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(Quinze heures sept minutes)
Le Président (M. Lavoie): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Motion de suspension d'une règle de
procédure
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, la section X de notre
règlement s'intitule: Motions de suspension de l'application d'une
règle de procédure. M. le Président, à l'article
84, paragraphe 2, on lit: "Quand la motion de suspension de l'application d'une
règle a lieu pour raison d'urgence, elle n'a pas à être
annoncée c'est ce qui explique que je me lève à ce
moment-ci aux motions non annoncées et elle doit contenir
uniquement un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et justifient la
suspension de l'application des règles. Lorsque cette motion est faite
en vue de l'adoption d'un projet de loi, il doit être distribué au
moment où la motion est présentée. Le débat sur
cette motion est limité à deux heures. "3. Cette motion ne peut
être ni amendée ni divisée".
M. le Président, la situation qui prévaut depuis plusieurs
semaines dans le domaine de l'éducation au Québec met
sérieusement en péril l'année scolaire de milliers
d'étudiants. Malgré de nombreuses et souvent longues
séances de négociation, les parties impliquées n'ont
malheureusement pu arriver, à ce jour, à un règlement
négocié du conflit. D'anormale qu'elle était, la situation
me paraît être devenue inacceptable et intolérable,
particulièrement à cause des nombreux débrayages,
ralentissements de travail, tactiques de harcèlement qui font partie
apparemment de la stratégie syndicale ainsi que de certains lock-out
qui, eux, ont été utilisés par certaines parties
patronales.
En effet, au 1er avril 1976, un minimum de plus de 10 millions, plus
exactement 10 608 365 jours-élève, ont été perdus
aux niveaux élémentaire et secondaire.
Si on tient compte, comme le disait mon collègue le ministre de
l'Education, des récréations prolongées et des cours
écourtés, ce chiffre pourrait être de 15 millions ou
même de 20 millions jours-élève perdus.
Je ne dispose pas des statistiques à ce jour, mais le pourcentage
minimum de 7,6 jours-élève perdus au 1er avril n'est certainement
pas à la baisse depuis. Le ministre de l'Education m'indiquait qu'on
pouvait probablement multiplier ce chiffre par 1 1/2 ou 2. Le gouvernement
aurait évidemment préféré qu'intervienne une
solution négociée, M. le Président, mais devant des
statistiques aussi éloquentes, on ne pourra certainement pas lui faire
grief de vouloir sauver l'année scolaire d'un nombre incalculable
d'élèves.
M. le Président, le gouvernement doit, avant tout, veiller
à l'intérêt public et au bien commun. C'est sans doute le
voeu de l'immense majorité des citoyens du Québec que le
gouvernement intervienne et le gouvernement a décidé
d'intervenir, afin de mettre un terme à ce désordre inqualifiable
qui règne actuellement, au Québec, dans le secteur de
l'éducation en particulier, tout en permettant aux parties de poursuivre
leurs négociations, espérons-le, dans le calme et la
sérénité, pendant que trois commissaires aux
différends scolaires dont la nomination est prévue dans le projet
de loi que nous étudierons dans quelques instants, je
l'espère...
Le Président: Excusez-moi, s'il vous plaît. Je
m'excuse de vous interrompre.
M. Levesque: Oui, M. le Président.
Le Président: Pour le bon déroulement de nos
débats, je crois que nous sommes à ce moment-ci uniquement sur la
question d'urgence...
M. Levesque: Oui, M. le Président.
Le Président: ... la suspension des règles, et je
ne voudrais pas que vous vous aventuriez sur le fond du projet de loi, qui, si
cette motion d'urgence est adoptée, pourra être
considéré en deuxième lecture, en commission et en
troisième lecture.
M. Levesque: Oui, M. le Président, je vous remercie de
cette mise au point qui sera une mise en garde pour nos amis d'en face qui
seraient portés, évidemment, comme on les connaît, à
profiter de la moindre ouverture ou tolérance dont j'aurais pu
être l'objet. Je coupe donc court à ces considérations. Je
m'incline devant votre décision.
J'ajoute simplement ceci: Tous les membres de cette Assemblée
reconnaîtront sans doute qu'il faut, sans délai ceci touche
évidemment l'urgence mettre fin à cette situation
inacceptable et comprendront que les circonstances actuelles justifient
amplement la présentation d'une motion d'urgence qui nous permettra
d'étudier, d'une façon plus expéditive, mais quand
même objective, un projet de loi dont des copies sont distribuées
à l'instant.
Il y a également urgence de corriger une erreur qui était
apparue à l'article 24 du chapitre 52 des Lois de 1975.
M. le Président, je fais donc motion comme suit:
Vu l'état critique prévalant dans le domaine de
l'éducation en raison des nombreux conflits qui risquent de compromettre
l'année scolaire, il y a urgence, en vue de l'adoption du projet de loi
no 23, Loi concernant le maintien des services dans le domaine de
l'éducation et abrogeant une disposition législative, laquelle
disposition se retrouve à l'article 24 du chapitre 52 des Lois de 1975,
et
conformément à l'article 84, paragraphe 2 du
règlement, de suspendre l'application des articles 24, 30, 31, 33
cinquièmement et huitièmement, 35 deuxièmement, 49
premièrement, 57, 68, 77, 78, 79, 80, 87, 88, 115, 116, 134 et 174 du
règlement;
Que, nonobstant les dispositions de l'article 47, paragraphe 1, du
règlement, toutes les séances de l'Assemblée soient
publiques.
Que, de plus, la commission plénière fasse rapport, au
plus tard, trois heures après le début de ses travaux.
En conséquence, que l'application des règles ci-dessus
énumérées soit suspendue et que l'Assemblée puisse
siéger sans interruption de dix heures jusqu'à ce qu'elle
décide de s'ajourner, tous les jours de la semaine, sauf le dimanche,
avec suspension des travaux de treize heures à quinze heures et de
dix-huit heures à vingt heures et qu'à toutes ces séances
l'ordre des affaires du jour soit celui qui est prévu pour le mardi par
les articles 35 et 36 du règlement et ce, jusqu'à l'adoption du
projet de loi no 23.
Le Président: L'honorable leader parlementaire de
l'Opposition officielle.
M. Burns: M. le Président, c'est sur une question de
règlement que je me lève, relativement au paragraphe 2 de
l'article 84 qui se lit comme suit: "Quand la motion de suspension de
l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence, elle n'a pas
à être annoncée..." C'est un fait. Jusqu'à
maintenant cela est respecté. Je continue: ... et elle doit contenir
uniquement un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et justifient la
suspension de l'application des règles." Ce qui est j'en conviens
remis par le leader du gouvernement via sa motion. C'est la phrase
suivante, M. le Président, qui, je pense, ne semble pas avoir
été respectée: "Lorsque cette motion est faite non
pas adoptée en vue de l'adoption d'un projet de loi, il doit
être distribué au moment où la motion est
présentée." Je n'ai pas reçu le projet de loi en question.
Il me semble qu'avant de commencer le débat, je devrais recevoir...
M. Levesque: C'est distribué, tout le monde l'a.
M. Burns: Ah! il est arrivé? D'accord. Le
Président: A l'ordre! A l'ordre!
M. Burns: S'il est arrivé, je m'en excuse et je fais
amende honorable, d'accord?
Une Voix: Tu viens de le recevoir.
M. Burns: Je viens à peine de le recevoir et je pense, M.
le Président, que je l'ai reçu pendant que je parlais. En tout
cas, si ce n'est pas le cas, je m'excuse auprès du leader du
gouvernement.
Une Voix: Cela ne fait pas 30 secondes qu'il l'avait.
M. Burns: Relativement à cette motion, je quitte le
domaine parce que je pense qu'il y a eu une division de temps de prévue,
alors, je quitte le domaine réglementaire purement et simplement et je
m'attaque à la motion du leader du gouvernement. S'entend-t-on
là-dessus?
Le Président: II faudrait que je partage le temps
immédiatement. Ce serait plus logique, si vous voulez aborder,
justement, la discussion de la motion.
M. Burns: Peut-être serait-ce bon.
Le Président: II y a eu quelques précédents,
entre autres, sur le partage du temps lors de telles motions. Je me
réfère à 1972, dans une situation assez identique à
celle que nous vivons aujourd'hui où le partage du temps des deux heures
avait été de 60 minutes du côté ministériel,
30 minutes à l'Opposition officielle, qui était l'Union Nationale
à ce moment, 20 minutes au Ralliement créditiste et 20 minutes au
Parti québécois. Si vous faites l'addition, nous arrivons
à deux heures et dix minutes. Il y a eu un autre cas en septembre 1975,
je crois, lors d'un conflit dans le problème de la commission des
Transports de Montréal.
Il y avait eu un partage de 50 minutes du côté
ministériel, 45 minutes à l'Opposition officielle, le Parti
québécois, 15 minutes au Ralliement créditiste et 10
minutes à l'Union Nationale.
Nous avons eu un autre cas, je crois que c'est en novembre 1975, lors
d'un projet de loi sur la commission de contrôle des olympiques à
Montréal, où cela a été 50% du côté
ministériel, 50% du côté de l'Opposition mais cinq minutes
pour l'Union Nationale, alors que le Ralliement créditiste n'a pas
désiré intervenir à ce moment.
Nous avons eu des discussions entre le leader parlementaire du
gouvernement et le leader de l'Opposition officielle, et je crois
qu'après entente ce qui pourrait être acceptable est la formule
suivante: 50 minutes du côté ministériel, 40 minutes
à l'Opposition officielle, 15 minutes au Ralliement créditiste,
15 minutes à l'Union Nationale et 10 minutes à des
députés qui ne font pas partie des formations que je viens de
mentionner; le Parti national populaire ou d'autres députés qui
sont indépendants auront droit à 10 minutes. Cela donne, si on
fait l'addition, deux heures et dix minutes, je crois. Et nous pourrions
respecter l'esprit du règlement qui désire qu'un tel débat
puisse se terminer avant l'heure normale prévue pour un mercredi, qui
est 18 heures.
C'est ma décision en ce qui concerne le partage du temps.
M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, l'argument principal que le
gouvernement fait valoir via le leader du gouvernement, c'est la
possibilité que l'année scolaire des étudiants soit mise
en péril. C'est l'argument de base parce qu'à ce stade-ci il ne
s'agit pas de décider si le projet de loi est acceptable ou
non, il s'agit de savoir s'il est urgent d'en discuter. Selon les
dispositions de l'article 84 de notre règlement, il faut d'abord, si on
veut utiliser une motion non annoncée, prouver l'urgence. Nous en sommes
rendus, M. le Président, à ce stade.
Or, l'urgence, j'ai le goût de m'écrouler quand j'entends
le leader du gouvernement nous dire qu'il est urgent de discuter de ce
problème. J'ai le goût de me lancer complètement en dessous
de mon bureau tellement je suis gêné.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!...
Messieurs...
Des Voix: Vas-y!
Le Président: Messieurs, est-ce que je pourrais faire une
mise au point dès le début de ce débat? Tout le monde peut
prévoir que ce sera un débat sans doute chaud. C'est normal que
ce soit de la sorte. Mais nous sommes limités dans le temps. Les
intervenants pourront me demander de tenir compte des interventions. Je
demanderais à tous les députés, si l'Opposition a le droit
de parole, que la majorité respecte ce droit de parole et, si la
majorité a le droit de parole, que l'Opposition respecte la même
chose.
M. Burns: M. le Président, en somme, vous me dites que
j'ai le droit d'engueuler le gouvernement.
Le Président: C'est normal!
M. Burns: C'est ce que j'ai l'intention de faire.
Une Voix: Surtout dans les circonstances!
M. Lacroix: Vous ne serez même pas six aux prochaines
élections!
Le Président: S'il vous plaît, s'il vous
plaît!
M. Burns: II y a du monde qui n'aime pas se faire engueuler, il y
a du monde qui s'imagine qu'ils sont propriétaires du Québec
parce qu'ils s'adonnent à être au gouvernement. C'est le cas du
député des Iles-de-la-Madeleine. Mais, M. le Président, je
ne veux pas le contrarier, je ne veux pas partir de chicane s'il accepte les
règles du jeu. S'il veut m'engueuler après, je lui promets de
rester assis à mon siège et de le prendre. D'accord? Est-ce qu'on
s'entend?
M. Lacroix: Parfait.
M. Burns: Je dis, M. le Président, que j'ai le goût
de m'écrouler, quand je vois le gouvernement nous parler d'urgence,
lorsqu'on sait que l'urgence a été signalée par le
côté syndical non pas la semaine dernière, non pas il y a
deux semaines, mais il y a deux ans. L'urgence a même été
signalée à la fin de la ronde de négociations de 1972 qui
a amené trois chefs syndicaux à faire de la prison. L'urgence a
été signalée là. Qu'est-ce qu'on a fait de ce
côté? Rien, strictement rien.
Je mentionne simplement les choses, au niveau de l'urgence, que le
gouvernement aurait pu faire s'il avait été convaincu que
c'était important, en matière de négociation avec les
enseignants. Parce que tout à l'heure, vous allez revenir avec le
même problème dans le domaine des affaires sociales. Dans le
moment, cela concerne le domaine de l'éducation, mais va-t-on adopter
une loi spéciale la semaine prochaine sur les affaires sociales? Est-ce
que c'est cela qu'on va faire? Est-ce que l'urgence actuelle ne vise que le
domaine de l'éducation?
L'urgence actuelle, M. le Président, s'il en est une, c'est que
le gouvernement se rende compte qu'il n'est pas possible de négocier
comme le gouvernement négocie actuellement avec le front commun. C'est
cela l'urgence. La chose urgente, c'est qu'on se rende compte, du
côté gouvernemental, qu'on ne négocie pas, même pas
comme le pire des patrons, même pas, même pas.
On négocie de façon encore pire que le pire des patrons.
Cela fait-il votre affaire, M. le leader du gouvernement? C'est cela le
phénomène d'urgence.
M. le Président, si on avait cru qu'il y avait urgence dans ce
domaine, on aurait parlé, entre autres, de prénégociations
sur la masse salariale. Je le mentionne, je n'argumente pas là-dessus.
J'y reviendrai, parce que je présume qu'on sera défait lorsqu'on
va voter contre le fait que ce soit urgent d'adopter cette loi, que ce soit
urgent de mettre de côté les règles de la Chambre. Il
aurait été urgent, M. le Président, de nommer un
médiateur qui aurait pu, lui, au nom du gouvernement et de la partie
syndicale, examiner la situation et tenter de façon neutre d'arriver
à une solution. Cela aurait été urgent. Cela fait
exactement deux mois qu'on parle de cela, M. le Président. Ce
n'était pas urgent et il n'y a personne qui a trouvé qu'on
était intelligents, fins, "smart", puis beaux, quand on disait cela.
Mais, là, c'est urgent d'adopter une loi.
M. le Président, aucune proposition sérieuse je
n'entre pas dans le fond, je vous le dis tout de suite n'a
été faite aux enseignants relativement à deux points qui,
tout le monde le sait, sont magistraux, sont importants dans ce domaine-ci.
Personne, jusqu'à maintenant, du côté gouvernemental n'a
parlé du fardeau de la tâche des enseignants, personne n'a
parlé de la sécurité d'emploi des enseignants. Nous, de
l'Opposition, nous avons tenté de soulever ce problème à
plusieurs reprises. C'est à ce titre que je vous dis: Si ce
n'était pas urgent d'en discuter quand nous posions la question, je ne
vois pas comment, aujourd'hui, on nous dirait: C'est urgent. Ce n'est pas plus
urgent qu'il faut. M. le Président, on ne se racontera pas de peurs et
on va en parler lorsqu'on examinera la loi, si on y arrive, puis dans la forme
où on arrivera là. Mais il y avait deux choses concernant les
enseignants qu'actuellement le gouvernement, systématiquement, refuse de
discuter avec les enseignants: le fardeau de la tâche et la
sécurité d'emploi. Ce n'est pas urgent d'en parler. Ce
n'était pas urgent lorsque, il y a deux mois, le député de
Lafontaine en parlait.
Des Voix: C'est faux.
M. Burns: Mais on nous arrive aujourd'hui et c'est urgent de
régler le problème. La responsabilité, je suis d'accord
avec vous, sera tranchée au niveau de la discussion de la loi, mais,
actuellement, je vous donne des éléments qui ont
été considérés comme pas du tout urgents par le
gouvernement.
Une chose de plus et je termine là-dessus me
paraît vraiment inacceptable dans la motion du leader du gouvernement. On
nous dit, d'une part, que cette urgence est telle qu'on doive même mettre
la période de questions de côté. Imaginez-vous donc
qu'à la période de questions on avait un certain nombre de choses
à soulever. On voulait vous parler de la baie James, des Jeux
olympiques, on voulait vous parler de votre système des avocats qui
reçoivent éventuellement...
M. Lachance: Très bon système.
M. Burns: On va parler des ingénieurs et on va parler des
architectes bientôt. On va parler de tout cela. Actuellement vous avez un
problème...
Une Voix: On va parler des syndicats.
M. Burns: Bien oui, parlez des syndicats. On va vous parler aussi
des Terrasses Zarolega et de la loi que vous vous apprêtez à
passer, qui est absolument... On verra, on en parlera éventuellement.
Cela pose un certain nombre de problèmes eu égard aux attitudes
que le gouvernement a déjà prises dans ce domaine-là. On y
verra en temps et lieu.
Non seulement on met de côté la période des
questions, mais on ne reconnaît même pas... De façon
très honnête, je pense, comme député de
l'Opposition, j'ai appuyé le gouvernement lorsqu'il a
décidé de ramener la table centrale, parce qu'elle n'a jamais
existé jusqu'à maintenant. Je me suis dit: II y a une lueur
d'espoir, la table centrale a été ramenée au niveau de
l'éducation et des affaires sociales. Evidemment, aujourd'hui, on
s'occupe seulement d'éducation. Je me suis dit: II y a peut-être
une chance; si on amène la table centrale, on va parler de
problèmes qui concernent l'ensemble du milieu de l'éducation en
l'occurrence.
Je suis informé que, la nuit dernière, on a
négocié jusqu'aux petites heures, apparemment, jusqu'à
cinq heures ou cinq heures trente du matin. Je ne vois pas l'urgence de
provoquer c'est exactement ce que cette attitude gouvernementale est en
train de faire un conflit dans le domaine de l'éducation. Ce
qu'on dit, M. le Président, en deux mots, c'est qu'on n'est pas
satisfait de l'attitude que la partie syndicale démontre dans les
négociations actuelles. On voudrait qu'ils soient plus gentils, on
voudrait qu'ils soient un peu plus tranquilles, on voudrait qu'il soient un peu
plus tassés à droite et aplatis. C'est cela qu'on veut. Nous
disons, M. le Président, que nous souhaitons un règlement
négocié face à face, et non pas avec la menace constante
qui pèse sur le front commun d'avoir simplement une convention
collective imposée par cet Etat employeur qui, à un moment
donné, change son attitude d'employeur devenu législateur.
C'est cela, M. le Président, le fond du problème encore
une fois. L'Etat du Québec ne se rend pas compte, par les personnes qui,
malheureusement, détiennent le pouvoir actuellement, jusqu'à quel
point il est en train de détériorer l'atmosphère dans ce
domaine.
C'est à ce titre, M. le Président, que nous n'avons aucune
envie nous avons même la tendance tout à fait contraire
d'appuyer une motion telle que celle qui est faite par le leader du
gouvernement. Nous voterons contre cette motion à l'effet qu'il est
urgent de discuter de ce projet de loi. Nous vous disons simplement ceci:
Négociez et négociez de bonne foi, négociez comme un
employeur. Pour une fois, juste une fois, vous du gouvernement, faites donc
l'expérience d'être un employeur qui va se dire, comme n'importe
quel employeur qui se respecte devrait le faire: Je vais être le meilleur
employeur au Québec. S'il y a quelqu'un qui devrait donner l'exemple sur
le plan de la négociation, il me semble que c'est le gouvernement du
Québec. C'est lui qui devrait donner les lignes directrices des
négociations qui éventuellement vont s'appliquer à
d'autres travailleurs, tant du secteur public que du secteur privé.
Le Président: Le ministre de l'Education. M.Jean
Bienvenue
M. Bienvenue: M. le Président, j'anticipais presque hier
la motion pour que soient mises de côté les règles normales
de l'Assemblée nationale au moment où je donnais à cette
Chambre des chiffres en réponse à des questions qui m'avaient
été posées. M. le Président, pour les fins
mêmes de cette motion et pour me conformer parfaitement aux exigences du
règlement sur ce dont on doit parler à l'appui d'une telle
motion, je pense qu'il serait important que dans un instant je revienne sur
certaines statistiques qui ont été données hier et que je
les précise même davantage.
Je répondais, hier, M. le Président, au
député de Saint-Jacques, qui me demandait sur quoi on se basait
pour décider qu'une année scolaire était en danger. Je lui
répondais, sans entrer non plus dans tous les détails, comment il
n'était pas toujours facile de préciser, de cerner de
façon extrêmement spécifique les critères sur
lesquels doivent se baser les pédagogues ou ceux qui sont responsables
de l'enseignement au Québec pour pouvoir dire, pour pouvoir
décider qu'à telle heure, à tel jour, à telle
semaine une année scolaire est perdue dans les faits ou alors seulement
compromise ou alors pas du tout ou alors encore en péril.
L'exemple que peuvent nous donner les régions administratives est
valable pour montrer comment il n'est pas facile d'établir ces
critères, bien que ces régions dont je parle soient un des
nombreux critères qui, avec d'autres, sont plus ou moins variables et
permettent d'en arriver à un
consensus de décision. Ainsi, M. le Président, bien que
nous soyons habitués en 1976 à des chiffres astronomiques, il
faut se rappeler que les chiffres parlent par eux-mêmes et qu'ils ont une
valeur, surtout dans une matière aussi délicate que celle que
nous abordons cet après-midi.
Dans la région administrative de Rimouski, M. le
Président, qui comprend notamment la Gaspésie et tout le
Bas-Saint-Laurent, le nombre de jours-élève perdu au 1er avril,
il y a à peine une semaine, était de 662 902.
Dans la région du Saguenay, qui intéresse
particulièrement le député de cette circonscription
électorale, le nombre de jours-élève perdus, je suis
toujours à l'élémentaire et au secondaire et non
pas au CEGEP, dont pourra vous parler de façon plus
détaillée mon collègue responsable des CEGEP et des
universités au ministère de l'Education le nombre de
jours-élève perdus par les enfants des parents qui ont élu
mon collègue de Saguenay s'élevait, au 1er avril, à 1 307
536 pour une moyenne de 17,5 jours-élève perdus, moyenne qui,
comme je l'ai déjà indiqué, soit localement, soit
provincialement, peut facilement être multipliée par 1,5 ou 2,
compte tenu des facteurs que j'ai indiqués hier, en réponse
à une question.
Ici même, dans la région administrative de Québec,
ce nombre de jours-élève se chiffre par 1 510 326. Dans la
région de Trois-Rivières, région qui préoccupe et
intéresse à bon droit certains de mes collègues
députés avec qui j'ai été en contact à peu
près tous les jours depuis des semaines et des semaines, le nombre de
jours-élève perdus est 1 610 000 pour une moyenne de 16,5. Dans
les Cantons de l'Est, 400 000. Dans la région Laval-Laurentides, 867
000. Dans la région de Longueuil, 1 029 000. Outaouais, 411 000.
Nord-Ouest, 300 000. Côte-Nord 365 000, et Montréal-Centre...
NI. Léger: Le ministre me permettrait-il une question? Je
demande au ministre...
Des Voix: Non! Non!
Le Président: Messieurs, s'il vous plaît!
M. Léger: Lorsque le ministre nous donne des statistiques
pourrait-il nous donner des statistiques complètes, c'est-à-dire
aussi la moyenne dans chaque cas? Parce que je remarque que depuis tantôt
il nous donne la moyenne des régions plus petites et moins populeuses et
ne donne pas la moyenne des régions populeuses et plus grandes. Pour
qu'on ait un tableau exact, le ministre pourrait-il nous donner les chiffres
totaux et les moyennes pour chacune des régions? Et faire la moyenne
totale du Québec?
M. Bienvenue: Au moment où j'allais rn'as-seoir et il ne
me restait à nommer qu'une des régions administratives. Lorsque
je l'aurai nommée, cela aura répondu à la question du
député de Lafontaine.
Pour Montréal-Centre, compte tenu du fait qu'à l'Alliance
des professeurs à la CECM le débrayage a été loin
de ce qu'il a été ailleurs au
Québec, c'est 2 149 000. Si j'allais, M. le Président,
maintenant dans chaque région, dans chaque commission scolaire
régionale, dans chaque commission scolaire locale je veux
dispenser cette Chambre de cette longue énumération de chiffres
on verrait comment, dans certains coins, de plus en plus nombreux au
Québec, l'année scolaire est pour le moins compromise et,
j'espère, rien de plus.
Un autre critère, outre celui des régions administratives
qui fait qu'il n'est pas si facile qu'on le pense de dire, avec des instruments
précis comme en science pure, que l'année scolaire est perdue
à telle heure, tel jour, telle seconde ou telle minute, mais qui nous
permet de dire qu'elle est tellement compromise, cependant, qu'il y a danger et
qu'il y a urgence, un autre critère, dis-je, c'est celui des commissions
scolaires, qu'elles soient régionales ou locales. Il est des commissions
scolaires régionales qui ont moins subi l'effet des débrayages;
il en est d'autres qui l'ont subi davantage. Il est, à
l'intérieur d'une même région, des commissions locales qui
ont été l'objet de débrayages excessifs; d'autres, au sein
de cette même région, qui l'ont moins été.
A l'intérieur de commissions scolaires locales, il y a des
écoles qui ont été l'objet de débrayages massifs.
Il y en a d'autres qui ont été l'objet de légers
débrayages ou qui n'ont pas débrayé du tout. Dans les
collèges d'enseignement général et professionnel, je l'ai
dit, mon collègue et ami, le député de Chauveau, ministre
responsable, pourra donner des chiffres qui montreront que la situation n'est
guère plus rose et que l'année scolaire est encore joliment plus
compromise.
Il est un autre critère, M. le Président, qui fait partie
de cette grille de critères à partir desquels on doit arriver
à un consensus et a une décision. C'est le critère des
types d'arrêts auxquels a eu à faire face le monde de
l'enseignement depuis plusieurs mois. Vous avez des arrêts
provoqués par la partie patronale, par les commissions scolaires
j'ai donné des chiffres suffisamment précis, hier qui sont
les lock-out.
Vous avez d'autres régions où il n'y a pas de lock-out,
mais où, par contre, il y a des grèves. A l'intérieur de
ces grèves, vous avez eu des grèves régionales, vous avez
eu des grèves qui étaient locales seulement et vous avez eu
nous en avons eu l'exemple il y a à peine 48 heures une
grève qui était à l'échelle provinciale. A
l'intérieur de ce type de grèves que j'ai
différenciées sur le plan géographique, vous avez eu
d'autres types de différences qui ont leur importance dans la motion que
nous débattons; vous avez eu des grèves d'une journée, des
grèves de plus d'une journée et des grèves d'une
demi-journée.
Un autre critère, un autre barème important qui fait
partie de l'analyse que l'on fait pour en arriver à dire à cette
Chambre qu'il y a urgence de suspendre les règles usuelles pour adopter
le projet de loi qui est devant nous, c'est celui de l'enseignement, selon
qu'il est donné ou selon qu'il n'est pas donné, selon qu'il est
donné en tout ou selon qu'ii est donné en partie par plusieurs
types différents de professeurs. Je pense, évidemment,
à
ce moment, à la récupération et au rattrapage dont
nous parlions hier. Lorsque le rattrapage devra s'effectuer et on verra
que ce projet de loi met de l'avant des mécanismes qui le permettront
il devra s'effectuer par différents types d'enseignants, au sujet
desquels il est possible de se demander, si la loi n'intervient pas et face
à la situation que nous avons connue au Québec, s'ils
donneraient, s'ils ne l'ont pas donné ou donné en partie, selon
le cas, l'enseignement suivant les types de matières. Un autre
barème, un autre critère sur celui-là, M. le
Président, j'insiste parce que je n'y puis rien et le docteur Penfield,
de réputation internationale, qui est décédé il y a
à peine quelques heures ou quelques jours, dans toute sa science, n'y
pouvait rien c'est la capacité d'apprendre ou le degré de
facilité ou de difficulté d'apprendre de certains types
d'élèves face à un nombre plus ou moins grand de jours
perdus, de semaines perdues et de mois perdus.
M. Burns: M. le Président, sur une question de
règlement, le ministre est-il en train de nous faire son discours de
deuxième lecture, oui ou non? C'est la question que je vous pose. Cela
m'apparaissait venir exactement dans cette ligne.
M. Bienvenue: Non, il va être mieux que cela.
M. Burns: Si le ministre veut nous faire son discours de
deuxième lecture tout de suite, qu'il nous en avise parce que je ne
voudrais pas qu'on mêle l'aspect de l'urgence, qui est actuellement
discutée, et la discussion de fond.
M. Levesque: Sur la question de règlement, je voudrais
simplement vous rappeler les signes un peu désespérés par
lesquels j'essayais d'attirer votre attention, M. le Président, sur le
genre de propos que tenait, il y a quelques minutes, le leader de l'Opposition
officielle, le député de Maisonneuve, et qui enfreignaient le
règlement là même où il prétend que mon
collègue, le ministre de l'Education, est en train de l'enfreindre.
Le Président: L'honorable ministre de l'Education.
M. Bienvenue: Alors, M. le Président, je reprends. Les
différents types d'élèves, de toute région, de tout
âge, de toute catégorie font face, dans des cas, à un
nombre de jours perdus, dans d'autres, à des semaines perdues. Je pense
à mes collègues et amis, députés de la
région de la Mau-ricie, où les élèves font face
à un nombre de mois perdus.
On parle de deux mois alors que le calendrier scolaire existant au
Québec depuis nombre d'années est de plusieurs, plusieurs mois,
M. le Président, neuf et dix suivant les cas. Je pense à ceux
qui, notamment, ont deux mois de rattrapage à subir pour avoir leur
promotion. Et cela, M. le Président, pour chaque élève
selon le type de matière, par le type de professeur qui procédera
à ce rattrapage. Je n'ai pas à entrer dans les détails
pour dire qu'un élève peut être brillant en français
ou en géographie, peut être très faible en
mathématiques ou en chimie et qui, dans un cas comme dans l'autre, devra
subir le rattrapage et par des professeurs différents qui ont leur
approche, leur manière et leur état d'esprit
différents.
M. le Président, ceci étant dit, pour bien montrer qu'il
n'est pas facile de dire et je me répète à dessein
ce n'est que le 15 avril à 4 h 40, dans tel coin de
Québec, que l'année scolaire sera en danger. Nous connaissons les
rapports de panique, je dirai, qui nous viennent de partout, au
ministère que je dirige, et des sources que j'indiquerai dans mon
discours de deuxième lecture. Nous connaissons les derniers
débrayages et nous connaissons aussi ceux qui nous sont annoncés
pour très bientôt. Mais ce que nous ignorons, et cela c'est
important dans le cadre de la motion à l'appui de laquelle je plaide
actuellement, ce sont les débrayages qui suivront, ceux qui sont
annoncés.
Les débrayages, qu'ils soient locaux, qu'ils soient
régionaux ou qu'ils soient provinciaux, ce qui est pire encore, ce que
nous ignorons, c'est le nombre de ces débrayages, leur fréquence
et leur durée. Ce que nous ignorons, c'est le nombre de millions
additionnels de jours-élève qui seront perdus si le gouvernement
ne prend pas ses responsabilités, non pas la semaine prochaine, non pas
demain, mais aujourd'hui même. Je ne puis permettre, pour ma part, M. le
Président, ni risquer, ni tolérer comme responsable de
l'éducation au Québec, que l'année scolaire d'un seul
enfant parmi le million et plus d'écoliers qu'il y a au Québec
soit perdue par la non-prestation de cours d'un seul enseignant au
Québec. C'est ma position.
Le Président: L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, il est bien difficile
d'être en désaccord avec l'urgence de la situation dans le monde
scolaire, l'urgence d'une intervention gouvernementale dans le monde scolaire.
Il est invraisemblable d'ailleurs que le gouvernement responsable de
l'éducation des Québécois soit le dernier à s'en
apercevoir. Il y a déjà deux mois que l'urgence a
été signalée par les parents d'abord, par les commissaires
ensuite, par les enseignants et par la majorité de l'opinion publique
lorsqu'elle a eu à s'exprimer à travers des sondages. Il y avait
longtemps qu'il y avait urgence de la part du gouvernement à commettre
un geste quel qu'il soit. Il a choisi d'utiliser son geste de patron le plus
radical, celui de l'intervention législative.
Nous étudierons tout à l'heure, si la Chambre dispose de
cette motion, la solution bâtarde que nous présente le
gouvernement après avoir laissé faire la situation pendant deux
mois. Puis-je me réjouir au nom de tous les Québécois de
voir que le gouvernement a enfin découvert l'urgence de la situation
dans le monde de l'éducation? Combien de parents du Québec
voudraient être ici à ma place aujourd'hui et dire au
gouvernement: On ne
peut pas croire que vous l'avez enfin découvert?
Nous examinerons tantôt de quelle façon vous l'avez
découvert, ce que vous voulez faire pour y remédier après
avoir rejeté du revers de la main toutes les solutions que toutes les
parties du monde de l'éducation vous présentaient, vous ayant
gonflé l'esprit de ce que vous possédiez déjà, de
ce que vous aviez déjà avancé, en envoyant braire les
parents, en envoyant braire les enseignants et surtout les enfants sur lesquels
vous essayez de nous faire brailler maintenant, aujourd'hui.
Est-ce maintenant, M. le Président, qu'il faut plaider l'urgence,
nous qui avons réclamé depuis l'ouverture de cette session un
seul geste concret qui aille dans le sens du rapprochement des parties? Les
voilà qui accouchent, M. le Président! Les voilà qui ont
découvert qu'il leur fallait agir! Nous regarderons tout à
l'heure cette solution bâtarde qui équivaut à l'abolition
du droit de grève des enseignants qu'ils nous présentent
actuellement dans le projet de loi no 23.
Mais, M. le Président, si l'urgence existait bien avant et si le
gouvernement s'est enfin décidé à apporter sa solution
magique, sa solution miracle, il faudra bien prendre le temps de
l'étudier. Je dirais que, proportionnellement au temps qu'il a pris
avant d'agir, l'Assemblée devrait au moins apporter toute la
considération nécessaire à l'étude de ce projet de
loi.
Ce n'est donc absolument pas le temps, au moment où le
gouvernement arrive avec sa solution, de suspendre les règles et les
heures normales des travaux de l'Assemblée que vous avez
vous-mêmes fixées dans le règlement qui porte votre nom, M.
le Président. S'il est un endroit où il est important, pour les
membres de l'Assemblée, de peser le pour et le contre de chacune des
interventions du gouvernement dans le monde de l'éducation, lui qui a
tellement tardé, lui qui a laissé pourrir la situation, lui qui a
refusé de nommer un médiateur lorsqu'il était encore temps
avant d'arriver avec une loi, c'est bien ici. S'il est un moment où
l'Assemblée devrait être plus consciente que jamais de ses
responsabilités et ainsi prendre les heures qu'il faut pour
étudier le projet de loi selon les règles normales de la Chambre,
s'il est une loi qui devrait exiger l'attention normale de la Chambre et non
pas la bousculer, c'est bien celle qui va fixer les conditions de travail des
enseignants et le climat scolaire pour les prochaines années.
M. le Président, le projet de loi, quel qu'il soit je
n'entre pas dans le fond du projet de loi no 23 ne fait pas qu'assurer
la fin de l'année scolaire 1975/76, dont s'est éperdument foutu
le ministre de l'Education, qui finit par faire surface. Je l'ai invité
personnellement, depuis le début de la session, à se mêler
des négociations et il s'en remettait constamment à la Fonction
publique. Tout à coup, il se découvre une responsabilité
dans le monde de l'éducation. Ce n'est pas seulement l'année
scolaire 1975/76 qui, suite aux lockout de la partie patronale ou aux refus du
gouvernement de négocier sérieusement aux tables, est
effectivement, dans certaines régions, peut-être prochainement
compromise. Mais il ne faut pas oublier et tous les parents du
Québec qui suivront les travaux de l'Assemblée nationale le
savent que ce n'est pas que l'année scolaire 1975/76 mais aussi,
par le résultat de cette loi, le climat scolaire dans les écoles
du Québec pour les trois prochaines années. Ceux qui en ont
jusque-là de la façon dont cela s'est dégradé dans
les écoles publiques québécoises depuis le décret
d'il y a trois ans devraient savoir que le gouvernement d'en face se
prépare à faire la même chose. C'est l'avenir d'une
génération complète de Québécois dont nous
parlerons.
Le gouvernement nous invite à bousculer les horaires
traditionnels de la Chambre. Plus, M. le Président et c'est
contenu dans la motion cette règle absolument inqualifiable les
députés seront obligés d'étudier article par
article le projet de loi en dedans de trois heures pour faire rapport en dedans
de trois heures; c'est contenu dans la motion. Mais à l'article 20 de ce
projet de loi je ne fais que vous le mentionner, vous comprendrez la
suite de cet article ce sont les conditions de vie des étudiants,
des enseignants et des parents du Québec pour les trois prochaines
années dont nous allons parler pendant ce débat. C'est toute
l'école, c'est toute une génération dont vous vous
êtes foutu depuis le début du conflit.
Ils vous ont demandé un médiateur, vous n'avez rien voulu
savoir. Ils vous ont demandé des offres quant au nombre maximum d'heures
d'enseignement d'une semaine, ils vous ont demandé de déposer des
offres, vous vous en êtes foutu. Et, maintenant, vous prêchez
l'urgence de se pencher sur le projet de loi! On vous posait des questions et
on recevait les quolibets des "back-benchers" libéraux parce qu'on
s'intéressait à la question de l'éducation; c'est
maintenant devenu urgent et il faudra régler l'avenir scolaire de toute
une génération et les trois ans de climat scolaire qu'il nous
reste à vivre en trois heures de discussion en commission
plénière! Mais vous êtes irresponsables! Vous êtes en
train de grever, jusque dans son avenir, le développement du
Québec.
M. le Président, si une telle loi doit avoir de tels effets
et elle en aura, le ministre de l'Education, qui s'est enfin
découvert un rôle, l'a dit lui-même dans ce qu'il vient de
prononcer sur cette motion ils seront extrêmement importants.
Pourquoi devrions-nous bousculer les heures, siéger à la vapeur
et ne pas recevoir les questions qui s'imposent? Tous les
Québécois qui sont ici, qui sont, pour un grand nombre d'entre
eux, des pères de famille ou qui représentent des pères de
famille ou des mères de famille directement visés par le projet
de loi ont certainement des questions à poser en commission
plénière sur l'avenir des jeunes Québécois contenu
dans ce texte de loi.
Nous qui pouvons passer, M. le Président, selon nos
règlements actuels qu'on veut suspendre, 15, 20, 30 heures sur un projet
de loi mineur à qui tout le monde peut s'intéresser, comment cela
se fait-il que, lorsqu'on parle de l'avenir des jeunes Québécois
et du climat scolaire pour les trois prochaines années, on soit
obligé de se limiter à trois
heures? Pourquoi les députés n'auraient pas l'occasion
d'intervenir comme bon leur semble, d'accorder...
M. Bienvenue: M. le Président, une question de
privilège.
M. Charron: ... toute l'attention et d'avoir le temps de
consulter ceux que nous voulons consulter sur ce sujet?
Le Président: A l'ordre! On m'indique une question de
privilège.
M. Bienvenue: Je me lève aussitôt que je puis le
faire physiquement, M. le Président, parce que j'étais à
l'entrée de la Chambre quand les paroles ont été
prononcées. Contrairement à ce qu'a affirmé le
député de Saint-Jacques, à chaque jour et à chaque
heure pour lesquels j'ai été en fonction, depuis deux mois et
quelques jours comme ministre de l'Education, je me suis mêlé
directement, je suis intervenu directement auprès des
négociateurs et des porte-parole du ministère de l'Education dans
cette négociation, tout en respectant mon rôle de titulaire du
ministère et sans me substituer aux porte-parole aux tables.
M. Charron: M. le Président, je trouve l'intervention du
ministre de l'Education pas mal sans gêne.
M. Hardy: A l'ordre! il n'y a pas de débat sur une
question de privilège.
Le Président: II n'y a pas de débat sur les
questions de privilège.
M. Charron: Je peux en faire une question de privilège
à mon tour. Si j'ai affirmé ce que j'ai affirmé,
c'est-à-dire sa négligence dans le dossier depuis le
début, vous êtes témoin vous-même de cela. Je n'ai
jamais été capable de savoir de cet homme-là s'il
était pour ou contre un médiateur dans le conflit.
Le Président: Revenons à la motion.
M. Charron: S'en est-il occupé? Il n'a jamais
été capable de me répondre par un oui ou par un non, comme
un homme responsable de l'Education devrait être capable de le faire.
Le Président: A l'ordre! ... A l'ordre, messieurs!
M. Charron: ... et il va venir me faire accroire, M. le
Président, qu'il s'en est occupé?
Le Président: A l'ordre! Revenons à la motion, s'il
vous plaît!
M. Charron: Je lui posais des questions sur l'éducation et
il me référait à son collègue...
Le Président: ... A l'ordre!...... A l'ordre!... A
l'ordre, messieurs! Revenons à la motion.
M. Charron: M. le Président, vous admettrez quand
même que ce genre de questions...
Le Président: Je n'admets rien. Revenons à la
motion.
M. Charron: N'admettez rien si vous voulez, mais lui devrait
admettre qu'il ne s'est pas occupé de ses affaires. Aujourd'hui quand il
vient...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous
rappelle à l'ordre.
Une Voix: Pour la troisième fois.
Le Président: A l'ordre, messieurs! Je n'ai pas besoin
d'aide...
M. Hardy: Cela ne nuirait pas!
M. Charron: Je voudrais, M. le Président, marquer cette
intervention du fait que ce n'est pas l'urgence de la situation qu'aujourd'hui
découvre le gouvernement qui nous paraît essentielle. A la seule
lecture du projet de loi, si vous me permettez de m'y référer, il
est évident que ce sont les conditions des trois prochaines
années qui y sont incluses.
On va en parler tout à l'heure Oswald, ne t'inquiète
pas.
A l'intérieur de cela, M. le Président...
M. Parent (Hull): Surtout pas avec des démagogues.
M. Charron: ... il s'agit des conditions des trois prochaines
années. Et il est absolument irresponsable de la part du gouvernement
d'obliger les députés à étudier ce projet de loi
dans des conditions anormales. Le bon sens de notre règlement veut que,
lorsqu'un gouvernement se décide enfin à intervenir dans un
domaine où il a tardé à intervenir, tous les membres de
l'Assemblée aient tout le loisir de discuter le projet de loi, d'autant
plus que le projet de loi est de cette importance. C'est irresponsable...
M. Lacroix: ...aujourd'hui, vous.
M. Charron:... que le leader du gouvernement aujourd'hui, lui qui
sait le contenu du projet de loi, lui qui a travaillé à la
rédaction du projet de loi, présente maintenant cette motion qui
nous obligerait à l'étudier à l'intérieur de trois
heures en commission plénière.
Tous les parents du Québec, M. le Président, devraient
assister à la séance de cet après-midi pour voir comment
le gouvernement libéral d'en face respecte les parents dans le domaine
scolaire et a intérêt au développement de la paix du climat
scolaire, M. le Président.
Le Président: S'il vous plaît, s'il vous
plaît! A l'ordre, messieurs!
M. Lacroix: Tous les votes que vous allez avoir sont là
pour la prochaine élection, puis on va gagner pareil...
Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine, s'il vous
plaît!
Est-ce que je pourrais indiquer...
A l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce que je pourrais indiquer à nos visiteurs d'aujourd'hui
qu'il n'est pas permis, suivant notre coutume, notre règlement et notre
tradition, de manifester dans un sens ou dans l'autre? Vous êtes
invités à écouter le déroulement des débats
mais il n'est pas permis de manifester; autrement, je devrai demander qu'on
évacue les tribunes, ce qui n'est pas mon intention.
M. Burns: M. le Président, sur la question de
règlement...
Le Président: II n'y a pas de question de
règlement.
M. Burns: Vous l'avez soulevé vous-même.
Le Président: Proprio motu. Il n'y en a pas. Nous sommes
dans un débat limité. Qui demande la parole? Avez-vous une
nouvelle question de règlement?
M. Burns: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Pas sur cette question, je ne le permettrai
pas. Je me suis levé moi-même pour faire respecter le
règlement.
M. Burns: Je veux dire, M. le Président, que vous avez
bien raison. Je suis d'accord avec vous, mais vous ne pouvez pas blâmer
les gens des galeries qui applaudissent à ce que le député
de Saint-Jacques vient de dire.
M. Hardy: Petit politicien.
Le Président: A l'ordre!
L'honorable député de Rouyn-Noranda.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, je n'ai pas été
surpris aujourd'hui lorsque le leader du gouvernement nous a annoncé
qu'en vertu de l'article 84, deuxièmement, de notre règlement, il
demandait la suspension de certaines règles pour procéder
à des affaires urgentes. Je n'ai pas été surpris, parce
que depuis déjà quelque temps nous sentions que le gouvernement
devait déboucher sur cette situation, sur cette solution, comme le
gouvernement l'appelle.
Mais, M. le Président, je me demande, tout en reconnaissant qu'il
y a effectivement urgence, comment trouver une solution équitable dans
ce dossier, et je pense que tous les citoyens sont d'accord avec cela. Il y a
une différence entre reconnaître l'urgence d'une situation et
reconnaître que nous devons appliquer certains moyens pour régler
la situation plutôt que certains autres moyens. Ce que le gouvernement
nous demande aujourd'hui, M. le Président, c'est de suspendre nos
règles de pratique, d'arrêter en quelque sorte tous les travaux
parlementaires ordinaires et de passer à la vapeur parce que de
la façon dont cela se présente c'est de la vapeur une loi
spéciale pour obliger les enseignants à retourner au travail
avant même qu'il n'y ait eu un règlement satisfaisant.
M. le Président, il aurait été beaucoup plus
urgent, pour toute personne bien pensante, d'utiliser un mécanisme
pouvant déboucher sur une solution réelle et satisfaisante. Nous
aurions pu, je pense, avec un minimum de bonne volonté de part et
d'autre, déboucher sur un consensus qui aurait permis l'acceptation, par
toutes les parties concernées, de la formation d'un tribunal
spécial pour la circonstance et, par la suite, penser à d'autres
moyens plus permanents. Donc, comme c'est pressant, un tribunal spécial
auquel on aurait pu référer ce dossier et ne laisser l'impression
à personne, pas plus aux parents, pas plus aux étudiants qu'aux
enseignants, qu'ils sont victimes d'un acte d'abus d'autorité, ou d'abus
de pouvoir.
M. le Président, je suis parmi les parents du Québec qui
ont des enfants aux études.
Je reconnais qu'il y a une grande inquiétude chez les parents. Je
reconnais que les choses sont ce qu'elles sont aujourd'hui suite à un
pourrissement de la situation qui provient de délais occasionnés
par un manque de négociation. M. le Président, je ne veux pas
accuser plus une partie que l'autre, parce que, quand il y a manque de
négociation, il y a des responsabilités des deux
côtés de la clôture. Mais il reste un fait
indéniable, c'est que tous les parents du Québec sont
inquiets.
Nos enfants qui sont aux écoles ou qui devraient être aux
écoles ils ne le sont pas tous les jours malheureusement
risquent de manquer leur année scolaire et je me demande si on n'a pas
dépassé le jour J. Je ne suis pas certain de cela. Je ne suis pas
certain de cela, si nous regardons les inquiétudes de la
Fédération des comités de parents de la province de
Québec, manifestées dans une déclaration publique
datée du 20 mars dernier. Voici ce qu'elle disait, tel que
rapporté par Philippe Gagnon dans la Presse de Montréal. "La
Fédération des comités de parents de la province de
Québec exigera le retour des enfants à la maison le 1er avril, si
le conflit opposant les enseignants au gouvernement n'est pas
terminé."
M. le Président, ce n'est pas là l'avis d'un
parlementaire; c'est l'avis de la Fédération des comités
de parents de la province de Québec qui, je pense, sont aussi
représentatifs dans les circonstances que n'importe qui; du moins, ils
peuvent réclamer une représentativité. Ils disaient le
20 mars: Si le conflit n'est pas réglé, nous envisageons
de garder les enfants à la maison à partir du 1er avril. C'est
donc dire, M. le Président, qu'en fonction des inquiétudes de
cette fédération nous avons dépassé de sept jours
le jour J. L'heure est grave, bien sûr, mais je ne pense pas que nous
ayons la meilleure solution en main.
Si on attend encore dix jours, cela va être encore pire, vous
allez me dire. On aurait raison de me le dire, en tout cas. Si on attend encore
dix jours, cela va être encore pire, mais cela n'enlève pas la
grave responsabilité qui repose sur les épaules des gouvernants.
Cela n'empêche pas que nous puissions dire publiquement que nous
considérons que le gouvernement aurait dû faire preuve de plus
d'ingéniosité. Ainsi il aurait pu éviter cette loi
spéciale no 23 qui nous est déposée aujourd'hui.
J'ai vécu, M. le Président, depuis six ans, des lois
spéciales. Je me rappellerai toujours la loi 38, en 1970. Nous avions eu
une motion pour suspendre les règles. Nous avions eu une motion pour
déclarer l'urgence. J'étais, à ce moment-là,
nouveau parlementaire et de bonne foi, M. le Président, je voulais
participer au règlement d'une situation que je considérais comme
pourrie. J'ai voté pour l'urgence, à ce moment-là; j'ai
même voté pour la loi, croyant que cela réglerait le
problème. Hélas, quelques années après, j'ai
dû, dans ce même Parlement, assister à un débat
similaire pour des circonstances évidemment semblables, et encore une
fois, dans le domaine de la construction.
Ceci m'amène à vous dire, M. le Président, que nous
avons jeté de l'eau sur le feu en 1970. Mais comme nous n'avons pas pris
de disposition permanente pour donner justice sans que ces gens-là
soient obligés d'avoir recours à des méthodes de
harcèlement et à des grèves, comme nous ne l'avons pas
fait, il a fallu revenir, quelques années après, encore jeter de
l'eau sur le feu, parce que le feu était sorti des cendres pendant ce
temps-là.
Je me rappelle aussi les lois spéciales concernant le secteur
public, en 1972. Nous avons, encore une fois, agi comme des pompiers. Mais il
semble qu'on oublie toujours qu'il faille régler cette situation en
permanence et que les cendres finissent toujours par reprendre feu.
Aujourd'hui, que demande-t-on au Parlement de Québec? Aux
parlementaires, on nous demande tout simplement d'agir, encore une fois, comme
des pompiers. M. le Président, je n'ai rien contre le métier de
pompier. C'est un métier honorable, très honorable, mais il
semble que c'est abuser des pompiers quand on fait exprès pour mettre le
feu, et c'est ce qui est arrivé. C'est ce qui arrive aujourd'hui. On
nous oblige à faire les pompiers alors que c'est le gouvernement qui a
mis le feu. Le gouvernement aurait dû prendre d'autres sortes de
responsabilités que celles-là, il n'aurait pas eu besoin
d'apporter cette loi et on n'aurait pas besoin de suspendre les règles
de la Chambre aujourd'hui.
Mais, nous sommes obligés de le faire parce que, comme toujours
et comme d'habitude, c'est la marque de commerce de ce gouvernement de laisser
pourrir la situation au maximum pour arriver, par la suite, en jouant au
martyr, et dire qu'il faut absolument qu'on règle cela, c'est urgent.
Bien oui, c'est urgent. Il y a au moins trois semaines que votre loi est
prête. Vous avez découvert ce matin que c'était urgent cet
après-midi.
Le Parti québécois a suggéré un
médiateur, j'ai suggéré un tribunal spécial, trois
juges; il me semble qu'on pourrait faire confiance à des juges dans des
situations comme celle-là.
M. le Président, n'oublions pas que nous aurons à discuter
d'une loi tantôt qui mettra fin à toute possibilité de
recours légitime des enseignants. Appelons les choses par leur nom, le
gouvernement, dans la circonstance, est le patron. Il est en même temps,
parce qu'il y a conflit, le patron et il est en même temps le juge de la
situation.
M. le Président, nulle part ailleurs on n'accepte que quelqu'un
soit juge et partie en même temps. Ici, au Parlement de Québec, on
accepterait d'être juge et partie en même temps? Je ne peux pas
donner mon accord à ce genre de choses, tout en vous disant, cependant,
que je reconnais l'urgence de régler le problème pour que nos
enfants ne manquent pas leur année scolaire. Mais cette urgence qui
existe, les dispositions qui peuvent être prises peuvent être
différentes et beaucoup plus basées sur le respect des
libertés des individus que le moyen que nous prenons aujourd'hui.
C'est donc pourquoi, M. le Président, je n'ai pas du tout
l'intention de voter pour cette motion d'urgence, parce que cette motion
d'urgence m'apparaît comme de la poudre aux yeux pour nous faire oublier
que le gouvernement a manqué à ses responsabilités.
M. le Président, je veux être bien clair, je ne suis pas
prêt non plus à donner l'absolution de l'autre côté
de la clôture sans avoir passé par la confession, parce que si je
reconnais que le gouvernement a tort, je reconnais aussi que de l'autre
côté on ne s'est pas trop forcé. Je reconnais aussi, avec
tout ce que j'ai en main j'aurais besoin d'une heure pour tout vous dire
qu'il y a eu du harcèlement des deux côtés de la
clôture.
Par contre, tout cela se fait, cette lutte idéologique et
politique, au-dessus de la tête des écoliers, des étudiants
et des parents qui, en quelque sorte, deviennent les otages de tout cela. C'est
pourquoi je n'accepte pas cette situation. Je parlerai plus longuement plus
tard, M. le Président. Je termine parce que je n'ai malheureusement pas
le temps, à moins qu'on ne m'accorde de façon unanime le temps
qui aurait été accordé à mon collègue de
l'Union Nationale qui n'est pas là et qui ne le prendra pas.
De toute façon, ne vous en faites pas, je vais revenir
tantôt et je vais parler quand même. Je vous remercie, vous avez
été bien aimable, M. le Président, de me permettre de
terminer de façon aussi rapide, mais quand même je reviendrai
tantôt sur la loi. Je ne suis pas d'accord avec l'urgence d'adopter cette
loi aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Blank): Sommes-nous prêts
à voter?
Des Voix: Vote! Vote! M. Levesque: Vote.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. Léger: M. le Président, je pense qu'il y a une
grande différence entre une chose urgente, une chose importante, une
chose nécessaire et une chose essentielle. Je pense que ce gouvernement
ne connaît pas la différence entre ces quatre façons de
percevoir une intervention à l'intérieur d'un problème
majeur.
Y a-t-il urgence de discuter de la qualité de l'enseignement? M.
le Président, je dis oui. Il y a urgence de discuter de la
qualité de l'enseignement. I! y a, cependant, un point important, c'est
qu'il n'est pas nécessaire, par exemple, pour discuter de la
qualité de l'enseignement au Québec et de la solution aux
problèmes qui touchent tous les Québécois et qui ont une
liaison directe ou indirecte avec le domaine de l'éducation, de mettre
de côté toutes les règles normales de procédure d'un
Parlement. Autrement dit, à quoi sert un Parlement, M. le
Président, si à chaque fois qu'on a à discuter d'une chose
essentielle, on est obligé de mettre de côté les
règles de procédure normales qui permettent d'approfpndir un
sujet, d'apporter les amendements voulus et trouver des solutions conformes aux
besoins et à la réalité québécoise
aujourd'hui? Si, à chaque fois qu'on a un problème majeur
à réqler, il faut suspendre les règles de procédure
du parlementarisme, abolissons le parlementarisme. Et je me demande justement
si la loi 23 n'est pas peut-être la vingt-troisième loi
spéciale qu'on nous présente depuis 1970.
C'est un gouvernement qui ne fonctionne qu'avec des lois
spéciales en cas d'urgence.
M. Levesque: Question de règlement. Il n'a jamais
été question, M. le Président et je voudrais bien
que le député le sache de suspendre des règles du
parlementarisme. Il a été question de suspendre certaines
règles de notre règlement. Quant au parlementarisme, nous voulons
qu'il se perpétue, qu'il se continue de la meilleure façon
possible.
M. Léger: II y a des personnes qui, au volant de leur
Cadillac, prennent la route alors qu'ils devraient l'emprunter. Nous avons un
gouvernement qui a pris le pouvoir alors que la population le lui a
prêté. Il a pris et accaparé un pouvoir, se sentant celui
qui peut faire n'importe quoi, n'importe comment, mettre les règles du
jeu de son côté pourvu qu'il détienne le pouvoir et qu'il
montre sa force.
M. le Président, ce gouvernement a deux bâtons, le
bâton du patron, d'une part, et le bâton législatif, d'autre
part. On a commencé, M. le Pré- sident, à nous
présenter un scénario en trois actes dont nous avons le
troisième aujourd'hui. Le premier acte a été de
déposer les offres salariales gouvernementales en disant: Ceci n'est pas
négociable, avant même qu'on ait négocié. Au
deuxième acte, on a refusé toute recommandation de tout le milieu
de l'éducation. Au troisième acte, M. le Président,
aujourd'hui, on veut encore, par une loi spéciale et en mettant de
côté toutes les règles, dire que c'est urgent
maintenant.
Comme on a créé une situation absolument intenable
à travers le Québec, maintenant qu'on est la cause de cette
situation et de ce chaos, on veut maintenant dire: Nous sommes le sauveur. On
met de côté toutes les règles normales du parlementarisme
pour discuter en profondeur des sujets aussi essentiels que celui de
l'éducation et, après cela, on va régler le
problème. Je crois qu'il y a une différence entre ce qui est
urgent, ce qui est nécessaire, ce qui est important et ce qui est
essentiel.
M. le Président, je pense qu'il est plus urgent de
négocier actuellement, de bonne foi, que de présenter une loi
spéciale. Il est plus important que les enseignants n'aient pas un
troisième décret à vivre, après celui de 1968 et
celui de 1972, qu'il est urgent de régler le problème en
profondeur. Il était très important, mercredi dernier, que le
gouvernement puisse se prévaloir de son droit de parole pour
répondre à la motion que nous avons présentée
mercredi dernier. Elle discutait du domaine de l'enseignement; elle discutait
d'une solution, d'un médiateur pour régler le problème qui
sévit actuellement dans le milieu de l'éducation. Mais on a
trouvé moyen, le gouvernement de l'autre côté ce
n'était pas urgent à ce moment-là de
continuer...
M. Hardy: A l'ordre! Question de règlement. M.
Léger: ... le discours inaugural. Le Président:
Question de règlement.
M. Léger: M. le Président, depuis quand le
député de l'autre bord peut-il dire: A l'ordre?
Le Président: Question de règlement. M. Hardy:
Question de règlement.
M. Léger: Bien oui, qu'il invoque le règlement,
qu'il ne dise pas: A l'ordre!
Le Président: II a dit "à l'ordre" parce qu'il est
un ancien vice-président.
M. Léger: II s'est toujours pensé encore
président.
M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement.
Le député de Lafontaine, actuellement, fausse les faits. Si la
motion qu'il présentait n'a pas été étudiée
jeudi dernier, ce n'est pas pour les raisons qu'il invoque présentement.
C'est tout simplement parce que les députés de cette Cham-
bre avaient parfaitement le droit d'utiliser leur droit de parole dans
le cadre du débat sur le discours inaugural. Les députés
n'ont fait qu'utiliser leur droit, c'est cela le véritable
parlementarisme. Mais fausser les faits comme vous le faites actuellement,
c'est du faux parlementarisme.
M. Léger: M. le Président, le ministre des Affaires
culturelles a droit à son interprétation. On cherchait des
députés pour parler, pour perdre le temps, et empêcher la
motion du lendemain qui avait été annoncée. J'ai droit
à mon interprétation, et j'ai le droit de dire que la semaine
dernière, mercredi dernier, il aurait été urgent, avant
qu'on présente une loi spéciale aujourd'hui, de discuter du
même problème. On a refusé de le faire et, aujourd'hui, M.
le Président, j'avais une motion qui touchait le domaine de
l'éducation. Il est plus urgent de suspendre le règlement de
l'Assemblée nationale que de discuter en profondeur d'un projet, d'une
motion qui touchait justement le même problème que nous visons
actuellement par une loi qui nous est présentée, alors qu'on met
de côté toutes les règles normales de procédure
parlementaire.
Alors, M. le Président, où est l'urgence? Mercredi
dernier, on a refusé d'en parler et, aujourd'hui, on a
préféré nous présenter une loi qui n'a aucun
contenu mais qui n'a que des obligations et des restrictions et qu'un besoin
d'arrêter les négociations en imposant un décret. On parle
justement de régler le problème de l'éducation à
travers cela. Quand une loi est importante, on a besoin de travailler, nous,
parlementaires, avec les règles normales du parlementarisme. Il est plus
urgent de régler le problème de l'éducation comme le
gouvernement à l'image de celui que vous avez de l'autre
côté, que de se préparer à des élections en
montrant qu'on a un bon bâton pour mettre de l'ordre au Québec.
Préparez-les vos élections mais pas sur le dos des enfants, M. le
Président, pas sur le dos de l'éducation.
On sait que vous aimeriez bien que la population vous prenne pour un
gouvernement qui est capable de régler les problèmes, un
gouvernement qui a du leadership et qui est partie intégrante de la
situation dégradante dans laquelle nous vivons et le responsable de
cette situation. S'il prend le moyen d'une loi d'urgence pour régler un
problème dont il est responsable, cela démontre qu'il est, comme
gouvernement, un irresponsable.
M. le Président, il est nécessaire de trouver une solution
au climat qui va exister durant les trois prochaines années dans les
écoles de tout le Québec. M. le Président, les
éducateurs des niveaux élémentaire, secondaire,
collégial et universitaire se demandent justement jusqu'à quel
point ils ont dorénavant un rôle à jouer dans le domaine de
l'éducation.
Eux qui sont et qui devraient être considérés comme
des professionnels de l'éducation, comme des personnages centraux du
milieu scolaire, on les traite comme du bétail, comme un restant de la
société. On ne leur aura même pas permis, en neuf
années, de participer activement à l'élaboration d'un
système scolaire dont ils pourraient être fiers de se savoir une
partie responsable, importante et essentielle.
Je pense, M. le Président, qu'il n'est pas urgent de suspendre
les règles de procédure, mais qu'il est essentiel qu'on s'occupe
aujourd'hui de commencer à discuter, mais à l'intérieur
des règles normales de la procédure parlementaire, d'une solution
pour mettre fin au climat dégradant en milieu scolaire. Ce climat, qui
contribue de plus en plus à diminuer la qualité de l'enseignement
dans les écoles, doit être transformé pour être
propice à l'élaboration d'une politique de l'éducation au
Québec et permettre justement de recruter davantage les maîtres
dont nous avons besoin.
Mais avec l'attitude du gouvernement, M. le Président, je puis
dire qu'il est responsable d'une chose; c'est que les enseignants ne se sentent
plus chez eux dans le système scolaire actuel.
Des Voix: Vote! Vote! M. Hardy: Vote!
Le Président: Je vais mettre aux voix cette motion, s'il
n'y a pas d'autres députés qui s'expriment.
M. Charron: Vote enregistré, M. le Président.
Le Président: Vote enregistré. Qu'on appelle les
députés!
Vote sur la motion
Le Président: A l'ordre, messieurs!
Que ceux qui sont en faveur de la motion du leader parlementaire du
gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank,
Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Garneau, Phaneuf, Lachapelle,
Berthiaume, Mme Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond, Lacroix, Hardy,
Bienvenue, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Arsenault, Houde
(Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Fortier,
Bossé, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency),
Saint-Hilaire, Brisson, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard,
Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Faucher, Saint-Germain, Harvey
(Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pepin,
Beauregard, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin,
Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Ciaccia, Côté, Denis,
Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe,
Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent
(Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières,
Verreault, Leduc.
Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger,
Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson.
Le Secrétaire: Pour: 83 Contre: 7
Le Président: Cette motion est adoptée.
M. Lacroix: Le dixième d'un dollar dans les cotisations,
cela fait quoi?
M. Levesque: Projet de loi no 23.
Projet de loi no 23 Première lecture
Le Président: A l'ordre, messieurs! L'honorable ministre
de l'Education propose la première lecture du projet de loi no 23, Loi
concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation et
abrogeant une disposition législative.
L'honorable ministre de l'Education.
M. Bienvenue: Ce projet de loi, M. le Président, a pour
objet d'interdire le lock-out, la grève et les ralentissements de
travail pour une période de 80 jours dans le secteur des collèges
d'enseignement général et professionnel et dans celui des
commissions scolaires.
Entre-temps, trois commissaires aux différends scolaires seront
nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Ces commissaires auront
pour fonction d'enquêter sur les différends en cours, d'entendre
les parties, de s'enquérir sur l'état des négociations sur
tous les aspects significatifs du dossier, d'examiner les dernières
demandes syndicales et les dernières offres patronales et
d'étudier l'impact éventuel de ces demandes et offres au plan des
services, des effectifs, du rendement et des coûts. Le rapport sera remis
aux parties et immédiatement rendu public.
Le projet abroge une disposition de la loi visant à assurer les
services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit
de travail de façon à la rendre conforme aux décisions qui
avaient été prises, lors de son adoption, par l'Assemblée
nationale.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture est adoptée?
M. Burns: Je demande le vote enregistré, M. le
Président.
Le Président: A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'on peut
tenir compte du vote qui vient d'avoir lieu?
M. Burns: Non, M. le Président, qu'on appelle les
députés, je vous le suggère.
Le Président: Qu'on appelle les députés,
s'il vous plaît!
Vote de première lecture
Le Président: Que ceux qui sont en faveur de cette motion
de première lecture veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank,
Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Mme
Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond, Lacroix, Hardy, Bienvenue, Toupin, Harvey
(Jonquière), Vaillancourt, Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins,
Massé, Perreault, Brown, Fortier, Bossé, Kennedy, Bacon,
Lamontagne, Bédard (Montmorency), Saint-Hilaire, Brisson, Lafrance,
Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Faucher,
Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks,
Springate, Pepin, Beaure-gard, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier,
Boudreault, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Ciaccia, Côté,
Denis, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe,
Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent
(Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières,
Verreault, Leduc.
Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger,
Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson.
Le Secrétaire: Pour: 81 Contre: 7 Le
Président: Cette motion est adoptée.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi. First reading of this bill.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
Deuxième lecture
Le Président: Deuxième lecture, même
séance.
L'honorable ministre de l'Education propose la deuxième lecture
du projet de loi no 23, Loi concernant le maintien des services dans le domaine
de l'éducation et abrogeant une disposition législative.
L'honorable ministre de l'Education.
M. Jean Bienvenue
M. Bienvenue: Le lieutenant-gouverneur, M. le Président, a
pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption.
M. Hardy: Lui, il comprend!
M. Bienvenue: M. le Président, le 19 février
dernier, en compagnie de mes collègues, le ministre d'Etat à
l'Education et le ministre de la Fonction publique, je donnais une
conférence de presse à laquelle participaient également
nos partenaires du secteur de l'éducation dans la présente ronde
de négociations.
A cette occasion je déclarais, entre autres: "Notre constat est
simple et clair. La négociation
ne progresse pas assez rapidement. La situation dans les écoles
et les collèges est telle, suite au harcèlement, que si elle
devait durer ainsi, l'année scolaire en cours sera compromise et
l'organisation de la prochaine rentrée scolaire risque également
d'être touchée. "Le déroulement de la négociation
est tellement lent qu'à ce rythme l'on ne peut entrevoir la conclusion
d'un règlement négocié avant plusieurs mois. Nous n'avons
pas d'objection de principe à négocier des mois durant, si la
négociation se fait, évidemment, à la table de
négociation et non pas dans les écoles. Ce n'est pas le cas.
"Dans les circonstances, non seulement une accélération des
négociations s'impose, mais une trêve s'impose également.
Je dis une trêve, parce que je crois fermement que nul ne peut
négocier sereinement dans un climat qui est surchauffé. "Tout
compte fait, il n'est acceptable pour personne de laisser aller les choses
comme elles vont actuellement et de laisser se perdre une année
scolaire. Le système scolaire, par définition, est une entreprise
qui a un calendrier spécifique. Ce système peut subir
d'interminables perturbations sans que l'essentiel de sa vocation ne soit
perdu. "Les élèves ont droit de recevoir leur enseignement, droit
de faire leurs études, droit de passer leurs examens, droit de recevoir
leurs notes, droit d'avoir leur diplôme et surtout droit d'être
promus. Le calendrier n'est donc pas indifférent et le gouvernement et
ses partenaires ne sont pas davantage indifférents au calendrier ni aux
échéances essentielles. "Ces échéances sont
déjà serrées. Nous continuons de vouloir un
règlement négocié et cela dans les plus brefs
délais. Le gouvernement non plus que ses partenaires, ni d'ailleurs
j'en suis sûr le personnel concerné ne recherchent
ni une grève, ni un décret. Plus les harcèlements
s'accentuent, plus les dangers de perdre l'année scolaire augmentent et
plus les échéances, évidemment, se rapprochent. "Au cours
des semaines qui viennent, il faudra de nouveau évaluer l'ensemble de la
situation avec nos partenaires.
Voilà, M. le Président, c'était le 19
février 1976, il y a exactement sept semaines aujourd'hui.
Nous avons constamment évalué la situation et ces
évaluations successives m'ont amené à ne plus parler de
mois et de semaines comme au début, mais bien de jours et d'heures,
comme je l'ai indiqué il y a deux semaines, et finalement de minutes,
même comme je l'ai fait la semaine dernière et hier en
réponse à des questions de membres de l'Assemblée
nationale.
Au moment où je vous parle, le compte à rebours est
terminé et le temps est expiré. En effet, depuis ma
conférence de presse du 19 février, non seulement il n'y a pas eu
de trêve comme je l'avais demandé à l'époque, mais
au contraire les mesures de harcèlement ont augmenté en
quantité et en intensité et cela à un point tel que
l'année scolaire de bon nombre d'élèves et
d'étudiants est maintenant compromise au moment où je vous
parle.
C'est vrai dans plusieurs commissions scolaires et c'est vrai encore
davantage dans le cas des CEGEP, dont les calendriers prévoient la fin
de la session dans la première quinzaine de mai, soit dans environ cinq
semaines.
Donc, l'année scolaire est compromise. C'est la conclusion
à laquelle je suis forcé d'arriver, suite à l'avalanche de
messages que j'ai reçus et aux données que je possède sur
le nombre inquiétant de jours de classe perdus au cours des cinq
derniers mois. Tout au long de cette période, j'ai reçu des
dizaines de milliers de lettres, de télégrammes, de
pétitions, d'appels téléphoniques provenant des quatre
coins de cette province représentée par les membres de
l'Assemblée nationale que vous êtes.
Ces messages m'ont été adressés par des
commissaires d'écoles, des directeurs généraux de
commission scolaire, des principaux d'école, des comités de
parents et d'école, des centaines et des milliers de simples
citoyens.
Il est important de le noter, ces messages m'ont aussi été
adressés par de nombreux enseignants qui m'ont dit ils n'ont pas
hésité à m'écrire en s'identifiant qu'ils
souhaitaient que le gouvernement prenne au plus tôt les mesures
nécessaires pour que cessent les tactiques de harcèlement et pour
que la vie dans les écoles, pour que l'éducation dans les
écoles car pour eux comme pour moi, l'éducation c'est plus
que l'enseignement puisse se dérouler à nouveau dans un
climat sain et normal.
Pour ce qui est des jours de classe perdus, comme je l'indiquais hier en
cette Chambre, ils se chiffrent comme suit: depuis novembre 1975 jusqu'au 31
mars 1976, soit tout récemment, 10 608 362 jours-élève ont
été perdus, soit une augmentation de 3 867 450, ou une
augmentation du tiers depuis la période du 18 mars seulement. Si on veut
être réaliste et tenir compte du temps perdu j'ai dit cela
aussi par les récréations prolongées, par les cours
écourtés et par diverses autres manoeuvres, il faut probablement
multiplier ce nombre par un et demi ou même par deux.
Pendant la période allant du 18 au 31 mars, la moyenne
provinciale de jours-élève perdus est donc passée de 4,8
à 7,6 et c'est là un strict minimum. Les régions les plus
touchées par les jours-élève perdus j'ai dit cela
aussi sont celles du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec 17,5
jours-élève, Trois-Rivières, avec 16,5
jours-élève, et la Côte-Nord, avec 11,4. Ces jours ne
tiennent pas compte des plus récents débrayages, ceux de cette
semaine, qui viennent encore en augmenter le nombre.
Ces données ne traduisent même pas, hélas! toute la
réalité, puisque diverses mesures prises par les syndicats visent
à désorganiser la vie scolaire et ont des conséquences
inévitables sur les services rendus aux élèves. Voici
quelques exemples de ces procédés, de ces moyens de harassement,
de harcèlement, qui atteignent directement les élèves:
cours rognés au début et à la fin, cours non
donnés, surcharge de travail aux étudiants, examens
imposés en dehors des temps prévus, omission de donner des
travaux aux étudiants,
mutisme envers les élèves et consignes écrites,
activités parascolaires boycottées, annulation de tout projet
éducatif, sorties culturelles, classes de neige, etc., prolongement des
récréations, sortie avant les heures prévues, refus
d'assurer la sécurité réelle des élèves,
refus de suppléance, nombreuses périodes-élève
perdues chaque jour, abandon de projets pédagogiques, activités
soi-disant de plein air non planifiées ni organisées. Ajoutez
à cela les nombreuses heures de classe consacrées à
aborder des sujets relatifs aux négociations plutôt qu'au contenu
des programmes; ajoutez à cela le kidnapping de membres de la direction
et les menaces proférées à leur endroit et à
l'endroit de personnes de leur famille; ajoutez à cela les sonneries
d'alarme déclenchées à tout propos et même les
alertes à la bombe, l'intimidation des suppléants, la disparition
du matériel scolaire et que sais-je encore, et vous aurez une bonne vue
d'ensemble du climat que certains ont décrit comme un climat de
guérilla qui prévaut actuellement dans certaines je n'ai
pas dit dans toutes écoles du Québec.
Tout cela contribue, M. le Président, à épuiser
physiquement et mentalement ceux qui sont chargés de faire
l'école et de faire de l'école un lieu d'apprentissage et
d'éducation. Pareille situation situe l'école dans un contexte
d'immoralité permanente qui contribue à inculquer aux enfants des
principes aussi formateurs que celui qui veut que la fin justifie les moyens.
Quand on sait l'influence qu'exercent sur les enfants ceux qui remplacent les
parents auprès d'eux, on voit bien à quel monde de valeurs ces
derniers sont conviés et initiés.
Il est donc grand temps, comme je l'ai dit à plusieurs reprises
récemment, que les enfants du Québec cessent d'être les
innocentes victimes de querelles entre adultes alors que se joue actuellement
leur sort à eux.
Enfin, alors même que le gouvernement a tout mis en oeuvre pour
accélérer le rythme des négociations, et cela en parfait
accord avec les dirigeants syndicaux et même à la demande des
dirigeants syndicaux, les syndiqués continuent quand même les
débrayages comme en font foi les arrêts de travail
généralisés que nous avons connus, entre autres, cette
semaine.
Devant pareille situation, le gouvernement ne peut plus tolérer
que se détériore la vie des écoles du Québec. Le
gouvernement ne peut pas rester insensible aux nombreux et pressants appels
auxquels je faisais allusion, que lui lancent les parents et les citoyens. Le
gouvernement ne peut plus faire oeuvre de patience. Le gouvernement a
décidé, aujourd'hui, pas demain, de prendre ses
responsabilités.
M. le Président, c'est dans ce contexte qu'il faut maintenant
situer et comprendre le projet de loi qui vient d'être
déposé et que je propose à cette Chambre d'adopter. Le
gouvernement, par ce projet de loi, poursuit deux grands objectifs: non
seulement sauver l'année scolaire, mais sauvegarder la valeur de
l'année scolaire des élèves et des étudiants;
continuer à rechercher un règlement né- gocié
pourtous les syndiqués du secteur de l'éducation.
Pour être bien clair, rien dans cette loi, bien au contraire,
n'empêche que les négociations puissent se continuer durant la
période de 80 jours. Je dis qu'elles doivent être
continuées.
Pour atteindre ces objectifs, le projet de loi no 23 vise, en premier
lieu, à interdire le lock-out, la grève et les ralentissements de
travail pour une période de 80 jours dans le secteur des collèges
d'enseignement général et professionnel et dans celui des
commissions scolaires. Il ne s'agit pas ici d'une mesure législative qui
revêt un caractère de nouveauté. En effet, l'article 99 du
Code du travail va exactement dans le même sens, puisqu'il permet au
procureur général de demander à un juge de la Cour
supérieure d'émettre des injonctions pour empêcher une
grève ou pour y mettre fin. De telles injonctions peuvent avoir effet
pendant 80 jours également. Cependant, parce que les délais
d'application de cet article du Code du travail sont trop longs, le
gouvernement a décidé de procéder plutôt par une
loi. De plus, en reprenant une disposition de même nature dans le projet
de loi, le gouvernement veut pouvoir l'appliquer non seulement aux
grèves, mais aussi aux lock-out, ce qui, à mon avis, est aussi
devenu nécessaire pour sauver l'année scolaire.
En contrepartie de cette première mesure, le projet de loi no 23
vise la nomination de trois personnes appelées commissaires aux
différends. Ces commissaires auront un mandat qui les amènera
à enquêter sur les questions qui, au plan provincial, opposent les
parties patronale et syndicale. Pour ce faire, les commissaires doivent
"entendre les parties, s'enquérir de l'état des
négociations sur tous les aspects significatifs du dossier, examiner les
dernières demandes syndicales et les dernières offres patronales
et étudier l'impact éventuel de ces offres et de ces demandes au
plan des services, des effectifs, du rendement et des coûts"? Le rapport
des commissaires doit être déposé dans les 60 jours de leur
nomination. Il doit, en même temps, être remis aux parties et
être rendu public.
C'est donc, M. le Président, à défaut d'une
trêve acceptée par tous, trêve que j'ai proposée il y
a sept semaines et que j'ai sollicitée à plusieurs reprises, que
le gouvernement se voit forcé, aujourd'hui, d'imposer un moratoire.
Le gouvernement se donne aussi un moyen de voir plus clair dans la
situation actuelle en demandant à des tiers d'analyser toute la question
et de formuler publiquement leurs commentaires et leurs observations.
J'ose espérer que, pendant ce moratoire et pendant que les
commissaires aux différends rempliront leur mandat, les écoliers
et les étudiants du Québec recevront un enseignement de
qualité, et que les enseignants mettront à leur disposition des
services éducatifs qui soient dignes de ce nom. Pour ceux qui
préfèrent le voir ainsi, disons que le gouvernement ajoute de
l'eau dans son vin, et qu'il accepte d'impliquer directement des tiers, comme
un ultime effort d'en arriver à un
règlement négocié. Depuis le début des
négociations, le ministre de la Fonction publique, mes
prédécesseurs à l'Education et celui qui vous parle avons
toujours dit que nous voulions une convention collective négociée
et non un décret. Et c'est, au moment où je vous parle, toujours
notre intention ferme d'y arriver.
Je crois que le projet de loi no 23 nous fournit, à ce moment-ci,
un outil valable pour atteindre cet objectif, pour que la négociation se
fasse autrement et à l'extérieur d'un climat malsain de
harcèlement. Il ne faudra cependant pas se surprendre de trouver dans le
projet de loi, M. le Président, des sanctions pour prévoir
l'éventualité où l'une ou l'autre des parties
déciderait froidement d'enfreindre la loi. En effet, il faut que les
règles du jeu soient respectées par tous, et il faut que les
parties sachent bien à quoi elles s'exposent, si elles veulent briser
ces règles du jeu.
Un principe vieux comme le monde demeure: Nul n'a à craindre la
sanction de l'infraction qu'il ne commet pas. Pour ma part, je ne vois pas en
vertu de quelle logique ou de quelle stratégie suicidaire les organismes
responsables qui regroupent des syndiqués ou des organismes scolaires
choisiraient lucidement de s'attirer l'une ou l'autre des sanctions
prévues par la loi.
Puisqu'il faut que la prochaine année scolaire démarre
dans un contexte de paix sociale, il faudra bien, un jour, en arriver à
la conclusion d'une entente. Nous espérons, bien sûr, que la
trêve de 80 jours, que les travaux des commissaires et que la poursuite
intelligente et efficace des négociations permettront
précisément d'en arriver à la conclusion de cette entente
signée de plein gré. Et pour y arriver, le gouvernement doit
prendre ses responsabilités et va prendre ses responsabilités
pour s'assurer que les droits des enfants et des parents du Québec
soient respectés.
M. le Président, vous-même et tous mes collègues de
cette Chambre aurez pu observer que tout au long de mon propos, comme c'est
d'ailleurs une habitude qui est bien ancrée chez moi, je me suis abstenu
d'avoir recours à un langage et à un ton enflammés. De la
même façon, et comme c'est également le fruit d'un principe
personnel qui m'est combien cher, depuis maintenant dix ans que je siège
en cette Chambre, des deux côtés de votre fauteuil, de la
même façon, dis-je, j'ai maintenu mes remarques bien au-dessus,
très haut au-dessus de l'esprit partisan et de l'électoralisme
petit.
A travers vous, M. le Président...
M. Charron: C'est dur à dire, cela, hein.
M. Bienvenue: C'est un mot auquel je ne suis pas
habitué.
M. Charron: C'est dur à dire, cela.
M. Bienvenue: C'est pour cela que je le prononce mal.
A travers vous, M. le Président...
Une Voix: ...des élections.
M. Léger: Amenez-en des élections, cela va
être le temps de nettoyer cela. On va vous nettoyer cela.
Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!
M. Côté: C'est votre coin qui va être
nettoyé.
Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs!
M. Bienvenue: A travers vous, M. le Président, j'invite
tous ceux qui participeront à ce débat à le faire avec la
dignité qu'exige, je pense, la gravité de la situation.
Quant aux parties patronale et syndicale, je les invite, je me
répète à dessein, à observer et à respecter
cette loi. Je refuse de croire que ceux-là, à quelque titre que
ce soit, à qui les parents du Québec ont confié la
responsabilité de l'éducation de leurs enfants, que ce soit du
côté patronal ou du côté syndical, donnent aux
écoliers et aux étudiants du Québec qui sont
confiés à leurs soins l'exemple de la désobéissance
à la loi.
J'ai présent à l'esprit, M. le Président, et je
pense qu'il vaut la peine de la reprendre devant mes collègues, cette
phrase que prononçait devant le Congrès américain, le 30
septembre 1962, le président des Etats-Unis qui fut assassiné
à Dallas et qui disait: "Notre nation repose sur le principe que
l'observance de la loi est le rempart éternel de la liberté et
que le défi à la loi est le plus sûr chemin menant à
la tyrannie. Les citoyens sont libres d'être en désaccord avec la
loi, mais non d'y désobéir. Car, dans un gouvernement régi
par des lois et non par des hommes, aucun citoyen, quelles que soient sa
puissance et l'importance de son poste, ni aucun groupement, tout rebelle et
indiscipliné qu'il soit, n'a le droit de défier une cour de
justice".
Le Vice-Président (M. Blank): L'honorable chef de
l'Opposition officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. Morin: M. le Président, si je prends la parole avant le
député de Lafontaine, qui tout à l'heure parlera au nom de
l'Opposition officielle, c'est pour vous dire mon inquiétude devant les
répercussions profondes que ce projet de loi risque d'entraîner,
non seulement au cours des deux mois qui viennent, pendant lesquels il
développera ses effets, mais au cours des trois années qui vont
suivre, au cours desquelles il faudrait bien que les écoles fonctionnent
et, comme affectionne de le dire un collègue d'un autre Parlement, que
les enseignants enseignent et que les élèves étudient.
Or, quelles peuvent être les conséquences de ce projet de
loi-matraque, par lequel on prétend régler à court terme
un problème de négociations, alors même que celles-ci sont
en cours? M. le Président, ce projet de loi peut entraîner des
conséquences exactement opposées à celles qu'on recherche.
C'est la raison pour laquelle j'ai l'intention de proposer, au terme des
quelques minutes
qui me sont accordées, que nous réfléchissions
davantage à la portée des actes que nous sommes sur le point de
poser. Ce qui est urgent, c'est de négocier. Ce qui urge, si les deux
parties n'arrivent pas à s'entendre, c'est de trouver un tiers qui
puisse, de façon impartiale, faire des recommandations au gouvernement
pour le règlement de ce conflit. Ce qui est urgent, c'est de s'assurer
qu'au cours des prochains mois et des prochaines années le climat
scolaire ne sera pas pourri. La conséquence de ce projet de loi, M. le
Président, est celle-ci: Peut-être va-t-on, sur le plan des
apparences, sur le plan formel, ramener les enfants et les enseignants dans les
écoles. Mais à quel prix, sur le plan psychologique? A quel prix
du point de vue de la paix scolaire? Voilà les questions qu'il faut nous
poser de façon urgente.
Qu'est-ce qui est urgent, en effet? Est-ce de faire un coup de force
à rencontre des enseignants, de sorte qu'ensuite ils ne se mettront au
travail, chaque matin de chaque semaine de chaque mois de chaque année
qui vient, qu'en se rappelant que l'Assemblée nationale leur a
imposé un règlement qui aurait pu être obtenu par la
négociation? C'est cela qu'on recherche, M. le Président?
Qu'est-ce qui est urgent? Est-ce d'obtenir un retour plus ou moins
ordonné dans nos écoles ou bien de s'assurer que, pendant les
années qui viennent, il régnera dans les classes un climat de
coopération, d'entente entre enseignants, direction, comité de
parents? J'ai l'impression que nous sommes en train de donner tête
baissée dans un piège que nous nous tendons nous-mêmes et
que nous tendons à la population du Québec. Aussi, je voudrais
suggérer, et j'en ferai tout à l'heure une motion, que nous
remettions de quelques jours, de cinq jours, par exemple, l'adoption en
deuxième lecture de ce projet de loi, de façon à donner le
temps aux parties, mais aussi à ceux qui ont un intérêt
évident dans le règlement de cette affaire, de venir se faire
entendre devant la commission parlementaire.
M. le Président, nous avons été témoins,
depuis quelques mois, d'une guerre de communiqués de part et d'autre.
Souvent la négociation se faisait à coups de conférences
de presse. Ne serait-il pas temps que nous entendions en commission
parlementaire la Fédération des commissions scolaires, la
Fédération des associations de parents de CEGEP, la
Fédération des comités de parents des écoles
élémentaires et secondaires? Est-ce qu'il ne serait pas du plus
haut intérêt, pour le règlement de ce conflit, que nous
entendions le Conseil supérieur de l'éducation qui, à
plusieurs reprises, est intervenu dans ce litige pour nous rappeler
quelques-unes des conditions fondamentales de la paix scolaire?
Qu'est-ce qui est urgent, une fois de plus? Est-ce de forcer les
enseignants, qui auront le sentiment d'avoir été
lésés, à retourner dans leurs classes, persuadés
que le gouvernement n'a jamais voulu honnêtement négocier avec
leurs représentants? Imagine-t-on les conséquences que cela va
entraîner pour le climat scolaire? Oh! bien sûr, tout semblera
rentrer dans l'ordre dans les apparences. Pendant deux mois, on saura que
derrière les portes de classes, il y a 30 ou 40 élèves,
comme cela se voit dans certaines classes, et un professeur.
Toutefois s'assure-t-on, avec ce projet de loi, que le climat qui
régnera dans ces classes sera plus sain que celui qui a
régné depuis quelques mois, que celui qui règne en ce
moment? On aura réglé les choses au niveau des apparences, mais
on se promettra du même coup un climat insoutenable pour les trois
années qui viennent. Voilà l'effet de ce projet de loi.
Qu'est-ce qui est urgent, M. le Président? Je dis au gouvernement
que c'est beaucoup plus la nomination d'un médiateur, comme nous l'avons
réclamé depuis des semaines, déjà. C'est la seule
solution équitable dans les circonstances pour toutes les parties aux
négociations; la seule façon d'assurer que la paix dans les
écoles sera non pas superficielle et trompeuse, mais profonde, que les
enseignants rentreront dans leur classe avec le sentiment qu'on s'est
penché sur leurs problèmes, qu'on a pris le temps
d'étudier leurs revendications.
M. le Président, quand on considère ce qui se passe dans
l'enseignement depuis quelques années, on ne peut qu'être
soucieux. Quand on voit les résultats entraînés je
prends un exemple par l'application du rapport
maître-élèves ce qu'on appelle quelquefois le
"ratio" qui n'a pas empêché que, dans les classes, on
trouve 32, 35, 36 élèves; j'ai vu jusqu'à 40
élèves dans les classes...
M. Lacroix: Où, nommez-les! M. Morin: M. le
Président... M. Lacroix: Nommez-les!
M. Morin: Je pourrais énumérer toute une
série de commissions scolaires où il existe des classes
surpeuplées.
M. Lacroix: Ce n'est pas vrai, vous êtes trop menteur pour
cela.
Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! A l'ordre!
M. Lacroix: Maudit tartufe!
Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!
M. Morin: Je suis étonné, M. le Président,
de constater qu'en face on n'a pas l'air de connaître les conditions qui
règnent dans l'enseignement et je comprends mieux, maintenant, pourquoi
on est capable d'adopter un projet de loi comme celui-ci.
Quand on ne sait pas ce qui se passe dans les classes, quand on ne sait
pas ce que c'est une classe surpeuplée, bien sûr, on peut adopter
des projets de loi comme celui-ci. Quand on ne sait pas ce que c'est que tenter
de faire la discipline dans une classe de 35 élèves, avec de
surcroît des enfants qui, quelquefois, posent des problèmes
d'adaptation sociale ou scolaire, quand on n'a pas connu cela, on ne
peut évidemment trouver de solutions aux problèmes de
l'enseignement.
M. le Président, j'ai eu l'occasion, depuis quelque temps, de
rencontrer des comités de parents, dans plusieurs régions du
Québec, notamment en Mauricie, où le problème a pris la
tournure extrêmement grave que vous connaissez, en Gaspésie, dans
l'Estrie et également à Montréal. Ces parents m'ont fait
part de leur anxiété, de leur inquiétude, non pas
tellement en raison des événements récents que devant la
dégradation du milieu scolaire depuis quelques années. Ces
parents qui paient de lourdes taxes pour que les écoles puissent
fonctionner, qui s'imposent des sacrifices, constatent, depuis quelques
années maintenant, que la qualité de l'enseignement va se
dégradant. C'est cela, le véritable problème de fond
auquel le présent projet de loi n'apporte aucune solution.
M. le Président, l'un des objectifs de la négociation en
cours devrait être de changer le rapport
maître-élèves par un nombre maximum
d'élèves.
Le Président: Je m'excuse. C'est assez délicat;
tout le monde reconnaît que le débat de deuxième lecture
est plutôt large sur la question, mais il doit être restreint
déjà, il y a une restriction, même s'il est large
"à la portée, à l'à-propos, aux principes
fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou
à toute autre méthode d'atteindre ses fins".
M. Morin: M. le Président, il me semble que je me tenais
à l'intérieur de ce débat.
Le Président: Un instant, je n'ai pas terminé, s'il
vous plaît. On a tout le temps. L'avenir est devant nous. On a tout le
temps.
D'après moi, le principe premier du projet de loi "a pour objet
d'interdire le lock-out, la grève et les ralentissements de travail pour
une période de 80 jours dans le secteur des collèges
d'enseignement général et professionnel et dans celui des
commissions scolaires ". Il y a une modalité greffée à
cela et on pourra en parler, soit la nomination de trois commissaires. Il y a,
enfin, un autre principe, à mon point de vue, c'est l'abrogation d'une
disposition de la loi dans le domaine des services de santé et des
services sociaux.
Je ne voudrais pas que l'Assemblée s'asseoie à la table
des négociations pour vider la question de la tâche de travail ou
la charge de travail dans l'enseignement, de la sécurité
d'emploi. Si nous pouvons parler de cela, nous parlerons des questions de
salaire. Qu'on l'aborde brièvement, mais que le débat de
deuxième lecture soit quand même appuyé sur l'objet du
projet de loi qui est d'enlever le droit de grève. Qu'on parle à
fond du lock-out et tout, mais qu'on n'aille pas dans toutes les
modalités de la négociation qui continue, d'ailleurs,
actuellement.
M. Charron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: D'accord, je vous écoute parce que
c'est délicat.
M. Charron: Je sais que c'est délicat et je me
référerai à certains précédents
débats sur des sujets tout aussi litigieux que celui dont nous parlons
aujourd'hui. Je me souviens que vous nous avez toujours ou à peu
près reconnu le droit, lorsque nous manifestions notre opposition aux
principes de projets de loi ce que le chef de l'Opposition est en train
de faire dans son droit de parole de non seulement signaler pourquoi
nous sommes en désaccord avec ce qui est contenu dans la loi, mais
puisque l'objectif promu à l'intérieur du principe du projet de
loi est le rétablissement de la paix scolaire, d'y
énumérer, à l'occasion c'est à cet endroit
que vous nous aviez dit de le faire plutôt qu'en troisième
lecture, là où c'est trop tard ce que nous trouvons qui
devrait se trouver dans le projet de loi et ne s'y trouve pas.
Le chef de l'Opposition mentionnait qu'au lieu de certaines
dispositions, comme, par exemple, l'abolition pure et simple du droit de
grève au cours de la période mentionnée dans l'article 2
du projet de loi, ce sont plutôt des modifications au contenu actuel du
décret de l'enseignement ou autres suggestions qu'il pourra faire et
qu'il est à faire, que chacun de nous pourra faire au cours de ce
débat, toujours dans l'objectif de souscrire au rétablissement le
plus rapide de la paix dans les écoles. Notre participation au
débat serait négative, M. le Président, si nous
n'ajoutions pas, au désaveu que nous avons des solutions
gouvernementales contenues dans le projet de loi, certaines suggestions qui
nous apparaissent essentielles à intervenir.
Je me souviens qu'à d'autres occasions, par exemple, sur la
question de la Régie des installations olympiques où nous
pouvions manifester notre désaccord au contenu de certaines
dispositions, il nous était loisible, et vous l'avez vous-même
reconnu, de suggérer autre chose qui devait se trouver dans le projet de
loi. Tel que j'avais compris l'intervention du député de
Sauvé, le chef de l'Opposition officielle, il s'agissait non seulement
d'exprimer ce que nous n'approuvons pas, mais, aussi, c'est la seule occasion
qui nous est donnée de le faire. En troisième lecture, vous nous
direz qu'il est trop tard pour dire ce que le gouvernement devrait faire,
maintenant qu'il a décidé d'agir dans ce domaine.
M. Levesque: M. le Président, parlant sur la question de
règlement.
Le Président: Oui.
M. Levesque: Je n'ai, évidemment, pas l'intention de
reprendre ce que vous avez donné, tout à l'heure, comme
décision. Je crois que c'était très sage, et la lecture
que vous avez faite de l'article 120 de notre règlement me semble devoir
convaincre tout le monde. Je comprends bien les intentions fort probablement
louables du député
de Saint-Jacques ou de l'honorable chef de l'Opposition, mais nous avons
présenté tel projet de loi où il est clairement
établi que ce que nous voulons par ceci, c'est que les
harcèlements cessent, que les lock-out cessent, que la grève
cesse et qu'on puisse continuer les négociations. Mais, M. le
Président, les négociations se continuant...
M. Morin: Vont-elles continuer avec ce genre de loi?
M. Levesque: M. le Président, il n'y a rien, dans le
projet de loi, qui parle des négociations comme telles. Il n'y a rien
dans le projet de loi qui empêche les négociations de continuer.
Au contraire, c'est simplement pour créer un climat qui puisse permettre
la poursuite des négociations.
M. Morin: Vous croyez vraiment que vous allez créer ce
climat?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre!
M. Levesque: A ce compte, M. le Président, si on ne tenait
pas compte des dispositions de l'article 120, lorsque n'importe quel projet de
loi serait présenté à la Chambre, on pourrait parler
absolument de n'importe quoi, comme on fait sur le discours inaugural. Il est
permis de discuter de n'importe quel sujet à l'intérieur des
attributions de la Législature. Mais présentement, M. le
Président, il y a une restriction bien claire que vous avez
mentionnée mais que j'aime à souligner de nouveau, à
l'article 120. Vous avez parlé, il y a un instant, du mot "restreint".
Je crois qu'il faut le souligner d'une façon particulière parce
que cette restriction comprise dans l'article 120 nous permet justement de
discuter de ce qui est présenté à l'Assemblée
nationale, pas de ce qui aurait dû être présenté,
mais de ce qui est présenté. Ce qui est présenté
établit trois sujets principaux qui sont contenus d'ailleurs dans les
notes explicatives que le président a lues il y a un instant.
Alors, M. le Président, je crois que, si vous permettez à
ce débat de pouvoir toucher d'autres sujets qui ne sont pas couverts par
le présent projet de loi, à ce moment-là nous allons
nous-mêmes, évidemment, profiter de cette largesse ou de cette
largeur de vue et nous allons nous éloigner passablement de l'esprit et
de la lettre de notre règlement.
M. Lessard: M. le Président, très
brièvement.
Le Président: L'honorable député de
Saguenay.
M. Lessard: Je voulais vous rappeler l'article 120 dont vient de
parler le leader parlementaire du gouvernement et je voudrais le lire
entièrement et non pas me restreindre à une seule partie de cet
article: "Le débat sur toute motion de deuxième lecture doit
être restreint à la portée, à l'à-propos, aux
principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de
loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ses fins".
Je comprends bien, M. le Président, que ce que va dire le chef
parlementaire ne plaira pas au leader du gouvernement. Nous avons à vous
prouver que le projet de loi n'est pas bon actuellement, qu'il ne correspond
pas, dans son titre même, aux objectifs qui sont fixés, à
savoir le maintien des services dans le domaine de l'éducation et
l'abrogation d'une disposition législative. En même temps, M. le
Président, nous avons à vous prouver que ce n'est pas par un tel
projet de loi que la qualité de l'enseignement va s'améliorer
dans les écoles. Nous disons et nous avons l'intention de dire au
gouvernement qu'un certain nombre de gestes importants auraient dû
être posés avant de présenter ce projet de loi. C'est, je
pense, ce que tente de démontrer le chef de l'Opposition officielle et
ce que nous allons tenter de démontrer. Si on se limite exclusivement
à ce qui est dans ce projet de loi, à ce qui existe, comme disait
tout à l'heure le député de Saint-Jacques, nous allons
être strictement négatifs et nous ne pourrons expliquer à
la population, comme au gouvernement, comme à vous-même, M. le
Président, notre position claire en ce qui concerne ce projet de
loi.
Le Président: Messieurs, après vous avoir
écoutés, voici le genre de directive que je voudrais vous donner.
Vous avez un peu raison des deux côtés et vous connaissez la
latitude que j'accorde toujours. De toute façon, il ne faut pas abuser
de ces largesses.
Ce que vous me disiez, qu'il y a d'autres moyens d'atteindre les buts
que tout le monde vise actuellement, c'est permis dans un débat de
deuxième lecture. Mais, sur les remarques du député de
Saint-Jacques, je fais une distinction. Si c'était un projet de loi,
comme c'est déjà arrivé il y a trois ans, qui continuait
un décret, qui remplaçait les négociations, là le
chef de l'Opposition pourrait me dire: La tâche de travail ou la
sécurité d'emploi n'est pas garantie parce que le gouvernement
amène un projet de loi qui continue un décret. Ce n'est pas le
cas actuellement.
M. Morin: Comment le savez-vous?
Le Président: Un instant, laissez-moi finir!
M. Hardy: Vous êtes impoli.
Le Président: Laissez-moi finir! Laissez-moi donc finir!
Ce n'est pas facile de rendre des décisions sur...
M. Morin: Vous ne me laissez pas terminer.
Le Président: La différence qu'il y a, c'est que le
règlement prévoit que moi j'ai le droit de vous interrompre et
vous, vous n'en avez pas le droit. Je suis lié par le règlement.
J'essaie de rendre les décisions les plus justes possible.
Ce que je veux dire, c'est qu'on n'est pas ici
pour remplacer les négociations, comme c'est déjà
arrivé, pour continuer un décret, où on dit: Les
conditions actuelles dans le domaine de l'enseignement ou de la construction,
elles sont continuées, il n'y a plus de négociation. Là,
c'est sûr que je permettrais à un député de dire que
les conditions ne sont pas correctes, les salaires ne sont pas corrects, les
tâches, les charges, la sécurité d'emploi ne sont pas
correctes. Mais ce n'est pas le cas actuellement. Actuellement, on dit que cela
continue.
Mais c'est le but du projet de loi, à tort ou à
raison on interdit le lock-out, la grève, le ralentissement de
travail, pour une période de 80 jours. C'est la distinction que je
voudrais faire sur l'argumentation du député de Saint-Jacques.
Que vous disiez qu'il y a d'autres moyens d'atteindre les mêmes fins, que
ce soit un décret ou un autre moyen que vous disiez qu'on n'a pas raison
d'enlever le droit de grève, qu'on ne peut enlever des droits aux
enseignants, je vais vous laisser parler et argumenter sur ce point. Mais je ne
permettrai pas qu'on aille dans le détail des négociations, ce
n'est pas notre mandat. Le projet de loi ne met pas fin à cette
négociation. C'est ma directive.
M. Morin: M. le Président, en tout respect, je dois vous
dire que ce projet de loi...
M. Hardy: ... se soumettre.
M. Morin: ... aura probablement pour conséquence de mettre
fin aux négociations.
M. Lessard: C'est déjà fait.
Le Président: Je n'ai pas le droit de le présumer,
cela.
M. Morin: Mais moi, j'ai le droit de le soutenir.
M. Lessard: C'est cela.
Une Voix: C'est hypothétique.
M. Morin: Est-ce hypothétique, M. le Président? Je
me demande si les négociations ont lieu en ce moment même.
Le Président: Dites-le, cela. Vous avez le droit de le
dire. Mais n'allez pas dans les détails.
M. Morin: Je pose la question au ministre. Ce serait
intéressant qu'il nous réponde. Les négociations
continuent-elles, cet après-midi, M. le ministre? Nous serions bien
heureux de le savoir!
Le Président: Un instant. A l'ordre, messieurs!
M. Morin: II est certain, que j'ai le droit de soutenir que ce
projet de loi met en danger les négociations. Je ne serais pas
étonné qu'à l'heure actuelle, ces négociations
soient suspendues, et peut-être indéfiniment.
M. le Président, c'est ma responsabilité de vous dire ce
que j'estime être le fond du problème. Ce projet de loi ne
règle rien. Il ne peut qu'empirer la situation, il ne peut que
créer un climat irrespirable dans nos écoles. C'est la raison
pour laquelle j'avais entrepris de vous démontrer quels sont les
véritables problèmes qui devraient retenir l'attention de cette
Chambre de toute urgence, plutôt que ce qu'on nous propose. Je ne parlais
pas, comme l'a soutenu avec légèreté le leader du
gouvernement, de n'importe quoi. Je parlais des conséquences
inévitables de ce projet qui risque de compromettre
définitivement la négociation.
On verra bien au cours des jours qui viennent, M. le Président,
si j'ai raison de m'inquiéter de cela ou si c'est vous qui avez raison
de me dire que je m'écarte du débat. Je m'inquiète de voir
écarter les véritables problèmes et les véritables
solutions. Le projet, en un mot, risque d'entraîner des effets contraires
à ceux qu'on prétend rechercher.
M. le Président, avec votre permission, je ferai remarquer que ce
qui crée un malaise à l'intérieur des écoles,
actuellement, comme j'étais en train de le dire, et ce à quoi il
faudrait remédier immédiatement, ce sont des classes
surchargées, dans lesquelles il y a des enfants-problèmes pour
lesquels on n'a pas mis en place les mesures pédagogiques
nécessaires. Ce n'est pas avec ce projet de loi qu'on va régler
cela pour les années qui viennent, au contraire.
M. Parent (Hull): M. le Président, j'invoque le
règlement. Le député de Sauvé fait exactement le
contraire de la décision que vous venez de rendre. Le projet de loi n'a
pas pour but, contrairement à ce que le député de
Sauvé vient de dire, de régler la négociation, ni les
problèmes actuels, mais toute la négociation se continue.
M. Morin: Je suis parfaitement d'accord que ce projet de loi ne
va rien régler. Cela se voit.
Le Président: A l'ordre! J'inviterai l'honorable ministre
de la Fonction publique à intervenir au débat de deuxième
lecture. J'ai considéré sa première partie comme une
question de règlement mais, pour la deuxième partie, je lui
demanderais de réserver cela pour son intervention en deuxième
lecture.
Je vous ai permis d'aborder cette question mais ne videz pas la
négociation ici parce que je vais me lever aussi rapidement que vous
désirez que je m'assoie!
M. Morin: Si j'avais l'intention de parler des
négociations, je pourrais le faire pendant des heures. Il faudrait
parler non seulement des conditions de travail des enseignants, mais aussi des
clauses salariales. Dieu sait qu'on pourrait s'étendre longtemps
là-dessus. Tout ce que je veux faire observer, c'est que ce projet de
loi risque de gâcher le climat scolaire au point que nous serons aux
prises, pendant les trois années qui viennent, avec des
conséquences pénibles pour tout le monde et d'abord, sans doute,
pour les enfants.
M. le Président, je sais que le temps dont je dispose
achève.
Le Président: II est même terminé mais je
vais vous donner quelques minutes, trois minutes, si vous voulez.
M. Morin: Vous êtes trop aimable, M. le Président,
étant donné que quelques-unes des minutes qui étaient
à ma disposition ont fait l'objet de vos interventions.
Le Président: A cause des interventions, d'accord.
M. Morin: Avant de présenter ma motion, les questions que
je me pose sont celles-ci.
Ce projet de loi va-t-il mettre un terme à l'escalade sans issue
des mesures de représailles de part et d'autre? La réponse est
non. La situation risque même d'être pire qu'avant. Ce projet de
loi va-t-il assainir le climat de l'enseignement au cours des prochains mois et
des prochaines années? Je ne le crois pas. C'est tout le contraire qui
risque de se produire.
Motion de report à cinq jours
M. Morin: C'est la raison pour laquelle, M. le Président,
dans le but d'éclairer cette Assemblée avant qu'elle n'adopte en
deuxième lecture un projet de loi si lourd de conséquences pour
la paix scolaire, je propose que nous en remettions l'adoption à cinq
jours en vue de permettre à cette Assemblée d'entendre en
commission parlementaire la Fédération des commissions scolaires,
la Fédération des associations de parents de CEGEP, la
Fédération des comités de parents, le Conseil
supérieur de l'éducation et les parties elles-mêmes, afin
que nous sachions exactement quelles pourront être les
conséquences de ce projet de loi.
Le Président: En somme, vous demandez la remise de cette
deuxième lecture à cinq jours. Cela se limite à cela?
L'autre argumentation ne fait pas partie de votre motion.
M. Morin: M. le Président, si j'ai proposé cette
remise à cinq jours, c'est pour que nous entendions les parties et un
certain nombre d'organismes intéressés à la solution du
litige. Ce n'est pas seulement pour ajourner à cinq jours, car cela
n'aurait aucune signification; c'est pour qu'il soit procédé en
commission parlementaire à l'audition de ces organismes. C'est pourquoi
je maintiens le texte de ma motion.
Le Président: Un instant. D'après la coutume et la
tradition, et cela est consacré par l'usage, votre motion se limite
à cinq jours, mais nous considérons d'ailleurs, c'est au
journal des Débats que, dans votre argumentation, la raison que
vous invoquez pour demander ces cinq jours, c'est la convocation, mais cela ne
fait pas partie de la motion. C'est enregistré au journal des Dé-
bats les journalistes, j'en suis assuré, en ont pris bonne note
que vous désirez qu'il y ait commission pour entendre les
parties. Mais votre motion, c'est pour qu'il y ait remise à cinq
jours.
M. Morin: M. le Président, à condition qu'il soit
clair que le but recherché n'est pas simplement de retarder le
débat, mais de procéder à l'audition des personnes
intéressées.
Le Président: D'accord. Tout le monde est d'accord.
M. Hardy: Vote.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée est
prête à se prononcer sur cette motion d'ajournement?
M. Charron: M. le Président... Le Président:
Le député de Saint-Jacques. M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, il y a quelques instants,
l'Assemblée a disposé d'une motion qui nous invite à
siéger presque sans arrêt jusqu'à l'adoption de la loi 23.
Si tous ces honorables membres qui ont voté pour la motion du leader du
gouvernement l'ont fait sous le prétexte qu'ont présenté
le ministre de l'Education et le leader du gouvernement, c'est sans aucun doute
parce qu'ils sont soucieux de rétablir non seulement le plus rapidement
possible, mais aussi le plus efficacement possible la paix scolaire et un
meilleur climat dans les écoles. Nul doute, donc, puisque ces honorables
membres ont accepté de couper sur leur week-end et sur leur
soirée libre du mercredi soir dans l'intérêt public des
Québécois, qu'ils ne refuseront pas de prendre cinq jours, quitte
à siéger aux mêmes heures irrégulières que
vous venez de fixer par la motion adoptée par cette Assemblée,
pour consacrer au moins cinq jours dans notre existence à entendre la
Fédération des commissions scolaires, la Fédération
des comités de parents, le Conseil supérieur de
l'éducation et tous les autres organismes qu'a mentionnés le chef
de l'Opposition en présentant sa motion.
Si nous avons accepté de bousculer nos horaires, c'est parce que
nous voulons très certainement arriver au meilleur résultat
possible.
M. le Président, si la majorité ministérielle,
traditionnellement ou muette ou bavarde, devait rejeter la motion
présentée par le député de Sauvé, je n'y
comprendrais qu'une seule chose: c'est qu'ils ont peur de faire face aux gens
que nous voulons inviter. Le délai de 5 jours nous permettrait,
effectivement, à tous les membres de l'Assemblée, d'entendre, par
exemple, la Fédération des commissions scolaires. Pourquoi?
Ils ont refusé, à leur dernier conseil, vendredi dernier,
de souscrire à un programme réclamant une loi spéciale,
mais ils étaient nous disent les media d'information
effectivement fort divisés
sur les résultats efficaces d'une intervention législative
dans le conflit. Le ministre de l'Education, qui commence à
s'intéresser au dossier, en a certainement pris connaissance par les
journaux, remettant même à M. Hubert Lavigne la
responsabilité de trancher la question à ce sujet. C'est
peut-être parce que les députés libéraux auraient
peur, au cours de ces 5 jours, d'entendre la Fédération des
comités de parents, les parents du Québec qui, par leur
comité d'école, ont exprimé l'avis que ce n'est pas une
loi qui va régler le problème, mais un médiateur
nommé par le gouvernement. Il y a déjà un mois qu'ils ont
fait cette demande, à l'époque où, eux, avaient
découvert l'urgence de la situation. Si les députés
libéraux, si soucieux de l'intérêt public, allaient refuser
la motion du député de Sauvé, chef de l'Opposition
officielle, c'est peut-être aussi parce qu'ils ont peur de rencontrer le
Conseil supérieur de l'éducation, lequel Conseil supérieur
de l'éducation disait, dans un avis que n'a peut-être pas encore
lu le ministre de l'Education il est en train de prendre connaissance du
dossier disait bien clairement, le ministre...
M. Bienvenue: Question de privilège.
M. Charron: Faite-la votre question de privilège, vous ne
me ferez jamais reculer sur ce point. Faite-la si vous le voulez, allez-y!
M. Bienvenue: Je tiens à dire pour la deuxième
fois, M. le Président, et je le dirai sur une question de
privilège chaque fois que le député de Saint-Jacques ou un
autre fera des allégations fausses comme celle qu'il vient de faire, que
c'est depuis le 19 janvier, date où je suis entré en fonction,
que je m'occupe du problème des négociations dans le
système scolaire du Québec. C'est en passant que j'ai pris
connaissance, à la date qu'elle porte et la date où elle m'est
parvenue, de l'opinion qu'il s'apprête à citer du Conseil
supérieur de l'éducation.
M. Lessard: M. le Président, je soulève une
question de règlement.
Le Président: Cela c'est une question de
privilège.
M. Lessard: Je soulève une question de règlement,
M. le Président, parce que je doute que ce soit une question de
privilège. Je vous rappelle l'article 96. Si vous me permettez, M. le
Président, je vous rappelle l'article 96 du règlement qui se lit
comme suit: "Le député qui prend la parole le ministre n'a
pas encore pris la parole en deuxième lecture pour donner des
explications sur le discours qu'il a déjà prononcé ne peut
le faire que lorsque le discours qui les provoque..."
Le Président: A l'ordre! Voulez-vous prendre votre
siège, s'il vous plaît!
J'espère qu'on ne s'amusera pas à intervenir. Un instant,
s'il vous plaît, c'est une question de privilège. On sait la
latitude qu'il y a sur une ques- tion de privilège, surtout lorsque
je ne le sais pas, moi, je prends la parole de tous les membres de cette
Chambre. C'est terminé cette question de privilège. Ecoutez,
c'est terminé cette question, qu'on revienne à la motion!
Le député de...
A l'ordre!
M. Charron: Je reviens, M. le Président. Le ministre de
l'Education peut intervenir, d'ailleurs, sur la motion s'il décide enfin
de se mêler du dossier dont il est responsable. Il aura parfaitement le
droit, tout à l'heure, d'intervenir sur la motion, M. le
Président; j'écouterai attentivement. Il ne s'est d'ailleurs pas
prononcé sur le contenu du conflit, même pas sur la nomination
d'un médiateur. J'aimerais savoir pourquoi le ministre de l'Education,
responsable de l'éducation depuis le 19 janvier c'est
peut-être bon de le savoir, les Québécois ne le savaient
pas pourquoi le député de Crémazie qui nous sert de
ministre de l'Education refuserait, au cours des cinq jours que propose la
motion du député de Sauvé, d'entendre le Conseil
supérieur de l'éducation. Celui-ci disait ceci, je cite son avis,
peut-être que quelqu'un le lui a déjà lu: "Le conseil se
refuse à croire que l'une ou l'autre des parties veuille jouer à
la politique du pire, désirant une lutte à finir. Dans un tel
combat, le Québec pourrait se trouver devant une école
brûlée." S'il en a pris connaissance il me dit qu'il l'a
fait il se souviendra de ce passage.
Est-ce que le ministre de l'Education, M. le Président, serait
intéressé à entendre le Conseil supérieur de
l'éducation, quitte à siéger jour et nuit? Elargissez-la
votre motion si vous voulez. On pourrait entendre le Conseil supérieur
de l'éducation pour avoir non seulement son avis sur les
négociations en cours, mais aussi ce qui serait peut-être
intéressant son avis sur la façon dont le ministre en
titre s'est acquitté de sa tâche, depuis le 19 janvier dernier,
dans ce dossier très épineux.
Il serait très important, M. le Président, de savoir par
exemple ce que le Conseil supérieur de l'éducation pense de
l'attitude hautaine et mesquine du ministre de la Fonction publique, parrain
des négociations dans ce sujet.
M. Parent (Hull): ... en dessous des pieds.
M. Charron: Les députés libéraux qui sont
prêts à sacrifier leurs heures de loisirs dans
l'intérêt public des Québécois pourront faire le
tour de tous ceux que nous sommes prêts à inviter et qui depuis
des mois, depuis des mois réclament l'intervention gouvernementale que
vous vous proposez de faire. S'il y avait quelqu'un qu'on devrait aller
consulter maintenant, ce sont ceux qui, de mal en pis, ont été
obligés de réclamer une intervention à chaque fois, y
compris les partenaires patronaux du gouvernement, qui ont été
extrênement déçus de l'attitude du gouvernement dans le
dossier. Au moment où il se propose de fixer des conditions de
négociation absurdes, on invite des gens à négocier en
leur retirant leurs pouvoirs de pression.
Dans l'esprit du ministre de la Fonction publique, cela peut être
peut-être encore des négociations mais, dans l'esprit de quiconque
a observé les relations de travail au Québec durant les
dernières années, cela s'appelle le chemin inévitable vers
un décret. Mais, quand une loi qui est un chemin inévitable vers
un décret est aussi importante dans l'établissement des
conditions pour les trois prochaines années, il n'est que normal de
souscrire à une motion comme celle du chef de l'Opposition sur ce
sujet.
Ces cinq jours sont dans le but de sauver l'année scolaire
1975/76, sans aucune doute; c'est aussi pour exprimer la volonté claire
et nette des parents que la situation de 1975/76 ne doit pas être
uniquement sauvée et qu'on doit faire attention pour que cela ne se
répète pas en 1976/77, en 1977/78, puis en 1978/79. Ces
gens-là nous l'ont bien dit lorsqu'ils sont intervenus. Ces
gens-là, à travers les organismes que nous nous disposons
à inviter par l'amendement du député de Sauvé, ont
bien exprimé qu'il s'agit de l'avenir de toute la
génération dont nous parlons.
Serait-il trop demander à ces messieurs de consacrer cinq jours
à entendre tous ces gens qui ont à coeur, eux, si vous autres
vous venez juste de le découvrir, l'avenir d'une
génération complète de Québécois? Est-ce
trop demander ou si vous avez encore tellement la science infuse que vous vous
disposez à intervenir comme un éléphant dans un magasin de
porcelaine, après avoir négligé aussi criminellement
l'année scolaire des jeunes Québécois actuels, que vous
vous disposez à intervenir avec la même suffisance et la
même arrogance, pour les trois prochaines années? Admettez donc
que vous n'êtes pas les propriétaires du Québec et qu'il y
a des gens qui commencent à en avoir plein le casque de la façon
dont vous l'administrez et qui seraient peut-être bien contents d'avoir
cinq jours pour venir témoigner devant la commission parlementaire qui
se pencherait sur ce sujet et sur vos intentions législatives contenues
là-dedans.
Avez-vous peur de rencontrer les parents du Québec? Avez-vous
peur de rencontrer les commissaires? Avez-vous peur de rencontrer les
enseignants? Avez-vous peur des étudiants? Etes-vous aussi peureux et
aussi possesseurs à l'intérieur de votre pouvoir que vous avez
peur de faire face aux citoyens du Québec dont vous vous apprêtez
à fixer l'avenir? Tous ces gens-là qui vous ont vu vous laver les
mains, comme Ponce-Pilate, vous camoufler derrière le sourire fantasque
du ministre de la Fonction publique aimeraient bien avoir l'occasion de venir
à la table de la commission pour vous dire ce qu'ils pensent de vous et
de la façon dont vous avez conduit le dossier des négociations
depuis qu'elles sont en cours.
Le Président: A l'ordre, messieurs! Votre droit de parole
est terminé.
L'honorable député de Rouyn-Noranda
M. Camil Samson M. Samson: M. le Président, j'ai eu
l'occasion de faire connaître mon point de vue quant à l'urgence
de procéder à la discussion du projet de loi qui est devant nous
aujourd'hui. Je vous ai dit, au tout début de mes remarques, que je
considérais qu'il y avait urgence, mais urgence d'un règlement
raisonnable et non urgence d'une loi.
Or, si je considérais il y a une heure à peine qu'il n'y
avait pas lieu de décréter l'urgence pour discuter d'une loi,
cela veut dire que je voterai contre ce projet. J'ai voté contre en
première lecture et je voterai contre en deuxième et
troisième lectures.
Si, à mon sens, ce n'est pas cela qui va régler le
problème, ce n'est pas en reportant la discussion à trois jours
ou à quatre jours que cela va changer quoi que ce soit. Dans les
circonstances, M. le Président, si la loi n'est pas bonne aujourd'hui,
si ce n'est pas la solution, ce ne sera pas plus la solution dans cinq
jours.
Je considère que c'est autre chose que cela qu'il faut; je
reviendrai là-dessus dans mon discours de deuxième lecture. Mais
parce que je considère que c'est autre chose que cela prend, que je
considère qu'une loi n'est pas un moyen valable de régler cela,
je considère également que, dans cinq jours ou dans dix jours, le
même moyen ne sera pas meilleur qu'aujourd'hui. Alors, quant à
moi, M. le Président, qu'on soit le 7 avril, le 17 avril ou le 20 avril,
un principe est un principe. Il n'aura pas changé à ce moment.
C'est pourquoi je ne voterai ni pour la motion, ni contre la motion. Je
m'abstiendrai de voter lorsque la motion sera appelée.
Le Président: L'honorable ministre de l'Education.
M. Jean Bienvenue
M. Bienvenue: M. le Président, tant à l'occasion de
la motion d'urgence du leader du gouvernement qu'à l'occasion de mes
propos de deuxième lecture, j'ai dit, et je le répète, que
le compte à rebours était terminé, que le temps
était expiré, que ce n'était pas demain, ni
après-demain, ni dans cinq jours, mais que le gouvernement, prenant ses
responsabilités, a décidé que c'était aujourd'hui
même. Les organismes qu'a mentionnés le chef de l'Opposition, la
plupart d'entre eux ou la majorité d'entre eux, je connais leur avis,
leur opinion. J'en ai rencontré plusieurs parmi eux et, puisqu'il faut
répéter, je répète, M. le Président, ce qui
est déjà au journal des Débats. J'ai vu, depuis le 19
janvier j'espère que je n'aurai pas à le dire une autre
fois plus de monde et j'ai reçu plus de messages et j'ai
parlé à plus de personnes, à plus d'êtres humains et
d'organismes qu'on ne pourra jamais en réunir dans la plus grande salle
de cet édifice pour la commission parlementaire que l'on voudra.
J'ai parlé de dizaines de milliers de lettres. Les parents du
Québec ne peuvent pas tous entrer ici et on ne peut pas en entrer 10 000
et on ne peut en entrer 1000. Il y a eu des télégrammes de
pétitions, des appels téléphoniques des quatre coins de la
province.
Ces messages, je l'ai dit, m'ont été adressés par
les responsables de l'enseignement au Québec, des gens des commissions
scolaires, les commissaires d'écoles, les directeurs
généraux des commissions scolaires, les principaux
d'école, les comités de parents et d'école, les simples
citoyens et, je l'ai dit, de nombreux enseignants qui n'ont pas craint de me
dire verbalement et je me relis...
M. Morin: ... vous demandaient-ils une loi spéciale?
M. Bienvenue: J'espère ne pas avoir à rappeler le
règlement, M. le Président, qui dit que n'importe quel membre de
cette Chambre doit être cru sur parole lorsqu'il s'exprime en Chambre.
Des enseignants nombreux m'ont dit, et n'ont pas hésité à
m'écrire en s'identifiant, en signant et en donnant leur adresse, qu'ils
souhaitaient que le gouvernement prenne au plus tôt les mesures
nécessaires pour que cessent les tactiques de harcèlement et pour
que la vie des écoles reprenne dans un climat sain et normal. Cela me
paraît assez clair, n'est-ce pas? Et vous ne réunirez
jamais...
M. Morin: Ce n'est pas ce que la loi va obtenir.
M. Bienvenue: Cela, c'est l'expression démocratique de la
pensée de la population québécoise qui, en groupe, par
individu et autrement, s'est adressée au ministre de l'Education. Et
vous ne réunirez jamais assez de centaines d'individus pour approcher le
nombre de ceux qui crient presque au secours, pour ne pas dire davantage. On
n'a pas besoin de m'en demander plus pour savoir ce que je pense d'une motion
qui ne retarderait que d'une journée l'adoption de cette loi.
M. Bédard (Chicoutimi): Ils ont demandé un
médiateur aussi.
Le Président: Est-ce que la Chambre est prête
à se prononcer sur cette motion? L'honorable député de
Saguenay.
M. Lessard: Je demande la suspension, M. le Président.
Le Président: Excusez-moi, il est 18 heures et
l'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 5
Le Président: A l'ordre, messieurs! L'honorable
député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, je voudrais prendre les
quelques minutes qui me sont allouées par le règlement pour
appuyer la motion présentée par le chef de l'Opposition
officielle. Je voudrais essayer d'exposer un certain nombre d'arguments en
évitant, soyez-en assuré, d'aller au fond du problème.
L'une des raisons fondamentales qui m'imposent d'appuyer la motion du chef de
l'Opposition, c'est que nous vivons, non seulement actuellement mais depuis
plusieurs années, une situation spéciale dans l'enseignement que
je voudrais vous décrire et que, d'ailleurs, vous connaissez.
M. le Président, on se rappelle c'est pourquoi il faut
utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition pour
empêcher qu'on ait une loi spéciale ou un nouveau décret
dans le secteur de l'enseignement que, déjà en 1967, les
enseignants étaient soumis à un décret et, depuis 1967,
les enseignants n'ont pas été capables de négocier
librement leur convention collective. Peut-être s'agit-il, actuellement,
en 1976, de la dernière occasion que nous ayons, tant comme
parlementaires que comme Québécois, pour essayer de
négocier librement une convention collective dans ce secteur.
On se rappelle qu'après le bill 25, M. le Président,
dès 1972, les conditions de travail dans le secteur de l'enseignement
étaient aussi imposées par un décret, le décret no
3811-72 du 15 septembre 1972. Prenons quelque peu du temps qui est actuellement
à notre disposition, et essayons d'utiliser les derniers recours qui
nous restent, M. le Président. Le gouvernement aurait dû
intervenir depuis plusieurs jours dans la négociation et aurait dû
ouvrir certaines clauses. Si nous acceptions de prendre cinq jours encore, il y
aurait une possibilité d'entendre les différentes parties; au
moins, on pourrait se dire que le gouvernement a fait quelque chose dans ce
secteur, que le gouvernement a tenté d'éviter les derniers
recours.
Encore si la motion du chef de l'Opposition officielle avait pour but de
retarder indûment l'objectif de la loi; encore si la motion du chef de
l'Opposition officielle était une motion nouvelle, si encore, M. le
Président, il n'y avait pas de précédent. Mais qu'on se
rappelle qu'à deux reprises nous avons eu l'occasion d'entendre les
parties en commission parlementaire lors de lois spéciales. Ce fut le
cas, par exemple, lors de la négociation collective avec les
médecins. Serait-ce parce que les médecins sont plus fortement
représentés ici, à l'Assemblée nationale, que les
enseignants? Serait-ce qu'on aurait décidé de faire de la
profession des enseignants des boucs émissaires non seulement de la
société québécoise, mais aussi de ce
gouvernement?
Oui, nous avons aussi un autre précédent, lors de la
grève des employés du transport en
commun. Nous avions eu l'occasion, à ce moment, et les
députés libéraux ont accepté d'entendre les
parties, d'entendre M. Marcel Pepin qui était responsable. Pourquoi
n'accepterions-nous pas, ce soir, de répéter ce
précédent? Pourquoi ne prendrions-nous pas cinq jours pour
tenter, encore une fois, peut-être, de sauver ce secteur?
Peut-être, encore une fois, de trouver un moyen pour ne pas imposer de
décret?
M. le Président, cinq jours ce n'est pas beaucoup, ce ne sont pas
de nombreux jours que nous demandons. Nous avons fait cette motion de bonne
foi, parce que nous aurions pu, si nous avions été de mauvaise
foi, demander un mois, nous aurions pu demander trois mois ou six mois, mais
nous savons que la situation est difficile. Nous savons qu'il y a un
problème important. Nous savons que les parents, que les parlementaires,
comme la Fédération des commissions scolaires veulent un
règlement dans ce conflit. C'est pourquoi nous avons demandé cinq
jours.
M. le Président, la motion du chef de l'Opposition permettrait
non seulement une certaine détente dans la situation actuelle, elle
permettrait peut-être non seulement d'améliorer le climat malsain
actuellement dans lequel se déroulent les négociations, mais
peut-être aussi et j'en suis convaincu que l'objectif de la
loi, l'objectif que nous visons soit atteint, à savoir la reprise des
services dans le domaine de l'éducation.
Peut-être quant à moi, j'en suis convaincu
les enseignants accepteraient-ils de mettre fin à leurs contestations,
de mettre fin à leur grève, de mettre fin aux différentes
mesures qui ont été employées pour tenter d'obtenir une
négociation selon leurs désirs, selon leur volonté. Je ne
suis pas prêt à donner entièrement raison au seul secteur
de l'enseignement. Je ne suis pas prêt par ailleurs à donner
entièrement raison à ce gouvernement puisqu'à plusieurs
reprises ici, à l'Assemblée nationale, nous avons eu l'occasion
de soulever des questions, tant auprès du ministre de l'Education
qu'auprès du ministre responsable de la négociation, pour tenter
de savoir de quelle façon les négociations se faisaient.
Le ministre de l'Education nous dit qu'il a entendu toutes les parties,
il nous dit qu'il a rencontré quantité de gens à travers
tout le Québec. Le ministre de l'Education nous présente un
côté de la médaille. Le ministre de l'Education, comme
d'ailleurs le ministre de la Fonction publique, nous présente le
côté de la médaille du patron, le côté de la
médaille de celui qui doit payer, en fin de compte, le côté
de la médaille du représentant de la population qui est en
même temps juge et partie, juge comme gouvernement et partie dans la
négociation.
Ces cinq jours nous permettraient pour autant que nous acceptions
de siéger, que ce soit vendredi, que ce soit samedi ou que ce soit lundi
et il serait probablement aussi nécessaire parce qu'on
sait que la Fédération des commissions scolaires ne s'est pas
toujours entendue avec l'Etat patron d'entendre la
Fédération des commissions scolaires, l'autre partie dans la
négociation, comme patron. Il faudrait aussi entendre la Corporation des
enseignants du Québec, mais surtout, et c'est peut-être là
le jeu du gouvernement, serait-il nécessaire d'entendre les
représentants de parents qui, eux aussi, ont leur mot à dire dans
l'enseignement, qui, eux aussi, vont devoir vivre, comme le ministre de
l'Education, une situation qui va devenir de plus en plus intolérable
dans l'enseignement.
La dégradation dans le secteur de l'enseignement n'est pas
d'hier. On se rappelle très bien, par exemple, que le projet de loi no
25 n'a pas arrangé tellement les choses. On se rappelle très bien
qu'en 1972, le décret n'a pas tellement arrangé les choses non
plus.
Si le gouvernement au moins, comme nous le lui avons dit à
plusieurs reprises, avait pris les moyens nécessaires pour assurer une
négociation efficace dans le secteur public, mais le gouvernement n'a
rien fait. Je donnerais tout simplement l'exemple de la loi sur les services
essentiels que nous avons réclamée ici, à
l'Assemblée nationale, non pas au moment où commence la
négociation, mais avant que commence la négociation.
M. le Président, ces cinq jours que nous demandons ne nuiraient
aucunement à l'objectif qui est poursuivi par la loi. Ces cinq jours, au
contraire, nous permettraient probablement d'avoir une meilleure
évaluation de la situation, comme parlementaires, comme Opposition. Le
ministre nous dit qu'il a entendu toutes les parties, qu'il a rencontré
toutes les parties. Combien de députés, ici à cette
Assemblée nationale, qui auront à se prononcer sur ce projet de
loi, sont informés sur la situation exacte des négociations, sur
les problèmes qui se posent dans la négociation? Combien de
députés? Ne serait-il pas nécessaire, parlementaires de
l'Assemblée nationale, avant que vous votiez une telle loi, d'obtenir
aussi les informations nécessaires, non seulement les informations qui
vous seront données exclusivement par une partie, mais les informations
qui vous seront données par l'autre partie? Par la suite, M. le
Président, nous pourrons revenir devant l'Assemblée nationale,
lorsque nous constaterons, si c'est le cas, qu'il n'y a rien à faire,
lorsque nous constaterons qu'on serait peut-être dans la
nécessité d'imposer cette loi.
Peut-être, à ce moment-là, pourrions-nous voir que
les parties sont véritablement dans une situation où elles ne
peuvent pas s'entendre. Mais nous n'avons jamais été capables
d'obtenir les réponses tant du ministre de la Fonction publique que du
ministre de l'Education. M. le Président, je pense, comme le disait le
député de Saint-Jacques, au nom des enfants qui devront vivre
dans le domaine de l'éducation d'ici à quelques années,
que nous devons faire tous les efforts nécessaires et éviter
autant que possible les mesures draconiennes. Depuis 1968, on leur impose ces
mesures; il me semble qu'on devrait prendre le temps nécessaire avant de
leur imposer cette loi. C'est pourquoi je pense que la motion du chef de
l'Opposition officielle pourrait être acceptée par les membres du
gouvernement. Merci.
Le Président: L'honorable député de
Lafontaine. Si je comprends bien, vous vous exprimez sur cette motion
d'amendement au nom de l'Opposition officielle et vous avez un droit de parole
de 30 minutes.
M. Burns: Une demi-heure, M. le Président.
Le Président: Vous n'êtes pas obligé d'en
abuser quand même.
M. Marcel Léger
M. Léger: Je vais en user sans en abuser, M. le
Président.
M. le Président, toute personne qui est intéressée
à clore ce débat doit avoir comme objectif, non seulement de
retourner les enseignants à l'école, mais au moins d'essayer
d'améliorer la qualité du climat dans les écoles, la
qualité de l'enseignement dans tout le milieu scolaire.
Le gouvernement n'est pas seul à la table des
négociations. Le gouvernement, comme patron, était le personnage
ayant deux bâtons comme moyens de pression. Il avait d'abord celui qu'il
déléguait à ses partenaires, soit la
Fédération des commissions scolaires, la Fédération
des CEGEP, les différentes commissions scolaires; c'est le bâton,
le moyen de pression du patron.
D'un autre côté, les enseignants avaient comme moyen de
pression la possibilité de grèves, grèves perlées,
débrayages, harcèlements, tous moyens susceptibles d'attirer
l'attention du grand juge en la matière, la population, les parents, sur
le problème essentiel que vit actuellement le monde de
l'éducation.
D'un côté, le gouvernement, qui est
représenté par la partie patronale, les commissions scolaires et
les autres, au niveau des moyens de pression qu'ils avaient pour faire avancer
le débat; de l'autre côté, les enseignants, avec les moyens
de pression qu'ils avaient pour faire avancer le débat.
Mais le gouvernement avait aussi un deuxième bâton,
c'est-à-dire qu'en n'importe quel temps il pouvait arriver avec une loi,
se servir de son pouvoir législatif pour faire reculer l'adversaire, en
l'occurrence les enseignants.
Mais, M. le Président, en ayant ces deux possibilités de
son côté, les forces en présence étaient
inégales.
Voici aujourd'hui que la motion que présente le chef de
l'Opposition, demandant un délai de cinq jours dans le but d'entendre
les parties concernées, permettrait d'une façon absolument
intéressante pour ceux qui ont intérêt à la
qualité de l'enseignement d'entendre ceux qui sont directement
impliqués dans le domaine de l'éducation, c'est-à-dire
autant les commissions scolaires catholiques, les commissions scolaires
protestantes, la Fédération des CEGEP, la
Fédération des commissions scolaires que les syndicats et les
enseignants, la CSN, la CEQ, la FTQ.
Il est important pour nous, qui serons appelés à adopter
une loi, de connaître les effets que cette loi sur laquelle nous nous
penchons aura sur le résultat et la qualité de l'enseignement et
surtout sur le comportement et le climat que nous aurons dans les écoles
par la suite.
Il est très important de réaliser que les professeurs ont
un mot important à dire. En 1968, on les a retournés chez eux
avec un décret qu'ils ont vécu pendant trois ans. Ils l'ont
vécu. On le leur a fait avaler.
Je pense tout le monde l'admet aujourd'hui que les
enseignants ont accepté a reculons un décret imposé et non
négocié en 1968. Cela n'a certainement pas amélioré
leur comportement dans les écoles, leur confiance dans les
gouvernements, leur capacité d'améliorer le milieu dans lequel
ils oeuvrent, c'est-à-dire le milieu de l'éducation.
En 1972, on s'est retrouvé avec le même
phénomène. Ils ont dû avaler, une deuxième fois, un
décret et ils sont obligés de fonctionner à
l'intérieur d'un système pour lequel ils n'ont rien eu à
dire.
Aurait-on pu espérer que les enseignants, encore une fois,
après un deuxième décret, aient pu avoir le goût
d'apporter le meilleur d'eux-mêmes dans le rôle important,
essentiel qu'on leur demande de jouer dans la société
québécoise d'aujourd'hui?
Et là, aujourd'hui, on décide de les ramener au travail de
force pour une troisième fois et on n'aurait pas l'occasion de les
entendre?
La motion du chef de l'Opposition, demandant de reporter à cinq
jours l'adoption de ce projet de loi pour entendre les parties
intéressées, est pleine de logique.
Entre vous et moi, on les obligerait à rentrer après avoir
fait des efforts, après avoir subi pendant les six années
précédentes un système qui a pourri le milieu de
l'éducation, qui a amené un climat de dégradation de la
qualité de l'enseignement du français, la disparition quasi
totale de l'enseignement de l'histoire, la disparition de la qualité et
de la discipline dans les écoles. Allons-nous atteindre les objectifs
que cette loi veut mettre de l'avant en permettant de créer un
antagonisme chez le personnel qui devra, par la suite, jouer un rôle
prépondérant?
Il faut entendre ce que les enseignants ont à dire, ainsi que les
autres partenaires. Je veux surtout attirer l'attention sur le peu d'importance
que le gouvernement donne aux professeurs au Québec et je pense que
c'est l'occasion de le faire. Si on veut absolument les retourner de force dans
leur milieu de travail, qu'au moins on les entende à l'intérieur
des cinq jours en commission parlementaire. Spécialement, chacun des
députés de cette Chambre aurait l'avantage d'entendre les
enseignants expliquer les problèmes quotidiens qu'ils ont à vivre
dans le système d'éducation actuel.
Qu'on le veuille ou non, je pense, en toute honnêteté,
qu'on a, des deux côtés de la Chambre, certains
préjugés envers les enseignants. C'est malheureux, M. le
Président. En effet, si je m'en rapporte un peu à ce qui a
caractérisé le système d'éducation au
Québec, je dirais qu'historiquement l'enseignant québécois
a toujours été limité à jouer un rôle de
porte-parole de l'ordre établi et
de porte-parole du système de valeurs que la
société reconnaissait: la valeur de l'ordre établi, la
valeur donnée à la libre entreprise. Il y a un certain temps, il
était celui qui s'occupait de la diffusion de la parole de Dieu dans les
écoles.
Graduellement, cela a changé, mais l'enseignant a vécu
jusqu'à ce jour dans des structures étouffantes, suffocantes,
stérilisantes, génératrices de sclérose, de
découragement et de démission. Les enseignants étaient au
service...
M. Bienvenue: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Léger: ... du système pour le servir et le
perpétuer.
Le Président: Question de règlement.
M. Bienvenue: J'entends, M. le Président je le dis
en toute justice pour le député de Lafontaine beaucoup
plus d'orateurs assis que d'orateurs debout.
Le Président: Un peu de silence.
M. Léger: Merci, M. le Président. Si le ministre de
l'Education m'appuie sur ce plan, je suis prêt à lui donner mon
appui sur bien d'autres choses.
M. le Président, j'étais en train de dire l'importance des
cinq jours...
M. Levesque: Je pense, M. le Président, qu'il
n'était pas en train de dire, il était en train de lire.
M. Léger: J'espère que le leader du
gouvernement...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous feriez mieux de lire un
peu.
M. Léger: Votre absence de lecture démontre
peut-être que vous avez manqué ce que les enseignants auraient pu
donner à beaucoup de gens au Québec et beaucoup de gens ici
à l'Assemblée nationale.
M. le Président, il est important de savoir qu'au moment
où on discute des méthodes et des moyens de ramener la paix
sociale dans les écoles, les moyens qu'on prend sont des moyens pour
rendre les partenaires de l'éducation absolument
découragés d'être obligés de retourner, pour une
troisième fois, dans un système sur lequel ils n'ont eu, à
peu près, rien à dire.
M. le Président, il y a eu une enquête qui s'appelle
l'enquête CETES et CETEC sur l'éducation aux niveaux secondaire et
collégial, au niveau des CEGEP, qui va démontrer jusqu'à
quel point les enseignants n'ont jamais été évalués
à leurs justes possibilités. Je pense qu'avant de les
obliger...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Il y en a
qui lisent, il y en a qui disent et moi j'écoute. Je dois remarquer que
le député de Lafontaine, depuis le début de son
intervention, a respecté tota- lement le règlement. Mais je
voudrais qu'il continue dans la même ligne. Je voudrais bien que dans son
droit de parole de 30 minutes sur cette motion secondaire, il se limite. Il
aura le droit de parler une heure. Je ne voudrais pas qu'il soit porté
à se répéter. Je voudrais bien que vous me parliez de la
motion de remettre à cinq jours. Parlez-moi surtout de ça.
M. Bédard (Chicoutimi): ... condescendance tout d'un
coup.
M. Léger: M. le Président, je vous remercie de me
ramener dans le corridor qui permettrait justement de clarifier les raisons
pour lesquelles nous demandons que soit reporté à cinq jours le
projet de loi actuel. Mais si vous me le permettez, il faut quand même
admettre que le corridor dans lequel je veux ramener cette discussion se situe
précisément dans le fait qu'il faut entendre le professeur. Et le
professeur doit être entendu parce qu'il n'a jamais eu l'occasion de
l'être.
J'étais en train d'expliquer jusqu'à quel point le
professeur a des choses à dire dans ce prochain projet global,
négocié ou non, imposé ou non, mais qui permettrait aux
professeurs de s'exprimer avant qu'on les renferme en leur disant: Ne continuez
de faire que votre petit travail de neuf à cinq. Vous n'avez pas
à vous occuper d'améliorer la qualité de l'enseignement.
Ce n'est pas votre affaire. Vous êtes uniquement des professeurs. Les
législateurs, eux, connaissent très bien cela, eux qui veulent
simplement protéger l'image d'un gouvernement qui est toujours en retard
pour régler les problèmes et qui suscite souvent le feu pour
pouvoir mieux l'éteindre. Il essaie de se donner une image de sauveur
autant des Jeux olympiques, du Village olympique que de l'année
scolaire. Je pense que les enseignants ont toujours été
traités comme une quantité négligeable et souvent comme
des êtres de très peu de valeur.
Le professeur a toujours été, M. le Président, le
véhicule principal des valeurs de la société mais il n'a
jamais eu la possibilité de collaborer et de faire évoluer cette
société, spécialement dans le milieu de
l'éducation. Il faudrait lui donner les moyens d'expliquer aux gens de
l'Assemblée nationale, pendant les cinq jours que nous aurions si la
motion était adoptée, comment il pourrait se permettre ou ne pas
se permettre, dans le système actuel, de faire de nos enfants des
êtres qui seront capables de penser, non pas des êtres qui ne
seront que capables de répéter ce qu'on veut bien leur dire dans
le système établi. Il en ferait des êtres qui soient
capables aussi d'être des participants à l'évolution de
cette idée plus tard.
M. le Président, les professeurs auront l'occasion, si on accepte
la motion du chef de l'Opposition, de se faire entendre, eux qui, dans un
sondage, démontraient jusqu'à quel point ils prenaient
l'intérêt de l'étudiant. Je disais tantôt que
l'enquête CETES a prouvé que 81% des enseignants ont comme
objectif premier le bien-être de
l'étudiant. Si 81% des enseignants ont comme objectif premier le
bien-être de l'étudiant, ne serait-il pas normal qu'on entende
ceux-là mêmes qui ont discuté, pendant les trois ou quatre
derniers mois, non pas des normes salariales, mais de la tâche de
l'enseignant? Ils pourraient expliquer leur rôle de professionnels de
l'éducation, leur objectif tel que démontré dans
l'enquête CETES, celui de s'occuper du bien-être de
l'étudiant.
M. le Président, on voudrait aussi entendre tous les autres
partenaires de l'éducation. Vous savez qu'actuellement, dans le
système scolaire que nous avons dans les grandes polyvalentes, les
étudiants semblent des personnages démotivés,
déprimés parce que le milieu scolaire n'est pas ce qu'il devrait
être, parce que le milieu scolaire est déshumanisant. Ne
pourrait-on pas, dans les présentes négociations, utiliser la
possibilité qui nous est donnée, membres de la commission
parlementaire, d'entendre tous les partenaires de l'éducation? Nous
allons, d'un trait de plume ou par quelques voix, décider rapidement
quel devra être le sort du système d'éducation au
Québec pour les trois prochaines années. Ne serait-il pas normal
d'entendre les partenaires de l'éducation venir nous dire, à la
commission parlementaire, ce qu'ils désirent avoir dans les
écoles d'aujourd'hui?
A ce moment, on réaliserait peut-être que le malaise
profond majeur qui existe dans le domaine scolaire provient justement de ce
problème de la qualité de l'enseignement, de ce maximum
d'élèves qu'on leur donne et qui est trop élevé, de
ces ratios, de la façon dont on les comprend. Il faut qu'on nous
explique cela, à la commission parlementaire qui siégerait dans
les prochains cinq jours, ce qui nous permettrait, M. le Président,
d'évaluer les conséquences de la loi qu'on est en train
d'adopter.
Je pense qu'il serait acceptable, avant d'adopter cette loi, qu'il
serait normal d'entendre ceux qui sont les plus touchés, en plus des
enseignants, dans le domaine de l'éducation, c'est-à-dire les
parents. Est-ce que le gouvernement aurait peur que les parents viennent
à une commission parlementaire s'exprimer pendant les prochains cinq
jours de grâce que nous demandons, à l'occasion de l'adoption de
ce projet de loi? On a failli leur demander de se présenter quand le
comité des parents a proposé qu'il y ait un observateur aux
tables de négociations. La CEQ était d'accord, la
Fédération des commissions scolaires était d'accord, mais
le gouvernement n'était pas d'accord.
Est-ce que les parents ne seraient pas le groupe le plus
désigné pour être entendus durant les prochains cinq jours
pour nous dire ce qu'ils pensent de l'entente qu'on est actuellement en train
de briser? Est-ce qu'on s'imagine qu'on va continuer à négocier
avec ce projet de loi? Est-ce qu'on pense qu'en ayant enlevé ses moyens
de pression normaux à la partie syndicale on va pouvoir négocier?
Et à ce moment, est-ce qu'on pense que dans le système actuel on
est capable d'améliorer la qualité de l'enseignement que les
parents réclament? Je pense que ce serait important, mais est-ce qu'on a
peur que les parents viennent exprimer tout haut, ici, ce qu'ils
désirent? Cela cor- respondrait, dans bien des cas, aux demandes que les
enseignants ont faites lors des négociations.
M. le Président, les parents ont un intérêt double
dans le projet de loi que nous étudions actuellement. D'un
côté, ils ont intérêt à ce que la partie
syndicale ne charrie pas et ils désirent savoir si les demandes des
enseignants vont leur amener une meilleure qualité de l'enseignement
dans les écoles et diminuer le climat de laisser-aller qu'on voit dans
les écoles, d'une part. D'un autre côté, M. le
Président, les parents ont aussi une responsabilité de l'autre
côté de la table. Ils ont besoin de savoir pourquoi. Est-ce que
cela a été fait publiquement? Non. Il y a eu une bataille de
chiffres. Il y a eu une bataille de publicité, les gens sont tous
mêlés avec cela. Mais les parents pourraient nous dire ce qu'ils
veulent, d'une façon claire, nette et précise, eux qui ont un
autre intérêt, celui que défendent actuellement les
commissions scolaires et la Fédération des commissions scolaires,
c'est-à-dire le coût de l'enseignement. Les demandes des
enseignants d'un côté et le coût qu'on est prêt
à payer de l'autre côté. Est-ce que les parents n'ont pas
justement une responsabilité double, c'est-à-dire des deux
côtés de la table de négociations? C'est-à-dire
combien cela va coûter et qu'est-ce que cela va donner?
M. le Président, je pense qu'on a beau dire que la situation est
urgente, d'accord. On a beau dire que le débat est absolument essentiel,
d'accord. Mais on ne peut pas dire qu'adopter cette loi aujourd'hui va
régler le problème demain. Cela, on ne peut pas le dire. Au
contraire, en adoptant la loi aujourd'hui, nous avons un problème plus
grave demain, parce que nous allons vivre pendant trois ans les
conséquences de la discussion que nous allons avoir pendant trois
heures.
M. le Président, on a laissé, depuis mars 1975, des
négociations pourrir, ce qui a créé un climat
dégradant dans les écoles, une situation où les gens
n'osent plus se regarder. Ceux qui subissent cela, ce sont les enfants, ce sont
les parents et les éducateurs, qui, eux, dans cette situation,
aimeraient bien qu'on règle le problème non pas uniquement des
demandes salariales, mais des demandes du milieu de travail.
M. le Président, si on règle cela en trois heures
cela fait un an qu'on négocie plus ou moins est-ce qu'on montre
qu'on est réellement responsables? Nous, législateurs, est-ce
qu'on peut se permettre de dire: En trois heures, on va régler le
problème? M. le Président, nous avons mis dans ce projet de loi
des mécanismes qui veulent atteindre un objectif qui devrait être
louable, mais on ne parle que des moyens d'interdire lock-out et grèves,
etc. Mais l'objectif premier, est-ce que ce n'est pas de ramener la paix
sociale dans les écoles? Est-ce que ce n'est pas de ramener les
enseignants pour enseigner à des élèves qui vont
être heureux de recevoir un enseignement? Est-ce que ce n'est pas de
contenter des parents, parce que les enfants vont être à
l'école, parce que les enfants ne perdront pas leur année? Est-ce
que ce n'est pas cela qu'on veut chercher?
M. le Président, si on ne permet pas au groupe directement
impliqué dans le domaine de l'éduca-
tion de venir s'exprimer pendant les quelques jours que nous proposons
dans la motion du chef de l'Opposition, si on ne leur permet pas de venir
ensemble, devant les parlementaires qui présentent la loi, exprimer leur
point de vue, comment pourrons-nous réellement régler le
problème? Avec les commissaires qui sont proposés
là-dedans, commissaires qui obligent tout le monde à retourner au
travail de façon colérique, de façon inacceptable, de
façon obligatoire, de façon coer-citive, est-ce qu'on a
réglé le problème? Est-ce qu'on peut s'attendre qu'une
fois qu'on a fait cela on va avoir des professeurs qui retournent chez eux avec
une flamme pour redonner aux enfants une éducation saine? Est-ce que le
gouvernement aura contribué à rallumer cette flamme qui
s'éteint de plus en plus chez les professeurs du Québec parce
qu'ils n'ont aucun contrôle sur le milieu dans lequel ils vivent? Est-ce
qu'on aura contribué à cela ou si, au contraire, on n'aura pas
contribué à créer un antagonisme encore plus grave?
A ce moment, est-ce que le gouvernement n'agit pas comme un
rhinocéros qui fonce dans le tas dans le but de régler cela au
plus tôt, sans savoir s'il n'a pas tout piétiné, tout
brisé, tout cassé, alors qu'il avait la responsabilité
ultime de créer au Québec une société beaucoup plus
juste? Cette société plus juste, elle se commence dans les
écoles. Si, pour savoir si on a atteint notre objectif, on est
obligé d'avoir des investigateurs ou des policiers dans toutes les
écoles pour savoir si le professeur va bien faire son travail, est-ce
qu'on a atteint notre objectif? D'accord, on va les faire rentrer dans les
écoles; les professeurs vont être dans leur école. Ils y
sont obligés par la loi, mais, ils seront pour la troisième fois
obligés de ravaler cette flamme qu'ils avaient pour le rôle
important qu'ils jouent dans la société.
N'aurait-on pas plus l'occasion, au moins pendant les cinq jours
proposés par le chef de l'Opposition, d'entendre ces groupes, de
façon que, s'il faut ramener la paix sociale dans les écoles,
s'il faut ramener tout le monde au travail, au moins on ait l'occasion de se
parler? Il y a un slogan qui dit: On est six millions, il faut se parler. Dans
le domaine de l'éducation, on dépasse les quelques millions,
autant dans le groupe des étudiants que des parents et que des
enseignants et que tous ceux qui sont directement ou indirectement
reliés à ce domaine. Est-ce qu'on parle le même langage? Si
on avait quelques jours, on pourrait peut-être faire un lien entre ce qui
a été affirmé.
Je voyais dernièrement l'exemple de gens qui ne se comprennent
pas et qu'il serait important qu'ils se comprennent. Du côté des
enseignants, on disait: La demande des enseignants n'augmenterait que de 5000
le nombre de professeurs. D'un autre côté, le ministre de la
Fonction publique affirmait que la demande des enseignants dépasserait
de 23 000 ou 24 000. Après avoir joué sur les chiffres pendant
quelque temps, cela s'était terminé autour de 23 000 ou 24
000.
M. Parent (Hull): 45 000.
M. Léger: Oui, c'était le premier chiffre...
M. Parent (Hull): 45 000 pas 23 000 ou 24 000.
M. Léger: ... mais le dernier c'était 23 000 ou 24
000. Dernièrement vous avez parlé de 23 000 ou 24 000. Dans le
temps, M. le Président, chacun avait des chiffres, mais une façon
différente de voir les choses. Dans l'esprit du ministre de la Fonction
publique, il y avait une possibilité, d'après les objectifs, de
mise à pied d'à peu près 19 000 enseignants, parce qu'on
avait moins besoin d'enseignants dans le système établi et
préconisé. La CEQ, de son côté, calculait que les 19
000 n'avaient pas à être mis à pied. Elle ne demandait que
5000 de plus et les 24 000 se rejoignaient. C'étaient deux façons
de comptabiliser les choses différemment.
Qu'est-ce que les parents font devant cela, M. le Président,
quand ils voient d'un côté 24 000, de l'autre côté
5000? Au moment où on est en train de discuter, de ramener les gens au
travail obligatoirement, est-ce qu'il ne serait pas bon qu'on fasse le point et
qu'on accorde cinq jours, afin de permettre à tous les groupes
directement impliqués de venir s'exprimer, et aux parlementaires, aux
députés, qui ont déjà une idée
préconçue du milieu syndical, une idée
préconçue et préjugée du milieu enseignant,
d'entendre ce que ces gens ont à dire? On ne peut pas, trois fois de
suite, retourner les gens chez eux sans qu'ils aient eu, au moins une fois, une
convention négociée.
M. le Président, le ministre disait, tantôt, qu'il a
rencontré près de 10 000 parents qui lui ont envoyé des
lettres, des télégrammes ou des signatures, en tout cas une
quantité énorme d'enseignants.
M. Bienvenue: Pas...
M. Léger: Non, ils vous ont envoyé des lettres, des
signatures, des télégrammes, mais si le ministre a l'information,
il n'est pas le seul législateur. Les législateurs, ce sont tous
les parlementaires. Je suis bien d'accord que le ministre soit informé
qu'il y a des parents qui désirent qu'on règle le
problème. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a eu dernièrement
un sondage qui démontrait que 43% des parents ne désiraient pas
de loi spéciale ni de décret.
Le Président: Revenez aux cinq jours.
M. Léger: M. le Président, c'est une bataille de
six jours. Le ministre disait qu'il avait vu toutes ces personnes. Nous, les
parlementaires qui sommes l'ensemble de ceux qui doivent
légiférer, qui doivent adopter la loi, nous avons besoin de
l'information aussi. Il y en a encore de ces gens-là. Je pense que les
parents, comme les enseignants, comme les commissions scolaires et comme la
Fédération des commissions scolaires, les partenaires du
côté patronal qui n'étaient pas toujours d'accord avec le
gouvernement, on aimerait connaître leur point de vue.
De cette façon, lorsque nous arriverons au moment de l'adoption
de la loi, ce ne sera pas uniquement une loi où on montre ses muscles,
mais où on montre aussi qu'on a comme préoccupation
première de régler le conflit et non simplement obliger les gens
à rentrer chez eux à reculons.
Des Voix: Vote, vote.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée est
prête à se prononcer sur cette motion? L'honorable
député de Beauce-Nord.
M. Denis Sylvain
M. Sylvain: M. le Président, je n'avais pas pensé,
au départ, intervenir sur cette proposition d'amendement faite par le
chef de l'Opposition officielle. Mais que mes collègues et que les gens
de la galerie ne craignent pas, non pas la teneur de mes propos, mais leur
longueur, puisque ce sera un bref commentaire.
Si j'ai décidé d'intervenir, c'est simplement pour
démontrer le dessous de la proposition d'amendement du chef de
l'Opposition. Depuis que j'ai été élu député
en 1973, à chaque fois que le gouvernement a voulu présenter une
loi spéciale ou une loi d'urgence, à chaque fois qu'il y a eu des
débats sur une motion pour faire abstraction des règlements de
l'Assemblée ou des débats sur une première ou une
deuxième lecture de la loi, le chef de l'Opposition officielle ou un de
ses collègues a toujours présenté une proposition
d'amendement pour reporter le débat sur la motion de deuxième
lecture à cinq jours, à deux semaines, à un mois plus
tard.
M. le Président, je suis député d'un comté
rural et je voudrais faire entendre cette voix campagnarde ou cette voix qui
représente 38 petites municipalités du Québec où
nous aussi avons des écoles, des professeurs et des parents.
Je ne voudrais pas faire une intervention de fond puisque je
réserve toujours mes droits sur la motion de deuxième lecture.
J'ai simplement à dire la cause pour laquelle je voterai contre cette
proposition d'amendement du chef de l'Opposition, c'est qu'encore une fois le
Parti québécois a pensé qu'il n'avait pas le temps de
jouer le rôle d'animateur social qu'il joue au Québec depuis
1973.
Encore une fois, le Parti québécois a pensé
on a écouté les députés de l'Opposition que
non seulement on voulait faire des porteurs d'eau des gens du Québec,
mais aussi des porteurs de pancartes.
Le cultivateur qui aurait à qualifier l'attitude du Parti
québécois d'après les propos qu'il a énoncés
par rapport à cette proposition d'amendement dirait simplement: Vous
êtes une "gang " de faiseux de pancartes, d'écriveux d'histoires.
Pendant les cinq jours que l'Assemblée nationale pourrait prendre
à entendre les parties intéressées, en particulier les
organismes tels que les fédérations qui sont liées
à ce problème ou à ce conflit actuel et qui ont, à
juste titre, le droit d'émettre des avis, il est fort possible que vous
au- riez le temps, encore et davantage, pour prendre encore une fois un terme
très beauceron, de vous gréer des paquets de personnes, des
pouilleux, des licheux de fesses pour nous faire la guerre en avant du
Parlement.
Ce fut ainsi à chaque fois qu'on a présenté une loi
qui ne faisait pas l'affaire du Parti québécois. Il est bien
évident que plus ce conflit va durer, plus on aura de gueulards, plus,
à un moment donné, la gueule s'ouvrira pour les gens du Parti
québécois. C'est bien évident.
Administrer c'est une affaire et être payé le même
salaire pour crier, dans le Parti québécois, c'est une autre
affaire.
M. le Président, je voulais simplement, par ces quelques paroles,
appuyer les propos du ministre de l'Education à l'effet que cette loi,
dans le conflit que nous vivons à l'heure actuelle, est essentielle.
Je prends à témoin les 113 professeurs de l'école
polyvalente Benoît-Vachon, pour répéter à
l'Assemblée nationale ce qu'ils m'ont dit lors d'une discussion qui a
duré plus de trois heures.
Entre la CEQ et le comité local, l'organisation locale du
syndicat des fonctionnaires ou des professeurs de la régionale
Louis-Fréchette, il y a une grosse différence.
Il y a une si grosse différence, à l'heure actuelle, que
c'est pour cela que je veux prendre la parole et que je veux me mettre à
blanc devant eux, devant les professeurs de ma ville, Sainte-Marie de
Beauce-Nord où je connais 90% des professeurs qui vont me dire que le
gouvernement, par rapport aux élèves, par rapport aux parents et
surtout par rapport aux professeurs qui ont à régler leurs
problèmes et non pas le problème économique ou le
problème des conditions de travail dans la société
québécoise...
Si Charbonneau veut leur faire jouer un rôle plus grand que les
professeurs eux-mêmes veulent jouer, Charbonneau paiera, mais non pas les
professeurs du comté de Beauce-Nord, ni les parents, ni les enfants.
Cette loi est importante. Cette loi, nous l'adopterons.
Le Président: L'honorable député de
Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je suis
bien heureux d'avoir entendu le député de Beauce-Nord qui a
exprimé son intention pour employer son expression de se
mettre à blanc au niveau de ses positions concernant le conflit,
concernant la présente loi spéciale.
Le député de Beauce-Nord s'est permis de dire que le Parti
québécois, que l'Opposition officielle avait agi comme agitateur,
encore une fois pour employer son expression, et tous les députés
libéraux ici sont là pour entonner. Vous êtes tous
d'accord? Tous?
Le Président: S'il vous plaît, voulez-vous vous
adresser à mon humble personne, sans provoquer personne? Je ne vous
interromprai pas.
M. Bédard (Chicoutimi): Si les agitateurs
libéraux...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard (Chicoutimi): ... s'adressaient à vous
aussi, on aurait peut-être moins de difficultés à se faire
entendre.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard (Chicoutimi): II semble que cela soit
solidairement que le député de Beauce-Nord et ses
collègues prétendent ce soir que le Parti
québécois, l'Opposition officielle a agi en agitateur tout au
cours de ce conflit. Or, M. le Président, cela vaudrait peut-être
la peine, afin de vérifier ces dires, d'analyser un peu, très
succinctement nous le ferons plus longuement lors de notre intervention
de deuxième lecture ce qu'a proposé le Parti
québécois pour essayer de régler ce conflit, pour essayer
d'améliorer les relations entre, d'une part, le gouvernement-patron et,
d'autre part, les travailleurs de l'enseignement et du secteur social.
On verra la réponse. Est-ce que le Parti québécois
a proposé une solution d'agitateur? Est-ce que le Parti
québécois, l'Opposition officielle a proposé, tout au long
de ce conflit, des mesures qui auraient été de nature à
envenimer le conflit plutôt qu'à le régler?
Je pense que répondre à ces questions nous dit
jusqu'à quel point le député de Beauce-Nord peut
être dans l'ignorance lorsqu'il prétend que le Parti
québécois, l'Opposition officielle a agi comme agitateur dans ce
conflit, puisque le Parti québécois, tout au cours de ce conflit,
tout en se prononçant sur certains points de la négociation,
à savoir la nécessité de fixer un maximum d'heures de
classe vis-à-vis des enseignants, un maximum d'étudiants...
Le Président: Holà! Revenez à la motion.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est la motion, M. le
Président. C'est la motion de cinq jours.
Le Président: C'est moi qui vait décider, n'est-ce
pas, jusqu'à nouvel ordre.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Alors, concernant le
maximum d'élèves par classe...
Le Président: A l'ordre! Prenez votre siège, bien
tranquillement. Vous allez me parler de la motion qui est devant
l'Assemblée, proposée par le chef de l'Opposition, de remettre la
deuxième lecture à cinq jours pour pouvoir entendre les parties.
N'abordez pas le fond de la négociation; vous êtes doublement hors
du sujet. Même si on convoquait les gens en commission parlementaire et
même si votre motion était acceptée, ce qui est fort
possible, on ne pourrait même pas discuter des conventions, de la
tâche, de la charge du travail, de la sécurité d'emploi; on
devrait discuter du principe du projet de loi, qui est le suivant...
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, une
question.
Le Président: Laissez-moi finir. Le principe du projet de
loi, c'est d'interdire le lock-out, la grève et le ralentissement de
travail. Là, vous allez me parler, s'il vous plaît, de remettre
cela à cinq jours pour pouvoir entendre les parties sur le principe du
projet de loi, qui est d'interdire le lock-out, la grève et le
ralentissement de travail pour une période de 80 jours dans le monde de
l'enseignement.
Une Voix: II n'est pas capable.
M. Bédard (Chicoutimi): Très bien, M. le
Président.
Il me semble que le député de Beauce-Nord se conformait au
règlement, puisque vous ne l'avez pas rappelé à l'ordre
lorsqu'il a prétendu que l'Opposition officielle avait agi comme des
agitateurs au cours de ce conflit. Alors, j'imagine que je suis dans l'ordre en
essayant de répondre...
M. Levesque: M. le Président, question de
règlement.
M. Bédard (Chicoutimi): ... à cette question.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Sur ce
point...
M. Levesque: Mais c'est là-dessus que je voulais...
Le Président: Un instant, je vais vous...
M. Levesque: Alors, si vous le faites, M. le Président, je
ne le ferai pas.
Le Président: Non, non, excusez-moi. Sur cette question,
je vous ai permis de répondre, d'ailleurs.
M. Levesque: Oui, oui. Le Président: D'accord?
M. Levesque: Très bien.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, quelles
ont été les solutions qui ont été proposées
par l'Opposition officielle? Il me semble que cela a été loin
d'être une proposition d'agitateurs, puisque l'Opposition officielle et
le Parti québécois, tout au cours de ces négociations, ont
proposé au gouvernement une solution pour essayer de régler le
conflit, à savoir la nomination d'un médiateur. Au moment
où il était clair que les parties avaient de la difficulté
à s'entendre, ce fut la proposition du Parti québécois et
de l'Opposition officielle. Et, à ce que je sache je terminerai
là-dessus pour répondre au député de Beauce-Nord
proposer la nomination d'un médiateur quand les parties ne
s'entendent plus, c'est loin d'être une proposition d'agitateurs.
Au contraire, c'est une proposition de bon sens.
Une Voix: De profiteurs.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est une proposition qu'a faite
l'Opposition officielle durant tout ce conflit. Non seulement l'Opposition
officielle l'a-t-elle faite M. le Président, mais, vous le savez,
beaucoup d'autres groupes très près du domaine de
l'éducation l'ont faite que ce soit le Conseil supérieur de
l'éducation, la Fédération des commissions scolaires, des
comités de parents à travers tout le Québec,
également des associations d'étudiants. Pourtant, devant toutes
ces demandes, il n'y a qu'une partie, durant tout le conflit, qui n'a pas
entendu cet appel et c'est le ministre de l'Education.
Quand il essaie de nous faire pleurer, M. le Président, en disant
qu'il a reçu des milliers de lettres de la part d'enseignants,
d'élèves, de parents, il devrait nous dire aussi que, d'une part,
ces comités de parents, les commissions scolaires, le Conseil
supérieur de l'éducaion, un organisme que devrait, au moins,
respecter le ministre de l'Education, s'étaient prononcés, au nom
de milliers de Québécois, pour une solution qui était la
médiation.
M. le Président, c'est pour cela qu'on demande un délai de
cinq jours pour permettre d'entendre ces personnes.
Le Président: Bravo!
M. Bédard (Chicoutimi): Je vois que vous applaudissez et
que vous êtes heureux. L'importun est passé. Pourquoi veut-on un
délai de cinq jours pour entendre les personnes? Nous allons vous le
dire.
C'est tout simplement, premier point, que le gouvernement est un mauvais
négociateur, il n'est pas capable de négocier. Ce n'est pas la
première expérience. On sait qu'en 1972, il a
négocié. Résultat, une loi spéciale, décret,
trois chefs syndicaux en prison. Entre vous et moi, les libéraux me
disent: C'est très bien. Je comprends que ce soit leur manière de
voir la conclusion d'un conflit avec un secteur aussi important que celui de
l'éducation qui regarde non seulement les enseignants, mais
également tous les élèves, des mi-liers de jeunes
Québécois. Je comprends que les libéraux soient contents
que ça finisse ainsi.
D'ailleurs, ils sont tellement heureux que ça devrait être
une programmation à ce moment-là, beaucoup plus d'élection
qu'une programmation pour régler un conflit. C'est évident... Ah!
si j'avais le temps d'élaborer, M. le Président.
Premier point, pourquoi entendre les personnes? Parce que le
gouvernement est un mauvais négociateur. Il a raté sa
négociation en 1972; aujourd'hui, il est obligé de nous dire,
encore une fois, qu'il a raté sa négociation. Il est
obligé de nous le dire en assumant une grande part de la
responsabilité, puisque ayant l'expérience d'une première
négociation le gouvernement, dans l'intervalle, n'a absolument rien fait
pour améliorer les mécanisme de négociations afin que
celles-ci puissent aboutir autrement que celles de 1972. On a refusé,
premièrement, la table centrale qui aurait constitué un
mécanisme permettant d'évaluer le choix et les priorités
de l'Etat avec les syndicats, avec les parties qui sont dans le conflit; on a
escamoté la table centrale et on n'a pas amélioré les
mécanismes afin que se déroule mieux cette négociation
à la lumière des négociations de 1972.
M. Parent (Hull): Voyons donc, vous êtes
écarté, vous.
M. Bédard (Chicoutimi): Justement, j'entends le ministre
de la Fonction publique...
M. Parent (Hull): Vous venez de sortir du bois, je crois
bien.
M. Bédard (Chicoutimi): J'entends le ministre...
Le Président: A l'ordre, à l'ordre, à
l'ordre! S'il vous plaît, messieurs! A l'ordre, à l'ordre! A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, à l'ordre, àl'ordre!
Est-ceque je peux rappeler à l'ordre...
M. Levesque: Le temps est expiré.
Le Président: Oui. Vous pouvez terminer votre
intervention. Votre temps est terminé d'ailleurs.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, j'aurai
l'occasion de revenir sur le débat principal, mais s'il y en a un qui,
tout au cours de la négociation, s'est présenté ou a
affiché la figure d'un homme qui programmait, non pas un
règlement, mais une élection, qui se conduisait comme un
politicien, c'est bien le ministre de la Fonction publique...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît, à
l'ordre, à l'ordre, à l'ordre! C'est irrégulier. Je crois
que vous avez terminé...
M. Bienvenue: M. le Président, comme le...
Le Président: En vertu de quoi voulez-vous prendre la
parole? Question de règlement, question de quoi?
M. Bienvenue: Non plus, M. le Président, je ne voulais pas
interrompre le député...
Le Président: Non, non, je ne vous donnerai...
M. Bienvenue: M. le Président, je voulais lui poser une
question.
Le Président: Bon, mais ça, dites-moi quoi quand
même.
M. Bienvenue: Oui, mais pour ça il faut que je puisse le
dire, M. le Président; alors je le dis.
Le Président: Est-ce que vous acceptez une question?
M. Bienvenue: Comme je ne voulais pas interrompre le temps du
député de Chicoutimi...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît, à
l'ordre, s'il vous plaît! Je le rappellerai à l'ordre. Je
m'excuse, le droit de parole est expiré. A l'ordre! Ecoutez, il ne faut
pas que le consentement soit donné quand ça fait l'affaire de
l'un ou l'affaire de l'autre. Votre intervention est terminée, je
m'excuse. A l'ordre! A l'ordre, messieurs! Est-ce que l'Assemblée est
prête à se prononcer sur cette motion d'amendement?
Des Voix: Vote.
M. Burns: M. le Président.
Le Président: Est-ce que vous voulez prendre la parole sur
ce débat?
M. Burns: Non, M. le Président.
Le Président: Dites-moi en vertu de quoi vous voulez
prendre la parole.
M. Burns: Oui, je pose une question... Le Président:
A qui?
M. Burns: ... au ministre de la Fonction publique.
Le Président: Non, non, à l'ordre! A l'ordre, je
mets cette motion aux voix. C'est ça que je vous demande.
M. Burns: Je vais parler d'abord!
Le Président: Le député de Maisonneuve, sur
cette motion d'amendement. A l'ordre, messieurs!
Une Voix: Très brillant. Le Président: A
l'ordre, messieurs! M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, j'ai le droit de
m'étonner, vraiment...
Une Voix: Je vais ajuster mon appareil!
M. Burns: Vous écouterez avec vos oreilles et, si cela
vous tente... En tout cas, vous écouterez comme vous le voudrez. J'ai le
droit de m'étonner, M. le Président, que le ministre de la
Fonction publique ne participe pas à ce débat. J'ai le droit de
m'en étonner.
M. Parent (Hull): Vous aurez mon intervention en deuxième
lecture. On est sur la motion d'amendement.
M. Burns: Mon Dieu, imaginez-vous donc! On s'imagine que le
ministre de la Fonction publique n'est pas capable de parler ailleurs qu'en
deuxième lecture.
M. Bellemare (Rosemont): La pertinence!
M. Nurns: Mais là, vous avez l'occasion
rêvée...
M. Parent (Hull): ...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Levesque: M. le Président, le règlement ne
prévoit pas des imputations de motifs mais prévoit, plutôt,
que ce n'est pas permis.
Le Président: Je demanderais aux deux leaders de donner
l'exemple chacun de leur côté.
M. Levesque: M. le Président, je demande que le leader
actuel de l'Opposition officielle suive mon exemple et, à ce
moment-là, il va s'asseoir.
Le Président: D'accord!
M. Burns: M. le Président, je n'ai pas du tout l'intention
de suivre l'exemple du leader du gouvernement. J'ai l'intention, au contraire,
de rester debout parce que la motion qui a été proposée
je mets de côté toutes les choses que je pourrais dire
à l'endroit de l'absence, dans ce présent débat, du
ministre de la Fonction publique, je mets tout cela de côté et
j'espère qu'on aura la lumière en deuxième lecture...
Ceci étant dit, je reviens à ce que le ministre de
l'Education a dit cet après-midi, c'est-à-dire que, pour lui,
l'année scolaire était mise en péril. C'était
vraiment quelque chose qu'il fallait régler aujourd'hui. Nous disons, M.
le Président, que cela fait exactement deux mois, si on veut être
généreux, qu'on dit cela à gauche, à droite, en
haut et en bas.
Ce que nous demandons, c'est bien simple. C'est qu'à
l'intérieur d'une semaine, nous fassions siéger la commission,
que cette commission puisse au moins prendre connaissance du point de vue
patronal et syndical. Ce n'est pas plus que cela. On ne demande pas
énormément. On demande simplement que nous prenions connaissance
de la situation que, déjà, beaucoup de députés
connaissent, je l'admets. Mais il va falloir admettre que, depuis le
début de ce conflit, du côté gouvernemental, on a tout fait
pour que le problème ne soit pas réglé. On a tout fait
pour éviter de poser les vrais problèmes entre les parties.
A quelle date, M. le Président c'est la question que je
pose s'est-on résigné, du côté patronal, en
l'occurrence du côté gouvernemental, à accepter la table
centrale?
M. Parent (Hull): Dès le début, le 29
septembre.
M. Burns: Oui? J'aimerais que vous nous disiez cela.
M. Parent (Hull): Le 29 septembre.
M. Burns: Moi, cela ne me fait rien. Si vous voulez...
M. Parent (Hull): J'ai accepté la table centrale.
M. Burns: ... parler, je suis prêt à vous
écouter.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Parent (Hull): M. le Président, il me pose une
question.
Le Président: Non, non.
M. Parent (Hull): II me pose une question à savoir
à quelle date...
Le Président: Nous ne sommes pas à la
période des questions!
M. Burns: M. le Président, on a été
frustré d'une période de questions, aujourd'hui. Peut-être
que, de consentement, on pourrait en faire une immédiatement.
Le Président: Je refuse mon consentement. M. Burns: Ah
bon.
M. Levesque: Un instant, il faudrait bien que cela ne reste pas
comme cela au journal des Débats. Personne n'a refusé de
période de questions.
M. Burns: Ah! On l'a demandée!
M. Levesque: Un instant! Laissez-moi terminer!
M. Lessard: Arrêtez de charrier toujours!
M. Levesque: Personne n'a refusé de période des
questions. Nous ne sommes pas encore rendus à cet article.
M. Léger: Tâchez d'être là après
minuit, on a des questions à vous poser!
M. Burns: M. le Président...
Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Burns: M. le Président, je ne soulèverai pas une
question de privilège, en tout cas, j'ai trop d'estime pour le leader du
gouvernement pour soulever une question de privilège.
M. Levesque: M. le Président, j'insiste sur la question de
privilège. Ce que le député de Maisonneuve veut dire c'est
que peut-être dans les coulisses on a dit: Est-ce qu'il serait possible
d'avoir une période de questions? Mais je n'ai jamais refusé,
j'attends qu'on arrive à cet article. Je n'ai pas voulu, cependant, M.
le Président...
M. Burns: Je soulève une question de privilège.
M. Levesque: M. le Président, je n'ai pas terminé.
Je n'ai pas voulu qu'on change l'ordre des choses. On a d'abord appelé
le rapport des commissions élues, on a appelé le rapport du
greffier en loi et ensuite les motions non annoncées. C'est là
que nous sommes, nous ne sommes pas encore à la période des
questions. Il aurait fallu inverser l'ordre et j'ai refusé qu'on
l'inverse. Mais je n'ai pas d'objection à ce qu'au moment où on
arrive à la période des questions, le député de
Maisonneuve pose les questions qu'il a l'intention de poser.
M. Burns: M. le Président, je soulève une question
de privilège, d'accord?
Le Président: Je vous écoute.
M. Burns: Je ne voulais pas en soulever une, mais j'en
soulève une. Je soulève la question de privilège suivante:
c'est que ce que le leader du gouvernement vient de dire, avec toute
l'amitié et l'estime que je peux avoir pour lui, est absolument inexact.
Je ne veux pas dire faux, mais dans mon esprit cela veut dire faux. J'ai
demandé au leader du gouvernement de façon très
précise: Est-ce que malgré la motion que vous présentez,
M. Gérard-D. Levesque, aujourd'hui, il y aura une période de
questions, et la réponse, est-ce que vous voulez me la redonner
publiquement?
M. Levesque: Oui, M. le Président, je suis prêt
à dire que j'ai répondu dans la négative, parce que ce que
voulait dire le député de Maisonneuve, c'était inverser,
comme je viens de l'expliquer, l'ordre des choses. Il aurait voulu qu'on
commence par la période des questions pour ensuite arriver aux motions
non annoncées, ce que j'ai refusé. C'est clair, je le
répète, je refuse de nouveau.
M. Burns: Ce n'est pas du tout cela, M. le Président.
Toujours sur la question de privilège, j'ai dit au leader du
gouvernement: Je sais fort bien que vous avez une motion pour mettre de
côté les règles de la Chambre, je vous demande cependant
s'il ne serait pas possible de garder la période des questions. Et nous
avions un certain nombre de questions intéressantes aujourd'hui.
M. Levesque: Si le député de Maisonneuve me le
permet, de quelle façon aurait-on pu arriver à la période
des questions?
M. Burns: De consentement.
M. Levesque: C'est cela que j'ai refusé, le consentement
d'inverser l'ordre des choses mais
je n'ai pas refusé la période des questions. Si on arrive
à la période des questions, M. le Président, je vous
permets, j'en suis heureux... je n'ai même pas à vous le
permettre, c'est vous et c'est le règlement qui le permettent.
Le Président: Si vous disposez du projet de loi on peut
procéder immédiatement à la période des
questions.
M. Levesque: C'est ce que je voulais dire, M. le
Président. Si l'Opposition officielle est prête à adopter
ce projet de loi, nous passerons immédiatement aux déclarations
ministérielles, au dépôt de documents et, après,
à la période des questions.
M. Samson: A Pâques ou à la Trinité. Le
Président: Revenons à la motion.
M. Burns: M. le Président, vous avez bien raison.
Je disais donc, M. le Président, que cet après-midi, je
sentais, du côté gouvernemental, le désir de ne pas
véritablement discuter du problème. Depuis exactement deux
semaines, comme citoyen, non pas comme député, j'ai l'impression
que le gouvernement ne veut pas discuter du problème, que ce soit le
problème de l'éducation, que ce soit le problème des
affaires sociales. J'ai mentionné cet après-midi que cela ne nous
sert à rien de passer une loi spéciale en cette matière,
alors que peut-être dans une semaine nous reviendrons avec une autre loi
concernant les gens qui travaillent dans le domaine des affaires sociales. Si
c'est le cas, M. le Président, j'aimerais mieux avoir globalement
l'opinion du gouvernement.
Ce que j'aimerais mieux quand même, c'est d'entendre les parties
concernées, puisque la loi, actuellement, s'intitule Loi concernant le
maintien des services dans le domaine de l'éducation et abrogeant une
disposition législative. On va s'amuser quand on va parler de
l'abrogation de la disposition législative en question. Là, on va
parler de l'incompétence de ce gouvernement. Même le
lieutenant-gouverneur, M. le Président, n'est pas capable de se rendre
compte qu'un amendement qui est rejeté ne doit pas être inclus
dans un projet de loi. Vous êtes rendu, M. le Président, à
une incompétence telle... pas vous, mais le gouvernement est rendu
à une incompétence telle qu'il ne peut même pas se rendre
compte...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Si vous
voulez invoquer l'article 68, vous pouvez le faire: Une motion de fond
annoncée est nécessaire pour mettre en question la conduite du
lieutenant-gouverneur, du président et des autres.
M. Burns: M. le Président, ce n'est pas sûr que je
ne l'invoquerai pas, mais dans le moment je ne peux pas vous dire que je vais
l'invoquer. C'est plutôt, quand on sait qu'une loi est adoptée,
comment elle est amenée chez le lieutenant-gouverneur. M. le
Président, vous le savez plus que moi, vous avez plus
d'expérience que moi. Quand on sait cela, on est obligé de se
dire que le projet de loi qui est amené est un projet de loi qui est
suscité Dar le gouvernement, qui est amené via les
mécanismes du gouvernement, via les spécialistes du gouvernement.
M. le Président, je le dis en toute honnêteté à
votre égard, j'ai fait un aparté et je comprends que
j'enfreignais le règlement.
Le Président: Oui.
M. Burns: J'enfreignais le règlement quand j'ai
parlé de cela. Je dis simplement, M. le Président, que la
proposition que nous vous faisons, non pas à vous, M. le
Président, mais au gouvernement, par vous, elle est bien simple. C'est
là-dessus, vraiment, que la proposition du chef de l'Opposition doit
être examinée. Nous vous proposons simplement de remettre à
une semaine votre décision d'adopter le projet de loi no 23. Est-ce que
c'est beaucoup vous demander? Est-ce que c'est beaucoup demander au
gouvernement, lorsqu'on sait que déjà la table centrale
fonctionne malgré les sautes d'humeur du ministre de la Fonction
publique, qui en a régulièrement, qui ne comprend pas ce qui se
passe dans le problème? Cela c'est son problème à lui,
c'est surtout le problème...
M. Parent (Hull): Je n'ai jamais de sautes d'humeur, M. le
Président, c'est le député de Maisonneuve qui en a.
Le Président: Si je vous laisse faire, vous allez en avoir
tous les deux, je crois. Si vous voulez revenir à la motion.
M. Burns: Je disais tout simplement, M. le Président,
qu'à ma connaissance il n'y a pas d'urgence. Cela a été
débattu et réglé avant; je ne reviens pas au fond de ce
problème-là. Il n'y a pas urgence à adopter la loi
aujourd'hui. Ce que nous vous proposons, c'est de donner un délai de
cinq jours, de remettre, à toutes fins pratiques, à une semaine
la discussion du projet de loi pour revoir la situation en particulier avec les
éclairages nécessaires...
Le Président: Un peu de silence, un peu moins de bruit
dans les galeries, s'il vous plaît!
M. Burns:... concernant les centrales syndicales et aussi les
commissions scolaires. Ce serait bien intéressant, à mon avis,
d'entendre le côté patronal dans ce domaine. C'est uniquement cela
le but de la motion du chef de l'Opposition. On aurait pu, M. le
Président, vous faire une proposition qui à toutes fins pratiques
voulait noyer le poisson, c'est-à-dire remettre à six mois le
projet de loi. Ce n'est pas cela qu'on a fait. On a dit à cinq jours.
C'est l'importance qu'on accorde à ce type de discussion et c'est
l'importance que nous donnons au genre de participation que nous avons dans le
présent débat. J'aimerais bien, en ce qui me concerne, recevoir
autre chose qu'un sourire du ministre de la Fonction publique.
Je vois le dentier, oui. J'aimerais que le dentier de la Fonction
publique se fasse valoir de façon très précise, et qu'on
sache exactement ce qu'il y a derrière ce dentier et, surtout, c'est
bien important, en haut du dentier.
Le Président: Est-ce que...
Une Voix: Vote.
M. Levesque: M. le Président...
Le Président: Le leader parlementaire du gouvernement
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, un mot seulement. On se
rappellera que, cet après-midi, j'ai présenté une motion
de suspension de l'application des règles de procédure en vertu
de l'article 84. A ce moment-là, M. le Président, j'ai
exposé du mieux que j'ai pu à l'Assemblée nationale les
raisons pour lesquelles je trouvais qu'il y avait une situation d'urgence.
J'ai, à ce moment-là, évoqué l'argumentation du
ministre de l'Education, à l'effet que l'année scolaire
était en péril pour plusieurs enfants et qu'il était
important de nous assurer que nous puissions sans délai examiner et
adopter un projet de loi qui avait pour but, justement, de protéger
cette année scolaire et, en même temps, de trouver et de mettre en
place certains mécanismes qui assureraient la poursuite des
négociations dans une atmosphère plus sereine et plus calme.
Il me semble, M. le Président, que l'Assemblée nationale a
accepté ce point de vue et cela, à la très grande
majorité de ses membres. Je trouve qu'à ce moment-ci, à
peine deux heures après, il serait illogique de penser qu'on remettra
à cinq jours l'étude de ce projet de loi. Justement, parce que
nous sommes logiques et parce que nous voulons donner suite au voeu de la
majorité des citoyens du Québec, je crois que nous ne pouvons pas
et que nous ne devons pas accepter cette motion d'amendement de l'Opposition.
Nous devons immédiatement, par un vote clair et précis,
manifester notre désapprobation à une telle motion et adopter le
plus tôt possible le projet de loi qui est dans l'intérêt de
tous les citoyens du Québec.
Le Président: Est-ce que ceux qui sont en faveur demandent
un vote enregistré?
M. Burns: Oui, M. le Président.
Le Président: Qu'on appelle les députés!
Vote sur la motion
Le Président: Que ceux qui sont en faveur de la motion du
chef de l'Opposition officielle veuillent bien se lever, s'il vous
plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Burns, Léger, Charron,
Lessard, Bédard (Chicoutimi).
Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque, Blank, Parent (Hull),
Mailloux...
Le Président: Silence, silence!
Le Secrétaire adjoint: MM. Phaneuf, Lachapelle, Mme Bacon,
MM. Tetley, Drummond, Hardy, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey
(Jonquière), Massé, Perreault, Brown, Bossé, Bacon,
Lamontagne, Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Saindon, Houde (Limoilou),
Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher,
Saint-Germain, Larivière, Pelletier, Shanks, Pépin, Beauregard,
Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Chagnon, Marchand,
Caron, Côté, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc),
Lachance, Lapointe, Leoours, Malépart, Massicotte, Mercier, Pagé,
Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Vallières, Verreault,
Leduc.
Le Président: Que ceux qui désirent s'abstenir
veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: Abstention, M. Samson.
Le Secrétaire: Pour: 5 Contre: 65
Abstention: 1
Le Président: Cette motion est rejetée.
Deuxième lecture (suite)
Le Président: L'honorable député de
Rouyn-Noranda sur la motion principale de deuxième lecture.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, depuis le début de
l'après-midi, nous avons tour à tour eu à nous prononcer
quant à l'urgence de la situation dans le domaine de l'éducation
et nous venons maintenant de disposer d'une motion visant à reporter
l'étude du projet de loi à cinq jours.
J'ai dit, de façon que cela soit clairement compris par tout le
monde, que je voterai contre ce projet de loi.
J'ai voté contre même en première lecture pour une
raison bien spéciale. Ordinairement, quand on nous dépose un
projet de loi en première lecture, nous ne le voyons pas avant et il
s'agit d'accepter ou non le dépôt du projet de loi tout simplement
et accepter d'en faire l'étude.
Mais aujourd'hui, à cause de ces règles différentes
qui ont fait que nous avons suspendu plusieurs articles de notre
règlement, nous avons eu, en même temps que la motion pour
suspendre les règles, le dépôt du projet de loi. Donc, au
moment où la première lecture a été appelée,
nous avions en notre possession le projet de loi et j'avais eu le temps d'en
prendre connaissance suffisamment pour m'en faire une idée.
C'est pourquoi j'ai voté contre par exception,
parce que, habituellement, en première lecture, on laisse
toujours passer le projet de loi. C'est donc pourquoi j'ai voté contre
en première lecture.
M. le Président, je réitère que, dans le domaine de
l'éducation, je considère qu'il y a réellement urgence,
mais je réitère également que cette urgence est
plutôt l'urgence de trouver un règlement valable pour donner
satisfaction à tout le monde.
Malheureusement, pas plus aujourd'hui que dans le passé, les lois
spéciales ne règlent les problèmes.
En effet, on pourra dire que, par cette loi spéciale, nous
prenons des dispositions pour éviter que l'année scolaire soit
mise en péril. Je me demande sérieusement, et très
sérieusement, si, volontairement ou involontairement, le gouvernement
n'a pas justement attendu trop tard pour prendre ses
responsabilités.
Je me demande sérieusement si, aujourd'hui, il n'est pas
déjà trop tard. Si on parlait de choses que plusieurs personnes
connaissent, jadis les gens devaient suivre des cours de catéchisme
pendant une quinzaine de jours avant de faire leur communion solennelle et il y
avait, à ce moment, des chanceux qui passaient avec grande distinction
ou très grande distinction, mais il y en avait un paquet qui passaient
par charité, or cette année, on est peut-être rendu au
moment où on a dépassé la limite et, si on sauve
l'année scolaire de nos étudiants, il y en a peut-être
plusieurs qui passeront par charité.
Je vous dis que ce gouvernement a attendu trop longtemps avant de
trouver une solution et, au surplus, le jour où on nous apporte une
solution, ce n'est pas la bonne.
M. le Président, dans ce projet de loi no 23, il y a deux
principes qui sont en cause. D'abord, celui de vouloir retourner à leurs
fonctions les enseignants, empêcher la grève, les lock-out et
nommer trois commissaires qui, soit dit en passant, n'ont aucune espèce
de pouvoir exécutoire. Ces pauvres gens auront à étudier,
à vérifier, à faire des recommandations que le
gouvernement s'apprête, probablement, à l'avance, à
refuser.
Surtout, il y a le fait que ces commissaires seront nommés par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Alors, ce ne sont pas là, je pense,
des nominations qui seront faites par un consensus des deux côtés,
c'est-à-dire de la partie syndicale et de la partie patronale. Non, de
façon unilatérale, on nommera trois commissaires qui n'auront
aucune espèce de pouvoirs.
Il y a un autre principe qui est en cause. Il s'agit de l'article 29 qui
viendra corriger une erreur d'écriture que nous retrouvions dans la loi
253, Loi visant à assurer les services de santé et les services
sociaux essentiels en cas de conflit de travail.
Autrement dit, M. le Président, aujourd'hui, nous discutons de
l'éventualité que cesse le harcèlement, que cessent les
grèves dans le domaine de l'enseignement et aussi que cessent les
arrêts de travail dans le domaine hospitalier et dans le domaine des
services sociaux.
M. le Président, je pense qu'il y a beaucoup trop de gens qui,
jusqu'à ce jour, ont manqué à leurs
responsabilités. Il serait malhonnête de n'accuser que les gens
qui représentent une seule des parties. Je pense que chacun de ceux qui
représentent quelqu'un le gouvernement est censé
représenter la population et les syndicats sont censés
représenter les travailleurs doit faire son mea culpa, parce que
des deux côtés, au-dessus de la population et au-dessus des
travailleurs, il semble que la lutte idéologique a
prédominé. Je le regrette, car, s'il y a un secteur où les
négociations auraient dû se faire avec bonne volonté et
bonne foi des deux côtés, c'est bien les secteurs public et
para-public. Mais ce n'est pas tout à fait comme cela que cela s'est
passé, M. le Président. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec une
situation qui est devenue intenable, où les pressions des parents ont
atteint un point où le gouvernement se cache derrière ces
pressions pour utiliser un canon, un canon pour tuer une mouche. On se cache
derrière ça.
Mais il faudrait souligner que ces pressions ont été
provoquées. Je pense que les parents de la province de Québec ont
raison d'être inquiets. Ils sont inquiets de l'avenir de leurs enfants,
ils sont inquiets de l'année scolaire de leurs enfants. Ils ont raison
d'être inquiets. Mais qui a provoqué cette inquiétude, M.
le Président? Je dis que c'est le manque de responsabilité et du
gouvernement et de la philosophie qui prévaut dans certains milieux des
syndicats.
Nous avons reçu, avec beaucoup de plaisir d'ailleurs,
dernièrement, la visite de certains enseignants de régions
éloignées du Québec. Ces gens sont venus réclamer,
au nom des autres enseignants de ces régions éloignées,
des avantages, compte tenu de leur situation particulière. Ils avaient,
à cette occasion, invité les députés de ces
régions éloignées, j'étais l'un de ceux-là.
Nous étions trois partis politiques représentés par des
députés, à cette occasion. Je vous souligne, M. le
Président, que ce qui nous a été présenté
par les enseignants, c'est-à-dire les demandes de primes
d'éloignement, primes d'isolement ou primes de vie chère pour les
régions éloignées, sans discuter du fond de la question,
ni des chiffres, le principe nous a paru acceptable.
Et je souligne à votre attention, M. le Président, que ce
principe a paru acceptable à tous les députés qui
étaient présents, qui représentaient trois partis
politiques. C'est donc dire que lorsqu'on veut bien s'ouvrir les oreilles et
les yeux un peu, il y a des possibilités de voir et de comprendre.
Or, M. le président, cela a duré le temps des fleurs, une
fois qu'on a pris position, qu'on a dit oui, nous sommes d'accord j'en
ai parlé à l'occasion d'un autre débat ici à
l'Assemblée nationale, mais c'est tombé dans l'oreille de sourds
on n'a pas tenu compte de ça.
Si on n'a pas tenu compte du fait que les députés de trois
partis différents élus par les électeurs des comtés
de ces régions, démocratiquement, ont accepté, en quelque
sorte, de défendre ces opinions et l'ont fait, je pense, chacun à
sa manière, si l'on n'a pas tenu compte de cela du tout et si l'on n'a
pas eu de réponse, du côté gou-
vernemental, à ces revendications que nous avons endossées
comme députés, cela ne me surprend pas du tout que nous soyons
aujourd'hui rendus devant une impasse. Si on n'écoute même pas les
députés du parti au pouvoir, comment voulez-vous que le pouvoir
écoute les autres?
Mais pour être bien honnête, M. le Président, il faut
dire tout ce que nous avons vu, tout ce que nous avons entendu. A cette
occasion, où chacun a donné son opinion, un jeune professeur de
Sept-lles a aussi donné son opinion. M. le Président, je vous la
rapporte, pour autant que ma mémoire me soit fidèle, parce que je
n'ai pas avec moi le journal des Débats; ce n'était pas
enregistré, de toute façon, et je ne l'ai pas écrit. Mais,
pour autant que ma mémoire me soit fidèle, je me rappelle que cet
enseignant, ce jeune homme qui enseigne depuis trois ans, en se levant, ait dit
ceci: Nous, les travailleurs de l'enseignement, sommes victimes des notables.
Evidemment, nous l'avons écouté parce que cette première
déclaration avait suscité quelques applaudissements. Mais,
après les applaudissements, il a continué en disant: Nous sommes
victimes des notables des deux côtés de la table.
Je pense que cette réflexion de ce jeune enseignant
représente l'opinion de plusieurs enseignants du Québec, de
plusieurs travailleurs de l'enseignement. Il a dit: Au-dessus de nos
têtes, nous avons l'impression que se mène une lutte politique et
idéologique et qu'on se fout de notre convention collective. Nous, c'est
une convention collective que nous voulons.
M. le Président, cela porte à réfléchir.
Cela porte à réfléchir parce que j'ai l'impression que,
s'il a eu le courage, ce jeune enseignant, de faire ce genre de
déclaration en présence du leader même de la CEQ, c'est
qu'il y a dans ces rangs des gens qui sont inquiets. Mais, quand il a
parlé des deux côtés de la table, il parlait aussi du
représentant du gouvernement.
Transposons cela maintenant chez les parents et chez les
étudiants et on sera à même de constater que, de plus en
plus, les parents et les étudiants ont la même impression
qu'au-dessus de leur tête et au-dessus de leurs intérêts se
mène une lutte politique et idéologique.
Dans cette sorte de lutte, il n'y a pas de solution possible à
moins d'un affrontement, et c'est une guerre à finir.
Quand on commence un combat de lutte, l'arbitre a l'habitude de dire:
Que le meilleur gagne! Mais dans cette sorte de combat, ce n'est pas tout
à fait ainsi que cela se fait. Ce n'est pas le meilleur qui gagne
nécessairement, c'est le plus fort. M. le Président, nous
assistons, aujourd'hui, à une tentative de dénouement de cette
crise. Ce n'est pas nécessairement le meilleur qui aura le dessus du
plancher, mais sûrement le plus fort.
Quand je pense que selon un article de journal je n'ai pas
vérifié les chiffres, mais en tout cas les
négociations avec le front commun coûtent plus de $6 millions, je
me demande je dois me poser des questions à haute voix si
le gouvernement n'était pas prêt à dépenser plus
d'argent pour faire la publicité que pour gagner la par- tie. Je me
demande si le gouvernement n'était pas prêt à
dépenser plus d'argent pour cela que ce qu'il aurait fallu pour donner
satisfaction aux enseignants. $6 millions! Je ne me demande plus maintenant
pourquoi j'ai vu à la télévision ces sortes d'annonces
commerciales payées par le gouvernement du Québec avec des jetons
de casino, où on empile d'une part des jetons de casino pour faire
ensuite la différence entre ce qu'on avait dans le passé et ce
qu'on pourrait avoir. Je me rappelle que l'annonce finit à peu
près comme cela: II y a des gens qui refusent cela. On a
démontré...
M. Parent (Hull): C'était bien fait.
M. Samson: Pardon?
M. Parent (Hull): C'était bien fait.
M. Samson: C'était bien fait? Oui, évidemment, si
vous vouliez vendre de la camelote, c'était fait pas pire. Pour vendre
du savon cela pouvait aller, pour vendre votre boulot aussi, cela a bien
été.
M. le Président, je pense que cela n'a pas de sens. Le rapport de
forces n'était pas là, parce qu'on ne négocie pas
facilement quand on est en présence de quelqu'un qui a toute la force.
Dans ce temps, on ne négocie pas, on prend ce qui tombe de la table.
C'est l'impression que j'ai. Le gouvernement est assis derrière la
table, il a mis la table, il a fait tout ce qu'il fallait, un beau grand
banquet, puis là, il ne permet pas aux gens de s'en approcher. Si vous
vous approchez, on vous laisse tomber des miettes. Puis on pense
qu'aujourd'hui, en 1976, les gens vont retourner avec les miettes en disant:
Merci. Non, ce n'est pas comme cela que cela se passe maintenant. C'est la
justice qu'il faut. S'il y avait injustice, si quelqu'un a provoqué de
l'injustice, le gouvernement ne corrigera pas cette injustice en se
préparant à faire une autre injustice.
M. le Président, je suis aussi un père de famille, nous
avons des enfants, j'ai des responsabilités familiales. Ce n'est pas
plus intéressant pour moi que pour les autres. Ce n'est
intéressant pour personne de voir partir les enfants, le matin, puis de
ne pas savoir ce qu'il arrivera d'eux dans la journée, de ne pas savoir
s'ils ne vous reviendront pas en autobus ou à pied au cours de la
journée.
Dans les régions rurales où les petits enfants prennent
l'autobus à 7 heures le matin pour normalement revenir chez eux à
5 h 30 le soir, c'est encore moins intéressant d'arriver à
l'école du village ou de la municipalité et de découvrir
qu'on a débrayé ce matin-là. Parfois, le conducteur de
l'autobus est parti faire des commissions en ville et les enfants attendent,
dehors. Pendant ce temps, ils font quoi?
M. le Président, tous les parents sont concernés par le
comportement de leurs enfants, par leur sécurité.
Malheureusement, depuis quelque temps, c'est la grande inquiétude des
parents du Québec à un tel point, comme je le disais cet
après-midi, que la Fédération des comités de
pa-
rents déclarait que, si ce n'était pas réglé
avant le 1er avril, elle recommanderait à ses membres de garder les
enfants à la maison à partir de ce temps.
M. le Président, je pense que les parents ont déjà
manifesté au moins leur intention de reconnaître que le 1er avril,
c'était la date limite. On est déjà rendu au 7 avril.
Quand on parle d'urgence pour régler la situation, je suis d'accord avec
l'urgence, parce qu'on n'a pas le droit, qui que nous soyons, de permettre que
nos enfants manquent leur année scolaire. On n'a pas ce droit-là.
On n'a pas le droit, non plus, parce que le projet de loi parle d'autre chose
en même temps, de laisser se poursuivre des situations telles que celles
qui nous sont rapportées présentement. Quelqu'un qui a eu un
accident dimanche soir dernier un accident mineur peut-être, une
couple de côtes cassées se présente lundi matin au
centre hospitalier de Rouyn-Noranda et les portes sont fermées. M. le
Président, avec toute la sympathie que j'avais pour cette personne, je
ne pouvais pas la soigner.
On n'a pas le droit, non plus, de laisser sortir des patients de
l'hôpital, comme c'est le cas ce soir au Centre hospitalier de
l'Université Laval. On m'a informé ce matin que des malades
devraient partir à cinq heures ce soir. Il y a quelqu'un là qui
devrait être hospitalisé pendant au moins encore trois semaines.
Cette sortie prématurée de l'hôpital peut mettre en danger
la santé et même la vie de cette personne. On a eu, en 1972, des
cas semblables où, au centre hospitalier de La Sarre, on avait
retourné chez lui un patient qui était aux soins intensifs. On
l'a retourné chez lui en ambulance, M. le Président, et ce
patient est mort deux jours après. Cela, nous l'avons rapporté en
1972. Il y a d'autres cas comme celui-là que nous pourrions prendre
à titre d'exemples, à travers tout le Québec.
C'est évident que c'est inacceptable, mais ce qui est aussi
inacceptable, c'est que cette situation soit provoquée par le manque de
responsabilité du gouvernement, qu'elle soit provoquée parce que
le gouvernement refuse depuis longtemps de mettre sur pied un mécanisme
valable.
M. le Président, je l'ai dit et je le répète, je
n'ai pas peur de mes opinions, le droit de grève dans les secteurs
public et parapublic, cela ne vaut rien. Cela a été une erreur
monumentale d'abord que de le donner et puis cela a été un
piège pour ceux qui l'ont reçu. Qu'est-ce que cela vaut, le droit
de grève?
Le droit de grève c'est un moyen de pression qui est donné
à des ouvriers, à des travailleurs, pour qu'ils puissent exercer
ces pressions quand ils ont le sentiment de ne pas avoir obtenu justice. Mais
dans les secteurs public et parapublic, ces pressions ne valent rien, parce
que, d'abord, cela dérange toujours la population, quel que soit le
secteur. Dès que cela dérange la population, le gouvernement
s'asseoit et attend que cela ait dérangé suffisamment la
population pour se faire endosser, et il arrive avec une loi matraque. Cela
donne quoi le droit de grève dans ces situations?
C'est un droit qui est un piège grand ouvert, que le gouvernement
tient toujours prêt et dont le gouvernement a le contrôle. Quand le
gouvernement décide que c'est assez, il referme le piège. C'est
le cas aujourd'hui. On referme le piège, M. le Président. Si le
gouvernement était réellement sincère, si le gouvernement
avait à coeur le bien-être de ses travailleurs et de sa
population, le gouvernement aurait dû mettre sur pied un mécanisme
différent susceptible de donner justice aux ouvriers et à la
population.
J'ai proposé, depuis longtemps, mais tout dernièrement je
suis revenu à la charge, en février dernier, que le gouvernement
et les syndicats prennent une entente pour former un tribunal spécial
composé de trois juges. Mais qu'on s'entende sur les juges, et qu'on
leur donne des pouvoirs exécutoires, qu'on leur remette ce dossier et
que, finalement, après décision, que ces décisions soient
respectées. D'ailleurs, M. le Président, les tribunaux sont la
plus grande forme de justice connue. Si on en trouve d'autres, je serai
prêt à regarder de ce côté, mais jusqu'à
aujourd'hui, les tribunaux ont été la plus grande forme de
justice connue.
Alors, si on ne s'entend pas, M. le Président, s'il y a conflit,
s'il y a divergence d'opinions et si l'on sait à l'avance que le droit
de grève ne vaut rien, si on sait à l'avance que les dés
sont pipés, pourquoi ne pas mettre sur pied ce système-là?
Bien sûr, c'était là un moyen d'urgence que je
suggérais, parce que, pour plus tard, je suggère que nous ayons
des tribunaux du travail spécialisés qui soient toujours
prêts et disponibles. Ils pourraient même aller jusqu'à
être disponibles pour le secteur privé où on pourrait
soumettre à l'arbitrage les cas litigieux. Mais dans le secteur public,
après un certain laps de temps, après un certain délai de
négociation, si on n'arrive pas à une entente, automatiquement,
cela devra être mis entre les mains d'un tribunal spécial.
Aujourd'hui, le gouvernement n'aurait pas besoin de nous proposer une
loi spéciale.
Il y aurait eu entente, parce que sachant n'oublions pas, M. le
Président, que la peur est le commencement de la sagesse que si
l'on ne s'entend pas, il y aura quelqu'un qui prendra une décision, on
négocierait probablement des deux côtés de la table, avec
beaucoup plus d'objectivité et nous éviterions que les conflits
pourrissent, tel que c'est le cas présentement.
Nous aurions eu probablement, après ce délai, une
négociation qui aurait débouché sur une entente. Le
problème serait réglé à la satisfaction et en
donnant justice, sinon, le tribunal aurait pris ses responsabilités.
Mais le tribunal aurait été juge et non pas partie en même
temps.
Aujourd'hui, c'est en quelque sorte un tribunal qui décide, M. le
Président, mais un tribunal qui est juge et qui est partie en même
temps, un tribunal qui est en même temps l'employeur et le juge de la
situation. Bien sûr, le premier ministre du Québec aura beau nous
dire qu'il n'a pas l'intention de confier à des tiers la
responsabilité des dépenses du budget gouvernemental qui provient
des taxes du public; bien sûr, on nous dira cela.
Mais, par contre, dans d'autres secteurs, on a confié aux
tribunaux le problème. Par exemple, le conflit entre le gouvernement du
Québec et les Inuit, les Indiens de la baie James, cela a
été confié aux tribunaux, je pense. Finalement, cela a
débouché sur une entente.
Il y a aussi que le gouvernement n'oublions pas que même si
le premier ministre dit qu'on joue avec environ 45% du budget du Québec
un tribunal, dans les circonstances, n'aurait pas joué avec 45%
du budget du Québec; c'est faux d'affirmer cela. Il aurait eu à
prendre des décisions qui auraient pu influencer le budget, variant
entre 0,5% et 1%, peut-être.
Mais si le gouvernement n'a pas risqué d'accepter de confier ce
dossier à un tribunal d'arbitrage, M. le Président, je
soupçonne sérieusement que c'est parce que le gouvernement
pensait que sa cause était mal préparée.
Je soupçonne sérieusement que c'est parce que le
gouvernement sentait qu'il aurait peut-être perdu sa cause. Si on avait
peur de perdre sa cause, M. le Président, c'est parce que la cause
gouvernementale constituait une injustice pour les travailleurs, et de
l'enseignement, et du secteur hospitalier, et du secteur des services
sociaux.
Bien sûr, on aura beau faire des annonces à la
télévision. On aura beau communiquer avec Pierre Tremblay et
compagnie, de lui donner les millions de dollars du gouvernement pour faire la
publicité, on aura beau préparer tout cela, avec une bonne mise
en scène, mais les Québécois sont assez intelligents pour
voir et lire entre les lignes.
Cette petite mise en scène que le ministre de la Fonction
publique a qualifiée de bien faite, cette petite mise en scène
nous a démontré jusqu'à quel point le gouvernement
n'était pas sûr de son affaire.
Quand on pense que dans le secteur hospitalier, après 18 ou 19
ans d'expérience, et de loyaux services, il y a encore des infirmiers
qui gagnent aux environs de $7000 par année, ce ne sont pas vos petites
annonces, préparées par la compagnie Pierre Tremblay, qui vont
m'impressionner. Vos petits jetons de casino!
Imaginez-vous donc que pour acheter du beurre, du pain, de la viande,
pour payer le logement, pour payer nos vêtements, pour faire vivre la
famille, la banque n'accepte pas cela. Non. Les jetons de casino du
gouvernement ne sont pas bons à la banque, ne sont pas bons à
l'épicerie, ne sont pas bons chez le tailleur. Ils ne sont pas bons non
plus chez le locateur. $7000 par année. On a vu aussi les nombreux
chiffres publiés par le gouvernement, les tableaux compliqués,
très compliqués où on voit encore, en 1976, que les
débutants dans le domaine de l'enseignement devront se contenter d'un
salaire qui ne dépasse guère le revenu de quelqu'un qui vit de
l'assurance-chômage.
M. Parent (Hull): II ne faut pas charrier!
M. Samson: Non. N'allons pas trop vite, M. le ministre de la
Fonction publique. Il y en a qui gagnent plus que cela. D'accord.
M. Parent (Hull): C'est le minimum.
Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît! Nous discutons maintenant du bill 23, la question de
grève et de lock-out. On peut peut-être discuter des
négociations en général, mais on n'a pas le droit, dans ce
débat, d'entrer dans les détails de la négociation.
J'espère que le député de Rouyn-Noranda suivra le
règlement.
M. Samson: M. le Président, je vous remercie de m'avoir
fait remarquer cela et je vous soumets bien respectueusement que je ne suis pas
entré dans les détails des négociations parce qu'il aurait
fallu que je donne les chiffres exacts.
Je me suis gardé de donner les chiffres exacts. J'ai fait des
comparaisons avec des chiffres qui sont généralement connus.
Mais, M. le Président, pour vous faire plaisir, je continuerai.
Je n'ai pas besoin de citer davantage de chiffres. Ce que j'avais à dire
a été compris, même par les députés
libéraux, même par ceux-là.
Mais je continue en vous disant que, si le gouvernement était
davantage à l'écoute de la population, il comprendrait que ce que
le peuple réclame, c'est un règlement. Le peuple n'a jamais
réclamé de décapiter personne. Le peuple n'a jamais
réclamé un règlement imposé de la façon
qu'on s'apprête à le faire. Le peuple réclame un
règlement. Le peuple réclame des services dans le domaine de
l'éducation, des services dans le domaine hospitalier, des services dans
le domaine des affaires sociales. On réclame des services, mais je
n'accepterai jamais que l'on dise à la population que seul le
gouvernement a pris ses responsabilités et que les travailleurs ont
abusé de leur situation. Ce n'est pas vrai.
Les travailleurs sont pris dans un étau, dans un étau qui
se resserre à tous les jours entre le gouvernement et la philosophie qui
règne dans les bureaux de centrales syndicales.
Je me reporte aux propos du jeune homme de Sept-lles qui m'a bien fait
comprendre cette situation. Le piège gouvernemental est aussi
présent de cette façon. L'étau se resserre sur le
travailleur. Qui est le perdant dans tout cela? Est-ce que le gouvernement
perdra quelque chose aujourd'hui? Non. La centrale syndicale ne perdra pas
grand-chose non plus, mais le travailleur perdra beaucoup.
Pour le travailleur, les jours de travail perdus ne se reprennent pas
et, quand on fait la grève longtemps, les semaines et les mois perdus ne
se reprennent pas. Le passé est le passé et il ne revient jamais.
N'oubliez pas cela.
Quand les travailleurs sont obligés d'avoir recours à des
méthodes qui sont peut-être dirigées, mais à des
méthodes qui font qu'ils doivent perdre des jours de travail, ces
travailleurs doivent s'endetter par la suite.
Ils doivent s'endetter et hypothéquer le bien-être de leur
famille pour des années et des années à venir. Qui est le
grand perdant dans toute cette
histoire de conflit dans le domaine de l'enseignement? Le professeur,
l'élève et les parents. Le gouvernement ne perd rien. Le syndicat
doit s'en sortir pas trop mal. C'est ce que je voudrais faire comprendre, M. le
Président.
Il est grand temps que le gouvernement écoute ce qui se dit. On
nous lance en pleine face des statistiques, des résultats de sondage et
on se base là-dessus pour dire comment le beau et grand Parti
libéral a la faveur publique. C'est drôle, dans le Soleil du 31
mars dernier, il ya un article qui dit qu'à la suite d'un sondage CROP
l'arbitrage aurait plutôt la faveur populaire. Tiens!
Pourquoi votre premier ministre n'a-t-il pas sorti ce sondage? Pourquoi
n'a-t-il pas brandi cela à l'Assemblée nationale comme il a
l'habitude de le faire? Pour quelles raisons ne s'est-il pas servi de ce
sondage?
On dit c'est par Claude Vaillancourt "la population du
Québec fait preuve d'un jugement sévère à l'endroit
du gouvernement et des méthodes utilisées par le front commun.
Elle favorise largement la nomination d'un arbitre". C'est un sondage CROP qui
dit cela. Puisque le gouvernement du Québec a l'habitude
d'écouter mieux le gouvernement fédéral et ce qui se passe
ailleurs, je vais lui servir un sondage Gallop, M. le Président., qui a
paru dans le Soleil du 20 novembre 1975.
Bien sûr, le ministre de la Fonction publique n'a pas eu le temps
de voir cela. Je comprends, il était pris à préparer ses
plans. Mais d'après le sondage Gallop, sept Canadiens sur dix se disent
pour l'arbitrage d'un an avant une grève. Cela a été fait
à travers le Canada.
Le premier ministre aurait peut-être dû se servir de cela
dans le cadre de ses discussions sur le fédéralisme rentable. Je
pense que cela aurait été valable qu'il nous brandisse cela en
pleine Chambre, comme il a fait l'autre jour, avec ses statistiques soi-disant
indiscutables. Comme il nous a brandi aussi les résultats de sondages
qui placent le Parti libéral. Nous allons vous déplacer, vous
allez voir, aux prochaines élections. Nous, nous allons vous
déplacer. La population du Québec va se rappeler de cela. Vous ne
lui passerez pas les mêmes Québec tout le temps.
En 1970, loi spéciale, en 1972, loi spéciale et on se fait
réélire, par la suite. Cela encourage le Parti libéral
parce que la population l'a réélu quand même. Mais
arrêtez un peu, les boys, ce n'est pas fini cette affaire. Vous lui en
avez passé une couple de fois, mais vous n'en passerez pas tout le
temps.
M. Bienvenue: Pourquoi la population a-t-elle réélu
le gouvernement?
M. Samson: Pourquoi la population vous a réélus?
Parce que votre système électoral fait que cela prend seulement
1/2% des votes pour faire un député libéral alors que cela
prend 5% des votes pour faire un député de l'Opposition. C'est
pour cela que vous avez été réélus.
M. le Président, tout le monde sait cela; 55% des votes et il en
est arrivé 102; avec seulement 45% des votes, dans l'Opposition, nous
sommes un petit groupe. Cela parce que votre système électoral,
celui que vous vous apprêtez à...
Le Président: La loi...
M. Samson: Oui, mais on m'a posé une question, je
réponds. Le règlement me permet de répondre à une
question que m'a posée l'honorable ministre de l'Education. Je lui
réponds en lui disant...
Le Président: Mais pas deux fois, une fois.
M. Samson: Je n'ai pas le droit de lui répondre deux fois,
M. le Président?
Le Vice-Président (M. Blank): Pas deux fois, une fois.
M. Samson: Ah!
Une Voix: La loi des faibles.
M. Samson: Je n'ai pas le droit de lui répondre deux fois,
M. le Président?
Le Vice-Président (M. Blank): Pas deux fois, une fois.
M. Samson: Voyez! Comment voulez-vous qu'on laisse parler le
peuple, on ne veut même pas me laisser parler.
M. Parent (Hull): ... vous n'étiez pas capable de vous
parler.
M. Samson: Ne vous en faites pas, quand ça va être
fini, votre affaire, vous autres, il ne vous en restera même pas assez
pour vous en parler.
Le Vice-Président (M. Blank): Le bill 23 , s'il vous
plaît, monsieur!
M. Samson: M. le Président, j'attends qu'ils se taisent,
vous m'avez donné la parole.
Le Vice-Président (M. Blank): Le bill 23.
M. Samson: Le ministre de la "Friction publique", M. le
Président...
M. Saint-Pierre: Elle est meilleure.
M. Samson: Le ministre de la "Friction publique" devrait savoir
que son action a été d'une provocation telle que les enseignants
ont dû sortir dans la rue pour manifester, et il est arrivé un
événement, que nous retrouvons dans le journal Le Devoir du 29
mars, dans le Soleil du 29 mars: parce qu'il y avait manifestation
d'étudiants à Montréal, on a appelé
l'anti-émeute. On a appelé l'anti-émeute, M. le
Président. Moi, je vous dis bien sincèrement que je n'accepte
pas, d'aucune es-
pèce de façon, que des ouvriers, des travailleurs, des
enseignants, quelle que soit leur classe dans la société, soient
matraqués dans la rue quand ils manifestent pour faire reconnaître
leurs droits.
Pour autant que je sache, nos lois permettent la manifestation. Ces gens
ont utilisé un droit prévu dans nos lois et on leur a
sauté dessus. On a demandé une enquête, on nous a dit: Oui,
on va faire enquête. Mais, comme d'habitude, on n'a pas encore eu de
réponse. On ne sait pas encore ce qui s'est passé. Si on nous
fait la preuve que ce n'est pas vrai, on dira: D'accord. Mais jusqu'à ce
qu'on nous ait fait cette preuve, il reste qu'il y a des choses qui ont
été publiées, c'est en suspens et on ne nous a pas
donné de réponse encore. M. le Président, je me rappelle
le samedi de la matraque à Québec et je vous assure que je n'aime
pas le matraquage par les policiers, qu'ils s'appellent de l'anti-émeute
ou autrement.
Mais ça ne veut pas dire, par exemple, que je suis prêt
à donner l'absolution à tout le monde, là, facilement,
à tous ceux qui sont impliqués. Je parle des dirigeants. Je ne
parle pas des travailleurs, parce que les travailleurs, vous les avez
charriés, mais des dirigeants. Il nous faut regarder les deux
côtés de la médaille. Mon père me disait qu'il y
avait toujours un troisième côté à la
médaille: un côté, l'autre côté et le tour. Il
faut regarder celui-là aussi. Et le tour de la médaille, M. le
Président, c'est qu'il paraît que, dans les questions des votes
secrets pour les acceptations des offres patronales, pour les acceptations ou
non de la grève générale... En tout cas, il y a des
enseignants qui m'ont appelé pour me dire d'en parler, il paraît
qu'on les a invités à se rendre voter en leur disant: Vous
viendrez voter et vous marquerez votre nom derrière le bulletin de
vote.
M. le Président, c'est un genre de vote secret qui... bah!
écoutez, je ne veux prêter de mauvaises intentions à
personne. C'est peut-être seulement parce qu'on aimait avoir l'autographe
du travailleur sur le bulletin de vote. Mais il reste qu'il y en a plusieurs
qui ne se présentent pas dans ce temps-là. Il y en a plusieurs
qui n'y vont pas. Ils comprennent entre les lignes ce que cela veut dire.
M. Saint-Pierre: Ce sont des cas d'exception, cela n'est pas
arrivé souvent.
M. Samson: Dans le Devoir du 25 mars, on fait
référence à une certaine dame Chouinard qui a
été tout simplement expulsée du syndicat parce qu'elle
n'était pas d'accord à 100% avec ce qui se faisait là.
Je pourrais lire tout cela, mais le titre, c'est: La démocratie
syndicale chez les enseignants. "Une enseignante de Saint-Marcel, dans le
comté de Montmagny-L'Islet, Mme Anne-Marie Chouinard, vient de se voir
exclure de son syndicat, ainsi que quelques autres enseignants, pour avoir
refusé de participer à des débrayages qu'elle jugeait
illégaux". Elle nous fait tenir le texte. On a tout cela. Ce n'est pas
mieux non plus.
M. Saint-Pierre: On fait cela chez les créditis-tes!
M. Samson: Pardon?
M. Saint-Pierre: Vous faites cela chez les cré-ditistes.
Vous les expulsez quand ils ne suivent pas les directives.
M. Samson: M. le Président, je m'excuse. Chez les
créditistes, nous n'avons jamais expulsé quelqu'un. Nous n'avons
jamais forcé quelqu'un à poser des gestes illégaux.
M. Saint-Pierre: C'est vrai.
M. Samson: Je voudrais que le ministre se le rappelle parce que
cela pourra revenir sur le tapis.
M. Saint-Pierre: Vous expulsez le chef!
M. Samson: Cela, ce n'était pas un geste illégal;
c'était un geste idéal!
Le ministre de la Fonction publique aime mieux celle-là que
l'autre, M. le Président! M. le Président, malgré tout
cela, il reste que les faits sont les faits. Ce qu'on est en train de faire
aujourd'hui, on devrait être gêné de le faire. En tout cas,
moi, je suis gêné et, de toute façon, je vais voter contre
ce projet de loi à 200% parce que je n'accepterai d'aucune façon
de me solidariser avec un geste comme celui-là.
M. le Président, regardez bien ce que cela peut amener comme
conséquences. Il faut penser à demain, il faut penser à
après-demain, il faut penser à l'année prochaine aussi.
Dans la Presse de jeudi 4 mars, un éditorial signé Vincent
Prince, dit: "Du côté de certains porte-parole du front commun du
secteur public, on commence à proclamer que les syndiqués, s'ils
se prononcent éventuellement en faveur d'une grève
générale, doivent comprendre qu'il faudra alors aller jusqu'au
bout, c'est-à-dire défier toute loi d'exception que le Parlement
pourrait voter pour y mettre fin. On prend garde aux termes qu'on emploie. On
n'invite pas directement à la sédition. Il n'en reste pas moins
que le langage est suggestif. On prépare astucieusement le terrain en
vue d'un affrontement frontal qui reste toujours possible. On laisse entendre,
bien sûr, qu'il appartiendra aux travailleurs de décider, mais on
laisse aussi entendre que les travailleurs auraient raison de défier le
Parlement s'ils se sentaient brimés par un acte de ce dernier."
M. le Président, cela me rend inquiet. Je me demande
jusqu'à quel point, aujourd'hui, par cette loi spéciale, le
gouvernement n'est pas en quelque sorte l'artisan d'un défi des lois
prochain. Vous savez, on dit souvent et je suis de ceux qui disent cela
aussi quand on n'aime pas une loi, on peut la combattre, on peut la
critiquer, mais on doit la respecter. On doit se plier aux lois. Je suis de
ceux qui pensent comme cela. Mais, si on pousse trop à bout ceux qui
sont concernés par cette loi, malgré
que j'imagine qu'ils pensent tous comme moi, peut-être que le
gouvernement pourra se frapper la poitrine en disant: Nous avons
provoqué cette situation.
Bien sûr, je ne la souhaite pas, au contraire. Je ne ferai pas,
non plus, appel aux sentiments pour tenter de soulever qui que ce soit. Je
trouve que la situation est trop grave.
Nous devons garder notre sang-froid. Mais nous devons aussi, M. le
Président, avant de poser le geste ultime, tenter de régler le
problème. J'avais déjà demandé, à une autre
occasion, quand nous étions à parler sur une loi spéciale
comme celle-là, et je n'ai pas honte de le dire, au premier ministre de
tenter un dernier effort pour arranger les choses avant d'adopter la loi. Je
l'avais fait pour tenter d'éviter la loi spéciale. Bien
sûr, on ne m'a pas écouté, on l'a adoptée.
Jusqu'à aujourd'hui, tout s'est déroulé normalement: les
ouvriers ont finalement rentré dans les cadres, ils ont suivi les lois,
ils ont observé ces lois mais, un bon jour, il y a une ligne qui va se
tracer. Quel est ce jour? Je ne le sais pas. J'espère que ce n'est pas
demain en tout cas. Mais il reste que j'ose demander, s'il y a encore quelqu'un
pour m'écouter, que nous ajournions, ce soir, avant d'adopter la loi et
qu'il y ait une dernière rencontre entre les représentants du
gouvernement et les représentants du syndicat concerné, pour
tenter de régler cela sans qu'on soit obligé de voter cette loi.
C'est cela que j'ose demander, M. le Président. Ce n'est pas un
délai de cinq jours, on l'a refusé tout à l'heure. Mais
j'ose demander cela. Il faudra de toute façon que quelqu'un aille se
coucher à l'heure raisonnable. On pourrait permettre à ceux qui
sont concernés de se rencontrer une dernière fois.
Devant cette loi qui est devant nous, tentons donc l'impossible pour en
arriver à un règlement négocié, à une
signature de conventtion. Je le demande et je m'adresse puis là
je voudrais bien être compris en ce moment au responsable
gouvernemental et au responsable syndical. Je m'adresse aux deux. Je le demande
au nom de la population qui est concernée dans cette affaire, au nom des
parents qui sont concernés, au nom des enfants qui sont
concernés, au nom des travailleurs qui sont surtout concernés. Je
demande un ultime effort pour régler cela avant la troisième
lecture. Si cela était réussi, je pense que tout le monde serait
un peu plus heureux demain matin, parce qu'au moins il n'y aurait pas eu un
règlement de bâton de baseball. Cela aurait été un
règlement acceptable et accepté par les parties. C'est ce que je
souhaite, que je suggère fortement aux deux parties
concernées.
Quant à moi, je voterai contre ce projet de loi en
deuxième lecture et j'espère que la troisième lecture ne
viendra pas, qu'il y aura un règlement avant.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. Léger: M. le Président, j'aimerais, au
départ, faire un bref cheminement des négociations qui ont
duré plus d'une année, c'est-à-dire depuis mars 1975.
M. le Président, en mars 1975, il y a eu cinq rencontres,
conformément à la loi 95, sur les sujets à négocier
provincialement et localement. Le 23 juin 1975, la partie syndicale
dépose l'essentiel de ses revendications à l'exception des
demandes salariales. Le 29 août 1975, la partie patronale, six mois
après, dépose ses offres sur les prérogatives syndicales,
sur le régime syndical, le perfectionnement, les griefs et l'arbitrage.
Le 10 septembre, c'est le dépôt par la partie syndicale des
clauses complémentaires.
Le 18 septembre, dépôt par la partie syndicale des sujets
concernant l'assurance, la classification, les garderies, etc. Le 29 septembre,
M. le Président, le front commun et le dépôt des demandes
syndicales concernant la politique salariale. Le 7 octobre 1975, rencontre
annulée par la partie patronale. Le 8 octobre, dépôt par la
partie syndicale d'un texte consolidé pour le projet complet. Le front
commun; le ministre accepte la table syndicale, centrale. Le 14 octobre 1975,
rencontre annulée par la partie patronale. Le 15 octobre 1975, rencontre
encore annulée par la partie patronale.
Enfin, M. le Président, le 7 novembre 1975, près de 10
mois après, la partie patronale dépose ses offres sur les
salaires, la tâche et la sécurité d'emploi. Le 18 et le 20
novembre 1975, discussion sur la sécurité d'emploi. Le 25
novembre 1975, discussion sur la tâche. Le 28 novembre, rencontre
annulée par la partie syndicale. Les 2 et 3 décembre, rencontre
annulée par la partie patronale. Le 7 janvier 1976, retour en classe
sans problèmes après les vacances d'hiver. Durant la semaine, une
seule rencontre. Le 21 janvier 1976, ultimatum de 48 heures du ministre de la
Fonction publique. Le 2 février 1976, le premier ministre entend adopter
la ligne dure.
M. Parent (Hull): M. le Président...
Le Président suppléant (M. Picard): Un instant,
s'il vous plaît!
M. Parent (Hull): ... je pense que le président de cette
Chambre a déjà énoncé sur quoi devait porter le
débat de deuxième lecture.
M. Burns: S'il vous plaît!
M. Parent (Hull): Sur la valeur intrinsèque du projet de
loi qui est déposé, à savoir ce qui est contenu dans le
projet de loi. C'est la suspension du droit de grève, les commissaires
aux différends.
M. Burns: Arrêtez de faire des farces, mon Dieu, Seigneur!
Arrêtez de niaiser! Vous niaisez depuis des mois.
M. Parent (Hull): Actuellement, on est après faire
l'élaboration..
Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre, s'il
vous plaît!
L'honorable député de Lafontaine.
M. Burns: M. le Président, il ne sait même pas ce
que c'est un discours de deuxième lecture, lui.
M. Bédard (Chicoutimi): II ne sait même pas ce que
c'est une négociation.
M. Léger: M. le Président, avant d'arriver à
la loi aujourd'hui, je pense qu'il est de l'intérêt public de
connaître ce qui s'est passé au niveau du cheminement des
négociations, qui prouvera le malfondé de la loi qui est
présentée aujourd'hui.
J'étais rendu au 2 février 1976, où le premier
ministre affirme et c'est le titre- qu'il entend adopter la ligne
dure. Le 6 février 1976, le ministre de la Fonction publique refuse la
présence des parents à la table et déplore l'escalade des
deux côtés, tandis que la CEQ accepte la présence des
parents. Le 7 février, la Fédération des commissions
scolaires du Québec blâme le ministre de la Fonction publique.
Parce qu'il savait que je m'en venais vers cela, il ne voulait pas que j'en
parle.
M. Parent (Hull): Cela me dérange nullement.
M. Léger: La Fédération des commissions
scolaires du Québec affirme que le ministre de la Fonction publique, son
partenaire, fait mal son travail et qu'il bloque le dépôt d'offres
complètes et améliorées. Le 11 février 1976, la
Fédération des commissions scolaires demande un médiateur
et impute le retard des négociations à la mésentente avec
le ministère de l'Education. Le 17 février 1976, l'Association
des principaux d'école anglo-catholiques qualifie d'immorale l'attitude
du gouvernement. Le 20 février 1976, le ministre de l'Education
réclame l'arrêt de la guérilla et le Québec
précise ses offres sur les tâches et la sécurité. Le
23 février 1976, la Fédération des commissions scolaires
du Québec s'allie aux enseignants pour demander qu'on nomme un
médiateur. Le 25 février, le ministre de la Fonction publique
refuse de nommer un médiateur. Le 26 février, Québec offre
de 2% à 4% de plus. Le 28 février, le comité provisoire du
Conseil supérieur de l'éducation propose l'arbitrage. Le 1er mars
1976, la Fédération des commissions scolaires du Québec
réitère sa demande d'un médiateur. Le 8 mars 1976, la
Fédération des associations de parents des CEGEP demande la
médiation. Le 18 mars, le vote syndical rejette les offres à 76%.
Le 25 mars, le ministre de la Fonction publique annonce un "blitz".
Le 26 mars, le comité de parents demande la médiation. Le
2 avril, le ministre de la Fonction publique admet qu'il est blâmable
pour le retard des négociations et la CEQ présente une
contre-proposition sur la sécurité d'emploi qui est
refusée par le gouvernement. Le 4 avril 1976, le premier ministre menace
de durcir sa position; il préparait sa loi d'aujourd'hui. Le 6 avril, la
CEQ fait un pas important sur la tâche en diminuant sa demande de maximum
d'élèves par classe, et arrive le fameux 7 avril 1976.
M. le Président, le projet de loi no 23 qui arrive aujourd'hui,
après un an de dédale de pagaille, de dispute, est
présenté devant l'Assemblée nationale et a pour objet
déclaré de maintenir j'espère que c'est cela que le
ministre de la Fonction publique a compris dans la loi et non pas ce qu'il a
dit tantôt; l'objectif de la loi j'espère que c'est cela
les services d'enseignement dans les écoles du Québec pour une
période de 80 jours en interdisant la grève, le lock-out et le
ralentissement de travail.
En un mot, ce projet de loi reflète l'intention du gouvernement
de ramener la paix sociale au Québec, après avoir
créé le désordre et la pagaille dans le milieu de
l'éducation, et désire protéger l'année scolaire de
beaucoup d'enfants au Québec, qui est en danger par le refus du
gouvernement de négocier régulièrement et
honnêtement depuis un an.
M. le Président, le projet de loi a comme objectif et comme
principe de maintenir les services dans les écoles et de sauver
l'année scolaire. On présente un moyen, et le moyen c'est
d'interdire le lock-out, la grève et le ralentissement de travail pour
une période de 80 jours dans le secteur des collèges
d'enseignement général et professionnel. Le principe, M. le
Président, n'est pas d'interdire le lock-out, c'est de ramener et de
maintenir les services dans les écoles et de sauver l'année
scolaire. Le moyen c'est d'interdire le lock-out, la grève et le
ralentissement de travail. J'espère, M. le Président, qu'on se
comprend bien là-dessus.
Mais le moyen qui est mis de l'avant pour atteindre les objectifs de
maintenir les services dans les écoles est un mauvais moyen, parce que
le vrai et le seul moyen qui puisse réellement ramener la paix sociale
dans les écoles, y maintenir les services et sauver l'année
scolaire, le seul et unique moyen, qui a été refusé par le
gouvernement, c'est la médiation. Dans le projet de loi, le moyen qu'on
présente est la nomination de trois commissaires qui, par des moyens
coercitifs, vont essayer de trouver une sorte de vue d'ensemble de la situation
des négociations, mais par des moyens coercitifs, tandis que le vrai
moyen aurait été la nomination d'un médiateur qui aurait
permis d'atteindre les mêmes objectifs que cette loi nous présente
aujourd'hui, mais en prenant des moyens volontaires. Je suis convaincu, parce
que c'est la CEQ et des partenaires du gouvernement qui sont la
Fédération des commissions scolaires, les comités de
parents, les commissions scolaires, le Conseil supérieur de
l'éducation qui ont demandé un médiateur, je suis
assuré, dis-je, que les membres partenaires, autant du côté
syndical que patronal, auraient accepté volontairement, avec la
nomination d'un médiateur, de retourner au travail, de maintenir les
services dans les écoles et de sauver l'année scolaire.
Il est évident que cet objectif de paix sociale est louable.
Cependant, je considère que le gou-
vernement n'emploie absolument pas les bons moyens pour parvenir
à cet objectif. Au contraire, la suspension des moyens de pression
accessibles aux enseignants, assortie de la nomination de commissaires
enquêteurs aux différends scolaires qui existent actuellement
produira tout bonnement l'effet contraire: une tension accrue dans les
écoles, une tension que les élèves devront supporter et un
éloignement encore plus grand entre les parties qui négociaient
je dis bien qui négociaient, parce qu'on ne négocie pas
actuellement causé par la contrainte énorme que devront
subir les enseignants de se sentir une fois de plus frustrés de leur
pouvoir de négociation et dans la nature même intrinsèque
de leurs revendications par une autre loi, parmi toutes les autres qu'ils ont
eu à subir depuis plus de dix ans.
M. le Président, les lois matraques sont les fins des
négociations. La médiation est une étape,une
étape qu'on n'a pas encore franchie. Sous prétexte de montrer ses
muscles, le gouvernement a préféré directement aller
à la dernière étape qui est l'étape finale, une loi
matraque, qu'on utilise uniquement quand toutes les étapes ont
été franchies et quand les moyens normaux de la
négociation permise dans le milieu syndical et dans le milieu du travail
ont été utilisées. A ce moment-là, on peut dire: II
n'y a rien à faire, on peut prendre un moyen comme une loi matraque,
mais on n'est même pas rendu là. Même si on n'est pas pour
le principe d'une loi matraque, on n'est même pas rendu là, on est
encore rendu à l'étape possible de créer un certain espoir
de négociation entre les parties. Un médiateur aurait permis
cela.
C'est la raison pour laquelle je veux énoncer les raisons qui
permettraient à ce projet de loi d'atteindre les objectifs qu'on fixe au
départ, c'est-à-dire maintenir les services dans les
écoles et sauver l'année scolaire. C'est par un
médiateur.
D'ailleurs, le milieu de l'éducation, les parents, les
enseignants, la Fédération des commissions scolaires, ont
demandé, tour à tour, la nomination d'un médiateur. Cette
mesure serait donc la seule susceptible de garantir une paix sociale
immédiate puisque son application est demandée par tous les
intervenants dans le présent conflit, sauf le gouvernement.
Ainsi, les classes pourraient reprendre et les élèves, qui
sont les premières victimes de la lenteur des négociations,
pourraient terminer leur année scolaire avant qu'il ne soit trop
tard.
Il faut vraiment que le gouvernement ait acquis la certitude que la
revendication des enseignants est juste dans la ligne de toutes les
études commandées par le gouvernement lui-même,
c'est-à-dire, le groupe CETES, le groupe CETEC, le groupe COMMEL, le
groupe POLY, pour que le gouvernement ait à ce point peur qu'un
médiateur pour employer les mots du ministre de la Fonction
publique ne dirige le gouvernement dans une voie où il ne
désire pas aller.
M. le Président, cette mesure, dans toute sa simplicité,
est profondément juste et ressentie comme telle par la population, en
plus d'être facile d'accès. La nomination d'un médiateur
s'impose de façon si évidente comme la seule solution
équitable pour toutes les parties participant aux négociations et
la seule façon d'assurer la paix dans les écoles que toutes les
instances du milieu de l'éducation, qu'elles soient partenaires ou
adversaires du gouvernement dans les négociations, ou même simples
observateurs attentifs, comme les parents, ont publiquement demandé la
nomination d'un tel médiateur.
Faut-il citer la CEQ elle-même, qui va être la victime du
projet de loi qui nous est présenté, la Fédération
des commissions scolaires catholiques du Québec, la
Fédération des associations de parents de CEGEP et de la
Fédération des comités de parents de l'île de
Montréal pour s'en convaincre?
Faut-il citer les propos du Conseil supérieur de
l'éducation qui favorise cette mesure? Le Conseil supérieur de
l'éducation disait justement, et je cite: "Le conseil supérieur
recommande, si nécessaire, le recours, à très court terme,
à une forme appropriée de médiation ou de
conciliation".
On ne peut pas dire que le Conseil supérieur de
l'éducation est partie intéressée aux négociations,
mais il est partie intéressée aux résultats, par exemple.
La médiation paraît, au conseil, un moyen privilégié
pour accélérer les pourparlers et conduire à des ententes
négociées et agréées par les parties.
Dans le secteur de l'éducation, il faut cesser d'aller de crises
majeures en crises majeures et de lois spéciales en décrets
gouvernementaux. La médiation pourra permettre de restituer le
débat dans son véritable contexte de relations de travail, tout
en tenant compte des spécificités propres au secteur de
l'éducation.
Il y a même lieu d'accélérer le processus de
négociation durant la période des Fêtes, disait-il à
ce moment-là, afin d'éviter le recours à des moyens
extrêmes tels que la grève et le lock-out, quand ils seront permis
par le Code du travail pour faire échec au calendrier fatal.
Il faut insister pour que les négociations débloquent
immédiatement et se poursuivent même durant la période des
Fêtes. M. le Président, c'était le Conseil supérieur
de l'éducation. Non seulement la loi qui nous est
présentée est contraire à l'intérêt public,
mais est aussi contraire aux intentions de la population.
Il y a eu un sondage dont parlait brièvement le
député de Rouyn-Noranda tantôt, un sondage CROP, qui disait
que certes le public serait d'accord sur une loi spéciale, mais deux
nuances majeures s'imposent. Les voici: D'abord, une telle mesure serait
appuyée en cas de grève générale. Je ne pense pas
que nous ayons une grève générale actuellement. C'est la
première condition pour que, selon le sondage CROP, la population soit
d'accord sur une loi spéciale.
La population aurait accepté, peut-être, une loi
spéciale comme celle présentée seulement si, par hasard,
il y avait eu une grève générale. Ce n'est pas le cas.
Deuxième nuance, on ignore quelle faveur au-
rait une telle loi au cas de journées d'étude
spora-diques. Ensuite, même en cas de grève
générale, la majorité est à peine favorable
à la mesure d'exception. Alors, même s'il y avait une grève
générale, ce qui n'est pas le cas, seulement 49% des citoyens,
selon le sondage, auraient été en faveur d'une loi
spéciale alors qu'une partie importante de l'opinion publique,
c'est-à-dire 43% des citoyens, même s'il y avait eu une
grève générale, étaient contre une loi
spéciale.
Je pense que le gouvernement devrait tenir compte de ce sondage CROP. A
peine 49% étaient d'accord sur une loi spéciale, et 43%,
même avec une grève générale, n'étaient pas
d'accord sur une loi comme celle qu'on nous présente aujourd'hui.
Troisièmement, la faveur exceptionnelle qui est accordée
à la nomination d'un arbitre; c'est ce que je propose aujourd'hui comme
façon de remplacer le projet de loi actuel pour atteindre les objectifs
de ce projet de loi.
Eh bien! même si 74% de la population désirent un arbitre
ou un médiateur pour régler le conflit, le gouvernement nous
arrive avec une loi spéciale pour enlever la possibilité d'un
médiateur.
Même à l'intérieur du front commun, 77% des gens
acceptaient un médiateur. Est-ce qu'on va me dire, ce soir, que le
gouvernement présente un projet de loi qui correspond aux voeux de la
majorité des Québécois? Je dis non et le gouvernement aura
à s'en repentir si cette loi est adoptée telle que
présentée actuellement.
Il est absolument impensable qu'on crée un système pour
montrer ses muscles alors que la majorité des citoyens du Québec
est contre un tel projet, de même que ceux qui ont vécu pendant
six ans avec un décret et à qui on a imposé un
système d'enseignement qui n'avait pas été
négocié et une méthode de travail qui n'avait pas
été négociée. On leur impose une troisième
fois un système et des conditions de travail qui ne seront pas
négociés.
Je dis qu'accepter la nomination d'un médiateur plutôt que
trois conseillers, avec des méthodes coercitives, comme dans la loi 23
serait peut-être le seul moyen pour les députés
libéraux de discréditer les informations voulant que ces derniers
aient poussé le gouvernement à étirer les
négociations le plus longtemps possible, non pas pour améliorer
la qualité de l'enseignement, mais dans le but avoué de casser le
syndicat.
Et il est très grave que cette loi ait exactement l'objectif
qu'elle atteint, c'est-à-dire de vouloir casser le syndicat.
Avec une politique d'affrontement continuel du syndicalisme au
Québec, le gouvernement est en train de diviser la société
en deux groupes qui ne peuvent plus se regarder avec confiance. C'est contraire
à un gouvernement réellement social-démocrate.
Au lieu de s'affronter, des gens qui naturellement devraient être
des partenaires du gouvernement, c'est-à-dire les syndicats, les
patrons, les coopératives, le capital, ils devraient être
ensemble, avec le gouvernement, se concerter sur une politique à long
terme de développement économique où on donnerait aux
syndicats les mêmes objectifs que doit avoir le Conseil du patronat et
ensemble, au lieu de s'affronter, on essaierait de trouver des solutions de
bonne entente avec des objectifs communs. Au contraire, on ne cherche, depuis
le début, qu'à discréditer le syndicalisme, qu'à
susciter un affrontement avec le syndicat et montrer aux citoyens, en essayant
de les leur prouver, tous les mauvais côtés du syndicalisme.
Comment voulez-vous que les travailleurs puissent se faire
défendre quand l'arme principale de la défense des travailleurs
et des syndicalistes est bafouée par le gouvernement qui devrait
plutôt penser que le syndicalisme est une solution pourvu qu'il soit
considéré à sa juste place dans la société?
Or, ce n'est pas ce que fait le gouvernement actuel.
M. le Président, la médiation est la seule solution pour
régler le problème actuel dans le domaine des
négociations. Il y a d'autres raisons, M. le Président. La
population, qui assume le coût financier du résultat des
négociations, a droit à une information complète et
objective. Ce droit avait été indiqué très
clairement au ministre de l'Education par le Conseil supérieur de
l'éducation dans ses avis du 12 décembre 1974 et décembre
1975. Le conseil avait clairement énoncé le principe qu'il ne
fallait pas attendre le moment d'un affrontement total pour fournir au public
l'information pertinente sur les négociations, car il devient alors
difficile pour les citoyens de percevoir les véritables enjeux qui
touchent souvent à la fois les domaines professionnel,
économique, politique et éducatif.
Il est aussi difficile de juger objectivement la situation, vu qu'ils
sont inquiets et tendus eux-mêmes. C'est exactement ce qui s'est produit.
Les parties en présence ont commencé de s'échanger
publiquement des tonnes de statistiques souvent basées sur des
critères bien particuliers selon le point de vue que l'on veut prouver.
La population est prise entre deux feux et se retrouve complètement
perdue devant toute cette publicité subjective. Le médiateur, de
par sa fonction même, serait obligé de colliger toutes ces
données contradictoires et, la tête froide, il pourrait faire ce
que la population ne peut pas faire, actuellement, c'est-à-dire
départager le vrai du faux et établir enfin des bases de
comparaison valables pour que le jugement populaire sur la valeur des principes
en jeu puisse avoir lieu.
M. le Président, le Conseil supérieur de
l'éducation parlait ainsi au ministre de l'Education du droit du public
à une information complète et objective: a)le conseil incite les
parties patronale et syndicale à éclairer pleinement la
population sur leurs positions respectives; b) invite les media d'information
à assurer à la population une information complète et
objective. Il ne faut pas attendre le moment d'un affrontement total pour
fournir au public cette information.
Il devient alors difficile pour les citoyens de
percevoir les véritables enjeux qui touchent souvent, à la
fois, les domaines que je mentionnais tantôt: professionnel,
éducatif, économique et autres.
Le conseil considère que, dans la situation présente, les
représentants des parties syndicale et patronale ont la
responsabilité sociale d'éclairer la population sur leurs
positions et de présenter clairement les vrais enjeux du débat et
non d'étroites considérations partisanes et idéologiques.
Il serait regrettable que les parties plongent la population dans un
état de confusion et d'insécurité en forçant son
adhésion par la démagogie et l'utilisation de divers moyens de
pression.
En informant bien le public, les média forcent, en quelque sorte,
les parties syndicale et patronale à reconsidérer, au besoin,
leurs positions, à les rendre plus acceptables et à s'engager
vraiment dans la voie des négociations plutôt que dans celle des
affrontements. Les présentes recommandations ne visent pas à
régler tous les problèmes relatifs à la question fort
complexe des négociations collectives, mais permettraient
peut-être de faire avancer le débat.
M. le Président, le gouvernement dépose aujourd'hui une
loi dans laquelle le retour au travail est obligatoire. Les négociations
se poursuivront pendant 80 jours avec l'entrée au dossier d'un
commissaire spécial et si les parties ne viennent pas à
s'entendre. Le résultat visé par cette loi est atteint beaucoup
plus efficacement par la nomination d'un médiateur, à un
coût social beaucoup moindre.
M. Charron: M. le Président, je m'excuse auprès de
mon collègue, mais j'invoque le règlement. Je suis
étonné qu'une loi qui doit être adoptée d'urgence
à cause de la situation ne réussisse pas à attirer plus de
députés libéraux à l'Assemblée. Nous n'avons
pas quorum.
M. Mailloux: Prenez votre pourcentage. M. Saint-Pierre:
C'est 33%.
M. Charron: Alors, fournissez 33% de votre gang et ce sera
déjà pas mal.
M. Mailloux: Vous l'avez fait exprès pour sortir,
d'ailleurs.
Le Président suppléant (M. Picard): Qu'on appelle
les députés!
A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de
Lafontaine.
M. Léger: M. le Président, j'étais en train
de dire que la nomination d'un médiateur est d'un coût beaucoup
moins élevé au point de vue social que ce que va coûter
justement la nomination des commissaires dans la loi. Je fais
référence à un article du Devoir, où le directeur
du Devoir parle justement de la différence dans le coût social
entre la nomination d'un médiateur comparativement à une loi
spéciale. "Las des perturbations catas- trophiques qui frappent sans
merci les institutions hospitalières et de larges secteurs du monde de
l'enseignement, si le gouvernement s'apprêtait, depuis quelques jours,
à déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi
décrétant la cessation de toute forme de débrayage et
ordonnant la poursuite des négociations jusqu'à la fin de juin
prochain, le résultat visé par une telle loi serait atteint
beaucoup plus efficacement et à un coût social beaucoup moins
élevé si le gouvernement acceptait, au contraire, l'intervention
d'un tiers dans les négociations. Une loi spéciale...
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je m'excuse
juste une seconde.
M. Léger: ... venant à ce stade-ci serait...
M. Bellemare (Rosemont): C'est une directive que je vous demande,
M. le Président. Je voudrais simplement dire au député de
Lafontaine que le chef de l'Opposition et le député de Chicoutimi
sont en train de manger en arrière.
Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre, s'il
vous plaît!
Le député de Lafontaine.
M. Léger: Cela me surprend que le député de
Rosemont ait laissé quelque chose à manger aux autres!
M. Bellemare (Rosemont): Oui, oui, oui, heureusement que ce n'est
pas toi que je mange.
M. Léger: M. le Président, quand j'ai
été interrompu illégalement comme vous l'avez
remarqué, ce n'était pas une question de règlement
j'étais en train de lire un passage de l'éditorialiste du journal
Le Devoir, qui expliquait les conséquences et les coûts sociaux
que la nomination d'un médiateur apporterait et qui seraient beaucoup
moindres que les coûts sociaux que nous apporte la loi actuelle. Je
continue à citer le directeur du Devoir: "Une loi spéciale venant
à ce stade-ci serait perçue avec raison comme un changement
arbitraire et unilatéral apporté aux règles du jeu en
plein coeur des négociations. Elle risquerait de donner lieu à
des perturbations accrues et, par voie de conséquence, à des
mesures de répression supérieures en nombre et en gravité
à tout ce que le Québec a pu connaître jusqu'à
maintenant. "Il faudrait au moins attendre, si on doit en venir là, que
les négociations aient suivi leur cours normal jusqu'à la fin,
c'est-à-dire grève comprise.
L'intervention du législateur, à l'exemple de ce qui s'est
produit par le passé, surviendrait alors comme un ultime recours. On
pourrait la déplorer mais on serait mal fondé d'en nier la
nécessité une fois qu'auraient littéralement
été épuisés tous les autres moyens."
M. le Président, nous n'avons pas, comme je le disais au
début, utilisé tous les moyens. Le projet de loi qui nous est
présenté est la fin, le moyen
ultime de ramener au travail les travailleurs de l'éducation,
alors qu'un médiateur est une étape qui n'a pas été
franchie, étape qui amènerait des coûts sociaux beaucoup
moindres puisque tous les partenaires qui vont être soumis au projet de
loi qui nous est présenté étaient d'accord
là-dessus. Il y a donc une différence marquée entre les
trois commissaires présentés par le projet de loi actuel et des
moyens coercitifs et un médiateur accepté par tous les
partenaires de l'éducation, qui permettrait de ramener au travail d'une
façon volontaire tous les partenaires de l'éducation.
M. le Président, pour les raisons déjà
énoncées, le retour au travail se ferait également par la
nomination d'un médiateur mais de façon volontaire et non
coercitive, comme c'est le cas en vertu du projet de loi qui nous est
présenté.
Deuxièmement, la médiation s'inscrit naturellement dans le
processus des négociations en droit du travail. Elle n'est pas une fin
en soi mais une simple étape qui mérite d'être
exploitée avant d'en arriver à une mesure plus draconienne comme
celle de la loi spéciale qu'on nous présente aujourd'hui, qui
n'est, dans le fond, qu'un constat d'échec plutôt qu'une relance
des négociations.
D'ailleurs, on peut se demander de quel ordre seront les
négociations à venir pendant ces 80 jours si le gouvernement
commence par forcer le retour au travail de façon unilatérale. Au
stade actuel, M. le Président, les deux parties auraient
intérêt à se séparer par un tiers qui pourrait
ramener le climat, qui deviendrait malsain à la longue. Le
médiateur pourrait relancer la négociation, ramener les gens
partenaires de l'éducation dans une certaine entente. Ne faut-il pas
appuyer l'idée de créer une entente dans le milieu de
l'éducation plutôt que de ramener à des éloignements
et à des contraintes et de l'antagonisme?
Troisièmement, M. le Président, à ce stade-ci des
négociations, les parties ont besoin beaucoup plus de l'intervention
d'un tiers, qui est objectif, qui les forcera à prendre du recul,
plutôt qu'une négociation encore plus intense.
Dans le projet de loi actuel, on confie aux commissaires les fonctions
d'enquêter sur les questions qui opposent les parties aux
négociations dans le secteur de l'éducation, d'entendre les
parties et d'examiner les dernières offres et demandes de chacune
d'elles, ainsi que l'impact éventuel au point de vue du coût de
celles-ci. Le mandat de ces commissaires est, à mon avis, loin
d'être clair en ce qui concerne les observations qui pourront être
contenues dans le rapport, qu'ils seront tenus de remettre aux parties dans les
60 jours de leur nomination. Ils procèdent également dans une
tout autre philosophie que celle qui est inhérente à la notion
d'un médiateur.
Un médiateur, M. le Président, après avoir entendu
les parties, émet des observations qui sont susceptibles de rapprocher
les parties et de relancer sous un jour meilleur des négociations qui
achoppaient. J'ai bien peur qu'avec le projet de loi actuel et avec certains
des articles, tout ce qui va se produire, c'est que le rapport des commissaires
aux différends scolaires ne fera que constater l'écart entre les
positions des parties sans indiquer la solution au conflit. Un tel rapport ne
ferait que constater ce que nous savons tous déjà. En ce sens, je
pense qu'il est incroyable que le gouvernement pense améliorer la
situation qui prévaut actuellement avec la nomination de ce genre de
commissaires.
Un deuxième point, M. le Président, m'apparaît
également inacceptable dans ce projet de loi. C'est le fait que, dans un
de ses articles, les commissaires aux différends scolaires soient
nommés selon la seule discrétion du gouvernement.
Cet article démontre vraiment le genre de philosophie de
relations de travail qui guident celui-ci, dans la présentation de son
projet.
A mon avis, M. le Président, il est impensable que les
enseignants ainsi que les partenaires gouvernementaux aux négociations
n'aient pas leur mot à dire sur qui sera nommé commissaire. Si
les enseignants ont confiance en ceux qui entreprendront l'enquête, il se
peut que, malgré toutes les autres contraintes
générées par le projet de loi, celle-ci porte quelques
fruits. Si les commissaires sont imposés aux enseignants et c'est
ce que, je pense, le gouvernement a en tête ceux-ci se buteront
à un mur en partant et aucune crédibilité ne pourra
être véritablement accordée à leur rapport.
Un troisième point. La période de 80 jours prévue
dans le projet de loi, pendant laquelle les enseignants ne peuvent faire la
grève ni diminuer leur rendement, est beaucoup trop longue. Elle nous
mène à la mi-juin, date où les classes seront
terminées. L'imposition d'un délai aussi long équivaut
à enlever complètement le droit de grève aux enseignants,
puisqu'une fois l'année scolaire terminée ceux-ci perdent tout
pouvoir de négociation auprès des commissions scolaires et du
gouvernement. Autrement dit, on voulait casser le syndicat. On ne voulait pas
régler le problème de l'éducation, on ne voulait pas
régler la qualité de l'enseignement dans le milieu scolaire, on
voulait simplement casser le syndicat. L'imposition d'un délai aussi
long par le biais de ces articles va à rencontre des principes
sous-jacents au Code du travail. Et ce n'est qu'une façon
déguisée de faire indirectement ce que le gouvernement n'oserait
pas faire de face.
Je pense qu'un gouvernement qui place les enseignants dans un tel
état d'infériorité règle peut-être à
court terme ses problèmes de négociation en obligeant les
enseignants à négocier selon ses termes. Il en crée
cependant un beaucoup plus grave pour les années à venir au point
de vue de la qualité de l'enseignement prodigué au Québec,
soit un climat de travail pourri dans les écoles.
M. le Président, si le gouvernement voulait casser le syndicat,
il aura réussi à casser, non pas le syndicat comme tel, mais la
possibilité de régler réellement, pour une fois, depuis le
bill 25, le domaine de l'éducation, régler la situation. Il avait
l'occasion de le faire. Les enseignants, depuis la révolution
tranquille, avaient été très heureux de
croire qu'on leur donnait un certain espoir. On avait, dans cette
réforme en cascade du système scolaire largement inspirée
du rapport Parent, permis d'espérer qu'on réglerait le
problème de la qualité de l'enseignement. Les enseignants ont
applaudi à la grande charte de l'éducation et ils ont applaudi
à la création du ministère de l'Education. Ils ont
applaudi un jour à la démocratisation, à
l'égalité des chances pour tous. Ils ont applaudi à
l'Opération 55. Ils ont applaudi, dans le temps, à la
polyvalente, à l'école coopérative et ils ont applaudi au
progrès continu qu'on leur promettait, au perfectionnement des
maîtres. Bref, on les a embarqués. Ils se retrouvent aujourd'hui
dans un nouveau système scolaire plus déprimant et plus
répressif que le précédent. Ils sont
désabusés face aux terribles exigences de leur métier, en
plus d'enseigner à une génération perdue.
Permettez-moi de vous dire que le gouvernement, par son comportement
irresponsable à l'endroit des enseignants, est en train de
décourager les jeunes à adhérer à cette profession
pourtant emballante. On a nettement l'impression que le gouvernement veut la
rendre moins attrayante, afin de chasser les éléments les plus
compromettants pour l'ordre établi et le système capitaliste.
Ainsi la domestication sera plus facile pour les générations
à venir, parce qu'ils seront plus bêtes. C'est cela de la
récupération et c'est de la même façon que l'on
prépare des nonos dans toutes les matières, surtout en histoire,
des nonos qui ne savent même pas qui est Louis XIV ou Talon, des nonos
qui n'ont aucune espèce d'idée sur ce qui s'est
déroulé en 1837 à Saint-Denis ou à
Saint-Eustache.
Des nonos qui ne savent plus que c'est d'ici, à Sorel, qu'est
partie l'armée de Colborne le 22 novembre 1837 pour aller incendier plus
d'un village, M. le Président. Avec le système d'enseignement
qu'on refuse de corriger en désabusant les enseignants, en les obligeant
à retourner au travail, en leur donnant des méthodes de travail
non négociées, on est en train de régler cela.
M. le Président, le gouvernement devrait être conscient que
les éducateurs doivent également travailler sur notre plus
importante richesse naturelle au Québec, c'est-à-dire nos
enfants, nos adolescents québécois. Eux, au moins,
n'appartiennent pas aux Américains, M. le Président.
Je pense qu'il faut redonner le pouvoir réel aux
véritables artisans de l'éducation, c'est-à-dire les
enseignants, les parents et les étudiants. Les progressistes vont-ils
réussir? Les artisans de la base vont-ils réussir dans le
système qu'on leur prépare avec des lois matraques comme
celle-là? Quand on sait que les hauts fonctionnaires ne pensent qu'en
termes de ratio, qu'en signe de piastre, qu'en enveloppe budgétaire;
quand on sait qu'en fin de compte ils calculent mal, que la preuve est faite
qu'ils ne savent pas où placer les priorités, j'espère que
les parents à qui on fait croire qu'ils ont un mot à dire dans
l'éducation diront, dans les prochaines semaines et les prochains mois,
quelle école ils veulent pour leurs enfants. Je suis certain qu'ils ne
veulent pas que leurs enfants soient les nonos du système. Je pense
qu'on ne le veut pas, et le système actuel est en train d'enterrer
vivants les responsables du système capitaliste dans lequel on vit.
Il y a une grande absence dans le projet de loi. C'est l'insertion d'une
clause par le gouvernement faisant en sorte que les offres du gouvernement sont
immédiatement versées aux salariés qui sont à
l'emploi des collèges et des commissions scolaires. Est-ce qu'on veut
non seulement les faire entrer à reculons, mais aussi les humilier? On
n'a même pas pensé mettre, dans le projet de loi qui les oblige
à retourner au travail, au moins les conditions de salaire offertes par
le gouvernement. M. le Président, on devrait au moins leur remettre ce
que le gouvernement était prêt à leur payer. Je souhaite
ardemment que le gouvernement accepte de poser ce geste qui ne tient que de la
plus élémentaire notion de justice et d'humanité qui
contrasterait avec l'attitude froide et technocratique qu'il a adoptée
depuis le début des négociations, il y a maintenant un an.
M. le Président, je pense que la nomination d'un médiateur
est une chose essentielle. Je pense qu'il est grand temps qu'on redistribue au
ministère de l'Education son budget de départ au lieu de faire
une compression budgétaire. Est-ce qu'on réalise que 45% du
budget vont en salaire aux enseignants, 43% en salaire au niveau du reste du
ministère de l'Education et des commissions scolaires et qu'à
peine 12% vont au progrès de l'éducation et pour le remboursement
du capital?
M. le Président, je pense qu'il est grand temps qu'on
réalise que si on veut atteindre l'objectif premier qui est celui de
maintenir les services dans les écoles et sauver l'année
scolaire, il ne faut pas qu'on ramène les enseignants dans les
écoles par obligation, par une loi. Il faut qu'ils retournent dans les
écoles parce qu'ils sauront que le gouvernement, pour une fois, aura
compris, qu'on aura répondu à leurs aspirations, non dans les
offres salariales, mais dans les offres concernant la tâche de
l'enseignant. Pour que l'enseignant ait accepté de modifier ces offres,
c'est qu'il était d'accord que le gouvernement pouvait, à
l'intérieur d'une négociation, se rapprocher au moins sur un
point, c'est-à-dire enlever le ratio et mettre un maximum
d'élèves par classe. La CEQ a fait, dernièrement, des pas
en avant pour demander de ramener à un niveau peut-être plus
élevé qu'au départ...
Le Président: A l'ordre! Voulez-vous
rétrécir le corridor, s'il vous plaît? Je crois que vous
m'avez compris.
M. Léger: M. le Président, comme un grand
personnage l'a déjà dit: Je vous ai compris.
M. le Président, je voulais simplement terminer en disant que le
moyen pour atteindre la fin de maintenir les écoles ouvertes et sauver
l'année scolaire des enfants, ce n'est pas une méthode coercitive
et une loi matraque, mais c'est la nomination d'un médiateur qui
permettrait... Le premier ministre semble tout à fait surpris de mon
affirma-
tion. J'ai été surpris de voir la surprise du premier
ministre qui n'a pas encore compris qu'il aurait pu atteindre les mêmes
objectifs par la nomination d'un médiateur...
M. Bourassa: Dans la loi?
M. Léger: Pas dans la loi, mais à la place de ce
qui est contenu dans la loi, de nommer un médiateur et toutes les
parties vont être retournées au travail...
M. Bourassa: Mais est-ce que le député est au
courant?
M. Burns: A la place d'une loi.
M. Bourassa: Non, mais simplement rétablir les faits en
vertu de 96, c'est que...
Le Président: Non, non, non, messieurs, à l'ordre
s'il vous plaît! A l'ordre!
M. Bourassa: Le député me permet, M. le
Président.
Le Président: Vous avez une question? Vous permettez la
question?
M. Léger: Certainement, une question, oui.
M. Bourassa: J'ai demandé au député de
Lafontaine s'il est conscient que les chefs syndicaux ont dit que les moyens de
pression n'étaient pas négociables, donc que la loi était
nécessaire pour permettre de sauver l'année scolaire.
M. Bédard (Chicoutimi): Elle est négociable,
elle.
M. Léger: C'est absolument faux que les chefs syndicaux
ont dit que la loi spéciale est nécessaire pour sauver
l'année scolaire. C'est absolument faux. Mais ce qui est vrai par
exemple et le premier ministre devrait être au courant, il l'est
au courant, il n'a pas d'intérêt peut-être à arriver
là, il a peur c'est que la nomination d'un médiateur a
été acceptée par la Fédération des
commissions scolaires, partenaire du gouvernement, par le Conseil
supérieur de l'éducation, qui n'a aucun intérêt dans
les négociations, mais qui a intérêt à la
qualité de l'enseignement.
Le médiateur est accepté par la CEQ, le médiateur
est accepté par le comité de parents et par le Conseil scolaire
de l'île de Montréal. Le médiateur est accepté par
tous sauf le gouvernement. Le ministre de la Fonction publique nous a
passé entre les dents, l'autre fois, la différence qu'il y avait
entre un arbitre et un médiateur.
M. le Président, s'il craint que le médiateur amène
le gouvernement dans une voie où il ne veut pas aller, cela veut dire
que le ministre de la Fonction publique et le ministre de l'Education craignent
qu'un médiateur neutre, accepté par les deux parties, ait comme
conclusion que la de- mande des enseignants est normale et acceptable. Alors,
M. le Président, il craint que cela lui soit présenté. Ce
n'est pas la crainte obligatoire, parce qu'un arbitre amènerait une
obligation du gouvernement de suivre les recommandations d'un arbitre. Mais un
médiateur, cela amènerait une obligation politique et morale, et
c'est de cela que le gouvernement a peur, parce que le vrai juge, dans la
situation actuelle, c'est la population. Le gouvernement ne veut pas que la
population connaisse le point de vue d'un médiateur neutre dans la
négociation actuelle, parce qu'il a peur qu'il soit obligé de
suivre ce qu'un médiateur neutre apporterait et qui serait beaucoup plus
près de ce que demandent les enseignants.
Et, comme c'est un gouvernement qui ne cherche que son image politique,
il craint. Je le mets au défi d'accepter un médiateur. Je suis
convaincu que tout ce qu'on exige par la loi, les gens de la CEQ, tous les
enseignants, tout le personnel de soutien, tous les professionnels
retourneraient d'eux-mêmes au travail, sans loi, si le gouvernement
nommait un médiateur. J'en suis convaincu et je l'affirme ici.
M. Bourassa: Vous êtes convaincu.
M. Léger: Mais, M. le Président, le gouvernement a
refusé de passer par cette étape, parce que l'étape du
médiateur est une étape normale dans l'acheminement des
négociations dans le secteur du travail. Le gouvernement a passé
par-dessus cela. Il n'a même pas suivi les conseils de son conseiller
habituel, le directeur du journal Le Devoir, qui lui disait justement qu'il
était préférable qu'il y ait un coût social moindre
d'avoir un médiateur que d'avoir une loi spéciale. Retourner des
professeurs à reculons dans les écoles pour la troisième
fois en neuf ans, est-ce que vous êtes capable, malgré que vous
passiez une loi avec des amendes de $5000 à $50 000, de vous assurer que
ces professeurs auront encore la flamme dont ils ont besoin pour remplir une
tâche aussi importante que celle de transmettre des valeurs et les
sciences à nos enfants?
Avez-vous l'impression qu'ils vont l'avoir encore, M. le
Président? Vous voulez dégrader le climat dans les écoles,
vous voulez descendre le niveau de l'enseignement. Tout ce que vous voulez,
c'est protéger votre image et que l'ordre soit établi. Et cette
loi est la preuve d'un gouvernement rhinocéros qui est prêt
à prendre n'importe quoi, de n'importe quelle façon, de
façon qu'on rétablisse l'ordre, même si on ne règle
pas les problèmes en profondeur.
M. le Président, ce gouvernement aura à vivre avec cette
loi spéciale. Et s'il a tellement peur d'un médiateur, il aura
à vivre avec cette loi.
Que te premier ministre décrète des élections
après cette loi et la majorité des citoyens saura remettre ces
pouvoirs entre les mains de ceux qui comprennent comment fonctionne un
gouvernement, c'est-à-dire avec la participation tant patronale que
syndicale, et avec celle du secteur coopératif et du capital. C'est la
réelle social-démocratie.
Le Président: L'honorable ministre d'Etat à
l'Education, le député de Chauveau.
M. Bernard Lachapelle
M. Lachapelle: M. le Président, il est tard, mais
sûrement pas trop tard pour un gouvernement qui est désireux de
prendre énergiquement ses responsabilités, de proposer la mesure
qui est devant nous, une mesure qui, je pense bien, répond aux besoins,
aux aspirations de tous les Québécois qui sont respectueux de
l'ordre, respectueux du bon sens et qui sont soucieux du bien-être de
notre jeunesse et de son avenir.
Vous me permettrez, M. le Président, de traiter de façon
particulière du niveau collégial, qui est de mon ressort, et
d'ajouter ainsi aux observations que formulait plus tôt aujourd'hui, mon
collègue, le ministre de l'Education, le député de
Crémazie, particulièrement en regard des niveaux
élémentaire et secondaire.
D'abord, en février, en compagnie de mes collègues, le
ministre de l'Education et le ministre de la Fonction publique, et, plus
récemment, il y a douze jours, je faisais part publiquement de ma
très grande préoccupation concernant la situation de
désordre dans les collèges.
Il y a douze jours, déjà sept institutions étaient
dans une situation difficile pour la récupération des jours
perdus. C'était, j'en conviens, un cri d'alarme que je lançais.
Des collèges avaient perdu, à ce moment-là, jusqu'à
trois semaines de cours qu'il faudrait et qu'il faudra reprendre.
La situation s'est, depuis lors, détériorée encore.
Une quinzaine de collèges ont maintenant perdu plus de trois semaines de
cours et certains auront jusqu'à 25 jours à reprendre. Tous les
rapports m'indiquent que pour 51 jours possibles, en moyenne, où les
collèges auraient pu donner des cours, les collèges n'ont pu
ouvrir que 38 jours. C'était la situation au 26 mars.
A l'heure actuelle, la situation, au 7 avril, montre que, sur 58 jours
possibles de classe, la majorité des étudiants des CEGEP n'en a
eu que 42. Au rythme actuel des débrayages, la semaine prochaine, les
étudiants du réseau collégial perdraient
régulièrement une journée sur deux.
Or, non seulement le système d'éducation a-t-il des
finalités qu'il faut respecter et qui se traduisent par des choses aussi
concrètes que des calendriers scolaires, des sessions d'examens; non
seulement les étudiants ont-ils le droit de recevoir l'enseignement; non
seulement les adultes qui suivent vaillamment des programmes d'éducation
permanente ont-ils le droit de recevoir les cours pour lesquels ils
déboursent, de leur poche, les sommes nécessaires; non seulement
tout le système se dégrade-t-il de jour en jour, quand les
institutions financées par tant d'efforts de la collectivité
québécoise, par tant d'efforts des pères et des
mères de famille et des étudiants eux-mêmes ne sont plus
capables d'atteindre le minimum d'objectifs que cette collectivité leur
a assignés, mais nous vivons dans le réseau collégial une
situation encore plus dramatique.
Voilà un réseau qui est perturbé, année
après année, par une série de crises dont la pire est
déjà celle-ci. Voilà un réseau qui, en raison de
ces perturbations, risque de voir sa crédibilité difficile
à maintenir en ce qui regarde la valeur de la formation de nos jeunes.
Et tout ceci alors que les exigences des universités et du milieu de
travail, que nous travaillons à mieux discerner, sont très
pressantes. Pourtant, j'ai foi, j'ai confiance, M. le Président, en
l'essence même de l'institution collégiale, ici au Québec,
institution qui fait, d'ailleurs, l'envie des pays étrangers.
Bien sûr, diverses démarches, diverses étapes seront
requises pour sauvegarder, pour valoriser davantage cette institution qu'est le
CEGEP. Pas ces démarches que charrient cavalièrement ces faux
prêtres imbus d'une passion évidente d'imposer leur "crois ou
meurs", d'imposer leur forme à eux de dictature de la pensée,
mais plutôt des démarches réalistes responsables, qui
reconnaissent que l'autorité ne peut être diluée ou
morcelée à l'infini sans risque de verser dans une anarchie
complète.
M. le Président, je dis que le bon sens a ses limites.
M. Morin: Est-ce que le ministre me permettrait une question, M.
le Président?
M. Lachapelle: Non.
M. Morin: J'avais l'impression qu'il voulait exclure toute
participation.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Lachapelle: Le projet de loi qui est devant nous en est un de
bon sens et il est la première des étapes auxquelles je viens de
faire allusion.
Je dis: Cessons de grâce de voir la situation actuelle
exclusivement en termes d'une confrontation patronale-syndicale habituelle.
Où est le bien de la jeunesse? Que fait-on des prérogatives des
parents? Ce sont ces dimensions du présent conflit qu'il nous faut
maintenant sauvegarder, et ceci à tout prix.
Nous jouons, au collégial, contre la montre. Une session n'a que
75 jours et les jours d'examen qui peuvent s'y ajouter. Si un collège a
perdu quinze jours jusqu'à maintenant, il devra poursuivre sa session
dans les premiers jours de juin pour récupérer, et cela pose avec
acuité le problème du travail d'été de nos
étudiants.
Sur ce sujet, j'ai déjà demandé aux officiers du
ministère les mesures que nous pouvons adopter pour ne pas faire payer
aux étudiants le prix du conflit de leurs enseignants, car
déjà les étudiants ont trop payé la note de ce
conflit. Les mesures toucheront, vraisemblablement, les calculs utilisés
dans les prêts et bourses.
Cependant, la situation ne se limite pas au seul nombre des jours perdus
officiellement. Le vandalisme, les harcèlements, les arrêts de
travail de courte durée, les réunions pédagogiques
impromptues, les cours rognés au début et à la fin,
les accélérations inventées de toutes pièces
pour soi-disant rattraper le temps perdu et qui se font au détriment de
la compréhension qu'ont les étudiants, les condensations
superficielles au-delà d'un certain point critique et qui vont contre le
bon sens des éducateurs, mais surtout le climat de
désorganisation qui règne, à l'heure actuelle, dans nos
CEGEP comme dans les commissions scolaires, tout cela est plus grave et porte
plus atteinte encore, si c'est possible, aux objectifs que poursuivent les
maisons d'enseignement.
Que dit-on à l'étudiant qui a préparé
l'examen qu'on lui avait annoncé et qui n'aura pas lieu? Que dit-on
à l'université qui demande si les apprentissages ont vraiment eu
lieu? Que dit-on à l'employeur qui veut savoir si l'étudiant est
capable de remplir les tâches qui lui sont données? Que dit-on aux
corporations professionnelles qui doivent, sur la foi de nos diplômes,
accorder les droits de pratique et que dit-on aux parents, aux pères et
mères de famille qui s'imposent d'immenses sacrifices, tout ceci pour
leurs enfants?
Les pédagogues les plus sérieux soutiennent, et à
bon droit, qu'il n'existe pas de durée absolue pour un cours
donné. Tout tient dans les objectifs poursuivis, dans la profondeur et
la densité d'activités d'apprentissage.
On dit même, et on le pratique, qu'on peut perdre quelques
périodes et se rattraper par la suite.
Par contre, dès le moment où les objectifs d'un cours sont
contenus, ses moyens d'évaluation et sa durée sont fixés,
on vient de couper court à l'adaptation temporelle et substantielle.
En fait, personne ne conteste qu'un cours de 30 périodes sur un
sujet donné ne peut être équivalent à un cours de 60
périodes sur le même sujet. C'est dire que, lorsqu'on modifie de
façon sensible la durée d'un cours, on altère son contenu
et on change le cours. Prétendre le contraire serait de l'imposture.
Il y a des limites à ce que l'on peut attendre de la merveilleuse
souplesse de la pédagogie, mais il y a plus sérieux.
Le professeur peut bien choisir de rattraper quelques périodes en
augmentant sa vitesse ou en laissant de côté des aspects qu'il
juge secondaires dans les circonstances. Mais l'étudiant moyen, celui
qu'on retrouve dans les collèges d'aujourd'hui comme dans ceux d'hier,
peut-il faire preuve de la même virtuosité? On peut en douter.
Quel prix l'étudiant paie-t-il pour l'accélération
du cours? Comment réussira-t-il le cours qui fait suite à celui
qui a été bousculé par les turbulences
répétées?
Par ailleurs, l'autonomie qu'ont ou réclament les collèges
n'est pas synonyme d'indépendance, ni de liberté totale.
L'autonomie responsable, au sens de gouvernement responsable, exige que les
collèges soient en mesure de rendre des comptes. Pour ce faire, ils
doivent évaluer la situation et dire si l'enseignement qu'ils dispensent
correspond à l'annonce qu'ils en ont faite dans les plans de cours
détaillés qu'ils remettent à leurs étudiants au
début de chaque session.
C'est le collège qui peut évaluer si les conditions
d'apprentissage ont été suffisamment respectées pour que
le cours ou le crédit conserve son sens.
Les collèges qui veulent conserver leur crédibilité
ont une tâche délicate et difficile à accomplir et c'est
sur cette crédibilité que s'appuie ma décision
d'émettre un diplôme d'études collégiales lorsque le
collège le demande.
Or, je dois bien le dire, les décisions courageuses que certains
administrateurs de collège voudraient prendre ou devraient prendre sont
rendues impossibles par les conditions qui prévalent dans chacune des
institutions où souvent les administrateurs, tout comme les
étudiants, sont pris comme otages dans le cours des
événements.
Il est évident que nous devrons aussi mettre bon ordre à
cette situation. L'évaluation de la situation présente met en
évidence la nécessité d'éviter les pertes inutiles
qui ne feraient qu'aggraver la situation. Elle démontre qu'il n'y a pas
d'intérêt à plier jusqu'à ce que la tête
prenne racine.
Comme ministre responsable de l'enseignement postsecondaire, j'ai le
devoir, suivant la loi, de prendre les mesures pour sauvegarder l'année
scolaire, la valeur des diplômes et la crédibilité des
institutions.
Si la situation actuelle avait persisté, M. le Président,
je ne pourrais pas en mon âme et conscience parapher cette année,
comme la loi m'y autorise, les diplômes du niveau collégial. J'ai
aussi le devoir, avec mes collègues, le ministre de l'Education et le
ministre de la Fonction publique, de chercher un règlement
négocié pour les syndiqués qui travaillent dans le secteur
de l'éducation. C'est ce que cette loi doit permettre et elle le permet,
tout comme elle permet de continuer normalement les négociations. Autant
je suis prêt avec mes collègues à négocier les
conditions de travail du personnel du réseau scolaire, autant j'affirme
bien haut que si le harcèlement, la désorganisation ne sont pas
négociables, comme le dit le syndicat, la qualité des
diplômes que cet Etat reconnaît ne se négociera pas non
plus.
Ce projet de loi qui est devant nous permet donc de retrouver une
situation moins chaotique dans le réseau de l'éducation et permet
également de parvenir aux ententes nécessaires par les
mécanismes prévus dans la loi. A ce moment, M. le
Président, il s'agit de sauvegarder les institutions collégiales,
de sauvegarder l'année scolaire. Il s'agit également de
sauvegarder le bien-être de la jeunesse, le bien-être des parents.
Croyez-moi, M. le Président, nous ne laisserons aucun appétit
égoïste saboter ce que la société
québécoise a de plus cher.
Des Voix: Vote!
Le Président: Est-ce que je dois mettre aux voix.
Le député de Saint-Jacques
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, j'ai eu l'occasion, en
intervenant sur la motion qui nous oblige à siéger de cette
façon sur une loi qui concerne l'avenir des jeunes
Québécois pour les trois prochaines années et en
intervenant de même sur la motion du chef de l'Opposition dont
l'Assemblée a disposé, de vous signaler comment j'estimais que le
dépôt d'un projet de loi spécial aujourd'hui intervenait
à un moment où le gouvernement n'avait vraiment pas rempli toutes
les responsabilités qui étaient les siennes dans le dossier
actuel.
C'est l'occasion, en deuxième lecture maintenant, de vous faire
part de mes remarques sur le contenu du projet de loi no 23 lui-même.
Puis-je vous dire, M. le Président, qu'à l'instar de la loi 22
d'il y a quelques années, qui se voulait la solution aux
problèmes linguistiques du Québec et qui avait été
présentée d'une manière aussi frauduleuse que celle que
j'ai entre les mains, je peux faire la même comparaison sur celle-ci?
Celle-ci se veut la solution pour rétablir la paix scolaire en
l'année 1975/76 après tout le laisser-faire et le laisser-aller
du gouvernement dans le dossier actuel. Mais elle veut plus que cela, elle est
le chemin qui doit conduire au résultat dit négocié de
conditions de travail devant régir les travailleurs de l'enseignement au
cours des trois prochaines années que nous aurons à vivre au
Québec.
Examinons un instant le contenu de cette solution gouvernementale que
l'on présente d'urgence et presqu'en cachette, ce soir, de l'opinion
publique. Prenons-la chronologiquement, M. le Président,
c'est-à-dire au libellé des articles l'un après l'autre.
Première mesure que contient ce projet de loi, contenu même dans
les notes explicatives; abolition du droit de lock-out des collèges dont
vient de parler celui que j'ignorais comme ministre responsable de
l'enseignement collégial et le ministre de l'Education que je ne savais
pas mêlé au dossier jusqu'à son intervention cet
après-midi.
L'un comme l'autre, M. le Président, souscrivent à
l'abolition du droit de lock-out. Vous me direz, vous qui avez vu plusieurs
lois passer dans cette Assemblée, que l'hypocrisie l'imposait.
Effectivement, avant de retirer à des travailleurs un droit de
grève reconnu, le minimum de décence lorsque l'on est hypocrite,
c'est de faire semblant de le retirer au patron en même temps, ce dont
s'acquitte le gouvernement dans l'article 2 du projet de loi.
Mais j'y vois plus, M. le Président. Non seulement de
l'hypocrisie, mais en même temps aussi, peut-être, le signe que le
gouvernement procède à une certaine vengeance à
l'égard de ses partenaires patronaux qui n'ont pas été
fidèles et qui se sont même permis, à l'occasion, tout au
cours des négociations auxquelles on veut mettre fin ce soir, d'exprimer
certains avis contraires à la politique gouvernementale.
J'imagine que le député de Crémazie, nouveau
ministre de l'Education, qui commence à s'intéresser au dossier
des négociations dans le secteur dont il est responsable, a certainement
pris connaissance, à l'occasion, que la Fédération des
commissions scolaires n'approuvait pas toutes les politiques gouvernementales.
Comme elle avait souscrit à la demande d'un médiateur dont
parlait tout à l'heure le député de Lafontaine. Celui
qu'on dit responsable de l'enseignement collégial, et qui vient de
s'évaporer, avait aussi certainement pris conscience que certains
collèges d'enseignement général et professionnel
n'approuvaient guère le contenu des offres patronales offertes à
leurs enseignants. Donc, hypocrisie et en même temps petite vengeance de
circonstance, M. le Président: article 2, abolition du droit de
lock-out.
Mais la substance de la loi, celle qu'a soutenue le ministre de
l'Education qui la parraine temporairement, c'est l'abolition du droit de
grève des travailleurs de l'enseignement et des syndicats
mêlés à l'éducation. Abolition du droit de
grève. Ne "farfinons" pas plus loin que cela. Il faut savoir lire entre
les lignes d'un texte de loi. Quand on dit aux travailleurs de l'enseignement
qu'ils n'ont pas le droit de faire la grève pendant 80 jours, et quand
on met cet avis sous forme de loi, le 7 avril d'une année scolaire, il
faudrait être imbécile ou être back-bencher pour ne pas
comprendre qu'il s'agit d'une abolition pure et simple du droit de grève
dans la négociation actuelle.
Il y a plus, M. le Président, il y a plus. Le retard ou le report
du droit de grève et de son exercice à juin prochain
équivaut, à toutes fins pratiques, à la fin de
l'année scolaire 1975/76 dans les conditions où elle s'est
déroulée depuis septembre dernier. On parle frauduleusement, dans
ce projet de loi, de négociations forcées. On invite maintenant
les travailleurs de l'enseignement à se rendre à la table de
négociations où, à plusieurs reprises, comme l'a
signalé le député de Lafontaine en faisant la nomenclature
chronologique de cette négociation, c'est la partie patronale qui a fait
faux bond lorsqu'il s'agissait de se présenter et de discuter. On oblige
les travailleurs de l'enseignement à se présenter à une
table de négociation où on les a auparavant
désarmés, édentés, et où on les convie
simplement à prendre connaissance des propositions gouvernementales.
Est-ce que c'est une négociation et est-ce que c'est un
cheminement vers un résultat signé et négocié que
d'inviter des travailleurs à se départir, avant de rentrer
à la table, de tout pouvoir de pression? Si les travailleurs de
l'enseignement ont procédé à un harcèlement, dans
certains cas, à des grèves dans d'autres endroits, c'est qu'il
s'agit pour eux comme pour n'importe quel autre travailleur de la
société québécoise du moyen ultime, mais en
même temps unique, qu'ils ont d'influencer leur patron dans les offres
qu'ils viennent de déposer.
Ce qu'on leur dit maintenant, c'est que le gouvernement les invite
à négocier mais sans armes, sans outils, sans pouvoir de
pression. Autrement dit, les syndicats se présenteront à la
table, n'auront aucun pouvoir de pression sur le gouvernement autre que de
dire: Nous n'approuvons pas ceci ou nous n'approuvons pas cela.
Cela ne m'étonne pas, pour avoir observé de-
puis six ans, que ce gouvernement d'en face considère ultimatum
et négociations comme synonymes. Parce que c'est un ultimatum qui est
contenu dans le projet de loi actuel. C'est une abolition pure et simple du
droit de grève. Et quels que soient les rappels justiciers que faisait
le ministre de l'Education, qui est d'ailleurs beaucoup plus à l'aise
dans ce rôle que dans celui de responsable de l'éducation du
Québec, au respect intégral de la loi, il devrait savoir qu'il
modifie par cette loi, en période de négociation, une loi
précédente qui reconnaissait aux travailleurs de l'enseignement
un droit de grève formel, comme à n'importe quelle autre
catégorie de travailleurs du Québec.
Que dire, M. le Président, de cette fumisterie, qui s'appelle les
commissaires aux différends scolaires, que comporte le projet de loi
actuel et qui est ni plus ni moins qu'un chemin vers le décret? Bien
sûr, il fallait se rendre compte que le gouvernement ne pouvait demeurer
aussi longtemps insensible à la demande de médiation qui fusait
de partout. Il est évident que, lorsque les commissaires, les parents,
les enseignants et tous les groupes appelés à se prononcer sur le
conflit de l'éducation font, sur un point, unanimité depuis
déjà plus d'un mois, celui d'une demande de médiation dans
le conflit, le gouvernement devait faire quelque chose pour y
répondre.
J'y retrouve, M. le Président, l'esprit même du premier
ministre. Je mettrais ma main dans le feu qu'il est à l'origine de cette
formule foutaise qui s'appelle le commissaire aux différends scolaires,
car, dans l'image Bourassa, il faut donner l'impression de... tout en ne
faisant pas que... Il a donné l'impression qu'il apportait dans le
conflit un médiateur, se rendant ainsi partiellement à la
demande. Je le vois déjà sur les tribunes, je le vois
déjà distribuant aux journalistes les cassettes aux fins de
propager le fait qu'il s'est rendu à la demande populaire et que le
projet de loi comporte des médiateurs. Evidemment, il n'allait pas
appeler médiateur ce qui n'était pas médiateur, surtout ne
pas accorder à l'Opposition ce que l'Opposition réclamait. Il
fallait inventer ce nom bâtard de commissaire aux différends
scolaires.
Mais regardons dans le projet de loi, M. le Président, si
effectivement c'est se rendre à la demande populaire, telle
qu'exprimée par tous les milieux de l'éducation, que d'inventer
cette section III du projet de loi no 23, les commissaires aux
différends scolaires. J'y retrouve beaucoup plus les observateurs dont
Oswald parlait que les médiateurs que tous les membres de
l'éducation réclamaient.
M. le Président, vous me permettrez, sans faire
référence à l'article précisément, puisque
le règlement me l'interdit, de mémoire, de vous dire que les
commissaires devront "entendre les parties s'enquérir de l'état
des négociations sur tous les aspects significatifs du dossier, examiner
les dernières demandes syndicales et patronales, étudier l'impact
éventuel de ces demandes et offres au plan des services, des effectifs,
du rendement et des coûts". Leur rapport doit faire état de leurs
observations sur chacun des sujets. De leurs ob- servations, M. le
Président. Ces gens que l'on nommera et que l'on ira puiser,
probablement, dans la taille d'avocats libéraux, auront l'occasion,
demain, d'observer, pendant une période de 60 jours, des
négociations qui n'existeront pas. Ils deviendront observateurs d'une
rencontre qui n'aboutira à rien, puisqu'on a départi une des
parties de tout pouvoir de pression.
S'ils étaient, au moins, des observateurs à une
négociation et si, en plus de cela, après avoir observé la
négociation, ils avaient la capacité voilà donc ce
qu'est un médiateur et ce que ne seront pas ces commissaires aux
différends scolaires d'indiquer aux parties et à l'opinion
publique le juste milieu, le chemin vers la solution à partir de quoi
l'opinion publique pourra se prononcer sur la façon dont l'une et
l'autre partie se rend aux suggestions du médiateur; s'il y avait cette
possibilité, il s'agirait d'un médiateur. Mais ils vont assister
à des rencontres, si rencontres il y a, car il faut bien se demander
s'il est encore utile à la partie syndicale de se rendre à une
table où elle est absolument dépourvue de moyens de pression.
Mais acceptons qu'ils se rendent à la table, qu'ils font semblant de
négocier à la mode Oswald Parent et qu'effectivement ils
étudient les clauses devant conduire à une négociation
collective, que sera l'observateur?
Il sera ce qu'est le ministre d'Etat à l'enseignement
collégial, un observateur de ce qui se passe dans le réseau. Il
sera ce qu'est le ministre de l'Education depuis le 19 janvier, un observateur
de ce que fait Oswald dans les négociations de la fonction publique. Il
sera ce que tous les membres de cette Assemblée ont été
depuis le début du conflit, des observateurs.
M. Bienvenue: M. le Président...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bienvenue: Une question de privilège et à la
fois une question de règlement.
Question de règlement d'abord pour vous prier de rappeler au
député de Saint-Jacques qu'on ne peut pas appeler un membre de
cette Chambre ni par son nom de famille, ni par son prénom, même
si l'effet est agréable et amusant pour les galeries...
M. Charron:... M. le Président, je le reconnais.
M. Bienvenue: Quant à la question de privilège, M.
le Président, c'est la quatrième fois, sauf erreur, que depuis
cet après-midi je donne ma parole à cette Chambre que j'ai fait
plus et beaucoup plus que ce que dit ou insinue le député de
Saint-Jacques relativement à mon rôle dans les
négociations. En vertu de l'article 99, le député de
Saint-Jacques est lié par ma parole. Je comprends que cela peut
être amusant pour les galeries, je comprends que cela détend, mais
le règlement est là, M. le Président. Tant qu'il est
là, je vous prie de le faire observer au député de
Saint-Jacques, même au député de Saint-Jacques, comme aux
autres députés. Je pense qu'après quatre ques-
tions de privilège sur le même sujet c'est suffisant.
M. Charron: M. le Président, le ministre de l'Education
pourra en faire douze s'il veut. Il pourra m'indiquer qu'il a effectivement
été mêlé, je prends sa parole...
M. Tardif: Polisson!
M. Charron: Je prends sa parole, M. le Président, en vertu
de l'article 99, il a été impliqué dans les
négociations depuis le 19 janvier. Mais, alors, de quelle façon?
Je pense que le règlement me permet à moi aussi de dire qu'il l'a
été d'une façon totalement incompétente. Je dois
prendre sa parole qu'il s'est occupé du dossier. Mais j'ai
moi-même eu l'occasion de lui demander s'il était pour ou contre
un médiateur. Jamais, jamais, depuis le début de la session, je
n'ai été capable d'obtenir de cet homme un oui ou un non clair;
vous me permettrez quand même de douter qu'il s'en occupait
sérieusement. Je prends sa parole, il s'en est peut-être
occupé. Mais, alors que la question fondamentale était de choisir
un médiateur, je n'étais même pas capable d'obtenir de
l'homme responsable de la qualité de l'enseignement au Québec un
oui ou un non; il le faisait d'une façon totalement incompétente.
C'est un aveu d'incompétence qu'il vient lui-même de faire.
Faites-en six questions de privilège. A chaque fois que vous en faites
une, vous nous affirmez carrément que dans ce dossier vous avez
été d'une nullité complète et que vous le demeurez.
Continuez à vous en occuper, si vous le voulez, M. le Président,
je prends la parole...
Le Président: A l'ordre! Cet aparté étant
terminé, revenez à la deuxième lecture du projet de
loi.
M. Charron: II y aura des apartés, M. le Président,
quand il y aura des questions de privilège.
Le Président: Ecoutez, dans les limites du débat
quand même. D'accord?
M. Charron: Très bien, M. le Président. Je dis que
la solution du commissaire aux différends scolaires que contient le
projet de loi n'est qu'un trompe-l'oeil. Il ne conduira en rien à un
dénouement négocié que chacun des membres de
l'Assemblée, lorsqu'ils interviennent littérairement, se disent
prêts à souhaiter pour l'avenir scolaire au Québec. Ces
commissaires et ce que serait un médiateur dans ce domaine, ce sont deux
choses tout à fait différentes. Nous le verrons bien dans les
trois heures auxquelles nous contraint la motion adoptée cet
après-midi, pour étudier toute cette loi, article par article;
vous vous en rendez compte, M. le Président.
L'Opposition remplira son rôle même à
l'intérieur de ces trois heures. Nous proposerons des amendements, entre
autres j'en préviens le député de Crémazie,
désormais attaché au dossier à l'article 10. Nous
proposerons des amendements et nous verrons vraiment enfin, par un oui ou par
un non de sa part s'il participe aux travaux de la commission, bien
sûr s'il est en faveur d'un médiateur. Nous verrons, M. le
Président, lorsqu'il se prononcera, lorsqu'il invitera ses
collègues à voter selon son dire. Nous l'aurons enfin la
réponse du gouvernement à savoir s'il est prêt à
accepter un médiateur dans le dossier. Mais un commissaire observateur
aussi impartial et je dirais aussi impuissant que chacun des membres de cette
Assemblée l'ont été depuis le début des
négociations ne correspond en rien à un cheminement vers une
solution. Cette loi est un chemin vers un nouveau décret.
Elle porte toutes les conditions devant conduire non seulement a un
risque de désordre général à cause de son
caractère de provocation, mais plus que cela, elle risque de conduire
à un troisième décret devant s'appliquer encore une fois
sur la tête des enseignants et de là, sur tous les enfants
québécois. Ce que les parents québécois doivent
apprendre dans le dépôt de ce projet de loi, ce soir, c'est que la
dégradation de l'enseignement public auquel nous assistons tragiquement,
depuis que ce gouvernement a les reines du pouvoir, se continuera
jusqu'à ce que les Québécois se décident à
le chasser du pouvoir. C'est la preuve qu'il n'a plus aucun moyen d'intervenir
de façon cohérente. Il a passé quatre ministres de
l'Education en 6 ans, et aucun d'entre eux n'a été capable de
résoudre les problèmes de l'enseignement public autrement qu'en
intervenant par des lois spéciales et par des lois matraques. Je sais
que plusieurs des députés libéraux ont la bonne fortune de
déposer leurs enfants dans les bras de l'enseignement privé, mais
il reste encore une majorité de Québécois qui, eux, non
seulement sont obligés, mais choississent la valeur d'un enseignement
public pour l'ensemble des Québécois et y croient. Ils assistent
impuissants, tragiquement, depuis 6 ans maintenant, à une
dégradation accentuée d'année en année de la
qualité de l'enseignement public. Ce que les parents devront apprendre
ce soir, c'est que pour ceux qui souffrent du fait que leur enfant est le 35e
ou le 36e dans une classe et qu'il ne peut ainsi recevoir l'enseignement
personnel, humain et qualifié qu'il espère pour son enfant, rien
n'est réglé. Que pour ceux qui espèrent que leurs enfants
recevront l'enseignement de la part d'enseignants qui ne sont pas
surchargés d'heures de travail et qui peuvent ainsi leur accorder tout
le soin et toute l'attention que nécessite un enfant, rien n'est
réglé dans le projet de loi.
Au contraire, M. le Président. Je dis qu'il y a dans ce projet de
loi les chances d'un envenimement de la situation et en même temps de
l'épuisement progressif de toutes les forces qui ont tenté, bon
gré, mal gré, d'influencer le gouvernement vers une solution
négociée, chacune de ces forces devant apprendre ce soir que le
gouvernement a opposé de l'autre côté une fin de
non-recevoir catégorique à ce genre de solution, qu'il a
décidé de faire ce que le Conseil supérieur de
l'éducation le suppliait de ne pas faire: livrer un combat d'adultes sur
le dos des enfants. Cela m'apparaît extrêmement grave, M. le
Président.
Vous me permettrez de terminer mon intervention en vous demandant
d'ajourner le débat.
Le Président: Je ne crois pas qu'en vertu de la suspension
des règles, je puisse accéder à votre demande.
L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Guy Saint-Pierre
M. Saint-Pierre: En prenant la parole, M. le Président,
sur la discussion en deuxième lecture du projet de loi no 23, je
voudrais faire porter mon intervention sur trois points particuliers.
Le premier est la nécessité d'une intervention de
l'Assemblée nationale dans le conflit qui sévit actuellement dans
le secteur scolaire.
Le deuxième est l'analyse des démarches et des moyens qui
pouvaient être possibles et qui ont pu être évoqués
et le troisième est la pertinence de la solution qui a été
retenue par le gouvernement.
M. le Président, la nécessité d'une intervention,
chacun d'entre nous dans nos comtés, nous l'avons sentie constamment au
cours des derniers mois et des dernières semaines. Il était
surprenant, cet après-midi, de voir que du côté de
l'Opposition officielle on mettait en doute qu'il y avait une situation de
crise, une situation d'urgence. Que ce soit au moyen de courrier, au moyen de
parents qui sont venus nous visiter, au moyen de rencontres que nous avons
eues, plusieurs d'entre nous, avec les comités de parents Non
seulement on a senti que l'école était perturbée, que les
étudiants étaient inquiets, que les parents étaient
inquiets, mais qu'il y avait là la nécessité de changer le
déroulement des choses.
Cette inquiétude des parents vis-à-vis des
problèmes de l'école peut avoir des causes multiples. Je n'ai pas
l'intention, de faire ce soir un rappel historique de tout ce qui a pu survenir
à l'école du Québec. L'école, après tout,
est au carrefour de plusieurs des tensions de nos sociétés. Bien
que je reconnais au député de Saint-Jacques le droit de penser
que l'école ne va pas assez vite, d'autres peuvent penser qu'elle va
trop vite. Tous ces problèmes de la société ont bien pu
affecter le climat à l'intérieur de nos écoles.
Tout cela pour dire qu'il m'apparaît exagéré de
penser que le résultat des négociations est une résultante
directe du climat dans l'école et vice versa. Il y a eu, je ne le nie
pas, possiblement des erreurs de l'Etat depuis dix ans dans le système
scolaire. C'était, après tout, une période où nous
avons voulu prendre les bouchées doubles et nous nous devions de prendre
les bouchées doubles. Ce fut fondamentalement une oeuvre d'hommes qui
ont tenté comme fonctionnaires, comme ministres, comme parlementaires de
donner le meilleur d'eux-mêmes et qui ont pu, en cours de route, faire de
mauvais choix, prendre de mauvaises routes, mais ce n'est pas une raison pour
être aujourd'hui désespérés devant la
possibilité d'améliorer l'école publique, en particulier
l'éducation que nos enfants y retrouvent.
D'ailleurs, il ne faudrait pas sous-estimer, si l'Etat a pu faire des
erreurs, qu'un militantisme syndical, qui m'apparaît dans bien des cas
dénué de tout contrôle a sûrement dans bien des cas
pu expliquer beaucoup de malaises de l'école. Egalement, il ne faudrait
pas sous-estimer le fait que cette croissance très forte de la
population scolaire a amené à des postes de direction dans notre
réseau, des gens qui, malgré toute leur bonne volonté, ont
pu commettre des erreurs sur le plan des relations de travail.
Si je dis tout cela, M. le Président, c'est pour douter que ce
soit finalement une question d'argent qui puisse régler automatiquement
demain matin les problèmes de l'école et vous suggérer que
les problèmes de nos sociétés actuelles, que ce soient des
problèmes de foyers désunis, des problèmes de drogue et
des problèmes d'autres sortes qu'on rencontre, ont aussi une explication
profonde dans la situation à l'intérieur de l'école. De
tout cela, cependant, M. le Président, et en particulier des
perturbations qu'a connues l'école publique depuis nombre
d'années, il nous manque une statistique. C'est cette statistique qui
nous dirait le nombre très élevé d'étudiants
tous les députés dans cette Chambre ont pu en rencontrer
qui se présentent à nous cherchant un emploi ou qui, dans des
conversations, nous racontent un peu la jeunesse qu'ils ont pu traverser. Le
député de Saint-Jacques sûrement en connaît plusieurs
qui, à cause des perturbations, que ce soit à l'école
polyvalente, que ce soit au CEGEP Saint-Laurent il y trois ou quatre
années, que ce soit à l'Université du Québec
à Montréal ou ailleurs dans l'ensemble de ce circuit
universitaire, sont complètement déroutés; ils ont
commencé un cours avec une bonne volonté et se retrouvent devant
rien, parce que le système scolaire ne fonctionne pas.
M. le Président, ces statistiques montreraient l'ampleur du
problème et montreraient que, face à la situation que nous avons
actuellement, on ne peut pas se permettre de se tourner les pouces et
d'espérer que, la semaine prochaine, que le mois prochain, les
négociations pourraient donner ce qu'elles n'ont pas donné
jusqu'ici.
Il y a, bien sûr, un coût pour l'Etat j'aurai
l'occasion d'en parler plus tard mais il y a des coûts beaucoup
plus profonds de vies perturbées parce que, indépendamment de
leur ressort, indépendamment de la volonté des parents, on a des
enfants qui doivent abandonner la classe et qui sont démotivés
puisque leur école a été constamment perturbée. Les
perturbations, d'ailleurs, que nous avons eues, contrairement à ce qu'a
pu penser l'Opposition officielle, ont été pires qu'une
grève générale puisque cela a été une
véritable guerre de nerfs. Dans une stratégie bien
planifiée j'ai eu l'occasion de le voir dans mon propre
comté on a utilisé tous les moyens pour réellement
exaspérer les parents. On a retourné, à dix heures et
demie le matin, dans le milieu de la ville de Longueuil, 3000 étudiants,
parce qu'ils n'avaient pas leur carte d'identité; les autobus scolaires
n'étaient pas là. On pourrait étendre ces exemples
à tout l'ensemble de la province.
Tout cela pour dire que, depuis huit ou neuf mois, nous sommes pires que
dans une grève générale; nous sommes dans une politique de
harcèlement qui fait et les statistiques le montrent que
l'ensemble de l'année est gravement menacée et qu'on ne peut pas
prendre à la légère la situation dans laquelle nous nous
retrouvons. Cela dit, il me semble, cependant, que nous ne devrions pas rejeter
du revers de la main les mécanismes que la société a
tenté de se donner pour tenter de régler ces conflits qui
réapparaissent inévitables, mais qui, dans une
société plus civilisée, dans une sooiété
où tous les gestes que les individus posent sont mesurés par
rapport a leurs conséquences sur l'ensemble de la collectivité,
pourraient donner plus de retenue, pourraient donner un plus grand effort pour
favoriser des démarches plus pacifiques, au lieu de favoriser des
démarches qui ont peut-être un caractère explosif.
Si je dis que ce mécanisme que nous nous sommes donné, la
négociation, doit être joué à fond, c'est qu'il
m'apparaît et j'aurais l'occasion de tenter de le prouver
qu'il n'y a pas de panacée à ce problème qui est en face
de nous. Les parents, exaspérés de voir l'enfant qui ne
fréquente pas l'école, recherchent un peu une fée magique
ou un superhomme, quelqu'un qui pourrait régler le problème.
On ne veut pas savoir combien cela coûte, on veut régler le
problème. Fondamentalement, il n'y a pas de panacée, tous les
gens dans cette salle le savent. Fondamentalement, on ne peut revenir à
un sage qui va dire, au Québec, dans ses moindres milieux, dans toutes
les relations de travail, aux six millions de personnes: Voici votre part
équitable du gâteau.
Il y aura toujours des parts inéquitables, mais le progrès
de notre société se mesurera à la façon harmonieuse
dont nous pourrons corriger ces erreurs et tenter de donner une chance à
tous au cours des années.
Devant ce problème que nous avons actuellement dans le secteur de
l'éducation, quels seraient les moyens possibles par lesquels nous
pourrions tenter de les régler? Le premier, le plus évident,
serait de ne rien faire; de dire que fondamentalement, ce sont les
négociations qui doivent régler le problème, et
d'espérer que la semaine prochaine donnera de meilleurs résultats
que la semaine passée.
Mais cette patience à déjà été
atteinte, M. le Président. Voici que nous nous retrouvons aujourd'hui,
le 8 avril, et malgré beaucoup d'efforts, peut-être de part et
d'autre je ne veux mettre le blâme sur personne il faut
constater qu'il y a, dans un secteur et j'aurai l'occasion d'y revenir
absence de progrès qui pourrait nous permettre de penser que la
négociation nous donnera des résultats demain.
Il y a également ce rôle qu'on a mentionné, d'un
médiateur, d'une espèce de tiers, d'un observateur. Si nous
étions dans la Grèce antique, peut-être que nous pourrions
trouver un sage qui nous dirait qui a raison et qui a tort.
Mais on se rend bien compte que la nomina- tion d'un tel
médiateur, en plus de fausser le jeu réel de la
négociation, risque de ne pas donner les bonnes solutions.
Peut-être que le médiateur va pencher vers la thèse
gouvernementale. Dès lors, le syndicat aurait continué ses
politiques de harcèlement, aurait continué de mettre en danger
l'année scolaire des étudiants, pour arriver, à la fin,
à ne pas accepter le rapport du médiateur.
D'ailleurs, plusieurs éditorialistes, loin du Parti
libéral, ont déjà dit: Nous n'avons pas besoin, dans le
prochain conflit, d'un observateur, d'un "senteux" qui regarderait ce qui se
fait.
Il y a une troisième solution. Ce serait une espèce
d'arbitrage obligatoire qui, dans le secteur privé, a pu donner de bons
résultats, lorsque les parties sont de bonne foi, mais ne peuvent
arriver finalement à un règlement. On dit: Peut-être qu'en
confiant cela à un arbitre en qui nous avons confiance, nous pourrions
trouver un règlement équitable.
Le problème, bien sûr, dans ce cas-ci, c'est que, dans le
secteur privé, l'arbitre, peu importent ses décisions, si elles
sont acceptées à l'avance par les deux parties, touchent les
succès mêmes des deux parties. C'est-à-dire que dans une
entreprise, si l'arbitre est tellement généreux vis-à-vis
des employés, il peut risquer non seulement les profits et la
rentabilité de l'entreprise, mais le gagne-pain même des
employés. De la même façon, dans bien de ces cas, dans le
secteur privé, il est possible, après une courte période
de temps, de passer le coup du règlement à un consommateur qui va
continuer d'acheter un produit.
Mais dans ce cas-ci, nous sommes avec 45% du budget de la province. Il
se peut que, dans un sondage, 70% de la population veuillent un arbitre. Il se
peut même que les syndiqués, désespérés des
lenteurs de la négociation, veuillent aussi un arbitre pour en finir du
conflit. Mais le problème, c'est qu'on ne connaît pas l'autre
côté de la médaille. On n'a pas dit aux gens: Acceptez-vous
les décisions de l'arbitre, même si cela représente 30%,
40% ou 50% d'augmentation de votre taxe scolaire? On veut simplement avoir un
arbitre qui sera une panacée pour régler le problème
devant soi.
On a déjà dit également et cela
m'apparaît important de le répéter, je pense, pour l'avoir
fait avec plusieurs parents; on le comprend très vite quand on a
l'occasion de le dire que dans les démocraties, fondamentalement,
45% du budget d'une province, ceci doit être réglé par ceux
qui ont le mandat du peuple de gouverner l'ensemble de la collectivité.
Sans cela, à l'extrême, on se reporte un peu à un
système que Platon a pu mettre de l'avant, une espèce
d'aristocratie qui va décider, au lieu des élus, quels doivent
être les choix que la collectivité doit faire.
Après avoir nommé un arbitre dans le secteur des
négociations dans le secteur public, on pourrait dire: Nous avons besoin
d'un arbitre dans le secteur de l'agriculture. Finalement, on se retrouve avec
dix ou douze arbitres qui n'ont aucun mandat de la population, mais qui
décident fondamentalement le cadre dans lequel nous devons fonctionner.
Pour ces raisons, l'arbitrage m'appa-
raît à rejeter.
Une quatrième façon, M. le Président, ce serait
d'acheter la paix. Il y a toujours une façon, en négociations, de
régler: c'est d'acheter la paix. Dès le départ, en
septembre, dire: Qu'est-ce que vous voulez? 49 000 enseignants de plus? Nous
allons vous les donner.
On peut abdiquer ses responsabilités, mais je pense que,
fondamentalement et à long terme, jamais la population ne pardonnerait
au gouvernement d'avoir acheté la paix parce qu'il y a toujours
quelqu'un qui doit payer les paix qu'on achète.
D'ailleurs, je me permets de faire un simple rappel, et je cherchais
tantôt la source exacte. Le chef de l'Opposition n'était pas parmi
nous à cette époque mais, vers le 15 octobre ou le 16 octobre
1970, nous avions un conflit au Québec. C'était le conflit des
médecins qui voulaient quitter la province parce qu'on prétendait
que le gouvernement n'était pas assez généreux dans la
négociation.
A l'époque, d'ailleurs, le Dr Laurin, qui était le chef du
parti séparatiste, nous avait même dit: Peut-être
devriez-vous ajouter $20 millions, c'est-à-dire $300 millions au lieu
des $280 millions que le gouvernement offrait. Je ne peux pas faire de la
politique partisane, mais je demande sincèrement aux parlementaires qui
sont ici: Avez-vous l'impression qu'en octobre 1970 le gouvernement aurait
été justifié de donner suite à la suggestion de
l'Opposition pour régler les négociations et de mettre $20
millions de plus?
A l'époque, il y avait plusieurs éditorialistes, il y
avait des gens bien pensants et de bonne volonté qui disaient:
Peut-être le gouvernement est-il mesquin? Il devrait en donner un peu
plus aux médecins.
Mais avec un peu de recul, aujourd'hui, on se rend compte que cela
aurait été une trahison, que cela aurait été
véritablement dilapider les fonds publics j'allais utiliser
l'expression de donner $20 millions de plus aux médecins dans
ceci.
Une cinquième façon de régler le problème
serait un décret. Cela est, je l'admets, une façon qui a
déjà été utilisée dans le passé par
laquelle on met un point final au conflit et on dit à tout le monde:
Rentrez chez vous! Voici vos conditions de travail.
Cependant, il m'apparaît que si on avait recours à nouveau
au décret cela serait une profonde erreur et un constat d'échec
complet sur le droit de grève dans le secteur public.
Si on doit avoir cette fois-ci un décret, je pense que cela nous
prendra, également, le courage le lendemain de proposer à cette
Chambre de retirer le droit de grève dans le secteur public. Car si on
donne, d'une part, le droit de grève dans le secteur public et que
constamment on doit procéder par décret à chaque fois
parce que le bien commun est menacé dans le secteur des hôpitaux,
dans le secteur scolaire, je pense qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne
pas dans cela.
Il y a une sixième solution, et je pense que c'est
essentiellement celle du projet de loi qui est devant nous et c'est sur ces
principes que je voudrais parler, c'est-à-dire accorder trois choses:
premièrement, une période de répit. Celle-ci limite les
droits, je l'admets, des deux parties intéressées. La partie
patronale, par le biais de commissions scolaires ou de CEGEP, ne pourra faire
de lock-out. La partie syndicale est limitée en ce qui touche son droit
de grève. Donc, une période de répit qui a l'avantage de
sauver l'année scolaire d'étudiants qui est gravement
compromise.
Un deuxième élément de cette solution est de jeter
un peu de lumière dans ce qui est très confus. On rencontre des
parents et, malgré que les média aient largement fait état
des positions des deux parties, on est surpris de voir l'absence de
connaissances des parents sur les éléments du conflit.
Ils savent que les enfants ne vont pas à la classe. Mais on leur
demande: Trouvez-vous raisonnable, au secondaire, que le gouvernement demande
18 heures par semaine de présence au cours alors que la partie syndicale
juge que toute offre qui dépasse quinze heures par semaine devant les
élèves est quelque chose de rétrograde?
Evidemment, la plupart des parents l'ignorent. Donc, un deuxième
élément, jeter de la lumière, de façon objective,
regarder les deux parties et, dans une période de 80 jours, donner les
résultats de cette opération qui aura permis de jeter de la
lumière sur les problèmes qui empêchent une solution
négociée.
Troisièmement et c'est très important
poursuivre la négociation parce que, fondamentalement, c'est la
négociation qui nous permettra d'arriver à une solution dans
ceci.
Le projet de loi que nous avons devant nous ne met pas fin à la
négociation. Le projet de loi que nous avons devant nous nous dit
qu'à cause du bien commun il faut cesser, d'une part, les lock-out qui
ont duré, dans certains cas, huit ou neuf semaines et qui affectent
grandement, c'est évident, les chances de succès scolaire de
jeunes de la Mauricie qui sont un peu les victimes dans tout ceci. On dit
également aux professeurs qu'il faut cesser cette guerre psychologique,
ce kidnapping intellectuel qu'on fait dans nos écoles par les temps qui
courent et tenter de négocier à une table les différends
qui peuvent nous opposer.
M. le Président, vous me permettrez, brièvement, de revoir
la position gouvernementale dans le conflit puisque les gens de l'Opposition y
ont vu la raison profonde du malaise dans lequel nous nous retrouvons.
Les mécanismes sont de plus en plus complexes depuis 1968 dans la
négociation du secteur public. Il faut se rappeler qu'avant nous
n'avions pas de conflit, il est vrai, sauf dans de très grandes villes,
mais souvent c'était en faussant la justice sociale dans ses
éléments mêmes que nous l'avons fait.
Il s'agit de se rappeler les salaires dérisoires que les petites
commissions scolaires pouvaient payer à des enseignants dans des coins
comme l'Abitibi, la Gaspésie, la Côte-Nord, où souvent on
donnait à peine $2000 ou $3000 par année à des enseignants
et des différences très fortes de salaire aux gens des
régions plus fortunées.
Depuis 1968, cette négociation centrale au niveau provincial
amène, bien sûr, beaucoup de dif-
ficultés. Il y a beaucoup de roues d'engrenage, il y a beaucoup
de gens qu'il faut mettre à la fois du côté patronal et du
côté syndical, d'accord, avant de pouvoir même se
parler.
On sait que les protestants peuvent avoir un point de vue sur le
salaire, sur la tâche de travail; on sait que les catholiques peuvent
avoir des points de vue contradictoires. Il faut essayer, des deux
côtés de la table, de faire s'entendre tous ces gens pour pouvoir
après en discuter. On se sent un peu impuissant devant tous ces
mécanismes fort complexes, mais fondamentalement il faut se rappeler, et
plusieurs études l'ont montré, que depuis le début de la
révolution tranquille, il n'y a pas eu un seul groupe au Québec
qui a eu en moyenne des gains de rémunération aussi
élevés, aussi forts que les enseignants. Qu'on compare le salaire
versé au début des années soixante par rapport aux
salaires qui sont offerts par la partie patronale et je défie
l'Opposition officielle de trouver un groupe dans la société qui
a obtenu en pourcentage des gains aussi élevés que les
professeurs.
Comment peut-on parler d'un mécanisme qui tend à faire de
la répression contre les professeurs? J'ai peine à le croire.
D'ailleurs, M. le Président, la façon du gouvernement d'aborder
le problème n'en est pas une de loterie ou de jeu de roulotte. Qu'a fait
le gouvernement dans tout cela? Il a eu connaissance d'une équation qui
m'apparaît fondamentale dans notre société: c'est que les
augmentations de salaire et cela joue dans tous les secteurs
doivent égaler les gains de productivité de la
collectivité plus l'augmentation du coût de la vie. Lorsqu'elles
sont moindres, ce sont les employés qui se sont fait jouer, mais
lorsqu'elles sont plus élevées on sait qu'il y a quelqu'un qui va
avoir à payer un peu plus tard le long du chemin. C'est la monnaie qui
aura de la difficulté, nous aurons de la difficulté à
demeurer concurrentiels vis-à-vis des marchés étrangers.
Il y a quelqu'un qui aura triché un autre dans la société.
D'ailleurs, même dans la dernière convention, on retrouvait, dans
les augmentations de salaire consenties, qu'on avait prévu 2,5% par
année de gains de productivité que les employés du secteur
public ont touchés plus, bien sûr, une formule d'indexation
complète à l'augmentation du coût de la vie. Or, on sait
que les trois dernières années, pour ne parler que de
celles-là, les employés du secteur public ont quelque peu
triché l'ensemble de la collectivité puisque nos gains de
productivité n'ont pas été, tel escompté, de 2,5%
par année, mais beaucoup plus faibles.
Cette fois-ci donc, après une analyse pour tenter de
déceler des secteurs qui auraient besoin de rattrapage, comme les
infirmières, certains corps de métier où des ajustements
étaient nécessaires, nous avons essentiellement tenté de
regarder cette approche de façon très rationnelle.
Il n'était pas question d'offrir à la table de
négociations 0 pour tenter de régler à un peu plus que 0.
On l'a fait rationnellement et on a dans un processus, ratifié des
sommes d'argent qui semblaient nous permettre une liaison, un équilibre
entre d'autres tâches dans le secteur privé, mais on a
fondamentalement tenté, pour les gens du secteur privé, de
respecter ceci: gains de productivité plus augmentations du coût
de la vie donnent augmentations de salaire.
D'ailleurs, c'est ce qui est frappant par rapport à la
négociation de 1972, car le Parti québécois nous dit: Le
gouvernement ne veut pas réellement négocier. On nous a
répété, une propagande syndicale nous a dit: Le
gouvernement est coupable, il ne veut pas négocier, il veut faire cela
dans notre dos. Or, il est surprenant que la même approche rationnelle
que nous avons utilisée dans les Affaires sociales, dans la fonction
publique et dans l'enseignement a donné, vis-à-vis des
syndiqués de ces secteurs, des résultats très
différents: 50 000 personnes syndiqués avec un syndicat et un
exécutif dans le secteur de la fonction publique ont signé au
début de décembre sur des offres qui fondamentalement respectent
l'équation que je vous ai donnée tantôt.
On comprend mal pourquoi un syndiqué et son syndicat dans le
secteur de la fonction publique, pour un corps de métier, par exemple,
électricien à Saint-Georges-de-Beauce, ont accepté comme
équitable et raisonnable une offre du gouvernement alors que le
même électricien qui est dans le soutien scolaire prétend
par la bouche de ses chefs syndicaux qu'il s'agit là d'une insulte au
travailleurs du Québec.
Il y a là, il me semble, M. le Président, matière
à réflexion et beaucoup de points d'interrogation. D'ailleurs, au
niveau des Affaires sociales, s'il n'y a pas eu un règlement, il faut
tout au moins admettre et c'est un fait bien connu que la table
de négociations a donné beaucoup plus de progrès, qu'il y
a eu là un effort véritable de la part de toutes les personnes
concernées pour tenter de régler le problème.
On sait que, fondamentalement, ce qui bloque et empêche un accord,
c'est ce qui touche la mobilité du personnel. On a exagéré
en disant qu'on voulait prendre des gens de l'entretien ménager pour les
envoyer à la salle d'opération. On sait que le gouvernement tente
de faire des progrès, puisque nos ratios d'employés dans le
secteur des hôpitaux par rapport aux malades et au nombre de lits sont
beaucoup plus élevés que les normes habituelles en
Amérique du Nord. On sait que c'est, grosso modo, trois employés
dans nos hôpitaux du Québec pour un malade, alors que c'est deux
employés en Ontario pour un malade.
Peut-être que, si nous avions deux employés pour un malade,
on pourrait, comme collectivité, être plus généreux
pour ceux qui doivent travailler à l'intérieur, mais il semble
que la stratégie syndicale est un peu l'inverse de tout cela.
M. le Président, brièvement, le coût de
l'éducation et les problèmes de l'école publique sont
très sérieux. D'ailleurs, les perturbations que nous avons eues
dans l'école publique, à mon sens, expliquent dans une large
mesure beaucoup des transferts linguistiques que nous avons eus du
côté francophone. Elles expliquent également beaucoup
l'engouement des parents vis-à-vis de l'école privée. On
peut presque comprendre, voyant les perturbations de certaines polyvalentes,
que les pa-
rents ne veulent pas envoyer leurs enfants à la polyvalente.
D'ailleurs des enquêtes l'ont montré la
majorité des professeurs eux-mêmes envoient leurs enfants dans le
secteur privé. Or, si on analyse le secteur privé, on voit que ce
n'est sûrement pas parce que la tâche y est moindre ou qu'il y a
moins d'élèves par classe. La plupart des classes dans le secteur
privé, même au niveau secondaire, sont des classes de 34, 35, 36
élèves; ils y sont substantiellement plus nombreux que dans le
secteur public. Mais il semble que le climat est meilleur, que la motivation
est là et qu'en particulier les gens ne perdent pas leur temps.
Or, ce qui est fondamental devant nous aujourd'hui, c'est que ni les
parents, ni les étudiants ne sont intéressés à
perdre leur temps dans le secteur public et il faut absolument apporter des
correctifs. Il faut se rappeler, M. le Président, que la journée
de demain qui, apparemment, sera un débrayage général dans
la province de Québec, sur le plan de l'enseignement, nous coûtera
exactement $15 millions. $15 millions. Je pense que le député
d'Abitibi, qui a toujours de bonnes façons de calculer les choses
rapidement, sera d'accord avec moi qu'un budget de $2,8 milliards, plus les
$400 millions de taxes scolaires, divisé par les 180 jours de classe que
nous avons normalement dans une année, nous donnent, pour chaque
année scolaire, $15 millions perdus littéralement, chaque jour.
Une semaine de perte, cela doublerait le budget de l'Agriculture.
Je me dis que le Québec n'a pas les moyens de subir des pertes
semblables. D'ailleurs, ce qui est tragique dans la situation actuelle, c'est
que souvent, dans nos débats, surtout pour nos problèmes d'ordre
économique, on trouve facilement des boucs émissaires.
Peut-être que les boucs émissaires ont des responsabilités.
A l'occasion, on dit: Nos problèmes à nous, les
Québécois, ce sont les Anglais. A d'autres occasions, on dit: Nos
problèmes à nous, les Québécois, ce sont les
grandes entreprises multinationales. D'autres fois, on dit: Nos
problèmes à nous, les Québécois, c'est le
gouvernement fédéral qui nous joue tout le temps.
M. le Président, cette fois-ci, dans le conflit qui nous
intéresse ce soir, dans le conflit de nos écoles au Québec
depuis six ou sept ans, je vous assure d'une chose: ce ne sont ni les Anglais,
ni les multinationales, ni le gouvernement fédéral qui en sont
responsables, parce que c'est une affaire entre Québécois.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est le gouvernement du
Québec, c'est ça.
M. Saint-Pierre: L'Opposition a une réponse très
rapide, mais je pense qu'elle fait preuve d'un simplisme qui ne serait pas
partagé par la population. Peut-être qu'il y a une
responsabilité collective qu'on ne peut pas passer à d'autres. Je
pense que, fondamentalement, il faut se rappeler la capacité de payer du
contribuable avant de juger ce que le gouvernement peut faire dans une
négociation. On a évoqué qu'on voulait tuer le
syndicalisme. C'est absolument faux puisqu'il m'appa- raît c'est
partagé par l'ensemble de mes collègues qu'un syndicalisme
responsable est un élément essentiel et nécessaire dans
toute société industrielle. Mais j'avoue que, voyant les
agissements de certains dirigeants syndicaux, j'ai un peu l'impression qu'ils
persistent à utiliser une recette de cuisine qui aboutit
inévitablement à la destruction du syndicalisme par
l'intérieur.
On n'a qu'à regarder les problèmes du syndicalisme dans
bien des milieux pour s'apercevoir que l'ennemi n'est pas à
l'extérieur, mais à l'intérieur et on voit les
résultats que ceci peut donner.
En conclusion, ce soir, il nous faut faire des choix. On ne peut tout
simplement pas continuer d'invoquer de grands principes. Il y a au moins deux
grands principes devant nous, mais il faut choisir lequel des deux est le plus
important. Il y a le principe du droit pour les enseignants de faire des
grèves ou de faire du harcèlement, le principe du droit des
commissions scolaires à décréter des lock-out.
C'est un principe réel inscrit dans nos lois. De l'autre
côté de l'équation, il y a le droit fondamental des
étudiants de terminer leur année scolaire et de ne pas perdre, en
1975/76, complètement les efforts qu'ils étaient eux-mêmes
prêts à faire ou que leurs parents ont bien voulu faire pour
tenter de leur assurer un avenir.
Or, devant cette équation, M. le Président, il me semble
que les données du bien commun l'exigent, mais le gouvernement ne veut
pas imposer ses volontés, ne veut pas rejeter du revers de la main le
principe de la négociation. Il vise fondamentalement l'ensemble de la
collectivité, et j'ai la conviction que chacun d'entre nous, retournant
dans son comté, aura la preuve de quel côté la population
se rangera. La population veut trois choses, et c'est l'essence même du
projet de loi. Elle veut une période de répit un "cooling
off", comme disent les Anglais pour que les gens reprennent leurs
esprits et sauvent l'année scolaire, pour qu'on cesse soit les lock-out,
soit les harcèlements, soit cette guerre psychologique dans nos
écoles surtout publiques, il est intéressant de le mentionner,
puisque dans le secteur privé, bien qu'on soit syndiqué, bien
qu'il y ait beaucoup de professeurs, il n'y a pas grand-chose qui se passe
là.
Deuxièmement, la population voudrait avoir un peu de
lumière. Elle a là trois commissaires qui pourront tenter de
jeter un peu de lumière sur la position des parties.
Troisièmement, la population demandera aux deux parties de
continuer à négocier. M. le Président, je vous soumets que
c'est l'essence même du principe qui est devant nous, ces trois
conditions, et qui m'apparaît mériter l'approbation, je l'aurais
souhaité, unanime de cette Chambre.
Le Président suppléant (M. Picard): Le
député de Saint-Jacques sur une question de règlement.
M. Charron: Une question de règlement, M. le
Président, en vertu de l'article 96. Je ne l'invoquerais pas si celui
qui vient de parler n'était pas mi-
nistre de l'Industrie et du Commerce et donc responsable des subventions
aux entreprises.
Je voudrais établir, à partir du calcul qu'il a
affirmé, un peu fantaisiste, il l'admettra avec moi qu'il
a pris le budget total du ministère de l'Education...
M. Hardy: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre!
M. Charron: M. le Président...
M. Hardy: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président suppléant (M. Picard):
Pourriez-vous vous en tenir à l'article 96?
M. Hardy: M. le Président, j'invoque le
règlement!
M. Charron: Vous pourrez intervenir sur mon point de
règlement si vous le voulez.
M. Hardy: J'invoque le règlement!
M. Charron: M. le Président, vous m'avez reconnu.
M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement
parce qu'en vertu de l'article 96...
M. Charron: M. le Président, est-ce que vous m'avez
donné la parole ou si le député de Terrebonne peut
m'interrompre comme cela?
M. Hardy: Oui, en vertu de l'article 96, le député
de Saint-Jacques n'a pas le droit de faire ce qu'il fait.
Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre, s'il
vous plaît!... A l'ordre!
Voulez-vous donner l'occasion au député de Saint-Jacques
d'expliquer ce qu'il veut rectifier dans l'intervention qu'il a faite?
Donnez-lui l'occasion.
M. Hardy: M. le Président...
M. Charron: M. le Président, je voudrais rétablir
les faits. Le budget n'est pas de $2,8 milliards, comme le dit le ministre de
l'Industrie et du Commerce.
M. Hardy: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre! Je
vais vous lire le règlement.
M. Hardy: Est-ce que vous comprenez ce que le
député de Saint-Jacques dit?
Le Président suppléant (M. Picard):
Certainement.
M. Hardy: Est-ce que vous avez lu l'article 96?
Le Président suppléant (M. Picard): Je connais
l'article 96 et je suis certain que le député de Saint-Jacques le
connaît.
M. Hardy: Oui mais voyez-vous qu'actuellement il réplique
au ministre?
Le Président suppléant (M. Picard): Donnez-lui donc
l'occasion de nous dire en quoi il a été mal
interprété par l'honorable ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Charron: M. le Président, quand le ministre de
l'Industrie et du Commerce prend le budget total de l'Education, le divise par
180, nombre de jours scolaires, pour arriver à son chiffre de $15
millions...
Le Président suppléant (M. Picard): Un instant, un
instant. Ah non!
M. Charron: ...c'est un chiffre fantaisiste.
Le Président suppléant (M. Picard): Non,non!
M. Charron: J'invoque mon privilège, M. le
Président!
Le Président suppléant (M. Picard): Question de
privilège.
M. Charron: J'invoque mon privilège parce que le ministre
de l'Industrie et du Commerce a trompé la Chambre quand il a
affirmé...
Le Président suppléant (M. Picard): Non, non! Il
n'y a pas de question de privilège là-dessus. A l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Hardy: M. le Président, pour les fins du journal des
Débats, je voudrais bien que les faits soient rétablis. Le
député de Saint-Jacques, avec votre consentement, a violé
le règlement. Il a répliqué au ministre de l'Industrie et
du Commerce. L'article 96 dit que si on a été mal cité par
l'opinant, on peut rétablir les faits. Volontairement, malicieusement,
le député de Saint-Jacques n'a pas respecté le
règlement et, malheureusement, c'est avec votre consentement.
Le Président suppléant (M. Picard): Est-ce qu'il y
a un autre opinant? Le député de Saguenay.
Une Voix: Cela, cela va être bon! M. Lucien
Lessard
M. Lessard: Le député de Rosemont peut sortir, M.
le Président. Il peut aller lire à la salle de lecture.
M. le Président, vous constatez exactement ce soir, de la
façon que les députés libéraux se comportent,
pourquoi nous avons tenté de nous opposer à une première
motion qui a été présentée par le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Hardy: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président suppléant (M. Picard): Sur une
question de règlement.
M. Hardy: M. le Président, il y a une règle
fondamentale du règlement qui régit nos travaux qui dit que l'on
doit s'en tenir à la pertinence du débat.
M. Lessard: Cela va venir, attendez un peu.
M. Hardy: Justement, ce n'est pas, cela va venir, c'est
maintenant.
Il y a eu antérieurement au cours de cette séance une
motion pour suspendre le règlement.
M. Lessard: Dont on a disposé.
M. Hardy: La Chambre a disposé de cette motion. La Chambre
s'est prononcée majoritairement. Dieu merci, la majorité a encore
des droits dans cette province et la majorité a décidé
qu'on devait procéder immédiatement à l'étude du
principe du projet de loi. Alors, le député de Saguenay n'a pas
à recommencer le débat. La Chambre s'est prononcée et,
à ce stade-ci, il doit discuter du principe du projet de loi. S'il n'a
rien à dire sur le principe du projet de loi, qu'il se taise.
M. Bédard (Chicoutimi): II ne recommence pas le
débat, il fait référence à un débat.
Réveillez-vous.
Le Président suppléant (M. Picard): J'inviterais le
député de Saguenay à s'en tenir strictement au
débat de deuxième lecture du projet de loi qui est devant nous
présentement.
M, Lessard: M. le Président...
M. Burns: Je m'excuse, M. le Président.
M. Hardy: Imaginez-vous, ils sont six puis ils ne s'entendent
pas.
Le Président suppléant (M. Picard): Sur une
question de règlement.
M. Burns: M. le Président, simplement une
référence à l'article 120; je ne vous le lis même
pas, vous le connaissez par coeur, d'accord?
M. Lessard: M. le Président, je vous rappelle en
particulier la dernière partie de l'article 120.
Je disais, M. le Président, que nous avons eu l'occasion de
disposer ce soir de deux motions. L'une a été
présentée par le leader parlementaire du gouvernement et elle
suspend un certain nombre de règles alors que nous avons besoin de temps
pour discuter d'une question extrêmement importante. Nous avons à
discuter de l'avenir des enfants au Québec, de l'avenir de
l'enseignement au Québec. Nous étions convaincus que, pour
discuter de cet avenir, il fallait un climat sain, il fallait le faire en
respectant tout le règlement que vous-même avez
élaboré avec, non seulement les députés du
gouvernement, ou le leader parlementaire du gouvernement, mais aussi avec tous
les responsables de l'Opposition.
M. le Président, c'est justement lorsque nous avons un projet de
loi aussi important que nous avons l'obligation, la nécessité
même, comme parlementaires, de l'étudier dans un climat serein.
Nous allons, quant à nous, parce que je considère qu'il s'agit
d'une chose extrêmement importante, et je le fais non seulement comme
parlementaire, mais particulièrement parce que j'ai vécu le
climat de l'enseignement, parce que j'ai eu l'occasion d'y travailler dans ce
climat...
M. Vallières: Cela ne paraît pas.
M. Lessard: M. le Président, si aussi nous avons
demandé...
M. Tardif: Cela ne paraît pas. Pauvres
étudiants!
M. Charron: La basse-cour là.
Une Voix: II peut bien y avoir des échecs dans ce
coin-là.
M. Lessard: Si nous avons aussi demandé de retarder de
cinq jours ce projet de loi, c'est parce que nous considérions que cinq
jours nous auraient permis d'empêcher une situation désastreuse
dans l'enseignement. J'ai l'intention, au cours des quelques minutes que j'ai,
de me poser la question fondamentale, la question importante qui serait
celle-ci: Qui est responsable, actuellement, de la situation dans
l'enseignement? L'ex-ministre de l'Education, le ministre de l'Industrie et du
Commerce, a avoué, tout à l'heure que cela ne marchait plus dans
l'enseignement public. Tout à l'heure, il a essayé de nous dire
qu'il fallait absolument modifier le climat dans l'enseignement public. Je lui
dis qu'il avait toutes les possibilités, pendant qu'il était
ministre de l'Education, pendant justement qu'il est actuellement ministre de
l'Industrie et du Commerce.
Il avait toutes les possibilités, non seulement de 1968 à
1972, mais particulièrement de 1972 à 1976, d'essayer de trouver
des solutions adéquates pour améliorer le climat de
l'enseignement.
Or, M. le Président, on n'a absolument rien fait. J'ai
l'intention d'essayer de vous démontrer, ce soir, pourquoi le
gouvernement, non seulement avait les instruments, mais pourquoi le
gouvernement n'a pas pris les responsabilités qui lui appartiennent pour
essayer de régler ou pour essayer d'améliorer le climat de
l'enseignement.
Quand j'écoute et je l'ai déjà dit ici
à cette Assemblée nationale certains députés
lorsqu'ils nous parlent des enseignants, lorsqu'ils nous parlent de
l'enseignement, lorsqu'ils nous parlent des qualités nécessaires
pour un enseignant dans les écoles, j'ai tout simplement l'intention de
vous dire que si on demandait au député les mêmes
qualités qu'on exige ce soir ou qu'on exige depuis un certain temps chez
les enseignants, il n'y aurait pas beaucoup de députés qui
seraient ici à l'Assemblée nationale.
M. Tardif: Vous ne seriez pas député.
Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! ...A
l'ordre, messieurs!
Je suis le mieux possible, j'écoute l'intervention du
député de Saguenay. Je considérais que son intervention
était une entrée en matière, sur le rôle de
l'enseignant, sur les difficultés qu'il peut avoir et tout, mais
parlez-moi quand même des difficultés des négociations.
A l'ordre, s'il vous plaît! ...A l'ordre! ...A l'ordre, messieurs!
Je rappelle à l'ordre...
Ecoutez, que vous ayez une entrée en matière sur... S'il
vous plaît, messieurs! A l'ordre, messieurs! Je rappelle
collectivement... Messieurs, un peu de calme, s'il vous plaît! ...A
l'ordre! ...A l'ordre! ...S'il vous plaît, messieurs!
D'un côté, c'est individuel; de votre côté,
c'est collectif; je suis bien prêt à vous ramener à
l'ordre, mais je n'ai pas la mémoire des noms, je pourrais en nommer
quelques-uns, mais...
Vous avez vingt minutes pour parler du projet de loi actuellement,
j'accepte cinq minutes d'entrée en matière sur le rôle
difficile de l'enseignant, mais parlez-moi surtout des difficultés des
négociations.
A l'ordre, le député de Vanier, s'il vous plaît!
M. Lessard: M. le Président, j'ai décidé de
vous parler de l'objectif du projet de loi. L'objectif qu'on poursuit en vertu
du bill 23 se lit comme suit, en vertu du titre: Loi concernant le maintien des
services dans le domaine de l'éducation et abrogeant une disposition
législative.
Quand je parle du maintien des services dans le domaine de
l'éducation, je me dis une chose: Ce n'est pas n'importe quel service
qu'il faut maintenir. Ce ne sont pas des services de prisonniers qu'il faut
maintenir. Il faut maintenir des services de qualité et il faut se poser
une question fondamentale ici ce soir. C'est celle-ci, et c'est sur cela que
j'ai commencé mon intervention: Pourquoi les services de qualité
n'existent-ils plus actuellement dans l'enseignement et pourquoi sommes-nous
dans l'obligation, ce soir, d'en arriver à une loi spéciale qui
tente de rétablir ces services?
J'ai l'intention de vous démontrer que cette loi ne correspond
pas aux véritables objectifs parce qu'il y avait des objectifs qui
auraient dû être poursuivis par le ministère de l'Education
depuis de nombreuses années et qui n'ont jamais été
poursuivis.
J'ai l'intention d'utiliser un rapport des fonctionnaires même du
ministère de l'Education, rapport publié en 1975, rapport qui
avait été demandé le lendemain du décret en 1972 et
qui va répondre exactement, en tout cas, en ce qui concerne je
peux me permettre; j'ai le droit de me tromper à la question que
le ministre de l'Industrie et du Commerce posait tout à l'heure: Qui est
responsable de la dégradation de l'enseignement dans nos
écoles?
Le ministre de l'Industrie et du Commerce a eu énormément
de latitude tout à l'heure. J'exige ou, du moins, M. le
Président, je pense qu'on de- vrait me permettre la même latitude
qu'on a permis au ministre de l'Industrie et du Commerce. Le ministre de
l'Industrie et du Commerce nous disait que ce n'était pas le
gouvernement fédéral, que ce n'étaient pas les gros
Américains, que ce n'étaient pas les Anglais, mais il tentait de
dire que c'était d'abord une question collective, un problème
collectif.
J'ai l'intention de répondre au ministre de l'Industrie et du
Commerce et de démontrer que la première responsabilité
revient au gouvernement du Québec, parce qu'il a eu les informations
nécessaires, il a eu les documents nécessaires, il a eu les
études nécessaires et il a eu les moyens nécessaires, lui,
pendant qu'il était ministre de l'Education et maintenant qu'il est
solidaire du conseil des ministres, pour essayer de trouver des solutions au
moment où ces solutions pouvaient être trouvées. C'est
cela, M. le Président, l'objectif de mon intervention; essayer de dire
quels auraient du être les services dans l'enseignement et quels
devraient être les services dans l'enseignement après, justement,
qu'on aura rétabli un climat un peu sain dans nos écoles.
M. le Président, sans remonter au bill 25, en février
1975, je voudrais vous souligner qu'en 1972, soit le 15 décembre 1972,
un deuxième décret était imposé aux enseignants par
l'arrêté en conseil no 3811. Cet arrêté en conseil
déterminait les conditions de travail des enseignants à l'emploi
des commissions scolaires et des commissions régionales jusqu'au 1er
juillet 1975.
Mais ce sur quoi je voudrais insister, c'est que l'article 7 du chapitre
8 de ce décret qui tenait lieu de convention collective stipulait ce qui
suit: "Le ministère met sur pied une commission d'étude dont le
mandat sera de proposer des méthodes et/ou des systèmes pouvant
permettre une utilisation optimale des ressources humaines actuellement
affectées au système d'éducation, compte tenu des
orientations pédagogiques du ministère, des dispositions
financières et des priorités collectives du Québec."
Donc, trois conditions: orientations pédagogiques du
ministère, dispositions financières et priorités
collectives du Québec. Pourquoi? Pourquoi y avait-il à
l'intérieur d'un article de la convention ou d'un article du
décret cette stipulation? C'est parce que justement non seulement en
1972, mais de février 1967 jusqu'en 1972, on avait constaté une
dégradation constante dans le système public. Il fallait
absolument, à ce moment-là, étant donné que le
gouvernement avait décidé d'imposer un décret, trouver les
solutions nécessaires pour que nous arrivions, lors de la prochaine
négociation collective, à une convention négociée
et non pas à un décret.
M. le Président, je voudrais vous citer quelques points du
rapport CETES. Quel était son mandat? Je viens de le souligner. Mais
j'aimerais vous citer une partie de ce document où on précise un
certain nombre de choses concernant les objectifs visés.
A la page 5 de ce document, on lit ceci: "En ce qui concerne les
orientations pédagogiques, la
commission s'est inspirée des règlements nos 1 et 7 du
ministère de l'Education et de certains textes comme: L'école,
milieu de vie."
Elle présente ci-après les résultats de son
étude sur ce sujet: "Les dispositions financières sont
demeurées le secret des dieux puisque la commission a vainement
tenté une commission gouvernementale de rencontrer les
autorités compétentes en la matière."
Donc, en ce qui concerne les dispositions financières, le
gouvernement n'a jamais voulu assurer sa collaboration à la commission
CETES. C'est là un des problèmes fondamentaux dans cette
négociation collective. On a refusé, dès le départ,
la table centrale qui aurait permis, dans un système de
négociations où on respecte l'autre partie, de déterminer
un certain nombre de priorités, de déterminer plus
particulièrement les dispositions financières.
Mais plus que cela, M. le Président, c'est encore le rapport
CETES qui affirme ce qui suit: "Quant aux priorités collectives
pourtant c'est là une chose importante les commissaires n'y ont
trouvé qu'une vague velléité, compte tenu des
réponses obtenues en haut lieu et du champ particulier des
investigations portant sur les tâches."
M. le Président, on a confié un mandat clair et net, dans
une convention, dans un décret imposé par le gouvernement, en
précisant que cette commission devait tenir compte non seulement des
dispositions financières mais aussi des priorités collectives,
comme des orientations pédagogiques du ministère de
l'Education.
Or, deux de ces critères n'ont pas été
respectés par le gouvernement, et le gouvernement a choisi d'autres
priorités collectives que l'éducation, à savoir la baie
James et les Jeux olympiques.
M. le Président, je ne veux pas, contrairement au ministre de
l'Industrie et du Commerce, limiter l'amélioration de l'enseignement
à une question financière. Chacun d'entre nous a eu des
institutrices qui travaillaient à des salaires de $200, $250 et $300 par
année et qui faisaient leur travail, et qui aimaient leur travail.
Mais le sacerdoce, cela a fait son temps, il faut y mettre fin. C'est
vers les années cinquante que les enseignants ont essayé de
négocier, ensemble, des conventions collectives, mais avant d'être
une question salariale. On n'a pas encore discuté de question salariale,
c'est pourquoi le projet de loi qui nous est présenté ce soir est
un projet de loi qui vient trop vite, c'est un projet de loi qui ne nous permet
pas d'évaluer entièrement la situation.
Les objectifs généraux du ministère de l'Education
sont soulignés dans ce document qui, je le précise encore, est un
document qui provient des fonctionnaires mêmes du ministère de
l'Education. C'est en ce sens que nous avons tujours affirmé depuis
quelques semaines, ici, à l'Assemblée nationale, que le
gouvernement refusait un médiateur parce qu'il avait tout simplement
peur que ses propres recommandations, de son propre ministère, soient
soulignés par le médiateur.
En effet, quelles étaient ces orientations pé- dagogiques
au niveau de l'élémentaire? D'abord, "l'école
élémentaire veut assurer, lit-on à la page 7, le
développement personnel harmonieux de l'élève. Elle doit
favoriser le développement intégral de l'enfant au point de vue
physique, intellectuel, affectif, social, moral et religieux."
Autrement dit, l'école élémentaire doit offrir
à l'élève un milieu favorable à
l'épanouissement de sa personnalité.
Mais, quels étaient les moyens que proposaient les fonctionnaires
du ministère de l'Education pour atteindre ces objectifs?
C'était ceci, et c'est à partir de ce document que je veux
souligner que le ministère de l'Education, que le gouvernement du
Québec n'a pas assumé ses responsabilités parce qu'il y
avait là un document qui était clair, un document qui aurait
permis de répondre aux questions. "Pour atteindre les objectifs
généraux de l'école élémentaire,
l'organisation pédagogique privilégie l'individualisation de
l'enseignement comme moyen de faciliter le progrès continu de
l'école."
C'est de l'évidence même, je l'admets, mais c'est l'une des
conditions essentielles dans la négociation collective actuellement. Les
enseignants, jusqu'ici, ont continuellement parlé de
l'amélioration de la qualité de l'enseignement.
Comment voulez-vous individualiser l'enseignement auprès de
l'enfant? Comment voulez-vous répondre aux objectifs pédagogiques
du gouvernement quand on ne veut pas ou quand on refuse la possibilité
de mettre un maximum par classe?
C'est un problème fondamental. Si nous sommes aujourd'hui devant
ce projet de loi, si nous avions actuellement un projet de loi qui nous est
imposé, un projet de loi qui sera imposé aux enseignants, c'est
tout simplement parce qu'on n'a pas voulu répondre aux principes
pédagogiques que prônaient le ministère de l'Education ou
les fonctionnaires du ministère de l'Education.
Au niveau du secondaire, c'était à peu près la
même chose, quoique les objectifs pédagogiques du ministère
n'étaient pas très bien précisés.
Je m'aperçois qu'il me manque du temps et je voudrais terminer
assez vite en disant ceci: Si je prenais la convention collective exigée
par les enseignants, soit sur le nombre de périodes, soit sur le nombre
d'élèves par classe, et si je reprenais exactement les
recommendations du rapport CETES, je continuerais de vous prouver que ce qu'on
exige dans la convention collective des enseignants correspond à peu
près exactement à ce que les fonctionnaires du ministère
de l'Education on demandé dans un rapport public.
Comme le climat est malsain, je termine par la motion suivante...
M. Vallières: Vous ne connaissez rien. Motion
d'ajournement
M. Lessard: ...que les débats soient maintenant
ajournés en vertu de l'article... en vertu de la motion qui nous a
été présentée par le leader parlementaire...
M. Vallières: En vertu de la fatigue que vous
éprouvez.
M. Lessard: Laissons faire l'article 77. En vertu de la motion
qui nous a été présentée par le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Hardy: Lapsus linguae!
Le Président: Avant de reconnaître, dans le terme
parlementaire, le député de Saint-Jean et de lui accorder le
droit de parole, je voudrais vous dire que cette motion, je ne suis pas
prêt à l'accepter comme vous venez de la faire.
Si j'accorde le droit de parole au député de Saint-Jean,
si personne ne soulève de questions, il parlerait sur votre motion
d'ajournement. Je ne suis pas prêt à accepter votre motion
d'ajournement.
Avant que je ne rende ma décision sur cette question
d'ajournement des débats, y en a-t-il qui désirent parler sur la
question?
Je suis prêt à rendre ma décision, si vous
voulez.
M. Hardy: Si vous êtes éclairé, le
règlement dit que vous devez rendre votre décision.
Décision du président
Le Président: Je suis prêt à rendre ma
décision mais, s'il y a des membres de cette Chambre qui désirent
intervenir sur la question de règlement, sur la question de la
recevabilité de cette motion, je suis prêt à les entendre.
Il n'y a personne...
M. Picard: Je crois que c'est en vertu de l'article 77, mais
l'article 77 a été suspendu.
Le Président: Ce ne sera pas tellement long.
J'espère que la Chambre me dispensera de lire la motion qui a
été adoptée par cette Assemblée cet
après-midi proposée par le leader parlementaire du gouvernement.
Au paragraphe 2, on demande de suspendre différents articles dont
l'article 77 qui prévoit dans notre règlement l'ajournement du
débat. Par contre, dans le troisième paragraphe, je vois, je
pourrais dire, prima facie une certaine contradiction. Dans le premier
paragraphe, on suspend une série d'articles dont l'article 77 et, dans
le deuxième paragraphe, on dit: "En conséquence, que
l'application des règles ci-dessus énumérées soit
suspendue et que l'Assemblée puisse siéger sans interruption de
dix heures jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner, tous les
jours de la semaine sauf le dimanche, avec suspension des travaux de treize
heures à quinze heures et de dix-huit heures à vingt heures, et
qu'à toutes ces séances l'ordre des affaires du jour soit celui
qui est prévu pour le mardi par les articles 35 et 36 du
règlement et ce, jusqu'à l'adoption du projet de loi 23".
Cette motion a déjà été
éprouvée à quatre ou cinq reprises, je crois, dans le
texte actuel. Je dois reconnaître que nos parlementaires il y a de
l'amélioration partout ont trouvé une certaine faille dans
le libellé textuel de l'article. C'est déjà une
amélioration de notre Parlement.
A l'occasion, cela apportera, autant au président qu'au
secrétaire général et à ses assistants, un rodage
et une occasion d'éducation permanente. Je dois décider. Ecoutez,
je ne voudrais pas éterniser cette décision. Je dis que la
décision de l'Assemblée, au départ, est urgente. Cette
motion de suspension des règles, en vertu de l'article 84,
deuxièmement, dit l'urgence d'adopter une loi; ensuite, on demande de
suspendre l'ajournement du débat prévu à l'article 77 et,
au troisième paragraphe, on dit qu'on doit siéger jusqu'à
l'adoption du projet de loi 23.
Je me rattache, pour rendre ma décision dans cet esprit, non pas
à la lettre où il y a une phrase qui dit: Jusqu'à ce
qu'elle décide... Si la Chambre décide de s'ajourner et que
quelqu'un se lève actuellement et me dit qu'il y a consentement unanime,
la Chambre est souveraine. S'il n'y a pas consentement unanime, je vais me
référer pour rendre ma décision aux derniers amendements
que nous avons adoptés il n'y a pas tellement longtemps, il y a une
semaine ou deux, où on a apporté un amendement à l'article
65 du règlement.
L'article 65 est la base, en somme, de ma décision. Je lis
l'article 65 dans le texte qui existe depuis trois ans environ et je vais y
ajouter l'amendement qu'on y a apporté. "Le président doit mettre
en délibération toute motion, mais dès qu'une motion lui
paraît irrégulière, en elle-même ou par les buts
qu'elle veut atteindre, il doit le signaler à l'Assemblée et il
peut, après avoir motivé sa décision, refuser qu'on en
délibère ou qu'on la mette aux voix?
C'est sans doute par analogie que je le fais. Il est dit qu'il est
permis au président c'est vrai que cette motion est vidée
en vertu du dernier amendement qu'on a apporté, de "modifier dans
sa forme une motion pour la rendre recevable". Je ne voudrais pas modifier une
motion qui a été vidée, mais je crois que la phrase qui
dit: "Jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner s'il n'y a pas
consentement unanime" vient peut-être en contradiction avec la suspension
de l'article 77, l'urgence qui a été décidée par
l'Assemblée, cette suspension qui a été
décidée par l'Assemblée et cette décision de
l'Assemblée de siéger jusqu'à l'adoption de la loi 23.
Je pense bien que, dans tout ce contexte, je ne peux pas accepter une
motion d'ajournement du débat. Messieurs, je pense bien que nous sommes
liés jusqu'à nouvel ordre, à siéger. Qu'on
siège cette nuit, demain et qu'on siège jusqu'à l'adoption
de la loi! Siégeons!
Le député de Saint-Jean.
M. Jacques Veilleux
M. Veilleux: M. le Président, j'ai écouté
attentivement les propos qu'ont tenus les membres de l'Opposition depuis le
début. J'ai constaté qu'on
avait parlé énormément de la négociation
comme telle, faisant des reproches à cette négociation. On a
parlé des droits des patrons. On a parlé aussi surtout des droits
des syndicats, des droits des enseignants, des droits des syndiqués. On
a parlé des conditions de travail qu'on retrouvait dans les
écoles. Même le chef de l'Opposition officielle nous a dit
à un certain moment que ça pouvait aller jusqu'à 40
étudiants par classe. On a parlé de faire perdre la face aux
syndicats. Le député de Saguenay a même réussi tout
à l'heure à parler je me demandais quand ça
viendrait de la baie James et des Jeux olympiques.
Dieu sait, M. le Président, q ue sans la baie James et les Jeux
Olympiques, bien des maux, selon l'Opposition, n'existeraient pas. On pourrait
se poser la question et l'Opposition l'a fait, à savoir qui est
responsable de la situation actuelle. La réponse unanime de l'Opposition
officielle a été: Le gouvernement, le ministre de la Fonction
publique, le ministre de l'Education, le ministre d'Etat à
l'Education.
Ce serait facile pour moi de faire le procès, même du
gouvernement, des syndiqués, du syndicat, des chefs syndicaux, faire ce
que l'Opposition officielle a fait depuis le début de la soirée.
Je vous dirais que ce serait tomber dans la facilité. Je veux tout
simplement me poser la question suivante: Pourquoi le gouvernement a-t-il
déposé devant nous ce projet de loi no 23 et comment le
député de Saint-Jean doit-il voter? Doit-il voter pour? Doit-il
voter contre? Et pourquoi doit-il voter pour ou pourquoi devrait-il voter
contre? Pour ça, je pense qu'il faut s'arrêter à quatre
groupes de personnes qui oeuvrent dans le domaine de l'enseignement,
auprès des étudiants.
Je veux parler des parents. Je n'ai pas entendu l'Opposition officielle
parler beaucoup des parents, dire ce qui arrivait aux parents dans la situation
actuelle, aujourd'hui, le 6 ou 7 avril 1976. Je voudrais qu'on se pose aussi la
question à savoir ce qui arrive à des personnes qui ont
vécu de très près ces problèmes dans chacune des
écoles du Québec depuis le début, depuis la
négociation, depuis les méthodes de harcèlement, les
grèves. M. le Président, et je veux parler des principaux
d'école. Qu'est-ce qu'ils font présentement, les principaux
d'écoles, dans les classes, dans les écoles? Je voudrais parler
aussi un peu de l'enseignant, pas du chef syndical, de l'enseignant et terminer
par l'étudiant ou l'enfant.
M. le Président, on a l'occasion, comme député, les
fins de semaine et surtout le lundi, lorsqu'on reçoit les
électeurs de notre comté, de rencontrer des parents. Parce que la
très grande majorité de nos électeurs sont des parents et
on est à même de constater leur inquiétude face à la
situation, actuellement, au Québec dans le domaine de l'enseignement,
leur inquiétude face à l'avenir non seulement de leurs enfants,
mais face à l'avenir de la société du Québec.
On dénote chez eux une certaine agressivité, sinon une
agressivité certaine vis-à-vis du système scolaire public,
compte tenu de ce que vit présentement le système scolaire
public.
Et l'Opposition officielle se targue de dire que les
députés libéraux ont des enfants qui fréquentent
l'école privée. Oui, M. le Président, il y a des
députés libéraux qui envoient leurs enfants à
l'école privée. Il y en a d'autres, aussi, qui les envoient dans
le secteur public. Mais s'est-on demandé pourquoi le secteur
privé prend actuellement de plus en plus d'ampleur au Québec?
C'est à cause de cette agressivité qu'on rencontre chez les
parents vis-à-vis du système scolaire public.
Pas plus tard que la fin de semaine passée, un parent, un simple
ouvrier est venu dire devant 250 personnes pourquoi il envoyait son enfant
à l'école privée, pourquoi sa femme avait
été obligée d'aller travailler pour envoyer son enfant ou
ses enfants à l'école privée. Le ministre de l'Education
était là. La raison fondamentale? Son agressivité
vis-à-vis du système scolaire public.
Pour les parents, pour eux, présentement, les contacts avec
l'école deviennent de moins en moins intéressants et même,
souventefois, moins fréquents qu'ils pouvaient l'être. Les parents
c'est important pour les parents et pour les élèves
ignorent, dans la situation actuelle, les résultats de leurs enfants.
Cela peut peut-être ne pas paraître important pour plusieurs, que
l'enfant ne reçoive pas son bulletin à la fin du mois, ne
reçoive pas ses notes à la fin du mois ou à la fin de
l'année, mais pour les parents, c'est important.
Plusieurs députés, parmi nous, ont eu l'occasion d'avoir
la visite de principaux d'écoles à leur bureau. On a
été à même de constater, chez les principaux, une
difficulté d'assurer le leadership dans leur école, parce qu'ils
étaient témoins impuissants de la détérioration du
milieu scolaire provoquée pas par les étudiants, pas par les
parents, mais par des forces extérieures.
Le principal, M. le Président, face à ce qui se passe
présentement dans les écoles, est frustré de voir des
réalisations compromises, des projets pédagogiques
abandonnés, projets extrêmement importants pour améliorer
l'enseignement et le rendement des étudiants. Le principal,
actuellement, dans les écoles, a de la difficulté à
assurer la sécurité des étudiants. Il est tout simplement
quelque part dans son école, surveillant la situation, réparant
le mieux possible les accrocs causés par d'autres, pas par lui, pas par
les étudiants, mais causés par d'autres, contribuant à
couvrir des plaies sur lesquelles d'autres appliqueront le baume une fois le
conflit terminé.
C'est la situation déplorable dans laquelle se trouve
présentement chaque principal d'école dans chacune des
écoles du Québec.
L'enseignant, M. le Président, dans la situation présente,
où se retrouve-t-il? Il devient, par la force des choses, ambivalent
parce que coïncé entre sa conscience professionnelle et les
directives syndicales légales, je l'admets, et lui aussi l'admet. Mais
il se pose quand même la question: Est-ce que, professionnellement, je
dois faire telle chose ou si, parce que je fais, quand même partie d'un
syndicat, je dois poser tel geste légal?
L'enseignant, M. le Président, est frustré lui aussi parce
que ses efforts professionnels, présentement, ne sont pas suffisamment
reconnus par toute personne autre que lui dans l'enseignement.
Cette situation actuelle, crée, dans chacune des écoles,
pour l'enseignant, un climat de suspicion, lequel climat est créé
par des conflits internes. J'en sais quelque chose parce que, comme
président de syndicat, j'ai eu l'occasion de vivre, dans mon milieu, des
situations extrêmement difficiles et de demander parfois à des
enseignants, à l'époque où j'étais
président, de poser des gestes légaux.
J'ai été à même de constater, entre les
enseignants et mes collègues qui ont vécu cette
expérience dans les écoles pourront l'affirmer d'un
enseignant vis-à-vis de l'autre, une suspicion, des disputes, des
chicanes qui auraient pu ne pas exister si l'enseignant n'avait pas eu à
choisir entre sa conscience professionnelle et des directives syndicales
légales. C'est une chute, présentement, qu'on rencontre chez
l'enseignant j'ai eu l'occasion, tout à l'heure, de communiquer
avec quelques-uns dans ma région une chute d'enthousiasme, M. le
Président, face à ce qui se passe depuis un certain temps dans
les écoles.
Dans tout cela, de la part de l'Opposition officielle, depuis le
début de la soirée, le grand oublié de ce conflit, le
grand oublié dans ce débat par l'Opposition, c'est l'enfant,
l'étudiant dans chacune des écoles. L'enfant qui aurait dû
être, pour l'Opposition officielle, comme il l'a été, par
exemple, pour le ministre de l'Industrie et du Commerce et tous mes autres
collègues du Parti libéral qui sont intervenus avant moi, qui
aurait dû être, pour eux aussi, l'objet de leur
préoccupation première. Voilà quelle aurait dû
être, dès le début du débat de ce projet de loi no
23, la préoccupation première des membres de l'Opposition.
Est-ce que l'on songe à l'enfant quand on lui crée un lieu
de vie instable, insécurisant, non motivant, comme il vit
présentement dans chacune des écoles? Est-ce que l'on songe
à l'enfant quand on galvaude différentes expressions: le bien de
l'enfant, un milieu de vie intéressant, une éducation de
qualité, une instruction de qualité, tous les autres slogans qu'a
pu galvauder, depuis le début de la soirée, l'Opposition, et que
peuvent galvauder d'autres personnes dans les différents media
d'information ou dans les écoles? Est-ce que l'on songe à
l'enfant quand on s'en sert à toutes les sauces, tant syndicales que
politiques? L'enfant serait-il et là je me pose la question
le camouflage, pour l'Opposition, d'une idéologie? On doit se
poser la question.
Est-il acceptable que des personnes responsables ignorent les
conséquences mesurables et possibles que la situation présente
entraîne chez l'enfant, chez l'étudiant? Nombre d'enfants sont
moins intéressés, et derrière leurs boutades, il se cache
une très grande insécurité, parce que l'étudiant
devient simplement un témoin nerveux et inquiet. Ce soir, un parent de
mon comté communiquait avec moi au téléphone. Il a un
commerce d'épicerie dans mon comté. Trois jeunes de 16 et 17 ans,
écoeurés par ce qui se passe présentement dans leur
école, ce soir, sont, à la recherche de travail.
Les enfants ne sont que les témoins nerveux et inquiets de
chicanes strictement d'adultes. Les principaux d'écoles qui sont venus
me voir l'autre jour m'ont dit, M. le Président, ils me l'ont
écrit sur une feuille de papier, les absences des étudiants aux
cours ont plus que doublé depuis un mois. Donc, perte de jours de
classe, absences, en plus, des étudiants, parce qu'il n'est pas toujours
agréable pour l'étudiant, comme le mentionnait le ministre de
l'Industrie et du Commerce, ce soir, de se rendre à l'école,
à 8 h 30 ou 9 heures le matin, et d'être dans l'obligation, parce
que l'école est à 25 ou 30 milles de la maison, de
téléphoner à son père ou à sa mère
d'aller le chercher à l'école ou encore de faire de l'auto-stop
pour retourner à la maison, quand il y retourne, à la maison.
Il y a, au moment où on se parle, une augmentation de ce qu'on
appelle les "dropout": tout cela par écoeurement.
Je mentionnais tout à l'heure un exemple. Je pourrais en
mentionner plusieurs, parlant de mon comté, qui m'ont dit que leurs
enfants de 15 ans, 16 ans ou 17 ans se préparaient à laisser
l'école s'ils ne l'avaient pas déjà laissée, tout
simplement parce qu'ils ne savaient pas quand se terminerait ce malaise qui
existe dans les écoles à cause d'un conflit strictement
d'adultes.
M. le Président, la réforme de l'éducation a
peut-être fait des chômeurs instruits au Québec, mais les
négociations dans le secteur public sont en train de faire des
chômeurs non instruits au Québec. Est-ce que l'un est mieux que
l'autre? Je ne le crois pas, M. le Président. Je dis tout simplement
qu'il nous faut penser. On s'est préoccupé tout à l'heure
de l'avenir des jeunes. Nous aussi avec le projet de loi, on s'en
préoccupe en disant: En négociation, préoccupez-vous de
l'avenir des jeunes en négociant des conditions de travail qui pourront
améliorer différentes choses. Le projet de loi no 23 veut
régler l'avenir immédiat des jeunes qui laissent de plus en plus
nos écoles.
Disons tout simplement qu'il serait bon et on prévoit dans
le projet de loi que la négociation se continue qu'à la
fois le ministère de l'Education, les autres patrons, la
Fédération des commissions scolaires, les CEGEP, les syndicats,
tant protestants qu'anglo-catholiques, la Centrale de l'enseignement du
Québec fassent une mise en commun de leur bonne foi afin
d'accélérer le processus des négociations. Je dis qu'il
est possible de le faire, M. le Président. Il est possible de le faire
parce que dans le projet de loi il y a une stipulation qui pourra permettre
peut-être que l'interdiction de la grève enlève aux
enseignants un moyen de pression, comme le disait le député de
Saint-Jacques, sur les négociations. Je crois que le fait, quoi qu'on en
dise, qu'il y ait trois commissaires aux différends scolaires qui
rendront public ce qu'ils pensent, tant des offres que des demandes syndicales
ou de la situation en négociation, cela peut constituer aussi, pour le
gouvernement, un moyen de pression pour donner ce qu'il y a de mieux, selon nos
moyens, toujours, aux enseignants.
Il nous faudra, M. le Président, et je pense que
tous les membres de cette Chambre sont unanimes, lorsque cette
convention collective sera signé et j'ai bien dit convention
collective signée repenser les mécanismes de la
négociation dans les secteurs public et parapublic. D'ailleurs, le
ministre de la Fonction publique a déclaré il y a quelque temps
que, compte tenu de l'expérience qu'il vivait présentement, il
s'engageait ni plus ni moins, lorsque cette convention collective sera
signée, à repenser tous les mécanismes d'une convention
collective pour ne pas oonnaître dans les années à venir
une situation comme celle qu'on connaît présentement. Quel que
soit le coupable de la situation actuelle, quel que soit le degré de
culpabilité de qui que ce soit qui a fait qu'on est dans cette
situation, je crois que, pour l'avenir immédiat des jeunes, on doit
voter cette loi qui signifiera un retour au travail pour tous les
syndiqués dans le domaine de l'enseignement et qui permettra de
continuer cette négociation. J'espère personnellement que cela se
terminera par une convention collective dûment signée et
acceptée par les deux parties. Merci.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Laurentides-Labelle.
M. Roger Lapointe
M. Lapointe: M. le Président, je me réjouis avec la
population de ma région, parents, étudiants et un bon nombre
d'enseignants qui souhaitaient de la part du gouvernement une intervention
énergique pour mettre fin à ce désordre qui règne
dans les CEGEP et dans les écoles secondaires et
élémentaires du Québec. En déposant cette loi, le
gouvernement a répondu aux désirs de la majorité de la
population du Québec qui était inquiète de voir ses
enfants perdre leur année scolaire. Des centaines de parents m'ont fait
part de leur inquiétude face à l'année scolaire de leurs
enfants et ont demandé une intervention immédiate du
gouvernement.
Combien d'étudiants de niveau secondaire V risquent de
compromettre leurs études collégiales face à certaines
mesures de harcèlement, comme le refus de remettre les notes aux
étudiants? Combien d'étudiants de niveau secondaire et
collégial ont abandonné leurs études depuis quelques
semaines, à cause du climat malsain qui règne dans divers
collèges et écoles du Québec? Combien
d'élèves de niveau élémentaire et secondaire auront
à subir au cours de leur prochaine année scolaire le contrecoup
des jours de classe perdus depuis les dernières semaines?
Si une telle situation se maintenait, il est facile de s'imaginer les
torts irréparables qu'auraient à subir les étudiants de
tous les niveaux face à leur avenir. Ce sont des problèmes et des
implications qu'on peut difficilement évaluer financièrement.
Cependant, si je me base sur des chiffres cités par le ministre de
l'Education ce matin, à l'effet que 15 millions de
jours-élève environ ont été perdus au Québec
depuis le début du conflit, un calcul rapide nous démontre que
des sommes fantastiques sont englouties chaque jour, sans aucun résultat
positif.
Même un grand nombre d'enseignants membres de la CEQ souhaitaient
cette mesure. Ils la souhaitaient parce qu'ils sont satisfaits en
général des offres gouvernementales. Ils la souhaitaient parce
qu'ils ont à coeur de mener à bien l'année scolaire des
étudiants dont ils ont la responsabilité. Ils la souhaitaient
parce qu'ils n'endossent pas cette action politique de la CEQ, action qui ne
vise pas à défendre, d'abord et avant tout, les
intérêts matériels et professionnels des membres, mais
surtout à abattre le régime politique que nous avons au
Québec, comme le prouve le Manuel du premier mai.
Ils la souhaitaient parce qu'ils se dissocient de cette
complicité du Parti québécois et de certains chefs
syndicaux qui visent à détériorer le climat social du
Québec pour atteindre leurs fins partisanes. Ils la souhaitaient, parce
qu'ils ont pris conscience que le syndicalisme enseignant prôné
par quelques chefs syndicaux, loin d'aider la profession d'enseignant, a
contribué à la dévaloriser injustement auprès de
l'opinion publique depuis quelques années.
C'est encourageant, M. le Président, de constater qu'un bon
nombre d'enseignants ont décidé de prendre leurs affaires en
main, en s'op-posant à certaines tactiques abusives commandées
par les chefs syndicaux au niveau provincial. Ce fut le cas d'un bon nombre
d'enseignants des Laurentides qui ont su faire le discernement qui s'imposait
dans les circonstances. Il n'est pas étonnant de constater que le Parti
québécois s'oppose à cette loi. Comme toujours, sa seule
préoccupation est de faire de l'électoralisme, de ménager
les chefs syndicaux...
M. Bédard (Chicoutimi): Un médiateur, c'est de
l'électoralisme.
M. Lapointe: ...qui constituent les seuls appuis qui leur
restent. Je sais que la population parents, étudiants et
enseignants perçoit les objectifs démagogiques du Parti
québécois qui se montre sous son vrai visage, lors de situations
qui exigeraient plutôt une attitude positive.
M. le Président, en terminant, j'appuie sans réserve la
loi 23 et je souhaite qu'au cours des prochaines semaines les
négociations se fassent dans un climat serein et à un rythme
accéléré, afin d'en arriver à un règlement
négocié le plus tôt possible.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Chicoutimi.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, le
député qui vient juste de parler a accusé le Parti
québécois d'avoir fait de l'électoralisme avec ce conflit.
Je me demande jusqu'à quel point ce qu'a fait le Parti
québécois, lorsqu'il a proposé un médiateur afin
d'apporter un peu plus de possibilités de régler ce conflit,
c'était faire de l'électoralisme.
Je voudrais plutôt référer le député
en question au sondage CROP qui a paru récemment et qui indiquait que
74% des personnes interrogées étaient d'avis que le gouvernement
pas n'importe qui le gouvernement, à l'heure actuelle,
faisait de la politique avec les négociations.
Le député de Saint-Jean s'est étonné qu'au
cours de ce débat l'Opposition essaie de déceler jusqu'à
quel point le gouvernement a à assumer une part de
responsabilité, étant donné l'échec des
négociations. Il a également fait le reproche à
l'Opposition de ne pas avoir assez parlé des enfants.
M. le Président, j'admets que le Parti libéral a souvent
parlé, dans ce débat, des enfants, en employant l'expression
qu'il ne fallait pas qu'ils servent d'otages à l'intérieur de ces
négociations; mais en parler, ce n'est pas tout. Il faut surtout se
demander si le Parti libéral ou si le gouvernement s'est soucié
de l'enfant au cours de ces négociations, autrement dit si le
gouvernement a accepté des conseils de la part d'organismes qui ont
à coeur le bien de l'enfant, conseils qui ont été
proposés par ces organismes afin d'apporter une solution à ce
conflit.
Je pense bien que le député de Saint-Jean ne niera pas que
les commissions scolaires sont des organismes qui ont à coeur le bien de
l'enfant. Le député de Saint-Jean ne niera pas que le Conseil
supérieur de l'éducation, qui est un des principaux conseillers
du gouvernement, a à coeur le bien des enfants.
Je comprends que le gouvernement, comme à l'habitude, n'ait pas
suivi certaines recommandations qui lui ont été faites par
l'Opposition officielle. C'est son habitude de dire toujours non aux
suggestions de l'Opposition officielle. Mais il ne faut pas oublier que, dans
ce débat, dans ces négociations, si l'Opposition officielle avait
proposé la nomination d'un médiateur, d'autres organismes tels
que le Conseil supérieur de l'éducation, les commissions
scolaires, les enseignants et les syndicats avaient proposé
également cette solution de nommer un médiateur afin de
rapprocher les parties.
Malheureusement, je pense qu'un des principaux reproches qu'on doit
faire au gouvernement, c'est de ne pas avoir accepté de suivre certains
conseils, certaines recommandations qui lui avaient été faites
expressément, pas seulement par l'Opposition, mais par le Conseil
supérieur de l'éducation, qui est un de ses principaux
conseillers.
Le Conseil supérieur de l'éducation, ce n'est pas
seulement il y a une semaine ou deux qu'il a fait certaines recommandations au
gouvernement. Cela remonte au mois de décembre 1975, où le
ministère de l'Education disait ceci, entre autres: "En 1969 et en 1972,
le système scolaire a connu des crises majeures. Elles se sont
terminées par une loi spéciale ou par un décret. Il
s'ensuivit, dans nombre d'écoles, un climat malsain qui a duré
des mois et des mois. Pourtant, nous ne pouvons nous permettre de recommencer,
tous les trois ans, à reconstruire l'école dans le coeur et dans
l'esprit des gens".
M. le Président, le Conseil supérieur de
l'éducation avait analysé les portées négatives,
les effets négatifs, les effets néfastes d'un décret ou
d'une loi spéciale pour régler un conflit dans le secteur de
l'enseignement.
Le Conseil supérieur de l'éducation proposait,
prioritairement, au gouvernement le recours à la médiation, si
nécessaire, en ces termes: "Le conseil recommande, si nécessaire,
le recours, à très court terme..." c'est au mois de
décembre que le Conseil supérieur de l'éducation
recommandait ceci ..."à une forme appropriée de
médiation ou de conciliation. La médiation paraît, au
Conseil supérieur de l'éducation, un moyen à
privilégier pour accélérer les pourparlers et conduire
à des ententes négociées et agréées par les
parties. Dans le secteur de l'éducation, il faut cesser d'aller de crise
majeure en crise majeure et de lois spéciales en décrets
gouvernementaux."
Ce n'est pas l'Opposition qui disait cela au mois de décembre.
C'est le Conseil supérieur de l'éducation, qui continuait ainsi:
"La médiation pourra permettre de resituer le débat dans son
véritable contexte de relations de travail tout en tenant compte des
spécificités propres au secteur de l'éducation."
C'était une recommandation qui avait été faite
et je pense que le gouvernement ne peut le nier dans
l'intérêt des étudiants québécois.
Jusqu'à quel point peut-on conclure que le gouvernement, qui
parle si souvent de l'enfant, s'est vraiment soucié de l'enfant
lorsqu'il a carrément mis de côté une telle recommandation
faite par le Conseil supérieur de l'éducation?
Encore une fois, on sait que cette recommandation a été
entérinée par les autres parties à la négociation,
sauf le gouvernement, également par les comités de parents et par
les commissions scolaires.
Alors, c'est bien beau de parler de l'enfant au cours des débats.
C'est bien beau d'essayer de créer l'image qu'on veut sauver
l'année scolaire des enfants, mais je me demande jusqu'à quel
point le gouvernement a été sérieux dans cette
volonté de sauver l'année scolaire des étudiants
québécois en mettant carrément de côté une
recommandation de cette nature, de telle façon que le gouvernement,
à l'heure actuelle, lorsqu'il a mis de côté cette solution,
n'est pas capable de nous affirmer que s'il l'avait acceptée, nous ne
serions pas aujourd'hui dans l'obligation d'adopter une loi
spéciale.
Le gouvernement ne peut nous dire qu'ayant employé ce moyen, on
aurait évité cette loi spéciale qui nous est
présentée aujourd'hui.
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas employé ce moyen? Je pense
que c'est parce qu'il avait décidé à l'avance de ne pas
l'employer. Il avait décidé à l'avance de mettre de
côté ce mécanisme possible au niveau des
négociations. La meilleure preuve, je pense, en est la nomination du
principal négociateur du gouvernement, le ministre de la Fonction
publique qui, lui, dès le départ, partait avec l'idée
qu'il n'était pas question, dans ce débat, quelle que soit la
situation, de nommer un arbitre ou un médiateur ou un tiers
pour essayer de rapprocher les parties au cas où les
négociations ne marcheraient pas.
C'est tellement vrai que, lors d'une conférence de presse que le
ministre donnait le 26 février 1976, le ministre de la Fonction publique
déclarait ceci: "Dès le départ, depuis ma nomination, au
mois d'août 1974, il a été bien entendu qu'il n'y aurait
pas d'arbitrage, que le gouvernement n'abdiquerait pas ses
responsabilités. C'est une position politique." Ce n'est pas une
position de ministre qui était chargé de négocier.
C'était une position politique qui a été prise, dit-il
dès le départ, en août 1974.
Alors, M. le Président, dès le départ, le ministre
qui était chargé des négociations mettait de
côté la formule de la médiation parce qu'il la
considérait, selon son expression, comme un guêpier. Je pense, M.
le Président, que c'est une erreur. C'est l'erreur monumentale du
gouvernement de ne pas avoir pris en considération non seulement les
demandes de l'Opposition, mais celles du secteur de l'enseignement et de ses
propres conseillers du Conseil supérieur de l'éducation.
M. le Président, quand on pense que ce gouvernement qui a fait sa
dernière campagne sur le thème de la qualité de la vie
nous présente une loi telle que celle qu'on a devant nous, on se demande
jusqu'à quel point il croit en une qualité de la vie possible
dans le domaine de l'enseignement. D'ailleurs, on constate, du point de vue de
la qualité de la vie, son absence de politique en matière
d'habitation et en ce qui concerne les personnes âgées. Il accepte
de voir l'écart continuel entre les riches et les pauvres augmenter.
Quand on voit cette attitude gouvernementale d'absence complète dans
différents secteurs où la qualité de la vie est
directement concernée, on sait que cette qualité de la vie dont
il a tant parlé n'est qu'un slogan et que la qualité de la vie
dans le domaine de l'enseignement, pour lui, n'est qu'une très minime
préoccupation.
Je pense qu'il est plus préoccupé à essayer de
sauver son image politique à l'intérieur de ces
négociations. Il en est tellement préoccupé que ce n'est
pas surprenant, encore une fois, que 74% des gens interrogés sur les
négociations exprimaient nettement leur conviction que le gouvernement
faisait de la politique avec les négociations.
M. Bienvenue: M. le Président, mon bon ami, le
député de Chicoutimi, me permettrait-il une petite question bien
inoffensive que je ferais précéder d'un court
préambule?
M. Bédard (Chicoutimi): Non, bien là, vous pourrez
la poser à la fin, d'accord?
M. Bienvenue: A la fin, promis?
M. Bédard (Chicoutimi): Laissez-moi finir mon
intervention.
M. Bienvenue: Merci. M. Tardif: Après...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'avez qu'à dormir
vous autres, c'est ce que vous faites continuellement.
M. Lachance: C'est endormant.
M. Bédard (Chicoutimi): Bien étendus. Le
député du Lac-Saint-Jean me demande, comme député
civilisé, de continuer à parler; je vous dirai pourquoi, M. le
Président. C'est parce que je l'ai traité de colonisé, en
fin de semaine, dans ma région. C'est ce genre de député
qui est venu dire à la population qu'elle était au summum du luxe
alors qu'il y a 30% de chômeurs dans son comté.
Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, à
l'ordre!
Avez-vous fini votre exposé?
M. Bédard (Chicoutimi): Non, M. le Président. Qu'on
me laisse tranquille et je vais finir mon intervention.
M. Tardif: Bien voyons. Tu ne connais même pas ton
sujet.
M. Bédard (Chicoutimi): Qu'on se conduise en
civilisés comme dit le député de...
Le Vice-Président (M. Blank): Cela en prend toujours deux
pour faire une bataille.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, quand on
regarde la loi qui est présentée, on ne peut pas faire autrement
que d'être en désaccord complet pour la raison principale que nous
avons la conviction qu'elle n'atteindra pas les buts qui ont été
explicités par le gouvernement lors de sa présentation. Le
gouvernement nous a dit que le but de cette loi, dans un premier temps,
était de mettre fin aux harcèlements et aux lock-out et
était aussi d'assurer un climat social à l'intérieur des
maisons d'enseignement qui offre une garantie qu'un enseignement adéquat
sera dispensé aux étudiants québécois.
Eh bien! M. le Président, je crois que cette loi, telle que
présentée, n'atteindra pas ce but. Je sais que je n'ai pas le
droit de les citer ou de les lire, M. le Président, mais il s'agit
simplement de se référer aux articles 3, 4 et 5 et de se demander
quelle interprétation on va faire de ces articles dans le milieu
même de l'enseignement. Face à ces articles, il s'agit simplement
d'aller dans une autre partie du projet de loi, qui traite des amendes et des
pénalités qu'on imposera à ceux qui viendront en
contravention aux articles 3, 4 et 5, pour s'apercevoir que cette loi ne
contribuera c'est mon humble opinion qu'à faire du milieu
de l'enseignement, pour les 80 jours qui s'en viennent, un monde de suspicion
où chacun se surveillera continuellement pour voir jusqu'à quel
point les parties en cause ne contreviennent pas aux articles que j'ai
cités tout à l'heure.
Je suis convaincu qu'au lieu de créer un climat de confiance
nécessaire pour un enseignement valable ça contribuera
plutôt à créer un cli-
mat de dénonciation dans le domaine de l'enseignement, un climat
d'enquête continuelle d'une partie par rapport à l'autre partie
concernée par ces articles du projet de loi. En fin de compte,
plutôt que de remédier à une situation, ça
contribuera plutôt à créer une sorte de chaos qui durera
tout le temps où cette loi sera en application avec les dispositions qui
y sont contenues au niveau de la période de 80 jours durant laquelle
seront nommés ou agiront trois commissaires aux différends
scolaires.
Quant à ces commissaires nous l'avons dit tout à
l'heure je pense que le gouvernement va à l'envers des choses.
Nous avions proposé, l'Opposition et, encore une fois, tout le monde de
l'éducation, qu'un médiateur soit nommé avant qu'on soit
dans l'obligation d'en arriver à une loi spéciale qui
était déconseillée, complètement, au niveau de
l'amélioration du climat dans le domaine de l'enseignement et de
l'éducation.
On n'a même pas accepté d'étudier une forme de
médiation avant d'en arriver à proposer cette loi que nous avons
à étudier. Mais, quand on lit la loi, on s'aperçoit que le
gouvernement prévoit la nomination de certains
commissaires-enquêteurs aux différends dans le domaine de
l'éducation. Je sais que ces commissaires-enquêteurs n'auront pas
les pouvoirs d'un véritable médiateur. Ils ne pourront pas
assurer une véritable médiation; ils n'ont que la
possibilité d'étudier la situation et de faire rapport et ceci ne
contribuera pas à atteindre un but qu'il était nécessaire
d'atteindre avant d'arriver à la présentation d'une loi
spéciale, c'est-à-dire la nomination d'un médiateur qui
aurait permis, d'une façon objective, d'étudier le comportement
des différentes parties aux tables de négociation, que ce soit le
gouvernement ou la partie syndicale, et qui aurait été en
mesure...
M. Bellemare (Rosemont): J'invoque le règlement, M. le
Président. Je crois que le temps du député de Chicoutimi
est terminé.
M. Lessard: Vous n'étiez même pas ici quand il a
commencé. Le député n'était même pas ici
quand il a commencé.
M. Bédard (Chicoutimi): Je terminerai, M. le
Président...
M. Bellemare (Rosemont): J'invoque le règlement, M. le
Président. Est-ce que le temps du député de Chicoutimi est
terminé, oui ou non?
M. Bédard (Chicoutimi): II me reste une minute.
Le Président: Vous avez terminé.
M. Levesque: L'honorable député de Rosemont a droit
à une réponse, il me semble. On peut consulter le
secrétaire.
Une Voix: On était au purgatoire, on va être en
enfer.
M. Levesque: On m'indique, M. le Président, que son temps
est terminé.
Le Président: Votre temps est terminé.
M. Lessard: Le député de Rosemont n'était
même pas ici quand le député de Chicoutimi a
commencé son intervention.
M. Levesque: Terminé.
Le Président: Je m'excuse. Je n'ai pas voulu intervenir
proprio motu mais...
M. Lessard: II vient de venir me menacer!
Le Président: ...on me dit que vous avez
épuisé votre droit de parole.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, le chef de
l'Opposition n'était pas ici pour voter.
Le Président: A l'ordre, messieurs! Vous avez
terminé.
M. Bienvenue: M. le Président, en votre absence, le
député de Chicoutimi avait eu l'amabilité d'accepter que
je lui pose une question à la fin de son intervention. Je lui ai dit
qu'il y aurait un très court préambule.
M. Burns: Non!
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'on me permettrait de
finir, M. le Président, dans deux ou trois phrases?
M. Bienvenue: M. le Président, il avait
accepté.
M. Burns: Non!
Le Président: La même chose s'est
présentée.
M. Burns: La même chose. Assoyez-vous, autant que le
député de Chicoutimi.
Le Président: Bon, bon! Est-ce que l'Assemblée est
prête à se prononcer sur cette motion de deuxième
lecture?
L'honorable ministre de la Fonction publique.
M. Oswald Parent
M. Parent (Hull): M. le Président, je pense qu'il aurait
été très surprenant que je ne participe à ce
débat de deuxième lecture sur une loi qui a trait aux
négociations dans les secteurs public et parapublic et dont j'assume la
responsabilité.
Il est évident, M. le Président, qu'au moment où ce
mandat m'a été confié, au mois d'août 1974, il y
aura près de deux ans, je savais quelles étaient les
responsabilités que j'aurais à assumer et quelles seraient les
difficultées que j'aurais à traverser. Je m'en suis rendu compte
en cours de route, j'en
suis encore conscient et je crois que les propos qu'a pu tenir
l'Opposition, jusqu'ici, ne m'ont pas convaincu de modifier l'attitude que
j'avais adoptée depuis le début.
Il est vrai, M. le Président, que si l'Opposition a le souci de
l'entant, celui qui parle a également le souci de l'enfant. Il a le
souci des malades, il a le souci des parents, il a le souci de ses patrons qui
font partie de la partie patronale, mais il a également le souci de
l'administration provinciale, des deniers publics qui sont, en somme, sa
responsabilité, ou des deniers qui nous sont versés par cette
même population pour administrer.
Il s'agit donc, en l'occurence, d'une allocation de ressources dont le
gouvernement seul a la maîtrise. Il a été élu pour
faire l'allocation de ressources et c'est lui qui a la responsabilité de
déterminer comment et dans quelle priorité il doit faire
l'allocation des ressources...
M. Lessard: Les Jeux olympiques.
M. Bédard (Chicoutimi): De gaspiller aussi!
M. Parent (Hull): ...à travers les besoins exprimés
et les besoins existants.
M. le Président, le parti de l'Opposition a depuis longtemps
essayé de faire croire à la population que si les propositions du
gouvernement ne sont pas mieux équilibrées en ce qui concerne les
syndicats, mieux équilibrées en ce qui concerne l'Opposition,
c'était parce que le gouvernement, dans l'allocation de ses ressources,
prenait les deniers pour les Jeux olympiques et pour la baie James.
Or, M. le Président, il n'y a rien de plus faux, quand on sait
comment se partage l'assiette fiscale, l'assiette qui doit être
réservée aux dépenses ordinaires. On ne viendra pas faire
croire que les Jeux olympiques, le développement de la baie James sont
des éléments contraignants dans les propositions que le
gouvernement a présentées à ses employés, tant du
secteur public que du secteur parapublic.
Nous l'avons fait, M. le Président, et si c'est le gouvernement
qui a la maîtrise pour établir les priorités, nous l'avons
fait dans l'intérêt de la population, nous l'avons fait dans
l'intérêt et dans le souci que nous avons, nous aussi, de la
qualité de l'enseignement, qui est un faux slogan dans cette
négociation que nous poursuivons. C'est un faux slogan. On n'a
qu'à regarder...
M. Levesque: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Depuis que le ministre de la Fonction publique a commencé
à parler, qu'il a commencé son intervention, continuellement, du
côté de l'Opposition, on a enfreint le règlement, on a
continué de crier, d'interrompre. Et ensuite on demandera...
M. Burns: C'est parce qu'on n'a aucun respect pour lui.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M.
Levesque: M. le Président...
Le Président: A l'ordre! ...A l'ordre, messieurs! ...A
l'ordre!...
M. Burns: On n'a aucun respect pour lui.
Le Président: A l'ordre!......A l'ordre!...
M. Levesque: Si le député de Maisonneuve...
M. Burns: Je ne retirerai pas mes paroles, je n'ai aucun respect
pour lui.
M. Levesque: Si le député de Maisonneuve n'a aucun
respect pour ses collègues, au moins qu'il ait du respect pour
l'institution et pour le règlement.
M. Burns: Par pour lui.
Le Président: A l'ordre, messieurs!... Messieurs!... Le
député de Lafontaine et d'autres. Est-ce qu'après cinq ou
six ans dans cette Assemblée vous ne connaissez pas encore les
règles du jeu? Si l'Opposition ne critiquait pas le gouvernement, j'en
serais le premier déçu. Et, si le gouvernement ne critiquait pas
l'Opposition, je serais doublement déçu.
Acceptez les règles du jeu, vous avez 20 minutes à
l'endurer. Tout le monde s'endure même s'il est deux heures du matin.
M. Parent (Hull): Ils vont m'endurer.
M. Levesque: M. le Président, ils ne sont que six et ils
essaient de brimer le droit de parole; s'ils étaient plus nombreux
qu'est-ce qui arriverait?
Le Président: A l'ordre, messieurs!......A l'ordre!...
Le ministre de la Fonction publique.
M. Parent (Hull): M. le Président...
M. Levesque: Ecoutez, cela va vous faire du bien.
M. Burns: On est des méchants, d'accord.
M. Hardy: Vous n'êtes pas des méchants, vous
êtes des légers.
M. Burns: Bien oui!
M. Léger: Elle n'est pas bien hardie, celle-là.
Le Président: Messieurs, messieurs! C'est vrai qu'il est
deux heures, mais également pour moi aussi, d'accord?
M. Parent (Hull): M. le Président, je voudrais bien que le
député de Maisonneuve sache que, s'il n'a pas de respect pour
celui qui parle, celui qui parle en a encore moins pour l'Opposition
officielle.
M. Burns: Vous ne savez pas jusqu'à quel point je n'ai pas
de respect...
Le Président: A l'ordre! Je rappelle à l'ordre le
député de Maisonneuve. Cela est la première fois.
D'accord? On va finir cette séance.
M. Parent (Hull): Si le gouvernement acceptait le programme du
Parti québécois, à savoir que le gouvernement doit
être le meilleur employeur, celui qui rémunère ses
employés le mieux, je ne sais pas dans quel contexte le gouvernement du
Québec et la population se retrouveraient demain matin. Le Parti
québécois se fait fort de publier que le gouvernement du
Québec doit être le meilleur employeur, qu'il doit être
celui qui va le mieux payer, qui doit donner l'exemple à l'entreprise
privée. Cela ne lui fait rien de perturber l'économie d'une
province; tout ce qu'on recherche, c'est de détruire l'institution.
Une Voix: Achalant.
Le Président: Je vous rappelle à l'ordre pour la
deuxième fois. D'accord?
M. Parent (Hull): Ce qu'on recherche, c'est de détruire
les institutions au Québec; c'est cela le slogan, l'objectif du Parti
québécois, comme les syndicats d'ailleurs, actuellement, les
chefs syndicaux. Qu'est-ce qu'on recherche? Le même but que le Parti
québécois, remplacer le gouvernement élu
démocratiquement en utilisant tous les moyens de soudoyer qu'on utilise
présentement. Le Parti québécois voudrait se faire
complice; il a déjà fait sa part dans ce que les chefs syndicaux
appellent l'appui du Parti québécois. Il leur a rappelé
assez souvent quel intérêt le Parti québécois avait
pris dans les négociations actuelles.
M. le Président, le sujet que nous avons à discuter, c'est
de maintenir des services. La loi a comme souci l'enfant, la protection des
institutions scolaires pour que ces enfants puissent recevoir au moins un
enseignement minimum et qu'ils puissent être assurés de
bénéficier des services que peut leur offrir tout le secteur de
l'enseignement. Pour ce faire, le gouvernement choisit des moyens d'agir.
Devant la situation dans laquelle nous nous retrouvons, continuellement, de
voir les classes perturbées, de voir les moyens de harcèlement
qu'on a utilisés, de voir même dans les institutions
hospitalières comment on a agi sauvagement, d'une façon barbare
dans un pays civilisé, cela, ce sont des syndiqués agissant sous
les ordres des chefs des syndicats pour se préoccuper de ce que le Parti
québécois vient de nous reprocher ce soir: le souci de l'enfant,
le souci des malades et le souci de la population.
On est bien loin de cela quand on est assis aux tables de
négociations. On est bien loin de cela quand on entend les discours que
font les chefs syndicaux. M. le Président, si c'est là qu'on veut
en arriver au Parti québécois, détruire tout le
régime, détruire le système démocratique du
Québec, détruire les institutions pour arriver à ses fins
et prendre le pouvoir, il aura longtemps à attendre, parce que la
population n'est pas sotte à ce point.
Or, M. le Président, il arrive que dans ce projet de loi nous
proposons la suspension d'un droit de grève pour permettre de continuer
les négociations dans un climat serein, dans un climat de calme
permettant d'en arriver à des conclusions heureuses. Pour ce faire, nous
avons des exemples très frappants de syndicats... Jusqu'ici, M. le
Président, j'ai signé 18 conventions collectives. On ne viendra
pas dire que pour les 18 conventions collectives il s'agit là de
personnes irresponsables, de quelqu'un qui n'a pas voulu accepter les offres du
gouvernement d'une façon démocratique, par la négociation.
C'est pourtant ce qui est arrivé, M. le Président. La
première convention collective que j'ai eu à signer était
celle de la Sûreté du Québec et la deuxième
convention collective que j'ai signée a été celle des
agents de la paix. On ne viendra pas dire que c'étaient des groupes
faciles qui acceptaient la politique gouvernementale en matière
salariale et les offres au point de vue des clauses normatives. Il arrive
également que le syndicat des fonctionnaires du gouvernement a
accepté des offres après des négociations qui ont
duré un an et je ne crois pas que ces gens aient été
frustrés ou aient été brimés dans leurs droits.
Pourquoi donc ce ralentissement que nous avons connu dans le secteur de
l'éducation, si ce n'est des objectifs premiers déclarés
au cours des réunions du conseil d'administration de la CEQ à
l'effet que l'objectif de cet organisme était d'abord de changer le
régime? C'était l'objectif premier. Ce n'était pas de
négocier, mais de changer le système actuel. On a qu'à
vérifier les minutes des assemblées de la CEQ pour constater que
l'objectif n'était pas la négociation. La CEQ aura cherché
et recherchait encore, jusqu'à il y a 15 jours, un décret. C'est
cela qu'elle recherchait pour pouvoir continuer à se promener en
province, à démolir le gouvernement en disant: Si vous avez cette
qualité de l'enseignement, si vous avez ces normes et ces ratios qui
sont encore en vigueur, c'est le gouvernement qui vous les a imposés.
C'est le gouvernement qui vous a imposé votre salaire. Au contraire,
même si cette loi aura pour objet de suspendre le droit de grève,
comme le Taft-Hartley Act le prévoit aux Etats-Unis dans les services
publics il y a une suspension, un moratoire de 80 jours pour permettre une
période...
M. Burns: Savez-vous ce qu'est la loi Taft-Hartley? Est-ce que le
ministre...
Des Voix: A l'ordre!
Le Président: A l'ordre! Un instant. Est-ce que vous
acceptez une question?
M. Parent (Hull): Non.
Le Président: La même chose s'est
présentée tout à l'heure. L'honorable ministre de la
Fonction publique.
M. Burns: II ne sait même pas ce qu'est la loi
Taft-Hartley.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Parent (Hull): Nous voulons...
M. Burns: C'est quoi, la loi Taft-Hartley?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre.
M. Parent (Hull): M. le Président, si la CEQ, à mon
avis, accepte ce moratoire comme je le crois, il est évident qu'il
faudra en arriver à une convention collective.
Je l'ai répété et je le répéterai
encore: II n'y aura pas de bénéfices de conventions collectives,
il n'y aura pas d'effets, il n'y aura pas de nouveaux traitements, à
moins qu'il n'y ait des conventions signées. Le gouvernement n'imposera
pas de conditions de travail aux syndiqués, comme il n'imposera pas de
conditions de rémunération à moins qu'on n'ait le coeur de
signer pour. C'est cela, la négociation qui va se poursuivre. Si on l'a
suspendue aujourd'hui, ce n'est pas la partie patronale qui l'a suspendue;
c'est la partie syndicale qui s'est retirée des tables, nous donnant
rendez-vous à lundi prochain. Nous y serons au rendez-vous.
Nous avons le désir et le vouloir de négocier des
conventions collectives. Nous n'avons pas l'intention de brimer quelque partie
que ce soit. Nous voulons conclure qu'il doit y avoir des conventions
collectives, qu'il doit y avoir des conditions de travail
déterminées par voie de négociation. La
rémunération doit être accompagnée du même
système de négociation pour en arriver à des conclusions.
Mais qu'on ne croie pas que, par le fait qu'il y a un projet de loi suspendant
le droit de grève, demain matin, on imposera un décret par une
loi spéciale. On se trompe. On aura le courage de signer une convention
collective, si on veut en avoir les effets.
M. le Président, nous allons poursuivre dans ce même cadre
concurremment avec les commissaires aux différends, qui s'occuperont de
rapprocher les parties, qui s'occuperont d'étudier dans le contexte
actuel les propositions tant du côté patronal que syndical et qui
pourront faire, par la suite, des observations qu'ils tireront de
l'étude de ce dossier assez complexe. C'est comme cela, M. le
Président. Je dois le dire à nouveau: Dans le contexte où
nous nous trouvons, nous avons des lois qui régissent les
négociations. Je l'ai dit et je le répète encore: Ce que
nous avons voulu et ce que nous voulons encore, c'est le respect des lois qui
sont établies. Le règne du calme doit exister et, à mon
avis, s'il y avait eu respect intégral des règles, il n'y aurait
pas eu de nécessité de présenter une loi comme celle-ci,
après neuf mois de négociation.
Je crois, M. le Président, que le gouvernement avait une
décision à prendre. J'ai prévenu depuis déjà
plusieurs semaines que nous explorions les moyens, les mécanismes qui
nous permettraient d'encadrer cette négociation pour en arriver à
déterminer des conditions de travail. Nous avons organisé, depuis
quinze jours, cette session intensive de négociation au niveau des
tables du CEGEP, de l'élémentaire et du secondaire.
Nous avons eu des résultats concrets. La partie syndicale
déclare aujourd'hui, après sa suspension de séance, que
les résultats sont minimes. Dans l'ensemble, nous savons, par les
discussions qui ont pris place non pas simplement aux tables sectorielles
elles-mêmes, mais par les discussions dans leur ensemble avec les
dirigeants syndicaux, qu'il y a progrès, qu'il y a établissement
des difficultés où elles se rencontrent et qu'il est possible,
dans le cadre actuel, selon les renseignements que nous possédons, selon
les données que nous avons recueillies, d'en arriver à des
conclusions heureuses dans le domaine de l'éducation comme dans le
domaine des affaires sociales.
A cet effet, M. le Président, je pense que nous n'avions pas
d'autres choix que de rétablir la paix sociale au Québec. A cause
du souci que nous avions que l'enfant puisse compléter son année
scolaire, de préserver nos institutions, de donner une certaine
crédibilité aux diplômes, nous n'avions pas d'autre choix
que de demander ce moratoire et, par ce mécanisme des commissaires aux
différends et de la poursuite de la négociation, de permettre
ainsi de conclure des ententes négociées.
Or, M. le Président, je suis parfaitement d'accord pour dire que
ce projet de loi était essentiel, qu'il était urgent. Le
gouvernement se devait d'assumer ses responsabilités; il les a
assumées.
J'espère que cela pourra apporter dans les semaines à
venir, des conclusions d'ententes négociées qui permettront aux
employés des secteurs public et parapublic de bénéficier
des nouvelles conditions de travail et des nouvelles conditions de
rémunération.
Le Président: L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, la chose la plus aberrante que
j'aie entendue vient à peine d'être dite par le ministre de la
Fonction publique. Je l'ai notée parce que je ne croyais pas que j'avais
entendu cela.
M. le Président, je vous cite à nouveau ce que j'ai
entendu dire par le ministre de la Fonction publique qui, actuellement, a la
tâche, pas facile, je l'admets, mais la tâche de voir à ce
que les négociations dans le secteur public puissent être
menées à bien.
J'ai entendu, de la bouche du ministre de la Fonction publique ceci
et moi, M. le Président, cela me renverse j'ai entendu que
la suspension du droit de grève est faite imaginez-vous pourquoi?
pour poursuivre les négociations.
J'ai entendu cela, M. le Président. Je vous réfère
au journal des Débats.
Le Président: A l'ordre!
M. Burns: II y a même un ministre d'Etat, un minus d'Etat
qui est prêt à dire: Bien oui, bien oui! C'est fantastique!
M. le Président, qu'on me laisse dire quand
même ce que j'ai à dire là-dessus. Il y a du monde
qui n'a pas l'air de comprendre que le droit de grève est un corollaire,
est un droit ancillaire du droit d'association. Il faudrait peut-être
qu'on se le dise une fois pour toutes.
Le droit de grève, vous savez, ce n'est pas quelque chose qui est
né tout seul. Ce n'est pas venu au monde comme cela, le droit de
grève. Il faudrait peut-être qu'on se rende compte que le droit de
grève est exactement la réponse concrète au droit
d'association. C'est la façon d'exprimer le droit d'association.
On peut aller loin là-dessus et je n'ai pas l'intention d'aller
loin là-dessus. Mais quand j'entends le ministre, qui est censé
parler au nom du gouvernement qui est, dans le fond, soit dit en
passant, le ministre de la Fonction publique, le chef du personnel du
gouvernement, ne nous y trompons pas; c'est lui qui représente le
gouvernement dans les relations patronales-ouvrières oser dire
que la suspension du droit de grève, ce n'est pas grave, c'est pour
permettre des négociations, c'est pour permettre la reprise des
négociations! Nous autres, on s'est fendu en quatorze pour essayer de
trouver des solutions. On a suggéré au gouvernement un tas de
façons d'essayer de reprendre les négociations.
Vous avez le député de Lafontaine qui, à de
nombreuses reprises, a suggéré la médiation
désignée par le gouvernement... Oui, le député de
Louis-Hébert a le droit de trouver cela bien drôle, il a le droit
de s'écrouler derrière son siège. Cela vous montre
jusqu'à quel point le député de Louis-Hébert
comprend le problème.
M. Desjardins: ...
M. Burns:... mais c'est cela.
Le Président: Voulez-vous vous adresser à moi, je
ne vous interromprai pas. Vous ne perdrez pas le fil, vous allez faire votre
discours et puis...
M. Burns: Je veux simplement vous dire jusqu'à quel point
je suis renversé de voir ce gouvernement, qui se prétendait, en
1970, un gouvernement de jeunes administrateurs compétents, etc., je ne
reviendrai pas là-dessus.
Mais c'est incroyable comme ce gouvernement de jeunes administrateurs
compétents n'est pas capable de comprendre comment cela se passe, des
négociations, que, entre autres, la plus importante négociation
au Québec, c'est celle-là.
Il est incapable d'en arriver à un résultat parce que ces
jeunes administrateurs compétents ne sont absolument pas jeunes, pas
compétents et pas administrateurs du tout à l'endroit de cette
négociation.
C'est votre problème. Je le dis, M. le Président, c'est
leur problème. Le problème du gouvernement actuel c'est qu'il ne
sait pas qu'il est dans un domaine de relations humaines. Il ne sait pas cela.
Il ne s'est pas rendu compte que ce n'est pas un problème de relations
juridiques. C'est un problème de relations humaines.
Il arrive que ce gouvernement, ayant ce pouvoir qu'il a, qu'il est en
train d'exercer avec la loi actuelle, ne se rend pas compte qu'en même
temps il est aussi un employeur. Etant employeur, il ne se rend pas compte que
le désir collectif des travailleurs est la chose la plus normale du
monde, c'est de vouloir discuter d'égal à égal avec leur
employeur. Il arrive que l'employeur en question se trouve à être
le gouvernement.
Je pense qu'il y a un certain nombre de personnes du côté
gouvernemental qui le comprennent. Je ne sais pas combien, mais il y en a
quelques-uns qui le comprennent et, dans le fond, c'est à eux que je
fais appel.
Je fais appel, entre autres, au ministre de l'Industrie et du Commerce,
même s'il bâille actuellement; il fait partie de ceux qui, ,je
pense, sont capables de comprendre.
C'est à peu près le style de choses que le ministre de
l'Industrie et du Commerce peut comprendre. Je pense. En tout cas je le
souhaite, parce que j'ai toujours pensé qu'il était capable de
comprendre. Lorsqu'on parle de relations humaines, collectives, entre un
employeur et un groupe d'employés, on ne parle que d'un certain nombre
de gens qui veulent se revaloriser sur le plan collectif, qui veulent
simplement décider qu'ils ont des choses à dire à
l'employeur. Je disais, hier matin ou hier après-midi, au gouvernement:
Vous devez être le meilleur employeur. Même si le ministre de
l'Industrie et du Commerce m'a repris là-dessus etqu'il n'était
pasd'accord là-dessus du tout, il me semble que, au contraire, le
gouvernement a à réviser sa position là-dessus. Le
gouvernement a à réexaminer le fait qu'il doit être le
meilleur employeur.
Mais, dans le cas particulier qui nous concerne, on aurait pu, dans les
détails, réexaminer la situation; on aurait pu parler de la
prénégociation, on aurait pu parler d'une négociation sur
la masse salariale, sur la structure salariale, sur la politique salariale, qui
normalement, à nos yeux devrait être faite avant toute
négociation.
On n'est même pas revenu à cela. On pourrait, cependant,
dans le cas actuel, blâmer directement le gouvernement pour son absence
et je m'adresse au ministre de l'Education de politiques
précises à l'endroit de deux problèmes qui concernent les
enseignants. L'un est le problème du ratio, 1/24 ou 1/17 selon le cas.
Cela devient peut-être un peu technique, le ratio
élèves-professeur 1/24 ou 1/17 selon qu'on parle de
l'élémentaire ou du secondaire mais c'est un des
éléments importants que vous devez régler.
Le problème de la sécurité d'emploi n'est pas
nouveau. Ce n'est pas quelque chose qui vous tombe du ciel, cette année,
M. le ministre de l'Education. C'est quelque chose qui a été mis
en discussion au cours de la ronde de négociations de 1972 et qui,
éventuellement, a été réglé
d'autorité par la loi 19 et par le bill qui a suivi, mais ce sont des
choses qu'il faut simplement réexaminer avec les gens
concernés.
C'est ce qu'on vous dit. C'est ce dont on parle depuis un certain temps
comme règlement dans
cette affaire et, si on n'est pas capable d'en arriver à un
règlement là-dessus, on va tout simplement faire, du
côté gouvernemental, un aveu complet d'impuissance. C'est ce que
j'aimerais entendre de la part du ministre qui aura à répliquer
éventuellement relativement à ce projet de loi, parce que je
pense bien que, tôt ou tard, le ministre aura le droit de réplique
Mais, si c'est un aveu d'impuissance qu'il nous fait, qu'il nous le fasse et
qu'on sache exactement quoi dire aux gens de la fonction publique et du secteur
parapublic. Qu'on commence par dire aux enseignants: Nous avons actuellement un
gouvernement qui est incapable de penser, non de régler, de penser
à vos problèmes.
C'est la question qui se pose par le projet de loi no 23. On ne vous
demande pas de trouver une solution immédiate. D'ailleurs, la solution
que l'Opposition vous a proposée est une solution qui permet un certain
nombre de variantes, un certain nombre d'aménagements. On vous a
proposé simplement la nomination d'un médiateur. Ce n'est pas une
solution directe, on ne vous dit pas: II faut que vous alliez directement vers
cet endroit. On vous a dit un médiateur, et ce médiateur serait
là pour quoi? Il serait là pour garantir le désir du
gouvernement de régler le problème de façon claire, de
façon, surtout, distante et qui le fasse sortir de son siège
d'employeur, éventuellement, comme on le voit aujourd'hui cet employeur
qui change son chapeau et devient législateur.
Ce n'est pas une façon d'exercer des relations
patronales-ouvrières. Ce n'est pas la façon de le faire, à
mon avis. Vous avez nettement besoin de revoir la façon dont on
considère les employés de l'Etat. C'est peut-être la chose
la plus importante, peut-être le geste le plus important et je m'adresse
à mes vis-à-vis, M. le Président, non pas comme des
membres du parti adverse, je m'adresse à ces gens qui détiennent,
actuellement, le pouvoir. Je ne le fais pas dans un style partisan, je le fais
simplement en pensant que tout à l'heure il y a du monde au
Québec, qui que ce soit, qui va être poigné avec le
problème que vous aurez créé par cette négociation
et par la négociation précédente.
C'est exactement cela, M. le Président, qu'on est en train de
détruire au Québec. On est en train de détruire une
mentalité de la fonction publique. Des grands serviteurs de l'Etat, M.
le Président, je vous prédis qu'il n'y en aura plus. Ah! vous
avez le droit de rire, M. le ministre des Communications, mais vous surtout,
vous ne devriez pas rire là-dessus. On est en train, actuellement, de
détruire la pensée même de ce qu'on appelle les grands
serviteurs de l'Etat. Même le ministre des Consommateurs ne semble pas
être d'accord avec moi, je le comprends, mais c'est, M. le
Président, ce genre de problème qui est actuellement en
discussion. C'est ce problème qu'on est en train de régler avec
le revers de la main par une loi tout à fait spéciale.
On est en train de dire à des gens qui sont les grands serviteurs
de l'Etat, qui s'appellent entre autres, les enseignants: Vous savez, vous
n'êtes pas im- portants parce que le jour où vous pensez
régler quelque chose par vos réclamations légales,
logiques tout à fait supportables, nous, on pense qu'on peut
régler ça, tranquillement, pas vite, comme votre employeur via
une loi.
Vous êtes en train de décourager c'est
véritablement ça que vous êtes en train de faire
toute pensée, toute initiative véritablement du style auquel on
s'attend de la part de gens qui représentent l'Etat. C'est dans ce sens
que je suis véritablement aplati quand je vois un projet de loi comme
celui-là. C'est dans ce sens que je ne pourrai sûrement pas voter
en faveur d'un projet de loi comme celui que vous nous présentez. C'est
dans ce sens que je me sens l'obligation, comme simple citoyen et non pas comme
député, de vous avertir que vous êtes en train de causer
des problèmes encore plus grands que ceux que vous croyez régler
par le projet de loi. Vous êtes en train de créer une anarchie
systématisée par votre projet de loi. Vous êtes en train de
détruire tout désir de participer à un avancement
collectif de la part de ce qu'on appelle les serviteurs de l'Etat.
Cela commence par les enseignants. Je pense que vous faites une grave
erreur. Je pense que vous ne vous rendez même pas compte, du
côté gouvernemental, de l'importance de l'erreur que vous
êtes en train de commettre. C'est tout ce que j'ai à dire et c'est
ce qui va me permettre, en toute honnêteté, sans aucune
gêne, de voter contre le projet de loi que vous nous
présentez.
Le Président: Le député de
Rivière-du-Loup. M. Paul Lafrance
M. Lafrance: M. le Président, vous avez entendu comme moi,
il y a quelques heures, des paroles à peu près comme ceci: J'ai
le goût de m'écrouler et de me jeter en dessous de mon bureau. Ce
qui est encore plus aberrant, M. le Président, on dit que la
présentation de ce projet de loi n'était pas urgente. Certains
partis politiques sont davantage intéressés à jeter du
sable dans la machine qu'à faire en sorte que tout marche pour le mieux
au sein de la société québécoise. Je voudrais vous
citer un article d'un éditorialiste du Dimanche-Matin, en date du 8
février 1976: "Depuis quelques années, les centrales syndicales
ne se sont jamais cachées, particulièrement à ce chapitre,
la CSN et la CEQ, pour crier bien haut leur volonté d'abattre le
régime Bourassa, de détruire le système et d'instaurer une
société ouvrière sur les dépouilles du capitalisme
bourgeois. Il est, dans un tel contexte social, intéressant de voir ce
que dit d'un tel syndicalisme le philosophe Jean-François Revel. On
trouve son opinion dans L'Express de janvier. La mission d'un syndicalisme
marxiste, écrit-il, n'est pas de permettre au capital de compter sur une
période de tranquillité et de régularité dans la
production. Elle est d'exploiter ses difficultés et de le
déséquilibrer chaque fois que c'est faisable, notamment par la
grève qui doit rester imprévisible, même si l'obligation du
préavis en atténue grandement la
surprise. Les accords avec le patronat sont non pas de vrais contrats,
mais des pauses. La lutte doit reprendre dès que possible et il importe
d'ailleurs, si on est un dirigeant syndical conséquent, de souligner ce
qu'on n'a pas, que l'on n'a jamais obtenu satisfaction et que la direction
refuse de négocier."
Ce propos descriptif de Revel ne colle-t-il pas à la perfection
et à s'y méprendre aux attitudes et aux propos que tiennent nos
leaders syndicaux québécois depuis un certain temps et avec une
ferveur accrue chaque fois qu'approchent de nouvelles occasions de crises,
à leurs yeux, souhaitables?
M. le Président, j'ai entendu dernièrement un chef de
parti politique dire: Dis-moi qui tu finances et je te dirai qui tu es. C'est
peut-être là que c'est le plus tragique. Le masque est enfin
tombé. On a mentionné vous avez entendu ces propos
qu'un certain parti politique était financé par certains
syndicats.
Un certain conseil d'administration de CEGEP, M. le Président,
est obligé, à partir du 1er février 1976, à la
demande d'un syndicat de professeurs, de percevoir sur chaque paie de chacun
des enseignants de ce collège une cotisation syndicale spéciale
de $4.
M. le Président, un parti politique qui est financé par
des syndicats, moi et tous mes collègues de l'Assemblée nationale
sommes d'avis qu'un tel syndicat est associé au front commun, à
l'heure actuelle. Nous n'avons plus à faire face à seulement un
front commun CSN-CEQ-FTQ mais nous avons affaire à un front commun
CSN-CEQ-FTQ-PQ.
M. Burns: Une question de règlement.
Le Président: Pourriez-vous revenir au projet de loi s'il
vous plaît?
M. Lafrance: Oui, M. le Président.
M. le Président, je pense que c'est tout de même important
de constater qu'aujourd'hui il est extrêmement urgent d'adopter un tel
projet de loi afin que la paix sociale revienne au Québec. Je demande la
collaboration de tous mes collègues. Ceux qui y sont opposés,
pour les raisons que je viens de mentionner il y en a d'autres qui s'y
opposent pour d'autres raisons nous savons aujourd'hui que des partis
politiques sont financés par des centrales syndicales, par des
syndicats. C'est cela qu'il est aberrant de constater aujourd'hui, au
Québec, et c'est pourquoi on veut s'opposer à l'adoption d'un tel
projet de loi. On veut le retarder. On a essayé par tous les moyens.
Je vous dis et je vous le répète, M. le Président.
L'Assemblée nationale aura à se prononcer. Nous voterons en
faveur de ce projet de loi pour nos étudiants, qui nous demandent,
chaque jour, de rétablir la paix sociale et de forcer ceux qui ne
veulent plus enseigner, ceux qui ne veulent plus travailler à revenir
à de meilleurs sentiments afin qu'une paix sociale durable soit
instaurée au Québec.
M. le Président, je voulais être bref afin de ne pas
prolonger le débat mais il fallait, je pense, démasquer ce qui
était en train de s'instaurer au Québec. Je vous remercie de
m'avoir écouté.
Le Président: L'honorable député de
Sainte-Marie.
M. Jean-Claude Malépart
M. Malépart: M. le Président, je suis d'accord avec
le projet de loi no 23 et je puis vous dire que ma position est la même
que celle de la très grande majorité de responsables des
comités de parents des écoles de mon comté.
M. le Président, j'ai personnellement communiqué avec
quinze responsables de ces comités et le résultat est le suivant:
Dix sont en faveur, deux contre, et il y a trois indécis. La
majorité est d'accord parce qu'ils veulent que leurs enfants
reçoivent les cours auxquels ils ont droit.
En plus, M. le Président, je crois que tous les travailleurs en
milieu scolaire, soit les enseignants et surtout le personnel de soutien, ne
peuvent plus se permettre de perdre des sommes d'argent. Je crois que ce projet
de loi permet à tous ces travailleurs de voir leur convention collective
se négocier sans perdre un dollar.
M. le Président, j'ai confiance que ces travailleurs respectent
la loi de la même façon que les travailleurs du personnel
d'entretien de la CTCUM qui, au cours du mois de septembre dernier, 1975, ont
eu un projet de loi qui lui ressemble, qui permettait à tous ces
travailleurs de retourner au travail et qui demandaient de continuer la
négociation.
Le résultat: on n'a plus eu de nouvelles. C'est signe que les
conventions collectives se sont signées sans que ces travailleurs
perdent une somme d'argent.
M. le Président, en terminant, j'ai confiance qu'on obtienne le
même résultat, soit une convention collective
négociée et signée, dans le domaine de l'éducation
et dans le domaine des affaires sociales.
Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui désirent prendre la parole sur cette
motion?
L'honorable ministre, pour son droit de réplique. Ce droit de
réplique mettra fin au débat.
M.Jean Bienvenue
M. Bienvenue: M. le Président, j'ai écouté
en tout dernier lieu, du côté de l'Opposition, le
député de Maisonneuve qui je le dis sans aucune
hésitation a tenu à garder ce ton que j'espérais
entendre de la part de mes collègues de l'Assemblée nationale
discutant sur un sujet aussi sérieux. Je l'apprécie.
Le député de Maisonneuve a notamment dit et j'ai
réussi à saisir malgré sa voix qui était
défaillante entre autres qu'il espérait que je parle, dans
ma réplique, de ce sujet combien épineux, qui se situe au coeur
des négociations actuelles, qui est celui de la tâche des
enseignants.
M. le Président, j'ai refusé de le faire, à
plusieurs reprises, au cours des dernières semaines, notamment et
surtout ou exclusivement lors des périodes de questions. J'ai
refusé de parler, de m'engager dans le contenu des négociations,
qu'il s'agisse de la tâche, de la sécurité d'emploi, disant
à chaque fois que je ne voulais pas me substituer à nos
porte-parole aux tables de négociation, disant que je refusais de faire
de la négociation parallèle. Le député de
Maisonneuve sait autant, sinon mieux que quiconque en cette Chambre qu'il
existe une telle chose que la stratégie des parties dans une
négociation. Il sait fort bien que commenter parfois publiquement ou se
livrer à ce que j'ai appelé de la négociation
parallèle peut nuire considérablement au travail des porte-parole
de l'une ou l'autre des parties aux tables.
Et je le dis à ce point qu'il sait aussi qu'il est même des
réunions, parfois officieuses, auxquelles on ne fait pas allusion, il
est des propositions auxquelles on ne fait pas allusion sur la place publique,
pour arriver aux fins que je viens de décrire. Je le dis avec une telle
insistance et à ce point que j'assure publiquement au
député de Maisonneuve qu'il me fera plaisir, n'importe quand, en
sortant de cette séance nocturne, de lui tenir des propos que, dans
l'intérêt public, je préfère ne pas tenir en cette
Chambre au cours de ce débat, qui, je l'espère,
l'éclaireront. Mon offre tient.
M. le Président, on a parlé abondamment du
côté de l'Opposition officielle, et avec des accents parfois
douloureux, de cette suspension que d'autres ont appelée ce retrait
complet du droit de grève des syndicats. Pas une seule fois, sauf
brièvement par le député de Lafontaine et le
député de Saint-Jacques, il n'a été question de
cette interdiction formelle du droit de lock-out des collèges et des
commissions scolaires. Pourtant, M. le Président, dans la
première disposition de la section II de cette loi, intitulée
Maintien des services dans le domaine de l'éducation, à l'article
2, on lit ce qui suit: "Le lock-out est interdit aux collèges et aux
commissions scolaires pendant les 80 jours qui suivent la date de
l'entrée en vigueur de la présente loi."
M. le Président, on n'en a pas parlé. Serait-ce et
je ne prête de mauvaises intentions à personne, mais je constate
parce qu'on craint de s'appitoyer sur la partie patronale, pour des
raisons que l'on peut facilement imaginer, ou encore parce qu'on est
indifférent au sort de ce 1,5 million de jours-élève
perdus par les seuls lock-out au Québec? Je n'ai pas craint de
l'affirmer et de le répéter. L'on sait évidemment que ces
lock-out des commissions scolaires ou des collèges ne sont pas issus du
pur caprice, de la pure fantaisie et sont le fruit du harcèlement
continuel et de l'impossibilité de garder des écoles ouvertes
face au danger physique et aux autres courus par les élèves.
M. le Président, j'ai posé à deux reprises, pardon,
j'ai tenté de poser à deux reprises, au député de
Chicoutimi, une question que je disais fort inoffensive et qui, d'ailleurs,
vous le verrez dans un instant, est fort inoffensive; il a refusé de me
répondre. J'ai, cette fois, un avantage sur lui, c'est que dans le cadre
de ma réplique je peux indiquer quelle aurait été cette
question et lui, à cause du règlement, cette fois-ci ne pourra
plus me répondre.
M le Président, ma question eût été la
suivante: Compte tenu du fait qu'aujourd'hui même, pas hier, ni
avant-hier, mais aujourd'hui même, toutes les commissions scolaires de la
Commission scolaire régionale du Saguenay-Lac-Saint-Jean, son
territoire, sont toujours en lock-out, privant de cours 38 663
élèves ce n'est pas beaucoup, c'est peu nombreux
depuis plusieurs semaines, tenant loin des écoles 2070 professeurs.
Rappelons que, dans cette même région administrative du
Saguenay, 1 307 536 jours-élève ont été perdus,
soit 17,5 jours par élève. Ma question eût
été au député de Chicoutimi qui maintenant n'a plus
le droit de me répondre: Dans combien de jours suggériez-vous que
nous adoptions cette loi pour amener ces enfants à l'école?
M. le Président, il est trop tard pour me répondre.
J'invite le député de Chicoutimi à répondre aux
parents de ces enfants de son comté.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai
pas eu peur de répondre. Si vous aviez nommé un médiateur
il y a trois semaines on n'aurait pas une loi spéciale. C'est rien que
de la démagogie.
Le Président: A l'ordre!
M. Lessard: Avez-vous répondu quand on vous a posé
la question sur le médiateur?
Le Président: A l'ordre! M. Leduc: ... micro,
Jupiter!
M. Bienvenue: M. le Président, je suis heureux parce que
cette fois le député de Saguenay répond en plus du
député...
M. Bédard (Chicoutimi): II n'a même pas eu le
courage de dire s'il avait recommandé un médiateur. Vous aviez
demandé aux autres de se prononcer.
Le Président: A l'ordre, messieurs! Revenons au ministre
de l'Education.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est pas mal irresponsable.
M. Burns: Est-ce que le ministre de l'Education me permet une
question?
M. Hardy: Oui. On n'est pas comme vous. Une Voix: Non.
M. Burns: Pourquoi le ministre de l'Education n'a-t-il pas
répondu aux questions du député de
Chicoutimi lorsqu'il les lui posait il y a quelques semaines
relativement à ce même problème?
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, question
de privilège. Je veux faire remarquer une chose. Le ministre de
l'Education n'est vraiment pas correct c'est le moins que je puisse dire
parce qu'il devrait se rappeler que je suis un des députés
qui ont écrit au ministre de l'Education...
M. Hardy: Question de privilège.
M. Bédard (Chicoutimi): ... il y a 3 semaines pour lui
faire parvenir certaines demandes.
Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. Bienvenue: M. le Président, je m'engage à ne
plus questionner le député de Chicoutimi avant 2 jours.
Le Président: A l'ordre, à l'ordre s'il vous
plaît, messieurs!
M. Bédard (Chicoutimi): Rappelez-vous la lettre que je
vous ai écrite. Essayez donc de nier cela.
Le Président: Qu'il reste assis.
M. Bienvenue: M. le Président... Une Voix: Avocat minable.
M. Lessard: Député minable!
M. Bellemare (Rosemont): Comme toi.
M. Bédard (Chicoutimi): Fais ta question de
privilège.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît,
messieurs!
M. Bienvenue: M. le Président, il a été
question au cours de cette journée de la motion pour retarder l'adoption
de ce projet de loi. Je m'excuse publiquement auprès du
député de Chicoutimi. S'il veut me laisser finir, je m'excuse et
je m'engage à ne plus le questionner avant 2 jours.
M. Bédard (Chicoutimi): ... des questions idiotes comme
celles-là?
Le Président: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît,
messieurs!
M. Bienvenue: M. le Président, je m'adresse à vous.
Il a été question de ces groupes et organismes que l'on aurait
souhaité entendre en commission parlementaire. Il a été
question, évidemment, j'en ai parlé abondamment, de l'opinion de
ces groupes et organismes et de l'opinion de la population qui m'a écrit
et à qui j'ai parlé depuis 2 mois. J'ai parlé, M. le
Président, lors du débat de cette journée, que ce soit sur
la motion dilatoire, que ce soit sur la motion de deuxième lecture, de
ces nombreux messages écrits ou verbaux et de ces supplications que
j'avais reçus depuis le 19 janvier 1976. Incidemment, M. le
Président, j'oubliais de dire à cette Chambre, cet
après-midi, que j'avais même reçu, entre autres, une
volumineuse valise pleine de lettres de milliers de parents venant d'une seule
région. M. le Président, depuis 3 heures cet après-midi,
depuis que la nouvelle de la loi s'est répandue comme une trainée
de poudre, je ne sais combien de députés d'ailleurs j'en
ai encore un à mes côtés pendant que je vous parle
la Chambre a pu en être témoin, sont venus s'asseoir à mes
côtés pour me faire part des nombreux appels et réactions
de soulagement qu'ils avaient reçus par téléphone de leur
comté respectif, de leurs comités d'école, de leurs
comités de parent. Je pense au député de Sainte-Marie, je
pense au député de Saint-Maurice et si c'était permis par
le règlement, M. le Président, je dirais à ceux qui sont
venus s'asseoir au côté de moi pour cela: Levez-vous! C'est
défendu par la Chambre. D'accord, restez assis.
M. le Président, il y a également la très grande
majorité des CEGEP, faisant part de leur enthousiasme vis-à-vis
de ce projet de loi.
J'invite les députés de l'Opposition officielle à
faire une enquête semblable dans leur comté et je leur dis
à l'avance que je prendrai leur parole. Comme le veut le
règlement, je croirai les résultats qu'ils me donneront. De deux
choses l'une... J'entends mon collègue le leader adjoint qui
s'inquiète, M. le Président. Je répète que je le
croirai, parce que de deux choses l'une. Me disant la vérité,
nous disant la vérité, ils nous diront qu'ils ont reçu
dans leur comté le même appui enthousiaste à la loi. Si
c'est le cas, M. le Président, cela veut dire que les gens de leur
comté réagissent comme le reste du Québec, ce qui est
normal. Si, au contraire, les gens de leur comté devaient dire qu'ils
sont contre la loi et préfèrent que le harcèlement et les
grèves continuent, bien je dirai qu'ils représentent...
M. Léger: Ils préfèrent qu'on règle
le problème.
M. Bienvenue: ... six comtés différents des 102
autres, des 104 autres comtés du Québec. C'est pour cela que je
dis que je les croirai à leur parole.
M. le Président, relativement à cette vieille question du
médiateur versus la théorie des trois commissaires aux
différends que l'on retrouve dans cette loi, le député de
Lafontaine disait que par opposition à la nomination d'un
médiateur, celle des trois commissaires dans la loi 23 signifiait le
recours à des mesures coercitives. Il l'a dit à deux ou trois
reprises, il me fait signe que oui, je le cite bien. Alors mesures coercitives
pour ces trois commissaires. M. le Président, on n'a pas besoin d'avoir
recours à Larousse ou à Robert pour savoir qu'il s'agit de
mesures de force, de mesures pour forcer le règlement du conflit.
Voici les questions que je me pose, M. le Président, en lisant
l'article 10 de la loi qui nous décrit des pouvoirs que le
député de Lafontaine décrit comme étant coercitifs
c'est-à-dire forçant le règlement. On nous y parle, M. le
Président, d'enquêter, on nous parle d'entendre les parties. C'est
de la force d'entendre les parties? On nous parle de s'enquérir de
l'état des négociations. C'est de la force de s'enquérir,
de faire enquête? On nous parle d'examiner les dernières demandes
syndicales et les offres patronales. C'est de la force que d'examiner les
dernières demandes syndicales? On nous parle d'étudier l'impact
éventuel de ces demandes c'est encore coercitif et de la force
et enfin on nous parle de faire rapport des observations sur chacun des
sujets, rapport public. C'est de la force? M. le Président...
M. Lessard: C'est ce que le médiateur aurait pu faire.
M. Bienvenue: Je regrette... Une Voix: C'est du
courage.
M. Léger: M. le Président, le ministre m'a fait
dire des choses que je n'ai jamais dites. J'ai dit que la loi était
coercitive.
Le Président: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
A l'ordre, messieurs!
M. Bienvenue: Le même député de Lafontaine,
M. le Président, nous a parlé de ce sondage voulant que la
population soit favorable à une loi spéciale de retour au travail
seulement s'il y avait grève générale. M. le
Président, la question que je me pose bien candidement, bien
innocemment, est la suivante. S'il y avait un débrayage
général, donc provincial, c'est-à-dire une grève
générale donc provinciale, à tous les dix jours ou alors
à tous les sept jours, ou alors à tous les quatre jours, ou alors
à tous les deux jours, ou alors pendant une demi-journée à
tous les deux jours, quand voterions-nous cette loi? Le 25 avril? Le 1er mai?
Le 15 mai? Le 1er juin? Ou le 15 juin au moment de la fin de l'année
scolaire?
M. Burns: ... voté une à tous les deux jours.
M. Bienvenue: Je pose la question, M. le Président,
surtout en me rappelant que les chefs de la Centrale des enseignants du
Québec ont indiqué clairement peut-être le
regrettent-ils que leurs moyens de pression n'étaient pas
négociables. Ma question est la suivante: Si les moyens de pression ne
sont pas négociables, si les moyens de pression peuvent s'exercer
à tous les jours, à tous les deux jours ou à tous les
trois jours, serait-il trop tard pour voter cette loi de retour au travail vers
la fin de l'année scolaire?
Je n'ai pas eu de réponse à cette question.
M. Burns: Pourquoi ne voterait-on pas une loi comme cela à
tous les deux jours?
M. Bienvenue: C'est une question qui se pose. M. le
Président, le député de Saint-Jacques...
M. Burns: On vote une loi comme cela à tous les deux
jours.
M. Bienvenue: Le député de Saint-Jacques nous a
parlé à son tour de l'éducation qui se dégrade au
Québec depuis dix ans.
M. Charron: Six ans.
M. Bienvenue: Quatre ans, s'il le veut, pour les fins de la
discussion.
M. Burns: Depuis six ans, c'est pire. Deux décrets en
trois ans...
M. Bienvenue: Dans un éditorial je sais que cela va
faire sursauter mes amis de l'Opposition officielle, parce qu'il est
signé de M. Claude Ryan, mais je leur demanderai de retenir de cet
éditorial, non pas ce qui vient de lui, mais ce qu'il rapporte. M. Ryan,
dans un éditorial assez récent, qui était d'avant-hier, le
6 avril, intitulé "Qui dit vrai, la CEQ ou l'OCDE? qui, comme on
le sait est l'Organisation de coopération et de développement
économique, une filiale des Nations-Unis installée à Paris
M. Ryan rappelait, et je cite, je pense que c'est la meilleure
façon de ne rien oublier, M. le Président: "La semaine
dernière, la Centrale de l'enseignement du Québec rendait
publique une étude annoncée depuis quelque temps sur l'effort
comparé du Québec et de l'Ontario en matière
d'éducation. "Ainsi que l'on devait s'y attendre de la part d'une
centrale engagée dans une négociation laborieuse avec le
gouvernement du Québec, le bilan n'était pas rose. A en croire
l'auteur de l'étude de la CEQ, le Québec, après un bref
effort de rattrapage entre 1960 et 1965, aurait laissé se créer
de nouveau, par rapport à l'Ontario, un écart qui serait
même plus grand aujourd'hui qu'il ne l'était avant la
révolution tranquille. "En face d'un tel document, on est en
général désarmé. Si l'on veut être impartial,
on est tenté de le mettre de côté jusqu'à plus ample
vérification. Pendant ce temps, il arrive qu'il fasse vite son chemin
dans les esprits. "Il arrive aussi qu'il meure de sa belle mort. Mais par une
heureuse coïncidence, la publication du document de la CEQ suit de peu la
publication, il y a quelques semaines donc, c'est à
l'intérieur des six ans d'une importante étude d'un groupe
de travail de l'OCDE sur les politiques d'éducation au Canada. "Entre
les deux textes, il est facile d'établir les rapprochements. Les
résultats ne plaident guère en faveur de l'objectivité ou
de la rigueur de la CEQ."
Et je cite toujours: "Tandis que le document de la CEQ s'appuie sur des
publications de Statistique Canada et des données passablement vieilles
du recensement de 1971, le rapport de l'OCDE
est le fruit d'une visite faite au Canada, à l'été
de 1975, par une équipe internationale formée de cinq experts
venant de cinq pays différents et reconnus pour leur compétence
en matière d'éducation. "Au cas où on les
soupçonnerait de s'être trop laissés impressionner par une
vue statistique des choses, les visiteurs de l'OCDE s'empressent d'ajouter: "II
faut également souligner la dimension qualitative des changements qui se
sont produits au Canada." A ce niveau comme à l'autre, ils ne tarissent
pas d'éloges à l'endroit du Canada et leurs compliments, loin
d'exclure le Québec, le visent expressément à plusieurs
endroits dont celui-ci."
La citation que je cite en cite une autre: "A travers tout le Canada, de
profonds changements se sont produits dans les programmes d'études,
l'organisation et la direction des systèmes scolaires, de même que
dans les attentes de la population. Nulle part ces changements n'ont
été aussi prononcés que dans la partie francophone du
pays."
Je pourrais continuer de citer davantage, mais je suis conscient de
l'heure qu'indique l'horloge. M. le Président, le même
député de Saint-Jacques...
M. Burns: Surtout que ce n'est pas une heure pour nous lire du
Claude Ryan.
M. Bienvenue: D'accord, M. le Président, le leader me dit
que c'est bon de ne rien dire.
M. le Président, le même député de
Saint-Jacques nous disait, en parlant des syndiqués, qu'aucun pouvoir de
pression il l'a dit à trois ou quatre reprises
désormais, dans les négociations à venir pendant 80 jours,
ne resterait aux syndiqués.
Je puis lui affirmer que les moyens de pression utilisés,
jusqu'à maintenant, avant cette loi et avant cette journée, par
les syndicats, qu'il s'agisse du harcèlement, des grèves
partielles, rotatives, générales, depuis cinq mois, plus les
autres que j'ai énumérés hier après-midi dans mon
discours de deuxième lecture, rien de tout cela n'a aidé en
aucune façon à faire quelque gain que ce soit aux tables de
négociation.
Je dis que le gouvernement et que celui qui vous parle ne
négocient pas et pour prendre une expression bien de chez nous
ne marchent pas par les moyens de pression, surtout illégaux, et
par le harcèlement. Ces moyens n'ont rien donné jusqu'à
maintenant et ils ne donneraient rien même sans cette loi. Ces moyens de
pression auxquels nous voulons mettre fin n'ont donné qu'une chose
à ceux qui les ont utilisés et c'est la loi qui est devant nous
aujourd'hui.
En terminant, M. le Président et je sais que l'Opposition,
par la voix de mon ami, le député de Maisonneuve, va me laisser
120 secondes je rappelle qu'à son tour le député de
Saguenay, parlant de la Loi concernant le maintien des services dans le domaine
de l'éducation, a posé la question suivante que j'ai
notée: Est-ce qu'on maintient les services dans l'éducation quand
on est prisonnier dans les écoles?
Il faisait, évidemment, allusion aux enseignants et sa
réponse était évidemment non. On ne maintient pas les
services lorsque les enseignants sont prisonniers dans les écoles.
Peut-être sera-t-il surpris d'apprendre que, pour une fois, enfin
sur ce sujet, ma réponse est la même que la sienne. Je
réponds non, moi aussi. Je dis non et je dis que, lorsqu'on est
prisonnier dans les écoles, on ne maintient pas les services. La seule
différence entre le député de Saguenay et celui qui vous
parle porte sur l'identité des prisonniers en question.
Dans mon cas, ce ne sont pas les professeurs. Pour lui, ce sont les
professeurs à compter de ce jour et de cette loi. Pour moi, ce ne sont
pas les professeurs, les prisonniers. Ce furent, ce sont et ce seront les
enfants du Québec, si nous n'avons pas le courage de voter cette loi,
pas demain, mais dès aujourd'hui, ce que je vous invite à faire
dès maintenant.
Le Président: Nous allons procéder à la mise
aux voix. Désire-t-on un vote enregistré?
M. Burns: Oui, M. le Président.
Le Président: Qu'on appelle les députés.
Vote de deuxième lecture
Le Président: Que ceux qui sont en faveur de la motion de
deuxième lecture du projet de loi no 23 veuillent bien se lever s'il
vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank,
Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Phaneuf, Lachapelle, Mme Bacon, MM.
Lalonde, Tetley, Drummond, Hardy, Bienvenue, Harvey (Jonquière), Houde
(Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Kennedy, Bacon,
Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Brisson, Saindon, Houde
(Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Gallienne, Carpentier, Dionne,
Faucher, Saint-Germain, Larivière, Beauregard, Bellemare (Rosemont),
Bérard, Bonnier, Boudreault, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron,
Côté, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe,
Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent
(Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières,
Verreault, Leduc.
Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger,
Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson.
Le Secrétaire: Pour:67 Contre: 7
Le Président: Cette motion est adoptée.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Le Président: Cette motion est adoptée.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
M. Bourassa: Le député de Johnson a dit aujourd'hui
à la radio qu'il était favorable.
Le Président: Cette motion est adoptée.
Motion de déférence à la
commission plénière
M. Levesque: M. le Président, je voudrais, à ce
moment-ci, me prévalant des dispositions de l'article 122 du
règlement, proposer que ce projet de loi soit
déféré à la commission plénière pour
étude article par article, à la prochaine réunion, et je
suggère que nous ajournions nos travaux.
Le Président: Nous allons disposer de cette
première motion. Est-ce que cette motion est adoptée de
déférer le projet de loi à la commission
plénière pour étude article par article?
Vote sur la motion
M. Burns: M. le Président, je vous demande d'enregistrer
notre dissidence de la même façon que nous avons voté,
à moins que le député de Rouyn-Noranda ne veuille changer
son vote. Je ne vous demande pas un nouveau vote enregistré.
Le Président: Même vote ou...
M. Samson: Cela ne me dérange pas.
Le Président: Même vote, 67 contre 7, je crois.
Cette motion est adoptée.
M. Levesque: M. le Président, me prévalant des
dispositions de l'article 76 de notre règlement, puis-je proposer
l'ajournement de l'Assemblée à ce matin, 11 heures?
Le Président: Messieurs, je voudrais, à la suite de
cette motion, compléter, clarifier ou légèrement modifier
la directive que j'avais donnée tout à l'heure sur la question de
l'article 77. Ma décision avait été rendue à des
heures très tardives, d'ailleurs, sur l'article je voudrais bien
insister pour que ce soit inscrit au journal des Débats 77, alors
que c'était le député de Saguenay qui demandait
l'ajournement du débat, motion que j'ai refusée en vertu de
l'article 77 qui avait été suspendu, qui ne permettait pas une
motion d'ajournement du débat.
Maintenant, cette motion d'ajournement de la Chambre, alors qu'elle
n'est saisie d'aucune affaire, la question de deuxième lecture
étant terminée, l'envoi en commission plénière
étant décidé par l'Assemblée et l'article 76 du
règlement n'étant pas suspendu dans la motion d'urgence qui a
été adoptée aujourd'hui, je crois que cette motion
d'ajournement de la Chambre et non pas du débat est
acceptable en vertu de l'article 76: "Lorsque l'Assemblée n'est saisie
d'aucune affaire, un ministre peut, par une motion non annoncée qui
n'est pas susceptible d'amendement, en proposer l'ajournement. Cette motion ne
peut provoquer qu'un débat restreint au cours duquel le proposeur peut
parler dix minutes et exercer un droit de réplique de même
durée après que les représentants des partis reconnus de
l'Opposition se sont fait entendre pendant une durée d'au plus dix
minutes chacun".
Je fais bien la distinction entre l'article 77, qui a été
suspendu et que j'ai refusé, et l'article 76, qui n'a pas
été suspendu. J'accepte cette motion. S'il y a consentement pour
onze heures j'aurais préféré dix heures parce que
l'ordre de la Chambre était de siéger à partir de dix
heures du matin et si l'Assemblée est consentante pour onze
heures, je n'ai pas d'objection.
Cette motion pour ceux qui désirent y participer
est débattable.
Est-ce que cette motion est adoptée?
M. Burns: Adopté, M. le Président.
Le Président: L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Comme cette motion est débattable, M. le
Président, j'en profite pour vous dire que je n'ai pas l'intention de la
débattre longtemps.
Mais cela me permet quand même de réitérer le voeu
que j'ai fait à la fin de mon discours de deuxième lecture,
profitant de cet ajournement qui nous permettra de ne revenir qu'à onze
heures demain matin, en espérant que les parties pourront se rencontrer
pour en arriver à un règlement avant qu'on ne revienne...
Pardon?
Le Président: A l'ordre, messieurs! Messieurs, s'il vous
plaît!
M. Samson: Ne vous sauvez pas, je vais prendre mes dix minutes!
Je voulais être bien gentil, M. le Président, je ne voulais pas
être long. Je pense que le ministre de la Fonction publique a compris ce
que je voulais dire. J'espère que ceux qui sont dans les tribunes
comprennent ce que cela veut dire. J'espère qu'on fera un effort pour
régler cela, pour ne pas être obligés d'en arriver à
la troisième lecture de ce bill.
Le Président: Conséquemment, cette motion est
adoptée et l'Assemblée siégera aujourd'hui, à onze
heures, pour continuer l'étude du même projet de loi.
L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à onze heures.
(Suspension de la séance à 3 h 16)