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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le jeudi 19 juin 1975 - Vol. 16 N° 48

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

M. Lavoie (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Le député de Frontenac.

Rapports sur les projets

de loi privés nos 112, 115, 118,

119, 121, 178, 186 et 192

M. Lecours: M. le Président, au nom de M. André Marchand, député de Laurier, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des institutions financières, compagnies et coopératives, qui a siégé le 12 juin 1975, aux fins d'étudier les projets de loi privés nos 115, 118, 119, 178, article par article, qu'elle a adoptés sans amendement, ainsi que les projets de loi privés 112, 171, 186 et 192 qu'elle a adoptés avec des amendements.

M. Levesque: Est-ce que l'on pourrait fermer le dossier des bills privés dont le rapport vient d'être fait? Ils ont été adoptés en commission. Comme nous avons cette situation assez particulière, que nous faisons cela après la première lecture plutôt qu'après la deuxième, je ne voudrais pas que cela retarde une étape inutile. Nous avons une sanction ce soir. Alors, pourrions-nous disposer de ces bills privés, deuxième et troisième lectures?

Le Président: L'honorable député de Rivière-du-Loup pour l'honorable député de Mont-Royal propose la deuxième lecture du projet de loi, deuxième ou troisième, et les écritures pour le comité. Il faudrait corriger cela au règlement. Je crois que cette réunion est prévue pour les prochains jours, avant l'ajournement.

Deuxième et troisième lectures

Le Président: Deuxième et troisième lectures du projet de loi no 112, Loi concernant Reliure Gala Inc., Gala Bookbinding Inc. Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Le député de Saint-Hyacinthe propose les deuxième et troisième lectures du projet de loi no 115, Loi concernant l'Hôpital général Saint-Vincent-de-Paul de Sherbrooke, avec la même procédure pour la commission plénière. Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Le député de Saint-Hyacinthe propose les deuxième et troisième lectures, avec les mêmes modalités, du projet de loi no II8, Loi concernant l'Hôpital Saint-Charles de Saint-Hyacinthe. Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second ans third readings of this bill.

Le Président: Le député de Saint-Hyacinthe propose, avec les mêmes modalités, les deuxième et troisième lectures du projet de loi no II9, Loi concernant l'Hôpital Saint-Joseph de Granby. Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Le député de Taschereau propose la deuxième et troisième lectures du projet de loi no I7I, Loi constituant la Société de réassurance des mutuelles-incendie du Québec. Ces motions sont-elles adoptées avec les mêmes modalités?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Le député de Châteauguay propose les deuxième et troisième lectures du projet de loi no I78, Loi concernant SEG Inc. Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Les mêmes modalités.

Le député de Charlesbourg propose la deuxième et troisième lectures du projet de loi no I86, Loi concernant Estimauville Land Inc. Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Les mêmes modalités égale-

ment. Le député de Louis-Hébert propose les deuxième et troisième lectures du projet de loi no I92, Loi concernant le Développement des îles Carillon Inc. Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première et deuxième lectures de ce projet de loi. First and second readings of this bill.

M. Levesque: M. le Président, si j'ai bien compris, les projets de loi suivants ont été adoptés, nos 112, 115, 118, 119, 171, 178, 186 et 192. Merci.

M. Burns: M. le Président, pendant qu'on est dans une grande collaboration du côté gouvernemental et de l'Opposition, est-ce que je pourrais, même si ce n'est pas le moment de le faire, suggérer un amendement à l'avis de motion qui paraît en appendice au nom de M. Lessard et qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement pour son inaction en ce qui concerne le développement de l'industrie au Québec". Il faudrait ajouter, "de l'amiantose", après le mot "industrie". Alors, je proposerais, si tout le monde y consent, que l'avis de motion soit modifié en conséquence. C'est une erreur de copiste.

M. Levesque: Autrement dit, cela limite le débat à la question de l'amiante.

M. Burns: C'est cela.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Président: Adopté. Le député de Bellechasse.

Rapport sur le projet de loi no 19

M. Mercier: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des finances, des comptes publics et du revenu qui a étudié le projet de loi no 19, article par article, et qui l'a adopté avec un amendement.

Le Président: Rapport déposé.

M. Levesque: M. le Président, je demanderais, à ce moment-ci, le consentement de la Chambre pour que nous puissions procéder au dépôt des autres rapports, à mesure qu'ils seront prêts au cours de la journée.

Le Président: D'accord.

M. Roy: II faudrait, M. le Président, que cette mesure ne nous limite pas dans le droit de proposer des amendements, si toutefois cela s'avérait nécessaire. Il faudrait quand même qu'on prévoie une certaine limite de temps de façon...

M. Levesque: Nous serions prêts à ce moment-là, si la demande en est faite, de suggérer la prolongation des délais.

M. Roy: M. le Président, il serait peut-être bon de l'établir immédiatement, parce que, probablement, il y aura des députés qui seront en commission parlementaire; ils ne seront pas mis au courant du moment même où le rapport sera déposé. Alors, il sera assez difficile, je pense, de pouvoir surveiller tout ce qui se passe à l'Assemblée nationale, alors que nous sommes en commission parlementaire.

M. Levesque: D'accord, nous verrons à ce que tous les droits soient protégés.

M. Tetley: M. le Président, une directive. Le Président: Oui.

M. Tetley: Je voudrais obtenir une direction au sujet des projets de loi nos 112, 115, 118, 119. 171, 178, 186 et 192 dont notre leader a parlé très récemment, il y a quelques instants. Deux des avocats plaideurs qui sont venus devant nous ont promis quelques documents, surtout au sujet des noms des compagnies. Je préfère, si c'est possible, retarder l'adoption de ces lois jusqu'à cet après-midi, malgré que j'apprécie la vitesse et la rapidité d'action de notre leader parlementaire.

M. Levesque: Je suggérerais, dans les circonstances, s'il y avait des changements d'ici cet après-midi, que l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives en fasse part à la Chambre, car la sanction n'aura lieu qu'en fin d'après-midi, entre cinq et six heures. S'il y avait du nouveau, nous aimerions entendre parler, à ce moment-là, le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives; nous pourrons toujours demander la révocation de la troisième lecture pour retourner en commission plénière s'il y avait des amendements à suggérer. Si non, nous continuerons comme s'il n'y avait eu aucune intervention de l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. Tetley: Merci.

Le Président: Une intervention hypothétique.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Rapports sur les projets de loi nos 104, 113, 170, 187, 198

M. Levesque: Nous avons ici des rapports du greffier en loi sur les projets de loi suivants. Tout d'abord, le projet de loi no 104, Loi concernant la succession de Joseph-Octave Saint-Pierre; l'avis est régulier et suffisant et le projet déposé est conforme à l'avis.

Le projet de loi no 113, Loi concernant cer-

tains lots de cadastre de la cité de Montréal, quartier Saint-Antoine; l'avis est régulier et suffisant et le projet déposé est conforme à l'avis.

Le projet de loi no 170, Loi concernant certains terrains de la cité de Westmount; l'avis est régulier et suffisant et le projet déposé est conforme à l'avis.

Le projet de loi no 187, Loi concernant la succession de Polyxène Beaudry et la succession de Jean-Baptiste Beaudry Léman; l'avis est régulier et suffisant et le projet déposé est conforme à l'avis.

Finalement, le projet de loi no 198, Loi concernant la ville de Saint-Laurent; l'avis est régulier et suffisant et le projet déposé est conforme à l'avis.

Le Président: Rapport déposé. Présentation de motions non annoncées.

M. Choquette: M. le Président...

Le Président: Le ministre de la Justice.

Réimpression du projet de loi no 50

M. Choquette: Conformément à l'article I24 du réglementée propose la réimpression du projet de loi no 50, Loi sur les droits et libertés fondamentales de la personne.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a lieu de déférer de nouveau?

M. Choquette: M. le Président, c'est que je n'ai pas le texte de la réimpression, j'entendais le déposer demain et par la suite nous pourrions adopter une motion pour déférer le texte réimprimé à la commission de la justice qui continuerait ses travaux mercredi, tel que convenu avec nos collègues de l'Opposition.

M. Burns: D'ailleurs, M. le Président, j'ai déjà donné au ministre de la Justice mon consentement pour déposer ce projet et qu'on le fasse revenir dans le sentier qu'il avait quitté au moment où on l'avait laissé.

Le Président: C'est bien dit.

M. Burns:... leçon bien dite.

Le Président: Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. Levesque: Article i).

Projet de loi no 44 Première lecture

Le Président: Le ministre de l'Agriculture propose la première lecture de la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles. Le ministre de l'Agriculture.

M. Toupin: M. le Président, ce projet prévoit l'établissement d'un régime d'assurance-stabilisation des revenus agricoles.

La section I contient les définitions. La section 2 prévoit rétablissement des régimes. La section 3 traite du fonds d'assurance. La section 4 prévoit la constitution d'une commission de cinq membres pour l'administration des régimes d'assurance-stabilisation des revenus agricoles, il prévoit également le fonctionnement de la commission. La section 5 traite des enquêtes. La section 6 prévoit la date et le mode de paiement des cotisations des adhérents. La section 7 prévoit des compensations et prévoit les pénalités pour infraction à certains articles de la loi et la section 8 prévoit la signature d'accords avec le gouvernement du Canada et avec divers organismes pour la mise en application de la loi.

Le Président: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

Rapport sur l'opéra et la danse

M. Hardy: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport du groupe de travail sur la musique d'opéra et la danse. Je voudrais faire remarquer que, dans le rapport, il y avait un document, où c'était indiqué "confidentiel". Mais, après la rencontre, que j'ai eue hier avec le comité de travail, je lui ai manifesté mon désir de le déposer, avec le rapport, bien sûr, afin que l'opinion publique ait une image aussi complète que possible de ce rapport, dans le but de bien informer l'opinion publique.

Alors, même la pièce 2, qui était indiquée "document confidentiel", avec le consentement du président et des membres du comité, devient une pièce publique. Donc, je dépose le tout, ce matin.

M. Roy: C'est confidentiel.

M. Samson: Non, c'est la partie de la danse qui devait être confidentielle.

Le Président: Oui. L'honorable ministre du Travail.

Annexes du rapport Cliche

M. Cournoyer: Juste pour dissiper tout doute, on m'a recommandé fortement de permettre que les députés aient accès, gratuitement, au recueil des annexes du rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction. Je le dépose donc, mais je n'en ai pas, immédiatement, des copies. Je le dépose donc officiellement comme faisant partie des documents de cette Chambre.

M. Roy: Est-ce qu'il s'agit d'une partie ou de la totalité de ce qui pourra constituer les annexes?

M. Cournoyer: M. le Président, je vous remets ce que j'ai. Est-ce que c'est la totalité ou une partie? Seule la commission Cliche le sait.

M. Burns: Si elle était venue à la commission, elle aurait pu nous le dire.

Le Président: Questions orales des députés. L'honorable député de Lafontaine.

QUESTIONS DES DEPUTES Primes d'assurance-automobile

M. Léger: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, qui va être appelé, maintenant, d'un autre nom. J'ai besoin d'un court préambule pour bien clarifier ma question.

Devant le climat d'incertitude concernant l'augmentation des primes d'assurance-automobile, devant le fait que les compagnies se demandent si elles vont être étatisées ou non, devant le fait que les assurés voient deux hausses de primes leur être annoncées dans la même année et devant le fait que le gouvernement a admis que le ministère des Institutions financières était impuissant pour vérifier les données des compagnies concernant les hausses des primes d'assurance, est-ce que le ministre aurait l'intention de convoquer une commission parlementaire où comparaîtraient, premièrement, le surintendant des assurances, pour qu'il puisse expliquer les réformes qui devraient être faites afin que puisse être mieux contrôlée la hausse des primes, soit par la création d'une régie des tarifs, comme il y a la Régie des transports et la Régie des services publics d'une part, et, où pourraient comparaître également les compagnies d'assurance.

Elles viendraient justifier publiquement les hausses de primes. Le but de la commission parlementaire pourrait être, si le ministre l'accepte, de faire la lumière sur toute la situation et mettre en oeuvre des mesures d'urgence en attendant la mise en oeuvre du rapport Gauvin.

M. Tetley: M. le Président, ce n'est pas notre intention de convoquer la commission parlemen- taire. Le conseil des ministres décidera cet été de ce que nous allons faire au sujet de l'assurance-automobile.

M. Léger: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre a l'intention de donner suite à une déclaration fracassante qu'il a faite en janvier 1971, où il annonçait qu'il donnerait plus de pouvoirs au surintendant des assurances pour qu'il puisse contrôler les augmentations des primes par les compagnies d'assurance? Est-ce que le ministre a l'intention de donner suite à cette proposition de 1971?

M. Tetley: Comme je l'ai dit, M. le Président, le gouvernement décidera cet été, d'ici quelques semaines, de la position du gouvernement. Il ne faut jamais oublier que l'industrie de l'assurance-automobile, au Québec, au Canada et dans le monde, traverse une période difficile. Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a une espèce de lutte ou de conflit entre les compagnies et les courtiers.

Très récemment, M. Charles Moreau a fait une déclaration qu'il a rétractée concernant la nécessité des courtiers. Après, les courtiers ont fait des déclarations. C'est un problème difficile et qui existe dans les autres provinces. Je viens de visiter l'Ontario, cette semaine, lundi, où le problème est peut-être plus aigu. J'ai visité cette année les trois provinces socialistes, où le problème est très aigu aussi, où les augmentations sont peut-être plus élevées qu'ici. Les provinces sociales-démocrates ou socialistes, NPD, pardon.

M. Léger: Vous pouvez vous tromper sur le nom, mais ce que vous affirmez, c'est faux!

M. Tetley: Je suis interrompu par quelques commentaires...

M. Léger: On est toujours mêlé dans ses slogans!

M. Tetley:... au sujet...

Le Président: A l'ordre! A l'ordre!

M. Tetley: Qu'elles soient socialistes, NPD ou autrement, elles ont un problème aigu, des augmentations aiguës de primes et de coûts, peut-être de 60% dans une de ces provinces.

M. Léger: C'est impossible qu'un ministre réponde comme cela. Qestion supplémentaire. Je veux bien croire que le ministre est impuissant, mais qu'il ne l'admette pas ouvertement.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Léger: Le document du BAC, que le ministre n'a pas voulu déposer, prouvait qu'il y a eu deux augmentations au cours de l'année, de 10% en janvier I975 et de 15% et de 22% en juillet.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léger: Suivant cela, au 1er juillet il y aura

une deuxième augmentation. Le ministre peut-il nous dire ce qu'il entend faire, comme ministre responsable de ce domaine, en attendant l'adoption ou le rejet du rapport Gauvin et devant le danger d'une troisième augmentation des primes d'assurance? Puisqu'il ne veut pas convoquer la commission parlementaire, ne veut pas donner de pouvoirs au surintendant des assurances et n'est pas prêt à statuer sur le rapport Gauvin, qu'est-ce que le ministre entend faire, comme mesure d'urgence, pour sauver le domaine de l'assurance automobile au Québec?

M. Tetley: M. le Président, nous avons déjà rencontré des groupes d'assureurs, de courtiers. Nous travaillons non pas pour causer un problème, pas pour l'exagérer, pas qu'il y ait apparemment...

M. Léger:... cause un problème.

M. Tetley:... mais pour trouver des solutions. Récemment j'ai demandé à un de...

M. Léger:... Gauvin est une solution.

M. Tetley: Récemment, j'ai demandé à un de vos collègues, qui critiquait le manque d'assurance d'après lui, de me donner les noms des gens qui ne pouvaient pas trouver de l'assurance; je n'ai pas encore reçu les noms. Il m'a parlé de cela la semaine dernière, et, apparemment, il ne s'occupe pas assez de ses électeurs pour m'envoyer des noms.

M. Léger: Qu'allez-vous faire? Le Président: A l'ordre!

M. Léger: L'article I70 dit bien qu'un ministre doit s'astreindre à répondre à la question posée et ne pas passer à côté. Le ministre a-t-il une réponse précise? Que va-t-il faire...

Le Président: A l'ordre! Question additionnelle, le député de Saguenay et le député de Beauce-Sud aura une question additionnelle.

M. Lessard: Question additionnelle qui fait suite à la réponse du ministre. Le ministre voudrait-il dire qu'à chaque fois que quelqu'un est refusé par un courtier et par une compagnie d'assurance il faudrait communiquer avec lui, qui ferait, comme le ministre de la Justice, comme nous l'avons vu l'autre jour, du patronage? Est-ce ce que le ministre voudrait, que l'on communique avec lui pour régler problème par problème, personne par personne, assuré par assuré?

NI. Tetley: M. le Président, dans le cas du député de Saguenay, c'est oui, parce que, la plupart du temps, il parle à travers son chapeau.

Le Président: A l'ordre! Le député de Beauce-Sud, question supplémentaire.

M. Roy: J'aimerais demander au ministre des Institutions financières quelles sont les raisons sur lesquelles il se base pour ne pas agir et pour refuser de se doter d'un mécanisme de surveillance qui lui permettrait d'étudier les demandes de hausse de tarifs, de façon à s'assurer qu'il n'y ait pas d'abus et que les consommateurs du Québec soient protégés. Est-ce que ce sont des raisons d'intérêt? Des raisons politiques? Ou veut-on simplement retarder le problème jusqu'à la prochaine campagne électorale? Car, s'il y a des provinces socialistes, je dis que nous...

Le Président: A l'ordre!

M. Tetley: Ce mécanisme est en marche depuis cinq ans, et nous avons étudié depuis cinq ans chaque demande des compagnies d'assurance. Je reçois, pas simplement leur déclaration dans les journaux et celles des députés mais des demandes. Nos actuaires et nous étudions les demandes. J'ajoute que nous sommes prêts. Le député de Beauce-Sud, en Chambre, m'a dit qu'il avait cinq ou six cas. Je ne les ai pas reçus, pas encore, cela fait quatre mois.

M. Lessard: Vous allez en avoir des cas.

M. Roy: M. le Président, ce n'est pas l'endroit pour discuter de cas individuels.

M. Lessard: C'est ridicule, votre administration.

M. Tetley: Si vous avez des cas, envoyez-les.

M. Roy: Je veux demander au ministre, puisqu'il a ce mécanisme, puisqu'il a des actuaires, puisqu'ils étudient, si le ministère des Institutions financières va donner son approbation à ces hausses de tarif.

M. Tetley: Comme je vous ai déjà expliqué la loi, il faut que las compagnies déposent leur tarif, mais nous n'avons pas le droit, au Québec, ni dans les autres provinces, de contrôler ces tarifs. Nous n'avons pas le contrôle des prix, ni le contrôle des intérêts, ni le contrôle des salaires des ouvriers ou des fonctionnaires, ou le contrôle des salaires et des profits.

Si vous voulez un système socialiste, levez-vous et dites-le!

M. Léger: Le surintendant des assurances.

M. Tetley: On peut adopter des lois. Mais on ne peut pas contrôler tout simplement une partie d'une société, d'une économie.

M. Roy: M. le Président, sur un point de règlement, je pense qu'il est important qu'on fasse une précision. Nous n'avons pas demandé de contrôle comme tel, nous avons tout simplement demandé au ministre si son ministère allait donner son approbation. C'est ce que je veux savoir.

Le Président: Le chef de l'Opposition officielle.

M. Roy: M. le Président, le ministre avait l'air de vouloir répondre.

Le Président: A l'ordre! Le chef de l'Opposition officielle.

Centrales nucléaires

M. Morin: Ma question est destinée au premier ministre. Le premier ministre fédéral vient d'annoncer un vaste programme d'exportation de centrales nucléaires de type CANDU. C'est une nouvelle considérable, qui ne semble pas avoir attiré l'attention de la presse francophone, ni écrite ni parlée, mais dont on se réjouit fort dans la presse anglophone.

C'est une nouvelle considérable, mais il semble que nous soyons laissés pour compte. En effet, on prévoit la construction dans le monde d'environ 250 centrales nucléaires d'ici quelques années, et le gouvernement canadien peut certainement espérer en récolter le quart, soit une soixantaine.

Je voudrais demander au premier ministre s'il est conscient du fait que la vente de ces quelque 50 ou 60 centrales nucléaires représente des chiffres d'affaires qui sont quatre fois plus élevés que le coût de la baie James. J'aimerais lui demander quelle sera la part du Québec dans cette véritable révolution industrielle qui est en train de s'esquisser grâce à la politique fédérale. J'aimerais demander au premier ministre s'il s'est entretenu avec le premier ministre du Canada de cette question, s'il a été tenu au courant de ces développements importants.

M. Bourassa: M. le Président, je n'ai pas lu complètement la déclaration du premier ministre du Canada. Il ne parlait pas de contrat de vente ou d'accord qui avait été conclu. C'était plutôt un objectif de la part du gouvernement, qui fait suite...

M. Morin: ll s'agit d'un programme d'exportation.

M. Bourassa: Oui, mais l'exportation n'avait pas été conclue. C'est une politique, où le gouvernement fédéral vise comme objectif d'essayer de vendre ces centrales nucléaires. Les centrales ont fait leurs preuves, même s'il faut constater quelques problèmes techniques dans la réalisation de ces centrales, comme à Pickering, même s'il faut constater les problèmes d'approvisionnement d'eau lourde. Je pense que le gouvernement fédéral a certainement le droit de se fixer des objectifs. Quant à les appliquer concrètement dans un échéancier très précis, c'est une toute autre question.

M. Morin: M. le Président, je me demande si le premier ministre est conscient de ce qui se passe. Je vais lui poser une autre question.

Le Président: Différemment.

M. Morin: J'ai demandé au premier ministre s'il saisit bien l'importance de la politique d'exportation qui vient d'être annoncée. Il est vrai qu'il y a eu des difficultés à l'égard des centrales CANDU, mais devant l'énorme marché qui s'ouvre dans le monde, le premier ministre du Québec se rend-il compte que les centrales du type CANDU sont fort bien placées à l'exportation?

Je répète ma question.

Etant donne que le gouvernement fédéral a annoncé ce vaste programme d'exportation, qui porte sur plusieurs dizaines de milliards de dollars, quelle sera la part du Québec.

M. Bourassa: M. le Président, je ne comprends pas pourquoi le chef de l'Opposition arrive avec cela ce matin, alors qu'il y a une déclaration de principe. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'annonce de vente de ces centrales ou de contrats qui soient signés. Je ne comprends pas que le chef de l'Opposition en fasse une question d'urgence nationale. Je ne crois pas...

M. Morin: Vous ne mesurez pas l'importance de cela.

M. Bourassa: Oui, attendez donc que je finisse ma réponse. Je crois que le chef de l'Opposition admettra que le gouvernement actuel est toujours très soucieux de retirer les avantages économiques de sa collaboration avec le reste du Canada. Je crois qu'on pourrait donner une quantité... Il faut quand même considérer le stade où c'en est actuellement. On sait que le Québec, sur le plan énergétique, possède ses propres richesses, qu'il veut développer, qui lui donnent des avantages considérables. Dans deux semaines, la commission parlementaire des richesses naturelles, on pourra également discuter cette question. Mais le chef de l'Opposition peut être assuré que le gouvernement fédéral... Je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral limiterait ses marchés ou ses développements à une seule région du Canada. Je ne crois pas que ce soit la politique actuelle du gouvernement fédéral. Actuellement, ce n'est pas très précis; c'est sous forme d'objectifs à moyen terme. Déjà, j'en avais discuté avec le premier ministre du Canada au mois de janvier, de cette question d'uranium enrichi et des centrales CANDU.

Lorsque la position du gouvernement fédéral, lorsque les marchés en cause ou recherchés se présenteront d'une façon un peu plus précise, nous aurons certainement l'occasion d'en discuter, M. Trudeau et moi-même. Entre-temps — c'est ce que semble oublier le chef de l'Opposition — continuellement au niveau des hauts fonctionnaires, il y a des discussions sur ces questions, de manière que le Québec ait toujours sa part dans ces marchés, pour l'instant, potentiels.

Le Président: Dernière question.

M. Morin: Dernière et double question. Le premier ministre est-il conscient du fait...

Le Président: A l'ordre s'il vous plaît! Excusez-moi, je ne voudrais pas être désagréable, mais je pense que cela fait trois questions où vous débutez par les mêmes mots. Conscient, vous savez, même si c'est sous forme interrogative, je crois que la période des questions est uniquement pour obtenir des renseignements et pas seulement l'opinion ou la conscience du premier ministre.

M. Samson: On le sait qu'il n'est pas conscient, de toute façon.

Le Président: Allez. A l'ordre! M. Hardy: Balance de congrès.

M. Morin: Le premier ministre se rend-il compte que son opposition, sa méfiance à l'égard de l'énergie nucléaire est en train de coûter au Québec peut-être des milliards de dollars et que c'est l'Ontario qui risque de récolter le gros de ce programme d'exportation?

M. Levesque: M. le Président, il ne s'agit pas d'une question, je proteste. J'invoque le règlement. Le chef de l'Opposition devrait reformuler sa question autrement; il veut, par cette formule, faire des déclarations. Ce n'est pas la période des déclarations; c'est la période des questions, même pour le chef de l'Opposition.

M. Morin: Le premier ministre reconnaît-il... C'est une question, M. le Président, que je veux soumettre au premier ministre.

M. Levesque: M. le Président... Le Président: A l'ordre!

M. Levesque:... le chef de l'Opposition récidive. Je ne sais pas s'il ne comprend pas ou s'il ne veut pas comprendre.

M. Léger: On n'en a pas de période de déclarations, nous.

M. Bourassa: M. le Président, encore une fois, le Parti québécois, par le chef de l'Opposition, essaie, d'une façon détournée, de s'en prendre au développement de la baie James. Directement ou indirectement, il essaie de s'attaquer à ce projet, en parlant de la méfiance du gouvernement pour l'énergie nucléaire. Il n'est pas question de méfiance...

M. Morin: Vous manquez des contrats qui valent des milliards de dollars.

M. Bourassa: Non, M. le Président, le chef de l'Opposition peut être assuré de notre très grande vigilance sur les bénéfices économiques que tire le Québec de sa participation au régime fédéral. Je pense qu'on pourrait le lui démontrer, d'une façon aussi concrète qu'on l'a fait à l'occasion du dernier budget. Quand on sait la réaction qu'il a eue et le "flop" qu'il a connu dans ses commentaires sur le dernier budget du gouvernement du Québec, je ne crois pas qu'il parle avec tellement d'autorité dans ces questions.

Ce n'est pas parce que nous voulons développer, encore une fois, les richesses hydrauliques du Québec, que nous sommes l'une des seules régions du monde à avoir l'avantage de posséder; ce n'est pas parce que le Québec a décidé de profiter de ses richesses, qui lui donnent des avantages tout à fait particuliers sur le plan des coûts, sur le plan de la main-d'oeuvre, sur le plan des retombées économiques, sur le plan de la technologie que nous avons automatiquement une méfiance de l'énergie nucléaire.

Parce que nous sommes privilégiés d'avoir ces richesses, nous avons décidé de les développer. Cela n'exclut pas une participation du Québec dans d'autres secteurs énergétiques le moment venu.

M. Morin: M. le Président...

Le Président: Je vais vous permettre une dernière question.

M. Morin: Merci. Puisque le premier ministre a fait allusion à la baie James, qui pour moi aujourd'hui, était une question accessoire, j'aimerais lui demander s'il pourrait, pour l'instruction des membres de cette Chambre, déposer avant la convocation de la commission qui va entendre Hydro-Québec, la lettre adressée par Hydro au groupe Canadif au sujet du coût de l'électricité dans le projet d'usine d'uranium enrichi.

Le premier ministre consentirait-il à déposer cette lettre pour que nous en prenions connaissance avant la commission parlementaire?

M. Bourassa: Je prends avis de la question, je vais en discuter avec les autorités d'Hydro-Québec.

Le Président: L'honorable député de Beauce-Sud.

Importation de fromage au Québec

M. Roy: J'aurais une question à poser à l'honorable ministre de l'Agriculture. Il y a quelques jours, le ministre de l'Agriculture nous déclarait en commission parlementaire qu'il y avait actuellement au Québec des surplus de lait. Nous avons appris, ces jours-ci, que la compagnie Kraft, le plus gros acheteur de la société coopérative de Granby, avait décidé d'importer une grande quantité de fromage des Etats-Unis, ce qui a eu pour objet de provoquer de nombreuses mises à pied, notamment à Notre-Dame-du-Bon-Conseil.

La question avait été posée à l'honorable leader du gouvernement et le ministre de l'Agricul-

titre devait nous donner une réponse à ce sujet à l'Assemblée nationale. J'aimerais demander ce matin au ministre de l'Agriculture s'il est bien au courant de cette situation, s'il peut faire le point et nous dire quelles sont les mesures que le Québec a prises ou entend prendre pour corriger cette situation et éviter que les agriculteurs du Québec ne subissent des préjudices très sérieux.

M. Toupin: Je suis actuellement en contact avec les associations de producteurs et avec le secteur de la transformation. L'étude complète et totale du problème n'est pas encore parachevée. Je ne crois pas qu'on puisse avoir de réponse le moindrement valable avant le début de la semaine prochaine, d'autant plus que vendredi j'ai des rencontres avec le secteur impliqué. Au début de la semaine prochaine, je serai en mesure de donner des précisions sur la situation.

M. Roy: Est-ce que le ministre de l'Agriculture pourrait nous dire s'il a fait des représentations auprès du gouvernement fédéral qui, en quelque sorte, a le contrôle des importations comme des exportations à ce sujet? Y a-t-il eu des contacts ou des représentations auprès du gouvernement fédéral?

M. Toupin: Par le passé, oui. Nous avons toujours fait valoir notre point de vue très clairement auprès du gouvernement fédéral, et notamment auprès du ministère de l'Industrie et du Commerce qui négocie les ententes entre pays en ce qui concerne les contingents d'importation ou d'exportation. Nous l'avons très clairement mis face à une situation qui deviendrait difficile si, toutefois, les contingents de fromage extérieurs augmentaient dans les importations.

Evidemment, cette question sera examinée également et, s'il y a des pressions nouvelles qui doivent être exercées, nous les exercerons. J'ai d'ailleurs commencé à en discuter avec mon collègue de l'Industrie et du Commerce.

Le Président: L'honorable député de Bellechasse.

Tordeuse des bourgeons de l'épinette

M. Mercier: Je pense que le ministre à qui s'adresse ma question revient justement à son siège. Ma question s'adresse au ministre des Terres et Forêts relativement au programme spécial d'arrosage des forêts concernant le ravage causé par la tordeuse des bourgeons. On avait annoncé, il y a quelques semaines, un programme d'arrosage sur différents secteurs forestiers du Québec.

J'aimerais demander au ministre si le programme a été respecté dans son ensemble, tel que prévu; si oui, s'il y a eu, justement, des arrosages d'effectués sur les territoires comprenant la forêt domaniale des Appalaches et également sur la région de la Chaudière.

M. Drummond: En ce qui concerne toute la question de l'arrosage contre la tordeuse, je peux dire que les arrosages ont été effectués selon le programme et les priorités qui ont été discutés pendant l'étude des crédits du ministère. Il y a eu certains arrosages dans la forêt domaniale des Appalaches, je pense bien. Grosso modo, je devrai vérifier pour toute la région de la Chaudière, mais l'infestation n'étais pas aussi grave dans cette région que dans d'autres régions de la province.

M. Mercier: Une question additionnelle, M. le Président.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire si ce programme d'arrosage s'effectuait strictement sur les boisés qui sont la propriété de la couronne ou si les propriétaires de boisés privés pouvaient bénéficier également de ces arrosages?

M. Drummond: M. le Président, dans les années passées, les arrosages étaient strictement sur les terres de la couronne. Cette année, on a arrosé une surface d'à peu près 1 million d'acres des forêts privées. De plus, dans le crédit forestier, on tient compte des besoins futurs en ce qui concerne le crédit pour ceux qui veulent acheter des insecticides ou de l'équipement pour combattre la tordeuse à l'intérieur de leur boisé. A la fin des opérations, cette année, évidemment, il faut regarder toute la situation, voir comment cela se présente pour l'année prochaine, déterminer de nouveau nos priorités et voir comment on peut aider d'une façon logique les propriétaires de boisé privé. On a déjà eu des conversations, des discussions, des réunions avec le Syndicat des producteurs de bois en ce qui concerne le programme de cette année. C'est bien mon intention d'en discuter avec eux encore.

M. Mercier: Dernière question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si à ce jour, à la suite des arrosages effectués, il est en mesure d'évaluer les résultats obtenus et si ces résultats sont probants?

M. Drummond: M. le Président, on ne peut pas dire tout de suite si les arrosages de cette année sont efficaces ou non. Selon les indications, à ce jour, il semble que cela a été bien fait, mais on fait évidemment un relevé des résultats après l'arrosage.

Le Président: Le député de Saguenay, question supplémentaire. Après, le député de Beauce-Sud.

M. Lessard: Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il est exact que le gouvernement fédéral aurait refusé sa participation à ces arrosages, tel que c'était prévu en vertu d'une demande du gouvernement provincial?

M. Drummond: C'est exact et je déplore cette décision.

M, Lessard: M. le Président, dernière question additionnelle. Quel est le montant d'argent qu'attendait ou qu'espérait recevoir le gouvernement provincial dans ce programme?

M. Drummond: M. le Président, c'est une question bien compliquée parce qu'on ne sait pas encore quelles sont les pertes possibles, mais ce qu'on va perdre, évidemment, si cela va à l'extrême, ce sont des emplois en forêt, en usine et tout cela. C'est un programme très important et je dois dire...

M. Lessard: Le montant du fédéral?

M. Drummond: Peut-être que je peux ajouter une chose. Je pense que le gouvernement fédéral a laissé entendre, il y a une semaine, que l'utilisation des insecticides chimiques n'était pas une bonne affaire, mais il semble avoir changé son point de vue, parce que j'ai lu, l'autre jour, un de ses communiqués qui disait clairement que l'utilisation de ces insecticides était nécessaire à court terme.

M. Lessard: M. le Président, je demandais au ministre quelle devait être la participation du gouvernement fédéral, la participation financière, en argent. Quelle devait être cette participation, $3, 500, 000?

M. Drummond: M. le Président, c'est encore une question un peu compliquée parce que lorsque l'on est arrivé à l'entente, il y a quelques années, avec lui, c'était basé sur un partage qui dépendait du nombre d'acres à arroser. Si ma mémoire me sert bien, cela aurait été, pour l'année dernière, environ $3 millions et on va recevoir seulement $1, 800, 000, je pense bien, et rien pour cette année.

Le Président: Le député de Beauce-Sud, question additionnelle.

M. Roy: M. le Président, à la suite des réponses du ministre, j'ai pu me rendre compte que le ministre ne semblait pas informé de la gravité de la situation dans la région de la Chaudière. J'aimerais demander au ministre s'il pourrait demander un rapport aux officiers de son ministère pour être informé de la situation, parce qu'il semblerait que les propriétaires de plantations connaissent actuellement des difficultés extrêmement sérieuses de ce côté et sont menacés de pertes considérables, voire même de pertes totales.

J'aimerais demander en deuxième lieu si le ministre envisage des mesures compensatoires, des mesures d'aide pour ces personnes qui ont quand même risqué et investi quelques milliers de dollars.

M. Drummond: M. le Président, étant donné que le député de Beauce-Sud joue un peu à la démagogie, je vais émettre un communiqué dans une semaine, sur le sujet, pour donner l'état de la situation. Je peux ajouter que même s'il y avait une dévastation cette année, cela ne veut pas dire que tous ces arbres vont mourir tout de suite. Je ne peux pas laisser cette impression. C'est quelque chose qui est progressif. Je ne veux pas que les gens soient pris de panique.

M. Roy: J'aimerais demander, comme question additionnelle au ministre...

Le Président: Dernière, dernière.

M. Roy:... pourquoi, lorsque les questions sont posées par le député de Bellechasse, ce n'est pas de la démagogie, et lorsque la question est soulevée par le député de Beauce-Sud, c'est de la démagogie. J'aimerais quand même savoir s'il y a une façon particulière

M. Mercier: Parce qu'elleaété posée par un homme intelligent.

M. Roy:... de la part du ministre des Terres et Forêts de considérer la question. Et j'ai demandé au ministre — c'est la réponse que je veux obtenir — s'il accepterait de demander aux officiers de son ministère de nous fournir un rapport sur la situation. Je veux que le ministre soit informé.

M. Drummond: M. le Président, on suit, depuis quelques années, l'évolution de la tordeuse. Ce n'est pas une question de ne pas savoir, on suit cette évolution. Et, à un moment donné, il faut choisir où on va arroser et cela a été longuement discuté pendant l'étude des crédits du ministère, à savoir comment on établit les priorités. On ne peut pas tout arroser. On ne peut pas tout faire.

Dans la région de La Chaudière et plusieurs régions au sud, il s'agit surtout de boisés privés, pas des terres de la couronne. Comme je l'avais dit en réponse au député de Bellechasse, pour la première fois cette année, on a essayé de faire quelque chose pour aider les propriétaires de boisés privés. Dans le crédit forestier, il y aura possibilité d'aide additionnelle pour les propriétaires des boisés privés parce qu'on veut les aider. Mais je ne suis pas le propriétaire de tous les boisés du Québec. On peut aider à trouver des solutions, mais on ne peut pas tout faire.

Le Président: Bon. Je vais permettre deux courtes questions mais il ne faudrait pas qu'il y ait de question supplémentaire.

L'honorable député de Saint-Jacques et l'honorable député de Rouyn-Noranda.

Institut Anbar de Chambly

M. Charron: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Je voudrais demander au ministre s'il peut nous dire s'il a fait enquête à l'Institut Anbar de Chambly, suite à la demande de mise en tutelle faite l'hiver dernier. Et, est-ce qu'il a fait enquête pour vérifier les faits allégués par le personnel concernant les

soins dispensés dans cette institution? Finalement, est-ce que le ministre accepterait de déposer non seulement le fruit de cette enquête, si elle a eu lieu, mais également les états financiers de cette institution à but lucratif, qui lui sont remis à chaque année?

M. Forget: M. le Président, cette question remonte à plusieurs mois. A l'époque, des fonctionnaires du ministère s'étaient rendus sur place pour constater si les allégations de certains employés de rétablissement en question étaient véridiques ou non.

Les rapports que j'ai reçus et les conclusions qu'ils en ont tirées sont à l'effet que ces plaintes étaient, dans leur ensemble, non fondées, ce qui ne veut pas dire qu'aucune amélioration ne soit possible, mais que, dans l'ensemble, ces plaintes étaient non fondées.

D'ailleurs, quelques mois ou quelques semaines après, l'association des parents des enfants qui sont placés à cet établissement endossait et prenait à son compte également ce point de vue.

Dans les circonstances, je ne crois pas qu'il soit raisonnable de déposer des documents qui sont des documents administratifs et qui ne révèlent certainement pas de carences graves, tel que l'avaient allégué un certain nombre de ces employés.

Le Président: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Immigrants chiliens au Québec

M. Samson: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de l'Immigration. Nous apprenons, ce matin, qu'Ottawa recevra I00 prisonniers chiliens. Je veux savoir, du ministre de l'Immigration, d'abord combien de ces personnes viendront habiter le Québec, et je veux savoir du ministre de l'Immigration s'il a été consulté à cet effet, s'il en a pris connaissance.

Ces prisonniers chiliens, qui viendront au Canada sont considérés, puisqu'ils étaient des prisonniers, comme étant des communistes.

Le Québec fera-t-il parvenir un avis à Ottawa, compte tenu des autres dossiers qui sont suivis, présentement, par le ministre de l'Immigration, à savoir la famille Kiamminsky, par exemple, qui est menacée de déportation et qui a demandé asile politique justement parce qu'elle a refusé d'adhérer au parti communiste dans son pays? Egalement, le ministre de l'Immigration pourra-t-il faire parvenir un avis à son collègue fédéral, en lui parlant aussi du cas de l'ancien ambassadeur de la République centrafricaine, à l'UNESCO, M. Mokambo Bambote, qui, lui aussi, est menacé de déportation pour des raisons semblables?

Je vais essayer de synthétiser, M. le Président, parce que je ne voudrais pas revenir en question supplémentaire. Comment peut-on concilier le fait que, d'une part, on menace des gens de déportation parce qu'ils ont demandé refuge politique pour des raisons politiques, justement, et, d'autre part, le fait qu'on permette à des gens de venir au pays qui le font pour des raisons politiques?

J'aurais peut-être des questions supplémentaires à poser demain, M. le Président, mais je vais attendre avec beaucoup d'intérêt la réponse du ministre.

M. Bienvenue: Vu la longueur de la question, M. le Président, vu les nombreux volets qu'elle contient, le député de Rouyn-Noranda aurait-il objection à ce que je relise sa longue question dans le journal des Débats et que je lui donne une réponse demain, au meilleur de ma connaissance? D'autant plus que dans le cas des 100 Chiliens dont il parle, je l'apprends pour la première fois de la bouche du député de Rouyn-Noranda. D'accord? Demain, j'essaierai, le plus brièvement et le plus lucidement possible, de répondre à tous et chacun des volets.

Le Président: Affaires du jour.

Questions inscrites au feuilleton

M. Levesque: M. le Président, en réponse à des questions, au feuilleton d'hier, article 29, question de M. Bellemare. Je propose que cette question soit transformée en motion pour dépôt de document.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. Levesque: Dépôt par M. Mailloux.

M. Mailloux: Document déposé.

M. Levesque: Article 30, question de M. Bellemare, réponse de M. Choquette.

Pour M. Choquette, lu et répondu, (voir annexe)

A mesure que je recevrai des réponses, quel que soit le jour, j'ai l'intention d'en faire le dépôt.

M. le Président, pouvons-nous revenir, pour un instant, tel que convenu, au dépôt de rapports de commissions élues? Il s'agirait du rapport de la commission ayant étudié la Loi sur le crédit forestier, projet de loi no 11.

Le Président: L'honorable député de Nicolet-Yamaska.

Rapport sur le projet de loi no 11

M. Faucher: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des richesses naturelles et des terres et forêts, qui a étudié le projet de loi no 11, Loi sur le crédit forestier, article par article, et l'a adopté avec un amendement.

Le Président: Rapport déposé.

Projet de loi privé no 91

Commission plénière et troisième lecture

M. Levesque: M. le Président, à l'article 5 du

feuilleton, nous avions retardé cette étape jusqu'à aujourd'hui. Pourrions-nous procéder immédiatement aux écritures et à la troisième lecture du projet de loi no 91?

Le Président: Le projet de loi no 91.

M. Levesque: Un projet de loi de député.

Le Président: II faudrait faire les écritures de la commission plénière et l'adoption du rapport de la commission plénière.

L'honorable député de Dubuc propose la troisième lecture du projet de loi no 91, Loi du Collège régional du Saguenay.

Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté, M. le Président. Le Président: Adopté.

M. Levesque: Article 6, M. le Président. Il y avait une urgence qui a été signalée aux membres de cette Assemblée et particulièrement à ceux de la commission. Pourrions-nous, à ce moment-ci, M. le Président, procéder à la prise en considération du rapport et à la troisième lecture du projet de loi no 7?

Projet de loi no 7

Rapport sur le projet de loi et troisième lecture

Le Président: L'honorable député de Shefford propose l'adoption du rapport de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement.

Cette commission a étudié le projet de loi no 7, Loi modifiant la Loi de l'expropriation, article par article, après la deuxième lecture. Ce rapport est-il agréé?

M. Burns: Agréé.

Le Président: La troisième lecture. L'honorable ministre de la Fonction publique pour l'honorable ministre des Transports, propose la troisième lecture du projet de loi no 7, Loi modifiant la Loi de l'expropriation.

M. Samson: M. le Président, le ministre de la Fonction publique n'a pas l'air d'accord.

M. Roy: Est-ce qu'il n'aurait pas été consulté?

M. Parent (Hull): M. le Président, je suis bien d'accord.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Motion pour faire siéger la commission du travail

M. Levesque: M. le Président, tout d'abord, nous allons ajourner la Chambre ainsi que les commissions à midi, pour reprendre à quinze heures. Avant d'entreprendre les articles 4 et 2 du feuilleton, je propose que la commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration se réunisse au salon rouge immédiatement, afin de poursuivre l'étude, article par article, des projets de loi nos 33 et 27.

M. Burns: Vote enregistré, M. le Président. Le Président: Que l'on appelle les députés!

Vote sur la motion

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable leader du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lalonde, Lachapelle, Coumoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Houde (Fabre), Desjardins, Perreault, Brown, Fortier, Bacon, Bédard (Montmorency), Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Pelletier, Shanks, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Côté, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tremblay, Vallières, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Samson, Roy, Leduc.

Le Secrétaire: Pour: 82 — Contre: 0

Le Président: Cette motion est adoptée et la commission peut siéger immédiatement.

Votes à main levée en commission

M. Burns: M. le Président, c'est une question de directive que j'aimerais vous poser à ce stade-ci. Il a été porté à ma connaissance que dans une commission parlementaire, entre autres, on avait, de la part du président, interprété, à mon avis, strictement le règlement. Ce n'est pas une question de blâmer le président, ni qui que ce soit. Je voudrais que cela soit mis de côté. Mais on a interprété, du côté de la présidence de cette commission, le fait que les votes par voie nominative n'étaient pas réglementaires et que le seul vote qui, normalement, devait être enregistré dans une commission parlementaire était un vote par voie de main levée.

Je pense que nous avons déjà une coutume établie. Même si le règlement strictement ne dit pas que le vote nominatif existe en commission, nous avons cette coutume établie que, quand un

député quel qu'il soit demande le vote en commission, le président appelle le rôle nominatif des membres de cette commission, les uns après les autres. Les uns se prononcent en faveur, les autres contre.

Je soumets qu'il est particulièrement important que vous donniez une directive à cet effet, parce que le vote en commission, à mon humble avis, n'a aucun sens s'il n'est qu'à main levée. La raison en est la suivante, c'est que, si le vote nominatif n'existe pas, il n'y a aucune façon d'enregistrer au journal des Débats que tel député a voté en faveur de telle motion ou que tel membre de la commission a voté dans tel ou tel sens.

Alors, je vous demanderais, M. le Président, peut-être pas maintenant, peut-être pas immédiatement, de nous donner une directive là-dessus, surtout peut-être de la donner au président, pour que la coutume qui était, je pense, établie de façon très claire, puisse se continuer et que, lorsqu'un député demande un vote, on fasse l'appel du rôle nominatif des députés en commission et qu'ils puissent se prononcer en faveur ou contre la motion en question.

Le Président: Le député de Viau.

M. Picard: Je ne sais pas si c'est une question de privilège, mais j'avais l'honneur de présider cette commission lorsque le député de Lafontaine a demandé un vote et j'ai invoqué l'article 149 de notre règlement qui dit bien: "Les votes en commission ont lieu à main levée. Le président ne vote pas sauf en cas d'égalité des voix. " J'ai toujours eu l'impression que si le règlement avait voulu dire autre chose, il l'aurait dit. Il est bien précis, il dit d'une façon bien précise, "les votes en commission". Alors, je ne vois pas de quelle façon on peut invoquer la coutume. Personnellement, lorsque j'ai présidé des commissions, les votes n'ont jamais été enregistrés.

Le Président: C'est un...

M. Roy: Je voudrais quand même ajouter quelque chose. Le député de Maisonneuve a parlé de tradition tout à l'heure. Nous avons eu l'occasion de siéger dans de nombreuses commissions parlementaires, et que ce soit en commission parlementaire de l'agriculture, que ce soit en commission parlementaire des terres et forêts ou autres, les votes se sont toujours pris de façon nominative. Il n'y a pas que les dispositions de l'article 149 qui prévalent, il y a également les coutumes de la Chambre.

Le Président: C'est un point très intéressant d'ailleurs qui est soulevé par les députés qui ont fait une intervention sur cette question. Il est vrai que la lettre du règlement dit bien, d'ailleurs c'est la vieille coutume, l'ancien règlement prévoyait également qu'en commission il n'y avait jamais de vote enregistré. Le point soulevé par le député de Maisonneuve est véridique.

Si l'appel nominal est fait, c'est justement pour vérifier, avec notre système moderne de commissions, si ce sont bien les membres effectifs de la commission qui s'expriment. Il y a ambiguïté sur cette question. J'aimerais que les présidents des commissions et que les autres députés considèrent cette difficulté. Egalement, l'honorable député de Viau a raison, parce que le droit écrit, reconnu dans notre droit parlementaire, a priorité sur une coutume. Même la coutume ne peut pas renverser le droit écrit.

Je crois que c'est une modification qu'il faudrait apporter et considérer. J'aimerais avoir l'opinion des présidents des commissions et des autres députés pour qu'on fasse peut-être un correctif à notre règlement à la réunion de la commission qui aurait lieu, je l'espère, très prochainement, avant la fin de la présente partie de la session.

L'honorable député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): Sur cette question de règlement, étant donné qu'on parle de coutume, est-ce qu'antérieurement — je ne faisais pas partie de ce Parlement — il n'était pas coutume aussi qu'un député qui n'était pas membre d'une commission ait le droit de parole, sans avoir le droit de vote? Est-ce qu'on ne pourrait pas regarder cette chose-là aussi?

M. Burns: Je suis entièrement d'accord, M. le Président. J'ai toujours été d'accord, d'ailleurs, que tous les députés aient le droit de parole en commission.

M. Hardy: Moi aussi.

M. Burns: D'ailleurs, je signale justement que le ministre des Affaires culturelles, lorsque nous avons révisé le règlement, était entièrement d'accord avec moi, sauf que, du côté gouvernemental, on n'a pas accepté cette position. Il y a le vieil adage anglophone: "You can't eat your cake and have it. " C'est bien simple, il va falloir suivre la règle et ce sera la règle pour tout le monde.

Le Président: L'honorable vice-président de l'Assemblée aimerait ajouter quelques mots.

M. Lamontagne: Je suis bien heureux qu'on ait soulevé cette question, de l'article 149. Je voudrais informer les membres de cette Assemblée que c'est une directive qui a été donnée aux présidents de commissions de respecter l'article 149 jusqu'à ce qu'il soit modifié, sachant, lors de cette directive, qu'une commission ad hoc devait étudier à nouveau les règlements.

Evidemment, c'est une question à soulever, mais, tant que l'article 149 n'est pas modifié, il est assez difficile pour les présidents de commissions de ne pas s'y conformer. Je souhaite que, dès la semaine prochaine, on y apporte un amendement, si possible.

M. Burns: Je ne veux pas faire un débat là-dessus, mais je pense que c'est quand même une

directive à très courte vue. Peu importe, M. le Président, comme vous l'avez dit, on va en discuter. Je veux simplement mentionner le fait, avec votre permission, que M. Lessard, député de Saguenay, a inscrit une motion de blâme, en vertu de l'article 24 de notre règlement. Techniquement, cette motion ne pourrait pas être appelée avant mercredi prochain, sauf qu'après avoir discuté avec le leader du gouvernement il semble que le moment le plus propice d'étudier cette motion serait demain. Cela me prendrait, pour que ce soit recevable, le consentement de la Chambre. Je le demande, à ce moment-ci.

M. Levesque: Nous sommes heureux de donner notre consentement.

Le Président: Nous pourrions nous entendre pour le partage du temps.

M. Levesque: Un nouveau rapport nous parvient, cette fois, du député de Taillon, rapporteur de la commission élue permanente des affaires municipales relativement à trois projets de loi privés.

Rapports sur les projets de loi privés nos 195, 190 et 191

M. Leduc: Qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires municipales qui a siégé le 17 juin 1975 afin d'étudier le projet de loi privé 195, Loi concernant la ville de Jonquière, article par article, qu'elle a adopté sans amendement.

La commission a aussi étudié les projets de loi privés no 190, Loi concernant la ville de Châteauguay-Centre et la ville de Châteauguay, et no 191, Loi modifiant la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, article par article, projets de loi qu'elle a adoptés avec amendements.

Le Président: Rapport déposé. Est-ce qu'il y a lieu de faire avancer ces projets de loi?

M. Levesque: Est-ce qu'on pourrait faire comme pour les autres bills privés qui ont subi le même sort ce matin?

M. Burns: D'accord, M. le Président.

Deuxièmes lectures, commission plénière et troisièmes lectures

Le Président: Le député du Lac-Saint-Jean propose les deuxième et troisième lectures du projet de loi no 195, Loi concernant la ville de Jonquière, avec les écritures pour la commission plénière.

Ces motions sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Le député de Châteauguay propose les deuxième et troisième lectures du projet de loi no 190, Loi concernant la ville de Châteauguay-Centre et la ville de Châteauguay, avec les mêmes modalités pour la commission plénière.

Ces motions de deuxième et troisième lectures sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

Le Président: Le député de Viau propose les deuxième et troisième lectures du projet de loi no 191, Loi modifiant la Loi de la communauté urbaine de Montréal, également avec les écritures pour ce qui est de la commission plénière.

Ces motions de deuxième et troisième lectures sont-elles adoptées?

M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième et troisième lectures de ce projet de loi. Second and third readings of this bill.

M. Levesque: Article no 4.

Projet de loi no 46 Deuxième lecture

Le Président: Le ministre des Affaires culturelles propose la deuxième lecture du projet de loi no 46, Loi concernant la garantie de certains prêts aux éditeurs et libraires et modifiant la Loi de l'aide au développement industriel du Québec.

M. Denis Hardy

M. Hardy: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption par cette Assemblée.

En déposant, hier, avec le consentement unanime des membres de cette Chambre, la Loi concernant la garantie de certains prêts aux éditeurs et libraires et modifiant la Loi de l'aide au développement industriel du Québec, et en demandant au leader parlementaire du gouvernement de la faire adopter avant l'ajournement de la première partie de la présente session, à la veille de mon départ pour la France, je ne faisais que marquer davantage le caractère d'urgence de la mesure que je propose à votre réflexion aujourd'hui.

M. le Président, l'édition et, dans une large mesure, le commerce de la librairie sont affectés d'un mal persistant, soit la non-rentabilité, et ce malgré les différentes mesures adoptées au cours des dernières années, tels les arrêtés en conseil, base de la politique du livre, promulgués par mon prédécesseur en 1971. Les causes de cette non-rentabilité sont bien connues.

Les voici: une clientèle d'usagers insuffisante, des coûts de fabrication, des frais de production et d'administration élevés, des tirages, à quelques exceptions près, trop faibles, des catégories d'ouvrages, tels les travaux scientifiques, les ouvrages pour la jeunesse, la plupart des romans et de recueils de poésie, qui comportent des risques financiers importants.

Enfin, l'inflation a touché le monde du livre comme elle a affecté tous les autres secteurs de notre société, augmentant notamment les coûts de transport. A lui seul, le prix du papier a augmenté de près de 50% en deux ans. Le salaire minimum s'est accru de 40% en trois ans, frappant très durement nos petites maisons d'édition et nos libraires.

Cette situation difficile nous oblige à nous pencher sérieusement sur l'ensemble du problème et à tenter de le régler d'une façon globale. Une loi-cadre s'impose, loi qui assurerait une présence du livre aussi étendue que possible, à des prix abordables pour le consommateur, loi qui mettrait tout en oeuvre pour développer le goût de la lecture dès l'école et veillerait à laisser entre les mains des Québécois l'industrie et le commerce du livre.

Bref, il nous faut reprendre le problème dans son entier plutôt que de légiférer ou d'adopter des mesures administratives à la pièce, qui ne font trop souvent que colmater des brèches sans pour autant régler les problèmes de façon permanente.

J'ai la ferme intention de présenter à cette Chambre une loi-cadre d'ici quelques mois. Une équipe, dirigée par le nouveau sous-ministre adjoint, responsable du livre et de l'édition, y travaille présentement. Des consultations se poursuivent avec l'ensemble du milieu. Nous effectuons ou nous faisons effectuer certaines études spécialisées, notamment sur l'aspect économique de la question. Mais, parce que l'élaboration d'une politique du livre au moyen d'une loi-cadre requiert plus de temps que prévu, j'ai décidé de vous présenter ce projet de loi sur la garantie des prêts aux éditeurs et aux libraires, cette loi permettant de régler un problème immédiat et grave qui se pose dans le monde du livre.

En effet, l'industrie québécoise du livre connaît présentement une crise grave, très grave même. A l'automne I974, trois librairies anglophones importantes de Montréal ont été virtuellement mises en faillite. Les plus pessimistes prédisent, pour l'automne prochain, la fermeture de près du tiers des librairies agréées du Québec.

Ce projet de loi portant sur la garantie des prêts aux éditeurs et aux libraires permettra à ceux-ci d'avoir accès à un crédit auquel ils n'ont que fort difficilement accès à l'heure actuelle. Edi- teurs et libraires bénéficieront ainsi de marges de crédit de même importance que celles généralement accordées par les banques aux autres industries et aux autres commerces de même importance.

Des représentants des banques canadiennes nous ont confirmé, au cours de rencontres tenues au mois de juillet, que ces institutions ne sont pas ou peu intéressées à accorder du crédit à ceux qui, éditeurs ou libraires, exercent le commerce du livre. Pourquoi? Parce que ces gens considèrent qu'un livre peut rester indéfiniment sur des tablettes, parce qu'ils ont déjà perdu des sommes considérables dans des faillites, dont la plus retentissante fut sans contredit celle du Centre de psychologie et de pédagogie, parce qu'ils n'ignorent pas qu'un manuel scolaire, une fois rayé de la liste des ouvrages reconnus par le ministère de l'Education, est exclu des achats des commissions scolaires.

Editeurs et libraires ont donc des difficultés à respecter leurs engagements dans un tel contexte. En somme, les institutions prêteuses ne reconnaissent pas une valeur de garantie au stock des éditeurs et des librairies, de même qu'à une large proportion des comptes à recevoir, d'où leur réticence à consentir des prêts. Pourtant, comme tout industriel ou commerçant, éditeurs et libraires ont besoin de contracter des prêts à court terme soit pour s'assurer de la liquidité ou pour surmonter des crises temporaires.

Tel est essentiellement l'objet de la loi sur la garantie des prêts aux éditeurs et aux libraires, dont voici les principales dispositions. C'est la Société de développement industriel du Québec qui sera chargée, sous l'autorité du ministère des Affaires culturelles et en collaboration avec son service des lettres et du livre, d'accorder ou de refuser, sur décision du ministre et, le cas échéant, l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, la garantie prévue par cette loi en faveur des éditeurs et des libraires agréés qui rempliront les conditions prévues à la loi et aux règlements. C'est là l'essentiel de l'article 2 de cette loi.

Les articles 28 à 31, en amendant la Loi de l'aide au développement industriel, permettra à la Société de développement industriel d'administrer ce programme du ministère des Affaires culturelles. En aucun cas, la garantie accordée par la Société de développement industriel ne pourra dépasser l'ensemble de 75% des livres admissibles dont l'emprunteur est propriétaire, valeur établie au prix coûtant dévalué, selon les règlements, et 75% de la valeur des comptes à recevoir de l'emprunteur sur vente de livres, valeur établie après dévaluation selon les règlements et déductions des mauvaises créances.

C'est dans cet article 4 que les éditeurs et les libraires agréés pourront trouver véritablement accès au crédit. Désormais, il sera tenu compte de 75% de la valeur de leur inventaire et de 75% de leurs comptes à recevoir, ce qui est nettement plus que ce que les institutions prêteuses considèrent en ce moment, dans le cours normal de leurs opérations.

Qui pourra bénéficier de la garantie? Les personnes dont l'une des activités principales est l'édition et les personnes qui sont des libraires agréés. Ces personnes, qu'elles soient des personnes physiques ou des personnes morales, telles des compagnies, des corporations ou des coopératives, devront être canadiennes et la majorité de leurs directeurs domiciliés au Québec. En d'autres termes, les personnes physiques doivent être des citoyens canadiens ou des immigrants reçus domiciliés au Québec. Les personnes morales doivent être possédées majoritairement et dirigées par des citoyens canadiens domiciliés au Québec.

Les publications, telles que périodiques, revues savantes ou autres, les journaux quotidiens et hebdomadaires sont exclus de l'application de la loi que je propose actuellement. Cela ne veut pas dire que nous nous désintéressons du problème des périodiques. Il y a des études, actuellement, qui sont en cours, au ministère des Affaires culturelles, et j'aurai une politique à proposer d'ici quelques semaines, concernant le problème des périodiques.

D'autre part, les livres pour enfants, bandes dessinées, les publications traitant uniquement de musique et les publications en série seront admissibles.

Les articles 13 et 15 à 19 reprennent essentiellement les articles 2 à 14 de la Loi de l'aide au développement industriel du Québec, en décrivant le processus à suivre pour bénéficier de la Loi des prêts garantis aux éditeurs.

Le gouvernement veut donc traiter en homme d'affaires avec les éditeurs et les libraires; c'est dire que nous n'avons pas l'intention d'accorder notre garantie sans avoir, au préalable, examiné tous les aspects de la demande, et nous être assurés que le risque est bien calculé, pour reprendre une expression populaire dans le domaine des affaires.

L'article 21 prévoit qu'en cas de défaut de l'emprunteur garanti, ou lorsqu'il a obtenu une garantie au moyen de fausses déclarations ou de fraude, ou lorsqu'il a employé toute partie des sommes empruntés sur la garantie à des fins autres que celles pour lesquelles l'emprunt a été garanti, ou lorsque le montant du prêt dépasse les limites fixées par l'article 4 de la SDI, cette dernière pourra le déclarer déchu du bénéfice du terme et exercer les autres recours civils que lui confèrent la loi et les documents contractuels.

L'article 25 traite des sanctions dans les cas de fausse déclaration, de fraude ou de tentative de fraude, ou de toute autre infraction à la loi et aux règlements. Les amendes sont d'au moins $500 et d'au plus $2, 000 ou du montant de la garantie en jeu.

Telles sont les principales dispositions de cette loi. En conclusion, je désire rappeler, une fois de plus, que cette loi, réclamée par les milieux professionnels du livre, notamment par l'Association des libraires du Québec et par l'Association des éditeurs canadiens, ne remet pas en question le projet de loi-cadre sur le livre. Elle tient lieu, tout au plus, de mesure temporaire pour tirer du marasme le commerce du livre gravement affecté par l'inflation galopante des dix-huit derniers mois. Il s'agit, je le répète, d'une mesure d'urgence à court terme. Il reviendra à la loi-cadre sur le livre de planifier à court, moyen et long termes et d'assurer à cette industrie des assises qui lui permettront de jouer le rôle essentiel, vital même, qu'elle doit jouer dans le développement culturel des Québécois.

Le Vice-Président (M. La montagne): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, ce n'est pas souvent que l'Opposition, face à un projet de loi qu'elle s'apprête à qualifier de solution d'urgence, de "patchage", de solution de dernière minute, qui fait suite à l'échec de politiques précédemment implantées par le gouvernement, peut commencer cette critique et la décrire en partant des aveux mêmes du ministre qui présente le projet de loi. Je pense que, même lui, aujourd'hui, s'est senti obligé de reconnaître que cette loi arrive et requiert un débat d'urgence uniquement parce que nous sommes encore, cinq ans après la prise du pouvoir par ce gouvernement, sans une loi-cadre dans le domaine du livre.

Sans aucun doute, M. le Président, il s'agit là d'un autre projet de loi d'urgence, né dans une situation catastrophique et fait pour éviter une catastrophe encore plus grande; un projet de loi, comme le dit le ministre presque textuellement, fait pour sauver les meubles, pour prolonger l'agonie de certaines entreprises de l'industrie de l'édition ou de certains libraires.

Autrement dit, si cela n'a pas été dit aussi clairement dans l'intervention du ministre, pouvons-nous dire que si cette loi n'était pas adoptée avant l'ajournement d'été, il se pourrait qu'un grand nombre d'industries de l'édition et de la librairie au Québec, parmi les plus importantes, parmi celles que, en façade, sur papier, on jugerait les plus rayonnantes et les plus solides soient, au moment où nous nous retrouverions à l'automne, en danger de ne plus exister.

Quand le ministre se voit même obligé d'affirmer que, sous sa tutelle ou sous celle de son prédécesseur, la maladie qui afflige l'industrie du livre québécois n'a fait qu'augmenter, ce n'est pas l'Opposition qui le dit, c'est celui qui a présenté le projet de loi.

Le ministre des Affaires culturelles aurait même pu ajouter, si, évidemment, la souffrance n'était pas déjà assez grande de reconnaître sa propre faiblesse, qu'une des raisons de l'accentuation de la maladie — qui n'est pas une maladie soudaine, qui est une maladie chronique depuis plusieurs années de l'industrie du livre au Québec — c'est précisément une des rares interventions de son gouvernement dans ce domaine. En effet, non seulement la politique du livre annoncée en 1972, par l'ancien ministre des Affaires culturelles, aujourd'hui titulaire de l'Education, n'a-t-elle pas réglé ce que, pompeusement, selon sa bonne habitude, il annonçait comme devant être réglé,

mais elle a empiré la situation, de l'avis même de tous les libraires, de l'Association des libraires, des éditeurs québécois.

Si le ministre avait poussé un tant soit peu la franchise à l'égard de son collègue titulaire de l'Education, il l'aurait reconnu lui-même. La maladie qui nous oblige aujourd'hui à intervenir de façon urgente, pour littéralement sauver temporairement l'industrie du livre québécois, a été soignée, mais dans le plus mauvais sens du mot, entretenue par des politiques implantées par le prédécesseur du ministre actuel, par l'insouciance du prédécesseur du ministre actuel, ou par la lenteur du ministre actuel à prendre des décisions.

L'Opposition se trouve dans une drôle de situation. Etre logiques avec nous-mêmes serait aujourd'hui face à ce gouvernement qui nous arrive à la sauvette, en dernière minute, nous demandant cette espèce de geste de désespoir, de dire non, car il y a cinq ans, pour notre part, que nous réclamons cette politique générale du livre. Il y a même cinq ans qu'on nous dit qu'elle est en implantation, petit à petit, morceau par morceau. Ce n'est que cette année que le ministre des Affaires culturelles a reconnu, lors de l'étude de son budget, que c'est une loi-cadre qu'il fallait, qui, à l'occasion, annihilerait peut-être même certaines décisions précédemment prises. Il fallait reconnaître ce geste, mais, en même temps, il fallait qu'il nous dise que la longueur des études nécessitait beaucoup de temps et que nous n'aurions probablement pas cette loi-cadre avant le printemps prochain.

Si nous n'en tenions qu'à cette position de blâme que nous pourrions avoir à l'égard du gouvernement, non seulement nous nous opposerions à cette loi, mais nous la ferions traîner en longueur, pour simplement lui faire sentir que nous avions raison lorsque nous réclamions, depuis cinq ans, des interventions majeures dans ce domaine et qu'on se faisait répondre, de l'autre bord, pompeusement, qu'on avait toutes les solutions en bandoulière, qu'il s'agissait d'attendre le bon moment pour intervenir, mais que le gouvernement était conscient de tout cela. Si on nous avait écoutés on ne serait pas aujourd'hui avec une loi comme celle que nous avons devant nous.

M. le Président, cette industrie ne souffre pas d'une maladie soudaine, je l'ai dit tout à l'heure, elle souffre d'une maladie chronique qui a nécessité, à un autre moment, des interventions beaucoup plus solides. A part quelques gros éditeurs et libraires bien nantis, éditeurs et libraires qui font, d'ailleurs, la loi dans cette industrie, il faut le reconnaître... Une des raisons pour lesquelles on met tant de temps à intervenir du côté gouvernemental, c'est qu'il y a du gros monde à déplacer, si on veut faire des grosses places. Tant qu'on soutiendra des situations monopolistiques dans certaines régions du Québec, de certains éditeurs, de certains libraires qu'on ne veut pas déranger, allez savoir pourquoi, on aura besoin des lois comme celle-ci.

Je vous le répète, M. le Président, que si ce n'était que sur une question de principe, cette loi ne verrait même pas son accouchement avant la fin de la session. Mais, si l'Opposition s'en tenait à cette situation de principe — il faut le reconnaître aujourd'hui — au cours de la période estivale, nous nous trouverions à mettre littéralement en faillite cinq ou six éditeurs du Québec. C'est le minimum que je puisse avancer M. le Président, et je suis convaincu que le ministre ne peut qu'en convenir. Cinq ou six éditeurs parmi les plus gros, une quinzaine de libraires dont certains sont, à toutes fins pratiques, les seuls d'une région donnée du Québec. Autrement dit, si l'Opposition s'en tenait à sa position de principe, pour profiter de l'occasion pour rappeler au gouvernement son incurie dans ce domaine, c'est à des citoyens qui ne l'ont pas demandé et qui ne le méritent certainement pas — d'autant plus que le service qu'ils offrent à la population est indispensable pour la qualité de vie culturelle du Québec — que nous nous trouverions à faire porter la note.

Nous allons approuver ce projet de loi pour cette unique et simple raison, M. le Président. Il ne faudrait pas en chercher une autre. La majorité des entreprises oeuvrant dans ce domaine se retrouvent, année après année, vivotant au seuil d'une rentabilité temporaire, souvent acculés à la faillite. La moindre décision un tant soit peu exagérée peut littéralement causer la disparition de cette entreprise dans une région donnée du Québec ou dans tout le Québec.

Il est presque impensable, M. le Président, qu'un gouvernement, qui se dit hautement préoccupé à la fois de rentabilité économique et de souveraineté culturelle, se retrouve, après cinq ans au pouvoir, presque à genoux devant l'Opposition en fin de session, nous demandant: Laissez-nous adopter cette loi; sinon, nous nous trouvons à mettre en péril l'ensemble de l'industrie de l'édition et des libraires québécois.

C'est presque impensable! Ceux qui se gargarisent, les tonitruants ténors de la souveraineté culturelle, sont aujourd'hui à quémander, dans cette Chambre, la complaisance de l'Opposition pour qu'on oublie, temporairement, l'incurie et le laisser-faire qu'ils ont manifestés depuis cinq ans. Car ce gouvernement est à l'oeuvre depuis cinq ans. Les excuses, les premières années que je suis arrivé en cette Chambre, j'en admettais, à cette époque, un certain nombre.

Laissez-nous nous implanter, laissez-nous rétablir l'ordre dans les finances de la province, laissez-nous prendre connaissance des dossiers dont nous sommes les titulaires et que nous avons à régler, laissez-nous faire disparaître la mauvaise administration de l'Union Nationale, laissez-nous liquider les vieux comptes. Soit! Il n'y a pas d'Opposition qui a été plus complaisante, je crois, que celle du Parti québécois sur cette question, mais c'est fini, ce temps-là. Ils ne peuvent toujours bien pas dire que c'est l'Opposition qui les empêche de légiférer au nombre que nous sommes. Ils ne peuvent toujours pas dire que c'est nous qui les empêchons, au sein des ministères, de s'équiper d'hommes capables de proposer au ministre des solutions. Ce n'est toujours bien pas nous qui em-

pêchons le ministre de s'informer de la situation, de se rendre compte qu'il ne s'agit pas d'une maladie soudaine mais d'une maladie chronique qui nécessite une intervention majeure, d'y accorder la priorité en temps et en argent.

Nous ne devons pas être responsables de tout. Ce gouvernement a amplement une majorité écrasante et époustouflante pour être capable de réaliser cela par lui-même. Et c'est pourtant ce que nous faisons ce matin quand le ministre des Affaires culturelles vient nous supplier de l'aider à sauver une industrie pour laquelle ce gouvernement n'a rigoureusement rien fait depuis cinq ans sinon, lors de l'intervention de l'ancien ministre des Affaires culturelles, pour mettre encore plus de bâtons dans les roues du développement de cette entreprise. C'est un secret de polichinelle que, si la politique du livre, annoncée en I972 par l'ancien ministre, a eu, sur un certain côté, des effets bénéfiques quant à l'accès de l'ensemble de la population au service du livre, elle a eu, sur le plan de l'industrie, des conséquences indéniables et dont nous avons discuté lorsque, cette année, nous avons étudié les crédits du ministère des Affaires culturelles.

C'est aujourd'hui le résultat. Il est impensable, encore une fois, que ce gouvernement, après cinq ans, se retrouve sans moyens ni structures efficaces d'intervention. Il est impensable, après cinq ans de pouvoir, qu'il n'existe pas à l'heure actuelle un programme complet d'aide à la rentabilité économique de cette entreprise. Pas un "patchage" de dernière minute comme cela, un véritable programme d'aide à la rentabilité économique de l'industrie du livre au Québec. Il n'existe, croyez-le ou non après cinq ans de régime libéral, aucun programme sérieux de financement de cette industrie. Il n'existe, après cinq ans, aucun programme sérieux d'aide technique à cette industrie. Il n'existe, après cinq ans, aucun programme sérieux d'aide à la commercialisation, au marketing et à la distribution dans cette entreprise. Il n'existe, après cinq ans de pouvoir, aucun programme ordonné, rationnel de subventions à cette entreprise.

Il n'existe, après cinq ans, aucune politique de regroupement devant favoriser des achats à prix réduits dont bénéficieraient l'ensemble des libraires, bien sûr, mais aussi l'ensemble des lecteurs, des consommateurs québécois du livre. Il n'existe, après cinq ans, aucun moyen de contrôle des importations dans le domaine du livre. Tout est laissé aux magnats qui ont su se gagner des places de distributeurs exclusifs et qui fixent ainsi les conditions du marché du livre, avec, sinon la bénédiction, au moins le silence pendant cinq ans du gouvernement actuel.

Devant ce fait, puisque nous sommes en cette matière aussi dépourvus, il n'est pas surprenant que certaines entreprises qui auraient voulu recevoir toutes les formes d'aide que je viens d'énumérer — et il y en a d'autres — en soient obligées à compter sur leurs propres forces économiques. Quand il n'y a pas d'appui gouvernemental, ces entreprises culturels doivent se fier sur elles-mêmes. C'est alors que, se fiant sur elles-mêmes, elles rencontrent très rapidement le mur de la fin de leurs espoirs. Et le mur n'est pas loin pour ces entreprises. Une entreprise peut à peine obtenir sur prêt 20% de ses effectifs en inventaire, ce qui n'est certes pas un moyen de relancer et d'aider une entreprise qui s'endette elle-même à se relancer en cette matière. La loi a pour effet, avec la garantie de la Société de développement industriel, de faire calculer pour fins d'emprunt 75% de l'inventaire, ce qui donnera des disponibilités financières plus grandes aux libraires et aux éditeurs en danger de disparaître.

Mais encore, cette loi n'est que temporaire et elle doit même rester temporaire. Nous proposerons un amendement à cette fin qui mettra un jour fin à l'application de cette loi, parce que c'est littéralement une loi qui vient sauver les gens, mais qui ne doit en aucun temps être considérée comme une politique du livre dans le domaine culturel au Québec. Se promener avec une politique du livre de ce genre, face aux pays étrangers comme ceux que nous recevons lors de la foire internationale du livre ou du Salon international du livre, serait faire rire de nous. Dire que c'est là la politique culturelle du livre, c'est-à-dire, quand une librairie est étranglée et étouffée, que le gouvernement consent que la Société de développement industriel vienne endosser son emprunt à une banque, c'est ridicule. On pétera après cela les bretelles de la souveraineté culturelle, encore une fois.

D'autant plus qu'on fait encore preuve d'un manque énorme. On fait appel à la Société de développement industriel qui, dans sa constitution, d'après la loi qui l'a créée et les règlements qui la régissent, n'est aucunement prévue aux fins de venir en aide aux entreprises culturelles. Ce n'est pas la vocation de la SDI. Il est même spécifiquement dit qu'elle doit s'en tenir à aider, par tous les moyens qui sont prévus à la loi — vous vous en souvenez, M. le Président, lorsque nous l'avons adoptée, cette loi créant la Société de développement industriel — l'industrie secondaire exclusivement, l'industrie manufacturière. Pourquoi? C'est simple, c'est parce que c'est celle qui a le plus de répercussions sur la vie économique du Québec et que c'est là qu'il faut intervenir.

Ce n'est pas une société qui subventionne des entreprises de lait, de beurre, des entreprises de transformation, des entreprises manufacturières, ou qui subventionnent des charognards qu'on doit demander aujourd'hui de venir en aide a des entreprises culturelles. Il ne faut pas demander à la Société de développement industriel de multiplier sa vocation, d'ailleurs contraire, presque, même, à la loi et à l'objectif que nous lui avons fixé.

Mais il n'existe pas non plus, après cinq ans, aucune société dont la vocation serait de venir en aide, par le prêt, par l'emprunt, par des moyens et par un budget que cette Assemblée serait disposée à lui voter, à l'ensemble des entreprises culturelles ou des industries culturelles, puisque le mot a maintenait droit de cité.

Si le règlement me le permettait, je ferais un aparté sur la situation extrêmement difficile de

l'industrie du disque au Québec. Je ferais un aparté longuement, avec beaucoup de citations, à partir même des propos du ministre, sur la difficulté de l'industrie de la chanson au Québec. Vous rappelez-vous le nombre de questions que nous avons soulevées autour de la situation de certaines grandes compagnies théâtrales ou petites compagnies théâtrales, menacées de fermer et qui sont absolument dépourvues de banque, de réserve, d'aide et qui doivent compter uniquement sur la bonne grâce gouvernementale, d'année en année? Elles doivent annoncer à leurs spectateurs, annoncer à leurs abonnés qu'elles vont se mettre en faillite parce que, tout à coup, que ce soit la nouvelle compagnie théâtrale ou que ce soit le Trident, arriverait la subvention miracle. Que ce soit les Grands Ballets canadiens, que ce soit L'Orchestre symphonique de Montréal, toutes ces entreprises culturelles, toutes ces industries et toutes ces expressions culturelles en même temps du Québec sont laissées à l'abandon et à la dérive.

Après cinq ans, elle devrait exister, cette société dont la vocation serait au même diapason que la Société de développement industriel dans le domaine manufacturier, une espèce d'aide constante par divers moyens financiers à ces entreprises culturelles. Il n'y a rien. Aujourd'hui, au moment où le bât blesse le plus parce qu'il met en péril presque la vie même d'une entreprise, c'est sur la Société de développement industriel, absolument non conçue pour ce genre de vocation, qu'on est obligé de compter. La SDI ne fera pas de miracle et l'industrie va continuer à vivoter encore longtemps.

Le ministre évoquait les difficultés qu'un libraire ou qu'un éditeur peut avoir à obtenir un emprunt lorsqu'il se présente devant une institution prêteuse. Bien sûr. Mais il a donné plusieurs raisons. Il n'a pas donné la principale. C'est que les industries bancaires, lorsqu'elles voient venir un libraire ou un éditeur pour quémander un emprunt, le sentent, le considèrent, le voient comme isolé, sans aucune garantie gouvernementale à l'arrière.

Personne n'ignore que le Québec vit actuellement sans politique culturelle, dans le domaine du livre. Autrement dit, ce sont uniquement des entreprises, dans le sens le plus littéral du mot, privées, personnelles. Le gouvernement du Québec n'a rigoureusement rien fait depuis cinq ans pour les soutenir.

Aussi isolés, comment vouliez-vous que les institutions bancaires prêteuses prêtent l'oreille à ceux qui, sans l'appui de leur gouvernement, s'efforçaient de mettre le livre à la disposition du public?

Je soutiens donc, M. le Président, que cette loi doit être temporaire pour nous permettre d'arriver à ces fins mais, en aucun temps, ne devrait paraître comme une loi générale du Québec. Je soutiens également que nous devrons l'approuver, à regret, uniquement parce que nous ne voulons pas que certains libraires et éditeurs, qui ont déjà subi tous les contrecoups de l'absence d'une politique du livre au Québec, le subissent au point de disparaître.

C'est pour leur permettre, si cette solution peut être un tant soit peu efficace, d'offrir une garantie lorsqu'ils se présentent devant la banque, la garantie de la SDI, que l'Opposition approuvera ce projet de loi. Mais c'est en dénonçant en même temps toute l'incurie qui nous oblige aujourd'hui à la voir comme telle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): La réplique de l'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. Denis Hardy

M. Hardy: M. le Président, très brièvement, bien sûr, il est facile pour l'Opposition, il est facile pour le député de Saint-Jacques — et je vous avoue qu'à certains moments j'envie le rôle qu'ils ont — de dire que le gouvernement a pris cinq ans à agir, que le gouvernement aurait dû faire ceci, faire cela, dire qu'il n'y a pas de politique dans le domaine du livre, que cette politique a été mauvaise. Quoique, là-dessus, je dois reconnaître que le député de Saint-Jacques ne l'a pas condamnée totalement; il aurait eu tort, parce que cette politique a donné des fruits.

Je n'ai pas eu de crainte à le reconnaître, et je le reconnais encore, on ne peut pas résoudre à la pièce le problème qui se pose dans le domaine du livre. Je l'avais dit lors de l'étude des crédits, je l'ai répété tantôt et je le répète encore. Toutefois, c'est un peu simpliste de dire tout simplement: II y a cinq ans que ce gouvernement est au pouvoir et il n'a encore rien fait. Il doit arriver avec une mesure d'urgence, une mesure — pour employer une expression du député de Saint-Jacques entre guillemets, et je dis bien que je le cite — de "patchage". S'il fallait que je la prenne à mon compte, cette expression, le directeur du Jour, dans toute sa pureté, me dénoncerait violemment.

Mais, M. le Président, ce que le député de Saint-Jacques n'a pas dit, parce que ce n'était pas son rôle et surtout parce qu'il n'a pas la connaissance nécessaire pour pouvoir le dire, c'est qu'il s'agit d'un domaine extrêmement complexe. Et dire que s'il n'y a pas eu de politique globale d'adoptée parce que nous voulons respecter tel et tel gros, c'est faux.

D'abord des gros, je ne sais pas où il les trouve, mais il n'y en a pas actuellement selon nos études, il n'y a personne qui est florissant dans ce domaine à l'heure présente. Même ceux qui, en apparence, ont l'air d'être prospères sont dans des difficultés. La vraie raison pour laquelle nous n'avons pas encore de politique globale, c'est qu'il s'agit d'un domaine extrêmement complexe et, de plus, d'un domaine où il y a des mutations très grandes. Si, en I97I ou en I972, nous avions adopté une loi-cadre du livre, cette loi ne répondrait plus aux besoins actuels parce que la situation de I975. est largement différente de ce qu'elle était en I972.

Je ne dis pas qu'il n'aurait pas été souhaitable qu'une loi-cadre soit adoptée en I972, mais il y aurait quand même des problèmes à l'heure actuelle, parce la situation est très largement différente. Donc, M. le Président, je n'ai pas l'intention à ce

stade-ci, nous aurons d'autres occasions pour le faire, de débattre la question à savoir si la SDI devrait intervenir ou ne pas intervenir, est-ce qu'il devrait y avoir une multiplicité d'organismes pour répondre à chaque secteur de l'économie ou si la SDI devrait avoir une vocation polyvalente? C'est une question que nous nous posons présentement au ministère des Affaires culturelles.

C'est une question qui mérite d'être étudiée. Il y a des écoles divergentes, des opinions divergentes et je les respecte, mais je n'ai pas l'intention d'aborder cette question en ce moment et je souhaite que cette loi soit adoptée le plus rapidement possible.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Adopté.

Le Secrétaire-adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Bienvenue: Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet de loi no 46 soit déféré à la commission plénière de l'Assemblée nationale, en vue de son étude éventuelle, article par article.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Cette motion de déférence...

M. Charron: A quinze heures? La commission plénière à quinze heures?

M. Hardy: J'ai cru comprendre que ce serait immédiatement après l'adoption en deuxième lecture de la loi proposée par le ministre des Affaires sociales.

M. Charron: Cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Oui.

M. Charron: Autrement dit, le programme de cet après-midi, oui la motion est adoptée, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Adopté, mais il semble que le temps n'en soit pas encore défini.

M. Charron: C'est ce que je voudrais demander au leader adjoint, M. le Président. Cet après-midi, à quinze heures, c'est la reprise du débat de deuxième lecture sur la loi présentée par le ministre des Affaires sociales puis immédiatement après, la commission plénière.

M. Bienvenue: Je suis obligé d'avouer que je l'ignore, personnellement, mais je m'en remets à ce que dit le ministre des Affaires culturelles.

M. Charron: Le plus mal pris des deux, c'est le ministre des Affaires culturelles, ce n'est pas moi!

M. Bienvenue: Pardon?

M. Charron: Celui qui a le plus d'intérêt à ce que nous procédions rapidement, je crois que c'est vous plutôt que moi.

M. Bienvenue: Le ministre des Affaires sociales me dit à l'instant que le leader du gouvernement lui a dit la même chose, ce matin.

M. Charron: Alors, commission plénière après que nous aurons disposé du projet de loi no 88, en deuxième lecture.

M. Bienvenue: Article 2), M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, en considération de l'heure, je demanderais la suspension du débat jusqu'à la séance de cet après-midi.

M. Bienvenue: Je demande la suspension des travaux de l'Assemblée nationale à cet après-midi, trois heures.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée?

M. Charron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

Reprise de la séance à 15 h 3

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Levesque: Nous avons deux rapports de commissions élues, la commission élue permanente des affaires municipales et la commission élue des corporations professionnelles.

Le Président: Le député de Gaspé.

M. Fortier: M. le Président, pour M. Perreault, le député de L'Assomption, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires municipales qui a siégé le 18 juin 1975, aux fins d'étudier, article par article, le projet de loi no 41, intitulé Loi modifiant la Loi de la Commission municipale, qui a été adopté avec amendements, ainsi que le projet de loi no 45, intitulé Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière, qui a été adopté sans amendement, l'article 4 ayant été adopté sur division.

Le Président: Est-ce qu'il y a lieu d'adopter ce rapport ou conserver les délais de ce soir pour les amendements possibles?

M. Levesque: Dans la question du bill 41 en particulier, il y aurait lieu de procéder comme nous avons fait ce matin dans d'autres projets de loi, et je suggérerais que nous adoptions le rapport et de faire la troisième lecture. Il s'agit d'un projet de loi qui a été adopté en deuxième lecture, qui a été étudié en commission élue et qui ne comporte pas d'autres — je pense que le député de Chicoutimi est également au courant, le projet de loi sur la Commission municipale.

Le Président: Projets de loi nos 41 et 45.

M. Levesque: No 45, oui, dans le même rapport. Alors, est-ce que je peux suggérer que nous procédions immédiatement? Nous voudrions que ce soit sanctionné lors de la sanction de cet après-midi.

M. Morin: D'accord.

Projets de loi nos 41 et 45

Rapports sur les projets de loi

Le Président: Le député de Gaspé propose l'agrément ou l'adoption du rapport de la commission élue permanente des affaires municipales qui a étudié le projet de loi no 41, Loi modifiant la Loi de la Commission municipale ainsi que le projet de loi no 45, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière.

Ce rapport est-il agréé?

M. Morin: Agréé.

Le Président: Agréé. Troisième lecture?

Troisième lecture

Le Président: L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour l'honorable ministre des Affaires municipales, propose la troisième lecture des projets de loi nos 41 et 45. Cette motion de troisième lecture est-elle adoptée?

M. Morin: Adopté.

Le Président: Adopté.

L'honorable député de Saint-Hyacinthe.

Rapport sur le projet de loi no 32

M. Cornelllier: Au nom du député de Laviolette, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des corporations professionnelles qui a siégé le 18 juin 1975 afin d'étudier le projet de loi no 32, Loi modifiant la Loi du Barreau, la Loi du notariat et le code des professions, article par article, qu'elle a adopté avec des amendements.

Le Président: Y a-t-il lieu d'adopter ce rapport?

M. Morin: Volontiers.

Le Président: Adopté.

L'honorable député de Saint-Hyacinthe, pour l'honorable député de Laviolette, propose l'adoption du rapport de la commission élue permanente des corporations professionnelles qui a étudié, après la deuxième lecture, article par article, le projet de loi no 32, Loi modifiant la Loi du Barreau, la Loi du notariat et le code des professions.

Cette motion est-elle adoptée?

M. Morin: Adopté.

Le Président: Adopté. Troisième lecture?

M. Morin: Je ne voudrais pas léser les intérêts des autres membres de l'Opposition qui, peut-être, voudraient parler en troisième lecture sur ce projet. C'est la seule réserve que j'ai à émettre. Autrement, nous serions disposés à l'adopter.

M. Levesque: Qui voudrait parler? Le Président: Au cas où.

M. Morin: Les députés de l'Opposition non officielle auraient peut-être des commentaires.

Le Président: On pourrait peut-être l'adopter, et s'il y a une demande d'autres députés, on pourra révoquer l'ordre de troisième lecture.

M. Levesque: D'accord, M. le Président. Nous essaierons de leur communiquer l'information dans les minutes qui vont suivre.

Le Président: Sous réserve des droits qu'ils pourraient exercer.

M. Morin: Dans ce cas, adopté.

Troisième lecture

Le Président: Bon. L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour l'honorable ministre d'Etat au Conseil exécutif, le député de Marguerite-Bourgeoys, propose la troisième lecture du projet de loi no 32, Loi modifiant la Loi du Barreau, la Loi du notariat et le code des professions. Cette motion est-elle adoptée?

M. Morin: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. Levesque: Article 2).

Projet de loi no 88 Deuxième lecture (suite)

Le Président: Reprise du débat sur la motion de M. Forget proposant que le projet de loi no 88, Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique, soit maintenant lu la deuxième fois.

Le ministre des Affaires sociales.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, je vous remercie.

Lorsque le débat s'est interrompu, hier après-midi, sur cette motion, j'avais eu seulement le temps d'exposer dans quel contexte se situe cette mesure de prévention en santé dentaire. J'avais exposé les différents éléments d'une politique d'ensemble en santé dentaire, portant à la fois sur les aspects curatifs par l'introduction graduelle d'un régime de soins dentaires pour les enfants de 0 à 8 ans, en 1974, régime qui s'est étendu d'une année en 1975 et qui couvre maintenant les enfants de 0 à 9 ans. J'ai également décrit avec quelques détails les différents organismes consultatifs qui, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales, nous aident à élaborer non seulement des activités de prévention sous l'égide du ministère lui-même et des départements de santé communautaires dans le domaine de l'hygiène dentaire, dans le domaine de l'alimentation, mais également dans la transformation progressive du programme de santé dentaire en milieu scolaire pour lui faire assumer un certain rôle cu-ratif.

Je voudrais, cet après-midi, M. le Président, aborder le deuxième aspect de mes remarques et me concentrer plus particulièrement sur la fluora-tion des eaux de consommation.

La fluoration des eaux de consommation est une mesure d'une importance très particulière et à laquelle j'attache une importance de premier plan dans l'ensemble de cette politique globale sur la santé dentaire.

Il faut surtout se souvenir que tous les autres efforts précédemment décrits, tant sur le plan de la nutrition, de l'hygiène buccale et des soins den- taires seront d'autant plus efficaces qu'il existera ou non une mesure générale de prévention, telle que la fluoration des eaux.

Aucune politique de santé digne de ce nom ne peut se permettre d'écarter les mesures préventives; il n'en va pas autrement pour une politique de santé dentaire et cela est particulièrement vrai lorsque nous disposons d'un instrument de prévention aussi efficace que la fluoration.

En premier lieu, j'aimerais démontrer l'ensemble des arguments qui nous portent à prétendre que cette mesure est un moyen efficace, singulièrement efficace de prévention de la carie dentaire.

Je pourrais citer au long le résultat d'analyses comparatives sur la santé dentaire des adolescents et des adultes dans des villes comparables par la population ou le mode de vie, les unes ayant de l'eau de consommation fluorée, les autres, non. Des références précises se trouvent reproduites dans le dossier technique sur la fluoration publié l'an dernier par le ministère des Affaires sociales et qui a été largement distribué. Ces analyses révèlent une diminution de 60% ou plus de l'incidence de la carie dentaire chez les personnes qui sont nées et ont vécu toute leur vie dans les villes où l'eau est fluorée. On a dit que ces résultats étaient extraordinaires, presque trop beaux pour être vrais, et le reste. Leur existence n'a cependant pas été mise en doute. Certains ont essayé d'attribuer ces effets à des causes inconnues mais sans rapport avec la fluoration parce qu'ils veulent à tout prix nier l'évidence et s'opposer à la fluoration malgré le bon sens. Ils n'ont jamais précisé cependant à quoi pourraient être dus de tels résultats, résultats qui ont été obtenus de façon systématique dans une multitude d'évaluations comparatives mettant encore une fois en parallèle des villes jouissant ou pas de sources d'approvisionnement en eau fluorée.

Fait plus important encore, l'argumentation sur l'efficacité du fluor n'est pas basée seulement sur une démonstration statistique. En effet, la biochimie nous permet de comprendre le rôle des fluorures dans la physiologie humaine et, par conséquent, elle nous permet d'expliquer pourquoi et comment le fluor joue le rôle que les données statistiques nous poussent irrésistiblement à lui prêter.

Au cours des audiences de la commission parlementaire, un Canadien d'origine, le Dr Klein-berg, du New York State University, qui a à son crédit 99 recherches sur la fluoration et la santé dentaire, a fait une démonstration claire et précise sur les bienfaits de cette mesure. Spécialiste en biochimie orale, un des chercheurs les plus reconnus pour ses travaux sur la plaque dentaire, le Dr Kleinberg a démontré que l'addition de fluorures à l'eau de consommation, selon le dosage requis pour en retirer tous les bénéfices possibles sur le plan de la santé dentaire, est une question largement étudiée et dont les preuves scientifiques sont induscutables. Cette mesure ne fait pas que réduire la carie dentaire, mais également les gingivites, c'est-à-dire l'inflammation des gencives attribuable à une infection.

La fluoration n'est pas profitable qu'aux enfants mais à toute la population. Elle l'est également aux personnes âgées, qui ne souffrent que rarement de caries mais souffrent plutôt d'effritement des dents. Ce phénomène apparaît au moment où les gencives tendent à se résorber avec l'âge, laissant à découvert une plus grande partie de l'émail dentaire, qui devient ainsi plus vulnérable. Des études ont aussi prouvé que les fractures de la hanche sont sensiblement réduites chez les personnes âgées qui ont bu de l'eau fluorée tout au long de leur vie.

Les fluorures absorbés, tant au moment de la croissance qu'au cours de la vie de l'individu, agiront de deux façons. D'abord, ils rendront toute la composition de la dent plus résistante aux effets corrosifs de la plaque dentaire et maintiendront en superficie, grâce a l'ingestion quotidienne d'eau fluorée, une barrière protectrice. L'Ordre des chimistes, dans un mémoire très explicite, nous assure qu'il est possible, pour des professionnels compétents, de maintenir la teneur idéale de fluorures dans l'eau potable par des analyses périodiques. Ces techniciens, M. le Président, nous les avons.

Cette distribution du fluor non seulement à la santé dentaire mais également à celle de tout le système osseux n'a donc rien de mystérieux. En fait, des études sur la nutrition démontrent que le fluor, loin d'être un élément étranger aux êtres vivants, constitue au contraire un ingrédient essentiel de l'alimentation des êtres vivants.

Un chercheur de l'université Harvard, le Dr James Shaw, spécialiste en nutrition et conférencier invité par la faculté d'art dentaire de l'université McGilj et qui a paru à notre commission parlementaire, a bien voulu faire part du résultat de ses recherches aux membres de cette commission. Il nous a confirmé la thèse avancée par le Dr Mayer, du département de nutrition de Harvard, selon laquelle l'élément fluor est un élément nutritif, c'est-à-dire essentiel au maintien de la santé.

Des études complexes ont été faites en laboratoire sur des animaux. On a exclu totalement l'élément fluor de leur diète. Cette expérience, impossible sur des humains, a démontré clairement qu'il est essentiel à la croissance et au bon fonctionnement de l'organisme humain que d'ingérer une certaine dose de fluor. En effet, des cobayes, sans aucun apport en fluorures, étaient difformes, leur ossature en particulier était atteinte de façon irrémédiable.

Le Dr Shaw, pour continuer de le citer, affirme que des études lui ont démontré que, dès la formation du foetus, l'apport du fluor est essentiel. En fluorant les eaux de consommation, on ne commet pas d'agression contre l'organisme par l'apport d'un corps étranger mais on lui fournit un élément essentiel à sa constitution, donc indispensable à la santé.

M. Bienvenue: M. le Président, j'essaie de me mettre à la place du ministre des Affaires sociales, et ce n'est pas chrétien le bruit que l'on entend.

Le Vice-Président (M. Blank): S'il vous plaît, messieurs, faites silence et donnez la possibilité au ministre de faire son exposé.

M. Forget: Merci, M. le Président. Il serait long et fastidieux de répéter ici le témoignage entier du docteur Shaw, et je m'en abstiendrai, en particulier sur le plan physiologique, où ce dernier décrit comment les fluorures dans l'eau potable n'ont pas le même degré d'absorption par l'organisme que dans les poissons, les viandes ou les légumes qui composent le régime quotidien de chacun, et où il se trouve également présent. Qu'il suffise de vous rappeler que les effets physiologiques constatés par ce chercheur corroborent toutes les recherches effectuées dans ce domaine, et qu'il n'a constaté aucun effet nocif du fluor sur l'organisme, même dans les régions américaines où son taux de concentration naturelle dans l'eau excède la dose recommandée par le projet de loi no 88.

Le docteur Shaw précise que les études tenaient compte des habitudes alimentaires de même que des données climatiques, ainsi que de l'état de santé de ces populations. Comme tous les éléments nutritifs essentiels, tels les vitamines, les calories, les fluorures font partie d'un régime équilibré. Une carence en fluorure entraînera donc une piètre santé dentaire, alors que la dose recommandée pour l'eau de consommation, qui est de 1. 2 partie par million, assure à l'individu qui la consomme sous des formes variées, exemple, l'eau de cuisson, des bénéfices toute sa vie durant.

Il est donc faux de croire, et pernicieux de faire croire, que l'organisme humain n'a pas besoin de fluorures, ou encore que son ingestion n'entraîne pas de réduction de la carie dentaire au taux avancé par les études. Sur ce plan, l'Ordre des dentistes, de même que les facultés d'art dentaire des trois universités québécoises qui ont comparu en commission, soit l'Université Laval, l'Université de Montréal et l'Université McGill, confirment toutes les études épidémiologiques effectuées sur ce sujet.

Le chiffre de 60% de réduction de la carie dentaire doit avoir l'interprétation habituelle d'une donnée statistique. En effet, comme le précisait le président de l'ordre, le docteur Gosselin, ce taux de réduction variera entre 30% et 80% selon le régime alimentaire, les habitudes d'hygiène buccale, etc. Cependant, aux fins d'un programme de santé dentaire, le ministère des Affaires sociales considère ce taux de réduction éminemment convaincant. Ces résultats favorables ont été confirmés par le docteur Dunton de l'Association médicale canadienne et chef du Département d'hygiène publique du Centre-Ouest de l'Ontario, également présent à notre commission parlementaire, où la fluoration existe dans certaines localités, comme à Brandford, depuis 30 ans cette année. De plus, toutes les études effectuées sur ces populations ayant des habitudes de vie semblables aux nôtres ont démontré tant l'efficacité que l'innocuité d'une telle mesure.

Après 40 années d'études, pourquoi le Québec hésiterait-il plus longtemps, alors qu'il peut prévenir cette maladie dont souffrent 80% des en-

fants à cinq ans et qui fait tellement de ravages qu'à 19 ans un jeune Québécois a, en moyenne, 50% des dents cariées, obturées ou extraites?

Certaines personnes croient que, pour pouvoir s'opposer à la fluoration, il leur suffit d'invoquer le fait que la plus grande partie de l'eau de consommation sert effectivement à des besoins qui n'ont rien à voir avec l'alimentation. On l'utilise, il est vrai, pour le lavage, pour remplir les piscines et pour arroser les pelouses. Cet argument ne peut avoir de poids lorsqu'on compare, cependant, l'efficacité de la fluoration des eaux de consommation à l'efficacité de toute autre mesure comportant des fluorures.

Or, avant même toute comparaison avec une autre mesure, l'efficacité de la fluoration des eaux est spectaculaire. En effet, les déboursés qu'il faudrait faire pour réparer les dommages causés par cette maladie représentent annuellement plusieurs centaines de fois le coût de la fluoration.

Si l'on s'appuie sur les coûts actuels du programme de soins dentaires pour les enfants de 0 à 9 ans, chaque enfant requiert en moyenne des soins de l'ordre de $55 par année, alors que la fluoration ne coûte que $0. 10 à $0. 12 par tête. Grâce à la réduction prévisible d'environ 60% des caries, il est possible de prévoir pour les contribuables québécois une économie de quelque $40 millions sur une période de dix ans. Ceci, évidemment, ne tient pas compte, comme le soulignait le Dr Chicoine, président de l'Association des chirurgiens dentistes, des douleurs, des infections secondaires, des lésions buccales engendrées par la présence de caries, non plus que des jours de classe ou de travail perdus à cause d'une maladie, car cela en est une, aussi répandue et que nous pouvons, dès à présent, enrayer dans une large mesure.

La carie dentaire entraîne, en effet, de sérieux inconvénients, mais non la mort. Aussi, les adversaires de la fluoration semblent-ils moins intéressés à protéger le public, donc plus réticents à appuyer une telle mesure. Cependant, l'unique souci du gouvernement n'est pas seulement de prévenir les maladies mortelles, quand cela s'avère possible, mais également de conserver et d'améliorer la qualité de vie en sauvegardant la santé de tous les Québécois.

Par comparaison, aucune autre mesure de prévention ne peut prétendre même s'approcher de l'efficacité de la fluoration des eaux. L'absorption de fluorures par comprimés ou par addition au lait, l'application topique de fluor et jusqu'au traditionnel brossage de dents présentent tous des difficultés techniques ou pratiques. En Saskatchewan, on a distribué gratuitement des comprimés dans les écoles; l'expérience s'est soldée par un échec. L'application topique de fluor est techniquement efficace, moins cependant que l'absorption de fluorures, puisqu'elle n'a aucun effet sur la formation des dents et qu'elle est sujette, par ailleurs, aux mêmes limites d'accessibilité que les soins dentaires.

Je vous rappelle à cet égard le taux de 26% de participation au régime de soins dentaires gratuits, à l'heure actuelle, au Québec.

Pour sa part, l'addition de fluorures au lait, mesure immensément plus coûteuse, réduit l'effet systématique du fluor. De plus, cet aliment n'est pas consommé de façon régulière, même par les enfants qui y sont parfois allergiques.

Rappelons-nous les propos du doyen de la faculté d'art dentaire de l'Université de Montréal, qui mettait la commission parlementaire en garde contre cette solution attrayante, probablement, à première vue. Tout d'abord, au point de vue technique, à cause des propriétés chimiques du lait, il est très difficile d'inclure un taux désiré de fluorures dans le lait. D'autre part, tous les enfants, comme je le disais tantôt, n'aiment pas le lait et les adultes, pour leur part, en consomment très peu.

La distribution gratuite de lait fluoré dans les écoles serait inefficace au point de vue de la diminution de la carie dentaire. En effet, la réduction de la carie serait d'environ 20% seulement, à comparer à 60% pour la fluoration des eaux, car l'ingestion se ferait de façon discontinue, que l'on pense aux vacances d'été, d'hiver, aux fins de semaine. Or, pour sauvegarder la santé dentaire, ce qui compte, c'est un apport constant de fluorures dans l'organisme, à un taux contrôlé.

New York, qui avait d'adord opté pour ce moyen, c'est-à-dire la fluoration du lait, a contesté qu'il en coûtait au-delà de $2 par année, soit 20 fois le coût de l'eau fluorée pour chaque enfant, sans pour autant obtenir des bénéfices marquants sur le plan dentaire. En 1965, le service de santé de cette ville a amené les autorités de New York à instaurer la fluoration des eaux de consommation.

Quant aux comprimés, outre leurs effets réduits sur le plan épidémiologique, nous croyons nous en servir, nécessairement en accord en cela avec l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec, comme palliatif là où la fluoration des eaux sera impossible à appliquer en raison de l'absence d'une usine de filtration. En Saskatchewan où, sur une période de trois ans, le gouvernement a successivement distribué 4 millions de comprimés de fluor la première année, 1, 600, 000 la deuxième et seulement 300, 000 la troisième, les résultats ont convaincu le ministère de la santé de cette province de suspendre cette mesure très difficile d'application. En effet, cette dernière exige un effort quotidien, une discipline personnelle très difficile à maintenir, ce qui n'est pas évidemment le cas avec l'eau du robinet.

Le programme de soins dentaires comprend, dans son schéma actuel, l'application topique du fluor, Cette application s'effectue en enduisant l'émail des dents d'une solution fluorée. Cette mesure suppose une visite au dentiste, donc l'effort de prendre rendez-vous et, rappelons-le, les dentistes sont en nombre très limité. Si une telle pratique devait se généraliser pour tous les enfants, elle accentuerait encore davantage les disparités régionales et la pénurie générale de main-d'oeuvre dentaire. C'est probablement ce qui a poussé le Conseil régional de la santé de l'Outaouais à affirmer dans son mémoire: "II serait un désastre pour la région de l'Outaouais, particulièrement ses sous-régions les plus sous-développées, que l'on

retarde encore la mise en application de la fluora-tion systématique des eaux de consommation. "

D'autres méthodes, M. le Président, enfin, comme les rince-bouches, peuvent être utilisées. Il faut, au préalable, une équipe bien formée, sensibilisée, et, là encore, comme cette méthode est appliquée en milieu scolaire, les effets en sont atténués par les jours d'absence et l'énergie requise pour la mettre en application selon les normes.

Quant aux pâtes fluorées, elles posent les mêmes problèmes de continuité, de personnel motivé et éclairé. Cette mesure requiert donc beaucoup d'énergie et entraîne des coûts énormes pour peu de résultats.

J'aimerais, M. le Président, passer quelques minutes pour vous présenter les arguments que l'on peut faire valoir pour démontrer que la fluora-tion des eaux de consommation est exempte de dangers pour l'homme et son environnement. Je ne m'en tiendrai qu'à l'essentiel.

Nos opposants nous concéderont probablement assez volontiers l'effet positif du fluor sur la santé dentaire ainsi que son efficacité médicale et économique. Certains groupes ont cependant engagé une contestation qu'ils cherchent à alimenter par la peur des conséquences prétendument néfastes de cette mesure sur l'état de santé général de la population et de l'environnement.

Sous son aspect le plus simpliste, ce plaidoyer, faisant appel aux émotions plutôt qu'à la raison, se base sur une soi-disant distinction entre le fluor naturel et le fluor dit artificiel. Malheureusement pour ce plaidoyer, le concept de fluor artificiel est lui-même une notion artificielle. C'est un peu comme si l'on parlait de carbone artificiel. Effectivement, la plupart des éléments se retrouvent dans la nature non pas à l'état pur mais combinés à d'autres substances. Ce sont ces combinaisons d'éléments que l'on retrouve dans la nature sous forme d'oxydes, de sels, etc. En outre, certaines de ces combinaisons sont solubles dans l'eau alors que d'autres ne le sont pas.

Il en est ainsi pour le fluor comme pour les autres éléments. Ces combinaisons de fluor à d'autres éléments s'appellent fluorures; il en existe plusieurs sortes dont certaines sont insolubles dans l'eau et que l'on retrouve donc comme telles dans la nature à l'état solide, alors que d'autres qui sont solubles ne peuvent pas se retrouver en quantité significative à l'état naturel puisque l'eau de pluie et de ruissellement auraient tôt fait de les faire disparaître. Il est évident que, pour fluorer l'eau de consommation, il faut choisir les combinaisons qui sont les plus solubles car, autrement, il serait difficile ou même impossible d'utiliser l'eau comme véhicule de la fluoration.

De tout ceci, il ressort qu'il est pitoyable de tirer de ces évidences la soi-disant conclusion que le fluor, ou plutôt les fluorures, que l'on ajoute à l'eau, est nocif pour la santé parce qu'il est artificiel ou encore parce qu'il est soluble dans l'eau. C'est pourtant là le genre d'argument auquel nous avons eu droit et cela non seulement dans la chronique du courrier des lecteurs de certains journaux mais jusqu'en commission parlementaire, fort heureusement représenté par un seul groupe. Nous voyons, une fois de plus, que le ridicule ne tue pas.

Il est à peine plus intelligent d'alléguer que le fluor à l'état pur est toxique pour en conclure à la nocivité de la fluoration. En premier lieu, ce n'est pas le fluor qui est ajouté à l'eau de consommation mais, tel qu'indiqué plus haut, un composé relativement inerte, un fluorure. Il est certain que le fluor pourrait être toxique si absorbé en quantité suffisante, mais il s'agit là d'une autre lapalissade; presque tout autre aliment, même l'eau naturelle et, à plus forte raison, le sel, les vitamines, sans compter les lipides et glucides peuvent avoir un effet dommageable sur la santé lorsque consommés en quantité anormale pendant une période de temps prolongée. Certains éléments sont même violemment toxiques, tel l'iode, tout en étant positivement nécessaires à l'organisme, à faible dose; c'est également le cas du fluor.

Sentant peut-être la faiblesse de leur argumentation sur les points précédents, les adversaires de la fluoration se sont alors saisi de la question du dosage pour en faire, à son tour, un épou-vantail. Voilà que ce dosage serait aussi critique que la fabrication d'une bombe atomique. C'est faire peu de cas de l'expérience accumulée sur le sujet, c'est sous-estimer l'efficacité des mécanismes physiologiques qui assurent une régularisation naturelle du niveau du fluor dans l'organisme et, enfin, c'est exagérer sérieusement la nature du risque en cause.

Avant même l'introduction de la fluoration contrôlée de l'eau de consommation, il y a 30 ans, la population de villes entières a consommé de i'eau fluorée naturellement à des niveaux de concentration allant jusqu'à sept parties par million, alors que le projet de loi no 88 ne stipule que 1. 2 partie par million. Pourtant l'étant de santé général de ces populations n'a pas été gravement affecté. Certaines villes du Québec, en très petit nombre, il est vrai, sont également dans cette situation depuis toujours. A une question posée à ce sujet, le Dr Gosselin, président de l'Ordre des dentistes, a indiqué que même à ces taux plus élevés, aucune correction de la concentration du fluor ne s'imposait parce qu'elle ne créait aucun danger.

Une telle attitude est facile à comprendre si l'on considère la capacité du métabolisme humain de s'ajuster à des variations considérables dans l'absorption du fluor, comme de toute autre substance, de manière à maintenir une concentration presque constante du fluor dans le sang. La faculté du système osseux d'emmagasiner le fluor nécessaire et l'élimination naturelle du fluor par les voies intestinales et rénales sont les facteurs de ce mécanisme d'ajustement.

Grâce à ces mécanismes, une erreur temporaire dans le dosage, ou une surconsommation occasionnelle sont sans effet durable sur le niveau de présence de fluor dans l'organisme et, en particulier, dans le flux sanguin. Par ailleurs, ces erreurs de dosage elles-mêmes sont extrêmement improbables, Dans son témoignage en commission parlementaire, le ville de Laval n'a pu faire état d'aucun incident du genre, sur une période de 17 ans, qui correspond à la période pendant la-

quelle cette mesure a été en vigueur dans cette municipalité.

Ainsi, exagérons, pour voir, le caractère du "risque" contre lequel on veut se prémunir. A une concentration qui se maintiendrait de façon permanente et pendant plusieurs années à un niveau égal à 500% ou plus du niveau déterminé dans le projet de loi, il a été démontré que les consommateurs montreraient tout au plus des signes de fluorose dentaire: il s'agit tout simplement de taches colorées sur les dents. Or ce problème est essentiellement un problème esthétique. L'apparence de la dent est terne, mais de telles dents tachetées sont encore plus résistantes à la carie que des dents qui sont dans une concentration inférieure de fluor. Il n'en résulte par ailleurs aucune autre conséquence fâcheuse sur l'état de santé général de l'individu.

A un niveau encore plus élevé de concentration, soit vingt milligrammes par jour, équivalant à quelque 1, 000% du taux envisagé, l'individu peut être atteint de fluorose, c'est-à-dire d'une maladie du système osseux. On doit cependant savoir qu'une telle situation ne pourrait se produire que par une absorption continua d'une grande quantité de fluorure sur une période de plus de dix ans. Un tel niveau d'absorption, au taux de dissolution du fluorure prévu pour le Québec, supposerait une consommation régulière, jour après jour, et pendant plus de dix ans, de quelque 18 litres, ou si vous voulez, 18 pintes d'eau. C'est une hypothèse qui est clairement absurde.

M. Morin: 18 pintes. 18 litres ou 18 pintes.

M. Forget: 18 litres, approximativement 16 pintes, si vous voulez. Quatre gallons par jour pendant plus de dix ans, ce qui est une consommation qui, je pense, n'a jamais été observée.

Délaissant ce raisonnement, certains ont prétendu relier le fluor à certaines maladies. Il est plutôt irritant de répéter ici des arguments qui ne s'appuient sur aucune base scientifique reconnue par les professionnels concernés.

Nous croyons que la Corporation des médecins est plus sérieuse lorsqu'elle se prononce sur l'état actuel des recherches en médecine qu'une association dont le seul expert n'a jamais effectué aucune recherche clinique ou en laboratoire.

Ainsi, on prétend que la fluoration cause le cancer. Il y a, en effet, une analogie entre les deux, mais ce n'est pas celle que l'on pense. La célèbre clinique Mayo de Rochester a plutôt utilisé les fluorures à forte dose pour retarder cette maladie lorsqu'elle s'attaquait au tissu osseux. Prétendre que la fluoration cause le cancer équivaudrait à dire qu'on y a trouvé un remède et, pourtant, à ce que je sache, les milieux de la recherche en cancérologie n'ont pas abandonné leurs travaux. Quand on avance pareille théorie, il faut en faire sérieusement la preuve. Il est dommage que les adversaires de la fluoration ne mettent pas autant d'énergie à vaincre des maladies aussi graves par une action concertée avec les hommes de science qu'à combattre des mesures de protection de santé publique.

On soulève également le cas de certaines personnes qui seraient allergiques au fluor. Une étude de ce dossier a été faite par l'American Academy of Allergy. Selon les experts qui ont passé en revue tous les cas rapportés, de prétendue allergies au fluor, aucun ne pouvait confirmer d'allergie aux fluorures. A cet égard, on n'a remarqué dans les régions fluorées aucune incidence plus marquée d'allergies, qui puisse réfléter une réaction aux concentrations en fluor même plus fortes que celles que nous préconisons.

Quant à l'étude sur l'augmentation de la mortalité infantile au Chili, rapportée par les opposants à la fluoration et que nous avons remise à des experts des facultés de médecine québécoises capables de nous aviser quant à l'exactitude des renseignements qui y sont contenus, ces derniers nous mettent en garde sur le sérieux de celle-ci. D'abord, elle n'est rapportée dans aucune revue scientifique sérieuse, elle n'est soutenue par aucun paramètre généralement reconnu en recherche, elle n'a fait l'objet d'aucune corroboration dans ce pays ou ailleurs.

Il est révélateur que l'auteur d'une telle découverte n'ait pas réussi à attirer l'attention des chercheurs sérieux et reconnus qui travaillent et publient dans le même domaine. J'ai rencontré ce Dr Schatz qui ne nie pas l'effet du fluor sur la réduction de la carie, mais dont tout le reste de l'argumentation sur ses prétendus effets nocifs est basée sur des hypothèses non vérifiées.

La fluoration des eaux entraîne-t-elle des maladies rénales? Le Dr Yves Warren, spécialiste en néphrologie, chef de ce service à l'Hôtel-Dieu de Québec et professeur à l'université Laval, nous a éclairés en ces termes: "Au point de vue de la néphrologie, c'est-à-dire au point de vue des maladies du rein, il semble assez évident que la fluoration, aux taux qui sont utilisés dans l'eau potable, n'augmente pas l'incidence des maladies rénales, d'une part. "... Je pense qu'il faut dire qu'il n'existe, jusqu'à maintenant, même dans l'insuffisance rénale, aucune évidence d'une diminution de vitalité ou d'une augmentation de morbidité ou de pathologie osseuse secondaire à cette accumulation (de fluor dans le squelette). "Je dois dire aussi qu'on a eu aussi à Québec une expérience assez particulière, celle d'avoir exactement avec nos malades le même problème qui avait été imputé à la présence de fluor dans l'eau, sans qu'il y en ait à Québec ou alors qu'il y en avait à peine dans l'eau utilisée par ces malades.

Enfin, pourquoi les opposants au projet de loi n'ont-ils pas étayé leur preuve quant au danger écologique que représente l'addition contrôlée de fluorures en étudiant les villes de New York, Chicago ou Toronto, qui fluorent toutes leur eau de consommation?

Peut-être aurait-ils eu quelques difficultés, car nos voisins ontariens nous ont démontré amplement leur souci de protection écologique en allant jusqu'à l'arrêt de travaux de voirie d'envergure dans cette capitale. Ici encore, aucune preuve scientifique ne vient corroborer les "doutes" de

nos adversaires. Rappelons ici qu'il ne s'agit pas d'ajouter des déchets industriels étrangers au milieu, mais d'ajuster la teneur naturelle en fluorures des eaux qui sont traitées dans les usines.

M. le Président, j'aimerais passer quelques minutes pour tracer le tableau des appuis très nombreux qui ont été apportés à cette mesure, non seulement en commission parlementaire mais par des déclarations officielles de la totalité des organismes scientifiques et professionnels qui ont une vocation dans le secteur de la santé.

Des charlatans, des fumistes sont en effet incapables de faire, d'une question qui a été tranchée de façon décisive sur le plan scientifique, une question controversée. Pour qu'il y ait controverse scientifique, il faut qu'il se trouve des hommes de science de calibre équivalent des deux côtés. Tel n'est certainement pas le cas au sujet de la fluoration.

Un groupe présent en commission parlementaire a prétendu que des autorités scientifiques prestigieuses, récipiendaires de prix Nobel, s'étaient prononcées contre la fluoration des eaux de consommation. Un porte-parole de ce groupe avait promis de nous faire parvenir copie de la déclaration de ces savants. Nous attendons toujours. Cependant, nos propres recherches sur ces déclarations nous apportent une version récente du témoignage de trois d'entre eux, et ils sont tous en faveur de la fluoration après avoir pris connaissance des études nombreuses publiées sur le sujet.

Un argument choc des adversaires de la fluoration est que la Suède, ainsi que des villes aux Etats-Unis, ont discontinué cette mesure.

On oublie trop facilement, M. le Président, que si quelques villes, après des campagnes que l'on peut deviner, ont arrêté la distribution de fluorures dans leur aqueduc, aux Etats-Unis, en particulier, quelque 100 millions de personnes boivent de l'eau fluorée et il y a eu plus de 2, 000 villes qui ont instauré la fluoration depuis dix ans.

La Suède, pour sa part, a vécu une expérience particulière qui nous est souvent citée par les opposants de la fluoration. Le gouvernement suédois a donné des précisions à ce sujet. Le ministre de la Santé suédois, qui proposait cette mesure de santé publique, avait prévu un projet pilote dans deux villes, dont l'une aurait de l'eau fluorée à un taux idéal et l'autre de l'eau non fluorée. L'expérience n'a pas été menée à terme et n'a, par conséquent, fait l'objet d'aucune conclusion scientifique.

Cependant, malgré la décision prise par le Parlement suédois, au hasard d'un vote qui reflétait d'autres considérations que des considérations scientifiques, malgré cette décision, M. le Président, il demeure que l'eau consommée par 50% des Suédois est déjà fluorée à un taux suffisant pour prévenir la carie dentaire et elle continue de l'être.

Je ne répéterai pas ici la liste presque interminable d'organismes scientifiques et professionnels qui appuient la fluoration des eaux de consommation comme mesure de santé publique. En commençant par l'Organisation mondiale de la santé, presque tous les organismes compétents et responsables dans le secteur de la santé, tant aux Etats-Unis qu'au Canada, se sont montrés favorables à cette mesure. Les travaux des organismes québécois présentés en commission parlementaire ont d'ailleurs été fort révélateurs à cet égard.

Il est rare qu'un gouvernement puisse agir avec un appui aussi général et motivé de la part d'un si grand nombre d'organismes. C'est là un signe évident qu'il est plus que temps d'agir.

M. le Président, ayant acquis la conviction que la fluoration est un instrument puissant de lutte contre la carie dentaire, ayant acquis la conviction que cette mesure a une efficacité incomparablement plus grande que toute autre, persuadé en outre que cette mesure ne comporte aucun danger démontrable ou imaginable, et impressionné par l'appui sans réserve des organismes professionnels compétents, je crois que le gouvernement du Québec doit assumer la responsabilité de promouvoir la fluoration des eaux de consommation. Dans le cadre d'une politique globale de santé dentaire, la fluoration figure au premier rang des moyens de prévention, c'est le plus fiable et le plus économique de tous.

Certains nous demandent, M. le Président, à ce point-ci du raisonnement, si le gouvernement doit assumer cette responsabilité ou si, plutôt, il ne doit pas s'en décharger sur d'autres. Les arguments qu'on invoque alors sont d'une nature telle qu'ils méritent qu'on s'y arrête.

En effet, contrairement à d'autres positions, qu'il a été d'ailleurs facile de rejeter lors de la discussion des données scientifiques et professionnelles qui sous-tendent ce projet de loi, ces dernières objections sont exprimées de bonne foi et ne tendent pas à semer inutilement le doute dans les esprits. Ces objections sont les suivantes: Une loi qui impose la fluoration des eaux de consommation brime-t-elle la liberté individuelle et, en particulier, celle d'une minorité opposée, dit-on, à la fluoration? La fluoration viole-t-elle un droit fondamental de la personne humaine? Les municipalités ne devraient-elles pas être invitées par l'Etat à adopter la fluoration sans toutefois être soumises à une obligation légale de le faire?

J'apporterai ci-après une réponse à chacune de ces questions. Toutefois, je vous indiquerai tout de suite qu'elles ne me font aucunement hésiter sur l'opportunité du projet de loi no 88.

En premier lieu, il paraît vite évident que l'argument sur le respect des droits de la minorité — encore une fois opposée par hypothèse à la fluoration — ne peut être sérieusement considéré. En effet, il serait toujours impossible de légiférer si un projet de loi devait faire l'unanimité pour être adopté, aucun d'entre eux n'ayant jamais rallié tous les suffrages, à ce que je sache. Dans toute décision gouvernementale ou législative entre un élément de contrainte à l'égard de ceux qui sont en désaccord sur cette décision. Il est même caractéristique d'un gouvernement démocratique de s'identifier aux voeux de la majorité et, par conséquent, de rejeter ceux de la minorité.

Sans doute, nul Etat démocratique digne de

ce nom ne doit imposer à la minorité des obligations qui sont contraires à ses valeurs morales ou religieuses. Une telle interprétation des droits de la majorité serait odieuse. L'Etat démocratique ne saurait violer l'intégrité morale ou physique de l'un quelconque de ses citoyens, appartiendrait-il à une minorité politique, ethnique, culturelle ou religieuse. Cependant, le rôle de l'Etat ne peut être limité par de simples opinions entretenues par une minorité et ne mettant en jeu aucune valeur morale. L'Opposition de certains groupes à la fluora-tion ne se fonde précisément que sur des opinions profondément discutables, car elles énament de personnes qui ne sauraient être considérées comme compétentes dans le domaine.

En deuxième lieu, il est également clair qu'aucun pays au monde ne reconnaît l'existence d'un prétendu droit fondamental de la personne humaine à une eau de consommation non fluorée. Si un tel droit fondamental existait, non seulement le présent projet de loi serait-il en quelque sorte inconstitutionnel et irrecevable, mais encore faudrait-il conclure que la fluoration des eaux, par tout autre moyen, est impossible et illégal.

Dire qu'une mesure comme la fluoration de l'eau viole les droits fondamentaux de l'individu, c'est dire qu'elle contrevient aux libertés civiles de l'individu au Canada, qu'elle a quelque chose d'illégal, voire d'inconstitutionnel.

Il faut tout de suite préciser que la question de savoir si la fluoration de l'eau viole les droits fondamentaux de l'individu n'a jamais été directement résolue par le pouvoir judiciaire au Canada, aucun tribunal n'ayant jamais établi que cette mesure avait cet effet.

Il serait bon, toutefois, de constater qu'un très grand nombre de municipalités au Canada, de même qu'au Québec, fluorent leur eau depuis un certain temps déjà; depuis 30 ans en Ontario et de une vingtaine d'années au Québec. Or, si le sommet populaire avait été défavorable à cette mesure, les constatations devant les tribunaux seraient plus nombreuses; il n'en est rien. La jurisprudence à ce sujet n'est cependant pas inexistante. Il y a même un jugement de la cour Suprême du Canada qui en traite: C'est l'affaire "The municipality of Toronto versus The Corporation of the village of Forest Hill". Cette décision judiciaire n'établit toutefois pas que la fluoration des eaux va à l'encontre des droits fondamentaux de l'individu et il est assez remarquable que les juges du plus haut tribunal du pays ne fassent aucune allusion aux libertés civiles dans leur examen du problème.

Le fait qu'une mesure comme la fluoration, dans l'état actuel du droit canadien, n'enfreint pas les libertés fondamentales du citoyen est encore suggéré par l'existence de plusieurs lois provinciales au pays qui permettent expressément aux municipalités de fluorer leur eau. Or, ces lois, à notre connaissance, n'ont jamais été attaquées devant les tribunaux, alors que beaucoup d'entre elles existent depuis un certain nombre d'années.

Nous pourrions également, M. le Président, nous en reporter au droit américain sur la question. Etant un droit étranger, sa jurisprudence ne fait certes pas autorité au Canada mais, la société américaine et la société canadienne se ressemblant à beaucoup d'égards, les libertés fondamentales de l'une peuvent servir à préciser les libertés fondamentales de l'autre, surtout lorsqu'elles dépendent d'appréciations scientifiques ayant une valeur universelle.

Aux Etats-Unis, la jurisprudence des plus hautes cours des Etats a toujours reconnu que la fluoration de l'eau ne violait en aucune façon l'immunité de la personne ainsi que ses libertés constitutionnelles, que cette mesure n'enfreignait pas la liberté de religion, qu'il ne s'agissait ni d'une drogue ni d'une médecine, qu'elle constituait une mesure préventive supérieure à toute autre, que sa disparition équivalait à une atteinte irrémédiable et irréparable à la santé publique, et qu'elle ne présentait aucun danger de pollution.

Toutes ces décisions, et chacune de ces affirmations est soutenue par une décision des cours américaines, prennent une importance d'autant plus grande qu'à quatre reprises la cour Suprême fédérale des Etats-Unis a refusé d'intervenir et de les réviser, parce qu'aucune question fédérale, c'est-à-dire aucune question mettant en jeu les droit fondamentaux n'était en cause.

Troisièmement, que faut-il penser de la suggestion qu'on nous fait, à savoir de laisser le soin de décider de la fluoration des eaux de consommation aux municipalités du Québec?

Il est douteux, c'est le moins qu'on puisse dire, que les municipalités souhaitent assumer elles-mêmes cette responsabilité. Dans l'ensemble, elles ne l'ont certainement pas sollicitée. D'ailleurs, rien n'empêchait qu'elles l'assument elles-mêmes, et de façon massive, à l'instar du très petit nombre d'entre elles qui, au Québec, l'ont fait sans s'en repentir depuis quelque vingt années. Au contraire, dans certains cas qui ont été portés à ma connaissance, des conseils de ville ont délibérément repoussé la responsabilité de décider de la fluoration de leurs eaux de consommation, préférant explicitement s'en remettre au gouvernement et à l'Assemblée nationale.

Cette préférence marquée par une action gouvernementale plutôt que municipale est d'ailleurs facile à comprendre. Une opposition extra-parlementaire, petite mais bavarde, a réussi à semer suffisamment le doute pour que l'on ne souhaite point trancher la question à un niveau de juridiction où font nécessairement défaut, la plupart du temps, l'expertise scientifique et la compétence professionnelle nécessaires pour évaluer à leur juste valeur — qui est d'ailleurs nulle — les opinions dissidentes exprimées au sujet de la fluoration. Nous avons entendu, selon les règlements, pendant trois jours de séance en commission parlementaire tous ceux qui voulaient donner leur avis sur le sujet. De pareilles audiences publiques ne sont pas à la portée des centaines de municipalités du Québec et les administrations municipales ne peuvent, pour la plupart, consulter les experts susceptibles de les aider dans la préparation et l'application d'une telle mesure de santé publique.

Le gouvernement du Québec a, quant à lui, consulté ces experts et y a eu abondamment recours, Dieu merci! D'ailleurs, il n'est pas étonnant

que les municipalités ne souhaitent pas intervenir dans le dossier de la fluoration, car elles ont, comme groupe, exprimé depuis longtemps le voeu — voeu d'ailleurs exaucé par le Québec — de ne plus assumer de responsabilités dans le secteur des services de santé. Cette demande fut officiellement exprimée à la conférence provinciale-municipale de 1971. Elle fut acceptée et on y a satisfait graduellement et complètement dans les années subséquentes.

Enfin, certains ont même prétendu que l'on respecterait davantage les droits de la minorité en confiant la responsabilitéde fluorer ou non les eaux de consommation aux autorités municipales. Comme si les décisions d'une municipalité pouvaient refléter davantage les opinions minoritaires que les décisions de l'Assemblée nationale. Dans l'hypohtèse où la décision est laissée aux municipalités, quelle que soit la position retenue, il est inévitable qu'une minorité doive se soumettre au voeu de la majorité: changer l'auteur de la décision n'en change pas la nature.

Avant de terminer, je dois, pour compléter mon exposé sur les principes généraux qui sous-tendent le projet de loi no 88 amendant la Loi de ia protection de la santé publique, décrire brièvement les modifications apportées à ces principes, modifications que j'aurai l'honneur de proposer à cette Assemblée au stade de la troisième lecture.

Tout d'abord, je proposerai de supprimer les dispositions du projet de loi relatives aux studios d'esthétique. Cette partie du projet de loi avait été motivée par certains accidents, dont au moins un mortel, survenus dans les studios d'esthétique particulièrement au début de 1974. Deux seuls mémoires furent reçus par la commission parlementaire à ce sujet, soit celui de la Société des esthéticiennes du Québec et celui de la Corporation professionnelle des médecins. Les deux mémoires s'entendent pour déclarer que la greffe des cheveux et le peeling profond ainsi que l'électrolyse sont des actes médicaux. A ce titre, ils tombent sous le coup de la loi médicale, et ceux qui les pratiquent sont passibles des sanctions prévues par cette loi pour pratique illégale de la médecine, à moins d'être dûment qualifiés pour le faire et d'utiliser les règles de prudence recommandées pour ces pratiques. Il semble inutile de légiférer deux fois sur un même sujet et il suffit, pour éviter la répétion des accidents déplorés, d'inviter la Corporation professionnelle des médecins et l'Office des professions à accroître leur vigilance.

Enfin, l'argumentation de la Société des esthéticiennes visait à inciter !e législateur à reconnaître la profession d'esthéticienne, geste qu'elle considère être une mesure de protection du public. Sans me prononcer sur le bien-fondé de cette mesure, les membres de cette Assemblée conviendront avec moi que cette reconnaissance ne saurait être accordée par la Loi de la protection de la santé publique.

Une deuxième modification au projet de loi, que j'introduirai au stade de la troisième lecture, a pour but d'apporter un remède à un problème particulier, celui des "freak shows", c'est-à-dire des spectacles se déroulant le plus souvent dans certaines boîtes de nuit et qui mettent en vedette pour ainsi dire des personnes atteintes de débilité mentale.

Les textes et les gestes qu'on impose à ces acteurs improvisés ont pour but d'exploiter leur handicap et d'attirer sur eux le ridicule. Aucune loi n'interdit une pratique aussi ignoble et j'apporterai un amendement, dont la rédaction a été fort délicate, pour tenter d'y mettre fin. Je présenterai un dernier amendement au projet de Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique afin d'ajouter, aux pouvoirs réglementaires prévus par cette loi, des dispositions nouvelles relatives à la médecine du travail.

Il est nécessaire de situer dans son contexte ce mode nouveau d'intervention dans le domaine complexe de la santé du travail. Les travaux qu'un comité interministériel a effectués sur le sujet depuis un peu plus d'un an ont permis de cerner la sphère de responsabilités propre à chaque ministère. Pour des raisons d'efficacité et de compétence, aucun ministère ne peut, en effet, avoir l'entière responsabilité dans ce domaine.

Le ministère des Affaires sociales, tenant compte des précautions et des contrôles pris par l'autre ministère du gouvernement du Québec, visant à l'amélioration de la santé du travailleur, croit qu'il est indispensable que l'on vérifie l'effet du milieu de travail sur l'état de santé des travailleurs par des examens périodiques dont les résultats sont consignés à un dossier personnel. D'autre part, si un accident ou un malaise survient durant le travail, il est souhaitable qu'il ait accès à des services de premiers soins, le plus rapidement possible.

Ces responsabilités sont celles de l'employeur et il les assume effectivement dans de très nombreux cas. Ces services doivent cependant obéir à des critères de qualité bien précis et comme ministre responsable de la santé publique, je crois que mon ministère doit s'assurer du respect de ces critères. Cette responsabilité fait l'objet d'un pouvoir réglementaire dont je chercherai l'inscription dans la loi.

Ces pouvoirs nous permettront entre autres, en premier lieu, d'édicter des normes relatives à l'organisation d'une éducation sanitaire préventive adaptée à chaque milieu de travail; deuxièmement, des normes relatives à l'organisation des services de premiers soins en milieu de travail et, troisièmement, des règles sur les examens médicaux et l'établissement de dossiers de santé des employés tenus par les entreprises et sur les règles d'accès du travailleur et des médecins du département de santé communautaire à l'information contenue dans ces dossiers.

M. le Président, la protection de la santé publique est un vaste domaine en constante mutation. Nulle part ailleurs, peut-être, l'Etat a-t-il davantage l'occasion de faire valoir son rôle de législateur, plutôt que d'administrateur. Dans aucun autre secteur, le législateur n'a d'occasion d'être

inspiré par de plus nobles motifs. Les mesures contenues dans ce projet de loi et au tout premier chef, la fluoration des eaux de consommation sont des mesures de progrès social. L'Assemblée nationale, contre l'intérêt de tous les Québécois, n'a que trop tardé à les adopter. Merci.

M. Levesque: M. le Président, si on me permet, nous avons deux autres rapports qui viennent d'arriver et j'aurais une motion, par la suite, à faire et je prie le député de Chicoutimi de m'excuser, mais je n'ai pas voulu l'interrompre à un autre moment que celui-ci, au moment où il n'avait pas encore pris la parole.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Yamaska.

Rapport sur les projets de loi nos 2, 3, 4, 5, 22 et 39

M. Faucher: M. le Président, au nom de M. Orner Dionne, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'agriculture, qui a siégé les 17 et 18 juin 1975, afin d'étudier, article par article, les projets de loi nos 2, 3 et 4 qu'elle a adoptés avec des amendements. Le projet de loi no 5 dont certains articles ont été adoptés sur division et les projets de loi no 22 et le no 39 qui ont été adoptés sans amendement.

M. Levesque: Est-ce que ce rapport, M. le Président, est reçu?

Le Vice-Président (M. Blank): Reçu. Est-ce que ce rapport est adopté?

M. Charron: Oui, adopté.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

M. Levesque: Un autre rapport également relativement à la Loi des impôts.

Le Vice-Président M. Blank): Est-ce que le rapport est déposé?

Le rapport est reçu et déposé.

M. Levesque: On me fait remarquer qu'un rapport a été déposé. Nous allons attendre pour les autres...

Je voudrais faire motion pour que, du consentement de la Chambre, la commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des communications puisse siéger immédiatement à la salle 81-A. A cette fin, je voudrais faire motion de révoquer l'ordre de déférence à la commission plénière pour que ce soit plutôt une déférence à la commission élue que je viens de mentionner, quant au projet de loi no 46.

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce que cette motion de révocation est adoptée?

M. Charron: Avec la collaboration exceptionnelle de l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté. Est-ce que la motion de déférence est adoptée? Adopté.

M. Levesque: Cette commission peut siéger immédiatement à la salle 81-A.

M. le Président, je vous rappellerai que l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives avait réservé ses remarques quant aux projets de loi inscrits en son nom, que nous avions d'ailleurs adoptée en troisième lecture, sous réserve de tout amendement ou correction que pourrait suggérer le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. Tetley: En effet...

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président...

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!

M. Bédard (Chicoutimi):... est-ce qu'il n'y aurait pas lieu — je n'ai aucune objection — de prévenir au moins le député de Lafontaine, de manière que ce dernier puisse être en Chambre afin d'entendre les amendements que le ministre a à apporter?

M. Tetley: Les amendements ont été approuvés — je vous l'affirme de mon siège — par le député de Lafontaine en commission. Je crois que votre intervention est valable et propice, mais je dois répondre que c'est une omission du service du secrétariat qui a oublié deux articles de la loi, tout simplement. Le secrétaire de la commission élue des institutions financières, compagnies et coopératives s'est trompé et a oublié deux articles dans le rapport et, en conséquence, dans la loi. Ce sont les articles 4. 4 et 4. 5 qui ont été oubliés et non pas adoptés par suite d'une erreur, malgré que le journal des Débats montre clairement que ces articles font partie intégrante de la loi.

Je crois que le parrain du bill, le député de Taschereau, qui est ici présent, est d'accord.

M. Bonnier: Oui.

M. Bédard (Chicoutimi): Je tiens pour acquis la parole du ministre à l'effet qu'il a informé le député de Lafontaine.

M. Tetley: Je remercie le député de Chicoutimi de son intervention intelligente et compréhensive.

Le Vice-Président (M. Blank):... les amendements.

M. Tetley: Voulez-vous que je les lise ou que je les dépose?

Le Vice-Président (M. Blank): Qu'on les dépose et je pense qu'on pourrait faire les écritures pour révoquer la troisième lecture, retourner en commission plénière, ajouter les amendements et

adopter de nouveau la troisième lecture. Le secrétaire fera les écritures. D'accord?

M. Levesque: II y aura sanction lorsque nous aurons disposé du projet de loi actuellement à l'étude, mais plus tard qu'à dix-huit heures aujourd'hui. J'avais proposé à l'Opposition l'adoption de certains autres projets de loi en troisième lecture, mais je ne crois pas qu'il soit maintenant opportun de le faire, car je me rappelle une demande de l'honorable député de Beauce-Sud à l'effet d'accorder un certain délai pour les rapports en question.

Je crois que nous attendrons plutôt à demain ou les jours subséquents pour suggérer la troisième lecture des projets de loi pour lesquels les commissions ont fait rapport aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Chicoutimi, sur le projet de loi no 88.

Projet de loi no 88 (suite) M. Marc-André Bédard

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, au niveau de notre intervention de deuxième lecture, il n'est pas question pour nous de reprendre tout le débat qui a été fait en commission parlementaire concernant le projet de loi no 88.

Comme vous le savez, nous avons eu l'occasion, lors des auditions de cette commission parlementaire, d'entendre plusieurs scientistes, d'entendre plusieurs représentants de la pratique du monde médical. Egalement, nous avons eu l'occasion d'entendre des organismes et des individus qui avaient exprimé l'intention de faire des représentations à cette commission parlementaire. Ainsi les auditions de la commissions parlementaire nous ont permis de nous faire une idée claire de la situation, une idée très nette sauf qu'il y aurait peut-être à regretter, M. le Président, le fait qu'au niveau des auditions de cette commission parlementaire il n'y ait pas eu plus de groupes qui, scientifiquement, contestent la fluoration. Il y aurait lieu peut-être de regretter qu'il n'y ait pas eu plus de groupes qui se soient fait entendre. Il y a lieu aussi de regretter une attitude assez intransigeante du gouvernement, qui n'a pas accepté, entre autres, que certains scientistes qui sont contre la fluoration soient entendus.

Je soumets que, devant un débat de l'importance de celui que nous avons devant nous, devant l'importance de la loi que le gouvernement s'apprête à faire voter par l'Assemblée nationale, il aurait été de mise d'accéder aux demandes qui ont été formulées en ce sens, tant par l'Opposition officielle que par les autres partis reconnus en cette Chambre.

M. le Président, dès le début de la commission parlementaire, et le ministre le sait, l'Opposition officielle a fait connaître d'une façon bien explicite ses positions et elles demeurent les mêmes. Le principe de la loi que nous avons à voter, et c'est là-dessus uniquement que nous avons à voter au niveau de la deuxième lecture, c'est la fluoration obligatoire pour tous les Québécois. D'ailleurs le ministre des Affaires sociales, dans son exposé de deuxième lecture, l'a dit très clairement lorsqu'il a spécifié, dès le début de son intervention, que le but de cette loi était de faire de la fluoration une mesure de santé publique générale et obligatoire. M. le Président, vous savez que la position de l'Opposition officielle a été clairement exprimée dans le sens que nous étions justement opposés au caractère obligatoire de cette loi. Le ministre a dit, dans son intervention tout à l'heure, quelques mots sur l'amendement que nous avions apporté à la commission, afin de corriger ce caractère obligatoire qui est le propre de cette loi.

Mais les explications qu'il nous a données m'ont convaincu qu'il n'avait pas compris le sens de notre amendement. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce sujet spécifique afin de l'expliquer davantage en espérant que, peut-être au niveau de la discussion article par article de ce projet de loi, le ministre sera plus flexible.

Le ministre, dans son exposé, a affirmé que les Québécois avaient une mauvaise dentition. Je pense que je ne peux pas dire que c'est une vérité de La Palice mais il est clair que c'est une vérité scientifique. Sur ce point, nous sommes complètement d'accord avec le ministre. D'ailleurs, lors de la commission parlementaire, dans notre exposé d'ouverture, nous en avions fait état.

Il est évident que les Québécois ont une mauvaise dentition. Ceci est clair. D'ailleurs, une enquête, publiée en 1973, par le ministre de la Santé nationale et portant sur les années 1968 à 1970, démontrait, d'une façon très claire, que les Québécois avaient une mauvaise dentition. Il était spécifié que, dans ce domaine, lorsque nous avions à comparer les différents indices, nous étions, nous, les Québécois, à l'avant-dernier rang de toutes les provinces canadiennes. Cette enquête démontrait — là-dessus, nous sommes pleinement d'accord avec les chiffres qui ont été apportés par le ministre des Affaires sociales — clairement qu'à peu près 75% des Québécois âgés de treize ans et moins avaient besoin de réfection, alors que cette proportion n'était que de 45% en Ontario et de 50% au Manitoba.

Cette enquête également démontrait que la moyenne de réfection requise pour les enfants de onze ans, était de 4. 37% au Québec par rapport à 2. 69% en Ontario et à 2. 72% au Manitoba. Pour les enfants de treize ans, elle était de 5. 5% au Québec, de 2. 67% en Ontario et de 2. 84% au Manitoba.

Egalement, cette enquête démontrait qu'au Québec 31. 5% des jeunes, âgés de treize ans et moins, devaient se faire extraire au moins une dent, tandis que seulement 12% des jeunes Onta-riens et 14% des jeunes Manitobains étaient placés avec les mêmes besoins, dans la même situation.

Alors, je crois qu'il n'est pas besoin de parler plus longtemps pour que vous soyez en mesure de constater que nous sommes sur la même longueur d'onde que le gouvernement, que nous sommes sur la même longueur que les études et les enquê-

tes qui ont été effectuées par des scientifiques en la matière.

Devant cette situation, le ministre a parlé, avec admiration, de sa politique de santé buccale. Il s'est posé comme l'admirateur no 1 de sa politique de santé buccale. C'est son droit. Il n'est pas dit que plus de modestie aurait été de mise dans ce domaine.

Le ministre oublie que pour remédier à cette situation déplorable, que nous avons constatée et sur laquelle nous avons apporté des chiffres, il y a quelques instants, il faut qu'un gouvernement agisse à la fois par des mesures préventives et par des mesures curatives.

Qu'a fait le gouvernement, M. le Président, et qu'est-ce qu'il aurait pu faire? Jusqu'à maintenant, à part certains efforts d'hygiène dentaire au niveau scolaire, nous pouvons dire que le gouvernement a concentré davantage son action sur les soins cu-ratifs et que, même à ce niveau, l'action gouvernementale est actuellement insuffisante.

Malgré — et nous l'avions souligné lors de l'ouverture des auditions de la commission parlementaire — l'ouverture de la faculté d'hygiène dentaire de l'université Laval, le gouvernement sait qu'il n'y a pas encore assez de dentistes au Québec et que leur répartition géographique laisse fort à désirer. Comme le démontrent d'ailleurs les travaux des dentistes Simard et Lussier, auxquels s'est référé, dans son discours, le ministre des Affaires sociales, dont les résultats ont été publiés en 1970 dans le journal de l'association canadienne, il reste que le recours aux soins dentaires est proportionnel au nombre de dentistes établis dans une région. Il est donc urgent que le gouvernement — ce qu'il n'a pas fait — prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires afin d'augmenter substantiellement le nombre de dentistes et d'auxiliaires qualifiés au Québec afin que toutes les régions du Québec soient desservies adéquatement.

De plus, M. le Président, une étude faite entre 1965 et 1968, à l'Université de Montréal, démontrait que les enfants des milieux peu fortunés, ont, à l'âge de dix ans, 6. 4 dents permanentes cariées et à l'âge de treize ans, 13. 8 dents permanentes cariées, c'est-à-dire que plus de la moitié des dents qu'ils ont en bouche sont déjà atteintes de caries.

Là-dessus, M. le Président, l'enquête Simard-Lussier a prouvé également que le recours aux soins dentaires était directement proportionnel au revenu et au degré de scolarité. Je crois que les mesures qui ont été prises par le gouvernement, jusqu'à maintenant, n'ont quand même pas permis que le plus grand nombre de jeunes possible puissent avoir accès aux soins dentaires malgré le peu de revenus des familles dont ils font partie et malgré, naturellement, le peu de degré de scolarité qui est leur lot.

Face à cette situation, M. le Président, qu'est-ce que nous croyons, nous de l'Opposition, que le gouvernement pourrait ou devrait faire? Il y a un point que nous avons soulevé lors de la commission parlementaire et que nous désirons soulever à nouveau pour montrer que le gouver- nement aurait pu faire beaucoup plus qu'il n'a fait jusqu'à maintenant et que le ministre des Affaires sociales aurait pu avoir un petit peu plus de modestie concernant l'admiration qu'il a devant sa politique de santé buccale.

Entre autres, par exemple, M. le Président, l'assurance-maladie couvre, depuis l'été dernier seulement, les soins dentaires pour les enfants de moins de 9 ans.

Je crois que le ministre des Affaires sociales serait encore beaucoup plus fier de sa politique de santé buccale s'il trouvait les moyens — ce que nous avons réclamé à maintes reprises — d'étendre cette couverture aux jeunes jusqu'à 18 ans, car le gouvernement a les moyens d'étendre la couverture de l'assurance dentaire.

La Régie de l'assurance-maladie aura, à la fin de l'année financière, un surplus accumulé de $100 millions. Nous croyons qu'il aurait été normal, dans l'élaboration ou dans la poursuite d'une politique de santé buccale, qui est primordiale, que ce surplus serve à étendre la couverture de l'assurance dentaire à toutes ces personnes de moins de 18 ans.

Cette mesure, nous le croyons, est primordiale si l'on veut que la qualité de la santé buccale des jeunes Québécois issus de milieux défavorisés urbains et ruraux puisse s'améliorer, puisque cette santé buccale ne doit pas être seulement le fait de ceux qui ont la chance d'avoir plus de moyens financiers ou qui ont la chance d'appartenir à un milieu où le degré de scolarité est plus élevé.

A cet effet, nous croyons qu'il est primordial d'améliorer les services de santé en milieu scolaire, à la fois pour assurer une meilleure détection des déficiences dentaires et pour inculquer aux enfants une meilleure pratique de l'hygiène dentaire.

Idéalement, il faudrait que les jeunes Québécois se nourrissent mieux. Malheureusement, il est presque impossible de s'assurer un contrôle efficace de la qualité de l'alimentation, particulièrement dans un contexte où plusieurs familles québécoises n'ont plus les moyens de se bien nourrir à cause du coût élevé de certaines denrées de base.

Dans le seul secteur où le gouvernement pourrait agir, c'est-à-dire au niveau des cafétérias scolaires — nous l'avons souligné à la commission parlementaire — le gouvernement maintient le principe, qu'il semble ne vouloir violer d'aucune façon, le considérant comme un principe sacro-saint, de l'autofinancement. Avec une telle prise de position, nous croyons que c'est toute la qualité de l'alimentation de nos étudiants qui souffre. On n'a pas plus les moyens de bien se nourrir à l'école qu'on ne les a à la maison, et la machine distributrice remplace facilement le repas complet de la cafétéria.

Autrement dit, M. le Président, nous sommes d'accord pour dire que les Québécois ont une mauvaise dentition et qu'il faut au plus tôt l'application d'une politique de santé buccale qui soit efficace.

Dans un deuxième temps, nous avons voulu

soulever le fait que le gouvernement, en dehors de ce qu'il nous propose par le projet de loi no 88, aurait pu et aurait dû poser des gestes de nature à améliorer cette santé buccale.

Il a fait preuve quand même d'un certain retard, sinon d'une certaine négligence à appliquer certaines politiques que nous avons définies il y a quelques instants.

Le ministre des Affaires sociales a clairement indiqué dans son discours sa conviction que la fluoration réduisait les caries et avait des effets bénéfiques certains. Là-dessus, encore, nous sommes d'accord. Les témoignages qui ont été rendus à la commission parlementaire par les scientistes, par le monde médical et le large consensus qui se fait au niveau du monde de la science sur ce sujet précis font que l'Opposition officielle partage cette conclusion voulant que la fluoration ait assurément des effets bénéfiques aux fins de réduire la carie dentaire.

Egalement, nous sommes d'accord, lorsque certaines personnes font état de la notion de fluor naturel par rapport à la notion de fluor artificiel, pour dire que ces personnes sont dans l'erreur. Je crois que, scientifiquement, je le dis très humblement, les témoignages qui ont été apportés en commission et également les ouvrages scientifiques qui ont été écrits sur ce sujet ne permettent pas d'arriver à cette distinction entre le fluor naturel et le fluor artificiel.

Malgré tous ces points sur lesquels nous sommes d'accord avec le gouvernement concernant la fluoration et ses effets bénéfiques sur la santé buccale des Québécois, il reste que l'Opposition officielle n'appuiera pas le projet de loi no 88 pour une raison, au nom d'un principe que nous avons exprimé dès le début des travaux de la commission parlementaire. L'Opposition officielle n'appuiera pas le projet de loi no 88 parce que ce projet de loi impose la fluoration. C'est là le principe de ce projet de loi, de rendre la fluoration obligatoire, de donner à cette politique de fluoration un caractère obligatoire avec aucune porte de sortie possible. Nous avions proposé, et nous allons le proposer encore lors de l'étude du projet article par article, une formule de référendum qui permettrait aux municipalités qui veulent se retirer du programme de fluoration de le faire.

Le ministre, dans son exposé a abordé un seul point particulier du référendum et du principe pour lequel nous sommes contre le projet de loi no 88, lorsqu'il a dit textuellement ceci: "La complexité du monde dans lequel nous vivons exige, des gouvernements, une volonté de concilier les valeurs, les points de vue et même les intérêts proposés. Un gouvernement doit étudier soigneusement tout recours à des solutions autoritaires et asseoir le plus possible son action sur le consensus le plus large qui soit. Agir autrement, de manière systématique, serait nier la liberté et la diversité qui font la richesse des sociétés démocratiques. "Cependant, il ne saurait être question, pour l'Etat, de toujours s'astreindre à trouver des compromis. L'actualité récente a fourni de trop nombreux exemples où une telle attitude, si elle a un temps, été adoptée, s'est éventuellement révélée désastreuse et où l'intervention de l'Etat a dû finalement se faire sentir avec plus de force qu'il n'eût été strictement nécessaire. "

Je ne sais pas si, dans la deuxième partie de son intervention, le ministre faisait appel à l'attitude de compromis du gouvernement dans le domaine du travail qui avait obligé ce même gouvernement à légiférer avec plus de force qu'il n'eût été strictement nécessaire, M. le Président, mais le ministre des Affaires sociales nous présente sa loi avec le caractère obligatoire en se justifiant par l'argument principal, à savoir que le gouvernement doit asseoir le plus possible son action sur le consensus le plus large qui soit.

Nous sommes d'accord, M. le Président, au niveau du principe qui est énoncé, mais je pense que le ministre a confondu un large consensus scientifique avec un large consensus populaire. D'ailleurs le ministre a tenu à dire que bien des municipalités, jusqu'à maintenant, non seulement s'étaient opposées à la fluoration mais n'avaient pas cru bon de solliciter l'aide du gouvernement aux fins d'instaurer la fluoration.

Alors, M. le Président, nous croyons que l'attitude du gouvernement, qui confond intentionnellement un large consensus scientifique avec un large consensus populaire, exprime son refus de croire qu'une population, lorsqu'elle est correctement informée, lorsque après avoir été valablement, objectivement informée, est capable de se prononcer par voie de référendum, pour identifier elle-même où se trouve son bien et quelle est la décision que cette population doit prendre.

M. le Président, le gouvernement refuse d'accepter cette possibilité pour des municipalités de se retirer — je précise: qui veulent se retirer — du programme général de la fluoration.

Cette décision du gouvernement, de refuser la possibilité à ces municipalités de se retirer après avoir consulté leur population respective par référendum, en plus d'être un manque de confiance dans la capacité d'une population d'exprimer clairement ce qu'elle veut, doit être également considérée comme un recul devant les charlatans que le ministre a dénoncés à plusieurs reprises dans son discours de deuxième lecture.

Ce refus de permettre à une population de pouvoir s'exprimer sur un sujet aussi important qui touche un bien fondamental, la santé, nous croyons que pour le gouvernement c'est, d'avance, croire qu'à l'occasion d'une campagne d'information, le gouvernement a la conviction que les charlatans l'emporteraient sur les gens du monde de la science qui auraient l'occasion de faire valoir leurs arguments devant la population qui serait concernée.

Nous sommes d'accord qu'il y ait une loi générale qui s'applique à l'ensemble du Québec concernant la fluoration. Mais, le sens, le but de notre amendement était tout simplement de permettre à des municipalités de pouvoir se retirer après avoir fait un référendum au niveau de leur population. Il me semble que si le ministre avait

bien compris le sens de notre amendement, il l'aurait accepté. Parce qu'à ce moment-là ç'aurait été moins difficile de faire accepter la loi générale puisque les municipalités et les citoyens, devant l'application de cette loi générale, auraient accepté avec moins de difficultés, avec une peur moins grande, pour ceux qui s'y seraient opposés, puisqu'ils auraient vu la possibilité d'en sortir si le programme comme tel ne s'avérait pas efficace.

De toute façon, nous l'avons dit à la commission parlementaire et nous le maintenons au niveau de la deuxième lecture de ce projet de loi, nous voterons, puisque c'est du principe dont il est question lors de la deuxième lecture, contre le principe de ce projet de loi qui est de rendre la loi obligatoire. Nous n'avons rien vu au niveau des amendements qu'a apportés le ministre, qui aille dans le sens de certaines propositions que nous avions faites lors de l'étude en commission parlementaire. Entre autres, nous avions demandé que, face à une loi générale concernant la fluoration, le gouvernement étudie la possibilité de défrayer au complet, en plus des coûts d'achat et d'installation, les coûts de fonctionnement des appareils de fluoration.

Nous avons été à même de constater, lors des auditions de la commission parlementaire, que les coûts de fonctionnement représentaient quand même une dépense très importante pour les municipalités. Nous avons eu l'occasion d'entendre, etnre autres, les représentants de la ville de Laval. Il a été possible de constater que ces coûts de fonctionnement, s'ils étaient absorbés par les municipalités, auraient comme conséquence que les citoyens de ces municipalités seraient placés très vite devant la situation de voir encore une fois leurs taxes augmenter afin de défrayer une partie du programme proposé par le gouvernement dans le projet de loi no 88.

M. le Président, au niveau de la deuxième lecture, ce sont les considérations que nous avions à faire. Puisqu'il n'y a pas eu d'amendement annoncé par le ministre des Affaires sociales, concernant l'abolition de l'aspect obligatoire de cette loi, nous voterons contre, en deuxième lecture.

M. Bienvenue: Si le député de Rouyn-Noranda voulait me permettre une seconde... Avec le consentement des différentes oppositions, M. le Président, je propose l'adoption du rapport sur le bill 19 qui a été déposé ce matin, sa troisième lecture, les écritures, etc.

M. Roy: II est vrai que nous avons été consultés. En ce qui nous concerne, nous avons donné notre consentement pour que ces écritures se fassent et que la troisième lecture soit également adoptée, afin de permettre la sanction du projet de loi dans les meilleurs délais et l'accélération de nos travaux parlementaires. M. le Président, en français, cela s'appelle de la collaboration.

M. Samscn: Avant que le lieutenant-gouverneur ne manque de gin.

M. Bienvenue: Egalement en français, c'est très apprécié.

Projet de loi no 19

Rapport sur le projet de loi et troisième lecture

Le Président suppléant (M. Picard): Cette motion d'adoption du rapport et de la troisième lecture est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président suppléant (M. Picard): Adopté. Le député de Rouyn-Noranda.

Projet de loi no 88 (suite) M. Camille Samson

M. Samson: M. le Président, je souligne immédiatement qu'un député libéral me fait l'honneur de m'applaudir. Deux, trois, quatre, cinq, six, pas mal, M. le Président! Je pensais que le caucus était plus solidaire que cela derrière le ministre des Affaires sociales.

Le Président suppléant (M. Picard): Le député de Rouyn-Noranda sur le projet de loi no 88, deuxième lecture.

M. Samson: M. le Président...

M. Bienvenue: M. le Président, une question de règlement. Nous n'applaudissions pas les propos à venir du député de Rouyn-Noranda, que nous ne soupçonnons pas, d'ailleurs, mais nous applaudissions son attachante personnalité.

M. Samson: De toute façon, M. le Président, ils sont mieux d'applaudir avant parce qu'ils n'applaudiront pas après.

Le projet de loi no 88, qui est le petit-fils d'un autre projet de loi présenté il y a déjà plusieurs années, est le fils d'un projet de loi qui a été présenté en 1973 et qui a été retiré. Si je pouvais parler en termes médicaux, je dirais que c'est un projet de loi sur la fluoration qui a avorté en 1973, mais c'est un avortement manqué parce qu'il est revenu.

M. le Président, ce n'est pas la première fois qu'au Québec certains technocrates... J'aimerais bien voir le ministre des Affaires sociales, je ne sais pas où il est rendu. Où est-il? J'aimerais mieux l'avoir en avant que de l'avoir à côté de moi, je pourrais voir sa réaction dans ses yeux. Malheureusement, M. le Président, si je veux le regarder, cela va m'empêcher de vous regarder. Dans les circontances je préfère vous regarder, vous, que le ministre des Affaires sociales. Je souligne que même le premier ministre s'est dérangé pour venir faire cette troisième tentative de passer un sapin aux Québécois.

M. Bourassa: Non. Je veux poser une question.

M. Samson: Mais, comme le premier ministre me demande s'il peut me poser une question, cela me fait plaisir de lui accorder cette question.

M. Bourassa: Je veux simplement rappeler au souvenir du député de Rouyn-Noranda que, dans sa propre ville, la fluoration est appliquée. Et je rattache cela à une déclaration du député, qui avait dit que la fluoration se trouvait à contribuer au ramollissement du cerveau!

M. Samson: M. le Président, ce n'est pas une question...

Une Voix: C'est vrai, c'est vrai.

M. Samson:... c'est une mauvaise déclaration du premier ministre; ce n'est pas sa première, d'ailleurs.

De toute façon, avant qu'on commence à fluo-rer l'eau l'eau chez nous, tous les ministres du gouvernement Bourassa ou presque tous venaient se promener. Quand on a commencé à fluorer l'eau, ils ont arrêté de venir se promener dans la région. Bien sûr, ils viennent dans d'autres villes de la région, Amos, Val-d'Or, mais pas à Rouyn-Noranda. Même le premier ministre ne risque pas ça. Je suis d'accord avec lui, qu'il n'en risque pas trop parce qu'on ne sait pas jusqu'à quel point on peut attacher de la crédibilité aux propos du premier ministre, pas plus qu'à ceux du ministre des Affaires sociales d'ailleurs. Je l'entendais, durant la présentation de son projet de loi no 88, nous dire que tous ceux qui sont contre le projet de loi sont, ou bien des démagogues, ou bien des fumistes, ou bien des charlatans. Et il a ajouté d'autres choses que je n'ai pas comprises; de toute façon, il est dur à comprendre des fois.

Mais voici ce qu'il a oublié de d: re, le ministre des Affaires sociales. Dans la Presse du 18 juin 1974, il y avait un titre qui va vous intéresser: Claude Forget s'applique à vendre la fluoration de l'eau aux députés, cela c'est les députés libéraux. Alors, dans les démagogues, dans les fumistes, dans les charlatans dont a parlé le ministre des Affaires sociales tantôt, si je m'en reporte aux propos de la Presse, je n'ai pas de nom à ajouter mais on devra inclure ceux que la Presse a mentionnés en 1974. Mais jusqu'à quel point et dans quelle proportion pouvons-nous ajouter foi au ministre des Affaires sociales, à ses propos? Dans quelle mesure pouvons-nous accorder de la crédibilité au ministre des Affaires sociales, qui nous propose un projet de loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique? S'il y a une fumisterie quelque part, c'est quand on tente de faire croire aux Québécois qu'avec le projet de loi no 88 on va modifier la Loi de la protection de la santé publique. C'est cela, de la fumisterie, tenter de faire croire à la population qu'on va protéger sa santé alors que c'est le contraire qu'on va faire avec le projet de loi.

D'ailleurs, le ministre a poussé l'astuce jusqu'à inclure dans le même projet de loi la fluoration des eaux de consommation, la question des studios d'esthétique et la crémation des cadavres. Cela va bien ensemble! Cela va bien avec le ministre, ce que je viens de dire, la dernière phrase.

Mais je vous dis ceci: C'est qu'il faut non seulement vouloir insulter la population du Québec en tenant de tels propos, des propos comme ceux qu'a tenus le ministre, mais encore faut-il ne pas être gêné. Permettez-moi l'expression canadienne, cela s'appelle avoir du front tout le tour de la tête et un peu en arrière, une petite barre dans le dos.

Quand on tient de tels propos, comment peut-on croire à la crédibilité d'un ministre qui nous parle de protection de la santé publique, qui a, depuis assez longtemps, des responsabilités dans le domaine de la protection de la santé publique alors que lui et ses successeurs ont laissé les Québécois manger de la charogne pendant dix ans avant de le dire à la population?

Est-ce que c'est cela, la protection de la santé publique, M. le Président? Est-ce qu'on peut accorder foi ou une certaine crédibilité à ces gens? Cela a été connu publiquement, grâce à l'enquête sur le crime organisé, mais nous savons que déjà, depuis dix ans, les gouvernements étaient au courant de cela. Sous le prétexte de la protection de la santé publique, pourquoi le ministre n'a-t-il pas agi quand c'était le temps pour réellement protéger la santé publique? On viendra nous faire croire qu'avec le bill 88, c'est pour protéger la santé publique.

M. le Président, c'est plutôt pour détruire la santé publique. Le premier ministre est ici, et je profite de sa présence pour vous souligner, M. le Président, que le dernier projet de loi sur la fluoration, qui a été présenté en 1973, a été retiré quelques semaines avant le déclenchement des élections, en 1973. J'aimerais que le premier ministre ne se sauve pas trop vite, je n'ai pas fini. Je n'ai pas fini de parler de lui, M. le Président, et j'aimerais mieux parler pendant qu'il est là. Je comprends qu'il a d'autres chats à fouetter, qu'il a encore d'autres bills comme cela à aller préparer. Mais le premier ministre et l'équipe libérale n'ont pas risqué d'entreprendre la campagne électorale de 1973 avec le projet de loi de la fluoration des eaux de consommation laissé en plan. Ils l'ont retiré. Le gouvernement libéral n'a pas de mandat de la population pour fluorer les eaux de consommation au Québec.

Qu'on regarde le programme du Parti libéral des élections de 1973 et vous ne retrouverez pas cela, M. le Président. Au contraire, vous retrouvez des promesses pour améliorer la qualité de la vie, là, il y en a. Vous retrouvez des promesses pour améliorer la qualité de l'environnement, là, il y en a. Mais jamais on n'a dit aux Québécois qu'on reviendrait avec un projet de loi sur la fluoration pour détériorer leur qualité de vie et l'environnement. Jamais on n'a dit cela. Jamais, M. le Président, le gouvernement libéral n'a eu un mandat pour faire ce qu'il fait présentement. On ne peut pas invoquer l'état d'urgence, cette fois. On ne

peut pas venir nous dire que c'est parce que cela presse et que c'est dangereux comme on a invoqué l'état d'urgence en 1970, en octobre. On ne peut pas invoquer que c'est une situation nouvelle, cette fois. Cela fait 30 ans qu'on parle de fluoration ou de possibilité de fluoration d'eau potable au Québec. Le gouvernement libéral, qui l'a présenté, l'a retiré avant la dernière campagne électorale.

Au lieu de rendre obligatoire la fluoration des eaux de consommation, le gouvernement devrait plutôt défendre cette mesure. Au moins, s'il n'est pas prêt à aller aussi loin que cela, permettre aux villes qui sont concernées et dont la population est suffisamment intelligente pour se faire une idée, de décider elles-mêmes. Mais le ministre ne croit pas en l'intelligence de la population. Il l'a dit presque clairement. Il a dit: II faut l'imposer.

Dans 92 municipalités au Québec, il y a actuellement fluoration des eaux de consommation; sept municipalités ou villes ont accepté, après 1970, même avec les invitations cordiales du gouvernement, de fluorer, c'est-à-dire sous le présent gouvernement. Trois ont cessé depuis ce temps, trois des sept villes: Schefferville, Saint-Cuthbert, Nico-let.

Quand le ministre parle de charlatans, de fumistes, de démagogues, il inclut également, parmi les opposants, des gens comme les responsables, élus du peuple, représentant la ville de Tracy, qui ont un long mémoire et dont le maire est venu devant la commission parlementaire tenter de défendre la position de sa ville et celle de villes semblables à la sienne. La ville de Tracy a même fait parvenir une copie de sa résolution contre la fluoration à plusieurs villes du Québec, et, je vous nomme les villes qui ont accepté d'appuyer la résolution de la ville de Tracy contre la fluoration, pour le journal des Débats. Comme cela nous pourrons savoir les noms des gens que le ministre a inclus quand il a parlé de ceux qui se prononcent contre le projet de loi, quand il a parlé d'eux comme des démagogues, des fumistes ou des charlatans.

Parmi ceux que le ministre a insultés vous avez la ville de Québec, ce n'est pas loin d'ici; la ville de La Tuque, c'est dans un comté libéral; Port-Alfred; Mascouche; Loretteville; Longueuil; Varennes; Verdun.

M. Caron: M. le Président...

M. Samson: Même si l'honorable député de Verdun s'est déjà levé à la commission parlementaire pour contester cela, nous avons des copies de la ville de Verdun qui sont dûment signées. Je continue.

M. Caron: M. le Président, est-ce que mon collègue me...

M. Samson: La ville de Salaberry-de-Valleyfield. Non, M. le Président, je ne lui permets pas car il s'est déjà essayé comme cela; je sais qu'il va dire que ce n'est pas vrai, mais nous avons des lettres signées. On continue. Blainville; Haute-rive, Sherbrooke; Courville; Nicolet Baie-Comeau; Saint-Joseph-de-Sorel, c'est proche du comité central du Parti libéral; Matane paroisse de Contrecoeur; Drummondville-Sud; Sainte-Agathe-des-Monts; paroisse de Saint-Roch; Shawinigan-Sud; Val-d'Or, un autre comté libéral; Cap-de-la-Madeleine; Grand-mère; Malartic, c'est dans mon comté.

M. Bellemare (Rosemont): C'est pour cela que vous avez de belles dents.

M. Samson: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander de faire comprendre à mon collègue de mon arrière-gauche de Rosemont que s'il veut parler sur le sujet, il aura le temps de le faire, et j'aimerais bien, d'ailleurs, connaître son opinion.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, comme j'ai été nommé, je soulève une question de privilège.

Le Président suppléant (M. Pilote): A l'ordre, messieurs! Je ne pense pas que cela soit une question de privilège, ce serait plutôt une question de règlement. On abuse des questions de privilège dans cette Chambre, alors changez votre formule pour une question de règlement.

M. Bellemare (Rosemont): Question de règlement, M. le Président, ou une directive, vous en jugerez l'à-propos. J'aimerais, par la voix du président, savoir, dans la région du député de Rouyn-Noranda, quel est le pourcentage de la fluoration naturelle des eaux chez lui.

M. Roy: Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Pilote): A l'ordre! Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Peut-être feriez-vous bien de donner des directives privément au député de Rosemont, cela l'empêcherait de se tourner en ridicule devant l'Assemblée nationale! Il a probablement bu trop de fluor!

Je continue en vous disant que la commission scolaire régionale de Carignan a également appuyé la résolution de la ville de Tracy. Il y a aussi la commission scolaire de Sorel. Voici des villes qui n'ont pas voulu se prononcer: Amos, Granby, Mont-Laurier, Rock Forest, Chicoutimi-Nord, Ma-gog, Montmagny, Saint-Jean et des villes qui n'étaient pas assez informées pour prendre position: Bagotville, Candiac, Beloeil, Charlesbourg. Il y en a quelques-unes qui sont en faveur, elles sont six: Chibougamau, Mont-Royal, Saint-Pierre, Jonquière, Pincourt, Windsor. Je pense qu'on doit les nommer, parce que nous devons prendre en considération ce que les villes croient être bien pour leur population ou ce qu'elles croient être

mauvais. Il y a des villes où le sujet est à l'étude: Ancienne-Lorette, Chambly, Gatineau, Saint-Jérôme, Beauport, Chicoutimi, Lac-Mégantic, Waterloo. Il y en a d'autres qui n'ont pas répondu à l'invitation de la ville de Tracy.

Je pense qu'il est suffisamment clair que le ministre a insulté non seulement des populations, mais des représentants de ces populations quand il a traité de démagogues tous ceux qui s'opposent à son projet de loi.

Le même gouvernement libéral, social-démocrate, ou appelez-le comme vous voudrez, s'apprête à nous demander notre approbation sur un autre projet de loi qui viendra directement en contradiction avec le projet de loi no 88, parce que lorsqu'on refuse à des villes, à des citoyens le droit de se prononcer sur un sujet aussi important que leur propre santé, je dis que c'est une atteinte aux droits fondamentaux de la personne, une atteinte à la liberté individuelle. Or, voilà que nous avons étudié, durant l'hiver, un projet de loi qui porte le no 50 et qui s'appelle la Loi sur les droits et libertés de la personne.

Je n'ai pas l'intention de vous parler au complet de cette loi, mais qu'il me soit permis, à titre de référence, de vous lire l'article 1 — c'est le seul que je vais vous lire — qui dit ceci: "Tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté et à liberté de sa personne. " On affirme un grand principe, dans le projet de loi no 50, et, dans le projet de loi no 88, on renie ce principe. Cela s'appelle un gouvernement inconséquent. Cela ne nous surprend pas qu'on ait laissé manger de la charogne pendant dix ans à des Québécois sans nous le dire pour arriver, par la suite, en nous disant que par un projet de loi on va régler le problème et qu'encore une fois le gouvernement libéral va sauver le peuple! Oui, après l'avoir empoisonné ou laissé empoisonner pendant tant de temps!

M. Bellemare (Rosemont): C'était à Rouyn-Noranda, la charogne!

M. Samson: M. le Président, je continue en vous disant que le projet de loi no 88 est un projet de loi qui va à rencontre des libertés individuelles et des droits fondamentaux de la personne humaine.

Il y a des gens qui sont venus devant la commission parlementaire parler en faveur du projet de loi du ministre, bien sûr.

Nous en avons reconnu plusieurs qui sont venus parler en faveur du projet de loi du ministre dont certains experts qui coûtaient pas mal cher, qui venaient des Etats-Unis et qui étaient bien subventionnés pour venir devant la commission parlementaire, dont certaines autres catégories de personnes qui sont actuellement en négociation avec le ministre des Affaires sociales, pour des conventions collectives, pour des arrangements quant à certains tarifs, etc. etc.

Bien sûr on en a vu de ceux-là. Mais ce que l'on nous a refusé, à cette commission, c'est d'amener des gens qui avaient fait des études contre la fluoration, parce qu'ils avaient réussi à prouver que la fluoration est une mauvaise mesure.

Eh bien! M. le Président, quand nous avons fait, devant la commission parlementaire une motion pour amener des personnes, et cela aux fins de la commission, je vous assure — et vous étiez là, je me le rappelle — que le ministre s'est dépêché de refuser l'offre que nous lui faisions d'amener quelqu'un qui lui montrerait l'envers de la médaille.

Bien sûr, le ministre a refusé parce que, d'avance, l'idée était faite, et d'avance on avait décidé de l'imposer au caucus libéral ainsi qu'à la population du Québec, et d'avance, les dés étaient jetés. Il y a des gens qui sont contre la fluoration de l'eau, et ce n'est pas seulement dans la province de Québec qu'on les trouve. On peut vous citer des écrits qui ont déjà été publiés sur la question, dans une publication qui s'appelle le Service d'intelligence canadien. Permettez-moi de vous dire, M. le Président, en passant, que ce service est aussi intelligent que le service d'intelligence du ministre.

Voici ce qu'on y dit sur la fluoration. M. le Président, voulez-vous demander au "poolroom" un peu de silence, s'il vous plaît.

Le Président suppléant (M. Pilote): Attention à vos paroles.

M. Samson: Comment attention à mes paroles?

Le Président suppléant (M. Pilote): Vous les provoquez.

M. Samson: J'ai la parole, M. le Président, j'ai le droit de dire ce que je veux, j'ai été élu pour cela, et ce n'est pas le braillage des gars d'en arrière, des "back-benchers", qui va m'empêcher de parler.

M. Bellemare (Rosemont): Une question de privilège...

M. Samson: Qu'ils aiment ou qu'ils n'aiment pas cela, M. le Président, j'ai à dire ce que j'ai à dire et je le dirai. J'ai été élu pour cela, M. le Président.

M. Bellemare (Rosemont): Une question de privilège, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Pilote): Je comprends, une question de privilège.

M. Bellemare (Rosemont): Une question de privilège. Sans me laisser emporter par les sarcasmes du député de Rouyn-Noranda, vous me permettrez de vous dire que j'étais à cette commission lorsqu'on a discuté de la fluoration des eaux.

M. Samson: Une question de règlement, M. le Président. Une question de règlement.

M. Bellemare (Rosemont): Vous allez respecter...

Le Président suppléant (M. Pilote): Une question de règlement, le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Une question de règlement, M. le Président. Le député de Rosemont ne pose pas la question de privilège et je vous demande de le reconnaître immédiatement, pour qu'on ne perde pas notre temps en cette Chambre. Ce n'est pas une question de privilège que le député de Rosemont pose là. Je continue donc en vous disant...

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, ce n'est pas une question de règlement, je reviens sur ma question de privilège, parce que j'étais à cette commission parlementaire. Je me sens lésé, lorsque le député de Rouyn-Noranda nous accuse, et je veux dire...

M. Samson: J'invoque le règlement. Il y a toujours des limites, M. le Président, si le député de Rosemont veut commencer un débat, il parlera à son tour. Il a le droit de ne pas être d'accord sur ce que je dis, mais ce n'est pas lui qui a la parole.

M. Bellemare (Rosemont): Je me demande pourquoi le député de Rouyn-Noranda...

M. Samson: M. le Président, est-ce que vous allez maintenir l'ordre? Article 26, j'invoque le règlement.

Le Président suppléant (M. Pilote): A l'ordre! A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre, messieurs! Commencez par vous asseoir. Commencez par vous asseoir, je suis debout. Je suis debout. Commencez par vous asseoir. Le député n'avait pas terminé sa question de privilège et je lui accorde sa question de privilège.

M. Samson: Ce n'est pas une question de privilège.

Le Président suppléant (M. Pilote): II n'avait pas terminé.

M. Roy: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président suppléant (M. Pilote): Bon, la décision est prise.

M. Roy: J'invoque le règlement.

Le Président suppléant (M. Pilote): La question de privilège auparavant.

M. Bellemare (Rosemont):... M. le Président...

M. Roy: Je vous demande une directive. Est-ce que nous devrons considérer, à l'avenir, que tous ceux qui ont une question de privilège, une prétendue question de privilège, à la méthode du député de Rosemont, auront priorité, et qu'on permettra les interruptions continuelles devant l'Assemblée nationale, de façon à empêcher le député qui a la parole, de pouvoir s'exprimer librement? Je pourrais dire, à la suite du député de Rosemont, que nous avons écouté le ministre pendant deux heures, deux heures et demie. Il pourrait se rappeler, le député de Rosemont, combien de fois le ministre a été interrompu.

Nous n'étions pas d'accord sur ce que le ministre disait, c'est notre droit strict de ne pas être d'accord, mais si le député de Rosemont a quelque chose à dire...

M. Vallières: Ne charriez pas!

M. Roy: M. le Président, c'est une directive que je vous demande. Pourriez-vous demander au député de Rosemont de se préparer une intervention et, lorsque le député de Rouyn-Noranda aura fini, il pourra se lever à l'Assemblée nationale et faire un discours intelligent?

M. Samson: II n'est pas capable.

M. Roy: Au moins essayer de faire un discours intelligent et dire sur quels points il n'est pas d'accord avec le député de Rouyn-Noranda, mais qu'on cesse de l'interrompre.

Une Voix: Où avez-vous caché votre poignard?

Le Président suppléant (M. Pilote): A l'ordre! Sans vouloir attaquer personne, je sais qu'il y a de nombreux députés qui se lèvent souvent sur des questions de règlement et des questions de privilège de quelque parti que ce soit. Je tente d'être le plus juste possible envers ces députés, que ce soient des députés du parti ministériel ou des députés de l'Opposition.

Je cède la parole au député de Rouyn-Noranda.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, vous me refusez ma question de privilège.

M. Samson: Est-ce que j'ai la parole ou si je ne l'ai pas?

Le Président suppléant (M. Pilote): Est-ce que le député de Rosemont a une question de privilège ou une question de règlement?

M. Bellemare (Rosemont): Certainement, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Pilote): La parole est au député de Rosemont. Excusez-moi.

M. Bellemare (Rosemont): Même si le député de Beauce-Sud, qui ne sait plus à quelle place se brancher, nous traite de démagogues...

M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement. M. le Président, c'est assez!

Le Président suppléant (M. Pilote): A l'ordre!

M. Bellemare (Rosemont): Vous me permettrez de vous dire, M. le Président...

M. Samson: M. le Président, c'est assez!

Le Président suppléant (M. Pilote): A l'ordre! A l'ordre! Sur une question de règlement, le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Question de règlement. Quand on a la parole, on est censé pouvoir parler librement, sans interruption. C'est marqué dans le règlement, pour l'information du député de Rosemont. Il peut ne pas être d'accord sur ce que je dis, mais il se lèvera tantôt. Qu'il ait le courage et le coeur au ventre qu'il faut pour se lever quand c'est le temps...

M. Bellemare (Rosemont): C'est pour cela que je suis debout.

M. Samson:... mais je doute qu'il en ait, du coeur, pour se lever.

M. Bellemare (Johnson): C'est pour cela que je suis debout.

M. Samson: Tout ce qu'il est capable de faire, c'est de se lever pour tenter d'interrompre quelqu'un. J'ai laissé parler le ministre pendant tout le temps qui lui était accordé. Je n'étais pas d'accord sur ce qu'il disait...

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, question de privilège.

M. Samson: Je me suis senti insulté, comme toute la population du Québec.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je n'ai pas terminé ma question de privilège. Je veux terminer.

Le Président suppléant (M. Pilote): A l'ordre! A l'ordre! Sur une question de privilège, l'honorable député de Rosemont. Il y a un petit corridor et il ne faut pas exagérer sur les questions de privilège.

M. Bellemare (Rosemont): Ma question de privilège sera très courte. C'est simplement parce que le député de Rouyn-Noranda nous a accusés, dans un langage très folklorique, d'inconséquence. Ce sont exactement ses propos, je crois. Si j'ai soulevé une question de privilège, c'est parce que j'étais à cette commission parlementaire et il a dit que nous n'avons pas pris nos responsabilités. C'est dans ce sens que je veux lui dire que moi, personnellement, quant à la fluora- tion deseaux, avec les scientifiques qui sont venus à la commission parlementaire, je vais me fier aux scientistes plutôt qu'au député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, il y a toujours une limite. C'est assez!

Le Président suppléant (M. Pilote): L'honorable député de Rouyn-Noranda. Vous pouvez continuer votre discours.

M. Samson: J'ai écouté, j'ai enduré le ministre des Affaires sociales insulter la population, je n'ai pas dit un mot, je l'ai laissé parler. Pour vous démontrer l'intérêt qu'ont les députés libéraux à ce projet de loi, nous avions presque quorum et presque pas quorum, mais depuis que l'Opposition parle, pour vous démontrer jusqu'à quel point on est prêt à "bulldozer" l'Opposition sur le projet de loi no 88, vous ne manquerez pas de quorum, M. le Président, regardez cela, ils sont revenus. Ils sont en train de vous emplir les banquettes arrières parce que c'est l'Opposition qui parle. Je vous remercie, messieurs, de démontrer, de nous fournir la preuve, par votre présence, que vous aimez mieux les discours de l'Opposition que les discours de vos ministres.

Je continue en vous disant que les Service de l'intelligence canadien nous disait... Est-ce qu'on peut avoir la paix, M. le Président, ou si on va se laisser "bulldozer" tout le temps pendant qu'on parle?

Le Président suppléant (M. Pilote): J'inviterais les députés, de quelque côté de la Chambre que ce soit, à écouter attentivement et religieusement le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Vous avez ma bénédiction, M. le Président. Je continue en vous disant que le Service d'intelligence canadien, dans sa brochure, nous dit ceci. D'abord, qu'est-ce que la fluoration?

M. le Président, là, j'en ai assez! Le député de Rivière-du-Loup vient de passer une remarque désobligeante. J'ai justement le rapport de la commission devant moi.

A la page 10, vous vous le rappellerez, le député de Rivière-du-Loup, objectivement, à la commission parlementaire, suite à une invocation au règlement faite par le député de Rouyn-Noranda et le député de Chicoutimi, avait dû quitter le fauteuil de la présidence de la commission parce qu'il était partial, et c'est lui qui fait des remarques désobligeantes pendant que l'on parle du projet de loi no 88. Il avait dû quitter le fauteuil et c'est vous qui l'avez remplacé, M. le Président, parce qu'il avait participé au débat, qu'il était partial et qu'il ne permettait pas à des témoins devant la commission parlementaire de venir dire librement ce qu'ils avaient à dire contre le projet de loi no 88. C'est le genre de députés qui se permet de passer des remarques actuellement quand on parle contre le projet de loi no 88. M. le Président,

j'ai également de la documentation puis de la littérature de son comté à ce député. Dans son comté, la population n'est pas totalement d'accord sur la position qu'il défend, parce que, actuellement, sur cette question, à la commission parlementaire, il a défendu plutôt des intérêts d'une certaine catégorie que les intérêts de l'ensemble de la population de son comté.

Je vous rappelle, en continuant, que le Service d'intelligence canadien nous dit ceci: La fluoration est l'addition d'un puissant poison cumulatif...

M. Bellemare (Rosemont): Gilberte Côté-Mercier.

M. Samson:... généralement le fluorure de sodium ou le silico-fluorure de sodium...

M. le Président, si ça continue, je vais proposer l'ajournement du débat. Ou bien on va me laisser parler librement, tranquillement et en paix, ou bien on va proposer l'ajournement du débat puis on va lâcher cela. S'il le faut, on va demander un président capable de maintenir l'ordre. Je pense qu'il est temps qu'on reconnaisse que nous avons été, à l'endroit du ministre, des gentilshommes. On l'a enduré tout le temps sans dire un mot, nous. Mais quand vient le temps de dire ses vérités à ce gouvernement, qu'est-ce qu'on trouve? Non pas de l'argumentation valable, non, le bulldozer à l'huile crue. C'est cela qu'on trouve du côté du gouvernement, à ce moment-ci.

M. le Président, j'en ai des choses à dire et toutes les interruptions, je vous demande de les noter, d'en noter la durée, parce que je parlerai pendant une heure, que ça plaise ou que ça ne plaise pas aux députés libéraux. Si on m'interrompt pendant trois quarts d'heure, cela va faire une heure et trois quarts. C'est aussi simple que cela.

Qu'est-ce que la fluoration? Le Service d'intelligence canadien dit: La fluoration est l'addition d'un puissant poison cumulatif, généralement le fluorure de sodium ou le silico-fluorure de sodium aux eaux potables d'une municipalité, dans le but de diminuer le taux de carie dentaire chez les enfants de six à quatorze ans, l'âge de la deuxième dentition. " Il est intéressant de voir que dans ce numéro du Service d'intelligence canadien, il y a également une déclaration, une résolution de — je vais le dire en anglais, M. le Président, parce que c'est une association américaine — l'Association of American Physicians and Surgeons Incorporated. La résolution qui a été traduite en français, dit ce qui suit: "Considérant que le droit de déterminer pour chacun ce qui se fait à son propre corps est un droit fondamental— cela est dit par des experts qui n'ont pas été payés pour venir devant la commission parlementaire, imaginez-vous donc cela, c'est dit par des experts américains qui n'ont pas été payés pour venir devant la commission parlementaire — considérant que l'eau est nécessaire à la vie; considérant que de nombreuses personnes dépendent des services publics pour l'eau dont elles ont besoin; en conséquence, qu'il soit résolu que l'assemblée et la chambre des délégués de l'Association des médecins et chirurgiens américains Incorporée, réunie en session régulière à San Francisco, Californie, ce douzième jour d'avril 1958, condamne l'addition de toute substance aux sources publiques d'eau potable dans le but d'affecter le corps ou les fonctions corporelles ou mentales des consommateurs, et qu'il soit aussi résolu que des copies de cette résolution soient transmises au président des Etats-Unis, aux membres du Congrès, aux gouverneurs des divers Etats, aux maires de nos principales cités et adressées aux media d'information publique.

Un peu plus loin, un autre document, encore de la traduction cette fois: "The City of New York, Department of Water Supply, Gas and Electricity. "

L'attitude du département concernant la fluoration du système d'eau de la cité de New York. Cela est en 1956, déjà ils étaient avancés dans ces questions. Le ministre n'a pas découvert la fluoration l'an passé. "Le département possède — et je cite — des laboratoires parfaitement outillés et dirigés par des savants réputés et des ingénieurs sanitaires compétents, ainsi qu'une vaste bibliothèque contenant au moins 5, 000 références sur le seul sujet des fluorures. Nous avons constamment étudié et évalué l'effet des substances toxiques en rapport avec l'approvisionnement d'eau. La question des fluorures a été sous notre observation depuis plus de 20 ans. " Cela continue. "L'addition de fluorures aux eaux potables ne poursuit pas le but de maintenir ou améliorer la qualité de l'eau ou de l'assainir. Personne n'a suggéré que la carie dentaire est transmise par l'eau ou que l'eau soit cause de carie dentaire. Aucune raison satisfaisante, n'a jamais été avancée pour démontrer pourquoi chaque membre d'une communauté doit être forcé de subir pendant sa vie entière le risque d'une soumission extraordinaire à l'action toxique des fluorures, surtout lorsque des moyens plus sûrs, plus efficaces et plus économiques d'administrer des fluorures en vue de réduire la carie dentaire chez les enfants ont été démontrés et sont disponibles. " Ce rapport est signé par Arthur C. Ford, commissaire du département d'aqueduc de la plus grande ville de l'Amérique.

M. Bellemare (Rosemont): En quelle année?

M. Samson: M. le Président, on peut continuer. Des témoignages, nous en avons de toutes les sortes. Mais je pense qu'il est important, pour mieux comprendre le sujet, de savoir que des personnalités bien en vue, que le ministre a peut-être incluses dans sa catégorie de démagogues, ont dit et ont répété souvent que la fluoration des eaux de consommation, c'est de la médecine forcée ou encore que l'appellation médecine est très contestée par des hommes de science. Et le seul fait d'être contesté doit être suffisant pour qu'un gouvernement soucieux de la santé publique ne l'impose pas par une loi. Le fluor, qui est considéré par les uns comme une mesure pour enrayer la carie dentaire chez les enfants, est aussi considéré par certains experts comme nocif et dangereux

pour la santé et comme un poison violent et, également, comme un danger de pollution. Parce que le fluor, nous le savons tous, devra un jour ou l'autre retourner dans les eaux naturelles, dans les rivières, dans les lacs ou dans le fleuve. Il constitue, selon certains experts, un danger de pollution.

Pourquoi, me direz-vous, malgré tous ces dangers qui ont été énoncés, malgré ces possibilités que cela puisse constituer un danger, les gouvernements tentent-ils de l'imposer par la force?

Je pense qu'il nous faut comprendre l'historique et la provenance de l'idée pour mieux savoir pourquoi le gouvernement est à genoux devant certaines personnes ou certains groupes de personnes qui ont intérêt à faire certaines ventes obligatoires à des municipalités.

M. le Président, il y en a des gens qui ont écrit sur la fluoration. Nous retrouverons, dans le livre "Struggle with titan force behind fluoridation", par le Dr George Wallbott, comment une compagnie d'aluminium a déjà été mise à l'amende parce que ses déchets, qui constituent ce qui a été utilisé et qui pourra l'être encore comme fluorures de sodium, constituaient un danger de contamination des sols et des eaux. Le tout se passait en Colombie-Britannique et c'était le fleuve Columbia qui était en cause.

M. Le Président, pourquoi cette compagnie a-t-elle dû être mise à l'amende à ce moment-là? C'est justement parce que le fluorure de sodium constitue un déchet des produits d'aluminium, qui est utilisé sur le marché, actuellement — et c'est assez restreint, vous allez en convenir, M. le Président — comme le poison à rat.

Mais il fallait que quelqu'un trouve un jour un moyen de se défaire de cette "scrap" et de la vendre. Pour cela, il fallait trouver des acheteurs. Or, n'y avait-il pas un meilleur moyen que de l'imposer directement à des municipalités avec la complicité des gouvernements?

Nous retrouvons, dans un livre dont le titre est "How dangerous is fluoridation", par Phoebe Courtney, que le 29 septembre 1939, un biochimiste du nom de Gerald Cox, qui était à ce moment-là biochimiste à la Mellon Institue, à Pittsburgh, à l'occasion d'une réunion de la Western Pensylvania Section of American Water Works Association, a fait une déclaration. Pour votre information, la Mellon Institute, selon le Life Magazine, du 9 mai 1938, parce que ce n'est pas d'hier qu'on parle de fluoration, fut fondée — Mellon Institute — en 1911, par Andrew et Richard B. Mellon...

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, une directive s'il vous plaît.

M. Samson:... qui étaient, à ce moment-là...

M. Bellemare (Rosemont): Je m'excuse, M. le Président.

M. Samson:... propriétaires de l'ALCOA, c'est-à-dire Aluminum Company of America.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je vous demanderais une directive.

M. Samson: Ah! Est-ce qu'il va lâcher, lui, M. le Président? Je commence à avoir mon voyage!

Le Président suppléant (M. Brisson): Le député de Rosemont demande une directive.

M. Bellemare (Rosemont): Le député de Rouyn-Noranda, même s'il est emporté par ses sarcasmes, qu'il soit très calme.

M. le Président, je vous demande une directive. C'est parce qu'il parle de 1938, 1939. Ma demande est celle-ci: Pouvez-vous m'indiquer si, en 1938 ou 1939, nous avions des avions à réaction?

Le Président suppléant (M. Brisson): Nous avions quoi?

M. Bellemare (Rosemont): Des avions à réaction.

Le Président suppléant (M. Brisson): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Peut-être que nous n'avions pas d'avions à réaction à ce moment-là, M. le Président, mais nous avions des naissances de certains imbéciles comme lui!

M. Bellemare (Rosemont): Un instant! M. le Président, je demande au député de Rouyn-Noranda, que je connais très bien — c'est une question de privilège — et que je considère comme un ami, je lui demande immédiatement, par gentilhommerie, de retirer ce qu'il vient de dire à mon endroit.

M. Samson: M. le Président, s'il accepte de se tenir tranquille, je vais retirer certaines choses.

Mais s'il continue à intervenir pour m'empêcher de parler, j'ai d'autres qualificatifs qui lui iraient très bien.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je demande que le député de Rouyn-Noranda retire ses paroles lorsqu'il m'a traité d'imbécile.

M. Samson: Je voulais dire qu'il était à moitié imbécile.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je demande au député de Rouyn-Noranda de retirer ses paroles.

Le Président suppléant (M. Brisson): Est-ce que le député de Rouyn-Noranda pourrait retirer l'autre moitié également?

M. Samson: M. le Président, j'avoue qu'il est à moitié pas imbécile.

M. Bellemare (Rosemont): Est-ce qu'il pourrait retirer ses paroles? Je n'ai pas compris, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Brisson): Oui, je considère que ses paroles sont retirées.

M. Samson: Elles sont retirées, je vous ai dit qu'il était à moitié pas imbécile.

M. Bellemare (Rosemont): L'autre moitié je la lui laisse.

M. Samson: L'autre moitié, arrangez-vous avec, ça vous va très bien. M. le Président, est-ce que je devrai demander l'ajournement du débat? Depuis que j'ai commencé à parler, il n'y a pas moyen de continuer. Je vois qu'on a changé la présidence, ça va aller mieux. Je n'avais rien contre l'autre, c'est un bon gars, mais il avait des problèmes avec certains "back-benchers".

Je continue, M. le Président, en vous disant que les frères Andrew et Richard Mellon étaient propriétaires, à ce moment-là, de l'ALCOA, c'est-à-dire de l'Aliminum Company of America. L'Institut Mellon est un laboratoire de sciences appliquées ouvert à tous les hommes d'affaires américains qui, lorsqu'ils ont des problèmes, peuvent s'adresser à l'institut, qui leur fournit les services d'un scientifique durant un an. Le travail de ce dernier consiste à améliorer le produit, ou trouver de nouveaux débouchés. Le travail de l'Aluminum fut de trouver un nouveau débouché pour ses déchets; c'est ça l'histoire de la provenance de cette maladie de fluoration des eaux, il fallait trouver un débouché. Bien sûr, le ministre s'est arrangé pour que l'Alcan vienne devant la commission nous dire que, depuis plusieurs années, ils ne produisent plus de fluorure de sodium au Canada, bien sûr. Mais, ils nous ont également dit que s'ils avaient cessé d'en produire c'est qu'il n'y avait pas de débouché, que ce n'était pas payant; mais avec un débouché comme cela, ils ne nous ont pas promis qu'ils ne recommenceraient pas.

Pour mieux vous faire comprendre, je pense qu'il serait intéressant de jeter un coup d'oeil sur un article qui a paru dans Le Petit Journal de la semaine du 9 au 15 mars 1975, c'est le billet de Charles Petit-Martinon. Il y a des choses intéressantes; on dit tout d'abord que le fluor est loin d'être un élément chimique anodin, il est le plus dangereux de tous. Combiné à l'hydrogène, le fluor donne l'acide fluorhydrique, le plus corrosif de tous les acides utilisés en chimie industrielle; il attaque le verre et tous les métaux, il se combine à tous les corps simples —il se combinerait bien avec le député de Rosemont —.

D'autre part, la fluoration de l'eau va à l'encontre des libertés fondamentales de l'homme. Va-t-on faire une loi pour obliger les gens à boire de l'huile de foie de morue tous les hivers sous prétexte que cela est bon contre la grippe ou les rhumes? Non. Alors pourquoi obliger tous les Québécois à avaler un produit chimique dangereux? Quant à y être, puisque ce n'est pas mauvais pour les dents, du fluor, mettez de l'aspirine dans l'eau, de l'huile de foie de morue, de l'huile de ricin, M. le Président, de l'huile de ricin pour une purgation nationale quant à y être!

Bien oui, mettons-en! Allons-y. Ce ne serait pas plus bête. C'est le même principe, c'est de la médecine imposée, de la médecine obligatoire, de la médecine collective. On passe tout le monde dans le même tuyau. Mais oui, on le passe dans le tuyau de l'aqueduc. C'est de cette façon. Et, un peu plus loin, on dit: Pendant qu'on y est, pourquoi ne pas y ajouter aussi de l'iode pour les goitreux! Du magnésium pour les cardiaques! Du potassium pour les artérioscléroses! Et on ajoute: de la chaux pour les rachitiques, du fer pour les femmes faibles, du calcium pour les femmes enceintes, quant à y être. Et on obligera les hommes à en boire, parce que c'est bon du calcium pour les femmes enceintes; en faisant boire cela aux hommes, on est sûr que l'enfantement va être réussi.

Une Voix: Les journalistes du sexe masculin!

M. Samson: Ecoutez, vous avez un projet de loi qui est aussi bête que cela, que voulez-vous qu'on en dise? Vous avez un projet de loi qui est aussi bête que cela! Et cela continue: Pourquoi veut-on nous faire boire une soupe chimique, au lieu de l'eau naturelle? Et un peu plus loin, cela c'est bon, M. le Président, écoutez cela, parce qu'il faut savoir combien on va boire de cette eau: Même pas 10%. Cela veut dire que 90% de l'eau que nous utilisons vont à d'autres fins, c'est-à-dire pas pour fins de consommation humaine; 90% pour des fins hygiéniques quotidiennes: ablutions, douches, bains, etc., chasse d'eau de toilette, lavage de linge, arrosage du gazon, lavage de la voiture. Et tout ce qu'on nous a dit, c'est que ce sera bon pour l'émail des dents. On n'en boit pas 10% et les autres 90% seront-ils bons pour l'émail de ma toilette? Est-ce important tant que cela, pour qu'on oblige tout le monde à passer par le même trou? Pour qu'on oblige tout le monde à passer dans le même tuyau? La voiture du ministre va durer plus longtemps, parce que l'émail va durer plus longtemps lavé à l'eau fluorée! Au lieu de lui en acheter une par année, on lui en achètera une par cinq ans!

Et cela continue. Vous voyez comme c'est intéressant. Même le ministre commence à rougir. Il est temps qu'il commence à rougir, il est dans le Parti libéral depuis quelques années et il n'avait pas encore rougi, il était a côté des autres!

Cela continue, je cite toujours l'article: Cette obstination à vouloir nous faire ingurgiter du fluor me paraît louche. N'y aurait-il pas, par hasard, des petits amis du Parti libéral qui auraient du fluor à vendre?"

M. Mercier: C'est bon cela!

M. Samson: Comme par hasard le fluor est utilisé dans le traitement de l'aluminium, comme par hasard il y aura une aluminerie nouvelle dans le Québec. Est-ce que cela vous dit quelque chose? Comme par hasard, également. Cela ne vous dit rien? Faites un petit effort. Je cite toujours l'article. C'est marqué ceci: Une aluminerie nouvelle dans le Québec, cela ne vous dit rien? Allons! Faites un petit effort, mon oncle Paul en a parlé tout récemment! Là, vous allez comprendre,

quand il a parlé de l'inertie des hauts fonctionnaires qui semblaient ne pas être intéressés par cette aluminerie, dont la production intéresse les Américains et qui doit être construite avec les fonds de la Société générale de financement et de la Chase Manhattan Bank. Ce sont des petits amis intéressants! La Chase Manhattan Bank, on en rencontre trois par jour comme cela, cela aide beaucoup au fluor.

M. Harvey (Jonquière): Cela va plus vite qu'avec le chapeau à Caouette!

M. Samson: II faudrait bien utiliser les résidus de la nouvelle aluminerie. C'est ainsi que conclut l'article. Je pense que d'autres articles fort intéressants ont été écrits dans le Journal de Québec. On reprend les mêmes thèmes, ou à peu près. On dit qu'il y a un danger d'intoxication.

On pourrait également, M. le Président, continuer en vous parlant d'autres témoignages que nous avons eus. Mais, je ne crois pas que le gouvernement du Québec se fasse l'interprète de la population ou qu'il respecte les désirs de la population quand il décide d'imposer la fluoration des eaux de consommation par une mesure législative.

Au contraire, il viole des principes fondamentaux. On n'est pas les seuls qui se prononcent contre la fluoration. Dans un autre article, le journal Le Jour du 16 avril 1975, la Presse canadienne rapporte une conférence de presse donnée à Montréal par le Dr Brunet et le Dr Albert Schatz et, à ce moment-là, je vous lis le premier paragraphe de l'article: "Le président du front commun contre la fluoration de l'eau, le Dr Jean-Marc Brunet a indiqué hier que son groupe n'écarte pas la possibilité de s'adresser aux tribunaux en vue d'obtenir l'annulation du projet de loi 88, relatif à la fluoration de l'eau, si ce bill devait être adopté par l'Assemblée nationale. "

Bien sûr, M. le Président, le ministre pourra nous dire qu'il est prêt à faire face à la cour Suprême s'il le faut. Mais, il serait peut-être intéressant que nous expliquions au ministre ce qui est arrivé lorsque le Toronto métropolitain allait en cour Suprême. La cour Suprême renvoya son appel et maintient le jugement de la cour d'Appel de l'Ontario par cinq voix sur sept. Je cite un passage du livre, Dossier sur le fluor, page 118, sous la tête de chapitre, l'Opinion de la cour Suprême du Canada.

Le tribunal de la cour Suprême du Canada était composé des juges Taschereau, Rand, Cartwright, Fauteux, Abbott, Kerwin et Locke. Trois d'entre eux, à savoir les juges Rand, Taschereau et Fauteux, ont répondu ce qui suit: Une municipalité veut purifier l'eau qu'elle fournit à ses habitants, c'est-à-dire réduire la quantité de matières étrangères qui se trouvent dans l'eau afin qu'elle ne soit pas dommageable. Pourrait-on justifier les méthodes synthétiques pour fournir une eau dont la composition équivaut à la composition ordinaire ou normale de l'eau?

Si on le fait dans le but d'obtenir une eau dont la composition est conforme à ce que le corps humain est habitué à recevoir en fait d'eau, cela pourrait peut-être se justifier en autant qu'on a pour but de fournir une eau qui remplisse sa fonction ordinaire.

Mais, ce n'est pas pour promouvoir la fonction ordinaire qu'on veut y introduire du fluor, c'est dans un but médical. Quant au juge Cartwright, il appuie l'opinion des juges Rand et Fauteux et y ajoute l'argument suivant: "La fluoration de l'eau ne peut pas être regardée comme ayant pour but de fournir de l'eau pure et bienfaisante. Son but et son effet est de forcer les habitants, qu'ils le veuillent ou non, à absorber quotidiennement de petites quantités de fluor afin d'en rendre un certain nombre moins sujets à la carie des dents. On se sert de l'approvisionnement d'eau comme d'un moyen pour ce but. Essentiellement, le règlement de la fluoration n'est pas une mesure d'approvisionnement d'eau, c'est une mesure coercitive de médication préventive. La charte de la métropole de Toronto ne lui permet pas d'édicter de telles mesures de médication coercitive. "

Le gros bon sens des Québécois ne nous permet pas non plus d'édicter de telles mesures de médication coercitive. Le juge Abbott continue en partageant l'avis des juges Rand, Taschereau, Fauteux et Cartwright, et l'appel de la métropole de Toronto a été renvoyé. Ce jugement de la cour Suprême a été rapporté dans la revue Canada Law and Reports 1957, pages 569 à 581. Il est possible...

M. Tardif: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me permettrait de lui poser une question sur cette décision de la cour Suprême?

M. Samson: Oui, M. le Président, c'est un député qui est gentil, lui, je vais le lui permettre.

M. Tardif: Si le député de Rouyn-Noranda a lu l'arrêt en question de la cour Suprême, est-ce qu'il n'est pas d'accord pour affirmer que le motif invoqué par les juges de la cour Suprême n'était pas que c'était une mesure qui allait à rencontre des libertés civiles, mais tout simplement que la municipalité, qui est une créature du gouvernement provincial, n'avait pas les pouvoirs, en vertu de sa charte, d'imposer la fluoration?

Est-ce que le député de Rouyn-Noranda n'est pas d'accord pour dire qu'il existe une différence entre les deux et que les motifs de la décision de la cour Suprême étaient fondés sur le fait que la municipalité n'avait tout simplement pas les pouvoirs, dans sa charte, pour adopter la fluoration?

M. Samson: Je remercie le député de sa question. Très bonne question. Si le député m'avait fait l'honneur de mieux m'écouter, il n'aurait pas eu besoin de la poser.

M. Tardif: Je vous écoute depuis le début, vous savez.

M. Samson: Je répète, pour que le député comprenne bien, que le juge Abbott... C'est-à-dire

que je vais reculer d'un autre paragraphe pour vous dire que c'est, selon les juges de la cour Suprême, une mesure coercitive de médication préventive. "La charte — remarquez bien cela — de la métropole de Toronto ne lui permet pas d'édicter de telles mesures de médication coercitive. " C'est pourquoi j'ai ajouté que le gros bon sens des Québécois ne nous permettait pas d'accepter non plus chez nous, des mesures de médication coercitive.

Bien sûr, Toronto est une ville comme Montréal est une ville, mais Québec est une province puis une province ne devrait pas faire les choses d'une façon plus mauvaise qu'une ville. Dans le domaine de la médication coercitive, si c'est condamnable par des juges, parce que c'est fait par une ville, cela doit être condamnable également par des juges si c'est fait par une province. Il n'y a pas de différence, c'est le même principe qui est en cause.

M. Tardif: Mais, M. le Président...

M. Samson: Je continue, M. le Président, en vous citant — parce qu'il y a d'autre chose d'intéressant — un reportage du journal Le Soleil du 15 mars 1975 où on apporte aussi des avantages contre. On appelle ça des avantages contre, parce que si on veut faire comprendre le ministre, il faut lui dire que ce sont des avantages. Il est venu plusieurs experts qui ont parlé des avantages de la fluoration, alors un article du journal Le Soleil nous parle des avantages contre. Et dans les avantages contre, la litanie que l'on peut lire est la suivante: "Le fluor est un poison, à l'état pur il peut exploser; deuxièmement, les fluorures peuvent causer de la fluorose dentaire c'est-à-dire des taches sur les dents, si l'addition à l'eau est mal contrôlée. " Je continue: "Les enfants consomment peu d'eau alors que les adultes en boivent davantage. " C'est pour les enfants, cette mesure, les enfants ne prennent presque pas d'eau, c'est nous autres les adultes qui en buvons. On va protéger nos dentiers à nous autres, imaginez-vous si nos dentiers vont être bien protégés par le fluor du ministre, alors que nos enfants n'en ont presque pas besoin.

Il reste encore à voir si la fluoration ne cause pas d'effets secondaires indésirables. Le fluor pourrait être dommageable pour les os, le foie, les reins, la glande thyroïde, le coeur, les poumons, l'estomac. Ce n'est pas moi qui dis cela. Le fluorure, en se fixant sur les os, les rendrait plus friables...

M. Bienvenue: M. le Président, mon grand ami, le député de Rouyn-Noranda, me permettrait-il une question?

M. Samson: Oui, M. le Président.

M. Bienvenue: En l'écoutant, M. le Président, c'est un léger préambule, je pense que je viens de deviner ou de comprendre quelque chose. Je voudrais qu'il me confirme ou pas dans mes intui- tions. Le secrétaire général du Parti communiste de l'URSS, M. Leonid Brejnev, a déclaré, il y a quelques semaines, qu'il fallait absolument éliminer une arme infiniment plus terrible que la bombe atomique. Je suis en train de me demander si ce ne serait pas le fluor. Je demande au député de Rouyn-Noranda si j'ai raison dans mes intuitions.

M. Samson: M. le Président, l'arme plus terrible dont faisait mention le précité, ce n'est pas le fluor, c'est le Parti libéral. De toute façon, le type mentionné par le ministre est un rouge, et la question qui vient de m'être posée était d'un autre rouge.

M. le Président, j'avoue que ce n'est pas mauvais de permettre une période de questions au gouvernement. Cela leur permet de poser des questions, de s'instruire un peu. Quand on pose des questions au gouvernement, nous autres, ils ne nous répondent pas, on ne peut pas s'instruire. Mais là, on va leur permettre de s'instruire. Continuez à poser des questions de la même façon dont vient de le faire le ministre, dont l'a fait le député d'Anjou tantôt. Ces questions, poliment, cela me fait toujours plaisir d'y répondre.

Vous voyez la bonne réponse que je viens de donner au ministre de l'Immigration.

M. Tardif:... répondu, Camille!

M. Samson: II n'en a pas posé d'autre non plus. Mais, je continue. L'article dit ceci: II pourrait survenir des accidents sous le contrôle du dosage dans les usines de filtration. Cela n'a pas été dit par le ministre. Pourquoi fluorerait-on toute l'eau transmise dans les services des eaux, alors que seulement 1% de cette eau est absorbée par la population, le reste servant à l'entretien? Tantôt, je parlais de 10% dans un autre article, quelqu'un nous parle, dans cet article-là, de 1%, ce qui veut dire qu'il peut y avoir une certaine variation, mais plus on va vers la fin, plus on s'aperçoit que cela en prend moins pour la consommation et plus pour le reste. 40% de la population ne bénificieraient pas de cette mesure parce que non alimentée en eau par un service d'eau adéquat. Cela est clair. Il y a, dans certaines régions du Québec, des endroits où il n'y a pas de système d'aqueduc. Vous allez rendre la fluoration obligatoire, mais comment allez-vous régler le problème de ceux qui ont leur propre puit artésien, sur leur propre territoire, sur leur terrain? Comment allez-vous — M. le Président, je demande ça au ministre — régler ça? Si nous tenions pour acquis que c'est valable de fluorer, à ce moment-là, vous auriez 40% de la population frustrée parce que vous ne leur permettriez pas d'avoir accès à ce service. Pourtant, pourquoi — si l'on considère que c'est mauvais, parce que je considère que c'est une mauvaise mesure — pénaliser 60% de la population, c'est-à-dire ceux qui sont raccordés à un système d'aqueduc central?

On continue un peu plus loin, c'est intéressant cet article: "Les animaux ne souffrent pas de la

carie dentaire. Pourtant ils boivent la même eau non fluorée que les humains. " J'ajoute que c'est tellement vrai parce que je demeure dans une région du Québec où on a de nombreux lacs et rivières, où les pêcheurs s'en donnent à coeur joie et où il y a des brochets dans tous ces lacs. On n'a jamais demandé au ministre de venir mettre du fluor dans les lacs. Et on n'a jamais poigné un poisson avec un dentier encore! Et vous irez vous faire mordre par un brochet, vous allez voir qu'ils ont de bonnes dents. Vous allez voir ça. Mais, la science ne fait-elle pas ses expériences sur les animaux?

Je vois rire le député d'Abitibi-Ouest. Il aurait dû être là tantôt quand j'ai mentionné sa ville, parmi les villes qui s'opposent à la fluoration.

M. Boutin: Je peux répondre!

M. Samson: M. le Président, il aurait dû être là.

M. Boutin: Je peux répondre.

M. Samson: Pardon?

M. Boutin: Je peux répondre.

M. Samson: Non, vous n'avez pas le droit de répondre. Vous avez le droit de me poser une question. Mais, M. le Président, je n'ai pas le droit de lui dire cela. Je vous le dis à vous, qu'il a le droit de me poser une question.

Je continue, M. le Président. Il y a également, en plus de tout cela, des gens qui ont pris position dans le domaine des libertés individuelles...

M. Mercier: Nommez-les!

M. Samson: Je vais vous nommer, oui, Jean Drapeau, maire de Montréal, qui représente sûrement plus de monde que n'importe lequel de vous autres, pris un par un, dans vos comtés.

Le Président: Messieurs, s'il vous plaît!

M. Samson: M. le Président, dans le livre "Dossier fluor" aux pages 133 à 140, justement, on trouve une déclaration écrite qui a été signée par le maire Drapeau. On eput en citer des passages qui sont très intéressants. Cela va intéresser plusieurs de nos...

M. Levesque: M. le Président... M. Samson: Oui?

M. Levesque:... puis-je suggérer au député de Rouyn-Noranda de conserver sa citation pour 20 h 15 et conclure qu'il est 18 heures?

M. Samson: En guise de collaboration, est-ce que le ministre me permettrait de terminer ma citation? Après cela, on pourra passer à autre chose.

M. Levesque: D'accord.

Le Président: Je vous ferais remarquer qu'on me prévient que vous parlez déjà depuis... Vous avez dépassé de quinze minutes environ votre droit de parole. Nous avons pris en considération, à ce qu'on me dit, certaines interruptions, mais vous avez dépassé déjà de quinze minutes. S'il n'y a pas d'objection de l'Assemblée, je n'en ai pas. Est-ce que vous pourriez nous indiquer pour combien de temps vous en avez encore?

M. Levesque:... terminer avec la citation!

M. Samson: M. le Président, si on me le permettait... Je devrai écourter mon discours, malheureusement, parce que, ce soir, je dois assister à une autre commission parlementaire. Je ne pourrai pas être ici. Si on me donnait de cinq à dix minutes, je terminerais.

M. Levesque: C'est qu'on a besoin, justement, des cinq à dix minutes en question.

M. Samson: Bien oui, mais vous allez avoir besoin de moi en commission parlementaire ce soir aussi.

M. Levesque: M. le Président, nous demandons la collaboration de l'honorable député. On ne peut pas attendre de cinq à dix minutes. On peut le laisser parler à 8 h 15, s'il le désire.

M. Samson: M. le Président, je suis prêt à collaborer si le leader parlementaire me dit qu'il sera possible, à la commission parlementaire des affaires municipales, ce soir, de m'attendre, parce que j'ai un projet de loi à défendre devant cette commission et je devrai être là.

La commission siège à 8 h 15 je pense. Si le leader me dit que le projet de loi no 102 ne sera pas appelé le premier, me permettant de venir terminer, je propose l'ajournement du débat.

M. Levesque: Je ne peux rien garantir. Proposez l'ajournement du débat et nous allons essayer de collaborer.

M. Samson: Vous me demandez de faire quelque chose, mais faites quelque chose aussi; il y a trois bills.

M. Levesque: Si on veut prendre cela comme vous le dites, on va dire que votre temps est terminé et ça finira là.

M. Samson: Non, il n'est pas terminé, je vais le contester.

M. Levesque: Certainement, M. le Président, il est terminé.

M. Samson: Nous jouerons sur les règlements longtemps.

M. Levesque: II est terminé.

M. Samson: J'ai été interrompu plus de la moitié du temps que j'ai parlé, M. le Président.

M. Levesque: II n'y a pas de consentement.

M. Samson: Cela ne me fait rien que vous ne donniez pas de consentement. Pensez-vous que c'est en bouclant la bouche de l'Opposition que vous réglerez tous les problèmes au Québec?

M. Mercier: C'est fini.

Le Président: A l'ordre! Il est 18 heures.

M. Samson: Je propose la suspension, M. le Président.

Le Président: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 22

Le Président: A l'ordre, messieursl Le député de Laurentides-Labelle.

Rapport sur le projet de loi no 46

M. Lapointe: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, qui a étudié le projet de loi no 46, article par article, et l'a adopté avec un amendement.

Le Président: Rapport déposé. M. Levesque: Oui, M. le Président.

Le Président: Y a-t-il consentement pour l'adoption du rapport?

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Président: Le député de Laurentides-Labelle propose l'adoption du rapport de la commission élue permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, qui a étudié le projet de loi no 46, après la deuxième lecture, article par article, Loi concernant la garantie de certains prêts aux éditeurs et libraires et modifiant la Loi de l'aide au développement industriel du Québec. Ce rapport est-il adopté?

M. Charron: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. Levesque: Troisième lecture.

M. Roy: C'est une question de principe.

M. Levesque: Demain.

M. Charron: Si le leader accepte de faire le discours de troisième lecture, nous serons disposés à l'adopter.

M. Levesque: M. le Président, c'est une invitation à laquelle j'aimerais répondre, mais, d'un autre côté, je ne voudrais pas mal interpréter, ou fausser d'aucune façon, même pas nuancer l'opinion de mon savant collègue, le ministre des Affaires culturelles, ce qui me mériterait peut-être une rebuffade du savant député de Saint-Jacques.

M. Charron: Nous attendrons. Le Président: Reprise du débat.

M. Levesque: M. le Président, malgré tous les efforts que nous avons faits pour permettre au député de Rouyn-Noranda de revenir, je ne sais pas si nous pouvons encore faire quelques commentaires sur un projet de loi dont la prise en considération est déjà faite.

M. Lacroix: II est allé se laver les dents!

M. Levesque: Je ne sais pas si nous devrions parler de la température. Mais le député de Rouyn-Noranda avait déjà utilisé amplement son droit de parole. Je pense qu'il avait dépassé d'au-delà de quinze minutes l'heure qui lui était consentie.

Je dis tout ceci, M. le Président, non pas pour essayer de me plaindre du temps qu'a pris le député de Rouyn-Noranda, c'est simplement pour que s'il écoute quelque part, il puisse voir qu'il n'y a chez nous aucune réticence à l'entendre pour sa dernière envolée. Mais, étant donné les circonstances et étant donné les efforts qui sont faits de part et d'autre, je me demande, M. le Président, sincèrement, s'il n'y aurait pas lieu de demander à un autre opinant qui pourrait peut-être compléter la pensée de l'honorable député de Rouyn-Noranda, peut-être quelqu'un de son parti.

Nous pourrions peut-être inviter quelqu'un qui partage ses opinions généralement; peut-être que le "généralement" choquerait le député de Beauce-Sud...

M. Roy: J'ai tenté d'invoquer le règlement, M. le Président.

M. Levesque: Mais, ceci étant dit, M. le Président, je suis prêt à me rasseoir en ayant fait mon possible dans ce grand contexte démocratique qui nous anime particulièrement ce soir.

M. Roy: Je suis en train de me demander, M. le Président, si l'honorable leader du gouvernement m'avait permis... Je me suis levé à deux ou trois reprises, il n'aurait pas eu à dire toute cette série de mots qui en somme ne nous laissent à peu près pas grand-chose, parce que le leader du gouvernement n'a absolument rien dit, sinon nous parler de sa générosité.

M. Levesque: C'est un art, M. le Président. C'est un art de ne rien dire, je crois. Si le député de Beauce-Sud s'appliquait à cet art, peut-être pourrait-il être plus convaincant.

M. Roy: Je ne suis pas intéressé, M. le Président, et je veux rassurer mon ami, le leader du gouvernement, que je ne ferai aucun effort non plus. Ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que le député de Rouyn-Noranda a dû se rendre tout de suite en commission parlementaire des affaires municipales, parce que le projet de loi dont il était parrain a été appelé en premier lieu. C'est pourquoi il laisse, pas son droit de parole, mais il laisse à d'autres opinants, qui...

M. Levesque: Vous dites qu'il est parrain, parlez-vous de fluor aux fonds baptismaux?

M. Roy: M. le Président, je n'engagerai pas de débat à ce moment-ci, parce que je sais que nous risquons de fluorer l'esprit du leader du gouvernement et je ne voudrais pas que le leader soit la première victime du projet de loi du ministre des Affaires sociales. M. le Président, ceci étant dit, on nous apprend que d'autres députés sont intéressés à prendre la parole. Nous sommes donc tout oreilles pour les entendre.

Le Président: Est-ce que vous avez terminé votre intervention en deuxième lecture?

M. Roy: Sur ce projet de loi.

Le Président: Vous avez parlé du principe du projet de loi, vous avez repris votre fauteuil.

M. Roy: Non, non, je n'ai pas parlé du principe.

Le Président: Si j'interprétais le règlement à la lettre, vous auriez épuisé votre droit de parole.

M. Roy: Je n'ai fait que répliquer à un argument du leader du gouvernement.

Des Voix: Vote, vote!

Projet de loi no 88 (suite)

Le Président: L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: C'était par courtoisie que je laissais la parole à nos collègues parce que quelqu'un m'avait informé, avant l'heure du souper, qu'il était très intéressé à prendre la parole sur ce projet de loi. Oui, mon collègue de Rivière-du-Loup.

M. Lafrance: Question de privilège. Je n'ai jamais manifesté l'intention de prendre la parole sur le projet de loi. Quand je le déciderai, je vous en avertirai.

M. Roy: Je n'ai pas dit qu'il l'avait dit en Chambre, j'ai dit qu'il me l'avait dit à l'oreille lorsqu'il est venu s'asseoir près de moi cet après-midi.

M. Lafrance: Le député a-t-il objection à ce que je dise ce qu'il dit dans l'oreille, lui aussi?

Des Voix: A l'ordre!

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. Roy: M. le Président, j'admets que j'ai commis une imprudence. Sur le projet de loi qui est actuellement devant nous, on peut se demander une chose. Je n'aime pas les termes que je vais employer, mais je dis qu'après avoir eu la charogne dans nos assiettes, nous aurons maintenant le poison dans notre verre d'eau.

Le Président: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Roy: Et ceci de façon obligatoire. Obligatoire, s'il vous plaît! Pas de choix, c'est obligatoire. Le gouvernement l'impose, c'est la dictature. Le gouvernement, pour tenter de se donner bonne presse, pour essayer d'avoir l'opinion publique de son côté a, depuis plusieurs mois, je dirais même depuis quelques années, organisé une campagne afin de promouvoir la fluoration des eaux potables. Pas une campagne de façon à informer les Québécois; une campagne afin de favoriser une propagande en faveur de la fluoration.

J'étais présent à une commission des engagements financiers alors qu'on a présenté en 1971, si ma mémoire est fidèle, un engagement de $70, 000 par le ministère des Affaires sociales en vue de faire la promotion de la fluoration à l'Association dentaire. C'est $70, 000 qu'on a dépensés à même l'argent des contribuables du Québec: pas pour éclairer la population, pour faire de la propagande en faveur de la fluoration.

Dans les engagements financiers de mars 1972, le ministère des Affaires sociales du Québec, subventionne la Ligue d'hygiène dentaire de la province de Québec, Montréal, pour une campagne d'information relative à la fluoration à l'occasion de la semaine dentaire du 6 au 13 mai 1972; montant de l'engagement, article 7 du septième mois égale 12, $40, 250. Il s'agit de l'engagement no 517, des engagements financiers, pour le ministère des Affaires sociales, pour le mois de mars 1972.

Alors, le ministère des Affaires sociales a dépensé plus de $100, 000 à même les taxes des Québécois pour organiser une campagne orchestrée pour faire connaître à la population les bienfaits de la fluoration de l'eau. M. le Président, on a dépensé en plus, dans d'autres postes budgétaires qui sont passés inaperçus à la commission des engagements financiers — parce que les montants inférieurs à $25, 000 ne passent pas devant la commission des engagements financiers — afin de faire des campagnes. On a fait même des campagnes dans les écoles, on a distribué des tableaux aux enfants, on leur a distribué des jeux auxquels ils pouvaient jouer, participer en équipe avec des dés. S'ils disaient que la fluoration était bonne et qu'ils arrivaient sur tel numéro, ils pouvaient gagner des points; des jeux d'équipe, bien orchestrés, savamment orchestrés, en vue de promouvoir la fluoration, et cela aux frais des contribuables du Québec.

Ce n'est pas tout, on a fait une campagne aux frais des contribuables pour faire la promotion de la fluoration, on a essayé de colporter dans les écoles que la fluoration, c'était extraordinairement bon. On n'a pas fait la part des choses, non, non. Fluoration, fluoration, fluoration, genre propagande savon. M. le Président, je me réfère à un article qui a paru dans le journal La Presse de Montréal, le jeudi 6 mars 1975. Contre-offensive de trois médecins au projet de fluoration générale de l'eau. Je cite à l'attention du ministre: "Le ministère des Affaires sociales du Québec, qui présente au Parlement, ces jours-ci, le projet de loi no 88 sur la fluoration obligatoire de l'eau potable du territoire, a récemment entrepris une campagne en vue de déconsisérer les scientifiques universitaires qui s'opposent à l'adoption, dans sa forme actuelle, de la législation coercitive sur la fluoration de l'eau. " Pas une campagne menée par les gens qui peuvent être les adversaires de la fluoration ou pour la fluoration. Le ministère des Affaires sociales lui-même a orchestré une campagne de dénigrement envers les médecins, les spécialistes, envers les scientifiques, professeurs d'université qui s'opposaient à la fluoration de l'eau.

Le gouvernement a mené une campagne hypocrite en vue de faire le lessivage des cerveaux des Québécois. J'aimerais demander à l'honorable ministre des Affaires sociales au nom de quoi le ministère des Affaires sociales a procédé de cette façon.

On dit plus loin: "Cette campagne de dénigrement, qui s'est jusqu'à maintenant propagée jusque dans les salles de rédaction de la presse, a particulièrement visé la crédibilité des trois médecins chargés d'enseignement au département de médecine de l'université Laval de Québec, les docteurs Pierre-J. Morin, Paul-E. Roy et M. Boutet, tous trois membres du centre de recherches de l'hôpital Laval et, de surcroît, spécialistes en pathologie, c'est-à-dire dans la science qui remonte aux causes des maladies. L'affaire a commencé lorsque les trois médecins se sont présentés devant la commission parlementaire étudiant le projet de loi no 88 pour exprimer leurs réserves personnelles, à titre d'experts, sur la fluoration généralisée de l'eau potable. A la suite de ces témoignages et de la parution dans les quotidiens des remarques qu'ils ont formulées conjointement, une enquête gouvernementale a été instituée".

On demande parfois des enquêtes sur des sujets qui seraient d'intérêt public, il n'y a pas moyen d'en avoir, mais on dit qu'une enquête gouvernementale a été instituée. Et pourquoi cette enquête dont l'objectif ne pouvait être autre que de discréditer cette opposition articulée?

J'ai entendu cet après-midi — je n'ai pas tout entendu ici à l'Assemblée nationale, mais j'ai eu l'occasion de l'entendre dans les micros — le ministre des Affaires sociales qui, au lieu de prouver son affaire de façon scientifique pour rassurer la population, s'est contenté de toutes sortes de quolibets, de qualificatifs envers les personnes qui s'opposaient à la fluoration de l'eau.

On dit plus loin dans l'article: "Effectivement, un porte-parole des trois experts témoins a souligné que l'enquête gouvernementale a été entreprise, à plusieurs niveaux, sur la compétence professionnelle des médecins en cause et, on peut le supposer, sur d'autres aspects, de l'avis des professeurs. L'enquête a effectivement conduit les limiers du ministère des Affaires sociales jusque dans les officines des universités et des hôpitaux".

Je pense qu'il y a des limites. C'est de cette façon que le titulaire actuel du ministère des Affaires sociales se propose d'imposer cette mesure coercitive contestée, contestable, à laquelle un gros pourcentage, sinon la majorité des Québécois s'oppose formellement.

Est-ce de cette façon qu'on s'apprête à légiférer? Est-ce ce genre de projet de loi qu'on se prépare à présenter aux Québécois? M. le Président, au nom de quoi? Pour des fins médicales!

Jamais, M. le Président, dans le Québec, on est allé aussi loin que d'obliger une population à absorber un produit qu'on appelle "médicament". Je ne vous dis pas que c'est un médicament, c'est un poison. C'est clair que c'est un poison, le ministre le sait, et on va leur imposer cela pour des fins médicales, et cela sera obligatoire. M. le Président, si, demain matin, d'autres technocrates très habiles, des experts du ministère des Affaires sociales se décident de faire additionner autre chose dans l'eau, je me demande dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans ce que les Québécois vont boire. Je me demande ce que les Québécois vont boire dans quatre ans.

Cela va favoriser le commerce de l'eau de Vichy parce que, justement, les médecins seront obligés d'interdire à certains patients qui souffrent de certaines maladies...

M. Lecours:... du fluor dedans.

M. Roy: Je ne suis pas un médecin, mais le ministre des Affaires sociales, qui n'est pas un médecin, connaît suffisamment le problème...

M. Lecours: II y en a du fluor dedans!

M. Roy:... pour dire, M. le Président, qu'il aura justement...

M. Vallières: II y en a du fluor dedans!

M. Roy:... ces genres de petits commerces qui s'organiseront et qui progresseront dans le Québec.

M. le Président, il s'agit là d'un précédent qui est inacceptable parce qu'on ouvre la porte à tous les abus. Une fois le principe accepté, on pourra continuer et intervenir dans d'autres domaines.

Combien va coûter cette mesure? Cette mesure va coûter quoi à qui? Aux contribuables, à la population du Québec. C'est la population du Québec qui va payer pour cela. Cela va profiter à qui?

M. le Président, il y a souvent une question qu'on peut se poser: Dis-moi qui te paie et je te dirai pour qui tu travailles. Il serait bon de regarder, M. le Président, si votre problème de fluora-tion — je le dis à mes augustes collègues — n'est pas un problème de santé, c'est un problème politique. Ce n'est pas autre chose qu'une question politique, cette question de fluoration. Mon collègue en a parlé cet après-midi. Oui, c'est une question de politique. On pourra peut-être y revenir, M. le Président, sur certains points. C'est une question politique.

La fluoration, curieuse coincidence, est arrivée à peu près au moment où on a commencé à parler d'une deuxième aluminerie dans le Québec. C'est très curieux, le ministre des Affaires sociales trouve cela drôle. Je comprends qu'il pourrait trouver cela drôle, mais qu'il vienne nous dire de façon plus sérieuse que les compagnies d'aluminium ne seront pas les premiers bénéficiaires de cette mesure coercitive; que le ministre des Affaires sociales nous dise que ces compagnies ne seront pas les premiers bénéficiaires de cette mesure aux frais des Québécois, ainsi que la petite industrie qui fournira l'outillage aux municipalités pour imposer une mesure à laquelle on ne peut pas trouver de précédent quand il s'agit de faire accepter un tel principe à une population.

Quand le ministère des Affaires municipales est rendu à s'ingérer dans l'administration municipale pour obliger les municipalités du Québec à installer ces appareils pour fluorer l'eau et acheter les ingrédients, s'il vous plaît, qui serviront justement à fluorer l'eau, qui paiera, sinon les contribuables? Pourquoi obligerait-on les municipalités du Québec qui ne veulent pas traiter leur eau au fluor à le faire? Ce n'est pas parce que les aspirines sont un médicament qui peut rendre service et calmer les maux de bien des gens que tout le monde est obligé d'en prendre. Je ne sache pas qu'il y ait un médicament, aussi bon soit-il, qui peut justifier un gouvernement de faire une loi qui oblige de le prendre. On est rendu loin, au Québec.

Il faut commencer à se poser de sérieuses questions. J'ai lu et relu plusieurs rapports, plusieurs témoignages de la commission parlementaire des Affaires sociales sur tout ce qui s'est dit au cours de cette fameuse commission parlementaire, pour me rendre compte des préjugés qui existaient au départ, pour me rendre compte de quelle façon on a considéré les personnes qui venaient s'opposer à cette mesure coercitive, obligatoire, de quelle façon on a considéré les personnes qui, devant la commission parlementaire, ont exprimé des doutes. Les scientifiques, les spécialistes sont-ils unanimes pour dire qu'il n'y a pas de danger?

Il y a une personne, le professeur Schatz... pourquoi êtes-vous contre la fluoration?

Ils n'ont pas compris, M. le Président, Schatz, cela va aider pour le journal des Débats. Pourquoi êtes-vous contre la fluoration? Parce qu'elle tue, répond le professeur, docteur en microbiologie et professeur de l'université Temple, aux Etats-Unis. Vaut-il la peine de perdre des vies, sous prétexte de permettre à des gens d'avoir moins de caries dentaires? Ce n'est pas de moi, c'est un spécialiste, un autre spécialiste français, le savant biologiste français, Joseph André, dit: L'excès de fluor dans l'organisme nous fait courir un grand danger. Toute progression de fluor est une avance sur la tombe.

On est en train de lutter contre notre gouvernement pour pouvoir se protéger, pour pouvoir protéger notre santé. On en est rendu là, au Québec! Et tantôt, qu'est-ce que ce sera, si nous acceptons la philosophie actuelle du ministre des Affaires sociales? Il est temps que nous commencions à nous poser de sérieuses questions. Dans la loi du ministre, je vais me permettre, pour la bonne gouverne de mes collègues, d'examiner

certains paragraphes de cette loi, et voici ce qu'on dit: On demande aux gens de procéder à l'analyse des eaux destinées à la consommation humaine et fournies par l'usine, afin de déterminer la teneur naturelle en fluor. Qu'ont dit les spécialistes devant la commission parlementaire? Ils ont répété que le fluor naturel est du fluorure de calcium. Et on veut remplacer le fluor naturel, qui est le fluorure de calcium, par le fluorure de sodium. Ce n'est pas la même chose. Le ministre aurait dû demander à des biologistes de faire une analyse des deux produits.

Pour la gouverne de mes collègues, j'ai essayé de me procurer, depuis une semaine, une petite boîte de fluor dont se servent les exterminateurs d'animaux et d'insectes. Il est totalement défendu par la loi, pour une personne qui en fait la vente, de vendre de ce produit, parce que c'est un des produits les plus dangereux qu'il y a sur le marché. Et on se propose d'additionner cela à l'eau, pour faire boire ces produits aux Québécois? Y a-t-on pensé deux minutes? S'il y a des gens qui veulent en boire, nous ne sommes quand même pas pour les en empêcher mais, de là à obliger les gens à en boire malgré eux, il y a toute une nuance, il y a toute une différence!

M. le Président, ceux qui préconisent la fluo-ration, à l'heure actuelle, je leur dis ceci. Ils en feront ce qu'ils voudront, mais je dis que ceux qui préconisent la fluoration, c'est une prescription de charlatan. C'est cela. Une prescription de charlatan, c'est cela, la fluoration de l'eau. Il y a quand même des limites!

On s'est basé uniquement sur les statistiques. Dans les endroits où il y aurait eu fluoration de l'eau — on n'a pas tenu compte des autres facteurs — il y aurait eu moins de caries dentaires. C'est le seul point sur lequel le gouvernement se base. Lorsque les spécialistes se sont présentés devant la commission parlementaire et qu'on a demandé si les appareils offraient des garanties absolues, parce qu'il s'agit quand même d'appareils mécaniques, personne n'a pu dire que cela offrait des garanties de sécurité absolues. Personne n'a pu dire non plus qu'il ne se ferait pas d'accumulation à quelque part, une condensation. Personne n'a pu le dire, ni donner les garanties nécessaires.

Est-ce qu'on va s'aventurer dans une mesure de ce genre et attendre qu'il y ait un désastre dans une municipalité, qu'il y ait une catastrophe quelque part? M. le Président, c'est sérieux. On ne joue pas avec la vie des gens comme cela. On nous dira qu'aux Etats-Unis il y a eu des villes où l'eau a été fluorée, c'est vrai. Mais il y a eu beaucoup de villes, aux Etats-Unis, qui ont abandonné cette mesure, à la suite d'études d'experts, à la suite de recommandations des médecins. Il y en a eu beaucoup.

M. le Président, je ne suis pas habilité, en ce qui me concerne, à faire des prescriptions médicales. Le ministre non plus n'est pas habilité à faire des prescriptions médicales. Et on vote une loi, aujourd'hui, devant l'Assemblée nationale, qui exige en quelque sorte qu'on fasse une prescrip- tion médicale obligatoire. La fluoration de l'eau, c'est pour les fins médicales, ce n'est pas pour d'autres fins. C'est cela qu'on fait, par une loi qu'on adopte à l'Assemblée nationale.

On en est rendu à ce point. Le ministre aura beau faire les signes de tête qu'il voudra, il ne nous a pas convaincus par son long discours. Il ne nous convaincra pas non plus. Je trouve extrêmement malheureux, encore une fois, alors que les Québécois réclament tant d'autres mesures essentielles qu'ils jugent importantes pour l'avenir du Québec, que nous soyons rendus devant une loi de cette sorte.

M. le Président, si le ministre des Affaires sociales voulait être sincère, si le ministre des Affaires sociales n'avait pas actuellement de poids politique — et j'insiste, de poids politique — derrière lui, il pourrait dire: Nous allons favoriser les municipalités qui veulent installer des appareils de fluoration de l'eau. Les municipalités qui le désireront pourront avoir un appareil, elles pourront avoir une subvention de tant par tête. On veut favoriser la fluoration.

Le ministre serait venu avec une loi de ce genre que nous aurions été évidemment placés dans une autre situation. Si une municipalité, par voie de référendum, en veut absolument, si les gens ont voté à 90%, 95% pour en avoir, ce n'est pas le rôle de l'Etat d'aller conduire les affaires municipales. Ce principe, on peut l'accepter. Mais si on accepte ce principe, on ne peut pas accepter le principe que le ministre nous impose ce soir, la fluoration obligatoire de l'eau.

Je dis et je répète, encore une fois, que c'est une prescription de charlatan, nonobstant ceux qui la prendront de travers, cette citation. Je leur dis, et j'en fais un message: C'est une prescription de charlatan. J'ai dit que je n'étais pas un spécialiste en médecine, je le répète. Mais il y a une chose que tout le monde sait, par exemple, c'est que le médecin, lorsqu'il prescrit quelque chose à quelqu'un, commence par examiner le patient. Il organise le dosage, il tient compte de son état physiologique. C'est normal. Ou bien nous sommes à l'aube de la médecine collective; même canal pour tout le monde. Cela va jusque-là, M. le Président.

Est-ce que nous sommes à l'aube de la médecine collective au Québec? Ce principe étant accepté, je dis qu'on vient de faire le premier pas. Cela va jusque-là. Qui va empêcher le ministre, par la suite, d'en faire un deuxième, d'en faire un troisième. Je dis qu'en vertu de ce projet de loi, en laissant de côté les bienfaits ou les méfaits de la fluoration, en laissant de côté ces deux questions, mais uniquement sur deux autres points, on aura l'obligation d'ingurgiter un produit dont on ne veut pas.

C'est un principe qui est inacceptable, pour quelque raison que ce soit. Il n'y a encore aucune loi de votée qui oblige une personne malade à absorber le médicament qui lui sauverait la vie. Cette loi n'existe pas. On est en train de faire des pas qui vont nous conduire où?

Deuxièmement, il appartient à la municipalité

elle-même, qui a la responsabilité, qui est le premier gouvernement parce qu'elle est la plus près du peuple, de donner à sa population les lois et les services qu'elle requiert. Le rôle de l'Etat est d'aider les municipalités à remplir ce rôle. On est loin de ce principe et, je le dis encore une fois, nonobstant les bienfaits ou les méfaits de la fluora-tion, uniquement sur ces deux principes; on pourrait parler d'un troisième principe. Dans les régions comme la mienne où toutes les eaux usées prennent les cours d'eau, on est en train d'exiger du ministre des Affaires municipales qu'il prenne des mesures draconiennes en vue d'éliminer la pollution des eaux. Le ministre des Affaires sociales, lui, nous propose des mesures qui, justement, vont faire que dans des tonnes et des tonnes d'eau, des tonnes de fluorure de sodium vont se retrouver dans le Saint-Laurent, tantôt, vont se retrouver d'abord dans nos rivières et on parle de dépolluer le Québec. Je dis, en terminant, au ministre que non seulement on a eu de la charogne dans nos assiettes, mais on se propose d'avoir du poison dans nos verres d'eau. C'est intéressant!

Le Président: L'honorable député d'Anjou. M. Yves Tardif

M. Tardif: Après avoir écouté le ministre des Affaires sociales traiter de la mesure qui est devant nous, cet après-midi, je n'avais pas l'intention d'intervenir. Si j'interviens ce soir, ce n'est pas parce que le ministre n'a pas été complet, mais c'est parce que le député de Rouyn-Noranda, spécialement, et le député de Beauce-Sud ont laissé planer un tas d'inexactitudes que j'ai l'intention de relever brièvement ce soir.

Le député de Rouyn-Noranda a dit, fondamentalement cet après-midi, que la mesure qui est devant nous allait à rencontre des libertés civiles. Pour étayer son allégation, il a fait référence à une décision de la cour Suprême, en 1957, The Municipality of Metropolitan Toronto contre The Corporation of the Village of Forest Hill. En résumant, c'est le cas de le dire, les motifs de la décision des cinq juges majoritaires de la cour Suprême, le député de Rouyn-Noranda, à la question que je lui ai posée, a déclaré que les juges de la cour Suprême avaient décidé, en finale, que c'était une mesure qui allait à l'encontre des libertés civiles et qu'en conséquence ils avaient rejeté la requête de la municipalité pour imposer un système de fluora-tion de l'eau dans le Toronto métropolitain.

J'ai été cherché le rapport de la cour Suprême pour l'année 1957 et j'aimerais, brièvement, vous lire le motif invoqué par l'un des juges pour rejeter la requête du Toronto métropolitain. Le juge Cart-wright, en conclusion de sa décision, disait: L'essence et la substance de ce règlement... En anglais, il disait: In pith and substance. Je sais que les avocats qui ont étudié le moindrement le droit constitutionnel reconnaîtront une expression qui a été utilisée à plusieurs reprises dans des causes se rapportant au droit constitutionnel. Le juge disait donc: L'essence et la substance de ce règlement ne se rapport e pas à la fourniture de l'eau, mais à l'imposition à tous les habitants d'un territoire d'une mesure médicale préventive.

En somme, la raison pour laquelle les juges de la cour Suprême ont rejeté la requête de la Corporation du Toronto métropolitain pour imposer la fluoration, ce n'est pas que cette mesure allait à l'encontre des libertés civiles. C'est que tout simplement le Toronto métropolitain, qui est une créature du gouvernement provincial de l'Ontario, n'avait pas les pouvoirs requis en vertu de sa charte pour ajouter du fluor à l'eau qu'il distribuait à tous les résidents du Toronto métropolitain.

C'est peut-être un peu compliqué, pour certains députés, à comprendre. Je pense que le député de Rouyn-Noranda, dans sa réponse à la question que je lui ai posée cet après-midi, a bien démontré qu'il ne comprenait pas du tout ce que les juges avaient décidé et qu'il continuait à croire, d'autre part, que les juges avaient décidé que c'était une mesure qui allait à l'encontre des libertés civiles.

Si je pouvais prendre un exemple pour expliquer dans un autre domaine ce que les juges ont voulu dire, c'est celui des loteries. Supposons qu'une municipalité, un moment donné, au Québec, décidait d'établir une loterie comme la loterie olympique. Les juges qui seraient appelés à se prononcer sur la légalité de cette décision ne diraient pas que c'est une mesure illégale parce qu'une loterie est immorale. Mais les juges rendraient une décision pour refuser à une municipalité le droit d'établir une loterie parce que la municipalité en question ne pourrait, ni en vertu de sa charte ou en vertu du code municipal, établir une loterie. Le code municipal et la charte des municipalités prévoient que ces municipalités peuvent construire des rues, construire des trottoirs, administrer un service de santé, administrer un service de police, un service de circulation. Enfin, la charte ou le code municipal prévoient plusieurs choses. Mais, en règle générale, la charte et le code municipal ne prévoient pas qu'une municipalité peut exploiter une loterie. C'est un peu la même chose dans ce cas-ci. La cour Suprême a dit: La municipalité n'a pas le pouvoir d'imposer le fluor, parce que le code municipal et la charte ne prévoient pas ce pouvoir, pas plus qu'une municipalité ne pourrait légiférer en matière criminelle.

D'autre part, pourrait rétorquer le député de Rouyn-Noranda, la cour Suprême n'a pas déclaré que c'était une mesure qui allait à rencontre des libertés civiles, parce qu'à cette époque ce n'était pas une notion qui était à la mode. Il pourrait ajouter également que la Déclaration canadienne des droits a été adoptée en 1961, soit quatre ans avant la décision en question. Pourtant la cour Suprême, à l'époque, c'est-à-dire en 1957, était tout de même consciente de cette notion de libertés civiles. Qu'il me suffise de faire état brièvement des décisions rendues dans les affaires Saumur, Birks, Roncarelli, Chaput, Switzman, qui ont été des décisions importantes rendues par la cour Suprême en matière de libertés civiles durant les années cinquante. Il va de soi que ce n'est pas parce que

les juges de la cour Suprême avaient oublié cette notion des libertés civiles, mais les juges de la cour Suprême ont pris cette décision de refuser, la requête du Toronto métropolitain tout simplement parce que la Corporation du Toronto métropolitain n'avait pas le pouvoir, en vertu de sa charte, d'adopter une réglementation qui se rapportait au fluor.

Donc, il est faux de dire que c'est une mesure qui va à rencontre des libertés civiles, puisque la cour Suprême du Canada ne s'est jamais prononcée sur cette question.

Le député de Rouyn-Noranda a également mentionné que le Dr Brunet, je ne sais pas s'il est vraiment docteur, et d'autres naturopathes pourraient recourir aux tribunaux afin de faire déclarer ultra vires ou illégale cette loi qui pourrait être éventuellement adoptée par le gouvernement du Québec. Je pense que c'est un argument qui ne résiste pas à l'examen puisqu'on sait tous que, récemment, la cour Supérieure de Montréal, sur une requête de nature semblable qui ne se rapportait pas à la fluoration toutefois, a déclaré que la requête du Dr Brunet était mal fondée et que fondamentalement le Dr Brunet et ses amis naturopathes étaient tout simplement des fumistes, des gens qui se moquaient de la population. Je pense qu'il ne faudrait pas attacher plus d'importance à la déclaration du Dr Brunet et à ce que le député de Rouyn-Noranda nous disait, cet après-midi, relativement à cette question.

Maintenant, M. le Président, le député de Rouyn-Noranda, selon sa bonne habitude, a insinué — ou même accusé directement — que les personnes qui sont venues témoigner à la commission parlementaire au mois de février étaient soit subventionnées ou intéressées directement.

Il n'a évidemment apporté aucune preuve. J'aurais aimé que le député de Rouyn-Noranda nous dise de quelle façon les personnes qui sont venues témoigner en faveur de la fluoration au cours du mois de février étaient subventionnées.

J'ai vérifié et il appert qu'aucune des personnes qui sont venues témoigner n'était subventionnée directement ou indirectement par le gouvernement du Québec ou par un autre organisme. Mais j'imagine que dans sa réplique le ministre des Affaires sociales aura l'occasion d'apporter encore plus de renseignements sur cette question.

Je voulais aborder ce sujet brièvement parce que, selon sa bonne habitude, tout comme d'autres membres de l'Opposition, soit dit en passant, le député de Rouyn-Noranda, sans aucune preuve, a insinué que si ces personnes étaient venues ici, c'est parce qu'elles étaient subventionnées, en somme qu'elles n'étaient pas libres de faire les déclarations qu'elles voulaient, mais qu'elles avaient été incitées fortement à se prononcer en faveur du fluor.

Le député de Rouyn-Noranda a dit également que parmi les autres personnes qui se sont prononcées en faveur de la fluoration lors de la commission parlementaire qui s'est tenue au mois de février, il y en avait qui étaient intéressées, étant donné qu'elles négociaient des conventions collectives.

Le député de Rouyn-Noranda n'en a pas dit plus, mais supposant que ce soient les médecins, j'aimerais savoir de quelle façon ce député pouvait prétendre que ces personnes étaient intéressées à appuyer le ministre de façon à pouvoir conclure éventuellement des conventions collectives avantageuses.

Il n'y a pas tellement longtemps, le Dr Augustin Roy, je pense, qui est président du Collège des médecins, a fustigé assez sévèrement le gouvernement sur la question de l'amiantose. Si le Collège des médecins avait été de connivence avec le gouvernement du Québec afin de pouvoir conclure éventuellement une convention collective avantageuse pour les médecins, j'ai bien l'impression qu'il n'aurait pas fait la déclaration qu'il a faite il y a environ deux semaines sur la question de l'amiantose.

Je passe brièvement sur d'autres attaques basses et gratuites du député de Rouyn-Noranda qui a dit qu'il y a sûrement des amis des libéraux qui ont du fluor à vendre. Je pense que c'est une autre déclaration farfelue du député de Rouyn-Noranda. Il va de soi que si ce projet de loi est adopté, il faudra avoir recours au fluor. Maintenant, à savoir si les compagnies d'aluminium sont amies des libéraux ou non, je vous avouerai sincèrement, premièrement, que je ne le sais pas, et deuxièmement, que ça n'aurait aucune espèce d'influence sur mon vote et sur celui de mes collègues libéraux.

On a parlé des coûts. Le député de Rouyn-Noranda a encore fait état longuement des coûts que cette mesure pourra entraîner. Si le fluor était ajouté au lait, au lieu de l'être à l'eau afin de respecter, selon les paroles du député de Rouyn-Noranda, la sacro-sainte liberté des citoyens en cette matière, il en coûterait $2. 14 environ par année par personne pour pouvoir ajouter le fluor en question à ce liquide. Par contre, si le fluor est ajouté de façon indistincte à l'eau, ça va coûter $0. 10 par personne par année.

C'est vrai que c'est un coût dont on doit tenir compte, mais 6 millions de personnes à $0. 10 par personne, ça fait un coût total de $600, 000, alors que selon les études qui ont été faites l'addition du fluor à l'eau va réduire de 60% les caries chez les enfants. Je ne sais pas quelle réduction des coûts cela peut entraîner, mais je suis convaincu que c'est une réduction qui est sûrement plus considérable que celle de $600, 000 qui constituera le coût de la mise en application de ce projet de

Je n'ai été nullement convaincu par les arguments des deux députés créditistes ou présidentiels — j'ignore le nom de leur parti pour le moment — qui ne se sont pas vraiment attaqués au fond du problème. Est-ce qu'ils ont été en mesure d'affirmer péremptoirement que ce ne sera pas un bien pour les dents des enfants? Non, ils ont vraiment dévié de la question, ils se sont appliqués à lire des articles de journaux, à défendre ce principe de la liberté individuelle, principe qui n'en est pas un dans ce cas, à mon avis.

J'aurais aimé également entendre le député de Johnson. J'ai pris connaissance des rapports de la commission parlementaire qui a eu lieu au mois de février. Le député de Johnson, comme argument péremptoire, a dit au ministre des Affaires sociales: Ecoutez, je serai peut-être convaincu si vous buvez devant moi le verre d'eau auquel j'ai ajouté du fluor.

M. le Président, le fluor qui va être ajouté à l'eau va constituer 1, 2 partie par million, ce qui est une proportion, somme toute, très petite. Cela va de soi que si, dans un verre d'eau, vous ajoutez une moitié de fluor, vous allez en mourir. Pris en grande dose, j'ai l'impression que le fluor est un poison. C'est un peu comme si on disait à quelqu'un: L'aspirine, c'est un poison. Pour te le prouver, prends-en 50 tout d'un coup. Cela va de soi que la personne serait gravement malade ou en mourrait. Si vous prenez deux ou trois aspirines, vous n'en mourrez pas. C'est la même chose pour le fluor. Si vous en prenez selon des quantités prescrites, des quantités minimes, même si, en soi, c'est un poison, vous n'en mourrez pas. Mais si, à un verre d'eau, vous ajoutez un demi-verre de fluor, vous allez en mourir.

C'est le genre d'argument qui a été utilisé par le député de Johnson lors d'une de ses interventions en commission parlementaire, à la fin du mois de février dernier. Je pense que cela démontre que ceux qui s'opposent à cette mesure n'ont vraiment pas d'arguments convaincants. Ils vont se servir de démagogie, ils vont se servir d'arguments faciles à utiliser, ils vont se servir de grands principes, comme la liberté individuelle, mais lorsqu'on examine leurs arguments, on se rend compte qu'ils ne résistent pas aux faits, aux études qui ont été faites.

Je pense, M. le Président, que les arguments présentés cet après-midi par le ministre des Affaires sociales sont suffisamment forts pour emporter l'adhésion de tous les membres de cette Chambre.

Le Président: L'honorable député de Rivière-du-Loup.

M. Lafrance: M. le Président, les quelques minutes qui me sont allouées...

Une Voix:...

M. Paul Lafrance

M. Lafrance: M. le Président, j'invoque l'article 96 de notre règlement. Je demanderais qu'on le fasse appliquer intégralement pendant la période que j'ai l'intention d'employer, si vous me le permettez. Les quelques minutes qui sont mises à ma disposition, pour parler d'un projet de loi aussi important, ne seront pas assez longues mais tout de même, j'essaierai d'être assez bref.

J'ai écouté cet après-midi, le plus religieusement possible et depuis le début, les députés qui ont traité du sujet, et je me pose sincèrement la question à savoir si, réellement, le fait de prendre de l'eau fluorée ne ramollit pas le cerveau.

M. le Président, dans un article publié dans le journal Le Jour du samedi 30 mars 1974, on dit textuellement: "Camille Samson: Le fluor ramollit le cerveau". Je poursuis: "Poursuivant sa lutte contre la fluoration, le député créditiste Camille Samson a affirmé que le fluor, entre autres méfaits, amollit le cerveau et durcit également les muscles et désorganise le système nerveux. On dit, par la suite, que "sous l'ancien gouvernement, c'est le député créditiste Bernard Dumont qui s'était fait le chef de la croisade antifluoration. M. Samson a repris le débat avec presque autant de couleur".

Dans un autre article, M. le Président — le député de Rouyn-Noranda en a cité plusieurs, vous me permettrez d'en citer quelques-uns également — dans le Journal de Montréal du dimanche 28 avril 1974, on dit: "Samson buvait de l'eau fluorée. Le député créditiste Camille Samson, vivement opposé à la fluoration de l'eau potable, a révélé aujourd'hui qu'il avait été fort surpris d'apprendre que l'eau de sa propre ville, Rouyn-Noranda, était fluorée. Il s'est élevé contre le fait que dans nombre de villes de la province, la fluoration a été adoptée sans que la population en ait été avisée".

M. le Président, de deux choses l'une: C'est vrai que la fluoration des eaux de consommation cause le ramollissement du cerveau ou ce n'est pas vrai. Vous, M. le Président, qui êtes un homme intelligent et intègre, je vous laisse le soin d'en juger. Vous avez entendu des discours en cette Chambre, cet après-midi, et permettez-moi de vous demander, M. le Président, si c'est réellement vrai que l'eau — et on doit prendre la parole d'un collègue, je prends la parole de mon collègue de Rouyn-Noranda — ramollit le cerveau.

Mais, puisqu'il en boit depuis trois ou quatre ans, je me demande, et je vous demande, M. le Président, si on doit le croire quand il fait une telle affirmation.

Trêve de plaisanteries, je voudrais tout de même vous apporter des arguments qui ne vous convaincront pas, vous, M. le Président, car je sais que, depuis quelques années, vous buvez vous-même de l'eau fluorée dans votre municipalité, et vous voyez l'effet bénéfique de cette mesure d'hygiène publique. Je voudrais vous lire un extrait du président de la Ligue d'hygiène dentaire de Québec, en date du 12 juin 1972, le Dr. Denis La-flamme: "Monsieur le député, la profession dentaire étant pleinement consciente de son rôle premier, celui de veiller à ce que la population puisse jouir de la meilleure santé possible, réalise, à regret, le nombre sans cesse grandissant de soins dentaires requis, d'une part, et, d'autre part, le manque de dentistes pour répondre à ce besoin. Vis-à-vis de ce besoin qui devient de plus en plus difficile à combler, les mesures préventives nous paraissent d'une importance primordiale, et c'est dans ce contexte que la fluoration des eaux de consommation nous apparaît comme la méthode de prévention la plus sûre, la plus efficace et la plus économique jusqu'à ce jour pour réduire un fléau qui touche 99% de la population, la carie dentaire".

M. le Président, je ne voudrais pas, encore une fois, mettre en doute la sincérité de certains collègues de cette Assemblée, mais je voudrais me référer à un article d'un autre journal, disparu comme son auteur, le journal Défi, du 14 janvier 1972. Quand on parle du journal Défi, je sais que le député de Beauce-Sud tout comme le député de Rouyn-Noranda y étaient reliés de très près. On y lit, à la page 15: "On ne peut se baser sur la seule opinion d'un groupe de dentistes québécois, ceux-ci ne possédant pas le monopole des connaissances biologiques. On ne saurait être trop prudent, et il faut prendre garde de ne pas tomber dans l'erreur de tenir compte de l'avis exclusif de certains scientifiques sans tenir compte, également, de l'avis contraire d'autres membres de la communauté scientifique mondiale". C'est sur ce point que je voudrais insister, car depuis le début de la journée, nous entendons les représentants du Parti créditiste et de l'autre particule nous citer le Dr Schatz, ou quelques noms semblables; on n'en cite qu'un ou deux ou trois, mais ce sont toujours des personnes isolées qui ont supposé-ment fait des études, supposément, encore, scientifiques, on a même fait référence au Dr Jacques Brunet dont on ne connaît pas les antécédents. Moi, je veux me référer à toute la gamme d'associations mondiales, américaines, canadiennes et même québécoises qui se sont prononcées, en groupe, en faveur de la fluoration de l'eau de consommation.

Je voudrais encore une fois me référer au journal Défi, et vous montrer jusqu'à quel point des individus, comme les créditistes, ont essayé de manipuler la population, chose qu'on nous reproche à nous libéraux, contre la fluoration de l'eau de consommation. Encore une fois, je me réfère au journal Défi du 7 juillet 1972, à la page 3, Lettre de protestation de citoyens, tel était le titre de la lettre, et au bas, on marque: nom, adresse et ville; on demandait aux individus d'envoyer cette lettre préfabriquée au ministre des Affaires sociales du temps pour protester contre une mesure, et sans connaître les implications que cela pouvait apporter. C'est là la façon créditiste de faire de la propagande. On accuse les groupes qui se sont présentés devant la commission parlementaire d'avoir été subventionnés. Ce qui est faux, M. le Président, mon collègue d'Anjou vous l'a prouvé plus tôt.

Quand on dit que les effets de la fluoration de l'eau de consommation sont maléfiques, je voudrais vous citer un autre extrait du journal Défi du 7 juillet 1972. "Pendant des siècles, des milliers de personnes ont vécu toute leur vie dans des régions où l'eau contenait beaucoup plus de fluor que la quantité généralement utilisée sans que jamais leur santé en ait été affectée".

On estime à plus de 2, 600 les municipalités dans le monde où la concentration de fluor est beaucoup plus élevée que la quantité nécessaire à la prévention de la carie dentaire. D'autre part, la fluoration ne change pas le goût — j'espère que des oreilles créditistes entendent — parce que 1. 2 partie du fluor, par million de parties d'eau, ne peut pas changer le goût, la senteur, ni la couleur de l'eau. C'est impossible que cela fasse jaunir les gazons. Je continue l'article.

D'autre part, la fluoration ne change ni le goût, ni l'odeur, ni l'apparence de l'eau. Le fluor n'affecte pas non plus la nourriture, la lessive, les boissons ou les produits industriels. Le fluor est-il un poison? Voici la réponse: Le fluor est utilisé sous forme de sel de fluor, qu'on appelle fluorure, qui n'est pas plus un poison que le sel de table, qui est le chlorure de sodium. Beaucoup d'éléments, tels le sel, l'oxygène, l'eau, le fer, l'iode, sont bénéfiques à l'homme s'ils sont utilisés en quantité raisonnable. Ils peuvent être dangereux s'ils sont absorbés en quantité exagérée. C'est pourquoi Dieu garde la population du Québec d'un gouvernement créditiste, parce que du fluor serait dangereux entre de telles mains!

Pour absorber une dose mortelle de fluor, il faudrait boire le contenu — écoutez bien, et si jamais des oreilles créditistes ne comprennent pas, soit qu'on doive les amener chez le médecin ou que vous, M. le Président, leur répétiez ce que je vous dis — de 50 bains pleins d'eau fluorée en un seul jour! Même un créditiste n'est pas capable d'en boire autant!

La fluoration est efficace. L'eau de boisson est le moyen le plus efficace qu'on ait trouvé pour apporter les bienfaits de la fluoration à toute la population. Il y a bien les pilules de fluor, les traitements au fluor par les dentistes, la pâte dentifrice au fluor, mais ces moyens sont dispendieux et moins pratiques. L'eau est un élément naturel absorbé universellement. Y ajouter des fluorures permet à tout le monde de profiter sans effort, et à peu de frais, de cette mesure de santé dentaire.

Un autre extrait du journal Défi. Encore une fois, je me demande si on doit y croire. J'espère que non, parce qu'on dit: L'affluence de mongolisme est également notée dans les endroits où la fluoration est en application. Je me réfère à ma citation du début, qui concerne le député de Rouyn-Noranda, et je me pose sérieusement la question. Pour vous montrer jusqu'à quel point on charrie, parce qu'on accuse les libéraux de charrier, je vais vous lire un extrait d'une lettre adressée au ministre de la Santé, ou des Affaires sociales, le 3 juillet 1972, par un M. Alphonse Lacroix, qui faisait une série d'affirmations gratuites. Il disait, sans aucune preuve à l'appui: "Le fluor est un poison quinze fois plus violent que l'arsenic. " Pour le prouver, il aurait fallu qu'il prenne les deux! "Le fluor bloque l'action normale des enzymes essentielles au métabolisme, à la respiration cellulaire, à la croissance, à la génération d'énergie et donc à la vie. " Cette citation me fait penser au député de Beauce-Sud, qui dit qu'il n'est pas spécialiste, alors qu'en commission parlementaire il y a eu 19 mémoires présentés par des spécialistes et un seul était contre la fluoration des eaux de consommation. Doit-on se fier aux spécialistes qui sont venus devant la commission parlementaire? Les créditistes réclament toujours des commissions parlementaires pour entendre des spécialistes. Nous en avons entendu cette journée-là, mais,

en tout bon créditiste, on est resté les deux oreilles bouchées bien dur. On n'a pas écouté. Aujourd'hui, on vient nous radoter des ragots!

On n'a pas non plus prouvé l'affirmation suivante: Par son affinité pour le calcium, le fluor provoque l'ostéomalacie, l'ostéoporose et l'os-téosclérose, retardant ainsi la croissance normale des os chez les enfants. Une autre affirmation: Par son affinité pour le calcium, le fluor dérègle le fonctionnement du système nerveux. Là, je pense que le député de Beauce-Sud a raison.

Sixièmement, la consommation du fluor s'accompagne du durcissement des artères et du muscle cardiaque. Je vous laisse le soin d'en juger.

On fait une autre affirmation, M. le Président, et remarquez bien l'astuce qu'on emploie: Le monde scientifique soupçonne — on ne dit pas prouve, on dit soupçonne — le fluor d'être une cause de cancer et de mongolisme. On a entendu les créditistes dire que le fluor causait le cancer. On ne s'est même pas référé à cette affirmation qui dit que le monde scientifique "soupçonne" simplement le fluor.

On dit encore une fois qu'il est à prévoir — il est à prévoir, on ne le prouve pas — que certaines personnes souffrent d'allergie au fluor. M. le Président, on a 21 affirmations du même genre et aucune preuve scientifique n'est apportée. On parlait tout à l'heure des libertés individuelles. Je voudrais vous référer à un article du Journal dentaire de Québec de novembre 1969. Permettez-moi d'en lire un extrait. "Ce n'est pas à dire que la jurisprudence sur ce sujet soit inexistante — on a affirmé le contraire aujourd'hui — il existe même un jugement de la cour Suprême du Canada qui en traite, mais justement il est assez remarquable que les juges du plus haut tribunal du pays ne fassent aucune allusion aux libertés civiles dans leur examen du problème de la fluoration de l'eau. " On a dit que les juges de la cour Suprême s'étaient prononcés contre, M. le Président. "Tout se ramène dans cette affaire à un problème d'interprétation statutaire et aucun des juges ne va au-delà. Aucune référence, même lointaine, n'est faite, au cours du jugement, au problème tel que le posent les contestataires. On est donc peut-être justifié d'en déduire que, pour les juges de la cour Suprême du Canada, ce n'est pas en termes de libertés civiles que se pose le problème de la fluoration, alors que c'est essentiellement en ces termes qu'il se pose pour les antagonistes. "Le fait qu'une mesure comme la fluoration de l'eau dans l'état actuel du droit canadien n'enfreint pas les libertés fondamentales du citoyen est encore confirmé par l'existence de plusieurs lois provinciales au pays qui permettent expressément aux municipalités de fluorer leur eau. Or ces lois, à notre connaissance, n'ont jamais été déclarées inconstitutionnelles. Elles n'ont même jamais été attaquées devant les tribunaux, alors que, pour beaucoup, elles existent depuis déjà un bon nombre d'années. "Ces observations tentent donc à prouver de fa- çon très nette que la fluoration de l'eau ne va en aucune façon à l'encontre de ce secteur de notre droit positif qu'on appelle les libertés civiles ou les droits fondamentaux. Plus encore, ces observations indiquent, au-delà de toute question de droit positif, que les résistances de certaine partie de la population ne sont ni aussi vives, ni aussi nombreuses qu'on veut parfois le laisser croire. Cette dernière observation est d'autant plus importante que ce secteur du droit positif qu'on appelle les libertés civiles est parmi les plus évolutifs qui soient et qu'il est fortement influencé dans son contenu par les aspirations concrètes des individus et des collectivités. "Rien dans le droit positif canadien actuel n'établit directement que la fluoration de l'eau va à rencontre des droits fondamentaux du citoyen. Au contraire, plusieurs faits que nous venons de rappeler brièvement donnent à penser que pareille mesure n'enfreint en aucune façon ces droits. Mais, au-delà des faits et des indices, il faut examiner la question à son mérite et, pour ce faire, il sera nécessaire, comme nous l'expliquions plus haut, de comparer cette mesure à d'autres mesures que notre droit des libertés civiles permet ou prohibe selon le cas. "

Je voudrais vous citer les résultats des études qui ont été faites sur la fluoration. On dit que la fluoration diminue l'incidence de carie de 60% à 65%. Elle diminue de 70% à 75% la perte de la dent de six ans, c'est-à-dire la première molaire permanente, et cause aussi une diminution de 85% à 90% de l'incidence de la carie sur les incisives permanentes.

De plus, 40% moins de cas de prothèses dentaires dans les villes où il y a de l'eau fluorée. Ce qui dénote bien que la fluoration de l'eau est profitable même pour les adultes, surtout pour un Etat qui a la triste réputation d'être le plus édenté au monde. Vous n'êtes sans doute pas sans savoir que des prothèses dentaires sont essentielles pour les personnes édentées, et de bonnes prothèses dentaires, surtout, sont utiles. Je voudrais vous rappeler un incident que vous avez probablement vu vous-même à la télévision, en 1970, lors d'un congrès à la chefferie du Parti créditiste. Un présentateur avec des prothèses dentaires les a perdues durant son discours.

Des Voix: Nommez-le.

M. Berthiaume: Nommez-le.

M. Lafrance: Vous pourriez demander au député de Beauce-Sud de vous le nommer, il le connaît certainement mieux que nous.

L'Association médicale américaine s'était prononcée, en 1951, contre la fluoration des eaux de consommation. En 1958, elle s'est prononcée pour. Si vous avez entendu les discours d'aujourd'hui, on accuse les libéraux et ceux qui sont pour la fluoration de n'être pas honnêtes ou d'être malhonnêtes et de ne pas comprendre le problème des autres. L'Association médicale américaine, qui est tout de même un organisme assez

crédible, à cause du manque d'information en 1951, s'était prononcée contre la fluoration et, en 1958, à la suite d'études, elle s'est prononcée pour. Est-ce à dire qu'en 1951 l'Association médicale américaine était honnête et qu'en 1958 elle était malhonnête?

Encore une fois, je voudrais vous citer des affirmations que nos collègues créditistes nous sifflent dans les oreilles. On dit que cela peut causer des maladies chez les jeunes hommes comme, par exemple, la perte des cheveux, l'anémie et l'affaiblissement du pouvoir de coagulation du sang. Encore là, on n'apporte aucune preuve. Et celle-ci. J'en n'arrive, peut-être pas à cette maladie honteuse mais à d'autres quasiment semblables. On dit que, chez les femmes, cela cause — remarquez bien — des menstruations douloureuses. Est-ce que la cause d'une maladie — parce qu'on dit que c'est une maladie alors que c'est un phénomène naturel — est-ce qu'on veut insinuer par là que toutes les femmes qui boivent de l'eau fluorée sont atteintes de cette maladie à période régulière alors que les femmes qui boivent de l'eau naturelle ou non fluorée ne sont pas atteintes de ces douleurs?

On dit même que cela cause l'abaissement du taux de natalité. Je pense qu'il y a une cause beaucoup plus évidente que celle-là à la baisse de la natalité au Québec. Depuis que des municipalités ont de l'eau fluorée naturellement, aucune preuve ne nous confirme que dans ces municipalités il y a eu une baisse du taux de natalité.

Une Voix: Le célibat.

M. Lafrance: On dit aussi qu'il y a des altérations thyroidiennes, des troubles hépatiques. On n'en apporte encore aucune preuve. On dit, encore une fois dans le journal Défi, à la page 22 du 7 juillet 1972, que les Russes emploient depuis longtemps le fluor — remarquez bien celle-là, elle est suave — pour rendre leurs prisonniers de guerre stupides afin de pouvoir plus facilement les soumettre à un lavage de cerveau. Le fluorure de sodium — je continue une autre citation du même journal — est utilisé depuis de nombreuses années par les éleveurs du Texas comme moyen de castration chimique afin de refroidir l'ardeur sexuelle de leurs taureaux lors des périodes d'accouplement.

M. Lecours: On comprend pourquoi les créditistes sont contre.

M. Lafrance: Celle-ci est une autre citation textuelle du journal Défi: On veut mettre dans notre eau de robinet du fluorure de sodium sans nous consulter.

On va réussir ce tour de force parce que tous les députés — remarquez bien, c'est textuel, on met entre virgules — sauf les créditistes, se fichent éperdument de cette affaire de fluoration dont ils ne connaissent rien et dont ils ne veulent rien connaître.

M. le Président, c'est prêter des intentions malhonnêtes à des collègues de l'Assemblée nationale. Je n'irai pas jusqu'à m'abaisser de traiter de malhonnêtes les collègues qui s'opposent à la fluoration. Mais, ce que je leur demande, c'est de s'informer et de consulter les spécialistes qui sont venus ici, à la commission parlementaire. Mais, nos collègues créditistes ne veulent pas s'informer. Encore une fois, je voudrais citer la page 23 du journal Défi du 7 juillet 1972 — vous le savez, M. le Président, c'est un journal typiquement cré-ditiste — qui dit: Nos amis les créditistes s'étonnent de l'attitude des dentistes sur la fluoration — ceci me touche personnellement, M. le Président — Les créditistes disent: Ce ne sont pas les barbiers qui ont inventé le rasoir de sûreté ou électrique — argumentent-ils — et ce ne sont pas les coiffeurs qui ont inventé la mode des cheveux longs chez les hommes.

M. le Président, s'il fallait que chacun des groupes parlent de ce qu'ils connaissent et seulement de ce qu'ils connaissent, les créditistes n'auraient même plus à parler de la question monétaire parce que ce ne sont même pas eux qui l'ont inventé, le système monétaire. Nous n'aurions pas des débats comme nous en avone eu aujourd'hui contre la fluoration.

M. le Président, j'aurais l'intention de faire comme le député de Rouyn-Noranda qui a cité une série de villes qui s'opposaient à la fluoration des eaux de consommation. Je serais tenté de vous en faire une lecture qui serait beaucoup plus longue que celle du député de Rouyn-Noranda qui prouve le bien-fondé de cette mesure de santé publique. Mais, je vous en fais grâce, M. le Président, parce qu'à la commission parlementaire, on l'a déposée, tout le monde en a pris connaissance. J'aurais énormément de choses à dire, mais je crois que c'est une mesure que nous devons imposer le plus rapidement possible au Québec. Si le ministère des Affaires sociales a imposé l'assurance-santé dentaire, c'est son devoir de contrôler l'assurance-santé dentaire. La fluoration des eaux de consommation est un moyen pour réduire l'incidence de carie et, à l'heure actuelle, c'est le moyen prouvé le plus efficace et c'est un moyen que nous devons employer le plus rapidement possible. Je vous remercie.

Le Président: La réplique du ministre des Affaires sociales mettra fin au débat de deuxième lecture.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, ayant écouté les exposés de nos collègues de l'Opposition, ayant écouté ce torrent de paroles et ayant essayé d'en extraire quelques idées valables pour le débat, je n'ai vraiment pu trouver que la suivante: L'Assemblée nationale devrait se déclarer incompétente pour trancher un tel débat et elle devra inviter la population, l'ensemble de la population à se substituer à elle pour prendre une décision qui est apparemment au-delà des forces intellectuelles et au-delà des forces et au-delà du courage des

membres de l'Opposition et des oppositions qui se sont prononcées sur le sujet.

Je crois que, si nous devons envisager qu'une discussion publique très large se fasse sur un sujet comme celui-ci, il eût été essentiel qu'on nous démontre qu'un tel débat puisse se faire de manière intelligente, de manière à s'adresser au fond du sujet plutôt qu'à des considérations extérieures, des considérations étrangères au sujet que d'ailleurs je vais essayer de qualifier, parce qu'il n'est pas souhaitable que de pareilles affirmations soient faites dans ces murs et sans recevoir un démenti.

Pour ce qui est du député de Chicoutimi, parlant, paraît-il, au nom de l'Opposition officielle, tout ce que l'on pouvait tirer de ses remarques était une immense hésitation. La plupart du temps, il s'est borné à répéter après moi l'état déplorable de la santé dentaire au Québec chez les enfants particulièrement, où le phénomène a été étudié, mais chez les adultes sans aucun doute, même si là-dessus nous n'avons aucune statistique systématique. Après avoir noté l'état déplorable de cette santé dentaire des Québécois, il s'est attaché à décrire, en déplorant qu'ils ne soient pas suffisamment développés, pas suffisamment complets, donc en me répétant encore une fois, les différents programmes préventifs et de soins dentaires qui sont progressivement mis en place au Québec.

Mais quand il s'est agi de conclure sur ce qui fait l'objet du débat, plutôt que de pérorer sur des considérations qui n'ont aucun rapport avec ce débat, nous n'avons entendu qu'une hésitation à nous prononcer conformément aux conclusions qu'il tire lui-même de toutes les études qui ont été citées, tant en commission parlementaire qu'ailleurs, et sur lesquelles il s'est déclaré d'accord, mais pas au point de vouloir assumer ses responsabilités de parlementaire. Pas au point de vouloir, avec ses collègues, se prononcer clairement pour ou contre une mesure qui a été suffisamment débattue, qui est suffisamment connue, depuis 30 ans qu'elle est appliquée de manière systématique, depuis 75 ans qu'elle est connue dans ses effets sur la santé dentaire, pas au point de vouloir se prononcer clairement pour ou contre cette mesure.

Bien sûr, il est facile de comprendre que l'Opposition officielle est moins intéressée à la santé dentaire des Québécois dans ce débat qu'à accréditer la notion d'un référendum ou d'une consultation populaire. C'est une idée qui serait utile dans d'autres circonstances pour le Parti québécois, qu'il serait commode d'accréditer, à savoir que des références à l'opinion publique, permettraient si facilement, si commodément, si confortablement d'éviter des responsabilités à titre de parti et à titre d'homme politique.

Cependant, ce genre d'attitude n'est pas de nature à nous impressionner. Ce genre de recours à l'opinion publique et cette démission devant les responsabilités, auxquels nous invitent les membres de l'Opposition officielle, constitueraient dans nos régimes parlementaires un précédent qu'après plusieurs siècles de régime parlemen- taire l'Angleterre vient seulement de rompre sur un sujet comme l'adhésion au Marché commun.

On sait très bien que, dans l'application que l'Angleterre vient de faire du référendum, on peut trouver la conséquence inévitable d'une absence chronique de leadership dans ce pays sur la question du Marché commun depuis les quinze dernières années. Acculé par l'indécision, comme l'Opposition sur la fluoration, acculé par un manque de leadership devant une situation sans issue, on a eu recours à la consultation populaire.

M. Burns: Vous êtes mal placé pour parler d'absence de leadership, vous savez. Vous êtes bien mal placé pour parler de ça.

M. Forget: Nous vous en donnons une preuve par cette loi. Mais je n'insisterai pas davantage sur ce manque de courage. Au moins lorsque nous avons...

M. Burns: Le manque de leadership dont vous avez parlé, c'est vous autres.

Le Président: A l'ordre!

M. Forget:... entendu le député de Rouyn-Noranda, il n'était pas possible de se méprendre sur le sens de ses paroles. Il ne disait strictement rien. Mais au moins on a compris sa conclusion. Sa conclusion, c'était d'être contre, selon l'habitude qui devient familière dans ce parti d'être contre toute espèce de mesure progressiste, mais d'être contre pour des motifs qui sont à peine avouables lorsqu'on décortique un peu le raisonnement qui a été tenu.

On n'était certainement pas contre pour des raisons scientifiques ou techniques. Ces raisons, je ne sais pas si on les a comprises, si nos collègues du Ralliement créditiste les ont comprises. Un seul d'entre eux, même si les deux ont parlé, d'ailleurs, s'est donné la peine d'assister à la commission parlementaire sur le sujet, et je doute fort que l'un ou l'autre se soit donné la peine de lire la documentation qui a été déposée.

Quoi qu'il en soit, ils n'en avaient pas besoin pour tenir le raisonnement qu'ils nous ont tenu, pour nous dire que nous insultons la population lorsque nous disons qu'il est approprié, il est plus approprié que l'Assemblée nationale prenne ses responsabilités dans une question de santé publique.

M. le Président, ce n'est pas dénigrer le bon sens de la population que d'affirmer qu'il y a là une responsabilité gouvernementale qui doit être assumée.

Le député de Rouyn-Noranda et son collègue de Beauce-Sud nous ont démontré avec combien de difficulté une discussion rationnelle pourrait être tenue dans des conseils municipaux, si nous, comme législateurs, nous nous laissons entraîner aussi bas dans nos raisonnements, en faisant appel à des motifs qui sont, encore une fois, M. le Président, à peine avouables. On a allégué la mauvaise foi, on a allégué presque la malhonnêteté

non seulement du ministre, non seulement de ses collègues ministériels, dans la présentation de ce projet de loi, mais même chez ceux qui se sont présentés volontairement et bénévolement devant la commission parlementaire pour appuyer ce projet de loi.

On a dit d'eux, M. le Président, qu'ils étaient de mauvaise foi, qu'ils étaient des marionnettes entreles mains du gouvernement, qu'ils étaient dans des situations de conflit d'intérêts. C'est en ces termes qu'on a accueilli des propos de personnes désintéressées qui ont maintenu, dans d'autres circonstances, une attitude carrément indépendante du gouvernement, qui n'ont jamais craint de s'affirmer en face du gouvernement — et le député de Rouyn-Noranda l'affiramait lui-même — qui sont même en négociation avec le gouvernement dans des sujets où leurs intérêts sont des intérêts qui les opposent au gouvernement dans ces négociations.

On a cité, on s'est amusé à citer une longue liste de municipalités qui avaient exprimé un avis défavorable sur la fluoration. Sur quoi cet avis est-il basé, M. le Président? J'aime autant ne pas faire de commentaires. Je sais cependant qu'il y a eu une cabale, qu'il y a eu une campagne de menée par un petit nombre d'individus pour obtenir ces résolutions de conseils municipaux, résolutions passées à toute vapeur, sans discussion, sans expertise, mais avec le sentiment que l'on était parti d'un mouvement collectif, mouvement que certaines personnes se sont crues appelées à mettre en branle. Mais la liste qu'on nous a produite, M. le Président, nous pouvons la contrer par une liste encore plus impressionnante, encore plus longue d'organismes tant québécois que nationaux ou internationaux.

Pour ce qui est seulement du Québec, M. le Président, puisqu'on s'est amusé à citer une liste, je vais en citer une à mon tour. Nous avons des organismes qui nous ont écrit, indépendamment de leur comparution ou de la comparution de certains d'eux en commission parlementaire, depuis même les audiences de la commission parlementaire, tels que la Corporation professionnelle des médecins du Québec, la Corporation des agronomes du Québec, l'Ecole de santé publique de l'université Harvard, l'Association des spécialistes en chirurgie buccale, l'Ordre des chimistes du Québec, la Corporation des diététistes du Québec, la Société dentaire de Montréal, la Société dentaire du West Island, l'Association dentaire canadienne, l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec, les conseils régionaux de différentes régions, responsables de la santé et des services sociaux, la faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal, l'Association des orthodontistes de la province de Québec, la ville de Berthierville.

A ce sujet, M. le Président, j'aimerais vous faire lecture de la lettre que le maire de Berthier-ville m'adressait en mars dernier après la fin des audiences en commission parlementaire: "M. le ministre, il y a environ douze ans, alors que j'étais maire de ma ville et médecin hygiéniste du comté de Berthier, j'ai fait construire une usine de traitement de l'eau d'alimentation. J'y ai fait installer la fluoration sans demander la permission à qui que ce soit. La population avait confiance en moi. Des enquêtes furent faites chaque année chez nos enfants de première année et, immédiatement, le taux de carie dentaire commença à diminuer. Aujourd'hui, nous n'avons à peu près plus de carie dentaire chez nos enfants tandis que le taux est encore très élevé chez les élèves qui ne boivent pas d'eau fluorée. "Nous avons de belles statistiques. Chez les élèves d'un rang de Saint-Norbert, je fus un jour frappé par les bouches parfaites de ces enfants. Des analyses de l'eau démontrèrent que ces élèves buvaient une eau fluorée naturelle provenant de puits. Leurs parents et grands-parents avaient aussi des bouches parfaites. "Si l'eau de Montréal avait été fluorée — dit encore M. Laferrière — il est probable que ces trois enfants morts d'anesthésie lors d'extractions dentaires seraient encore vivants. J'espère que le gouvernement ne se laissera pas influencer par tous ces ignorants et malintentionnés. " "Il est plus que temps que toute l'eau d'alimentation soit fluorée. Félicitations. Ulysse Laferrière, maire de Berthierville".

Je reprends la liste: l'Ecole polytechnique, section du génie de l'environnement. On nous a corné les oreilles avec les problèmes de l'environnement; je crois que ce sont des spécialistes de l'environnement qui nous ont dit: Bravo, allez de l'avant avec ce projet! La ville de Pierrefonds; la Société dentaire nord-sud; des centres hospitaliers en très grand nombre, et auprès desquels nous ne sommes pas intervenus, M. le Président, mais qui l'ont fait de leur plein gré. La Société canadienne de pédiatrie, et d'autres.

Sur le plan international, la liste est encore plus impressionnante; elle commence par l'Organisation mondiale de la santé, qui publiait, en 1972, les résultats d'une étude de 93 spécialistes de tous les pays du monde qui disent à tous les gouvernements qui veulent bien les écouter d'adopter la fluoration comme mesure de santé publique, à cause de ses effets, et parce qu'elle est une mesure sans danger et efficace. C'est un rapport de 384 pages qui est disponible à tous; je m'étonne un peu qu'il ne soit jamais cité par nos experts d'en face qui aiment beaucoup les citations.

Il y a eu aussi des insinuations de mauvaise foi. Elles sont apparues non seulementdans cette Assemblée, où on a peut-être la peau un peu endurcie à ce genre d'insinuations, mais, chose étonnante, en commission parlementaire. Chez le seul groupe sur dix-sept qui se soit opposé à la fluoration, en commission parlementaire, on a vu apparaître ces insinuations, ces suggestions que le gouvernement n'adoptait cette mesure que parce que, peut-être, il en retirerait des bénéfices, parce que, peut-être, il y aurait des acoquinements entre les vendeurs de fluor et les membres du gouvernement. J'ai questionné ceux qui ont fait ces affirmations, je leur ai demandé quelles preuves ils en avaient, et ils ont dû avouer, en commis-

sion parlementaire, qu'ils ne disaient qu'une généralité, qu'une banalité, et qu'ils ne pouvaient en aucun cas nous imputer une intention frauduleuse ou malhonnête. C'était dans l'intention de salir qui est reprise, remarquons-le, par les deux membres du Ralliement créditiste, qui semblent trouver là leur argument massue. On parle beaucoup de scandale, on parle beaucoup de corruption on en parle beaucoup plus qu'il n'y en a d'ailleurs.

M. Roy:... il ne pourrait jamais prouver que c'est un commerce de charogne.

M. Forget: Mais quand, sur une mesure comme celle-là, où on invoque des arguments scientifiques, les seuls arguments que l'on peut produire sont des arguments où l'on met en jeu l'intégrité de ceux qui proposent des mesures, et même l'intégrité de ceux qui viennent les défendre librement en commission parlementaire, je crois, M. le Président, que l'on s'abaisse à des tactiques qui démontrent très clairement que des arguments, on n'en a pas; on prend ce que l'on a sous la main et ceux-là font aussi bien que n'importe quel autre, donc on les utilise. Cela ne fait pas honneur à nos collègues de l'Opposition. Je crois qu'ils devraient revenir à des procédés plus démocratiques.

Les références que l'on a entendues sont de deux sortes, on en a eu ici, cet après-midi, une démonstration extraordinaire. Le député de Rouyn-Noranda s'est levé dans un élan, j'ose à peine dire, d'éloquence, pour nous citer le magazine Life de 1936. Après cela, on prétend que l'on a des experts pour appuyer son opposition. Quand tout ce que l'on peut trouver c'est le magazine Life d'il y a 40 ans, je pense que l'on est sérieusement en difficulté.

M. Lacroix: II est de son temps. M. Mercier: Très bien.

M. Forget: On a mentionné le nom d'un docteur Schatz. Il est vrai, M. le Président, que ce docteur Schatz a fait l'objet d'un débat en commission parlementaire. Contrairement à tous les autres experts qui ont comparu en commission parlementaire et qui étaient, dans tous les cas, invités par les groupes professionnels, les groupes scientifiques, qui venaient déposer devant nous non pas des démonstrations scientifiques, mais leurs conclusions, témoigner de leurs propres convictions à eux; ces experts qui les accompagnaient sont venus faire des démonstrations et les frais de déplacement qu'ils ont encourus ont été entièrement assumés, comme l'indiquait le député d'Anjou dans son intervention, par les groupes qui avaient choisi de se faire accompagner par ces experts.

Nous n'avons pas refusé d'accorder un traitement égal au Dr Schatz, qui aurait fort bien pu accompagner, à titre d'expert, le Front commun contre la fluoration. On a voulu nous faire faire une exception. On a voulu nous faire traiter de façon privilégiée ce Dr Schatz en l'invitant aux frais de l'Assemblée nationale. C'eût été une dérogation à la pratique observée dans les commissions parlementaires qui ne sont pas des commissions d'enquête, qui ne sont pas des commissions d'experts. Les membres de l'Assemblée nationale, et ce n'est pas leur faire un reproche, ne sont pas des scientifiques. Ils ne siègent pas en commission parlementaire pour se faire faire des démonstrations scientifiques. Ils siègent en commission parlementaire pour entendre des témoignages, des témoignages de groupes professionnels et scientifiques qui, eux, ont la compétence pour juger, qui, eux, ont la compétence pour tenir compte des preuves, tenir compte des démonstrations scientifiques, juger de la valeur des démonstrations scientifiques et de l'expertise de ceux à qui ils s'adressent.

Ce n'est donc pas le rôle d'une commission parlementaire de faire faire des expériences devant elle ou de faire témoigner des experts à titre d'experts. Son rôle est simplement d'entendre des groupes et d'entendre tous leurs arguments, de manière à constater si, oui ou non, ces groupes professionnels et scientifiques, qui sont les seuls capables de se prononcer à ces titres, en sont venus à des conclusions et à des conclusions unanimes.

Il n'était donc pas question de transformer la commission parlementaire en une commission d'enquête, en une commission d'experts, puisque ce n'est pas le rôle d'une commission parlementaire. C'est pourquoi nous l'avons refusé.

Cependant, j'ai eu le plaisir, pour ainsi dire, de rencontrer personnellement le Dr Schatz, puisque cela ne l'a pas empêché de venir au Québec et de donner des conférences de presse à gauche et à droite. Je l'ai rencontré personnellement. J'hésite un peu à vous faire part de mes conclusions. C'est peut-être un peu inélégant de le faire, mais après avoir entendu si souvent parler de cet homme miracle pour nos adversaires, de celui qui avait réussi à démentir le témoignage de tous les autres experts du monde entier, c'était une rencontre qui en valait la peine. J'ai trouvé que c'est sans aucun doute un homme de bonne foi, sans aucun doute bien intentionné, mais un homme qui est très évidemment, un persécuté de la science nord-américaine, qui se voit comme le grand persécuté, celui dont les articles ne sont jamais acceptés nulle part, dans aucune revue scientifique. Il ne se pose pas de question sur la valeur de ses articles. Il est convaincu de sa propre valeur. On peut l'en féliciter, mais on peut se poser des questions lorsque toutes les revues scientifiques nord-américaines refusent ses articles et qu'il doit aller les publier dans des revues asiatiques parce que personne d'autre ne va les accepter.

M. Lessard: Dans ce sens, il ressemble au ministre actuel des Affaires sociales, qui ne se pose pas de question non plus.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Forget: M. le Président, je crois que si le député de Saguenay s'était posé des questions, il

aurait pu faire une contribution plus valable que celle qu'il a faite à ce débat par une simple interruption.

M. Lessard: Cela ressemble énormément au ministre actuel des Affaires sociales.

Le Président: A l'ordre! A l'ordre!

M. Forget: M. le Président, ce que j'ai rencontré dans le Dr Schatz, ce n'est pas seulement une personne qui se croit persécutée. Je lui laisse volontiers ses illusions à cet égard. Je m'étonne un peu qu'elles soient partagées par autant d'autres personnes. J'ai aussi rencontré une personne qui ne pouvait justifier aucune de ses assertions et qui s'est tenu, pendant une heure qu'a durée notre conversation, la tête enfouie dans une serviette d'où devait sortir à chaque instant le document massue qui m'empêcherait de présenter ce projet de loi et qui n'en est jamais sorti. Après une heure de conversation, il cherchait encore.

Il aurait peut-être été amusant de faire cette démonstration en commission parlementaire, mais il aurait peut-être été cruel de la faire en commission parlementaire. C'est peut-être aussi bien que nous n'ayons pas vu ce Dr Schatz en commission parlementaire, mais c'est la seule autorité qui a été citée.

Il est presque aussi pénible de parler des autres. On a cité abondamment un Dr Brunet. Docteur en quoi? C'est cela qu'il serait intéressant de savoir. Il est docteur en naturopathie. Or, la natu-ropathie n'est reconnue comme une science dans aucun pays au monde. C'est un club, la naturopathie, au Québec comme partout ailleurs. C'est un club, et la comparaison a été faite en commission parlementaire.

J'ai posé la question: Qu'est-ce que c'est que ce club des naturopathes ou ce front commun? On a avoué que ce n'était rien d'autre qu'une association incorporée selon la troisième partie de la Loi des compagnies, comme un club de tennis, comme un club de chasse, comme n'importe qui peut s'incorporer avec deux amis, pour faire à peu près n'importe quoi. Ce n'est que cela l'autorité de la naturopathie. C'est en plus de cela un négoce, c'est un commerce où on vend des livres, des livres qui contiennent un tas de choses, sans doute très valables, où on dit aux gens qu'ils doivent avoir une bonne alimentation et faire de l'exercice. Mais, il y a bien des gens qui le disent à part les naturopathes et je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir un doctorat en naturopathie pour l'affirmer avec crédibilité. Tout le monde le sait maintenant et tous ceux qui ne le savent pas devraient le savoir puisque c'est une lapalissade.

Le député de Beauce-Sud, M. le Président, et je chercherai à terminer très rapidement, a fait aussi allusion à un témoignage de trois médecins de Québec qui ont publié un article disant que cette mesure demandait à être examinée avec encore plus de soins, qu'elle demandait des méthodes de contrôle dans son application, qu'elle pouvait encore laisser place à certaines interrogations. C'étaient des scientifiques, M. le Président, des scientifiques dont un est celui que, précisé- ment, le député de Beauce-Sud a cité et il était présent en commission parlementaire. Des scientifiques qui n'ont fait qu'émettre des hypothèses, des doutes, à titre de scientifiques, puisque pour un scientifique il n'y a jamais rien de prouvé de façon inéluctable, de façon irrémédiable. Celui de ces trois qui a paru en commission parlementaire nous a avoué que, malgré ces doutes, malgré ces hypothèses de caractère purement scientifique, il était néanmoins d'accord avec ses collègues du Collège des médecins pour appuyer la fluoration.

Alors, ce n'est pas un témoignage plus spectaculaire que celui-là qui a été fait par ces trois médecins, trois médecins qui en outre seraient probablement heureux, et ceci n'est certainement pas dérogatoire à leur égard, d'obtenir des fonds de recherche pour explorer un certain nombre de ces hypothèses.

M. le Président, la propagande qui a été faite, et qu'on nous a reprochée, est simplement la propagande que toute idée vraie peut recevoir, de façon volontaire, par ceux qui y croient. Les deniers publics n'ont pas été dépensés pour généraliser une idée qui ne serait pas reçue de façon générale par les scientifiques. Les efforts d'éducation sanitaire qui ont été faits en milieu scolaire, par la distribution de jeux, par des cours, par une campagne de sensibilisation des écoliers, étaient basés sur des convictions, étaient basés sur des certitudes scientifiques. Ces convictions et ces certitudes nous justifiaient amplement à répandre parmi les jeunes des préoccupations d'hygiène buccale et de santé dentaire.

M. le Président, je terminerai en soulignant que les questions réthoriques, les questions vides de sens que nous ont posées, pendant presque toute la journée, le député de Rouyn-Noranda et le député de Beauce-Sud, à savoir qui va en profiter et qui va payer, ont reçu des réponses nombreuses, des réponses abondantes, non seulement dans les travaux de la commission parlementaire, mais dans les remarques de tous ceux qui se sont exprimés aujourd'hui, ici, du côté ministériel, le député de Rivière-du-Loup, le député d'Anjou. Dans mes propres remarques de deuxième lecture, j'ai indiqué, j'ai résumé toutes les raisons qui font que c'est à l'avantage de tous les Québécois, c'est au profit de tous les Québécois que cette mesure est proposée. C'est dans cet esprit, M. le Président, que j'invite cette Assemblée à adopter en deuxième lecture le projet de loi.

Le Président: On m'informe, après consultation et entente entre les partis politiques qui sont représentés à l'Assemblée, que la mise aux voix sur cette motion de deuxième lecture aura lieu demain, à la prochaine séance, dès après la période des questions. Consentement à cet effet?

M. Levesque: Consentement. M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain dix heures.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté. L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

ANNEXE Question de M. Bellemare (Johnson) 1. Le gouvernement provincial a-t-il accordé une subvention pour le maintien d'un corps de police sur la réserve indienne de Caughnawaga? 2. Dans l'affirmative, quel est le montant de cette subvention pour l'année 1974/75? 3. Y a-t-il eu un protocole d'entente avec le gouvernement du Canada avant l'octroi de cette subvention à un territoire de juridiction fédérale et qui relève de la Gendarmerie royale du Canada?

Réponse de M. Choquette 1. Oui. La force de police de Caughnawaga a été créée en octobre 1968 par le Conseil de bande de Caughnawaga. Les premiers constables spéciaux autochtones ont été assermentés par l'Honorable juge Gold le 15 mai 1969. La contribution au fonctionnement de cette force de police fait l'objet d'un contrat intervenu entre la Réserve et le ministère de la Justice le 19 mai 1970 conformément à l'arrêté en conseil 2025 du 6 mai 1970. 2. $40, 000. Ce montant représente environ 30% du coût de fonctionnement de cette force dont le budget pour l'année 1974/75 était de $133, 000. A la suite des événements qui sont survenus à Caughnawaga en 1973, la réserve a augmenté le nombre de ses policiers et la Sûreté du Québec a procédé à leur formation au début de 1974, à cause des circonstances, étant donné que l'Institut de Police du Québec n'était pas en mesure de le faire rapidement. La formation de policiers autochtones peut maintenant s'effectuer à l'Institut de Police du Québec et un cours groupant des candidats policiers indiens de langue française débutera à la fin de juin ou début de juillet 1975. 3. Il n'y a pas eu de protocole d'entente avec le gouvernement du Canada mais les fonctionnaires de mon ministère sont en étroites relations avec ceux du ministère des Affaires indiennes et du Nord et un protocole d'entente permettant de couvrir l'ensemble des Réserves est en voie de réalisation. Les discussions ont été amorcées avec l'Honorable Jean Chrétien et continuées par la suite avec l'Honorable Judd Buchanan. Il est admis, que le maintien de l'ordre dans une province est constitutionnellement une responsabilité provinciale et la Sûreté du Québec y a contribué et a toujours appliqué le Code criminel sur les Réserves. La Gendarmerie royale du Canada qui s'était historiquement installée sur les réserves les plus peuplées, en vue de l'application de ia Loi des indiens, les a quittées tant au Québec qu'en Ontario. Les vues du Ministre de la Justice quant à la participation des autochtones au maintien de la paix et à l'application des lois sont bien connues. Elles s'étendent même aux territoires les plus éloignés et elles ont été émises clairement dans le Livre Blanc, "La justice au-delà du 50e parallèle".

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