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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 9 mars 1978 - Vol. 20 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures dix minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Mme le ministre des Travaux publics.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Arrêtés en conseil autorisant l'acquisition d'immeubles

Mme Ouellette: M. le Président, je dépose devant l'Assemblée nationale des arrêtés en conseil autorisant l'acquisition d immeubles.

Le Président: Documents déposés. Mme le ministre des Consommateurs.

Rapport du ministère des Consommateurs

Mme Payette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1976/77 du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues. Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales. M. le député de Saint-Laurent.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Gisement d'amiante dans la région d'Amos

M. Forget: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Richesses naturelles. Le ministre pourrait-il commenter des allégations qui sont contenues dans un article publié aujourd'hui dans le Devoir, sous la signature de M. Vastel. relativement à l'existence dans la région d'Amos, d'un gisement d'amiante qui est la propriété de la société Brinco et qui pourrait être mis en exploitation si seulement un partenaire pouvait être découvert à ladite société. Ce gisement impliquerait un investissement de $300 millions et la création de 600 emplois dans cette région pour l'extraction de la fibre d'amiante.

Le Président: M. le ministre des Richesses naturelles.

M. Bérubé: Oui, M. le Président, je peux répondre à cette question en évitant, toutefois, de divulguer des résultats qui pourraient être la propriété de l'entreprise. Effectivement, la société Brinco a approché le gouvernement à la recherche d'un partenaire. Nous avons fait une évaluation de la valeur du gisement. Je peux, sans trahir de secret, dire, cependant, que les études de rentabilité qui sont faites avec les échantillonnages en tête de galerie, par rapport aux études de rentabilité faites sur les échantillonnages dans les parois latérales de galeries, conduisent à une réponse qui est tantôt positive, tantôt négative. Le gisement d'Abitibi-Amiante, à la lumière des résultats que nous avons, s'avère un gisement possiblement marginal.

De plus, je dois souligner que des faillites en Australie, quant au lancement d'un nouveau gisement, une faillite récente de United Asbestos en Ontario, également amène cette entreprise Brinco à être extrêmement prudente dans l'engagement de sommes supplémentaires — elle a déjà investi tout près de $10 millions — et elle demande donc au partenaire de fournir un autre montant de $10 millions pour se rendre au moins à son niveau avant de négocier une association quelconque.

Par conséquent, il s'agit donc de sommes importantes dans lesquelles on peut s'engager uniquement dans la mesure où on est véritablement capable d'évaluer le gisement, ce qui est difficile pour l'instant.

D'autre part, la société qui a offert au gouvernement de participer fait face à un autre problème. C'est que, n'ayant pas d'expertise dans la mise en marché, pas plus d'ailleurs que dans le minage d'amiante qui est une technologie extrêmement délicate, extrêmement sophistiquée, la compagnie recherche un partenaire qui a déjà cette expertise; elle a donc fait des approches pour un troisième partenaire.

Pour autant que le gouvernement est concerné, ce que nous choisissons pour l'instant c'est d'attendre l'achat d'Asbestos Corporation qui nous donnera les équipes techniques nécessaires pour l'évaluation du gisement et nous permettra d'évaluer si, effectivement, celui-ci est rentable. Par conséquent, nous attendons l'achat d'Asbestos avant de nous engager dans le projet.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, le ministre semble dire tantôt que la société Brinco offre une participation et tantôt qu'elle n'en offre pas. Est-ce qu'il pourrait être plus clair, de manière qu'on sache si, effectivement, il y a une offre qui a été faite au gouvernement pour la mise en route de cette exploitation, moyennant une prise de participation minoritaire, ce qui ferait, malgré tout, porter la plupart des risques sur le partenaire majoritaire, Brinco dans ce cas-ci? Le cas échéant, si une telle offre a été faite, qu'est-ce qui retient le ministre des Richesses naturelles de pousser plus avant

l'exploration de cette possibilité plutôt que de remettre aux calendes grecques la réalisation de telle ou telle hypothèse?

Le Président: M. le ministre des Richesses naturelles.

M. Bérubé: II y a eu des négociations, auxquelles j'ai eu à participer d'ailleurs. Les bases de ces négociations sont relativement simples; la société ayant investi $10 millions, elle propose au partenaire éventuel de placer $10 millions dans le développement du gisement et de partager, à ce moment-là, à 50/50 la participation au développement du gisement.

Donc, elle demande d'abord un investissement, de la part du partenaire, de $10 millions sans quelle n'investisse un seul cent, de manière à, d'une part, améliorer les possibilités de rentabilité du gisement avant, elle, de prendre la décision si elle va aller de l'avant.

Par conséquent, pour aller de l'avant, cela suppose une évaluation technique du gisement et, comme cette technique minière de l'amiante est une technique extrêmement délicate, il nous apparaît, présentement, que seule une compagnie minière déjà impliquée dans le domaine est véritablement en mesure d'évaluer la valeur du gisement, d'évaluer le type d'expériences qui doivent être conduites, de manière à pouvoir développer ce gisement.

Par conséquent, il nous apparaîtrait excessivement risqué pour un gouvernement — d'ailleurs, c'est l'avis de la SOQUEM — de s'engager dans un projet minier d'amiante, investir des sommes considérables avec une très forte possibilité d'erreurs, compte tenu de la marginalité du gisement tel qu'il est.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

NI. Forget: M. le Président, je ne crois pas que le gouvernement manifeste la même prudence dans tous ses investissements dans le domaine de l'amiante. Il reste que le ministre se borne à adopter une attitude défensive vis-à-vis de ce projet. Est-ce que le ministre a pris l'initiative de faire une contreproposition à la société Brinco? Il s'agit d'un projet très important pour l'économie de cette région du Québec. On sait combien il y a de fermetures de mines dans cette région. Et c'est un projet qui créerait quelque 600 emplois permanents en Abitibi, 1000 emplois durant la période de construction. Ne vaudrait-il pas la peine que le gouvernement se préoccupe un peu de cette région aussi et ne soit pas purement fasciné par des projets qu'il entretient dans d'autres régions du Québec, projets qui ne créeront pas, ceux-là, un seul emploi nouveau?

M. Bérubé: Votre question étant très politique, M. le député de Saint-Laurent, je vous répondrai également sur un ton politique. Ceci montre clairement pourquoi le gouvernement doit acheter l'Asbestos Corporation si on veut devenir un moteur de développement. Et si, au contraire, nous voulons gaspiller l'argent des contribuables dans des projets qui ne seraient pas mûrs, à ce moment nous pourrions y aller Mais le danger, à ce moment, est beaucoup plus grand. Tandis qu'acheter une équipe experte en la matière, c'est la meilleure garantie de ne pas gaspiller les fonds de l'Etat.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, dans la même région, il y a un autre gisement qui pourrait fournir une occasion au ministre d'appliquer les beaux principes qu'il vient de nous exposer. En effet, SOQUEM, dans la même région du Nord-Ouest du Québec, est un partenaire à 50% dans un projet d'une mine d'or au lac Little Long, qui semble également d'une richesse assez considérable et qui pourrait lui aussi être développé dans un délai assez bref. Non seulement la SOQUEM est-elle partenaire dans cette mine, mais elle est également gérante du développement. Or, rien ne semble se produire dans ce cas. Il semble que le gouvernement n'ait pas de fonds à consacrer ou d'avances de fonds à consacrer à la SOQUEM et que ce projet ne peut se réaliser...

M. Duhaime: Question de règlement, M. le Président.

M. Forget: ... à cause de l'inertie du gouvernement.

M. Duhaime: Question de règlement.

Le Président: M. le ministre des Richesses naturelles.

M. Bérubé: Dans le cas du lac Little Long, je n'ai nullement l'intention de révéler les moindres secrets de la SOQUEM. Celle-ci pourra faire les annonces en temps voulu et quand elle le jugera propice. Je vous dirai cependant que l'investissement dans une mine d'or, c'est un investissement dans un projet minier pour lequel il existe énormément de connaissance, y compris à SOQUEM, en ce qui a trait au développement minier.

Par conséquent, ce n'est nullement une question de connaissances, ce n'est non plus nullement une question de fonds, puisque nous avons fait voter lors de la dernière session, au grand dam de l'Opposition, un projet de loi qui nous permet justement de mettre à la disposition de SOQUEM les fonds nécessaires pour développer le gisement.

Le Président: Dernière question, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Pourquoi ne font-ils rien? Comment le ministre peut-il expliquer les délais dans ce dossier et surtout le désir apparent de SOQUEM de construire une usine de traitement du minerai, alors qu'il en existe déjà une dans le voisinage? (14 h 20)

Le Président: Le ministre des Richesses naturelles.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai le regret de dire que le député de Saint-Laurent parle à travers son chapeau. Avant de développer un gisement, il faut prouver les réserves. Cela vient d'être terminé tout récemment. Deuxièmement, la décision concernant l'usine n'a pas été prise.

Le Président: Question principale, M. le député de D'Arcy McGee.

Des Voix: De la visite.

Soutien à la revue Ici Québec

M. Goldbloom: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Elle concerne un sujet délicat, et je voudrais la poser aussi sobrement que possible. Il s'agit de la revue "Ici Québec ". Je voudrais demander au premier ministre de bien vouloir confirmer, de son siège, qu'il n'existe aucun lien financier ou politique entre soit le gouvernement, soit le Parti québécois et la revue en question; je voudrais qu'il confirme en même temps qu'il n'y a pas eu, de la part du gouvernement, ou de la part du Parti québécois, de contribution financière à cette revue, même à ses débuts.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Ce que je peux confirmer de mon siège, M. le Président, c'est ma certitude absolue qu'il n'y a pas eu de contribution, quelle qu'elle soit, de la part du gouvernement. Il a pu arriver qu'il y ait eu des morceaux de publicité, probablement pas — enfin c'est facile à vérifier — mais sûrement pas de contribution directe. Et j'ai la certitude absolue — je ne voudrais pas m'engager de façon totale, parce qu'il peut y avoir... en tout cas, de la part du Parti québécois dans lequel je suis membre de l'exécutif, comme le député de D'Arcy McGee le sait — qu'il n'y a pas eu de contribution quelle qu'elle soit. De la part de certaines instances, il y a des comtés qui ont quand même des fonds etc., là je ne peux pas vérifier.

Je peux le faire si le député veut en savoir davantage, mais, au niveau central de l'organisation du parti, non.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Ma question additionnelle, M. le Président, concerne le rôle de certains membres du gouvernement en rapport avec cette revue. Vous remarquerez, M. le Président, que je n'ai pas parlé du fond du sujet. La liberté d'expression des auteurs devra être défendue par eux devant le Conseil de presse ou ailleurs, le cas échéant, mais il y a deux ministres dont la photo a paru dans la revue comme ayant donné un appui que je ne voudrais pas préciser; j'aimerais que la précision vienne du côté ministériel. Il y a un troisième mi- nistre dont la photo est parue dans la revue, célébrant avec les dirigeants de la revue le premier anniversaire de cette publication et offrant une collaboration.

Dans les circonstances, M. le Président, les ministres, contrairement aux auteurs des articles, ayant été élus par la population pour représenter toute la population, ont-ils l'intention de continuer leurs rapports avec cette revue et, si oui, de quelle façon?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je répète de nouveau, sans plus d'insistance, que, de mon siège, je peux dire que ni le gouvernement, ni le parti, en tout cas au niveau central, n'ont de liens directs ou indirects, au point de vue financier et au point de vue de l'organisation, avec la revue.

Je dirai également, en réponse au député de D'Arcy McGee, que ce que j'en sais — je pense que les ministres concernés pourront ajouter, s'ils le veulent, des explications — c'est nue c'est à titre personnel, comme abonnés, que certains membres du gouvernement peuvent soutenir la revue en question, la raison étant essentiellement celle-ci, que le député de D'Arcy McGee doit comprendre, j'espère, qu'il arrive, depuis la disparition d'un autre périodique qui s'appelait le Jour, que, sur le plan pur, simple et unique de l'avenir politique du Québec et des options qui vont s'affronter au référendum, sauf erreur, la seule et unique publication, peu importent ses autres aspects, qui soit en ce moment, dans le même sens sur ce plan de l'avenir politique du Québec, c'est justement "Ici Québec".

Maintenant, sur le fond, j'aime autant le dire tout de suite, si le député de D'Arcy McGee veut parler d'un certain article à propos du sionisme, que malheureusement je n'ai pas lu, je lui dirai simplement que le sionisme en soi est un mouvement politique, devenu mouvement national aussi, qui peut être combattu comme n'importe quel mouvement politique. Seulement, la ligne de démarcation, je l'ai dit aux journalistes ce matin, est très délicate entre l'antisionisme et l'antisémitisme.

Et pour ce qui est de l'antisémitisme, qui est du racisme, pour autant que cela se présente, moi je peux vous dire devant la Chambre que je ne ferais jamais partie d'un gouvernement, et à plus forte raison je n'en dirigerais pas un, où il y aurait quelque relent que ce soit de racisme. Il faut s'entendre sur le mot. Le racisme, je l'ai déjà dit, je ne m'en fais pas une définition scientifique, mais je pense que tout le monde sent — on n'a pas besoin de comprendre des fois, on peut le sentir — tout le monde sent ce que c'est, quand on refuse d'accepter, cela peut aller jusqu'à l'existence, mais d'accepter quelqu'un parce qu'il est ce qu'il est, un Juif parce qu'il est Juif, un francophone parce qu'il est francophone, etc., etc., ce genre d'attitude, ni le gouvernement ni celui qui vous parle, M. le Président, ne l'accepteront jamais dans aucune de nos orientations.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président.

M. Laurin: M. le Président, me permettriez-vous d'ajouter un mot, puisque mon nom a été mentionné?

Le Président: M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Le fait que l'on se réjouisse qu'existe une revue indépendantiste quelconque n'implique sûrement pas que l'on soit d'accord avec l'un ou l'autre des articles qu'il contient ou avec le contenu quel qu'il soit de cette revue. D'ailleurs, il est arrivé bien souvent à l'époque où existait un journal indépendantiste, soit quotidien ou hebdomadaire, que des membres du gouvernement et votre serviteur en particulier se soient opposés à l'une ou l'autre des thèses ou opinions défendues dans ce quotidien ou dans cet hebdomadaire.

En ce qui me concerne, je n'ai pas lu l'article auquel se réfère le député de D'Arcy McGee mais, s'il ressemble vraiment à ce qu'il décrit, je puis l'assurer que je m'en dissocie complètement. Je n'accepterai jamais quoi que ce soit qui ressemble, de loin ou de près, à de l'antisémitisme ou à du racisme, ce qui équivaut à un manque de respect pour l'individu ou pour une collectivité quelle qu'elle soit. La philosophie que j'ai toujours cultivée est celle du respect, de la tolérance, de I'ouverture aux autres.

Bien sûr, on peut distinguer entre ces aspects philosophiques fondamentaux et des mouvements politiques ou des prises en position, des contestations politiques. Ce sont deux domaines absolument différents. Mais en ce qui concerne les aspects fondamentaux reliés à la conception que l'on peut se faire de l'homme, je peux assurer le député de D'Arcy McGee que, si tel est le sens de l'article, je m'en dissocie complètement.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je remercie le premier ministre et le ministre d'Etat de leurs réponses. Celle du premier ministre m'amène à poser une dernière question additionnelle. Le premier ministre a indiqué en quelque sorte que depuis le décès de la publication Le Jour, c'est la revue en question qui exprime à ses propres yeux un point de vue qui est proche de celui du gouvernement. C'est justement là... C'est le premier ministre qui a dit...

M. Lévesque (Taillon): ... question.

M. Goldbloom: II me semble, M. le Président, que si un lien quelconque philosophique est établi, par suite du fait que dans cette revue, dans l'article en question, il y a des citoyens du Québec — je ne parle pas d'un mouvement politique qui, comme dit le premier ministre, peut être attaqué et qui doit se défendre — qui ont été attaqués et, notamment, dans les interviews accordées par un des porte-parole de la revue, M. Chaput — il y a eu des attaques de cette nature — puisque le pre- mier ministre et le ministre d'Etat au développement culturel ont exprimé un refus de participer à ce genre d'attaque contre des citoyens du Québec, j'inviterais le premier ministre à repenser ce qu'il vient de dire dans la première partie de sa deuxième réponse au sujet des liens philosophiques qui peuvent exister par rapport à cette revue. (14 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que le député de D'Arcy McGee commence à charrier un peu. Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'était très clairement — je pense que le journal des Débats le prouvera — que sur un plan spécifique qui, pour nous, est fondamental, le plan de l'orientation politique, des options qui vont se présenter au moment du référendum, cette publication — cela adonne comme cela — est la seule qui défende la même option que nous dans ce secteur. Cela n'a rien à voir avec l'ensemble des idées que peuvent avoir les membres de cette revue dont nous ne sommes pas responsables.

Si cela correspond à ce que dit le député de D'Arcy McGee, je m'associe au député de Bourget, ministre d'Etat au développement culturel, et sûrement à tous nos collègues pour dire qu'on s en dissocie, mais de là à commencer de près ou de loin à faire du contrôle de la pensée, je pense que le député de D'Arcy McGee doit savoir mieux que moi ce que cela a voulu dire, des choses qu'on a appelées le maccarthysme, la culpabilité par association et des trucs comme cela.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, vous me permettrez de dire tout simplement, sans invoquer formellement mon privilège, que ce n'est pas du tout ce que j'ai suggéré.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

Décentralisation et aménagement du territoire

M. Biron: M. le Président, ma question s a-dresse au ministre d'Etat à l'aménagement du territoire. Selon mes informations, le Conseil des ministres ou tout au moins l'équipe interministérielle directement intéressée étudie ces jours-ci ou a en sa possession un document de travail gouvernemental. C'est un document qui m'a tout l'air de léventuel livre blanc sur la décentralisation. Le ministre peut-il confirmer que ledit document de travail déjà en circulation, en partie publié — on en a un exemple dans le Peuple-Courrier de ce jour — préconise la mise en place de conseils de comté composés de 49 membres, certains élus par suffrage universel et d'autres par un collège électoral, et complétés de commissions permanentes touchant différents aspects de la vie collective locale et régionale.

Deuxièmement, le ministre peut-il préciser l'échéancier de consultation éventuelle et d'études législatives subséquentes que vivra ce dossier,

ainsi que la date approximative de la publication de ce livre blanc sur la décentralisation, compte tenu des informations contradictoires qui ont cours à ce sujet?

Le Président: M. le ministre d'Etat à l'aménagement du territoire.

M. Léonard: II y a effectivement un document de travail qui ne circule pas dans le public, mais qui est au niveau d'un comité interministériel, de même que d'un comité ministériel, qui a été déposé au Conseil des ministres le 14 décembre dernier, à la suite d'un mandat qui avait été donné vers la fin de juin dernier.

Ce document de travail a fait l'objet d'un premier échange de vues, mais il n'a fait l'objet d'aucune décision. Son étude sera faite les 18 et 19 mars prochain au cours d'une réunion spéciale du Conseil des ministres qui étudiera cette question parmi d'autres. Nous verrons après ce qu'il en arrivera. Tout ce que je peux dire maintenant, c'est que c'est un document préliminaire. C'était là, le mandat. Il s'agissait de déposer un document préliminaire, lequel a été déposé le 14 décembre, comme je le disais.

Je n'ai malheureusement pas lu l'article dans le journal que vous mentionnez. En ce qui concerne les différentes hypothèses qu'il y a là-dedans, il n'y a aucune décision qui a été prise, mais il y a cette hypothèse que vous mentionnez. Encore une fois, rien n'a été décidé.

Quant à l'échéancier, il va être fixé ultérieurement, après cette étude du Conseil des ministres. Tout le monde va reconnaître que ce document pourrait être rejeté. Il pourrait être repris complètement. Déjà s'il avait à être fait après son examen, je pense qu'il y aura encore de bons bouts qui devraient être repris. Ce que je peux dire en conclusion, c'est que c'est un document de travail qui n'est pas terminé et qu'il n'y a aucune décision prise à ce sujet.

M. Biron: M. le Président, j'ai une question additionnelle à adresser au ministre là-dessus. Compte tenu de l'importance de ce document sur la décentralisation et compte tenu des énoncés qu'on connaît aussi, à ce jour, en matière d'éducation, de loisirs et de projets par ailleurs pressants, comme la réforme de la fiscalité municipale et scolaire, le ministre ne croit-il pas, aux fins de Ja cohérence du dossier de la décentralisation et de l'aménagement du territoire et de son étude, que la publication du livre blanc sur la décentralisation ne saurait tarder et devrait même précéder toute autre étude ou dossier si pressant soit-il, tels ceux sur l'éducation, les loisirs et la réforme municipale qui traitent eux aussi de décentralisation pour avoir un plan d'ensemble général?

M. Léonard: Je pense que ce n'est pas une nécessité en soi qu'on ait au départ fixé tout ce qu'il y aura dans le contenu d'une décentralisation gouvernementale.

Je pense que ce qui est important, c'est qu'au moins le gouvernement ait une certaine idée du point d'arrivée de la décentralisation. J'ai déjà eu l'occasion de mentionner, au cours d'entrevues, que même une option qu'on pourrait prendre pourrait changer en cours de route et qu'il ne s'agit pas d'une opération qui se réalise dans six mois, dans un an, mais qu'au contraire c'est une opération qui nécessairement s'échelonne sur plusieurs années. Les expériences dans ce domaine, d'ailleurs, sont concluantes. L'Angleterre a fait une décentralisation qu'elle a étalée sur huit ans. Je pense qu'il faut se rendre à l'évidence que ce n'est pas une opération simple et instantanée.

M. Goulet: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Je demanderais une directive avant de poser ma question. J'avais une question additionnelle à la question du chef de l'Union Nationale à adresser au ministre d'Etat à la réforme parlementaire. Je m'étais dit qu'en son absence je la poserais au premier ministre, mais le premier ministre est également absent. Est-ce que vous pourriez m'indiquer l'adjoint au ministre d'Etat à la réforme parlementaire, M. le Président? Est-ce qu'il y en a un, d'abord?

Le Président: M. le député de Bellechasse... M. Goulet: Le premier ministre revient.

Le Président: ... s'il y en a un, ce doit être de notoriété publique. M. le député de Huntingdon.

M. Goulet: M. le Président, étant donné que le premier ministre arrive, vous me permettez certainement de poser ma question supplémentaire.

Le Président: Je vais vous permettre une question supplémentaire, même si je soupçonne que ce doit être une autre question principale.

M. Goulet: Ah!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Goulet: M. le Président, je ne veux pas revenir, mais étant donné que le ministre d'Etat à la réforme parlementaire arrive, je m'adresserai à lui.

M. le Président, en question supplémentaire, toujours au chapitre de la décentralisation et dans le même esprit de saine administration et de planification lucide qui animait la question du chef de l'Union Nationale, le projet du livre blanc sur la décentralisation, dont nous avons copie, formulant les principes devant présider à la création d'un découpage d'environ 91 comtés municipaux et traitant du financement de ces éventuels comtés municipaux ou conseils de comté, est-ce que le ministre s'engage, si ce n'est déjà fait, à prendre connaissance du tout afin que ce projet et

celui déjà connu de découpage des districts électoraux tels qu'ils sont représentés à l'Assemblée nationale témoignent si possible, d'une même approche cohérente dans l'aménagement du territoire du Québec et dans l'approche de la réforme électorale?

M. le Président, ma dernière question supplémentaire: Entend-il faire étudier, et ce avant qu'il soit trop tard, par le bureau de financement des partis politiques l'aspect du financement dont traite le document de travail sur la décentralisation?

Le Président: Le ministre d'Etat à la réforme électorale.

M. Burns: Que j'en prenne connaissance, je prends cet engagement, je peux vous le dire tout de suite. D'ailleurs, il y a des gens déjà, à l'intérieur de mon cabinet, qui ont commencé une étude assez exhaustive là-dessus.

Quant à la deuxième partie de votre question, comme vous le savez, le Conseil consultatif du financement des partis politiques n'est que cela, c'est-à-dire consultatif. D'autre part, comme vous le savez également, je ne suis pas le ministre responsable de la mise en application de cette loi. Troisièmement, le directeur général du financement des partis politiques, Me Pierre-Olivier Boucher, possède une autonomie absolument complète que je n'ai pas l'intention de venir déranger par mes interventions. Si vous me demandez, d'autre part, si je serais favorable à ce que le Conseil consultatif du financement des partis politiques prenne connaissance de ce problème, je vous dis oui.

Le Président: M. le député de Huntingdon. M. Dubois: Merci, M. le Président.

M. Bellemare: Une question supplémentaire. Que viennent faire dans cela les 91 comtés municipaux?

M. Lévesque (Taillon): De toute façon, je pense que, depuis quelques années, tout le monde est plus conscient qu'il ne l'a jamais été; il y a déjà eu certains tiraillements au sujet des comtés municipaux, des conseils de comté, mais tout le monde est conscient du fait que cette structure qui a des générations et des générations d'existence a repris une certaine vitalité. Il y a une hypothèse de travail. Je voudrais souligner au député — c'est le député de Bellechasse, je crois, qui a en main la copie d'un document de travail — que là encore, comme cela arrive, on est bien obligé de le dire, trop souvent, mais on n'y peut rien, qu'il s'agit d'un document de travail qui est loin d'avoir été accepté. Je pense que cela a déjà été annoncé. Je dois dire que, même sur l'approche qui doit présider à une coordination entre l'ensemble des choses qui concernent la protection du territoire agricole qui a été annoncée depuis des années, cela attend, comme devant être amorcé finalement cette année, l'aménagement avec les schémas d'aménagement que cela implique et les choses intermunicipales, etc. (14 h 40)

La place des conseils de comté et, éventuellement, ce qu'on peut appeler à la fois déconcentration, décentralisation, là-dessus — et c'est un ensemble assez massif, on l'admettra —o n doit passer deux jours d'affilée, les 18 et 19 mars, en Conseil des ministres spécial pour essayer de voir plus clairement la synthèse de tout cela, comment cela s'articule. Ce que le député évoque est un document de travail qui a été préparé avec beaucoup de soins, beaucoup d'efforts par un groupe de fonctionnaires, mais qui, pour l'instant, n'est qu'une hypothèse de travail. Et les 91 comtés là-dedans, c'est essentiellement une façon d'envisager — mais cela va demander de la consultation, cela va demander de voir ce que cela peut donner dans le milieu — un nouveau découpage plus moderne de ce qu'on appelle traditionnellement les conseils de comté.

Le Président: M. le député de Huntingdon.

Revenu des producteurs de lait industriel

M. Dubois: M. le Président, face au problème aigu que connaissent les producteurs de lait industriel au Québec, je rappelle les éloquentes paroles du premier ministre quand il s'exclamait durant la campagne électorale: "Nous ferons de l'agriculture une priorité nationale ". M. le Président, je demande au ministre de l'Agriculture ce qu'il attend pour enfin stabiliser le revenu des producteurs de lait industriel, tel qu'il fut promis, et aussi s'il entend apporter une aide temporaire à ceux qui produisent présentement hors quota.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, le député de Huntingdon devrait savoir que la loi de la stabilisation des revenus vise les productions où les revenus fluctuent, où les prix fluctuent. S'il y a un domaine où il s'agit de prix administrés, où il n'y a pas de fluctuation, c'est le domaine du lait parce que les prix sont fixés, et c'est une loi qui s'adresse à des productions où les prix fluctuent. C'est pour cela que nous avons adopté, au cours de l'été, une assurance-stabilisation dans le cas des pommes de terre et que nous sommes sur le point d'en adopter une autre pour les naisseurs de porcs. Dans le domaine du lait, vous savez comme moi que la politique des quotas est une politique fédérale, et je pense qu'il est inutile d'essayer de mêler les gens en disant que c'est une politique provinciale. Les producteurs, eux sont au courant, si l'Union Nationale ne l'est pas, que c'est une politique fédérale.

M. Dubois: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, je pense que le ministre oublie le programme électoral du Parti québécois. On spécifiait qu'un plan de stabilisation serait mis en place pour les producteurs de lait industriel. Vous pouvez aller voir votre programme et je pense que vous allez remarquer que vous avez promis cela...

M. Jolivet: Après l'indépendance.

M. Dubois: ... aux agriculteurs du Québec.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: M. le Président, il est évident que le ministre met surtout l'accent sur la semence de graine indépendantiste plutôt que sur une saine politique agricole.

Je voudrais que le ministre, enfin, nous dise s'il va mettre en oeuvre toutes les politiques qu'il nous a annoncées, c'est-à-dire que le parti a annoncé au moment de la campagne. Il est temps, quand même, que vous fassiez quelque chose. J'aimerais que vous me disiez si vous allez faire quelque chose ou non, vis-à-vis au moins des vingt programmes agricoles que vous avez annoncés au moment de la campagne.

M. Jolivet: Parlez-en à Saint-Hyacinthe.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Certainement, M. le Président. Nous avons instauré une politique du lait dans les écoles, meilleure pour la santé des enfants. Pour la première fois depuis plusieurs années, il y a eu une augmentation de la consommation du lait nature au cours du dernier trimestre de 1977 qui coïncide avec l'application de la politique du lait dans les écoles.

Des Voix: Bravo!

M. Garon: Deuxièmement, nous avons eu une politique pour transformer les usines laitières qui faisaient du lait en poudre pour leur faire des fromages de spécialité, comme le disait d'ailleurs le député de Huntingdon déjà, pour qu'elles fassent des fromages de spécialité parce qu'il y a des marchés pour ces fromages, et on vient d'annoncer une participation gouvernementale de $4 583 550 à Granby. En plus d'une participation de SOQUIA dans Saint-Hyacinthe, en plus d'une participation du ministère de l'Agriculture dans la vallée de la Matapédia et en plus d'une autre possible qui n'est pas complétée — je ne sais pas si elle va l'être parce qu'il y a un changement de propriétaire, dans le comté de Portneuf — nous avons eu également dans le domaine des céréales une politique de grains à la ferme. On vient d'annoncer deux programmes. Il y aura un autre programme pour les politiques d'entreposage dans les centres régionaux qui va être annoncé d'ici le 1er avril. Nous avons également un comité qui va commencer à travailler sur la stabilisation du maïs-grain, la stabilisation des revenus du maïs-grain et nous avons un comité...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, je comprends que la question était très vaste. Je vous demanderais, malgré tout, de raccourcir votre réponse.

M. Garon: Nous avons même un comité qui travaille, et cela répondra au leader de l'Opposition qui en parlait parce qu'on n'a pas tout énoncé dans le discours inaugural, il aurait été trop long...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: ... mais un comité qui travaille à la création d'une régie des grains de provende où seront représentés tous les interlocuteurs, sauf l'Office canadien des provendes qui s'est retiré après la première réunion parce qu'il n'était pas intéressé à participer. Nous avons également dans le domaine des viandes...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale...

M. Bellemare: Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Ma question s'adresse au ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières...

M. Bellemare: J'avais même...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je crois que l'Union Nationale a déjà eu largement sa part, j'y reviendrai tout à l'heure.

M. le député de Jacques-Cartier.

Attribution des contrats de publicité

M. Saint-Germain: M. le Président, le ministre a reconnu mardi qu'un contrat au montant de $1,8 million pour la campagne publicitaire de "La personne avant toute chose" avait été octroyé sans soumission à la firme Cossette et Associés.

Une Voix: C'est effrayant!

M. Saint-Germain: Elle nous disait d'autre part, lors du mini-débat de mardi soir, je le lis à la page 1 qui porte le numéro R/446...

Une Voix: Question!

M. Saint-Germain: ... que le ministre n'a recommandé aucune firme de publicité...

M. Duhaime: Question de règlement!

M. Saint-Germain: ... ni accordé un contrat de quelque ordre qu'il soit.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier, il y a une question de règlement qui est soulevée par le député de Saint-Maurice.

M. Saint-Germain: Et elle nous explique plus loin, si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président: M. le député de Saint-Maurice.

M. Duhaime: M. le Président, je vous prierais de rappeler le règlement au député en le priant de poser une question, et non pas de faire un débat, s'il veut avoir une réponse.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier, je vous autorise, comme le règlement vous y autorise, à faire un court préambule, mais je voudrais qu'il soit court quand même.

M. Saint-Germain: Le ministre n'est pas dans son assiette, M. le Président.

Le Président: A l'ordre!

M. Saint-Germain: Je lisais: "Le ministre n'a jamais recommandé une firme de publicité ni accordé un contrat de quelque ordre qu'il soit". Et elle continuait en disant que cette décision avait été prise par M. De Coster et le conseil d'administration de la régie.

Ma question est celle-ci: Est-ce une nouvelle politique de la part du gouvernement de laisser complète et entière discrétion aux régies et sociétés d'Etat quant à l'attribution de tels contrats de publicité?

Le Président: Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, si le député de Jacques-Cartier s'était donné la peine de consulter les documents que j'ai déposés, hier, en réponse à des motions qui étaient au feuilleton, il aurait trouvé une réponse précise à la question qu'il pose aujourd'hui. La réponse, qui d'ailleurs a été fournie par le conseil d'administration de la régie, est la suivante: En raison du calendrier contraignant de l'implantation de la réforme de l'assurance automobile, on a généralement reconnu à la régie un régime d'exception. C'est ainsi que la loi 49 lui accordait une procédure spéciale de nomination et de rémunération de son personnel. La procédure d'appels d'offres ne pouvait pas, de toute façon, être suivie; cette procédure présuppose, d'abord, l'établissement d'un budget, ensuite la détermination des objectifs de la campagne et, troisièmement, la définition d'une stratégie. Comme la base de rémunération est uniforme, le critère principal présidant au choix de la firme est la création. Comme la régie n'avait pas de fonctionnaires, à l'origine, et devait créer, de toutes pièces, tous ses mécanismes, il lui était impossible de satisfaire à la procédure établie.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, si je reprends les déclarations du ministre, lors de ce débat, je lis: M. De Coster avait déjà acquis une expérience considérable lors de la création de la Régie des rentes. A cette époque, M. De Coster a pressenti, tel que son travail l'exigeait, les services d'experts-conseils dans divers domaines, dont celui des communications. C'est à ce moment qu'entre en scène la firme Cossette et associés qui avait pour mission de conseiller M. De Coster quant à la mise sur pied d'un service ou d'un programme de communication. A ce moment, la firme avait agi comme consultant.

Ma question est celle-ci: Est-ce que ce travail de consultant a été effectué à titre gratuit ou si la firme a été rémunérée?

Le Président: Mme le ministre.

Mme Payette: Vous connaissez des firmes de publicité, M. le Président, qui travaillent sans être payées? (14 h 50)

Une Voix: Même pas Tremblay et associés!

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Puisque cette firme, à ce moment, était consultante de M. De Coster, est-ce que la firme Cossette et associés a conseillé à M. De Coster qu'il serait d'intérêt public de signer avec elle-même un contrat de $1,8 million sans soumission?

Le Président: Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, la firme Cossette avait obtenu, avec soumission, un contrat de la Commission des accidents du travail au printemps 1977. C'est à cause de cette expertise qu'elle a été retenue pour conseiller le président de la régie sur l'installation d'un système de communication. Il devenait presque — j'oserais dire — injuste pour les autres firmes, n'ayant pas d'expertise dans le domaine des indemnisations de blessures corporelles et n'ayant pas pu, depuis le début, suivre l'évolution de ce dossier, de leur demander à la dernière minute de soumettre des plans.

Si bien que c'est dans une continuité d'expertise que ce contrat a été accordé à la firme Cossette.

Le Président: M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: M. le Président...

M. Saint-Germain: A l'ordre, s'il vous plaît!

Le Président: M. le député de Pointe-Claire qui n'a pas pu poser de questions depuis longtemps et qui a deux minutes.

Négociations avec les dentistes

M. Shaw: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Il y a un an, nous avons parlé des négociations entre l'Association des chirurgiens dentistes du Québec et la Régie de l'assurance-maladie. Quelle est la situation en ce moment dans ces négociations?

M. Lazure: M. le Président, je voudrais d'abord rectifier; les négociations ne se font pas entre la régie et l'Association des dentistes, mais bien entre le ministère des Affaires sociales et l'Association des dentistes. Les négociations se sont poursuivies normalement depuis environ cinq mois et à un rythme même un peu plus accéléré que la plupart des négociations, et ceci à notre demande.

Je répète ce que j'ai dit il y a quelques jours: Nous avons à peu près atteint un accord complet sur les clauses normatives, sauf sur une importance, celle par laquelle l'Association des dentistes veut que, dans la convention, nous nous engagions à définir les tâches des assistantes dentaires et des hygiénistes dentaires. Nous avons répondu par écrit, le 2 novembre dernier, à cette demande. J'ai informé l'Association des dentistes que cette responsabilité de définir les tâches de deux corporations relevait de l'Office des professions, certainement en ce qui a trait aux hygiénistes dentaires.

Nous sommes dans une impasse sur cette clause normative, mais les négociations ne sont pas rompues. Deuxièmement, je puis informer cette Chambre, M. le Président, que nous serons en mesure, dans les jours qui viennent, de déposer l'offre pécuniaire à l'Association des dentistes.

Le Président: M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: M. le Président, pour quelles raisons voit-on maintenant les dentistes du Québec chercher à se désengager du système actuel à cause de la situation des négociations? Si ce n'est qu'à cause de la clause 1 ou de l'article 1 dans leur contrat, pourquoi est-ce rendu à une telle situation?

M. Lazure: M. le Président, je ne pense pas qu'il soit de mon ressort de commenter des stratégies utilisées par une des parties qui négocient. Je pense que ce désengagement a déjà été utilisé par d'autres groupements professionnels dans le passé. Je veux rassurer la population, cependant, sur ce désengagement hypothétique, possible. Le dentiste ne peut se désengager, à moins qu'il n'y ait eu une période de trente jours d'écoulée après la réception par la Régie de l'assurance-maladie de son avis de désengagement.

Or, au moment où on se parle, la Régie de l'assurance-maladie n'a pas reçu d'avis de désengagement. Donc, nous avons confiance qu'avec l'offre pécuniaire qui sera déposée dans les jours qui viennent le climat des négociations devrait s'améliorer.

Le Président: On m'a informé que le ministre des Communications voulait répondre à une question qui a été formulée hier, je crois.

M. le ministre des Communications.

Hausse des tarifs de Bell Canada

M. O'Neill: M. le Président, c'est pour compléter la réponse que j'avais commencé à donner à M. le député de Saint-Laurent, qui voulait avoir le nom des groupements ou associations qui avaient fait appel au ministère des Communications dans la préparation de leur requête auprès du CRTC relativement à la demande d'augmentation tarifaire présentée par la compagnie Bell Canada.

Alors, il y a jusqu'ici les groupements suivants qui ont fait des demandes d'aide: l'Association des consommateurs du Canada, région du Québec; l'Institut de promotion des intérêts du consommateur; la Chambre de commerce de Prince-ville— également dans des associations régionales. Il y a également un citoyen qui, à titre particulier, veut présenter un mémoire devant le CRTC et qui a également fait appel à nos services.

Le Président: On m'a également informé que...

M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: En vertu de l'article 34.

Le Président: Oui, je n'ai pas terminé. On m'a informé que M. le ministre des Transports voulait répondre à une question qui a été posée antérieurement.

Une Voix: Les motions non annoncées sont-elles avant l'article 34?

M. Bellemare: C'est cela.

Voies d'accès au centre Le Bourgneuf

M. Lessard: M. le Président, hier à la demande du député de Bellechasse, j'ai promis de déposer des documents relatifs à la construction d'un viaduc et des voies d'accès pour le centre commercial Le Bourgneuf. Je dois dire, M. le Président, qu'il est exact qu'il y a eu entente. Cependant, si le député de Bellechasse veut bien me le permettre étant donné que toutes les formalités n'ont pas été terminées, c'est-à-dire que les signatures ne sont pas complètement faites puisqu'il s'agit d'entente entre la ville de Québec, le groupe Baxter et le gouvernement du Québec, je déposerai les documents la semaine prochaine.

Le Président: On m'a également informé que M. le ministre... Oui?

M. Goulet: Un instant. Pour une fois que j'ai

une permission à donner en cette Chambre. Pour répondre à ce que le ministre vient de demander, M. le Président, si vous me le permettez, je suis prêt à accepter la demande du ministre, mais j'aimerais bien que le ministre dépose copie du règlement hors cour qui est intervenu dans la nuit de — en tout cas avant que cela passe en cour. Egalement la série de plans et devis du premier et du deuxième projet.

M. Lessard: D'accord. M. Goulet: J'accepte, M. le Président.

Question de privilège

Document relatif à la politique québécoise de l'amiante

Le Président: Maintenant, j'ai des avis à donner à la Chambre et je voudrais lire l'avis suivant que j'ai reçu dans les délais requis.

M. le Président, je désire vous informer, conformément au paragraphe 1 de l'article 49 du règlement, que j'entends soulever avant l'appel des affaires du jour, à la séance d'aujourd'hui, une question de privilège portant sur le sujet suivant: L'interprétation donnée par le ministre des Transports au document sessionnel no 37 déposé le mardi 7 mars 1978, se rapportant à une politique québécoise de l'amiante. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Et c'est signé par le chef de l'Opposition et député de Bonaventure, M. Gérard-D. Levesque.

M. le chef de l'Opposition officielle, je vous invite à soulever votre question de privilège le plus brièvement possible.

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je dois prendre le temps nécessaire pour le faire, mais je pense que je puis le faire assez rapidement. Le jeudi 2 mars, le ministre des Transports a cité un document relatif à la politique de l'amiante et on me permettra de le citer au journal des Débats, à la page 248. "Voici, M. le Président, j'ai ici — dit le ministre des Transports — un mémoire au Conseil des ministres, mémoire de M. Jean-Gilles Massé, ministre des Richesses naturelles du Québec". Un peu plus loin, je lis encore cette citation: "Je viens de constater que Jean-Gilles Massé a proposé au Parti libéral du temps une solution concernant le secteur de l'amiante". Encore un peu plus loin: "M. Jean-Gilles Massé, mémoire présenté au Conseil des ministres, etc..."

M. le Président, le ministre des Transports a utilisé ce document vraisemblablement pour donner l'impression que l'ancien gouvernement avait adopté une attitude semblable à celle du présent gouvernement dans la question de l'amiante.

M. le Président — c'est là-dessus que porte ma question de privilège — ce document n'a jamais été endossé par M. Jean-Gilles Massé, le ministre des Richesses naturelles de l'époque non plus que par son successeur aux Richesses naturelles, M. Jean Cournoyer. (15 heures)

II n'a jamais été déposé en tant que tel au Conseil des ministres et jamais le Conseil des ministres d'alors n'a eu à approuver ou à désapprouver le contenu de ce document. Je fais cette affirmation après avoir vérifié auprès des anciens ministres concernés ainsi qu'après avoir consulté toutes les personnes en autorité, les documents et dossiers se rapportant à la question. Ma question de privilège consiste donc à établir clairement devant cette Chambre que l'interprétation qu'a vraisemblablement voulu donner le ministre des Transports à ce document est absolument non fondée.

M. le Président, comme corollaire à cette question de privilège, j'ai à vous demander une directive, à moins que cette affirmation que je viens de faire ne soit niée ou contredite d'une façon formelle. Tout en respectant la décision rendue par la vice-présidence relativement au dépôt du document, je vous demande, M. le Président, de nous donner des instructions, de nous dire ce que nous devons faire dans les circonstances lorsque nous avons un document qui, à sa face même, est un document non signé, annoté, etc., et qui maintenant n'a plus aucun caractère officiel et que ce document demeure parmi les documents officiels déposés. Ce serait rendre hommage à la transparence, à l'objectivité, à la réalité et la véracité que de faire quelque chose avec ce document. Je vous pose tout simplement cette question à la suite de ma question de privilège et j'attends votre réponse, M. le Président.

Rapport concernant les dépenses électorales de 1976

Le Président: M. le chef de l'Opposition, je prends votre requête en délibéré, je vais étudier la nature de votre requête et je rendrai une décision le plus rapidement possible.

Je dois donner également avis à la Chambre de la lettre suivante, et je cite: "Cher M. le Président, la présente est pour vous indiquer mon intention de soulever aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, une question de privilège concernant le rapport du directeur général des élections concernant les dépenses électorales à l'élection de 1976 déposé, hier, à l'Assemblée nationale. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes meilleurs sentiments." Et c'est signé du député de Laporte, M. Pierre Marois.

Alors, M. le député de Laporte, je vous invite à soulever votre question de privilège.

M. Pierre Marois

M. Marois: M. le Président, le rapport du directeur général portant sur les dépenses électorales des partis et candidats encourues lors des élections générales de 1976 a été déposé en cette Chambre, hier, et aussi difficile que cela puisse être à certains égards sur le plan humain, je pense

que je me devais, aujourd'hui, de soulever cette question de privilège.

Aux pages 54 et 55 de ce rapport, il appert que le candidat Pierre Marois, dans le comté de Laporte, avait droit à des dépenses électorales permises de $21 540 et que le total des dépenses électorales encourues s'élève à $21 664.24, soit un dépassement de $124.24.

J'ai pris connaissance de ce fait pour la première fois dans la soirée d'hier. Mon agent officiel, à qui mon chef de cabinet adjoint a communiqué hier soir cette découverte, l'apprenait lui aussi pour la première fois et, après vérification de la part de mon agent officiel, il appert que les faits sont les suivants: Au cours de la campagne électorale de 1976, mon agent officiel surveillait, bien sûr, les dépenses électorales, entre autres — ce n'est pas uniquement là ses fonctions — de s'assurer que celles-ci n'excèdent pas le maximum permis. A la fin de la campagne électorale, il était convaincu, suivant ses livres comptables, que le maximum n'avait pas été atteint. Lors de la préparation et de la production du rapport des dépenses électorales prévues à l'article 3.82 de la Loi électorale, il en était encore convaincu puisqu'il a inscrit, comme total des dépenses permises — et cela ressort du rapport de mon agent officiel — la somme de $21 415.17, ce qui laissait un écart de $124.85 pour atteindre le maximum permis de $21 540.

Après examen, au cours de la soirée d'hier et de la matinée d'aujourd'hui, des copies des pièces justificatives fournies avec le rapport, il appert qu'une facture d'imprimerie de $255.22, par erreur ou inadvertance, n'a pas été comptabilisée, de sorte que le total réel des dépenses encourues s'élevait à $21 670.39, somme ramenée à $21 664.24, après certaines corrections mineures effectuées par le bureau du président général des élections.

Il semble ressortir des faits qu'il s'agit là d'une erreur technique et humaine qui aurait pu, qui peut et qui pourrait fort bien aussi arriver à n'importe qui. Je me permets de rappeler en terminant que j'ai participé comme candidat du Parti québécois à quatre élections en six ans avec le même agent officiel; il s'agit en l'occurrence de mon frère, M. Bernard Marois. Je tiens à dire que je considère qu'il a assumé ses fonctions, à chaque occasion, avec la plus totale bonne foi et la plus complète intégrité. Il a toujours eu ma plus totale confiance et, si je devais participer éventuellement à nouveau comme candidat à une élection, je n'hésiterais pas une seconde à lui demander à nouveau d'assumer la tâche ingrate d'agent officiel. En toute honnêteté, M. le Président, je crois que je me devais de soulever cette question de privilège et de mettre ces faits sur la table de l'Assemblée nationale.

Enquête sur l'engagement d'une secrétaire de comté

Le Président: Merci, M. le député de Laporte. Maintenant, je voudrais donner lecture d'une déci- sion que j'ai prise à la suite d'une demande formulée par — à l'ordre, s'il vous plaît — M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle. Le 8 décembre 1977, le leader parlementaire de l'Opposition officielle m'a demandé de faire enquête sur les faits suivants: une secrétaire, dans le district électoral que représente le député de Beauce-Nord, serait entrée en fonction en janvier 1977 et ce dernier aurait donné instruction au service administratif de l'Assemblée nationale de payer cette secrétaire rétroactivement à compter de la fin de novembre 1976.

Après avoir entendu les précisions et explications données alors par le député de Beauce-Nord, j'avais pris en délibéré la requête du leader parlementaire de l'Opposition officielle afin de me donner le temps d'examiner s'il était de ma juridiction de procéder à une enquête de cette nature. Comme chef des services administratifs de l'Assemblée nationale, j'ai, en effet, effectué une enquête auprès des fonctionnaires qui sont responsables de la mise en application du règlement concernant les allocations aux députés, adopté en vertu de l'article 101b de la Loi de la Législature.

Après avoir examiné avec eux les documents pertinents, j'en suis venu à la conclusion que mes fonctionnaires ont suivi la procédure régulière prévue par les articles 15 et 16 dudit règlement dans le cas de l'embauche des secrétaires de comté du député de Beauce-Nord, et des secrétaires de comté de tous les autres membres de cette Assemblée. Dans tous les cas, on s'est conformé aux prescriptions de l'article 16 dudit règlement qui spécifie que la date d'entrée en fonction du secrétaire de district est celle mentionnée dans le document qui constate sa nomination. Ainsi, dans le cas du député de Beauce-Nord, le document mentionne que la secrétaire en question est entrée en fonction le 29 novembre 1976. Mes fonctionnaires ont alors appliqué le règlement à la lettre, n'ayant pas à vérifier les faits puisque la réglementation ne les y autorise pas et que la Loi de la fonction publique et les règlements et règles adoptés sous son autorité ne s'appliquent pas au personnel mis à la disposition des députés dans leurs districts électoraux.

Par voie de conséquence, il n'est pas non plus de la juridiction du président de pousser l'enquête au-delà de cette limite, aucun droit de contrôle ne lui étant accordé à cet égard. Le président est placé dans la même situation que face aux déclarations assermentées que produisent les députés quant à leurs présences et absences. Il n'est pas de son ressort d'aller vérifier si oui ou non la déclaration correspond aux faits. En dehors des obligations de contrôle qui lui sont imposées par les lois et règlements, le président n'a pas à prendre l'initiative de s'enquérir de la véracité des faits que peut alléguer un parlementaire, lorsque la législation ou la réglementation constate que la simple déclaration du parlementaire est suffisante.

Même si les secrétaires des districts électoraux échappent à la surveillance du président, je me suis toutefois permis de recevoir un affidavit de la secrétaire du district de Beauce-Nord, mise

en cause dans cette affaire, et voici la teneur de cet affidavit: "Je, soussignée, Danielle Roy, étant dûment assermentée sur les saints Evangiles, déclare ce qui suit: "1. Dans la soirée du 15 novembre 1976, M. Adrien Ouellette, nouveau député du comté de Beauce-Nord, m'a offert d'occuper le poste de secrétaire de comté; "2. Suite à cette offre, j'ai donné, le ou vers le 25 novembre 1976, une réponse affirmative à M. Adrien Ouellette; "3. Lors de cette rencontre, il a été convenu entre M. Ouellette et moi-même que j'entrerais en fonction, à titre de secrétaire de comté, à partir du lundi 29 novembre 1976; "4. Compte tenu du fait que le bureau de comté de M. Adrien Ouellette n'a été physiquement prêt que le 10 janvier 1977, j'ai donc été dans l'obligation, pour la période du 29 novembre 1976 au 10 janvier 1977, d'accomplir les tâches de ma fonction à mon domicile; "5. Tous les faits mentionnés plus hauts sont vrais et véridiques".

C'est assermenté, je le déposerai à la demande de quiconque. (15 h 10)

Affaires du jour.

Motion pour faire siéger la commission de la justice

M. Burns: Aux affaires du jour, M. le Président, je voudrais faire motion pour que la commission parlementaire de la justice se réunisse au salon rouge, immédiatement, pour poursuivre l'étude du projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Que cette commission suspende ses travaux à 18 heures pour les reprendre à 20 heures et les terminer à 22 heures, ce soir.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Bellemare: Non, je demande un vote enregistré.

Le Président: Qu'on appelle les députés. (Suspension à 15 h 11)

(Reprise à 15 h 23)

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Avant de faire l'appel aux voix, je voudrais demander le consentement de la Chambre pour que le chef de l'Union Nationale puisse présenter une motion non annoncée. C'est un consentement sur la présentation en dehors du cadre des affaires courantes.

M. Burns: Cela va, M. le Président, j'ai parlé au chef de l'Union Nationale, il y a quelques minutes. Il m'apparaît que ce fut malheureusement un oubli de notre part à tous... Je ne donne pas mon consentement d'avance à la motion, mais je suis d'accord pour qu'on puisse revenir aux motions non annoncées.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale, il y a consentement pour la présentation.

Motion relative aux

négociations dans le domaine

de l'information

M. Biron: Merci, M. le Président.

Je voudrais faire motion que, au nom du droit du public à l'information et au nom de l'équilibre des forces de pression et des groupes d'intérêts au Québec, à un moment de notre histoire où tous nos outils socio-culturels et socio-économiques doivent être disponibles et jouer leur rôle respectif, les membres de cette Assemblée nationale du Québec lancent un appel pressant aux diverses parties en cause dans les conflits de travail en cours au Montréal-Matin, au Soleil et à la Presse, les encourageant à poursuivre les négociations et pour qu'elles en viennent, dans un avenir vraiment prochain à un règlement juste, équitable et réaliste pour les intéressés.

Le Président: Est-ce qu'il a consentement à ce que cette motion soit adoptée?

M. Goldbloom: Adopté. M. Burns: Adopté, M. le Président. Le Président: La motion est adoptée. Travaux parlementaires

Je voudrais maintenant inviter le leader parlementaire de l'Union Nationale à m'indiquer quel sera le sujet choisi pour le débat du vendredi, dans dix jours.

M. Bellemare: M. le Président, tel qu'il figure au procès-verbal de notre Chambre, le 7 mars, à la commission permanente de l'agriculture, la question avec débat...

Le Président: Excusez-moi de vous corriger, c'est le 17 mars.

M. Bellemare: ... du député de Huntingdon au ministre de l'Agriculture portera sur le sujet suivant: La politique agro-alimentaire du gouvernement.

M. Burns: La question avec débat à laquelle vous posez des questions...

M. Bellemare: M. le Président, c'est ce qui est inscrit au feuilleton: Question avec débat... Lisez. Si vous comprenez, arrêtez de faire le pointilleux.

Le Président: La question avec débat du ven-

dredi, 17 mars, portera sur la politique agroalimentaire et je convoque immédiatement le ministre de l'Agriculture pour le 17 mars.

M. Burns: M. le Président, est-ce qu'on parle bien de la même chose, de la question avec débat du vendredi?

Le Président: Avec débat pour le vendredi 17 mars.

M. Burns: J'ai beau la chercher au feuilleton, M. le Président, j'aimerais bien cela que...

M. Levesque (Bonaventure): Page 61 d'hier.

M. Burns: ... page 61 d'hier. D'accord, M. le Président, c'est seulement pour savoir.

M. Bellemare: Ah oui, oui!

Vote sur motion demandant de faire siéger la commission de la justice

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Oui, je vais maintenant faire l'appel aux voix sur la motion du leader parlementaire du gouvernement visant à faire siéger la commission parlementaire de la justice pour étude du projet de loi 39, Loi sur le recours collectif. Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Burns, Cardinal, Laurin, Morin (Louis-Hébert), Pa-rizeau, Marois, Landry, Léonard, Couture, Tremblay, Bérubé, Johnson, O'Neill, Mme Ouellette, MM. de Belleval, Joron, Mme Payette, MM. Lessard, Proulx, Duhaime, Lazure, Léger, Tardif, Garon, Vaugeois, Michaud, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Alfred, Chevrette, Martel, Fallu, Rancourt, Mme Leblanc, MM. Grégoire, Bertrand, Laplante, Bisaillon, de Bellefeuille, Guay, Gendron, Mercier, Marquis, Lacoste, Ouellette, Perron, Brassard, Clair, Gosselin, Lefebvre, Lavigne, Dussault, Charbonneau, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Gagnon, Jolivet, Levesque (Bonaventure), Lavoie, Mackasey, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Forget, Mailloux, Goldbloom, Saint-Germain, Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Marchand, Gratton, Pagé, Biron, Bellemare, Russell, Goulet, Fontaine, Dubois, Cordeau, Shaw.

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît. Que ceux et celles qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: Pour: 89 — Contre: 0 — Abstentions: 0

Le Président: Motion adoptée.

Travaux parlementaires (suite)

M. Burns: M. le Président, je rappelle à l'attention des membres de l'Assemblée que demain, au salon rouge, à 10 heures, la question avec débat, qui est présentée par le député de Portneuf, posera le problème de la nouvelle politique d'exploitation des clubs privés. Nous invitons l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale à venir assister à ce débat demain à compter de 10 heures, au salon rouge, tel que l'avis a été donné déjà. C'est un simple rappel. (15 h 30)

Maintenant, M. le Président, je donne avis à la Chambre que mardi matin, à compter de 10 h 30, la commission de la justice poursuivra ses travaux relatifs au projet de loi no 39, Loi sur le recours collectif. Il est possible que ces travaux soient terminés ce soir, vers 22 heures; du moins, c'est une indication que nous avons, mais, pour être bien sûr, si jamais les travaux ne sont pas terminés, la commission continuera ses travaux à 10 h 30, mardi.

Dans le cas où ce soir la commission aurait terminé l'étude de ce projet de loi à ce stade-ci, l'avis deviendra caduc.

Le Vice-Président: A moins qu'il n'y ait des questions en vertu de l'article 34, c'est à vous, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Burns: Est-ce qu'il y a des questions en vertu de l'article 34? Je n'en sollicite pas. Je vous demanderais d'appeler l'article 2), M. le Président.

Projet de loi no 70 Deuxième lecture (suite)

Le Vice-Président: D'accord. Nous reprenons le débat sur la motion de M. le ministre des Richesses naturelles proposant que le projet de loi 70, Loi constituant la Société nationale de l'amiante, soit maintenant lu la deuxième fois. M. le député de Frontenac avait demandé l'ajournement du débat.

M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais céder non pas mon droit de parole, mais la priorité de mon droit de parole au premier ministre lui-même.

Le Vice-Président: M. le premier ministre.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, me sentant parfaitement incapable d'atteindre aux sommets oratoires que le député de Frontenac a réussi à escalader déjà au cours de ce débat, je vais être très bref et m'en tenir essentiellement à trois points, c'est-à-dire les questions que posent la sécurité et la santé, qui sont quelque peu exagérées ces temps-ci — je crois qu'on doit l'admet-

tre — dans certains reportages et qui sont quand même des questions fondamentales en ce qui concerne l'amiante.

Deuxièmement, les questions qui tournent autour de la propriété publique, du secteur public, de cette invasion que certains redoutent, à chaque fois que cela arrive d'ailleurs, que la propriété publique serve à l'invasion de l'ensemble économie.

Troisièmement, ce que représente, pour autant qu'on puisse en parler en ce moment de façon très générale, cette transaction qui est l'acquisition de l'Asbestos Corporation. Au moment où on est en deuxième lecture sur les principes, sur l'ensemble de la perspective qu'ouvre le projet de loi no 70, je n'ai pas besoin d'insister sur les raisons essentielles qui ont amené la décision qui se trouve incorporée dans ce projet de loi.

Le Québec est encore non seulement l'un des trois, mais le plus grand des trois producteurs d'amiante du monde avec l'Union soviétique et l'Afrique du Sud. Il est de très loin le premier exportateur du monde de fibre d'amiante. Il est en même temps probablement l'un des seuls coins du monde occidental évolué — et je dis bien un des seuls, pas le seul — où un secteur stratégique tout entier de l'économie basé sur des ressources qui sont le patrimoine d'une population est entre les mains d'exploitants qui sont venus de l'extérieur. Il ne s'agit pas de les blâmer ni de les critiquer. Tant mieux s'ils sont venus puisque pendant des générations on a laissé faire. C'est quand même profondément anormal. Cela se retrouve de moins en moins dans le monde où nous sommes, surtout quand il s'agit de ce patrimoine des ressources épuisables dont de plus en plus toutes les populations du monde se rendent compte qu'il faut avoir une gestion qui soit reliée le plus près possible aux intérêts de la population qui habite le lieu et qui, en dernière analyse, est toujours propriétaire de ces richesses.

Etant le premier producteur et le premier exportateur de l'amiante au monde depuis des générations, pas des années, mais des générations, les Québécois ont accepté qu'à peine 3% de la fibre produite — cela est le maximum actuel — chaque année soient transformés chez nous au Québec. On a accepté des conditions de santé qui, dans le cas en particulier de la compagnie qui est visée, l'Asbestos Corporation, sont en tout cas sinon parmi les pires, sûrement parmi les plus négligées de tout le secteur de l'amiante vers quelque pays qu'on se tourne.

En plus, ce régime qu'on a toléré trop longtemps est exclusivement axé sur des racines extérieures et il nous a également créé une sorte d'absence de "know how", comme on dit dans le jargon moderne, une absence de connaissance, de compétence dans un milieu qui représente la ressource où le Québec est en première position dans le monde. Cela est intolérable. On ne connaît pas les marchés de façon concrète. L'ensemble de la population n'a pas participé aux recherches qui pouvaient affecter directement sa propre santé collective. La plupart du temps les cris d'alarme sont venus de l'étranger en ce qui concernait même les questions comme la santé et la sécurité. Il s'agit donc d'une situation qui est, depuis longtemps, intolérable et qu'il fallait corriger.

Ce sont tous ces facteurs qui ont amené ce projet qui dormait sur des tablettes de l'ancien gouvernement. Je prends ce qu'a dit le chef de l'Opposition, tout à l'heure, comme de l'argent comptant, bien sûr.

Il n'est peut-être pas allé jusqu'à des décisions de l'ancien Conseil des ministres, mais pendant des années on a été assez proche quand même, pas tellement loin des dossiers ou des coulisses de l'Etat pour savoir que ce projet était sur les tablettes, faisait l'objet d'études, que même c'est allé plus loin que cela. Je laisserai au ministre parrain du projet de loi le soin, au moment de la réplique, de dire à quel point mais, de toute façon, cela n'a jamais abouti. Maintenant, on l'a devant nous, c'est une politique de l'amiante, pour la première fois, qui implique l'achat, de gré à gré, si possible, équitable, sinon par les moyens qu'on connaît, l'achat d'une des grandes sociétés—celle qui a le plus de fibres sur les marchés internationaux, d'ailleurs, ce qui nous donnerait une pénétration rapide des marchés — qui implique également les instruments, par cette Société nationale de l'amiante, de création de l'emploi, seule ou, le plus possible, avec d'autres. Cela amène également une concertation à laquelle on pourra participer activement comme partie prenante avec les autres compagnies d'amiante à partir du moment où la population québécoise aura sa place dans ce club dont on était exclu jusqu'ici. Et puis, il y a également toutes les dimensions recherches, aussi bien du côté de la santé, de l'hygiène, que du côté des applications dans les produits, où le Québec doit également prendre la place minimale qu'il aurait dû avoir depuis toujours, puisque chez nous à la fois les méfaits et les bienfaits de I amiante sont plus centrés que n'importe où dans le monde.

A propos des méfaits, on parle beaucoup de questions de santé et de sécurité. Cela a même rebondi de façon, à mon humble avis, hyperdra-matique dans des émissions de télévision toutes récentes, à partir de choses qu'on a cru percevoir dans les intentions de l'Europe des neuf où on est allé jusqu'à évoquer ou laisser flotter une image d'interdiction totale de l'amiante comme si, évidemment, on arrivait au moment où l'amiante allait disparaître de l'économie mondiale. Je pense qu'il ne faut pas charrier. Vérification faite, à la Commission des communautés européennes qui s'occupe évidemment de conseiller le Parlement européen — éventuellement, cela prend la forme de directives ou de recommandations pour les neuf pays européens — il y eu, c'est vrai, une analyse qui semble non seulement sérieuse mais sévère, comme elle doit l'être, de ce que peuvent être les dangers de l'amiante. Il faut dire qu'en Europe, j'ai vu — et je pense que d'autres à qui c'est arrivé ont des souvenirs du même genre — des documentaires sur l'exploitation de l'amiante, et ces derniers ont dû contribuer, comme des articles d'ailleurs, ces dernières années, à sensibiliser

les populations concernées en Europe. Certains montraient des conditions plus primitives dans l'ensemble — surtout du côté de la transformation, bien sûr, pas du côté de l'extraction, il n'y en a pas en Europe — que les pires qu'on connaît ici. Donc, il y avait un énorme rattrapage, dont on a pris conscience, qui était nécessaire en Europe, ce qui semble être en train de se produire. Il ne faudrait pas le dramatiser exagérément comme, je crois, on est porté à le faire dans certains milieux. Au moins, on devrait être renseigné pour savoir jusqu'où va cette nouvelle perspective européenne, mais pas pour arriver à des conclusions littéralement plus que pessimistes, apocalyptiques à propos de l'amiante. Ce qui est en train de se produire en Europe, semble-t-il,c'est qu'avec cinq ans de retard, en particulier sur les Etats-Unis, les Européens vont se faire entre eux les mêmes recommandations, dans le même sens que les mesures déjà prises dans l'ensemble des Etats américains qui peuvent être affectés. Ni plus, ni moins. Et pour être plus spécifique, un projet de directives dont on a pris connaissance — ce qui n'est pas un secret — a dernièrement été émis en Europe par les instances qui tournent autour de la Communauté européenne mais qui s'adresse aux neuf pays membres. (15 h 40)

Ceci signifie que cinq ans plus tard, cinq ans après les Etats-Unis en particulier, après la prise de conscience qui nous a amenés nous-mêmes, à partir du ministère des Richesses naturelles sur la lancée du rapport Beaudry, en particulier, on est à établir des directives de plus en plus sévères en ce qui concerne l'exposition aux dangers de l'amiante flottant à des moments dans l'air, après tout cela, l'Europe se met en marche dans la même direction. Le projet dont on a pris connaissance, voici ce qu'il propose. Je le résume très rapidement sans entrer dans tous les détails techniques. Il n'est pas encore définitif ce projet de directives, mais voici ce qu'il propose, ce qu'il recommande et qui semble extrêmement logique aux neuf Etats membres de la Communauté européenne, d'interdire l'utilisation de l'amiante, y compris celui qui est produit au Québec — le blanc, si vous voulez, ou pour être savant, le chrysotile — l'interdiction donc de cette fibre, premièrement, dans les installations d'air et de liquide quand on ne peut pas s'assurer qu'il n'y aura pas d'émission de fibre, soit dans l'air, soit dans le liquide concerné.

Deuxièmement, l'interdiction dans le flocage, le procédé qui essentiellement signifie une projection de mousse ou de truc du genre, peinture, peut-être, aussi, où il y a de l'amiante sur les murs ou sur les surfaces. Et puis, aussi, l'interdiction de l'amiante dans l'isolation thermique, acoustique, ou les revêtements de sols ou de routes, dans l'asphalte, etc., quand on ne peut pas, là encore, s'assurer qu'il n'y aura pas d'émission de fibre en liberté. Qu'est-ce que cela représente pour le seul marché européen? Parce qu'il y a aussi le marché américain, il y a les autres marchés du monde, et il y a très spécifiquement le marché québécois.

Qu'est-ce que cela représente sur le marché européen par rapport aux ventes courantes d'amiante? Cela représente ceci: cela ne touche pas l'amiante-ciment qui est 64% de la consommation européenne. Cela ne touche pas les produits où la fibre est liée, bien mariée, au caoutchouc, au plastique, etc., les feutres à linoléum, toitures, joints, etc., donc, qui représentent au moins 15% additionnels. 64% plus 15%, on est rendu à 79%.

Cela ne touche pas à ce secteur et cela ne touche pas non plus le matériel de friction qui représente, lui, à son tour, un peu au-delà de 5%. Donc, on est rendu dans les 84% de cet ensemble de production qui n'est pas touché. Par ces interdictions recommandées, donc, à peine, 15%, et il faut espérer que cela va aller jusque-là, si ces interdictions sont approuvées par les Etats membres et sont appliquées, à peine 15% du marché européen actuel seraient affectés et à peu près la moitié de ces 15% seraient en provenance, étaient en provenance normalement du Québec.

Alors, ceux qui dramatisent dans le sens d'interdiction à n'en plus finir, comme si l'histoire de l'amiante venait de se terminer au moment, comme par hasard, où le Québec décide de s'en occuper, franchement, ils charrient, jusqu'à preuve du contraire. Et ils charrient dans un sens dont je comprends mal l'intention, parce que c'est tellement facile de vérifier.

Non seulement nous ne sommes pas du tout angoissés par ce genre d'interdiction partielle, plus que partielle, touchant 15% du marché, la partie dangereuse, mais on peut dire dès l'abord qu'on est parfaitement d'accord, parce qu'il s'agit vraiment d'une politique de rattrapage au point de vue des choses essentielles à la santé des gens qui ont à manipuler, à manoeuvrer ou à travailler de proche avec l'amiante. D'ailleurs, il faut bien dire que quand je parlais tout à l'heure de recherche, sur deux plans de recherche, d'application qu'on doit entreprendre ici, au Québec, et on serait le premier secteur public qui le ferait, parce que jusqu'ici, sauf erreur, cela a toujours été laissé à des secteurs privés ici et là, un des plans essentiels où il s'agit de faire de la recherche et je pense que c'est une question de dignité et même d'honneur collectif pour nous, ce serait justement dans le sens de ces questions de la protection de la santé humaine en ce qui concerne les applications de l'amiante, du développement ou de modernisation de produits qui seraient de moins en moins nocifs.

Tout cela se tient et, encore une fois, je ne vois pas très bien pourquoi on fait, en ce moment, dans certains coins, comme une espèce de campagne négative comme si finalement on avait peur d'entrer dans un secteur qui est un des secteurs stratégiques de notre économie qui attend depuis je ne sais combien d'années et que, tout à coup, il y avait une espèce de vertige qui prenait certains milieux. Franchement, il y a des choses qui sont factuellement très faciles à vérifier et qui sont lâchées comme cela avec des gonflements invraisemblables qui ne correspondent absolument pas à la réalité.

Maintenant, un des arguments qu'on entend aussi dans le sens négatif — je comprends, si on veut, les fondements idéologiques sur lesquels cela peut s'appuyer; mais, là encore, il faut, tout de même, raison garder — c'est tout ce qui tourne, de près ou de loin, autour du mot "socialisme", c'est-à-dire du développement d'un secteur public. Le mot "socialisme", c'est un mot idéologique et, comme tous les mots idéologiques, c'est plein de nuances. Quand c'est plein de nuances, c'est élastique. C'est toujours le capitalisme de quelqu'un, puis le socialisme de quelqu'un d'autre. Il n'y a pas moyen de s'arranger. Il y a seulement M. Trudeau qui peut s'arranger pour être à l'extrême centre, comme il l'a dit récemment.

Il s'agit de savoir comment on emploie le secteur public, plutôt que d'employer des mots qui, en fait, sont purement des mots de propagande, surtout quand on regarde la réalité québécoise. Il y a des gens pour qui ce n'est jamais assez dans ce sens et il y en a pour qui c'est toujours trop. Il s'agirait de savoir qu'est-ce qu'on veut.

A propos du secteur industriel et commercial du Québec, le secteur de base qui permet de créer et de développer le gâteau collectif dont on a besoin pour se payer tous nos services et pour essayer d'améliorer, non seulement de maintenir, le niveau de vie de notre population et sa qualité de vie de plus en plus, parce que c'est une notion qui, de plus en plus, va être centrale, est-ce qu'on veut absolument qu'il n'ait pas une certaine cohérence qui, dans le monde d'aujourd'hui, dans à peu près toutes, sans exception, les sociétés qu'on dit avancées, évoluées, implique une mixture ou, comme on dit en anglais, un "mix" entre le public, c'est-à-dire les "joint ventures", les choses conjointes entre deux secteurs, le coopératif et le privé? Quelle que soit la mixture, il y en a une dans tous les pays et, dans cette mixture, de plus en plus, on trouve un secteur public ou parapublic qui doit être articulé et structuré.

Le Québec n'a pas échappé à cela. On est encore loin derrière d'autres, mais je ne vois pas pourquoi il y a des gens qui s'énervent à propos de l'amiante, une politique aussi logique que celle-là, aussi appelée par les faits, quand, en fait, dans cette Chambre, il y a des gens qui ont participé à la mise au point, plus ou moins en vrac, depuis une quinzaine d'années, du complément de l'Hydro-Québec, à la mise au point de la Caisse de dépôt, de la Société des alcools, de sa modernisation et de son expansion en cours.

M. Lavoie: SIDBEC.

M. Lévesque (Taillon): J'arriverai à SIDBEC.

M. Lavoie: REXFOR.

M. Lévesque (Taillon): De la SGF, de SOQUEM, de REXFOR, de SOQUIP, et de SIDBEC qui, je dirais, est un des cas par excellence de travail conjoint de l'ensemble des hommes ou des femmes politiques des divers partis, depuis les débuts. C'est au temps de M. Lesage que les pre- mières études — je faisais partie de ce gouvernement avec le chef de l'Opposition officielle actuel quand les premières études concernant SIDBEC, concernant ce qu'est devenue éventuellement SIDBEC, ont été amorcées. Je me souviens, il y avait le groupe de l'acier. On a fait des voyages littéralement d'ignorants qui allaient essayer d'apprendre si ce n'était pas possible en dehors des environs des Grands Lacs, au nord et au sud, si comme le dit le vieux dicton, dans le testament d'Adam et Eve, c'était réservé aux environs des Grands Lacs de faire de l'acier pour un marché qui en a besoin. Cela s'est fait dans les années soixante, avant la fin du gouvernement libéral dont je faisais partie à l'époque.

La décision qui a amené la création de SIDBEC, c'est-à-dire l'achat de DOSCO-Québec, si l'on veut, a été prise par le gouvernement de Daniel Johnson après les élections de 1966. Sauf erreur, l'expansion hasardeuse, difficile de SIDBEC a été entretenue, accentuée pendant les six années du gouvernement qui nous a précédés. Je vais revenir, d'ailleurs, là-dessus, mais qu'on cesse donc de prendre cet exemple qui a été conjointement, par tous les partis d'ici, le projet collectif de doter difficilement, laborieusement le Québec d'une sidérurgie capable en amont — on le voit avec Normines — puis en aval — on le voit par des retombées ici et là, mais pas assez nombreuses — d'être une des articulations essentielles d'une économie moderne. Il y a eu tout le reste, mais on parle toujours de SIDBEC. On parle de SIDBEC pourquoi? Parce que, je suppose, c'est de bonne guerre. C'est de bonne guerre même parfois de risquer de se couper le cou psychologiquement, parce que cela peut faire du mal à un projet gouvernemental. C'est de bonne guerre de dire que SIDBEC est dans le trou régulièrement. On le sait.

Mais SIDBEC a récupéré Québec Steel qui s'en allait dans le trou, après avoir été approuvée d'une façon incohérente par l'ancien gouvernement. Elle a récupéré une partie des travailleurs aussi qui avaient été mis sur le pavé par suite des retombées négatives d'un projet mal foutu depuis sa naissance. SIDBEC est également dans une conjoncture à l'échelle internationale ou même des sidérurgies qui ont 50 ans de racine, qui ont des marchés captifs auxquels ils peuvent s'adresser continuellement, sont dans un pétrin inextricable. On ne le dit pas.

On ne parle pas non plus — comme si cela était interdit — des choses qui marchent dans le secteur public, qui sont rentables. Justement, il y en a et parmi les choses rentables, à condition de ne pas, encore une fois, faire de l'apocalypse masochiste autour de ce qui se passe en Europe et qui n'a pas du tout les dimensions qu'on essaie de lui donner à l'occasion... (15 h 50)

M. Forget: Je m'excuse auprès du premier ministre en évoquant un point de règlement, à l'avantage, je pense, de tous les membres de cette Assemblée. Comme le premier ministre, de la même façon que tous les membres de cette Assemblée,

est limité par le temps, j'aimerais bien le ramener un peu au débat sur l'amiante parce que nous brûlons de l'entendre sur ce sujet. Je suis d'accord avec lui qu'il ne faudrait pas s'éterniser sur des guerres idéologiques.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Trois rappels très rapides. Premièrement, M. le premier ministre, en vertu de l'article 94, a une heure à sa disposition.

Deuxièmement, ne serait-ce que parce que ce ne serait qu'un député, en vertu de l'article 100, sauf question de privilège ou de règlement, j'aimerais bien qu'on écoute le premier ministre.

Troisièmement, j'ai accepté la question de règlement et je considère l'incident clos.

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je vous remercie, M. le Président. Je ne veux pas m'éloigner des règlements, mais j'ai lu une partie de ce qui s'est dit dans cette Chambre et à l'extérieur sur les articulations essentielles, les tenants et les aboutissants de la politique qui est impliquée par le projet de loi 70. Il faut vraiment — surtout quand on sait que la deuxième lecture est sur l'ensemble des principes et les dimensions générales d'un projet — étirer quelque peu les scrupules parlementaires bien connus du député de Saint-Laurent pour insister sur des trucs comme ceux-là.

Cela étant dit, M. le Président, je n'en ai pas pour très longtemps, j'ai dit que je ne prendrais pas une heure, je vais prendre pas mal moins que l'heure à laquelle j'aurais droit, mais je voudrais terminer le peu de choses précises que j'avais à dire sur le point en question. Si j'ai été amené à être un peu agressif, on comprendra qu'il faut regarder l'histoire de SIDBEC, en particulier, et l'espèce de côté solidaire et conjoint que cela a représenté depuis une quinzaine d'années, dans le Québec. Mais, tout à coup, comme une espèce de — ce qu'on appelle en anglais —"red herring" solitaire, on jette cela sur le chemin d'une politique de l'amiante; je trouve que, franchement, le moins qu'on puisse dire c'est que ce n'est pas équitable, et je ne veux pas en dire davantage. Mais considérons le contexte où fonctionne SIDBEC, avec ses retombées et les emplois que cela crée, aussi bien en amont qu'en aval, avec les difficultés aussi et les perspectives de reprises qui, aussi bien ici qu'internationalement, viendront sûrement, à mesure qu'il y aura une reprise de l'acier. C'est, par définition, un produit qui va avec les reprises et qui baisse quand il y a des stagnations. Je pense que tout le monde le sait, cela ne prend pas un grand économiste ni une étude spéciale du Conseil économique du Canada pour nous dire cela. Alors, SIDBEC est prise dans une conjoncture...

M. Raynauld: ... un projet de loi pour demander des fonds pour SIDBEC?

M. Lévesque (Taillon): Non, je le disais en hommage au député d'Outremont, il ne faudrait pas qu'il s'en formalise.

Maintenant, dans ce cas, admettons une chose, à condition de ne pas hyperdramatiser des choses qui ne méritent pas d'être hyperdramatisées, qui sont au contraire des choses de santé qui vont dans le bon sens comme ce qui se passe en Europe, comme prise de conscience. On devrait admettre — ce qui d'ailleurs est souligné avec beaucoup d'éloquence par la lettre aux actionnaires d'Asbestos Corporation qui a été distribuée récemment — que les probabilités de rentabilité dans le cas de l'amiante, et très singulièrement dans le cas d'une société comme Asbestos, sont plutôt bonnes et, pour l'avenir, prévisibles. Alors, pourquoi combattre un projet qui, une fois analysé froidement, s'ajouterait aux autres parce que ce sont justement des projets publics rentables?

Vis-à-vis de ce domaine public, parapublic, industriel, commercial, le rôle de l'Etat, les questions que, quant à moi, je me pose sont d'une simplicité fondamentale et cela m'est déjà arrivé: Est-ce que c'est bon, collectivement, de faire cela?

Est-ce qu'en enlevant les mots idéologiques et toutes les étiquettes artificielles, le résultat est quelque chose qui est indiqué, qui peut être bon pour une région, pour un secteur de notre économie? Deuxièmement, est-ce que dans d'autres secteurs tels que nous les connaissons chez nous, il y a des reins assez solides, les ressources qu'il faut pour le faire à la place de l'Etat?

Si les réponses vont dans le sens d'une décision comme celle que représente la loi 70, je ne vois pas pourquoi on en ferait un drame idéologique. C'est le bon sens. C'est le bon sens en Ontario quand on y a créé l'Hydro-Ontario. C'est le bon sens à Terre-Neuve quand on y a nationalisé CFLCO, la Churchill Falls Corporation. C'est le bon sens en Nouvelle-Ecosse quand on y a récupéré la sidérurgie et fait une sidérurgie publique. C'est le bon sens dans le cas de la potasse en Saskatchewan, parce que dans l'intérêt de la Saskatchewan — je n'ai pas à juger — on a décidé que c'était ce qu'il fallait faire et on l'a fait, et personne d'autre ne pouvait le faire en Saskatchewan.

C'est le bon sens chez les Arabes, puis le Venezuela, puis l'Algérie qui, après s'être fait exploiter d'une façon absolument inqualifiable, ont décidé que s'ils étaient obligés de payer des prix inflationnistes qui multipliaient par trois ou par quatre le prix des tracteurs dont ils ont besoin, ils avaient le droit de demander un prix convenable aussi — mais pour cela il fallait un contrôle — pour le pétrole qu'ils produisent et qui est souvent leur seule ressource. C'est, à travers le monde, une chose normale; je ne vois pas pourquoi cela deviendrait subitement anormal au Québec.

Maintenant, cette opération normale qu'est-ce qu'elle va coûter? Je n'ai pas la réponse et personne ne l'a en ce moment. Il y a une chose que je sais, par exemple, c'est que cela ne peut pas coûter et cela ne coûtera pas des prix invraisemblables comme ceux qu'on a fait flotter ici et là.

Je sais très bien que par exemple les quelque $100 millions ou $150 millions de plus que, par une erreur de calcul qui peut arriver à tout le monde, le chef de l'Opposition a fabriqués l'autre

jour, cela n'arrivera pas. Ce sont des erreurs de calcul qui peuvent arriver à tout le monde quand... Le service de recherche peut avoir ses déficiences...

Une Voix:... assurance.

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Lavoie: Est-ce que le premier ministre me permettrait une question?

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais probablement il n'y aura pas de réponse.

M. Lavoie: Vous dites que $150 millions ou $160 millions c'est exagéré. Est-ce que vous vous rappelez les propos du ministre de l'énergie qui a reconnu en Chambre que l'action valait aux livres $60? Voulez-vous multiplier $60 par 2,8 millions d'actions.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais parler des actions. Il n'y a qu'une chose que je disais. Je n'ai pas parlé d'un prix de $100 millions, $150 millions; j'ai dit que je ne donnerais pas de prix. Simplement, l'erreur de $100 millions ou de $150 millions additionnels à n'importe quel prix hypothétique que semble avoir faite l'autre jour le chef de l'Opposition, j'admets que c'était une erreur de calcul, mais c'était malheureux, parce que cela gonglait des chiffres. L'Actualité, revue pour laquelle j'ai beaucoup de respect, qui est pleine d'information, a fait une petite facture l'autre jour qui était quand même invraisemblable, caricaturale et qui aurait pu être, il me semble, vérifiée un peu mieux avant d'être publiée. C'était un article du mois de mars où on dit: "Est-ce que le Québec achète un citron?" A propos de l'Asbestos Corporation et qui est précédé d'une facture hypothétique, une grosse facture, mais avec peut-être un petit calcul de rien. Je vous dis petit calcul sans allusions; il y a des calculs pas suffisants et qui nous mènent cela à $375 millions d'une claque, n'en parlons plus. Cela reste, cette image et cela veut dire des actions à $45. Cela a déjà été calculé par l'auteur de l'article. Nous, on est encore en train de faire des évaluations sur tous les plans avec l'autre partie concernée, mais enfin, là c'était réglé. Alors, des actions à $45. Tout le monde peut jouer sur le prix des actions.

Il y avait également $25 millions qu'il fallait prévoir pour les amiantosés, comme si en fait il n'y avait pas des lois et des règlements qui, Dieu le sait, ont encore besoin d'être, comment est-ce que je dirais, civilisés davantage mais qui existent pour ces choses-là; puis $80 millions sous deux thèmes, sous deux chefs, pour des déménagements de quartiers, des combats contre la pollution, etc., parce qu'on sait, le ministre des Richesses naturelles l'a dit, qu'il y a pas mal de choses à corriger, autour et alentour de l'Asbestos Corporation, et ce sera un devoir strictement de dignité élémentaire de le faire; enfin $135 millions encore sous deux chefs pour des nouvelles usines.

Tout cela savamment calculé donne $375 millions. Je veux bien. Seulement, quand l'évaluation finale — cela avant que le député de Laval, leader parlementaire de l'Opposition, pose la question — sera finale, qu'elle aura été terminée, qu'elle sera prête, que les négociations s'engageront, il est évident que ces contraintes et ces servitudes pourront être escomptées. Je pense que l'abc du bon sens dit que s'il y a de la vétusté à remplacer, usine comprise, il faudra l'escompter aussi dans le prix. On ne paiera pas pour les passifs dont on hérite. Cela ne se fait nulle part dans le monde. (16 heures)

II y a une chose qu'il faudra aussi calculer, et on en mentionne très peu, c'est l'ampleur et la solidité des réserves, parce que dans n'importe quelle transaction qui touche des opérations minières, les réserves sont un des facteurs essentiels. Quand tout cela aura été évalué, il y aura un prix à négocier. Il y a une chose qu'il faut dire, c'est que de toute façon, quelles que soient les fluctuations, qui sont d'ailleurs devenues assez minimes depuis quelque temps, en Bourse, la cote des actions n'a pas et n'aura, en aucune façon, de liens avec le prix qui sera négocié. Ce n'est jamais en fonction de la cote des actions. Tous ceux qui connaissent les marchés, et en particulier les compagnies impliquées, parce qu'elles connaissent cela un peu, tous ceux qui connaissent les marchés savent cela depuis longtemps. J'ai déjà participé à des opérations du même genre, d'ailleurs certains des gonflements artificiels me rappellent de joyeux souvenirs qu'on entend actuellement. Dans le temps où on évaluait facilement, il y avait un monsieur de Milwaukee qui est arrivé et qui disait que cela coûterait $800 millions. D'autres ont monté cela à un milliard, après tout pourquoi ne pas arrondir les chiffres. Quand, en 1962, cela a fini par se régler on était rendu à un milliard et demi. Finalement on a payé $604 millions au lieu de 600 millions, une terrible erreur, ce qui avait été calculé.

Je pense qu'avec le même soin, la même compétence technique, les équipes du gouvernement qui ont formé le comité qui a présidé à la mise au point de la politique de l'amiante, savent également à peu près à quel niveau se situerait le prix négocié. A moins d'être complètement tombé sur la tête, ce n'est pas une chose qu'on commence à expliquer au moment où les négociations ne sont pas encore entamées.

Tout compris, et je termine là-dessus, je peux laisser quelques fils qui pendent, et je suis sûr que ces messieurs de l'Opposition — je vois le député d'Outremont qui prend des notes assidûment — en profiteront, mais il reste que le tableau-synthèse que j'essaie de faire, je le fais de mon mieux, comme Québécois, dans l'intérêt de la population québécoise, parce qu'il s'agit là — on peut chiquer la guenille sur n'importe quel détail, surtout ceux qu'on ne connait pas — d'une des politiques économiques les plus importantes que nous aurons à

réaliser ces années-ci. Elle se trouve là, dans le projet de loi 70. C'est une des politiques économiques dont l'évidence saute aux yeux depuis des années, pour ne pas dire des générations, et qui pourtant n'a pas trouvé, depuis des années, le sens de la direction et le sens de la décision qu'il aurait fallu au niveau de l'Etat. C'est une politique qui, au moins pour une de nos grandes régions, à cheval sur Bois-Francs et Estrie, et pour toute I économie du Québec, est à la fois pleine de perspectives nouvelles, je crois, de rentabilité et de développement et d'auto-développement, c'est-à-dire, de dignité collective. C'est une politique, par conséquent, avec tous mes collègues, à commencer par le ministre des Richesses naturelles, parrain du projet de loi, dont je suis très fier qu'on arrive enfin à commencer à réaliser avec la loi 70.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, est-ce une question de...

M. Lavoie: Avant d'exercer mon droit de parole, ce que je compte faire immédiatement, est-ce que le premier ministre me permettrait une dernière question sur ses propos, où il n'a pas été tout à fait clair, ou suffisamment clair?

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Lavoie: II a dit que son gouvernement tentait actuellement d'acheter de gré à gré, dans les meilleures conditions possible, mais que si cela ne fonctionnait pas, pour une raison ou pour une autre, il y aurait d'autres moyens, est-ce que cela veut dire étatisation ou est-ce que vous n'auriez pas des difficultés dans le cas d'étatisation?

Le Vice-Président: Cela prend une permission très spéciale, M. le premier ministre parce que...

M. Lévesque (Taillon): Si j'ai le consentement, je vais répondre. Il n'y a pas de mystère là.

M. Lavoie: Si l'opinant consent...

M. Lévesque (Taillon): L'idée de base est qu'on va poursuivre et qu'on a très bon espoir de réaliser, c'est un achat de gré à gré dans des conditions équitables et qui pourraient d'ici X mois être en voie de se réaliser. Sinon, on n'attendra pas les calendes grecques, ni l'an 2000, il y a la voie de l'expropriation qui est ouverte à tous les gouvernements, tous les Parlements démocratiques et par laquelle, s'il le fallait, on procéderait. On a très bon espoir qu'on ne sera pas obligé d'aller jusque-là. Cela me permet de terminer en m'excusant auprès du député de Laval, parce que c'était un peu impromptu, mon intervention, malgré que je sois bien content d'avoir eu l'occasion de la faire.

Je dois m'excuser. Ce n'est pas parce que je ne veux pas entendre son discours, mais c'est parce que je suis "poigné ".

Le Vice-Président: M. le député de Laval, exercez-vous votre droit de parole?

M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: Oui. Je suis très heureux, M. le Président, par cet accident, de pouvoir intervenir après le premier ministre sur ce projet de loi parce que, hier soir, j'avais l'impression, lorsque le député de Frontenac a demandé l'ajournement du débat, que j'aurais à répondre ou à intervenir après le député de Frontenac.

Justement, le discours que je voudrais prononcer sur ce projet de loi se prête tout à fait à venir en réponse ou en réplique aux propos qu'a tenus le premier ministre, en mettant de côté la première partie de son discours où il a parlé plutôt du côté symbolique, nationaliste de l'exploitation ou de l'étatisation d'une mine d'amiante. Je vais laisser cela de côté. Mon approche sera plutôt économique. Elle touchera plutôt la manière, que je considère non sérieuse, que le gouvernement a empruntée pour tenter de faire l'acquisition d'une certaine mine.

Le but de ce projet de loi est de constituer la Société nationale de l'amiante. Mon opinion, mon humble avis, c'est que, pour le gouvernement du Québec, qu'il soit péquiste, libéral, Union Nationale ou autre — le moment est venu, en 1978, d'exercer un contrôle rigoureux de la croissance du secteur public, ici au Québec. Il est temps, après les expériences vécues depuis les vingt dernières années, de mettre un frein à la création d'organismes paragouvernementaux: commissions, régies, offices, conseils, comités, bureaux, instituts et sociétés d'Etat de toutes sortes. Il y en a trop au Québec. L'Etat est omniprésent et le citoyen québécois devient exacerbé dans le dédale technocratique et bureaucratique qui existe dans notre société. Il va falloir arrêter cette tendance qui a déjà placé certains pays européens, la France en particulier, dans la situation où on ne trouve plus de moteurs assez puissants pour faire bouger la carrosserie étatique.

L'Etat est rendu partout. Je pourrai vous citer tout à l'heure l'expérience française, mais je veux revenir, d'une manière particulière, au projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi no 70. Quels sont les buts de ce projet de loi? En plus devoir à la constitution et à l'organisation de la Société nationale de l'amiante, la société a pour objet la recherche. Quant à la recherche, nous n'avons pas besoin de ce projet de loi. D'ailleurs, la semaine dernière, à une question d'un député de l'Opposition, le ministre des Richesses naturelles a déposé un document disant qu'il y a actuellement un programme de recherche à l'Université de Sherbrooke qui a un budget d'au-delà $500 000 dans le domaine de l'amiante.

Pour continuer les recherches dans ce domaine, on n'a pas besoin de ce projet de loi. Déjà, ce mécanisme de la recherche est en marche à l'Université de Sherbrooke. (16 h 10)

Deuxième vocation de cette société, le développement et l'exploitation — je mets cela de côté — des gisements d'amiante. On parle de la mise en marché de la production; on n'a pas besoin d'un projet de loi 70 pour cela. Par un orga-

nisme, par un bureau du ministère, on peut tout à fait, par les moyens que nous avons, promouvoir la mise en marché de cette production.

Quant aux activités industrielles, manufacturières ou commerciales reliées à la transformation de la fibre d'amiante et l'aide à la promotion, je dirais que ce n'est pas par le moyen de l'étatisation ou de l'achat d'une mine qu'on peut mettre en marche, faciliter la transformation manufacturière ou autres de la fibre d'amiante; nous avons d'autres moyens que cela. Nous avons la SDI, la Société générale de financement. Si on veut créer des emplois, il y a d'autres canaux que celui d'exproprier une mine. Je vois parfaitement l'Etat du Québec participer à la promotion, à l'encouragement du développement manufacturier et industriel en trouvant des partenaires dans le domaine de l'entreprise libre, en leur avançant des fonds, soit une contribution indirecte par la SDI ou la Société générale de financement, une participation minoritaire de l'Etat tout en laissant le management — c'est important dans l'exploitation — à l'entreprise libre. L'Etat n'a aucune compétence dans l'exploitation d'entreprises, dans les affaires, il n'a aucune expérience, et tout ce qu'il touche devient un fiasco.

L'Etat pourrait, par des influx, des avances de capitaux à des sociétés mixtes, en participation avec l'entreprise libre, en laissant le management à l'entreprise privée, encourager la transformation de la fibre d'amiante dans le domaine industriel et manufacturier. Nous avons déjà ces outils, nous n'avons pas besoin de la loi 70. En ce qui nous concerne, on ne voit pas du tout l'Etat rentrer en concurrence avec l'entreprise libre dans l'exploitation de gisements d'amiante. Je n'irai pas dans tous les aléas et dans tous les risques de concurrence, de pollution, de danger que ce produit de l'amiante devienne — je ne suis pas un expert — refusé aux Etats-Unis ou au Québec à cause du danger qu'il représente. Je n'ai pas l'expertise pour me prononcer sur cela mais je dis que, quand l'Etat se lance en concurrence avec l'entreprise libre, on creuse des gouffres sans fond. Ce n'est pas le rôle de l'Etat de devenir homme d'affaires. Nous avons l'expérience de SIDBEC où, au début, l'investissement était de $60 millions et, aujourd'hui, nous sommes rendus à $800 millions et on ne voit pas le jour où cela deviendra rentable. Même si le premier ministre a dit que la sidérurgie a de la difficulté dans le monde entier actuellement, il y a trois ou quatre ans elle n'en avait pas.

Et avec notre SIDBEC, ici, ce qu'on voyait continuellement, c'étaient des déficits. Et il faudrait vérifier et aller au fond des choses dans d'autres entreprises où l'Etat est venu en concurrence avec l'entreprise libre, et j'aimerais connaître le fond de l'histoire, autant dans REXFOR que dans Cabano et la Société des traversiers. C'est sûr, on parle de l'Hydro-Québec, de la Régie des alcools. Je vous ai dit que l'Etat ne peut pas entrer en concurrence avec l'entreprise libre, mais l'Hydro-Québec n'est pas en concurrence avec l'entreprise libre, c'est un monopole d'Etat. Lorsqu'on parle de la Régie des alcools, il n'y a pas de concurrence, cela devient un autre monopole de l'Etat; personne d'autre n'a le droit de vendre de la boisson ou de l'électricité au Québec.

Voulez-vous un exemple? Je pense que cela devrait vous influencer. Je vois mon ami, le député de Sainte-Marie...

Je lisais par accident il y a quelques jours la Revue des parlementaires de langue française, dernière édition, octobre 1977. A la page 31, il y a un article sur le rôle des sociétés dans le développement économique par un M. P. Decheix. C'est une conférence qui a eu lieu à Abidjan. Je sais qu'il y a beaucoup de ministres du gouvernement actuel qui aiment visiter l'Afrique en mission officielle. Cela s'est passé à Abidjan où il y a eu, justement, une conférence sur le rôle des sociétés d'Etat dans le développement économique.

Je lis ici, à la page 32: "II a été reconnu que l'Etat doit intervenir pour satisfaire des besoins vitaux quand les sociétés privées ne le font pas. Mais cette action de l'Etat homme d'affaire n'a pas suscité que des éloges". Ici, je vais vous citer quelques lignes qui ont leur poids, M. le Président, à la même page, justement sur les sociétés d'Etat en France. Le bilan est lourd. "En France, les subventions aux entreprises publiques équivalent à la moitié de l'impôt sur le revenu ou aux deux tiers des impôts payés par les entreprises privées ". Avez-vous pensé à une chose? Cela devient déloyal et malhonnête lorsqu'on crée des sociétés d'Etat qui entrent dans le domaine de l'entreprise libre ou de l'économie de marché, lorsqu'en France, pour faire fonctionner ces sociétés d'Etat, les subventions annuelles à ces sociétés d'Etat équivalent à la moitié de l'impôt sur le revenu. La moitié. Ou les deux tiers de l'impôt payé par les entreprises privées.

Les entreprises privées qui sont en compétition avec les entreprises d'Etat paient de l'impôt sur le revenu, ce que les entreprises publiques ne paient pas, et les deux tiers des impôts payés par les entreprises privées servent à subventionner, à renflouer les entreprises d'Etat. C'est malhonnête et c'est déloyal.

M. Burns: La France est la cinquième puissance industrielle du monde.

M. Lavoie: M. le Président, je dis que ce n'est pas le rôle de l'Etat de devenir un homme d'affaires.

Je voudrais aborder le deuxième point de mon propos, M. le Président, sur la position inconcevable, incroyable dans laquelle le gouvernement actuel s'est placé pour faire l'acquisition de cette mine. Une situation impossible. La seule raison de cela, on le sait et vous le savez très bien, M. le Président, c'est que l'amiante au Québec, à la suite de plusieurs campagnes électorales, est devenu un sujet de symbole, d'émotivité, de nationalisme, de sentimentalité. Vous n'avez rien inventé. Celui qui vous parle a passé par les mêmes expériences. Je me rappelle, quand j'étais candidat défait lorsque M. Duplessis était au pouvoir en 1956, que nous, députés un peu contestataires de l'époque, avons chiâlé, avons fait tous nos discours,

sur toutes les tribunes politiques, sur le fer de l'Ungava qui était devenu un peu, justement, comme l'amiante aujourd'hui, un symbole, un sujet de nationalisme et de sentimentalité. On disait: Toutes nos richesses naturelles s'en vont aux Etats-Unis. Et tous nos discours étaient comme cela. C'était comme les vôtres aujourd'hui avec l'amiante. Ne vous en faites pas.

Qu'est-ce qui est arrivé? Il faut reconnaître, à certains moments, nos erreurs. En 1960, le gouvernement Lesage est élu et il prend légèrement son temps. Il y a des études sérieuses qui se font; et cela a pris six ou huit ans avant que SIDBEC soit formée et qu'on tente de créer ici une sidérurgie intégrée pour développer notre minerai de fer. Ce n'est pas parce qu'on a fait ces erreurs dans le temps... Je me demande si SIDBEC était à refaire, s'il y en a plusieurs dans cette Chambre qui seraient consentants, connaissant les investissements qu'on a mis dans cela pour créer environ 3000 ou 4000 emplois. On est rendu à $800 millions. Je pense qu'autant les gens de l'Union Nationale qui votaient la loi de SIDBEC en 1968, autant les libéraux étaient unanimes, justement, à ce moment, pour l'adoption de cette loi, on y penserait deux fois. (16 h 20)

Mais nous avons une situation identique actuellement. J'arrive à la position où le gouvernement s'est placé au mois d'octobre 1977, le 21 octobre.

Sans aucune étude sérieuse, alors que les actions d'Asbestos se cotaient aux alentours de $21 ou $22, il décide et annonce, sans aucune étude sérieuse — tout à l'heure je ferai un parallèle avec l'expérience de 1962, lorsque l'Hydro-Québec a été nationalisée — d'acheter coûte que coûte à n'importe quel prix. Je dis que le gouvernement aurait dû faire son lit autrement. S'il était décidé à acheter coûte que coûte, s'il voulait en prendre la responsabilité au mois d'octobre 1977, après des études qu'il aurait dû faire, il aurait dû, comme en 1962, faire une offre sérieuse aux actionnaires d'Asbestos; même si l'action était cotée à $21 ou $22, le gouvernement aurait pu faire une offre, soit de $35, soit de $40 ou soit de $45 l'action, si ces études qu'il aurait dû faire avaient prouvé cela.

Dès le lendemain, il aurait dû annoncer, en prenant la responsabilité de son geste, arrêter le marché boursier, pour empêcher justement le jeu de la Bourse qui s'est produit depuis ce temps et dire: Nous offrons dans l'hypothèse de $45 et si ce n'est pas accepté, nous étatisons. Cela n'aurait pas permis justement cette nervosité du marché que nous connaissons depuis le mois d'octobre. Mais par contre, ce n'est pas cela que le gouvernement a fait. Et aujourd'hui, ce stock boursier qui cotait à $22 ou $23 est monté à $38 au moment où je vous parle. Il y a deux ou trois jours, il était à $39, ce qui a fait quand même, appelez cela un coup de Bourse ou des spéculations ou une plus-value, aux actionnaires d'Asbestos une somme de l'ordre de $50 millions.

Le gouvernement, à cause de son geste irréfléchi, non sérieux, n'a pas le droit, soit de faire gagner ou faire perdre de l'argent. Parce que dans cet énervement, depuis le mois d'octobre, il y a des citoyens du Québec ou d'ailleurs qui ont fait de l'argent en spéculant et il y en a d'autres qui en ont perdu. Si le gouvernement vient à décider d'acheter, prenons un exemple, à $50, $55 ou $60 chiffres avancés par le ministre de l'énergie, il y a à peine quelques jours, mais ceux qui l'ont vendu à $35 ou à $38 ou à $32, il y a deux ou trois mois, ne seront pas bien fiers du comportement du gouvernement.

Ce qui m'a surpris le plus, il y a quelques jours, c'est lorsque le ministre de l'énergie est revenu à la charge, pour participer une deuxième fois à cet événement, à cette excitation du marché boursier.

Combien me reste-il de temps, M. le Président?

Le Président suppléant (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Laval, vous avez commencé à 16 h 5.

M. Lavoie: Je disais donc que le ministre de l'énergie a participé à cela, dans ses propos, à la page 266 et à la page 267, lorsqu'il a reconnu lui-même que la valeur aux livres des actions d'Asbestos était de $60. C'est la déclaration qu'il a faite à la Chambre. Comment le gouvernement s'est-il placé?

Cela me fait penser, lors d'une expropriation, lorsqu'un exproprié dit: Je demande $100 000. Le gouvernement offre $60 000, mais que l'évaluateur du gouvernement dit: Ecoutez, à mon avis — il le fait publiquement dans un rapport — cela vaut $120 000. Dans quel état sera le gouvernement lorsqu'il ira devant un tribunal d'arbitrage, lorsqu'un ministre de la couronne reconnaît à cette Assemblée que l'action vaut $60 alors que les chiffres que nous avons, c'est qu'aux livres la valeur de l'action d'Asbestos est de $48?

Je ne sais pas si j'aurai l'occasion, à un autre moment, d'y revenir, de faire un parallèle. Je ne sais pas si mes collègues d'en face me donneraient le consentement pour faire un court parallèle en vue d'éclairer cette Chambre sur la manière dont le gouvernement avait procédé en 1962, lors de la nationalisation de l'électricité. Si vous me donniez quelques minutes, je pourrais... Est-ce que j'ai le consentement, M. le Président?

M. Duhaime: II y a consentement, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, il restait encore quelques minutes au député de Laval.

M. Lavoie: En 1962, le gouvernement auquel faisait partie d'ailleurs le premier ministre actuel, avait fait une étude sérieuse sur les valeurs de la compagnie Shawinigan, de la compagnie Quebec Power et de la compagnie d'électricité Gatineau.

Parmi toutes les études qu'il a rassemblées a ce moment, il y avait dès le 15 mai 1962, plus de six mois avant la décision définitive du gouvernement de se porter acquéreur des actions de sept socié-

tés privées, un rapport de M. Jacques Parizeau, le ministre des Finances actuel. M. Parizeau, dans son rapport, suggérait au gouvernement de payer $27 pour l'action de Shawinigan Water & Power, soit $3 ou 12% de plus que la moyenne des cours maxima et minima cotés en Bourse entre le 1er janvier et le 27 avril 1962. M. Parizeau recommandait $35 pour l'action de Gatineau Power, soit 11% de plus que le cours du marché. M. Parizeau recommandait $36 pour Québec Power, ce qui représentait 12% de plus que le cours du marché.

Le 19 novembre 1962, six mois après avoir eu les études en main, le gouvernement annonce son intention de nationaliser onze compagnies privées dont les trois ci-dessus. A ce moment, les actions cotaient à $25 pour la première, $31 pour la deuxième et $30 pour la troisième. Le 28 décembre 1962, après la fermeture de la Bourse, le gouvernement décide de faire des offres fermes et définitives aux actionnaires des sept compagnies et il offre aux porteurs d'actions ordinaires $30 pour l'action de la Shawinigan, $37 pour l'action de Quebec Power et $35 pour l'action de la Gatineau. A la clôture de la Bourse, à ce moment-là, c'était $25 1/8 pour la première, $31 3/8 pour la deuxième et $27 1/2 pour la troisième. On sait que, par la suite, le gouvernement est devenu acquéreur, les propriétaires et les détenteurs d'actions ayant accepté l'offre du gouvernement.

Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que le prix de l'action de la Shawinigan a été payé 17% plus cher que le cours de cette action au jour de l'annonce de la décision de principe de nationaliser l'électricité. Dans le cas présent, si le gouvernement est forcé, de gré à gré ou par nationalisation, d'acheter, par hypothèse, à $50, cela fera une différence de 123% avec le moment de l'annonce de la politique de l'amiante du gouvernement.

Je dis donc, en terminant, M. le Président... J'aurais beaucoup plus de choses à dire. J'aurais aimé, et je crois que cela aurait été utile pour la Chambre, connaître la manière dont le gouvernement de 1962 avait procédé, alors que M. Parizeau était conseiller au gouvernement et alors que le premier ministre actuel était ministre des Richesses naturelles. L'achat s'est fait pour $600 millions, avec un décalage d'à peine 10%, 15% ou 17% entre les valeurs des compagnies expropriées sur le marché boursier et le prix payé, alors qu'aujourd'hui on risque un décalage d'au-delà de 100% avec la cote du marché lorsque la politique de l'amiante du gouvernement a été annoncée.

J'ai l'impression que le gouvernement s'est placé dans une position impossible et que, même si sa loi est adoptée contre la volonté de l'Opposition, contre la volonté même de la population du Québec, j'ai des forts doutes que le gouvernement actuel puisse aller jusqu'au bout de son opération. De toute façon, s'il va jusqu'au bout de son opération, soit la négociation qui prendra encore quelques mois, la mise en place de cette société et tout, j'ai l'impression qu'il n'y aura pas création d'emplois concrets, avant de très nombreux mois. Je serais tout à fait surpris que le gouvernement se soit placé dans une position pour compléter cette transaction d'une manière convenable et raisonnable.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Il me fait également plaisir, cet après-midi, de prendre la parole sur ce projet de loi no 70. Je ne m'attendais pas à parler après le premier ministre du Québec et je ne prétends pas pouvoir lui répondre convenablement, mais j'apporterai mon humble contribution à ce débat, M. le Président. (16 h 30)

Dans un élan qu'on prétend nationaliste, les quelques députés du Parti québécois qui se lèvent pour prendre la parole sur le projet de loi 70 nous font souvent miroiter un avenir brillant pour l'industrie de l'amiante au Québec. Le député de Terrebonne, qui a pris la parole avant moi, s'est déjà pris pour un Arabe québécois de l'amiante. Le premier ministre y a fait allusion également tout à l'heure, mais j'ai bien peur que le député de Terrebonne et les autres députés du Parti québécois s'aperçoivent bien vite qu'ils sont victimes d'un mirage, car il appert, des articles de journaux et différentes recherches qui ont été effectuées dans le domaine, que le Québec est en train d'acheter une minoune. C'est le secrétaire du comté de M. le député de Frontenac qui a dit, et on le rapporte dans la revue L'actualité: Le Québec achète une minoune. C'est une citation de M. François Samson, secrétaire de M. Gilles Grégoire, député de Frontenac, qui parle des installations d'Asbestos Corporation.

M. Grégoire: J'ai rectifié cela l'autre jour. Ce n'était pas mon secrétaire, mais un étudiant qui est venu travailler pendant l'été à mon bureau dans le cadre des emplois d'étudiants.

M. Fontaine: Je m'excuse, M. le député, je n'avais pas compris votre rectification, mais de toute façon je partage...

M. Grégoire: Vous agissez comme...

M. Fontaine: ... cette opinion de M. François Samson, parce que le gouvernement du Québec est en train d'acheter ce qu'on a dit dans l'article, un citron. Depuis que le gouvernement du Québec a annoncé son intention d'acheter cette industrie de gré à gré, il m'apparaît assez évident que l'industrie en question a cessé ou a dû cesser de faire toute réparation ou tout entretien que ce soit à ses installations, car elle sait fort bien que d'une façon ou d'une autre elle sera achetée à peu près au même prix. Je pense que c'est la même situation qui se répète et cela avait été la même chose dans le cas de l'Hydro-Québec, lorsque le gouvernement avait annoncé son intention de nationaliser les compagnies d'électricité. Les compagnies qui

savent qu'elles vont être achetées par le gouvernement cessent de faire des réparations et de l'entretien à leurs usines. Dans le cas qui nous occupe, même cette compagnie avait pratiquement cessé de le faire avant que le gouvernement l'annonce. Les partenaires d'Asbestos Corporation, au sein de l'Association des mines d'amiante du Québec, sont en brouille avec elle à cause de sa négligence à moderniser ses installations de Thet-ford. On voit bien que le gouvernement du Québec est en train de se faire passer un sapin, est peut-être en train aussi d'en passer un aux Québécois.

Dans le même document, M. le Président, on nous rapporte un sondage qui a été fait par CROP. Ce sondage a été fait auprès de 1500 personnes qui ont répondu aux questions qui leur étaient posées par téléphone et dans ce sondage il y avait 500 personnes qui venaient de la région de Thet-ford et d'Asbestos ou des environs.

Or, si on fait l'analyse de ce sondage rapidement, dans la première question on disait: Laisser l'amiante à l'initiative des compagnies? Dans tout le Québec 9,5% étaient en faveur de cette solution et, dans la région de l'amiante, 21,2%. Une autre question: Subventionner les compagnies? Au Québec, 49,3% étaient en faveur de cette solution et, dans la région de l'amiante, 42,6%.

Si on fait l'addition des deux questions, laisser cela à l'initiative des compagnies et subventionner les compagnies, on s'aperçoit que 58,8% des gens au Québec sont en faveur de l'une ou l'autre de ces deux solutions ou des deux en même temps et, dans la région de l'amiante, cela grimpe à 63,8%. Les autres questions posées étaient: Nationaliser quelques compagnies? 9,5%, au Québec, étaient en faveur de cette solution et 8,8%, dans la région de l'amiante. Nationaliser toutes les compagnies? 18% au Québec, 14,7% dans la région de l'amiante.

Autres solutions: 2,3% au Québec et, dans la région de l'amiante, 3,1%. Qui refusent de répondre: 11,4% au Québec et 9,5% dans la région de l'amiante. Si on fait l'addition, M. le Président, de toutes les autres questions, ainsi que de ceux qui préconisent d'autres solutions ou ceux qui refusent de répondre, on s'aperçoit qu'au Québec 41,2% seraient pour la nationalisation ou de nationaliser quelques compagnies, et dans la région de l'amiante, 36,1%.

M. le Président, on s'aperçoit donc que dans la région de l'amiante il y a 63,8% de gens qui sont pour laisser les compagnies comme elles sont actuellement ou les subventionner, alors que pour la nationalisation il n'y en a que 36,1%, et j'inclus là-dedans "autres solutions" et ceux qui ont refusé de répondre. Je suis généreux. On s'aperçoit donc qu'il y a 10% de différence dans les deux cas. Au Québec entier il y a 58,8% qui sont pour laisser l'initiative aux compagnies et 41,2% qui sont pour la nationalisation, donc environ 8% de différence en faveur de la libre entreprise.

M. le Président, pour un gouvernement qui se veut à l'écoute de la population, un gouvernement qui veut être un gouvernement de la base, je vous dis que c'est le temps d'écouter la base sur cette question parce que les gens qui ont répondu à ce sondage ont dit au gouvernement quelle voie suivre. J'espère que le gouvernement, le premier ministre en tête, a pu prendre connaissance de ce sondage qui fait que la population du Québec n'est pas du tout pour cette loi 70, principalement dans la région concernée où on voit que 63,8% de la population est contre toute forme de nationalisation.

Dans le même article, M. le Président, il est également intéressant de noter, en réponse à ce que le premier ministre nous disait tout à l'heure quant au fait que l'amiante est toujours populaire en Europe, ce qu'on nous dit à la page 29 de cette revue L'Actualité: Est-il encore temps? Les grands consommateurs d'amiante sont l'URSS, les Etats-Unis, l'Europe et le Japon. En URSS on se suffit amplement. On exporte même de plus en plus vers l'Europe à moindre coût que nous, évidemment. Les Soviétiques nous concurrencent aujourd'hui grâce à la technologie que la Johns-Manville leur a vendue à la suite de ses opérations québécoises.

Le gros marché de l'amiante est le marché occidental, mais voilà, la psychose de l'amiante cancérigène se répand. General Electric fait paraître des annonces pour ses grille-pain: "toaster asbestos free". Le Parlement européen — et ce n'est pas n'importe qui — réuni à Strasbourg en décembre dernier a décidé de bannir l'amiante qui tue et de lui trouver d'ici dix ans des substituts. Des groupes de consommateurs français ont lancé, dans le numéro d'octobre 1976 de la revue Que choisir, une campagne de boycottage contre les viniculteurs qui se servent de filtres d'amiante.

M. le Président, on s'aperçoit qu'il y a toutes sortes de groupes de pression qui font des campagnes publicitaires contre l'amiante en Europe. Il faut véritablement, avant de se lancer dans cette aventure de l'amiante, se poser la question: Est-il encore temps? Est-on en train d'embarquer les Québécois dans un bateau qui va sombrer sous peu? Il faut se poser la question avant de pouvoir réaliser ce projet.

D'autre part, dans le même article, on nous dit que les trois produits sur lesquels le Québec peut fonder sa transformation sont des garnitures de freins, les plaques d'amiante-ciment et les endos de linoléum. Or, M. le Président, pour ce qui est des garnitures de freins, on nous annonce aujourd'hui dans le journal Le Devoir que le plus gros fabricant de freins condamne l'amiante. C'est donc dire que le Québec, une fois qu'il aura fait l'acquisition de l'Asbestos Corporation et qu'il voudra transformer au Québec les produits de l'amiante devra se tourner seulement vers deux produits seulement, soit les plaques d'amiante-ciment et les endos de linoléum. (16 h 40)

Le Québec, avant même de faire l'acquisition de cette corporation, s'aperçoit que le plus gros fabricant de freins condamne l'amiante. On nous explique dans l'article que les automobiles des années quatre-vingt seront équipées avec une nouvelle garniture de freins au carbone plutôt qu'à

l'amiante. Le substitut est déjà prêt. Il est couramment utilisé sur les Boeing 747. Ces avantages sont de trois ordres. Les garnitures au carbone sont plus résistantes à la chaleur. Elles requièrent moins d'entretien. Elles réduisent de 50% le poids des freins. Pour un Boeing 747, la garniture au carbone signifie une économie de 1300 livres, soit le poids de cinq ou six passagers avec leurs bagages. Autant dire qu'il n'y aura plus d'amiante dans les freins des avions. Il n'y en aura probablement plus, dans les années quatre-vingt, dans les freins d'automobile.

On s'aperçoit que le gouvernement du Québec nous annonce qu'il veut nous embarquer dans une aventure qui n'est pas réalisable dans un monde économiquement rentable. Ce que nous reprochons au Parti québécois et au gouvernement, c'est de toujours vouloir agir avant de penser. Il ne s'agit pas, pour un gouvernement, d'agir à tout prix, mais d'agir comme des administrateurs compétents. On décide d'agir sans regarder plus loin que le bout de son nez. C'est ce que la population du Québec reproche actuellement au gouvernement.

On en a eu l'exemple dans l'assurance automobile alors que le gouvernement a agi sur un coup de tête, sans tenir compte des opinions des gens concernés qui lui démontraient que son projet n'était pas réaliste. On voit aujourd'hui et on verra encore mieux dans les mois et les années à venir dans quel bateau le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières et le gouvernement ont embarqué les Québécois.

En assurance automobile, on a présenté aux Québécois un projet de loi sans en connaître les coûts. C'est le même sapin qu'on tente de passer à la population du Québec avec ce projet de loi farfelu qu'est la nationalisation d'une partie de l'industrie de l'amiante.

M. le Président, manque de planification, improvisation, incompétence sont les épithètes les plus souvent employées par la population du Québec pour qualifier le gouvernement actuel. C'est un chèque en blanc que les gens d'en face nous demandent de leur donner aujourd'hui. On ne connaît pas les coûts de cette nouvelle aventure. S'il y en a de l'autre côté qui connaissent ces coûts, je les invite à se lever immédiatement pour nous les faire connaître. On sera très intéressé de connaître les coûts de l'achat d'Asbestos Corporation.

On aura à faire face à la construction d'une nouvelle usine à cause de la désuétude de celle qui existe. Quels seront les coûts de cette nouvelle construction? Est-ce qu'on a fait des études et des recherches là-dessus? Si on se fie aux estimations qui nous avaient été données pour la rénovation de cette belle Assemblée, alors qu'on nous disait que cela devait coûter $600 000 et on en est arrivé avec un coût de $800 000, il faut faire attention. Il faut se poser des questions.

Quant aux sociétés d'Etat que les gouvernements ont créées, elles ne nous donnent pas tellement d'exemples quant à leur rentabilité. On a parlé tout à l'heure de SIDBEC. Je ne voudrais pas reprendre tout ce que l'on a dit, mais je voudrais tout simplement vous rapporter un passage du rapport qui nous était fourni par l'Office de planification et de développement du Québec, les sociétés d'Etats et les objectifs économiques du Québec. C'est un rapport qui nous a été présenté la semaine dernière à l'Assemblée nationale, si je ne me trompe. Il a été rédigé en mars 1977. A la page 88 on nous dit: ... M. le Président, le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières a qualifié, hier, les gens de cette vénérable Assemblée comme étant des bandes d'étudiants en récréation, je pense que du côté du gouvernement il y a peut-être une bande de professeurs en récréation.

M. Duhaime: A l'ordre, soyez sérieux!

M. Fontaine: Je cite, M. le Président. "Au niveau de la rentabilité, la situation est moins reluisante. SIDBEC a enregistré des pertes cumulatives de $51 millions entre 1969 et 1976 et le président s'attend que l'entreprise perde encore $34.5 millions avant de franchir le seuil de rentabilité ". Et on continue: "Etant donné la surproduction de I acier et l'affaissement des prix dans la conjoncture mondiale actuelle, étant donné aussi que SIDBEC ne fonctionne, en ce moment, qu'à une partie de sa capacité, il semble probable que la rentabilité se fera d'autant plus attendre".

Le Président suppléant (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît, si vous voulez poser...

M. Brassard: Pourriez-vous aussi lire la fin de la page 89 et la page 90 en haut? C'est très intéressant.

M. Fontaine: Le député qui vient de prendre la parole aura sûrement l'occasion de lire son petit bout. Alors, quand il voudra se lever pour parler, il pourra le lire.

Le Président suppléant (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brassard: Comme on en est à ce rapport, analysons-le comme il faut!

M. Fontaine: M. le Président, j'affirme que, de plus, dans le domaine de l'amiante, la société d'Etat aura à faire face à la concurrence privée. On verra bien, à ce moment-là, qui, de l'industrie privée ou de la société publique, est la plus rentable.

Le gouvernement du Parti québécois veut nous embarquer dans un bateau. Il ne créera presque pas d'emplois supplémentaires et il ne réussira sûrement pas à récupérer les quelques milliers d'emplois que le parti ministériel a fait perdre depuis un an et demi.

Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, il me fait plaisir de participer modestement à ce débat. J'avais mentionné, lors de la motion de report proposée par un député de l'Union Nationale, qu'il serait important, quand même, de signaler, lors de la discussion en deuxième lecture sur le projet de loi 70, l'importance pour nous, les Québécois, d'agir dans ce secteur. II avait quand même été mentionné par plusieurs, contrairement à des prétentions de l'Opposition, que c'est probablement un des dossiers les plus prêts actuellement, au Québec, pour une intervention sur le plan énergétique. Non seulement les études ont démontré que l'amiante actuellement, au Québec, est une richesse très importante, primordiale, mais on pourrait citer une multitude de chiffres; j'aurais l'occasion de le faire tantôt.

Je pense qu'on a des indications de marché pour être en mesure d'y aller à fond de train et le plus rapidement possible parce que le dossier est prêt et qu'il est devenu nécessaire que les Québécois aient une présence plus active et plus dynamique dans ce secteur. Essentiellement, on a dit énormément de choses. Entre autres, on a mentionné à plusieurs reprises que les richesses naturelles appartiennent aux Québécois, dont qu'il serait normal que ces gens aient plus de présence dans le secteur. On a dit même à quelques reprises que notre objectif était fort louable. J'ai entendu cela par des membres de l'Opposition, sauf qu'on nous dit: Ce n'est pas au niveau de l'objectif qu'il y a des problèmes. Là où cela ne va pas, là où vous n'êtes pas corrects, c'est au niveau du moyen que vous avez choisi pour atteindre ces objectifs.

Je pense, quand même, qu'il serait important de faire un léger retour sur les objectifs visés par la création de la Société nationale de l'amiante. J'ai l'impression que certains les ont oubliés. Or, un court rappel au niveau des objectifs tels qu'indiqués dans le projet de loi 70. On dit, premièrement, qu'on voudrait transformer au Québec toute la fibre qui peut être traitée de façon rentable. Alors, plusieurs moyens sont suggérés pour y arriver; on en discutera tantôt. On a dit également — c'est un deuxième objectif — qu'il y aurait lieu de canaliser le savoir-faire et l'expertise de l'industrie existante au plus grand profit de la collectivité québécoise en bâtissant l'avenir sur ce qui existe. On a également parlé d'assurer une présence québécoise immédiate dans tous les stades industriels du secteur de l'amiante et non pas au niveau uniquement de l'extraction et, là, on a énoncé la politique. On pourra y revenir tantôt.

Je dis que, pour parler convenablement du projet d'amiante, il faut peut-être regarder des choses. Il est clair qu'actuellement plusieurs études nous parlent des dangers que l'amiante constitue, par exemple l'étude du marché européen, mais d'autres études nous disent que, par une recherche accrue, par une diversité des marchés, certains types d'utilisation de l'amiante ne représentent absolument aucun inconvénient. Il serait peut-être bon de regarder les propriétés par- ticulières que l'amiante possède. On dit: II possède quand même des priorités très importantes.

De plus, la mise en place d'une recherche dynamique peut redonner toute sa vitalité à l'amiante. (16 h 50)

Aussi, l'amiante possède encore des avantages comparatifs sur des substituts qu'on n'a même pas encore découverts et que, bien sûr, la technologie permettra peut-être dans l'avenir d'apporter comme substituts à l'amiante existant actuellement. Tout le monde connaît ses propriétés particulières au niveau, par exemple, de sa résistance à la haute température. Sa résistance à la tension. Sa résistance aux attaques chimiques et biologiques. Ces quelques caractéristiques ne font pas de l'amiante un produit irremplaçable, bien sûr, mais il est certain que l'amiante ajoute une dimension qualitative importante au produit dans lequel il est incorporé, qu'on ne peut absolument pas négliger.

C'est dans ce sens que la recherche doit s'accentuer. La recherche servira la politique québécoise de transformation sous deux angles. Elle contribuera à diminuer l'émission de fibre d'amiante et à trouver de nouveaux produits. Quant aux émissions de fibre, les efforts mis à les réduire le plus possible au niveau de l'amiante et à les évaluer au niveau des substituts revaloriseront doublement l'amiante en ce sens qu'ils permettront à l'amiante de répondre aux normes et d'avoir une meilleure image que ces substituts proposés. Et on pourrait donner d'autres constatations sur les éventuelles conclusions de recherche.

M. le Président, essentiellement, si je veux manifester mon entier accord pour ce projet de loi, c'est pour les raisons suivantes: Dernièrement, en Ontario et dans quelques autres endroits, il y a eu plusieurs faillites d'usines dans ce secteur. Entre autres, la United Asbestos, par exemple, qui a dû fermer ses portes suite à de mauvaises évaluations qui ont été faites du potentiel de son gisement. Et il est important également aussi de souligner les énormes difficultés de traitement et les centaines de qualités de fibre. Tout cela veut dire que, lorsque tu décides de t'embarquer dans l'exploitation ou l'extraction d'un gisement, il faut que tu aies le personnel technique; il faut que tu aies la compétence technique pour t'assurer que tu ne verses dans de la dépense de fonds publics inutiles qui n'auront que des résultats négatifs.

Donc, cela veut dire en conclusion qu'il faut, quand on développe de nouveaux gisements, utiliser des méthodes sûres, des méthodes certaines et une technologie à point. C'est d'autant plus vrai que c'est réclamé actuellement par certaines compagnies, qu'il y ait une recherche assez poussée, qu'il y ait des spécialistes qui puissent éventuellement être des consultants pour le gouvernement pour s assurer que dorénavant on minimise le plus possible les effets de la découverte de nouveaux gisements. On a dit que le gouvernement du Québec achète un citron, le gouvernement du Québec achète une minoune; sans

conclure, ce ne sont pas mes prétentions, mais il se peut que sous certains angles cela soit tout à fait exact. Je pense qu'il y a d'autres façons de regarder cela. On achète peut-être une usine où les conditions de santé des travailleurs sont dans un état absolument lamentable; cela a été reconnu par l'ensemble des membres du parti ministériel, on est conscient de cela. C'est peut-être une des raisons, si on se place sous un autre angle, pour lesquelles il est urgent de récupérer cela pour au moins placer ces travailleurs dans des conditions plus convenables.

Mais il y a d'autres façons de regarder ce qu'on achète. Ce qu'on achète, je pense, c'est une mine qui, actuellement, a fait ses preuves au niveau, par exemple, de la qualité de l'amiante; qui a fait ses preuves au niveau des limites presque illimitées d'éventuellement épuiser le gisement; qui a fait ses preuves dans la découverte des marchés mondiaux, internationaux, parce qu'au niveau de l'amiante Thetford Mines a énormément d'expertise sur une largeur de marché très très vaste. Je pense que ce sont des choses qu'on achète, en achetant Asbestos et en créant la Société nationale de l'amiante.

J'avais mentionné, à un moment donné, que dans ma région il existe deux gisements fort importants. Il y a un gisement qui s'appelle Abitibi-Amiante qui a été découvert en 1969, au tout début, mais plus particulièrement concrétisé à partir de 1972. C'est tellement sérieux qu'à la période de questions de cet après-midi le député de Saint-Laurent, M. Forget, a posé quelques questions au ministre des Richesses naturelles à ce sujet en mentionnant que cela semblait être un gisement très intéressant qui créerait éventuellement des emplois pour environ 650 travailleurs. Je pense que c'est une donnée importante et capitale.

Maintenant, qu'est-ce qui ne marche pas, qu'est-ce qui bloque? Il faut quand même mentionner cela aussi dans les questions du député de Saint-Laurent. Il disait: Comment se fait-il que cela ne va pas plus avant ce dossier? Une des raisons, c'est que l'investisseur principal ou la compagnie principale qui détient les parts importantes du gisement actuellement, la compagnie Brinco, a déjà déclaré dans des discussions avec qui de droit au gouvernement qu'actuellement elle prétend qu'elle a fait sa part. Elle a mis environ $10 millions dans la recherche. Il y aurait lieu d'avoir un partenaire investisseur qui pourrait lui conférer cette compétence technique pour pousser plus à fond les évaluations de marché, à savoir: Est-ce qu'on y va ou on n'y va pas?

En créant la Société nationale de l'amiante, en nationalisant pas à outrance dans l'ensemble du Québec, mais en ayant un secteur témoin actif et dynamique, je pense que nous pourrions être cette compétence technique et éventuellement être en mesure de regarder conjointement avec Brinco quelles seraient les possibilités concrètes de donner une réalisation du gis». Tient, au niveau de la Société Abitibi-Amiante. Parce que quand on dit que cette entreprise — et cela est le partenaire principal actuellement — prévoit employer 650 personnes une fois la mine en production, on dit que ce sera le plus important employeur minier de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, si on excepte Noranda. Les salaires seront probablement équivalents à ceux payés dans l'industrie de l'amiante. Sur cette base, on peut prévoir que la masse salariale payée par Abitibi-Amiante dépassera le seuil des $10 millions annuellement. Ceci n'inclut pas la participation de l'entreprise au programme de bénéfices sociaux obligatoires. On ne peut pas rater cela. On ne pourra pas se permettre pendant des années ce qu'on nous a dit dans la motion de report: Etudiez davantage, regardez cela et attendez un peu. Cela ne presse pas, il y a quand même énormément d'autres priorités. On est conscient que la situation de l'emploi est difficile. Justement, dans notre cas, concrètement, si on mettait en chantier la réalisation du gisement, je pense que cela aurait un effet concret pour l'immédiat sur la réduction du chômage.

Quand on a vérifié potentiellement la qualité du gisement et qu'une série d'études en témoignent — je vais vous citer tantôt quelques chiffres sur les projections de marché iusauaux années quatre-vingt-cinq — il me semble qu'on a ce qu'il nous faut pour prendre acte et, le plus rapidement possible, permettre que cette compagnie se développe.

Si on regarde juste un peu, si vous me permettez, les retombées économiques pour un éventuel investissement comme cela dans la région, on dit: Le Québec retirera un total d'environ $150 millions en droits miniers et en impôts corporatifs. Je parle seulement du gisement chez nous, l'Abitibi-Amiante. Je pourrais vous parler d'un autre qui est tout près, la McAdam au nord de Chibougamau. On vous donnera les chiffres tantôt sur les réserves, sur la prospection, sur la longévité, vous allez être intéressés. Je pense que cela aurait un impact important. Le transport de l'amiante de la mine jusqu'à la ligne de chemin de fer d'Amos devrait rapporter un total de $20 millions à $30 millions aux camionneurs. Là, on est rendu à $150 millions d'impôt, de droits miniers, $20 millions à $30 millions aux camionneurs, plus les coûts directs de salaires dont on n'en a pas parlé tantôt. Le volume des achats de locaux de l'entreprise pour le secteur Amos-Val-d'Or n'a pas été quantifié, mais serait sûrement un apport considérable.

Considérant que les mines de la région de Val-d'Or, de Malartic et de Joutel emploient présentement environ 1500 personnes, ce projet augmentera l'emploi minier de plus de 40%. Considérant que le chômage chez nous est quand même passablement élevé, je pense que c'est un projet qu'on ne peut pas minimiser et qu'il y aurait lieu de le réaliser concrètement.

J'ajoute juste quelques phrases. Toujours sur ce même projet, on mentionne: Nous estimons le projet suffisamment attrayant pour qu'un investisseur sérieux s'y intéresse. Ce n'est pas François Gendron qui dit cela, ce n'est pas le député d'Abitibi-Ouest qui mentionne cela. C'est l'investisseur principal qui a déjà déboursé $10 millions

dans le projet qui dit: Nous estimons que le projet présente suffisamment d'attrait pour qu'un investisseur sérieux s'y intéresse.

Là j'aimerais faire une référence au député de Lotbinière, le chef de l'Union Nationale, qui mentionnait dans son discours qu'il trouvait dommage qu'on veuille créer la Société nationale de l'amiante parce qu'en fait on veut essayer de remplacer le dynamisme du secteur privé. Imaginez qu'on veut se substituer au dynamisme du secteur privé! Le député de Fabre n'avait pas tout à fait la même opinion hier quand il nous parlait, pour les dernières années, de l'espèce de mollesse, de l'absence de dynamisme du secteur privé. Je dis: On en a besoin du secteur privé. Il n'est pas question du tout de vouloir retirer du secteur économique québécois le secteur privé, sauf que dans certains secteurs, quand un secteur privé depuis des années vient nous voir et dit:

Ecoutez, je ne vais pas plus loin. C'est la situation qui se passe actuellement dans le gisement Abitibi-Amiante, on va se croiser les bras et on va continuer à dire: Ecoutez, "gang" de nationalistes, continuez de faire confiance au secteur privé; on va même nous accuser de vouloir remplacer le dynamisme du secteur public, alors que c'est eux-mêmes qui font appel à nous et qui nous disent: Donnez-nous un coup de pouce, on a fait notre part et on voudrait que vous fassiez la vôtre. C'est ce qu'on nous demande dans le gisement. (17 heures)

Alors, ce projet offre en plus une méthode peu coûteuse, pour le Québec, d'être présent dans l'industrie de l'amiante. Ce n'est pas moi qui dis cela, je me reporte à une analyse qui a été faite par les personnes concernées; l'équité requise étant de l'ordre... Ce sont des chiffres, ce n'est peut-être pas le moment de parler directement des chiffres, mais on conclut en disant que ce serait un projet où tous les spécialistes de l'amiante prévoient un marché favorisant les producteurs pour les cinq prochaines années et probablement jusqu'en 1985. Même les estimations les plus conservatrices ne prévoient pas que l'offre dépasse la demande. En termes bien simples, on prévoit que, jusqu'en 1985, pour le genre de fibre et pour le genre de produit que l'on pourrait réaliser avec ce qu'il y a dans le gisement d'amiante, on ne prévoit pas que l'offre dépasse la demande.

Il ressort de cela qu'une compagnie entrant en production vers 1981 pourra, très probablement, disposer de quatre à cinq années prospères, parce que l'évaluation de longévité du gisement est portée de 14 à 20 ans pour ce qui est de l'Abi-tibi Asbestos, avec des réserves de 120 millions de tonnes, avec une teneur de 3% de fibre transférable — les groupes de fibre sont de 4t à 7, je ne suis pas un spécialiste — mais il semble que l'avantage de cette fibre, qui n'est peut-être pas la plus intéressante, c'est qu'elle permet de diversifier le marché plutôt qu'être uniquement dans un secteur de ce qu'on appelle la longue fibre, qui permet de faire des choses beaucoup plus restreintes que les autres fibres.

Longévité: quatorze ans. On prévoit une en- trée en production — comme je l'ai mentionné — vers 1981 ou 1982, si jamais on se décide; c'est bien sûr que c'est marqué là-dedans, mais si on ne se décide pas, ils l'ont dit même l'an passé... M. Pouliot est venu dans ma région pour annoncer cela en disant: On est prêt, sauf que, actuellement, on cherche un partenaire investisseur et on n'en a pas. A un moment donné, on nous fait une offre bien concrète en disant, comme je vous l'ai cité tantôt... il prétend que ce projet pourrait être un attrait suffisamment intéressant pour le gouvernement du Québec lui-même.

Nombre d'emplois créés: 600 à 700. Je ne veux pas être plus long sur ce gisement, mais je vous dis que chez nous c'est important et les gens de la région trouvent que ce projet — parce que, comme je vous l'ai mentionné, on en parle depuis 1971 et 1972, plus concrètement — si jamais on avait une chance de lui donner des suites concrètes et sérieuses, il faudrait le faire et ne pas attendre des années encore. Je pense que le projet de loi 70 qui est devant cette Chambre pour étude présentement, permettrait éventuellement de concrétiser cette chose parce que, en créant la Société nationale de l'amiante, on va chercher du personnel technique, on va chercher des compétences qui peuvent être d'excellents conseillers dans la façon d'exploiter un gisement. Ecoutez, sur les marchés, ils ont fait leurs preuves; je ne pense tout de même pas qu'on puisse nier cela...

Une Voix: Cela ne veut pas dire qu'ils vont rester là.

M. Gendron: Non, mais je pense que c'est du personnel qui peut très bien nous rendre d'excellents services dans ce sens. En accentuant la recherche également, on pourrait arriver avec des conclusions assez intéressantes et éviter ce qui est arrivé à United Asbestos et ce qui peut éventuellement arriver à d'autres, soit plonger rapidement, uniquement dans l'extraction de minerai sans avoir pris toutes les garanties parce que, comme on l'a mentionné et comme M. Lévesque l'a mentionné dans son exposé, tout à l'heure, c'est clair qu'on a créé une psychose autour de l'amiante et c'est clair que l'amiante représente des dangers. Il faut être assez honnête pour l'admettre, l'amiante présente certains dangers. Parce qu'on a une richesse absolument fondamentale, il n'y aurait pas lieu de dire, en même temps; Oui, on est conscient qu'il présente des dangers; il faut faire attention et les minimiser. Il y a peut-être lieu justement d'accentuer la recherche pour être certains de minimiser ces effets négatifs de l'amiante. Comme on a réussi cela, à ma connaissance, à peu près dans tous les autres secteurs vitaux de l'économie, dans des produits fondamentaux, dans nos richesses de base, j'ai l'impression qu'on ne dit pas qu'on met une croix ou un X sur nos richesses fondamentales, qu'on laisse cela là et qu'on regarde autre chose; non, on dit: Comment ferait-on pour corriger les faiblesses de nos richesses, si elles en ont, et comment peut-on s'assurer qu'elles répondent encore à des conditions de marché?

Pour ce qui est des indications du marché, comme je l'ai mentionné, jusqu'en 1985, on prévoit que la capacité de production à l'échelle mondiale atteindra 6,4 millions de tonnes en 1985. Ils répartissent la production. Tout cela pour nous dire, que d'ici 1985, la plupart des compétences dans le secteur nous disent: II n'y a pas de problèmes. Il y a place pour d'autres gisements et il y a de la place surtout dans des secteurs de transformation qu'on n'a pas exploités actuellement. Ce n'est pas tout d'avoir ce qu'on pourrait appeler la ressource, mais il va falloir faire quelque chose avec chez nous. Il semble que c'est assez, de constamment extirper nos richesses naturelles du sol, d'exporter cela à l'étranger et de racheter cela sous d'autres formes de marché. On aurait la chance éventuellement de faire plus dans le secteur de la transformation, mais, pour faire quelque chose dans le secteur de la transformation, cela nous prend de la présence à nous. Cela nous prend nos propres consultants, cela nous prend un secteur témoin et on a expliqué cela. C'est ce qui s'appelle être membre d'un club et avoir accès à tout ce qui se discute dans le secteur de l'amiante.

M. le Président, je ne serai pas plus long et, pour ces raisons, je dirai que je pense qu'on devrait appuyer sans réserve le projet créant enfin la Société nationale de l'amiante.

Le Vice-Président: M. le député d'Orford. M. Georges Vaillancourt

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, la création d'une société d'Etat de l'amiante que le gouvernement veut réaliser par le projet de loi 70, Loi constituant la Société nationale de l'amiante, ne rencontre pas l'assentiment des Québécois et ceci a été prouvé par un sondage, réalisé en août 1977, par CROP indiquant clairement que seulement 20% des personnes interrogées dans l'ensemble du Québec favoriseraient la nationalisation de toutes les compagnies, alors que plus de 58% des répondants estiment que le gouvernement devrait laisser l'initiative du développement de cette industrie aux compagnies privées ou leur accorder des subventions pour développer le secteur manufacturier. Plus de 51% de l'ensemble des Québécois estiment que les compagnies dépensent beaucoup d'argent pour favoriser le développement de l'industrie du Québec, alors que 26,6% croient le contraire. Quant aux répondants de la région même de l'amiante, la population est encore beaucoup plus faible, puisque 14,7% favoriseraient la nationalisation de toutes les compagnies, alors que plus de 63% des répondants estiment que le gouvernement devrait laisser l'initiative du développement de cette industrie aux compagnies privées.

M. le Président, plus de 80% de la population habitant dans les localités minières considèrent les compagnies d'amiante comme d'assez bons ou de très bons employeurs; 69,9% contre 21,7% estiment qu'elles contribuent grandement à la croissance économique du Québec. Plus de 58% de la population estiment, en effet, que les compagnies dépensent beaucoup d'argent pour favoriser le développement de l'industrie au Québec, alors que 28% croient le contraire.

M. le Président, le gouvernement nous dit que la nationalisation de l'Asbestos Corporation augmenterait les emplois considérablement, mais à quel coût. Selon le rapport SORES phases I et II. une augmentation substantielle du secteur manufacturier de l'amiante au Québec exige que l'on y fasse un usage considérablement accru des produits d'amiante soit pour les travaux publics, les travaux d'urbanisation, les édifices publics, etc.

Par ailleurs, il est clair qu'une expansion optimale au Québec du secteur manufacturier de l'amiante nécessitera l'injection d'importants capitaux de risque, tout en ayant un impact relativement peu important sur la création d'emplois, en raison de la technologie utilisée dans les usines de transformation. (17 h 20)

La phase I du rapport SORES a pris quatorze produits qui ont été étudiés à l'usine.

A l'issue de l'étude, cinq produits seulement ont été retenus pour une étude plus précise parce qu'ils semblaient présenter des perspectives très intéressantes au niveau de la transformation. Il s'agissait, en ce qui concerne l'amiante-ciment, des tuyaux et des plaques polies. En ce qui concerne le papier-amiante, de l'endos de linoléum et feutre à toiture et aussi des garnitures de friction, des "brake linings" comme on dit ici en bon Canadien. Dans la phase II du rapport SORES, ces cinq produits ont fait l'objet d'une analyse en profondeur. Il en ressort que les possibilités d'expansion des secteurs manufacturiers de I amiante au Québec porteraient essentiellement sur trois types de produits, soit les endos de linoléum, les garnitures de friction moulées, les plaques polies d'amiante-ciment.

M. le Président, à l'heure actuelle, seules les garnitures de friction font l'objet d'une fabrication au Québec. Comme le mentionnait mon collègue tout à l'heure, on vient d'apprendre que l'un des plus gros producteurs de freins au monde envisage d'abandonner l'utilisation de l'amiante dans les années quatre-vingt.

M. le Président, quant aux plaques polies, très peu répandues en Europe pour le recouvrement des murs extérieurs, il s'agit d'un produit méconnu en Amérique, mais dont le marché potentiel est très important. Les autres produits, le tuyau d'amiante-ciment, le papier à toiture en amiante, qui avaient été retenus dans l'issus de la phase I de l'étude du rapport SORES, n'ont pas été jugés viable après étude approfondie.

M. le Président, pour les trois produits viables, les investissements requis seraient de l'ordre de S60 millions, et le projet, en plein rendement, entraînerait, en trois ou quatre ans, la création de 400 emplois. A l'heure actuelle l'industrie primaire de la transformation de l'amiante, soit 8 industries, utilise 43 520 tonnes de fibres, soit 3,4% de la pro-

duction québécoise d'amiante, qui emploie environ 1600 personnes. Le projet de SORES représenterait, avec 400 emplois, une augmentation de 25% de l'emploi actuel du secteur de la transformation de l'amiante.

M. le Président, l'impact du projet SORES, au point de vue économique, soit une usine d'endos à linoléum, c'est un investissement de $28 millions qui créerait 60 emplois et qui nécessiterait 30 000 tonnes de fibres d'amiante par année. L'usine de plaques polies d'amiante de ciment prendrait de $5 millions à $10 millions d'investissements, créerait une centaine d'emplois pour une consommation de 2000 tonnes de fibres d'amiante par année.

Une nouvelle usine de garnitures de friction moulées c'est un investissement d'environ $25 millions qui créerait environ 225 emplois pour une consommation annuelle de 2500 tonnes de fibres par année. Au total, c'est donc environ 40 000 tonnes de fibres que ces nouveaux produits utiliseraient. On doublerait la quantité d'amiante actuellement transformée au Québec, ce qui atteindrait, par conséquent, environ 7% de la production québécoise de fibre d'amiante.

Quant aux projets non retenus, M. le Président, compte tenu des conditions actuelles du marché, usine de tuyaux d'amiante-ciment et usine de papier à toiture, il faudrait investir $36 millions. Les emplois créés atteindraient environ 220 et la consommation de fibre serait de 30 000 tonnes annuellement.

En admettant que ces projets pourraient devenir réalisables à moyen terme, l'objectif raisonnable d'une plus grande transformation de l'amiante au Québec est de 600 à 700 emplois de plus qu'actuellement, soit 2300 au total; 70 000 tonnes de fibre de plus, soit 110 000 tonnes au total, ou 9% de la production de fibre au Québec.

Des investissements de l'ordre de près de $150 millions pour l'emploi. Sur cette base, les objectifs du gouvernement de transformer 20% de l'amiante québécois exigeraient des montants d'environ $300 millions pour les investissements. Le nombre d'emplois nouveaux correspondants serait d'environ 2000. En ajoutant les $200 millions du coût d'acquisition de toutes les actions de l'Asbestos Corporation et si le gouvernement était le maître d'oeuvre de tous ces projets, cela ferait $500 millions pour 2000 emplois. Est-ce que cela n'est pas excessif, M. le Président?

Il y a d'autres choix que le gouvernement peut prendre car tout gouvernement peut, afin de maximiser les revenus tirés d'une richesse naturelle quelconque, intervenir par des moyens classiques tels que fiscalité, taxe à l'exportation, modification du régime d'impôt minier, incitation des intérêts privés québécois à acheter des sociétés minières, etc.

Il y a aussi les moyens indirects tels que le remplacement du régime d'impôt minier par un système de redevance au pourcentage du prix de vente. Les redevances pourraient être utilisées comme un moyen de persuasion. Le gouvernement peut aussi voter une loi pour imposer aux compagnies privées un certain pourcentage de transformation faite ici au Québec.

Il le peut aussi par le moyen de permis et de taxe à l'exportation par une double structure de prix. Cette mesure est efficace dans le cas où les mécanismes du marché jouent normalement. J'admets qu'il y a un problème constitutionnel car la taxe à l'exportation est de juridiction fédérale.

On peut augmenter la consommation de l'amiante au Québec et au Canada par plusieurs moyens. Par l'utilisation de l'amiante-ciment dans les édifices gouvernementaux, dans les édifices subventionnés par le gouvernement, une meilleure connaissance du matériau par les architectes, une plus grande agressivité des compagnies d'amiante, une existence...

Une Voix: Pourquoi ne lavez-vous pas fait?

M. Vaillancourt (Orford): ... de fonctionnaires experts dans le domaine de l'amiante, une législation minière et fiscale, etc.

Une telle orientation était d'ailleurs recommandée en 1974 par l'actuel ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Rodrigue Tremblay — je regrette qu'il ne soit pas ici — alors qu'il trouvait évident que des mesures ad hoc de stimulation et d'encouragement direct à la transformation seraient davantage appropriées qu'une nationalisation.

L'avenir nous dira si la nationalisation de l'amiante par le gouvernement actuel est le meilleur moyen d'assurer l'essor de l'industrie de l'amiante pour le plus grand bénéfice des Québécois.

En terminant, M. le Président, nous sommes d'accord pour qu'il y ait augmentation de la transformation de l'amiante au Québec. Nous sommes aussi d'accord pour que tout soit mis en oeuvre pour la protection de la santé des ouvriers de l'amiante, mais que le tout se passe par les voies normales, soit par l'entreprise privée.

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, M. le Président, d'émettre quelques commentaires, en deuxième lecture, sur le projet de loi no 70. Il est vrai que, à la suite des nombreuses interventions que nous avons eues, d'un côté de la Chambre comme de l'autre, plusieurs choses ont été dites. Vous me permettrez d'en rappeler quelques-unes.

Oui à la transformation de l'amiante, et non à l'acquisition du contrôle d'une entreprise existante. Voilà, en somme, la façon de voir les choses de la part de l'Union Nationale et de celle du député de Bellechasse. (17 h 20)

Autant nous souscrivons à l'objectif de voir l'industrie de la transformation de l'amiante prendre au Québec des proportions plus importantes que celles que nous avons vues dans le passé et à celui de voir l'Etat y jouer un rôle, au besoin, ou au sein d'une société mixte, autant l'Union Nationale

ne peut souscrire et signer un chèque de quelque montant que ce soit au gouvernement pour des moyens, d'après moi, excessifs, imprudents et non encore justifiés que représente le projet de loi 70.

Notre parti partage les objectifs pour un niveau plus poussé de l'industrialisation de l'amiante et la création d'emplois dans ce secteur, mais je suis en désaccord sur la méthode mise de l'avant par le gouvernement, à savoir l'acquisition du contrôle d'une entreprise existante, même de gré à gré, devenue, semble-t-il, beaucoup plus difficile et plus onéreuse que prévue, soit le contrôle de la société Asbestos. Dans le contexte économique actuel, on comprend mal pourquoi le gouvernement a choisi d'utiliser les fonds publics pour l'achat de cette société au lieu de les affecter au développement immédiat du secteur de transformation.

On aurait pu négocier ou légiférer de façon à s'assurer de l'approvisionnement nécessaire à l'exploitation de ces éventuelles usines de transformation. Si les membres de l'Assemblée nationale et les membres du gouvernement sont capables de légiférer dans le but d'étatiser une compagnie d'amiante, il me semble qu'on aurait pu, une fois rendu à la limite, légiférer également pour obliger cette compagnie à nous vendre une partie de sa matière première ou, encore, pour obliger une compagnie à transformer une partie de cette matière première chez nous, et ainsi, créer des emplois.

Si on est capable en tant que gouvernement, d'adopter une loi pour dire à la compagnie: Tu nous vends, on veut bien négocier de gré à gré le prix des actions, et l'obliger à nous vendre, il me semble qu'on aurait pu et qu'on devrait être capable de légiférer de façon à obliger cette compagnie à nous vendre une partie de son produit que nous voulons transformer ou, encore, on pourrait l'obliger à transformer une partie de ce produit chez nous. D'après moi, le ministre me fait signe que non... lorsqu'on est rendu à la limite d'adopter une loi pour étatiser, acheter une compagnie...

Une Voix: On n'adopte pas de loi!

M. Goulet: M. le Président, j'imagine que le député de Frontenac aura également ses 20 minutes, je lui demanderais, si possible, de respecter l'article 100.

M. Bérubé: L'article 122 de la constitution ne vous permet pas de le faire, M. le député.

M. Goulet: Si on est capable de changer une loi pour obliger une compagnie à nous vendre, il me semble qu'on aurait été capable également d'adopter une loi pour obliger cette compagnie à transformer ou négocier avec elle.

M. Bérubé: L'article 122 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique l'interdit.

Le Président suppléant (M. de Bellefeuille): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goulet: Je pense que le ministre de la Fonction publique avait quelque chose à dire, M. le Président, je ne sais pas s'il voulait parler du viaduc sur le boulevard Laurentien. Est-ce ce que vous vouliez dire? Je vais vous laisser mon droit de parole. Est-ce là-dessus que vous vouliez parler?

Mme Payette: La pertinence du débat!

M. Goulet: Ce n'est pas moi qui ai interrompu, Mme le ministre des Consommateurs, c'est votre collègue.

Une Voix: Et des vieux!

M. Goulet: Puis-je continuer, M. le Président?

Le Président suppléant (M. de Bellefeuille):

Allez-y, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Je reproche au gouvernement...

Le Président suppléant (M. de Bellefeuille):

Je demanderais un peu de discipline, s'il vous plaît, pour qu'on entende.

M. Goulet: M. le Président, lorsque le ministre parle de choses sensées, je vous dis que, depuis un an et demi que je suis assis de ce côté-ci de la Chambre, j'en ai entendu des vertes et des pas mûres et des insensées. Une chance que ce n'est pas tout le monde de l'autre côté. Il y a certaines personnes, il faut l'avouer...

Le Président suppléant (M. de Bellefeuille): Y aurait-il possibilité d'aller à la pertinence du débat, s'il vous plaît, M. le député de Bellechasse?

M. Goulet: J'y vais, M. le Président, mais c'est le ministre qui me fait prendre le côté et c'est lui qui aimerait que je parle de choses sensées. Quand cela fait un an et demi qu'on entend en cette Chambre des choses insensées qui nous viennent des gens d'en face, à un moment donné, on est pris pour glisser. Je disais donc, M. le Président, que je reproche — ah! le ministre veut nous parler de sa tuque — au gouvernement d'avoir trop peu fait au niveau du mécanisme de la réglementation des redevances, des mesures fiscales et de la réquisition d'un pourcentage de la production, avant d'en arriver à la position excessive mise de l'avant par le gouvernement, à savoir la nationalisation d'un secteur témoin dans l'industrie de l'amiante.

Somme toute, M. le Président, le projet de loi 70 nous invite à donner un chèque en blanc au gouvernement. On va beaucoup plus loin même que l'objectif visé. On parle d'exploitation de gisements d'amiante, de mandat pour permettre toute activité industrielle, manufacturière ou même commerciale reliée directement ou indirectement à la transformation de l'amiante. On parle également d'un fonds social de $250 millions. C'est ce qui est prévu, mais j'imagine qu'une fois

rendu au fait, comme dans d'autres domaines, cela aura certainement doublé. $250 millions pour l'acquisition possible d'entreprises poursuivant les mêmes fins. On dit même que le ministre des Richesses naturelles pourrait émettre des directives, rien d'autre, rien de moins, tout simplement sur une simple idée du ministre, sur les objectifs et l'orientation que la société pourrait se donner. M. le Président, c'est extrêmement dangereux.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez qu'à moins que le ministre ne revienne sur sa décision, je voterai contre ce projet de loi en deuxième lecture, tout en favorisant, rappelons-le, la transformation sur place des fibres d'amiante et, conséquemment, la création réelle d'emplois durables. Je pense qu'il est temps que le gouvernement arrête de vouloir satisfaire les exigences de son programme politique, pour ne pas dire des promesses politiques, au détriment des véritables besoins et des priorités des Québécois. Il me semble que les $250 millions prévus, par les temps qui courent, pourraient être beaucoup plus utiles dans d'autres domaines qu'ils ne le seront dans le domaine de l'amiante; $250 millions pour ne créer aucun emploi. Après avoir tant prêché la concertation, il est temps que le gouvernement la pratique dans un dossier comme celui de l'amiante.

Plusieurs raisons nous invitent à douter un peu de ce projet. Suite à une émission de TV. Nous n'avons peut-être pas tous la compétence de l'honorable député de Frontenac en matière d'amiante. On pourra vous rappeler également la compétence et un certain rapport qu'avait fourni l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce sur l'amiante. On pourra en parler de ce rapport également. Je ne sais pas s'il s'était assis sur le même siège que l'honorable député de Frontenac, mais dans le rapport qu'avait déjà fourni celui qui maintenant détient le poste très important de ministre de l'Industrie et du Commerce, ses données et la conclusion n'étaient pas tout à fait la même chose que les conclusions de l'énoncé du député de Frontenac.

M. le Président, si ces gens, en face, ayant supposément les mêmes objectifs, peuvent se contredire, c'est parce que l'unanimité, même de ce côté de la Chambre, n'est pas faite sur l'amiante. Suite à une émission de TV et à certains articles de journalistes, il semblerait que pour certains débouchés qu'on avait prévus pour l'amiante que nous aimerions bien transformer au Québec, les chiffres ne seront pas tout à fait les mêmes. (17 h 30)

II y a la Communauté économique européenne, M. le Président, qui dit: Ecoutez, avant même d'être exploité, le marché européen que pourrait viser une société québécoise de l'amiante — et là je vous reporte à un article dans le Devoir — risque d'être fermé à ce produit à qui on découvre chaque jour d'autres propriétés cancérigènes. Un tableau assez pessimiste que nous a dressé, qu'on a pu voir à une certaine émission de télévision, l'émission Télémag.

Il est vrai qu'en France, en 1976, la consommation de l'amiante est passée à 130 000 tonnes après avoir été de 140 000 et de 150 000. Je pose la question.de combien sera la consommation de l'amiante, en Europe, en 1980 ou en 1985? Est-ce que l'investissement du Québec, à ce moment, sera aussi avantageux qu'on le croit? Egalement, celui qui m'a précédé, le député de Orford, en a fait mention, juste pour donner un exemple pour appuyer nos dires, le plus gros... Je pense que le ministre de l'Agriculture a quelque chose à nous dire.

M. Garon: Le député d'Orford est parti. Il est absent.

M. Goulet: II est parti, il suit l'exemple des ministres.

M. Proulx: II y a huit ministres en Chambre, M. le député. Je m'excuse, M. le Président, c'est important. Le quorum est assuré d'une façon permanente, il y a plus de huit ministres en Chambre, M. le député.

M. Garon: II y a plus de ministres en Chambre qu'il n'y a de députés du Parti libéral, de l'Union Nationale, du crédit social, du PNP ensemble.

M. Goulet: M. le Président...

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Saint-Jean.

M. Garon: En plus, on vous écoute avec un très grand intérêt.

M. Goulet: Je viens de m'apercevoir que...

M. Proulx: Je n'accepterai jamais de telles remarques malveillantes.

M. Goulet: Je viens de m'apercevoir d'abord d'une chose, que le whip en chef du gouvernement parlait et, M. le Président, je viens de m'apercevoir d'une deuxième chose; lorsque j'ai dit que le député d'Orford suivait l'exemple des ministres, il faudrait se rappeler certains mercredis matin. Vous relirez le journal des Débats, vous verrez combien de fois l'Opposition a eu à demander le quorum.

M. Duhaime: J'invoque une question de privilège, M. le Président. Je suis en mesure de compter de mon siège que l'Opposition officielle est représentée par deux députés, que l'Union Nationale est représentée par deux députés.

M. Goulet: Ce n'est pas une question de privilège.

M. Duhaime: Que, du côté des banquettes ministérielles, il y a exactement neuf ministres et que le quorum est assuré.

M. Goulet: J'invoque le règlement, ce n'est pas une question de privilège. Le ministre du Tou-

risme, de la Chasse et de la Pêche sait qu'à chaque jour on doit invoquer dans cette Chambre le quorum. Il n'a pas à se péter les bretelles cet après-midi parce qu'il y a quelques ministres en Chambre, parce que, régulièrement, on remarque leur absence.

M. Duhaime: Je ne porte pas de bretelles.

Le Président suppléant (M. Laplante): Le pertinence du débat, s'il vous plaît, M. le député de Bellechasse. A l'ordre, M. le député de Saint-Jean! C'est assez.

M. Proulx: Pardon?

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Bellechasse.

M. Proulx: Le quorum est 20 et nous sommes plus de 35, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le whip du gouvernement.

M. le député de Bellechasse.

M. Proulx: C'est ici mon travail.

M. Goulet: M. le whip... Est-ce que le whip en chef qui parle peut me laisser conclure?

Le Président suppléant (M. Laplante): Vous voulez revenir, s'il vous plaît, à la pertinence du débat, M. le député de Bellechasse?

M. Goulet: Je ne savais pas qu'il parlait, cela fait un an et demi et c'est la première fois que je l'entends parler.

M. Proulx: J'ai fait un discours important en décembre.

M. Goulet: Pour conclure.

M. Proulx: Question de privilège. J'ai fait le 22 décembre un discours important qui a choqué fortement l'Opposition.

M. Goulet: Est-ce qu'il a dit un discours? Je n'avais pas mon écouteur.

Le Président suppléant (M. Laplante): Vous voulez revenir à la pertinence du débat?

M. Goulet: Un discours dans un an et demi, la moyenne n'est pas mal.

Je conclus. Après avoir tant prêché la concertation et si peu la pratiquer dans un dossier comme celui de l'amiante, voilà le paradoxe dans lequel le gouvernement actuel veut nous conduire.

Je vous le répète, l'étatisation de la société Asbestos, M. le Président, n'est pas une priorité. Si le gouvernement veut savoir où sont les priorités, il serait bon qu'il consulte son ministre de l'Industrie et du Commerce dans un rapport qu'il a déjà fourni concernant l'amiante. Le ministre de l'Industrie et du Commerce dira au ministre des Richesses naturelles qu'il fait un faux pas et que ce n'est pas du tout le temps d'étatiser les compagnies d'amiante.

Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire sur ce dossier.

M. Duhaime: M. le Président, est-ce que vous voudriez appeler le vote sur cette motion de deuxième lecture?

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Le gouvernement du Québec nous demande d'approuver l'achat d'une usine désuète et d'une mine avec l'argent du public. Après avoir enlevé les symboles et le verbiage de ce projet de loi 70, c'est ce que nous sommes appelés à faire.

Notre devoir, M. le Président, est de juger si le gouvernement fait bien, si nous devons nous embarquer dans un genre d'entreprise, dans un genre d'aventure similaire.

Je serais d'accord pour dire qu'on ne peut pas juger un tel achat, une telle entreprise, une telle démarche de la même façon qu'un acheteur privé pourrait évaluer un achat similaire. C'est-à-dire qu'on ne peut pas seulement évaluer les profits, ce n'est pas seulement le "bottom line", la rentabilité de l'entreprise que nous devons regarder. En plus de la rentabilité fiscale, nous devons l'équilibrer — si je peux utiliser une phrase du vocabulaire du Parti québécois — avec la rentabilité sociale. Alors, il faudrait regarder les deux.

Pour le moment, je mettrai de côté la question de la nationalisation, le pour et le contre. Tenons pour acquis, pour le moment, que si les bénéfices réels pour le peuple du Québec le justifiaient, ce serait une bonne démarche pour le gouvernement d'acheter cette entreprise en dépit de la question de la nationalisation.

Mais, M. le Président, dans le cas de l'Asbes-tos Corporation, je soutiens que ce n'est pas le cas. Je soutiens que le gouvernement va gaspiller l'argent du peuple seulement pour des avantages sociaux, même en évaluant tous ces avantages et ceux de rentabilité fiscale, si on considère tous les choix. De plus, je considère que le gouvernement n'a pas pris en considération, n'a pas étudié, n'a pas porté à notre attention les besoins réels de l'économie du Québec pour l'avenir.

M. Picotte: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander une directive, s'il vous plaît? Serait-il possible de demander au whip du gouvernement de ne plus vanter le quorum puisque, depuis ce temps-là, on a perdu onze députés du Parti québécois?

Une Voix: On a quorum.

M. Picotte: On a quorum, mais ne vous vantez pas, on en a perdu onze.

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Mont-Royal, continuez s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. Picotte: Vous avez mal compris. M. le ministre, je n'ai pas dit qu'on n'avait pas quorum, j'ai dit de ne pas le vanter, on en a onze de moins depuis que la vantardise a été faite, tantôt.

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Maskinongé, à l'ordre!

M. Duhaime: Avec une course au leadership comme celle-là, vous n'avez pas grand-chance de passer votre homme.

M. Proulx: M. le Président, question de règlement. Est-ce que le député pourrait laisser son collègue s'exprimer, s'il vous plaît?

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Mont-Royal.

M. Picotte: C'est avec plaisir, je sais que cela ne changera rien, vous ne comprendrez pas plus.

M. Ciaccia: C'est pire qu'une maternelle!

M. le Président, de plus je disais que le gouvernement n'a pas examiné les besoins réels de l'économie du Québec pour l'avenir. Notre économie est en train de changer ses structures et les structures industrielles, pour l'avenir, doivent être réexaminées. Ce n'est pas en nationalisant une industrie ou en investissant dans la compagnie Asbestos que nous allons remédier aux problèmes qui existent dans notre économie. Ce peut être un palliatif temporaire, mais cela n'attaque pas les problèmes réels de notre économie.

Nulle part on ne voit le gouvernement qui examine et qui nous donne un programme pour atteindre les objectifs et résoudre les problèmes que notre économie subit maintenant. Alors, en promouvant ce projet de loi de l'achat de cette compagnie, de l'achat de cette usine, de la façon qu'il le fait, je dirais que c'est une décision irresponsable du gouvernement. (17 h 40)

Voyons la rentabilité fiscale. On a dit qu'il faudrait regarder deux aspects, la rentabilité fiscale et la rentabilité sociale, même si je veux utiliser les termes et les objectifs du gouvernement même, examiner les raisons du gouvernement pour lesquelles il a introduit ce projet de loi.

Durant le débat, mes collègues et d'autres de la Chambre ont démontré que la façon dont cet achat se produit, ou se produira, est un quasi-désastre au niveau financier. Premièrement, à cause de l'incompétence avec laquelle le gouvernement a procédé. On annonce qu'on va nationaliser, qu'on va acheter et, naturellement, les actions augmentent d'une façon artificielle, à cause de l'annonce du gouvernement d'acquérir cette compagnie. Deuxièmement, c'est un désastre financier, à cause de la nature même de la compagnie, de la nature même de l'industrie.

Quant à la première raison, l'incompétence du gouvernement, je n'ai pas besoin de rappeler à la Chambre, tous les faits que mes collègues ont soulignés pour expliquer pourquoi les actions ont augmenté. On ne nous a pas montré les études du marché pour l'avenir. Où sont-elles ces études? Des études approfondies, pour démontrer que c'était une entreprise qu'il valait vraiment la peine d'acheter et d'acquérir par le gouvernement.

On ne nous a pas donné les projections du bilan de l'avenir considérant le marché, considérant les coûts additionnels pour faire fonctionner la compagnie sur une base modèle. Les seules conclusions qu'on peut tirer en examinant la façon dans laquelle le gouvernement procède, c'est qu'on a l'impression que la compagnie General Dynamics est très désireuse d'acquérir les actions d'Asbestos Corporation. Ce n'est pas une manière dont nous pouvons être fiers, la façon dont le gouvernement a procédé; ce n'est pas un bon exemple et c'est une manière que je pourrais dire un peu amateur de dépenser les deniers publics.

De plus, la nature même de l'industrie de l'amiante. C'est une autre raison pour laquelle le gouvernement pourrait procéder d'une autre façon pour arriver à ses objectifs. On le sait tous que l'amiante est considéré comme une substance dangereuse, un produit dangereux. Il y a beaucoup de recherches aux Etats-Unis et en Europe, où sont nos marchés principaux, pour essayer de trouver un remplacement pour ce produit et, malgré cela, le gouvernement veut acquérir cette compagnie, cette usine, à un prix qui, sur le marché, a augmenté d'une façon déraisonnable.

La nature même du produit va amener un déclin, une réduction dans la demande. Il y a beaucoup de mes collègues qui ont apporté des statistiques. Nous voyons déjà qu'il y a une tendance vers l'utilisation d'autres substances, d'autres produits, où cela est possible, pour remplacer le produit de l'amiante. Alors, déjà le marché est en déclin.

Quant à la question de la transformation, il y a aussi des contraintes de distance, d'utilisation et de règlements de gouvernements dans d'autres pays. Le gouvernement ne nous a pas donné ces études; il ne les a pas portées à notre attention. La deuxième raison, c'est que la nature même de l'industrie, de la compagnie nous porte à dire que ce n'est pas avantageux pour nous d'acquérir cette usine.

M. le Président, le gouvernement a le devoir d'informer le public. C'est trop facile de se fier sur nos richesses naturelles pour apporter des richesses matérielles à la province sans donner les vraies contraintes. Par exemple, le gouvernement nous dit, sur la question de l'hydroélectricité: Nous avons l'énergie électrique, alors nous pouvons nous fier sur tous ces produits, sur toute cette richesse pour rencontrer les besoins que la population aura. Ils ne nous disent pas l'autre côté de la médaille. Ils ne nous disent pas les contraintes, les aspects négatifs. Nous faisons face au même phénomène où on nous montre seulement un côté de la médaille d'une façon symbolique, pas tout à fait réaliste.

M. le Président, si on considère les aspects financiers, le bilan financier, si on se limite seulement à cet aspect, le gouvernement n'a pas démontré que l'achat de cette compagnie sera dans l'intérêt du Québec et même les études et les tendances au déclin du marché de ce produit nous montrent l'inverse. Si nous faisons l'équilibre entre la rentabilité fiscale et la rentabilité sociale, nous allons voir qu'il n'y a pas assez d'avantages pour nous d'acquérir cette compagnie.

Regardons un moment la rentabilité sociale. Pour juger de la rentabilité sociale, nous devons regarder deux éléments. Premièrement, il y a l'élément de l'amélioration des conditions de travail pour les ouvriers de cette industrie. Deuxièmement, il y a la création de quelque 25 000 emplois je crois, dans l'industrie de la transformation. C'est le chiffre que le ministre des Richesses naturelles a employé Quant à la première raison, l'amélioration des conditions de travail, ce n'est pas nécessaire, inutile de le dire, d'acquérir la compagnie pour l'obliger à améliorer les conditions de travail afin qu'il n'y ait plus les mêmes problèmes que nous avons vus dans le passé.

Je pourrais même demander au ministre de l'environnement si, premièrement, il a imposé certaines contraintes ou obligations à la compagnie pour répondre à certaines normes minimales pour assurer que les injustices ou les difficultés du passé soient corrigées. S'il les a imposées, à quel coût cela va être pour la compagnie? C'est un élément qui doit être analysé par le gouvernement s'il va acquérir cette compagnie. Au niveau de l'amélioration des conditions de travail, je dirais que c'est absolument inutile d'essayer d'acquérir la compagnie pour avoir cet avantage social. La responsabilité sociale de la compagnie est là. Il s'agit, pour le gouvernement, de l'imposer et de s'assurer que la compagnie se conforme aux normes minimales.

Deuxièmement, il y a la question dont on parle beaucoup, soit la transformation. D'autres études, d'autres intervenants ont démontré que, pour augmenter la transformation de ce produit au Québec, il n'est pas nécessaire d'acquérir l'usine et la mine d'Asbestos Corporation. Il y a d'autres façons de le faire. Il y aurait des réglementations. La province a le droit, comme ils le font en Ontario dans d'autres industries, d'imposer une certaine taxe pour s'assurer qu'un minimum du produit de l'amiante soit transformé au Québec. (17 h 50)

Si le gouvernement a ce pouvoir, on peut se demander pourquoi acquérir une compagnie pour obliger une transformation. Premièrement, nous avons la demande qui est en déclin. Deuxièmement, nous avons d'autres moyens d'obliger que la transformation de ces produits se fasse au Québec. Cela ne nécessiterait pas cet investissement de tant de fonds du public.

A un autre niveau, si on compare la performance des sociétés d'Etat avec celle des sociétés privées, nous voyons qu'il n'y a quasiment pas de comparaisons à faire. Nous en voyons des exemples non seulement au Québec, mais dans d'au- tres endroits. A moins que ce soit une société comme l'Hydro-Québec où il y a un monopole, où il y a des raisons tout à fait spécifiques, où la façon par laquelle la nationalisation a eu lieu était totalement différente, le gouvernement devrait être plus prudent en créant une autre société d'Etat quand il y a d'autres moyens, des lois déjà existantes, des incitations qui pourraient encourager la transformation du produit au Québec.

Si on regarde la rentabilité sociale et fiscale, on en vient à une seule conclusion. Ce n'est pas dans l'intérêt du Québec de dépenser tout ce montant d'argent provenant des fonds publics pour le genre de bénéfice que le gouvernement espère en tirer.

Si on regarde la question des besoins industriels du Québec pour l'avenir, c'est un problème que le gouvernement ne semble pas avoir attaqué, pas avoir étudié. Il ne semble pas avoir de programme pour répondre à ces besoins. Par exemple, nous savons que beaucoup d'industries au Québec sont appelées à disparaître à cause de la concurrence mondiale parce que les coûts de production vont être moindres dans d'autres pays du tiers-monde, parce qu'il y aura différentes structures industrielles qui vont s'implanter dans d'autres endroits.

Il faudrait que le gouvernement s'attaque à ce problème, c'est vraiment le vrai défi auquel le gouvernement aura à faire face. Ce n'est pas seulement une mesure intérimaire de l'achat d'une compagnie dans une industrie qu'on pourrait qualifier de discutable. Ce serait un plus grand défi que de voir à nos priorités économiques, d'avoir une planification du gouvernement pour nous préparer à la transition, à un autre genre d'industrie qui ne sera pas menacée par la concurrence des pays du tiers-monde où le coût de production, le niveau de vie est plus bas, où on peut nous fournir ces produits d'une façon que nous ne pouvons pas concurrencer.

M. le Président, je crois que le gouvernement a le devoir de montrer un leadership dans ce processus de recherche et d'incitation pour chercher, pour trouver les différentes structures nécessaires à notre économie afin de faire vraiment face à nos problèmes

J'ai clairement l'impression que le geste du gouvernement par le projet de loi 70, en se portant acquéreur de la compagnie d'amiante, c'est un investissement qui aurait dû être fait dans le passé. C'est dans le passé que certains gestes auraient dû être posés par le gouvernement.

Le Président: Puis-je vous demander de conclure, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: M. le Président, en conclusion, je vais dire que le geste du gouvernement, le projet de loi 70, c'est un investissement digne du passé.

J'aurais aimé que ce gouvernement, qui se dit soucieux de l'avenir des Québécois, nous donne plutôt un programme économique qui aurait démontré qu'ils sont plutôt intéressés à investir dans l'économie de l'avenir et dans les entreprises de

l'avenir et non pas dans les entreprises et les injustices du passé.

M. Gérard Gosselin

M. Gosselin: M. le Président, vous me permettrez d'intervenir quelques instants à peine dans ce long...

Le Président: M. le député de Sherbrooke, vous avez la parole.

M. Gosselin: ... et fastidieux débat, permettez-moi de le dire, qui donne lieu à toutes sortes de formes d'étalage depuis déjà plus de deux semaines, alors que depuis des années nous aurions dû agir. Les populations des Cantons de l'Est, de la région de l'Estrie et de l'Amiante attendent avec impatience de tous les gouvernements qui se sont succédé, ont plaidé au cours des années, par la voix de leurs corps intermédiaires, à tous les ans, à chaque visite ministérielle qui a été effectuée dans les régions, pour l'implication gouvernementale ferme dans le dossier de l'amiante; allant jusqu'à la nationalisation. Voilà que notre gouvernement a décidé de procéder. Cela fait près d'un an et demi que nous sommes au pouvoir. Il n'est pas trop tôt pour donner suite à cet engagement.

Pour nous, dans la région de l'Estrie, l'amiante représente à certains égards la seule alternative de développement sérieuse. A l'heure où notre industrie secondaire est en déclin. Pour nous, l'amiante, c'est plus qu'un symbole. C'est une chance fondamentale d'assurer un développement continu et d'éviter l'exode de nos travailleurs. La loi 70 est donc vivement attendue. La loi 70, après toutes les consultations que j'ai pu faire, les rencontres que j'ai pu avoir, d'une part, avec les chercheurs du milieu, mais aussi avec les gens qui, depuis quelques années, oeuvrent dans le secteur de la transformation de l'amiante, et j'aimerais signaler, à cet égard, la compagnie Amiante de Sherbrooke, qui fabrique des textiles d'amiante, chez tous les intervenants du milieu donc, je considère que le projet de loi no 70 fait actuellement consensus.

On s'attendait, depuis longtemps, à une intervention gouvernementale. Le gouvernement a ex- pliqué pourquoi il intervenait avec la nationalisation ou l'achat de l'Asbestos Corporation. Les gens ont compris. Il est important que nous puissions agir dans les meilleurs délais. Simultanément, nous sommes prêts. Nous avons en place les structures de recherche depuis déjà plusieurs années. Principalement, je voudrais signaler le fait que notre faculté de médecine, notre centre de recherche universitaire, sur cette question délicate de la santé au travail, commence à travailler très ferme pour déjouer finalement tous les arguments contraires à la fibre d'amiante, à l'industrialisation de l'amiante qui sont cause de la mauvaise réputation que l'amiante a pu avoir dans certains milieux. Ces recherches donnent déjà des résultats intéressants. Si vous me permettez une prédiction, c'est que notre milieu, la région de l'Estrie, Sherbrooke principalement, devrait devenir dans les prochaines années, avec la politique ferme que le gouvernement s'apprête à adopter, un lieu pilote où des chercheurs des Etats-Unis et même d'Allemagne viendront s'inspirer pour moderniser la transformation de l'amiante, pour puiser des idées sur les nouveaux produits qu'on s'apprête, par la politique prospective que le gouvernement a entreprise, à lancer sur le marché. (18 heures)

C'est un plan laborieux. Il faut le commencer immédiatement. J'espère fermement pour la région de l'Estrie qu'on aura une action concertée des divers ministères concernés, Transports, Industrie et Commerce, Richesses naturelles, en vue de vraiment libérer dans un milieu comme le nôtre, parce que nous nous sentons un titre de propriété sur l'amiante, l'argent et le dynamisme nécessaires à un véritable développement d'entreprises secondaires dans le secteur névralgique de l'amiante. Merci.

M. Clair: Je propose l'ajournement du débat.

Le Président: M. le député de Drummond. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ou 20 h 15, M. le leader?

M. Burns: 20 heures. Le Président: Jusqu'à 20 heures. (Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 7

Le Vice-Président: A l'ordre, messieurs! M. le député de Drummond avait demandé la suspension du débat, et je le reconnais.

M. Michel Clair

M. Clair: Merci, M. le Président. La première question qu'on se pose dans le débat sur l'amiante c'est bel et bien celle-ci: Quel est le but poursuivi par le gouvernement du Québec? De façon générale, je pense que le but est accepté et compris par tous, c'est simplement de transformer au Québec la fibre qui peut être traitée de façon rentable. Là où on ne s'entend pas, cependant, avec les partis d'Opposition dans cette Chambre, c'est sur les moyens à utiliser pour atteindre ce but.

Le premier moyen utilisé pour atteindre le but en vertu du projet de loi no 70 c'est celui de la création de la Société nationale de l'amiante pour investir seul ou conjointement dans la transformation aussi bien que dans l'extraction de l'amiante. Le deuxième moyen, vous le connaissez, c'est la création d'un centre de recherche et de développement chargé de faire la recherche pour de nouveaux produits et également de l'aspect santé et sécurité au travail dans le secteur de l'extraction aussi bien que de la transformation de l'amiante. Le troisième moyen proposé par le gouvernement actuel c'est celui de l'achat d'une mine pour assurer une présence immédiate à tous les stades industriels du secteur de l'amiante, la conséquence logique étant l'achat de l'Asbestos Corporation, comme d'autres avant moi l'ont déjà démontré.

Face à ces propositions, à ces trois principes, ces trois moyens, quelle est l'attitude de l'Opposition dans le présent débat? Elle pourrait se résumer en trois mots: On est contre les moyens utilisés. Rien de plus, M. le Président. Quelle est la suggestion concrète, quelles sont les suggestions concrètes qu'ont faites les partis d'Opposition au cours de ce débat? Aucune, M. le Président, à l'exception peut-être du chef de l'Union Nationale qui nous a proposé une taxe qui rapporterait, selon lui, de $10 millions à $13 millions. Je constate effectivement, comme mes collègues me le font remarquer, qu'aucun membre de l'Union Nationale n'est présent; ce serait un compliment pour eux parce que, finalement, c'est vrai, il y a seulement l'Union Nationale qui a osé avancer une suggestion concrète. On a dit qu'on était contre, on a dénigré les sociétés d'Etat, de la première à la dernière, mais une suggestion concrète, aucune, à l'exception de celle du chef de l'Union Nationale qui propose une taxe.

Je m'attendais à ce qu'il propose peut-être qu'on loue les mines d'amiante — cela ferait moins mal aux entreprises privées — mais ce n'est pas ce qu'il a proposé. Il a proposé une taxe. Comme il n'a pas précisé, on peut regarder deux genres de taxes qui ont été analysées par le Conseil régional de développement de l'Estrie qui, encore une fois, a constitué un comité qui a présenté un rapport, lequel rapport est signé par l'Association de l'Union Nationale du comté de Richmond. Le leader parlementaire du Parti libéral serait sûrement intéressé à savoir que l'Association libérale du comté de Richmond est également signataire du document en question. (20 h 10)

Qu'est-ce qu'on y dit concernant la possibilité dont nous a parlé le chef de l'Union Nationale: taxe à la production et subvention à la transformation? On y lit ce qui suit: "Taxer la production et subventionner les entreprises de transformation ne constituerait rien de plus qu'une variation sur un thème déjà connu. Cette politique existe déjà en pratique. Le Québec perçoit des droits miniers qui constituent une forme de taxe sur la production et tout nouvel établissement industriel dans la transformation de l'amiante est assuré de jouir de subventions gouvernementales. Il est douteux qu'une variation dans l'intensité de ces mesures puisse modifier la situation de façon appréciable."

Voyons maintenant la possibilité d'une taxe à l'exportation, ce que cela donne. On y dit: "Là encore, toutefois, bien que les effets d'une telle taxe à l'exportation puissent être bénéfiques, ce type d'intervention demeure très passif, et il n'est pas acquis au départ que l'on puisse fixer des tarifs réalistes puisque les connaissances concernant les prix véritables et les marchés dans le domaine de l'amiante nous échapperaient toujours."

Encore une fois, tout ce que l'Opposition a fait dans ce débat, c'est dénigrer les sociétés d'Etat qu'elle a généralement bien souvent elle-même mises en place, et par conséquent diminuer collectivement les Québécois et diminuer de façon générale les initiatives gouvernementales dans la reprise en main de leurs affaires par les Québécois. Tout ce qu'on nous dit c'est: On est contre, on court un risque immense, on court un risque de fous, on va se casser la gueule. Comme si on n'avait jamais couru de risques au Québec, comme si on n'avait pas non seulement le droit mais le devoir de calculer et de courir des risques. C'est ce que je pense qu'on fait dans ce cas-ci.

M. Lavoie: Est-ce que le député de Drummond me permettrait une question, bien gentiment?

M. Clair: Je voudrais utiliser tout mon temps pour mon allocution. A la fin, si vous le permettez.

Bien sûr qu'il y a un risque dans le domaine de l'amiante. Pourquoi? Simplement parce que dans toute action, il y a toujours un risque.

Un risque cependant qu'on a calculé et que les partis de l'Opposition, du temps qu'ils étaient au pouvoir, ont participé également à calculer par toutes sortes d'études que nous a exhibées le député de Vanier. Quand on veut une vraie garantie, on fait ce que M. Bourassa nous proposait. On ne fait rien. L'inaction. Voilà une garantie.

M. le Président, dans le domaine de l'amiante, contrairement également à ce que le Parti libéral et l'Union Nationale nous ont suggéré, notre atti-

tude n'en est pas une de vengeance. Elle ne vise pas les multinationales. Elle ne mise qu'un but. soit celui de reprendre en main l'une de nos richesses naturelles. Cette politique, je l'affirme, elle est polie, ferme, tranquille, patiente. Elle est à l'image de notre peuple.

Nous n'avons ni peur, ni de complexe de notre passé, de notre présent et de notre avenir, comme d'autres en cette Chambre; parce que d'autres en cette Chambre ont peur de leur passé, de leur présent, de leur avenir. Est-ce que ce n'est pas avoir peur de son passé quand on regarde l'attitude du chef de l'Opposition officielle, par rapport à son ancien collègue, le ministre des Richesses naturelles? Le leader parlementaire de l'Opposition et le chef de l'Opposition également tentent de faire mettre de côté la possibilité que du temps du Parti libéral, où il était au pouvoir, on a eu des idées semblables à celles que le parti au pouvoir actuellement... On renie son passé, on en a peur. Est-ce qu'on peut interpréter autrement le fait que le député de Johnson et le député de Nicolet-Yamaska, quand le député de Vanier leur cite la quantité d'études qui ont été faites sur le sujet, aient peur du passé, renient la valeur de ces études, et disent qu'on doit tout recommencer, qu'on devrait continuer à étudier? Est-ce qu'on n'a pas peur du passé, M. le Président, quand on voit les colères du député de Johnson, quand on parle des mines de fer de la Côte-Nord et de tout le dossier de SIDBEC?

Est-ce que ce serait vrai que ces partis, qui ont gouverné pendant tant d'années le Québec l'ont fait, tenaillés par la peur pendant tout le temps, n'ont jamais couru de risques calculés,de décisions, de jugements qu'ils devaient porter sur des situations? Non, ce n'est pas vrai, M. le Président. Ces gens ont couru des risques calculés, eux aussi. La seule raison pour laquelle ils attaquent aujourd'hui comme ils le font, ils dénigrent comme ils le font les sociétés d'Etat, ce n'est que pour un but, celui de retarder l'accès à la souveraineté du Québec. Ils savent que la souveraineté du Québec, finalement, c'est la reprise en main des Québécois de leurs intérêts et de leurs richesses naturelles.

Ce n'est pas tout, M. le Président. Ils n'ont pas seulement peur du passé, ils ont peur du présent. Que de mépris n'a-t-on pas exprimés pendant ce débat envers les sociétés d'Etat, la malheureuse SIDBEC! Le député de Huntingdon nous a dit que SIDBEC était un monstre. Je pourrais donner rapidement quelques citations. Par exemple, le chef de l'Union Nationale a dit: "On a eu l'exemple, l'an dernier, M. le Président, de la société SIDBEC, entreprise d'Etat administrée par des gens qui pensent bien administrer". Un autre intervenant nous dit: "L'initiative gouvernementale n'est finalement que du socialisme, du communisme". On nous parle des échecs de SIDBEC. On essaie de dire que SIDBEC a complètement manqué à son mandat. Est-ce vrai, M. le Président, que SIDBEC est un monstre, comme l'ont affirmé d'autres députés en cette Chambre? On a parlé de citrons. On a dit que REXFOR, SOGEFOR, SOQUIP, SOQUEM et les autres entreprises de l'Etat ont manqué leur but. On a tout dit, M. le Président, dans ce débat pour dénigrer les sociétés d'Etat. On a dit qu'elles étaient inefficaces, coûteuses, non rentables. On a jeté tous les blâmes sur les sociétés d'Etat.

Est-il vrai, M. le Président, que les administrateurs de SIDBEC, de SOGEFOR, de SOQUEM, de REXFOR et de toutes les sociétés d'Etat sont des mauvais gestionnaires, sont des irresponsables, des gaspilleurs, des pas bons, que les travailleurs de SIDBEC, encore une fois, et des autres entreprises étatiques sont des travailleurs incompétents, surpayés? Est-ce qu'on devrait vendre SIDBEC aux étrangers, aux Ontariens comme d'autres ont fait de leurs fonderies au Québec? Est-ce vrai que toute cette amorce, comme l'a dit un député de cette Chambre, d'entreprises socialistes a été une erreur, que les gens du marketing de ces entreprises sont des incompétents qui ont manqué à leur mandat? Non, M. le Président.

M. Russell: Je veux simplement soulever un point d'ordre, M. le Président.

Le Vice-Président: A l'ordre! Un instant.

M. Russell: J'aimerais que vous portiez attention au terrain sur lequel le député nous entraîne. Peut-être que quelqu'un de l'Opposition sera obligé de lui répondre sur le même terrain. J'aimerais qu'on ait le même privilège.

Le Vice-Président: M. le député de Drummond.

M. Clair: M. le Président, à toutes ces questions qu'on peut se poser à partir du dénigrement qu'ont fait les partis de l'Opposition à l'égard des sociétés d'Etat, je réponds: Non, ce n'est pas vrai que les sociétés d'Etat ont toutes manqué à leurs buts et objectifs.

La première chose dont on doit tenir compte dans l'évaluation du mandat de la réussite des sociétés d'Etat, c'est non pas, comme dans le cas d'une PME, du rendement sur le capital, mais c'est plutôt, comme l'a dit une étude des Hautes études commerciales de l'Université de Montréal, de ce qui suit — la citation est comprise dans le document qui a été publié par l'OPDQ concernant les sociétés d'Etat et les objectifs économiques du Québec.

On y lit ce qui suit: "La gestion de l'entreprise publique ne peut s'apprécier dans le cadre de la comptabilité traditionnelle, qui débouche sur la notion de rentabilité du capital, mais plutôt en termes d'analyse du coûts bénéfices, en tenant compte des bénéfices qu'on pourrait appeler marginaux, dans un sens différent de celui qu'on entend généralement".

D'ailleurs, c'est l'ancien ministre des Finances, le député de Jean-Talon qui disait, le 18 juillet 1974, au moment où il défendait un projet de loi sur SIDBEC, et je cite: "En conclusion, M. le Président, je soumets que le gouvernement a pris la bonne décision en favorisant l'expansion de SIDBEC. Nous mettons nos théories en pratique et

démontrons notre désir très ferme de favoriser la transformation au Québec de nos ressources naturelles. SOQUEM, SOQUIP, REXFOR, l'Hydro-Québec et d'autres jouent déjà un rôle stratégique dans des secteurs déterminés ". (20 h 20)

M. le Président, c'est l'ancien ministre qui nous dit que les sociétés d'Etat n'ont pas toutes manqué à leur mandat. Alors, je réponds non à la question de savoir si elles ont toutes manqué à leur mandat. Cependant, on peut se demander si d'autres, par ailleurs, n'ont pas manqué à leurs obligations. Je voudrais vous citer un extrait du journal la Gazette, du 13 décembre 1973, concernant le monstre SIDBEC dont nous parlait le député de Huntingdon. On y lit ce qui suit: "Selon certains observateurs, le gouvernement — on est en 1973 — a créé des difficultés additionnelles pour SIDBEC en fournissant de l'aide financière à ses concurrents. Ainsi, le gouvernement a participé financièrement à l'établissement d'une nouvelle usine de Stelco, à Contrecoeur, et à la construction d'installations manufacturières de la Québec Steel, à Longueuil. Dans ce dernier cas, les subsides fédéraux et provinciaux ont assuré près de la moitié des coûts de construction de l'usine. Si ces allégations s'avèrent fondées, le gouvernement devrait s'efforcer de donner une plus grande cohérence à ses interventions économiques mais, surtout, au niveau des subventions aux entreprises". Les pas bons, M. le Président, ils ne nous disent pas, là-dedans, que ce sont les administrateurs de SIDBEC, les administrateurs des sociétés d'Etat, ils nous disent que c'est le gouvernement de l'époque.

Prenons un deuxième exemple, SOQUIP, dans le même rapport publié par l'OPDQ. On y lit, à la page 136: "En conclusion, la SOQUIP est un bon exemple d'une société dont le développement a été compromis par l'incohérence des politiques-gouvernementales et par le manque de concertation entre l'Etat et la société. Dans le cas de la création d'un secteur témoin, par exemple, il n'y a pas eu, depuis cinq ans, de concordance entre les objectifs déclarés et la volonté effective du gouvernement. Lors des négociations avec l'Arabie Saoudite sur la question de la construction d'un port en eaux profondes, la SOQUIP n'a même pas été consultée par le gouvernement".

M. le Président, à la question de savoir si ce sont les sociétés d'Etat qui étaient des mauvais gestionnaires ou si ce n'était pas plutôt les gouvernements qui devaient présider à la prise des grandes décisions, on peut répondre: Non, M. le Président. Ce ne sont pas les administrateurs de SIDBEC et des autres sociétés d'Etat qui étaient les pas bons. C'était le Parti libéral qui gouvernait le Québec à cette époque. J'ajouterai un dernier point sur ce sujet. Quand j'entends le député de Huntingdon dire que SIDBEC est un monstre, je pense que les sociétés d'Etat sont les enfants des partis, des gouvernements qui les ont créées. Je me pose la question quant à savoir si, le bébé étant un monstre, le père qui était là à ce moment ne devait pas être monstrueux un petit peu lui aussi.

M. le Président, je pense avoir démontré que l'attitude des partis de l'Opposition dans ce dossier est une attitude de peur du passé, de peur du présent; ce qui est encore plus grave, c'est qu'ils ont même peur de l'avenir alors que ce n'est même pas eux qui ont à l'assumer actuellement comme gouvernement. Que n'a-t-on pas entendu de ces prophètes de malheur, M. le Président! Combien de sombres prédictions nous a-t-on faites? On nous a dit qu'on perdrait nos élections. On a projeté tant et plus du côté de l'Opposition notre incapacité dans la projection justement de l'avenir la Société nationale de l'amiante. On a diminué tous les administrateurs qui iront administrer demain la Société nationale de l'amiante en disant, comme l'a fait le chef de l'Opposition: Cela va être juste une couple de candidats péquistes qui ont manqué leurs élections. Cela va être truffé de péquistes, cela va être une gang de pas bons.

On cherche à démobiliser les travailleurs. On a lancé 56 sortilèges contre l'avenir de la Société nationale de l'amiante. On a peur de l'avenir du côté de l'Opposition. Est-il vrai que les Québécois, si on se fie à ces affirmations, ne pourront jamais être propriétaires de leurs mines d'amiante; que ces terres, ces mines qui pourraient être les nôtres, ne le seront jamais que pour nous porter malheur, M. le Président? Est-il vrai qu'on pourra louer, taxer, emprunter, supplier, menacer, mais qu'on ne pourra jamais acheter nos terres, jamais devenir propriétaires de nos richesses naturelles? Est-il vrai que la fibre d'amiante qu'on a dans notre sol québécois ne sera jamais assez longue, assez rare, que le filon ne sera jamais assez important, le marché assez sûr, pour qu'on n'ose jamais s'impliquer directement, collectivement dans la transformation de l'amiante?

Est-il vrai, M. le Président, que les administrateurs, nos chercheurs québécois ne bâtiront le secteur de transformation de l'amiante qu'on voudrait tous tant voir naître, qu'ils gâcheront tout alors que nous aurons payé sans hargne le juste prix et, de plus, un lourd tribut en sacrifices et en humiliations de toutes sortes?

Est-ce vrai que ceux qui dirigeront SONAM, le centre de recherche, le bureau de l'amiante seront tous complexés, qu'ils auront tous le complexe de l'incapable, du colonisé, de l'incompétent qu'ont cultivé chez nous les colonisateurs et nos dominateurs, qu'ils accumuleront gaffe par-dessus gaffe, erreur par-dessus erreur, pour finir par aller en faillite ou encore avoir à se donner aux Américains ou aux étrangers? Est-ce vrai que les Québécois auront toujours peur? Non, M. le Président. Les Québécois, aussi bien que les mineurs de l'amiante, n'ont plus peur. Les craintes de l'impuissance, nous les avons toutes eues. Nous avons dormi avec toutes les peurs du colonisé. Nous avons fait tous les cauchemars préparés par d'autres, tous les cauchemars du locataire qui a peur de se faire expulser de sa propre maison.

Non, les Québécois n'ont pas peur de l'avenir. Ils sont prêts. Ils sont capables d'acheter leurs mines d'amiante. Ils sont capables de les gérer, de les développer, de transformer l'amiante, de s'associer avec les multinationales. Je suis convaincu

qu'ils sont capables, en un mot, de faire naître le secteur de transformation que tous les Québécois attendent.

M. le Président, je terminerai sur ces mots: L'amiante nous appartient.

Le Vice-Président: M. le député de Verdun. M. Caron: M. le Président...

M. Lavoie: Ma question, je pourrais vous la poser: N'est-il pas vrai que ce n'est pas la première fois que les Canadiens français courent des risques? Ils en ont couru un le 15 novembre et vous voyez dans quel pétrin on est actuellement.

C'est là ma question.

M. Clair: M. le Président, je voudrais juste rappeler au leader du Parti libéral que ce qu'ils nous proposaient, eux, c'est vrai que c'était une garantie, c'était la garantie de l'inaction.

Des Voix: Bravo!

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verdun, vous disposez de vingt minutes à compter du moment présent.

M. Lucien Caron

M. Caron: M. le Président, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser aux membres de cette Chambre sur le projet de loi no 70, un projet de loi qui met en cause un des secteurs industriels les plus importants du Québec.

Vous me connaissez, je n'ai pas l'habitude de mâcher mes mots.

Quand le gouvernement pose des gestes positifs pour le Québec, je n'hésite pas à l'encourager, mais, aujourd'hui, il est de mon devoir de supplier le gouvernement de ne pas se lancer dans l'aventure avec un projet de loi dont on peut déjà imaginer les conséquences graves s'il est adopté. Car, disons-le, cette Société nationale de l'amiante, c est une aventure de plus que le gouvernement s'offre au même titre que l'assurance automobile. C'est l'aventure d'un gouvernement interventionniste, d'un gouvernement qui veut mettre l'Etat partout, d'un gouvernement qui va à l'encontre de l'opinion publique, car, c'est clair, un sondage l'a même prouvé l'automne dernier, 64% des gens de la région de l'amiante estiment que le gouvernement devrait laisser l'initiative du développement de cette industrie aux compagnies privées.

Pour qui se prend donc le gouvernement pé-quiste pour trahir les voeux de ceux-là mêmes qui sont les premiers concernés par le développement de leur région? Pour qui le gouvernement est-il si désireux de perdre toute crédibilité auprès de la population? Il devrait songer plus sérieusement à sa baisse de popularité et au dernier sondage que son parti a fait en janvier et en février qui donne les libéraux en avant à 43% contre 41% pour le Parti québécois. Oui, c'est vrai et souvent je le dis: Je ne vous haïs pas, les gars d'en face. Je vous le dis parce que j'ai vécu cela, moi aussi.

M. Jolivet: "Filibuster ".

M. Caron: Un gars qui se fait écouter par certains ministres qui avaient la vérité, même votre ministre diplômé de l'université, c'est bien important. Et j'écoutais parce qu'on disait...

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Verdun, revenez à la pertinence du débat, s'il vous plaît! (20 h 30)

M. Caron: Je veux y revenir, mais avant, c'est très important, je veux rendre service à mes bons amis d'en face. Je l'ai fait, M. le Président, dans le passé et je ne les haïs pas, ces gars-là. C'est pour cela que je veux encore les aider. Vous êtes dans le " poolroom ' comme moi je l'ai été de 1966 à 1970.

Le Président suppléant (M. Laplante):

Voulez-vous revenir, s'il vous plaît, à la pertinence du débat, M. le député de Verdun?

M. Caron: M. le Président, je veux leur rendre service encore, mais, de jour en jour, cela diminue. Je l'ai dit l'an passé, au moment où j'intervenais; je vous disais que votre cote descendait et on l'a vu en fin de semaine. Cela a l'air que cela va continuer.

Alors, tâchez de convaincre vos ministres d'être prudents. Je parle en tant qu'homme d'affaires, un gars qui a les deux pieds sur la terre. Vous autres, les gars du "poolroom", vous avez les pieds sur la terre. Mais des fois, les grands penseurs en avant...

Le Président suppléant (M. Laplante): S'il vous plaît!

M. Caron: Alors, M. le Président, je disais: C'est l'aventure d'un gouvernement interventionniste, d'un gouvernement qui veut mettre l'Etat partout, d'un gouvernement qui va à l'encontre de l'opinion publique, car, c'est clair, un sondage l'a même prouvé l'automne dernier — je vous le disais tout à l'heure — 64% des gens de l'amiante...

Une Voix: Cela a déjà été dit.

M. Chevrette: Vous vous êtes trompé de paragraphe là; lisez deux paragraphes plus bas.

M. Caron: M. le Président...

Le Président suppléant (M. Laplante): S'il vous plaît!

M. Lamontagne: Je pense que le jeune député de Joliette n'a pas de leçons à donner au député de Verdun.

M. Chevrette: Je peux t'en donner une, toi.

M. Lamontagne: D'abord, prenez votre siège, vous êtes déjà intervenu et laissez le député de Verdun intervenir.

M. Chevrette: Si je n'en ai pas à donner, lui non plus.

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Joliette. A l'ordre!

M. Chevrette: Surtout pas de vous. N'enlevez pas vos verres, je vous vois.

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, je disais: Le gouvernement est-il si désireux sérieux de perdre toute crédibilité auprès de la population? Il devrait songer plus sérieusement à sa baisse de popularité et c'est très important. Comme je vous l'ai dit, j'ai vécu cela. Vous vous laissez influencer. Ne vous laissez pas influencer, les "back-benchers". Ils feront encore plus mal si vous laissez passer ce projet de loi. Que dévoilent ces chiffres, sinon un mécontentement généralisé contre les aventures successives du Parti québécois dont la création de la Société nationale de l'amiante est une autre preuve.

Je veux poser plusieurs questions au gouvernement aujourd'hui et je lui demande de bien les noter car les Québécois vous noteront bientôt sur le tableau noir. Combien coûtera cette nouvelle aventure du Parti québécois? Quel sera le nouveau poids financier que le Parti québécois fera peser sur les contribuables du Québec? Avant de voter un tel projet de loi, il faut que le peuple en sache bien le prix. Il est étrange que le ministre se soit refusé jusqu'ici de donner le coût de cette intervention de l'Etat dans le secteur de l'amiante. Il est également bizarre que l'on ne connaisse pas encore le prix qu'est prêt à payer le gouvernement pour l'achat de 54,6% des actions détenues par la General Dynamic dans Asbestos Corporation? Que le ministre nous avoue aujourd'hui, s'il en a le courage, que le prix d'acquisition d'Asbestos Corporation sera de plus de $200 millions? Qu'il nous dise qu'il sera obligé de payer plus de $100 l'action et vraisemblablement près de $150 l'action, si la surenchère continue! Qu'il dise la vérité sur les investissements futurs qui nécessiteront que l'Etat québécois investisse pas moins de $300 millions dans cette aventure pour atteindre ses objectifs de transformation de l'amiante au Québec!

Voilà donc un beau lapin de $500 millions que le gouvernement péquiste veut offrir aux Québécois pour Pâques. C'est bientôt. Il faut réagir, à cela, et vite.

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît! Vous n'avez qu'à écouter, vous allez comprendre!

M. Caron: L'Opposition officielle met en garde le gouvernement. Il y a moyen de développer notre secteur de l'amiante sans que le Québec prenne le contrôle d'Asbestos Corporation. Il n'est pas nécessaire que le gouvernement péquiste s'érige une fois de plus en entrepreneur pour développer l'amiante. Au lieu de consacrer des sommes importantes en se faisant producteur d'amiante brut, le gouvernement ne devrait-il pas plutôt s'impliquer dans la transformation de l'amiante, avec le concours des compagnies privées?

Ce serait, à mon avis, commencer sur un bon pied. Et sans perdre la tête aussi, ne serait-il pas mieux d'associer les capitaux publics aux capitaux privés pour créer une société de transformation de l'amiante qui effectuerait les recherches commerciales et qui produirait...

M. de Belleval: M. le Président...

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Charlesbourg, vous voulez le laisser parler, s'il vous plaît!

M. Caron: J'espère que vous contrôlez votre Assemblée, M. le Président.

M. Lamontagne: J'ai toujours pensé que vous ne devriez pas être président.

Le Président suppléant (M. Laplante): Je la contrôle très bien, M. le député de Verdun.

M. Caron: Quand les autres ont parlé avant mon tour, je les ai laissés parler. J'espère qu'on va me donner la chance de dire au ministre et à ses collègues... Riez, c'est drôle. Profitez-en mes amis, c'est vite passé. M. le Président, je vois le ministre qui a un beau sourire. Il n'a pas vécu cela. Il est arrivé dans un comté. Cela s'est fait parce qu'il y avait un vent de changement dans le temps.

M. Chevrette: Hors du sujet.

M. Caron: Peut-être quinze jours, on se fait élire et tout de suite on est nommé ministre. Il peut rire. Quand il vivra, comme d'autres qui ont passé ici, des moments difficiles pour se faire élire, il trouvera cela moins drôle le ministre, dans le temps. Vous trouverez cela moins drôle. Riez. Vous allez vous ennuyer de cela, une voiture, un chauffeur, toute la patente, la haute finance à certains moments pour leur faire plaisir, enfin, profitez-en.

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Caron: II y aurait donc là, M. le Président, pour une mise de fonds publics, une création d'emplois intéressante, ce qui n'est pas le cas avec la politique actuelle. Qu'attend le gouvernement péquiste — je dis bien péquiste — pour nous avouer que les possibilités d'emplois nouveaux résultant de son projet sont loin d'être impressionnantes? Même à long terme, M. le Président, on serait très loin du millier d'emplois nouveaux que le gouvernement tente de faire miroiter aux yeux de la population. Il semble que cela pourrait être long. Le ministre lui-même le laissait voir en octo-

bre dernier dans une déclaration au Devoir où il mentionnait qu'on ne pourrait en dix ans transformer qu'environ 10% à 12% de la fibre d'amiante extraite au Québec.

M. le Président, qu'on me comprenne bien. Notre acharnement contre le projet gouvernemental n'empêche pas notre volonté de trouver des solutions justes et réalistes pour le développement du secteur de l'amiante. D'abord, l'Opposition officielle est sensible aux problèmes des 6500 travailleurs de l'amiante du Québec et principalement de la salubrité de leurs lieux de travail. Les compagnies minières et le gouvernement doivent accélérer leur coopération pour améliorer, assainir les lieux de travail des mineurs.

Le gouvernement doit également prendre conscience qu'il est lié au contexte socio-économique de l'Amérique du Nord et qu'il doit travailler avec le secteur privé pour le développement du Québec et non pas... (20 h 40)

M. Jolivet: ... discours du budget.

M. Lamontagne: M. le Président, j'ai une directive à vous demander. Avez-vous l'impression de remplir vos fonctions bien fidèlement?

Le Président suppléant (M. Laplante): J'ai l'impression de bien remplir mes fonctions.

M. Caron: ... et non pas...

Le Président suppléant (M. Laplante): Je demanderais aux députés qui ne sont pas à leur siège, d'aller occuper leur siège, s'il vous plaît, pour le bon ordre de l'Assemblée nationale.

M. Lamontagne: La partisanerie, laissez-la de côté. De toute façon, le député de Jonquière devrait être là.

M. Lavoie: ... député de Jonquière.

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavoie: Soyez donc moins partisan!

M. Lamontagne: Quant à moi, le député de Jonquière devrait aller présider.

Le Président suppléant (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît! Si le député de Roberval a des remarques à faire...

M. Lamontagne: Je ne partage pas l'opinion...

Le Président suppléant (M. Laplante): Si le député de Roberval a des remarques à faire...

M. Lamontagne: J'ai bien confiance au député de Jonquière.

Le Président suppléant (M. Laplante): Si le député de Roberval a des remarques à faire, il sait à qui s'adresser pour les faire. M. le député de Verdun, s'il vous plaît.

M. Lamontagne: Rappelez à l'ordre vos collègues qui ne respectent pas le droit de parole.

Le Président suppléant (M. Laplante): Je vous rappelle à l'ordre, vous-même, M. le député de Roberval. M. le député de Verdun.

M. Lamontagne: La partisanerie, c'est cela. Ce n'est jamais sur ce fauteuil.

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, cela ne me dérange pas qu'il soit partisan ou non. Je serai encore ici, dans cette Chambre, à la prochaine élection. Peut-être parmi eux, cela aura été juste un petit voyage bien court.

Une Voix: Un "trip".

M. Caron: Oui, un petit "trip".

M. Jolivet: Ryan, qu'en faites-vous?

M. Caron: Ne vous inquiétez pas. Le choix que j'ai décidé est un très bon choix.

Je disais donc, M. le Président, et non pas le reléguer aux oubliettes et ainsi générer un climat de démoralisation et d'incertitude chez les acteurs privés de notre développement.

Ceci veut donc dire que le gouvernement doit poser des choix politiques et économiques réalistes. Nous ne sommes pas à Cuba, nous sommes au Québec, pour ceux qui l'auraient oublié. Qu'espère le Québec en présentant ce projet de loi? Il fait tout pour que le cartel de l'amiante consente des efforts massifs pour aller ouvrir des mines ailleurs de façon à diversifier ses sources d'approvisionnement. On serait alors dans de beaux draps et le gouvernement porterait le blâme odieux du chômage qui en résulterait. Il y a pourtant des solutions réalistes au développement de notre amiante. J'en cite ici quelques exemples qui pourraient être retenus. Abandonner le régime d'impôt minier pour le remplacer par un système de "royautés "en pourcentage du prix des ventes. Passer une loi pour imposer un certain pourcentage de transformation sur place.

M. Bérubé: L'article 122 de la constitution vous l'interdit.

M. Caron: Augmenter la consommation de l'amiante au Québec et au Canada en utilisant de l'amiante-ciment dans la construction des édifices publics.

M. de Belleval: Pourquoi ne lavez-vous pas fait?

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le député de Charlesbourg, s'il vous plaît, un peu de coopération.

M. Caron: II faut, en quelque sorte, stimuler et encourager, par des mesures réalistes, le développement du secteur de l'amiante au lieu de tout bousculer et d'entraîner un climat de panique auprès des compagnies et aussi des travailleurs de l'amiante.

En conclusion, les contribuables québécois ne veulent pas payer $500 millions pour la réalisation d'un beau rêve péquiste qui, comme l'assurance automobile, suscitera la réprobation de tout le monde. Les contribuables québécois veulent plutôt que le gouvernement reste à sa place, stimule les compagnies privées pour qu'ils accentuent le développement minier en accord avec les intérêts québécois.

Les contribuables québécois font confiance au secteur privé qui est en meilleure position pour favoriser la création de nouveaux emplois, améliorer la productivité et contribuer à la relance de l'économie dans le secteur de l'amiante.

Que le Parti québécois garde son éléphant blanc dans ses tiroirs!

Une Voix: C'est la même chose. M. Charron: Les Olympiques!

M. Caron: Le peuple a assez de digérer, pour le moment, l'assurance automobile. Quand on se promène, je vous dis que les plaques de cette année, on n'en voit pas énormément. Je ne sais pas ce que le ministre des Transports va faire à la fin du mois. Il va certainement être obligé de donner encore un autre mois pour se donner une chance, pour essayer de se faire du capital politique.

Les taxes sur les vêtements d'enfant, les $40 millions de contrats de recherche donnés "sous le bras " à des petits amis du parti. Vous avez appris cela vite. On voit cela aux engagements financiers, oui. Cela fait mal, par exemple. Dans les comtés, je vous assure que les gens voient cela et, ne vous en faites pas, on va avoir hâte à la prochaine!

Alors, le gouvernement a décidé de plonger tête baissée dans ce secteur de l'amiante sans plan de développement précis pour cette industrie. Le gouvernement plonge dans un grand lac où il ne sait pas nager, mais ceux qui feront les frais de son aventure, ceux qu'on jette à l'eau, hélas, ce sont les contribuables québécois qui risquent de payer la note à la fin. C'est pourquoi l'Opposition officielle se battra jusqu'au bout contre cette aventure de la société péquiste de l'amiante. L'Opposition dénoncera le manque de préparation, l'incrédulité du gouvernement; elle fera la preuve que le développement du secteur de l'amiante n'a pas besoin de l'Etat pour prendre son essor. Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Laplante): Est-ce qu'on appelle le vote sur la deuxième lecture? M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: M. le Président, nous sommes en train d'étudier le projet de loi 70 créant la Société nationale de l'amiante et comme plusieurs membres de cette Chambre...

Le Président suppléant (M. Laplante): Dès le début, j'aimerais avoir l'ordre dans cette Chambre pour que le député de Maskinongé puisse prononcer le discours de vingt minutes qu'il a à prononcer. S'il y en a parmi vous qui sont intéressés à prononcer un discours additionnel, je suis prêt à prendre les présences. S'il vous plaît, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Et comme plusieurs membres de cette Chambre, je m'interroge à savoir quelle était l'urgence d'étudier un tel projet de loi, tout en admettant de suspendre les règles de la Chambre qui disent qu'après le discours inaugural nous devons pendant une période donnée, étudier et discuter ce discours inaugural. Je suis d'accord qu'il s'agit là d'une entente dont nous avons convenu avant la période d'ajournement des Fêtes, entente qui, même si nous y avons concouru, nous de l'Opposition, nous laissait croire que le gouvernement, durant cette période pourrait, à tout le moins, évaluer les implications de ce projet de loi et donner non seulement aux membres de l'Opposition, mais à tous les membres de cette Chambre, de cette Assemblée nationale, des chiffres nous permettant d'être en mesure d'évaluer plus adéquatement...

Le Président suppléant (M. Laplante): Je demanderais au député de Roberval, s'il vous plaît, et aux autres députés de garder leur place afin d'entendre le député de Maskinongé. (20 h 50)

M. Picotte: ... l'impact de ce projet de loi que nous présente le gouvernement. Je m'excuse, M. le Président, tantôt, le député de Drummond a mentionné que tous, au Québec, avaient hâte de voir naître le complexe de l'amiante au Québec.

Pourtant j'ai entendu un honorable collègue de l'Opposition, de l'Union Nationale, le député de Saint-Hyacinthe, qui a, à la suite de certains chiffres, de certains sondages, mentionné que, même dans la région de l'amiante, plusieurs personnes étaient non seulement très sceptiques, mais s'opposaient à cette nationalisation et à ce projet de loi 70. Cela M. le Président, laisse beaucoup de doutes sur l'affirmation du député de Drummond. Je m'excuse du terme que je vais employer mais, comme membre de cette Assemblée nationale, je puis tout simplement vous dire que je suis parfois — et le terme n'est pas fort et je m'en excuse avant de le dire — très écoeuré de l'attitude de certains membres du gouvernement.

Il s'agit de regarder ce qui se passe, M. le Président. A toutes les occasions qu'un député de l'Opposition se lève pour prendre la parole, avant même qu'on sache ce qu'il a à dire, déjà on commence à le ridiculiser. Il s'agit de regarder ce qui se passe dans les journaux présentement; il s'agit de lire le Devoir de ce matin, où tout le monde n'est pas d'accord avec cette nationalisation, pour que déjà les membres du gouvernement trouvent que c'est cave ce qui a été dit par tel ou

tel journaliste. Un député se lève en cette Assemblée et, pour toutes sortes de raisons, prend un texte bien écrit, le lit et, à cause de l'arrogance de certains messieurs d'en face, se trompe de ligne parce qu'on l'interrompt continuellement. On ne sait même pas vivre, les gens d'en face, on rit de lui, on le ridiculise parce qu'il s'est trompé.

C'est cela qu'est le gouvernement présentement.

Le Président suppléant (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait possibilité de revenir à la pertinence du débat, s'il vous plaît?

M. Picotte: J'arrive, M. le Président. Mais je vous dis exactement ce qui se passe en cette Chambre et cela touche l'amiante. Ah oui! continuez d'applaudir. Levez-vous et chantez, je vais vous écouter. Vous ne chanterez pas longtemps, messieurs. Le monde, ils ne sont pas tous des caves au Québec. Il n'y a pas seulement vous autres qui savez lire. Il n'y a pas seulement vous autres qui avez la vérité. Il y a des gens dans l'Opposition qui représentent une partie de la population. Si vous ne savez pas les respecter, les gens vont vous le dire à la prochaine élection. Vous allez l'apprendre bien plus vite que vous le pensez.

M. le Président, c'est bien regrettable, l'arrogance des gens d'en face. Faites tous vos beaux discours, faites les vedettes, si vous voulez, le remaniement ministériel, ce n'est pas pour bientôt, votre tour ne viendra pas tout de suite; les gens qui avaient à être nommés ont été nommés. Le député de Trois-Rivières a été nommé dans le vaste remaniement ministériel dont nous a parlé le premier ministre; un seul nouveau venu, et c'est pour l'empêcher de parler sur la revalorisation du rôle du député. Lui va se tenir tranquille, on l'a nommé ministre. Les autres, continuez d'être "backbenchers". C'est cela la vérité. Je comprends le député de Frontenac, qui lui est en faveur; d'ailleurs, je le respecte. J'ai bien hâte de l'entendre et j'aurais aimé qu'à la place du premier ministre ce soit lui qui ait le discours d'une heure parce qu'il aurait eu des choses à nous révéler, des choses intéressantes.

Malheureusement, nous serons obligés, mon cher député de Frontenac, de vous écouter uniquement 20 minutes. Nous allons vous manquer pour au moins la valeur du temps, une quarantaine de minutes. M. le Président, on a mentionné — on a fait un "show", d'ailleurs, à travers tout cela — lors de la motion du député de Richmond, que le qouvernement du Québec était tanné d'avoir rapport par-dessus rapport, étude par-dessus étude. On en a sorti, on en a empilé, il y en avait de caché dessous trois ou quatre banquettes de "back-benchers", on en a sorti au fur et à mesure.

Malgré les nombreux rapports, à moins que toutes les personnes qui ont passé à l'Assemblée nationale, depuis une dizaine d'années, soient toutes des sous-douées, des insignifiants, des gens qui n'ont pas fait d'études supérieures, y compris ceux qui étaient dans l'ancien gouvernement de

M. Jean Lesage et qui occupent aujourd'hui des positions importantes, telle la position de premier ministre de la province de Québec, à moins que ces gens aient tous été des caves, si on a décidé de retarder, de ne pas procéder à cette nationalisation, j'imagine qu'il devait y avoir des choses impondérables, il devait y avoir des calculs qu'on ne connaissait pas. Il devait y avoir sûrement...

M. Baril: Lesquels?

M. Picotte: M. le député d'Arthabaska, si vous voulez intervenir, même si cela ne concerne pas l'agriculture, lâchez la colonne, allez-vous-en sur le poteau de votre chaise et intervenez.

Le Vice-Président: A l'ordrel Le fauteuil du président est peut-être devenu un fauteuil de style James Bond, je ne sais pas, mais M. le député de Maskinongé, si vous voulez... A l'ordre! Ce n'est pas à vous de rappeler les députés à l'ordre. Je vous prie de vous en tenir à la pertinence du débat.

M. Picotte: M. le Président, c'est exact que ce n'est pas à moi de rappeler les députés à l'ordre, mais quand même j'ai été interpellé et je pense que, placé juste en face, j'ai pu le voir. Je m'excuse, de côté, vous ne pouviez pas le voir. Je l'imagine, en tout cas.

M. le Président, il y a tellement de personnes à Québec qui ont travaillé dans ce dossier. Il y a tellement de personnes qui ont étudié ce dossier. Comme je vous le mentionnais tantôt, ce ne sont certainement pas tous des imbéciles. Si cela ne s'est pas fait jusqu'à ce jour, c'est parce qu'il y avait quand même des interrogations au sujet de ce dossier.

Aujourd'hui, nous l'avons lu dans les journaux. On pourrait aussi confronter certaines personnes en autorité qui pourraient le mentionner; on commence même, au moment où on en discute plus sérieusement, à s'inquiéter et à se poser des questions, même au niveau des fonctionnaires, concernant ce projet de loi. Je pense que, malgré tout ce qui se passe, il faudrait ne pas demander un siècle, mais simplement d'ici quelques mois, pouvoir y réfléchir encore davantage, parce qu'il s'agit d'un investissement majeur.

J'ai des collègues dans l'Opposition qui ont parlé de certaines sociétés d'Etat. On a fait état de SIDBEC. On a parlé de SOQUIP. On a parlé de REXFOR. On a parlé d'une foule de sociétés d'Etat. Quand on se promène le moindrement à travers la province de Québec, quand on discute le moindrement avec nos électeurs, avec les Québécois moyens, je dois vous dire, malheureusement, que les Québécois sont tannés des tracasseries gouvernementales. Que les Québécois trouvent déjà que c'est trop exagéré l'intervention de l'Etat dans tous les domaines, dans tous les dossiers. On a eu beau faire des distinctions, tantôt, quand on a parlé de SIDBEC, c'est vrai, mais il y a quand même une triste réalité que tous les Québécois savent et qui renouvelle la mémoire à chaque élu du

peuple, à tous les ans, c'est que SIDBEC vient malheureusement chercher des millions à même les taxes des citoyens pour combler des déficits. (21 heures)

Ne me demandez pas qui l'a créée. C'est l'Union Nationale qui l'a créée, de bonne foi, comme vous autres probablement, qui voulez créer de bonne foi la Société nationale de l'amiante. Mais on essaie de vous prévenir que cela va coûter des millions aux Québécois. C'est ce qu'on veut vous dire. On n'est pas contre et on n'essaie pas de chiâler pour rien. On essaie de vous dire: Regardez ce que vous avez créé, mais regardez ce qui a été fait auparavant. Le monde n'a pas commencé à exister le 15 novembre 1976, messieurs, voyons donc! Soyez donc réalistes, retombez donc les deux pieds sur terre. C'est clair.

On ne vous dit pas tout simplement que c'est pourri et que ce n'est pas bon. On vous dit: Messieurs, réfléchissez davantage. On vous dit: SIDBEC est une société d'Etat et elle vient chercher, elle vient gruger des millions, à tous les ans, à même les taxes des Québécois. Prenez donc garde avant de plonger tête première dans des projets semblables à ceux-là. C'est ce qu'on vous dit, pas autre chose.

Ne nous traitez pas de caves et d'imbéciles. De toute façon, si vous le pensez, vous traitez alors la population d'imbécile car, aux dernières élections, elle a jugé qu'on pouvait la représenter adéquatement. Si c'est ce que vous voulez dire à ma population, qu'elle a été imbécile de me choisir, dites-le messieurs, cela va bien, continuez, je vais doubler ma majorité la prochaine fois.

Messieurs, ce qu'on vous dit tout simplement, c'est ceci: Avant de créer... peut-être que le troupeau d'éléphants blancs dont parlait le ministre des sports, quand il a été nommé ministre, au sujet du stade olympique — ce n'était peut-être pas tout à fait un troupeau, mais cela a l'air qu'il veut compléter son troupeau avec cette Société nationale de l'amiante — peut-être que cela va compléter le troupeau. Peut-être que, dans quelques années, le projet de la Société nationale de l'amiante va s'avérer encore plus coûteux, plus grave et pire que celui du stade olympique à Montréal. Avec vos prévisions budgétaires, si on compare cela, on en reparlera tantôt du troupeau d'éléphants blancs.

M. le Président, le ministre, s'il est malheureux, d'accord on est prêt; vous savez, c'est un projet qui aiguise le nationalisme des Québécois, qui touche au coeur directement; c'est un projet qui peut faire brailler bien du monde. Mais, ce que j'aurais aimé davantage, c'est que le ministre, après le délai qu'il a eu du 23 décembre à il y a quelques jours, au moment où on a commencé à étudier ce projet de loi, nous apporte directement des chiffres. Je ne blâme pas le ministre des Richesses naturelles de ne pas nous en présenter. Le premier ministre lui-même, dans son allocution, cet après-midi, a mentionné que, malheureusement, il n'avait aucun chiffre, qu'on ne pouvait pas faire de prévisions, mais qu'il fallait quand même faire confiance. J'aurais quand même aimé qu'on ait des chiffres. J'aurais aimé quand même, M. le Président, qu'on ait des prévisions. J'aurais aimé quand même qu'on nous dise qu'il va y avoir des créations d'emplois dans ces quelques centaines de millions payés à même les taxes des Québécois qu'on va injecter dans cette Société nationale de l'amiante.

Malheureusement, M. le Président, ce n'est pas le cas. Tout le monde en conviendra, en cette Chambre, il existe, alentour de cette industrie, de nombreux problèmes. Nous avons parlé, depuis quelques années déjà, des problèmes de santé des travailleurs. Nous savons, et le premier ministre l'a admis cet après-midi, que la compagnie, les usines que nous voulons — je n'emploierai pas le mot "exproprier" — acheter, nous, du gouvernement du Québec, pour les Québécois, nous savons, dis-je, que ce sont des usines vétustes dont le vieillissement n'est plus à démontrer à qui que ce soit. Nous savons aussi... apparemment, les vieux, M. le ministre, ont de la barbe...

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Picotte: Est-ce le ministre qui m'a parlé, M. le Président?

Le Vice-Président: Non, il ne vous a pas parlé. La pertinence du débat, s'il vous plaît!

M. Picotte: II parle tout seul? Ah, je comprends pourquoi il ne peut pas me donner de chiffres! Nous savons que le gouvernement du Québec en achetant — il y en a qui ont parlé de citrons, il y en a d'autres qui ont parlé de "minounes" —...

M. Jolivet: De pamplemousses!

M. Picotte: ... deviendra propriétaire de ces installations. Il deviendra aussi employeur et il devra automatiquement, comme gouvernement, être un employeur modèle. Autrement dit, en langage populaire que tout le monde comprend, il devra prendre une "minoune" et en faire une Cadillac. A ce moment-là, c'est tout un projet! Qu'est-ce que cela va coûter prendre une "minoune" pour la convertir en Cadillac? Je ne le sais pas, les spécialistes ne le savent pas, le ministre ne le sait pas, le premier ministre — il l'a dit cet après-midi — ne le sait pas et le gouvernement non plus. Donc, un gros point d'interrogation pour les Québécois. Mais nous savons quand même une chose, et tous les Québécois savent au moins cela, ce sera payé à même les taxes des Québécois. Tout cela pour être plus nationalistes, pour être moins colonisés et surtout pour être moins frustrés pour certains individus, parce que ce n'est pas tout le monde au Québec qui est frustré. Ne vous en faites pas. Il y a seulement ceux qui prétendent avoir été colonisés qui sont frustrés. Et ce n'est pas tout le monde qui est dans cette catégorie. Donc, je vous l'ai mentionné tantôt, le gouvernement du Québec devra agir en employeur modèle et, à ce moment-là, le coût égale un point d'interrogation.

M. le Président, si j'essaie de résister à cette nationalisation de l'amiante, ce n'est pas nécessai-

rement et pas seulement parce que je suis membre de l'Opposition, mais parce que, vivant dans un milieu économiquement faible, vivant dans un milieu qui a de sérieux problèmes présentement au point de vue de l'emploi, vivant dans un milieu où un fort pourcentage de gens sont en chômage et vivent à même les prestations d'aide sociale, sachant que la situation économique au Québec est des plus précaires, j'hésite, comme représentant du peuple qui paie des taxes au gouvernement du Québec...

Le Vice-Président: Excusez-moi. Je vous prierais, M. le député de Maskinongé, de conclure. Le temps est déjà dépassé.

M. Picotte: C'est malheureux qu'on ne puisse pas y revenir.

Le Vice-Président: Moi-même, je trouve cela très malheureux!

M. Picotte: Vous avez raison. Mon exposé était tellement bon, M. le Président, qu'il y a quelques individus qui ont parlé sans que vous en ayez eu connaissance et je ne vous blâme pas!

En terminant, comme je vous l'ai mentionné tantôt, étant issu d'un milieu économiquement faible, au moment même où je vous parle en 1978, j'hésite, comme représentant du peuple, comme représentant des individus qui paient des taxes au gouvernement du Québec, à ce qu'on investisse $200 millions, $300 millions, $400 millions — parce qu'on ne sait pas encore le coût — tout en sachant que cela ne créera, pour l'instant, aucun emploi. J'hésite à ce qu'on utilise les taxes des Québécois pour nationaliser et s'en aller vers un rêve où on n'est pas certain d'avoir du rendement.

Soyez assuré qu'en ce qui me concerne ma collaboration à ce débat n'en fut pas une partisane, mais que je l'ai faite tout simplement pour tâcher de soumettre à cette Chambre les nombreuses interrogations que je me posais à ce sujet. J'espère que cela a pu éclairer certains membres de cette Chambre. (21 h 10)

Le Vice-Président: M. le député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. Mailloux: M. le Président, cet après-midi, comme chacun des membres de cette Chambre, j'ai écouté attentivement le discours du premier ministre expliquant les raisons que son gouvernement a d'intervenir dans un secteur d'activité où il est propriétaire de la richesse naturelle non renouvelable. Les exploitants, a-t-il dit, n'ont pas fait le nécessaire pour que les nôtres soient présents dans la transformation ou pour profiter des retombées qu'on pouvait en retirer. C'est un secteur d'activité où, également, chacun le reconnaît, les conditions de salubrité n'ont pas été non plus toujours des plus satisfaisantes.

M. le Président, ayant eu à écouter et à voir à l'oeuvre depuis 1962 le chef du gouvernement, j'ai remarqué qu'il a livré son message, non pas dans le style enflammé qu'en pareilles circonstances il avait l'habitude d'employer, mais en se voulant le plus modéré qu'il soit. Un tel langage pourrait davantage être de mise de la part de ceux du côté gouvernemental qui possèdent les renseignements qui peuvent être livrés pour l'information du grand public et de la Chambre, à propos d'une loi qui, si elle est adoptée, engagera le Québec et pour très longtemps. Un tel langage, dis-je, serait de nature à fournir un meilleur éclairage à ceux qui seront appelés à payer la note, et c'est leur droit strict de savoir.

M. le Président, le premier ministre a fait état des bruits amplifiés quant aux restrictions imposées par les pays de la communauté européenne ou du marché commun, et je pense qu'il n'a pas dit que seule la fibre bleue était prohibée. Il a dit, si ma mémoire est fidèle, que cela concernait toute fibre; cependant, cela concernait moins de 15% de ce qui peut être voué à la transformation, si j'ai bien compris son message.

Je ne sache pas, cependant, qu'il ait le moindrement indiqué de quelle façon la société d'Etat pourrait espérer concurrencer un tant soit peu, dans un marché européen, des multinationales déjà établies, bien ancrées. Comment permettre une pénétration de cedit marché européen? Comment savoir si ce n'est qu'avoir de vagues espoirs et de possibles affinités avec des collectivités dont la culture peut nous rapprocher, mais qui n'ont jamais levé le petit doigt pour aider le Québec sur le plan économique?

Je ne voudrais pas être méchant, mais la chanson "Au temps des colonies" lui va comme un gant: Des idées, mais pas d'argent. Le premier ministre a invité les Oppositions, a même insisté pour qu'aucune référence ne soit faite à l'endroit de SIDBEC-DOSCO. Encore là, c'est une matière première qui est nôtre, personne ne nie que l'acier sera toujours en demande. I! a dit que ce n'est pas tant la société d'Etat, si elle a eu des difficultés, c'est qu'à l'échelle mondiale on a connu des périodes de récession. Donc qu'elle doit en subir les effets.

M. le Président, je constate que, même s'il y a eu des périodes de progression, les mêmes effets se faisaient sentir à chaque année, où il y avait déficit. Je vous avouerai que la demande du premier ministre de ne pas faire référence à SIDBEC-DOSCO ne m'a pas tellement impressionné. Je vous avouerai que le premier ministre devrait fouiller très attentivement toutes les phases depuis l'achat de SIDBEC-DOSCO s'il désire savoir. Avant que le Québec plonge, qu'il sache s'il a les moyens financiers de mettre la main sur une compagnie peut-être détestable, mais dont personne dans le Québec ne peut donner une approximation de la fin de l'aventure, si nationaliste soit-elle.

M. le Président, SIDBEC-DOSCO, présentée par l'Union Nationale et appuyée, si ma mémoire est fidèle, par les parlementaires du temps dont j'étais, n'est pas une ombre au tableau du débat

présent. Cette sidérurgie est un ensemble d'étapes que le Québec a dû franchir dans un marché abondant, où le Québec pouvait davantage commander que sur le marché de l'amiante parce que acheteur lui-même et acheteur important soit directement, soit par le biais de ses créatures municipales, scolaires, des sociétés d'Etat telles l'Hydro-Québec, la Société d'énergie de la baie James et autres.

Personne ne reproche à l'Union Nationale et à ceux qui lui ont succédé à la gouverne du Québec d'avoir dû faire face aux étapes nombreuses qui devraient permettre d'atteindre le seuil de la rentabilité souhaitée. J'ai été un de ceux qui ont écouté les raisons qui motivaient la société, année après année, à se présenter et devant le Conseil des ministres et devant celui de la trésorerie pour tenter de justifier la mise de fonds supplémentaire.

Je vous avouerai que peut-être trop terre à terre je suis, au cours de ces années, devenu de plus en plus perplexe quant à la capacité pour une société d'Etat qui n'est pas un monopole de pouvoir concurrencer sans une aide constante de l'Etat ses concurrents de l'entreprise privée.

M. Bérubé: Me permettez-vous une question, M. le député? Vous avez une excellente société d'Etat qui travaille dans votre comté de Charlevoix. Elle fait le plaisir des gens de Clermont. C'est la société Donohue. Vous savez que son taux de rentabilité est l'un des plus élevés des compagnies de pâtes et papiers au Québec et que c'est une société d'Etat.

M. Mailloux: M. le Président, je voudrais faire remarquer à l'aimable ministre des Richesses naturelles, que je sais d'ailleurs surchargé par deux ministères importants, qu'en fait la société Donohue Brothers n'est pas une société d'Etat. Donohue Brothers était une société privée dans laquelle le gouvernement a investi, une compagnie dont le "know how " était tel qu'elle pouvait permettre au gouvernement d'espérer des profits. C'est ce qui est arrivé. Ce n'est pas une société d'Etat.

M. Bérubé: Comme l'Asbestos.

M. Mailloux: Un instant. C'est une société dans laquelle vous avez des actions à 49% ou 51%. Quand vous avez participé à une mise de fonds dans cette société, elle faisait déjà des profits abondants. C'est une société que je connais d'ailleurs depuis très longtemps, dont la vocation sociale et économique est très bien acceptée dans Charlevoix. Elle a participé à tous les mouvements possibles. De toute façon, je ne sache pas que ce soit une société d'Etat telle la sidérurgie ou l'électricité, d'aucune façon. M. le Président, j'excuse le ministre des Richesses naturelles qui est un charmant garçon d'avoir interrompu mon exposé. Cela ne me dérange pas tellement parce que je suis toujours mauvais quand je lis un document que j'ai préparé à bâtons rompus.

Le Président suppléant (M. Boucher): M. le député de Charlevoix, si j'ai bien compris vous aviez accepté la question et la réponse a été donnée.

M. Mailloux: D'un si charmant garçon, oui.

M. le Président, une réflexion qui ne vient pas de moi et que j'ai entendue souventefois lors de ces rencontres où SIDBEC-DOSCO avait à rencontrer le gouvernement caricature très bien la situation à laquelle le gouvernement fait face dans sa tentative d'acheter l'Asbestos. J'ajoute, même si on élimine l'imprudence inqualifiable du ministre de l'Energie dont le témoignage servira peut-être un jour devant une cour de justice si la transaction ne s'effectuait pas de gré à gré, et même là cette réflexion si vous versez un prix équitable aux deux parties, de très hauts fonctionnaires et non des moindres diront, quand vous serez fixé — et je souligne ce qui suit: "Quand vous serez fixés et que vous aurez un prix à payer, cela, c'est le prix de la queue du chat." (21 h 20)

Le ministre de la Fonction publique, cette réflexion, il la connaît au Conseil du trésor, il est passé par là. Chaque fois qu'on présente un projet d'une société d'Etat à vocation populaire comme Samoco, Cabano et tout ce que vous voudrez, j'ai toujours entendu dire: La queue du dragon, la queue du chat.

La sidérurgie qui devait coûter de $55 millions à $60 millions, ce prix, c'était celui de la queue du chat, non encore viable, cela coûte $800 millions et on n'a pas encore vu les yeux du chat.

Allez vers le bunker, de l'autre bord, ou vers un président d'une banque bien connu dans la province qui est un ex-secrétaire du Conseil du trésor; eux, ils en ont vu arriver des chats dont on leur présentait la queue. Ils attendent toujours la tête. Et cela, sans malice à l'endroit de ceux qui faisaient une telle réflexion pour des actions posées par des précédents gouvernements. D'ailleurs, je ne me réfère pas à l'achat éventuel de l'Asbestos Corporation dans lequel je ne voudrais pas les impliquer, d'ailleurs.

Le premier ministre a informé la Chambre que son gouvernement connaissait les éléments susceptibles d'établir les coûts d'une transaction possible, transformation de l'usine, construction nouvelle, déménagement d'une infime partie de la population, indemnisation des employés, etc., coûts auxquels il faudra ajouter les sommes requises pour transformer les produits qu'on désirera. C'est déjà beaucoup d'argent qui se fait d'ailleurs de plus en plus rare dans le Québec, dans le Canada et dans les pays industrialisés.

De plus, on n'a que des espoirs de voir plus d'emplois créés, et je ne voudrais pas aller dans ce sens. On n'a pénétré aucun marché et, pourtant, bien poliment, comme lors de l'achat de SIDBEC, de DOSCO, on n'est et on ne sera propriétaire que de la queue du chat. Je doute fort que ce gouvernement voie ce que d'autres nomment la tête ou les yeux du chat.

Et pourtant, je suis surpris qu'un membre de l'exécutif — l'actuel ministre des Finances, si ma mémoire est fidèle, conseiller spécial au moment

où le gouvernement a transigé la nationalisation de l'électricité — que ce conseiller financier auprès de M. Lesage, en 1962, évitant alors toute surenchère en Bourse d'un dossier bien étudié, tel que le disait le premier ministre, cet après-midi, aujourd'hui, n'ait pas pris les précautions les plus élémentaires qui s'imposaient et dont on parlait lors de l'élection de 1962.

Il n'y a aucune relation possible entre le bien-fondé de cette nationalisation et le but poursuivi par le projet de loi 70. En 1962, c'était un monopole que créait le gouvernement, aucune concurrence possible, et on plaçait entre les mains du Québec un levier de commande dont il peut se servir davantage aujourd'hui, dans les pays voisin des Etats-Unis, en Ontario et ailleurs. Le projet de loi 70 n'apportera aucun monopole; la société, si elle est créée, deviendra un concurrent des sociétés dont le "know-how" est en avance et, pour concurrencer, il nous faudra sans les attendre, éponger sans cesse des déficits.

Le premier ministre a passé sous un silence surprenant un article intitulé "Le plus gros fabricant de freins condamne l'amiante".

Il a passé de manière surprenante sur cet article qui paraissait à larges traits dans le Devoir d'aujourd'hui. Le gouvernement dira que c'est un avancé savamment orchestré dont je ne prends pas la véracité à mon compte, d'ailleurs, vu mes faibles moyens, mais qui rejoint une vérité que chacun connaît, soit réduire le poids de tout véhicule, avion, automobile, etc. Si les avantages indiqués sont réels, le gouvernement ne peut, dans l'étude du dossier, ignorer de tels avertissements s'il désire transformer davantage. M. le Président, si le marché des freins, important dans le passé, devient difficile d'accès, pourquoi parle-t-on si peu du marché possible de tuyaux d'amiante-ciment?

Si c'est un secteur visé, ce que je crois, que penser de la difficile concurrence qui sera apportée aux fabricants de tuyaux de béton déjà au bord du précipice devant la concurrence très forte de ceux en aluminium qui prenaient davantage de place sur le marché? M. le Président, j'ai été un peu surpris de lire la préface d'un texte qui nous est envoyé, intitulé "Tuyaux de béton, un produit signé Québec, qui dit ceci: "Entrée en matière: La décision du gouvernement québécois concernant l'acquisition des actifs de la compagnie Asbestos Corporation donne un ton résolument réaliste au programme d'action économique élaboré par un comité spécial mis sur pied par le Conseil des ministres." On semble appuyer. "Même si elle n'a pas été commanditée par le gouvernement du Québec, l'étude sur les possibilités de fabrication de produits d'amiante, exécutée par SORES, demeure cependant très révélatrice. Tout indique qu'il y a place pour le développement d'une industrie de transformation de l'amiante au Québec; reste, bien sûr, le problème de la cohabitation avec les autres industries... La question est de savoir s'il y a lieu pour le Québec de susciter la création d'une usine de fabrication de tuyaux d'amiante en raison de la structure particulièrement bien établie de l'industrie du tuyau de béton et de l'idéologie même du gouvernement en matière de développement de l'industrie secondaire; l'encouragement à la petite et à la moyenne entreprise et la décentralisation industrielle".

M. le Président, on constate que les fabricants de tuyaux de béton encensent le gouvernement, et d'un autre côté, mentionnent quand même la difficile concurrence que laisse supposer l'arrivée des tuyaux d'amiante-ciment. Il ne faut pas avoir été longtemps à la charge du ministère des Transports pour savoir dans quelle position précaire l'ensemble de ces industries a été placée dans les dernières années au cours desquelles il a même fallu modifier certaines normes. Au moment où le gouvernement soumet à l'attention de la Chambre l'achat éventuel d'Asbestos Corporation et s'apprête à faire face à la concurrence d'autres géants de l'amiante, dans une aventure dont personne d'ailleurs ne connaît le coût final, malgré toute la prudence dont voudra s'entourer le ministre des Richesses naturelles — je le lui concède, je pense qu'il tâchera d'être prudent — une curieuse contradiction apparaît dans la conduite de ce gouvernement et je m'explique. Il n'y a pas tellement de temps, quelques semaines, c'est le chef du gouvernement qui, traitant des vérités économiques, faisait la réflexion suivante dans le débat General Motors versus Bombardier: "Quand on est un nain, on n'a qu'à se coucher ". J'en suis resté estomaqué. Une vérité économique qui faisait que le gouvernement avait à trancher entre une industrie bien québécoise et un monopole à qui l'on consacrait pour toujours la fabrication d'autobus sur le marché québécois.

M. le Président, d'une telle réflexion, il est vrai que je suis demeuré tout à fait estomaqué. La chance qu'on pouvait alors offrir à un fabricant québécois, avec si peu de risques, on a oublié de la saisir et, pourtant, c'était dans un secteur connu et possédant un marché assez abondant.

Dans le débat actuel, le premier ministre et le gouvernement auraient-ils déjà oublié les vérités économiques dont ils nous parlaient alors, dont on se servait pour repousser un fabricant dont le "know how" était également bien connu? (21 h 30)

M. le Président, on a demandé pourquoi le précédent gouvernement n'avait pas agi dans ce difficile dossier de l'amiante. La question a été posée à plusieurs reprises. Pourquoi toutes les études avaient-elles été repoussées? Pourquoi avaient-elles été mises sur les tablettes à l'exemple de beaucoup d'autres dans le Québec? Peut-être pourrais-je vous soumettre qu'à l'exemple de beaucoup d'autres dans le Québec les vérités économiques dont votre chef parlait étaient telles alors et sont telles aujourd'hui qu'il valait mieux, dans le temps, faire un aveu d'impuissance et parfois éviter une catastrophe, d'ailleurs, que je ne souhaite pas.

On a demandé aux membres de l'Opposition d'être très prudents dans ce dossier. Je sais qu'un secteur vital de l'économie du Québec est entre les mains de monopoles étrangers qui s'en sont servi de manière souventefois détestable pour

l'ensemble des Québécois. Personne, de ceux qui sont le moindrement sérieux du côté de l'Opposition, n'accepte ce point de vue.

Si, dans les années qui viennent de s'écouler, les gouvernements — on pourra dire ce qu'on voudra des gouvernements de l'Union Nationale ou du Parti libéral — n'ont pas trouvé, dans des conditions économiques meilleures que celles qu'on connaît aujourd'hui, le moyen d'agir, de placer un secteur témoin dans le dossier de l'amiante, c'est peut-être que, quand on est allé à fond dans le dossier, on s'est aperçu que ce serait un achat qui nous donnerait la queue du chat, mais que le gouvernement ne pourrait jamais acheter le corps et la tête. C'est peut-être pour cela que les gouvernements précédents ont été prudents. Et peut-être que leur nationalisme était aussi éveillé qu'il l'est aujourd'hui, malgré qu'il est moins extériorisé. De toute façon, le gouvernement a décidé de son lit. C'est son droit de tenter de présenter un tel projet de loi en Chambre. J'espère qu'il prendra toutes les précautions qui s'imposent. Mais dans ce type de dossier, les précautions qu'on avait connues lors de l'achat de l'électricité, où ce fut calculé à quelques millions près, avec toutes les précautions prises en Bourse, ce sont des précautions qui n'ont pas été prises dans le dossier actuel. Je regrette, avec le peu de renseignements qui sont à notre disposition, il m'est impossible de voter pour le projet de loi no 70.

Le Président suppléant (M. Boucher): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je pense qu'il nous faut faire ressortir... J'ai le droit de parole, M. le député de Brome-Missisquoi. Le président me l'a accordé.

Je pense qu'il y a une chose qu'on n'a pas fait suffisamment ressortir, au cours de ce débat, sur le projet de loi no 70. C'est qu'entre nous, du côté ministériel, du côté gouvernemental, et ceux de l'Opposition, il y a quand même des points sur lesquels on est parfaitement d'accord. C'est regrettable que mes collègues du côté gouvernemental n'aient pas fait ressortir les terrains d'entente, les points d'accord entre les gens d'en face, ceux de l'Opposition, et nous.

Il faudrait, je pense, le faire avant que se termine ce débat. Nous sommes d'accord quand les gens de l'Opposition affirment qu'il faut établir une politique de recherche dans le secteur de l'amiante afin de trouver de nouvelles utilisations, de nouveaux produits. Je considère qu'il s'agit là d'excellents conseils. Nous sommes d'accord avec ceux de l'Opposition quand ils formulent de pareilles recommandations.

Pourquoi n'ont-ils rien fait dans ce domaine lorsqu'ils étaient au pouvoir? Lorsque le Parti libéral était au pouvoir, pendant six ans, pourquoi n'a-t-il rien fait dans le secteur de la recherche sur l'amiante? Pourquoi l'Union Nationale n'a-t-elle rien fait lorsqu'elle était au pouvoir de 1966 à 1970 pour appliquer les excellentes recommandations qu'elle nous fait présentement?

Dans le domaine de la transformation, nous sommes d'accord avec les gens de l'Opposition, que ce soit de l'Union Nationale ou du Parti libéral. Oui, nous sommes d'accord avec eux lorsqu'ils nous disent qu'il faut davantage transformer sur place cette ressource naturelle. Ils ont parfaitement raison. Cela créerait plus d'emplois, ils ont raison de le dire. Cela stimulerait l'économie. Transformer cette ressource davantage, cela aurait des retombées économiques bénéfiques sur toute une région. Nous sommes entièrement d'accord avec eux. Il faut souligner que nous sommes d'accord avec eux lorsqu'ils nous font ces recommandations, lorsqu'ils nous donnent ces conseils excellents.

Pourquoi n'ont-ils rien fait lorsqu'ils étaient au pouvoir? Lorsque le Parti libéral était au pouvoir, pendant six ans; l'Union Nationale, pendant quatre ans. Pourquoi n'ont-ils rien fait pour transformer davantage l'amiante chez nous?

Nous sommes d'accord avec eux lorsque le député de Verdun dit qu'il faut augmenter la consommation intérieure des produits de l'amiante chez nous. Nous sommes entièrement d'accord avec lui. Pourquoi le Parti libéral n'a-t-il rien fait dans ce domaine lorsqu'il était au pouvoir, lorsqu'il détenait le pouvoir? Nous reconnaissons comme intéressante la proposition du député de Verdun de voter une loi pour imposer un pourcentage de transformation sur place aux compagnies. C'est une proposition intéressante. Pourquoi n'ont-ils rien fait dans ce sens lorsqu'ils étaient au pouvoir? Comment expliquer leur impuissance, leur incapacité?

Il fallait quand même le faire ressortir au cours de ce débat. Nous sommes donc d'accord sur bien des points avec nos amis de l'Opposition, avec nos collègues de l'Opposition. Là où nous divergeons d'opinion, là où nous ne sommes pas d'accord, évidemment, c'est lorsqu'il s'agit de choisir les instruments de développement, les instruments, les moyens pour atteindre ces objectifs fort louables. A ce sujet, depuis que ce projet de loi est devant l'Assemblée, on assiste à une véritable levée en masse, unanime du côté de l'Opposition, pour dénoncer avec virulence le rôle de l'Etat dans l'économie; pour dénoncer l'intervention de l'Etat dans l'économie et, en particulier, dans le secteur de l'amiante. On assiste, depuis quelque temps, depuis que ce projet de loi est à l'étude, à une entreprise vraiment désolante, déplorable de la part de l'Opposition, à une entreprise de dénigrement des sociétés d'Etat. Les gens de l'Opposition n'ont pas cessé, depuis le début de l'étude de ce projet de loi, de dénigrer les sociétés d'Etat, de cracher sur les sociétés d'Etat. Pourtant, celle que nous voulons créer, la Société nationale de l'amiante, s'inscrit dans un mouvement qui date du début des années soixante, un mouvement de mise en place de sociétés d'Etat afin de mieux développer l'économie québécoise. Ce mouvement de mise en place de sociétés d'Etat s'inspire d'une philosophie qui veut que l'Etat, chez nous, dans le

contexte que l'on connaît, soit un instrument de développement économique, soit utilisé comme un instrument de développement économique. (21 h 40)

C'est l'ancien premier ministre Jean Lesage, actuel président de la commission du référendum du Parti libéral, un homme éminent, toujours influent au sein du Parti libéral, c'est Jean Lesage qui affirmait en juin 1961, que le seul puissant moyen que nous possédons, c'est l'Etat du Québec, si nous refusions de nous servir de notre Etat, par crainte ou par préjugé, nous nous priverions alors de ce qui est peut-être l'unique recours qui nous reste pour survivre comme minorité.

C'est M. Jean Lesage qui affirmait cela. C'est d'ailleurs lui qui a, en quelque sorte, présidé à la naissance de plusieurs sociétés d'Etat au cours des années soixante, et il disait qu'on ne devait pas refuser de se servir de notre Etat par crainte ou par préjugé. Par crainte, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de discourir beaucoup là-dessus, puisque cette crainte, cette peur transpire dans tous les propos tenus par les membres de l'Opposition, depuis le début de ce débat sur le projet de loi 70. Par préjugé aussi, et il y en a des tenaces, que l'on retrouve du côté de l'Opposition. Le préjugé le plus tenace est celui qui veut qu'une société d'Etat ne soit pas rentable, ni efficace. Que ce soit nécessairement un fiasco. C'est le député de Laval qui prétendait cela encore cet après-midi. Que toute société d'Etat conduit nécessairement à un fiasco, dans le domaine économique. Ce préjugé est tout à fait faux et ne correspond en aucune façon à la réalité, puisque la réalité est tout autre. Qu'il suffise de considérer certaines de nos sociétés d'Etat pour s'en convaincre. En particulier, prenons le cas de la SGF, la Société générale de financement, qui a été mise en place par les libéraux au début des années soixante. Depuis 1973, depuis la réorganisation de 1973 qui a été effectuée par le gouvernement libéral du temps, la Société générale de financement va, selon le rapport qu'on a reçu tout récemment, très bien. Elle s'avère un instrument rentable de développement économique.

C'est le cas, pourrait-on dire même, de SIDBEC, qui, il est vrai, accumule des déficits, mais il faut considérer le cas de SIDBEC en tenant compte des objectifs qu'on a assignés à cette société. Dans le même rapport cité, je pense, par le député de Nicolet, cet après-midi — il a oublié deux paragraphes qui m'apparaissaient importants, je lui avais demandé de les lire, mais il n'a pas tenu compte de ma recommandation, je vais les lire ce soir — à propos de SIDBEC, c'est vrai que SIDBEC est déficitaire depuis sa formation, mais on peut lire dans ce rapport le jugement suivant sur SIDBEC: "De toute façon, le gouvernement québécois a répété à plusieurs reprises qu'il était prêt à absorber les pertes de SIDBEC étant donné que celle-ci avait été créée dans d'autres buts que la rentabilité. Guy Saint-Pierre — ce n'est pas un péquiste — entre autres notait en 1973 que les buts de la société étaient de rendre l'acier disponible à de meilleurs prix, d'augmenter la valeur ajoutée au niveau manufacturier, d'attirer au Québec les compagnies consommatrices d'acier et que pour toutes ces raisons il n'était pas essentiel que SIDBEC atteigne le même degré de rentabilité que les autres aciéries. Et on soulignait que l'un des objectifs de SIDBEC avait été atteint qui consistait à réduire l'écart entre le prix de l'acier en Ontario et le prix de l'acier au Québec.

On avait réduit cet écart de $12. Donc, si l'on considère l'ensemble des objectifs assignés à SIDBEC, on peut dire qu'ils ont été atteints et que cette société d'Etat a joué le rôle qu'on voulait lui faire jouer.

Les sociétés d'Etat sont donc, à mon avis, des outils essentiels de développement, des instruments essentiels de développement. Je voudrais souligner une contradiction qui est flagrante du côté de l'Opposition et de ceux qui sont intervenus du côté de l'Opposition. D'un côté, dans leurs discours, ils dénigrent les sociétés d'Etat. Ils crachent sur les sociétés d'Etat. D'un autre côté, à tout moment, ils demandent au gouvernement de faire intervenir les sociétés d'Etat pour régler des problèmes concrets, économiques qu'ils rencontrent et qu'ils connaissent dans leur comté ou dans leur région. Encore aujourd'hui même, un député demandait au ministre des Richesses naturelles de faire intervenir SOQUEM, une société d'Etat, pour exploiter le gisement de Silver Stack. On pressait le gouvernement de faire intervenir SOQUEM pour exploiter un gisement.

Dans plusieurs circonscriptions au Québec, entre autres je pense ne pas me tromper en disant dans la circonscription de Brome-Missisquoi, il y a des problèmes de scieries. Les députés pressent le gouvernement de faire intervenir REXFOR; c'est une société d'Etat. Quand il y a des problèmes dans un comté, dans une région, inévitablement les députés de l'Opposition demandent au gouvernement de faire intervenir une société d'Etat pour régler le problème économique qu'ils connaissent dans leur région ou dans leur comté. Et quand, dans un comté, l'Etat intervient par l'intermédiaire d'une société d'Etat pour régler un problème économique, l'Etat intervient par l'intermédiaire d'une société d'Etat pour régler un problème économique, les députés de l'Opposition sont toujours extrêmement satisfaits et ne manquent pas de l'exprimer. Quand REXFOR est intervenue pour participer au sauvetage de Tembec au Témiscamingue, les députés de la région étaient évidemment extrêmement satisfaits.

Quand la SGF, par l'intermédiaire de la Dono-hue, a participé à la mise en place d'une usine de pâtes à Saint-Félicien, au coût de $300 millions, c'est un projet considérable — l'Etat intervient directement, par la SGF, dans un tel projet— le député de Roberval, qui est directement touché, était évidemment extrêmement satisfait de cette intervention de l'Etat. Il est d'autant plus satisfait qu'on peut dire que sa réélection est, en partie du moins, due à ce projet de $300 millions à Saint-Félicien.

Le député de Roberval est extrêmement satisfait quand l'Etat investit dans sa circonscription. Il y a donc là une contradiction qui m'apparaît inac-

ceptable. D'un côté, dans les discours, dans leurs propos, les députés de l'Opposition dénigrent les sociétés d'Etat. Ils crachent sur les sociétés d'Etat. Quand il y a un problème, la première chose qu'ils font, c'est de réclamer de l'Etat qu'une société intervienne pour résoudre un problème économique. Il serait temps que les gens de l'Opposition se soucient quelque peu de la concordance entre leurs propos et leur comportement.

Quant à nous, nous avons décidé d'être logiques et cohérents. Nous l'avons d'ailleurs toujours été. Il s'agit de relever le journal des Débats; lorsque le gouvernement libéral, de 1970 à 1976, a présenté des projets de loi pour soutenir les sociétés d'Etat, le Parti québécois, alors l'Opposition, a toujours appuyé et soutenu ces projets de lois.

Nous avons décidé, une fois au pouvoir, de demeurer logiques et cohérents. Nous croyons, en ce qui concerne le secteur de l'amiante, qu'une intervention de l'Etat s'impose d'urgence. Nous croyons que cette intervention est essentielle. C'est pourquoi nous avons présenté et nous allons adopter le projet de loi no 70 qui créé la Société nationale de l'amiante. (21 h 50)

Je suis convaincu que, lorsque cette Société nationale de l'amiante existera, on verra très rapidement les députés de l'Opposition demander au gouvernement de faire en sorte que la Société nationale de l'amiante intervienne dans leur circonscription pour régler des problèmes économiques graves. Je suis convaincu que cela ne tardera pas. C'est pourquoi il nous faut adopter rapidement ce projet de loi no 70 pour mettre rapidement en place la Société nationale de l'amiante. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: M. le Président, vous me permettrez par votre entremise de soulever quelques points en ce qui concerne la loi en discussion actuellement. Je voudrais d'abord dire que le ministre, en présentant ce projet de loi, l'a fait d'une façon très timide. Il a soulevé d'abord à peu près tous les cancers que le problème de l'amiante pouvait représenter. Malheureusement, je ne sais pas si le temps lui a manqué mais, dans le discours qu'il a fait, il n'a pu trouver d'autre solution que de dire que la seule serait de nationaliser la société d'amiante dont il est question.

M. le Président, je sais qu'il y a eu des positions qui ont été prises à l'occasion des élections. Nous savons, comme tout le monde, qu'il y a certains problèmes qui existent dans ce domaine.

Actuellement, il ne s'agit pas d'une société de la nature de celles qu'on a voulu représenter: l'Hydro-Québec, la Régie des alcools, SOQUEM et les autres. On a parlé tout à l'heure de certains problèmes qui existaient dans des scieries. Dans le comté de Brome-Missisquoi, il n'existe pas de problèmes en ce qui concerne les scieries, c'est plutôt dans le comté de Berthier que les problèmes existent et dans d'autres comtés. Donc, REXFOR est intervenue ailleurs et remplira simplement son rôle d'intervenant, à ce moment-là. C'est la raison pour laquelle elle a été créée, non pas pour nationaliser des sociétés mais pour coopérer à maintenir un équilibre valable dans le domaine du bois ou des terres et forêts.

J'ai écouté le député qui a tâché de laisser croire à cette Chambre que tous les membres de l'Opposition, ici, ont dénigré les sociétés d'Etat; que tous les journalistes qui ont écrit dans les journaux ont dénigré les sociétés d'Etat. Le ministre lui-même a passé des remarques en disant que c'était complètement injuste, les remarques qu'on avait relevées.

M. le Président, il aurait été facile, à mon sens, pour le ministre, lorsqu'il a fait son exposé, peut-être de prendre son heure, si c'était nécessaire, pour présenter à la Chambre cette loi en disant: Voici les problèmes et les solutions bien étalés afin que les membres de cette Chambre soient bien informés pour savoir que, demain, lorsqu'on aura nationalisé cette société, elle va pouvoir fonctionner différemment de SIDBEC dont — nous l'avons vécu, on pourrait en parler longtemps, aussi bien que d'autres — on connaît les problèmes. C'est pour cette raison qu'on soulève ces points; on ne voudrait pas que le même problème se présente avec l'Asbestos. Lorsqu'on va nationaliser cette mine, c'est la matière première, c'est vrai, mais qu'est-ce qu'on fera des marchés? La société qu'on va nationaliser, c'est une société étrangère qui a des intérêts ailleurs, qui est à l'intérieur du Marché commun, où on trouve une grosse partie du marché de l'amiante, et si on veut regarder cela avec beaucoup de réalisme — je demande au ministre de réviser un peu sa position—on va s'apercevoir que dans quelques années le Marché commun sera servi par d'autres pays que le Canada et le Québec, chose que je ne voudrais pas voir arriver. Je préférerais qu'on laisse ces gens qui ont des intérêts ici continuer à laisser leur argent ici. S'ils sont obligés de fermer, là, qu'on ait une société qui garantira une survie à ces mines qui exploitent nos richesses naturelles.

Mais, actuellement, il y a un danger et je pense que ces gens seraient heureux qu'on leur donne, on parle de $150 millions, $200 millions; on le saura demain.

Quand on a fait la nationalisation de l'électricité en 1962, le premier ministre se le rappelle lorsqu'il était sur les "haustings" politiques, qu'il expliquait avec la baguette, qu'il exposait tous les chiffres et que les coûts baisseraient. Vous savez ce qui est arrivé depuis ce temps. Combien cela a-t-il coûté? Et aujourd'hui, on est obligé de remettre aux étrangers le capital et les intérêts. On a pris l'argent et on les a payés et ils sont allés l'investir ailleurs. C'est exactement ce qu'on va faire dans ce cas-ci.

On va leur donner leur argent et ils vont aller l'investir ailleurs pour servir le marché qui représente de meilleurs intérêts pour eux actuellement. Et vous connaissez le malaise qui existe actuelle-

ment dans le domaine de l'exportation et de l'importation. C'est beau de brandir, devant la population du Québec, le drapeau nationaliste. Mais, il faut quand même brandir le drapeau du réalisme. Lorsqu'on parle de transformer sur place, je suis d'accord; et quand on parle de faire la recherche sur place, je suis d'accord. Oui, mercredi soir, on pourra regarder, on pourra en parler aussi... Des acteurs, on en connaît et on en voit devant nous des acteurs actuellement. Ce ne sont pas les faits.

M. Jolivet: M. le Président, la pertinence.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! La pertinence du débat.

M. Russell: M. le Président, je disais ceci. Tout le monde est d'accord sur le fait d'améliorer la situation dans le domaine de l'amiante et je serais heureux que le ministre se limite à la recherche et crée une société pour participer au développement des mines d'amiante avec les sociétés privées, comme le font d'autres sociétés d'Etat. Non pas de payer cette société qui a des capitaux d'investis actuellement, mais les investir ailleurs pour ne faire qu'augmenter notre compétition. Quand on regarde le marché étranger, soyons réalistes. Est-ce que le marché a augmenté malgré les nouveaux débouchés qu'on a trouvés depuis deux ans, trois ans? Non. Il est resté le même qu'il était, et même, il se rapetisse un peu malgré qu'on fasse de la recherche, oui.

Regardons-le objectivement et vous allez voir dans quelques années que la Russie s'en vient et que les Russes en ont des surplus, eux et ils vont embarquer sur les marchés du Japon et le Marché commun. Et nous, les Québécois, allons rester avec notre marché américain. Quand on parle de transformation sur place, il faut tenir compte des coûts de transport; il faut tenir compte des frais de douane qui vont être exigés pour un produit fini. Est-ce qu'on pourra servir le marché américain d'une façon économique, d'une façon rentable? Une autre question: Est-ce qu'on prétend que les autres mines qui produisent, qui ont des usines de transformation à l'intérieur des Etats-Unis vont nous laisser faire? Je pense qu'il faudrait être un peu plus réaliste. Il y en a une mine qu'on va fermer, qu'on est obligé de fermer... Pardon? C'est effrayant comme on est brave. C'est effrayant comme on a été brave avec SIDBEC.

Je me rappelle SIDBEC. J'ai vécu SIDBEC. A ce moment, on y est allé avec beaucoup de timidité.

M. Jolivet: Est-ce que cela va passer à la télévision mercredi soir?

M. Russell: Pardon?

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Russell: Peut être. Ce serait peut-être bon que le député y soit à la télévision aussi ; cela ferait au moins une belle photo.

M. le Président, je dis ceci: On s'embarque sur un terrain très glissant. Je préviens le ministre de faire attention à ne pas aller trop vite. Je sais qu'il le fait avec beaucoup d'objectivité. Il n'est pas trop sûr de lui-même; il le dit, d'ailleurs, qu'il le fait avec beaucoup de timidité. Il a beaucoup de fierté, c'est évident. C'est un geste passionnant de dire aux gens: On va avoir notre amiante, il nous appartient. On connaît les problèmes internes, on les a vécus, ces problèmes. On sait que d'autres gouvernements les ont examinés avec beaucoup d'objectivité. Ils avaient d'autres préoccupations; ils n'ont pas osé embarquer sur ce terrain pour des raisons valables. Aujourd'hui, on va venir devant nous et, parce qu'on veut prévenir le gouvernement du danger qui existe, d'une façon très objective, on nous dit qu'on veut dénigrer toutes les sociétés d'Etat.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse. M. le député de Brome-Missisquoi, s'il vous plaît. Il y a deux solutions: ou bien il y a consentement pour que vous continuiez au-delà de 22 heures et c'est l'unanimité. Il vous reste, à ce moment-là, dix minutes.

M. Burns: Consentement. Une Voix: Non.

Le Vice-Président: II n'y a pas consentement. Ou bien vous demandez l'ajournement du débat, s'il vous plaît, ou je serai obligé de le faire d'office.

Je n'ai pas le consentement.

M. Russell: M. le Président, je vois que les gens semblent fatigués; je vais leur demander... (22 heures)

Le Vice-Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi. A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs les leaders, s'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi, je vous suggérerais de demander l'ajournement du débat et il vous restera dix minutes mardi.

M. Russell: M. le Président, je vous demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader parlementaire. A l'ordre! M. le leader parlementaire, à l'ordre! M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Burns: M. le Président, je rappelle que demain la commission du tourisme, de la chasse et de la pêche se réunira à la suite de la question avec débat de la part du député de Portneuf.

Je n'ai pas encore reçu d'avis, à moins que quelqu'un d'autre soit... On me dit qu'apparemment la commission de la justice aurait terminé ses travaux. S'il y a consentement et si le baîllon n'est pas imposé par l'Opposition à la commission parlementaire de la justice...

M. Levesque (Bonaventure): Vous me faites rire, vous!

M. Burns: Si tel était le cas, l'avis que j'ai donné cet après-midi, comme je l'ai mentionné, deviendrait caduc à compter de mardi matin. M. le Président, nos travaux reprendront mardi après-midi, de sorte que je propose l'ajournement de nos travaux à mardi, 14 heures.

Le Vice-Président: C'est évidemment adopté. Les travaux de l'Assemblée sont ajournés à mardi, 14 heures.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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