Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quatorze heures sept minutes)
Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents
M. le leader parlementaire du gouvernement, au nom, je crois, de M. le
ministre de l'Industrie et du Commerce.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport sur l'avenir de Cadbury
M. Charron: Oui, au nom de mon collègue de l'Industrie et
du Commerce, M. le Président, je voudrais déposer le document
qu'il a annoncé hier, le rapport du comité technique sur l'avenir
de l'entreprise Cadbury, à Montréal.
Le Président: Document déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de lois
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le
leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, j'aimerais que vous appeliez
l'article k) du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi no 93 Première lecture
Le Président: M. le ministre de la Justice propose la
première lecture du projet de loi no 93, Loi sur l'investigation et la
sécurité privées.
M. le ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, ce projet de loi,
appelé à remplacer l'actuelle Loi sur les agences d'investigation
ou de sécurité, vise essentiellement à élargir le
champ d'application de la loi de façon qu'elle s'applique à la
fois au secteur contractuel de la sécurité et aux agents de la
sécurité interne, c'est-à-dire non seulement aux agences
qui, par contrat, fournissent à des tiers un service d'agents de
sécurité, mais aussi aux personnes qui exercent des fonctions de
sécurité ou d'investigation à titre d'employées
d'une personne autre qu'une agence qui maintient pour elle-même un
service d'agents de sécurité ou d'investigation.
Il vise également à étendre le champ d'application
de la loi à d'autres activités du domaine de la
sécurité et de l'investigation que celles actuellement
réglementées, soit le transport des valeurs par véhicules
blindés, l'installation ou l'entretien d'un système d'alarme
contre l'intrusion et le vol, l'escorte, la surveillance par centrale monitrice
d'alarme contre l'intrusion et le vol, la cueillette ou la remise de
renseignements sur le caractère, la conduite ou la solvabilité
d'autrui.
Il vise aussi à interdire le port d'une arme par les agents de
sécurité ou les agents d'investigation, dans l'exercice de leurs
fonctions, sauf dans certaines circonstances et à certaines conditions.
Enfin, il prévoit la création, au ministère de la Justice,
d'un service qui sera chargé de l'administration de la loi.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
M. Lavoie: Adopté, M. le Président. (14 h 10)
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture...
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne sais pas si je suis dans l'ordre de poser la
question actuellement, après la première lecture et avant la
deuxième lecture. Étant donné la portée qui semble
assez large de cette loi, est-ce que le ministre a l'intention de convoquer une
commission parlementaire pour entendre les intéressés sur cette
question avant la deuxième lecture.
M. Bédard: Comme le député de
Marguerite-Bourgeoys le sait, il y a eu un groupe de travail qui a
été formé au ministère de la Justice et qui a eu
l'occasion de rencontrer presque l'ensemble de toutes les agences
d'investigation ou de sécurité qui pouvaient être
intéressées à se faire entendre auprès de ce groupe
de travail. Je crois qu'il y aurait avantage à ce que nous passions
à la deuxième lecture et, après cette deuxième
lecture, il y aura peut-être à évaluer avec le leader du
gouvernement la possibilité dont parle le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: L'article I) du feuilleton, s'il vous
plaît.
Le Président: M. le ministre de la Justice propose la
première lecture du projet de loi no 94, Loi sur la protection des
personnes et des biens en cas de sinistre. M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Ce projet de loi remplace la Loi de la
protection civile. Il prévoit la création du bureau de la
protection civile du Québec, qui sera chargé
d'élaborer une politique de prévention des sinistres et
des mesures d'urgence à prendre en cas de sinistre. Ce bureau devra
aussi, en collaboration avec les ministères du gouvernement, ses
organismes, les municipalités et toute autre personne, préparer
des plans locaux, régionaux et nationaux qui prévoiront les
moyens de prévention des sinistres, ainsi que les moyens
nécessaires d'intervention lors d'un sinistre pour préserver la
vie des personnes, leur apporter secours, sauvegarder des biens ou pour
atténuer les effets du sinistre ou remédier à des pertes.
Le bureau aura aussi pour fonction de fournir son assistance lors de sinistres
et d'administrer, le cas échéant, des programmes d'aide
financière aux sinistrés.
En outre, le projet de loi prévoit que le gouvernement peut, pour
une période qu'il indique, mais qui ne peut excéder 30 jours,
décréter l'état d'urgence en cas de sinistre dans
l'ensemble ou dans une partie du territoire du Québec. Le projet de loi
propose également de confier ce pouvoir au ministre de la Justice, mais
pour au plus deux jours, et aux maires et corporations municipales pour au plus
un ou trois jours selon les cas.
Le projet de loi prévoit aussi certains effets qui
résultent du décret d'état d'urgence, tels les pouvoirs
d'intervention du ministre, du directeur du bureau ou d'un maire, les
immunités accordées aux personnes qui apportent leur aide et
secours, ainsi que la manière de mettre fin à un tel
état.
Le projet de loi prévoit aussi la création d'un fonds
d'aide aux personnes sinistrées chargé de recueillir les dons du
public et de les distribuer aux personnes qui subissent, soit au Québec,
soit ailleurs, un préjudice en raison d'un sinistre.
Le Président: Merci, M. le ministre de la Justice. Est-ce
que cette motion de première lecture sera adoptée?
M. Lavoie: Adopté, M. le Président.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: L'article n) du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi no 99
Première
lecture
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture propose la
première lecture du projet de loi no 99, Loi modifiant la Loi du
ministère de l'Agriculture.
M. le ministre de l'Agriculture.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, la Loi modifiant la Loi du
ministère de l'agriculture a principalement pour objet de permettre au
ministre de l'Agriculture de constituer une banque de terres arables en vue de
disposer de ces terres ou de les louer pour favoriser la relève en
agriculture, l'agrandissement ou la consolidation de fermes de type familial et
l'exploitation des terres arables non utilisées ou
sous-utilisées.
Le projet prévoit que le gouvernement pourra, aux conditions
qu'il détermine, confier l'administration de la banque de terres arables
à un organisme gouvernemental.
Le Président: Cette motion de première lecture
sera-t-elle adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, le ministre de l'Agriculture
a une autre mesure à annoncer, l'article o) du feuilleton, s'il vous
plaît.
Projet de loi no 100
Première
lecture
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture propose la
première lecture du projet de loi no 100, Loi modifiant la Loi
favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles.
M. le ministre de l'Agriculture.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, la Loi modifiant la Loi
favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles a principalement pour
objet de doubler le montant maximal des subventions de mise en valeur des
exploitations agricoles à l'occasion de l'établissement de jeunes
en agriculture ou de l'agrandissement de fermes.
Il impose également à toute personne ayant obtenu une
subvention l'obligation d'utiliser à des fins agricoles la ferme
à l'égard de laquelle la subvention a été
accordée pour une période de dix ans à compter de l'octroi
de la subvention.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
M. Lavoie: L'amour...
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période des questions orales. M. le député de
Jean-Talon.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Citoyenneté québécoise et
canadienne
M. Garneau: M. le Président, le journal Le Devoir de ce
matin, en première page, se référant à un document
préparé par les dirigeants du Parti québécois, dit
ceci sur le projet de souveraineté-association; "Selon les dirigeants du
Parti québécois, l'association projetée entre le
Québec et le Canada ne saurait être que de nature internationale,
en ce sens qu'elle reposerait sur la souveraineté politique du
Québec". Cela signifie donc qu'il y aurait deux pays, le Québec,
d'une part, et le Canada, de l'autre. Par contre, dans le Journal de
Québec et dans le Journal de Montréal, j'imagine, M. Normand
Girard, poursuivant son analyse du volume "La passion du Québec", qui a
été influencé par la pensée du premier ministre,
laisse entendre que, dans ce volume, le premier ministre aurait indiqué
aux Français que les Québécois, après la
souveraineté, demeureraient des citoyens canadiens. Ma question est bien
simple: Est-ce que selon l'hypothèse péquiste, après cette
souveraineté hypothétique, les Québécois
continueraient à demeurer des citoyens canadiens, avec tout ce que cela
comporte?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, en parlant
de ce que peut être l'association entre deux États souverains, en
effet, deux pays représentant deux peuples je pense que
là-dessus, il n'y a pas de discussion il y a toute une discussion
tout de même qui peut s'ouvrir. Je relie les deux thèmes de la
question du député de Jean-Talon. Cette discussion est
illustrée, par exemple, par des hypothèses de travail, qui sont
dans le document qu'évoque le Devoir. C'est un document qui servira
à nos militants, mais, je l'espère, à d'autres citoyens
que cela intéresse, à évoquer les hypothèses de
travail sur ce que peut être une association entre pays, entre
États souverains. Vous savez, il y a des précédents dans
le monde. Je pense que les citoyens québécois, comme les
militants d'un parti, ont le droit d'être renseignés sur ces
précédents, de se poser la question, tout le monde en adulte,
jusqu'à quel point on doit suivre ces précédents, comment
cela pourrait évoluer, comment cela pourrait fonctionner, comment ce
serait administré. C'est une chose et je pense qu'elle est normale.
D'ailleurs, elle répond, au moins par hypothèse, à
beaucoup de questions de nos amis d'en face qui, à tout bout de champ,
depuis un an et demi ou deux ans, posent des questions sur ce que cela
mangerait en hiver l'association, comme s'il n'en existait pas des
modèles dans le monde.
Là, on explique les modèles et on dit: Les
Québécois sont assez adultes pour adapter cela à leurs
propres besoins avec les Canadiens. Ces hypothèses de travail sur le
dynamisme d'une association peuvent évoquer beaucoup de choses, mais
cela, c'est à titre personnel comme, par exemple, il n'y a rien qui
empêcherait, surtout en allant vers d'autres pays, que des
Québécois et des Canadiens puissent trouver une façon
d'organiser des passeports communs, etc. Si on a une association, il n'y a rien
qui empêche qu'on ait des instruments communs. Il peut même y avoir
certains éléments de citoyenneté commune; je pense qu'il y
a des précédents en Scandinavie. Le coeur, c'est
souveraineté avec association; c'est-à-dire que tout cela, dans
l'évolution normale de deux sociétés libres, se
développe à la suite d'examens pour voir si c'est dans
l'intérêt réciproque que cela se développe à
partir de la souveraineté, c'est-à-dire de la décision
libre d'un peuple qui contrôle et ses lois et ses revenus publics. C'est
simple. (14 h 20)
M. Garneau: M. le Président, ma question était bien
simple. Je vais la répéter: Est-ce que, dans l'hypothèse
parce que cela fait dix ans que le premier ministre se promène
à travers le Québec et le monde pour prôner la
souveraineté-association, compte tenu qu'il a dû y
réfléchir et qu'il n'a pas lancé cela en l'air dans
l'hypothèse où cette souveraineté arriverait, les
Québécois seraient-ils, oui ou non, des citoyens canadiens? Je ne
demande qu'un oui ou un non.
Le Président: Monsieur le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'ai essentiellement dit, comme
n'importe qui peut le dire et à titre personnel dans une
interview, qu'il n'y a rien qui excluait des éléments de
souveraineté commune comme, par exemple, les passeports, etc., de ne pas
se barrer les jambes, si deux peuples décident qu'ils ont des choses en
commun, sur les mises en commun qui n'affectent en rien la souveraineté
fondamentale. C'est tout.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, vous allez reconnaître
que je dois revenir une troisième fois à la charge parce que la
question est importante. Le premier ministre semble oublier qu'il est chef de
l'État et, en même temps, chef de parti; il ne peut pas parler
comme un citoyen ordinaire. Selon lui, il est le chef de ce parti, est-ce
qu'après l'application de sa thèse qu'il a lui-même
inventée, les Québécois demeureraient des citoyens
Canadiens, oui ou non?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, même
le rôle que je joue ne m'empêchera pas tout de même d'avoir
des idées personnelles à l'occasion. J'espère que le
député de Jean-Talon l'admettra.
La deuxième chose, je pense qu'on a évolué au point
où, par exemple, cela devient comme un souvenir un peu pas
nostalgique, c'est sûr historique qu'on a déjà
été citoyens canadiens et citoyens de l'Empire britannique en
même temps, citoyens du Commonwealth, sujets britanniques. Enfin, peu
importe le jargon, il y avait de ces... Alors, citoyens canadiens, sujets
britanniques et je pense que, dans le temps de l'Empire, il y a eu des
périodes de transition.
De toute façon, je ne suis pas ici pour faire des avocasseries et
chinoiser. Je dis simplement que des jonctions peuvent être
imaginées. Par exemple, qu'est-ce qui empêcherait que dans dix ou
quinze ans est-ce qu'on a le droit de se priver des ressources de
l'imagination et d'une certaine prospection de l'avenir un citoyen du
Québec pourrait en même temps et à l'échelle
internationale, il semble que cela ne serait pas si mal, être citoyen de
l'association Québec-Canada? Pensons-y en tout cas.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Nous sommes à quelques mois, suivant le
ministre de l'Éducation, de la tenue d'un référendum et je
me rends compte que le chef du gouvernement et chef du Parti
québécois, surtout, n'a pas d'idée, ce parti n'a pas
d'idée. Je demande pour une dernière fois au premier ministre
ne vous énervez pas, et énerve-toi pas toi non plus
il me semble que ma question est simple...
M. Charron: Vous n'avez pas d'ordre à donner au
président.
M. Garneau: Toi non plus, tu n'en as pas à me donner.
C'est clair?
M. Charron: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le leader du gouvernement, sur votre question de
règlement.
M. Charron: Une question de règlement. Vous savez
très bien qu'aussi frustré qu'il soit le député de
Jean-Talon n'a pas le droit de manquer au règlement.
Le Président: M. le député de Jean-Talon,
votre première question, et c'était normal, était
précédée d'un préambule. Les deux autres ou les
trois autres l'étaient également. Je vous demande maintenant de
vous en tenir au règlement.
M. Garneau: Je demande au premier ministre pour une
troisième fois de nous répondre si oui ou non on serait des
citoyens canadiens et d'arrêter de tergiverser; lui qui traite toujours
les autres d'invertébrés, il nous donne un bel exemple
d'invertébrés.
M. Lévesque (Taillon): Je n'ai rien à ajouter
à l'exemple prospectif que je donnais tout à l'heure au
député de Jean-Talon sans répéter ce qu'a
dit à très juste titre le leader du gouvernement,
c'est-à-dire qu'il y a une limite aux frustrations qu'on peut avoir de
l'autre côté sauf d'ajouter simplement ceci: De ce
temps-ci, nous, partant des idées essentielles qui ont été
exposées à cette Chambre, chaque fois qu'on a l'occasion de
rencontrer des citoyens, qu'ils soient militants de notre parti ou qu'ils
soient citoyens réunis dans le public "at large", comme on dit en
anglais, ils comprennent admirablement l'essentiel de ce qu'on propose. Ils
comprennent admirablement . l'essentiel de ce qu'on propose pendant que, pour
autant qu'on sache, nos amis d'en face se promènent négativement
en essayant de semer de la confusion et n'ont rien, strictement rien à
proposer pour quelque avenir que ce soit.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, au lieu de
répondre par l'injure et de s'associer même à l'injure
proférée par le leader parlementaire du gouvernement, pourquoi le
premier ministre n'indique-t-il pas c'est là ma question
bien franchement, en toute transparence, quelles sont les intentions de ce
gouvernement? Est-ce qu'il veut nous laisser citoyens canadiens à
l'intérieur du Canada ou a-t-il décidé une autre route
à suivre? Les gens qui nous écoutent présentement veulent
savoir quelles sont les intentions véritables de ce gouvernement?
M. Lévesque (Taillon): Je répondrai simplement au
chef de l'Opposition, au chef parlementaire de l'Opposition, sans aller
au-delà de ce que j'ai dit, les citoyens du Québec dans un
État souverain du Québec seront citoyens québécois.
Rien ne les empêcherait de penser qu'il puisse y avoir une jonction
internationale puisqu'il y aurait une association Québec-Canada de
façon à ce qu'il y ait deux dimensions. Ce n'est pas du tout
interdit à l'imagination d'une société moderne
civilisée. Même si l'Opposition continue à chaque occasion,
à partir de chaque titre, à essayer de reprendre les
espèces de mandarinats de l'ancien temps où on finit par aboutir
à essayer de compter de nouveau combien d'anges peuvent tenir sur la
tête d'une épingle, les gens comprennent quand même.
Le Président: Dernière question, M. le chef de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que dans l'esprit du premier
ministre on peut être à la fois Québécois souverain
et Canadien souverain? Autrement dit, est-ce que ce n'est pas le cas si nous
avions répondu comme a répondu il y a un instant le premier
ministre, que le vocabulaire du premier ministre aurait-il trouvé
facilement le mot schizophrénie?
M. Lévesque (Taillon): Franchement, M. le
Président, non, il n'y a rien là.
Le Président: Question principale, M. le chef de
l'Opposition.
Avenir de l'entreprise Cadbury
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, à
défaut de réponse, nous allons poser une autre question. Ma
question principale, M. le Président, je voulais la faire porter sur le
déménagement de McDonald Tobacco de Montréal à
Toronto. Mais, M. le Président, nous aurons sans doute l'occa-
sion de revenir sur cette question, car vu le dépôt par le
ministre il y a quelques instants d'un rapport du comité technique sur
l'avenir de l'entreprise Cadbury à Montréal, rapport
préparé et présenté par le sous-ministre adjoint,
M. Pierre Shooner, à M. Rodrigue Tremblay, ministre de l'Industrie et du
Commerce en date du 14 novembre 1978.
Puis-je demander au ministre de l'Industrie et du Commerce, s'il a
présenté au cabinet une demande de subvention spéciale
dans le cas de Cadbury, quelle a été la réponse qu'il a
reçue du cabinet? Je termine, avec votre collaboration, M. le
Président, mon préambule nécessaire. Selon ce rapport, le
mercredi 29 septembre, le président de Cadbury, dans une lettre
adressée à M. Pierre Shooner, réitère qu'il lui est
impossible d'accepter la proposition du ministère des 11 et 19 septembre
"puisque votre proposition n'implique aucun engagement formel de la part du
gouvernement".
Un peu plus loin, au mois d'octobre, on revient à la charge. Le
vendredi 13 octobre, le président de Cadbury ce n'est pas moi qui
le dis, c'est votre rapport demande à nouveau que toute
proposition provenant du ministère de l'Industrie et du Commerce ait
l'appui définitif du gouvernement.
Devant ces écrits qui proviennent justement du ministère
de l'Industrie et du Commerce du Québec, puis-je réitérer
ma question? Est-ce que le ministre a eu de la difficulté avec le
cabinet? Est-ce qu'il a présenté une proposition qui n'a pas
été acceptée par le cabinet ou est-ce qu'il voudrait
simplement faire le point de la situation?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: M. le Président, je voudrais d'abord
m'excuser pour être arrivé en retard à la période de
questions. J'étais à Beauceville ce midi pour l'inauguration
officielle de...
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous nous avez
continuellement rappelé là l'ordre et particulièrement au
cours des derniers jours. Vous avez particulièrement rappelé
à l'ordre, je le soumets respectueusement, l'Opposition et les
Oppositions pour la longueur des questions. Vous avez continuellement
rappelé les députés à la pertinence du
débat. M. le Président, si vous voulez avoir notre collaboration,
vous ne permettrez pas au ministre de l'Industrie et du Commerce, lorsque nous
avons des questions précises comme celles que je viens de poser, d'avoir
ce genre de préambule dans une réponse, qui n'a rien à
voir avec la question posée. (14 h 30)
M. Charron: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron:... sur la question de règlement, le ministre
de l'Industrie et du Commerce est tout aussi justifié de s'excuser
auprès de la Chambre que le chef de l'Opposition lui-même avait
préfacé sa question d'une autre annonce que le ministre a le
droit de contrecarrer.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce, en vous demandant de vous en tenir à la pertinence de la
question.
M. Levesque (Bonaventure): Merci.
M. Tremblay: La pertinence, M. le Président, je vous
souligne que nous venons d'assister à une minute de verbiage, alors
qu'on avait commencé par un long préambule, parlant d'Imperial
Tobacco, etc.
M. Levesque (Bonaventure): Avez-vous une réunion à
cinq heures?
M. Tremblay: ... et les députés de Beauce-Nord et
de Beauce-Sud sont eux aussi en retard.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce, s'il vous plaît.
M. Tremblay: Si on ne veut pas discuter de banque et de
développement, on en discutera une autre fois. Donc, je n'étais
pas ici pour déposer le rapport, je voulais m'en excuser. Le rapport a
été déposé.
Dans un dossier comme celui-là, il est important de regarder la
réalité et de se former un jugement à partir de cette
réalité. Dans toutes les dépositions que l'entreprise a
faites auprès du comité chargé d'étudier la
question, la compagnie a toujours maintenu:
A- Que sa décision de consolider ses activités dans une
seule usine plutôt que dans deux était économique,
c'est-à-dire, c'était dans le but d'épargner $5 à
$6 millions par année;
B- Que cette décision était irrévocable;
C- Que, par conséquent, toutes les autres hypothèses comme
le maintien d'une partie de la production dans la vieille usine et une partie
dans la nouvelle, étaient impraticables et qu'aucune subvention ou
aucune renégociation de la convention collective ne pouvaient, par
conséquent, changer quoi que ce soit à la décision.
Maintenant, j'en reviens au point spécifique qu'a soulevé
le chef de l'Opposition, qui dit: Est-ce que le Conseil des ministres a offert
une subvention? Le chef de l'Opposition, qui a déjà
été ministre de l'Industrie et du Commerce, devrait savoir que ce
n'est pas de cette façon que fonctionne un gouvernement. Les entreprises
demandent des subventions et elles sont agréées ou
refusées. Dans le cas qui nous concerne, le comité technique a
regardé différentes possibilités, différentes
hypothèses évidemment puisqu'il s'agit toujours
d'hypothèses pour voir s'il y en avait une qui pouvait satisfaire
l'entreprise, compte tenu d'un ensemble de politiques incluant la producti-
vité, incluant les ventes, incluant la renégociation de la
convention collective et incluant des subventions des deux paliers de
gouvernement, autres que des subventions de recyclage qui sont
déjà prévues lors de mises à pied.
Or, l'entreprise a toujours répondu: Non cela ne nous
intéresse pas de regarder une de ces avenues... Maintenant, j'apprends
ce matin qu'à la suite des pressions du syndicat, le président de
la compagnie serait disposé à venir me rencontrer cet
après-midi. J'en suis fort heureux, mais ce n'est pas la démarche
normale qu'un chef d'entreprise doive être poussé dans le dos par
ses travailleurs pour aller rencontrer un ministre de l'Industrie et du
Commerce. Normalement, c'est le chef d'une entreprise qui demande de venir le
rencontrer, ce qui témoigne très bien de l'état d'esprit
du président de Cadbury. Il vient à reculons. Il vient, lorsqu'on
le pousse, et cette attitude est confirmée dans le rapport qui a
été déposé.
M. Bellemare: M. le Président, cela fait trois fois qu'il
le répète.
M. Tremblay: Je vois que le député de Johnson se
lève en colère encore.
M. Bellemare: A-t-il reçu une lettre, oui ou non? A-t-il
reçu une lettre de vous?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader parlementaire de l'Union Nationale, je pense que je vais vous
demander de respecter un peu l'ordre dans cette salle. Nous sommes à
l'Assemblée nationale, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale,
M. Bellemare, et je ne voudrais pas que vos paroles dépassent trop
souvent votre pensée.
M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Tremblay: M. le Président, question de
privilège. Je n'accepterai jamais de quiconque, en particulier dans
cette Assemblée, de me fare traiter de menteur. Si le leader de l'Union
Nationale veut mettre son siège en jeu, je mettrai le mien en jeu
à n'importe quel temps. Comme disait le général de Gaulle,
"la vieillesse est un naufrage;" je constate l'épave que nous avons
devant nous.
M. Bellemare: ... de nouveau, M. le Président, combien le
ministre est...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale... M. le député de Johnson, je vous rappelle à
l'ordre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'ai pas
l'habitude d'intervenir dans ce genre de chicane, mais je trouve cela
invraisemblable. Je pense que l'article 100 de notre règlement
empêche le ministre de l'Industrie et du Commerce de traiter, comme il
vient de le faire, un de ceux qui a consacré sa vie ici à
l'Assemblée nationale.
M. Tremblay: Question de privilège, M. le
Président.
M. Levesque (Bonaventure): Je termine ma question de...
Le Président: Je vais vous reconnaître
immédiatement après, M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Levesque (Bonaventure): Si, M. le Président, le
député de Johnson n'a pas eu l'occasion de fréquenter les
universités du ministre de l'Industrie et du Commerce...
Une voix: Question, question!
M. Levesque (Bonaventure):... on doit cependant respecter son
grand jugement, sa ponctualité et son assiduité et ne pas
utiliser un vocabulaire comme celui que vient d'utiliser à son endroit
le...
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: Question de privilège, M. le
Président. Quand j'ai déposé ce rapport ce midi,
c'était pour discuter des choses à leur mérite. Lorsque
l'on vit dans une maison de verre, on ne lance pas de pierres. On a
commencé à lancer de la boue en traitant un ministre du
gouvernement de menteur ici, devant tous les membres qui sont témoins.
J'ai demandé, comme question de privilège, que le
député de Johnson retire ses paroles. Les paroles n'ont pas
été retirées. Je crois qu'à titre de
député de cette Assemblée et à titre de ministre du
gouvernement, mes droits et privilèges ont été
violés, ma réputation a été ternie par une
accusation gratuite qui n'a pas été retirée.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que,
maintenant que cette période de questions semble terminée, on
pourrait avoir la réponse du ministre de l'Industrie et du Commerce?
J'ai...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, puis-je vous inviter, avec insistance et avec le sens du
parlementarisme que je vous connais, à vous expliquer sur les paroles
que vous avez tenues à l'endroit du ministre de l'Industrie et du
Commerce?
M. Bellemare: M. le Président, si j'ai pu manquer au
règlement, c'est un triste et un mauvais exemple, mais seulement, devant
celui qui nous est donné présentement par un ministre
assermenté et qui nous a donné la preuve...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Compte tenu de l'impossibilité qu'il y a pour le moment d'avoir de
l'ordre dans cette Assemblée, je sus-
pends les travaux de l'Assemblée pendant quelques minutes.
(Suspension à 14 h 40)
(Reprise à 14 h 47)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, en espérant que ces quelques moments de répit auront
permis à tout le monde de reprendre sa bonne humeur et de penser que
l'Assemblée nationale est une institution fragile dont il ne faut pas
trop abuser, nous allons maintenant continuer la période des
questions.
M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je vous reconnais.
M. Bellemare: M. le Président, je voudrais simplement vous
dire que mes paroles n'ont été enregistrées ni au journal
des Débats, ni à la télévision parce que vous
étiez debout à ce moment-là, mais, par exemple, ce que m'a
dit, en réponse, l'honorable ministre a été
enregistré. Je suis le doyen de l'Assemblée nationale et je n'ai
pas le droit de donner des mauvais exemples vis-à-vis de qui que ce soit
dans cette Chambre. C'est avec beaucoup de regret que je retire mes paroles,
mais je dis, par exemple, que, lorsqu'on me traite de vieux, j'ai
peut-être le dessous des pieds plus propre que la bouche du ministre
quand il m'a insulté tout à l'heure.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: M. le Président, je voudrais dire que, sous
le feu des provocations, la phrase que j'ai citée tout à l'heure,
la phrase du général de Gaulle, dépasse évidemment
ma pensée et je voudrais la retirer. Si j'ai pu offenser qui que ce soit
dans cette Assemblée, je m'en excuse. (14 h 50)
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je veux bien
demander au député de Notre-Dame-de-Grâce de bien vouloir
m'excuser, mais le ministre a-t-il répondu à la question que j'ai
posée? Il a peut-être oublié que je lui avais posé
une question, M. le Président.
Le Président: De toute manière, M. le chef de
l'Opposition, je crois que le député de Notre-Dame-de-Grâce
avait une question additionnelle, donc portant sur le même sujet.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je soutiens
respectueusement que j'ai... Peut-être que le ministre a oublié,
dans tout cela la question que je lui avais posée. Je lui ai cité
son propre rapport, hier, le rapport de son sous-ministre, daté du 14
novembre, dans lequel on lit que le mercredi 29 septembre, le président
de la compagnie Cad-bury réitérait qu'il lui était
impossible d'accepter la proposition du ministère, puisque la
proposition n'impliquait aucun engagement formel de la part du gouvernement et
il revenait... le rapport précise que le vendredi 13 octobre, il y a un
mois, le président de Cadbury faisait une nouvelle demande pour que
toute proposition provenant du ministère de l'Industrie et du Commerce
ait l'appui définitif du gouvernement. J'avais posé la question
au ministre: Le ministre en a-t-il parlé, soit au premier ministre, soit
au cabinet? A-t-il fait une proposition, oui ou non? Et cette proposition, dans
l'affirmative, a-t-elle été agréée ou
refusée?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: Je me rappelais tout à fait la question du
chef de l'Opposition et je m'apprêtais à y répondre tout
à l'heure. Étant donné que le chef de l'Opposition a
déjà été ministre de l'Industrie et du Commerce, il
sait bien que le Conseil des ministres ne se prononce jamais à
l'aveuglette, à moins qu'il n'y ait une demande formelle d'une
entreprise. J'ai dit, hier, qu'il n'était pas question que le
gouvernement signe un chèque en blanc pour quelque entreprise que ce
soit. Puisqu'il a cité mon rapport, vous me permettrez de citer le
rapport justement sur ce point bien précis que soulève le chef de
l'Opposition. S'il prend le texte...
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement, M. le
Président.
M. Tremblay: Aussitôt que je commence à
répondre, on soulève une question de règlement.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur votre
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Je comprends que le ministre soit
nerveux, mais qu'il lise l'article 170 de notre règlement.
M. Tremblay: Vous me tombez sur les nerfs!
M. Levesque (Bonaventure): C'est ma question, M. le
Président. L'article 170 dit: "La réponse à une question
doit se limiter au point qu'elle touche..." Je lui demande: A-t-il fait, oui ou
non, une proposition au premier ministre ou au gouvernement et quelle est la
réponse?
M. Tremblay: C'est justement sur le point que touche la question
que je veux faire ce qu'il a fait, c'est-à-dire répondre par la
citation du rapport. Voici ce que dit le rapport: Nous tournons en rond depuis
le début de nos rencontres avec le représentant de Cadbury. D'une
part, le président de cette entreprise refuse de nous fournir les
données économiques qui nous permettraient de préciser des
hypothèses de solutions et nous indique qu'il ne peut répondre
à des propositions
hypothétiques. D'autre part, nous suggérons des
propositions précises, et le président refuse de nous indiquer si
elles peuvent être acceptables ou non par l'entreprise. Pour pouvoir
fonctionner dans ce cadre, il faudrait que le gouvernement, c'est-à-dire
le Conseil des ministres, fasse des propositions fermes à l'entreprise
sans aucune discussion ou négociation préalable, sans une
connaissance suffisante des données économiques qui ont
motivé l'entreprise à prendre une telle décision, sans
connaître à l'avance ce qu'un tel engagement pourrait coûter
au gouvernement pour les années à venir et sans même avoir
la possibilité d'évaluer s'il n'y a pas d'autres moyens
financiers techniques de collaborer avec l'entreprise. Autrement dit, M. le
Président, on dit: Donnez-nous un chèque en blanc. Jamais, M. le
Président, le gouvernement ne donnera un chèque en blanc à
quelque entreprise que ce soit.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une
précision, une seule, pour terminer.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, je vous reconnaîtrai immédiatement après que le
chef de l'Opposition aura formulé...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne demande
pas au ministre de donner les raisons pour lesquelles il ne donnerait pas une
subvention à moins d'avoir ces données. Je lui demande: Est-ce
qu'il a fait une proposition au premier ministre ou au gouvernement
relativement à cette affaire? Et dans l'affirmative, quelle a
été la réponse?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
Une voix: Le ministre d'État aux affaires sociales va
répondre.
M. Tremblay: M. le Président, je répète ce
que je viens de dire. Les subventions du gouvernement et j'en ai
accordé des milliers ne sont entérinées par le
Conseil des ministres que lorsqu'il y a entente entre le ministre de
l'Industrie et du Commerce et l'entreprise. Si vous voulez faire de la petite
politicaillerie, vous pouvez le faire, mais les faits sont les faits. Dans ce
cas-la, M. le Président...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le ministre
de l'Industrie et du Commerce a répondu.
Le Président: À l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): II aurait pu ajouter qu'on en a
parlé à plusieurs reprises, du cas de Cadbury. Par
définition, ce qu'il a dit est vrai. Vous voyez cela, le gouvernement
qui irait donner à Cadbury je ne sais pas quoi sans savoir l'état
des livres, sans savoir la situation économique, sans avoir
étudié le dossier. Voyons!
M. Levesque (Bonaventure): Une question de privilège, M.
le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne veux pas, en aucune
façon, M. le Président, qu'on interprète la question que
j'ai posée comme étant une question dénuée de sens
de responsabilité. Je n'ai pas accusé le gouvernement, je n'ai
jamais accusé le gouvernement parce qu'il n'a pas donné de
subvention sans avoir les données nécessaires. J'ai simplement
posé une question bien claire.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Charron: M. le Président, j'invoque le
règlement. Je ne sais pas quelle sorte...
M. Bellemare: M. le Président...
M. Charron: Je ne sais pas quelle sorte de caucus ils ont eu ce
matin, si le Saint-Esprit les a accompagnés ou pas, mais une chose est
claire, le député de Jean-Talon, tout à l'heure, vous a
manqué de respect, et là, c'est le chef de l'Opposition qui vient
de dire qu'encore une fois, vous l'avez interrompu au moment de son
interrogation.
Il me semble, M. le Président... Je ne sais pas si c'est le
sondage ou la dévaluation...
Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.
M. Bellemare: M. le Président, le plus calmement possible,
parce que je suis au bout de mes moyens, hier, vous vous souvenez que, dans
cette Chambre, le ministre nous a dit: II y a eu des offres, jusqu'à $2
millions, pour les garder chez nous. On a tout fait, on a offert jusqu'à
$2 millions, pour la reconstruction. Vous allez trouver ça au journal
des Débats. Tout le monde a entendu ça. Alors, je veux savoir du
ministre, aujourd'hui, si oui ou non, il y a eu des offres écrites, une
lettre de sa main pour dire: Oui, on vous promet une aide jusqu'à $2
millions. Il l'a dit en Chambre, hier. Est-ce que cette lettre a
été écrite? Le président et les unions
ouvrières, aujourd'hui, ont dénoncé ça, de la part
du gouvernement ce matin, à la radio. Est-ce qu'il y a eu une lettre
signée, oui ou non?
On dit qu'il va y avoir rencontre cet après-midi, il pourrait
nous dire s'il y a...
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commmerce.
M. Tremblay: M. le Président, tout d'abord, je dois
corriger ce que vient de dire le député de Johnson, jamais je
n'ai confirmé un chiffre quelconque devant cette Assemblée.
M. Bellemare: Voyons donc, vous l'avez dit hier. C'est au journal
des Débats.
M. Tremblay: En réponse à la question, non
seulement il y a eu des offres concrètes, mais j'ai rencontré
moi-même le président dans mon propre bureau. Deuxièmement,
le mardi 19 septembre, si vous prenez le rapport à la page 12, mon
sous-ministre qui agit, selon la loi, sous mon autorité, a envoyé
une lettre à M. Powell qui lui donnait une série de propositions
concrètes.
M. Bellemare: Jamais le ministre...
M. le Président, je termine en vous disant ceci. Dans le rapport
qu'il nous a déposé, qui doit être véridique, le
ministre, par son sous-ministre, M. Shooner, dit ceci: "Les autorités de
Cadbury refusent systématiquement de remettre au gouvernement les
données économiques nécessaires à la
préparation des propositions fermes et équitables." Est-ce qu'ils
attendent la lettre, oui ou non? On reprend de l'autre côté: "Elle
refuse également de discuter avec les représentants du
gouvernement des moyens qui auraient pu permettre de réconcilier les
critères de rentabilité propres à l'entreprise."
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, je vous rappelle à l'ordre pour une première fois.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bellemare: Pour la deuxième fois, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai une question additionnelle à poser au
sujet de Cadbury. Hier, dans son intervention, le ministre de l'Industrie et du
Commerce a porté des accusations importantes contre quelques autres
compagnies québécoises et canadiennes. Il a dit,
premièrement, qu'il existait un cartel parmi les autres fabricants de
chocolat pour faire saboter le boycottage de Cadbury. Il a également dit
que les grandes chaînes de distribution panca-nadiennes ont
également essayé de briser ce boycottage. C'est une accusation
assez sérieuse et je demande au ministre s'il peut préciser les
noms des compagnies de chocolat et les chaînes de distribution
pancanadiennes qui sont impliquées dans cette affaire, et
spécifiquement, est-ce que la liste inclut la compagnie Lowney qui a une
grande usine à Sherbrooke, au Québec, et les compagnies Steinberg
et Provigo qui sont des chaînes pancanadiennes avec des sièges
sociaux au Québec? Je pense que c'est très important que non
seulement les noms et les détails de ce complot contre les
Québécois soient connus mais que le ministre en dévoile
les détails aussi vite que possible. (15 heures)
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: Je remercie le député de
Notre-Dame-de-Grâce de poser sa question sur l'intérêt des
entreprises formant le cartel du chocolat. S'il prend le rapport que j'ai
déposé tout à l'heure, à la page 19 il verra que le
comité technique a concentré ses efforts auprès des gens
du milieu de distribution, tant des entreprises privées que des
associations, pour tenter d'évaluer les conséquences de la
décision de Cadbury sur le marché québécois des
tablettes de chocolat. Donc, le comité a fait une évaluation du
résultat du boycottage qui avait été mis de l'avant, en
fonction de la liberté qui existe du côté des consommateurs
comme du côté des entreprises de prendre des décisions dans
leur intérêt. La conclusion qui en est découlée,
c'est que ce que j'ai dit hier s'était produit, soit que les ventes de
Cadbury n'avaient pas tellement baissé et que ceci est attribuable
surtout à deux causes que j'ai mentionnées hier. Donc...
Des voix: Qui?
M. Scowen: Nommez-les.
M. Marchand: Le nom des cartels?
M. Tremblay: Les renseignements... Le nom des compagnies, il y en
a quatre ou cinq.
M. Marchand: Nommez-les.
M. Tremblay: Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de
tourner cette période de questions en cirque, ce sont des
renseignements...
M. Marchand: Vous êtes mal pris... M. Scowen:
Question de privilège. M. Marchand: Mettez votre siège
en jeu.
M. Tremblay: ... communs; je maintiens ce que j'ai dit,
c'était l'évaluation qui a été faite par mes
fonctionnaires, à l'effet que la campagne de boycottage n'avait pas eu
un grand...
M. Scowen: Question de privilège.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, le ministre a porté des
accusations sérieuses contre les compagnies québécoises.
Je pense qu'il s'impose qu'il accepte de les nommer une par une pour que les
Québécois sachent qui fait partie de ce complot, de ce cartel
contre les Québécois.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: M. le Président, il n'y a aucune compagnie de
chocolat qui a son siège social au Québec.
Le Président: Question principale. M. le chef de l'Union
Nationale.
Difficultés à Marine Industrie
M. Biron: M. le Président, comme c'est mon habitude
maintenant depuis tout près de deux ans, je continuerai à
questionner le ministre de l'Industrie et du Commerce sur l'économie,
sur le manque de création d'emplois au Québec. Vendredi dernier,
à Montréal, il s'est tenu une réunion spéciale du
comité ministériel du développement économique,
réunion convoquée d'urgence pour trouver des remèdes aux
problèmes et aux difficultés d'une filiale d'une
société d'État québécoise je veux
parler ici de Marine Industrie de Sorel et pour trouver des acheteurs
pour six cargos polyvalents construits à raison de $20 millions chacun
et pour lesquels le gouvernement du Québec avait accepté de
garantir un prêt de $120 millions par l'entremise de la
Société générale de financement et par l'entremise
aussi de la Société de développement industriel.
Le ministre peut-il nous dire s'il est exact que cette réunion
spéciale et urgente a porté sur cette question des cargos de
Marine Industrie et le ministre peut-il aussi nous dire si des solutions de
rechange ont été retenues pour empêcher que le
Québec, que nous restions avec six bateaux sur les bras d'une valeur de
$120 millions et que nous causions ainsi un autre déficit à une
autre société d'État?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: M. le Président, je ne crois pas qu'il soit
dans les pratiques du gouvernement, du Conseil des ministres de rendre publique
la teneur des discussions du Conseil des ministres. Je dirai simplement ceci,
c'est que j'ai déjà annoncé devant cette Assemblée
que le gouvernement avait l'intention de mettre de l'ordre dans les
sociétés d'État. Si vous vous rappelez bien, M. le
Président, il y a quelques mois, nous avons nommé une nouvelle
direction à la Société générale de
financement et une nouvelle direction à la société Marine.
Il y a des problèmes qui pourrissent depuis 1973 dans cette
société Marine à laquelle a fait allusion le chef de
l'Union Nationale. Nous avons la ferme intention de faire le nettoyage.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Biron: M. le Président, ce n'était pas du tout
ie but de ma question. Je voudrais que le ministre de l'Industrie et du
Commerce prenne son calme tranquillement et réponde clairement à
ma question. Est-ce qu'on a discuté du cas de Marine Industrie, est-ce
qu'on a discuté en particulier du cas des six cargos valant $120
millions qui sont restés sur les bras ou qui restent sur les bras de la
société d'État québécoise qui s'appelle la
Société générale de financement?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: Comme je l'ai dit, M. le Président, je ne
crois pas qu'i! soit dans l'ordre des choses de divulguer le contenu des
discussions du Conseil des ministres, mais je peux dire que nous discutons de
ces choses depuis plusieurs semaines et que vendredi, effectivement, nous avons
discuté de cette question.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Ma question additionnelle au ministre de l'Industrie et
du Commerce est: Qu'est-ce qu'on s'attend de faire vis-à-vis de la
société d'État, la Société
générale de financement et Marine Industrie concernant ses six
cargos qui valent $120 millions au prix du Québec, alors qu'il y en a
450 ou 500 à peu près du même genre qui traînent dans
tous les ports du monde à l'heure actuelle et qui se vendent pas mal
meilleur marché que ceux que nous avons au Québec? Qu'est-ce
qu'on s'attend de faire avec cela et quelle somme d'argent le Québec
perdra-t-il dans ce marché de ces six cargos de Marine Industrie?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: M. le Président, dans les semaines qui vont
venir, nous allons déposer un projet de loi devant cette
Assemblée. Il y aura une commission parlementaire après
l'adoption en première lecture et tout ce problème qui est
soulevé aujourd'hui sera discuté dans ses détails.
M. Biron: M. le Président, est-ce que cela veut dire que
ce projet de loi créera une marine marchande québécoise
qui a déjà été préconisée par un des
ministres? Qu'arrivera-t-il maintenant des emplois à Marine Industrie
à l'heure actuelle?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: Que le chef de l'Union Nationale attende le projet
de loi et il y aura à boire et à manger.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Enquêtes de sécurité et
CAD
M. Lalonde: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de la Justice. Je lui a posé hier une question. Je lui ai
demandé de donner l'assurance à cette Chambre que jamais les
officiers de son ministère ou des agents de la Sûreté du
Québec ne se sont rendus chez des personnes, des groupes de personnes
qui ont fait des manifestations à l'encontre des politiques du
gouvernement. Est-ce que le ministre a la réponse?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, en réponse
à la question posée hier par le député de
Marguerite-Bourgeoys, je puis dire et comme ancien Procureur
général, il en sait quelque chose qu'il y a, à
l'occasion, des vérifications ou des rencontres qui sont faites par les
policiers de la Sûreté du Québec avant, pendant ou
après des manifestations, et qu'il y en a eu au cours de l'époque
mentionnée par le député de Marguerite-Bourgeoys hier.
Cela s'inscrit dans l'action normale de prévention d'évaluer s'il
y a un risque, ou encore s'il y a une volonté de violence. Lorsqu'il n'y
en a pas, c'est-à-dire aucun risque, danger ou potentialité de
violence, lorsque ceci n'existe pas, le problème est
réglé.
S'il y a une potentialité de violence, à ce
moment-là, des mesures adéquates doivent être prises. Ce
rôle de prévention est majeur, il est toujours
préférable de prévenir les actes de violence plutôt
que d'agir après.
Si le député de Marguerite-Bourgeoys a un cas
précis sur lequel il voudrait plus de renseignements, je suis à
sa disposition, pour autant que c'est possible. Je puis lui dire qu'aucun
officier de mon ministère n'a enquêté dans une affaire
précise que le député de Marguerite-Bourgeoys a
peut-être à l'esprit.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que les rapports de la Sûreté du
Québec sont analysés ensuite au ministère de la Justice et
par qui?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: C'est une question très
générale. Il y a des rapports qui sont analysés au niveau
du ministère de la Justice et qui nous sont envoyés par la
Sûreté du Québec; il y en a d'autres qui demandent moins
d'attention. Si le député de Marguerite-Bourgeoys a un cas
précis à l'esprit, je pourrais peut-être être en
mesure de lui dire si ce cas a fait l'objet d'une analyse de la part du
ministère de la Justice.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Dans le cas de certains membres de l'Association des
propriétaires de Val-Martin qui avaient manifesté à Boston
lors d'un discours du premier ministre devant un public, pourquoi les policiers
qui auraient visité ces personnes auraient-ils posé des questions
quant aux allégeances politiques? Est-ce que cela fait partie du cadre
des interrogatoires que le ministre vient de nous décrire pour les
manifestants?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
(15 h 10)
M. Bédard: Dans le cas spécifique mentionné
par le député de Marguerite-Bourgeoys, le service de
sécurité de l'Université Harvard aux États-Unis a
fait un rapport sur une manifestation. La question qui se posait était
de savoir si les manifestants étaient bien ceux qu'ils
prétendaient être de par les pancartes qu'ils pouvaient afficher.
Il y a eu une vérification, ce qui se fait normalement; non pas
seulement depuis que nous sommes là, cela se faisait auparavant. Il y a,
comme nous le savons tous par les rapports annuels qui sont
déposés à l'Assemblée nationale, un service de
sécurité à la Sûreté du Québec qui
doit faire un travail bien spécifique. Dans ce cas, une
vérification sommaire a été faite et le dossier a
été fermé parce qu'il ne paraissait pas y avoir de danger
de violence pour l'avenir. Le groupe en question avait effectivement
été identifié comme étant un groupe des Immeubles
Val-Martin.
Pour ce qui est de l'autre aspect de la question, à savoir si les
policiers se sont informés des allégeances politiques, je dois
vous dire qu'à l'intérieur du rapport qui m'a été
présenté il n'y a absolument aucune référence
à ce genre de questions qui auraient pu hypothétiquement,
à ce que nous dit le député de Marguerite-Bourgeoys,
être posées par les policiers. Maintenant, si le
député de Marguerite-Bourgeoys veut se plaindre dans le
bon sens du mot ou encore évoquer que certains droits auraient pu
être brimés, au cours de l'enquête normale de
sécurité qui devait être faite par la Sûreté
du Québec, je dois lui dire que je n'ai aucune information dans ce
sens-là.
Le Président: Dernière question, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II semble que le CAD qu'on a prétendu
éteindre est encore bien vivant au ministère de la Justice. M. le
Président, le ministre de la Justice peut-il dire pourquoi les membres
de la Sûreté du Québec auraient été
envoyés là par le ministre de la Justice d'après
leurs dires auraient prié ces Québécois de
communiquer avec les policiers pour toute autre manifestation de même
nature, auraient interrogé ces personnes sur leurs allégeances
politiques, auraient rappelé ces Québécois, quelques mois
plus tard, pour savoir si c'était leur intention d'aller manifester
à New York, au cours d'un voyage du premier ministre, et enfin auraient
interrogé ces Québécois sur leurs sentiments quant au
ministre Guy Tardif et Bernard Landry?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Ce sont des affirmations que fait le
député de Marguerite-Bourgeoys. S'il a des indications
très précises dans ce sens, je l'invite à me les
communiquer. Je dois lui dire que le dossier... Bien oui! Poser une question ne
veut pas nécessairement dire énoncer une vérité!
Vous posez une question parce que vous vous interrogez, j'imagine!
M. Lalonde: Vérifiez cela.
M. Bédard: Bon. Alors, les vérifications ont
été faites et il n'y a aucune indication dans le dossier selon
laquelle des questions dans le genre de celles auxquelles se
réfère le député de Marguerite-Bourgeoys auraient
été posées. Au contraire et je le dis encore une
fois dans le cas spécifique mentionné par le
député de Marguerite-Bourgeoys, pourquoi il y a eu une
enquête de sécurité, c'est très simple, c'est que le
service de sécurité de l'Université Harvard, aux
États-Unis, a fait un rapport sur une manifestation et que la question
qui se posait était de savoir si les manifestants qui étaient
là avec des pancartes étaient vraiment ceux qu'ils
prétendaient être.
Je dois dire au député de Marguerite-Bourgeoys, et il le
sait, que ces enquêtes de sécurité sont normales. La
Sûreté du Québec est là avec une direction
générale de la sécurité et du renseignement pour
faire un travail très spécifique qu'elle faisait dans le temps de
l'ancien gouvernement et qu'elle fait encore.
M. Lalonde: Le CAD est encore là.
M. Bédard: M. le Président, je trouve absolument
inacceptable qu'on essaie d'évoquer l'image que le CAD serait
ressuscité à cause...
M. Lalonde: Ne riez pas du monde!
M. Bédard: Je trouve tout à fait inacceptable qu'on
essaie de projeter l'image que le CAD serait ressuscité parce que la
Sûreté du Québec fait un travail très
spécifique qui lui est donné par son mandat. C'est toute la
différence du monde entre ce qui existait auparavant, à savoir le
CAD qui était un noyau de renseignement connecté directement non
pas avec le ministère de la Justice, mais avec le bureau de l'ex-premier
ministre. Alors, c'est toute la différence du monde.
Le Président: Fin de la période des questions, sauf
qu'on m'a informé que le ministre d'État au développement
économique voulait apporter un complément de réponse
à une question qui a été formulée hier par le
député de Laval et leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. le ministre d'État au développement
économique.
Opération solidarité
économique
M. Landry: M. le Président, je vous remercie de me
permettre de compléter une réponse que j'ai donnée hier et
qui était mince, il faut l'admettre. J'ai maintenant beaucoup de
renseignements et j'ose espérer, cette fois, que le député
de Laval aura satisfaction. Je rappelle en une phrase les faits. Il
était question d'un répertoire de l'Opération
solidarité économique qui faisait état de travaux
terminés, alors qu'ils n'étaient pas terminés. J'ai fait
mener une enquête maison sur la question et voici quels sont ces
faits.
Le 19 mai, un répertoire a été distribué
dans lequel tous les projets PACEM, PAREM du ministère des Affaires
municipales ont été catologués comme terminés. J'ai
demandé pourquoi on avait mis ce mot terminé. Réponse: le
fonctionnaire des Affaires municipales a interprété l'expression
"travaux terminés" comme son travail étant terminé,
c'est-à-dire... Attendez un peu!
Des voix: Quand même!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre d'État au développement économique.
M. Landry: II est évident que cette constatation que j'ai
faite qui provoque les rires de l'Opposition a provoqué une
réaction toute différente de ceux qui étaient responsables
de l'information. Après qu'un certain nombre de copies, dont celle que
le député de Laval a entre les mains, ont été
imprimées et distribuées, l'imprimeur a reçu l'ordre
d'arrêter l'impression, corriger l'édition et mettre en
circulation certains députés ont reçu du mauvais
stock et d'autres du bon stock... Allez-vous me laisser terminer, s'il vous
plaît? M. le Président...
M. Lavoie: Consentement.
M. Landry: Très bien parce que la suite est
intéressante et vous le verrez; la suite est intéressante. Par
conséquent, dans les jours qui ont suivi, des copies corrigées
ont été mises en circulation. Mais, pour être sûr que
cette confusion serait effacée, trois semaines après l'imprimeur
a livré une version, comté par comté, parfaitement claire,
exacte, corrigée, enrichie et relue. On en a déduit que, comme
elle était comté par comté, tous les députés
la liraient. Je pense que le député de Laval ne l'a pas lue.
Des voix: Ah, ah!
M. Landry: Mais pour être plus sûr encore, le 1er
août, publication de tous les projets autorisés, revus,
corrigés, enrichis et, pour une deuxième fois, tous les
députés des deux côtés de cette Chambre l'ont eue.
Alors, M. le Président, vous êtes juriste le
député de Laval est juriste la bonne foi se présume
toujours. Je présume que le député de Laval n'a pas vu les
versions corrigées qui lui ont été envoyées. Je le
présume je pense que vous êtes de bonne foi vous
n'avez pas vu les versions corrigées. C'est vrai que les parlementaires
sont inondés souvent de paperasse ce qui est bon pour leurs
travaux qu'on ne peut pas tout lire. Il aurait peut-être
été bon que les services de recherche le lisent. Mais, si mon
interprétation de la bonne foi qui est universelle s'applique au
député de Laval, elle s'applique aussi au gouvernement, qui a
corrigé dans les trois jours qui ont suivi et qui a envoyé deux
autres versions corrigées. M. le Président, c'est mon
complément de réponse.
M. Lavoie: M. le Président...
Le Président: Votre question, M. le leader parlementaire
de l'Opposition officielle.
M. Lavoie: Une seule, M. le Président. Je constate que,
dans ce rapport qui serait du mauvais stock, l'état des travaux du
fonctionnaire des Affaires municipales il a terminé ses travaux,
pour ce qui me concerne... Je constate que ces travaux ont coûté
$3 950 000 et qu'ils ont impliqué 2473 semaines-homme. Bon!
(15 h 20)
Ma question est la suivante. Les films tv et les magazines qui circulent
également sur le projet OSE dans la province, est-ce du bon stock ou du
mauvais stock?
Le Président: M. le ministre d'État au
développement économique.
M. Landry: Le député de Laval élargit la
question et c'est excellent. Pour la première partie non élargie,
je pense que ma première réponse s'applique. Tous les PACEM et
PAREM avaient été considérés, dans ce premier livre
corrigé, comme terminés. Par la suite, ils se sont
terminés pour vrai, pour la plupart d'entre eux, sauf ceux que les
municipalités n'ont pas réalisés. J'invite le
député à faire ce qu'il n'avait pas fait,
c'est-à-dire lire les versions suivantes. Mais pour la publicité
de l'Opération solidarité économique c'est
là que je remercie encore mon collègue et voisin, le
député de Laval j'ai l'honneur d'annoncer à cette
Chambre, je l'ai peut-être déjà évoqué, que
ces publications qui sont très demandées et cette
publicité qui a été l'objet de nombreux commentaires
extrêmement favorables n'ont pas coûté un sou de plus que ce
qui a été voté par cette Chambre dans le budget
d'information de tous les ministères. On a fait une chose un peu sans
précédent. On a mis à contribution des sommes d'argent
déjà votées qui auraient été
dépensées en publicité pour toute espèce d'autres
choses; on a réuni ces sommes d'argent en un bloc pour un programme
intégré de publicité.
Je ne veux pas en faire un plat, cela vous avait été
suggéré par les gens du ministère des Communications et
c'était une excellente idée. Il ne faut pas être vantard en
politique, mais je pense qu'un ancien premier ministre du Québec,
Maurice Duplessis, aurait dit que cet argent a été de l'argent
qui a été consacré à la publicité.
M. Goulet: M. le Président.
Le Président: Nous en sommes maintenant aux motions non
annoncées.
M. Goulet: Est-ce que j'ai droit à une courte question
à la suite de ces propos?
M. Charron: Non, pas une seule.
Le Président: Non, M. le député de
Bellechas- se. Traditionnellement, je ne permets une question qu'à celui
qui a formulé la question et à qui on apporte un
complément de réponse.
Motions non annoncées.
M. le leader du gouvernement.
Félécitations à MM. Yves
Bérubé, Fernand Claisse et Jean-V. Dufresne
M. Charron: M. le Président, je voudrais solliciter le
consentement unanime de l'Assemblée pour souligner un
événement heureux qui se produit dans la vie d'un de nos
collègues membre de l'Assemblée. Demain, 17 novembre, dans la
matinée, le député de Matane et ministre des Richesses
naturelles recevra, au cours d'une cérémonie officielle, au
Palais de la découverte, à Paris, une distinction.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, il me semble que c'est un
événement qui devrait faire oublier la partisanerie. Notre
collègue, M. Bérubé, recevra demain, à Paris, au
cours d'une cérémonie officielle au Palais de la
découverte, une distinction scientifique de la Société
pour l'encouragement de la recherche et de l'invention. Cette distinction, qui
est une médaille d'or, lui est attribuée pour l'ensemble de ses
travaux de recherche en chimie colloïdale et en minérallurgie, des
travaux qu'il a lui-même effectués aussi bien aux
États-Unis qu'au Québec et en France. Il s'agit de la
première fois, M. le Président, que cette société
honore des chercheurs du Québec, puisqu'un autre lauréat
l'accompagne, le professeur Fernand Claisse, du département des mines et
métallurgie de l'Université Laval.
Je propose, et j'en fais motion, M. le Président, que cette
Assemblée félicite ces deux Québécois.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'aurais
apprécié que le leader du gouvernement nous fasse part au moins
quelques minutes avant de faire cette motion elle n'avait rien, je pense
bien, de partisan comme l'a déjà fait le premier ministre
en d'autres occasions, de son intention de présenter une telle motion.
Je n'hésite pas, M. le Président, à me joindre au leader
du gouvernement et, j'imagine bien, à tous les membres de cette
Assemblée pour dire, au nom de l'Opposition officielle, qu'il est
très réjouissant pour nous de voir des progrès
scientifiques, qui se multiplient d'ailleurs depuis quelques années
particulièrement à travers le Québec, et que tout cela
soit reconnu par une médaille. J'avoue bien franchement et bien
humblement que je n'en connais pas évidemment le mérite; enfin,
je n'en connais pas toutes les qualités. Je ne sais pas jusqu'à
quel point elle se rapproche de la médaille reçue par le
premier ministre l'an dernier ou si elle s'en éloigne.
De toute façon, je pense que, sérieusement, il est
important que nous ne manquions jamais une occasion de souligner l'importance
de toute contribution d'ordre scientifique, particulièrement de
Québécois dont nous pouvons être fiers de la
préparation et des réalisations dans ce domaine. Alors,
j'espère que cela se répétera à chaque occasion,
qu'on n'attendra pas seulement qu'un ministre soit impliqué. À
chaque occasion où un des nôtres reçoit un
témoignage, particulièrement de nature internationale, qu'on
n'hésite pas à le souligner et à encourager tous les
jeunes du Québec à suivre les pas de ceux qui les ont
précédés dans cette voie.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: M. le Président, l'Union Nationale se joint
au tribut d'hommages offert à l'honorable ministre et saisit l'occasion
pour féliciter d'une manière toute spéciale un autre
Québécois qui vient d'être décoré, Jean-V.
Dufresne, qui a reçu un prix remarquable.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, il est normal que nous soyons
tous fiers de l'honneur qui revient à notre collègue, ministre
des Richesses naturelles et des Terres et Forêts, qui recevra cette
médaille d'or pour ses recherches scientifiques. Je ne peux que
conclure, M. le Président, en souhaitant que beaucoup de mes
collègues reçoivent encore beaucoup de ces médailles d'or,
surtout que mon comté est producteur d'or et qu'on en a pas mal à
vendre.
Le Président: M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, je tiendrais
également à m'associer en tant qu'adjoint parlementaire à
cette motion de félicitations à l'égard du ministre des
Richesses naturelles. J'ai été à même
d'apprécier sa vaste connaissance scientifique, entre autres, dans le
dossier de l'amiante et je suis sûr que c'est tout un honneur pour le
Québec.
Le Président: M. le député de Roberval.
M. Lamontagne: Comme vous pouvez le constater, lorsqu'il s'agit
de rendre hommage aux mérites d'un Québécois, fût-ce
un adversaire politique, on ne s'abstient pas et on ne se retire pas.
Le Président: Est-ce que la motion sera
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. Samson: M. le Président...
Le Président: Aux motions non annoncées, M. le
député de Rouyn-Noranda.
Demande d'aide pour les réfugiés
vietnamiens
M. Samson: Oui, M. le Président. Si j'avais le
consentement de cette Chambre, je présenterais une motion qui se lirait
comme suit: "Que cette Assemblée encourage le ministre de l'Immigration
à poser les gestes jugés utiles aux fins de venir en aide aux
nombreux réfugiés vietnamiens qui sont actuellement en
détresse sur un bateau, selon la nouvelle que nous avons connue hier".
Est-ce que j'aurais le consentement, M. le Président?
Le Président: Y a-t-il consentement à la
présentation de la motion?
M. Charron: II y a consentement.
Le Président: II y a consentement. Est-ce que la motion
sera adoptée?
M. Samson: M. le Président, s'il y a consentement...
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson:... je voudrais dire quelques mots. Je sais que c'est
un problème qui a été soulevé hier par l'honorable
député de Saint-Louis. Nous avons tous écouté les
nouvelles, je pense, hier soir, et nous avons appris qu'environ 1200
réfugiés vietnamiens sont actuellement pris sur un bateau et on
refuse à ce bateau la permission d'accoster dans différents pays.
Il est donc, en quelque sorte, à la dérive. Pour ce qu'on nous en
a montré, en tout cas, et pour des fins humanitaires, il me semble
qu'à ce moment-ci le ministre de l'Immigration du Québec, avec
toute la collaboration qu'il pourra recevoir, j'imagine, des autorités
canadiennes, pourra participer à une opération qui me semble
urgente et une opération humanitaire, en ce sens que ces
réfugiés vietnamiens pourront, dans une bonne proportion, en tout
cas, être accueillis au Québec et au Canada. M. le
Président, j'espère que cette motion fera l'unanimité de
la Chambre. (15 h 30)
Le Président: M. le ministre de l'Immigration.
M. Couture: M. le Président, je crois que c'est l'honneur
de cette Chambre, à l'occasion, de sortir des débats purement
internes et se préoccuper de certaines situations internationales aussi
douloureuses que celle dont a fait état le député de
Rouyn-Noranda. Avec grande joie, j'appuie évidemment cette motion au nom
du gouvernement. Je voudrais dire ceci pour préciser l'effort, l'aide ou
l'intervention que nous ferons à ce titre: Dès aujourd'hui, je
communique avec mon homologue fédéral pour lui proposer que, dans
l'effort ou la contribution du gouvernement du Canada à l'accueil de ces
réfugiés, le Québec et je le dis aussi à
tous les Québécois avec cette mobilisation ou cette
solidarité que nous sentons de
plus en plus dans le peuple québécois pour nous aider
à accueillir ces réfugiés ce n'est pas seulement
l'effort d'un gouvernement, c'est aussi l'effort de tous les citoyens le
Québec propose au ministre fédéral d'accueillir 200
personnes de ce groupe, qui est évidemment dans une situation
extrêmement dramatique sur ce bateau, en Malaisie, comme minimum, et
jusqu'à concurrence de 30% de la contribution du Canada. J'ai aussi
appris aujourd'hui que certains autres pays d'Occident étaient
favorables à solutionner ce problème.
Je profite aussi de la circonstance pour dire que récemment le
Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait une
demande au Québec pour l'accueil d'un certain nombre de
réfugiés chiliens qui sont pris en Argentine. Il y a une poche de
1000 réfugiés chiliens en Argentine et le Québec a aussi
proposé d'en accueillir 200. Je me réjouis que cette Chambre,
dans ce genre de circonstances, fasse l'unanimité et qu'on manifeste
ainsi une solidarité essentielle.
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je veux remercier le député de
Rouyn-Noranda d'avoir proposé cette motion. Hier, à la commission
de l'immigration, j'avais demandé au ministre de faire quelque chose
pour ces réfugiés. J'ai même demandé qu'on fasse un
effort pour accueillir tous les réfugiés qui sont sur ce bateau
parce que c'est un cas spécial; ce sont des familles, des femmes, des
hommes et des enfants qui sont dans la misère, qui sont mourants
à la suite de la décision de la Malaisie de ne pas les laisser
entrer à Port Klang ni même de laisser monter sur le bateau du
lait ou tout approvisionnement.
Le ministre a dit qu'il donnait son appui moral, hier. Il a parlé
de 125 réfugiés vietnamiens qui étaient déjà
acceptés par le Québec. Aujourd'hui, je suis très heureux
d'entendre le ministre dire qu'il est prêt à accueillir 200 des
2500 réfugiés mais, pour montrer la vraie
générosité humaine de la province de Québec,
peut-être pourrions-nous faire quelque chose pour les 2500. Le
Québec aurait le pouvoir de le faire par la nouvelle loi qu'on votera,
par l'entente qui entrera en vigueur le 1er janvier. Cela fait cinq semaines et
cela prendrait cinq semaines à ce bateau pour venir au Québec.
Après le 1er janvier 1979, le ministre pourra, par le pouvoir qui lui
sera voté en Chambre, accueillir tous les réfugiés.
J'espère, en adoptant cette motion, que quelque chose dans ce genre se
fera.
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais
également, avec mes autres collègues de l'Assemblée
nationale, me joindre, au nom de l'Union Nationale, à l'acceptation de
cette motion à l'unanimité par notre Assemblée. Cette
motion arrive à point puisque nous discutons justement, en commission
parlementaire, du cadre législatif faisant suite aux ententes
fédérales-provinciales sur les critères de
sélection des immigrants. Je pense que nous avons là la tribune
rêvée pour discuter de cette situation qui est tout à fait
urgente.
On doit prendre conscience, à ce moment-ci, de nos
responsabilités face à cette situation tout à fait
terrible, face à ces conditions inhumaines dans lesquelles vivent ces
gens qui sont actuellement en attente sur un bateau, qui sont menacés
dans leur survie personnelle. On doit prendre conscience de notre
responsabilité et poser des gestes dans un avenir immédiat. Je
demande d'ailleurs également au ministre, à ce stade-ci,
d'activer si possible toutes les procédures en cette matière. On
sait comme c'est long lorsqu'on entre dans les dédales administratifs au
niveau de procédures telles que celles-là.
Par contre, on doit considérer que de l'autre côté
ces gens-là sont dans une situation périlleuse où, de jour
en jour, des vies humaines sont en danger. On doit donc, à ce
moment-là, s'unir dans un esprit, vraiment, de solidarité humaine
pour leur porter secours. C'est une question de jours. C'est pour cela que je
demande au ministre, avec l'appui de l'Assemblée nationale au complet
nous allons l'aider en ce sens-là d'activer de
façon particulière ces procédures pour que non seulement
nous puissions en arriver à une réponse de principe et dire que
nous sommes d'accord pour accueillir ces gens-là, mais que dans les
faits, dans les plus brefs délais possible, que ce soit une question de
jours, on puisse dire: Oui, au Québec, les portes sont ouvertes, on vous
attend. Et le cadre législatif, on le règle cet après-midi
ou demain, en commission parlementaire, pour permettre de porter secours
à ces gens qui en ont vraiment besoin.
J'aimerais également appuyer les propos que mon collègue
vient de tenir proposant d'ouvrir plus largement les portes du Québec
dans ce cas précis, puisqu'on sait que sur ce bateau, au moment
même où on se parle, il y a 2500 personnes qui meurent
littéralement de faim. Il y a sur ce bateau 1200 enfants, 620 femmes et
125 vieillards. Je pense qu'on devrait aller au-delà du chiffre de 200
personnes qu'a mentionné le ministre, compte tenu du nombre important de
personnes qui sont en cause actuellement. J'en fais part au ministre et, encore
là, je lui offre la collaboration de l'Union Nationale dans ce sens pour
qu'on apporte une réponse humanitaire, pratique, immédiate
à ces gens qui ont absolument besoin que quelqu'un, à travers le
monde, attende leur appel désespéré et surtout passe
à l'action.
Le Vice-Président: Alors, est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Travaux parlementaires
M. Charron: M. le Président, la toute dernière
motion qui vient d'être présentée tombe à point
avec les travaux parlementaires puisque j'allais proposer, dans les
travaux de cet après-midi, que la commission de l'immigration qui,
justement, étudie le projet de loi auquel plusieurs
députés ont fait référence la commission est
en train de l'étudier article par article se réunisse.
M. Lavoie: En vertu de l'article 34, M. le Président.
M. Charron: Est-ce qu'on ne pourrait pas faire démarrer
les commissions?
Le Vice-Président: Oui, d'accord, Écoutez, est-ce
qu'on pourrait faire les motions et ensuite on posera les questions en vertu de
l'article 34?
M. Levesque (Bonaventure): Vous voudriez faire les motions
avant?
M. Charron: Oui, faire démarrer les commissions parce
qu'il est déjà 15 h 40, si possible.
M. Bellemare: L'ordre du jour n'est pas suivi, à?
M. Charron: Bon! Très bien, M. le Président.
Le Vice-Président: D'accord.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Roberval.
M. Lamontagne: Une question au leader du gouvernement en vertu de
l'article 34. Je reviens sur le cinquième rapport de la réforme
des districts électoraux. Le leader du gouvernement, il y a plus d'un
mois, m'avait dit que quelques jours après il devait me donner la date
exacte à laquelle cette commission pourrait siéger. Je voudrais
profiter de l'occasion pour lui rappeler que, dans plusieurs régions du
Québec, ce cinquième rapport cause des problèmes de grande
anxiété. Je pense que le leader du gouvernement pourrait,
aujourd'hui, nous indiquer une date précise à laquelle cette
commission pourrait siéger.
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Oui, volontiers, M. le Président. Mais pas
plus précise, toutefois, que de dire qu'elle aura lieu dans la
première semaine de décembre.
Le Vice-Président: Bon. M. le... Un instant! M.
Bellemare: En vertu de l'article 34.
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Lavoie: Allez! Allez!
M. Bellemare: Je m'excuse, mon cher M. le leader...
M. Lavoie: Avec plaisir, M. le leader!
M. Bellemare: Ma question s'adresse au leader parlementaire pour
savoir si, à la commission parlementaire, qui a ajourné sine die,
sur la Commonwealth Plywood, il est question d'avoir une autre séance la
semaine prochaine. Le ministre du Travail étant ici, il pourrait
peut-être nous confirmer s'il est question d'avoir une autre
séance avec la Commonwealth Plywood, vu que la dernière a
été ajournée sine die. Quels sont les résultats
pratiques quant à la séance?
Le Vice-Président: M. le ministre du Travail.
M. Johnson: Je suis à même d'informer cette Chambre
qu'il ne devrait pas y avoir d'autres séances de la commission du
travail et de la main-d'oeuvre sur la Commonwealth Plywood.
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition officielle.
M. Lavoie: J'aurais un avis à donner à cette
Chambre concernant la question avec débat de vendredi...
Le Vice-Président: Vendredi en huit.
M. Lavoie: ... le 24. Par contre, auparavant, j'aurais une
demande à adresser à la présidence. Depuis quelques
années, régulièrement durant la session, la
présidence fait parvenir aux leaders et aux représentants des
différents partis politiques une compilation ou des statistiques sur la
période des questions, précisant combien de questions
principales, de questions supplémentaires ont été
accordées aux différents partis. Nous serions
intéressés, surtout depuis la venue de la
télévision, d'avoir une telle compilation. Auriez-vous
l'obligeance, M. le Président, de nous faire parvenir dans les meilleurs
délais une compilation que vous pourrez faire depuis le début de
la session? (15 h 40)
Le Vice-Président: Je comprends que, depuis le 3 octobre,
vous désirez cette compilation et je vous promets...
M. Lavoie: Pour savoir la proportion qui a
été...
Le Vice-Président: ... que vous l'obtiendrez. M.
Lavoie: Bon.
M. Bellemare: L'honorable président de la Chambre nous en
a montré un exemplaire dernièrement, lors d'une réunion
des leaders. Cette compilation avait déjà été
faite; il s'agirait tout simplement de la compléter jusqu'à
aujourd'hui pour qu'on puisse l'obtenir.
M. Lavoie: II y a peut-être eu des passe-droits. Moi, je
n'en ai pas pris connaissance et je n'étais pas au courant d'une telle
compilation.
Le Vice-Président: Non, je sais qu'il existe une
compilation continuelle. Alors, elle sera complétée.
M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Hier, le Président a suggéré au
chef de l'Opposition officielle de revenir à la charge à propos
de GM en ayant recours à l'article 34. L'objet de sa question
était le suivant: Est-ce qu'il serait possible que le ministre de
l'Industrie et du Commerce dépose ici, à cette Assemblée,
les études économiques qui ont pu être faites relativement
à l'implantation potentielle de GM et ensuite les échanges de
correspondance, s'il y a lieu, et, en général les offres et la
position du gouvernement du Québec en cette matière? Est-ce que
le gouvernement a l'intention de déposer ces documents?
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, maintenant que la demande de
l'Opposition est formulée en détail par le député
d'Outremont, j'en préviendrai le ministre de l'Industrie et du Commerce
et nous lui donnerons, totalement ou en partie, réponse très
prochainement.
M. Saint-Germain: En vertu de l'article 34.
Le Vice-Président: Oui, M. le député de
Jacques-Cartier, en vertu de l'article 34.
M. Saint-Germain: Mardi, si rien n'est modifié, nous
siégerons en commission parlementaire pour faire l'étude ou, du
moins, pour recevoir les mémoires de diverses associations.
M. Charron: Oui, M. le Président, c'est parmi les avis que
je voulais donner à la Chambre.
Le Vice-Président: Bon, si vous voulez attendre.
M. Saint-Germain: Je voulais dire, M. le Président, au
leader parlementaire qu'hier, dix représentants de
sociétés ou de corps intermédiaires ont été
invités et que, même si trois de ceux-ci se sont abstenus de
commenter leur mémoire, nous avons manqué de temps. Nous avons
siégé jusqu'à 6 h 40 et nous avons dû refuser
d'entendre la dernière association. Est-ce que pour mardi moins de corps
intermédiaires seront invités à soumettre leur
mémoire? Enfin de compte, c'est presque insultant pour les
représentants de ces corps intermédiaires. Ils n'ont pas le
temps. Il y a des mémoires qui sont relativement longs et on ne dispose
pas du temps voulu pour les étudier en profondeur.
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, c'est à ce point vrai,
ce que dit le député de Jacques-Cartier, que j'ai prévu
que toute la semaine prochaine vraisemblablement, les trois jours de
séance de l'Assemblée seraient pour cette commission
dédiés à entendre des représentants d'organismes
qui ont demandé à se faire entendre, plutôt que deux seules
journées la semaine prochaine. Donc, on les étalera, comme on
dit, sur trois jours, plutôt que sur deux. Toutefois, M. le
Président, je serais très incomplet et je manquerais
d'honnêteté à l'égard d'un certain nombre de membres
de l'Assemblée en ne complétant pas ma réponse de cette
façon. Il y a eu, préalablement à la tenue de cette
commission, une rencontre des représentants de chacun des partis
politiques qui siègent à la commission. Le député
de Jacques-Cartier, m'a-t-on informé, n'y a fait qu'une apparition de
quelques minutes, mais les autres députés de l'Assemblée,
soit le député de Beauce-Sud je ne sais pas si le
député de Rouyn-Noranda y était, c'était mardi
qu'il était absent le représentant de l'Union Nationale,
le représentant gouvernemental ont fait entente pour un bon
déroulement des travaux de la commission, auquel échappe
maintenant le député de Jacques-Cartier, parce qu'il s'est
abstenu de participer à cette réunion. Or, si elle marche
cahin-caha un peu, ce n'est pas parce que nous n'avons pas fait d'efforts pour
nous entendre sur une façon de procéder, mais c'est bien parce
que l'Opposition officielle s'était abstenue d'y participer.
M. Saint-Germain: M. le Président, vous me permettrez, je
suppose, de donner mon point de vue concernant cette situation.
Le Vice-Président: C'est presque une question de
privilège.
M. Saint-Germain: Alors, voilà. Comme je le disais
tantôt, dix corps intermédiaires ont été
invités jeudi à comparaître devant nous. Il était
physiquement impossible d'étudier, comme nous aurions dû le faire,
ces dix mémoires.
C'est après, que j'ai été invité à
participer à cette réunion. Je vous dis, M. le Président,
que je ne pouvais pas, en toute conscience, me soumettre à cet accord
parce qu'il me semblait que je concourais ainsi à diminuer, si vous
voulez, le temps disponible de chaque association et je ne voulais pas,
à ce point de vue, participer à aucune politique qui limitait
injustement le temps dont disposaient nos invités.
Le Vice-Président: D'accord. M. le député
d'Orford.
M. Saint-Germain: Une dernière question, s'il vous
plaît, M. le Président.
Le Vice-Président: Une autre question en vertu de
l'article 34.
M. Saint-Germain: S'il vous plaît! Le
Vice-Président: D'accord.
M. Saint-Germain: Nous n'avons pas reçu les
mémoires qui seront déposés la semaine prochaine; c'est un
inconvénient très sérieux. Nous arrivons à la
commission avec une majorité de mémoires que nous n'avons pas pu
étudier et même lire, bien souvent. Je demande au leader
parlementaire son entière coopération de façon que ces
mémoires nous soient remis aussitôt déposés.
M. Charron: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire.
M. Charron: ... je ferai la vérification dès que la
Chambre me permettra de m'absenter quelques minutes pour que tous ceux qui sont
disponibles soient communiqués au bureau du député
dès cet après-midi.
Le Vice-Président: Merci, M. le leader parlementaire.
M. le député d'Orford, une question en vertu de l'article
34.
M. Vaillancourt (Orford): En vertu de l'article 34, M. le
Président. Est-ce que le leader a l'intention de demander la prise en
considération du rapport de la commission permanente des travaux
publics?
M. Charron: Pardon? Je m'excuse.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que le leader a l'intention de
demander la prise en considération du rapport de la commission du
ministère des Travaux publics, projet de loi 22?
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire.
M. Charron: Je pourrai fournir une réponse très
précise au député mardi, M. le Président.
M. Lavoie:... vendredi prochain?
Le Vice-Président: Oui, s'il vous plaît! Ensuite
nous procéderons aux motions et avis.
M. Lavoie: D'accord. En vertu de notre règlement, vendredi
prochain, le 24 novembre, à la demande de notre collègue, le
député de Notre-Dame-de-Grâce, il y aura une question avec
débat adressée au ministre de l'Industrie et du Commerce sur le
sujet suivant: l'absence de politique du gouvernement québécois
en ce qui concerne l'investissement de capitaux provenant de l'extérieur
du Québec.
Le Vice-Président: M. le député de Laval et
leader parlementaire de l'Opposition officielle, je prends acte de l'annonce,
mais non pas du fond; ce qui ne m'est pas permis. D'accord?
M. Lavoie: Votre collaboration serait appréciée, M.
le Président.
M. Samson: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Samson: ... en vertu de...
Le Vice-Président: Pardon, de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je pense qu'aujourd'hui je
pourrais les représenter tous les deux.
Une voix: Non.
M. Samson: M. le Président, je voudrais vous poser une
question. Je ne sais pas si c'est en vertu de l'article 34.1, 34.2 ou 34.3,
mais est-ce que vous avez à faire part à cette Chambre d'une
communication que je vous ai faite?
Le Vice-Président: M. le député de
Rouyn-Noranda, je sais que vous avez fait à la présidence une
communication. Comme cette communication affecte plusieurs lois, celle, par
exemple, concernant le financement des partis où il y a sept partis
officiels, celle de la Législature où il s'agit des partis
reconnus et des autres, le président de l'Assemblée nationale a,
pour le moment, retenu cet avis. Mais vous pouvez être assuré que
votre message sera fait et que cette Assemblée recevra bientôt
votre communication.
Changement de nom d'un parti politique
M. Samson: M. le Président, en me parlant de
différentes lois c'est une directive que je vous demande
est-ce que la présidence a, directement ou indirectement, à
regarder les autres lois? Le directeur du financement des partis politiques et
le directeur général des élections au Québec ont
reçu ce qu'il fallait recevoir et tout est en ordre de ce
côté-là. Si vous me le permettiez en vertu de l'article
34.3, en attendant que la lecture soit faite, j'annoncerais à cette
Chambre que, dorénavant, j'aimerais qu'on me désigne sous la
nouvelle appellation de notre parti, soit les Démocrates. M. le
Président, je vous remercie.
Le Vice-Président: Dont acte aussi. M. le leader
parlementaire du gouvernement, vos avis et vos motions.
M. Charron: Je voudrais donner avis à l'Assemblée,
M. le Président, tout d'abord, que demain, vendredi, 17 novembre, c'est
la question avec débat du député de Nicolet-Yamaska
adressée au ministre de la Justice. Donc, la commission de la justice
est appelée à se réunir demain matin, de 10 heures
à 13 heures, au salon rouge. (15 h 50)
Mardi matin, une seule commission se réunira avant que la Chambre
ne se réunisse dans l'après-midi. De 10 heures à 12 h 30,
au salon rouge, la commission des consommateurs, coopératives et
institutions financières poursuivra le mandat qui lui a
été confié par la Chambre.
Je voudrais faire motion pour que, cet après-midi et ce soir, se
réunisse immédiatement, au salon rouge, la commission de
l'immigration pour poursuivre l'étude article par article du projet de
loi 77, et qu'à la salle 81-A, cet après-midi seulement si
elle n'est pas achevée, nous prévoirons une autre réunion
la commission du revenu fasse l'étude article par article du
projet de loi 67.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Lavoie: Vote enregistré.
Le Vice-Président: Alors, que l'on appelle les
députés.
(Suspension à 15 h 51)
(Reprise à 16 heures)
Le Vice-Président: La motion de M. le leader parlementaire
du gouvernement à savoir que la commission de l'immigration se
réunisse immédiatement et continue ses travaux en soirée
après 20 heures, et que la commission de la justice se réunisse
également immédiatement, mais ne siège pas ce soir...
Une voix: Du revenu.
Le Vice-Président: ... du revenu, pardon merci de
la correction cette motion sera-t-elle adoptée? Que celles et
ceux qui sont en faveur veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Burns, Bédard, Laurin, Morin (Louis-Hébert), Parizeau,
Marois, Landry, Léonard, Couture, Tremblay, Mme Ouellette, M. O'Neill,
Mme Cuerrier, MM. de Belleval, Proulx, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger,
Tardif, Garon, Vaugeois, Martel, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux,
Chevrette, Fallu, Michaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre,
Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Gendron, Mercier, Alfred,
Marquis, Gagnon, Ouellette, Perron, Clair, Godin, Lavigne, Dussault, Boucher,
Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Gravel, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Jolivet, Levesque (Bonaventure), Lavoie,
Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Mailloux, Ciaccia, Mme
Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Ca-ron, O'Gallagher,
Picotte, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate,
Bellemare, Grenier, Goulet, Fontaine, Brochu, Dubois, Le Moignan, Cordeau,
Samson.
Le Vice-Président: Contre? Abstentions?
Le Secrétaire adjoint: Pour: 87 Contre: 0
Abstentions: 0
Le Vice-Président: La motion est adoptée, par
conséquent, les commissions de l'immigration et du revenu peuvent
immédiatement se réunir.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Projet de loi no 90
Deuxième
lecture
M. Charron: Je cherche l'article, M. le Président. Il
s'agit de la deuxième lecture du projet de loi sur la protection du
territoire agricole.
Le Vice-Président: Pour vous aider, c'est l'article 14),
M. le leader parlementaire. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi
90, Loi sur la protection du territoire agricole. M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Garon: M. le Président, on me dit que le
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en
recommande l'étude à l'Assemblée.
Le Vice-Président: J'allais vous demander si vous aviez sa
bénédiction. Merci, M. le ministre. Vous avez la parole sur le
projet de loi.
M. Jean Garon
M. Garon: Je ne sais pas si j'ai sa bénédiction,
mais il semble que j'aie sa recommandation. M. le Président, durant le
mois de septembre dernier, en compagnie de mon collègue, l'adjoint
parlementaire, le député de Saint-François, M. Rancourt,
du sous-ministre adjoint responsable du dossier de la protection du territoire
agricole, M. Therrien, et de mon chef de cabinet, M. Maurice Tremblay, j'ai
parcouru le Québec pour entendre une centaine d'organismes
intéressés à l'agriculture et à l'utilisation du
territoire agricole. C'est, à toutes fins utiles, à
l'unanimité que ces organismes se sont prononcés en faveur du
principe de la protection du territoire agricole québécois. Il y
a bien eu quelques individus et quelques groupes, très peu nombreux, qui
ont profité des treize audiences publiques pour répéter
certaines craintes, bien légitimes, qu'ils avaient entendues de la
bouche de ceux qui s'opposent à toute forme d'intervention du
gouvernement.
M. le Président, je m'empresse de vous rappeler que le projet de
loi sur la protection du territoire agricole est d'abord et avant tout le fruit
des revendications répétées des agriculteurs du
Québec depuis dix ans. Depuis dix ans, dans chacun de leurs
congrès, les producteurs agricoles ont revendiqué l'adoption
d'une mesure législative sur la protection de nos meilleures terres
agricoles du Québec. Il y a une dizaine d'années
également, la Commission royale d'enquête sur l'agriculture
au Québec, présidée par M. Nolasque April, après
avoir mûrement réfléchi sur les moyens à prendre
pour développer et rentabiliser l'agriculture québécoise,
concluait qu'il était urgent de protéger les terres agricoles au
Québec. C'était il y a dix ans. Je vous le répète,
M. le Président, dix ans.
Depuis, il en est passé, évidemment, des
"développeurs" et des spéculateurs. Il en est passé, des
projets résidentiels, des centres commerciaux, des parcs industriels
à moitié remplis, des développements à saute-mouton
qui ont entraîné des coûts énormes à la
collectivité québécoise et même des maisons
bâties sur des terres drainées peu de mois auparavant. Depuis dix
ans, M. le Président, il en est passé également des
gouvernements. Chacun à leur tour, ils se sont engagés à
apporter des correctifs, mais, depuis dix ans, les promesses n'ont rien
changé à la situation. Alors que la commission April la
qualifiait d'urgente en 1968 en se basant sur des analyses
réalisées au milieu des années soixante, cette situation
s'est très sérieusement détériorée pour
atteindre aujourd'hui le point où tous disaient: C'est cet automne ou
jamais!
Des chiffres qui ne viennent pas de moi, qui ont été
compilés par le gouvernement du temps, démontrent que plus de 330
000 acres de terres agricoles étaient sous spéculation probable
en 1975, c'est-à-dire qu'on n'y réalisait plus de travaux
culturaux dans les basses terres du Saint-Laurent. Aujourd'hui, si on regarde
les mêmes tendances, la spéculation doit avoir atteint
pratiquement un million d'acres. Le territoire québécois, quoi
qu'on en pense, est un territoire exigu sur le plan agricole. Il est grand, le
territoire québécois, mais il y a peu de terres agricoles. Si on
regarde l'ensemble des terres agricoles du Québec, il y a un million et
demi d'acres de sols agricoles à très bon potentiel sur un total
de 5 920 000 acres défrichées sur les fermes, ce qui veut dire
moins de 0,5% de la superficie totale du Québec.
De plus, les phénomènes de déstructuration, de
spéculation, d'aliénation progressent si bien qu'en 15 ans, de
1961 à 1976, la superficie des fermes du Québec est passée
de 14 200 000 acres, en incluant les boisés de ferme, à 9 900 000
acres, soit une baisse de 30%. Durant la même période, la baisse
subie par l'Ontario était seulement de 16,7%, la moitié moins
qu'au Québec, alors que pour l'ensemble du Canada il y avait une baisse
de 2% seulement. Cette baisse est d'autant plus importante qu'elle a, en grande
partie, affecté des terres d'excellente qualité,
classifiées par des experts pédologues, les experts en sols, dans
les catégories 1, 2 et 3.
Pour bien illustrer l'importance de ces classifications, je me permets
de vous citer un exemple; d'après les experts en agronomie, le sol de la
catégorie 4 donne un rendement moyen de 60 boisseaux de maïs
à l'acre, alors que celui de la catégorie 1 donne 136 boisseaux
à l'acre, soit plus du double. Ce phénomène s'applique
aussi à toutes les autres productions céréalières
et aux produc- tions maraîchères. Tout le monde sait que notre
meilleure terre au Québec est à l'île de Montréal,
à l'île Laval, à l'île Bizard et l'ensemble du
territoire. Nos ancêtres ont eu l'intelligence de bâtir le premier
établissement agricole au meilleur endroit pour l'agriculture.
Évidemment, les villes se sont greffées autour.
Au cours des années, le Québec est devenu sans doute le
seul État du monde occidental où il n'y avait aucune mesure de
protection des terres agricoles. C'était sans doute le seul endroit
où il n'y avait aucune protection des terres agricoles. C'est pour cela
que nous disons: Oui, c'est le temps ou jamais d'agir. Ou nous adoptons les
mesures proposées ou nous cessons d'espérer le maintien au
Québec d'une activité économique aussi importante que
l'agriculture. (16 h 10)
Le projet de loi que le gouvernement propose est essentiellement une
mesure à caractère économique. Une mesure à
caractère économique parce qu'il ne s'agit pas de protéger
des terres pour protéger des terres, comme une fin en soi, mais comme
une mesure essentielle au développement économique du secteur
agricole et alimentaire au Québec. C'est pour cela qu'il faut
protéger les terres. Non pas pour les regarder pousser en branches, pour
les regarder pousser en friche, mais pour les développer. C'est pour
cela qu'il faut les protéger. Et c'est essentiel parce que tout le
secteur alimentaire est concerné. Le secteur alimentaire est très
important.
Je regardais récemment les statistiques du ministère de
l'Industrie et du Commerce, où on démontre que le secteur
manufacturier alimentaire au Québec a connu une augmentation de 19,1%
cette année. Cela a été le premier grand secteur
manufacturier, au point de vue augmentation comme cela. Et il est important de
développer ce secteur encore davantage puisque nous importons beaucoup
de nourriture au Québec. Cette mesure vise non seulement à
développer le nombre d'emplois, mais à assurer le maintien de 200
000 emplois reliés à la production et à la transformation
des produits agro-alimentaires au Québec. Sans l'adoption de mesures de
protection des meilleures terres agricoles, le secteur agro-alimentaire
québécois va en venir, inexorablement, à
végéter parce qu'il n'y aura pas de terres pour l'agriculture.
Sans l'adoption de mesures de protection efficaces, c'est vers une
dépendance alimentaire de plus en plus poussée que se dirigeront
les 6 millions de Québécois.
Cette dépendance ne s'applique pas uniquement à la
disponibilité des produits alimentaires, mais aussi à leur prix.
Regardons le prix des produits alimentaires, qui a augmenté au cours des
dernières années. On remarquera que ceux qui ont connu les plus
fortes augmentations sont les produits alimentaires qui sont importés.
Cela a été le sucre, parce qu'on en produit une petite
quantité au Québec. On dépend de l'approvisionnement;
même les entreprises qui raffinent au Québec, les grandes
raffineries de Montréal, importent leur sucre brut des pays
étrangers. Dans le
café, on a eu des prix considérables, on est
dépendant de l'étranger. Dans la salade, l'hiver passé, on
a vu des pommes de salade à $1.69 la pomme, elles venaient de
Californie. Parce qu'on produit peu de salade, on en produit à peu
près pas l'hiver, on est dépendant des produits américains
de la Californie. Quand on parle d'autosuffi-sance au Québec, je vous
dis que ce n'est pas seulement le gouvernement du Québec qui parle de
cela.
Je regardais récemment une revue du Vermont; les consommateurs,
les producteurs agricoles du Vermont parlaient d'autosuffisance pour le Vermont
même chose dans l'État du Massachusetts pour ne pas
être dépendant, l'hiver, des produits de la Californie ou de la
Côte ouest des États-Unis, parce qu'à ce moment-là
on est obligé de payer beaucoup plus cher. Tandis que les produits
agricoles d'ici, même à un prix où un agriculteur va
très bien gagner sa vie, seront toujours meilleur marché que les
produits de l'étranger.
M. le Président, après deux ans au ministère de
l'Agriculture, je puis vous assurer que l'autosuf-fisance alimentaire du
Québec est réalisable à condition qu'on veuille la
réaliser. Mais l'autosuf-fisance, cela ne veut pas dire qu'on veuille
faire pousser des bananes, des pamplemousses et des citrons au Québec.
Même dans les serres, il n'est pas question de cela, mais il est question
d'avoir un équilibre entre les importations et les exportations.
Exporter autant qu'on importe, pour ne pas être dépendants. De
retour d'un voyage dans l'Ouest du Canada, à l'aéroport de
Vancouver, en attendant un avion, je rencontre quelqu'un qui attendait à
côté de moi et on parlait ensemble. Il me dit qu'il vient de
Formose. Je lui dis: Qu'est-ce que vous faites au Canada? Il me dit: Je suis
agent commercial et je suis venu faire des affaires avec le Canada et les
États-Unis.
Il demande ce que je fais. Je dis que je suis député et
ministre de l'Agriculture. Immédiatement il me dit: Vous savez, à
Formose, on a atteint notre objectif. Je dis: Quel objectif? Il me dit: Notre
objectif d'autosuffisance. Il avait dit "self-sufficiency". Il m'a dit: Quand
vous parlez d'autosuffi-sance, qu'est-ce que vous voulez dire exactement? Quand
on parle d'autosuffisance, à Formose ou Taïwan, si vous voulez, on
veut dire qu'on va exporter autant qu'on va importer pour ne pas être
dépendant sur le plan alimentaire. C'est évident qu'il ne s'agit
pas de manger uniquement ce qu'on produit, parce qu'il y a une foule de
produits auxquels les gens sont habitués et auxquels ils ne voudraient
pas renoncer. Mais il s'agit d'exporter d'autres produits pour lesquels on a
des capacités de production. Or, on a beaucoup plus de capacité
de production au Québec qu'on le pense.
Par exemple, dans la région de Saint-Hyacinthe, cette
année, la région de la vallée du Richelieu, des
producteurs maraîchers dans la région de Laval ont
envoyé à pleins camions des produits vers les États-Unis
et vers l'Ontario. Pourquoi? Parce qu'il y a une foule de produits agricoles,
contrairement à ce qu'on en pense, qui poussent bien mieux dans un
climat comme le nôtre qu'en Afrique où il fait trop chaud, parce
que le soleil trop chaud dessèche le sol. Aux Indes, cela pousse moins
bien qu'au Québec.
Alors, nous avons des avantages pour une foule de produits. Il y a
même des produits qu'on appelle les crucifères. Je vous dirai
franchement que pour les crucifères, j'ai fait comme le
député de Charlevoix, la première fois que j'ai entendu ce
nom au ministère, j'ai dit: C'est quoi cela? On m'a expliqué que
c'était des choux, des choux-fleurs, des brocolis, des produits comme
ceux-là, qui poussent mieux dans un climat qui est plus frais. J'avais
expérimenté dans mon jardin que les pois poussent mieux quand
c'est plus frais, mais il y a une foule de produits qui poussent mieux quand
c'est plus frais, et le Québec a l'avantage d'avoir un climat frais plus
souvent qu'à son tour. Il y a donc des produits qu'on peut
développer au Québec et exporter. Pour cela, par exemple, il faut
y mettre le temps, les ressources financières, la recherche et l'ardeur
à la tâche. Mais il faudra avant tout, d'abord et avant tout, pour
pouvoir le réaliser, protéger ce qu'il y a de plus important:
notre patrimoine territorial agricole.
Permettez-moi, M. le Président, de vous rappeler ici,
brièvement, les raisons qui militent en faveur de l'adoption des mesures
proposées, au risque de répéter à nouveau que
l'agriculture constitue un des secteurs les plus importants de notre
économie, autant à cause des investissements qui y sont
consacrés que des investissements qui y sont rattachés.
En 1977, la valeur courante du capital agricole dans les fermes
dépassait $4 milliards, dont près de 15% étaient
affectés au cheptel vivant; les animaux; 65,6% au fonds de terre et aux
bâtiments et près de 20% à la machinerie et à
l'outillage. La main-d'oeuvre agricole, compte tenu des variations
saisonnières, était de 78 000 travailleurs à temps plein.
L'investissement moyen par travailleur agricole était de $52 564 et de
près de $100 000 par ferme comme moyenne pour les 43 000 fermes du
Québec.
On peut dire, quand je regarde chez le ministre de l'Industrie et du
Commerce, que je suis ministre de plus de petites entreprises que lui, parce
que dans l'agriculture, il y en a 43 000, seulement chez les agriculteurs, sans
compter l'industrie alimentaire. Il ne m'en porte pas rigueur, on prend cela
comme une compétition, à savoir qui va en développer le
plus. Au total, le système agro-alimentaire nous a fourni 200 000
emplois entre le primaire, le secondaire et le tertiaire. Si on compte en plus
les intrants à l'agriculture, les secteurs d'entreposage, du transport
de produits agro-alimentaires, les services, le nombre d'emplois sera beaucoup
élevé.
Avec une valeur brute de production qui s'établit à $1 500
000 000 en 1977, l'agriculture québécoise représente 45%
d'activités primaires, c'est-à-dire autant que l'exploitation de
nos forêts et de nos mines ensemble. Au niveau primaire je ne
parle pas des papeteries la coupe du bois en forêt, pour le bois
de sciage et le bois de
pulpe, et tout ce que produisent nos mines, cela ne produit pas plus que
l'agriculture.
Je ne dis pas cela non plus pour rabaisser la forêt et les mines,
mais juste comme point de comparaison. Mon collègue, le ministre des
Richesses naturelles, dirait que j'en profite pendant qu'il n'est pas
là. Mais si, l'on considère l'ensemble du secteur
agro-alimentaire en incluant la transformation de cette production primaire, on
constate qu'il se situe dans le peloton de tête de l'activité
économique. (16 h 20)
Le groupe des aliments et boissons ce sont beaucoup plus les
aliments que la boisson se classe au premier rang des secteurs
économiques en ce qui concerne la valeur des expéditions
manufacturières, avec près de $5 milliards en 1977, soit 18% du
total, et au second rang sur le marché du travail dans l'industrie
secondaire, avec 11% de la main-d'oeuvre employée dans le secteur de la
transformation.
Les effets d'entraînement de ces industries sont très
considérables. Ils ont un impact supérieur à la moyenne du
secteur manufacturier sur le revenu et l'emploi. Les données
récentes indiquent que, parmi nos 36 secteurs économiques, le
secteur des viandes occupe la première place comme agent multiplicateur
de revenus et la quatrième place comme agent multiplicateur d'emplois.
Quant au secteur laitier, il est au deuxième rang tant pour la
multiplication des revenus que pour la multiplication des emplois. Ceux qui
m'écoutent parler vont dire: Vous parlez beaucoup de l'industrie. Ce que
je veux montrer, c'est à quel point l'agriculture fait vivre l'industrie
et le commerce, à quel point l'industrie et le commerce dans le secteur
alimentaire sont dépendants de la production agricole et qu'un
cultivateur qui produit du boeuf et du lait sur une ferme fait vivre un tas de
monde par sa petite entreprise. Mais qu'est-ce que vous voulez? L'entreprise
laitière peut avoir entre 20, 25, 100 et 125 vaches, pour les gros
cultivateurs. Cela a l'air petit, mais, si on additionnait tout cela ensemble,
on verrait à quel point l'usine serait grosse. Mais ce sont des petites
unités réparties ici et là.
Même le sirop d'érable, parce qu'on veut aussi
protéger les érablières. On dit: C'est quoi, le sirop
d'érable? Les gens pensent que c'est marginal. Ils voient encore le
cheval et le tonneau. C'est quoi, le sirop d'érable? Au cours du mois
d'avril, cela produit et on en manque. L'an dernier, on en a produit pour $25
millions. $25 millions dans un mois, ce n'est pas pire. C'est pour cela qu'on
veut aussi développer la production de sirop d'érable parce que,
actuellement, on manque de sirop d'érable au Québec. Il faut
pousser la vente lentement parce qu'on ne fournit pas; on n'a pas assez de
sirop. C'est pour cela qu'il y a un programme pour mettre des tubulures pour
qu'on puisse accélérer la production du sirop d'érable.
Également, l'impact du secteur agro-alimentaire dans le
développement régional incite à croire que la
préservation et le maintien du dynamisme régional devront
s'ancrer autour de cette industrie, d'autant plus que les ressources agricoles
constituent, dans la plupart des régions, une partie importante du
potentiel de développement. On serait surpris de constater, par exemple,
à quel point les Montréalais et les Québécois de la
ville de Québec dépendent des agriculteurs. L'industrie
manufacturière la plus importante à Montréal et à
Québec, dans les deux plus grandes villes, c'est l'industrie
alimentaire. Quand vous regardez dans toutes les régions du
Québec, soit en termes de nombre d'entreprises, en termes de revenus, en
termes d'emplois, en termes d'expéditions manufacturières, sur
les 20 secteurs économiques les plus importants au Québec, jamais
le secteur agro-alimentaire n'est plus bas que quatrième sous chacun de
ces chapeaux-là. Cela veut dire que, dans toutes les régions du
Québec, le secteur économique le plus important, c'est le secteur
agro-alimentaire.
Également l'impact des activités agricoles et de
l'industrie des aliments sur les revenus de l'ensemble des
Québécois et sur le niveau de l'emploi est très important
avec ce qu'il apporte dans d'autres secteurs.
La dépendance alimentaire des Québécois, par
ailleurs, atteint actuellement environ 40%. On achète de
l'extérieur 40% de ce qu'on mange. Tenant compte que notre agriculture
est axée sur des productions animales comme le boeuf, le lait, le porc
et le poulet, c'est dans le secteur des céréales que
l'autosuffisance est la plus faible, avec le boeuf.
Nous produisons 35% des céréales que nous consommons, pas
autant nous que les animaux, l'alimentation animale, 35% de production et 65%
d'importation. Ce pourcentage était de 55% en 1961. Cet affaissement est
dû non pas au fait que nous produisons moins de céréales
fourragères mais qu'on élève beaucoup plus d'animaux.
Quant au boeuf, pensons que, pour cette année, nous allons
importer, au prix actuel du marché, pour près de $900 millions de
boeuf, au Québec, ce qui veut dire qu'avec le pétrole et
l'automobile, ce qu'on importe le plus, cela doit être le boeuf. Alors
qu'il y a un marché considérable, on ne produit que 20% de ce
qu'on consomme; alors qu'on peut développer la production du boeuf sans
nuire à personne parce qu'on en importe 80% et qu'il faut mettre
l'accent là-dedans, pour chaque boeuf qu'on va produire ici, c'est d'un
boeuf de moins dont on va dépendre de l'extérieur pour notre
approvisionnement.
Laisser dilapider nos terres, nos bonnes terres nous obligerait à
dépendre encore davantage des marchés extérieurs pour
notre ravitaillement et compromettrait irrémédiablement nos
chances d'atteindre un jour notre objectif souhaitable de l'autosuffisance
alimentaire. Que l'on y pense bien! Chaque fois que 100 000 acres sont
enlevées de la plaine de Montréal, qu'elles sont soustraites
à l'agriculture, notre capacité d'autoapprovisionnement en grains
diminue de 6%. Quand on pense qu'environ 1 million d'acres sont en
spéculation,
vous voyez que si ces terres produisaient des grains, on pourrait
devenir autosuffisant dans les grains.
Il y a aussi l'aspect important de la situation dans le monde. Se
contenter d'une situation d'importateur de céréales ne
présente aucun avantage économique pour la collectivité
québécoise. Bien plus, notre situation de dépendance
alimentaire n'est guère rassurante lorsque l'on tient compte du bilan
alimentaire au niveau mondial. Le déficit en céréales pour
l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine est passé de 17 millions
de tonnes, en 1970, à 33 millions de tonnes, en 1975. Même en
considérant les hypothèses les plus optimistes quant à
l'amélioration de la productivité agricole dans le monde, on
prévoit que ce déficit passera à 158 millions de tonnes,
en 1985, c'est-à-dire 800% d'augmentation de déficit alimentaire
sur une période de quinze ans.
Actuellement, seulement quelques pays exportent de façon
permanente plus d'aliments qu'ils n'en importent. Il y a les États-Unis,
l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, les Pays-Bas, le Danemark
et la France. Tous les autres importent plus de nourriture qu'ils n'en
exportent. Évidemment, il y en a pour qui c'est temporaire, car il y a
des années où ils en produisent plus, mais
exceptionnellement.
Nous pouvons croire, avec bien d'autres observateurs, que dans un avenir
rapproché, les pays exportateurs de produits alimentaires voudront tirer
profit de leur position de force. On a remarqué que la stratégie
des États-Unis est axée sur la production d'aliments. Ils
adopteront une attitude similaire à celle des pays exportateurs de
pétrole et, cela, c'est envisagé pour toute la stratégie
du commerce extérieur des États-Unis actuellement. C'est
axé pas sur les armements, comme les gens le pensent, mais sur la
production d'aliments, sur des contrats d'alimentation. Il n'y a pas un domaine
où on est aussi dépendant que dans celui de l'alimentation. Le
pétrole, on peut toujours arrêter l'automobile pendant quelque
temps, on peut en consommer un peu moins, mais si on manque d'aliments, c'est
dur.
Suivant les expériences des dernières années
je ne veux pas dire que le monde va arrêter de nous vendre des aliments
demain matin la population du monde doit presque doubler d'ici l'an
2000. C'est évident qu'à ce moment-là les terres vont
rapetisser. Il va falloir que le monde se mette quelque part. Les terres vont
rapetisser, il va y avoir des routes, des structurations du territoire.
Qu'est-ce qui va arriver? Beaucoup moins de terres devront produire pour deux
fois plus de monde, c'est-à-dire que les pays qui seront
dépendants vont avoir des problèmes.
Je ne voudrais pas avoir l'air apocalyptique, mais il y a même des
experts qui prétendent qu'on va revoir, dans un certain nombre
d'années, des guerres pour l'alimentation comme celles qu'on a connues
au Moyen Age, parce qu'il y a peu de pays qui sont actuellement
indépendants sur le plan alimentaire. (76 h 30)
Donc, l'objectif du projet de loi sur la protection du territoire
agricole vise essentiellement à maintenir, à faciliter et
à améliorer les opérations des exploitations agricoles
existantes à l'intérieur des territoires agricoles viables.
Si vous voulez, on va prendre chacun des termes pour voir de quelle
façon ce projet de loi veut arriver à protéger les terres.
Tout d'abord, comment maintenir les terres agricoles viables et empêcher
leur désutilisation, leur déstructuration par des
activités autres qu'agricoles? Comment éviter de réduire
le potentiel de production agricole à tout jamais? Quelle est la
technique qui s'est avérée la plus efficace dans les
expériences qu'ont tentées la plupart des pays au monde? On a
étudié à Hawaii, dans les États américains,
dans les États canadiens, dans les États européens; on
n'est pas allé en Russie parce qu'on dit qu'ils marchent
différemment, eux.
Mais on a regardé presque tous les pays du monde occidental et il
n'y a qu'une seule technique qui est efficace, c'est le zonage. Les autres, les
taxes, les spéculateurs achètent le prix; le consommateur, tout
ce qu'il fait, il paie le terrain plus cher, parce que celui qui veut faire une
piastre sur le terrain le revend plus cher pour payer les impôts que le
gouvernement lui charge. Cela ne donne rien. La seule protection efficace est
par des mesures de zonage, en disant: À tel endroit c'est l'agriculture,
à tel endroit ce sont les maisons, à tel endroit ce sont les
industries et à tel endroit ce sont des commerces. Cela ne
dérangera pas autant que certains ont dit. Tout ce qu'il faut au niveau
municipal, en plus d'avoir un zonage domiciliaire, que normalement les
municipalités devraient avoir ou ont actuellement, un zonage industriel,
un zonage commercial, c'est d'ajouter un zonage agricole.
Dire: Telle partie on la réserve pour l'agriculture. C'est tout
simplement cela. Ce n'est pas plus compliqué que cela et selon les
mêmes principes. Autrement, comment pourrait-on efficacement combattre la
prolifération de toutes sortes d'activités en milieu agricole?
Les meilleures terres sont en périphérie des grandes
agglomérations urbaines. Avec la construction, l'infrastructure, le
transport, autoroutes surtout, les citadins peuvent facilement quitter la ville
pour aller visiter un territoire qui devrait être réservé
à l'agriculture, compte tenu de l'étendue et du potentiel des
sols qu'on y trouve. Il faudrait aussi trouver le moyen d'économiser
plus de sols quand on fait des routes. Je regarde les routes, on dirait qu'on
n'est pas capable de choisir au Québec. On fait la route et on fait le
chemin de desserte en même temps, mais l'autoroute est censée
relier deux villes.
Ce n'est pas censé être fait pour se bâtir le long de
l'autoroute. Il me semble que ce n'est pas agréable non plus, la vue
n'est pas bien drôle. Mais on fait des autoroutes et en même temps
on met des chemins de desserte de chaque bord et là le monde s'en va
commencer à rester le long du chemin de desserte. Ce n'est pas fait de
même ailleurs. Ailleurs, ils choisissent. Cela va être un chemin
pour desservir la population ou bien cela
va être un autoroute. Ce ne sont pas les deux en même temps.
Au Québec, on a de la misère à choisir. Il faudrait
choisir l'autoroute pour relier deux points, mais le monde ne se construirait
pas le long de l'autoroute. Ce n'est pas rationnel. Cela coûte cher. Cela
oblige à entretenir les chemins plus souvent. Dans bien des cas, cela
voudrait dire déplacer la maison et aller la mettre le long du chemin
à l'autre bout de la terre avec les autres plutôt que de faire un
chemin de desserte le long de l'autoroute, souvent pour desservir deux ou trois
maisons qui seraient aussi bien à l'autre bout de la terre avec le rang
principal.
Évidemment, j'en ai parlé longuement et souvent avec le
ministre des Transports, mais cela suppose une nouvelle mentalité, une
nouvelle façon de faire les choses, et tout cela il le sait; mais les
plans sont faits, l'expropriation est faite.
M. Vaugeois: C'est vrai.
M. Garon: Je sais qu'il ne peut pas tout faire la même
journée. Il y a des terres, des parcelles accumulées, il y en a
quelque 30 000 apparemment; ils commencent à les mettre en vente, c'est
accumulé. C'était là, cela n'avait pas été
mis en vente. Il faut mettre cela en vente. Mon collègue des Transports
est d'accord là-dessus. Mais il est pris avec le problème, avec
l'héritage. Je ne blâmerai personne. Mais il y a une façon
de faire qu'il faut modifier pour que cela puisse mieux fonctionner au
Québec. (Quand je sors trop du texte, j'oublie où je suis rendu).
La technique de protection prévue par le projet de loi permet
d'interdire toute utilisation du sol inconciliable avec l'agriculture à
l'intérieur de ce qui paraît être un territoire viable pour
l'agriculture.
C'est pour cela que dans les plans provisoires qu'ont reçus les
municipalités, il y a un espace prévu autour, un cercle, si vous
voulez, un carré ou un rectangle autour de la municipalité pour
qu'à l'intérieur de ce cercle, ce rectangle ou ce carré,
la municipalité puisse faire n'importe quoi, ce qu'elle veut. C'est elle
qui décide. À l'extérieur, c'est zoné
temporairement agricole jusqu'à ce que la municipalité puisse
discuter avec la commission et établir un périmètre
d'urbanisation et la zone agricole d'une façon permanente.
Il est évident qu'il peut y avoir quand on fait 614 cartes
comme cela des erreurs. Peut-être allez-vous voir à
certains endroits que ce n'est pas la bonne terre qui a été
zonée et qu'il y en a une autre qui devrait être
dézonée. C'est évident. Je m'attends à cela et
j'étais certain de cela, à part cela. Mais, justement, la
commission va arriver pour discuter avec la municipalité pour
établir ensemble ce qui devrait être la meilleure zone agricole.
Dans la plupart des cas, je pense que la commission et la municipalité
vont s'entendre. La zone permanente, elle est permanente, mais cela ne veut pas
dire qu'elle est permanente éternellement. Elle peut se modifier, mais
une fois qu'elle est établie d'une façon permanente avec la
municipalité et la commission, le développement devra se faire
dans des sols, dans des terres qui ne sont pas bonnes pour l'agriculture. Dans
un village, par exemple, d'un côté du village, il y a du sol 1 et,
de l'autre côté, il y a du sol 7. Eh bien! le développement
devrait aller du côté du sol 7.
À ce moment-là, il ne s'agit pas d'empêcher le monde
de bâtir des maisons. Il ne s'agit pas d'empêcher des industries et
des commerces. Seulement, il faut les placer aux bons endroits. Mettre un
terrain de camping à côté d'une porcherie, ce n'est pas
agréable pour le propriétaire de la porcherie et ce n'est pas
agréable pour le campeur non plus. Il s'agit de placer chaque chose
à la bonne place. À ce moment-là, le campeur va être
heureux. Le terrain de camping va valoir plus cher et les cochons dans la
porcherie vont valoir plus cher aussi, parce qu'ils ne se dérangeront
pas l'un et l'autre. C'est pour cela que je dis que la protection des terres va
amener peut-être pas à court terme, mais sur une
période de temps une réévaluation des terres, parce
qu'il y a moins de dommages qui vont être faits à chacun. Chacun
sera à la bonne place.
M. Tardif: C'est cela.
M. Garon: C'est important aussi, dans les zones agricoles, qu'il
y ait une zone continue. Si vous regardez une carte de sols, vous voyez toutes
sortes de catégories. Le sol 1, on ne peut pas dire qu'il a dix milles
de long et qu'après cela c'est du sol 2; c'est tout
entremêlé. Il faut une continuité au territoire agricole.
Autrement, s'il n'y a pas de continuité, d'infrastructure agricole, les
meuneries, les distributeurs de machines aratoires, les ateliers d'entretien,
les fournisseurs d'engrais et d'amendements calcaires vont s'en aller parce
qu'il n'y aura pas assez d'agriculteurs à fournir. C'est pour cela qu'il
doit y avoir une continuité dans le territoire agricole, parce que la
déstructuration commence souvent comme cela. Les terres s'en vont de
l'agriculture. Ceux qui travaillent avec les agriculteurs s'en vont parce qu'il
n'y a pas assez de revenus à faire. Il n'y a pas assez d'agriculteurs;
ils se découragent et s'en vont tranquillement. Finalement, il y a des
terres abandonnées.
Parfois, les gens me disent: Comment cela se fait-il? Vous voulez
protéger les terres? Il me semble qu'on en voit de chaque
côté de la 20, en friche. J'ai dit: C'est cela, justement. Ce sont
des terres qui n'appartiennent pas à des agriculteurs; elles
appartiennent à des gens qui les ont achetées pour
différentes raisons. L'agriculteur voudrait les acheter pour les
cultiver, mais il ne peut pas. C'est cela qu'il faut remettre à
l'agriculture. Il faut empêcher le morcellement de l'exploitation
agricole. Il faut empêcher que se constituent des petites fermes non
rentables, des petites fermes d'amateurs, pour que cela soit vraiment des
fermes d'agriculteurs. Je ne veux pas dire que les gens ne doivent pas avoir un
grand jardin. On a même prévu dans les droits acquis
jusqu'à un demi-hectare, 50 000 pieds. Ils peuvent faire un pas mal bon
jardin là-dedans. Mais il ne faut pas que les terres soient trop
petites.
II faut, dans une zone agricole, des objectifs d'utilisation agricole du
sol, de consolidation des exploitations et au moins le maintien des
exploitations agricoles existantes. C'est pour cela que, pour empêcher le
morcellement, dans le projet de loi on dit qu'il est nécessaire d'avoir
le contrôle du lotissement. Pourquoi, le contrôle du lotissement?
Parce qu'il faut empêcher que des fermes agricoles se morcellent par la
vente de lots en bordure des routes ou par une subdivision de la ferme en
plusieurs petites fermes, de telle sorte que la superficie de l'exploitation
agricole est tellement réduite qu'il n'est pas économiquement
possible d'entreprendre des cultures ou de l'élevage d'animaux sur des
surfaces aussi restreintes. (16 h 40)
II faut empêcher ce lotissement, d'autant plus que, quand
l'agriculteur permet un lotissement, quelques années après,
souvent, c'est celui qui est venu se bâtir sur ce lot qui vient
l'empêcher de produire, qui vient lui dire que faucher le soir, cela fait
du bruit. Il n'aime pas cela. Son enfant a oublié la bicyclette dans le
champ. Quand la fourragère passe c'est un genre de souffleur
à neige, de souffleur à céréales, à fourrage
elle avale la bicyclette et cela l'endommage un peu! Si l'agriculteur
était à ce moment-là dans les derniers jours de la
récolte, il doit faire réparer ou réparer la
fourragère et si, après, il a du mauvais temps, il perd sa
récolte. C'est une conséquence terrible. Souvent, les dommages
que cause un citadin qui demeure à côté d'un agriculteur
peuvent se constater aussi d'autres façons; ce peut être parce
qu'il n'enlève pas les mauvaises herbes et le vent souffle les graines
de mauvaises herbes dans le champ du cultivateur et les mauvaises herbes
commencent à pousser. Toutes sortes de dommages peuvent être
causés. Le député de Charlevoix pense à l'herbe
à puces. Je ne parle pas de l'herbe à puces, pas plus que de
l'herbe à poux, mais surtout de la moutarde.
M. Vaugeois: La maudite moutarde!
M. Garon: II faut aussi protéger la couche arable et le
projet de loi le prévoit. Vous savez, les sols qu'on a au Québec,
cela a pris des siècles à les bâtir. Je pense à la
plaine de Montréal, je pense aux terres noires, aux terres organiques
qui sont des dépôts de marais, qui se sont accumulés au
cours des siècles, depuis des milliers et des milliers d'années.
La mer Champlain, un jour, s'est retirée et la plaine de Montréal
est le fond de la mer Champlain. C'est le meilleur sol agricole. C'est au
niveau des 30 centimètres supérieurs, au niveau des 12 pouces
supérieurs, si on veut, à la surface que se trouvent la
matière organique et, de façon générale, tous les
éléments essentiels à la croissance des plantes. Cela a
pris des siècles à les fabriquer et c'est pour cela qu'il faut
protéger les terres agricoles contre l'extraction du sol arable par le
décapage des terres ou autrement, ce qui cause un tort
irrémédiable à la terre qu'on décape en plus d'en
causer aux terres avoisinantes. On fait un trou et le drainage se fait. La
nappe phréatique des champs environnants baisse et on a un trou d'eau
qui devient une mare à toutes sortes de choses.
M. Grenier: Ce n'est pas une belle mare!
M. Garon: ... et on a endommagé le sol de façon
indéfinie. C'est pour cela qu'il faut empêcher le décapage
sur les terres agricoles; il pourrait se faire à d'autres endroits. Il
ne s'agit pas d'empêcher les gens d'avoir des pelouses. Quand les gens
creusent pour se construire une maison, ce serait une bonne idée
d'enlever la terre, d'en faire un tas pour que, une fois la maison construite,
ils puissent ramener le tas autour de la maison. Ils n'auraient même pas
besoin d'acheter de la terre et ils pourraient semer du gazon. Ils auraient
ainsi un bel aménagement. Au lieu de prendre la terre et de la jeter,
ils pourraient la garder et l'utiliser. Il y a une foule de choses qui vont
devenir nécessaires pour ne pas gaspiller cette terre.
Les exploitations existantes auront six mois, à compter de
l'adoption de la loi, pour se procurer un permis qui sera émis pour une
période maximale de deux ans; il sera renouvelable à certaines
conditions. Les exploitations telles que les "gra-vellières", les
sablières, le décapage de terres ga-zonnières exercent
leurs activités sur des milliers d'acres de sols utilisables à
des fins agricoles. Si on considère l'importance de ces
activités, nous croyons qu'il y aurait avantage à les
réglementer et à faire en sorte qu'elles soient dirigées
autant que possible à l'extérieur du territoire agricole pour
éviter que des situations déplorables comme celle de Saint-Amable
ne se reproduisent.
Je ne voudrais pas trop entrer dans les détails parce que je vois
le temps qui s'achève. J'ai peur de ne pas pouvoir finir mon
exposé.
M. Picotte: Consentement. M. Giasson: Consentement.
M. Garon: Est-ce que j'ai le consentement pour dépasser
mon heure?
M. Picotte: Oui. M. Giasson: Oui.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! De toute façon, M. le ministre...
M. Garon: Êtes-vous sûr qu'ils vont accorder leur
consentement?
Le Vice-Président: ... vous avez encore au moins 17
minutes.
M. Garon: Oui, 17 minutes, mais je ne suis rendu qu'à la
moitié de mon texte.
Bien sûr, nous ne pouvons pas empêcher toute activité
autre que les activités agricoles dans les zones agricoles retenues. Pas
plus que nous ne pouvons interdire de façon absolue le morcelle-
ment dans ces mêmes zones sans tenir compte d'un certain nombre de
contraintes.
Au nombre de ces contraintes, on peut énumérer,
premièrement, les droits acquis qu'ont les personnes qui utilisent
actuellement le sol en zone agricole à d'autres fins que des fins
agricoles. Ceux qui sont déjà en zone agricole, on ne les
enlèvera pas de là. Ils ont des droits acquis et ces droits
acquis sont respectés dans la loi.
Deuxièmement, la nécessité de tenir compte des
modifications qui deviendront nécessaires, à plus ou moins long
terme, à la zone agricole. Il est évident qu'on ne peut pas geler
la vie. Dans la zone agricole, cela va continuer à vivre aussi. Il va
falloir tenir compte que, dans l'avenir, il peut y avoir des modifications
possibles, que la commission va être là pour en discuter,
justement, avec la municipalité, après avoir entendu et avoir
reçu les représentations d'autres organismes.
Troisièmement, l'obligation d'avoir à négocier la
configuration finale de la zone agricole avec les autorités municipales
concernées. On a voulu que la commission soit obligée de discuter
avec la municipalité, pour que la municipalité puisse faire ses
représentations et aussi, suite à la consultation du mois de
septembre, afin de permettre aux associations d'agriculteurs, aux associations
de comtés, aux conseils de comté, aux conseils régionaux
de développement, à tout autre organisme local ou
régional, de faire ses représentations à la
municipalité au niveau municipal, en envoyant une copie à la
commission pour qu'il y ait une forme de consultation qui se fasse sur le
territoire ou au niveau de la municipalité.
Pour vous dire franchement, j'aurais aimé, personnellement, qu'on
prenne les conseils de comté au lieu d'éventuellement 1500
interlocuteurs, cela aurait fait un bien moins grand nombre. Cela va être
plus difficile, sur le plan administratif, avec les municipalités, parce
qu'il y en a un plus grand nombre. Mais dans l'état actuel des choses
je ne dis pas dans l'état éventuel si on voulait
procéder rapidement, parce que c'était une mesure
nécessaire, avec urgence, je pense que le cadre d'organisation avec
lequel il fallait procéder, c'était avec les
municipalités, on n'avait pas le choix. Et c'est pour cela que nous
avons procédé avec les municipalités. Mais, je pense que,
éventuellement, dans une perspective d'aménagement, une
perspective où les conseils de comté auraient des pouvoirs
différents, il serait possiblement préférable de discuter
avec les conseils de comté. Ce n'est pas par idéologie, au
contraire. Je peux vous dire qu'on a eu des discussions pendant des mois pour
essayer de procéder davantage par les conseils de comté, mais
cela aurait été difficile.
Quatrièmement, la nécessité de
décréter, dès le dépôt du projet de loi, le
gel des territoires considérés comme étant des territoires
agricoles viables, afin d'éviter toute vague de spéculation. Sans
compter que la publication inévitable du projet de loi peut permettre
à des propriétaires de se constituer des droits acquis en
soustrayant, à toutes fins utiles, leur terre de l'application de la
loi.
Un mot sur chacun de ces éléments, M. le Président.
Premièrement, les droits acquis. Le droit acquis, le droit d'utiliser un
terrain à d'autres fins que l'agriculture à la date du
dépôt de la loi, est reconnu pour celui qui l'utilisait
déjà à d'autres fins que l'agriculture avant le
dépôt de la loi. Il s'agit d'une utilisation non agricole
effective pas intentionnelle, effective du fait que l'utilisation
non agricole était déjà commencée ou du fait qu'un
permis autorisant l'utilisation non agricole était déjà
émis avant le 9 novembre 1978. Ces droits acquis ne sont cependant
reconnus que sur la partie d'un territoire effectivement utilisé
à d'autres fins que l'agriculture. C'est dans le projet de loi. Le fait
de laisser en friche un terrain sous couverture végétale
on laisse pousser ce que la nature laisse pousser ou à l'abandon
est assimilé à l'agriculture. Ce n'est pas une intention, c'est
une absence d'intention. On pourrait appeler cela une agriculture naturelle!
Aucune utilisation spécifique autre que l'agriculture n'existait
à la date du dépôt de la loi.
Comme le projet de loi ne vise qu'à protéger
l'agriculture, le droit reconnu à un usage non agricole permet de
changer l'utilisation non agricole en tout autre genre d'utilisation non
agricole dans la mesure où les règlements municipaux le
permettent. De même qu'un droit acquis à l'usage non agricole peut
être vendu ou cédé et permettre de lotir la superficie
utilisée à des fins non agricoles. Cela veut dire que celui qui
avait 100 autres acres, et qui a un garage au bout du lot, a le droit de lotir
la partie sur laquelle il a un droit acquis. Le reste qu'il n'utilise pas
tombera dans la zone agricole. (16 h 50)
Finalement, les possibilités d'agrandir la superficie de terrain
utilisée à des fins non agricoles s'étend jusqu'à
concurrence d'un demi-hectare pour utilisation résidentielle et d'un
hectare pour toute autre utilisation non agricole. Pour ceux qui ne sont pas
habitués à compter en hectare, un hectare c'est la
nouvelle mesure à laquelle nous sommes astreints par la loi ce
sont deux acres et demie, ou deux arpents et demi, en gros. Cela veut dire que,
pour une maison, il peut y avoir un arpent et, pour une utilisation non
agricole, deux arpents et demi pour celui qui a un droit acquis.
Certaines utilisations non agricoles, dans l'avenir, sont dès
maintenant autorisées par la loi. À cet égard, trois
dispositions permissives s'ajoutent au bénéfice des droits
acquis, en plus des droits acquis. Premièrement, le propriétaire
d'un ou de plusieurs terrains vacants, en vertu d'un titre enregistré au
9 novembre 1978 ou avant, peut construire une seule résidence par
municipalité dans la municipalité, si on veut sur
son terrain ou l'ensemble de ses terrains dans les trois ans suivant le
dépôt de la loi ou dans les trois ans suivant un décret
visant une nouvelle région désignée. Celui qui a un
terrain dans une municipalité ou plusieurs terrains, peu importe le
nombre, n'a droit de construire sur ces terrains dans la zone agricole qu'une
seule résidence. S'il a plusieurs terrains, on dit à ce
moment-là: Cela
n'était plus quelqu'un qui voulait bâtir une maison, mais
qui voulait plutôt spéculer.
En plus de jouir d'un droit acquis à des fins
résidentielles, un agriculteur cela nous a semblé
raisonnable peut construire sur sa ferme une résidence
additionnelle, pour lui-même, pour ses enfants ou ses employés qui
travaillent sur la ferme. Il ne pourra pas, cependant, vendre
séparément de sa ferme les résidences qui n'étaient
pas construites avant le 9 novembre 1978 pour ne pas que cette loi devienne un
moyen détourné de faire de la construction, mais il ne faut pas
exagérer. Les enfants qui s'établissent sur la ferme avec
l'agriculteur, habituellement, ce sont ceux qui veulent travailler avec leur
père et lui succéder. J'ai rarement vu des familles où
tous les enfants s'établissaient à côté de leurs
parents, parce qu'ils s'en vont s'établir chacun chez soi et ils vont
faire leur vie.
Il n'y aura pas d'abus en permettant aux fils d'agriculteur de se
construire avec leur père, d'autant plus qu'ils pourront lui rendre des
services. Troisièmement, ceux qui exploitaient des tourbières,
des gravières ou des sablières, ou qui vendaient
déjà de la terre arable pourront continuer leur commerce en
obtenant de la commission un permis dans les six mois de la date de la sanction
de la loi. Ils ont six mois pour le faire après l'adoption de la loi.
Ils ne pourront pas, cependant, agrandir leur exploitation sans en obtenir
l'autorisation. Ils ne pourront pas déborder, ils pourront continuer ce
qu'ils faisaient, pour donner un délai et pour ne pas arrêter le
commerce non plus.
En plus des droits acquis que l'on vient d'énumérer, il
sera possible en zone agricole d'obtenir de la Commission de protection du
territoire agricole l'autorisation d'utiliser un lot ou plusieurs lots à
des fins autres que l'agriculture ou encore morceler une terre afin d'en vendre
des parties pour consolider des exploitations agricoles voisines, pour diviser
une terre. De façon générale, on ne veut pas que les
terres soient divisées pour ne pas réduire des terres ou qu'elles
ne puissent pas être exploitées. Mais elles pourront être
vendues avec l'autorisation de la commission, qui sera automatique, à
toutes fins utiles, à des voisins qui veulent agrandir leur
exploitation, admettons, la moitié de la terre à celui du
côté sud, l'autre, à celui du côté nord.
Ceci m'amène, M. le Président, à parler de la
Commission de protection du territoire agricole. Afin qu'un organisme puisse
juger en toute objectivité des demandes des citoyens ou des
municipalités pour modifier la zone agricole ou y faire certains
lotissements, le projet de loi prévoit la création d'une
commission, composée d'au plus sept personnes nommées par le
gouvernement pour une période de cinq ans. Cette commission devra
décider des demandes de modifications à la zone agricole qui lui
seront soumises par des individus ou des municipalités. De plus, elle
devra donner un avis au gouvernement sur tous les projets gouvernementaux qui
toucheront à la zone agricole. Le gouvernement s'est soumis à la
protection du territoire agricole, de même que ses ministères et
ses organismes, comme il demande aux autres de le faire. Le gouvernement n'a
pas demandé un régime spécial pour lui. Il s'est
donné le même régime qu'aux individus et aux
municipalités, non pas un régime de faveur.
Donc, la commission devra donner un avis au qouvernement sur tous les
projets gouvernementaux qui toucheront la zone agricole. Cette commission aura
les pouvoirs nécessaires pour que la zone agricole soit autant que
possible maintenue dans son homogénéité, dans sa
continuité, pour que les opérations permises ou les
dérogations accordées en zone agricole n'affectent pas la
poursuite des activités agricoles.
Ce projet de loi prévoit donc que les définitions de
chacune des zones agricoles permanentes seront négociées entre la
commission et la municipalité concernée. La configuration des
zones tiendra compte de la qualité des sols agricoles à
protéger, de la nécessité de maintenir une
continuité territoriale dans la zone agricole, tout en
considérant, par ailleurs, les besoins d'expansion de la zone urbaine et
l'utilisation des équipements existants. C'est-à-dire qu'elle
tiendra compte de la réalité de l'endroit ou de la
municipalité. En attendant que chacune des zones agricoles ne soit
définie à la suite des négociations avec la commission et
chacune des municipalités concernées, il devient
nécessaire de geler, de façon intérimaire, les territoires
des municipalités contenus dans la région
désignée.
Cependant, pour éviter que l'ensemble des territoires des
municipalités, y compris les territoires déjà
urbanisés, ne soit soumis à un gel qui viendrait inutilement
empêcher des transactions, des lotissements ou des utilisations du sol en
milieu urbain, nous avons procédé à l'établissement
de plans provisoires, plans provisoires qui ont été
déposés à l'Assemblée nationale et qui ont
été expédiés depuis aux secrétaires ou aux
greffiers des municipalités en même temps que, cette semaine, au
bureau d'enregistrement. Ces plans permettent de délimiter des zones
agricoles provisoires qui sont, dès à présent, l'objet
d'un gel et qui serviront de base à la discussion avec les
municipalités en vue de définir la zone agricole permanente.
Ainsi, les inconvénients d'un gel, par ailleurs nécessaire, ont
été minimisés pour ne pas empêcher que la
construction puisse se faire pendant la période de discussion avec la
commission.
Quel territoire? Si on regarde ce qui s'est fait en
Colombie-Britannique, le territoire complet avait été
protégé. Cela empêche la vie de fonctionner. On a voulu
réduire. Il est évident qu'on ne fait pas la protection des
terres agricoles, un zonage agricole sans qu'il n'y ait un peu d'efforts et de
sacrifices à faire. Mais on a voulu les minimiser pour qu'on puisse
atteindre le même résultat avec le moins d'inconvénients
possible pour la population. À quel territoire allons-nous
étendre les mesures? Fallait-il prendre tout le Québec ou une
partie du Québec, la plus exposée à la pression?
Devons-nous protéger uniquement des régions où il existe
de très bons potentiels agricoles?
C'est la question qu'il fallait se poser. Fallait-il prendre l'ensemble
du Québec, les 1500 municipalités?
La plupart des organismes consultés, l'UPA, l'Union des
producteurs agricoles les fédérations régionales de
l'UPA, les conseils régionaux de développement, nous ont
proposé d'étendre, dans un premier temps, les mesures de
protection du territoire agricole à l'ensemble du Québec. Nous
avons longtemps pesé le pour et le contre d'une telle action. Cette
façon de procéder présentait des avantages incontestables.
L'ensemble des fermes serait alors soumis à un régime unique
dès le départ et l'objectif recherché serait atteint pour
l'ensemble du territoire agricole. Cependant, si on veut être
réaliste, en considérant la charge administrative reliée
à l'exécution de mesures de protection pour tout le
Québec, nous avons préféré opter, comme
gouvernement, pour l'application de ces mesures, à une région
couvrant les meilleurs potentiels agricoles, et où les dangers de
déstructuration du territoire agricole étaient les plus
élevés. Je ne voudrais pas dire non plus que pour la partie qui
n'est pas encore dans la région désignée, c'est que les
sols ne sont pas bons. Non, il y a d'excellents sols, d'excellentes
régions agricoles. Mais on ne peut pas tout faire en même temps.
C'est la principale raison.
Le plan provisoire déposé avec le projet de loi est
constitué de deux séries de cartes et d'un ensemble de
descriptions techniques qui proposent une délimitation du territoire le
plus propice à réserver à l'agriculture. Un territoire
visé initialement dans cette première intervention est, de
façon générale, reconnu comme étant le meilleur
bassin agricole du Québec et, en même temps, le plus menacé
par les multiples utilisations qu'engendre le développement de notre
société. Il convenait donc d'intervenir prioritairement dans
cette première région agricole désignée, qui est
formée en gros des basses terres de la vallée du Saint-Laurent
jusqu'à l'est de Montmagny et de Saint-Joachim, sur le côté
nord, et de la vallée de l'Outaouais. (17 heures)
Ce premier territoire est composé de 614 municipalités qui
seront touchées à des degrés divers par cette loi, ce qui
représente 42% de l'ensemble des municipalités du Québec.
42% de l'ensemble des municipalités, c'est déjà un bon
nombre. À l'intérieur de ces 614 municipalités, la
définition de la zone agricole provisoire s'appuie fondamentalement sur
la qualité des sols, tout en tenant compte des divers usages qu'en a
fait notre société. C'est ainsi que 73 de ces
municipalités n'ont aucune partie de leur territoire qui a
été retenue pour fins de protection dans la zone agricole
provisoire. Parmi celles-ci, on retrouve les 30 municipalités
situées sur l'île de Montréal. Nous avons là une
partie importante de la population qui ne sera pas touchée. Les
agriculteurs de l'île de Montréal, s'ils le souhaitent, pourront
demander d'être inclus dans une zone agricole. Pour les 479 autres
municipalités de la région agricole désignée, le
plan provisoire propose simultané- ment une zone agricole et une zone
non agricole. La zone non agricole correspond à des espaces
urbanisés de façon contiguë et offre les espaces disponibles
à court terme, au moins pour cinq ans, pour des fins autres que
l'agriculture.
De l'ensemble des 614 municipalités, seulement 52 se retrouvent
entièrement à l'intérieur de la zone agricole provisoire,
52 où il n'y a pas de périmètre. Pour la très
grande majorité de ces dernières, ce sont des
municipalités de paroisse pour lesquelles il n'existe pas de village
proprement dit ou d'agglomération principale des paroisses
formées de rangs et dont la vocation première est
l'agriculture. Ce plan provisoire est une proposition de zone agricole. La
commission rencontrera chacune des municipalités afin d'élaborer
avec elles la zone agricole permanente.
Malgré que l'on trouve environ 80% de la population du
Québec concentrée dans cette région d'intervention, parmi
les 614 municipalités touchées, le plan provisoire en
dégageant les grands ensembles urbains, a pour effet immédiat que
la très grande majorité de cette population urbaine ne sera pas
affectée par cette loi sur la protection du territoire agricole. Le but
de cette loi étant de protéger les meilleurs sols agricoles, nous
retrouverons, à l'intérieur de la région agricole
désignée, la majeure partie des entreprises agricoles du
Québec, soit 26 000 fermes sur un nombre total de 43 000 pour l'ensemble
du Québec. 26 000 fermes sur 43 000 sont comprises dans la région
désignée.
D'autres territoires pourront être désignés
ultérieurement par décret gouvernemental. C'est l'intention du
gouvernement de procéder le plus rapidement possible à la
désignation d'autres régions pour couvrir éventuellement
l'ensemble des terres agricoles du Québec, mais à un rythme
réaliste aussi.
Au début de mon intervention, j'ai indiqué que l'objectif
du projet de loi était non seulement de maintenir les territoires
agricoles viables, mais également de faciliter le développement
de l'exploitation agricole à l'intérieur des territoires
protégés. À cet effet, nous avons introduit dans le projet
de loi une disposition visant à améliorer les
bénéfices de la taxation préférentielle pour les
agriculteurs qui feront partie de la zone agricole permanente. Actuellement,
selon les lois existantes, l'évaluation foncière d'une ferme est
limitée à $150 l'acre et le taux d'imposition à 1% de la
valeur imposable. En plus, le ministère de l'Agriculture rembourse
à tout agriculteur producteur agricole 40% de l'ensemble de ses taxes
municipales et scolaires. Afin d'aider davantage les agriculteurs qui feront
partie de la zone agricole permanente, puisque les outils des ouvriers ne sont
pas taxés, puisqu'il y a même une exemption dans l'impôt
pour un certain montant, soit $500, pour ceux qui achètent des
équipements pour gagner leur vie, le projet de loi prévoit que le
remboursement des taxes municipales et scolaires passera de 40% à
70%...
Mme le Vice-Président: M. le ministre, je me
dois de vous rappeler que vous allez bientôt devoir conclure.
Des voix: Consentement.
M. Garon: J'achève, Mme le Président.
Mme le Vice-Président: Alors, puisqu'il y a consentement,
allez donc!
M. Garon: Alors, le remboursement des taxes municipales et
scolaires passera de 40% à 70% lors de la création de la zone
agricole permanente pour les fermes qui y seront incluses.
Par contre, pour les fermes qui ne seraient pas incluses dans la zone
agricole permanente, le projet de loi prévoit la disparition graduelle
des bénéfices actuels reliés à l'installation d'une
ferme, à savoir un taux maximal d'une évaluation de $150 l'acre
et un taux maximal d'imposition de 1%. Celui qui ne sera pas inclus par le plan
provisoire dans la zone agricole et qui, lors des négociations entre la
municipalité et la commission, ne demandera pas d'être inclus
perdra graduellement les avantages d'être taxé comme un
agriculteur parce qu'il ne manifeste pas qu'il veut être
considéré comme un agriculteur.
M. Vaugeois: C'est cela.
M. Garon: Pourquoi 70%, Mme le Président? Parce que les
écrits et statistiques nous indiquent que pour l'agriculteur, les
bâtiments et le fonds de terre sont des outils de production.
D'après une étude qui a été faite sur plusieurs
centaines de fermes, leur valeur correspond en moyenne à 70% de
l'évaluation foncière d'une ferme et que la maison compte pour
30%. C'est donc dire qu'à toutes fins utiles, en territoire agricole
protégé, l'agriculteur sera taxé uniquement sur sa
résidence. Est également prévue une autre mesure visant
à faciliter l'exercice aux activités agricoles. Le projet de loi
prévoit en effet que les résidents de la zone agricole ne
pourront pas porter plainte dans le cas des odeurs ou des bruits contre les
établissements d'exploitation animale qui disposent d'un permis
émis par les Services de protection de l'environnement, ou qui
s'étaient établis avant que les permis soient
nécessaires.
Mme le Président, de la même façon, si j'ai à
établir un poulailler au Carré d'Youville ou au coin de
Saint-Denis et Sainte-Catherine à Montréal, les gens diraient que
peut-être je ne suis pas à la bonne place, de m'en aller de
là. Je dirais: Volontiers, où voulez-vous que je m'en aille?
Normalement, ils diraient: À la campagne. Les gens sont, à la
campagne, dans le milieu agricole. Ceux qui viennent s'installer près
d'eux, les urbains, il faut qu'ils endurent un peu les bruits et les senteurs.
Cela ne sent pas si mauvais que cela. Quand je suis allé dans les
villages, je n'ai jamais trouvé que cela sentait quelque chose.
Une voix: Les porcheries.
M. Garon: Les porcheries, il ne faudrait pas qu'elles
s'établissent à côté des villages.
M. Bellemare: 3600, chez nous.
M. Garon: Je sais bien. Mais quand il y a beaucoup de porcheries
dans un village, il y a beaucoup de monde qui en vit aussi. Quand il y a
beaucoup de porcheries dans un village, il y a beaucoup de gens qui en
vivent.
M. Beilemare: Qui en sentent aussi.
M. Garon: Ainsi, Mme le Président, le droit du premier
occupant sera vraiment respecté et l'agriculteur qui avait le droit
d'exploiter un établissement d'élevage d'animaux ne se verra
plus, en zone agricole, inutilement harcelé par les plaintes des
citadins venus s'établir tout près de son établissement.
De même, les citadins qui résident en milieu urbain doivent
nécessairement supporter certains inconvénients relatifs à
la vie urbaine. Quand la souffleuse passe la nuit devant votre maison,
naturellement, cela réveille le monde. Personne ne se plaint. Ils
trouvent cela normal que cela souffle la nuit dans une ville. De la même
façon, un résident d'une zone agricole doit s'attendre à
certains inconvénients qui sont également inhérents
à l'activité agricole.
M. Vaugeois: C'est cela.
M. Garon: Mme le Président, j'ai dit, tout à
l'heure, que les mesures de protection du territoire agricole visent à
maintenir les territoires agricoles viables, à faciliter l'exercice des
activités agricoles et, enfin, à améliorer l'exploitation
agricole. À ce dernier chapitre, c'est-à-dire les mesures visant
à améliorer l'exploitation agricole, tous les organismes qui se
sont présentés lors de tournées de consultation ont
été unanimes sur un point: il ne suffit pas de protéger
les terres agricoles, il ne suffit pas de créer des zones agricoles, il
faut également améliorer la rentabilité de l'exploitation
agricole afin que les terres zonées soient de mieux en mieux
utilisées par des exploitations de plus en plus rentables.
À cet égard, Mme le Président, en plus des
programmes de développement agricole et de crédit agricole qui
ont été mis en oeuvre depuis deux ans, nous allons proposer de
plus en plus des mesures additionnelles comme celles que nous avons
annoncées aujourd'hui et que nous annoncerons dans les semaines qui s'en
viennent. D'autres mesures additionnelles. J'aurai l'occasion de vous indiquer
de façon plus précise le contenu de ces mesures assez
rapidement.
Mme le Président, le projet de loi que nous avons
déposé représente une étape importante dans
l'évolution de l'agriculture au Québec. Il marque
également un point tournant qui pourra permettre à l'agriculture
de n'être plus considérée comme une activité
secondaire, qui utilise le territoire en voie d'être urbanisé ou
réservé aux
loisirs des citadins ou encore comme dans les plans d'urbanisme on
appelle les zones de développement différé,
c'est-à-dire que tu es là en attendant qu'ils viennent te
débarquer. C'est dire qu'il va y avoir des zones permanentes
réservées à l'agriculture. Ce projet de loi doit signifier
de façon définitive que l'agriculture représente les
premières priorités, sinon la première, dans l'utilisation
du territoire du Québec. (17 h 10)
Depuis plus de dix ans, nous avons discuté de l'urgence de
protéger nos meilleurs sols agricoles. Voici maintenant que vous avez
devant vous j'en suis convaincu des mesures qui, de façon
efficace, en même temps que juste et équitable, vont assurer cette
protection pour l'avenir. Nous présentons ces mesures dans une
perspective de relance économique pour l'agriculture, les agriculteurs
et les Québécois en général. Notre objectif, comme
je l'ai mentionné au début de mon intervention, n'en est pas un
de conservation d'un mode de vie. Notre objectif est la préservation et
la consolidation de milliers de petites entreprises, on peut même dire de
petites et moyennes entreprises, parce que la moyenne d'investissement
comme je l'ai dit tout à l'heure était de $100 000 en
1977. Nous voulons que ces entreprises conservent leur capacité
première de production, à savoir le sol agricole.
Notre intervention, Mme le Président, se place dans une
perspective de développement économique pour l'ensemble du
Québec. Comment assurer un meilleur approvisionnement, un
approvisionnement constant à nos entreprises agroalimentaires de
transformation si, de plus en plus, les fermes sont déstructurées
aux environs des grands centres urbains? Nous cherchons à diminuer notre
dépendance alimentaire et cette mesure est essentielle dans cette
perspective. Je crois, Mme le Président, que tous les efforts pour
améliorer notre autosuffisance alimentaire procèdent de la
sagesse la plus élémentaire dans la perspective qu'une crise
mondiale alimentaire peut très bien se développer dans les
prochaines années. Le projet de loi sur la protection du territoire
agricole, complété par des mesures d'amélioration de la
productivité de nos exploitations agricoles, représente alors une
valeur économique que nul, actuellement, n'est en mesure de
prévoir adéquatement.
En terminant, Mme le Président, j'aimerais remercier tous ceux
qui sont venus nous présenter leur point de vue lors de la
tournée de consultation du mois de septembre dernier. Nous avons tenu
compte, beaucoup plus et nous pourrons l'expliquer qu'on puisse
le penser, de leurs avis et opinions. Je voudrais également remercier
les agriculteurs et les dirigeants de l'Union des producteurs agricoles qui
n'ont pas craint de nous dire franchement leur volonté et leur
désir pour un mieux-être de l'agriculture au Québec.
J'aimerais également remercier les fonctionnaires du ministère et
le personnel de mon cabinet qui ont travaillé on peut le dire
sans exagérer jour et nuit pendant plusieurs semaines, sinon
plusieurs mois, pour rendre ce projet de loi possible, et les cartes
provisoires, surtout, faites à temps, car j'ai su seulement deux jours
avant qu'elles seraient prêtes à temps. Il est difficile de
planifier autant de cartes sur une longue période de temps. C'est pour
cela que je dis qu'on pouvait difficilement faire plus de 614
municipalités d'un coup sec. Je voudrais remercier également les
députés du Parti québécois, le caucus, le
député d'Arthabaska, le député de Verchères,
le député de Champlain, le député de Berthier et le
député de Saint-François, qui ont collaboré avec
moi par leurs avis et leurs opinions, et je dirais même les
députés de l'Opposition, dans les consultations, un peu sans
faire semblant de rien, que je faisais en dicutant avec eux. Je voudrais
également remercier le comité ministériel permanent
d'aménagement et son président, le ministre Jacques
Léonard, pour les...
M. Grenier: Flattez-le un peu. Cela va lui faire du bien.
M. Garon: ... journées que nous avons passées
à discuter de ces questions, la protection des terres,
l'aménagement et l'urbanisme, et le Conseil des ministres, qui n'a pas
ménagé les heures pour étudier tous les coûts, tous
les aspects de ce projet de loi dès que chacun avait sa
responsabilité particulière. Enfin, je veux remercier
aussi...
Dans un projet qui a duré deux ans de travaux, vous n'avez pas
idée à quel point ce n'est pas une oeuvre personnelle. C'est une
oeuvre collective à laquelle beaucoup de gens ont collaboré.
Des voix: Bravo!
M. Garon: Je voudrais remercier, enfin, le premier ministre, qui
en tout temps, depuis deux ans, nous a donné des encouragements continus
pour qu'on puisse faire cette loi au plus tôt. Il trouvait que deux ans,
c'était long. En même temps, moi, qui étais pris dans le
problème, je trouvais que deux ans, c'était court.
Je dois mentionner l'appui du premier ministre; il a donné une
confiance totale à l'agriculture. Si, depuis deux ans, nous avons pu
adopter autant de mesures tous ceux qui dans l'Opposition ont
déjà été membres d'un gouvernement savent que c'est
possible qu'un gouvernement développe un secteur quand le premier
ministre est d'accord. Je peux dire que, face à une politique agricole
et au développement de l'agriculture, il y a eu un souci constant du
premier ministre qui, là aussi, n'a pas ménagé son temps,
ses efforts et ses encouragements pour que ce soit possible.
Je vous remercie, Mme le Président.
Des voix: Bravo!
Avis de mini-débats
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez
maintenant la parole. M. le député de Montmagny-L'Islet,
avant, pour ne pas être obligé de vous interrompre, je voudrais
signaler qu'il y a eu hier un avis de mini-débat demandé par le
député de Laval et leader parlementaire de l'Oppositon officielle
relativement à la décision unilatérale du gouvernement
actuel de mettre fin au paiement à la ville de Laval d'une subvention de
l'ordre de $45 millions, accordée en 1975 par le gouvernement
précédent.
Je voudrais donner lecture d'un avis qui, celui-là, m'a
été remis aujourd'hui. "Le 16 novembre 1978. M. le
Président, à la séance d'aujourd'hui, j'ai posé au
ministre de l'Industrie et du Commerce une question portant sur le sujet
suivant: Accusation du ministre de l'existence d'un cartel des fabricants de
chocolat et des grandes chaînes de distribution pancanadiennes en vue de
saboter le boycottage des produits Cadbury. Puisque je ne suis pas satisfait de
la réponse donnée, je désire me prévaloir des
dispositions de l'article 174 du règlement. Veuillez agréer, M.
le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs". C'est
signé de Reed Scowen, député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Les avis étant donnés, je voudrais qu'on les note. Je
sais, d'autre part, qu'il y avait eu un consentement, préalable à
ces deux demandes de mini-débats, entre le ministre de la Justice et, je
crois, M. le député de Nicolet-Yamaska, relativement à un
autre mini-débat. Ce soir, à l'ajournement, on aura donc trois
mini-débats, le premier étant celui du député de
Nicolet-Yamaska, le second étant celui demandé par le leader
parlementaire de l'Opposition officielle et le troisième étant
celui réclamé par le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Charron: Je vois l'heure, et je voudrais tout de suite offrir
au député de Montmagny-L'Islet le consentement de la
majorité, s'il voulait poursuivre, pour l'heure à laquelle il a
droit, peut-être quelques minutes supplémentaires au-delà
de 18 heures.
Le Président: M. le député de
Montmagny-L'Islet.
Projet de loi no 90 (suite) M. Julien Giasson
M. Giasson: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le leader parlementaire du gouvernement de l'offre qu'il vient de me formuler
avec gentillesse afin de me permettre de passer outre quelque peu à la
réglementation qui nous régit. Tout en le remerciant, nous
verrons ce qu'il y aura lieu de faire au moment où l'horloge marquera 18
heures.
En cette période de l'histoire qui nous indique que bientôt
la grande crise que connaîtra l'huma- nité sera la crise de
l'alimentation ou la crise constituée par l'incapacité des hommes
à nourrir les gens de la terre, je crois que le débat que nous
entreprenons sur la loi 90, qui tente de déterminer les mesures, les
mécanismes en vue d'apporter un meilleur contrôle sur le
territoire agricole, sur les bons sols arables pour les protéger,
puisque c'est là l'objectif poursuivi par cette loi, on ne peut faire
autrement, je crois, que de se poser diverses questions sur le mécanisme
que le gouvernement met en place à l'intérieur de la loi pour
atteindre des fins qui ont été demandées par
différents intervenants, et cela depuis quelques années, comme le
ministre l'a fort bien indiqué au cours de son intervention. (17 h
20)
II y a lieu de se demander si, dans la période immédiate
que nous connaissons, comme dans la période à venir, vraiment
nous manquons, ici au Québec, de bons sols agricoles. Je pense qu'il est
permis, en hommes réalistes, en gens de bon sens, de se poser cette
question: Est-ce qu'en 1978, au moment où nous entreprenons le
débat sur cette loi, on peut affirmer que le Québec manque de
bons sols agricoles? Je suis obligé, après avoir fait un examen
de cette situation, de cette réalité, de reconnaître que,
dans les conditions présentes, dans la situation présente de
l'agriculture, nous ne manquons pas de bons sols agricoles au Québec.
Nous avons présentement des surplus, des milliers et des centaines de
milliers d'acres de bons sols au Québec qui ne sont pas utilisés
ou qui sont sous-utilisés. Je vois de mes collègues d'en face qui
font signe que non. Ce serait méconnaître ou nier totalement la
réalité présente au Québec d'affirmer que nous
manquons de sols agricoles. Nous avons du sol agricole qui n'est pas
utilisé, qui est mal utilisé, sous-utilisé. Mais ce n'est
pas un manque présent.
Je pense que le premier ministre de la province l'a compris, parce que
récemment, dans des informations qu'il donnait à cette Chambre au
moment d'un de ses discours, il a indiqué que, si ce n'était pas
un manque immédiat de bons sols arables au Québec, il y avait des
possibilités qu'en l'an 2000 nous devrions exploiter tout ce que nous
avons de terres arables chez nous. Cela me paraît la réaction ou
la vision d'un homme qui a vu la réalité de près et qui a
compris que, même s'il n'y avait pas un besoin immédiat, dans les
20 prochaines années, les besoins alimentaires du Québec,
même les besoins alimentaires au niveau mondial vont nécessiter
d'utiliser au maximum, de rechercher la plus grande rentabilité de tous
les sols qu'on peut trouver non seulement au Québec, mais à
l'intérieur de tout le continent, comme dans tous les pays du monde
où il se pratique une agriculture intensive.
Cette loi pour la protection du sol arable va-t-elle protéger
mieux les cultivateurs que nous avons au Québec présentement sur
une ferme? Est-ce qu'on peut dire que cette loi, dans son contenu, dans sa
rédaction, va mieux protéger nos agriculteurs, nos producteurs
agricoles? Nous
avons beau faire un examen approfondi de tous les articles de cette loi
pour en découvrir toute la dimension, nulle part nous ne pouvons
percevoir que le cultivateur du Québec est véritablement mieux
servi par la loi, sauf une exception à laquelle le ministre a fait
référence et qu'on retrouve également dans la loi. Par un
amendement apporté à la Loi sur l'évaluation
foncière, à l'article 21, nous découvrons que le seul
bienfait pour le cultivateur lui-même, dans la loi, réside dans ce
changement qu'on apporte à l'aide, à la subvention qui est
donnée aux producteurs agricoles reconnus par une augmentation de la
participation gouvernementale au remboursement des impôts fonciers, que
ce soit pour fins scolaires ou municipales. Cette aide était
déjà de 40% depuis quelques années. Somme toute, ce
chiffre de 40% on l'augmente à 70%, ce qui, pour l'ensemble des
cultivateurs du Québec, représente environ $150. Les 30% de plus
que les producteurs agricoles vont recevoir par les modifications
apportées à l'article 21 de la Loi sur l'évaluation
foncière vont donner, en moyenne, $150 au cultivateur.
Cela m'apparaît, pour l'instant, sauf si, en cours de route, lors
du débat en commission plénière ou en commission
parlementaire, le ministre décidait d'introduire dans la loi des
éléments nouveaux, le seul bénéfice financier
immédiat que les agriculteurs du Québec vont pouvoir toucher,
pour autant qu'ils soient d'abord producteurs agricoles reconnus selon les
dispositions de la Loi des producteurs agricoles, et en autant que ces
cultivateurs possèdent des fermes qui seront situées à
l'intérieur des zones agricoles permanentes reconnues, lorsque les
municipalités auront procédé à l'étude des
cartes en fonction de la réalité de leur territoire, qu'elles
auront fait des suggestions et que la Commission de contrôle du
territoire aura décidé de reconnaître, à
l'intérieur de la grande zone provisoire, quels sont les secteurs des
municipalités qui sont reconnus et classés définitivement
comme zone agricole.
Donc, si cette loi, dans sa rédaction actuelle, dans sa
philosophie, dans son contenu, n'a pas, pour le cultivateur lui-même,
d'autres avantages monétaires ou financiers immédiats, qu'est-ce
qu'elle va apporter, et pourquoi a-t-on décidé
au-delà des demandes qu'on a faites depuis de nombreuses années
de lui donner le contenu qu'on a découvert lorsqu'on a pris
connaissance de la loi? Elle n'est pas là d'abord pour apporter un
avantage direct aux producteurs, je viens de l'exprimer. Elle n'a pas non plus
de contenu qui nous permette de découvrir que ce sol, ce territoire
agricole qu'on veut protéger, elle n'a aucun contenu qui nous indique
que le territoire agricole sera mieux utilisé, qu'il aura une meilleure
utilisation que celle que nous avons présentement.
J'aurais pensé, M. le Président, que l'actuel gouvernement
aurait voulu donner un modèle vraiment québécois à
la Loi sur la protection du territoire agricole, c'est-à-dire un
modèle qui soit véritablement en accord avec le mode de tenure
traditionnelle de l'entreprise agricole. Vous le savez, M. le Président,
et dans cette Chambre, nous le savons tous, l'histoire de la
propriété du sol au Québec a des choses qui sont
particulières à notre province, par rapport à ce qui peut
exister dans d'autres pays, c'est-à-dire un droit absolu de
propriété intégrale qui a toujours été le
propre du mode de tenure de nos terres. Il m'apparaît, M. le
Président, que notre loi, du fait qu'elle poursuit un caractère
vraiment québécois, il aurait fallu y introduire des dimensions
qui auraient fait qu'on continue de reconnaître le droit de
propriété intrinsèque qui a toujours été la
marque dominante de la possession du territoire agricole chez nous.
Mais non, lorsqu'on examine le contenu de la loi et qu'on compare cela
avec la législation équivalente dans d'autres provinces ou pays,
entre autres chez les États américains ou même dans les
pays d'Europe, lorsque nous avons fait l'examen de ces législations et
surtout les systèmes opératoires pour l'application desdites
lois, nous découvrons que le modèle qu'épouse la loi que
nous étudions présentement pourrait facilement porter le titre:
"Made in British Columbia". Nous avons une loi qui ressemble beaucoup à
la législation qui a été déposée en
Colombie-Britannique sous le gouvernement de M. Dave Barrett, à quelques
différences près, cependant, Mme le Président. La
législation de la Colombie avait introduit dès le départ
de couvrir entièrement, à 100%, tout le territoire à
l'intérieur de la province de la Colombie qu'on voulait réserver
pour des fins agricoles. (17 h 30)
Le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il n'a pas voulu
procéder de façon à appliquer le zonage agricole à
100% du territoire québécois qui peut être classé
comme étant le potentiel agricole, à des degrés divers,
selon sa localisation au Québec, et je le comprends de ne pas l'avoir
fait. C'est parce qu'il a jugé qu'il ne devait pas procéder, pour
la mise en application de la loi, comme la Colombie-Britannique. Celle-ci avait
décidé de couvrir à 100% tout le territoire auquel elle
vouait une vocation agricole. Mais le ministre n'a pas pris les mesures, il n'a
pas impliqué les gouvernements régionaux dans la mise en
application de sa loi. Pourquoi? En Colombie-Britannique, le législateur
a dit: Je couvre tout le territoire à 100%, mais j'implique directement
des régions administratives pour la mise en application et la
surveillance de cette loi. Je donne des pouvoirs à 28 districts à
l'intérieur de la Colombie-Britannique, lesquels vont participer
directement à la mise en application, à la surveillance et au
contrôle, de façon que les dossiers douteux ou les quelques
dossiers qui posaient des difficultés dossiers qui devaient se
rendre à la commission des terres de B.C. soient les moins
volumineux possible.
Quand on examine de près les modes de fonctionnement et ce qui
s'est traduit dans les faits, ce sont les 28 districts, qu'on a
incorporés véritablement dans la mise en marche de
l'opération, qui règlent à peu près tous les cas
dans une proportion d environ 90%. Vous vous retrouvez avec seulement 10% des
dossiers qui posent des difficultés à la suite des nombreuses
deman-
des que les citoyens, possesseurs du sol agricole, du sol arable,
peuvent faire au cours d'une année. Vous vous retrouvez avec environ 10%
de ces décisions qui doivent nécessairement se rendre à la
commission des terres, ce qui allège de beaucoup la charge de travail de
ladite commission et qui a également comme avantage d'impliquer
directement des administrations régionales.
Voici ce que j'aurais pensé, Mme le Président, avant de
connaître la teneur de ce projet de loi, dans le contexte présent,
contexte que nous vivons depuis deux ans et dans lequel l'actuel gouvernement a
donné des indications de choix qu'il voulait faire. D'abord il a
jugé opportun de nommer au cabinet un ministre de type nouveau, un
ministre d'État, à qui on avait confié tout le secteur de
l'aménagement du territoire. Au plan de la logique, d'un bon
équilibre et du bon sens, on aurait dû procéder, pour la
partie qu touche le sol agricole, pour cette partie qui concerne la protection
des bonnes terres chez nous, à l'intégration de cela, dans un
premier temps, au plan global, au grand plan de l'aménagement du
territoire.
Ceux qui connaissent le moindrement les problèmes que pose la
mise en place d'une réorganisation d'un territoire aussi vaste que celui
du Québec comprendront très facilement que, puisque le
gouvernement actuel s'était donné l'objectif de procéder
à un vaste remaniement dans toute la question de
réaménagement et de nouvelles ou meilleures utilisations de
l'ensemble du territoire du Québec, nous aurions retrouvé
l'opération zonage agricole ou protection du sol arable à
l'intérieur de ce vaste programme d'aménagement. C'était
logique de le croire.
Autre phénomène qui aurait découlé sans
doute de cette décision qui n'a pas été celle de ce
gouvernement, ni du ministre de l'Agriculture, c'est que, si on avait
procédé dans ce sens-là, je crois que nous aurions reconnu
beaucoup plus, nous aurions reconnu davantage l'importance que devraient
prendre, à l'intérieur de la mise en application de cette loi,
les conseils de comté chez nous ou encore les nouvelles régions
administratives qu'on va sans doute créer au moment où on va
commencer la mise en application de l'aménagement du territoire.
Cela me surprend beaucoup de la part de ce gouvernement puisque, depuis
quelques années, depuis qu'il existe, ce gouvernement,
c'est-à-dire depuis que le parti politique qui forme l'actuel
gouvernement existe, il a toujours chanté à tous vents qu'il
fallait davantage toujours mieux impliquer des paliers de gouvernement
inférieurs à celui qui est le nôtre présentement. Il
a toujours crié pour qu'on confie de plus en plus de
responsabilités à des corps intermédiaires au niveau des
régions. Vous vous rappelez, Mme le Président, comme
c'était important de mettre davantage entre les mains des citoyens,
surtout les citoyens qui se regroupaient à l'intérieur
d'organismes locaux régionaux, de les impliquer et de les
intégrer à l'évolution de la société
québécoise, de leur donner de l'espace et de la place au niveau
décisionnel et même parfois jusqu'au niveau administratif.
Or, j'aurais pensé que l'occasion était encore une fois
excellente, au moment où le ministre de l'Agriculture décide de
procéder en matière de zonage agricole et de protection du
territoire agricole, que l'occasion, dis-je, était excellente, pour ne
pas dire merveilleuse, de prouver qu'on voulait vraiment embarquer le palier
régional dans cette opération en demandant aux conseils de
comté une collaboration et surtout en donnant des pouvoirs ce qui
est possible par de la législation réels aux conseils de
comté de participer directement et de s'impliquer dans l'application
comme dans la pratique courante, dans la surveillance de l'application de la
Loi sur la protection du territoire agricole.
On n'a pas choisi cette mesure, on a laissé passer une occasion
trop belle. Qu'est-ce qu'on a fait? On a pensé faire appel aux
municipalités. Cela donne peut-être belle jambe, cela donne
peut-être bonne image mais, lorsqu'on examine quels sont les pouvoirs
réels que les municipalités auront dans l'application du zonage,
ce pouvoir se limite exclusivement à celui d'une simple consultation.
Les municipalités, naturellement, vont recevoir la documentation et les
cartes, vont examiner tout cela, vont faire des choix qui seront les leurs au
départ, mais ces choix ne leur appartiennent pas en
réalité, ces choix deviennent de simples suggestions ou
recommandations à la commission de contrôle. Étant
donné que tous les pouvoirs sont remis entre les mains de la commission
de contrôle, donc un peu entre les mains du ministre, les recommandations
faites par les municipalités, si pratiques soient-elles, si
adaptées à la réalité de leur milieu, si conformes
à la loi du bon sens tel que perçu par les gens qui administrent
les municipalités, ces suggestions, ces commentaires, ces
recommandations pourront être niés ou réfutés
totalement par la Commission de contrôle du territoire agricole.
Donc, il est fort évident que dans le contexte que nous
connaissons, dans le contenu de cette loi qui nous est présentée
et que nous débattons, nous sentons que tout le pouvoir, encore une
fois, va monter vers le haut, c'est-à-dire va aller vers le ministre par
sa commission de contrôle. Cette commission de contrôle, est-ce
qu'elle a une représentation qui va venir du milieu? Aucunement, Mme le
Président, par le contenu du projet de loi. Cette commission de
contrôle va être formée de personnes qui vont être
choisies essentiellement par le gouvernement et par le ministre, tant pour le
président que pour les deux vice-présidents. On pourra adjoindre
à ces trois personnes d'autres commissaires qui pourront agir sur une
base partielle, à temps partiel ou même à temps plein,
selon le volume du travail que cette commission aura à exécuter.
(17 h 40)
Quand on songe qu'on intègre 614 municipalités dans une
telle opération et quand on pense que, d'un seul coup, à compter
du 9 novembre 1978, on gèle, à toutes fins utiles, un territoire
aussi vaste que celui qui est contenu dans la zone verte qui apparaît sur
les cartes qu'a déposées le ministre, il est possible d'imaginer
que la commis-
sion de contrôle des terres devra compter, oui, sur un
président, sur deux vice-présidents, sur une équipe de
commissaires et surtout sur une armée de personnes qui vont venir
soutenir le travail énorme auquel devra faire face la commission de
contrôle, puisqu'on ne donne aucun pouvoir direct aux
municipalités de décider de manière définitive.
Mme le Président, on a manqué, je pense, la plus belle
occasion de pratiquer dans les faits ce que le Parti québécois,
aujourd'hui gouvernement du Québec, a prêché si longtemps,
soit de vraiment intégrer des organisations locales ou régionales
dans la mise en pratique de législations qui vont couvrir une zone aussi
vaste que celle que la loi sur la protection des terres nous décrit. Je
vous ai dit tout à l'heure, Mme le Président, qu'au-delà
de l'aide additionnelle qu'on va apporter en ce qui concerne l'impôt
foncier, j'ai cherché en vain ce qui pouvait aider véritablement
les producteurs agricoles. Il n'y a rien dans cette loi, au-delà de ce
que j'ai indiqué, qui va protéger le producteur agricole. Il n'y
a rien dans cette loi, ce qui est encore plus grave à mon sens, qui nous
garantit que la protection du sol qu'on va faire va véritablement servir
la cause de l'alimentation au Québec parce que la loi est totalement
muette sur les modalités d'utilisation du sol qu'on va
protéger.
Pourquoi devons-nous exiger qu'une loi comme celle-là, si elle
veut atteindre des fins précises, aurait dû comporter des
dimensions qui nous auraient indiqué de quelle façon nous allions
utiliser ce sol si précieux et si essentiel? Parce que, si nous n'avons
pas cette dimension dans la loi qui nous garantisse une meilleure utilisation,
une véritable utilisation d'au moins 1 million d'acres de bonnes terres
au Québec, la loi devient inutile, la loi devient tout simplement un
écran de fumée. Cela devient de la poudre aux yeux non seulement
pour les cultivateurs, mais pour la population du Québec.
Si nous n'avons pas derrière la loi qui fait l'objet de nos
débats des lois fort importantes qui vont aller bien au-delà des
deux projets de loi qui ont été appelés en première
lecture aujourd'hui, et le ministre le comprendra facilement, si nous n'avons
pas d'autre loi que celle-là, si nous n'avons pas de volonté
politique de ce gouvernement de procéder non seulement sur le plan
législatif pour traduire dans la réalité les
capacités d'utiliser véritablement le sol qu'on est en train de
protéger, si nous n'avons pas de volonté politique de ce
gouvernement, au-delà de la législation, d'engager des sommes
très importantes, d'ajouter des sommes, peu importe, au présent
budget que connaît le ministre de l'Agriculture, tout cela ne va rien
donner aux agriculteurs, tout cela ne va rien donner au développement de
l'agroalimentaire.
Mme le Président, quand vous observez le contenu de ce projet de
loi, vous vous demandez de quelle façon cela peut vraiment aider le
producteur laitier au Québec. Prenez le projet de loi. Etudiez-le du
premier au dernier article et posez-vous la question suivante, Mme le
Président: Qu'est-ce qui peut vraiment, à l'intérieur de
cette loi, aider le producteur laitier, qu'il soit producteur de lait nature ou
producteur de lait industriel? Il n'y a absolument rien dans la loi qui change
quoi que ce soit vis-à-vis du producteur de lait nature ou de lait
industriel.
Quand vous faites une recherche sur la capacité qu'aurait la loi
d'aider les producteurs de porcs du Québec, encore là, il n'y a
absolument rien, sauf, peut-être, la réserve que j'ai en ce qui a
trait à la production du porc, à la production de la chair de
volaille et à la production des oeufs. On appelle
généralement ces productions, des productions sans sol. C'est
vrai que dans le contexte dans lequel ont toujours évolué ces
productions, on pouvait dire que c'étaient des productions sans sol,
mais sans sol uniquement aux fins de l'alimentation du bétail dont on
faisait l'élevage.
C'est vrai que, traditionnellement, au Québec, on pouvait faire
du porc, des oeufs, de la volaille, de la chair de volaille, de la chair de
dinde, sans posséder de sol, en ce qui a trait à l'alimentation
du bétail. Mais il y a une autre dimension où ces producteurs ont
besoin de sol. Côté alimentation, cela va bien. On peut se
procurer toutes les céréales, les protéines à
l'extérieur de la province, mais on ne peut produire sans avoir de sols.
Au moment où vous voulez disposer des déchets ou du fumier,
là, vous n'avez plus le choix, vous êtes obligé d'avoir du
sol. Qu'il soit possédé par celui qui fait les exploitations
d'élevage, qu'il soit possédé par d'autres producteurs,
vous avez besoin de sol pour disposer du fumier, des quantités
énormes de fumier qui sont produites par ces grands élevages
spécialisés. On les appelle les producteurs sans sol. En
réalité, elles n'ont pas besoin de sol à un bout de
l'opération, mais elles en ont besoin à l'autre bout. En dehors
de cela, le fait de dire que la Loi sur la protection du territoire agricole va
garder des régions, va protéger davantage le sol, va
empêcher la dilapidation de certaines parcelles de fermes, de certaines
fermes, de ce côté, si on garde le plus possible de sol, on va
continuer de pouvoir aider ces productions pour le dernier bout de la
chaîne de l'opération.
Passons à d'autres types de productions. Est-ce que la
présente loi va aider à développer la production
maraîchère au Québec si elle n'est pas accompagnée
d'autres mesures, d'autres lois et de décisions du gouvernement face aux
besoins financiers pour ie développement d'autres productions? Non, Mme
le Président. Le contenu de la loi 90 ne peut en rien permettre un
développement de la production maraîchère au Québec.
Le contenu de la loi 90, s'il ne naît pas, s'il ne survient pas des
mesures exprimant la volonté politique du gouvernement d'engager des
sommes très importantes, ne permettrait même pas un
développement rapide de la production des céréales chez
nous. Même pas, parce que les producteurs, grands consommateurs de
céréales que sont les producteurs sans sol dont j'ai parlé
tout à l'heure, vont continuer de se procurer des grains à
l'extérieur du Québec. Ils vont peut-être s'en procurer un
peu plus au Québec dans le cas d'une des céréales, le
maïs-grain, qui connaît une expansion
graduelle. Compte tenu de la possibilité qu'ont aujourd'hui les
producteurs de maïs pour mieux entreposer et faire sécher ce
produit, cela va faire en sorte qu'on pourra acheter moins de maïs-grain
de l'Ontario ou des États-Unis comme on l'a fait
régulièrement dans le passé. On se procurera du
maïs-grain venant des producteurs du Québec qui présentent
aujourd'hui un produit fini dont la qualité peut se comparer au
maïs-grain qu'on va chercher chez nos voisins du sud ou aux
États-Unis.
Ce n'est pas la loi 90 qui va inciter les producteurs agricoles à
développer la culture du maïs-grain, ce sera d'autres lois qu'on
devra examiner, que le gouvernement devra déposer. Ce seront d'autres
mesures et d'autres sommes accordées au ministère de
l'Agriculture par la volonté du gouvernement et du Conseil du
trésor qui apporteront une aide fort importante afin d'encourager les
producteurs de céréales, que ce soit du maïs, du blé,
de l'orge ou de l'avoine. Je pourrais également parler du soya, mais il
ne faut pas se faire d'illusion. (17 h 50)
Dans la province de Québec, avec le nombre d'unités
thermiques qu'on retrouve à peu près partout sur notre
territoire, nous ne serons jamais d'importants producteurs de soya, qui procure
une protéine absolument nécessaire aujourd'hui dans la
fabrication des moulées telles que nous les connaissons. Dans ce
secteur, on aura peut-être la partie la plus au sud de la province qui
pourra se permettre de produire un peu de soya. Nous allons continuer de
dépendre largement et de l'Ontario et surtout du marché
américain en matière de soya qui est nécessaire et qui
entre dans la fabrication des moulées. Ce sera toujours vrai même
si un jour nous produisons 60% de nos céréales, même si
nous atteignons la capacité de produire 60% des céréales
consommées au Québec.
Je suis déçu je le dis parce que c'est la
réalité que la loi qui fait l'objet de nos débats,
ne contienne pas les mesures qui auraient dû vraiment permettre aux
producteurs agricoles du Québec, aux agriculteurs de songer qu'on
pourrait continuer à développer l'agriculture au Québec.
Nous restons vraiment sur notre appétit après avoir pris
connaissance du contenu de l'actuel projet de loi.
Une autre dimension, un autre aspect qui m'a beaucoup frappé dans
les dispositions que contient la loi est qu'on aide très peu le
cultivateur lui-même, à l'exception des mesures d'aide
financière addtionnelles sur le paiement des taxes. Je découvre
et cela m'a renversé qu'on n'est pas si méchant
pour les citoyens du Québec qui n'ont jamais été
producteurs agricoles, qui ne seront jamais producteurs agricoles, mais qui
possèdent de la "mardite" bonne terre au Québec. Nous en avons
présentement des milliers. Nous avons présentement des milliers
de citoyens québécois qui ne sont pas intéressés
à faire de la production agricole, qui n'en feront pas jamais
eux-mêmes, mais qui possèdent des terres dans des bonnes paroisses
agricoles. Vous le savez, cela existe partout au Québec. Ces gens
continuent de bénéficier, par le contenu de la loi actuelle, des
mêmes avantages qu'ils avaient dans le passé. La seule chose qui
va leur manquer, à ces gens, n'étant pas producteurs agricoles
reconnus, c'est qu'ils ne pourront pas réclamer les 70% de remise que le
ministère de l'Agriculture paie aux véritables producteurs
agricoles.
Contrairement à ce que les producteurs auraient dû attendre
dans une loi qu'ils espéraient depuis quelques années, dans une
loi dans laquelle ils avaient mis beaucoup de confiance, j'aurais pensé,
au moins, que les cultivateurs n'auraient pas la déception de
découvrir que ces gens, que ces citadins, que ces gens de village qui
ont la capacité financière de le faire, dont la moyenne de
revenus est assez bonne, que ces gens qui se sont payé le luxe parce
qu'il y a là un peu une forme de luxe pour un citadin, d'aller s'acheter
un petit domaine je ne parle pas de celui qui achète un petit
lopin, une petite parcelle, mais de ce citadin dont la situation
financière lui a permis d'aller s'implanter dans le milieu agricole
que ce soit dans le rang le long du fleuve ou dans le deuxième ou
le troisième rang de la paroisse où ils se sont installés,
je n'aurais jamais cru, dis-je, que la loi allait leur confirmer des avantages
qu'on ne donne même pas aux citoyens de nos villes qui sont plus
démunis. Parce que, dorénavant, avec la loi actuelle, le
résident des villes, comme ses milliers de confrères qui ont
déjà acheté des bonnes terres agricoles qu'ils ne
cultivent pas, l'autre citoyen des villes qui à l'avenir va vouloir
acheter une ferme dans une zone agricole reconnue de façon permanente va
pouvoir continuer de se présenter et de se porter acquéreur de la
ferme, sans aucune obligation de faire produire ce sol. Il pourra le laisser en
friche parce que la loi nous dit qu'un sol en friche est un sol reconnu pour
fins d'agriculture.
Quand vous pensez à cela, Mme le Président, vous dites:
Qu'est-ce qu'il y a derrière toutes ces dispositions? Quelle
était la philosophie qui animait ceux qui ont conçu la loi et qui
l'ont voulue dans cette forme? Le petit citadin à faibles revenus, on ne
l'a pas servi aussi bien parce qu'il a de faibles revenus. Il ne peut pas
s'acheter une terre, un petit domaine, une terre complète. Lui, on lui a
dit: Non. On ne te reconnaît pas autant d'avantages. Parce que, à
l'intérieur de la zone agricole reconnue de façon permanente, le
cultivateur ne pourra plus distraire de parcelles. Que ce soit une acre
carrée, deux acres carrées, il ne pourra plus distraire de
parcelles. C'est du territoire agricole. On ne lui permet plus de piger ou de
tailler de petits blocs à l'intérieur de sa ferme, que ce soit au
bord d'un ruisseau, d'un lac ou de la rive du fleuve. C'est fini. Celui qui a
de l'argent peut s'acheter une ferme au complet, il peut la garder en friche,
il n'y a pas de problème. Notre loi lui donne ces pouvoirs et
reconnaît cela.
Mais le petit qui a beaucoup moins de moyens, on va lui dire: Toi, tu
désires, comme beaucoup de Québécois, posséder un
petit coin
de terre à la campagne. Tu désires sortir de la ville et
aller trouver ton petit coin d'air pur. Mais tu iras plus loin. Tu n'es pas
exclu complètement, mais tu sortiras de la zone agricole reconnue. Va
plus loin dans le Québec. Il y a encore des espaces qui ne sont pas
zonés...
Une voix: À Montmagny!
M. Giasson: ... tant et aussi longtemps qu'un nouveau
décret n'étendra pas la zone agricole sur tout le territoire du
Québec. D'ici à ce que cela se produise, on dira: Toi, le petit
citadin, qui peut consacrer $1000 ou $2000 pour t'acheter un petit lopin, va
plus loin. Monte dans les Laurentides. Descends plus loin, dans l'est de
Québec, en bas de Montmagny. Va vers l'Estrie. Va vers les
Cantons-de-l'Est. Ce n'est pas encore zoné, et le cultivateur a encore
le droit, la possibilité, la liberté de te vendre une petite
parcelle sur le coin de sa terre ou au bord du ruisseau qui traverse sa ferme.
Tu peux faire cela. Mais, à l'intérieur de la belle zone
agricole, tu n'as plus affaire là. Ce n'est plus possible pour toi.
Eloigne-toi, sors de là.
Lorsqu'on voit les conséquences qui vont découler de la
mise en application de cette loi, on se dit: Qu'est-ce que cette loi va donner
au plan pratique, au plan réel aux producteurs agricoles du
Québec? Qu'est-ce qu'elle donne à ces citadins dont je vous ai
parlé il y a un instant? Quels désavantages apporte-t-elle aux
plus petits des citadins qui, pour un certain nombre, avaient trouvé
moyen, au cours des dernières années, de s'entendre avec un
cultivateur pour se prendre un petit coin sous le soleil dans des
régions en dehors des zones urbaines? Je suis à me demander, Mme
le Président, sincèrement si cette loi n'a pas été
pensée par des urbains, dans le sens que ce sont des gens qui avaient
une vision beaucoup plus urbaine de la réalité
québécoise, pour autant que le secteur agricole est
concerné. Prenez le temps d'examiner toutes les implications que nous
retrouvons derrière les articles de cette loi. Je me suis demandé
si ce n'était pas une pensée urbaine.
On a même pensé qu'à l'intérieur de la grande
zone verte qui apparaît sur les cartes il faudrait conserver les zones
blanches autour des villes. Nous retrouvons des îlots blancs à
travers la carte des arpents verts du Québec. Ce sont des îlots
autour des villes. Je le concède très facilement, parce que les
villes vont continuer à se développer. L'urbanisation autour des
villes ne s'arrêtera pas. Il faut que les Québécois
habitent quelque part; d'autant plus qu'on en empêche un certain nombre
de venir habiter à l'intérieur de la zone verte, il va falloir
leur garder des espaces dans la zone blanche. On a gardé cette zone
blanche et on a gardé un périmètre autour des villes, des
franges, mais les urbains qui la possèdent cette terre... Le
cultivateur, lui, c'est fini, plus de profits; tu n'as plus le droit de vendre,
tu vas te contenter du prix qu'on applique à du territoire agricole.
Mais à celui qui possède du terrain dans la frange autour des
villes: Toi, tu peux spéculer, mon cher!
D'ici quelques années, il est facile d'imaginer l'augmentation de
la valeur de ces terrains. Toi, tu peux spéculer, mon cher, parce qu'on
a permis, dans le dessin qu'on a fait... On va demander l'avis des
municipalités, qu'on pourra respecter à la commission si c'est
notre désir, qu'on pourra refouler ou rejeter si cela ne fait pas notre
affaire. C'est cela la réalité de la loi.
Une voix: Un genre de...
M. Giasson: Oui, c'est une autre dimension. J'aurai l'occasion
d'en reparler après le dîner parce qu'on retrouve d'autres choses
extrêmement curieuses dans ce projet de loi. Lorsqu'on observe les
pouvoirs qui sont mis entre les mains des commissaires, dont on ne sait
même pas s'ils auront une formation juridique pour être capables de
voir la véritable dimension et la conséquence des actes et des
décisions qu'ils vont prendre, on découvre Mme le
Président, que ces gens-là, au plan juridique, ont des pouvoirs
quasi absolus. On a cru que le fait de les nommer membres ou commissaires
à la Commission de contrôle du territoire agricole leur donnait
une espèce de pouvoir magique. Sans savoir quelles seront ces personnes,
elles auront un pouvoir magique, à un point qu'on n'a pas jugé
bon d'introduire un droit d'appel au cas où, parfois, ces gens,
même avec une bonne volonté, pourraient rendre des
décisions où il y aurait des erreurs assez sérieuses. On a
refusé d'introduire le mécanisme d'un droit d'appel. Si des
citoyens sont véritablement lésés dans leurs droits les
plus fondamentaux à la suite de décisions qui seraient rendues
par les commissaires, ils devront en subir les conséquences, en payer la
note eux-mêmes parce qu'on a refusé d'introduire un
mécanisme d'appel à l'intérieur de la loi. Mme le
Président, puisqu'il est 18 heures, je propose la suspension du
débat.
Une voix: Jusqu'à quelle heure? M. Proulx: 20
heures.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Montmagny-L'Islet, vous pourrez continuer votre intervention à 20
heures. Cette Assemblée suspend ses travaux jusque-là.
(Suspension de la séance à 18 heures.)
(Reprise de la séance à 20 h 2)
Le Vice-Président: À l'ordre, mesdames et
messieurs! Le quorum est de 20; il y a une commission, oui. M. le
député de Montmagny-L'Islet avait la parole.
Mme le Vice-Président: C'est bien cela, M. le
député de Montmagny-L'Islet, c'est vous qui avez la parole.
M. Giasson: Mme la Présidente, au moment où j'ai
demandé la suspension de nos débats pour le dîner,
j'étais en train d'indiquer à cette Assemblée quels
étaient les pouvoirs que je qualifierais d'autoritaires et même de
discrétionnaires accordés à la Commission de protection du
territoire agricole. En effet, on ne permet même pas dans la loi la
possibilité d'un appel à la suite d'erreurs qui pourraient se
glisser dans des analyses ou des décisions rendues par cette
commission.
Je laisserai cependant à d'autres de mes collègues qui
possèdent une formation juridique d'épi-loguer davantage sur cet
aspect de la loi. J'ai dit, lors de mon intervention de l'après-midi,
que cette loi ne protégeait aucunement le véritable producteur
agricole et que le seul bénéfice qu'on mettait à sa
disposition c'était l'augmentation du remboursement qu'on appliquait
contre les taxes scolaires et municipales. Pour moi, cela devient
incompréhensible. Pourquoi? Parce que l'actuel gouvernement nous avait
habitués, depuis quelques mois, surtout pour se donner une bonne image
face à la population du Québec, de mettre beaucoup d'accent sur
le slogan "La personne avant toute chose". Vous avez entendu cela. Et voici
qu'en déposant ce projet de loi on se foute éperdument de la
personne au Québec, et, quand je dis la personne, je pense au producteur
agricole. La personne ne compte plus dans cette loi. On a inversé le
grand slogan et la grande image. Dans cette loi, une chose compte
essentiellement et uniquement, c'est le matériel, la matière,
puisque ce qu'on recherche, c'est de protéger le sol.
Cela a son importance, d'accord, mais on oublie totalement le producteur
agricole. Non seulement on l'oublie, mais on fait peser sur lui par cette loi
une situation par laquelle des droits que le producteur agricole a toujours eus
sont brimés. Voulez-vous des exemples, Mme le Président? Je dis
qu'on brime le producteur agricole des droits de propriété qu'il
a toujours eus. Les cultivateurs du Québec, à venir jusqu'au 9
novembre dernier, ont toujours eu la liberté et le droit de disposer
librement de leurs biens, et de leurs propriétés. Par cette loi,
ce n'est plus vrai. On pose des restrictions très fortes à cette
possibilité qu'avaient les producteurs agricoles de disposer de leurs
biens.
On empêche par cette loi des fils ou filles de cultivateurs qui
auraient aimé vivre en milieu agricole, en milieu rural, en acceptant
volontairement et librement les conséquences en toute connaissance de
cause, de le faire. Il y a encore des gens qui désirent vivre dans le
milieu agricole et le milieu rural, quelles que soient les
particularités de ce secteur; des gens qui acceptent d'entendre les
bruits qu'on peut entendre sur une ferme, quel que soit le type d'instrument
qui les produit. Il y a encore des gens qui acceptent de vivre en milieu
agricole, même s'il y a des odeurs de fumier assez souvent dans ce
secteur, parce qu'ils savent que cela n'a jamais fait mourir personne. Je
comprends qu'il y a des gens qui n'aiment pas cela. S'ils n'aiment pas cela,
ils ne sont pas obligés d'aller là. Qu'ils restent dans les
secteurs éloignés des milieux agricoles.
En 1978 encore, nous avons des centaines et des centaines de
Québécois, pour ne pas dire des milliers, qui auraient voulu en
toute connaissance de cause, dans une décision fort bien
réfléchie, s'installer sur un coin de la terre paternelle,
pleinement conscients qu'ils devront vivre avec les conséquences qu'on
peut retrouver dans ce milieu, mais c'est voulu ainsi, c'est libre, c'est
consenti volontairement. Oui, le député là-bas fait signe
que non, il y en a dans sa paroisse qui acceptent de vivre dans ce milieu. Il y
en a dans toutes les municipalités du côté de
Kamouraska-Témiscouata, des gens qui préfèrent, au lieu
d'aller vers le village, au lieu même d'aller s'implanter dans la ville
où ils travaillent, s'installer en plein milieu agricole. Et pourquoi
les ruraux n'accepteraient-ils pas cela, lorsqu'on a vu des milliers d'urbains
ou de citadins venir s'installer dans ce milieu et payer le gros prix pour
s'acheter une ferme?
Des citadins ont payé $25 000, $30 000, $40 000, $50 000 pour
être en plein milieu agricole et ils ne sont pas intéressés
à se départir de ce bien. Cela s'est fait et cela va continuer
à se faire. La loi n'empêche aucunement un citadin de continuer
d'acheter des fermes en pleine zone agricole établie de façon
permanente.
M. Lamontagne: Pour autant qu'il y aura de l'argent à
faire, vous verrez.
M. Giasson: Le vrai cultivateur n'a même plus le loisir ou
la liberté de donner une petite parcelle, un lot sur sa ferme à
l'un ou l'autre de ses enfants. C'est tellement vrai que je recevais cette
semaine un appel d'un notaire de mon comté, le comté de
Montmagny, qui m'a demandé s'il pouvait passer le contrat pour M.
Nichol, de Montmagny, qui voulait donner un petit morceau sur sa ferme à
l'un de ses fils. J'ai dit: Je ne suis pas un expert, M. Hébert, mais,
selon mon interprétation de la loi, vous ne pouvez plus faire cela
légalement et vous devez aviser le cultivateur en question qu'il ne peut
pas le faire. Cela deviendrait un geste illégal en vertu de l'article
116 de cette loi, qui dit que la loi prend effet le 9 novembre 1978. Le
cultivateur est encore brimé dans ses droits si, de par son choix, il
décidait de vendre sa ferme à quelqu'un qui veut la garder aux
fins de l'agriculture, laissant la résidence au cultivateur ayant
atteint l'âge de la retraite. C'est fini. Lisez la loi. Ce n'est pas
possible dans la loi.
Vous allez me dire: Des règlements vont venir. On les attend, les
règlements. Tant que vous n'aurez pas adopté de
règlements, l'exemple que je viens de donner est un cas typique d'un
cultivateur qui ne pourrait même pas garder la résidence dans
laquelle il a toujours vécu en vendant sa ferme à un autre
agriculteur qui, lui, naturellement, pourrait se reconstruire. Le cultivateur
qui possède une belle maison ancestrale on en a encore
quelques-unes heureusement sur les fermes du Québec; cela fait partie de
notre patrimoine ne pourra plus se prévaloir, s'il vend le fonds
de terre, de la conservation de ce bien
ancestral, de cet élément important de notre patrimoine.
Imaginez le cultivateur qui, dans le passé, par testament,
décidait de faire des legs, de faire des dons, partageant la ferme selon
ses choix entre ses enfants. Avec la loi 90, c'est absolument interdit, Mme le
Président, absolument interdit. (20 h 10)
Ce sont là quelques éléments. Il y en a beaucoup
d'autres. Mes collègues ou d'autres dans cette Chambre vont certainement
intervenir sur un projet de loi aussi important. Je veux tout simplement vous
prouver que non seulement cette loi ignore la personne, mais elle vient imposer
des restrictions discriminatoires à l'endroit de ceux qui
possèdent le sol par rapport aux traditions qu'on a toujours connues
chez les propriétaires du sol au Québec. On ignore totalement la
personne. Non seulement on l'ignore, mais on la brime dans des droits que je
qualifie de fondamentaux, des droits de propriété qui ont
toujours été la marque dominante de la possession de la terre, de
la possession du bien agricole.
Il y a dans cette loi une dimension qui m'inquiète beaucoup. Vous
savez que la loi établit un mécanisme de gel à compter du
9 novembre dernier. J'y ai fait allusion il y a un instant. Depuis le 9
novembre dernier, toutes les terres situées à l'intérieur
de la zone verte, qui paraissent sur les cartes déposées au
même moment que le projet de loi, sont gelées pour fins de
transactions. Il fallait bien commencer à un moment donné, je
suis d'accord.
Mais là où la loi comporte une situation
incompréhensible, c'est que nulle part dans cette loi on n'a
retrouvé un mécanisme de dégel spécifié
d'une façon ou d'une autre. Le dégel va se produire quand, dans
l'interprétation de cette loi? Le 9 novembre, il s'est imposé sur
toutes les fermes à l'intérieur de la zone verte. Le dégel
ne sera pas possible tant et aussi longtemps, sur toutes les transactions en
suspens, que les 180 jours ne seront pas écoutés après que
les municipalités auront examiné le plan déposé par
le ministre, tant que les municipalités n'auront pas fait une
étude complète pour déterminer quelles devront être
les zones agricoles à l'intérieur de la municipalité par
rapport aux zones non agricoles. Tant que ce voeu ou cet avis ou cette
suggestion de la corporation municipale n'aura pas été
accepté par la Commission de contrôle du territoire agricole, il
n'y aura pas de dégel sur les transactions possibles touchant des biens
situés à l'intérieur de l'aire agricole retenue. C'est
grave!
Pour quelques-uns, ce n'est pas grave, mais pour d'autres, c'est grave
parce que cela peut représenter des périodes de gel qui vont
peut-être s'étendre jusqu'à un an et demi et même
deux ans. On va encore brimer la possibilité pour les cultivateurs de
terminer des transactions qui, souventefois, vont toucher les membres de leur
famille. Cela va se faire entre les membres d'une famille, et à cause du
mécanisme de gel prévu dans la loi et à cause de l'absence
d'un mécanisme de dégel, ces gens seront brimés dans la
capacité de faire une transaction entre gens d'une même
famille.
Ce sont là des choses que les cultivateurs vont devoir
connaître. Il faut que les cultivateurs connaissent cela et moi, je les
invite, les cultivateurs qui n'ont pas eu l'occasion de s'y arrêter,
à découvrir toute la dimension de la restriction qu'il y a
vis-à-vis de leur personne, vis-à-vis de l'individu. Je les
invite à se réunir, à consulter les gens qui sont capables
de leur donner toutes les conséquences qui sont cachées
derrière les dispositions de la loi 90. Si les cultivateurs veulent
avoir l'information, je serais bien prêt à leur donner. La zone
verte du Québec est tellement grande que ce n'est pas un homme qui
pourrait couvrir tout ce territoire dans un délai de temps assez court
pour fournir l'information.
Mais les cultivateurs sont assez intelligents. Je connais la philosophie
et la sagesse du cultivateur au Québec. Eux-mêmes, quand ils vont
découvrir tout ce qu'il y a de caché derrière cette loi,
vont rechercher l'information et ils vont voir la vérité. C'est
cela. Ils vont découvrir, Mme le Président, qu'au fond aucune
indemnisation n'a été prévue pour tenter de compenser la
servitude, servitude fort évidente qu'on retrouve dans cette loi. On
vient imposer des restrictions au droit de propriété et on n'a
trouvé aucun mécanisme de compensation, aucun mécanisme
d'indemnisation pour la servitude qu'on impose. On est encore plus dur. Le
gouvernement est encore plus dur de ce côté-là que
même nos sociétés et ministères puisque, lorsque le
ministère des Transports ou d'autres ministères doivent passer
sur la propriété privée, doivent créer une
situation qui crée une forme de vice, un désavantage pour le
futur, on a toujours reconnu, depuis des années, le principe
d'indemniser pour la servitude qu'on imposait.
Si le ministère des Transports relève une route devant les
propriétés, faisant ainsi que la propriété, la
résidence est à un niveau beaucoup plus bas qu'auparavant, en
plus de payer le sol qu'on exproprie ou qu'on se fait consentir dans l'emprise
élargie, on ajoute un montant pour la servitude que va
représenter, pour le propriétaire de la résidence ou des
bâtiments, le fait que l'eau de la route va glisser et que cela va lui
causer des problèmes lorsqu'il veut sortir de sa cour de ferme l'hiver.
On doit reconnaître qu'on doit payer les arbres qu'on enlève, les
parterres, le gazon, les fleurs, enfin le ministère des Transports a des
barèmes, des critères pour compenser les cultivateurs lorsque le
ministère pose des gestes qui touchent la propriété. On
respecte le principe de la servitude.
Même l'Hydro-Québec, à qui on reproche parfois une
espèce d'arrogance dans les transactions qu'elle a faites
traditionnellement lors de l'installation des lignes de transport
électrique, même l'Hydro-Québec a eu cette capacité
de reconnaître qu'elle devait payer des droits pour les servitudes
qu'elle imposait à des fermiers.
On a vu beaucoup de fermes au Québec qui ne portaient aucun
pylône. C'est-à-dire que vis-à-vis de certaines fermes vous
aviez le passage des fils il n'y avait pas un seul pylône, les
pylônes de l'Hydro-Québec étaient sur les fermes voisines
et même s'il n'y avait pas de pylône sur la
ferme on a toujours reconnu, depuis des années, je ne remonterai
pas à il y a 30 ans, je ne connaissais pas les mesures, on a toujours
reconnu, dis-je, la servitude qu'on imposait aux cultivateurs en payant une
compensation pour la servitude qui découlait de la présence de
lignes au-dessus de la propriété privée du cultivateur.
C'est vous dire que presque partout, lorsque les ministères, lorsque les
sociétés d'État ont causé des préjudices,
ils ont été capables de reconnaître ce droit de
propriété qui a toujours été le propre du
propriétaire agricole foncier au Québec. Dans la loi, on ne
reconnaît plus ce principe, on nie la servitude qu'on va imposer par des
dispositions de la loi. On ne veut même pas la compenser. On n'a
prévu aucune forme d'indemnisation. Des centaines de cultivateurs vont
subir des préjudices graves par manque à gagner lors de la vente
de leur ferme, à cause d'une situation plus favorable de cette ferme par
rapport à d'autres. Là encore, on oublie totalement le
préjudice. On aurait pu penser à une formule de fonds de
retraite, c'est possible; fonds de retraite qui aurait pu être
payé en totalité par l'État et même contributoire
pour le cultivateur affecté ou touché. On n'a pas voulu, on a
passé là-dessus. On s'est foutu de la personne. C'était
fort, "la personne avant toute chose" quand il fallait vendre un autre
régime... Mme le Président, je présume que j'aurai
l'assentiment de mes collègues pour parler tout aussi longtemps que le
ministre, puisqu'on a consenti au ministre dix minutes additionnelles.
Mme le Vice-Président: Alors, M. le
député... M. Proulx: D'accord.
Mme le Vice-Président: II vous restait une minute. Je
constate que nous avons un consentement jusqu'à ce que...
M. Giasson: Mme le Président, il y a grande inconnue qui
plane au-dessus de la loi, parce que nous n'avons pas les règlements que
le ministre va sans doute faire adopter afin de donner les pouvoirs dont la
commission de contrôle a besoin. Même si nous sommes au
débat de deuxième lecture, il m'apparaît fondamental de
connaître la réglementation afin de découvrir si ces
restrictions très fortes qu'on impose au propriétaire du sol
agricole, si les droits brimés par des dispositions de la loi
elle-même pouvaient être diminués par l'élaboration
de la réglementation qui devra être acceptée par le Conseil
des ministres pour mettre cette loi en application. (20 h 20)
II nous faudrait, Mme le Président, connaître ces
règlements. Il faudrait également savoir comment on va pouvoir
travailler avec certaines cartes déposées par le ministre parce
qu'elles sont je ne dirais pas partout sur le territoire de la zone
verte, mais dans certains secteurs bourrées d'erreurs et fort
erronées. Je crois que, même lors de l'étude article par
article de cette loi, il va falloir travailler à découvrir ce qui
est la réalité sur le terrain pour certaines villes du
Québec. Enfin, Mme le Président, par cette loi, l'actuel
gouvernement veut imposer... Une voix: Est-ce qu'on pourrait avoir des
exemples?
M. Giasson: II y en a à ville de Laval. En voulez-vous? On
va vous en sortir par dizaines. D'ailleurs, je laisserai le
député de Laval vous donner des exemples patents et précis
d'erreurs que comportent les cartes. Mme le Président, il me
paraît que, derrière ce projet de loi, ce n'est pas
l'intérêt des cultivateurs que le gouvernement a visé.
Une voix: C'est son intérêt.
M. Giasson: C'est sa pensée nationaliste et
indépendantiste. C'est sa vision, oui. M. le ministre réagit.
C'est cela que l'actuel projet de loi sous-tend dans la forme et dans le
libellé sous lesquels il nous est présenté.
M. Garon: Vous voulez dire qu'on a copié la
Colombie-Britannique.
Une voix: Le ministre a bien soupé?
M. Giasson: On veut tenter de faire avaler une couleuvre aux
agriculteurs du Québec, mais sans le leur dire de façon
carrée, ouverte et transparente. Mais les cultivateurs ne sont pas
bêtes et ils vont découvrir ce qu'il y a derrière cela.
Par cette loi, j'ai l'impression que le gouvernement du Québec a
voulu se donner ses arpents verts. Oui, dans ce grand projet d'un Québec
de demain, la loi 90 permet au gouvernement de se donner ses arpents verts. Je
pense que le gouvernement s'est donné, en la personne du
député de Lévis, ce qui aura été la Lisa
nationale du Québec. Les arpents verts avec Lisa de M. Douglas.
M. Verreault: Arnold aussi. Une voix: Ils n'ont pas
compris.
M. Giasson: Le ministre s'est plu à répéter
que nous avions un million d'acres de terres en friche au Québec. J'ai
fait de la recherche pour obtenir une vérification et connaître
les statistiques sur le nombre d'acres qui étaient sous
spéculation, sur le nombre d'acres qui étaient
possédées par des cultivateurs qui n'exploitaient plus. J'ai fait
des recherches auprès du ministère des Transports pour
connaître le nombre de milliers d'acres de bonne terre arable
possédées par le ministère des Transports au Québec
et par d'autres ministères qui en possèdent. Je n'ai jamais
été capable d'obtenir une statistique parce que j'ai l'impression
qu'elle n'existe pas. Je mettrais même le ministre de l'Agriculture au
défi de nous dire exactement le nombre d'acres de terre sous
spéculation au Québec. Je parle de bonne terre agricole, du
nombre d'acres détenues par des producteurs qui ne les exploitent pas,
et
même du nombre d'acres de terre qui sont propriété
du ministère des Transports. J'ai l'impression qu'il n'est pas capable
de me répondre, qu'il va être obligé de mener une recherche
telle que la réponse va mettre beaucoup de temps à venir, parce
qu'on n'a pas de statistique connue de manière précise
là-dessus.
M. Garon: Me permettez-vous une question?
M. Giasson: Nous avons là un projet de loi qui
représentait un grand objectif pour l'avenir de l'agriculture du
Québec. Il représentait un grand objectif mais ce projet de loi a
une faiblesse fondamentale parce qu'il n'a aucune dimension ou disposition qui
nous indique qu'on pourra l'utiliser, une fois le bon sol arable du
Québec zoné. Nous n'avons aucune indication et aucune
possibilité, dans la loi 90, de remettre en valeur les bons sols du
Québec. Le ministre va nous dire qu'il va y avoir un train de mesures
qui vont suivre; il va nous faire croire qu'il va déposer la loi qui va
permettre la véritable utilisation des sols en friche; il va nous faire
croire que le prochain budget va comporter peut-être $100 millions de
plus que le dernier pour permettre à des agriculteurs de diversifier la
production agricole, de sortir, pour un certain nombre d'entre eux, de
l'industrie laitière afin de donner de nouvelles vocations à leur
sol. Mais, cela, ce sont des belles promesses. On ne retrouve rien de cela dans
le projet de loi.
Étant donné les motifs que j'ai invoqués depuis le
début de mon intervention, étant donné cet oubli
réel et visible de la personne là-dedans, c'est-à-dire du
producteur agricole, étant donné l'absence de mesures dans cette
loi qui nous garantissent une remise en valeur des bons sols du Québec,
du million d'acres dont nous parle le ministre, étant donné
l'absence de la réglementation qui va prendre une place capitale,
étant donné que l'État se donne des pouvoirs
énormes puisqu'il peut retirer...
M. Lamontagne: Abuser.
M. Giasson: ... de façon abusive et pour des raisons qui
lui sont personnelles, il peut, d'autorité, retirer les dossiers des
mains de la commission et prendre des décisions sur lesquelles la
commission n'aurait plus rien à dire vous découvrez, Mme
le Président, jusqu'où cela peut aller; le gouvernement, comme
tel, se donne les pouvoirs, par un article précis dans la loi, de passer
pardessus la tête de la commission, de lui retirer le ou les dossiers, de
statuer et d'aviser ensuite la commission du choix ou de la décision
qu'il a prise étant donné toutes ces raisons que je viens
d'invoquer ce droit de propriété qu'on brime aux
producteurs, enfin, depuis le début de mon intervention, je vous ai
indiqué quelques-uns des éléments en fonction de tous ces
commentaires, de ces motifs et de ces raisons je ne comprends pas et je
ne vois pas comment je pourrais voter pour une telle loi dans son
libellé actuel, sauf si le ministre y apportait des modifi- cations
vraiment majeures avant le vote en troisième lecture. Merci, Mme la
Présidente.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Mme le Président, M. le député de
Rouyn-Noranda m'a demandé de lui céder la parole, étant
donné qu'il doit quitter pour Montréal. Je suis prêt
à lui céder la parole pour 20 minutes. Je pense qu'il a droit
à 20 minutes. Mais je veux avoir le privilège de revenir.
Mme le Vice-Président: Vous cédez tout simplement
votre droit de préséance, M. le député, si on peut
dire. M. le député de Rouyn-Noranda, si vous me demandez la
parole, allez donc.
M. Camil Samson
M. Samson: Je désire remercier le député de
Huntingdon pour sa grande courtoisie. Mme le Président, quand j'ai lu le
projet de loi no 90, ma première réaction a été
celle-ci. Si Jacques Cartier avait été un péquiste, on
serait obligé de siéger ce soir dans le champ de blé
d'Inde du ministre parce qu'il n'y aurait pas Se ville dans le Canada. Mais
heureusement, avant le Parti québécois, il y a du monde qui a
pensé à bâtir un pays et ce pays, il s'est bâti de
différentes façons. Il s'est bâti à une
époque, grandement avec l'agriculture, mais il s'est aussi bâti
autrement. Ce que le ministre tente de nous faire croire aujourd'hui avec sa
loi, c'est qu'il veut protéger les territoires dits agricoles. Je dis
bien dits agricoles, Mme le Président, parce que dans tous les grands
livres verts qu'on nous a déposés, aussi hauts, aussi larges,
aussi longs, aussi épais que ceux qu'on nous a déposés,
dans tout cela, il n'y a rien qui nous garantit totalement d'abord que nous
protégeons les terres agricoles. (20 h 30)
II y a une chose pire que cela, et je l'ai déjà entendue
il y a plusieurs années de quelqu'un qui siège à ma gauche
actuellement, et avec beaucoup d'à propos, Mme le Président: II y
a beaucoup de monde qui nous parle de sauver l'agriculture au Québec,
mais il y a très peu de monde qui nous parle de sauver l'agriculteur. Je
pense que ce monsieur avait raison. Tout ce dont on nous parle
là-dedans, c'est de faire une fois de plus intrusion de l'État
dans les affaires des citoyens québécois, dans la vie quotidienne
des citoyens québécois. Mme le Président, une loi peut
être des plus injustes lorsqu'elle porte atteinte à la
liberté d'un citoyen, à son droit inaliénable, à sa
propriété.
Oui, c'est un droit inaliénable, le droit à la
propriété! C'est un droit que tous et chacun doivent conserver ou
pour lequel ils doivent lutter. Mais avec le Parti québécois, ces
droits, ces coutumes, ces traditions, ces héritages, d'une
génération à l'autre, de propriétés, on ne
sait jamais quand il y en aura dépossession, individuelle ou collective,
selon le cas. Une chose est certaine. Dans chacune des lois qu'on dépose
devant nous, il y en a
un petit peu. Dans chacune des lois qu'on dépose devant nous, il
y a un peu de cette goutte qui fait renverser, déborder le verre. On
fait intrusion, constamment, dans les droits et libertés des citoyens
québécois. Qui pénalise-t-on avec cela? On pénalise
quelqu'un. On pénalise les propriétaires de terres qui ont
été données souvent par l'entremise d'héritages ou
qui ont été transmises de génération en
génération.
Mme le Président, ce n'est pas spécifiquement la faute des
agriculteurs si, dans la province de Québec, présentement,
l'agriculture est en perte de vitesse, si l'agriculteur a des
difficultés de rentabilité. Lorsque nous avons, dans des zones
qui sont proches des villes, des propriétaires qui pourraient utiliser
leur droit normal de vendre leur bien et d'en faire un profit normal, on voit
un gouvernement qui s'en vient du haut de sa grandeur, Mme le Président,
décider qui aura le droit, à l'avenir, et dans quel secteur on
aura le droit, à l'avenir, de vendre sa terre et dans quel autre secteur
on aura le droit de continuer à végéter ou de crever sur
une belle terre qui n'aura pas l'occasion d'être dans le secteur vert de
l'honorable ministre de l'Agriculture.
Mais on pourra être, Mme le Président, sur le bord de la
clôture, par exemple. Le cultivateur qui sera sur le bord de la
clôture aura l'avantage, le loisir et le plaisir de voir son voisin faire
des profits avec sa terre et lui, eh bien, il pourra contempler, mais en
restant pauvre, parce que le gouvernement a oublié une chose. Avant de
dessiner des cartes, avant d'empêcher quelqu'un de vendre ses biens pour
des fins de développement domiciliaire, on aurait dû,
conformément aux promesses faites par le Parti québécois,
relancer sur une base rentable l'agriculture dans la province de Québec;
ce qu'ils n'ont pas fait. Mais non, ils ont oublié que, pour atteindre
l'autosuffisance, il nous faut des producteurs intéressés
à produire, avec des mesures qui les incitent à produire. Cela
prend également de l'aide technique et de l'aide pour la mise en
marché.
Actuellement, tout le monde le sait, nous importons des produits
d'autres pays. Ce n'est pas avec la loi du ministre que nous allons
arrêter d'importer ces produits demain matin, ce n'est pas vrai. Ce n'est
pas parce qu'on va empêcher un cultivateur de vendre sa terre qu'on va
intéresser son fils à travailler sur cette terre, si elle ne lui
rapporte pas. C'est ce que le gouvernement a oublié de faire! Il est
quand même drôle de constater qu'après plusieurs
générations certains propriétaires qui se sont vu
transmettre des terres par héritage nous nous rappelons que, dans
le temps, ces terres étaient transmises comme suit: la terre au complet,
pas de dettes et de l'argent en plus sont rendus aujourd'hui, sur les
mêmes terres données de génération en
génération avec de l'argent en plus, hypothéqués
à 90% et ce sont des cas nombreux.
Vous voyez comme cela va bien dans la dépossession de la terre!
Si on en est rendu là, c'est parce qu'il y a eu un problème
agricole, il y a eu des manquements dans les politiques agrico- les. Il n'y a
pas eu suffisamment de politiques inci-tatrices. Ce n'est pas ce gouvernement
qui a amélioré la situation, au contraire. Ce qu'il fait
présentement, c'est chasser, en quelque sorte, de certains territoires
des personnes qui autrement auraient été
intéressées à y demeurer encore longtemps. Le retour
à la terre, qu'on tente de vouloir prêcher par la présente
loi, je peux vous en parler un peu. Il y en a déjà eu, dans le
passé, des retours à la terre. Qu'on se rappelle cet effort
gouvernemental des années trente où on prêchait le retour
à la terre, où on a ouvert des régions complètes
à la colonisation: l'Abitibi, la Gaspésie. D'autres
régions du Bas-du-Fleuve, dans le Lac-Saint-Jean, ont été
ouvertes à la colonisation. Le retour à la terre, c'était
là le salut!
Le gouvernement, dans un geste qui, je crois, a été
louable dans le temps, a tenté d'intéresser les citoyens à
retourner sur les terres. Qu'est-il arrivé de ce retour à la
terre? Il est arrivé qu'avec les subventions les gens sont
demeurés aussi longtemps qu'ils pouvaient vivoter, ils ont
défriché des terres, des soixantaines, des cinquantaines d'acres
de terre; d'autres centaines d'acres parce que les lots qu'on donnait aux
colons étaient de cent acres, Mme le Président. (20 h 40)
Aujourd'hui, retournez-y voir dans ces paroisses qui ne sont pas encore
fermées. Il y en a plusieurs qui sont fermées, mais dans celles
qui ne sont pas fermées, allons y voir et nous apercevons des terres qui
sont complètement repoussées parce qu'on a oublié une
chose: on a oublié que pour sauver l'agriculture, il fallait en
même temps sauver l'agriculteur.
Donc, en tentant de sauver l'agriculture et en oubliant l'agriculteur,
l'agriculteur a laissé la terre et s'en est venu en ville, Mme le
Président, pour gagner sa vie avec sa famille. C'est cela qui est
arrivé. Je suis en mesure de parler de cela. Je suis persuadé que
mes collègues à gauche n'ont pas tous la même
expérience là-dessus. Je suis persuadé qu'au
ministère de l'Agriculture, là où on prend les
décisions pour les agriculteurs, on n'a pas toujours cette
expérience-là non plus.
Je vis dans une région qui n'est actuellement pas touchée
par les grands livres verts du ministre, mais à quel moment ne
viendra-t-on pas avec un décret parce que c'est marqué dans la
loi? C'est encore une loi comme les autres, d'ailleurs; une loi qui fait qu'on
a à voter et à se prononcer à l'Assemblée
nationale, mais une fois que cela est fait, cela nous sort des mains et ce sont
des fonctionnaires ou des commissions ou des décrets qui vont
décider de l'avenir là-dedans et on ne reverra pas la loi devant
l'Assemblée nationale.
Mme le Président, cette loi vise quelque chose mais passe
à côté. Je ne suis pas prêt à dire que le
ministre de l'Agriculture a des mauvaises intentions, mais je dis que dans ce
qui se fait présentement, on est en train de nier le droit de
propriété. Nous aurions pu, dans une loi comme celle-là,
en profiter pour parler d'un problème que je connais très bien,
parce que dans la région du Nord-Ouest québécois, nous le
vivons un peu,
nous aurions pu parler des terres qui passent aux mains des
étrangers. Ce ne sont pas des terres qu'on retrouve dans la bande verte
du ministre de l'Agriculture aujourd'hui, celles dont je vous parle; ce sont
des terres du Québec qui sont achetées par quelqu'un, par des
Américains et où on fait un certain lotissement pour revendre ou
bien à des Québécois ou bien à d'autres
Américains. Cela, Mme le Président, c'est un problème qui
dure depuis longtemps et dont nous avons parlé quelques fois.
Si j'avais vu dans cette loi une mesure visant à ce que le
patrimoine agricole ou semi-agricole parce qu'il y a du semi-agricole
aussi, et on n'a pas besoin d'aller loin pour avoir des terres avec un bout de
terre noire, un bout de terre jaune et un bout de roches, vous savez qu'il y en
a tout le tour de nous si on avait là-dedans, Mme le
Président, pris des mesures pour empêcher que ces terres passent
à des non-résidents canadiens, là il me semble qu'on
aurait fait quelque chose pour protéger. Mais non, on ne retrouve pas
cela. Ce que nous y retrouvons, c'est que ce sont ceux qui, par leur
métier, leur profession, leur astuce, ont vu venir le coup depuis
longtemps et qui se sont déjà accaparés du terrain dont
ils ont besoin pour plusieurs années à venir, ceux-là qui,
Mme le Président, au lieu de faire des développements
domiciliaires pour des résidences unifamiliales, n'auront qu'à
commencer à construire des logements en hauteur, et ils vont vendre plus
cher encore qu'aujourd'hui la terre dont ils sont propriétaires.
On appelle cela, du côté du Parti québécois,
de la justice sociale; c'est comme cela qu'on appelle cela, du
côté du Parti québécois. Justice sociale qui va
faire augmenter le coût des loyers dans les régions urbaines;
est-ce que c'est cela la justice sociale, Mme le Président? Justice
sociale qui va faire que M. Tout-le-Monde qui a un salaire moyen ne pourra plus
se procurer sa résidence, même en 25 ans de paiements; on va l'en
empêcher, parce que les développements seront restreints. La seule
possibilité que ces gens-là avaient de se procurer leur maison
unifamiliale avec 25, 20 ou 15 ans de paiements, c'était qu'il y avait
des développements domiciliaires de disponibles. Mais, là, on
restreint la possibilité de développements domiciliaires, et
cette restriction est comme dans le temps de la dernière guerre mondiale
quand nous avions des coupons de rationnement. Nous avions des coupons de
rationnement pour du sucre, par exemple. Quand on manquait de sucre dans la
maison, alors qu'on pouvait payer le sucre $0.03 la livre, si on était
prêt à le payer $0.20 ou $0.30 ou $0.40 la livre, on n'avait pas
besoin de coupon et on avait du sucre. C'est exactement ce qui risque de se
produire là-dedans. Si on met des restrictions, cela veut dire le
rationnement des terrains, le rationnement des centres domiciliaires.
Rationnement veut dire: augmentation des prix, inflation, chose que ce
gouvernement a toujours dit vouloir combattre.
Je dis comme l'Association des propriétaires de Québec,
qui s'est prononcée sur ce projet de loi, en soutenant, comme je viens
de le faire, qu'il ne faut d'aucune façon porter atteinte au droit
à la propriété. Dans ce projet de loi, nous avons un
exemple frappant d'une atteinte, par le gouvernement de Québec, à
la souveraineté des municipalités et villes de la province de
Québec. Comment trouvez-vous cela, pour un gouvernement qui recherche la
souveraineté lui-même, qui se plaint que les autres ne veulent pas
lui en donner? C'est une atteinte directe à la souveraineté des
villes et des municipalités du Québec. La protection des terres,
cela doit être aussi la protection des terriens, cela doit être
aussi la protection de ceux qui l'habitent. Et comme le mentionnait,
tantôt, mon collègue, le député de
Montmagny-L'Islet, quand on a vu autant de publicité faite par ce
gouvernement en nous disant: La personne avant toute chose, je dis qu'une fois
de plus ils ont menti à la population du Québec, et c'est la
raison pour laquelle je ne pourrai pas, non plus, voter en deuxième
lecture pour ce projet de loi.
Le Vice-Président: M. le député de
Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: Merci, Mme le Président. Le projet de loi no 90
que l'on nous a soumis le 9 novembre dernier n'est certes pas la trouvaille du
siècle. L'ancien ministre de l'Agriculture, M. Clément Vincent,
avait même travaillé à un projet de loi visant une
protection du sol arable au Québec. L'Union Nationale indiquait
également dans son programme élaboré en 1976 ce même
souci. Donc, nous sommes d'accord que nos meilleurs sols de classe A-1 puissent
conserver un statut irréversible de pourvoyeur en produits alimentaires
pour et au bénéfice de tous les Québécois.
Aujourd'hui, nous avons devant nous un projet de loi à la fois
irrespectueux dans certains domaines, dicutable dans sa formulation,
contradictoire sur certains points et imprécis sur d'autres, en plus de
ne pas être complet et de ne pas apporter des solutions globales. (20 h
50)
Ce projet de loi qui vise la protection de nos sols fertiles est
simplement l'aboutissement normal d'une bonne dizaine d'années de
préoccupation et de sensibilisation de la part d'une foule
d'intervenants. Mais, Mme le Président, je m'étonne de nouveau du
silence absolu du ministre d'État à l'aménagement du
territoire. Un projet de loi visant le respect des sols fertiles devrait et
doit s'inscrire dans un plan global d'utilisation et d'aménagement du
territoire. Une telle mesure devrait, en toute logique, émaner du
ministère que le premier ministre a créé de toutes
pièces et dont le titulaire n'a pu encore, à ce jour, faire sa
marque dans ce domaine. On l'appelle le "silent minister ", et avec raison.
M. Jolivet: En anglais?
M. Dubois: En anglais. D'ailleurs, Mme le Président, c'est
notre volonté première que la protec-
tion du territoire agricole s'inscrive dans un grand plan global
d'aménagement et d'utilisation du territoire. C'est pour cela que
l'Union Nationale a organisé depuis quelques semaines un colloque sur le
zonage agricole, colloque qui se tiendra dimanche, le 19 novembre 1978, de 9 h
30 à 16 h 30, à l'Institut de technologie agricole de
Saint-Hyacinthe. Nous avons voulu ce colloque apolitique afin que tous les
citoyens, de quelque allégeance politique que ce soit, puissent y
participer d'une façon intensive. Plusieurs personnalités de
marque représentant différents groupements te!s que l'UPA,
l'Union des conseils de comté, l'Union des municipalités, les
coopératives, le Barreau et les journaux agricoles y participeront.
Nul doute que les intervenants voudront s'exprimer en marge du projet de
loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole, que le ministre a
déposé en cette Chambre le 9 novembre dernier.
L'élaboration d'un guide d'aménagement et d'utilisation du
territoire se fait donc attendre. Malgré toutes les pressions
exercées de part et d'autre par différents groupements, le manque
d'une planification globale de nos futures infrastructures n'aide en rien le
développement économique dont le Québec souffre
énormément en ce moment. Ce gouvernement à
oeillères semble oublier, dans ses vertueux désirs, que tous les
secteurs d'activité qui représentent 85% de notre production
nationale brute sont délaissés.
Mme le Président, j'insiste sur le fait que, premièrement,
le projet de loi aurait dû s'intituler loi favorisant
l'aménagement et l'utilisation rationnelle du territoire agricole;
deuxièmement, qu'il aurait dû être piloté par le
ministre d'État à l'aménagement du territoire. C'est,
à mon sens, une gifle au ministre que je viens de mentionner et,
conséquemment, un manque évident de respect pour ce
ministère.
Pour ce qui a trait à la commission de contrôle que je
qualifie de désignation déguisée pour, en fait, ne pas
avoir voulu l'appeler régie d'État, nous ne pouvons accepter
l'abus de pouvoirs dont cette commission serait investie. Elle seule
possède tous les pouvoirs décisionnels et elle seule émet
des ordonnances. Cette commission est donc juge et partie et exercera des
pouvoirs dictatoriaux.
Dans la formation de cette commission de contrôle, on retrouve une
énorme incohérence au niveau tout particulièrement du
désir tant de fois exprimé par ce gouvernement de vouloir
décentraliser l'administration publique. Une fois de plus, on
conçoit que la constante formulation de voeux pieux, qui a fait le
"trade mark" de ce gouvernement, se confirme toujours davantage.
J'ai exprimé, au mois d'octobre dernier, lors d'une motion avec
débat sur le zonage agricole, que la production agricole ne se fait pas
sur la colline parlementaire, mais bien dans le champ. Donc, conscient que je
suis qu'il faut à tout prix rapprocher l'administration et le centre des
décisions dans les régions agricoles donc, près de
l'agriculteur je ne comprends plus du tout le ministre de l'Agriculture
qui persiste à augmenter ses effectifs à Québec et
à se moquer de ce qui pourrait être un service souple et motivant
pour les producteurs.
Le ministre a l'audace d'indiquer qu'il y aura une participation active
des conseils municipaux, mais c'est de la pure foutaise. Le projet de loi en
fera tout simplement des porteurs de documents à cause du
privilège qu'ils auront de seulement soumettre à la commission
l'aire réservée pour fins de contrôle dans leurs
municipalités respectives.
Il n'y a nul doute possible qu'une commission, telle que conçue
dans le document que nous étudions, s'avérera physiquement inapte
à rendre un verdict dans un laps de temps raisonnable. Les milliers de
demandes qui lui seront soumises engendreront un engorgement certain dans le
processus d'approbation ou de rejet.
Compte tenu des déclarations répétées du
ministre d'État à l'aménagement du territoire en vue de
revaloriser le rôle de nos instances locales et régionales,
particulièrement les conseils de comté, il est surprenant de
constater le désinvolture avec laquelle ce gouvernement donne suite
à ses promesses de décentralisation. Ce projet de loi
m'apparaît souffrir d'une certaine incohérence par rapport aux
visées et aux intentions avouées du ministre d'État
à l'aménagement du territoire, surtout à l'endroit des
conseils de comté.
Donc, il faut, en toute objectivité surtout afin de ne pas
ralentir et même étouffer notre économie déjà
chancelante, que l'on soit beaucoup plus respectueux des besoins
régionaux dans toutes les régions agricoles actuellement
visées par le projet de loi. Là, j'insiste sur la participation
nécessaire et logique des membres des conseils municipaux, des conseils
de comté, des agriculteurs et des experts du bureau régional
agricole appuyés, s'il y a lieu, par des professionnels oeuvrant dans
des sphères d'activités compatibles avec les dossiers qu'on aura
à analyser.
On devra modifier la structure et les pouvoirs de la commission pour
tenir compte de cette réalité. Il ne faut pas perdre de vue que
85% de notre production nationale brute se situent hors de l'agriculture et de
l'alimentation. Donc, ce serait faire preuve d'une irresponsabilité
inadmissible de gêner nos secteurs d'activité économiques,
lesquels sont nos principaux créateurs d'emplois.
J'ai pu remarquer que l'on a omis, dans les aires retenues pour fins de
contrôle, une région particulièrement vulnérable
à l'urbanisation sauvage. Il s'agit de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, un secteur agricole d'une grande valeur où il
se pratique une urbanisation inconsidérée et vraiment
néfaste pour une région qui a la possibilité, par la
qualité de ses terres fertiles, d'améliorer son autosuffisance
régionale et même de desservir en alimentation une bonne partie du
Nord-Est québécois.
Également, je remarque que le projet de loi reste muet en ce qui
a trait à la vente aux non-résidents canadiens de nos terres
cultivables. Je ne peux, à ce stade-ci, passer outre à
l'inquiétude manifestée par plusieurs, à savoir qu'il
s'agit d'une ingérence ou d'un interventionnisme de l'État de
plus en plus profond dans la vie des Québécois. On
pourrait peut-être invoquer que le sol fait partie d'un bien collectif et
non individuel. Il est à considérer, je crois, qu'une acquisition
de droits et privilèges transmis de génération en
génération ne peut être enlevée de façon
aussi ingrate et inconsidérée.
La libre disposition de nos biens devient donc chose du passé par
une simple loi. En toute justice et par pur respect du travail laborieux de nos
pères et ancêtres, on ne peut pas, je crois, pousser
l'indécence jusqu'à ce point. Alors, une mesure que l'on
considère comme d'intérêt collectif ne peut reposer sur le
dos seul des agriculteurs. Il appartient donc à la collectivité
d'en payer la note. Le droit civil n'a jamais interprété comme
acceptables de telles dispositions législatives qui enfreignent le droit
de propriété. (21 heures)
Je dénonce formellement l'attitude du gouvernement et celle du
ministre de l'Agricultue, à savoir, de ne pas préconiser, dans ce
projet de loi, une indemnisation respectueuse et équitable pour
l'agriculteur. Quand un spéculateur achète un terrain non
zoné en secteur urbain, il est conscient des contraintes qui pourraient
s'ensuivre, mais il s'en sortira toujours puisque le pire qui puisse lui
arriver, ce sont trois catégories de restrictions qui lui sont
généralement favorables, soit: le zonage résidentiel,
commercial ou industriel. L'agriculteur, lui, n'a jamais subi de telles
contraintes portant aussi indûment atteinte aux libres dispositions de
ses biens.
Une forme d'indemnisation doit être considérée, et
ceci m'amène à faire quelques suggestions concrètes.
Premièrement, disparition des droits successoraux. Deuxièmement,
abolition de l'impôt sur gain de capital si la ferme est revendue pour
fin agricole. Troisièmement, abolition de la taxe provinciale sur tous
les équipements servant à la ferme, qu'ils soient pour le
transport ou pour la manipulation des produits. Abolition de la taxe
foncière sur le fonds de terre seulement. Et comme je l'ai
déjà précisé, une loi qui s'interprète comme
mesure collective bénéfique doit être supportée par
la collectivité. Donc, je propose la possibilité d'appliquer un
droit de mutation sur toute vente de terre ou de lot en dehors des zones
réservées à l'agriculture.
Poursuivant sur les mesures fiscales, je voudrais que le ministre soit
conscient qu'en portant de 40% à 70% le remboursement des taxes
scolaires et municipales, il pénalise indirectement, il va de soi,
l'agriculture et les véritables agriculteurs, puisque ce rabais
s'adresse indistinctement aux vrais agriculteurs comme aux agriculteurs de fin
de semaine qui ont le statut de producteurs agricoles pour autant qu'ils ont
$1000 de revenus par année ou plus.
Ces derniers dont on peut évaluer le nombre entre 9000 et 10 000
au Québec privent nos producteurs agricoles de sommes d'argent qui
devraient être consacrées aux professionnels de l'agriculture et
non aux professionnels urbains en vacances à la campagne, ce qu'on
appelle les "gentlemen farmers". En vérité, c'est le
véritable agriculteur qu'on doit aider et, dans cet esprit, l'on
pourrait mieux financer de vraies mesures de relance agricole dirigées
vers les vrais et authentiques producteurs. Il faudrait réviser le
minimum en valeur de production pour fins de reconnaissance du statut de
producteur agricole admissible à une carte de producteur, le rendant
aussi admissible aux avantages que comporte cette reconnaissance. Conaissant
les coûts de production dans divers domaines, $1000 de production donnent
comme résultat net rarement plus de $400 et généralement
moins. Donc comment peut-on, en toute équité, ne pas
prévoir des amendements sur la reconnaissance de statut de
producteur?
M. le Président, dans un autre ordre d'idées, il
m'apparaît antidémocratique qu'un citoyen, lésé dans
ses droits par une décision qu'il trouve inacceptable, n'ait pas un
droit d'appel à la commission de contrôle. Si on était en
Russie, je n'invoquerais pas cet aspect de la loi, mais il me semble que nous
ne sommes pas encore à l'état de régime dictatorial et
que, par conséquent, tout contribuable, dans un respect intégral
des droits de l'homme, doit avoir le privilège de contester ou
revendiquer, soit par la Cour provinciale ou soit par le tribunal
d'expropriation, une décision injuste ou inéquitable.
Au simple point de vue juridique, il existe dans ce projet de loi
quelques contradictions notoires très importantes qui crèvent
même les yeux. Par exemple, le projet de loi est censé s'appliquer
au gouvernement, à ses ministères et à ses organismes. En
principe, c'est très bien, mais à la lecture du projet, l'on peut
facilement déceler que le gouvernement s'est gardé des portes de
sortie qui, à leur face même, me paraissent abusives et contraires
à l'esprit du projet de loi.
À titre d'exemple, il est prévu que le gouvernement peut,
après avoir pris l'avis de la commission, exclure un lot d'une zone
agricole pour fins d'un ministère ou organisme public. Il s'agit d'une
clause d'exception que le ministre doit justifier. Je trouve absolument
inadmissible que le gouvernement ne soit pas obligé de tenir compte de
l'avis de la commission. Je me demande si ce pouvoir d'exception ne devrait pas
être confié à la commission, qui, j'en suis certain, saura
évaluer à sa juste valeur une telle demande de la part du
gouvernement.
Mais ce qui est encore plus grave, c'est que le projet de loi permet au
gouvernement, simplement par un avis écrit à la commission, de
soustraire une affaire à sa juridiction sans même l'obligation de
justifier son geste.
Des voix: Ah! Ah! Oui?
M. Dubois: II s'agit là d'une usurpation de pouvoir, d'une
clause qui peut facilement conduire le gouvernement à un abus de
pouvoir. Si l'on crée une commission, je trouve inadmissible que l'on
prévoie la possibilité de lui enlever tout pouvoir d'agir dans
une affaire qui tombe sous sa juridiction. Cela me semble contraire au bon
sens
et à une juste conception du rôle et de la place du
gouvernement dans notre société.
Il en est de même pour les pouvoirs réglementaires. Lorsque
j'ai demandé au ministre, il y a quelques jours, s'il avait l'intention
de nous remettre les règlements qui seront adoptés en vertu de ce
projet de loi, il m'a répondu que ce n'était pas
nécessaire, vu qu'il s'agissait de questions de procédure. Or,
cette affirmation confirme l'ignorance du ministre dans ce domaine et ne tient
pas compte de la réalité. Il m'apparaît très
important de connaître, avant l'étude article par article, la
nature et la portée des règlements qui seront adoptés.
Premièrement, afin que l'on puisse identifier les cas
d'enlèvement de sols arables qui ne requièrent pas de permis
ce sont des cas d'exception à la règle et cela
prend des règlements. Identifier les fins municipales pour lesquelles
une municipalité, une corporation de comté ou une
communauté peut, sans l'autorisation de la commission, utiliser un lot
situé dans l'aire retenue pour fins de contrôle, ceci est un autre
cas d'exception à la règle générale.
Déterminer la forme de la garantie qui peut être exigée
pour obtenir un permis d'exploitation, les cas où la garantie peut
être confisquée, ce qu'elle en devient en cas de
réalisation et la façon dont on en fait la remise lorsqu'elle
n'est plus requise, c'est important tout cela, car on touche le porte-feuille
des agriculteurs déjà favorisés au plan financier.
M. Grenier: C'est plus que ce que le ministre... M. le
Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Dubois: La plus flagrante de toutes, M. le Président,
c'est la clause omnibus qui permet au gouvernement, par règlement
seulement, de déterminer toute autre mesure nécessaire à
l'application et au bon fonctionnement de la présente loi. Lisez votre
projet de loi!
M. Grenier: C'est cela, mais les articles, je les ai
déjà lus.
M. Dubois: M. le Président, une telle clause est vraiment
inacceptable, dénonçable et tout à fait contraire aux
traditions législatives qui prévalaient dans cette Chambre depuis
quelques années. Nous ne voyons aucune nécessité pour une
telle clause dans ce projet de loi et il nous apparaît tout à fait
nécessaire et logique que cette clause soit biffée du projet de
loi. D'ailleurs, nous aurons l'occasion d'en parler lors de l'étude
article par article en commission parlementaire.
M. le Président, l'environnement est un autre domaine où
le vrai chaos existe. J'ose espérer que le ministre de l'Environnement
livrera devant cette Assemblée son appréciation d'une mesure
incluse dans le projet de loi qui ne permet pas à un propriétaire
de bâtiment résidentiel, commercial, industriel ou institutionnel,
construit postérieurement à la délivrance d'un certificat
d'autorisation en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement,
1972, chapitre 49, ou de ses règlements, de porter plainte ou agir en
justice pour demander des dommages-intérêts ou empêcher
l'exploitation ou le développement de cette ferme en raison de sa
proximité ou des odeurs ou bruits qu'elle dégage. À ce
stade-ci, je dois dire que l'Union Nationale est extrêmement heureuse
qu'une telle clause ait été insérée dans la loi. Il
est temps que les citadins cessent d'importuner indûment les
agriculteurs, pour cause, surtout, de mauvaises odeurs. Si les
Québécois désirent dans l'avenir obtenir en
quantité et en qualité des produits de la ferme, je
suggère qu'ils respectent les droits des premiers occupants qui furent
de toujours nos agriculteurs. (21 h 10)
Je réitère donc ma demande au ministre de l'Environnement
pour que le dossier concernant l'environnement agricole soit remis au ministre
de l'Agriculture, lequel nous a paru moins inconscient de la fonction de
l'agriculteur et du rôle primordial qu'il joue dans notre
économie. J'achève de lancer des fleurs.
Le ministre de l'Environnement est sûrement habilité
à légiférer sur la pollution urbaine et industrielle, mais
sûrement pas sur des questions relevant exclusivement de la
compétece agricole. Donc, l'environnement agricole doit exclusivement
être administré à partir des bureaux régionaux du
ministère de l'Agriculture afin qu'une fois pour toutes les fermiers
spécialisés en production animale puissent être desservis
convenablement, équitablement et rapidement par des gens du milieu,
lesquels pourront mieux apprécier l'opportunité d'émettre
ou non des permis.
Dans l'enchaînement de mesures incitatrices et de programmes
agricoles, il faudrait faire une mise au point en indiquant au ministre que le
Québec fait et fera toujours partie du Canada. Je le mets en garde
contre sa tendance évidente, à pratiquer du séparatisme
agricole. Je suis le premier à désirer une meilleure
autosuffisance, une meilleure productivité de nos sols, une plus grande
diversification de nos productions et une transformation accrue. Dans une saine
économie, il faut principalement viser les domaines où il y a des
avantages comparatifs à produire et à transformer Nous avons
besoin du Canada et le Canada a besoin de nous. C'est pourquoi je
dénoncerai toute pratique de séparatisme agricole où les
Québécois auront à chèrement payer tout geste en ce
sens.
Je poursuis tout de suite avec une autre mise au point. J'avise le
ministre qu'il devra, à l'avenir, être très prudent pour la
sanction de nouveaux plans conjoints lesquels ne seraient pas votés, en
référendum, par au moins 60% des producteurs visés.
J'insiste surtout sur le fait qu'ils ne représenteraient pas
également au moins 60% de la production en question. je veux
établir ici clairement que pour l'Union Nationale tout projet de zonage
agricole doit aller de pair avec une série de mesures visant à
améliorer nos productions agricoles et à rentabiliser notre
agriculture. L'Amérique du Nord a acquis la réputation d'offrir
le plus haut standard de vie au monde grâce à la reconnaissance de
l'initiative
privée pour ses citoyens et grâce aussi au respect
intégral de "l'entrepreneurship". Donc, dans le grand désir qu'a
le Québec d'atteindre une meilleure autosuffisance, il y a des secteurs
où il faudrait concentrer beaucoup plus d'énergie. Nous savons
que 21% des sommes d'argent dont disposent les Québécois sont
dépensés dans les aliments et boissons. Nous savons
également que nous sommes déficitaires, dans ce secteur,
d'environ $2 500 000 000. De là une mise en valeur intensive des
ressources de chacune des régions agricoles du Québec
s'avère très urgente. Pour certaines régions, il y a lieu
d'offrir aux producteurs laitiers une alternative aussi rentable que le lait,
afin d'exploiter des potentiels sous-utilisés et de diversifier
l'agriculture, soit intensifier le développement de la production bovine
selon la formule de finition en parc d'engraissement. Cette dernière
mesure doit s'accompagner évidemment du développement de la
production céréalière et des céréales
fourragères.
Sans vouloir le répéter pour la xième fois, le
développement des productions en serre est également très
important.
Une voix: ... n'est pas d'accord avec lui. M. Garon: Les
érablières.
M. Dubois: II faut admettre qu'il est urgent qu'on
décentralise tout de suite l'administration massive et extrêmement
lourde de l'agriculture telle qu'elle se pratique à Québec. Je
répète que c'est dans le champ que se fait l'agriculture. Il faut
que chacune de nos régions agricoles puisse offrir tous les services
requis par l'agriculteur, non pas à partir de Québec, mais bien
dans les bureaux régionaux. Que ce soit pour fins de crédit
agricole ou pour fins d'émission d'un permis touchant l'environnement ou
autre, il faut que tous les programmes agricoles puissent être mis
à la portée des producteurs non pas en communiquant avec
Québec mais bien avec leurs bureaux régionaux.
Également, d'autres mesures incitatives et motivantes pour
l'agriculteur devraient être mises de l'avant. À titre de
suggestion, je crois qu'il serait, en 1978, réaliste de porter de $15
000 à $50 000 le montant sur lequel l'Office du crédit agricole
accorderait un intérêt de 2,5%.
Je préconise aussi d'augmenter de trois quarts d'heure/acre
à une heure/acre les subventions pour travaux mécanisés et
que ceux-ci soient subventionnés à 75% au lieu de 50% comme
actuellement. Une politique globale, aussi, d'assainissement des sols s'impose
à cause de l'incapacité d'absorption de nombreux cours d'eau,
ceci causé par l'évacuation plus rapide des eaux qu'ont
amenée le drainage agricole et les nombreux travaux
mécanisés. M. le Président, la protection des terres
arables ne pourra s'avérer efficace que si l'on inculque, par mesures
incitatives et par de sérieux programmes de relance, le goût de
cultiver le sol. L'attrait du sol chez nos jeunes devient donc plus que jamais
une préoccupation première.
M. le Président, j'aimerais traiter quelque peu de main-d'oeuvre
agricole. Savez-vous qu'au Québec des jardiniers maraîchers, des
pomiculteurs et des producteurs de tout genre de cultures doivent avoir recours
annuellement à de la main-d'oeuvre importée de pays tels que
Porto Rico, Jamaïque, Haïti, Mexique, pour n'en nommer que
quelques-uns? Savez-vous aussi, M. le Président, que pendant ce temps,
le ministre des Affaires sociales paie des prestations d'aide sociale dans la
catégorie des 18 à 34 ans à 93 636 ménages et
personnes seules? Ceci représente, par déduction,
approximativement 120 000 personnes de 18 ans à 34 ans au Québec
qui reçoivent des prestations d'aide sociale. N'est-ce pas là une
situation intolérable et économiquement catastrophique? Nous
importons de la main-d'oeuvre et laissons à ne rien faire ces
assistés sociaux. N'est-il pas temps de remédier à cette
situation? Je crois, M. le Président, que ces 120 000 personnes
âgées de 18 à 34 ans forment un bassin de main-d'oeuvre
agricole tout désigné. De plus, certaines d'entre elles
pourraient aussi acquérir un goût particulier pour le sol si des
mesures énergiques étaient entreprises.
Il y a également un autre domaine qui me préoccupe
énormément. Il s'agit du manque de nationalisme économique
des Québécois. Si nous étions, ici au Québec,
seulement aussi protectionnistes et aussi respectueux envers nos producteurs
que le sont les Ontariens envers les leurs, notre économie s'en
porterait énormément mieux. À cet égard, je
proposerais que, chez les détaillants en alimentation et dans les
secteurs mous de notre industrie, l'obligation soit imposée d'identifier
les produits d'ici faits au Québec par un sigle universel. Là,
nous pourrions constater si vraiment les Québécois sont
nationalistes en pratique plutôt qu'en paroles seulement. D'avance, je
suis persuadé qu'une telle mesure serait énormément
valable pour nos producteurs maraîchers, nos usines de transformation en
agro-alimentaire, ainsi que pour les industries de meubles, de chaussures et de
lingerie.
Une voix: Très bonne suggestion.
M. Garon: Vous êtes dans le vestibule du
séparatisme.
M. Cordeau: Non, non, nationalistes, mais pas
séparatistes.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais qu'on revienne à la loi de la protection des
terres agricoles.
M. Dubois: J'y reviens. Merci, M. le Président.
Je tire à la fin une conclusion. Je répéterai,
quand même, que le projet de loi 90 présenté par le
ministre de l'Agriculture n'est certainement pas la trouvaille du
siècle. Je lui lui ai dit tout à l'heure. Même si nous
désirons que certains de nos sols fertiles soient
protégés, cette législation ne s'inscrit pas dans la
logique d'un plan global d'utilisation et d'aménagement du territoire.
Nous retrouvons aussi dans ce projet de loi plusieurs points
imprécis et contradictoires. Aussi, l'appellation du projet de
toi n'est pas juste. Il n'est pas piloté par le bon ministre responsable
de l'utilisation et de l'aménagement et, par le fait même,
n'émane pas du bon ministère. (20 h 20)
Enfin, je n'accepte pas, pour nos élus locaux, nos conseils
municipaux, nos conseils de comté qu'on les traite purement et
simplement en porteurs de documents. C'est ce qu'on leur réserve pour
l'avenir. En conclusion, le problème du Québec, je crois, n'est
pas un manque de superficie, de bons sols cultivables, mais plutôt un
manque de rentabilité à produire avec avantages comparatifs.
Donc, je ne crois pas que le projet de loi 90 réglera le problème
no un de l'agriculture québécoise, c'est-à-dire sa
rentabilité. Cette loi nous mènera plutôt vers une plus
grande centralisation, une plus grande bureaucratie et une agriculture qui nous
est servie à la sauce séparatiste. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, le premier mot qui me vient
à la bouche, au début de cette intervention, serait le mot:
Enfin! Enfin, nous avons devant cette Assemblée nationale un projet de
loi pour la protection des sols. Tous ceux qui ont la chance, par les media
d'information ou par la télévision, d'entendre les débats
de cette Chambre ont, sans doute, compris, surtout après avoir entendu
les trois dernières interventions, du représentant de l'Union
Nationale, de je ne sais plus quel parti en ce qui regarde le
député de Rouyn-Noranda et du député
libéral, les gens ont compris de quel bois on se chauffe et de quel bois
ils se chauffent. Depuis des dizaines d'années qu'on parle de zonage
agricole, de protection des sols arables au Québec. Nous, depuis dix
ans, c'est inscrit dans notre programme politique et, à peine
après deux ans de pouvoir, on a réalisé nos engagements
formels, écrits en toutes lettres, décidés par des
milliers de militants en congrès et nous allons le réaliser.
Ce n'est pas le seul point, d'ailleurs, dans notre programme politique
que nous allons réaliser, qui ait fait l'objet de moult discussions dans
le passé. J'ai eu la chance de lire des discours enflammés du
chef parlementaire du Parti libéral actuel, M. Gérard D.
Levesque, dans les années soixante-deux, qui parlait de
"déclubage" au Québec, et de M. Loubier, de l'Union Nationale, en
1967, qui parlait aussi d'accessibilité à la faune au
Québec, sans jamais rien faire. Le Parti québécois,
dès son accession au pouvoir, a réalisé
l'accessibilité à la faune. Et, indépendamment de quelques
individus touchés dans leurs intérêts personnels, la grande
majorité des Québécois est heureuse de cette politique et
de ce courage et de cette volonté politique démontrée par
notre gouvernement.
M. Michaud: Excellent!
M. Chevrette: Je ne peux passer sous silence, M. le
Président, les deux ou trois autres sujets qui avaient fait l'objet de
nombreuses tergiversations, de nombreuses discussions au niveau des
oppositions. Même au moment où ils étaient au pouvoir,
combien d'heures ont-ils perdues à discuter sur l'assurance automobile
et sans jamais poser de gestes concrets? Combien d'heures ont-ils perdues
à parler de financement des partis politiques? Combien de tentatives de
règlements, M. le Président, ont-ils faites pour régler le
problème des petits abattoirs, sans jamais y réussir? Et,
à peine après deux ans, on a attaqué le problème et
on a réussi.
Tout cela pour vous dire qu'un gouvernement qui a une volonté
politique, qui a un programme politique, qui respecte son programme politique,
c'est cela qu'attendent les Québécois qui nous écoutent.
Pas des individus, en face de nous, qui parlent contre une loi et qui
tantôt surtout, je pense au député de
Saint-Hyacinthe, je pense au député de Huntingdon vont
avoir à voter pour ou contre le principe de la protection des sols
arables. J'ai hâte que les cultivateurs de ces deux milieux en
particulier voient le geste de leurs propres députés qui vivent
dans des comtés ruraux...
M. Grenier: On va voter contre, ne vous en faites pas. Ils vont
voter contre si cela reste ainsi.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais vous faire
remarquer que je n'ai dérangé aucun député.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: Si vous vous sentez trop agacé, sortez,
maître.
Le Vice-Président: M. le député de
Joliette-Montcalm, allez.
M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas l'intention ce
soir de développer l'importance de ce projet de loi puisque le ministre
de l'Agriculture l'a fait. Il l'a fait d'une façon tout à fait
non partisane. Il a démontré, hors de tout doute, tout le
rôle sur le plan économique de cette industrie agricole. Bien
sûr, cela peut agacer l'Opposition de voir qu'un ministre prend ses
dossiers autant à coeur et démontre à la face des
Québécois tout le pouvoir sur le plan économique
qu'engendre cette industrie. On sait que l'agriculture engendre au-delà
de 200 000 emplois et que c'est sérieux. Nos cultivateurs
québécois vivent depuis des années une période
d'incertitude. On s'est fait servir cette sauce par l'Opposition pendant des
mois et des mois. Je me demandais si elle avait appris uniquement ce mot dans
le vocabulaire québécois:
incertitude. Les cultivateurs, que d'incertitude ont-ils vécue
sous les régimes précédents? Ils n'ont jamais pu savoir si
le gouvernement entendait faire de l'agriculture une véritable industrie
québécoise. Ils n'ont jamais pu savoir si les gouvernements y
croyaient véritablement à cette industrie de base. Ils n'ont
jamais pu savoir si leur propre ministre de l'Agriculture du temps avait la
confiance des cabinets politiques ministériels. Il y a M. Kevin Drummond
qu'on peut nommer qui en a parlé du zonage agricole, qui a vraiment
essayé de le faire passer, mais où cela bloquait-il? Est-ce que
la constitution de ces partis politiques est vendue carrément uniquement
aux spéculateurs ou aux agriculteurs québécois? Comment se
fait-il que 102 députés, avec un ministre qui y croyait et un
ministre respectable en la personne de M. Kevin Drummond, n'aient pas
réussi à vendre au gouvernement Bourassa la moindre mesure de
protection des sols arables? L'incertitude, les cultivateurs, les agriculteurs
l'ont vécue. De 393 000 acres sous spéculation, on se retrouve
aujourd'hui à un million. Il faudrait laisser faire! Le Parti
libéral vient d'annoncer ses couleurs, le Parti libéral va voter
contre le principe parce que, en deuxième lecture, on vote contre le
principe de la protection des sols arables. Je suis heureux de voir que, pour
une fois quand même, il n'y a pas d'hypocrisie. Ils ont clairement
identifié leurs couleurs, ils ont choisi un groupe bien minoritaire
d'individus alors que, nous, on a fait notre lit; tout à fait l'inverse.
Je suis content parce que, sur la loi des consommateurs, c'était de
l'hypocrisie totale. Ils ont parlé contre tout le temps et voté
pour. Là, au moins, ils parlent contre et ils voteront contre. Pour une
fois, je dois les féliciter.
M. le Président, je ne veux surtout pas passer sous silence des
incohérences qui sautent aux yeux. Le député de
Montmagny-L'Islet a prononcé un discours d'une heure et dix minutes
environ il n'est pas ici présentement d'ailleurs, j'aurais
aimé qu'il le soit et le même député qui
demandait tantôt des chiffres au ministre de l'Agriculture nous disait en
commission parlementaire il y a environ un mois que les parcelles de terre qui
appartiennent au ministère des Transports seraient suffisantes pour
créer une recrudescence en agriculture. Vous n'auriez même pas
besoin de zonage! Ce soir, il nous arrive et nous dit dans un premier temps:
Vous en avez zoné beaucoup trop. Et, dix minutes après; Vous n'en
avez pas zoné assez. Je ne sais pas si c'est à cause de celui qui
a préparé son texte, mais il y a eu une contradiction dans
l'espace de dix minutes, en disant par-dessus le marché au bout de la
course: Je n'ai pas de chiffres. Vous lirez attentivement le journal des
Débats et vous le découvrirez, M. le Président. (20 h
30)
Je voudrais aussi dire ceci: Des affirmations gratuites, il y en a eu ce
soir. Pas de droit d'appel dans la loi. Le projet de loi, on peut le lire ou on
peut ne pas le lire; on peut le comprendre ou ne pas le comprendre. Dans le cas
du député de Montmagny-L'Islet, c'est l'un ou l'autre. J'ai eu
l'impression qu'il ne l'avait pas lu, parce que l'article 18 se comprend par
quelqu'un qui sait lire. Donc, je prétends qu'il ne l'a pas lu puisqu'il
ne l'a pas compris.
Je voudrais aussi regarder de plus près une argumentation qui a
été fournie par deux députés, le
député de Montmagny-L'Islet et le député de
Rouyn-Noranda, mais je répondrai surtout au député de
Montmagny-L'Islet, puisqu'il vaut ordinairement la peine de répondre
à celui-ci. L'autre, je l'ignorerai purement et simplement.
L'atteinte au droit de propriété. Imaginez-vous! On zone
des terres agricoles et on porte atteinte au droit de propriété.
Comme cela, tout conseil municipal qui décide de zoner sa paroisse en
zone industrielle, en zone agricole et en zone résidentielle porte
atteinte au droit de propriété. J'ai eu l'impression que ces
hommes qui prêchaient le bon ordre étaient des anarchistes,
à toutes fins utiles, puisque toute loi qui vient encadrer des droits
individuels dans un droit collectif porte atteinte au droit de
propriété. Franchement, ce n'est pas l'incohérence qui
vous étouffe parce que vous seriez tous morts.
Aujourd'hui, dans plusieurs villages du Québec, dans plusieurs
paroisses, on a des règlements de zonage. On a décidé que
telle région dans telle paroisse serait pour une zone industrielle, que
tel autre coin de la paroisse serait pour une zone résidentielle.
Pourquoi cela s'est-il fait? Il ne faudrait pas être dupe et il ne
faudrait pas être aveugle. C'est parce que cela se développait
d'une façon totalement incohérente. Vous savez qu'il y avait des
petits îlots de bungalows qui perçaient ici et là, dans les
paroisses, à un mille ou un mille et demi du village. Après sept
ou huit ans, vous disiez que pour dix, douze ou quinze bungalows, cela prenait
des équipements collectifs et le pèlerinage à
Québec commençait pour aller chercher des subventions pour
apporter à cet îlot de bungalows des services d'aqueduc et
d'égout. Combien cela coûtait-il? Combien coûtaient ces
folies éparpillées un peu partout et bien souvent sur nos
meilleurs sols? Il y en avait partout dans les villages. Il y a des
municipalités dans mon comté qui ont 156 milles de route pour une
population de 1500 y résidant à l'année. Il y a d'autres
municipalités dites non touristiques mais agricoles où il y a 120
milles de route intérieure pour aller desservir ici et là, au
bout des rangs. Je vois le député de Bellechasse qui me dit:
C'est vrai. On vit cela. Vous êtes pour cela, par votre geste, lorsque
vous dites non au zonage agricole, non au principe même de la protection
des sols arables. C'est ce que vous dites: Continuons à perpétuer
ce développement sauvage, ce développement incohérent,
total, qui demande ensuite à la population restante de se surtaxer pour
donner des services en plus d'amputer des sols arables qui sont une source de
génération sur le plan économique. Vous savez cela. En
disant non au principe, l'Opposition libérale fait fi de toutes les
revendications qu'ont faites les agriculteurs.
Le député de Montmagny-L'Islet disait que ce projet de loi
était issu de milieu urbain. Je ne croyais pas que l'UPAétait
née en milieu urbain; je
croyais que l'UPA travaillait et oeuvrait toujours dans le milieu
rural.
Il y a aussi des maires de certaines municipalités et des
échevins de certaines municipalités qui, ce soir, en
écoutant les débats, ici, seront heureux de voir que le ministre
de l'Agriculture a inclus dans sa loi la création d'une commission de
contrôle. Ils seront heureux parce qu'ils l'ont demandée
eux-mêmes. Ils seront heureux parce qu'ils savent très bien que
sous la pression structurée et organisée de certains petits
milieux composés en grande majorité de non-agriculteurs, sous la
pression de spéculateurs habiles, les gens sont obligés de plier.
On vit cela quotidiennement dans nos milieux ruraux. Je suis dans la
deuxième région agricole de la province pour ce qui est de la
beauté après la rive sud, mais je pourrai dire que, sur la rive
nord, c'est la plus belle région agricole. Je peux vous dire qu'il y a
des maires et des échevins qui ont compris qu'ils ne pouvaient plus
lutter à armes égales contre certains spéculateurs et ils
sont fiers d'avoir une commission de contrôle. Avec elle, par exemple,
ils vont travailler à développer d'une façon très
cohérente leurs développements domiciliaires,
l'aménagement de leur site, l'aménagement de leur propre
territoire, M. le Président.
Il y en a d'autres aussi qui ont été politiquement dans
l'obligation de dire "je suis contre", mais qui éprouvent beaucoup
d'amertume de voir combien ils se sont fait passer des sapins dans leur milieu.
Il y avait de très belles terres à côté de chez eux.
Ils auraient voulu agrandir leur propre patelin et voient s'ériger
à côté d'eux une série de bungalows. Ma terre est
trop petite pour être rentable, je voudrais l'agrandir, mais je ne peux
pas rivaliser avec les spéculateurs. C'est cela qui se passait
quotidiennement.
Il y a de nos jeunes qui viennent nous voir dans nos bureaux de
comté, vous le savez, messieurs les députés, même de
l'Opposition. Ils viennent vous dire: J'ai un refus du crédit agricole.
Je ne peux pas grossir parce que je n'ai pas assez grand de terre. Ce ne sera
pas rentable. Ils nous disent cela. Là, on leur offre
l'opportunité d'agrandir leurs terres pour rendre rentable l'agriculture
au Québec et d'éviter par le fait même un
développement sauvage. C'est cela que dit le projet de loi. N'essayons
pas de garrocher de la poudre aux yeux de la population. C'est cela que dit le
projet de loi: possibilité, d'abord, d'accroître leur production
pour ceux qui sont en place, et, deuxièmement c'est aussi un
aspect très important le jeune agriculteur ne sera pas
étouffé par une concurrence déloyale du spéculateur
quand il va vouloir s'établir sur une terre.
Vous oubliez cela aussi. Peut-être que vous avez uniquement la
notion urbaine, vous autres. Mais, dans les milieux ruraux, notre jeune
cultivateur qui est obligé d'investir $200 000, $250 000 et $300 000 sur
une ferme, qui aurait le goût de l'acheter elle est vendable, elle
est tout près de chez lui, dans le même rang que son père
n'est pas capable de le faire à cause de la spéculation et
cela fait un petit gars qui est écoeuré de la vie, de la vie
agricole. On le désoeuvre. Ce n'est pas cela du tout l'objectif du
projet de loi. C'est de donner une chance à ce jeune de s'installer sur
une terre pour produire et de vivre dans le milieu où il a
été habitué à vivre. Cela, vous le savez, les
députés des milieux ruraux. Dans vos interventions, ne vous
laissez pas emplir par ceux qui croient se porter à la défense
des cultivateurs avec toutes sortes de prétentions et d'argumentations
fausses.
Dans le fin fond, ce qu'ils recherchent, c'est de protéger leurs
petits amis. Ils se sont bien identifiés à ces gens. M. le
Président, je crois que le ministre de l'Agriculture, par le
dépôt de cette loi, a vraiment démontré que notre
gouvernement avait cette volonté et ce courage politique de se
préoccuper de l'avenir économique du Québec en posant ce
geste aujourd'hui. C'est peut-être la première fois au
Québec qu'on a un bilan aussi important, un bilan aussi positif des
effets de l'agriculture sur l'économie de notre province. C'est
peut-être la première fois qu'une Assemblée nationale au
Québec a cela devant elle par un ministre de l'Agriculture qui a
présenté un discours très très mollo, non partisan,
non teinté de partisanerie, comme l'ont fait les gens de
l'Opposition.
Nous avons montré nos couleurs; nous étions prêts
à poser un geste pour sauver l'agriculture au Québec. Nous
voulons assurer la relève agricole et nous voulons faire en sorte que
les agriculteurs du Québec aient des possibilités d'expansion et
non pas d'étouffement par la spéculation. C'est cela que vise le
projet de loi, M. le Président. Et ce projet de loi, par ricochet, a
quelque chose de formidable parce qu'il vient rendre service aux consommateurs.
Si on augmente notre potentiel agricole au Québec, de facto on rend
service aux consommateurs québécois parce qu'une meilleure
production assurera une meilleure qualité et des meilleurs prix aux
consommateurs québécois. J'ai entendu un seul
député rural dire cela dans cette Chambre; c'était un
député de l'Union Nationale que je remercie d'ailleurs
là-dessus.
Ce sont des choses concrètes qu'il faut dire aux
Québécois au lieu d'essayer de leur faire peur ou de se garrocher
derrière le voile du droit individuel. La liberté collective
entravera toujours certains droits individuels et, dans une
société qu'on ne veut pas anarchique, messieurs mes amis d'en
face, c'est cela les règles du jeu, c'est cela, les règles
démocratiques. Il ne faut pas avoir peur de montrer ses couleurs et,
là-dessus, je vous félicite de l'avoir fait, petits amis des
spéculateurs. (21 h 40)
M. le Vice-Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: M. le Président, n'en déplaise au
député de Joliette-Montcalm, c'est un député de
milieu rural qui prend la parole à sa suite et qui ne sera
peut-être pas tout à fait d'accord avec ce qu'il vient de dire. Je
pense c'est bien important que les gens de mon milieu me
connaissent et
savent à quel point j'étais un de ceux et je le
suis encore qui sont en parfait accord avec ce qu'on a appelé le
zonage agricole. Mais je pense qu'il y a quand même des choses que nous
devons respecter. Il y a quand même des principes qu'on doit accepter
dans un tel projet de loi. On ne peut pas, sous prétexte de faire une
loi intitulée Loi sur la protection du territoire agricole, la faire
à n'importe quel prix, la faire payer par les seules et mêmes
personnes, c'est-à-dire les agriculteurs.
J'ai appris, depuis que je suis en cette Chambre, M. le
Président, à me méfier des beaux emballages et à me
méfier des grands titres ronflants. Je préfère
plutôt écouter avec beaucoup d'attention les paroles que le
ministre dit en cette Chambre durant l'étude en deuxième lecture
et, par ses paroles, essayer de trouver son orientation. J'ai
écouté attentivement l'honorable ministre de l'Agriculture, cet
après-midi. Il semblait dire que ce projet de loi numéro 90
viendrait régler le problème et ce, de façon
presque définitive de l'autosuffisance en matière agricole
au Québec. Je pense c'est bien regrettable à moins
d'être bien naïf, que ce n'est pas le fait de protéger le sol
arable au Québec qui va régler le problème
d'autosuffisance comme tel si, comme l'a dit mon collègue de
Montmagny-L'Islet, ce n'est pas accompagné d'autres lois à
l'intérieur du même projet pas des promesses du ministre
d'autres lois, des règlements découlent de ce projet de
loi qui pourraient garantir, justement, aux agriculteurs cette
autosuffisance.
Tout ce qu'on fait avec ce projet de loi, c'est d'aller s'installer chez
l'agriculteur du Québec et lui dire: Maintenant, tu n'es plus
maître chez toi. C'est nous qui décidons. C'est nous qui
décidons si tu dois te bâtir ou non et c est une commission
d'appel qui va décider cela. Ce qui est encore pire, le
député qui m'a précédé tantôt
et c'est peut-être pour cela que je vous dis que je me méfie des
emballages, je me méfie de ce que les gens nous disent à un
moment donné j'ai bien entendu, j'ai écouté avec
beaucoup d'intérêt, le député de Joliette-Montcalm a
dit qu'il y avait des gars, de ce côté-ci de la Chambre, qui ne
savaient pas lire. Il a dit: L'article 18, allez voir là-dedans, il y a
un droit d'appel. Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de droit d'appel. C'est la
commission tout simplement, qui décide de réviser sa
décision, c'est-à-dire qu'elle décide de prendre une autre
décision, elle ne fait que réviser si sa première
décision était bonne. C'est cela qu'on appelle un
mécanisme d'appel? Eh bien! j'ai l'impression que je sais doublement
plus lire que le député de Joliette-Montcalm. Quand on donne un
emballage comme cela, cela devient dangereux de lire les emballages sur le
dessus d'un projet de loi.
Quand on est capable de dire, en pleine télévision, qu'il
y a un mécanisme d'appel, à l'article 18, et qu'il n'y en a pas,
on ment grossièrement à la population. Nous, de l'Opposition, que
pouvons-nous penser d'un tel projet de loi? Qu'est-ce que le gouvernement a
derrière la tête? Qu'est-ce qu'il veut cacher à la
population du Québec? Veut-il vraiment défendre les
intérêts des agriculteurs du Québec comme il le mentionne?
Je me permets d'en douter. Jusqu'à preuve du contraire, je vais en
douter. Je vais arrêter d'en douter, comme je l'ai mentionné
tantôt, à la simple et unique condition que le ministre de
l'Agriculture accepte de déposer des lois, deux, trois, quatre ou cinq
lois, avec un budget, évidemment sans budget, il ne sert à
rien d'en parler d'une centaine de millions additionnels qui viendront
vraiment en aide aux agriculteurs du Québec.
Dernièrement, on a eu une commission parlementaire sur
l'environnement. À l'occasion de chaque mémoire
présenté devant la commission, j'ai fait exprès pour
demander aux agriculteurs qui devait payer la note sur l'environnement, la
dépollution agricole au Québec, même le zonage ou tout ce
qui peut toucher le domaine agricole au Québec. Tous étaient
unanimes, la seule façon de protéger nos sols agricoles au
Québec, la seule façon de dépolluer le Québec dans
le secteur agricole c'était une volonté politique du gouvernement
de consacrer $100 millions, $200 millions, $300 millions ou $400 millions pour
essayer de protéger tout cela et de dépolluer le Québec.
C'est aussi vrai pour la protection des sols. On demande à la même
catégorie de personnes de faire les sacrifices nécessaires pour
se protéger. Cela ne changera rien, cette loi, au fait que certaines
petites municipalités ont 100 milles et 200 milles de chemin, et cela
leur occasionne des coûts additionnels épouvantables. Ce n'est pas
cette loi qui va le changer, cela va empêcher de construire,
évidemment, c'est sûr. Mais ce qui est fait est fait.
Je pense qu'il est important qu'on souligne que le projet de loi
déposé devant nous comporte beaucoup plus d'inconvénients
pour l'agriculteur comme tel. Quand je parle d'inconvénients, c'est
qu'on va dire beaucoup plus souvent non à l'agriculteur que oui. Je ne
conteste pas ce fait. Si on est pour faire du zonage, si on est pour faire de
la protection, c'est évident que cela prend un projet de loi, c'est
évident que cela prend des règles, cela prend des cadres; c'est
normal, c'est fait. On accepte ce principe. Ce qu'on n'accepte pas, c'est de le
faire défrayer par l'agriculteur.
On dit, à un moment donné, que le fils d'un agriculteur
aura la possibilité, à la condition qu'il travaille dans
l'exploitation agricole ou un travailleur que l'agriculteur pourra
embaucher de construire une maison. On ne la considérera
même pas comme une maison, c'est encore ça le pire. C'est que la
maison familiale va être considérée comme une vulgaire...
On pourrait comparer cela à la grange ou à autre chose, parce
qu'à la suite de cela, c'est l'agriculteur qui va être
pénalisé si jamais un jeune, ou une personne qu'il a
engagée pour travailler pour lui et que cela ne fonctionne plus... Qui
va subir la perte, pensez-vous? Quelle société prêteuse, M.
le Président, va aller prêter sur quelque chose de semblable?
Quelle société prêteuse au Québec va le faire,
quelle société prêteuse responsable? Laquelle? Quelles
sortes d'embêtements cela va-t-il créer à l'agriculteur ou
à l'exploitant? Quelles sortes d'embêtements?
M. le Président, c'est possible qu'on ait des solutions à
cela. Si on en a, j'aimerais les connaître. Comme cela doit être
possible, M. le Président, de déposer la réglementation
qui va faire suite à l'adoption de ce projet de loi. Je vous prie de
croire qu'il va y avoir quand même une réglementation je
présume assez sévère et assez serrée.
Là, il peut se produire deux choses: ou on va l'appliquer à la
lettre et sévèrement et on va embêter tout le monde encore
une fois; on va faire payer par le seul citoyen agriculteur du Québec
tous les embêtements qu'on va créer, ou le gouvernement pourra
faire une autre chose, M. le Président, qui sera d'adopter une
réglementation souple, de ne pas trop l'appliquer et jouer flou.
À ce moment-là, on dira: Le bon et le vrai gouvernement
vous avait promis une loi de zonage agricole; on vous l'a donnée. On
vous l'a donnée. Au bout de la ligne, elle ne produira par les fruits
qu'on espérait, mais on aura adopté la loi du zonage agricole et
on passera pour des gars bien fins devant la population du Québec.
Par contre, M. le Président, il y a un tout autre aspect. On a
parlé de la zone blanche; on a parlé de la zone verte, on parle
des spéculateurs. Imaginez-vous ce que va coûter un terrain dans
la zone blanche. Ce qu'il coûte présentement et ce qu'il va
coûter tantôt. On veut protéger l'agriculteur et on va faire
faire trois fois plus d'argent aux spéculateurs. (21 h 50)
Une voix: C'est déjà commencé.
M. Picotte: On vient nous parler, à nous autres, des amis
des spéculateurs. On a l'audace de venir nous parler de cela, M. le
Président, quand les spéculateurs sont protégés par
ce gouvernement-là, quand les spéculateurs ont déjà
commencé à faire deux fois et trois fois le prix qu'un terrain
vaut parce que la zone est blanche. C'est cela qu'on vient dire à la
face de toute la population? Je pense que c'est bien regrettable mais qu'on
passe complètement à côté de la question et des buts
qui sont peut-être louables, les buts louables qu'on a pu se fixer, que
le gouvernement s'est fixés là-dedans.
M. le Président, on a parlé du mécanisme de gel; on
parle du patrimoine familial. Il y a des gens qui disent: Vous savez, cela
n'arrive pas souvent qu'au Québec... J'entendais le ministre, cet
après-midi, qui disait cela: Cela n'arrive pas souvent au Québec
qu'un agriculteur a ses fils ou ses filles qui sont à côté
de chez lui et à qui il a donné un lopin de terre pour se
construire. Apparemment, cela ne se produit pas bien souvent. Cela prend un
gars qui reste à Lévis pour venir nous dire cela, parce que moi,
je reste dans Maskinongé, M. le Président, et ils ne sont pas
rares, les pères de famille qui ont donné des terrains à
leurs enfants et où, sur la même longueur de route, il y a trois,
quatre ou cinq maisons qui sont bâties pour la famille de cet
agriculteur.
Si je demeurais en plein milieu de la ville de Lévis, j'aurais
parlé exactement comme le ministre de l'Agriculture. Mais ce n'est pas
la réalité. Que voulez-vous que je vous dise? Ce n'est pas la
réalité.
Une voix: La loi va défendre cela.
M. Picotte: Mais, demain matin, la loi va défendre cela.
La loi va empêcher un père de famille de faire cela. Il n'a pas le
droit d'établir ses enfants comme il va vouloir.
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Picotte: Je dis, M. le Président, que cette loi permet
au gouvernement du Québec de s'ingérer chez l'agriculteur, chez
l'individu et de lui dire quoi faire. Cette loi devrait être
accompagnée le député de Montmagny-L'Islet a
plaidé en faveur de cela cet après-midi d'autres projets
de loi qui vont venir assurer une rentabilité du côté
agricole, qui vont permettre de développer d'autres activités
agricoles, d'autres productions agricoles, qui vont inciter à faire
d'autres productions agricoles. On a parlé, à un moment
donné, de maïs-grain, on a parlé de céréales,
on a parlé de production de boeuf. M. le Président, quand on dit
aux citoyens agriculteurs quoi faire chez eux, cela veut dire que dans un an,
un an et demi, deux ans, ce même gouvernement va dire, à un moment
donné, aux producteurs laitiers du Québec: C'est bien
regrettable, mais vous êtes trop nombreux et là vous allez vous
diversifier et vous allez vous en aller dans d'autres sortes de productions. Si
on s'ingère de cette façon, on va s'ingérer d'autres
façons.
Si on a les mêmes garanties, c'est-à-dire si cela se fait
encore sur le dos de l'agriculteur, je pense qu'on va être bien loin
d'encourager les agriculteurs au Québec, d'inciter la relève
agricole, d'inciter nos jeunes à poursuivre dans le domaine agricole. Au
contraire, on va les décourager, parce qu'on fera toujours porter sur
leur dos le fardeau de toutes les améliorations que l'on va faire au
Québec.
En terminant, M. le Président, je pense qu'il est un autre
domaine où j'aurais aimé entendre parler le ministre de
l'Agriculture. Il me semble que, parallèlement à cette loi, on
aurait pu non seulement déposer des politiques incitatives avec un
budget, mais on aurait pu, peut-être, en profiter pour faire une certaine
unanimité concernant l'environnement. Non seulement les agriculteurs
sont aux prises avec des tracasseries administratives et avec toutes sortes
d'embêtements, comme on vient de vous en souligner, mais un autre point
qui fait excessivement mal à l'agriculture au Québec
présentement, au moment où je vous parle, c'est l'environnement.
Cela fait des mois qu'on est censé avoir entre le ministre de
l'Agriculture et le ministre de l'Environnement des ententes possibles pour
qu'on arrête d'importuner des citoyens. On attend toujours après
des réponses. Cela serait une autre mesure qu'on pourrait apporter
à l'intérieur d'un autre projet de loi évidemment,
pas dans cette loi parallèle à celui-là pour
permettre aux agriculteurs d'avoir la sainte paix
chez eux, dans leur milieu et d'être capables de poursuivre leurs
activités agricoles sans excusez l'expression, mais cela se
prête bien puisqu'on parle de l'agriculture être
emmerdés par tout le monde, par ceux qui désirent bien les
emmerder.
Il faudrait, à un moment donné, laisser la paix à
ces gens-là, leur permettre de produire comme ils doivent produire, les
inciter à le faire, leur donner des moyens de subventions qui vont leur
permettre d'être encouragés à le faire, mais par contre
aussi leur laisser la sainte paix et ne pas s'ingérer dans leur domaine
bien précis comme on le fait avec la loi 90.
M. le Président, le ministre aura évidemment un droit de
réplique à la fin de la deuxième lecture. Il se peut que
les interventions peut-être pas la mienne d'autres membres
de l'Opposition... Il y a eu des suggestions pratiques de faites par le
député de Montmagny-L'Islet. Il y a eu des bonnes suggestions
pratiques de faites par le député de Huntingdon. Il y aura
sûrement d'autres membres en cette Chambre, et même probablement
des députés du côté ministériel, qui vont
prendre la parole et qui vont possiblement apporter un ou deux
éléments nouveaux à l'intérieur du même
projet de loi qui pourraient permettre de le bonifier. Le ministre, dans sa
réplique de deuxième lecture, pourra peut-être nous dire
qu'il pourrait apporter certains correctifs ou certaines lois parallèles
en s'engageant avec un budget bien précis pour ne pas faire payer par
l'agriculteur cette loi de zonage agricole.
Je ne vous dis pas que je voterai pour ou contre en deuxième
lecture, M. le Président; ce n'est pas cela que je vous dis. Je vous ai
indiqué des lacunes. Si le gouvernement a de la bonne volonté, si
le gouvernement veut à tout prix apporter les correctifs
nécessaires pour que l'agriculteur ne soit pas pénalisé,
il y aura possibilité, n'importe quand, de réviser ma
décision. Je n'engage personne d'autre. Cette décision sera la
mienne. Si le ministre n'apporte pas les correctifs qu'on lui demande et qui
sont sensés, c'est le ministre, c'est le gouvernement qui forcera
l'Opposition et des députés bien-pensants dans le milieu agricole
à voter contre la loi. C'est vous qui l'aurez voulu.
Le Président: Merci, M. le député de
Maskinongé.
M. Rancourt: M. le Président, je demande... Le
Président: M. le député de Saint-François.
M. Rancourt: ... l'ajournement des débats. Le
Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Fontaine: M. le Président, habituellement on fait la
rotation.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska, je suis parfaitement d'accord pour dire que, normalement, on
fait la rotation, sauf que j'ai observé durant quelques secondes et je
n'avais personne à reconnaître. Mais je suis sûr que M. le
député de Saint-François donnera son consentement pour que
je vous reconnaisse.
M. Rancourt: Consentement, M. le Président. M.
Fontaine: D'accord.
Le Président: En effet, vous voyez. Alors, M. le
député de Nicolet-Yamaska, vous êtes reconnu comme ayant
demandé l'ajournement du débat.
M. Fontaine: M. le Président, je voudrais simplement
ajouter que je ne pouvais pas parler de mon siège parce qu'il y avait
quelqu'un à ma place. (22 heures)
Mini-débat relatif à la disposition
d'objets du patrimoine
Le Président: Puisqu'il est maintenant 22 heures, nous
allons procéder aux mini-débats qui ont été
demandés par divers membres de l'Assemblée nationale, divers
membres de l'Opposition. Le premier débat, comme je l'avais
indiqué cet après-midi, a été accordé de
consentement par M. le ministre de la Justice, et, comme c'est de consentement,
je n'ai pas le texte mais je crois qu'il porte sur la disparition d'objets de
valeur du patrimoine. Ce débat a été demandé par M.
le député de Nicolet-Yamaska à qui je voudrais rappeler,
en même temps qu'à tous les intervenants dans ce
mini-débat, qu'ils n'ont à leur disposition que cinq minutes,
qu'il n'y a pas de question de règlement ni de question de
privilège, sauf celles qui sont soulevées proprio motu par la
présidence.
M. le député de Nicolet-Yamaska, vous pouvez entamer vos
cinq minutes.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Après que le
ministre de la Justice m'eut demandé à deux reprises de retarder
ce minidébat en vue d'avoir la présence du ministre des Affaires
culturelles et c'est lui qui insistait pour être présent
je dois déplorer ce soir le fait que le ministre des Affaires
culturelles ne soit pas présent devant cette Assemblée, alors
qu'il savait pertinemment que ce débat devait se tenir.
Je voudrais vous donner quelques exemples de disparition d'objets de
valeur du patrimoine québécois. Tout d'abord, on nous a
parlé de la cloche de la Nouvelle-France et d'un bronze d'Alfred
Laliberté qui étaient à la Maison du Québec
à Expo 67, qui sont disparus; quatre courtepointes de la fin de XIXe
siècle qui auraient été volées à la Place
des arts lors d'une exposition; deux assiettes d'art contemporain
évaluées à $10 000 disparues du salon du premier ministre
attenant au restaurant Le parlementaire, à l'Assemblée nationale,
et ce quelques jours avant les élections de 1976; un canot appartenant
au Musée du Québec et plusieurs meubles
québécois
anciens disparus de la Maison du Québec également et, plus
précisément, l'objet du présent débat, les
boiseries de la maison Estèbe.
M. le Président, je voudrais vous rappeler ici que le ministre de
la Justice, en répondant à une de mes questions, avait dit et je
cite: "Cette enquête une enquête sur la maison Estèbe
révèle qu'une partie des boiseries a été
endommagée au cours des années 1962 et 1963 par l'eau et la glace
lorsqu'elles furent entreposées dans le sous-sol de la maison
Estèbe, soit au 92 de la rue Saint-Pierre à Québec. Une
autre partie des boiseries a été détruite par le feu en
1964 lorsqu'il y a eu incendie à l'entrepôt du ministère
des Travaux publics à Duberger où elles avaient été
déménagées, lorsqu'on constata qu'elles se
détérioraient dans le sous-sol de la maison Estèbe".
Or, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le ministre des
Affaires culturelles le 9 juin 1978, et c'est rapporté dans le
journal des Débats de l'Assemblée nationale M. Vaugeois,
disait ceci: "Vous avez parlé de la maison Estèbe, par exemple.
C'est un cas quasi scandaleux. Si je ne me retenais, d'ailleurs, je demanderais
une enquête je me demande pourquoi il se retient je me
demande s'il n'y en a pas une qui s'est faite par les services dans le cas de
la maison Estèbe. Non seulement elle est à l'abandon mais elle a
été pillée et 80% des boiseries intérieures qui
étaient extraordinaires sont disparues. Elles avaient été
enlevées pour faire la restauration et elles ont été
entreposées dans la maison. On s'est fait voler ces pièces, a dit
le ministre des Affaires culturelles.
M. le Président, ce que je demande au ministre de la Justice, ce
soir, c'est de nous dire qui a raison. Est-ce lui ou si c'est le ministre des
Affaires culturelles? Je demande également, dans ces circonstances, au
ministre de la Justice, à la suite des différentes enquêtes
qui ont déjà eu cours ou qui ont été
terminées prématurément, s'il est d'accord pour que soit
instituée une enquête publique sur ce sujet ou soit
convoquée d'urgence une commission parlementaire des affaires
culturelles, de concert avec le ministre des Affaires culturelles.
J'espère que ce soir, au moins, le ministre de la Justice est en mesure,
à la place du ministre des Affaires culturelles qui est absent, de nous
confirmer ce que, d'ailleurs, le ministre des Affaires culturelles a
déjà confirmé devant les journalistes, à savoir que
le gouvernement accepte de convoquer cette commission parlementaire.
Devant cette commission parlementaire, H serait facile et important de
faire témoigner des personnes comme M. Jean Octeau, ex-directeur du
Pavillon du Québec à Terre des hommes, M. André
Robitaille, architecte des travaux de restauration de la maison Estèbe,
M. Sylvio Dumas, ex-secrétaire de la Commission des monuments
historiques, et M. Jacques Le Barbenchon de la Direction du patrimoine des
affaires culturelles. Plusieurs autres personnes, M. le Président, nous
ont souligné le fait qu'elles étaient intéressées
à témoigner devant cette commission parlementaire. Je pense que
le ministre de la Justice, ce soir, devrait nous confirmer le fait que le
gouvernement est prêt à convoquer cette commission parlementaire
pour qu'après plusieurs années, la lumière soit faite sur
ces mystérieuses disparitions. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska, je note avec satisfaction que vous avez respecté le
temps qui vous était alloué. M. le ministre de la Justice, cinq
minutes pour répondre.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, tout d'abord, le
député de Nicolet-Yamaska a déploré l'absence du
ministre des Affaires culturelles pour le mini-débat de ce soir. Il sait
très bien que le ministre des Affaires culturelles participe
présentement à un colloque sur la Place royale et que le
présent minidébat est fait en fonction de certaines questions que
le député de Nicolet-Yamaska posait au ministre de la Justice et
non pas au ministre des Affaires culturelles. Je suis convaincu que lorsque le
député de Nicolet-Yamaska décidera d'adresser d'autres
questions au ministre des Affaires culturelles, il se fera un grand plaisir de
lui répondre le plus valablement possible.
Je comprends, M. le Président, l'intérêt du
député de Nicolet-Yamaska concernant des biens et des oeuvres
d'art de grande valeur qui appartiennent au patrimoine québécois.
Comme je l'ai dit il y a quelques jours, une demande d'enquête a
été faite à la Sûreté du Québec au
début de 1978 concernant la disparition d'une partie importante des
boiseries à la maison Estèbe. Cette disparition aurait eu lieu
entre les années 1962 et 1973. J'ai dit et je redis au
député de Nicolet-Yamaska qu'il y a des faits pendant cette
période qui nous permettent d'affirmer que des dommages auraient
été occasionnés à ces boiseries, qui auraient
été causés par l'eau ou le feu, et qu'il y a eu
également plusieurs déménagements.
Cependant, je puis ajouter ce soir que certains documents font
référence au fait qu'une grande partie des boiseries auraient
été entreposées dans les locaux du ministère des
Travaux publics entre l'automne 1967 et le printemps 1968. Malgré que
plusieurs personnes semblent croire qu'une partie importante des boiseries ont
été volées, je dois dire que l'enquête n'a pu
établir, jusqu'à maintenant, les circonstances précises de
temps et de lieu de ces disparitions, ni la quantité des objets
disparus, il a été impossible d'établir clairement, selon
les règles de la preuve, s'il s'agit de vol, de négligence ou
d'erreur, pour la simple raison qu'il n'y avait pas, à cette
époque, d'inventaire rigoureux concernant les oeuvres d'art appartenant
au patrimoine québécois. Il n'y avait pas d'inventaire rigoureux
qui existait au ministère des Affaires culturelles.
Si de nouveaux éléments venaient s'ajouter, vous pouvez
être assurés qu'ils seraient sérieusement pris en
considération par les enquêteurs. J'invite le député
de Nicolet-Yamaska, s'il a en main ces éléments, à nous
les faire connaître et nous serons très heureux de faire
enquêter sur
chacun des éléments qu'il croira important de soumettre
à notre attention. Quant à la disparition, d'une façon
plus globale, d'objets exposés à la Maison du Québec de
Terre des Hommes, après vérification, aucune enquête
policière n'a été effectuée par la
Sûreté du Québec ou par les services de la
Communauté urbaine de Montréal, étant donné
qu'aucune plainte n'a été portée. C'est ce qui explique
qu'aucune enquête n'ait été faite. Vous comprendrez qu'au
ministère de la Justice une enquête peut être entreprise
à partir du moment où une plainte bien spécifique est
déposée. (22 h 10)
Je termine, M. le Président, en disant au député de
Nicolet-Yamaska que le ministre des Affaires culturelles, qui participe
actuellement à un colloque sur la Place Royale, a déjà
laissé entendre et il me l'a confirmé aujourd'hui
qu'il avait l'intention de poser des gestes précis dans un avenir
rapproché qui permettraient de se pencher, justement, sur l'ensemble du
problème de la disparition d'oeuvres d'art appartenant au patrimoine
québécois. Je vous remercie. M. le Président.
Mini-débat relatif à une subvention
à la ville de Laval
Le Président: Merci, M. le ministre de la Justice. Je note
que les deux opinants ont respecté rigoureusement notre règlement
et qu'ils sont intervenus avec beaucoup de sérénité.
Maintenant, nous allons procéder au deuxième minidébat qui
porte sur la décision unilatérale du gouvernement actuel de
mettre fin au paiement à la ville de Laval d'une subvention de l'ordre
de $45 millions accordée en 1975 par le gouvernement
précédent. M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle
et député de Laval, ce n'est pas à vous que je vais
rappeler le règlement des cinq minutes.
M. Jean-Noël Lavoie
M. Lavoie: Merci, M. le Président, je vais tenter de
suivre le bon exemple qui m'a été offert par les opinants
précédents. $45 millions pendant cinq minutes, cela fait $9
millions la minute! J'essaierai de ne pas perdre mon temps.
Je voudrais, en compagnie du ministre des Affaires municipales, faire
l'historique de cette subvention de $45 millions qui a été
accordée par le gouvernement précédent à la ville
de Laval en 1975. Laval est née en août 1965 à la suite de
la fusion de quatorze municipalités sur l'île Jésus; une
région qui avait une population de 31 000 habitants en 1951, de 180 000
lors de la fusion en 1965 et aujourd'hui de 260 000 habitants. Après
Montréal, c'est la ville la plus populeuse après la
métropole du Canada en ce qui concerne les villes du Québec. Elle
regroupe aujourd'hui trois comtés aujourd'hui et, suivant le projet de
la refonte de la carte électorale, elle pourrait fort bien compter cinq
comtés aux prochaines élections. Elle a une évaluation
municipale de près de $3 milliards, pour vous montrer l'importance de la
question.
En vertu de la charte constitutive de la ville de Laval, en 1965,
c'était une demande des quatorze municipalités que chacune des
anciennes municipalités demeure responsable de ses propres dettes, ce
qui était normal. Lors des demandes que nous avons faites au
gouvernement précédent, en 1974, il existait deux dettes: une de
$21 500 000 pour des taxes ex-ville et une autre de $6 500 000 pour des
déficits ex-ville pour un total de $28 millions. Relativement à
l'engagement du ministre des Finances de l'époque, si on ajoute les
intérêts sur une période d'amortissement de 25 ans, cette
subvention était de l'ordre de $45 millions à $50 millions.
Pendant dix ans, les contribuables lavai-lois ont dû payer des taxes
spéciales qui s'appliquaient sur le territoire de chacune des quatorze
anciennes municipalités pour respecter cet engagement que chacune des
anciennes villes devait respecter ses propres dettes. Cela représentait
28 taxes spéciales qui variaient, dans certains cas, de $0.11 à
$0.35 des $100 d'évaluation et, dans l'autre cas, de $0.01 à
$0.25 des $100 d'évaluation suivant l'ancien territoire des
municipalités.
Durant l'année 1974, avec les autorités municipales de
Laval, je me suis permis d'intercéder auprès du ministre des
Finances pour fermer le dossier de la fusion de Laval, pour faire
disparaître ces disparités fiscales, ces inégalités
fiscales qui étaient une nuisance au développement parce que,
dans certains secteurs, les gens ne voulaient pas faire de développement
parce que les taxes étaient plus chères. Le ministre des Finances
du temps a accepté, au mois de décembre 1974, un premier
engagement de $4 500 000 qui représentait le remboursement annuel. Lors
du discours du budget du 17 avril 1975, le ministre des Finances, le
député de Jean-Talon, s'engageait, dans son discours du budget,
à voir à ce que le gouvernement du Québec s'occupe de la
disparition complète de la dette des taxes ex-ville jusqu'à leur
extinction. Effectivement, un premier versement est payé le 1er juillet
1975 et un deuxième versement est payé par le ministre actuel des
Affaires municipales au mois de mai 1977, à même le budget de
1976/77 parce que c'est un arrêté en conseil du 31 mars 1977 et on
voulait vider les tiroirs des budgets votés. Le plus bizarre est que
dans le budget 1977/78 du gouvernement actuel cette subvention paraît et
les sommes d'argent sont votées par l'Assemblée nationale; mais
sur le budget 1977/78, pas un cent n'est payé.
Le 26 octobre dernier, le ministre des Affaires municipales envoie une
belle lettre à Laval disant: On met fin à l'engagement; on vous
paye un dernier versement mais sous forme de deux annuités de $2 250
000; une cette année et une l'année prochaine, et c'est fini.
Cela fait un trou dans les budgets de Laval de $9 millions actuellement, si on
considère les budgets de 1975 à 1979; au lieu de recevoir $22 500
000, ils reçoivent $13 500 000; ce qui représentera, le 1er
janvier prochain, une augmentation de $0.35 les $100 d'évaluation.
La ville de Laval est obligée de changer tous ses états
financiers parce qu'elle doit prochainement lancer une émission
d'obligations de $15 millions, plus les $30 millions, dans l'avenir, que le
gouvernement refuse de fournir par cet engagement-là; $9 millions, un
trou actuellement, et $30 millions dans l'avenir. Quelles sont les vraies
raisons? Le ministre, dans sa lettre du 28 octobre, dit: La subvention est trop
généreuse; les gens de Laval ont une bonne administration; la
fusion a été une bonne affaire; la situation financière
est saine et on met fin à ces subventions.
Vous dites dans votre lettre qu'on ne peut pas identifier les dettes
ex-ville. J'ai ici une copie de tous les tableaux d'amortissement avec tous les
numéros de règlements, document qui est en possession du ministre
des Finances. C'est facilement identifiable dans les documents de la
municipalité.
Ne me parlez pas de la lettre du 7 mars du ministre des Finances qui
dit: Vous n'aurez plus de subventions sur les déficits du transport en
commun. Il ne s'agissait pas des vieux déficits de 1972, 1973 et 1974
parce que la lettre du député de Jean-Talon est du 7 mars alors
que la politique générale du transport en commun du
député de Charlevoix, ex-ministre des Transports, est de
décembre 1975. Cela veut dire que la lettre du 7 mars du
député de Jean-Talon...
Le Président: M. le député de Laval.
M. Lavoie: C'est complexe. J'ai demandé de réunir
la commission des affaires municipales pour qu'on puisse dialoguer, pour qu'on
puisse ouvrir le dossier parce que le dossier est clair. Vous ne voulez pas de
cette commission parlementaire mais elle va avoir lieu dans Laval avec ses 260
000 habitants. Je vous demande de respecter cet engagement. C'est clair et net.
Vous devrez répondre à la...
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Guy Tardif
M. Tardif: M. le Président, j'espère qu'on me
donnera une minute de plus comme on l'a fait pour le député de
Laval.
Avant de commencer le compte à rebours, j'aimerais
préciser que ce dossier est complexe puisqu'il y a des pièces au
ministère des Transports, au ministère des Finances, au Conseil
du trésor, au ministère des Affaires municipales.
M. le Président, la question du député de Laval, je
la comprends; il a fait un historique, c'est normal, il a été
actif dans le dossier de la fusion il y a une dizaine d'années. Et c'est
normal n'était peut-être pas tellement renseigné des
décisions qui étaient prises au Conseil du trésor et au
Conseil des ministres parce que ses fonctions de président de
l'Assemblée nationale l'empêchaient de siéger dans ces
enceintes qu'il n'ait pas été tellement au courant des
décisions qui ont été prises.
Cependant, la vérité a ses droits, à moins que le
député de Jean-Talon, ex-ministre des Finances, et que le
député de Charlevoix, ex-ministre des Transports, veuillent
renier leur signature, ce qu'ils peuvent toujours faire. Mais ce qu'ils ne
peuvent pas faire, c'est de renier les pièces ou les documents publics,
les comptes publics qui attestent des entrées et des sorties de fonds
publics.
Or, M. le Président, je pense qu'il leur appartient de
rétablir la vérité et surtout de renseigner le
député de Laval sur ce qui a été dit, sur ce qui a
été pris comme décisions dans ces dossiers, à moins
que la vérité n'intéresse pas le député de
Laval qui est plus intéressé à faire de la
démagogie dans ce dossier qui est fort complexe ainsi qu'il l'a
souligné. (22 h 20)
Je dis que le député de Laval fait de la démagogie,
M. le Président, quand il veut se poser en défenseur de la ville
de Laval et faire paraître l'actuel gouvernement comme celui qui fait la
vie dure à cette municipalité, alors que c'est tout le contraire
qui s'est produit. C'est l'Opposition qui a coupé les vivres à la
ville de Laval et c'est l'actuel gouvernement qui est venu en aide à
cette municipalité. J'en veux trois preuves. La lettre du ministre des
Finances du temps, M. Garneau, le 7 mars 1975, qui dit au maire Paiement: "Si
ma mémoire est fidèle, à la suite des rencontres que nous
avons eues avec le ministre des Affaires municipales, il avait
été décidé d'accorder une subvention de $4 500 000
pour les taxes ex-ville pour l'année 1975 et que ville de Laval pouvait
dans ces circonstances prendre la responsabilité financière du
déficit prévu à la Commission de transport de Laval".
Première pièce. À moins que le député de
Jean-Talon veuille renier sa signature évidemment, on pourra mettre cela
en doute.
Deuxième pièce, politique d'aide du gouvernement au
transport urbain du député de Charlevoix, ex-ministre des
Transports qui dit ceci, en décembre 1975: "La Commission de transport
de Laval ne bénéficiera des subventions aux déficits que
lorsque le programme spécial à ville de Laval, administré
par le ministère des Affaires municipales aura pris fin. On sait que
cette municipalité touche directement chaque année un montant
forfaitaire en paiement des déficits des anciennes municipalités
formant aujourd'hui la ville de Laval". Deuxième pièce au dossier
qui est difficile à renier. Évidemment, ce qui est encore plus
difficile, c'est de concilier les chiffres. En 1974, l'ancien gouvernement a
émis, pour les fins du transport en commun à Laval, un
chèque de $2 500 000 au titre du transport en commun. En juillet 1975,
à la suite de l'annonce d'un paiement forfaitaire de $4 500 000 pour les
taxes ex-ville, on émettait un chèque de $4 500 000, mais on ne
donnait pas un rond pour le transport en commun, pour bien montrer comment
c'était lié, tout cela.
En 1976, l'ancien gouvernement a donné, pour les fins de
transport en commun, $2 millions mais pas un rond au chapitre du montant
forfaitaire de $4 500 000. C'est l'actuel gouvernement qui a versé
l'argent au mois de mai 1977. En 1976, sous l'ancien gouvernement, il n'y a pas
eu...
M. Garneau: C'est mentir, dire cela! C'est sur notre budget
à nous.
M. Tardif: ... un cent de donné à la ville de
Laval. M. l'ancien Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Tardif: M. le Président, nous sommes d'accord pour
venir en aide à la ville de Laval. Le fait est que nous l'avons fait,
alors que l'ancien gouvernement avait coupé les subventions à la
ville de Laval. Lorsqu'on vient nous dire que la ville devra augmenter ses
taxes, je m'excuse, c'est absolument faux. Nous avons étalé la
subvention de $4 500 000 en deux subventions de $2 250 000 sur deux ans. Il ne
sera pas nécessaire à ville de Laval d'augmenter ses taxes. Ce
trou de $9 millions n'existe que dans l'imagination du député de
Laval et les prospectus et les ventes d'obligations de Laval peuvent
très bien s'effectuer puisque cette ville possède une situation
financière fort convenable. La seule raison pour laquelle les
subventions ont effectivement été versées jusqu'à
maintenant c'est que, précisément, les pièces
étaient éparpillées dans trois ministères. La
situation est claire et nette. Nous allons aider la ville de Laval
jusqu'à ce que la réforme de la fiscalité soit venue se
substituer à ces méthodes ad hoc, ponctuelles, qu'avait l'ancien
gouvernement de donner des subventions dites d'équilibre
budgétaire.
Mini-débat relatif aux fabricants de
chocolat
Le Président: Nous allons maintenant procéder au
troisième mini-débat qui porte celui-là sur l'existence
d'un cartel des fabricants de chocolat et des grandes chaînes de
distribution pan-canadiennes en vue de saboter le boycotage des produits
Cadbury.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la
parole.
M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, ma question est assez simple
et fait suite à la déclaration du ministre faite hier. Hier, il
disait, par rapport au boycottage de Cadbury, et je cite: II existe un cartel
des fabricants de chocolat. "Il y a eu très peu de publicité de
la part des autres fabricants depuis quelque temps et une publicité
axée sur les produits Cadbury. Ceci n'est pas un accident; ceci
relève d'une opération du cartel du chocolat au Canada".
M. le Président, si cette allégation est vraie, c'est une
allégation très sérieuse. Les compagnies de chocolat sont
des compagnies canadiennes, après tout, et il y a une chose sur laquelle
le gouvernement et l'Opposition sont entièrement d'accord, c'est que,
peu importe l'avenir politique du Québec, nous voulons rester à
l'intérieur d'une association économique canadienne avec le libre
mouvement des biens et services, du capital et des personnes. À
l'intérieur de cette association canadienne, nous avons actuellement une
loi qui s'appelle la Loi sur les coalitions dont je cite une partie très
pertinente: "C'est un acte criminel et passible d'un emprisonnement de cinq ans
ou d'une amende d'un million de dollars d'empêcher ou de diminuer
indûment la concurrence dans la production, la fabrication, la vente ou
la fourniture d'un produit ou de restreindre ou compromettre indûment de
quelque autre façon la concurrence".
Alors, si l'allégation est vraie, il y a des implications
très importantes pour ces compagnies canadiennes. Premièrement,
c'est bien possible qu'il puisse y avoir une enquête judiciaire de la
part du fédéral à cause de cette déclaration,
même si elle a été faite en cette Assemblée.
Deuxièmement, même si l'enquête n'arrive pas, il est clair
que, à cause de cette allégation, les compagnies vont subir un
tort important quant à leur réputation. De plus, deux de ces
compagnies sont très bien implantées au Québec. La
première dont j'ai parlé cet après-midi, c'est Lowney qui
est un des plus importants manufacturiers à Sherbrooke, ma ville natale.
La deuxième et ceci est très important parce que, cet
après-midi, le ministre disait: II n'y a aucune compagnie de chocolat
qui a son siège social au Québec. C'est une déclaration
absolument fausse, M. le Président.
M. le Président, il y a une compagnie de chocolat très
importante qui s'appelle Cadbury, je pense que son siège social est
à ville Saint-Laurent, et qui emploie 200 Québécois. Ce
siège social n'est pas impliqué dans le
déménagement de l'usine à l'heure actuelle. Cadbury a
déclaré qu'elle a l'intention de maintenir ce centre de
décision canadien au Québec, et plus précisément
à Montréal.
Alors, je demande à basse voix au ministre, dans sa
réplique, de faire deux choses. Premièrement, je lui demande
d'admettre qu'il faisait erreur cet après-midi, d'admettre que le
siège social de Cadbury est à Montréal, que cette
compagnie a 200 employés ici, que ce n'est pas impliqué dans les
décisions de Cadbury de déménager une de ses usines, et
que cette compagnie a l'intention de rester ici pour autant que le climat soit
favorable.
Deuxièmement, je demande au ministre de faire une ou deux choses.
Si les constatations d'un cartel ne sont pas fondées, je lui demande de
les retirer pour que ces allégations ne jouent pas d'une façon
injuste contre les quatre ou cinq compagnies canadiennes qui font toutes des
affaires au Québec. Si elles sont vraiment fondées, je lui
demande d'avoir le courage ce soir de nommer les compagnies qui sont
impliquées dans ce cartel, et de nous donner cette assurance en nous
fournissant toutes preuves et toute documentation qu'il a sur elles, et qui
sont la base de cette allégation, au gouvernement central pour qu'il
puisse faire une enquête sur quelque chose qui est non seulement
répréhensible contre le peuple du Québec et du Canada mais
qui est aussi illégal.
Alors, je demande au ministre, dans sa réplique, je l'implore de
tirer ces deux questions au
clair et j'aimerais avoir aussi deux réponses claires.
Le Président: Merci, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, cinq
minutes.
M. Rodrigue Tremblay
M. Tremblay: M. le Président, je me prête bien
volontiers à la question du député de
Notre-Dame-de-Grâce. Évidemment, je m'interroge quand même
sur l'intention de monter en épingle toute cette question concernant
l'existence d'un cartel dans un secteur économique. La raison pour
laquelle le député de Notre-Dame-de-Grâce soulève la
question, c'est qu'en réponse à une question du
député de Rosemont, j'avais indiqué deux des causes pour
lesquelles, selon le rapport de mes experts, la campagne de boycottage qu'un
groupe de citoyens avait entreprise concernant les produits Cadbury n'a pas
donné les résultats escomptés. (22 h 30)
J'ai déposé ce midi le rapport de ce comité
d'experts, présidé par un sous-ministre, et ce comité,
à la page 19, me faisait le rapport qu'il avait étudié les
questions relatives à la distribution des produits de l'entreprise,
etc., de sorte que le ministre est renseigné par ces experts sur cette
question. Maintenant, concernant la question de cartel comme tel, je pense que
les choses sont beaucoup moins dramatiques que voudrait le faire croire le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
S'il regarde le Petit Robert, page 233, pour l'année 1976, il
lira que la définition d'un cartel est la suivante: Concentration
horizontale qui réunit des entreprises de même nature dans le but
d'acquérir un monopole. Et s'il regarde dans le Petit Larousse
illustré de 1976, page 172, afin d'avoir peut-être une
définition un peu plus complète en termes économiques, il
verra la définition suivante: Entente entre producteurs d'une même
branche d'industrie conservant chacun leur autonomie financière
en vue de la défense des prix par la limitation de la production
et de la concurrence. M. le Président, habituellement, en termes
économiques, les secteurs où il n'y a que trois, quatre ou cinq
producteurs ne sont pas ce que l'on considère des secteurs
concurrentiels comme on l'entend dans la définition normale de la
concurrence.
Il est normal qu'il existe dans un club restreint de producteurs une
certaine solidarité face à l'évolution des marchés
et face à toute autre situation qui peut se produire. Or, dans le
domaine des tablettes de chocolat, nous nous trouvons au Canada avec quatre
principaux fabricants qui sont les compagnies Neilson, Rowntree, Cadbury,
Lowney; il y a deux autres petits producteurs, Mars et Hershey, mais les quatre
principaux sont ceux que j'ai nommés. Premièrement, M. le
Président, je dois dire que le député de
Notre-Dame-de-Grâce, lorsqu'il a dit que c'étaient des compagnies
canadiennes, peut-être n'avait-il pas toute l'information; ce sont toutes
des filiales de multinationales internationales, peut-être à
l'exception d'une qui est une multinationale canadienne.
Par exemple, dans le cas de Rowntree, c'est une filiale de Rowntree
Mackintosh Ltd., de Londres. Dans le cas de Neilson, c'est une filiale de
George Weston, le grand conglomérat. Dans le cas de Cadbury,
évidemment, Schweppes est une filiale de Cadbury London Limited. Dans le
cas de Lowney, c'est une filiale de Standard Brands Limited, des
États-Unis, et dans le cas de Laura Secord, c'est une filiale de Labatt.
Dans tous les cas, M. le Président, il s'agit donc de compagnies
filiales de multinationales. Donc, face, présentement, à un
effondrement du marché, il est normal que les entreprises dans ce
secteur aient une solidarité et ne laissent pas jouer le principe de la
concurrence qui, normalement, jouerait.
Or, une de ces entreprises, la compagnie Cadbury, a été
soumise à une pression venant des consommateurs et c'est le droit des
consommateurs d'être solidaires de travailleurs dans un système de
liberté comme le nôtre. Ce à quoi nous nous serions
attendus dans une situation de concurrence ne s'est pas produit,
c'est-à-dire que les trois autres fabricants n'ont pas essayé de
prendre la partie du marché qui était perdue par l'autre
concurrent. Il y avait une solidarité. C'est tout ce que j'ai voulu
dire. Ce sont les faits. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux
à mardi prochain, 14 heures.
Fin de la séance à 22 h 35