de 1971, nous prendrons le chiffre déterminé par une courbe établie par notre Bureau de la statistique, un chiffre, donc, réaliste, par rapport au développement d'une municipalité. Dorénavant, cela s'appliquera à toutes les subventions données par rapport à la population sauf, jusqu'à maintenant, dans le cas de la redistribution de la taxe de vente. Cette loi n'a pas été changée jusqu'à maintenant.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président...

Le Président (M. Pilote): L'article I est adopté. Article 2.

M. Bédard (Chicoutimi): A l'article 2, il s'agit du recensement, M. le Président. Je suis bien heureux que le ministre ait décidé de laisser tomber ce qui existait auparavant, à savoir le fait de se fier au recensement fédéral de tous les cinq ans. Cela répond, d'ailleurs, à une suggestion qu'avait faite, à maintes reprises, le Parti québécois. Il est clair que nous sommes d'accord sur cette...

M. Goldbloom: La paternité universelle.

M. Bédard (Chicoutimi):... ouverture d'esprit du ministre, qui n'est que justice, remarquez. Mais je voudrais savoir s'il va y avoir une certaine flexibilité concernant l'évaluation du nombre de la population. Est-ce que le Bureau de la statistique ou le ministère aura une politique assez flexible pour accepter, par exemple, certaines projections, en tenant compte des tendances passées au niveau de l'augmentation de la population, pour, en se basant sur ces projections passées, trouver le moyen de payer la municipalité? S'il y a lieu, que la municipalité rembourse, si c'est le cas, les sommes qui auraient pu être payées en trop.

Je voudrais savoir également s'il va y avoir une certaine flexibilité qui permettrait au ministère d'aider, d'une façon peut-être toute particulière, certaines municipalités qui sont en état de croissance subite dans le sens qu'il y a des projets qui, tout à coup, se développent ou s'installent dans ces municipalités. Par exemple, je pense à la région de l'Outaouais, la rive nord, la rive sud de Montréal. Egalement il y a des municipalités qui ont certains projets spéciaux de développement, qui font qu'on peut d'avance prévoir que la population va certainement augmenter. Des cas comme, par exemple, Mata-garni, des projets comme Mirabel ou encore certains projets qui peuvent se faire dans des municipalités comme Port-Cartier.

Je voudrais savoir quelle sera la flexibilité du Bureau de la statistique ou encore du ministère et du ministre sur ces deux points précis.

M. Goldbloom: M. le Président, l'honorable député comprendra que je ne suis pas moi-même statisticien professionnel et donc, ce sera une réponse de profane que je lui donnerai. Je choisirai un mot différent, cependant. Au lieu de flexibilité, je dirai sensibilité. Il est évident que le recensement fédéral n'est pas sensible aux changements de population. On est obligé...

M. Bédard (Chicoutimi):... caractère du ministre.

M. Goldbloom:... de vivre pendant cinq années avec un chiffre qui est rigide. Nous voulons que notre système soit sensible aux changements de population. Dans quelle mesure? Il faudrait un statisticien pour le dire. Mais c'est notre but.

Le deuxième point soulevé par l'honorable député est, en quelque sorte, l'appréciation des tendances futures. Je trouve un peu de difficulté à envisager un développement et payer ce développement à l'avance, mais s'il a effectivement lieu, on va le payer. Nous voudrons justement que pour chaque municipalité, nous développions une courbe d'augmentation de sa population et que cette courbe soit aussi réaliste que possible, et que la courbe s'ajuste annuellement au lieu d'être obligés d'attendre cinq ans pour apporter des ajustements

aux chiffres. Je pense que c'est un progrès important que nous réalisons.

Le Président (M. Pilote): L'article 2 est-il adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

Le Président (M. Pilote): L'article 3 est-il adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

Le Président (M. Pilote): L'article 4 est-il adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

Le Président (M. Pilote): L'article 5 est-il adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

Le Président (M. Pilote): L'article 6 est-il adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

Le Président (M. Pilote): L'article 7 est-il adopté?

M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.

M. Goldbloom: M. le Président, vous me permettrez un bref commentaire à la fin. L'honorable député de Chicoutimi m'a fait l'honneur de parler de mon sourire. J'ai une confession à vous faire, M. le Président. Je suis un ministre faible et ma faiblesse, c'est de sourire même à l'Opposition.

M. Bédard (Chicoutimi):... d'avoir la lucidié de vous voir des faiblesses ailleurs.

M. Pilote (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneurde faire rapport que votre commission plénière a siégé et a adopté les articles des projets de loi nos 25, 26 et 28 sans amendements.

M. Bienvenue: Pas de troisième lecture?

M. Bédard (Chicoutimi): Non, M. le Président.

M. Bienvenue: M. le Président, comme il n'est que 10 heures 31, je me demande si nous pourrions appeler l'article n), loi du ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, loi intitulée Loi sur la protection des acheteurs de maisons neuves et de terrains? Cela ne devrait pas être très long, M. le Président. On me dit qu'il y a environ 200 articles seulement.

M. Tetley: Correction, M. le Président. C'est 400.

M. Bienvenue: Alors, on ne l'appellera pas ce soir. M. le Président, si vous me le permettez, au cours de cette journée, la Chambre a adopté en deuxième lecture dix projets de loi, et trois commissions parlementaires ont terminé leurs travaux avant l'ajournement du souper. Je remercie tous les membres de cette Chambre qui étaient avec nous, sans oublier ceux de l'Opposition. Cette collaboration intelligente et efficace me fait dire que lorsqu'il nous arrive parfois de mettre un peu de côté la partisanerie pour promouvoir l'esprit de législateur, ce sont les résultats que nous pouvons atteindre et dont cette Chambre a raison de se réjouir.

Avant de proposer l'ajournement de la Chambre, je veux rappeler que mardi matin, à compter de 10 heures 45, au salon rouge, la commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration se réunira pour étudier, article par article, le projet de loi no 33, Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction. A la même heure, soit à 10 heures 45, à la salle 81 -A, la commission de l'agriculture se réunira pour étudier, article par article, les projets de loi no 2, 3, 4, 5, 22 et 29.

A la salle 91-A, toujours à 10 heures 45, la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications se réunira pour étudier, article par article, le projet de loi de député no 91, Loi du Collège régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Mardi, après les affaires courantes, soit vers 16 heures, à la salle 81-A, la commission des affaires municipales se réunira pour l'étude des projets de loi privés suivants: 190, 191 et 195.

Enfin, en Chambre, la législation prévue n'est pas nécessairement dans l'ordre que j'indique, mais ce seront les projets de loi qui n'ont pas été adoptés en deuxième lecture aujourd'hui.

Il s'agit des projets de loi no 32, c'est-à-dire les projets de loi 32 et 34; le projet de loi no 19, Loi modifiant la loi sur les impôts; le projet de loi no 6, Loi sur la protection des acheteurs de maisons neuves et de terrains, cette loi de 400 articles, comme l'a indiqué le ministre, ici en Chambre; le projet de loi no 34, je viens de le dire; le projet de loi no 88, Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique et, enfin, le projet de loi no 27, Loi modifiant la Loi des établissements industriels et commerciaux.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, j'aurais une remarque à faire concernant les projets de loi qui viennent d'être annoncés. J'avais donné mon accord pourque nous procédions mardi après-midi avec une loi qui concerne la région du Haut-Saguenay, à savoir une loi portant sur certains amendements qui sont apportés à la charte de la ville de Jonquière. Je ne sais pas si le leader adjoint se le rappelle. Je m'aperçois que mardi matin on nous place l'étude du projet de loi no 91 concernant la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce qui veut dire deux projets qui concernent directement notre région. Je pense que le ministre sera d'accord avec moi pour enlever celui de mardi matin afin de procéder...

M. Bienvenue: Nous serons d'accord pour que

le député de Chicoutimi n'ait pas à être à deux endroits en même temps. D'accord? C'est bien jusqu'à maintenant, ce que je dis? A ce sujet, comme la commission qui étudiera le projet de loi no 91, Loi du collège régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean, se réunit le matin à 10 h 45 et que l'autre commission qui étudiera la projet de loi no 195, Loi de la ville de Jonquière, se réunit l'après-midi après les affaires du jour, si on se comprend bien, l'une sera le matin et l'autre l'après-midi. On manoeuvrera de telle sorte que le député de Chicoutimi puisse participer pleinement.

M. Bédard (Chicoutimi): Je sais très bien que le projet de loi no 91 ne sera pas réglé dans la matinée. J'imagine que je peux m'attendre du gouvernement que, dans l'après-midi, si on procède sur l'autre, on laissera faire le projet de loi no 91.

M. Bienvenue: Je viens d'indiquer que nous manoeuverons de façon que le député de Chicoutimi n'ait pas à être à deux endroits au même instant. D'accord?

M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre en rappelant à nouveau ces trois commissions qui siégeront à 10 h 45, mardi matin. Je propose l'ajournement de la Chambre à mardi après-midi, à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Avant de demander si cette motion est adoptée, puis-je vous inviter à venir discuter plus amplement de cette journée fort chargée, à mes bureaux, après l'adoption? Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: A quel endroit?

Le Vice-Président (M. Lamontagne): A 114-B. Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi, 15 heures.

(Fin de la séance à 22 h 37)

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