L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 16 novembre 1978 - Vol. 20 N° 77

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures sept minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents

M. le leader parlementaire du gouvernement, au nom, je crois, de M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport sur l'avenir de Cadbury

M. Charron: Oui, au nom de mon collègue de l'Industrie et du Commerce, M. le Président, je voudrais déposer le document qu'il a annoncé hier, le rapport du comité technique sur l'avenir de l'entreprise Cadbury, à Montréal.

Le Président: Document déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues. Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de lois privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, j'aimerais que vous appeliez l'article k) du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi no 93 Première lecture

Le Président: M. le ministre de la Justice propose la première lecture du projet de loi no 93, Loi sur l'investigation et la sécurité privées.

M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, ce projet de loi, appelé à remplacer l'actuelle Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, vise essentiellement à élargir le champ d'application de la loi de façon qu'elle s'applique à la fois au secteur contractuel de la sécurité et aux agents de la sécurité interne, c'est-à-dire non seulement aux agences qui, par contrat, fournissent à des tiers un service d'agents de sécurité, mais aussi aux personnes qui exercent des fonctions de sécurité ou d'investigation à titre d'employées d'une personne autre qu'une agence qui maintient pour elle-même un service d'agents de sécurité ou d'investigation.

Il vise également à étendre le champ d'application de la loi à d'autres activités du domaine de la sécurité et de l'investigation que celles actuellement réglementées, soit le transport des valeurs par véhicules blindés, l'installation ou l'entretien d'un système d'alarme contre l'intrusion et le vol, l'escorte, la surveillance par centrale monitrice d'alarme contre l'intrusion et le vol, la cueillette ou la remise de renseignements sur le caractère, la conduite ou la solvabilité d'autrui.

Il vise aussi à interdire le port d'une arme par les agents de sécurité ou les agents d'investigation, dans l'exercice de leurs fonctions, sauf dans certaines circonstances et à certaines conditions. Enfin, il prévoit la création, au ministère de la Justice, d'un service qui sera chargé de l'administration de la loi.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Lavoie: Adopté, M. le Président. (14 h 10)

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture...

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne sais pas si je suis dans l'ordre de poser la question actuellement, après la première lecture et avant la deuxième lecture. Étant donné la portée qui semble assez large de cette loi, est-ce que le ministre a l'intention de convoquer une commission parlementaire pour entendre les intéressés sur cette question avant la deuxième lecture.

M. Bédard: Comme le député de Marguerite-Bourgeoys le sait, il y a eu un groupe de travail qui a été formé au ministère de la Justice et qui a eu l'occasion de rencontrer presque l'ensemble de toutes les agences d'investigation ou de sécurité qui pouvaient être intéressées à se faire entendre auprès de ce groupe de travail. Je crois qu'il y aurait avantage à ce que nous passions à la deuxième lecture et, après cette deuxième lecture, il y aura peut-être à évaluer avec le leader du gouvernement la possibilité dont parle le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: L'article I) du feuilleton, s'il vous plaît.

Le Président: M. le ministre de la Justice propose la première lecture du projet de loi no 94, Loi sur la protection des personnes et des biens en cas de sinistre. M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Ce projet de loi remplace la Loi de la protection civile. Il prévoit la création du bureau de la protection civile du Québec, qui sera chargé

d'élaborer une politique de prévention des sinistres et des mesures d'urgence à prendre en cas de sinistre. Ce bureau devra aussi, en collaboration avec les ministères du gouvernement, ses organismes, les municipalités et toute autre personne, préparer des plans locaux, régionaux et nationaux qui prévoiront les moyens de prévention des sinistres, ainsi que les moyens nécessaires d'intervention lors d'un sinistre pour préserver la vie des personnes, leur apporter secours, sauvegarder des biens ou pour atténuer les effets du sinistre ou remédier à des pertes. Le bureau aura aussi pour fonction de fournir son assistance lors de sinistres et d'administrer, le cas échéant, des programmes d'aide financière aux sinistrés.

En outre, le projet de loi prévoit que le gouvernement peut, pour une période qu'il indique, mais qui ne peut excéder 30 jours, décréter l'état d'urgence en cas de sinistre dans l'ensemble ou dans une partie du territoire du Québec. Le projet de loi propose également de confier ce pouvoir au ministre de la Justice, mais pour au plus deux jours, et aux maires et corporations municipales pour au plus un ou trois jours selon les cas.

Le projet de loi prévoit aussi certains effets qui résultent du décret d'état d'urgence, tels les pouvoirs d'intervention du ministre, du directeur du bureau ou d'un maire, les immunités accordées aux personnes qui apportent leur aide et secours, ainsi que la manière de mettre fin à un tel état.

Le projet de loi prévoit aussi la création d'un fonds d'aide aux personnes sinistrées chargé de recueillir les dons du public et de les distribuer aux personnes qui subissent, soit au Québec, soit ailleurs, un préjudice en raison d'un sinistre.

Le Président: Merci, M. le ministre de la Justice. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Lavoie: Adopté, M. le Président.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: L'article n) du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 99 Première lecture

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture propose la première lecture du projet de loi no 99, Loi modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture.

M. le ministre de l'Agriculture.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, la Loi modifiant la Loi du ministère de l'agriculture a principalement pour objet de permettre au ministre de l'Agriculture de constituer une banque de terres arables en vue de disposer de ces terres ou de les louer pour favoriser la relève en agriculture, l'agrandissement ou la consolidation de fermes de type familial et l'exploitation des terres arables non utilisées ou sous-utilisées.

Le projet prévoit que le gouvernement pourra, aux conditions qu'il détermine, confier l'administration de la banque de terres arables à un organisme gouvernemental.

Le Président: Cette motion de première lecture sera-t-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, le ministre de l'Agriculture a une autre mesure à annoncer, l'article o) du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi no 100 Première lecture

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture propose la première lecture du projet de loi no 100, Loi modifiant la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles.

M. le ministre de l'Agriculture.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, la Loi modifiant la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles a principalement pour objet de doubler le montant maximal des subventions de mise en valeur des exploitations agricoles à l'occasion de l'établissement de jeunes en agriculture ou de l'agrandissement de fermes.

Il impose également à toute personne ayant obtenu une subvention l'obligation d'utiliser à des fins agricoles la ferme à l'égard de laquelle la subvention a été accordée pour une période de dix ans à compter de l'octroi de la subvention.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Lavoie: L'amour...

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales. M. le député de Jean-Talon.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Citoyenneté québécoise et canadienne

M. Garneau: M. le Président, le journal Le Devoir de ce matin, en première page, se référant à un document préparé par les dirigeants du Parti québécois, dit ceci sur le projet de souveraineté-association; "Selon les dirigeants du Parti québécois, l'association projetée entre le Québec et le Canada ne saurait être que de nature internationale, en ce sens qu'elle reposerait sur la souveraineté politique du Québec". Cela signifie donc qu'il y aurait deux pays, le Québec, d'une part, et le Canada, de l'autre. Par contre, dans le Journal de Québec et dans le Journal de Montréal, j'imagine, M. Normand Girard, poursuivant son analyse du volume "La passion du Québec", qui a été influencé par la pensée du premier ministre, laisse entendre que, dans ce volume, le premier ministre aurait indiqué aux Français que les Québécois, après la souveraineté, demeureraient des citoyens canadiens. Ma question est bien simple: Est-ce que selon l'hypothèse péquiste, après cette souveraineté hypothétique, les Québécois continueraient à demeurer des citoyens canadiens, avec tout ce que cela comporte?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, en parlant de ce que peut être l'association entre deux États souverains, en effet, deux pays représentant deux peuples — je pense que là-dessus, il n'y a pas de discussion — il y a toute une discussion tout de même qui peut s'ouvrir. Je relie les deux thèmes de la question du député de Jean-Talon. Cette discussion est illustrée, par exemple, par des hypothèses de travail, qui sont dans le document qu'évoque le Devoir. C'est un document qui servira à nos militants, mais, je l'espère, à d'autres citoyens que cela intéresse, à évoquer les hypothèses de travail sur ce que peut être une association entre pays, entre États souverains. Vous savez, il y a des précédents dans le monde. Je pense que les citoyens québécois, comme les militants d'un parti, ont le droit d'être renseignés sur ces précédents, de se poser la question, tout le monde en adulte, jusqu'à quel point on doit suivre ces précédents, comment cela pourrait évoluer, comment cela pourrait fonctionner, comment ce serait administré. C'est une chose et je pense qu'elle est normale. D'ailleurs, elle répond, au moins par hypothèse, à beaucoup de questions de nos amis d'en face qui, à tout bout de champ, depuis un an et demi ou deux ans, posent des questions sur ce que cela mangerait en hiver l'association, comme s'il n'en existait pas des modèles dans le monde.

Là, on explique les modèles et on dit: Les Québécois sont assez adultes pour adapter cela à leurs propres besoins avec les Canadiens. Ces hypothèses de travail sur le dynamisme d'une association peuvent évoquer beaucoup de choses, mais cela, c'est à titre personnel comme, par exemple, il n'y a rien qui empêcherait, surtout en allant vers d'autres pays, que des Québécois et des Canadiens puissent trouver une façon d'organiser des passeports communs, etc. Si on a une association, il n'y a rien qui empêche qu'on ait des instruments communs. Il peut même y avoir certains éléments de citoyenneté commune; je pense qu'il y a des précédents en Scandinavie. Le coeur, c'est souveraineté avec association; c'est-à-dire que tout cela, dans l'évolution normale de deux sociétés libres, se développe à la suite d'examens pour voir si c'est dans l'intérêt réciproque que cela se développe à partir de la souveraineté, c'est-à-dire de la décision libre d'un peuple qui contrôle et ses lois et ses revenus publics. C'est simple. (14 h 20)

M. Garneau: M. le Président, ma question était bien simple. Je vais la répéter: Est-ce que, dans l'hypothèse — parce que cela fait dix ans que le premier ministre se promène à travers le Québec et le monde pour prôner la souveraineté-association, compte tenu qu'il a dû y réfléchir et qu'il n'a pas lancé cela en l'air — dans l'hypothèse où cette souveraineté arriverait, les Québécois seraient-ils, oui ou non, des citoyens canadiens? Je ne demande qu'un oui ou un non.

Le Président: Monsieur le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'ai essentiellement dit, comme n'importe qui peut le dire — et à titre personnel — dans une interview, qu'il n'y a rien qui excluait des éléments de souveraineté commune comme, par exemple, les passeports, etc., de ne pas se barrer les jambes, si deux peuples décident qu'ils ont des choses en commun, sur les mises en commun qui n'affectent en rien la souveraineté fondamentale. C'est tout.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, vous allez reconnaître que je dois revenir une troisième fois à la charge parce que la question est importante. Le premier ministre semble oublier qu'il est chef de l'État et, en même temps, chef de parti; il ne peut pas parler comme un citoyen ordinaire. Selon lui, il est le chef de ce parti, est-ce qu'après l'application de sa thèse qu'il a lui-même inventée, les Québécois demeureraient des citoyens Canadiens, oui ou non?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, même le rôle que je joue ne m'empêchera pas tout de même d'avoir des idées personnelles à l'occasion. J'espère que le député de Jean-Talon l'admettra.

La deuxième chose, je pense qu'on a évolué au point où, par exemple, cela devient comme un souvenir un peu — pas nostalgique, c'est sûr — historique qu'on a déjà été citoyens canadiens et citoyens de l'Empire britannique en même temps, citoyens du Commonwealth, sujets britanniques. Enfin, peu importe le jargon, il y avait de ces... Alors, citoyens canadiens, sujets britanniques et je pense que, dans le temps de l'Empire, il y a eu des périodes de transition.

De toute façon, je ne suis pas ici pour faire des avocasseries et chinoiser. Je dis simplement que des jonctions peuvent être imaginées. Par exemple, qu'est-ce qui empêcherait que dans dix ou quinze ans — est-ce qu'on a le droit de se priver des ressources de l'imagination et d'une certaine prospection de l'avenir — un citoyen du Québec pourrait en même temps et à l'échelle internationale, il semble que cela ne serait pas si mal, être citoyen de l'association Québec-Canada? Pensons-y en tout cas.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Nous sommes à quelques mois, suivant le ministre de l'Éducation, de la tenue d'un référendum et je me rends compte que le chef du gouvernement et chef du Parti québécois, surtout, n'a pas d'idée, ce parti n'a pas d'idée. Je demande pour une dernière fois au premier ministre — ne vous énervez pas, et énerve-toi pas toi non plus — il me semble que ma question est simple...

M. Charron: Vous n'avez pas d'ordre à donner au président.

M. Garneau: Toi non plus, tu n'en as pas à me donner. C'est clair?

M. Charron: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, sur votre question de règlement.

M. Charron: Une question de règlement. Vous savez très bien qu'aussi frustré qu'il soit le député de Jean-Talon n'a pas le droit de manquer au règlement.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, votre première question, et c'était normal, était précédée d'un préambule. Les deux autres ou les trois autres l'étaient également. Je vous demande maintenant de vous en tenir au règlement.

M. Garneau: Je demande au premier ministre pour une troisième fois de nous répondre si oui ou non on serait des citoyens canadiens et d'arrêter de tergiverser; lui qui traite toujours les autres d'invertébrés, il nous donne un bel exemple d'invertébrés.

M. Lévesque (Taillon): Je n'ai rien à ajouter à l'exemple prospectif que je donnais tout à l'heure au député de Jean-Talon — sans répéter ce qu'a dit à très juste titre le leader du gouvernement, c'est-à-dire qu'il y a une limite aux frustrations qu'on peut avoir de l'autre côté — sauf d'ajouter simplement ceci: De ce temps-ci, nous, partant des idées essentielles qui ont été exposées à cette Chambre, chaque fois qu'on a l'occasion de rencontrer des citoyens, qu'ils soient militants de notre parti ou qu'ils soient citoyens réunis dans le public "at large", comme on dit en anglais, ils comprennent admirablement l'essentiel de ce qu'on propose. Ils comprennent admirablement . l'essentiel de ce qu'on propose pendant que, pour autant qu'on sache, nos amis d'en face se promènent négativement en essayant de semer de la confusion et n'ont rien, strictement rien à proposer pour quelque avenir que ce soit.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, au lieu de répondre par l'injure et de s'associer même à l'injure proférée par le leader parlementaire du gouvernement, pourquoi le premier ministre n'indique-t-il pas — c'est là ma question — bien franchement, en toute transparence, quelles sont les intentions de ce gouvernement? Est-ce qu'il veut nous laisser citoyens canadiens à l'intérieur du Canada ou a-t-il décidé une autre route à suivre? Les gens qui nous écoutent présentement veulent savoir quelles sont les intentions véritables de ce gouvernement?

M. Lévesque (Taillon): Je répondrai simplement au chef de l'Opposition, au chef parlementaire de l'Opposition, sans aller au-delà de ce que j'ai dit, les citoyens du Québec dans un État souverain du Québec seront citoyens québécois. Rien ne les empêcherait de penser qu'il puisse y avoir une jonction internationale puisqu'il y aurait une association Québec-Canada de façon à ce qu'il y ait deux dimensions. Ce n'est pas du tout interdit à l'imagination d'une société moderne civilisée. Même si l'Opposition continue à chaque occasion, à partir de chaque titre, à essayer de reprendre les espèces de mandarinats de l'ancien temps où on finit par aboutir à essayer de compter de nouveau combien d'anges peuvent tenir sur la tête d'une épingle, les gens comprennent quand même.

Le Président: Dernière question, M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que dans l'esprit du premier ministre on peut être à la fois Québécois souverain et Canadien souverain? Autrement dit, est-ce que ce n'est pas le cas si nous avions répondu comme a répondu il y a un instant le premier ministre, que le vocabulaire du premier ministre aurait-il trouvé facilement le mot schizophrénie?

M. Lévesque (Taillon): Franchement, M. le Président, non, il n'y a rien là.

Le Président: Question principale, M. le chef de l'Opposition.

Avenir de l'entreprise Cadbury

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, à défaut de réponse, nous allons poser une autre question. Ma question principale, M. le Président, je voulais la faire porter sur le déménagement de McDonald Tobacco de Montréal à Toronto. Mais, M. le Président, nous aurons sans doute l'occa-

sion de revenir sur cette question, car vu le dépôt par le ministre il y a quelques instants d'un rapport du comité technique sur l'avenir de l'entreprise Cadbury à Montréal, rapport préparé et présenté par le sous-ministre adjoint, M. Pierre Shooner, à M. Rodrigue Tremblay, ministre de l'Industrie et du Commerce en date du 14 novembre 1978.

Puis-je demander au ministre de l'Industrie et du Commerce, s'il a présenté au cabinet une demande de subvention spéciale dans le cas de Cadbury, quelle a été la réponse qu'il a reçue du cabinet? Je termine, avec votre collaboration, M. le Président, mon préambule nécessaire. Selon ce rapport, le mercredi 29 septembre, le président de Cadbury, dans une lettre adressée à M. Pierre Shooner, réitère qu'il lui est impossible d'accepter la proposition du ministère des 11 et 19 septembre "puisque votre proposition n'implique aucun engagement formel de la part du gouvernement".

Un peu plus loin, au mois d'octobre, on revient à la charge. Le vendredi 13 octobre, le président de Cadbury — ce n'est pas moi qui le dis, c'est votre rapport — demande à nouveau que toute proposition provenant du ministère de l'Industrie et du Commerce ait l'appui définitif du gouvernement.

Devant ces écrits qui proviennent justement du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec, puis-je réitérer ma question? Est-ce que le ministre a eu de la difficulté avec le cabinet? Est-ce qu'il a présenté une proposition qui n'a pas été acceptée par le cabinet ou est-ce qu'il voudrait simplement faire le point de la situation?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: M. le Président, je voudrais d'abord m'excuser pour être arrivé en retard à la période de questions. J'étais à Beauceville ce midi pour l'inauguration officielle de...

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous nous avez continuellement rappelé là l'ordre et particulièrement au cours des derniers jours. Vous avez particulièrement rappelé à l'ordre, je le soumets respectueusement, l'Opposition et les Oppositions pour la longueur des questions. Vous avez continuellement rappelé les députés à la pertinence du débat. M. le Président, si vous voulez avoir notre collaboration, vous ne permettrez pas au ministre de l'Industrie et du Commerce, lorsque nous avons des questions précises comme celles que je viens de poser, d'avoir ce genre de préambule dans une réponse, qui n'a rien à voir avec la question posée. (14 h 30)

M. Charron: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron:... sur la question de règlement, le ministre de l'Industrie et du Commerce est tout aussi justifié de s'excuser auprès de la Chambre que le chef de l'Opposition lui-même avait préfacé sa question d'une autre annonce que le ministre a le droit de contrecarrer.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, en vous demandant de vous en tenir à la pertinence de la question.

M. Levesque (Bonaventure): Merci.

M. Tremblay: La pertinence, M. le Président, je vous souligne que nous venons d'assister à une minute de verbiage, alors qu'on avait commencé par un long préambule, parlant d'Imperial Tobacco, etc.

M. Levesque (Bonaventure): Avez-vous une réunion à cinq heures?

M. Tremblay: ... et les députés de Beauce-Nord et de Beauce-Sud sont eux aussi en retard.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, s'il vous plaît.

M. Tremblay: Si on ne veut pas discuter de banque et de développement, on en discutera une autre fois. Donc, je n'étais pas ici pour déposer le rapport, je voulais m'en excuser. Le rapport a été déposé.

Dans un dossier comme celui-là, il est important de regarder la réalité et de se former un jugement à partir de cette réalité. Dans toutes les dépositions que l'entreprise a faites auprès du comité chargé d'étudier la question, la compagnie a toujours maintenu:

A- Que sa décision de consolider ses activités dans une seule usine plutôt que dans deux était économique, c'est-à-dire, c'était dans le but d'épargner $5 à $6 millions par année;

B- Que cette décision était irrévocable;

C- Que, par conséquent, toutes les autres hypothèses comme le maintien d'une partie de la production dans la vieille usine et une partie dans la nouvelle, étaient impraticables et qu'aucune subvention ou aucune renégociation de la convention collective ne pouvaient, par conséquent, changer quoi que ce soit à la décision.

Maintenant, j'en reviens au point spécifique qu'a soulevé le chef de l'Opposition, qui dit: Est-ce que le Conseil des ministres a offert une subvention? Le chef de l'Opposition, qui a déjà été ministre de l'Industrie et du Commerce, devrait savoir que ce n'est pas de cette façon que fonctionne un gouvernement. Les entreprises demandent des subventions et elles sont agréées ou refusées. Dans le cas qui nous concerne, le comité technique a regardé différentes possibilités, différentes hypothèses évidemment — puisqu'il s'agit toujours d'hypothèses — pour voir s'il y en avait une qui pouvait satisfaire l'entreprise, compte tenu d'un ensemble de politiques incluant la producti-

vité, incluant les ventes, incluant la renégociation de la convention collective et incluant des subventions des deux paliers de gouvernement, autres que des subventions de recyclage qui sont déjà prévues lors de mises à pied.

Or, l'entreprise a toujours répondu: Non cela ne nous intéresse pas de regarder une de ces avenues... Maintenant, j'apprends ce matin qu'à la suite des pressions du syndicat, le président de la compagnie serait disposé à venir me rencontrer cet après-midi. J'en suis fort heureux, mais ce n'est pas la démarche normale qu'un chef d'entreprise doive être poussé dans le dos par ses travailleurs pour aller rencontrer un ministre de l'Industrie et du Commerce. Normalement, c'est le chef d'une entreprise qui demande de venir le rencontrer, ce qui témoigne très bien de l'état d'esprit du président de Cadbury. Il vient à reculons. Il vient, lorsqu'on le pousse, et cette attitude est confirmée dans le rapport qui a été déposé.

M. Bellemare: M. le Président, cela fait trois fois qu'il le répète.

M. Tremblay: Je vois que le député de Johnson se lève en colère encore.

M. Bellemare: A-t-il reçu une lettre, oui ou non? A-t-il reçu une lettre de vous?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je pense que je vais vous demander de respecter un peu l'ordre dans cette salle. Nous sommes à l'Assemblée nationale, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, M. Bellemare, et je ne voudrais pas que vos paroles dépassent trop souvent votre pensée.

M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: M. le Président, question de privilège. Je n'accepterai jamais de quiconque, en particulier dans cette Assemblée, de me fare traiter de menteur. Si le leader de l'Union Nationale veut mettre son siège en jeu, je mettrai le mien en jeu à n'importe quel temps. Comme disait le général de Gaulle, "la vieillesse est un naufrage;" je constate l'épave que nous avons devant nous.

M. Bellemare: ... de nouveau, M. le Président, combien le ministre est...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale... M. le député de Johnson, je vous rappelle à l'ordre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'ai pas l'habitude d'intervenir dans ce genre de chicane, mais je trouve cela invraisemblable. Je pense que l'article 100 de notre règlement empêche le ministre de l'Industrie et du Commerce de traiter, comme il vient de le faire, un de ceux qui a consacré sa vie ici à l'Assemblée nationale.

M. Tremblay: Question de privilège, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Je termine ma question de...

Le Président: Je vais vous reconnaître immédiatement après, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Levesque (Bonaventure): Si, M. le Président, le député de Johnson n'a pas eu l'occasion de fréquenter les universités du ministre de l'Industrie et du Commerce...

Une voix: Question, question!

M. Levesque (Bonaventure):... on doit cependant respecter son grand jugement, sa ponctualité et son assiduité et ne pas utiliser un vocabulaire comme celui que vient d'utiliser à son endroit le...

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Question de privilège, M. le Président. Quand j'ai déposé ce rapport ce midi, c'était pour discuter des choses à leur mérite. Lorsque l'on vit dans une maison de verre, on ne lance pas de pierres. On a commencé à lancer de la boue en traitant un ministre du gouvernement de menteur ici, devant tous les membres qui sont témoins. J'ai demandé, comme question de privilège, que le député de Johnson retire ses paroles. Les paroles n'ont pas été retirées. Je crois qu'à titre de député de cette Assemblée et à titre de ministre du gouvernement, mes droits et privilèges ont été violés, ma réputation a été ternie par une accusation gratuite qui n'a pas été retirée.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que, maintenant que cette période de questions semble terminée, on pourrait avoir la réponse du ministre de l'Industrie et du Commerce? J'ai...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, puis-je vous inviter, avec insistance et avec le sens du parlementarisme que je vous connais, à vous expliquer sur les paroles que vous avez tenues à l'endroit du ministre de l'Industrie et du Commerce?

M. Bellemare: M. le Président, si j'ai pu manquer au règlement, c'est un triste et un mauvais exemple, mais seulement, devant celui qui nous est donné présentement par un ministre assermenté et qui nous a donné la preuve...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Compte tenu de l'impossibilité qu'il y a pour le moment d'avoir de l'ordre dans cette Assemblée, je sus-

pends les travaux de l'Assemblée pendant quelques minutes.

(Suspension à 14 h 40)

(Reprise à 14 h 47)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, en espérant que ces quelques moments de répit auront permis à tout le monde de reprendre sa bonne humeur et de penser que l'Assemblée nationale est une institution fragile dont il ne faut pas trop abuser, nous allons maintenant continuer la période des questions.

M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je vous reconnais.

M. Bellemare: M. le Président, je voudrais simplement vous dire que mes paroles n'ont été enregistrées ni au journal des Débats, ni à la télévision parce que vous étiez debout à ce moment-là, mais, par exemple, ce que m'a dit, en réponse, l'honorable ministre a été enregistré. Je suis le doyen de l'Assemblée nationale et je n'ai pas le droit de donner des mauvais exemples vis-à-vis de qui que ce soit dans cette Chambre. C'est avec beaucoup de regret que je retire mes paroles, mais je dis, par exemple, que, lorsqu'on me traite de vieux, j'ai peut-être le dessous des pieds plus propre que la bouche du ministre quand il m'a insulté tout à l'heure.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: M. le Président, je voudrais dire que, sous le feu des provocations, la phrase que j'ai citée tout à l'heure, la phrase du général de Gaulle, dépasse évidemment ma pensée et je voudrais la retirer. Si j'ai pu offenser qui que ce soit dans cette Assemblée, je m'en excuse. (14 h 50)

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je veux bien demander au député de Notre-Dame-de-Grâce de bien vouloir m'excuser, mais le ministre a-t-il répondu à la question que j'ai posée? Il a peut-être oublié que je lui avais posé une question, M. le Président.

Le Président: De toute manière, M. le chef de l'Opposition, je crois que le député de Notre-Dame-de-Grâce avait une question additionnelle, donc portant sur le même sujet.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je soutiens respectueusement que j'ai... Peut-être que le ministre a oublié, dans tout cela la question que je lui avais posée. Je lui ai cité son propre rapport, hier, le rapport de son sous-ministre, daté du 14 novembre, dans lequel on lit que le mercredi 29 septembre, le président de la compagnie Cad-bury réitérait qu'il lui était impossible d'accepter la proposition du ministère, puisque la proposition n'impliquait aucun engagement formel de la part du gouvernement et il revenait... le rapport précise que le vendredi 13 octobre, il y a un mois, le président de Cadbury faisait une nouvelle demande pour que toute proposition provenant du ministère de l'Industrie et du Commerce ait l'appui définitif du gouvernement. J'avais posé la question au ministre: Le ministre en a-t-il parlé, soit au premier ministre, soit au cabinet? A-t-il fait une proposition, oui ou non? Et cette proposition, dans l'affirmative, a-t-elle été agréée ou refusée?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Je me rappelais tout à fait la question du chef de l'Opposition et je m'apprêtais à y répondre tout à l'heure. Étant donné que le chef de l'Opposition a déjà été ministre de l'Industrie et du Commerce, il sait bien que le Conseil des ministres ne se prononce jamais à l'aveuglette, à moins qu'il n'y ait une demande formelle d'une entreprise. J'ai dit, hier, qu'il n'était pas question que le gouvernement signe un chèque en blanc pour quelque entreprise que ce soit. Puisqu'il a cité mon rapport, vous me permettrez de citer le rapport justement sur ce point bien précis que soulève le chef de l'Opposition. S'il prend le texte...

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement, M. le Président.

M. Tremblay: Aussitôt que je commence à répondre, on soulève une question de règlement.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur votre question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Je comprends que le ministre soit nerveux, mais qu'il lise l'article 170 de notre règlement.

M. Tremblay: Vous me tombez sur les nerfs!

M. Levesque (Bonaventure): C'est ma question, M. le Président. L'article 170 dit: "La réponse à une question doit se limiter au point qu'elle touche..." Je lui demande: A-t-il fait, oui ou non, une proposition au premier ministre ou au gouvernement et quelle est la réponse?

M. Tremblay: C'est justement sur le point que touche la question que je veux faire ce qu'il a fait, c'est-à-dire répondre par la citation du rapport. Voici ce que dit le rapport: Nous tournons en rond depuis le début de nos rencontres avec le représentant de Cadbury. D'une part, le président de cette entreprise refuse de nous fournir les données économiques qui nous permettraient de préciser des hypothèses de solutions et nous indique qu'il ne peut répondre à des propositions

hypothétiques. D'autre part, nous suggérons des propositions précises, et le président refuse de nous indiquer si elles peuvent être acceptables ou non par l'entreprise. Pour pouvoir fonctionner dans ce cadre, il faudrait que le gouvernement, c'est-à-dire le Conseil des ministres, fasse des propositions fermes à l'entreprise sans aucune discussion ou négociation préalable, sans une connaissance suffisante des données économiques qui ont motivé l'entreprise à prendre une telle décision, sans connaître à l'avance ce qu'un tel engagement pourrait coûter au gouvernement pour les années à venir et sans même avoir la possibilité d'évaluer s'il n'y a pas d'autres moyens financiers techniques de collaborer avec l'entreprise. Autrement dit, M. le Président, on dit: Donnez-nous un chèque en blanc. Jamais, M. le Président, le gouvernement ne donnera un chèque en blanc à quelque entreprise que ce soit.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une précision, une seule, pour terminer.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je vous reconnaîtrai immédiatement après que le chef de l'Opposition aura formulé...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne demande pas au ministre de donner les raisons pour lesquelles il ne donnerait pas une subvention à moins d'avoir ces données. Je lui demande: Est-ce qu'il a fait une proposition au premier ministre ou au gouvernement relativement à cette affaire? Et dans l'affirmative, quelle a été la réponse?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Une voix: Le ministre d'État aux affaires sociales va répondre.

M. Tremblay: M. le Président, je répète ce que je viens de dire. Les subventions du gouvernement — et j'en ai accordé des milliers — ne sont entérinées par le Conseil des ministres que lorsqu'il y a entente entre le ministre de l'Industrie et du Commerce et l'entreprise. Si vous voulez faire de la petite politicaillerie, vous pouvez le faire, mais les faits sont les faits. Dans ce cas-la, M. le Président...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce a répondu.

Le Président: À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): II aurait pu ajouter qu'on en a parlé à plusieurs reprises, du cas de Cadbury. Par définition, ce qu'il a dit est vrai. Vous voyez cela, le gouvernement qui irait donner à Cadbury je ne sais pas quoi sans savoir l'état des livres, sans savoir la situation économique, sans avoir étudié le dossier. Voyons!

M. Levesque (Bonaventure): Une question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je ne veux pas, en aucune façon, M. le Président, qu'on interprète la question que j'ai posée comme étant une question dénuée de sens de responsabilité. Je n'ai pas accusé le gouvernement, je n'ai jamais accusé le gouvernement parce qu'il n'a pas donné de subvention sans avoir les données nécessaires. J'ai simplement posé une question bien claire.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Charron: M. le Président, j'invoque le règlement. Je ne sais pas quelle sorte...

M. Bellemare: M. le Président...

M. Charron: Je ne sais pas quelle sorte de caucus ils ont eu ce matin, si le Saint-Esprit les a accompagnés ou pas, mais une chose est claire, le député de Jean-Talon, tout à l'heure, vous a manqué de respect, et là, c'est le chef de l'Opposition qui vient de dire qu'encore une fois, vous l'avez interrompu au moment de son interrogation.

Il me semble, M. le Président... Je ne sais pas si c'est le sondage ou la dévaluation...

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement. M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: M. le Président, le plus calmement possible, parce que je suis au bout de mes moyens, hier, vous vous souvenez que, dans cette Chambre, le ministre nous a dit: II y a eu des offres, jusqu'à $2 millions, pour les garder chez nous. On a tout fait, on a offert jusqu'à $2 millions, pour la reconstruction. Vous allez trouver ça au journal des Débats. Tout le monde a entendu ça. Alors, je veux savoir du ministre, aujourd'hui, si oui ou non, il y a eu des offres écrites, une lettre de sa main pour dire: Oui, on vous promet une aide jusqu'à $2 millions. Il l'a dit en Chambre, hier. Est-ce que cette lettre a été écrite? Le président et les unions ouvrières, aujourd'hui, ont dénoncé ça, de la part du gouvernement ce matin, à la radio. Est-ce qu'il y a eu une lettre signée, oui ou non?

On dit qu'il va y avoir rencontre cet après-midi, il pourrait nous dire s'il y a...

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commmerce.

M. Tremblay: M. le Président, tout d'abord, je dois corriger ce que vient de dire le député de Johnson, jamais je n'ai confirmé un chiffre quelconque devant cette Assemblée.

M. Bellemare: Voyons donc, vous l'avez dit hier. C'est au journal des Débats.

M. Tremblay: En réponse à la question, non seulement il y a eu des offres concrètes, mais j'ai rencontré moi-même le président dans mon propre bureau. Deuxièmement, le mardi 19 septembre, si vous prenez le rapport à la page 12, mon sous-ministre qui agit, selon la loi, sous mon autorité, a envoyé une lettre à M. Powell qui lui donnait une série de propositions concrètes.

M. Bellemare: Jamais le ministre...

M. le Président, je termine en vous disant ceci. Dans le rapport qu'il nous a déposé, qui doit être véridique, le ministre, par son sous-ministre, M. Shooner, dit ceci: "Les autorités de Cadbury refusent systématiquement de remettre au gouvernement les données économiques nécessaires à la préparation des propositions fermes et équitables." Est-ce qu'ils attendent la lettre, oui ou non? On reprend de l'autre côté: "Elle refuse également de discuter avec les représentants du gouvernement des moyens qui auraient pu permettre de réconcilier les critères de rentabilité propres à l'entreprise."

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je vous rappelle à l'ordre pour une première fois.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bellemare: Pour la deuxième fois, M. le Président.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai une question additionnelle à poser au sujet de Cadbury. Hier, dans son intervention, le ministre de l'Industrie et du Commerce a porté des accusations importantes contre quelques autres compagnies québécoises et canadiennes. Il a dit, premièrement, qu'il existait un cartel parmi les autres fabricants de chocolat pour faire saboter le boycottage de Cadbury. Il a également dit que les grandes chaînes de distribution panca-nadiennes ont également essayé de briser ce boycottage. C'est une accusation assez sérieuse et je demande au ministre s'il peut préciser les noms des compagnies de chocolat et les chaînes de distribution pancanadiennes qui sont impliquées dans cette affaire, et spécifiquement, est-ce que la liste inclut la compagnie Lowney qui a une grande usine à Sherbrooke, au Québec, et les compagnies Steinberg et Provigo qui sont des chaînes pancanadiennes avec des sièges sociaux au Québec? Je pense que c'est très important que non seulement les noms et les détails de ce complot contre les Québécois soient connus mais que le ministre en dévoile les détails aussi vite que possible. (15 heures)

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Je remercie le député de Notre-Dame-de-Grâce de poser sa question sur l'intérêt des entreprises formant le cartel du chocolat. S'il prend le rapport que j'ai déposé tout à l'heure, à la page 19 il verra que le comité technique a concentré ses efforts auprès des gens du milieu de distribution, tant des entreprises privées que des associations, pour tenter d'évaluer les conséquences de la décision de Cadbury sur le marché québécois des tablettes de chocolat. Donc, le comité a fait une évaluation du résultat du boycottage qui avait été mis de l'avant, en fonction de la liberté qui existe du côté des consommateurs comme du côté des entreprises de prendre des décisions dans leur intérêt. La conclusion qui en est découlée, c'est que ce que j'ai dit hier s'était produit, soit que les ventes de Cadbury n'avaient pas tellement baissé et que ceci est attribuable surtout à deux causes que j'ai mentionnées hier. Donc...

Des voix: Qui?

M. Scowen: Nommez-les.

M. Marchand: Le nom des cartels?

M. Tremblay: Les renseignements... Le nom des compagnies, il y en a quatre ou cinq.

M. Marchand: Nommez-les.

M. Tremblay: Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de tourner cette période de questions en cirque, ce sont des renseignements...

M. Marchand: Vous êtes mal pris... M. Scowen: Question de privilège. M. Marchand: Mettez votre siège en jeu.

M. Tremblay: ... communs; je maintiens ce que j'ai dit, c'était l'évaluation qui a été faite par mes fonctionnaires, à l'effet que la campagne de boycottage n'avait pas eu un grand...

M. Scowen: Question de privilège.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, le ministre a porté des accusations sérieuses contre les compagnies québécoises. Je pense qu'il s'impose qu'il accepte de les nommer une par une pour que les Québécois sachent qui fait partie de ce complot, de ce cartel contre les Québécois.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: M. le Président, il n'y a aucune compagnie de chocolat qui a son siège social au Québec.

Le Président: Question principale. M. le chef de l'Union Nationale.

Difficultés à Marine Industrie

M. Biron: M. le Président, comme c'est mon habitude maintenant depuis tout près de deux ans, je continuerai à questionner le ministre de l'Industrie et du Commerce sur l'économie, sur le manque de création d'emplois au Québec. Vendredi dernier, à Montréal, il s'est tenu une réunion spéciale du comité ministériel du développement économique, réunion convoquée d'urgence pour trouver des remèdes aux problèmes et aux difficultés d'une filiale d'une société d'État québécoise — je veux parler ici de Marine Industrie de Sorel — et pour trouver des acheteurs pour six cargos polyvalents construits à raison de $20 millions chacun et pour lesquels le gouvernement du Québec avait accepté de garantir un prêt de $120 millions par l'entremise de la Société générale de financement et par l'entremise aussi de la Société de développement industriel.

Le ministre peut-il nous dire s'il est exact que cette réunion spéciale et urgente a porté sur cette question des cargos de Marine Industrie et le ministre peut-il aussi nous dire si des solutions de rechange ont été retenues pour empêcher que le Québec, que nous restions avec six bateaux sur les bras d'une valeur de $120 millions et que nous causions ainsi un autre déficit à une autre société d'État?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: M. le Président, je ne crois pas qu'il soit dans les pratiques du gouvernement, du Conseil des ministres de rendre publique la teneur des discussions du Conseil des ministres. Je dirai simplement ceci, c'est que j'ai déjà annoncé devant cette Assemblée que le gouvernement avait l'intention de mettre de l'ordre dans les sociétés d'État. Si vous vous rappelez bien, M. le Président, il y a quelques mois, nous avons nommé une nouvelle direction à la Société générale de financement et une nouvelle direction à la société Marine. Il y a des problèmes qui pourrissent depuis 1973 dans cette société Marine à laquelle a fait allusion le chef de l'Union Nationale. Nous avons la ferme intention de faire le nettoyage.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le Président, ce n'était pas du tout ie but de ma question. Je voudrais que le ministre de l'Industrie et du Commerce prenne son calme tranquillement et réponde clairement à ma question. Est-ce qu'on a discuté du cas de Marine Industrie, est-ce qu'on a discuté en particulier du cas des six cargos valant $120 millions qui sont restés sur les bras ou qui restent sur les bras de la société d'État québécoise qui s'appelle la Société générale de financement?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Comme je l'ai dit, M. le Président, je ne crois pas qu'i! soit dans l'ordre des choses de divulguer le contenu des discussions du Conseil des ministres, mais je peux dire que nous discutons de ces choses depuis plusieurs semaines et que vendredi, effectivement, nous avons discuté de cette question.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Ma question additionnelle au ministre de l'Industrie et du Commerce est: Qu'est-ce qu'on s'attend de faire vis-à-vis de la société d'État, la Société générale de financement et Marine Industrie concernant ses six cargos qui valent $120 millions au prix du Québec, alors qu'il y en a 450 ou 500 à peu près du même genre qui traînent dans tous les ports du monde à l'heure actuelle et qui se vendent pas mal meilleur marché que ceux que nous avons au Québec? Qu'est-ce qu'on s'attend de faire avec cela et quelle somme d'argent le Québec perdra-t-il dans ce marché de ces six cargos de Marine Industrie?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: M. le Président, dans les semaines qui vont venir, nous allons déposer un projet de loi devant cette Assemblée. Il y aura une commission parlementaire après l'adoption en première lecture et tout ce problème qui est soulevé aujourd'hui sera discuté dans ses détails.

M. Biron: M. le Président, est-ce que cela veut dire que ce projet de loi créera une marine marchande québécoise qui a déjà été préconisée par un des ministres? Qu'arrivera-t-il maintenant des emplois à Marine Industrie à l'heure actuelle?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Que le chef de l'Union Nationale attende le projet de loi et il y aura à boire et à manger.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Enquêtes de sécurité et CAD

M. Lalonde: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. Je lui a posé hier une question. Je lui ai demandé de donner l'assurance à cette Chambre que jamais les officiers de son ministère ou des agents de la Sûreté du Québec ne se sont rendus chez des personnes, des groupes de personnes qui ont fait des manifestations à l'encontre des politiques du gouvernement. Est-ce que le ministre a la réponse?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, en réponse à la question posée hier par le député de Marguerite-Bourgeoys, je puis dire — et comme ancien Procureur général, il en sait quelque chose — qu'il y a, à l'occasion, des vérifications ou des rencontres qui sont faites par les policiers de la Sûreté du Québec avant, pendant ou après des manifestations, et qu'il y en a eu au cours de l'époque mentionnée par le député de Marguerite-Bourgeoys hier. Cela s'inscrit dans l'action normale de prévention d'évaluer s'il y a un risque, ou encore s'il y a une volonté de violence. Lorsqu'il n'y en a pas, c'est-à-dire aucun risque, danger ou potentialité de violence, lorsque ceci n'existe pas, le problème est réglé.

S'il y a une potentialité de violence, à ce moment-là, des mesures adéquates doivent être prises. Ce rôle de prévention est majeur, il est toujours préférable de prévenir les actes de violence plutôt que d'agir après.

Si le député de Marguerite-Bourgeoys a un cas précis sur lequel il voudrait plus de renseignements, je suis à sa disposition, pour autant que c'est possible. Je puis lui dire qu'aucun officier de mon ministère n'a enquêté dans une affaire précise que le député de Marguerite-Bourgeoys a peut-être à l'esprit.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que les rapports de la Sûreté du Québec sont analysés ensuite au ministère de la Justice et par qui?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: C'est une question très générale. Il y a des rapports qui sont analysés au niveau du ministère de la Justice et qui nous sont envoyés par la Sûreté du Québec; il y en a d'autres qui demandent moins d'attention. Si le député de Marguerite-Bourgeoys a un cas précis à l'esprit, je pourrais peut-être être en mesure de lui dire si ce cas a fait l'objet d'une analyse de la part du ministère de la Justice.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Dans le cas de certains membres de l'Association des propriétaires de Val-Martin qui avaient manifesté à Boston lors d'un discours du premier ministre devant un public, pourquoi les policiers qui auraient visité ces personnes auraient-ils posé des questions quant aux allégeances politiques? Est-ce que cela fait partie du cadre des interrogatoires que le ministre vient de nous décrire pour les manifestants?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

(15 h 10)

M. Bédard: Dans le cas spécifique mentionné par le député de Marguerite-Bourgeoys, le service de sécurité de l'Université Harvard aux États-Unis a fait un rapport sur une manifestation. La question qui se posait était de savoir si les manifestants étaient bien ceux qu'ils prétendaient être de par les pancartes qu'ils pouvaient afficher. Il y a eu une vérification, ce qui se fait normalement; non pas seulement depuis que nous sommes là, cela se faisait auparavant. Il y a, comme nous le savons tous par les rapports annuels qui sont déposés à l'Assemblée nationale, un service de sécurité à la Sûreté du Québec qui doit faire un travail bien spécifique. Dans ce cas, une vérification sommaire a été faite et le dossier a été fermé parce qu'il ne paraissait pas y avoir de danger de violence pour l'avenir. Le groupe en question avait effectivement été identifié comme étant un groupe des Immeubles Val-Martin.

Pour ce qui est de l'autre aspect de la question, à savoir si les policiers se sont informés des allégeances politiques, je dois vous dire qu'à l'intérieur du rapport qui m'a été présenté il n'y a absolument aucune référence à ce genre de questions qui auraient pu hypothétiquement, à ce que nous dit le député de Marguerite-Bourgeoys, être posées par les policiers. Maintenant, si le député de Marguerite-Bourgeoys veut se plaindre — dans le bon sens du mot — ou encore évoquer que certains droits auraient pu être brimés, au cours de l'enquête normale de sécurité qui devait être faite par la Sûreté du Québec, je dois lui dire que je n'ai aucune information dans ce sens-là.

Le Président: Dernière question, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: II semble que le CAD qu'on a prétendu éteindre est encore bien vivant au ministère de la Justice. M. le Président, le ministre de la Justice peut-il dire pourquoi les membres de la Sûreté du Québec auraient été envoyés là par le ministre de la Justice — d'après leurs dires — auraient prié ces Québécois de communiquer avec les policiers pour toute autre manifestation de même nature, auraient interrogé ces personnes sur leurs allégeances politiques, auraient rappelé ces Québécois, quelques mois plus tard, pour savoir si c'était leur intention d'aller manifester à New York, au cours d'un voyage du premier ministre, et enfin auraient interrogé ces Québécois sur leurs sentiments quant au ministre Guy Tardif et Bernard Landry?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Ce sont des affirmations que fait le député de Marguerite-Bourgeoys. S'il a des indications très précises dans ce sens, je l'invite à me les communiquer. Je dois lui dire que le dossier... Bien oui! Poser une question ne veut pas nécessairement dire énoncer une vérité! Vous posez une question parce que vous vous interrogez, j'imagine!

M. Lalonde: Vérifiez cela.

M. Bédard: Bon. Alors, les vérifications ont été faites et il n'y a aucune indication dans le dossier selon laquelle des questions dans le genre de celles auxquelles se réfère le député de Marguerite-Bourgeoys auraient été posées. Au contraire — et je le dis encore une fois — dans le cas spécifique mentionné par le député de Marguerite-Bourgeoys, pourquoi il y a eu une enquête de sécurité, c'est très simple, c'est que le service de sécurité de l'Université Harvard, aux États-Unis, a fait un rapport sur une manifestation et que la question qui se posait était de savoir si les manifestants qui étaient là avec des pancartes étaient vraiment ceux qu'ils prétendaient être.

Je dois dire au député de Marguerite-Bourgeoys, et il le sait, que ces enquêtes de sécurité sont normales. La Sûreté du Québec est là avec une direction générale de la sécurité et du renseignement pour faire un travail très spécifique qu'elle faisait dans le temps de l'ancien gouvernement et qu'elle fait encore.

M. Lalonde: Le CAD est encore là.

M. Bédard: M. le Président, je trouve absolument inacceptable qu'on essaie d'évoquer l'image que le CAD serait ressuscité à cause...

M. Lalonde: Ne riez pas du monde!

M. Bédard: Je trouve tout à fait inacceptable qu'on essaie de projeter l'image que le CAD serait ressuscité parce que la Sûreté du Québec fait un travail très spécifique qui lui est donné par son mandat. C'est toute la différence du monde entre ce qui existait auparavant, à savoir le CAD qui était un noyau de renseignement connecté directement non pas avec le ministère de la Justice, mais avec le bureau de l'ex-premier ministre. Alors, c'est toute la différence du monde.

Le Président: Fin de la période des questions, sauf qu'on m'a informé que le ministre d'État au développement économique voulait apporter un complément de réponse à une question qui a été formulée hier par le député de Laval et leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. le ministre d'État au développement économique.

Opération solidarité économique

M. Landry: M. le Président, je vous remercie de me permettre de compléter une réponse que j'ai donnée hier et qui était mince, il faut l'admettre. J'ai maintenant beaucoup de renseignements et j'ose espérer, cette fois, que le député de Laval aura satisfaction. Je rappelle en une phrase les faits. Il était question d'un répertoire de l'Opération solidarité économique qui faisait état de travaux terminés, alors qu'ils n'étaient pas terminés. J'ai fait mener une enquête maison sur la question et voici quels sont ces faits.

Le 19 mai, un répertoire a été distribué dans lequel tous les projets PACEM, PAREM du ministère des Affaires municipales ont été catologués comme terminés. J'ai demandé pourquoi on avait mis ce mot terminé. Réponse: le fonctionnaire des Affaires municipales a interprété l'expression "travaux terminés" comme son travail étant terminé, c'est-à-dire... Attendez un peu!

Des voix: Quand même!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre d'État au développement économique.

M. Landry: II est évident que cette constatation que j'ai faite qui provoque les rires de l'Opposition a provoqué une réaction toute différente de ceux qui étaient responsables de l'information. Après qu'un certain nombre de copies, dont celle que le député de Laval a entre les mains, ont été imprimées et distribuées, l'imprimeur a reçu l'ordre d'arrêter l'impression, corriger l'édition et mettre en circulation — certains députés ont reçu du mauvais stock et d'autres du bon stock... Allez-vous me laisser terminer, s'il vous plaît? M. le Président...

M. Lavoie: Consentement.

M. Landry: Très bien parce que la suite est intéressante et vous le verrez; la suite est intéressante. Par conséquent, dans les jours qui ont suivi, des copies corrigées ont été mises en circulation. Mais, pour être sûr que cette confusion serait effacée, trois semaines après l'imprimeur a livré une version, comté par comté, parfaitement claire, exacte, corrigée, enrichie et relue. On en a déduit que, comme elle était comté par comté, tous les députés la liraient. Je pense que le député de Laval ne l'a pas lue.

Des voix: Ah, ah!

M. Landry: Mais pour être plus sûr encore, le 1er août, publication de tous les projets autorisés, revus, corrigés, enrichis et, pour une deuxième fois, tous les députés des deux côtés de cette Chambre l'ont eue. Alors, M. le Président, vous êtes juriste — le député de Laval est juriste — la bonne foi se présume toujours. Je présume que le député de Laval n'a pas vu les versions corrigées qui lui ont été envoyées. Je le présume — je pense que vous êtes de bonne foi — vous n'avez pas vu les versions corrigées. C'est vrai que les parlementaires sont inondés souvent de paperasse — ce qui est bon pour leurs travaux — qu'on ne peut pas tout lire. Il aurait peut-être été bon que les services de recherche le lisent. Mais, si mon interprétation de la bonne foi qui est universelle s'applique au député de Laval, elle s'applique aussi au gouvernement, qui a corrigé dans les trois jours qui ont suivi et qui a envoyé deux autres versions corrigées. M. le Président, c'est mon complément de réponse.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Président: Votre question, M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Une seule, M. le Président. Je constate que, dans ce rapport qui serait du mauvais stock, l'état des travaux du fonctionnaire des Affaires municipales — il a terminé ses travaux, pour ce qui me concerne... Je constate que ces travaux ont coûté $3 950 000 et qu'ils ont impliqué 2473 semaines-homme. Bon!

(15 h 20)

Ma question est la suivante. Les films tv et les magazines qui circulent également sur le projet OSE dans la province, est-ce du bon stock ou du mauvais stock?

Le Président: M. le ministre d'État au développement économique.

M. Landry: Le député de Laval élargit la question et c'est excellent. Pour la première partie non élargie, je pense que ma première réponse s'applique. Tous les PACEM et PAREM avaient été considérés, dans ce premier livre corrigé, comme terminés. Par la suite, ils se sont terminés pour vrai, pour la plupart d'entre eux, sauf ceux que les municipalités n'ont pas réalisés. J'invite le député à faire ce qu'il n'avait pas fait, c'est-à-dire lire les versions suivantes. Mais pour la publicité de l'Opération solidarité économique — c'est là que je remercie encore mon collègue et voisin, le député de Laval — j'ai l'honneur d'annoncer à cette Chambre, je l'ai peut-être déjà évoqué, que ces publications qui sont très demandées et cette publicité qui a été l'objet de nombreux commentaires extrêmement favorables n'ont pas coûté un sou de plus que ce qui a été voté par cette Chambre dans le budget d'information de tous les ministères. On a fait une chose un peu sans précédent. On a mis à contribution des sommes d'argent déjà votées qui auraient été dépensées en publicité pour toute espèce d'autres choses; on a réuni ces sommes d'argent en un bloc pour un programme intégré de publicité.

Je ne veux pas en faire un plat, cela vous avait été suggéré par les gens du ministère des Communications et c'était une excellente idée. Il ne faut pas être vantard en politique, mais je pense qu'un ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, aurait dit que cet argent a été de l'argent qui a été consacré à la publicité.

M. Goulet: M. le Président.

Le Président: Nous en sommes maintenant aux motions non annoncées.

M. Goulet: Est-ce que j'ai droit à une courte question à la suite de ces propos?

M. Charron: Non, pas une seule.

Le Président: Non, M. le député de Bellechas- se. Traditionnellement, je ne permets une question qu'à celui qui a formulé la question et à qui on apporte un complément de réponse.

Motions non annoncées.

M. le leader du gouvernement.

Félécitations à MM. Yves Bérubé, Fernand Claisse et Jean-V. Dufresne

M. Charron: M. le Président, je voudrais solliciter le consentement unanime de l'Assemblée pour souligner un événement heureux qui se produit dans la vie d'un de nos collègues membre de l'Assemblée. Demain, 17 novembre, dans la matinée, le député de Matane et ministre des Richesses naturelles recevra, au cours d'une cérémonie officielle, au Palais de la découverte, à Paris, une distinction.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, il me semble que c'est un événement qui devrait faire oublier la partisanerie. Notre collègue, M. Bérubé, recevra demain, à Paris, au cours d'une cérémonie officielle au Palais de la découverte, une distinction scientifique de la Société pour l'encouragement de la recherche et de l'invention. Cette distinction, qui est une médaille d'or, lui est attribuée pour l'ensemble de ses travaux de recherche en chimie colloïdale et en minérallurgie, des travaux qu'il a lui-même effectués aussi bien aux États-Unis qu'au Québec et en France. Il s'agit de la première fois, M. le Président, que cette société honore des chercheurs du Québec, puisqu'un autre lauréat l'accompagne, le professeur Fernand Claisse, du département des mines et métallurgie de l'Université Laval.

Je propose, et j'en fais motion, M. le Président, que cette Assemblée félicite ces deux Québécois.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'aurais apprécié que le leader du gouvernement nous fasse part au moins quelques minutes avant de faire cette motion — elle n'avait rien, je pense bien, de partisan — comme l'a déjà fait le premier ministre en d'autres occasions, de son intention de présenter une telle motion. Je n'hésite pas, M. le Président, à me joindre au leader du gouvernement et, j'imagine bien, à tous les membres de cette Assemblée pour dire, au nom de l'Opposition officielle, qu'il est très réjouissant pour nous de voir des progrès scientifiques, qui se multiplient d'ailleurs depuis quelques années particulièrement à travers le Québec, et que tout cela soit reconnu par une médaille. J'avoue bien franchement et bien humblement que je n'en connais pas évidemment le mérite; enfin, je n'en connais pas toutes les qualités. Je ne sais pas jusqu'à quel point elle se rapproche de la médaille reçue par le

premier ministre l'an dernier ou si elle s'en éloigne.

De toute façon, je pense que, sérieusement, il est important que nous ne manquions jamais une occasion de souligner l'importance de toute contribution d'ordre scientifique, particulièrement de Québécois dont nous pouvons être fiers de la préparation et des réalisations dans ce domaine. Alors, j'espère que cela se répétera à chaque occasion, qu'on n'attendra pas seulement qu'un ministre soit impliqué. À chaque occasion où un des nôtres reçoit un témoignage, particulièrement de nature internationale, qu'on n'hésite pas à le souligner et à encourager tous les jeunes du Québec à suivre les pas de ceux qui les ont précédés dans cette voie.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: M. le Président, l'Union Nationale se joint au tribut d'hommages offert à l'honorable ministre et saisit l'occasion pour féliciter d'une manière toute spéciale un autre Québécois qui vient d'être décoré, Jean-V. Dufresne, qui a reçu un prix remarquable.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, il est normal que nous soyons tous fiers de l'honneur qui revient à notre collègue, ministre des Richesses naturelles et des Terres et Forêts, qui recevra cette médaille d'or pour ses recherches scientifiques. Je ne peux que conclure, M. le Président, en souhaitant que beaucoup de mes collègues reçoivent encore beaucoup de ces médailles d'or, surtout que mon comté est producteur d'or et qu'on en a pas mal à vendre.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je tiendrais également à m'associer en tant qu'adjoint parlementaire à cette motion de félicitations à l'égard du ministre des Richesses naturelles. J'ai été à même d'apprécier sa vaste connaissance scientifique, entre autres, dans le dossier de l'amiante et je suis sûr que c'est tout un honneur pour le Québec.

Le Président: M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: Comme vous pouvez le constater, lorsqu'il s'agit de rendre hommage aux mérites d'un Québécois, fût-ce un adversaire politique, on ne s'abstient pas et on ne se retire pas.

Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. Samson: M. le Président...

Le Président: Aux motions non annoncées, M. le député de Rouyn-Noranda.

Demande d'aide pour les réfugiés vietnamiens

M. Samson: Oui, M. le Président. Si j'avais le consentement de cette Chambre, je présenterais une motion qui se lirait comme suit: "Que cette Assemblée encourage le ministre de l'Immigration à poser les gestes jugés utiles aux fins de venir en aide aux nombreux réfugiés vietnamiens qui sont actuellement en détresse sur un bateau, selon la nouvelle que nous avons connue hier". Est-ce que j'aurais le consentement, M. le Président?

Le Président: Y a-t-il consentement à la présentation de la motion?

M. Charron: II y a consentement.

Le Président: II y a consentement. Est-ce que la motion sera adoptée?

M. Samson: M. le Président, s'il y a consentement...

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson:... je voudrais dire quelques mots. Je sais que c'est un problème qui a été soulevé hier par l'honorable député de Saint-Louis. Nous avons tous écouté les nouvelles, je pense, hier soir, et nous avons appris qu'environ 1200 réfugiés vietnamiens sont actuellement pris sur un bateau et on refuse à ce bateau la permission d'accoster dans différents pays. Il est donc, en quelque sorte, à la dérive. Pour ce qu'on nous en a montré, en tout cas, et pour des fins humanitaires, il me semble qu'à ce moment-ci le ministre de l'Immigration du Québec, avec toute la collaboration qu'il pourra recevoir, j'imagine, des autorités canadiennes, pourra participer à une opération qui me semble urgente et une opération humanitaire, en ce sens que ces réfugiés vietnamiens pourront, dans une bonne proportion, en tout cas, être accueillis au Québec et au Canada. M. le Président, j'espère que cette motion fera l'unanimité de la Chambre. (15 h 30)

Le Président: M. le ministre de l'Immigration.

M. Couture: M. le Président, je crois que c'est l'honneur de cette Chambre, à l'occasion, de sortir des débats purement internes et se préoccuper de certaines situations internationales aussi douloureuses que celle dont a fait état le député de Rouyn-Noranda. Avec grande joie, j'appuie évidemment cette motion au nom du gouvernement. Je voudrais dire ceci pour préciser l'effort, l'aide ou l'intervention que nous ferons à ce titre: Dès aujourd'hui, je communique avec mon homologue fédéral pour lui proposer que, dans l'effort ou la contribution du gouvernement du Canada à l'accueil de ces réfugiés, le Québec — et je le dis aussi à tous les Québécois — avec cette mobilisation ou cette solidarité que nous sentons de

plus en plus dans le peuple québécois pour nous aider à accueillir ces réfugiés — ce n'est pas seulement l'effort d'un gouvernement, c'est aussi l'effort de tous les citoyens — le Québec propose au ministre fédéral d'accueillir 200 personnes de ce groupe, qui est évidemment dans une situation extrêmement dramatique sur ce bateau, en Malaisie, comme minimum, et jusqu'à concurrence de 30% de la contribution du Canada. J'ai aussi appris aujourd'hui que certains autres pays d'Occident étaient favorables à solutionner ce problème.

Je profite aussi de la circonstance pour dire que récemment le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait une demande au Québec pour l'accueil d'un certain nombre de réfugiés chiliens qui sont pris en Argentine. Il y a une poche de 1000 réfugiés chiliens en Argentine et le Québec a aussi proposé d'en accueillir 200. Je me réjouis que cette Chambre, dans ce genre de circonstances, fasse l'unanimité et qu'on manifeste ainsi une solidarité essentielle.

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je veux remercier le député de Rouyn-Noranda d'avoir proposé cette motion. Hier, à la commission de l'immigration, j'avais demandé au ministre de faire quelque chose pour ces réfugiés. J'ai même demandé qu'on fasse un effort pour accueillir tous les réfugiés qui sont sur ce bateau parce que c'est un cas spécial; ce sont des familles, des femmes, des hommes et des enfants qui sont dans la misère, qui sont mourants à la suite de la décision de la Malaisie de ne pas les laisser entrer à Port Klang ni même de laisser monter sur le bateau du lait ou tout approvisionnement.

Le ministre a dit qu'il donnait son appui moral, hier. Il a parlé de 125 réfugiés vietnamiens qui étaient déjà acceptés par le Québec. Aujourd'hui, je suis très heureux d'entendre le ministre dire qu'il est prêt à accueillir 200 des 2500 réfugiés mais, pour montrer la vraie générosité humaine de la province de Québec, peut-être pourrions-nous faire quelque chose pour les 2500. Le Québec aurait le pouvoir de le faire par la nouvelle loi qu'on votera, par l'entente qui entrera en vigueur le 1er janvier. Cela fait cinq semaines et cela prendrait cinq semaines à ce bateau pour venir au Québec. Après le 1er janvier 1979, le ministre pourra, par le pouvoir qui lui sera voté en Chambre, accueillir tous les réfugiés. J'espère, en adoptant cette motion, que quelque chose dans ce genre se fera.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais également, avec mes autres collègues de l'Assemblée nationale, me joindre, au nom de l'Union Nationale, à l'acceptation de cette motion à l'unanimité par notre Assemblée. Cette motion arrive à point puisque nous discutons justement, en commission parlementaire, du cadre législatif faisant suite aux ententes fédérales-provinciales sur les critères de sélection des immigrants. Je pense que nous avons là la tribune rêvée pour discuter de cette situation qui est tout à fait urgente.

On doit prendre conscience, à ce moment-ci, de nos responsabilités face à cette situation tout à fait terrible, face à ces conditions inhumaines dans lesquelles vivent ces gens qui sont actuellement en attente sur un bateau, qui sont menacés dans leur survie personnelle. On doit prendre conscience de notre responsabilité et poser des gestes dans un avenir immédiat. Je demande d'ailleurs également au ministre, à ce stade-ci, d'activer si possible toutes les procédures en cette matière. On sait comme c'est long lorsqu'on entre dans les dédales administratifs au niveau de procédures telles que celles-là.

Par contre, on doit considérer que de l'autre côté ces gens-là sont dans une situation périlleuse où, de jour en jour, des vies humaines sont en danger. On doit donc, à ce moment-là, s'unir dans un esprit, vraiment, de solidarité humaine pour leur porter secours. C'est une question de jours. C'est pour cela que je demande au ministre, avec l'appui de l'Assemblée nationale au complet — nous allons l'aider en ce sens-là — d'activer de façon particulière ces procédures pour que non seulement nous puissions en arriver à une réponse de principe et dire que nous sommes d'accord pour accueillir ces gens-là, mais que dans les faits, dans les plus brefs délais possible, que ce soit une question de jours, on puisse dire: Oui, au Québec, les portes sont ouvertes, on vous attend. Et le cadre législatif, on le règle cet après-midi ou demain, en commission parlementaire, pour permettre de porter secours à ces gens qui en ont vraiment besoin.

J'aimerais également appuyer les propos que mon collègue vient de tenir proposant d'ouvrir plus largement les portes du Québec dans ce cas précis, puisqu'on sait que sur ce bateau, au moment même où on se parle, il y a 2500 personnes qui meurent littéralement de faim. Il y a sur ce bateau 1200 enfants, 620 femmes et 125 vieillards. Je pense qu'on devrait aller au-delà du chiffre de 200 personnes qu'a mentionné le ministre, compte tenu du nombre important de personnes qui sont en cause actuellement. J'en fais part au ministre et, encore là, je lui offre la collaboration de l'Union Nationale dans ce sens pour qu'on apporte une réponse humanitaire, pratique, immédiate à ces gens qui ont absolument besoin que quelqu'un, à travers le monde, attende leur appel désespéré et surtout passe à l'action.

Le Vice-Président: Alors, est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Travaux parlementaires

M. Charron: M. le Président, la toute dernière motion qui vient d'être présentée tombe à point

avec les travaux parlementaires puisque j'allais proposer, dans les travaux de cet après-midi, que la commission de l'immigration qui, justement, étudie le projet de loi auquel plusieurs députés ont fait référence — la commission est en train de l'étudier article par article — se réunisse.

M. Lavoie: En vertu de l'article 34, M. le Président.

M. Charron: Est-ce qu'on ne pourrait pas faire démarrer les commissions?

Le Vice-Président: Oui, d'accord, Écoutez, est-ce qu'on pourrait faire les motions et ensuite on posera les questions en vertu de l'article 34?

M. Levesque (Bonaventure): Vous voudriez faire les motions avant?

M. Charron: Oui, faire démarrer les commissions parce qu'il est déjà 15 h 40, si possible.

M. Bellemare: L'ordre du jour n'est pas suivi, à?

M. Charron: Bon! Très bien, M. le Président.

Le Vice-Président: D'accord.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: Une question au leader du gouvernement en vertu de l'article 34. Je reviens sur le cinquième rapport de la réforme des districts électoraux. Le leader du gouvernement, il y a plus d'un mois, m'avait dit que quelques jours après il devait me donner la date exacte à laquelle cette commission pourrait siéger. Je voudrais profiter de l'occasion pour lui rappeler que, dans plusieurs régions du Québec, ce cinquième rapport cause des problèmes de grande anxiété. Je pense que le leader du gouvernement pourrait, aujourd'hui, nous indiquer une date précise à laquelle cette commission pourrait siéger.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Oui, volontiers, M. le Président. Mais pas plus précise, toutefois, que de dire qu'elle aura lieu dans la première semaine de décembre.

Le Vice-Président: Bon. M. le... Un instant! M. Bellemare: En vertu de l'article 34.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Lavoie: Allez! Allez!

M. Bellemare: Je m'excuse, mon cher M. le leader...

M. Lavoie: Avec plaisir, M. le leader!

M. Bellemare: Ma question s'adresse au leader parlementaire pour savoir si, à la commission parlementaire, qui a ajourné sine die, sur la Commonwealth Plywood, il est question d'avoir une autre séance la semaine prochaine. Le ministre du Travail étant ici, il pourrait peut-être nous confirmer s'il est question d'avoir une autre séance avec la Commonwealth Plywood, vu que la dernière a été ajournée sine die. Quels sont les résultats pratiques quant à la séance?

Le Vice-Président: M. le ministre du Travail.

M. Johnson: Je suis à même d'informer cette Chambre qu'il ne devrait pas y avoir d'autres séances de la commission du travail et de la main-d'oeuvre sur la Commonwealth Plywood.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: J'aurais un avis à donner à cette Chambre concernant la question avec débat de vendredi...

Le Vice-Président: Vendredi en huit.

M. Lavoie: ... le 24. Par contre, auparavant, j'aurais une demande à adresser à la présidence. Depuis quelques années, régulièrement durant la session, la présidence fait parvenir aux leaders et aux représentants des différents partis politiques une compilation ou des statistiques sur la période des questions, précisant combien de questions principales, de questions supplémentaires ont été accordées aux différents partis. Nous serions intéressés, surtout depuis la venue de la télévision, d'avoir une telle compilation. Auriez-vous l'obligeance, M. le Président, de nous faire parvenir dans les meilleurs délais une compilation que vous pourrez faire depuis le début de la session? (15 h 40)

Le Vice-Président: Je comprends que, depuis le 3 octobre, vous désirez cette compilation et je vous promets...

M. Lavoie: Pour savoir la proportion qui a été...

Le Vice-Président: ... que vous l'obtiendrez. M. Lavoie: Bon.

M. Bellemare: L'honorable président de la Chambre nous en a montré un exemplaire dernièrement, lors d'une réunion des leaders. Cette compilation avait déjà été faite; il s'agirait tout simplement de la compléter jusqu'à aujourd'hui pour qu'on puisse l'obtenir.

M. Lavoie: II y a peut-être eu des passe-droits. Moi, je n'en ai pas pris connaissance et je n'étais pas au courant d'une telle compilation.

Le Vice-Président: Non, je sais qu'il existe une compilation continuelle. Alors, elle sera complétée.

M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Hier, le Président a suggéré au chef de l'Opposition officielle de revenir à la charge à propos de GM en ayant recours à l'article 34. L'objet de sa question était le suivant: Est-ce qu'il serait possible que le ministre de l'Industrie et du Commerce dépose ici, à cette Assemblée, les études économiques qui ont pu être faites relativement à l'implantation potentielle de GM et ensuite les échanges de correspondance, s'il y a lieu, et, en général les offres et la position du gouvernement du Québec en cette matière? Est-ce que le gouvernement a l'intention de déposer ces documents?

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, maintenant que la demande de l'Opposition est formulée en détail par le député d'Outremont, j'en préviendrai le ministre de l'Industrie et du Commerce et nous lui donnerons, totalement ou en partie, réponse très prochainement.

M. Saint-Germain: En vertu de l'article 34.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Jacques-Cartier, en vertu de l'article 34.

M. Saint-Germain: Mardi, si rien n'est modifié, nous siégerons en commission parlementaire pour faire l'étude ou, du moins, pour recevoir les mémoires de diverses associations.

M. Charron: Oui, M. le Président, c'est parmi les avis que je voulais donner à la Chambre.

Le Vice-Président: Bon, si vous voulez attendre.

M. Saint-Germain: Je voulais dire, M. le Président, au leader parlementaire qu'hier, dix représentants de sociétés ou de corps intermédiaires ont été invités et que, même si trois de ceux-ci se sont abstenus de commenter leur mémoire, nous avons manqué de temps. Nous avons siégé jusqu'à 6 h 40 et nous avons dû refuser d'entendre la dernière association. Est-ce que pour mardi moins de corps intermédiaires seront invités à soumettre leur mémoire? Enfin de compte, c'est presque insultant pour les représentants de ces corps intermédiaires. Ils n'ont pas le temps. Il y a des mémoires qui sont relativement longs et on ne dispose pas du temps voulu pour les étudier en profondeur.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, c'est à ce point vrai, ce que dit le député de Jacques-Cartier, que j'ai prévu que toute la semaine prochaine vraisemblablement, les trois jours de séance de l'Assemblée seraient pour cette commission dédiés à entendre des représentants d'organismes qui ont demandé à se faire entendre, plutôt que deux seules journées la semaine prochaine. Donc, on les étalera, comme on dit, sur trois jours, plutôt que sur deux. Toutefois, M. le Président, je serais très incomplet et je manquerais d'honnêteté à l'égard d'un certain nombre de membres de l'Assemblée en ne complétant pas ma réponse de cette façon. Il y a eu, préalablement à la tenue de cette commission, une rencontre des représentants de chacun des partis politiques qui siègent à la commission. Le député de Jacques-Cartier, m'a-t-on informé, n'y a fait qu'une apparition de quelques minutes, mais les autres députés de l'Assemblée, soit le député de Beauce-Sud — je ne sais pas si le député de Rouyn-Noranda y était, c'était mardi qu'il était absent — le représentant de l'Union Nationale, le représentant gouvernemental ont fait entente pour un bon déroulement des travaux de la commission, auquel échappe maintenant le député de Jacques-Cartier, parce qu'il s'est abstenu de participer à cette réunion. Or, si elle marche cahin-caha un peu, ce n'est pas parce que nous n'avons pas fait d'efforts pour nous entendre sur une façon de procéder, mais c'est bien parce que l'Opposition officielle s'était abstenue d'y participer.

M. Saint-Germain: M. le Président, vous me permettrez, je suppose, de donner mon point de vue concernant cette situation.

Le Vice-Président: C'est presque une question de privilège.

M. Saint-Germain: Alors, voilà. Comme je le disais tantôt, dix corps intermédiaires ont été invités jeudi à comparaître devant nous. Il était physiquement impossible d'étudier, comme nous aurions dû le faire, ces dix mémoires.

C'est après, que j'ai été invité à participer à cette réunion. Je vous dis, M. le Président, que je ne pouvais pas, en toute conscience, me soumettre à cet accord parce qu'il me semblait que je concourais ainsi à diminuer, si vous voulez, le temps disponible de chaque association et je ne voulais pas, à ce point de vue, participer à aucune politique qui limitait injustement le temps dont disposaient nos invités.

Le Vice-Président: D'accord. M. le député d'Orford.

M. Saint-Germain: Une dernière question, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Vice-Président: Une autre question en vertu de l'article 34.

M. Saint-Germain: S'il vous plaît! Le Vice-Président: D'accord.

M. Saint-Germain: Nous n'avons pas reçu les mémoires qui seront déposés la semaine prochaine; c'est un inconvénient très sérieux. Nous arrivons à la commission avec une majorité de mémoires que nous n'avons pas pu étudier et même lire, bien souvent. Je demande au leader parlementaire son entière coopération de façon que ces mémoires nous soient remis aussitôt déposés.

M. Charron: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire.

M. Charron: ... je ferai la vérification dès que la Chambre me permettra de m'absenter quelques minutes pour que tous ceux qui sont disponibles soient communiqués au bureau du député dès cet après-midi.

Le Vice-Président: Merci, M. le leader parlementaire.

M. le député d'Orford, une question en vertu de l'article 34.

M. Vaillancourt (Orford): En vertu de l'article 34, M. le Président. Est-ce que le leader a l'intention de demander la prise en considération du rapport de la commission permanente des travaux publics?

M. Charron: Pardon? Je m'excuse.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que le leader a l'intention de demander la prise en considération du rapport de la commission du ministère des Travaux publics, projet de loi 22?

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire.

M. Charron: Je pourrai fournir une réponse très précise au député mardi, M. le Président.

M. Lavoie:... vendredi prochain?

Le Vice-Président: Oui, s'il vous plaît! Ensuite nous procéderons aux motions et avis.

M. Lavoie: D'accord. En vertu de notre règlement, vendredi prochain, le 24 novembre, à la demande de notre collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, il y aura une question avec débat adressée au ministre de l'Industrie et du Commerce sur le sujet suivant: l'absence de politique du gouvernement québécois en ce qui concerne l'investissement de capitaux provenant de l'extérieur du Québec.

Le Vice-Président: M. le député de Laval et leader parlementaire de l'Opposition officielle, je prends acte de l'annonce, mais non pas du fond; ce qui ne m'est pas permis. D'accord?

M. Lavoie: Votre collaboration serait appréciée, M. le Président.

M. Samson: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Samson: ... en vertu de...

Le Vice-Président: Pardon, de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je pense qu'aujourd'hui je pourrais les représenter tous les deux.

Une voix: Non.

M. Samson: M. le Président, je voudrais vous poser une question. Je ne sais pas si c'est en vertu de l'article 34.1, 34.2 ou 34.3, mais est-ce que vous avez à faire part à cette Chambre d'une communication que je vous ai faite?

Le Vice-Président: M. le député de Rouyn-Noranda, je sais que vous avez fait à la présidence une communication. Comme cette communication affecte plusieurs lois, celle, par exemple, concernant le financement des partis où il y a sept partis officiels, celle de la Législature où il s'agit des partis reconnus et des autres, le président de l'Assemblée nationale a, pour le moment, retenu cet avis. Mais vous pouvez être assuré que votre message sera fait et que cette Assemblée recevra bientôt votre communication.

Changement de nom d'un parti politique

M. Samson: M. le Président, en me parlant de différentes lois — c'est une directive que je vous demande — est-ce que la présidence a, directement ou indirectement, à regarder les autres lois? Le directeur du financement des partis politiques et le directeur général des élections au Québec ont reçu ce qu'il fallait recevoir et tout est en ordre de ce côté-là. Si vous me le permettiez en vertu de l'article 34.3, en attendant que la lecture soit faite, j'annoncerais à cette Chambre que, dorénavant, j'aimerais qu'on me désigne sous la nouvelle appellation de notre parti, soit les Démocrates. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président: Dont acte aussi. M. le leader parlementaire du gouvernement, vos avis et vos motions.

M. Charron: Je voudrais donner avis à l'Assemblée, M. le Président, tout d'abord, que demain, vendredi, 17 novembre, c'est la question avec débat du député de Nicolet-Yamaska adressée au ministre de la Justice. Donc, la commission de la justice est appelée à se réunir demain matin, de 10 heures à 13 heures, au salon rouge. (15 h 50)

Mardi matin, une seule commission se réunira avant que la Chambre ne se réunisse dans l'après-midi. De 10 heures à 12 h 30, au salon rouge, la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières poursuivra le mandat qui lui a été confié par la Chambre.

Je voudrais faire motion pour que, cet après-midi et ce soir, se réunisse immédiatement, au salon rouge, la commission de l'immigration pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi 77, et qu'à la salle 81-A, cet après-midi seulement — si elle n'est pas achevée, nous prévoirons une autre réunion — la commission du revenu fasse l'étude article par article du projet de loi 67.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Vote enregistré.

Le Vice-Président: Alors, que l'on appelle les députés.

(Suspension à 15 h 51)

(Reprise à 16 heures)

Le Vice-Président: La motion de M. le leader parlementaire du gouvernement à savoir que la commission de l'immigration se réunisse immédiatement et continue ses travaux en soirée après 20 heures, et que la commission de la justice se réunisse également immédiatement, mais ne siège pas ce soir...

Une voix: Du revenu.

Le Vice-Président: ... du revenu, pardon — merci de la correction — cette motion sera-t-elle adoptée? Que celles et ceux qui sont en faveur veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Burns, Bédard, Laurin, Morin (Louis-Hébert), Parizeau, Marois, Landry, Léonard, Couture, Tremblay, Mme Ouellette, M. O'Neill, Mme Cuerrier, MM. de Belleval, Proulx, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, Vaugeois, Martel, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Chevrette, Fallu, Michaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Gendron, Mercier, Alfred, Marquis, Gagnon, Ouellette, Perron, Clair, Godin, Lavigne, Dussault, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Gravel, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Jolivet, Levesque (Bonaventure), Lavoie, Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Mailloux, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Ca-ron, O'Gallagher, Picotte, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Bellemare, Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Dubois, Le Moignan, Cordeau, Samson.

Le Vice-Président: Contre? Abstentions?

Le Secrétaire adjoint: Pour: 87 — Contre: 0 — Abstentions: 0

Le Vice-Président: La motion est adoptée, par conséquent, les commissions de l'immigration et du revenu peuvent immédiatement se réunir.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Projet de loi no 90 Deuxième lecture

M. Charron: Je cherche l'article, M. le Président. Il s'agit de la deuxième lecture du projet de loi sur la protection du territoire agricole.

Le Vice-Président: Pour vous aider, c'est l'article 14), M. le leader parlementaire. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, on me dit que le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Le Vice-Président: J'allais vous demander si vous aviez sa bénédiction. Merci, M. le ministre. Vous avez la parole sur le projet de loi.

M. Jean Garon

M. Garon: Je ne sais pas si j'ai sa bénédiction, mais il semble que j'aie sa recommandation. M. le Président, durant le mois de septembre dernier, en compagnie de mon collègue, l'adjoint parlementaire, le député de Saint-François, M. Rancourt, du sous-ministre adjoint responsable du dossier de la protection du territoire agricole, M. Therrien, et de mon chef de cabinet, M. Maurice Tremblay, j'ai parcouru le Québec pour entendre une centaine d'organismes intéressés à l'agriculture et à l'utilisation du territoire agricole. C'est, à toutes fins utiles, à l'unanimité que ces organismes se sont prononcés en faveur du principe de la protection du territoire agricole québécois. Il y a bien eu quelques individus et quelques groupes, très peu nombreux, qui ont profité des treize audiences publiques pour répéter certaines craintes, bien légitimes, qu'ils avaient entendues de la bouche de ceux qui s'opposent à toute forme d'intervention du gouvernement.

M. le Président, je m'empresse de vous rappeler que le projet de loi sur la protection du territoire agricole est d'abord et avant tout le fruit des revendications répétées des agriculteurs du Québec depuis dix ans. Depuis dix ans, dans chacun de leurs congrès, les producteurs agricoles ont revendiqué l'adoption d'une mesure législative sur la protection de nos meilleures terres agricoles du Québec. Il y a une dizaine d'années

également, la Commission royale d'enquête sur l'agriculture au Québec, présidée par M. Nolasque April, après avoir mûrement réfléchi sur les moyens à prendre pour développer et rentabiliser l'agriculture québécoise, concluait qu'il était urgent de protéger les terres agricoles au Québec. C'était il y a dix ans. Je vous le répète, M. le Président, dix ans.

Depuis, il en est passé, évidemment, des "développeurs" et des spéculateurs. Il en est passé, des projets résidentiels, des centres commerciaux, des parcs industriels à moitié remplis, des développements à saute-mouton qui ont entraîné des coûts énormes à la collectivité québécoise et même des maisons bâties sur des terres drainées peu de mois auparavant. Depuis dix ans, M. le Président, il en est passé également des gouvernements. Chacun à leur tour, ils se sont engagés à apporter des correctifs, mais, depuis dix ans, les promesses n'ont rien changé à la situation. Alors que la commission April la qualifiait d'urgente en 1968 en se basant sur des analyses réalisées au milieu des années soixante, cette situation s'est très sérieusement détériorée pour atteindre aujourd'hui le point où tous disaient: C'est cet automne ou jamais!

Des chiffres qui ne viennent pas de moi, qui ont été compilés par le gouvernement du temps, démontrent que plus de 330 000 acres de terres agricoles étaient sous spéculation probable en 1975, c'est-à-dire qu'on n'y réalisait plus de travaux culturaux dans les basses terres du Saint-Laurent. Aujourd'hui, si on regarde les mêmes tendances, la spéculation doit avoir atteint pratiquement un million d'acres. Le territoire québécois, quoi qu'on en pense, est un territoire exigu sur le plan agricole. Il est grand, le territoire québécois, mais il y a peu de terres agricoles. Si on regarde l'ensemble des terres agricoles du Québec, il y a un million et demi d'acres de sols agricoles à très bon potentiel sur un total de 5 920 000 acres défrichées sur les fermes, ce qui veut dire moins de 0,5% de la superficie totale du Québec.

De plus, les phénomènes de déstructuration, de spéculation, d'aliénation progressent si bien qu'en 15 ans, de 1961 à 1976, la superficie des fermes du Québec est passée de 14 200 000 acres, en incluant les boisés de ferme, à 9 900 000 acres, soit une baisse de 30%. Durant la même période, la baisse subie par l'Ontario était seulement de 16,7%, la moitié moins qu'au Québec, alors que pour l'ensemble du Canada il y avait une baisse de 2% seulement. Cette baisse est d'autant plus importante qu'elle a, en grande partie, affecté des terres d'excellente qualité, classifiées par des experts pédologues, les experts en sols, dans les catégories 1, 2 et 3.

Pour bien illustrer l'importance de ces classifications, je me permets de vous citer un exemple; d'après les experts en agronomie, le sol de la catégorie 4 donne un rendement moyen de 60 boisseaux de maïs à l'acre, alors que celui de la catégorie 1 donne 136 boisseaux à l'acre, soit plus du double. Ce phénomène s'applique aussi à toutes les autres productions céréalières et aux produc- tions maraîchères. Tout le monde sait que notre meilleure terre au Québec est à l'île de Montréal, à l'île Laval, à l'île Bizard et l'ensemble du territoire. Nos ancêtres ont eu l'intelligence de bâtir le premier établissement agricole au meilleur endroit pour l'agriculture. Évidemment, les villes se sont greffées autour.

Au cours des années, le Québec est devenu sans doute le seul État du monde occidental où il n'y avait aucune mesure de protection des terres agricoles. C'était sans doute le seul endroit où il n'y avait aucune protection des terres agricoles. C'est pour cela que nous disons: Oui, c'est le temps ou jamais d'agir. Ou nous adoptons les mesures proposées ou nous cessons d'espérer le maintien au Québec d'une activité économique aussi importante que l'agriculture. (16 h 10)

Le projet de loi que le gouvernement propose est essentiellement une mesure à caractère économique. Une mesure à caractère économique parce qu'il ne s'agit pas de protéger des terres pour protéger des terres, comme une fin en soi, mais comme une mesure essentielle au développement économique du secteur agricole et alimentaire au Québec. C'est pour cela qu'il faut protéger les terres. Non pas pour les regarder pousser en branches, pour les regarder pousser en friche, mais pour les développer. C'est pour cela qu'il faut les protéger. Et c'est essentiel parce que tout le secteur alimentaire est concerné. Le secteur alimentaire est très important.

Je regardais récemment les statistiques du ministère de l'Industrie et du Commerce, où on démontre que le secteur manufacturier alimentaire au Québec a connu une augmentation de 19,1% cette année. Cela a été le premier grand secteur manufacturier, au point de vue augmentation comme cela. Et il est important de développer ce secteur encore davantage puisque nous importons beaucoup de nourriture au Québec. Cette mesure vise non seulement à développer le nombre d'emplois, mais à assurer le maintien de 200 000 emplois reliés à la production et à la transformation des produits agro-alimentaires au Québec. Sans l'adoption de mesures de protection des meilleures terres agricoles, le secteur agro-alimentaire québécois va en venir, inexorablement, à végéter parce qu'il n'y aura pas de terres pour l'agriculture. Sans l'adoption de mesures de protection efficaces, c'est vers une dépendance alimentaire de plus en plus poussée que se dirigeront les 6 millions de Québécois.

Cette dépendance ne s'applique pas uniquement à la disponibilité des produits alimentaires, mais aussi à leur prix. Regardons le prix des produits alimentaires, qui a augmenté au cours des dernières années. On remarquera que ceux qui ont connu les plus fortes augmentations sont les produits alimentaires qui sont importés. Cela a été le sucre, parce qu'on en produit une petite quantité au Québec. On dépend de l'approvisionnement; même les entreprises qui raffinent au Québec, les grandes raffineries de Montréal, importent leur sucre brut des pays étrangers. Dans le

café, on a eu des prix considérables, on est dépendant de l'étranger. Dans la salade, l'hiver passé, on a vu des pommes de salade à $1.69 la pomme, elles venaient de Californie. Parce qu'on produit peu de salade, on en produit à peu près pas l'hiver, on est dépendant des produits américains de la Californie. Quand on parle d'autosuffi-sance au Québec, je vous dis que ce n'est pas seulement le gouvernement du Québec qui parle de cela.

Je regardais récemment une revue du Vermont; les consommateurs, les producteurs agricoles du Vermont parlaient d'autosuffisance pour le Vermont — même chose dans l'État du Massachusetts — pour ne pas être dépendant, l'hiver, des produits de la Californie ou de la Côte ouest des États-Unis, parce qu'à ce moment-là on est obligé de payer beaucoup plus cher. Tandis que les produits agricoles d'ici, même à un prix où un agriculteur va très bien gagner sa vie, seront toujours meilleur marché que les produits de l'étranger.

M. le Président, après deux ans au ministère de l'Agriculture, je puis vous assurer que l'autosuf-fisance alimentaire du Québec est réalisable à condition qu'on veuille la réaliser. Mais l'autosuf-fisance, cela ne veut pas dire qu'on veuille faire pousser des bananes, des pamplemousses et des citrons au Québec. Même dans les serres, il n'est pas question de cela, mais il est question d'avoir un équilibre entre les importations et les exportations. Exporter autant qu'on importe, pour ne pas être dépendants. De retour d'un voyage dans l'Ouest du Canada, à l'aéroport de Vancouver, en attendant un avion, je rencontre quelqu'un qui attendait à côté de moi et on parlait ensemble. Il me dit qu'il vient de Formose. Je lui dis: Qu'est-ce que vous faites au Canada? Il me dit: Je suis agent commercial et je suis venu faire des affaires avec le Canada et les États-Unis.

Il demande ce que je fais. Je dis que je suis député et ministre de l'Agriculture. Immédiatement il me dit: Vous savez, à Formose, on a atteint notre objectif. Je dis: Quel objectif? Il me dit: Notre objectif d'autosuffisance. Il avait dit "self-sufficiency". Il m'a dit: Quand vous parlez d'autosuffi-sance, qu'est-ce que vous voulez dire exactement? Quand on parle d'autosuffisance, à Formose ou Taïwan, si vous voulez, on veut dire qu'on va exporter autant qu'on va importer pour ne pas être dépendant sur le plan alimentaire. C'est évident qu'il ne s'agit pas de manger uniquement ce qu'on produit, parce qu'il y a une foule de produits auxquels les gens sont habitués et auxquels ils ne voudraient pas renoncer. Mais il s'agit d'exporter d'autres produits pour lesquels on a des capacités de production. Or, on a beaucoup plus de capacité de production au Québec qu'on le pense.

Par exemple, dans la région de Saint-Hyacinthe, cette année, la région de la vallée du Richelieu, des producteurs maraîchers — dans la région de Laval — ont envoyé à pleins camions des produits vers les États-Unis et vers l'Ontario. Pourquoi? Parce qu'il y a une foule de produits agricoles, contrairement à ce qu'on en pense, qui poussent bien mieux dans un climat comme le nôtre qu'en Afrique où il fait trop chaud, parce que le soleil trop chaud dessèche le sol. Aux Indes, cela pousse moins bien qu'au Québec.

Alors, nous avons des avantages pour une foule de produits. Il y a même des produits qu'on appelle les crucifères. Je vous dirai franchement que pour les crucifères, j'ai fait comme le député de Charlevoix, la première fois que j'ai entendu ce nom au ministère, j'ai dit: C'est quoi cela? On m'a expliqué que c'était des choux, des choux-fleurs, des brocolis, des produits comme ceux-là, qui poussent mieux dans un climat qui est plus frais. J'avais expérimenté dans mon jardin que les pois poussent mieux quand c'est plus frais, mais il y a une foule de produits qui poussent mieux quand c'est plus frais, et le Québec a l'avantage d'avoir un climat frais plus souvent qu'à son tour. Il y a donc des produits qu'on peut développer au Québec et exporter. Pour cela, par exemple, il faut y mettre le temps, les ressources financières, la recherche et l'ardeur à la tâche. Mais il faudra avant tout, d'abord et avant tout, pour pouvoir le réaliser, protéger ce qu'il y a de plus important: notre patrimoine territorial agricole.

Permettez-moi, M. le Président, de vous rappeler ici, brièvement, les raisons qui militent en faveur de l'adoption des mesures proposées, au risque de répéter à nouveau que l'agriculture constitue un des secteurs les plus importants de notre économie, autant à cause des investissements qui y sont consacrés que des investissements qui y sont rattachés.

En 1977, la valeur courante du capital agricole dans les fermes dépassait $4 milliards, dont près de 15% étaient affectés au cheptel vivant; les animaux; 65,6% au fonds de terre et aux bâtiments et près de 20% à la machinerie et à l'outillage. La main-d'oeuvre agricole, compte tenu des variations saisonnières, était de 78 000 travailleurs à temps plein. L'investissement moyen par travailleur agricole était de $52 564 et de près de $100 000 par ferme comme moyenne pour les 43 000 fermes du Québec.

On peut dire, quand je regarde chez le ministre de l'Industrie et du Commerce, que je suis ministre de plus de petites entreprises que lui, parce que dans l'agriculture, il y en a 43 000, seulement chez les agriculteurs, sans compter l'industrie alimentaire. Il ne m'en porte pas rigueur, on prend cela comme une compétition, à savoir qui va en développer le plus. Au total, le système agro-alimentaire nous a fourni 200 000 emplois entre le primaire, le secondaire et le tertiaire. Si on compte en plus les intrants à l'agriculture, les secteurs d'entreposage, du transport de produits agro-alimentaires, les services, le nombre d'emplois sera beaucoup élevé.

Avec une valeur brute de production qui s'établit à $1 500 000 000 en 1977, l'agriculture québécoise représente 45% d'activités primaires, c'est-à-dire autant que l'exploitation de nos forêts et de nos mines ensemble. Au niveau primaire — je ne parle pas des papeteries — la coupe du bois en forêt, pour le bois de sciage et le bois de

pulpe, et tout ce que produisent nos mines, cela ne produit pas plus que l'agriculture.

Je ne dis pas cela non plus pour rabaisser la forêt et les mines, mais juste comme point de comparaison. Mon collègue, le ministre des Richesses naturelles, dirait que j'en profite pendant qu'il n'est pas là. Mais si, l'on considère l'ensemble du secteur agro-alimentaire en incluant la transformation de cette production primaire, on constate qu'il se situe dans le peloton de tête de l'activité économique. (16 h 20)

Le groupe des aliments et boissons — ce sont beaucoup plus les aliments que la boisson — se classe au premier rang des secteurs économiques en ce qui concerne la valeur des expéditions manufacturières, avec près de $5 milliards en 1977, soit 18% du total, et au second rang sur le marché du travail dans l'industrie secondaire, avec 11% de la main-d'oeuvre employée dans le secteur de la transformation.

Les effets d'entraînement de ces industries sont très considérables. Ils ont un impact supérieur à la moyenne du secteur manufacturier sur le revenu et l'emploi. Les données récentes indiquent que, parmi nos 36 secteurs économiques, le secteur des viandes occupe la première place comme agent multiplicateur de revenus et la quatrième place comme agent multiplicateur d'emplois. Quant au secteur laitier, il est au deuxième rang tant pour la multiplication des revenus que pour la multiplication des emplois. Ceux qui m'écoutent parler vont dire: Vous parlez beaucoup de l'industrie. Ce que je veux montrer, c'est à quel point l'agriculture fait vivre l'industrie et le commerce, à quel point l'industrie et le commerce dans le secteur alimentaire sont dépendants de la production agricole et qu'un cultivateur qui produit du boeuf et du lait sur une ferme fait vivre un tas de monde par sa petite entreprise. Mais qu'est-ce que vous voulez? L'entreprise laitière peut avoir entre 20, 25, 100 et 125 vaches, pour les gros cultivateurs. Cela a l'air petit, mais, si on additionnait tout cela ensemble, on verrait à quel point l'usine serait grosse. Mais ce sont des petites unités réparties ici et là.

Même le sirop d'érable, parce qu'on veut aussi protéger les érablières. On dit: C'est quoi, le sirop d'érable? Les gens pensent que c'est marginal. Ils voient encore le cheval et le tonneau. C'est quoi, le sirop d'érable? Au cours du mois d'avril, cela produit et on en manque. L'an dernier, on en a produit pour $25 millions. $25 millions dans un mois, ce n'est pas pire. C'est pour cela qu'on veut aussi développer la production de sirop d'érable parce que, actuellement, on manque de sirop d'érable au Québec. Il faut pousser la vente lentement parce qu'on ne fournit pas; on n'a pas assez de sirop. C'est pour cela qu'il y a un programme pour mettre des tubulures pour qu'on puisse accélérer la production du sirop d'érable. Également, l'impact du secteur agro-alimentaire dans le développement régional incite à croire que la préservation et le maintien du dynamisme régional devront s'ancrer autour de cette industrie, d'autant plus que les ressources agricoles constituent, dans la plupart des régions, une partie importante du potentiel de développement. On serait surpris de constater, par exemple, à quel point les Montréalais et les Québécois de la ville de Québec dépendent des agriculteurs. L'industrie manufacturière la plus importante à Montréal et à Québec, dans les deux plus grandes villes, c'est l'industrie alimentaire. Quand vous regardez dans toutes les régions du Québec, soit en termes de nombre d'entreprises, en termes de revenus, en termes d'emplois, en termes d'expéditions manufacturières, sur les 20 secteurs économiques les plus importants au Québec, jamais le secteur agro-alimentaire n'est plus bas que quatrième sous chacun de ces chapeaux-là. Cela veut dire que, dans toutes les régions du Québec, le secteur économique le plus important, c'est le secteur agro-alimentaire.

Également l'impact des activités agricoles et de l'industrie des aliments sur les revenus de l'ensemble des Québécois et sur le niveau de l'emploi est très important avec ce qu'il apporte dans d'autres secteurs.

La dépendance alimentaire des Québécois, par ailleurs, atteint actuellement environ 40%. On achète de l'extérieur 40% de ce qu'on mange. Tenant compte que notre agriculture est axée sur des productions animales comme le boeuf, le lait, le porc et le poulet, c'est dans le secteur des céréales que l'autosuffisance est la plus faible, avec le boeuf.

Nous produisons 35% des céréales que nous consommons, pas autant nous que les animaux, l'alimentation animale, 35% de production et 65% d'importation. Ce pourcentage était de 55% en 1961. Cet affaissement est dû non pas au fait que nous produisons moins de céréales fourragères mais qu'on élève beaucoup plus d'animaux.

Quant au boeuf, pensons que, pour cette année, nous allons importer, au prix actuel du marché, pour près de $900 millions de boeuf, au Québec, ce qui veut dire qu'avec le pétrole et l'automobile, ce qu'on importe le plus, cela doit être le boeuf. Alors qu'il y a un marché considérable, on ne produit que 20% de ce qu'on consomme; alors qu'on peut développer la production du boeuf sans nuire à personne parce qu'on en importe 80% et qu'il faut mettre l'accent là-dedans, pour chaque boeuf qu'on va produire ici, c'est d'un boeuf de moins dont on va dépendre de l'extérieur pour notre approvisionnement.

Laisser dilapider nos terres, nos bonnes terres nous obligerait à dépendre encore davantage des marchés extérieurs pour notre ravitaillement et compromettrait irrémédiablement nos chances d'atteindre un jour notre objectif souhaitable de l'autosuffisance alimentaire. Que l'on y pense bien! Chaque fois que 100 000 acres sont enlevées de la plaine de Montréal, qu'elles sont soustraites à l'agriculture, notre capacité d'autoapprovisionnement en grains diminue de 6%. Quand on pense qu'environ 1 million d'acres sont en spéculation,

vous voyez que si ces terres produisaient des grains, on pourrait devenir autosuffisant dans les grains.

Il y a aussi l'aspect important de la situation dans le monde. Se contenter d'une situation d'importateur de céréales ne présente aucun avantage économique pour la collectivité québécoise. Bien plus, notre situation de dépendance alimentaire n'est guère rassurante lorsque l'on tient compte du bilan alimentaire au niveau mondial. Le déficit en céréales pour l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine est passé de 17 millions de tonnes, en 1970, à 33 millions de tonnes, en 1975. Même en considérant les hypothèses les plus optimistes quant à l'amélioration de la productivité agricole dans le monde, on prévoit que ce déficit passera à 158 millions de tonnes, en 1985, c'est-à-dire 800% d'augmentation de déficit alimentaire sur une période de quinze ans.

Actuellement, seulement quelques pays exportent de façon permanente plus d'aliments qu'ils n'en importent. Il y a les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, les Pays-Bas, le Danemark et la France. Tous les autres importent plus de nourriture qu'ils n'en exportent. Évidemment, il y en a pour qui c'est temporaire, car il y a des années où ils en produisent plus, mais exceptionnellement.

Nous pouvons croire, avec bien d'autres observateurs, que dans un avenir rapproché, les pays exportateurs de produits alimentaires voudront tirer profit de leur position de force. On a remarqué que la stratégie des États-Unis est axée sur la production d'aliments. Ils adopteront une attitude similaire à celle des pays exportateurs de pétrole et, cela, c'est envisagé pour toute la stratégie du commerce extérieur des États-Unis actuellement. C'est axé pas sur les armements, comme les gens le pensent, mais sur la production d'aliments, sur des contrats d'alimentation. Il n'y a pas un domaine où on est aussi dépendant que dans celui de l'alimentation. Le pétrole, on peut toujours arrêter l'automobile pendant quelque temps, on peut en consommer un peu moins, mais si on manque d'aliments, c'est dur.

Suivant les expériences des dernières années — je ne veux pas dire que le monde va arrêter de nous vendre des aliments demain matin — la population du monde doit presque doubler d'ici l'an 2000. C'est évident qu'à ce moment-là les terres vont rapetisser. Il va falloir que le monde se mette quelque part. Les terres vont rapetisser, il va y avoir des routes, des structurations du territoire. Qu'est-ce qui va arriver? Beaucoup moins de terres devront produire pour deux fois plus de monde, c'est-à-dire que les pays qui seront dépendants vont avoir des problèmes.

Je ne voudrais pas avoir l'air apocalyptique, mais il y a même des experts qui prétendent qu'on va revoir, dans un certain nombre d'années, des guerres pour l'alimentation comme celles qu'on a connues au Moyen Age, parce qu'il y a peu de pays qui sont actuellement indépendants sur le plan alimentaire. (76 h 30)

Donc, l'objectif du projet de loi sur la protection du territoire agricole vise essentiellement à maintenir, à faciliter et à améliorer les opérations des exploitations agricoles existantes à l'intérieur des territoires agricoles viables.

Si vous voulez, on va prendre chacun des termes pour voir de quelle façon ce projet de loi veut arriver à protéger les terres. Tout d'abord, comment maintenir les terres agricoles viables et empêcher leur désutilisation, leur déstructuration par des activités autres qu'agricoles? Comment éviter de réduire le potentiel de production agricole à tout jamais? Quelle est la technique qui s'est avérée la plus efficace dans les expériences qu'ont tentées la plupart des pays au monde? On a étudié à Hawaii, dans les États américains, dans les États canadiens, dans les États européens; on n'est pas allé en Russie parce qu'on dit qu'ils marchent différemment, eux.

Mais on a regardé presque tous les pays du monde occidental et il n'y a qu'une seule technique qui est efficace, c'est le zonage. Les autres, les taxes, les spéculateurs achètent le prix; le consommateur, tout ce qu'il fait, il paie le terrain plus cher, parce que celui qui veut faire une piastre sur le terrain le revend plus cher pour payer les impôts que le gouvernement lui charge. Cela ne donne rien. La seule protection efficace est par des mesures de zonage, en disant: À tel endroit c'est l'agriculture, à tel endroit ce sont les maisons, à tel endroit ce sont les industries et à tel endroit ce sont des commerces. Cela ne dérangera pas autant que certains ont dit. Tout ce qu'il faut au niveau municipal, en plus d'avoir un zonage domiciliaire, que normalement les municipalités devraient avoir ou ont actuellement, un zonage industriel, un zonage commercial, c'est d'ajouter un zonage agricole.

Dire: Telle partie on la réserve pour l'agriculture. C'est tout simplement cela. Ce n'est pas plus compliqué que cela et selon les mêmes principes. Autrement, comment pourrait-on efficacement combattre la prolifération de toutes sortes d'activités en milieu agricole? Les meilleures terres sont en périphérie des grandes agglomérations urbaines. Avec la construction, l'infrastructure, le transport, autoroutes surtout, les citadins peuvent facilement quitter la ville pour aller visiter un territoire qui devrait être réservé à l'agriculture, compte tenu de l'étendue et du potentiel des sols qu'on y trouve. Il faudrait aussi trouver le moyen d'économiser plus de sols quand on fait des routes. Je regarde les routes, on dirait qu'on n'est pas capable de choisir au Québec. On fait la route et on fait le chemin de desserte en même temps, mais l'autoroute est censée relier deux villes.

Ce n'est pas censé être fait pour se bâtir le long de l'autoroute. Il me semble que ce n'est pas agréable non plus, la vue n'est pas bien drôle. Mais on fait des autoroutes et en même temps on met des chemins de desserte de chaque bord et là le monde s'en va commencer à rester le long du chemin de desserte. Ce n'est pas fait de même ailleurs. Ailleurs, ils choisissent. Cela va être un chemin pour desservir la population ou bien cela

va être un autoroute. Ce ne sont pas les deux en même temps. Au Québec, on a de la misère à choisir. Il faudrait choisir l'autoroute pour relier deux points, mais le monde ne se construirait pas le long de l'autoroute. Ce n'est pas rationnel. Cela coûte cher. Cela oblige à entretenir les chemins plus souvent. Dans bien des cas, cela voudrait dire déplacer la maison et aller la mettre le long du chemin à l'autre bout de la terre avec les autres plutôt que de faire un chemin de desserte le long de l'autoroute, souvent pour desservir deux ou trois maisons qui seraient aussi bien à l'autre bout de la terre avec le rang principal.

Évidemment, j'en ai parlé longuement et souvent avec le ministre des Transports, mais cela suppose une nouvelle mentalité, une nouvelle façon de faire les choses, et tout cela il le sait; mais les plans sont faits, l'expropriation est faite.

M. Vaugeois: C'est vrai.

M. Garon: Je sais qu'il ne peut pas tout faire la même journée. Il y a des terres, des parcelles accumulées, il y en a quelque 30 000 apparemment; ils commencent à les mettre en vente, c'est accumulé. C'était là, cela n'avait pas été mis en vente. Il faut mettre cela en vente. Mon collègue des Transports est d'accord là-dessus. Mais il est pris avec le problème, avec l'héritage. Je ne blâmerai personne. Mais il y a une façon de faire qu'il faut modifier pour que cela puisse mieux fonctionner au Québec. (Quand je sors trop du texte, j'oublie où je suis rendu). La technique de protection prévue par le projet de loi permet d'interdire toute utilisation du sol inconciliable avec l'agriculture à l'intérieur de ce qui paraît être un territoire viable pour l'agriculture.

C'est pour cela que dans les plans provisoires qu'ont reçus les municipalités, il y a un espace prévu autour, un cercle, si vous voulez, un carré ou un rectangle autour de la municipalité pour qu'à l'intérieur de ce cercle, ce rectangle ou ce carré, la municipalité puisse faire n'importe quoi, ce qu'elle veut. C'est elle qui décide. À l'extérieur, c'est zoné temporairement agricole jusqu'à ce que la municipalité puisse discuter avec la commission et établir un périmètre d'urbanisation et la zone agricole d'une façon permanente.

Il est évident qu'il peut y avoir — quand on fait 614 cartes comme cela — des erreurs. Peut-être allez-vous voir à certains endroits que ce n'est pas la bonne terre qui a été zonée et qu'il y en a une autre qui devrait être dézonée. C'est évident. Je m'attends à cela et j'étais certain de cela, à part cela. Mais, justement, la commission va arriver pour discuter avec la municipalité pour établir ensemble ce qui devrait être la meilleure zone agricole. Dans la plupart des cas, je pense que la commission et la municipalité vont s'entendre. La zone permanente, elle est permanente, mais cela ne veut pas dire qu'elle est permanente éternellement. Elle peut se modifier, mais une fois qu'elle est établie d'une façon permanente avec la municipalité et la commission, le développement devra se faire dans des sols, dans des terres qui ne sont pas bonnes pour l'agriculture. Dans un village, par exemple, d'un côté du village, il y a du sol 1 et, de l'autre côté, il y a du sol 7. Eh bien! le développement devrait aller du côté du sol 7.

À ce moment-là, il ne s'agit pas d'empêcher le monde de bâtir des maisons. Il ne s'agit pas d'empêcher des industries et des commerces. Seulement, il faut les placer aux bons endroits. Mettre un terrain de camping à côté d'une porcherie, ce n'est pas agréable pour le propriétaire de la porcherie et ce n'est pas agréable pour le campeur non plus. Il s'agit de placer chaque chose à la bonne place. À ce moment-là, le campeur va être heureux. Le terrain de camping va valoir plus cher et les cochons dans la porcherie vont valoir plus cher aussi, parce qu'ils ne se dérangeront pas l'un et l'autre. C'est pour cela que je dis que la protection des terres va amener — peut-être pas à court terme, mais sur une période de temps — une réévaluation des terres, parce qu'il y a moins de dommages qui vont être faits à chacun. Chacun sera à la bonne place.

M. Tardif: C'est cela.

M. Garon: C'est important aussi, dans les zones agricoles, qu'il y ait une zone continue. Si vous regardez une carte de sols, vous voyez toutes sortes de catégories. Le sol 1, on ne peut pas dire qu'il a dix milles de long et qu'après cela c'est du sol 2; c'est tout entremêlé. Il faut une continuité au territoire agricole. Autrement, s'il n'y a pas de continuité, d'infrastructure agricole, les meuneries, les distributeurs de machines aratoires, les ateliers d'entretien, les fournisseurs d'engrais et d'amendements calcaires vont s'en aller parce qu'il n'y aura pas assez d'agriculteurs à fournir. C'est pour cela qu'il doit y avoir une continuité dans le territoire agricole, parce que la déstructuration commence souvent comme cela. Les terres s'en vont de l'agriculture. Ceux qui travaillent avec les agriculteurs s'en vont parce qu'il n'y a pas assez de revenus à faire. Il n'y a pas assez d'agriculteurs; ils se découragent et s'en vont tranquillement. Finalement, il y a des terres abandonnées.

Parfois, les gens me disent: Comment cela se fait-il? Vous voulez protéger les terres? Il me semble qu'on en voit de chaque côté de la 20, en friche. J'ai dit: C'est cela, justement. Ce sont des terres qui n'appartiennent pas à des agriculteurs; elles appartiennent à des gens qui les ont achetées pour différentes raisons. L'agriculteur voudrait les acheter pour les cultiver, mais il ne peut pas. C'est cela qu'il faut remettre à l'agriculture. Il faut empêcher le morcellement de l'exploitation agricole. Il faut empêcher que se constituent des petites fermes non rentables, des petites fermes d'amateurs, pour que cela soit vraiment des fermes d'agriculteurs. Je ne veux pas dire que les gens ne doivent pas avoir un grand jardin. On a même prévu dans les droits acquis jusqu'à un demi-hectare, 50 000 pieds. Ils peuvent faire un pas mal bon jardin là-dedans. Mais il ne faut pas que les terres soient trop petites.

II faut, dans une zone agricole, des objectifs d'utilisation agricole du sol, de consolidation des exploitations et au moins le maintien des exploitations agricoles existantes. C'est pour cela que, pour empêcher le morcellement, dans le projet de loi on dit qu'il est nécessaire d'avoir le contrôle du lotissement. Pourquoi, le contrôle du lotissement? Parce qu'il faut empêcher que des fermes agricoles se morcellent par la vente de lots en bordure des routes ou par une subdivision de la ferme en plusieurs petites fermes, de telle sorte que la superficie de l'exploitation agricole est tellement réduite qu'il n'est pas économiquement possible d'entreprendre des cultures ou de l'élevage d'animaux sur des surfaces aussi restreintes. (16 h 40)

II faut empêcher ce lotissement, d'autant plus que, quand l'agriculteur permet un lotissement, quelques années après, souvent, c'est celui qui est venu se bâtir sur ce lot qui vient l'empêcher de produire, qui vient lui dire que faucher le soir, cela fait du bruit. Il n'aime pas cela. Son enfant a oublié la bicyclette dans le champ. Quand la fourragère passe — c'est un genre de souffleur à neige, de souffleur à céréales, à fourrage — elle avale la bicyclette et cela l'endommage un peu! Si l'agriculteur était à ce moment-là dans les derniers jours de la récolte, il doit faire réparer ou réparer la fourragère et si, après, il a du mauvais temps, il perd sa récolte. C'est une conséquence terrible. Souvent, les dommages que cause un citadin qui demeure à côté d'un agriculteur peuvent se constater aussi d'autres façons; ce peut être parce qu'il n'enlève pas les mauvaises herbes et le vent souffle les graines de mauvaises herbes dans le champ du cultivateur et les mauvaises herbes commencent à pousser. Toutes sortes de dommages peuvent être causés. Le député de Charlevoix pense à l'herbe à puces. Je ne parle pas de l'herbe à puces, pas plus que de l'herbe à poux, mais surtout de la moutarde.

M. Vaugeois: La maudite moutarde!

M. Garon: II faut aussi protéger la couche arable et le projet de loi le prévoit. Vous savez, les sols qu'on a au Québec, cela a pris des siècles à les bâtir. Je pense à la plaine de Montréal, je pense aux terres noires, aux terres organiques qui sont des dépôts de marais, qui se sont accumulés au cours des siècles, depuis des milliers et des milliers d'années. La mer Champlain, un jour, s'est retirée et la plaine de Montréal est le fond de la mer Champlain. C'est le meilleur sol agricole. C'est au niveau des 30 centimètres supérieurs, au niveau des 12 pouces supérieurs, si on veut, à la surface que se trouvent la matière organique et, de façon générale, tous les éléments essentiels à la croissance des plantes. Cela a pris des siècles à les fabriquer et c'est pour cela qu'il faut protéger les terres agricoles contre l'extraction du sol arable par le décapage des terres ou autrement, ce qui cause un tort irrémédiable à la terre qu'on décape en plus d'en causer aux terres avoisinantes. On fait un trou et le drainage se fait. La nappe phréatique des champs environnants baisse et on a un trou d'eau qui devient une mare à toutes sortes de choses.

M. Grenier: Ce n'est pas une belle mare!

M. Garon: ... et on a endommagé le sol de façon indéfinie. C'est pour cela qu'il faut empêcher le décapage sur les terres agricoles; il pourrait se faire à d'autres endroits. Il ne s'agit pas d'empêcher les gens d'avoir des pelouses. Quand les gens creusent pour se construire une maison, ce serait une bonne idée d'enlever la terre, d'en faire un tas pour que, une fois la maison construite, ils puissent ramener le tas autour de la maison. Ils n'auraient même pas besoin d'acheter de la terre et ils pourraient semer du gazon. Ils auraient ainsi un bel aménagement. Au lieu de prendre la terre et de la jeter, ils pourraient la garder et l'utiliser. Il y a une foule de choses qui vont devenir nécessaires pour ne pas gaspiller cette terre.

Les exploitations existantes auront six mois, à compter de l'adoption de la loi, pour se procurer un permis qui sera émis pour une période maximale de deux ans; il sera renouvelable à certaines conditions. Les exploitations telles que les "gra-vellières", les sablières, le décapage de terres ga-zonnières exercent leurs activités sur des milliers d'acres de sols utilisables à des fins agricoles. Si on considère l'importance de ces activités, nous croyons qu'il y aurait avantage à les réglementer et à faire en sorte qu'elles soient dirigées autant que possible à l'extérieur du territoire agricole pour éviter que des situations déplorables comme celle de Saint-Amable ne se reproduisent.

Je ne voudrais pas trop entrer dans les détails parce que je vois le temps qui s'achève. J'ai peur de ne pas pouvoir finir mon exposé.

M. Picotte: Consentement. M. Giasson: Consentement.

M. Garon: Est-ce que j'ai le consentement pour dépasser mon heure?

M. Picotte: Oui. M. Giasson: Oui.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! De toute façon, M. le ministre...

M. Garon: Êtes-vous sûr qu'ils vont accorder leur consentement?

Le Vice-Président: ... vous avez encore au moins 17 minutes.

M. Garon: Oui, 17 minutes, mais je ne suis rendu qu'à la moitié de mon texte.

Bien sûr, nous ne pouvons pas empêcher toute activité autre que les activités agricoles dans les zones agricoles retenues. Pas plus que nous ne pouvons interdire de façon absolue le morcelle-

ment dans ces mêmes zones sans tenir compte d'un certain nombre de contraintes.

Au nombre de ces contraintes, on peut énumérer, premièrement, les droits acquis qu'ont les personnes qui utilisent actuellement le sol en zone agricole à d'autres fins que des fins agricoles. Ceux qui sont déjà en zone agricole, on ne les enlèvera pas de là. Ils ont des droits acquis et ces droits acquis sont respectés dans la loi.

Deuxièmement, la nécessité de tenir compte des modifications qui deviendront nécessaires, à plus ou moins long terme, à la zone agricole. Il est évident qu'on ne peut pas geler la vie. Dans la zone agricole, cela va continuer à vivre aussi. Il va falloir tenir compte que, dans l'avenir, il peut y avoir des modifications possibles, que la commission va être là pour en discuter, justement, avec la municipalité, après avoir entendu et avoir reçu les représentations d'autres organismes.

Troisièmement, l'obligation d'avoir à négocier la configuration finale de la zone agricole avec les autorités municipales concernées. On a voulu que la commission soit obligée de discuter avec la municipalité, pour que la municipalité puisse faire ses représentations et aussi, suite à la consultation du mois de septembre, afin de permettre aux associations d'agriculteurs, aux associations de comtés, aux conseils de comté, aux conseils régionaux de développement, à tout autre organisme local ou régional, de faire ses représentations à la municipalité au niveau municipal, en envoyant une copie à la commission pour qu'il y ait une forme de consultation qui se fasse sur le territoire ou au niveau de la municipalité.

Pour vous dire franchement, j'aurais aimé, personnellement, qu'on prenne les conseils de comté au lieu d'éventuellement 1500 interlocuteurs, cela aurait fait un bien moins grand nombre. Cela va être plus difficile, sur le plan administratif, avec les municipalités, parce qu'il y en a un plus grand nombre. Mais dans l'état actuel des choses — je ne dis pas dans l'état éventuel — si on voulait procéder rapidement, parce que c'était une mesure nécessaire, avec urgence, je pense que le cadre d'organisation avec lequel il fallait procéder, c'était avec les municipalités, on n'avait pas le choix. Et c'est pour cela que nous avons procédé avec les municipalités. Mais, je pense que, éventuellement, dans une perspective d'aménagement, une perspective où les conseils de comté auraient des pouvoirs différents, il serait possiblement préférable de discuter avec les conseils de comté. Ce n'est pas par idéologie, au contraire. Je peux vous dire qu'on a eu des discussions pendant des mois pour essayer de procéder davantage par les conseils de comté, mais cela aurait été difficile.

Quatrièmement, la nécessité de décréter, dès le dépôt du projet de loi, le gel des territoires considérés comme étant des territoires agricoles viables, afin d'éviter toute vague de spéculation. Sans compter que la publication inévitable du projet de loi peut permettre à des propriétaires de se constituer des droits acquis en soustrayant, à toutes fins utiles, leur terre de l'application de la loi.

Un mot sur chacun de ces éléments, M. le Président. Premièrement, les droits acquis. Le droit acquis, le droit d'utiliser un terrain à d'autres fins que l'agriculture à la date du dépôt de la loi, est reconnu pour celui qui l'utilisait déjà à d'autres fins que l'agriculture avant le dépôt de la loi. Il s'agit d'une utilisation non agricole effective — pas intentionnelle, effective — du fait que l'utilisation non agricole était déjà commencée ou du fait qu'un permis autorisant l'utilisation non agricole était déjà émis avant le 9 novembre 1978. Ces droits acquis ne sont cependant reconnus que sur la partie d'un territoire effectivement utilisé à d'autres fins que l'agriculture. C'est dans le projet de loi. Le fait de laisser en friche un terrain sous couverture végétale — on laisse pousser ce que la nature laisse pousser — ou à l'abandon est assimilé à l'agriculture. Ce n'est pas une intention, c'est une absence d'intention. On pourrait appeler cela une agriculture naturelle! Aucune utilisation spécifique autre que l'agriculture n'existait à la date du dépôt de la loi.

Comme le projet de loi ne vise qu'à protéger l'agriculture, le droit reconnu à un usage non agricole permet de changer l'utilisation non agricole en tout autre genre d'utilisation non agricole dans la mesure où les règlements municipaux le permettent. De même qu'un droit acquis à l'usage non agricole peut être vendu ou cédé et permettre de lotir la superficie utilisée à des fins non agricoles. Cela veut dire que celui qui avait 100 autres acres, et qui a un garage au bout du lot, a le droit de lotir la partie sur laquelle il a un droit acquis. Le reste qu'il n'utilise pas tombera dans la zone agricole. (16 h 50)

Finalement, les possibilités d'agrandir la superficie de terrain utilisée à des fins non agricoles s'étend jusqu'à concurrence d'un demi-hectare pour utilisation résidentielle et d'un hectare pour toute autre utilisation non agricole. Pour ceux qui ne sont pas habitués à compter en hectare, un hectare — c'est la nouvelle mesure à laquelle nous sommes astreints par la loi — ce sont deux acres et demie, ou deux arpents et demi, en gros. Cela veut dire que, pour une maison, il peut y avoir un arpent et, pour une utilisation non agricole, deux arpents et demi pour celui qui a un droit acquis.

Certaines utilisations non agricoles, dans l'avenir, sont dès maintenant autorisées par la loi. À cet égard, trois dispositions permissives s'ajoutent au bénéfice des droits acquis, en plus des droits acquis. Premièrement, le propriétaire d'un ou de plusieurs terrains vacants, en vertu d'un titre enregistré au 9 novembre 1978 ou avant, peut construire une seule résidence par municipalité — dans la municipalité, si on veut — sur son terrain ou l'ensemble de ses terrains dans les trois ans suivant le dépôt de la loi ou dans les trois ans suivant un décret visant une nouvelle région désignée. Celui qui a un terrain dans une municipalité ou plusieurs terrains, peu importe le nombre, n'a droit de construire sur ces terrains dans la zone agricole qu'une seule résidence. S'il a plusieurs terrains, on dit à ce moment-là: Cela

n'était plus quelqu'un qui voulait bâtir une maison, mais qui voulait plutôt spéculer.

En plus de jouir d'un droit acquis à des fins résidentielles, un agriculteur — cela nous a semblé raisonnable — peut construire sur sa ferme une résidence additionnelle, pour lui-même, pour ses enfants ou ses employés qui travaillent sur la ferme. Il ne pourra pas, cependant, vendre séparément de sa ferme les résidences qui n'étaient pas construites avant le 9 novembre 1978 pour ne pas que cette loi devienne un moyen détourné de faire de la construction, mais il ne faut pas exagérer. Les enfants qui s'établissent sur la ferme avec l'agriculteur, habituellement, ce sont ceux qui veulent travailler avec leur père et lui succéder. J'ai rarement vu des familles où tous les enfants s'établissaient à côté de leurs parents, parce qu'ils s'en vont s'établir chacun chez soi et ils vont faire leur vie.

Il n'y aura pas d'abus en permettant aux fils d'agriculteur de se construire avec leur père, d'autant plus qu'ils pourront lui rendre des services. Troisièmement, ceux qui exploitaient des tourbières, des gravières ou des sablières, ou qui vendaient déjà de la terre arable pourront continuer leur commerce en obtenant de la commission un permis dans les six mois de la date de la sanction de la loi. Ils ont six mois pour le faire après l'adoption de la loi. Ils ne pourront pas, cependant, agrandir leur exploitation sans en obtenir l'autorisation. Ils ne pourront pas déborder, ils pourront continuer ce qu'ils faisaient, pour donner un délai et pour ne pas arrêter le commerce non plus.

En plus des droits acquis que l'on vient d'énumérer, il sera possible en zone agricole d'obtenir de la Commission de protection du territoire agricole l'autorisation d'utiliser un lot ou plusieurs lots à des fins autres que l'agriculture ou encore morceler une terre afin d'en vendre des parties pour consolider des exploitations agricoles voisines, pour diviser une terre. De façon générale, on ne veut pas que les terres soient divisées pour ne pas réduire des terres ou qu'elles ne puissent pas être exploitées. Mais elles pourront être vendues avec l'autorisation de la commission, qui sera automatique, à toutes fins utiles, à des voisins qui veulent agrandir leur exploitation, admettons, la moitié de la terre à celui du côté sud, l'autre, à celui du côté nord.

Ceci m'amène, M. le Président, à parler de la Commission de protection du territoire agricole. Afin qu'un organisme puisse juger en toute objectivité des demandes des citoyens ou des municipalités pour modifier la zone agricole ou y faire certains lotissements, le projet de loi prévoit la création d'une commission, composée d'au plus sept personnes nommées par le gouvernement pour une période de cinq ans. Cette commission devra décider des demandes de modifications à la zone agricole qui lui seront soumises par des individus ou des municipalités. De plus, elle devra donner un avis au gouvernement sur tous les projets gouvernementaux qui toucheront à la zone agricole. Le gouvernement s'est soumis à la protection du territoire agricole, de même que ses ministères et ses organismes, comme il demande aux autres de le faire. Le gouvernement n'a pas demandé un régime spécial pour lui. Il s'est donné le même régime qu'aux individus et aux municipalités, non pas un régime de faveur.

Donc, la commission devra donner un avis au qouvernement sur tous les projets gouvernementaux qui toucheront la zone agricole. Cette commission aura les pouvoirs nécessaires pour que la zone agricole soit autant que possible maintenue dans son homogénéité, dans sa continuité, pour que les opérations permises ou les dérogations accordées en zone agricole n'affectent pas la poursuite des activités agricoles.

Ce projet de loi prévoit donc que les définitions de chacune des zones agricoles permanentes seront négociées entre la commission et la municipalité concernée. La configuration des zones tiendra compte de la qualité des sols agricoles à protéger, de la nécessité de maintenir une continuité territoriale dans la zone agricole, tout en considérant, par ailleurs, les besoins d'expansion de la zone urbaine et l'utilisation des équipements existants. C'est-à-dire qu'elle tiendra compte de la réalité de l'endroit ou de la municipalité. En attendant que chacune des zones agricoles ne soit définie à la suite des négociations avec la commission et chacune des municipalités concernées, il devient nécessaire de geler, de façon intérimaire, les territoires des municipalités contenus dans la région désignée.

Cependant, pour éviter que l'ensemble des territoires des municipalités, y compris les territoires déjà urbanisés, ne soit soumis à un gel qui viendrait inutilement empêcher des transactions, des lotissements ou des utilisations du sol en milieu urbain, nous avons procédé à l'établissement de plans provisoires, plans provisoires qui ont été déposés à l'Assemblée nationale et qui ont été expédiés depuis aux secrétaires ou aux greffiers des municipalités en même temps que, cette semaine, au bureau d'enregistrement. Ces plans permettent de délimiter des zones agricoles provisoires qui sont, dès à présent, l'objet d'un gel et qui serviront de base à la discussion avec les municipalités en vue de définir la zone agricole permanente. Ainsi, les inconvénients d'un gel, par ailleurs nécessaire, ont été minimisés pour ne pas empêcher que la construction puisse se faire pendant la période de discussion avec la commission.

Quel territoire? Si on regarde ce qui s'est fait en Colombie-Britannique, le territoire complet avait été protégé. Cela empêche la vie de fonctionner. On a voulu réduire. Il est évident qu'on ne fait pas la protection des terres agricoles, un zonage agricole sans qu'il n'y ait un peu d'efforts et de sacrifices à faire. Mais on a voulu les minimiser pour qu'on puisse atteindre le même résultat avec le moins d'inconvénients possible pour la population. À quel territoire allons-nous étendre les mesures? Fallait-il prendre tout le Québec ou une partie du Québec, la plus exposée à la pression? Devons-nous protéger uniquement des régions où il existe de très bons potentiels agricoles?

C'est la question qu'il fallait se poser. Fallait-il prendre l'ensemble du Québec, les 1500 municipalités?

La plupart des organismes consultés, l'UPA, — l'Union des producteurs agricoles — les fédérations régionales de l'UPA, les conseils régionaux de développement, nous ont proposé d'étendre, dans un premier temps, les mesures de protection du territoire agricole à l'ensemble du Québec. Nous avons longtemps pesé le pour et le contre d'une telle action. Cette façon de procéder présentait des avantages incontestables. L'ensemble des fermes serait alors soumis à un régime unique dès le départ et l'objectif recherché serait atteint pour l'ensemble du territoire agricole. Cependant, si on veut être réaliste, en considérant la charge administrative reliée à l'exécution de mesures de protection pour tout le Québec, nous avons préféré opter, comme gouvernement, pour l'application de ces mesures, à une région couvrant les meilleurs potentiels agricoles, et où les dangers de déstructuration du territoire agricole étaient les plus élevés. Je ne voudrais pas dire non plus que pour la partie qui n'est pas encore dans la région désignée, c'est que les sols ne sont pas bons. Non, il y a d'excellents sols, d'excellentes régions agricoles. Mais on ne peut pas tout faire en même temps. C'est la principale raison.

Le plan provisoire déposé avec le projet de loi est constitué de deux séries de cartes et d'un ensemble de descriptions techniques qui proposent une délimitation du territoire le plus propice à réserver à l'agriculture. Un territoire visé initialement dans cette première intervention est, de façon générale, reconnu comme étant le meilleur bassin agricole du Québec et, en même temps, le plus menacé par les multiples utilisations qu'engendre le développement de notre société. Il convenait donc d'intervenir prioritairement dans cette première région agricole désignée, qui est formée en gros des basses terres de la vallée du Saint-Laurent jusqu'à l'est de Montmagny et de Saint-Joachim, sur le côté nord, et de la vallée de l'Outaouais. (17 heures)

Ce premier territoire est composé de 614 municipalités qui seront touchées à des degrés divers par cette loi, ce qui représente 42% de l'ensemble des municipalités du Québec. 42% de l'ensemble des municipalités, c'est déjà un bon nombre. À l'intérieur de ces 614 municipalités, la définition de la zone agricole provisoire s'appuie fondamentalement sur la qualité des sols, tout en tenant compte des divers usages qu'en a fait notre société. C'est ainsi que 73 de ces municipalités n'ont aucune partie de leur territoire qui a été retenue pour fins de protection dans la zone agricole provisoire. Parmi celles-ci, on retrouve les 30 municipalités situées sur l'île de Montréal. Nous avons là une partie importante de la population qui ne sera pas touchée. Les agriculteurs de l'île de Montréal, s'ils le souhaitent, pourront demander d'être inclus dans une zone agricole. Pour les 479 autres municipalités de la région agricole désignée, le plan provisoire propose simultané- ment une zone agricole et une zone non agricole. La zone non agricole correspond à des espaces urbanisés de façon contiguë et offre les espaces disponibles à court terme, au moins pour cinq ans, pour des fins autres que l'agriculture.

De l'ensemble des 614 municipalités, seulement 52 se retrouvent entièrement à l'intérieur de la zone agricole provisoire, 52 où il n'y a pas de périmètre. Pour la très grande majorité de ces dernières, ce sont des municipalités de paroisse pour lesquelles il n'existe pas de village proprement dit ou d'agglomération principale — des paroisses formées de rangs — et dont la vocation première est l'agriculture. Ce plan provisoire est une proposition de zone agricole. La commission rencontrera chacune des municipalités afin d'élaborer avec elles la zone agricole permanente.

Malgré que l'on trouve environ 80% de la population du Québec concentrée dans cette région d'intervention, parmi les 614 municipalités touchées, le plan provisoire en dégageant les grands ensembles urbains, a pour effet immédiat que la très grande majorité de cette population urbaine ne sera pas affectée par cette loi sur la protection du territoire agricole. Le but de cette loi étant de protéger les meilleurs sols agricoles, nous retrouverons, à l'intérieur de la région agricole désignée, la majeure partie des entreprises agricoles du Québec, soit 26 000 fermes sur un nombre total de 43 000 pour l'ensemble du Québec. 26 000 fermes sur 43 000 sont comprises dans la région désignée.

D'autres territoires pourront être désignés ultérieurement par décret gouvernemental. C'est l'intention du gouvernement de procéder le plus rapidement possible à la désignation d'autres régions pour couvrir éventuellement l'ensemble des terres agricoles du Québec, mais à un rythme réaliste aussi.

Au début de mon intervention, j'ai indiqué que l'objectif du projet de loi était non seulement de maintenir les territoires agricoles viables, mais également de faciliter le développement de l'exploitation agricole à l'intérieur des territoires protégés. À cet effet, nous avons introduit dans le projet de loi une disposition visant à améliorer les bénéfices de la taxation préférentielle pour les agriculteurs qui feront partie de la zone agricole permanente. Actuellement, selon les lois existantes, l'évaluation foncière d'une ferme est limitée à $150 l'acre et le taux d'imposition à 1% de la valeur imposable. En plus, le ministère de l'Agriculture rembourse à tout agriculteur producteur agricole 40% de l'ensemble de ses taxes municipales et scolaires. Afin d'aider davantage les agriculteurs qui feront partie de la zone agricole permanente, puisque les outils des ouvriers ne sont pas taxés, puisqu'il y a même une exemption dans l'impôt pour un certain montant, soit $500, pour ceux qui achètent des équipements pour gagner leur vie, le projet de loi prévoit que le remboursement des taxes municipales et scolaires passera de 40% à 70%...

Mme le Vice-Président: M. le ministre, je me

dois de vous rappeler que vous allez bientôt devoir conclure.

Des voix: Consentement.

M. Garon: J'achève, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Alors, puisqu'il y a consentement, allez donc!

M. Garon: Alors, le remboursement des taxes municipales et scolaires passera de 40% à 70% lors de la création de la zone agricole permanente pour les fermes qui y seront incluses.

Par contre, pour les fermes qui ne seraient pas incluses dans la zone agricole permanente, le projet de loi prévoit la disparition graduelle des bénéfices actuels reliés à l'installation d'une ferme, à savoir un taux maximal d'une évaluation de $150 l'acre et un taux maximal d'imposition de 1%. Celui qui ne sera pas inclus par le plan provisoire dans la zone agricole et qui, lors des négociations entre la municipalité et la commission, ne demandera pas d'être inclus perdra graduellement les avantages d'être taxé comme un agriculteur parce qu'il ne manifeste pas qu'il veut être considéré comme un agriculteur.

M. Vaugeois: C'est cela.

M. Garon: Pourquoi 70%, Mme le Président? Parce que les écrits et statistiques nous indiquent que pour l'agriculteur, les bâtiments et le fonds de terre sont des outils de production. D'après une étude qui a été faite sur plusieurs centaines de fermes, leur valeur correspond en moyenne à 70% de l'évaluation foncière d'une ferme et que la maison compte pour 30%. C'est donc dire qu'à toutes fins utiles, en territoire agricole protégé, l'agriculteur sera taxé uniquement sur sa résidence. Est également prévue une autre mesure visant à faciliter l'exercice aux activités agricoles. Le projet de loi prévoit en effet que les résidents de la zone agricole ne pourront pas porter plainte dans le cas des odeurs ou des bruits contre les établissements d'exploitation animale qui disposent d'un permis émis par les Services de protection de l'environnement, ou qui s'étaient établis avant que les permis soient nécessaires.

Mme le Président, de la même façon, si j'ai à établir un poulailler au Carré d'Youville ou au coin de Saint-Denis et Sainte-Catherine à Montréal, les gens diraient que peut-être je ne suis pas à la bonne place, de m'en aller de là. Je dirais: Volontiers, où voulez-vous que je m'en aille? Normalement, ils diraient: À la campagne. Les gens sont, à la campagne, dans le milieu agricole. Ceux qui viennent s'installer près d'eux, les urbains, il faut qu'ils endurent un peu les bruits et les senteurs. Cela ne sent pas si mauvais que cela. Quand je suis allé dans les villages, je n'ai jamais trouvé que cela sentait quelque chose.

Une voix: Les porcheries.

M. Garon: Les porcheries, il ne faudrait pas qu'elles s'établissent à côté des villages.

M. Bellemare: 3600, chez nous.

M. Garon: Je sais bien. Mais quand il y a beaucoup de porcheries dans un village, il y a beaucoup de monde qui en vit aussi. Quand il y a beaucoup de porcheries dans un village, il y a beaucoup de gens qui en vivent.

M. Beilemare: Qui en sentent aussi.

M. Garon: Ainsi, Mme le Président, le droit du premier occupant sera vraiment respecté et l'agriculteur qui avait le droit d'exploiter un établissement d'élevage d'animaux ne se verra plus, en zone agricole, inutilement harcelé par les plaintes des citadins venus s'établir tout près de son établissement. De même, les citadins qui résident en milieu urbain doivent nécessairement supporter certains inconvénients relatifs à la vie urbaine. Quand la souffleuse passe la nuit devant votre maison, naturellement, cela réveille le monde. Personne ne se plaint. Ils trouvent cela normal que cela souffle la nuit dans une ville. De la même façon, un résident d'une zone agricole doit s'attendre à certains inconvénients qui sont également inhérents à l'activité agricole.

M. Vaugeois: C'est cela.

M. Garon: Mme le Président, j'ai dit, tout à l'heure, que les mesures de protection du territoire agricole visent à maintenir les territoires agricoles viables, à faciliter l'exercice des activités agricoles et, enfin, à améliorer l'exploitation agricole. À ce dernier chapitre, c'est-à-dire les mesures visant à améliorer l'exploitation agricole, tous les organismes qui se sont présentés lors de tournées de consultation ont été unanimes sur un point: il ne suffit pas de protéger les terres agricoles, il ne suffit pas de créer des zones agricoles, il faut également améliorer la rentabilité de l'exploitation agricole afin que les terres zonées soient de mieux en mieux utilisées par des exploitations de plus en plus rentables.

À cet égard, Mme le Président, en plus des programmes de développement agricole et de crédit agricole qui ont été mis en oeuvre depuis deux ans, nous allons proposer de plus en plus des mesures additionnelles comme celles que nous avons annoncées aujourd'hui et que nous annoncerons dans les semaines qui s'en viennent. D'autres mesures additionnelles. J'aurai l'occasion de vous indiquer de façon plus précise le contenu de ces mesures assez rapidement.

Mme le Président, le projet de loi que nous avons déposé représente une étape importante dans l'évolution de l'agriculture au Québec. Il marque également un point tournant qui pourra permettre à l'agriculture de n'être plus considérée comme une activité secondaire, qui utilise le territoire en voie d'être urbanisé ou réservé aux

loisirs des citadins ou encore comme dans les plans d'urbanisme on appelle les zones de développement différé, c'est-à-dire que tu es là en attendant qu'ils viennent te débarquer. C'est dire qu'il va y avoir des zones permanentes réservées à l'agriculture. Ce projet de loi doit signifier de façon définitive que l'agriculture représente les premières priorités, sinon la première, dans l'utilisation du territoire du Québec. (17 h 10)

Depuis plus de dix ans, nous avons discuté de l'urgence de protéger nos meilleurs sols agricoles. Voici maintenant que vous avez devant vous — j'en suis convaincu — des mesures qui, de façon efficace, en même temps que juste et équitable, vont assurer cette protection pour l'avenir. Nous présentons ces mesures dans une perspective de relance économique pour l'agriculture, les agriculteurs et les Québécois en général. Notre objectif, comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, n'en est pas un de conservation d'un mode de vie. Notre objectif est la préservation et la consolidation de milliers de petites entreprises, on peut même dire de petites et moyennes entreprises, parce que la moyenne d'investissement — comme je l'ai dit tout à l'heure — était de $100 000 en 1977. Nous voulons que ces entreprises conservent leur capacité première de production, à savoir le sol agricole.

Notre intervention, Mme le Président, se place dans une perspective de développement économique pour l'ensemble du Québec. Comment assurer un meilleur approvisionnement, un approvisionnement constant à nos entreprises agroalimentaires de transformation si, de plus en plus, les fermes sont déstructurées aux environs des grands centres urbains? Nous cherchons à diminuer notre dépendance alimentaire et cette mesure est essentielle dans cette perspective. Je crois, Mme le Président, que tous les efforts pour améliorer notre autosuffisance alimentaire procèdent de la sagesse la plus élémentaire dans la perspective qu'une crise mondiale alimentaire peut très bien se développer dans les prochaines années. Le projet de loi sur la protection du territoire agricole, complété par des mesures d'amélioration de la productivité de nos exploitations agricoles, représente alors une valeur économique que nul, actuellement, n'est en mesure de prévoir adéquatement.

En terminant, Mme le Président, j'aimerais remercier tous ceux qui sont venus nous présenter leur point de vue lors de la tournée de consultation du mois de septembre dernier. Nous avons tenu compte, beaucoup plus — et nous pourrons l'expliquer — qu'on puisse le penser, de leurs avis et opinions. Je voudrais également remercier les agriculteurs et les dirigeants de l'Union des producteurs agricoles qui n'ont pas craint de nous dire franchement leur volonté et leur désir pour un mieux-être de l'agriculture au Québec. J'aimerais également remercier les fonctionnaires du ministère et le personnel de mon cabinet qui ont travaillé — on peut le dire sans exagérer — jour et nuit pendant plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, pour rendre ce projet de loi possible, et les cartes provisoires, surtout, faites à temps, car j'ai su seulement deux jours avant qu'elles seraient prêtes à temps. Il est difficile de planifier autant de cartes sur une longue période de temps. C'est pour cela que je dis qu'on pouvait difficilement faire plus de 614 municipalités d'un coup sec. Je voudrais remercier également les députés du Parti québécois, le caucus, le député d'Arthabaska, le député de Verchères, le député de Champlain, le député de Berthier et le député de Saint-François, qui ont collaboré avec moi par leurs avis et leurs opinions, et je dirais même les députés de l'Opposition, dans les consultations, un peu sans faire semblant de rien, que je faisais en dicutant avec eux. Je voudrais également remercier le comité ministériel permanent d'aménagement et son président, le ministre Jacques Léonard, pour les...

M. Grenier: Flattez-le un peu. Cela va lui faire du bien.

M. Garon: ... journées que nous avons passées à discuter de ces questions, la protection des terres, l'aménagement et l'urbanisme, et le Conseil des ministres, qui n'a pas ménagé les heures pour étudier tous les coûts, tous les aspects de ce projet de loi dès que chacun avait sa responsabilité particulière. Enfin, je veux remercier aussi...

Dans un projet qui a duré deux ans de travaux, vous n'avez pas idée à quel point ce n'est pas une oeuvre personnelle. C'est une oeuvre collective à laquelle beaucoup de gens ont collaboré.

Des voix: Bravo!

M. Garon: Je voudrais remercier, enfin, le premier ministre, qui en tout temps, depuis deux ans, nous a donné des encouragements continus pour qu'on puisse faire cette loi au plus tôt. Il trouvait que deux ans, c'était long. En même temps, moi, qui étais pris dans le problème, je trouvais que deux ans, c'était court.

Je dois mentionner l'appui du premier ministre; il a donné une confiance totale à l'agriculture. Si, depuis deux ans, nous avons pu adopter autant de mesures — tous ceux qui dans l'Opposition ont déjà été membres d'un gouvernement savent que c'est possible qu'un gouvernement développe un secteur quand le premier ministre est d'accord. Je peux dire que, face à une politique agricole et au développement de l'agriculture, il y a eu un souci constant du premier ministre qui, là aussi, n'a pas ménagé son temps, ses efforts et ses encouragements pour que ce soit possible.

Je vous remercie, Mme le Président.

Des voix: Bravo!

Avis de mini-débats

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez

maintenant la parole. M. le député de Montmagny-L'Islet, avant, pour ne pas être obligé de vous interrompre, je voudrais signaler qu'il y a eu hier un avis de mini-débat demandé par le député de Laval et leader parlementaire de l'Oppositon officielle relativement à la décision unilatérale du gouvernement actuel de mettre fin au paiement à la ville de Laval d'une subvention de l'ordre de $45 millions, accordée en 1975 par le gouvernement précédent.

Je voudrais donner lecture d'un avis qui, celui-là, m'a été remis aujourd'hui. "Le 16 novembre 1978. M. le Président, à la séance d'aujourd'hui, j'ai posé au ministre de l'Industrie et du Commerce une question portant sur le sujet suivant: Accusation du ministre de l'existence d'un cartel des fabricants de chocolat et des grandes chaînes de distribution pancanadiennes en vue de saboter le boycottage des produits Cadbury. Puisque je ne suis pas satisfait de la réponse donnée, je désire me prévaloir des dispositions de l'article 174 du règlement. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs". C'est signé de Reed Scowen, député de Notre-Dame-de-Grâce.

Les avis étant donnés, je voudrais qu'on les note. Je sais, d'autre part, qu'il y avait eu un consentement, préalable à ces deux demandes de mini-débats, entre le ministre de la Justice et, je crois, M. le député de Nicolet-Yamaska, relativement à un autre mini-débat. Ce soir, à l'ajournement, on aura donc trois mini-débats, le premier étant celui du député de Nicolet-Yamaska, le second étant celui demandé par le leader parlementaire de l'Opposition officielle et le troisième étant celui réclamé par le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Charron: Je vois l'heure, et je voudrais tout de suite offrir au député de Montmagny-L'Islet le consentement de la majorité, s'il voulait poursuivre, pour l'heure à laquelle il a droit, peut-être quelques minutes supplémentaires au-delà de 18 heures.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

Projet de loi no 90 (suite) M. Julien Giasson

M. Giasson: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le leader parlementaire du gouvernement de l'offre qu'il vient de me formuler avec gentillesse afin de me permettre de passer outre quelque peu à la réglementation qui nous régit. Tout en le remerciant, nous verrons ce qu'il y aura lieu de faire au moment où l'horloge marquera 18 heures.

En cette période de l'histoire qui nous indique que bientôt la grande crise que connaîtra l'huma- nité sera la crise de l'alimentation ou la crise constituée par l'incapacité des hommes à nourrir les gens de la terre, je crois que le débat que nous entreprenons sur la loi 90, qui tente de déterminer les mesures, les mécanismes en vue d'apporter un meilleur contrôle sur le territoire agricole, sur les bons sols arables pour les protéger, puisque c'est là l'objectif poursuivi par cette loi, on ne peut faire autrement, je crois, que de se poser diverses questions sur le mécanisme que le gouvernement met en place à l'intérieur de la loi pour atteindre des fins qui ont été demandées par différents intervenants, et cela depuis quelques années, comme le ministre l'a fort bien indiqué au cours de son intervention. (17 h 20)

II y a lieu de se demander si, dans la période immédiate que nous connaissons, comme dans la période à venir, vraiment nous manquons, ici au Québec, de bons sols agricoles. Je pense qu'il est permis, en hommes réalistes, en gens de bon sens, de se poser cette question: Est-ce qu'en 1978, au moment où nous entreprenons le débat sur cette loi, on peut affirmer que le Québec manque de bons sols agricoles? Je suis obligé, après avoir fait un examen de cette situation, de cette réalité, de reconnaître que, dans les conditions présentes, dans la situation présente de l'agriculture, nous ne manquons pas de bons sols agricoles au Québec. Nous avons présentement des surplus, des milliers et des centaines de milliers d'acres de bons sols au Québec qui ne sont pas utilisés ou qui sont sous-utilisés. Je vois de mes collègues d'en face qui font signe que non. Ce serait méconnaître ou nier totalement la réalité présente au Québec d'affirmer que nous manquons de sols agricoles. Nous avons du sol agricole qui n'est pas utilisé, qui est mal utilisé, sous-utilisé. Mais ce n'est pas un manque présent.

Je pense que le premier ministre de la province l'a compris, parce que récemment, dans des informations qu'il donnait à cette Chambre au moment d'un de ses discours, il a indiqué que, si ce n'était pas un manque immédiat de bons sols arables au Québec, il y avait des possibilités qu'en l'an 2000 nous devrions exploiter tout ce que nous avons de terres arables chez nous. Cela me paraît la réaction ou la vision d'un homme qui a vu la réalité de près et qui a compris que, même s'il n'y avait pas un besoin immédiat, dans les 20 prochaines années, les besoins alimentaires du Québec, même les besoins alimentaires au niveau mondial vont nécessiter d'utiliser au maximum, de rechercher la plus grande rentabilité de tous les sols qu'on peut trouver non seulement au Québec, mais à l'intérieur de tout le continent, comme dans tous les pays du monde où il se pratique une agriculture intensive.

Cette loi pour la protection du sol arable va-t-elle protéger mieux les cultivateurs que nous avons au Québec présentement sur une ferme? Est-ce qu'on peut dire que cette loi, dans son contenu, dans sa rédaction, va mieux protéger nos agriculteurs, nos producteurs agricoles? Nous

avons beau faire un examen approfondi de tous les articles de cette loi pour en découvrir toute la dimension, nulle part nous ne pouvons percevoir que le cultivateur du Québec est véritablement mieux servi par la loi, sauf une exception à laquelle le ministre a fait référence et qu'on retrouve également dans la loi. Par un amendement apporté à la Loi sur l'évaluation foncière, à l'article 21, nous découvrons que le seul bienfait pour le cultivateur lui-même, dans la loi, réside dans ce changement qu'on apporte à l'aide, à la subvention qui est donnée aux producteurs agricoles reconnus par une augmentation de la participation gouvernementale au remboursement des impôts fonciers, que ce soit pour fins scolaires ou municipales. Cette aide était déjà de 40% depuis quelques années. Somme toute, ce chiffre de 40% on l'augmente à 70%, ce qui, pour l'ensemble des cultivateurs du Québec, représente environ $150. Les 30% de plus que les producteurs agricoles vont recevoir par les modifications apportées à l'article 21 de la Loi sur l'évaluation foncière vont donner, en moyenne, $150 au cultivateur.

Cela m'apparaît, pour l'instant, sauf si, en cours de route, lors du débat en commission plénière ou en commission parlementaire, le ministre décidait d'introduire dans la loi des éléments nouveaux, le seul bénéfice financier immédiat que les agriculteurs du Québec vont pouvoir toucher, pour autant qu'ils soient d'abord producteurs agricoles reconnus selon les dispositions de la Loi des producteurs agricoles, et en autant que ces cultivateurs possèdent des fermes qui seront situées à l'intérieur des zones agricoles permanentes reconnues, lorsque les municipalités auront procédé à l'étude des cartes en fonction de la réalité de leur territoire, qu'elles auront fait des suggestions et que la Commission de contrôle du territoire aura décidé de reconnaître, à l'intérieur de la grande zone provisoire, quels sont les secteurs des municipalités qui sont reconnus et classés définitivement comme zone agricole.

Donc, si cette loi, dans sa rédaction actuelle, dans sa philosophie, dans son contenu, n'a pas, pour le cultivateur lui-même, d'autres avantages monétaires ou financiers immédiats, qu'est-ce qu'elle va apporter, et pourquoi a-t-on décidé — au-delà des demandes qu'on a faites depuis de nombreuses années — de lui donner le contenu qu'on a découvert lorsqu'on a pris connaissance de la loi? Elle n'est pas là d'abord pour apporter un avantage direct aux producteurs, je viens de l'exprimer. Elle n'a pas non plus de contenu qui nous permette de découvrir que ce sol, ce territoire agricole qu'on veut protéger, elle n'a aucun contenu qui nous indique que le territoire agricole sera mieux utilisé, qu'il aura une meilleure utilisation que celle que nous avons présentement.

J'aurais pensé, M. le Président, que l'actuel gouvernement aurait voulu donner un modèle vraiment québécois à la Loi sur la protection du territoire agricole, c'est-à-dire un modèle qui soit véritablement en accord avec le mode de tenure traditionnelle de l'entreprise agricole. Vous le savez, M. le Président, et dans cette Chambre, nous le savons tous, l'histoire de la propriété du sol au Québec a des choses qui sont particulières à notre province, par rapport à ce qui peut exister dans d'autres pays, c'est-à-dire un droit absolu de propriété intégrale qui a toujours été le propre du mode de tenure de nos terres. Il m'apparaît, M. le Président, que notre loi, du fait qu'elle poursuit un caractère vraiment québécois, il aurait fallu y introduire des dimensions qui auraient fait qu'on continue de reconnaître le droit de propriété intrinsèque qui a toujours été la marque dominante de la possession du territoire agricole chez nous.

Mais non, lorsqu'on examine le contenu de la loi et qu'on compare cela avec la législation équivalente dans d'autres provinces ou pays, entre autres chez les États américains ou même dans les pays d'Europe, lorsque nous avons fait l'examen de ces législations et surtout les systèmes opératoires pour l'application desdites lois, nous découvrons que le modèle qu'épouse la loi que nous étudions présentement pourrait facilement porter le titre: "Made in British Columbia". Nous avons une loi qui ressemble beaucoup à la législation qui a été déposée en Colombie-Britannique sous le gouvernement de M. Dave Barrett, à quelques différences près, cependant, Mme le Président. La législation de la Colombie avait introduit dès le départ de couvrir entièrement, à 100%, tout le territoire à l'intérieur de la province de la Colombie qu'on voulait réserver pour des fins agricoles. (17 h 30)

Le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il n'a pas voulu procéder de façon à appliquer le zonage agricole à 100% du territoire québécois qui peut être classé comme étant le potentiel agricole, à des degrés divers, selon sa localisation au Québec, et je le comprends de ne pas l'avoir fait. C'est parce qu'il a jugé qu'il ne devait pas procéder, pour la mise en application de la loi, comme la Colombie-Britannique. Celle-ci avait décidé de couvrir à 100% tout le territoire auquel elle vouait une vocation agricole. Mais le ministre n'a pas pris les mesures, il n'a pas impliqué les gouvernements régionaux dans la mise en application de sa loi. Pourquoi? En Colombie-Britannique, le législateur a dit: Je couvre tout le territoire à 100%, mais j'implique directement des régions administratives pour la mise en application et la surveillance de cette loi. Je donne des pouvoirs à 28 districts à l'intérieur de la Colombie-Britannique, lesquels vont participer directement à la mise en application, à la surveillance et au contrôle, de façon que les dossiers douteux ou les quelques dossiers qui posaient des difficultés — dossiers qui devaient se rendre à la commission des terres de B.C. — soient les moins volumineux possible.

Quand on examine de près les modes de fonctionnement et ce qui s'est traduit dans les faits, ce sont les 28 districts, qu'on a incorporés véritablement dans la mise en marche de l'opération, qui règlent à peu près tous les cas dans une proportion d environ 90%. Vous vous retrouvez avec seulement 10% des dossiers qui posent des difficultés à la suite des nombreuses deman-

des que les citoyens, possesseurs du sol agricole, du sol arable, peuvent faire au cours d'une année. Vous vous retrouvez avec environ 10% de ces décisions qui doivent nécessairement se rendre à la commission des terres, ce qui allège de beaucoup la charge de travail de ladite commission et qui a également comme avantage d'impliquer directement des administrations régionales.

Voici ce que j'aurais pensé, Mme le Président, avant de connaître la teneur de ce projet de loi, dans le contexte présent, contexte que nous vivons depuis deux ans et dans lequel l'actuel gouvernement a donné des indications de choix qu'il voulait faire. D'abord il a jugé opportun de nommer au cabinet un ministre de type nouveau, un ministre d'État, à qui on avait confié tout le secteur de l'aménagement du territoire. Au plan de la logique, d'un bon équilibre et du bon sens, on aurait dû procéder, pour la partie qu touche le sol agricole, pour cette partie qui concerne la protection des bonnes terres chez nous, à l'intégration de cela, dans un premier temps, au plan global, au grand plan de l'aménagement du territoire.

Ceux qui connaissent le moindrement les problèmes que pose la mise en place d'une réorganisation d'un territoire aussi vaste que celui du Québec comprendront très facilement que, puisque le gouvernement actuel s'était donné l'objectif de procéder à un vaste remaniement dans toute la question de réaménagement et de nouvelles ou meilleures utilisations de l'ensemble du territoire du Québec, nous aurions retrouvé l'opération zonage agricole ou protection du sol arable à l'intérieur de ce vaste programme d'aménagement. C'était logique de le croire.

Autre phénomène qui aurait découlé sans doute de cette décision qui n'a pas été celle de ce gouvernement, ni du ministre de l'Agriculture, c'est que, si on avait procédé dans ce sens-là, je crois que nous aurions reconnu beaucoup plus, nous aurions reconnu davantage l'importance que devraient prendre, à l'intérieur de la mise en application de cette loi, les conseils de comté chez nous ou encore les nouvelles régions administratives qu'on va sans doute créer au moment où on va commencer la mise en application de l'aménagement du territoire.

Cela me surprend beaucoup de la part de ce gouvernement puisque, depuis quelques années, depuis qu'il existe, ce gouvernement, c'est-à-dire depuis que le parti politique qui forme l'actuel gouvernement existe, il a toujours chanté à tous vents qu'il fallait davantage toujours mieux impliquer des paliers de gouvernement inférieurs à celui qui est le nôtre présentement. Il a toujours crié pour qu'on confie de plus en plus de responsabilités à des corps intermédiaires au niveau des régions. Vous vous rappelez, Mme le Président, comme c'était important de mettre davantage entre les mains des citoyens, surtout les citoyens qui se regroupaient à l'intérieur d'organismes locaux régionaux, de les impliquer et de les intégrer à l'évolution de la société québécoise, de leur donner de l'espace et de la place au niveau décisionnel et même parfois jusqu'au niveau administratif.

Or, j'aurais pensé que l'occasion était encore une fois excellente, au moment où le ministre de l'Agriculture décide de procéder en matière de zonage agricole et de protection du territoire agricole, que l'occasion, dis-je, était excellente, pour ne pas dire merveilleuse, de prouver qu'on voulait vraiment embarquer le palier régional dans cette opération en demandant aux conseils de comté une collaboration et surtout en donnant des pouvoirs — ce qui est possible par de la législation — réels aux conseils de comté de participer directement et de s'impliquer dans l'application comme dans la pratique courante, dans la surveillance de l'application de la Loi sur la protection du territoire agricole.

On n'a pas choisi cette mesure, on a laissé passer une occasion trop belle. Qu'est-ce qu'on a fait? On a pensé faire appel aux municipalités. Cela donne peut-être belle jambe, cela donne peut-être bonne image mais, lorsqu'on examine quels sont les pouvoirs réels que les municipalités auront dans l'application du zonage, ce pouvoir se limite exclusivement à celui d'une simple consultation. Les municipalités, naturellement, vont recevoir la documentation et les cartes, vont examiner tout cela, vont faire des choix qui seront les leurs au départ, mais ces choix ne leur appartiennent pas en réalité, ces choix deviennent de simples suggestions ou recommandations à la commission de contrôle. Étant donné que tous les pouvoirs sont remis entre les mains de la commission de contrôle, donc un peu entre les mains du ministre, les recommandations faites par les municipalités, si pratiques soient-elles, si adaptées à la réalité de leur milieu, si conformes à la loi du bon sens tel que perçu par les gens qui administrent les municipalités, ces suggestions, ces commentaires, ces recommandations pourront être niés ou réfutés totalement par la Commission de contrôle du territoire agricole.

Donc, il est fort évident que dans le contexte que nous connaissons, dans le contenu de cette loi qui nous est présentée et que nous débattons, nous sentons que tout le pouvoir, encore une fois, va monter vers le haut, c'est-à-dire va aller vers le ministre par sa commission de contrôle. Cette commission de contrôle, est-ce qu'elle a une représentation qui va venir du milieu? Aucunement, Mme le Président, par le contenu du projet de loi. Cette commission de contrôle va être formée de personnes qui vont être choisies essentiellement par le gouvernement et par le ministre, tant pour le président que pour les deux vice-présidents. On pourra adjoindre à ces trois personnes d'autres commissaires qui pourront agir sur une base partielle, à temps partiel ou même à temps plein, selon le volume du travail que cette commission aura à exécuter. (17 h 40)

Quand on songe qu'on intègre 614 municipalités dans une telle opération et quand on pense que, d'un seul coup, à compter du 9 novembre 1978, on gèle, à toutes fins utiles, un territoire aussi vaste que celui qui est contenu dans la zone verte qui apparaît sur les cartes qu'a déposées le ministre, il est possible d'imaginer que la commis-

sion de contrôle des terres devra compter, oui, sur un président, sur deux vice-présidents, sur une équipe de commissaires et surtout sur une armée de personnes qui vont venir soutenir le travail énorme auquel devra faire face la commission de contrôle, puisqu'on ne donne aucun pouvoir direct aux municipalités de décider de manière définitive.

Mme le Président, on a manqué, je pense, la plus belle occasion de pratiquer dans les faits ce que le Parti québécois, aujourd'hui gouvernement du Québec, a prêché si longtemps, soit de vraiment intégrer des organisations locales ou régionales dans la mise en pratique de législations qui vont couvrir une zone aussi vaste que celle que la loi sur la protection des terres nous décrit. Je vous ai dit tout à l'heure, Mme le Président, qu'au-delà de l'aide additionnelle qu'on va apporter en ce qui concerne l'impôt foncier, j'ai cherché en vain ce qui pouvait aider véritablement les producteurs agricoles. Il n'y a rien dans cette loi, au-delà de ce que j'ai indiqué, qui va protéger le producteur agricole. Il n'y a rien dans cette loi, ce qui est encore plus grave à mon sens, qui nous garantit que la protection du sol qu'on va faire va véritablement servir la cause de l'alimentation au Québec parce que la loi est totalement muette sur les modalités d'utilisation du sol qu'on va protéger.

Pourquoi devons-nous exiger qu'une loi comme celle-là, si elle veut atteindre des fins précises, aurait dû comporter des dimensions qui nous auraient indiqué de quelle façon nous allions utiliser ce sol si précieux et si essentiel? Parce que, si nous n'avons pas cette dimension dans la loi qui nous garantisse une meilleure utilisation, une véritable utilisation d'au moins 1 million d'acres de bonnes terres au Québec, la loi devient inutile, la loi devient tout simplement un écran de fumée. Cela devient de la poudre aux yeux non seulement pour les cultivateurs, mais pour la population du Québec.

Si nous n'avons pas derrière la loi qui fait l'objet de nos débats des lois fort importantes qui vont aller bien au-delà des deux projets de loi qui ont été appelés en première lecture aujourd'hui, et le ministre le comprendra facilement, si nous n'avons pas d'autre loi que celle-là, si nous n'avons pas de volonté politique de ce gouvernement de procéder non seulement sur le plan législatif pour traduire dans la réalité les capacités d'utiliser véritablement le sol qu'on est en train de protéger, si nous n'avons pas de volonté politique de ce gouvernement, au-delà de la législation, d'engager des sommes très importantes, d'ajouter des sommes, peu importe, au présent budget que connaît le ministre de l'Agriculture, tout cela ne va rien donner aux agriculteurs, tout cela ne va rien donner au développement de l'agroalimentaire.

Mme le Président, quand vous observez le contenu de ce projet de loi, vous vous demandez de quelle façon cela peut vraiment aider le producteur laitier au Québec. Prenez le projet de loi. Etudiez-le du premier au dernier article et posez-vous la question suivante, Mme le Président: Qu'est-ce qui peut vraiment, à l'intérieur de cette loi, aider le producteur laitier, qu'il soit producteur de lait nature ou producteur de lait industriel? Il n'y a absolument rien dans la loi qui change quoi que ce soit vis-à-vis du producteur de lait nature ou de lait industriel.

Quand vous faites une recherche sur la capacité qu'aurait la loi d'aider les producteurs de porcs du Québec, encore là, il n'y a absolument rien, sauf, peut-être, la réserve que j'ai en ce qui a trait à la production du porc, à la production de la chair de volaille et à la production des oeufs. On appelle généralement ces productions, des productions sans sol. C'est vrai que dans le contexte dans lequel ont toujours évolué ces productions, on pouvait dire que c'étaient des productions sans sol, mais sans sol uniquement aux fins de l'alimentation du bétail dont on faisait l'élevage.

C'est vrai que, traditionnellement, au Québec, on pouvait faire du porc, des oeufs, de la volaille, de la chair de volaille, de la chair de dinde, sans posséder de sol, en ce qui a trait à l'alimentation du bétail. Mais il y a une autre dimension où ces producteurs ont besoin de sol. Côté alimentation, cela va bien. On peut se procurer toutes les céréales, les protéines à l'extérieur de la province, mais on ne peut produire sans avoir de sols. Au moment où vous voulez disposer des déchets ou du fumier, là, vous n'avez plus le choix, vous êtes obligé d'avoir du sol. Qu'il soit possédé par celui qui fait les exploitations d'élevage, qu'il soit possédé par d'autres producteurs, vous avez besoin de sol pour disposer du fumier, des quantités énormes de fumier qui sont produites par ces grands élevages spécialisés. On les appelle les producteurs sans sol. En réalité, elles n'ont pas besoin de sol à un bout de l'opération, mais elles en ont besoin à l'autre bout. En dehors de cela, le fait de dire que la Loi sur la protection du territoire agricole va garder des régions, va protéger davantage le sol, va empêcher la dilapidation de certaines parcelles de fermes, de certaines fermes, de ce côté, si on garde le plus possible de sol, on va continuer de pouvoir aider ces productions pour le dernier bout de la chaîne de l'opération.

Passons à d'autres types de productions. Est-ce que la présente loi va aider à développer la production maraîchère au Québec si elle n'est pas accompagnée d'autres mesures, d'autres lois et de décisions du gouvernement face aux besoins financiers pour ie développement d'autres productions? Non, Mme le Président. Le contenu de la loi 90 ne peut en rien permettre un développement de la production maraîchère au Québec. Le contenu de la loi 90, s'il ne naît pas, s'il ne survient pas des mesures exprimant la volonté politique du gouvernement d'engager des sommes très importantes, ne permettrait même pas un développement rapide de la production des céréales chez nous. Même pas, parce que les producteurs, grands consommateurs de céréales que sont les producteurs sans sol dont j'ai parlé tout à l'heure, vont continuer de se procurer des grains à l'extérieur du Québec. Ils vont peut-être s'en procurer un peu plus au Québec dans le cas d'une des céréales, le maïs-grain, qui connaît une expansion

graduelle. Compte tenu de la possibilité qu'ont aujourd'hui les producteurs de maïs pour mieux entreposer et faire sécher ce produit, cela va faire en sorte qu'on pourra acheter moins de maïs-grain de l'Ontario ou des États-Unis comme on l'a fait régulièrement dans le passé. On se procurera du maïs-grain venant des producteurs du Québec qui présentent aujourd'hui un produit fini dont la qualité peut se comparer au maïs-grain qu'on va chercher chez nos voisins du sud ou aux États-Unis.

Ce n'est pas la loi 90 qui va inciter les producteurs agricoles à développer la culture du maïs-grain, ce sera d'autres lois qu'on devra examiner, que le gouvernement devra déposer. Ce seront d'autres mesures et d'autres sommes accordées au ministère de l'Agriculture par la volonté du gouvernement et du Conseil du trésor qui apporteront une aide fort importante afin d'encourager les producteurs de céréales, que ce soit du maïs, du blé, de l'orge ou de l'avoine. Je pourrais également parler du soya, mais il ne faut pas se faire d'illusion. (17 h 50)

Dans la province de Québec, avec le nombre d'unités thermiques qu'on retrouve à peu près partout sur notre territoire, nous ne serons jamais d'importants producteurs de soya, qui procure une protéine absolument nécessaire aujourd'hui dans la fabrication des moulées telles que nous les connaissons. Dans ce secteur, on aura peut-être la partie la plus au sud de la province qui pourra se permettre de produire un peu de soya. Nous allons continuer de dépendre largement et de l'Ontario et surtout du marché américain en matière de soya qui est nécessaire et qui entre dans la fabrication des moulées. Ce sera toujours vrai même si un jour nous produisons 60% de nos céréales, même si nous atteignons la capacité de produire 60% des céréales consommées au Québec.

Je suis déçu — je le dis parce que c'est la réalité — que la loi qui fait l'objet de nos débats, ne contienne pas les mesures qui auraient dû vraiment permettre aux producteurs agricoles du Québec, aux agriculteurs de songer qu'on pourrait continuer à développer l'agriculture au Québec. Nous restons vraiment sur notre appétit après avoir pris connaissance du contenu de l'actuel projet de loi.

Une autre dimension, un autre aspect qui m'a beaucoup frappé dans les dispositions que contient la loi est qu'on aide très peu le cultivateur lui-même, à l'exception des mesures d'aide financière addtionnelles sur le paiement des taxes. Je découvre — et cela m'a renversé — qu'on n'est pas si méchant pour les citoyens du Québec qui n'ont jamais été producteurs agricoles, qui ne seront jamais producteurs agricoles, mais qui possèdent de la "mardite" bonne terre au Québec. Nous en avons présentement des milliers. Nous avons présentement des milliers de citoyens québécois qui ne sont pas intéressés à faire de la production agricole, qui n'en feront pas jamais eux-mêmes, mais qui possèdent des terres dans des bonnes paroisses agricoles. Vous le savez, cela existe partout au Québec. Ces gens continuent de bénéficier, par le contenu de la loi actuelle, des mêmes avantages qu'ils avaient dans le passé. La seule chose qui va leur manquer, à ces gens, n'étant pas producteurs agricoles reconnus, c'est qu'ils ne pourront pas réclamer les 70% de remise que le ministère de l'Agriculture paie aux véritables producteurs agricoles.

Contrairement à ce que les producteurs auraient dû attendre dans une loi qu'ils espéraient depuis quelques années, dans une loi dans laquelle ils avaient mis beaucoup de confiance, j'aurais pensé, au moins, que les cultivateurs n'auraient pas la déception de découvrir que ces gens, que ces citadins, que ces gens de village qui ont la capacité financière de le faire, dont la moyenne de revenus est assez bonne, que ces gens qui se sont payé le luxe parce qu'il y a là un peu une forme de luxe pour un citadin, d'aller s'acheter un petit domaine — je ne parle pas de celui qui achète un petit lopin, une petite parcelle, mais de ce citadin dont la situation financière lui a permis d'aller s'implanter dans le milieu agricole — que ce soit dans le rang le long du fleuve ou dans le deuxième ou le troisième rang de la paroisse où ils se sont installés, je n'aurais jamais cru, dis-je, que la loi allait leur confirmer des avantages qu'on ne donne même pas aux citoyens de nos villes qui sont plus démunis. Parce que, dorénavant, avec la loi actuelle, le résident des villes, comme ses milliers de confrères qui ont déjà acheté des bonnes terres agricoles qu'ils ne cultivent pas, l'autre citoyen des villes qui à l'avenir va vouloir acheter une ferme dans une zone agricole reconnue de façon permanente va pouvoir continuer de se présenter et de se porter acquéreur de la ferme, sans aucune obligation de faire produire ce sol. Il pourra le laisser en friche parce que la loi nous dit qu'un sol en friche est un sol reconnu pour fins d'agriculture.

Quand vous pensez à cela, Mme le Président, vous dites: Qu'est-ce qu'il y a derrière toutes ces dispositions? Quelle était la philosophie qui animait ceux qui ont conçu la loi et qui l'ont voulue dans cette forme? Le petit citadin à faibles revenus, on ne l'a pas servi aussi bien parce qu'il a de faibles revenus. Il ne peut pas s'acheter une terre, un petit domaine, une terre complète. Lui, on lui a dit: Non. On ne te reconnaît pas autant d'avantages. Parce que, à l'intérieur de la zone agricole reconnue de façon permanente, le cultivateur ne pourra plus distraire de parcelles. Que ce soit une acre carrée, deux acres carrées, il ne pourra plus distraire de parcelles. C'est du territoire agricole. On ne lui permet plus de piger ou de tailler de petits blocs à l'intérieur de sa ferme, que ce soit au bord d'un ruisseau, d'un lac ou de la rive du fleuve. C'est fini. Celui qui a de l'argent peut s'acheter une ferme au complet, il peut la garder en friche, il n'y a pas de problème. Notre loi lui donne ces pouvoirs et reconnaît cela.

Mais le petit qui a beaucoup moins de moyens, on va lui dire: Toi, tu désires, comme beaucoup de Québécois, posséder un petit coin

de terre à la campagne. Tu désires sortir de la ville et aller trouver ton petit coin d'air pur. Mais tu iras plus loin. Tu n'es pas exclu complètement, mais tu sortiras de la zone agricole reconnue. Va plus loin dans le Québec. Il y a encore des espaces qui ne sont pas zonés...

Une voix: À Montmagny!

M. Giasson: ... tant et aussi longtemps qu'un nouveau décret n'étendra pas la zone agricole sur tout le territoire du Québec. D'ici à ce que cela se produise, on dira: Toi, le petit citadin, qui peut consacrer $1000 ou $2000 pour t'acheter un petit lopin, va plus loin. Monte dans les Laurentides. Descends plus loin, dans l'est de Québec, en bas de Montmagny. Va vers l'Estrie. Va vers les Cantons-de-l'Est. Ce n'est pas encore zoné, et le cultivateur a encore le droit, la possibilité, la liberté de te vendre une petite parcelle sur le coin de sa terre ou au bord du ruisseau qui traverse sa ferme. Tu peux faire cela. Mais, à l'intérieur de la belle zone agricole, tu n'as plus affaire là. Ce n'est plus possible pour toi. Eloigne-toi, sors de là.

Lorsqu'on voit les conséquences qui vont découler de la mise en application de cette loi, on se dit: Qu'est-ce que cette loi va donner au plan pratique, au plan réel aux producteurs agricoles du Québec? Qu'est-ce qu'elle donne à ces citadins dont je vous ai parlé il y a un instant? Quels désavantages apporte-t-elle aux plus petits des citadins qui, pour un certain nombre, avaient trouvé moyen, au cours des dernières années, de s'entendre avec un cultivateur pour se prendre un petit coin sous le soleil dans des régions en dehors des zones urbaines? Je suis à me demander, Mme le Président, sincèrement si cette loi n'a pas été pensée par des urbains, dans le sens que ce sont des gens qui avaient une vision beaucoup plus urbaine de la réalité québécoise, pour autant que le secteur agricole est concerné. Prenez le temps d'examiner toutes les implications que nous retrouvons derrière les articles de cette loi. Je me suis demandé si ce n'était pas une pensée urbaine.

On a même pensé qu'à l'intérieur de la grande zone verte qui apparaît sur les cartes il faudrait conserver les zones blanches autour des villes. Nous retrouvons des îlots blancs à travers la carte des arpents verts du Québec. Ce sont des îlots autour des villes. Je le concède très facilement, parce que les villes vont continuer à se développer. L'urbanisation autour des villes ne s'arrêtera pas. Il faut que les Québécois habitent quelque part; d'autant plus qu'on en empêche un certain nombre de venir habiter à l'intérieur de la zone verte, il va falloir leur garder des espaces dans la zone blanche. On a gardé cette zone blanche et on a gardé un périmètre autour des villes, des franges, mais les urbains qui la possèdent cette terre... Le cultivateur, lui, c'est fini, plus de profits; tu n'as plus le droit de vendre, tu vas te contenter du prix qu'on applique à du territoire agricole. Mais à celui qui possède du terrain dans la frange autour des villes: Toi, tu peux spéculer, mon cher!

D'ici quelques années, il est facile d'imaginer l'augmentation de la valeur de ces terrains. Toi, tu peux spéculer, mon cher, parce qu'on a permis, dans le dessin qu'on a fait... On va demander l'avis des municipalités, qu'on pourra respecter à la commission si c'est notre désir, qu'on pourra refouler ou rejeter si cela ne fait pas notre affaire. C'est cela la réalité de la loi.

Une voix: Un genre de...

M. Giasson: Oui, c'est une autre dimension. J'aurai l'occasion d'en reparler après le dîner parce qu'on retrouve d'autres choses extrêmement curieuses dans ce projet de loi. Lorsqu'on observe les pouvoirs qui sont mis entre les mains des commissaires, dont on ne sait même pas s'ils auront une formation juridique pour être capables de voir la véritable dimension et la conséquence des actes et des décisions qu'ils vont prendre, on découvre Mme le Président, que ces gens-là, au plan juridique, ont des pouvoirs quasi absolus. On a cru que le fait de les nommer membres ou commissaires à la Commission de contrôle du territoire agricole leur donnait une espèce de pouvoir magique. Sans savoir quelles seront ces personnes, elles auront un pouvoir magique, à un point qu'on n'a pas jugé bon d'introduire un droit d'appel au cas où, parfois, ces gens, même avec une bonne volonté, pourraient rendre des décisions où il y aurait des erreurs assez sérieuses. On a refusé d'introduire le mécanisme d'un droit d'appel. Si des citoyens sont véritablement lésés dans leurs droits les plus fondamentaux à la suite de décisions qui seraient rendues par les commissaires, ils devront en subir les conséquences, en payer la note eux-mêmes parce qu'on a refusé d'introduire un mécanisme d'appel à l'intérieur de la loi. Mme le Président, puisqu'il est 18 heures, je propose la suspension du débat.

Une voix: Jusqu'à quelle heure? M. Proulx: 20 heures.

Mme le Vice-Président: M. le député de Montmagny-L'Islet, vous pourrez continuer votre intervention à 20 heures. Cette Assemblée suspend ses travaux jusque-là.

(Suspension de la séance à 18 heures.)

(Reprise de la séance à 20 h 2)

Le Vice-Président: À l'ordre, mesdames et messieurs! Le quorum est de 20; il y a une commission, oui. M. le député de Montmagny-L'Islet avait la parole.

Mme le Vice-Président: C'est bien cela, M. le député de Montmagny-L'Islet, c'est vous qui avez la parole.

M. Giasson: Mme la Présidente, au moment où j'ai demandé la suspension de nos débats pour le dîner, j'étais en train d'indiquer à cette Assemblée quels étaient les pouvoirs que je qualifierais d'autoritaires et même de discrétionnaires accordés à la Commission de protection du territoire agricole. En effet, on ne permet même pas dans la loi la possibilité d'un appel à la suite d'erreurs qui pourraient se glisser dans des analyses ou des décisions rendues par cette commission.

Je laisserai cependant à d'autres de mes collègues qui possèdent une formation juridique d'épi-loguer davantage sur cet aspect de la loi. J'ai dit, lors de mon intervention de l'après-midi, que cette loi ne protégeait aucunement le véritable producteur agricole et que le seul bénéfice qu'on mettait à sa disposition c'était l'augmentation du remboursement qu'on appliquait contre les taxes scolaires et municipales. Pour moi, cela devient incompréhensible. Pourquoi? Parce que l'actuel gouvernement nous avait habitués, depuis quelques mois, surtout pour se donner une bonne image face à la population du Québec, de mettre beaucoup d'accent sur le slogan "La personne avant toute chose". Vous avez entendu cela. Et voici qu'en déposant ce projet de loi on se foute éperdument de la personne au Québec, et, quand je dis la personne, je pense au producteur agricole. La personne ne compte plus dans cette loi. On a inversé le grand slogan et la grande image. Dans cette loi, une chose compte essentiellement et uniquement, c'est le matériel, la matière, puisque ce qu'on recherche, c'est de protéger le sol.

Cela a son importance, d'accord, mais on oublie totalement le producteur agricole. Non seulement on l'oublie, mais on fait peser sur lui par cette loi une situation par laquelle des droits que le producteur agricole a toujours eus sont brimés. Voulez-vous des exemples, Mme le Président? Je dis qu'on brime le producteur agricole des droits de propriété qu'il a toujours eus. Les cultivateurs du Québec, à venir jusqu'au 9 novembre dernier, ont toujours eu la liberté et le droit de disposer librement de leurs biens, et de leurs propriétés. Par cette loi, ce n'est plus vrai. On pose des restrictions très fortes à cette possibilité qu'avaient les producteurs agricoles de disposer de leurs biens.

On empêche par cette loi des fils ou filles de cultivateurs qui auraient aimé vivre en milieu agricole, en milieu rural, en acceptant volontairement et librement les conséquences en toute connaissance de cause, de le faire. Il y a encore des gens qui désirent vivre dans le milieu agricole et le milieu rural, quelles que soient les particularités de ce secteur; des gens qui acceptent d'entendre les bruits qu'on peut entendre sur une ferme, quel que soit le type d'instrument qui les produit. Il y a encore des gens qui acceptent de vivre en milieu agricole, même s'il y a des odeurs de fumier assez souvent dans ce secteur, parce qu'ils savent que cela n'a jamais fait mourir personne. Je comprends qu'il y a des gens qui n'aiment pas cela. S'ils n'aiment pas cela, ils ne sont pas obligés d'aller là. Qu'ils restent dans les secteurs éloignés des milieux agricoles.

En 1978 encore, nous avons des centaines et des centaines de Québécois, pour ne pas dire des milliers, qui auraient voulu en toute connaissance de cause, dans une décision fort bien réfléchie, s'installer sur un coin de la terre paternelle, pleinement conscients qu'ils devront vivre avec les conséquences qu'on peut retrouver dans ce milieu, mais c'est voulu ainsi, c'est libre, c'est consenti volontairement. Oui, le député là-bas fait signe que non, il y en a dans sa paroisse qui acceptent de vivre dans ce milieu. Il y en a dans toutes les municipalités du côté de Kamouraska-Témiscouata, des gens qui préfèrent, au lieu d'aller vers le village, au lieu même d'aller s'implanter dans la ville où ils travaillent, s'installer en plein milieu agricole. Et pourquoi les ruraux n'accepteraient-ils pas cela, lorsqu'on a vu des milliers d'urbains ou de citadins venir s'installer dans ce milieu et payer le gros prix pour s'acheter une ferme?

Des citadins ont payé $25 000, $30 000, $40 000, $50 000 pour être en plein milieu agricole et ils ne sont pas intéressés à se départir de ce bien. Cela s'est fait et cela va continuer à se faire. La loi n'empêche aucunement un citadin de continuer d'acheter des fermes en pleine zone agricole établie de façon permanente.

M. Lamontagne: Pour autant qu'il y aura de l'argent à faire, vous verrez.

M. Giasson: Le vrai cultivateur n'a même plus le loisir ou la liberté de donner une petite parcelle, un lot sur sa ferme à l'un ou l'autre de ses enfants. C'est tellement vrai que je recevais cette semaine un appel d'un notaire de mon comté, le comté de Montmagny, qui m'a demandé s'il pouvait passer le contrat pour M. Nichol, de Montmagny, qui voulait donner un petit morceau sur sa ferme à l'un de ses fils. J'ai dit: Je ne suis pas un expert, M. Hébert, mais, selon mon interprétation de la loi, vous ne pouvez plus faire cela légalement et vous devez aviser le cultivateur en question qu'il ne peut pas le faire. Cela deviendrait un geste illégal en vertu de l'article 116 de cette loi, qui dit que la loi prend effet le 9 novembre 1978. Le cultivateur est encore brimé dans ses droits si, de par son choix, il décidait de vendre sa ferme à quelqu'un qui veut la garder aux fins de l'agriculture, laissant la résidence au cultivateur ayant atteint l'âge de la retraite. C'est fini. Lisez la loi. Ce n'est pas possible dans la loi.

Vous allez me dire: Des règlements vont venir. On les attend, les règlements. Tant que vous n'aurez pas adopté de règlements, l'exemple que je viens de donner est un cas typique d'un cultivateur qui ne pourrait même pas garder la résidence dans laquelle il a toujours vécu en vendant sa ferme à un autre agriculteur qui, lui, naturellement, pourrait se reconstruire. Le cultivateur qui possède une belle maison ancestrale — on en a encore quelques-unes heureusement sur les fermes du Québec; cela fait partie de notre patrimoine — ne pourra plus se prévaloir, s'il vend le fonds de terre, de la conservation de ce bien

ancestral, de cet élément important de notre patrimoine. Imaginez le cultivateur qui, dans le passé, par testament, décidait de faire des legs, de faire des dons, partageant la ferme selon ses choix entre ses enfants. Avec la loi 90, c'est absolument interdit, Mme le Président, absolument interdit. (20 h 10)

Ce sont là quelques éléments. Il y en a beaucoup d'autres. Mes collègues ou d'autres dans cette Chambre vont certainement intervenir sur un projet de loi aussi important. Je veux tout simplement vous prouver que non seulement cette loi ignore la personne, mais elle vient imposer des restrictions discriminatoires à l'endroit de ceux qui possèdent le sol par rapport aux traditions qu'on a toujours connues chez les propriétaires du sol au Québec. On ignore totalement la personne. Non seulement on l'ignore, mais on la brime dans des droits que je qualifie de fondamentaux, des droits de propriété qui ont toujours été la marque dominante de la possession de la terre, de la possession du bien agricole.

Il y a dans cette loi une dimension qui m'inquiète beaucoup. Vous savez que la loi établit un mécanisme de gel à compter du 9 novembre dernier. J'y ai fait allusion il y a un instant. Depuis le 9 novembre dernier, toutes les terres situées à l'intérieur de la zone verte, qui paraissent sur les cartes déposées au même moment que le projet de loi, sont gelées pour fins de transactions. Il fallait bien commencer à un moment donné, je suis d'accord.

Mais là où la loi comporte une situation incompréhensible, c'est que nulle part dans cette loi on n'a retrouvé un mécanisme de dégel spécifié d'une façon ou d'une autre. Le dégel va se produire quand, dans l'interprétation de cette loi? Le 9 novembre, il s'est imposé sur toutes les fermes à l'intérieur de la zone verte. Le dégel ne sera pas possible tant et aussi longtemps, sur toutes les transactions en suspens, que les 180 jours ne seront pas écoutés après que les municipalités auront examiné le plan déposé par le ministre, tant que les municipalités n'auront pas fait une étude complète pour déterminer quelles devront être les zones agricoles à l'intérieur de la municipalité par rapport aux zones non agricoles. Tant que ce voeu ou cet avis ou cette suggestion de la corporation municipale n'aura pas été accepté par la Commission de contrôle du territoire agricole, il n'y aura pas de dégel sur les transactions possibles touchant des biens situés à l'intérieur de l'aire agricole retenue. C'est grave!

Pour quelques-uns, ce n'est pas grave, mais pour d'autres, c'est grave parce que cela peut représenter des périodes de gel qui vont peut-être s'étendre jusqu'à un an et demi et même deux ans. On va encore brimer la possibilité pour les cultivateurs de terminer des transactions qui, souventefois, vont toucher les membres de leur famille. Cela va se faire entre les membres d'une famille, et à cause du mécanisme de gel prévu dans la loi et à cause de l'absence d'un mécanisme de dégel, ces gens seront brimés dans la capacité de faire une transaction entre gens d'une même famille.

Ce sont là des choses que les cultivateurs vont devoir connaître. Il faut que les cultivateurs connaissent cela et moi, je les invite, les cultivateurs qui n'ont pas eu l'occasion de s'y arrêter, à découvrir toute la dimension de la restriction qu'il y a vis-à-vis de leur personne, vis-à-vis de l'individu. Je les invite à se réunir, à consulter les gens qui sont capables de leur donner toutes les conséquences qui sont cachées derrière les dispositions de la loi 90. Si les cultivateurs veulent avoir l'information, je serais bien prêt à leur donner. La zone verte du Québec est tellement grande que ce n'est pas un homme qui pourrait couvrir tout ce territoire dans un délai de temps assez court pour fournir l'information.

Mais les cultivateurs sont assez intelligents. Je connais la philosophie et la sagesse du cultivateur au Québec. Eux-mêmes, quand ils vont découvrir tout ce qu'il y a de caché derrière cette loi, vont rechercher l'information et ils vont voir la vérité. C'est cela. Ils vont découvrir, Mme le Président, qu'au fond aucune indemnisation n'a été prévue pour tenter de compenser la servitude, servitude fort évidente qu'on retrouve dans cette loi. On vient imposer des restrictions au droit de propriété et on n'a trouvé aucun mécanisme de compensation, aucun mécanisme d'indemnisation pour la servitude qu'on impose. On est encore plus dur. Le gouvernement est encore plus dur de ce côté-là que même nos sociétés et ministères puisque, lorsque le ministère des Transports ou d'autres ministères doivent passer sur la propriété privée, doivent créer une situation qui crée une forme de vice, un désavantage pour le futur, on a toujours reconnu, depuis des années, le principe d'indemniser pour la servitude qu'on imposait.

Si le ministère des Transports relève une route devant les propriétés, faisant ainsi que la propriété, la résidence est à un niveau beaucoup plus bas qu'auparavant, en plus de payer le sol qu'on exproprie ou qu'on se fait consentir dans l'emprise élargie, on ajoute un montant pour la servitude que va représenter, pour le propriétaire de la résidence ou des bâtiments, le fait que l'eau de la route va glisser et que cela va lui causer des problèmes lorsqu'il veut sortir de sa cour de ferme l'hiver. On doit reconnaître qu'on doit payer les arbres qu'on enlève, les parterres, le gazon, les fleurs, enfin le ministère des Transports a des barèmes, des critères pour compenser les cultivateurs lorsque le ministère pose des gestes qui touchent la propriété. On respecte le principe de la servitude.

Même l'Hydro-Québec, à qui on reproche parfois une espèce d'arrogance dans les transactions qu'elle a faites traditionnellement lors de l'installation des lignes de transport électrique, même l'Hydro-Québec a eu cette capacité de reconnaître qu'elle devait payer des droits pour les servitudes qu'elle imposait à des fermiers.

On a vu beaucoup de fermes au Québec qui ne portaient aucun pylône. C'est-à-dire que vis-à-vis de certaines fermes vous aviez le passage des fils — il n'y avait pas un seul pylône, les pylônes de l'Hydro-Québec étaient sur les fermes voisines — et même s'il n'y avait pas de pylône sur la

ferme on a toujours reconnu, depuis des années, je ne remonterai pas à il y a 30 ans, je ne connaissais pas les mesures, on a toujours reconnu, dis-je, la servitude qu'on imposait aux cultivateurs en payant une compensation pour la servitude qui découlait de la présence de lignes au-dessus de la propriété privée du cultivateur. C'est vous dire que presque partout, lorsque les ministères, lorsque les sociétés d'État ont causé des préjudices, ils ont été capables de reconnaître ce droit de propriété qui a toujours été le propre du propriétaire agricole foncier au Québec. Dans la loi, on ne reconnaît plus ce principe, on nie la servitude qu'on va imposer par des dispositions de la loi. On ne veut même pas la compenser. On n'a prévu aucune forme d'indemnisation. Des centaines de cultivateurs vont subir des préjudices graves par manque à gagner lors de la vente de leur ferme, à cause d'une situation plus favorable de cette ferme par rapport à d'autres. Là encore, on oublie totalement le préjudice. On aurait pu penser à une formule de fonds de retraite, c'est possible; fonds de retraite qui aurait pu être payé en totalité par l'État et même contributoire pour le cultivateur affecté ou touché. On n'a pas voulu, on a passé là-dessus. On s'est foutu de la personne. C'était fort, "la personne avant toute chose" quand il fallait vendre un autre régime... Mme le Président, je présume que j'aurai l'assentiment de mes collègues pour parler tout aussi longtemps que le ministre, puisqu'on a consenti au ministre dix minutes additionnelles.

Mme le Vice-Président: Alors, M. le député... M. Proulx: D'accord.

Mme le Vice-Président: II vous restait une minute. Je constate que nous avons un consentement jusqu'à ce que...

M. Giasson: Mme le Président, il y a grande inconnue qui plane au-dessus de la loi, parce que nous n'avons pas les règlements que le ministre va sans doute faire adopter afin de donner les pouvoirs dont la commission de contrôle a besoin. Même si nous sommes au débat de deuxième lecture, il m'apparaît fondamental de connaître la réglementation afin de découvrir si ces restrictions très fortes qu'on impose au propriétaire du sol agricole, si les droits brimés par des dispositions de la loi elle-même pouvaient être diminués par l'élaboration de la réglementation qui devra être acceptée par le Conseil des ministres pour mettre cette loi en application. (20 h 20)

II nous faudrait, Mme le Président, connaître ces règlements. Il faudrait également savoir comment on va pouvoir travailler avec certaines cartes déposées par le ministre parce qu'elles sont — je ne dirais pas partout sur le territoire de la zone verte, mais dans certains secteurs — bourrées d'erreurs et fort erronées. Je crois que, même lors de l'étude article par article de cette loi, il va falloir travailler à découvrir ce qui est la réalité sur le terrain pour certaines villes du Québec. Enfin, Mme le Président, par cette loi, l'actuel gouvernement veut imposer... Une voix: Est-ce qu'on pourrait avoir des exemples?

M. Giasson: II y en a à ville de Laval. En voulez-vous? On va vous en sortir par dizaines. D'ailleurs, je laisserai le député de Laval vous donner des exemples patents et précis d'erreurs que comportent les cartes. Mme le Président, il me paraît que, derrière ce projet de loi, ce n'est pas l'intérêt des cultivateurs que le gouvernement a visé.

Une voix: C'est son intérêt.

M. Giasson: C'est sa pensée nationaliste et indépendantiste. C'est sa vision, oui. M. le ministre réagit. C'est cela que l'actuel projet de loi sous-tend dans la forme et dans le libellé sous lesquels il nous est présenté.

M. Garon: Vous voulez dire qu'on a copié la Colombie-Britannique.

Une voix: Le ministre a bien soupé?

M. Giasson: On veut tenter de faire avaler une couleuvre aux agriculteurs du Québec, mais sans le leur dire de façon carrée, ouverte et transparente. Mais les cultivateurs ne sont pas bêtes et ils vont découvrir ce qu'il y a derrière cela.

Par cette loi, j'ai l'impression que le gouvernement du Québec a voulu se donner ses arpents verts. Oui, dans ce grand projet d'un Québec de demain, la loi 90 permet au gouvernement de se donner ses arpents verts. Je pense que le gouvernement s'est donné, en la personne du député de Lévis, ce qui aura été la Lisa nationale du Québec. Les arpents verts avec Lisa de M. Douglas.

M. Verreault: Arnold aussi. Une voix: Ils n'ont pas compris.

M. Giasson: Le ministre s'est plu à répéter que nous avions un million d'acres de terres en friche au Québec. J'ai fait de la recherche pour obtenir une vérification et connaître les statistiques sur le nombre d'acres qui étaient sous spéculation, sur le nombre d'acres qui étaient possédées par des cultivateurs qui n'exploitaient plus. J'ai fait des recherches auprès du ministère des Transports pour connaître le nombre de milliers d'acres de bonne terre arable possédées par le ministère des Transports au Québec et par d'autres ministères qui en possèdent. Je n'ai jamais été capable d'obtenir une statistique parce que j'ai l'impression qu'elle n'existe pas. Je mettrais même le ministre de l'Agriculture au défi de nous dire exactement le nombre d'acres de terre sous spéculation au Québec. Je parle de bonne terre agricole, du nombre d'acres détenues par des producteurs qui ne les exploitent pas, et

même du nombre d'acres de terre qui sont propriété du ministère des Transports. J'ai l'impression qu'il n'est pas capable de me répondre, qu'il va être obligé de mener une recherche telle que la réponse va mettre beaucoup de temps à venir, parce qu'on n'a pas de statistique connue de manière précise là-dessus.

M. Garon: Me permettez-vous une question?

M. Giasson: Nous avons là un projet de loi qui représentait un grand objectif pour l'avenir de l'agriculture du Québec. Il représentait un grand objectif mais ce projet de loi a une faiblesse fondamentale parce qu'il n'a aucune dimension ou disposition qui nous indique qu'on pourra l'utiliser, une fois le bon sol arable du Québec zoné. Nous n'avons aucune indication et aucune possibilité, dans la loi 90, de remettre en valeur les bons sols du Québec. Le ministre va nous dire qu'il va y avoir un train de mesures qui vont suivre; il va nous faire croire qu'il va déposer la loi qui va permettre la véritable utilisation des sols en friche; il va nous faire croire que le prochain budget va comporter peut-être $100 millions de plus que le dernier pour permettre à des agriculteurs de diversifier la production agricole, de sortir, pour un certain nombre d'entre eux, de l'industrie laitière afin de donner de nouvelles vocations à leur sol. Mais, cela, ce sont des belles promesses. On ne retrouve rien de cela dans le projet de loi.

Étant donné les motifs que j'ai invoqués depuis le début de mon intervention, étant donné cet oubli réel et visible de la personne là-dedans, c'est-à-dire du producteur agricole, étant donné l'absence de mesures dans cette loi qui nous garantissent une remise en valeur des bons sols du Québec, du million d'acres dont nous parle le ministre, étant donné l'absence de la réglementation qui va prendre une place capitale, étant donné que l'État se donne des pouvoirs énormes puisqu'il peut retirer...

M. Lamontagne: Abuser.

M. Giasson: ... de façon abusive et pour des raisons qui lui sont personnelles, il peut, d'autorité, retirer les dossiers des mains de la commission et prendre des décisions sur lesquelles la commission n'aurait plus rien à dire — vous découvrez, Mme le Président, jusqu'où cela peut aller; le gouvernement, comme tel, se donne les pouvoirs, par un article précis dans la loi, de passer pardessus la tête de la commission, de lui retirer le ou les dossiers, de statuer et d'aviser ensuite la commission du choix ou de la décision qu'il a prise — étant donné toutes ces raisons que je viens d'invoquer — ce droit de propriété qu'on brime aux producteurs, enfin, depuis le début de mon intervention, je vous ai indiqué quelques-uns des éléments en fonction de tous ces commentaires, de ces motifs et de ces raisons — je ne comprends pas et je ne vois pas comment je pourrais voter pour une telle loi dans son libellé actuel, sauf si le ministre y apportait des modifi- cations vraiment majeures avant le vote en troisième lecture. Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Mme le Président, M. le député de Rouyn-Noranda m'a demandé de lui céder la parole, étant donné qu'il doit quitter pour Montréal. Je suis prêt à lui céder la parole pour 20 minutes. Je pense qu'il a droit à 20 minutes. Mais je veux avoir le privilège de revenir.

Mme le Vice-Président: Vous cédez tout simplement votre droit de préséance, M. le député, si on peut dire. M. le député de Rouyn-Noranda, si vous me demandez la parole, allez donc.

M. Camil Samson

M. Samson: Je désire remercier le député de Huntingdon pour sa grande courtoisie. Mme le Président, quand j'ai lu le projet de loi no 90, ma première réaction a été celle-ci. Si Jacques Cartier avait été un péquiste, on serait obligé de siéger ce soir dans le champ de blé d'Inde du ministre parce qu'il n'y aurait pas Se ville dans le Canada. Mais heureusement, avant le Parti québécois, il y a du monde qui a pensé à bâtir un pays et ce pays, il s'est bâti de différentes façons. Il s'est bâti à une époque, grandement avec l'agriculture, mais il s'est aussi bâti autrement. Ce que le ministre tente de nous faire croire aujourd'hui avec sa loi, c'est qu'il veut protéger les territoires dits agricoles. Je dis bien dits agricoles, Mme le Président, parce que dans tous les grands livres verts qu'on nous a déposés, aussi hauts, aussi larges, aussi longs, aussi épais que ceux qu'on nous a déposés, dans tout cela, il n'y a rien qui nous garantit totalement d'abord que nous protégeons les terres agricoles. (20 h 30)

II y a une chose pire que cela, et je l'ai déjà entendue il y a plusieurs années de quelqu'un qui siège à ma gauche actuellement, et avec beaucoup d'à propos, Mme le Président: II y a beaucoup de monde qui nous parle de sauver l'agriculture au Québec, mais il y a très peu de monde qui nous parle de sauver l'agriculteur. Je pense que ce monsieur avait raison. Tout ce dont on nous parle là-dedans, c'est de faire une fois de plus intrusion de l'État dans les affaires des citoyens québécois, dans la vie quotidienne des citoyens québécois. Mme le Président, une loi peut être des plus injustes lorsqu'elle porte atteinte à la liberté d'un citoyen, à son droit inaliénable, à sa propriété.

Oui, c'est un droit inaliénable, le droit à la propriété! C'est un droit que tous et chacun doivent conserver ou pour lequel ils doivent lutter. Mais avec le Parti québécois, ces droits, ces coutumes, ces traditions, ces héritages, d'une génération à l'autre, de propriétés, on ne sait jamais quand il y en aura dépossession, individuelle ou collective, selon le cas. Une chose est certaine. Dans chacune des lois qu'on dépose devant nous, il y en a

un petit peu. Dans chacune des lois qu'on dépose devant nous, il y a un peu de cette goutte qui fait renverser, déborder le verre. On fait intrusion, constamment, dans les droits et libertés des citoyens québécois. Qui pénalise-t-on avec cela? On pénalise quelqu'un. On pénalise les propriétaires de terres qui ont été données souvent par l'entremise d'héritages ou qui ont été transmises de génération en génération.

Mme le Président, ce n'est pas spécifiquement la faute des agriculteurs si, dans la province de Québec, présentement, l'agriculture est en perte de vitesse, si l'agriculteur a des difficultés de rentabilité. Lorsque nous avons, dans des zones qui sont proches des villes, des propriétaires qui pourraient utiliser leur droit normal de vendre leur bien et d'en faire un profit normal, on voit un gouvernement qui s'en vient du haut de sa grandeur, Mme le Président, décider qui aura le droit, à l'avenir, et dans quel secteur on aura le droit, à l'avenir, de vendre sa terre et dans quel autre secteur on aura le droit de continuer à végéter ou de crever sur une belle terre qui n'aura pas l'occasion d'être dans le secteur vert de l'honorable ministre de l'Agriculture.

Mais on pourra être, Mme le Président, sur le bord de la clôture, par exemple. Le cultivateur qui sera sur le bord de la clôture aura l'avantage, le loisir et le plaisir de voir son voisin faire des profits avec sa terre et lui, eh bien, il pourra contempler, mais en restant pauvre, parce que le gouvernement a oublié une chose. Avant de dessiner des cartes, avant d'empêcher quelqu'un de vendre ses biens pour des fins de développement domiciliaire, on aurait dû, conformément aux promesses faites par le Parti québécois, relancer sur une base rentable l'agriculture dans la province de Québec; ce qu'ils n'ont pas fait. Mais non, ils ont oublié que, pour atteindre l'autosuffisance, il nous faut des producteurs intéressés à produire, avec des mesures qui les incitent à produire. Cela prend également de l'aide technique et de l'aide pour la mise en marché.

Actuellement, tout le monde le sait, nous importons des produits d'autres pays. Ce n'est pas avec la loi du ministre que nous allons arrêter d'importer ces produits demain matin, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas parce qu'on va empêcher un cultivateur de vendre sa terre qu'on va intéresser son fils à travailler sur cette terre, si elle ne lui rapporte pas. C'est ce que le gouvernement a oublié de faire! Il est quand même drôle de constater qu'après plusieurs générations certains propriétaires qui se sont vu transmettre des terres par héritage — nous nous rappelons que, dans le temps, ces terres étaient transmises comme suit: la terre au complet, pas de dettes et de l'argent en plus — sont rendus aujourd'hui, sur les mêmes terres données de génération en génération avec de l'argent en plus, hypothéqués à 90% et ce sont des cas nombreux.

Vous voyez comme cela va bien dans la dépossession de la terre! Si on en est rendu là, c'est parce qu'il y a eu un problème agricole, il y a eu des manquements dans les politiques agrico- les. Il n'y a pas eu suffisamment de politiques inci-tatrices. Ce n'est pas ce gouvernement qui a amélioré la situation, au contraire. Ce qu'il fait présentement, c'est chasser, en quelque sorte, de certains territoires des personnes qui autrement auraient été intéressées à y demeurer encore longtemps. Le retour à la terre, qu'on tente de vouloir prêcher par la présente loi, je peux vous en parler un peu. Il y en a déjà eu, dans le passé, des retours à la terre. Qu'on se rappelle cet effort gouvernemental des années trente où on prêchait le retour à la terre, où on a ouvert des régions complètes à la colonisation: l'Abitibi, la Gaspésie. D'autres régions du Bas-du-Fleuve, dans le Lac-Saint-Jean, ont été ouvertes à la colonisation. Le retour à la terre, c'était là le salut!

Le gouvernement, dans un geste qui, je crois, a été louable dans le temps, a tenté d'intéresser les citoyens à retourner sur les terres. Qu'est-il arrivé de ce retour à la terre? Il est arrivé qu'avec les subventions les gens sont demeurés aussi longtemps qu'ils pouvaient vivoter, ils ont défriché des terres, des soixantaines, des cinquantaines d'acres de terre; d'autres centaines d'acres parce que les lots qu'on donnait aux colons étaient de cent acres, Mme le Président. (20 h 40)

Aujourd'hui, retournez-y voir dans ces paroisses qui ne sont pas encore fermées. Il y en a plusieurs qui sont fermées, mais dans celles qui ne sont pas fermées, allons y voir et nous apercevons des terres qui sont complètement repoussées parce qu'on a oublié une chose: on a oublié que pour sauver l'agriculture, il fallait en même temps sauver l'agriculteur.

Donc, en tentant de sauver l'agriculture et en oubliant l'agriculteur, l'agriculteur a laissé la terre et s'en est venu en ville, Mme le Président, pour gagner sa vie avec sa famille. C'est cela qui est arrivé. Je suis en mesure de parler de cela. Je suis persuadé que mes collègues à gauche n'ont pas tous la même expérience là-dessus. Je suis persuadé qu'au ministère de l'Agriculture, là où on prend les décisions pour les agriculteurs, on n'a pas toujours cette expérience-là non plus.

Je vis dans une région qui n'est actuellement pas touchée par les grands livres verts du ministre, mais à quel moment ne viendra-t-on pas avec un décret parce que c'est marqué dans la loi? C'est encore une loi comme les autres, d'ailleurs; une loi qui fait qu'on a à voter et à se prononcer à l'Assemblée nationale, mais une fois que cela est fait, cela nous sort des mains et ce sont des fonctionnaires ou des commissions ou des décrets qui vont décider de l'avenir là-dedans et on ne reverra pas la loi devant l'Assemblée nationale.

Mme le Président, cette loi vise quelque chose mais passe à côté. Je ne suis pas prêt à dire que le ministre de l'Agriculture a des mauvaises intentions, mais je dis que dans ce qui se fait présentement, on est en train de nier le droit de propriété. Nous aurions pu, dans une loi comme celle-là, en profiter pour parler d'un problème que je connais très bien, parce que dans la région du Nord-Ouest québécois, nous le vivons un peu,

nous aurions pu parler des terres qui passent aux mains des étrangers. Ce ne sont pas des terres qu'on retrouve dans la bande verte du ministre de l'Agriculture aujourd'hui, celles dont je vous parle; ce sont des terres du Québec qui sont achetées par quelqu'un, par des Américains et où on fait un certain lotissement pour revendre ou bien à des Québécois ou bien à d'autres Américains. Cela, Mme le Président, c'est un problème qui dure depuis longtemps et dont nous avons parlé quelques fois.

Si j'avais vu dans cette loi une mesure visant à ce que le patrimoine agricole ou semi-agricole — parce qu'il y a du semi-agricole aussi, et on n'a pas besoin d'aller loin pour avoir des terres avec un bout de terre noire, un bout de terre jaune et un bout de roches, vous savez qu'il y en a tout le tour de nous — si on avait là-dedans, Mme le Président, pris des mesures pour empêcher que ces terres passent à des non-résidents canadiens, là il me semble qu'on aurait fait quelque chose pour protéger. Mais non, on ne retrouve pas cela. Ce que nous y retrouvons, c'est que ce sont ceux qui, par leur métier, leur profession, leur astuce, ont vu venir le coup depuis longtemps et qui se sont déjà accaparés du terrain dont ils ont besoin pour plusieurs années à venir, ceux-là qui, Mme le Président, au lieu de faire des développements domiciliaires pour des résidences unifamiliales, n'auront qu'à commencer à construire des logements en hauteur, et ils vont vendre plus cher encore qu'aujourd'hui la terre dont ils sont propriétaires.

On appelle cela, du côté du Parti québécois, de la justice sociale; c'est comme cela qu'on appelle cela, du côté du Parti québécois. Justice sociale qui va faire augmenter le coût des loyers dans les régions urbaines; est-ce que c'est cela la justice sociale, Mme le Président? Justice sociale qui va faire que M. Tout-le-Monde qui a un salaire moyen ne pourra plus se procurer sa résidence, même en 25 ans de paiements; on va l'en empêcher, parce que les développements seront restreints. La seule possibilité que ces gens-là avaient de se procurer leur maison unifamiliale avec 25, 20 ou 15 ans de paiements, c'était qu'il y avait des développements domiciliaires de disponibles. Mais, là, on restreint la possibilité de développements domiciliaires, et cette restriction est comme dans le temps de la dernière guerre mondiale quand nous avions des coupons de rationnement. Nous avions des coupons de rationnement pour du sucre, par exemple. Quand on manquait de sucre dans la maison, alors qu'on pouvait payer le sucre $0.03 la livre, si on était prêt à le payer $0.20 ou $0.30 ou $0.40 la livre, on n'avait pas besoin de coupon et on avait du sucre. C'est exactement ce qui risque de se produire là-dedans. Si on met des restrictions, cela veut dire le rationnement des terrains, le rationnement des centres domiciliaires. Rationnement veut dire: augmentation des prix, inflation, chose que ce gouvernement a toujours dit vouloir combattre.

Je dis comme l'Association des propriétaires de Québec, qui s'est prononcée sur ce projet de loi, en soutenant, comme je viens de le faire, qu'il ne faut d'aucune façon porter atteinte au droit à la propriété. Dans ce projet de loi, nous avons un exemple frappant d'une atteinte, par le gouvernement de Québec, à la souveraineté des municipalités et villes de la province de Québec. Comment trouvez-vous cela, pour un gouvernement qui recherche la souveraineté lui-même, qui se plaint que les autres ne veulent pas lui en donner? C'est une atteinte directe à la souveraineté des villes et des municipalités du Québec. La protection des terres, cela doit être aussi la protection des terriens, cela doit être aussi la protection de ceux qui l'habitent. Et comme le mentionnait, tantôt, mon collègue, le député de Montmagny-L'Islet, quand on a vu autant de publicité faite par ce gouvernement en nous disant: La personne avant toute chose, je dis qu'une fois de plus ils ont menti à la population du Québec, et c'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas, non plus, voter en deuxième lecture pour ce projet de loi.

Le Vice-Président: M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Merci, Mme le Président. Le projet de loi no 90 que l'on nous a soumis le 9 novembre dernier n'est certes pas la trouvaille du siècle. L'ancien ministre de l'Agriculture, M. Clément Vincent, avait même travaillé à un projet de loi visant une protection du sol arable au Québec. L'Union Nationale indiquait également dans son programme élaboré en 1976 ce même souci. Donc, nous sommes d'accord que nos meilleurs sols de classe A-1 puissent conserver un statut irréversible de pourvoyeur en produits alimentaires pour et au bénéfice de tous les Québécois.

Aujourd'hui, nous avons devant nous un projet de loi à la fois irrespectueux dans certains domaines, dicutable dans sa formulation, contradictoire sur certains points et imprécis sur d'autres, en plus de ne pas être complet et de ne pas apporter des solutions globales. (20 h 50)

Ce projet de loi qui vise la protection de nos sols fertiles est simplement l'aboutissement normal d'une bonne dizaine d'années de préoccupation et de sensibilisation de la part d'une foule d'intervenants. Mais, Mme le Président, je m'étonne de nouveau du silence absolu du ministre d'État à l'aménagement du territoire. Un projet de loi visant le respect des sols fertiles devrait et doit s'inscrire dans un plan global d'utilisation et d'aménagement du territoire. Une telle mesure devrait, en toute logique, émaner du ministère que le premier ministre a créé de toutes pièces et dont le titulaire n'a pu encore, à ce jour, faire sa marque dans ce domaine. On l'appelle le "silent minister ", et avec raison.

M. Jolivet: En anglais?

M. Dubois: En anglais. D'ailleurs, Mme le Président, c'est notre volonté première que la protec-

tion du territoire agricole s'inscrive dans un grand plan global d'aménagement et d'utilisation du territoire. C'est pour cela que l'Union Nationale a organisé depuis quelques semaines un colloque sur le zonage agricole, colloque qui se tiendra dimanche, le 19 novembre 1978, de 9 h 30 à 16 h 30, à l'Institut de technologie agricole de Saint-Hyacinthe. Nous avons voulu ce colloque apolitique afin que tous les citoyens, de quelque allégeance politique que ce soit, puissent y participer d'une façon intensive. Plusieurs personnalités de marque représentant différents groupements te!s que l'UPA, l'Union des conseils de comté, l'Union des municipalités, les coopératives, le Barreau et les journaux agricoles y participeront.

Nul doute que les intervenants voudront s'exprimer en marge du projet de loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole, que le ministre a déposé en cette Chambre le 9 novembre dernier.

L'élaboration d'un guide d'aménagement et d'utilisation du territoire se fait donc attendre. Malgré toutes les pressions exercées de part et d'autre par différents groupements, le manque d'une planification globale de nos futures infrastructures n'aide en rien le développement économique dont le Québec souffre énormément en ce moment. Ce gouvernement à oeillères semble oublier, dans ses vertueux désirs, que tous les secteurs d'activité qui représentent 85% de notre production nationale brute sont délaissés.

Mme le Président, j'insiste sur le fait que, premièrement, le projet de loi aurait dû s'intituler loi favorisant l'aménagement et l'utilisation rationnelle du territoire agricole; deuxièmement, qu'il aurait dû être piloté par le ministre d'État à l'aménagement du territoire. C'est, à mon sens, une gifle au ministre que je viens de mentionner et, conséquemment, un manque évident de respect pour ce ministère.

Pour ce qui a trait à la commission de contrôle que je qualifie de désignation déguisée pour, en fait, ne pas avoir voulu l'appeler régie d'État, nous ne pouvons accepter l'abus de pouvoirs dont cette commission serait investie. Elle seule possède tous les pouvoirs décisionnels et elle seule émet des ordonnances. Cette commission est donc juge et partie et exercera des pouvoirs dictatoriaux.

Dans la formation de cette commission de contrôle, on retrouve une énorme incohérence au niveau tout particulièrement du désir tant de fois exprimé par ce gouvernement de vouloir décentraliser l'administration publique. Une fois de plus, on conçoit que la constante formulation de voeux pieux, qui a fait le "trade mark" de ce gouvernement, se confirme toujours davantage.

J'ai exprimé, au mois d'octobre dernier, lors d'une motion avec débat sur le zonage agricole, que la production agricole ne se fait pas sur la colline parlementaire, mais bien dans le champ. Donc, conscient que je suis qu'il faut à tout prix rapprocher l'administration et le centre des décisions dans les régions agricoles — donc, près de l'agriculteur — je ne comprends plus du tout le ministre de l'Agriculture qui persiste à augmenter ses effectifs à Québec et à se moquer de ce qui pourrait être un service souple et motivant pour les producteurs.

Le ministre a l'audace d'indiquer qu'il y aura une participation active des conseils municipaux, mais c'est de la pure foutaise. Le projet de loi en fera tout simplement des porteurs de documents à cause du privilège qu'ils auront de seulement soumettre à la commission l'aire réservée pour fins de contrôle dans leurs municipalités respectives.

Il n'y a nul doute possible qu'une commission, telle que conçue dans le document que nous étudions, s'avérera physiquement inapte à rendre un verdict dans un laps de temps raisonnable. Les milliers de demandes qui lui seront soumises engendreront un engorgement certain dans le processus d'approbation ou de rejet.

Compte tenu des déclarations répétées du ministre d'État à l'aménagement du territoire en vue de revaloriser le rôle de nos instances locales et régionales, particulièrement les conseils de comté, il est surprenant de constater le désinvolture avec laquelle ce gouvernement donne suite à ses promesses de décentralisation. Ce projet de loi m'apparaît souffrir d'une certaine incohérence par rapport aux visées et aux intentions avouées du ministre d'État à l'aménagement du territoire, surtout à l'endroit des conseils de comté.

Donc, il faut, en toute objectivité surtout afin de ne pas ralentir et même étouffer notre économie déjà chancelante, que l'on soit beaucoup plus respectueux des besoins régionaux dans toutes les régions agricoles actuellement visées par le projet de loi. Là, j'insiste sur la participation nécessaire et logique des membres des conseils municipaux, des conseils de comté, des agriculteurs et des experts du bureau régional agricole appuyés, s'il y a lieu, par des professionnels oeuvrant dans des sphères d'activités compatibles avec les dossiers qu'on aura à analyser.

On devra modifier la structure et les pouvoirs de la commission pour tenir compte de cette réalité. Il ne faut pas perdre de vue que 85% de notre production nationale brute se situent hors de l'agriculture et de l'alimentation. Donc, ce serait faire preuve d'une irresponsabilité inadmissible de gêner nos secteurs d'activité économiques, lesquels sont nos principaux créateurs d'emplois.

J'ai pu remarquer que l'on a omis, dans les aires retenues pour fins de contrôle, une région particulièrement vulnérable à l'urbanisation sauvage. Il s'agit de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, un secteur agricole d'une grande valeur où il se pratique une urbanisation inconsidérée et vraiment néfaste pour une région qui a la possibilité, par la qualité de ses terres fertiles, d'améliorer son autosuffisance régionale et même de desservir en alimentation une bonne partie du Nord-Est québécois.

Également, je remarque que le projet de loi reste muet en ce qui a trait à la vente aux non-résidents canadiens de nos terres cultivables. Je ne peux, à ce stade-ci, passer outre à l'inquiétude manifestée par plusieurs, à savoir qu'il s'agit d'une ingérence ou d'un interventionnisme de l'État de

plus en plus profond dans la vie des Québécois. On pourrait peut-être invoquer que le sol fait partie d'un bien collectif et non individuel. Il est à considérer, je crois, qu'une acquisition de droits et privilèges transmis de génération en génération ne peut être enlevée de façon aussi ingrate et inconsidérée.

La libre disposition de nos biens devient donc chose du passé par une simple loi. En toute justice et par pur respect du travail laborieux de nos pères et ancêtres, on ne peut pas, je crois, pousser l'indécence jusqu'à ce point. Alors, une mesure que l'on considère comme d'intérêt collectif ne peut reposer sur le dos seul des agriculteurs. Il appartient donc à la collectivité d'en payer la note. Le droit civil n'a jamais interprété comme acceptables de telles dispositions législatives qui enfreignent le droit de propriété. (21 heures)

Je dénonce formellement l'attitude du gouvernement et celle du ministre de l'Agricultue, à savoir, de ne pas préconiser, dans ce projet de loi, une indemnisation respectueuse et équitable pour l'agriculteur. Quand un spéculateur achète un terrain non zoné en secteur urbain, il est conscient des contraintes qui pourraient s'ensuivre, mais il s'en sortira toujours puisque le pire qui puisse lui arriver, ce sont trois catégories de restrictions qui lui sont généralement favorables, soit: le zonage résidentiel, commercial ou industriel. L'agriculteur, lui, n'a jamais subi de telles contraintes portant aussi indûment atteinte aux libres dispositions de ses biens.

Une forme d'indemnisation doit être considérée, et ceci m'amène à faire quelques suggestions concrètes. Premièrement, disparition des droits successoraux. Deuxièmement, abolition de l'impôt sur gain de capital si la ferme est revendue pour fin agricole. Troisièmement, abolition de la taxe provinciale sur tous les équipements servant à la ferme, qu'ils soient pour le transport ou pour la manipulation des produits. Abolition de la taxe foncière sur le fonds de terre seulement. Et comme je l'ai déjà précisé, une loi qui s'interprète comme mesure collective bénéfique doit être supportée par la collectivité. Donc, je propose la possibilité d'appliquer un droit de mutation sur toute vente de terre ou de lot en dehors des zones réservées à l'agriculture.

Poursuivant sur les mesures fiscales, je voudrais que le ministre soit conscient qu'en portant de 40% à 70% le remboursement des taxes scolaires et municipales, il pénalise indirectement, il va de soi, l'agriculture et les véritables agriculteurs, puisque ce rabais s'adresse indistinctement aux vrais agriculteurs comme aux agriculteurs de fin de semaine qui ont le statut de producteurs agricoles pour autant qu'ils ont $1000 de revenus par année ou plus.

Ces derniers dont on peut évaluer le nombre entre 9000 et 10 000 au Québec privent nos producteurs agricoles de sommes d'argent qui devraient être consacrées aux professionnels de l'agriculture et non aux professionnels urbains en vacances à la campagne, ce qu'on appelle les "gentlemen farmers". En vérité, c'est le véritable agriculteur qu'on doit aider et, dans cet esprit, l'on pourrait mieux financer de vraies mesures de relance agricole dirigées vers les vrais et authentiques producteurs. Il faudrait réviser le minimum en valeur de production pour fins de reconnaissance du statut de producteur agricole admissible à une carte de producteur, le rendant aussi admissible aux avantages que comporte cette reconnaissance. Conaissant les coûts de production dans divers domaines, $1000 de production donnent comme résultat net rarement plus de $400 et généralement moins. Donc comment peut-on, en toute équité, ne pas prévoir des amendements sur la reconnaissance de statut de producteur?

M. le Président, dans un autre ordre d'idées, il m'apparaît antidémocratique qu'un citoyen, lésé dans ses droits par une décision qu'il trouve inacceptable, n'ait pas un droit d'appel à la commission de contrôle. Si on était en Russie, je n'invoquerais pas cet aspect de la loi, mais il me semble que nous ne sommes pas encore à l'état de régime dictatorial et que, par conséquent, tout contribuable, dans un respect intégral des droits de l'homme, doit avoir le privilège de contester ou revendiquer, soit par la Cour provinciale ou soit par le tribunal d'expropriation, une décision injuste ou inéquitable.

Au simple point de vue juridique, il existe dans ce projet de loi quelques contradictions notoires très importantes qui crèvent même les yeux. Par exemple, le projet de loi est censé s'appliquer au gouvernement, à ses ministères et à ses organismes. En principe, c'est très bien, mais à la lecture du projet, l'on peut facilement déceler que le gouvernement s'est gardé des portes de sortie qui, à leur face même, me paraissent abusives et contraires à l'esprit du projet de loi.

À titre d'exemple, il est prévu que le gouvernement peut, après avoir pris l'avis de la commission, exclure un lot d'une zone agricole pour fins d'un ministère ou organisme public. Il s'agit d'une clause d'exception que le ministre doit justifier. Je trouve absolument inadmissible que le gouvernement ne soit pas obligé de tenir compte de l'avis de la commission. Je me demande si ce pouvoir d'exception ne devrait pas être confié à la commission, qui, j'en suis certain, saura évaluer à sa juste valeur une telle demande de la part du gouvernement.

Mais ce qui est encore plus grave, c'est que le projet de loi permet au gouvernement, simplement par un avis écrit à la commission, de soustraire une affaire à sa juridiction sans même l'obligation de justifier son geste.

Des voix: Ah! Ah! Oui?

M. Dubois: II s'agit là d'une usurpation de pouvoir, d'une clause qui peut facilement conduire le gouvernement à un abus de pouvoir. Si l'on crée une commission, je trouve inadmissible que l'on prévoie la possibilité de lui enlever tout pouvoir d'agir dans une affaire qui tombe sous sa juridiction. Cela me semble contraire au bon sens

et à une juste conception du rôle et de la place du gouvernement dans notre société.

Il en est de même pour les pouvoirs réglementaires. Lorsque j'ai demandé au ministre, il y a quelques jours, s'il avait l'intention de nous remettre les règlements qui seront adoptés en vertu de ce projet de loi, il m'a répondu que ce n'était pas nécessaire, vu qu'il s'agissait de questions de procédure. Or, cette affirmation confirme l'ignorance du ministre dans ce domaine et ne tient pas compte de la réalité. Il m'apparaît très important de connaître, avant l'étude article par article, la nature et la portée des règlements qui seront adoptés. Premièrement, afin que l'on puisse identifier les cas d'enlèvement de sols arables qui ne requièrent pas de permis — ce sont des cas d'exception à la règle — et cela prend des règlements. Identifier les fins municipales pour lesquelles une municipalité, une corporation de comté ou une communauté peut, sans l'autorisation de la commission, utiliser un lot situé dans l'aire retenue pour fins de contrôle, ceci est un autre cas d'exception à la règle générale. Déterminer la forme de la garantie qui peut être exigée pour obtenir un permis d'exploitation, les cas où la garantie peut être confisquée, ce qu'elle en devient en cas de réalisation et la façon dont on en fait la remise lorsqu'elle n'est plus requise, c'est important tout cela, car on touche le porte-feuille des agriculteurs déjà favorisés au plan financier.

M. Grenier: C'est plus que ce que le ministre... M. le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: La plus flagrante de toutes, M. le Président, c'est la clause omnibus qui permet au gouvernement, par règlement seulement, de déterminer toute autre mesure nécessaire à l'application et au bon fonctionnement de la présente loi. Lisez votre projet de loi!

M. Grenier: C'est cela, mais les articles, je les ai déjà lus.

M. Dubois: M. le Président, une telle clause est vraiment inacceptable, dénonçable et tout à fait contraire aux traditions législatives qui prévalaient dans cette Chambre depuis quelques années. Nous ne voyons aucune nécessité pour une telle clause dans ce projet de loi et il nous apparaît tout à fait nécessaire et logique que cette clause soit biffée du projet de loi. D'ailleurs, nous aurons l'occasion d'en parler lors de l'étude article par article en commission parlementaire.

M. le Président, l'environnement est un autre domaine où le vrai chaos existe. J'ose espérer que le ministre de l'Environnement livrera devant cette Assemblée son appréciation d'une mesure incluse dans le projet de loi qui ne permet pas à un propriétaire de bâtiment résidentiel, commercial, industriel ou institutionnel, construit postérieurement à la délivrance d'un certificat d'autorisation en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement, 1972, chapitre 49, ou de ses règlements, de porter plainte ou agir en justice pour demander des dommages-intérêts ou empêcher l'exploitation ou le développement de cette ferme en raison de sa proximité ou des odeurs ou bruits qu'elle dégage. À ce stade-ci, je dois dire que l'Union Nationale est extrêmement heureuse qu'une telle clause ait été insérée dans la loi. Il est temps que les citadins cessent d'importuner indûment les agriculteurs, pour cause, surtout, de mauvaises odeurs. Si les Québécois désirent dans l'avenir obtenir en quantité et en qualité des produits de la ferme, je suggère qu'ils respectent les droits des premiers occupants qui furent de toujours nos agriculteurs. (21 h 10)

Je réitère donc ma demande au ministre de l'Environnement pour que le dossier concernant l'environnement agricole soit remis au ministre de l'Agriculture, lequel nous a paru moins inconscient de la fonction de l'agriculteur et du rôle primordial qu'il joue dans notre économie. J'achève de lancer des fleurs.

Le ministre de l'Environnement est sûrement habilité à légiférer sur la pollution urbaine et industrielle, mais sûrement pas sur des questions relevant exclusivement de la compétece agricole. Donc, l'environnement agricole doit exclusivement être administré à partir des bureaux régionaux du ministère de l'Agriculture afin qu'une fois pour toutes les fermiers spécialisés en production animale puissent être desservis convenablement, équitablement et rapidement par des gens du milieu, lesquels pourront mieux apprécier l'opportunité d'émettre ou non des permis.

Dans l'enchaînement de mesures incitatrices et de programmes agricoles, il faudrait faire une mise au point en indiquant au ministre que le Québec fait et fera toujours partie du Canada. Je le mets en garde contre sa tendance évidente, à pratiquer du séparatisme agricole. Je suis le premier à désirer une meilleure autosuffisance, une meilleure productivité de nos sols, une plus grande diversification de nos productions et une transformation accrue. Dans une saine économie, il faut principalement viser les domaines où il y a des avantages comparatifs à produire et à transformer Nous avons besoin du Canada et le Canada a besoin de nous. C'est pourquoi je dénoncerai toute pratique de séparatisme agricole où les Québécois auront à chèrement payer tout geste en ce sens.

Je poursuis tout de suite avec une autre mise au point. J'avise le ministre qu'il devra, à l'avenir, être très prudent pour la sanction de nouveaux plans conjoints lesquels ne seraient pas votés, en référendum, par au moins 60% des producteurs visés. J'insiste surtout sur le fait qu'ils ne représenteraient pas également au moins 60% de la production en question. je veux établir ici clairement que pour l'Union Nationale tout projet de zonage agricole doit aller de pair avec une série de mesures visant à améliorer nos productions agricoles et à rentabiliser notre agriculture. L'Amérique du Nord a acquis la réputation d'offrir le plus haut standard de vie au monde grâce à la reconnaissance de l'initiative

privée pour ses citoyens et grâce aussi au respect intégral de "l'entrepreneurship". Donc, dans le grand désir qu'a le Québec d'atteindre une meilleure autosuffisance, il y a des secteurs où il faudrait concentrer beaucoup plus d'énergie. Nous savons que 21% des sommes d'argent dont disposent les Québécois sont dépensés dans les aliments et boissons. Nous savons également que nous sommes déficitaires, dans ce secteur, d'environ $2 500 000 000. De là une mise en valeur intensive des ressources de chacune des régions agricoles du Québec s'avère très urgente. Pour certaines régions, il y a lieu d'offrir aux producteurs laitiers une alternative aussi rentable que le lait, afin d'exploiter des potentiels sous-utilisés et de diversifier l'agriculture, soit intensifier le développement de la production bovine selon la formule de finition en parc d'engraissement. Cette dernière mesure doit s'accompagner évidemment du développement de la production céréalière et des céréales fourragères.

Sans vouloir le répéter pour la xième fois, le développement des productions en serre est également très important.

Une voix: ... n'est pas d'accord avec lui. M. Garon: Les érablières.

M. Dubois: II faut admettre qu'il est urgent qu'on décentralise tout de suite l'administration massive et extrêmement lourde de l'agriculture telle qu'elle se pratique à Québec. Je répète que c'est dans le champ que se fait l'agriculture. Il faut que chacune de nos régions agricoles puisse offrir tous les services requis par l'agriculteur, non pas à partir de Québec, mais bien dans les bureaux régionaux. Que ce soit pour fins de crédit agricole ou pour fins d'émission d'un permis touchant l'environnement ou autre, il faut que tous les programmes agricoles puissent être mis à la portée des producteurs non pas en communiquant avec Québec mais bien avec leurs bureaux régionaux.

Également, d'autres mesures incitatives et motivantes pour l'agriculteur devraient être mises de l'avant. À titre de suggestion, je crois qu'il serait, en 1978, réaliste de porter de $15 000 à $50 000 le montant sur lequel l'Office du crédit agricole accorderait un intérêt de 2,5%.

Je préconise aussi d'augmenter de trois quarts d'heure/acre à une heure/acre les subventions pour travaux mécanisés et que ceux-ci soient subventionnés à 75% au lieu de 50% comme actuellement. Une politique globale, aussi, d'assainissement des sols s'impose à cause de l'incapacité d'absorption de nombreux cours d'eau, ceci causé par l'évacuation plus rapide des eaux qu'ont amenée le drainage agricole et les nombreux travaux mécanisés. M. le Président, la protection des terres arables ne pourra s'avérer efficace que si l'on inculque, par mesures incitatives et par de sérieux programmes de relance, le goût de cultiver le sol. L'attrait du sol chez nos jeunes devient donc plus que jamais une préoccupation première.

M. le Président, j'aimerais traiter quelque peu de main-d'oeuvre agricole. Savez-vous qu'au Québec des jardiniers maraîchers, des pomiculteurs et des producteurs de tout genre de cultures doivent avoir recours annuellement à de la main-d'oeuvre importée de pays tels que Porto Rico, Jamaïque, Haïti, Mexique, pour n'en nommer que quelques-uns? Savez-vous aussi, M. le Président, que pendant ce temps, le ministre des Affaires sociales paie des prestations d'aide sociale dans la catégorie des 18 à 34 ans à 93 636 ménages et personnes seules? Ceci représente, par déduction, approximativement 120 000 personnes de 18 ans à 34 ans au Québec qui reçoivent des prestations d'aide sociale. N'est-ce pas là une situation intolérable et économiquement catastrophique? Nous importons de la main-d'oeuvre et laissons à ne rien faire ces assistés sociaux. N'est-il pas temps de remédier à cette situation? Je crois, M. le Président, que ces 120 000 personnes âgées de 18 à 34 ans forment un bassin de main-d'oeuvre agricole tout désigné. De plus, certaines d'entre elles pourraient aussi acquérir un goût particulier pour le sol si des mesures énergiques étaient entreprises.

Il y a également un autre domaine qui me préoccupe énormément. Il s'agit du manque de nationalisme économique des Québécois. Si nous étions, ici au Québec, seulement aussi protectionnistes et aussi respectueux envers nos producteurs que le sont les Ontariens envers les leurs, notre économie s'en porterait énormément mieux. À cet égard, je proposerais que, chez les détaillants en alimentation et dans les secteurs mous de notre industrie, l'obligation soit imposée d'identifier les produits d'ici faits au Québec par un sigle universel. Là, nous pourrions constater si vraiment les Québécois sont nationalistes en pratique plutôt qu'en paroles seulement. D'avance, je suis persuadé qu'une telle mesure serait énormément valable pour nos producteurs maraîchers, nos usines de transformation en agro-alimentaire, ainsi que pour les industries de meubles, de chaussures et de lingerie.

Une voix: Très bonne suggestion.

M. Garon: Vous êtes dans le vestibule du séparatisme.

M. Cordeau: Non, non, nationalistes, mais pas séparatistes.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais qu'on revienne à la loi de la protection des terres agricoles.

M. Dubois: J'y reviens. Merci, M. le Président.

Je tire à la fin une conclusion. Je répéterai, quand même, que le projet de loi 90 présenté par le ministre de l'Agriculture n'est certainement pas la trouvaille du siècle. Je lui lui ai dit tout à l'heure. Même si nous désirons que certains de nos sols fertiles soient protégés, cette législation ne s'inscrit pas dans la logique d'un plan global d'utilisation et d'aménagement du territoire. Nous retrouvons aussi dans ce projet de loi plusieurs points

imprécis et contradictoires. Aussi, l'appellation du projet de toi n'est pas juste. Il n'est pas piloté par le bon ministre responsable de l'utilisation et de l'aménagement et, par le fait même, n'émane pas du bon ministère. (20 h 20)

Enfin, je n'accepte pas, pour nos élus locaux, nos conseils municipaux, nos conseils de comté qu'on les traite purement et simplement en porteurs de documents. C'est ce qu'on leur réserve pour l'avenir. En conclusion, le problème du Québec, je crois, n'est pas un manque de superficie, de bons sols cultivables, mais plutôt un manque de rentabilité à produire avec avantages comparatifs. Donc, je ne crois pas que le projet de loi 90 réglera le problème no un de l'agriculture québécoise, c'est-à-dire sa rentabilité. Cette loi nous mènera plutôt vers une plus grande centralisation, une plus grande bureaucratie et une agriculture qui nous est servie à la sauce séparatiste. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, le premier mot qui me vient à la bouche, au début de cette intervention, serait le mot: Enfin! Enfin, nous avons devant cette Assemblée nationale un projet de loi pour la protection des sols. Tous ceux qui ont la chance, par les media d'information ou par la télévision, d'entendre les débats de cette Chambre ont, sans doute, compris, surtout après avoir entendu les trois dernières interventions, du représentant de l'Union Nationale, de je ne sais plus quel parti en ce qui regarde le député de Rouyn-Noranda et du député libéral, les gens ont compris de quel bois on se chauffe et de quel bois ils se chauffent. Depuis des dizaines d'années qu'on parle de zonage agricole, de protection des sols arables au Québec. Nous, depuis dix ans, c'est inscrit dans notre programme politique et, à peine après deux ans de pouvoir, on a réalisé nos engagements formels, écrits en toutes lettres, décidés par des milliers de militants en congrès et nous allons le réaliser.

Ce n'est pas le seul point, d'ailleurs, dans notre programme politique que nous allons réaliser, qui ait fait l'objet de moult discussions dans le passé. J'ai eu la chance de lire des discours enflammés du chef parlementaire du Parti libéral actuel, M. Gérard D. Levesque, dans les années soixante-deux, qui parlait de "déclubage" au Québec, et de M. Loubier, de l'Union Nationale, en 1967, qui parlait aussi d'accessibilité à la faune au Québec, sans jamais rien faire. Le Parti québécois, dès son accession au pouvoir, a réalisé l'accessibilité à la faune. Et, indépendamment de quelques individus touchés dans leurs intérêts personnels, la grande majorité des Québécois est heureuse de cette politique et de ce courage et de cette volonté politique démontrée par notre gouvernement.

M. Michaud: Excellent!

M. Chevrette: Je ne peux passer sous silence, M. le Président, les deux ou trois autres sujets qui avaient fait l'objet de nombreuses tergiversations, de nombreuses discussions au niveau des oppositions. Même au moment où ils étaient au pouvoir, combien d'heures ont-ils perdues à discuter sur l'assurance automobile et sans jamais poser de gestes concrets? Combien d'heures ont-ils perdues à parler de financement des partis politiques? Combien de tentatives de règlements, M. le Président, ont-ils faites pour régler le problème des petits abattoirs, sans jamais y réussir? Et, à peine après deux ans, on a attaqué le problème et on a réussi.

Tout cela pour vous dire qu'un gouvernement qui a une volonté politique, qui a un programme politique, qui respecte son programme politique, c'est cela qu'attendent les Québécois qui nous écoutent. Pas des individus, en face de nous, qui parlent contre une loi et qui tantôt — surtout, je pense au député de Saint-Hyacinthe, je pense au député de Huntingdon — vont avoir à voter pour ou contre le principe de la protection des sols arables. J'ai hâte que les cultivateurs de ces deux milieux en particulier voient le geste de leurs propres députés qui vivent dans des comtés ruraux...

M. Grenier: On va voter contre, ne vous en faites pas. Ils vont voter contre si cela reste ainsi.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais vous faire remarquer que je n'ai dérangé aucun député.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Si vous vous sentez trop agacé, sortez, maître.

Le Vice-Président: M. le député de Joliette-Montcalm, allez.

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas l'intention ce soir de développer l'importance de ce projet de loi puisque le ministre de l'Agriculture l'a fait. Il l'a fait d'une façon tout à fait non partisane. Il a démontré, hors de tout doute, tout le rôle sur le plan économique de cette industrie agricole. Bien sûr, cela peut agacer l'Opposition de voir qu'un ministre prend ses dossiers autant à coeur et démontre à la face des Québécois tout le pouvoir sur le plan économique qu'engendre cette industrie. On sait que l'agriculture engendre au-delà de 200 000 emplois et que c'est sérieux. Nos cultivateurs québécois vivent depuis des années une période d'incertitude. On s'est fait servir cette sauce par l'Opposition pendant des mois et des mois. Je me demandais si elle avait appris uniquement ce mot dans le vocabulaire québécois:

incertitude. Les cultivateurs, que d'incertitude ont-ils vécue sous les régimes précédents? Ils n'ont jamais pu savoir si le gouvernement entendait faire de l'agriculture une véritable industrie québécoise. Ils n'ont jamais pu savoir si les gouvernements y croyaient véritablement à cette industrie de base. Ils n'ont jamais pu savoir si leur propre ministre de l'Agriculture du temps avait la confiance des cabinets politiques ministériels. Il y a M. Kevin Drummond qu'on peut nommer qui en a parlé du zonage agricole, qui a vraiment essayé de le faire passer, mais où cela bloquait-il? Est-ce que la constitution de ces partis politiques est vendue carrément uniquement aux spéculateurs ou aux agriculteurs québécois? Comment se fait-il que 102 députés, avec un ministre qui y croyait et un ministre respectable en la personne de M. Kevin Drummond, n'aient pas réussi à vendre au gouvernement Bourassa la moindre mesure de protection des sols arables? L'incertitude, les cultivateurs, les agriculteurs l'ont vécue. De 393 000 acres sous spéculation, on se retrouve aujourd'hui à un million. Il faudrait laisser faire! Le Parti libéral vient d'annoncer ses couleurs, le Parti libéral va voter contre le principe parce que, en deuxième lecture, on vote contre le principe de la protection des sols arables. Je suis heureux de voir que, pour une fois quand même, il n'y a pas d'hypocrisie. Ils ont clairement identifié leurs couleurs, ils ont choisi un groupe bien minoritaire d'individus alors que, nous, on a fait notre lit; tout à fait l'inverse. Je suis content parce que, sur la loi des consommateurs, c'était de l'hypocrisie totale. Ils ont parlé contre tout le temps et voté pour. Là, au moins, ils parlent contre et ils voteront contre. Pour une fois, je dois les féliciter.

M. le Président, je ne veux surtout pas passer sous silence des incohérences qui sautent aux yeux. Le député de Montmagny-L'Islet a prononcé un discours d'une heure et dix minutes environ — il n'est pas ici présentement d'ailleurs, j'aurais aimé qu'il le soit — et le même député qui demandait tantôt des chiffres au ministre de l'Agriculture nous disait en commission parlementaire il y a environ un mois que les parcelles de terre qui appartiennent au ministère des Transports seraient suffisantes pour créer une recrudescence en agriculture. Vous n'auriez même pas besoin de zonage! Ce soir, il nous arrive et nous dit dans un premier temps: Vous en avez zoné beaucoup trop. Et, dix minutes après; Vous n'en avez pas zoné assez. Je ne sais pas si c'est à cause de celui qui a préparé son texte, mais il y a eu une contradiction dans l'espace de dix minutes, en disant par-dessus le marché au bout de la course: Je n'ai pas de chiffres. Vous lirez attentivement le journal des Débats et vous le découvrirez, M. le Président. (20 h 30)

Je voudrais aussi dire ceci: Des affirmations gratuites, il y en a eu ce soir. Pas de droit d'appel dans la loi. Le projet de loi, on peut le lire ou on peut ne pas le lire; on peut le comprendre ou ne pas le comprendre. Dans le cas du député de Montmagny-L'Islet, c'est l'un ou l'autre. J'ai eu l'impression qu'il ne l'avait pas lu, parce que l'article 18 se comprend par quelqu'un qui sait lire. Donc, je prétends qu'il ne l'a pas lu puisqu'il ne l'a pas compris.

Je voudrais aussi regarder de plus près une argumentation qui a été fournie par deux députés, le député de Montmagny-L'Islet et le député de Rouyn-Noranda, mais je répondrai surtout au député de Montmagny-L'Islet, puisqu'il vaut ordinairement la peine de répondre à celui-ci. L'autre, je l'ignorerai purement et simplement.

L'atteinte au droit de propriété. Imaginez-vous! On zone des terres agricoles et on porte atteinte au droit de propriété. Comme cela, tout conseil municipal qui décide de zoner sa paroisse en zone industrielle, en zone agricole et en zone résidentielle porte atteinte au droit de propriété. J'ai eu l'impression que ces hommes qui prêchaient le bon ordre étaient des anarchistes, à toutes fins utiles, puisque toute loi qui vient encadrer des droits individuels dans un droit collectif porte atteinte au droit de propriété. Franchement, ce n'est pas l'incohérence qui vous étouffe parce que vous seriez tous morts.

Aujourd'hui, dans plusieurs villages du Québec, dans plusieurs paroisses, on a des règlements de zonage. On a décidé que telle région dans telle paroisse serait pour une zone industrielle, que tel autre coin de la paroisse serait pour une zone résidentielle. Pourquoi cela s'est-il fait? Il ne faudrait pas être dupe et il ne faudrait pas être aveugle. C'est parce que cela se développait d'une façon totalement incohérente. Vous savez qu'il y avait des petits îlots de bungalows qui perçaient ici et là, dans les paroisses, à un mille ou un mille et demi du village. Après sept ou huit ans, vous disiez que pour dix, douze ou quinze bungalows, cela prenait des équipements collectifs et le pèlerinage à Québec commençait pour aller chercher des subventions pour apporter à cet îlot de bungalows des services d'aqueduc et d'égout. Combien cela coûtait-il? Combien coûtaient ces folies éparpillées un peu partout et bien souvent sur nos meilleurs sols? Il y en avait partout dans les villages. Il y a des municipalités dans mon comté qui ont 156 milles de route pour une population de 1500 y résidant à l'année. Il y a d'autres municipalités dites non touristiques mais agricoles où il y a 120 milles de route intérieure pour aller desservir ici et là, au bout des rangs. Je vois le député de Bellechasse qui me dit: C'est vrai. On vit cela. Vous êtes pour cela, par votre geste, lorsque vous dites non au zonage agricole, non au principe même de la protection des sols arables. C'est ce que vous dites: Continuons à perpétuer ce développement sauvage, ce développement incohérent, total, qui demande ensuite à la population restante de se surtaxer pour donner des services en plus d'amputer des sols arables qui sont une source de génération sur le plan économique. Vous savez cela. En disant non au principe, l'Opposition libérale fait fi de toutes les revendications qu'ont faites les agriculteurs.

Le député de Montmagny-L'Islet disait que ce projet de loi était issu de milieu urbain. Je ne croyais pas que l'UPAétait née en milieu urbain; je

croyais que l'UPA travaillait et oeuvrait toujours dans le milieu rural.

Il y a aussi des maires de certaines municipalités et des échevins de certaines municipalités qui, ce soir, en écoutant les débats, ici, seront heureux de voir que le ministre de l'Agriculture a inclus dans sa loi la création d'une commission de contrôle. Ils seront heureux parce qu'ils l'ont demandée eux-mêmes. Ils seront heureux parce qu'ils savent très bien que sous la pression structurée et organisée de certains petits milieux composés en grande majorité de non-agriculteurs, sous la pression de spéculateurs habiles, les gens sont obligés de plier. On vit cela quotidiennement dans nos milieux ruraux. Je suis dans la deuxième région agricole de la province pour ce qui est de la beauté après la rive sud, mais je pourrai dire que, sur la rive nord, c'est la plus belle région agricole. Je peux vous dire qu'il y a des maires et des échevins qui ont compris qu'ils ne pouvaient plus lutter à armes égales contre certains spéculateurs et ils sont fiers d'avoir une commission de contrôle. Avec elle, par exemple, ils vont travailler à développer d'une façon très cohérente leurs développements domiciliaires, l'aménagement de leur site, l'aménagement de leur propre territoire, M. le Président.

Il y en a d'autres aussi qui ont été politiquement dans l'obligation de dire "je suis contre", mais qui éprouvent beaucoup d'amertume de voir combien ils se sont fait passer des sapins dans leur milieu. Il y avait de très belles terres à côté de chez eux. Ils auraient voulu agrandir leur propre patelin et voient s'ériger à côté d'eux une série de bungalows. Ma terre est trop petite pour être rentable, je voudrais l'agrandir, mais je ne peux pas rivaliser avec les spéculateurs. C'est cela qui se passait quotidiennement.

Il y a de nos jeunes qui viennent nous voir dans nos bureaux de comté, vous le savez, messieurs les députés, même de l'Opposition. Ils viennent vous dire: J'ai un refus du crédit agricole. Je ne peux pas grossir parce que je n'ai pas assez grand de terre. Ce ne sera pas rentable. Ils nous disent cela. Là, on leur offre l'opportunité d'agrandir leurs terres pour rendre rentable l'agriculture au Québec et d'éviter par le fait même un développement sauvage. C'est cela que dit le projet de loi. N'essayons pas de garrocher de la poudre aux yeux de la population. C'est cela que dit le projet de loi: possibilité, d'abord, d'accroître leur production pour ceux qui sont en place, et, deuxièmement — c'est aussi un aspect très important — le jeune agriculteur ne sera pas étouffé par une concurrence déloyale du spéculateur quand il va vouloir s'établir sur une terre.

Vous oubliez cela aussi. Peut-être que vous avez uniquement la notion urbaine, vous autres. Mais, dans les milieux ruraux, notre jeune cultivateur qui est obligé d'investir $200 000, $250 000 et $300 000 sur une ferme, qui aurait le goût de l'acheter — elle est vendable, elle est tout près de chez lui, dans le même rang que son père — n'est pas capable de le faire à cause de la spéculation et cela fait un petit gars qui est écoeuré de la vie, de la vie agricole. On le désoeuvre. Ce n'est pas cela du tout l'objectif du projet de loi. C'est de donner une chance à ce jeune de s'installer sur une terre pour produire et de vivre dans le milieu où il a été habitué à vivre. Cela, vous le savez, les députés des milieux ruraux. Dans vos interventions, ne vous laissez pas emplir par ceux qui croient se porter à la défense des cultivateurs avec toutes sortes de prétentions et d'argumentations fausses.

Dans le fin fond, ce qu'ils recherchent, c'est de protéger leurs petits amis. Ils se sont bien identifiés à ces gens. M. le Président, je crois que le ministre de l'Agriculture, par le dépôt de cette loi, a vraiment démontré que notre gouvernement avait cette volonté et ce courage politique de se préoccuper de l'avenir économique du Québec en posant ce geste aujourd'hui. C'est peut-être la première fois au Québec qu'on a un bilan aussi important, un bilan aussi positif des effets de l'agriculture sur l'économie de notre province. C'est peut-être la première fois qu'une Assemblée nationale au Québec a cela devant elle par un ministre de l'Agriculture qui a présenté un discours très très mollo, non partisan, non teinté de partisanerie, comme l'ont fait les gens de l'Opposition.

Nous avons montré nos couleurs; nous étions prêts à poser un geste pour sauver l'agriculture au Québec. Nous voulons assurer la relève agricole et nous voulons faire en sorte que les agriculteurs du Québec aient des possibilités d'expansion et non pas d'étouffement par la spéculation. C'est cela que vise le projet de loi, M. le Président. Et ce projet de loi, par ricochet, a quelque chose de formidable parce qu'il vient rendre service aux consommateurs. Si on augmente notre potentiel agricole au Québec, de facto on rend service aux consommateurs québécois parce qu'une meilleure production assurera une meilleure qualité et des meilleurs prix aux consommateurs québécois. J'ai entendu un seul député rural dire cela dans cette Chambre; c'était un député de l'Union Nationale que je remercie d'ailleurs là-dessus.

Ce sont des choses concrètes qu'il faut dire aux Québécois au lieu d'essayer de leur faire peur ou de se garrocher derrière le voile du droit individuel. La liberté collective entravera toujours certains droits individuels et, dans une société qu'on ne veut pas anarchique, messieurs mes amis d'en face, c'est cela les règles du jeu, c'est cela, les règles démocratiques. Il ne faut pas avoir peur de montrer ses couleurs et, là-dessus, je vous félicite de l'avoir fait, petits amis des spéculateurs. (21 h 40)

M. le Vice-Président: M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: M. le Président, n'en déplaise au député de Joliette-Montcalm, c'est un député de milieu rural qui prend la parole à sa suite et qui ne sera peut-être pas tout à fait d'accord avec ce qu'il vient de dire. Je pense — c'est bien important — que les gens de mon milieu me connaissent et

savent à quel point j'étais un de ceux — et je le suis encore — qui sont en parfait accord avec ce qu'on a appelé le zonage agricole. Mais je pense qu'il y a quand même des choses que nous devons respecter. Il y a quand même des principes qu'on doit accepter dans un tel projet de loi. On ne peut pas, sous prétexte de faire une loi intitulée Loi sur la protection du territoire agricole, la faire à n'importe quel prix, la faire payer par les seules et mêmes personnes, c'est-à-dire les agriculteurs.

J'ai appris, depuis que je suis en cette Chambre, M. le Président, à me méfier des beaux emballages et à me méfier des grands titres ronflants. Je préfère plutôt écouter avec beaucoup d'attention les paroles que le ministre dit en cette Chambre durant l'étude en deuxième lecture et, par ses paroles, essayer de trouver son orientation. J'ai écouté attentivement l'honorable ministre de l'Agriculture, cet après-midi. Il semblait dire que ce projet de loi numéro 90 viendrait régler le problème — et ce, de façon presque définitive — de l'autosuffisance en matière agricole au Québec. Je pense — c'est bien regrettable — à moins d'être bien naïf, que ce n'est pas le fait de protéger le sol arable au Québec qui va régler le problème d'autosuffisance comme tel si, comme l'a dit mon collègue de Montmagny-L'Islet, ce n'est pas accompagné d'autres lois à l'intérieur du même projet — pas des promesses du ministre — d'autres lois, des règlements découlent de ce projet de loi qui pourraient garantir, justement, aux agriculteurs cette autosuffisance.

Tout ce qu'on fait avec ce projet de loi, c'est d'aller s'installer chez l'agriculteur du Québec et lui dire: Maintenant, tu n'es plus maître chez toi. C'est nous qui décidons. C'est nous qui décidons si tu dois te bâtir ou non et c est une commission d'appel qui va décider cela. Ce qui est encore pire, le député qui m'a précédé tantôt — et c'est peut-être pour cela que je vous dis que je me méfie des emballages, je me méfie de ce que les gens nous disent à un moment donné — j'ai bien entendu, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, le député de Joliette-Montcalm a dit qu'il y avait des gars, de ce côté-ci de la Chambre, qui ne savaient pas lire. Il a dit: L'article 18, allez voir là-dedans, il y a un droit d'appel. Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de droit d'appel. C'est la commission tout simplement, qui décide de réviser sa décision, c'est-à-dire qu'elle décide de prendre une autre décision, elle ne fait que réviser si sa première décision était bonne. C'est cela qu'on appelle un mécanisme d'appel? Eh bien! j'ai l'impression que je sais doublement plus lire que le député de Joliette-Montcalm. Quand on donne un emballage comme cela, cela devient dangereux de lire les emballages sur le dessus d'un projet de loi.

Quand on est capable de dire, en pleine télévision, qu'il y a un mécanisme d'appel, à l'article 18, et qu'il n'y en a pas, on ment grossièrement à la population. Nous, de l'Opposition, que pouvons-nous penser d'un tel projet de loi? Qu'est-ce que le gouvernement a derrière la tête? Qu'est-ce qu'il veut cacher à la population du Québec? Veut-il vraiment défendre les intérêts des agriculteurs du Québec comme il le mentionne? Je me permets d'en douter. Jusqu'à preuve du contraire, je vais en douter. Je vais arrêter d'en douter, comme je l'ai mentionné tantôt, à la simple et unique condition que le ministre de l'Agriculture accepte de déposer des lois, deux, trois, quatre ou cinq lois, avec un budget, évidemment — sans budget, il ne sert à rien d'en parler — d'une centaine de millions additionnels qui viendront vraiment en aide aux agriculteurs du Québec.

Dernièrement, on a eu une commission parlementaire sur l'environnement. À l'occasion de chaque mémoire présenté devant la commission, j'ai fait exprès pour demander aux agriculteurs qui devait payer la note sur l'environnement, la dépollution agricole au Québec, même le zonage ou tout ce qui peut toucher le domaine agricole au Québec. Tous étaient unanimes, la seule façon de protéger nos sols agricoles au Québec, la seule façon de dépolluer le Québec dans le secteur agricole c'était une volonté politique du gouvernement de consacrer $100 millions, $200 millions, $300 millions ou $400 millions pour essayer de protéger tout cela et de dépolluer le Québec. C'est aussi vrai pour la protection des sols. On demande à la même catégorie de personnes de faire les sacrifices nécessaires pour se protéger. Cela ne changera rien, cette loi, au fait que certaines petites municipalités ont 100 milles et 200 milles de chemin, et cela leur occasionne des coûts additionnels épouvantables. Ce n'est pas cette loi qui va le changer, cela va empêcher de construire, évidemment, c'est sûr. Mais ce qui est fait est fait.

Je pense qu'il est important qu'on souligne que le projet de loi déposé devant nous comporte beaucoup plus d'inconvénients pour l'agriculteur comme tel. Quand je parle d'inconvénients, c'est qu'on va dire beaucoup plus souvent non à l'agriculteur que oui. Je ne conteste pas ce fait. Si on est pour faire du zonage, si on est pour faire de la protection, c'est évident que cela prend un projet de loi, c'est évident que cela prend des règles, cela prend des cadres; c'est normal, c'est fait. On accepte ce principe. Ce qu'on n'accepte pas, c'est de le faire défrayer par l'agriculteur.

On dit, à un moment donné, que le fils d'un agriculteur aura la possibilité, à la condition qu'il travaille dans l'exploitation agricole — ou un travailleur que l'agriculteur pourra embaucher — de construire une maison. On ne la considérera même pas comme une maison, c'est encore ça le pire. C'est que la maison familiale va être considérée comme une vulgaire... On pourrait comparer cela à la grange ou à autre chose, parce qu'à la suite de cela, c'est l'agriculteur qui va être pénalisé si jamais un jeune, ou une personne qu'il a engagée pour travailler pour lui et que cela ne fonctionne plus... Qui va subir la perte, pensez-vous? Quelle société prêteuse, M. le Président, va aller prêter sur quelque chose de semblable? Quelle société prêteuse au Québec va le faire, quelle société prêteuse responsable? Laquelle? Quelles sortes d'embêtements cela va-t-il créer à l'agriculteur ou à l'exploitant? Quelles sortes d'embêtements?

M. le Président, c'est possible qu'on ait des solutions à cela. Si on en a, j'aimerais les connaître. Comme cela doit être possible, M. le Président, de déposer la réglementation qui va faire suite à l'adoption de ce projet de loi. Je vous prie de croire qu'il va y avoir quand même une réglementation — je présume — assez sévère et assez serrée. Là, il peut se produire deux choses: ou on va l'appliquer à la lettre et sévèrement et on va embêter tout le monde encore une fois; on va faire payer par le seul citoyen agriculteur du Québec tous les embêtements qu'on va créer, ou le gouvernement pourra faire une autre chose, M. le Président, qui sera d'adopter une réglementation souple, de ne pas trop l'appliquer et jouer flou.

À ce moment-là, on dira: Le bon et le vrai gouvernement vous avait promis une loi de zonage agricole; on vous l'a donnée. On vous l'a donnée. Au bout de la ligne, elle ne produira par les fruits qu'on espérait, mais on aura adopté la loi du zonage agricole et on passera pour des gars bien fins devant la population du Québec.

Par contre, M. le Président, il y a un tout autre aspect. On a parlé de la zone blanche; on a parlé de la zone verte, on parle des spéculateurs. Imaginez-vous ce que va coûter un terrain dans la zone blanche. Ce qu'il coûte présentement et ce qu'il va coûter tantôt. On veut protéger l'agriculteur et on va faire faire trois fois plus d'argent aux spéculateurs. (21 h 50)

Une voix: C'est déjà commencé.

M. Picotte: On vient nous parler, à nous autres, des amis des spéculateurs. On a l'audace de venir nous parler de cela, M. le Président, quand les spéculateurs sont protégés par ce gouvernement-là, quand les spéculateurs ont déjà commencé à faire deux fois et trois fois le prix qu'un terrain vaut parce que la zone est blanche. C'est cela qu'on vient dire à la face de toute la population? Je pense que c'est bien regrettable mais qu'on passe complètement à côté de la question et des buts qui sont peut-être louables, les buts louables qu'on a pu se fixer, que le gouvernement s'est fixés là-dedans.

M. le Président, on a parlé du mécanisme de gel; on parle du patrimoine familial. Il y a des gens qui disent: Vous savez, cela n'arrive pas souvent qu'au Québec... J'entendais le ministre, cet après-midi, qui disait cela: Cela n'arrive pas souvent au Québec qu'un agriculteur a ses fils ou ses filles qui sont à côté de chez lui et à qui il a donné un lopin de terre pour se construire. Apparemment, cela ne se produit pas bien souvent. Cela prend un gars qui reste à Lévis pour venir nous dire cela, parce que moi, je reste dans Maskinongé, M. le Président, et ils ne sont pas rares, les pères de famille qui ont donné des terrains à leurs enfants et où, sur la même longueur de route, il y a trois, quatre ou cinq maisons qui sont bâties pour la famille de cet agriculteur.

Si je demeurais en plein milieu de la ville de Lévis, j'aurais parlé exactement comme le ministre de l'Agriculture. Mais ce n'est pas la réalité. Que voulez-vous que je vous dise? Ce n'est pas la réalité.

Une voix: La loi va défendre cela.

M. Picotte: Mais, demain matin, la loi va défendre cela. La loi va empêcher un père de famille de faire cela. Il n'a pas le droit d'établir ses enfants comme il va vouloir.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Picotte: Je dis, M. le Président, que cette loi permet au gouvernement du Québec de s'ingérer chez l'agriculteur, chez l'individu et de lui dire quoi faire. Cette loi devrait être accompagnée — le député de Montmagny-L'Islet a plaidé en faveur de cela cet après-midi — d'autres projets de loi qui vont venir assurer une rentabilité du côté agricole, qui vont permettre de développer d'autres activités agricoles, d'autres productions agricoles, qui vont inciter à faire d'autres productions agricoles. On a parlé, à un moment donné, de maïs-grain, on a parlé de céréales, on a parlé de production de boeuf. M. le Président, quand on dit aux citoyens agriculteurs quoi faire chez eux, cela veut dire que dans un an, un an et demi, deux ans, ce même gouvernement va dire, à un moment donné, aux producteurs laitiers du Québec: C'est bien regrettable, mais vous êtes trop nombreux et là vous allez vous diversifier et vous allez vous en aller dans d'autres sortes de productions. Si on s'ingère de cette façon, on va s'ingérer d'autres façons.

Si on a les mêmes garanties, c'est-à-dire si cela se fait encore sur le dos de l'agriculteur, je pense qu'on va être bien loin d'encourager les agriculteurs au Québec, d'inciter la relève agricole, d'inciter nos jeunes à poursuivre dans le domaine agricole. Au contraire, on va les décourager, parce qu'on fera toujours porter sur leur dos le fardeau de toutes les améliorations que l'on va faire au Québec.

En terminant, M. le Président, je pense qu'il est un autre domaine où j'aurais aimé entendre parler le ministre de l'Agriculture. Il me semble que, parallèlement à cette loi, on aurait pu non seulement déposer des politiques incitatives avec un budget, mais on aurait pu, peut-être, en profiter pour faire une certaine unanimité concernant l'environnement. Non seulement les agriculteurs sont aux prises avec des tracasseries administratives et avec toutes sortes d'embêtements, comme on vient de vous en souligner, mais un autre point qui fait excessivement mal à l'agriculture au Québec présentement, au moment où je vous parle, c'est l'environnement. Cela fait des mois qu'on est censé avoir entre le ministre de l'Agriculture et le ministre de l'Environnement des ententes possibles pour qu'on arrête d'importuner des citoyens. On attend toujours après des réponses. Cela serait une autre mesure qu'on pourrait apporter à l'intérieur d'un autre projet de loi — évidemment, pas dans cette loi — parallèle à celui-là pour permettre aux agriculteurs d'avoir la sainte paix

chez eux, dans leur milieu et d'être capables de poursuivre leurs activités agricoles sans — excusez l'expression, mais cela se prête bien puisqu'on parle de l'agriculture — être emmerdés par tout le monde, par ceux qui désirent bien les emmerder.

Il faudrait, à un moment donné, laisser la paix à ces gens-là, leur permettre de produire comme ils doivent produire, les inciter à le faire, leur donner des moyens de subventions qui vont leur permettre d'être encouragés à le faire, mais par contre aussi leur laisser la sainte paix et ne pas s'ingérer dans leur domaine bien précis comme on le fait avec la loi 90.

M. le Président, le ministre aura évidemment un droit de réplique à la fin de la deuxième lecture. Il se peut que les interventions — peut-être pas la mienne — d'autres membres de l'Opposition... Il y a eu des suggestions pratiques de faites par le député de Montmagny-L'Islet. Il y a eu des bonnes suggestions pratiques de faites par le député de Huntingdon. Il y aura sûrement d'autres membres en cette Chambre, et même probablement des députés du côté ministériel, qui vont prendre la parole et qui vont possiblement apporter un ou deux éléments nouveaux à l'intérieur du même projet de loi qui pourraient permettre de le bonifier. Le ministre, dans sa réplique de deuxième lecture, pourra peut-être nous dire qu'il pourrait apporter certains correctifs ou certaines lois parallèles en s'engageant avec un budget bien précis pour ne pas faire payer par l'agriculteur cette loi de zonage agricole.

Je ne vous dis pas que je voterai pour ou contre en deuxième lecture, M. le Président; ce n'est pas cela que je vous dis. Je vous ai indiqué des lacunes. Si le gouvernement a de la bonne volonté, si le gouvernement veut à tout prix apporter les correctifs nécessaires pour que l'agriculteur ne soit pas pénalisé, il y aura possibilité, n'importe quand, de réviser ma décision. Je n'engage personne d'autre. Cette décision sera la mienne. Si le ministre n'apporte pas les correctifs qu'on lui demande et qui sont sensés, c'est le ministre, c'est le gouvernement qui forcera l'Opposition et des députés bien-pensants dans le milieu agricole à voter contre la loi. C'est vous qui l'aurez voulu.

Le Président: Merci, M. le député de Maskinongé.

M. Rancourt: M. le Président, je demande... Le Président: M. le député de Saint-François. M. Rancourt: ... l'ajournement des débats. Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Fontaine: M. le Président, habituellement on fait la rotation.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska, je suis parfaitement d'accord pour dire que, normalement, on fait la rotation, sauf que j'ai observé durant quelques secondes et je n'avais personne à reconnaître. Mais je suis sûr que M. le député de Saint-François donnera son consentement pour que je vous reconnaisse.

M. Rancourt: Consentement, M. le Président. M. Fontaine: D'accord.

Le Président: En effet, vous voyez. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska, vous êtes reconnu comme ayant demandé l'ajournement du débat.

M. Fontaine: M. le Président, je voudrais simplement ajouter que je ne pouvais pas parler de mon siège parce qu'il y avait quelqu'un à ma place. (22 heures)

Mini-débat relatif à la disposition d'objets du patrimoine

Le Président: Puisqu'il est maintenant 22 heures, nous allons procéder aux mini-débats qui ont été demandés par divers membres de l'Assemblée nationale, divers membres de l'Opposition. Le premier débat, comme je l'avais indiqué cet après-midi, a été accordé de consentement par M. le ministre de la Justice, et, comme c'est de consentement, je n'ai pas le texte mais je crois qu'il porte sur la disparition d'objets de valeur du patrimoine. Ce débat a été demandé par M. le député de Nicolet-Yamaska à qui je voudrais rappeler, en même temps qu'à tous les intervenants dans ce mini-débat, qu'ils n'ont à leur disposition que cinq minutes, qu'il n'y a pas de question de règlement ni de question de privilège, sauf celles qui sont soulevées proprio motu par la présidence.

M. le député de Nicolet-Yamaska, vous pouvez entamer vos cinq minutes.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Après que le ministre de la Justice m'eut demandé à deux reprises de retarder ce minidébat en vue d'avoir la présence du ministre des Affaires culturelles — et c'est lui qui insistait pour être présent — je dois déplorer ce soir le fait que le ministre des Affaires culturelles ne soit pas présent devant cette Assemblée, alors qu'il savait pertinemment que ce débat devait se tenir.

Je voudrais vous donner quelques exemples de disparition d'objets de valeur du patrimoine québécois. Tout d'abord, on nous a parlé de la cloche de la Nouvelle-France et d'un bronze d'Alfred Laliberté qui étaient à la Maison du Québec à Expo 67, qui sont disparus; quatre courtepointes de la fin de XIXe siècle qui auraient été volées à la Place des arts lors d'une exposition; deux assiettes d'art contemporain évaluées à $10 000 disparues du salon du premier ministre attenant au restaurant Le parlementaire, à l'Assemblée nationale, et ce quelques jours avant les élections de 1976; un canot appartenant au Musée du Québec et plusieurs meubles québécois

anciens disparus de la Maison du Québec également et, plus précisément, l'objet du présent débat, les boiseries de la maison Estèbe.

M. le Président, je voudrais vous rappeler ici que le ministre de la Justice, en répondant à une de mes questions, avait dit et je cite: "Cette enquête — une enquête sur la maison Estèbe — révèle qu'une partie des boiseries a été endommagée au cours des années 1962 et 1963 par l'eau et la glace lorsqu'elles furent entreposées dans le sous-sol de la maison Estèbe, soit au 92 de la rue Saint-Pierre à Québec. Une autre partie des boiseries a été détruite par le feu en 1964 lorsqu'il y a eu incendie à l'entrepôt du ministère des Travaux publics à Duberger où elles avaient été déménagées, lorsqu'on constata qu'elles se détérioraient dans le sous-sol de la maison Estèbe".

Or, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le ministre des Affaires culturelles — le 9 juin 1978, et c'est rapporté dans le journal des Débats de l'Assemblée nationale — M. Vaugeois, disait ceci: "Vous avez parlé de la maison Estèbe, par exemple. C'est un cas quasi scandaleux. Si je ne me retenais, d'ailleurs, je demanderais une enquête — je me demande pourquoi il se retient — je me demande s'il n'y en a pas une qui s'est faite par les services dans le cas de la maison Estèbe. Non seulement elle est à l'abandon mais elle a été pillée et 80% des boiseries intérieures qui étaient extraordinaires sont disparues. Elles avaient été enlevées pour faire la restauration et elles ont été entreposées dans la maison. On s'est fait voler ces pièces, a dit le ministre des Affaires culturelles.

M. le Président, ce que je demande au ministre de la Justice, ce soir, c'est de nous dire qui a raison. Est-ce lui ou si c'est le ministre des Affaires culturelles? Je demande également, dans ces circonstances, au ministre de la Justice, à la suite des différentes enquêtes qui ont déjà eu cours ou qui ont été terminées prématurément, s'il est d'accord pour que soit instituée une enquête publique sur ce sujet ou soit convoquée d'urgence une commission parlementaire des affaires culturelles, de concert avec le ministre des Affaires culturelles. J'espère que ce soir, au moins, le ministre de la Justice est en mesure, à la place du ministre des Affaires culturelles qui est absent, de nous confirmer ce que, d'ailleurs, le ministre des Affaires culturelles a déjà confirmé devant les journalistes, à savoir que le gouvernement accepte de convoquer cette commission parlementaire.

Devant cette commission parlementaire, H serait facile et important de faire témoigner des personnes comme M. Jean Octeau, ex-directeur du Pavillon du Québec à Terre des hommes, M. André Robitaille, architecte des travaux de restauration de la maison Estèbe, M. Sylvio Dumas, ex-secrétaire de la Commission des monuments historiques, et M. Jacques Le Barbenchon de la Direction du patrimoine des affaires culturelles. Plusieurs autres personnes, M. le Président, nous ont souligné le fait qu'elles étaient intéressées à témoigner devant cette commission parlementaire. Je pense que le ministre de la Justice, ce soir, devrait nous confirmer le fait que le gouvernement est prêt à convoquer cette commission parlementaire pour qu'après plusieurs années, la lumière soit faite sur ces mystérieuses disparitions. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska, je note avec satisfaction que vous avez respecté le temps qui vous était alloué. M. le ministre de la Justice, cinq minutes pour répondre.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, tout d'abord, le député de Nicolet-Yamaska a déploré l'absence du ministre des Affaires culturelles pour le mini-débat de ce soir. Il sait très bien que le ministre des Affaires culturelles participe présentement à un colloque sur la Place royale et que le présent minidébat est fait en fonction de certaines questions que le député de Nicolet-Yamaska posait au ministre de la Justice et non pas au ministre des Affaires culturelles. Je suis convaincu que lorsque le député de Nicolet-Yamaska décidera d'adresser d'autres questions au ministre des Affaires culturelles, il se fera un grand plaisir de lui répondre le plus valablement possible.

Je comprends, M. le Président, l'intérêt du député de Nicolet-Yamaska concernant des biens et des oeuvres d'art de grande valeur qui appartiennent au patrimoine québécois. Comme je l'ai dit il y a quelques jours, une demande d'enquête a été faite à la Sûreté du Québec au début de 1978 concernant la disparition d'une partie importante des boiseries à la maison Estèbe. Cette disparition aurait eu lieu entre les années 1962 et 1973. J'ai dit et je redis au député de Nicolet-Yamaska qu'il y a des faits pendant cette période qui nous permettent d'affirmer que des dommages auraient été occasionnés à ces boiseries, qui auraient été causés par l'eau ou le feu, et qu'il y a eu également plusieurs déménagements.

Cependant, je puis ajouter ce soir que certains documents font référence au fait qu'une grande partie des boiseries auraient été entreposées dans les locaux du ministère des Travaux publics entre l'automne 1967 et le printemps 1968. Malgré que plusieurs personnes semblent croire qu'une partie importante des boiseries ont été volées, je dois dire que l'enquête n'a pu établir, jusqu'à maintenant, les circonstances précises de temps et de lieu de ces disparitions, ni la quantité des objets disparus, il a été impossible d'établir clairement, selon les règles de la preuve, s'il s'agit de vol, de négligence ou d'erreur, pour la simple raison qu'il n'y avait pas, à cette époque, d'inventaire rigoureux concernant les oeuvres d'art appartenant au patrimoine québécois. Il n'y avait pas d'inventaire rigoureux qui existait au ministère des Affaires culturelles.

Si de nouveaux éléments venaient s'ajouter, vous pouvez être assurés qu'ils seraient sérieusement pris en considération par les enquêteurs. J'invite le député de Nicolet-Yamaska, s'il a en main ces éléments, à nous les faire connaître et nous serons très heureux de faire enquêter sur

chacun des éléments qu'il croira important de soumettre à notre attention. Quant à la disparition, d'une façon plus globale, d'objets exposés à la Maison du Québec de Terre des Hommes, après vérification, aucune enquête policière n'a été effectuée par la Sûreté du Québec ou par les services de la Communauté urbaine de Montréal, étant donné qu'aucune plainte n'a été portée. C'est ce qui explique qu'aucune enquête n'ait été faite. Vous comprendrez qu'au ministère de la Justice une enquête peut être entreprise à partir du moment où une plainte bien spécifique est déposée. (22 h 10)

Je termine, M. le Président, en disant au député de Nicolet-Yamaska que le ministre des Affaires culturelles, qui participe actuellement à un colloque sur la Place Royale, a déjà laissé entendre — et il me l'a confirmé aujourd'hui — qu'il avait l'intention de poser des gestes précis dans un avenir rapproché qui permettraient de se pencher, justement, sur l'ensemble du problème de la disparition d'oeuvres d'art appartenant au patrimoine québécois. Je vous remercie. M. le Président.

Mini-débat relatif à une subvention à la ville de Laval

Le Président: Merci, M. le ministre de la Justice. Je note que les deux opinants ont respecté rigoureusement notre règlement et qu'ils sont intervenus avec beaucoup de sérénité. Maintenant, nous allons procéder au deuxième minidébat qui porte sur la décision unilatérale du gouvernement actuel de mettre fin au paiement à la ville de Laval d'une subvention de l'ordre de $45 millions accordée en 1975 par le gouvernement précédent. M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle et député de Laval, ce n'est pas à vous que je vais rappeler le règlement des cinq minutes.

M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: Merci, M. le Président, je vais tenter de suivre le bon exemple qui m'a été offert par les opinants précédents. $45 millions pendant cinq minutes, cela fait $9 millions la minute! J'essaierai de ne pas perdre mon temps.

Je voudrais, en compagnie du ministre des Affaires municipales, faire l'historique de cette subvention de $45 millions qui a été accordée par le gouvernement précédent à la ville de Laval en 1975. Laval est née en août 1965 à la suite de la fusion de quatorze municipalités sur l'île Jésus; une région qui avait une population de 31 000 habitants en 1951, de 180 000 lors de la fusion en 1965 et aujourd'hui de 260 000 habitants. Après Montréal, c'est la ville la plus populeuse après la métropole du Canada en ce qui concerne les villes du Québec. Elle regroupe aujourd'hui trois comtés aujourd'hui et, suivant le projet de la refonte de la carte électorale, elle pourrait fort bien compter cinq comtés aux prochaines élections. Elle a une évaluation municipale de près de $3 milliards, pour vous montrer l'importance de la question.

En vertu de la charte constitutive de la ville de Laval, en 1965, c'était une demande des quatorze municipalités que chacune des anciennes municipalités demeure responsable de ses propres dettes, ce qui était normal. Lors des demandes que nous avons faites au gouvernement précédent, en 1974, il existait deux dettes: une de $21 500 000 pour des taxes ex-ville et une autre de $6 500 000 pour des déficits ex-ville pour un total de $28 millions. Relativement à l'engagement du ministre des Finances de l'époque, si on ajoute les intérêts sur une période d'amortissement de 25 ans, cette subvention était de l'ordre de $45 millions à $50 millions. Pendant dix ans, les contribuables lavai-lois ont dû payer des taxes spéciales qui s'appliquaient sur le territoire de chacune des quatorze anciennes municipalités pour respecter cet engagement que chacune des anciennes villes devait respecter ses propres dettes. Cela représentait 28 taxes spéciales qui variaient, dans certains cas, de $0.11 à $0.35 des $100 d'évaluation et, dans l'autre cas, de $0.01 à $0.25 des $100 d'évaluation suivant l'ancien territoire des municipalités.

Durant l'année 1974, avec les autorités municipales de Laval, je me suis permis d'intercéder auprès du ministre des Finances pour fermer le dossier de la fusion de Laval, pour faire disparaître ces disparités fiscales, ces inégalités fiscales qui étaient une nuisance au développement parce que, dans certains secteurs, les gens ne voulaient pas faire de développement parce que les taxes étaient plus chères. Le ministre des Finances du temps a accepté, au mois de décembre 1974, un premier engagement de $4 500 000 qui représentait le remboursement annuel. Lors du discours du budget du 17 avril 1975, le ministre des Finances, le député de Jean-Talon, s'engageait, dans son discours du budget, à voir à ce que le gouvernement du Québec s'occupe de la disparition complète de la dette des taxes ex-ville jusqu'à leur extinction. Effectivement, un premier versement est payé le 1er juillet 1975 et un deuxième versement est payé par le ministre actuel des Affaires municipales au mois de mai 1977, à même le budget de 1976/77 parce que c'est un arrêté en conseil du 31 mars 1977 et on voulait vider les tiroirs des budgets votés. Le plus bizarre est que dans le budget 1977/78 du gouvernement actuel cette subvention paraît et les sommes d'argent sont votées par l'Assemblée nationale; mais sur le budget 1977/78, pas un cent n'est payé.

Le 26 octobre dernier, le ministre des Affaires municipales envoie une belle lettre à Laval disant: On met fin à l'engagement; on vous paye un dernier versement mais sous forme de deux annuités de $2 250 000; une cette année et une l'année prochaine, et c'est fini. Cela fait un trou dans les budgets de Laval de $9 millions actuellement, si on considère les budgets de 1975 à 1979; au lieu de recevoir $22 500 000, ils reçoivent $13 500 000; ce qui représentera, le 1er janvier prochain, une augmentation de $0.35 les $100 d'évaluation.

La ville de Laval est obligée de changer tous ses états financiers parce qu'elle doit prochainement lancer une émission d'obligations de $15 millions, plus les $30 millions, dans l'avenir, que le gouvernement refuse de fournir par cet engagement-là; $9 millions, un trou actuellement, et $30 millions dans l'avenir. Quelles sont les vraies raisons? Le ministre, dans sa lettre du 28 octobre, dit: La subvention est trop généreuse; les gens de Laval ont une bonne administration; la fusion a été une bonne affaire; la situation financière est saine et on met fin à ces subventions.

Vous dites dans votre lettre qu'on ne peut pas identifier les dettes ex-ville. J'ai ici une copie de tous les tableaux d'amortissement avec tous les numéros de règlements, document qui est en possession du ministre des Finances. C'est facilement identifiable dans les documents de la municipalité.

Ne me parlez pas de la lettre du 7 mars du ministre des Finances qui dit: Vous n'aurez plus de subventions sur les déficits du transport en commun. Il ne s'agissait pas des vieux déficits de 1972, 1973 et 1974 parce que la lettre du député de Jean-Talon est du 7 mars alors que la politique générale du transport en commun du député de Charlevoix, ex-ministre des Transports, est de décembre 1975. Cela veut dire que la lettre du 7 mars du député de Jean-Talon...

Le Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: C'est complexe. J'ai demandé de réunir la commission des affaires municipales pour qu'on puisse dialoguer, pour qu'on puisse ouvrir le dossier parce que le dossier est clair. Vous ne voulez pas de cette commission parlementaire mais elle va avoir lieu dans Laval avec ses 260 000 habitants. Je vous demande de respecter cet engagement. C'est clair et net. Vous devrez répondre à la...

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Guy Tardif

M. Tardif: M. le Président, j'espère qu'on me donnera une minute de plus comme on l'a fait pour le député de Laval.

Avant de commencer le compte à rebours, j'aimerais préciser que ce dossier est complexe puisqu'il y a des pièces au ministère des Transports, au ministère des Finances, au Conseil du trésor, au ministère des Affaires municipales.

M. le Président, la question du député de Laval, je la comprends; il a fait un historique, c'est normal, il a été actif dans le dossier de la fusion il y a une dizaine d'années. Et c'est normal — n'était peut-être pas tellement renseigné des décisions qui étaient prises au Conseil du trésor et au Conseil des ministres parce que ses fonctions de président de l'Assemblée nationale l'empêchaient de siéger dans ces enceintes — qu'il n'ait pas été tellement au courant des décisions qui ont été prises.

Cependant, la vérité a ses droits, à moins que le député de Jean-Talon, ex-ministre des Finances, et que le député de Charlevoix, ex-ministre des Transports, veuillent renier leur signature, ce qu'ils peuvent toujours faire. Mais ce qu'ils ne peuvent pas faire, c'est de renier les pièces ou les documents publics, les comptes publics qui attestent des entrées et des sorties de fonds publics.

Or, M. le Président, je pense qu'il leur appartient de rétablir la vérité et surtout de renseigner le député de Laval sur ce qui a été dit, sur ce qui a été pris comme décisions dans ces dossiers, à moins que la vérité n'intéresse pas le député de Laval qui est plus intéressé à faire de la démagogie dans ce dossier qui est fort complexe ainsi qu'il l'a souligné. (22 h 20)

Je dis que le député de Laval fait de la démagogie, M. le Président, quand il veut se poser en défenseur de la ville de Laval et faire paraître l'actuel gouvernement comme celui qui fait la vie dure à cette municipalité, alors que c'est tout le contraire qui s'est produit. C'est l'Opposition qui a coupé les vivres à la ville de Laval et c'est l'actuel gouvernement qui est venu en aide à cette municipalité. J'en veux trois preuves. La lettre du ministre des Finances du temps, M. Garneau, le 7 mars 1975, qui dit au maire Paiement: "Si ma mémoire est fidèle, à la suite des rencontres que nous avons eues avec le ministre des Affaires municipales, il avait été décidé d'accorder une subvention de $4 500 000 pour les taxes ex-ville pour l'année 1975 et que ville de Laval pouvait dans ces circonstances prendre la responsabilité financière du déficit prévu à la Commission de transport de Laval". Première pièce. À moins que le député de Jean-Talon veuille renier sa signature évidemment, on pourra mettre cela en doute.

Deuxième pièce, politique d'aide du gouvernement au transport urbain du député de Charlevoix, ex-ministre des Transports qui dit ceci, en décembre 1975: "La Commission de transport de Laval ne bénéficiera des subventions aux déficits que lorsque le programme spécial à ville de Laval, administré par le ministère des Affaires municipales aura pris fin. On sait que cette municipalité touche directement chaque année un montant forfaitaire en paiement des déficits des anciennes municipalités formant aujourd'hui la ville de Laval". Deuxième pièce au dossier qui est difficile à renier. Évidemment, ce qui est encore plus difficile, c'est de concilier les chiffres. En 1974, l'ancien gouvernement a émis, pour les fins du transport en commun à Laval, un chèque de $2 500 000 au titre du transport en commun. En juillet 1975, à la suite de l'annonce d'un paiement forfaitaire de $4 500 000 pour les taxes ex-ville, on émettait un chèque de $4 500 000, mais on ne donnait pas un rond pour le transport en commun, pour bien montrer comment c'était lié, tout cela.

En 1976, l'ancien gouvernement a donné, pour les fins de transport en commun, $2 millions mais pas un rond au chapitre du montant forfaitaire de $4 500 000. C'est l'actuel gouvernement qui a versé l'argent au mois de mai 1977. En 1976, sous l'ancien gouvernement, il n'y a pas eu...

M. Garneau: C'est mentir, dire cela! C'est sur notre budget à nous.

M. Tardif: ... un cent de donné à la ville de Laval. M. l'ancien Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Tardif: M. le Président, nous sommes d'accord pour venir en aide à la ville de Laval. Le fait est que nous l'avons fait, alors que l'ancien gouvernement avait coupé les subventions à la ville de Laval. Lorsqu'on vient nous dire que la ville devra augmenter ses taxes, je m'excuse, c'est absolument faux. Nous avons étalé la subvention de $4 500 000 en deux subventions de $2 250 000 sur deux ans. Il ne sera pas nécessaire à ville de Laval d'augmenter ses taxes. Ce trou de $9 millions n'existe que dans l'imagination du député de Laval et les prospectus et les ventes d'obligations de Laval peuvent très bien s'effectuer puisque cette ville possède une situation financière fort convenable. La seule raison pour laquelle les subventions ont effectivement été versées jusqu'à maintenant c'est que, précisément, les pièces étaient éparpillées dans trois ministères. La situation est claire et nette. Nous allons aider la ville de Laval jusqu'à ce que la réforme de la fiscalité soit venue se substituer à ces méthodes ad hoc, ponctuelles, qu'avait l'ancien gouvernement de donner des subventions dites d'équilibre budgétaire.

Mini-débat relatif aux fabricants de chocolat

Le Président: Nous allons maintenant procéder au troisième mini-débat qui porte celui-là sur l'existence d'un cartel des fabricants de chocolat et des grandes chaînes de distribution pan-canadiennes en vue de saboter le boycotage des produits Cadbury.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, ma question est assez simple et fait suite à la déclaration du ministre faite hier. Hier, il disait, par rapport au boycottage de Cadbury, et je cite: II existe un cartel des fabricants de chocolat. "Il y a eu très peu de publicité de la part des autres fabricants depuis quelque temps et une publicité axée sur les produits Cadbury. Ceci n'est pas un accident; ceci relève d'une opération du cartel du chocolat au Canada".

M. le Président, si cette allégation est vraie, c'est une allégation très sérieuse. Les compagnies de chocolat sont des compagnies canadiennes, après tout, et il y a une chose sur laquelle le gouvernement et l'Opposition sont entièrement d'accord, c'est que, peu importe l'avenir politique du Québec, nous voulons rester à l'intérieur d'une association économique canadienne avec le libre mouvement des biens et services, du capital et des personnes. À l'intérieur de cette association canadienne, nous avons actuellement une loi qui s'appelle la Loi sur les coalitions dont je cite une partie très pertinente: "C'est un acte criminel et passible d'un emprisonnement de cinq ans ou d'une amende d'un million de dollars d'empêcher ou de diminuer indûment la concurrence dans la production, la fabrication, la vente ou la fourniture d'un produit ou de restreindre ou compromettre indûment de quelque autre façon la concurrence".

Alors, si l'allégation est vraie, il y a des implications très importantes pour ces compagnies canadiennes. Premièrement, c'est bien possible qu'il puisse y avoir une enquête judiciaire de la part du fédéral à cause de cette déclaration, même si elle a été faite en cette Assemblée. Deuxièmement, même si l'enquête n'arrive pas, il est clair que, à cause de cette allégation, les compagnies vont subir un tort important quant à leur réputation. De plus, deux de ces compagnies sont très bien implantées au Québec. La première dont j'ai parlé cet après-midi, c'est Lowney qui est un des plus importants manufacturiers à Sherbrooke, ma ville natale. La deuxième — et ceci est très important parce que, cet après-midi, le ministre disait: II n'y a aucune compagnie de chocolat qui a son siège social au Québec. C'est une déclaration absolument fausse, M. le Président.

M. le Président, il y a une compagnie de chocolat très importante qui s'appelle Cadbury, je pense que son siège social est à ville Saint-Laurent, et qui emploie 200 Québécois. Ce siège social n'est pas impliqué dans le déménagement de l'usine à l'heure actuelle. Cadbury a déclaré qu'elle a l'intention de maintenir ce centre de décision canadien au Québec, et plus précisément à Montréal.

Alors, je demande à basse voix au ministre, dans sa réplique, de faire deux choses. Premièrement, je lui demande d'admettre qu'il faisait erreur cet après-midi, d'admettre que le siège social de Cadbury est à Montréal, que cette compagnie a 200 employés ici, que ce n'est pas impliqué dans les décisions de Cadbury de déménager une de ses usines, et que cette compagnie a l'intention de rester ici pour autant que le climat soit favorable.

Deuxièmement, je demande au ministre de faire une ou deux choses. Si les constatations d'un cartel ne sont pas fondées, je lui demande de les retirer pour que ces allégations ne jouent pas d'une façon injuste contre les quatre ou cinq compagnies canadiennes qui font toutes des affaires au Québec. Si elles sont vraiment fondées, je lui demande d'avoir le courage ce soir de nommer les compagnies qui sont impliquées dans ce cartel, et de nous donner cette assurance en nous fournissant toutes preuves et toute documentation qu'il a sur elles, et qui sont la base de cette allégation, au gouvernement central pour qu'il puisse faire une enquête sur quelque chose qui est non seulement répréhensible contre le peuple du Québec et du Canada mais qui est aussi illégal.

Alors, je demande au ministre, dans sa réplique, je l'implore de tirer ces deux questions au

clair et j'aimerais avoir aussi deux réponses claires.

Le Président: Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, cinq minutes.

M. Rodrigue Tremblay

M. Tremblay: M. le Président, je me prête bien volontiers à la question du député de Notre-Dame-de-Grâce. Évidemment, je m'interroge quand même sur l'intention de monter en épingle toute cette question concernant l'existence d'un cartel dans un secteur économique. La raison pour laquelle le député de Notre-Dame-de-Grâce soulève la question, c'est qu'en réponse à une question du député de Rosemont, j'avais indiqué deux des causes pour lesquelles, selon le rapport de mes experts, la campagne de boycottage qu'un groupe de citoyens avait entreprise concernant les produits Cadbury n'a pas donné les résultats escomptés. (22 h 30)

J'ai déposé ce midi le rapport de ce comité d'experts, présidé par un sous-ministre, et ce comité, à la page 19, me faisait le rapport qu'il avait étudié les questions relatives à la distribution des produits de l'entreprise, etc., de sorte que le ministre est renseigné par ces experts sur cette question. Maintenant, concernant la question de cartel comme tel, je pense que les choses sont beaucoup moins dramatiques que voudrait le faire croire le député de Notre-Dame-de-Grâce.

S'il regarde le Petit Robert, page 233, pour l'année 1976, il lira que la définition d'un cartel est la suivante: Concentration horizontale qui réunit des entreprises de même nature dans le but d'acquérir un monopole. Et s'il regarde dans le Petit Larousse illustré de 1976, page 172, afin d'avoir peut-être une définition un peu plus complète en termes économiques, il verra la définition suivante: Entente entre producteurs d'une même branche d'industrie — conservant chacun leur autonomie financière — en vue de la défense des prix par la limitation de la production et de la concurrence. M. le Président, habituellement, en termes économiques, les secteurs où il n'y a que trois, quatre ou cinq producteurs ne sont pas ce que l'on considère des secteurs concurrentiels comme on l'entend dans la définition normale de la concurrence.

Il est normal qu'il existe dans un club restreint de producteurs une certaine solidarité face à l'évolution des marchés et face à toute autre situation qui peut se produire. Or, dans le domaine des tablettes de chocolat, nous nous trouvons au Canada avec quatre principaux fabricants qui sont les compagnies Neilson, Rowntree, Cadbury, Lowney; il y a deux autres petits producteurs, Mars et Hershey, mais les quatre principaux sont ceux que j'ai nommés. Premièrement, M. le Président, je dois dire que le député de Notre-Dame-de-Grâce, lorsqu'il a dit que c'étaient des compagnies canadiennes, peut-être n'avait-il pas toute l'information; ce sont toutes des filiales de multinationales internationales, peut-être à l'exception d'une qui est une multinationale canadienne.

Par exemple, dans le cas de Rowntree, c'est une filiale de Rowntree Mackintosh Ltd., de Londres. Dans le cas de Neilson, c'est une filiale de George Weston, le grand conglomérat. Dans le cas de Cadbury, évidemment, Schweppes est une filiale de Cadbury London Limited. Dans le cas de Lowney, c'est une filiale de Standard Brands Limited, des États-Unis, et dans le cas de Laura Secord, c'est une filiale de Labatt. Dans tous les cas, M. le Président, il s'agit donc de compagnies filiales de multinationales. Donc, face, présentement, à un effondrement du marché, il est normal que les entreprises dans ce secteur aient une solidarité et ne laissent pas jouer le principe de la concurrence qui, normalement, jouerait.

Or, une de ces entreprises, la compagnie Cadbury, a été soumise à une pression venant des consommateurs et c'est le droit des consommateurs d'être solidaires de travailleurs dans un système de liberté comme le nôtre. Ce à quoi nous nous serions attendus dans une situation de concurrence ne s'est pas produit, c'est-à-dire que les trois autres fabricants n'ont pas essayé de prendre la partie du marché qui était perdue par l'autre concurrent. Il y avait une solidarité. C'est tout ce que j'ai voulu dire. Ce sont les faits. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi prochain, 14 heures.

Fin de la séance à 22 h 35

Document(s) associé(s) à la séance