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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 31 mars 1977 - Vol. 19 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures quinze minutes)

M. Richard (président): A l'ordre, mesdames et messieurs!

Présence de diplomates dans les galeries

Le Président: Je tiens à souligner la présence dans les galeries de trois personnalités en l'occurrence, Son Excellence Louis Dominique Ouedra Ogo, ambassadeur de Haute-Volta, Son Excellence Man Loveday, ambassadeur d'Australie et Son Excellence le haut-commissaire An Abankwa, du Ghana.

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Condoléances à la famille d'un policier de la Sûreté du Québec

M. Caron: M. le Président, je me fais le porte-parole de l'Opposition officielle pour offrir nos plus sincères condoléances à Mme Robert Brabant, à la famille ainsi qu'aux confrères du courageux policier de la Sûreté du Québec, Robert Brabant, lâchement abattu, mercredi, à Saint-Zénon. Je souhaite que les responsables de ce crime odieux encourent toutes les sanctions prévues par nos lois.

M. Bédard: M. le Président, avec votre permission, je veux simplement souligner que j'ai déjà fait parvenir mes condoléances à la famille éprouvée et que je me joins au député pour appuyer cette motion.

M. Fontaine: M. le Président, au nom de l'Union Nationale, nous joignons également notre voix pour offrir à cette famille durement éprouvée toutes nos sincères condéléances.

Motion de remerciement à M. Keith Spicer

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, aux motions non annoncées, depuis toujours les gouvernements du Québec ont voulu que les droits du français soient pleinement reconnus au Canada. Un homme s'est particulièrement signalé, au cours des dernières années, dans la poursuite de cet objectif, en travaillant à la promotion du bilinguisme dans les institutions fédérales. Il s'agit de M. Keith Spicer, commissaire aux langues officielles. Au moment où il quitte ses fonctions, je propose que cette Chambre, par cette motion, reconnaisse la contribution à la cause de l'unité de notre pays, le Canada.

M. Biron: Je crois qu'il est important de constater que des hommes publics, des hommes de tous les milieux, de toutes les races, de toutes les langues à travers notre pays veulent se dévouer pour l'avancement du bilinguisme au Canada. Je rends hommage au chef de l'Opposition officielle pour avoir pensé présenter une motion à M. Keith Spicer et je voudrais appuyer sa motion.

M. Samson: Je voudrais appuyer cette motion qui a été faite par le chef de l'Opposition officielle et reconnaître en M. Keith Spicer un homme qui n'a jamais eu peur de ses opinions ni de braver les tempêtes pour les faire valoir. Je pense qu'il a beaucoup fait pour l'avancement du bilinguisme au Canada. Je lui souhaite bonne chance dans les fonctions qu'il voudra occuper à l'avenir.

Il serait peut-être valable de suggérer un vote enregistré sur cette motion.

M. Morin (Sauvé): J'ai eu le plaisir, depuis quelques années, de rencontrer le commissaire aux langues officielles, M. Keith Spicer, à plusieurs reprises. Je puis dire que sur le plan personnel nos rapports ont toujours été des plus cordiaux. C'est un homme amène, charmant, fort civilisé et qui vaut beaucoup mieux que les politiques qu'il tentait d'appliquer. Je vous remercie.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je voudrais appuyer la motion qui vient d'être faite par l'honorable chef de l'Opposition pour souligner l'effort que certaines personnes font, même du côté anglophone, pour promouvoir la cause du bilinguisme au Canada. Je ne veux pas dire par là que tout a été réalisé. Si on veut travailler dans l'intérêt des nôtres, des francophones, il faut déborder le cadre québécois et faire en sorte que ceux qui sont de même culture, de même nationalité que nous, les Canadiens français, dans les autres provinces, puissent avoir plus de droits, une existence juridique mieux reconnue et que leur culture soit plus reconnue aussi dans les autres provinces canadiennes afin de contribuer à faire avancer la cause du français non seulement au Québec, mais dans tout le Canada.

M. Lavoie: M. le Président, c'est le souhait d'au moins cinq députés, sans doute plus, que ce vote soit fait de manière enregistrée.

Le Président: II reste à déterminer si une telle motion est recevable et, pour le faire, je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

M. Lavoie: II y a certainement une acceptation parce qu'il y a un, deux, trois, quatre, cinq partis qui se sont exprimés sur cette motion.

M. Burns: Un instant.

M. Lavoie: Je crois que cette motion appartient... Ce ne sera pas long, je vous donnerai l'occasion d'intervenir.

M. Burns: Vous parlez au nom des ministériels, je ne suis pas d'accord.

M. Lavoie: D'après notre règlement, une motion appartient à celui qui la propose, tant qu'elle n'est pas en délibération. Elle peut faire l'objet d'une motion de retrait, mais, une fois qu'elle est en délibéré, elle appartient à la Chambre. Même son proposeur ne peut plus la retirer, parce qu'elle n'est plus sa possession; elle est la possession de l'Assemblée. Pour qu'elle soit retirée ou qu'on ne la considère pas, il faudrait un consentement unanime de la Chambre. Maintenant que cinq députés de cinq partis différents se sont prononcés sur cette motion, je crois qu'il n'y a pas d'autre formule que de voter sur cette motion. C'est aussi clair que cela, M. le Président.

M. Burns: Ecoutez, je veux être bien informé, là. Est-ce que le député de Laval demande qu'on ait un vote?

M. Lavoie: Oui.

M. Burns: M. le Président, il m'apparaît comme tout à fait dans son droit de le demander.

M. Levesque (Bonaventure): Consentement unanime.

Le Président: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant procéder au vote sur la motion du chef de l'Opposition officielle. Je signale que, même si j'entretenais certains doutes quant a la recevabilité d'une telle motion, je m'autorise du consentement de la Chambre, évidemment, pour la déclarer recevable, en l'occurrence.

Je lis le texte au complet de la proposition du chef de l'Opposition officielle: Depuis toujours les gouvernements du Québec ont voulu que les droits du français soient pleinement reconnus au Canada. Un homme s'est particulièrement signalé au cours des dernières années dans la poursuite de cet objectif en travaillant à la promotion du bilinguisme dans les institutions fédérales. Il s'agit de M. Keith Spicer, commissaire aux langues officielles. Au moment où il quitte ses fonctions, je propose que cette Chambre reconnaisse sa contribution à la cause de l'unité de notre pays, le Canada.

Que ceux qui sont en faveur de l'adoption de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Garneau, Mailloux, Goldbloom, Larivière, Saint-Germain, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher, Picotte, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron, Bellemare, Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Le Moignan, Dubois, Cordeau, Samson, Roy.

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever! Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Burns, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Marois, Landry, Couture, Tremblay, Duhaime, de Belleval, Joron, Mme Payette, MM. Lessard, Proulx, Lazure, Léger, Garon, Grégoire, Chevrette, Michaud, Paquette, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Alfred, Martel, Fallu, Rancourt, Mme Leblanc, MM. Bertrand, Johnson, Laplante, Bisaillon, de Bellefeuille, Guay, Gendron, Mercier, Laberge, Marquis, Lacoste, Ouellette, Perron, Brassard, Clair, Lefebvre, Dussault, Charbonneau, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Boucher, Gravel, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Gagnon, Jolivet.

Le Secrétaire: Pour: 33 — Contre: 0 — Abstentions: 57

Le Président: Cette motion est adoptée.

M. Lavoie: M. le Président, est-ce qu'on pourrait vous demander de faire parvenir une copie de cette résolution dûment adoptée par la majorité de l'Assemblée nationale à M. Keith Spicer, s'il vous plaît?

M. Burns: M. le Président, je serais entièrement d'accord avec la suggestion du leader de l'Opposition si la lettre spécifie le nombre d'abstentions et que nous nous sommes abstenus à cause du libellé lui-même de la motion et non pas à cause de l'individu.

M. Levesque (Bonaventure): Pourquoi ne pas l'avoir amendée?

M. Lavoie: Vous auriez pu amender la motion. Une Voix: C'est au journal des Débats. Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. M. le ministre de l'Education.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapports de corporations professionnelles

M. Morin (Sauvé): A titre de ministre responsable de l'Office des professions, permettez-moi de déposer devant cette Chambre les rapports des organismes suivants pour l'année 1975/76: la Corporation professionnelle des orthophonistes et audiologistes du Québec, l'Ordre des notaires,

l'Ordre des chimistes et enfin la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec.

Le Président: Documents déposés. M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel de la Régie des services publics

M. Burns: M. le Président, en l'absence du ministre des Communications, j'ai l'honneur de déposer en son nom le rapport annuel de la Régie des services publics pour l'exercice 1975/76.

Le Président: Rapport déposé.

Mme le ministre des Institutions financières.

Rapport annuel de la Régie de l'assurance-dépôts

Mme Payette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec pour l'exercice financier 1976.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre de l'Agriculture.

Rapport annuel de la Régie des marchés agricoles

M. Garon: Je dépose le rapport annuel 1975/76 de la Régie des marchés agricoles.

Rapport annuel du bibliothécaire de la Législature

Le Président: Je voudrais déposer le rapport du bibliothécaire sur les activités de la bibliothèque de la Législature, au cours de l'année 1976.

Période de questions orales.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

Dossiers: Quésteel et autres industries

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, dans le contexte du chômage qui affecte présentement plus de 303 000 travailleurs québécois, et dans le contexte également des nombreuses mises à pied que nous apprenons malheureusement chaque jour, ma question porterait simplement sur deux cas. Dans celui de Québec Steel, le ministre de l'Industrie et du Commerce pourrait-il nous dire s'il est courant que les travailleurs de Québec Steel auraient trouvé, auprès du ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce, un interlocuteur ouvert? Le ministre est-il en mesure de donner l'assurance à cette Chambre que son gouvernement acceptera de mettre de côté le climat d'affrontement partisan qu'il entretient avec le gouvernement fédéral, pour tenter de trouver, dans un esprit de collaboration entre les deux niveaux de gouvernement, une solution au problème des travailleurs de Québec Steel?

Le deuxième cas serait celui de la Compagnie Bélanger Limitée, à Montmagny. Est-ce que le gouvernement entend intervenir, comme il l'a fait pour Tricofil ou autrement, pour sauver les centaines d'emplois dans la région de Montmagny menacés par les difficultés des industries locales du meuble et du textile, et en particulier par l'annonce faite par la Compagnie Bélanger du congédiement de quelque 122 travailleurs?

Quelle réponse précise et concrète le ministre entend-il apporter aux travailleurs de la région? Y a-t-il des crédits budgétaires, des sommes disponibles? Je n'ai voulu donner que ces deux cas afin qu'on puisse avoir des réponses précises pour des cas très concrets qui affectent les travailleurs québécois.

M. Tremblay: M. le Président, dans le deuxième cas, je répondrai que je n'ai pas reçu de demandes d'aide de la part de l'entreprise que mentionne le député, à ma connaissance. Aussitôt que cette demande aura été transférée à notre ministère, nous serons heureux d'étudier, avec l'entreprise, les modalités d'assistance que nous pourrions lui accorder. En ce qui concerne l'entreprise Québec Steel, comme je l'ai dit...

M. Levesque (Bonaventure): Un instant. Il n'y avait pas seulement une entreprise. Il y avait a Montmagny un cas, mais j'ai parlé de meubles et de textiles.

M. Tremblay: En ce qui concerne QSP, comme je l'ai déjà mentionné à cette Assemblée, il y a un comité interministériel qui est saisi de cette question et qui est présidé par mon collègue, le ministre responsable du développement économique. Puisque vous mentionnez plusieurs cas, je pense qu'il aurait été intéressant que vous souligniez les données sur les intentions d'investissements qui ont été publiées aujourd'hui ou, du moins, dévoilées par le vice-président de la Banque impériale de commerce et qui montrent justement une augmentation extrêmement importante des intentions d'investissements au Québec en 1977.

Je pense qu'il est très important que cette Assemblée prenne connaissance de ces chiffres, puisque nous avons une augmentation des intentions d'investissements selon l'enquête semi-annuelle de Statistique Canada, celle-ci a été complétée après le 15 novembre jusqu'à la mi-février et montre une augmentation substantielle des investissements publics et privés au Québec, en 1977, de l'ordre de 12,3%. Surtout, ce qui est réconfortant pour répondre plus précisément à votre question, elle montre une augmentation des investissements prévus dans le secteur de la fabrication au Québec de l'ordre de 28,8%, alors que, l'an passé, il y avait eu une baisse de ces investissements égale à 19,5%. Ainsi, lorsque l'on prétend depuis quelques semaines que l'élection du nouveau gouvernement a amené une baisse dans les investissements, ceci est contrecarré par les données scientifiques de Statistique Canada, qui montrent justement la situation contraire.

Intentions d'investissements au Québec

M. Raynauld: M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui vient de citer ces chiffres, pourrait-il nous expliquer pourquoi il arrive que, dans le secteur privé, ces investissements n'auraient monté que de 3,8% en dollars courants, tandis qu'ils sont montés de 4,2% en Ontario en dollars courants, ce qui veut dire que c'est presque moins quatre pour 1977 en dollars réels? Pourrait-il nous expliquer que la hausse dans les investissements totaux est due aux secteurs public et parapublic où, une fois de plus, au Québec, les intentions d'investir sont de 17,1%, quand en Ontario elles sont de 1,7%? Pourrait-il nous expliquer cela et manifester encore autant d'optimisme qu'il vient de le faire?

NI. Tremblay: M. le Président, je crois que le député n'est pas en possession des bons chiffres. Je regrette, j'ai les chiffres ici et je vais les donner, si vous me le permettez, M. le Président, pour rectifier la fausse impression qu'aurait pu donner notre collègue, le député d'Outremont.

L'enquête semi-annuelle scientifique de Statistique Canada sur les intentions d'investissements, laquelle enquête a été conduite de la mi-novembre à la mi-février, indique des investissements de $10,6 milliards au Québec, en 1977, soit la deuxième plus grande augmentation au Canada derrière celle de l'Alberta, qui a une augmentation de 13,1%, tandis que l'augmentation en Ontario n'est que de 2,8% et que l'augmentation pour l'ensemble du Canada est égale à 8%. Donc, il est absolument faux de dire que les augmentations d'investissements prévues au Québec sont inférieures à la moyenne canadienne ou inférieures à la moyenne de l'Ontario, puisqu'il s'agit du contraire. Le Québec avec l'Alberta vont connaître, en 1977, les augmentations les plus fortes dans les investissements. L'augmentation la plus importante ne se situe pas dans les investissements gouvernementaux, lesquels n'augmenteront que de 6,4%, mais dans les augmentations des investissements des services d'utilité publique avec 44,4% et une augmentation dans le secteur de la fabrication et dans le secteur secondaire égale à 28,8%.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce n'a pas répondu à ma question. Je lui demandais: Les investissements privés, par opposition aux investissements publics, ne sont-ils pas inférieurs au Québec à ce qu'ils sont en Ontario, pour l'année 1977, à partir de la même enquête qu'il vient de citer? Est-ce qu'il n'est pas vrai que, quand il parle des investissements gouvernementaux, il confond les investissements gouvernementaux dans cette enquête avec les investissements publics qui sont classés avec, par exemple, l'Hydro-Québec et d'autres entreprises dans le secteur public?

Des Voix: Question.

Une Voix: II en a posé deux questions.

M. Tremblay: M. le Président, je crois qu'il est reconnu par les membres de cette Chambre que la très grande majorité des investissements dans le secteur secondaire, au Québec, sont faits par les entreprises privées. Ces augmentations d'investissements, en 1977, seront de l'ordre de $1 423 400 000, soit une augmentation de 28,8%, alors qu'en 1975 il y avait eu une augmentation de 2,2% et en 1976, la dernière année de pouvoir du Parti libéral, il y avait eu une baisse de 19,5% dans le secteur secondaire.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Biron: Une question accessoire, M. le Président.

Tout d'abord, je demanderais au ministre de déposer son document, en vertu de l'article 177. J'aimerais en avoir une copie, pour tous les membres de cette Chambre.

M. Tremblay: M. le Président, est-ce que le député accepterait que je dépose la déclaration du directeur général et du vice-président de la Banque impériale de commerce, qui a dévoilé ces chiffres de Statistique Canada? Comme j'y avais fait allusion en cette Chambre, ces données ne seront publiées que la semaine prochaine. Mais elles sont publiées aujourd'hui dans les journaux. Si je dépose la copie de ces intentions d'investissements, par conséquent, je crois qu'il me faut aussi déposer les articles de journaux qui relatent la divulgation de ces chiffres par le vice-président de la Banque impériale de commerce.

M. Biron: Je n'ai aucune objection à avoir tous les documents déposés, à la fois ce document et copie des articles de journaux.

M. le Président, ma question accessoire sur cette création d'emploi à Québec Steel s'adresse en particulier au ministre d'Etat au développement économique. Pour créer 9000 emplois temporaires, selon les chiffres qui nous ont été fournis cette semaine, on utilise $80 millions, ce qui représente une moyenne de $8890 par travailleur.

Si on sauve Québec Steel Products, on assure 1300 emplois permanents pour $7,5 millions, ce qui représente $5770 par emploi permanent au lieu de $8890 par emploi temporaire créé, selon les chiffres fournis par le ministre des Finances. Il coûterait, finalement, beaucoup moins cher de créer des emplois permanents. Le ministre ne trouve-t-il pas qu'il serait plus logique que la politique du gouvernement en matière de lutte au chômage commence par faire tous les efforts nécessaires au maintien des emplois existants?

M. Landry: Dans le bref exposé que j'ai fait hier de la situation de Québec Steel, j'ai bien dit qu'un des deux motifs majeurs de notre non-intervention était le fait que nous avions la conviction morale et la conviction appuyée statistiquement que cette intervention ne serait pas suffi-

santé. Ce serait une tout autre discussion si on avait pu acquérir une certitude qu'une garantie, un aval de $7,5 millions, aurait pu, de façon certaine, rescaper cette entreprise. Nous n'avons pu acquérir cette conviction. C'est pour cette raison qu'il ne nous a pas paru sage de mettre de l'argent public dans une chose qui n'aurait été que provisoire et aurait créé, d'une certaine manière, des emplois temporaires pour encore six mois. D'autant plus que les créations d'emplois temporaires découlant des crédits auxquels a fait allusion le chef de l'Union Nationale sont une procédure saine pour créer des emplois, c'est-à-dire que cela fait travailler des gens et améliore le patrimoine par les travaux sylvicoles, la voirie minière ou la voirie forestière. C'est là une attitude économique saine tandis que je réitère que mettre du bon argent après du mauvais, c'est une attitude économique malsaine susceptible de semer, dans l'ensemble de l'économie, un mauvais exemple et de produire vers le gouvernement et vers les coffres de l'Etat une ruée de toutes les entreprises qui sont en difficulté.

Il y a donc, au-delà de toute dimension comptable chez Québec Steel, une question de principe et une question de justice vis-à-vis de tous les agents économiques du Québec.

M. Roy: M. le Président, question additionnelle sur le même sujet. J'aimerais savoir du ministre d'Etat au développement économique si la décision du gouvernement de ne pas intervenir dans l'affaire de Québec Steel serait reliée aux intentions de SIDBEC de se porter acquéreur, éventuellement, au meilleur marché possible, des installations existantes, des installations de la famille Jo-sephson.

M. Landry: Cela ne correspond pas aux informations que nous avons et que nous détenons de SIDBEC qui nous a démontré d'une façon rationnelle que cette entreprise était déjà elle-même en surcapacité et absolument incapable d'ajouter rationnellement la capacité de deux fours électriques à une capacité qui est déjà excédentaire chez elle. Cela aurait pu être une solution envisagée si SIDBEC avait eu vraiment besoin de cet équipement, de ces deux fours électriques et de ce train de laminage, mais ce n'était pas le cas. Si SIDBEC, dans les circonstances actuelles, s'était portée acquéreur de cet équipement, elle se serait écrasée et aurait rendu sa situation financière plus pénible qu'elle ne l'est déjà.

Le Président: Mme le député de l'Acadie.

Conflit de travail à la commission scolaire Jérôme LeRoyer

Mme Lavoie-Roux: Ma question s'adresse au ministre du Travail. Il s'agit du conflit qui sévit à Jérôme LeRoyer et qui perdure depuis déjà au-delà de six semaines. Sans aucun doute, des parents, les étudiants et même les enseignants sont devenus si anxieux qu'ils ont convoqué le ministre de l'Education et le ministre du Travail, de même que l'Opposition officielle à une rencontre qui doit avoir lieu demain soir. Je voudrais donc demander au ministre du Travail s'il lui est possible d'informer l'Assemblée sur l'état du dossier, premièrement. Deuxièmement, pourquoi ne rend-il pas public le rapport du médiateur qui lui a été remis la semaine dernière? Et, comment explique-t-il sa décision de retourner les gens à la médiation, alors que dans ce rapport du médiateur la recommandation était à l'effet d'aller en arbitrage?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Couture: M. le Président, à la première question j'aimerais répondre ceci: En effet il y a prolongement de la médiation et je crois que ce n'est pas mon rôle d'intervenir de quelque façon que ce soit durant une médiation. Pourquoi ai-je demandé de prolonger cette médiation? La raison est la suivante, c'est relié à votre troisième question: pourquoi je ne rends pas public le rapport. C'est que la recommandation centrale du médiateur était à l'effet, comme vous l'avez souligné, de demander aux parties d'aller en arbitrage.

Après avoir étudié le dossier, et ayant eu la réponse négative du syndicat d'aller en arbitrage et je dois dire que c'est une analyse que nous avons faite au ministère, nous avons cru qu'il y avait quand même, par le travail du médiateur lui-même, possibilité de recommandations précises à offrir aux parties c'est-à-dire que c'est évident que le refus d'arbitrage laissait pourrir le conflit. Nous au ministère — et c'est ma responsabilité — si nous avions cette conviction qu'il était possible effectivement, de dégager une recommandation précise sur les trois principales clauses en litige, demandant aux parties c'est-à-dire aux enseignants en assemblée générale de se prononcer sur cette recommandation, c'était pour nous une façon, enfin un dernier recours, un ultime effort pour arriver à un règlement.

Alors, je n'ai pas rendu public ce rapport par intérêt public et par cette volonté de prolonger cette médiation de quelques jours. Les parties m'ayant signalé leur acceptation de cette prolongation, j'ose espérer, pour chacune des parties, que c'est une façon de nous démontrer leur volonté de collaborer avec nous dans cet ultime effort pour chercher un règlement.

Le Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre du Travail dit qu'il ne juge pas bon de rendre public le rapport du médiateur dans l'intérêt public. Je me demande s'il considère que les parents ne sont pas les premiers intéressés dans le public à connaître la teneur du rapport du médiateur, et que la situation qu'il perpétue en prolongeant la médiation ne fait que faire perdurer le conflit.

La commission scolaire a recommandé l'arbitrage, le médiateur a recommandé l'arbitrage, comment expliquer qu'en dépit de cela vous jugez encore bon de laisser inutilement durer ce conflit, puisque vous acceptez la position du syndicat qui ne veut pas entendre parler d'arbitrage?

M. Couture: M. le Président, je vois dans cette question un peu un procès d'intention et je m'inscris en faux. Si j'ai refusé de rendre public le rapport, ce n'est pas pour faire durer le conflit, c'est justement pour chercher un dernier recours à la solution du conflit, chercher un règlement. En ayant l'accord, justement, de la commission scolaire — parce que j'ai eu son accord pour prolonger la médiation — j'ai réussi à la persuader qu'il y avait un espoir de règlement. Ce qui m'intéressait moi aussi, c'était de permettre aux enseignants en assemblée générale... Et j'ai eu cette garantie des représentants du syndicat avant de prolonger cette médiation. Je leur ai demandé cet engagement formel que la recommandation que nous dégagerions dans cette médiation, ils iraient la proposer à leur assemblée générale.

Je crois que c'était une façon pour nous, au moins, sachant qu'il y avait, de toute façon, refus de l'arbitrage — c'est une dernière étape, peut-être, mais j'espère que c'est une étape qui conduira au règlement — c'était une façon d'essayer le dernier instrument que nous avions en main, à travers le travail du médiateur, de formuler une recommandation précise aux parties.

Le Président: M. le député de Lotbinière, chef de l'Union Nationale.

Enseignement de la langue seconde

M. Biron: M. le Président, ma question s'adresse au ministre d'Etat au développement culturel. Le ministre peut-il nous dire, ici même dans cette Assemblée, et sans pour autant lever le voile sur la politique gouvernementale en matière de langue, si le gouvernement, même si le message inaugural ou les crédits budgétaires n'en soufflaient mot, entend adopter comme politique, dans l'un ou l'autre de nos deux systèmes scolaires, en plus d'un enseignement du français de meilleure qualité, un enseignement accru et également de meilleure qualité de la langue seconde?

M. Laurin: Je ne veux pas, en effet, lever le voile sur la politique linguistique, mais je pense que, sur le point que soulève le député de Lotbinière, le ministre de l'Education a déjà eu l'occasion de se prononcer à quelques occasions au cours des dernières semaines.

Je peux demander au ministre de l'Education s'il veut répéter ici, pour le bénéfice du député de Lotbinière, ce qu'il a dit ailleurs.

M. Morin (Sauvé): Très volontiers, M. le Président. D'autant plus volontiers que le gouvernement s'est exprimé très clairement, au cours des dernières semaines, sur le point qui est soulevé par le chef de l'Union Nationale.

Une fois assurée une priorité toute spéciale à l'enseignement du français langue maternelle, le gouvernement a également choisi d'accorder la priorité à l'enseignement de la langue seconde qui, au Québec, bien sûr, compte tenu du contexte nord-américain, ne peut être que l'anglais. De même, j'ai ajouté une autre priorité à laquelle je tiens beaucoup personnellement, celle de l'enseignement des langues d'origine. J'emploie cette expression faute de meilleure qui me vienne à l'esprit.

Nous avons donc exprimé, depuis quelque temps, une politique d'ensemble sur l'enseignement des langues. Si le chef de l'Union Nationale veut avoir plus de détails, je suis à sa disposition.

M. Biron: M. le Président, ma question additionnelle au ministre de l'Education. Le ministre de l'Education a parlé de l'enseignement de la langue seconde en disant: Ici, en Amérique du Nord, il ne peut être question d'autre chose que de l'anglais. Alors, comment le ministre s'explique-t-il que des commissions scolaires, et en particulier ma commission scolaire régionale, celle du Grand-Portage, se disent autorisées par lettre du ministre à cesser l'enseignement de la langue anglaise?

Deuxièmement, le ministre consentirait-il à déposer en cette Chambre les lettres qu'à ce jour il aurait fait parvenir aux commissions scolaires, eu égard à la question de la langue seconde en particulier?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je pense qu'il y a dans cette question et dans la correspondance à laquelle on fait allusion des questions d'interprétation, de sorte que je prends avis de la question. Si le député, chef de l'Union Nationale, veut bien me communiquer les documents qu'il a en sa possession et qui permettraient d'établir le bien-fondé de sa question, je lui apporterai une réponse d'autant plus rapidement.

Le Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre de l'Education nous a dit que son gouvernement avait retenu comme priorité l'enseignement de la langue seconde. J'ai jeté un bref regard sur les prévisions budgétaires et, en fait, nous retrouvons des sommes qui sont prévues pour l'amélioration de l'enseignement du français, mais il ne s'en retrouve aucune quant à l'enseignement des langues secondes. Doit-on conclure de ceci que, même si c'est une priorité, c'est beaucoup moins prioritaire dans l'esprit du ministre et du gouvernement?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, le choix d'une politique n'entraîne pas toujours l'attribution de fonds spéciaux en vue de favoriser la mise en oeuvre de cette politique. En l'occurrence, il s'agit d'une politique tendant à préciser les programmes, à réévaluer les méthodes d'enseignement, à repenser certaines méthodes d'évaluation du progrès des élèves des secteurs élémentaire et secondaire; il s'agit également de favoriser la formation des maîtres.

Dans le cas de l'anglais, langue seconde, ou, puisqu'il s'agit de langue seconde pour l'ensemble des Québécois, dans le cas du français, langue seconde pour les anglophones, nous avons estimé que nous avions au ministère les ressources suffi-

santes pour mettre en oeuvre ce que je viens d'indiquer comme constituant nos priorités.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. Goldbloom: M. le Président, une question additionnelle.

Comptes économiques du Québec 1961/75

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre de l'Industrie et du Commerce à propos des comptes économiques du Québec. Je voudrais demander à M. le ministre si l'expropriation de 90 000 acres en trop dans la région aéroportuaire de Mirabel, expropriation qui a représenté rien moins que le viol d'une région agricole très fertile, sans la moindre justification valable, est considérée dans les comptes économiques du Québec comme une largesse du gouvernement fédéral?

M. Tremblay: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer à cette Assemblée la méthodologie suivie par le comité fédéral-provincial sur les comptes économiques provinciaux. Or, tous les revenus perçus et toutes les dépenses effectuées par le gouvernement fédéral au Québec, que ce soit pour la Voie maritime du Saint-Laurent ou pour d'autres projets semblables, y inclus évidemment les prises de possession de terrains et les expropriations, sont inclus dans les comptes économiques du Québec.

M. Garneau: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, une question additionnelle au ministre de l'Industrie et du Commerce. Lorsqu'il donne cette réponse au député de Deux-Montagnes, est-ce que le ministre infère du texte du document lui-même que ces dépenses sont calculées pour autant qu'elles aient été faites par un bureau ou une antenne fédérale localisés au Québec?

M. Tremblay: M. le Président, je me référais à la méthodologie du comité fédéral-provincial qui a fait une imputation de ces dépenses et de ces revenus fédéraux, selon une méthodologie adoptée par les onze gouvernements qui y ont participé et qui y ont travaillé pendant quatre ans. Il y a donc imputation, comme le dit ou le soulève le député. Par contre, je dois souligner et rectifier les déclarations que fait le député de Jean-Talon à l'effet que cette méthodologie excluait les activités de la Société fédérale pour l'expansion des exportations. Il est évident que les activités bancaires ou essentiellement financières ne sont évidemment pas incluses dans les comptes économiques. Pour ma part, je regrette que des députés s'instituent experts instantanés en comptabilité nationale et, à partir d'une comptabilité que je dirais irresponsa- ble et improvisée, remettent en cause le travail d'une cinquantaine d'experts provinciaux et fédéraux qui ont travaillé pendant quatre ans à construire ces comptes économiques.

M. Garneau: M. le Président, je ne sais si je dois le faire sur une question de privilège ou sur une question additionnelle. Je ne savais pas que le ministre de l'Industrie et du Commerce aimait autant parler de lui-même qu'il vient de le faire. Je voudrais seulement souligner, sur une question de privilège, que ce que j'ai mis en cause, ce ne sont pas les comptes économiques eux-mêmes, c'est l'interprétation que fait le ministre de l'Industrie et du Commerce. Je reviens sur ma question, M. le Président. Je demande au ministre, d'une façon précise, s'il est d'accord avec les exposés du document, à la page 78, au 2e paragraphe, je crois, selon lesquels seules sont comptabilisées, dans les dépenses fédérales imputées au Québec, celles qui sont faites à partir de bureaux et d'antennes localisés au Québec. Ma question est simple, claire et précise.

M. Tremblay: Ma réponse est claire et simple, c'est qu'elle est affirmative. Ce sont les bureaux du gouvernement fédéral, considéré comme un agent économique à l'intérieur du Québec, et toutes les dépenses et tous les revenus de ce gouvernement à l'intérieur du Québec qui ont été comptabilisés par les comptes économiques.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

Producteurs laitiers du Québec

M. Roy: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Nous avons des informations selon lesquelles le Québec doit se retirer demain du programme canadien de contingentement du lait, à moins qu'il n'y ait eu une décision de dernière heure entre les deux fédérations, soit la Fédération des producteurs de lait industriel et la Fédération des producteurs de lait nature. Etant donné les implications que cela peut comporter vis-à-vis de l'industrie laitière au Québec, j'aimerais demander au ministre si, au ministère de l'Agriculture, on a évalué les conséquences de cette décision pour les producteurs laitiers du Québec. J'aimerais également demander, dans l'affirmative, quelles sont les mesures que le gouvernement provincial entend prendre pour offrir la sécurité qui s'impose dans les circonstances aux producteurs laitiers du Québec.

M. Garon: C'est un fait qu'il y a une fédération qui s'est retirée du plan fédéral. J'ai rencontré les différents groupes la semaine dernière pour qu'il y ait un regroupement pour l'administration provisoire des deux plans conjoints. Cela n'a pas fonctionné. Je dois dire qu'actuellement il y a des requêtes devant la Régie des marchés agricoles concernant cette unification des producteurs de lait. C'est à la Régie des marchés agricoles actuellement de se pencher sur cette question de requêtes et d'unification des producteurs de lait. Main-

tenant, que la Fédération des producteurs du lait industriel se soit retirée du plan conjoint parce qu'elle veut qu'il y ait unification des producteurs du lait, évidemment, tout cela ne peut pas se faire dans une journée. Il y a des étapes et, actuellement, je dois dire que je travaille à peu près à tous les jours à ce dossier pour arriver à cette unification par les meilleurs moyens.

M. Roy: M. le Président, je suis d'accord avec le ministre que cela ne peut pas se faire dans une journée. Mais, le 1er avril, c'est demain. Etant donné la situation qu'ont vécue les producteurs laitiers du Québec l'an dernier — on a fait saisir la totalité de leurs revenus pendant plusieurs quinzaines — j'aimerais savoir du ministre quelles sont les garanties, demain matin, que peuvent avoir les producteurs laitiers du Québec.

Le ministre est-il en mesure, aujourd'hui, de rassurer les producteurs laitiers du Québec et d'informer les membres de cette Chambre sur les conséquences qui attendent les agriculteurs à partir de demain? Quand je parle des agriculteurs, je parle des producteurs laitiers. Sont-ils encore exposés à faire saisir leur paye de lait comme cela s'est produit au cours de l'été et de l'automne dernier?

M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez? Je ne peux pas décider pour les subventions du gouvernement fédéral. C'est le fédéral qui décide de ses subventions. Je serais bien étonné qu'il coupe les subventions à ce moment-ci. Je voyais dans le journal tout à l'heure — je n'ai pas lu tout l'article, mais le début un article où on annonce que la politique laitière est retardée au 7 avril. Alors, il ne s'agit plus de demain matin, actuellement.

Le Président: M. le député de Gatineau. Ententes fédérales-provinciales

M. Gratton: Question principale, M. le Président. En l'absence du ministre des Affaires intergouvernementales, j'aimerais m'adresser au premier ministre. On sait qu'aujourd'hui c'est le 31 mars et que cette date marque la fin des années financières des divers paliers de gouvernement. Le premier ministre pourrait-il nous dire combien d'ententes auxiliaires fédérales-provinciales de toutes sortes ont été signées depuis le 15 novembre jusqu'à aujourd'hui?

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, j'ai dit, la semaine dernière, je crois qu'il y avait environ 200 ententes et quelque chose comme 1200 conférences fédérales-provinciales interprovinciales et de toute nature auxquelles le Québec participe. Je pense qu'on comprendra, d'autant plus qu'on a déjà parlé de cette question en Chambre à la suite d'une question du chef de l'Opposition, qu'il n'est pas interdit de prendre avis de cette question. Cela me fera plaisir d'apporter tous les renseignements nécessaires et même d'autres au député prochainement.

M. Garneau: M. le Président, question additionnelle là-dessus. Cela fait deux fois que le ministre des Affaires intergouvernementales répond à cette question en donnant le nombre d'ententes. Je pense bien que tous ceux qui ont vécu dans et autour des gouvernements sont au courant de cela.

La question du député de Gatineau ne fait pas appel et référence à toutes ces ententes, elle fait appel uniquement aux cinq ou six ententes auxiliaires qui étaient en négociation. C'est là-dessus que la question est posée. Ce n'est pas à partir d'Adam et Eve.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que j'avais compris.

M. Garneau: Pourquoi ne répondez-vous pas?

M. Morin (Louis-Hébert): Parce que j'ai dit que je prenais avis de la question.

Le Président: M. le député de Portneuf.

Construction d'un centre de congrès

M. Pagé: Ma question s'adresse à l'honorable ministre du Tourisme. En parlant des crédits présentés en décembre dernier, celui-ci me faisait état qu'était analysé présentement au sein de son ministère le projet de la construction d'un centre de congrès à Montréal. Lors du congrès des agents de voyages, si ma mémoire est fidèle, il déclarait à la presse qu'il allait formuler officiellement d'ici quelques semaines ce qui en est du projet en question.

J'aimerais maintenant savoir s'il peut informer cette Chambre si le ministère du Tourisme du gouvernement du Québec accepte le projet et se lancera dans ce projet. Quel sera le genre de projet? Le ministre avait déclaré qu'il proposerait au gouvernement et au Conseil des ministres un projet plus modeste que ce qui avait été préalablement avancé. Si c'est le cas, peut-il parler de la modestie ou de l'ampleur du projet? Je suis certain qu'il a fait des évaluations des coûts et tout cela. J'aimerais avoir plus de commentaires et plus de détails du ministre sur cette question qui est quand même très importante compte tenu de la situation du chômage dans la région de Montréal.

M. Duhaime: Sans doute, M. le Président, que l'honorable député de Portneuf s'inspire de la lecture des journaux d'aujourd'hui; il semblerait qu'on y lit une intention du gouvernement fédéral, qui s'intéresse au projet du centre mondial de congrès. Je dis cela dans un contexte peut-être éphémère d'élections partielles fédérales au Québec, mais cependant j'irai voir ce qu'il y a là-dessous. Cela m'intéresse de discuter d'une participation éventuelle dans un tel projet.

Pour répondre à la question, je ne suis pas en mesure de dire aujourd'hui si la réponse est affirmative ou négative quant à la construction d'un centre international de congrès à Montréal.

Je répète que je m'intéresse à ce dossier de très près. En toute modestie, je voudrais référer le député à l'attitude que j'ai prise dans l'octroi des subventions au Carnaval de Québec, de même que dans le projet de sports internationaux, concernant le championnat junior de ski nordique pour 1979.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Question additionnelle, M. le Président. J'aimerais savoir du ministre si, avant la déclaration du ministre des Affaires urbaines hier, il avait préalablement engagé des discussions avec le palier de gouvernement fédéral pour que le palier de gouvernement provincial et le fédéral puissent s'associer dans l'élaboration de ce projet.

M. Duhaime: Si vous pouvez appeler discussions ce qu'on lit dans les journaux aujourd'hui, c'est la première nouvelle que j'ai du gouvernement fédéral au sujet du centre de congrès pour Montréal.

M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président. Je n'ai pas demandé si c'était la première fois qu'il avait des nouvelles du gouvernement fédéral. J'ai demandé si...

M. Duhaime: Aucune discussion.

M. Pagé: Vous n'avez amorcé aucune discussion?

M. Duhaime: II n'y a aucune discussion, il me semble que c'est clair.

M. Pagé: D'accord.

M. Goldbloom: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee, une dernière question additionnelle là-dessus. Ensuite, la question principale du député de Richmond sera la dernière question.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je voudrais demander au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, parce qu'il ne s'agit quand même pas d'un dossier qui est nouveau, si, indépendamment des discussions qui peuvent avoir eu lieu ou ne pas avoir eu lieu avec le gouvernement fédéral, il y a du progrès dans ce dossier qui devait faire son chemin vers la prise de certaines décisions. On devait déterminer un secteur territorial de la ville de Montréal...

Le Président: M. le député, est-ce que je pourrais — à l'ordre, M. le leader parlementaire du gouvernement — vous demander d'abréger vos questions et de les formuler rapidement?

M. Goldbloom: Je pense l'avoir posée, M. le Président. Est-ce qu'il y a du progrès dans le dossier qui est entre les mains du gouvernement du

Québec, indépendamment des conversations possibles avec le gouvernement fédéral?

M. Duhaime: Je peux répondre, M. le Président, que le dossier du centre de congrès est la responsabilité de mon ministère. Il y a déjà une décision prise dans ce dossier. A la lumière des cinq ou six années passées où ce dossier est demeuré sur les tablettes libérales, j'ai pris connaissance de tout le dossier. Ce que je peux dire, M. le Président, c'est que ma définition de la modestie dans les investissements ne correspond pas nécessairement à ce qu'on a connu dans le passé, surtout durant l'année olympique. C'est dans ce sens que je veux prendre tout mon temps pour m'assurer du montant de la facture avant de commencer.

Le Président: Le député de Richmond.

Direction de l'Hydro-Québec

M. Brochu: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre délégué à l'énergie et elle a trait à la retraite prochaine du président de l'Hydro-Québec, M. Roland Giroux. Est-ce que le ministre pourrait confirmer ou infirmer, à ce moment-ci, la nouvelle à l'effet que l'éventuel successeur de M. Giroux pourrait être M. Robert Boyd, dans un premier temps? Sinon, est-ce que le ministre a déjà prévu un mécanisme de sélection pour la présidence de l'Hydro-Québec, tenant compte d'un processus démocratique, c'est-à-dire la création d'un nouveau type de conseil de direction à l'Hydro-Québec où siégeraient, par exemple, les représentants de différents groupes sociaux...

M. Bellemare: Comme ils font à l'université.

M. Brochu: ... tels les spécialistes de l'Hydro-Québec, les représentants gouvernementaux et les représentants également du milieu des consommateurs? Est-ce que le ministre pourrait, à ce stade-ci, nous donner certaines informations à ce sujet?

M. Joron: La réponse à la première partie de la question, peut-on confirmer ou infirmer, c'est non. Je n'ai pas de commentaire à faire à ce sujet, à ce moment-ci.

Quant à la deuxième partie de la question, ce sont des choses que l'on considère et je prends bonne note de la suggestion du député.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda. Est-ce qu'il s'agit d'une question principale?

M. Samson: Oui, M. le Président. Elle ne risque pas d'être tellement longue, si on me le permet.

Le Président: M. le député, si je ne vous ai pas reconnu auparavant, c'est qu'il y a une entente qui est intervenue sur le partage du temps pour le débat qui va suivre et je voudrais que ce

soit très bref, sinon, je ne l'autoriserai pas. Brièvement.

M. Samson: Merci, M. le Président.

M. Charbonneau: M. le Président, j'avais cru comprendre, tantôt, que vous aviez indiqué au député de Richmond que c'était la dernière question principale. J'avais une question principale également sur un sujet très important, un incident qui s'est produit dans le monde syndical, lundi soir, et j'aurais aimé poser cette question. J'ai compris votre décision, mais je pense maintenant que, si vous permettez au député de Rouyn-Noranda de poser sa question principale, vous devriez me permettre aussi une autre question principale.

Le Président: Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je voudrais poser ma question à l'honorable ministre de la Fonction publique.

M. Burns: Je m'excuse, M. le Président, je ne veux pas en appeler de votre décision, mais il me paraissait, à moi aussi, que vous aviez décidé qu'il y avait une dernière question principale. Vous avez vous-même convoqué une réunion des leaders parlementaires pour essayer d'obtenir, comme vous le disiez, la distribution du temps. Or, nous avons déjà dépassé de dix minutes la période régulière des questions. Il me paraît, M. le Président — et je vous prie humblement de reconnaître ce fait — qu'on est obligé de brimer les droits d'un certain nombre de députés. A ce moment-là, je vous suggérerais peut-être de leur donner priorité à la période des questions de demain.

Le Président: Le député de Rouyn-Noranda, très brièvement.

M. Samson: M. le Président, je voudrais parler sur la question de règlement pour vous indiquer que cela a pris à peu près deux minutes de plus.

Des Voix: Oh! Oh!

M. Samson: Question de règlement. Je soulève une question de règlement.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda, vous n'avez pas à parler sur le règlement puisque je vous autorise à poser votre question. Posez-la brièvement.

Dossier d'un employé de la fonction publique

M. Samson: Merci, M. le Président. Je m'adresse à l'honorable ministre de la Fonction publique pour lui demander s'il est bien au fait du dossier — il s'agit là d'un principe fondamental — d'une personne qui a été mise à pied à la Fonction publique après neuf ans de services pour une cause qui paraît être — je ne veux pas m'en faire le juge — de prime abord de la discrimination raciale.

Le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne s'étant prononcés favorablement dans le cas de M. Cherno Jalloh, et le ministre de la Fonction publique ayant pris connaissance de ce dossier, je voudrais lui demander aujourd'hui s'il est en mesure de nous dire de quelle façon il entend réintégrer cette personne dans ses droits.

M. de Belleval: J'ai fait droit aux réclamations de M. Jalloh. Un poste lui sera offert très bientôt pour lui permettre de faire le stage normal de tout employé temporaire au gouvernement, ce qui lui permettra d'avoir ou non sa permanence lorsqu'il aura terminé ce stage temporaire à la satisfaction de ses supérieurs.

Le Président: M. le député de Verchères.

Local 144 des plombiers à Montréal

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je voudrais demander au ministre du Travail s'il est au courant de l'incident qui s'est produit lors d'une assemblée syndicale du local 144 des plombiers à Montréal lundi soir dernier et des méthodes de banditisme qui, semble-t-il, continuent d'exister dans ce syndicat.

J'ai parlé, lors de mon discours, de l'importance d'un consensus économique entre le monde du travail et le monde patronal. Je pense qu'on ne peut pas qualifier de syndicalisme ce qui se passe actuellement au local 144.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Couture: Les seules informations que j'ai actuellement sont celles qui ont été communiquées par les media d'information. Dès que j'en ai eu connaissance, ce matin, j'ai envoyé un télégramme au tuteur en chef, M. Yves Ryan, pour lui demander, dans les plus brefs délais, une enquête sur ces incidents en lui disant de la façon la plus vigoureuse possible que comme ministre du Travail et comme membre de ce gouvernement jamais nous n'accepterons que la démocratie syndicale soit brimée au Québec.

Nous sommes conscients qu'il y a encore des problèmes à ce niveau, mais pour la crédibilité et l'assainissement du milieu de travail, surtout dans la construction, à cause d'incidents de ce genre... Je dois dire à cette Chambre, et je pense que plusieurs membres de l'Opposition seront d'accord avec moi, que bien souvent ce sont des incidents créés par quelques individus qui entachent tout le milieu de la construction.

J'ai demandé cette enquête, j'en ferai rapport et nous chercherons rapidement à maintenir la démocratie syndicale dans les syndicats de la construction.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. Biron: M. le Président, je voudrais déposer un document que le ministre de l'Education m'a demandé de déposer tout à l'heure, la photocopie d'un document.

Le Président: Très bien. M. Lavoie: Consentement.

Le Vice-Président: Document déposé. Avant les affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Burns: M. le Président, à la suite de négociations — on peut utiliser le mot parce que c'est exactement ce qui s'est passé depuis hier — qui ont eu lieu entre les leaders parlementaires et le ministre des Affaires municipales, ainsi que les critiques respectifs de l'Opposition, relativement au projet de loi no 3, il semble qu'il serait possible d'obtenir le consentement de la Chambre pour que, malgré l'article 1), qui est une motion privilégiée, c'est-à-dire la motion de censure, nous puissions très brièvement passer à l'article no 7), c'est-à-dire la reprise du débat sur l'amendement de M. Blank relativement au projet de loi no 3. Si j'avais ce consentement, M. le Président, je vous demanderais que nous passions à l'article 7), pour ensuite passer immédiatement à la motion du chef de l'Opposition, motion de censure privilégiée, évidemment.

Travaux parlementaires

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, est-ce que je pourrais, avant cette demande de consentement, rappeller qu'il y a normalement motion pour que la commission parlementaire des transports se réunisse?

M. Burns: C'est que je voyais le travail efficace que faisait cette commission et je pensais même qu'elle avait terminé ses travaux. M. le Président, je propose donc que la commission des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement se réunisse immédiatement au salon rouge.

Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Alors, est-ce que le consentement est donné?

M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Je voudrais qu'on se comprenne bien, qu'on fasse cela le plus rapidement possible, pour ne pas écourter le temps de débat sur la motion de blâme du chef de l'Opposition officielle. M. le Président, si je comprends bien, avant de reprendre ce débat et peut-être dans la possibilité de retirer la motion qui est faite actuellement au nom du député de Saint-Louis de remettre la deuxième lecture à un mois, le ministre des Affaires municipales aurait une déclaration à nous faire immédiatement, à savoir qu'il retire de son projet de loi trois articles contentieux, je crois, qui soulèvent l'ire de l'Opposition.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition, me permettez-vous auparavant que je demande tout simplement, par éthique, si le député de Marguerite-Bourgeoys renonce à son droit de parole?

M. Lavoie: Consentement unanime. Que le ministre des Affaires municipales prenne la parole immédiatement.

Le Vice-Président: Vous parlez au nom du député?

M. Burns: Qu'il renonce à sa priorité. Il renonce à la priorité que lui accorde... son droit de parole est conservé mais il...

Le Vice-Président: Je m'excuse, je ne veux pas faire de procédure, mais le député a des privilèges.

M. Lalonde: J'écoutais mes honorables collègues, mais si vous permettez que je parle pour moi, je comprends que vous avez appelé à l'ordre...

Le Vice-Président: Brièvement, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je comprends que le ministre des Affaires municipales a une déclaration à nous faire et je l'invite à la faire maintenant.

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales.

Pardon, M. le leader de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Je voudrais seulement faire remarquer qu'il faudrait que ce soit toujours en respectant l'article 124 de notre règlement.

Le Vice-Président: D'accord, M. le leader de l'Union Nationale.

M. le ministre des Affaires municipales.

Projet de loi no 3

Deuxième lecture (suite)

Motion de report à un mois

M. Guy Tardif

M. Tardif: M. le Président, à la suite du dépôt devant cette Chambre du projet de loi no 3, du débat en deuxième lecture et de la motion proposée par le député de Saint-Louis visant à reporter d'un mois l'adoption de ce projet, mesure qui aurait pour effet d'empêcher l'envoi des avis pour reprise de possession pour les baux se terminant le 30 juin, et, d'autre part, des faits nouveaux ayant été portés à mon attention depuis le dépôt de la loi, je crois qu'il est possible de donner partiellement raison à l'Opposition qui demande que certaines parties soient reportées à plus tard, en m'enga-

géant, en commission parlementaire, lorsque le projet de loi y sera étudié, à retirer, pour le moment, les articles qui traitent du cas de Val-Martin c'est-à-dire les articles 2, 5, 7 et 8. Ceci permettrait aux autres dispositions du projet de loi no 3, sur lesquelles il semble y avoir un accord de principe, d'être adoptées, après discussion, évidemment, en commission parlementaire.

M. Lalonde: M. le Président, je remercie le ministre de s'être rendu aux arguments de l'Opposition. Je pense que c'est un exemple pour ses collègues, à l'avenir. Dans ce contexte, ses collègues verront toujours l'Opposition officielle prête à collaborer avec le gouvernement pour trouver les meilleures solutions.

Je souhaite que ce répit qu'il s'accorde sera consacré à une recherche en profondeur de solutions équitables au cas de Val-Martin et des cas semblables, de façon à rendre justice autant aux locataires qu'aux petits propriétaires.

Toutefois, étant donné les dédales de la procédure et vu que les articles qu'il retire — ce sont ces articles qui soulevaient des problèmes pour l'Opposition — ne pourront l'être qu'à l'étape de l'étude en commission élue, nous devrons, en deuxième lecture, voter contre ce projet de loi.

M. Burns: Est-ce que le député de Saint-Louis retire sa motion?

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Louis.

Retrait de la motion de M. Blank

M. Blank: M. le Président, est-ce que je peux demander la permission de la Chambre de retirer ma motion visant à retarder l'étude de ce projet de loi?

M. Burns: Accordé.

Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

M. Bellemare: Est-ce qu'il sera envoyé en commission?

M. Burns: Oui.

Le Vice-Président: Le ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 3, Loi concernant certains immeubles loués.

M. Lavoie: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président: Qu'on appelle les députés!

Vote de deuxième lecture

Le Vice-Président: Que celles et ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Burns, Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Marois, Landry, Couture, Tremblay, Bérubé, Duhaime, Mme Ouellette, MM. de Belleval, Joron, Mme Payette, MM. Lessard, Proulx, Lazure, Garon, Tardif, Grégoire, Chevrette, Michaud, Paquette, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Alfred, Fallu, Rancourt, Mme Leblanc, MM. Bertrand, Godin, Johnson, Laplante, Bisaillon, de Bellefeuille, Guay, Gendron, Mercier, Laberge, Marquis, Lacoste, Ouellette, Perron, Brassard, Clair, Gosselin Lavigne, Dussault, Charbonneau, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Boucher, Gravel, Jolivet.

Le Vice-Président: Que celles et ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Garneau, Mailloux, Goldbloom, Saint-Germain, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron, Bellemare, Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Shaw, Le Moignan, Dubois, Cordeau, Samson.

Le Vice-Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 59 — Contre: 33 — Abstention: 0

Le Vice-Président: La motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

Motion de renvoi à la commission des affaires municipales

M. Burns: M. le Président, je propose que le projet de loi no 3 soit déféré à la commission parlementaire des affaires municipales. Avec le consentement de la Chambre, je propose que cette commission siège immédiatement à la salle 81-A et que le rapport de cette commission soit soumis aux règles du rapport de la commission plénière.

Le Vice-Président (M. Cardinal): Cette motion est-elle acceptée en son entier?

M. Lavoie: Adopté.

Motion de censure concernant les lois sur les services essentiels

Le Vice-Président (M. Cardinal): Adopté. A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs! Je dois rappeler... A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! Dois-je rappeler que, cet après-midi, nous avons, devant nous, une motion privilégiée avec un débat restreint et que nous devons prendre le vote à la fin de cette séance? Cette motion est celle du chef de l'Opposition officielle et elle se lit comme suit: "Que

cette Assemblée blâme sévèrement le ministre de la Justice qui, en décidant de mettre fin aux poursuites encore pendantes devant les tribunaux, relativement aux plaintes portées contre ceux qui étaient accusés d'avoir défié la Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation (Lois du Québec 1976, chapitre 38) et la Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail (Lois du Québec 1975, chapitre 52), a pris une décision arbitraire et sans fondement qui constitue un précédent extrêmement dangereux pour l'avenir, une violation du principe de l'égalité de tous devant la loi et un affront à tous les citoyens qui se font un devoir de respecter l'autorité de la loi au Québec."

Avant d'accorder la parole au chef de l'Opposition officielle, je veux rappeler qu'à la suite d'une rencontre entre les leaders de tous les partis, sur la base de 260 minutes possibles, dont il ne reste plus que 240 minutes, le temps a été ainsi alloué.

Conformément à l'article 24; 105 minutes au parti ministériel; 95 minutes à l'Opposition officielle; 40 minutes à l'Union Nationale, parti reconnu; 20 minutes pour les députés qui représentent des partis non reconnus. Il faudra donc allouer de nouveau ce temps. Nous pouvons le faire de trois façons: perdre un peu plus de temps en suspendant et en se réunissant à nouveau; attendre six heures pour voir où nous en sommes et avoir à nouveau une réunion des leaders de chacun des partis, ou laisser à la discrétion de la présidence, conformément à l'article 24, d'allouer de nouveau ce temps.

Du consentement de la Chambre, nous pourrions conserver cette base de travail. Je demande quand même, sans perdre de temps, une suggestion des leaders quant à la façon d'allouer de nouveau le temps prévu.

M. le leader du gouvernement.

M. Burns: M. le Président je vous propose et propose également à nos collègues d'en face que nous gardions la répartition du temps qui a déjà été convenue, quitte à ce que, si on s'aperçoit que cela pose un problème en cours de route, on se rajuste. On pourra toujours se rencontrer derrière le trône avec un représentant de la prési-dence.Quant à moi, je pense qu'il y a peut-être moyen, dans le temps prévu, avec une certaine économie, et peut-être même avec l'utilisation de temps qui n'est pas prévu, d'arriver à cadrer à l'intérieur des 260 minutes, ou peut-être moins et selon les proportions déjà faites. C'est la suggestion que je vous fais, M. le Président.

M. Lavoie: D'accord.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition?

M. Lavoie: D'accord.

Le Vice-Président: Sur cette base, peut-être que nous pourrions continuer au-delà de 18 heu- res, avec le consentement unanime. Je donne immédiatement la parole à M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il s'agit, comme on le sait, d'une motion de blâme à l'adresse d'un membre du gouvernement du Québec. Cette motion de blâme est portée en vertu des dispositions de l'article 24 de notre règlement, qui se lit comme suit: "Au cours d'une session, après que le débat sur le message inaugural est terminé, les députés de l'Opposition peuvent, à la suite d'un avis d'un jour franc, proposer six motions de censure portant sur un seul sujet déterminé d'intérêt public de la compétence de l'Assemblée. Ces motions sont privilégiées, etc.."

Ce n'est pas de gaieté de coeur que je me prévaux des dispositions de l'article 24, particulièrement à l'encontre de celui qui, d'après la loi — je me réfère au chapitre 16 de la Loi du ministère de la Justice — est le jurisconsulte du lieutenant-gouverneur et le membre jurisconsulte du Conseil exécutif de la province, celui qui veille à ce que les affaires publiques soient administrées conformément à la loi, etc. C'est donc dire qu'en portant cette motion de blâme à celui qui est titulaire de ce ministère, je le fais avec infiniment de précaution, mais également avec le sentiment que je dois servir par ce fait les intérêts mêmes de la justice au Québec.

Pour bien comprendre le sens de cette motion, il faut d'abord prendre connaissance de la décision prise par le ministre de la Justice, décision dont il a fait part à cette Chambre le 25 mars 1977. Le ministre de la Justice, à ce moment, disait au journal des Débats: "Concernant les plaintes portées en vertu des lois 23 et 253, j'ai pris la décision de mettre fin aux poursuites encore pendantes devant les tribunaux en vertu de ces lois."

M. le Président, de plus, le ministre de la Justice a ajouté qu'il n'avait été soumis à aucune pression quant à la décision qu'il a prise. Je tiens à le citer de nouveau, s'il me le permet: "Je tiens à lui dire que cette décision n'a été prise sous aucune pression que ce soit, mais a été prise, et c'était ma responsabilité, en ayant à l'esprit l'intérêt de la société et l'intérêt de la justice."

Première question que l'on se pose normalement, M. le Président; lorsque le ministre de la Justice indique qu'il n'a été sous l'effet d'aucune pression, veut-il dire qu'il n'a pas reçu de demandes quelconques, soit d'un syndicat affecté, évidemment, par ces poursuites ou d'un syndiqué dans le même cas, ou de procureurs de ces derniers? N'a-t-il pas eu l'occasion d'en parler avec des collègues? N'a-t-il pas eu l'occasion d'en parler au Conseil des ministres? Ou est-ce qu'il n'a pas eu, avant ou après le 15 novembre, de discussions à ce sujet avec quelqu'un?

Lorsqu'il parle de cette question de pressions, il mentionne qu'il n'a été l'objet d'aucune pression. Est-ce que, M. le Président, nous devons en venir à la conclusion qu'il n'a même pas été ques-

tion de cela dans les instances du Parti québécois; qu'il n'en a jamais entendu parler, ni directement, ni par l'intermédiaire de ses fonctionnaires, ni par l'intermédiaire de ses propres procureurs, les procureurs du gouvernement? Doit-on conclure, M. le Président, qu'un bon matin le ministre de la Justice, étant assis à son bureau, a décidé que ce serait une bonne chose pour le climat social au Québec d'enlever aux tribunaux, purement et simplement, des actions, des poursuites qui étaient devant ces derniers?

Ces questions, j'invite le ministre de la Justice à y répondre, parce qu'on peut avoir, quant à la définition des pressions, une conception quelque peu différente. J'aimerais bien que le ministre de la Justice puisse nous faire part de ce qui l'a amené, lui, les personnes ou les choses, à prendre cette décision dans le sens qu'il l'a prise. J'aimerais bien, également, savoir de lui s'il a eu l'occasion d'en parler avec le premier ministre, avec d'autres de ses collègues, au Conseil des ministres, avec ses fonctionnaires, et s'il a eu vent, directement ou indirectement, de velléités ou de désirs, quelque part, quant à cette question.

M. le Président, l'Opposition officielle avait posé une question au ministre de la Justice, le mercredi 23 mars 1977. Le ministre a admis, dès ce jour, avoir posé des gestes dans le sens d'un retrait des plaintes et il a indiqué alors son intention de rendre sa décision publique dans les jours qui suivraient. L'Opposition officielle est revenue à la charge, encore le lendemain, et le ministre a refusé de dire, à ce moment, quels gestes il avait posés. Ce n'est que le vendredi 25 mars 1977 qu'il a annoncé sa décision à cette Chambre.

Je n'ai pas le droit, évidemment, M. le Président, de prêter des intentions au ministre.

Cependant, j'ai le droit de signaler le fait que l'annonce du retrait des plaintes, en vertu des lois 23 et 253, n'a pu être pleinement portée à la connaissance du public comme elle devait l'être parce que — par coïncidence? — ce jour-là, le gouvernement avait décidé de rendre publics les comptes nationaux du Québec. Il était important, et c'est un des motifs que j'invoque pour présenter cette motion, que l'opinion publique soit bien saisie et comprenne bien la portée du geste posé par le ministre de la Justice et qu'il doive, lui, porter toute la responsabilité de son geste, et cela dans un souci évident et légitime de transparence.

Par sa motion de blâme, l'Opposition officielle soutient que la décision du ministre est une décision arbitraire et sans fondement, qu'elle constitue un précédent extrêmement dangereux pour l'avenir, une violation du principe de l'égalité de tous devant la loi et un affront à tous les citoyens qui se font un devoir de respecter l'autorité de la loi au Québec.

C'est une décision arbitraire et une décision sans fondement. Demandons-nous quels sont les pouvoirs du ministre de la Justice. Ils sont contenus dans la Loi du ministère de la Justice que j'ai évoquée il y a quelques instants. On voit que ses devoirs sont énumérés à l'article 3 de ladite loi. On voit, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, que cet article 3 indique que le ministre de la Justice veille à ce que les affaires publiques soient administrées conformément à la loi. Le même article 3, sous-paragraphe g), indique que le ministre remplit les autres fonctions qui lui sont assignées par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Dans les deux lois dont il est question dans ce débat, il est prévu que les poursuites pour contraventions auxdites lois sont intentées par le procureur général ou par une personne qu'il autorise généralement ou spécialement à cette fin. C'est donc dire que toutes les poursuites actuellement devant les tribunaux furent portées soit par le procureur général ou avec son autorisation. A aucun endroit de la loi trouvons-nous le droit ou le pouvoir, pour le ministre de la Justice, de retirer les plaintes pendantes devant les tribunaux. En droit criminel, il est prévu que le procureur général, ou le conseil à qui il a donné des instructions à cette fin, peut, à tout moment, après une mise en accusation, après qu'une mise en accusation a été prononcée et avant jugement, ordonner au greffier de la cour de mentionner au dossier que les procédures sont arrêtées par son ordre. Il s'agit d'un ordre de nolle prosequi. Le Code criminel prévoit cependant certaines conditions qui sont requises pour qu'il y ait nolle prosequi. Nous ne retrouvons aucun texte du même genre dans la Loi des poursuites sommaires et nous devons nécessairement conclure que le nolle prosequi n'existe pas dans le cas de poursuites pénales pour contraventions à une loi provinciale.

Il serait donc intéressant... D'ailleurs, le député de Marguerite-Bourgeoys a posé une question à laquelle le ministre de la Justice a refusé de répondre. A refusé de répondre.

M. Bédard: M. le Président...

M. Levesque (Bonaventure): Attendez! Vous aurez l'occasion de répondre.

M. Bédard: ... question de privilège. Le Vice-Président: M. le ministre.

M. Bédard: Cela fait deux fois que le chef de l'Opposition, se référant à des questions qu'il a posées...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... soit concernant des gestes posés ou, comme il l'a fait tout à l'heure, concernant le fait que j'aie refusé de répondre à une question, prétend que j'ai refusé de répondre à la question. Vous savez très bien qu'hier je n'ai pas répondu à la question parce que le règlement, étant donné qu'il y avait une motion en Chambre, m'empêchait de répondre à la question.

Des Voix: Oh! Oh!

M. Bédard: Je voudrais que le député...

M. Levesque (Bonaventure): ... absolument faux, M. le Président.

M. Bédard: ... et chef de l'Opposition mesure la portée de ses paroles.

Le Vice-Président: Sur une question de privilège ou sur...

M. Levesque (Bonaventure): Non, je vais continuer, M. le Président, il n'y a rien là.

M. Lavoie: II n'y a pas de débat.

Le Vice-Président: Permettez, monsieur. A l'ordre, s'il vous plaît! Permettez, M. le chef de l'Opposition officielle. A l'ordre, s'il vous plaît, M. le ministre de la Justice! Permettez que je souligne, dès le début de ce débat, un point important pour, non pas des questions de privilège particulières, mais des privilèges généraux des membres de cette Assemblée. Ceci est un débat restreint qui devra nécessairement se terminer, au plus tard, à 10 h 55. Le temps est prévu pour chacun des partis et, lorsqu'une question de privilège ou de règlement est invoquée, c'est autant de temps qui est enlevé et que la présidence doit attribuer avec la plus grande équité possible. J'en appelle donc à la collaboration de toute la députation à ce sujet.

A l'ordre, M. le leader de l'Union Nationale! A l'ordre, s'il vous plaît! En aucun moment je n'ai mentionné qu'il ne devait pas y en avoir. J'ai simplement indiqué qu'il fallait qu'à ce moment-là la présidence, aussi équitablement que possible, distribue le temps employé à ces questions de privilège et points du règlement. C'était simplement une invitation aux membres de cette Assemblée à se retenir. Vous pouvez toujours invoquer votre question de privilège après avis, en vertu de l'article 49, comme vous pouvez le faire sur-le-champ. Je ne veux pas moi-même prendre de ce temps et je redonne la parole au chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Comme je le disais, le ministre de la Justice a refusé hier de répondre, il a refusé. Il vient d'indiquer pourquoi il a refusé de le faire, mais moi j'ai bien le droit de dire qu'il a refusé hier de répondre à une question du député de Marguerite-Bourgeoys qui avait simplement pour but de nous éclairer à la veille de ce débat important sur une motion de blâme.

Nous voulions simplement connaître la procédure qu'avait adoptée ou qu'entendait adopter le ministre de la Justice pour mettre fin, pour les retirer autrement dit, aux poursuites pendantes devant les tribunaux, justement parce que, devant la loi des convictions sommaires, nous ne voyons pas en vertu de quelles dispositions il peut purement et simplement dire, au judiciaire: Vous êtes désaisis de ces poursuites sur lesquelles vous êtes en train de vous pencher, où d'ailleurs il y a de nombreuses procédures déjà entamées. Je dis qu'il est important pour nous de le savoir et même avant que nous ayons commencé ce débat.

Est-ce que le ministre de la Justice donnera ou a donné instruction à ses procureurs, partout au Québec, de dire qu'ils n'avaient pas de preuve à offrir? C'est une façon. Il faut à ce moment-là qu'on soit sûr et qu'on soit conscient de ce que l'on fait. Est-ce que le ministre de la Justice est prêt à dire que la procédure qu'il a indiquée ou qu'il indiquera à ses procureurs sera celle-là de dire qu'il n'y a aucune preuve nulle part sur les gestes posés par les syndicats, par les chefs syndicaux? Est-ce qu'il est prêt à dire cela?

S'il n'est pas prêt à dire qu'il a donné de telles instructions à ses procureurs, quelles sont les instructions qu'il a données ou qu'il entend donner à ses procureurs, en vertu de la loi des convictions sommaires et selon le mandat qu'il détient en vertu de la loi du ministère de la Justice? Nous avons hâte, M. le Président, d'entendre le ministre de la Justice nous dire cette procédure qu'il a voulu adopter, a adoptée ou entend adopter.

M. le Président, je puis vous dire que, s'il a utilisé ou s'il entend utiliser cette procédure, je suis personnellement convaincu que dans la plupart, sinon la totalité, des cas il y avait preuve suffisante. Nous n'aurions pas pris de procédures et nous n'aurions pas donné de telles instructions et nos hauts fonctionnaires et nos procureurs n'auraient pas donné l'avis qu'ils ont donné dans les cas de poursuite, s'il n'y avait pas là preuve suffisante pour que de telles poursuites soient intentées.

M. le Président, nous avons évoqué les lois 23 et 253. Il ne faut pas manquer de mémoire, il faut retourner au moment où ces lois ont été discutées et ont été adoptées par cette Assemblée nationale. Il faut retourner pour voir dans quelles conditions se trouvaient les enseignants, les élèves, les malades dans les hôpitaux, dans quelles conditions se trouvait, autrement dit, la population qui était, dans plusieurs cas, tenue en otage. Il faut se le rappeler et, si on me le permet, je ferai simplement une lecture très rapide de deux éditoriaux, des extraits, dont un de M. Claude Ryan, le jeudi 8 avril 1976, relativement à la loi no 23: Si l'Assemblée nationale décide d'intervenir dans le conflit scolaire par voie de législation, il faut évidemment que sa volonté soit respectée. A cette fin, il est normal que la loi envisagée soit assortie de sanctions qui doivent être à la mesure de la gravité du problème qu'on veut résoudre et de l'importance des parties en cause. Or, on ne traite point, en l'occurrence, avec des groupes modestes ou dénués de tout moyen d'action, mais avec des corps publics et des syndicats munis, en vertu d'autres lois, de pouvoirs considérables. Les sanctions doivent être proportionnées à cette réalité. Dans cette perspective, les amendes prévues dans la section IV du projet de loi sont justifiées.

Il faut se rappeler, en effet, M. le Président, dans quelle situation nous nous trouvions à ce moment-là. On me permettra également, dans le cas de la loi 253, de lire un autre éditorial, celui-ci du Soleil, où l'on voit un diagnostic établi par l'Association des conseils de médecins et de dentistes: La sécurité des malades est gravement compromise et la santé publique pourrait être menacée si le climat d'hostilité et d'anarchie se prolongeait de quelques semaines. Les conditions objectives dont font état les médecins signifient que

les cas non urgents, mais graves, sont en attente dans les hôpitaux, que les tests pour fins de diagnostic sont suspendus, que les salles d'urgence sont fermées complètement ou partiellement dans les grands hôpitaux, que la suite normale des soins urgents n'est pas assurée, que les salles d'urgence sont cadenassées.

On semble oublier ces faits. Je tenais simplement, par ces deux exemples, en apportant ces deux seuls témoignages, sans vouloir retrouver dans tous les media et tous les journaux les témoignages qui se sont multipliés, démontrer l'inquiétude qui était morbide et grandissante, à ce moment-là, et même dramatique au Québec. C'était dans les deux cas, celui des hôpitaux et des services sociaux, comme dans le cas des enseignants, une situation inqualifiable tellement l'intérêt public était en cause et tellement l'intérêt public était menacé.

M. le Président, le Parti québécois a voté pour la loi 253 lorsqu'elle a été étudiée dans cette Chambre, contrairement à ce que le ministre a laissé entendre le 25 mars 1977 dans sa déclaration. J'ai eu l'occasion de soulever une question de privilège dans cette Chambre et de confondre le ministre, qui s'est accroché à un soi-disant vote de troisième lecture contre le projet de loi. On se rappellera que le Parti québécois, l'Opposition officielle du temps, avait voté à toutes les étapes, première lecture, deuxième lecture, troisième lecture, en faveur de la loi 253.

Je ne dis pas, M. le Président, qu'il s'agit là d'un considérant important dans la discussion actuelle, mais il est devenu un considérant important lorsque le ministre de la Justice, lui-même, se réfère à son attitude, en troisième lecture, sur la loi 253, pour dire que, en ayant voté contre cette loi no 253, il votait contre les amendes exorbitantes qui étaient imposées par ce projet de loi.

Si telle avait été son opinion, si telle avait été l'opinion de son parti, il aurait dû, en troisième lecture, lorsque l'on décide des modalités, voter contre ce projet de loi. Encore une fois, Mme le Président, je dis que là n'est pas l'objet de mon propos. Mais cela, cependant, confirme que le ministre de la Justice, dans l'expression de ses paroles comme dans les décisions qu'il prend, n'apporte pas le sérieux dont on doit s'attendre de celui qui est le jurisconsulte du gouvernement.

Le 5 mai 1976, en réponse à une question du député de Maisonneuve, j'ai indiqué très clairement mon intention, en tant que ministre de la Justice, et je cite la page 887 du journal des Débats: "... de voir à ce que les lois qui sont votées par cette Assemblée nationale soient respectées. Je continuerai, dans l'exercice de mes fonctions, à avoir la même objectivité et également la même fermeté."

Dans les poursuites qui ont été prises alors, j'ai indiqué devant l'Assemblée nationale qu'à chaque occasion j'ai fait émettre par mon ministère un communiqué relativement aux mesures prises par le Procureur général. On aura remarqué que dans le premier cas il y a eu des procédures prises contre le syndicat; il y a eu ensuite des procédures prises contre certains autres syndicats, non seulement d'enseignants mais également d'employés de soutien. Il y a eu par la suite, alors que se multipliaient les infractions, des procédures prises contre les présidents de certains syndicats et j'ajoutais: "S'il y a d'autres mesures de prises à la suite de ces débrayages ou de ces harcèlements, elles seront annoncées de la même façon."

C'est donc dire que les règles du jeu étaient clairement établies. Il y avait eu des gestes posés par l'Assemblée nationale et selon mon devoir de ministre de la Justice, de procureur général, je m'étais formellement engagé à les faire respecter. J'ai vu à ce que les sanctions soient imposées avec discernement et à ce que tout le monde sache que pour aucune espèce de raison je ne reviendrais sur ma décision.

On n'a qu'à se référer au journal des Débats du vendredi 14 mai 1976, on n'a qu'à lire les journaux du 15 mai 1976 et vous verrez que ceux qui avaient l'intention d'enfreindre la loi, de défier la loi, étaient bien avertis. La loi suivra son cours sur le règlement des amendes. C'était ça qu'on voyait dans les manchettes le 15 mai 1976. Tout le monde était bien prévenu. L'Assemblée nationale s'était prononcée et nous avons pris la peine de prévenir les syndicats. Nous avons pris la peine de prévenir ceux qui voulaient défier la loi, nous avons prévenu l'opinion publique, nous avons utilisé tous les media pour dire: C'est sérieux, si vous ne respectez pas les lois du Parlement, particulièrement les lois 23 et 253, voici les sanctions qui vous attendent.

Si j'ai pris soin d'établir ainsi clairement a tous les intéressés les règles du jeu, c'est que je savais la décision prise par mon prédécesseur au sujet de la loi 19. Le 18 avril 1973, M. Jérôme Cho-quette avait décidé de maintenir les poursuites contre les syndicats et d'abandonner celles contre les enseignants eux-mêmes. Rappelons cependant à cette Chambre qu'alors que j'étais Procureur général je n'ai pris aucune poursuite contre les enseignants individuellement. Les seules poursuites ont été contre les syndicats et contre les officiers syndicaux. Il n'y a eu aucune plainte, le ministre pourra en prendre note et me répondre là-dessus...

En vertu de la loi 23, je n'ai pas donné d'instructions, selon mon souvenir, pour qu'une seule action soit prise individuellement qui n'était pas une action prise contre un syndicat et, en second ou en troisième lieu, contre des officiers syndicaux, lorsqu'il y avait récidive.

Mme le Président, je rappelais la décision de M. Choquette. Je savais que cette décision n'avait pas donné les fruits attendus, puisque, trois ans plus tard, nous nous retrouvions devant les mêmes abus syndicaux. J'ajoute que, dans le communiqué qu'il émettait alors, M. Choquette précisait qu'il n'était pas question de blanchir ceux qui n'ont pas obéi à une loi adoptée par le Parlement. L'actuel ministre de la Justice, par la décision qu'il a prise, fait en sorte qu'aucune sanction ne demeure, sauf celles se rapportant à des outrages au tribunal. Là, nous pourrions discuter longtemps sur la façon dont pourrait inter-

venir le ministre de la Justice, lorsque c'est le tribunal lui-même qui est outragé. Je me demande jusqu'où le ministre de la Justice veut pousser le ridicule, lorsqu'il parle de ce qu'il pourrait faire à la place du judiciaire encore, et lui-même se sentir outragé et pardonner à la place du tribunal. Est-ce cela que le ministre de la Justice indique par cette exception qu'il a voulu souligner de toutes les façons possibles pour leurrer le public? Aucune sanction ne sera prise contre quiconque aura enfreint des lois adoptées par le Parlement. Cela est tout à fait inacceptable.

Quels sont les motifs du ministre? Il passe rapidement sur le nombre de plaintes. S'il fallait se rendre à cet argument, nous aurions une bien drôle de justice, dans la mesure où on n'aurait qu'à multiplier les infractions aux lois pour éviter toute espèce de sanction. N'oublions pas ce raisonnement utilisé par le ministre de la Justice quant au montant des amendes. J'ai répété qu'il n'y a aucun enseignant, individuellement, qui n'était pas officier syndical, qui avait reçu de poursuites. Je dis qu'il y en a eu en vertu de la loi 253, des salariés qui ont reçu...

M. Bédard: Vous corrigez là.

M. Levesque (Bonaventure): Je ne corrige pas, je n'ai jamais parlé autrement que je viens de le dire. Lisez le journal des Débats! Mettez votre appareil auditif! Faites marcher vos machines intellectuelles! Je vous dis une chose. Ce que je dis, c'est que, lorsque j'ai parlé de poursuites individuelles, j'ai mentionné qu'il s'agissait du cas des enseignants, de la loi 23.

Quant à la loi 253, oui, il y a eu des poursuites individuelles, mais, dans ce cas, pourquoi les compile-t-on, les compute-t-on, les multiplie-t-on, ces amendes minimales ou maximales qui seraient possiblement imposées à des individus pour en faire une somme globale? Chacune de ces personnes qui a enfreint la loi 253 doit être suffisamment responsable pour assumer elle-même la conséquence de ses actes. Si cette personne doit être condamnée à payer $40, $50 ou $100, je me demande pourquoi on multiplie cela par le nombre de 6000 ou 7000 qui sont dans le même cas. En vertu de quel principe et en vertu de quelle loi, ou en vertu de quel privilège, ou en vertu de quelles concoctions pouvons-nous, à ce moment-ci, dire que les sanctions seraient trop lourdes à supporter, lorsqu'on multiplie des cas individuels et qu'on en fait un cas collectif? Chacune de ces personnes avait à prendre ses responsabilités. Je n'accepte pas que, sous le couvert du syndicalisme, on puisse donner l'absolution totale et globale à un groupe si important soit-il dans notre société, puisqu'il est formé de personnes qui avaient entre les mains le sort, d'une part, de l'année scolaire des élèves et, d'autre part, la santé et la vie d'autres membres de notre société.

Le nombre de plaintes et, ensuite, le caractère inadéquat de la loi. J'ai indiqué, tout à l'heure, quelle est l'attitude que ces mêmes gens ont prise lorsque nous avons, en décembre 1975, étudié et adopté cette loi.

J'ai évoqué l'attitude du Parti québécois, attitude officielle qui a été consignée dans le journal des Débats et qui est consignée au secrétariat de cette Assemblée.

Mme le Président, le ministre de la Justice a parlé de provocation. Mais où en sommes-nous rendus? C'est dire que lorsque cette Assemblée propose des lois, étudie des projets de loi, et finalement adopte des lois, c'est de la provocation? Lorsque des citoyens qui se disent ou se pensent au-dessus de la loi les défient, on dit que ce sont des gens qui ont été provoqués? Mme le Président, où allons-nous avec cette théorie complètement hurluberlue, anarchique? J'espère que le ministre de la Justice n'essaiera pas de faire passer à la population que c'est dorénavant de cette façon qu'on va, nous les membres de cette Assemblée nationale, étudier les lois et espérer qu'elles soient respectées. Est-ce de cette façon que nous allons procéder?

Mais, qu'est-ce que nous faisons ici, à l'Assemblée nationale? Quel est le rôle des élus du peuple? Quelle est la valeur des lois que nous sommes appelés à étudier et à adopter si, lorsque nous faisons notre devoir ainsi, nous devenons des provocateurs? Ceux qui les défient peuvent dire: Nous avons été provoqués par l'Assemblée nationale; nous avons été provoqués par les députés; nous avons été provoqués par les élus du peuple. Nous, nous allons nous placer au-dessus de la loi et nous allons recourir, après les élections à des partis amis qui vont comprendre la situation et qui vont corriger cela. Ils vont passer l'éponge, blâmant complètement l'Assemblée nationale elle-même, faisant fi de l'autorité de cette Assemblée? Voyons, Mme le Président! Regardons où nous nous en allons avec de tels principes.

Le ministre parle de l'engagement de modifier les lois 23 et 253. Nous avons eu la lecture du discours inaugural par le premier ministre. Avez-vous entendu les intentions du gouvernement de modifier les lois 23 et 253 ou de les abolir? Mme le Président, voilà une façon courageuse qu'aurait pu utiliser le ministre de venir dans cette Chambre et de proposer le retrait de ces lois, d'une façon démocratique, en demandant aux élus du peuple ce qu'ils en pensaient, au lieu de prendre sur lui cette attitude arbitraire, inqualifiable pour un ministre de la Justice.

Mme le Président, on a parlé d'un climat de confiance qu'il fallait restaurer, rétablir, confirmer, mais qu'est-ce que l'on doit conclure? Que le climat de confiance réside dans l'irrespect des lois? Que le climat de confiance s'établit en mettant de son côté tous les principes qui ont guidé notre démocratie, en mettant de côté les principes aussi sacrés que l'égalité de tous les citoyens devant la loi? C'est là-dessus et c'est là que résiderait ce retour à un climat de confiance? Je dis: C'est l'instauration de l'anarchie, Mme le Président.

Il s'agit ici clairement d'une intrusion de l'exécutif dans le judiciaire. Permettez-moi de citer, pour l'édification de cette Chambre et particulièrement du ministre de la Justice, simplement un extrait d'un jugement du 12 décembre 1972 du juge Marc Fortier qui disait: "Le rôle, la compé-

tence, les prérogatives et les limitations de chacun des trois pouvoirs sont déterminés et répartis de manière à ce qu'en principe il n'y ait pas d'empiétement sur ceux des autres.

Le législatif — c'est nous, ça — est chargé de l'étude préalable du vote et de l'adoption des lois. L'exécutif — le ministre de la Justice — voit à ce qu'elles soient sanctionnées et efficacement exécutées. Quant au judiciaire, il doit les interpréter, suivant une recherche objective et impartiale de l'intention du législateur, puis les appliquer telles que conçues et édictées par l'autorité compétente et agissant dans les limites de sa juridiction constitutionnelle."

Dois-je être obligé de me trouver dans cette situation de rappeler au ministre de la Justice des choses aussi fondamentales que tout citoyen connaît, mais que, lui, met de côté dans un geste qu'il est difficile réellement de comprendre, mais qu'il est sûrement impossible d'accepter. Qu'en pense la magistrature? C'est un manque de confiance dans la valeur du pouvoir judiciaire puisque le ministre, dans sa déclaration, en jouant avec les minima et les maxima, a supposé que toutes les plaintes auraient été retenues devant les tribunaux. C'est lui qui se subsitue au judiciaire, en faisant ses multiplications et ses beaux chiffres, en présumant que tous ceux qui étaient devant les tribunaux seraient trouvés coupables. C'est lui qui présume de la décision du judiciaire. C'est lui qui décide quels seront les minima et les maxima, dans le cas où quelqu'un serait trouvé coupable.

Mme le Président, le gouvernement parle de revaloriser l'Assemblée nationale. Il a même nommé un ministre pour cela, le ministre de la réforme parlementaire, etc. Et voilà que le ministre de la Justice bafoue, par sa décision, l'autorité même de l'Assemblée nationale.

Nous avons devant nous un précédent extrêmement dangereux pour l'avenir. Pas plus aux Etats-Unis qu'au Canada et qu'au Québec, un gouvernement ne peut sérieusement prétendre que des situations analogues ne se reproduiront plus dans l'avenir. Lorsqu'une telle situation se produira à l'Assemblée nationale, que ferons-nous? Le Parlement pourra-t-il, à l'avenir, intervenir? Et avec quel succès? Quelles seront les conditions dans lesquelles se retrouveront les membres de cette Assemblée lorsque surviendra un état de crise, ce que je ne souhaite pas, mais qui peut fort bien arriver? Et même dans des lois comme la loi 253 qui est encore une loi de cette province, une loi que devront respecter ceux qui se retrouveraient dans une situation analogue, qu'est-ce que nous ferions, nous, ici, les députés? Comment réglerions-nous un cas de crise comme celui-là si, par les gestes posés par le ministre de la Justice, nous disons, par notre législation: Même si elle veut avoir des dents, ne vous inquiétez pas, nous avons ici des précédents créés par le ministre de la Justice et acceptés par ses collègues. Nous avons des précédents qui font que vous n'avez pas à vous inquiéter. Laissez les députés s'amuser avec les lois, laissez-les passer des heures et des nuits à discuter. Ne vous inquiétez pas, qu'ils mettent des amendes, qu'ils mettent la prison, qu'ils fassent ce qu'il veulent, aucune espèce d'importance, ne vous inquiétez pas, l'éponge sera passée.

Nous ne pouvons pas fonctionner, en démocratie, de cette façon. Nous ne pouvons pas, parce qu'il y a ce principe de l'égalité devant la loi et de la suprématie du Parlement. On veut être indépendant et souverain. Quel pays on nous prépare! Pensons-y. Seulement dans ce cas, parce qu'il y a une certaine clientèle du Parti québécois qui était affectée, voilà que l'on met de côté l'autorité du Parlement, le respect des lois, et on veut se séparer pour mettre en vigueur ce genre de principe qui guide le ministre de la Justice, aujourd'hui? Jamais! Mme le Président!

Nous avons ici un accroc sérieux au principe de l'égalité du citoyen devant la loi. Il y a présentement devant les tribunaux d'autres syndicats qui sont poursuivis pour des infractions aux lois du pays ou aux lois de la province à l'occasion de conflits de travail.

Il y en a plusieurs en dehors de ceux qui ont enfreint la loi 23 ou la loi 253. Qu'est-ce qui arrive de ces gens, de ces syndicats, de ces syndiqués, de ces salariés? Que fait le ministre de la Justice dans ce cas-là? Si on pouvait faire une comparaison avec l'économique, on verrait que tout le monde court après Tricofil pour l'aider, mettant de côté tous les autres travailleurs au Québec, se foutant royalement de ce qui arrive dans toutes les régions du Québec à tous ces milliers de travailleurs qui sont menacés de chômage ou qui sont déjà sans emploi. On fait présentement le même jeu. C'est cela, le nouveau style de gouvernement? On traite différemment, les citoyens dans cette justice qui doit être à l'abri de toute pression, de tout privilège. On est en train de faire deux classes, au moins, de citoyens devant la loi de notre pays. C'est là une des choses les plus graves que nous ayons connues et que nous ayons vécues, et qui menace la Justice elle-même — avec un grand J — pour l'avenir, cette justice qui est tellement chère à chacun des citoyens de notre pays et de notre province.

Lorsque je dis ces choses, je n'ai qu'à prendre à témoin le ministre lui-même qui admettait — je me réfère au journal des Débats du 25 mars 1977 — lorsque je lui posais la question suivante: "Est-ce que, dans le cas des lois 23 et 253, il y a eu des jugements qui ont été rendus à la suite de plaintes et, dans ce cas, quel est le sort de ceux qui ont eu à se rendre aux décisions des tribunaux?" ce qui suit: "M. Bédard: II y a des jugements qui ont été rendus et, je l'ai dit tout à l'heure, les jugements qui ont été rendus seront respectés."

Comment concilier cette situation qui est faite à ceux qui sont passés les premiers devant les tribunaux, dont les jugements sont rendus? Eux autres, on s'en fout et on crée une autre situation pour ceux dont le jugement n'est pas encore rendu, où le judiciaire ne s'est pas encore prononcé. On s'en va prendre, entre les mains du judiciaire, des poursuites qui sont à mi-chemin ou aux trois quarts du chemin, mais celles qui sont rendues à terme ou qui sont en appel, on n'y tou-

che pas. Voilà la situation que crée cette décision improvisée? — point d'interrogation — du ministre de la Justice, décision qui ne se défend à aucun point de vue.

Vous me permettrez, avant de conclure, simplement de vous dire que nous ne sommes pas les seuls, nous de l'Opposition officielle, à réagir de cette façon devant une telle attitude du ministre de la Justice. Je n'ai pas parlé au nom de mes collègues de l'Union Nationale, ils auront à se prononcer tout à l'heure. Je vois ici, dans le Nouvelliste du samedi 26 mars 1977 que l'Union Nationale se dit renversée d'une telle décision. Nous ne sommes pas seuls, cependant. Nous avons vu également et nous entendrons, j'en suis convaincu, le Ralliement des créditistes et nous entendrons également, j'en suis convaincu, parce que je l'ai écouté à la radio cet après-midi, le député de Beauce-Sud. Ce ne sont pas seulement les oppositions qui vous posent des questions, M. le ministre de la Justice, c'est l'ensemble des citoyens du Québec. Plus particulièrement, voyons ce que la magistrature elle-même en pense. Je cite, dans la Presse de Montréal du jeudi 24 mars 1977, Léopold Lizotte.

Pour les juges,.on ne peut passer l'éponge si aisément. "On ne peut définitivement pas, ont en effet répondu sans exception ceux que nous avons interrogés, passer ainsi l'éponge chaque fois qu'une grève est enfin terminée ou qu'une solution est trouvée à un conflit, surtout de l'envergure de ceux survenus dans les secteurs scolaire et hospitalier. C'est non seulement amoindrir l'autorité des tribunaux, mais attenter tout aussi sérieusement à celle de l'Etat lui-même. ' Ce sont les juges qui parlent ainsi; c'est le judiciaire qui se prononce sans exception, tous ceux qui ont été consultés, Mme le Président.

Le Barreau, Me Brassard, le bâtonnier du Barreau du Québec, a souligné que, sur le plan juridique, il s'agissait d'un précédent dont les conséquences à long terme n'étaient pas connues, mais pouvaient être dangereuses. Il a ajouté que ce geste ne constituait évidemment pas un encouragement au respect des lois et qu'il pouvait placer le ministre de la Justice dans une position délicate si la situation de crise vécue l'an dernier devait se reproduire et si le gouvernement était alors obligé d'adopter des positions semblables à celles adoptées par l'ancien gouvernement. Le bâtonnier du Québec avait pris la précaution de rappeler qu'il ne voulait pas se prononcer sur l'opportunité sociale ou politique du retrait des accusations, simplement sur le côté juridique qui est sa responsabilité, qui est de sa compétence.

Et je poursuis: "Enfin, en acceptant l'hypothèse que les sentences prévues par les lois 23 et 253 pouvaient être considérées comme excessives, le bâtonnier a souligné qu'on aurait pu avoir recours à des mécanismes autres que le retrait absolu et général de toutes les plaintes pour remédier à cette situation. L'absolution générale du ministre, dans les circonstances, ne fait aucune distinction entre les enseignants dont la grève était alors légale et qui s'étaient vu imposer un retour soudain et brutal au travail, nonobstant la lé- galité de leur grève, et les employés d'hôpitaux qui étaient déjà sous le coup de la loi des services essentiels qu'ils ne respectaient pas."

Mme le Président, nous avons là les juges, nous avons là le Barreau; nous pouvons apporter d'autres témoignages. Prenons, par exemple, l'éditorialiste Claude Ryan, du Devoir, qui, même avant que le ministre ait pris sa décision, devant les rumeurs qui circulaient à cet effet, a prévenu le ministre de ne pas poser ce geste. Il disait, entre autres, en parlant du ministre: "II laisserait planer de graves doutes sur l'impartialité et l'indépendance du gouvernement Lévesque et encore davantage sur son respect des lois." Et il ajoutait: "Que le gouvernement, dans le plein respect des lois concernées, cherche par tous les moyens raisonnables à en atténuer au maximum les effets, cela est hautement souhaitable, mais toute mansuétude qui prétendrait aller jusqu'à l'oubli total des gestes illégaux très graves faits en toute connaissance de cause l'an dernier serait une abdication et ferait apparaître comme une tragique forces la dureté dont on fit montre il n'y a pas si longtemps envers des familles d'immigrants qui n'avaient aucune force de frappe pour faire valoir leurs intérêts.

Là, Mme le Président, je vous rappelle ce que le vice-premier ministre et ministre de l'Education a dit à cette Chambre et à l'opinion publique du Québec relativement aux tests linguistiques, qu'il ne pouvait faire autrement que de donner suite à la volonté exprimée par la loi de cette Législature et qu'il ne pouvait pas suspendre les tests linguistiques à cause de la loi. Dura lex, sed lex.

Dans ce cas-là il y a un principe pour le ministre de l'Education et il y a un autre principe pour le ministre de la Justice, celui-là même qui doit défendre le respect des lois votées par cette Asserrh blée.

Mme le Président, nous pouvons citer combien de gens sont intervenus à la suite de cette décision. Pas seulement le Devoir, mais la Presse de Montréal, dans deux éditoriaux que le ministre a dû lire, signés Vincent Prince, l'un avant la décision et l'autre après, pour voir s'il n'y avait pas moyen de ramener le ministre de la Justice à la raison.

Mme le Président, on lit ceci, et je ne fais que lire quelques extraits de ces éditoriaux: Mais ne serait-ce pas créer un précédent dangereux que de passer ainsi l'éponge? Ces lois ont quand même été votées régulièrement et de façon démocratique. Pourquoi ne laisserait-on pas les tribunaux apprécier les faits et disposer des causes qui leur ont été soumises? Mais que ce soit le cas de toutes, lorsqu'il parlait de certaines causes qui auraient pu être perdues manque de preuves, que ce soit là le cas de toutes dépasse l'entendement. Il continue: De toute façon, on a le droit de soumettre humblement qu'il n'appartient pas à un gouvernement de juger de la légitimité des lois passées par son prédécesseur, mais aux tribunaux. De quelle autorité morale le gouvernement actuel pourra-t-il se justifier quand il voudra faire respecter ses lois? Je cite encore M. Vincent Prince: Certains souligneront que l'arrêt des poursuites signi-

fierait, en pratique, la reconnaissance de deux classes de citoyens devant la justice, mais il y a plus, cela pourrait signifier qu'il y a deux classes de syndiqués.

Mme le Président, lorsque cela a été fait, lorsque la décision a été rendue, M. Vincent Prince est revenu à la charge par un autre éditorial sous le titre: Le cadeau fait aux syndicats. Il dit: Attendons les prochains affrontements. Mais, de là à suspendre toutes les plaintes, il y a une marge qui n'aurait pas dû être franchie. On est en train d'accréditer la thèse voulant que tous les moyens soient bons pour gagner une grève. Je cite encore: "Evidemment, Me Bédard peut estimer qu'il n'aura jamais à faire adopter de loi d'exception, qu'il ne déplaira jamais au monde syndical. Allez-y voir!

A moins qu'il ne leur cède continuellement et en tout, il peut s'attendre à de durs affrontements à son tour. L'idéologie syndicale reste inchangée."

Dans le Soleil de Québec du 28 mars, éditorial de Paul Lachance: "Un coup de balai dangereux". Et nous lisons: "Les syndicats s'interrogeaient-ils, eux, sur les effets sociaux de leur débrayage où la santé publique était mise en danger et les étudiants pris en otage au nom du bien-fondé de leurs revendications? Songeaient-ils à la paix sociale québécoise lorsqu'ils brimaient les intérêts collectifs de toute une population au nom de mobiles idéologiques visant à la démolition du pouvoir établi? S'arrêtaient-ils à faire le bilan éventuel de la faillite socio-économique à laquelle menaient leurs exactions? La décision du ministre Bédard, même si elle veut s'appuyer sur un désir sincère d'améliorer la situation québécoise, crée un dangereux précédent pour la protection des pouvoirs constitutionnels sur lesquels repose la chose publique. Dût-elle ne pas constituer une ingérence dans le pouvoir judiciaire, elle n'en touche pas moins profondément la crédibilité et l'indépendance du seul fait qu'elle laisse planer le doute que le législatif peut disposer à sa guise des litiges auxquels il est commis."

Mme le Président, je vous demande simplement de vous y référer, parce que je veux laisser à d'autres le temps d'intervenir, mais je voulais simplement vous dire qu'on peut retrouver dans le Nouvelliste, par exemple, sous la plume de Sylvio Saint-Amand, le titre: "Mansuétude de M. Bédard". "Cette demande peut paraître farfelue — parlant de la demande du député de Marguerite-Bourgeoys — mais avouons qu'il y a de quoi s'interroger lorsqu'un ministre demande à des municipalités de transgresser une loi et qu'un autre s'organise pour accorder l'immunité à ceux qui ne respectent pas la loi. La paix sociale ne peut s'acheter au mépris des lois."

Si on continue, on peut prendre par exemple dans la Tribune de Sherbrooke un autre éditorial de Jean Vigneault: "Le droit de violer la loi?". Et on y lit: "Eliminer cependant tout le passé, c'est tolérer l'anarchie et même des préjugés favorables aux travailleurs ne peuvent être farcis d'une telle philosophie qui ferme les yeux sur des actes aussi graves. Le gouvernement a déjà aboli rétroactivement la Loi concernant les mesures anti-inflationnistes mais on verrait mal qu'il agisse ainsi dans le cas de lois votées pour la protection du public."

Et on peut continuer les témoignages. Nous en avons plein nos bureaux. Il y en a plein les media, pas suffisamment cependant pour impressionner le ministre de la Justice. Mais je lui dirai, s'il veut se consoler, qu'il pourra trouver des témoignages. J'ai vu deux témoignages à l'appui de l'action du ministre de la Justice: le témoignage de M. Yvon Charbonneau et celui de M. Rodrigue ce matin. J'en ai trouvé deux. Je veux être honnête, je veux tout donner. Deux. Des gens dont les syndicats ont profité de cette mansuétude ou de cette faiblesse ou de ces attaches du ministre de la Justice.

Mme le Président, je crois qu'à ce moment-ci j'ai dû vous convaincre. J'ai essayé, du moins, en remplissant un devoir qui n'est sûrement pas agréable d'attaquer un collègue pour qui sur le plan personnel j'ai beaucoup de sympathie, mais dont les gestes publics et administratifs m'obligent à m'élever, au nom de l'Opposition officielle, oui, mais aussi au nom de l'opinion publique, au nom du public québécois, au nom du respect des lois.

Je dois, dans cette motion de blâme, indiquer qu'il n'est pas question pour nous et qu'il n'est pas question pour la population du Québec d'accepter que le jurisconsulte du gouvernement, le ministre de la Justice, celui qui a ces responsabilités éminemment importantes, puisse agir comme il a agi. Il est encore temps — et je fais appel à lui — de revoir cette décision, parce qu'à ma connaissance on n'a pas commencé dans le processus judiciaire à donner suite, au moment où nous parlons, à la décision indiquée cette semaine par le ministre de la Justice.

Justement, dans cette volonté de travailler pour le bien commun et surtout de travailler afin que cette justice soit toujours vue par le citoyen avec considération, avec respect, il est important que, dans les minutes ou les heures qui suivent, le ministre de la Justice, avec ses collègues qui peuvent sans doute l'influencer, révise cette décision qu'il a prise. Il a dit qu'il l'a prise comme ministre de la Justice et que ce n'est pas une décision qui est prise par le gouvernement. J'ai hâte de voir comment il nous décrira, parce qu'il doit nous le dire, les relations qu'il y a eu entre sa décision et les conversations qu'il a eues. Il doit certainement nous le dire, en toute transparence. C'est un mot que je me rappelle parfaitement et dont le ministre de la Justice aurait particulièrement besoin ce soir. Mais, en même temps, il doit tenir compte du sens des responsabilités vis-à-vis du respect des lois et vis-à-vis de l'avenir réservé aux lois qui seront promulguées par ce Parlement, tenir surtout compte de l'importance qu'il doit et que nous devons tous attacher à la démocratie et particulièrement à la perception que se fait le citoyen moyen de l'égalité de tous devant la loi, de la perception que doit avoir le citoyen vis-à-vis de la justice et vis-à-vis de celui qui est responsable de son administration au Québec.

Je dis qu'étant titulaire de ce ministère de la Justice, le ministre doit, non seulement essayer de

se défendre contre cette motion de blâme qui lui est adressée non seulement par un homme — je pense que j'ai fait le point, elle est adressée par la population du Québec et par toutes ses institutions et par tous ceux qui croient à la justice véritable — il doit ne pas simplement essayer de défendre sa peau, mais il doit, au contraire, s'élever au-dessus de ces querelles qui peuvent paraître partisanes, s'élever en disant: Je me suis trompé, je n'ai pas l'intention de consacrer une situation intolérable pour ceux qui ont le moindre respect pour la justice.

Mme le Vice-Président: Avant de reconnaître le leader de l'Union Nationale, je dois, en vertu de l'article 174, vous donner avis avant 18 heures aujourd'hui que j'ai reçu avant 17 heures, un avis de l'intention de l'un des députés de soulever un débat avant l'ajournement des travaux de cette Assemblée ce soir. Voici cet avis: "M. le Président, je vous donne avis que je désire me prévaloir des dispositions de l'article 174 pour obtenir plus d'informations à la question que j'ai posée au ministre de l'Agriculture cet après-midi. Je ne suis pas satisfait de la réponse obtenue. Fabien Roy, membre de l'Assemblée nationale, Beauce-Sud, 31 mars 1977."

Il a été question, au cours de cette séance de l'Assemblée, de continuer les travaux au-delà de 18 heures ce soir. Y a-t-il consentement de cette Assemblée? Il a été question de cela cet après-midi?

Il n'y a pas consentement.

M. Burns: Mme le Président, il a été question de se rajuster si jamais on sentait le besoin de le faire, sauf que je comprends que le leader de l'Union Nationale propose la suspension du débat.

M. Bellemare: C'est cela. Il est six heures moins deux minutes.

M. Burns: Est-ce que, pour aider à sauver du temps, nous ne pourrions pas proposer cette suspension jusqu'à 20 heures au lieu de 20 h 15?

M. Lavoie: Le règlement dit 20 heures.

M. Burns: Le règlement dit 20 heures, mais l'habitude dit 20 h 15. Alors, si vous le voulez bien.

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Je demande la suspension du débat. Je ferais peut-être remarquer que, si mon collègue est revenu de la commission parlementaire des affaires municipales, je lui céderai peut-être le pas, parce que je voudrais me réserver pour un peu plus tard.

M. Burns: C'est le dessert.

M. Bellemare: Non, je vais attendre que le ministre... Je demande...

M. Shaw: Puis-je demander la suspension?

M. Bellemare: Oui, demandez donc la suspension.

M. Shaw: Mme le Président, je demande la suspension de la séance jusqu'à vingt heures ce soir.

Mme le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

Cette Assemblée suspend ses débats jusqu'à vingt heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 7

Le Vice-Président: Madame, messieurs, à l'ordre! Vous pouvez vous asseoir.

M. le député de... Entendez-vous, s'il vous plaît.

M. Shaw: M. le Président, je cède la parole à mon leader parlementaire, le député de Johnson.

M. Bellemare: Je remercie...

Le Vice-Président: Vous permettez, M. le leader, que je vous annonce?

M. Bellemare: J'aimerais mieux que le ministre soit là.

Le Vice-Président: Cela lui donnera le temps. Le député de Pointe-Claire ayant renoncé à son droit de parole, je cède la parole au leader de l'Union Nationale.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: C'est une motion qui m'intéresse au plus haut point, étant d'abord une motion faite sur un sujet d'actualité et aussi une motion qui introduit dans nos coutumes parlementaires un précédent dangereux.

Je n'ai pas besoin de vous dire à vous, M. le Président, qui connaissez le rouage de nos organismes parlementaires, combien le judiciaire, l'exécutif et le législatif sont trois domaines différents. Lorsqu'on intervient de cette manière, aussi brutalement et avec de si pauvres raisons, la population en général et tous ceux qui ont écrit sur le sujet peuvent se poser des questions quant au futur parlementarisme que nous allons vivre. Les raisons invoquées par l'honorable ministre de la Justice manquent sûrement de cohésion, surtout devant un précédent aussi dangereux que celui-là. Lui qui est un avocat brillant dans sa région — je lui rends le témoignage qu'il est très bon avocat — trouver des raisons aussi pauvres pour établir cet énorme précédent contre le principe sacré du judiciaire, entrer de plain-pied dans un domaine qui est exclusif et, par une simple déclaration ministérielle, nous dire: Messieurs, nous allons passer l'éponge sur $59 millions; de plus, les tribunaux ne se prononceront pas sur la validité ou la non-validité des actes posés durant une certaine période sur deux lois particulières, la loi 253 sur les services essentiels et la loi 23 sur l'interdiction de la grève dans le domaine de l'éducation, cela, c'est grave!

Et les raisons qu'il invoque et qu'il nous donne sont que — messieurs, imaginez-vous la première — le gouvernement libéral précédent avait fait un usage abusif de ces lois, en entretenant une politique de provocation — c'est l'expression qu'il a employée — dans les relations de travail. Par quoi le gouvernement a-t-il usé de provocation, par sa loi? Il le dira plus loin, vous allez le voir dans deux minutes. Cette provocation a sû- rement amené les syndicalistes à être des provocateurs et à défier la loi. Parce qu'ils ont été des provocateurs, parce que ce sont des gens qui délibérément, sciemment, ont enfreint la loi, aujourd'hui, le ministre dit: Ecoutez, c'est parce que d'une manière abusive le gouvernement a provoqué les syndicats.

Messieurs, j'étais ici, en Chambre, lorsqu'on a adopté le bill 253 sur les services essentiels et je les ai tous entendus, ces six-là, répéter les uns les autres que c'était nécessaire devant l'accumulation des terribles sévices qu'on avait à subir dans tous les hôpitaux de la province. Combien il y a de pauvres malheureux qu'on a sortis par les cheveux sur des civières et je ne fais pas de drame. J'ai été moi-même à l'hôpital, il y a quelques années, et j'ai subi une grève à l'hôpital, M. le Président. Ils sont venus dans ma chambre, c'est ma femme qui les a empêchés d'entrer et je sais ce que c'est.

On en a sorti presque morts de l'hôpital et on les a envoyés chez eux. Est-ce que ce n'était pas de la provocation faite par les syndicalistes? Je suis fier d'être un syndicaliste moi-même, mais il y a des abus qu'on doit réprimer. C'est pour cela qu'on avait adopté le bill 253, pour assurer les services essentiels aux personnes qui ne pouvaient pas être privées des services absolument essentiels. Il dit: On a abusé de ces lois, le gouvernement a abusé de ces lois. Ecoutez, M. le Président, quand il y a un état de panique, que tout le monde se demande où on va, demain matin, se ramasser dans la province de Québec, qu'on est obligé de se servir de la police pour laisser pénétrer des cadres dans les services essentiels qui ne sont pas reconnus même en vertu de la loi.

La deuxième raison invoquée par le ministre a été que cela dérange énormément les effets sociaux. Imaginez-vous! C'est pour les effets sociaux des bonnes relations que ces poursuites ont été intentées.

M. le Président, quand on a posé des gestes tels que ceux par lesquels ils ont été condamnés, qui les ont amenés devant les tribunaux, c'est parce que, à ce moment-là, eux, les syndicalistes, troublaient la paix sociale, eux, mettaient en danger nos institutions, eux, donnaient un mauvais exemple de désobéissance publique, et c'est écrit dans tous les éditoriaux. Montrez-moi un seul éditorial qui vous encourage, qui vous a louangé d'avoir posé un geste aussi arbitraire que celui-là, un geste sans précédent qui va vous causer des dommages irréparables. Et vous serez le premier, vous, le ministre de la Justice, demain matin, à être la cible de ces gens que vous voulez aujourd'hui protéger.

Vous verrez! J'ai été ministre du Travail. Il n'y a jamais une cause qui a été rappelée dans mon temps, jamais. J'ai assisté à bien des négociations et on me mettait, à la fin, devant un impératif: ou bien on règle et vous retirez les causes. J'ai dit non. Jamais je n'ai voulu accepter. Il y a des gens de East Angus qui avaient tiré de la carabine sur les machines à papier. Ils étaient dix devant les tribunaux. Ils ont dit: Si vous retirez les causes, on va régler. J'ai dit non. Ils iront devant les tribu-

naux. Ils sont allés devant les tribunaux. Ils ont été condamné à $1000, et le syndicat à $20 000.

Celui qui a fait sauter le système de chauffage de Magog, durant la grève du textile, on était rendu à la dernière limite, on négociait depuis 33 heures. M. Pepin m'a dit: M. Bellemare, M. le ministre, vous allez enlever cela. Vous allez faire sauter cette cause. J'ai dit non, pour aucune considération. On va négocier encore, mais on n'enlèvera pas cela. C'est le tribunal qui doit juger cela, pas nous, parce que c'est un acte criminel qu'il a commis. Il sera jugé par ses pairs, mais pas par nous car nous sommes des législateurs. Nous devons administrer et non pas juger. C'est toute la différence.

La troisième raison qu'il me donne, c'est parce qu'il y avait un intérêt général pour protéger la paix publique. Aujourd'hui, protéger la paix publique? Allons-donc! Remettre $58 millions ou $59 millions aux syndicalistes et aux syndicats pour protéger la paix publique? Où avez-vous trouvé cela?

Jamais dans cent ans! Vous donnerez $50 millions de plus et on sera à la veille de vous promener en effigie dans la province de Québec, vous aussi. Vous verrez cela, vous allez goûter à cette manne, vous aussi, parce que vous voulez vous en faire des amis. Faites bien attention à vous. Il y a une chose qu'ils comprennent: c'est l'autorité. Et Dieu sait que chez nous, quand j'étais ministre, il y en avait! Ils ont compris cela aussi.

Le ministre dit: Quatrièmement, je voudrais établir un climat de confiance! Un climat de confiance en payant! Vous, un maître avocat, donner un si mauvais exemple à toute la profession, en payant et en reniant votre serment d'office, en remettant à ces gens qui ont criminellement manqué à la loi, vous allez être marqué pour la vie. On vous reparlera encore dans dix ans de ce geste malheureux que vous avez fait. Jamais on ne vous le pardonnera, parce que le Parlement est une chose, la législation est une chose, et le tribunal en est une autre!

Vous qui êtes avocat, qui avez pratiqué pendant des années pensez-vous l'établir le climat de confiance? La CSN vient d'écrire dans les journaux, justement aujourd'hui: A présent que le premier pas est fait, M. ministre, faites l'autre. Abolissez les lois 253 et 23. Non pas les amender, non pas trouver la meilleure solution. Otez-moi cela!

Je me souviens du temps où on avait adopté les lois 19 et 20. Je pense que le ministre ne se souvient pas de cela. Il n'était pas en politique dans ce temps. On avait adopté les lois 19 et 20 mais on a été critiqué pendant des années. M. Duplessis avait passé pour un matamore. Quand le gouvernement Godbout est arrivé au pouvoir, il a fait disparaître les lois 19 et 20 et après, quelle a été sa récompense? Il a été traîné à travers la province comme un pas bon.

Cinquième raison, vous dites dans votre texte: Eh bien oui! c'est en profondeur que je vais examiner les bills 253 et 23 pour les amender. Cela fait des années et des années qu'on le répète ici, dans cette Chambre. Moi, personnellement, quand j'occupais le siège de l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys, je disais: II faut absolument un conseil particulier d'hommes sérieux qui vont venir nous faire des recommandations pour amender le Code du travail qui est périmé.

Le Code du travail est dépassé de dix ans et on vit encore avec ce code qu'on amende de nouveau, qu'on "raboîte", auquel on met un "plaster" et une jambe de bois ici et une autre là. Cela fait dix ans que je dis à tout le monde que le Code du travail est périmé. On devrait entendre, par exemple, dans une conférence ou dans une enquête royale, ceux qui ont des idées nouvelles. Est-ce qu'on s'en va vers un nouveau domaine de cogestion administrative, ou est-ce qu'on se dirige vers un nouveau pacte entre employeurs et employés? Les conventions collectives ne tiennent plus aujourd'hui. Le régime des conventions collectives est terminé. Vous ne jouerez pas longtemps avec les conventions collectives. Vous voyez ce qui arrive, une semaine, quinze jours, trois mois plus tard, ils sont dehors. Ce sont des contrats sacrés qu'ils se signent entre eux.

L'amélioration du Code du travail. M. le Président, c'est incompréhensible que dans la loi 253 il y ait eu 6251 poursuites d'abandonnées, ce qui représente au minimum $2 100 000 et au maximum $9 500 000. Dans la loi 23 défendant la grève dans le domaine de l'enseignement, $10 000 000 et au maximum $50 000 000, absous ou pardonnés. Le grand pardon! Pourquoi n'avez-vous pas remis le pardon aux gardes-malades? Répondez! Les gardes-malades ont payé jusqu'au dernier cent. Vous étiez un de ceux qui, de votre siège, ici, ont critiqué le gouvernement en place en lui disant qu'il était injuste. Les gardes-malades ont payé, et des centaines et des centaines de gardes-malades ont encore des billets à honorer pour payer leur dû.

Vous dites tout bonnement que ceux qui ont eu pour outrage au tribunal, des condamnations de $271 000 sont en appel. Pensez-vous que les juges devant lesquels ces gens vont se présenter vont se prononcer, quand vous, de votre siège de ministre, vous avez absous ces gens pour $50 000 000? Vous pensez que les juges qui vont juger les appels d'outrage au tribunal vont les condamner?

Quels sentiments nobles mais impossibles à qualifier. Qu'est-ce que vous penseriez de moi si je ne payais pas mon impôt et que j'étais poursuivi? Demain matin, j'irais voir le ministre du Revenu et je dirais: Monsieur, vous savez, c'est par erreur, je me suis trompé. Je vous promets que maintenant je vais le payer, mon impôt. Et le ministre me dirait: Allez et ne péchez plus. Cela, c'est l'impôt sur le revenu. C'est une loi provinciale qui doit s'appliquer. Qu'est-ce que vous penseriez d'un petit commerçant dans une paroisse qui oublierait de bonne foi de remettre la taxe de vente, les sous qu'il collecte pour vous autres? Il oublierait de remettre quelques $100. le vois arriver la gendarmerie et la police: Hé! mon voleur! Comment, mon voleur? Oui, tu n'as pas remis ta taxe de vente, tu vas aller en prison. Il viendrait voir le ministre et le ministre lui

dirait: Je te pardonne. Mets-la dans ta poche et ne reviens plus. Qu'est-ce que vous diriez de cela? C'est cela que vous avez fait avec $59 millions. Oui, c'est ce que vous avez fait, parce que vous n'avez pas laissé les tribunaux se prononcer.

M. le Président, je pense que vous avez établi un bien drôle de précédent. Voyez-vous les prochaines conventions collectives, les prochaines négociations? Ceux qui ont brisé les maisons des autres, ceux qui ont labouré les parterres des députés... Vous savez qu'il y en a eu. A Victoriaville, l'honorable M. Massé s'est fait retourner son parterre. Il y a eu des actions qui ont été prises, elles sont dans le tas que vous avez remis.

Ces sanctions-là, M. le Président, qui ne seront pas appliquées, parce que la peur, dit le livre de la sagesse, c'est le commencement de la sagesse... La loi a été adoptée démocratiquement, comme dit M. Ryan, comme l'écrit M. Vincent Prince. La loi a été adoptée, elle était dure à accepter, les pénalités étaient fortes, mais cela ne tenait pas aux erreurs de jugement qu'a pu commettre qui que ce soit. Le gouvernement ou ceux qui ont inspiré la loi n'excusent pas le mépris qu'ont exercé les syndicalistes, et surtout ne permettent pas aujourd'hui le pardon facile qu'accorde le ministre de la Justice.

Non, cette mansuétude du ministre n'est pas de bon aloi. Je dis, M. le Président, que ceux qui ont défié ouvertement les lois, qui ont menacé les députés ou les ministres dans le temps, et qui sont venus ici casser des vitres au parlement méritent sûrement de recevoir la sanction que leurs actes ont provoquée.

M. le Président, faudrait-il maintenant passer par les syndicats pour manquer à la loi et être pardonné? Faudrait-il aller voir les unions et dire: J'ai un coup à entreprendre, voudrais-tu me "backer"? Voudrais-tu venir voir le ministre de la Justice pour savoir si j'aurais un pardon? Est-ce que c'est de même que cela va être mené? Comme le disait si bien, un jour, le député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce qu'il va y avoir deux sortes de lois à observer, les bonnes et les pas bonnes? Est-ce qu'il va y avoir dans cette province deux sortes de citoyens, deux classes de citoyens, ceux qui respectent la loi et ceux qui ont, quand ils ont péché, le pardon du ministre?

Drôle de coïncidence, je dis, M. le Président, de mon siège, qu'il y a une corrélation évidente entre le parti au pouvoir et la Fédération des travailleurs, la FTQ. Si vous dites non, la population le sait, elle l'a dans la bouche, elle le répète partout, dans les usines, sur la rue, dans les marchés publics. Les gens disent: Cela a été payant d'être en faveur du PQ. Ils ont reçu une absolution totale. On va les casser, nous autres aussi, les vitres, puis on va en faire du chahut. Vous vous êtes exposés drôlement à en avoir aussi.

Je dis, M. le ministre, que le préjugé favorable aux travailleurs, que vous avez manifesté depuis que vous êtes rendus au pouvoir, a créé une certaine mentalité chez le travailleur. Et ce préjugé favorable aux travailleurs, faites bien attention de ne pas aller trop loin. Moi, je vous le dis comme ancien ministre du Travail, surtout avec l'expérience que j'ai vécue pendant quatre années difficiles d'un mandat où je cumulais d'autres fonctions. J'ai négocié des soirées pour essayer d'obtenir une paix sociale raisonnable, mais je n'ai jamais vendu ni mon nom, ni mon siège, pour obtenir l'amitié de quelqu'un.

Peut-on passer l'éponge sur ces faits qui sont récents, que tout le monde a vécus — ce n'est pas une génération en arrière de moi — des faits qui viennent d'être vécus par tous nous autres? On a vu traîner les malades en dehors des hôpitaux, on en a vu mourir même. Ce sont des faits. Des gens ont massacré des demeures, massacré des hôpitaux, massacré des instruments chirurgicaux. Ce sont des gens qu'on a vus. Les journaux en sont remplis. On pourrait vous en citer qui ont été vus par des journalistes, des cas qui ont été racontés. Aujourd'hui, on passe l'éponge, prétendant améliorer le climat social.

N'oubliez pas que des révolutions sont arrivées dans certains pays; c'était, aussi, pour éponger certaines erreurs de certains syndicalistes, pour oublier certains faits de provocation contre certains hommes publics. On a passé l'éponge, mais on leur a passé la corde au cou après. Faites attention de ne pas aller trop loin! On n'améliore pas un climat social en faisant des concessions, surtout quand on a le pouvoir. Le pouvoir est une chose sacrée, on doit l'administrer avec sagesse, avec prudence, avec ordre, discipline, mais pas à coup de sacrifices, jamais! Surtout pas à coup de concessions, comme vous venez d'en faire une.

Savez-vous ce qui va se produire? Ils vont récidiver, et je ne vous donne pas 24 mois. Je ne vous donne pas 24 mois et vous allez voir les centrales syndicales... L'honorable ministre du Travail, lui, par exemple, va s'en ressentir.

M. Bédard: Vous souhaitez qu'ils récidivent? M. Bellemare: Je le souhaite?

M. Bédard: Oui.

M. Bellemare: J'ai dit cela, moi?

M. Bédard: Non?

M. Bellemare: J'ai dit que vous allez voir qu'ils vont récidiver. C'est vous qui allez les faire récidiver parce que vous n'avez pas accompli votre devoir, parce que, quand c'était le temps d'imposer la loi, vous avez imposé la mollesse! Vous leur avez donné tout ce qu'ils ont demandé.

Vous avez échangé un plat de lentilles, mon cher, pour quoi? Pour établir l'anarchie. Aujourd'hui, les syndicats ouvriers sont maîtres de vous, ils vont vous tenir en otage et vous allez voir ce qui va arriver. Impunité! Cela enhardit ceux qui ne subissent pas les châtiments prévus par les lois. Il y a impartialité, il y a indépendance du gouvernement vis-à-vis du respect de la loi. Il y a un opportunisme malfaisant qui va causer bien des préjudices, pas seulement aux parties, mais à nous tous qui allons en subir les revers.

Une Voix: Vous savez très bien l'entretenir.

M. Bellemare: Pardon? Levez-vous donc et ayez donc le courage de faire comme moi!

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Bellemare: Essayez donc de savoir ce qu'est la démocratie au lieu de baragouiner en arrière! Vous serez peut-être l'un des premiers à en subir les châtiments et, à ce moment-là, vous pleurerez. Vous direz: Qu'est-ce qui nous arrive? C'est cela. C'est parce que vous n'aurez pas eu le courage de défendre un parti; vous restez un partisan au lieu de défendre une patrie comme la nôtre. Vous aurez beau dire: On veut la patrie canadienne, on veut la patrie québécoise!

Que fait-on pour la garder, cette patrie, dans un climat serein, dans un climat vivable, par ceux qui sont ici, mon cher, pour donner leur temps, pour donner leurs sueurs, pour donner leur travail, mais aussi en collaboration avec ceux qu'ils dirigent?

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Bellemare: M. le Président...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. le leader de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Non, personne ne m'a mêlé. Seulement, j'ai quinze minutes et je pense qu'eiies sont expirées, parce que mon chef a quinze minutes et mon collègue de Nicolet aussi a quinze minutes, et je suis en train de prendre une partie de leur temps. On s'est entendu pour 40 minutes et je suis en train de prendre une partie des 40 minutes. Alors, M. le Président, je termine en félicitant très sincèrement le chef de l'Opposition officielle du courage qu'il a eu d'inscrire cette motion juste à temps pour qu'on puisse faire valoir à la population le véritable sens du geste inopportun qu'a posé un ministre avocat, surtout ce geste inopportun qui, dans les relations patronales-ouvrières, vont à l'avenir causer des préjudices irréparables.

Le Vice-Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, comme ce débat est un débat restreint et que je n'ai que quelques minutes à ma disposition, je vais tenter de les employer au maximum. La motion qui est devant nous aujourd'hui, M. le Président, est une motion qui a parfaitement sa raison d'être. En effet, ce à quoi nous assistons est une chose inexplicable. Je pense que le ministre de la Justice, qui est blâmé dans cette motion, n'est pas le seul responsable de l'acte qui est posé.

Il a dû sûrement être obligé de se faire le porte-parole des décisions qui ont été prises der- rière ou devant lui. Nous voyons une situation qui, en quelque sorte, fait comprendre à la population du Québec qu'avec ce gouvernement, compte tenu de certaines affinités politiques ou autres, on peut négocier les lois, l'application des lois. M. le Président, jamais, si on veut conserver la paix sociale, si on veut demeurer dans un régime d'ordre et non un régime de désordre, jamais on ne doit accepter de négocier l'application des lois.

Au tout début du mandat de l'actuel gouvernement, j'ai été choqué de voir que le ministre de la Justice retirait des plaintes contre un certain avorteur bien connu, mais je n'ai pas fait de commentaires, parce que, suivant la déclaration du ministre, il n'y avait pas d'autres preuves à fournir devant le tribunal.

Mais la question qui se pose maintenant n'est pas du tout la même, parce que les preuves à fournir devant le tribunal n'ont pas été présentées. Alors, le ministre ne peut pas nous dire que cela ne donne rien de retourner devant le tribunal avec les mêmes preuves parce que nous allons avoir les mêmes résultats. On n'a pas fourni ces preuves. C'est un drôle de régime, M. le Président, un régime où il semble qu'il ne soit pas question de justice égale pour tous, mais d'une espèce de justice sélective qui tantôt est à gauche, tantôt est à droite, tantôt autrement, compte tenu de l'interlocuteur qui doit faire face à la justice.

M. le Président, on peut se poser plusieurs questions quand on voit des choses comme cela. Il n'est pas surprenant que les journalistes se soient posé des questions aussi en d'autres occasions. Par exemple, quand des hauts personnages ont des accidents, ils ne sont pas tout à fait traités comme des personnages ordinaires. Sur cela aussi, M. le Président, les journalistes se sont posé la question et je commence à comprendre aujourd'hui pourquoi ils se posaient cette question.

Une Voix: De mauvais goût.

M. Samson: De mauvais goût? Ne vous cassez pas la tête, si vous en voulez, je peux vous en donner.

Une Voix: Très chrétien!

Le Vice-Président: M. le député de Rouyn-Noranda. M. le député de Joliette-Montcalm et M. le leader de l'Union Nationale, à l'ordre,! M. le député de Laurier, à l'ordre. Mesdames et messieurs les députés, je vous rappelle, comme je l'ai fait cet après-midi, que ce genre d'incident ne fait que diminuer la période pendant laquelle les représentants de chaque parti peuvent s'exprimer. Je vous prierais, malgré l'heure, de bien vouloir revenir au sujet de cette motion.

M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, même si cela continue à faire japper autour de moi, je dirai ce que j'ai à dire. Quand la loi 253 a été étudiée, nous étions devant une situation de fait où c'était rendu intenable dans la province de Québec, où les ma-

lades étaient devenus les otages de certains leaders irresponsables. C'est notre devoir que nous avons fait quand nous avons voté cette loi. Avec le journal des Débats que j'ai devant moi, on s'aperçoit que c'est à l'unanimité qu'elle a été votée.

M. le Président, la loi 23, cela a été la même chose. Ce sont nos enfants, les enfants de tous les parents du Québec qui, en quelque sorte, étaient pris en otages aussi. Nous n'avions pas le choix. Je pense qu'on va se rappeler une chose, un reproche qui était adressé par la population à l'ancien gouvernement.

Tout le monde va s'en souvenir. Ce qu'on entendait dire, de façon générale, c'est que ça ne donnait rien de faire des lois puisque l'ancien gouvernement ne les faisait pas respecter. C'est ce qu'on faisait comme reproche à l'ancien gouvernement, de façon générale. Et quand l'ancien gouvernement en est venu à décider de faire respecter ses lois, ceux-là mêmes qui leur faisaient ce reproche aujourd'hui sont ceux qui ne la font pas respecter la loi. C'est ça la situation.

J'aimerais bien que le gouvernement soit assez conscient pour comprendre qu'actuellement il est en train de se tresser une corde pour se pendre. Dans l'ancienne Législature, nous avions occasionnellement des manifestations devant le parlement, manifestations qui recevaient régulièrement l'appui des représentants péquistes qui forment l'actuel gouvernement. Aujourd'hui, à titre d'exemple, il y avait une manifestation double, une manifestation "double breast" devant le parlement. Comme on sait, durant l'ancienne Législature, l'honorable chef de l'Opposition du temps se faisait un devoir et un plaisir de sortir à chaque fois pour aller les encourager à crier plus fort. Aujourd'hui, les étudiants ont crié après lui tout l'avant-midi et, à ce que je sache, à l'heure du dîner il n'était pas encore sorti.

Qu'est-ce que vont penser les ouvriers, alors que l'on voit le pardon pour une somme qui peut aller jusqu'à $59 millions d'amende parce que ces gens-là sont organisés en structures et que les leaders de ces structures pourraient avoir rendu certains services? Qu'est-ce que vont penser les ouvriers qui sont obligés, dans certains cas, de faire de la prison parce qu'ils ont osé travailler sans avoir le petit bout de papier qu'on appelle le permis de travail, qui ne relève même pas d'une loi mais d'une réglementation? Parce qu'ils ont osé travailler pour gagner la vie de leur famille et de leurs enfants, on les envoie en prison, ceux-là, parce qu'ils n'ont pas de structures, parce qu'ils n'ont pas de chefs qui ont des affinités avec le gouvernement. Voyons donc!

Le Président: Je vous demanderais de conclure, M. le député de Rouyn-Noranda, parce que votre temps est expiré.

M. Samson: M. le Président, je vous remercie. Ma conclusion est très simple. C'est que cette motion devrait recevoir l'appui unanime de la Chambre pour donner une bonne leçon au ministre de la Justice afin qu'il ne recommence pas. Car s'il recommence ça, c'est directement dans l'anarchie qu'on nous emmène présentement.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud. M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, la motion qui est actuellement en discussion met en relief une décision gouvernementale, une décision du ministre de la Justice d'une extrême gravité, et qui comporte des risques de désordre et d'anarchie pour l'avenir du Québec. Une société normale — on en parle souvent et je répète les termes mêmes du premier ministre, je me sers des mêmes termes — une société adulte, une société civilisée, une société équilibrée a besoin d'institutions stables pour maintenir un sain équilibre dans tous les secteurs d'activité humaine et pour permettre à un peuple de s'épanouir dans la dignité, dans la paix et dans le respect mutuel.

La stabilité des institutions dépend, en grande partie, du degré de crédibilité qu'elles possèdent auprès de la population et du respect qui leur est accordé. Pour être respecté, il faut d'abord se respecter soi-même. Mais est-ce se respecter comme gouvernement et comme ministre que de permettre à des individus ou à des groupes de passer au-dessus des lois, alors que d'autres groupes, d'autres individus ont été jugés, ont été condamnés et ont dû payer pour les mêmes offenses, en vertu des mêmes dispositions, des mêmes lois?

M. le Président, je pose une question très sérieusement au ministre de la Justice et je formule le voeu que cette motion de blâme qui lui est adressée aujourd'hui constitue un avertissement extrêmement sérieux à l'endroit de ses collègues membres du cabinet du nouveau gouvernement. Je pose la question très sérieusement au nouveau ministre de la Justice. Est-ce le rôle nouveau style du gouvernement, du ministre de la Justice de se substituer aux tribunaux de cette province? C'est une décision malheureuse qui constitue un signe de faiblesse inquiétante, une décision de faiblesse qui prouve que la force ne réside pas uniquement dans le nombre. Le ministre a fait preuve de faiblesse, de mollesse et de complaisance devant les pressions exercées par certains dirigeants syndicaux.

Le gouvernement ne devrait pas oublier, ce gouvernement surtout, que les dirigeants syndicaux n'ont jamais reçu le mandat de gouverner le Québec. Ils ne l'ont pas reçu de la population et ils ne l'ont même pas reçu de leurs membres. Je me permets de rappeler au gouvernement que la faiblesse de l'ancien gouvernement, sa complaisance devant les pressions exercées par certains leaders syndicaux ont contribué à sa perte. Cela lui a coûté très cher. On ne m'applaudira peut-être pas du côté libéral là-dessus, mais je pense que le Parti libéral de l'ancien gouvernement a payé très cher pour l'apprendre.

Je me demande sérieusement si le nouveau ministre de la Justice s'est rendu compte de la situation dans laquelle il s'est placé. J'aimerais lui

citer un exemple pour démontrer dans quelle situation il se trouve à l'heure actuelle. Il a parlé de lois qui ne tenaient pas compte des objectifs pour lesquels elles avaient été votées. Il a parlé de lois qui étaient discriminatoires à l'endroit de la population. Il a parlé de lois qui ont causé des préjudices graves à certaines personnes, alors que ces mêmes lois avaient été votées à l'unanimité de la Chambre, comme mes prédécesseurs l'ont dit.

J'aimerais cependant lui parler d'un groupe de travailleurs, les travailleurs de la construction. Celui qui m'a précédé en a parlé un peu. Est-ce que le ministre de la Justice est au courant qu'à l'heure actuelle il y a 30 à 40 causes par semaine, dans chacun des palais de justice du Québec, 30 à 40 causes intentées par l'Office de la construction du Québec à l'endroit de travailleurs de la construction qui se font juger, condamner et emprisonner pour avoir osé travailler et participer à la construction du Québec? Si je demandais au ministre, aujourd'hui, si, à partir des mêmes principes qu'il nous a exposés à la Chambre, au moment de sa déclaration, il est prêt à déclarer que seront suspendues toutes les poursuites qui sont intentées à l'endroit des travailleurs de la construction à l'heure actuelle, je me demande sérieusement ce que le ministre dirait. En ce qui me concerne, j'ai préféré batailler et lutter contre l'ancien gouvernement pendant près de cinq ans, ici, en cette Chambre, pour demander une modification de ces lois, ce que je demande encore, aujourd'hui, à l'actuel gouvernement.

Est-ce qu'on est rendu à se demander, au Québec, s'il y a une justice pour les syndicats et s'il y a une autre justice pour les travailleurs? J'ai participé à ces débats à l'Assemblée nationale, à la suite des situations extrêmement difficiles et très pénibles auxquelles nous avons dû faire face à l'Assemblée nationale, à la suite de toutes ces négociations et de toutes ces grèves, ces contestations, ces lignes de piquetage qu'il y avait devant les hôpitaux pour empêcher les blessés d'entrer et les malades; j'ai lutté contre le fait qu'on tenait en stages nos enfants dans les écoles, qui n'avaient pas un mot à dire dans les négociations. On tenait également en otages les parents dans cette situation, qui n'avaient pas les structures nécessaires pour faire connaître leurs points de vue.

Alors, il a fallu que la population du Québec ait recours à l'Assemblée nationale, à ses députés, à ses représentants, à la formation politique de son choix. Toutes les formations politiques avaient formé un front commun à ce moment-là et avaient participé à ces débats — j'y ai participé moi-même — de façon à faire voter des lois, pas de gaieté de coeur. Mais qu'on se dise bien ceci, et qu'on le comprenne une fois pour toutes, s'il y a des dirigeants syndicaux qui puissent entendre ces paroles, je leur dis ceci: Les lois, ils les avaient méritées.

En plus de cela, je pense qu'ils ont provoqué ces lois. J'ai entendu dire, par certaines personnes: S'ils peuvent nous voter cette loi, va-t-on en avoir quelque chose à dire après!

M. le Président, je trouve extrêmement malheureux le geste de l'actuel ministre de la Jus- tice, le nouveau ministre de la Justice, dans le nouveau style de gouvernement. On le dit du côté ministériel, comme cela s'est dit au niveau de la population: Nous avons un nouveau gouvernement, il va apporter des changements dans la province et on espère que ce nouveau gouvernement ne sera pas à l'image de l'ancien, c'est-à-dire qu'il ne fera pas preuve de faiblesse devant certaines puissances dans le Québec qui veulent prendre le Québec en otage, la population du Québec en otage, voire même le Parlement en otage, dans une certaine mesure.

M. le Président, je dois appuyer, c'est mon devoir, la motion présentée par l'honorable leader de l'Opposition officielle. Je dois appuyer cette motion et je dirais bien sincèrement que cette motion n'aurait pas été présentée si le ministre de la Justice n'avait pas pris une décision semblable. Etant donné la gravité de la situation, étant donné qu'il s'agit d'un accroc extrêmement grave à la démocratie et qui risque d'encourager à l'avenir la violation de nos lois et de bafouer le Parlement du Québec, première institution politique des Québécois, M. le Président, j'appuierai la motion de l'honorable chef de l'Opposition officielle.

Le Président: M. le ministre de la Justice. M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les remarques faites par le chef de l'Opposition et les autres participants à ce débat. J'ai écouté, entre autres, le chef de l'Opposition et je ne suis pas revenu de ma surprise. J'ai constaté qu'un de ses principaux arguments était de savoir de quel droit, de quelle autorité le ministre de la Justice pouvait retirer des plaintes. Et ce même chef de l'Opposition, ancien ministre de la Justice, ajoutait du même souffle que l'ancien ministre de la Justice, M. Jérôme Choquette, en avait retiré un très grand nombre concernant la loi 19. Je ne sais pas...

M. Levesque (Bonaventure): Quand?

M. Bédard: ... si le chef de l'Opposition officielle s'est posé tant de questions à caractère plutôt légaliste lorsque le ministre de la Justice du gouvernement dont il faisait partie a retiré ces plaintes, exerçant en cela un droit et une responsabilité qui incombe au ministre de la Justice.

Le chef de l'Opposition a cité l'article 3 de la loi du ministère de la Justice. J'ai l'impression que, pendant l'année où il a été ministre de la Justice, il n'est jamais allé plus loin que l'article 3 de la loi du ministère parce que, s'il s'était rendu à l'article 4, il aurait eu la réponse, et je reviendrai là-dessus.

Egalement hier, le député de Marguerite-Bourgeois m'a posé une question à laquelle je ne pouvais pas répondre étant donné les règlements. Il m'a demandé d'indiquer de quelle autorité le procureur général pouvait retirer des plaintes pour une infraction statutaire. Vous me permettrez encore une fois, M. le Président, de m'étonner d'une

telle question venant en premier lieu de l'ex-ministre de la Justice et en deuxième lieu de l'ex-Solliciteur général qui, pendant plus d'une année, à ce titre, aurait dû connaître, devrait connaître, la loi et les usages de nos tribunaux.

La Loi du ministère de la Justice, Lois du Québec de 1965, chapitre 16, prévoit à l'article 4 — c'est pour cela que je vous disais que vous auriez dû vous rendre à l'article 4 — que "le procureur général est chargé de régler et de diriger... la demande ou la défense dans toutes les contestations formées pour ou contre la couronne ou un ministère de la province."

En outre, dans la loi 253...

M. Levesque (Bonaventure): Et...

M. Bédard: Attendez, laissez parler. On vous a laissé parler tout à l'heure.

En outre, la loi 253, devenue le chapitre 52 des lois du Québec de 1975, prévoit que les poursuites pour contravention sont intentées par le Procureur général ou par une personne qui l'autorise généralement ou spécialement à cette fin, tandis que la loi 23, sanctionnée le 9 avril 1976, contient une disposition analogue ainsi libellée: "Les poursuites prévues à la présente loi ne peuvent être intentées que par le procureur général ou une personne qu'il autorise généralement ou spécialement à cette fin."

L'autorité du procureur général dans les poursuites intentées en vertu de ces deux lois est donc celle qui est prévue à la Loi du ministère de la Justice, y compris le droit de diriger et de régler ces poursuites. Le Procureur général n'est jamais tenu d'intenter une poursuite — et cela le ministre de la Justice le sait — lorsqu'il en a le pouvoir. Mon prédécesseur, d'ailleurs, même s'il en a intenté de trop nombreuses, en vertu de ces deux lois, n'a pas poursuivi — il l'a dit — toutes les personnes — je pense surtout aux individus visés par la loi 23 qui ont contrevenu à ces lois. C'était son droit.

Le Procureur général peut aussi, en cours d'instance, dans ce même cadre légal, ordonner le retrait d'une poursuite lorsqu'il l'estime approprié. Il suffit de rappeler, à titre d'exemple...

M. Levesque (Bonaventure): En vertu de quoi cela?

M. Bédard: Laissez terminer.

M. Levesque (Bonaventure): Dites-le. Vous dites...

M. Bédard: Vous avez parlé. Est-ce que, Mme le Président...

M. Levesque (Bonaventure): On a le droit de demander la source.

M. Bédard: ...on peut continuer notre intervention?

Mme le Vice-Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Quand on pense que l'ex-ministre de la Justice, qui a été pendant un an au ministère, le sait très bien, s'est-il posé des interrogations lorsque le ministre de la Justice, Jérôme Cho-quette, a procédé à des retraits de plaintes? En vertu de quelle loi a-t-il procédé à des retraits de plaintes...

M. Levesque (Bonaventure): En réponse à la question du ministre, j'ai répondu durant mon intervention à cela.

M. Bédard: ...sinon en vertu de son droit de retirer des plaintes?

M. Levesque (Bonaventure): Qu'il ne pose pas de questions.

M. Bédard: Vous voyez bien jusqu'à quel point vous pouvez être illogique, jusqu'à quel point vous ne vous posez des interrogations que lorsque les gestes sont posés par ce côté-ci de la Chambre.

Mme le Président, le Procureur général peut aussi, en cours d'instance, dans ce même cadre légal, ordonner le retrait d'une poursuite lorsqu'il l'estime approprié. Il suffit de rappeler — cela vous fait mal, je vais vous le rappeler — à titre d'exemple, que l'ancien ministre de la Justice, qui a fait l'objet d'éloges dans cette Assemblée, hier après-midi, a déjà retiré certaines plaintes qu'il avait lui-même logées contre des enseignants qui avaient enfreint la loi 19, en 1972, et sa décision n'avait pas été contestée, ni n'avait fait l'objet d'interrogations pseudo-juridiques, comme l'a fait, cet après-midi, l'ex-ministre de la Justice.

M. Burns: C'est parce qu'il y avait une opposition positive, à ce moment-là.

Une Voix: C'est l'exemple de...

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition, je vous ferai remarquer que j'étais déjà debout pour l'empêcher de parler.

Vous aurez votre droit de réplique, M. le chef de l'Opposition.

M. Bédard: Mme le Président, je n'ai pas l'intention de prendre tout le temps de mon intervention pour faire un cours de droit à l'ex-ministre de la Justice et à l'ex-Solliciteur général qui devraient normalement savoir des choses. Une chose qui est certaine, c'est qu'on était administré par une belle paire au ministère de la Justice...

M. Levesque (Bonaventure): Une chance qu'il n'y a pas de concours à l'université.

M. Bédard: ...quand on voit ces deux mêmes personnes se poser des interrogations sur ce droit.

Je terminerai simplement là-dessus en référant l'ex-ministre de la Justice et l'ex-Solliciteur général à une cause de la Cour suprême, la cause Smythe de la Cour suprême.

Référence à des notes du juge Bora Laskin qui établit, d'une façon très claire, un droit inaliénable, un privilège à la couronne de poursuivre ou de ne pas poursuivre, ou d'arrêter des poursuites et que tout cela s'applique mutatis mutandis aux accusations en droit pénal.

Je ferai remarquer également, sur ce point strictement légal, que ce matin des motions ont été présentées devant la cour et que des plaintes ont été retirées. Ces plaintes ont été retirées devant un juge qui, lui, connaissait son droit.

Une Voix: Ce n'est pas fort.

M. Bédard: Ce n'est peut-être pas fort, mais ce qui est moins fort, c'est qu'un ex-ministre de la Justice et un ex-Solliciteur général, mais plus particulièrement l'ex-ministre de la Justice passe une grande partie de son intervention à s'interroger sur le droit du procureur général de mettre fin à des plaintes, alors que c'est quelque chose de tellement clair. Il a trouvé le moyen d'être ministre de la Justice durant un an avec aussi peu de connaissances.

M. Levesque (Bonaventure): Ne recourez pas à l'insulte, ni à l'injure. Soyez objectif!

M. Bédard: C'est ce que vous avez fait durant toute votre intervention. L'insulte, l'injure et l'insinuation, c'est ce que vous avez fait tout le temps de votre intervention. Ecoutez! Je l'ai fait, moi, je vous ai écouté. Je vous assure qu'il y avait des passages qui n'étaient pas très brillants de votre part. Je vous ai écouté et avec attention parce que je pensais que vous alliez parler au moins un peu plus sérieusement que vous ne l'avez fait.

Après vous avoir écouté, de même que les autres intervenants, non seulement ma conviction d'avoir pris la bonne décision n'est-elle pas ébranlée, mais, au contraire, elle est renforcée, parce que je réalise qu'avec l'attitude légaliste dont le chef de l'Opposition a fait preuve, sans discernement, cet après-midi, avec le caractère acrimonieux dont il a fait preuve tout au long de son intervention, le caractère insinuant de ses remarques et également après avoir entendu l'intervention du leader de l'Union Nationale, après avoir noté aussi cet esprit de revanche, cet esprit de règlement de comptes qui animait ses propos, je réalise qu'il est heureux pour la population du Québec que nous assumions le pouvoir maintenant, parce qu'avec de telles attitudes le chaos social, vous l'auriez au moment où on en parle.

Une Voix: Ne lâchez pas!

M. Bédard: Le leader de l'Union Nationale a prétendu que nous avions fait preuve de faiblesse en ne suivant pas la loi. Je voudrais lui faire remarquer que, pour un ministre de la Justice, une attitude strictement légaliste peut, au contraire, constituer une attitude de faiblesse. C'est bien beau de dire, tel que l'ont fait tous les intervenants cet après-midi: La loi est là, faites-la respecter, sans faire d'autres considérations. C'est facile, ça, mais cela peut représenter aussi une situation qui est la suivante et ça, c'est une situation de faiblesse. En recourant seulement à la loi, il ne faut jamais oublier que la loi n'est pas une barrière derrière laquelle il faut se retrancher pour s'empêcher de regarder les problèmes sociaux, et les conséquences que cela peut avoir pour une société lorsqu'on l'applique.

M. Levesque (Bonaventure): On n'en fera pas de patronage!

M. Bédard: J'en parlerai, du patronage, tout à l'heure. J'en parlerai des pressions, tout à l'heure. Attendez! Cela, je voudrais bien qu'on le comprenne. Vous avez le droit de critiquer, vous avez le droit d'exprimer vos opinions. Je les ai écoutées et je peux vous dire que là-dessus je n'ai pas pris une décision hâtive.

Si j'avais voulu être un opportuniste, cette décision je l'aurais prise dès que j'ai fait mon entrée au ministère de la Justice. C'est ce que je me suis bien gardé de faire, parce que je savais l'importance de cette décision. Au contraire, j'ai consacré des heures et des heures à étudier ce dossier, ayant juste à coeur de prendre la décision qui soit la meilleure, dans ma conscience, pour l'intérêt du public, la meilleure aussi pour l'intérêt de la justice avec un grand J. Et dans ce sens je peux vous dire que vos interventions — je reviendrai là-dessus — ne font que confirmer les appréhensions que j'avais. S'il avait fallu que je prenne la décision de continuer les plaintes, de ne retirer en aucune façon ces plaintes, autrement dit, d'adopter une attitude comme celle exprimée par le chef de l'Opposition dans sa question de privilège cet après-midi encore, de continuer et d'exécuter toutes ces plaintes jusqu'au bout, sans aucune considération... J'y reviendrai là-dessus.

Il ne faut jamais oublier une chose, c'est que l'autorité — vous ne changerez jamais rien à cela l'autorité de la loi, ce n'est pas le texte de loi. L'autorité et le respect de la loi résident dans la confiance que les gens ont que ces lois ont été adoptées en ayant à coeur la recherche de la justice. Parce que rechercher la justice n'est pas si facile que cela...

M. Levesque (Bonaventure): Vous avez voté pour ces lois-là.

M. Bédard: C'est bien facile... Je reviendrai là-dessus encore tout à l'heure, laissez-nous le temps. Laissez-nous le temps. On a voté pour, mais vous regarderez par exemple, qu'on a voté contre trois articles. On s'est battu durant plusieurs heures pour essayer de vous faire changer votre loi. Vous vous le rappelez?

M. Lalonde: Vous avez voté pour quand même.

M. Bédard: Voulez-vous que je vous lise l'intervention de Claude Charron, le représentant de

l'Opposition officielle qui vous avertissait que vous étiez en train de mettre en pratique une loi qui amènerait nécessairement des réactions extrêmement dangereuses, tel que cela s'est produit?

M. Levesque (Bonaventure): Pourquoi avez-vous voté pour la loi en première, deuxième et troisième lectures? Pourquoi?

Mme le Vice-Président: Monsieur le chef de l'Opposition officielle!

M. Bédard: On a voté pour le principe, vous vous rappelez? Ah, vous avez peur! Cela vous fait mal. Vous avez peur de vous faire... Voulez-vous que je vous le lise? Vous le lirez.

Vous êtes, parce que vous ne vous rappelez rien...

M. Marchand: Ce que vous dites et ce que vous faites, ce sont deux affaires.

M. Bédard: Je reviendrai là-dessus. Une Voix: Vous avez voté pour.

M. Bédard: Voici, Mme le Président, ce que disait le représentant de l'Opposition officielle à ce moment-là, Claude Charron: "II n'y a pas un amendement qui nous permette de modifier l'attitude d'esprit, l'approche mentale que peut avoir un gouvernement dans ses relations avec ses ouvriers, avec ses employés. Que voulez-vous, quand un parti au pouvoir voit devant lui comme unique chance de se réchapper son pouvoir, de se livrer à une campagne démagogique contre des travailleurs syndiqués, ce n'est pas par un amendement, ce n'est pas par un paragraphe additionnel à une loi ou à un article que l'Opposition peut changer son opinion. "Quand un gouvernement peut avoir en tête et décider délibérément, que pour faire oublier toutes les vagues de scandales, ou les vagues de patronage qui accompagnent son administration, il lui reste le grand salut d'une campagne populaire contre les travailleurs en grève, unique moyen pour lui de sauver la face de son administration, il n'y a pas d'amendement, il n'y a pas d'article, il n'y a pas de virgule qui puissent intervenir là-dedans. Autrement dit et en conclusion, les chances de succès de ce mécanisme — rappelez-vous que nous croyons sincèrement avoir contribué à bonifier cette loi par rapport à sa version originale, amendement que vous avez rejeté — ne sont pas mécaniques, si vous me permettez ce pléonasme. "Il n'y a rien dans le texte qui est soumis à l'attention de l'Assemblée pour adoption finale qui nous garantisse le succès de ce mécanisme."

Vous étiez déjà avertis à ce moment-là.

M. Levesque (Bonaventure): M. Charron a été le premier...

M. Bédard: Vous auriez été mieux de le lire ce texte-là, avant de dire autant de folichonneries que cet après-midi.

M. Levesque (Bonaventure): ... c'est lui qui a dit; Adopté. Vous avez voté pour.

Mme le Vice-Président: M. le ministre de la Justice!

A l'ordre! Voulez-vous préserver le temps que vous avez pour intervenir, s'il vous plaît?

M. Bédard: Alors, Mme le Président, j'ai refusé d'adopter la position facile qui était de se cacher derrière la loi, d'interpréter le texte à la lettre et de dire: On exécute, peu importent les conséquences. Je crois que rechercher la justice ce n'est pas faire appliquer aveuglement des lois, quand on a la conviction que leur application entraînera des injustices et des conséquences néfastes du point de vue social.

Rechercher la justice ce n'est pas si facile que cela. Vous en avez parlé allègrement, M. le chef de l'Opposition, cet après-midi. Vous avez parlé allègrement de la justice. Vous avez eu une attitude légaliste et pas autre chose. Rechercher la justice c'est pas mal plus grand que cela, pas mal plus compliqué que cela.

Je voudrais simplement vous rappeler, peut-être, quelques paroles écrites par votre collègue, le ministre de la Justice, M. Jérôme Choquette, dans son livre blanc que vous trouviez très sensé lorsque vous nous l'avez présenté. Il disait ceci concernant la recherche de la définition de la notion de justice: Dès que l'on tente de définir ou d'approfondir la notion de justice, l'idée de justice s'avère receler des paradoxes, sinon des contradictions. Ainsi, est-il classique d'opposer ordre et justice. Dans un contexte démocratique, l'ordre est intimement, sinon nécessairement relié à la justice puisque la justice ne peut s'exprimer que par un système de lois qui vise à la systématisation des rapports sociaux. Ainsi, il ne saurait guère y avoir de justice sans ordre, mais d'autre part il ne saurait y avoir d'ordre respectable sans que cet ordre ne s'inspire de la justice. Ou, encore, on peut s'attacher à y distinguer des notions d'équité et de légalité. L'équité sans contraintes peut ouvrir la porte à l'arbitraire des décisions judiciaires. Par contre — et il ne faut pas oublier cela et je pense qu'il faut y réfléchir — une légalité stricte peut également être cause d'injustices.

Je le cite, M. le Président, parce que je peux vous dire — je l'ai dit tout à l'heure — que j'ai été loin de prendre à la légère la décision que j'avais à prendre dans ce dossier. Je ne voulais pas que ce soit une décision de faible qui ne regarde que la loi et qui dit: Observez-la, quelles qu'en soient les conséquences. Au contraire, j'ai étudié le dossier en profondeur et j'ai étudié quelle avait été l'application qui avait été faite de ces deux lois, afin de voir jusqu'à quel point l'esprit de la loi, l'esprit de ces lois avait été respecté dans leur application.

M. le Président, je l'ai déjà dit: Si mes seules préoccupations avaient été le nombre de plaintes, l'encombrement de certains tribunaux, la longueur des débats juridiques et les amendes à être payées, j'aurais pu envisager la réduction, même considérable, du nombre de plaintes, comme cela s'est déjà fait. Cela aurait été facile de régler cela

rapidement. J'avais l'exemple de l'ex-ministre de la Justice, dans le projet de loi 19, qui en avait enlevé une grande partie et en avait gardé quelques-unes.

Mais, pour moi, la justice ce n'est pas une question de mathématiques. J'aurais pu fort bien arriver, en laisser quelques-unes et dire: C'est la même situation, la même décision qui a été prise par un ministre de la Justice qui m'a précédé.

J'ai voulu analyser ce dossier avec beaucoup plus de sérieux. Je n'ai pas voulu avoir simplement pris une décision pour sauver la face de la Justice. Mon devoir a été, d'ailleurs, sur ce point-là, de réduire simplement les plaintes qui avaient été portées. Je dois vous dire que j'ai analysé — je ne m'étendrai pas là-dessus — cette possibilité. D'autre part, il fallait se poser la question que si le ministre de la Justice décidait de mettre de côté un grand nombre de plaintes, de n'en prendre qu'un petit nombre pour être plaidées devant les tribunaux, et que les plaintes qui s'acheminaient devant les tribunaux aient comme résultat qu'elles soient rejetées, qu'aurait-on fait? On n'aurait pas accusé le ministre de plier devant les syndicats. On aurait accusé le ministre de la Justice d'avoir joué avec la justice en opérant un triage qui, nécessairement, aurait été obligatoire, il ne faut pas l'oublier.

Vous dites: Non. Mais lorsqu'on est dans l'Opposition et que ça fait notre affaire, je vous ai écouté tout à l'heure, on dit bien des choses, M. le leader de l'Union Nationale. Alors je crois que mon devoir m'imposait d'étudier à fond le contenu et l'application qui a été faite de ces lois. Et cette étude fait que j'ai dû tenir compte de certaines dispositions de ces lois qui étaient carrément inadéquates par rapport à leurs objectifs. J'ai dû tenir compte aussi de l'usage abusif qu'en a fait l'ancien gouvernement qui — et je le répète encore — entretenait une politique de confrontation et, plus encore, une politique de négligence chronique parce que, durant six ans, ce gouvernement a été à même de constater jusqu'à quel point il fallait de l'amélioration dans le domaine des relations du travail.

Et ce même gouvernement n'a pas bougé. La seule chose qu'il a pu offrir aux Québécois et aux travailleurs du Québec a été des lois spéciales, a été une négligence à négocier et, dans d'autres cas, un refus de négocier. J'ai analysé l'application de ces lois. Concernant la loi 23, je puis vous dire que ma conviction, c'est que le gouvernement libéral d'alors a été le grand responsable de la perte de l'année scolaire des étudiants. Le gouvernement a tout fait pour retarder les négociations jusqu'au printemps, rappelez-vous cela, afin d'acculer les enseignants à la grève.

Effectivement, la partie syndicale a déposé l'essentiel de ses revendications le 23 juin 1975, à l'exception du salarial qui a suivi en septembre. Le gouvernement n'a déposé ses offres que le 7 novembre 1975.

M. Blank: Question de règlement.

Mme le Président: M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Mme le Président, je pense que le sujet dont traite le ministre maintenant ne fait pas partie de la motion. On n'a pas discuté des relations de travail durant les années 1972, 1973, 1974. Je voudrais demander au ministre de retourner au sujet de la motion.

Mme le Président: M. le député de Saint-Louis!

M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Cela vous fait mal de vous rappeler certaines choses? Dites-vous bien une chose. C'est justement parce qu'il y avait une décision à prendre là-dedans, pas seulement une décision d'avocat qui ne regarde qu'un texte de loi mais d'un ministre de la Justice qui pense aux conséquences de l'application d'une loi.

A ce moment, son devoir lui commandait justement d'analyser tout le cheminement d'adoption de cette loi et d'analyser également — je vous en parlerai tout à l'heure — comment ces deux lois ont été appliquées. En effet, ce n'est pas tout de faire adopter une loi quand on est législateur. Derrière cette loi, il y a un esprit de la loi qu'il faut respecter. Quand on étudie sérieusement les agissements humains, il faut justement inventorier jusqu'à quel point, si la loi a été adoptée, l'esprit de la loi a été respecté. Vous vous rendrez compte, tout à l'heure, dans la loi 253 — il est vrai qu'une loi a été adoptée — jusqu'à quel point le législateur, le gouvernement libéral nous a trompés, nous, de l'Opposition, quand il s'est agi d'en faire l'application, selon l'esprit de la loi. Attendez...

M. Pagé: On reparlera de cela!

M. Bédard: Alors, Mme le Président, concernant la loi 23, le gouvernement dépose ses offres le 7 novembre 1975 seulement. Naturellement, on peut s'attendre qu'on ait commencé à négocier après. Non, ce n'est pas le cas, rappelez-vous-le. On n'a pas négocié de l'hiver, de telle façon que, le 2 avril, le ministre de la Fonction publique, M. Oswald Parent, se réveille et dit — je le cite textuellement — "J'ai dû négocier pendant six ou sept mois avec ma partie patronale plutôt qu'avec mes employés".

Rappelez-vous que, pour la loi 23 — parce qu'il faut l'analyser — le gouvernement a refusé de nommer un médiateur, malgré l'avis, non pas de l'Opposition, même si nous l'avons réclamé à grands cris, mais malgré l'avis des parents, l'avis des commissions scolaires et du Conseil supérieur de l'éducation. Enfin, la loi 23 arrive et elle n'est pas respectée. Le chef de l'Opposition officielle et le leader de l'Union Nationale — et cela me fait mal au coeur — ont accusé le ministre de la Justice d'avoir plié devant les syndicats, d'avoir pris une décision partisane, d'avoir écouté seulement les membres de son parti.

Je trouve que ce sont des remarques qui sont extrêmement graves et qui ne font pas, à mon sens, état de la véritable situation de tous ceux qui ont demandé soit d'abroger, soit de retirer les plaintes concernant la loi 23 et la loi 253. Je peux vous le dire: En aucune façon je n'ai obéi à quelque pression que ce soit et en aucune façon je n'ai eu le sentiment de plier devant quelque syndicat que ce soit. Permettez-moi de vous rappeler qu'il y a bien du monde, bien des associations qui ont demandé le retrait ou l'abrogation des lois 23 et 253.

Concernant la loi 23, l'analyse du dossier m'a permis de me rendre compte que ce n'étaient pas des membres du Parti québécois qui demandaient l'abrogation, mais d'autres associations qui n'ont rien de commun avec le Parti québécois ou avec quelque aspect partisan que ce soit.

Parmi ces organismes — j'en ai toute une série et je vais en citer quelques-uns — qui ont demandé l'abrogation ou le retrait de la loi 23, ou le retrait de toutes les poursuites, il y a le Comité central des parents de la CECM.

Je m'excuse de ma prononciation anglaise, Mme le Président. Il y a également le Central Parents' Committee of PSBGM; il y a eu aussi — je pense bien que cela n'a rien de partisan, cela n'a rien de militant du Parti québécois — le Comité de parents de la région 1 de la CECM; le Comité de parents de la commission scolaire Jérôme-LeRoyer; le Comité de parents du district de Bedford; le Comité de parents de l'île Perrot, appuyé par d'autres comités qui sont énoncés là-dedans; le Parents' Committee of the Beacon Hill High School; le School Committee of St. Thomas High School; le Philemon Wright School Committee — ce ne sont pas des associations dans mon comté, ce sont des associations dans vos comtés, chacun des membres de l'Opposition pour la plupart — une autre association: le Parents' Committee of Bancroft Elementary School; le Elynwood School Committee; le Parents' Committee of Laval Catholic High School dans le comté du leader de l'Opposition officielle; le School Committee of Greendale; le Marymount Parents' School Committee; le Regional Parents' Committee of Montreal Catholic School Commission; la Fédération des principaux du Québec. Je pourrais vous en nommer autant comme autant. Essayez donc de voir dans ceux que je vous ai nommés. Je pourrais continuer. Essayez donc de déceler si ce sont des demandes qui viennent de gens qui sont nécessairement attachés à un parti. Je tiens à vous dire, surtout de la part du leader de l'Union Nationale, que cette insinuation ou cette accusation d'avoir pris ma décision pour plier devant les syndicats ou sous des pressions indues des syndicats m'a fait mal parce que...

M. Bellemare: Avez-vous des éditoriaux qui vous approuvent?

M. Bédard: Vous saurez une chose, M. le chef de l'Union Nationale...

Mme le Vice-Président: A l'ordre! M. le leader de l'Union Nationale!

M. Bédard: Cela vous fait mal quand je vous nomme toutes ces associations qui ont demandé...

Mme le Vice-Président: Mesdames et messieurs, à l'ordre! M. le député de Verdun, à l'ordre!

M. Bédard: Est-ce que vous me reprochez, comme ministre de la Justice, de ne pas avoir pris une décision en fonction des éditorialistes? Justement, c'est cela, le ministre de la Justice qui n'aurait pas pris ses responsabilités! Le calcul était facile. Il avait juste, encore une fois, à regarder quelques plaintes, faire comme Jérôme Cho-quette dans le temps. Autrement dit, une façade de justice, à mon sens, parce que parfois il y a des décisions à prendre et il faut les prendre, à part cela. A ce moment, tous les éditorialistes auraient été d'accord. Mais, je crois que mon devoir n'était pas, encore une fois, de prendre... Cela me surprend que le leader de l'Union Nationale prenne seulement comme barème les éditorialistes. Remarquez que j'ai beaucoup de respect pour ce qu'ils écrivent; ils ont droit à leur opinion. Je me permettrai peut-être une seule remarque là-dessus, c'est que la portée de la décision que j'ai prise, les effets de cette décision, je les admire bien gros de pouvoir en évaluer toutes les conséquences maintenant, parce que je crois que c'est peut-être à long terme qu'on verra et qu'on pourra réaliser là-propos et la nécessité qu'il y avait, du point de vue social, de prendre la décision que j'ai prise comme ministre de la Justice.

M. Levesque (Bonaventure) Mme le Président...

M. Bédard: II y a eu aussi des représentations de la part...

M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président...

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition officielle. Vous soulevez une question de règlement?

M. Levesque (Bonaventure): Le ministre va comprendre.

M. Bédard: Nous avons un temps limité.

M. Levesque (Bonaventure): Laissez-moi parler pour que vous compreniez ce que je veux dire.

Mme le Vice-Président: Dites-moi à quoi vous vous en tenez?

M. Levesque (Bonaventure): Oui, je suis bien prêt. Qu'il s'asseoie et je vais vous le dire. On ne peut pas parler tous les deux en même temps.

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition officielle, soulevez-vous une question de règlement ou une question de privilège?

M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président, j'ai le droit de poser ma question.

M. Bédard: Mme le Président, je veux finir mon intervention.

Mme le Vice-Président: Permettez-vous des questions, M. le ministre?

M. Bédard: Mme le Président, je veux finir mon intervention.

L'ex-ministre de la Justice a eu toute la chance de dire ce qu'il avait à dire, cet après-midi. S'il ne l'a pas dit, on lui fera un autre discours à une autre occasion.

M. Levesque (Bonaventure): Je ne voulais rien dire, je voulais poser une question, une question bien polie.

Mme le Vice-Président: A l'ordre, messieurs! M. Bédard: Mme le Président...

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition officielle, voulez-vous conserver vos interventions pour le moment de la réplique, s'il vous plaît?

M. Bédard: Mme le Président, tel que je le disais, toute une série d'organismes, pas des...

M. Levesque (Bonaventure): Ils vous ont écrit dernièrement?

M. Bédard: Je vous ai dit — c'est vraiment une réaction qui est pas mal conforme à l'esprit de l'ex-ministre de la Justice, chef de l'Opposition officielle...

M. Levesque (Bonaventure): ...vous l'ont demandé ces gens?

M. Bédard: ...qui n'écoute même pas ce qu'on dit, puis qui est toujours obligé de poser des questions oiseuses.

Mme le Vice-Président: J'espère que je n'aurai pas à vous rappeler de nouveau à l'ordre, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Bédard: J'ai bien dit, Mme le Président, que je n'avais pas pris cette décision à la légère...

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

M. Bédard: ... que je l'avais étudiée...

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

M. Bédard: ...et que j'ai pu me rendre compte, Mme le Président...

Mme le Vice-Président: Votre question de privilège, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président, je vous demande une interprétation de ce que vous venez de dire. Vous m'avez dit: J'espère que je n'aurai pas de nouveau à vous rappeler à l'ordre. Dois-je comprendre que, si vous avez à le faire à nouveau, dans les mêmes circonstances, vous me demanderiez de quitter cette Assemblée?

M. Bédard: II n'a pas dit ce qu'il avait à dire.

Mme le Vice-Président: C'est un souhait, M. le chef de l'Opposition officielle. M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: J'ai bien dit que j'avais pris la peine d'étudier ce dossier en profondeur afin de ne pas prendre une décision hâtive, et que cette étude en profondeur m'avait permis de me rendre compte jusqu'à quel point s'étaient acheminées vers le ministère de la Justice et d'autres ministères aussi des demandes de la part de comités de parents, qui n'ont rien à faire avec le Parti québécois ou des positions partisanes, tel qu'on en a fait état tantôt, jusqu'à quel point il y avait des groupes de citoyens valables, représentatifs qui, effectivement, avaient demandé au gouvernement d'abroger ou de retirer les plaintes concernant la loi 23.

Mme le Président, cette loi 23, on peut le voir à l'analyse, nommait des commissaires aux différends scolaires chargés d'enquêter sur le conflit et de faire rapport dans les 60 jours. Cinq jours après leur entrée en fonction, les commissaires constatent que la loi a paralysé les négociations. Ils recommandent la fin des poursuites judiciaires et l'arrêt des mesures de harcèlement et des débrayages. Et malgré cet avis exprimé par des commissaires qu'il avait lui-même nommés, comme gouvernement, le gouvernement ne les a pas écoutés.

D'ailleurs, dans leur rapport final, les commissaires condamnent la loi. C'est cela être ministre de la Justice; il y a des choses qu'il faut regarder, pas juste un texte de loi, il faut regarder aussi le consensus social, il faut regarder les effets de l'application d'une loi. Les commissaires, dans leur rapport, disaient textuellement ceci: "Toute loi doit reposer sur un minimum de consensus social pour en assurer l'application. Dans le domaine des relations de travail qui, par leur essence, impliquent des intérêts divergents et conflictuels, il faut apporter une attention particulière et faire montre d'une prudence extrême dans l'élaboration de la loi qui doit régir les rapports entre les parties."

Ce n'est pas le ministre de la Justice qui dit cela, ce sont les commissaires nommés par le gouvernement d'alors. Mais le ministre de la Justice, prenant ses responsabilités, aujourd'hui, ne

peut mettre de côté des témoignages aussi éloquents. Les commissaires continuaient: "Par sa rigueur excessive, la loi 23 a compromis les règlements qui s'annonçaient à certaines tables de négociation, a retardé et paralysé le désir de rechercher des ententes négociées, et a accentué les difficultés de rapprochement que devaient rencontrer les commissaires dans leur travail. Les commissaires sont d'avis que cette loi n'aurait jamais dû être adoptée dans la forme qu'elle a revêtue.

C'est beau de dire: La loi, c'est la loi. Mais cela ne règle pas tous les problèmes. Il faut faire d'autres considérations avant de crier, comme je l'ai entendu cet après-midi, avec un esprit légaliste, sans discernement. On n'avait effectivement, au bout de la ligne, qu'un raisonnement: Vous êtes ministre de la Justice, faites appliquer la loi. Si c'est le désordre social au bout de la ligne, ce n'est pas grave, il faut que vous fassiez appliquer la loi! Un raisonnement comme celui-là, jamais je n'y souscrirai parce que ce n'est pas cela, la justice.

Une Voix: Compris, M. Bellemare? M. Bédard: Je suis convaincu...

M. Bellemare: ...moins niaiseux, vous autres. Bande de pee-wees!

M. Bédard: ...que ces conclusions, s'il avait fallu qu'on nomme quelqu'un de responsable pour vraiment examiner l'application de la loi 253, auraient été les mêmes que celles des commissaires qui, effectivement, ont été nommés selon la loi 23 et qui ont dit, d'une façon très claire, que cette loi n'aurait jamais dû être adoptée. Et on me demande de faire condamner des gens en fonction d'une loi qui n'aurait jamais dû être adoptée? Ce n'est pas cela, la justice. Ce n'est pas cela, la justice, il y a d'autres considérations.

Concernant la loi 253, je puis vous dire que ma conviction est que le gouvernement a été grandement responsable du fait que les malades n'ont pas eu droit aux services essentiels lors du dernier conflit. On a essayé de faire du sentiment, tout à l'heure, sur le dos des malades comme le gouvernement d'alors en a fait sur le dos des malades, sur le dos des citoyens pour essayer d'imposer des lois qui étaient carrément abusives. J'entendais, tout à l'heure, le leader de l'Union Nationale, avec son charisme habituel, avec sa facilité habituelle, essayer de monter les gens, essayer de faire monter le tempo de cette Assemblée nationale en jouant, au nom de son appartenance, naguère, à la classe ouvrière. Je peux vous dire que cette appartenance-là — je vous ai écouté tantôt — est loin pas mal. Il ne vous reste que la boîte à lunch dans votre salon parce que vous n'avez pas l'esprit de quelqu'un qui est ouvrier et qui pense de temps en temps aux ouvriers.

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Question de privilège. Je soulève une question de privilège. Je ne permettrai pas à l'honorable ministre de la Justice d'insulter ma profession ni mon passé.

Une Voix: Ce qui est passé est passé.

M. Bellemare: On n'a pas le droit, en vertu des règlements de cette Chambre...

M. Bédard: C'est vous qui...

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale...

M. Bellemare: Pardon?

Mme le Vice-Président: ...qu'est-ce que vous invoquez pour demander la parole?

M. Bellemare: Une question de privilège. Vous n'avez pas entendu cela?

Mme le Vice-Président: Je ne vous avais pas entendu. Allez-y, nous verrons bien.

M. Bellemare: je ne permettrai pas qu'on m'attaque, dans cette Chambre, ni moi, personnellement, ni ma profession, ni mon métier, c'est clair? Ni qu'on ridiculise mon passé. J'ai eu trop de misère à vivre...

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale...

M. Bellemare: ...pour qu'un avocat comme lui vienne m'insulter en cette Chambre

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale! Il vous reste encore un peu de temps pour des interventions; voulez-vous le réserver pour ce moment-là, s'il vous plaît?

M. Beilemare: Pensez-vous que je vais me laisser insulter par le ministre de la Justice?

Des Voix: A l'ordre!

M. Bellemare: Jamais! Jamais je ne le permettrai dans cette Chambre. Il y a des députés à qui cela a coûté cher de m'insulter ici, dans cette Chambre.

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale!

M. Bellemare: Pas plus lui, le député de Chicoutimi.

Mme le Vice-Président: A l'ordre, M. le leader de l'Union Nationale!

Des Voix: A l'ordre!

M. Bédard: J'ai été loin d'insulter votre ancienne profession.

Mme le Vice-Président: M. le ministre de la Justice! A l'ordre! M. le leader de l'Union Nationale!

Mesdames... Je ferai remarquer à cette Assemblée que si nous ne respectons pas le règlement, nous pouvons suspendre.

M. Bellemare: ... qui est le président.

M. Bédard: Alors, Mme le Président, je tiens à souligner que mes paroles n'avaient absolument rien pour offenser la classe ouvrière. Je vous ai écouté, cet après-midi. Il y a des fois que cela fait mal quand on voit quelqu'un faire toutes sortes d'insinuations: plier devant les syndicats, plier devant des partisans de parti. C'est ce que vous avez fait cet après-midi, puis vous me demandez de ne pas avoir de réaction vis-à-vis de telles insinuations quand moi je sais que j'ai fait mon devoir, j'ai pris mes responsabilités, puis que j'ai pris au sérieux ce dossier, afin de rendre la meilleure des décisions. Autrement dit, vous voudriez que nous nous laissions insulter continuellement sans avoir le droit de dire, de temps en temps...

M. Bellemare: Vous avez pris la plus mauvaise décision, c'est clair. La décision qui va vous marquer pour la vie.

M. Burns: Règlement! Mme le Président, je vous demande de rappeler le député à l'ordre.

M. Bellemare: Cela va vous marquer pour la vie. Vous allez voir que vous allez traîner cela toute votre vie.

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale. Vous connaissez fort bien votre règlement, je vous rappelle à l'ordre!

M. Bellemare: ... Il y a des limites, mon cher monsieur, à se faire dire des bêtises comme on vient de s'en faire dire. Et je ne réagirai pas? Jamais dans cent ans, jamais!

M. Burns: II n'arrête pas de faire le con, c'est cela. Oui, oui. Con.

Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement. Monsieur le leader du gouvernement.

M. Burns: On a une entente, puis on l'a respectée en ce qui concerne le côté gouvernemental, on l'a respectée chez nous.

Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle une dernière fois à l'ordre, ou je suspends cette Assemblée. Veuillez ne pas me rappeler les moments où j'étais avec les enfants à l'école, s'il vous plaît! M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Mme le Président, je tiens à dire que je n'ai pas voulu, en aucune façon, offenser...

M. Bellemare: Eh, mon Dieu!

M. Bédard: Non, non, non.

M. Bellemare: Continuez, continuez.

M. Burns: Cela fait mal.

M. Bédard: Si vous vous êtes senti offensé, ce n'est pas ma faute si la vérité fait mal.

M. Bellemare: Vous l'aurez en temps et lieu, vous aussi. Attendez-moi.

M. Bédard: C'est cela, c'est comme cela que cela a toujours fonctionné. Alors, Mme le Président, j'ai entendu, cet après-midi aussi, le chef de l'Opposition officielle faire de la démagogie aussi en nous rappelant...

M. Bellemare: Qui est-ce qui fait le clown? Qui, là? Qui est-ce qui fait le clown?

M. Levesque (Bonaventure): Mme le Président, une question de règlement.

M. Bellemare: C'est lui là. C'est qui, qui le fait là?

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Par respect pour la présidence, et dans l'esprit de donner notre meilleure collaboration, devant un manque aussi flagrant au règlement, c'est-à-dire en employant un mot antiparlementaire comme vient d'employer le ministre de la Justice.

M. Burns: Lequel?

M. Levesque (Bonaventure): Le député de Maisonneuve sait fort bien que, dans le passé, il s'est lui-même levé dans cette Chambre, traitant de démagogiques des propos qui comprenaient justement ce mot démagogie.

M. Burns: Vous vous souvenez de la décision de la personne qui est à votre gauche actuellement? Vous vous souvenez de ce qu'avait dit le député de Laval? Qu'il n'y avait rien d'antiparlementaire dans cela.

M. Levesque (Bonaventure): Madame, si vous voulez que nous puissions collaborer, si nous avons ce genre de provocation...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs! M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: J'ai entendu également, Mme le Président, le chef de l'Opposition officielle faire beaucoup de sentiment, avec une démagogie...

M. Levesque (Bonaventure): II recommence, Mme le Président.

M. Bédard: ... en parlant de la situation qui avait été faite aux malades durant cette période. Je

me le rappelle, Mme le Président, et je dois vous dire que, si mon devoir de ministre de la Justice était d'en tenir compte, mon devoir de ministre de la Justice était aussi de prendre une décision en fonction non seulement du passé, mais de l'avenir afin que cette situation ne se répète pas dans le passé..

Une Voix: Ne se répète pas dans le passé?

M. Bédard: ... et de prendre une décision en fonction d'atteindre cet objectif.

Mme le Président, concernant la loi no 253, qui a été adoptée au milieu de la négociation, touchant un sujet aussi crucial en plein coeur du débat, cette loi fut perçue comme un affrontement délibéré. Le gouvernement avait eu depuis mai 1972 pour régler ce problème. Dans son application, parce que c'est important de regarder l'application d'une loi avant de prendre une décision, le gouvernement a tout fait pour que les services essentiels ne soient pas assurés, contrairement à l'objectif qui a recueilli l'assentiment de l'Assemblée nationale. Alors que la loi lui fixait à peine deux mois pour agir, le gouvernement a attendu un mois avant de nommer le commissaire aux services essentiels et ses adjoints. Le gouvernement a laissé les autorités locales formuler des demandes exagérées pour les services essentiels dans un trop grand nombre de cas. Exemple: l'hôpital Saint-Luc 80%, Jewish General Hospital 100%, Sainte-Croix de Drummondville 80% dont le service de la pastorale et des archives, Centre Saint-Vallier 97% dont des postes inoccupés au moment de la demande. Ce sont des choses qu'il faut considérer quand on regarde le cheminement d'une loi et l'application qui en a été faite, pour savoir jusqu'à quel point on peut se permettre de donner libre cours a un nombre aussi fantastique de plaintes que le nombre que vous connaissez, au-delà de 7000 plaintes. Une telle attitude de la partie patronale a eu pour effet de forcer les commissaires à rendre un nombre considérable de décisions, alors que tout l'esprit de la loi était de parvenir à des ententes négociées sur les services essentiels.

Dois-je rappeler que, dans tous les cas où les syndiqués et les autorités locales sont parvenus à une entente, les services essentiels ont été assurés? A cause du peu de temps dont ils disposaient, un mois, à cause du trop grand nombre de causes et, dans plusieurs cas, de leur incompétence dans ce secteur, les commissaires ont rendu des décisions aberrantes qui ne pouvaient qu'amener un non-respect de la loi.

Et je vous en cite quelques-unes. Tous les employés de l'hôpital Bourget de Pointe-aux-Trembles ont été déclarés service essentiel de même que tous les employés du foyer de Lorette-ville, les employés de la villa des frères de Saint-Hyacinthe, au foyer Sainte-Anne-de-la-Pocatière, la décision impose seize travailleurs alors qu'il n'y en a que quatorze en temps normal. Au foyer Cap-Saint-Ignace, treize employés alors qu'en temps régulier il n'y en a que onze. Ce sont des choses qu'il faut regarder. L'esprit dans lequel une loi est appliquée, c'est important si la loi est bonne. Mais la manière de l'appliquer constitue une aberration, une provocation. Ce sont des considérations qu'un ministre de la Justice qui ne s'attache pas qu'à la lettre mais à l'esprit d'une loi et à son application doit considérer. Et c'est ce que j'ai fait.

Au foyer Georges-Frédéric, de Drummondville, la décision impose plus de travailleurs qu'il y en a pendant les 52 fins de semaine de l'année. Le directeur général de la maison Notre-Dame-des-Erables a refusé de collaborer d'ailleurs à l'application d'une telle loi. Le conseil d'administration de l'Hôtel-Dieu de Sorel a demandé — ce ne sont pas des syndicats ceux-là — de retirer toutes les plaintes déposées selon la loi 253. Le centre d'accueil Pierre-Joseph-Triest a demandé aussi — ce n'est pas un syndicat ça — de retirer toutes les plaintes.

Mme le Président: Vous devez maintenant conclure, M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Mme le Président, il me reste cinq minutes? Comme je l'ai dit, le climat social et la paix publique doivent être considérés lorsque le ministre de la Justice prend une décision. Et c'est l'une des considérations dont j'ai tenu compte avant de prendre ma décision et cela a compté pour beaucoup dans celle-ci. Cette motion de blâme de l'Opposition est la preuve éclatante que les libéraux et d'autres oppositions maintiennent leur attitude d'affrontement envers tout ce qui s'appelle syndicats et travailleurs québécois, attitude de provocation qui nous a donné le climat social irrespirable d'avant le 15 novembre.

Les Québécois en avaient assez de cette attitude d'ailleurs et ils l'ont prouvé le 15 novembre, ils l'ont dit clairement. C'est ma conviction profonde, que nous le voulions ou non, que le temps du dialogue s'impose, qu'il faut miser non seulement sur la compréhension des travailleurs québécois mais sur la compréhension des autres citoyens de la société québécoise, que ce n'est pas en voulant abattre les syndicats ou en les acculant à la faillite qu'on va régler le problème du syndicalisme. Je ne me fais pas d'illusions. La voie du dialogue et de la réconciliation sociale n'est pas une voie facile, n'est pas une voie sans embûches. Il y aura peut-être des désillusions mais je crois qu'il faut même s'y engager résolument parce que la voie de l'affrontement qui avait été empruntée par ceux qui nous ont précédés a mené au résultat que vous connaissez, à savoir un climat social irrespirable qu'il nous faut absolument restaurer. Je puis vous dire que, lorsque j'ai vu les oppositions s'exprimer avec tellement de hargne cet après-midi, eh bien, cela m'a fait réaliser non seulement que j'avais pris la bonne décision mais aussi jusqu'à quel point le fossé est de plus en plus large entre certaines catégories de la population et que nous n'avons pas intérêt à continuer à élargir ce fossé. Dans ce sens-là, je crois que nous devons nous engager dans la recherche d'une so-

lidarité québécoise si nous voulons la paix sociale. Et, dans ce sens-là, je considère que l'Opposition est irresponsable en n'unissant pas ses efforts à ceux du gouvernement en place pour essayer justement de l'appuyer dans un geste qui, j'en suis convaincu, peut être de nature à améliorer le climat social une fois pour toutes.

Mme le Vice-Président: Une minute.

M. Bédard: Au contraire, par vos déclarations — et vous y penserez—vous avez continué tout simplement d'essayer de monter des groupes de citoyens contre d'autres groupes de citoyens, d'alimenter un sentiment antisyndical au niveau de la population, alors qu'on sait très bien que c'est avec les travailleurs québécois, avec toutes les autres catégories de la population qu'il faut ensemble construire le Québec et que nous pourrons le construire ensemble. Ce n'est pas une société de barricades, telle que celle que vous avez édifiée par vos lois spéciales et par votre attitude d'affrontement lorsque vous étiez au gouvernement, qu'on va régler le problème. Ce n'est pas une société de barricades; au contraire, nous devons employer nos efforts pour essayer d'avoir une société plus solidaire. Je termine, là-dessus, Mme le Président. Je puis vous dire que le fondement de ma décision n'est pas à l'effet de dire que les gouvernements ont tous les torts et que les syndicats n'ont pas fait d'erreurs. Non, au contraire; c'est un appel à l'obligation de responsabilité de toutes les parties en cause. Je termine en vous disant que, pour les motifs légaux, et pour les motifs sociaux que je viens de vous exposer, non seulement j'ai la conviction que j'ai pris la bonne décision, mais également, je formule l'espoir que cette décision aura des effets qui seront heureux à court terme pour l'ensemble de notre société québécoise.

M. Lamontagne: Mme le Président... M. Bisaillon: Mme le Président...

Mme le Vice-Président: M. le député, est-ce que vous voulez utiliser le droit de réplique maintenant?

M. Lamontagne: Quel droit de réplique? Nous avons encore 33 minutes.

Mme le Vice-Président: M. le député. M. Robert Lamontagne

M. Lamontagne: Mme le Président, j'ai écouté mon collègue le député ce Chicoutimi et ministre de la Justice, faire son intervention à l'occasion de cette motion de blâme. Ma première impression est de me demander si c'est un chef de parti qui a parlé ou celui sur qui repose le respect de la justice dans la province de Québec. Le témoignage des applaudissements et des félicitations témoigne beaucoup plus d'un discours politique que d'un véritable moyen de vouloir faire respecter la justice chez nous. Mme le Président, c'est avec une inconscience surprenante que le ministre de la Justice a informé cette Chambre de sa décision d'absoudre tous ceux qui avaient contrevenu aux lois 23 et 253 que cette Assemblée, en session spéciale, avait convenu d'adopter unanimement, non pas pour brimer les droits des travailleurs, pas plus que pour intervenir dans la fixation de leurs salaires ou de leurs conditions de travail, mais bien pour assurer aux citoyens ordinaires, et principalement à ceux qui étaient les plus grandes victimes de l'aspect sauvage que revêtaient ces grèves, soit les malades dans les hôpitaux et les enfants dans les écoles, le respect de leurs droits fondamentaux.

Le ministre, en faisant sa déclaration, s'est vanté d'avoir pris cette décision seul, en assumant, dit-il, pleinement ses responsabilités. Dans de telles conditions, je ne crains pas d'affirmer qu'il eût été préférable qu'il consulte ses collègues et fonctionnaires ou encore les malades qui ont été victimes de l'absentéisme du personnel dans les hôpitaux, ou les parents ou les enfants qui ont eu à subir l'insécurité d'une année scolaire fort compromise à tous les point de vue. Il aurait peut-être alors eu une perception plus juste de l'importance du respect de ces lois. Plus que tout autre et à cause du caractère social extrêmement important des lois 23 et 253, le ministre de la Justice aurait dû exercer une prudence extrême et jauger toutes les conséquences funestes de ses gestes plutôt que de saper l'autorité des lois et d'agir injustement.

Si le ministre avait été vraiment préoccupé par les situations très pénibles, voire même dramatiques que la population a vécues lorsque cette dernière a été privée des services essentiels, il aurait dû au moins songer à la création d'un comité ministériel qui aurait pu le conseiller sur cette question. Il aurait alors fait preuve non seulement de clairvoyance, mais surtout d'un sens plus élevé de ses responsabilités.

Le ministre de la Justice aurait dû se rappeler que le maintien des services essentiels dans les hôpitaux avait fait l'unanimité non seulement chez les parlementaires, mais dans les milieux hospitaliers, dans la population et chez les syndiqués eux-mêmes. Le projet de loi 253, en particulier, avait pour but de protéger la population durant le long processus de la négociation du secteur public, négociation où le droit de grève soulève le problème de l'équilibre extrêmement fragile entre l'exercice de ce droit par les syndiqués et le droit des citoyens à être protégés dans un domaine aussi fondamental que celui de la santé.

L'exemple du non-respect des lois est venu de haut. On ne pourra jamais mesurer exactement les répercussions morales et sociales à long terme de ce coup de pinceau révoltant du ministre de la Justice. Le ministre s'est-il posé les questions suivantes: Dans quel type de société voulons-nous vivre? Voulons-nous une société civilisée qui veut être régie par des lois dont le respect doit être assuré par des sanctions appropriées si on ne veut pas se retrouver dans une jungle? Le respect de la

loi doit-il être exigé de tous ou seulement de certains? Ainsi, on a rappelé aux immigrants, de façon inutilement autoritaire puisqu'on est même allé au-delà de ce qu'elle prévoyait, que la loi, c'est la loi. Par contre, quand on est suffisamment fort, on peut impunément enfreindre la loi. N'est-ce pas là encourager ceux qui se sentent assez forts à aller jusqu'au bout de l'audace?

M. le Président, le gouvernement parle facilement de paix sociale. Veut-il acheter une paix sociale temporaire et nous obliger à payer plus tard cette paix à des prix qui ne seront plus socialement acceptables? Le ministre s'est-il inquiété des réactions de la population à ses décisions? Ce n'est un secret pour personne qu'au lendemain du 15 novembre, les journaux faisaient état de la victoire des syndicats. Certains journalistes ont même interprété que les syndicats se sentaient au pouvoir. La question normale que la population se pose aujourd'hui devant le geste du ministre: Y a-t-il collusion entre le gouvernement et les syndicats? Est-ce un aveu de faiblesse de sa part à l'égard du pouvoir syndical auquel il n'ose opposer de résistance? N'est-ce pas là renforcer ce sentiment que le contexte des négociations permet tous les abus, que les règles de jeu, prévues et acceptées, ne s'applique plus, que les citoyens ordinaires, malades, parents, enfants, contribuables ne comptent plus?

Il y a deux sortes d'hommes, disait Biaise Pascal: les uns, justes, qui se croient pécheurs, et les autres, pécheurs qui se croient justes. Je crois que le ministre appartient à la seconde catégorie.

M. le Président, j'appuierai cette motion du chef de l'Opposition officielle, qui est une motion de blâme contre un bon gouvernement, tout simplement parce qu'il est mauvais lorsqu'il s'agit de rendre à la justice ses droits, et aux citoyens la justice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, évidemment...

M. Caron: Un instant. Je m'excuse envers mon collègue; on n'a pas quorum en Chambre.

Le Vice-Président: Est-ce que M. le secrétaire peut constater si on a quorum, s'il vous plaît? M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Etant issu d'un comté où on fabrique, apparemment, des ministres de la Justice, puisque mon prédécesseur, Me Rémi Paul, a été ministre de la Justice, je pense que, tantôt, le ministre de la Justice actuel nous a servi un bon "show", digne des meilleurs "shows" que mon prédécesseur dans le comté de Maskinongé aurait pu faire. Il ne manquait qu'une chose, il aurait fallu qu'il pleure sur l'épaule de sa voisine de droite.

M. le Président, je vais vous la dire la vraie raison pour laquelle vous avez absous les syndicats, cela va venir. Ecoutez, c'est bien important. On ne peut passer sous silence le fait que le ministre de la Justice ait décidé, de son propre aveu, de mettre fin aux poursuites judiciaires pour désobéissance civile en vertu des lois 23 et 253. L'Opposition officielle ne peut faire autrement que de réévaluer la notion d'autorité, soit celle que les Québécois sont en mesure d'exiger et celle que le gouvernement péquiste offre.

Il est bon de se rappeler le pourquoi des lois 23 et 253. D'abord, la loi 253, ai-je besoin de vous le rappeler, c'est la loi visant à assurer des services de santé et des services sociaux essentiels en cas de conflit de travail qui a été adoptée en vue d'obliger les parties en litige, en coopération avec un commissaire, à déterminer et à maintenir les services jugés essentiels pour le bien-être de la population. Il faut se rappeler également la grève sauvage que le Québec a connue, dans le secteur hospitalier, en 1972, d'où la nécessité de cette loi. Nous devons noter à l'intention de nos amis d'en face, ceux qui aujourd'hui assument le pouvoir, que les six députés péquistes du temps, en décembre 1975, ont voté en faveur de la loi — je n'ai pas besoin de vous rappeler que c'est consigné au journal des Débats aux pages 2423 et autres— en première, deuxième et troisième lectures. Mais le 25 mars 1977 — il n'y a quand même pas longtemps — le député de Chicoutimi, qui avait autrefois appuyé le principe de la loi, change de chemise. Pourquoi? Je vais vous le dire, ce ne sera pas tellement long.

D'abord, la loi 253. La loi 23 maintenant, loi qui concerne le maintien des services dans le domaine de l'éducation et qui fut sanctionnée en avril 1976 — et je pense que c'est là le point important de mon discours — afin de permettre aux étudiants de terminer leur année scolaire hautement compromise par les débrayages des enseignants et les visées politiques d'Yvon Charbonneau. Vous connaissez cela Yvon Charbonneau? Ce dernier refusait d'écouter la voix des enseignants soucieux de leur tâche, préférant retirer aux syndiqués récalcitrants leurs droits à l'intérieur du syndicat, tel que le garantit le Code du travail. Yvon Charbonneau savait très bien, à l'époque, que le syndiqué déchu était obligé de verser une cotisation syndicale, même s'il n'avait plus le droit de regard sur son syndicat. C'est cela le syndicaliste enseignant. C'est cela aussi la nouvelle autorité. Soudain, le 25 mars 1977, sous l'ombrelle des comptes nationaux, le nouveau justicier québécois, dans toute sa clarté et sa transparence, vient nous annoncer la bonne nouvelle. Alléluia, on est dans le temps de Pâques, désormais la désobéissance est légale. Vive l'anarchie! Vive la justice!

Je veux bien accepter que le nouveau style de gouvernement soit un préjugé favorable aux syndicats, je suis même prêt à appuyer des mesures concrètes dans ce domaine. Mais un préjugé favorable doit-il aller jusqu'à encenser la désobéissance civile? Un préjugé favorable doit-il aller jusqu'à renier l'autorité élue? Un préjugé favorable doit-il aller jusqu'à brimer les droits fondamentaux des Québécois, soit leur droit à l'éducation et à la santé? Dans ce genre de préjugé favorable, je n'embarque pas, M. le Président.

II faut se demander pourquoi le gouvernement péquiste agit de la sorte. Sans jouer au démagogue, je puis calculer parmi les membres de cette Assemblée certains chiffres assez éloquents.

Ainsi des 71 députés péquistes de cette législation, 21, ou à peu près, nous parviennent directement du milieu professionnel. Cinq sont clairement identifiés comme des syndicalistes, deux comme des administrateurs scolaires et, enfin, un dernier comme directeur pédagogique. En somme, 29 députés sont tous reliés au monde enseignant ou syndical, soit tout près de 41% de la députation actuelle du côté du gouvernement. Devant ces faits, je me demande si avoir un préjugé favorable veut dire favoriser ceux qui ont fourni au gouvernement péquiste le plus de députés ou le plus de candidats, car si j'analyse la liste des 110 candidats péquistes, le nombre de candidats ayant des liens très marqués avec le milieu enseignant ou syndical atteint 50, soit environ 45%. Devant des chiffres aussi éloquents, il ne faut pas s'étonner d'un geste aussi illogique du ministre de la Justice.

Le député de Chicoutimi n'a pas dû avoir de difficulté à obtenir la bénédiction du conseil général et national du Parti québécois pour une mesure aussi bénéfique à l'ensemble des Québécois, mais cette absolution insensée me force à remettre en question toute la notion de l'autorité. Je suis un partisan du changement et de l'évolution car la stagnation est une forme de suicide collectif, mais le changement ne doit-il pas être, comme le reste, le plus équilibré possible? Le progrès? Un mot rempli d'espoirs et de déceptions. Nous ne sommes cependant pas obligés de nous ériger contre le progrès pour constater froidement que notre sens moderne des valeurs a besoin d'une urgente révision. Nous parlons souvent de notre jeunesse québécoise, de cette génération montante comme de l'espoir de demain. Peut-être suis-je trop pessimiste, mais j'ai peur que nous soyons un tant soit peu déçus.

Le ministre de la Justice nous oblige à réévaluer notre notion d'autorité. Dans toute société qui se respecte, pour qu'elle soit capable d'évoluer, une participation vivante et active de tous ses membres est exigée. Cependant, pour que cette participation aboutisse à un résultat concret et valable, elle doit avoir à sa tête quelqu'un de solide. Malheureusement, ce n'est pas notre nouveau justicier québécois qui pourra engendrer cette participation créatrice. Tous les groupes, les partis politiques, les syndicats, les compagnies ont leur chef, il est donc indispensable à la société québécoise que chaque Québécois accepte l'autorité, qu'il en reconnaisse l'existence et la nécessité. L'existence même de notre collectivité présuppose l'ordre, et je ne connais aucun moyen d'assurer l'ordre que d'investir quelqu'un à un certain degré d'autorité.

Le député de Chicoutimi a sans doute oublié que le devoir premier de celui qui est investi de l'autorité est de créer l'ordre, l'harmonie et le bien-être de ses sujets, non pas de louanger et de bénir la désobéissance civile. L'ange gardien de notre justice ne semble pas discerner le fossé qui existe entre le bien collectif et le patronage intellectuel auquel il s'est livré avec ses amis syndicaux. Dans certains cas, le bien collectif peut sembler atrophier les droits de certains groupes. C'est le choix que l'autorité a posé avec la loi 23 et la loi 253. Notre système politique est des plus démocratiques, mais jamais je n'accepterai la désobéissance civile, que la désobéissance civile devienne le nouveau Dieu québécois.

Je blâme le ministre de la Justice, lui-même investi d'une certaine autorité, d'utiliser cette même autorité pour gratifier et donner un caractère quasi-judiciaire à la désobéissance civile et à l'intimidation de la mafia syndicale. Combien le ministre recevra-t-il pour cette dégradation? Une aide syndicale pour le référendum.

Je n'hésiterai pas à voter pour la motion du chef de l'Opposition pour blâmer le ministre de la Justice du geste qu'il a posé. Merci.

M. Ciaccia: M. le Président... M. Bisaillon: M. le Président...

Le Vice-Président: D'accord, cela évite de rendre une décision.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: On me permettra, à ce stade-ci, d'apporter brièvement et calmement quelques commentaires sur la motion de censure qui a été présentée devant l'Assemblée nationale par le député de Bonaventure, de même qu'un témoignage vécu sur une situation identique à celle qui nous oppose aujourd'hui.

La seule différence, à mon sens, M. le Président, vient strictement du fait que, dans le passé, ces choses étaient cachées, négociables, alors qu'aujourd'hui on est placé devant une situation claire, prise en analyse pendant un certain temps et annoncée officiellement au niveau de l'Assemblée nationale. Les témoignages que je voudrais apporter, M. le Président, concernent deux lois identiques, la loi 25 et la loi 19.

Je m'en voudrais aussi de ne pas souligner le fait qu'on nous a dépeint les gens qui avaient violé la loi 23 et la loi 253 comme de sombres criminels, des gros méchants, des gens qui faisaient partie d'une mafia syndicale. On sera peut-être étonné de savoir que le député de Laval, le député de Mégantic-Compton, le député de Johnson, le député de Bonaventure, qui, hier, me trouvaient si gentil, étaient en face d'un de ces sombres criminels, un enseignant, un syndicaliste qui a déjà été poursuivi en vertu de la loi 19, sauf que je vais me permettre d'expliquer de quelle façon cela s'est fait en 1972, de quelle façon cela s'est fait aussi en 1967, sous le gouvernement de l'Union Nationale.

Lorsque la loi 25 a été adoptée, le 17 février 1967, des groupes d'enseignants étaient, à ce moment-là, en grève. Ce que je vais affirmer devant cette Assemblée pourrait être confirmé, d'ail-

leurs, par le chef de cabinet du chef de l'Union Nationale, qui était, à ce moment-là, bien placé dans un syndicat d'enseignants. Il pourra confirmer exactement ce que je vais annoncer. Au moment où la loi 25 a été adoptée, des groupes d'enseignants en grève sont restés en grève pendant deux ou trois jours. J'ai reçu, à ce moment-là, comme président de syndicat, un appel personnel du ministre Bertrand, pour me dire qu'on avait tout le loisir de prendre une journée ou deux de plus que le délai qui nous était fixé dans la loi pour l'étudier correctement et profiter de cette période pour négocier avec les commissions scolaires les protocoles de retour au travail nécessaires.

Dans le cas de la loi 25, M. le Président, la loi n'a jamais été appliquée, les poursuites n'ont jamais été intentées, même s'il y avait eu violation du texte même de la loi dès le lendemain de la loi, pour justement permettre de rétablir un climat favorable à des négociations et aux arbitrages qui ont suivi. C'était sous le gouvernement de l'Union Nationale. J'ai vécu une situation pire encore en 1972, lorsque la loi 19 a été adoptée. Je voudrais rappeler, M. le Président, que j'ai été le premier président de tous les syndicats de la province à être poursuivi en vertu de la loi 19. J'avais, à ce moment-là, annoncé qu'effectivement je ne souscrirais pas aux négociations secrètes qui avaient été faites par le ministère de la Justice et le ministère de la Fonction publique.

Immédiatement après l'adoption de la loi 19, on avait communiqué avec moi, d'une part le ministère de l'Education, d'autre part le ministère de la Fonction publique, pour me dire ceci: Vous êtes actuellement en journée d'étude illégale, malgré l'adoption d'une loi. Si vous retournez au travail d'ici une journée, il n'y aura pas de poursuite. Ce règlement, M. le Président, je l'avais refusé. J'avais dit: On a pris une décision honnête, on a pris une décision démocratique. C'est l'ensemble des gens qui l'ont prise, cette décision; on ira au bout de cette décision. J'ai été, donc, poursuivi en vertu de la loi 19.

A la suite de cette poursuite, j'ai annoncé publiquement qu'effectivement je n'accepterais pas de plaider coupable, parce qu'on m'avait aussi signalé que, si je plaidais coupable, il y aurait des pénalités moins importantes et que les simples membres, eux, ne seraient pas poursuivis. J'ai donc refusé de plaider coupable en me déclarant prêt à me présenter devant un juge et à défendre ma position. Or, au moment où j'ai annoncé que j'avais l'intention de plaider coupable face à la loi 19, j'ai aussi annoncé mon intention de convoquer devant le tribunal chacun des membres de mon syndicat qui avaient participé à cette décision, soit 3600 personnes. Je pensais qu'elles avaient le droit de venir expliquer dans quel sens elles avaient effectué une journée de travail illégale.

M. le Président, vous savez bien que, tout de suite après cette annonce, on s'est rapidement rendu compte que cette loi était inapplicable. Et dès le lendemain, le ministre de la Justice de l'époque, M. Jérôme Choquette, a annoncé qu'il enlèverait les poursuites contre les individus, mais qu'il conserverait celles contre les syndicats. Publiquement, il conservait l'image d'un homme généreux qui enlevait les poursuites contre les individus tout en conservant celles contre les organismes.

Or, M. le Président, ce qui était faux à l'époque, c'est que toutes les poursuites qui étaient faites contre les organismes dépendaient, par le texte même de la loi, des poursuites contre les individus. Autrement dit, parce que j'étais président de syndicat, j'étais poursuivi, et par voie de conséquence, mon syndicat aussi était poursuivi. Comme on enlevait les poursuites contre les individus, forcément, au niveau du tribunal, les poursuites contre les organismes se sont trouvées automatiquement annulées, sauf que jamais, publiquement, on n'a reconnu qu'on avait posé ces gestes.

Ce qui est grave dans ce qui nous oppose aujourd'hui, M. le Président, c'est qu'on a été obligé quand même d'adopter une loi 23, après avoir vu l'application qu'on avait faite des lois 25 et 19. Une des phrases de la motion de censure parle d'inégalité des citoyens devant la justice. Est-ce qu'il serait opportun, M. le Président, de rappeler la phrase prononcée ici même dans cette Chambre par le ministre du Travail de l'époque, M. Cour-noyer, qui avouait devant cette Chambre qu'il était incapable de poursuivre des compagnies qui avaient enfreint la loi parce qu'en les poursuivant il les mettrait en faillite, ici même, à l'Assemblée nationale, sans qu'aucun des éditorialistes qui ont été mentionnés aujourd'hui ait seulement osé faire un éditorial sur la question?

Ici même on a entendu, de la part du ministre du Travail de l'époque, des phrases identiques à celles qui nous sont reprocnées aujourd'hui. La différence entre aujourd'hui et le passé, c'est qu'aujourd'hui cela a été annoncé officiellement que tout le monde est traité de la même façon.

En terminant, M. le Président, je voudrais souligner une chose. Le député de Rouyn-Noranda a parlé de conserver la paix sociale et que des mesures comme celles qui avaient été annoncées par le ministre de la Justice étaient susceptibles de nous faire perdre la paix sociale. Je voudrais souligner, M. le Président, et je dois me référer au 15 novembre parce que c'est une situation claire que celle du 15 novembre, que pour conserver la paix sociale, encore aurait-il fallu qu'il y en ait, de la paix sociale, avant le 15 novembre. Adoptons ensemble des mesures qui permettront aux citoyens et aux travailleurs et aux syndiqués de voir qu'ils peuvent être traités justement, et là on n'aura même plus besoin d'adopter une loi spéciale. Les membres de l'Opposition qui craignent la récidive peuvent se rassurer, lorsque les syndiqués et les travailleurs auront compris qu'ils ont un gouvernement qui travaille pour l'ensemble des travailleurs, il n'y aura pas de récidive parce qu'il n'y aura plus nécessité jamais d'adopter de loi spéciale. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: M. le Président, puisque l'on parle d'éditoriaux, je voudrais commencer mon intervention en vous citant quelques bribes d'un éditorial de la Tribune qui s'intitule: "Le droit de violer la loi. Nul n'est autorisé à enfreindre une loi au mépris de la sécurité du public simplement parce qu'il estime que les peines à encourir sont trop sévères ou exagérées. Provoqués, les syndicats sont devenus provocateurs, et il est difficile de passer l'éponge sur cette attitude irresponsable, même si la coutume veut qu'après un conflit, tous les torts soient effacés, tous les gestes déplacés, oubliés. Eliminer, cependant, tout le passé, c'est tolérer l'anarchie. Même des préjugés favorables aux travailleurs ne peuvent être farcis d'une telle philosophie qui ferme les yeux sur des actes aussi graves. Il faut que les chefs syndicaux apprennent qu'ils ne sont pas au-dessus de la loi.

La situation n'est pas facile pour le gouvernement Lévesque, qui se dit l'allié des travailleurs. Qu'il se rappelle que ce n'est pas devenir l'adversaire de quelqu'un que d'exiger qu'il respecte la loi et le droit du public à recevoir soins et éducation.

L'honorable ministre annonçait la semaine dernière qu'il retirait les plaintes en vertu des lois 253 et 23. En somme, avec ces deux lois il s'agissait d'un grand total au niveau des amendes qui pouvait varier de $9 millions à $50 millions. Si on avait demandé, au lieu de procéder ainsi, d'amender la loi en minimisant les amendes, on aurait évité l'injustice présente car, quand les syndicats et les chefs syndicaux ont pris la décision de défier la loi, ils savaient ce à quoi ils s'exposaient. Ils ont agi en toute connaissance de cause. Et du même souffle l'honorable ministre de la Justice maintenait d'un autre côté les poursuites pour outrage au tribunal par suite du non-respect des injonctions obtenues en vertu de l'article 99 du Code du travail.

A l'heure actuelle, neuf syndicats et 31 membres et officiers ont été condamnés à des amendes totalisant $271 000. Ces jugements sont présentement en appel. Pourquoi de telles contradictions et de telles injustices? Dans quelle position intenable place-t-on les juges qui auront à entendre ces causes en appel? La solution à tout cela était un amendement à la loi pour limiter le montant des amendes ou même procéder par voie de sentences suspendues. Cela aurait tenu lieu d'avertissement aux syndicats et aux individus qu'il fallait respecter les lois du Québec.

Quand les dispositions d'une loi sont inadéquates, on doit procéder par amendement devant l'Assemblée nationale et non pas par déclaration ministérielle. Il s'agit à mon avis d'une autre intrusion du pouvoir exécutif dans le pouvoir législatif et même dans le pouvoir judiciaire.

Pour un gouvernement qui se veut transparent et démocratique, on se pose des questions. Le ministre disait dans sa déclaration qu'il fallait s'interroger sur les effets sociaux de telles poursuites. Je pense qu'on peut également s'interroger sur les effets sociaux à venir de cette décision car cela aura dans l'avenir un effet d'entraînement à la désobéissance civile.

Le ministre disait également que la ligne de conduite du gouvernement doit se situer au niveau de l'intérêt général et de la paix publique. Mais le tollé de protestations d'à peu près tous les éditorialistes des journaux de la province montre bien que l'intérêt général n'a pas été servi par cette décision. Et je pense bien que, si tous les éditorialistes ont fait des remarques contraires à celles du ministre, il faut en tenir compte car eux aussi ils représentent une certaine partie de la population.

Le ministre a également dit qu'il fallait rétablir un climat de confiance dans les relations de travail. C'est plutôt un climat de chantage qui va s'établir à l'avenir dans les relations avec les syndicats et le gouvernement car ils n'hésiteront plus à désobéir aux lois.

Messieurs du gouvernement, vous allez être à la solde des syndicats à l'avenir. Que va faire le gouvernement, le ministre de la Justice à l'avenir lorsqu'il fera voter des lois et que des individus ou des syndicats ne les respecteront pas? Dans quelle position sera-t-il placé pour faire respecter ces lois?

La décision rendue par l'honorable ministre de la Justice démontre de la part du gouvernement un manque flagrant de concordance avec des prises de position adoptées précédemment et une abdication incompréhensible de ses responsabilités.

En tant que porte-parole des affaires juridiques pour l'Union Nationale, je pense qu'il s'agit d'une volte-face qui fait du pouvoir exécutif le juge de la légitimité des lois adoptées par l'Assemblée nationale, alors que notre système démocratique a toujours confié ce rôle aux tribunaux. Je m'explique mal le fait que, sous prétexte de vouloir ramener la paix sociale, le ministre de la Justice déroge au principe du respect de la loi, alors qu'il n'y a pas si longtemps, dans le dossier de la langue d'enseignement, le ministre de l'Education, M. Jacques-Yvan Morin, adoptait une attitude nettement contraire à l'endroit de plusieurs enfants de la région de Montréal. Le ministre de l'Education a prétendu, à ce moment, au nom de son gouvernement, que la loi était là pour être respectée et qu'il n'appartient pas à l'Etat de surseoir à son application.

Je suis d'avis que cette prise de position du ministre de la Justice est un signe inquiétant quant à l'impartialité et à l'indépendance du gouvernement vis-à-vis des groupes de pression organisés et dont la force peut presser le gouvernement à agir contre ses responsabilités premières. Il s'agit d'une décision arbitraire et inexplicable, et on a le droit de se poser la question suivante: Est-ce là la rançon que le gouvernement a dû payer pour se hisser au pouvoir?

Des Voix: Ah! Ah! ... C'est cher.

M. Fontaine: Sous le couvert du principe de vouloir ramener la paix sociale, le ministre de la

Justice décide d'abandonner les poursuites. Alors que des lois ont été votées en bonne et due forme par l'Assemblée nationale et le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif décide de renverser des lois qui avaient dûment été votées par ce Parlement. Qu'est-ce que va faire, à l'avenir, le gouvernement pour faire respecter les lois du Parlement? Que fait le gouvernement, face aux injustices causées aux personnes qui sont déjà condamnées? Qu'adviendra-t-il des plaintes qui sont en appel? Le gouvernement prouve par son attitude qu'il est à genoux devant les syndicats.

Pour toutes ces raisons, en tant que citoyen québécois, je ne puis que répudier la décision du ministre de la Justice et endosser la motion du chef de l'Opposition officielle. Cette motion, à mon avis, est tout à fait justifiée et je m'inquiète des conséquences néfastes, à long terme, de cette décision. Je m'inquiète du fait que le pouvoir exécutif s'ingère dans le pouvoir judiciaire. Il s'agit d'un précédent, et nous nous apercevons que les citoyens du Québec ne sont pas tous "égal" devant la loi.

Des Voix: Egaux!

M. Fontaine: Je m'excuse. Ils sont pas tous égaux.

M. Bérubé: II y a tellement de professeurs...

M. Bellemare: Demain, avec votre livre blanc, votre poisson d'avril...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Fontaine: Pourquoi le gouvernement a-t-il abdiqué devant les syndicats? Est-ce qu'il n'a pas eu le courage de respecter la loi? Quels sont les engagements que le gouvernement a pris envers les syndicats? Est-ce qu'il s'agit d'un paiement dû aux syndicats? Quelles sont les autres raisons que le ministre de la Justice n'a pas invoquées pour prendre sa décision? Nous pensons que cette décision a été prise à la légère, sans étudier en profondeur tous les impacts à venir de ce précédent dangereux qui a été créé.

Tous les Québécois connaissaient les lois 23 et 253 et savaient devoir s'y conformer. Je suis passablement déçu de l'attitude du gouvernement. Celui-ci devrait être plus magnanime à l'avenir et avoir une plus grande ouverture d'esprit.

Lorsqu'il se trompe ou qu'il fait erreur et qu'il le reconnaît, un homme se grandit. Je voudrais ici faire quelques suggestions pour que le gouvernement ne perde pas toute crédibilité face aux Québécois, pour qu'il garde la confiance de la population du Québec. Le gouvernement devrait faire preuve de plus d'imagination pour corriger les problèmes et les lacunes dans les relations de travail. Il faut s'attaquer aux causes profondes qui ont amené ces lois. Qu'est-ce qui pressait tant le gouvernement d'agir? Le gouvernement devrait procéder à une refonte en profondeur du Code du travail le plus rapidement possible, procéder éga- lement à la démocratisation des syndicats, voir à organiser un système de négociations permanentes pour corriger définitivement les problèmes dans les secteurs public et parapublic, empêcher que les syndicats ne prennent la population en otage.

La plupart des éditorialistes et des citoyens du Québec auraient compris que des adoucissements soient imposés dans les amendes aux travailleurs, même aux officiers ou aux syndicats. Mais le gouvernement n'aurait pas dû céder au chantage des chefs syndicaux. J'ai toujours conçu le syndicalisme comme un agent positif de notre économie, mais il ne faut pas fermer les yeux sur le mal de peur de susciter une réaction en chaîne qui nuira au gouvernement dans ses efforts de concertation avec les principaux agents économiques du Québec. Moi aussi, je veux que le syndicalisme devienne dans les faits un véritable partenaire économique, mais, pour ce faire, il devra faire preuve de plus de responsabilités sociales et d'une plus grande maturité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le premier ministre. M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): Je ne voudrais pas abuser du temps de la Chambre; je sais que ce temps s'épuise rapidement, mais il me semble indiqué, au nom du gouvernement, de dire très rapidement pourquoi nous voterons contre cette motion, pourquoi, par conséquent, comme tous ses collègues, je viens dire que nous soutenons unanimement la décision qu'en conscience — elle lui appartenait exclusivement à titre de procureur général— le ministre de la Justice a prise récemment. A notre avis, tout bien pesé, c'était, au point de vue de la santé sociale, de la santé législative et de la santé judiciaire du Québec, la seule décision qui pouvait être prise de façon cohérente. Pour étayer cela, très rapidement, je voudrais revenir sur trois points qui ont été évoqués parfois d'une façon hyperdramatique au cours de ce débat et qui, tous les trois, ont été placés dans le débat pour la première fois, dès le départ, par le chef de l'Opposition officielle dans son intervention. Premièrement, il y a ce qui concerne le rôle du Conseil des ministres et, accessoirement, celui des instances du "PQuiou", comme le dirait le leader de l'Union Nationale; il y a aussi — ce dont on vient, encore une fois, de parler un peu abusivement sans arrêt — la pression ou les diktats des syndicats ou des centrales syndicales.

Autrement dit, premièrement, le rôle que ces instances ont pu jouer ou ne pas jouer pour autant qu'on ait pu le constater, qu'on l'ait vécu. Deuxièmement, ce que le chef de l'Opposition a appelé la question fondamentale de l'égalité de tous devant la loi et, troisièmement — c'est celle-là qui, je crois, dois nous préoccuper le plus, si on a un peu le sens de la perspective et de l'avenir — la question du respect de la loi, c'est-à-dire de ces chances, qu'il faut tout faire pour s'assurer d'être suivi, d'être obéi, dans une société de lois qui ne

doit jamais devenir une société d'hommes et de caprices humains.

Premièrement, en ce qui concerne le rôle du Conseil des ministres, cela va être très bref. Cela va être encore plus bref en ce qui concerne les instances du Parti québécois qu'a évoquées le chef de l'Opposition, et en ce qui concerne les centrales syndicales, c'est-à-dire tout ce qu'on peut appeler, de près ou de loin, les possibilités de pressions sur les décisions du gouvernement.

Du côté des instances du Parti québécois, je pense qu'on est tous témoins, on l'a vécu, la réponse est zéro. Il n'y en a pas eu. Je n'ai pas vu l'ombre de la queue du soupçon. Il faut croire qu'on est devenu un parti assez adulte pour éviter des choses comme cela. Venant d'aucune instance du Parti québécois, l'ombre de la queue de la moindre intervention, du moindre goût de pression sur ce sujet.

Pour ce qui est des centrales syndicales, je n'en ai pas vu non plus. Je crois que le ministre de la Justice et ses collègues peuvent le confirmer, on n'a vu nulle part, ni de près ni de loin, ni directement ni indirectement, de pressions qui venaient. Cela a été laissé vraiment au jugement du gouvernement, et ce jugement, il a été exercé comme il se doit, par le ministre de la Justice exclusivement.

Le Conseil des ministres reconnaît, parce que, quand même, on vit dans une société où la compréhension de ces rôles est assez généralisée chez des gens qui sont politiquement conscients, société où il y a quelqu'un qui a la prérogative, quand l'organisation se tient, de prendre ces décisions, que c'est une lourde prérogative, c'est un lourd poids à porter. Comme on était tous conscients de cette prérogative, de prendre ou de cesser ou de laisser tomber des poursuites, qui appartient en exclusivité, comme décision, au procureur général, il n'a pas été question, ni de près ni de loin, de prétendre peser là-dessus. Dans toute la discussion qu'il y a eu — forcément, il y a de la discussion, il y en aura toujours, il est normal qu'il y en ait — autour du climat, des événements et tout ce qui sous-tendait cette décision, il a toujours été très clair, et quant à moi il sera toujours très clair, au niveau du Conseil des ministres, que cette décision était, qu'elle devait demeurer, et qu'elle doit demeurer celle du ministre de la Justice, au-delà des opinions légitimes qui ont le droit de s'exprimer.

J'ai entendu, tout à l'heure, par exemple, quelqu'un dire que le ministre de la Justice avait pu être forcé par le cabinet. Mais pour cela, il ne faut vraiment avoir jamais vécu dans les cabinets, ou en tout cas dans un cabinet le moindrement cohérent pour dire une incohérence comme celle-là. Le ministre de la Justice n'a été forcé par personne. Le jugement lui appartenait. C'est une caricature complètement invraisemblable de dire des choses comme ça. J'ajoute immédiatement, tout de même, que sur le plan des opinions qui avaient légitimement le droit de s'exercer et qui ont toujours ce droit, il a toujours été très clair, le long du chemin, depuis quelques semaines, que l'avis du ministre de la Justice sur l'opportunité d'annuler les plaintes qui avaient été portées en vertu des lois 23 et 253 était partagé unanimement par tous ses collègues.

J'ajouterai aussi, dans la perspective de l'avenir qui en inquiète beaucoup — j'espère que c'est une inquiétude sincère, parce qu'on entend des mots parfois, c'est normal, dans le climat de la Chambre, au moment où on s'en va vers les derniers milles, avant un ajournement saisonnier, quand les émotions se mêlent aussi, des fois, à un certain goût du théâtre — j'ajouterai, pour ceux que cela intéresse sincèrement cette préoccupation de l'avenir, que tous ses collègues du gouvernement ont aussi donné leur approbation, sans la moindre réticence, au projet de refonte en profondeur, on peut dire quasiment de A jusqu'à Z, de la législation en vertu de laquelle ces plaintes avaient été portées, ce qui, à notre humble avis, enlevait à cette législation, sa raison d'être, et par voie de conséquence, dans le climat social où nous vivons, toutes leurs raisons d'être à cette accumulation invraisemblable, caricaturale de plaintes qui avaient été portées dans un climat surchauffé.

Vous savez, Mme le Président, que même si ce climat dont je parle est encore relativement récent, cela peut justifier ou, en tout cas, expliquer des accents passionnés, comme ceux qu'on a entendus, depuis quelque temps.

Ce n'est pas nouveau, malgré cela, nulle part, et cela a été vrai de tout temps, ce jugement, qui est extrêmement délicat à exercer, de celui qui a la prérogative de porter ou de retirer des plaintes, de faire ou de ne pas faire s'exercer le poids de la loi. Ce privilège, qui peut prendre la forme du droit de grâce, de l'amnistie, etc., de tout temps, même si cela est un jugement extrêmement délicat, a été reconnu comme une chose légitime selon les circonstances, selon, justement, comment ce jugement paraît devoir s'exercer.

Je pourrais donner des exemples, sans entrer dans l'exotisme, qui sont récents et que tout le monde connaît. Il y a des choses bien plus graves que ce dont on discute et qui ont amené, peu à peu, parce qu'il y avait un besoin de réconciliation collective, parce qu'il y avait un besoin de nouveau départ, des recours à ce même genre de jugement qu'a exercé le ministre sur un truc qui nous affecte à court terme. Je pense à la guerre du Vietnam; aux Etats-Unis, il y a une loi du service national, il y a une loi de la conscription. Il y en a qui lui ont échappé et ils sont devenus des déserteurs. Il n'y a pas de marque plus infamante dans les pays qui ont l'habitude de ces choses comme le service militaire et, malheureusement, l'habitude des guerres. Pourtant, on voit que peu à peu on s'en va, étape par étape, prudemment vers l'amnistie qui va être totale, éventuellement. Quand on prétend maintenir des lois inapplicables dans le contexte social, politique, peu importe, où on a prétendu les injecter de force et qu'on prétend, pendant un bout de temps, les imposer, on sait ce qui se passe.

Pour revenir chez nos amis américains, on sait que, pendant des années, on a essayé d'appliquer

la loi de la prohibition. On sait ce qui leur est arrivé. Ils ont sombré dans le ridicule et dans l'illégalité collective, qui était devenue une espèce de pratique nationale. On a eu, ici, une certaine loi du cadenas, pendant trop longtemps, pour rappeler des souvenirs que le député de Johnson n'a certainement pas oubliés. Elle aussi, elle avait fait plus que son temps quand elle a fini par disparaître.

C'est simplement pour souligner que ce rôle de l'amnistie, de l'élimination des lois qui, en soi, sont poisons dans une société, cela n'a pas été inventé par le ministre de la Justice d'aujourd'hui. C'est un jugement extrêmement délicat à exercer. Il y a une question de moment, aussi, mais c'est quand même une chose qui ne demande pas qu'on délire en imaginant que ce sont des précédents historiques ou cosmiques.

De toute façon, le point sur lequel je voulais appuyer — et je crois qu'il était de mon devoir de la faire — c'est le rôle absolument légitime et très bien circonscrit qu'a exercé autour du ministre de la Justice, face à cette décision difficile, l'ensemble de ses collègues. Deuxièmement, il y a aussi, dans des cas pareils, certaines dimensions qu'il faut peser et qu'il faut peser avec beaucoup de soin parce que cela peut affecter l'équilibre social. Le chef de l'Opposition en a évoqué deux dans le discours qu'il a fait à l'appui de sa motion. D'abord, la notion d'égalité devant la loi. Et c'est vrai que c'est fondamental. S'il n'y a pas d'égalité devant la loi, on n'a plus un régime de lois, on a un régime d'arbitraire humain. Seulement, il faudrait tout de même s'entendre sur ce que cela doit vouloir dire sérieusement, l'égalité devant la loi.

Dans des cas qui affectent un grand nombre de gens, comme des lois du genre de celles dont on discute, les lois 23 et 253, qui sont — je parle en profane — ce qu'on peut appeler du droit collectif, c'est-à-dire qui peuvent englober un grand nombre de citoyens d'un seul coup, il me semble que l'égalité, au sens arithmétique pas mal étroit qu'évoquait le chef de l'Opposition, cela ne tient pas debout, cela ne s'applique pas et cela ne s'appliquera jamais. Le concept de l'égalité devant la loi n'a rien à voir dans ces cas-là avec les poursuites qui peuvent être intentées ou ne pas être intentées ou retirées au besoin parce que — ni surtout avec le sort que peuvent connaître éventuellement ces poursuites — on tomberait dans l'absurde.

La notion d'égalité devant la loi, tel que prétendait évoquer le chef de l'Opposition et qui sous-tend certaines des argumentations qu'on a entendues, il est clair que jamais, dans des cas comme la loi 23 ou la loi 253, cela ne pourrait s'appliquer concernant des gens, individus ou organismes, dans ce cas des syndicats, qui sont poursuivis ou qui ne le sont pas, parce qu'avec l'optique qu'évoquait le chef de l'Opposition dans certaines de ses envolées aujourd'hui, il aurait fallu, si je comprends bien sa logique, que tous et chacun des gens qui étaient impliqués ou des organismes qui étaient impliqués, sans la moindre exception, tous et chacun soient poursuivis, puisqu'ils avaient tous commis la même infraction à ces lois.

Alors ce n'est jamais arrivé, ce n'est pas arrivé dans ce cas, cela n'arrivera jamais.

Dans des domaines de droit statutaire comme cela, ce n'est pas fait pour arriver non plus; il n'y a aucune pratique nulle part qui peut sous-tendre, je veux dire qui peut étayer une logique comme celle-là. Alors, le concept d'égalité devant la loi, je ne vois pas comment il peut prétendre s'appliquer. Ce qui est important et fondamental, tout le monde est revenu là-dessus beaucoup, je pense, c'est le respect de la loi, c'est-à-dire — par rapport à l'avenir, nous on a encore quelques années probablement de ce côté-ci de la Chambre, puis je n'ai pas besoin de dire qu'on y pense — comment est-ce qu'on peut arriver, pour reprendre des termes que le député de Beauce-Sud employait tout à l'heure, à une société où la loi nous aide à avoir des institutions stables, je pense que je cite mot à mot, où la loi nous aide à avoir la dignité, la paix et le respect mutuel, et aussi, en commençant, et là il parlait de l'Etat, je pense, et de l'administration des lois, à ce niveau, par se respecter soi-même.

Autrement dit, comment la loi peut-elle faire dans une société comme la nôtre ces années-ci, pour être elle-même respectable, parce que si elle veut être respectée, il faut qu'elle soit respectable. Est-ce que c'est à grand coup de sanctions de plus en plus exorbitantes qu'on obtient le respect des lois? Et surtout dans un climat surchauffé, en plein coeur de circonstances exceptionnelles, au moment où on ne consulte même pas les intéressés — et là je cite des faits, des faits assez récents pour que personne n'en ait perdu le souvenir — et dans un climat social qui de toute façon est mouvant puis toujours porté à être instable dans la société d'aujourd'hui, est-ce que c'est avec tous ces facteurs et à coups de sanctions exorbitantes qu'on va arriver à établir ou à renchausser, parce qu'il y en a sérieusement besoin, le respect de la loi ou des lois? Il me semble que la réponse, la triste expérience du gouvernement précédent nous la fournit, puis elle est catégorique. La réponse, c'est non. Ce n'est pas comme cela qu'on va y arriver. Les exemples que le ministre de la Justice donnait tout à l'heure sur l'application de ces lois qui ont accompagné ce climat, je pense qu'ils sont suffisamment probants pour que je n'aie pas besoin de les répéter, parce que tout le monde a été frappé par ces exemples-là: les services essentiels, treize employés là où en temps normal, quand ce n'est pas essentiel, il y en a onze ou dix.

Tous ces facteurs, est-ce que c'est comme cela? Sanctions à l'appui, en grossissant sans arrêt d'une fois que cela ne marche pas à l'autre fois où on dit que cela va peut-être marcher cette fois, en grossissant sans arrêt le bâton des sanctions de la loi. Est-ce que c'est comme cela qu'on va revenir à ce respect, à cette stabilité des institutions, à cette dignité, etc. qu'évoquait le député de Beauce-Sud?

Moi, je dis que la réponse absolument indiscutable, c'est non.

La loi, pour être bonne, pour être respectée dans le domaine qu'on discute, dans ce domaine-là, en particulier, il me semble qu'elle doit cher-

cher à être apaisante. Elle doit chercher à être équitable au point où les gens s'en rendent compte en partant, ce qui implique aussi qu'elle soit adoptée au bon moment et non pas quand le climat est tout démantibulé.

Je pourrais citer, on me le montrait tout à l'heure, un rapport des commissaires aux différends scolaires, par exemple. J'en prendrai juste un paragraphe à propos de ce climat dans lequel la loi doit venir. Cela est une question de prévision pour des gouvernements. Si on tombe dans le manque de prévision, le manque de perspective qui a marqué les dernières années de nos prédécesseurs, on aura droit aux mêmes critiques.

Pendant la période que nous vivons actuellement on essaie d'y penser d'une façon prospective, et prospective à court terme. Il va falloir faire quelque chose et on sait qu'il y aura d'autres échéances à venir.

Pour illustrer le climat dans lequel, par exemple, la loi 23 est arrivée, je cite simplement ce paragraphe qui était le rapport dont tout le monde se souvient, peut-être mieux encore de l'autre côté de la Chambre que de ce côté-ci, des trois commissaires aux différends scolaires, qui étaient au pire moment du conflit: MM. Poirier, Aimé Naud et Alex Paterson et qui disait ceci, par exemple: Les commissaires ne s'expliquent pas les délais excessifs qu'ont pris les autorités gouvernementales et patronales —l es commissions scolaires — à accepter et à mettre en exécution le versement des 17% réclamés par eux et par plusieurs organismes.

Si le versement des 17% — je sais qu'il y a des augmentations statutaires pour les députés, je sais que cela en intéresse beaucoup, c'est un damné problème, et je sais que c'est bien important 17% de plus, 17% de moins, c'est important pour les gens qui étaient impliqués aussi — n'a pas eu tout l'effet positif escompté ou a contribué tardivement à assainir le climat, la responsabilité en incombe largement aux autorités gouvernementales et à leurs partenaires. Autrement dit, si la loi, au lieu d'être apaisante, arrive au moment où on a fait, on dirait, un effort provocateur dans le climat pour littéralement le corrompre, ce climat, au maximum, pour donner des raisons justifiées à un ensemble de citoyens de se sentir brimés, de se sentir traités comme ce n'est pas permis de traiter le monde, et qu'on prétend ensuite, avec un gros bâton, que la loi va régler cela, à ce moment-là le législateur lui-même est responsable. Il est provocateur. Consciemment ou inconsciemment, ce qu'il fait, c'est de la législation antiproductive. C'est tellement vrai qu'il y a un très grand auteur — je suis sûr que parmi les maîtres du Barreau qu'il y a dans divers coins de cette Chambre, on découvrira celui dont il s'agit, car moi je me souviens de la phrase et pas de celui qui l'a dite — qu'on va reconnaître, un grand auteur expert en loi qui a dit que dans des contextes comme cela, "the law is an ass", la loi devient stupide comme un bourricot. Autrement dit, on fait des lois idiotes.

M. Morin (Sauvé): Mr Pickwick.

M. Lévesque: On reviendra à Dickens. The law is an ass. C'est ce qui est arrivé. La loi 23 c'était "an ass". Dans le contexte social il n'y avait pas d'autre façon de la qualifier.

C'est là-dedans que l'on s'enfonçait depuis quelques années au moins, dans ce genre de climat de plus en plus buté, à tel point — et là je parle de choses très récentes — que dans le domaine que nous discutons à propos de la décision du ministre de la Justice, le Parti libéral, à l'automne de 1976, était tout proche de ce qu'on peut appeler la conscription dans le domaine du travail. Il ne faudrait tout de même pas perdre la mémoire.

J'admire la sollicitude avec laquelle nos amis libéraux se préoccupent en ce moment du pouvoir judiciaire. L'ex-ministre des Affaires sociales parlait souvent, à ce moment-là, d'un nouveau contrat social. Or, rendu à ce point-là dans le domaine de la paix sociale, le nouveau contrat social que le parti libéral présentait, cela s'appelait, dans ce domaine-là, la réquisition. Le chef de l'Opposition se souvient-il de la réquisition dont parlait M. Bourassa? Moi, je me souviens d'un débat à CKAC auquel j'ai participé et où, tout à coup, est apparue cette réquisition. Je me demandais si on revenait à la guerre de 1914 ou à celle de 1939-1945.

On se préoccupe en ce moment du pouvoir judiciaire. On a une très grande sollicitude pour laisser filer tout ce qui peut se passer devant les tribunaux, mais, à ce moment-là, on était rendu au point où on voulait court-circuiter les tribunaux. On les trouvait extraordinairement lourds, ex-traordinairement lents et on avait besoin de pouvoirs. On disait, en tout cas, en pleine campagne électorale, en demandant un renouvellement de mandat, qu'on était au point où il fallait des pouvoirs de réquisition sur les travailleurs du Québec, parce qu'on ne pouvait même plus employer convenablement les tribunaux.

Nous, on voudrait revenir justement au respect des tribunaux en commençant par le respect des lois qu'ils ont à appliquer, parce que c'était ça en puissance, le climat que nos amis libéraux nous ont laissé à la fin de 1976. C'est à ça que des lois comme la loi 23 et, à cause de son moment et de son côté exorbitant, la loi 253 aussi nous menaient, c'est-à-dire dans la direction catastrophique d'une espèce de cul-de-sac social.

Nous, on a décidé — on l'avait dit avant même d'être élus et je ne vois pas pourquoi on ne le pratiquerait pas, et la décision du ministre de la Justice fait partie de cette perspective — d'essayer, en tout cas, de repartir à neuf, d'essayer de changer ce climat. Si on veut restaurer ce fameux respect des lois, il faut aussi — et je pense que toute la Chambre devrait en être consciente, des deux, des trois ou des quatre côtés, si on veut — que les auteurs des lois eux-mêmes se fassent respecter, parce que c'est là que ça commence. Qui fait la loi? Dans un sens, on peut dire à propos des lois: Dis-moi qui t'a fait et je te dirai ce que j'en pense. Cela, c'est le Parlement. Ce qu'il faut — et ça, c'est à la source de tout le mal et de tout le bien possible aussi, si on réussit à changer la direction — c'est redonner d'abord au Parlement... On

se gargarise souvent sur le rôle de législateur du parlementaire et c'est pourtant son rôle ou, en tout cas, l'un de ses rôles essentiels. Le rôle de législateur, c'est celui du faiseur de lois. Si on ne redonne pas au Parlement, comme faiseur de lois, l'autorité morale sur laquelle il doit s'appuyer pour être respecté et qu'il a perdue de bien des façons, en particulier dans l'escalade des lois spéciales et des gros bâtons de ces dernières années, on parle pour ne rien dire.

M. Lavoie: Je m'excuse, M. le premier ministre, mais, comme on connaît votre non-respect, en général, de votre droit de parole lorsque vous vous baladez un peu partout, ou dans vos conférences, nous étions d'ailleurs sur les mêmes tribunes déjà...

M. Burns: Un peu de décence!

M. Lavoie: Le premier ministre avait droit à 20 minutes et il parle déjà depuis près de 25 minutes. C'est seulement une mise au point pour dire au président d'inviter le premier ministre à mettre fin à son intervention, sans s'énerver, M. le député de Maisonneuve.

M. Burns: Je ne m'énerve pas.

Le Vice-Président: Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que les membres de cette Assemblée comprendront que, même si la présidence est impartiale, il est toujours peu facile...

M. Lavoie: Même si!

Le Vice-Président: Oui, même si! Oui, même si je le répète, M. le leader du gouvernement. Il est toujours peu facile d'interrompre un premier ministre, ne serait-ce que par une politesse traditionnelle. J'attendais, d'ailleurs, justement, que le leader de l'Opposition se lève sur cette question de règlement. Je dis tout de suite, pour prévenir ce qui pourrait arriver, maintenant qu'il est onze heures passées, que j'espère que les membres de cette Assemblée ne soulèveront pas de questions de règlements. S'ils en soulèvent, je vais les recevoir. Je demanderais donc au premier ministre de conclure le plus brièvement possible.

M. Burns: Elles peuvent être soulevées des deux bords.

M. Lévesque (Taillon): La leçon était méritée, je vais finir le plus vite possible. D'ailleurs, j'achevais. Je disais — il me semble que c'est le fond de la question, on peut conclure rapidement — ce qu'il faut, si on veut le respect des lois, peut-être comme point de départ, et cela, on peut tous le pratiquer ensemble, c'est de redonner au Parlement ce qu'il a sérieusement perdu depuis quelques années, comme législateurs: l'autorité morale dont il a besoin. L'escalade, en particulier, de lois spéciales de plus en plus sévères, avec des sanctions de plus en plus lourdes et de plus en plus inapplicables. Le respect de la loi commence par celui du législateur, dans l'équilibre nécessaire d'une société civilisée. Ce n'est pas le poids des sanctions. Il y a même des Parlements, quand il s'agit de retour forcé au travail — et on n'a pas besoin d'aller chercher très loin — où la tradition est de ne pas mettre même de sanctions de ce genre parce qu'on compte sur le fait que c'est l'autorité morale d'un ordre du Parlement élu par l'ensemble de la population qui va amener la solution, et non pas la grosseur du bâton. Autrement, on fait une terrible erreur de perspectives et on finit par inviter non pas au respect de la loi, mais à la désobéissance. Autrement, cela finit par donner très vite l'impression que l'ordre, le fameux ordre avec un "O " majuscule, peut se passer de la Justice ou, en tout cas, donner aux gens le sentiment qu'il se passe de la Justice, ce qui fait que l'on aboutit des fois à n'avoir ni l'un ni l'autre, ni l'ordre ni la justice. Si on veut l'ordre social et la paix sociale, il faut que ce soit l'ordre et la paix "dans" la justice. Pour abréger, je finis pour vrai, je dirais que jusqu'ici on n'est pas arrivé à cela dans le domaine des services essentiels, dans le domaine des relations de travail. Depuis que j'étais ici, dans le Parlement, avec quelques autres, dont le chef de l'Opposition, au moment où, en 1964, il y a douze ans, on a changé le contexte des relations de travail dans le secteur public et parapublic en introduisant le droit de grève, et en disant tous unanimement, à ce moment-là, il y a douze ans, que ce serait un test de la maturité de notre société, le test, on l'a raté jusqu'ici. Admettons que l'expérience des quelques dernières années donne l'impression que le Parlement a fait sa large part pour le rater, ce test. Ici même, le test a été manqué. Ce qui fait que cette maturité dont on a besoin et qui va sous-tendre la bonne direction qu'on va prendre, sinon il n'y en aura pas, de bonne direction, ce qui fait qu'on n'arriverait sûrement pas à rétablir notre climat, à introduire là-dedans un nouveau respect de la loi, on n'y serait sûrement jamais arrivés si on avait continué à s'enfoncer dans le maquis que des pratiques de ces dernières années et que les textes que la décision du ministre de la Justice vient, et c'est plus que le temps, de rendre à toutes fins utiles inopérants. Si tout cela avait continué, cela menaçait de nous enfoncer irrémédiablement dans ce que déplore aujourd'hui si facilement un des auteurs du climat dont il faut sortir, c'est-à-dire le chef de l'Opposition.

Le Vice-Président: Avant de donner la parole au député de Mont-Royal, je souligne qu'il est 23 heures passé, qu'il est peut-être difficile de conjuguer les dispositions de l'article 24 avec celles de l'article 174. Nous devons ce soir participer à ce que nous appelons un mini-débat. Je demanderais aux membres de cette Assemblée un consentement unanime pour continuer ce débat sur la motion du chef de l'Opposition officielle en vertu de l'article 24 avant de poursuivre ces travaux. Y a-t-il consentement?

M. Roy: M. le Président, est-ce que le consen-

tement consisterait également à ce que le minidébat en vertu de l'article 174 puisse avoir lieu tel qu'il a été annoncé ici, à six heures ce soir?

Le Vice-Président: Justement, M. le député de Beauce-Sud, j'ai mentionné que je voulais conjuguer, pour autant que c'est possible, les dispositions des articles 24 et 174, ce qui laisse supposer que, s'il y a consentement, j'en conclurai que l'on terminera ce débat et qu'immédiatement après l'ajournement sera suspendu pour dix minutes pour permettre le mini-débat demandé par le député de Beauce-Sud.

M. Burns: M. le Président, je suis d'accord au nom du parti ministériel pour donner mon consentement. Je ne voudrais quand même pas qu'on continue à jaser de cela jusqu'à trois heures du matin.

Je présume qu'il reste, selon le minutage déjà prévu... D'accord, à ce moment, il y a consentement, M. le Président. Il y a également consentement au député de Beauce-Sud pour que, par la suite, il puisse faire son mini-débat en vertu de l'article 174.

Le Vice-Président: Si on me permet, quant à l'Opposition officielle, d'après le minutage fait, il lui resterait 16 minutes. Je rappellerai cependant que la réplique est prioritaire. Je ne sais pas si au sein du parti il y a une entente à ce sujet mais, comme un député a droit de parole pendant 20 minutes, je ne voudrais pas donner un droit de parole qui empêcherait la réplique.

M. Lavoie: II reste une entente globale de 16 minutes, on va s'arranger avec cela même si on aurait le goût de blâmer le gouvernement, comme l'a dit son leader, jusqu'à trois heures du matin.

Le Vice-Président: A l'ordre, M. le leader de l'Opposition officielle. Je donne, en toute sérénité et voulant conserver tous les privilèges à tous les membres de cette Assemblée, le droit de parole au député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Malgré les tentatives du ministre de la Justice de rationaliser sa décision et malgré l'appui du premier ministre, le fait reste que le geste du ministre de la Justice affecte les principes fondamentaux de notre société démocratique. On peut essayer d'expliquer les principes du respect de la loi, mais dans le public le geste du ministre de la Justice sera interprété comme un encouragement à la désobéissance civile. C'est un commencement de l'érosion de notre démocratie.

Puis-je rappeler au ministre qu'il a eu des déclarations de certains chefs syndicaux selon lesquelles ils voulaient détruire, ils voulaient changer notre ordre social et non pas par le processus démocratique? Alors, le geste du ministre de la Justice va être interprété à la lumière des déclarations des chefs syndicaux. On essaie de parler de l'égalité de tous les citoyens et de trouver les situations dans lesquelles cela ne s'applique pas dans le cas présent; je crois que ce principe, aux yeux du public, s'applique spécifiquement. Il n'y a pas de changement, il n'y a pas de différence, il n'y a pas d'exception pour les individus ni pour les groupes. Je voudrais rappeler au ministre de la Justice que c'est un principe tellement important dans tous les pays démocratiques que le chef d'Etat dans le pays démocratique le plus puissant au monde a été obligé de démissionner parce qu'il ne respectait pas ce principe. Il faut y penser et il ne faut pas essayer de détruire ces principes qui sont à la base de notre société.

Quand il y a eu une question sur la loi linguistique, le gouvernement a répondu: Cela va être une loi qui aura des dents. J'espère que les propos du premier ministre seront rappelés et viendront au sujet de cette loi et que vous y penserez si, à la suite de votre loi linguistique, il y a certaines sections de la population qui vont s'inspirer plutôt du geste du ministre de la Justice aujourd'hui que des dents dans cette loi.

M. Marchand: M. le Président, j'invoque le règlement. Je voudrais souligner la grande évasion qui vient d'avoir lieu de la part du parti séparatiste. La Chambre est vide des membres du parti séparatiste.

Le Vice-Président: M. le député de Laurier, est-ce que vous invoquez qu'il n'y a pas quorum?

M. Marchand: Non, je pense qu'il y a quorum, je m'excuse.

Le Vice-Président: II n'y a pas de question de règlement.

M. le député... A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Marchand: Le Parti libéral est là pour tenir le quorum.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

A l'ordre, M. le ministre des Transports. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Laurier, M. le ministre des Transports, s'il vous plaît! Veuillez collaborer et ne pas empêcher le député de Mont-Royal de terminer son exposé pour ensuite avoir la réplique. Je vous en prie, mesdames et messieurs!

M. Ciaccia: Mr President, the acts of the minister of Justice leave one to question if this government understands the democratic process. I would like to quote from an authority on constitutional law, an authority that was often cited by the present minister of Education on the rule of law. I hope that the minister of Justice has heard of this particular aspect of our constitution. At page 285, Mr Dicey, who is an authority on constitutional law, defines it, saying: "It means in the first place the absolute supremacy or

predominance of regular law as a opposed to the influence of arbitrary power and excludes the existence of arbitrariness, of prerogative or even of wide discretionary authority on the part of the government. '

And I would like to remind to minister of Justice that we had, in a different era of our political history, governments which operated in this manner of giving privileges to certain partisans, granting favours and whithholding their favours from others. It was the Premier of this province who led the fight against that kind of a practice from some very dark political days of our history.

I would like to remind him of his principles and suggest to him that perhaps his minister of Justice should apply those principles today. For these reasons, we must seriously censure the minister of Justice for his unacceptable and reprehensible behaviour. Although the Premier has brought the prestige of his personality and of his office to the defence of the minister of Justice, this does not change the fact and does not change his act.

Pour ces raisons, M. le Président, nous devons appuyer la motion du chef de l'Opposition.

Le Vice-Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys, en rappelant quand même qu'avec beaucoup, non pas de largesses, mais enfin, presque de largesse, je puis peut-être enlever le temps du vote du temps du débat, mais quand même, à ce moment, le débat devrait se terminer dans environ douze minutes et trente secondes, y compris la réplique.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Merci, M. le Président.

Si je me lève sur cette question, c'est que je crois que le ministre de la Justice a mis en danger la fonction même de ministre de la Justice au Québec, par sa décision. Mal informé — j'espère qu'il n'était pas en otage — le ministre de la Justice a prostitué sa fonction, et cela les citoyens ne l'ont pas accepté. Le chef de l'Opposition officielle a exprimé, en long et en large, je pense, de façon assez complète, toutes les notions importantes qui sont mises en cause dans la décision du ministre de la Justice: l'égalité des citoyens devant la loi, l'aspect discriminatoire de sa décision. Je ne reprendrai pas cela devant le vent de changement, toutefois, qui inspire le gouvernement, actuellement.

Ce n'est pas anormal, un nouveau gouvernement doit être inspiré de cette façon. Toutefois, ceux qui, au Québec, croient à notre démocratie regardent le ministre de la Justice et comptent sur lui pour protéger l'essentiel. L'essentiel, dans la démocratie, c'est l'institution sacrée qu'est la loi.

Or, la loi n'est pas l'affaire du ministre de la Justice, ce n'est pas sa possession qu'il peut triturer, effacer, changer à sa guise. Lui, le ministre de la Justice, est le serviteur de la loi. La loi est plus importante que la fonction de ministre de la Jus- tice. L'institution démocratique par excellence, ce n'est même pas cette Assemblée, c'est la loi qui est adoptée par cette Assemblée et que le gouvernement, comme serviteur de la population et de la loi, doit appliquer. Sans elle, c'est l'anarchie, le caprice du prince, l'arbitraire et tout ce qui s'ensuit, y compris, naturellement, le pouvoir policier. Dans un tel régime, le ministre de la Justice devient un pantin, une marionnette du pouvoir.

Ce qui m'a le plus inquiété, depuis la décision du ministre de la Justice, c'est justement la justification qu'il en a faite ce soir et qui a été reprise, en grande partie, par le premier ministre tantôt. Pour justifier sa décision, le ministre de la Justice a mentionné des raisons politiques: la négligence de l'ancien gouvernement, dit-il, la confrontation qui existait entre les divers secteurs de la population, le climat social d'alors, etc. Il a avoué que sa décision est inspirée, en grande partie, de critères politiques. Lorsque le ministre de la Justice devient le bras politique d'un régime, tous les abus sont possibles. La loi devient alors l'instrument politique du pouvoir et, justement, devient le caprice du prince.

La justification que le ministre de la Justice a faite sur le plan juridique, est des plus faibles, des plus embrumées. Je lui avais posé une question, hier: Quelles sont les instructions qu'il aurait données ou qu'il aurait l'intention de donner à ses fonctionnaires pour obtenir des cours le retrait des plaintes? Le ministre de la Justice sait très bien qu'on ne peut pas recourir, en matière pénale, au nolle prosequi qui appartient au domaine criminel. On doit obtenir, du juge, le retrait des plaintes, donc, invoquer une raison quelconque.

Dans sa justification, lorsqu'il invoque l'article 4 de la Loi du ministère de la Justice, le ministre de la Justice, je le regrette, fait montre d'une ignorance qui tout à fait inacceptable pour un ministre de la Justice. Il a mentionné que le ministre a le droit de diriger et de régler les poursuites. Or, tout le monde sait que l'article 4, lorsqu'il parle de régler les poursuites, ne réfère qu'à des matières civiles. On ne règle pas de poursuites devant les cours criminelles ou les cours pénales.

Il m'a promis, hier, une réponse à cette question-là. Je ne l'ai pas eue. Il n'a pas dit s'il avait invoqué l'insuffisance de preuve. D'ailleurs, il avait été bien averti par le chef de l'Opposition officielle sur cette question. Insuffisance de preuve, il ne faut quand même pas mentir aux cours. Cela peut arriver dans quelques causes, sur plusieurs centaines ou plusieurs milliers mais, de façon générale, je pense que le ministre de la Justice est averti sur cette question.

Je voterai en faveur de cette motion. Le ministre de la Justice, depuis quelques mois, a fait trop souvent preuve de faiblesse et d'une confusion entre sa fonction de ministre de la Justice et celle d'être membre d'un parti ou d'un gouvernement. Je souhaite qu'à la suite des erreurs qu'il a faites, il s'ouvrira les yeux, se rendra compte que sa fonction doit être et demeurer indépendante de considérations politiques et de considérations partisanes, que son devoir est d'appliquer la loi, non pas

de façon partisane, mais en reconnaissant que la loi est son maître, que si la loi ne lui plaît pas, et je me réfère aux propos du premier ministre aussi: Si la loi ne leur plaît pas, qu'ils la changent et qu'ils passent par le processus démocratique que cette Assemblée représente. Ils doivent alors en aviser le gouvernement et recommander les changements désirables, mais toujours en suivant le processus démocratique de cette Assemblée.

Le ministre de la Justice pas plus qu'un simple citoyen n'a le droit de prendre dans ses mains la justice. Qu'il soit le serviteur de la loi, et la justice sociale sera assurée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: La réplique est évidemment accordée au chef de l'Opposition officielle. Je rappelle cependant que, suite à l'entente et à la latitude de la présidence, il reste cinq minutes.

M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais à ce moment-ci remercier mes collègues du Parti libéral, les autres collègues des autres partis de l'Opposition, pour la contribution très positive qu'ils ont apportée à ce débat. Je suis heureux de constater que cette motion de blâme ait été appuyée aussi collectivement, aussi généralement et aussi unanimement par tous les partis de l'Opposition. Je regrette que le ministre de la Justice n'ait pas jugé à propos, suite à l'appel que je lui lançais en fin d'après-midi, de modifier la décision qu'il avait prise.

Je crois que c'est là une erreur que le gouvernement aura à porter, non seulement le ministre de la Justice, le premier ministre ayant impliqué l'ensemble du gouvernement. Lorsque le premier ministre parle de jugement du gouvernement, de discussion au Conseil des ministres, d'unanimité, il implique l'ensemble du gouvernement et il laisse entendre que ce n'est pas dans la plus grande solitude que le ministre de la Justice a pris cette décision.

M. le Président, je tiens à rappeler également à cette Chambre que la façon normale de procéder, lorsqu'un gouvernement n'est pas satisfait d'une loi, c'est de revenir à l'Assemblée nationale soit pour en demander le rappel ou pour suggérer des modifications, des amendements ou encore pour proposer une nouvelle loi. Dans aucun cas, ce procédé n'a été entrepris et, d'après le discours inaugural, n'est même pas envisagé. M. le Président, nous avons eu, comme réponse à cette motion de blâme, une réponse politique et partisane. Nous n'avons eu aucune réponse qui puisse nous rassurer ni sur le plan juridique, ni sur le plan constitutionnel, ni simplement sur le plan humai... Nous avons eu seulement du vocabulaire à la Parti québécois. Nous avons eu cette danse d'arguments qui n'en étaient pas, de faux arguments qui ne nous ont sûrement pas rassurés quant à l'avenir de la justice au Québec et à la façon dont on doit ou ne doit pas respecter les lois de la province.

Nous aurions pu nous-mêmes, M. le Président, nous référant aux événements de 1976, fort bien utiliser ce même genre d'argument et de demander au Parti québécois où il se nourrissait au moment où nous, nous devions faire face à la crise qui existait à ce moment-là dans la province de Québec, crise qui affectait nos écoliers, crise qui affectait nos malades.

Où étaient-ils ces gens-là sinon qu'ils se nourrissaient dans l'illégalité? M. le Président, une fois qu'ils ont eu assouvi leur faim, ils sont arrivés au pouvoir et, rendus au pouvoir, ils n'ont fait que prouver qu'ils avaient des dettes à rembourser.

M. le Président, je regrette encore une fois cette situation et c'est à regret, sur le plan personnel, que j'ai eu à attaquer mon bon ami le député de Chicoutimi. Mais la province entière, j'en suis convaincu ce soir, du moins dans son immense majorité, ne peut pas souscrire à une telle décision du ministre de la Justice. C'est à regret, mais encore dans le sens du devoir, que je propose à cette Chambre de voter en faveur de cette motion de censure.

Le Vice-Président: Je remercie M. le chef de l'Opposition de sa collaboration. J'aurais manifesté envers lui le même respect qu'envers le premier ministre s'il avait légèrement excédé son temps. En vertu de l'article 24, cette motion n'est pas susceptible d'amendement et le débat qu'elle provoque "se termine un quart d'heure avant l'ajournement de la séance mais, de consentement, nous avons continué. Que la motion soit mise aux voix. Cette motion est donc mise aux voix. Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Vote enregistré. M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'on pourrait, même à cette heure, attendre que la présidence demande si cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

M. Burns: M. le Président, cette motion n'est sûrement pas adoptée. Maintenant, je suis prêt à éviter à cette Chambre le vote enregistré, si j'étais capable de mémoire d'inscrire toutes les dissidences qui se trouvent de ce côté-ci. Malgré tout, je pense qu'on peut rapidement prendre un vote enregistré pour permettre au député de Beauce-Sud de passer à son mini-débat. Je demande ce vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laurier, pas de cigarette. A l'ordre, s'il vous plaît! Cette motion sera mise immédiatement aux voix.

Que celles et ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie, Lalonde, Garneau, Mailloux, Goldbloom, Larivière, Saint-Germain, Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron, Bellemare, Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Shaw, Cordeau, Samson, Roy.

Le Vice-Président: Que celles et ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Burns, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Marois, Couture, Tremblay, Bérubé, Duhaime, Mme Ouellette, M. de Belleval, Mme Payette, MM. Lessard, Proulx, Garon, Tardif, Grégoire, Chevrette, Michaud, Paquette, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Alfred, Martel, Fallu, Mme Leblanc, MM. Bertrand, Godin, Johnson, Laplante, Bisaillon, de Bel-lefeuille, Guay, Gendron, Mercier, Laberge, Marquis, Lacoste, Ouellette, Perron, Clair, Gosselin, Lefebvre, Lavigne, Dussault, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Boucher, Gravel, Gagnon, Jolivet.

Le Vice-Président: Y a-t-il abstention? A l'ordre, s'il vous plaît!

Le Secrétaire: Pour: 31 — Contre: 54

Le Vice-Président: La motion est rejetée. M. le leader du gouvernement.

Rapport de la commission des affaires municipales

M. Burns: M. le Président, j'apprends que la commission des Affaires municipales a terminé ses travaux. Si j'avais le consentement, peut-être pourrions-nous en obtenir la confirmation par la voix du président de la commission, étant donné qu'il s'agit des règles, tel que nous l'avons adopté cet après-midi. Si j'avais le consentement, je demanderais au député de Drummond de nous faire rapport des travaux de la commission des Affaires municipales relativement au projet de loi no 3.

Le Vice-Président: Je n'ai pas tellement besoin de ce consentement, pas plus que celui qui a été accordé tantôt. Ce consentement, évidemment, présuppose qu'immédiatement après nous passerons au mini-débat, à la motion du député de Beauce-Sud. Ce consentement est-il accordé?

Une Voix: Oui.

Le Vice-Président: Accordé. Alors, monsieur...

M. Clair: M. le Président, j'ai le plaisir de vous faire rapport que la commission permanente des affaires municipales et de l'environnement s'est réunie ce jour pour étudier, article par article, le projet de loi no 3 intitulé Loi concernant certains immeubles loués. Ce projet de loi a été adopté avec amendements. Merci. M. le Président.

Le Vice-Président: Ce rapport sera-t-il accepté?

M. Brochu: Accepté.

Le Vice-Président: Merci.

M. Bellemare: En vertu de l'article 124, sera-t-il réimprimé pour demain?

M. Burns: Je pense qu'on aurait des difficultés techniques pour le faire réimprimer pour demain puisque la commission, à ma connaissance, a cessé ses travaux dans le courant de la soirée, je crois.

M. Clair: La commission a terminé ses travaux vers 9 h 30.

M. Burns: Je pense que ce serait pratiquement impossible de le faire réimprimer, sauf qu'on va essayer d'accommoder le plus possible les députés pour que les amendements qui ont été adoptés puissent être présentés dans une forme compréhensible et cohérente.

Le Vice-Président: Pour qu'il y ait ordre aux écritures, le rapport est reçu et adopté sur division.

M. Burns: D'accord!

Le Vice-Président: Quant à l'article 124 invoqué par le leader de l'Union Nationale...

M. Burns: ... troisième lecture...

Le Vice-Président: ... ce n'est pas une obligation, mais je pense que la réponse vous satisfait?

M. Bellemare: II va venir en troisième lecture demain?

M. Burns: Normalement, c'est la prochaine séance, M. le Président.

Le Vice-Président: Alors, troisième lecture, prochaine séance...

M. Burns: ... prochaine séance.

M. Levesque (Bonaventure): Prochaine séance ou séance subséquente.

Le Vice-Président: Prochaine séance ou séance subséquente. Je pense que les membres de cette Assemblée se rendent compte de la portée de leurs paroles.

M. Burns: M. le Président, c'est un minimum de prudence de votre part.

Mini-débat relatif au programme canadien de contingentement du lait

Le Vice-Président: Mesdames et messieurs les députés, à l'ordre, s'il vous plaît! En vertu de l'article 174...

M. Lavoie: ... j'accorde la parole au député de Prévost.

Le Vice-Président: Je remercie M. l'ex-président! La présidence a reçu, avant 17 heures un avis du député de Beauce-Sud qui a été lu à 18 heures et qui se lit comme suit: "Je vous donne avis que je désire me prévaloir des dispositions de l'article 174 pour obtenir plus d'informations sur la question — à l'ordre, s'il vous plaît!— que j'ai posée au ministre de l'Agriculture cet après-midi. Je ne suis pas satisfait de la réponse obtenue. Signé: Le député de Beauce-Sud."

En toute déférence, je soulignerai au député de Beauce-Sud que je dois compléter son avis et lire la question qui a été posée cet après-midi.

La présidence a quand même reçu cet avis, et la question du député de Beauce-Sud, tirée du journal des Débats, se lit comme suit: "M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Nous avons des informations selon lesquelles le Québec doit se retirer demain du programme canadien de contingentement du lait, à moins qu'il n'y ait eu une déclaration de dernière heure entre les deux fédérations, soit la Fédération des producteurs de lait industriel et la Fédération des producteurs de lait nature. Etant donné les implications que cela peut comporter vis-à-vis de l'industrie laitière au Québec, j'aimerais demander au ministre si, au ministère de l'Agriculture, on a évalué les conséquences de cette décision pour les producteurs laitiers du Québec. J'aimerais également demander, dans l'affirmative, quelles sont les mesures que le gouvernement provincial entend prendre pour offrir la sécurité qui s'impose dans les circonstances aux producteurs laitiers du Québec."

Mesdames et messieurs les députés, même si nous prenons l'habitude des mini-débats, c'est le troisième, je rappelle quand même, pour que nous suivions très précisément l'article 174, que le député de Beauce-Sud n'a que cinq minutes au maximum à sa disposition, et le ministre de l'Agriculture n'a que cinq minutes pour répondre. Si tout ce temps n'était pas utilisé, le débat se termine automatiquement au bout de dix minutes.

M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Si j'ai posé cette question à l'honorable ministre de l'Agriculture, c'est à la suite de l'expérience malheureuse que les agriculteurs du Québec ont connue, l'an dernier, à la suite d'une décision unilatérale et de dernière minute de la part du gouvernement fédéral.

Je ne veux pas interroger le ministre de l'Agriculture du Québec sur des juridictions fédérales, sur des décisions fédérales, mais j'aimerais quand même, étant donné que l'agriculture est une juridiction conjointe, en vertu de l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, et compte tenu des implications que cela comporte vis-à-vis les agriculteurs du Québec...

Le Vice-Président: Je m'excuse pour le député de Beauce-Sud. A l'ordre, s'il vous plaît! Il ne nous reste que neuf minutes. Veuillez laisser au député de Beauce-Sud la possibilité de s'exprimer dans la quiétude.

M. Roy: M. le Président, je voulais demander au ministre de l'Agriculture, étant donné que des organismes québécois sont impliqués, compte tenu du fait que l'exigence du gouvernement fédéral, cette année, semble être le fait qu'elle exige la fusion des deux fédérations de producteurs de lait, soit, d'une part, la Fédération des producteurs de lait nature, dont la juridiction relève de la Régie des marchés agricoles du Québec, et la Fédération des producteurs de lait industriel qui sont directement régis par la Commission canadienne du lait.

Je veux demander au ministre de l'Agriculture, en question supplémentaire pour obtenir des informations, quelles sont les démarches qui ont été faites par le ministre de l'Agriculture, à ce jour, auprès du gouvernement fédéral, de façon à s'assurer que ce retrait du Québec ne comporte pas pour les producteurs laitiers du Québec des risques aussi graves et aussi sérieux que l'an dernier, par le fait qu'ils se sont vu saisir une bonne partie, pour ne pas dire la totalité de leurs revenus, pendant près de deux mois. J'aimerais demander au ministre de l'Agriculture, de plus, quelles sont les mesures que le gouvernement du Québec entend adopter pour éviter que ne se répète la situation de l'an dernier.

Si je pose cette question, c'est que le gouvernement provincial, l'an dernier, à cause de cette décision du fédéral, a dû injecter une somme de $22 millions, pris à même les fonds publics québécois, pour apporter des mesures de compensation qui n'ont pas réglé le problème, qui n'ont fait qu'adoucir quelque peu la situation qui était faite aux producteurs laitiers du Québec.

M. le Président, j'aimerais également demander au ministre s'il a des informations concernant le contenu de la politique que le gouvernement fédéral entend annoncer au cours des prochains jours, puisque la date du 1er avril a été effectivement remise au 7 avril prochain.

Le Vice-Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je pense qu'il n'est pas question que le Québec se retire du programme. Il y a une fédération qui s'est retirée, mais c'est beaucoup plus, pour la fédération, une façon de faire des pressions pour qu'il y ait, le plus rapidement possible, unification des deux laits au Québec.

Je pense qu'il ne faudrait pas, en même temps, à cause de problèmes techniques, semer un peu d'inquiétude dans la population à cet effet. A moins que le fédéral ne soit tombé sur la tête, même si je n'ai pas une grande confiance dans le fédéral, je ne pense pas qu'il soit rendu au point d'être interné, et qu'il va prendre prétexte de cela pour enlever toutes les subventions dans le domaine du lait.

A ce jour, il y a eu des discussions fédérales-provinciales et je me réfère au document écrit que j'avais déposé, suite à la question du député de...

M. Bellemare: Huntingdon ou Saint-Hyacinthe?

M. Garon: ...Huntingdon. Non, c'est parce que j'avais son nom de famille.

Je vous disais que des discussions fédérales-provinciales ont eu lieu au niveau du comité de gestion des approvisionnements, qui est un organisme consultatif de la Commission canadienne du lait, aux dates suivantes: 2 et 3 décembre 1976, 5 et 6 janvier 1977, 2 et 3 mars 1977 et 21 mars 1977. Les deux fédérations de producteurs de lait du Québec ainsi qu'un représentant de la Régie des marchés agricoles, désigné par le ministre, y étaient présents. Les discussions ont porté principalement sur le renouvellement de l'accord de 1973, sur l'ajustement interprovincial des contingents de la mise en marché et sur les méthodes d'accroissement et de diminution du contingent total de mise en marché du lait. Je ne crois pas qu'à ce moment-ci il soit opportun de faire état publiquement de ce document avant son approbation par le gouvernement du Québec.

Par ailleurs, je pense qu'en ce qui concerne certaines de ces techniques d'ajustement les trois parties, c'est-à-dire le Québec et les deux fédérations, sont assez satisfaites. Il est évident que le retrait de la Fédération des producteurs de lait industriel crée des problèmes et pousse l'unification. Je pense que c'est le résultat de la politique de 1976 du gouvernement fédéral qui a fait que ce problème, qui existe au Québec depuis des années et qui s'est durci récemment dans une lutte entre le syndicalisme et la coopération au Québec, atteint, à ce moment-ci, un point tournant, un point culminant. Je ne pense pas que le fédéral va prendre prétexte de cela pour se retirer. Cela n'a aucun bon sens.

Il y a actuellement, de notre part, des efforts considérables qui ont été faits pour rencontrer les parties, pour qu'il y ait cette unification le plus rapidement possible, mais vous comprendrez que cette unification ne peut pas se faire en criant: Lapin! Il y a déjà des positions qui se sont durcies. Par ailleurs, le gouvernement va prendre toutes les dispositions possibles, dans les prochains jours, pour hâter cette unification. Il y a également des requêtes devant la Régie des marchés agricoles qu'il appartient à celle-ci de trancher et non pas au ministre de l'Agriculture, parce que ce n'est pas lui, la Régie des marchés agricoles.

Sans entrer dans les détails, il y a des consultations qui sont plus formelles et il y en a qui sont plus informelles. Les gens que je consulte, au niveau du Québec, qui sont en relation avec les gens du fédéral, ou encore qui sont dans le milieu du lait et qui consultent les gens d'Ottawa à ce sujet-là...

Le Vice-Président: M. le ministre, je vous inviterais à conclure par une très brève péroraison, s'il vous plaît.

M. Garon: Oui. ...m'indiquent qu'il y aura des façons techniques de ne pas faire perdre les montants d'argent auxquels auraient droit les producteurs agricoles.

Mais encore là, pour ce qui concerne la politique laitière qui a été retardée, au lieu d'être annoncée le 1er avril, c'est-à-dire demain, qui est retardée jusqu'au 6, comme en fait foi le Soleil d'aujourd'hui, évidemment, il y a des choses que je ne sais pas parce qu'il y a eu des désaccords...

Le Vice-Président: M. le ministre, s'il vous plaît! Merci. M. le leader du gouvernement sur l'ajournement.

M. Burns: M. le Président, je propose l'ajournement de nos travaux à demain matin, dix heures.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Avant l'ajournement il y a peut-être lieu de connaître un peu le "miniou" pour demain. Je sais qu'il y aura le projet de loi 3, il y aura peut-être aussi le projet de loi no 4, l'assurance-récolte.

M. Burns: Est-ce que c'est une habitude, chez le député de Johnson de parler des minious et des "PQuious"?

M. Bellemare: Les PQuious, vous n'avez pas compris cela? C'est parce qu'on ne dit pas barbe-Q, on dit barbecue. C'est pour cela que je dis PQuiou.

M. Burns: D'accord, on le saura à l'avenir. On saura à l'avenir pourquoi.

Alors, demain, M. le Président, il y a un de mes collègues qui me suggère...

M. Bellemare: Vous n'avez pas eu de majorité, à Saint-Jean.

Le Vice-Président: Mesdames, messieurs! A l'ordre, M. le ministre du Tourisme! Mesdames, messieurs, pouvez-vous laisser la parole au leader du gouvernement? On est rendu presque à demain.

M. Burns: M. le Président, effectivement, demain, je proposerai à la Chambre d'adopter, en troisième lecture, le projet de loi no 3, où le rapport vient d'être fait actuellement et d'entreprendre, immédiatement après, l'examen du projet de

loi au nom du ministre de l'Agriculture, le projet de loi no 4, Loi modifiant la Loi de l'assurance-récolte.

M. Bellemare: Est-ce qu'il va y avoir une déclaration ministérielle en même temps que le dépôt du livre blanc?

M. Burns: Je pourrai vous dire cela au début de la séance demain. Et si on continue à en parler, je devrai vous dire: ce matin. Je peux encore dire, en cinq minutes et un peu plus, que c'est demain matin que je vous aviserai de cela. Mais quant aux travaux, ce sont effectivement les deux projets de loi que nous envisageons aborder demain matin.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée, je parle de la motion d'ajournement. Les travaux sont ajournés à demain dix heures.

(Fin de la séance 23 h 58)

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