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(Quinze heures quinze minutes)
M. Richard (président): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
Présence de diplomates dans les
galeries
Le Président: Je tiens à souligner la
présence dans les galeries de trois personnalités en
l'occurrence, Son Excellence Louis Dominique Ouedra Ogo, ambassadeur de
Haute-Volta, Son Excellence Man Loveday, ambassadeur d'Australie et Son
Excellence le haut-commissaire An Abankwa, du Ghana.
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Condoléances à la famille d'un policier
de la Sûreté du Québec
M. Caron: M. le Président, je me fais le porte-parole de
l'Opposition officielle pour offrir nos plus sincères
condoléances à Mme Robert Brabant, à la famille ainsi
qu'aux confrères du courageux policier de la Sûreté du
Québec, Robert Brabant, lâchement abattu, mercredi, à
Saint-Zénon. Je souhaite que les responsables de ce crime odieux
encourent toutes les sanctions prévues par nos lois.
M. Bédard: M. le Président, avec votre permission,
je veux simplement souligner que j'ai déjà fait parvenir mes
condoléances à la famille éprouvée et que je me
joins au député pour appuyer cette motion.
M. Fontaine: M. le Président, au nom de l'Union Nationale,
nous joignons également notre voix pour offrir à cette famille
durement éprouvée toutes nos sincères
condéléances.
Motion de remerciement à M. Keith
Spicer
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, aux motions
non annoncées, depuis toujours les gouvernements du Québec ont
voulu que les droits du français soient pleinement reconnus au Canada.
Un homme s'est particulièrement signalé, au cours des
dernières années, dans la poursuite de cet objectif, en
travaillant à la promotion du bilinguisme dans les institutions
fédérales. Il s'agit de M. Keith Spicer, commissaire aux langues
officielles. Au moment où il quitte ses fonctions, je propose que cette
Chambre, par cette motion, reconnaisse la contribution à la cause de
l'unité de notre pays, le Canada.
M. Biron: Je crois qu'il est important de constater que des
hommes publics, des hommes de tous les milieux, de toutes les races, de toutes
les langues à travers notre pays veulent se dévouer pour
l'avancement du bilinguisme au Canada. Je rends hommage au chef de l'Opposition
officielle pour avoir pensé présenter une motion à M.
Keith Spicer et je voudrais appuyer sa motion.
M. Samson: Je voudrais appuyer cette motion qui a
été faite par le chef de l'Opposition officielle et
reconnaître en M. Keith Spicer un homme qui n'a jamais eu peur de ses
opinions ni de braver les tempêtes pour les faire valoir. Je pense qu'il
a beaucoup fait pour l'avancement du bilinguisme au Canada. Je lui souhaite
bonne chance dans les fonctions qu'il voudra occuper à l'avenir.
Il serait peut-être valable de suggérer un vote
enregistré sur cette motion.
M. Morin (Sauvé): J'ai eu le plaisir, depuis quelques
années, de rencontrer le commissaire aux langues officielles, M. Keith
Spicer, à plusieurs reprises. Je puis dire que sur le plan personnel nos
rapports ont toujours été des plus cordiaux. C'est un homme
amène, charmant, fort civilisé et qui vaut beaucoup mieux que les
politiques qu'il tentait d'appliquer. Je vous remercie.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Je voudrais appuyer la motion qui vient d'être
faite par l'honorable chef de l'Opposition pour souligner l'effort que
certaines personnes font, même du côté anglophone, pour
promouvoir la cause du bilinguisme au Canada. Je ne veux pas dire par là
que tout a été réalisé. Si on veut travailler dans
l'intérêt des nôtres, des francophones, il faut
déborder le cadre québécois et faire en sorte que ceux qui
sont de même culture, de même nationalité que nous, les
Canadiens français, dans les autres provinces, puissent avoir plus de
droits, une existence juridique mieux reconnue et que leur culture soit plus
reconnue aussi dans les autres provinces canadiennes afin de contribuer
à faire avancer la cause du français non seulement au
Québec, mais dans tout le Canada.
M. Lavoie: M. le Président, c'est le souhait d'au moins
cinq députés, sans doute plus, que ce vote soit fait de
manière enregistrée.
Le Président: II reste à déterminer si une
telle motion est recevable et, pour le faire, je vais suspendre la
séance pour cinq minutes.
M. Lavoie: II y a certainement une acceptation parce qu'il y a
un, deux, trois, quatre, cinq partis qui se sont exprimés sur cette
motion.
M. Burns: Un instant.
M. Lavoie: Je crois que cette motion appartient... Ce ne sera pas
long, je vous donnerai l'occasion d'intervenir.
M. Burns: Vous parlez au nom des ministériels, je ne suis
pas d'accord.
M. Lavoie: D'après notre règlement, une motion
appartient à celui qui la propose, tant qu'elle n'est pas en
délibération. Elle peut faire l'objet d'une motion de retrait,
mais, une fois qu'elle est en délibéré, elle appartient
à la Chambre. Même son proposeur ne peut plus la retirer, parce
qu'elle n'est plus sa possession; elle est la possession de l'Assemblée.
Pour qu'elle soit retirée ou qu'on ne la considère pas, il
faudrait un consentement unanime de la Chambre. Maintenant que cinq
députés de cinq partis différents se sont prononcés
sur cette motion, je crois qu'il n'y a pas d'autre formule que de voter sur
cette motion. C'est aussi clair que cela, M. le Président.
M. Burns: Ecoutez, je veux être bien informé,
là. Est-ce que le député de Laval demande qu'on ait un
vote?
M. Lavoie: Oui.
M. Burns: M. le Président, il m'apparaît comme tout
à fait dans son droit de le demander.
M. Levesque (Bonaventure): Consentement unanime.
Le Président: Qu'on appelle les députés!
Vote sur la motion
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous
allons maintenant procéder au vote sur la motion du chef de l'Opposition
officielle. Je signale que, même si j'entretenais certains doutes quant a
la recevabilité d'une telle motion, je m'autorise du consentement de la
Chambre, évidemment, pour la déclarer recevable, en
l'occurrence.
Je lis le texte au complet de la proposition du chef de l'Opposition
officielle: Depuis toujours les gouvernements du Québec ont voulu que
les droits du français soient pleinement reconnus au Canada. Un homme
s'est particulièrement signalé au cours des dernières
années dans la poursuite de cet objectif en travaillant à la
promotion du bilinguisme dans les institutions fédérales. Il
s'agit de M. Keith Spicer, commissaire aux langues officielles. Au moment
où il quitte ses fonctions, je propose que cette Chambre reconnaisse sa
contribution à la cause de l'unité de notre pays, le Canada.
Que ceux qui sont en faveur de l'adoption de cette motion veuillent bien
se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie,
Vaillancourt (Orford), Lalonde, Garneau, Mailloux, Goldbloom, Larivière,
Saint-Germain, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank,
Caron, O'Gallagher, Picotte, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault,
Springate, Biron, Bellemare, Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Le Moignan,
Dubois, Cordeau, Samson, Roy.
Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever! Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien
se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Burns, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin
(Louis-Hébert), Marois, Landry, Couture, Tremblay, Duhaime, de Belleval,
Joron, Mme Payette, MM. Lessard, Proulx, Lazure, Léger, Garon,
Grégoire, Chevrette, Michaud, Paquette, Vaillancourt (Jonquière),
Marcoux, Alfred, Martel, Fallu, Rancourt, Mme Leblanc, MM. Bertrand, Johnson,
Laplante, Bisaillon, de Bellefeuille, Guay, Gendron, Mercier, Laberge, Marquis,
Lacoste, Ouellette, Perron, Brassard, Clair, Lefebvre, Dussault, Charbonneau,
Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Boucher, Gravel, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Gagnon, Jolivet.
Le Secrétaire: Pour: 33 Contre: 0
Abstentions: 57
Le Président: Cette motion est adoptée.
M. Lavoie: M. le Président, est-ce qu'on pourrait vous
demander de faire parvenir une copie de cette résolution dûment
adoptée par la majorité de l'Assemblée nationale à
M. Keith Spicer, s'il vous plaît?
M. Burns: M. le Président, je serais entièrement
d'accord avec la suggestion du leader de l'Opposition si la lettre
spécifie le nombre d'abstentions et que nous nous sommes abstenus
à cause du libellé lui-même de la motion et non pas
à cause de l'individu.
M. Levesque (Bonaventure): Pourquoi ne pas l'avoir
amendée?
M. Lavoie: Vous auriez pu amender la motion. Une Voix:
C'est au journal des Débats. Le Président: A l'ordre,
s'il vous plaît!
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents. M. le ministre de l'Education.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapports de corporations professionnelles
M. Morin (Sauvé): A titre de ministre responsable de
l'Office des professions, permettez-moi de déposer devant cette Chambre
les rapports des organismes suivants pour l'année 1975/76: la
Corporation professionnelle des orthophonistes et audiologistes du
Québec, l'Ordre des notaires,
l'Ordre des chimistes et enfin la Corporation professionnelle des
urbanistes du Québec.
Le Président: Documents déposés. M. le
leader du gouvernement.
Rapport annuel de la Régie des services
publics
M. Burns: M. le Président, en l'absence du ministre des
Communications, j'ai l'honneur de déposer en son nom le rapport annuel
de la Régie des services publics pour l'exercice 1975/76.
Le Président: Rapport déposé.
Mme le ministre des Institutions financières.
Rapport annuel de la Régie de
l'assurance-dépôts
Mme Payette: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la Régie de l'assurance-dépôts
du Québec pour l'exercice financier 1976.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
de l'Agriculture.
Rapport annuel de la Régie des marchés
agricoles
M. Garon: Je dépose le rapport annuel 1975/76 de la
Régie des marchés agricoles.
Rapport annuel du bibliothécaire de la
Législature
Le Président: Je voudrais déposer le rapport du
bibliothécaire sur les activités de la bibliothèque de la
Législature, au cours de l'année 1976.
Période de questions orales.
M. le chef de l'Opposition officielle.
QUESTIONS DES DÉPUTÉS
Dossiers: Quésteel et autres industries
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, dans le
contexte du chômage qui affecte présentement plus de 303 000
travailleurs québécois, et dans le contexte également des
nombreuses mises à pied que nous apprenons malheureusement chaque jour,
ma question porterait simplement sur deux cas. Dans celui de Québec
Steel, le ministre de l'Industrie et du Commerce pourrait-il nous dire s'il est
courant que les travailleurs de Québec Steel auraient trouvé,
auprès du ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce,
un interlocuteur ouvert? Le ministre est-il en mesure de donner l'assurance
à cette Chambre que son gouvernement acceptera de mettre de
côté le climat d'affrontement partisan qu'il entretient avec le
gouvernement fédéral, pour tenter de trouver, dans un esprit de
collaboration entre les deux niveaux de gouvernement, une solution au
problème des travailleurs de Québec Steel?
Le deuxième cas serait celui de la Compagnie Bélanger
Limitée, à Montmagny. Est-ce que le gouvernement entend
intervenir, comme il l'a fait pour Tricofil ou autrement, pour sauver les
centaines d'emplois dans la région de Montmagny menacés par les
difficultés des industries locales du meuble et du textile, et en
particulier par l'annonce faite par la Compagnie Bélanger du
congédiement de quelque 122 travailleurs?
Quelle réponse précise et concrète le ministre
entend-il apporter aux travailleurs de la région? Y a-t-il des
crédits budgétaires, des sommes disponibles? Je n'ai voulu donner
que ces deux cas afin qu'on puisse avoir des réponses précises
pour des cas très concrets qui affectent les travailleurs
québécois.
M. Tremblay: M. le Président, dans le deuxième cas,
je répondrai que je n'ai pas reçu de demandes d'aide de la part
de l'entreprise que mentionne le député, à ma
connaissance. Aussitôt que cette demande aura été
transférée à notre ministère, nous serons heureux
d'étudier, avec l'entreprise, les modalités d'assistance que nous
pourrions lui accorder. En ce qui concerne l'entreprise Québec Steel,
comme je l'ai dit...
M. Levesque (Bonaventure): Un instant. Il n'y avait pas seulement
une entreprise. Il y avait a Montmagny un cas, mais j'ai parlé de
meubles et de textiles.
M. Tremblay: En ce qui concerne QSP, comme je l'ai
déjà mentionné à cette Assemblée, il y a un
comité interministériel qui est saisi de cette question et qui
est présidé par mon collègue, le ministre responsable du
développement économique. Puisque vous mentionnez plusieurs cas,
je pense qu'il aurait été intéressant que vous souligniez
les données sur les intentions d'investissements qui ont
été publiées aujourd'hui ou, du moins,
dévoilées par le vice-président de la Banque
impériale de commerce et qui montrent justement une augmentation
extrêmement importante des intentions d'investissements au Québec
en 1977.
Je pense qu'il est très important que cette Assemblée
prenne connaissance de ces chiffres, puisque nous avons une augmentation des
intentions d'investissements selon l'enquête semi-annuelle de Statistique
Canada, celle-ci a été complétée après le 15
novembre jusqu'à la mi-février et montre une augmentation
substantielle des investissements publics et privés au Québec, en
1977, de l'ordre de 12,3%. Surtout, ce qui est réconfortant pour
répondre plus précisément à votre question, elle
montre une augmentation des investissements prévus dans le secteur de la
fabrication au Québec de l'ordre de 28,8%, alors que, l'an passé,
il y avait eu une baisse de ces investissements égale à 19,5%.
Ainsi, lorsque l'on prétend depuis quelques semaines que
l'élection du nouveau gouvernement a amené une baisse dans les
investissements, ceci est contrecarré par les données
scientifiques de Statistique Canada, qui montrent justement la situation
contraire.
Intentions d'investissements au Québec
M. Raynauld: M. le Président, le ministre de l'Industrie
et du Commerce, qui vient de citer ces chiffres, pourrait-il nous expliquer
pourquoi il arrive que, dans le secteur privé, ces investissements
n'auraient monté que de 3,8% en dollars courants, tandis qu'ils sont
montés de 4,2% en Ontario en dollars courants, ce qui veut dire que
c'est presque moins quatre pour 1977 en dollars réels? Pourrait-il nous
expliquer que la hausse dans les investissements totaux est due aux secteurs
public et parapublic où, une fois de plus, au Québec, les
intentions d'investir sont de 17,1%, quand en Ontario elles sont de 1,7%?
Pourrait-il nous expliquer cela et manifester encore autant d'optimisme qu'il
vient de le faire?
NI. Tremblay: M. le Président, je crois que le
député n'est pas en possession des bons chiffres. Je regrette,
j'ai les chiffres ici et je vais les donner, si vous me le permettez, M. le
Président, pour rectifier la fausse impression qu'aurait pu donner notre
collègue, le député d'Outremont.
L'enquête semi-annuelle scientifique de Statistique Canada sur les
intentions d'investissements, laquelle enquête a été
conduite de la mi-novembre à la mi-février, indique des
investissements de $10,6 milliards au Québec, en 1977, soit la
deuxième plus grande augmentation au Canada derrière celle de
l'Alberta, qui a une augmentation de 13,1%, tandis que l'augmentation en
Ontario n'est que de 2,8% et que l'augmentation pour l'ensemble du Canada est
égale à 8%. Donc, il est absolument faux de dire que les
augmentations d'investissements prévues au Québec sont
inférieures à la moyenne canadienne ou inférieures
à la moyenne de l'Ontario, puisqu'il s'agit du contraire. Le
Québec avec l'Alberta vont connaître, en 1977, les augmentations
les plus fortes dans les investissements. L'augmentation la plus importante ne
se situe pas dans les investissements gouvernementaux, lesquels n'augmenteront
que de 6,4%, mais dans les augmentations des investissements des services
d'utilité publique avec 44,4% et une augmentation dans le secteur de la
fabrication et dans le secteur secondaire égale à 28,8%.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, le ministre de l'Industrie
et du Commerce n'a pas répondu à ma question. Je lui demandais:
Les investissements privés, par opposition aux investissements publics,
ne sont-ils pas inférieurs au Québec à ce qu'ils sont en
Ontario, pour l'année 1977, à partir de la même
enquête qu'il vient de citer? Est-ce qu'il n'est pas vrai que, quand il
parle des investissements gouvernementaux, il confond les investissements
gouvernementaux dans cette enquête avec les investissements publics qui
sont classés avec, par exemple, l'Hydro-Québec et d'autres
entreprises dans le secteur public?
Des Voix: Question.
Une Voix: II en a posé deux questions.
M. Tremblay: M. le Président, je crois qu'il est reconnu
par les membres de cette Chambre que la très grande majorité des
investissements dans le secteur secondaire, au Québec, sont faits par
les entreprises privées. Ces augmentations d'investissements, en 1977,
seront de l'ordre de $1 423 400 000, soit une augmentation de 28,8%, alors
qu'en 1975 il y avait eu une augmentation de 2,2% et en 1976, la
dernière année de pouvoir du Parti libéral, il y avait eu
une baisse de 19,5% dans le secteur secondaire.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Biron: Une question accessoire, M. le Président.
Tout d'abord, je demanderais au ministre de déposer son document,
en vertu de l'article 177. J'aimerais en avoir une copie, pour tous les membres
de cette Chambre.
M. Tremblay: M. le Président, est-ce que le
député accepterait que je dépose la déclaration du
directeur général et du vice-président de la Banque
impériale de commerce, qui a dévoilé ces chiffres de
Statistique Canada? Comme j'y avais fait allusion en cette Chambre, ces
données ne seront publiées que la semaine prochaine. Mais elles
sont publiées aujourd'hui dans les journaux. Si je dépose la
copie de ces intentions d'investissements, par conséquent, je crois
qu'il me faut aussi déposer les articles de journaux qui relatent la
divulgation de ces chiffres par le vice-président de la Banque
impériale de commerce.
M. Biron: Je n'ai aucune objection à avoir tous les
documents déposés, à la fois ce document et copie des
articles de journaux.
M. le Président, ma question accessoire sur cette création
d'emploi à Québec Steel s'adresse en particulier au ministre
d'Etat au développement économique. Pour créer 9000
emplois temporaires, selon les chiffres qui nous ont été fournis
cette semaine, on utilise $80 millions, ce qui représente une moyenne de
$8890 par travailleur.
Si on sauve Québec Steel Products, on assure 1300 emplois
permanents pour $7,5 millions, ce qui représente $5770 par emploi
permanent au lieu de $8890 par emploi temporaire créé, selon les
chiffres fournis par le ministre des Finances. Il coûterait, finalement,
beaucoup moins cher de créer des emplois permanents. Le ministre ne
trouve-t-il pas qu'il serait plus logique que la politique du gouvernement en
matière de lutte au chômage commence par faire tous les efforts
nécessaires au maintien des emplois existants?
M. Landry: Dans le bref exposé que j'ai fait hier de la
situation de Québec Steel, j'ai bien dit qu'un des deux motifs majeurs
de notre non-intervention était le fait que nous avions la conviction
morale et la conviction appuyée statistiquement que cette intervention
ne serait pas suffi-
santé. Ce serait une tout autre discussion si on avait pu
acquérir une certitude qu'une garantie, un aval de $7,5 millions, aurait
pu, de façon certaine, rescaper cette entreprise. Nous n'avons pu
acquérir cette conviction. C'est pour cette raison qu'il ne nous a pas
paru sage de mettre de l'argent public dans une chose qui n'aurait
été que provisoire et aurait créé, d'une certaine
manière, des emplois temporaires pour encore six mois. D'autant plus que
les créations d'emplois temporaires découlant des crédits
auxquels a fait allusion le chef de l'Union Nationale sont une procédure
saine pour créer des emplois, c'est-à-dire que cela fait
travailler des gens et améliore le patrimoine par les travaux
sylvicoles, la voirie minière ou la voirie forestière. C'est
là une attitude économique saine tandis que je
réitère que mettre du bon argent après du mauvais, c'est
une attitude économique malsaine susceptible de semer, dans l'ensemble
de l'économie, un mauvais exemple et de produire vers le gouvernement et
vers les coffres de l'Etat une ruée de toutes les entreprises qui sont
en difficulté.
Il y a donc, au-delà de toute dimension comptable chez
Québec Steel, une question de principe et une question de justice
vis-à-vis de tous les agents économiques du Québec.
M. Roy: M. le Président, question additionnelle sur le
même sujet. J'aimerais savoir du ministre d'Etat au développement
économique si la décision du gouvernement de ne pas intervenir
dans l'affaire de Québec Steel serait reliée aux intentions de
SIDBEC de se porter acquéreur, éventuellement, au meilleur
marché possible, des installations existantes, des installations de la
famille Jo-sephson.
M. Landry: Cela ne correspond pas aux informations que nous avons
et que nous détenons de SIDBEC qui nous a démontré d'une
façon rationnelle que cette entreprise était déjà
elle-même en surcapacité et absolument incapable d'ajouter
rationnellement la capacité de deux fours électriques à
une capacité qui est déjà excédentaire chez elle.
Cela aurait pu être une solution envisagée si SIDBEC avait eu
vraiment besoin de cet équipement, de ces deux fours électriques
et de ce train de laminage, mais ce n'était pas le cas. Si SIDBEC, dans
les circonstances actuelles, s'était portée acquéreur de
cet équipement, elle se serait écrasée et aurait rendu sa
situation financière plus pénible qu'elle ne l'est
déjà.
Le Président: Mme le député de l'Acadie.
Conflit de travail à la commission scolaire
Jérôme LeRoyer
Mme Lavoie-Roux: Ma question s'adresse au ministre du Travail. Il
s'agit du conflit qui sévit à Jérôme LeRoyer et qui
perdure depuis déjà au-delà de six semaines. Sans aucun
doute, des parents, les étudiants et même les enseignants sont
devenus si anxieux qu'ils ont convoqué le ministre de l'Education et le
ministre du Travail, de même que l'Opposition officielle à une
rencontre qui doit avoir lieu demain soir. Je voudrais donc demander au
ministre du Travail s'il lui est possible d'informer l'Assemblée sur
l'état du dossier, premièrement. Deuxièmement, pourquoi ne
rend-il pas public le rapport du médiateur qui lui a été
remis la semaine dernière? Et, comment explique-t-il sa décision
de retourner les gens à la médiation, alors que dans ce rapport
du médiateur la recommandation était à l'effet d'aller en
arbitrage?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Couture: M. le Président, à la première
question j'aimerais répondre ceci: En effet il y a prolongement de la
médiation et je crois que ce n'est pas mon rôle d'intervenir de
quelque façon que ce soit durant une médiation. Pourquoi ai-je
demandé de prolonger cette médiation? La raison est la suivante,
c'est relié à votre troisième question: pourquoi je ne
rends pas public le rapport. C'est que la recommandation centrale du
médiateur était à l'effet, comme vous l'avez
souligné, de demander aux parties d'aller en arbitrage.
Après avoir étudié le dossier, et ayant eu la
réponse négative du syndicat d'aller en arbitrage et je dois dire
que c'est une analyse que nous avons faite au ministère, nous avons cru
qu'il y avait quand même, par le travail du médiateur
lui-même, possibilité de recommandations précises à
offrir aux parties c'est-à-dire que c'est évident que le refus
d'arbitrage laissait pourrir le conflit. Nous au ministère et
c'est ma responsabilité si nous avions cette conviction qu'il
était possible effectivement, de dégager une recommandation
précise sur les trois principales clauses en litige, demandant aux
parties c'est-à-dire aux enseignants en assemblée
générale de se prononcer sur cette recommandation, c'était
pour nous une façon, enfin un dernier recours, un ultime effort pour
arriver à un règlement.
Alors, je n'ai pas rendu public ce rapport par intérêt
public et par cette volonté de prolonger cette médiation de
quelques jours. Les parties m'ayant signalé leur acceptation de cette
prolongation, j'ose espérer, pour chacune des parties, que c'est une
façon de nous démontrer leur volonté de collaborer avec
nous dans cet ultime effort pour chercher un règlement.
Le Président: Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre du Travail dit qu'il ne juge pas bon
de rendre public le rapport du médiateur dans l'intérêt
public. Je me demande s'il considère que les parents ne sont pas les
premiers intéressés dans le public à connaître la
teneur du rapport du médiateur, et que la situation qu'il
perpétue en prolongeant la médiation ne fait que faire perdurer
le conflit.
La commission scolaire a recommandé l'arbitrage, le
médiateur a recommandé l'arbitrage, comment expliquer qu'en
dépit de cela vous jugez encore bon de laisser inutilement durer ce
conflit, puisque vous acceptez la position du syndicat qui ne veut pas entendre
parler d'arbitrage?
M. Couture: M. le Président, je vois dans cette question
un peu un procès d'intention et je m'inscris en faux. Si j'ai
refusé de rendre public le rapport, ce n'est pas pour faire durer le
conflit, c'est justement pour chercher un dernier recours à la solution
du conflit, chercher un règlement. En ayant l'accord, justement, de la
commission scolaire parce que j'ai eu son accord pour prolonger la
médiation j'ai réussi à la persuader qu'il y avait
un espoir de règlement. Ce qui m'intéressait moi aussi,
c'était de permettre aux enseignants en assemblée
générale... Et j'ai eu cette garantie des représentants du
syndicat avant de prolonger cette médiation. Je leur ai demandé
cet engagement formel que la recommandation que nous dégagerions dans
cette médiation, ils iraient la proposer à leur assemblée
générale.
Je crois que c'était une façon pour nous, au moins,
sachant qu'il y avait, de toute façon, refus de l'arbitrage c'est
une dernière étape, peut-être, mais j'espère que
c'est une étape qui conduira au règlement c'était
une façon d'essayer le dernier instrument que nous avions en main,
à travers le travail du médiateur, de formuler une recommandation
précise aux parties.
Le Président: M. le député de
Lotbinière, chef de l'Union Nationale.
Enseignement de la langue seconde
M. Biron: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre d'Etat au développement culturel. Le ministre peut-il nous
dire, ici même dans cette Assemblée, et sans pour autant lever le
voile sur la politique gouvernementale en matière de langue, si le
gouvernement, même si le message inaugural ou les crédits
budgétaires n'en soufflaient mot, entend adopter comme politique, dans
l'un ou l'autre de nos deux systèmes scolaires, en plus d'un
enseignement du français de meilleure qualité, un enseignement
accru et également de meilleure qualité de la langue seconde?
M. Laurin: Je ne veux pas, en effet, lever le voile sur la
politique linguistique, mais je pense que, sur le point que soulève le
député de Lotbinière, le ministre de l'Education a
déjà eu l'occasion de se prononcer à quelques occasions au
cours des dernières semaines.
Je peux demander au ministre de l'Education s'il veut
répéter ici, pour le bénéfice du
député de Lotbinière, ce qu'il a dit ailleurs.
M. Morin (Sauvé): Très volontiers, M. le
Président. D'autant plus volontiers que le gouvernement s'est
exprimé très clairement, au cours des dernières semaines,
sur le point qui est soulevé par le chef de l'Union Nationale.
Une fois assurée une priorité toute spéciale
à l'enseignement du français langue maternelle, le gouvernement a
également choisi d'accorder la priorité à l'enseignement
de la langue seconde qui, au Québec, bien sûr, compte tenu du
contexte nord-américain, ne peut être que l'anglais. De
même, j'ai ajouté une autre priorité à laquelle je
tiens beaucoup personnellement, celle de l'enseignement des langues d'origine.
J'emploie cette expression faute de meilleure qui me vienne à
l'esprit.
Nous avons donc exprimé, depuis quelque temps, une politique
d'ensemble sur l'enseignement des langues. Si le chef de l'Union Nationale veut
avoir plus de détails, je suis à sa disposition.
M. Biron: M. le Président, ma question additionnelle au
ministre de l'Education. Le ministre de l'Education a parlé de
l'enseignement de la langue seconde en disant: Ici, en Amérique du Nord,
il ne peut être question d'autre chose que de l'anglais. Alors, comment
le ministre s'explique-t-il que des commissions scolaires, et en particulier ma
commission scolaire régionale, celle du Grand-Portage, se disent
autorisées par lettre du ministre à cesser l'enseignement de la
langue anglaise?
Deuxièmement, le ministre consentirait-il à déposer
en cette Chambre les lettres qu'à ce jour il aurait fait parvenir aux
commissions scolaires, eu égard à la question de la langue
seconde en particulier?
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je pense qu'il y
a dans cette question et dans la correspondance à laquelle on fait
allusion des questions d'interprétation, de sorte que je prends avis de
la question. Si le député, chef de l'Union Nationale, veut bien
me communiquer les documents qu'il a en sa possession et qui permettraient
d'établir le bien-fondé de sa question, je lui apporterai une
réponse d'autant plus rapidement.
Le Président: Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre de l'Education nous a dit que son
gouvernement avait retenu comme priorité l'enseignement de la langue
seconde. J'ai jeté un bref regard sur les prévisions
budgétaires et, en fait, nous retrouvons des sommes qui sont
prévues pour l'amélioration de l'enseignement du français,
mais il ne s'en retrouve aucune quant à l'enseignement des langues
secondes. Doit-on conclure de ceci que, même si c'est une
priorité, c'est beaucoup moins prioritaire dans l'esprit du ministre et
du gouvernement?
M. Morin (Sauvé): M. le Président, le choix d'une
politique n'entraîne pas toujours l'attribution de fonds spéciaux
en vue de favoriser la mise en oeuvre de cette politique. En l'occurrence, il
s'agit d'une politique tendant à préciser les programmes,
à réévaluer les méthodes d'enseignement, à
repenser certaines méthodes d'évaluation du progrès des
élèves des secteurs élémentaire et secondaire; il
s'agit également de favoriser la formation des maîtres.
Dans le cas de l'anglais, langue seconde, ou, puisqu'il s'agit de langue
seconde pour l'ensemble des Québécois, dans le cas du
français, langue seconde pour les anglophones, nous avons estimé
que nous avions au ministère les ressources suffi-
santes pour mettre en oeuvre ce que je viens d'indiquer comme
constituant nos priorités.
Le Président: M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Goldbloom: M. le Président, une question
additionnelle.
Comptes économiques du Québec
1961/75
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais poser une
question au ministre de l'Industrie et du Commerce à propos des comptes
économiques du Québec. Je voudrais demander à M. le
ministre si l'expropriation de 90 000 acres en trop dans la région
aéroportuaire de Mirabel, expropriation qui a représenté
rien moins que le viol d'une région agricole très fertile, sans
la moindre justification valable, est considérée dans les comptes
économiques du Québec comme une largesse du gouvernement
fédéral?
M. Tremblay: M. le Président, j'ai déjà eu
l'occasion d'expliquer à cette Assemblée la méthodologie
suivie par le comité fédéral-provincial sur les comptes
économiques provinciaux. Or, tous les revenus perçus et toutes
les dépenses effectuées par le gouvernement fédéral
au Québec, que ce soit pour la Voie maritime du Saint-Laurent ou pour
d'autres projets semblables, y inclus évidemment les prises de
possession de terrains et les expropriations, sont inclus dans les comptes
économiques du Québec.
M. Garneau: Une question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, une question additionnelle au
ministre de l'Industrie et du Commerce. Lorsqu'il donne cette réponse au
député de Deux-Montagnes, est-ce que le ministre infère du
texte du document lui-même que ces dépenses sont calculées
pour autant qu'elles aient été faites par un bureau ou une
antenne fédérale localisés au Québec?
M. Tremblay: M. le Président, je me référais
à la méthodologie du comité
fédéral-provincial qui a fait une imputation de ces
dépenses et de ces revenus fédéraux, selon une
méthodologie adoptée par les onze gouvernements qui y ont
participé et qui y ont travaillé pendant quatre ans. Il y a donc
imputation, comme le dit ou le soulève le député. Par
contre, je dois souligner et rectifier les déclarations que fait le
député de Jean-Talon à l'effet que cette
méthodologie excluait les activités de la Société
fédérale pour l'expansion des exportations. Il est évident
que les activités bancaires ou essentiellement financières ne
sont évidemment pas incluses dans les comptes économiques. Pour
ma part, je regrette que des députés s'instituent experts
instantanés en comptabilité nationale et, à partir d'une
comptabilité que je dirais irresponsa- ble et improvisée,
remettent en cause le travail d'une cinquantaine d'experts provinciaux et
fédéraux qui ont travaillé pendant quatre ans à
construire ces comptes économiques.
M. Garneau: M. le Président, je ne sais si je dois le
faire sur une question de privilège ou sur une question additionnelle.
Je ne savais pas que le ministre de l'Industrie et du Commerce aimait autant
parler de lui-même qu'il vient de le faire. Je voudrais seulement
souligner, sur une question de privilège, que ce que j'ai mis en cause,
ce ne sont pas les comptes économiques eux-mêmes, c'est
l'interprétation que fait le ministre de l'Industrie et du Commerce. Je
reviens sur ma question, M. le Président. Je demande au ministre, d'une
façon précise, s'il est d'accord avec les exposés du
document, à la page 78, au 2e paragraphe, je crois, selon lesquels
seules sont comptabilisées, dans les dépenses
fédérales imputées au Québec, celles qui sont
faites à partir de bureaux et d'antennes localisés au
Québec. Ma question est simple, claire et précise.
M. Tremblay: Ma réponse est claire et simple, c'est
qu'elle est affirmative. Ce sont les bureaux du gouvernement
fédéral, considéré comme un agent économique
à l'intérieur du Québec, et toutes les dépenses et
tous les revenus de ce gouvernement à l'intérieur du
Québec qui ont été comptabilisés par les comptes
économiques.
Le Président: M. le député de Beauce-Sud.
Producteurs laitiers du Québec
M. Roy: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
de l'Agriculture. Nous avons des informations selon lesquelles le Québec
doit se retirer demain du programme canadien de contingentement du lait,
à moins qu'il n'y ait eu une décision de dernière heure
entre les deux fédérations, soit la Fédération des
producteurs de lait industriel et la Fédération des producteurs
de lait nature. Etant donné les implications que cela peut comporter
vis-à-vis de l'industrie laitière au Québec, j'aimerais
demander au ministre si, au ministère de l'Agriculture, on a
évalué les conséquences de cette décision pour les
producteurs laitiers du Québec. J'aimerais également demander,
dans l'affirmative, quelles sont les mesures que le gouvernement provincial
entend prendre pour offrir la sécurité qui s'impose dans les
circonstances aux producteurs laitiers du Québec.
M. Garon: C'est un fait qu'il y a une fédération
qui s'est retirée du plan fédéral. J'ai rencontré
les différents groupes la semaine dernière pour qu'il y ait un
regroupement pour l'administration provisoire des deux plans conjoints. Cela
n'a pas fonctionné. Je dois dire qu'actuellement il y a des
requêtes devant la Régie des marchés agricoles concernant
cette unification des producteurs de lait. C'est à la Régie des
marchés agricoles actuellement de se pencher sur cette question de
requêtes et d'unification des producteurs de lait. Main-
tenant, que la Fédération des producteurs du lait
industriel se soit retirée du plan conjoint parce qu'elle veut qu'il y
ait unification des producteurs du lait, évidemment, tout cela ne peut
pas se faire dans une journée. Il y a des étapes et,
actuellement, je dois dire que je travaille à peu près à
tous les jours à ce dossier pour arriver à cette unification par
les meilleurs moyens.
M. Roy: M. le Président, je suis d'accord avec le ministre
que cela ne peut pas se faire dans une journée. Mais, le 1er avril,
c'est demain. Etant donné la situation qu'ont vécue les
producteurs laitiers du Québec l'an dernier on a fait saisir la
totalité de leurs revenus pendant plusieurs quinzaines j'aimerais
savoir du ministre quelles sont les garanties, demain matin, que peuvent avoir
les producteurs laitiers du Québec.
Le ministre est-il en mesure, aujourd'hui, de rassurer les producteurs
laitiers du Québec et d'informer les membres de cette Chambre sur les
conséquences qui attendent les agriculteurs à partir de demain?
Quand je parle des agriculteurs, je parle des producteurs laitiers. Sont-ils
encore exposés à faire saisir leur paye de lait comme cela s'est
produit au cours de l'été et de l'automne dernier?
M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez? Je ne peux pas
décider pour les subventions du gouvernement fédéral.
C'est le fédéral qui décide de ses subventions. Je serais
bien étonné qu'il coupe les subventions à ce moment-ci. Je
voyais dans le journal tout à l'heure je n'ai pas lu tout
l'article, mais le début un article où on annonce que la
politique laitière est retardée au 7 avril. Alors, il ne s'agit
plus de demain matin, actuellement.
Le Président: M. le député de Gatineau.
Ententes fédérales-provinciales
M. Gratton: Question principale, M. le Président. En
l'absence du ministre des Affaires intergouvernementales, j'aimerais m'adresser
au premier ministre. On sait qu'aujourd'hui c'est le 31 mars et que cette date
marque la fin des années financières des divers paliers de
gouvernement. Le premier ministre pourrait-il nous dire combien d'ententes
auxiliaires fédérales-provinciales de toutes sortes ont
été signées depuis le 15 novembre jusqu'à
aujourd'hui?
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, j'ai dit,
la semaine dernière, je crois qu'il y avait environ 200 ententes et
quelque chose comme 1200 conférences
fédérales-provinciales interprovinciales et de toute nature
auxquelles le Québec participe. Je pense qu'on comprendra, d'autant plus
qu'on a déjà parlé de cette question en Chambre à
la suite d'une question du chef de l'Opposition, qu'il n'est pas interdit de
prendre avis de cette question. Cela me fera plaisir d'apporter tous les
renseignements nécessaires et même d'autres au
député prochainement.
M. Garneau: M. le Président, question additionnelle
là-dessus. Cela fait deux fois que le ministre des Affaires
intergouvernementales répond à cette question en donnant le
nombre d'ententes. Je pense bien que tous ceux qui ont vécu dans et
autour des gouvernements sont au courant de cela.
La question du député de Gatineau ne fait pas appel et
référence à toutes ces ententes, elle fait appel
uniquement aux cinq ou six ententes auxiliaires qui étaient en
négociation. C'est là-dessus que la question est posée. Ce
n'est pas à partir d'Adam et Eve.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que j'avais compris.
M. Garneau: Pourquoi ne répondez-vous pas?
M. Morin (Louis-Hébert): Parce que j'ai dit que je prenais
avis de la question.
Le Président: M. le député de Portneuf.
Construction d'un centre de congrès
M. Pagé: Ma question s'adresse à l'honorable
ministre du Tourisme. En parlant des crédits présentés en
décembre dernier, celui-ci me faisait état qu'était
analysé présentement au sein de son ministère le projet de
la construction d'un centre de congrès à Montréal. Lors du
congrès des agents de voyages, si ma mémoire est fidèle,
il déclarait à la presse qu'il allait formuler officiellement
d'ici quelques semaines ce qui en est du projet en question.
J'aimerais maintenant savoir s'il peut informer cette Chambre si le
ministère du Tourisme du gouvernement du Québec accepte le projet
et se lancera dans ce projet. Quel sera le genre de projet? Le ministre avait
déclaré qu'il proposerait au gouvernement et au Conseil des
ministres un projet plus modeste que ce qui avait été
préalablement avancé. Si c'est le cas, peut-il parler de la
modestie ou de l'ampleur du projet? Je suis certain qu'il a fait des
évaluations des coûts et tout cela. J'aimerais avoir plus de
commentaires et plus de détails du ministre sur cette question qui est
quand même très importante compte tenu de la situation du
chômage dans la région de Montréal.
M. Duhaime: Sans doute, M. le Président, que l'honorable
député de Portneuf s'inspire de la lecture des journaux
d'aujourd'hui; il semblerait qu'on y lit une intention du gouvernement
fédéral, qui s'intéresse au projet du centre mondial de
congrès. Je dis cela dans un contexte peut-être
éphémère d'élections partielles
fédérales au Québec, mais cependant j'irai voir ce qu'il y
a là-dessous. Cela m'intéresse de discuter d'une participation
éventuelle dans un tel projet.
Pour répondre à la question, je ne suis pas en mesure de
dire aujourd'hui si la réponse est affirmative ou négative quant
à la construction d'un centre international de congrès à
Montréal.
Je répète que je m'intéresse à ce dossier de
très près. En toute modestie, je voudrais référer
le député à l'attitude que j'ai prise dans l'octroi des
subventions au Carnaval de Québec, de même que dans le projet de
sports internationaux, concernant le championnat junior de ski nordique pour
1979.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Question additionnelle, M. le Président.
J'aimerais savoir du ministre si, avant la déclaration du ministre des
Affaires urbaines hier, il avait préalablement engagé des
discussions avec le palier de gouvernement fédéral pour que le
palier de gouvernement provincial et le fédéral puissent
s'associer dans l'élaboration de ce projet.
M. Duhaime: Si vous pouvez appeler discussions ce qu'on lit dans
les journaux aujourd'hui, c'est la première nouvelle que j'ai du
gouvernement fédéral au sujet du centre de congrès pour
Montréal.
M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président. Je n'ai pas
demandé si c'était la première fois qu'il avait des
nouvelles du gouvernement fédéral. J'ai demandé si...
M. Duhaime: Aucune discussion.
M. Pagé: Vous n'avez amorcé aucune discussion?
M. Duhaime: II n'y a aucune discussion, il me semble que c'est
clair.
M. Pagé: D'accord.
M. Goldbloom: Une question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee,
une dernière question additionnelle là-dessus. Ensuite, la
question principale du député de Richmond sera la dernière
question.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je voudrais demander
au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, parce qu'il ne
s'agit quand même pas d'un dossier qui est nouveau, si,
indépendamment des discussions qui peuvent avoir eu lieu ou ne pas avoir
eu lieu avec le gouvernement fédéral, il y a du progrès
dans ce dossier qui devait faire son chemin vers la prise de certaines
décisions. On devait déterminer un secteur territorial de la
ville de Montréal...
Le Président: M. le député, est-ce que je
pourrais à l'ordre, M. le leader parlementaire du gouvernement
vous demander d'abréger vos questions et de les formuler
rapidement?
M. Goldbloom: Je pense l'avoir posée, M. le
Président. Est-ce qu'il y a du progrès dans le dossier qui est
entre les mains du gouvernement du
Québec, indépendamment des conversations possibles avec le
gouvernement fédéral?
M. Duhaime: Je peux répondre, M. le Président, que
le dossier du centre de congrès est la responsabilité de mon
ministère. Il y a déjà une décision prise dans ce
dossier. A la lumière des cinq ou six années passées
où ce dossier est demeuré sur les tablettes libérales,
j'ai pris connaissance de tout le dossier. Ce que je peux dire, M. le
Président, c'est que ma définition de la modestie dans les
investissements ne correspond pas nécessairement à ce qu'on a
connu dans le passé, surtout durant l'année olympique. C'est dans
ce sens que je veux prendre tout mon temps pour m'assurer du montant de la
facture avant de commencer.
Le Président: Le député de Richmond.
Direction de l'Hydro-Québec
M. Brochu: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre délégué à l'énergie et elle a
trait à la retraite prochaine du président de
l'Hydro-Québec, M. Roland Giroux. Est-ce que le ministre pourrait
confirmer ou infirmer, à ce moment-ci, la nouvelle à l'effet que
l'éventuel successeur de M. Giroux pourrait être M. Robert Boyd,
dans un premier temps? Sinon, est-ce que le ministre a déjà
prévu un mécanisme de sélection pour la présidence
de l'Hydro-Québec, tenant compte d'un processus démocratique,
c'est-à-dire la création d'un nouveau type de conseil de
direction à l'Hydro-Québec où siégeraient, par
exemple, les représentants de différents groupes sociaux...
M. Bellemare: Comme ils font à l'université.
M. Brochu: ... tels les spécialistes de
l'Hydro-Québec, les représentants gouvernementaux et les
représentants également du milieu des consommateurs? Est-ce que
le ministre pourrait, à ce stade-ci, nous donner certaines informations
à ce sujet?
M. Joron: La réponse à la première partie de
la question, peut-on confirmer ou infirmer, c'est non. Je n'ai pas de
commentaire à faire à ce sujet, à ce moment-ci.
Quant à la deuxième partie de la question, ce sont des
choses que l'on considère et je prends bonne note de la suggestion du
député.
Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.
Est-ce qu'il s'agit d'une question principale?
M. Samson: Oui, M. le Président. Elle ne risque pas
d'être tellement longue, si on me le permet.
Le Président: M. le député, si je ne vous ai
pas reconnu auparavant, c'est qu'il y a une entente qui est intervenue sur le
partage du temps pour le débat qui va suivre et je voudrais que ce
soit très bref, sinon, je ne l'autoriserai pas.
Brièvement.
M. Samson: Merci, M. le Président.
M. Charbonneau: M. le Président, j'avais cru comprendre,
tantôt, que vous aviez indiqué au député de Richmond
que c'était la dernière question principale. J'avais une question
principale également sur un sujet très important, un incident qui
s'est produit dans le monde syndical, lundi soir, et j'aurais aimé poser
cette question. J'ai compris votre décision, mais je pense maintenant
que, si vous permettez au député de Rouyn-Noranda de poser sa
question principale, vous devriez me permettre aussi une autre question
principale.
Le Président: Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais poser ma question
à l'honorable ministre de la Fonction publique.
M. Burns: Je m'excuse, M. le Président, je ne veux pas en
appeler de votre décision, mais il me paraissait, à moi aussi,
que vous aviez décidé qu'il y avait une dernière question
principale. Vous avez vous-même convoqué une réunion des
leaders parlementaires pour essayer d'obtenir, comme vous le disiez, la
distribution du temps. Or, nous avons déjà dépassé
de dix minutes la période régulière des questions. Il me
paraît, M. le Président et je vous prie humblement de
reconnaître ce fait qu'on est obligé de brimer les droits
d'un certain nombre de députés. A ce moment-là, je vous
suggérerais peut-être de leur donner priorité à la
période des questions de demain.
Le Président: Le député de Rouyn-Noranda,
très brièvement.
M. Samson: M. le Président, je voudrais parler sur la
question de règlement pour vous indiquer que cela a pris à peu
près deux minutes de plus.
Des Voix: Oh! Oh!
M. Samson: Question de règlement. Je soulève une
question de règlement.
Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda,
vous n'avez pas à parler sur le règlement puisque je vous
autorise à poser votre question. Posez-la brièvement.
Dossier d'un employé de la fonction
publique
M. Samson: Merci, M. le Président. Je m'adresse à
l'honorable ministre de la Fonction publique pour lui demander s'il est bien au
fait du dossier il s'agit là d'un principe fondamental
d'une personne qui a été mise à pied à la Fonction
publique après neuf ans de services pour une cause qui paraît
être je ne veux pas m'en faire le juge de prime abord de la
discrimination raciale.
Le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne
s'étant prononcés favorablement dans le cas de M. Cherno Jalloh,
et le ministre de la Fonction publique ayant pris connaissance de ce dossier,
je voudrais lui demander aujourd'hui s'il est en mesure de nous dire de quelle
façon il entend réintégrer cette personne dans ses
droits.
M. de Belleval: J'ai fait droit aux réclamations de M.
Jalloh. Un poste lui sera offert très bientôt pour lui permettre
de faire le stage normal de tout employé temporaire au gouvernement, ce
qui lui permettra d'avoir ou non sa permanence lorsqu'il aura terminé ce
stage temporaire à la satisfaction de ses supérieurs.
Le Président: M. le député de
Verchères.
Local 144 des plombiers à
Montréal
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je voudrais
demander au ministre du Travail s'il est au courant de l'incident qui s'est
produit lors d'une assemblée syndicale du local 144 des plombiers
à Montréal lundi soir dernier et des méthodes de
banditisme qui, semble-t-il, continuent d'exister dans ce syndicat.
J'ai parlé, lors de mon discours, de l'importance d'un consensus
économique entre le monde du travail et le monde patronal. Je pense
qu'on ne peut pas qualifier de syndicalisme ce qui se passe actuellement au
local 144.
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Couture: Les seules informations que j'ai actuellement sont
celles qui ont été communiquées par les media
d'information. Dès que j'en ai eu connaissance, ce matin, j'ai
envoyé un télégramme au tuteur en chef, M. Yves Ryan, pour
lui demander, dans les plus brefs délais, une enquête sur ces
incidents en lui disant de la façon la plus vigoureuse possible que
comme ministre du Travail et comme membre de ce gouvernement jamais nous
n'accepterons que la démocratie syndicale soit brimée au
Québec.
Nous sommes conscients qu'il y a encore des problèmes à ce
niveau, mais pour la crédibilité et l'assainissement du milieu de
travail, surtout dans la construction, à cause d'incidents de ce
genre... Je dois dire à cette Chambre, et je pense que plusieurs membres
de l'Opposition seront d'accord avec moi, que bien souvent ce sont des
incidents créés par quelques individus qui entachent tout le
milieu de la construction.
J'ai demandé cette enquête, j'en ferai rapport et nous
chercherons rapidement à maintenir la démocratie syndicale dans
les syndicats de la construction.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. Biron: M. le Président, je voudrais déposer un
document que le ministre de l'Education m'a demandé de déposer
tout à l'heure, la photocopie d'un document.
Le Président: Très bien. M. Lavoie:
Consentement.
Le Vice-Président: Document déposé. Avant
les affaires du jour, M. le leader du gouvernement.
M. Burns: M. le Président, à la suite de
négociations on peut utiliser le mot parce que c'est exactement
ce qui s'est passé depuis hier qui ont eu lieu entre les leaders
parlementaires et le ministre des Affaires municipales, ainsi que les critiques
respectifs de l'Opposition, relativement au projet de loi no 3, il semble qu'il
serait possible d'obtenir le consentement de la Chambre pour que, malgré
l'article 1), qui est une motion privilégiée, c'est-à-dire
la motion de censure, nous puissions très brièvement passer
à l'article no 7), c'est-à-dire la reprise du débat sur
l'amendement de M. Blank relativement au projet de loi no 3. Si j'avais ce
consentement, M. le Président, je vous demanderais que nous passions
à l'article 7), pour ensuite passer immédiatement à la
motion du chef de l'Opposition, motion de censure privilégiée,
évidemment.
Travaux parlementaires
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, est-ce
que je pourrais, avant cette demande de consentement, rappeller qu'il y a
normalement motion pour que la commission parlementaire des transports se
réunisse?
M. Burns: C'est que je voyais le travail efficace que faisait
cette commission et je pensais même qu'elle avait terminé ses
travaux. M. le Président, je propose donc que la commission des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement se réunisse
immédiatement au salon rouge.
Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Alors, est-ce que le
consentement est donné?
M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Lavoie: Je voudrais qu'on se comprenne bien, qu'on fasse cela
le plus rapidement possible, pour ne pas écourter le temps de
débat sur la motion de blâme du chef de l'Opposition officielle.
M. le Président, si je comprends bien, avant de reprendre ce
débat et peut-être dans la possibilité de retirer la motion
qui est faite actuellement au nom du député de Saint-Louis de
remettre la deuxième lecture à un mois, le ministre des Affaires
municipales aurait une déclaration à nous faire
immédiatement, à savoir qu'il retire de son projet de loi trois
articles contentieux, je crois, qui soulèvent l'ire de l'Opposition.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition, me
permettez-vous auparavant que je demande tout simplement, par éthique,
si le député de Marguerite-Bourgeoys renonce à son droit
de parole?
M. Lavoie: Consentement unanime. Que le ministre des Affaires
municipales prenne la parole immédiatement.
Le Vice-Président: Vous parlez au nom du
député?
M. Burns: Qu'il renonce à sa priorité. Il renonce
à la priorité que lui accorde... son droit de parole est
conservé mais il...
Le Vice-Président: Je m'excuse, je ne veux pas faire de
procédure, mais le député a des privilèges.
M. Lalonde: J'écoutais mes honorables collègues,
mais si vous permettez que je parle pour moi, je comprends que vous avez
appelé à l'ordre...
Le Vice-Président: Brièvement, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Je comprends que le ministre des Affaires municipales
a une déclaration à nous faire et je l'invite à la faire
maintenant.
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires
municipales.
Pardon, M. le leader de l'Union Nationale.
M. Bellemare: Je voudrais seulement faire remarquer qu'il
faudrait que ce soit toujours en respectant l'article 124 de notre
règlement.
Le Vice-Président: D'accord, M. le leader de l'Union
Nationale.
M. le ministre des Affaires municipales.
Projet de loi no 3
Deuxième lecture (suite)
Motion de report à un mois
M. Guy Tardif
M. Tardif: M. le Président, à la suite du
dépôt devant cette Chambre du projet de loi no 3, du débat
en deuxième lecture et de la motion proposée par le
député de Saint-Louis visant à reporter d'un mois
l'adoption de ce projet, mesure qui aurait pour effet d'empêcher l'envoi
des avis pour reprise de possession pour les baux se terminant le 30 juin, et,
d'autre part, des faits nouveaux ayant été portés à
mon attention depuis le dépôt de la loi, je crois qu'il est
possible de donner partiellement raison à l'Opposition qui demande que
certaines parties soient reportées à plus tard, en m'enga-
géant, en commission parlementaire, lorsque le projet de loi y
sera étudié, à retirer, pour le moment, les articles qui
traitent du cas de Val-Martin c'est-à-dire les articles 2, 5, 7 et 8.
Ceci permettrait aux autres dispositions du projet de loi no 3, sur lesquelles
il semble y avoir un accord de principe, d'être adoptées,
après discussion, évidemment, en commission parlementaire.
M. Lalonde: M. le Président, je remercie le ministre de
s'être rendu aux arguments de l'Opposition. Je pense que c'est un exemple
pour ses collègues, à l'avenir. Dans ce contexte, ses
collègues verront toujours l'Opposition officielle prête à
collaborer avec le gouvernement pour trouver les meilleures solutions.
Je souhaite que ce répit qu'il s'accorde sera consacré
à une recherche en profondeur de solutions équitables au cas de
Val-Martin et des cas semblables, de façon à rendre justice
autant aux locataires qu'aux petits propriétaires.
Toutefois, étant donné les dédales de la
procédure et vu que les articles qu'il retire ce sont ces
articles qui soulevaient des problèmes pour l'Opposition ne
pourront l'être qu'à l'étape de l'étude en
commission élue, nous devrons, en deuxième lecture, voter contre
ce projet de loi.
M. Burns: Est-ce que le député de Saint-Louis
retire sa motion?
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Louis.
Retrait de la motion de M. Blank
M. Blank: M. le Président, est-ce que je peux demander la
permission de la Chambre de retirer ma motion visant à retarder
l'étude de ce projet de loi?
M. Burns: Accordé.
Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
M. Bellemare: Est-ce qu'il sera envoyé en commission?
M. Burns: Oui.
Le Vice-Président: Le ministre des Affaires municipales
propose la deuxième lecture du projet de loi no 3, Loi concernant
certains immeubles loués.
M. Lavoie: Vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président: Qu'on appelle les
députés!
Vote de deuxième lecture
Le Vice-Président: Que celles et ceux qui sont en faveur
de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Burns, Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Marois,
Landry, Couture, Tremblay, Bérubé, Duhaime, Mme Ouellette, MM. de
Belleval, Joron, Mme Payette, MM. Lessard, Proulx, Lazure, Garon, Tardif,
Grégoire, Chevrette, Michaud, Paquette, Vaillancourt (Jonquière),
Marcoux, Alfred, Fallu, Rancourt, Mme Leblanc, MM. Bertrand, Godin, Johnson,
Laplante, Bisaillon, de Bellefeuille, Guay, Gendron, Mercier, Laberge, Marquis,
Lacoste, Ouellette, Perron, Brassard, Clair, Gosselin Lavigne, Dussault,
Charbonneau, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Boucher, Gravel,
Jolivet.
Le Vice-Président: Que celles et ceux qui sont contre
cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie,
Vaillancourt (Orford), Lalonde, Garneau, Mailloux, Goldbloom, Saint-Germain,
Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher,
Picotte, Ciaccia, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron,
Bellemare, Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Shaw, Le Moignan, Dubois,
Cordeau, Samson.
Le Vice-Président: Y a-t-il des abstentions?
Le Secrétaire: Pour: 59 Contre: 33
Abstention: 0
Le Vice-Président: La motion est adoptée. M. le
leader du gouvernement.
Motion de renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Burns: M. le Président, je propose que le projet de loi
no 3 soit déféré à la commission parlementaire des
affaires municipales. Avec le consentement de la Chambre, je propose que cette
commission siège immédiatement à la salle 81-A et que le
rapport de cette commission soit soumis aux règles du rapport de la
commission plénière.
Le Vice-Président (M. Cardinal): Cette motion est-elle
acceptée en son entier?
M. Lavoie: Adopté.
Motion de censure concernant les lois sur les services
essentiels
Le Vice-Président (M. Cardinal): Adopté. A l'ordre,
s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs!
Je dois rappeler... A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous
plaît! Dois-je rappeler que, cet après-midi, nous avons, devant
nous, une motion privilégiée avec un débat restreint et
que nous devons prendre le vote à la fin de cette séance? Cette
motion est celle du chef de l'Opposition officielle et elle se lit comme suit:
"Que
cette Assemblée blâme sévèrement le ministre
de la Justice qui, en décidant de mettre fin aux poursuites encore
pendantes devant les tribunaux, relativement aux plaintes portées contre
ceux qui étaient accusés d'avoir défié la Loi
concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation (Lois
du Québec 1976, chapitre 38) et la Loi visant à assurer les
services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit
de travail (Lois du Québec 1975, chapitre 52), a pris une
décision arbitraire et sans fondement qui constitue un
précédent extrêmement dangereux pour l'avenir, une
violation du principe de l'égalité de tous devant la loi et un
affront à tous les citoyens qui se font un devoir de respecter
l'autorité de la loi au Québec."
Avant d'accorder la parole au chef de l'Opposition officielle, je veux
rappeler qu'à la suite d'une rencontre entre les leaders de tous les
partis, sur la base de 260 minutes possibles, dont il ne reste plus que 240
minutes, le temps a été ainsi alloué.
Conformément à l'article 24; 105 minutes au parti
ministériel; 95 minutes à l'Opposition officielle; 40 minutes
à l'Union Nationale, parti reconnu; 20 minutes pour les
députés qui représentent des partis non reconnus. Il
faudra donc allouer de nouveau ce temps. Nous pouvons le faire de trois
façons: perdre un peu plus de temps en suspendant et en se
réunissant à nouveau; attendre six heures pour voir où
nous en sommes et avoir à nouveau une réunion des leaders de
chacun des partis, ou laisser à la discrétion de la
présidence, conformément à l'article 24, d'allouer de
nouveau ce temps.
Du consentement de la Chambre, nous pourrions conserver cette base de
travail. Je demande quand même, sans perdre de temps, une suggestion des
leaders quant à la façon d'allouer de nouveau le temps
prévu.
M. le leader du gouvernement.
M. Burns: M. le Président je vous propose et propose
également à nos collègues d'en face que nous gardions la
répartition du temps qui a déjà été
convenue, quitte à ce que, si on s'aperçoit que cela pose un
problème en cours de route, on se rajuste. On pourra toujours se
rencontrer derrière le trône avec un représentant de la
prési-dence.Quant à moi, je pense qu'il y a peut-être
moyen, dans le temps prévu, avec une certaine économie, et
peut-être même avec l'utilisation de temps qui n'est pas
prévu, d'arriver à cadrer à l'intérieur des 260
minutes, ou peut-être moins et selon les proportions déjà
faites. C'est la suggestion que je vous fais, M. le Président.
M. Lavoie: D'accord.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition?
M. Lavoie: D'accord.
Le Vice-Président: Sur cette base, peut-être que
nous pourrions continuer au-delà de 18 heu- res, avec le consentement
unanime. Je donne immédiatement la parole à M. le chef de
l'Opposition officielle.
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il s'agit,
comme on le sait, d'une motion de blâme à l'adresse d'un membre du
gouvernement du Québec. Cette motion de blâme est portée en
vertu des dispositions de l'article 24 de notre règlement, qui se lit
comme suit: "Au cours d'une session, après que le débat sur le
message inaugural est terminé, les députés de l'Opposition
peuvent, à la suite d'un avis d'un jour franc, proposer six motions de
censure portant sur un seul sujet déterminé
d'intérêt public de la compétence de l'Assemblée.
Ces motions sont privilégiées, etc.."
Ce n'est pas de gaieté de coeur que je me prévaux des
dispositions de l'article 24, particulièrement à l'encontre de
celui qui, d'après la loi je me réfère au chapitre
16 de la Loi du ministère de la Justice est le jurisconsulte du
lieutenant-gouverneur et le membre jurisconsulte du Conseil exécutif de
la province, celui qui veille à ce que les affaires publiques soient
administrées conformément à la loi, etc. C'est donc dire
qu'en portant cette motion de blâme à celui qui est titulaire de
ce ministère, je le fais avec infiniment de précaution, mais
également avec le sentiment que je dois servir par ce fait les
intérêts mêmes de la justice au Québec.
Pour bien comprendre le sens de cette motion, il faut d'abord prendre
connaissance de la décision prise par le ministre de la Justice,
décision dont il a fait part à cette Chambre le 25 mars 1977. Le
ministre de la Justice, à ce moment, disait au journal des
Débats: "Concernant les plaintes portées en vertu des lois 23 et
253, j'ai pris la décision de mettre fin aux poursuites encore pendantes
devant les tribunaux en vertu de ces lois."
M. le Président, de plus, le ministre de la Justice a
ajouté qu'il n'avait été soumis à aucune pression
quant à la décision qu'il a prise. Je tiens à le citer de
nouveau, s'il me le permet: "Je tiens à lui dire que cette
décision n'a été prise sous aucune pression que ce soit,
mais a été prise, et c'était ma responsabilité, en
ayant à l'esprit l'intérêt de la société et
l'intérêt de la justice."
Première question que l'on se pose normalement, M. le
Président; lorsque le ministre de la Justice indique qu'il n'a
été sous l'effet d'aucune pression, veut-il dire qu'il n'a pas
reçu de demandes quelconques, soit d'un syndicat affecté,
évidemment, par ces poursuites ou d'un syndiqué dans le
même cas, ou de procureurs de ces derniers? N'a-t-il pas eu l'occasion
d'en parler avec des collègues? N'a-t-il pas eu l'occasion d'en parler
au Conseil des ministres? Ou est-ce qu'il n'a pas eu, avant ou après le
15 novembre, de discussions à ce sujet avec quelqu'un?
Lorsqu'il parle de cette question de pressions, il mentionne qu'il n'a
été l'objet d'aucune pression. Est-ce que, M. le
Président, nous devons en venir à la conclusion qu'il n'a
même pas été ques-
tion de cela dans les instances du Parti québécois; qu'il
n'en a jamais entendu parler, ni directement, ni par l'intermédiaire de
ses fonctionnaires, ni par l'intermédiaire de ses propres procureurs,
les procureurs du gouvernement? Doit-on conclure, M. le Président, qu'un
bon matin le ministre de la Justice, étant assis à son bureau, a
décidé que ce serait une bonne chose pour le climat social au
Québec d'enlever aux tribunaux, purement et simplement, des actions, des
poursuites qui étaient devant ces derniers?
Ces questions, j'invite le ministre de la Justice à y
répondre, parce qu'on peut avoir, quant à la définition
des pressions, une conception quelque peu différente. J'aimerais bien
que le ministre de la Justice puisse nous faire part de ce qui l'a
amené, lui, les personnes ou les choses, à prendre cette
décision dans le sens qu'il l'a prise. J'aimerais bien,
également, savoir de lui s'il a eu l'occasion d'en parler avec le
premier ministre, avec d'autres de ses collègues, au Conseil des
ministres, avec ses fonctionnaires, et s'il a eu vent, directement ou
indirectement, de velléités ou de désirs, quelque part,
quant à cette question.
M. le Président, l'Opposition officielle avait posé une
question au ministre de la Justice, le mercredi 23 mars 1977. Le ministre a
admis, dès ce jour, avoir posé des gestes dans le sens d'un
retrait des plaintes et il a indiqué alors son intention de rendre sa
décision publique dans les jours qui suivraient. L'Opposition officielle
est revenue à la charge, encore le lendemain, et le ministre a
refusé de dire, à ce moment, quels gestes il avait posés.
Ce n'est que le vendredi 25 mars 1977 qu'il a annoncé sa décision
à cette Chambre.
Je n'ai pas le droit, évidemment, M. le Président, de
prêter des intentions au ministre.
Cependant, j'ai le droit de signaler le fait que l'annonce du retrait
des plaintes, en vertu des lois 23 et 253, n'a pu être pleinement
portée à la connaissance du public comme elle devait l'être
parce que par coïncidence? ce jour-là, le
gouvernement avait décidé de rendre publics les comptes nationaux
du Québec. Il était important, et c'est un des motifs que
j'invoque pour présenter cette motion, que l'opinion publique soit bien
saisie et comprenne bien la portée du geste posé par le ministre
de la Justice et qu'il doive, lui, porter toute la responsabilité de son
geste, et cela dans un souci évident et légitime de
transparence.
Par sa motion de blâme, l'Opposition officielle soutient que la
décision du ministre est une décision arbitraire et sans
fondement, qu'elle constitue un précédent extrêmement
dangereux pour l'avenir, une violation du principe de l'égalité
de tous devant la loi et un affront à tous les citoyens qui se font un
devoir de respecter l'autorité de la loi au Québec.
C'est une décision arbitraire et une décision sans
fondement. Demandons-nous quels sont les pouvoirs du ministre de la Justice.
Ils sont contenus dans la Loi du ministère de la Justice que j'ai
évoquée il y a quelques instants. On voit que ses devoirs sont
énumérés à l'article 3 de ladite loi. On voit,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure, que cet article 3 indique
que le ministre de la Justice veille à ce que les affaires publiques
soient administrées conformément à la loi. Le même
article 3, sous-paragraphe g), indique que le ministre remplit les autres
fonctions qui lui sont assignées par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
Dans les deux lois dont il est question dans ce débat, il est
prévu que les poursuites pour contraventions auxdites lois sont
intentées par le procureur général ou par une personne
qu'il autorise généralement ou spécialement à cette
fin. C'est donc dire que toutes les poursuites actuellement devant les
tribunaux furent portées soit par le procureur général ou
avec son autorisation. A aucun endroit de la loi trouvons-nous le droit ou le
pouvoir, pour le ministre de la Justice, de retirer les plaintes pendantes
devant les tribunaux. En droit criminel, il est prévu que le procureur
général, ou le conseil à qui il a donné des
instructions à cette fin, peut, à tout moment, après une
mise en accusation, après qu'une mise en accusation a été
prononcée et avant jugement, ordonner au greffier de la cour de
mentionner au dossier que les procédures sont arrêtées par
son ordre. Il s'agit d'un ordre de nolle prosequi. Le Code criminel
prévoit cependant certaines conditions qui sont requises pour qu'il y
ait nolle prosequi. Nous ne retrouvons aucun texte du même genre dans la
Loi des poursuites sommaires et nous devons nécessairement conclure que
le nolle prosequi n'existe pas dans le cas de poursuites pénales pour
contraventions à une loi provinciale.
Il serait donc intéressant... D'ailleurs, le député
de Marguerite-Bourgeoys a posé une question à laquelle le
ministre de la Justice a refusé de répondre. A refusé de
répondre.
M. Bédard: M. le Président...
M. Levesque (Bonaventure): Attendez! Vous aurez l'occasion de
répondre.
M. Bédard: ... question de privilège. Le
Vice-Président: M. le ministre.
M. Bédard: Cela fait deux fois que le chef de
l'Opposition, se référant à des questions qu'il a
posées...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: ... soit concernant des gestes posés ou,
comme il l'a fait tout à l'heure, concernant le fait que j'aie
refusé de répondre à une question, prétend que j'ai
refusé de répondre à la question. Vous savez très
bien qu'hier je n'ai pas répondu à la question parce que le
règlement, étant donné qu'il y avait une motion en
Chambre, m'empêchait de répondre à la question.
Des Voix: Oh! Oh!
M. Bédard: Je voudrais que le député...
M. Levesque (Bonaventure): ... absolument faux, M. le
Président.
M. Bédard: ... et chef de l'Opposition mesure la
portée de ses paroles.
Le Vice-Président: Sur une question de privilège ou
sur...
M. Levesque (Bonaventure): Non, je vais continuer, M. le
Président, il n'y a rien là.
M. Lavoie: II n'y a pas de débat.
Le Vice-Président: Permettez, monsieur. A l'ordre, s'il
vous plaît! Permettez, M. le chef de l'Opposition officielle. A l'ordre,
s'il vous plaît, M. le ministre de la Justice! Permettez que je souligne,
dès le début de ce débat, un point important pour, non pas
des questions de privilège particulières, mais des
privilèges généraux des membres de cette Assemblée.
Ceci est un débat restreint qui devra nécessairement se terminer,
au plus tard, à 10 h 55. Le temps est prévu pour chacun des
partis et, lorsqu'une question de privilège ou de règlement est
invoquée, c'est autant de temps qui est enlevé et que la
présidence doit attribuer avec la plus grande équité
possible. J'en appelle donc à la collaboration de toute la
députation à ce sujet.
A l'ordre, M. le leader de l'Union Nationale! A l'ordre, s'il vous
plaît! En aucun moment je n'ai mentionné qu'il ne devait pas y en
avoir. J'ai simplement indiqué qu'il fallait qu'à ce
moment-là la présidence, aussi équitablement que possible,
distribue le temps employé à ces questions de privilège et
points du règlement. C'était simplement une invitation aux
membres de cette Assemblée à se retenir. Vous pouvez toujours
invoquer votre question de privilège après avis, en vertu de
l'article 49, comme vous pouvez le faire sur-le-champ. Je ne veux pas
moi-même prendre de ce temps et je redonne la parole au chef de
l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Comme
je le disais, le ministre de la Justice a refusé hier de
répondre, il a refusé. Il vient d'indiquer pourquoi il a
refusé de le faire, mais moi j'ai bien le droit de dire qu'il a
refusé hier de répondre à une question du
député de Marguerite-Bourgeoys qui avait simplement pour but de
nous éclairer à la veille de ce débat important sur une
motion de blâme.
Nous voulions simplement connaître la procédure qu'avait
adoptée ou qu'entendait adopter le ministre de la Justice pour mettre
fin, pour les retirer autrement dit, aux poursuites pendantes devant les
tribunaux, justement parce que, devant la loi des convictions sommaires, nous
ne voyons pas en vertu de quelles dispositions il peut purement et simplement
dire, au judiciaire: Vous êtes désaisis de ces poursuites sur
lesquelles vous êtes en train de vous pencher, où d'ailleurs il y
a de nombreuses procédures déjà entamées. Je dis
qu'il est important pour nous de le savoir et même avant que nous ayons
commencé ce débat.
Est-ce que le ministre de la Justice donnera ou a donné
instruction à ses procureurs, partout au Québec, de dire qu'ils
n'avaient pas de preuve à offrir? C'est une façon. Il faut
à ce moment-là qu'on soit sûr et qu'on soit conscient de ce
que l'on fait. Est-ce que le ministre de la Justice est prêt à
dire que la procédure qu'il a indiquée ou qu'il indiquera
à ses procureurs sera celle-là de dire qu'il n'y a aucune preuve
nulle part sur les gestes posés par les syndicats, par les chefs
syndicaux? Est-ce qu'il est prêt à dire cela?
S'il n'est pas prêt à dire qu'il a donné de telles
instructions à ses procureurs, quelles sont les instructions qu'il a
données ou qu'il entend donner à ses procureurs, en vertu de la
loi des convictions sommaires et selon le mandat qu'il détient en vertu
de la loi du ministère de la Justice? Nous avons hâte, M. le
Président, d'entendre le ministre de la Justice nous dire cette
procédure qu'il a voulu adopter, a adoptée ou entend adopter.
M. le Président, je puis vous dire que, s'il a utilisé ou
s'il entend utiliser cette procédure, je suis personnellement convaincu
que dans la plupart, sinon la totalité, des cas il y avait preuve
suffisante. Nous n'aurions pas pris de procédures et nous n'aurions pas
donné de telles instructions et nos hauts fonctionnaires et nos
procureurs n'auraient pas donné l'avis qu'ils ont donné dans les
cas de poursuite, s'il n'y avait pas là preuve suffisante pour que de
telles poursuites soient intentées.
M. le Président, nous avons évoqué les lois 23 et
253. Il ne faut pas manquer de mémoire, il faut retourner au moment
où ces lois ont été discutées et ont
été adoptées par cette Assemblée nationale. Il faut
retourner pour voir dans quelles conditions se trouvaient les enseignants, les
élèves, les malades dans les hôpitaux, dans quelles
conditions se trouvait, autrement dit, la population qui était, dans
plusieurs cas, tenue en otage. Il faut se le rappeler et, si on me le permet,
je ferai simplement une lecture très rapide de deux éditoriaux,
des extraits, dont un de M. Claude Ryan, le jeudi 8 avril 1976, relativement
à la loi no 23: Si l'Assemblée nationale décide
d'intervenir dans le conflit scolaire par voie de législation, il faut
évidemment que sa volonté soit respectée. A cette fin, il
est normal que la loi envisagée soit assortie de sanctions qui doivent
être à la mesure de la gravité du problème qu'on
veut résoudre et de l'importance des parties en cause. Or, on ne traite
point, en l'occurrence, avec des groupes modestes ou dénués de
tout moyen d'action, mais avec des corps publics et des syndicats munis, en
vertu d'autres lois, de pouvoirs considérables. Les sanctions doivent
être proportionnées à cette réalité. Dans
cette perspective, les amendes prévues dans la section IV du projet de
loi sont justifiées.
Il faut se rappeler, en effet, M. le Président, dans quelle
situation nous nous trouvions à ce moment-là. On me permettra
également, dans le cas de la loi 253, de lire un autre éditorial,
celui-ci du Soleil, où l'on voit un diagnostic établi par
l'Association des conseils de médecins et de dentistes: La
sécurité des malades est gravement compromise et la santé
publique pourrait être menacée si le climat d'hostilité et
d'anarchie se prolongeait de quelques semaines. Les conditions objectives dont
font état les médecins signifient que
les cas non urgents, mais graves, sont en attente dans les
hôpitaux, que les tests pour fins de diagnostic sont suspendus, que les
salles d'urgence sont fermées complètement ou partiellement dans
les grands hôpitaux, que la suite normale des soins urgents n'est pas
assurée, que les salles d'urgence sont cadenassées.
On semble oublier ces faits. Je tenais simplement, par ces deux
exemples, en apportant ces deux seuls témoignages, sans vouloir
retrouver dans tous les media et tous les journaux les témoignages qui
se sont multipliés, démontrer l'inquiétude qui
était morbide et grandissante, à ce moment-là, et
même dramatique au Québec. C'était dans les deux cas, celui
des hôpitaux et des services sociaux, comme dans le cas des enseignants,
une situation inqualifiable tellement l'intérêt public
était en cause et tellement l'intérêt public était
menacé.
M. le Président, le Parti québécois a voté
pour la loi 253 lorsqu'elle a été étudiée dans
cette Chambre, contrairement à ce que le ministre a laissé
entendre le 25 mars 1977 dans sa déclaration. J'ai eu l'occasion de
soulever une question de privilège dans cette Chambre et de confondre le
ministre, qui s'est accroché à un soi-disant vote de
troisième lecture contre le projet de loi. On se rappellera que le Parti
québécois, l'Opposition officielle du temps, avait voté
à toutes les étapes, première lecture, deuxième
lecture, troisième lecture, en faveur de la loi 253.
Je ne dis pas, M. le Président, qu'il s'agit là d'un
considérant important dans la discussion actuelle, mais il est devenu un
considérant important lorsque le ministre de la Justice, lui-même,
se réfère à son attitude, en troisième lecture, sur
la loi 253, pour dire que, en ayant voté contre cette loi no 253, il
votait contre les amendes exorbitantes qui étaient imposées par
ce projet de loi.
Si telle avait été son opinion, si telle avait
été l'opinion de son parti, il aurait dû, en
troisième lecture, lorsque l'on décide des modalités,
voter contre ce projet de loi. Encore une fois, Mme le Président, je dis
que là n'est pas l'objet de mon propos. Mais cela, cependant, confirme
que le ministre de la Justice, dans l'expression de ses paroles comme dans les
décisions qu'il prend, n'apporte pas le sérieux dont on doit
s'attendre de celui qui est le jurisconsulte du gouvernement.
Le 5 mai 1976, en réponse à une question du
député de Maisonneuve, j'ai indiqué très clairement
mon intention, en tant que ministre de la Justice, et je cite la page 887 du
journal des Débats: "... de voir à ce que les lois qui sont
votées par cette Assemblée nationale soient respectées. Je
continuerai, dans l'exercice de mes fonctions, à avoir la même
objectivité et également la même fermeté."
Dans les poursuites qui ont été prises alors, j'ai
indiqué devant l'Assemblée nationale qu'à chaque occasion
j'ai fait émettre par mon ministère un communiqué
relativement aux mesures prises par le Procureur général. On aura
remarqué que dans le premier cas il y a eu des procédures prises
contre le syndicat; il y a eu ensuite des procédures prises contre
certains autres syndicats, non seulement d'enseignants mais également
d'employés de soutien. Il y a eu par la suite, alors que se
multipliaient les infractions, des procédures prises contre les
présidents de certains syndicats et j'ajoutais: "S'il y a d'autres
mesures de prises à la suite de ces débrayages ou de ces
harcèlements, elles seront annoncées de la même
façon."
C'est donc dire que les règles du jeu étaient clairement
établies. Il y avait eu des gestes posés par l'Assemblée
nationale et selon mon devoir de ministre de la Justice, de procureur
général, je m'étais formellement engagé à
les faire respecter. J'ai vu à ce que les sanctions soient
imposées avec discernement et à ce que tout le monde sache que
pour aucune espèce de raison je ne reviendrais sur ma
décision.
On n'a qu'à se référer au journal des Débats
du vendredi 14 mai 1976, on n'a qu'à lire les journaux du 15 mai 1976 et
vous verrez que ceux qui avaient l'intention d'enfreindre la loi, de
défier la loi, étaient bien avertis. La loi suivra son cours sur
le règlement des amendes. C'était ça qu'on voyait dans les
manchettes le 15 mai 1976. Tout le monde était bien prévenu.
L'Assemblée nationale s'était prononcée et nous avons pris
la peine de prévenir les syndicats. Nous avons pris la peine de
prévenir ceux qui voulaient défier la loi, nous avons
prévenu l'opinion publique, nous avons utilisé tous les media
pour dire: C'est sérieux, si vous ne respectez pas les lois du
Parlement, particulièrement les lois 23 et 253, voici les sanctions qui
vous attendent.
Si j'ai pris soin d'établir ainsi clairement a tous les
intéressés les règles du jeu, c'est que je savais la
décision prise par mon prédécesseur au sujet de la loi 19.
Le 18 avril 1973, M. Jérôme Cho-quette avait décidé
de maintenir les poursuites contre les syndicats et d'abandonner celles contre
les enseignants eux-mêmes. Rappelons cependant à cette Chambre
qu'alors que j'étais Procureur général je n'ai pris aucune
poursuite contre les enseignants individuellement. Les seules poursuites ont
été contre les syndicats et contre les officiers syndicaux. Il
n'y a eu aucune plainte, le ministre pourra en prendre note et me
répondre là-dessus...
En vertu de la loi 23, je n'ai pas donné d'instructions, selon
mon souvenir, pour qu'une seule action soit prise individuellement qui
n'était pas une action prise contre un syndicat et, en second ou en
troisième lieu, contre des officiers syndicaux, lorsqu'il y avait
récidive.
Mme le Président, je rappelais la décision de M.
Choquette. Je savais que cette décision n'avait pas donné les
fruits attendus, puisque, trois ans plus tard, nous nous retrouvions devant les
mêmes abus syndicaux. J'ajoute que, dans le communiqué qu'il
émettait alors, M. Choquette précisait qu'il n'était pas
question de blanchir ceux qui n'ont pas obéi à une loi
adoptée par le Parlement. L'actuel ministre de la Justice, par la
décision qu'il a prise, fait en sorte qu'aucune sanction ne demeure,
sauf celles se rapportant à des outrages au tribunal. Là, nous
pourrions discuter longtemps sur la façon dont pourrait inter-
venir le ministre de la Justice, lorsque c'est le tribunal
lui-même qui est outragé. Je me demande jusqu'où le
ministre de la Justice veut pousser le ridicule, lorsqu'il parle de ce qu'il
pourrait faire à la place du judiciaire encore, et lui-même se
sentir outragé et pardonner à la place du tribunal. Est-ce cela
que le ministre de la Justice indique par cette exception qu'il a voulu
souligner de toutes les façons possibles pour leurrer le public? Aucune
sanction ne sera prise contre quiconque aura enfreint des lois adoptées
par le Parlement. Cela est tout à fait inacceptable.
Quels sont les motifs du ministre? Il passe rapidement sur le nombre de
plaintes. S'il fallait se rendre à cet argument, nous aurions une bien
drôle de justice, dans la mesure où on n'aurait qu'à
multiplier les infractions aux lois pour éviter toute espèce de
sanction. N'oublions pas ce raisonnement utilisé par le ministre de la
Justice quant au montant des amendes. J'ai répété qu'il
n'y a aucun enseignant, individuellement, qui n'était pas officier
syndical, qui avait reçu de poursuites. Je dis qu'il y en a eu en vertu
de la loi 253, des salariés qui ont reçu...
M. Bédard: Vous corrigez là.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne corrige pas, je n'ai jamais
parlé autrement que je viens de le dire. Lisez le journal des
Débats! Mettez votre appareil auditif! Faites marcher vos machines
intellectuelles! Je vous dis une chose. Ce que je dis, c'est que, lorsque j'ai
parlé de poursuites individuelles, j'ai mentionné qu'il
s'agissait du cas des enseignants, de la loi 23.
Quant à la loi 253, oui, il y a eu des poursuites individuelles,
mais, dans ce cas, pourquoi les compile-t-on, les compute-t-on, les
multiplie-t-on, ces amendes minimales ou maximales qui seraient possiblement
imposées à des individus pour en faire une somme globale? Chacune
de ces personnes qui a enfreint la loi 253 doit être suffisamment
responsable pour assumer elle-même la conséquence de ses actes. Si
cette personne doit être condamnée à payer $40, $50 ou
$100, je me demande pourquoi on multiplie cela par le nombre de 6000 ou 7000
qui sont dans le même cas. En vertu de quel principe et en vertu de
quelle loi, ou en vertu de quel privilège, ou en vertu de quelles
concoctions pouvons-nous, à ce moment-ci, dire que les sanctions
seraient trop lourdes à supporter, lorsqu'on multiplie des cas
individuels et qu'on en fait un cas collectif? Chacune de ces personnes avait
à prendre ses responsabilités. Je n'accepte pas que, sous le
couvert du syndicalisme, on puisse donner l'absolution totale et globale
à un groupe si important soit-il dans notre société,
puisqu'il est formé de personnes qui avaient entre les mains le sort,
d'une part, de l'année scolaire des élèves et, d'autre
part, la santé et la vie d'autres membres de notre
société.
Le nombre de plaintes et, ensuite, le caractère inadéquat
de la loi. J'ai indiqué, tout à l'heure, quelle est l'attitude
que ces mêmes gens ont prise lorsque nous avons, en décembre 1975,
étudié et adopté cette loi.
J'ai évoqué l'attitude du Parti québécois,
attitude officielle qui a été consignée dans le journal
des Débats et qui est consignée au secrétariat de cette
Assemblée.
Mme le Président, le ministre de la Justice a parlé de
provocation. Mais où en sommes-nous rendus? C'est dire que lorsque cette
Assemblée propose des lois, étudie des projets de loi, et
finalement adopte des lois, c'est de la provocation? Lorsque des citoyens qui
se disent ou se pensent au-dessus de la loi les défient, on dit que ce
sont des gens qui ont été provoqués? Mme le
Président, où allons-nous avec cette théorie
complètement hurluberlue, anarchique? J'espère que le ministre de
la Justice n'essaiera pas de faire passer à la population que c'est
dorénavant de cette façon qu'on va, nous les membres de cette
Assemblée nationale, étudier les lois et espérer qu'elles
soient respectées. Est-ce de cette façon que nous allons
procéder?
Mais, qu'est-ce que nous faisons ici, à l'Assemblée
nationale? Quel est le rôle des élus du peuple? Quelle est la
valeur des lois que nous sommes appelés à étudier et
à adopter si, lorsque nous faisons notre devoir ainsi, nous devenons des
provocateurs? Ceux qui les défient peuvent dire: Nous avons
été provoqués par l'Assemblée nationale; nous avons
été provoqués par les députés; nous avons
été provoqués par les élus du peuple. Nous, nous
allons nous placer au-dessus de la loi et nous allons recourir, après
les élections à des partis amis qui vont comprendre la situation
et qui vont corriger cela. Ils vont passer l'éponge, blâmant
complètement l'Assemblée nationale elle-même, faisant fi de
l'autorité de cette Assemblée? Voyons, Mme le Président!
Regardons où nous nous en allons avec de tels principes.
Le ministre parle de l'engagement de modifier les lois 23 et 253. Nous
avons eu la lecture du discours inaugural par le premier ministre. Avez-vous
entendu les intentions du gouvernement de modifier les lois 23 et 253 ou de les
abolir? Mme le Président, voilà une façon courageuse
qu'aurait pu utiliser le ministre de venir dans cette Chambre et de proposer le
retrait de ces lois, d'une façon démocratique, en demandant aux
élus du peuple ce qu'ils en pensaient, au lieu de prendre sur lui cette
attitude arbitraire, inqualifiable pour un ministre de la Justice.
Mme le Président, on a parlé d'un climat de confiance
qu'il fallait restaurer, rétablir, confirmer, mais qu'est-ce que l'on
doit conclure? Que le climat de confiance réside dans l'irrespect des
lois? Que le climat de confiance s'établit en mettant de son
côté tous les principes qui ont guidé notre
démocratie, en mettant de côté les principes aussi
sacrés que l'égalité de tous les citoyens devant la loi?
C'est là-dessus et c'est là que résiderait ce retour
à un climat de confiance? Je dis: C'est l'instauration de l'anarchie,
Mme le Président.
Il s'agit ici clairement d'une intrusion de l'exécutif dans le
judiciaire. Permettez-moi de citer, pour l'édification de cette Chambre
et particulièrement du ministre de la Justice, simplement un extrait
d'un jugement du 12 décembre 1972 du juge Marc Fortier qui disait: "Le
rôle, la compé-
tence, les prérogatives et les limitations de chacun des trois
pouvoirs sont déterminés et répartis de manière
à ce qu'en principe il n'y ait pas d'empiétement sur ceux des
autres.
Le législatif c'est nous, ça est
chargé de l'étude préalable du vote et de l'adoption des
lois. L'exécutif le ministre de la Justice voit à
ce qu'elles soient sanctionnées et efficacement exécutées.
Quant au judiciaire, il doit les interpréter, suivant une recherche
objective et impartiale de l'intention du législateur, puis les
appliquer telles que conçues et édictées par
l'autorité compétente et agissant dans les limites de sa
juridiction constitutionnelle."
Dois-je être obligé de me trouver dans cette situation de
rappeler au ministre de la Justice des choses aussi fondamentales que tout
citoyen connaît, mais que, lui, met de côté dans un geste
qu'il est difficile réellement de comprendre, mais qu'il est
sûrement impossible d'accepter. Qu'en pense la magistrature? C'est un
manque de confiance dans la valeur du pouvoir judiciaire puisque le ministre,
dans sa déclaration, en jouant avec les minima et les maxima, a
supposé que toutes les plaintes auraient été retenues
devant les tribunaux. C'est lui qui se subsitue au judiciaire, en faisant ses
multiplications et ses beaux chiffres, en présumant que tous ceux qui
étaient devant les tribunaux seraient trouvés coupables. C'est
lui qui présume de la décision du judiciaire. C'est lui qui
décide quels seront les minima et les maxima, dans le cas où
quelqu'un serait trouvé coupable.
Mme le Président, le gouvernement parle de revaloriser
l'Assemblée nationale. Il a même nommé un ministre pour
cela, le ministre de la réforme parlementaire, etc. Et voilà que
le ministre de la Justice bafoue, par sa décision, l'autorité
même de l'Assemblée nationale.
Nous avons devant nous un précédent extrêmement
dangereux pour l'avenir. Pas plus aux Etats-Unis qu'au Canada et qu'au
Québec, un gouvernement ne peut sérieusement prétendre que
des situations analogues ne se reproduiront plus dans l'avenir. Lorsqu'une
telle situation se produira à l'Assemblée nationale, que
ferons-nous? Le Parlement pourra-t-il, à l'avenir, intervenir? Et avec
quel succès? Quelles seront les conditions dans lesquelles se
retrouveront les membres de cette Assemblée lorsque surviendra un
état de crise, ce que je ne souhaite pas, mais qui peut fort bien
arriver? Et même dans des lois comme la loi 253 qui est encore une loi de
cette province, une loi que devront respecter ceux qui se retrouveraient dans
une situation analogue, qu'est-ce que nous ferions, nous, ici, les
députés? Comment réglerions-nous un cas de crise comme
celui-là si, par les gestes posés par le ministre de la Justice,
nous disons, par notre législation: Même si elle veut avoir des
dents, ne vous inquiétez pas, nous avons ici des
précédents créés par le ministre de la Justice et
acceptés par ses collègues. Nous avons des
précédents qui font que vous n'avez pas à vous
inquiéter. Laissez les députés s'amuser avec les lois,
laissez-les passer des heures et des nuits à discuter. Ne vous
inquiétez pas, qu'ils mettent des amendes, qu'ils mettent la prison,
qu'ils fassent ce qu'il veulent, aucune espèce d'importance, ne vous
inquiétez pas, l'éponge sera passée.
Nous ne pouvons pas fonctionner, en démocratie, de cette
façon. Nous ne pouvons pas, parce qu'il y a ce principe de
l'égalité devant la loi et de la suprématie du Parlement.
On veut être indépendant et souverain. Quel pays on nous
prépare! Pensons-y. Seulement dans ce cas, parce qu'il y a une certaine
clientèle du Parti québécois qui était
affectée, voilà que l'on met de côté
l'autorité du Parlement, le respect des lois, et on veut se
séparer pour mettre en vigueur ce genre de principe qui guide le
ministre de la Justice, aujourd'hui? Jamais! Mme le Président!
Nous avons ici un accroc sérieux au principe de
l'égalité du citoyen devant la loi. Il y a présentement
devant les tribunaux d'autres syndicats qui sont poursuivis pour des
infractions aux lois du pays ou aux lois de la province à l'occasion de
conflits de travail.
Il y en a plusieurs en dehors de ceux qui ont enfreint la loi 23 ou la
loi 253. Qu'est-ce qui arrive de ces gens, de ces syndicats, de ces
syndiqués, de ces salariés? Que fait le ministre de la Justice
dans ce cas-là? Si on pouvait faire une comparaison avec
l'économique, on verrait que tout le monde court après Tricofil
pour l'aider, mettant de côté tous les autres travailleurs au
Québec, se foutant royalement de ce qui arrive dans toutes les
régions du Québec à tous ces milliers de travailleurs qui
sont menacés de chômage ou qui sont déjà sans
emploi. On fait présentement le même jeu. C'est cela, le nouveau
style de gouvernement? On traite différemment, les citoyens dans cette
justice qui doit être à l'abri de toute pression, de tout
privilège. On est en train de faire deux classes, au moins, de citoyens
devant la loi de notre pays. C'est là une des choses les plus graves que
nous ayons connues et que nous ayons vécues, et qui menace la Justice
elle-même avec un grand J pour l'avenir, cette justice qui
est tellement chère à chacun des citoyens de notre pays et de
notre province.
Lorsque je dis ces choses, je n'ai qu'à prendre à
témoin le ministre lui-même qui admettait je me
réfère au journal des Débats du 25 mars 1977
lorsque je lui posais la question suivante: "Est-ce que, dans le cas des lois
23 et 253, il y a eu des jugements qui ont été rendus à la
suite de plaintes et, dans ce cas, quel est le sort de ceux qui ont eu à
se rendre aux décisions des tribunaux?" ce qui suit: "M. Bédard:
II y a des jugements qui ont été rendus et, je l'ai dit tout
à l'heure, les jugements qui ont été rendus seront
respectés."
Comment concilier cette situation qui est faite à ceux qui sont
passés les premiers devant les tribunaux, dont les jugements sont
rendus? Eux autres, on s'en fout et on crée une autre situation pour
ceux dont le jugement n'est pas encore rendu, où le judiciaire ne s'est
pas encore prononcé. On s'en va prendre, entre les mains du judiciaire,
des poursuites qui sont à mi-chemin ou aux trois quarts du chemin, mais
celles qui sont rendues à terme ou qui sont en appel, on n'y tou-
che pas. Voilà la situation que crée cette décision
improvisée? point d'interrogation du ministre de la
Justice, décision qui ne se défend à aucun point de
vue.
Vous me permettrez, avant de conclure, simplement de vous dire que nous
ne sommes pas les seuls, nous de l'Opposition officielle, à
réagir de cette façon devant une telle attitude du ministre de la
Justice. Je n'ai pas parlé au nom de mes collègues de l'Union
Nationale, ils auront à se prononcer tout à l'heure. Je vois ici,
dans le Nouvelliste du samedi 26 mars 1977 que l'Union Nationale se dit
renversée d'une telle décision. Nous ne sommes pas seuls,
cependant. Nous avons vu également et nous entendrons, j'en suis
convaincu, le Ralliement des créditistes et nous entendrons
également, j'en suis convaincu, parce que je l'ai écouté
à la radio cet après-midi, le député de Beauce-Sud.
Ce ne sont pas seulement les oppositions qui vous posent des questions, M. le
ministre de la Justice, c'est l'ensemble des citoyens du Québec. Plus
particulièrement, voyons ce que la magistrature elle-même en
pense. Je cite, dans la Presse de Montréal du jeudi 24 mars 1977,
Léopold Lizotte.
Pour les juges,.on ne peut passer l'éponge si aisément.
"On ne peut définitivement pas, ont en effet répondu sans
exception ceux que nous avons interrogés, passer ainsi l'éponge
chaque fois qu'une grève est enfin terminée ou qu'une solution
est trouvée à un conflit, surtout de l'envergure de ceux survenus
dans les secteurs scolaire et hospitalier. C'est non seulement amoindrir
l'autorité des tribunaux, mais attenter tout aussi sérieusement
à celle de l'Etat lui-même. ' Ce sont les juges qui parlent ainsi;
c'est le judiciaire qui se prononce sans exception, tous ceux qui ont
été consultés, Mme le Président.
Le Barreau, Me Brassard, le bâtonnier du Barreau du Québec,
a souligné que, sur le plan juridique, il s'agissait d'un
précédent dont les conséquences à long terme
n'étaient pas connues, mais pouvaient être dangereuses. Il a
ajouté que ce geste ne constituait évidemment pas un
encouragement au respect des lois et qu'il pouvait placer le ministre de la
Justice dans une position délicate si la situation de crise vécue
l'an dernier devait se reproduire et si le gouvernement était alors
obligé d'adopter des positions semblables à celles
adoptées par l'ancien gouvernement. Le bâtonnier du Québec
avait pris la précaution de rappeler qu'il ne voulait pas se prononcer
sur l'opportunité sociale ou politique du retrait des accusations,
simplement sur le côté juridique qui est sa responsabilité,
qui est de sa compétence.
Et je poursuis: "Enfin, en acceptant l'hypothèse que les
sentences prévues par les lois 23 et 253 pouvaient être
considérées comme excessives, le bâtonnier a
souligné qu'on aurait pu avoir recours à des mécanismes
autres que le retrait absolu et général de toutes les plaintes
pour remédier à cette situation. L'absolution
générale du ministre, dans les circonstances, ne fait aucune
distinction entre les enseignants dont la grève était alors
légale et qui s'étaient vu imposer un retour soudain et brutal au
travail, nonobstant la lé- galité de leur grève, et les
employés d'hôpitaux qui étaient déjà sous le
coup de la loi des services essentiels qu'ils ne respectaient pas."
Mme le Président, nous avons là les juges, nous avons
là le Barreau; nous pouvons apporter d'autres témoignages.
Prenons, par exemple, l'éditorialiste Claude Ryan, du Devoir, qui,
même avant que le ministre ait pris sa décision, devant les
rumeurs qui circulaient à cet effet, a prévenu le ministre de ne
pas poser ce geste. Il disait, entre autres, en parlant du ministre: "II
laisserait planer de graves doutes sur l'impartialité et
l'indépendance du gouvernement Lévesque et encore davantage sur
son respect des lois." Et il ajoutait: "Que le gouvernement, dans le plein
respect des lois concernées, cherche par tous les moyens raisonnables
à en atténuer au maximum les effets, cela est hautement
souhaitable, mais toute mansuétude qui prétendrait aller
jusqu'à l'oubli total des gestes illégaux très graves
faits en toute connaissance de cause l'an dernier serait une abdication et
ferait apparaître comme une tragique forces la dureté dont on fit
montre il n'y a pas si longtemps envers des familles d'immigrants qui n'avaient
aucune force de frappe pour faire valoir leurs intérêts.
Là, Mme le Président, je vous rappelle ce que le
vice-premier ministre et ministre de l'Education a dit à cette Chambre
et à l'opinion publique du Québec relativement aux tests
linguistiques, qu'il ne pouvait faire autrement que de donner suite à la
volonté exprimée par la loi de cette Législature et qu'il
ne pouvait pas suspendre les tests linguistiques à cause de la loi. Dura
lex, sed lex.
Dans ce cas-là il y a un principe pour le ministre de l'Education
et il y a un autre principe pour le ministre de la Justice, celui-là
même qui doit défendre le respect des lois votées par cette
Asserrh blée.
Mme le Président, nous pouvons citer combien de gens sont
intervenus à la suite de cette décision. Pas seulement le Devoir,
mais la Presse de Montréal, dans deux éditoriaux que le ministre
a dû lire, signés Vincent Prince, l'un avant la décision et
l'autre après, pour voir s'il n'y avait pas moyen de ramener le ministre
de la Justice à la raison.
Mme le Président, on lit ceci, et je ne fais que lire quelques
extraits de ces éditoriaux: Mais ne serait-ce pas créer un
précédent dangereux que de passer ainsi l'éponge? Ces lois
ont quand même été votées
régulièrement et de façon démocratique. Pourquoi ne
laisserait-on pas les tribunaux apprécier les faits et disposer des
causes qui leur ont été soumises? Mais que ce soit le cas de
toutes, lorsqu'il parlait de certaines causes qui auraient pu être
perdues manque de preuves, que ce soit là le cas de toutes
dépasse l'entendement. Il continue: De toute façon, on a le droit
de soumettre humblement qu'il n'appartient pas à un gouvernement de
juger de la légitimité des lois passées par son
prédécesseur, mais aux tribunaux. De quelle autorité
morale le gouvernement actuel pourra-t-il se justifier quand il voudra faire
respecter ses lois? Je cite encore M. Vincent Prince: Certains souligneront que
l'arrêt des poursuites signi-
fierait, en pratique, la reconnaissance de deux classes de citoyens
devant la justice, mais il y a plus, cela pourrait signifier qu'il y a deux
classes de syndiqués.
Mme le Président, lorsque cela a été fait, lorsque
la décision a été rendue, M. Vincent Prince est revenu
à la charge par un autre éditorial sous le titre: Le cadeau fait
aux syndicats. Il dit: Attendons les prochains affrontements. Mais, de
là à suspendre toutes les plaintes, il y a une marge qui n'aurait
pas dû être franchie. On est en train d'accréditer la
thèse voulant que tous les moyens soient bons pour gagner une
grève. Je cite encore: "Evidemment, Me Bédard peut estimer qu'il
n'aura jamais à faire adopter de loi d'exception, qu'il ne
déplaira jamais au monde syndical. Allez-y voir!
A moins qu'il ne leur cède continuellement et en tout, il peut
s'attendre à de durs affrontements à son tour. L'idéologie
syndicale reste inchangée."
Dans le Soleil de Québec du 28 mars, éditorial de Paul
Lachance: "Un coup de balai dangereux". Et nous lisons: "Les syndicats
s'interrogeaient-ils, eux, sur les effets sociaux de leur débrayage
où la santé publique était mise en danger et les
étudiants pris en otage au nom du bien-fondé de leurs
revendications? Songeaient-ils à la paix sociale
québécoise lorsqu'ils brimaient les intérêts
collectifs de toute une population au nom de mobiles idéologiques visant
à la démolition du pouvoir établi? S'arrêtaient-ils
à faire le bilan éventuel de la faillite socio-économique
à laquelle menaient leurs exactions? La décision du ministre
Bédard, même si elle veut s'appuyer sur un désir
sincère d'améliorer la situation québécoise,
crée un dangereux précédent pour la protection des
pouvoirs constitutionnels sur lesquels repose la chose publique. Dût-elle
ne pas constituer une ingérence dans le pouvoir judiciaire, elle n'en
touche pas moins profondément la crédibilité et
l'indépendance du seul fait qu'elle laisse planer le doute que le
législatif peut disposer à sa guise des litiges auxquels il est
commis."
Mme le Président, je vous demande simplement de vous y
référer, parce que je veux laisser à d'autres le temps
d'intervenir, mais je voulais simplement vous dire qu'on peut retrouver dans le
Nouvelliste, par exemple, sous la plume de Sylvio Saint-Amand, le titre:
"Mansuétude de M. Bédard". "Cette demande peut paraître
farfelue parlant de la demande du député de
Marguerite-Bourgeoys mais avouons qu'il y a de quoi s'interroger
lorsqu'un ministre demande à des municipalités de transgresser
une loi et qu'un autre s'organise pour accorder l'immunité à ceux
qui ne respectent pas la loi. La paix sociale ne peut s'acheter au
mépris des lois."
Si on continue, on peut prendre par exemple dans la Tribune de
Sherbrooke un autre éditorial de Jean Vigneault: "Le droit de violer la
loi?". Et on y lit: "Eliminer cependant tout le passé, c'est
tolérer l'anarchie et même des préjugés favorables
aux travailleurs ne peuvent être farcis d'une telle philosophie qui ferme
les yeux sur des actes aussi graves. Le gouvernement a déjà aboli
rétroactivement la Loi concernant les mesures anti-inflationnistes mais
on verrait mal qu'il agisse ainsi dans le cas de lois votées pour la
protection du public."
Et on peut continuer les témoignages. Nous en avons plein nos
bureaux. Il y en a plein les media, pas suffisamment cependant pour
impressionner le ministre de la Justice. Mais je lui dirai, s'il veut se
consoler, qu'il pourra trouver des témoignages. J'ai vu deux
témoignages à l'appui de l'action du ministre de la Justice: le
témoignage de M. Yvon Charbonneau et celui de M. Rodrigue ce matin. J'en
ai trouvé deux. Je veux être honnête, je veux tout donner.
Deux. Des gens dont les syndicats ont profité de cette mansuétude
ou de cette faiblesse ou de ces attaches du ministre de la Justice.
Mme le Président, je crois qu'à ce moment-ci j'ai dû
vous convaincre. J'ai essayé, du moins, en remplissant un devoir qui
n'est sûrement pas agréable d'attaquer un collègue pour qui
sur le plan personnel j'ai beaucoup de sympathie, mais dont les gestes publics
et administratifs m'obligent à m'élever, au nom de l'Opposition
officielle, oui, mais aussi au nom de l'opinion publique, au nom du public
québécois, au nom du respect des lois.
Je dois, dans cette motion de blâme, indiquer qu'il n'est pas
question pour nous et qu'il n'est pas question pour la population du
Québec d'accepter que le jurisconsulte du gouvernement, le ministre de
la Justice, celui qui a ces responsabilités éminemment
importantes, puisse agir comme il a agi. Il est encore temps et je fais
appel à lui de revoir cette décision, parce qu'à ma
connaissance on n'a pas commencé dans le processus judiciaire à
donner suite, au moment où nous parlons, à la décision
indiquée cette semaine par le ministre de la Justice.
Justement, dans cette volonté de travailler pour le bien commun
et surtout de travailler afin que cette justice soit toujours vue par le
citoyen avec considération, avec respect, il est important que, dans les
minutes ou les heures qui suivent, le ministre de la Justice, avec ses
collègues qui peuvent sans doute l'influencer, révise cette
décision qu'il a prise. Il a dit qu'il l'a prise comme ministre de la
Justice et que ce n'est pas une décision qui est prise par le
gouvernement. J'ai hâte de voir comment il nous décrira, parce
qu'il doit nous le dire, les relations qu'il y a eu entre sa décision et
les conversations qu'il a eues. Il doit certainement nous le dire, en toute
transparence. C'est un mot que je me rappelle parfaitement et dont le ministre
de la Justice aurait particulièrement besoin ce soir. Mais, en
même temps, il doit tenir compte du sens des responsabilités
vis-à-vis du respect des lois et vis-à-vis de l'avenir
réservé aux lois qui seront promulguées par ce Parlement,
tenir surtout compte de l'importance qu'il doit et que nous devons tous
attacher à la démocratie et particulièrement à la
perception que se fait le citoyen moyen de l'égalité de tous
devant la loi, de la perception que doit avoir le citoyen vis-à-vis de
la justice et vis-à-vis de celui qui est responsable de son
administration au Québec.
Je dis qu'étant titulaire de ce ministère de la Justice,
le ministre doit, non seulement essayer de
se défendre contre cette motion de blâme qui lui est
adressée non seulement par un homme je pense que j'ai fait le
point, elle est adressée par la population du Québec et par
toutes ses institutions et par tous ceux qui croient à la justice
véritable il doit ne pas simplement essayer de défendre sa
peau, mais il doit, au contraire, s'élever au-dessus de ces querelles
qui peuvent paraître partisanes, s'élever en disant: Je me suis
trompé, je n'ai pas l'intention de consacrer une situation
intolérable pour ceux qui ont le moindre respect pour la justice.
Mme le Vice-Président: Avant de reconnaître le
leader de l'Union Nationale, je dois, en vertu de l'article 174, vous donner
avis avant 18 heures aujourd'hui que j'ai reçu avant 17 heures, un avis
de l'intention de l'un des députés de soulever un débat
avant l'ajournement des travaux de cette Assemblée ce soir. Voici cet
avis: "M. le Président, je vous donne avis que je désire me
prévaloir des dispositions de l'article 174 pour obtenir plus
d'informations à la question que j'ai posée au ministre de
l'Agriculture cet après-midi. Je ne suis pas satisfait de la
réponse obtenue. Fabien Roy, membre de l'Assemblée nationale,
Beauce-Sud, 31 mars 1977."
Il a été question, au cours de cette séance de
l'Assemblée, de continuer les travaux au-delà de 18 heures ce
soir. Y a-t-il consentement de cette Assemblée? Il a été
question de cela cet après-midi?
Il n'y a pas consentement.
M. Burns: Mme le Président, il a été
question de se rajuster si jamais on sentait le besoin de le faire, sauf que je
comprends que le leader de l'Union Nationale propose la suspension du
débat.
M. Bellemare: C'est cela. Il est six heures moins deux
minutes.
M. Burns: Est-ce que, pour aider à sauver du temps, nous
ne pourrions pas proposer cette suspension jusqu'à 20 heures au lieu de
20 h 15?
M. Lavoie: Le règlement dit 20 heures.
M. Burns: Le règlement dit 20 heures, mais l'habitude dit
20 h 15. Alors, si vous le voulez bien.
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: Je demande la suspension du débat. Je ferais
peut-être remarquer que, si mon collègue est revenu de la
commission parlementaire des affaires municipales, je lui céderai
peut-être le pas, parce que je voudrais me réserver pour un peu
plus tard.
M. Burns: C'est le dessert.
M. Bellemare: Non, je vais attendre que le ministre... Je
demande...
M. Shaw: Puis-je demander la suspension?
M. Bellemare: Oui, demandez donc la suspension.
M. Shaw: Mme le Président, je demande la suspension de la
séance jusqu'à vingt heures ce soir.
Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
Cette Assemblée suspend ses débats jusqu'à vingt
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 7
Le Vice-Président: Madame, messieurs, à l'ordre!
Vous pouvez vous asseoir.
M. le député de... Entendez-vous, s'il vous
plaît.
M. Shaw: M. le Président, je cède la parole
à mon leader parlementaire, le député de Johnson.
M. Bellemare: Je remercie...
Le Vice-Président: Vous permettez, M. le leader, que je
vous annonce?
M. Bellemare: J'aimerais mieux que le ministre soit
là.
Le Vice-Président: Cela lui donnera le temps. Le
député de Pointe-Claire ayant renoncé à son droit
de parole, je cède la parole au leader de l'Union Nationale.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: C'est une motion qui m'intéresse au plus
haut point, étant d'abord une motion faite sur un sujet
d'actualité et aussi une motion qui introduit dans nos coutumes
parlementaires un précédent dangereux.
Je n'ai pas besoin de vous dire à vous, M. le Président,
qui connaissez le rouage de nos organismes parlementaires, combien le
judiciaire, l'exécutif et le législatif sont trois domaines
différents. Lorsqu'on intervient de cette manière, aussi
brutalement et avec de si pauvres raisons, la population en
général et tous ceux qui ont écrit sur le sujet peuvent se
poser des questions quant au futur parlementarisme que nous allons vivre. Les
raisons invoquées par l'honorable ministre de la Justice manquent
sûrement de cohésion, surtout devant un précédent
aussi dangereux que celui-là. Lui qui est un avocat brillant dans sa
région je lui rends le témoignage qu'il est très
bon avocat trouver des raisons aussi pauvres pour établir cet
énorme précédent contre le principe sacré du
judiciaire, entrer de plain-pied dans un domaine qui est exclusif et, par une
simple déclaration ministérielle, nous dire: Messieurs, nous
allons passer l'éponge sur $59 millions; de plus, les tribunaux ne se
prononceront pas sur la validité ou la non-validité des actes
posés durant une certaine période sur deux lois
particulières, la loi 253 sur les services essentiels et la loi 23 sur
l'interdiction de la grève dans le domaine de l'éducation, cela,
c'est grave!
Et les raisons qu'il invoque et qu'il nous donne sont que
messieurs, imaginez-vous la première le gouvernement
libéral précédent avait fait un usage abusif de ces lois,
en entretenant une politique de provocation c'est l'expression qu'il a
employée dans les relations de travail. Par quoi le gouvernement
a-t-il usé de provocation, par sa loi? Il le dira plus loin, vous allez
le voir dans deux minutes. Cette provocation a sû- rement amené
les syndicalistes à être des provocateurs et à
défier la loi. Parce qu'ils ont été des provocateurs,
parce que ce sont des gens qui délibérément, sciemment,
ont enfreint la loi, aujourd'hui, le ministre dit: Ecoutez, c'est parce que
d'une manière abusive le gouvernement a provoqué les
syndicats.
Messieurs, j'étais ici, en Chambre, lorsqu'on a adopté le
bill 253 sur les services essentiels et je les ai tous entendus, ces
six-là, répéter les uns les autres que c'était
nécessaire devant l'accumulation des terribles sévices qu'on
avait à subir dans tous les hôpitaux de la province. Combien il y
a de pauvres malheureux qu'on a sortis par les cheveux sur des civières
et je ne fais pas de drame. J'ai été moi-même à
l'hôpital, il y a quelques années, et j'ai subi une grève
à l'hôpital, M. le Président. Ils sont venus dans ma
chambre, c'est ma femme qui les a empêchés d'entrer et je sais ce
que c'est.
On en a sorti presque morts de l'hôpital et on les a
envoyés chez eux. Est-ce que ce n'était pas de la provocation
faite par les syndicalistes? Je suis fier d'être un syndicaliste
moi-même, mais il y a des abus qu'on doit réprimer. C'est pour
cela qu'on avait adopté le bill 253, pour assurer les services
essentiels aux personnes qui ne pouvaient pas être privées des
services absolument essentiels. Il dit: On a abusé de ces lois, le
gouvernement a abusé de ces lois. Ecoutez, M. le Président, quand
il y a un état de panique, que tout le monde se demande où on va,
demain matin, se ramasser dans la province de Québec, qu'on est
obligé de se servir de la police pour laisser pénétrer des
cadres dans les services essentiels qui ne sont pas reconnus même en
vertu de la loi.
La deuxième raison invoquée par le ministre a
été que cela dérange énormément les effets
sociaux. Imaginez-vous! C'est pour les effets sociaux des bonnes relations que
ces poursuites ont été intentées.
M. le Président, quand on a posé des gestes tels que ceux
par lesquels ils ont été condamnés, qui les ont
amenés devant les tribunaux, c'est parce que, à ce
moment-là, eux, les syndicalistes, troublaient la paix sociale, eux,
mettaient en danger nos institutions, eux, donnaient un mauvais exemple de
désobéissance publique, et c'est écrit dans tous les
éditoriaux. Montrez-moi un seul éditorial qui vous encourage, qui
vous a louangé d'avoir posé un geste aussi arbitraire que
celui-là, un geste sans précédent qui va vous causer des
dommages irréparables. Et vous serez le premier, vous, le ministre de la
Justice, demain matin, à être la cible de ces gens que vous voulez
aujourd'hui protéger.
Vous verrez! J'ai été ministre du Travail. Il n'y a jamais
une cause qui a été rappelée dans mon temps, jamais. J'ai
assisté à bien des négociations et on me mettait, à
la fin, devant un impératif: ou bien on règle et vous retirez les
causes. J'ai dit non. Jamais je n'ai voulu accepter. Il y a des gens de East
Angus qui avaient tiré de la carabine sur les machines à papier.
Ils étaient dix devant les tribunaux. Ils ont dit: Si vous retirez les
causes, on va régler. J'ai dit non. Ils iront devant les tribu-
naux. Ils sont allés devant les tribunaux. Ils ont
été condamné à $1000, et le syndicat à $20
000.
Celui qui a fait sauter le système de chauffage de Magog, durant
la grève du textile, on était rendu à la dernière
limite, on négociait depuis 33 heures. M. Pepin m'a dit: M. Bellemare,
M. le ministre, vous allez enlever cela. Vous allez faire sauter cette cause.
J'ai dit non, pour aucune considération. On va négocier encore,
mais on n'enlèvera pas cela. C'est le tribunal qui doit juger cela, pas
nous, parce que c'est un acte criminel qu'il a commis. Il sera jugé par
ses pairs, mais pas par nous car nous sommes des législateurs. Nous
devons administrer et non pas juger. C'est toute la différence.
La troisième raison qu'il me donne, c'est parce qu'il y avait un
intérêt général pour protéger la paix
publique. Aujourd'hui, protéger la paix publique? Allons-donc! Remettre
$58 millions ou $59 millions aux syndicalistes et aux syndicats pour
protéger la paix publique? Où avez-vous trouvé cela?
Jamais dans cent ans! Vous donnerez $50 millions de plus et on sera
à la veille de vous promener en effigie dans la province de
Québec, vous aussi. Vous verrez cela, vous allez goûter à
cette manne, vous aussi, parce que vous voulez vous en faire des amis. Faites
bien attention à vous. Il y a une chose qu'ils comprennent: c'est
l'autorité. Et Dieu sait que chez nous, quand j'étais ministre,
il y en avait! Ils ont compris cela aussi.
Le ministre dit: Quatrièmement, je voudrais établir un
climat de confiance! Un climat de confiance en payant! Vous, un maître
avocat, donner un si mauvais exemple à toute la profession, en payant et
en reniant votre serment d'office, en remettant à ces gens qui ont
criminellement manqué à la loi, vous allez être
marqué pour la vie. On vous reparlera encore dans dix ans de ce geste
malheureux que vous avez fait. Jamais on ne vous le pardonnera, parce que le
Parlement est une chose, la législation est une chose, et le tribunal en
est une autre!
Vous qui êtes avocat, qui avez pratiqué pendant des
années pensez-vous l'établir le climat de confiance? La CSN vient
d'écrire dans les journaux, justement aujourd'hui: A présent que
le premier pas est fait, M. ministre, faites l'autre. Abolissez les lois 253 et
23. Non pas les amender, non pas trouver la meilleure solution. Otez-moi
cela!
Je me souviens du temps où on avait adopté les lois 19 et
20. Je pense que le ministre ne se souvient pas de cela. Il n'était pas
en politique dans ce temps. On avait adopté les lois 19 et 20 mais on a
été critiqué pendant des années. M. Duplessis avait
passé pour un matamore. Quand le gouvernement Godbout est arrivé
au pouvoir, il a fait disparaître les lois 19 et 20 et après,
quelle a été sa récompense? Il a été
traîné à travers la province comme un pas bon.
Cinquième raison, vous dites dans votre texte: Eh bien oui! c'est
en profondeur que je vais examiner les bills 253 et 23 pour les amender. Cela
fait des années et des années qu'on le répète ici,
dans cette Chambre. Moi, personnellement, quand j'occupais le siège de
l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys, je disais: II faut
absolument un conseil particulier d'hommes sérieux qui vont venir nous
faire des recommandations pour amender le Code du travail qui est
périmé.
Le Code du travail est dépassé de dix ans et on vit encore
avec ce code qu'on amende de nouveau, qu'on "raboîte", auquel on met un
"plaster" et une jambe de bois ici et une autre là. Cela fait dix ans
que je dis à tout le monde que le Code du travail est
périmé. On devrait entendre, par exemple, dans une
conférence ou dans une enquête royale, ceux qui ont des
idées nouvelles. Est-ce qu'on s'en va vers un nouveau domaine de
cogestion administrative, ou est-ce qu'on se dirige vers un nouveau pacte entre
employeurs et employés? Les conventions collectives ne tiennent plus
aujourd'hui. Le régime des conventions collectives est terminé.
Vous ne jouerez pas longtemps avec les conventions collectives. Vous voyez ce
qui arrive, une semaine, quinze jours, trois mois plus tard, ils sont dehors.
Ce sont des contrats sacrés qu'ils se signent entre eux.
L'amélioration du Code du travail. M. le Président, c'est
incompréhensible que dans la loi 253 il y ait eu 6251 poursuites
d'abandonnées, ce qui représente au minimum $2 100 000 et au
maximum $9 500 000. Dans la loi 23 défendant la grève dans le
domaine de l'enseignement, $10 000 000 et au maximum $50 000 000, absous ou
pardonnés. Le grand pardon! Pourquoi n'avez-vous pas remis le pardon aux
gardes-malades? Répondez! Les gardes-malades ont payé jusqu'au
dernier cent. Vous étiez un de ceux qui, de votre siège, ici, ont
critiqué le gouvernement en place en lui disant qu'il était
injuste. Les gardes-malades ont payé, et des centaines et des centaines
de gardes-malades ont encore des billets à honorer pour payer leur
dû.
Vous dites tout bonnement que ceux qui ont eu pour outrage au tribunal,
des condamnations de $271 000 sont en appel. Pensez-vous que les juges devant
lesquels ces gens vont se présenter vont se prononcer, quand vous, de
votre siège de ministre, vous avez absous ces gens pour $50 000 000?
Vous pensez que les juges qui vont juger les appels d'outrage au tribunal vont
les condamner?
Quels sentiments nobles mais impossibles à qualifier. Qu'est-ce
que vous penseriez de moi si je ne payais pas mon impôt et que
j'étais poursuivi? Demain matin, j'irais voir le ministre du Revenu et
je dirais: Monsieur, vous savez, c'est par erreur, je me suis trompé. Je
vous promets que maintenant je vais le payer, mon impôt. Et le ministre
me dirait: Allez et ne péchez plus. Cela, c'est l'impôt sur le
revenu. C'est une loi provinciale qui doit s'appliquer. Qu'est-ce que vous
penseriez d'un petit commerçant dans une paroisse qui oublierait de
bonne foi de remettre la taxe de vente, les sous qu'il collecte pour vous
autres? Il oublierait de remettre quelques $100. le vois arriver la gendarmerie
et la police: Hé! mon voleur! Comment, mon voleur? Oui, tu n'as pas
remis ta taxe de vente, tu vas aller en prison. Il viendrait voir le ministre
et le ministre lui
dirait: Je te pardonne. Mets-la dans ta poche et ne reviens plus.
Qu'est-ce que vous diriez de cela? C'est cela que vous avez fait avec $59
millions. Oui, c'est ce que vous avez fait, parce que vous n'avez pas
laissé les tribunaux se prononcer.
M. le Président, je pense que vous avez établi un bien
drôle de précédent. Voyez-vous les prochaines conventions
collectives, les prochaines négociations? Ceux qui ont brisé les
maisons des autres, ceux qui ont labouré les parterres des
députés... Vous savez qu'il y en a eu. A Victoriaville,
l'honorable M. Massé s'est fait retourner son parterre. Il y a eu des
actions qui ont été prises, elles sont dans le tas que vous avez
remis.
Ces sanctions-là, M. le Président, qui ne seront pas
appliquées, parce que la peur, dit le livre de la sagesse, c'est le
commencement de la sagesse... La loi a été adoptée
démocratiquement, comme dit M. Ryan, comme l'écrit M. Vincent
Prince. La loi a été adoptée, elle était dure
à accepter, les pénalités étaient fortes, mais cela
ne tenait pas aux erreurs de jugement qu'a pu commettre qui que ce soit. Le
gouvernement ou ceux qui ont inspiré la loi n'excusent pas le
mépris qu'ont exercé les syndicalistes, et surtout ne permettent
pas aujourd'hui le pardon facile qu'accorde le ministre de la Justice.
Non, cette mansuétude du ministre n'est pas de bon aloi. Je dis,
M. le Président, que ceux qui ont défié ouvertement les
lois, qui ont menacé les députés ou les ministres dans le
temps, et qui sont venus ici casser des vitres au parlement méritent
sûrement de recevoir la sanction que leurs actes ont
provoquée.
M. le Président, faudrait-il maintenant passer par les syndicats
pour manquer à la loi et être pardonné? Faudrait-il aller
voir les unions et dire: J'ai un coup à entreprendre, voudrais-tu me
"backer"? Voudrais-tu venir voir le ministre de la Justice pour savoir si
j'aurais un pardon? Est-ce que c'est de même que cela va être
mené? Comme le disait si bien, un jour, le député de
Marguerite-Bourgeoys, est-ce qu'il va y avoir deux sortes de lois à
observer, les bonnes et les pas bonnes? Est-ce qu'il va y avoir dans cette
province deux sortes de citoyens, deux classes de citoyens, ceux qui respectent
la loi et ceux qui ont, quand ils ont péché, le pardon du
ministre?
Drôle de coïncidence, je dis, M. le Président, de mon
siège, qu'il y a une corrélation évidente entre le parti
au pouvoir et la Fédération des travailleurs, la FTQ. Si vous
dites non, la population le sait, elle l'a dans la bouche, elle le
répète partout, dans les usines, sur la rue, dans les
marchés publics. Les gens disent: Cela a été payant
d'être en faveur du PQ. Ils ont reçu une absolution totale. On va
les casser, nous autres aussi, les vitres, puis on va en faire du chahut. Vous
vous êtes exposés drôlement à en avoir aussi.
Je dis, M. le ministre, que le préjugé favorable aux
travailleurs, que vous avez manifesté depuis que vous êtes rendus
au pouvoir, a créé une certaine mentalité chez le
travailleur. Et ce préjugé favorable aux travailleurs, faites
bien attention de ne pas aller trop loin. Moi, je vous le dis comme ancien
ministre du Travail, surtout avec l'expérience que j'ai vécue
pendant quatre années difficiles d'un mandat où je cumulais
d'autres fonctions. J'ai négocié des soirées pour essayer
d'obtenir une paix sociale raisonnable, mais je n'ai jamais vendu ni mon nom,
ni mon siège, pour obtenir l'amitié de quelqu'un.
Peut-on passer l'éponge sur ces faits qui sont récents,
que tout le monde a vécus ce n'est pas une
génération en arrière de moi des faits qui viennent
d'être vécus par tous nous autres? On a vu traîner les
malades en dehors des hôpitaux, on en a vu mourir même. Ce sont des
faits. Des gens ont massacré des demeures, massacré des
hôpitaux, massacré des instruments chirurgicaux. Ce sont des gens
qu'on a vus. Les journaux en sont remplis. On pourrait vous en citer qui ont
été vus par des journalistes, des cas qui ont été
racontés. Aujourd'hui, on passe l'éponge, prétendant
améliorer le climat social.
N'oubliez pas que des révolutions sont arrivées dans
certains pays; c'était, aussi, pour éponger certaines erreurs de
certains syndicalistes, pour oublier certains faits de provocation contre
certains hommes publics. On a passé l'éponge, mais on leur a
passé la corde au cou après. Faites attention de ne pas aller
trop loin! On n'améliore pas un climat social en faisant des
concessions, surtout quand on a le pouvoir. Le pouvoir est une chose
sacrée, on doit l'administrer avec sagesse, avec prudence, avec ordre,
discipline, mais pas à coup de sacrifices, jamais! Surtout pas à
coup de concessions, comme vous venez d'en faire une.
Savez-vous ce qui va se produire? Ils vont récidiver, et je ne
vous donne pas 24 mois. Je ne vous donne pas 24 mois et vous allez voir les
centrales syndicales... L'honorable ministre du Travail, lui, par exemple, va
s'en ressentir.
M. Bédard: Vous souhaitez qu'ils récidivent? M.
Bellemare: Je le souhaite?
M. Bédard: Oui.
M. Bellemare: J'ai dit cela, moi?
M. Bédard: Non?
M. Bellemare: J'ai dit que vous allez voir qu'ils vont
récidiver. C'est vous qui allez les faire récidiver parce que
vous n'avez pas accompli votre devoir, parce que, quand c'était le temps
d'imposer la loi, vous avez imposé la mollesse! Vous leur avez
donné tout ce qu'ils ont demandé.
Vous avez échangé un plat de lentilles, mon cher, pour
quoi? Pour établir l'anarchie. Aujourd'hui, les syndicats ouvriers sont
maîtres de vous, ils vont vous tenir en otage et vous allez voir ce qui
va arriver. Impunité! Cela enhardit ceux qui ne subissent pas les
châtiments prévus par les lois. Il y a impartialité, il y a
indépendance du gouvernement vis-à-vis du respect de la loi. Il y
a un opportunisme malfaisant qui va causer bien des préjudices, pas
seulement aux parties, mais à nous tous qui allons en subir les
revers.
Une Voix: Vous savez très bien l'entretenir.
M. Bellemare: Pardon? Levez-vous donc et ayez donc le courage de
faire comme moi!
Le Vice-Président: A l'ordre!
M. Bellemare: Essayez donc de savoir ce qu'est la
démocratie au lieu de baragouiner en arrière! Vous serez
peut-être l'un des premiers à en subir les châtiments et,
à ce moment-là, vous pleurerez. Vous direz: Qu'est-ce qui nous
arrive? C'est cela. C'est parce que vous n'aurez pas eu le courage de
défendre un parti; vous restez un partisan au lieu de défendre
une patrie comme la nôtre. Vous aurez beau dire: On veut la patrie
canadienne, on veut la patrie québécoise!
Que fait-on pour la garder, cette patrie, dans un climat serein, dans un
climat vivable, par ceux qui sont ici, mon cher, pour donner leur temps, pour
donner leurs sueurs, pour donner leur travail, mais aussi en collaboration avec
ceux qu'ils dirigent?
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M.
Bellemare: M. le Président...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre!
M. le leader de l'Union Nationale.
M. Bellemare: Non, personne ne m'a mêlé. Seulement,
j'ai quinze minutes et je pense qu'eiies sont expirées, parce que mon
chef a quinze minutes et mon collègue de Nicolet aussi a quinze minutes,
et je suis en train de prendre une partie de leur temps. On s'est entendu pour
40 minutes et je suis en train de prendre une partie des 40 minutes. Alors, M.
le Président, je termine en félicitant très
sincèrement le chef de l'Opposition officielle du courage qu'il a eu
d'inscrire cette motion juste à temps pour qu'on puisse faire valoir
à la population le véritable sens du geste inopportun qu'a
posé un ministre avocat, surtout ce geste inopportun qui, dans les
relations patronales-ouvrières, vont à l'avenir causer des
préjudices irréparables.
Le Vice-Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, comme ce débat est un
débat restreint et que je n'ai que quelques minutes à ma
disposition, je vais tenter de les employer au maximum. La motion qui est
devant nous aujourd'hui, M. le Président, est une motion qui a
parfaitement sa raison d'être. En effet, ce à quoi nous assistons
est une chose inexplicable. Je pense que le ministre de la Justice, qui est
blâmé dans cette motion, n'est pas le seul responsable de l'acte
qui est posé.
Il a dû sûrement être obligé de se faire le
porte-parole des décisions qui ont été prises der-
rière ou devant lui. Nous voyons une situation qui, en quelque sorte,
fait comprendre à la population du Québec qu'avec ce
gouvernement, compte tenu de certaines affinités politiques ou autres,
on peut négocier les lois, l'application des lois. M. le
Président, jamais, si on veut conserver la paix sociale, si on veut
demeurer dans un régime d'ordre et non un régime de
désordre, jamais on ne doit accepter de négocier l'application
des lois.
Au tout début du mandat de l'actuel gouvernement, j'ai
été choqué de voir que le ministre de la Justice retirait
des plaintes contre un certain avorteur bien connu, mais je n'ai pas fait de
commentaires, parce que, suivant la déclaration du ministre, il n'y
avait pas d'autres preuves à fournir devant le tribunal.
Mais la question qui se pose maintenant n'est pas du tout la même,
parce que les preuves à fournir devant le tribunal n'ont pas
été présentées. Alors, le ministre ne peut pas nous
dire que cela ne donne rien de retourner devant le tribunal avec les
mêmes preuves parce que nous allons avoir les mêmes
résultats. On n'a pas fourni ces preuves. C'est un drôle de
régime, M. le Président, un régime où il semble
qu'il ne soit pas question de justice égale pour tous, mais d'une
espèce de justice sélective qui tantôt est à gauche,
tantôt est à droite, tantôt autrement, compte tenu de
l'interlocuteur qui doit faire face à la justice.
M. le Président, on peut se poser plusieurs questions quand on
voit des choses comme cela. Il n'est pas surprenant que les journalistes se
soient posé des questions aussi en d'autres occasions. Par exemple,
quand des hauts personnages ont des accidents, ils ne sont pas tout à
fait traités comme des personnages ordinaires. Sur cela aussi, M. le
Président, les journalistes se sont posé la question et je
commence à comprendre aujourd'hui pourquoi ils se posaient cette
question.
Une Voix: De mauvais goût.
M. Samson: De mauvais goût? Ne vous cassez pas la
tête, si vous en voulez, je peux vous en donner.
Une Voix: Très chrétien!
Le Vice-Président: M. le député de
Rouyn-Noranda. M. le député de Joliette-Montcalm et M. le leader
de l'Union Nationale, à l'ordre,! M. le député de Laurier,
à l'ordre. Mesdames et messieurs les députés, je vous
rappelle, comme je l'ai fait cet après-midi, que ce genre d'incident ne
fait que diminuer la période pendant laquelle les représentants
de chaque parti peuvent s'exprimer. Je vous prierais, malgré l'heure, de
bien vouloir revenir au sujet de cette motion.
M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, même si cela continue
à faire japper autour de moi, je dirai ce que j'ai à dire. Quand
la loi 253 a été étudiée, nous étions devant
une situation de fait où c'était rendu intenable dans la province
de Québec, où les ma-
lades étaient devenus les otages de certains leaders
irresponsables. C'est notre devoir que nous avons fait quand nous avons
voté cette loi. Avec le journal des Débats que j'ai devant moi,
on s'aperçoit que c'est à l'unanimité qu'elle a
été votée.
M. le Président, la loi 23, cela a été la
même chose. Ce sont nos enfants, les enfants de tous les parents du
Québec qui, en quelque sorte, étaient pris en otages aussi. Nous
n'avions pas le choix. Je pense qu'on va se rappeler une chose, un reproche qui
était adressé par la population à l'ancien
gouvernement.
Tout le monde va s'en souvenir. Ce qu'on entendait dire, de façon
générale, c'est que ça ne donnait rien de faire des lois
puisque l'ancien gouvernement ne les faisait pas respecter. C'est ce qu'on
faisait comme reproche à l'ancien gouvernement, de façon
générale. Et quand l'ancien gouvernement en est venu à
décider de faire respecter ses lois, ceux-là mêmes qui leur
faisaient ce reproche aujourd'hui sont ceux qui ne la font pas respecter la
loi. C'est ça la situation.
J'aimerais bien que le gouvernement soit assez conscient pour comprendre
qu'actuellement il est en train de se tresser une corde pour se pendre. Dans
l'ancienne Législature, nous avions occasionnellement des manifestations
devant le parlement, manifestations qui recevaient régulièrement
l'appui des représentants péquistes qui forment l'actuel
gouvernement. Aujourd'hui, à titre d'exemple, il y avait une
manifestation double, une manifestation "double breast" devant le parlement.
Comme on sait, durant l'ancienne Législature, l'honorable chef de
l'Opposition du temps se faisait un devoir et un plaisir de sortir à
chaque fois pour aller les encourager à crier plus fort. Aujourd'hui,
les étudiants ont crié après lui tout l'avant-midi et,
à ce que je sache, à l'heure du dîner il n'était pas
encore sorti.
Qu'est-ce que vont penser les ouvriers, alors que l'on voit le pardon
pour une somme qui peut aller jusqu'à $59 millions d'amende parce que
ces gens-là sont organisés en structures et que les leaders de
ces structures pourraient avoir rendu certains services? Qu'est-ce que vont
penser les ouvriers qui sont obligés, dans certains cas, de faire de la
prison parce qu'ils ont osé travailler sans avoir le petit bout de
papier qu'on appelle le permis de travail, qui ne relève même pas
d'une loi mais d'une réglementation? Parce qu'ils ont osé
travailler pour gagner la vie de leur famille et de leurs enfants, on les
envoie en prison, ceux-là, parce qu'ils n'ont pas de structures, parce
qu'ils n'ont pas de chefs qui ont des affinités avec le gouvernement.
Voyons donc!
Le Président: Je vous demanderais de conclure, M. le
député de Rouyn-Noranda, parce que votre temps est
expiré.
M. Samson: M. le Président, je vous remercie. Ma
conclusion est très simple. C'est que cette motion devrait recevoir
l'appui unanime de la Chambre pour donner une bonne leçon au ministre de
la Justice afin qu'il ne recommence pas. Car s'il recommence ça, c'est
directement dans l'anarchie qu'on nous emmène présentement.
Le Président: M. le député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: M. le Président, la motion qui est actuellement en
discussion met en relief une décision gouvernementale, une
décision du ministre de la Justice d'une extrême gravité,
et qui comporte des risques de désordre et d'anarchie pour l'avenir du
Québec. Une société normale on en parle souvent et
je répète les termes mêmes du premier ministre, je me sers
des mêmes termes une société adulte, une
société civilisée, une société
équilibrée a besoin d'institutions stables pour maintenir un sain
équilibre dans tous les secteurs d'activité humaine et pour
permettre à un peuple de s'épanouir dans la dignité, dans
la paix et dans le respect mutuel.
La stabilité des institutions dépend, en grande partie, du
degré de crédibilité qu'elles possèdent
auprès de la population et du respect qui leur est accordé. Pour
être respecté, il faut d'abord se respecter soi-même. Mais
est-ce se respecter comme gouvernement et comme ministre que de permettre
à des individus ou à des groupes de passer au-dessus des lois,
alors que d'autres groupes, d'autres individus ont été
jugés, ont été condamnés et ont dû payer pour
les mêmes offenses, en vertu des mêmes dispositions, des
mêmes lois?
M. le Président, je pose une question très
sérieusement au ministre de la Justice et je formule le voeu que cette
motion de blâme qui lui est adressée aujourd'hui constitue un
avertissement extrêmement sérieux à l'endroit de ses
collègues membres du cabinet du nouveau gouvernement. Je pose la
question très sérieusement au nouveau ministre de la Justice.
Est-ce le rôle nouveau style du gouvernement, du ministre de la Justice
de se substituer aux tribunaux de cette province? C'est une décision
malheureuse qui constitue un signe de faiblesse inquiétante, une
décision de faiblesse qui prouve que la force ne réside pas
uniquement dans le nombre. Le ministre a fait preuve de faiblesse, de mollesse
et de complaisance devant les pressions exercées par certains dirigeants
syndicaux.
Le gouvernement ne devrait pas oublier, ce gouvernement surtout, que les
dirigeants syndicaux n'ont jamais reçu le mandat de gouverner le
Québec. Ils ne l'ont pas reçu de la population et ils ne l'ont
même pas reçu de leurs membres. Je me permets de rappeler au
gouvernement que la faiblesse de l'ancien gouvernement, sa complaisance devant
les pressions exercées par certains leaders syndicaux ont
contribué à sa perte. Cela lui a coûté très
cher. On ne m'applaudira peut-être pas du côté
libéral là-dessus, mais je pense que le Parti libéral de
l'ancien gouvernement a payé très cher pour l'apprendre.
Je me demande sérieusement si le nouveau ministre de la Justice
s'est rendu compte de la situation dans laquelle il s'est placé.
J'aimerais lui
citer un exemple pour démontrer dans quelle situation il se
trouve à l'heure actuelle. Il a parlé de lois qui ne tenaient pas
compte des objectifs pour lesquels elles avaient été
votées. Il a parlé de lois qui étaient discriminatoires
à l'endroit de la population. Il a parlé de lois qui ont
causé des préjudices graves à certaines personnes, alors
que ces mêmes lois avaient été votées à
l'unanimité de la Chambre, comme mes prédécesseurs l'ont
dit.
J'aimerais cependant lui parler d'un groupe de travailleurs, les
travailleurs de la construction. Celui qui m'a précédé en
a parlé un peu. Est-ce que le ministre de la Justice est au courant
qu'à l'heure actuelle il y a 30 à 40 causes par semaine, dans
chacun des palais de justice du Québec, 30 à 40 causes
intentées par l'Office de la construction du Québec à
l'endroit de travailleurs de la construction qui se font juger, condamner et
emprisonner pour avoir osé travailler et participer à la
construction du Québec? Si je demandais au ministre, aujourd'hui, si,
à partir des mêmes principes qu'il nous a exposés à
la Chambre, au moment de sa déclaration, il est prêt à
déclarer que seront suspendues toutes les poursuites qui sont
intentées à l'endroit des travailleurs de la construction
à l'heure actuelle, je me demande sérieusement ce que le ministre
dirait. En ce qui me concerne, j'ai préféré batailler et
lutter contre l'ancien gouvernement pendant près de cinq ans, ici, en
cette Chambre, pour demander une modification de ces lois, ce que je demande
encore, aujourd'hui, à l'actuel gouvernement.
Est-ce qu'on est rendu à se demander, au Québec, s'il y a
une justice pour les syndicats et s'il y a une autre justice pour les
travailleurs? J'ai participé à ces débats à
l'Assemblée nationale, à la suite des situations
extrêmement difficiles et très pénibles auxquelles nous
avons dû faire face à l'Assemblée nationale, à la
suite de toutes ces négociations et de toutes ces grèves, ces
contestations, ces lignes de piquetage qu'il y avait devant les hôpitaux
pour empêcher les blessés d'entrer et les malades; j'ai
lutté contre le fait qu'on tenait en stages nos enfants dans les
écoles, qui n'avaient pas un mot à dire dans les
négociations. On tenait également en otages les parents dans
cette situation, qui n'avaient pas les structures nécessaires pour faire
connaître leurs points de vue.
Alors, il a fallu que la population du Québec ait recours
à l'Assemblée nationale, à ses députés,
à ses représentants, à la formation politique de son
choix. Toutes les formations politiques avaient formé un front commun
à ce moment-là et avaient participé à ces
débats j'y ai participé moi-même de
façon à faire voter des lois, pas de gaieté de coeur. Mais
qu'on se dise bien ceci, et qu'on le comprenne une fois pour toutes, s'il y a
des dirigeants syndicaux qui puissent entendre ces paroles, je leur dis ceci:
Les lois, ils les avaient méritées.
En plus de cela, je pense qu'ils ont provoqué ces lois. J'ai
entendu dire, par certaines personnes: S'ils peuvent nous voter cette loi,
va-t-on en avoir quelque chose à dire après!
M. le Président, je trouve extrêmement malheureux le geste
de l'actuel ministre de la Jus- tice, le nouveau ministre de la Justice, dans
le nouveau style de gouvernement. On le dit du côté
ministériel, comme cela s'est dit au niveau de la population: Nous avons
un nouveau gouvernement, il va apporter des changements dans la province et on
espère que ce nouveau gouvernement ne sera pas à l'image de
l'ancien, c'est-à-dire qu'il ne fera pas preuve de faiblesse devant
certaines puissances dans le Québec qui veulent prendre le Québec
en otage, la population du Québec en otage, voire même le
Parlement en otage, dans une certaine mesure.
M. le Président, je dois appuyer, c'est mon devoir, la motion
présentée par l'honorable leader de l'Opposition officielle. Je
dois appuyer cette motion et je dirais bien sincèrement que cette motion
n'aurait pas été présentée si le ministre de la
Justice n'avait pas pris une décision semblable. Etant donné la
gravité de la situation, étant donné qu'il s'agit d'un
accroc extrêmement grave à la démocratie et qui risque
d'encourager à l'avenir la violation de nos lois et de bafouer le
Parlement du Québec, première institution politique des
Québécois, M. le Président, j'appuierai la motion de
l'honorable chef de l'Opposition officielle.
Le Président: M. le ministre de la Justice. M.
Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention les remarques faites par le chef
de l'Opposition et les autres participants à ce débat. J'ai
écouté, entre autres, le chef de l'Opposition et je ne suis pas
revenu de ma surprise. J'ai constaté qu'un de ses principaux arguments
était de savoir de quel droit, de quelle autorité le ministre de
la Justice pouvait retirer des plaintes. Et ce même chef de l'Opposition,
ancien ministre de la Justice, ajoutait du même souffle que l'ancien
ministre de la Justice, M. Jérôme Choquette, en avait
retiré un très grand nombre concernant la loi 19. Je ne sais
pas...
M. Levesque (Bonaventure): Quand?
M. Bédard: ... si le chef de l'Opposition officielle s'est
posé tant de questions à caractère plutôt
légaliste lorsque le ministre de la Justice du gouvernement dont il
faisait partie a retiré ces plaintes, exerçant en cela un droit
et une responsabilité qui incombe au ministre de la Justice.
Le chef de l'Opposition a cité l'article 3 de la loi du
ministère de la Justice. J'ai l'impression que, pendant l'année
où il a été ministre de la Justice, il n'est jamais
allé plus loin que l'article 3 de la loi du ministère parce que,
s'il s'était rendu à l'article 4, il aurait eu la réponse,
et je reviendrai là-dessus.
Egalement hier, le député de Marguerite-Bourgeois m'a
posé une question à laquelle je ne pouvais pas répondre
étant donné les règlements. Il m'a demandé
d'indiquer de quelle autorité le procureur général pouvait
retirer des plaintes pour une infraction statutaire. Vous me permettrez encore
une fois, M. le Président, de m'étonner d'une
telle question venant en premier lieu de l'ex-ministre de la Justice et
en deuxième lieu de l'ex-Solliciteur général qui, pendant
plus d'une année, à ce titre, aurait dû connaître,
devrait connaître, la loi et les usages de nos tribunaux.
La Loi du ministère de la Justice, Lois du Québec de 1965,
chapitre 16, prévoit à l'article 4 c'est pour cela que je
vous disais que vous auriez dû vous rendre à l'article 4
que "le procureur général est chargé de régler et
de diriger... la demande ou la défense dans toutes les contestations
formées pour ou contre la couronne ou un ministère de la
province."
En outre, dans la loi 253...
M. Levesque (Bonaventure): Et...
M. Bédard: Attendez, laissez parler. On vous a
laissé parler tout à l'heure.
En outre, la loi 253, devenue le chapitre 52 des lois du Québec
de 1975, prévoit que les poursuites pour contravention sont
intentées par le Procureur général ou par une personne qui
l'autorise généralement ou spécialement à cette
fin, tandis que la loi 23, sanctionnée le 9 avril 1976, contient une
disposition analogue ainsi libellée: "Les poursuites prévues
à la présente loi ne peuvent être intentées que par
le procureur général ou une personne qu'il autorise
généralement ou spécialement à cette fin."
L'autorité du procureur général dans les poursuites
intentées en vertu de ces deux lois est donc celle qui est prévue
à la Loi du ministère de la Justice, y compris le droit de
diriger et de régler ces poursuites. Le Procureur général
n'est jamais tenu d'intenter une poursuite et cela le ministre de la
Justice le sait lorsqu'il en a le pouvoir. Mon
prédécesseur, d'ailleurs, même s'il en a intenté de
trop nombreuses, en vertu de ces deux lois, n'a pas poursuivi il l'a dit
toutes les personnes je pense surtout aux individus visés
par la loi 23 qui ont contrevenu à ces lois. C'était son
droit.
Le Procureur général peut aussi, en cours d'instance, dans
ce même cadre légal, ordonner le retrait d'une poursuite lorsqu'il
l'estime approprié. Il suffit de rappeler, à titre
d'exemple...
M. Levesque (Bonaventure): En vertu de quoi cela?
M. Bédard: Laissez terminer.
M. Levesque (Bonaventure): Dites-le. Vous dites...
M. Bédard: Vous avez parlé. Est-ce que, Mme le
Président...
M. Levesque (Bonaventure): On a le droit de demander la
source.
M. Bédard: ...on peut continuer notre intervention?
Mme le Vice-Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Quand on pense que l'ex-ministre de la Justice,
qui a été pendant un an au ministère, le sait très
bien, s'est-il posé des interrogations lorsque le ministre de la
Justice, Jérôme Cho-quette, a procédé à des
retraits de plaintes? En vertu de quelle loi a-t-il procédé
à des retraits de plaintes...
M. Levesque (Bonaventure): En réponse à la question
du ministre, j'ai répondu durant mon intervention à cela.
M. Bédard: ...sinon en vertu de son droit de retirer des
plaintes?
M. Levesque (Bonaventure): Qu'il ne pose pas de questions.
M. Bédard: Vous voyez bien jusqu'à quel point vous
pouvez être illogique, jusqu'à quel point vous ne vous posez des
interrogations que lorsque les gestes sont posés par ce
côté-ci de la Chambre.
Mme le Président, le Procureur général peut aussi,
en cours d'instance, dans ce même cadre légal, ordonner le retrait
d'une poursuite lorsqu'il l'estime approprié. Il suffit de rappeler
cela vous fait mal, je vais vous le rappeler à titre
d'exemple, que l'ancien ministre de la Justice, qui a fait l'objet
d'éloges dans cette Assemblée, hier après-midi, a
déjà retiré certaines plaintes qu'il avait lui-même
logées contre des enseignants qui avaient enfreint la loi 19, en 1972,
et sa décision n'avait pas été contestée, ni
n'avait fait l'objet d'interrogations pseudo-juridiques, comme l'a fait, cet
après-midi, l'ex-ministre de la Justice.
M. Burns: C'est parce qu'il y avait une opposition positive,
à ce moment-là.
Une Voix: C'est l'exemple de...
Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition, je vous
ferai remarquer que j'étais déjà debout pour
l'empêcher de parler.
Vous aurez votre droit de réplique, M. le chef de
l'Opposition.
M. Bédard: Mme le Président, je n'ai pas
l'intention de prendre tout le temps de mon intervention pour faire un cours de
droit à l'ex-ministre de la Justice et à l'ex-Solliciteur
général qui devraient normalement savoir des choses. Une chose
qui est certaine, c'est qu'on était administré par une belle
paire au ministère de la Justice...
M. Levesque (Bonaventure): Une chance qu'il n'y a pas de concours
à l'université.
M. Bédard: ...quand on voit ces deux mêmes personnes
se poser des interrogations sur ce droit.
Je terminerai simplement là-dessus en référant
l'ex-ministre de la Justice et l'ex-Solliciteur général à
une cause de la Cour suprême, la cause Smythe de la Cour
suprême.
Référence à des notes du juge Bora Laskin qui
établit, d'une façon très claire, un droit
inaliénable, un privilège à la couronne de poursuivre ou
de ne pas poursuivre, ou d'arrêter des poursuites et que tout cela
s'applique mutatis mutandis aux accusations en droit pénal.
Je ferai remarquer également, sur ce point strictement
légal, que ce matin des motions ont été
présentées devant la cour et que des plaintes ont
été retirées. Ces plaintes ont été
retirées devant un juge qui, lui, connaissait son droit.
Une Voix: Ce n'est pas fort.
M. Bédard: Ce n'est peut-être pas fort, mais ce qui
est moins fort, c'est qu'un ex-ministre de la Justice et un ex-Solliciteur
général, mais plus particulièrement l'ex-ministre de la
Justice passe une grande partie de son intervention à s'interroger sur
le droit du procureur général de mettre fin à des
plaintes, alors que c'est quelque chose de tellement clair. Il a trouvé
le moyen d'être ministre de la Justice durant un an avec aussi peu de
connaissances.
M. Levesque (Bonaventure): Ne recourez pas à l'insulte, ni
à l'injure. Soyez objectif!
M. Bédard: C'est ce que vous avez fait durant toute votre
intervention. L'insulte, l'injure et l'insinuation, c'est ce que vous avez fait
tout le temps de votre intervention. Ecoutez! Je l'ai fait, moi, je vous ai
écouté. Je vous assure qu'il y avait des passages qui
n'étaient pas très brillants de votre part. Je vous ai
écouté et avec attention parce que je pensais que vous alliez
parler au moins un peu plus sérieusement que vous ne l'avez fait.
Après vous avoir écouté, de même que les
autres intervenants, non seulement ma conviction d'avoir pris la bonne
décision n'est-elle pas ébranlée, mais, au contraire, elle
est renforcée, parce que je réalise qu'avec l'attitude
légaliste dont le chef de l'Opposition a fait preuve, sans discernement,
cet après-midi, avec le caractère acrimonieux dont il a fait
preuve tout au long de son intervention, le caractère insinuant de ses
remarques et également après avoir entendu l'intervention du
leader de l'Union Nationale, après avoir noté aussi cet esprit de
revanche, cet esprit de règlement de comptes qui animait ses propos, je
réalise qu'il est heureux pour la population du Québec que nous
assumions le pouvoir maintenant, parce qu'avec de telles attitudes le chaos
social, vous l'auriez au moment où on en parle.
Une Voix: Ne lâchez pas!
M. Bédard: Le leader de l'Union Nationale a
prétendu que nous avions fait preuve de faiblesse en ne suivant pas la
loi. Je voudrais lui faire remarquer que, pour un ministre de la Justice, une
attitude strictement légaliste peut, au contraire, constituer une
attitude de faiblesse. C'est bien beau de dire, tel que l'ont fait tous les
intervenants cet après-midi: La loi est là, faites-la respecter,
sans faire d'autres considérations. C'est facile, ça, mais cela
peut représenter aussi une situation qui est la suivante et ça,
c'est une situation de faiblesse. En recourant seulement à la loi, il ne
faut jamais oublier que la loi n'est pas une barrière derrière
laquelle il faut se retrancher pour s'empêcher de regarder les
problèmes sociaux, et les conséquences que cela peut avoir pour
une société lorsqu'on l'applique.
M. Levesque (Bonaventure): On n'en fera pas de patronage!
M. Bédard: J'en parlerai, du patronage, tout à
l'heure. J'en parlerai des pressions, tout à l'heure. Attendez! Cela, je
voudrais bien qu'on le comprenne. Vous avez le droit de critiquer, vous avez le
droit d'exprimer vos opinions. Je les ai écoutées et je peux vous
dire que là-dessus je n'ai pas pris une décision
hâtive.
Si j'avais voulu être un opportuniste, cette décision je
l'aurais prise dès que j'ai fait mon entrée au ministère
de la Justice. C'est ce que je me suis bien gardé de faire, parce que je
savais l'importance de cette décision. Au contraire, j'ai
consacré des heures et des heures à étudier ce dossier,
ayant juste à coeur de prendre la décision qui soit la meilleure,
dans ma conscience, pour l'intérêt du public, la meilleure aussi
pour l'intérêt de la justice avec un grand J. Et dans ce sens je
peux vous dire que vos interventions je reviendrai là-dessus
ne font que confirmer les appréhensions que j'avais. S'il avait
fallu que je prenne la décision de continuer les plaintes, de ne retirer
en aucune façon ces plaintes, autrement dit, d'adopter une attitude
comme celle exprimée par le chef de l'Opposition dans sa question de
privilège cet après-midi encore, de continuer et
d'exécuter toutes ces plaintes jusqu'au bout, sans aucune
considération... J'y reviendrai là-dessus.
Il ne faut jamais oublier une chose, c'est que l'autorité
vous ne changerez jamais rien à cela l'autorité de la loi, ce
n'est pas le texte de loi. L'autorité et le respect de la loi
résident dans la confiance que les gens ont que ces lois ont
été adoptées en ayant à coeur la recherche de la
justice. Parce que rechercher la justice n'est pas si facile que cela...
M. Levesque (Bonaventure): Vous avez voté pour ces
lois-là.
M. Bédard: C'est bien facile... Je reviendrai
là-dessus encore tout à l'heure, laissez-nous le temps.
Laissez-nous le temps. On a voté pour, mais vous regarderez par exemple,
qu'on a voté contre trois articles. On s'est battu durant plusieurs
heures pour essayer de vous faire changer votre loi. Vous vous le rappelez?
M. Lalonde: Vous avez voté pour quand même.
M. Bédard: Voulez-vous que je vous lise l'intervention de
Claude Charron, le représentant de
l'Opposition officielle qui vous avertissait que vous étiez en
train de mettre en pratique une loi qui amènerait nécessairement
des réactions extrêmement dangereuses, tel que cela s'est
produit?
M. Levesque (Bonaventure): Pourquoi avez-vous voté pour la
loi en première, deuxième et troisième lectures?
Pourquoi?
Mme le Vice-Président: Monsieur le chef de l'Opposition
officielle!
M. Bédard: On a voté pour le principe, vous vous
rappelez? Ah, vous avez peur! Cela vous fait mal. Vous avez peur de vous
faire... Voulez-vous que je vous le lise? Vous le lirez.
Vous êtes, parce que vous ne vous rappelez rien...
M. Marchand: Ce que vous dites et ce que vous faites, ce sont
deux affaires.
M. Bédard: Je reviendrai là-dessus. Une Voix:
Vous avez voté pour.
M. Bédard: Voici, Mme le Président, ce que disait
le représentant de l'Opposition officielle à ce moment-là,
Claude Charron: "II n'y a pas un amendement qui nous permette de modifier
l'attitude d'esprit, l'approche mentale que peut avoir un gouvernement dans ses
relations avec ses ouvriers, avec ses employés. Que voulez-vous, quand
un parti au pouvoir voit devant lui comme unique chance de se réchapper
son pouvoir, de se livrer à une campagne démagogique contre des
travailleurs syndiqués, ce n'est pas par un amendement, ce n'est pas par
un paragraphe additionnel à une loi ou à un article que
l'Opposition peut changer son opinion. "Quand un gouvernement peut avoir en
tête et décider délibérément, que pour faire
oublier toutes les vagues de scandales, ou les vagues de patronage qui
accompagnent son administration, il lui reste le grand salut d'une campagne
populaire contre les travailleurs en grève, unique moyen pour lui de
sauver la face de son administration, il n'y a pas d'amendement, il n'y a pas
d'article, il n'y a pas de virgule qui puissent intervenir là-dedans.
Autrement dit et en conclusion, les chances de succès de ce
mécanisme rappelez-vous que nous croyons sincèrement avoir
contribué à bonifier cette loi par rapport à sa version
originale, amendement que vous avez rejeté ne sont pas
mécaniques, si vous me permettez ce pléonasme. "Il n'y a rien
dans le texte qui est soumis à l'attention de l'Assemblée pour
adoption finale qui nous garantisse le succès de ce
mécanisme."
Vous étiez déjà avertis à ce
moment-là.
M. Levesque (Bonaventure): M. Charron a été le
premier...
M. Bédard: Vous auriez été mieux de le lire
ce texte-là, avant de dire autant de folichonneries que cet
après-midi.
M. Levesque (Bonaventure): ... c'est lui qui a dit;
Adopté. Vous avez voté pour.
Mme le Vice-Président: M. le ministre de la Justice!
A l'ordre! Voulez-vous préserver le temps que vous avez pour
intervenir, s'il vous plaît?
M. Bédard: Alors, Mme le Président, j'ai
refusé d'adopter la position facile qui était de se cacher
derrière la loi, d'interpréter le texte à la lettre et de
dire: On exécute, peu importent les conséquences. Je crois que
rechercher la justice ce n'est pas faire appliquer aveuglement des lois, quand
on a la conviction que leur application entraînera des injustices et des
conséquences néfastes du point de vue social.
Rechercher la justice ce n'est pas si facile que cela. Vous en avez
parlé allègrement, M. le chef de l'Opposition, cet
après-midi. Vous avez parlé allègrement de la justice.
Vous avez eu une attitude légaliste et pas autre chose. Rechercher la
justice c'est pas mal plus grand que cela, pas mal plus compliqué que
cela.
Je voudrais simplement vous rappeler, peut-être, quelques paroles
écrites par votre collègue, le ministre de la Justice, M.
Jérôme Choquette, dans son livre blanc que vous trouviez
très sensé lorsque vous nous l'avez présenté. Il
disait ceci concernant la recherche de la définition de la notion de
justice: Dès que l'on tente de définir ou d'approfondir la notion
de justice, l'idée de justice s'avère receler des paradoxes,
sinon des contradictions. Ainsi, est-il classique d'opposer ordre et justice.
Dans un contexte démocratique, l'ordre est intimement, sinon
nécessairement relié à la justice puisque la justice ne
peut s'exprimer que par un système de lois qui vise à la
systématisation des rapports sociaux. Ainsi, il ne saurait guère
y avoir de justice sans ordre, mais d'autre part il ne saurait y avoir d'ordre
respectable sans que cet ordre ne s'inspire de la justice. Ou, encore, on peut
s'attacher à y distinguer des notions d'équité et de
légalité. L'équité sans contraintes peut ouvrir la
porte à l'arbitraire des décisions judiciaires. Par contre
et il ne faut pas oublier cela et je pense qu'il faut y réfléchir
une légalité stricte peut également être
cause d'injustices.
Je le cite, M. le Président, parce que je peux vous dire
je l'ai dit tout à l'heure que j'ai été loin de
prendre à la légère la décision que j'avais
à prendre dans ce dossier. Je ne voulais pas que ce soit une
décision de faible qui ne regarde que la loi et qui dit: Observez-la,
quelles qu'en soient les conséquences. Au contraire, j'ai
étudié le dossier en profondeur et j'ai étudié
quelle avait été l'application qui avait été faite
de ces deux lois, afin de voir jusqu'à quel point l'esprit de la loi,
l'esprit de ces lois avait été respecté dans leur
application.
M. le Président, je l'ai déjà dit: Si mes seules
préoccupations avaient été le nombre de plaintes,
l'encombrement de certains tribunaux, la longueur des débats juridiques
et les amendes à être payées, j'aurais pu envisager la
réduction, même considérable, du nombre de plaintes, comme
cela s'est déjà fait. Cela aurait été facile de
régler cela
rapidement. J'avais l'exemple de l'ex-ministre de la Justice, dans le
projet de loi 19, qui en avait enlevé une grande partie et en avait
gardé quelques-unes.
Mais, pour moi, la justice ce n'est pas une question de
mathématiques. J'aurais pu fort bien arriver, en laisser quelques-unes
et dire: C'est la même situation, la même décision qui a
été prise par un ministre de la Justice qui m'a
précédé.
J'ai voulu analyser ce dossier avec beaucoup plus de sérieux. Je
n'ai pas voulu avoir simplement pris une décision pour sauver la face de
la Justice. Mon devoir a été, d'ailleurs, sur ce point-là,
de réduire simplement les plaintes qui avaient été
portées. Je dois vous dire que j'ai analysé je ne
m'étendrai pas là-dessus cette possibilité. D'autre
part, il fallait se poser la question que si le ministre de la Justice
décidait de mettre de côté un grand nombre de plaintes, de
n'en prendre qu'un petit nombre pour être plaidées devant les
tribunaux, et que les plaintes qui s'acheminaient devant les tribunaux aient
comme résultat qu'elles soient rejetées, qu'aurait-on fait? On
n'aurait pas accusé le ministre de plier devant les syndicats. On aurait
accusé le ministre de la Justice d'avoir joué avec la justice en
opérant un triage qui, nécessairement, aurait été
obligatoire, il ne faut pas l'oublier.
Vous dites: Non. Mais lorsqu'on est dans l'Opposition et que ça
fait notre affaire, je vous ai écouté tout à l'heure, on
dit bien des choses, M. le leader de l'Union Nationale. Alors je crois que mon
devoir m'imposait d'étudier à fond le contenu et l'application
qui a été faite de ces lois. Et cette étude fait que j'ai
dû tenir compte de certaines dispositions de ces lois qui étaient
carrément inadéquates par rapport à leurs objectifs. J'ai
dû tenir compte aussi de l'usage abusif qu'en a fait l'ancien
gouvernement qui et je le répète encore entretenait
une politique de confrontation et, plus encore, une politique de
négligence chronique parce que, durant six ans, ce gouvernement a
été à même de constater jusqu'à quel point il
fallait de l'amélioration dans le domaine des relations du travail.
Et ce même gouvernement n'a pas bougé. La seule chose qu'il
a pu offrir aux Québécois et aux travailleurs du Québec a
été des lois spéciales, a été une
négligence à négocier et, dans d'autres cas, un refus de
négocier. J'ai analysé l'application de ces lois. Concernant la
loi 23, je puis vous dire que ma conviction, c'est que le gouvernement
libéral d'alors a été le grand responsable de la perte de
l'année scolaire des étudiants. Le gouvernement a tout fait pour
retarder les négociations jusqu'au printemps, rappelez-vous cela, afin
d'acculer les enseignants à la grève.
Effectivement, la partie syndicale a déposé l'essentiel de
ses revendications le 23 juin 1975, à l'exception du salarial qui a
suivi en septembre. Le gouvernement n'a déposé ses offres que le
7 novembre 1975.
M. Blank: Question de règlement.
Mme le Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Mme le Président, je pense que le sujet dont
traite le ministre maintenant ne fait pas partie de la motion. On n'a pas
discuté des relations de travail durant les années 1972, 1973,
1974. Je voudrais demander au ministre de retourner au sujet de la motion.
Mme le Président: M. le député de
Saint-Louis!
M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Cela vous fait mal de vous rappeler certaines
choses? Dites-vous bien une chose. C'est justement parce qu'il y avait une
décision à prendre là-dedans, pas seulement une
décision d'avocat qui ne regarde qu'un texte de loi mais d'un ministre
de la Justice qui pense aux conséquences de l'application d'une loi.
A ce moment, son devoir lui commandait justement d'analyser tout le
cheminement d'adoption de cette loi et d'analyser également je
vous en parlerai tout à l'heure comment ces deux lois ont
été appliquées. En effet, ce n'est pas tout de faire
adopter une loi quand on est législateur. Derrière cette loi, il
y a un esprit de la loi qu'il faut respecter. Quand on étudie
sérieusement les agissements humains, il faut justement inventorier
jusqu'à quel point, si la loi a été adoptée,
l'esprit de la loi a été respecté. Vous vous rendrez
compte, tout à l'heure, dans la loi 253 il est vrai qu'une loi a
été adoptée jusqu'à quel point le
législateur, le gouvernement libéral nous a trompés, nous,
de l'Opposition, quand il s'est agi d'en faire l'application, selon l'esprit de
la loi. Attendez...
M. Pagé: On reparlera de cela!
M. Bédard: Alors, Mme le Président, concernant la
loi 23, le gouvernement dépose ses offres le 7 novembre 1975 seulement.
Naturellement, on peut s'attendre qu'on ait commencé à
négocier après. Non, ce n'est pas le cas, rappelez-vous-le. On
n'a pas négocié de l'hiver, de telle façon que, le 2
avril, le ministre de la Fonction publique, M. Oswald Parent, se
réveille et dit je le cite textuellement "J'ai dû
négocier pendant six ou sept mois avec ma partie patronale plutôt
qu'avec mes employés".
Rappelez-vous que, pour la loi 23 parce qu'il faut l'analyser
le gouvernement a refusé de nommer un médiateur,
malgré l'avis, non pas de l'Opposition, même si nous l'avons
réclamé à grands cris, mais malgré l'avis des
parents, l'avis des commissions scolaires et du Conseil supérieur de
l'éducation. Enfin, la loi 23 arrive et elle n'est pas respectée.
Le chef de l'Opposition officielle et le leader de l'Union Nationale et
cela me fait mal au coeur ont accusé le ministre de la Justice
d'avoir plié devant les syndicats, d'avoir pris une décision
partisane, d'avoir écouté seulement les membres de son parti.
Je trouve que ce sont des remarques qui sont extrêmement graves et
qui ne font pas, à mon sens, état de la véritable
situation de tous ceux qui ont demandé soit d'abroger, soit de retirer
les plaintes concernant la loi 23 et la loi 253. Je peux vous le dire: En
aucune façon je n'ai obéi à quelque pression que ce soit
et en aucune façon je n'ai eu le sentiment de plier devant quelque
syndicat que ce soit. Permettez-moi de vous rappeler qu'il y a bien du monde,
bien des associations qui ont demandé le retrait ou l'abrogation des
lois 23 et 253.
Concernant la loi 23, l'analyse du dossier m'a permis de me rendre
compte que ce n'étaient pas des membres du Parti québécois
qui demandaient l'abrogation, mais d'autres associations qui n'ont rien de
commun avec le Parti québécois ou avec quelque aspect partisan
que ce soit.
Parmi ces organismes j'en ai toute une série et je vais en
citer quelques-uns qui ont demandé l'abrogation ou le retrait de
la loi 23, ou le retrait de toutes les poursuites, il y a le Comité
central des parents de la CECM.
Je m'excuse de ma prononciation anglaise, Mme le Président. Il y
a également le Central Parents' Committee of PSBGM; il y a eu aussi
je pense bien que cela n'a rien de partisan, cela n'a rien de militant
du Parti québécois le Comité de parents de la
région 1 de la CECM; le Comité de parents de la commission
scolaire Jérôme-LeRoyer; le Comité de parents du district
de Bedford; le Comité de parents de l'île Perrot, appuyé
par d'autres comités qui sont énoncés là-dedans; le
Parents' Committee of the Beacon Hill High School; le School Committee of St.
Thomas High School; le Philemon Wright School Committee ce ne sont pas
des associations dans mon comté, ce sont des associations dans vos
comtés, chacun des membres de l'Opposition pour la plupart une
autre association: le Parents' Committee of Bancroft Elementary School; le
Elynwood School Committee; le Parents' Committee of Laval Catholic High School
dans le comté du leader de l'Opposition officielle; le School Committee
of Greendale; le Marymount Parents' School Committee; le Regional Parents'
Committee of Montreal Catholic School Commission; la Fédération
des principaux du Québec. Je pourrais vous en nommer autant comme
autant. Essayez donc de voir dans ceux que je vous ai nommés. Je
pourrais continuer. Essayez donc de déceler si ce sont des demandes qui
viennent de gens qui sont nécessairement attachés à un
parti. Je tiens à vous dire, surtout de la part du leader de l'Union
Nationale, que cette insinuation ou cette accusation d'avoir pris ma
décision pour plier devant les syndicats ou sous des pressions indues
des syndicats m'a fait mal parce que...
M. Bellemare: Avez-vous des éditoriaux qui vous
approuvent?
M. Bédard: Vous saurez une chose, M. le chef de l'Union
Nationale...
Mme le Vice-Président: A l'ordre! M. le leader de l'Union
Nationale!
M. Bédard: Cela vous fait mal quand je vous nomme toutes
ces associations qui ont demandé...
Mme le Vice-Président: Mesdames et messieurs, à
l'ordre! M. le député de Verdun, à l'ordre!
M. Bédard: Est-ce que vous me reprochez, comme ministre de
la Justice, de ne pas avoir pris une décision en fonction des
éditorialistes? Justement, c'est cela, le ministre de la Justice qui
n'aurait pas pris ses responsabilités! Le calcul était facile. Il
avait juste, encore une fois, à regarder quelques plaintes, faire comme
Jérôme Cho-quette dans le temps. Autrement dit, une façade
de justice, à mon sens, parce que parfois il y a des décisions
à prendre et il faut les prendre, à part cela. A ce moment, tous
les éditorialistes auraient été d'accord. Mais, je crois
que mon devoir n'était pas, encore une fois, de prendre... Cela me
surprend que le leader de l'Union Nationale prenne seulement comme
barème les éditorialistes. Remarquez que j'ai beaucoup de respect
pour ce qu'ils écrivent; ils ont droit à leur opinion. Je me
permettrai peut-être une seule remarque là-dessus, c'est que la
portée de la décision que j'ai prise, les effets de cette
décision, je les admire bien gros de pouvoir en évaluer toutes
les conséquences maintenant, parce que je crois que c'est
peut-être à long terme qu'on verra et qu'on pourra réaliser
là-propos et la nécessité qu'il y avait, du point de vue
social, de prendre la décision que j'ai prise comme ministre de la
Justice.
M. Levesque (Bonaventure) Mme le
Président...
M. Bédard: II y a eu aussi des représentations de
la part...
M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président...
Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition
officielle. Vous soulevez une question de règlement?
M. Levesque (Bonaventure): Le ministre va comprendre.
M. Bédard: Nous avons un temps limité.
M. Levesque (Bonaventure): Laissez-moi parler pour que vous
compreniez ce que je veux dire.
Mme le Vice-Président: Dites-moi à quoi vous vous
en tenez?
M. Levesque (Bonaventure): Oui, je suis bien prêt. Qu'il
s'asseoie et je vais vous le dire. On ne peut pas parler tous les deux en
même temps.
Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition
officielle, soulevez-vous une question de règlement ou une question de
privilège?
M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président, j'ai le droit
de poser ma question.
M. Bédard: Mme le Président, je veux finir mon
intervention.
Mme le Vice-Président: Permettez-vous des questions, M. le
ministre?
M. Bédard: Mme le Président, je veux finir mon
intervention.
L'ex-ministre de la Justice a eu toute la chance de dire ce qu'il avait
à dire, cet après-midi. S'il ne l'a pas dit, on lui fera un autre
discours à une autre occasion.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne voulais rien dire, je voulais
poser une question, une question bien polie.
Mme le Vice-Président: A l'ordre, messieurs! M.
Bédard: Mme le Président...
Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition
officielle, voulez-vous conserver vos interventions pour le moment de la
réplique, s'il vous plaît?
M. Bédard: Mme le Président, tel que je le disais,
toute une série d'organismes, pas des...
M. Levesque (Bonaventure): Ils vous ont écrit
dernièrement?
M. Bédard: Je vous ai dit c'est vraiment une
réaction qui est pas mal conforme à l'esprit de l'ex-ministre de
la Justice, chef de l'Opposition officielle...
M. Levesque (Bonaventure): ...vous l'ont demandé ces
gens?
M. Bédard: ...qui n'écoute même pas ce qu'on
dit, puis qui est toujours obligé de poser des questions oiseuses.
Mme le Vice-Président: J'espère que je n'aurai pas
à vous rappeler de nouveau à l'ordre, M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Bédard: J'ai bien dit, Mme le Président, que je
n'avais pas pris cette décision à la légère...
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
M. Bédard: ... que je l'avais étudiée...
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
M. Bédard: ...et que j'ai pu me rendre compte, Mme le
Président...
Mme le Vice-Président: Votre question de privilège,
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président, je vous
demande une interprétation de ce que vous venez de dire. Vous m'avez
dit: J'espère que je n'aurai pas de nouveau à vous rappeler
à l'ordre. Dois-je comprendre que, si vous avez à le faire
à nouveau, dans les mêmes circonstances, vous me demanderiez de
quitter cette Assemblée?
M. Bédard: II n'a pas dit ce qu'il avait à
dire.
Mme le Vice-Président: C'est un souhait, M. le chef de
l'Opposition officielle. M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: J'ai bien dit que j'avais pris la peine
d'étudier ce dossier en profondeur afin de ne pas prendre une
décision hâtive, et que cette étude en profondeur m'avait
permis de me rendre compte jusqu'à quel point s'étaient
acheminées vers le ministère de la Justice et d'autres
ministères aussi des demandes de la part de comités de parents,
qui n'ont rien à faire avec le Parti québécois ou des
positions partisanes, tel qu'on en a fait état tantôt,
jusqu'à quel point il y avait des groupes de citoyens valables,
représentatifs qui, effectivement, avaient demandé au
gouvernement d'abroger ou de retirer les plaintes concernant la loi 23.
Mme le Président, cette loi 23, on peut le voir à
l'analyse, nommait des commissaires aux différends scolaires
chargés d'enquêter sur le conflit et de faire rapport dans les 60
jours. Cinq jours après leur entrée en fonction, les commissaires
constatent que la loi a paralysé les négociations. Ils
recommandent la fin des poursuites judiciaires et l'arrêt des mesures de
harcèlement et des débrayages. Et malgré cet avis
exprimé par des commissaires qu'il avait lui-même nommés,
comme gouvernement, le gouvernement ne les a pas écoutés.
D'ailleurs, dans leur rapport final, les commissaires condamnent la loi.
C'est cela être ministre de la Justice; il y a des choses qu'il faut
regarder, pas juste un texte de loi, il faut regarder aussi le consensus
social, il faut regarder les effets de l'application d'une loi. Les
commissaires, dans leur rapport, disaient textuellement ceci: "Toute loi doit
reposer sur un minimum de consensus social pour en assurer l'application. Dans
le domaine des relations de travail qui, par leur essence, impliquent des
intérêts divergents et conflictuels, il faut apporter une
attention particulière et faire montre d'une prudence extrême dans
l'élaboration de la loi qui doit régir les rapports entre les
parties."
Ce n'est pas le ministre de la Justice qui dit cela, ce sont les
commissaires nommés par le gouvernement d'alors. Mais le ministre de la
Justice, prenant ses responsabilités, aujourd'hui, ne
peut mettre de côté des témoignages aussi
éloquents. Les commissaires continuaient: "Par sa rigueur excessive, la
loi 23 a compromis les règlements qui s'annonçaient à
certaines tables de négociation, a retardé et paralysé le
désir de rechercher des ententes négociées, et a
accentué les difficultés de rapprochement que devaient rencontrer
les commissaires dans leur travail. Les commissaires sont d'avis que cette loi
n'aurait jamais dû être adoptée dans la forme qu'elle a
revêtue.
C'est beau de dire: La loi, c'est la loi. Mais cela ne règle pas
tous les problèmes. Il faut faire d'autres considérations avant
de crier, comme je l'ai entendu cet après-midi, avec un esprit
légaliste, sans discernement. On n'avait effectivement, au bout de la
ligne, qu'un raisonnement: Vous êtes ministre de la Justice, faites
appliquer la loi. Si c'est le désordre social au bout de la ligne, ce
n'est pas grave, il faut que vous fassiez appliquer la loi! Un raisonnement
comme celui-là, jamais je n'y souscrirai parce que ce n'est pas cela, la
justice.
Une Voix: Compris, M. Bellemare? M. Bédard: Je suis
convaincu...
M. Bellemare: ...moins niaiseux, vous autres. Bande de
pee-wees!
M. Bédard: ...que ces conclusions, s'il avait fallu qu'on
nomme quelqu'un de responsable pour vraiment examiner l'application de la loi
253, auraient été les mêmes que celles des commissaires
qui, effectivement, ont été nommés selon la loi 23 et qui
ont dit, d'une façon très claire, que cette loi n'aurait jamais
dû être adoptée. Et on me demande de faire condamner des
gens en fonction d'une loi qui n'aurait jamais dû être
adoptée? Ce n'est pas cela, la justice. Ce n'est pas cela, la justice,
il y a d'autres considérations.
Concernant la loi 253, je puis vous dire que ma conviction est que le
gouvernement a été grandement responsable du fait que les malades
n'ont pas eu droit aux services essentiels lors du dernier conflit. On a
essayé de faire du sentiment, tout à l'heure, sur le dos des
malades comme le gouvernement d'alors en a fait sur le dos des malades, sur le
dos des citoyens pour essayer d'imposer des lois qui étaient
carrément abusives. J'entendais, tout à l'heure, le leader de
l'Union Nationale, avec son charisme habituel, avec sa facilité
habituelle, essayer de monter les gens, essayer de faire monter le tempo de
cette Assemblée nationale en jouant, au nom de son appartenance,
naguère, à la classe ouvrière. Je peux vous dire que cette
appartenance-là je vous ai écouté tantôt
est loin pas mal. Il ne vous reste que la boîte à lunch
dans votre salon parce que vous n'avez pas l'esprit de quelqu'un qui est
ouvrier et qui pense de temps en temps aux ouvriers.
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: Question de privilège. Je soulève une
question de privilège. Je ne permettrai pas à l'honorable
ministre de la Justice d'insulter ma profession ni mon passé.
Une Voix: Ce qui est passé est passé.
M. Bellemare: On n'a pas le droit, en vertu des règlements
de cette Chambre...
M. Bédard: C'est vous qui...
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union
Nationale...
M. Bellemare: Pardon?
Mme le Vice-Président: ...qu'est-ce que vous invoquez pour
demander la parole?
M. Bellemare: Une question de privilège. Vous n'avez pas
entendu cela?
Mme le Vice-Président: Je ne vous avais pas entendu.
Allez-y, nous verrons bien.
M. Bellemare: je ne permettrai pas qu'on m'attaque, dans cette
Chambre, ni moi, personnellement, ni ma profession, ni mon métier, c'est
clair? Ni qu'on ridiculise mon passé. J'ai eu trop de misère
à vivre...
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union
Nationale...
M. Bellemare: ...pour qu'un avocat comme lui vienne m'insulter en
cette Chambre
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale!
Il vous reste encore un peu de temps pour des interventions; voulez-vous le
réserver pour ce moment-là, s'il vous plaît?
M. Beilemare: Pensez-vous que je vais me laisser insulter par le
ministre de la Justice?
Des Voix: A l'ordre!
M. Bellemare: Jamais! Jamais je ne le permettrai dans cette
Chambre. Il y a des députés à qui cela a
coûté cher de m'insulter ici, dans cette Chambre.
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union
Nationale!
M. Bellemare: Pas plus lui, le député de
Chicoutimi.
Mme le Vice-Président: A l'ordre, M. le leader de l'Union
Nationale!
Des Voix: A l'ordre!
M. Bédard: J'ai été loin d'insulter votre
ancienne profession.
Mme le Vice-Président: M. le ministre de la Justice! A
l'ordre! M. le leader de l'Union Nationale!
Mesdames... Je ferai remarquer à cette Assemblée que si
nous ne respectons pas le règlement, nous pouvons suspendre.
M. Bellemare: ... qui est le président.
M. Bédard: Alors, Mme le Président, je tiens
à souligner que mes paroles n'avaient absolument rien pour offenser la
classe ouvrière. Je vous ai écouté, cet après-midi.
Il y a des fois que cela fait mal quand on voit quelqu'un faire toutes sortes
d'insinuations: plier devant les syndicats, plier devant des partisans de
parti. C'est ce que vous avez fait cet après-midi, puis vous me demandez
de ne pas avoir de réaction vis-à-vis de telles insinuations
quand moi je sais que j'ai fait mon devoir, j'ai pris mes
responsabilités, puis que j'ai pris au sérieux ce dossier, afin
de rendre la meilleure des décisions. Autrement dit, vous voudriez que
nous nous laissions insulter continuellement sans avoir le droit de dire, de
temps en temps...
M. Bellemare: Vous avez pris la plus mauvaise décision,
c'est clair. La décision qui va vous marquer pour la vie.
M. Burns: Règlement! Mme le Président, je vous
demande de rappeler le député à l'ordre.
M. Bellemare: Cela va vous marquer pour la vie. Vous allez voir
que vous allez traîner cela toute votre vie.
Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale.
Vous connaissez fort bien votre règlement, je vous rappelle à
l'ordre!
M. Bellemare: ... Il y a des limites, mon cher monsieur, à
se faire dire des bêtises comme on vient de s'en faire dire. Et je ne
réagirai pas? Jamais dans cent ans, jamais!
M. Burns: II n'arrête pas de faire le con, c'est cela. Oui,
oui. Con.
Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
Monsieur le leader du gouvernement.
M. Burns: On a une entente, puis on l'a respectée en ce
qui concerne le côté gouvernemental, on l'a respectée chez
nous.
Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement,
à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle une dernière
fois à l'ordre, ou je suspends cette Assemblée. Veuillez ne pas
me rappeler les moments où j'étais avec les enfants à
l'école, s'il vous plaît! M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Mme le Président, je tiens à dire
que je n'ai pas voulu, en aucune façon, offenser...
M. Bellemare: Eh, mon Dieu!
M. Bédard: Non, non, non.
M. Bellemare: Continuez, continuez.
M. Burns: Cela fait mal.
M. Bédard: Si vous vous êtes senti offensé,
ce n'est pas ma faute si la vérité fait mal.
M. Bellemare: Vous l'aurez en temps et lieu, vous aussi.
Attendez-moi.
M. Bédard: C'est cela, c'est comme cela que cela a
toujours fonctionné. Alors, Mme le Président, j'ai entendu, cet
après-midi aussi, le chef de l'Opposition officielle faire de la
démagogie aussi en nous rappelant...
M. Bellemare: Qui est-ce qui fait le clown? Qui, là? Qui
est-ce qui fait le clown?
M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président, une question
de règlement.
M. Bellemare: C'est lui là. C'est qui, qui le fait
là?
Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition
officielle, sur une question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Par respect pour la présidence,
et dans l'esprit de donner notre meilleure collaboration, devant un manque
aussi flagrant au règlement, c'est-à-dire en employant un mot
antiparlementaire comme vient d'employer le ministre de la Justice.
M. Burns: Lequel?
M. Levesque (Bonaventure): Le député de Maisonneuve
sait fort bien que, dans le passé, il s'est lui-même levé
dans cette Chambre, traitant de démagogiques des propos qui comprenaient
justement ce mot démagogie.
M. Burns: Vous vous souvenez de la décision de la personne
qui est à votre gauche actuellement? Vous vous souvenez de ce qu'avait
dit le député de Laval? Qu'il n'y avait rien d'antiparlementaire
dans cela.
M. Levesque (Bonaventure): Madame, si vous voulez que nous
puissions collaborer, si nous avons ce genre de provocation...
Mme le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: J'ai entendu également, Mme le
Président, le chef de l'Opposition officielle faire beaucoup de
sentiment, avec une démagogie...
M. Levesque (Bonaventure): II recommence, Mme le
Président.
M. Bédard: ... en parlant de la situation qui avait
été faite aux malades durant cette période. Je
me le rappelle, Mme le Président, et je dois vous dire que, si
mon devoir de ministre de la Justice était d'en tenir compte, mon devoir
de ministre de la Justice était aussi de prendre une décision en
fonction non seulement du passé, mais de l'avenir afin que cette
situation ne se répète pas dans le passé..
Une Voix: Ne se répète pas dans le
passé?
M. Bédard: ... et de prendre une décision en
fonction d'atteindre cet objectif.
Mme le Président, concernant la loi no 253, qui a
été adoptée au milieu de la négociation, touchant
un sujet aussi crucial en plein coeur du débat, cette loi fut
perçue comme un affrontement délibéré. Le
gouvernement avait eu depuis mai 1972 pour régler ce problème.
Dans son application, parce que c'est important de regarder l'application d'une
loi avant de prendre une décision, le gouvernement a tout fait pour que
les services essentiels ne soient pas assurés, contrairement à
l'objectif qui a recueilli l'assentiment de l'Assemblée nationale. Alors
que la loi lui fixait à peine deux mois pour agir, le gouvernement a
attendu un mois avant de nommer le commissaire aux services essentiels et ses
adjoints. Le gouvernement a laissé les autorités locales formuler
des demandes exagérées pour les services essentiels dans un trop
grand nombre de cas. Exemple: l'hôpital Saint-Luc 80%, Jewish General
Hospital 100%, Sainte-Croix de Drummondville 80% dont le service de la
pastorale et des archives, Centre Saint-Vallier 97% dont des postes
inoccupés au moment de la demande. Ce sont des choses qu'il faut
considérer quand on regarde le cheminement d'une loi et l'application
qui en a été faite, pour savoir jusqu'à quel point on peut
se permettre de donner libre cours a un nombre aussi fantastique de plaintes
que le nombre que vous connaissez, au-delà de 7000 plaintes. Une telle
attitude de la partie patronale a eu pour effet de forcer les commissaires
à rendre un nombre considérable de décisions, alors que
tout l'esprit de la loi était de parvenir à des ententes
négociées sur les services essentiels.
Dois-je rappeler que, dans tous les cas où les syndiqués
et les autorités locales sont parvenus à une entente, les
services essentiels ont été assurés? A cause du peu de
temps dont ils disposaient, un mois, à cause du trop grand nombre de
causes et, dans plusieurs cas, de leur incompétence dans ce secteur, les
commissaires ont rendu des décisions aberrantes qui ne pouvaient
qu'amener un non-respect de la loi.
Et je vous en cite quelques-unes. Tous les employés de
l'hôpital Bourget de Pointe-aux-Trembles ont été
déclarés service essentiel de même que tous les
employés du foyer de Lorette-ville, les employés de la villa des
frères de Saint-Hyacinthe, au foyer Sainte-Anne-de-la-Pocatière,
la décision impose seize travailleurs alors qu'il n'y en a que quatorze
en temps normal. Au foyer Cap-Saint-Ignace, treize employés alors qu'en
temps régulier il n'y en a que onze. Ce sont des choses qu'il faut
regarder. L'esprit dans lequel une loi est appliquée, c'est important si
la loi est bonne. Mais la manière de l'appliquer constitue une
aberration, une provocation. Ce sont des considérations qu'un ministre
de la Justice qui ne s'attache pas qu'à la lettre mais à l'esprit
d'une loi et à son application doit considérer. Et c'est ce que
j'ai fait.
Au foyer Georges-Frédéric, de Drummondville, la
décision impose plus de travailleurs qu'il y en a pendant les 52 fins de
semaine de l'année. Le directeur général de la maison
Notre-Dame-des-Erables a refusé de collaborer d'ailleurs à
l'application d'une telle loi. Le conseil d'administration de
l'Hôtel-Dieu de Sorel a demandé ce ne sont pas des
syndicats ceux-là de retirer toutes les plaintes
déposées selon la loi 253. Le centre d'accueil
Pierre-Joseph-Triest a demandé aussi ce n'est pas un syndicat
ça de retirer toutes les plaintes.
Mme le Président: Vous devez maintenant conclure, M. le
ministre de la Justice.
M. Bédard: Mme le Président, il me reste cinq
minutes? Comme je l'ai dit, le climat social et la paix publique doivent
être considérés lorsque le ministre de la Justice prend une
décision. Et c'est l'une des considérations dont j'ai tenu compte
avant de prendre ma décision et cela a compté pour beaucoup dans
celle-ci. Cette motion de blâme de l'Opposition est la preuve
éclatante que les libéraux et d'autres oppositions maintiennent
leur attitude d'affrontement envers tout ce qui s'appelle syndicats et
travailleurs québécois, attitude de provocation qui nous a
donné le climat social irrespirable d'avant le 15 novembre.
Les Québécois en avaient assez de cette attitude
d'ailleurs et ils l'ont prouvé le 15 novembre, ils l'ont dit clairement.
C'est ma conviction profonde, que nous le voulions ou non, que le temps du
dialogue s'impose, qu'il faut miser non seulement sur la compréhension
des travailleurs québécois mais sur la compréhension des
autres citoyens de la société québécoise, que ce
n'est pas en voulant abattre les syndicats ou en les acculant à la
faillite qu'on va régler le problème du syndicalisme. Je ne me
fais pas d'illusions. La voie du dialogue et de la réconciliation
sociale n'est pas une voie facile, n'est pas une voie sans embûches. Il y
aura peut-être des désillusions mais je crois qu'il faut
même s'y engager résolument parce que la voie de l'affrontement
qui avait été empruntée par ceux qui nous ont
précédés a mené au résultat que vous
connaissez, à savoir un climat social irrespirable qu'il nous faut
absolument restaurer. Je puis vous dire que, lorsque j'ai vu les oppositions
s'exprimer avec tellement de hargne cet après-midi, eh bien, cela m'a
fait réaliser non seulement que j'avais pris la bonne décision
mais aussi jusqu'à quel point le fossé est de plus en plus large
entre certaines catégories de la population et que nous n'avons pas
intérêt à continuer à élargir ce
fossé. Dans ce sens-là, je crois que nous devons nous engager
dans la recherche d'une so-
lidarité québécoise si nous voulons la paix
sociale. Et, dans ce sens-là, je considère que l'Opposition est
irresponsable en n'unissant pas ses efforts à ceux du gouvernement en
place pour essayer justement de l'appuyer dans un geste qui, j'en suis
convaincu, peut être de nature à améliorer le climat social
une fois pour toutes.
Mme le Vice-Président: Une minute.
M. Bédard: Au contraire, par vos déclarations
et vous y penserezvous avez continué tout simplement
d'essayer de monter des groupes de citoyens contre d'autres groupes de
citoyens, d'alimenter un sentiment antisyndical au niveau de la population,
alors qu'on sait très bien que c'est avec les travailleurs
québécois, avec toutes les autres catégories de la
population qu'il faut ensemble construire le Québec et que nous pourrons
le construire ensemble. Ce n'est pas une société de barricades,
telle que celle que vous avez édifiée par vos lois
spéciales et par votre attitude d'affrontement lorsque vous étiez
au gouvernement, qu'on va régler le problème. Ce n'est pas une
société de barricades; au contraire, nous devons employer nos
efforts pour essayer d'avoir une société plus solidaire. Je
termine, là-dessus, Mme le Président. Je puis vous dire que le
fondement de ma décision n'est pas à l'effet de dire que les
gouvernements ont tous les torts et que les syndicats n'ont pas fait d'erreurs.
Non, au contraire; c'est un appel à l'obligation de
responsabilité de toutes les parties en cause. Je termine en vous disant
que, pour les motifs légaux, et pour les motifs sociaux que je viens de
vous exposer, non seulement j'ai la conviction que j'ai pris la bonne
décision, mais également, je formule l'espoir que cette
décision aura des effets qui seront heureux à court terme pour
l'ensemble de notre société québécoise.
M. Lamontagne: Mme le Président... M. Bisaillon: Mme le
Président...
Mme le Vice-Président: M. le député, est-ce
que vous voulez utiliser le droit de réplique maintenant?
M. Lamontagne: Quel droit de réplique? Nous avons encore
33 minutes.
Mme le Vice-Président: M. le député. M.
Robert Lamontagne
M. Lamontagne: Mme le Président, j'ai écouté
mon collègue le député ce Chicoutimi et ministre de la
Justice, faire son intervention à l'occasion de cette motion de
blâme. Ma première impression est de me demander si c'est un chef
de parti qui a parlé ou celui sur qui repose le respect de la justice
dans la province de Québec. Le témoignage des applaudissements et
des félicitations témoigne beaucoup plus d'un discours politique
que d'un véritable moyen de vouloir faire respecter la justice chez
nous. Mme le Président, c'est avec une inconscience surprenante que le
ministre de la Justice a informé cette Chambre de sa décision
d'absoudre tous ceux qui avaient contrevenu aux lois 23 et 253 que cette
Assemblée, en session spéciale, avait convenu d'adopter
unanimement, non pas pour brimer les droits des travailleurs, pas plus que pour
intervenir dans la fixation de leurs salaires ou de leurs conditions de
travail, mais bien pour assurer aux citoyens ordinaires, et principalement
à ceux qui étaient les plus grandes victimes de l'aspect sauvage
que revêtaient ces grèves, soit les malades dans les
hôpitaux et les enfants dans les écoles, le respect de leurs
droits fondamentaux.
Le ministre, en faisant sa déclaration, s'est vanté
d'avoir pris cette décision seul, en assumant, dit-il, pleinement ses
responsabilités. Dans de telles conditions, je ne crains pas d'affirmer
qu'il eût été préférable qu'il consulte ses
collègues et fonctionnaires ou encore les malades qui ont
été victimes de l'absentéisme du personnel dans les
hôpitaux, ou les parents ou les enfants qui ont eu à subir
l'insécurité d'une année scolaire fort compromise à
tous les point de vue. Il aurait peut-être alors eu une perception plus
juste de l'importance du respect de ces lois. Plus que tout autre et à
cause du caractère social extrêmement important des lois 23 et
253, le ministre de la Justice aurait dû exercer une prudence
extrême et jauger toutes les conséquences funestes de ses gestes
plutôt que de saper l'autorité des lois et d'agir injustement.
Si le ministre avait été vraiment préoccupé
par les situations très pénibles, voire même dramatiques
que la population a vécues lorsque cette dernière a
été privée des services essentiels, il aurait dû au
moins songer à la création d'un comité ministériel
qui aurait pu le conseiller sur cette question. Il aurait alors fait preuve non
seulement de clairvoyance, mais surtout d'un sens plus élevé de
ses responsabilités.
Le ministre de la Justice aurait dû se rappeler que le maintien
des services essentiels dans les hôpitaux avait fait l'unanimité
non seulement chez les parlementaires, mais dans les milieux hospitaliers, dans
la population et chez les syndiqués eux-mêmes. Le projet de loi
253, en particulier, avait pour but de protéger la population durant le
long processus de la négociation du secteur public, négociation
où le droit de grève soulève le problème de
l'équilibre extrêmement fragile entre l'exercice de ce droit par
les syndiqués et le droit des citoyens à être
protégés dans un domaine aussi fondamental que celui de la
santé.
L'exemple du non-respect des lois est venu de haut. On ne pourra jamais
mesurer exactement les répercussions morales et sociales à long
terme de ce coup de pinceau révoltant du ministre de la Justice. Le
ministre s'est-il posé les questions suivantes: Dans quel type de
société voulons-nous vivre? Voulons-nous une
société civilisée qui veut être régie par des
lois dont le respect doit être assuré par des sanctions
appropriées si on ne veut pas se retrouver dans une jungle? Le respect
de la
loi doit-il être exigé de tous ou seulement de certains?
Ainsi, on a rappelé aux immigrants, de façon inutilement
autoritaire puisqu'on est même allé au-delà de ce qu'elle
prévoyait, que la loi, c'est la loi. Par contre, quand on est
suffisamment fort, on peut impunément enfreindre la loi. N'est-ce pas
là encourager ceux qui se sentent assez forts à aller jusqu'au
bout de l'audace?
M. le Président, le gouvernement parle facilement de paix
sociale. Veut-il acheter une paix sociale temporaire et nous obliger à
payer plus tard cette paix à des prix qui ne seront plus socialement
acceptables? Le ministre s'est-il inquiété des réactions
de la population à ses décisions? Ce n'est un secret pour
personne qu'au lendemain du 15 novembre, les journaux faisaient état de
la victoire des syndicats. Certains journalistes ont même
interprété que les syndicats se sentaient au pouvoir. La question
normale que la population se pose aujourd'hui devant le geste du ministre: Y
a-t-il collusion entre le gouvernement et les syndicats? Est-ce un aveu de
faiblesse de sa part à l'égard du pouvoir syndical auquel il
n'ose opposer de résistance? N'est-ce pas là renforcer ce
sentiment que le contexte des négociations permet tous les abus, que les
règles de jeu, prévues et acceptées, ne s'applique plus,
que les citoyens ordinaires, malades, parents, enfants, contribuables ne
comptent plus?
Il y a deux sortes d'hommes, disait Biaise Pascal: les uns, justes, qui
se croient pécheurs, et les autres, pécheurs qui se croient
justes. Je crois que le ministre appartient à la seconde
catégorie.
M. le Président, j'appuierai cette motion du chef de l'Opposition
officielle, qui est une motion de blâme contre un bon gouvernement, tout
simplement parce qu'il est mauvais lorsqu'il s'agit de rendre à la
justice ses droits, et aux citoyens la justice. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, évidemment...
M. Caron: Un instant. Je m'excuse envers mon collègue; on
n'a pas quorum en Chambre.
Le Vice-Président: Est-ce que M. le secrétaire peut
constater si on a quorum, s'il vous plaît? M. le député de
Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Etant issu d'un comté où on fabrique,
apparemment, des ministres de la Justice, puisque mon
prédécesseur, Me Rémi Paul, a été ministre
de la Justice, je pense que, tantôt, le ministre de la Justice actuel
nous a servi un bon "show", digne des meilleurs "shows" que mon
prédécesseur dans le comté de Maskinongé aurait pu
faire. Il ne manquait qu'une chose, il aurait fallu qu'il pleure sur
l'épaule de sa voisine de droite.
M. le Président, je vais vous la dire la vraie raison pour
laquelle vous avez absous les syndicats, cela va venir. Ecoutez, c'est bien
important. On ne peut passer sous silence le fait que le ministre de la Justice
ait décidé, de son propre aveu, de mettre fin aux poursuites
judiciaires pour désobéissance civile en vertu des lois 23 et
253. L'Opposition officielle ne peut faire autrement que de
réévaluer la notion d'autorité, soit celle que les
Québécois sont en mesure d'exiger et celle que le gouvernement
péquiste offre.
Il est bon de se rappeler le pourquoi des lois 23 et 253. D'abord, la
loi 253, ai-je besoin de vous le rappeler, c'est la loi visant à assurer
des services de santé et des services sociaux essentiels en cas de
conflit de travail qui a été adoptée en vue d'obliger les
parties en litige, en coopération avec un commissaire, à
déterminer et à maintenir les services jugés essentiels
pour le bien-être de la population. Il faut se rappeler également
la grève sauvage que le Québec a connue, dans le secteur
hospitalier, en 1972, d'où la nécessité de cette loi. Nous
devons noter à l'intention de nos amis d'en face, ceux qui aujourd'hui
assument le pouvoir, que les six députés péquistes du
temps, en décembre 1975, ont voté en faveur de la loi je
n'ai pas besoin de vous rappeler que c'est consigné au journal des
Débats aux pages 2423 et autres en première,
deuxième et troisième lectures. Mais le 25 mars 1977 il
n'y a quand même pas longtemps le député de
Chicoutimi, qui avait autrefois appuyé le principe de la loi, change de
chemise. Pourquoi? Je vais vous le dire, ce ne sera pas tellement long.
D'abord, la loi 253. La loi 23 maintenant, loi qui concerne le maintien
des services dans le domaine de l'éducation et qui fut
sanctionnée en avril 1976 et je pense que c'est là le
point important de mon discours afin de permettre aux étudiants
de terminer leur année scolaire hautement compromise par les
débrayages des enseignants et les visées politiques d'Yvon
Charbonneau. Vous connaissez cela Yvon Charbonneau? Ce dernier refusait
d'écouter la voix des enseignants soucieux de leur tâche,
préférant retirer aux syndiqués récalcitrants leurs
droits à l'intérieur du syndicat, tel que le garantit le Code du
travail. Yvon Charbonneau savait très bien, à l'époque,
que le syndiqué déchu était obligé de verser une
cotisation syndicale, même s'il n'avait plus le droit de regard sur son
syndicat. C'est cela le syndicaliste enseignant. C'est cela aussi la nouvelle
autorité. Soudain, le 25 mars 1977, sous l'ombrelle des comptes
nationaux, le nouveau justicier québécois, dans toute sa
clarté et sa transparence, vient nous annoncer la bonne nouvelle.
Alléluia, on est dans le temps de Pâques, désormais la
désobéissance est légale. Vive l'anarchie! Vive la
justice!
Je veux bien accepter que le nouveau style de gouvernement soit un
préjugé favorable aux syndicats, je suis même prêt
à appuyer des mesures concrètes dans ce domaine. Mais un
préjugé favorable doit-il aller jusqu'à encenser la
désobéissance civile? Un préjugé favorable doit-il
aller jusqu'à renier l'autorité élue? Un
préjugé favorable doit-il aller jusqu'à brimer les droits
fondamentaux des Québécois, soit leur droit à
l'éducation et à la santé? Dans ce genre de
préjugé favorable, je n'embarque pas, M. le Président.
II faut se demander pourquoi le gouvernement péquiste agit de la
sorte. Sans jouer au démagogue, je puis calculer parmi les membres de
cette Assemblée certains chiffres assez éloquents.
Ainsi des 71 députés péquistes de cette
législation, 21, ou à peu près, nous parviennent
directement du milieu professionnel. Cinq sont clairement identifiés
comme des syndicalistes, deux comme des administrateurs scolaires et, enfin, un
dernier comme directeur pédagogique. En somme, 29 députés
sont tous reliés au monde enseignant ou syndical, soit tout près
de 41% de la députation actuelle du côté du gouvernement.
Devant ces faits, je me demande si avoir un préjugé favorable
veut dire favoriser ceux qui ont fourni au gouvernement péquiste le plus
de députés ou le plus de candidats, car si j'analyse la liste des
110 candidats péquistes, le nombre de candidats ayant des liens
très marqués avec le milieu enseignant ou syndical atteint 50,
soit environ 45%. Devant des chiffres aussi éloquents, il ne faut pas
s'étonner d'un geste aussi illogique du ministre de la Justice.
Le député de Chicoutimi n'a pas dû avoir de
difficulté à obtenir la bénédiction du conseil
général et national du Parti québécois pour une
mesure aussi bénéfique à l'ensemble des
Québécois, mais cette absolution insensée me force
à remettre en question toute la notion de l'autorité. Je suis un
partisan du changement et de l'évolution car la stagnation est une forme
de suicide collectif, mais le changement ne doit-il pas être, comme le
reste, le plus équilibré possible? Le progrès? Un mot
rempli d'espoirs et de déceptions. Nous ne sommes cependant pas
obligés de nous ériger contre le progrès pour constater
froidement que notre sens moderne des valeurs a besoin d'une urgente
révision. Nous parlons souvent de notre jeunesse
québécoise, de cette génération montante comme de
l'espoir de demain. Peut-être suis-je trop pessimiste, mais j'ai peur que
nous soyons un tant soit peu déçus.
Le ministre de la Justice nous oblige à réévaluer
notre notion d'autorité. Dans toute société qui se
respecte, pour qu'elle soit capable d'évoluer, une participation vivante
et active de tous ses membres est exigée. Cependant, pour que cette
participation aboutisse à un résultat concret et valable, elle
doit avoir à sa tête quelqu'un de solide. Malheureusement, ce
n'est pas notre nouveau justicier québécois qui pourra engendrer
cette participation créatrice. Tous les groupes, les partis politiques,
les syndicats, les compagnies ont leur chef, il est donc indispensable à
la société québécoise que chaque
Québécois accepte l'autorité, qu'il en reconnaisse
l'existence et la nécessité. L'existence même de notre
collectivité présuppose l'ordre, et je ne connais aucun moyen
d'assurer l'ordre que d'investir quelqu'un à un certain degré
d'autorité.
Le député de Chicoutimi a sans doute oublié que le
devoir premier de celui qui est investi de l'autorité est de
créer l'ordre, l'harmonie et le bien-être de ses sujets, non pas
de louanger et de bénir la désobéissance civile. L'ange
gardien de notre justice ne semble pas discerner le fossé qui existe
entre le bien collectif et le patronage intellectuel auquel il s'est
livré avec ses amis syndicaux. Dans certains cas, le bien collectif peut
sembler atrophier les droits de certains groupes. C'est le choix que
l'autorité a posé avec la loi 23 et la loi 253. Notre
système politique est des plus démocratiques, mais jamais je
n'accepterai la désobéissance civile, que la
désobéissance civile devienne le nouveau Dieu
québécois.
Je blâme le ministre de la Justice, lui-même investi d'une
certaine autorité, d'utiliser cette même autorité pour
gratifier et donner un caractère quasi-judiciaire à la
désobéissance civile et à l'intimidation de la mafia
syndicale. Combien le ministre recevra-t-il pour cette dégradation? Une
aide syndicale pour le référendum.
Je n'hésiterai pas à voter pour la motion du chef de
l'Opposition pour blâmer le ministre de la Justice du geste qu'il a
posé. Merci.
M. Ciaccia: M. le Président... M. Bisaillon: M. le
Président...
Le Vice-Président: D'accord, cela évite de rendre
une décision.
M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: On me permettra, à ce stade-ci, d'apporter
brièvement et calmement quelques commentaires sur la motion de censure
qui a été présentée devant l'Assemblée
nationale par le député de Bonaventure, de même qu'un
témoignage vécu sur une situation identique à celle qui
nous oppose aujourd'hui.
La seule différence, à mon sens, M. le Président,
vient strictement du fait que, dans le passé, ces choses étaient
cachées, négociables, alors qu'aujourd'hui on est placé
devant une situation claire, prise en analyse pendant un certain temps et
annoncée officiellement au niveau de l'Assemblée nationale. Les
témoignages que je voudrais apporter, M. le Président, concernent
deux lois identiques, la loi 25 et la loi 19.
Je m'en voudrais aussi de ne pas souligner le fait qu'on nous a
dépeint les gens qui avaient violé la loi 23 et la loi 253 comme
de sombres criminels, des gros méchants, des gens qui faisaient partie
d'une mafia syndicale. On sera peut-être étonné de savoir
que le député de Laval, le député de
Mégantic-Compton, le député de Johnson, le
député de Bonaventure, qui, hier, me trouvaient si gentil,
étaient en face d'un de ces sombres criminels, un enseignant, un
syndicaliste qui a déjà été poursuivi en vertu de
la loi 19, sauf que je vais me permettre d'expliquer de quelle façon
cela s'est fait en 1972, de quelle façon cela s'est fait aussi en 1967,
sous le gouvernement de l'Union Nationale.
Lorsque la loi 25 a été adoptée, le 17
février 1967, des groupes d'enseignants étaient, à ce
moment-là, en grève. Ce que je vais affirmer devant cette
Assemblée pourrait être confirmé, d'ail-
leurs, par le chef de cabinet du chef de l'Union Nationale, qui
était, à ce moment-là, bien placé dans un syndicat
d'enseignants. Il pourra confirmer exactement ce que je vais annoncer. Au
moment où la loi 25 a été adoptée, des groupes
d'enseignants en grève sont restés en grève pendant deux
ou trois jours. J'ai reçu, à ce moment-là, comme
président de syndicat, un appel personnel du ministre Bertrand, pour me
dire qu'on avait tout le loisir de prendre une journée ou deux de plus
que le délai qui nous était fixé dans la loi pour
l'étudier correctement et profiter de cette période pour
négocier avec les commissions scolaires les protocoles de retour au
travail nécessaires.
Dans le cas de la loi 25, M. le Président, la loi n'a jamais
été appliquée, les poursuites n'ont jamais
été intentées, même s'il y avait eu violation du
texte même de la loi dès le lendemain de la loi, pour justement
permettre de rétablir un climat favorable à des
négociations et aux arbitrages qui ont suivi. C'était sous le
gouvernement de l'Union Nationale. J'ai vécu une situation pire encore
en 1972, lorsque la loi 19 a été adoptée. Je voudrais
rappeler, M. le Président, que j'ai été le premier
président de tous les syndicats de la province à être
poursuivi en vertu de la loi 19. J'avais, à ce moment-là,
annoncé qu'effectivement je ne souscrirais pas aux négociations
secrètes qui avaient été faites par le ministère de
la Justice et le ministère de la Fonction publique.
Immédiatement après l'adoption de la loi 19, on avait
communiqué avec moi, d'une part le ministère de l'Education,
d'autre part le ministère de la Fonction publique, pour me dire ceci:
Vous êtes actuellement en journée d'étude illégale,
malgré l'adoption d'une loi. Si vous retournez au travail d'ici une
journée, il n'y aura pas de poursuite. Ce règlement, M. le
Président, je l'avais refusé. J'avais dit: On a pris une
décision honnête, on a pris une décision
démocratique. C'est l'ensemble des gens qui l'ont prise, cette
décision; on ira au bout de cette décision. J'ai
été, donc, poursuivi en vertu de la loi 19.
A la suite de cette poursuite, j'ai annoncé publiquement
qu'effectivement je n'accepterais pas de plaider coupable, parce qu'on m'avait
aussi signalé que, si je plaidais coupable, il y aurait des
pénalités moins importantes et que les simples membres, eux, ne
seraient pas poursuivis. J'ai donc refusé de plaider coupable en me
déclarant prêt à me présenter devant un juge et
à défendre ma position. Or, au moment où j'ai
annoncé que j'avais l'intention de plaider coupable face à la loi
19, j'ai aussi annoncé mon intention de convoquer devant le tribunal
chacun des membres de mon syndicat qui avaient participé à cette
décision, soit 3600 personnes. Je pensais qu'elles avaient le droit de
venir expliquer dans quel sens elles avaient effectué une journée
de travail illégale.
M. le Président, vous savez bien que, tout de suite après
cette annonce, on s'est rapidement rendu compte que cette loi était
inapplicable. Et dès le lendemain, le ministre de la Justice de
l'époque, M. Jérôme Choquette, a annoncé qu'il
enlèverait les poursuites contre les individus, mais qu'il conserverait
celles contre les syndicats. Publiquement, il conservait l'image d'un homme
généreux qui enlevait les poursuites contre les individus tout en
conservant celles contre les organismes.
Or, M. le Président, ce qui était faux à
l'époque, c'est que toutes les poursuites qui étaient faites
contre les organismes dépendaient, par le texte même de la loi,
des poursuites contre les individus. Autrement dit, parce que j'étais
président de syndicat, j'étais poursuivi, et par voie de
conséquence, mon syndicat aussi était poursuivi. Comme on
enlevait les poursuites contre les individus, forcément, au niveau du
tribunal, les poursuites contre les organismes se sont trouvées
automatiquement annulées, sauf que jamais, publiquement, on n'a reconnu
qu'on avait posé ces gestes.
Ce qui est grave dans ce qui nous oppose aujourd'hui, M. le
Président, c'est qu'on a été obligé quand
même d'adopter une loi 23, après avoir vu l'application qu'on
avait faite des lois 25 et 19. Une des phrases de la motion de censure parle
d'inégalité des citoyens devant la justice. Est-ce qu'il serait
opportun, M. le Président, de rappeler la phrase prononcée ici
même dans cette Chambre par le ministre du Travail de l'époque, M.
Cour-noyer, qui avouait devant cette Chambre qu'il était incapable de
poursuivre des compagnies qui avaient enfreint la loi parce qu'en les
poursuivant il les mettrait en faillite, ici même, à
l'Assemblée nationale, sans qu'aucun des éditorialistes qui ont
été mentionnés aujourd'hui ait seulement osé faire
un éditorial sur la question?
Ici même on a entendu, de la part du ministre du Travail de
l'époque, des phrases identiques à celles qui nous sont
reprocnées aujourd'hui. La différence entre aujourd'hui et le
passé, c'est qu'aujourd'hui cela a été annoncé
officiellement que tout le monde est traité de la même
façon.
En terminant, M. le Président, je voudrais souligner une chose.
Le député de Rouyn-Noranda a parlé de conserver la paix
sociale et que des mesures comme celles qui avaient été
annoncées par le ministre de la Justice étaient susceptibles de
nous faire perdre la paix sociale. Je voudrais souligner, M. le
Président, et je dois me référer au 15 novembre parce que
c'est une situation claire que celle du 15 novembre, que pour conserver la paix
sociale, encore aurait-il fallu qu'il y en ait, de la paix sociale, avant le 15
novembre. Adoptons ensemble des mesures qui permettront aux citoyens et aux
travailleurs et aux syndiqués de voir qu'ils peuvent être
traités justement, et là on n'aura même plus besoin
d'adopter une loi spéciale. Les membres de l'Opposition qui craignent la
récidive peuvent se rassurer, lorsque les syndiqués et les
travailleurs auront compris qu'ils ont un gouvernement qui travaille pour
l'ensemble des travailleurs, il n'y aura pas de récidive parce qu'il n'y
aura plus nécessité jamais d'adopter de loi spéciale.
Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: M. le Président, puisque l'on parle
d'éditoriaux, je voudrais commencer mon intervention en vous citant
quelques bribes d'un éditorial de la Tribune qui s'intitule: "Le droit
de violer la loi. Nul n'est autorisé à enfreindre une loi au
mépris de la sécurité du public simplement parce qu'il
estime que les peines à encourir sont trop sévères ou
exagérées. Provoqués, les syndicats sont devenus
provocateurs, et il est difficile de passer l'éponge sur cette attitude
irresponsable, même si la coutume veut qu'après un conflit, tous
les torts soient effacés, tous les gestes déplacés,
oubliés. Eliminer, cependant, tout le passé, c'est tolérer
l'anarchie. Même des préjugés favorables aux travailleurs
ne peuvent être farcis d'une telle philosophie qui ferme les yeux sur des
actes aussi graves. Il faut que les chefs syndicaux apprennent qu'ils ne sont
pas au-dessus de la loi.
La situation n'est pas facile pour le gouvernement Lévesque, qui
se dit l'allié des travailleurs. Qu'il se rappelle que ce n'est pas
devenir l'adversaire de quelqu'un que d'exiger qu'il respecte la loi et le
droit du public à recevoir soins et éducation.
L'honorable ministre annonçait la semaine dernière qu'il
retirait les plaintes en vertu des lois 253 et 23. En somme, avec ces deux lois
il s'agissait d'un grand total au niveau des amendes qui pouvait varier de $9
millions à $50 millions. Si on avait demandé, au lieu de
procéder ainsi, d'amender la loi en minimisant les amendes, on aurait
évité l'injustice présente car, quand les syndicats et les
chefs syndicaux ont pris la décision de défier la loi, ils
savaient ce à quoi ils s'exposaient. Ils ont agi en toute connaissance
de cause. Et du même souffle l'honorable ministre de la Justice
maintenait d'un autre côté les poursuites pour outrage au tribunal
par suite du non-respect des injonctions obtenues en vertu de l'article 99 du
Code du travail.
A l'heure actuelle, neuf syndicats et 31 membres et officiers ont
été condamnés à des amendes totalisant $271 000.
Ces jugements sont présentement en appel. Pourquoi de telles
contradictions et de telles injustices? Dans quelle position intenable
place-t-on les juges qui auront à entendre ces causes en appel? La
solution à tout cela était un amendement à la loi pour
limiter le montant des amendes ou même procéder par voie de
sentences suspendues. Cela aurait tenu lieu d'avertissement aux syndicats et
aux individus qu'il fallait respecter les lois du Québec.
Quand les dispositions d'une loi sont inadéquates, on doit
procéder par amendement devant l'Assemblée nationale et non pas
par déclaration ministérielle. Il s'agit à mon avis d'une
autre intrusion du pouvoir exécutif dans le pouvoir législatif et
même dans le pouvoir judiciaire.
Pour un gouvernement qui se veut transparent et démocratique, on
se pose des questions. Le ministre disait dans sa déclaration qu'il
fallait s'interroger sur les effets sociaux de telles poursuites. Je pense
qu'on peut également s'interroger sur les effets sociaux à venir
de cette décision car cela aura dans l'avenir un effet
d'entraînement à la désobéissance civile.
Le ministre disait également que la ligne de conduite du
gouvernement doit se situer au niveau de l'intérêt
général et de la paix publique. Mais le tollé de
protestations d'à peu près tous les éditorialistes des
journaux de la province montre bien que l'intérêt
général n'a pas été servi par cette
décision. Et je pense bien que, si tous les éditorialistes ont
fait des remarques contraires à celles du ministre, il faut en tenir
compte car eux aussi ils représentent une certaine partie de la
population.
Le ministre a également dit qu'il fallait rétablir un
climat de confiance dans les relations de travail. C'est plutôt un climat
de chantage qui va s'établir à l'avenir dans les relations avec
les syndicats et le gouvernement car ils n'hésiteront plus à
désobéir aux lois.
Messieurs du gouvernement, vous allez être à la solde des
syndicats à l'avenir. Que va faire le gouvernement, le ministre de la
Justice à l'avenir lorsqu'il fera voter des lois et que des individus ou
des syndicats ne les respecteront pas? Dans quelle position sera-t-il
placé pour faire respecter ces lois?
La décision rendue par l'honorable ministre de la Justice
démontre de la part du gouvernement un manque flagrant de concordance
avec des prises de position adoptées précédemment et une
abdication incompréhensible de ses responsabilités.
En tant que porte-parole des affaires juridiques pour l'Union Nationale,
je pense qu'il s'agit d'une volte-face qui fait du pouvoir exécutif le
juge de la légitimité des lois adoptées par
l'Assemblée nationale, alors que notre système
démocratique a toujours confié ce rôle aux tribunaux. Je
m'explique mal le fait que, sous prétexte de vouloir ramener la paix
sociale, le ministre de la Justice déroge au principe du respect de la
loi, alors qu'il n'y a pas si longtemps, dans le dossier de la langue
d'enseignement, le ministre de l'Education, M. Jacques-Yvan Morin, adoptait une
attitude nettement contraire à l'endroit de plusieurs enfants de la
région de Montréal. Le ministre de l'Education a prétendu,
à ce moment, au nom de son gouvernement, que la loi était
là pour être respectée et qu'il n'appartient pas à
l'Etat de surseoir à son application.
Je suis d'avis que cette prise de position du ministre de la Justice est
un signe inquiétant quant à l'impartialité et à
l'indépendance du gouvernement vis-à-vis des groupes de pression
organisés et dont la force peut presser le gouvernement à agir
contre ses responsabilités premières. Il s'agit d'une
décision arbitraire et inexplicable, et on a le droit de se poser la
question suivante: Est-ce là la rançon que le gouvernement a
dû payer pour se hisser au pouvoir?
Des Voix: Ah! Ah! ... C'est cher.
M. Fontaine: Sous le couvert du principe de vouloir ramener la
paix sociale, le ministre de la
Justice décide d'abandonner les poursuites. Alors que des lois
ont été votées en bonne et due forme par
l'Assemblée nationale et le pouvoir législatif, le pouvoir
exécutif décide de renverser des lois qui avaient dûment
été votées par ce Parlement. Qu'est-ce que va faire,
à l'avenir, le gouvernement pour faire respecter les lois du Parlement?
Que fait le gouvernement, face aux injustices causées aux personnes qui
sont déjà condamnées? Qu'adviendra-t-il des plaintes qui
sont en appel? Le gouvernement prouve par son attitude qu'il est à
genoux devant les syndicats.
Pour toutes ces raisons, en tant que citoyen québécois, je
ne puis que répudier la décision du ministre de la Justice et
endosser la motion du chef de l'Opposition officielle. Cette motion, à
mon avis, est tout à fait justifiée et je m'inquiète des
conséquences néfastes, à long terme, de cette
décision. Je m'inquiète du fait que le pouvoir exécutif
s'ingère dans le pouvoir judiciaire. Il s'agit d'un
précédent, et nous nous apercevons que les citoyens du
Québec ne sont pas tous "égal" devant la loi.
Des Voix: Egaux!
M. Fontaine: Je m'excuse. Ils sont pas tous égaux.
M. Bérubé: II y a tellement de professeurs...
M. Bellemare: Demain, avec votre livre blanc, votre poisson
d'avril...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Fontaine: Pourquoi le gouvernement a-t-il abdiqué
devant les syndicats? Est-ce qu'il n'a pas eu le courage de respecter la loi?
Quels sont les engagements que le gouvernement a pris envers les syndicats?
Est-ce qu'il s'agit d'un paiement dû aux syndicats? Quelles sont les
autres raisons que le ministre de la Justice n'a pas invoquées pour
prendre sa décision? Nous pensons que cette décision a
été prise à la légère, sans étudier
en profondeur tous les impacts à venir de ce précédent
dangereux qui a été créé.
Tous les Québécois connaissaient les lois 23 et 253 et
savaient devoir s'y conformer. Je suis passablement déçu de
l'attitude du gouvernement. Celui-ci devrait être plus magnanime à
l'avenir et avoir une plus grande ouverture d'esprit.
Lorsqu'il se trompe ou qu'il fait erreur et qu'il le reconnaît, un
homme se grandit. Je voudrais ici faire quelques suggestions pour que le
gouvernement ne perde pas toute crédibilité face aux
Québécois, pour qu'il garde la confiance de la population du
Québec. Le gouvernement devrait faire preuve de plus d'imagination pour
corriger les problèmes et les lacunes dans les relations de travail. Il
faut s'attaquer aux causes profondes qui ont amené ces lois. Qu'est-ce
qui pressait tant le gouvernement d'agir? Le gouvernement devrait
procéder à une refonte en profondeur du Code du travail le plus
rapidement possible, procéder éga- lement à la
démocratisation des syndicats, voir à organiser un système
de négociations permanentes pour corriger définitivement les
problèmes dans les secteurs public et parapublic, empêcher que les
syndicats ne prennent la population en otage.
La plupart des éditorialistes et des citoyens du Québec
auraient compris que des adoucissements soient imposés dans les amendes
aux travailleurs, même aux officiers ou aux syndicats. Mais le
gouvernement n'aurait pas dû céder au chantage des chefs
syndicaux. J'ai toujours conçu le syndicalisme comme un agent positif de
notre économie, mais il ne faut pas fermer les yeux sur le mal de peur
de susciter une réaction en chaîne qui nuira au gouvernement dans
ses efforts de concertation avec les principaux agents économiques du
Québec. Moi aussi, je veux que le syndicalisme devienne dans les faits
un véritable partenaire économique, mais, pour ce faire, il devra
faire preuve de plus de responsabilités sociales et d'une plus grande
maturité. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le premier ministre. M.
René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): Je ne voudrais pas abuser du temps
de la Chambre; je sais que ce temps s'épuise rapidement, mais il me
semble indiqué, au nom du gouvernement, de dire très rapidement
pourquoi nous voterons contre cette motion, pourquoi, par conséquent,
comme tous ses collègues, je viens dire que nous soutenons unanimement
la décision qu'en conscience elle lui appartenait exclusivement
à titre de procureur général le ministre de la
Justice a prise récemment. A notre avis, tout bien pesé,
c'était, au point de vue de la santé sociale, de la santé
législative et de la santé judiciaire du Québec, la seule
décision qui pouvait être prise de façon cohérente.
Pour étayer cela, très rapidement, je voudrais revenir sur trois
points qui ont été évoqués parfois d'une
façon hyperdramatique au cours de ce débat et qui, tous les
trois, ont été placés dans le débat pour la
première fois, dès le départ, par le chef de l'Opposition
officielle dans son intervention. Premièrement, il y a ce qui concerne
le rôle du Conseil des ministres et, accessoirement, celui des instances
du "PQuiou", comme le dirait le leader de l'Union Nationale; il y a aussi
ce dont on vient, encore une fois, de parler un peu abusivement sans
arrêt la pression ou les diktats des syndicats ou des centrales
syndicales.
Autrement dit, premièrement, le rôle que ces instances ont
pu jouer ou ne pas jouer pour autant qu'on ait pu le constater, qu'on l'ait
vécu. Deuxièmement, ce que le chef de l'Opposition a
appelé la question fondamentale de l'égalité de tous
devant la loi et, troisièmement c'est celle-là qui, je
crois, dois nous préoccuper le plus, si on a un peu le sens de la
perspective et de l'avenir la question du respect de la loi,
c'est-à-dire de ces chances, qu'il faut tout faire pour s'assurer
d'être suivi, d'être obéi, dans une société de
lois qui ne
doit jamais devenir une société d'hommes et de caprices
humains.
Premièrement, en ce qui concerne le rôle du Conseil des
ministres, cela va être très bref. Cela va être encore plus
bref en ce qui concerne les instances du Parti québécois qu'a
évoquées le chef de l'Opposition, et en ce qui concerne les
centrales syndicales, c'est-à-dire tout ce qu'on peut appeler, de
près ou de loin, les possibilités de pressions sur les
décisions du gouvernement.
Du côté des instances du Parti québécois, je
pense qu'on est tous témoins, on l'a vécu, la réponse est
zéro. Il n'y en a pas eu. Je n'ai pas vu l'ombre de la queue du
soupçon. Il faut croire qu'on est devenu un parti assez adulte pour
éviter des choses comme cela. Venant d'aucune instance du Parti
québécois, l'ombre de la queue de la moindre intervention, du
moindre goût de pression sur ce sujet.
Pour ce qui est des centrales syndicales, je n'en ai pas vu non plus. Je
crois que le ministre de la Justice et ses collègues peuvent le
confirmer, on n'a vu nulle part, ni de près ni de loin, ni directement
ni indirectement, de pressions qui venaient. Cela a été
laissé vraiment au jugement du gouvernement, et ce jugement, il a
été exercé comme il se doit, par le ministre de la Justice
exclusivement.
Le Conseil des ministres reconnaît, parce que, quand même,
on vit dans une société où la compréhension de ces
rôles est assez généralisée chez des gens qui sont
politiquement conscients, société où il y a quelqu'un qui
a la prérogative, quand l'organisation se tient, de prendre ces
décisions, que c'est une lourde prérogative, c'est un lourd poids
à porter. Comme on était tous conscients de cette
prérogative, de prendre ou de cesser ou de laisser tomber des
poursuites, qui appartient en exclusivité, comme décision, au
procureur général, il n'a pas été question, ni de
près ni de loin, de prétendre peser là-dessus. Dans toute
la discussion qu'il y a eu forcément, il y a de la discussion, il
y en aura toujours, il est normal qu'il y en ait autour du climat, des
événements et tout ce qui sous-tendait cette décision, il
a toujours été très clair, et quant à moi il sera
toujours très clair, au niveau du Conseil des ministres, que cette
décision était, qu'elle devait demeurer, et qu'elle doit demeurer
celle du ministre de la Justice, au-delà des opinions légitimes
qui ont le droit de s'exprimer.
J'ai entendu, tout à l'heure, par exemple, quelqu'un dire que le
ministre de la Justice avait pu être forcé par le cabinet. Mais
pour cela, il ne faut vraiment avoir jamais vécu dans les cabinets, ou
en tout cas dans un cabinet le moindrement cohérent pour dire une
incohérence comme celle-là. Le ministre de la Justice n'a
été forcé par personne. Le jugement lui appartenait. C'est
une caricature complètement invraisemblable de dire des choses comme
ça. J'ajoute immédiatement, tout de même, que sur le plan
des opinions qui avaient légitimement le droit de s'exercer et qui ont
toujours ce droit, il a toujours été très clair, le long
du chemin, depuis quelques semaines, que l'avis du ministre de la Justice sur
l'opportunité d'annuler les plaintes qui avaient été
portées en vertu des lois 23 et 253 était partagé
unanimement par tous ses collègues.
J'ajouterai aussi, dans la perspective de l'avenir qui en
inquiète beaucoup j'espère que c'est une inquiétude
sincère, parce qu'on entend des mots parfois, c'est normal, dans le
climat de la Chambre, au moment où on s'en va vers les derniers milles,
avant un ajournement saisonnier, quand les émotions se mêlent
aussi, des fois, à un certain goût du théâtre
j'ajouterai, pour ceux que cela intéresse sincèrement cette
préoccupation de l'avenir, que tous ses collègues du gouvernement
ont aussi donné leur approbation, sans la moindre réticence, au
projet de refonte en profondeur, on peut dire quasiment de A jusqu'à Z,
de la législation en vertu de laquelle ces plaintes avaient
été portées, ce qui, à notre humble avis, enlevait
à cette législation, sa raison d'être, et par voie de
conséquence, dans le climat social où nous vivons, toutes leurs
raisons d'être à cette accumulation invraisemblable, caricaturale
de plaintes qui avaient été portées dans un climat
surchauffé.
Vous savez, Mme le Président, que même si ce climat dont je
parle est encore relativement récent, cela peut justifier ou, en tout
cas, expliquer des accents passionnés, comme ceux qu'on a entendus,
depuis quelque temps.
Ce n'est pas nouveau, malgré cela, nulle part, et cela a
été vrai de tout temps, ce jugement, qui est extrêmement
délicat à exercer, de celui qui a la prérogative de porter
ou de retirer des plaintes, de faire ou de ne pas faire s'exercer le poids de
la loi. Ce privilège, qui peut prendre la forme du droit de grâce,
de l'amnistie, etc., de tout temps, même si cela est un jugement
extrêmement délicat, a été reconnu comme une chose
légitime selon les circonstances, selon, justement, comment ce jugement
paraît devoir s'exercer.
Je pourrais donner des exemples, sans entrer dans l'exotisme, qui sont
récents et que tout le monde connaît. Il y a des choses bien plus
graves que ce dont on discute et qui ont amené, peu à peu, parce
qu'il y avait un besoin de réconciliation collective, parce qu'il y
avait un besoin de nouveau départ, des recours à ce même
genre de jugement qu'a exercé le ministre sur un truc qui nous affecte
à court terme. Je pense à la guerre du Vietnam; aux Etats-Unis,
il y a une loi du service national, il y a une loi de la conscription. Il y en
a qui lui ont échappé et ils sont devenus des déserteurs.
Il n'y a pas de marque plus infamante dans les pays qui ont l'habitude de ces
choses comme le service militaire et, malheureusement, l'habitude des guerres.
Pourtant, on voit que peu à peu on s'en va, étape par
étape, prudemment vers l'amnistie qui va être totale,
éventuellement. Quand on prétend maintenir des lois inapplicables
dans le contexte social, politique, peu importe, où on a prétendu
les injecter de force et qu'on prétend, pendant un bout de temps, les
imposer, on sait ce qui se passe.
Pour revenir chez nos amis américains, on sait que, pendant des
années, on a essayé d'appliquer
la loi de la prohibition. On sait ce qui leur est arrivé. Ils ont
sombré dans le ridicule et dans l'illégalité collective,
qui était devenue une espèce de pratique nationale. On a eu, ici,
une certaine loi du cadenas, pendant trop longtemps, pour rappeler des
souvenirs que le député de Johnson n'a certainement pas
oubliés. Elle aussi, elle avait fait plus que son temps quand elle a
fini par disparaître.
C'est simplement pour souligner que ce rôle de l'amnistie, de
l'élimination des lois qui, en soi, sont poisons dans une
société, cela n'a pas été inventé par le
ministre de la Justice d'aujourd'hui. C'est un jugement extrêmement
délicat à exercer. Il y a une question de moment, aussi, mais
c'est quand même une chose qui ne demande pas qu'on délire en
imaginant que ce sont des précédents historiques ou
cosmiques.
De toute façon, le point sur lequel je voulais appuyer et
je crois qu'il était de mon devoir de la faire c'est le
rôle absolument légitime et très bien circonscrit qu'a
exercé autour du ministre de la Justice, face à cette
décision difficile, l'ensemble de ses collègues.
Deuxièmement, il y a aussi, dans des cas pareils, certaines dimensions
qu'il faut peser et qu'il faut peser avec beaucoup de soin parce que cela peut
affecter l'équilibre social. Le chef de l'Opposition en a
évoqué deux dans le discours qu'il a fait à l'appui de sa
motion. D'abord, la notion d'égalité devant la loi. Et c'est vrai
que c'est fondamental. S'il n'y a pas d'égalité devant la loi, on
n'a plus un régime de lois, on a un régime d'arbitraire humain.
Seulement, il faudrait tout de même s'entendre sur ce que cela doit
vouloir dire sérieusement, l'égalité devant la loi.
Dans des cas qui affectent un grand nombre de gens, comme des lois du
genre de celles dont on discute, les lois 23 et 253, qui sont je parle
en profane ce qu'on peut appeler du droit collectif, c'est-à-dire
qui peuvent englober un grand nombre de citoyens d'un seul coup, il me semble
que l'égalité, au sens arithmétique pas mal étroit
qu'évoquait le chef de l'Opposition, cela ne tient pas debout, cela ne
s'applique pas et cela ne s'appliquera jamais. Le concept de
l'égalité devant la loi n'a rien à voir dans ces
cas-là avec les poursuites qui peuvent être intentées ou ne
pas être intentées ou retirées au besoin parce que
ni surtout avec le sort que peuvent connaître éventuellement ces
poursuites on tomberait dans l'absurde.
La notion d'égalité devant la loi, tel que
prétendait évoquer le chef de l'Opposition et qui sous-tend
certaines des argumentations qu'on a entendues, il est clair que jamais, dans
des cas comme la loi 23 ou la loi 253, cela ne pourrait s'appliquer concernant
des gens, individus ou organismes, dans ce cas des syndicats, qui sont
poursuivis ou qui ne le sont pas, parce qu'avec l'optique qu'évoquait le
chef de l'Opposition dans certaines de ses envolées aujourd'hui, il
aurait fallu, si je comprends bien sa logique, que tous et chacun des gens qui
étaient impliqués ou des organismes qui étaient
impliqués, sans la moindre exception, tous et chacun soient poursuivis,
puisqu'ils avaient tous commis la même infraction à ces lois.
Alors ce n'est jamais arrivé, ce n'est pas arrivé dans ce
cas, cela n'arrivera jamais.
Dans des domaines de droit statutaire comme cela, ce n'est pas fait pour
arriver non plus; il n'y a aucune pratique nulle part qui peut sous-tendre, je
veux dire qui peut étayer une logique comme celle-là. Alors, le
concept d'égalité devant la loi, je ne vois pas comment il peut
prétendre s'appliquer. Ce qui est important et fondamental, tout le
monde est revenu là-dessus beaucoup, je pense, c'est le respect de la
loi, c'est-à-dire par rapport à l'avenir, nous on a encore
quelques années probablement de ce côté-ci de la Chambre,
puis je n'ai pas besoin de dire qu'on y pense comment est-ce qu'on peut
arriver, pour reprendre des termes que le député de Beauce-Sud
employait tout à l'heure, à une société où
la loi nous aide à avoir des institutions stables, je pense que je cite
mot à mot, où la loi nous aide à avoir la dignité,
la paix et le respect mutuel, et aussi, en commençant, et là il
parlait de l'Etat, je pense, et de l'administration des lois, à ce
niveau, par se respecter soi-même.
Autrement dit, comment la loi peut-elle faire dans une
société comme la nôtre ces années-ci, pour
être elle-même respectable, parce que si elle veut être
respectée, il faut qu'elle soit respectable. Est-ce que c'est à
grand coup de sanctions de plus en plus exorbitantes qu'on obtient le respect
des lois? Et surtout dans un climat surchauffé, en plein coeur de
circonstances exceptionnelles, au moment où on ne consulte même
pas les intéressés et là je cite des faits, des
faits assez récents pour que personne n'en ait perdu le souvenir
et dans un climat social qui de toute façon est mouvant puis toujours
porté à être instable dans la société
d'aujourd'hui, est-ce que c'est avec tous ces facteurs et à coups de
sanctions exorbitantes qu'on va arriver à établir ou à
renchausser, parce qu'il y en a sérieusement besoin, le respect de la
loi ou des lois? Il me semble que la réponse, la triste
expérience du gouvernement précédent nous la fournit, puis
elle est catégorique. La réponse, c'est non. Ce n'est pas comme
cela qu'on va y arriver. Les exemples que le ministre de la Justice donnait
tout à l'heure sur l'application de ces lois qui ont accompagné
ce climat, je pense qu'ils sont suffisamment probants pour que je n'aie pas
besoin de les répéter, parce que tout le monde a
été frappé par ces exemples-là: les services
essentiels, treize employés là où en temps normal, quand
ce n'est pas essentiel, il y en a onze ou dix.
Tous ces facteurs, est-ce que c'est comme cela? Sanctions à
l'appui, en grossissant sans arrêt d'une fois que cela ne marche pas
à l'autre fois où on dit que cela va peut-être marcher
cette fois, en grossissant sans arrêt le bâton des sanctions de la
loi. Est-ce que c'est comme cela qu'on va revenir à ce respect, à
cette stabilité des institutions, à cette dignité, etc.
qu'évoquait le député de Beauce-Sud?
Moi, je dis que la réponse absolument indiscutable, c'est
non.
La loi, pour être bonne, pour être respectée dans le
domaine qu'on discute, dans ce domaine-là, en particulier, il me semble
qu'elle doit cher-
cher à être apaisante. Elle doit chercher à
être équitable au point où les gens s'en rendent compte en
partant, ce qui implique aussi qu'elle soit adoptée au bon moment et non
pas quand le climat est tout démantibulé.
Je pourrais citer, on me le montrait tout à l'heure, un rapport
des commissaires aux différends scolaires, par exemple. J'en prendrai
juste un paragraphe à propos de ce climat dans lequel la loi doit venir.
Cela est une question de prévision pour des gouvernements. Si on tombe
dans le manque de prévision, le manque de perspective qui a
marqué les dernières années de nos
prédécesseurs, on aura droit aux mêmes critiques.
Pendant la période que nous vivons actuellement on essaie d'y
penser d'une façon prospective, et prospective à court terme. Il
va falloir faire quelque chose et on sait qu'il y aura d'autres
échéances à venir.
Pour illustrer le climat dans lequel, par exemple, la loi 23 est
arrivée, je cite simplement ce paragraphe qui était le rapport
dont tout le monde se souvient, peut-être mieux encore de l'autre
côté de la Chambre que de ce côté-ci, des trois
commissaires aux différends scolaires, qui étaient au pire moment
du conflit: MM. Poirier, Aimé Naud et Alex Paterson et qui disait ceci,
par exemple: Les commissaires ne s'expliquent pas les délais excessifs
qu'ont pris les autorités gouvernementales et patronales l es
commissions scolaires à accepter et à mettre en
exécution le versement des 17% réclamés par eux et par
plusieurs organismes.
Si le versement des 17% je sais qu'il y a des augmentations
statutaires pour les députés, je sais que cela en
intéresse beaucoup, c'est un damné problème, et je sais
que c'est bien important 17% de plus, 17% de moins, c'est important pour les
gens qui étaient impliqués aussi n'a pas eu tout l'effet
positif escompté ou a contribué tardivement à assainir le
climat, la responsabilité en incombe largement aux autorités
gouvernementales et à leurs partenaires. Autrement dit, si la loi, au
lieu d'être apaisante, arrive au moment où on a fait, on dirait,
un effort provocateur dans le climat pour littéralement le corrompre, ce
climat, au maximum, pour donner des raisons justifiées à un
ensemble de citoyens de se sentir brimés, de se sentir traités
comme ce n'est pas permis de traiter le monde, et qu'on prétend ensuite,
avec un gros bâton, que la loi va régler cela, à ce
moment-là le législateur lui-même est responsable. Il est
provocateur. Consciemment ou inconsciemment, ce qu'il fait, c'est de la
législation antiproductive. C'est tellement vrai qu'il y a un
très grand auteur je suis sûr que parmi les maîtres
du Barreau qu'il y a dans divers coins de cette Chambre, on découvrira
celui dont il s'agit, car moi je me souviens de la phrase et pas de celui qui
l'a dite qu'on va reconnaître, un grand auteur expert en loi qui a
dit que dans des contextes comme cela, "the law is an ass", la loi devient
stupide comme un bourricot. Autrement dit, on fait des lois idiotes.
M. Morin (Sauvé): Mr Pickwick.
M. Lévesque: On reviendra à Dickens. The law is an
ass. C'est ce qui est arrivé. La loi 23 c'était "an ass". Dans le
contexte social il n'y avait pas d'autre façon de la qualifier.
C'est là-dedans que l'on s'enfonçait depuis quelques
années au moins, dans ce genre de climat de plus en plus buté,
à tel point et là je parle de choses très
récentes que dans le domaine que nous discutons à propos
de la décision du ministre de la Justice, le Parti libéral,
à l'automne de 1976, était tout proche de ce qu'on peut appeler
la conscription dans le domaine du travail. Il ne faudrait tout de même
pas perdre la mémoire.
J'admire la sollicitude avec laquelle nos amis libéraux se
préoccupent en ce moment du pouvoir judiciaire. L'ex-ministre des
Affaires sociales parlait souvent, à ce moment-là, d'un nouveau
contrat social. Or, rendu à ce point-là dans le domaine de la
paix sociale, le nouveau contrat social que le parti libéral
présentait, cela s'appelait, dans ce domaine-là, la
réquisition. Le chef de l'Opposition se souvient-il de la
réquisition dont parlait M. Bourassa? Moi, je me souviens d'un
débat à CKAC auquel j'ai participé et où, tout
à coup, est apparue cette réquisition. Je me demandais si on
revenait à la guerre de 1914 ou à celle de 1939-1945.
On se préoccupe en ce moment du pouvoir judiciaire. On a une
très grande sollicitude pour laisser filer tout ce qui peut se passer
devant les tribunaux, mais, à ce moment-là, on était rendu
au point où on voulait court-circuiter les tribunaux. On les trouvait
extraordinairement lourds, ex-traordinairement lents et on avait besoin de
pouvoirs. On disait, en tout cas, en pleine campagne électorale, en
demandant un renouvellement de mandat, qu'on était au point où il
fallait des pouvoirs de réquisition sur les travailleurs du
Québec, parce qu'on ne pouvait même plus employer convenablement
les tribunaux.
Nous, on voudrait revenir justement au respect des tribunaux en
commençant par le respect des lois qu'ils ont à appliquer, parce
que c'était ça en puissance, le climat que nos amis
libéraux nous ont laissé à la fin de 1976. C'est à
ça que des lois comme la loi 23 et, à cause de son moment et de
son côté exorbitant, la loi 253 aussi nous menaient,
c'est-à-dire dans la direction catastrophique d'une espèce de
cul-de-sac social.
Nous, on a décidé on l'avait dit avant même
d'être élus et je ne vois pas pourquoi on ne le pratiquerait pas,
et la décision du ministre de la Justice fait partie de cette
perspective d'essayer, en tout cas, de repartir à neuf, d'essayer
de changer ce climat. Si on veut restaurer ce fameux respect des lois, il faut
aussi et je pense que toute la Chambre devrait en être consciente,
des deux, des trois ou des quatre côtés, si on veut que les
auteurs des lois eux-mêmes se fassent respecter, parce que c'est
là que ça commence. Qui fait la loi? Dans un sens, on peut dire
à propos des lois: Dis-moi qui t'a fait et je te dirai ce que j'en
pense. Cela, c'est le Parlement. Ce qu'il faut et ça, c'est
à la source de tout le mal et de tout le bien possible aussi, si on
réussit à changer la direction c'est redonner d'abord au
Parlement... On
se gargarise souvent sur le rôle de législateur du
parlementaire et c'est pourtant son rôle ou, en tout cas, l'un de ses
rôles essentiels. Le rôle de législateur, c'est celui du
faiseur de lois. Si on ne redonne pas au Parlement, comme faiseur de lois,
l'autorité morale sur laquelle il doit s'appuyer pour être
respecté et qu'il a perdue de bien des façons, en particulier
dans l'escalade des lois spéciales et des gros bâtons de ces
dernières années, on parle pour ne rien dire.
M. Lavoie: Je m'excuse, M. le premier ministre, mais, comme on
connaît votre non-respect, en général, de votre droit de
parole lorsque vous vous baladez un peu partout, ou dans vos
conférences, nous étions d'ailleurs sur les mêmes tribunes
déjà...
M. Burns: Un peu de décence!
M. Lavoie: Le premier ministre avait droit à 20 minutes et
il parle déjà depuis près de 25 minutes. C'est seulement
une mise au point pour dire au président d'inviter le premier ministre
à mettre fin à son intervention, sans s'énerver, M. le
député de Maisonneuve.
M. Burns: Je ne m'énerve pas.
Le Vice-Président: Messieurs, à l'ordre, s'il vous
plaît! Je pense que les membres de cette Assemblée comprendront
que, même si la présidence est impartiale, il est toujours peu
facile...
M. Lavoie: Même si!
Le Vice-Président: Oui, même si! Oui, même si
je le répète, M. le leader du gouvernement. Il est toujours peu
facile d'interrompre un premier ministre, ne serait-ce que par une politesse
traditionnelle. J'attendais, d'ailleurs, justement, que le leader de
l'Opposition se lève sur cette question de règlement. Je dis tout
de suite, pour prévenir ce qui pourrait arriver, maintenant qu'il est
onze heures passées, que j'espère que les membres de cette
Assemblée ne soulèveront pas de questions de règlements.
S'ils en soulèvent, je vais les recevoir. Je demanderais donc au premier
ministre de conclure le plus brièvement possible.
M. Burns: Elles peuvent être soulevées des deux
bords.
M. Lévesque (Taillon): La leçon était
méritée, je vais finir le plus vite possible. D'ailleurs,
j'achevais. Je disais il me semble que c'est le fond de la question, on
peut conclure rapidement ce qu'il faut, si on veut le respect des lois,
peut-être comme point de départ, et cela, on peut tous le
pratiquer ensemble, c'est de redonner au Parlement ce qu'il a
sérieusement perdu depuis quelques années, comme
législateurs: l'autorité morale dont il a besoin. L'escalade, en
particulier, de lois spéciales de plus en plus sévères,
avec des sanctions de plus en plus lourdes et de plus en plus inapplicables. Le
respect de la loi commence par celui du législateur, dans
l'équilibre nécessaire d'une société
civilisée. Ce n'est pas le poids des sanctions. Il y a même des
Parlements, quand il s'agit de retour forcé au travail et on n'a
pas besoin d'aller chercher très loin où la tradition est
de ne pas mettre même de sanctions de ce genre parce qu'on compte sur le
fait que c'est l'autorité morale d'un ordre du Parlement élu par
l'ensemble de la population qui va amener la solution, et non pas la grosseur
du bâton. Autrement, on fait une terrible erreur de perspectives et on
finit par inviter non pas au respect de la loi, mais à la
désobéissance. Autrement, cela finit par donner très vite
l'impression que l'ordre, le fameux ordre avec un "O " majuscule, peut se
passer de la Justice ou, en tout cas, donner aux gens le sentiment qu'il se
passe de la Justice, ce qui fait que l'on aboutit des fois à n'avoir ni
l'un ni l'autre, ni l'ordre ni la justice. Si on veut l'ordre social et la paix
sociale, il faut que ce soit l'ordre et la paix "dans" la justice. Pour
abréger, je finis pour vrai, je dirais que jusqu'ici on n'est pas
arrivé à cela dans le domaine des services essentiels, dans le
domaine des relations de travail. Depuis que j'étais ici, dans le
Parlement, avec quelques autres, dont le chef de l'Opposition, au moment
où, en 1964, il y a douze ans, on a changé le contexte des
relations de travail dans le secteur public et parapublic en introduisant le
droit de grève, et en disant tous unanimement, à ce
moment-là, il y a douze ans, que ce serait un test de la maturité
de notre société, le test, on l'a raté jusqu'ici.
Admettons que l'expérience des quelques dernières années
donne l'impression que le Parlement a fait sa large part pour le rater, ce
test. Ici même, le test a été manqué. Ce qui fait
que cette maturité dont on a besoin et qui va sous-tendre la bonne
direction qu'on va prendre, sinon il n'y en aura pas, de bonne direction, ce
qui fait qu'on n'arriverait sûrement pas à rétablir notre
climat, à introduire là-dedans un nouveau respect de la loi, on
n'y serait sûrement jamais arrivés si on avait continué
à s'enfoncer dans le maquis que des pratiques de ces dernières
années et que les textes que la décision du ministre de la
Justice vient, et c'est plus que le temps, de rendre à toutes fins
utiles inopérants. Si tout cela avait continué, cela
menaçait de nous enfoncer irrémédiablement dans ce que
déplore aujourd'hui si facilement un des auteurs du climat dont il faut
sortir, c'est-à-dire le chef de l'Opposition.
Le Vice-Président: Avant de donner la parole au
député de Mont-Royal, je souligne qu'il est 23 heures
passé, qu'il est peut-être difficile de conjuguer les dispositions
de l'article 24 avec celles de l'article 174. Nous devons ce soir participer
à ce que nous appelons un mini-débat. Je demanderais aux membres
de cette Assemblée un consentement unanime pour continuer ce
débat sur la motion du chef de l'Opposition officielle en vertu de
l'article 24 avant de poursuivre ces travaux. Y a-t-il consentement?
M. Roy: M. le Président, est-ce que le consen-
tement consisterait également à ce que le minidébat
en vertu de l'article 174 puisse avoir lieu tel qu'il a été
annoncé ici, à six heures ce soir?
Le Vice-Président: Justement, M. le député
de Beauce-Sud, j'ai mentionné que je voulais conjuguer, pour autant que
c'est possible, les dispositions des articles 24 et 174, ce qui laisse supposer
que, s'il y a consentement, j'en conclurai que l'on terminera ce débat
et qu'immédiatement après l'ajournement sera suspendu pour dix
minutes pour permettre le mini-débat demandé par le
député de Beauce-Sud.
M. Burns: M. le Président, je suis d'accord au nom du
parti ministériel pour donner mon consentement. Je ne voudrais quand
même pas qu'on continue à jaser de cela jusqu'à trois
heures du matin.
Je présume qu'il reste, selon le minutage déjà
prévu... D'accord, à ce moment, il y a consentement, M. le
Président. Il y a également consentement au député
de Beauce-Sud pour que, par la suite, il puisse faire son mini-débat en
vertu de l'article 174.
Le Vice-Président: Si on me permet, quant à
l'Opposition officielle, d'après le minutage fait, il lui resterait 16
minutes. Je rappellerai cependant que la réplique est prioritaire. Je ne
sais pas si au sein du parti il y a une entente à ce sujet mais, comme
un député a droit de parole pendant 20 minutes, je ne voudrais
pas donner un droit de parole qui empêcherait la réplique.
M. Lavoie: II reste une entente globale de 16 minutes, on va
s'arranger avec cela même si on aurait le goût de blâmer le
gouvernement, comme l'a dit son leader, jusqu'à trois heures du
matin.
Le Vice-Président: A l'ordre, M. le leader de l'Opposition
officielle. Je donne, en toute sérénité et voulant
conserver tous les privilèges à tous les membres de cette
Assemblée, le droit de parole au député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Malgré les
tentatives du ministre de la Justice de rationaliser sa décision et
malgré l'appui du premier ministre, le fait reste que le geste du
ministre de la Justice affecte les principes fondamentaux de notre
société démocratique. On peut essayer d'expliquer les
principes du respect de la loi, mais dans le public le geste du ministre de la
Justice sera interprété comme un encouragement à la
désobéissance civile. C'est un commencement de l'érosion
de notre démocratie.
Puis-je rappeler au ministre qu'il a eu des déclarations de
certains chefs syndicaux selon lesquelles ils voulaient détruire, ils
voulaient changer notre ordre social et non pas par le processus
démocratique? Alors, le geste du ministre de la Justice va être
interprété à la lumière des déclarations des
chefs syndicaux. On essaie de parler de l'égalité de tous les
citoyens et de trouver les situations dans lesquelles cela ne s'applique pas
dans le cas présent; je crois que ce principe, aux yeux du public,
s'applique spécifiquement. Il n'y a pas de changement, il n'y a pas de
différence, il n'y a pas d'exception pour les individus ni pour les
groupes. Je voudrais rappeler au ministre de la Justice que c'est un principe
tellement important dans tous les pays démocratiques que le chef d'Etat
dans le pays démocratique le plus puissant au monde a été
obligé de démissionner parce qu'il ne respectait pas ce principe.
Il faut y penser et il ne faut pas essayer de détruire ces principes qui
sont à la base de notre société.
Quand il y a eu une question sur la loi linguistique, le gouvernement a
répondu: Cela va être une loi qui aura des dents. J'espère
que les propos du premier ministre seront rappelés et viendront au sujet
de cette loi et que vous y penserez si, à la suite de votre loi
linguistique, il y a certaines sections de la population qui vont s'inspirer
plutôt du geste du ministre de la Justice aujourd'hui que des dents dans
cette loi.
M. Marchand: M. le Président, j'invoque le
règlement. Je voudrais souligner la grande évasion qui vient
d'avoir lieu de la part du parti séparatiste. La Chambre est vide des
membres du parti séparatiste.
Le Vice-Président: M. le député de Laurier,
est-ce que vous invoquez qu'il n'y a pas quorum?
M. Marchand: Non, je pense qu'il y a quorum, je m'excuse.
Le Vice-Président: II n'y a pas de question de
règlement.
M. le député... A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Mont-Royal.
M. Marchand: Le Parti libéral est là pour tenir le
quorum.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
A l'ordre, M. le ministre des Transports. A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Laurier, M. le ministre des Transports,
s'il vous plaît! Veuillez collaborer et ne pas empêcher le
député de Mont-Royal de terminer son exposé pour ensuite
avoir la réplique. Je vous en prie, mesdames et messieurs!
M. Ciaccia: Mr President, the acts of the minister of Justice
leave one to question if this government understands the democratic process. I
would like to quote from an authority on constitutional law, an authority that
was often cited by the present minister of Education on the rule of law. I hope
that the minister of Justice has heard of this particular aspect of our
constitution. At page 285, Mr Dicey, who is an authority on constitutional law,
defines it, saying: "It means in the first place the absolute supremacy or
predominance of regular law as a opposed to the influence of arbitrary
power and excludes the existence of arbitrariness, of prerogative or even of
wide discretionary authority on the part of the government. '
And I would like to remind to minister of Justice that we had, in a
different era of our political history, governments which operated in this
manner of giving privileges to certain partisans, granting favours and
whithholding their favours from others. It was the Premier of this province who
led the fight against that kind of a practice from some very dark political
days of our history.
I would like to remind him of his principles and suggest to him that
perhaps his minister of Justice should apply those principles today. For these
reasons, we must seriously censure the minister of Justice for his unacceptable
and reprehensible behaviour. Although the Premier has brought the prestige of
his personality and of his office to the defence of the minister of Justice,
this does not change the fact and does not change his act.
Pour ces raisons, M. le Président, nous devons appuyer la motion
du chef de l'Opposition.
Le Vice-Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, en rappelant quand même qu'avec beaucoup, non pas
de largesses, mais enfin, presque de largesse, je puis peut-être enlever
le temps du vote du temps du débat, mais quand même, à ce
moment, le débat devrait se terminer dans environ douze minutes et
trente secondes, y compris la réplique.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: Merci, M. le Président.
Si je me lève sur cette question, c'est que je crois que le
ministre de la Justice a mis en danger la fonction même de ministre de la
Justice au Québec, par sa décision. Mal informé
j'espère qu'il n'était pas en otage le ministre de la
Justice a prostitué sa fonction, et cela les citoyens ne l'ont pas
accepté. Le chef de l'Opposition officielle a exprimé, en long et
en large, je pense, de façon assez complète, toutes les notions
importantes qui sont mises en cause dans la décision du ministre de la
Justice: l'égalité des citoyens devant la loi, l'aspect
discriminatoire de sa décision. Je ne reprendrai pas cela devant le vent
de changement, toutefois, qui inspire le gouvernement, actuellement.
Ce n'est pas anormal, un nouveau gouvernement doit être
inspiré de cette façon. Toutefois, ceux qui, au Québec,
croient à notre démocratie regardent le ministre de la Justice et
comptent sur lui pour protéger l'essentiel. L'essentiel, dans la
démocratie, c'est l'institution sacrée qu'est la loi.
Or, la loi n'est pas l'affaire du ministre de la Justice, ce n'est pas
sa possession qu'il peut triturer, effacer, changer à sa guise. Lui, le
ministre de la Justice, est le serviteur de la loi. La loi est plus importante
que la fonction de ministre de la Jus- tice. L'institution démocratique
par excellence, ce n'est même pas cette Assemblée, c'est la loi
qui est adoptée par cette Assemblée et que le gouvernement, comme
serviteur de la population et de la loi, doit appliquer. Sans elle, c'est
l'anarchie, le caprice du prince, l'arbitraire et tout ce qui s'ensuit, y
compris, naturellement, le pouvoir policier. Dans un tel régime, le
ministre de la Justice devient un pantin, une marionnette du pouvoir.
Ce qui m'a le plus inquiété, depuis la décision du
ministre de la Justice, c'est justement la justification qu'il en a faite ce
soir et qui a été reprise, en grande partie, par le premier
ministre tantôt. Pour justifier sa décision, le ministre de la
Justice a mentionné des raisons politiques: la négligence de
l'ancien gouvernement, dit-il, la confrontation qui existait entre les divers
secteurs de la population, le climat social d'alors, etc. Il a avoué que
sa décision est inspirée, en grande partie, de critères
politiques. Lorsque le ministre de la Justice devient le bras politique d'un
régime, tous les abus sont possibles. La loi devient alors l'instrument
politique du pouvoir et, justement, devient le caprice du prince.
La justification que le ministre de la Justice a faite sur le plan
juridique, est des plus faibles, des plus embrumées. Je lui avais
posé une question, hier: Quelles sont les instructions qu'il aurait
données ou qu'il aurait l'intention de donner à ses
fonctionnaires pour obtenir des cours le retrait des plaintes? Le ministre de
la Justice sait très bien qu'on ne peut pas recourir, en matière
pénale, au nolle prosequi qui appartient au domaine criminel. On doit
obtenir, du juge, le retrait des plaintes, donc, invoquer une raison
quelconque.
Dans sa justification, lorsqu'il invoque l'article 4 de la Loi du
ministère de la Justice, le ministre de la Justice, je le regrette, fait
montre d'une ignorance qui tout à fait inacceptable pour un ministre de
la Justice. Il a mentionné que le ministre a le droit de diriger et de
régler les poursuites. Or, tout le monde sait que l'article 4, lorsqu'il
parle de régler les poursuites, ne réfère qu'à des
matières civiles. On ne règle pas de poursuites devant les cours
criminelles ou les cours pénales.
Il m'a promis, hier, une réponse à cette
question-là. Je ne l'ai pas eue. Il n'a pas dit s'il avait
invoqué l'insuffisance de preuve. D'ailleurs, il avait été
bien averti par le chef de l'Opposition officielle sur cette question.
Insuffisance de preuve, il ne faut quand même pas mentir aux cours. Cela
peut arriver dans quelques causes, sur plusieurs centaines ou plusieurs
milliers mais, de façon générale, je pense que le ministre
de la Justice est averti sur cette question.
Je voterai en faveur de cette motion. Le ministre de la Justice, depuis
quelques mois, a fait trop souvent preuve de faiblesse et d'une confusion entre
sa fonction de ministre de la Justice et celle d'être membre d'un parti
ou d'un gouvernement. Je souhaite qu'à la suite des erreurs qu'il a
faites, il s'ouvrira les yeux, se rendra compte que sa fonction doit être
et demeurer indépendante de considérations politiques et de
considérations partisanes, que son devoir est d'appliquer la loi, non
pas
de façon partisane, mais en reconnaissant que la loi est son
maître, que si la loi ne lui plaît pas, et je me
réfère aux propos du premier ministre aussi: Si la loi ne leur
plaît pas, qu'ils la changent et qu'ils passent par le processus
démocratique que cette Assemblée représente. Ils doivent
alors en aviser le gouvernement et recommander les changements
désirables, mais toujours en suivant le processus démocratique de
cette Assemblée.
Le ministre de la Justice pas plus qu'un simple citoyen n'a le droit de
prendre dans ses mains la justice. Qu'il soit le serviteur de la loi, et la
justice sociale sera assurée. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: La réplique est
évidemment accordée au chef de l'Opposition officielle. Je
rappelle cependant que, suite à l'entente et à la latitude de la
présidence, il reste cinq minutes.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais
à ce moment-ci remercier mes collègues du Parti libéral,
les autres collègues des autres partis de l'Opposition, pour la
contribution très positive qu'ils ont apportée à ce
débat. Je suis heureux de constater que cette motion de blâme ait
été appuyée aussi collectivement, aussi
généralement et aussi unanimement par tous les partis de
l'Opposition. Je regrette que le ministre de la Justice n'ait pas jugé
à propos, suite à l'appel que je lui lançais en fin
d'après-midi, de modifier la décision qu'il avait prise.
Je crois que c'est là une erreur que le gouvernement aura
à porter, non seulement le ministre de la Justice, le premier ministre
ayant impliqué l'ensemble du gouvernement. Lorsque le premier ministre
parle de jugement du gouvernement, de discussion au Conseil des ministres,
d'unanimité, il implique l'ensemble du gouvernement et il laisse
entendre que ce n'est pas dans la plus grande solitude que le ministre de la
Justice a pris cette décision.
M. le Président, je tiens à rappeler également
à cette Chambre que la façon normale de procéder,
lorsqu'un gouvernement n'est pas satisfait d'une loi, c'est de revenir à
l'Assemblée nationale soit pour en demander le rappel ou pour
suggérer des modifications, des amendements ou encore pour proposer une
nouvelle loi. Dans aucun cas, ce procédé n'a été
entrepris et, d'après le discours inaugural, n'est même pas
envisagé. M. le Président, nous avons eu, comme réponse
à cette motion de blâme, une réponse politique et
partisane. Nous n'avons eu aucune réponse qui puisse nous rassurer ni
sur le plan juridique, ni sur le plan constitutionnel, ni simplement sur le
plan humai... Nous avons eu seulement du vocabulaire à la Parti
québécois. Nous avons eu cette danse d'arguments qui n'en
étaient pas, de faux arguments qui ne nous ont sûrement pas
rassurés quant à l'avenir de la justice au Québec et
à la façon dont on doit ou ne doit pas respecter les lois de la
province.
Nous aurions pu nous-mêmes, M. le Président, nous
référant aux événements de 1976, fort bien utiliser
ce même genre d'argument et de demander au Parti québécois
où il se nourrissait au moment où nous, nous devions faire face
à la crise qui existait à ce moment-là dans la province de
Québec, crise qui affectait nos écoliers, crise qui affectait nos
malades.
Où étaient-ils ces gens-là sinon qu'ils se
nourrissaient dans l'illégalité? M. le Président, une fois
qu'ils ont eu assouvi leur faim, ils sont arrivés au pouvoir et, rendus
au pouvoir, ils n'ont fait que prouver qu'ils avaient des dettes à
rembourser.
M. le Président, je regrette encore une fois cette situation et
c'est à regret, sur le plan personnel, que j'ai eu à attaquer mon
bon ami le député de Chicoutimi. Mais la province entière,
j'en suis convaincu ce soir, du moins dans son immense majorité, ne peut
pas souscrire à une telle décision du ministre de la Justice.
C'est à regret, mais encore dans le sens du devoir, que je propose
à cette Chambre de voter en faveur de cette motion de censure.
Le Vice-Président: Je remercie M. le chef de l'Opposition
de sa collaboration. J'aurais manifesté envers lui le même respect
qu'envers le premier ministre s'il avait légèrement
excédé son temps. En vertu de l'article 24, cette motion n'est
pas susceptible d'amendement et le débat qu'elle provoque "se termine un
quart d'heure avant l'ajournement de la séance mais, de consentement,
nous avons continué. Que la motion soit mise aux voix. Cette motion est
donc mise aux voix. Cette motion est-elle adoptée?
M. Burns: Vote enregistré. M. Lavoie:
Adopté.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce qu'on pourrait, même à cette heure, attendre que la
présidence demande si cette motion sera adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
M. Burns: M. le Président, cette motion n'est
sûrement pas adoptée. Maintenant, je suis prêt à
éviter à cette Chambre le vote enregistré, si
j'étais capable de mémoire d'inscrire toutes les dissidences qui
se trouvent de ce côté-ci. Malgré tout, je pense qu'on peut
rapidement prendre un vote enregistré pour permettre au
député de Beauce-Sud de passer à son mini-débat. Je
demande ce vote enregistré, M. le Président.
Le Vice-Président: Qu'on appelle les
députés!
Vote sur la motion
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Laurier, pas de cigarette. A l'ordre, s'il vous
plaît! Cette motion sera mise immédiatement aux voix.
Que celles et ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie,
Lalonde, Garneau, Mailloux, Goldbloom, Larivière, Saint-Germain,
Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia,
Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron, Bellemare,
Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Shaw, Cordeau, Samson, Roy.
Le Vice-Président: Que celles et ceux qui sont contre
cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Burns, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Marois, Couture, Tremblay,
Bérubé, Duhaime, Mme Ouellette, M. de Belleval, Mme Payette, MM.
Lessard, Proulx, Garon, Tardif, Grégoire, Chevrette, Michaud, Paquette,
Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Alfred, Martel, Fallu, Mme Leblanc,
MM. Bertrand, Godin, Johnson, Laplante, Bisaillon, de Bel-lefeuille, Guay,
Gendron, Mercier, Laberge, Marquis, Lacoste, Ouellette, Perron, Clair,
Gosselin, Lefebvre, Lavigne, Dussault, Beauséjour, Desbiens, Baril,
Bordeleau, Boucher, Gravel, Gagnon, Jolivet.
Le Vice-Président: Y a-t-il abstention? A l'ordre, s'il
vous plaît!
Le Secrétaire: Pour: 31 Contre: 54
Le Vice-Président: La motion est rejetée. M. le
leader du gouvernement.
Rapport de la commission des affaires
municipales
M. Burns: M. le Président, j'apprends que la commission
des Affaires municipales a terminé ses travaux. Si j'avais le
consentement, peut-être pourrions-nous en obtenir la confirmation par la
voix du président de la commission, étant donné qu'il
s'agit des règles, tel que nous l'avons adopté cet
après-midi. Si j'avais le consentement, je demanderais au
député de Drummond de nous faire rapport des travaux de la
commission des Affaires municipales relativement au projet de loi no 3.
Le Vice-Président: Je n'ai pas tellement besoin de ce
consentement, pas plus que celui qui a été accordé
tantôt. Ce consentement, évidemment, présuppose
qu'immédiatement après nous passerons au mini-débat,
à la motion du député de Beauce-Sud. Ce consentement
est-il accordé?
Une Voix: Oui.
Le Vice-Président: Accordé. Alors, monsieur...
M. Clair: M. le Président, j'ai le plaisir de vous faire
rapport que la commission permanente des affaires municipales et de
l'environnement s'est réunie ce jour pour étudier, article par
article, le projet de loi no 3 intitulé Loi concernant certains
immeubles loués. Ce projet de loi a été adopté avec
amendements. Merci. M. le Président.
Le Vice-Président: Ce rapport sera-t-il
accepté?
M. Brochu: Accepté.
Le Vice-Président: Merci.
M. Bellemare: En vertu de l'article 124, sera-t-il
réimprimé pour demain?
M. Burns: Je pense qu'on aurait des difficultés techniques
pour le faire réimprimer pour demain puisque la commission, à ma
connaissance, a cessé ses travaux dans le courant de la soirée,
je crois.
M. Clair: La commission a terminé ses travaux vers 9 h
30.
M. Burns: Je pense que ce serait pratiquement impossible de le
faire réimprimer, sauf qu'on va essayer d'accommoder le plus possible
les députés pour que les amendements qui ont été
adoptés puissent être présentés dans une forme
compréhensible et cohérente.
Le Vice-Président: Pour qu'il y ait ordre aux
écritures, le rapport est reçu et adopté sur division.
M. Burns: D'accord!
Le Vice-Président: Quant à l'article 124
invoqué par le leader de l'Union Nationale...
M. Burns: ... troisième lecture...
Le Vice-Président: ... ce n'est pas une obligation, mais
je pense que la réponse vous satisfait?
M. Bellemare: II va venir en troisième lecture demain?
M. Burns: Normalement, c'est la prochaine séance, M. le
Président.
Le Vice-Président: Alors, troisième lecture,
prochaine séance...
M. Burns: ... prochaine séance.
M. Levesque (Bonaventure): Prochaine séance ou
séance subséquente.
Le Vice-Président: Prochaine séance ou
séance subséquente. Je pense que les membres de cette
Assemblée se rendent compte de la portée de leurs paroles.
M. Burns: M. le Président, c'est un minimum de prudence de
votre part.
Mini-débat relatif au programme canadien de
contingentement du lait
Le Vice-Président: Mesdames et messieurs les
députés, à l'ordre, s'il vous plaît! En vertu de
l'article 174...
M. Lavoie: ... j'accorde la parole au député de
Prévost.
Le Vice-Président: Je remercie M. l'ex-président!
La présidence a reçu, avant 17 heures un avis du
député de Beauce-Sud qui a été lu à 18
heures et qui se lit comme suit: "Je vous donne avis que je désire me
prévaloir des dispositions de l'article 174 pour obtenir plus
d'informations sur la question à l'ordre, s'il vous
plaît! que j'ai posée au ministre de l'Agriculture cet
après-midi. Je ne suis pas satisfait de la réponse obtenue.
Signé: Le député de Beauce-Sud."
En toute déférence, je soulignerai au député
de Beauce-Sud que je dois compléter son avis et lire la question qui a
été posée cet après-midi.
La présidence a quand même reçu cet avis, et la
question du député de Beauce-Sud, tirée du journal des
Débats, se lit comme suit: "M. le Président, ma question
s'adresse au ministre de l'Agriculture. Nous avons des informations selon
lesquelles le Québec doit se retirer demain du programme canadien de
contingentement du lait, à moins qu'il n'y ait eu une déclaration
de dernière heure entre les deux fédérations, soit la
Fédération des producteurs de lait industriel et la
Fédération des producteurs de lait nature. Etant donné les
implications que cela peut comporter vis-à-vis de l'industrie
laitière au Québec, j'aimerais demander au ministre si, au
ministère de l'Agriculture, on a évalué les
conséquences de cette décision pour les producteurs laitiers du
Québec. J'aimerais également demander, dans l'affirmative,
quelles sont les mesures que le gouvernement provincial entend prendre pour
offrir la sécurité qui s'impose dans les circonstances aux
producteurs laitiers du Québec."
Mesdames et messieurs les députés, même si nous
prenons l'habitude des mini-débats, c'est le troisième, je
rappelle quand même, pour que nous suivions très
précisément l'article 174, que le député de
Beauce-Sud n'a que cinq minutes au maximum à sa disposition, et le
ministre de l'Agriculture n'a que cinq minutes pour répondre. Si tout ce
temps n'était pas utilisé, le débat se termine
automatiquement au bout de dix minutes.
M. le député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Si j'ai posé cette
question à l'honorable ministre de l'Agriculture, c'est à la
suite de l'expérience malheureuse que les agriculteurs du Québec
ont connue, l'an dernier, à la suite d'une décision
unilatérale et de dernière minute de la part du gouvernement
fédéral.
Je ne veux pas interroger le ministre de l'Agriculture du Québec
sur des juridictions fédérales, sur des décisions
fédérales, mais j'aimerais quand même, étant
donné que l'agriculture est une juridiction conjointe, en vertu de
l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, et compte tenu
des implications que cela comporte vis-à-vis les agriculteurs du
Québec...
Le Vice-Président: Je m'excuse pour le
député de Beauce-Sud. A l'ordre, s'il vous plaît! Il ne
nous reste que neuf minutes. Veuillez laisser au député de
Beauce-Sud la possibilité de s'exprimer dans la quiétude.
M. Roy: M. le Président, je voulais demander au ministre
de l'Agriculture, étant donné que des organismes
québécois sont impliqués, compte tenu du fait que
l'exigence du gouvernement fédéral, cette année, semble
être le fait qu'elle exige la fusion des deux fédérations
de producteurs de lait, soit, d'une part, la Fédération des
producteurs de lait nature, dont la juridiction relève de la
Régie des marchés agricoles du Québec, et la
Fédération des producteurs de lait industriel qui sont
directement régis par la Commission canadienne du lait.
Je veux demander au ministre de l'Agriculture, en question
supplémentaire pour obtenir des informations, quelles sont les
démarches qui ont été faites par le ministre de
l'Agriculture, à ce jour, auprès du gouvernement
fédéral, de façon à s'assurer que ce retrait du
Québec ne comporte pas pour les producteurs laitiers du Québec
des risques aussi graves et aussi sérieux que l'an dernier, par le fait
qu'ils se sont vu saisir une bonne partie, pour ne pas dire la totalité
de leurs revenus, pendant près de deux mois. J'aimerais demander au
ministre de l'Agriculture, de plus, quelles sont les mesures que le
gouvernement du Québec entend adopter pour éviter que ne se
répète la situation de l'an dernier.
Si je pose cette question, c'est que le gouvernement provincial, l'an
dernier, à cause de cette décision du fédéral, a
dû injecter une somme de $22 millions, pris à même les fonds
publics québécois, pour apporter des mesures de compensation qui
n'ont pas réglé le problème, qui n'ont fait qu'adoucir
quelque peu la situation qui était faite aux producteurs laitiers du
Québec.
M. le Président, j'aimerais également demander au ministre
s'il a des informations concernant le contenu de la politique que le
gouvernement fédéral entend annoncer au cours des prochains
jours, puisque la date du 1er avril a été effectivement remise au
7 avril prochain.
Le Vice-Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je pense qu'il n'est pas
question que le Québec se retire du programme. Il y a une
fédération qui s'est retirée, mais c'est beaucoup plus,
pour la fédération, une façon de faire des pressions pour
qu'il y ait, le plus rapidement possible, unification des deux laits au
Québec.
Je pense qu'il ne faudrait pas, en même temps, à cause de
problèmes techniques, semer un peu d'inquiétude dans la
population à cet effet. A moins que le fédéral ne soit
tombé sur la tête, même si je n'ai pas une grande confiance
dans le fédéral, je ne pense pas qu'il soit rendu au point
d'être interné, et qu'il va prendre prétexte de cela pour
enlever toutes les subventions dans le domaine du lait.
A ce jour, il y a eu des discussions
fédérales-provinciales et je me réfère au document
écrit que j'avais déposé, suite à la question du
député de...
M. Bellemare: Huntingdon ou Saint-Hyacinthe?
M. Garon: ...Huntingdon. Non, c'est parce que j'avais son nom de
famille.
Je vous disais que des discussions fédérales-provinciales
ont eu lieu au niveau du comité de gestion des approvisionnements, qui
est un organisme consultatif de la Commission canadienne du lait, aux dates
suivantes: 2 et 3 décembre 1976, 5 et 6 janvier 1977, 2 et 3 mars 1977
et 21 mars 1977. Les deux fédérations de producteurs de lait du
Québec ainsi qu'un représentant de la Régie des
marchés agricoles, désigné par le ministre, y
étaient présents. Les discussions ont porté principalement
sur le renouvellement de l'accord de 1973, sur l'ajustement interprovincial des
contingents de la mise en marché et sur les méthodes
d'accroissement et de diminution du contingent total de mise en marché
du lait. Je ne crois pas qu'à ce moment-ci il soit opportun de faire
état publiquement de ce document avant son approbation par le
gouvernement du Québec.
Par ailleurs, je pense qu'en ce qui concerne certaines de ces techniques
d'ajustement les trois parties, c'est-à-dire le Québec et les
deux fédérations, sont assez satisfaites. Il est évident
que le retrait de la Fédération des producteurs de lait
industriel crée des problèmes et pousse l'unification. Je pense
que c'est le résultat de la politique de 1976 du gouvernement
fédéral qui a fait que ce problème, qui existe au
Québec depuis des années et qui s'est durci récemment dans
une lutte entre le syndicalisme et la coopération au Québec,
atteint, à ce moment-ci, un point tournant, un point culminant. Je ne
pense pas que le fédéral va prendre prétexte de cela pour
se retirer. Cela n'a aucun bon sens.
Il y a actuellement, de notre part, des efforts considérables qui
ont été faits pour rencontrer les parties, pour qu'il y ait cette
unification le plus rapidement possible, mais vous comprendrez que cette
unification ne peut pas se faire en criant: Lapin! Il y a déjà
des positions qui se sont durcies. Par ailleurs, le gouvernement va prendre
toutes les dispositions possibles, dans les prochains jours, pour hâter
cette unification. Il y a également des requêtes devant la
Régie des marchés agricoles qu'il appartient à celle-ci de
trancher et non pas au ministre de l'Agriculture, parce que ce n'est pas lui,
la Régie des marchés agricoles.
Sans entrer dans les détails, il y a des consultations qui sont
plus formelles et il y en a qui sont plus informelles. Les gens que je
consulte, au niveau du Québec, qui sont en relation avec les gens du
fédéral, ou encore qui sont dans le milieu du lait et qui
consultent les gens d'Ottawa à ce sujet-là...
Le Vice-Président: M. le ministre, je vous inviterais
à conclure par une très brève péroraison, s'il vous
plaît.
M. Garon: Oui. ...m'indiquent qu'il y aura des façons
techniques de ne pas faire perdre les montants d'argent auxquels auraient droit
les producteurs agricoles.
Mais encore là, pour ce qui concerne la politique laitière
qui a été retardée, au lieu d'être annoncée
le 1er avril, c'est-à-dire demain, qui est retardée jusqu'au 6,
comme en fait foi le Soleil d'aujourd'hui, évidemment, il y a des choses
que je ne sais pas parce qu'il y a eu des désaccords...
Le Vice-Président: M. le ministre, s'il vous plaît!
Merci. M. le leader du gouvernement sur l'ajournement.
M. Burns: M. le Président, je propose l'ajournement de nos
travaux à demain matin, dix heures.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale.
M. Bellemare: Avant l'ajournement il y a peut-être lieu de
connaître un peu le "miniou" pour demain. Je sais qu'il y aura le projet
de loi 3, il y aura peut-être aussi le projet de loi no 4,
l'assurance-récolte.
M. Burns: Est-ce que c'est une habitude, chez le
député de Johnson de parler des minious et des "PQuious"?
M. Bellemare: Les PQuious, vous n'avez pas compris cela? C'est
parce qu'on ne dit pas barbe-Q, on dit barbecue. C'est pour cela que je dis
PQuiou.
M. Burns: D'accord, on le saura à l'avenir. On saura
à l'avenir pourquoi.
Alors, demain, M. le Président, il y a un de mes collègues
qui me suggère...
M. Bellemare: Vous n'avez pas eu de majorité, à
Saint-Jean.
Le Vice-Président: Mesdames, messieurs! A l'ordre, M. le
ministre du Tourisme! Mesdames, messieurs, pouvez-vous laisser la parole au
leader du gouvernement? On est rendu presque à demain.
M. Burns: M. le Président, effectivement, demain, je
proposerai à la Chambre d'adopter, en troisième lecture, le
projet de loi no 3, où le rapport vient d'être fait actuellement
et d'entreprendre, immédiatement après, l'examen du projet de
loi au nom du ministre de l'Agriculture, le projet de loi no 4, Loi
modifiant la Loi de l'assurance-récolte.
M. Bellemare: Est-ce qu'il va y avoir une déclaration
ministérielle en même temps que le dépôt du livre
blanc?
M. Burns: Je pourrai vous dire cela au début de la
séance demain. Et si on continue à en parler, je devrai vous
dire: ce matin. Je peux encore dire, en cinq minutes et un peu plus, que c'est
demain matin que je vous aviserai de cela. Mais quant aux travaux, ce sont
effectivement les deux projets de loi que nous envisageons aborder demain
matin.
Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée,
je parle de la motion d'ajournement. Les travaux sont ajournés à
demain dix heures.
(Fin de la séance 23 h 58)