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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mercredi 7 avril 1976 - Vol. 17 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures sept minutes)

Le Président (M. Lavoie): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Motion de suspension d'une règle de procédure

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque: M. le Président, la section X de notre règlement s'intitule: Motions de suspension de l'application d'une règle de procédure. M. le Président, à l'article 84, paragraphe 2, on lit: "Quand la motion de suspension de l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence, elle n'a pas à être annoncée — c'est ce qui explique que je me lève à ce moment-ci aux motions non annoncées — et elle doit contenir uniquement un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et justifient la suspension de l'application des règles. Lorsque cette motion est faite en vue de l'adoption d'un projet de loi, il doit être distribué au moment où la motion est présentée. Le débat sur cette motion est limité à deux heures. "3. Cette motion ne peut être ni amendée ni divisée".

M. le Président, la situation qui prévaut depuis plusieurs semaines dans le domaine de l'éducation au Québec met sérieusement en péril l'année scolaire de milliers d'étudiants. Malgré de nombreuses et souvent longues séances de négociation, les parties impliquées n'ont malheureusement pu arriver, à ce jour, à un règlement négocié du conflit. D'anormale qu'elle était, la situation me paraît être devenue inacceptable et intolérable, particulièrement à cause des nombreux débrayages, ralentissements de travail, tactiques de harcèlement qui font partie apparemment de la stratégie syndicale ainsi que de certains lock-out qui, eux, ont été utilisés par certaines parties patronales.

En effet, au 1er avril 1976, un minimum de plus de 10 millions, plus exactement 10 608 365 jours-élève, ont été perdus aux niveaux élémentaire et secondaire.

Si on tient compte, comme le disait mon collègue le ministre de l'Education, des récréations prolongées et des cours écourtés, ce chiffre pourrait être de 15 millions ou même de 20 millions jours-élève perdus.

Je ne dispose pas des statistiques à ce jour, mais le pourcentage minimum de 7,6 jours-élève perdus au 1er avril n'est certainement pas à la baisse depuis. Le ministre de l'Education m'indiquait qu'on pouvait probablement multiplier ce chiffre par 1 1/2 ou 2. Le gouvernement aurait évidemment préféré qu'intervienne une solution négociée, M. le Président, mais devant des statistiques aussi éloquentes, on ne pourra certainement pas lui faire grief de vouloir sauver l'année scolaire d'un nombre incalculable d'élèves.

M. le Président, le gouvernement doit, avant tout, veiller à l'intérêt public et au bien commun. C'est sans doute le voeu de l'immense majorité des citoyens du Québec que le gouvernement intervienne et le gouvernement a décidé d'intervenir, afin de mettre un terme à ce désordre inqualifiable qui règne actuellement, au Québec, dans le secteur de l'éducation en particulier, tout en permettant aux parties de poursuivre leurs négociations, espérons-le, dans le calme et la sérénité, pendant que trois commissaires aux différends scolaires dont la nomination est prévue dans le projet de loi que nous étudierons dans quelques instants, je l'espère...

Le Président: Excusez-moi, s'il vous plaît. Je m'excuse de vous interrompre.

M. Levesque: Oui, M. le Président.

Le Président: Pour le bon déroulement de nos débats, je crois que nous sommes à ce moment-ci uniquement sur la question d'urgence...

M. Levesque: Oui, M. le Président.

Le Président: ... la suspension des règles, et je ne voudrais pas que vous vous aventuriez sur le fond du projet de loi, qui, si cette motion d'urgence est adoptée, pourra être considéré en deuxième lecture, en commission et en troisième lecture.

M. Levesque: Oui, M. le Président, je vous remercie de cette mise au point qui sera une mise en garde pour nos amis d'en face qui seraient portés, évidemment, comme on les connaît, à profiter de la moindre ouverture ou tolérance dont j'aurais pu être l'objet. Je coupe donc court à ces considérations. Je m'incline devant votre décision.

J'ajoute simplement ceci: Tous les membres de cette Assemblée reconnaîtront sans doute qu'il faut, sans délai — ceci touche évidemment l'urgence — mettre fin à cette situation inacceptable et comprendront que les circonstances actuelles justifient amplement la présentation d'une motion d'urgence qui nous permettra d'étudier, d'une façon plus expéditive, mais quand même objective, un projet de loi dont des copies sont distribuées à l'instant.

Il y a également urgence de corriger une erreur qui était apparue à l'article 24 du chapitre 52 des Lois de 1975.

M. le Président, je fais donc motion comme suit:

Vu l'état critique prévalant dans le domaine de l'éducation en raison des nombreux conflits qui risquent de compromettre l'année scolaire, il y a urgence, en vue de l'adoption du projet de loi no 23, Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation et abrogeant une disposition législative, laquelle disposition se retrouve à l'article 24 du chapitre 52 des Lois de 1975, et

conformément à l'article 84, paragraphe 2 du règlement, de suspendre l'application des articles 24, 30, 31, 33 cinquièmement et huitièmement, 35 deuxièmement, 49 premièrement, 57, 68, 77, 78, 79, 80, 87, 88, 115, 116, 134 et 174 du règlement;

Que, nonobstant les dispositions de l'article 47, paragraphe 1, du règlement, toutes les séances de l'Assemblée soient publiques.

Que, de plus, la commission plénière fasse rapport, au plus tard, trois heures après le début de ses travaux.

En conséquence, que l'application des règles ci-dessus énumérées soit suspendue et que l'Assemblée puisse siéger sans interruption de dix heures jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner, tous les jours de la semaine, sauf le dimanche, avec suspension des travaux de treize heures à quinze heures et de dix-huit heures à vingt heures et qu'à toutes ces séances l'ordre des affaires du jour soit celui qui est prévu pour le mardi par les articles 35 et 36 du règlement et ce, jusqu'à l'adoption du projet de loi no 23.

Le Président: L'honorable leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Burns: M. le Président, c'est sur une question de règlement que je me lève, relativement au paragraphe 2 de l'article 84 qui se lit comme suit: "Quand la motion de suspension de l'application d'une règle a lieu pour raison d'urgence, elle n'a pas à être annoncée..." C'est un fait. Jusqu'à maintenant cela est respecté. Je continue: ... et elle doit contenir uniquement un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et justifient la suspension de l'application des règles." Ce qui est — j'en conviens — remis par le leader du gouvernement via sa motion. C'est la phrase suivante, M. le Président, qui, je pense, ne semble pas avoir été respectée: "Lorsque cette motion est faite — non pas adoptée — en vue de l'adoption d'un projet de loi, il doit être distribué au moment où la motion est présentée." Je n'ai pas reçu le projet de loi en question. Il me semble qu'avant de commencer le débat, je devrais recevoir...

M. Levesque: C'est distribué, tout le monde l'a.

M. Burns: Ah! il est arrivé? D'accord. Le Président: A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: S'il est arrivé, je m'en excuse et je fais amende honorable, d'accord?

Une Voix: Tu viens de le recevoir.

M. Burns: Je viens à peine de le recevoir et je pense, M. le Président, que je l'ai reçu pendant que je parlais. En tout cas, si ce n'est pas le cas, je m'excuse auprès du leader du gouvernement.

Une Voix: Cela ne fait pas 30 secondes qu'il l'avait.

M. Burns: Relativement à cette motion, je quitte le domaine parce que je pense qu'il y a eu une division de temps de prévue, alors, je quitte le domaine réglementaire purement et simplement et je m'attaque à la motion du leader du gouvernement. S'entend-t-on là-dessus?

Le Président: II faudrait que je partage le temps immédiatement. Ce serait plus logique, si vous voulez aborder, justement, la discussion de la motion.

M. Burns: Peut-être serait-ce bon.

Le Président: II y a eu quelques précédents, entre autres, sur le partage du temps lors de telles motions. Je me réfère à 1972, dans une situation assez identique à celle que nous vivons aujourd'hui où le partage du temps des deux heures avait été de 60 minutes du côté ministériel, 30 minutes à l'Opposition officielle, qui était l'Union Nationale à ce moment, 20 minutes au Ralliement créditiste et 20 minutes au Parti québécois. Si vous faites l'addition, nous arrivons à deux heures et dix minutes. Il y a eu un autre cas en septembre 1975, je crois, lors d'un conflit dans le problème de la commission des Transports de Montréal.

Il y avait eu un partage de 50 minutes du côté ministériel, 45 minutes à l'Opposition officielle, le Parti québécois, 15 minutes au Ralliement créditiste et 10 minutes à l'Union Nationale.

Nous avons eu un autre cas, je crois que c'est en novembre 1975, lors d'un projet de loi sur la commission de contrôle des olympiques à Montréal, où cela a été 50% du côté ministériel, 50% du côté de l'Opposition mais cinq minutes pour l'Union Nationale, alors que le Ralliement créditiste n'a pas désiré intervenir à ce moment.

Nous avons eu des discussions entre le leader parlementaire du gouvernement et le leader de l'Opposition officielle, et je crois qu'après entente ce qui pourrait être acceptable est la formule suivante: 50 minutes du côté ministériel, 40 minutes à l'Opposition officielle, 15 minutes au Ralliement créditiste, 15 minutes à l'Union Nationale et 10 minutes à des députés qui ne font pas partie des formations que je viens de mentionner; le Parti national populaire ou d'autres députés qui sont indépendants auront droit à 10 minutes. Cela donne, si on fait l'addition, deux heures et dix minutes, je crois. Et nous pourrions respecter l'esprit du règlement qui désire qu'un tel débat puisse se terminer avant l'heure normale prévue pour un mercredi, qui est 18 heures.

C'est ma décision en ce qui concerne le partage du temps.

M. Robert Burns

M. Burns: M. le Président, l'argument principal que le gouvernement fait valoir via le leader du gouvernement, c'est la possibilité que l'année scolaire des étudiants soit mise en péril. C'est l'argument de base parce qu'à ce stade-ci il ne s'agit pas de décider si le projet de loi est acceptable ou

non, il s'agit de savoir s'il est urgent d'en discuter. Selon les dispositions de l'article 84 de notre règlement, il faut d'abord, si on veut utiliser une motion non annoncée, prouver l'urgence. Nous en sommes rendus, M. le Président, à ce stade.

Or, l'urgence, j'ai le goût de m'écrouler quand j'entends le leader du gouvernement nous dire qu'il est urgent de discuter de ce problème. J'ai le goût de me lancer complètement en dessous de mon bureau tellement je suis gêné.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!... Messieurs...

Des Voix: Vas-y!

Le Président: Messieurs, est-ce que je pourrais faire une mise au point dès le début de ce débat? Tout le monde peut prévoir que ce sera un débat sans doute chaud. C'est normal que ce soit de la sorte. Mais nous sommes limités dans le temps. Les intervenants pourront me demander de tenir compte des interventions. Je demanderais à tous les députés, si l'Opposition a le droit de parole, que la majorité respecte ce droit de parole et, si la majorité a le droit de parole, que l'Opposition respecte la même chose.

M. Burns: M. le Président, en somme, vous me dites que j'ai le droit d'engueuler le gouvernement.

Le Président: C'est normal!

M. Burns: C'est ce que j'ai l'intention de faire.

Une Voix: Surtout dans les circonstances!

M. Lacroix: Vous ne serez même pas six aux prochaines élections!

Le Président: S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Burns: II y a du monde qui n'aime pas se faire engueuler, il y a du monde qui s'imagine qu'ils sont propriétaires du Québec parce qu'ils s'adonnent à être au gouvernement. C'est le cas du député des Iles-de-la-Madeleine. Mais, M. le Président, je ne veux pas le contrarier, je ne veux pas partir de chicane s'il accepte les règles du jeu. S'il veut m'engueuler après, je lui promets de rester assis à mon siège et de le prendre. D'accord? Est-ce qu'on s'entend?

M. Lacroix: Parfait.

M. Burns: Je dis, M. le Président, que j'ai le goût de m'écrouler, quand je vois le gouvernement nous parler d'urgence, lorsqu'on sait que l'urgence a été signalée par le côté syndical non pas la semaine dernière, non pas il y a deux semaines, mais il y a deux ans. L'urgence a même été signalée à la fin de la ronde de négociations de 1972 qui a amené trois chefs syndicaux à faire de la prison. L'urgence a été signalée là. Qu'est-ce qu'on a fait de ce côté? Rien, strictement rien.

Je mentionne simplement les choses, au niveau de l'urgence, que le gouvernement aurait pu faire s'il avait été convaincu que c'était important, en matière de négociation avec les enseignants. Parce que tout à l'heure, vous allez revenir avec le même problème dans le domaine des affaires sociales. Dans le moment, cela concerne le domaine de l'éducation, mais va-t-on adopter une loi spéciale la semaine prochaine sur les affaires sociales? Est-ce que c'est cela qu'on va faire? Est-ce que l'urgence actuelle ne vise que le domaine de l'éducation?

L'urgence actuelle, M. le Président, s'il en est une, c'est que le gouvernement se rende compte qu'il n'est pas possible de négocier comme le gouvernement négocie actuellement avec le front commun. C'est cela l'urgence. La chose urgente, c'est qu'on se rende compte, du côté gouvernemental, qu'on ne négocie pas, même pas comme le pire des patrons, même pas, même pas.

On négocie de façon encore pire que le pire des patrons. Cela fait-il votre affaire, M. le leader du gouvernement? C'est cela le phénomène d'urgence.

M. le Président, si on avait cru qu'il y avait urgence dans ce domaine, on aurait parlé, entre autres, de prénégociations sur la masse salariale. Je le mentionne, je n'argumente pas là-dessus. J'y reviendrai, parce que je présume qu'on sera défait lorsqu'on va voter contre le fait que ce soit urgent d'adopter cette loi, que ce soit urgent de mettre de côté les règles de la Chambre. Il aurait été urgent, M. le Président, de nommer un médiateur qui aurait pu, lui, au nom du gouvernement et de la partie syndicale, examiner la situation et tenter de façon neutre d'arriver à une solution. Cela aurait été urgent. Cela fait exactement deux mois qu'on parle de cela, M. le Président. Ce n'était pas urgent et il n'y a personne qui a trouvé qu'on était intelligents, fins, "smart", puis beaux, quand on disait cela. Mais, là, c'est urgent d'adopter une loi.

M. le Président, aucune proposition sérieuse — je n'entre pas dans le fond, je vous le dis tout de suite — n'a été faite aux enseignants relativement à deux points qui, tout le monde le sait, sont magistraux, sont importants dans ce domaine-ci. Personne, jusqu'à maintenant, du côté gouvernemental n'a parlé du fardeau de la tâche des enseignants, personne n'a parlé de la sécurité d'emploi des enseignants. Nous, de l'Opposition, nous avons tenté de soulever ce problème à plusieurs reprises. C'est à ce titre que je vous dis: Si ce n'était pas urgent d'en discuter quand nous posions la question, je ne vois pas comment, aujourd'hui, on nous dirait: C'est urgent. Ce n'est pas plus urgent qu'il faut. M. le Président, on ne se racontera pas de peurs et on va en parler lorsqu'on examinera la loi, si on y arrive, puis dans la forme où on arrivera là. Mais il y avait deux choses concernant les enseignants qu'actuellement le gouvernement, systématiquement, refuse de discuter avec les enseignants: le fardeau de la tâche et la sécurité d'emploi. Ce n'est pas urgent d'en parler. Ce n'était pas urgent lorsque, il y a deux mois, le député de Lafontaine en parlait.

Des Voix: C'est faux.

M. Burns: Mais on nous arrive aujourd'hui et c'est urgent de régler le problème. La responsabilité, je suis d'accord avec vous, sera tranchée au niveau de la discussion de la loi, mais, actuellement, je vous donne des éléments qui ont été considérés comme pas du tout urgents par le gouvernement.

Une chose de plus — et je termine là-dessus — me paraît vraiment inacceptable dans la motion du leader du gouvernement. On nous dit, d'une part, que cette urgence est telle qu'on doive même mettre la période de questions de côté. Imaginez-vous donc qu'à la période de questions on avait un certain nombre de choses à soulever. On voulait vous parler de la baie James, des Jeux olympiques, on voulait vous parler de votre système des avocats qui reçoivent éventuellement...

M. Lachance: Très bon système.

M. Burns: On va parler des ingénieurs et on va parler des architectes bientôt. On va parler de tout cela. Actuellement vous avez un problème...

Une Voix: On va parler des syndicats.

M. Burns: Bien oui, parlez des syndicats. On va vous parler aussi des Terrasses Zarolega et de la loi que vous vous apprêtez à passer, qui est absolument... On verra, on en parlera éventuellement. Cela pose un certain nombre de problèmes eu égard aux attitudes que le gouvernement a déjà prises dans ce domaine-là. On y verra en temps et lieu.

Non seulement on met de côté la période des questions, mais on ne reconnaît même pas... De façon très honnête, je pense, comme député de l'Opposition, j'ai appuyé le gouvernement lorsqu'il a décidé de ramener la table centrale, parce qu'elle n'a jamais existé jusqu'à maintenant. Je me suis dit: II y a une lueur d'espoir, la table centrale a été ramenée au niveau de l'éducation et des affaires sociales. Evidemment, aujourd'hui, on s'occupe seulement d'éducation. Je me suis dit: II y a peut-être une chance; si on amène la table centrale, on va parler de problèmes qui concernent l'ensemble du milieu de l'éducation en l'occurrence.

Je suis informé que, la nuit dernière, on a négocié jusqu'aux petites heures, apparemment, jusqu'à cinq heures ou cinq heures trente du matin. Je ne vois pas l'urgence de provoquer — c'est exactement ce que cette attitude gouvernementale est en train de faire — un conflit dans le domaine de l'éducation. Ce qu'on dit, M. le Président, en deux mots, c'est qu'on n'est pas satisfait de l'attitude que la partie syndicale démontre dans les négociations actuelles. On voudrait qu'ils soient plus gentils, on voudrait qu'ils soient un peu plus tranquilles, on voudrait qu'il soient un peu plus tassés à droite et aplatis. C'est cela qu'on veut. Nous disons, M. le Président, que nous souhaitons un règlement négocié face à face, et non pas avec la menace constante qui pèse sur le front commun d'avoir simplement une convention collective imposée par cet Etat employeur qui, à un moment donné, change son attitude d'employeur devenu législateur.

C'est cela, M. le Président, le fond du problème encore une fois. L'Etat du Québec ne se rend pas compte, par les personnes qui, malheureusement, détiennent le pouvoir actuellement, jusqu'à quel point il est en train de détériorer l'atmosphère dans ce domaine.

C'est à ce titre, M. le Président, que nous n'avons aucune envie — nous avons même la tendance tout à fait contraire — d'appuyer une motion telle que celle qui est faite par le leader du gouvernement. Nous voterons contre cette motion à l'effet qu'il est urgent de discuter de ce projet de loi. Nous vous disons simplement ceci: Négociez et négociez de bonne foi, négociez comme un employeur. Pour une fois, juste une fois, vous du gouvernement, faites donc l'expérience d'être un employeur qui va se dire, comme n'importe quel employeur qui se respecte devrait le faire: Je vais être le meilleur employeur au Québec. S'il y a quelqu'un qui devrait donner l'exemple sur le plan de la négociation, il me semble que c'est le gouvernement du Québec. C'est lui qui devrait donner les lignes directrices des négociations qui éventuellement vont s'appliquer à d'autres travailleurs, tant du secteur public que du secteur privé.

Le Président: Le ministre de l'Education. M.Jean Bienvenue

M. Bienvenue: M. le Président, j'anticipais presque hier la motion pour que soient mises de côté les règles normales de l'Assemblée nationale au moment où je donnais à cette Chambre des chiffres en réponse à des questions qui m'avaient été posées. M. le Président, pour les fins mêmes de cette motion et pour me conformer parfaitement aux exigences du règlement sur ce dont on doit parler à l'appui d'une telle motion, je pense qu'il serait important que dans un instant je revienne sur certaines statistiques qui ont été données hier et que je les précise même davantage.

Je répondais, hier, M. le Président, au député de Saint-Jacques, qui me demandait sur quoi on se basait pour décider qu'une année scolaire était en danger. Je lui répondais, sans entrer non plus dans tous les détails, comment il n'était pas toujours facile de préciser, de cerner de façon extrêmement spécifique les critères sur lesquels doivent se baser les pédagogues ou ceux qui sont responsables de l'enseignement au Québec pour pouvoir dire, pour pouvoir décider qu'à telle heure, à tel jour, à telle semaine une année scolaire est perdue dans les faits ou alors seulement compromise ou alors pas du tout ou alors encore en péril.

L'exemple que peuvent nous donner les régions administratives est valable pour montrer comment il n'est pas facile d'établir ces critères, bien que ces régions dont je parle soient un des nombreux critères qui, avec d'autres, sont plus ou moins variables et permettent d'en arriver à un

consensus de décision. Ainsi, M. le Président, bien que nous soyons habitués en 1976 à des chiffres astronomiques, il faut se rappeler que les chiffres parlent par eux-mêmes et qu'ils ont une valeur, surtout dans une matière aussi délicate que celle que nous abordons cet après-midi.

Dans la région administrative de Rimouski, M. le Président, qui comprend notamment la Gaspésie et tout le Bas-Saint-Laurent, le nombre de jours-élève perdu au 1er avril, il y a à peine une semaine, était de 662 902.

Dans la région du Saguenay, qui intéresse particulièrement le député de cette circonscription électorale, le nombre de jours-élève perdus, je suis toujours à l'élémentaire et au secondaire — et non pas au CEGEP, dont pourra vous parler de façon plus détaillée mon collègue responsable des CEGEP et des universités au ministère de l'Education— le nombre de jours-élève perdus par les enfants des parents qui ont élu mon collègue de Saguenay s'élevait, au 1er avril, à 1 307 536 pour une moyenne de 17,5 jours-élève perdus, moyenne qui, comme je l'ai déjà indiqué, soit localement, soit provincialement, peut facilement être multipliée par 1,5 ou 2, compte tenu des facteurs que j'ai indiqués hier, en réponse à une question.

Ici même, dans la région administrative de Québec, ce nombre de jours-élève se chiffre par 1 510 326. Dans la région de Trois-Rivières, région qui préoccupe et intéresse à bon droit certains de mes collègues députés avec qui j'ai été en contact à peu près tous les jours depuis des semaines et des semaines, le nombre de jours-élève perdus est 1 610 000 pour une moyenne de 16,5. Dans les Cantons de l'Est, 400 000. Dans la région Laval-Laurentides, 867 000. Dans la région de Longueuil, 1 029 000. Outaouais, 411 000. Nord-Ouest, 300 000. Côte-Nord 365 000, et Montréal-Centre...

NI. Léger: Le ministre me permettrait-il une question? Je demande au ministre...

Des Voix: Non! Non!

Le Président: Messieurs, s'il vous plaît!

M. Léger: Lorsque le ministre nous donne des statistiques pourrait-il nous donner des statistiques complètes, c'est-à-dire aussi la moyenne dans chaque cas? Parce que je remarque que depuis tantôt il nous donne la moyenne des régions plus petites et moins populeuses et ne donne pas la moyenne des régions populeuses et plus grandes. Pour qu'on ait un tableau exact, le ministre pourrait-il nous donner les chiffres totaux et les moyennes pour chacune des régions? Et faire la moyenne totale du Québec?

M. Bienvenue: Au moment où j'allais rn'as-seoir et il ne me restait à nommer qu'une des régions administratives. Lorsque je l'aurai nommée, cela aura répondu à la question du député de Lafontaine.

Pour Montréal-Centre, compte tenu du fait qu'à l'Alliance des professeurs à la CECM le débrayage a été loin de ce qu'il a été ailleurs au

Québec, c'est 2 149 000. Si j'allais, M. le Président, maintenant dans chaque région, dans chaque commission scolaire régionale, dans chaque commission scolaire locale — je veux dispenser cette Chambre de cette longue énumération de chiffres — on verrait comment, dans certains coins, de plus en plus nombreux au Québec, l'année scolaire est pour le moins compromise et, j'espère, rien de plus.

Un autre critère, outre celui des régions administratives qui fait qu'il n'est pas si facile qu'on le pense de dire, avec des instruments précis comme en science pure, que l'année scolaire est perdue à telle heure, tel jour, telle seconde ou telle minute, mais qui nous permet de dire qu'elle est tellement compromise, cependant, qu'il y a danger et qu'il y a urgence, un autre critère, dis-je, c'est celui des commissions scolaires, qu'elles soient régionales ou locales. Il est des commissions scolaires régionales qui ont moins subi l'effet des débrayages; il en est d'autres qui l'ont subi davantage. Il est, à l'intérieur d'une même région, des commissions locales qui ont été l'objet de débrayages excessifs; d'autres, au sein de cette même région, qui l'ont moins été.

A l'intérieur de commissions scolaires locales, il y a des écoles qui ont été l'objet de débrayages massifs. Il y en a d'autres qui ont été l'objet de légers débrayages ou qui n'ont pas débrayé du tout. Dans les collèges d'enseignement général et professionnel, je l'ai dit, mon collègue et ami, le député de Chauveau, ministre responsable, pourra donner des chiffres qui montreront que la situation n'est guère plus rose et que l'année scolaire est encore joliment plus compromise.

Il est un autre critère, M. le Président, qui fait partie de cette grille de critères à partir desquels on doit arriver à un consensus et a une décision. C'est le critère des types d'arrêts auxquels a eu à faire face le monde de l'enseignement depuis plusieurs mois. Vous avez des arrêts provoqués par la partie patronale, par les commissions scolaires — j'ai donné des chiffres suffisamment précis, hier — qui sont les lock-out.

Vous avez d'autres régions où il n'y a pas de lock-out, mais où, par contre, il y a des grèves. A l'intérieur de ces grèves, vous avez eu des grèves régionales, vous avez eu des grèves qui étaient locales seulement et vous avez eu — nous en avons eu l'exemple il y a à peine 48 heures — une grève qui était à l'échelle provinciale. A l'intérieur de ce type de grèves que j'ai différenciées sur le plan géographique, vous avez eu d'autres types de différences qui ont leur importance dans la motion que nous débattons; vous avez eu des grèves d'une journée, des grèves de plus d'une journée et des grèves d'une demi-journée.

Un autre critère, un autre barème important qui fait partie de l'analyse que l'on fait pour en arriver à dire à cette Chambre qu'il y a urgence de suspendre les règles usuelles pour adopter le projet de loi qui est devant nous, c'est celui de l'enseignement, selon qu'il est donné ou selon qu'il n'est pas donné, selon qu'il est donné en tout ou selon qu'ii est donné en partie par plusieurs types différents de professeurs. Je pense, évidemment, à

ce moment, à la récupération et au rattrapage dont nous parlions hier. Lorsque le rattrapage devra s'effectuer — et on verra que ce projet de loi met de l'avant des mécanismes qui le permettront — il devra s'effectuer par différents types d'enseignants, au sujet desquels il est possible de se demander, si la loi n'intervient pas et face à la situation que nous avons connue au Québec, s'ils donneraient, s'ils ne l'ont pas donné ou donné en partie, selon le cas, l'enseignement suivant les types de matières. Un autre barème, un autre critère — sur celui-là, M. le Président, j'insiste parce que je n'y puis rien et le docteur Penfield, de réputation internationale, qui est décédé il y a à peine quelques heures ou quelques jours, dans toute sa science, n'y pouvait rien — c'est la capacité d'apprendre ou le degré de facilité ou de difficulté d'apprendre de certains types d'élèves face à un nombre plus ou moins grand de jours perdus, de semaines perdues et de mois perdus.

M. Burns: M. le Président, sur une question de règlement, le ministre est-il en train de nous faire son discours de deuxième lecture, oui ou non? C'est la question que je vous pose. Cela m'apparaissait venir exactement dans cette ligne.

M. Bienvenue: Non, il va être mieux que cela.

M. Burns: Si le ministre veut nous faire son discours de deuxième lecture tout de suite, qu'il nous en avise parce que je ne voudrais pas qu'on mêle l'aspect de l'urgence, qui est actuellement discutée, et la discussion de fond.

M. Levesque: Sur la question de règlement, je voudrais simplement vous rappeler les signes un peu désespérés par lesquels j'essayais d'attirer votre attention, M. le Président, sur le genre de propos que tenait, il y a quelques minutes, le leader de l'Opposition officielle, le député de Maisonneuve, et qui enfreignaient le règlement là même où il prétend que mon collègue, le ministre de l'Education, est en train de l'enfreindre.

Le Président: L'honorable ministre de l'Education.

M. Bienvenue: Alors, M. le Président, je reprends. Les différents types d'élèves, de toute région, de tout âge, de toute catégorie font face, dans des cas, à un nombre de jours perdus, dans d'autres, à des semaines perdues. Je pense à mes collègues et amis, députés de la région de la Mau-ricie, où les élèves font face à un nombre de mois perdus.

On parle de deux mois alors que le calendrier scolaire existant au Québec depuis nombre d'années est de plusieurs, plusieurs mois, M. le Président, neuf et dix suivant les cas. Je pense à ceux qui, notamment, ont deux mois de rattrapage à subir pour avoir leur promotion. Et cela, M. le Président, pour chaque élève selon le type de matière, par le type de professeur qui procédera à ce rattrapage. Je n'ai pas à entrer dans les détails pour dire qu'un élève peut être brillant en français ou en géographie, peut être très faible en mathématiques ou en chimie et qui, dans un cas comme dans l'autre, devra subir le rattrapage et par des professeurs différents qui ont leur approche, leur manière et leur état d'esprit différents.

M. le Président, ceci étant dit, pour bien montrer qu'il n'est pas facile de dire — et je me répète à dessein — ce n'est que le 15 avril à 4 h 40, dans tel coin de Québec, que l'année scolaire sera en danger. Nous connaissons les rapports de panique, je dirai, qui nous viennent de partout, au ministère que je dirige, et des sources que j'indiquerai dans mon discours de deuxième lecture. Nous connaissons les derniers débrayages et nous connaissons aussi ceux qui nous sont annoncés pour très bientôt. Mais ce que nous ignorons, et cela c'est important dans le cadre de la motion à l'appui de laquelle je plaide actuellement, ce sont les débrayages qui suivront, ceux qui sont annoncés.

Les débrayages, qu'ils soient locaux, qu'ils soient régionaux ou qu'ils soient provinciaux, ce qui est pire encore, ce que nous ignorons, c'est le nombre de ces débrayages, leur fréquence et leur durée. Ce que nous ignorons, c'est le nombre de millions additionnels de jours-élève qui seront perdus si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités, non pas la semaine prochaine, non pas demain, mais aujourd'hui même. Je ne puis permettre, pour ma part, M. le Président, ni risquer, ni tolérer comme responsable de l'éducation au Québec, que l'année scolaire d'un seul enfant parmi le million et plus d'écoliers qu'il y a au Québec soit perdue par la non-prestation de cours d'un seul enseignant au Québec. C'est ma position.

Le Président: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, il est bien difficile d'être en désaccord avec l'urgence de la situation dans le monde scolaire, l'urgence d'une intervention gouvernementale dans le monde scolaire. Il est invraisemblable d'ailleurs que le gouvernement responsable de l'éducation des Québécois soit le dernier à s'en apercevoir. Il y a déjà deux mois que l'urgence a été signalée par les parents d'abord, par les commissaires ensuite, par les enseignants et par la majorité de l'opinion publique lorsqu'elle a eu à s'exprimer à travers des sondages. Il y avait longtemps qu'il y avait urgence de la part du gouvernement à commettre un geste quel qu'il soit. Il a choisi d'utiliser son geste de patron le plus radical, celui de l'intervention législative.

Nous étudierons tout à l'heure, si la Chambre dispose de cette motion, la solution bâtarde que nous présente le gouvernement après avoir laissé faire la situation pendant deux mois. Puis-je me réjouir au nom de tous les Québécois de voir que le gouvernement a enfin découvert l'urgence de la situation dans le monde de l'éducation? Combien de parents du Québec voudraient être ici à ma place aujourd'hui et dire au gouvernement: On ne

peut pas croire que vous l'avez enfin découvert?

Nous examinerons tantôt de quelle façon vous l'avez découvert, ce que vous voulez faire pour y remédier après avoir rejeté du revers de la main toutes les solutions que toutes les parties du monde de l'éducation vous présentaient, vous ayant gonflé l'esprit de ce que vous possédiez déjà, de ce que vous aviez déjà avancé, en envoyant braire les parents, en envoyant braire les enseignants et surtout les enfants sur lesquels vous essayez de nous faire brailler maintenant, aujourd'hui.

Est-ce maintenant, M. le Président, qu'il faut plaider l'urgence, nous qui avons réclamé depuis l'ouverture de cette session un seul geste concret qui aille dans le sens du rapprochement des parties? Les voilà qui accouchent, M. le Président! Les voilà qui ont découvert qu'il leur fallait agir! Nous regarderons tout à l'heure cette solution bâtarde qui équivaut à l'abolition du droit de grève des enseignants qu'ils nous présentent actuellement dans le projet de loi no 23.

Mais, M. le Président, si l'urgence existait bien avant et si le gouvernement s'est enfin décidé à apporter sa solution magique, sa solution miracle, il faudra bien prendre le temps de l'étudier. Je dirais que, proportionnellement au temps qu'il a pris avant d'agir, l'Assemblée devrait au moins apporter toute la considération nécessaire à l'étude de ce projet de loi.

Ce n'est donc absolument pas le temps, au moment où le gouvernement arrive avec sa solution, de suspendre les règles et les heures normales des travaux de l'Assemblée que vous avez vous-mêmes fixées dans le règlement qui porte votre nom, M. le Président. S'il est un endroit où il est important, pour les membres de l'Assemblée, de peser le pour et le contre de chacune des interventions du gouvernement dans le monde de l'éducation, lui qui a tellement tardé, lui qui a laissé pourrir la situation, lui qui a refusé de nommer un médiateur lorsqu'il était encore temps avant d'arriver avec une loi, c'est bien ici. S'il est un moment où l'Assemblée devrait être plus consciente que jamais de ses responsabilités et ainsi prendre les heures qu'il faut pour étudier le projet de loi selon les règles normales de la Chambre, s'il est une loi qui devrait exiger l'attention normale de la Chambre et non pas la bousculer, c'est bien celle qui va fixer les conditions de travail des enseignants et le climat scolaire pour les prochaines années.

M. le Président, le projet de loi, quel qu'il soit — je n'entre pas dans le fond du projet de loi no 23 — ne fait pas qu'assurer la fin de l'année scolaire 1975/76, dont s'est éperdument foutu le ministre de l'Education, qui finit par faire surface. Je l'ai invité personnellement, depuis le début de la session, à se mêler des négociations et il s'en remettait constamment à la Fonction publique. Tout à coup, il se découvre une responsabilité dans le monde de l'éducation. Ce n'est pas seulement l'année scolaire 1975/76 qui, suite aux lockout de la partie patronale ou aux refus du gouvernement de négocier sérieusement aux tables, est effectivement, dans certaines régions, peut-être prochainement compromise. Mais il ne faut pas oublier — et tous les parents du Québec qui suivront les travaux de l'Assemblée nationale le savent — que ce n'est pas que l'année scolaire 1975/76 mais aussi, par le résultat de cette loi, le climat scolaire dans les écoles du Québec pour les trois prochaines années. Ceux qui en ont jusque-là de la façon dont cela s'est dégradé dans les écoles publiques québécoises depuis le décret d'il y a trois ans devraient savoir que le gouvernement d'en face se prépare à faire la même chose. C'est l'avenir d'une génération complète de Québécois dont nous parlerons.

Le gouvernement nous invite à bousculer les horaires traditionnels de la Chambre. Plus, M. le Président — et c'est contenu dans la motion cette règle absolument inqualifiable — les députés seront obligés d'étudier article par article le projet de loi en dedans de trois heures pour faire rapport en dedans de trois heures; c'est contenu dans la motion. Mais à l'article 20 de ce projet de loi — je ne fais que vous le mentionner, vous comprendrez la suite de cet article — ce sont les conditions de vie des étudiants, des enseignants et des parents du Québec pour les trois prochaines années dont nous allons parler pendant ce débat. C'est toute l'école, c'est toute une génération dont vous vous êtes foutu depuis le début du conflit.

Ils vous ont demandé un médiateur, vous n'avez rien voulu savoir. Ils vous ont demandé des offres quant au nombre maximum d'heures d'enseignement d'une semaine, ils vous ont demandé de déposer des offres, vous vous en êtes foutu. Et, maintenant, vous prêchez l'urgence de se pencher sur le projet de loi! On vous posait des questions et on recevait les quolibets des "back-benchers" libéraux parce qu'on s'intéressait à la question de l'éducation; c'est maintenant devenu urgent et il faudra régler l'avenir scolaire de toute une génération et les trois ans de climat scolaire qu'il nous reste à vivre en trois heures de discussion en commission plénière! Mais vous êtes irresponsables! Vous êtes en train de grever, jusque dans son avenir, le développement du Québec.

M. le Président, si une telle loi doit avoir de tels effets — et elle en aura, le ministre de l'Education, qui s'est enfin découvert un rôle, l'a dit lui-même dans ce qu'il vient de prononcer sur cette motion — ils seront extrêmement importants. Pourquoi devrions-nous bousculer les heures, siéger à la vapeur et ne pas recevoir les questions qui s'imposent? Tous les Québécois qui sont ici, qui sont, pour un grand nombre d'entre eux, des pères de famille ou qui représentent des pères de famille ou des mères de famille directement visés par le projet de loi ont certainement des questions à poser en commission plénière sur l'avenir des jeunes Québécois contenu dans ce texte de loi.

Nous qui pouvons passer, M. le Président, selon nos règlements actuels qu'on veut suspendre, 15, 20, 30 heures sur un projet de loi mineur à qui tout le monde peut s'intéresser, comment cela se fait-il que, lorsqu'on parle de l'avenir des jeunes Québécois et du climat scolaire pour les trois prochaines années, on soit obligé de se limiter à trois

heures? Pourquoi les députés n'auraient pas l'occasion d'intervenir comme bon leur semble, d'accorder...

M. Bienvenue: M. le Président, une question de privilège.

M. Charron: ... toute l'attention et d'avoir le temps de consulter ceux que nous voulons consulter sur ce sujet?

Le Président: A l'ordre! On m'indique une question de privilège.

M. Bienvenue: Je me lève aussitôt que je puis le faire physiquement, M. le Président, parce que j'étais à l'entrée de la Chambre quand les paroles ont été prononcées. Contrairement à ce qu'a affirmé le député de Saint-Jacques, à chaque jour et à chaque heure pour lesquels j'ai été en fonction, depuis deux mois et quelques jours comme ministre de l'Education, je me suis mêlé directement, je suis intervenu directement auprès des négociateurs et des porte-parole du ministère de l'Education dans cette négociation, tout en respectant mon rôle de titulaire du ministère et sans me substituer aux porte-parole aux tables.

M. Charron: M. le Président, je trouve l'intervention du ministre de l'Education pas mal sans gêne.

M. Hardy: A l'ordre! il n'y a pas de débat sur une question de privilège.

Le Président: II n'y a pas de débat sur les questions de privilège.

M. Charron: Je peux en faire une question de privilège à mon tour. Si j'ai affirmé ce que j'ai affirmé, c'est-à-dire sa négligence dans le dossier depuis le début, vous êtes témoin vous-même de cela. Je n'ai jamais été capable de savoir de cet homme-là s'il était pour ou contre un médiateur dans le conflit.

Le Président: Revenons à la motion.

M. Charron: S'en est-il occupé? Il n'a jamais été capable de me répondre par un oui ou par un non, comme un homme responsable de l'Education devrait être capable de le faire.

Le Président: A l'ordre! ... A l'ordre, messieurs!

M. Charron: ... et il va venir me faire accroire, M. le Président, qu'il s'en est occupé?

Le Président: A l'ordre! Revenons à la motion, s'il vous plaît!

M. Charron: Je lui posais des questions sur l'éducation et il me référait à son collègue...

Le Président: ... A l'ordre!...... A l'ordre!... A l'ordre, messieurs! Revenons à la motion.

M. Charron: M. le Président, vous admettrez quand même que ce genre de questions...

Le Président: Je n'admets rien. Revenons à la motion.

M. Charron: N'admettez rien si vous voulez, mais lui devrait admettre qu'il ne s'est pas occupé de ses affaires. Aujourd'hui quand il vient...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle à l'ordre.

Une Voix: Pour la troisième fois.

Le Président: A l'ordre, messieurs! Je n'ai pas besoin d'aide...

M. Hardy: Cela ne nuirait pas!

M. Charron: Je voudrais, M. le Président, marquer cette intervention du fait que ce n'est pas l'urgence de la situation qu'aujourd'hui découvre le gouvernement qui nous paraît essentielle. A la seule lecture du projet de loi, si vous me permettez de m'y référer, il est évident que ce sont les conditions des trois prochaines années qui y sont incluses.

On va en parler tout à l'heure Oswald, ne t'inquiète pas.

A l'intérieur de cela, M. le Président...

M. Parent (Hull): Surtout pas avec des démagogues.

M. Charron: ... il s'agit des conditions des trois prochaines années. Et il est absolument irresponsable de la part du gouvernement d'obliger les députés à étudier ce projet de loi dans des conditions anormales. Le bon sens de notre règlement veut que, lorsqu'un gouvernement se décide enfin à intervenir dans un domaine où il a tardé à intervenir, tous les membres de l'Assemblée aient tout le loisir de discuter le projet de loi, d'autant plus que le projet de loi est de cette importance. C'est irresponsable...

M. Lacroix: ...aujourd'hui, vous.

M. Charron:... que le leader du gouvernement aujourd'hui, lui qui sait le contenu du projet de loi, lui qui a travaillé à la rédaction du projet de loi, présente maintenant cette motion qui nous obligerait à l'étudier à l'intérieur de trois heures en commission plénière.

Tous les parents du Québec, M. le Président, devraient assister à la séance de cet après-midi pour voir comment le gouvernement libéral d'en face respecte les parents dans le domaine scolaire et a intérêt au développement de la paix du climat scolaire, M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs!

M. Lacroix: Tous les votes que vous allez avoir sont là pour la prochaine élection, puis on va gagner pareil...

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine, s'il vous plaît!

Est-ce que je pourrais indiquer...

A l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que je pourrais indiquer à nos visiteurs d'aujourd'hui qu'il n'est pas permis, suivant notre coutume, notre règlement et notre tradition, de manifester dans un sens ou dans l'autre? Vous êtes invités à écouter le déroulement des débats mais il n'est pas permis de manifester; autrement, je devrai demander qu'on évacue les tribunes, ce qui n'est pas mon intention.

M. Burns: M. le Président, sur la question de règlement...

Le Président: II n'y a pas de question de règlement.

M. Burns: Vous l'avez soulevé vous-même.

Le Président: Proprio motu. Il n'y en a pas. Nous sommes dans un débat limité. Qui demande la parole? Avez-vous une nouvelle question de règlement?

M. Burns: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Pas sur cette question, je ne le permettrai pas. Je me suis levé moi-même pour faire respecter le règlement.

M. Burns: Je veux dire, M. le Président, que vous avez bien raison. Je suis d'accord avec vous, mais vous ne pouvez pas blâmer les gens des galeries qui applaudissent à ce que le député de Saint-Jacques vient de dire.

M. Hardy: Petit politicien.

Le Président: A l'ordre!

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, je n'ai pas été surpris aujourd'hui lorsque le leader du gouvernement nous a annoncé qu'en vertu de l'article 84, deuxièmement, de notre règlement, il demandait la suspension de certaines règles pour procéder à des affaires urgentes. Je n'ai pas été surpris, parce que depuis déjà quelque temps nous sentions que le gouvernement devait déboucher sur cette situation, sur cette solution, comme le gouvernement l'appelle.

Mais, M. le Président, je me demande, tout en reconnaissant qu'il y a effectivement urgence, comment trouver une solution équitable dans ce dossier, et je pense que tous les citoyens sont d'accord avec cela. Il y a une différence entre reconnaître l'urgence d'une situation et reconnaître que nous devons appliquer certains moyens pour régler la situation plutôt que certains autres moyens. Ce que le gouvernement nous demande aujourd'hui, M. le Président, c'est de suspendre nos règles de pratique, d'arrêter en quelque sorte tous les travaux parlementaires ordinaires et de passer à la vapeur — parce que de la façon dont cela se présente c'est de la vapeur — une loi spéciale pour obliger les enseignants à retourner au travail avant même qu'il n'y ait eu un règlement satisfaisant.

M. le Président, il aurait été beaucoup plus urgent, pour toute personne bien pensante, d'utiliser un mécanisme pouvant déboucher sur une solution réelle et satisfaisante. Nous aurions pu, je pense, avec un minimum de bonne volonté de part et d'autre, déboucher sur un consensus qui aurait permis l'acceptation, par toutes les parties concernées, de la formation d'un tribunal spécial pour la circonstance et, par la suite, penser à d'autres moyens plus permanents. Donc, comme c'est pressant, un tribunal spécial auquel on aurait pu référer ce dossier et ne laisser l'impression à personne, pas plus aux parents, pas plus aux étudiants qu'aux enseignants, qu'ils sont victimes d'un acte d'abus d'autorité, ou d'abus de pouvoir.

M. le Président, je suis parmi les parents du Québec qui ont des enfants aux études.

Je reconnais qu'il y a une grande inquiétude chez les parents. Je reconnais que les choses sont ce qu'elles sont aujourd'hui suite à un pourrissement de la situation qui provient de délais occasionnés par un manque de négociation. M. le Président, je ne veux pas accuser plus une partie que l'autre, parce que, quand il y a manque de négociation, il y a des responsabilités des deux côtés de la clôture. Mais il reste un fait indéniable, c'est que tous les parents du Québec sont inquiets.

Nos enfants qui sont aux écoles ou qui devraient être aux écoles — ils ne le sont pas tous les jours malheureusement — risquent de manquer leur année scolaire et je me demande si on n'a pas dépassé le jour J. Je ne suis pas certain de cela. Je ne suis pas certain de cela, si nous regardons les inquiétudes de la Fédération des comités de parents de la province de Québec, manifestées dans une déclaration publique datée du 20 mars dernier. Voici ce qu'elle disait, tel que rapporté par Philippe Gagnon dans la Presse de Montréal. "La Fédération des comités de parents de la province de Québec exigera le retour des enfants à la maison le 1er avril, si le conflit opposant les enseignants au gouvernement n'est pas terminé."

M. le Président, ce n'est pas là l'avis d'un parlementaire; c'est l'avis de la Fédération des comités de parents de la province de Québec qui, je pense, sont aussi représentatifs dans les circonstances que n'importe qui; du moins, ils peuvent réclamer une représentativité. Ils disaient le

20 mars: Si le conflit n'est pas réglé, nous envisageons de garder les enfants à la maison à partir du 1er avril. C'est donc dire, M. le Président, qu'en fonction des inquiétudes de cette fédération nous avons dépassé de sept jours le jour J. L'heure est grave, bien sûr, mais je ne pense pas que nous ayons la meilleure solution en main.

Si on attend encore dix jours, cela va être encore pire, vous allez me dire. On aurait raison de me le dire, en tout cas. Si on attend encore dix jours, cela va être encore pire, mais cela n'enlève pas la grave responsabilité qui repose sur les épaules des gouvernants. Cela n'empêche pas que nous puissions dire publiquement que nous considérons que le gouvernement aurait dû faire preuve de plus d'ingéniosité. Ainsi il aurait pu éviter cette loi spéciale no 23 qui nous est déposée aujourd'hui.

J'ai vécu, M. le Président, depuis six ans, des lois spéciales. Je me rappellerai toujours la loi 38, en 1970. Nous avions eu une motion pour suspendre les règles. Nous avions eu une motion pour déclarer l'urgence. J'étais, à ce moment-là, nouveau parlementaire et de bonne foi, M. le Président, je voulais participer au règlement d'une situation que je considérais comme pourrie. J'ai voté pour l'urgence, à ce moment-là; j'ai même voté pour la loi, croyant que cela réglerait le problème. Hélas, quelques années après, j'ai dû, dans ce même Parlement, assister à un débat similaire pour des circonstances évidemment semblables, et encore une fois, dans le domaine de la construction.

Ceci m'amène à vous dire, M. le Président, que nous avons jeté de l'eau sur le feu en 1970. Mais comme nous n'avons pas pris de disposition permanente pour donner justice sans que ces gens-là soient obligés d'avoir recours à des méthodes de harcèlement et à des grèves, comme nous ne l'avons pas fait, il a fallu revenir, quelques années après, encore jeter de l'eau sur le feu, parce que le feu était sorti des cendres pendant ce temps-là.

Je me rappelle aussi les lois spéciales concernant le secteur public, en 1972. Nous avons, encore une fois, agi comme des pompiers. Mais il semble qu'on oublie toujours qu'il faille régler cette situation en permanence et que les cendres finissent toujours par reprendre feu.

Aujourd'hui, que demande-t-on au Parlement de Québec? Aux parlementaires, on nous demande tout simplement d'agir, encore une fois, comme des pompiers. M. le Président, je n'ai rien contre le métier de pompier. C'est un métier honorable, très honorable, mais il semble que c'est abuser des pompiers quand on fait exprès pour mettre le feu, et c'est ce qui est arrivé. C'est ce qui arrive aujourd'hui. On nous oblige à faire les pompiers alors que c'est le gouvernement qui a mis le feu. Le gouvernement aurait dû prendre d'autres sortes de responsabilités que celles-là, il n'aurait pas eu besoin d'apporter cette loi et on n'aurait pas besoin de suspendre les règles de la Chambre aujourd'hui.

Mais, nous sommes obligés de le faire parce que, comme toujours et comme d'habitude, c'est la marque de commerce de ce gouvernement de laisser pourrir la situation au maximum pour arriver, par la suite, en jouant au martyr, et dire qu'il faut absolument qu'on règle cela, c'est urgent. Bien oui, c'est urgent. Il y a au moins trois semaines que votre loi est prête. Vous avez découvert ce matin que c'était urgent cet après-midi.

Le Parti québécois a suggéré un médiateur, j'ai suggéré un tribunal spécial, trois juges; il me semble qu'on pourrait faire confiance à des juges dans des situations comme celle-là.

M. le Président, n'oublions pas que nous aurons à discuter d'une loi tantôt qui mettra fin à toute possibilité de recours légitime des enseignants. Appelons les choses par leur nom, le gouvernement, dans la circonstance, est le patron. Il est en même temps, parce qu'il y a conflit, le patron et il est en même temps le juge de la situation.

M. le Président, nulle part ailleurs on n'accepte que quelqu'un soit juge et partie en même temps. Ici, au Parlement de Québec, on accepterait d'être juge et partie en même temps? Je ne peux pas donner mon accord à ce genre de choses, tout en vous disant, cependant, que je reconnais l'urgence de régler le problème pour que nos enfants ne manquent pas leur année scolaire. Mais cette urgence qui existe, les dispositions qui peuvent être prises peuvent être différentes et beaucoup plus basées sur le respect des libertés des individus que le moyen que nous prenons aujourd'hui.

C'est donc pourquoi, M. le Président, je n'ai pas du tout l'intention de voter pour cette motion d'urgence, parce que cette motion d'urgence m'apparaît comme de la poudre aux yeux pour nous faire oublier que le gouvernement a manqué à ses responsabilités.

M. le Président, je veux être bien clair, je ne suis pas prêt non plus à donner l'absolution de l'autre côté de la clôture sans avoir passé par la confession, parce que si je reconnais que le gouvernement a tort, je reconnais aussi que de l'autre côté on ne s'est pas trop forcé. Je reconnais aussi, avec tout ce que j'ai en main — j'aurais besoin d'une heure pour tout vous dire — qu'il y a eu du harcèlement des deux côtés de la clôture.

Par contre, tout cela se fait, cette lutte idéologique et politique, au-dessus de la tête des écoliers, des étudiants et des parents qui, en quelque sorte, deviennent les otages de tout cela. C'est pourquoi je n'accepte pas cette situation. Je parlerai plus longuement plus tard, M. le Président. Je termine parce que je n'ai malheureusement pas le temps, à moins qu'on ne m'accorde de façon unanime le temps qui aurait été accordé à mon collègue de l'Union Nationale qui n'est pas là et qui ne le prendra pas.

De toute façon, ne vous en faites pas, je vais revenir tantôt et je vais parler quand même. Je vous remercie, vous avez été bien aimable, M. le Président, de me permettre de terminer de façon aussi rapide, mais quand même je reviendrai tantôt sur la loi. Je ne suis pas d'accord avec l'urgence d'adopter cette loi aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Blank): Sommes-nous prêts à voter?

Des Voix: Vote! Vote! M. Levesque: Vote.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, je pense qu'il y a une grande différence entre une chose urgente, une chose importante, une chose nécessaire et une chose essentielle. Je pense que ce gouvernement ne connaît pas la différence entre ces quatre façons de percevoir une intervention à l'intérieur d'un problème majeur.

Y a-t-il urgence de discuter de la qualité de l'enseignement? M. le Président, je dis oui. Il y a urgence de discuter de la qualité de l'enseignement. I! y a, cependant, un point important, c'est qu'il n'est pas nécessaire, par exemple, pour discuter de la qualité de l'enseignement au Québec et de la solution aux problèmes qui touchent tous les Québécois et qui ont une liaison directe ou indirecte avec le domaine de l'éducation, de mettre de côté toutes les règles normales de procédure d'un Parlement. Autrement dit, à quoi sert un Parlement, M. le Président, si à chaque fois qu'on a à discuter d'une chose essentielle, on est obligé de mettre de côté les règles de procédure normales qui permettent d'approfpndir un sujet, d'apporter les amendements voulus et trouver des solutions conformes aux besoins et à la réalité québécoise aujourd'hui? Si, à chaque fois qu'on a un problème majeur à réqler, il faut suspendre les règles de procédure du parlementarisme, abolissons le parlementarisme. Et je me demande justement si la loi 23 n'est pas peut-être la vingt-troisième loi spéciale qu'on nous présente depuis 1970.

C'est un gouvernement qui ne fonctionne qu'avec des lois spéciales en cas d'urgence.

M. Levesque: Question de règlement. Il n'a jamais été question, M. le Président — et je voudrais bien que le député le sache — de suspendre des règles du parlementarisme. Il a été question de suspendre certaines règles de notre règlement. Quant au parlementarisme, nous voulons qu'il se perpétue, qu'il se continue de la meilleure façon possible.

M. Léger: II y a des personnes qui, au volant de leur Cadillac, prennent la route alors qu'ils devraient l'emprunter. Nous avons un gouvernement qui a pris le pouvoir alors que la population le lui a prêté. Il a pris et accaparé un pouvoir, se sentant celui qui peut faire n'importe quoi, n'importe comment, mettre les règles du jeu de son côté pourvu qu'il détienne le pouvoir et qu'il montre sa force.

M. le Président, ce gouvernement a deux bâtons, le bâton du patron, d'une part, et le bâton législatif, d'autre part. On a commencé, M. le Pré- sident, à nous présenter un scénario en trois actes dont nous avons le troisième aujourd'hui. Le premier acte a été de déposer les offres salariales gouvernementales en disant: Ceci n'est pas négociable, avant même qu'on ait négocié. Au deuxième acte, on a refusé toute recommandation de tout le milieu de l'éducation. Au troisième acte, M. le Président, aujourd'hui, on veut encore, par une loi spéciale et en mettant de côté toutes les règles, dire que c'est urgent maintenant.

Comme on a créé une situation absolument intenable à travers le Québec, maintenant qu'on est la cause de cette situation et de ce chaos, on veut maintenant dire: Nous sommes le sauveur. On met de côté toutes les règles normales du parlementarisme pour discuter en profondeur des sujets aussi essentiels que celui de l'éducation et, après cela, on va régler le problème. Je crois qu'il y a une différence entre ce qui est urgent, ce qui est nécessaire, ce qui est important et ce qui est essentiel.

M. le Président, je pense qu'il est plus urgent de négocier actuellement, de bonne foi, que de présenter une loi spéciale. Il est plus important que les enseignants n'aient pas un troisième décret à vivre, après celui de 1968 et celui de 1972, qu'il est urgent de régler le problème en profondeur. Il était très important, mercredi dernier, que le gouvernement puisse se prévaloir de son droit de parole pour répondre à la motion que nous avons présentée mercredi dernier. Elle discutait du domaine de l'enseignement; elle discutait d'une solution, d'un médiateur pour régler le problème qui sévit actuellement dans le milieu de l'éducation. Mais on a trouvé moyen, le gouvernement de l'autre côté — ce n'était pas urgent à ce moment-là — de continuer...

M. Hardy: A l'ordre! Question de règlement. M. Léger: ... le discours inaugural. Le Président: Question de règlement.

M. Léger: M. le Président, depuis quand le député de l'autre bord peut-il dire: A l'ordre?

Le Président: Question de règlement. M. Hardy: Question de règlement.

M. Léger: Bien oui, qu'il invoque le règlement, qu'il ne dise pas: A l'ordre!

Le Président: II a dit "à l'ordre" parce qu'il est un ancien vice-président.

M. Léger: II s'est toujours pensé encore président.

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Lafontaine, actuellement, fausse les faits. Si la motion qu'il présentait n'a pas été étudiée jeudi dernier, ce n'est pas pour les raisons qu'il invoque présentement. C'est tout simplement parce que les députés de cette Cham-

bre avaient parfaitement le droit d'utiliser leur droit de parole dans le cadre du débat sur le discours inaugural. Les députés n'ont fait qu'utiliser leur droit, c'est cela le véritable parlementarisme. Mais fausser les faits comme vous le faites actuellement, c'est du faux parlementarisme.

M. Léger: M. le Président, le ministre des Affaires culturelles a droit à son interprétation. On cherchait des députés pour parler, pour perdre le temps, et empêcher la motion du lendemain qui avait été annoncée. J'ai droit à mon interprétation, et j'ai le droit de dire que la semaine dernière, mercredi dernier, il aurait été urgent, avant qu'on présente une loi spéciale aujourd'hui, de discuter du même problème. On a refusé de le faire et, aujourd'hui, M. le Président, j'avais une motion qui touchait le domaine de l'éducation. Il est plus urgent de suspendre le règlement de l'Assemblée nationale que de discuter en profondeur d'un projet, d'une motion qui touchait justement le même problème que nous visons actuellement par une loi qui nous est présentée, alors qu'on met de côté toutes les règles normales de procédure parlementaire.

Alors, M. le Président, où est l'urgence? Mercredi dernier, on a refusé d'en parler et, aujourd'hui, on a préféré nous présenter une loi qui n'a aucun contenu mais qui n'a que des obligations et des restrictions et qu'un besoin d'arrêter les négociations en imposant un décret. On parle justement de régler le problème de l'éducation à travers cela. Quand une loi est importante, on a besoin de travailler, nous, parlementaires, avec les règles normales du parlementarisme. Il est plus urgent de régler le problème de l'éducation comme le gouvernement à l'image de celui que vous avez de l'autre côté, que de se préparer à des élections en montrant qu'on a un bon bâton pour mettre de l'ordre au Québec. Préparez-les vos élections mais pas sur le dos des enfants, M. le Président, pas sur le dos de l'éducation.

On sait que vous aimeriez bien que la population vous prenne pour un gouvernement qui est capable de régler les problèmes, un gouvernement qui a du leadership et qui est partie intégrante de la situation dégradante dans laquelle nous vivons et le responsable de cette situation. S'il prend le moyen d'une loi d'urgence pour régler un problème dont il est responsable, cela démontre qu'il est, comme gouvernement, un irresponsable.

M. le Président, il est nécessaire de trouver une solution au climat qui va exister durant les trois prochaines années dans les écoles de tout le Québec. M. le Président, les éducateurs des niveaux élémentaire, secondaire, collégial et universitaire se demandent justement jusqu'à quel point ils ont dorénavant un rôle à jouer dans le domaine de l'éducation.

Eux qui sont et qui devraient être considérés comme des professionnels de l'éducation, comme des personnages centraux du milieu scolaire, on les traite comme du bétail, comme un restant de la société. On ne leur aura même pas permis, en neuf années, de participer activement à l'élaboration d'un système scolaire dont ils pourraient être fiers de se savoir une partie responsable, importante et essentielle.

Je pense, M. le Président, qu'il n'est pas urgent de suspendre les règles de procédure, mais qu'il est essentiel qu'on s'occupe aujourd'hui de commencer à discuter, mais à l'intérieur des règles normales de la procédure parlementaire, d'une solution pour mettre fin au climat dégradant en milieu scolaire. Ce climat, qui contribue de plus en plus à diminuer la qualité de l'enseignement dans les écoles, doit être transformé pour être propice à l'élaboration d'une politique de l'éducation au Québec et permettre justement de recruter davantage les maîtres dont nous avons besoin.

Mais avec l'attitude du gouvernement, M. le Président, je puis dire qu'il est responsable d'une chose; c'est que les enseignants ne se sentent plus chez eux dans le système scolaire actuel.

Des Voix: Vote! Vote! M. Hardy: Vote!

Le Président: Je vais mettre aux voix cette motion, s'il n'y a pas d'autres députés qui s'expriment.

M. Charron: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président: Vote enregistré. Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de la motion du leader parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank, Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Garneau, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Mme Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond, Lacroix, Hardy, Bienvenue, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Fortier, Bossé, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Saint-Hilaire, Brisson, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pepin, Beauregard, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Ciaccia, Côté, Denis, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault, Leduc.

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson.

Le Secrétaire: Pour: 83 — Contre: 7

Le Président: Cette motion est adoptée.

M. Lacroix: Le dixième d'un dollar dans les cotisations, cela fait quoi?

M. Levesque: Projet de loi no 23.

Projet de loi no 23 Première lecture

Le Président: A l'ordre, messieurs! L'honorable ministre de l'Education propose la première lecture du projet de loi no 23, Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation et abrogeant une disposition législative.

L'honorable ministre de l'Education.

M. Bienvenue: Ce projet de loi, M. le Président, a pour objet d'interdire le lock-out, la grève et les ralentissements de travail pour une période de 80 jours dans le secteur des collèges d'enseignement général et professionnel et dans celui des commissions scolaires.

Entre-temps, trois commissaires aux différends scolaires seront nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Ces commissaires auront pour fonction d'enquêter sur les différends en cours, d'entendre les parties, de s'enquérir sur l'état des négociations sur tous les aspects significatifs du dossier, d'examiner les dernières demandes syndicales et les dernières offres patronales et d'étudier l'impact éventuel de ces demandes et offres au plan des services, des effectifs, du rendement et des coûts. Le rapport sera remis aux parties et immédiatement rendu public.

Le projet abroge une disposition de la loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail de façon à la rendre conforme aux décisions qui avaient été prises, lors de son adoption, par l'Assemblée nationale.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture est adoptée?

M. Burns: Je demande le vote enregistré, M. le Président.

Le Président: A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'on peut tenir compte du vote qui vient d'avoir lieu?

M. Burns: Non, M. le Président, qu'on appelle les députés, je vous le suggère.

Le Président: Qu'on appelle les députés, s'il vous plaît!

Vote de première lecture

Le Président: Que ceux qui sont en faveur de cette motion de première lecture veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank, Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Mme Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond, Lacroix, Hardy, Bienvenue, Toupin, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Fortier, Bossé, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Saint-Hilaire, Brisson, Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pepin, Beaure-gard, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Ciaccia, Côté, Denis, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault, Leduc.

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson.

Le Secrétaire: Pour: 81 — Contre: 7 Le Président: Cette motion est adoptée.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Deuxième lecture

Le Président: Deuxième lecture, même séance.

L'honorable ministre de l'Education propose la deuxième lecture du projet de loi no 23, Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation et abrogeant une disposition législative.

L'honorable ministre de l'Education.

M. Jean Bienvenue

M. Bienvenue: Le lieutenant-gouverneur, M. le Président, a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'adoption.

M. Hardy: Lui, il comprend!

M. Bienvenue: M. le Président, le 19 février dernier, en compagnie de mes collègues, le ministre d'Etat à l'Education et le ministre de la Fonction publique, je donnais une conférence de presse à laquelle participaient également nos partenaires du secteur de l'éducation dans la présente ronde de négociations.

A cette occasion je déclarais, entre autres: "Notre constat est simple et clair. La négociation

ne progresse pas assez rapidement. La situation dans les écoles et les collèges est telle, suite au harcèlement, que si elle devait durer ainsi, l'année scolaire en cours sera compromise et l'organisation de la prochaine rentrée scolaire risque également d'être touchée. "Le déroulement de la négociation est tellement lent qu'à ce rythme l'on ne peut entrevoir la conclusion d'un règlement négocié avant plusieurs mois. Nous n'avons pas d'objection de principe à négocier des mois durant, si la négociation se fait, évidemment, à la table de négociation et non pas dans les écoles. Ce n'est pas le cas. "Dans les circonstances, non seulement une accélération des négociations s'impose, mais une trêve s'impose également. Je dis une trêve, parce que je crois fermement que nul ne peut négocier sereinement dans un climat qui est surchauffé. "Tout compte fait, il n'est acceptable pour personne de laisser aller les choses comme elles vont actuellement et de laisser se perdre une année scolaire. Le système scolaire, par définition, est une entreprise qui a un calendrier spécifique. Ce système peut subir d'interminables perturbations sans que l'essentiel de sa vocation ne soit perdu. "Les élèves ont droit de recevoir leur enseignement, droit de faire leurs études, droit de passer leurs examens, droit de recevoir leurs notes, droit d'avoir leur diplôme et surtout droit d'être promus. Le calendrier n'est donc pas indifférent et le gouvernement et ses partenaires ne sont pas davantage indifférents au calendrier ni aux échéances essentielles. "Ces échéances sont déjà serrées. Nous continuons de vouloir un règlement négocié et cela dans les plus brefs délais. Le gouvernement non plus que ses partenaires, ni d'ailleurs — j'en suis sûr — le personnel concerné ne recherchent ni une grève, ni un décret. Plus les harcèlements s'accentuent, plus les dangers de perdre l'année scolaire augmentent et plus les échéances, évidemment, se rapprochent. "Au cours des semaines qui viennent, il faudra de nouveau évaluer l'ensemble de la situation avec nos partenaires.

Voilà, M. le Président, c'était le 19 février 1976, il y a exactement sept semaines aujourd'hui.

Nous avons constamment évalué la situation et ces évaluations successives m'ont amené à ne plus parler de mois et de semaines comme au début, mais bien de jours et d'heures, comme je l'ai indiqué il y a deux semaines, et finalement de minutes, même comme je l'ai fait la semaine dernière et hier en réponse à des questions de membres de l'Assemblée nationale.

Au moment où je vous parle, le compte à rebours est terminé et le temps est expiré. En effet, depuis ma conférence de presse du 19 février, non seulement il n'y a pas eu de trêve comme je l'avais demandé à l'époque, mais au contraire les mesures de harcèlement ont augmenté en quantité et en intensité et cela à un point tel que l'année scolaire de bon nombre d'élèves et d'étudiants est maintenant compromise au moment où je vous parle.

C'est vrai dans plusieurs commissions scolaires et c'est vrai encore davantage dans le cas des CEGEP, dont les calendriers prévoient la fin de la session dans la première quinzaine de mai, soit dans environ cinq semaines.

Donc, l'année scolaire est compromise. C'est la conclusion à laquelle je suis forcé d'arriver, suite à l'avalanche de messages que j'ai reçus et aux données que je possède sur le nombre inquiétant de jours de classe perdus au cours des cinq derniers mois. Tout au long de cette période, j'ai reçu des dizaines de milliers de lettres, de télégrammes, de pétitions, d'appels téléphoniques provenant des quatre coins de cette province représentée par les membres de l'Assemblée nationale que vous êtes.

Ces messages m'ont été adressés par des commissaires d'écoles, des directeurs généraux de commission scolaire, des principaux d'école, des comités de parents et d'école, des centaines et des milliers de simples citoyens.

Il est important de le noter, ces messages m'ont aussi été adressés par de nombreux enseignants qui m'ont dit — ils n'ont pas hésité à m'écrire en s'identifiant — qu'ils souhaitaient que le gouvernement prenne au plus tôt les mesures nécessaires pour que cessent les tactiques de harcèlement et pour que la vie dans les écoles, pour que l'éducation dans les écoles — car pour eux comme pour moi, l'éducation c'est plus que l'enseignement — puisse se dérouler à nouveau dans un climat sain et normal.

Pour ce qui est des jours de classe perdus, comme je l'indiquais hier en cette Chambre, ils se chiffrent comme suit: depuis novembre 1975 jusqu'au 31 mars 1976, soit tout récemment, 10 608 362 jours-élève ont été perdus, soit une augmentation de 3 867 450, ou une augmentation du tiers depuis la période du 18 mars seulement. Si on veut être réaliste et tenir compte du temps perdu — j'ai dit cela aussi — par les récréations prolongées, par les cours écourtés et par diverses autres manoeuvres, il faut probablement multiplier ce nombre par un et demi ou même par deux.

Pendant la période allant du 18 au 31 mars, la moyenne provinciale de jours-élève perdus est donc passée de 4,8 à 7,6 et c'est là un strict minimum. Les régions les plus touchées par les jours-élève perdus — j'ai dit cela aussi — sont celles du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec 17,5 jours-élève, Trois-Rivières, avec 16,5 jours-élève, et la Côte-Nord, avec 11,4. Ces jours ne tiennent pas compte des plus récents débrayages, ceux de cette semaine, qui viennent encore en augmenter le nombre.

Ces données ne traduisent même pas, hélas! toute la réalité, puisque diverses mesures prises par les syndicats visent à désorganiser la vie scolaire et ont des conséquences inévitables sur les services rendus aux élèves. Voici quelques exemples de ces procédés, de ces moyens de harassement, de harcèlement, qui atteignent directement les élèves: cours rognés au début et à la fin, cours non donnés, surcharge de travail aux étudiants, examens imposés en dehors des temps prévus, omission de donner des travaux aux étudiants,

mutisme envers les élèves et consignes écrites, activités parascolaires boycottées, annulation de tout projet éducatif, sorties culturelles, classes de neige, etc., prolongement des récréations, sortie avant les heures prévues, refus d'assurer la sécurité réelle des élèves, refus de suppléance, nombreuses périodes-élève perdues chaque jour, abandon de projets pédagogiques, activités soi-disant de plein air non planifiées ni organisées. Ajoutez à cela les nombreuses heures de classe consacrées à aborder des sujets relatifs aux négociations plutôt qu'au contenu des programmes; ajoutez à cela le kidnapping de membres de la direction et les menaces proférées à leur endroit et à l'endroit de personnes de leur famille; ajoutez à cela les sonneries d'alarme déclenchées à tout propos et même les alertes à la bombe, l'intimidation des suppléants, la disparition du matériel scolaire et que sais-je encore, et vous aurez une bonne vue d'ensemble du climat que certains ont décrit comme un climat de guérilla qui prévaut actuellement dans certaines — je n'ai pas dit dans toutes — écoles du Québec.

Tout cela contribue, M. le Président, à épuiser physiquement et mentalement ceux qui sont chargés de faire l'école et de faire de l'école un lieu d'apprentissage et d'éducation. Pareille situation situe l'école dans un contexte d'immoralité permanente qui contribue à inculquer aux enfants des principes aussi formateurs que celui qui veut que la fin justifie les moyens. Quand on sait l'influence qu'exercent sur les enfants ceux qui remplacent les parents auprès d'eux, on voit bien à quel monde de valeurs ces derniers sont conviés et initiés.

Il est donc grand temps, comme je l'ai dit à plusieurs reprises récemment, que les enfants du Québec cessent d'être les innocentes victimes de querelles entre adultes alors que se joue actuellement leur sort à eux.

Enfin, alors même que le gouvernement a tout mis en oeuvre pour accélérer le rythme des négociations, et cela en parfait accord avec les dirigeants syndicaux et même à la demande des dirigeants syndicaux, les syndiqués continuent quand même les débrayages comme en font foi les arrêts de travail généralisés que nous avons connus, entre autres, cette semaine.

Devant pareille situation, le gouvernement ne peut plus tolérer que se détériore la vie des écoles du Québec. Le gouvernement ne peut pas rester insensible aux nombreux et pressants appels auxquels je faisais allusion, que lui lancent les parents et les citoyens. Le gouvernement ne peut plus faire oeuvre de patience. Le gouvernement a décidé, aujourd'hui, pas demain, de prendre ses responsabilités.

M. le Président, c'est dans ce contexte qu'il faut maintenant situer et comprendre le projet de loi qui vient d'être déposé et que je propose à cette Chambre d'adopter. Le gouvernement, par ce projet de loi, poursuit deux grands objectifs: non seulement sauver l'année scolaire, mais sauvegarder la valeur de l'année scolaire des élèves et des étudiants; continuer à rechercher un règlement né- gocié pourtous les syndiqués du secteur de l'éducation.

Pour être bien clair, rien dans cette loi, bien au contraire, n'empêche que les négociations puissent se continuer durant la période de 80 jours. Je dis qu'elles doivent être continuées.

Pour atteindre ces objectifs, le projet de loi no 23 vise, en premier lieu, à interdire le lock-out, la grève et les ralentissements de travail pour une période de 80 jours dans le secteur des collèges d'enseignement général et professionnel et dans celui des commissions scolaires. Il ne s'agit pas ici d'une mesure législative qui revêt un caractère de nouveauté. En effet, l'article 99 du Code du travail va exactement dans le même sens, puisqu'il permet au procureur général de demander à un juge de la Cour supérieure d'émettre des injonctions pour empêcher une grève ou pour y mettre fin. De telles injonctions peuvent avoir effet pendant 80 jours également. Cependant, parce que les délais d'application de cet article du Code du travail sont trop longs, le gouvernement a décidé de procéder plutôt par une loi. De plus, en reprenant une disposition de même nature dans le projet de loi, le gouvernement veut pouvoir l'appliquer non seulement aux grèves, mais aussi aux lock-out, ce qui, à mon avis, est aussi devenu nécessaire pour sauver l'année scolaire.

En contrepartie de cette première mesure, le projet de loi no 23 vise la nomination de trois personnes appelées commissaires aux différends. Ces commissaires auront un mandat qui les amènera à enquêter sur les questions qui, au plan provincial, opposent les parties patronale et syndicale. Pour ce faire, les commissaires doivent "entendre les parties, s'enquérir de l'état des négociations sur tous les aspects significatifs du dossier, examiner les dernières demandes syndicales et les dernières offres patronales et étudier l'impact éventuel de ces offres et de ces demandes au plan des services, des effectifs, du rendement et des coûts"? Le rapport des commissaires doit être déposé dans les 60 jours de leur nomination. Il doit, en même temps, être remis aux parties et être rendu public.

C'est donc, M. le Président, à défaut d'une trêve acceptée par tous, trêve que j'ai proposée il y a sept semaines et que j'ai sollicitée à plusieurs reprises, que le gouvernement se voit forcé, aujourd'hui, d'imposer un moratoire.

Le gouvernement se donne aussi un moyen de voir plus clair dans la situation actuelle en demandant à des tiers d'analyser toute la question et de formuler publiquement leurs commentaires et leurs observations.

J'ose espérer que, pendant ce moratoire et pendant que les commissaires aux différends rempliront leur mandat, les écoliers et les étudiants du Québec recevront un enseignement de qualité, et que les enseignants mettront à leur disposition des services éducatifs qui soient dignes de ce nom. Pour ceux qui préfèrent le voir ainsi, disons que le gouvernement ajoute de l'eau dans son vin, et qu'il accepte d'impliquer directement des tiers, comme un ultime effort d'en arriver à un

règlement négocié. Depuis le début des négociations, le ministre de la Fonction publique, mes prédécesseurs à l'Education et celui qui vous parle avons toujours dit que nous voulions une convention collective négociée et non un décret. Et c'est, au moment où je vous parle, toujours notre intention ferme d'y arriver.

Je crois que le projet de loi no 23 nous fournit, à ce moment-ci, un outil valable pour atteindre cet objectif, pour que la négociation se fasse autrement et à l'extérieur d'un climat malsain de harcèlement. Il ne faudra cependant pas se surprendre de trouver dans le projet de loi, M. le Président, des sanctions pour prévoir l'éventualité où l'une ou l'autre des parties déciderait froidement d'enfreindre la loi. En effet, il faut que les règles du jeu soient respectées par tous, et il faut que les parties sachent bien à quoi elles s'exposent, si elles veulent briser ces règles du jeu.

Un principe vieux comme le monde demeure: Nul n'a à craindre la sanction de l'infraction qu'il ne commet pas. Pour ma part, je ne vois pas en vertu de quelle logique ou de quelle stratégie suicidaire les organismes responsables qui regroupent des syndiqués ou des organismes scolaires choisiraient lucidement de s'attirer l'une ou l'autre des sanctions prévues par la loi.

Puisqu'il faut que la prochaine année scolaire démarre dans un contexte de paix sociale, il faudra bien, un jour, en arriver à la conclusion d'une entente. Nous espérons, bien sûr, que la trêve de 80 jours, que les travaux des commissaires et que la poursuite intelligente et efficace des négociations permettront précisément d'en arriver à la conclusion de cette entente signée de plein gré. Et pour y arriver, le gouvernement doit prendre ses responsabilités et va prendre ses responsabilités pour s'assurer que les droits des enfants et des parents du Québec soient respectés.

M. le Président, vous-même et tous mes collègues de cette Chambre aurez pu observer que tout au long de mon propos, comme c'est d'ailleurs une habitude qui est bien ancrée chez moi, je me suis abstenu d'avoir recours à un langage et à un ton enflammés. De la même façon, et comme c'est également le fruit d'un principe personnel qui m'est combien cher, depuis maintenant dix ans que je siège en cette Chambre, des deux côtés de votre fauteuil, de la même façon, dis-je, j'ai maintenu mes remarques bien au-dessus, très haut au-dessus de l'esprit partisan et de l'électoralisme petit.

A travers vous, M. le Président...

M. Charron: C'est dur à dire, cela, hein.

M. Bienvenue: C'est un mot auquel je ne suis pas habitué.

M. Charron: C'est dur à dire, cela.

M. Bienvenue: C'est pour cela que je le prononce mal.

A travers vous, M. le Président...

Une Voix: ...des élections.

M. Léger: Amenez-en des élections, cela va être le temps de nettoyer cela. On va vous nettoyer cela.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!

M. Côté: C'est votre coin qui va être nettoyé.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. Bienvenue: A travers vous, M. le Président, j'invite tous ceux qui participeront à ce débat à le faire avec la dignité qu'exige, je pense, la gravité de la situation.

Quant aux parties patronale et syndicale, je les invite, je me répète à dessein, à observer et à respecter cette loi. Je refuse de croire que ceux-là, à quelque titre que ce soit, à qui les parents du Québec ont confié la responsabilité de l'éducation de leurs enfants, que ce soit du côté patronal ou du côté syndical, donnent aux écoliers et aux étudiants du Québec qui sont confiés à leurs soins l'exemple de la désobéissance à la loi.

J'ai présent à l'esprit, M. le Président, et je pense qu'il vaut la peine de la reprendre devant mes collègues, cette phrase que prononçait devant le Congrès américain, le 30 septembre 1962, le président des Etats-Unis qui fut assassiné à Dallas et qui disait: "Notre nation repose sur le principe que l'observance de la loi est le rempart éternel de la liberté et que le défi à la loi est le plus sûr chemin menant à la tyrannie. Les citoyens sont libres d'être en désaccord avec la loi, mais non d'y désobéir. Car, dans un gouvernement régi par des lois et non par des hommes, aucun citoyen, quelles que soient sa puissance et l'importance de son poste, ni aucun groupement, tout rebelle et indiscipliné qu'il soit, n'a le droit de défier une cour de justice".

Le Vice-Président (M. Blank): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin: M. le Président, si je prends la parole avant le député de Lafontaine, qui tout à l'heure parlera au nom de l'Opposition officielle, c'est pour vous dire mon inquiétude devant les répercussions profondes que ce projet de loi risque d'entraîner, non seulement au cours des deux mois qui viennent, pendant lesquels il développera ses effets, mais au cours des trois années qui vont suivre, au cours desquelles il faudrait bien que les écoles fonctionnent et, comme affectionne de le dire un collègue d'un autre Parlement, que les enseignants enseignent et que les élèves étudient.

Or, quelles peuvent être les conséquences de ce projet de loi-matraque, par lequel on prétend régler à court terme un problème de négociations, alors même que celles-ci sont en cours? M. le Président, ce projet de loi peut entraîner des conséquences exactement opposées à celles qu'on recherche. C'est la raison pour laquelle j'ai l'intention de proposer, au terme des quelques minutes

qui me sont accordées, que nous réfléchissions davantage à la portée des actes que nous sommes sur le point de poser. Ce qui est urgent, c'est de négocier. Ce qui urge, si les deux parties n'arrivent pas à s'entendre, c'est de trouver un tiers qui puisse, de façon impartiale, faire des recommandations au gouvernement pour le règlement de ce conflit. Ce qui est urgent, c'est de s'assurer qu'au cours des prochains mois et des prochaines années le climat scolaire ne sera pas pourri. La conséquence de ce projet de loi, M. le Président, est celle-ci: Peut-être va-t-on, sur le plan des apparences, sur le plan formel, ramener les enfants et les enseignants dans les écoles. Mais à quel prix, sur le plan psychologique? A quel prix du point de vue de la paix scolaire? Voilà les questions qu'il faut nous poser de façon urgente.

Qu'est-ce qui est urgent, en effet? Est-ce de faire un coup de force à rencontre des enseignants, de sorte qu'ensuite ils ne se mettront au travail, chaque matin de chaque semaine de chaque mois de chaque année qui vient, qu'en se rappelant que l'Assemblée nationale leur a imposé un règlement qui aurait pu être obtenu par la négociation? C'est cela qu'on recherche, M. le Président?

Qu'est-ce qui est urgent? Est-ce d'obtenir un retour plus ou moins ordonné dans nos écoles ou bien de s'assurer que, pendant les années qui viennent, il régnera dans les classes un climat de coopération, d'entente entre enseignants, direction, comité de parents? J'ai l'impression que nous sommes en train de donner tête baissée dans un piège que nous nous tendons nous-mêmes et que nous tendons à la population du Québec. Aussi, je voudrais suggérer, et j'en ferai tout à l'heure une motion, que nous remettions de quelques jours, de cinq jours, par exemple, l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi, de façon à donner le temps aux parties, mais aussi à ceux qui ont un intérêt évident dans le règlement de cette affaire, de venir se faire entendre devant la commission parlementaire.

M. le Président, nous avons été témoins, depuis quelques mois, d'une guerre de communiqués de part et d'autre. Souvent la négociation se faisait à coups de conférences de presse. Ne serait-il pas temps que nous entendions en commission parlementaire la Fédération des commissions scolaires, la Fédération des associations de parents de CEGEP, la Fédération des comités de parents des écoles élémentaires et secondaires? Est-ce qu'il ne serait pas du plus haut intérêt, pour le règlement de ce conflit, que nous entendions le Conseil supérieur de l'éducation qui, à plusieurs reprises, est intervenu dans ce litige pour nous rappeler quelques-unes des conditions fondamentales de la paix scolaire?

Qu'est-ce qui est urgent, une fois de plus? Est-ce de forcer les enseignants, qui auront le sentiment d'avoir été lésés, à retourner dans leurs classes, persuadés que le gouvernement n'a jamais voulu honnêtement négocier avec leurs représentants? Imagine-t-on les conséquences que cela va entraîner pour le climat scolaire? Oh! bien sûr, tout semblera rentrer dans l'ordre dans les apparences. Pendant deux mois, on saura que derrière les portes de classes, il y a 30 ou 40 élèves, comme cela se voit dans certaines classes, et un professeur.

Toutefois s'assure-t-on, avec ce projet de loi, que le climat qui régnera dans ces classes sera plus sain que celui qui a régné depuis quelques mois, que celui qui règne en ce moment? On aura réglé les choses au niveau des apparences, mais on se promettra du même coup un climat insoutenable pour les trois années qui viennent. Voilà l'effet de ce projet de loi.

Qu'est-ce qui est urgent, M. le Président? Je dis au gouvernement que c'est beaucoup plus la nomination d'un médiateur, comme nous l'avons réclamé depuis des semaines, déjà. C'est la seule solution équitable dans les circonstances pour toutes les parties aux négociations; la seule façon d'assurer que la paix dans les écoles sera non pas superficielle et trompeuse, mais profonde, que les enseignants rentreront dans leur classe avec le sentiment qu'on s'est penché sur leurs problèmes, qu'on a pris le temps d'étudier leurs revendications.

M. le Président, quand on considère ce qui se passe dans l'enseignement depuis quelques années, on ne peut qu'être soucieux. Quand on voit les résultats entraînés — je prends un exemple — par l'application du rapport maître-élèves — ce qu'on appelle quelquefois le "ratio" — qui n'a pas empêché que, dans les classes, on trouve 32, 35, 36 élèves; j'ai vu jusqu'à 40 élèves dans les classes...

M. Lacroix: Où, nommez-les! M. Morin: M. le Président... M. Lacroix: Nommez-les!

M. Morin: Je pourrais énumérer toute une série de commissions scolaires où il existe des classes surpeuplées.

M. Lacroix: Ce n'est pas vrai, vous êtes trop menteur pour cela.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre!

M. Lacroix: Maudit tartufe!

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre!

M. Morin: Je suis étonné, M. le Président, de constater qu'en face on n'a pas l'air de connaître les conditions qui règnent dans l'enseignement et je comprends mieux, maintenant, pourquoi on est capable d'adopter un projet de loi comme celui-ci.

Quand on ne sait pas ce qui se passe dans les classes, quand on ne sait pas ce que c'est une classe surpeuplée, bien sûr, on peut adopter des projets de loi comme celui-ci. Quand on ne sait pas ce que c'est que tenter de faire la discipline dans une classe de 35 élèves, avec de surcroît des enfants qui, quelquefois, posent des problèmes

d'adaptation sociale ou scolaire, quand on n'a pas connu cela, on ne peut évidemment trouver de solutions aux problèmes de l'enseignement.

M. le Président, j'ai eu l'occasion, depuis quelque temps, de rencontrer des comités de parents, dans plusieurs régions du Québec, notamment en Mauricie, où le problème a pris la tournure extrêmement grave que vous connaissez, en Gaspésie, dans l'Estrie et également à Montréal. Ces parents m'ont fait part de leur anxiété, de leur inquiétude, non pas tellement en raison des événements récents que devant la dégradation du milieu scolaire depuis quelques années. Ces parents qui paient de lourdes taxes pour que les écoles puissent fonctionner, qui s'imposent des sacrifices, constatent, depuis quelques années maintenant, que la qualité de l'enseignement va se dégradant. C'est cela, le véritable problème de fond auquel le présent projet de loi n'apporte aucune solution.

M. le Président, l'un des objectifs de la négociation en cours devrait être de changer le rapport maître-élèves par un nombre maximum d'élèves.

Le Président: Je m'excuse. C'est assez délicat; tout le monde reconnaît que le débat de deuxième lecture est plutôt large sur la question, mais il doit être restreint — déjà, il y a une restriction, même s'il est large — "à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ses fins".

M. Morin: M. le Président, il me semble que je me tenais à l'intérieur de ce débat.

Le Président: Un instant, je n'ai pas terminé, s'il vous plaît. On a tout le temps. L'avenir est devant nous. On a tout le temps.

D'après moi, le principe premier du projet de loi "a pour objet d'interdire le lock-out, la grève et les ralentissements de travail pour une période de 80 jours dans le secteur des collèges d'enseignement général et professionnel et dans celui des commissions scolaires ". Il y a une modalité greffée à cela et on pourra en parler, soit la nomination de trois commissaires. Il y a, enfin, un autre principe, à mon point de vue, c'est l'abrogation d'une disposition de la loi dans le domaine des services de santé et des services sociaux.

Je ne voudrais pas que l'Assemblée s'asseoie à la table des négociations pour vider la question de la tâche de travail ou la charge de travail dans l'enseignement, de la sécurité d'emploi. Si nous pouvons parler de cela, nous parlerons des questions de salaire. Qu'on l'aborde brièvement, mais que le débat de deuxième lecture soit quand même appuyé sur l'objet du projet de loi qui est d'enlever le droit de grève. Qu'on parle à fond du lock-out et tout, mais qu'on n'aille pas dans toutes les modalités de la négociation qui continue, d'ailleurs, actuellement.

M. Charron: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: D'accord, je vous écoute parce que c'est délicat.

M. Charron: Je sais que c'est délicat et je me référerai à certains précédents débats sur des sujets tout aussi litigieux que celui dont nous parlons aujourd'hui. Je me souviens que vous nous avez toujours ou à peu près reconnu le droit, lorsque nous manifestions notre opposition aux principes de projets de loi — ce que le chef de l'Opposition est en train de faire dans son droit de parole — de non seulement signaler pourquoi nous sommes en désaccord avec ce qui est contenu dans la loi, mais puisque l'objectif promu à l'intérieur du principe du projet de loi est le rétablissement de la paix scolaire, d'y énumérer, à l'occasion — c'est à cet endroit que vous nous aviez dit de le faire plutôt qu'en troisième lecture, là où c'est trop tard — ce que nous trouvons qui devrait se trouver dans le projet de loi et ne s'y trouve pas.

Le chef de l'Opposition mentionnait qu'au lieu de certaines dispositions, comme, par exemple, l'abolition pure et simple du droit de grève au cours de la période mentionnée dans l'article 2 du projet de loi, ce sont plutôt des modifications au contenu actuel du décret de l'enseignement ou autres suggestions qu'il pourra faire et qu'il est à faire, que chacun de nous pourra faire au cours de ce débat, toujours dans l'objectif de souscrire au rétablissement le plus rapide de la paix dans les écoles. Notre participation au débat serait négative, M. le Président, si nous n'ajoutions pas, au désaveu que nous avons des solutions gouvernementales contenues dans le projet de loi, certaines suggestions qui nous apparaissent essentielles à intervenir.

Je me souviens qu'à d'autres occasions, par exemple, sur la question de la Régie des installations olympiques où nous pouvions manifester notre désaccord au contenu de certaines dispositions, il nous était loisible, et vous l'avez vous-même reconnu, de suggérer autre chose qui devait se trouver dans le projet de loi. Tel que j'avais compris l'intervention du député de Sauvé, le chef de l'Opposition officielle, il s'agissait non seulement d'exprimer ce que nous n'approuvons pas, mais, aussi, c'est la seule occasion qui nous est donnée de le faire. En troisième lecture, vous nous direz qu'il est trop tard pour dire ce que le gouvernement devrait faire, maintenant qu'il a décidé d'agir dans ce domaine.

M. Levesque: M. le Président, parlant sur la question de règlement.

Le Président: Oui.

M. Levesque: Je n'ai, évidemment, pas l'intention de reprendre ce que vous avez donné, tout à l'heure, comme décision. Je crois que c'était très sage, et la lecture que vous avez faite de l'article 120 de notre règlement me semble devoir convaincre tout le monde. Je comprends bien les intentions fort probablement louables du député

de Saint-Jacques ou de l'honorable chef de l'Opposition, mais nous avons présenté tel projet de loi où il est clairement établi que ce que nous voulons par ceci, c'est que les harcèlements cessent, que les lock-out cessent, que la grève cesse et qu'on puisse continuer les négociations. Mais, M. le Président, les négociations se continuant...

M. Morin: Vont-elles continuer avec ce genre de loi?

M. Levesque: M. le Président, il n'y a rien, dans le projet de loi, qui parle des négociations comme telles. Il n'y a rien dans le projet de loi qui empêche les négociations de continuer. Au contraire, c'est simplement pour créer un climat qui puisse permettre la poursuite des négociations.

M. Morin: Vous croyez vraiment que vous allez créer ce climat?

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Levesque: A ce compte, M. le Président, si on ne tenait pas compte des dispositions de l'article 120, lorsque n'importe quel projet de loi serait présenté à la Chambre, on pourrait parler absolument de n'importe quoi, comme on fait sur le discours inaugural. Il est permis de discuter de n'importe quel sujet à l'intérieur des attributions de la Législature. Mais présentement, M. le Président, il y a une restriction bien claire que vous avez mentionnée mais que j'aime à souligner de nouveau, à l'article 120. Vous avez parlé, il y a un instant, du mot "restreint". Je crois qu'il faut le souligner d'une façon particulière parce que cette restriction comprise dans l'article 120 nous permet justement de discuter de ce qui est présenté à l'Assemblée nationale, pas de ce qui aurait dû être présenté, mais de ce qui est présenté. Ce qui est présenté établit trois sujets principaux qui sont contenus d'ailleurs dans les notes explicatives que le président a lues il y a un instant.

Alors, M. le Président, je crois que, si vous permettez à ce débat de pouvoir toucher d'autres sujets qui ne sont pas couverts par le présent projet de loi, à ce moment-là nous allons nous-mêmes, évidemment, profiter de cette largesse ou de cette largeur de vue et nous allons nous éloigner passablement de l'esprit et de la lettre de notre règlement.

M. Lessard: M. le Président, très brièvement.

Le Président: L'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: Je voulais vous rappeler l'article 120 dont vient de parler le leader parlementaire du gouvernement et je voudrais le lire entièrement et non pas me restreindre à une seule partie de cet article: "Le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ses fins".

Je comprends bien, M. le Président, que ce que va dire le chef parlementaire ne plaira pas au leader du gouvernement. Nous avons à vous prouver que le projet de loi n'est pas bon actuellement, qu'il ne correspond pas, dans son titre même, aux objectifs qui sont fixés, à savoir le maintien des services dans le domaine de l'éducation et l'abrogation d'une disposition législative. En même temps, M. le Président, nous avons à vous prouver que ce n'est pas par un tel projet de loi que la qualité de l'enseignement va s'améliorer dans les écoles. Nous disons et nous avons l'intention de dire au gouvernement qu'un certain nombre de gestes importants auraient dû être posés avant de présenter ce projet de loi. C'est, je pense, ce que tente de démontrer le chef de l'Opposition officielle et ce que nous allons tenter de démontrer. Si on se limite exclusivement à ce qui est dans ce projet de loi, à ce qui existe, comme disait tout à l'heure le député de Saint-Jacques, nous allons être strictement négatifs et nous ne pourrons expliquer à la population, comme au gouvernement, comme à vous-même, M. le Président, notre position claire en ce qui concerne ce projet de loi.

Le Président: Messieurs, après vous avoir écoutés, voici le genre de directive que je voudrais vous donner. Vous avez un peu raison des deux côtés et vous connaissez la latitude que j'accorde toujours. De toute façon, il ne faut pas abuser de ces largesses.

Ce que vous me disiez, qu'il y a d'autres moyens d'atteindre les buts que tout le monde vise actuellement, c'est permis dans un débat de deuxième lecture. Mais, sur les remarques du député de Saint-Jacques, je fais une distinction. Si c'était un projet de loi, comme c'est déjà arrivé il y a trois ans, qui continuait un décret, qui remplaçait les négociations, là le chef de l'Opposition pourrait me dire: La tâche de travail ou la sécurité d'emploi n'est pas garantie parce que le gouvernement amène un projet de loi qui continue un décret. Ce n'est pas le cas actuellement.

M. Morin: Comment le savez-vous?

Le Président: Un instant, laissez-moi finir!

M. Hardy: Vous êtes impoli.

Le Président: Laissez-moi finir! Laissez-moi donc finir! Ce n'est pas facile de rendre des décisions sur...

M. Morin: Vous ne me laissez pas terminer.

Le Président: La différence qu'il y a, c'est que le règlement prévoit que moi j'ai le droit de vous interrompre et vous, vous n'en avez pas le droit. Je suis lié par le règlement. J'essaie de rendre les décisions les plus justes possible.

Ce que je veux dire, c'est qu'on n'est pas ici

pour remplacer les négociations, comme c'est déjà arrivé, pour continuer un décret, où on dit: Les conditions actuelles dans le domaine de l'enseignement ou de la construction, elles sont continuées, il n'y a plus de négociation. Là, c'est sûr que je permettrais à un député de dire que les conditions ne sont pas correctes, les salaires ne sont pas corrects, les tâches, les charges, la sécurité d'emploi ne sont pas correctes. Mais ce n'est pas le cas actuellement. Actuellement, on dit que cela continue.

Mais — c'est le but du projet de loi, à tort ou à raison — on interdit le lock-out, la grève, le ralentissement de travail, pour une période de 80 jours. C'est la distinction que je voudrais faire sur l'argumentation du député de Saint-Jacques. Que vous disiez qu'il y a d'autres moyens d'atteindre les mêmes fins, que ce soit un décret ou un autre moyen que vous disiez qu'on n'a pas raison d'enlever le droit de grève, qu'on ne peut enlever des droits aux enseignants, je vais vous laisser parler et argumenter sur ce point. Mais je ne permettrai pas qu'on aille dans le détail des négociations, ce n'est pas notre mandat. Le projet de loi ne met pas fin à cette négociation. C'est ma directive.

M. Morin: M. le Président, en tout respect, je dois vous dire que ce projet de loi...

M. Hardy: ... se soumettre.

M. Morin: ... aura probablement pour conséquence de mettre fin aux négociations.

M. Lessard: C'est déjà fait.

Le Président: Je n'ai pas le droit de le présumer, cela.

M. Morin: Mais moi, j'ai le droit de le soutenir.

M. Lessard: C'est cela.

Une Voix: C'est hypothétique.

M. Morin: Est-ce hypothétique, M. le Président? Je me demande si les négociations ont lieu en ce moment même.

Le Président: Dites-le, cela. Vous avez le droit de le dire. Mais n'allez pas dans les détails.

M. Morin: Je pose la question au ministre. Ce serait intéressant qu'il nous réponde. Les négociations continuent-elles, cet après-midi, M. le ministre? Nous serions bien heureux de le savoir!

Le Président: Un instant. A l'ordre, messieurs!

M. Morin: II est certain, que j'ai le droit de soutenir que ce projet de loi met en danger les négociations. Je ne serais pas étonné qu'à l'heure actuelle, ces négociations soient suspendues, et peut-être indéfiniment.

M. le Président, c'est ma responsabilité de vous dire ce que j'estime être le fond du problème. Ce projet de loi ne règle rien. Il ne peut qu'empirer la situation, il ne peut que créer un climat irrespirable dans nos écoles. C'est la raison pour laquelle j'avais entrepris de vous démontrer quels sont les véritables problèmes qui devraient retenir l'attention de cette Chambre de toute urgence, plutôt que ce qu'on nous propose. Je ne parlais pas, comme l'a soutenu avec légèreté le leader du gouvernement, de n'importe quoi. Je parlais des conséquences inévitables de ce projet qui risque de compromettre définitivement la négociation.

On verra bien au cours des jours qui viennent, M. le Président, si j'ai raison de m'inquiéter de cela ou si c'est vous qui avez raison de me dire que je m'écarte du débat. Je m'inquiète de voir écarter les véritables problèmes et les véritables solutions. Le projet, en un mot, risque d'entraîner des effets contraires à ceux qu'on prétend rechercher.

M. le Président, avec votre permission, je ferai remarquer que ce qui crée un malaise à l'intérieur des écoles, actuellement, comme j'étais en train de le dire, et ce à quoi il faudrait remédier immédiatement, ce sont des classes surchargées, dans lesquelles il y a des enfants-problèmes pour lesquels on n'a pas mis en place les mesures pédagogiques nécessaires. Ce n'est pas avec ce projet de loi qu'on va régler cela pour les années qui viennent, au contraire.

M. Parent (Hull): M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Sauvé fait exactement le contraire de la décision que vous venez de rendre. Le projet de loi n'a pas pour but, contrairement à ce que le député de Sauvé vient de dire, de régler la négociation, ni les problèmes actuels, mais toute la négociation se continue.

M. Morin: Je suis parfaitement d'accord que ce projet de loi ne va rien régler. Cela se voit.

Le Président: A l'ordre! J'inviterai l'honorable ministre de la Fonction publique à intervenir au débat de deuxième lecture. J'ai considéré sa première partie comme une question de règlement mais, pour la deuxième partie, je lui demanderais de réserver cela pour son intervention en deuxième lecture.

Je vous ai permis d'aborder cette question mais ne videz pas la négociation ici parce que je vais me lever aussi rapidement que vous désirez que je m'assoie!

M. Morin: Si j'avais l'intention de parler des négociations, je pourrais le faire pendant des heures. Il faudrait parler non seulement des conditions de travail des enseignants, mais aussi des clauses salariales. Dieu sait qu'on pourrait s'étendre longtemps là-dessus. Tout ce que je veux faire observer, c'est que ce projet de loi risque de gâcher le climat scolaire au point que nous serons aux prises, pendant les trois années qui viennent, avec des conséquences pénibles pour tout le monde et d'abord, sans doute, pour les enfants.

M. le Président, je sais que le temps dont je dispose achève.

Le Président: II est même terminé mais je vais vous donner quelques minutes, trois minutes, si vous voulez.

M. Morin: Vous êtes trop aimable, M. le Président, étant donné que quelques-unes des minutes qui étaient à ma disposition ont fait l'objet de vos interventions.

Le Président: A cause des interventions, d'accord.

M. Morin: Avant de présenter ma motion, les questions que je me pose sont celles-ci.

Ce projet de loi va-t-il mettre un terme à l'escalade sans issue des mesures de représailles de part et d'autre? La réponse est non. La situation risque même d'être pire qu'avant. Ce projet de loi va-t-il assainir le climat de l'enseignement au cours des prochains mois et des prochaines années? Je ne le crois pas. C'est tout le contraire qui risque de se produire.

Motion de report à cinq jours

M. Morin: C'est la raison pour laquelle, M. le Président, dans le but d'éclairer cette Assemblée avant qu'elle n'adopte en deuxième lecture un projet de loi si lourd de conséquences pour la paix scolaire, je propose que nous en remettions l'adoption à cinq jours en vue de permettre à cette Assemblée d'entendre en commission parlementaire la Fédération des commissions scolaires, la Fédération des associations de parents de CEGEP, la Fédération des comités de parents, le Conseil supérieur de l'éducation et les parties elles-mêmes, afin que nous sachions exactement quelles pourront être les conséquences de ce projet de loi.

Le Président: En somme, vous demandez la remise de cette deuxième lecture à cinq jours. Cela se limite à cela? L'autre argumentation ne fait pas partie de votre motion.

M. Morin: M. le Président, si j'ai proposé cette remise à cinq jours, c'est pour que nous entendions les parties et un certain nombre d'organismes intéressés à la solution du litige. Ce n'est pas seulement pour ajourner à cinq jours, car cela n'aurait aucune signification; c'est pour qu'il soit procédé en commission parlementaire à l'audition de ces organismes. C'est pourquoi je maintiens le texte de ma motion.

Le Président: Un instant. D'après la coutume et la tradition, et cela est consacré par l'usage, votre motion se limite à cinq jours, mais nous considérons — d'ailleurs, c'est au journal des Débats — que, dans votre argumentation, la raison que vous invoquez pour demander ces cinq jours, c'est la convocation, mais cela ne fait pas partie de la motion. C'est enregistré au journal des Dé- bats — les journalistes, j'en suis assuré, en ont pris bonne note — que vous désirez qu'il y ait commission pour entendre les parties. Mais votre motion, c'est pour qu'il y ait remise à cinq jours.

M. Morin: M. le Président, à condition qu'il soit clair que le but recherché n'est pas simplement de retarder le débat, mais de procéder à l'audition des personnes intéressées.

Le Président: D'accord. Tout le monde est d'accord.

M. Hardy: Vote.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée est prête à se prononcer sur cette motion d'ajournement?

M. Charron: M. le Président... Le Président: Le député de Saint-Jacques. M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, il y a quelques instants, l'Assemblée a disposé d'une motion qui nous invite à siéger presque sans arrêt jusqu'à l'adoption de la loi 23. Si tous ces honorables membres qui ont voté pour la motion du leader du gouvernement l'ont fait sous le prétexte qu'ont présenté le ministre de l'Education et le leader du gouvernement, c'est sans aucun doute parce qu'ils sont soucieux de rétablir non seulement le plus rapidement possible, mais aussi le plus efficacement possible la paix scolaire et un meilleur climat dans les écoles. Nul doute, donc, puisque ces honorables membres ont accepté de couper sur leur week-end et sur leur soirée libre du mercredi soir dans l'intérêt public des Québécois, qu'ils ne refuseront pas de prendre cinq jours, quitte à siéger aux mêmes heures irrégulières que vous venez de fixer par la motion adoptée par cette Assemblée, pour consacrer au moins cinq jours dans notre existence à entendre la Fédération des commissions scolaires, la Fédération des comités de parents, le Conseil supérieur de l'éducation et tous les autres organismes qu'a mentionnés le chef de l'Opposition en présentant sa motion.

Si nous avons accepté de bousculer nos horaires, c'est parce que nous voulons très certainement arriver au meilleur résultat possible.

M. le Président, si la majorité ministérielle, traditionnellement ou muette ou bavarde, devait rejeter la motion présentée par le député de Sauvé, je n'y comprendrais qu'une seule chose: c'est qu'ils ont peur de faire face aux gens que nous voulons inviter. Le délai de 5 jours nous permettrait, effectivement, à tous les membres de l'Assemblée, d'entendre, par exemple, la Fédération des commissions scolaires. Pourquoi?

Ils ont refusé, à leur dernier conseil, vendredi dernier, de souscrire à un programme réclamant une loi spéciale, mais ils étaient — nous disent les media d'information — effectivement fort divisés

sur les résultats efficaces d'une intervention législative dans le conflit. Le ministre de l'Education, qui commence à s'intéresser au dossier, en a certainement pris connaissance par les journaux, remettant même à M. Hubert Lavigne la responsabilité de trancher la question à ce sujet. C'est peut-être parce que les députés libéraux auraient peur, au cours de ces 5 jours, d'entendre la Fédération des comités de parents, les parents du Québec qui, par leur comité d'école, ont exprimé l'avis que ce n'est pas une loi qui va régler le problème, mais un médiateur nommé par le gouvernement. Il y a déjà un mois qu'ils ont fait cette demande, à l'époque où, eux, avaient découvert l'urgence de la situation. Si les députés libéraux, si soucieux de l'intérêt public, allaient refuser la motion du député de Sauvé, chef de l'Opposition officielle, c'est peut-être aussi parce qu'ils ont peur de rencontrer le Conseil supérieur de l'éducation, lequel Conseil supérieur de l'éducation disait, dans un avis que n'a peut-être pas encore lu le ministre de l'Education — il est en train de prendre connaissance du dossier — disait bien clairement, le ministre...

M. Bienvenue: Question de privilège.

M. Charron: Faite-la votre question de privilège, vous ne me ferez jamais reculer sur ce point. Faite-la si vous le voulez, allez-y!

M. Bienvenue: Je tiens à dire pour la deuxième fois, M. le Président, et je le dirai sur une question de privilège chaque fois que le député de Saint-Jacques ou un autre fera des allégations fausses comme celle qu'il vient de faire, que c'est depuis le 19 janvier, date où je suis entré en fonction, que je m'occupe du problème des négociations dans le système scolaire du Québec. C'est en passant que j'ai pris connaissance, à la date qu'elle porte et la date où elle m'est parvenue, de l'opinion qu'il s'apprête à citer du Conseil supérieur de l'éducation.

M. Lessard: M. le Président, je soulève une question de règlement.

Le Président: Cela c'est une question de privilège.

M. Lessard: Je soulève une question de règlement, M. le Président, parce que je doute que ce soit une question de privilège. Je vous rappelle l'article 96. Si vous me permettez, M. le Président, je vous rappelle l'article 96 du règlement qui se lit comme suit: "Le député qui prend la parole — le ministre n'a pas encore pris la parole en deuxième lecture — pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque..."

Le Président: A l'ordre! Voulez-vous prendre votre siège, s'il vous plaît!

J'espère qu'on ne s'amusera pas à intervenir. Un instant, s'il vous plaît, c'est une question de privilège. On sait la latitude qu'il y a sur une ques- tion de privilège, surtout lorsque — je ne le sais pas, moi, je prends la parole de tous les membres de cette Chambre. C'est terminé cette question de privilège. Ecoutez, c'est terminé cette question, qu'on revienne à la motion!

Le député de...

A l'ordre!

M. Charron: Je reviens, M. le Président. Le ministre de l'Education peut intervenir, d'ailleurs, sur la motion s'il décide enfin de se mêler du dossier dont il est responsable. Il aura parfaitement le droit, tout à l'heure, d'intervenir sur la motion, M. le Président; j'écouterai attentivement. Il ne s'est d'ailleurs pas prononcé sur le contenu du conflit, même pas sur la nomination d'un médiateur. J'aimerais savoir pourquoi le ministre de l'Education, responsable de l'éducation depuis le 19 janvier — c'est peut-être bon de le savoir, les Québécois ne le savaient pas — pourquoi le député de Crémazie qui nous sert de ministre de l'Education refuserait, au cours des cinq jours que propose la motion du député de Sauvé, d'entendre le Conseil supérieur de l'éducation. Celui-ci disait ceci, je cite son avis, peut-être que quelqu'un le lui a déjà lu: "Le conseil se refuse à croire que l'une ou l'autre des parties veuille jouer à la politique du pire, désirant une lutte à finir. Dans un tel combat, le Québec pourrait se trouver devant une école brûlée." S'il en a pris connaissance — il me dit qu'il l'a fait — il se souviendra de ce passage.

Est-ce que le ministre de l'Education, M. le Président, serait intéressé à entendre le Conseil supérieur de l'éducation, quitte à siéger jour et nuit? Elargissez-la votre motion si vous voulez. On pourrait entendre le Conseil supérieur de l'éducation pour avoir non seulement son avis sur les négociations en cours, mais aussi — ce qui serait peut-être intéressant — son avis sur la façon dont le ministre en titre s'est acquitté de sa tâche, depuis le 19 janvier dernier, dans ce dossier très épineux.

Il serait très important, M. le Président, de savoir par exemple ce que le Conseil supérieur de l'éducation pense de l'attitude hautaine et mesquine du ministre de la Fonction publique, parrain des négociations dans ce sujet.

M. Parent (Hull): ... en dessous des pieds.

M. Charron: Les députés libéraux qui sont prêts à sacrifier leurs heures de loisirs dans l'intérêt public des Québécois pourront faire le tour de tous ceux que nous sommes prêts à inviter et qui depuis des mois, depuis des mois réclament l'intervention gouvernementale que vous vous proposez de faire. S'il y avait quelqu'un qu'on devrait aller consulter maintenant, ce sont ceux qui, de mal en pis, ont été obligés de réclamer une intervention à chaque fois, y compris les partenaires patronaux du gouvernement, qui ont été extrênement déçus de l'attitude du gouvernement dans le dossier. Au moment où il se propose de fixer des conditions de négociation absurdes, on invite des gens à négocier en leur retirant leurs pouvoirs de pression.

Dans l'esprit du ministre de la Fonction publique, cela peut être peut-être encore des négociations mais, dans l'esprit de quiconque a observé les relations de travail au Québec durant les dernières années, cela s'appelle le chemin inévitable vers un décret. Mais, quand une loi qui est un chemin inévitable vers un décret est aussi importante dans l'établissement des conditions pour les trois prochaines années, il n'est que normal de souscrire à une motion comme celle du chef de l'Opposition sur ce sujet.

Ces cinq jours sont dans le but de sauver l'année scolaire 1975/76, sans aucune doute; c'est aussi pour exprimer la volonté claire et nette des parents que la situation de 1975/76 ne doit pas être uniquement sauvée et qu'on doit faire attention pour que cela ne se répète pas en 1976/77, en 1977/78, puis en 1978/79. Ces gens-là nous l'ont bien dit lorsqu'ils sont intervenus. Ces gens-là, à travers les organismes que nous nous disposons à inviter par l'amendement du député de Sauvé, ont bien exprimé qu'il s'agit de l'avenir de toute la génération dont nous parlons.

Serait-il trop demander à ces messieurs de consacrer cinq jours à entendre tous ces gens qui ont à coeur, eux, si vous autres vous venez juste de le découvrir, l'avenir d'une génération complète de Québécois? Est-ce trop demander ou si vous avez encore tellement la science infuse que vous vous disposez à intervenir comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, après avoir négligé aussi criminellement l'année scolaire des jeunes Québécois actuels, que vous vous disposez à intervenir avec la même suffisance et la même arrogance, pour les trois prochaines années? Admettez donc que vous n'êtes pas les propriétaires du Québec et qu'il y a des gens qui commencent à en avoir plein le casque de la façon dont vous l'administrez et qui seraient peut-être bien contents d'avoir cinq jours pour venir témoigner devant la commission parlementaire qui se pencherait sur ce sujet et sur vos intentions législatives contenues là-dedans.

Avez-vous peur de rencontrer les parents du Québec? Avez-vous peur de rencontrer les commissaires? Avez-vous peur de rencontrer les enseignants? Avez-vous peur des étudiants? Etes-vous aussi peureux et aussi possesseurs à l'intérieur de votre pouvoir que vous avez peur de faire face aux citoyens du Québec dont vous vous apprêtez à fixer l'avenir? Tous ces gens-là qui vous ont vu vous laver les mains, comme Ponce-Pilate, vous camoufler derrière le sourire fantasque du ministre de la Fonction publique aimeraient bien avoir l'occasion de venir à la table de la commission pour vous dire ce qu'ils pensent de vous et de la façon dont vous avez conduit le dossier des négociations depuis qu'elles sont en cours.

Le Président: A l'ordre, messieurs! Votre droit de parole est terminé.

L'honorable député de Rouyn-Noranda

M. Camil Samson M. Samson: M. le Président, j'ai eu l'occasion de faire connaître mon point de vue quant à l'urgence de procéder à la discussion du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Je vous ai dit, au tout début de mes remarques, que je considérais qu'il y avait urgence, mais urgence d'un règlement raisonnable et non urgence d'une loi.

Or, si je considérais il y a une heure à peine qu'il n'y avait pas lieu de décréter l'urgence pour discuter d'une loi, cela veut dire que je voterai contre ce projet. J'ai voté contre en première lecture et je voterai contre en deuxième et troisième lectures.

Si, à mon sens, ce n'est pas cela qui va régler le problème, ce n'est pas en reportant la discussion à trois jours ou à quatre jours que cela va changer quoi que ce soit. Dans les circonstances, M. le Président, si la loi n'est pas bonne aujourd'hui, si ce n'est pas la solution, ce ne sera pas plus la solution dans cinq jours.

Je considère que c'est autre chose que cela qu'il faut; je reviendrai là-dessus dans mon discours de deuxième lecture. Mais parce que je considère que c'est autre chose que cela prend, que je considère qu'une loi n'est pas un moyen valable de régler cela, je considère également que, dans cinq jours ou dans dix jours, le même moyen ne sera pas meilleur qu'aujourd'hui. Alors, quant à moi, M. le Président, qu'on soit le 7 avril, le 17 avril ou le 20 avril, un principe est un principe. Il n'aura pas changé à ce moment. C'est pourquoi je ne voterai ni pour la motion, ni contre la motion. Je m'abstiendrai de voter lorsque la motion sera appelée.

Le Président: L'honorable ministre de l'Education.

M. Jean Bienvenue

M. Bienvenue: M. le Président, tant à l'occasion de la motion d'urgence du leader du gouvernement qu'à l'occasion de mes propos de deuxième lecture, j'ai dit, et je le répète, que le compte à rebours était terminé, que le temps était expiré, que ce n'était pas demain, ni après-demain, ni dans cinq jours, mais que le gouvernement, prenant ses responsabilités, a décidé que c'était aujourd'hui même. Les organismes qu'a mentionnés le chef de l'Opposition, la plupart d'entre eux ou la majorité d'entre eux, je connais leur avis, leur opinion. J'en ai rencontré plusieurs parmi eux et, puisqu'il faut répéter, je répète, M. le Président, ce qui est déjà au journal des Débats. J'ai vu, depuis le 19 janvier — j'espère que je n'aurai pas à le dire une autre fois — plus de monde et j'ai reçu plus de messages et j'ai parlé à plus de personnes, à plus d'êtres humains et d'organismes qu'on ne pourra jamais en réunir dans la plus grande salle de cet édifice pour la commission parlementaire que l'on voudra.

J'ai parlé de dizaines de milliers de lettres. Les parents du Québec ne peuvent pas tous entrer ici et on ne peut pas en entrer 10 000 et on ne peut en entrer 1000. Il y a eu des télégrammes de pétitions, des appels téléphoniques des quatre coins de la province.

Ces messages, je l'ai dit, m'ont été adressés par les responsables de l'enseignement au Québec, des gens des commissions scolaires, les commissaires d'écoles, les directeurs généraux des commissions scolaires, les principaux d'école, les comités de parents et d'école, les simples citoyens et, je l'ai dit, de nombreux enseignants qui n'ont pas craint de me dire verbalement — et je me relis...

M. Morin: ... vous demandaient-ils une loi spéciale?

M. Bienvenue: J'espère ne pas avoir à rappeler le règlement, M. le Président, qui dit que n'importe quel membre de cette Chambre doit être cru sur parole lorsqu'il s'exprime en Chambre. Des enseignants nombreux m'ont dit, et n'ont pas hésité à m'écrire en s'identifiant, en signant et en donnant leur adresse, qu'ils souhaitaient que le gouvernement prenne au plus tôt les mesures nécessaires pour que cessent les tactiques de harcèlement et pour que la vie des écoles reprenne dans un climat sain et normal. Cela me paraît assez clair, n'est-ce pas? Et vous ne réunirez jamais...

M. Morin: Ce n'est pas ce que la loi va obtenir.

M. Bienvenue: Cela, c'est l'expression démocratique de la pensée de la population québécoise qui, en groupe, par individu et autrement, s'est adressée au ministre de l'Education. Et vous ne réunirez jamais assez de centaines d'individus pour approcher le nombre de ceux qui crient presque au secours, pour ne pas dire davantage. On n'a pas besoin de m'en demander plus pour savoir ce que je pense d'une motion qui ne retarderait que d'une journée l'adoption de cette loi.

M. Bédard (Chicoutimi): Ils ont demandé un médiateur aussi.

Le Président: Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer sur cette motion? L'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: Je demande la suspension, M. le Président.

Le Président: Excusez-moi, il est 18 heures et l'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 5

Le Président: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, je voudrais prendre les quelques minutes qui me sont allouées par le règlement pour appuyer la motion présentée par le chef de l'Opposition officielle. Je voudrais essayer d'exposer un certain nombre d'arguments en évitant, soyez-en assuré, d'aller au fond du problème. L'une des raisons fondamentales qui m'imposent d'appuyer la motion du chef de l'Opposition, c'est que nous vivons, non seulement actuellement mais depuis plusieurs années, une situation spéciale dans l'enseignement que je voudrais vous décrire et que, d'ailleurs, vous connaissez.

M. le Président, on se rappelle — c'est pourquoi il faut utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition pour empêcher qu'on ait une loi spéciale ou un nouveau décret dans le secteur de l'enseignement — que, déjà en 1967, les enseignants étaient soumis à un décret et, depuis 1967, les enseignants n'ont pas été capables de négocier librement leur convention collective. Peut-être s'agit-il, actuellement, en 1976, de la dernière occasion que nous ayons, tant comme parlementaires que comme Québécois, pour essayer de négocier librement une convention collective dans ce secteur.

On se rappelle qu'après le bill 25, M. le Président, dès 1972, les conditions de travail dans le secteur de l'enseignement étaient aussi imposées par un décret, le décret no 3811-72 du 15 septembre 1972. Prenons quelque peu du temps qui est actuellement à notre disposition, et essayons d'utiliser les derniers recours qui nous restent, M. le Président. Le gouvernement aurait dû intervenir depuis plusieurs jours dans la négociation et aurait dû ouvrir certaines clauses. Si nous acceptions de prendre cinq jours encore, il y aurait une possibilité d'entendre les différentes parties; au moins, on pourrait se dire que le gouvernement a fait quelque chose dans ce secteur, que le gouvernement a tenté d'éviter les derniers recours.

Encore si la motion du chef de l'Opposition officielle avait pour but de retarder indûment l'objectif de la loi; encore si la motion du chef de l'Opposition officielle était une motion nouvelle, si encore, M. le Président, il n'y avait pas de précédent. Mais qu'on se rappelle qu'à deux reprises nous avons eu l'occasion d'entendre les parties en commission parlementaire lors de lois spéciales. Ce fut le cas, par exemple, lors de la négociation collective avec les médecins. Serait-ce parce que les médecins sont plus fortement représentés ici, à l'Assemblée nationale, que les enseignants? Serait-ce qu'on aurait décidé de faire de la profession des enseignants des boucs émissaires non seulement de la société québécoise, mais aussi de ce gouvernement?

Oui, nous avons aussi un autre précédent, lors de la grève des employés du transport en

commun. Nous avions eu l'occasion, à ce moment, et les députés libéraux ont accepté d'entendre les parties, d'entendre M. Marcel Pepin qui était responsable. Pourquoi n'accepterions-nous pas, ce soir, de répéter ce précédent? Pourquoi ne prendrions-nous pas cinq jours pour tenter, encore une fois, peut-être, de sauver ce secteur? Peut-être, encore une fois, de trouver un moyen pour ne pas imposer de décret?

M. le Président, cinq jours ce n'est pas beaucoup, ce ne sont pas de nombreux jours que nous demandons. Nous avons fait cette motion de bonne foi, parce que nous aurions pu, si nous avions été de mauvaise foi, demander un mois, nous aurions pu demander trois mois ou six mois, mais nous savons que la situation est difficile. Nous savons qu'il y a un problème important. Nous savons que les parents, que les parlementaires, comme la Fédération des commissions scolaires veulent un règlement dans ce conflit. C'est pourquoi nous avons demandé cinq jours.

M. le Président, la motion du chef de l'Opposition permettrait non seulement une certaine détente dans la situation actuelle, elle permettrait peut-être non seulement d'améliorer le climat malsain actuellement dans lequel se déroulent les négociations, mais peut-être aussi — et j'en suis convaincu — que l'objectif de la loi, l'objectif que nous visons soit atteint, à savoir la reprise des services dans le domaine de l'éducation.

Peut-être — quant à moi, j'en suis convaincu — les enseignants accepteraient-ils de mettre fin à leurs contestations, de mettre fin à leur grève, de mettre fin aux différentes mesures qui ont été employées pour tenter d'obtenir une négociation selon leurs désirs, selon leur volonté. Je ne suis pas prêt à donner entièrement raison au seul secteur de l'enseignement. Je ne suis pas prêt par ailleurs à donner entièrement raison à ce gouvernement puisqu'à plusieurs reprises ici, à l'Assemblée nationale, nous avons eu l'occasion de soulever des questions, tant auprès du ministre de l'Education qu'auprès du ministre responsable de la négociation, pour tenter de savoir de quelle façon les négociations se faisaient.

Le ministre de l'Education nous dit qu'il a entendu toutes les parties, il nous dit qu'il a rencontré quantité de gens à travers tout le Québec. Le ministre de l'Education nous présente un côté de la médaille. Le ministre de l'Education, comme d'ailleurs le ministre de la Fonction publique, nous présente le côté de la médaille du patron, le côté de la médaille de celui qui doit payer, en fin de compte, le côté de la médaille du représentant de la population qui est en même temps juge et partie, juge comme gouvernement et partie dans la négociation.

Ces cinq jours nous permettraient — pour autant que nous acceptions de siéger, que ce soit vendredi, que ce soit samedi ou que ce soit lundi — et il serait probablement aussi nécessaire — parce qu'on sait que la Fédération des commissions scolaires ne s'est pas toujours entendue avec l'Etat patron — d'entendre la Fédération des commissions scolaires, l'autre partie dans la négociation, comme patron. Il faudrait aussi entendre la Corporation des enseignants du Québec, mais surtout, et c'est peut-être là le jeu du gouvernement, serait-il nécessaire d'entendre les représentants de parents qui, eux aussi, ont leur mot à dire dans l'enseignement, qui, eux aussi, vont devoir vivre, comme le ministre de l'Education, une situation qui va devenir de plus en plus intolérable dans l'enseignement.

La dégradation dans le secteur de l'enseignement n'est pas d'hier. On se rappelle très bien, par exemple, que le projet de loi no 25 n'a pas arrangé tellement les choses. On se rappelle très bien qu'en 1972, le décret n'a pas tellement arrangé les choses non plus.

Si le gouvernement au moins, comme nous le lui avons dit à plusieurs reprises, avait pris les moyens nécessaires pour assurer une négociation efficace dans le secteur public, mais le gouvernement n'a rien fait. Je donnerais tout simplement l'exemple de la loi sur les services essentiels que nous avons réclamée ici, à l'Assemblée nationale, non pas au moment où commence la négociation, mais avant que commence la négociation.

M. le Président, ces cinq jours que nous demandons ne nuiraient aucunement à l'objectif qui est poursuivi par la loi. Ces cinq jours, au contraire, nous permettraient probablement d'avoir une meilleure évaluation de la situation, comme parlementaires, comme Opposition. Le ministre nous dit qu'il a entendu toutes les parties, qu'il a rencontré toutes les parties. Combien de députés, ici à cette Assemblée nationale, qui auront à se prononcer sur ce projet de loi, sont informés sur la situation exacte des négociations, sur les problèmes qui se posent dans la négociation? Combien de députés? Ne serait-il pas nécessaire, parlementaires de l'Assemblée nationale, avant que vous votiez une telle loi, d'obtenir aussi les informations nécessaires, non seulement les informations qui vous seront données exclusivement par une partie, mais les informations qui vous seront données par l'autre partie? Par la suite, M. le Président, nous pourrons revenir devant l'Assemblée nationale, lorsque nous constaterons, si c'est le cas, qu'il n'y a rien à faire, lorsque nous constaterons qu'on serait peut-être dans la nécessité d'imposer cette loi.

Peut-être, à ce moment-là, pourrions-nous voir que les parties sont véritablement dans une situation où elles ne peuvent pas s'entendre. Mais nous n'avons jamais été capables d'obtenir les réponses tant du ministre de la Fonction publique que du ministre de l'Education. M. le Président, je pense, comme le disait le député de Saint-Jacques, au nom des enfants qui devront vivre dans le domaine de l'éducation d'ici à quelques années, que nous devons faire tous les efforts nécessaires et éviter autant que possible les mesures draconiennes. Depuis 1968, on leur impose ces mesures; il me semble qu'on devrait prendre le temps nécessaire avant de leur imposer cette loi. C'est pourquoi je pense que la motion du chef de l'Opposition officielle pourrait être acceptée par les membres du gouvernement. Merci.

Le Président: L'honorable député de Lafontaine. Si je comprends bien, vous vous exprimez sur cette motion d'amendement au nom de l'Opposition officielle et vous avez un droit de parole de 30 minutes.

M. Burns: Une demi-heure, M. le Président.

Le Président: Vous n'êtes pas obligé d'en abuser quand même.

M. Marcel Léger

M. Léger: Je vais en user sans en abuser, M. le Président.

M. le Président, toute personne qui est intéressée à clore ce débat doit avoir comme objectif, non seulement de retourner les enseignants à l'école, mais au moins d'essayer d'améliorer la qualité du climat dans les écoles, la qualité de l'enseignement dans tout le milieu scolaire.

Le gouvernement n'est pas seul à la table des négociations. Le gouvernement, comme patron, était le personnage ayant deux bâtons comme moyens de pression. Il avait d'abord celui qu'il déléguait à ses partenaires, soit la Fédération des commissions scolaires, la Fédération des CEGEP, les différentes commissions scolaires; c'est le bâton, le moyen de pression du patron.

D'un autre côté, les enseignants avaient comme moyen de pression la possibilité de grèves, grèves perlées, débrayages, harcèlements, tous moyens susceptibles d'attirer l'attention du grand juge en la matière, la population, les parents, sur le problème essentiel que vit actuellement le monde de l'éducation.

D'un côté, le gouvernement, qui est représenté par la partie patronale, les commissions scolaires et les autres, au niveau des moyens de pression qu'ils avaient pour faire avancer le débat; de l'autre côté, les enseignants, avec les moyens de pression qu'ils avaient pour faire avancer le débat.

Mais le gouvernement avait aussi un deuxième bâton, c'est-à-dire qu'en n'importe quel temps il pouvait arriver avec une loi, se servir de son pouvoir législatif pour faire reculer l'adversaire, en l'occurrence les enseignants.

Mais, M. le Président, en ayant ces deux possibilités de son côté, les forces en présence étaient inégales.

Voici aujourd'hui que la motion que présente le chef de l'Opposition, demandant un délai de cinq jours dans le but d'entendre les parties concernées, permettrait d'une façon absolument intéressante pour ceux qui ont intérêt à la qualité de l'enseignement d'entendre ceux qui sont directement impliqués dans le domaine de l'éducation, c'est-à-dire autant les commissions scolaires catholiques, les commissions scolaires protestantes, la Fédération des CEGEP, la Fédération des commissions scolaires que les syndicats et les enseignants, la CSN, la CEQ, la FTQ.

Il est important pour nous, qui serons appelés à adopter une loi, de connaître les effets que cette loi sur laquelle nous nous penchons aura sur le résultat et la qualité de l'enseignement et surtout sur le comportement et le climat que nous aurons dans les écoles par la suite.

Il est très important de réaliser que les professeurs ont un mot important à dire. En 1968, on les a retournés chez eux avec un décret qu'ils ont vécu pendant trois ans. Ils l'ont vécu. On le leur a fait avaler.

Je pense — tout le monde l'admet aujourd'hui — que les enseignants ont accepté a reculons un décret imposé et non négocié en 1968. Cela n'a certainement pas amélioré leur comportement dans les écoles, leur confiance dans les gouvernements, leur capacité d'améliorer le milieu dans lequel ils oeuvrent, c'est-à-dire le milieu de l'éducation.

En 1972, on s'est retrouvé avec le même phénomène. Ils ont dû avaler, une deuxième fois, un décret et ils sont obligés de fonctionner à l'intérieur d'un système pour lequel ils n'ont rien eu à dire.

Aurait-on pu espérer que les enseignants, encore une fois, après un deuxième décret, aient pu avoir le goût d'apporter le meilleur d'eux-mêmes dans le rôle important, essentiel qu'on leur demande de jouer dans la société québécoise d'aujourd'hui?

Et là, aujourd'hui, on décide de les ramener au travail de force pour une troisième fois et on n'aurait pas l'occasion de les entendre?

La motion du chef de l'Opposition, demandant de reporter à cinq jours l'adoption de ce projet de loi pour entendre les parties intéressées, est pleine de logique.

Entre vous et moi, on les obligerait à rentrer après avoir fait des efforts, après avoir subi pendant les six années précédentes un système qui a pourri le milieu de l'éducation, qui a amené un climat de dégradation de la qualité de l'enseignement du français, la disparition quasi totale de l'enseignement de l'histoire, la disparition de la qualité et de la discipline dans les écoles. Allons-nous atteindre les objectifs que cette loi veut mettre de l'avant en permettant de créer un antagonisme chez le personnel qui devra, par la suite, jouer un rôle prépondérant?

Il faut entendre ce que les enseignants ont à dire, ainsi que les autres partenaires. Je veux surtout attirer l'attention sur le peu d'importance que le gouvernement donne aux professeurs au Québec et je pense que c'est l'occasion de le faire. Si on veut absolument les retourner de force dans leur milieu de travail, qu'au moins on les entende à l'intérieur des cinq jours en commission parlementaire. Spécialement, chacun des députés de cette Chambre aurait l'avantage d'entendre les enseignants expliquer les problèmes quotidiens qu'ils ont à vivre dans le système d'éducation actuel.

Qu'on le veuille ou non, je pense, en toute honnêteté, qu'on a, des deux côtés de la Chambre, certains préjugés envers les enseignants. C'est malheureux, M. le Président. En effet, si je m'en rapporte un peu à ce qui a caractérisé le système d'éducation au Québec, je dirais qu'historiquement l'enseignant québécois a toujours été limité à jouer un rôle de porte-parole de l'ordre établi et

de porte-parole du système de valeurs que la société reconnaissait: la valeur de l'ordre établi, la valeur donnée à la libre entreprise. Il y a un certain temps, il était celui qui s'occupait de la diffusion de la parole de Dieu dans les écoles.

Graduellement, cela a changé, mais l'enseignant a vécu jusqu'à ce jour dans des structures étouffantes, suffocantes, stérilisantes, génératrices de sclérose, de découragement et de démission. Les enseignants étaient au service...

M. Bienvenue: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Léger: ... du système pour le servir et le perpétuer.

Le Président: Question de règlement.

M. Bienvenue: J'entends, M. le Président — je le dis en toute justice pour le député de Lafontaine — beaucoup plus d'orateurs assis que d'orateurs debout.

Le Président: Un peu de silence.

M. Léger: Merci, M. le Président. Si le ministre de l'Education m'appuie sur ce plan, je suis prêt à lui donner mon appui sur bien d'autres choses.

M. le Président, j'étais en train de dire l'importance des cinq jours...

M. Levesque: Je pense, M. le Président, qu'il n'était pas en train de dire, il était en train de lire.

M. Léger: J'espère que le leader du gouvernement...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous feriez mieux de lire un peu.

M. Léger: Votre absence de lecture démontre peut-être que vous avez manqué ce que les enseignants auraient pu donner à beaucoup de gens au Québec et beaucoup de gens ici à l'Assemblée nationale.

M. le Président, il est important de savoir qu'au moment où on discute des méthodes et des moyens de ramener la paix sociale dans les écoles, les moyens qu'on prend sont des moyens pour rendre les partenaires de l'éducation absolument découragés d'être obligés de retourner, pour une troisième fois, dans un système sur lequel ils n'ont eu, à peu près, rien à dire.

M. le Président, il y a eu une enquête qui s'appelle l'enquête CETES et CETEC sur l'éducation aux niveaux secondaire et collégial, au niveau des CEGEP, qui va démontrer jusqu'à quel point les enseignants n'ont jamais été évalués à leurs justes possibilités. Je pense qu'avant de les obliger...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Il y en a qui lisent, il y en a qui disent et moi j'écoute. Je dois remarquer que le député de Lafontaine, depuis le début de son intervention, a respecté tota- lement le règlement. Mais je voudrais qu'il continue dans la même ligne. Je voudrais bien que dans son droit de parole de 30 minutes sur cette motion secondaire, il se limite. Il aura le droit de parler une heure. Je ne voudrais pas qu'il soit porté à se répéter. Je voudrais bien que vous me parliez de la motion de remettre à cinq jours. Parlez-moi surtout de ça.

M. Bédard (Chicoutimi): ... condescendance tout d'un coup.

M. Léger: M. le Président, je vous remercie de me ramener dans le corridor qui permettrait justement de clarifier les raisons pour lesquelles nous demandons que soit reporté à cinq jours le projet de loi actuel. Mais si vous me le permettez, il faut quand même admettre que le corridor dans lequel je veux ramener cette discussion se situe précisément dans le fait qu'il faut entendre le professeur. Et le professeur doit être entendu parce qu'il n'a jamais eu l'occasion de l'être.

J'étais en train d'expliquer jusqu'à quel point le professeur a des choses à dire dans ce prochain projet global, négocié ou non, imposé ou non, mais qui permettrait aux professeurs de s'exprimer avant qu'on les renferme en leur disant: Ne continuez de faire que votre petit travail de neuf à cinq. Vous n'avez pas à vous occuper d'améliorer la qualité de l'enseignement. Ce n'est pas votre affaire. Vous êtes uniquement des professeurs. Les législateurs, eux, connaissent très bien cela, eux qui veulent simplement protéger l'image d'un gouvernement qui est toujours en retard pour régler les problèmes et qui suscite souvent le feu pour pouvoir mieux l'éteindre. Il essaie de se donner une image de sauveur autant des Jeux olympiques, du Village olympique que de l'année scolaire. Je pense que les enseignants ont toujours été traités comme une quantité négligeable et souvent comme des êtres de très peu de valeur.

Le professeur a toujours été, M. le Président, le véhicule principal des valeurs de la société mais il n'a jamais eu la possibilité de collaborer et de faire évoluer cette société, spécialement dans le milieu de l'éducation. Il faudrait lui donner les moyens d'expliquer aux gens de l'Assemblée nationale, pendant les cinq jours que nous aurions si la motion était adoptée, comment il pourrait se permettre ou ne pas se permettre, dans le système actuel, de faire de nos enfants des êtres qui seront capables de penser, non pas des êtres qui ne seront que capables de répéter ce qu'on veut bien leur dire dans le système établi. Il en ferait des êtres qui soient capables aussi d'être des participants à l'évolution de cette idée plus tard.

M. le Président, les professeurs auront l'occasion, si on accepte la motion du chef de l'Opposition, de se faire entendre, eux qui, dans un sondage, démontraient jusqu'à quel point ils prenaient l'intérêt de l'étudiant. Je disais tantôt que l'enquête CETES a prouvé que 81% des enseignants ont comme objectif premier le bien-être de

l'étudiant. Si 81% des enseignants ont comme objectif premier le bien-être de l'étudiant, ne serait-il pas normal qu'on entende ceux-là mêmes qui ont discuté, pendant les trois ou quatre derniers mois, non pas des normes salariales, mais de la tâche de l'enseignant? Ils pourraient expliquer leur rôle de professionnels de l'éducation, leur objectif tel que démontré dans l'enquête CETES, celui de s'occuper du bien-être de l'étudiant.

M. le Président, on voudrait aussi entendre tous les autres partenaires de l'éducation. Vous savez qu'actuellement, dans le système scolaire que nous avons dans les grandes polyvalentes, les étudiants semblent des personnages démotivés, déprimés parce que le milieu scolaire n'est pas ce qu'il devrait être, parce que le milieu scolaire est déshumanisant. Ne pourrait-on pas, dans les présentes négociations, utiliser la possibilité qui nous est donnée, membres de la commission parlementaire, d'entendre tous les partenaires de l'éducation? Nous allons, d'un trait de plume ou par quelques voix, décider rapidement quel devra être le sort du système d'éducation au Québec pour les trois prochaines années. Ne serait-il pas normal d'entendre les partenaires de l'éducation venir nous dire, à la commission parlementaire, ce qu'ils désirent avoir dans les écoles d'aujourd'hui?

A ce moment, on réaliserait peut-être que le malaise profond majeur qui existe dans le domaine scolaire provient justement de ce problème de la qualité de l'enseignement, de ce maximum d'élèves qu'on leur donne et qui est trop élevé, de ces ratios, de la façon dont on les comprend. Il faut qu'on nous explique cela, à la commission parlementaire qui siégerait dans les prochains cinq jours, ce qui nous permettrait, M. le Président, d'évaluer les conséquences de la loi qu'on est en train d'adopter.

Je pense qu'il serait acceptable, avant d'adopter cette loi, qu'il serait normal d'entendre ceux qui sont les plus touchés, en plus des enseignants, dans le domaine de l'éducation, c'est-à-dire les parents. Est-ce que le gouvernement aurait peur que les parents viennent à une commission parlementaire s'exprimer pendant les prochains cinq jours de grâce que nous demandons, à l'occasion de l'adoption de ce projet de loi? On a failli leur demander de se présenter quand le comité des parents a proposé qu'il y ait un observateur aux tables de négociations. La CEQ était d'accord, la Fédération des commissions scolaires était d'accord, mais le gouvernement n'était pas d'accord.

Est-ce que les parents ne seraient pas le groupe le plus désigné pour être entendus durant les prochains cinq jours pour nous dire ce qu'ils pensent de l'entente qu'on est actuellement en train de briser? Est-ce qu'on s'imagine qu'on va continuer à négocier avec ce projet de loi? Est-ce qu'on pense qu'en ayant enlevé ses moyens de pression normaux à la partie syndicale on va pouvoir négocier? Et à ce moment, est-ce qu'on pense que dans le système actuel on est capable d'améliorer la qualité de l'enseignement que les parents réclament? Je pense que ce serait important, mais est-ce qu'on a peur que les parents viennent exprimer tout haut, ici, ce qu'ils désirent? Cela cor- respondrait, dans bien des cas, aux demandes que les enseignants ont faites lors des négociations.

M. le Président, les parents ont un intérêt double dans le projet de loi que nous étudions actuellement. D'un côté, ils ont intérêt à ce que la partie syndicale ne charrie pas et ils désirent savoir si les demandes des enseignants vont leur amener une meilleure qualité de l'enseignement dans les écoles et diminuer le climat de laisser-aller qu'on voit dans les écoles, d'une part. D'un autre côté, M. le Président, les parents ont aussi une responsabilité de l'autre côté de la table. Ils ont besoin de savoir pourquoi. Est-ce que cela a été fait publiquement? Non. Il y a eu une bataille de chiffres. Il y a eu une bataille de publicité, les gens sont tous mêlés avec cela. Mais les parents pourraient nous dire ce qu'ils veulent, d'une façon claire, nette et précise, eux qui ont un autre intérêt, celui que défendent actuellement les commissions scolaires et la Fédération des commissions scolaires, c'est-à-dire le coût de l'enseignement. Les demandes des enseignants d'un côté et le coût qu'on est prêt à payer de l'autre côté. Est-ce que les parents n'ont pas justement une responsabilité double, c'est-à-dire des deux côtés de la table de négociations? C'est-à-dire combien cela va coûter et qu'est-ce que cela va donner?

M. le Président, je pense qu'on a beau dire que la situation est urgente, d'accord. On a beau dire que le débat est absolument essentiel, d'accord. Mais on ne peut pas dire qu'adopter cette loi aujourd'hui va régler le problème demain. Cela, on ne peut pas le dire. Au contraire, en adoptant la loi aujourd'hui, nous avons un problème plus grave demain, parce que nous allons vivre pendant trois ans les conséquences de la discussion que nous allons avoir pendant trois heures.

M. le Président, on a laissé, depuis mars 1975, des négociations pourrir, ce qui a créé un climat dégradant dans les écoles, une situation où les gens n'osent plus se regarder. Ceux qui subissent cela, ce sont les enfants, ce sont les parents et les éducateurs, qui, eux, dans cette situation, aimeraient bien qu'on règle le problème non pas uniquement des demandes salariales, mais des demandes du milieu de travail.

M. le Président, si on règle cela en trois heures — cela fait un an qu'on négocie plus ou moins — est-ce qu'on montre qu'on est réellement responsables? Nous, législateurs, est-ce qu'on peut se permettre de dire: En trois heures, on va régler le problème? M. le Président, nous avons mis dans ce projet de loi des mécanismes qui veulent atteindre un objectif qui devrait être louable, mais on ne parle que des moyens d'interdire lock-out et grèves, etc. Mais l'objectif premier, est-ce que ce n'est pas de ramener la paix sociale dans les écoles? Est-ce que ce n'est pas de ramener les enseignants pour enseigner à des élèves qui vont être heureux de recevoir un enseignement? Est-ce que ce n'est pas de contenter des parents, parce que les enfants vont être à l'école, parce que les enfants ne perdront pas leur année? Est-ce que ce n'est pas cela qu'on veut chercher?

M. le Président, si on ne permet pas au groupe directement impliqué dans le domaine de l'éduca-

tion de venir s'exprimer pendant les quelques jours que nous proposons dans la motion du chef de l'Opposition, si on ne leur permet pas de venir ensemble, devant les parlementaires qui présentent la loi, exprimer leur point de vue, comment pourrons-nous réellement régler le problème? Avec les commissaires qui sont proposés là-dedans, commissaires qui obligent tout le monde à retourner au travail de façon colérique, de façon inacceptable, de façon obligatoire, de façon coer-citive, est-ce qu'on a réglé le problème? Est-ce qu'on peut s'attendre qu'une fois qu'on a fait cela on va avoir des professeurs qui retournent chez eux avec une flamme pour redonner aux enfants une éducation saine? Est-ce que le gouvernement aura contribué à rallumer cette flamme qui s'éteint de plus en plus chez les professeurs du Québec parce qu'ils n'ont aucun contrôle sur le milieu dans lequel ils vivent? Est-ce qu'on aura contribué à cela ou si, au contraire, on n'aura pas contribué à créer un antagonisme encore plus grave?

A ce moment, est-ce que le gouvernement n'agit pas comme un rhinocéros qui fonce dans le tas dans le but de régler cela au plus tôt, sans savoir s'il n'a pas tout piétiné, tout brisé, tout cassé, alors qu'il avait la responsabilité ultime de créer au Québec une société beaucoup plus juste? Cette société plus juste, elle se commence dans les écoles. Si, pour savoir si on a atteint notre objectif, on est obligé d'avoir des investigateurs ou des policiers dans toutes les écoles pour savoir si le professeur va bien faire son travail, est-ce qu'on a atteint notre objectif? D'accord, on va les faire rentrer dans les écoles; les professeurs vont être dans leur école. Ils y sont obligés par la loi, mais, ils seront pour la troisième fois obligés de ravaler cette flamme qu'ils avaient pour le rôle important qu'ils jouent dans la société.

N'aurait-on pas plus l'occasion, au moins pendant les cinq jours proposés par le chef de l'Opposition, d'entendre ces groupes, de façon que, s'il faut ramener la paix sociale dans les écoles, s'il faut ramener tout le monde au travail, au moins on ait l'occasion de se parler? Il y a un slogan qui dit: On est six millions, il faut se parler. Dans le domaine de l'éducation, on dépasse les quelques millions, autant dans le groupe des étudiants que des parents et que des enseignants et que tous ceux qui sont directement ou indirectement reliés à ce domaine. Est-ce qu'on parle le même langage? Si on avait quelques jours, on pourrait peut-être faire un lien entre ce qui a été affirmé.

Je voyais dernièrement l'exemple de gens qui ne se comprennent pas et qu'il serait important qu'ils se comprennent. Du côté des enseignants, on disait: La demande des enseignants n'augmenterait que de 5000 le nombre de professeurs. D'un autre côté, le ministre de la Fonction publique affirmait que la demande des enseignants dépasserait de 23 000 ou 24 000. Après avoir joué sur les chiffres pendant quelque temps, cela s'était terminé autour de 23 000 ou 24 000.

M. Parent (Hull): 45 000.

M. Léger: Oui, c'était le premier chiffre...

M. Parent (Hull): 45 000 pas 23 000 ou 24 000.

M. Léger: ... mais le dernier c'était 23 000 ou 24 000. Dernièrement vous avez parlé de 23 000 ou 24 000. Dans le temps, M. le Président, chacun avait des chiffres, mais une façon différente de voir les choses. Dans l'esprit du ministre de la Fonction publique, il y avait une possibilité, d'après les objectifs, de mise à pied d'à peu près 19 000 enseignants, parce qu'on avait moins besoin d'enseignants dans le système établi et préconisé. La CEQ, de son côté, calculait que les 19 000 n'avaient pas à être mis à pied. Elle ne demandait que 5000 de plus et les 24 000 se rejoignaient. C'étaient deux façons de comptabiliser les choses différemment.

Qu'est-ce que les parents font devant cela, M. le Président, quand ils voient d'un côté 24 000, de l'autre côté 5000? Au moment où on est en train de discuter, de ramener les gens au travail obligatoirement, est-ce qu'il ne serait pas bon qu'on fasse le point et qu'on accorde cinq jours, afin de permettre à tous les groupes directement impliqués de venir s'exprimer, et aux parlementaires, aux députés, qui ont déjà une idée préconçue du milieu syndical, une idée préconçue et préjugée du milieu enseignant, d'entendre ce que ces gens ont à dire? On ne peut pas, trois fois de suite, retourner les gens chez eux sans qu'ils aient eu, au moins une fois, une convention négociée.

M. le Président, le ministre disait, tantôt, qu'il a rencontré près de 10 000 parents qui lui ont envoyé des lettres, des télégrammes ou des signatures, en tout cas une quantité énorme d'enseignants.

M. Bienvenue: Pas...

M. Léger: Non, ils vous ont envoyé des lettres, des signatures, des télégrammes, mais si le ministre a l'information, il n'est pas le seul législateur. Les législateurs, ce sont tous les parlementaires. Je suis bien d'accord que le ministre soit informé qu'il y a des parents qui désirent qu'on règle le problème. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a eu dernièrement un sondage qui démontrait que 43% des parents ne désiraient pas de loi spéciale ni de décret.

Le Président: Revenez aux cinq jours.

M. Léger: M. le Président, c'est une bataille de six jours. Le ministre disait qu'il avait vu toutes ces personnes. Nous, les parlementaires qui sommes l'ensemble de ceux qui doivent légiférer, qui doivent adopter la loi, nous avons besoin de l'information aussi. Il y en a encore de ces gens-là. Je pense que les parents, comme les enseignants, comme les commissions scolaires et comme la Fédération des commissions scolaires, les partenaires du côté patronal qui n'étaient pas toujours d'accord avec le gouvernement, on aimerait connaître leur point de vue.

De cette façon, lorsque nous arriverons au moment de l'adoption de la loi, ce ne sera pas uniquement une loi où on montre ses muscles, mais où on montre aussi qu'on a comme préoccupation première de régler le conflit et non simplement obliger les gens à rentrer chez eux à reculons.

Des Voix: Vote, vote.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée est prête à se prononcer sur cette motion? L'honorable député de Beauce-Nord.

M. Denis Sylvain

M. Sylvain: M. le Président, je n'avais pas pensé, au départ, intervenir sur cette proposition d'amendement faite par le chef de l'Opposition officielle. Mais que mes collègues et que les gens de la galerie ne craignent pas, non pas la teneur de mes propos, mais leur longueur, puisque ce sera un bref commentaire.

Si j'ai décidé d'intervenir, c'est simplement pour démontrer le dessous de la proposition d'amendement du chef de l'Opposition. Depuis que j'ai été élu député en 1973, à chaque fois que le gouvernement a voulu présenter une loi spéciale ou une loi d'urgence, à chaque fois qu'il y a eu des débats sur une motion pour faire abstraction des règlements de l'Assemblée ou des débats sur une première ou une deuxième lecture de la loi, le chef de l'Opposition officielle ou un de ses collègues a toujours présenté une proposition d'amendement pour reporter le débat sur la motion de deuxième lecture à cinq jours, à deux semaines, à un mois plus tard.

M. le Président, je suis député d'un comté rural et je voudrais faire entendre cette voix campagnarde ou cette voix qui représente 38 petites municipalités du Québec où nous aussi avons des écoles, des professeurs et des parents.

Je ne voudrais pas faire une intervention de fond puisque je réserve toujours mes droits sur la motion de deuxième lecture. J'ai simplement à dire la cause pour laquelle je voterai contre cette proposition d'amendement du chef de l'Opposition, c'est qu'encore une fois le Parti québécois a pensé qu'il n'avait pas le temps de jouer le rôle d'animateur social qu'il joue au Québec depuis 1973.

Encore une fois, le Parti québécois a pensé — on a écouté les députés de l'Opposition — que non seulement on voulait faire des porteurs d'eau des gens du Québec, mais aussi des porteurs de pancartes.

Le cultivateur qui aurait à qualifier l'attitude du Parti québécois d'après les propos qu'il a énoncés par rapport à cette proposition d'amendement dirait simplement: Vous êtes une "gang " de faiseux de pancartes, d'écriveux d'histoires. Pendant les cinq jours que l'Assemblée nationale pourrait prendre à entendre les parties intéressées, en particulier les organismes tels que les fédérations qui sont liées à ce problème ou à ce conflit actuel et qui ont, à juste titre, le droit d'émettre des avis, il est fort possible que vous au- riez le temps, encore et davantage, pour prendre encore une fois un terme très beauceron, de vous gréer des paquets de personnes, des pouilleux, des licheux de fesses pour nous faire la guerre en avant du Parlement.

Ce fut ainsi à chaque fois qu'on a présenté une loi qui ne faisait pas l'affaire du Parti québécois. Il est bien évident que plus ce conflit va durer, plus on aura de gueulards, plus, à un moment donné, la gueule s'ouvrira pour les gens du Parti québécois. C'est bien évident.

Administrer c'est une affaire et être payé le même salaire pour crier, dans le Parti québécois, c'est une autre affaire.

M. le Président, je voulais simplement, par ces quelques paroles, appuyer les propos du ministre de l'Education à l'effet que cette loi, dans le conflit que nous vivons à l'heure actuelle, est essentielle.

Je prends à témoin les 113 professeurs de l'école polyvalente Benoît-Vachon, pour répéter à l'Assemblée nationale ce qu'ils m'ont dit lors d'une discussion qui a duré plus de trois heures.

Entre la CEQ et le comité local, l'organisation locale du syndicat des fonctionnaires ou des professeurs de la régionale Louis-Fréchette, il y a une grosse différence.

Il y a une si grosse différence, à l'heure actuelle, que c'est pour cela que je veux prendre la parole et que je veux me mettre à blanc devant eux, devant les professeurs de ma ville, Sainte-Marie de Beauce-Nord où je connais 90% des professeurs qui vont me dire que le gouvernement, par rapport aux élèves, par rapport aux parents et surtout par rapport aux professeurs qui ont à régler leurs problèmes et non pas le problème économique ou le problème des conditions de travail dans la société québécoise...

Si Charbonneau veut leur faire jouer un rôle plus grand que les professeurs eux-mêmes veulent jouer, Charbonneau paiera, mais non pas les professeurs du comté de Beauce-Nord, ni les parents, ni les enfants.

Cette loi est importante. Cette loi, nous l'adopterons.

Le Président: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je suis bien heureux d'avoir entendu le député de Beauce-Nord qui a exprimé son intention — pour employer son expression — de se mettre à blanc au niveau de ses positions concernant le conflit, concernant la présente loi spéciale.

Le député de Beauce-Nord s'est permis de dire que le Parti québécois, que l'Opposition officielle avait agi comme agitateur, encore une fois pour employer son expression, et tous les députés libéraux ici sont là pour entonner. Vous êtes tous d'accord? Tous?

Le Président: S'il vous plaît, voulez-vous vous adresser à mon humble personne, sans provoquer personne? Je ne vous interromprai pas.

M. Bédard (Chicoutimi): Si les agitateurs libéraux...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard (Chicoutimi): ... s'adressaient à vous aussi, on aurait peut-être moins de difficultés à se faire entendre.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard (Chicoutimi): II semble que cela soit solidairement que le député de Beauce-Nord et ses collègues prétendent ce soir que le Parti québécois, l'Opposition officielle a agi en agitateur tout au cours de ce conflit. Or, M. le Président, cela vaudrait peut-être la peine, afin de vérifier ces dires, d'analyser un peu, très succinctement — nous le ferons plus longuement lors de notre intervention de deuxième lecture — ce qu'a proposé le Parti québécois pour essayer de régler ce conflit, pour essayer d'améliorer les relations entre, d'une part, le gouvernement-patron et, d'autre part, les travailleurs de l'enseignement et du secteur social.

On verra la réponse. Est-ce que le Parti québécois a proposé une solution d'agitateur? Est-ce que le Parti québécois, l'Opposition officielle a proposé, tout au long de ce conflit, des mesures qui auraient été de nature à envenimer le conflit plutôt qu'à le régler?

Je pense que répondre à ces questions nous dit jusqu'à quel point le député de Beauce-Nord peut être dans l'ignorance lorsqu'il prétend que le Parti québécois, l'Opposition officielle a agi comme agitateur dans ce conflit, puisque le Parti québécois, tout au cours de ce conflit, tout en se prononçant sur certains points de la négociation, à savoir la nécessité de fixer un maximum d'heures de classe vis-à-vis des enseignants, un maximum d'étudiants...

Le Président: Holà! Revenez à la motion.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est la motion, M. le Président. C'est la motion de cinq jours.

Le Président: C'est moi qui vait décider, n'est-ce pas, jusqu'à nouvel ordre.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Alors, concernant le maximum d'élèves par classe...

Le Président: A l'ordre! Prenez votre siège, bien tranquillement. Vous allez me parler de la motion qui est devant l'Assemblée, proposée par le chef de l'Opposition, de remettre la deuxième lecture à cinq jours pour pouvoir entendre les parties. N'abordez pas le fond de la négociation; vous êtes doublement hors du sujet. Même si on convoquait les gens en commission parlementaire et même si votre motion était acceptée, ce qui est fort possible, on ne pourrait même pas discuter des conventions, de la tâche, de la charge du travail, de la sécurité d'emploi; on devrait discuter du principe du projet de loi, qui est le suivant...

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, une question.

Le Président: Laissez-moi finir. Le principe du projet de loi, c'est d'interdire le lock-out, la grève et le ralentissement de travail. Là, vous allez me parler, s'il vous plaît, de remettre cela à cinq jours pour pouvoir entendre les parties sur le principe du projet de loi, qui est d'interdire le lock-out, la grève et le ralentissement de travail pour une période de 80 jours dans le monde de l'enseignement.

Une Voix: II n'est pas capable.

M. Bédard (Chicoutimi): Très bien, M. le Président.

Il me semble que le député de Beauce-Nord se conformait au règlement, puisque vous ne l'avez pas rappelé à l'ordre lorsqu'il a prétendu que l'Opposition officielle avait agi comme des agitateurs au cours de ce conflit. Alors, j'imagine que je suis dans l'ordre en essayant de répondre...

M. Levesque: M. le Président, question de règlement.

M. Bédard (Chicoutimi): ... à cette question.

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Sur ce point...

M. Levesque: Mais c'est là-dessus que je voulais...

Le Président: Un instant, je vais vous...

M. Levesque: Alors, si vous le faites, M. le Président, je ne le ferai pas.

Le Président: Non, non, excusez-moi. Sur cette question, je vous ai permis de répondre, d'ailleurs.

M. Levesque: Oui, oui. Le Président: D'accord? M. Levesque: Très bien.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, quelles ont été les solutions qui ont été proposées par l'Opposition officielle? Il me semble que cela a été loin d'être une proposition d'agitateurs, puisque l'Opposition officielle et le Parti québécois, tout au cours de ces négociations, ont proposé au gouvernement une solution pour essayer de régler le conflit, à savoir la nomination d'un médiateur. Au moment où il était clair que les parties avaient de la difficulté à s'entendre, ce fut la proposition du Parti québécois et de l'Opposition officielle. Et, à ce que je sache — je terminerai là-dessus pour répondre au député de Beauce-Nord — proposer la nomination d'un médiateur quand les parties ne s'entendent plus, c'est loin d'être une proposition d'agitateurs.

Au contraire, c'est une proposition de bon sens.

Une Voix: De profiteurs.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est une proposition qu'a faite l'Opposition officielle durant tout ce conflit. Non seulement l'Opposition officielle l'a-t-elle faite M. le Président, mais, vous le savez, beaucoup d'autres groupes très près du domaine de l'éducation l'ont faite que ce soit le Conseil supérieur de l'éducation, la Fédération des commissions scolaires, des comités de parents à travers tout le Québec, également des associations d'étudiants. Pourtant, devant toutes ces demandes, il n'y a qu'une partie, durant tout le conflit, qui n'a pas entendu cet appel et c'est le ministre de l'Education.

Quand il essaie de nous faire pleurer, M. le Président, en disant qu'il a reçu des milliers de lettres de la part d'enseignants, d'élèves, de parents, il devrait nous dire aussi que, d'une part, ces comités de parents, les commissions scolaires, le Conseil supérieur de l'éducaion, un organisme que devrait, au moins, respecter le ministre de l'Education, s'étaient prononcés, au nom de milliers de Québécois, pour une solution qui était la médiation.

M. le Président, c'est pour cela qu'on demande un délai de cinq jours pour permettre d'entendre ces personnes.

Le Président: Bravo!

M. Bédard (Chicoutimi): Je vois que vous applaudissez et que vous êtes heureux. L'importun est passé. Pourquoi veut-on un délai de cinq jours pour entendre les personnes? Nous allons vous le dire.

C'est tout simplement, premier point, que le gouvernement est un mauvais négociateur, il n'est pas capable de négocier. Ce n'est pas la première expérience. On sait qu'en 1972, il a négocié. Résultat, une loi spéciale, décret, trois chefs syndicaux en prison. Entre vous et moi, les libéraux me disent: C'est très bien. Je comprends que ce soit leur manière de voir la conclusion d'un conflit avec un secteur aussi important que celui de l'éducation qui regarde non seulement les enseignants, mais également tous les élèves, des mi-liers de jeunes Québécois. Je comprends que les libéraux soient contents que ça finisse ainsi.

D'ailleurs, ils sont tellement heureux que ça devrait être une programmation à ce moment-là, beaucoup plus d'élection qu'une programmation pour régler un conflit. C'est évident... Ah! si j'avais le temps d'élaborer, M. le Président.

Premier point, pourquoi entendre les personnes? Parce que le gouvernement est un mauvais négociateur. Il a raté sa négociation en 1972; aujourd'hui, il est obligé de nous dire, encore une fois, qu'il a raté sa négociation. Il est obligé de nous le dire en assumant une grande part de la responsabilité, puisque ayant l'expérience d'une première négociation le gouvernement, dans l'intervalle, n'a absolument rien fait pour améliorer les mécanisme de négociations afin que celles-ci puissent aboutir autrement que celles de 1972. On a refusé, premièrement, la table centrale qui aurait constitué un mécanisme permettant d'évaluer le choix et les priorités de l'Etat avec les syndicats, avec les parties qui sont dans le conflit; on a escamoté la table centrale et on n'a pas amélioré les mécanismes afin que se déroule mieux cette négociation à la lumière des négociations de 1972.

M. Parent (Hull): Voyons donc, vous êtes écarté, vous.

M. Bédard (Chicoutimi): Justement, j'entends le ministre de la Fonction publique...

M. Parent (Hull): Vous venez de sortir du bois, je crois bien.

M. Bédard (Chicoutimi): J'entends le ministre...

Le Président: A l'ordre, à l'ordre, à l'ordre! S'il vous plaît, messieurs! A l'ordre, à l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, à l'ordre, àl'ordre! Est-ceque je peux rappeler à l'ordre...

M. Levesque: Le temps est expiré.

Le Président: Oui. Vous pouvez terminer votre intervention. Votre temps est terminé d'ailleurs.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir sur le débat principal, mais s'il y en a un qui, tout au cours de la négociation, s'est présenté ou a affiché la figure d'un homme qui programmait, non pas un règlement, mais une élection, qui se conduisait comme un politicien, c'est bien le ministre de la Fonction publique...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre, à l'ordre, à l'ordre! C'est irrégulier. Je crois que vous avez terminé...

M. Bienvenue: M. le Président, comme le...

Le Président: En vertu de quoi voulez-vous prendre la parole? Question de règlement, question de quoi?

M. Bienvenue: Non plus, M. le Président, je ne voulais pas interrompre le député...

Le Président: Non, non, je ne vous donnerai...

M. Bienvenue: M. le Président, je voulais lui poser une question.

Le Président: Bon, mais ça, dites-moi quoi quand même.

M. Bienvenue: Oui, mais pour ça il faut que je puisse le dire, M. le Président; alors je le dis.

Le Président: Est-ce que vous acceptez une question?

M. Bienvenue: Comme je ne voulais pas interrompre le temps du député de Chicoutimi...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre, s'il vous plaît! Je le rappellerai à l'ordre. Je m'excuse, le droit de parole est expiré. A l'ordre! Ecoutez, il ne faut pas que le consentement soit donné quand ça fait l'affaire de l'un ou l'affaire de l'autre. Votre intervention est terminée, je m'excuse. A l'ordre! A l'ordre, messieurs! Est-ce que l'Assemblée est prête à se prononcer sur cette motion d'amendement?

Des Voix: Vote.

M. Burns: M. le Président.

Le Président: Est-ce que vous voulez prendre la parole sur ce débat?

M. Burns: Non, M. le Président.

Le Président: Dites-moi en vertu de quoi vous voulez prendre la parole.

M. Burns: Oui, je pose une question... Le Président: A qui?

M. Burns: ... au ministre de la Fonction publique.

Le Président: Non, non, à l'ordre! A l'ordre, je mets cette motion aux voix. C'est ça que je vous demande.

M. Burns: Je vais parler d'abord!

Le Président: Le député de Maisonneuve, sur cette motion d'amendement. A l'ordre, messieurs!

Une Voix: Très brillant. Le Président: A l'ordre, messieurs! M. Robert Burns

M. Burns: M. le Président, j'ai le droit de m'étonner, vraiment...

Une Voix: Je vais ajuster mon appareil!

M. Burns: Vous écouterez avec vos oreilles et, si cela vous tente... En tout cas, vous écouterez comme vous le voudrez. J'ai le droit de m'étonner, M. le Président, que le ministre de la Fonction publique ne participe pas à ce débat. J'ai le droit de m'en étonner.

M. Parent (Hull): Vous aurez mon intervention en deuxième lecture. On est sur la motion d'amendement.

M. Burns: Mon Dieu, imaginez-vous donc! On s'imagine que le ministre de la Fonction publique n'est pas capable de parler ailleurs qu'en deuxième lecture.

M. Bellemare (Rosemont): La pertinence!

M. Nurns: Mais là, vous avez l'occasion rêvée...

M. Parent (Hull): ...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Levesque: M. le Président, le règlement ne prévoit pas des imputations de motifs mais prévoit, plutôt, que ce n'est pas permis.

Le Président: Je demanderais aux deux leaders de donner l'exemple chacun de leur côté.

M. Levesque: M. le Président, je demande que le leader actuel de l'Opposition officielle suive mon exemple et, à ce moment-là, il va s'asseoir.

Le Président: D'accord!

M. Burns: M. le Président, je n'ai pas du tout l'intention de suivre l'exemple du leader du gouvernement. J'ai l'intention, au contraire, de rester debout parce que la motion qui a été proposée — je mets de côté toutes les choses que je pourrais dire à l'endroit de l'absence, dans ce présent débat, du ministre de la Fonction publique, je mets tout cela de côté et j'espère qu'on aura la lumière en deuxième lecture...

Ceci étant dit, je reviens à ce que le ministre de l'Education a dit cet après-midi, c'est-à-dire que, pour lui, l'année scolaire était mise en péril. C'était vraiment quelque chose qu'il fallait régler aujourd'hui. Nous disons, M. le Président, que cela fait exactement deux mois, si on veut être généreux, qu'on dit cela à gauche, à droite, en haut et en bas.

Ce que nous demandons, c'est bien simple. C'est qu'à l'intérieur d'une semaine, nous fassions siéger la commission, que cette commission puisse au moins prendre connaissance du point de vue patronal et syndical. Ce n'est pas plus que cela. On ne demande pas énormément. On demande simplement que nous prenions connaissance de la situation que, déjà, beaucoup de députés connaissent, je l'admets. Mais il va falloir admettre que, depuis le début de ce conflit, du côté gouvernemental, on a tout fait pour que le problème ne soit pas réglé. On a tout fait pour éviter de poser les vrais problèmes entre les parties.

A quelle date, M. le Président — c'est la question que je pose — s'est-on résigné, du côté patronal, en l'occurrence du côté gouvernemental, à accepter la table centrale?

M. Parent (Hull): Dès le début, le 29 septembre.

M. Burns: Oui? J'aimerais que vous nous disiez cela.

M. Parent (Hull): Le 29 septembre.

M. Burns: Moi, cela ne me fait rien. Si vous voulez...

M. Parent (Hull): J'ai accepté la table centrale.

M. Burns: ... parler, je suis prêt à vous écouter.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Parent (Hull): M. le Président, il me pose une question.

Le Président: Non, non.

M. Parent (Hull): II me pose une question à savoir à quelle date...

Le Président: Nous ne sommes pas à la période des questions!

M. Burns: M. le Président, on a été frustré d'une période de questions, aujourd'hui. Peut-être que, de consentement, on pourrait en faire une immédiatement.

Le Président: Je refuse mon consentement. M. Burns: Ah bon.

M. Levesque: Un instant, il faudrait bien que cela ne reste pas comme cela au journal des Débats. Personne n'a refusé de période de questions.

M. Burns: Ah! On l'a demandée!

M. Levesque: Un instant! Laissez-moi terminer!

M. Lessard: Arrêtez de charrier toujours!

M. Levesque: Personne n'a refusé de période des questions. Nous ne sommes pas encore rendus à cet article.

M. Léger: Tâchez d'être là après minuit, on a des questions à vous poser!

M. Burns: M. le Président...

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: M. le Président, je ne soulèverai pas une question de privilège, en tout cas, j'ai trop d'estime pour le leader du gouvernement pour soulever une question de privilège.

M. Levesque: M. le Président, j'insiste sur la question de privilège. Ce que le député de Maisonneuve veut dire c'est que peut-être dans les coulisses on a dit: Est-ce qu'il serait possible d'avoir une période de questions? Mais je n'ai jamais refusé, j'attends qu'on arrive à cet article. Je n'ai pas voulu, cependant, M. le Président...

M. Burns: Je soulève une question de privilège.

M. Levesque: M. le Président, je n'ai pas terminé. Je n'ai pas voulu qu'on change l'ordre des choses. On a d'abord appelé le rapport des commissions élues, on a appelé le rapport du greffier en loi et ensuite les motions non annoncées. C'est là que nous sommes, nous ne sommes pas encore à la période des questions. Il aurait fallu inverser l'ordre et j'ai refusé qu'on l'inverse. Mais je n'ai pas d'objection à ce qu'au moment où on arrive à la période des questions, le député de Maisonneuve pose les questions qu'il a l'intention de poser.

M. Burns: M. le Président, je soulève une question de privilège, d'accord?

Le Président: Je vous écoute.

M. Burns: Je ne voulais pas en soulever une, mais j'en soulève une. Je soulève la question de privilège suivante: c'est que ce que le leader du gouvernement vient de dire, avec toute l'amitié et l'estime que je peux avoir pour lui, est absolument inexact. Je ne veux pas dire faux, mais dans mon esprit cela veut dire faux. J'ai demandé au leader du gouvernement de façon très précise: Est-ce que malgré la motion que vous présentez, M. Gérard-D. Levesque, aujourd'hui, il y aura une période de questions, et la réponse, est-ce que vous voulez me la redonner publiquement?

M. Levesque: Oui, M. le Président, je suis prêt à dire que j'ai répondu dans la négative, parce que ce que voulait dire le député de Maisonneuve, c'était inverser, comme je viens de l'expliquer, l'ordre des choses. Il aurait voulu qu'on commence par la période des questions pour ensuite arriver aux motions non annoncées, ce que j'ai refusé. C'est clair, je le répète, je refuse de nouveau.

M. Burns: Ce n'est pas du tout cela, M. le Président. Toujours sur la question de privilège, j'ai dit au leader du gouvernement: Je sais fort bien que vous avez une motion pour mettre de côté les règles de la Chambre, je vous demande cependant s'il ne serait pas possible de garder la période des questions. Et nous avions un certain nombre de questions intéressantes aujourd'hui.

M. Levesque: Si le député de Maisonneuve me le permet, de quelle façon aurait-on pu arriver à la période des questions?

M. Burns: De consentement.

M. Levesque: C'est cela que j'ai refusé, le consentement d'inverser l'ordre des choses mais

je n'ai pas refusé la période des questions. Si on arrive à la période des questions, M. le Président, je vous permets, j'en suis heureux... je n'ai même pas à vous le permettre, c'est vous et c'est le règlement qui le permettent.

Le Président: Si vous disposez du projet de loi on peut procéder immédiatement à la période des questions.

M. Levesque: C'est ce que je voulais dire, M. le Président. Si l'Opposition officielle est prête à adopter ce projet de loi, nous passerons immédiatement aux déclarations ministérielles, au dépôt de documents et, après, à la période des questions.

M. Samson: A Pâques ou à la Trinité. Le Président: Revenons à la motion.

M. Burns: M. le Président, vous avez bien raison.

Je disais donc, M. le Président, que cet après-midi, je sentais, du côté gouvernemental, le désir de ne pas véritablement discuter du problème. Depuis exactement deux semaines, comme citoyen, non pas comme député, j'ai l'impression que le gouvernement ne veut pas discuter du problème, que ce soit le problème de l'éducation, que ce soit le problème des affaires sociales. J'ai mentionné cet après-midi que cela ne nous sert à rien de passer une loi spéciale en cette matière, alors que peut-être dans une semaine nous reviendrons avec une autre loi concernant les gens qui travaillent dans le domaine des affaires sociales. Si c'est le cas, M. le Président, j'aimerais mieux avoir globalement l'opinion du gouvernement.

Ce que j'aimerais mieux quand même, c'est d'entendre les parties concernées, puisque la loi, actuellement, s'intitule Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation et abrogeant une disposition législative. On va s'amuser quand on va parler de l'abrogation de la disposition législative en question. Là, on va parler de l'incompétence de ce gouvernement. Même le lieutenant-gouverneur, M. le Président, n'est pas capable de se rendre compte qu'un amendement qui est rejeté ne doit pas être inclus dans un projet de loi. Vous êtes rendu, M. le Président, à une incompétence telle... pas vous, mais le gouvernement est rendu à une incompétence telle qu'il ne peut même pas se rendre compte...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez invoquer l'article 68, vous pouvez le faire: Une motion de fond annoncée est nécessaire pour mettre en question la conduite du lieutenant-gouverneur, du président et des autres.

M. Burns: M. le Président, ce n'est pas sûr que je ne l'invoquerai pas, mais dans le moment je ne peux pas vous dire que je vais l'invoquer. C'est plutôt, quand on sait qu'une loi est adoptée, comment elle est amenée chez le lieutenant-gouverneur. M. le Président, vous le savez plus que moi, vous avez plus d'expérience que moi. Quand on sait cela, on est obligé de se dire que le projet de loi qui est amené est un projet de loi qui est suscité Dar le gouvernement, qui est amené via les mécanismes du gouvernement, via les spécialistes du gouvernement. M. le Président, je le dis en toute honnêteté à votre égard, j'ai fait un aparté et je comprends que j'enfreignais le règlement.

Le Président: Oui.

M. Burns: J'enfreignais le règlement quand j'ai parlé de cela. Je dis simplement, M. le Président, que la proposition que nous vous faisons, non pas à vous, M. le Président, mais au gouvernement, par vous, elle est bien simple. C'est là-dessus, vraiment, que la proposition du chef de l'Opposition doit être examinée. Nous vous proposons simplement de remettre à une semaine votre décision d'adopter le projet de loi no 23. Est-ce que c'est beaucoup vous demander? Est-ce que c'est beaucoup demander au gouvernement, lorsqu'on sait que déjà la table centrale fonctionne malgré les sautes d'humeur du ministre de la Fonction publique, qui en a régulièrement, qui ne comprend pas ce qui se passe dans le problème? Cela c'est son problème à lui, c'est surtout le problème...

M. Parent (Hull): Je n'ai jamais de sautes d'humeur, M. le Président, c'est le député de Maisonneuve qui en a.

Le Président: Si je vous laisse faire, vous allez en avoir tous les deux, je crois. Si vous voulez revenir à la motion.

M. Burns: Je disais tout simplement, M. le Président, qu'à ma connaissance il n'y a pas d'urgence. Cela a été débattu et réglé avant; je ne reviens pas au fond de ce problème-là. Il n'y a pas urgence à adopter la loi aujourd'hui. Ce que nous vous proposons, c'est de donner un délai de cinq jours, de remettre, à toutes fins pratiques, à une semaine la discussion du projet de loi pour revoir la situation en particulier avec les éclairages nécessaires...

Le Président: Un peu de silence, un peu moins de bruit dans les galeries, s'il vous plaît!

M. Burns:... concernant les centrales syndicales et aussi les commissions scolaires. Ce serait bien intéressant, à mon avis, d'entendre le côté patronal dans ce domaine. C'est uniquement cela le but de la motion du chef de l'Opposition. On aurait pu, M. le Président, vous faire une proposition qui à toutes fins pratiques voulait noyer le poisson, c'est-à-dire remettre à six mois le projet de loi. Ce n'est pas cela qu'on a fait. On a dit à cinq jours. C'est l'importance qu'on accorde à ce type de discussion et c'est l'importance que nous donnons au genre de participation que nous avons dans le présent débat. J'aimerais bien, en ce qui me concerne, recevoir autre chose qu'un sourire du ministre de la Fonction publique.

Je vois le dentier, oui. J'aimerais que le dentier de la Fonction publique se fasse valoir de façon très précise, et qu'on sache exactement ce qu'il y a derrière ce dentier et, surtout, c'est bien important, en haut du dentier.

Le Président: Est-ce que...

Une Voix: Vote.

M. Levesque: M. le Président...

Le Président: Le leader parlementaire du gouvernement

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque: M. le Président, un mot seulement. On se rappellera que, cet après-midi, j'ai présenté une motion de suspension de l'application des règles de procédure en vertu de l'article 84. A ce moment-là, M. le Président, j'ai exposé du mieux que j'ai pu à l'Assemblée nationale les raisons pour lesquelles je trouvais qu'il y avait une situation d'urgence. J'ai, à ce moment-là, évoqué l'argumentation du ministre de l'Education, à l'effet que l'année scolaire était en péril pour plusieurs enfants et qu'il était important de nous assurer que nous puissions sans délai examiner et adopter un projet de loi qui avait pour but, justement, de protéger cette année scolaire et, en même temps, de trouver et de mettre en place certains mécanismes qui assureraient la poursuite des négociations dans une atmosphère plus sereine et plus calme.

Il me semble, M. le Président, que l'Assemblée nationale a accepté ce point de vue et cela, à la très grande majorité de ses membres. Je trouve qu'à ce moment-ci, à peine deux heures après, il serait illogique de penser qu'on remettra à cinq jours l'étude de ce projet de loi. Justement, parce que nous sommes logiques et parce que nous voulons donner suite au voeu de la majorité des citoyens du Québec, je crois que nous ne pouvons pas et que nous ne devons pas accepter cette motion d'amendement de l'Opposition. Nous devons immédiatement, par un vote clair et précis, manifester notre désapprobation à une telle motion et adopter le plus tôt possible le projet de loi qui est dans l'intérêt de tous les citoyens du Québec.

Le Président: Est-ce que ceux qui sont en faveur demandent un vote enregistré?

M. Burns: Oui, M. le Président.

Le Président: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

Le Président: Que ceux qui sont en faveur de la motion du chef de l'Opposition officielle veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque, Blank, Parent (Hull), Mailloux...

Le Président: Silence, silence!

Le Secrétaire adjoint: MM. Phaneuf, Lachapelle, Mme Bacon, MM. Tetley, Drummond, Hardy, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey (Jonquière), Massé, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Lamontagne, Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Saindon, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Larivière, Pelletier, Shanks, Pépin, Beauregard, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Leoours, Malépart, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Vallières, Verreault, Leduc.

Le Président: Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: Abstention, M. Samson.

Le Secrétaire: Pour: 5 — Contre: 65 — Abstention: 1

Le Président: Cette motion est rejetée.

Deuxième lecture (suite)

Le Président: L'honorable député de Rouyn-Noranda sur la motion principale de deuxième lecture.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, depuis le début de l'après-midi, nous avons tour à tour eu à nous prononcer quant à l'urgence de la situation dans le domaine de l'éducation et nous venons maintenant de disposer d'une motion visant à reporter l'étude du projet de loi à cinq jours.

J'ai dit, de façon que cela soit clairement compris par tout le monde, que je voterai contre ce projet de loi.

J'ai voté contre même en première lecture pour une raison bien spéciale. Ordinairement, quand on nous dépose un projet de loi en première lecture, nous ne le voyons pas avant et il s'agit d'accepter ou non le dépôt du projet de loi tout simplement et accepter d'en faire l'étude.

Mais aujourd'hui, à cause de ces règles différentes qui ont fait que nous avons suspendu plusieurs articles de notre règlement, nous avons eu, en même temps que la motion pour suspendre les règles, le dépôt du projet de loi. Donc, au moment où la première lecture a été appelée, nous avions en notre possession le projet de loi et j'avais eu le temps d'en prendre connaissance suffisamment pour m'en faire une idée.

C'est pourquoi j'ai voté contre par exception,

parce que, habituellement, en première lecture, on laisse toujours passer le projet de loi. C'est donc pourquoi j'ai voté contre en première lecture.

M. le Président, je réitère que, dans le domaine de l'éducation, je considère qu'il y a réellement urgence, mais je réitère également que cette urgence est plutôt l'urgence de trouver un règlement valable pour donner satisfaction à tout le monde.

Malheureusement, pas plus aujourd'hui que dans le passé, les lois spéciales ne règlent les problèmes.

En effet, on pourra dire que, par cette loi spéciale, nous prenons des dispositions pour éviter que l'année scolaire soit mise en péril. Je me demande sérieusement, et très sérieusement, si, volontairement ou involontairement, le gouvernement n'a pas justement attendu trop tard pour prendre ses responsabilités.

Je me demande sérieusement si, aujourd'hui, il n'est pas déjà trop tard. Si on parlait de choses que plusieurs personnes connaissent, jadis les gens devaient suivre des cours de catéchisme pendant une quinzaine de jours avant de faire leur communion solennelle et il y avait, à ce moment, des chanceux qui passaient avec grande distinction ou très grande distinction, mais il y en avait un paquet qui passaient par charité, or cette année, on est peut-être rendu au moment où on a dépassé la limite et, si on sauve l'année scolaire de nos étudiants, il y en a peut-être plusieurs qui passeront par charité.

Je vous dis que ce gouvernement a attendu trop longtemps avant de trouver une solution et, au surplus, le jour où on nous apporte une solution, ce n'est pas la bonne.

M. le Président, dans ce projet de loi no 23, il y a deux principes qui sont en cause. D'abord, celui de vouloir retourner à leurs fonctions les enseignants, empêcher la grève, les lock-out et nommer trois commissaires qui, soit dit en passant, n'ont aucune espèce de pouvoir exécutoire. Ces pauvres gens auront à étudier, à vérifier, à faire des recommandations que le gouvernement s'apprête, probablement, à l'avance, à refuser.

Surtout, il y a le fait que ces commissaires seront nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Alors, ce ne sont pas là, je pense, des nominations qui seront faites par un consensus des deux côtés, c'est-à-dire de la partie syndicale et de la partie patronale. Non, de façon unilatérale, on nommera trois commissaires qui n'auront aucune espèce de pouvoirs.

Il y a un autre principe qui est en cause. Il s'agit de l'article 29 qui viendra corriger une erreur d'écriture que nous retrouvions dans la loi 253, Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail.

Autrement dit, M. le Président, aujourd'hui, nous discutons de l'éventualité que cesse le harcèlement, que cessent les grèves dans le domaine de l'enseignement et aussi que cessent les arrêts de travail dans le domaine hospitalier et dans le domaine des services sociaux.

M. le Président, je pense qu'il y a beaucoup trop de gens qui, jusqu'à ce jour, ont manqué à leurs responsabilités. Il serait malhonnête de n'accuser que les gens qui représentent une seule des parties. Je pense que chacun de ceux qui représentent quelqu'un — le gouvernement est censé représenter la population et les syndicats sont censés représenter les travailleurs — doit faire son mea culpa, parce que des deux côtés, au-dessus de la population et au-dessus des travailleurs, il semble que la lutte idéologique a prédominé. Je le regrette, car, s'il y a un secteur où les négociations auraient dû se faire avec bonne volonté et bonne foi des deux côtés, c'est bien les secteurs public et para-public. Mais ce n'est pas tout à fait comme cela que cela s'est passé, M. le Président. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec une situation qui est devenue intenable, où les pressions des parents ont atteint un point où le gouvernement se cache derrière ces pressions pour utiliser un canon, un canon pour tuer une mouche. On se cache derrière ça.

Mais il faudrait souligner que ces pressions ont été provoquées. Je pense que les parents de la province de Québec ont raison d'être inquiets. Ils sont inquiets de l'avenir de leurs enfants, ils sont inquiets de l'année scolaire de leurs enfants. Ils ont raison d'être inquiets. Mais qui a provoqué cette inquiétude, M. le Président? Je dis que c'est le manque de responsabilité et du gouvernement et de la philosophie qui prévaut dans certains milieux des syndicats.

Nous avons reçu, avec beaucoup de plaisir d'ailleurs, dernièrement, la visite de certains enseignants de régions éloignées du Québec. Ces gens sont venus réclamer, au nom des autres enseignants de ces régions éloignées, des avantages, compte tenu de leur situation particulière. Ils avaient, à cette occasion, invité les députés de ces régions éloignées, j'étais l'un de ceux-là. Nous étions trois partis politiques représentés par des députés, à cette occasion. Je vous souligne, M. le Président, que ce qui nous a été présenté par les enseignants, c'est-à-dire les demandes de primes d'éloignement, primes d'isolement ou primes de vie chère pour les régions éloignées, sans discuter du fond de la question, ni des chiffres, le principe nous a paru acceptable.

Et je souligne à votre attention, M. le Président, que ce principe a paru acceptable à tous les députés qui étaient présents, qui représentaient trois partis politiques. C'est donc dire que lorsqu'on veut bien s'ouvrir les oreilles et les yeux un peu, il y a des possibilités de voir et de comprendre.

Or, M. le président, cela a duré le temps des fleurs, une fois qu'on a pris position, qu'on a dit oui, nous sommes d'accord — j'en ai parlé à l'occasion d'un autre débat ici à l'Assemblée nationale, mais c'est tombé dans l'oreille de sourds — on n'a pas tenu compte de ça.

Si on n'a pas tenu compte du fait que les députés de trois partis différents élus par les électeurs des comtés de ces régions, démocratiquement, ont accepté, en quelque sorte, de défendre ces opinions et l'ont fait, je pense, chacun à sa manière, si l'on n'a pas tenu compte de cela du tout et si l'on n'a pas eu de réponse, du côté gou-

vernemental, à ces revendications que nous avons endossées comme députés, cela ne me surprend pas du tout que nous soyons aujourd'hui rendus devant une impasse. Si on n'écoute même pas les députés du parti au pouvoir, comment voulez-vous que le pouvoir écoute les autres?

Mais pour être bien honnête, M. le Président, il faut dire tout ce que nous avons vu, tout ce que nous avons entendu. A cette occasion, où chacun a donné son opinion, un jeune professeur de Sept-lles a aussi donné son opinion. M. le Président, je vous la rapporte, pour autant que ma mémoire me soit fidèle, parce que je n'ai pas avec moi le journal des Débats; ce n'était pas enregistré, de toute façon, et je ne l'ai pas écrit. Mais, pour autant que ma mémoire me soit fidèle, je me rappelle que cet enseignant, ce jeune homme qui enseigne depuis trois ans, en se levant, ait dit ceci: Nous, les travailleurs de l'enseignement, sommes victimes des notables. Evidemment, nous l'avons écouté parce que cette première déclaration avait suscité quelques applaudissements. Mais, après les applaudissements, il a continué en disant: Nous sommes victimes des notables des deux côtés de la table.

Je pense que cette réflexion de ce jeune enseignant représente l'opinion de plusieurs enseignants du Québec, de plusieurs travailleurs de l'enseignement. Il a dit: Au-dessus de nos têtes, nous avons l'impression que se mène une lutte politique et idéologique et qu'on se fout de notre convention collective. Nous, c'est une convention collective que nous voulons.

M. le Président, cela porte à réfléchir. Cela porte à réfléchir parce que j'ai l'impression que, s'il a eu le courage, ce jeune enseignant, de faire ce genre de déclaration en présence du leader même de la CEQ, c'est qu'il y a dans ces rangs des gens qui sont inquiets. Mais, quand il a parlé des deux côtés de la table, il parlait aussi du représentant du gouvernement.

Transposons cela maintenant chez les parents et chez les étudiants et on sera à même de constater que, de plus en plus, les parents et les étudiants ont la même impression qu'au-dessus de leur tête et au-dessus de leurs intérêts se mène une lutte politique et idéologique.

Dans cette sorte de lutte, il n'y a pas de solution possible à moins d'un affrontement, et c'est une guerre à finir.

Quand on commence un combat de lutte, l'arbitre a l'habitude de dire: Que le meilleur gagne! Mais dans cette sorte de combat, ce n'est pas tout à fait ainsi que cela se fait. Ce n'est pas le meilleur qui gagne nécessairement, c'est le plus fort. M. le Président, nous assistons, aujourd'hui, à une tentative de dénouement de cette crise. Ce n'est pas nécessairement le meilleur qui aura le dessus du plancher, mais sûrement le plus fort.

Quand je pense que selon un article de journal — je n'ai pas vérifié les chiffres, mais en tout cas — les négociations avec le front commun coûtent plus de $6 millions, je me demande — je dois me poser des questions à haute voix — si le gouvernement n'était pas prêt à dépenser plus d'argent pour faire la publicité que pour gagner la par- tie. Je me demande si le gouvernement n'était pas prêt à dépenser plus d'argent pour cela que ce qu'il aurait fallu pour donner satisfaction aux enseignants. $6 millions! Je ne me demande plus maintenant pourquoi j'ai vu à la télévision ces sortes d'annonces commerciales payées par le gouvernement du Québec avec des jetons de casino, où on empile d'une part des jetons de casino pour faire ensuite la différence entre ce qu'on avait dans le passé et ce qu'on pourrait avoir. Je me rappelle que l'annonce finit à peu près comme cela: II y a des gens qui refusent cela. On a démontré...

M. Parent (Hull): C'était bien fait.

M. Samson: Pardon?

M. Parent (Hull): C'était bien fait.

M. Samson: C'était bien fait? Oui, évidemment, si vous vouliez vendre de la camelote, c'était fait pas pire. Pour vendre du savon cela pouvait aller, pour vendre votre boulot aussi, cela a bien été.

M. le Président, je pense que cela n'a pas de sens. Le rapport de forces n'était pas là, parce qu'on ne négocie pas facilement quand on est en présence de quelqu'un qui a toute la force. Dans ce temps, on ne négocie pas, on prend ce qui tombe de la table. C'est l'impression que j'ai. Le gouvernement est assis derrière la table, il a mis la table, il a fait tout ce qu'il fallait, un beau grand banquet, puis là, il ne permet pas aux gens de s'en approcher. Si vous vous approchez, on vous laisse tomber des miettes. Puis on pense qu'aujourd'hui, en 1976, les gens vont retourner avec les miettes en disant: Merci. Non, ce n'est pas comme cela que cela se passe maintenant. C'est la justice qu'il faut. S'il y avait injustice, si quelqu'un a provoqué de l'injustice, le gouvernement ne corrigera pas cette injustice en se préparant à faire une autre injustice.

M. le Président, je suis aussi un père de famille, nous avons des enfants, j'ai des responsabilités familiales. Ce n'est pas plus intéressant pour moi que pour les autres. Ce n'est intéressant pour personne de voir partir les enfants, le matin, puis de ne pas savoir ce qu'il arrivera d'eux dans la journée, de ne pas savoir s'ils ne vous reviendront pas en autobus ou à pied au cours de la journée.

Dans les régions rurales où les petits enfants prennent l'autobus à 7 heures le matin pour normalement revenir chez eux à 5 h 30 le soir, c'est encore moins intéressant d'arriver à l'école du village ou de la municipalité et de découvrir qu'on a débrayé ce matin-là. Parfois, le conducteur de l'autobus est parti faire des commissions en ville et les enfants attendent, dehors. Pendant ce temps, ils font quoi?

M. le Président, tous les parents sont concernés par le comportement de leurs enfants, par leur sécurité. Malheureusement, depuis quelque temps, c'est la grande inquiétude des parents du Québec à un tel point, comme je le disais cet après-midi, que la Fédération des comités de pa-

rents déclarait que, si ce n'était pas réglé avant le 1er avril, elle recommanderait à ses membres de garder les enfants à la maison à partir de ce temps.

M. le Président, je pense que les parents ont déjà manifesté au moins leur intention de reconnaître que le 1er avril, c'était la date limite. On est déjà rendu au 7 avril. Quand on parle d'urgence pour régler la situation, je suis d'accord avec l'urgence, parce qu'on n'a pas le droit, qui que nous soyons, de permettre que nos enfants manquent leur année scolaire. On n'a pas ce droit-là. On n'a pas le droit, non plus, parce que le projet de loi parle d'autre chose en même temps, de laisser se poursuivre des situations telles que celles qui nous sont rapportées présentement. Quelqu'un qui a eu un accident dimanche soir dernier— un accident mineur peut-être, une couple de côtes cassées — se présente lundi matin au centre hospitalier de Rouyn-Noranda et les portes sont fermées. M. le Président, avec toute la sympathie que j'avais pour cette personne, je ne pouvais pas la soigner.

On n'a pas le droit, non plus, de laisser sortir des patients de l'hôpital, comme c'est le cas ce soir au Centre hospitalier de l'Université Laval. On m'a informé ce matin que des malades devraient partir à cinq heures ce soir. Il y a quelqu'un là qui devrait être hospitalisé pendant au moins encore trois semaines. Cette sortie prématurée de l'hôpital peut mettre en danger la santé et même la vie de cette personne. On a eu, en 1972, des cas semblables où, au centre hospitalier de La Sarre, on avait retourné chez lui un patient qui était aux soins intensifs. On l'a retourné chez lui en ambulance, M. le Président, et ce patient est mort deux jours après. Cela, nous l'avons rapporté en 1972. Il y a d'autres cas comme celui-là que nous pourrions prendre à titre d'exemples, à travers tout le Québec.

C'est évident que c'est inacceptable, mais ce qui est aussi inacceptable, c'est que cette situation soit provoquée par le manque de responsabilité du gouvernement, qu'elle soit provoquée parce que le gouvernement refuse depuis longtemps de mettre sur pied un mécanisme valable.

M. le Président, je l'ai dit et je le répète, je n'ai pas peur de mes opinions, le droit de grève dans les secteurs public et parapublic, cela ne vaut rien. Cela a été une erreur monumentale d'abord que de le donner et puis cela a été un piège pour ceux qui l'ont reçu. Qu'est-ce que cela vaut, le droit de grève?

Le droit de grève c'est un moyen de pression qui est donné à des ouvriers, à des travailleurs, pour qu'ils puissent exercer ces pressions quand ils ont le sentiment de ne pas avoir obtenu justice. Mais dans les secteurs public et parapublic, ces pressions ne valent rien, parce que, d'abord, cela dérange toujours la population, quel que soit le secteur. Dès que cela dérange la population, le gouvernement s'asseoit et attend que cela ait dérangé suffisamment la population pour se faire endosser, et il arrive avec une loi matraque. Cela donne quoi le droit de grève dans ces situations?

C'est un droit qui est un piège grand ouvert, que le gouvernement tient toujours prêt et dont le gouvernement a le contrôle. Quand le gouvernement décide que c'est assez, il referme le piège. C'est le cas aujourd'hui. On referme le piège, M. le Président. Si le gouvernement était réellement sincère, si le gouvernement avait à coeur le bien-être de ses travailleurs et de sa population, le gouvernement aurait dû mettre sur pied un mécanisme différent susceptible de donner justice aux ouvriers et à la population.

J'ai proposé, depuis longtemps, mais tout dernièrement je suis revenu à la charge, en février dernier, que le gouvernement et les syndicats prennent une entente pour former un tribunal spécial composé de trois juges. Mais qu'on s'entende sur les juges, et qu'on leur donne des pouvoirs exécutoires, qu'on leur remette ce dossier et que, finalement, après décision, que ces décisions soient respectées. D'ailleurs, M. le Président, les tribunaux sont la plus grande forme de justice connue. Si on en trouve d'autres, je serai prêt à regarder de ce côté, mais jusqu'à aujourd'hui, les tribunaux ont été la plus grande forme de justice connue.

Alors, si on ne s'entend pas, M. le Président, s'il y a conflit, s'il y a divergence d'opinions et si l'on sait à l'avance que le droit de grève ne vaut rien, si on sait à l'avance que les dés sont pipés, pourquoi ne pas mettre sur pied ce système-là? Bien sûr, c'était là un moyen d'urgence que je suggérais, parce que, pour plus tard, je suggère que nous ayons des tribunaux du travail spécialisés qui soient toujours prêts et disponibles. Ils pourraient même aller jusqu'à être disponibles pour le secteur privé où on pourrait soumettre à l'arbitrage les cas litigieux. Mais dans le secteur public, après un certain laps de temps, après un certain délai de négociation, si on n'arrive pas à une entente, automatiquement, cela devra être mis entre les mains d'un tribunal spécial.

Aujourd'hui, le gouvernement n'aurait pas besoin de nous proposer une loi spéciale.

Il y aurait eu entente, parce que sachant — n'oublions pas, M. le Président, que la peur est le commencement de la sagesse — que si l'on ne s'entend pas, il y aura quelqu'un qui prendra une décision, on négocierait probablement des deux côtés de la table, avec beaucoup plus d'objectivité et nous éviterions que les conflits pourrissent, tel que c'est le cas présentement.

Nous aurions eu probablement, après ce délai, une négociation qui aurait débouché sur une entente. Le problème serait réglé à la satisfaction et en donnant justice, sinon, le tribunal aurait pris ses responsabilités. Mais le tribunal aurait été juge et non pas partie en même temps.

Aujourd'hui, c'est en quelque sorte un tribunal qui décide, M. le Président, mais un tribunal qui est juge et qui est partie en même temps, un tribunal qui est en même temps l'employeur et le juge de la situation. Bien sûr, le premier ministre du Québec aura beau nous dire qu'il n'a pas l'intention de confier à des tiers la responsabilité des dépenses du budget gouvernemental qui provient des taxes du public; bien sûr, on nous dira cela.

Mais, par contre, dans d'autres secteurs, on a confié aux tribunaux le problème. Par exemple, le conflit entre le gouvernement du Québec et les Inuit, les Indiens de la baie James, cela a été confié aux tribunaux, je pense. Finalement, cela a débouché sur une entente.

Il y a aussi que le gouvernement — n'oublions pas que même si le premier ministre dit qu'on joue avec environ 45% du budget du Québec — un tribunal, dans les circonstances, n'aurait pas joué avec 45% du budget du Québec; c'est faux d'affirmer cela. Il aurait eu à prendre des décisions qui auraient pu influencer le budget, variant entre 0,5% et 1%, peut-être.

Mais si le gouvernement n'a pas risqué d'accepter de confier ce dossier à un tribunal d'arbitrage, M. le Président, je soupçonne sérieusement que c'est parce que le gouvernement pensait que sa cause était mal préparée.

Je soupçonne sérieusement que c'est parce que le gouvernement sentait qu'il aurait peut-être perdu sa cause. Si on avait peur de perdre sa cause, M. le Président, c'est parce que la cause gouvernementale constituait une injustice pour les travailleurs, et de l'enseignement, et du secteur hospitalier, et du secteur des services sociaux.

Bien sûr, on aura beau faire des annonces à la télévision. On aura beau communiquer avec Pierre Tremblay et compagnie, de lui donner les millions de dollars du gouvernement pour faire la publicité, on aura beau préparer tout cela, avec une bonne mise en scène, mais les Québécois sont assez intelligents pour voir et lire entre les lignes.

Cette petite mise en scène que le ministre de la Fonction publique a qualifiée de bien faite, cette petite mise en scène nous a démontré jusqu'à quel point le gouvernement n'était pas sûr de son affaire.

Quand on pense que dans le secteur hospitalier, après 18 ou 19 ans d'expérience, et de loyaux services, il y a encore des infirmiers qui gagnent aux environs de $7000 par année, ce ne sont pas vos petites annonces, préparées par la compagnie Pierre Tremblay, qui vont m'impressionner. Vos petits jetons de casino!

Imaginez-vous donc que pour acheter du beurre, du pain, de la viande, pour payer le logement, pour payer nos vêtements, pour faire vivre la famille, la banque n'accepte pas cela. Non. Les jetons de casino du gouvernement ne sont pas bons à la banque, ne sont pas bons à l'épicerie, ne sont pas bons chez le tailleur. Ils ne sont pas bons non plus chez le locateur. $7000 par année. On a vu aussi les nombreux chiffres publiés par le gouvernement, les tableaux compliqués, très compliqués où on voit encore, en 1976, que les débutants dans le domaine de l'enseignement devront se contenter d'un salaire qui ne dépasse guère le revenu de quelqu'un qui vit de l'assurance-chômage.

M. Parent (Hull): II ne faut pas charrier!

M. Samson: Non. N'allons pas trop vite, M. le ministre de la Fonction publique. Il y en a qui gagnent plus que cela. D'accord.

M. Parent (Hull): C'est le minimum.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Nous discutons maintenant du bill 23, la question de grève et de lock-out. On peut peut-être discuter des négociations en général, mais on n'a pas le droit, dans ce débat, d'entrer dans les détails de la négociation. J'espère que le député de Rouyn-Noranda suivra le règlement.

M. Samson: M. le Président, je vous remercie de m'avoir fait remarquer cela et je vous soumets bien respectueusement que je ne suis pas entré dans les détails des négociations parce qu'il aurait fallu que je donne les chiffres exacts.

Je me suis gardé de donner les chiffres exacts. J'ai fait des comparaisons avec des chiffres qui sont généralement connus.

Mais, M. le Président, pour vous faire plaisir, je continuerai. Je n'ai pas besoin de citer davantage de chiffres. Ce que j'avais à dire a été compris, même par les députés libéraux, même par ceux-là.

Mais je continue en vous disant que, si le gouvernement était davantage à l'écoute de la population, il comprendrait que ce que le peuple réclame, c'est un règlement. Le peuple n'a jamais réclamé de décapiter personne. Le peuple n'a jamais réclamé un règlement imposé de la façon qu'on s'apprête à le faire. Le peuple réclame un règlement. Le peuple réclame des services dans le domaine de l'éducation, des services dans le domaine hospitalier, des services dans le domaine des affaires sociales. On réclame des services, mais je n'accepterai jamais que l'on dise à la population que seul le gouvernement a pris ses responsabilités et que les travailleurs ont abusé de leur situation. Ce n'est pas vrai.

Les travailleurs sont pris dans un étau, dans un étau qui se resserre à tous les jours entre le gouvernement et la philosophie qui règne dans les bureaux de centrales syndicales.

Je me reporte aux propos du jeune homme de Sept-lles qui m'a bien fait comprendre cette situation. Le piège gouvernemental est aussi présent de cette façon. L'étau se resserre sur le travailleur. Qui est le perdant dans tout cela? Est-ce que le gouvernement perdra quelque chose aujourd'hui? Non. La centrale syndicale ne perdra pas grand-chose non plus, mais le travailleur perdra beaucoup.

Pour le travailleur, les jours de travail perdus ne se reprennent pas et, quand on fait la grève longtemps, les semaines et les mois perdus ne se reprennent pas. Le passé est le passé et il ne revient jamais. N'oubliez pas cela.

Quand les travailleurs sont obligés d'avoir recours à des méthodes qui sont peut-être dirigées, mais à des méthodes qui font qu'ils doivent perdre des jours de travail, ces travailleurs doivent s'endetter par la suite.

Ils doivent s'endetter et hypothéquer le bien-être de leur famille pour des années et des années à venir. Qui est le grand perdant dans toute cette

histoire de conflit dans le domaine de l'enseignement? Le professeur, l'élève et les parents. Le gouvernement ne perd rien. Le syndicat doit s'en sortir pas trop mal. C'est ce que je voudrais faire comprendre, M. le Président.

Il est grand temps que le gouvernement écoute ce qui se dit. On nous lance en pleine face des statistiques, des résultats de sondage et on se base là-dessus pour dire comment le beau et grand Parti libéral a la faveur publique. C'est drôle, dans le Soleil du 31 mars dernier, il ya un article qui dit qu'à la suite d'un sondage CROP l'arbitrage aurait plutôt la faveur populaire. Tiens!

Pourquoi votre premier ministre n'a-t-il pas sorti ce sondage? Pourquoi n'a-t-il pas brandi cela à l'Assemblée nationale comme il a l'habitude de le faire? Pour quelles raisons ne s'est-il pas servi de ce sondage?

On dit — c'est par Claude Vaillancourt — "la population du Québec fait preuve d'un jugement sévère à l'endroit du gouvernement et des méthodes utilisées par le front commun. Elle favorise largement la nomination d'un arbitre". C'est un sondage CROP qui dit cela. Puisque le gouvernement du Québec a l'habitude d'écouter mieux le gouvernement fédéral et ce qui se passe ailleurs, je vais lui servir un sondage Gallop, M. le Président., qui a paru dans le Soleil du 20 novembre 1975.

Bien sûr, le ministre de la Fonction publique n'a pas eu le temps de voir cela. Je comprends, il était pris à préparer ses plans. Mais d'après le sondage Gallop, sept Canadiens sur dix se disent pour l'arbitrage d'un an avant une grève. Cela a été fait à travers le Canada.

Le premier ministre aurait peut-être dû se servir de cela dans le cadre de ses discussions sur le fédéralisme rentable. Je pense que cela aurait été valable qu'il nous brandisse cela en pleine Chambre, comme il a fait l'autre jour, avec ses statistiques soi-disant indiscutables. Comme il nous a brandi aussi les résultats de sondages qui placent le Parti libéral. Nous allons vous déplacer, vous allez voir, aux prochaines élections. Nous, nous allons vous déplacer. La population du Québec va se rappeler de cela. Vous ne lui passerez pas les mêmes Québec tout le temps.

En 1970, loi spéciale, en 1972, loi spéciale et on se fait réélire, par la suite. Cela encourage le Parti libéral parce que la population l'a réélu quand même. Mais arrêtez un peu, les boys, ce n'est pas fini cette affaire. Vous lui en avez passé une couple de fois, mais vous n'en passerez pas tout le temps.

M. Bienvenue: Pourquoi la population a-t-elle réélu le gouvernement?

M. Samson: Pourquoi la population vous a réélus? Parce que votre système électoral fait que cela prend seulement 1/2% des votes pour faire un député libéral alors que cela prend 5% des votes pour faire un député de l'Opposition. C'est pour cela que vous avez été réélus.

M. le Président, tout le monde sait cela; 55% des votes et il en est arrivé 102; avec seulement 45% des votes, dans l'Opposition, nous sommes un petit groupe. Cela parce que votre système électoral, celui que vous vous apprêtez à...

Le Président: La loi...

M. Samson: Oui, mais on m'a posé une question, je réponds. Le règlement me permet de répondre à une question que m'a posée l'honorable ministre de l'Education. Je lui réponds en lui disant...

Le Président: Mais pas deux fois, une fois.

M. Samson: Je n'ai pas le droit de lui répondre deux fois, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Blank): Pas deux fois, une fois.

M. Samson: Ah!

Une Voix: La loi des faibles.

M. Samson: Je n'ai pas le droit de lui répondre deux fois, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Blank): Pas deux fois, une fois.

M. Samson: Voyez! Comment voulez-vous qu'on laisse parler le peuple, on ne veut même pas me laisser parler.

M. Parent (Hull): ... vous n'étiez pas capable de vous parler.

M. Samson: Ne vous en faites pas, quand ça va être fini, votre affaire, vous autres, il ne vous en restera même pas assez pour vous en parler.

Le Vice-Président (M. Blank): Le bill 23 , s'il vous plaît, monsieur!

M. Samson: M. le Président, j'attends qu'ils se taisent, vous m'avez donné la parole.

Le Vice-Président (M. Blank): Le bill 23.

M. Samson: Le ministre de la "Friction publique", M. le Président...

M. Saint-Pierre: Elle est meilleure.

M. Samson: Le ministre de la "Friction publique" devrait savoir que son action a été d'une provocation telle que les enseignants ont dû sortir dans la rue pour manifester, et il est arrivé un événement, que nous retrouvons dans le journal Le Devoir du 29 mars, dans le Soleil du 29 mars: parce qu'il y avait manifestation d'étudiants à Montréal, on a appelé l'anti-émeute. On a appelé l'anti-émeute, M. le Président. Moi, je vous dis bien sincèrement que je n'accepte pas, d'aucune es-

pèce de façon, que des ouvriers, des travailleurs, des enseignants, quelle que soit leur classe dans la société, soient matraqués dans la rue quand ils manifestent pour faire reconnaître leurs droits.

Pour autant que je sache, nos lois permettent la manifestation. Ces gens ont utilisé un droit prévu dans nos lois et on leur a sauté dessus. On a demandé une enquête, on nous a dit: Oui, on va faire enquête. Mais, comme d'habitude, on n'a pas encore eu de réponse. On ne sait pas encore ce qui s'est passé. Si on nous fait la preuve que ce n'est pas vrai, on dira: D'accord. Mais jusqu'à ce qu'on nous ait fait cette preuve, il reste qu'il y a des choses qui ont été publiées, c'est en suspens et on ne nous a pas donné de réponse encore. M. le Président, je me rappelle le samedi de la matraque à Québec et je vous assure que je n'aime pas le matraquage par les policiers, qu'ils s'appellent de l'anti-émeute ou autrement.

Mais ça ne veut pas dire, par exemple, que je suis prêt à donner l'absolution à tout le monde, là, facilement, à tous ceux qui sont impliqués. Je parle des dirigeants. Je ne parle pas des travailleurs, parce que les travailleurs, vous les avez charriés, mais des dirigeants. Il nous faut regarder les deux côtés de la médaille. Mon père me disait qu'il y avait toujours un troisième côté à la médaille: un côté, l'autre côté et le tour. Il faut regarder celui-là aussi. Et le tour de la médaille, M. le Président, c'est qu'il paraît que, dans les questions des votes secrets pour les acceptations des offres patronales, pour les acceptations ou non de la grève générale... En tout cas, il y a des enseignants qui m'ont appelé pour me dire d'en parler, il paraît qu'on les a invités à se rendre voter en leur disant: Vous viendrez voter et vous marquerez votre nom derrière le bulletin de vote.

M. le Président, c'est un genre de vote secret qui... bah! écoutez, je ne veux prêter de mauvaises intentions à personne. C'est peut-être seulement parce qu'on aimait avoir l'autographe du travailleur sur le bulletin de vote. Mais il reste qu'il y en a plusieurs qui ne se présentent pas dans ce temps-là. Il y en a plusieurs qui n'y vont pas. Ils comprennent entre les lignes ce que cela veut dire.

M. Saint-Pierre: Ce sont des cas d'exception, cela n'est pas arrivé souvent.

M. Samson: Dans le Devoir du 25 mars, on fait référence à une certaine dame Chouinard qui a été tout simplement expulsée du syndicat parce qu'elle n'était pas d'accord à 100% avec ce qui se faisait là.

Je pourrais lire tout cela, mais le titre, c'est: La démocratie syndicale chez les enseignants. "Une enseignante de Saint-Marcel, dans le comté de Montmagny-L'Islet, Mme Anne-Marie Chouinard, vient de se voir exclure de son syndicat, ainsi que quelques autres enseignants, pour avoir refusé de participer à des débrayages qu'elle jugeait illégaux". Elle nous fait tenir le texte. On a tout cela. Ce n'est pas mieux non plus.

M. Saint-Pierre: On fait cela chez les créditis-tes!

M. Samson: Pardon?

M. Saint-Pierre: Vous faites cela chez les cré-ditistes. Vous les expulsez quand ils ne suivent pas les directives.

M. Samson: M. le Président, je m'excuse. Chez les créditistes, nous n'avons jamais expulsé quelqu'un. Nous n'avons jamais forcé quelqu'un à poser des gestes illégaux.

M. Saint-Pierre: C'est vrai.

M. Samson: Je voudrais que le ministre se le rappelle parce que cela pourra revenir sur le tapis.

M. Saint-Pierre: Vous expulsez le chef!

M. Samson: Cela, ce n'était pas un geste illégal; c'était un geste idéal!

Le ministre de la Fonction publique aime mieux celle-là que l'autre, M. le Président! M. le Président, malgré tout cela, il reste que les faits sont les faits. Ce qu'on est en train de faire aujourd'hui, on devrait être gêné de le faire. En tout cas, moi, je suis gêné et, de toute façon, je vais voter contre ce projet de loi à 200% parce que je n'accepterai d'aucune façon de me solidariser avec un geste comme celui-là.

M. le Président, regardez bien ce que cela peut amener comme conséquences. Il faut penser à demain, il faut penser à après-demain, il faut penser à l'année prochaine aussi. Dans la Presse de jeudi 4 mars, un éditorial signé Vincent Prince, dit: "Du côté de certains porte-parole du front commun du secteur public, on commence à proclamer que les syndiqués, s'ils se prononcent éventuellement en faveur d'une grève générale, doivent comprendre qu'il faudra alors aller jusqu'au bout, c'est-à-dire défier toute loi d'exception que le Parlement pourrait voter pour y mettre fin. On prend garde aux termes qu'on emploie. On n'invite pas directement à la sédition. Il n'en reste pas moins que le langage est suggestif. On prépare astucieusement le terrain en vue d'un affrontement frontal qui reste toujours possible. On laisse entendre, bien sûr, qu'il appartiendra aux travailleurs de décider, mais on laisse aussi entendre que les travailleurs auraient raison de défier le Parlement s'ils se sentaient brimés par un acte de ce dernier."

M. le Président, cela me rend inquiet. Je me demande jusqu'à quel point, aujourd'hui, par cette loi spéciale, le gouvernement n'est pas en quelque sorte l'artisan d'un défi des lois prochain. Vous savez, on dit souvent — et je suis de ceux qui disent cela aussi — quand on n'aime pas une loi, on peut la combattre, on peut la critiquer, mais on doit la respecter. On doit se plier aux lois. Je suis de ceux qui pensent comme cela. Mais, si on pousse trop à bout ceux qui sont concernés par cette loi, malgré

que j'imagine qu'ils pensent tous comme moi, peut-être que le gouvernement pourra se frapper la poitrine en disant: Nous avons provoqué cette situation.

Bien sûr, je ne la souhaite pas, au contraire. Je ne ferai pas, non plus, appel aux sentiments pour tenter de soulever qui que ce soit. Je trouve que la situation est trop grave.

Nous devons garder notre sang-froid. Mais nous devons aussi, M. le Président, avant de poser le geste ultime, tenter de régler le problème. J'avais déjà demandé, à une autre occasion, quand nous étions à parler sur une loi spéciale comme celle-là, et je n'ai pas honte de le dire, au premier ministre de tenter un dernier effort pour arranger les choses avant d'adopter la loi. Je l'avais fait pour tenter d'éviter la loi spéciale. Bien sûr, on ne m'a pas écouté, on l'a adoptée. Jusqu'à aujourd'hui, tout s'est déroulé normalement: les ouvriers ont finalement rentré dans les cadres, ils ont suivi les lois, ils ont observé ces lois mais, un bon jour, il y a une ligne qui va se tracer. Quel est ce jour? Je ne le sais pas. J'espère que ce n'est pas demain en tout cas. Mais il reste que j'ose demander, s'il y a encore quelqu'un pour m'écouter, que nous ajournions, ce soir, avant d'adopter la loi et qu'il y ait une dernière rencontre entre les représentants du gouvernement et les représentants du syndicat concerné, pour tenter de régler cela sans qu'on soit obligé de voter cette loi. C'est cela que j'ose demander, M. le Président. Ce n'est pas un délai de cinq jours, on l'a refusé tout à l'heure. Mais j'ose demander cela. Il faudra de toute façon que quelqu'un aille se coucher à l'heure raisonnable. On pourrait permettre à ceux qui sont concernés de se rencontrer une dernière fois.

Devant cette loi qui est devant nous, tentons donc l'impossible pour en arriver à un règlement négocié, à une signature de conventtion. Je le demande et je m'adresse — puis là je voudrais bien être compris — en ce moment au responsable gouvernemental et au responsable syndical. Je m'adresse aux deux. Je le demande au nom de la population qui est concernée dans cette affaire, au nom des parents qui sont concernés, au nom des enfants qui sont concernés, au nom des travailleurs qui sont surtout concernés. Je demande un ultime effort pour régler cela avant la troisième lecture. Si cela était réussi, je pense que tout le monde serait un peu plus heureux demain matin, parce qu'au moins il n'y aurait pas eu un règlement de bâton de baseball. Cela aurait été un règlement acceptable et accepté par les parties. C'est ce que je souhaite, que je suggère fortement aux deux parties concernées.

Quant à moi, je voterai contre ce projet de loi en deuxième lecture et j'espère que la troisième lecture ne viendra pas, qu'il y aura un règlement avant.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, j'aimerais, au départ, faire un bref cheminement des négociations qui ont duré plus d'une année, c'est-à-dire depuis mars 1975.

M. le Président, en mars 1975, il y a eu cinq rencontres, conformément à la loi 95, sur les sujets à négocier provincialement et localement. Le 23 juin 1975, la partie syndicale dépose l'essentiel de ses revendications à l'exception des demandes salariales. Le 29 août 1975, la partie patronale, six mois après, dépose ses offres sur les prérogatives syndicales, sur le régime syndical, le perfectionnement, les griefs et l'arbitrage. Le 10 septembre, c'est le dépôt par la partie syndicale des clauses complémentaires.

Le 18 septembre, dépôt par la partie syndicale des sujets concernant l'assurance, la classification, les garderies, etc. Le 29 septembre, M. le Président, le front commun et le dépôt des demandes syndicales concernant la politique salariale. Le 7 octobre 1975, rencontre annulée par la partie patronale. Le 8 octobre, dépôt par la partie syndicale d'un texte consolidé pour le projet complet. Le front commun; le ministre accepte la table syndicale, centrale. Le 14 octobre 1975, rencontre annulée par la partie patronale. Le 15 octobre 1975, rencontre encore annulée par la partie patronale.

Enfin, M. le Président, le 7 novembre 1975, près de 10 mois après, la partie patronale dépose ses offres sur les salaires, la tâche et la sécurité d'emploi. Le 18 et le 20 novembre 1975, discussion sur la sécurité d'emploi. Le 25 novembre 1975, discussion sur la tâche. Le 28 novembre, rencontre annulée par la partie syndicale. Les 2 et 3 décembre, rencontre annulée par la partie patronale. Le 7 janvier 1976, retour en classe sans problèmes après les vacances d'hiver. Durant la semaine, une seule rencontre. Le 21 janvier 1976, ultimatum de 48 heures du ministre de la Fonction publique. Le 2 février 1976, le premier ministre entend adopter la ligne dure.

M. Parent (Hull): M. le Président...

Le Président suppléant (M. Picard): Un instant, s'il vous plaît!

M. Parent (Hull): ... je pense que le président de cette Chambre a déjà énoncé sur quoi devait porter le débat de deuxième lecture.

M. Burns: S'il vous plaît!

M. Parent (Hull): Sur la valeur intrinsèque du projet de loi qui est déposé, à savoir ce qui est contenu dans le projet de loi. C'est la suspension du droit de grève, les commissaires aux différends.

M. Burns: Arrêtez de faire des farces, mon Dieu, Seigneur! Arrêtez de niaiser! Vous niaisez depuis des mois.

M. Parent (Hull): Actuellement, on est après faire l'élaboration..

Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît!

L'honorable député de Lafontaine.

M. Burns: M. le Président, il ne sait même pas ce que c'est un discours de deuxième lecture, lui.

M. Bédard (Chicoutimi): II ne sait même pas ce que c'est une négociation.

M. Léger: M. le Président, avant d'arriver à la loi aujourd'hui, je pense qu'il est de l'intérêt public de connaître ce qui s'est passé au niveau du cheminement des négociations, qui prouvera le malfondé de la loi qui est présentée aujourd'hui.

J'étais rendu au 2 février 1976, où le premier ministre affirme — et c'est le titre- — qu'il entend adopter la ligne dure. Le 6 février 1976, le ministre de la Fonction publique refuse la présence des parents à la table et déplore l'escalade des deux côtés, tandis que la CEQ accepte la présence des parents. Le 7 février, la Fédération des commissions scolaires du Québec blâme le ministre de la Fonction publique. Parce qu'il savait que je m'en venais vers cela, il ne voulait pas que j'en parle.

M. Parent (Hull): Cela me dérange nullement.

M. Léger: La Fédération des commissions scolaires du Québec affirme que le ministre de la Fonction publique, son partenaire, fait mal son travail et qu'il bloque le dépôt d'offres complètes et améliorées. Le 11 février 1976, la Fédération des commissions scolaires demande un médiateur et impute le retard des négociations à la mésentente avec le ministère de l'Education. Le 17 février 1976, l'Association des principaux d'école anglo-catholiques qualifie d'immorale l'attitude du gouvernement. Le 20 février 1976, le ministre de l'Education réclame l'arrêt de la guérilla et le Québec précise ses offres sur les tâches et la sécurité. Le 23 février 1976, la Fédération des commissions scolaires du Québec s'allie aux enseignants pour demander qu'on nomme un médiateur. Le 25 février, le ministre de la Fonction publique refuse de nommer un médiateur. Le 26 février, Québec offre de 2% à 4% de plus. Le 28 février, le comité provisoire du Conseil supérieur de l'éducation propose l'arbitrage. Le 1er mars 1976, la Fédération des commissions scolaires du Québec réitère sa demande d'un médiateur. Le 8 mars 1976, la Fédération des associations de parents des CEGEP demande la médiation. Le 18 mars, le vote syndical rejette les offres à 76%. Le 25 mars, le ministre de la Fonction publique annonce un "blitz".

Le 26 mars, le comité de parents demande la médiation. Le 2 avril, le ministre de la Fonction publique admet qu'il est blâmable pour le retard des négociations et la CEQ présente une contre-proposition sur la sécurité d'emploi qui est refusée par le gouvernement. Le 4 avril 1976, le premier ministre menace de durcir sa position; il préparait sa loi d'aujourd'hui. Le 6 avril, la CEQ fait un pas important sur la tâche en diminuant sa demande de maximum d'élèves par classe, et arrive le fameux 7 avril 1976.

M. le Président, le projet de loi no 23 qui arrive aujourd'hui, après un an de dédale de pagaille, de dispute, est présenté devant l'Assemblée nationale et a pour objet déclaré de maintenir— j'espère que c'est cela que le ministre de la Fonction publique a compris dans la loi et non pas ce qu'il a dit tantôt; l'objectif de la loi j'espère que c'est cela — les services d'enseignement dans les écoles du Québec pour une période de 80 jours en interdisant la grève, le lock-out et le ralentissement de travail.

En un mot, ce projet de loi reflète l'intention du gouvernement de ramener la paix sociale au Québec, après avoir créé le désordre et la pagaille dans le milieu de l'éducation, et désire protéger l'année scolaire de beaucoup d'enfants au Québec, qui est en danger par le refus du gouvernement de négocier régulièrement et honnêtement depuis un an.

M. le Président, le projet de loi a comme objectif et comme principe de maintenir les services dans les écoles et de sauver l'année scolaire. On présente un moyen, et le moyen c'est d'interdire le lock-out, la grève et le ralentissement de travail pour une période de 80 jours dans le secteur des collèges d'enseignement général et professionnel. Le principe, M. le Président, n'est pas d'interdire le lock-out, c'est de ramener et de maintenir les services dans les écoles et de sauver l'année scolaire. Le moyen c'est d'interdire le lock-out, la grève et le ralentissement de travail. J'espère, M. le Président, qu'on se comprend bien là-dessus.

Mais le moyen qui est mis de l'avant pour atteindre les objectifs de maintenir les services dans les écoles est un mauvais moyen, parce que le vrai et le seul moyen qui puisse réellement ramener la paix sociale dans les écoles, y maintenir les services et sauver l'année scolaire, le seul et unique moyen, qui a été refusé par le gouvernement, c'est la médiation. Dans le projet de loi, le moyen qu'on présente est la nomination de trois commissaires qui, par des moyens coercitifs, vont essayer de trouver une sorte de vue d'ensemble de la situation des négociations, mais par des moyens coercitifs, tandis que le vrai moyen aurait été la nomination d'un médiateur qui aurait permis d'atteindre les mêmes objectifs que cette loi nous présente aujourd'hui, mais en prenant des moyens volontaires. Je suis convaincu, parce que c'est la CEQ et des partenaires du gouvernement qui sont la Fédération des commissions scolaires, les comités de parents, les commissions scolaires, le Conseil supérieur de l'éducation qui ont demandé un médiateur, je suis assuré, dis-je, que les membres partenaires, autant du côté syndical que patronal, auraient accepté volontairement, avec la nomination d'un médiateur, de retourner au travail, de maintenir les services dans les écoles et de sauver l'année scolaire.

Il est évident que cet objectif de paix sociale est louable. Cependant, je considère que le gou-

vernement n'emploie absolument pas les bons moyens pour parvenir à cet objectif. Au contraire, la suspension des moyens de pression accessibles aux enseignants, assortie de la nomination de commissaires enquêteurs aux différends scolaires qui existent actuellement produira tout bonnement l'effet contraire: une tension accrue dans les écoles, une tension que les élèves devront supporter et un éloignement encore plus grand entre les parties qui négociaient — je dis bien qui négociaient, parce qu'on ne négocie pas actuellement — causé par la contrainte énorme que devront subir les enseignants de se sentir une fois de plus frustrés de leur pouvoir de négociation et dans la nature même intrinsèque de leurs revendications par une autre loi, parmi toutes les autres qu'ils ont eu à subir depuis plus de dix ans.

M. le Président, les lois matraques sont les fins des négociations. La médiation est une étape,une étape qu'on n'a pas encore franchie. Sous prétexte de montrer ses muscles, le gouvernement a préféré directement aller à la dernière étape qui est l'étape finale, une loi matraque, qu'on utilise uniquement quand toutes les étapes ont été franchies et quand les moyens normaux de la négociation permise dans le milieu syndical et dans le milieu du travail ont été utilisées. A ce moment-là, on peut dire: II n'y a rien à faire, on peut prendre un moyen comme une loi matraque, mais on n'est même pas rendu là. Même si on n'est pas pour le principe d'une loi matraque, on n'est même pas rendu là, on est encore rendu à l'étape possible de créer un certain espoir de négociation entre les parties. Un médiateur aurait permis cela.

C'est la raison pour laquelle je veux énoncer les raisons qui permettraient à ce projet de loi d'atteindre les objectifs qu'on fixe au départ, c'est-à-dire maintenir les services dans les écoles et sauver l'année scolaire. C'est par un médiateur.

D'ailleurs, le milieu de l'éducation, les parents, les enseignants, la Fédération des commissions scolaires, ont demandé, tour à tour, la nomination d'un médiateur. Cette mesure serait donc la seule susceptible de garantir une paix sociale immédiate puisque son application est demandée par tous les intervenants dans le présent conflit, sauf le gouvernement.

Ainsi, les classes pourraient reprendre et les élèves, qui sont les premières victimes de la lenteur des négociations, pourraient terminer leur année scolaire avant qu'il ne soit trop tard.

Il faut vraiment que le gouvernement ait acquis la certitude que la revendication des enseignants est juste dans la ligne de toutes les études commandées par le gouvernement lui-même, c'est-à-dire, le groupe CETES, le groupe CETEC, le groupe COMMEL, le groupe POLY, pour que le gouvernement ait à ce point peur qu'un médiateur — pour employer les mots du ministre de la Fonction publique — ne dirige le gouvernement dans une voie où il ne désire pas aller.

M. le Président, cette mesure, dans toute sa simplicité, est profondément juste et ressentie comme telle par la population, en plus d'être facile d'accès. La nomination d'un médiateur s'impose de façon si évidente comme la seule solution équitable pour toutes les parties participant aux négociations et la seule façon d'assurer la paix dans les écoles que toutes les instances du milieu de l'éducation, qu'elles soient partenaires ou adversaires du gouvernement dans les négociations, ou même simples observateurs attentifs, comme les parents, ont publiquement demandé la nomination d'un tel médiateur.

Faut-il citer la CEQ elle-même, qui va être la victime du projet de loi qui nous est présenté, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, la Fédération des associations de parents de CEGEP et de la Fédération des comités de parents de l'île de Montréal pour s'en convaincre?

Faut-il citer les propos du Conseil supérieur de l'éducation qui favorise cette mesure? Le Conseil supérieur de l'éducation disait justement, et je cite: "Le conseil supérieur recommande, si nécessaire, le recours, à très court terme, à une forme appropriée de médiation ou de conciliation".

On ne peut pas dire que le Conseil supérieur de l'éducation est partie intéressée aux négociations, mais il est partie intéressée aux résultats, par exemple. La médiation paraît, au conseil, un moyen privilégié pour accélérer les pourparlers et conduire à des ententes négociées et agréées par les parties.

Dans le secteur de l'éducation, il faut cesser d'aller de crises majeures en crises majeures et de lois spéciales en décrets gouvernementaux. La médiation pourra permettre de restituer le débat dans son véritable contexte de relations de travail, tout en tenant compte des spécificités propres au secteur de l'éducation.

Il y a même lieu d'accélérer le processus de négociation durant la période des Fêtes, disait-il à ce moment-là, afin d'éviter le recours à des moyens extrêmes tels que la grève et le lock-out, quand ils seront permis par le Code du travail pour faire échec au calendrier fatal.

Il faut insister pour que les négociations débloquent immédiatement et se poursuivent même durant la période des Fêtes. M. le Président, c'était le Conseil supérieur de l'éducation. Non seulement la loi qui nous est présentée est contraire à l'intérêt public, mais est aussi contraire aux intentions de la population.

Il y a eu un sondage dont parlait brièvement le député de Rouyn-Noranda tantôt, un sondage CROP, qui disait que certes le public serait d'accord sur une loi spéciale, mais deux nuances majeures s'imposent. Les voici: D'abord, une telle mesure serait appuyée en cas de grève générale. Je ne pense pas que nous ayons une grève générale actuellement. C'est la première condition pour que, selon le sondage CROP, la population soit d'accord sur une loi spéciale.

La population aurait accepté, peut-être, une loi spéciale comme celle présentée seulement si, par hasard, il y avait eu une grève générale. Ce n'est pas le cas.

Deuxième nuance, on ignore quelle faveur au-

rait une telle loi au cas de journées d'étude spora-diques. Ensuite, même en cas de grève générale, la majorité est à peine favorable à la mesure d'exception. Alors, même s'il y avait une grève générale, ce qui n'est pas le cas, seulement 49% des citoyens, selon le sondage, auraient été en faveur d'une loi spéciale alors qu'une partie importante de l'opinion publique, c'est-à-dire 43% des citoyens, même s'il y avait eu une grève générale, étaient contre une loi spéciale.

Je pense que le gouvernement devrait tenir compte de ce sondage CROP. A peine 49% étaient d'accord sur une loi spéciale, et 43%, même avec une grève générale, n'étaient pas d'accord sur une loi comme celle qu'on nous présente aujourd'hui.

Troisièmement, la faveur exceptionnelle qui est accordée à la nomination d'un arbitre; c'est ce que je propose aujourd'hui comme façon de remplacer le projet de loi actuel pour atteindre les objectifs de ce projet de loi.

Eh bien! même si 74% de la population désirent un arbitre ou un médiateur pour régler le conflit, le gouvernement nous arrive avec une loi spéciale pour enlever la possibilité d'un médiateur.

Même à l'intérieur du front commun, 77% des gens acceptaient un médiateur. Est-ce qu'on va me dire, ce soir, que le gouvernement présente un projet de loi qui correspond aux voeux de la majorité des Québécois? Je dis non et le gouvernement aura à s'en repentir si cette loi est adoptée telle que présentée actuellement.

Il est absolument impensable qu'on crée un système pour montrer ses muscles alors que la majorité des citoyens du Québec est contre un tel projet, de même que ceux qui ont vécu pendant six ans avec un décret et à qui on a imposé un système d'enseignement qui n'avait pas été négocié et une méthode de travail qui n'avait pas été négociée. On leur impose une troisième fois un système et des conditions de travail qui ne seront pas négociés.

Je dis qu'accepter la nomination d'un médiateur plutôt que trois conseillers, avec des méthodes coercitives, comme dans la loi 23 serait peut-être le seul moyen pour les députés libéraux de discréditer les informations voulant que ces derniers aient poussé le gouvernement à étirer les négociations le plus longtemps possible, non pas pour améliorer la qualité de l'enseignement, mais dans le but avoué de casser le syndicat.

Et il est très grave que cette loi ait exactement l'objectif qu'elle atteint, c'est-à-dire de vouloir casser le syndicat.

Avec une politique d'affrontement continuel du syndicalisme au Québec, le gouvernement est en train de diviser la société en deux groupes qui ne peuvent plus se regarder avec confiance. C'est contraire à un gouvernement réellement social-démocrate.

Au lieu de s'affronter, des gens qui naturellement devraient être des partenaires du gouvernement, c'est-à-dire les syndicats, les patrons, les coopératives, le capital, ils devraient être ensemble, avec le gouvernement, se concerter sur une politique à long terme de développement économique où on donnerait aux syndicats les mêmes objectifs que doit avoir le Conseil du patronat et ensemble, au lieu de s'affronter, on essaierait de trouver des solutions de bonne entente avec des objectifs communs. Au contraire, on ne cherche, depuis le début, qu'à discréditer le syndicalisme, qu'à susciter un affrontement avec le syndicat et montrer aux citoyens, en essayant de les leur prouver, tous les mauvais côtés du syndicalisme.

Comment voulez-vous que les travailleurs puissent se faire défendre quand l'arme principale de la défense des travailleurs et des syndicalistes est bafouée par le gouvernement qui devrait plutôt penser que le syndicalisme est une solution pourvu qu'il soit considéré à sa juste place dans la société? Or, ce n'est pas ce que fait le gouvernement actuel.

M. le Président, la médiation est la seule solution pour régler le problème actuel dans le domaine des négociations. Il y a d'autres raisons, M. le Président. La population, qui assume le coût financier du résultat des négociations, a droit à une information complète et objective. Ce droit avait été indiqué très clairement au ministre de l'Education par le Conseil supérieur de l'éducation dans ses avis du 12 décembre 1974 et décembre 1975. Le conseil avait clairement énoncé le principe qu'il ne fallait pas attendre le moment d'un affrontement total pour fournir au public l'information pertinente sur les négociations, car il devient alors difficile pour les citoyens de percevoir les véritables enjeux qui touchent souvent à la fois les domaines professionnel, économique, politique et éducatif.

Il est aussi difficile de juger objectivement la situation, vu qu'ils sont inquiets et tendus eux-mêmes. C'est exactement ce qui s'est produit. Les parties en présence ont commencé de s'échanger publiquement des tonnes de statistiques souvent basées sur des critères bien particuliers selon le point de vue que l'on veut prouver. La population est prise entre deux feux et se retrouve complètement perdue devant toute cette publicité subjective. Le médiateur, de par sa fonction même, serait obligé de colliger toutes ces données contradictoires et, la tête froide, il pourrait faire ce que la population ne peut pas faire, actuellement, c'est-à-dire départager le vrai du faux et établir enfin des bases de comparaison valables pour que le jugement populaire sur la valeur des principes en jeu puisse avoir lieu.

M. le Président, le Conseil supérieur de l'éducation parlait ainsi au ministre de l'Education du droit du public à une information complète et objective: a)le conseil incite les parties patronale et syndicale à éclairer pleinement la population sur leurs positions respectives; b) invite les media d'information à assurer à la population une information complète et objective. Il ne faut pas attendre le moment d'un affrontement total pour fournir au public cette information.

Il devient alors difficile pour les citoyens de

percevoir les véritables enjeux qui touchent souvent, à la fois, les domaines que je mentionnais tantôt: professionnel, éducatif, économique et autres.

Le conseil considère que, dans la situation présente, les représentants des parties syndicale et patronale ont la responsabilité sociale d'éclairer la population sur leurs positions et de présenter clairement les vrais enjeux du débat et non d'étroites considérations partisanes et idéologiques. Il serait regrettable que les parties plongent la population dans un état de confusion et d'insécurité en forçant son adhésion par la démagogie et l'utilisation de divers moyens de pression.

En informant bien le public, les média forcent, en quelque sorte, les parties syndicale et patronale à reconsidérer, au besoin, leurs positions, à les rendre plus acceptables et à s'engager vraiment dans la voie des négociations plutôt que dans celle des affrontements. Les présentes recommandations ne visent pas à régler tous les problèmes relatifs à la question fort complexe des négociations collectives, mais permettraient peut-être de faire avancer le débat.

M. le Président, le gouvernement dépose aujourd'hui une loi dans laquelle le retour au travail est obligatoire. Les négociations se poursuivront pendant 80 jours avec l'entrée au dossier d'un commissaire spécial et si les parties ne viennent pas à s'entendre. Le résultat visé par cette loi est atteint beaucoup plus efficacement par la nomination d'un médiateur, à un coût social beaucoup moindre.

M. Charron: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, mais j'invoque le règlement. Je suis étonné qu'une loi qui doit être adoptée d'urgence à cause de la situation ne réussisse pas à attirer plus de députés libéraux à l'Assemblée. Nous n'avons pas quorum.

M. Mailloux: Prenez votre pourcentage. M. Saint-Pierre: C'est 33%.

M. Charron: Alors, fournissez 33% de votre gang et ce sera déjà pas mal.

M. Mailloux: Vous l'avez fait exprès pour sortir, d'ailleurs.

Le Président suppléant (M. Picard): Qu'on appelle les députés!

A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Lafontaine.

M. Léger: M. le Président, j'étais en train de dire que la nomination d'un médiateur est d'un coût beaucoup moins élevé au point de vue social que ce que va coûter justement la nomination des commissaires dans la loi. Je fais référence à un article du Devoir, où le directeur du Devoir parle justement de la différence dans le coût social entre la nomination d'un médiateur comparativement à une loi spéciale. "Las des perturbations catas- trophiques qui frappent sans merci les institutions hospitalières et de larges secteurs du monde de l'enseignement, si le gouvernement s'apprêtait, depuis quelques jours, à déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi décrétant la cessation de toute forme de débrayage et ordonnant la poursuite des négociations jusqu'à la fin de juin prochain, le résultat visé par une telle loi serait atteint beaucoup plus efficacement et à un coût social beaucoup moins élevé si le gouvernement acceptait, au contraire, l'intervention d'un tiers dans les négociations. Une loi spéciale...

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je m'excuse juste une seconde.

M. Léger: ... venant à ce stade-ci serait...

M. Bellemare (Rosemont): C'est une directive que je vous demande, M. le Président. Je voudrais simplement dire au député de Lafontaine que le chef de l'Opposition et le député de Chicoutimi sont en train de manger en arrière.

Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît!

Le député de Lafontaine.

M. Léger: Cela me surprend que le député de Rosemont ait laissé quelque chose à manger aux autres!

M. Bellemare (Rosemont): Oui, oui, oui, heureusement que ce n'est pas toi que je mange.

M. Léger: M. le Président, quand j'ai été interrompu illégalement — comme vous l'avez remarqué, ce n'était pas une question de règlement — j'étais en train de lire un passage de l'éditorialiste du journal Le Devoir, qui expliquait les conséquences et les coûts sociaux que la nomination d'un médiateur apporterait et qui seraient beaucoup moindres que les coûts sociaux que nous apporte la loi actuelle. Je continue à citer le directeur du Devoir: "Une loi spéciale venant à ce stade-ci serait perçue avec raison comme un changement arbitraire et unilatéral apporté aux règles du jeu en plein coeur des négociations. Elle risquerait de donner lieu à des perturbations accrues et, par voie de conséquence, à des mesures de répression supérieures en nombre et en gravité à tout ce que le Québec a pu connaître jusqu'à maintenant. "Il faudrait au moins attendre, si on doit en venir là, que les négociations aient suivi leur cours normal jusqu'à la fin, c'est-à-dire grève comprise.

L'intervention du législateur, à l'exemple de ce qui s'est produit par le passé, surviendrait alors comme un ultime recours. On pourrait la déplorer mais on serait mal fondé d'en nier la nécessité une fois qu'auraient littéralement été épuisés tous les autres moyens."

M. le Président, nous n'avons pas, comme je le disais au début, utilisé tous les moyens. Le projet de loi qui nous est présenté est la fin, le moyen

ultime de ramener au travail les travailleurs de l'éducation, alors qu'un médiateur est une étape qui n'a pas été franchie, étape qui amènerait des coûts sociaux beaucoup moindres puisque tous les partenaires qui vont être soumis au projet de loi qui nous est présenté étaient d'accord là-dessus. Il y a donc une différence marquée entre les trois commissaires présentés par le projet de loi actuel et des moyens coercitifs et un médiateur accepté par tous les partenaires de l'éducation, qui permettrait de ramener au travail d'une façon volontaire tous les partenaires de l'éducation.

M. le Président, pour les raisons déjà énoncées, le retour au travail se ferait également par la nomination d'un médiateur mais de façon volontaire et non coercitive, comme c'est le cas en vertu du projet de loi qui nous est présenté.

Deuxièmement, la médiation s'inscrit naturellement dans le processus des négociations en droit du travail. Elle n'est pas une fin en soi mais une simple étape qui mérite d'être exploitée avant d'en arriver à une mesure plus draconienne comme celle de la loi spéciale qu'on nous présente aujourd'hui, qui n'est, dans le fond, qu'un constat d'échec plutôt qu'une relance des négociations.

D'ailleurs, on peut se demander de quel ordre seront les négociations à venir pendant ces 80 jours si le gouvernement commence par forcer le retour au travail de façon unilatérale. Au stade actuel, M. le Président, les deux parties auraient intérêt à se séparer par un tiers qui pourrait ramener le climat, qui deviendrait malsain à la longue. Le médiateur pourrait relancer la négociation, ramener les gens partenaires de l'éducation dans une certaine entente. Ne faut-il pas appuyer l'idée de créer une entente dans le milieu de l'éducation plutôt que de ramener à des éloignements et à des contraintes et de l'antagonisme?

Troisièmement, M. le Président, à ce stade-ci des négociations, les parties ont besoin beaucoup plus de l'intervention d'un tiers, qui est objectif, qui les forcera à prendre du recul, plutôt qu'une négociation encore plus intense.

Dans le projet de loi actuel, on confie aux commissaires les fonctions d'enquêter sur les questions qui opposent les parties aux négociations dans le secteur de l'éducation, d'entendre les parties et d'examiner les dernières offres et demandes de chacune d'elles, ainsi que l'impact éventuel au point de vue du coût de celles-ci. Le mandat de ces commissaires est, à mon avis, loin d'être clair en ce qui concerne les observations qui pourront être contenues dans le rapport, qu'ils seront tenus de remettre aux parties dans les 60 jours de leur nomination. Ils procèdent également dans une tout autre philosophie que celle qui est inhérente à la notion d'un médiateur.

Un médiateur, M. le Président, après avoir entendu les parties, émet des observations qui sont susceptibles de rapprocher les parties et de relancer sous un jour meilleur des négociations qui achoppaient. J'ai bien peur qu'avec le projet de loi actuel et avec certains des articles, tout ce qui va se produire, c'est que le rapport des commissaires aux différends scolaires ne fera que constater l'écart entre les positions des parties sans indiquer la solution au conflit. Un tel rapport ne ferait que constater ce que nous savons tous déjà. En ce sens, je pense qu'il est incroyable que le gouvernement pense améliorer la situation qui prévaut actuellement avec la nomination de ce genre de commissaires.

Un deuxième point, M. le Président, m'apparaît également inacceptable dans ce projet de loi. C'est le fait que, dans un de ses articles, les commissaires aux différends scolaires soient nommés selon la seule discrétion du gouvernement.

Cet article démontre vraiment le genre de philosophie de relations de travail qui guident celui-ci, dans la présentation de son projet.

A mon avis, M. le Président, il est impensable que les enseignants ainsi que les partenaires gouvernementaux aux négociations n'aient pas leur mot à dire sur qui sera nommé commissaire. Si les enseignants ont confiance en ceux qui entreprendront l'enquête, il se peut que, malgré toutes les autres contraintes générées par le projet de loi, celle-ci porte quelques fruits. Si les commissaires sont imposés aux enseignants — et c'est ce que, je pense, le gouvernement a en tête — ceux-ci se buteront à un mur en partant et aucune crédibilité ne pourra être véritablement accordée à leur rapport.

Un troisième point. La période de 80 jours prévue dans le projet de loi, pendant laquelle les enseignants ne peuvent faire la grève ni diminuer leur rendement, est beaucoup trop longue. Elle nous mène à la mi-juin, date où les classes seront terminées. L'imposition d'un délai aussi long équivaut à enlever complètement le droit de grève aux enseignants, puisqu'une fois l'année scolaire terminée ceux-ci perdent tout pouvoir de négociation auprès des commissions scolaires et du gouvernement. Autrement dit, on voulait casser le syndicat. On ne voulait pas régler le problème de l'éducation, on ne voulait pas régler la qualité de l'enseignement dans le milieu scolaire, on voulait simplement casser le syndicat. L'imposition d'un délai aussi long par le biais de ces articles va à rencontre des principes sous-jacents au Code du travail. Et ce n'est qu'une façon déguisée de faire indirectement ce que le gouvernement n'oserait pas faire de face.

Je pense qu'un gouvernement qui place les enseignants dans un tel état d'infériorité règle peut-être à court terme ses problèmes de négociation en obligeant les enseignants à négocier selon ses termes. Il en crée cependant un beaucoup plus grave pour les années à venir au point de vue de la qualité de l'enseignement prodigué au Québec, soit un climat de travail pourri dans les écoles.

M. le Président, si le gouvernement voulait casser le syndicat, il aura réussi à casser, non pas le syndicat comme tel, mais la possibilité de régler réellement, pour une fois, depuis le bill 25, le domaine de l'éducation, régler la situation. Il avait l'occasion de le faire. Les enseignants, depuis la révolution tranquille, avaient été très heureux de

croire qu'on leur donnait un certain espoir. On avait, dans cette réforme en cascade du système scolaire largement inspirée du rapport Parent, permis d'espérer qu'on réglerait le problème de la qualité de l'enseignement. Les enseignants ont applaudi à la grande charte de l'éducation et ils ont applaudi à la création du ministère de l'Education. Ils ont applaudi un jour à la démocratisation, à l'égalité des chances pour tous. Ils ont applaudi à l'Opération 55. Ils ont applaudi, dans le temps, à la polyvalente, à l'école coopérative et ils ont applaudi au progrès continu qu'on leur promettait, au perfectionnement des maîtres. Bref, on les a embarqués. Ils se retrouvent aujourd'hui dans un nouveau système scolaire plus déprimant et plus répressif que le précédent. Ils sont désabusés face aux terribles exigences de leur métier, en plus d'enseigner à une génération perdue.

Permettez-moi de vous dire que le gouvernement, par son comportement irresponsable à l'endroit des enseignants, est en train de décourager les jeunes à adhérer à cette profession pourtant emballante. On a nettement l'impression que le gouvernement veut la rendre moins attrayante, afin de chasser les éléments les plus compromettants pour l'ordre établi et le système capitaliste. Ainsi la domestication sera plus facile pour les générations à venir, parce qu'ils seront plus bêtes. C'est cela de la récupération et c'est de la même façon que l'on prépare des nonos dans toutes les matières, surtout en histoire, des nonos qui ne savent même pas qui est Louis XIV ou Talon, des nonos qui n'ont aucune espèce d'idée sur ce qui s'est déroulé en 1837 à Saint-Denis ou à Saint-Eustache.

Des nonos qui ne savent plus que c'est d'ici, à Sorel, qu'est partie l'armée de Colborne le 22 novembre 1837 pour aller incendier plus d'un village, M. le Président. Avec le système d'enseignement qu'on refuse de corriger en désabusant les enseignants, en les obligeant à retourner au travail, en leur donnant des méthodes de travail non négociées, on est en train de régler cela.

M. le Président, le gouvernement devrait être conscient que les éducateurs doivent également travailler sur notre plus importante richesse naturelle au Québec, c'est-à-dire nos enfants, nos adolescents québécois. Eux, au moins, n'appartiennent pas aux Américains, M. le Président.

Je pense qu'il faut redonner le pouvoir réel aux véritables artisans de l'éducation, c'est-à-dire les enseignants, les parents et les étudiants. Les progressistes vont-ils réussir? Les artisans de la base vont-ils réussir dans le système qu'on leur prépare avec des lois matraques comme celle-là? Quand on sait que les hauts fonctionnaires ne pensent qu'en termes de ratio, qu'en signe de piastre, qu'en enveloppe budgétaire; quand on sait qu'en fin de compte ils calculent mal, que la preuve est faite qu'ils ne savent pas où placer les priorités, j'espère que les parents à qui on fait croire qu'ils ont un mot à dire dans l'éducation diront, dans les prochaines semaines et les prochains mois, quelle école ils veulent pour leurs enfants. Je suis certain qu'ils ne veulent pas que leurs enfants soient les nonos du système. Je pense qu'on ne le veut pas, et le système actuel est en train d'enterrer vivants les responsables du système capitaliste dans lequel on vit.

Il y a une grande absence dans le projet de loi. C'est l'insertion d'une clause par le gouvernement faisant en sorte que les offres du gouvernement sont immédiatement versées aux salariés qui sont à l'emploi des collèges et des commissions scolaires. Est-ce qu'on veut non seulement les faire entrer à reculons, mais aussi les humilier? On n'a même pas pensé mettre, dans le projet de loi qui les oblige à retourner au travail, au moins les conditions de salaire offertes par le gouvernement. M. le Président, on devrait au moins leur remettre ce que le gouvernement était prêt à leur payer. Je souhaite ardemment que le gouvernement accepte de poser ce geste qui ne tient que de la plus élémentaire notion de justice et d'humanité qui contrasterait avec l'attitude froide et technocratique qu'il a adoptée depuis le début des négociations, il y a maintenant un an.

M. le Président, je pense que la nomination d'un médiateur est une chose essentielle. Je pense qu'il est grand temps qu'on redistribue au ministère de l'Education son budget de départ au lieu de faire une compression budgétaire. Est-ce qu'on réalise que 45% du budget vont en salaire aux enseignants, 43% en salaire au niveau du reste du ministère de l'Education et des commissions scolaires et qu'à peine 12% vont au progrès de l'éducation et pour le remboursement du capital?

M. le Président, je pense qu'il est grand temps qu'on réalise que si on veut atteindre l'objectif premier qui est celui de maintenir les services dans les écoles et sauver l'année scolaire, il ne faut pas qu'on ramène les enseignants dans les écoles par obligation, par une loi. Il faut qu'ils retournent dans les écoles parce qu'ils sauront que le gouvernement, pour une fois, aura compris, qu'on aura répondu à leurs aspirations, non dans les offres salariales, mais dans les offres concernant la tâche de l'enseignant. Pour que l'enseignant ait accepté de modifier ces offres, c'est qu'il était d'accord que le gouvernement pouvait, à l'intérieur d'une négociation, se rapprocher au moins sur un point, c'est-à-dire enlever le ratio et mettre un maximum d'élèves par classe. La CEQ a fait, dernièrement, des pas en avant pour demander de ramener à un niveau peut-être plus élevé qu'au départ...

Le Président: A l'ordre! Voulez-vous rétrécir le corridor, s'il vous plaît? Je crois que vous m'avez compris.

M. Léger: M. le Président, comme un grand personnage l'a déjà dit: Je vous ai compris.

M. le Président, je voulais simplement terminer en disant que le moyen pour atteindre la fin de maintenir les écoles ouvertes et sauver l'année scolaire des enfants, ce n'est pas une méthode coercitive et une loi matraque, mais c'est la nomination d'un médiateur qui permettrait... Le premier ministre semble tout à fait surpris de mon affirma-

tion. J'ai été surpris de voir la surprise du premier ministre qui n'a pas encore compris qu'il aurait pu atteindre les mêmes objectifs par la nomination d'un médiateur...

M. Bourassa: Dans la loi?

M. Léger: Pas dans la loi, mais à la place de ce qui est contenu dans la loi, de nommer un médiateur et toutes les parties vont être retournées au travail...

M. Bourassa: Mais est-ce que le député est au courant?

M. Burns: A la place d'une loi.

M. Bourassa: Non, mais simplement rétablir les faits en vertu de 96, c'est que...

Le Président: Non, non, non, messieurs, à l'ordre s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Bourassa: Le député me permet, M. le Président.

Le Président: Vous avez une question? Vous permettez la question?

M. Léger: Certainement, une question, oui.

M. Bourassa: J'ai demandé au député de Lafontaine s'il est conscient que les chefs syndicaux ont dit que les moyens de pression n'étaient pas négociables, donc que la loi était nécessaire pour permettre de sauver l'année scolaire.

M. Bédard (Chicoutimi): Elle est négociable, elle.

M. Léger: C'est absolument faux que les chefs syndicaux ont dit que la loi spéciale est nécessaire pour sauver l'année scolaire. C'est absolument faux. Mais ce qui est vrai par exemple — et le premier ministre devrait être au courant, il l'est au courant, il n'a pas d'intérêt peut-être à arriver là, il a peur — c'est que la nomination d'un médiateur a été acceptée par la Fédération des commissions scolaires, partenaire du gouvernement, par le Conseil supérieur de l'éducation, qui n'a aucun intérêt dans les négociations, mais qui a intérêt à la qualité de l'enseignement.

Le médiateur est accepté par la CEQ, le médiateur est accepté par le comité de parents et par le Conseil scolaire de l'île de Montréal. Le médiateur est accepté par tous sauf le gouvernement. Le ministre de la Fonction publique nous a passé entre les dents, l'autre fois, la différence qu'il y avait entre un arbitre et un médiateur.

M. le Président, s'il craint que le médiateur amène le gouvernement dans une voie où il ne veut pas aller, cela veut dire que le ministre de la Fonction publique et le ministre de l'Education craignent qu'un médiateur neutre, accepté par les deux parties, ait comme conclusion que la de- mande des enseignants est normale et acceptable. Alors, M. le Président, il craint que cela lui soit présenté. Ce n'est pas la crainte obligatoire, parce qu'un arbitre amènerait une obligation du gouvernement de suivre les recommandations d'un arbitre. Mais un médiateur, cela amènerait une obligation politique et morale, et c'est de cela que le gouvernement a peur, parce que le vrai juge, dans la situation actuelle, c'est la population. Le gouvernement ne veut pas que la population connaisse le point de vue d'un médiateur neutre dans la négociation actuelle, parce qu'il a peur qu'il soit obligé de suivre ce qu'un médiateur neutre apporterait et qui serait beaucoup plus près de ce que demandent les enseignants.

Et, comme c'est un gouvernement qui ne cherche que son image politique, il craint. Je le mets au défi d'accepter un médiateur. Je suis convaincu que tout ce qu'on exige par la loi, les gens de la CEQ, tous les enseignants, tout le personnel de soutien, tous les professionnels retourneraient d'eux-mêmes au travail, sans loi, si le gouvernement nommait un médiateur. J'en suis convaincu et je l'affirme ici.

M. Bourassa: Vous êtes convaincu.

M. Léger: Mais, M. le Président, le gouvernement a refusé de passer par cette étape, parce que l'étape du médiateur est une étape normale dans l'acheminement des négociations dans le secteur du travail. Le gouvernement a passé par-dessus cela. Il n'a même pas suivi les conseils de son conseiller habituel, le directeur du journal Le Devoir, qui lui disait justement qu'il était préférable qu'il y ait un coût social moindre d'avoir un médiateur que d'avoir une loi spéciale. Retourner des professeurs à reculons dans les écoles pour la troisième fois en neuf ans, est-ce que vous êtes capable, malgré que vous passiez une loi avec des amendes de $5000 à $50 000, de vous assurer que ces professeurs auront encore la flamme dont ils ont besoin pour remplir une tâche aussi importante que celle de transmettre des valeurs et les sciences à nos enfants?

Avez-vous l'impression qu'ils vont l'avoir encore, M. le Président? Vous voulez dégrader le climat dans les écoles, vous voulez descendre le niveau de l'enseignement. Tout ce que vous voulez, c'est protéger votre image et que l'ordre soit établi. Et cette loi est la preuve d'un gouvernement rhinocéros qui est prêt à prendre n'importe quoi, de n'importe quelle façon, de façon qu'on rétablisse l'ordre, même si on ne règle pas les problèmes en profondeur.

M. le Président, ce gouvernement aura à vivre avec cette loi spéciale. Et s'il a tellement peur d'un médiateur, il aura à vivre avec cette loi.

Que te premier ministre décrète des élections après cette loi et la majorité des citoyens saura remettre ces pouvoirs entre les mains de ceux qui comprennent comment fonctionne un gouvernement, c'est-à-dire avec la participation tant patronale que syndicale, et avec celle du secteur coopératif et du capital. C'est la réelle social-démocratie.

Le Président: L'honorable ministre d'Etat à l'Education, le député de Chauveau.

M. Bernard Lachapelle

M. Lachapelle: M. le Président, il est tard, mais sûrement pas trop tard pour un gouvernement qui est désireux de prendre énergiquement ses responsabilités, de proposer la mesure qui est devant nous, une mesure qui, je pense bien, répond aux besoins, aux aspirations de tous les Québécois qui sont respectueux de l'ordre, respectueux du bon sens et qui sont soucieux du bien-être de notre jeunesse et de son avenir.

Vous me permettrez, M. le Président, de traiter de façon particulière du niveau collégial, qui est de mon ressort, et d'ajouter ainsi aux observations que formulait plus tôt aujourd'hui, mon collègue, le ministre de l'Education, le député de Crémazie, particulièrement en regard des niveaux élémentaire et secondaire.

D'abord, en février, en compagnie de mes collègues, le ministre de l'Education et le ministre de la Fonction publique, et, plus récemment, il y a douze jours, je faisais part publiquement de ma très grande préoccupation concernant la situation de désordre dans les collèges.

Il y a douze jours, déjà sept institutions étaient dans une situation difficile pour la récupération des jours perdus. C'était, j'en conviens, un cri d'alarme que je lançais. Des collèges avaient perdu, à ce moment-là, jusqu'à trois semaines de cours qu'il faudrait et qu'il faudra reprendre.

La situation s'est, depuis lors, détériorée encore. Une quinzaine de collèges ont maintenant perdu plus de trois semaines de cours et certains auront jusqu'à 25 jours à reprendre. Tous les rapports m'indiquent que pour 51 jours possibles, en moyenne, où les collèges auraient pu donner des cours, les collèges n'ont pu ouvrir que 38 jours. C'était la situation au 26 mars.

A l'heure actuelle, la situation, au 7 avril, montre que, sur 58 jours possibles de classe, la majorité des étudiants des CEGEP n'en a eu que 42. Au rythme actuel des débrayages, la semaine prochaine, les étudiants du réseau collégial perdraient régulièrement une journée sur deux.

Or, non seulement le système d'éducation a-t-il des finalités qu'il faut respecter et qui se traduisent par des choses aussi concrètes que des calendriers scolaires, des sessions d'examens; non seulement les étudiants ont-ils le droit de recevoir l'enseignement; non seulement les adultes qui suivent vaillamment des programmes d'éducation permanente ont-ils le droit de recevoir les cours pour lesquels ils déboursent, de leur poche, les sommes nécessaires; non seulement tout le système se dégrade-t-il de jour en jour, quand les institutions financées par tant d'efforts de la collectivité québécoise, par tant d'efforts des pères et des mères de famille et des étudiants eux-mêmes ne sont plus capables d'atteindre le minimum d'objectifs que cette collectivité leur a assignés, mais nous vivons dans le réseau collégial une situation encore plus dramatique.

Voilà un réseau qui est perturbé, année après année, par une série de crises dont la pire est déjà celle-ci. Voilà un réseau qui, en raison de ces perturbations, risque de voir sa crédibilité difficile à maintenir en ce qui regarde la valeur de la formation de nos jeunes. Et tout ceci alors que les exigences des universités et du milieu de travail, que nous travaillons à mieux discerner, sont très pressantes. Pourtant, j'ai foi, j'ai confiance, M. le Président, en l'essence même de l'institution collégiale, ici au Québec, institution qui fait, d'ailleurs, l'envie des pays étrangers.

Bien sûr, diverses démarches, diverses étapes seront requises pour sauvegarder, pour valoriser davantage cette institution qu'est le CEGEP. Pas ces démarches que charrient cavalièrement ces faux prêtres imbus d'une passion évidente d'imposer leur "crois ou meurs", d'imposer leur forme à eux de dictature de la pensée, mais plutôt des démarches réalistes responsables, qui reconnaissent que l'autorité ne peut être diluée ou morcelée à l'infini sans risque de verser dans une anarchie complète.

M. le Président, je dis que le bon sens a ses limites.

M. Morin: Est-ce que le ministre me permettrait une question, M. le Président?

M. Lachapelle: Non.

M. Morin: J'avais l'impression qu'il voulait exclure toute participation.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Lachapelle: Le projet de loi qui est devant nous en est un de bon sens et il est la première des étapes auxquelles je viens de faire allusion.

Je dis: Cessons de grâce de voir la situation actuelle exclusivement en termes d'une confrontation patronale-syndicale habituelle. Où est le bien de la jeunesse? Que fait-on des prérogatives des parents? Ce sont ces dimensions du présent conflit qu'il nous faut maintenant sauvegarder, et ceci à tout prix.

Nous jouons, au collégial, contre la montre. Une session n'a que 75 jours et les jours d'examen qui peuvent s'y ajouter. Si un collège a perdu quinze jours jusqu'à maintenant, il devra poursuivre sa session dans les premiers jours de juin pour récupérer, et cela pose avec acuité le problème du travail d'été de nos étudiants.

Sur ce sujet, j'ai déjà demandé aux officiers du ministère les mesures que nous pouvons adopter pour ne pas faire payer aux étudiants le prix du conflit de leurs enseignants, car déjà les étudiants ont trop payé la note de ce conflit. Les mesures toucheront, vraisemblablement, les calculs utilisés dans les prêts et bourses.

Cependant, la situation ne se limite pas au seul nombre des jours perdus officiellement. Le vandalisme, les harcèlements, les arrêts de travail de courte durée, les réunions pédagogiques impromptues, les cours rognés au début et à la fin,

les accélérations inventées de toutes pièces pour soi-disant rattraper le temps perdu et qui se font au détriment de la compréhension qu'ont les étudiants, les condensations superficielles au-delà d'un certain point critique et qui vont contre le bon sens des éducateurs, mais surtout le climat de désorganisation qui règne, à l'heure actuelle, dans nos CEGEP comme dans les commissions scolaires, tout cela est plus grave et porte plus atteinte encore, si c'est possible, aux objectifs que poursuivent les maisons d'enseignement.

Que dit-on à l'étudiant qui a préparé l'examen qu'on lui avait annoncé et qui n'aura pas lieu? Que dit-on à l'université qui demande si les apprentissages ont vraiment eu lieu? Que dit-on à l'employeur qui veut savoir si l'étudiant est capable de remplir les tâches qui lui sont données? Que dit-on aux corporations professionnelles qui doivent, sur la foi de nos diplômes, accorder les droits de pratique et que dit-on aux parents, aux pères et mères de famille qui s'imposent d'immenses sacrifices, tout ceci pour leurs enfants?

Les pédagogues les plus sérieux soutiennent, et à bon droit, qu'il n'existe pas de durée absolue pour un cours donné. Tout tient dans les objectifs poursuivis, dans la profondeur et la densité d'activités d'apprentissage.

On dit même, et on le pratique, qu'on peut perdre quelques périodes et se rattraper par la suite.

Par contre, dès le moment où les objectifs d'un cours sont contenus, ses moyens d'évaluation et sa durée sont fixés, on vient de couper court à l'adaptation temporelle et substantielle.

En fait, personne ne conteste qu'un cours de 30 périodes sur un sujet donné ne peut être équivalent à un cours de 60 périodes sur le même sujet. C'est dire que, lorsqu'on modifie de façon sensible la durée d'un cours, on altère son contenu et on change le cours. Prétendre le contraire serait de l'imposture.

Il y a des limites à ce que l'on peut attendre de la merveilleuse souplesse de la pédagogie, mais il y a plus sérieux.

Le professeur peut bien choisir de rattraper quelques périodes en augmentant sa vitesse ou en laissant de côté des aspects qu'il juge secondaires dans les circonstances. Mais l'étudiant moyen, celui qu'on retrouve dans les collèges d'aujourd'hui comme dans ceux d'hier, peut-il faire preuve de la même virtuosité? On peut en douter.

Quel prix l'étudiant paie-t-il pour l'accélération du cours? Comment réussira-t-il le cours qui fait suite à celui qui a été bousculé par les turbulences répétées?

Par ailleurs, l'autonomie qu'ont ou réclament les collèges n'est pas synonyme d'indépendance, ni de liberté totale. L'autonomie responsable, au sens de gouvernement responsable, exige que les collèges soient en mesure de rendre des comptes. Pour ce faire, ils doivent évaluer la situation et dire si l'enseignement qu'ils dispensent correspond à l'annonce qu'ils en ont faite dans les plans de cours détaillés qu'ils remettent à leurs étudiants au début de chaque session.

C'est le collège qui peut évaluer si les conditions d'apprentissage ont été suffisamment respectées pour que le cours ou le crédit conserve son sens.

Les collèges qui veulent conserver leur crédibilité ont une tâche délicate et difficile à accomplir et c'est sur cette crédibilité que s'appuie ma décision d'émettre un diplôme d'études collégiales lorsque le collège le demande.

Or, je dois bien le dire, les décisions courageuses que certains administrateurs de collège voudraient prendre ou devraient prendre sont rendues impossibles par les conditions qui prévalent dans chacune des institutions où souvent les administrateurs, tout comme les étudiants, sont pris comme otages dans le cours des événements.

Il est évident que nous devrons aussi mettre bon ordre à cette situation. L'évaluation de la situation présente met en évidence la nécessité d'éviter les pertes inutiles qui ne feraient qu'aggraver la situation. Elle démontre qu'il n'y a pas d'intérêt à plier jusqu'à ce que la tête prenne racine.

Comme ministre responsable de l'enseignement postsecondaire, j'ai le devoir, suivant la loi, de prendre les mesures pour sauvegarder l'année scolaire, la valeur des diplômes et la crédibilité des institutions.

Si la situation actuelle avait persisté, M. le Président, je ne pourrais pas en mon âme et conscience parapher cette année, comme la loi m'y autorise, les diplômes du niveau collégial. J'ai aussi le devoir, avec mes collègues, le ministre de l'Education et le ministre de la Fonction publique, de chercher un règlement négocié pour les syndiqués qui travaillent dans le secteur de l'éducation. C'est ce que cette loi doit permettre et elle le permet, tout comme elle permet de continuer normalement les négociations. Autant je suis prêt avec mes collègues à négocier les conditions de travail du personnel du réseau scolaire, autant j'affirme bien haut que si le harcèlement, la désorganisation ne sont pas négociables, comme le dit le syndicat, la qualité des diplômes que cet Etat reconnaît ne se négociera pas non plus.

Ce projet de loi qui est devant nous permet donc de retrouver une situation moins chaotique dans le réseau de l'éducation et permet également de parvenir aux ententes nécessaires par les mécanismes prévus dans la loi. A ce moment, M. le Président, il s'agit de sauvegarder les institutions collégiales, de sauvegarder l'année scolaire. Il s'agit également de sauvegarder le bien-être de la jeunesse, le bien-être des parents. Croyez-moi, M. le Président, nous ne laisserons aucun appétit égoïste saboter ce que la société québécoise a de plus cher.

Des Voix: Vote!

Le Président: Est-ce que je dois mettre aux voix.

Le député de Saint-Jacques

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, j'ai eu l'occasion, en intervenant sur la motion qui nous oblige à siéger de cette façon sur une loi qui concerne l'avenir des jeunes Québécois pour les trois prochaines années et en intervenant de même sur la motion du chef de l'Opposition dont l'Assemblée a disposé, de vous signaler comment j'estimais que le dépôt d'un projet de loi spécial aujourd'hui intervenait à un moment où le gouvernement n'avait vraiment pas rempli toutes les responsabilités qui étaient les siennes dans le dossier actuel.

C'est l'occasion, en deuxième lecture maintenant, de vous faire part de mes remarques sur le contenu du projet de loi no 23 lui-même. Puis-je vous dire, M. le Président, qu'à l'instar de la loi 22 d'il y a quelques années, qui se voulait la solution aux problèmes linguistiques du Québec et qui avait été présentée d'une manière aussi frauduleuse que celle que j'ai entre les mains, je peux faire la même comparaison sur celle-ci?

Celle-ci se veut la solution pour rétablir la paix scolaire en l'année 1975/76 après tout le laisser-faire et le laisser-aller du gouvernement dans le dossier actuel. Mais elle veut plus que cela, elle est le chemin qui doit conduire au résultat dit négocié de conditions de travail devant régir les travailleurs de l'enseignement au cours des trois prochaines années que nous aurons à vivre au Québec.

Examinons un instant le contenu de cette solution gouvernementale que l'on présente d'urgence et presqu'en cachette, ce soir, de l'opinion publique. Prenons-la chronologiquement, M. le Président, c'est-à-dire au libellé des articles l'un après l'autre. Première mesure que contient ce projet de loi, contenu même dans les notes explicatives; abolition du droit de lock-out des collèges dont vient de parler celui que j'ignorais comme ministre responsable de l'enseignement collégial et le ministre de l'Education que je ne savais pas mêlé au dossier jusqu'à son intervention cet après-midi.

L'un comme l'autre, M. le Président, souscrivent à l'abolition du droit de lock-out. Vous me direz, vous qui avez vu plusieurs lois passer dans cette Assemblée, que l'hypocrisie l'imposait. Effectivement, avant de retirer à des travailleurs un droit de grève reconnu, le minimum de décence lorsque l'on est hypocrite, c'est de faire semblant de le retirer au patron en même temps, ce dont s'acquitte le gouvernement dans l'article 2 du projet de loi.

Mais j'y vois plus, M. le Président. Non seulement de l'hypocrisie, mais en même temps aussi, peut-être, le signe que le gouvernement procède à une certaine vengeance à l'égard de ses partenaires patronaux qui n'ont pas été fidèles et qui se sont même permis, à l'occasion, tout au cours des négociations auxquelles on veut mettre fin ce soir, d'exprimer certains avis contraires à la politique gouvernementale.

J'imagine que le député de Crémazie, nouveau ministre de l'Education, qui commence à s'intéresser au dossier des négociations dans le secteur dont il est responsable, a certainement pris connaissance, à l'occasion, que la Fédération des commissions scolaires n'approuvait pas toutes les politiques gouvernementales. Comme elle avait souscrit à la demande d'un médiateur dont parlait tout à l'heure le député de Lafontaine. Celui qu'on dit responsable de l'enseignement collégial, et qui vient de s'évaporer, avait aussi certainement pris conscience que certains collèges d'enseignement général et professionnel n'approuvaient guère le contenu des offres patronales offertes à leurs enseignants. Donc, hypocrisie et en même temps petite vengeance de circonstance, M. le Président: article 2, abolition du droit de lock-out.

Mais la substance de la loi, celle qu'a soutenue le ministre de l'Education qui la parraine temporairement, c'est l'abolition du droit de grève des travailleurs de l'enseignement et des syndicats mêlés à l'éducation. Abolition du droit de grève. Ne "farfinons" pas plus loin que cela. Il faut savoir lire entre les lignes d'un texte de loi. Quand on dit aux travailleurs de l'enseignement qu'ils n'ont pas le droit de faire la grève pendant 80 jours, et quand on met cet avis sous forme de loi, le 7 avril d'une année scolaire, il faudrait être imbécile ou être back-bencher pour ne pas comprendre qu'il s'agit d'une abolition pure et simple du droit de grève dans la négociation actuelle.

Il y a plus, M. le Président, il y a plus. Le retard ou le report du droit de grève et de son exercice à juin prochain équivaut, à toutes fins pratiques, à la fin de l'année scolaire 1975/76 dans les conditions où elle s'est déroulée depuis septembre dernier. On parle frauduleusement, dans ce projet de loi, de négociations forcées. On invite maintenant les travailleurs de l'enseignement à se rendre à la table de négociations où, à plusieurs reprises, comme l'a signalé le député de Lafontaine en faisant la nomenclature chronologique de cette négociation, c'est la partie patronale qui a fait faux bond lorsqu'il s'agissait de se présenter et de discuter. On oblige les travailleurs de l'enseignement à se présenter à une table de négociation où on les a auparavant désarmés, édentés, et où on les convie simplement à prendre connaissance des propositions gouvernementales.

Est-ce que c'est une négociation et est-ce que c'est un cheminement vers un résultat signé et négocié que d'inviter des travailleurs à se départir, avant de rentrer à la table, de tout pouvoir de pression? Si les travailleurs de l'enseignement ont procédé à un harcèlement, dans certains cas, à des grèves dans d'autres endroits, c'est qu'il s'agit pour eux comme pour n'importe quel autre travailleur de la société québécoise du moyen ultime, mais en même temps unique, qu'ils ont d'influencer leur patron dans les offres qu'ils viennent de déposer.

Ce qu'on leur dit maintenant, c'est que le gouvernement les invite à négocier mais sans armes, sans outils, sans pouvoir de pression. Autrement dit, les syndicats se présenteront à la table, n'auront aucun pouvoir de pression sur le gouvernement autre que de dire: Nous n'approuvons pas ceci ou nous n'approuvons pas cela.

Cela ne m'étonne pas, pour avoir observé de-

puis six ans, que ce gouvernement d'en face considère ultimatum et négociations comme synonymes. Parce que c'est un ultimatum qui est contenu dans le projet de loi actuel. C'est une abolition pure et simple du droit de grève. Et quels que soient les rappels justiciers que faisait le ministre de l'Education, qui est d'ailleurs beaucoup plus à l'aise dans ce rôle que dans celui de responsable de l'éducation du Québec, au respect intégral de la loi, il devrait savoir qu'il modifie par cette loi, en période de négociation, une loi précédente qui reconnaissait aux travailleurs de l'enseignement un droit de grève formel, comme à n'importe quelle autre catégorie de travailleurs du Québec.

Que dire, M. le Président, de cette fumisterie, qui s'appelle les commissaires aux différends scolaires, que comporte le projet de loi actuel et qui est ni plus ni moins qu'un chemin vers le décret? Bien sûr, il fallait se rendre compte que le gouvernement ne pouvait demeurer aussi longtemps insensible à la demande de médiation qui fusait de partout. Il est évident que, lorsque les commissaires, les parents, les enseignants et tous les groupes appelés à se prononcer sur le conflit de l'éducation font, sur un point, unanimité depuis déjà plus d'un mois, celui d'une demande de médiation dans le conflit, le gouvernement devait faire quelque chose pour y répondre.

J'y retrouve, M. le Président, l'esprit même du premier ministre. Je mettrais ma main dans le feu qu'il est à l'origine de cette formule foutaise qui s'appelle le commissaire aux différends scolaires, car, dans l'image Bourassa, il faut donner l'impression de... tout en ne faisant pas que... Il a donné l'impression qu'il apportait dans le conflit un médiateur, se rendant ainsi partiellement à la demande. Je le vois déjà sur les tribunes, je le vois déjà distribuant aux journalistes les cassettes aux fins de propager le fait qu'il s'est rendu à la demande populaire et que le projet de loi comporte des médiateurs. Evidemment, il n'allait pas appeler médiateur ce qui n'était pas médiateur, surtout ne pas accorder à l'Opposition ce que l'Opposition réclamait. Il fallait inventer ce nom bâtard de commissaire aux différends scolaires.

Mais regardons dans le projet de loi, M. le Président, si effectivement c'est se rendre à la demande populaire, telle qu'exprimée par tous les milieux de l'éducation, que d'inventer cette section III du projet de loi no 23, les commissaires aux différends scolaires. J'y retrouve beaucoup plus les observateurs dont Oswald parlait que les médiateurs que tous les membres de l'éducation réclamaient.

M. le Président, vous me permettrez, sans faire référence à l'article précisément, puisque le règlement me l'interdit, de mémoire, de vous dire que les commissaires devront "entendre les parties s'enquérir de l'état des négociations sur tous les aspects significatifs du dossier, examiner les dernières demandes syndicales et patronales, étudier l'impact éventuel de ces demandes et offres au plan des services, des effectifs, du rendement et des coûts". Leur rapport doit faire état de leurs observations sur chacun des sujets. De leurs ob- servations, M. le Président. Ces gens que l'on nommera et que l'on ira puiser, probablement, dans la taille d'avocats libéraux, auront l'occasion, demain, d'observer, pendant une période de 60 jours, des négociations qui n'existeront pas. Ils deviendront observateurs d'une rencontre qui n'aboutira à rien, puisqu'on a départi une des parties de tout pouvoir de pression.

S'ils étaient, au moins, des observateurs à une négociation et si, en plus de cela, après avoir observé la négociation, ils avaient la capacité — voilà donc ce qu'est un médiateur et ce que ne seront pas ces commissaires aux différends scolaires — d'indiquer aux parties et à l'opinion publique le juste milieu, le chemin vers la solution à partir de quoi l'opinion publique pourra se prononcer sur la façon dont l'une et l'autre partie se rend aux suggestions du médiateur; s'il y avait cette possibilité, il s'agirait d'un médiateur. Mais ils vont assister à des rencontres, si rencontres il y a, car il faut bien se demander s'il est encore utile à la partie syndicale de se rendre à une table où elle est absolument dépourvue de moyens de pression. Mais acceptons qu'ils se rendent à la table, qu'ils font semblant de négocier à la mode Oswald Parent et qu'effectivement ils étudient les clauses devant conduire à une négociation collective, que sera l'observateur?

Il sera ce qu'est le ministre d'Etat à l'enseignement collégial, un observateur de ce qui se passe dans le réseau. Il sera ce qu'est le ministre de l'Education depuis le 19 janvier, un observateur de ce que fait Oswald dans les négociations de la fonction publique. Il sera ce que tous les membres de cette Assemblée ont été depuis le début du conflit, des observateurs.

M. Bienvenue: M. le Président...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bienvenue: Une question de privilège et à la fois une question de règlement.

Question de règlement d'abord pour vous prier de rappeler au député de Saint-Jacques qu'on ne peut pas appeler un membre de cette Chambre ni par son nom de famille, ni par son prénom, même si l'effet est agréable et amusant pour les galeries...

M. Charron:... M. le Président, je le reconnais.

M. Bienvenue: Quant à la question de privilège, M. le Président, c'est la quatrième fois, sauf erreur, que depuis cet après-midi je donne ma parole à cette Chambre que j'ai fait plus et beaucoup plus que ce que dit ou insinue le député de Saint-Jacques relativement à mon rôle dans les négociations. En vertu de l'article 99, le député de Saint-Jacques est lié par ma parole. Je comprends que cela peut être amusant pour les galeries, je comprends que cela détend, mais le règlement est là, M. le Président. Tant qu'il est là, je vous prie de le faire observer au député de Saint-Jacques, même au député de Saint-Jacques, comme aux autres députés. Je pense qu'après quatre ques-

tions de privilège sur le même sujet c'est suffisant.

M. Charron: M. le Président, le ministre de l'Education pourra en faire douze s'il veut. Il pourra m'indiquer qu'il a effectivement été mêlé, je prends sa parole...

M. Tardif: Polisson!

M. Charron: Je prends sa parole, M. le Président, en vertu de l'article 99, il a été impliqué dans les négociations depuis le 19 janvier. Mais, alors, de quelle façon? Je pense que le règlement me permet à moi aussi de dire qu'il l'a été d'une façon totalement incompétente. Je dois prendre sa parole qu'il s'est occupé du dossier. Mais j'ai moi-même eu l'occasion de lui demander s'il était pour ou contre un médiateur. Jamais, jamais, depuis le début de la session, je n'ai été capable d'obtenir de cet homme un oui ou un non clair; vous me permettrez quand même de douter qu'il s'en occupait sérieusement. Je prends sa parole, il s'en est peut-être occupé. Mais, alors que la question fondamentale était de choisir un médiateur, je n'étais même pas capable d'obtenir de l'homme responsable de la qualité de l'enseignement au Québec un oui ou un non; il le faisait d'une façon totalement incompétente. C'est un aveu d'incompétence qu'il vient lui-même de faire. Faites-en six questions de privilège. A chaque fois que vous en faites une, vous nous affirmez carrément que dans ce dossier vous avez été d'une nullité complète et que vous le demeurez. Continuez à vous en occuper, si vous le voulez, M. le Président, je prends la parole...

Le Président: A l'ordre! Cet aparté étant terminé, revenez à la deuxième lecture du projet de loi.

M. Charron: II y aura des apartés, M. le Président, quand il y aura des questions de privilège.

Le Président: Ecoutez, dans les limites du débat quand même. D'accord?

M. Charron: Très bien, M. le Président. Je dis que la solution du commissaire aux différends scolaires que contient le projet de loi n'est qu'un trompe-l'oeil. Il ne conduira en rien à un dénouement négocié que chacun des membres de l'Assemblée, lorsqu'ils interviennent littérairement, se disent prêts à souhaiter pour l'avenir scolaire au Québec. Ces commissaires et ce que serait un médiateur dans ce domaine, ce sont deux choses tout à fait différentes. Nous le verrons bien dans les trois heures auxquelles nous contraint la motion adoptée cet après-midi, pour étudier toute cette loi, article par article; vous vous en rendez compte, M. le Président.

L'Opposition remplira son rôle même à l'intérieur de ces trois heures. Nous proposerons des amendements, entre autres — j'en préviens le député de Crémazie, désormais attaché au dossier — à l'article 10. Nous proposerons des amendements et nous verrons vraiment enfin, par un oui ou par un non de sa part — s'il participe aux travaux de la commission, bien sûr — s'il est en faveur d'un médiateur. Nous verrons, M. le Président, lorsqu'il se prononcera, lorsqu'il invitera ses collègues à voter selon son dire. Nous l'aurons enfin la réponse du gouvernement à savoir s'il est prêt à accepter un médiateur dans le dossier. Mais un commissaire observateur aussi impartial et je dirais aussi impuissant que chacun des membres de cette Assemblée l'ont été depuis le début des négociations ne correspond en rien à un cheminement vers une solution. Cette loi est un chemin vers un nouveau décret.

Elle porte toutes les conditions devant conduire non seulement a un risque de désordre général à cause de son caractère de provocation, mais plus que cela, elle risque de conduire à un troisième décret devant s'appliquer encore une fois sur la tête des enseignants et de là, sur tous les enfants québécois. Ce que les parents québécois doivent apprendre dans le dépôt de ce projet de loi, ce soir, c'est que la dégradation de l'enseignement public auquel nous assistons tragiquement, depuis que ce gouvernement a les reines du pouvoir, se continuera jusqu'à ce que les Québécois se décident à le chasser du pouvoir. C'est la preuve qu'il n'a plus aucun moyen d'intervenir de façon cohérente. Il a passé quatre ministres de l'Education en 6 ans, et aucun d'entre eux n'a été capable de résoudre les problèmes de l'enseignement public autrement qu'en intervenant par des lois spéciales et par des lois matraques. Je sais que plusieurs des députés libéraux ont la bonne fortune de déposer leurs enfants dans les bras de l'enseignement privé, mais il reste encore une majorité de Québécois qui, eux, non seulement sont obligés, mais choississent la valeur d'un enseignement public pour l'ensemble des Québécois et y croient. Ils assistent impuissants, tragiquement, depuis 6 ans maintenant, à une dégradation accentuée d'année en année de la qualité de l'enseignement public. Ce que les parents devront apprendre ce soir, c'est que pour ceux qui souffrent du fait que leur enfant est le 35e ou le 36e dans une classe et qu'il ne peut ainsi recevoir l'enseignement personnel, humain et qualifié qu'il espère pour son enfant, rien n'est réglé. Que pour ceux qui espèrent que leurs enfants recevront l'enseignement de la part d'enseignants qui ne sont pas surchargés d'heures de travail et qui peuvent ainsi leur accorder tout le soin et toute l'attention que nécessite un enfant, rien n'est réglé dans le projet de loi.

Au contraire, M. le Président. Je dis qu'il y a dans ce projet de loi les chances d'un envenimement de la situation et en même temps de l'épuisement progressif de toutes les forces qui ont tenté, bon gré, mal gré, d'influencer le gouvernement vers une solution négociée, chacune de ces forces devant apprendre ce soir que le gouvernement a opposé de l'autre côté une fin de non-recevoir catégorique à ce genre de solution, qu'il a décidé de faire ce que le Conseil supérieur de l'éducation le suppliait de ne pas faire: livrer un combat d'adultes sur le dos des enfants. Cela m'apparaît extrêmement grave, M. le Président.

Vous me permettrez de terminer mon intervention en vous demandant d'ajourner le débat.

Le Président: Je ne crois pas qu'en vertu de la suspension des règles, je puisse accéder à votre demande.

L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Guy Saint-Pierre

M. Saint-Pierre: En prenant la parole, M. le Président, sur la discussion en deuxième lecture du projet de loi no 23, je voudrais faire porter mon intervention sur trois points particuliers.

Le premier est la nécessité d'une intervention de l'Assemblée nationale dans le conflit qui sévit actuellement dans le secteur scolaire.

Le deuxième est l'analyse des démarches et des moyens qui pouvaient être possibles et qui ont pu être évoqués et le troisième est la pertinence de la solution qui a été retenue par le gouvernement.

M. le Président, la nécessité d'une intervention, chacun d'entre nous dans nos comtés, nous l'avons sentie constamment au cours des derniers mois et des dernières semaines. Il était surprenant, cet après-midi, de voir que du côté de l'Opposition officielle on mettait en doute qu'il y avait une situation de crise, une situation d'urgence. Que ce soit au moyen de courrier, au moyen de parents qui sont venus nous visiter, au moyen de rencontres que nous avons eues, plusieurs d'entre nous, avec les comités de parents — Non seulement on a senti que l'école était perturbée, que les étudiants étaient inquiets, que les parents étaient inquiets, mais qu'il y avait là la nécessité de changer le déroulement des choses.

Cette inquiétude des parents vis-à-vis des problèmes de l'école peut avoir des causes multiples. Je n'ai pas l'intention, de faire ce soir un rappel historique de tout ce qui a pu survenir à l'école du Québec. L'école, après tout, est au carrefour de plusieurs des tensions de nos sociétés. Bien que je reconnais au député de Saint-Jacques le droit de penser que l'école ne va pas assez vite, d'autres peuvent penser qu'elle va trop vite. Tous ces problèmes de la société ont bien pu affecter le climat à l'intérieur de nos écoles.

Tout cela pour dire qu'il m'apparaît exagéré de penser que le résultat des négociations est une résultante directe du climat dans l'école et vice versa. Il y a eu, je ne le nie pas, possiblement des erreurs de l'Etat depuis dix ans dans le système scolaire. C'était, après tout, une période où nous avons voulu prendre les bouchées doubles et nous nous devions de prendre les bouchées doubles. Ce fut fondamentalement une oeuvre d'hommes qui ont tenté comme fonctionnaires, comme ministres, comme parlementaires de donner le meilleur d'eux-mêmes et qui ont pu, en cours de route, faire de mauvais choix, prendre de mauvaises routes, mais ce n'est pas une raison pour être aujourd'hui désespérés devant la possibilité d'améliorer l'école publique, en particulier l'éducation que nos enfants y retrouvent.

D'ailleurs, il ne faudrait pas sous-estimer, si l'Etat a pu faire des erreurs, qu'un militantisme syndical, qui m'apparaît dans bien des cas dénué de tout contrôle a sûrement dans bien des cas pu expliquer beaucoup de malaises de l'école. Egalement, il ne faudrait pas sous-estimer le fait que cette croissance très forte de la population scolaire a amené à des postes de direction dans notre réseau, des gens qui, malgré toute leur bonne volonté, ont pu commettre des erreurs sur le plan des relations de travail.

Si je dis tout cela, M. le Président, c'est pour douter que ce soit finalement une question d'argent qui puisse régler automatiquement demain matin les problèmes de l'école et vous suggérer que les problèmes de nos sociétés actuelles, que ce soient des problèmes de foyers désunis, des problèmes de drogue et des problèmes d'autres sortes qu'on rencontre, ont aussi une explication profonde dans la situation à l'intérieur de l'école. De tout cela, cependant, M. le Président, et en particulier des perturbations qu'a connues l'école publique depuis nombre d'années, il nous manque une statistique. C'est cette statistique qui nous dirait le nombre très élevé d'étudiants — tous les députés dans cette Chambre ont pu en rencontrer — qui se présentent à nous cherchant un emploi ou qui, dans des conversations, nous racontent un peu la jeunesse qu'ils ont pu traverser. Le député de Saint-Jacques sûrement en connaît plusieurs qui, à cause des perturbations, que ce soit à l'école polyvalente, que ce soit au CEGEP Saint-Laurent il y trois ou quatre années, que ce soit à l'Université du Québec à Montréal ou ailleurs dans l'ensemble de ce circuit universitaire, sont complètement déroutés; ils ont commencé un cours avec une bonne volonté et se retrouvent devant rien, parce que le système scolaire ne fonctionne pas.

M. le Président, ces statistiques montreraient l'ampleur du problème et montreraient que, face à la situation que nous avons actuellement, on ne peut pas se permettre de se tourner les pouces et d'espérer que, la semaine prochaine, que le mois prochain, les négociations pourraient donner ce qu'elles n'ont pas donné jusqu'ici.

Il y a, bien sûr, un coût pour l'Etat — j'aurai l'occasion d'en parler plus tard — mais il y a des coûts beaucoup plus profonds de vies perturbées parce que, indépendamment de leur ressort, indépendamment de la volonté des parents, on a des enfants qui doivent abandonner la classe et qui sont démotivés puisque leur école a été constamment perturbée. Les perturbations, d'ailleurs, que nous avons eues, contrairement à ce qu'a pu penser l'Opposition officielle, ont été pires qu'une grève générale puisque cela a été une véritable guerre de nerfs. Dans une stratégie bien planifiée — j'ai eu l'occasion de le voir dans mon propre comté — on a utilisé tous les moyens pour réellement exaspérer les parents. On a retourné, à dix heures et demie le matin, dans le milieu de la ville de Longueuil, 3000 étudiants, parce qu'ils n'avaient pas leur carte d'identité; les autobus scolaires n'étaient pas là. On pourrait étendre ces exemples à tout l'ensemble de la province.

Tout cela pour dire que, depuis huit ou neuf mois, nous sommes pires que dans une grève générale; nous sommes dans une politique de harcèlement qui fait — et les statistiques le montrent — que l'ensemble de l'année est gravement menacée et qu'on ne peut pas prendre à la légère la situation dans laquelle nous nous retrouvons. Cela dit, il me semble, cependant, que nous ne devrions pas rejeter du revers de la main les mécanismes que la société a tenté de se donner pour tenter de régler ces conflits qui réapparaissent inévitables, mais qui, dans une société plus civilisée, dans une sooiété où tous les gestes que les individus posent sont mesurés par rapport a leurs conséquences sur l'ensemble de la collectivité, pourraient donner plus de retenue, pourraient donner un plus grand effort pour favoriser des démarches plus pacifiques, au lieu de favoriser des démarches qui ont peut-être un caractère explosif.

Si je dis que ce mécanisme que nous nous sommes donné, la négociation, doit être joué à fond, c'est qu'il m'apparaît — et j'aurais l'occasion de tenter de le prouver — qu'il n'y a pas de panacée à ce problème qui est en face de nous. Les parents, exaspérés de voir l'enfant qui ne fréquente pas l'école, recherchent un peu une fée magique ou un superhomme, quelqu'un qui pourrait régler le problème.

On ne veut pas savoir combien cela coûte, on veut régler le problème. Fondamentalement, il n'y a pas de panacée, tous les gens dans cette salle le savent. Fondamentalement, on ne peut revenir à un sage qui va dire, au Québec, dans ses moindres milieux, dans toutes les relations de travail, aux six millions de personnes: Voici votre part équitable du gâteau.

Il y aura toujours des parts inéquitables, mais le progrès de notre société se mesurera à la façon harmonieuse dont nous pourrons corriger ces erreurs et tenter de donner une chance à tous au cours des années.

Devant ce problème que nous avons actuellement dans le secteur de l'éducation, quels seraient les moyens possibles par lesquels nous pourrions tenter de les régler? Le premier, le plus évident, serait de ne rien faire; de dire que fondamentalement, ce sont les négociations qui doivent régler le problème, et d'espérer que la semaine prochaine donnera de meilleurs résultats que la semaine passée.

Mais cette patience à déjà été atteinte, M. le Président. Voici que nous nous retrouvons aujourd'hui, le 8 avril, et malgré beaucoup d'efforts, peut-être de part et d'autre — je ne veux mettre le blâme sur personne — il faut constater qu'il y a, dans un secteur — et j'aurai l'occasion d'y revenir — absence de progrès qui pourrait nous permettre de penser que la négociation nous donnera des résultats demain.

Il y a également ce rôle qu'on a mentionné, d'un médiateur, d'une espèce de tiers, d'un observateur. Si nous étions dans la Grèce antique, peut-être que nous pourrions trouver un sage qui nous dirait qui a raison et qui a tort.

Mais on se rend bien compte que la nomina- tion d'un tel médiateur, en plus de fausser le jeu réel de la négociation, risque de ne pas donner les bonnes solutions. Peut-être que le médiateur va pencher vers la thèse gouvernementale. Dès lors, le syndicat aurait continué ses politiques de harcèlement, aurait continué de mettre en danger l'année scolaire des étudiants, pour arriver, à la fin, à ne pas accepter le rapport du médiateur.

D'ailleurs, plusieurs éditorialistes, loin du Parti libéral, ont déjà dit: Nous n'avons pas besoin, dans le prochain conflit, d'un observateur, d'un "senteux" qui regarderait ce qui se fait.

Il y a une troisième solution. Ce serait une espèce d'arbitrage obligatoire qui, dans le secteur privé, a pu donner de bons résultats, lorsque les parties sont de bonne foi, mais ne peuvent arriver finalement à un règlement. On dit: Peut-être qu'en confiant cela à un arbitre en qui nous avons confiance, nous pourrions trouver un règlement équitable.

Le problème, bien sûr, dans ce cas-ci, c'est que, dans le secteur privé, l'arbitre, peu importent ses décisions, si elles sont acceptées à l'avance par les deux parties, touchent les succès mêmes des deux parties. C'est-à-dire que dans une entreprise, si l'arbitre est tellement généreux vis-à-vis des employés, il peut risquer non seulement les profits et la rentabilité de l'entreprise, mais le gagne-pain même des employés. De la même façon, dans bien de ces cas, dans le secteur privé, il est possible, après une courte période de temps, de passer le coup du règlement à un consommateur qui va continuer d'acheter un produit.

Mais dans ce cas-ci, nous sommes avec 45% du budget de la province. Il se peut que, dans un sondage, 70% de la population veuillent un arbitre. Il se peut même que les syndiqués, désespérés des lenteurs de la négociation, veuillent aussi un arbitre pour en finir du conflit. Mais le problème, c'est qu'on ne connaît pas l'autre côté de la médaille. On n'a pas dit aux gens: Acceptez-vous les décisions de l'arbitre, même si cela représente 30%, 40% ou 50% d'augmentation de votre taxe scolaire? On veut simplement avoir un arbitre qui sera une panacée pour régler le problème devant soi.

On a déjà dit également — et cela m'apparaît important de le répéter, je pense, pour l'avoir fait avec plusieurs parents; on le comprend très vite quand on a l'occasion de le dire — que dans les démocraties, fondamentalement, 45% du budget d'une province, ceci doit être réglé par ceux qui ont le mandat du peuple de gouverner l'ensemble de la collectivité. Sans cela, à l'extrême, on se reporte un peu à un système que Platon a pu mettre de l'avant, une espèce d'aristocratie qui va décider, au lieu des élus, quels doivent être les choix que la collectivité doit faire.

Après avoir nommé un arbitre dans le secteur des négociations dans le secteur public, on pourrait dire: Nous avons besoin d'un arbitre dans le secteur de l'agriculture. Finalement, on se retrouve avec dix ou douze arbitres qui n'ont aucun mandat de la population, mais qui décident fondamentalement le cadre dans lequel nous devons fonctionner. Pour ces raisons, l'arbitrage m'appa-

raît à rejeter.

Une quatrième façon, M. le Président, ce serait d'acheter la paix. Il y a toujours une façon, en négociations, de régler: c'est d'acheter la paix. Dès le départ, en septembre, dire: Qu'est-ce que vous voulez? 49 000 enseignants de plus? Nous allons vous les donner.

On peut abdiquer ses responsabilités, mais je pense que, fondamentalement et à long terme, jamais la population ne pardonnerait au gouvernement d'avoir acheté la paix parce qu'il y a toujours quelqu'un qui doit payer les paix qu'on achète.

D'ailleurs, je me permets de faire un simple rappel, et je cherchais tantôt la source exacte. Le chef de l'Opposition n'était pas parmi nous à cette époque mais, vers le 15 octobre ou le 16 octobre 1970, nous avions un conflit au Québec. C'était le conflit des médecins qui voulaient quitter la province parce qu'on prétendait que le gouvernement n'était pas assez généreux dans la négociation.

A l'époque, d'ailleurs, le Dr Laurin, qui était le chef du parti séparatiste, nous avait même dit: Peut-être devriez-vous ajouter $20 millions, c'est-à-dire $300 millions au lieu des $280 millions que le gouvernement offrait. Je ne peux pas faire de la politique partisane, mais je demande sincèrement aux parlementaires qui sont ici: Avez-vous l'impression qu'en octobre 1970 le gouvernement aurait été justifié de donner suite à la suggestion de l'Opposition pour régler les négociations et de mettre $20 millions de plus?

A l'époque, il y avait plusieurs éditorialistes, il y avait des gens bien pensants et de bonne volonté qui disaient: Peut-être le gouvernement est-il mesquin? Il devrait en donner un peu plus aux médecins.

Mais avec un peu de recul, aujourd'hui, on se rend compte que cela aurait été une trahison, que cela aurait été véritablement dilapider les fonds publics — j'allais utiliser l'expression — de donner $20 millions de plus aux médecins dans ceci.

Une cinquième façon de régler le problème serait un décret. Cela est, je l'admets, une façon qui a déjà été utilisée dans le passé par laquelle on met un point final au conflit et on dit à tout le monde: Rentrez chez vous! Voici vos conditions de travail.

Cependant, il m'apparaît que si on avait recours à nouveau au décret cela serait une profonde erreur et un constat d'échec complet sur le droit de grève dans le secteur public.

Si on doit avoir cette fois-ci un décret, je pense que cela nous prendra, également, le courage le lendemain de proposer à cette Chambre de retirer le droit de grève dans le secteur public. Car si on donne, d'une part, le droit de grève dans le secteur public et que constamment on doit procéder par décret à chaque fois parce que le bien commun est menacé dans le secteur des hôpitaux, dans le secteur scolaire, je pense qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans cela.

Il y a une sixième solution, et je pense que c'est essentiellement celle du projet de loi qui est devant nous et c'est sur ces principes que je voudrais parler, c'est-à-dire accorder trois choses: premièrement, une période de répit. Celle-ci limite les droits, je l'admets, des deux parties intéressées. La partie patronale, par le biais de commissions scolaires ou de CEGEP, ne pourra faire de lock-out. La partie syndicale est limitée en ce qui touche son droit de grève. Donc, une période de répit qui a l'avantage de sauver l'année scolaire d'étudiants qui est gravement compromise.

Un deuxième élément de cette solution est de jeter un peu de lumière dans ce qui est très confus. On rencontre des parents et, malgré que les média aient largement fait état des positions des deux parties, on est surpris de voir l'absence de connaissances des parents sur les éléments du conflit.

Ils savent que les enfants ne vont pas à la classe. Mais on leur demande: Trouvez-vous raisonnable, au secondaire, que le gouvernement demande 18 heures par semaine de présence au cours alors que la partie syndicale juge que toute offre qui dépasse quinze heures par semaine devant les élèves est quelque chose de rétrograde?

Evidemment, la plupart des parents l'ignorent. Donc, un deuxième élément, jeter de la lumière, de façon objective, regarder les deux parties et, dans une période de 80 jours, donner les résultats de cette opération qui aura permis de jeter de la lumière sur les problèmes qui empêchent une solution négociée.

Troisièmement — et c'est très important — poursuivre la négociation parce que, fondamentalement, c'est la négociation qui nous permettra d'arriver à une solution dans ceci.

Le projet de loi que nous avons devant nous ne met pas fin à la négociation. Le projet de loi que nous avons devant nous nous dit qu'à cause du bien commun il faut cesser, d'une part, les lock-out qui ont duré, dans certains cas, huit ou neuf semaines et qui affectent grandement, c'est évident, les chances de succès scolaire de jeunes de la Mauricie qui sont un peu les victimes dans tout ceci. On dit également aux professeurs qu'il faut cesser cette guerre psychologique, ce kidnapping intellectuel qu'on fait dans nos écoles par les temps qui courent et tenter de négocier à une table les différends qui peuvent nous opposer.

M. le Président, vous me permettrez, brièvement, de revoir la position gouvernementale dans le conflit puisque les gens de l'Opposition y ont vu la raison profonde du malaise dans lequel nous nous retrouvons.

Les mécanismes sont de plus en plus complexes depuis 1968 dans la négociation du secteur public. Il faut se rappeler qu'avant nous n'avions pas de conflit, il est vrai, sauf dans de très grandes villes, mais souvent c'était en faussant la justice sociale dans ses éléments mêmes que nous l'avons fait.

Il s'agit de se rappeler les salaires dérisoires que les petites commissions scolaires pouvaient payer à des enseignants dans des coins comme l'Abitibi, la Gaspésie, la Côte-Nord, où souvent on donnait à peine $2000 ou $3000 par année à des enseignants et des différences très fortes de salaire aux gens des régions plus fortunées.

Depuis 1968, cette négociation centrale au niveau provincial amène, bien sûr, beaucoup de dif-

ficultés. Il y a beaucoup de roues d'engrenage, il y a beaucoup de gens qu'il faut mettre à la fois du côté patronal et du côté syndical, d'accord, avant de pouvoir même se parler.

On sait que les protestants peuvent avoir un point de vue sur le salaire, sur la tâche de travail; on sait que les catholiques peuvent avoir des points de vue contradictoires. Il faut essayer, des deux côtés de la table, de faire s'entendre tous ces gens pour pouvoir après en discuter. On se sent un peu impuissant devant tous ces mécanismes fort complexes, mais fondamentalement il faut se rappeler, et plusieurs études l'ont montré, que depuis le début de la révolution tranquille, il n'y a pas eu un seul groupe au Québec qui a eu en moyenne des gains de rémunération aussi élevés, aussi forts que les enseignants. Qu'on compare le salaire versé au début des années soixante par rapport aux salaires qui sont offerts par la partie patronale et je défie l'Opposition officielle de trouver un groupe dans la société qui a obtenu en pourcentage des gains aussi élevés que les professeurs.

Comment peut-on parler d'un mécanisme qui tend à faire de la répression contre les professeurs? J'ai peine à le croire. D'ailleurs, M. le Président, la façon du gouvernement d'aborder le problème n'en est pas une de loterie ou de jeu de roulotte. Qu'a fait le gouvernement dans tout cela? Il a eu connaissance d'une équation qui m'apparaît fondamentale dans notre société: c'est que les augmentations de salaire — et cela joue dans tous les secteurs — doivent égaler les gains de productivité de la collectivité plus l'augmentation du coût de la vie. Lorsqu'elles sont moindres, ce sont les employés qui se sont fait jouer, mais lorsqu'elles sont plus élevées on sait qu'il y a quelqu'un qui va avoir à payer un peu plus tard le long du chemin. C'est la monnaie qui aura de la difficulté, nous aurons de la difficulté à demeurer concurrentiels vis-à-vis des marchés étrangers. Il y a quelqu'un qui aura triché un autre dans la société. D'ailleurs, même dans la dernière convention, on retrouvait, dans les augmentations de salaire consenties, qu'on avait prévu 2,5% par année de gains de productivité que les employés du secteur public ont touchés plus, bien sûr, une formule d'indexation complète à l'augmentation du coût de la vie. Or, on sait que les trois dernières années, pour ne parler que de celles-là, les employés du secteur public ont quelque peu triché l'ensemble de la collectivité puisque nos gains de productivité n'ont pas été, tel escompté, de 2,5% par année, mais beaucoup plus faibles.

Cette fois-ci donc, après une analyse pour tenter de déceler des secteurs qui auraient besoin de rattrapage, comme les infirmières, certains corps de métier où des ajustements étaient nécessaires, nous avons essentiellement tenté de regarder cette approche de façon très rationnelle.

Il n'était pas question d'offrir à la table de négociations 0 pour tenter de régler à un peu plus que 0. On l'a fait rationnellement et on a dans un processus, ratifié des sommes d'argent qui semblaient nous permettre une liaison, un équilibre entre d'autres tâches dans le secteur privé, mais on a fondamentalement tenté, pour les gens du secteur privé, de respecter ceci: gains de productivité plus augmentations du coût de la vie donnent augmentations de salaire.

D'ailleurs, c'est ce qui est frappant par rapport à la négociation de 1972, car le Parti québécois nous dit: Le gouvernement ne veut pas réellement négocier. On nous a répété, une propagande syndicale nous a dit: Le gouvernement est coupable, il ne veut pas négocier, il veut faire cela dans notre dos. Or, il est surprenant que la même approche rationnelle que nous avons utilisée dans les Affaires sociales, dans la fonction publique et dans l'enseignement a donné, vis-à-vis des syndiqués de ces secteurs, des résultats très différents: 50 000 personnes syndiqués avec un syndicat et un exécutif dans le secteur de la fonction publique ont signé au début de décembre sur des offres qui fondamentalement respectent l'équation que je vous ai donnée tantôt.

On comprend mal pourquoi un syndiqué et son syndicat dans le secteur de la fonction publique, pour un corps de métier, par exemple, électricien à Saint-Georges-de-Beauce, ont accepté comme équitable et raisonnable une offre du gouvernement alors que le même électricien qui est dans le soutien scolaire prétend par la bouche de ses chefs syndicaux qu'il s'agit là d'une insulte au travailleurs du Québec.

Il y a là, il me semble, M. le Président, matière à réflexion et beaucoup de points d'interrogation. D'ailleurs, au niveau des Affaires sociales, s'il n'y a pas eu un règlement, il faut tout au moins admettre — et c'est un fait bien connu — que la table de négociations a donné beaucoup plus de progrès, qu'il y a eu là un effort véritable de la part de toutes les personnes concernées pour tenter de régler le problème.

On sait que, fondamentalement, ce qui bloque et empêche un accord, c'est ce qui touche la mobilité du personnel. On a exagéré en disant qu'on voulait prendre des gens de l'entretien ménager pour les envoyer à la salle d'opération. On sait que le gouvernement tente de faire des progrès, puisque nos ratios d'employés dans le secteur des hôpitaux par rapport aux malades et au nombre de lits sont beaucoup plus élevés que les normes habituelles en Amérique du Nord. On sait que c'est, grosso modo, trois employés dans nos hôpitaux du Québec pour un malade, alors que c'est deux employés en Ontario pour un malade.

Peut-être que, si nous avions deux employés pour un malade, on pourrait, comme collectivité, être plus généreux pour ceux qui doivent travailler à l'intérieur, mais il semble que la stratégie syndicale est un peu l'inverse de tout cela.

M. le Président, brièvement, le coût de l'éducation et les problèmes de l'école publique sont très sérieux. D'ailleurs, les perturbations que nous avons eues dans l'école publique, à mon sens, expliquent dans une large mesure beaucoup des transferts linguistiques que nous avons eus du côté francophone. Elles expliquent également beaucoup l'engouement des parents vis-à-vis de l'école privée. On peut presque comprendre, voyant les perturbations de certaines polyvalentes, que les pa-

rents ne veulent pas envoyer leurs enfants à la polyvalente. D'ailleurs — des enquêtes l'ont montré — la majorité des professeurs eux-mêmes envoient leurs enfants dans le secteur privé. Or, si on analyse le secteur privé, on voit que ce n'est sûrement pas parce que la tâche y est moindre ou qu'il y a moins d'élèves par classe. La plupart des classes dans le secteur privé, même au niveau secondaire, sont des classes de 34, 35, 36 élèves; ils y sont substantiellement plus nombreux que dans le secteur public. Mais il semble que le climat est meilleur, que la motivation est là et qu'en particulier les gens ne perdent pas leur temps.

Or, ce qui est fondamental devant nous aujourd'hui, c'est que ni les parents, ni les étudiants ne sont intéressés à perdre leur temps dans le secteur public et il faut absolument apporter des correctifs. Il faut se rappeler, M. le Président, que la journée de demain qui, apparemment, sera un débrayage général dans la province de Québec, sur le plan de l'enseignement, nous coûtera exactement $15 millions. $15 millions. Je pense que le député d'Abitibi, qui a toujours de bonnes façons de calculer les choses rapidement, sera d'accord avec moi qu'un budget de $2,8 milliards, plus les $400 millions de taxes scolaires, divisé par les 180 jours de classe que nous avons normalement dans une année, nous donnent, pour chaque année scolaire, $15 millions perdus littéralement, chaque jour. Une semaine de perte, cela doublerait le budget de l'Agriculture.

Je me dis que le Québec n'a pas les moyens de subir des pertes semblables. D'ailleurs, ce qui est tragique dans la situation actuelle, c'est que souvent, dans nos débats, surtout pour nos problèmes d'ordre économique, on trouve facilement des boucs émissaires. Peut-être que les boucs émissaires ont des responsabilités. A l'occasion, on dit: Nos problèmes à nous, les Québécois, ce sont les Anglais. A d'autres occasions, on dit: Nos problèmes à nous, les Québécois, ce sont les grandes entreprises multinationales. D'autres fois, on dit: Nos problèmes à nous, les Québécois, c'est le gouvernement fédéral qui nous joue tout le temps.

M. le Président, cette fois-ci, dans le conflit qui nous intéresse ce soir, dans le conflit de nos écoles au Québec depuis six ou sept ans, je vous assure d'une chose: ce ne sont ni les Anglais, ni les multinationales, ni le gouvernement fédéral qui en sont responsables, parce que c'est une affaire entre Québécois.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est le gouvernement du Québec, c'est ça.

M. Saint-Pierre: L'Opposition a une réponse très rapide, mais je pense qu'elle fait preuve d'un simplisme qui ne serait pas partagé par la population. Peut-être qu'il y a une responsabilité collective qu'on ne peut pas passer à d'autres. Je pense que, fondamentalement, il faut se rappeler la capacité de payer du contribuable avant de juger ce que le gouvernement peut faire dans une négociation. On a évoqué qu'on voulait tuer le syndicalisme. C'est absolument faux puisqu'il m'appa- raît — c'est partagé par l'ensemble de mes collègues — qu'un syndicalisme responsable est un élément essentiel et nécessaire dans toute société industrielle. Mais j'avoue que, voyant les agissements de certains dirigeants syndicaux, j'ai un peu l'impression qu'ils persistent à utiliser une recette de cuisine qui aboutit inévitablement à la destruction du syndicalisme par l'intérieur.

On n'a qu'à regarder les problèmes du syndicalisme dans bien des milieux pour s'apercevoir que l'ennemi n'est pas à l'extérieur, mais à l'intérieur et on voit les résultats que ceci peut donner.

En conclusion, ce soir, il nous faut faire des choix. On ne peut tout simplement pas continuer d'invoquer de grands principes. Il y a au moins deux grands principes devant nous, mais il faut choisir lequel des deux est le plus important. Il y a le principe du droit pour les enseignants de faire des grèves ou de faire du harcèlement, le principe du droit des commissions scolaires à décréter des lock-out.

C'est un principe réel inscrit dans nos lois. De l'autre côté de l'équation, il y a le droit fondamental des étudiants de terminer leur année scolaire et de ne pas perdre, en 1975/76, complètement les efforts qu'ils étaient eux-mêmes prêts à faire ou que leurs parents ont bien voulu faire pour tenter de leur assurer un avenir.

Or, devant cette équation, M. le Président, il me semble que les données du bien commun l'exigent, mais le gouvernement ne veut pas imposer ses volontés, ne veut pas rejeter du revers de la main le principe de la négociation. Il vise fondamentalement l'ensemble de la collectivité, et j'ai la conviction que chacun d'entre nous, retournant dans son comté, aura la preuve de quel côté la population se rangera. La population veut trois choses, et c'est l'essence même du projet de loi. Elle veut une période de répit — un "cooling off", comme disent les Anglais — pour que les gens reprennent leurs esprits et sauvent l'année scolaire, pour qu'on cesse soit les lock-out, soit les harcèlements, soit cette guerre psychologique dans nos écoles surtout publiques, il est intéressant de le mentionner, puisque dans le secteur privé, bien qu'on soit syndiqué, bien qu'il y ait beaucoup de professeurs, il n'y a pas grand-chose qui se passe là.

Deuxièmement, la population voudrait avoir un peu de lumière. Elle a là trois commissaires qui pourront tenter de jeter un peu de lumière sur la position des parties.

Troisièmement, la population demandera aux deux parties de continuer à négocier. M. le Président, je vous soumets que c'est l'essence même du principe qui est devant nous, ces trois conditions, et qui m'apparaît mériter l'approbation, je l'aurais souhaité, unanime de cette Chambre.

Le Président suppléant (M. Picard): Le député de Saint-Jacques sur une question de règlement.

M. Charron: Une question de règlement, M. le Président, en vertu de l'article 96. Je ne l'invoquerais pas si celui qui vient de parler n'était pas mi-

nistre de l'Industrie et du Commerce et donc responsable des subventions aux entreprises.

Je voudrais établir, à partir du calcul qu'il a affirmé, — un peu fantaisiste, il l'admettra avec moi — qu'il a pris le budget total du ministère de l'Education...

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre! M. Charron: M. le Président...

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président suppléant (M. Picard):

Pourriez-vous vous en tenir à l'article 96?

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement!

M. Charron: Vous pourrez intervenir sur mon point de règlement si vous le voulez.

M. Hardy: J'invoque le règlement!

M. Charron: M. le Président, vous m'avez reconnu.

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement parce qu'en vertu de l'article 96...

M. Charron: M. le Président, est-ce que vous m'avez donné la parole ou si le député de Terrebonne peut m'interrompre comme cela?

M. Hardy: Oui, en vertu de l'article 96, le député de Saint-Jacques n'a pas le droit de faire ce qu'il fait.

Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît!... A l'ordre!

Voulez-vous donner l'occasion au député de Saint-Jacques d'expliquer ce qu'il veut rectifier dans l'intervention qu'il a faite? Donnez-lui l'occasion.

M. Hardy: M. le Président...

M. Charron: M. le Président, je voudrais rétablir les faits. Le budget n'est pas de $2,8 milliards, comme le dit le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président suppléant (M. Picard): A l'ordre! Je vais vous lire le règlement.

M. Hardy: Est-ce que vous comprenez ce que le député de Saint-Jacques dit?

Le Président suppléant (M. Picard): Certainement.

M. Hardy: Est-ce que vous avez lu l'article 96?

Le Président suppléant (M. Picard): Je connais l'article 96 et je suis certain que le député de Saint-Jacques le connaît.

M. Hardy: Oui mais voyez-vous qu'actuellement il réplique au ministre?

Le Président suppléant (M. Picard): Donnez-lui donc l'occasion de nous dire en quoi il a été mal interprété par l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Charron: M. le Président, quand le ministre de l'Industrie et du Commerce prend le budget total de l'Education, le divise par 180, nombre de jours scolaires, pour arriver à son chiffre de $15 millions...

Le Président suppléant (M. Picard): Un instant, un instant. Ah non!

M. Charron: ...c'est un chiffre fantaisiste.

Le Président suppléant (M. Picard): Non,non!

M. Charron: J'invoque mon privilège, M. le Président!

Le Président suppléant (M. Picard): Question de privilège.

M. Charron: J'invoque mon privilège parce que le ministre de l'Industrie et du Commerce a trompé la Chambre quand il a affirmé...

Le Président suppléant (M. Picard): Non, non! Il n'y a pas de question de privilège là-dessus. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Hardy: M. le Président, pour les fins du journal des Débats, je voudrais bien que les faits soient rétablis. Le député de Saint-Jacques, avec votre consentement, a violé le règlement. Il a répliqué au ministre de l'Industrie et du Commerce. L'article 96 dit que si on a été mal cité par l'opinant, on peut rétablir les faits. Volontairement, malicieusement, le député de Saint-Jacques n'a pas respecté le règlement et, malheureusement, c'est avec votre consentement.

Le Président suppléant (M. Picard): Est-ce qu'il y a un autre opinant? Le député de Saguenay.

Une Voix: Cela, cela va être bon! M. Lucien Lessard

M. Lessard: Le député de Rosemont peut sortir, M. le Président. Il peut aller lire à la salle de lecture.

M. le Président, vous constatez exactement ce soir, de la façon que les députés libéraux se comportent, pourquoi nous avons tenté de nous opposer à une première motion qui a été présentée par le leader parlementaire du gouvernement.

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président suppléant (M. Picard): Sur une question de règlement.

M. Hardy: M. le Président, il y a une règle fondamentale du règlement qui régit nos travaux qui dit que l'on doit s'en tenir à la pertinence du débat.

M. Lessard: Cela va venir, attendez un peu.

M. Hardy: Justement, ce n'est pas, cela va venir, c'est maintenant.

Il y a eu antérieurement au cours de cette séance une motion pour suspendre le règlement.

M. Lessard: Dont on a disposé.

M. Hardy: La Chambre a disposé de cette motion. La Chambre s'est prononcée majoritairement. Dieu merci, la majorité a encore des droits dans cette province et la majorité a décidé qu'on devait procéder immédiatement à l'étude du principe du projet de loi. Alors, le député de Saguenay n'a pas à recommencer le débat. La Chambre s'est prononcée et, à ce stade-ci, il doit discuter du principe du projet de loi. S'il n'a rien à dire sur le principe du projet de loi, qu'il se taise.

M. Bédard (Chicoutimi): II ne recommence pas le débat, il fait référence à un débat. Réveillez-vous.

Le Président suppléant (M. Picard): J'inviterais le député de Saguenay à s'en tenir strictement au débat de deuxième lecture du projet de loi qui est devant nous présentement.

M, Lessard: M. le Président...

M. Burns: Je m'excuse, M. le Président.

M. Hardy: Imaginez-vous, ils sont six puis ils ne s'entendent pas.

Le Président suppléant (M. Picard): Sur une question de règlement.

M. Burns: M. le Président, simplement une référence à l'article 120; je ne vous le lis même pas, vous le connaissez par coeur, d'accord?

M. Lessard: M. le Président, je vous rappelle en particulier la dernière partie de l'article 120.

Je disais, M. le Président, que nous avons eu l'occasion de disposer ce soir de deux motions. L'une a été présentée par le leader parlementaire du gouvernement et elle suspend un certain nombre de règles alors que nous avons besoin de temps pour discuter d'une question extrêmement importante. Nous avons à discuter de l'avenir des enfants au Québec, de l'avenir de l'enseignement au Québec. Nous étions convaincus que, pour discuter de cet avenir, il fallait un climat sain, il fallait le faire en respectant tout le règlement que vous-même avez élaboré avec, non seulement les députés du gouvernement, ou le leader parlementaire du gouvernement, mais aussi avec tous les responsables de l'Opposition.

M. le Président, c'est justement lorsque nous avons un projet de loi aussi important que nous avons l'obligation, la nécessité même, comme parlementaires, de l'étudier dans un climat serein. Nous allons, quant à nous, parce que je considère qu'il s'agit d'une chose extrêmement importante, et je le fais non seulement comme parlementaire, mais particulièrement parce que j'ai vécu le climat de l'enseignement, parce que j'ai eu l'occasion d'y travailler dans ce climat...

M. Vallières: Cela ne paraît pas.

M. Lessard: M. le Président, si aussi nous avons demandé...

M. Tardif: Cela ne paraît pas. Pauvres étudiants!

M. Charron: La basse-cour là.

Une Voix: II peut bien y avoir des échecs dans ce coin-là.

M. Lessard: Si nous avons aussi demandé de retarder de cinq jours ce projet de loi, c'est parce que nous considérions que cinq jours nous auraient permis d'empêcher une situation désastreuse dans l'enseignement. J'ai l'intention, au cours des quelques minutes que j'ai, de me poser la question fondamentale, la question importante qui serait celle-ci: Qui est responsable, actuellement, de la situation dans l'enseignement? L'ex-ministre de l'Education, le ministre de l'Industrie et du Commerce, a avoué, tout à l'heure que cela ne marchait plus dans l'enseignement public. Tout à l'heure, il a essayé de nous dire qu'il fallait absolument modifier le climat dans l'enseignement public. Je lui dis qu'il avait toutes les possibilités, pendant qu'il était ministre de l'Education, pendant justement qu'il est actuellement ministre de l'Industrie et du Commerce.

Il avait toutes les possibilités, non seulement de 1968 à 1972, mais particulièrement de 1972 à 1976, d'essayer de trouver des solutions adéquates pour améliorer le climat de l'enseignement.

Or, M. le Président, on n'a absolument rien fait. J'ai l'intention d'essayer de vous démontrer, ce soir, pourquoi le gouvernement, non seulement avait les instruments, mais pourquoi le gouvernement n'a pas pris les responsabilités qui lui appartiennent pour essayer de régler ou pour essayer d'améliorer le climat de l'enseignement.

Quand j'écoute — et je l'ai déjà dit ici à cette Assemblée nationale — certains députés lorsqu'ils nous parlent des enseignants, lorsqu'ils nous parlent de l'enseignement, lorsqu'ils nous parlent des qualités nécessaires pour un enseignant dans les écoles, j'ai tout simplement l'intention de vous dire que si on demandait au député les mêmes qualités qu'on exige ce soir ou qu'on exige depuis un certain temps chez les enseignants, il n'y aurait pas beaucoup de députés qui seraient ici à l'Assemblée nationale.

M. Tardif: Vous ne seriez pas député.

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! ...A l'ordre, messieurs!

Je suis le mieux possible, j'écoute l'intervention du député de Saguenay. Je considérais que son intervention était une entrée en matière, sur le rôle de l'enseignant, sur les difficultés qu'il peut avoir et tout, mais parlez-moi quand même des difficultés des négociations.

A l'ordre, s'il vous plaît! ...A l'ordre! ...A l'ordre, messieurs! Je rappelle à l'ordre...

Ecoutez, que vous ayez une entrée en matière sur... S'il vous plaît, messieurs! A l'ordre, messieurs! Je rappelle collectivement... Messieurs, un peu de calme, s'il vous plaît! ...A l'ordre! ...A l'ordre! ...S'il vous plaît, messieurs!

D'un côté, c'est individuel; de votre côté, c'est collectif; je suis bien prêt à vous ramener à l'ordre, mais je n'ai pas la mémoire des noms, je pourrais en nommer quelques-uns, mais...

Vous avez vingt minutes pour parler du projet de loi actuellement, j'accepte cinq minutes d'entrée en matière sur le rôle difficile de l'enseignant, mais parlez-moi surtout des difficultés des négociations.

A l'ordre, le député de Vanier, s'il vous plaît!

M. Lessard: M. le Président, j'ai décidé de vous parler de l'objectif du projet de loi. L'objectif qu'on poursuit en vertu du bill 23 se lit comme suit, en vertu du titre: Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation et abrogeant une disposition législative.

Quand je parle du maintien des services dans le domaine de l'éducation, je me dis une chose: Ce n'est pas n'importe quel service qu'il faut maintenir. Ce ne sont pas des services de prisonniers qu'il faut maintenir. Il faut maintenir des services de qualité et il faut se poser une question fondamentale ici ce soir. C'est celle-ci, et c'est sur cela que j'ai commencé mon intervention: Pourquoi les services de qualité n'existent-ils plus actuellement dans l'enseignement et pourquoi sommes-nous dans l'obligation, ce soir, d'en arriver à une loi spéciale qui tente de rétablir ces services?

J'ai l'intention de vous démontrer que cette loi ne correspond pas aux véritables objectifs parce qu'il y avait des objectifs qui auraient dû être poursuivis par le ministère de l'Education depuis de nombreuses années et qui n'ont jamais été poursuivis.

J'ai l'intention d'utiliser un rapport des fonctionnaires même du ministère de l'Education, rapport publié en 1975, rapport qui avait été demandé le lendemain du décret en 1972 et qui va répondre exactement, en tout cas, en ce qui concerne — je peux me permettre; j'ai le droit de me tromper — à la question que le ministre de l'Industrie et du Commerce posait tout à l'heure: Qui est responsable de la dégradation de l'enseignement dans nos écoles?

Le ministre de l'Industrie et du Commerce a eu énormément de latitude tout à l'heure. J'exige ou, du moins, M. le Président, je pense qu'on de- vrait me permettre la même latitude qu'on a permis au ministre de l'Industrie et du Commerce. Le ministre de l'Industrie et du Commerce nous disait que ce n'était pas le gouvernement fédéral, que ce n'étaient pas les gros Américains, que ce n'étaient pas les Anglais, mais il tentait de dire que c'était d'abord une question collective, un problème collectif.

J'ai l'intention de répondre au ministre de l'Industrie et du Commerce et de démontrer que la première responsabilité revient au gouvernement du Québec, parce qu'il a eu les informations nécessaires, il a eu les documents nécessaires, il a eu les études nécessaires et il a eu les moyens nécessaires, lui, pendant qu'il était ministre de l'Education et maintenant qu'il est solidaire du conseil des ministres, pour essayer de trouver des solutions au moment où ces solutions pouvaient être trouvées. C'est cela, M. le Président, l'objectif de mon intervention; essayer de dire quels auraient du être les services dans l'enseignement et quels devraient être les services dans l'enseignement après, justement, qu'on aura rétabli un climat un peu sain dans nos écoles.

M. le Président, sans remonter au bill 25, en février 1975, je voudrais vous souligner qu'en 1972, soit le 15 décembre 1972, un deuxième décret était imposé aux enseignants par l'arrêté en conseil no 3811. Cet arrêté en conseil déterminait les conditions de travail des enseignants à l'emploi des commissions scolaires et des commissions régionales jusqu'au 1er juillet 1975.

Mais ce sur quoi je voudrais insister, c'est que l'article 7 du chapitre 8 de ce décret qui tenait lieu de convention collective stipulait ce qui suit: "Le ministère met sur pied une commission d'étude dont le mandat sera de proposer des méthodes et/ou des systèmes pouvant permettre une utilisation optimale des ressources humaines actuellement affectées au système d'éducation, compte tenu des orientations pédagogiques du ministère, des dispositions financières et des priorités collectives du Québec."

Donc, trois conditions: orientations pédagogiques du ministère, dispositions financières et priorités collectives du Québec. Pourquoi? Pourquoi y avait-il à l'intérieur d'un article de la convention ou d'un article du décret cette stipulation? C'est parce que justement non seulement en 1972, mais de février 1967 jusqu'en 1972, on avait constaté une dégradation constante dans le système public. Il fallait absolument, à ce moment-là, étant donné que le gouvernement avait décidé d'imposer un décret, trouver les solutions nécessaires pour que nous arrivions, lors de la prochaine négociation collective, à une convention négociée et non pas à un décret.

M. le Président, je voudrais vous citer quelques points du rapport CETES. Quel était son mandat? Je viens de le souligner. Mais j'aimerais vous citer une partie de ce document où on précise un certain nombre de choses concernant les objectifs visés.

A la page 5 de ce document, on lit ceci: "En ce qui concerne les orientations pédagogiques, la

commission s'est inspirée des règlements nos 1 et 7 du ministère de l'Education et de certains textes comme: L'école, milieu de vie."

Elle présente ci-après les résultats de son étude sur ce sujet: "Les dispositions financières sont demeurées le secret des dieux puisque la commission a vainement tenté — une commission gouvernementale — de rencontrer les autorités compétentes en la matière."

Donc, en ce qui concerne les dispositions financières, le gouvernement n'a jamais voulu assurer sa collaboration à la commission CETES. C'est là un des problèmes fondamentaux dans cette négociation collective. On a refusé, dès le départ, la table centrale qui aurait permis, dans un système de négociations où on respecte l'autre partie, de déterminer un certain nombre de priorités, de déterminer plus particulièrement les dispositions financières.

Mais plus que cela, M. le Président, c'est encore le rapport CETES qui affirme ce qui suit: "Quant aux priorités collectives — pourtant c'est là une chose importante — les commissaires n'y ont trouvé qu'une vague velléité, compte tenu des réponses obtenues en haut lieu et du champ particulier des investigations portant sur les tâches."

M. le Président, on a confié un mandat clair et net, dans une convention, dans un décret imposé par le gouvernement, en précisant que cette commission devait tenir compte non seulement des dispositions financières mais aussi des priorités collectives, comme des orientations pédagogiques du ministère de l'Education.

Or, deux de ces critères n'ont pas été respectés par le gouvernement, et le gouvernement a choisi d'autres priorités collectives que l'éducation, à savoir la baie James et les Jeux olympiques.

M. le Président, je ne veux pas, contrairement au ministre de l'Industrie et du Commerce, limiter l'amélioration de l'enseignement à une question financière. Chacun d'entre nous a eu des institutrices qui travaillaient à des salaires de $200, $250 et $300 par année et qui faisaient leur travail, et qui aimaient leur travail.

Mais le sacerdoce, cela a fait son temps, il faut y mettre fin. C'est vers les années cinquante que les enseignants ont essayé de négocier, ensemble, des conventions collectives, mais avant d'être une question salariale. On n'a pas encore discuté de question salariale, c'est pourquoi le projet de loi qui nous est présenté ce soir est un projet de loi qui vient trop vite, c'est un projet de loi qui ne nous permet pas d'évaluer entièrement la situation.

Les objectifs généraux du ministère de l'Education sont soulignés dans ce document qui, je le précise encore, est un document qui provient des fonctionnaires mêmes du ministère de l'Education. C'est en ce sens que nous avons tujours affirmé depuis quelques semaines, ici, à l'Assemblée nationale, que le gouvernement refusait un médiateur parce qu'il avait tout simplement peur que ses propres recommandations, de son propre ministère, soient soulignés par le médiateur.

En effet, quelles étaient ces orientations pé- dagogiques au niveau de l'élémentaire? D'abord, "l'école élémentaire veut assurer, lit-on à la page 7, le développement personnel harmonieux de l'élève. Elle doit favoriser le développement intégral de l'enfant au point de vue physique, intellectuel, affectif, social, moral et religieux."

Autrement dit, l'école élémentaire doit offrir à l'élève un milieu favorable à l'épanouissement de sa personnalité.

Mais, quels étaient les moyens que proposaient les fonctionnaires du ministère de l'Education pour atteindre ces objectifs?

C'était ceci, et c'est à partir de ce document que je veux souligner que le ministère de l'Education, que le gouvernement du Québec n'a pas assumé ses responsabilités parce qu'il y avait là un document qui était clair, un document qui aurait permis de répondre aux questions. "Pour atteindre les objectifs généraux de l'école élémentaire, l'organisation pédagogique privilégie l'individualisation de l'enseignement comme moyen de faciliter le progrès continu de l'école."

C'est de l'évidence même, je l'admets, mais c'est l'une des conditions essentielles dans la négociation collective actuellement. Les enseignants, jusqu'ici, ont continuellement parlé de l'amélioration de la qualité de l'enseignement.

Comment voulez-vous individualiser l'enseignement auprès de l'enfant? Comment voulez-vous répondre aux objectifs pédagogiques du gouvernement quand on ne veut pas ou quand on refuse la possibilité de mettre un maximum par classe?

C'est un problème fondamental. Si nous sommes aujourd'hui devant ce projet de loi, si nous avions actuellement un projet de loi qui nous est imposé, un projet de loi qui sera imposé aux enseignants, c'est tout simplement parce qu'on n'a pas voulu répondre aux principes pédagogiques que prônaient le ministère de l'Education ou les fonctionnaires du ministère de l'Education.

Au niveau du secondaire, c'était à peu près la même chose, quoique les objectifs pédagogiques du ministère n'étaient pas très bien précisés.

Je m'aperçois qu'il me manque du temps et je voudrais terminer assez vite en disant ceci: Si je prenais la convention collective exigée par les enseignants, soit sur le nombre de périodes, soit sur le nombre d'élèves par classe, et si je reprenais exactement les recommendations du rapport CETES, je continuerais de vous prouver que ce qu'on exige dans la convention collective des enseignants correspond à peu près exactement à ce que les fonctionnaires du ministère de l'Education on demandé dans un rapport public.

Comme le climat est malsain, je termine par la motion suivante...

M. Vallières: Vous ne connaissez rien. Motion d'ajournement

M. Lessard: ...que les débats soient maintenant ajournés en vertu de l'article... en vertu de la motion qui nous a été présentée par le leader parlementaire...

M. Vallières: En vertu de la fatigue que vous éprouvez.

M. Lessard: Laissons faire l'article 77. En vertu de la motion qui nous a été présentée par le leader parlementaire du gouvernement.

M. Hardy: Lapsus linguae!

Le Président: Avant de reconnaître, dans le terme parlementaire, le député de Saint-Jean et de lui accorder le droit de parole, je voudrais vous dire que cette motion, je ne suis pas prêt à l'accepter comme vous venez de la faire.

Si j'accorde le droit de parole au député de Saint-Jean, si personne ne soulève de questions, il parlerait sur votre motion d'ajournement. Je ne suis pas prêt à accepter votre motion d'ajournement.

Avant que je ne rende ma décision sur cette question d'ajournement des débats, y en a-t-il qui désirent parler sur la question?

Je suis prêt à rendre ma décision, si vous voulez.

M. Hardy: Si vous êtes éclairé, le règlement dit que vous devez rendre votre décision.

Décision du président

Le Président: Je suis prêt à rendre ma décision mais, s'il y a des membres de cette Chambre qui désirent intervenir sur la question de règlement, sur la question de la recevabilité de cette motion, je suis prêt à les entendre. Il n'y a personne...

M. Picard: Je crois que c'est en vertu de l'article 77, mais l'article 77 a été suspendu.

Le Président: Ce ne sera pas tellement long. J'espère que la Chambre me dispensera de lire la motion qui a été adoptée par cette Assemblée cet après-midi proposée par le leader parlementaire du gouvernement. Au paragraphe 2, on demande de suspendre différents articles dont l'article 77 qui prévoit dans notre règlement l'ajournement du débat. Par contre, dans le troisième paragraphe, je vois, je pourrais dire, prima facie une certaine contradiction. Dans le premier paragraphe, on suspend une série d'articles dont l'article 77 et, dans le deuxième paragraphe, on dit: "En conséquence, que l'application des règles ci-dessus énumérées soit suspendue et que l'Assemblée puisse siéger sans interruption de dix heures jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner, tous les jours de la semaine sauf le dimanche, avec suspension des travaux de treize heures à quinze heures et de dix-huit heures à vingt heures, et qu'à toutes ces séances l'ordre des affaires du jour soit celui qui est prévu pour le mardi par les articles 35 et 36 du règlement et ce, jusqu'à l'adoption du projet de loi 23".

Cette motion a déjà été éprouvée à quatre ou cinq reprises, je crois, dans le texte actuel. Je dois reconnaître que nos parlementaires — il y a de l'amélioration partout — ont trouvé une certaine faille dans le libellé textuel de l'article. C'est déjà une amélioration de notre Parlement.

A l'occasion, cela apportera, autant au président qu'au secrétaire général et à ses assistants, un rodage et une occasion d'éducation permanente. Je dois décider. Ecoutez, je ne voudrais pas éterniser cette décision. Je dis que la décision de l'Assemblée, au départ, est urgente. Cette motion de suspension des règles, en vertu de l'article 84, deuxièmement, dit l'urgence d'adopter une loi; ensuite, on demande de suspendre l'ajournement du débat prévu à l'article 77 et, au troisième paragraphe, on dit qu'on doit siéger jusqu'à l'adoption du projet de loi 23.

Je me rattache, pour rendre ma décision dans cet esprit, non pas à la lettre où il y a une phrase qui dit: Jusqu'à ce qu'elle décide... Si la Chambre décide de s'ajourner et que quelqu'un se lève actuellement et me dit qu'il y a consentement unanime, la Chambre est souveraine. S'il n'y a pas consentement unanime, je vais me référer pour rendre ma décision aux derniers amendements que nous avons adoptés il n'y a pas tellement longtemps, il y a une semaine ou deux, où on a apporté un amendement à l'article 65 du règlement.

L'article 65 est la base, en somme, de ma décision. Je lis l'article 65 dans le texte qui existe depuis trois ans environ et je vais y ajouter l'amendement qu'on y a apporté. "Le président doit mettre en délibération toute motion, mais dès qu'une motion lui paraît irrégulière, en elle-même ou par les buts qu'elle veut atteindre, il doit le signaler à l'Assemblée et il peut, après avoir motivé sa décision, refuser qu'on en délibère ou qu'on la mette aux voix?

C'est sans doute par analogie que je le fais. Il est dit qu'il est permis au président — c'est vrai que cette motion est vidée — en vertu du dernier amendement qu'on a apporté, de "modifier dans sa forme une motion pour la rendre recevable". Je ne voudrais pas modifier une motion qui a été vidée, mais je crois que la phrase qui dit: "Jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner s'il n'y a pas consentement unanime" vient peut-être en contradiction avec la suspension de l'article 77, l'urgence qui a été décidée par l'Assemblée, cette suspension qui a été décidée par l'Assemblée et cette décision de l'Assemblée de siéger jusqu'à l'adoption de la loi 23.

Je pense bien que, dans tout ce contexte, je ne peux pas accepter une motion d'ajournement du débat. Messieurs, je pense bien que nous sommes liés jusqu'à nouvel ordre, à siéger. Qu'on siège cette nuit, demain et qu'on siège jusqu'à l'adoption de la loi! Siégeons!

Le député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. Veilleux: M. le Président, j'ai écouté attentivement les propos qu'ont tenus les membres de l'Opposition depuis le début. J'ai constaté qu'on

avait parlé énormément de la négociation comme telle, faisant des reproches à cette négociation. On a parlé des droits des patrons. On a parlé aussi surtout des droits des syndicats, des droits des enseignants, des droits des syndiqués. On a parlé des conditions de travail qu'on retrouvait dans les écoles. Même le chef de l'Opposition officielle nous a dit à un certain moment que ça pouvait aller jusqu'à 40 étudiants par classe. On a parlé de faire perdre la face aux syndicats. Le député de Saguenay a même réussi tout à l'heure à parler — je me demandais quand ça viendrait — de la baie James et des Jeux olympiques.

Dieu sait, M. le Président, q ue sans la baie James et les Jeux Olympiques, bien des maux, selon l'Opposition, n'existeraient pas. On pourrait se poser la question et l'Opposition l'a fait, à savoir qui est responsable de la situation actuelle. La réponse unanime de l'Opposition officielle a été: Le gouvernement, le ministre de la Fonction publique, le ministre de l'Education, le ministre d'Etat à l'Education.

Ce serait facile pour moi de faire le procès, même du gouvernement, des syndiqués, du syndicat, des chefs syndicaux, faire ce que l'Opposition officielle a fait depuis le début de la soirée. Je vous dirais que ce serait tomber dans la facilité. Je veux tout simplement me poser la question suivante: Pourquoi le gouvernement a-t-il déposé devant nous ce projet de loi no 23 et comment le député de Saint-Jean doit-il voter? Doit-il voter pour? Doit-il voter contre? Et pourquoi doit-il voter pour ou pourquoi devrait-il voter contre? Pour ça, je pense qu'il faut s'arrêter à quatre groupes de personnes qui oeuvrent dans le domaine de l'enseignement, auprès des étudiants.

Je veux parler des parents. Je n'ai pas entendu l'Opposition officielle parler beaucoup des parents, dire ce qui arrivait aux parents dans la situation actuelle, aujourd'hui, le 6 ou 7 avril 1976. Je voudrais qu'on se pose aussi la question à savoir ce qui arrive à des personnes qui ont vécu de très près ces problèmes dans chacune des écoles du Québec depuis le début, depuis la négociation, depuis les méthodes de harcèlement, les grèves. M. le Président, et je veux parler des principaux d'école. Qu'est-ce qu'ils font présentement, les principaux d'écoles, dans les classes, dans les écoles? Je voudrais parler aussi un peu de l'enseignant, pas du chef syndical, de l'enseignant et terminer par l'étudiant ou l'enfant.

M. le Président, on a l'occasion, comme député, les fins de semaine et surtout le lundi, lorsqu'on reçoit les électeurs de notre comté, de rencontrer des parents. Parce que la très grande majorité de nos électeurs sont des parents et on est à même de constater leur inquiétude face à la situation, actuellement, au Québec dans le domaine de l'enseignement, leur inquiétude face à l'avenir non seulement de leurs enfants, mais face à l'avenir de la société du Québec.

On dénote chez eux une certaine agressivité, sinon une agressivité certaine vis-à-vis du système scolaire public, compte tenu de ce que vit présentement le système scolaire public.

Et l'Opposition officielle se targue de dire que les députés libéraux ont des enfants qui fréquentent l'école privée. Oui, M. le Président, il y a des députés libéraux qui envoient leurs enfants à l'école privée. Il y en a d'autres, aussi, qui les envoient dans le secteur public. Mais s'est-on demandé pourquoi le secteur privé prend actuellement de plus en plus d'ampleur au Québec? C'est à cause de cette agressivité qu'on rencontre chez les parents vis-à-vis du système scolaire public.

Pas plus tard que la fin de semaine passée, un parent, un simple ouvrier est venu dire devant 250 personnes pourquoi il envoyait son enfant à l'école privée, pourquoi sa femme avait été obligée d'aller travailler pour envoyer son enfant ou ses enfants à l'école privée. Le ministre de l'Education était là. La raison fondamentale? Son agressivité vis-à-vis du système scolaire public.

Pour les parents, pour eux, présentement, les contacts avec l'école deviennent de moins en moins intéressants et même, souventefois, moins fréquents qu'ils pouvaient l'être. Les parents — c'est important pour les parents et pour les élèves — ignorent, dans la situation actuelle, les résultats de leurs enfants. Cela peut peut-être ne pas paraître important pour plusieurs, que l'enfant ne reçoive pas son bulletin à la fin du mois, ne reçoive pas ses notes à la fin du mois ou à la fin de l'année, mais pour les parents, c'est important.

Plusieurs députés, parmi nous, ont eu l'occasion d'avoir la visite de principaux d'écoles à leur bureau. On a été à même de constater, chez les principaux, une difficulté d'assurer le leadership dans leur école, parce qu'ils étaient témoins impuissants de la détérioration du milieu scolaire provoquée pas par les étudiants, pas par les parents, mais par des forces extérieures.

Le principal, M. le Président, face à ce qui se passe présentement dans les écoles, est frustré de voir des réalisations compromises, des projets pédagogiques abandonnés, projets extrêmement importants pour améliorer l'enseignement et le rendement des étudiants. Le principal, actuellement, dans les écoles, a de la difficulté à assurer la sécurité des étudiants. Il est tout simplement quelque part dans son école, surveillant la situation, réparant le mieux possible les accrocs causés par d'autres, pas par lui, pas par les étudiants, mais causés par d'autres, contribuant à couvrir des plaies sur lesquelles d'autres appliqueront le baume une fois le conflit terminé.

C'est la situation déplorable dans laquelle se trouve présentement chaque principal d'école dans chacune des écoles du Québec.

L'enseignant, M. le Président, dans la situation présente, où se retrouve-t-il? Il devient, par la force des choses, ambivalent parce que coïncé entre sa conscience professionnelle et les directives syndicales légales, je l'admets, et lui aussi l'admet. Mais il se pose quand même la question: Est-ce que, professionnellement, je dois faire telle chose ou si, parce que je fais, quand même partie d'un syndicat, je dois poser tel geste légal?

L'enseignant, M. le Président, est frustré lui aussi parce que ses efforts professionnels, présentement, ne sont pas suffisamment reconnus par toute personne autre que lui dans l'enseignement.

Cette situation actuelle, crée, dans chacune des écoles, pour l'enseignant, un climat de suspicion, lequel climat est créé par des conflits internes. J'en sais quelque chose parce que, comme président de syndicat, j'ai eu l'occasion de vivre, dans mon milieu, des situations extrêmement difficiles et de demander parfois à des enseignants, à l'époque où j'étais président, de poser des gestes légaux.

J'ai été à même de constater, entre les enseignants — et mes collègues qui ont vécu cette expérience dans les écoles pourront l'affirmer — d'un enseignant vis-à-vis de l'autre, une suspicion, des disputes, des chicanes qui auraient pu ne pas exister si l'enseignant n'avait pas eu à choisir entre sa conscience professionnelle et des directives syndicales légales. C'est une chute, présentement, qu'on rencontre chez l'enseignant — j'ai eu l'occasion, tout à l'heure, de communiquer avec quelques-uns dans ma région — une chute d'enthousiasme, M. le Président, face à ce qui se passe depuis un certain temps dans les écoles.

Dans tout cela, de la part de l'Opposition officielle, depuis le début de la soirée, le grand oublié de ce conflit, le grand oublié dans ce débat par l'Opposition, c'est l'enfant, l'étudiant dans chacune des écoles. L'enfant qui aurait dû être, pour l'Opposition officielle, comme il l'a été, par exemple, pour le ministre de l'Industrie et du Commerce et tous mes autres collègues du Parti libéral qui sont intervenus avant moi, qui aurait dû être, pour eux aussi, l'objet de leur préoccupation première. Voilà quelle aurait dû être, dès le début du débat de ce projet de loi no 23, la préoccupation première des membres de l'Opposition.

Est-ce que l'on songe à l'enfant quand on lui crée un lieu de vie instable, insécurisant, non motivant, comme il vit présentement dans chacune des écoles? Est-ce que l'on songe à l'enfant quand on galvaude différentes expressions: le bien de l'enfant, un milieu de vie intéressant, une éducation de qualité, une instruction de qualité, tous les autres slogans qu'a pu galvauder, depuis le début de la soirée, l'Opposition, et que peuvent galvauder d'autres personnes dans les différents media d'information ou dans les écoles? Est-ce que l'on songe à l'enfant quand on s'en sert à toutes les sauces, tant syndicales que politiques? L'enfant serait-il — et là je me pose la question — le camouflage, pour l'Opposition, d'une idéologie? On doit se poser la question.

Est-il acceptable que des personnes responsables ignorent les conséquences mesurables et possibles que la situation présente entraîne chez l'enfant, chez l'étudiant? Nombre d'enfants sont moins intéressés, et derrière leurs boutades, il se cache une très grande insécurité, parce que l'étudiant devient simplement un témoin nerveux et inquiet. Ce soir, un parent de mon comté communiquait avec moi au téléphone. Il a un commerce d'épicerie dans mon comté. Trois jeunes de 16 et 17 ans, écoeurés par ce qui se passe présentement dans leur école, ce soir, sont, à la recherche de travail.

Les enfants ne sont que les témoins nerveux et inquiets de chicanes strictement d'adultes. Les principaux d'écoles qui sont venus me voir l'autre jour m'ont dit, M. le Président, ils me l'ont écrit sur une feuille de papier, les absences des étudiants aux cours ont plus que doublé depuis un mois. Donc, perte de jours de classe, absences, en plus, des étudiants, parce qu'il n'est pas toujours agréable pour l'étudiant, comme le mentionnait le ministre de l'Industrie et du Commerce, ce soir, de se rendre à l'école, à 8 h 30 ou 9 heures le matin, et d'être dans l'obligation, parce que l'école est à 25 ou 30 milles de la maison, de téléphoner à son père ou à sa mère d'aller le chercher à l'école ou encore de faire de l'auto-stop pour retourner à la maison, quand il y retourne, à la maison.

Il y a, au moment où on se parle, une augmentation de ce qu'on appelle les "dropout": tout cela par écoeurement.

Je mentionnais tout à l'heure un exemple. Je pourrais en mentionner plusieurs, parlant de mon comté, qui m'ont dit que leurs enfants de 15 ans, 16 ans ou 17 ans se préparaient à laisser l'école s'ils ne l'avaient pas déjà laissée, tout simplement parce qu'ils ne savaient pas quand se terminerait ce malaise qui existe dans les écoles à cause d'un conflit strictement d'adultes.

M. le Président, la réforme de l'éducation a peut-être fait des chômeurs instruits au Québec, mais les négociations dans le secteur public sont en train de faire des chômeurs non instruits au Québec. Est-ce que l'un est mieux que l'autre? Je ne le crois pas, M. le Président. Je dis tout simplement qu'il nous faut penser. On s'est préoccupé tout à l'heure de l'avenir des jeunes. Nous aussi avec le projet de loi, on s'en préoccupe en disant: En négociation, préoccupez-vous de l'avenir des jeunes en négociant des conditions de travail qui pourront améliorer différentes choses. Le projet de loi no 23 veut régler l'avenir immédiat des jeunes qui laissent de plus en plus nos écoles.

Disons tout simplement qu'il serait bon — et on prévoit dans le projet de loi que la négociation se continue — qu'à la fois le ministère de l'Education, les autres patrons, la Fédération des commissions scolaires, les CEGEP, les syndicats, tant protestants qu'anglo-catholiques, la Centrale de l'enseignement du Québec fassent une mise en commun de leur bonne foi afin d'accélérer le processus des négociations. Je dis qu'il est possible de le faire, M. le Président. Il est possible de le faire parce que dans le projet de loi il y a une stipulation qui pourra permettre peut-être que l'interdiction de la grève enlève aux enseignants un moyen de pression, comme le disait le député de Saint-Jacques, sur les négociations. Je crois que le fait, quoi qu'on en dise, qu'il y ait trois commissaires aux différends scolaires qui rendront public ce qu'ils pensent, tant des offres que des demandes syndicales ou de la situation en négociation, cela peut constituer aussi, pour le gouvernement, un moyen de pression pour donner ce qu'il y a de mieux, selon nos moyens, toujours, aux enseignants.

Il nous faudra, M. le Président, et je pense que

tous les membres de cette Chambre sont unanimes, lorsque cette convention collective sera signé — et j'ai bien dit convention collective signée — repenser les mécanismes de la négociation dans les secteurs public et parapublic. D'ailleurs, le ministre de la Fonction publique a déclaré il y a quelque temps que, compte tenu de l'expérience qu'il vivait présentement, il s'engageait ni plus ni moins, lorsque cette convention collective sera signée, à repenser tous les mécanismes d'une convention collective pour ne pas oonnaître dans les années à venir une situation comme celle qu'on connaît présentement. Quel que soit le coupable de la situation actuelle, quel que soit le degré de culpabilité de qui que ce soit qui a fait qu'on est dans cette situation, je crois que, pour l'avenir immédiat des jeunes, on doit voter cette loi qui signifiera un retour au travail pour tous les syndiqués dans le domaine de l'enseignement et qui permettra de continuer cette négociation. J'espère personnellement que cela se terminera par une convention collective dûment signée et acceptée par les deux parties. Merci.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Laurentides-Labelle.

M. Roger Lapointe

M. Lapointe: M. le Président, je me réjouis avec la population de ma région, parents, étudiants et un bon nombre d'enseignants qui souhaitaient de la part du gouvernement une intervention énergique pour mettre fin à ce désordre qui règne dans les CEGEP et dans les écoles secondaires et élémentaires du Québec. En déposant cette loi, le gouvernement a répondu aux désirs de la majorité de la population du Québec qui était inquiète de voir ses enfants perdre leur année scolaire. Des centaines de parents m'ont fait part de leur inquiétude face à l'année scolaire de leurs enfants et ont demandé une intervention immédiate du gouvernement.

Combien d'étudiants de niveau secondaire V risquent de compromettre leurs études collégiales face à certaines mesures de harcèlement, comme le refus de remettre les notes aux étudiants? Combien d'étudiants de niveau secondaire et collégial ont abandonné leurs études depuis quelques semaines, à cause du climat malsain qui règne dans divers collèges et écoles du Québec? Combien d'élèves de niveau élémentaire et secondaire auront à subir au cours de leur prochaine année scolaire le contrecoup des jours de classe perdus depuis les dernières semaines?

Si une telle situation se maintenait, il est facile de s'imaginer les torts irréparables qu'auraient à subir les étudiants de tous les niveaux face à leur avenir. Ce sont des problèmes et des implications qu'on peut difficilement évaluer financièrement. Cependant, si je me base sur des chiffres cités par le ministre de l'Education ce matin, à l'effet que 15 millions de jours-élève environ ont été perdus au Québec depuis le début du conflit, un calcul rapide nous démontre que des sommes fantastiques sont englouties chaque jour, sans aucun résultat positif.

Même un grand nombre d'enseignants membres de la CEQ souhaitaient cette mesure. Ils la souhaitaient parce qu'ils sont satisfaits en général des offres gouvernementales. Ils la souhaitaient parce qu'ils ont à coeur de mener à bien l'année scolaire des étudiants dont ils ont la responsabilité. Ils la souhaitaient parce qu'ils n'endossent pas cette action politique de la CEQ, action qui ne vise pas à défendre, d'abord et avant tout, les intérêts matériels et professionnels des membres, mais surtout à abattre le régime politique que nous avons au Québec, comme le prouve le Manuel du premier mai.

Ils la souhaitaient parce qu'ils se dissocient de cette complicité du Parti québécois et de certains chefs syndicaux qui visent à détériorer le climat social du Québec pour atteindre leurs fins partisanes. Ils la souhaitaient, parce qu'ils ont pris conscience que le syndicalisme enseignant prôné par quelques chefs syndicaux, loin d'aider la profession d'enseignant, a contribué à la dévaloriser injustement auprès de l'opinion publique depuis quelques années.

C'est encourageant, M. le Président, de constater qu'un bon nombre d'enseignants ont décidé de prendre leurs affaires en main, en s'op-posant à certaines tactiques abusives commandées par les chefs syndicaux au niveau provincial. Ce fut le cas d'un bon nombre d'enseignants des Laurentides qui ont su faire le discernement qui s'imposait dans les circonstances. Il n'est pas étonnant de constater que le Parti québécois s'oppose à cette loi. Comme toujours, sa seule préoccupation est de faire de l'électoralisme, de ménager les chefs syndicaux...

M. Bédard (Chicoutimi): Un médiateur, c'est de l'électoralisme.

M. Lapointe: ...qui constituent les seuls appuis qui leur restent. Je sais que la population — parents, étudiants et enseignants — perçoit les objectifs démagogiques du Parti québécois qui se montre sous son vrai visage, lors de situations qui exigeraient plutôt une attitude positive.

M. le Président, en terminant, j'appuie sans réserve la loi 23 et je souhaite qu'au cours des prochaines semaines les négociations se fassent dans un climat serein et à un rythme accéléré, afin d'en arriver à un règlement négocié le plus tôt possible.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, le député qui vient juste de parler a accusé le Parti québécois d'avoir fait de l'électoralisme avec ce conflit. Je me demande jusqu'à quel point ce qu'a fait le Parti québécois, lorsqu'il a proposé un médiateur afin d'apporter un peu plus de possibilités de régler ce conflit, c'était faire de l'électoralisme.

Je voudrais plutôt référer le député en question au sondage CROP qui a paru récemment et qui indiquait que 74% des personnes interrogées étaient d'avis que le gouvernement — pas n'importe qui — le gouvernement, à l'heure actuelle, faisait de la politique avec les négociations.

Le député de Saint-Jean s'est étonné qu'au cours de ce débat l'Opposition essaie de déceler jusqu'à quel point le gouvernement a à assumer une part de responsabilité, étant donné l'échec des négociations. Il a également fait le reproche à l'Opposition de ne pas avoir assez parlé des enfants.

M. le Président, j'admets que le Parti libéral a souvent parlé, dans ce débat, des enfants, en employant l'expression qu'il ne fallait pas qu'ils servent d'otages à l'intérieur de ces négociations; mais en parler, ce n'est pas tout. Il faut surtout se demander si le Parti libéral ou si le gouvernement s'est soucié de l'enfant au cours de ces négociations, autrement dit si le gouvernement a accepté des conseils de la part d'organismes qui ont à coeur le bien de l'enfant, conseils qui ont été proposés par ces organismes afin d'apporter une solution à ce conflit.

Je pense bien que le député de Saint-Jean ne niera pas que les commissions scolaires sont des organismes qui ont à coeur le bien de l'enfant. Le député de Saint-Jean ne niera pas que le Conseil supérieur de l'éducation, qui est un des principaux conseillers du gouvernement, a à coeur le bien des enfants.

Je comprends que le gouvernement, comme à l'habitude, n'ait pas suivi certaines recommandations qui lui ont été faites par l'Opposition officielle. C'est son habitude de dire toujours non aux suggestions de l'Opposition officielle. Mais il ne faut pas oublier que, dans ce débat, dans ces négociations, si l'Opposition officielle avait proposé la nomination d'un médiateur, d'autres organismes tels que le Conseil supérieur de l'éducation, les commissions scolaires, les enseignants et les syndicats avaient proposé également cette solution de nommer un médiateur afin de rapprocher les parties.

Malheureusement, je pense qu'un des principaux reproches qu'on doit faire au gouvernement, c'est de ne pas avoir accepté de suivre certains conseils, certaines recommandations qui lui avaient été faites expressément, pas seulement par l'Opposition, mais par le Conseil supérieur de l'éducation, qui est un de ses principaux conseillers.

Le Conseil supérieur de l'éducation, ce n'est pas seulement il y a une semaine ou deux qu'il a fait certaines recommandations au gouvernement. Cela remonte au mois de décembre 1975, où le ministère de l'Education disait ceci, entre autres: "En 1969 et en 1972, le système scolaire a connu des crises majeures. Elles se sont terminées par une loi spéciale ou par un décret. Il s'ensuivit, dans nombre d'écoles, un climat malsain qui a duré des mois et des mois. Pourtant, nous ne pouvons nous permettre de recommencer, tous les trois ans, à reconstruire l'école dans le coeur et dans l'esprit des gens".

M. le Président, le Conseil supérieur de l'éducation avait analysé les portées négatives, les effets négatifs, les effets néfastes d'un décret ou d'une loi spéciale pour régler un conflit dans le secteur de l'enseignement.

Le Conseil supérieur de l'éducation proposait, prioritairement, au gouvernement le recours à la médiation, si nécessaire, en ces termes: "Le conseil recommande, si nécessaire, le recours, à très court terme..." — c'est au mois de décembre que le Conseil supérieur de l'éducation recommandait ceci — ..."à une forme appropriée de médiation ou de conciliation. La médiation paraît, au Conseil supérieur de l'éducation, un moyen à privilégier pour accélérer les pourparlers et conduire à des ententes négociées et agréées par les parties. Dans le secteur de l'éducation, il faut cesser d'aller de crise majeure en crise majeure et de lois spéciales en décrets gouvernementaux."

Ce n'est pas l'Opposition qui disait cela au mois de décembre. C'est le Conseil supérieur de l'éducation, qui continuait ainsi: "La médiation pourra permettre de resituer le débat dans son véritable contexte de relations de travail tout en tenant compte des spécificités propres au secteur de l'éducation."

C'était une recommandation qui avait été faite — et je pense que le gouvernement ne peut le nier — dans l'intérêt des étudiants québécois.

Jusqu'à quel point peut-on conclure que le gouvernement, qui parle si souvent de l'enfant, s'est vraiment soucié de l'enfant lorsqu'il a carrément mis de côté une telle recommandation faite par le Conseil supérieur de l'éducation?

Encore une fois, on sait que cette recommandation a été entérinée par les autres parties à la négociation, sauf le gouvernement, également par les comités de parents et par les commissions scolaires.

Alors, c'est bien beau de parler de l'enfant au cours des débats. C'est bien beau d'essayer de créer l'image qu'on veut sauver l'année scolaire des enfants, mais je me demande jusqu'à quel point le gouvernement a été sérieux dans cette volonté de sauver l'année scolaire des étudiants québécois en mettant carrément de côté une recommandation de cette nature, de telle façon que le gouvernement, à l'heure actuelle, lorsqu'il a mis de côté cette solution, n'est pas capable de nous affirmer que s'il l'avait acceptée, nous ne serions pas aujourd'hui dans l'obligation d'adopter une loi spéciale.

Le gouvernement ne peut nous dire qu'ayant employé ce moyen, on aurait évité cette loi spéciale qui nous est présentée aujourd'hui.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas employé ce moyen? Je pense que c'est parce qu'il avait décidé à l'avance de ne pas l'employer. Il avait décidé à l'avance de mettre de côté ce mécanisme possible au niveau des négociations. La meilleure preuve, je pense, en est la nomination du principal négociateur du gouvernement, le ministre de la Fonction publique qui, lui, dès le départ, partait avec l'idée qu'il n'était pas question, dans ce débat, quelle que soit la situation, de nommer un arbitre ou un médiateur ou un tiers

pour essayer de rapprocher les parties au cas où les négociations ne marcheraient pas.

C'est tellement vrai que, lors d'une conférence de presse que le ministre donnait le 26 février 1976, le ministre de la Fonction publique déclarait ceci: "Dès le départ, depuis ma nomination, au mois d'août 1974, il a été bien entendu qu'il n'y aurait pas d'arbitrage, que le gouvernement n'abdiquerait pas ses responsabilités. C'est une position politique." Ce n'est pas une position de ministre qui était chargé de négocier. C'était une position politique qui a été prise, dit-il dès le départ, en août 1974.

Alors, M. le Président, dès le départ, le ministre qui était chargé des négociations mettait de côté la formule de la médiation parce qu'il la considérait, selon son expression, comme un guêpier. Je pense, M. le Président, que c'est une erreur. C'est l'erreur monumentale du gouvernement de ne pas avoir pris en considération non seulement les demandes de l'Opposition, mais celles du secteur de l'enseignement et de ses propres conseillers du Conseil supérieur de l'éducation.

M. le Président, quand on pense que ce gouvernement qui a fait sa dernière campagne sur le thème de la qualité de la vie nous présente une loi telle que celle qu'on a devant nous, on se demande jusqu'à quel point il croit en une qualité de la vie possible dans le domaine de l'enseignement. D'ailleurs, on constate, du point de vue de la qualité de la vie, son absence de politique en matière d'habitation et en ce qui concerne les personnes âgées. Il accepte de voir l'écart continuel entre les riches et les pauvres augmenter. Quand on voit cette attitude gouvernementale d'absence complète dans différents secteurs où la qualité de la vie est directement concernée, on sait que cette qualité de la vie dont il a tant parlé n'est qu'un slogan et que la qualité de la vie dans le domaine de l'enseignement, pour lui, n'est qu'une très minime préoccupation.

Je pense qu'il est plus préoccupé à essayer de sauver son image politique à l'intérieur de ces négociations. Il en est tellement préoccupé que ce n'est pas surprenant, encore une fois, que 74% des gens interrogés sur les négociations exprimaient nettement leur conviction que le gouvernement faisait de la politique avec les négociations.

M. Bienvenue: M. le Président, mon bon ami, le député de Chicoutimi, me permettrait-il une petite question bien inoffensive que je ferais précéder d'un court préambule?

M. Bédard (Chicoutimi): Non, bien là, vous pourrez la poser à la fin, d'accord?

M. Bienvenue: A la fin, promis?

M. Bédard (Chicoutimi): Laissez-moi finir mon intervention.

M. Bienvenue: Merci. M. Tardif: Après...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'avez qu'à dormir vous autres, c'est ce que vous faites continuellement.

M. Lachance: C'est endormant.

M. Bédard (Chicoutimi): Bien étendus. Le député du Lac-Saint-Jean me demande, comme député civilisé, de continuer à parler; je vous dirai pourquoi, M. le Président. C'est parce que je l'ai traité de colonisé, en fin de semaine, dans ma région. C'est ce genre de député qui est venu dire à la population qu'elle était au summum du luxe alors qu'il y a 30% de chômeurs dans son comté.

Le Vice-Président (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre!

Avez-vous fini votre exposé?

M. Bédard (Chicoutimi): Non, M. le Président. Qu'on me laisse tranquille et je vais finir mon intervention.

M. Tardif: Bien voyons. Tu ne connais même pas ton sujet.

M. Bédard (Chicoutimi): Qu'on se conduise en civilisés comme dit le député de...

Le Vice-Président (M. Blank): Cela en prend toujours deux pour faire une bataille.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, quand on regarde la loi qui est présentée, on ne peut pas faire autrement que d'être en désaccord complet pour la raison principale que nous avons la conviction qu'elle n'atteindra pas les buts qui ont été explicités par le gouvernement lors de sa présentation. Le gouvernement nous a dit que le but de cette loi, dans un premier temps, était de mettre fin aux harcèlements et aux lock-out et était aussi d'assurer un climat social à l'intérieur des maisons d'enseignement qui offre une garantie qu'un enseignement adéquat sera dispensé aux étudiants québécois.

Eh bien! M. le Président, je crois que cette loi, telle que présentée, n'atteindra pas ce but. Je sais que je n'ai pas le droit de les citer ou de les lire, M. le Président, mais il s'agit simplement de se référer aux articles 3, 4 et 5 et de se demander quelle interprétation on va faire de ces articles dans le milieu même de l'enseignement. Face à ces articles, il s'agit simplement d'aller dans une autre partie du projet de loi, qui traite des amendes et des pénalités qu'on imposera à ceux qui viendront en contravention aux articles 3, 4 et 5, pour s'apercevoir que cette loi ne contribuera — c'est mon humble opinion — qu'à faire du milieu de l'enseignement, pour les 80 jours qui s'en viennent, un monde de suspicion où chacun se surveillera continuellement pour voir jusqu'à quel point les parties en cause ne contreviennent pas aux articles que j'ai cités tout à l'heure.

Je suis convaincu qu'au lieu de créer un climat de confiance nécessaire pour un enseignement valable ça contribuera plutôt à créer un cli-

mat de dénonciation dans le domaine de l'enseignement, un climat d'enquête continuelle d'une partie par rapport à l'autre partie concernée par ces articles du projet de loi. En fin de compte, plutôt que de remédier à une situation, ça contribuera plutôt à créer une sorte de chaos qui durera tout le temps où cette loi sera en application avec les dispositions qui y sont contenues au niveau de la période de 80 jours durant laquelle seront nommés ou agiront trois commissaires aux différends scolaires.

Quant à ces commissaires — nous l'avons dit tout à l'heure — je pense que le gouvernement va à l'envers des choses. Nous avions proposé, l'Opposition et, encore une fois, tout le monde de l'éducation, qu'un médiateur soit nommé avant qu'on soit dans l'obligation d'en arriver à une loi spéciale qui était déconseillée, complètement, au niveau de l'amélioration du climat dans le domaine de l'enseignement et de l'éducation.

On n'a même pas accepté d'étudier une forme de médiation avant d'en arriver à proposer cette loi que nous avons à étudier. Mais, quand on lit la loi, on s'aperçoit que le gouvernement prévoit la nomination de certains commissaires-enquêteurs aux différends dans le domaine de l'éducation. Je sais que ces commissaires-enquêteurs n'auront pas les pouvoirs d'un véritable médiateur. Ils ne pourront pas assurer une véritable médiation; ils n'ont que la possibilité d'étudier la situation et de faire rapport et ceci ne contribuera pas à atteindre un but qu'il était nécessaire d'atteindre avant d'arriver à la présentation d'une loi spéciale, c'est-à-dire la nomination d'un médiateur qui aurait permis, d'une façon objective, d'étudier le comportement des différentes parties aux tables de négociation, que ce soit le gouvernement ou la partie syndicale, et qui aurait été en mesure...

M. Bellemare (Rosemont): J'invoque le règlement, M. le Président. Je crois que le temps du député de Chicoutimi est terminé.

M. Lessard: Vous n'étiez même pas ici quand il a commencé. Le député n'était même pas ici quand il a commencé.

M. Bédard (Chicoutimi): Je terminerai, M. le Président...

M. Bellemare (Rosemont): J'invoque le règlement, M. le Président. Est-ce que le temps du député de Chicoutimi est terminé, oui ou non?

M. Bédard (Chicoutimi): II me reste une minute.

Le Président: Vous avez terminé.

M. Levesque: L'honorable député de Rosemont a droit à une réponse, il me semble. On peut consulter le secrétaire.

Une Voix: On était au purgatoire, on va être en enfer.

M. Levesque: On m'indique, M. le Président, que son temps est terminé.

Le Président: Votre temps est terminé.

M. Lessard: Le député de Rosemont n'était même pas ici quand le député de Chicoutimi a commencé son intervention.

M. Levesque: Terminé.

Le Président: Je m'excuse. Je n'ai pas voulu intervenir proprio motu mais...

M. Lessard: II vient de venir me menacer!

Le Président: ...on me dit que vous avez épuisé votre droit de parole.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, le chef de l'Opposition n'était pas ici pour voter.

Le Président: A l'ordre, messieurs! Vous avez terminé.

M. Bienvenue: M. le Président, en votre absence, le député de Chicoutimi avait eu l'amabilité d'accepter que je lui pose une question à la fin de son intervention. Je lui ai dit qu'il y aurait un très court préambule.

M. Burns: Non!

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'on me permettrait de finir, M. le Président, dans deux ou trois phrases?

M. Bienvenue: M. le Président, il avait accepté.

M. Burns: Non!

Le Président: La même chose s'est présentée.

M. Burns: La même chose. Assoyez-vous, autant que le député de Chicoutimi.

Le Président: Bon, bon! Est-ce que l'Assemblée est prête à se prononcer sur cette motion de deuxième lecture?

L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. Oswald Parent

M. Parent (Hull): M. le Président, je pense qu'il aurait été très surprenant que je ne participe à ce débat de deuxième lecture sur une loi qui a trait aux négociations dans les secteurs public et parapublic et dont j'assume la responsabilité.

Il est évident, M. le Président, qu'au moment où ce mandat m'a été confié, au mois d'août 1974, il y aura près de deux ans, je savais quelles étaient les responsabilités que j'aurais à assumer et quelles seraient les difficultées que j'aurais à traverser. Je m'en suis rendu compte en cours de route, j'en

suis encore conscient et je crois que les propos qu'a pu tenir l'Opposition, jusqu'ici, ne m'ont pas convaincu de modifier l'attitude que j'avais adoptée depuis le début.

Il est vrai, M. le Président, que si l'Opposition a le souci de l'entant, celui qui parle a également le souci de l'enfant. Il a le souci des malades, il a le souci des parents, il a le souci de ses patrons qui font partie de la partie patronale, mais il a également le souci de l'administration provinciale, des deniers publics qui sont, en somme, sa responsabilité, ou des deniers qui nous sont versés par cette même population pour administrer.

Il s'agit donc, en l'occurence, d'une allocation de ressources dont le gouvernement seul a la maîtrise. Il a été élu pour faire l'allocation de ressources et c'est lui qui a la responsabilité de déterminer comment et dans quelle priorité il doit faire l'allocation des ressources...

M. Lessard: Les Jeux olympiques.

M. Bédard (Chicoutimi): De gaspiller aussi!

M. Parent (Hull): ...à travers les besoins exprimés et les besoins existants.

M. le Président, le parti de l'Opposition a depuis longtemps essayé de faire croire à la population que si les propositions du gouvernement ne sont pas mieux équilibrées en ce qui concerne les syndicats, mieux équilibrées en ce qui concerne l'Opposition, c'était parce que le gouvernement, dans l'allocation de ses ressources, prenait les deniers pour les Jeux olympiques et pour la baie James.

Or, M. le Président, il n'y a rien de plus faux, quand on sait comment se partage l'assiette fiscale, l'assiette qui doit être réservée aux dépenses ordinaires. On ne viendra pas faire croire que les Jeux olympiques, le développement de la baie James sont des éléments contraignants dans les propositions que le gouvernement a présentées à ses employés, tant du secteur public que du secteur parapublic.

Nous l'avons fait, M. le Président, et si c'est le gouvernement qui a la maîtrise pour établir les priorités, nous l'avons fait dans l'intérêt de la population, nous l'avons fait dans l'intérêt et dans le souci que nous avons, nous aussi, de la qualité de l'enseignement, qui est un faux slogan dans cette négociation que nous poursuivons. C'est un faux slogan. On n'a qu'à regarder...

M. Levesque: M. le Président, j'invoque le règlement.

Depuis que le ministre de la Fonction publique a commencé à parler, qu'il a commencé son intervention, continuellement, du côté de l'Opposition, on a enfreint le règlement, on a continué de crier, d'interrompre. Et ensuite on demandera...

M. Burns: C'est parce qu'on n'a aucun respect pour lui.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Levesque: M. le Président...

Le Président: A l'ordre! ...A l'ordre, messieurs! ...A l'ordre!...

M. Burns: On n'a aucun respect pour lui.

Le Président: A l'ordre!......A l'ordre!...

M. Levesque: Si le député de Maisonneuve...

M. Burns: Je ne retirerai pas mes paroles, je n'ai aucun respect pour lui.

M. Levesque: Si le député de Maisonneuve n'a aucun respect pour ses collègues, au moins qu'il ait du respect pour l'institution et pour le règlement.

M. Burns: Par pour lui.

Le Président: A l'ordre, messieurs!... Messieurs!... Le député de Lafontaine et d'autres. Est-ce qu'après cinq ou six ans dans cette Assemblée vous ne connaissez pas encore les règles du jeu? Si l'Opposition ne critiquait pas le gouvernement, j'en serais le premier déçu. Et, si le gouvernement ne critiquait pas l'Opposition, je serais doublement déçu.

Acceptez les règles du jeu, vous avez 20 minutes à l'endurer. Tout le monde s'endure même s'il est deux heures du matin.

M. Parent (Hull): Ils vont m'endurer.

M. Levesque: M. le Président, ils ne sont que six et ils essaient de brimer le droit de parole; s'ils étaient plus nombreux qu'est-ce qui arriverait?

Le Président: A l'ordre, messieurs!......A l'ordre!...

Le ministre de la Fonction publique.

M. Parent (Hull): M. le Président...

M. Levesque: Ecoutez, cela va vous faire du bien.

M. Burns: On est des méchants, d'accord.

M. Hardy: Vous n'êtes pas des méchants, vous êtes des légers.

M. Burns: Bien oui!

M. Léger: Elle n'est pas bien hardie, celle-là.

Le Président: Messieurs, messieurs! C'est vrai qu'il est deux heures, mais également pour moi aussi, d'accord?

M. Parent (Hull): M. le Président, je voudrais bien que le député de Maisonneuve sache que, s'il n'a pas de respect pour celui qui parle, celui qui parle en a encore moins pour l'Opposition officielle.

M. Burns: Vous ne savez pas jusqu'à quel point je n'ai pas de respect...

Le Président: A l'ordre! Je rappelle à l'ordre le député de Maisonneuve. Cela est la première fois. D'accord? On va finir cette séance.

M. Parent (Hull): Si le gouvernement acceptait le programme du Parti québécois, à savoir que le gouvernement doit être le meilleur employeur, celui qui rémunère ses employés le mieux, je ne sais pas dans quel contexte le gouvernement du Québec et la population se retrouveraient demain matin. Le Parti québécois se fait fort de publier que le gouvernement du Québec doit être le meilleur employeur, qu'il doit être celui qui va le mieux payer, qui doit donner l'exemple à l'entreprise privée. Cela ne lui fait rien de perturber l'économie d'une province; tout ce qu'on recherche, c'est de détruire l'institution.

Une Voix: Achalant.

Le Président: Je vous rappelle à l'ordre pour la deuxième fois. D'accord?

M. Parent (Hull): Ce qu'on recherche, c'est de détruire les institutions au Québec; c'est cela le slogan, l'objectif du Parti québécois, comme les syndicats d'ailleurs, actuellement, les chefs syndicaux. Qu'est-ce qu'on recherche? Le même but que le Parti québécois, remplacer le gouvernement élu démocratiquement en utilisant tous les moyens de soudoyer qu'on utilise présentement. Le Parti québécois voudrait se faire complice; il a déjà fait sa part dans ce que les chefs syndicaux appellent l'appui du Parti québécois. Il leur a rappelé assez souvent quel intérêt le Parti québécois avait pris dans les négociations actuelles.

M. le Président, le sujet que nous avons à discuter, c'est de maintenir des services. La loi a comme souci l'enfant, la protection des institutions scolaires pour que ces enfants puissent recevoir au moins un enseignement minimum et qu'ils puissent être assurés de bénéficier des services que peut leur offrir tout le secteur de l'enseignement. Pour ce faire, le gouvernement choisit des moyens d'agir. Devant la situation dans laquelle nous nous retrouvons, continuellement, de voir les classes perturbées, de voir les moyens de harcèlement qu'on a utilisés, de voir même dans les institutions hospitalières comment on a agi sauvagement, d'une façon barbare dans un pays civilisé, cela, ce sont des syndiqués agissant sous les ordres des chefs des syndicats pour se préoccuper de ce que le Parti québécois vient de nous reprocher ce soir: le souci de l'enfant, le souci des malades et le souci de la population.

On est bien loin de cela quand on est assis aux tables de négociations. On est bien loin de cela quand on entend les discours que font les chefs syndicaux. M. le Président, si c'est là qu'on veut en arriver au Parti québécois, détruire tout le régime, détruire le système démocratique du Québec, détruire les institutions pour arriver à ses fins et prendre le pouvoir, il aura longtemps à attendre, parce que la population n'est pas sotte à ce point.

Or, M. le Président, il arrive que dans ce projet de loi nous proposons la suspension d'un droit de grève pour permettre de continuer les négociations dans un climat serein, dans un climat de calme permettant d'en arriver à des conclusions heureuses. Pour ce faire, nous avons des exemples très frappants de syndicats... Jusqu'ici, M. le Président, j'ai signé 18 conventions collectives. On ne viendra pas dire que pour les 18 conventions collectives il s'agit là de personnes irresponsables, de quelqu'un qui n'a pas voulu accepter les offres du gouvernement d'une façon démocratique, par la négociation. C'est pourtant ce qui est arrivé, M. le Président. La première convention collective que j'ai eu à signer était celle de la Sûreté du Québec et la deuxième convention collective que j'ai signée a été celle des agents de la paix. On ne viendra pas dire que c'étaient des groupes faciles qui acceptaient la politique gouvernementale en matière salariale et les offres au point de vue des clauses normatives. Il arrive également que le syndicat des fonctionnaires du gouvernement a accepté des offres après des négociations qui ont duré un an et je ne crois pas que ces gens aient été frustrés ou aient été brimés dans leurs droits. Pourquoi donc ce ralentissement que nous avons connu dans le secteur de l'éducation, si ce n'est des objectifs premiers déclarés au cours des réunions du conseil d'administration de la CEQ à l'effet que l'objectif de cet organisme était d'abord de changer le régime? C'était l'objectif premier. Ce n'était pas de négocier, mais de changer le système actuel. On a qu'à vérifier les minutes des assemblées de la CEQ pour constater que l'objectif n'était pas la négociation. La CEQ aura cherché et recherchait encore, jusqu'à il y a 15 jours, un décret. C'est cela qu'elle recherchait pour pouvoir continuer à se promener en province, à démolir le gouvernement en disant: Si vous avez cette qualité de l'enseignement, si vous avez ces normes et ces ratios qui sont encore en vigueur, c'est le gouvernement qui vous les a imposés. C'est le gouvernement qui vous a imposé votre salaire. Au contraire, même si cette loi aura pour objet de suspendre le droit de grève, comme le Taft-Hartley Act le prévoit aux Etats-Unis dans les services publics il y a une suspension, un moratoire de 80 jours pour permettre une période...

M. Burns: Savez-vous ce qu'est la loi Taft-Hartley? Est-ce que le ministre...

Des Voix: A l'ordre!

Le Président: A l'ordre! Un instant. Est-ce que vous acceptez une question?

M. Parent (Hull): Non.

Le Président: La même chose s'est présentée tout à l'heure. L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. Burns: II ne sait même pas ce qu'est la loi Taft-Hartley.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Parent (Hull): Nous voulons...

M. Burns: C'est quoi, la loi Taft-Hartley?

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre.

M. Parent (Hull): M. le Président, si la CEQ, à mon avis, accepte ce moratoire comme je le crois, il est évident qu'il faudra en arriver à une convention collective.

Je l'ai répété et je le répéterai encore: II n'y aura pas de bénéfices de conventions collectives, il n'y aura pas d'effets, il n'y aura pas de nouveaux traitements, à moins qu'il n'y ait des conventions signées. Le gouvernement n'imposera pas de conditions de travail aux syndiqués, comme il n'imposera pas de conditions de rémunération à moins qu'on n'ait le coeur de signer pour. C'est cela, la négociation qui va se poursuivre. Si on l'a suspendue aujourd'hui, ce n'est pas la partie patronale qui l'a suspendue; c'est la partie syndicale qui s'est retirée des tables, nous donnant rendez-vous à lundi prochain. Nous y serons au rendez-vous.

Nous avons le désir et le vouloir de négocier des conventions collectives. Nous n'avons pas l'intention de brimer quelque partie que ce soit. Nous voulons conclure qu'il doit y avoir des conventions collectives, qu'il doit y avoir des conditions de travail déterminées par voie de négociation. La rémunération doit être accompagnée du même système de négociation pour en arriver à des conclusions. Mais qu'on ne croie pas que, par le fait qu'il y a un projet de loi suspendant le droit de grève, demain matin, on imposera un décret par une loi spéciale. On se trompe. On aura le courage de signer une convention collective, si on veut en avoir les effets.

M. le Président, nous allons poursuivre dans ce même cadre concurremment avec les commissaires aux différends, qui s'occuperont de rapprocher les parties, qui s'occuperont d'étudier dans le contexte actuel les propositions tant du côté patronal que syndical et qui pourront faire, par la suite, des observations qu'ils tireront de l'étude de ce dossier assez complexe. C'est comme cela, M. le Président. Je dois le dire à nouveau: Dans le contexte où nous nous trouvons, nous avons des lois qui régissent les négociations. Je l'ai dit et je le répète encore: Ce que nous avons voulu et ce que nous voulons encore, c'est le respect des lois qui sont établies. Le règne du calme doit exister et, à mon avis, s'il y avait eu respect intégral des règles, il n'y aurait pas eu de nécessité de présenter une loi comme celle-ci, après neuf mois de négociation.

Je crois, M. le Président, que le gouvernement avait une décision à prendre. J'ai prévenu depuis déjà plusieurs semaines que nous explorions les moyens, les mécanismes qui nous permettraient d'encadrer cette négociation pour en arriver à déterminer des conditions de travail. Nous avons organisé, depuis quinze jours, cette session intensive de négociation au niveau des tables du CEGEP, de l'élémentaire et du secondaire.

Nous avons eu des résultats concrets. La partie syndicale déclare aujourd'hui, après sa suspension de séance, que les résultats sont minimes. Dans l'ensemble, nous savons, par les discussions qui ont pris place non pas simplement aux tables sectorielles elles-mêmes, mais par les discussions dans leur ensemble avec les dirigeants syndicaux, qu'il y a progrès, qu'il y a établissement des difficultés où elles se rencontrent et qu'il est possible, dans le cadre actuel, selon les renseignements que nous possédons, selon les données que nous avons recueillies, d'en arriver à des conclusions heureuses dans le domaine de l'éducation comme dans le domaine des affaires sociales.

A cet effet, M. le Président, je pense que nous n'avions pas d'autres choix que de rétablir la paix sociale au Québec. A cause du souci que nous avions que l'enfant puisse compléter son année scolaire, de préserver nos institutions, de donner une certaine crédibilité aux diplômes, nous n'avions pas d'autre choix que de demander ce moratoire et, par ce mécanisme des commissaires aux différends et de la poursuite de la négociation, de permettre ainsi de conclure des ententes négociées.

Or, M. le Président, je suis parfaitement d'accord pour dire que ce projet de loi était essentiel, qu'il était urgent. Le gouvernement se devait d'assumer ses responsabilités; il les a assumées.

J'espère que cela pourra apporter dans les semaines à venir, des conclusions d'ententes négociées qui permettront aux employés des secteurs public et parapublic de bénéficier des nouvelles conditions de travail et des nouvelles conditions de rémunération.

Le Président: L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. Burns: M. le Président, la chose la plus aberrante que j'aie entendue vient à peine d'être dite par le ministre de la Fonction publique. Je l'ai notée parce que je ne croyais pas que j'avais entendu cela.

M. le Président, je vous cite à nouveau ce que j'ai entendu dire par le ministre de la Fonction publique qui, actuellement, a la tâche, pas facile, je l'admets, mais la tâche de voir à ce que les négociations dans le secteur public puissent être menées à bien.

J'ai entendu, de la bouche du ministre de la Fonction publique ceci — et moi, M. le Président, cela me renverse — j'ai entendu que la suspension du droit de grève est faite — imaginez-vous pourquoi? — pour poursuivre les négociations.

J'ai entendu cela, M. le Président. Je vous réfère au journal des Débats.

Le Président: A l'ordre!

M. Burns: II y a même un ministre d'Etat, un minus d'Etat qui est prêt à dire: Bien oui, bien oui! C'est fantastique!

M. le Président, qu'on me laisse dire quand

même ce que j'ai à dire là-dessus. Il y a du monde qui n'a pas l'air de comprendre que le droit de grève est un corollaire, est un droit ancillaire du droit d'association. Il faudrait peut-être qu'on se le dise une fois pour toutes.

Le droit de grève, vous savez, ce n'est pas quelque chose qui est né tout seul. Ce n'est pas venu au monde comme cela, le droit de grève. Il faudrait peut-être qu'on se rende compte que le droit de grève est exactement la réponse concrète au droit d'association. C'est la façon d'exprimer le droit d'association.

On peut aller loin là-dessus et je n'ai pas l'intention d'aller loin là-dessus. Mais quand j'entends le ministre, qui est censé parler au nom du gouvernement — qui est, dans le fond, soit dit en passant, le ministre de la Fonction publique, le chef du personnel du gouvernement, ne nous y trompons pas; c'est lui qui représente le gouvernement dans les relations patronales-ouvrières — oser dire que la suspension du droit de grève, ce n'est pas grave, c'est pour permettre des négociations, c'est pour permettre la reprise des négociations! Nous autres, on s'est fendu en quatorze pour essayer de trouver des solutions. On a suggéré au gouvernement un tas de façons d'essayer de reprendre les négociations.

Vous avez le député de Lafontaine qui, à de nombreuses reprises, a suggéré la médiation désignée par le gouvernement... Oui, le député de Louis-Hébert a le droit de trouver cela bien drôle, il a le droit de s'écrouler derrière son siège. Cela vous montre jusqu'à quel point le député de Louis-Hébert comprend le problème.

M. Desjardins: ...

M. Burns:... mais c'est cela.

Le Président: Voulez-vous vous adresser à moi, je ne vous interromprai pas. Vous ne perdrez pas le fil, vous allez faire votre discours et puis...

M. Burns: Je veux simplement vous dire jusqu'à quel point je suis renversé de voir ce gouvernement, qui se prétendait, en 1970, un gouvernement de jeunes administrateurs compétents, etc., je ne reviendrai pas là-dessus.

Mais c'est incroyable comme ce gouvernement de jeunes administrateurs compétents n'est pas capable de comprendre comment cela se passe, des négociations, que, entre autres, la plus importante négociation au Québec, c'est celle-là.

Il est incapable d'en arriver à un résultat parce que ces jeunes administrateurs compétents ne sont absolument pas jeunes, pas compétents et pas administrateurs du tout à l'endroit de cette négociation.

C'est votre problème. Je le dis, M. le Président, c'est leur problème. Le problème du gouvernement actuel c'est qu'il ne sait pas qu'il est dans un domaine de relations humaines. Il ne sait pas cela. Il ne s'est pas rendu compte que ce n'est pas un problème de relations juridiques. C'est un problème de relations humaines.

Il arrive que ce gouvernement, ayant ce pouvoir qu'il a, qu'il est en train d'exercer avec la loi actuelle, ne se rend pas compte qu'en même temps il est aussi un employeur. Etant employeur, il ne se rend pas compte que le désir collectif des travailleurs est la chose la plus normale du monde, c'est de vouloir discuter d'égal à égal avec leur employeur. Il arrive que l'employeur en question se trouve à être le gouvernement.

Je pense qu'il y a un certain nombre de personnes du côté gouvernemental qui le comprennent. Je ne sais pas combien, mais il y en a quelques-uns qui le comprennent et, dans le fond, c'est à eux que je fais appel.

Je fais appel, entre autres, au ministre de l'Industrie et du Commerce, même s'il bâille actuellement; il fait partie de ceux qui, ,je pense, sont capables de comprendre.

C'est à peu près le style de choses que le ministre de l'Industrie et du Commerce peut comprendre. Je pense. En tout cas je le souhaite, parce que j'ai toujours pensé qu'il était capable de comprendre. Lorsqu'on parle de relations humaines, collectives, entre un employeur et un groupe d'employés, on ne parle que d'un certain nombre de gens qui veulent se revaloriser sur le plan collectif, qui veulent simplement décider qu'ils ont des choses à dire à l'employeur. Je disais, hier matin ou hier après-midi, au gouvernement: Vous devez être le meilleur employeur. Même si le ministre de l'Industrie et du Commerce m'a repris là-dessus etqu'il n'était pasd'accord là-dessus du tout, il me semble que, au contraire, le gouvernement a à réviser sa position là-dessus. Le gouvernement a à réexaminer le fait qu'il doit être le meilleur employeur.

Mais, dans le cas particulier qui nous concerne, on aurait pu, dans les détails, réexaminer la situation; on aurait pu parler de la prénégociation, on aurait pu parler d'une négociation sur la masse salariale, sur la structure salariale, sur la politique salariale, qui normalement, à nos yeux devrait être faite avant toute négociation.

On n'est même pas revenu à cela. On pourrait, cependant, dans le cas actuel, blâmer directement le gouvernement pour son absence — et je m'adresse au ministre de l'Education — de politiques précises à l'endroit de deux problèmes qui concernent les enseignants. L'un est le problème du ratio, 1/24 ou 1/17 selon le cas. Cela devient peut-être un peu technique, le ratio élèves-professeur — 1/24 ou 1/17 selon qu'on parle de l'élémentaire ou du secondaire — mais c'est un des éléments importants que vous devez régler.

Le problème de la sécurité d'emploi n'est pas nouveau. Ce n'est pas quelque chose qui vous tombe du ciel, cette année, M. le ministre de l'Education. C'est quelque chose qui a été mis en discussion au cours de la ronde de négociations de 1972 et qui, éventuellement, a été réglé d'autorité par la loi 19 et par le bill qui a suivi, mais ce sont des choses qu'il faut simplement réexaminer avec les gens concernés.

C'est ce qu'on vous dit. C'est ce dont on parle depuis un certain temps comme règlement dans

cette affaire et, si on n'est pas capable d'en arriver à un règlement là-dessus, on va tout simplement faire, du côté gouvernemental, un aveu complet d'impuissance. C'est ce que j'aimerais entendre de la part du ministre qui aura à répliquer éventuellement relativement à ce projet de loi, parce que je pense bien que, tôt ou tard, le ministre aura le droit de réplique Mais, si c'est un aveu d'impuissance qu'il nous fait, qu'il nous le fasse et qu'on sache exactement quoi dire aux gens de la fonction publique et du secteur parapublic. Qu'on commence par dire aux enseignants: Nous avons actuellement un gouvernement qui est incapable de penser, non de régler, de penser à vos problèmes.

C'est la question qui se pose par le projet de loi no 23. On ne vous demande pas de trouver une solution immédiate. D'ailleurs, la solution que l'Opposition vous a proposée est une solution qui permet un certain nombre de variantes, un certain nombre d'aménagements. On vous a proposé simplement la nomination d'un médiateur. Ce n'est pas une solution directe, on ne vous dit pas: II faut que vous alliez directement vers cet endroit. On vous a dit un médiateur, et ce médiateur serait là pour quoi? Il serait là pour garantir le désir du gouvernement de régler le problème de façon claire, de façon, surtout, distante et qui le fasse sortir de son siège d'employeur, éventuellement, comme on le voit aujourd'hui cet employeur qui change son chapeau et devient législateur.

Ce n'est pas une façon d'exercer des relations patronales-ouvrières. Ce n'est pas la façon de le faire, à mon avis. Vous avez nettement besoin de revoir la façon dont on considère les employés de l'Etat. C'est peut-être la chose la plus importante, peut-être le geste le plus important et je m'adresse à mes vis-à-vis, M. le Président, non pas comme des membres du parti adverse, je m'adresse à ces gens qui détiennent, actuellement, le pouvoir. Je ne le fais pas dans un style partisan, je le fais simplement en pensant que tout à l'heure il y a du monde au Québec, qui que ce soit, qui va être poigné avec le problème que vous aurez créé par cette négociation et par la négociation précédente.

C'est exactement cela, M. le Président, qu'on est en train de détruire au Québec. On est en train de détruire une mentalité de la fonction publique. Des grands serviteurs de l'Etat, M. le Président, je vous prédis qu'il n'y en aura plus. Ah! vous avez le droit de rire, M. le ministre des Communications, mais vous surtout, vous ne devriez pas rire là-dessus. On est en train, actuellement, de détruire la pensée même de ce qu'on appelle les grands serviteurs de l'Etat. Même le ministre des Consommateurs ne semble pas être d'accord avec moi, je le comprends, mais c'est, M. le Président, ce genre de problème qui est actuellement en discussion. C'est ce problème qu'on est en train de régler avec le revers de la main par une loi tout à fait spéciale.

On est en train de dire à des gens qui sont les grands serviteurs de l'Etat, qui s'appellent entre autres, les enseignants: Vous savez, vous n'êtes pas im- portants parce que le jour où vous pensez régler quelque chose par vos réclamations légales, logiques tout à fait supportables, nous, on pense qu'on peut régler ça, tranquillement, pas vite, comme votre employeur via une loi.

Vous êtes en train de décourager — c'est véritablement ça que vous êtes en train de faire — toute pensée, toute initiative véritablement du style auquel on s'attend de la part de gens qui représentent l'Etat. C'est dans ce sens que je suis véritablement aplati quand je vois un projet de loi comme celui-là. C'est dans ce sens que je ne pourrai sûrement pas voter en faveur d'un projet de loi comme celui que vous nous présentez. C'est dans ce sens que je me sens l'obligation, comme simple citoyen et non pas comme député, de vous avertir que vous êtes en train de causer des problèmes encore plus grands que ceux que vous croyez régler par le projet de loi. Vous êtes en train de créer une anarchie systématisée par votre projet de loi. Vous êtes en train de détruire tout désir de participer à un avancement collectif de la part de ce qu'on appelle les serviteurs de l'Etat.

Cela commence par les enseignants. Je pense que vous faites une grave erreur. Je pense que vous ne vous rendez même pas compte, du côté gouvernemental, de l'importance de l'erreur que vous êtes en train de commettre. C'est tout ce que j'ai à dire et c'est ce qui va me permettre, en toute honnêteté, sans aucune gêne, de voter contre le projet de loi que vous nous présentez.

Le Président: Le député de Rivière-du-Loup. M. Paul Lafrance

M. Lafrance: M. le Président, vous avez entendu comme moi, il y a quelques heures, des paroles à peu près comme ceci: J'ai le goût de m'écrouler et de me jeter en dessous de mon bureau. Ce qui est encore plus aberrant, M. le Président, on dit que la présentation de ce projet de loi n'était pas urgente. Certains partis politiques sont davantage intéressés à jeter du sable dans la machine qu'à faire en sorte que tout marche pour le mieux au sein de la société québécoise. Je voudrais vous citer un article d'un éditorialiste du Dimanche-Matin, en date du 8 février 1976: "Depuis quelques années, les centrales syndicales ne se sont jamais cachées, particulièrement à ce chapitre, la CSN et la CEQ, pour crier bien haut leur volonté d'abattre le régime Bourassa, de détruire le système et d'instaurer une société ouvrière sur les dépouilles du capitalisme bourgeois. Il est, dans un tel contexte social, intéressant de voir ce que dit d'un tel syndicalisme le philosophe Jean-François Revel. On trouve son opinion dans L'Express de janvier. La mission d'un syndicalisme marxiste, écrit-il, n'est pas de permettre au capital de compter sur une période de tranquillité et de régularité dans la production. Elle est d'exploiter ses difficultés et de le déséquilibrer chaque fois que c'est faisable, notamment par la grève qui doit rester imprévisible, même si l'obligation du préavis en atténue grandement la

surprise. Les accords avec le patronat sont non pas de vrais contrats, mais des pauses. La lutte doit reprendre dès que possible et il importe d'ailleurs, si on est un dirigeant syndical conséquent, de souligner ce qu'on n'a pas, que l'on n'a jamais obtenu satisfaction et que la direction refuse de négocier."

Ce propos descriptif de Revel ne colle-t-il pas à la perfection et à s'y méprendre aux attitudes et aux propos que tiennent nos leaders syndicaux québécois depuis un certain temps et avec une ferveur accrue chaque fois qu'approchent de nouvelles occasions de crises, à leurs yeux, souhaitables?

M. le Président, j'ai entendu dernièrement un chef de parti politique dire: Dis-moi qui tu finances et je te dirai qui tu es. C'est peut-être là que c'est le plus tragique. Le masque est enfin tombé. On a mentionné — vous avez entendu ces propos — qu'un certain parti politique était financé par certains syndicats.

Un certain conseil d'administration de CEGEP, M. le Président, est obligé, à partir du 1er février 1976, à la demande d'un syndicat de professeurs, de percevoir sur chaque paie de chacun des enseignants de ce collège une cotisation syndicale spéciale de $4.

M. le Président, un parti politique qui est financé par des syndicats, moi et tous mes collègues de l'Assemblée nationale sommes d'avis qu'un tel syndicat est associé au front commun, à l'heure actuelle. Nous n'avons plus à faire face à seulement un front commun CSN-CEQ-FTQ mais nous avons affaire à un front commun CSN-CEQ-FTQ-PQ.

M. Burns: Une question de règlement.

Le Président: Pourriez-vous revenir au projet de loi s'il vous plaît?

M. Lafrance: Oui, M. le Président.

M. le Président, je pense que c'est tout de même important de constater qu'aujourd'hui il est extrêmement urgent d'adopter un tel projet de loi afin que la paix sociale revienne au Québec. Je demande la collaboration de tous mes collègues. Ceux qui y sont opposés, pour les raisons que je viens de mentionner — il y en a d'autres qui s'y opposent pour d'autres raisons — nous savons aujourd'hui que des partis politiques sont financés par des centrales syndicales, par des syndicats. C'est cela qu'il est aberrant de constater aujourd'hui, au Québec, et c'est pourquoi on veut s'opposer à l'adoption d'un tel projet de loi. On veut le retarder. On a essayé par tous les moyens.

Je vous dis et je vous le répète, M. le Président. L'Assemblée nationale aura à se prononcer. Nous voterons en faveur de ce projet de loi pour nos étudiants, qui nous demandent, chaque jour, de rétablir la paix sociale et de forcer ceux qui ne veulent plus enseigner, ceux qui ne veulent plus travailler à revenir à de meilleurs sentiments afin qu'une paix sociale durable soit instaurée au Québec.

M. le Président, je voulais être bref afin de ne pas prolonger le débat mais il fallait, je pense, démasquer ce qui était en train de s'instaurer au Québec. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Jean-Claude Malépart

M. Malépart: M. le Président, je suis d'accord avec le projet de loi no 23 et je puis vous dire que ma position est la même que celle de la très grande majorité de responsables des comités de parents des écoles de mon comté.

M. le Président, j'ai personnellement communiqué avec quinze responsables de ces comités et le résultat est le suivant: Dix sont en faveur, deux contre, et il y a trois indécis. La majorité est d'accord parce qu'ils veulent que leurs enfants reçoivent les cours auxquels ils ont droit.

En plus, M. le Président, je crois que tous les travailleurs en milieu scolaire, soit les enseignants et surtout le personnel de soutien, ne peuvent plus se permettre de perdre des sommes d'argent. Je crois que ce projet de loi permet à tous ces travailleurs de voir leur convention collective se négocier sans perdre un dollar.

M. le Président, j'ai confiance que ces travailleurs respectent la loi de la même façon que les travailleurs du personnel d'entretien de la CTCUM qui, au cours du mois de septembre dernier, 1975, ont eu un projet de loi qui lui ressemble, qui permettait à tous ces travailleurs de retourner au travail et qui demandaient de continuer la négociation.

Le résultat: on n'a plus eu de nouvelles. C'est signe que les conventions collectives se sont signées sans que ces travailleurs perdent une somme d'argent.

M. le Président, en terminant, j'ai confiance qu'on obtienne le même résultat, soit une convention collective négociée et signée, dans le domaine de l'éducation et dans le domaine des affaires sociales.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent prendre la parole sur cette motion?

L'honorable ministre, pour son droit de réplique. Ce droit de réplique mettra fin au débat.

M.Jean Bienvenue

M. Bienvenue: M. le Président, j'ai écouté en tout dernier lieu, du côté de l'Opposition, le député de Maisonneuve qui — je le dis sans aucune hésitation — a tenu à garder ce ton que j'espérais entendre de la part de mes collègues de l'Assemblée nationale discutant sur un sujet aussi sérieux. Je l'apprécie.

Le député de Maisonneuve a notamment dit — et j'ai réussi à saisir malgré sa voix qui était défaillante — entre autres qu'il espérait que je parle, dans ma réplique, de ce sujet combien épineux, qui se situe au coeur des négociations actuelles, qui est celui de la tâche des enseignants.

M. le Président, j'ai refusé de le faire, à plusieurs reprises, au cours des dernières semaines, notamment et surtout ou exclusivement lors des périodes de questions. J'ai refusé de parler, de m'engager dans le contenu des négociations, qu'il s'agisse de la tâche, de la sécurité d'emploi, disant à chaque fois que je ne voulais pas me substituer à nos porte-parole aux tables de négociation, disant que je refusais de faire de la négociation parallèle. Le député de Maisonneuve sait autant, sinon mieux que quiconque en cette Chambre qu'il existe une telle chose que la stratégie des parties dans une négociation. Il sait fort bien que commenter parfois publiquement ou se livrer à ce que j'ai appelé de la négociation parallèle peut nuire considérablement au travail des porte-parole de l'une ou l'autre des parties aux tables.

Et je le dis à ce point qu'il sait aussi qu'il est même des réunions, parfois officieuses, auxquelles on ne fait pas allusion, il est des propositions auxquelles on ne fait pas allusion sur la place publique, pour arriver aux fins que je viens de décrire. Je le dis avec une telle insistance et à ce point que j'assure publiquement au député de Maisonneuve qu'il me fera plaisir, n'importe quand, en sortant de cette séance nocturne, de lui tenir des propos que, dans l'intérêt public, je préfère ne pas tenir en cette Chambre au cours de ce débat, qui, je l'espère, l'éclaireront. Mon offre tient.

M. le Président, on a parlé abondamment du côté de l'Opposition officielle, et avec des accents parfois douloureux, de cette suspension que d'autres ont appelée ce retrait complet du droit de grève des syndicats. Pas une seule fois, sauf brièvement par le député de Lafontaine et le député de Saint-Jacques, il n'a été question de cette interdiction formelle du droit de lock-out des collèges et des commissions scolaires. Pourtant, M. le Président, dans la première disposition de la section II de cette loi, intitulée Maintien des services dans le domaine de l'éducation, à l'article 2, on lit ce qui suit: "Le lock-out est interdit aux collèges et aux commissions scolaires pendant les 80 jours qui suivent la date de l'entrée en vigueur de la présente loi."

M. le Président, on n'en a pas parlé. Serait-ce — et je ne prête de mauvaises intentions à personne, mais je constate — parce qu'on craint de s'appitoyer sur la partie patronale, pour des raisons que l'on peut facilement imaginer, ou encore parce qu'on est indifférent au sort de ce 1,5 million de jours-élève perdus par les seuls lock-out au Québec? Je n'ai pas craint de l'affirmer et de le répéter. L'on sait évidemment que ces lock-out des commissions scolaires ou des collèges ne sont pas issus du pur caprice, de la pure fantaisie et sont le fruit du harcèlement continuel et de l'impossibilité de garder des écoles ouvertes face au danger physique et aux autres courus par les élèves.

M. le Président, j'ai posé à deux reprises, pardon, j'ai tenté de poser à deux reprises, au député de Chicoutimi, une question que je disais fort inoffensive et qui, d'ailleurs, vous le verrez dans un instant, est fort inoffensive; il a refusé de me répondre. J'ai, cette fois, un avantage sur lui, c'est que dans le cadre de ma réplique je peux indiquer quelle aurait été cette question et lui, à cause du règlement, cette fois-ci ne pourra plus me répondre.

M le Président, ma question eût été la suivante: Compte tenu du fait qu'aujourd'hui même, pas hier, ni avant-hier, mais aujourd'hui même, toutes les commissions scolaires de la Commission scolaire régionale du Saguenay-Lac-Saint-Jean, son territoire, sont toujours en lock-out, privant de cours 38 663 élèves — ce n'est pas beaucoup, c'est peu nombreux — depuis plusieurs semaines, tenant loin des écoles 2070 professeurs.

Rappelons que, dans cette même région administrative du Saguenay, 1 307 536 jours-élève ont été perdus, soit 17,5 jours par élève. Ma question eût été au député de Chicoutimi qui maintenant n'a plus le droit de me répondre: Dans combien de jours suggériez-vous que nous adoptions cette loi pour amener ces enfants à l'école?

M. le Président, il est trop tard pour me répondre. J'invite le député de Chicoutimi à répondre aux parents de ces enfants de son comté.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas eu peur de répondre. Si vous aviez nommé un médiateur il y a trois semaines on n'aurait pas une loi spéciale. C'est rien que de la démagogie.

Le Président: A l'ordre!

M. Lessard: Avez-vous répondu quand on vous a posé la question sur le médiateur?

Le Président: A l'ordre! M. Leduc: ... micro, Jupiter!

M. Bienvenue: M. le Président, je suis heureux parce que cette fois le député de Saguenay répond en plus du député...

M. Bédard (Chicoutimi): II n'a même pas eu le courage de dire s'il avait recommandé un médiateur. Vous aviez demandé aux autres de se prononcer.

Le Président: A l'ordre, messieurs! Revenons au ministre de l'Education.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est pas mal irresponsable.

M. Burns: Est-ce que le ministre de l'Education me permet une question?

M. Hardy: Oui. On n'est pas comme vous. Une Voix: Non.

M. Burns: Pourquoi le ministre de l'Education n'a-t-il pas répondu aux questions du député de

Chicoutimi lorsqu'il les lui posait il y a quelques semaines relativement à ce même problème?

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, question de privilège. Je veux faire remarquer une chose. Le ministre de l'Education n'est vraiment pas correct — c'est le moins que je puisse dire — parce qu'il devrait se rappeler que je suis un des députés qui ont écrit au ministre de l'Education...

M. Hardy: Question de privilège.

M. Bédard (Chicoutimi): ... il y a 3 semaines pour lui faire parvenir certaines demandes.

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. Bienvenue: M. le Président, je m'engage à ne plus questionner le député de Chicoutimi avant 2 jours.

Le Président: A l'ordre, à l'ordre s'il vous plaît, messieurs!

M. Bédard (Chicoutimi): Rappelez-vous la lettre que je vous ai écrite. Essayez donc de nier cela.

Le Président: Qu'il reste assis.

M. Bienvenue: M. le Président... Une Voix: Avocat minable. M. Lessard: Député minable!

M. Bellemare (Rosemont): Comme toi.

M. Bédard (Chicoutimi): Fais ta question de privilège.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. Bienvenue: M. le Président, il a été question au cours de cette journée de la motion pour retarder l'adoption de ce projet de loi. Je m'excuse publiquement auprès du député de Chicoutimi. S'il veut me laisser finir, je m'excuse et je m'engage à ne plus le questionner avant 2 jours.

M. Bédard (Chicoutimi): ... des questions idiotes comme celles-là?

Le Président: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. Bienvenue: M. le Président, je m'adresse à vous. Il a été question de ces groupes et organismes que l'on aurait souhaité entendre en commission parlementaire. Il a été question, évidemment, j'en ai parlé abondamment, de l'opinion de ces groupes et organismes et de l'opinion de la population qui m'a écrit et à qui j'ai parlé depuis 2 mois. J'ai parlé, M. le Président, lors du débat de cette journée, que ce soit sur la motion dilatoire, que ce soit sur la motion de deuxième lecture, de ces nombreux messages écrits ou verbaux et de ces supplications que j'avais reçus depuis le 19 janvier 1976. Incidemment, M. le Président, j'oubliais de dire à cette Chambre, cet après-midi, que j'avais même reçu, entre autres, une volumineuse valise pleine de lettres de milliers de parents venant d'une seule région. M. le Président, depuis 3 heures cet après-midi, depuis que la nouvelle de la loi s'est répandue comme une trainée de poudre, je ne sais combien de députés — d'ailleurs j'en ai encore un à mes côtés pendant que je vous parle — la Chambre a pu en être témoin, sont venus s'asseoir à mes côtés pour me faire part des nombreux appels et réactions de soulagement qu'ils avaient reçus par téléphone de leur comté respectif, de leurs comités d'école, de leurs comités de parent. Je pense au député de Sainte-Marie, je pense au député de Saint-Maurice et si c'était permis par le règlement, M. le Président, je dirais à ceux qui sont venus s'asseoir au côté de moi pour cela: Levez-vous! C'est défendu par la Chambre. D'accord, restez assis.

M. le Président, il y a également la très grande majorité des CEGEP, faisant part de leur enthousiasme vis-à-vis de ce projet de loi.

J'invite les députés de l'Opposition officielle à faire une enquête semblable dans leur comté et je leur dis à l'avance que je prendrai leur parole. Comme le veut le règlement, je croirai les résultats qu'ils me donneront. De deux choses l'une... J'entends mon collègue le leader adjoint qui s'inquiète, M. le Président. Je répète que je le croirai, parce que de deux choses l'une. Me disant la vérité, nous disant la vérité, ils nous diront qu'ils ont reçu dans leur comté le même appui enthousiaste à la loi. Si c'est le cas, M. le Président, cela veut dire que les gens de leur comté réagissent comme le reste du Québec, ce qui est normal. Si, au contraire, les gens de leur comté devaient dire qu'ils sont contre la loi et préfèrent que le harcèlement et les grèves continuent, bien je dirai qu'ils représentent...

M. Léger: Ils préfèrent qu'on règle le problème.

M. Bienvenue: ... six comtés différents des 102 autres, des 104 autres comtés du Québec. C'est pour cela que je dis que je les croirai à leur parole.

M. le Président, relativement à cette vieille question du médiateur versus la théorie des trois commissaires aux différends que l'on retrouve dans cette loi, le député de Lafontaine disait que par opposition à la nomination d'un médiateur, celle des trois commissaires dans la loi 23 signifiait le recours à des mesures coercitives. Il l'a dit à deux ou trois reprises, il me fait signe que oui, je le cite bien. Alors mesures coercitives pour ces trois commissaires. M. le Président, on n'a pas besoin d'avoir recours à Larousse ou à Robert pour savoir qu'il s'agit de mesures de force, de mesures pour forcer le règlement du conflit.

Voici les questions que je me pose, M. le Président, en lisant l'article 10 de la loi qui nous décrit des pouvoirs que le député de Lafontaine décrit comme étant coercitifs c'est-à-dire forçant le règlement. On nous y parle, M. le Président, d'enquêter, on nous parle d'entendre les parties. C'est de la force d'entendre les parties? On nous parle de s'enquérir de l'état des négociations. C'est de la force de s'enquérir, de faire enquête? On nous parle d'examiner les dernières demandes syndicales et les offres patronales. C'est de la force que d'examiner les dernières demandes syndicales? On nous parle d'étudier l'impact éventuel de ces demandes — c'est encore coercitif et de la force — et enfin on nous parle de faire rapport des observations sur chacun des sujets, rapport public. C'est de la force? M. le Président...

M. Lessard: C'est ce que le médiateur aurait pu faire.

M. Bienvenue: Je regrette... Une Voix: C'est du courage.

M. Léger: M. le Président, le ministre m'a fait dire des choses que je n'ai jamais dites. J'ai dit que la loi était coercitive.

Le Président: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

M. Bienvenue: Le même député de Lafontaine, M. le Président, nous a parlé de ce sondage voulant que la population soit favorable à une loi spéciale de retour au travail seulement s'il y avait grève générale. M. le Président, la question que je me pose bien candidement, bien innocemment, est la suivante. S'il y avait un débrayage général, donc provincial, c'est-à-dire une grève générale donc provinciale, à tous les dix jours ou alors à tous les sept jours, ou alors à tous les quatre jours, ou alors à tous les deux jours, ou alors pendant une demi-journée à tous les deux jours, quand voterions-nous cette loi? Le 25 avril? Le 1er mai? Le 15 mai? Le 1er juin? Ou le 15 juin au moment de la fin de l'année scolaire?

M. Burns: ... voté une à tous les deux jours.

M. Bienvenue: Je pose la question, M. le Président, surtout en me rappelant que les chefs de la Centrale des enseignants du Québec ont indiqué clairement — peut-être le regrettent-ils — que leurs moyens de pression n'étaient pas négociables. Ma question est la suivante: Si les moyens de pression ne sont pas négociables, si les moyens de pression peuvent s'exercer à tous les jours, à tous les deux jours ou à tous les trois jours, serait-il trop tard pour voter cette loi de retour au travail vers la fin de l'année scolaire?

Je n'ai pas eu de réponse à cette question.

M. Burns: Pourquoi ne voterait-on pas une loi comme cela à tous les deux jours?

M. Bienvenue: C'est une question qui se pose. M. le Président, le député de Saint-Jacques...

M. Burns: On vote une loi comme cela à tous les deux jours.

M. Bienvenue: Le député de Saint-Jacques nous a parlé à son tour de l'éducation qui se dégrade au Québec depuis dix ans.

M. Charron: Six ans.

M. Bienvenue: Quatre ans, s'il le veut, pour les fins de la discussion.

M. Burns: Depuis six ans, c'est pire. Deux décrets en trois ans...

M. Bienvenue: Dans un éditorial — je sais que cela va faire sursauter mes amis de l'Opposition officielle, parce qu'il est signé de M. Claude Ryan, mais je leur demanderai de retenir de cet éditorial, non pas ce qui vient de lui, mais ce qu'il rapporte. M. Ryan, dans un éditorial assez récent, qui était d'avant-hier, le 6 avril, intitulé "Qui dit vrai, la CEQ ou l'OCDE? — qui, comme on le sait est l'Organisation de coopération et de développement économique, une filiale des Nations-Unis installée à Paris — M. Ryan rappelait, et je cite, je pense que c'est la meilleure façon de ne rien oublier, M. le Président: "La semaine dernière, la Centrale de l'enseignement du Québec rendait publique une étude annoncée depuis quelque temps sur l'effort comparé du Québec et de l'Ontario en matière d'éducation. "Ainsi que l'on devait s'y attendre de la part d'une centrale engagée dans une négociation laborieuse avec le gouvernement du Québec, le bilan n'était pas rose. A en croire l'auteur de l'étude de la CEQ, le Québec, après un bref effort de rattrapage entre 1960 et 1965, aurait laissé se créer de nouveau, par rapport à l'Ontario, un écart qui serait même plus grand aujourd'hui qu'il ne l'était avant la révolution tranquille. "En face d'un tel document, on est en général désarmé. Si l'on veut être impartial, on est tenté de le mettre de côté jusqu'à plus ample vérification. Pendant ce temps, il arrive qu'il fasse vite son chemin dans les esprits. "Il arrive aussi qu'il meure de sa belle mort. Mais par une heureuse coïncidence, la publication du document de la CEQ suit de peu la publication, il y a quelques semaines — donc, c'est à l'intérieur des six ans — d'une importante étude d'un groupe de travail de l'OCDE sur les politiques d'éducation au Canada. "Entre les deux textes, il est facile d'établir les rapprochements. Les résultats ne plaident guère en faveur de l'objectivité ou de la rigueur de la CEQ."

Et je cite toujours: "Tandis que le document de la CEQ s'appuie sur des publications de Statistique Canada et des données passablement vieilles du recensement de 1971, le rapport de l'OCDE

est le fruit d'une visite faite au Canada, à l'été de 1975, par une équipe internationale formée de cinq experts venant de cinq pays différents et reconnus pour leur compétence en matière d'éducation. "Au cas où on les soupçonnerait de s'être trop laissés impressionner par une vue statistique des choses, les visiteurs de l'OCDE s'empressent d'ajouter: "II faut également souligner la dimension qualitative des changements qui se sont produits au Canada." A ce niveau comme à l'autre, ils ne tarissent pas d'éloges à l'endroit du Canada et leurs compliments, loin d'exclure le Québec, le visent expressément à plusieurs endroits dont celui-ci."

La citation que je cite en cite une autre: "A travers tout le Canada, de profonds changements se sont produits dans les programmes d'études, l'organisation et la direction des systèmes scolaires, de même que dans les attentes de la population. Nulle part ces changements n'ont été aussi prononcés que dans la partie francophone du pays."

Je pourrais continuer de citer davantage, mais je suis conscient de l'heure qu'indique l'horloge. M. le Président, le même député de Saint-Jacques...

M. Burns: Surtout que ce n'est pas une heure pour nous lire du Claude Ryan.

M. Bienvenue: D'accord, M. le Président, le leader me dit que c'est bon de ne rien dire.

M. le Président, le même député de Saint-Jacques nous disait, en parlant des syndiqués, qu'aucun pouvoir de pression — il l'a dit à trois ou quatre reprises — désormais, dans les négociations à venir pendant 80 jours, ne resterait aux syndiqués.

Je puis lui affirmer que les moyens de pression utilisés, jusqu'à maintenant, avant cette loi et avant cette journée, par les syndicats, qu'il s'agisse du harcèlement, des grèves partielles, rotatives, générales, depuis cinq mois, plus les autres que j'ai énumérés hier après-midi dans mon discours de deuxième lecture, rien de tout cela n'a aidé en aucune façon à faire quelque gain que ce soit aux tables de négociation.

Je dis que le gouvernement et que celui qui vous parle ne négocient pas — et pour prendre une expression bien de chez nous — ne marchent pas par les moyens de pression, surtout illégaux, et par le harcèlement. Ces moyens n'ont rien donné jusqu'à maintenant et ils ne donneraient rien même sans cette loi. Ces moyens de pression auxquels nous voulons mettre fin n'ont donné qu'une chose à ceux qui les ont utilisés et c'est la loi qui est devant nous aujourd'hui.

En terminant, M. le Président — et je sais que l'Opposition, par la voix de mon ami, le député de Maisonneuve, va me laisser 120 secondes — je rappelle qu'à son tour le député de Saguenay, parlant de la Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation, a posé la question suivante que j'ai notée: Est-ce qu'on maintient les services dans l'éducation quand on est prisonnier dans les écoles?

Il faisait, évidemment, allusion aux enseignants et sa réponse était évidemment non. On ne maintient pas les services lorsque les enseignants sont prisonniers dans les écoles.

Peut-être sera-t-il surpris d'apprendre que, pour une fois, enfin sur ce sujet, ma réponse est la même que la sienne. Je réponds non, moi aussi. Je dis non et je dis que, lorsqu'on est prisonnier dans les écoles, on ne maintient pas les services. La seule différence entre le député de Saguenay et celui qui vous parle porte sur l'identité des prisonniers en question.

Dans mon cas, ce ne sont pas les professeurs. Pour lui, ce sont les professeurs à compter de ce jour et de cette loi. Pour moi, ce ne sont pas les professeurs, les prisonniers. Ce furent, ce sont et ce seront les enfants du Québec, si nous n'avons pas le courage de voter cette loi, pas demain, mais dès aujourd'hui, ce que je vous invite à faire dès maintenant.

Le Président: Nous allons procéder à la mise aux voix. Désire-t-on un vote enregistré?

M. Burns: Oui, M. le Président.

Le Président: Qu'on appelle les députés.

Vote de deuxième lecture

Le Président: Que ceux qui sont en faveur de la motion de deuxième lecture du projet de loi no 23 veuillent bien se lever s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank, Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Phaneuf, Lachapelle, Mme Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond, Hardy, Bienvenue, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Brisson, Saindon, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Gallienne, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Larivière, Beauregard, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Côté, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault, Leduc.

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson.

Le Secrétaire: Pour:67 — Contre: 7

Le Président: Cette motion est adoptée.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Président: Cette motion est adoptée.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. Bourassa: Le député de Johnson a dit aujourd'hui à la radio qu'il était favorable.

Le Président: Cette motion est adoptée.

Motion de déférence à la commission plénière

M. Levesque: M. le Président, je voudrais, à ce moment-ci, me prévalant des dispositions de l'article 122 du règlement, proposer que ce projet de loi soit déféré à la commission plénière pour étude article par article, à la prochaine réunion, et je suggère que nous ajournions nos travaux.

Le Président: Nous allons disposer de cette première motion. Est-ce que cette motion est adoptée de déférer le projet de loi à la commission plénière pour étude article par article?

Vote sur la motion

M. Burns: M. le Président, je vous demande d'enregistrer notre dissidence de la même façon que nous avons voté, à moins que le député de Rouyn-Noranda ne veuille changer son vote. Je ne vous demande pas un nouveau vote enregistré.

Le Président: Même vote ou...

M. Samson: Cela ne me dérange pas.

Le Président: Même vote, 67 contre 7, je crois. Cette motion est adoptée.

M. Levesque: M. le Président, me prévalant des dispositions de l'article 76 de notre règlement, puis-je proposer l'ajournement de l'Assemblée à ce matin, 11 heures?

Le Président: Messieurs, je voudrais, à la suite de cette motion, compléter, clarifier ou légèrement modifier la directive que j'avais donnée tout à l'heure sur la question de l'article 77. Ma décision avait été rendue à des heures très tardives, d'ailleurs, sur l'article — je voudrais bien insister pour que ce soit inscrit au journal des Débats — 77, alors que c'était le député de Saguenay qui demandait l'ajournement du débat, motion que j'ai refusée en vertu de l'article 77 qui avait été suspendu, qui ne permettait pas une motion d'ajournement du débat.

Maintenant, cette motion d'ajournement de la Chambre, alors qu'elle n'est saisie d'aucune affaire, la question de deuxième lecture étant terminée, l'envoi en commission plénière étant décidé par l'Assemblée et l'article 76 du règlement n'étant pas suspendu dans la motion d'urgence qui a été adoptée aujourd'hui, je crois que cette motion d'ajournement de la Chambre — et non pas du débat — est acceptable en vertu de l'article 76: "Lorsque l'Assemblée n'est saisie d'aucune affaire, un ministre peut, par une motion non annoncée qui n'est pas susceptible d'amendement, en proposer l'ajournement. Cette motion ne peut provoquer qu'un débat restreint au cours duquel le proposeur peut parler dix minutes et exercer un droit de réplique de même durée après que les représentants des partis reconnus de l'Opposition se sont fait entendre pendant une durée d'au plus dix minutes chacun".

Je fais bien la distinction entre l'article 77, qui a été suspendu et que j'ai refusé, et l'article 76, qui n'a pas été suspendu. J'accepte cette motion. S'il y a consentement pour onze heures — j'aurais préféré dix heures parce que l'ordre de la Chambre était de siéger à partir de dix heures du matin — et si l'Assemblée est consentante pour onze heures, je n'ai pas d'objection.

Cette motion — pour ceux qui désirent y participer — est débattable.

Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Burns: Adopté, M. le Président.

Le Président: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Comme cette motion est débattable, M. le Président, j'en profite pour vous dire que je n'ai pas l'intention de la débattre longtemps.

Mais cela me permet quand même de réitérer le voeu que j'ai fait à la fin de mon discours de deuxième lecture, profitant de cet ajournement qui nous permettra de ne revenir qu'à onze heures demain matin, en espérant que les parties pourront se rencontrer pour en arriver à un règlement avant qu'on ne revienne... Pardon?

Le Président: A l'ordre, messieurs! Messieurs, s'il vous plaît!

M. Samson: Ne vous sauvez pas, je vais prendre mes dix minutes! Je voulais être bien gentil, M. le Président, je ne voulais pas être long. Je pense que le ministre de la Fonction publique a compris ce que je voulais dire. J'espère que ceux qui sont dans les tribunes comprennent ce que cela veut dire. J'espère qu'on fera un effort pour régler cela, pour ne pas être obligés d'en arriver à la troisième lecture de ce bill.

Le Président: Conséquemment, cette motion est adoptée et l'Assemblée siégera aujourd'hui, à onze heures, pour continuer l'étude du même projet de loi.

L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à onze heures.

(Suspension de la séance à 3 h 16)

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