Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures sept minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents. M. le ministre des Finances.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport sur l'évaluation des actions de
l'Asbestos Corporation
M. Parizeau: M. le Président, permettez-moi de
déposer le rapport de la Société Kidder, Peabody au sujet
de l'évaluation des actions de l'Asbestos Corporation. J'ai fait
enlever, cependant, la section comportant la liste des actionnaires
minoritaires qui, si nous l'avions laissée dans ce document, aurait
contrevenu à l'article 21 de la Loi sur la corporation commerciale
canadienne.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
d'Etat au développement économique.
Deux documents de l'OPDQ
M. Landry: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer deux documents, le premier étant intitulé Les
sièges sociaux et l'emploi au Québec et le second étant
intitulé La rémunération des cadres, une application aux
sièges sociaux.
Le Président: Documents déposés. M. le
ministre des Terres et Forêts.
Rapport du ministère des Terres et
Forêts
M. Bérubé: M. le Président, qu'il me soit
permis de déposer le rapport annuel du ministère des Terres et
Forêts pour l'année 1977-1978. (10 h 10)
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article f) du
feuilleton, M. le Président.
Projet de loi no 31 Première lecture
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales propose
la première lecture du projet de loi no 31 Loi sur la
sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris
bénéficiaires de la Convention de la baie James.
M. le ministre des Affaires sociales.
M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, je pense qu'il s'agit d'un
projet de loi qui ne suscitera aucune contestation, qui n'amènera
probablement pas de demande de tenue d'une commission parlementaire. C'est un
projet de loi qui est déposé ce matin dans des circonstances
heureuses puisque, comme vous le savez, le gouvernement est en discussion
d'amitié avec les Indiens du Québec.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: Ce projet de loi, M. le Président, a pour objet
de mettre en application le chapitre 30 de la Convention de la baie James et du
Nord québécois signée le 11 novembre 1975 et entrée
en vigueur dans son entier le 11 octobre 1977. Le projet de loi crée un
programme de sécurité du revenu fournissant aux piégeurs
et chasseurs cris, une garantie de revenu et d'autres mesures d'incitation
à se consacrer aux activités d'exploitation comme mode de vie.
Des prestations seront versées à des unités de
bénéficiaires qui seront admissibles dépendamment entre
autre condition du temp passé à chasser, pêcher et
piéger de façon traditionnelle et à exercer des
activités accessoires. Le projet de loi crée aussi un organisme
appelé Office de la sécurité du revenu des chasseurs, des
pêcheurs et des piégeurs cris.
L'office finalement se composera de six membres dont trois seront
nommés et rémunérés par le gouvernement, et trois
autres seront nommés et rémunérés par
l'administration régionale crie. Le président et le
vice-président seront désignés alternativement par le
gouvernement et l'administration régionale crie. Cet organisme sera
chargé de la gestion du programme de sécurité du revenu
des chasseurs et des piégeurs cris.
Le Président: Merci. Est-ce que cette motion de
première lecture sera adoptée?
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Article m) du feuilleton, M. le Président.
Projet de loi no 124 Première lecture
Le Président: Mme le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières
propose la première lecture du projet de loi no 124 Loi
concernant l'acquisition d'actions de certaines sociétés de
prêts hypothécaires. Mme le ministre.
Mme Lise Payette
Mme Payette: M. le Président, le présent projet de
loi a pour but, dans la mesure qui y est prévue, de soumettre à
l'autorisation du ministre des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières l'acquisition d'actions de certaines
sociétés de prêts hypothécaires.
Le présent projet de loi prévoit une autorisation analogue
pour de telles sociétés, lorsqu'elles entendent disposer de
créances hypothécaires en dehors du cours normal de leurs
affaires. Le présent projet de loi affecte, à compter du 6
décembre 1978, les opérations qui y sont visées.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
Une Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
M. Charron: M. le Président, je crois qu'il serait, mais
très brièvement, opportun de signaler ce sur quoi les leaders
parlementaires des différents partis se sont entendus, hier, concernant
le projet de loi qui vient à l'instant d'être
déposé. Au cours de la matinée, maintenant qu'il sera
officiellement remis dans quelques secondes aux partis d'Opposition, ceux-ci
prendront en considération le contenu du projet de loi et m'aviseront
s'il sera nécessaire pour moi de faire motion lundi prochain afin de
suspendre, selon l'article 84.2 de notre règlement, certaines
dispositions de notre règlement pour adopter ce projet de loi qui a pour
nous, et je pense pour bien des gens, un caractère d'urgence. Sinon,
s'il n'est pas litigieux à ce point et que nous pouvons fonctionner par
consentement unanime, la motion deviendra inutile. J'en avertis la Chambre,
c'est dans la journée de mardi que j'entends appeler ce projet de loi,
précédé d'une motion ou pas.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: Le chef parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): On comprendra que nous n'avons pas
pris connaissance du projet de loi. Il est évident que nous devrons le
lire et porter un jugement. C'est seulement à la suite de cela que nous
pourrons donner notre réaction au leader parlementaire du
gouvernement.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: M. le Président, tel que nous avons convenu
hier et c'est le député de Beauce-Sud, je pense, qui a eu
la note la plus juste sur ce projet de loi si cela concerne seulement un
cas spécifique, je pense que nous n aurons pas d'objection, mais, si
cela couvre tout ce qui s'appelle prêts hypotécaires ou d'autres
de corporations, là ce sera différent. Nous allons le lire
d'abord, et je répète ce qu'a dit hier le député de
Beauce-Sud à notre réunion, que, si c'est pour couvrir un cas
spécifique, nous n'aurons pas d'objection.
M. Charron: La réponse, M. le Président, les
députés, comme j'ai essayé hier de leur expliquer,
étant moi-même au courant du contenu du projet de loi, l'ont au
paragraphe d) de l'article 1.
Le Président: Présentation de projets de loi au nom
des députés.
M. Charron: M. le Président, je m'excuse, au nom du
gouvernement, je ne sais pas s'il serait opportun de solliciter à
nouveau le consentement pour que la Loi modifiant la Loi constituant la
Société nationale de l'amiante puisse être
déposée ce matin.
M. Bellemare: Je comprends, M. le Président, qu'hier il y
a eu certaines objections que j'ai pu voir à la tv à 20 heures.
Notre consentement pourrait être retardé à cet
après-midi. 15 heures.
M. Charron: La même chose pour les collègues? Il y a
consentement pour qu on le fasse plutôt à 15 heures cet
après-midi?
M. Levesque (Bonaventure): Nous ferons connaître notre
point de vue avant la fin de la séance.
M. Charron: Merci.
Le Président: Présentation de projets de loi au nom
des députés. Période de questions orales.
M. le chef parlementaire de l'Opposition officielle.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Expropriation des actifs de l'Asbestos
Corporation
M. Levesque (Bonaventure): Ma question s adresse à
I'honorable premier ministre. Le premier ministre étant retenu ailleurs,
hier soir, il est sans doute quand même au courant que le ministre des
Finances a fait une déclaration ministérielle, vers 20 heures,
relativement à des menaces d'expropriation d'Asbestos Corporation ou des
actifs ou d'une partie des actifs d'Asbestos Corporation. La déclaration
a surtout consisté en un historique des prétendues
négociations entre General Dynamics et le gouvernement du
Québec.
Cette société déclarait hier qu'elle n'avait pas eu
de proposition ferme du gouvernement du Québec et le ministre des
Finances a laissé entendre que le gouvernement déposerait ce
matin, en première lecture, des amendements à la Loi de la
Société nationale de l'amiante qui permettraient l'expropriation
par le gouvernement des actifs de l'Asbestos Corporation. Evidemment, on ne
connaît pas, avec tout cela, les intentions véritables du
gouvernement. Je demande donc au chef du gouvernement de faire connaître
à cette Assemblée les intentions véritables de son
gouvernement.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): II y a déjà bien des
mois qu'a été annoncée officiellement, et maintenue dans
bon nombre de réitérations, la ferme intention du gouvernement
d'entrer de plain-pied, au nom de la population québécoise, dans
un secteur où c'est le Québec qui est le premier producteur au
monde, mais où il n'a jamais eu de participation sauf celle qui consiste
à faire des trous et, dans l'ensemble, à expédier la fibre
à l'étranger.
Dans le but d'acquérir la part normale de propriété
qu'un peuple doit avoir sur ses ressources, surtout dans une situation
privilégiée de premier producteur au monde comme celle-là,
et aussi pour multiplier le plus vite possible les emplois de transformation
qui ont toujours manqué au Québec, dont on a toujours
privé le Québec, il était entendu, depuis des mois, que,
par voie d'acquisition négociée ou, au besoin, par voie
d'expropriation des actifs, la société Asbestos entrerait dans le
giron de l'économie québécoise contrôlée par
les Québécois. (10 h 20)
II n'y a pas eu de négociations, peut-être, au sens
où on discute de dollars et de cents directement, mais il y en a eu au
sens où, après des mois et des mois dévaluation, de part
et d'autre, le chiffre établi par les évaluateurs deux
maisons d'ailleurs américaines qui se faisaient face du
gouvernement du Québec s'établissait, en vue d'une acquisition,
autour de $40 ou un peu plus l'action. Les journaux ont dit très
clairement, répétant ce qui a déjà
été dit à quelques reprises ici en rapport d'étape,
que l'évaluation, à notre avis, délirante qui a
été faite, paraît-il, de l'autre côté, ne
permettait pas aux parties de se rapprocher pour des négociations qui
auraient été détaillées à une table.
Jusqu'à la dernière minute, General Dynamics, le principal
actionnaire, l'actionnaire majoritaire je pense que le ministre des
Finances a évoqué un échange de messages à ce point
de vue là avec un des dirigeants de General Dynamics, hier même
donc, jusqu'à la dernière minute, dis-je, General Dynamics
a refusé de considérer même les chiffres qui avaient
été établis de notre côté.
A partir de là, il n'y a qu'une chose à faire, c'est
signifier clairement que s'il le faut, et je le répète, s'il le
faut... Il n'est pas question de bulldozer le passage d'un projet de loi, mais
ce projet de loi existe avec consentement il pourrait être
déposé aujourd'hui, sinon au début de la semaine
pour signifier clairement que l'intention du gouvernement n'a pas
changé, que les objectifs demeurent les mêmes et que, si les
parties ne doivent pas s entendre en négociations, alors,
éventuellement, cela ira aux arbitrages qui doivent être
prévus.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Nous avons eu droit à un autre
rappel historique plus ou moins complet. Nous avons eu droit également
à une sorte d'approche philosophique du premier ministre sur cette
question. Mais la question que je posais était très simple:
Quelles sont les intentions véritables du gouvernement et pourquoi
apporter, à ce moment-ci, un tel projet de loi? Est-ce que c'est
simplement pour ajouter au dossier? Le premier ministre se rend-il compte qu'on
utilise le processus législatif simplement pour ajouter un autre
élément à cet étapisme qui a pour principale
conséquence de favoriser depuis le début une spéculation
injustifiable?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dirai
simplement au député de Bonaventure qu'il ne s'agit pas là
d'une approche philosophique, mais qui serait comme le laisse entendre
un peu le député de Bonaventure dans les nuages. Ce n est
pas une approche philosophique, c'est une approche très, très
concrète et québécoise surtout, parce qu'il faut que cela
se fasse. Vous savez quand la Saskatchewan qui est dans un contexte
analogue à celui du Québec a décidé qu'il
fallait, au nom des citoyens de la province de la Saskatchewan, entrer dans le
domaine de la potasse, qui est un domaine clef de leurs ressources, ils ont
présenté une loi. Cette loi s'est appliquée et,
aujourd'hui, la Saskatchewan profite, sur tous les plans qui lui étaient
inaccessibles auparavant, de cette production de richesses naturelles. La
même chose, quoi qu'il arrive, va arriver au Québec dans le
domaine de l'amiante et ce n'est pas un jeu. Si par hasard les opinions
changent de l'autre côté, on verra, mais si elles ne changent pas,
il y aura expropriation et le Québec entrera de plain-pied, comme
propriétaire et transformateur, dans le domaine de l'amiante.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, tout d'abord,
je ferai remarquer au premier ministre que ce genre d'approches explique les
titres qu'il y a ce matin dans le Devoir, on voit bien: Québec exproprie
la Société Asbestos. Dans la Gazette: Québec to buy mining
firm. Je demande au premier ministre, pourquoi il n'a pas encore
répondu à cette question très simple pourquoi une
déclaration ministérielle hier soir par le minis-
tre des Finances, à une heure qui n'était pas
prévue? Quand on connaît notre règlement, les
déclarations doivent avoir lieu à dix heures le matin. Est-ce
qu'on aurait des remords de dernière heure sur la spéculation,
alors que cela fait au-delà d'un an que le placotage gouvernemental fait
passer les actions de $20 à $50? Premièrement.
Deuxièmement, pourquoi annonce-t-on le dépôt en
première lecture d'un projet de l'expropriation, ce matin, alors que,
d'après les paroles du premier ministre et ce que nous avons compris de
la déclaration ministérielle d'hier soir, le gouvernement n'a pas
l'intention, au cours de la présente session, de voir à
l'adoption de ce projet de loi. Le leader parlementaire du gouvernement a
demandé à l'Opposition il y a quelques instants...
Une Voix: Question.
M. Levesque (Bonaventure): N'est-il pas vrai que le leader
parlementaire du gouvernement a demandé tout à l'heure le
consentement unanime pour éviter d'avoir à attendre à
lundi pour le dépôt en première lecture, ou l'utilisation
d'une règle de procédure? Pourquoi cela? Pourquoi est-ce que l'on
veut absolument déposer en première lecture un projet de loi
qu'on ne veut pas avoir adopter au cours de la présente session?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): La raison est très simple,
M. le Président. Pour ce qui est du projet de loi, pourvu que ce soit
avant l'ajournement de la session, il faut qu'il soit déposé pour
marquer la ferme intention, encore une fois, du Québec de
procéder par voie d'expropriation si c'est nécessaire.
Une Voix: Ou chantage.
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas du chantage. C'est
simplement de façon à réitérer l'intention du
gouvernement du Québec que si, de façon équitable, cela ne
peut pas se régler, cela se réglera par les voies normales de
l'expropriation. En tant que Québécois, je ne vois pas d'autres
façons de procéder.
Deuxièmement, pour ce qui est de la spéculation, c'est
évident que depuis des mois, puisqu'il fallait procéder
laborieusement, et là encore équitablement, à des
évaluations complètes, cela ne pouvait pas ne pas se savoir. Un
gouvernement ne peut pas faire des "take-over" comme certains milieux
financiers. Je pense que tout le monde sait cela. Alors, il y avait le risque
que des gens jouent à la Bourse. Cela n'a, ni de près ni de loin
c'est le droit des citoyens qui veulent jouer à la Bourse
de relations, quelles qu'elles soient on le voit dans les
évaluations avec le prix, encore une fois équitable, qu'on
a demandé aux évalua-teurs, de notre côté, de
fixer.
Maintenant, pour ce qui est du moment, ce matin ou plus tard, mais ce
matin possiblement, où le projet de loi serait déposé en
première lecture, il y a des raisons que peut vous donner le ministre
des Finances.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, on se souviendra que la
semaine dernière le député de Saint-Laurent me rappelait
l'échéance qui avait déjà été
annoncée que d'ici la fin de 1978 si je me souviens bien, c'est
lui-même qui me le rappelait le gouvernement ferait le point de
toute cette question et en tirerait les conséquences. Je lui avais
promis que cette semaine, justement, je ferais le point de la question.
Faire le point de la question et en arriver à la conclusion
à laquelle nous en sommes arrivés, normalement si on veut
être corrects à l'égard de la Bourse et éviter, dans
le sens de ce que disait le chef de l'Opposition officielle tout à
l'heure, des spéculations inutiles, il vaut mieux faire cela quand la
Bourse est fermée.
Il ne faut pas voir de sombres desseins au fait que cela a
été fait à 20 heures hier soir. Cela aurait pu. je
l'admets, être fait vers 17 heures de l'après-midi aussi, mais
cela aurait été tout aussi différent de nos usages ou de
nos habitudes.
Le Président: M. le député de DArcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président...
M. Brochu: Question additionnelle.
Le Président: Question additionnelle. M. le
député de Richmond. Dernière additionnelle
là-dessus.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Une dernière
question additionnelle au premier ministre à ce sujet. Il semble qu'il
existe passablement de confusion autour de toute la question des
négociations. A différentes reprises, le gouvernement a
annoncé que ce dossier des négociations était ouvert avec
l'entreprise.
Or. dans le journal Le Devoir du 15 décembre, il est
indiqué ce qui suit: II n'y a eu jusqu'ici aucune offre et aucune
négociation de n'importe quelle sorte, précise le
communiqué. Le gouvernement québécois n'a fait aucune
offre, formelle ou informelle, pour les actions Asbestos détenues par
General Dynamics' . Je pense que c est une question passablement importante.
J'aimerais que le premier ministre clarifie ce point-là. A un moment
donné, on annonce qu'il y a négociation et on nous dit ici qu'il
n'y a eu absolument aucune offre ferme, formelle ou informelle, fait de la part
du gouvernement. Est-ce exact, oui ou non? Deuxièmement, si c est exact,
quelle est la stratégie et quel est au juste le but que poursuit le
gouvernement par un dossier aussi confus que celui-là? (10 h 30)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Le but. M. le Président, est
très simple. Il ne s'agit pas, je pense, pour
nous, dans l'intérêt du Québec, de payer des prix
exorbitants ni, à l'autre extrême, de payer des prix
inéquitables. Formel et informel, ce sont des adjectifs relativement
subjectifs. Il a été évoqué, je pense, assez
clairement que les deux maisons d'évaluation ont confronté leurs
chiffres, que jamais General Dynamics, tout le long du chemin, n'a
signifié, ni formellement ni informellement, quelle était
prête à négocier sur la base de chiffres qui nous
paraissent équitables et qui sont ceux qui ont été
établis par la maison Kidder, Peabody après des mois et des mois
de travail. Jusqu'à la toute dernière minute, par un
échange de messages que le ministre des Finances a eu avec la compagnie,
il a été clairement établi quelle n'était pas
prête à négocier. On voit où se trouve l'endroit
pour négocier, quant à nous. Elle n était pas prête
à négocier sur cette base. Alors, que reste-t-il à
faire?
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
Enfouissement sanitaire à
Saint-Philippe-de-Néri
M. Goldbloom: M. le Président, j'espère que le
ministre délégué à l'environnement a aiguisé
ses patins ce matin parce que je vais l'amener sur un terrain glissant, lequel
se situe dans le comté de Kamouraska.
Le ministre peut-il expliquer à cette Chambre les faits suivants?
L'article 404c du Code municipal permet à un conseil de comté,
à la demande d'au moins les deux tiers des municipalités membres,
de se rendre responsable de l'élimination des déchets sur tout
son territoire. Or, le conseil de comté de Kamouraska a adopté
son règlement no 136 et ce règlement a été
approuvé par 14 des 18 municipalités membres. Parmi les quatre
qui n ont pas approuvé le règlement se trouvait
Saint-Philippe-de-Néri.
Le 13 novembre, le ministre a envoyé une lettre au conseil de
comté approuvant ledit règlement et, apparemment, la commission
municipale du Québec a également approuvé ledit
règlement. Or. 19 jours plus tard, le même ministre a
envoyé une ordonnance au conseil de comté lui donnant la
directive d'envoyer les déchets de tout le comté à
Saint-Philippe-de-Néri. Est-ce que le ministre peut expliquer son
changement d'attitude dans l'espace de 19 jours?
Le Président: M. le ministre délégué
à l'environnement.
M. Léger: M. le Président, je vais simplement
prendre avis de la question dans le but de donner une réponse
précise, concrète qui tient compte de l'ensemble du dossier qui
est assez complexe. Si le député m'avait prévenu de sa
question, j'aurais pu apporter des éclaircissements précis
aujourd'hui, mais, comme c'est complexe, je prends avis de la question et
j'apporterai possiblement lundi une réponse claire et
précise.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, quand le ministre ouvrira
le dossier, pourrait-il aussi vérifier à qui appartient le
terrain dans Saint-Philippe-de-Néri et quel a été le prix
qui a été payé pour ce terrain? Et pourrait-il expliquer
à cette Chambre pourquoi, par une ordonnance, il a placé le
conseil de comté de Kamouraska à la merci d'une
municipalité qui n'avait pas signé l'entente, qui n'avait pas
approuvé le règlement du conseil de comté?
Le Président: M. le ministre délégué
à l'environnement.
M. Léger: M. le Président, je vais simplement
vérifier tous ces aspects du dossier. Le seul point que je pourrais
ajouter aujourd'hui, c'est que nécessairement il y avait
déjà eu, avant la réunion du conseil de comté, une
ordonnance pour demander à la municipalité de
Saint-Philippe-de-Néri de se préoccuper d'avoir un site
d'enfouissement sanitaire pour qu'en même temps on puisse fermer les
dépotoirs de la région. Il y avait déjà un geste
qui avait été posé pour demander à cette
municipalité de le faire. Par la suite, les événements se
sont précipités. Je préfère regarder le dossier
dans son entier et donner les réponses au député
lundi.
Le Président: M. le député de Berthier.
M. Mercier: Est-ce que le ministre de l'environnement pourrait
vérifier également par la même occasion, pour des
municipalités qui ont reçu des ordonnances de fermeture de
dépotoirs pour le 1er décembre 1978, les possibilités
techniques de fermer les dépotoirs en hiver?
Le Président: M. le ministre délégué
à l'environnement.
M. Léger: D'accord, M. le Président.
M. Bellemare: Est-ce que le ministre pourrait regarder aussi
l'imbroglio qui existe au Cap-de-la-Madeleine pour le dépôt des
déchets à Saint-Louis-de-France?
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale!
M. Léger: M. le Président, je vais en profiter pour
regarder cela, mais je tiens à dire quand même que, dans le cas du
Cap-de-la-Madeleine et du site qui est possible à Saint-Louis-de-France,
il faut tenir compte que la plupart, la quasi-totalité des
municipalités voudraient aller à Saint-Louis-de-France, alors que
Saint-Louis-de-France peut-être ne le désire pas.
Nécessairement, un peu comme la chanson, tout le monde veut aller au
ciel et personne ne veut mourir, tout le monde
veut se débarrasser des déchets pourvu qu'ils ne soient
pas chez lui.
M. Dubois: M. le Président...
M. Charron: Le ministre des Affaires sociales et le ministre des
Transports auraient des questions additionnelles.
Le Président: M. le député de Huntingdon.
Présumée entente avec l'UPA
M. Dubois: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Le
ministre de l'Agriculture est certainement conscient des graves accusations qui
ont été portées ces jours derniers par le regroupement des
cultivateurs, par l'Association des producteurs d'oeufs du Québec, par
l'Office des producteurs de porcs et par l'Association des meuniers concernant
des présumées tractations entre le ministre et les dirigeants de
l'UPA en vue de faire accepter par l'UPA la loi 90. M. le Président,
c'est la raison pour laquelle des groupes demandent la démission
immédiate du ministre de l'Agriculture.
Donc, compte tenu de l'importance des groupements en cause, compte tenu
du besoin de confiance absolue du monde agricole envers son ministre, je vais
demander au ministre s'il peut de son siège affirmer à
l'Assemblée nationale qu'il n'a pas tenté, en introduisant le
projet de loi 116, d'acheter l'appui des dirigeants syndicaux de l'UPA.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: M. le Président, j'ai déjà fait
mon discours de deuxième lecture sur le projet de loi no 116. C'est
à la suite d'un jugement de la Cour suprême du 19 janvier,
à la suite d'un référé de l'Ontario du 19 janvier
1978 que nous avons dû présenter ce projet de loi. Nous sommes la
cinquième province au Canada à le faire, après l'Ontario
qui a adopté une loi semblable, après le Nouveau-Brunswick qui
l'a adoptée, la Colombie-Britannique et le Manitoba qui l'ont
déposée. Le Québec en dépose un et les autres
provinces sont en train d'étudier la possibilité d'adopter un
projet de loi semblable, parce qu'il y a eu une décision de la Cour
suprême du Canada qui a renversé la décision, à
toutes fins utiles, qui était suivie depuis 1933 dans la cause Crystal
Dairy, qui considérait des prélèvements comme taxes
indirectes, qui, dans cette cause, change sa décision, comme je l'ai
cité en me référant au jugement du juge Bora Laskin.
M. le Président, c'est une question extrêmement importante,
le projet de loi no 116, et ceux qui en empêcheront son adoption avant
Noël en porteront les conséquences qui pourront être
terribles pour le monde agricole.
Le Président: M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Au-delà des affirmations du ministre, je
voudrais lui demander s'il est conscient que le projet de loi no 116 va
à l'encontre de tous les principes sacrés du syndicalisme
puisqu'il fait de l'unité syndicale, l'UPA, une entreprise
financière possédant d'importants pouvoirs de coercition sur ses
membres. Le ministre n'est-il pas d'avis qu'en soutenant un syndicat unique en
agriculture il soutient un monopole syndical avec des pouvoirs
économiques exorbitants et nie ainsi tout droit à la
dissidence?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: M. le Président, je ne fais que respecter les
lois qui ont été adoptées par d'autres à
l'Assemblée nationale avant moi, avant que nous siégions. La loi
64, par exemple, la Loi constituant le syndicalisme, n'a pas été
adoptée par le gouvernement actuel. On respecte les lois existantes.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: M. le Président, le ministre a
prononcé certains jugements contre ceux qui s'étaient
opposés à la réunion des leaders, hier, pour l'adoption
avant Noël de ce projet de loi. Nous avons dit au ministre hier, au leader
du gouvernement, que nous n'avons pas d'objection à l'étudier,
mais plus à fond, parce que c'est une loi contentieuse. Nous avons fait
remarquer au leader que le jugement était sorti depuis très
longtemps et que le projet de loi est arrivé juste au dernier moment,
après la loi 90. Nous y avons vu de la collusion quelque part.
M. Brochu: M. le Président, une question
additionnelle.
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Brochu: Une question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: II faut dire que le jugement de la Cour suprême
n'est sorti que le 18 octobre. Avant que nous l'ayons reçu, que nous
l'ayons étudié et présenté regardez les
dates des dépôts à moins qu'il y ait eu collusion
avec la Cour suprême en même temps...
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Brochu: M. le Président, question additionnelle au
ministre de l'Agriculture. Il y a un volet de la question du
député de Huntingdon auquel le ministre n'a pas répondu et
auquel il serait important qu'il réponde pour clarifier la situation.
(10 h 40)
Est-ce que, oui ou non, les rumeurs qui circulent à l'effet qu'il
y aurait eu entente entre
quelques dirigeants de l'UPA et le ministre pour que, d'un
côté, l'UPA ne dise pas un mot par rapport à la loi du
zonage agricole et que le ministre, de son côté, adopte la loi 116
pour leur donner un monopole? Est-ce exact qu'il y a eu des tractations, des
collusions ou des ententes de ce côté, oui ou non? Est-ce que le
ministre peut nous dire oui ou non, de son siège de
député?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: Je peux vous dire de mon siège qu'il n'y a eu
aucune tractation; il n'y a aucune relation entre la loi 116 et la loi 90 sur
la protection du territoire agricole. Dans son jugement de la Cour
suprême, le juge Laskin dit ceci, et je vais le citer en anglais parce
qu'il l'a écrit en anglais. Après avoir dit qu'il y avait des
dispositions, il dit: "In the result, I would hold that section 2, paragraph 2
alinéa, je ne sais pas comment on dit cela en anglais
alinéa A of the Agricultural Products Marketing Act is ultra vires of
the Parliament of Canada ".
Regardez bien ce qu'il dit après: "This result is not however
catastrophic". Il dit que ce résultat n'est pas catastrophique, mais
à une condition. "Because it is left to the provincial Legislature to
deal with... including provision for adjustment levies in the context of their
valid legislation in relation to interprovincial marketing'. Il dit en
réalité: Le résultat auquel on arrive en Cour
suprême n'est pas catastrophique à la condition que les provinces
légifèrent. Je ne sais pas si vous comprenez. Ce n'est pas moi
qui ai fait dire cela au juge Laskin, c'est là-dedans. Il a fait cela le
18 octobre; le plus rapidement possible on a préparé des lois et
il y en a deux qui en ont déjà adoptées, il y en a deux
qui en ont déposées et nous sommes une autre province qui le
propose. Les autres provinces vont suivre. Si elles n'en ont pas
déjà déposé, elles pourront les déposer
à l'autre...
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Une question additionnelle au ministre. Le ministre
réalise-t-il qu'en déposant son projet de loi no 116, pour
soi-disant couvrir les failles ouvertes par le jugement de la Cour
suprême, il accule à la faillite un grand nombre de petits
producteurs agricoles québécois?
M. Bellemare: C'est vrai.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: II y a eu un plan conjoint dans le domaine des oeufs,
un plan qui a été voté à plus de 90%. Des
prélevés ont été fixés dans ces conditions,
des gens les ont respectés, mais il y en a un petit nombre qui ne les
ont pas respectés. A moins qu'on soit contre un vote à 90%, cela
doit s'appliquer à l'ensemble des gens comme c'est
spécifié dans les lois.
Ou bien les plans conjoints sont sérieux ou bien ils ne sont pas
sérieux. S'ils sont sérieux, quand ils sont adoptés, ils
doivent s'appliquer et on doit prendre les mesures pour qu'ils s'appliquent, ou
bien ils ne sont pas sérieux et on abolit les plans conjoints. C'est
l'un ou l'autre.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
Caisses d'épargne et de crédit
M. Roy: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à l'honorable ministre des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières. Le 21 juin dernier a été
adopté en troisième lecture à l'Assemblée nationale
le projet de loi no 46, Loi modifiant la Loi des caisses d'épargne et de
crédit et la Loi des caisses d'entraide économique. Lors de
l'adoption de cette loi, j'avais exprimé certaines réserves
concernant le danger qu'il y aurait de forcer un mouvement en vue de faire
transférer les parts sociales des caisses populaires dans d'autres
formes d'épargne à l'intérieur des caisses. J'ai
été informé il y a quelque temps que le mouvement
était déjà amorcé et il y a une confirmation ce
matin, par la voie d'un quotidien de Québec, qu'il y a effectivement
quelque chose qui se fait dans ce sens.
J'aimerais demander au ministre, étant donné que tout cela
va modifier l'équilibre financier des caisses populaires, puisque la
part est demeurée à $5 même au début des
années trente, la part était de $5 et elle l'est encore alors que
le volume des éparnes ne se compare pas si son ministère a
évalué l'impact d'une telle situation et ce que cela pourrait
avoir comme conséquences pour l'expansion, le développement et la
sécurité du mouvement des caisses populaires et des caisses
d'épargne et de crédit en général.
Le Président: Mme le ministre des Institutions
financières.
Mme Payette: Je dois vous dire qu'au moment où nous avons
présenté la loi 46, avant son adoption, nous avions passé
des mois en consultation avec les différentes fédérations
pour en arriver à une entente contenue à l'intérieur de la
loi 46. Il y a certaines difficultés qui ont été
portées à notre attention depuis l'adoption de la loi 46.
Nous continuons de discuter avec les principaux intéressés
et il faut comprendre que les principaux intéressés, en
l'occurrence, en ce qui concerne le ministre, sont les
fédérations. Nous continuons de discuter avec ces
fédérations et, s'il y a lieu, nous interviendrons le moment
venu.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Question additionnelle, M. le Président. Il y a
aussi un deuxième volet. Les gens qui ont souscrit du capital social
dans les caisses peuvent bénéficier d'une assurance-vie, et pour
bénéficier à 100% de l'assurance, il faut que le capital
social soit souscrit avant l'âge de 55 ans. Pour ceux qui souscrivent
après 60 ans, il y a seulement 50% qui est assuré et,
après 65 ans,
25%. J'aimerais demander au ministre, considérant qu à ce
moment-là il s'agit de protéger le consommateur,
l'épargnant québécois, si le ministère a
l'intention de prendre les dispositions qui s'imposent afin que les personnes
qui bénéficiaient de cette assurance-vie, une assurance-vie
très peu dispendieuse, une assurance-vie minime, fournie par le
mouvement, si le ministère, dis-je, a évalué cette
situation, d'abord, et s'il entend prendre les mesures qui s'imposent pour que
les consommateurs épargnants assurés soient
protégés.
Le Président: Mme le ministre.
Mme Payette: M. le Président, le députe de
Beauce-Sud sait parfaitement que nous nous acheminons vers une réforme
complète de la Loi des caisses d'épargne et de crédit. Je
pense qu à ce moment-là nous pourrons discuter de tous ces
sujets.
M. Roy: M. le Président, une toute dernière
question additionnelle. En attendant la réforme complète, parce
que cela fait longtemps que j entends parler de réforme complète,
à l'Assemblée nationale on en a eu un échantillon
hier soir, je devrais dire cette nuit, vers ce matin, et cela n'a pas
été une réforme complète il y a un
problème qui se pose aujourd'hui, il y a un problème qui va se
poser après le 1er janvier parce que les caisses populaires terminent
leur année financière au 31 décembre. Il y aura toute une
série d'assemblées générales dans les premiers mois
de I année. J'aimerais demander, immédiatement, à ce
moment-ci, qu'est-ce que le ministre des Institutions financières est en
mesure de nous dire à ce sujet-là.
Le Président: Mme le ministre des Institutions
financières.
Mme Payette: Je veux bien voir de façon immédiate
s'il y a quelque chose à faire, mais le député doit
reconnaître que quand je parle de réforme complète d'une
loi, en général, jusqu'à maintenant, j'ai tenu mes
engagements et je pense pouvoir le faire dans ce cas comme dans les autres!
Le Président: M. le député de
Saint-Louis.
Demande d'achat d'immeubles appartenant à la
SCHL
M. Blank: M. le Président, j'ai une question à
poser au premier ministre concernant son comté. Dans son comté,
il y a des groupes de locataires regroupés en coopératives qui
veulent acheter une partie des immeubles de la Société centrale
d'hypothèques et de logement. A cause de la loi no 96 adoptée
l'an dernier, ils n'en ont pas le droit. Ils doivent acheter les immeubles en
bloc, sauf qu ils ont fait des arrangements avec la Société
centrale d'hypothèques et de logement pour en acheter une partie avant
la fin de cette année. Ils ont communiqué avec le bureau du
premier ministre, particulièrement la Coopérative des Habitations
des Saules qui a envoyé un télégramme le 21 novembre et,
subséquemment, le secrétaire du premier ministre, M. Christian
Tétreault, a communiqué par téléphone avec ces
messieurs. De plus, le 24 novembre, il a écrit une lettre et dans cette
lettre il a fait la promesse formelle que la loi serait amendée avant le
31 décembre de cette année pour donner l'occasion à ces
gens d acheter ces immeubles. Le projet de loi 113 a été
déposé et il n'y a aucun article de cette loi qui donne raison
à ces gens. Est-ce que le premier ministre va tenir sa parole de la
lettre du 24 novembre pour donner suite a la demande de ces gens qui veulent se
former en coopérative et acheter ces immeubles dans le comté de
Taillon.
Le Président: M. le député de Taillon.
M. Lévesque (Taillon): Je ne pense pas que ce soit un cas
unique. Bien sûr, j'étais au courant de la démarche du 21
novembre. Celle du 24, à peine verbalement, mais de toute façon
je crois que le député serait heureux, comme peut-être pas
mal de citoyens qui sont dans des cas semblables, d entendre ce que le ministre
des Affaires municipales peut avoir à dire là-dessus.
M. Le Moignan: M. le Président...
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Tardif: M. le Président...
Le Président: Brièvement, s'il vous plaît, M.
le ministre des Affaires municipales!
M. Tardif: Oui, M. le Président, mais je n'ai pas
commencé à dire un mot encore! En effet, je suis au courant du
cas mentionné par le député de Saint-Louis et de
même, me dit-on, de quelques autres cas, étant donné la
décision de la Société centrale d hypothèques et de
logement de se défaire de son portefeuille immobilier au Québec,
qui est de près de 20 000 logements et de le vendre, parfois, à
des ensembles immobiliers, a des intérêts privés ou parfois
à des coopératives mais qui ne peuvent assumer I'ensemble du
projet. (70 h 50)
Or, il y a des projets qui pourraient très bien être
morcelés en plus petites unités, par exemple, de 15, 20
logements, qui ne seraient pas vendues, cependant, une à une, si bien
que, dans les faits, j'ai l'intention, M. le Président, de proposer
à cette Chambre, lors de l'étude en deuxième lecture du
projet de loi 113, un article qui modifierait l'article 12 de la loi 96 pour
permettre, sur autorisation de la régie, ce genre de transactions entre
la société centrale et des coopératives d'habitation,
mais, encore une fois, sous le regard de la régie pour éviter les
problèmes qu'on a connus dans des cas que le député de
Saint-Louis connaît très bien.
Le Président: M. le député de
Gaspé.
Appui à l'enseignement privé
M. le Moignan: Merci, M. le Président. En l'absence du
ministre de l'Education, j'adresserai ma question à l'honorable premier
ministre. Le premier ministre se souvient très bien qu'au printemps il a
reçu au salon rouge une délégation de parents porteurs de
550 000 signatures concernant l'enseignement privé. J'avais
convoqué quelques semaines plus tard une question avec débat et
le ministre nous avait dit que la réponse à l'attente ou à
l'inquiétude de ces parents devait se faire dans les prochains mois.
Cela fait presque neuf mois et l'accouchement doit se faire bientôt.
Alors, est-ce qu'on pourrait connaître la position exacte du gouvernement
à ce moment? Est-ce accouchement, est-ce avortement ou est-ce encore
reporté à l'an prochain?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'ai l'impression, M. le
Président, qu'on s'en va probablement vers une césarienne au
début de 1979. De toute façon, ce que je peux dire en l'absence
du ministre de l'Education, c'est qu'on considère actuellement, au
niveau du Conseil des ministres et dans l'administration publique, les
retombées du livre vert, qui a fait son tour de piste depuis pas mal de
mois, concernant l'ensemble du système scolaire,
élémentaire et secondaire II y a aussi le livre blanc et les
propositions concernant l'enseignement collégial. Il est évident
que la réflexion avance dans le domaine qui concerne le
député de Gaspé, c'est-à-dire en ce qui concerne
l'enseignement privé. Je dois dire, cependant, que les décisions
concrètes concernant le maintien tel quel de la loi ou de ses
amendements n'ont pas encore été prises. La seule chose que je
pourrais dire et qui devrait rassurer et le député de
Gaspé et les gens concernés, c'est qu'il n'est pas question, ni
de près, ni de loin, d'empêcher l'enseignement privé de
fonctionner et de fonctionner le plus efficacement possible. Quand viendront
les énoncés de politique, s'il y a lieu, ce sera pour
améliorer la situation, mais certainement pas pour brimer des gens qui
ont un droit fondamental au système d'éducation qu'ils
préfèrent.
Le Président: M. le député de
Gaspé.
M. le Moignan: Une question additionnelle, M. le
Président. Une césarienne bien réussie, personne n'a
d'objection à cela, mais le pire là-dedans, c'est que cela peut
dégénérer en fausse-couche, c'est plus grave. Maintenant,
le premier ministre dit que tout est à l'étude, mais il y a des
écoles qui ont déjà des projets et qui voulaient commencer
en septembre 1979. Alors, comment le premier ministre peut-il les rassurer? Il
y a déjà des démarches qui ont été faites
par Oka, par exemple, et d'autres demandes, d'ailleurs, nous ont
été faites. Est-ce que ces gens vont recevoir une réponse
bientôt?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Oui, sûrement. Je pense que
le député de Gaspé, comme tous les membres de
l'Assemblée nationale, comprendra qu'il ne peut pas être question
de précipiter des énoncés de politique dans la semaine qui
nous reste. Mais une chose certaine, c'est que le plus vite possible, en 1979
et, je l'espère, à temps pour que des projets légitimes
puissent se réaliser, il y aura des éclaircissements.
Le Président: M. le député de Mercier.
Politique linguistique relative aux contrôleurs
aériens
M. Godin: Ne pas confondre. M. le Président, ma question
s'adresse au ministre des Transports et elle porte j'annonce mes
couleurs sur les contrôleurs aériens
québécois de Cornwall, mais j'aurais un petit
préambule.
Dans le contexte du dépôt récent du document du
ministre fédéral de la Justice, M. Marc Lalonde, sur les
bénéfices fabuleux du fédéralisme pour le
Québec, dans le domaine aérien, nous avons appris que les
contrôleurs aériens étudiant à Cornwall, qui
venaient du Québec, étaient l'objet de discrimination,
premièrement; deuxièmement, que la majeure partie du territoire
aérien du Québec est contrôlée via deux
aéroports hors Québec, ce qui priverait les
Québécois d'une partie des emplois qui leur est normalement
destinée dans ce secteur très bénéfique pour
l'économie québécoise et les diplômés
québécois. Est-ce que le ministre a l'intention d'intervenir dans
ce dossier?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Lessard: M. le Président, je suis intervenu dans ce
dossier le 8 décembre 1978. Je transmettais alors un
télégramme, qui a été suivi d'une lettre, à
M. Otto Lang dans lequel je dénonçais les politiques
linguistiques fédérales puisqu'il est absolument inacceptable que
des contrôleurs aériens du Québec soient formés dans
un contexte unilingue anglais, d'autant plus que Transports Canada
possède chez nous, à Dorval, des ressources humaines pour former
ces contrôleurs aériens. Hier, M. le Président, j'avais
l'occasion de dénoncer des politiques fédérales dans le
secteur du transport. Je pense que les politiques linguistiques du
fédéral dans le secteur du transport permettent d'exclure les
francophones de secteurs bien rémunérés, comme le
précisait le député.
Je voudrais au moins, en terminant, dire à M. Lalonde que s'il
pense véritablement que le secteur du transport devrait devenir un lien
unificateur tel qu'il le précise dans son document, il devrait au moins
intervenir auprès de M. Otto Lang, son collègue, pour que les
aspirants contrôleurs francophones puissent au moins recevoir leurs cours
en français, et ici au Québec.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
Carbonate de soude à Port-Daniel
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai une
question très courte au ministre des Richesses naturelles. Est-ce que le
ministre des Richesses naturelles peut aujourd'hui faire le point sur
l'implantation prochaine ou éventuelle d'une usine de carbonate de soude
à Port-Daniel dans le comté de Bonaventure? Voudrait-il expliquer
à cette Chambre en quoi ce projet est lié à l'exploitation
et même à l'avenir des mines de sel des Iles-de-la-Madeleine?
Le Président: M. le ministre des Richesses naturelles.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je dois
dire que le député de Bonaventure a sauté un peu
rapidement aux conclusions en s'appropriant rapidement ce projet d'implantation
d'usine de carbonate de soude puisque les études ne sont pas encore
terminées, ce que pourra d'ailleurs souligner mon collègue de
l'Industrie et du Commerce. Pour autant que le ministère des Richesses
naturelles est concerné, il me sera simple de préciser
l'étendue de nos travaux.
D'une part, nous avons effectué des forages, il y a
déjà maintenant un an et demi, dans la région de
Port-Daniel. Les premiers résultats s'étaient
avérés plutôt négatifs, tant du point de vue volume
que, particulièrement, du point de vue qualité, inférieure
à 90%. Néanmoins, l'été dernier nous faisions de
nouveaux forages ainsi que l'automne auparavant. Ceci nous a permis, d'une
part, de découvrir environ 50 millions de tonnes avec des teneurs de
l'ordre de 90% à 92%. Nous avons retrouvé également un
autre 60 millions de tonnes de l'ordre de 93% à 95%, ce qui semblerait
à la fois satisfaisant sur le plan de la quantité et sur le plan
de la qualité. Egalement, du côté de Clemville, du
côté de Westpoint, on a découvert ce qui semblerait un
gisement extrêmement important de près de 150 millions de tonnes
et, cette fois-ci, de qualité également acceptable. Donc, du
côté de Port-Daniel, il semble bien qu'on ait découvert des
volumes de calcaire en quantité et qualité suffisantes.
D'autre part, il existe également une autre possibilité,
c'est celle de la rivière Madeleine. Cette fois-ci, c'est dans
Gaspé-Nord et je suis convaincu que le député de
Gaspé, même s'il est distrait, va tendre l'oreille. On a
également découvert des gisements extrêmement importants de
l'ordre de 150 millions de tonnes et, cette fois-ci, d'une qualité de
l'ordre de 97%. Par conséquent, sur le plan calcaire, il y a autant de
possibilités d'implanter l'usine du côté du comté de
Gaspé que du côté du comté de Bonaventure, d'une
part. Egalement, à l'Ile d'Anticosti, nous avons découvert un
gisement qui semblerait intéressant.
Maintenant, je dois dire que, pour autant que le gisement des
Iles-de-la-Madeleine est concerné, effectivement les travaux de forage
ont continué. Il s'avère cependant que le coût de
construction du port en particulier est extrêmement élevé.
(11 heures)
II faut chercher d'autres possibilités. Egalement le coût
du développement de la mine, à cause de la rampe inclinée,
est très élevé pour 1 million de tonnes et, par
conséquent, il faut revoir la rentabilité de ce projet. Mais il
ne fait aucun doute que si nous pouvions augmenter le volume de sel
exploité aux Iles-de-la-Madeleine de manière à
approvisionner une usine de carbonade de soude, les études de
rentabilité seraient évidemment tout autres.
Je pense que mon collègue de I Industrie et du Commerce peut
maintenant vous mettre au courant de la deuxième partie.
Le Président: M. le ministre de I Industrie et du
Commerce.
M. Biron: II n est pas sûr.
M. Tremblay: Brièvement, M. le Président. Comme l'a
dit mon collègue des Richesses naturelles, il y a eu des tests physiques
d'effectués à différents endroits. Il y a un comité
d'experts qui étudie la rentabilité des différents sites.
Je sais qu il y a un site qui a été choisi mais on ne m'a pas
encore averti officiellement. On ne m'a averti qu officieusement et, par
conséquent, je ne veux pas faire d autres commentaires à ce
moment-ci.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, simplement une
précisjon. Est-ce que le ministre voudrait nous dire...
Le Président: M. le député de
Bonaventure.
M. Levesque (Bonaventure): Merci. M. le Président...
à quel moment le gouvernement pourrait faire connaître ces
renseignements qu on semble nous cacher, à ce moment-ci? Et est-ce qu il
pourrait nous dire dans quel comté se trouve le site pour lequel il a
une information privilégiée et officieuse?
Le Président: M. le ministre de I Industrie et du
Commerce.
M. Tremblay: Je ne veux pas jouer à l'arbitre, avant
Noël, entre Bonaventure et Gaspé. Le but du gouvernement, c'est de
faire de la promotion industrielle et, après les études
économiques, il sait bien qu'il faut trouver un promoteur pour le
projet. Rien ne serait plus dommageable à des projets semblables que
d'étaler sur la place publique toutes sortes de renseignements avant
même qu'un promoteur n'ait été choisi.
Le Président: Avant de metrre un terme à la
période des questions, je voudrais inviter Mme le ministre des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières à
apporter un complément de réponse à une question qui a
été posée aujourd'hui.
Mme le ministre.
Mme Payette: C'est un complément de réponse
à la question du député de Beauce-Sud. M. le
Président. Je n'avais pas pris connaissance, au moment où
la question a été posée, de l'article auquel il faisait
allusion, article que j'ai devant moi maintenant. Le moins qu'on puisse dire,
c'est que le titre devrait être non pas un bon tuyau mais un mauvais
tuyau. Je viens de faire une vérification auprès du mouvement
Desjardins, qui s'apprête à donner une conférence de presse
dans ce sens.
Il y a dans la loi 46 un article, l'article 19, mais il y a aussi un
article dont les dispositions transitoires laissent aux
fédérations le soin de mettre en application progressive,
à leur rythme, ces dispositions. Depuis plusieurs semaines, nous avons
rencontré le mouvement, nous nous sommes entendus à ce sujet et
j'ai confirmé le tout par écrit. Le mouvement a écrit dans
le même sens à toutes les caisses et je suis persuadée que
les caisses agiront dans le meilleur intérêt des
épargnants.
M. Roy: Une petite question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: Une question, M. le député de
Beauce-Sud.
Compléments de réponses
M. Roy: Est-ce que Mme le ministre pourrait nous assurer
qu'aucune personne de son ministère ne fera des pressions auprès
des différentes caisses d'épargne et de crédit de
façon à faire en sorte qu'on puisse agir pour qu'une partie du
capital social puisse être transférée dans d'autres formes
d'épargne, étant donné les dispositions pour lesquelles
j'ai fait des représentations? J'ai émis des réserves,
j'ai exprimé les dangers qu'il y avait dans l'application de la loi, Mme
le ministre s en souviendra.
J'aimerais que Mme le ministre donne l'assurance, ce matin, qu'aucune
personne, qu'aucun fonctionnaire de son ministère ne fera des pressions
pour tâcher d'accélérer le mouvement.
Le Président: Mme le ministre.
Mme Payette: M. le Président, si un fonctionnaire du
ministère agissait dans ce sens, il irait à l'encontre de la
volonté du ministre. Je pense qu à ce moment-là les
représailles nécessaires seraient mises en marche.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture,
complément de réponse.
M. Garon: Dans la réponse que j'ai donnée tout
à l'heure, sans doute par erreur, la décision de la Cour
suprême dont je parlais, le référé de l'Ontario,
c'est une décision du 19 janvier. Je vous ai parlé du 18 octobre
tantôt. Je ne sais pas pourquoi. C'est une décision du 19 janvier
1978 dont j'ai envoyé copie au député de Johnson.
M. Bellemare: Je vous ai dit que c'était bien avant
octobre.
M. Garon: Oui, mais lavez-vous lue? M. Bellemare: Oui.
M. Garon: Je vous souhaite bien du plaisir dedans. Vous avez vu
que ce n'est pas une cause facile et même les avocats qui analysent cette
cause la trouvent difficile. J'aimerais vous dire tout cela.
M. Bellemare: C'est vrai, ce que vient de dire le ministre, que
c'est au mois de janvier au lieu du mois d'octobre. Nous avons pris le temps,
avec notre contentieux, de l'examiner et nous prétendons que le projet
de loi 116 est amené trop rapidement présentement. Pourquoi le
mettre rétroactif?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Garon: C'est une cause difficile. Tous les avocats qui ont
travaillé là-dessus trouvent cela très difficile et ils ne
sont pas certains, même, si la Cour suprême a compris tout ce dont
elle a parlé. Je peux vous dire, par ailleurs, que c'est une question
excessivement importante une fois qu'on a compris le problème.
M. Bellemare: C'est trop important pour l'amener d'ici la fin de
la session.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Nous en
sommes maintenant aux motions non annoncées. M. le député
d Argenteuil.
Motions non annoncées Démission de M.
Zoël Saindon
M. Saindon: M. le Président, ainsi que j'ai eu I'occasion
d'en informer mes concitoyens plus tôt cette semaine, je vous remets ma
démission en tant que député d'Argenteuil à
l'Assemblée nationale du Québec. Ce n'est pas sans
émotion, vous l'imaginez bien, que je vous fais part de cette importante
décision. En posant ce geste, je mets fin a près de treize ans de
vie parlementaire bien remplie, au cours desquelles j'aurai connu des joies et
aussi, je ne m'en cache pas, des déceptions. Je ne reprendrai pas ici
tous les propos que j'ai tenus dans le comté mercredi soir et dans
lesquels j'ai exposé les motifs maintenant bien connus qui m'ont
incité à poser ce geste.
Je tiens cependant à souligner et à répéter
que, quoi qu'en aient dit certains journalistes de la presse parlementaire, je
pose ce geste de ma propre initiative. Aujourd'hui, comme au cours des treize
dernières années, j'ai toujours placé les
intérêts de mes concitoyens d'Argenteuil et ceux de mon parti bien
au-dessus de mes intérêts personnels.
En cette dernière occasion où j'adresse la parole devant
cette Assemblée, je m'en voudrais de ne pas souligner combien j'ai du
respect pour les chefs sous lesquels j'ai servi. Je pense d'abord
à I honorable Jean Lesage qui était notre chef lorsque je
fus élu pour la première fois en 1966. J ai toujours voué
une profonde admiration à M. Lesage, un homme remarquable, un meneur
d'hommes d une qualité exceptionnelle.
En 1970, le chef du Parti libéral du Québec à ce
moment, M. Robert Bourassa, m'a fait aussi confiance pour représenter
mes concitoyens d'Argenteuil et j'y fus réélu en 1970, en 1973 et
par la suite en 1976. M. le Président, je garde de M. Bourassa le
souvenir d'un homme qui aime profondément le Québec et son peuple
et qui, malgré des circonstances souvent extrêmement difficiles, a
résolument fait avancer le Québec sur la voie du progrès
social et économique.
Depuis 1976, c'est M. Gérard D. Lévesque qui a
assumé la délicate tâche de chef parlementaire et de chef
du parti jusqu'au 15 avril dernier, Le député de Bonaventure est
un homme dont les qualités de dignité et de gentilhommerie lui
valent l'estime et le respect de tous les parlementaires à cette
Assemblée. M. le Président, je tenais à lui rendre hommage
aujourd'hui.
Les changements de la vie politique ont aussi été tels que
j'aurai occupé mon poste des deux côtés de la Chambre de
fait pour une période à peu près égale. Que ce soit
du côté ministériel ou du côté de
l'Opposition, j'ai assisté et aussi participé à de rudes
batailles, mais je suis de ceux qui pensent qu'il est préférable
que cette lutte se fasse ici plutôt que dans la rue. (11 h 10)
Je constate aussi que la vie politique est souvent
éphémère. En préparant mon allocution, ce matin,
j'ai jeté un coup d'oeil sur le diagramme des sièges à
l'Assemblée pour constater qu'il n'y en a que treize sur les 110
députés que compte l'Assemblée nationale qu étaient
ici avec moi en 1966.
Ceci dit, M. le Président, en posant le geste que je pose
aujourd'hui, mon objectif fondamental est de permettre au chef du Parti
libéral du Québec, M. Claude Ryan, de poser sa candidature dans
le comté d'Argenteuil et de s'y faire élire comme
député à l'Assemblée nationale. Ainsi que j'ai eu
l'occasion de le dire mercredi, comme des milliers de militants du
Québec, de même que, j'en suis sûr, une très large
portion de la population, j'estime qu'il est normal, pour ne pas dire
essentiel, que celui qui dirige l'un des deux partis politiques les plus
importants du Québec ait la possibilité de se faire élire
à l'Assemblée nationale et de jouer son rôle dans ce forum
privilégié de l'expression de la démocratie du
Québec.
A ce moment-ci, je voudrais demander au premier ministre de ne pas
éterniser les délais et qu'il émette des brefs
d'élection le plus tôt possible. M. le Président, si le
premier ministre a un sens élevé des responsabilités et
s'il a un sens aigu de la démocratie, c'est sans hésitation qu'il
déclenchera dans les plus brefs délais des élections
partielles dans le comté d'Argenteuil pour combler la vacance
provoquée par mon départ.
En terminant, M. le Président, vous me permettrez de remercier du
fond de mon coeur la population du comté d'Argenteuil qui m'a fait con-
fiance au cours des treize dernières années. J'ai toujours
essayé de me montrer digne de sa confiance et je sais qu'elle comprend
le geste que je pose aujourd'hui. En saluant une dernière fois en cette
Chambre tous mes collègues et en particulier mes collègues de
l'Opposition officielle, je tiens aussi à remercier le personnel qui m'a
secondé au cours de ces années. Je veux remercier
particulièrement Mme Rollande Chartier, ma secrétaire ici
à l'Assemblée nationale, avec laquelle j'ai eu l'occasion de
travailler depuis maintenant plus de dix ans.
Quant à moi, M. le Président, je retourne à une vie
familiale beaucoup plus intense que le permet la vie politique, de même
qu'à la pratique de ma profession, la médecine. J'entends aussi
continuer, au meilleur de mes moyens, à participer à la vie
publique sur une échelle plus réduite dans ma région pour
promouvoir ce que j'estime être les meilleurs intérêts de ma
province, le Québec, et de mon pays, le Canada. Merci beaucoup.
Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, c'est toujours
avec regret que nous assistons au départ d'un collègue de
l'Assemblée nationale et, dans le cas du député
d'Argenteuil, nous le regrettons d'autant plus qu'en nous annonçant
ainsi sa démission il met fin à une carrière de plus de
douze ans en cette Chambre. En effet, élu en 1966, le
député d'Argenteuil aura donc servi ses concitoyens six ans en
tant que député ministériel et six ans en tant que
député d'Opposition. Les aléas de la politique, qui font
qu'il arrive que certains d'entre nous sont appelés à changer
ainsi de côté de la Chambre, ne modifient cependant en rien la
nature des responsabilités que nous assumons à l'endroit de ceux
que nous représentons dans cette Assemblée.
Aussi quand, hier, le whip de notre parti, le député de
Roberval, nous disait, à son retour de Lachute, qu'il avait
été frappé par la façon extrêmement
chaleureuse avec laquelle la population du comté d'Argenteuil avait
rendu hommage à son député, nous qui avons
été ses collègues pendant toutes ces années n'avons
pas été surpris car nous avons vu à l'oeuvre le
député d'Argenteuil et nous savons jusqu'à quel point il
avait à coeur les intérêts de ses électeurs.
Artisan du progrès de son comté et de sa région, le
député d'Argenteuil aura été aussi un témoin
engagé de l'évolution du Québec au cours des douze
dernières années. Tous ceux-là qui ont suivi sa
carrière savent jusqu'à quel point notre collègue
était et demeure un homme profondément attaché à la
cause de l'unité de notre pays, le Canada, et jusqu'à quel point
il était et demeure un Québécois soucieux de respecter les
droits des deux grandes communautés linguistiques du Québec
représentées d'ailleurs dans son comté d'Argenteuil un peu
à l'image du Québec: environ 20%
d'anglophones et à peu près 80% de francophones. Nous
parlons de valeurs fondamentales de la société
québécoise. Le député d'Argenteuil a toujours su en
témoigner avec autorité en cette Chambre dans ce langage franc,
direct et honnête qui l'a toujours caractérisé.
Le député d'Argenteuil, enfin, a toujours
été un homme loyal à son parti et il a su, à quatre
reprises, faire triompher la cause libérale dans le comté
d'Argenteuil. A Lachute, mercredi, notre collègue a expliqué sa
décision de quitter son poste, comme il l'a fait d'ailleurs ce matin, en
disant qu'il voulait offrir au chef du Parti libéral du Québec
l'occasion d'assumer la plénitude de ses responsabilités en
venant ici, siéger à l'Assemblée nationale. Cette
décision de notre collègue fournit une preuve additionnelle de
son sens élevé des responsabilités. En effet, au moment
où le Québec est sur le point de décider de son avenir, il
est tout à fait impérieux que le chef de l'une des grandes
formations politiques du Québec soit ici, en cette Chambre. C'est
là d'ailleurs une nécessité reconnue et affirmée
par tous les Québécois, sans égard à leur opinion
politique. Dans ce sens, la décision de notre collègue
d'Argenteuil fait appel au sens des responsabilités du premier ministre
qui n'a maintenant absolument pas le droit de se défiler en se
retranchant derrière des prétextes pour retarder le
déclenchement d'une élection partielle dans le comté
d'Argenteuil.
Des considérations de stratégie partisane ne peuvent
absolument pas supplanter l'intérêt supérieur du
Québec et le respect élémentaire des droits
démocratiques des citoyens d'Argenteuil. Le 27 avril 1978, le premier
ministre, lors d'une conférence de presse, se disait, et je le cite,
"foncièrement convaincu que les citoyens de Notre-Dame-de-Grâce ou
de n'importe quel comté ont le droit, dans les délais les plus
raisonnables possibles, d'être représentés à
l'Assemblée nationale ". L'élection de Notre-Dame-de-Grâce
a été déclenchée dans des délais
raisonnables; il ne saurait en être autrement dans le cas d'Argenteuil.
Si on voulait parler d'élection l'hiver, je tiendrais simplement
à rappeler au premier ministre que nous avons connu des élections
l'hiver, le 18 janvier 1965, dans Saint-Maurice et Terrebonne, le 4
décembre 1968 dans Bagot et Notre-Dame-de-Grâce, le 3 mars 1969
dans Dorion, le 8 février 1971 dans Chambly. Ce ne sont que quelques
exemples que je voulais laisser pour la méditation du premier
ministre.
D'une certaine manière, nous comprenons les hésitations
présentes du premier ministre qui, en tant que chef de parti, envisage
sans doute avec une certaine appréhension une deuxième
défaite électorale consécutive du Parti
québécois. Mais la question qui se pose à lui n'est
aucunement de cet ordre. La démission de notre collègue
d'Argenteuil pose tout simplement la question de savoir si le premier ministre
est capable de mettre de côté ses intérêts partisans
pour servir les intérêts supérieurs du Québec et des
citoyens d'Argenteuil. (17 h 20)
Je termine, M. le Président, en disant une nouvelle fois notre
amitié à notre collègue d'Argenteuil, on peut commencer
à dire le Dr Zoël Sainson, ce n'est pas selon la procédure
parlementaire, mais c'est comme cela qu'on va connaître Zoël dans
quelques heures. Je voudrais, en terminant, lui dire notre amitié,
encore une fois, et lui souhaiter, ainsi qu'à son épouse qui est
avec nous ce matin et que je salue affectueusement, le plus grand succès
dans cette carrière médicale qu'il s'apprête à
reprendre, se remettant ainsi de nouveau au service de ses concitoyens comme il
l'a fait, comme maire de Lachute, de 1964 à 1975 et, en tant que
député, de 1966 à 1978. Alors, M. le le Président,
je voulais tout simplement, au nom de l'Opposition officielle, en particulier,
et j'imagine que c'est au nom de tous nos collègues de
l'Assemblée nationale, formuler ces voeux à l'endroit de notre
excellent ami et collègue, le Dr Zoël Saindon.
Le Président: M. le premier ministre.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): Inutile de dire que j'ai
été pris par surprise... Je n'ai pas vraiment eu le temps de me
préparer et j'avoue que j'ai un peu le vertige en ce moment parce que,
après les deux interventions que je viens d'entendre, j'ai l'impression
qu'il y a une campagne électorale qui serait déjà
déclenchée quelque part et qui aurait été
décidée par l'Opposition. Ce sont de vieux comportements qu'on ne
quitte pas facilement! Enfin! J'entendais avec plaisir le chef de l'Opposition
dire que dans Notre-Dame-de-Grâce, enfin on nous rend justice, les
délais avaient été raisonnables. Ce n'est pas tout
à fait ce que j'entendais à la fin de juin dernier. Mais mieux
vaut tard que jamais! On avoue que, à ce moment-là, les
délais étaient démocratiquement raisonnables. Mais avant
d'entrer très brièvement dans ce sujet qu'on nous impose, comme
cela, sans avertissement, je voudrais dire, quand même, au nom de tous
ces collègues de ce côté-ci de la Chambre, j'en suis
sûr, à l'ex-député d'Argenteuil, l'estime que nous a
toujours inspirée son comportement discret et modéré, qui
contrastait d'ailleurs avec l'esprit de décision rapide qui inspirait
à certains moments son allocution de tout à l'heure.
Je comprends inutile de dire et je suis prêt
à partager beaucoup des sentiments qu'il a exprimés à
partir de lassez longue expérience parlementaire qu'il a vécue.
Maintenant que son aspiration et peut-être des mains secourables ont
aidé notre collègue d'Argenteuil à décider de
quitter son fauteuil, la veille de Noël, je suis sûr, je voudrais
croire, vu l'esprit de réforme démocratique qui souffle sur le
Parti libéral du Québec, qu'il y aura d'abord une convention pour
le choix définitif d'un candidat, et non pas un parachutage, sans autre
forme de procès! Il y a eu une convention dans chacun des comtés
où, peu importent les résultats, j'ai eu l'honneur, M. le
Président, de me présenter! Il peut arriver, parfois, qu'on
attende plus longtemps que des éclairages d'ailleurs pourraient
le faire croire! Par conséquent, de toute façon, vu que, bien
sûr, la réforme démocratique, chez nos amis d'en face,
exige une procédure comme celle-là, je crois qu'il faut attendre
un peu, quand même, pour que la démocratie interne dans
l'Opposition fasse ses preuves.
A part cela, il y a une chose. On nous laisse entendre que ce n'est
peut-être pas le dernier événement du genre auquel on
assisterait avant même la fin de l'année. Je pense que très
sérieusement tout cela exige au moins jusqu'après les Fêtes
pour qu'on puisse démêler les implications et prendre les
décisions qui s'imposent.
Entre-temps, je puis assurer l'Opposition qu'on va continuer à
méditer les commentaires dont les uns disent qu'il ne faut pas infliger
de scrutin aux citoyens en plein coeur de l'hiver et dont les autres nous
presseraient plutôt de les faire voter dès le jour de Noël
dans un vrai climat messianique.
Une Voix: II est né le divin enfant...
M. Lévesque (Taillon): On admettra que c'est un dilemme un
peu cornélien auquel je suis obligé d'ajouter les pressions
insistantes du député d'Argenteuil et du chef de l'Opposition.
Tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'y aura pas de délai indu, ni de
précipitation du même genre. Il n'est pas question de retarder un
scrutin ou des scrutins de façon qui serait odieuse. Il n'est pas
question, non plus, de laisser l'Opposition parlementaire ou
extra-parlementaire fixer la date à notre place, pas même
pour des candidats potentiels qu'on proclame déjà élus, ce
qui reste à voir.
De toute façon, qu'on me permette deux hommages personnels en
terminant. Dans l'intervention qu'il a faite, j'ai bien reconnu l'esprit de
désintéressement proprement évangelique du chef de
l'Opposition officielle. C'est ce qui nous le ferait je parle au
conditionnel, jusqu'à nouvel ordre regretter vivement s'il
fallait un jour le voir quitter ses fonctions actuelles, sauf évidemment
à certains moments de la session, mais tellement rares. C'est là
un exemple d'abnégation qu'on pourrait sûrement proposer à
d'autres.
En terminant, M. le Président, je voudrais
réitérer, encore une fois, au nom de tous ses collègues de
ce côté-ci de la Chambre, le bon souvenir que nous garderons tous
de la présence parmi nous du Dr Saindon et aussi le bon souvenir que
nous garderons de presque toute son intervention de tout à l'heure.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: M. le Président, comme doyen de cette
Assemblée nationale, je dois vous dire qu'après avoir vu passer
dans cette Assemblée nationale au-delà de 900 membres qui sont
tous... écoutez... je reste comme un vieux chêne qui à
travers les tempêtes est resté avec des racines solides, bien
plantées. Je veux dire d'avance à l'honorable premier ministre et
à ceux qui me voudraient voir disparaître que, contrairement
à tout ce qu'on peut souhaiter, je me représenterai à la
prochaine élection dans mon comté. Etre le doyen,
député pendant 40 années, c'est un championnat que je
voudrais conserver. M. le Président, je voudrais dire à
l'ex-député d'Argenteuil, le Dr Saindon, que nos relations entre
nous, et particulièrement entre les sessions, ont été
très cordiales. Je le prie de croire qu'en politique il faut
déjà beaucoup de culture pour se contenter des fois
d'explications qui sont simples. Je pense que dans son cas, en particulier, il
a donné sa version, mais nous sommes obligés aussi d'aller
à d'autres versions qui nous ont fait voir le grand sacrifié des
temps. Je le félicite de ces 13 années qu'il a passées
parmi nous et je suis assuré d'avance qu'il regrettera lui-même de
ne pas avoir terminé son mandat.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, je voudrais également
dire quelques mots pour souligner que je regrette personnellement le
départ de notre collègue d Argenteuil, qui est l'un des
vétérans de cette Assemblée, après y avoir
passé 13 ans. Même s il représente un autre parti que le
mien, je dois reconnaître que sur le plan personnel, humain, social, le
Dr Saindon est une personne qui, à mon sens, a su gagner l'amitié
de tous ses collègues en cette Assemblée. C'est avec plaisir, M.
le Président, que je me considère comme l'un de ses amis. (11 h
30)
Les raisons qu'a invoquées le député d'Argenteuil
m'apparaissent comme un geste noble de sa part voulant ouvrir son comté
afin de permettre au chef de son parti de s'y faire élire et de venir
siéger en cette Chambre. M. le Président, ce n'est pas, bien
sûr, à nous de décider si le chef du Parti libéral
doit maintenant entrer en cette Chambre ou non, mais il semble que le chef du
parti a manifesté ce désir. Le député d'Argenteuil
nous l'a clairement indiqué tantôt. A partir du moment où
c'est une manifestation qui nous paraît claire, je considère qu'il
serait normal que, dans les circonstances, une élection soit
déclenchée dans les plus brefs délais possible.
Peut-être pourrais-je suggérer à l'honorable premier
ministre, entre autres exemples qu'il cite souvent, d'utiliser l'exemple qu'a
donné le premier ministre de la Colombie-Britannique, M. Bill Bennett. A
la suite des dernières élections générales
législatives dans sa province où le chef du parti
néo-démocrate, l'ancien premier ministre, Dave Barrett avait
été défait dans son propre comté, il a ouvert un
comté et il a même favorisé l'élection de
l'ex-premier ministre Dave Barrett pour lui permettre de
réinté-
grer son siège à l'Assemblée législative et,
de reprendre la tête des troupes de l'Opposition officielle en
Colombie-Britannique.
C'est peut-être un exemple qu'il serait bon de suivre dans les
circonstances, car il me semble, M. le Président, que le chef de
l'Opposition officielle devrait normalement, avec toute la
déférence et l'amitié que j'ai pour l'actuel chef
parlementaire, bien sûr, être en cette Chambre et y siéger
comme député. Je termine, M. le Président, en souhaitant
bonne chance au docteur Saindon dans ses futures occupations.
Le Président: M. le député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Très brièvement, M. le Président, je
veux me joindre à mes collègues pour rendre hommage au docteur
Zoël Saindon ce matin, ainsi qu'à son épouse. Des
événements de ce genre ne sont pas sans nous rappeler
qu'au-delà des frontières partisanes il se dégage des
liens d'amitié entre les membres d'une Assemblée, entre les
membres d'un Parlement. Une personne comme le docteur Saindon ne peut pas
traverser quatre campagnes électorales sans avoir l'estime et la
confiance de ses concitoyens. Je pense qu'il faut lui rendre un hommage
mérité. Lorsqu'il nous disait, tout à l'heure, qu'il n'y
avait que treize députés de l'équipe de 1966 ici à
l'Assemblée nationale, cela m'a fait me rappeler d'ailleurs, j'ai
eu l'occasion de faire sa connaissance en 1970, puisque je fais partie de
l'équipe de 1970 que, de cette équipe de 1970, nous
restons moins de 25. Il y en a qui faisaient partie de l'équipe de 1970
et qui sont partis depuis longtemps déjà. Il y en a qui sont
venus en 1973 et qui sont déjà partis, ce qui nous fait dire
qu'il n'y a pas de permanence dans la vie publique. Et on nous dit qu'il y en a
d'autres qui sont à la veille de partir. Alors, je ne nomme personne, M.
le Président, mais la politique, quand on ne la quitte pas, c'est elle
qui nous quitte. Cela a été vrai pour plusieurs.
Sans plus de préambule, je veux lui offrir mes meilleurs voeux
dans l'exercice de sa profession, des jours et des années heureuses dans
sa famille et parmi ses concitoyens.
Le Président: Docteur Saindon, vous avez la parole.
M. Zoël Saindon
M. Saindon: M. le Président, je voudrais remercier mes
anciens collègues je devrais dire des deux
côtés de la Chambre de leurs bons voeux et les remercier aussi de
leurs bons égards à mon intention.
Je voudrais remercier spécialement M. Gé-rard-D. Levesque,
chef de l'Opposition officielle, des propos qu'il a tenus à mon
égard. Je n'en attendais pas autant et soyez assurés que je le
remercie bien sincèrement. Je veux aussi remer- cier tous les autres
représentants de partis et spécialement le premier ministre. J'ai
apprécié certaines de ses remarques. Par contre, les
dernières de son intervention ont plutôt pris une certaine
tangente. J'aurais préféré m'en passer.
Quant au leader de l'Union Nationale, je voudrais tout simplement vous
dire que j'ai entendu ses propos. Je remercie le député de
Beauce-Sud et le député de Rouyn-Noranda. Merci beaucoup.
Le Président: Toujours aux motions non
annoncées.
M. Samson: J'aurais une motion non annoncées.
Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda,
aux motions non annoncées.
Demande d'intervention du
fédéral
relative aux étudiants
contrôleurs
aériens du Québec
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, j'aurais une motion non
annoncée qui, si elle recevait l'assen-tiement de cette Chambre, se
lirait comme suit. C'est très bref: Que cette Chambre est d'avis que le
gouvernement fédéral devrait intervenir sans délai afin de
permettre aux seize étudiants aspirants contrôleurs du
Québec qui vont actuellement à l'Institut de formation de
transport Canada, à Cornwall, en Ontario, de poursuivre leurs
études au Québec.
Le Président: Est-ce qu'il y a un consentement à la
représentation de cette motion?
M. Lavoie: Oui, consentement.
M. Samson: M. le Président, j'aurais quelques mots
à ajouter, sur cette motion. Je pense qu'il est important que cette
Assemblée fasse l'unanimité, dans des circonstances telles que
celle que nous avons connue par la voix des media d'information, à
savoir que seize étudiants québécois francophones
subissent en quelque sorte préjudice dans un institut unilingue à
Cornwall. Nous avons tous reconnu en cette Chambre, il y a déjà
de cela plusieurs années et je me rappelle de motions non
annoncées qui avaient fait l'unanimité de la Chambre sous
l'ancien gouvernement qu'il doit être permis aux pilotes et aux
contrôleurs aériens du Québec de s'exprimer dans l'une ou
l'autre des deux langues officielles du Canada.
L'on rapporte, dans un journal de ce matin, que ces étudiants,
à Cornwall, subissent un traitement qui est qualifié par le
journal de discriminatoire. Ils se diraient victimes de certaines choses:
premièrement, leur nom est entouré en rouge, sur les diagrammes
et les feuilles de résultats d'examens; qu'ils trouvent sur leurs
pupitres, en arrivant là-bas, la lettre Q inscrite en rouge;
deuxièmement, il leur est fortement conseillé de
ne pas devenir membres de l'Association bilingue des gens de l'air du
Québec; troisièmement, ils sont tenus de répondre
uniquement en anglais aux questions d'examens; quatrièmement, on leur
interdit de parler français entre eux dans les locaux de simulation et
en présence d'instructeurs unilingues, cela va de soi, qui s'efforcent
ainsi de savoir tout ce qu'ils pensent dans une autre langue que celle de
l'administration fédérale. Cinquièmement, aucun
instructeur bilingue n'est disponible.
L'article se termine comme suit: "Alors que l'on condamnait les seize
aspirants du Québec à retourner à Cornwall dès
lundi, le 11 décembre, sous peine de renvoi pur et simple dans les sept
jours suivants". Il me semble qu'une situation comme celle-là ne devrait
pas exister pour aucune considération. (11 h 40)
II y a à Dorval j'ai entendu, ce matin, le ministre des
Transports nous le dire une institution capable de donner ses cours
à ses étudiants et capable de les donner dans leur langue. M. le
Président, il est important de le rappeler, je ne veux pas dire que tout
le contrôle aérien, tout ce qui se passe doit se faire uniquement
dans une langue qui est le français. Mais je pense que nous avons
reconnu à l'Assemblée nationale, et de façon unanime, il y
a plusieurs années, que cette Assemblée désirait que les
deux langues officielles du Canada puissent être utilisées sans
discrimination envers nos représentants qui oeuvrent dans ce secteur qui
sont en provenance du Québec ou en provenance d'ailleurs, mais qui
peuvent être des francophones.
C'est donc pourquoi, M. le Président, sans faire un long
débat, j'imagine, cette Assemblée a ce matin une magnifique
occasion de demander directement, sans détour, au gouvernement
fédéral d'intervenir comme gouvernement dans cette question et de
rétablir la justice, car actuellement il y a manifestement injustice. M.
le Président, ceci pourrait se faire pour le bien de tous. Il y a
là je pense une magnifique occasion, pour le gouvernement
fédéral, de faire la preuve de la bonne foi que nous voulons bien
lui reconnaître, mais à la condition qu'il la fasse, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre des Transports, sur la
motion.
M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, il me fait plaisir
aujourd'hui d'appuyer la motion du député de Rouyn-Noranda,
d'autant plus que j'avais eu l'intention au cours de la semaine dernière
de présenter une motion semblable qui se lisait comme suit: Que cette
Chambre vote une motion d'appui au groupe des seize aspirants contrôleurs
québécois de la circulation aérienne qui exigent
d'être traités sur un même pied que leurs confrères
anglophones et qui demandent d'être formés au Québec. M. le
Président, depuis déjà plusieurs années, les
Québécois, par l'intermédiaire surtout des Gens de
l'air, ont tenté de revendiquer certains droits essentiels qui devraient
leur être reconnus à l'intérieur du Canada, d'autant plus
que la Loi des langues officielles reconnaît ces droits.
Malheureusement, à chaque fois, nous avons reçu des
réponses négatives du gouvernement fédéral.
Même plus, M. le Président, le ministre des Transports, M. Otto
Lang, est allé jusqu'à émettre une directive pour
empêcher les pilotes québécois de parler leur langue, de
parler la langue française dans le transport aérien. M. le
Président, nous avons encore depuis quelques jours une
démonstration évidente que les Québécois n'ont pas
de place dans le secteur aérien, à la suite des décisions
du gouvernement fédéral. Nous avons, comme on le disait tout
à l'heure, comme je l'ai dit ce matin, actuellement au Québec
toutes les ressources humaines nécessaires pour que ces
contrôleurs québécois puissent suivre des cours dans leur
langue et des cours au Québec. Malheureusement, ce gouvernement
fédéral ne veut pas intervenir. Le ministre Lalonde
déposait il y a quelques jours un document sur lequel j'ai eu l'occasion
de faire un certain nombre de commentaires hier, un document intitulé:
Les transports, un lien unificateur. M. le Président, s'il est un
secteur où le gouvernement du Québec a à dénoncer
les politiques du gouvernement fédéral, c'est bien le secteur du
transport et, particulièrement, le secteur aérien, où nous
avons été complètement oubliés.
Dans le secteur aérien, le Québec a toujours fait figure
de parent pauvre. Non seulement des régions isolées ne sont-elles
pas reliées aux grands centres par un réseau aérien
adéquat, mais la majorité des aéroports sont
sous-équipés. Lorsque ce n'est pas le cas, à Mirabel, par
exemple, on ne prend pas les mesures nécessaires pour rentabiliser, et
ici, à Québec, on est obligé de se battre pour avoir un
aéroport correspondant à la capacité de la capitale du
Québec.
M. le Président, si M. Lalonde croit véritablement que les
transports puissent devenir un lien unificateur pour l'ensemble du Canada, il
devrait au moins avoir comme minimum de décence d'intervenir
auprès de son collègue, M. Otto Lang, pour faire en sorte que la
situation que nous dénonçons, et que le député de
Rouyn-Noranda dénonce ce matin par une motion, soit corrigée dans
les plus brefs délais. Nous devons, je pense, en même temps, nous
associer pour féliciter les seize aspirants contrôleurs
aériens du Québec qui n'ont pas hésité à
risquer même leur carrière, je dis bien, pour dénoncer une
chose qui est absolument inacceptable actuellement. Je pense que, quelles que
soient nos positions ici à l'Assemblée nationale, quel que soit
notre parti politique, nous devrions faire preuve de solidarité, nous
devrions nous associer pour, d'abord, empêcher que ces
Québécois ne puissent continuer leur carrière et en
même temps faire en sorte qu'ils puissent recevoir l'instruction, leurs
cours dans leur langue. Il faut souligner qu'actuellement, plusieurs de ces
professeurs qui donnent des cours à l'institut sont
des professeurs qui font partie des quelque 80 instructeurs
aériens anglophones qui ont quitté le Québec depuis 1975,
pour protester contre les timides tentatives d'implantation du bilinguisme dans
le secteur aérien au Québec, à la suite des luttes des
gens de l'air.
Ces Québécois subissent de la discrimination,
actuellement. Ces Québécois n'ont même pas le droit de
parler entre eux leur langue, de parler entre eux la langue française.
M. le Président, ce sont là des preuves qui s'accumulent de plus
en plus; des preuves qui démontrent que le Québec n'a plus sa
place dans le Canada, que les Québécois ne sont pas
respectés par l'ensemble des Canadiens. C'est dans ce sens que la seule
solution qui nous permettra, non seulement de contrôler le secteur
aérien, mais de trouver du travail pour nos jeunes
Québécois qui, actuellement, suivent des cours, soit au CEGEP de
Chicoutimi soit au CEGEP Saint-Hubert, dans leur secteur, dans leur
métier, ce sera celle du Parti québécois, la
souveraineté-association.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Vice-Président: Mme le député de
L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je désire, au nom
de mon parti, appuyer la motion du député de Rouyn-Noranda. Je
suis d'accord sur ce qu'il a avancé à savoir qu'il me
paraît vraiment assez extraordinaire de penser que le gouvernement
fédéral ou enfin le ministère des Transports soit encore
insensible, ou inconscient que de telles situations puissent se produire,
surtout quand on parle d'étudiants qui sont en stage à l'Institut
de formation de Transports Canada à Cornwall. (11 h 50)
Le député de Rouyn-Noranda, dans sa motion, indique qu'il
requiert que ces étudiants puissent poursuivre leurs études au
Québec. Je ne ferai pas d'amendement peut-être que le
député de Rouyn-Noranda pourra me répondre plus tard
mais je pense que sa préoccupation fondamentale est qu'ils
puissent poursuivre leurs études en français. Je le
préférerais de beaucoup, mais, comme je le disais, je ne ferai
pas de motion à cet effet. Il devrait être possible de poursuivre
des études, même si c'est dans le transport aérien, dans
les deux langues officielles du pays non seulement au Québec, mais
également dans d'autres provinces du Canada. Dans cette forme, je pense
que cette motion aurait probablement un effet plus important et attirerait
peut-être l'attention des autres provinces pour appuyer un geste dans ce
sens.
Vous vous souviendrez, M. le Président, que nous avons
été longtemps à partager une table au moment de
l'étude de la loi 101 et qu'alors que je me suis fait le protecteur des
intérêts des groupes minoritaires au Québec, j'avais
à maintes occasions répété que, lorsque des
situations analogues se présenteraient à l'égard des
groupes francophones dans les autres provinces, dans d'autres parties du
Canada, je montrerais la même énergie et le même
intérêt pour faire valoir qu'il ne faut pas réduire, si je
peux me servir de cette expression, l'utilisation du français dans
l'apprentissage, dans la formation ou dans l'enseignement, dans
l'éducation uniquement au Québec, mais que ceci devrait se
retrouver ailleurs au Canada. C'est vraiment étonnant que cela arrive
à proximité du Québec. Evidemment, la tentation,
l'inclination est de penser que ces étudiants pourraient venir au
Québec. Ce serait déjà respecter ces étudiants,
mais je pense qu'on respecterait davantage la population francophone de
l'ensemble du pays si des mesures semblables pouvaient être
étendues ou développées ailleurs qu'au Québec pour
répondre aussi aux besoins des francophones qui se trouvent à
l'extérieur du Québec.
Je pense qu'on ne s'étonnera pas du tout que nous appuyions cette
motion du député de Rouyn-Noranda et je le félicite d'en
avoir pris l'initiative parce que plusieurs se souviendront que le Parti
libéral avait également appuyé, au moment du conflit des
contrôleurs aériens, des débats linguistiques qui ont eu
lieu à ce moment-là, les contrôleurs aériens de
langue française. C'est dans cette même ligne de pensée que
nous appuyons sans aucune restriction aujourd'hui la motion du
député de Rouyn-Noranda. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Je voudrais parler quelques minutes pour appuyer la
motion de mon collègue, le député de Rouyn-Noranda, qui
demande que ces seize étudiants, aspirants contrôleurs
aériens du Québec, puissent poursuivre leurs cours de formation
en transport ici, au Québec, et surtout dans leur langue. Je crois que
cette motion ne fait que reconnaître, encore une fois, ce que tous les
Québécois ou la très grande majorité des
Québécois veulent, en fait et en pratique, soit
l'égalité de traitement pour les francophones et les anglophones
au Canada. Ce n'est pas l'apanage du Parti québécois de demander
la protection des francophones au Canada. Tous les partis politiques de cette
Chambre veulent justement l'égalité des francophones et des
anglophones au Canada. Là-dessus, il faudrait peut-être
arrêter de charrier en disant que seul le Parti québécois
prend la défense du fait français, que seul le Parti
québécois peut apporter des solutions définitives à
ce problème. Chacun des partis politiques représentés au
Québec a des solutions, bien sûr différentes, à
présenter à la population du Québec et du Canada dans ce
sens.
J'entendais, tout à l'heure, le ministre des Transports nous dire
que la seule solution à tous ces problèmes était la
séparation ou l'indépendance du Québec. C'est
complètement faux, c'est archifaux. Il faudrait continuer quand
même, peu
importe le régime dans lequel on sera au Québec, que ce
soit la séparation complète, l'indépendance ou la
souveraineté-association ou le trait d'union, une fois que vous aurez
défini ce que c'est, le fédéralisme renouvelé ou le
statu quo, il faudra toujours que les francophones d'Amérique se battent
constamment pour conserver leur égalité. C'est l'héritage
qu'on a reçu de nos ancêtres, c est l'héritage que nos
pères nous ont laissé en nous disant: Vous êtes six
millions dé francophones sur cette terre d'Amérique, et il y a
250 millions d'anglophones autour de nous; il faudra toujours se battre, peu
importe le régime politique dans lequel nous vivrons. Il faudra
arrêter de charrier et de dire que l'indépendance politique du
Québec va tout régler et que le français est assuré
de survivre si on est indépendant ou séparé. C'est
complètement faux. On sera seul à l'époque pour se battre
alors qu'aujourd'hui, au moins, on a quelques-uns de nos compatriotes, une
grande partie de nos compatriotes anglophones qui sont prêts à
reconnaître l'égalité entre les francophones et les
anglophones au Canada.
M. Bellemare: Très bien!
M. Biron: M. le Président, si nous voulons appuyer cette
motion du député de Rouyn-Noranda pour faire avancer d'un autre
pas cette cause de I égalité, cette bataille de
l'égalité qui a traîné depuis trop longtemps,
malheureusement. C'est le temps, aujourd'hui, d'apporter des solutions
complètes et pratiques. Ces solutions pratiques, la motion du
député de Rouyn-Noranda, bien sûr, n'y fait pas allusion
parce qu'elle est très courte, mais c'est tout simplement qu'on donne
une chance égale aux francophones et aux anglophones. Pour cela, il faut
que le gouvernement du Québec se mouille quelque part, dans le
système d éducation en particulier. Qu'il donne une chance
égale aux francophones et aux anglophones. Qu'il soit conscient de cette
réalité nord-américaine dans laquelle nous vivons.
C est sûr qu'on est souvent obligé de faire instruire nos
enfants, comme c'est le cas présentement, en Ontario, à Cornwall,
pour apprendre le contrôle aérien, en anglais. Mais le
contrôle aérien ne regarde pas tout simplement le Québec.
Cela regarde aussi partout à travers le Canada, l'Amérique du
Nord et le monde. Le contrôle aérien fait en sorte que ceux qui
veulent travailler dans ce métier, comme dans tous les autres
métiers et toutes les autres professions, il faudra, au Québec,
vivre en français, apprendre le français, étudier en
français, essentiellement en français. Cela ne veut pas dire
qu'il faut étudier exclusivement en français. Il faut donner
l'occasion à tous nos jeunes francophones, à tous nos jeunes
anglophones du Québec d'apprendre la langue seconde. C'est ce qui manque
à notre gouvernement à l'heure actuelle.
On charrie, on fait de la petite politique avec le fait français,
quand on ne peut pas apporter des solutions et qu'on ne met même pas sur
la table nos solutions de souveraineté-association. On charrie de toutes
les façons possibles, mais on n'apporte pas de solutions
réalistes aux problèmes d'aujourd'hui. Faites le tour de la
province. M. le Président, allez voir les pères et les
mères de famille et posez leur des questions concernant
l'éducation de leurs enfants. Ils vont répondre en grande
majorité qu'ils veulent que leurs enfants étudient en
français, apprennent le français, mais un bon français
dans toutes les écoles du Québec, mais ils veulent aussi, en
même temps, que leurs enfants puissent apprendre l'anglais comme langue
seconde. Cela a été promis à l'occasion de I étude
de la loi 101. Et ceux de mes collègues d'en face, ceux qui sont
à ma droite ou ceux de I'Union Nationale qui étaient à la
commission sur la loi 101 savent que cela a été promis par le
gouvernement du Québec. Nous vous promettons d'enseigner un anglais de
bonne qualité, et en quantité, comme langue seconde, dans toutes
les écoles françaises, et le français comme langue seconde
dans toutes les écoles anglaises. On nous a promis cela.
M. Dussault: La pertinence!
M. Biron: Depuis ce temps-là, on n a absolument rien fait,
de sorte que les étudiants sont poignes avec le système actuel.
C'est cela le problème. La plupart des parents du Québec
voudraient que leurs enfants puissent apprendre les deux langues officielles de
leur pays. Ils vont continuer à vivre au Québec essentiellement
en français mais, au moins, ils pourront avoir une formation convenable,
une formation que les parents veulent donner à leurs enfants. Cela fait
partie de l'histoire politique du Québec et du Canada et de la
réalité nord-américaine.
En appuyant cette motion du député de Rouyn-Noranda
aujourd'hui, nous voulons justement faire avancer la cause de
l'égalité. Nous voulons permettre aux francophones d'être
traités avec égalité ici dans ce pays qu'est le Canada.
Nous ne voulons pas briser le Canada et nous ne voulons pas non plus apporter
des solutions fausses aux vrais problèmes des francophones. Nous voulons
faire en sorte que nos jeunes puissent vivre, au Québec, essentiellement
en français, en apprenant aussi l'anglais comme langue seconde. (12
heures)
M. le Président, nous voulons faire avancer la cause de
l'égalité au Canada et nous voulons, aussi, faire comprendre
sérieusement et honnêtement à la population du
Québec que le défi de l'excellence, cela va toujours exister pour
nous. Qu'on arrête de dire aux gens: L'indépendance va tout
régler, vous allez vous asseoir sur vos fauteuils et tout va être
réglé. Que l'on soit honnête avec la population du
Québec et qu'on dise aux Québécois, qu'on dise aux jeunes
Québécois: Préparez-vous à vous battre,
préparez-vous à être meilleurs que les autres, il faut que
vous soyez meilleurs que les autres si vous voulez conserver votre langue
française, votre culture française en Amérique.
Préparez-vous à faire face au défi nord-américain.
Qu'on ne dise pas aux jeunes de se
préparer à ne pas se battre. Qu'on ne dise pas aux jeunes
de s'asseoir sur leur fauteuil et de ne rien faire, mais qu'on dise la
réalité. Qu'on dise ce que nos parents ont fait; qu'ils se sont
battus constamment pour conserver leur langue, leur culture. Nous autres aussi
on se bat à l'heure actuelle, nos enfants continueront à se
battre. C'est la réalité nord-américaine, c'est
l'héritage qu'on a reçu de nos parents. Qu'on soit honnête
de ce côté, qu'on continue à se battre, qu'on soit meilleur
que les autres. Le défi de l'excellence cela va toujours exister pour
nous, la bataille de l'égalité on l'a menée dans le
passé, on la mène encore aujourd'hui et on continuera de la mener
dans l'avenir. C'est pour cela que nous appuierons la motion du
député de Rouyn-Noranda.
Le Vice-Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: M. le Président, je vais tenter d'être bref,
malgré que j'en aurais pour au moins une heure à parler.
Le Vice-Président: Le règlement ne le permet
pas.
M. Roy: Je sais que le règlement ne le permet pas, mais
cela n'empêche pas que j'en aurais au moins pour une heure quand
même.
Des Voix: Consentement.
M. Roy: M. le Président, je remercie mes collègues
du consentement, mais quand on a travaillé, qu'on a siégé
jusqu'à 2 h 30 du matin...
M. Charron: M. le Président, il n'y a pas
consentement.
M. Roy: II n'y a pas consentement? Peut-être que cette fois
l'honorable leader du gouvernement serait d'accord avec le député
de Beauce-Sud. M. le Président, le moins que l'on puisse dire, c'est un
autre dossier noir. Un autre dossier noir du gouvernement fédéral
à l'endroit des francophones. Qu'on ne vienne pas me dire ce matin que
ce sont les Québécois qui sabotent l'unité canadienne,
quand on constate l'existence d'une telle école, qui n'a quand
même pas été construite par le gouvernement de l'Ontario,
une école qui a coûté $60 millions aux Canadiens et qu'on
n'a même pas prévu qu'elle puisse dispenser un enseignement
bilingue. Je devine l'attitude de la majorité de ceux qui nous
représentent à Ottawa et ceux qui sont leurs
délégués ici à l'Assemblée nationale,
peut-être pas leurs délégués, je devrais dire ceux
qui leur sont affiliés. Quelle est leur attitude? J'appuierai la motion
de l'honorable député de Rouyn-Noranda, M. le Président,
c'est le moins que l'on puisse faire ce matin. J'entendais le chef de l'Union
Nationale dire qu'il fallait se battre et qu'il faudrait toujours se battre;
c'est vrai que nous avons une réputation de batailleurs, parce qu'il a
fallu nous battre pour garder le peu que nous avons.
Il y en a qui se battent toute leur vie, mais il y en a aussi qui se
font battre toute leur vie. Pour se battre, il faut avoir des espoirs de gagner
de temps en temps. Il faut avoir des moyens de gagner de temps en temps. Il ne
faut pas toujours se battre à poings nus. Il faut avoir des outils. Pour
cela, il faut se placer, à un moment donné, sur un pied
d'égalité, d'égal à égal.
Des Voix: Bravo.
M. Roy: M. le Président, ne pensons jamais que nous
pourrons réussir à obtenir des gains vraiment significatifs si
nous ne faisons pas en sorte de faire l'unité québécoise.
Il va falloir faire l'unité du Québec, l'unité
québécoise. Il n'y a pas d'autre condition. C'est la raison
fondamentale pour laquelle j'ai déposé un projet de loi à
l'Assemblée nationale, qui porte le no 194, mais on ne peut pas,
à cause des règlements, à cause d'une fin de session, le
discuter à ce moment-ci. J'en profite ce matin pour dire que ce projet
de loi sera réinscrit au feuilleton de l'Assemblée nationale
dès la reprise de la session. Comme j'aurai droit à mes
journées du mercredi, durant la première partie, je peux
prédire que je vais faire en sorte que ce projet de loi puisse
être discuté, débattu et voté ici à
l'Assemblée nationale.
Je compte sur l'unanimité de l'Assemblée nationale pour
que ce projet de loi soit adopté pour qu'enfin on se donne des outils,
pour que, lorsque nous serons dans l'obligation de nous battre, nous ayons des
outils pour nous battre d'égal à égal.
Le Vice-Président: M. le député de
Maguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas prendre
beaucoup de temps. Je sais que le leader du gouvernement a un menu à
nous offrir aujourd'hui. Mais je ne peux pas laisser passer cette occasion sans
insister sur le fait qu'on ne doit pas être surpris si on trouve
l'unanimité des parlementaires ici derrière la motion du
député de Rouyn-Noranda.
En effet, la motion remet dans l'actualité toute la question du
français dans le transport aérien, question qu'on a, à bon
droit, je crois, appelée l'affaire des gens de l'air.
Déjà, depuis quelques années, cette Assemblée et le
gouvernement québécois précédent avaient eu
à s'impliquer dans cette question. J'avais personnellement dirigé
une délégation des gens de l'air composée de
représentants de l'Association des gens de l'air dont faisait partie
celui qui, maintenant, est président de l'Assemblée nationale et
qui, à ce moment-là, était Me Clément Richard.
Lui-même pourrait témoigner, M. le Président mais il
ne le peut pas étant donné qu'il ne peut participer à nos
débats des
efforts que nous avons faits à ce moment-là pour faire
rendre justice à la cause du français dans le transport
aérien.
Cette Assemblée avait appuyé unanimement une motion que
j'avais faite plus tard pour condamner l'entente qui avait été
conclue entre M. Otto Lang et la CALPA. Ceux qui étaient ici, à
ce moment-là, se souviennent que l'Assemblée nationale n'avait
pas non plus eu de difficulté à trouver son unanimité pour
condamner un geste qui mettait en péril la cause du français.
Le ministre des Transports a cru bon devoir profiter de la situation
pour tenter de faire avancer la cause du désespoir, la solution de la
frustration angoissée et tiraillée. C'est son choix, M. le
Président. On saura plus tard quel sort sera réservé par
la population québécoise à la solution du tiraillement et
de la frustration. Si l'on en juge par le succès que
l'indépendance et le séparatisme ont eu depuis dix ans, ici au
Québec, je pense que le ministre des Transports aurait dû choisir
une autre solution à proposer devant le problème très
réel qui a été souligné par la motion du
député de Rouyn-Noranda.
Quant à nous, nous ne sommes pas gênés mais
pas du tout de réitérer notre appui à la cause du
français, en particulier dans la question qui a été
soulevée par la motion du député de Rouyn-Noranda. Mais ce
n'est pas dans le désespoir. Nous savons que nous devrons nous battre
constamment. Nous allons le faire encore une fois en appuyant la motion du
député de Rouyn-Noranda. C'est visière levée, c'est
non pas en proposant la frustration, la fermeture hermétique de la
souveraineté-association ou enfin ce que cela veut dire, on ne le
sait pas au juste, personne le sait ce n'est pas dans la solution
tiraillée du Parti québécois que nous allons le faire.
Nous allons le faire en nous défendant quotidiennement, comme nous
allons devoir le faire quel que soit le régime dans lequel nous vivrons
dans l'avenir. C'est pour cette raison et cette raison seulement que nous
appuierons que, personnellement, j'appuie la motion du député de
Rouyn-Noranda.
Le Vice-Président: M. le député de
Rouyn-Noranda, votre réplique.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Vice-Président: Je m'excuse. Je ne vous avais pas
vu.
M. le député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'appuie la motion du
député de Rouyn-Noranda et je crois que le problème va
beaucoup plus loin que le problème de ces seize étudiants qui
font l'objet de la motion du député de Rouyn-Noranda.
M. le Président, je crois que c'est important non seulement pour
nous ici de faire vraiment des représentations au gouvernement
fédéral, mais je crois que c'est important pour la
communauté an- glophone du Canada de comprendre vraiment les
implications de certaines décisions qui ont été prises
dans le passé et qui continuent à être prises maintenant.
(12 h 10)
Mr President, I think that it is very important for the English-speaking
community of Canada, not only of Québec but of all Canada, to understand
what is at stake in the principle of this motion. When we speak of minority
rights in one province, we cannot have two different standards of minority
rights. I have fought this government on bill 101 because I have thought that
it was restrictive and discriminatory. However, the principles of justice, in
terms of discrimination, apply throughout all of Canada, and the difficulties
that we have here in defending minority rights are worsened by the attitudes
that are taken by some groups and some people in the rest of Canada.
To be the victim of discrimination is a personally sad experience for
the individuals that are involved but, when it is practiced, even symbolically
or otherwise on a national scale, whether it is involuntary or whether it is in
the name of national security, I think it can be tragic for this country.
During the course of the next few months and perhaps the next few years,
we will be debating some very important problems having very important
consequences for the future of this country, and it will be unfortunate if the
rest of Canada does not understand what is going on here and will render more
difficult the solution of maintaining Canadian unity. I wonder how many other
Canadians outside of Québec, if this debate were televised, would
understand the representations made by the member from Rouyn-Noranda. How many
would understand the plea that was made by my colleague, le
député de L'Acadie? Because that is what it is going to be all
about, we are going to have to communicate and understand the problems that
exist here. And I would go so far as to say that the future of Québec
within Canada will not depend only on the decisions that are taken by the
population in Québec; they will be taken by the reactions and the
decisions taken in the rest of Canada. So that this motion of the member from
Rouyn-Noranda is well founded. It reflects "un malaise" that exists, a lack of
understanding, and I would like to appeal not only to the federal government,
as the motion does, but I would like to appeal to the rest of Canada to
understand what is going on in Québec and ask for their support because
only by that kind of understanding and by that kind of support will we be able
to keep this country together.
It is more than just an appeal for sympathy. It is an appeal for a
recognition of human rights, of minority rights. Minority rights not only exist
in Québec. Minority rights exist across the country and it is not enough
to ask the government of Québec to recognize human rights, individual
rights and minority rights. It must be done not only by the federal government
but it must be done by each individual province of this country. And if we
can begin with this particular problem, we will have served a lesson to
this government in front of us, to the PQ government. It will be a perfect
lesson that you do not have to separate this province from Canada to protect
your rights and to advance culturally and politically. It can be done within
the terms and within the liberties that Canada offers.
Le Vice-Président: M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, je serai très bref,
comme le député de Marguerite-Bourgeoys en parlant sur la motion,
le député de Rouyn-Noranda s'est référé
à ce qu'on est convenu d'appeler maintenant l'affaire des gens de l'air.
J'ai eu l'occasion d'agir comme coordonnateur de la campagne de sensibilisation
et de mobilisation de la population autour du problème des gens de
l'air, à l'époque, avec plusieurs membres, d'ailleurs, de
l'Assemblée nationale qui se retrouvent ici aujourd'hui. Après un
vote unanime de l'Assemblée nationale d'appui, il est bien
évident, M. le Président, qu'on ne peut être en
désaccord avec cette motion. Mais si on essayait cependant de retrouver
le climat qu'il y avait à l'Assemblée nationale à
l'époque où l'Assemblée nationale avait appuyé de
façon unanime les gens de l'air, et si on analysait les interventions
d'aujourd'hui pour appuyer la motion du député de Rouyn-Noranda,
on sentirait une nette différence.
Il me semble que l'appui est nettement plus politisé maintenant
qu'il l'était à l'époque. Et si, à l'époque,
la mobilisation et la sensibilisation de la politique étaient possibles,
c'est parce qu'aucun parti politique n'avait utilisé à des fins
partisanes la cause des gens de l'air. Personne, à l'époque,
d'aucun parti, n'avait mis en cause le programme politique d'un parti, ses
orientations et son idéologie. Quand je parle d'idéologie, je
parle de séparation dont on vient de parler tantôt. Personne
à l'époque n'a, non plus, parlé de l'enseignement de la
langue. On parlait d'autre chose. On parlait à l'époque et on
parle encore toujours cela n'apparaît pas dans la motion, mais
c'est cela le fond du problème de Québécois qu'on
empêche entre eux de parler français. Les seize francophones qui
étudient en Ontario, le fait qu'ils étudient en Ontario, cela
peut être grave, mais ce qui est plus grave encore, c'est qu'on leur
interdise de parler français entre eux.
Si cela n'est pas être sectaire, je ne sais pas ce que c'est.
Depuis la campagne de sensibilisation des gens de l'air, depuis l'appui unanime
de l'Assemblée nationale, depuis cette grande mobilisation qu'il y avait
eue au Québec, rien n'a été réglé. Les
contrôleurs ont perdu leur cause au niveau syndical, dans leur
désir de se retirer du syndicat canadien. On ne leur a pas permis de
faire leur propre syndicat au Québec. On n'a pas non plus
réglé la question de l'espace aérien
québécois. On n'a pas non plus indiqué aux
Québécois que le vrai problème en arrière de la
question de la langue dans l'espace aérien, dans le contrôle
aérien, le vrai problème est économique et que si on
empêche des francophones, soit contrôleurs, soit pilotes, de parler
en français entre eux, c'est parce qu'on veut empêcher que les
francophones se partagent les emplois intéressants dans le monde de
l'aéronautique. Le vrai problème est économique. Le
macaron publicitaire de la campagne d'il y a un an, c'était: II y a du
français dans l'air. Je voudrais rappeler à l'Assemblée
nationale que, peu de temps après, des journalistes venus de
l'étranger avaient aussi reproduit le macaron en disant: II y a de
l'argent dans l'air. C'est parce qu'il y a de l'argent dans l'air que les
Québécois ne seront jamais capables de parler français
entre eux à ce niveau.
Le Vice-Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Victor Goldbloom
M. Goldbloom: Très brièvement, M. le
Président. Il paraît évident que l'unanimité se fait
autour de la motion de l'honorable député de Rouyn-Noranda,
même si elle ne se fait pas autour de la conclusion du ministre des
Transports. C'est une question qui est grave et importante. Il me semble qu'il
y a des vérités simples qui doivent être dites.
M. Speaker, we have in this country two official languages and we cannot
say to those who speak French: You cannot become an air traffic controller. We
cannot say to those who speak French: You cannot become a pilot because you
will not be able to communicate with the ground in French, when French is your
language. (12 h 20)
Mr Speaker, at this moment when Air Canada is about to cancel some 30
daily flights because there is a shortage of pilots, it is time that we
re-examine the whole question of who becomes a pilot and who becomes an air
traffic controller in this country. It is for that reason that I support the
motion put forward by the Member for Rouyn-Noranda.
Le Vice-Président: M. le député de
Rouyn-Noranda, votre réplique.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, je désire remercier les
députés qui ont participé à ce débat qui n'a
pas été un long débat et que j'espérais ne pas
être un long débat, compte tenu des circonstances de la fin de
session et du travail que nous avons. Cela explique d'ailleurs, M. le
Président, pourquoi ma motion n'était pas plus large. S'il avait
fallu que j'inclue dans la motion d'autres choses que j'avais le coeur
d'inclure, nous aurions eu besoin d'un débat beaucoup plus long.
Evidemment, les circonstances ne s'y prêtant pas, j'ai donc tenté
de procéder par une motion qui couvrait une situation d'urgence.
Les étudiants de Cornwall, les seize étudiants
francophones, ont demandé, par la voie du journal
ce matin, aux élus du Québec d'intervenir d'urgence pour
que ces jeunes puissent poursuivre leur formation à Dorval. C'est donc
à partir de cette demande que j'ai formulé ma motion pour couvrir
cette situation que je considère comme urgente, parce que, si dans les
sept jours ils ne réintègrent pas Cornwall, ils sont, à
toutes fins utiles, exclus de ces cours. C'est pourquoi j'ai fait ma motion
pour viser spécifiquement ce cas ce matin, tout en étant
très conscient qu'il y a lieu de revenir à la charge, à
l'occasion d'un débat plus long qui nous permettra d'aller plus en
profondeur dans cette question.
Mme le député de L'Acadie, je suis d'accord sur ce qu'elle
a dit, mais, pour le moment, je pense qu'elle va considérer avec moi
que, l'institut de Dorval étant actuellement un institut bilingue, c'est
la seule façon immédiate de régler le problème de
ces étudiants et d'éviter ce qui a été
considéré par la presse comme de la discrimination. Je me reporte
à ce qu'on dit dans les journaux, si le rapport est absolu, ce serait de
la discrimination, ce que nous n'acceptons pas.
Le conflit des gens de l'air qui a débuté il y a quelques
années n'est pas encore terminé et il ne le sera pas demain, j'ai
l'impression. Mais il reste une chose, c'est qu'il est de notre devoir, en tant
qu'élus du peuple responsables, d'intervenir à chaque fois que
l'occasion se présente pour démontrer, non pas et je n'ai
pas parlé dans ma motion ni dans ma présentation de
séparation ou de besoin de détruire le pays, d'aucune
façon.
Ma motion et mon intervention se veulent une intervention qui permette
à d'autres Canadiens ailleurs qui ne sont pas nécessairement
francophones de compendre que c'est l'intention des Québécois de
continuer à se tenir debout. Cela ne veut pas dire que nous
déclarons la guerre, mais cela veut dire qu'il y a des choses qui ne se
font pas et qu'on ne le permettra pas.
Ma motion, M. le Président, et mon intervention voudraient
plutôt se baser sur le gros bon sens, sur la compréhension et sur
le fait que l'intolérance des uns ne justifiera jamais
l'intolérance des autres. Au contraire, c'est la compréhension et
la tolérance des deux groupes fondateurs, des deux groupes linguistiques
qui vont faire que ce pays va tenir ensemble et va tenir ensemble dans
l'harmonie. Si on ne tient pas ensemble dans l'harmonie, il se divisera sous
une autre forme que personne de nous n'espérerait voir.
Vivre en société, c'est un peu comme la vie
elle-même, c'est un combat de tous les jours. Il n'y a pas de solution
magique qui fera que nous n'aurons jamais à revenir sur des sujets comme
cela, ce n'est pas vrai. Rien ne pourra empêcher qu'il y ait, un autre
jour, une autre forme de problèmes. Rien ne pourra empêcher non
plus qu'un autre jour l'autre forme de problèmes provienne d'un autre
gouvernement que le gouvernement fédéral. Donc, il ne s'agit pas
ma motion ne s'est pas voulue ainsi de lancer des pierres
à qui que ce soit pour dire "les mauvais çi, les mauvais
ça". Non!
Il y a une injustice dans ce secteur, c est un cas qu'il faut corriger.
Nous n'avons pas peur de faire face à la musique, l'unanimité de
l'Assemblée nationale est là pour le prouver. Comme comparaison,
que dirait-on si, par exemple, dans le domaine de la justice, quand un juge
doit condamner un criminel parce qu'il a commis un méfait ou un forfait,
que dirait-on si, parce qu'il y a une personne qui a commis un méfait,
le juge condamnait toute la société? Ma motion se veut une motion
qui vise ce cas particulièrement. Dans un autre temps, s'il y a un autre
cas qui fait qu'on doive faire l'unanimité, je n'hésiterai jamais
à proposer ou à appuyer des motions qui feraient
l'unanimité. Quand il y aura des cas précis où on
considérera qu'il y a injustice envers notre population ou une partie de
notre population, envers les francophones du Québec, et même
envers les anglophones du Québec, je serai le premier à me lever.
Je considère que les droits des citoyens, les droits de la
collectivité sont intimement reliés à la tolérance
et au respect des droits de toutes les minorités.
Je veux terminer en soulignant que ma motion, que mon intervention,
à mon sens, s'inscrit dans la foulée des nombreuses interventions
d'un ex-premier ministre du Québec pour qui, je n hésite pas
à le dire, j'ai eu beaucoup d'admiration, l'honorable Maurice Duplessis,
qui disait souvent, et qui le faisait: On va chercher notre butin! Dans un cas
comme celui-là, je pense qu'on peut faire la comparaison. Notre
intervention s'inscrit dans cette foulée. On va chercher notre butin,
mais cela ne veut pas dire que pour aller chercher notre butin on est
obligé de détruire celui des autres. C'est pourquoi je ne suis
pas gêné d'avoir présenté cette motion ni de la
débattre. Je ne suis pas gêné non plus de voir cela
me fait plaisir même qu'il y a unanimité de
l'Assemblée. Cela prouve une chose, c'est que nos droits, les droits que
nous défendons honnêtement, que cette défense des droits
n'est justement pas l'apanage de quelqu'un en particulier ou d'un groupe en
particulier, mais que tout le monde ici, en cette Assemblée, a le
même profond sentiment de cette défense de nos droits et chacun
à sa façon les défend suivant des optiques qui peuvent
différer. (12 h 30)
Mais, quant à l'objectif général et principal, tout
le monde se rejoint là-dessus et je pense que le gouvernement
fédéral, dans les circonstances, se devra de tenir compte de
cette unanimité de l'Assemblée nationale. C'est l'autorité
fédérale qui est capable de régler le cas rapidement. Nous
avons déjà eu d'autres motions, que je considère comme des
précédents très heureux. Il y a deux ou trois ans,
quelqu'un, au gouvernement fédéral, avait refusé
l'utilisation des plaines d'Abraham pour les fêtes de la
Saint-Jean-Baptiste. Par une motion unanime de l'Assemblée, le
gouvernement fédéral est intervenu et a réglé le
problème rapidement. Cela peut se faire. C'est pour cette raison que
j'ai fait ma motion; je veux que ce problème soit réglé.
Si j'avais voulu faire de la propagande, je l'aurais faite autrement, ma
motion. Ce que je
veux, ce n'est pas faire de la propagande; c'est qu'on règle le
problème qui est devant nous ce matin au plus coupant.
Mon collègue de Sainte-Marie a dit avec beaucoup
d'à-propos que, dans la campagne des gens de l'air il y a quelque temps,
le slogan était: "II y a du français dans l'air." Je dis qu'ils
avaient raison, mais peut-être pourrions-nous en profiter pour ajouter
qu'il doit aussi y avoir du français sur terre et, pour cela, il faut
garder les deux pieds sur terre.
Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle
adoptée?
M. Charron: Adopté.
M. Bellemare: M. le Président, en vertu de l'article 34,
je voudrais simplement...
Le Vice-Président: Un instant! Il n'y a pas d'autres
motions non annoncées?
Retrait de motions inscrites au feuilleton
M. Bellemare: C'est une motion non annoncée. Me servant de
l'article 85: "Tant qu'une motion n'a pas été mise en
délibération, elle peut être retirée avec la
permission du député qui l'a présentée,"
après avoir consulté les quatre députés qui avaient
des motions en vertu de l'article 174-A, je voudrais demander au leader, de
bien vouloir les rayer du feuilleton maintenant. Il s'agit de la motion de
Claude Dubois, de Huntingdon, sur le programme de stimulation; de la motion de
Rodrigue Biron, de Lotbinière, sur la place des sociétés
d'Etat; de la motion de Fernand Grenier, de Mégantic-Compton, sur
l'opération gestion faune; la motion de M. Le Moignan, de Gaspé,
sur la dilapidation des biens culturels.
Le Vice-Président: C'est accordé?
M. Charron: Oui, M. le Président, il n'a qu'à
avertir le secrétaire général.
Le Vice-Président: Accordé. Ce sera rayé du
feuilleton.
Oui, M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Lavoie: II en est de même pour une question avec
débat inscrite le 22 mars par le député de Gatineau
à l'adresse du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur le sujet
du placement étudiant. Etant donné qu'il n'y aura plus de
questions avec débat d'ici à la fin de la session et par mesure
d'économie pour la réimpression du feuilleton, nous demandons au
secrétaire général de retirer cet article.
Le Vice-Président: Accordé? M. Charron:
Oui.
Le Vice-Président: Je vous en remercie, messieurs, au nom
de la présidence.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Travaux parlementaires
M. Charron: II n'y a pas d'enregistrement des votes? J'en suis
aux avis, M. le Président. Juste avant d'appeler les affaires du jour,
je voudrais informer immédiatement la Chambre de ceci. La Chambre,
lorsqu'elle s'ajournera ce soir, proposera une motion d'ajournement à
lundi 14 heures et non pas à 10 heures comme je l'avais dit. Lundi
matin, trois commissions parlementaires se réuniront de 10 heures
à 12 h 30. Ce sera la commission de l'agriculture pour la Loi sur la
protection du territoire agricole, la commission du revenu pour entamer
l'étude des projets de loi qui lui ont été
déférés hier et la commission du travail et de la
main-d'oeuvre afin de faire l'étude article par article de la loi 114
qui a été adoptée hier soir et de la loi 110 qui devrait
être adoptée en deuxième lecture dans le courant de la
journée, avant minuit ce soir, et lui être
déférée du même souffle. Salon rouge, agriculture;
salle 91, revenu; salle 81-A, travail et main-d'oeuvre. Lundi matin, les
commissions à 10 heures et la Chambre se réunira à nouveau
à 14 heures lundi. Cela altère donc un peu l'ordre...
Lundi matin, les commissions à 10 heures et la Chambre se
réunira à nouveau à 14 heures lundi après-midi.
Donc, cela altère un peu l'ordre de la Chambre du débat
prévilégié de 15 heures à 17 heures. Il faudrait
plutôt entendre 15 h 30 à 17 h 30, parce que cela suivrait la
période de questions, mais je ne pense pas qu'il y ait là de quoi
faire un drame. C'est le seul avis que j'ai à donner à la
Chambre, peut-être en indiquant le menu de la journée de lundi.
Après que nous aurons disposé de la motion en indiquant le menu
de la journée de lundi. Après que nous aurons disposé de
la motion de blâme, nous entamerons l'étude du projet de loi sur
la Société générale de financement. Par la suite,
nous achèverons si elle est déjà entamée
l'étude du projet de loi sur la conservation de la faune. Notre
soirée de lundi devrait se terminer par le débat sur le projet de
loi 105, créant la Société de développement des
industries culturelles. C'est le menu pour lundi, M. le Président.
Le Vice-Président: Vos motions pour aujourd'hui, s'il vous
plaît.
M. Charron: S'il n'y a pas d'autres questions en vertu de 34, M.
le Président?
M. Bellemare: Aujourd'hui, oui. M. Charron: II y en a?
M. Bellemare: Voici, vous nous aviez dit que la commission
parlementaire de l'Assemblée nationale aurait à se réunir
pour deux choses hier, pour d'abord prendre connaissance des change-
merits qui sont apportés dans la régie interne de la
présidence. Cela n'a pas siégé. L'autre a
siégé. Est-ce que cela a siégé?
M. Charron: J'informe tout de suite le député M. le
Président, que de toute façon la commission de l'Assemblée
nationale va être appelée, à un moment de la semaine
prochaine, à se réunir pour faire l'étude article par
article du projet de loi 120 qui a été adopté en
deuxième lecture et qui est à mon nom. C'est à cette
occasion que l'on fera également l'étude de la
réorganisation administrative de l'Assemblée qui n'a pu
être faite hier.
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, je ne puis officiellement vous dire ce qui s'est produit, mais ne
pouvant pas me diviser, je vais vous informer qu'il y a eu une première
séance sur la question des sociétés d'Etat, sans faire
rapport.
M. Charron: Si j'avais le consentement, M. le Président,
avant de faire la motion, j'inviterais nos collègues de la commission de
l'agriculture, qui doivent travailler aujourd'hui jusqu'à minuit ce
soir, à se réunir à 14 h 30 plutôt que 15 heures cet
après-midi, puisque je n'ai pas l'intention de les faire siéger
pour les 25 minutes qu'il reste actuellement. S'il y a consentement,
étant donné que c'est le travail le plus urgent, 14 h 30, cela
va?
Le Vice-Président: Motion adoptée? M. Lavoie: Oui,
nous sommes d'accord. Le Vice-Président: Motion
adoptée.
M. Charron: II n'y a évidemment pas de commission qui va
siéger ce matin. Cet après-midi, de 14 h 30, comme je viens
d'avoir le consentement jusqu'à 18 heures, et ce soir de 20 heures
à 24 heures, la commission de l'agriculture. La commission des affaires
sociales, elle, se réunira quand l'étude en deuxième
lecture de 84 aura été achevée pour, tout de suite
après, entamer l'étude article par article de ce projet de loi
et, en même temps, finir l'étude article par article du projet de
loi 103 sur lequel elle a déjà travaillé. Donc, je fais
motion pour que, quand l'étude 84 sera achevée en deuxième
lecture cet après-midi, cette commission des affaires sociales se
réunisse pour la fin de la séance cet après-midi et ce
soir à la salle 81-A.
Le Vice-Président: Cette motion conditionnelle,
sera-t-elle adoptée?
M. Lavoie: Adopté.
Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition officielle.
M. Lavoie: Une très courte question à titre
d'information au leader parlementaire du gouvernement. Lorsqu'on jette un coup
d'oeil sur le feuilleton, avec une trentaine de lois, j'imagine, à
adopter, d'ici jeudi prochain, je voudrais savoir, de la part du leader
parlementaire du gouvernement, combien il y a de jours dans la semaine
prochaine?
M. Charron: Combien il y a de jours? Oui, vous me donnez
l'occasion de faire le point. Il y en a quatre la semaine prochaine. Entre nous
parce que nous avons assez de métier dans le corps pour pouvoir
se le dire clairement il serait bien malheureux que la rumeur circule
à l'effet que 30 projets de loi qui n'auraient même pas
été pris en considération seraient appelés à
être adoptés, à la vapeur la semaine prochaine. Nous savons
tous, par exemple, que les 12 premiers articles sur les 30 constituent des
troisième lectures qui, à mon avis, à moins de... Il y a
toujours possibilité de représentation, mais nous savons tous, M.
le Président, qu'il ne s'agit pas là de débats majeurs,
puisque létude en deuxième lecture ayant eu lieu, I étude
article par article ayant eu lieu, la prise en considération ayant eu
lieu, ces projets de loi demandent ni plus ni moins que la ratification de I
Assemblée nationale. En ce sens, d'ailleurs, M. le Président, le
tout premier article que je vais appeler est précisément une
troisième lecture qui nous permettrait de libérer mon
collègue, le ministre d Etat à la réforme
électorale et parlementaire: c'est celui qui figure à l'article
12 de votre feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président. (12 h 40)
Le Vice-Président: M. le leader...
M. Lavoie: Sur ce propos, M. le Président, très
brièvement et sans soulever de débat.
Le Vice-Président: ... certainement. J'appellerai
l'article ensuite.
M. Lavoie: Je n'ai pas voulu laisser entendre je ne peux
pas le permettre également au leader parlementaire du gouvernement
devant tous nos collègues qu'il ne reste que des
troisièmes lectures. Il reste au moins une quinzaine de projets de loi
en deuxième lecture, des lois très importantes qui ne sont pas
abordées encore.
M. Charron: Oui, mais vous savez que pour sept, huit et
peut-être même dix de ces projets de loi je vous l'ai
indiqué non seulement hier, mais il y a déjà quelque
temps, à vous et à notre collègue de Johnson ce
n'est pas l'intention du gouvernement de les appeler. C'est bien sûr que
je ne peux pas les enlever du feuilleton parce que je vous ai dit cela. Mais,
réellement appelables en deuxième lecture au cours de la semaine
prochaine, à l'étape de la deuxième lecture au cours de la
semaine prochaine, je pourrai faire le décompte si on veut le chiffre
exact, mais à l'oeil, je dirais qu'il y en a une dizaine au maximum.
M. Lavoie: En deuxième lecture. M. Charron: C'est
cela.
Projet de loi no 123
Troisième
lecture
Le Vice-Président: D'accord, messieurs. Si vous voulez
vous rappeler des souvenirs du temps passé, vous pourrez compter ce que
nous avons déjà fait. M. le leader parlementaire du gouvernement
m'a demandé d'appeler l'article 12). C'est donc M. le ministre d'Etat
à la réforme électorale et parlementaire qui propose que
soit lu une troisième fois le projet de loi 123, Loi modifiant la Loi
électorale.
M. le ministre d'Etat.
M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, le discours sera très
bref. Je pense que nous avons eu une commission plénière qui a
apporté des résultats positifs. Je remercie d'ailleurs tous nos
collègues, tant du côté ministériel que du
côté de l'Opposition, qui nous ont fait des suggestions. Nous
avons apporté des amendements au projet de loi, en particulier à
l'article 13a de la Loi électorale, où nous avons exclu, de
façon spécifique, les renseignements que le directeur
général des élections pourrait obtenir de la part du
ministère du Revenu, du ministère de la Justice ou de la
Sûreté du Québec, avec dans les derniers cas le
ministère de la Justice et la Sûreté du Québec
une possibilité d'exclure ce type de mise à part à
cause du droit de vote des détenus. Je pense que cet amendement a
été largement discuté en commission
plénière, a été adopté par tout le
monde.
Nous avons également, toujours à l'égard de cet
article 13a, précisé le type de renseignements pertinents que le
directeur général des élections devait pouvoir
requérir des ministères et des organismes gouvernementaux. Je
pense, en tout cas, du moins c'est ce que j'ai compris l'autre soir lorsque
nous avons terminé l'étude article par article en commission
plénière de ce projet de loi, que nous avons obtenu une forme de
consensus de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, M. le
Président, je n'ai pas l'intention de faire de remarques plus longtemps
à ce sujet. Je pense qu'on pourrait facilement adopter la
troisième lecture du projet de loi sans difficulté.
M. Jean-Noël Lavoie
M. Lavoie: M. le Président, sur cette motion de
troisième lecture du projet de loi 123, Loi modifiant la Loi
électorale, je dois remarquer que le ministre responsable de la
réforme électorale a collaboré avec les différentes
oppositions et il a accepté de bon gré, avec beaucoup
d'ouverture, certains amendements proposés par l'Opposition
libérale et appuyés par les autres oppositions. Notamment, il l'a
mentionné lui-même, dans l'exclusion des organismes et des
ministères de qui le directeur général des
élections peut requérir des renseignements en vue de la
confection d'une liste permanente unique, une liste stable, qu'on pourra
réviser régulièrement, qui permettra de faire
disparaître ce recensement annuel qui est moi, je dirais un
peu, peut-être, une formule désuète qui fait qu'à
chaque mois de septembre ou octobre il faut nommer près de 40 000
énumérateurs à l'échelle du Québec, avec les
bureaux de révision, avec les commissions de révision.
Je pense qu'il était temps j'en félicite le
ministre et nous l'avons appuyé dans cette mesure de prendre des
moyens modernes, grâce à la technologie moderne, les ordinateurs
et tout. Avec tous les renseignements que les ministères et les
organismes possèdent, il est souhaitable et réalisable que ce
registre permette de mettre en place la confection d'une liste le plus
complète possible de tous les citoyens du Québec qui ont à
exercer un droit de vote lors des élections provinciales, lors d'un
référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec
que nous souhaitons le plus rapide possible liste qui pourrait
également servir éventuellement aux élections scolaires,
aux élections municipales. C'est une mesure d'économie qu'il nous
fait plaisir d'appuyer.
Il y a un autre amendement qui a été agréé
par cette Chambre, à savoir que les renseignements pertinents que le
directeur général des élections doit aller cueillir dans
les ministères et les organismes soient limités aux nom,
prénom, adresse, occupation, sexe, citoyenneté, numéro de
carte d'assurance-maladie. Nous remercions le ministre d'avoir accepté
cette suggestion de la part de l'Opposition.
Enfin, nous regrettons que le ministre n'ait pas accepté une
modification à l'article 13c) de la Loi électorale qui permet au
directeur général des élections d'embaucher librement,
jusqu'au 1er août 1979, tout le personnel dont il a besoin sans suivre le
processus normal de la fonction publique. Ces personnes qui seront en poste, le
1er août 1979 si je comprends bien l'article pourront
être incluses automatiquement dans la fonction publique sans autre
formalité, sans concours, sans examen ou quoi que ce soit.
Je crois que de telles mesures ne sont pas souhaitables. Mon propos,
aujourd'hui, est à l'adresse du directeur général des
élections qui aura l'occasion de prendre connaissance des débats
qui se déroulent actuellement. C'est un conseil que je me permets de lui
adresser. Etant donné que ce bureau ou cette officine gouvernementale
dirigée par le directeur général des élections doit
être au-dessus de tout soupçon, qu'il doit y avoir là le
plus d'objectivité, le plus de garanties d'honnêteté
possible, je voudrais bien que le directeur général des
élections soit très prudent dans l'engagement de son personnel.
On nous a dit en commission qu'il aura besoin pour confectionner ce registre de
40 à 60 personnes qui seront engagées sans aucune
formalité, suivant "les normes, effectifs et barèmes
établis par le directeur général des élections et
approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil" et que ces personnes
entreront automatiquement dans la fonction publique, sans concours, le 1er
août 1979. il faudrait être très prudent, surtout de la
part
du directeur général des élections, pour que ce
personnel ne soit pas un personnel partisan de quelque parti que ce soit. Nous
surveillerons, en ce qui nous concerne, pour que le directeur
général des élections ait toutes les garanties voulues
quant à ce personnel qui oeuvrera non seulement d'une manière
temporaire, mais d'une manière permanente dans le mécanisme de
l'exercice de la démocratie au Québec, dans l'exercice du droit
de vote, du déroulement du référendum et des
élections. Je tiens et nous tenons à ce que cette garantie
d'honnêteté, de probité, de non-partisanerie politique soit
respectée à l'égard de ce futur personnel qui verra au
mécanisme de l'exercice du droit de vote. Je termine, M. le
Président, en disant que nous allons nécessairement voter en
faveur de cette troisième lecture du projet de loi no 123. (12 h 50)
Le Président suppléant (M. Marcoux): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Mes propos seront
assez brefs étant donné que je partage la grande majorité
des arguments qui ont été invoqués par le
député de Laval et leader de l'Opposition officielle. Je voudrais
vous dire que je suis, bien sûr, heureux que le ministre ait consenti
à accepter certains amendements qui rendent la loi qu'il nous propose,
je pourrais dire, moins pire que ce qu'elle était. Je suis heureux
également de voir que les concombres qu'on était en
deuxième lecture lui ont ouvert les yeux. Je pense qu'on ne les lui a
pas assez ouverts, par exemple. Nous demeurons toujours sceptiques face
à l'adoption de cette loi, surtout à cause de l'utilisation qu'on
va faire de la carte de l'assurance-maladie et des dossiers de la Régie
de l'assurance-maladie du Québec, aussi à cause de l'article 13c
qu'on a mentionné tout à l'heure qui permettrait au directeur
général des élections d'engager du personnel on
nous a dit de 40 à 60 personnes sans concours, sans aucune des
formalités qu'on suit habituellement en passant par la Commission de la
fonction publique.
Non pas que je doute de la probité du directeur
général des élections, loin de là, mais je pense
qu'on doit se poser des questions quant à l'opportunité de faire
une exception dans un tel cas, parce que c'est un endroit où on devrait
avoir un personnel qui doit être tout à fait juste, non partisan.
Je me demande pourquoi on fait une procédure d'exception dans un tel
cas, alors que ce devrait être l'endroit où on est le plus
chatouilleux, où on devrait faire le plus attention pour ne pas engager
de personnel qui pourrait être contesté, tant de la part des
partis d'Opposition que même de la part du parti ministériel.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, bien que le ministre
ait accepté certaines modifications qui rendent sa loi moins pire
qu'elle ne l'était, nous continuerons à prétendre, en
troisième lecture, que ce projet de loi ne devrait pas être
sanctionné par l'Assemblée nationale.
M. Samson: M. le Président.
Le Président suppléant (M. Clair): M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: Très rapidement, j'avais dit au ministre, en
deuxième lecture, que j'avais beaucoup de réserves quant à
son projet de loi, et j'avais espéré qu'on aurait pu avoir des
amendements susceptibles d'enlever toutes ces réserves. Il y a eu des
amendements, j'en conviens, et je conviens que le ministre a fait un effort.
Cependant, cela ne m'a pas donné entièrement satisfaction. Je
conserve encore cette appréhension du fait que ce projet de loi,
directement ou indirectement, peut mener vers des intrusions dans la vie
privée des citoyens québécois, de sorte que cela me
paraît, même après la commission plénière,
encore comme un cheval de Troie. Même si le cheval est beau, ce qu'il y a
dedans ne m'intéresse pas et est dangereux.
Je ne suis pas de ceux qui vont aller chercher le cheval de Troie, je
n'achèterai pas ce projet de loi en troisième lecture, j'ai
encore beaucoup trop d inquétudes. Je risquerais de me faire des
reproches, dans un avenir plus ou moins rapproché, plutôt que
d'avoir voté pour ce projet de loi. On se ferait probablement dire: Vous
avez des griefs, mais n'oubliez pas que ce projet de loi a été
voté à I unanimité de l'Assemblée, comme cela a
été le cas pour la loi 2. Nous avons, de toute bonne foi, pour la
loi 2, voté à l'unanimité, mais il y avait des lacunes
là-dedans, on a eu des problèmes, par la suite, et cela venait
souvent, cette histoire de se faire dire: N'oubliez pas que vous avez
voté à l'unanimité.
Donc, je ne laisserai pas au gouvernement le plaisir de me lancer en
pleine figure, à tout moment donné, que cette loi a
été votée à l'unanimité et que, si elle
apporte des effets mauvais, nous devrons les accepter parce qu'on a voté
à l'unanimité. J'ai donc encore des inquiétudes et, aussi
longtemps qu'on ne m'aura pas convaincu que je n'ai pas raison d'être
inquiet, je ne peux pas appuyer cette loi.
J'espère, dans les lois qui viendront vers le printemps dans
cette réforme globale, qu'on aura eu le temps de prendre connaissance de
l'application, de voir comment cela ira. Je n'hésite pas à dire
que si on a fait la preuve, à ma satisfaction, d'ici ce temps que je
n'ai pas raison aujourd'hui, je retiendrai cette considération pour les
prochaines lois. Pour le moment, je conserverai ma réserve et je ne
voterai pas, en troisième lecture, pour cette loi.
Le Vice-Président: Cela étant dit, est-ce que cette
motion de troisième lecture...
M. Burns: M. le Président, très
brièvement...
Le Vice-Président: M. le ministre, vous avez un droit de
réplique.
M. Burns: En réplique...
M. Lavoie: Est-ce que le ministre me permettrait une courte
question?
M. Burns: Certainement.
M. Lavoie: II pourra peut-être me répondre dans sa
réplique. Y aurait-il eu des dépenses déjà
engagées au bureau du directeur général des
élections en vue de la préparation de ce registre et que ce
projet de loi ratifierait ces dépenses?
M. Burns: Les seules dépenses qui ont pu être faites
sont à l'intérieur du budget du directeur général
des élections, de sorte qu'il n'y a pas de débordement, si vous
voulez, par rapport à ce qui a pu être prévu relativement
à cette loi. D'ailleurs, je mentionne tout de suite qu'uniquement par
prudence, lorsque j'ai présenté le projet de loi en
deuxième lecture, j'ai dit que le lieutenant-gouverneur avait pris
connaissance du projet de loi la formule consacrée et
qu'il en recommandait l'adoption à l'Assemblée nationale. Je ne
suis pas certain que cette loi cause des dépenses plus larges, je n'en
suis pas convaincu.
M. Lavoie: Le personnel qui sera engagé?
M. Burns: II est possible que le personnel qui sera engagé
le soit à l'intérieur du budget du directeur
général des élections, mais par prudence j'ai fait cette
déclaration traditionnelle au cas où, à un moment
donné, on devrait demander à l'Assemblée nationale un
budget additionnel pour ces dépenses.
Le Vice-Président: M. le ministre d'Etat, à moins
qu'il y ait consentement, il faudrait être très bref.
M. Robert Burns
M. Burns: Je serai très bref. Mon intervention va durer
à peu près une minute. Je suis d'accord sur les réserves
qu'a exprimées le député de Laval relativement au fait que
ce n'est pas normal de procéder, en vertu de l'article 13c à la
nomination de personnel sans passer par la commission de la fonction publique.
Je suis entièrement d'accord avec lui.
M. Lavoie: ... du député de Maisonneuve.
M. Burns: Je pense que mon collègue, le ministre de la
Fonction publique, est particulièrement d'accord avec moi
là-dessus. Ce n'est que parce que nous voulons, à un moment
donné, arriver à un élément positif qui sera en
mesure d'être soumis à l'Assemblée nationale dans un bref
délai qu'on donne ce pouvoir à la demande d'ailleurs du
directeur général des élections d'engager de 40
à 60 personnes. C'est bien sûr que c'est un accroc, mais c'est un
accroc qui a existé lorsqu'on a mis en place la Régie de
l'assurance automobile. Je l'ai mentionné l'autre soir en commission
plénière. C'est bien sûr que ce n'est pas souhaitable de
faire cela régulièrement, mais si on doit arriver à
quelque chose de précis... Là-dessus je pense que mon
collègue, le ministre de la Fonction publique, va admettre avec moi que
si on doit passer à travers toutes les procédures habituelles de
nominations, de préparation de listes d'éligibilité, etc.,
dans ce domaine-là, le directeur général des
élections ne pourra pas remplir le mandat que nous lui donnons par le
projet de loi no 123. C'est uniquement comme cela. Je le regrette, je le dis.
Je l'ai dit l'autre soir en commission plénière.
Je regrette qu'on soit obligé de passer par ces méthodes,
mais c'est pour une bonne efficacité, une meilleure efficacité,
dans ce cas-ci, étant donné les délais précis,
étant donné le fait que, éventuellement, l'ensemble de
l'Assemblée nationale aura à se prononcer non pas sur une loi,
comme je le disais l'autre soir également, parcellaire, mais pourra se
prononcer sur le fond d'une loi concernant le registre des électeurs et
l'identification des électeurs. (13 heures)
A ce moment-là, on pourra ouvrir le débat
complètement et cela me fera plaisir d'en discuter complètement
et entièrement sans aucune réserve. Je peux vous assurer que,
dans la loi elle-même, qui sera la loi déterminante concernant le
registre et l'identification des électeurs, évidemment, de telles
dispositions n'existeront pas. Je ne me suis pas caché pour vous dire
qu'il s'agissait là d'une loi spéciale qui habilite le directeur
général des élections concernant un mandat très
précis, que nous espérons voir réaliser d'ici le 15 mai.
La date du 15 mai, évidemment, est celle qui nous motive à
présenter l'article 13c qui passe à côté des
règles normales d'embauchage, c'est-à-dire qui passe à
côté de la Commission de la fonction publique.
Je vous le dis bien honnêtement: Je regrette cette mesure, mais
elle est nécessaire actuellement.
Le Vice-Président: Messieurs, est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Lavoie: Adoptée sur division.
M. Samson: Est-ce qu'on pourrait enregistrer ma dissidence?
Le Vice-Président: Vous me posez une question de
règlement. Je peux enregistrer votre dissidence.
M. Charron: On peut le remettre à lundi, si vous voulez un
vote enregistré.
Le Vice-Président: Je m'excuse, j'aurais beaucoup de
difficulté à le faire en vertu du règlement.
M. Charron: Que l'on vote tout de suite, si on veut un vote
enregistré, parce que le ministre ne sera pas ici lundi.
Le Vice-Président: Adopté sur division.
M. Bellemare: Nous aussi, sur division.
Le Vice-Président: Adopté sur division, avec une
dissidence précise du député de Rouyn-Noranda et des
députés de l'Union Nationale. Cela vous convient? Il faudrait que
je les nomme, quand même: M. le député de Johnson, M. le
député de Mégantic-Compton, M. le député de
Brome-Missisquoi.
Attention, s'il vous plaît, M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale. Vous êtes tellement expérimenté que vous savez
que ce n'est pas le vote du caucus qui compte à cette Assemblée,
c'est le vote des personnes présentes. Je continue. Il y a donc les
députés de Bellechasse, de Richmond, de Nicolet-Yamaska et de
Saint-Hyacinthe.
Les travaux de cette Assemblée sont suspendus pour ce qui est de
la Chambre jusqu'à cet après-midi 15 heures.
Fin de la séance à 13 h 1
Reprise de la séance à 15 h 10
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le leader parlementaire.
Projet de loi no 121
Requête relative à son
dépôt
M. Gérard-D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente...
Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): ... le gouvernement avait, par la voix
du leader parlementaire, demandé aux partis d'Opposition si nous
étions d'accord pour le dépôt du projet de loi
définissant ou décrétant l'expropriation de la compagnie
Asbestos Corporation. Nous avions dit que nous donnerions notre réponse
en Chambre, soit à l'ajournement ou, de toute façon, avant 15
heures. Alors, pour tenir notre parole, je ne sais pas cependant, Mme la
Présidente, si c'est le leader parlementaire adjoint qui va recevoir le
message, après consultation de notre caucus, je voudrais en deux minutes
dire notre position.
Sur l'objectif d'une plus prande transformation de la ressource amiante
au Québec en vue de développer le secteur secondaire de notre
économie et en vue de créer des emplois additionnels, nous avons
dit et nous disons notre accord.
Sur le moyen choisi par le gouvernement d'acquérir l'Asbestos
Corporation, parce que cette acquisition nous semble inutile et risquée,
parce que cela ne semble pas vouloir créer d emplois additionnels et
parce que cela coûtera très cher aux contribuables, nous avons dit
et nous redisons notre désaccord total.
Sur la conduite du gouvernement dans ce dossier parce que toute
l'affaire est fondamentalement une affaire politique, parce que la
décision a été prise sans avoir effectué les
études préalables nécessaires, parce que la manoeuvre est,
depuis le début, tout à fait improvisée et parce que cela
a favorisé une spéculation assez inqualifiable, nous
réaffirmons notre désaccord.
Sur le dépôt en première lecture du projet de loi,
parce qu'il s'agit là manifestement d'un geste purement politique fait
pour la galerie, parce que ce geste est tout à fait inutile dans la
mesure où le gouvernement a déjà indiqué son
intention de ne pas faire adopter ce projet de loi par l'Assemblée
nationale avant l'ajournement de la session, parce que, dès le 21
décembre prochain, ce projet de loi deviendra caduc avec la fin de la
session, il s'agit d'un projet de loi mort-né, nous disons qu'en
agissant de la sorte, le gouvernement a abusé ou abuse de
l'Assemblée nationale en utilisant le prestige de l'Assemblée
à des fins partisanes.
Nous disons qu'en agissant de la sorte le gouvernement viole les droits
fondamentaux des élus du peuple en leur présentant un projet de
loi en n ayant aucune intention d'en discuter et de l'étudier, si bien
que seul le point de vue du gouvernement sera connu c'est ce que le
projet de loi contient et que le point de vue des partis d'Opposition ne
pourra absolument pas être exprimé en cette Chambre, puisque le
projet de loi ne sera même pas discuté. C'est là, sur le
plan du respect des droits des élus du peuple, des droits de
l'Opposition, des droits de l'Assemblée nationale, une situation tout
à fait inacceptable. C'est un abus du processus législatif.
Alors, une fois ces préliminaires établis, je veux
informer cette Chambre. L'Opposition officielle ne s'oppose pas à donner
son consentement pour le dépôt du projet de loi lorsque le
gouvernement jugera à propos de le faire et, s'il le fait aujourd'hui,
cela prend ce consentement. Mais je dois en même temps annoncer à
cette Chambre que, pour les raisons que j'ai données, nous voterons
contre ce projet de loi et, évidemment, nous n'avons pas le choix de
voter ni en deuxième ni en troisième lecture, vu les intentions
manifestes du gouvernement. Nous nous contenterons de voter contre ce projet de
loi dans la seule lecture que nous aurons, c'est-à-dire la
première lecture.
Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Union
Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Mme la Présidente, à la suite des
remarques faites par le chef parlementaire de l'Opposition officielle, nous
aussi, de l'Union Nationale, si on s'en souvient, à l'occasion du
débat sur la loi 70 qui créait la Société nationale
de I'amiante, nous nous étions prononcés, comme
d'ailleurs la très grande majorité de nos concitoyens du
Québec, pour l'objectif de transformer davantage au Québec les
fibres d'amiante, donc, d'avoir de plus en plus d'industries de transformation
des fibres d'amiante au Québec.
Nous nous étions prononcés contre la nationalisation d'une
compagnie d'amiante, vous vous en souvenez, parce que nous disions que le
gouvernement du Québec, les citoyens du Québec n'avaient pas
besoin de s'endetter de $250 millions pour produire davantage d'amiante. Au
contraire, ils n'avaient qu'à prendre les dispositions
nécessaires pour garantir des fibres d'amiante en quantité
suffisante pour fournir les usines dans lesquelles nous pourrions investir ces
$250 millions. Nous avions donc dit oui à l'objectif de la
transformation de l'amiante au Québec mais dit non au moyen
employé par le gouvernement de nationaliser une compagnie d'amiante pour
atteindre ces objectifs.
Aujourd'hui, Mme la Présidente, notre philosophie n'a pas
changé. Je rejoins en cela exactement la philosophie du chef
parlementaire de l'Opposition officielle, mais puisque, hier, j'avais quand
même, donné mon accord au ministre des Finances pour le
dépôt de son projet de loi en première lecture
aujourd'hui... Je comprends que c'est important pour les gens de la Bourse de
Montréal, ou de Toronto ou de New York de savoir exactement où
veut aller le gouvernement à plus long terme surtout lorsqu'il
est question d'exproprier des biens d'une entreprise privée
québécoise de connaître quelle est la façon
qu'on veut prendre pour exproprier ces biens. Cela pourrait donner
peut-être, au cours de la fin de semaine, le temps nécessaire aux
gens des Bourses, aux investisseurs pour analyser ce qu'il y a dans le projet
de loi, la philosophie ou la présentation de la part du
gouvernement.
Moi aussi, comme d'ailleurs de nombreux Québécois,
d'autres hommes politiques québécois, je crois que le
dépôt en première lecture aujourd'hui ou lundi prochain,
cela ne change pas grand-chose parce que le 21 décembre, le projet va
devenir caduc, mais c'est tout simplement une forme de chantage que le
gouvernement veut faire vis-à-vis de la compagnie Asbestos Corporation,
la Société Asbestos. Quand même, c'est la décision
du gouvernement de déposer son projet de loi avant la fin de la
présente session. Nous ne nous y opposerons pas parce que, hier, j'avais
dit au ministre des Finances que nous ne nous opposerions pas au
dépôt en première lecture, mais comme mes collègues
et amis de droite, de l'Opposition officielle, nous aussi de l'Union Nationale
voterons contre le dépôt en première lecture parce que nous
n'avons pas besoin, au Québec, d'exproprier une compagnie privée
pour pouvoir créer des emplois, surtout exproprier pour créer une
dette additionnelle sur le dos des payeurs de taxes
québécois.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Mme la Présidente, à la suite,
évidemment, des discussions qui ont eu lieu hier entre les
différents représentants des partis politiques présents
à l'Assemblée nationale, je ne voudrais pas par mon seul vote
empêcher l'accélération d'un processus sur le plan de la
stratégie parlementaire, c'est-à-dire empêcher le
dépôt d'un projet de loi et le retarder d'un jour. Cependant, Mme
la Présidente, je tiens à réitérer une position que
j'ai maintes fois manifestée ici en cette Chambre, à savoir que
à la suite de ce que mes collègues viennent de dire et des
propos que j'ai tenus également je me suis toujours opposé
à la nationalisation, l'étatisation ou l'expropriation d'une
compagnie d'amiante au Québec. Cependant, j'ai toujours appuyé
depuis fort longtemps des mesures qui auraient pour objet de favoriser la
transformation de l'amiante au Québec. Extraire de l'amiante, c'est une
chose, transformer de l'amiante, cela en est une autre. Il ne faut pas
mêler les deux.
Si le gouvernement du Québec nous avait fait la preuve qu'il
était impossible de se procurer des fibres d'amiante pour en faire la
transformation, nous pourrions réviser notre position et nous pourrions
examiner le dossier beaucoup plus profondément. Mais la preuve n'a
jamais été faite qu'il serait impossible de se procureur de la
fibre pour faire la transformation de l'amiante.
Or, par cette décision, le gouvernement va s'obliger
lui-même à emprunter ou à investir $150 millions à
$200 millions pour tout simplement changer les titres dans ce qui existe, sans
créer un seul emploi nouveau et sans créer un seul marché
additionnel, alors qu'avec $25 millions ou $50 millions il aurait
peut-être été possible de créer deux industries
nouvelles au Québec pour transformer chez nous cet important produit,
cette matière première dont nous sommes largement pourvus,
puisque nous avons un quasi-monopole mondial, et dont il est possible d'avoir
les approvisionnements nécessaires des entreprises existantes. (15 h
20)
Si on veut créer des emplois, qu'on procède à
créer des emplois, nous en sommes et nous allons appuyer ces mesures.
Mais, si on veut simplement déplacer des titres de
propriété, nous n'en sommes pas, parce que nous estimons qu'il
n'est pas nécessaire de le faire, même dans l'intérêt
du Québec, à ce moment-ci. A la suite de mes collègues
ce sera un front uni de l'Opposition je voterai contre le projet
de loi.
Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire adjoint
du gouvernement.
M. Bertrand: Mme la Présidente, nous prenons note de
l'acceptation de l'Opposition officielle pour le dépôt, de
même que de l'Union Nationale, de même du chef du Parti national
populaire. Nous vous remercions de collaborer avec le gou-
vernement pour cette étape. Dans le fond, c'est une étape
passablement technique puisqu'elle suppose que le débat aura lieu quand
même un jour ou l'autre, mais c'était important aux yeux du
gouvernement que ce geste puisse être posé aujourd'hui. Alors, je
demanderais, Mme le Président, s'il y aurait consentement, dans les
circonstances, pour que l'adjoint parlementaire du ministre des Richesses
naturelles puisse déposer au nom du ministre ce projet de loi,
étant donné qu'il est le député, en même
temps, de la Région de l'amiante. Est-ce que l'Opposition y
consentirait?
M. Bellemare: Non, M. le Président. M. Bertrand: Non,
d'accord.
M. Lavoie: II faudrait que ce soit un ministre qui le
dépose.
M. Levesque (Bonaventure): Le vice-premier ministre peut le
faire.
M. Lavoie: Le vice-premier ministre.
M. Bertrand: Oui, d'accord. Comment appelle-t-on cela? Je pense
qu'il y a une expression en anglais.
Une Voix: Aller à la pêche.
M. Bertrand: C'est une tentative de profonde réforme du
parlementarisme! Mais je pense qu'effectivement vous vous en tenez à
notre règlement.
M. Bellemare: D'ailleurs, à l'article 117) c'est bien
précis quant aux dépôts en première lecture: pas de
débat, pas de vote non plus.
M. Bertrand: Pour cela, d'accord. Des Voix: Oui, il y a un
vote.
M. Bellemare: Oui, il peut y avoir un vote, oui, vous avez
raison, mais pas de débat.
M. Bertrand: Oui, d'accord; on parlait de dépôt, on
ne parlait pas de débat.
M. Bellemare: Ni dépôt ni rien.
Mme le Vice-Président: A l'ordre! A I ordre!
M. Bertrand: Dans les circonstances, je demanderais au
vice-premier ministre de déposer, au nom du ministre des Richesses
naturelles, le projet de loi no 121.
Mme le Vice-Président: S'il vous plaît, un moment.
Je veux vérifier, j'ai cru entendre des choses. Avons-nous bien le
consentement unani- me de cette Assemblée?
Des Voix: Oui.
Mme le Vice-Président: Voilà. M. le vice-premier
ministre.
Première lecture M. Jacques-Yvan Morin
M. Morin (Sauvé): Au nom du ministre des Richesses
naturelles, permettez-moi de déposer le projet de loi no 121 modifiant
la Loi constituant la Société nationale de l'amiante.
Ce projet de loi modifie la Loi constituant la Société
nationale de l'amiante pour permettre au gouvernement d'exproprier, au nom de
la société nationale, les biens qui sont utiles à la
poursuite des objets de cette société et qui appartiennent
à la société Asbestos Limitée ou à lune de
ses filiales. Il prévoit que si la Société nationale de I
amiante et l'expropriée ne peuvent s'entendre sur l'indemnité
payable en cas d'expropriation, cette indemnité sera fixée par un
conseil d'arbitrage composé de trois membres. Un membre du conseil d
arbitrage sera nommé par la Société nationale de
l'amiante, un autre par le propriétaire antérieur et le
troisième membre, qui en sera le président, sera nommé par
le gouvernement sur la recommandation conjointe...
Des Voix: Oh!
M. Morin (Sauvé): ... des deux premiers. Il sera choisi
parmi les juges de la Cour provinciale qui siègent au Tribunal
d'expropriation.
Enfin, le projet stipule que l'indemnité sera calculée par
le conseil d'arbitrage selon la juste valeur marchande des biens
expropriés établie en fonction de leur exploitation continue au
moment où la Société nationale de l'amiante en est devenue
propriétaire. Merci, Mme le Président.
M. Bellemare: Vote enregistré, s'il vous plaît!
Mme le Vice-Président: Cette motion du ministre de
l'Education...
M. Bellemare: Vote enregistré, Mme le
Président.
M. Lavoie: Vote enregistré, Mme la Présidente.
Mme le Vice-Président:... au nom du ministre des Richesses
naturelles, proposant la première lecture de ce projet de loi no 121,
Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de I
amiante, est-elle adoptée? J'ai déjà entendu qu'on
demandait le vote. Qu'on appelle les députés!
Suspension à 15 h 26
Reprise à 15 h 45
Mise aux voix de la motion
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député d'Arthabaska, s'il vous plaît!
Maintenant que le calme est revenu, c'est le moment de la mise aux voix
de la première lecture du projet de loi modifiant la Loi constituant la
Société nationale de l'amiante. Que ceux qui sont pour ce projet
de loi veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Cardinal, Burns, Laurin, Morin
(Sauvé), Léonard, Mme Ouellette, MM. O'Neill, de Belleval,
Johnson, Proulx, Lazure, Tardif, Garon, Vaugeois, Martel, Vaillancourt
(Jonquière), Marcoux, Chevrette, Bertrand, Fallu, Mi-chaud, Rancourt,
Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Bisaillon, de Bellefeuille, Gendron,
Mercier, Alfred, Marquis, Ouellette, Perron, Clair, Dussault, Boucher,
Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Gravel, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet.
Mme le Vice-Président: Que ceux qui sont contre veuillent
bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie,
Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Forget, Mailloux, Goldbloom, Ciaccia, Mme
Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher,
Picotte, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Biron, Belle-mare,
Grenier, Russell, Goulet, Fontaine, Dubois, Le Moignan, Roy.
Mme le Vice-Président: Que ceux qui désirent
s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
M. Marchand: Mme le Président, question de directive.
Des Voix: Un instant! Le vote n'est pas fini.
Mme le Vice-Président: A moins que vous n'ayez quelques
remarques quant au vote, M. le député de Laurier.
Le Secrétaire: Pour: 45 Contre: 30
Abstentions: 0
Mme le Vice-Président: Motion de première lecture
adoptée. Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. Lavoie: Sur une question de règlement.
Le Vice-Président: Sur une question de règlement,
M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Lavoie: Je voudrais rappeler à l'attention de cette
Assemblée la teneur de l'article 107 du règlement,
deuxième alinéa, qui est du droit nou- veau qui existe
déjà depuis 1973 à cette Assemblée. Il ne s'agit
plus comme auparavant de l'initiative des whips. Auparavant quand un whip
il y avait une tradition était debout le vote ne pouvait
pas être appelé. En 1973, il a eu du droit nouveau dans notre
règlement et il est dit au deuxième alinéa: "Lorsque le
président juge le président, j'ai bien dit que le
délai d'appel a été suffisant, il met la motion aux voix
en suivant les prescriptions de l'article 109." Je voudrais protester, Mme la
Présidente, au nom de l'Opposition officielle, sur le déroulement
de ce vote. A ma connaissance, c'est la première fois que la
présidence a autant retardé un vote. Je ne sais pas si c'est
parce que c'est le vendredi après-midi, mais le rôle du whip
anciennement de vérifier si les troupes gouvernementales étaient
assez nombreuses, n'a pas été remplacé par la
présidence de l'Assemblée, Mme la Présidente. (15 h
50)
Le Vice-Président: M. le leader...
M. Bellemare: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente, je voudrais vous dire que c'est surtout-Une Voix: Le
bâillon?
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bellemare: Prenez votre temps, vous venez d'avoir une frousse!
Mme le Président, en vertu de l'article 107, c'est sûr que le vote
aurait dû être appelé dans des délais... Parce qu'on
reproche à l'Opposition souvent de faire perdre le temps de la Chambre.
Regardez, cela a pris au-delà de 25 minutes pour appeler le vote. Cela
ne s'est jamais produit dans cette Assemblée. Je dis, Mme le
Président, quand il y a un projet de loi aussi important, aussi crucial
que celui-là et qu'il manque 15 ministres qui n'ont pas voté,
même le ministre des Richesses naturelles, même le leader
parlementaire du gouvernement n'est pas là, ni le premier ministre, que
c'est révoltant, Mme le Président.
Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Caron: Mme la Présidente...
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Verdun, j'ai déjà donné la
parole au leader parlementaire du gouvernement. Je vous l'accorderai si vous
avez toujours l'intention de me demander la parole ensuite.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Caron: Mme la Présidente... M. Bertrand: Mme la
Présidente...
M. Caron: ... je pense que c'est à mon tour de parler, je
m'excuse. Question de règlement.
M. Bertrand: Mme la Présidente, on est déjà
sur une question de règlement.
Mme le Vice-Président: D'accord, M. le
député. Je comprends que vous voulez intervenir sur une question
de règlement, mais j'avais donné la parole au leader du
gouvernement pensant qu'il intervenait sur la question de règlement
aussi. Alors, j'entends M. le leader parlementaire du gouvernement et je vous
entendrai ensuite, M. le député, comme je vous l'ai promis.
M. Bertrand: Ce n'était pas, non plus, Mme la
Présidente, mon intention d'empêcher le député de
Verdun de parler, mais, puisqu'on est déjà sur une question de
règlement, il semblait normal qu'après avoir entendu les partis
d'Opposition on puisse faire connaître notre point de vue sur l'article
107. Moi aussi, je suis prêt, avec le leader parlementaire de
l'Opposition officielle, à reconnaître qu'il est très
explicite et qu'il dit précisément au paragraphe 2: "Lorsque le
président juge que le délai d'appel a été suffisant
". Dans les circonstances présentes, le moins qu'on puisse dire, c'est
qu'on n'a certainement pas empêché la présidence de jouer
son rôle. On ne contrevient pas à l'article. Nous avons, nous
aussi, accepté que le vote soit pris au moment où la
présidence a demandé que le vote soit pris. Nous n'avons pas
contrevenu à l'article 107.
Je veux ajouter ceci sur la question de règlement pour relever
les propos du député de Johnson, Mme la Présidente. Le
député a dit: Quand un vote aussi important, sur un projet de loi
aussi important est pris et qu'on constate ceci ou cela... Justement, si un
vote est aussi important, je pense que l'Opposition aurait pu être, dans
les circonstances, un peu plus compréhensive et collaborer, quand on
sait qu'il n'aurait suffi que de quinze secondes de plus pour permettre au
ministre des Richesses naturelles d'être présent, au ministre
d'Etat au développement économique...
Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement. A
l'ordre, s'il vous plaît! Le calme revenait, ce qui nous a permis
d'entendre des choses que nous aurions moins voulu entendre.
M. le député de Verdun.
M. Caron: Mme la Présidente, je voulais souligner le fait
que le parrain du projet de loi n'était même pas ici pour voter.
Je pense que la population du Québec qui nous regarde doit le
savoir.
M. Bérubé: Mme la Présidente...
Mme le Vice-Président: Sur la question de
règlement, M. le ministre.
M. Bérubé: ... le parrain du projet de loi
était présent en cette Chambre. Si nous sommes aux prises avec un
imbroglio procédurier, c'est tout simplement que l'Opposition est
incapable de se faire une idée, à savoir si on avait le droit de
déposer un projet de loi, oui ou non, premiè- rement.
Deuxièmement, Mme la Présidente, je ferai humblement remarquer
à l'Opposition qu'il est bien indiqué "lorsque le
président juge". C'est à vous de juger et non à eux.
M. Gratton: Bravo! Brillant, brillant!
Mme le Vice-Président: Vous y tenez, M. le
député? A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Sainte-Marie, à l'ordre, s'il vous plaît!
Bon, j'admets, avec les membres de cette Assemblée, que c'est au
président de décider à quel moment nous prenons le vote;
quand il juge que les délais sont suffisants. Je vous ferai simplement
remarquer que les deux dernières personnes qui sont entrées ici
juste avant le vote sont deux personnes de l'Opposition officielle et que,
même si le whip n'était pas encore assis, j'ai quand même
décidé que nous allions prendre le vote à ce
moment-là.
M. le leader parlementaire. Sur la question de règlement, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Je me sens quelque peu visé, Mme le
Président, puisque je suis un des deux députés de
l'Opposition qui sont entrés à la dernière minute. Je suis
sûr que vous n'avez pas voulu, par vos remarques, juger de
l'opportunité, de l'heure où nous sommes entrés et je
serais prêt, très volontiers, à dire à cette Chambre
les raisons qui m'ont retenu à l'extérieur de la Chambre. Vous ne
le souhaitez pas? Non? D'accord.
Mme le Vice-Président: Que vous ayez des raisons ou que
vous n'en ayez pas, je pense que je n'ai pas besoin de savoir pourquoi
certaines personnes ont été retardées.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bérubé: Question de privilège, Mme le
Président.
Mme le Vice-Président: Sur une question de
privilège.
M. Bérubé: Je sens mon privilège de
député lésé dans la mesure où
également j'ai dû partir du 200, Chemin Sainte-Foy, pour me rendre
à l'Assemblée nationale de toute urgence.
Mme le Vice-Président: Maintenant que les uns et les
autres ont eu l'occasion de s'exprimer, est-ce que je pourrais demander votre
collaboration pour que le leader du gouvernement puisse appeler le prochain
article de nos travaux de cet après-midi?
M. le leader.
M. Bertrand: Avec plaisir, Mme la Présidente, je vous
demanderais d'appeler l'article 37).
Projet de loi no 22
Prise en considération du rapport de la
commission
Mme le Vice-Président: A l'article 37) du feuilleton
d'aujourd'hui... Je demanderais aux gens qui
se dirigent maintenant vers leur bureau ou vers les commissions
parlementaires de faire rapidement, s'il vous plaît, pour que nous
puissions travailler ou, à tout le moins, de baisser le ton, si vous
avez des interventions. S'il vous plaît!
A l'article 37) du feuilleton d'aujourd'hui, il s'agit de la prise en
considération du rapport de la commission permanente des travaux publics
et approvisionnement qui a étudié le projet de loi no 22, Loi
modifiant la Loi des travaux publics. Je demanderais qu'on me fournisse les
amendements, s'il vous plaît!
M. Bertrand: Mme le Président.
Mme le Vice-Président: Nous avons des amendements juste
avant la prise en considération du rapport, M. le leader du
gouvernement. (76 heures)
M. Bertrand: Mme la Présidente, c'est simplement pour vous
permettre, en même temps qu'aux députés de
l'Assemblée nationale, de comprendre un peu ce qui se passe dans la
présentation de ces amendements avant que vous ne les appeliez.
L'Assemblée nationale, tel que le stipule notre règlement
à l'article 123, a été informée le jour même
du dépôt du rapport de la commission parlementaire, qu'il y aurait
des amendements présentés par l'Opposition officielle, en
l'occurrence par le député de Gatineau et par le
député de L'Acadie. Ces amendements ont été
reçus par le secrétaire général, le 17 novembre
1977. Par la suite, le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement a
présenté un amendement au rapport de la commission parlementaire,
mais en dehors du temps prévu normalement par l'article 123. A ce
moment-ci, j'aurais besoin de demander le consentement des membres de
l'Assemblée nationale pour que cet amendement présenté par
le ministre puisse être reçu.
Je voudrais indiquer immédiatement que le ministre
s'apprête à accepter les amendements qui ont été
apportés par l'Opposition officielle. Dans les circonstances, je me
demande si cela ne serait pas tout à fait bienvenu de leur part de
considérer que l'amendement apporté par le ministre, même
s'il déroge à l'article 123 du règlement, puisse aussi
être considéré dans l'étude du rapport de la
commission parlementaire.
Mme le Vice-Président: Y a-t-il consentement...
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Sur la question de règlement, Mme le
Président. Je pense que nous avons déjà convenu avec le
ministre des Travaux publics que nous donnerions le consentement que sollicite
présentement le leader adjoint du gouvernement. Sauf qu'en vertu des
dispositions de l'article 123, quatrièmement, Mme le Président,
le président décide de la recevabilité des amendements et
les choisit pour en éviter la répétition. J'aimerais
d'abord savoir et c'est une demande de directive que je vous soumets,
Mme la Présidente si les amendements que mon collègue de
L'Acadie et que moi-même avons présentés dans les
délais requis par le règlement ont été jugés
recevables par la présidence, étant donné que ces
amendements sont toujours là et n'ont pas encore été
appelés en délibération. Il s'agira, je suppose, à
ce moment, que le député de L'Acadie et moi-même nous
acceptions de faire motion de retrait des motions d'amendement.
Mais, avant de faire cette motion de retrait, j'aimerais savoir de la
présidence si les amendements soumis par le député de
L'Acadie ainsi que par moi-même, au moment du dépôt du
rapport, ont été jugés par le président comme
recevables.
Mme le Vice-Président: Les amendements avaient
déjà été considérés comme recevables,
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Pardon?
Mme le Vice-Président: Les amendements avaient
déjà été considérés comme recevables,
en effet.
M. Gratton: Je vous remercie, Mme la Présidente, et je
pense qu'il est utile de rappeler que ces mêmes amendements que nous
avons soumis au moment du dépôt du rapport, c'est-à-dire le
17 novembre 1977, il y a de cela plus d'un an, avaient été
jugés irrecevables par le président de la commission qui avait
étudié le projet de loi no 22, article par article. Loin de moi
de vouloir faire une guerre de procédure, mais je pense qu'il y aurait
lieu de souligner à l'attention de cette Chambre que, le 15 novembre
1977, alors que la commission permanente des travaux publics avait reçu
le mandat d'étudier le projet de loi no 22 article par article,
moi-même et le député de L'Acadie avions
présenté des motions d'amendement qui sont exactement celles que
nous avons présentées au moment du dépôt du rapport
à l'Assemblée nationale. Si vous me le permettez, Mme la
Présidente, je citerai la transcription, au no 479-B, de la commission
en date du 15 novembre 1977; c'était alors le député de
Châteauguay qui présidait les travaux de la commission. "Dans un
projet de loi qui amende un autre projet de loi, quand l'Assemblée
nationale statue clairement sur le fait d'abroger des articles de loi,
l'Assemblée nationale, à ce moment-là, fait voir
clairement une volonté ferme de changer fondamentalement ce qui existait
dans le projet de loi. J'irais même jusqu'à dire change du tout au
tout ce qui est écrit dans le projet de loi aux articles
concernés. J'ai un doute très grand à savoir que ce que
l'on propose comme amendement soit une très petite exception à ce
que prévoit le projet de loi no 22 à l'article 1. J'ai même
une très grande certitude que l'amendement proposé par Mme le
député de L'Acadie contredit fondamentalement le principe qui a
été avancé par l'Assemblée nationale à
l'article 1 et, pour cette raison, je déclare cet amendement non
recevable".
Je voulais, Mme la Présidente faire état de cette
décision du député de Châteauguay à titre
de président de la commission, parce que nous l'avions
très vigoureusement contestée, mais respectueux comme nous le
sommes toujours des décisions d'un président de commission, nous
avions, bien entendu cru de notre devoir de nous y conformer. J'accepte
volontiers, Mme la Présidente, et avec beaucoup de plaisir la
décision que vous venez de rendre, à savoir que ces amendements
étaient tout à fait recevables. Compte tenu que nous y
proposions, le député de L'Acadie et moi, non pas d'abroger les
articles 8 et 9 de la Loi des travaux publics, comme le proposait le projet de
loi no 22, mais bien de simplement les amender et qu'après quand
même un an, le ministre semble s'être rendu compte du
bien-fondé de nos représentations, c'est avec plaisir que, quant
à moi, je fais motion pour retirer l'amendement que j'avais
proposé au moment du dépôt du rapport, c'est-à-dire
un amendement à l'article 4 qui je pense qu'il serait dans
l'ordre, Mme la Présidente, que j'en fasse lecture se lisait
comme suit: "Que l'article 4 du projet de loi no 22 soit modifié en
ajoutant à la fin ce qui suit: A l'exception de l'article 1 qui entrera
en vigueur à la date où sera sanctionnée une loi qui
modifiera la Loi de l'administration financière dont l'objet sera de
consacrer le principe à l'effet que d'une façon
générale, les contrats du gouvernement sont octroyés par
voie de soumissions publiques sous réserve des conditions et des limites
prescrites par le lieutenant-gouverneur en conseil.
Donc en vertu de l'article 85 de notre règlement, puisque cette
motion d'amendement que j'avais présentée n'a pas
été appelée en délibération à cette
Assemblée, je fais motion pour la retirer, de façon à
permettre à Mme le ministre des Travaux publics et de
l'Approvisionnement de présenter l'amendement dont elle nous a
déjà donné avis, il y a quelque temps. Je suppose que Mme
le député de L'Acadie pourra possiblement vouloir faire de
même quant à l'amendement qu'elle avait elle-même
présenté au moment du dépôt de ce rapport de la
commission permanente des travaux publics.
Mme le Vice-Président: Cette motion du retrait de
l'amendement du député de Gatineau est-elle adoptée?
M. Bertrand: Mme la Présidente...
Mme le Vice-Président: Vous voulez intervenir sur...
M. Bertrand: Avant que vous n'appeliez aux voix, puisque
l'article 85 effectivement dit que nous devons procéder à la mise
aux voix d'une telle motion, mais qu'il peut quand même y avoir
intervention des formations sur les motifs qui entourent la motion du
député de Gatineau, à ce moment-ci, avant que vous ne
mettiez aux voix, je pense qu'il serait tout à fait normal que Mme le
ministre, là-dessus, spécifiquement sur ce que vient de dire le
député de Gatineau, puisse expliquer dans quelles circonstances,
à ce moment, au niveau de la commission parlementaire, il y avait eu
débat du côté ministériel concernant la
non-recevabilité de la motion d'amendement, et pourquoi, aujourd'hui, il
serait possible à l'Assemblée nationale de juger recevables les
motions d'amendement proposées par le député de Gatineau.
Je pense qu'il serait normal que vous permettiez au ministre des Travaux
publics et de l'Approvisionnement d'expliquer exactement qu'est-ce qui s'est
passé et pourquoi est acceptable aujourd'hui ce qui ne l'était
pas à l'époque.
M. Bellemare: Mme le Président, justement parce que le
règlement pourvoit à ce détail, tel qu'il vient
d'être dit, le député de L'Acadie aurait elle aussi dans le
même sens, puisque le ministre devra répondre, à retirer un
autre amendement en vertu des mêmes raisons que vient de faire valoir le
député de Gatineau. (15 h 10)
Pourquoi ne pas procéder dans l'ordre afin de ne pas faire un
"filibuster " pour rien et de ne pas étirer pour rien des séances
qui sont tellement courtes maintenant parce que nous achevons? Nous avons des
projets pour encore un mois si nous continuons cette procédure.
M. Bertrand: Entièrement d'accord.
Mme le Vice-Président: Je comprends votre intention, M. le
leader. Une motion à la fois serait suffisante. Maintenant, nous avons
déjà entendu les interventions et nous savons que Mme le
député de L'Acadie voudra, elle aussi, faire une motion de
retrait. Nous pourrons probablement disposer de la motion d'amendement et nous
comprendrons que Mme le ministre avait probablement elle le dira
probablement, d'ailleurs l'intention de faire une intervention. Disons
que c'est sur une seule motion d'amendement, mais que nous comprendrons que ce
sera sur les deux. Mme le ministre.
Des Voix: Non, non.
M. Gratton: Je pense que le député de L'Acadie se
réserve la possibilité d'expliquer pourquoi elle fera une motion
de retrait.
Mme le Vice-Président: De toute façon, Mme le
député de L'Acadie ne m'avait pas demandé la parole avant
que Mme le ministre ait l'intention de se lever. Si Mme le député
de L'Acadie a l'intention de dire quelque chose sur la question de
règlement, je le recevrai avec plaisir; sinon, nous verrons.
Mme le ministre des Travaux publics.
Mme Ouellette: Vous vous souviendrez, Mme le Président,
qu'initialement, dans le projet de loi, il s'agissait d'abolir les articles 8
et 9 de la Loi des Travaux publics. Les administrateurs et les juristes du
ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement voulaient rendre
plus concordantes les lois des Travaux publics et de l'administration
financière.
M. Bellemare: A l'ordre! A l'ordre! Pas de collusion!
Mme Ouellette: Voyons! Est-ce que j'ai la parole? Merci.
M. Bellemare: On voit les manoeuvres. M. Bertrand: Bien voyons
donc!
Mme le Vice-Président: Mme le ministre des Travaux
publics, c'est vous qui avez la parole.
M. O'Neill: II est un peu fatigué.
Mme Ouellette: Je disais donc, Mme la Présidente, que nous
envisagions initialement l'abolition des articles 8 et 9 tenant compte du fait
que les juristes et les administrateurs du ministère des Travaux
publics, voulant rendre plus concordantes la Loi des Travaux publics et celle
de l'administration financière, se demandaient pourquoi on
répétait, selon eux, inutilement, cette obligation faite aux
Travaux publics. A cette époque, l'Opposition, représentée
par Mme le député de L'Acadie, par MM. les députés
de Gatineau et de Huntingdon, ne voyait pas la chose aussi simplement et on
s'était entendu en commission parlementaire pour voir à la
possibilité d'apporter une modification à la Loi de
l'administration financière. Après plusieurs rencontres des
juristes du ministère des Travaux publics et du ministère des
Finances, il a paru plus pratique de les garder, à toutes fins
pratiques, pour faire plaisir à l'Opposition encore une fois, je
suis persuadée que la Loi de l'administration financière oblige
le ministère des Travaux publics à procéder par
soumissions publiques qui souhaitait que cela ne fasse pas partie d'une
réglementation, mais bel et bien d'une loi. C'est à cet
égard que j'ai accepté les propositions de l'Opposition
officielle et de l'Opposition de l'Union Nationale.
Cela n'enlève absolument rien, à mon avis. Cela continue
à obliger, dans la Loi des Travaux publics, le ministre des Travaux
publics à procéder par soumissions publiques. Je vais faire
lecture des amendements ou de l'amendement. "L'article 8 de la Loi des Travaux
publics, Statuts refondus 1964...
Mme le Vice-Président: Mme le ministre, avez-vous
l'intention de lire votre amendement maintenant? Nous en sommes à la
motion de retrait.
Mme Ouellette: Oui, d'accord.
Mme le Vice-Président: J'attendais simplement votre
explication.
Cette motion de retrait de l'amendement de M. le député de
Gatineau est-elle adoptée?
M. Gratton: Mme le Président, j'aimerais quand même,
en vertu de l'article je ne sais pas lequel 85, dire que, lorsque
le ministre des
Travaux publics prétend que l'amendement qu'elle proposera
tantôt est, à toutes fins utiles, la même chose que ce que
le projet de loi no 22 proposait, je me dois de m'inscrire en faux.
Si j'ai fait une motion de retrait de la motion d'amendement que j'avais
présentée au moment de la présentation du rapport de la
commission ici à l'Assemblée nationale, c'est que j'avais la
certitude que le ministre présenterait la motion d'amendement qu'elle
nous présentera tantôt et dont j'ai le texte. Je présume
que ce sera le texte qu'elle nous a soumis il y a environ un mois.
Mme la Présidente, ce n'était pas strictement pour faire
de la procédure que nous, de l'Opposition, avons insisté pour
amender les articles 8 et 9 de la Loi des travaux publics plutôt que de
les abroger, comme proposait de le faire le projet de loi no 22. Je ne veux pas
reprendre tout le débat de deuxième lecture et tout le
débat qu'on a fait en commission parlementaire, non seulement
l'Opposition libérale mais l'Opposition de l'Union Nationale, indiquant
la différence très grande entre le contrôle que peut
exercer l'Assemblée nationale sur l'adjudication de contrats par
soumissions publiques, par rapport à ce que nous proposait de faire le
projet de loi no 22, c'est-à-dire de régir cette adjudication de
contrats par une simple réglementation.
Je n'ai sûrement pas besoin, Mme la Présidente, de vous
expliquer très longuement que lorsque l'on parle des articles 8 et 9 de
la Loi des travaux publics, on parle d'un contrôle du Parlement, du
contrôle absolu que les législateurs de tous les partis politiques
peuvent avoir sur l'administration de deniers publics en matière de
travaux publics. Ce que nous proposait le projet de loi no 22, en abrogeant les
articles 8 et 9, c'était de limiter l'obligation qu'a le ministre des
Travaux publics d'aller en soumission publique dans certaines conditions, de
limiter cette obligation à une simple réglementation qui, elle,
n'est pas soumise à l'attention de l'Assemblée nationale qui
relève strictement du cabinet des ministres, des membres, donc, d'un
seul parti politique, en l'occurrence le Parti québécois qui est
présentement au pouvoir. Il y a une différence fondamentale, ce
sont deux mondes complètement différents.
Mme Ouellette: Mme la Présidente. Je me demande si on va
reprendre toute la discussion que nous avons eue en commission parlementaire.
J'ai une modification à apporter, je vais la lire tantôt et vous
allez voir que je me suis rendue à vos propositions.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, et j'en suis
très heureux. Il faut quand même dire que cela a pris un an au
ministre des Travaux publics pour se rendre à nos demandes.
Tantôt, il y a à peine quelques minutes, elle a essayé de
faire croire à cette Assemblée que c'étaient des caprices
de l'Opposition auxquels elle se pliait volontiers parce que, dans le fond, il
n'y avait rien là. Mme la Présidente, ce que je suis en train de
vous dire, c'est qu'il y avait effectivement quelque
chose là. Et si nous, de l'Opposition, avons tellement
insisté, c'est qu'il s'agissait d'un principe très important, qui
est peut-être beaucoup plus important pour les membres de l'Opposition,
et j'en conviens, que pour les ministériels. Je suis membre de
l'Opposition et j'ai l'intention de faire mon devoir jusqu'au bout. Je veux que
la population sache et j'invite le député de L'Acadie,
lorsqu'elle fera une motion pour retirer son propre amendement, à
insister là-dessus; je sais qu'elle le fera parce qu'elle est
très au courant, pour avoir oeuvré dans le domaine scolaire sur
l'île de Montréal toutes les possibilités qui
peuvent s'ouvrir à un parti politique, à un gouvernement, au
moment où, au lieu de soumettre à l'Assemblée nationale,
où il y a des représentants de chacun des partis politiques, de
soumettre, dis-je, les exigences quant à l'adjudication de contrats de
travaux publics, au lieu de faire cela, on dit tout simplement: II n'y a pas de
problème, on va faire cela par réglementation.
Mme la Présidente, il y a une différence énorme
entre ce que le gouvernement et le Conseil des ministres peut faire en
catimini, par ordre en conseil, et ce que l'Assemblée nationale doit
faire au moment où une disposition est incluse dans une loi plutôt
que dans une réglementation. C'est pour cela que nous avons
argumenté, que nous avons même subi une mauvaise décision
du président de la commission, vous l'avez vous-même
établi, Mme la Présidente, en disant que nos motions d'amendement
étaient recevables. Si nos motions d'amendement sont recevables
aujourd'hui, elles l'étaient autant le 11 novembre 1977, au moment
où le député de Châteauguay, président de la
commission parlementaire, les a jugées irrecevables. (16 h 20)
Mme le Président, je dis donc que si nous acceptons et si,
particulièrement, moi, j'accepte de retirer la motion d'amendement que
j'avais faite en bonne et due forme le 11 novembre dernier au moment du
dépôt du rapport, c'est uniquement parce que le ministre des
Travaux publics nous a donné avis d'une motion d'amendement qu'elle
entend nous présenter tantôt. Mme le Président, je lui
ferai remarquer, en temps opportun, que sa motion d'amendement dont elle nous a
donné avis n'est pas complète et ne réglera pas le
problème qu'elle désire régler par son projet de loi no
22, aussi bien que par l'amendement qu'elle nous apportera tantôt.
Je pense, Mme la Présidente, que cela prouvera une fois pour
toutes que, lorsque l'Opposition dit des choses au sujet d'un projet de loi, ce
n'est pas nécessairement strictement pour faire mal paraître le
gouvernement et faire en sorte de l'embouteiller, mais qu'à l'occasion,
plus souvent qu'autrement, c'est pour bonifier les projets de loi. Si on avait
des ministres de l'autre côté qui de temps en temps se
débouchaient les oreilles, on perdrait bien moins de temps en cette
Chambre.
Si on s'impatiente de l'autre côté, j'en ai encore beaucoup
à dire et j'ai encore un droit de parole en vertu de l'article 85.
Alors, qu'on ne s'impatiente pas de l'autre côté, je n'ai pas
fini.
M. Bertrand: Dix minutes.
Mme le Vice-Président: Votre réplique sur la motion
de retrait est-elle terminée?
M. Gratton: Oui. Je dis en terminant, Mme la Présidente,
que c'est volontiers qu'on veut offrir notre collaboration au gouvernement, en
acceptant de retirer nos motions d'amendement. Vous savez que, si nous
n'acceptions pas aujourd'hui de faire ces motions de retrait, on devrait
reprendre tout le processus à partir de la première lecture, Mme
le Président. Nous voulons donc que le projet de loi no 22 soit
voté avec l'amendement que propose de présenter le ministre des
Travaux publics. Mais nous n'accepterons pas que le ministre des Travaux
publics essaie de faire croire à la population et à cette Chambre
que c'est simplement pour faire plaisir à l'Opposition, pour des raisons
tout à fait mineures qu'elle présente son amendement.
Si elle n'a pas la franchise de nous dire cet après-midi
qu'effectivement...
M. Bertrand: Question de règlement. Mme la
Présidente, je veux faire remarquer au député de Gatineau
que je veux bien qu'il fasse les commentaires qu'il fait, mais il y a un autre
débat qui s'en vient sur le rapport de la commission parlementaire. On
est sur la motion de retrait d'un amendement. Parlez là-dessus et
seulement là-dessus. Vous avez un droit de parole de dix minutes, tel
que prévu au deuxième paragraphe de 85, mais n'embarquez pas sur
le débat qui va avoir lieu tantôt pour le rapport de la commission
parlementaire.
M. Gratton: Mme la Présidente, le pee-wee n'a rien compris
encore.
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Gatineau, je vous ferai remarquer que le temps de
votre réplique est déjà écoulé, que vous
disposerez du temps pour parler sur la motion tantôt. Je vous demanderais
d'en terminer là. Vous pourrez intervenir sur la motion d'amendement
tout à l'heure.
M. Gratton: Avec plaisir, Mme le Président, sauf que vous
me permettrez sûrement, comme le règlement me le permet,
d'intervenir sur la question de règlement qu'a soulevée le
député de Vanier. Si je dis que j'exige du ministre qu'elle ne
justifie pas la présentation de son amendement comme étant pour
satisfaire un caprice de l'Opposition, je pense que c'est bel et bien pertinent
à la motion de retrait de l'amendement que j'ai proposé le 11
novembre dernier. C'est seulement dans ces conditions que j'ai accepté
de retirer mon amendement. Il ne faudrait quand même pas donner
l'impression, Mme le Président, que le gouvernement nous fait une
faveur. Car, en définitive, c'est l'Opposition qui sort le gouvernement
d'un pétrin où il s'est embourbé depuis 20 mois que ce
projet de loi est au feuilleton.
Mme le Vice-Président: Cette motion de retrait est-elle
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Mme le Vice-Président: Adopté. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, pour les mêmes
raisons qui ont été invoquées par mon collègue de
Gatineau, je voudrais aussi faire motion pour que l'amendement que j'avais
proposé soit retiré, mais, avant de le faire, je voudrais
également, très brièvement, essayer de peut-être pas
rétablir les faits, mais au moins les établir. Je suis tout
à fait d'accord avec mon collègue de Gatineau quand il fait
valoir que si aujourd'hui nous obtenons de la part du gouvernement un
changement d'attitude, c'est-à-dire qu'au lieu de retirer de la loi
l'obligation d'aller en soumissions pour l'adjudication des contrats et
procéder par réglementation on se rend, finalement, à la
raison dans le sens qu'on maintient dans la loi cette obligation. C'est
véritablement dû aux efforts que l'Opposition officielle a
déployés au moment de l'étude en commission parlementaire
du projet de loi 22.
Si j'étais intervenue à ce moment-là sur ce projet
de loi, c'était justement parce que je trouvais que les principes qui
étaient en jeu étaient extrêmement importants. Comme le
mentionnait mon collègue de Gatineau, j'avais eu une certaine
expérience dans l'administration publique et je trouvais que les
articles 8 et 9 de la Loi des travaux publics constituaient, en somme, la
pierre angulaire du contrôle du Parlement sur l'administration des fonds
publics et que retirer cette obligation de la loi pour simplement agir par
réglementation, par règlements qui peuvent être
modifiés au bon gré d'un arrêté ministériel,
je trouvais que c'était extrêmement dangereux. Au contraire, si on
voulait apporter des modifications à la Loi des travaux publics touchant
les soumissions, nous aurions dû aller dans un sens beaucoup plus
restrictif même que celui que la loi prévoit.
Alors, Mme la Présidente, je donne simplement ces explications.
Ce débat se fait aujourd'hui en présence de la population alors
qu'il s'est fait en commission parlementaire il y a déjà plus
d'un an. Je pense que c'est important que la population saisisse qu'il ne
s'agit pas d'un caprice, mais qu'à ce moment-ci, on fait vraiment valoir
les intérêts de la population. Ce qu'on veut protéger,
c'est que les biens publics soient dépensés avec toute la
transparence possible et qu'on ne permet pas que des ouvertures ou une
souplesse qui pourrait être trop grande nous amènent à
faire des erreurs, et ceci est dans l'intérêt du gouvernement.
Je dois me réjouir aujourd'hui d'abord que vous ayez
accepté que les motions que nous faisions à ce moment-là
soient devenues recevables alors qu'elles avaient été
jugées irrecevables au moment de la commission parlementaire. Je suis
prête à retirer cette motion et je dois me réjouir
également que le gouvernement se soit rendu à nos arguments. Je
pense que les gens comprendront l'importance de ceci. L'obligation d'aller en
soumissions, surtout dans le domaine des travaux publics plus que,
probablement, dans aucun autre ministère, est extrêmement
importante. Il était extrêmement imprudent de la sortir de la loi
pour la confier simplement à un pouvoir de réglementation qui,
somme toute, demeure un pouvoir discrétionnaire je pense que Mme
la ministre en conviendra du lieutenant-gouverneur en conseil.
A ce moment-ci, je pense que c'est le règlement je ne sais
pas que c'est peut-être mieux de lire la motion que je retire. Je
pense que pour les fins du journal des Débats, c'est plus clair.
Mme le Vice-Président: Vous avez le loisir de le faire,
Mme le député.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je fais motion pour retirer l'amendement
que je proposais à la séance du 15 novembre 1977 voulant ce qui
suit: "Que l'article 1 soit amendé en remplaçant le mot
"abrogé" par le mot "amende", en ajoutant un deuxième
alinéa à l'article 8 disant: "Le premier alinéa ne
s'applique pas dans les cas de travaux d'aménagement à
l'intérieur d'un édifice propriété de Sa
Majesté ou loué par cette dernière; et qu'à
l'article 9 soient insérés, à la troisième ligne,
après le mot "entreprise", les mots "après demande de soumissions
par annonce publique" et en ajoutant un deuxième alinéa: "Le
ministre peut toutefois, dans les cas d'extrême urgence, autoriser le
commencement de l'ouvrage avant que le contrat ne soit signé par les
parties".
Alors, Mme la Présidente, nous avions quand même
tenté de cerner le problème et de laisser une certaine souplesse
au ministre pour qu'elle n'ait pas vraiment les mains liées; pour que,
dans les cas d'urgence, dans le cas de location par le gouvernement
d'immeubles, elle puisse quand même agir assez facilement. Nous avions au
moins admis cette possibilité. Je fais motion pour que cet amendement
soit retiré.
Mme le Vice-Président: Simplement une petite remarque, Mme
le député de L'Acadie. J'aimerais, pour que nous soyons bien dans
les règles, que nous corrigions si vous le permettez, je pense
qu'il va falloir le faire le fait que vous avez parlé d'un
amendement qui a été déposé au moment du
dépôt du rapport. Merci, madame. (16 h 30)
M. Bellemare: Est-ce que vous me permettriez de rappeler le
quorum, s'il vous plaît, Mme le Président?
Mme le Vice-Président: Nous vérifions le quorum
immédiatement. Je ne pensais pas... Un moment. Il manque une personne
pour le quorum. M. le leader, vous aviez raison. Alors, c'est cela. La personne
manquante est arrivée à trois. Nous avons quorum. Alors, cette
motion de retrait de l'amendement de Mme le député de L'Acadie
est-elle adoptée?
M. Bertrand: Adopté.
Mme le Vice-Président: Adopté. Il s'agit maintenant
de la motion d'amendement de Mme le ministre des Travaux publics. Mme le
ministre, je vous laisse le soin de lire votre motion d'amendement ou
aimez-vous mieux que je la lise?
Mme Ouellette: Non, je vais la lire. En fait, je voulais au
début souligner, Mme le Président, que ce n'était
aucunement l'intention du ministère des Travaux publics de se soustraire
à son obligation de procéder par soumissions publiques quant
à l'octroi de contrats. Si vous me le permettez, pour répondre au
député de Gatineau, c'étaient des juristes finalement qui
m'indiquaient que la Loi de l'administration financière voulait dire
exactement la même chose. Ne voulant pas verser dans les avocasseries et
tenant compte du fait également que je suis tout à fait
disposée...
M. Gratton: Reconnaissez donc que vous ne saviez pas ce que vous
faisiez.
Mme Ouellette: ... depuis le début, d'ailleurs, et tant
que je serai ministre des Travaux publis, à procéder par
soumissions publiques, il m'a fait grandement plaisir de recevoir les
propositions de Mme le député de L'Acadie et de M. le
député de Gatineau. J'en fais donc lecture. "L'article 8 de la
Loi des Travaux publics, Statuts refondus 1964, chapitre 138, est
remplacé par le suivant: II est du devoir du ministre de demander des
soumissions par annonces publiques pour l'exécution de tous les travaux
faits à l'entreprise et dont le coût estimatif dépasse $65
000, sauf a) dans les cas d'urgence, lorsque la sécurité des
personnes et des biens est compromise et que tout délai est
préjudiciable à l'intérêt public; b) dans les cas de
travaux dont l'exécution est confiée à une entreprise
d'utilité publique; c) dans les cas de travaux dont l'exécution
est confiée à une corporation municipale ou à une
communauté urbaine ou régionale; d) dans les cas de travaux
d'aménagement ou de réaménagement d'immeubles ou de
parties d'immeubles loués par le ministre et dont l'exécution est
confiée au propriétaire de l'immeuble; et e) dans les cas de
travaux de restauration ou de rénovation, lorsque l'architecture et
l'état de l'immeuble ne permettent pas d'identifier et de décrire
les travaux avec précision. Au niveau des articles d) et e), je pense
que la modification rencontre pleinement les propositions de Mme le
député de L'Acadie.
M. Gratton: M. et/ou Mme le ou la Présidente...
Le Vice-Président: C'est monsieur maintenant, M. le
député de Gatineau. Comme vous le savez, il faut parler sur les
amendements de Mme le ministre ou sur le rapport.
M. Gratton: Oui. En fait, M. le Président, il s'agit d'un
amendement qui, à toutes fins prati- ques, reprend les amendements que
nous avions proposés à la commission parlementaire au moment de
l'étude article par article et qui, malheureusement, à cause de
je ne sais quoi avaient été jugés irrecevables par le
président de la commission, le député de
Châteauguay.
J'aimerais quand même rétablir certains faits. Lorsque le
ministre des Travaux publics parle d'avocasseries et des conseils que ses
légistes lui ont donnés, je m'inscris en faux. Il ne s'agit pas
d'avocasseries de prétendre, comme nous l'avons fait ici dans
l'Opposition, que l'obligation pour le ministre des Travaux publics de
procéder par soumissions publiques avec tout ce que cela comporte, dans
le cas de travaux qui ne sont pas exclus par la loi ou par l'amendement que
nous propose le ministre, que soumettre tout cela à l'Assemblée
nationale est fort différent du fait que si cela ne relève que du
Conseil des ministres
Le ministre des Travaux publics disait tantôt: II n'y a pas de
problème, ce qu'on proposait, c'était que cela relève de
la Loi de l'administration financière; que cela relève de cette
loi ou de la Loi des travaux publics, c'est la même chose. M. le
Président, ce n'est pas du tout la même chose parce qu'en vertu de
la Loi de l'administration financière, je pense que c'est l'article 41,
ce n'est pas inscrit dans la loi, cette nécessité pour le
ministre des Travaux publics de procéder par soumissions publiques,
c'est inscrit dans les règlements qui découlent de la loi.
Vous qui êtes un éminent juriste, M. le Président,
vous savez fort bien qu'il y a toute une différence entre un
règlement adopté par le cabinet des ministres et un article de
loi, comme c'est le cas de l'article 8 et de l'article 9 de la Loi des travaux
publics que le projet de loi no 22 voulait abroger. On a passé je ne
sais pas combien de temps en deuxième lecture, avec mon collègue
de Huntingdon, en commission parlementaire, mon collègue de
Brome-Missisquoi, ici, à tâcher de faire comprendre au ministre
des Travaux publics cette différence qu'il y a entre une
réglementation qui relève strictement du cabinet des ministres et
une loi qui relève de l'ensemble de l'Assemblée nationale.
M. le Président, au moment où le ministre des Travaux
publics a donné la réplique à nos interventions, je vous
citerai ce qu'elle disait, c'était le 18 octobre 1977. Ce n'est pas tout
à fait hier, mais quand même. A la page 3518 du journal des
Débats: "Tout ce que j'ai constaté, c'est assez clair, c'est
qu'on a alimenté un débat stérile où, finalement,
on n'a fait que jouer sur les mots en maquillant finalement nos intentions les
plus claires". C'était le ministre des Travaux publics qui s'exprimait
ainsi pour qualifier les propos que nous avions tenus en deuxième
lecture, M. le Président. C'est curieux que ce débat
stérile sur les intentions si claires du gouvernement, il y a un an,
nous amène aujourd'hui à étudier une proposition
d'amendement du même ministre des Travaux publics qui trouvait nos
arguments stériles, qui trouvait nos paroles inutiles. Aujourd'hui, elle
nous présente l'amendement qu'on lui avait
proposé de présenter, à quelques mots près,
M. le Président. Il faut croire que, le temps aidant, certaines
personnes si ce n'est le ministre, ce sont du moins les juristes qui la
conseillent ont finalement compris qu'il y avait une différence
entre les règlements découlant de la Loi de l'administration
financière et l'article 8 et l'article 9 de la Loi des travaux
publics.
Quant à l'amendement lui-même, M. le Président, je
pense que nous pouvons l'accepter car ce que nous avions suggéré,
c'était que si le ministère des Travaux publics voulait
s'éviter les nombreux problèmes que lui occasionne le texte
actuel de la Loi des travaux publics, surtout lorsqu'il s'agit d'effectuer les
travaux dans les édifices loués par le gouvernement on
sait que la coutume veut que, lorsque le gouvernement loue un édifice
pour des bureaux et qu'il y a des améliorations ou des modifications
à faire à l'intérieur de cet édifice, c'est tout
à fait normal qu'on confie ces travaux au propriétaire de
l'édifice qu'il ne demande pas des soumissions publiques à
des gens qui ne seront pas intéressés à en fournir, de
toute façon.
C'est ce que nous suggérions depuis le début: que
plutôt d'abroger l'article 8, on le modifie pour faire les exclusions
pour préciser dans quel cas le ministre ne serait pas obligé
légalement de procéder par soumissions publiques. C'est ce que le
ministre fait cet après-midi en présentant son amendement. Elle
exclut les travaux effectués dans les édifices loués par
le gouvernement. Elle va même plus loin et exclut les travaux dont
l'exécution est confiée à une corporation municipale ou
une communauté urbaine régionale. Nous sommes d'accord, M. le
Président, pas de problème là. (16 h 40)
On exclut également les cas d'urgence ils l'étaient
déjà de toute façon dans l'article 8 mais par une
nouvelle formulation cela vient se préciser. On exclut également
les travaux de restauration ou de rénovation; on pense, par exemple,
à des projets comme la Place Royale. Et on est assez raisonnables pour
comprendre qu'il est presque impossible à l'occasion d'obtenir des prix
forfaitaires pour l'exécution de ces travaux.
Là où nous sommes moins d'accord sur l'amendement que nous
propose le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement, c'est
lorsqu'elle modifie le seuil de $25 000 qui est présentement dans la Loi
des travaux publics, seuil au-dessus duquel il est nécessaire et
obligatoire de procéder par soumissions publiques. L'amendement propose
que ce seuil de $25 000 passe à $65 000. J'ai bien l'impression qu'on
nous expliquera qu'il s'agit de l'inflation, qu'il s'agit des coûts, qui
vont en augmentant depuis un certain nombre d'années dans la
construction, mais je ne suis pas très sûr et je laisserai
le député de L'Acadie, si elle le veut bien, élaborer sur
ce thème que $65 000, ce soit exactement ce dont a besoin le
ministre des Travaux publics pour se décharger de ses obligations
convenablement.
Mais je reprends ici ce que je disais tantôt à l'attention
du ministre des Travaux publics, son amendement n'est pas complet, parce qu'en
nous proposant d'amender l'article 8 et en ne touchant pas l'article 9 elle
devra, dès la prochaine session, nous présenter un autre projet
de loi pour modifier la Loi des Travaux publics.
Mme Ouellette: On verra cela dans le temps.
M. Gratton: Le ministre me fait signe, pas de problème,
deux lois, envoyez donc, surtout au rythme où on a voté
celle-là; cela fait 21 mois qu'elle est déposée.
Peut-être que dans encore 21 mois on aura enfin réglé le
problème après quatre ans, un problème pourtant fort
simple. Je m'explique, même si le ministre risque de ne pas vouloir me
comprendre; les exclusions qu'elle nous propose en amendement à
l'article 8 doivent l'être également à l'article 9.
L'article 9 vise l'obligation qu'a le ministre d'obtenir les cautionnements, la
caution en faveur de Sa Majesté pour l'exécution
régulière de ces travaux, en se restreignant dans les limites des
dépenses et du temps spécifié pour leur achèvement.
On spécifie même qu'aucune somme de deniers ne doit être
payée à un entrepreneur sur un contrat quelconque et aucun
ouvrage ne doit être commencé avant que ce contrat soit
signé par les parties y dénommées.
C'est donc dire que même avec l'amendement et l'adoption du projet
de loi no 22, incluant l'amendement que nous présente le ministre des
Travaux publics cet après-midi, elle ne pourra quand même pas
payer ceux qui feront des contrats dans le cas des exclusions. Je pense aux
corporations municipales, par exemple; elle devra légalement exiger le
cautionnement. Elle devra s'abstenir de leur verser la
rémunération tant et aussi longtemps qu'un contrat ne sera pas
signé, même dans les cas d'urgence. Je suis sûr que ce n'est
pas ce que le ministre des Travaux publics vise à faire avec son projet
de loi no 22. Je m'adresse donc aux juristes qui la conseillent, qu'ils se
penchent sur cela. Il est encore temps, au moment de l'étude en
troisième lecture, de faire les écritures pour retourner en
commission plé-nière. Je formule même le texte de
l'amendement qui sera nécessaire à l'article 9...
Le Vice-Président: Ce n'est pas une motion, c'est une
suggestion.
M. Gratton: Non, non, je n'ai pas le droit de faire une motion
d'amendement, mais je donne avis de ce que le ministre pourra vouloir faire
comme motion d'amendement pour se sortir du guêpier où elle s'est
incrustée avec son amendement. Je lui suggère qu'à
l'article 9, à la troisième ligne, on ajoute après le mot
"l'entreprise" les mots suivants: "Après demande de soumissions par
annonce publique". Cela ferait en sorte que le cautionnement ne soit exigible
que lorsqu'il y a adjudication d'un contrat par soumission publique. Les cas
exclus de la nécessité de procéder par soumissions
publiques, les cas qui sont contenus dans l'amendement que le ministre nous
présente cet après-midi, n'auront pas, eux, à être
assujettis à cette disposition. Je lui suggère
d'ajouter un deuxième alinéa à l'article 9, qui se
lirait comme suit: "Le ministre peut toutefois, dans le cas d'extrême
urgence, autoriser le commencement de l'ouvrage avant que le contrat ne soit
signé par les parties." Cela lui permettra, dans le cas par exemple d'un
édifice loué par le gouvernement, où le gouvernement se
propose maintenant avec cet amendement de ne pas devoir aller requérir
des soumissions publiques.
Si on n'amende pas l'article 9 comme je le suggère, on ne pourra
pas verser le dédommagement au propriétaire de l'édifice;
on devra exiger de lui un cautionnement pour effectuer des travaux dans un
édifice dont il est le propriétaire. C'est complètement
ridicule. Les juristes, qui pourront possiblement prendre connaissance des
suggestions que l'Opposition libérale fait cet après-midi et qui,
j'en suis sûr, sont appuyées par mes collègues de l'Union
Nationale, ont trop d'expérience dans l'administration publique pour ne
pas reconnaître le bien-fondé des suggestions que je fais
moi-même.
Avec l'amendement proposé par le ministre, que j'accepte
volontiers, si ce n'est du seuil de $65 000, que le député de
L'Acadie voudra sûrement commenter, je dis qu'il y aurait lieu de
compléter cela pour qu'enfin ce projet de loi no 22, qui est devant
cette Assemblée depuis 21 mois, finisse par être adopté,
mais dans une forme qui sera applicable, ce qui n'est pas le cas
présentement avec la motion que nous avons devant nous.
Le Vice-Président: Je m'excuse, je vous donne la parole
immédiatement après, M. le député de
Brome-Missisquoi. Pour la bonne compréhension de nos travaux, je pense
avoir bien saisi la suggestion de M. le député de Gatineau. C'est
une suggestion au ministre qui pourrait venir en troisième lecture. Au
moment où nous en sommes, il n'est plus possible d'amender, nous en
sommes à la prise en considération du rapport. Ce n'est purement
qu'une suggestion. On sait qu'en troisième lecture on peut tout
reprendre.
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: De façon très brève, je voudrais
ajouter quelques paroles à ce qu'a dit le député de
Gatineau qui a exposé de façon très claire son idée
sur l'amendement actuel à la Loi des travaux publics. Il y a
déjà quelques mois, je devrais dire plusieurs mois, lorsque cette
loi a été déposée, nous l'avons non pas
critiquée, mais nous avons dit clairement ce que nous en pensions, qu'il
y avait une différence énorme entre enlever le pouvoir à
l'Assemblée nationale ou plutôt l'enlever au législatif et
le donner à l'exécutif. On sait que dans l'administration
l'exécutif peut, hebdomadairement s'il le veut, changer la
réglementation concernant la demande de soumissions publiques. Nous
trouvions que c'était un peu arbitraire, surtout venant d'un
gouvernement je ne dis pas par un ministre, mais bien un gouvernement
qui, par le passé, s'était exprimé de façon
très claire sur sa clairvoyance et la façon dont il voulait
être le plus transparent possible dans l'adjudication de tous ses
contrats.
Je ne veux pas chicaner le ministre là-dessus. Je sais qu'elle a,
de bonne foi, présenté cet amendement à la Loi des travaux
publics à la suggestion de ses fonctionnaires qui, eux, voyaient
peut-être un peu d'embêtements à certains moments. Cela
pouvait les embêter et ils ont demandé au ministre c'est
normal, j'ai été dans le même cas et on m'a fait des
suggestions semblables dans le passé de présenter cette
motion. Lorsque cette loi est venue devant nous, nous avons dit que nous ne
pouvions pas accepter que ce pouvoir soit changé aussi facilement que
cela car nous croyons qu'il était de notre devoir d'indiquer clairement
au ministre le sens des responsabilités qu'impliquait cet
amendement.
Nous croyons que c'est notre devoir et je crois que
c'était notre devoir dans le temps comme membres de l'Opposition,
comme membres de l'Assemblée nationale, de faire en sorte que le
ministre ait une loi qui l'aide à se protéger contre cette masse
de fonctionnaires dans un ministère aussi difficile que peut
l'être celui des Travaux publics. Ce n'est pas facile, je suis au courant
du fonctionnarisme qui existe dans ce domaine. Dans les circonstances, nous
avons essayé de travailler très objectivement. Je sais que le
député de Huntingdon a travaillé avec le
député de Gatineau et avec le député de L'Acadie
dans toutes les propositions qui ont été faites lors de
l'étude de la loi en commission. Je suis heureux de voir cet
après-midi que le ministre, après mûre réflexion et
considération, ne s'est pas pliée mais a jugé bon de
corriger la loi en nous présentant cet amendement.
Je ne voudrais pas entrer dans les détails, le
député de Gatineau a fait des suggestions valables. Elle devrait
peut-être demander à ses juristes de regarder effectivement
l'article 9 parce que cela pourrait créer ceraines complications. Je ne
veux pas faire d'avocasseries, comme le disait le ministre tout à
l'heure, je ne suis pas membre de ce Barreau, je ne suis pas au courant des
détails juridiques, mais j'aimerais simplement dire qu'il faudrait
peut-être qu'on le regarde objectivement et, s'il n'y a rien là,
on l'acceptera comme tel. L'objectif principal de nos arguments a
été atteint. (16 h 50)
Mme le ministre n'a pas expliqué pourquoi c'était $65 000,
pourquoi pas $50 000, pourquoi pas $80 000. Je trouvais que $25 000, même
s'il y a eu l'inflation, même si les prix ont augmenté... Je
voudrais avoir une explication que je n'ai pas encore eue. Comment est-on
arrivé à ce chiffre de $65 000? Je voudrais savoir lequel de ses
fonctionnaires a fait ce savant calcul pour demander au ministre de mettre $65
000. Je ne veux pas m'opposer à ce montant et je serai heureux d'avoir
des explications. D'ailleurs, ce n'est pas pour moi, mais pour la population
que je représente qui serait heureuse de savoir pourquoi le ministre
veut avoir $65 000 pour être plus à l'aise.
En ce qui concerne les autres amendements, nous sommes d'accord. Je sais
que les amendements qui sont apportés ici sont nécessaires et
qu'ils facilitent le fonctionnement du ministère. J'espère
qu'elle va surveiller pour que ses fonc-
tionnaires n'abusent pas des amendements que nous apportons à
cette loi. Après toutes ces remarques, je peux vous dire, M. le
Président, que nous sommes d'accord pour appuyer cet amendement que nous
présente le ministre cet après-midi.
Le Vice-Président: Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je serai très
brève. Je réalise fort bien que l'amendement proposé par
le ministre des Travaux publics est dans l'esprit des échanges que nous
avons eus à la commission parlementaire qui s'est penchée sur la
loi 22 en novembre 1977. Nous sommes d'accord avec l'esprit. Il y a quelques
questions que j'aimerais poser. Il y a, évidemment, la question des $65
000, le bond de $25 000 à $65 000. Je pourrais dire que j'ai
l'explication sur la feuille qui est annexée disant que ceci correspond
aux limites établies. "L'amendement proposé, dit-on, porte de $25
000 à $65 000 les limites établies, somme qui se rapproche du
seuil de $75 000, valeur indexée de $25 000, selon l'indice Canada-ta."
Cela semble, à première vue, un argument tout à fait
rationnel et sur lequel on ne devrait pas poser de question ou d'objection.
Je voudrais simplement demander ceci au ministre des Travaux publics. Il
semble que les municipalités sont venues ici, en commission
parlementaire, et ont demandé une élévation des limites
qui leur étaient imposées pour aller en soumissions publiques,
par exemple, d'aller de $3000 à $10 000. Je comprends que le ministre
n'est peut-être pas au courant. On leur aurait permis, selon mes
informations, maintenant d'augmenter de $3000 à $5000 l'exemption de
base pour ne pas aller en soumissions publiques. Il y a sans aucun doute des
raisons sérieuses pour lesquelles le ministère des Affaires
municipales en a décidé ainsi. Je serais portée,
peut-être, à faire valoir des arguments de même nature que
ceux que le ministre des Affaires municipales a émis. Il est vrai que
l'indexation monterait de $25 000 à $75 000 le seuil prévu, mais
c'est quand même un bond considérable. Je pense que Mme le
ministre est toujours au courant que, plus le montant est considérable,
plus il y a risque de division des soumissions. A moins qu'on ne fasse un
travail presque quotidien et très strict de vérification,
finalement il y a bien des travaux qui, somme toute, peuvent être
octroyés sans soumissions. Peut-être, que ce contrôle
très rigoureux existe à votre ministère. Si tel est le
cas, ma question est moins pertinente, mais je pense qu'il faut quand
même vous la poser, car c'est une augmentation considérable de
passer de $25 000 à $65 000.
C'était la remarque principale que je voulais faire.
Peut-être que vous pourrez nous rassurer dans le sens que ceci ne
présente pas véritablement de danger. Mais, pour ma part,
j'aurais préféré qu'on limite le montant. L'augmenter de
$25 000 à $40 000 m'aurait semblé un bond raisonnable, mais
là on fait plus que le doubler et j'ai de la difficulté à
me rallier uniquement à l'argument de l'indexation prévue par
l'indice Canada.
Le Vice-Président: Mme le ministre des Transports. Pardon,
des Travaux publics.
M. Bellemare: Avez-vous annoncé un remaniement
ministériel?
Le Vice-Président: Ce n'est pas à moi de le faire.
C'est purement un lapsus. Vous connaissez le latin, M. le leader parlementaire
de l'Union Nationale?
M. Bellemare: On ne vous a pas averti de quelque chose?
Le Vice-Président: Tant sur l'amendement que sur le
rapport, et cela pourrait terminer le débat.
Mme Ouellette: D'abord, je voudrais souligner à M. le
Président que le ton de la critique du député de L'Acadie
est beaucoup plus agréable et beaucoup plus positif que le ton du
député de Gatineau. Tenant compte du fait, également, que
j'ai pris pour acquis maintenant, compte tenu du style du député
de Gatineau, de ne jamais me laisser entraîner dans des vulgaires
batailles de ruelles, je pense que les Québécois méritent
mieux que cela.
Ceci étant dit, pour répondre à la question
posée par M. le député de l'Union Nationale et Mme le
député de L'Acadie, je vais vous expliquer pourquoi vous
en avez parlé quelque peu tantôt effectivement, nous avons
décidé d'indexer. C'est que le seuil de $25 000 a
été porté à $65 000, compte tenu de la
différence ou des différents indices auxquels l'on recourt
généralement dans le domaine des coûts de construction. Je
vais vous donner un exemple, et nous avons tiré ces données de
Statistique Canada. Alors, cela devrait être bon, je pense.
Une Voix: Ce n'est pas sûr!
Mme Ouellette: En 1964, la moyenne annuelle selon vous
généralement, alors j'ai l'impression que vous allez me croire
la moyenne annuelle, en 1964, était de 63,2, alors qu'en 1977 la
moyenne annuelle était de 193,7, ce qui fait que, de 1964 à 1977,
l'indice a marqué une augmentation de 206,4%, ce qui amène le
seuil, à toutes fins pratiques, à $76 600. L'indice des prix, par
ailleurs, de la construction non résidentielle tiré
toujours des données de Statistique Canada pour la moyenne
annuelle, en 1966, était de 71,4%, alors qu'en 1977 elle était
178,8%. Donc de 1966 à 1977, l'indice a marqué une augmentation
de 150,4%, ce qui amène le seuil à $62 600. Nous avons fait une
moyenne et nous avons porté l'indexation à $65 000.
Il va sans dire, M. le Président, que l'attribution des contrats
en deça de $65 000 ne se fera pas de façon arbitraire. Elle se
fera pas l'utilisation du fichier des fournisseurs en respectant le principe de
régionalisation et toujours selon le mode aléatoire du fichier
central. Je voudrais également vous indiquer que ces montants ne
s'appliquent
qu'aux travaux d'entreprises. On avait indiqué, quand j'avais
distribué aux 110 députés de l'Assemblée nationale
la réglementation du fichier central, qu'on aurait à apporter ces
modifications et, donc, à indexer les coûts.
Cela touche simplement les travaux d'entreprises. Cela ne touche
nullement les mécanismes pour le choix des professionnels et des
entreprises de services auxiliaires, telles que la sécurité, par
exemple, et l'entretien. De sorte qu'un des critères que nous
retrouvions dans le fichier central des fournisseurs, à savoir la
régionalisation, pour nous c'était fort important. Je pense que
surtout les députés en région comprendront que des
entreprises qui doivent fournir des services au gouvernement en bas de $25 000
ne vont pas très loin. Mais, en deça de $65 000, cela permet aux
entreprises en région de ne pas continuer si je puis dire, selon
leur expression à se faire manger par les grosses firmes. On
s'est dit qu'il y avait des contrôles suffisants pour que ce ne soit pas
dépensé à tort et à travers et donné de
façon arbitraire mais que, par ailleurs, cela aidait les petites
entreprises en région à essayer de se maintenir dans une position
meilleure qu'elle ne l'était auparavant. Je pense que cela répond
à peu près aux questions qui m'ont été
posées par les deux députés. (17 heures)
Le Vice-Président: Dans ce cas, est-ce que cette
Assemblée est disposée à voter sur l'amendement
proposé par Mme le ministre des Travaux publics?
Des Voix: Adopté.
Le Vice-Président: Motion adoptée?
M. Gratton: Sur division.
Le Vice-Président: Motion adoptée sur division.
M. Gratton: Tant qu'il n'y aura pas d'amendement à
l'article 9.
Le Vice-Président: Prise en considération du
rapport. Rapport adopté?
M. Gratton: Sur division, M. le Président.
Le Vice-Président: Rapport adopté sur division.
M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, s'il y avait...
Le Vice-Président: Si vous me le permettez, M. le leader
parlementaire adjoint du gouvernement, il y a eu un petit incident cet
après-midi en Chambre. Comme cela affecte la présidence et la
présidence des commissions parlementaires, je voudrais souligner que
personne ne doit être blâmé de cette situation et qu'il peut
arriver qu'entre une commission parlementaire et l'Assemblée nationale
il y ait une marge de jeu qui puisse s'exercer. Je voudrais personnellement
souligner l'excellent travail de M. le député de
Châteauguay.
M. Bellemare: Sur cette mise au point que vous venez de
faire...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
M. Bellemare: ... la reconnaissance du bien-fondé de
l'expérience et surtout de la bonne conduite du député de
Châteauguay, je voudrais vous rappeler que ce n'est pas le seul incident
qui puisse s'être produit un jour. Un président d'une commission
publique avait rendu une décision qui semblait contraire à
l'intérêt public et M. Duplessis, en Chambre, l'avait repris.
C'est l'Orateur, M. Taché, qui lui avait dit qu'il n'avait pas le droit.
C'est pour vous montrer qu'il y avait, même dans ce temps-là, un
président qui avait dit à M. Duplessis que ce n'était pas
à lui de régler un problème comme celui-là.
Le Vice-Président: D'accord. Oui, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Question de directive.
Le Vice-Président: II n'y a aucun blâme envers vous;
vous le comprenez.
M. Gratton: J'ai bien compris, M. le Président, et je suis
loin de vouloir adresser un blâme au député de
Châteauguay ou à qui que ce soit. Je voudrais bien comprendre le
sens des remarques que vous venez de faire.
Le Vice-Président: D'accord.
M. Gratton: On sait que le député de
Châteauguay, au moment où il présidait la commission des
travaux publics, a déclaré irrecevables des motions d'amendement
que le député de L'Acadie et moi-même avions
présentées, en vertu d'une interprétation du
règlement que nous avons dû respecter même si nous ne
partagions pas son bien-fondé. La vice-présidente, qui occupait
le fauteuil avant vous, a rendu une décision à l'inverse. Je
voudrais bien savoir, M. le Président, si l'interprétation de nos
règlements doit varier d'une façon quelconque selon que nous
discutons en commission parlementaire ou ici à l'Assemblée
nationale. Il me semble que le principe d'un projet de loi qui est mis en cause
par une motion d'amendement ne devrait pas subir d'interprétation, que
ce soit en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale.
Je vous demande, M. le Président, si c'est bien ce que vous venez de
nous dire, qu'il peut y avoir une différente interprétation selon
qu'on est dans un endroit ou dans un autre.
Le Vice-Président: J'ai couru après et je vais
répondre. Dans ce que je vais dire, il n'y a
personne qui puisse recevoir une sorte de jugement. En commission
parlementaire, les règles pour juger de la recevabilité de
certains amendements ne sont pas nécessairement les mêmes
qu'à l'Assemblée nationale. Attention! Ce n'est pas la
première fois que cela se produit. Les membres qui ont une certaine
expérience en cette Assemblée le savent. Ce que je viens de dire,
M. le leader parlementaire de l'Union Nationale en est une preuve. Le mandat en
commission est plus strict. La commission a un mandat qui lui est donné
par l'Assemblée. En Assemblée, c'est selon la plus large
interprétation et en même temps la plus stricte. Tout
assemblée générale et surtout l'Assemblée
nationale est maîtresse de ses travaux et de ses décisions.
Je voudrais bien que l'on croie que la présidence je parle du
président et des deux vice-présidents ne constitue pas une
cour d'appel des présidents de commission et qu'aujourd'hui, en vertu de
nos nouveaux règlements, contrairement au passé,
l'Assemblée ne peut en appeler d'une décision rendue.
C'est tout ce que j'ai voulu dire. Est-ce que vous êtes d'accord
quand même? C'est pourquoi je me suis permis cette intervention.
M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, comme le contentement
règne autour de l'interprétation que le président de
l'Assemblée vient de donner, je suis convaincu que cela va remettre le
député de Gatineau dans une telle bonne humeur que, maintenant,
il sera sans doute tout à fait disposé à ce qu'on puisse
adopter immédiatement le projet de loi no 22 en troisième
lecture.
M. Gratton: M. le Président, volontiers, à
condition que, de la part du ministre des Travaux publics... J'ai l'impression
souvent qu'on parle dans le vide ici. Il me semble avoir dit très
clairement que l'amendement proposé par le ministre des Travaux publics
ne réglait pas le problème que le projet de loi no 22 veut
régler. Parce que le règlement m'empêche c'est
vous-même qui me l'avez signalé de faire une motion
d'amendement au moment de la prise en considération du rapport, j'ai
donc fait des suggestions très spécifiques en citant le texte des
amendements que pourrait vouloir proposer le ministre des Travaux publics au
moment de la troisième lecture. Si le ministre des Travaux publics nous
dit tout de suite, au moment où on nous demande le consentement de
procéder à la troisième lecture, qu'elle accepte les
suggestions que nous lui avons faites, à ce moment-là,
volontiers, nous accordons notre consentement. Ce n'est pas dans le but de
faire de la procédure, c'est juste faire en sorte qu'on n'aura pas
à présenter un nouveau projet de loi pour amender la Loi des
travaux publics au printemps puisque, à mon humble avis, c'est
exactement ce qui sera nécessaire, compte tenu que l'amendement
proposé par le ministre des Travaux publics cet après-midi n'est
pas complet et ne lui donnera pas satisfaction dans l'adjudication et
l'administration des travaux publics au cours de la prochaine année.
Le Vice-Président: Si je comprends, M. le
député de Gatineau, c'est un consentement conditionnel.
M. Gratton: Tout à fait, M. le Président. On ne
peut rien vous cacher.
M. Bellemare: M. le Président...
Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire de
l'Union Nationale.
M. Bellemare:... je m'oppose, avec tout le respect que j'ai pour
madame, à cette troisième lecture parce qu'en vertu de notre
règlement on ne peut pas accepter un rapport dans la même
journée, surtout quand il y a eu des retraits. On ne peut pas faire
cela. C'est contre la procédure normale. Non, parce que, dans le
feuilleton d'aujourd'hui, il apparaît douze projets de loi en
troisième lecture qui sont d'une grande importance, qui n'ont pas
été appelés. Non, je ne passerai pas devant comme
ça pour satisfaire des caprices du député qui voudrait,
lui, nous imposer... Non. Il y a un règlement, suivons-le.
M. Duhaime: M. le Président. Le Vice-Président:
Pardon?
M. Duhaime: Si vous me le permettez, une seconde seulement. Selon
ce que je peux comprendre, le député de Gatineau serait
prêt à donner son consentement pour qu'on puisse procéder
à l'adoption de ce projet de loi en troisième lecture
aujourd'hui. Je voudrais souligner au député de Johnson que nous
faisons couramment ce genre de motion de consentement et que si nous ne pouvons
procéder à l'adoption en troisième lecture, c'est que le
leader parlementaire de l'Union Nationale ne veut pas donner son
consentement.
M. Bellemare: Non, je ne le donne pas parce que c'est une fin de
session et il y a déjà douze projets de loi en troisième
lecture qui n'ont pas été appelés ce matin...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Les
messages ne passent même pas, le président est debout. Je constate
que je n'ai pas consentement.
M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.
Le Secrétaire adjoint: Troisième lecture du projet
de loi.
Le Vice-Président: Alors, quand même,
troisième lecture, prochaine séance ou séance
subséquente.
M. Bertrand: M. le Président, on avait tous, je pense,
très bien compris. Ce n'est pas que le règlement empêchait,
c'est que le consentement n'était pas là. Le député
de Johnson ne le donnant pas, effectivement, on passera la prochaine fois. On a
tous compris cela.
M. le Président, je vous demanderais maintenant d'appeler
l'article 33).
Projet de loi no 84
Deuxième
lecture
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires sociales
propose que le projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie
et d'autres dispositions législatives, soit lue une deuxième
fois.
M. le ministre des Affaires sociales. (17 h 10)
M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a lu
effectivement le projet de loi et il en recommande l'adoption. M. le
Président, ce projet de loi qui amende principalement la Loi de
l'assurance-maladie a trois objectifs principaux. D'abord, de rendre encore
plus efficaces la gestion et l'administration de la Régie de
l'assurance-maladie. Cela n'est pas un objectif négligeable quand on se
rend compte que cette régie, cette année, va débourser
environ $700 millions simplement en honoraires pour les professionnels de la
santé. Le deuxième objectif vise à obtenir une meilleure
répartition géographique des professionnels de la santé
par le truchement de ce que nous appelons dans le projet de loi des primes
d'encouragement, c'est-à-dire que ce projet de loi permettra de fournir
à des professionnels de la santé, dentistes, médecins et
autres professionnels, un supplément de revenus à la condition
qu'ils ou elles consentent à oeuvrer dans des régions
éloignées où il y a actuellement insuffisance de
personnel, par exemple, la Côte-Nord, le Nord-Ouest
québécois, la Gaspésie, en particulier. Le
troisième objectif, consiste à ajouter un certain nombre de
services assurés, de services gratuits, par exemple, les aides
auditives, et aussi à introduire dans ce Régime
d'assurance-maladie les services dentaires aux bénéficiaires de
l'aide sociale.
Comme tout le monde le sait, nous avons tenu au début de cette
semaine, lundi, une commission parlementaire où nous avons pu entendre
un certain nombre d'associations professionnelles de la santé et les
corporations professionnelles de la santé. Je me permettrai, M. le
Président, de dire quelques extraits de l'éditorial du journal Le
Soleil au lendemain de cette commission parlementaire, un éditorial
signé par Mme Monique Payeur qui n'est pas précisément une
militante du Parti québécois. Cet éditorial est
titré: Un resserrement administratif nécessaire. J'en cite un
paragraphe qui dit: "En termes simples, le projet de loi no 84 constitue en
fait un ajustement des mécanismes administratifs de contrôle du
Régime d'assurance- maladie du Québec huit ans après sa
mise en oeuvre et la comptabilisation des excès qu'il a
entraînés."
Un autre paragraphe: "L'Etat n'aurait pas rempli son devoir
d'administrateur responsable des fonds publics s'il avait passé
l'éponge sur des fissures à la Loi de l'assurance-maladie, tel un
versement de $50 millions annuellement à des bénéficiaires
inconnus, non identifiables dans le fichier de la régie et dont on ne
sait même pas s'ils sont Québécois, ou sur des
remboursements d'honoraires, pour des actes professionnels accomplis en un
temps humainement impossible." Dernière citation de cet excellent
éditorial par Monique Payeur: "Que les professionnels de la santé
se plaignent des mesures coercitives de la loi 84 à leur égard
est assez normal, mais qu'ils les trouvent injustifiées étonne
pour le moins."
A la commission parlementaire, nous avons convenu d'apporter à ce
projet de loi certaines modifications, qui d'ailleurs, de façon normale,
si vous voulez, sont souvent apportées lorsque nous faisons
l'étude en commission d'un projet de loi article par article.
Je veux d'abord parler de la fameuse carte-soleil. Il faut se rendre
compte que le Québec est la seule province du Canada où, pour
recevoir des soins médicaux, des soins de santé assurés,
c'est la seule province où il n'est pas nécessaire que le citoyen
ou la citoyenne s'inscrive au fichier de la régie.
Deuxième anomalie, c'est aussi le seul endroit au Canada
où il n'est pas nécessaire de présenter une pièce
d'identité qui attesterait de son inscription. Dans ce projet de loi,
nous demandons que dorénavant chaque citoyen, chaque citoyenne
s'inscrive à la Régie de l'assurance-maladie.
Deuxièmement, nous demandons qu'à chaque fois qu'une
personne s'adresse soit à un bureau de médecin ou à un
hôpital pour recevoir des services, que la personne présente la
carte de l'assurance-maladie. Nous avions annoncé, il y a
déjà longtemps, que nous ferions des exceptions au moment des
règlements. Donc, il s'agissait là un peu, comme le
député de Saint-Laurent l'a dit, au cours de la commission
parlementaire, d'une tempête dans un verre d'eau quant aux oppositions
à la présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie,
puisque déjà nous avions dit, par exemple, que les enfants
très jeunes ou les personnes âgées ou les
accidentés, les cas d'urgence ou certaines personnes en institution
n'auraient pas à présenter la carte d'assurance-maladie.
Alors, je veux répéter aujourd'hui que les
règlements vont faire preuve de souplesse. Il ne s'agit pas
évidemment d'obliger, par exemple, le médecin qui fera des
visites a domicile et Dieu sait qu'il n'y en a pas tellement, il n'y en
a probablement pas assez qui font des visites à domicile il n'est
pas question d'obliger le médecin à apporter, en plus de sa
trousse médicale, son appareil à Chargex ou à
Castonguette. Donc, je pense que, de ce côté, nous avons
apaisé toutes les craintes qui avaient été
soulevées par certains groupements.
Nous demandons aussi, dans ce projet de loi, que le professionnel de la
santé signe dorénavant son relevé d'honoraires. Nous
pensons qu'il s'agit là d'une mesure tout à fait normale.
Quiconque, dans les transactions normales de la société, a un
compte à expédier à quelqu'un doit habituellement signer
lui-même le relevé. Il s'est trouvé ici que, depuis 1970,
1971, notre Loi de l'assurance-maladie n'obligeait pas le professionnel
à signer son relevé, si bien que dans certaines causes de fraude,
la régie ne pouvait pas, devant les tribunaux, aller bien loin, puisque
le professionnel, au fond, se réfugiait derrière la signature
d'une secrétaire ou d'une infirmière qui n'engageait pas la
responsabilité du professionnel.
Nous avons, en commission parlementaire, discuté de cette
question, conscients que nous étions qu'appliquer de façon trop
rigide cette disposition entraînerait des complications,
spécialement dans le cas des pharmaciens propriétaires. Nous
avons proposé, ce qui a été accepté d'ailleurs par
les groupements, que si le professionnel en question s'engage à devenir
responsable de la signature de la personne qu'il mandate, qu'il s'agisse d'une
infirmière ou d'une secrétaire, nous allons apporter un
amendement, et devant l'engagement du professionnel à se tenir aussi
responsable, que ce soit lui qui signe, ou que ce soit sa secrétaire. Je
pense que, là aussi, nous avons satisfait à certaines
appréhensions.
Il existe dans la loi actuelle un mécanisme prévu pour
faire l'étude de certains profils de pratique qui peuvent sembler
aberrants, qui peuvent sembler sortir de l'ordinaire. Ce mécanisme se
déroule, si vous voulez, par le truchement des comités de
révision. Chaque groupe de professionnels, lié par une entente
à la Loi de la régie de l'assurance-maladie, se voit
constitué, par le lieutenant-gouverneur en conseil, un comité de
révision qui, essentiellement, est composé de ses pairs. (17 h
20)
Dans le cas des médecins, par exemple, il s'agit d'un
comité de révision formé de cinq médecins neutres
qui ont une crédibilité et qui ne sont pas sous la juridiction de
la régie. Je répète, le comité est nommé par
le lieutenant-gouverneur, sur la recommandation du ministre des Affaires
sociales. Nous proposons d'y ajouter une sixième personne, un avocat
désigné par l'Office des professions. Nous proposons aussi que
les membres de ce comité de révision aient dorénavant une
immunité; c'est à la demande des comités de
révision, et je pense qu'en leur donnant l'immunité ces gens
pourront faire un travail en toute quiétude, en toute
sécurité.
Dans le cas où le comité de révision fait la
démonstration à la Régie de l'assurance-maladie qu'il y a
eu un relevé d'honoraires pour des services non rendus ou encore des
services rendus de façon abusive ou encore des services qui ne sont pas
couverts par la régie, nous avons précisé le mode de
compensation de la régie. Nous prévoyons que la régie
pourra se compenser si elle suit la recommandation faite par le comité
de révision. A ce moment-là, le fardeau de la preuve, en appel,
sera sur les épaules du professionnel de la santé. D'autre part,
si la régie conteste la décision, la recommandation du
comité de révision, le fardeau de la preuve, cette fois-ci, irait
sur les épaules de la régie.
Il y a un certain nombre de situations qu'on peut qualifier d'abus. Je
m'empresse de dire que c'est certainement le fait d'une minorité de
médecins, une minorité de professionnels de la santé. A
titre d'exemple, y a cette situation où un certain nombre de
médecins, durant une année, avaient présenté des
comptes pour une somme de $208 000 pour les actes qui étaient
déjà facturés à la Commission des accidents du
travail. Donc, double facturation. Une autre sorte d'abus que nous avons
décelés avec l'expérience de ces quelques années:
II est arrivé à plusieurs reprises que des services aient
été facturés par des professionnels de la santé
pour des individus qui étaient décédés. D'autres
situations, qui frisent la fraude si elles n'en sont pas carrément, sont
des relevés d'honoraires pour des personnes âgées en
centres d'accueil à des dates où on constate que les personnes
avaient quitté les centres d'accueil.
Enfin, comme dernier exemple d'abus qui sont surveillés par ces
comités de révision, et pour lesquels la régie doit se
compenser pécuniairement, il s'agit, par exemple, de médecins qui
réclament pour 200 examens réalisés en une seule
journée, un tiers de ces 200 examens étant des examens complets
majeurs. Quand on sait qu'un examen complet majeur, de par la convention avec
les médecins, doit requérir45 minutes d'examen, on voit tout de
suite le genre d'abus flagrants, d'excès qui doivent être
contrôlés par des mécanismes plus rigoureux. C'est un des
objectifs de ce projet de loi, de donner aux membres des comités de
révision une latitude, une liberté d'action plus grande par cette
immunité, en toute sécurité. En même temps nous
croyons qu'il est légitime que, si la régie endosse ces
recommandations, le professionnel puisse faire la preuve contraire. Et, si la
régie n'endosse pas, c'est à elle de faire la preuve
contraire.
Dans ce projet, nous introduisons aussi, comme je l'ai dit dans mon
préambule, des primes d'encouragement qui permettront dorénavant
à la régie, puisque, actuellement, cette notion n'apparaît
pas dans la loi de la régie, d'accorder à des professionnels, non
seulement aux médecins mais à tous les professionnels de la
santé, certaines bourses, des primes d'encouragement, de façon
qu'on puisse rapidement mobiliser. C'est arrivé dans le passé que
certaines régions complètes soient dépourvues de
médecins. Cette prime d'encouragement nous permettra de mobiliser
rapidement un ou des professionnels qui consentiront, selon les
modalités prévues à l'entente avec les professionnels,
à aller exercer dans une région éloignée.
M. le Président, je veux aussi faire ressortir l'injustice
sociale qui découle du fait que, dans plusieurs régions, la
Côte-Nord, le Nord-Ouest québécois, la Gaspésie,
nous avons quatre fois
moins de médecins par population que dans les grands centres
urbains comme Montréal et Québec. La situation est encore plus
dramatique, évidemment, quand il s'agit de spécialistes. Nous
croyons puisque l'expérience a été faite en Ontario
depuis quelques années, avec beaucoup de succès que cette
nouvelle mesure va être de nature à augmenter le nombre des
professionnels dans les régions qui en sont dépourvues.
L'article 24 du projet de loi précise les mesures qu'un
gouvernement pourra prendre dans des situations exceptionnelles où un
trop grand nombre de professionnels deviennent non participants au
régime et privent, de cette façon, toute une région ou
l'ensemble du territoire de services auxquels cette population a droit puisque
ce sont des services assurés. Le nouvel article 24, sur le fond, retient
l'article 24 qui existe déjà dans la loi. Il ne fait que
préciser les modalités de ce que le lieutenant-gouverneur pourra
faire à ce moment-là. Essentiellement, ce qu'il pourra faire, ce
sera d'abord de publier un avis dans la Gazette officielle et,
deuxièmement, de permettre, concernant les non-participants, quand ils
sont sortis en masse, en groupe important du régime, après un
délai normal, délai au cours duquel on se rend compte que la
population est privée de services et que la santé publique peut
être en jeu de réintégrer ces professionnels dans le
régime.
Il y a aussi un corollaire à cet article, c'est celui qui nous
permet, dans le cas des événements que nous avons connus
récemment, en rapport avec les négociations avec les dentistes,
de rembourser les parents qui ont dû payer directement les dentistes
durant la non-participation des dentistes, qui a duré plusieurs
semaines.
M. le Président, je veux revenir brièvement sur cette
question de présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie, de
la carte soleil, sauf, encore une fois, pour un certain nombre d'exceptions qui
seront prévues dans le règlement. J'ai parlé tantôt
de la somme d'argent importante que la régie dépense chaque
année, environ $700 millions, pour les professionnels de la
santé. De ces $700 millions, $50 millions par année vont à
des honoraires réclamés par des professionnels qui ont
soigné des personnes dont on n'a pas les noms dans le fichier de
l'assurance-maladie. Je me réfère, par exemple, à un
article de la Presse du 13 septembre 1978, article de Nicole Beauchemin, qui
titrait: "$50 millions vont à des inconnus." Je pense que même si,
à première vue, $50 millions sur $700 millions est un pourcentage
relativement modeste, il est quand même inadmissible, comme le disait
d'ailleurs l'éditorialiste du Soleil, qu'on ne resserre pas les
contrôles quand on ne peut pas rendre compte d'une somme aussi importante
que $50 millions. (17 h 30)
Bien sûr, un grand nombre de ceux qui ont reçu ces soins
sans être inscrits au fichier sont des citoyens, des citoyennes du
Québec, mais il y a aussi un nombre important inconnu jusqu'ici
parce que la régie n'avait pas par sa loi créé
l'obligation aux gens de s'inscrire de personnes qui viennent au
Québec d'outre-frontières, qui viennent des Etats-Unis, en
particulier dans les régions frontalières de la
Nouvelle-Angleterre ou de l'Etat de New York, qui se présentent chez le
médecin, qui se présentent dans un hôpital avec, parfois,
un faux nom et une fausse adresse. Ces personnes actuellement, nous n'avons
aucun moyen pour les relocaliser et pour leur réclamer un paiement. Nous
recevons à la régie actuellement 220 000 de ces
réclamations par mois pour lesquelles les noms n'apparaissent pas au
fichier.
Mme la Présidente, je sais que le député de
Saint-Laurent va parler d'abondance sur ce projet de loi, comme il le fait
d'habitude. Je vais, par économie de temps, m'en tenir à ces
remarques. Je résume, encore une fois, les objectifs de ce projet de loi
qui a rallié la très grande majorité des associations
médicales. Ce projet de loi, en somme, ne fait qu'étendre des
services assurés, tout en réduisant des abus extrêmement
coûteux, les $50 millions en question, et il va aussi faciliter la venue
de professionnels de la santé dans des régions
éloignées du Québec.
Donc, en résumé, il s'agit d'un projet de loi à
portée sociale, à l'avantage des populations des régions
éloignées et, en même temps, d'un projet de loi à
portée économique, puisqu'il va donner à la Régie
de l'assurance-maladie un meilleur contrôle sur des dépenses
très importantes de l'Etat. J'espère, Mme la Présidente,
que ce projet de loi, surtout avec les modifications que nous apportons
à la suite de la commission parlementaire, va obtenir l'unanimité
de cette Assemblée. Merci.
Des Voix: Bravo!
Mme le Vice-Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je déroge, bien sûr, à la
règle en demandant le consentement, si cela était possible, pour
intervenir avant le représentant de l'Opposition officielle,
étant donné que je dois quitter pour une réunion à
Montréal, à 7 heures ce soir, réunion
référendaire pour le Comité pro-Canada.
M. Forget: Je donne mon consentement avec plaisir, Mme le
Président. Je demanderais peut-être non pas en retour, mais en
considération de l'heure, si le député de
Mégantic-Compton termine quelques minutes avant 18 heures, qu'on
suspende nos travaux jusqu'à 20 heures, de manière à ne
pas commencer seulement les premières phrases de mon exposé pour
être interrompu aussitôt.
Mme le Vice-Président: M. le député.
M. Duhaime: Mme le Président, il me fait plaisir de donner
mon consentement au député de Mégantic-Compton et de
contribuer à ce qu'il ait son droit de parole, en espérant...
M. Proulx: Qu'il s'occupe de Marcel Masse.
M. Duhaime:... que le leader parlementaire de l'Union Nationale
pourra retenir que, de temps à
autre, un bon consentement bien placé arrange bien les
choses.
M. Bellemare: Ce n'est pas la leçon dont on a besoin de
l'adjoint...
M. Duhaime: Je remercie...
Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Nous avions tous déjà compris que M. le député de
Saint-Laurent cède, à ce moment-ci, ce qu'on pourrait appeler la
préséance.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, Mme la Présidente.
M. Gratton: Mme la Présidente, question de
règlement.
Mme le Vice-Président: Sur une question de
règlement.
M. Grenier: Je veux remercier le député de
Saint-Laurent...
M. Gratton: Très brièvement, Mme la
Présidente.
Mme le Vice-Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Gratton: Avant que le député de
Mégantic-Compton remercie ceux qui lui accordent ce consentement, je
voudrais que tout le monde sache bien que parmi ceux qui seront
remerciés ne se retrouvera pas le député de Saint-Maurice
parce qu'il n'a pas...
Mme le Vice-Président: Votre question de...
M. Gratton: ... à donner son consentement. C'est
strictement l'Opposition officielle qui cède son droit de parole et non
le...
Mme le Vice-Président: M. le député, je
pensais que l'incident était clos. M. le député de
Mégantic-Compton, j'espère que vous allez pouvoir maintenant
parler. Allez donc!
M. Fernand Grenier
M. Grenier: Avant de distribuer mes remerciements, Mme le
Président, à tout le monde, je pense bien que je devrai
dire que cela raccourcit mon temps je voudrais informer cette Chambre
que je terminerai, bien sûr, quelques minutes avant 18 heures pour
permettre au député de Saint-Laurent de demander l'ajournement,
qui a eu l'amabilité de me laisser intervenir avant 18 heures ce
soir.
Mme le Président, j'entendais le ministre tout à l'heure
nous parler avec abondance de sa loi 84, mais j'ai l'impression qu'il n'a pas
lu la même loi que nous. J'ai bien l'impression qu'il avait l'air de
trouver que tout allait très bien et qu'il n'y a absolument rien qui
accroche; cela va parfaitement. Cette loi a été demandée;
tout le monde soupirait après cette loi. Pourtant, on sait qu'il y avait
un taux de satisfaction, ce qui est très rare dans le domaine des
services de santé dans ce secteur-là principalement qui
est concerné par la loi un taux de satisfaction qui
dépasse 80%, madame. Je pense que vous êtes en mesure de
comprendre que ce ne sont pas tous les secteurs de la société
où la satisfaction est aussi grande. Avant la venue de ce projet de loi,
après enquête, au-delà de 80% de la population du
Québec sont satisfaits des services offerts dans ce secteur. Donc, il ne
faudrait pas dire qu'elle était toute urgente et qu'il faut la faire
adopter à toute vapeur pour venir régler des situations
alarmantes. Il n'y a pas de situations alarmantes, il n'y a pas de feu à
la bâtisse.
En commandant une commission parlementaire pour entendre les personnes
qui sont concernées par cette loi, après beaucoup d'insistance,
de concert avec l'Opposition officielle, nous avons réussi à
obtenir une commission parlementaire qui n'a duré qu'une journée.
Mais combien efficace. Combien elle a été éclairante,
cette commission parlementaire. Elle était composée de
l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, de l'Association
professionnelle des optométristes du Québec, de l'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires, de la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
qui ont présenté un mémoire commun. Dans le peu de temps
qui leur a été donné, personnellement je peux vous dire
que cela a été une source de lumière, une source de points
qui n'avaient pas été portés à ma connaissance,
mais qui a été fort pertinente pour l'Opposition.
Par la suite, nous avons rencontré, dans la même
journée, la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, l'Ordre des dentistes, l'Ordre des optométristes et
l'Ordre des pharmaciens. Bien sûr, nous aurions voulu avoir plus de temps
pour discuter et dialoguer parce qu'on découvrait, à chaque quart
d'heure, des choses fort surprenantes, et cela nous permettait de mettre le
doigt et de constater que pas mal de ces gens-là étaient loin
d'être d'accord avec la loi que nous nous apprêtons à
voter.
Je voudrais officiellement remercier ces groupes qui ont accepté
qui représentent tout près d'une dizaine de milliers de
professionnels du Québec de venir devant la commission
parlementaire. A leur demande, nous avons transporté ici en Chambre leur
requête et nous avons obtenu cette commission. Je voudrais les remercier
d'être venus devant nous et d'avoir apporté la lumière sur
ce projet de loi.
Ce projet de loi, Mme le Président, comporte trois points
importants. Il est antisyndical, il est antiprofessionnel et il est
antibénéficiaire. Je m'explique. Ce projet de loi que nous avons
devant nous méritera, en commission parlementaire, passablement de
changements. Dans le contexte actuel, du côté syndical, on a
vécu dans la province, depuis quelques mois, des mouvements
de désengagements de la part de certains groupes de
professionnels, désengagements qui correspondaient à du
mécontentement face aux exigences du ministère. On nous assurait
quand même des services. La population était quand même
assurée de services et n'était quand même pas trop
perturbée, puisque c'était surtout le ministère qui avait
des difficultés avec les professionnels de son secteur, mais la
population continuait quand même d'avoir des services. Le ministre
lui-même disait: Que la population ne craigne pas, le gouvernement, une
fois que les choses seront réglées, pourra compenser pour
l'argent qui pourrait être déboursé par des familles, par
des personnes dans le besoin.
Cela posait des problèmes quand même majeurs mais cela
donnait à ces professionnels une façon de contester certaines
décisions de la régie ou du ministère, encore une fois
tout à fait dans l'ordre. Mais, là, c'est un droit qu'on leur
enlève. Il n'y aura plus de désengagements. Cela n'existera plus.
Et le ministre leur a répondu: Oui, vous avez des façons. Faites
la grève ou bien fermez vos bureaux. Et voilà des solutions pour
des professionnels de la santé! On leur a conseillé de fermer
leurs bureaux ou bien de faire la grève. C'est cela, les recours qu'ils
ont, dans le moment. (17 h 40)
Ce gouvernement se veut transparent et veut assurer les services aux
petits Québécois, aux gagne-petit, ceux qui veulent toujours
être protégés par ce gouvernement, qui a fait sa campagne
là-dessus. Encore une fois, j'y reviens parce que c'était
tellement évident pendant la campagne électorale que nous, les
partis d'Opposition, on est les gens du gros monde. On n'est pas les gens du
petit peuple. C'était eux autres, cela, pendant la campagne
électorale. Mais, là, on se rend compte qu'une fois les
élections passées, ce n'est plus important, le monde. Ce qui est
important, c'est d'écraser à gauche et à droite, et c'est
ce qu'on a. Fermez vos bureaux! C'est dans le journal des Débats en
commission parlementaire. Vous savez que fermer les bureaux, cela veut dire
qu'il n'y a plus de services médicaux de donnés, plus de services
dentaires de donnés. Savez-vous que c'est important, cela? Quand on
entend cela de la bouche du ministre, c'est fort surprenant. Ce n'est pas un
fonctionnaire qui a parlé, là. C'est le ministre qui a dit
cela.
Mme le Vice-Président: Sur une question de
privilège, M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: Puisque le député de
Mégantic-Compton y revient à deux reprises, il n'est pas exact
que le ministre des Affaires sociales ait dit aux professionnels de la
santé, en commission parlementaire: Faites la grève! C'est tout
à fait exact. Ce sont les professionnels de la santé qui ont
conclu que leur seul recours, dorénavant, serait la grève. Je ne
suis pas d'accord avec cette interprétation des professionnels de la
santé. Alors, je voulais rétablir les faits, Mme le
Président.
M. Grenier: C'est très juste, Mme le Président. Il
n'a pas dit cela. Il a seulement dit: Fermez vos bureaux! Savez-vous que des
bureaux fermés, cela ressemble pas mal à une grève? Quand
on se frappe sur un bureau de médecin fermé par la grève
ou fermé parce qu'on ne veut pas répondre, j'ai l'impression que
c'est pas mal proche de la grève. Ce sont des services qu'on ne donne
plus à la population. C'est la conclusion qu'ont donnée les
médecins ou les professionnels qui étaient là. Ce sont des
choses qui se ressemblent. Quand le service n'est plus assuré à
une population on peut demander aux gens qui s'attendent à des services
des professionnels: Quelle différence y a-t-il entre une grève et
des bureaux fermés? Cela va être assez mince comme
différence. Alors, c'est antisyndical et cette loi nous jette
là-dedans.
Il n'y en a plus de possibilité à partir de maintenant
d'avoir le désengagement comme on le connaissait. C'est une mesure
draconienne. Ce projet de loi est également antiprofessionnel. Au
départ, le professionnel va être considéré comme
coupable. On l'a signalé. Il devra faire la preuve de sa non
culpabilité quand il sera poursuivi dans son travail, pas uniquement
professionnel, mais dans ses comptes avec la régie. Il devra faire la
preuve, ce qui est contraire à l'esprit de notre Code pénal ici
au Québec. Le professionnel est d'abord considéré comme
coupable, et cette tactique a été dénoncée par le
Barreau. Elle a été également dénoncée par
la conférence des juges et dans d'autres secteurs. Elle le sera bien
sûr aussi dans ce secteur maintenant que c'est dans un projet de loi
ici.
Je pense que là on aurait dû donner à ces gens le
même traitement qu'on donne aux autres secteurs de la
société c'est-à-dire que la régie doit d'abord
faire la preuve avant de commencer à accuser des gens. C'est dans la loi
et j'espère qu'il y aura des modifications qui seront apportées.
D'ailleurs, la commission parlementaire nous a déjà donné
un éclairage assez important là-dessus. Cette loi est
également antibénéficiaire. On nous a annoncé que
la carte-soleil deviendra de plus en plus obligatoire. La carte de
l'assurance-maladie. Les gens devront la posséder; ils devront
maintenant présenter leur carte d'assurance-maladie. On va faire
certaines exceptions, comme le ministre disait, pour les enfants de six mois et
moins, qui ont de la misère à traîner leur carte. Il y aura
aussi les personnes âgées, il y aura également les
accidentés, les personnes qui sont sans connaissance. C'est plus
difficile de montrer sa carte, il y a plus de difficulté quand il arrive
un accident. Il y aura certaines exceptions.
On veut davantage imposer la carte. On a démasqué cette
semaine à l'occasion d'une autre loi le pourquoi de cela, quand on a
étudié la loi de la réforme électorale, la loi 123.
Ce port de la carte dans les Affaires sociales constitue les prémisses
de la carte d'identité qui a été si largement combattue
par le PQ quand on était ici dans l'Opposition. C'est la carte soleil
qui commence à être la nouvelle carte d'identité, capable
d'aller fouiller dans la vie privée des citoyens. C'est surtout
là-dessus.
Une Voix: ...
M. Bellemare: Lisez...
M. Grenier: Vous n'avez même pas suivi les commissions.
Vous ne savez même pas de quoi je parle.
M. Bellemare: Lisez l'article 13c de la loi 123.
M. Grenier: Madame, je demanderais à ceux qui voudraient
contester, les députés PQ en face de moi, qu'on aille voir ce
qu'est dans la Loi électorale la nouvelle carte qu'on veut apporter.
Qu'on aille vérifier ce que c'est. Mme le Président, vrai comme
je suis ici, dans deux ans vous irez voir et il y aura une carte
d'identité. Au train où on va là il y aura une carte avant
les prochaines élections et on en aura probablement une avant le
référendum. Elle s'appellera peut-être la carte soleil
cette carte. Pourtant, elle a été si largement combattue par le
PQ. On l'aura cette carte, et c'est cela le commencement d'une carte
d'identité. C'est cela entrer dans la vie des gens. C'est cela
l'étatisation dans tous les secteurs. C'est vers cela qu'on s'en va avec
le gouvernement. On nous amène tranquillement, mais on glisse bien plus
vite qu'on ne pense là-dedans.
Nous serons contre et contre à plein, j'aime mieux vous le dire.
On n'acceptera pas cette carte soleil dans le secteur des affaires sociales,
pas plus d'ailleurs qu'on acceptera, dans le secteur de la loi 123, cet article
qui porte sur l'ajustement de cette carte avec tous les détails qu'on
veut lui donner maintenant. Les médecins nous en ont largement
témoigné devant la commission également. Ils nous en ont
largement parlé de cette carte soleil qu'on veut amener pour chacune de
ces personnes qui aura droit maintenant d'intervenir dans le dossier pour
différentes raisons.
On a parlé d'un amendement. Ces personnes qui auraient
oublié leur carte chez eux, on va leur demander de se rappeler seulement
le numéro. Savez-vous que j'aime quasiment autant penser apporter ma
carte que de me rappeler mon numéro une fois que je suis rendu à
la pharmacie. Ce sont des numéros, on se contentera du
numéro.
Une excellente formule a été proposée ici qui a
attiré l'attention de la commission elle a été
proposée par les omnipraticiens, si je ne fais erreur quant
à ce qui pourrait remplacer la carte soleil. J'aimerais que le ministre
se penche davantage sur le document qui a été
déposé, qui pourrait avantageusement remplacer cette carte
d'assurance-maladie au lieu de la rendre obligatoire, comme on est en train de
le faire. On la rencontre au niveau de deux projets de loi dans le moment.
Ce qu'il y a de drôle là-dedans, c'est que ce sont eux, les
six péquistes, qui ont tellement combattu le Parti libéral dans
le temps, pour qu'on n'arrive pas avec une carte d'identité. Cela est
étrange. C'est là qu'on se rend compte qu'entre le programme du
Parti québécois et les réalisations du Parti
québécois, il y a une marge; il y a une grosse différence
entre les deux. C'est cela qui est décevant, c'est cela qui
déçoit le public présentement, nous arriver avec des lois
comme ça, alors qu'on a prêché une autre religion pendant
qu'on était ici dans l'Opposition. C'est assez étrange. Cette
carte soleil permet également d'ouvrir des dossiers. Les médecins
se plaignent de la confidentialité des dossiers.
Si vous lisez le projet de loi à l'article 56...
M. Michaud: On ne lit pas un article en deuxième
lecture.
M. Grenier: J'en ai entendu citer plein ma tête tout
à l'heure par ceux de l'autre côté: Je pense avoir le droit
d'en lire un ici. J'ai droit de référer à un article
à l'occasion et d'en lire un si besoin il y a. A l'article 56, on dit:
"La régie peut, avec l'autorisation...
M. Michaud: Mme le Président, question de
règlement. Hier, à peu près à la même heure,
son voisin de droite m'a empêché de citer un article en
deuxième lecture.
Mme le Vice-Président: M. le député, est-ce
que je peux vous demander de ne pas le lire l'article, mais peut-être de
vous y référer? S'il vous plaît, M. le député
de Mégantic-Compton, pour nous en tenir au règlement.
M. Grenier: Mon leader parlementaire me signale que je n'ai pas
le droit de le lire; j'ai le droit de le résumer. Alors, je le
résume. Lui, il a l'expérience parlementaire.
Mme le Vice-Président: Vous devez parler du
bien-fondé et de l'à-propos du projet de loi.
M. Grenier: A défaut d'une telle autorisation, la
régie peut, par requête sommaire, s'adresser à un juge de
la Cour supérieure pour obtenir cette autorisation d'avoir le dossier.
C'est le résumé de l'article.
Mme le Vice-Président: Est-ce que je peux vous rappeler
que nous sommes en deuxième lecture, M. le député de
Mégantic-Compton?
M. Grenier: Oui, d'accord. C'est ce que j'ai à vous dire
sur le dossier confidentiel. On a le droit, quand on ne veut pas le donner, par
une autorisation du juge, d'aller fouiller dans le dossier. On nous dit que
c'est pour des choses bien techniques, que ce n'est pas tellement important
d'aller fouiller dans les dossiers. Mais, à même ces dossiers
où on a le droit d'aller maintenant avec ce nouveau pouvoir que la
régie va avoir, on peut faire des enquêtes
téléphoniques, par exemple, pour savoir si telle personne a bien
reçu des services à telle date. Vous comprenez comme moi que, si
on fait des enquêtes téléphoniques, cela veut donc dire que
des personnes vont aller voir dans les dossiers. Le président de la
régie nous a répondu qu'il n'appellera pas telle personne qui
aurait des choses à cacher, par exemple, dans son dossier et
qu'il ne faudrait pas divulguer. Mais, pour savoir cela, il faut qu'il regarde
dans le dossier et il va y en avoir combien de personnes qui vont regarder
avant! Cela ne doit pas se produire.
Ces enquêtes téléphoniques doivent être
dénoncées aussi. N'importe qui peut en faire à partir de
là et quand est-ce que la personne va savoir si c'est vraiment une
personne de la régie qui appelle ou si ce n'est pas quelqu'un qui
appelle pour avoir une information qu'elle n'est pas obligée de
donner?
M. Lazure: Question de privilège. Je m'excuse
auprès du député de Mégantic-Compton.
Mme le Vice-Président: M. le ministre.
M. Lazure: Etant donné que ces débats sont
télévisés, je pense qu'il ne faut pas permettre que la
Chambre et la population soient induites en erreur. Je m'explique. (17 h
50)
Une Voix: Ce n'est pas une question de privilège.
M. Lazure: Oui, c'est une question de privilège parce
qu'on déforme...
M. Fontaine: Question de règlement, Mme le
Président.
M. Lazure: II ne s'agit pas d'enquêtes
téléphoniques.
Mme le Vice-Président: M. le ministre. Dans cette
Assemblée, nous pouvons considérer que les membres ont le droit
de faire leurs interventions, ce que d'autres membres de l'Assemblée
peuvent considérer comme des interprétations, des
demi-vérités. Je pense qu'ils ont quand même droit à
leur opinion. Nous savons, M. le ministre, que vous aurez une intervention
à faire à la suite de l'intervention de M. le
député de Mégantic-Compton au moment de votre
réplique et nous en tenons compte.
M. le député.
M. Grenier: D'ailleurs, je suis sur le point de terminer.
J'aurais eu bien d'autres choses, je suis limité dans le temps et vous
le comprenez. Au sujet de ces enquêtes, le ministre pourra
répondre lors de son droit de réplique. On l'a dans la loi et il
le sait. Cela a été dit en commission parlementaire. Les groupes
qu'on a reçus en commission parlementaire nous ont demandé de
faire pression pour que ce soit retiré. A l'occasion, qu'on fasse
certains sondages écrits, cela peut encore être acceptable, mais
on est allé plus loin que cela, même dans les sondages
écrits. C'est là qu'il est important d'avoir une commission
parlementaire pour entendre ces gens-là. On a fait des
contre-interrogatoires aux gens en plus de cela, juste pour voir si la
personne, tellement habituée de répondre pour faire plaisir
à son médecin, n'aurait pas accepté de dire un autre "oui"
à la question de savoir si elle avait visité ou pas son
médecin à telle date, à une date ultérieure alors
qu'elle n'y était pas allée. C'était une seconde
enquête qu'on faisait. C'est absolument inacceptable.
Les personnes qui veulent exercer des contrôles à la
régie se donnent trop de pouvoirs. Je pense que le ministre a en main
tout ce qu'il faut pour faire ses enquêtes, ce doit être suffisant.
Que la régie veuille avoir un système d'enquêtes
perfectionné dans les détails, cela la concerne, mais le ministre
ne doit pas céder à de trop forts moyens de pression sur la
population pour avoir des données dont il n'a absolument pas besoin,
dont il ne se servira pas. Il appartient au ministre de pondérer
là-dedans, de ne pas en venir à prouver une politique de ce
genre. C'est lui qui est le patron aux Affaires sociales, c'est lui qui doit
dire non à de telles demandes qui pourraient venir de la régie du
ministère. Se donner tant de pouvoirs, comme on le dit
communément, c'est vouloir tuer une mouche avec un "batte" de baseball.
Il y en a des problèmes, on est conscient de cela, on est au courant des
problèmes du Maine et du Vermont, du New Hampshire et de l'Etat de New
York qui viennent profiter de nos lois. Qu'on fasse des suivis plus
sévères dans ces régions. Il y a ces gens qui viennent
s'installer un pied-à-terre au Québec, sur une terre quelque part
et qui ne le disent pas, qui donnent une adresse au Québec et
bénéficient d'une carte-soleil. Bien sûr, c'est
possible.
Mais est-ce qu'il y a une loi où personne ne passe à
côté? Je l'ai déjà dénoncé, dans ce
même ministère, on a découvert une famille à
Québec qui avait fait baptiser son petit treize fois le même
dimanche pour avoir treize chèques. Il n'y en a pas de lois où
les gens ne trouvent pas de failles. Doit-on pénaliser toute une
population et imposer une espèce de carte d'identité à la
population pour protéger un certain secteur de la province, les gens en
bordure des lignes américaines? Est-ce normal? Je compends que les gens
de la régie demandent cela, mais que le ministre accepte! C'est
inacceptable et c'est notre rôle de le dénoncer.
Je termine et je demande au ministre de modérer ces gens qui
veulent se donner trop de pouvoirs à son ministère. Il y a deux
lois.
L'autre ce n'est pas l'endroit pour en parler, la loi no 103; elle
reviendra et nous aurons des amendements fort sérieux à y
apporter. On demande au ministre d'être modéré dans cette
loi no 84 que nous avons devant nous et qui ira en commission parlementaire
dès ce soir. Il est capable de faire des concessions, il en a fait
jusqu'à présent. Comme je l'ai déjà dit, je le
répète, ce n'est pas le meilleur des ministres, mais c'est le
moins pire! On s'entend bien avec lui, il est capable de nous apporter des
amendements favorables à la population. Les gens qui suivent ces
données savent que nous sommes capables d'obtenir des concessions qui
peuvent intéresser l'ensemble des Québécois. Je vous
remercie.
M. Forget: Mme la Présidente, je demande la suspension du
débat.
Mme le Vice-Président: Cette motion de suspension du
débat du député est-elle adoptée?
M. Duhaime: Adopté.
Mme le Vice-Président: Cette Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 17 h 55
Reprise de la séance à 20 h 10
Mme le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Veuillez vous asseoir.
C'est maintenant la reprise du débat sur la motion de M. le
ministre des Affaires sociales proposant la deuxième lecture du projet
de loi no 84, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie et d'autres
dispositions législatives. C'est M. le député de
Saint-Laurent qui avait demandé la suspension du débat.
M. le député.
M. Gratton: Mme le Président, pourrais-je obtenir votre
permission pour poser une question au leader parlementaire au sujet d'une chose
qui vient de survenir? Je suis informé que le secrétariat des
commissions a communiqué avec la ville de Beauport pour la convoquer
à une commission parlementaire lundi à 10 heures, commission
parlementaire qui, essentiellement, étudierait le projet de loi
privé qui vise à modifier la charte de la ville de Beauport.
Or, on sait que dans les avis que nous a donnés le leader du
gouvernement aujourd'hui, la commission, à ma connaissance, ne doit pas
siéger. Le leader adjoint pourrait-il nous informer si c'est
l'information qu'on a eue en Chambre qui est véridique ou celle qui
voudrait que la ville de Beauport soit appelée à témoigner
en commission parlementaire lundi pour l'étude du projet de loi
privé?
Mme le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Duhaime: Mme le Président, peut-être
êtes-vous victime d'un canular, M. le député de Gatineau.
Suivant ce qui a été annoncé par mon collègue le
député de Saint-Jacques, les trois commissions qui
siégeront lundi matin sont: la commission permanente de l'agriculture,
la commission permanente du travail, la commission permanente du revenu. A ce
que je sache, personne n'a avisé ni le bureau du leader, ni
moi-même, qu'il y ait des possibilités que des gens de Beauport
soient convoqués pour se présenter devant la commission
permanente des affaires municipales. Je peux demander qu'on le vérifie
tout de suite. Quant à moi, c'est la première nouvelle que j'en
ai. Je puis vous assurer que la commission des affaires municipales ne
siège pas lundi matin à 10 heures.
M. Gratton: Mme le Président, fort de cette information,
pourrais-je demander au leader adjoint du gouvernement de s'assurer que les
autorités de la ville de Beauport seront informées en
conséquence, de façon qu'elles ne se présentent pas pour
rien lundi?
Mme le Vice-Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: Merci, Mme le Président. Je commence mon
exposé relativement à la loi 84 en notant que le ministre brille
par son absence lors de ce débat de deuxième lecture sur la loi
qu'il parraine.
Le leader adjoint du gouvernement me dit que le ministre est en train de
prendre son dîner, comme s'il était différent des autres
membres de cette Assemblée. Je ne peux faire autrement, Mme le
Président, que de déplorer l'absence du ministre responsable qui
pourra, dans quelques heures ou un peu plus tard, plaider qu'il n'a pas entendu
mon intervention. Je vous demanderais de suspendre nos travaux tant que le
ministre n'est pas ici pour participer à ce débat de
deuxième lecture.
Mme le Vice-Président: Sur la question de
règlement.
M. Duhaime: Mme la Présidente, si vous me le permettez,
pour l'information de l'honorable député, je voudrais dire que je
viens tout juste de parler à mon collègue, le ministre des
Affaires sociales, qui a été ici à l'Assemblée
nationale avec nous jusqu'à 18 heures. Il avait des affaires urgentes
à voir à son ministère, qui n'est pas le plus petit de
l'administration publique, et qu'il vient à peine de rentrer. Le
voilà justement. Je pense que cela répond à vos
préoccupations. Il est tout oreilles à vos propos.
M. Forget: II est normal, Mme le Président, que le
ministre soit présent lors d'un débat de deuxième lecture.
Je pense que c'est au moins aussi important que l'administration courante de
son ministère.
Alors, Mme le Président, nous avons entendu successivement le
ministre et le porte-parole de l'Union Nationale dans de débat de
deuxième lecture exagérer l'un et l'autre sur la portée
réelle de ce projet de loi. Le ministre, pour en minimiser l'importance,
nous a pratiquement présenté ce projet comme une série de
mesures administratives nécessaires pour épargner de l'argent aux
contribuables, mais n'ayant aucune espèce d'implication au-delà
de cette considération; l'autre a fait une dénonciation virulente
d'un projet où il voit une menace directe à nos libertés
démocratiques et a dressé un spectre qui a de quoi effrayer la
plupart des citoyens.
Je crois qu'il est dommage que ce projet ne reçoive pas une
attention plus sérieuse et plus vraie à la fois de la part de son
parrain ou de la part du porte-parole de l'Union Nationale parce qu'il y a dans
ce projet des éléments qui sont suffisamment importants pour
intéresser l'opinion publique et des éléments qui sont
suffisamment controversés pour avoir motivé quatre associations
professionnelles de médecins omnipraticiens, de pharmaciens, de
dentistes et d'optométristes à former un front commun pour
protester publiquement contre certaines dispositions de ce projet de loi.
J'ai donc l'intention, durant la période de temps qui m'est
impartie, de dégager un certain nombre de considérations qui
méritent, à mon avis, l'attention du public non pas parce
qu'elles menacent, comme l'a dit le député de
Mégantic-Compton, les assises mêmes de notre
société, mais parce qu'elles constituent des orientations
importantes pour comprendre ce qui va se passer dans le domaine de la
santé au cours des prochains mois et des prochaines années.
Il y a là des sujets qui méritent en effet l'attention
d'autres que simplement les premiers intéressés, les
professionnels de la santé, puisque tout ce qui affecte le
fonctionnement du régime est susceptible, tôt ou tard, d'avoir des
effets sur le consommateur lui-même; le malade, tout citoyen qui a
recours aux services de santé.
Mes remarques se diviseront en quatre parties, puisqu'il y a quatre
aspects à ce projet de loi qui méritent notre attention. Je
parlerai successivement, en premier lieu, de l'usage que l'on fait de la carte
d'assurance-maladie, du nouvel usage qu'on lui destine; deuxièmement, je
parlerai de ce qui a fait l'objet des protestations d'un certain groupe de
professionnels de la santé, des modifications unilatérales que le
ministre introduit dans les conditions du régime d'assurance-maladie,
conditions qui, autrement, sont sujettes à la négociation entre
le gouvernement, d'une part, et les différents organismes qui regroupent
ces professionnels de la santé, qu'il s'agisse des médecins, des
dentistes, des pharmaciens ou des optométristes.
En deuxième lieu, Mme le Président, je parlerai des
pouvoirs excessifs que le gouvernement octroie à la régie dans ce
projet de loi sous le couvert d'une meilleure administration. Il donne
véritablement une dimension nouvelle au mot "bureaucratie", aux mots
"pouvoir démocratique" et ceci, sans respecter un sain équilibre
qui devrait exister dans les relations de l'administration publique avec les
citoyens, quels qu'ils soient, même lorsqu'il s'agit de médecins
ou de professionnels de la santé d'autres catégories. Et enfin
et c'est peut-être ce qu'il y a de plus important, étant
donné les prétentions du ministre d'améliorer le
fonctionnement et l'administration du régime et de prévenir les
abus je vous entretiendrai du problème de la
nécessité médicale, du jugement que seront maintenant
autorisés à porter la régie et particulièrement les
comités de révision sur la nécessité
médicale de certains actes comme préa- lable au paiement de ces
actes.
En premier lieu, Mme le Président, il y a cette modification de
la Loi de l'assurance-maladie qui a pour effet de rendre obligatoire
l'utilisation de la carte soleil, de la carte d'assurance-maladie, comme moyen
de paiement et non plus simplement comme instrument d'identification du
bénéficiaire des services de santé. Il n'y a, dans une
innovation comme celle-là, rien de bien nouveau dans notre
société puisqu'à peu près tout le monde est
habitué désormais à utiliser des cartes de crédit,
soit pour se procurer de l'essence pour mettre dans sa voiture, soit pour faire
des achats divers.
C'est devenu un moyen de paiement fort accepté dans notre
société, qui s'est ajouté à la monnaie, qui s'est
ajouté aux chèques; on utilise maintenant très largement
la carte de crédit, c'est commode, c'est pratique, cela permet beaucoup
de souplesse dans l'administration de son buget. Il n'est que normal
probablement et c'est d'ailleurs ma conviction qu'un
régime public comme celui de l'assurance-maladie, qui permet de payer le
coût des services de santé, utilise aussi ce moyen de paiement
qu'est la carte de crédit. Essentiellement, il s'agit de cela, de faire
de la carte de l'assurance-maladie un instrument de paiement, une carte de
crédit. (20 h 20)
Devant le professionnel de la santé, le patient aura le choix
soit de payer comptant, ou par chèque, ou de fournir sa carte, sauf un
certain nombre d'exceptions bien entendu. Cet élément qui est
nouveau dans la loi, mais qui n'est pas nouveau dans nos moeurs
économiques, est introduit aujourd'hui alors que depuis deux ans
déjà un projet de loi incorporant cet élément est
sur le bureau du ministre des Affaires sociales et qu'il n'attend que son
approbation et son appui pour être acheminé jusque chez nous. En
effet, à l'automne 1976, toutes les préconditions d'une telle
mesure étaient déjà mises en place; la nouvelle carte
soleil avait été introduite par le gouvernement
précédent, en 1975, précisément avec cet objectif
en tête.
Lorsque, aujourd'hui, le ministre citant des articles de journaux nous
dit, avec raison d'ailleurs, qu'il y a quelque $50 millions par année
qui sont payés par le gouvernement, essentiellement par la Régie
de l'assurance-maladie, pour des bénéficiaires qui sont inconnus,
qui peuvent très bien ne pas être des Québécois, ne
pas être, donc, admissibles aux bénéfices de
l'assurance-maladie et que peut-être une certaine partie de cette somme
est versée sans droit, il a raison de s'inquiéter mais je lui dis
à ce moment-là: Pourquoi avoir attendu deux ans pour introduire
une mesure qui est censée et qui le sera sans aucun doute
épargner aux contribuables québécois quelques millions de
dollars par année? Toutes les conditions étaient réunies;
pourquoi n'a-t-on pas agi plus vite?
Il y a, bien sûr, du côté des professionnels,
relativement à ce nouvel usage de la carte d'assurance-maladie, un
certain nombre de réticences. Les professionnels se disent: Devant un
malade
qui nous rapporte sa carte, nous aurons deux choix: soit fournir les
services et s'en remettre à sa bonne volonté quant au paiement,
soit exiger comme condition essentielle qu'il nous paie sur le champ. Dans
certains cas, disent-ils, il pourra arriver que l'on doive fournir des services
pour des raisons humanitaires, ne pas exiger un paiement immédiat, soit
parce que les gens n'ont pas leur carte et qu'ils n'ont pas les moyens de
défrayer le coût des services.
Je dois dire tout de suite, comme le ministre l'a affirmé, que la
réglementation devra prévoir un certain nombre d'exceptions. Le
ministre nous a donné sa parole là-dessus. Je sais que la
régie est disposée à prévoir ces exceptions dans sa
réglementation. Il s'agit, bien sûr, du malade qui arrive à
l'urgence, de l'accidenté; on ne saurait exiger sa carte à une
telle personne. Il s'agit de l'enfant nouveau-né qui n'a pas sa carte et
dont on ne pourrait exiger une carte. Il s'agit également d'un certain
nombre de problèmes de services de santé que l'on dispense
à des mineurs, en certaines circonstances. Enfin d'un certain nombre de
cas qui sont faciles à identifier et qu'il sera possible d'excepter,
d'enlever de l'application de cette loi. Pour les autres, les adultes
consentants, si l'on veut, et capables normalement de payer ou de fournir la
carte, il est vrai, que les professionnels de la santé, les
médecins, les dentistes, les pharmaciens seront en face d'un
problème à l'occasion de mauvaises créances. Il est
entendu qu'ils devraient, dans tous les cas où il est impératif
de fournir des services de santé ce ne sont pas tous les cas,
mais c'est un certain nombre de cas fournir les services, même
s'il y a un risque qu'ils ne soient pas payés.
Mme le Président, je dois immédiatement souligner que les
ententes que j'ai signées moi-même avec les professionnels, au
moins deux catégories de professionnels de la santé, dès
1976, faisaient déjà place pour ce risque. Cela faisait partie de
l'ensemble des offres et des contre-offres qui ont été
acceptées, à ce moment, et ce risque de mauvaises créances
il a été assumé par les professionnels de la santé
en pleine connaissance de cause. Ils ont accepté d'inscrire dans les
ententes qu'ils acceptaient d'avance une modification à la loi qui
aurait l'effet qu'on veut lui donner aujourd'hui. Il ne s'agit donc plus de
revenir en arrière. Cette question a été
réglée sur le plan des relations du gouvernement avec les
professionnels. C'est avec impatience d'ailleurs que, depuis deux ans, j'ai
demandé au ministre des Affaires sociales ce qu'il attendait pour donner
suite à ces ententes et pour donner suite aux préparatifs
qu'avait faits la régie dans l'émission d'une nouvelle carte pour
enfin en exiger la présentation lors de la prestation d'un service.
Un dernier aspect relativement à ce nouveau rôle de la
carte d'assurance-maladie, c'est l'utilisation que l'on veut faire du registre
des bénéficiaires de l'assurance-maladie et à
toutes fins utiles il s'agit de la presque totalité de la population du
Québec pour des fins autres que le paiement des services
médicaux, dentaires, phar- maceutiques et optométriques. Je fais
allusion ici à la loi qui a été discutée en
deuxième lecture, cette semaine même, qui autorise le
président des élections à tenir un registre des
électeurs. Il me paraît qu'il est tout à fait
légitime d'utiliser la source de renseignements absolument
complète que constitue le registre des bénéficiaires de
l'assurance-maladie pour les fins du registre électoral.
En effet, ceci épargne une somme très considérable
aux contribuables en évitant la multiplication des recensements ad hoc
pour chacune des élections provinciales et municipales. Il y a donc un
très grand avantage à utiliser ce registre pour cette autre fin.
C'est, d'ailieurs, ce que l'Assemblée nationale a décidé
en approuvant en deuxième lecture le projet de loi no 123 qui
prévoit la préparation d'un tel registre des
électeurs.
Cependant, il ne faudrait pas, parce qu'on a une utilisation
légitime et valable du registre de l'assurance-maladie, accorder trop
libéralement, trop largement un pouvoir non circonscrit, non
limité à la Régie de l'assurance-maladie de communiquer
à peu près à n'importe qui, selon la bonne volonté
et le bon vouloir du ministre en place, les renseignements, qui ont,
malgré tout, une valeur assez privilégiée que contient le
registre des bénéficiaires de l'assurance-maladie. Il me semble
que des précautions devraient être prises de manière
à s'assurer que n'est autorisé dans la communication
d'informations à partir du registre de l'assurance-maladie que
strictement ce que l'Assemblée nationale elle-même, par une loi
spécifique, a autorisé de transmettre. Je crois qu'il serait
préférable de voir dans la loi 84, dans la Loi de
l'assurance-maladie une autorisation spécifique de transmettre le nom,
l'adresse et l'âge des bénéficiaires au directeur
général des élections plutôt que de voir formuler
une autorisation générale de communiquer à n'importe quel
organisme du gouvernement, sur simple décision du Conseil des ministres
par arrêté en conseil, n'importe quel renseignement à
n'importe qui à l'intérieur de l'administration publique.
C'est une restriction, un resserrement de cette possibilité de
communiquer qui est essentiel de nos jours puisqu'on a, dans une certaine
mesure à juste titre, évoqué le spectre d'un Etat
omniscient, omnipotent qui constitue un gigantesque fichier couvrant tous les
aspects de la vie publique et privée de tous les citoyens et qui devient
une espèce de monstre administratif, une espèce de "big brother"
de style orwellien qui menace les citoyens dans leur autonomie, dans leurs
facilités, dans leur faculté de conduire leur vie sans être
sous l'oeil scrutateur constant de l'Etat.
Si on fait cette restriction, je crois que cette nouvelle utilisation de
la carte effectivement aura pour effet, dans le cas du Régime de
l'assurance-maladie, de faire épargner un certain nombre de millions et,
dans le cadre de la loi décrétant le registre électoral
permanent, de faire également, là aussi, économiser
à l'Etat et aux contribuables un certain nombre de millions. Pourvu
qu'il y ait quelques garanties, je crois que c'est un développement
souhaitable qui, d'ailleurs, se fait attendre
depuis au moins deux ans et qui devrait donc être effectué
le plus rapidement possible et pour lequel les professionnels de la
santé visés ont déjà reçu, dans le cadre des
ententes actuellement en vigueur, les considérations, les compensations
appropriées.
J'en viens, maintenant, Mme le Président, au deuxième
point que je désire aborder. Il s'agit des modifications de toutes
sortes que le ministre a décidé d'introduire, de façon
unilatérale, dans le cadre légal que constitue la Loi de
l'assurance-maladie, modifications qui, si elles n'étaient pas contenues
dans la loi, seraient déjà traitées, ou pourraient
l'être, par la voie d'ententes avec les professionnels qui transigent
quotidiennement avec la Régie de l'assurance-maladie.
Il y a toute une liste de ces pouvoirs que le ministre veut
déterminer de façon unilatérale qui appartiennent à
cette catégorie. Je vais me permettre d'en faire rapidement une certaine
énumération.
Il y a d'abord les articles qui sont relatifs à
l'établissement de primes d'encouragement pour inciter les
médecins et autres professionnels de la santé à
s'établir dans des régions éloignées dont l'attrait
naturel est moindre et qui, pour cette raison, souffrent d'une pénurie
relative de professionnels de la santé. C'est un objectif valable et
j'aurais d'autant moins raison de m'y opposer que cet objectif a
déjà fait l'objet d'une entente avec les professionnels de la
santé, en particulier les médecins spécialistes et les
médecins omnipraticiens, entente qui est incorporée dans les
ententes de 1973 et qu'il n'est nullement besoin, pour le gouvernement,
à l'heure actuelle, de prévoir ces dispositions dans une loi.
Ceci est déjà acquis, c'est signé, c'est accepté de
part et d'autre, les mécanismes d'application sont déjà en
place et utilisés. La seule raison qui peut pousser le ministre à
l'introduire dans la loi et c'est une raison qui n'est pas à
l'abri de toute critique c'est de vouloir donner un appui légal
à l'utilisation de fonds publics pour exécuter ces ententes. (20
h 30)
Or, Mme le Président, cet objectif est superflu puisque,
déjà, la Loi de la Régie de l'assurance-maladie
prévoit que la régie est tenue d'exécuter les ententes
signées par le ministre et que les ententes prévoient les primes
d'encouragement, prévoient tous ces mécanismes. Il s'agit donc,
dans la forme actuelle, d'une tentative de légiférer ce qui a
fait l'objet d'ententes, ce qui a fait l'objet de conventions collectives. Je
dois dire que le ministre lui-même l'a reconnu en commission
parlementaire puisqu'il a dit que, effectivement, il retirait cinq des six
articles prévus dans la loi puisqu'ils sont superflus, nous reviendrons
sur ce point.
Le deuxième pouvoir unilatéral que le ministre se donne,
c'est celui d'interdire aux professionnels de la santé de se faire payer
pour des frais accessoires à la prestation de certains services. Par
exemple, il peut arriver qu'un médecin, dans son cabinet privé,
reçoive un malade pour un traitement, soit l'exérèse d'un
hyste ou une intervention très mineure, changement d'un pansement,
points de suture, etc., ce genre de chirurgie très mineure. Il s'est
trouvé dans le passé des médecins qui disaient à
leur patient: Je suis payé pour mes services professionnels, mais j'ai
dû utiliser du matériel, j'ai dû utiliser une mini-salle
d'opération attenante à mon cabinet, j'ai dû utiliser un
plateau chirurgical; pour cela, on exige un montant additionnel de $25, $40,
$50 ou $75.
Ceci est interdit par la loi, mais il entre là toute la question
de savoir s'il s'agit de frais accessoires pour un service déjà
couvert par la régie ou d'une interprétation quelconque. De toute
façon, conscient de l'existence de ce problème, les ententes que
j'ai conclues avec les fédérations médicales en 1976
prévoient explicitement les frais additionnels qui ne doivent pas
être facturés aux patients et j'ai donc introduit dans les
ententes un mécanisme de contrôle de ces comportements. Il n'y a
plus eu, depuis 1976, suite à l'application de ces ententes, quelque
plainte que ce soit, à ma connaissance, qui indiquerait la
nécessité de légiférer sur ces points, étant
donné que les ententes en traitent déjà.
C'est un point sur lequel le ministre a voulu ajouter, à ce qui
est contenu dans les contrats des pouvoirs législatifs qu'il peut
utiliser unilatéralement.
Troisièmement, le ministre prévoit dans la loi que des
sanctions pénales puissent être imposées non seulement pour
des gestes posés par des professionnels de la santé en
contravention de la loi et des règlements ce qui est tout
à fait légitime mais qu'une amende puisse être
imposée à un professionnel de la santé pour ne pas avoir
respecté l'entente. Or, quand une entente n'est pas respectée, il
y a des mécanismes d'arbitrage qui peuvent être utilisés
par l'une ou par l'autre des parties et il est tout à fait inhabituel
pour le gouvernement d'imposer des amendes pour le non-respect d'un contrat
collectif. Qu'on imagine un peu ce que cela donnerait vis-à-vis des
salariés dans le milieu de la santé.
En outre, parmi les autres pouvoirs qui sont modifiés
unilatéralement par le ministre, il y a le processus de nomination des
membres du conseil d'administration de la Régie de l'assurance-maladie.
Dans la loi actuelle, les membres qui sont censés représenter les
groupes professionnels de la santé, les médecins omnipraticiens,
les médecins spécialistes, les pharmaciens, les
optométristes et les dentistes, sont nommés par le
lieutenant-gouverneur en conseil, par le gouvernement, sur recommandation de
ces organismes. Dans le projet de loi, ils ne sont plus nommés sur
recommandation, ils sont nommés après consultation. Pour le grand
public, l'utilisation des deux mots peut sembler bonnet blanc, blanc bonnet,
mais il y a une très grande différence entre les deux mots, et ce
n'est pas sans raison qu'on utilise l'un ou l'autre.
Lorsqu'on dit: Par recommandation, on indique très clairement que
l'initiative de la désignation d'un nom, d'un candidat appartient au
groupe
qui sera représenté au conseil d'administration,
même si l'acte formel de nomination appartient au gouvernement. Lorsqu'on
dit: Après consultation, on suggère au contraire que l'initiative
de désigner la personne appartienne au ministre et qu'il n'a tout au
plus que le devoir de demander à l'organisme qui est censé
être représenté s'il est d'accord ou non, mais qu'il peut
de toute manière, puisqu'il ne s'agit pas d'une consultation, nommer la
personne qu'il a choisie. C'est donc un renversement de pouvoirs à
l'intérieur du processus de nomination.
Mme le Président, il y a enfin une autre modalité qui est
changée unilatéralement. C'est la possibilité que le
ministre donne à la régie de changer les mécanismes de
réclamation d'honoraires par les professionnels de la santé, et
ceci sans consultation, sans qu'il y ait eu d'entente à ce sujet, ce qui
peut permettre à la régie et au ministre d'imposer des
coûts nouveaux et plus considérables aux professionnels de la
santé pour s'adapter à de nouvelles exigences de paiement de la
part de la régie.
On me dira que ce sont des questions de détail, et je suis tout
à fait d'accord. On dira également le ministre
sûrement dans sa réplique voudra le faire qu'il s'agit de
points sur lesquels en commission parlementaire, face aux protestations des
groupes professionnels impliqués, il a indiqué qu'il était
prêt à faire certains changements. Fort bien. Mais il reste quand
même deux questions qui sont d'intérêt public.
Il reste d'abord la question de savoir si le ministre est
justifié de penser que le moral des professionnels de la santé,
leur volonté de collaborer avec la Régie de l'assurance-maladie
dans la prestation des services de santé à la population, c'est
une chose qu'on peut mettre de côté entièrement pour
satisfaire quelque ambition administrative de mettre de l'ordre. Ce que je veux
dire par là, Mme le Président, c'est qu'il est important pour le
public que les relations entre le ministre et les professionnels de la
santé soient les plus harmonieuses possible. Lorsque le ministre
intervient dans tous ces domaines qui sont des domaines de
détail, mais qui sont des domaines importants pour les professionnels
impliqués parce qu'ils touchent leur activité quotidienne
de façon unilatérale pour se donner dans la loi des pouvoirs
qu'il pourrait exercer plutôt de façon contractuelle par entente
avec les professionnels impliqués, ce qu'il fait, c'est qu'il met en jeu
tout le climat des relations entre le gouvernement et les professionnels de la
santé à peine six mois avant l'échéance d'un
certain nombre d'ententes avec ces professionnels puisque, vers le milieu de
1979, les ententes conclues en 1976 viendront à expiration.
C'est un risque calculé ou non calculé que le ministre
prend de détériorer ce climat et de nous précipiter, de
précipiter toute la population du Québec avec lui, dans un
conflit, dans des rancoeurs, dans des récriminations qui sont tout
à fait évitables, puisqu'il n'y a rien dans tout ce que j'ai
énuméré qui corresponde à une notion quelconque de
l'intérêt public. Il s'agit de questions secondaires à
caractère administratif auxquelles, cependant, les professionnels de la
santé tiennent beaucoup. Si on veut les trancher arbitrairement alors
que jusqu'ici on les a tranchées par voie d'ententes, on risque
je ne sais pas si on se rend bien compte du risque que l'on prend
d'envenimer le climat, de rendre plus difficile l'entente et, finalement, de
voir la population souffrir de cette détérioration de climat.
La deuxième considération qui se dégage de tout
cela, c'est que le ministre, après avoir entendu les protestations d'un
front commun spontanément organisé après le
dépôt de ce projet de loi, a, sur un certain nombre de ces points
comme je l'ai indiqué à l'occasion indiqué
qu'il faisait marche arrière, qu'il aurait des modifications à
introduire et que véritablement il ne tenait pas à le faire de
telle ou telle façon, qu'il ferait des concessions. A ce
moment-là, Mme le Président, on peut s'interroger sur la
qualité de la préparation de cette partie du projet de loi
puisqu'on semble, aussitôt qu'on voit un obstacle quelconque, ne pas
avoir de raison véritable pour le faire; on semble ne pas avoir
anticipé ces objections; on semble ne pas avoir vraiment compris leurs
implications. Est-ce que c'est vraiment avec ce genre d'expertise au niveau du
ministère, parmi les adjoints du ministre, chez le ministre
lui-même, que l'on peut envisager avec confiance le déroulement
des négociations et l'administration de tout le régime?
Mme le Président, il n'y a pas de vérité absolue
dans le domaine des relations entre les professionnels de la santé et le
gouvernement. On peut envisager toutes sortes de régimes. Ce que j'ai
voulu indiquer relativement à ce deuxième point, c'est que le
ministre prend des risques. Je ne suis pas sûr qu'il comprenne
lui-même jusqu'à quel point il prend des risques, mais ce que la
population doit savoir, c'est que le ministre prend des risques de
détériorer gravement ces relations. On devra juger, aux
résultats, après un certain temps, si les risques en valaient la
peine, si ce danger d'envenimer des relations pourtant importantes à la
qualité même des services de santé en valait la chandelle.
(20 h 40)
Le troisième aspect, Mme le Président, que je veux aborder
est relatif aux pouvoirs excessifs que le ministre désire attribuer
à la Régie de l'assurance-maladie. Ces pouvoirs excessifs sont
entièrement relatifs au mécanisme de paiement des honoraires qui
sont dus aux professionnels de la santé par la Régie de
l'assurance-maladie. Je ne dirai pas que les efforts que fait le ministre sont
entièrement dénués de raison. La situation actuelle n'est
pas entièrement satisfaisante et, dans cette mesure, il aurait raison de
chercher à y apporter un certain nombre d'améliorations.
Cependant, ce qui est frappant dans les remèdes que le ministre cherche
à apporter, c'est qu'ils renforcent de façon déraisonnable
le pouvoir bureaucratique face à des individus qui, même s'ils
sont des médecins, même s'ils sont des professionnels de la
santé, sont, malgré tout, des individus face à
l'immense appareil de l'Etat, avec tout ce que cela comporte
d'inégalités inévitables. Dans ce genre de relations, un
individu seul qui cherche à obtenir la reconnaissance de ses droits
puisqu'en somme le professionnel de la santé a le droit d'obtenir
le paiement pour les actes qu'il a posés se retrouve en face d'un
appareil, qui est l'Etat, infiniment équipé en experts, en
avocats, en ressources et en temps, alors que lui, il n'est qu'un individu qui
cherche à obtenir ce qu'il croit être son dû. Il y a donc
une nécessité, qui est évidente, d'un certain
équilibre.
Le déséquilibre dans une certaine mesure existe
actuellement un peu au désavantage de la Régie de
l'assurance-maladie qui, quels que soient les doutes qu'elle puisse entretenir
sur la validité d'une réclamation, est tenue par la loi de
l'honorer, de payer et, seulement après, de poser des questions. Je
crois que cette situation est déraisonnable et qu'elle pourrait
être corrigée. Mais le ministre va beaucoup plus loin que cela. En
effet, en premier lieu, le ministre, par l'article 18 b, donne à la
régie le pouvoir de refuser le paiement, ce qui est bon, pour des
services et, donc, des réclamations de paiement courantes
là-dessus, pas tellement d'objections mais également pour
des honoraires qu'elle a déjà versés pour des services
antérieurement fournis et au sujet desquels elle se pose tout à
coup la question: Est-ce que nous n'avons pas payé par erreur? La loi
par cet article 18 b, autorise la régie non seulement à refuser
le paiement pour les services courants, mais à se rembourser
elle-même rétroactivement pour des services qu'elle a
déjà payés et cela, aussi loin dans le passé
qu'elle le désire. Même si des services ont été
payés il y a cinq ans ou six ans, la régie peut dire: Ah! A bien
y réfléchir, ces services n'étaient pas
véritablement dus et nous allons maintenant, à même les
réclamations courantes que nous recevons du même professionnel,
déduire la somme que nous jugeons avoir payée en trop. C'est
là un pouvoir extrêmement important. Qu'on s'imagine un peu le
contribuable devant l'administration des impôts qui serait placé
devant la même situation. C'est clairement abusif.
Deuxièmement, Mme le Président, la régie, pour
utiliser ce pouvoir, doit évidemment avoir des motifs raisonnables; du
moins, c'est ce que la loi dit: Si la régie a des motifs raisonnables,
elle peut faire cela. Cependant, elle n'est pas obligée de
révéler ses motifs, ni même d'avertir le professionnet
impliqué de sa décision et de ses motifs. Cependant, si le
professionnel veut réclamer, malgré tout, un paiement pour ses
actes, on devra bien, au moins, lui donner les raisons pour lesquelles on s'est
payé soi-même, pour lesquelles la régie s'est
compensée. Etant donné qu'il a le fardeau de prouver qu'il avait
raison de faire cette réclamation, à moins que la régie ne
lui donne les raisons de son refus, il sera assez mal pris pour surmonter ce
fardeau de la preuve.
En troisième lieu, Mme le Président, les motifs que la
régie peut alléguer pour refuser de payer des services sont
essentiellement au nombre de trois. Le premier, c'est que la régie croit
que le service n'a pas été fourni; le deuxième, c'est que
le service réclamé a été faussement décrit,
autrement dit, on a posé un acte mais on en a réclamé un
autre, sous une autre dénomination et qui, présumément,
vaut plus cher; ou alors, qu'il y a des services qui ont été
réclamés et qui, véritablement, ne sont pas des services
assurés. Ce sont, semble-t-il, des raisons fort claires, mais
l'expérience a démontré, et même un certain nombre
de décisions rendues par des instances qui sont appelées à
trancher ce genre de litige, que chacune de ces raisons ne sont pas des simples
questions de faits mais des questions d'appréciation et de jugement. Ce
qui fait que le fardeau de démontrer que la régie s'est
trompée est un fardeau réel et considérable, dans certains
cas, et que la régie, dans l'application de ce pouvoir exceptionnel de
se payer elle-même, de se faire justice à elle-même, dans le
fond, agit sur la base d'une appréciation qui peut être fort bien
subjective et contestable; il ne s'agit pas d'un fait incontestable et qui est
évident à sa face même, dans bien des cas.
Quatrièmement, Mme le Président, toujours dans ce
mécanisme de paiement où les dés sont pipés en
faveur de la bureaucratie de l'Etat, la Régie de l'assurance-maladie
bénéficierait, désormais, d'un délai de
prescription de six mois. C'est-à-dire qu'un médecin, ou un
dentiste, qui aurait omis, soit par maladie de sa secrétaire ou de son
comptable, soit par surcharge de travail ou autrement, de facturer un acte
qu'il aurait rendu et qui s'en rendrait compte six mois après la
prestation du service en question, découvrirait qu'il est
désormais trop tard pour le réclamer, alors que, de son
côté, la régie jouit à son avantage d'un
délai de prescription beaucoup plus généreux. C'est
là une situation qui apparaît déraisonnable parce que six
mois c'est un délai bien court de nos jours, Mme le Président,
pour s'assurer qu'on est en face d'une situation irrévocable et
finale.
En dernier lieu, la régie a convaincu le ministre d'inclure dans
ce projet de loi une disposition qui, à certains égards, est
véritablement odieuse puisque tout médecin ou tout professionnel
de la santé qui aurait été condamné, d'une offense
criminelle ou pénale, pour avoir fraudé la Régie de
l'assurance-maladie en réclamant des actes manifestement non rendus ou
faussement décrits, non seulement devrait faire face aux
pénalités de la loi, aux pénalités même du
Code criminel, mais il serait automatiquement, quelle que soit la
gravité de l'offense, condamné à être exclu du
régime pour une période forfaitaire de six mois ou d'un an, selon
qu'il s'agit d'une première offense ou d'une deuxième
offense.
Sans aucun doute, Mme le Président, la fraude est un acte
condamnable; cependant, la question se pose véritablement s'il faut,
pour une offense, cumuler les pénalités. Si on décide que,
malgré tout, il faut cumuler les pénalités et cet
argument peut, à la limite, être plausible on peut se
demander, si une pénalité est absolument rigidement
déterminée pour tous les cas que quelqu'un ait
fraudé pour $1000 ou pour $120 000,
il fera face à la même pénalité on
peut se demander où est la justice dans tout cela et si, effectivement,
l'objectif poursuivi n'est pas véritablement un objectif de justice,
mais un objectif de vindicte, vindicte qui a été exprimée
à l'occasion par certains députés ministériels et
qu'il serait assez indécent de voir reprendre à son compte
officiellement par le gouvernement.
Il y a bien sûr, dans les cas de fraude, des
pénalités sévères qui doivent être
appliquées. La Loi de l'assurance-maladie, le Code criminel les
prévoient. Qu'on applique ces pénalités et, si l'on veut
qu'on aille jusqu'au point de réclamer que ce même médecin
qui a fraudé le régime ne puisse pas bénéficier,
pendant un certain temps, de ce régime pour accroître ses gains,
cela, non pas de façon arbitraire et mathématique, mais en tenant
compte des circonstances et en permettant un jugement nuancé selon la
gravité du délit commis. (20 h 50)
Mme la Présidente, quant à cette troisième partie
de mon exposé, ce que j'ai voulu faire ressortir, c'est que, dans ce
projet de loi qui prétend intervenir pour assainir l'administration
publique, on obtiendra en définitive bien peu de choses sur le plan
d'une économie de ressources publiques, à cause de l'application
de ces règles, mais on obtient un régime qui fait du pouvoir
bureaucratique, du pouvoir étatique une force absolument sans commune
mesure, sans comparaison avec le pouvoir de l'individu. Si on le fait pour les
médecins, pourquoi ne le ferait-on pas pour d'autres? C'est une
conception du rôle de l'Etat, une conception du mode de fonctionnement de
l'administration publique qui est proprement odieuse. Il y a des resserrements
qui doivent intervenir. Nous aurons des propositions à faire lors de
l'étude article par article du projet de loi. Mais faut-il à ce
point "débalancer" l'équilibre entre l'Etat et le citoyen que ce
dernier n'a effectivement plus aucun droit devant l'administration publique? Je
crois que ce principe est suffisamment important. Quelle que soit l'opinion
qu'on peut entretenir sur les professionnels de la santé et les revenus
soi-disant exorbitants qu'ils gagnent, il reste que, comme citoyens du
Québec, ils ont droit à une certaine conception de la justice qui
leur soit appliquée avec le même degré de raison et de
"fairplay" que n'importe quelle autre catégorie sociale.
Mme le Président, j'en viens maintenant au quatrième
aspect que je voulais toucher et qui, à certains égards, est le
plus important. C'est toute cette question qui touche l'assurace-maladie et
tout ce problème de savoir si, au moment où la Régie de
l'assurance-maladie effectue un paiement à un professionnel de la
santé, cette Régie de l'assurance-maladie peut
légitimement se poser la question à savoir si l'acte
médical, pharmaceutique, optométrique ou dentaire pour lequel on
réclame un paiement est un acte qui est professionnellement
justifié et nécessaire.
Je crois que cette question est centrale, qu'elle n'a pas
été jusqu'à maintenant adéquatement tranchée
ni par la pratique, ni par la loi, pour toute une série de raisons sur
lesquelles je n'ai pas l'intention de m'étendre mais qui tiennent
généralement au contexte psychologique et politique dans lequel
un régime public d'assurance-maladie a été introduit au
Québec, comme dans le reste des provinces canadiennes. La
poussière a un peu tombé sur tous ces conflits, sur toutes ces
contestations, et le moment est sans doute venu maintenant pour qu'on se pose
plus franchement, plus carrément que jamais cette question fondamentale:
Est-ce que l'Etat, les Québécois, les contribuables
québécois ont créé un régime
d'assurance-maladie qui doit aveuglément payer toutes les
réclamations qui leur sont présentées par les
professionnels de la santé, sans poser quelque jugement que ce soit sur
l'opportunité professionnelle des gestes qui sont posés ou alors
est-ce qu'il est approprié, pourvu que certaines conditions, certaines
précautions soient prises, que l'on se pose des questions sur
l'opportunité des gestes posés?
Mme le Président, le ministre, dans la présentation de son
projet de loi, dans le libellé des articles qu'il introduit, donne
évidemment une réponse affirmative à cette question, et
sur le plan des principes, au moins, je suis d'accord avec lui, II est
inconcevable que le contribuable qui paie les services d'assurance-maladie paie
aveuglément n'importe quoi pour la simple raison que M. le docteur Untel
réclame le paiement. C'est un mécanisme qui conduirait, si on le
poussait à sa logique extrême, à une situation
inacceptable, à la faillite, à la banqueroute du système.
Tous les régimes d'assurance-maladie, même les régimes
privés lorsqu'ils sont administrés par des assurances
privées, ont posé et continuent de poser cette question: Est-ce
que ces réclamations sont raisonnables ou son déraisonnables? Pas
d'un point de vue comptable, pas d'un point de vue fiscal, mais d'un point de
vue professionnel.
Ce problème a été perçu depuis plusieurs
années. Des tentatives ont été faites pour la
résoudre. En 1973, l'Assemblée nationale approuvait un projet de
loi amendant l'assurance-maladie qui instituait des comités de
révision. Les comités de révision sont essentiellement des
comités constitués de professionnels de la santé
appartenant à chacune des catégories (médecins, dentistes,
etc.) qui sont appelés à passer en jugement, en quelque sorte,
les réclamations qui paraissent à première vue à la
régie comme étant excessives ou abusives.
Malheureusement, ces comités de révision ont
été largement frustrés dans l'atteinte de cet objectif
pour une série de raisons. Il y a d'abord eu, chez les membres qui les
constituent, la crainte de poursuites en dommages et intérêts
s'ils faisaient des recommandations ou en arrivaient à des conclusions
qui avaient pour effet de réduire substantiellement le revenu des
membres d'un des groupes concernés, puisque le médecin, le
dentiste, le pharmacien ou l'optométriste qui se voyait l'objet d'une
décision adverse d'un de ces comités aurait théoriquement
pu, en droit, intenter des poursuites en dommages et intérêts
à chacun des
membres de ces comités de révision pour le dommage qu'il
lui avait causé. Cette crainte était en partie illusoire
puisqu'il n'y a pas eu beaucoup de ces réclamations et que dans les cas
où il y en a eu, le gouvernement a bien sûr pris fait et cause
pour les membres des comités de révision, assumant les frais
judiciaires qu'ils avaient à assumer.
Malgré tout, le projet de loi actuel accorde
législativement l'immunité aux membres des comités de
révision, de manière qu'à l'avenir ils ne pourront pas
être poursuivis en dommages et intérêts. C'est un principe
qui est important et qui implique cependant un certain nombre de choses. Si on
donne l'immunité aux membres d'un organisme officiel, il faut être
bien sûr que cet organisme a une juridiction claire et qu'il aura
effectivement le pouvoir d'appliquer des décisions puisque, autrement,
on ferait une exception à la règle générale voulant
que chacun est responsable de ses actes, sans grand profit pour la
collectivité. De toute façon, la loi reconnaît cette
immunité désormais dans le projet de loi et c'est un pas en
avant.
Deuxièmement, sur l'avis de certains conseillers juridiques, les
comités ont jugé que lorsque la régie leur
présentait des réclamations de professionnels de la santé
pour des actes qui semblaient abusifs posés avec une fréquence
déraisonnable, ces comités perdaient leur juridiction puisque la
loi, dans une autre de ses parties, déclare que pour être des
services assurés, les services de santé doivent être
médicalement nécessaires. Or, lorsque la régie
alléguait qu'il s'agissait d'actes faits en nombre déraisonnable
et de façon abusive, les comités ont choisi de dire que puisque
c'était abusif, ce n'étaient plus des services assurés et
puisque ce n'étaient plus des services assurés, le comité
n'avait plus juridiction. Ils se sont élégamment
débarrassés du problème de cette façon, et cela
rend nécessaire de clarifier un certain nombre de concepts.
En outre et troisièmement, les comités de révision
n'ont pas fonctionné efficacement parce que dans la loi, à
l'article 19a et ceci remonte aux controverses entourant la
création du Régime de l'assurance-maladie on dit que la
Régie de l'assurance-maladie ne peut pas refuser de payer un acte
à cause de la fréquence avec laquelle un acte est posé. On
voulait à ce moment-là, soi-disant du côté des
groupes professionnels, prendre toutes sortes de précautions pour
éviter les abus de l'administration publique. Ce qu'on a fait, c'est
effectivement rendre impossible la démonstration de l'abus par
l'utilisation de méthodes statistiques et on a forcé la
Régie de l'assurance-maladie qui voulait faire la démonstration
d'un abus à prouver qu'il y avait abus dans chacun des cas. (21
heures}
Si par exemple, un médecin avait donné 125 injections
antisclérosantes à un même malade sur une période
d'un mois, il n'était pas suffisant de faire la preuve qu'il avait
posé un nombre d'actes assez déraisonnable, mais il fallait dans
chacun des cas, pour chacune des injections, faire la preuve que cette
injection était de trop et cela 125 fois pour prouver un cas d'abus.
C'était, évidemment, rendre inefficace et impossible, dans bien
des cas, la démonstration de l'abus.
Devant les problèmes rencontrés par les comités de
révision, il était nécessaire et il continue d'être
nécessaire d'apporter un certain nombre de clarifications. A mon avis,
Mme la Présidente, la solution à l'impasse actuelle repose sur
les éléments suivants. En premier lieu, il est nécessaire,
qu'il y ait une reconnaissance dans la loi du droit de la Régie de
l'assurance-maladie de mettre en doute la nécessité
médicale, optométrique, pharmaceutique ou dentaire
j'abrégerai l'expression à l'avenir en disant la
nécessité médicale de services pour lesquels elle
reçoit une demande de paiement.
C'est ce que le ministre entend faire par les amendements à
l'article 34, encore que, quant à la formulation, je crois qu'il y a des
ambiguïtés qui demeurent. Ce droit, contrairement à ce que
prétendent les corporations professionnelles, n'implique aucun conflit
de juridictions avec les ordres professionnels. On sait qu'il existe une
corporation professionnelle des médecins, des dentistes, une corporation
professionnelle des pharmaciens, une autre pour les optométristes qui
ont le devoir de protéger l'intérêt public en s'assurant
que les actes posés par leurs membres soient des actes de
qualité. Donc, ils doivent également juger de
l'opportunité professionnelle de certains actes.
Cependant, lorsqu'une corporation professionnelle pose une telle
question, le souci qui l'anime est de savoir si l'acte dont on se plaint,
puisqu'elle n'agit que sur plainte, a pu nuire à un patient
déterminé. Il s'agit donc, dans tous les cas, d'une
démonstration sur un cas isolé où on se demande: Cet acte
est-il néfaste? D'autre part, lorsque la Régie de
l'assurance-maladie, face à des demandes de paiement, pose la question
de l'opportunité sur un plan professionnel d'un acte posé, elle
ne se demande pas si un acte en particulier a nui au malade; elle se demande,
au contraire, si les actes pour lesquels on demande paiement n'ont pas
été posés en quantité déraisonnable et
supérieure aux besoins stricts de cette personne. C'est la question de
nécessité, du caractère nécessaire de l'acte que la
régie pose, alors que la corporation professionnelle n'est pas
intéressée par la question de nécessité. Elle est
intéressée par le caractère néfaste ou non de
l'acte. Ce sont deux questions entièrement différentes qui
obéissent à des objectifs entièrement distincts,
même si les deux supposent un jugement de caractère
professionnel.
Certaines personnes, Mme la Présidente, voudraient que la
régie se contente de preuves arithmétiques. Elles semblent
suggérer que la régie pourrait se contenter de définir des
normes quantitatives, qu'il ne faut pas plus que tant de visites
prénatales; s'il en faut dix, que la onzième est superflue, etc.
On se rend compte que ce genre de réglementation qui serait
utilisée par la régie pour refuser le paiement serait une
espèce de lit de Procuste, serait une normalisation abso-
lument inacceptable parce que les circonstances diffèrent.
Bien sûr, la régie peut s'aider de normes statistiques pour
faire ressortir certaines pratiques apparemment abusives, mais il doit toujours
y avoir, au bout du mécanisme de paiement, la possibilité
d'apprécier les circonstances pour dire que, même si apparemment
il y a abus, compte tenu des circonstances, l'abus n'existe pas et qu'il faudra
donc payer malgré tout.
C'est donc une nécessité absolue, à mon avis, qu'il
y ait un élément d'évaluation professionnelle et il est
tout à fait possible, pourvu que les textes de loi soient clairement
rédigés, de distinguer l'objectif fiscal, en quelque sorte, qui
anime la Régie de l'assurance-maladie en posant la question de la
nécessité, de l'objectif du maintien de la qualité que
l'organisme professionnel se pose quand il essaie de déterminer si un
acte en particulier est néfaste ou non à un malade qui se plaint
d'avoir été maltraité.
Cette distinction entre la corporation professionnelle et les
comités de révision n'est pas une distinction qui porte sur la
matière qui doit être examinée, mais sur les objectifs qui
animent les organismes respectifs quand ils examinent la même
matière professionnelle. Cette même matière
professionnelle, on peut la voir et l'examiner avec des objectifs
différents, et c'est à ce niveau que la distinction doit
être introduite.
Deuxièmement, la reconnaissance de la légitimité de
méthodes statistiques pour établir un début de preuve doit
être reconnue si on veut que la régie puisse, de façon
efficace, établir un début de démonstration du
caractère abusif de certaines pratiques. Comme on le sait, si nous
allons, à l'heure actuelle, devant des tribunaux ordinaires et
éventuellement, il est toujours possible d'y aller puisqu'il existe un
droit d'appel des comités de révision à la commission des
affaires sociales et même probablement à la Cour supérieure
il devient irrecevable de faire une preuve statistique puisque les
tribunaux ordinaires, comme d'ailleurs les corporations professionnelles, ne
jugent que le cas par cas et refusent d'admettre des preuves qui sont
basées sur une démonstration statistique.
Bien sûr, ces démonstrations statistiques ne peuvent pas
être l'essence même de la démonstration; elles
n'établissent qu'un début de preuve qui doit être
complétée par une évaluation professionnelle. Il est
cependant essentiel que la loi soit amendée, ce que ne prévoit
pas le projet de loi 84, pour permettre l'utilisation de méthodes
statistiques dans la présentation au comité de révision de
certains cas d'abus. Si on ne fait pas cela, rien de ce que le ministre a voulu
faire, rien des objectifs que le ministre prétend vouloir poursuivre
dans l'adoption de ce projet de loi ne sera atteint, on légifère
pour rien, on se retrouvera d'ici un an ou deux devant l'Assemblée
nationale avec les mêmes problèmes sans solution.
Enfin, il faut absolument renforcer le rôle des comités de
révision pour en faire, quant à la question de la
nécessité médicale, un forum de décisions sans
appel. Les appels sur le fond ne peuvent pas, en effet, être
envisagés valablement puisqu'ils font sortir la question de la
nécessité médicale du seul forum approprié pour en
discuter, qui est le comité de révision composé non pas de
juges, mais de professionnels compétents dans le domaine qui fait
l'objet de la contestation. Si on sort de ce forum, on soumet à
l'évaluation d'un juge, d'un jursite une question qu'il appartient
essentiellement à des professionnels de trancher et qui. donc, ne
pourrait l'être de façon compétente.
Cependant, les tribunaux ordinaires doivent continuer de pouvoir
réviser des décisions des comités de révision s'ils
s'écartent manifestement des règles normales de procédure
et en viennent à commettre des dénis de justice, soit en refusant
d'entendre les parties, soit en arrivant à des conclusions qui sont
manifestement étrangères à la nature de la preuve qui leur
est soumise, soit par la régie, soit par le professionnel qui s'en
plaint. (21 h 10)
M. le Président, ces trois bases d'une saine redéfinition
des responsabilités dans le domaine de la contestation des demandes de
paiement constituent des éléments absolument essentiels à
leur efficacité. Les études sur lesquelles on peut baser ces
conclusions sont disponibles depuis longtemps. Il devient maintenant
impérieux qu'on leur donne suite non pas de la façon
hésitante, largement incohérente avec laquelle le projet de loi
leur donne suite, mais de façon à vraiment s'assurer que les abus
qui existent, même s'ils sont en nombre limité, soient
effectivement corrigés. Tout le reste, M. le Président, risque de
créer un immense écran de fumée, risque de faire perdre un
temps précieux dans la révision des règles de
fonctionnement du régime d'assurance-maladie et de nous mettre, dans un
an ou deux, encore plus loin d'une solution que nous ne le sommes
actuellement.
M, le Président, cette loi 84 amendant le régime
d'assurance-maladie j'ai essayé de le faire ressortir
contient du bon et du mauvais. Le bon est malheureusement trop peu
présent. Il se limite presque essentiellement aux dispositions nouvelles
touchant l'utilisation de la carte d'assurance-maladie et encore, dans ce
domaine-là, il y manque des précicions, il y manque des
sauvegardes de manière à éviter qu'on se trouve en face
d'un abus possible, de la part de l'administration publique, d'une
capacité inouïe des ordinateurs modernes de cumuler, de transiger
l'information sur les citoyens.
Pour ce qui est du reste, le ministre prend une série de risques
calculés dans ses relations avec les professionnels de la santé,
six ou neuf mois avant d'entreprendre de nouveau avec eux une nouvelle ronde de
négociations pour le renouvellement des ententes. Ce risque, il est
important que le public en soit saisi puisque c'est un des
éléments qu'il devra connaître pour évaluer
justement la responsabilité de la détérioration du climat
qui risque de s'ensuivre.
Pour ce qui est de la façon de modifier les pouvoirs de
I'assurance-maladie face aux professionnels de la santé individuels, on
va décidément beaucoup beaucoup trop loin. On introduit un
déséquilibre fâcheux entre l'administration publique et le
professionnel de la santé, un déséquilibre qui risque de
créer un précédent qu'on voudrait étendre dans
d'autres secteurs même si on ne l'étendait pas qui
est regrettable en soi et qui ne peut pas aider tellement les
intérêts du public et du contribuable.
Pour ce qui est de la dernière question, M. le Président,
relative à la juridiction des comités de révision,
j'aurai, en commission parlementaire, un bon nombre de propositions
d'amendement aux dispositions que suggère le ministre de manière
à ce que les principes que j'ai tenté d'expliquer et qui doivent
constituer la solution à ce problème se retrouvent dans la Loi de
l'assurance-maladie, telle qu'amendée, alors que, si le projet est
adopté sans ces amendements, nous n'aurons aucune amélioration
dans ces mécanismes et nous nous retrouverons dans le même
état de frustration, quant à leur fonctionnement, que celui dans
lequel nous nous retrouvons actuellement. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Richelieu. M. Maurice Martel
M. Martel: M. le Président, le projet de loi que nous
avons devant nous a pour but de modifier la Loi de l'assurance-maladie qui,
elle, est appliquée par une régie d'Etat qui s'appelle la
Régie de l'assurance-maladie. Cette loi, de même que l'application
de cette loi remontent à au-delà de huit ans. Les buts
visés par cette future loi sont de permettre aux citoyens
québécois qui en ont besoin d'élargir le champ
d'application de ces mesures sociales et de les rendre à leur
portée. Lorsque le député de Saint-Laurent parle des
risques que le ministre des Affaires sociales prend, je lui réponds: Ce
ne sont pas des risques, mais bien une responsabilité qu'il assume en
tant que ministre responsable de ce secteur.
Si l'ancien ministre des Affaires sociales avait pris ses
responsabilités dans le temps, nous ne serions peut-être pas
obligés ce soir d'avoir des moyens aussi coercitifs dans le but
d'assurer une saine et efficace gestion à la Régie de
l'assurance-maladie. Est-ce que c'est refuser de prendre ses
responsabilités que de permettre aux handicapés visuels d'avoir
des aides visuelles? De permettre aux handicapés auditifs de se procurer
des aides auditives? Est-ce que c'est une mesure dérisoire de permettre
à 480 000 citoyens du Québec, âgées de 65 ans et
plus, d'avoir des médicaments gratuits? Comme l'a souligné le
député de Saint-Laurent: Ah! M. le Président, je me
souviens d'une intervention de la semaine dernière. Cette mesure
d'assurer les médicaments comme le disait le député
d'Outremont, des "peanuts"! Des "peanuts", mais qui s'adressent à 495
000 citoyens du Québec. Des "peanuts" qui s'adressent à la classe
de gens qui ont le plus besoin d'avoir ces mêmes médicaments et
qui représentent pour l'Etat une somme d'au-delà de $35 millions
annuellement, ce qui porte notre assurance-médicaments à un
budget d'au-delà de $61 millions et qui couvre maintenant au-delà
d'un million de Québécois. Est-ce que c'est prendre ses
responsabilités, cela, ou bien si c'est prendre des risques?
Je crois qu'un gouvernement se doit, envers les plus démunis de
la société, d'apporter des correctifs nécessaires, surtout
à une législation qui remonte à huit ans, à une
législation qui pénalisait, par exemple, les assistés
sociaux, qui ne pouvaient pas se prévaloir de soins dentaires gratuits.
Ce sont des correctifs apportés dans cette présente
législation. Une législation qui ne permettait pas aux enfants de
douze à quartorze ans de bénéficier de soins dentaires
gratuits. Maintenant, c'est acquis. C'est un élargissement de nos
mesures sociales vis-à-vis de nos citoyens québécois qui
en ont le plus besoin. Devant les sommes astronomiques que coûtent ces
mesures vous savez que la Régie de l'assurance-maladie est rendue
avec un budget d'au-delà de $700 millions je crois que c'est
prendre ses responsabilités que d'essayer de doter cet organisme qui
relève du ministre des Affaires sociales de mécanismes de gestion
modernes, comme ceux dont toute entreprise de notre temps se dote. Est-ce que
c'est là ne pas prendre ses responsabilités et plutôt
prendre des risques? Je pense que devant des sommes aussi importantes, sommes
nécessaires à au-delà d'un million de nos citoyens au
Québec, il faut se doter de mécanismes administratifs modernes de
façon que ces soins atteignent le plus de gens possible au meilleur
coût possible.
J'écoutais les interventions tout à l'heure du
député de Mégantic-Compton, également celle du
député de Saint-Laurent concernant les modifications que nous
apportons vis-à-vis de la gestion de l'assurance-maladie. On parlait
tout à l'heure presque d'un Etat policier lorsqu'on veut se servir de la
carte soleil, de la carte d'assurance-maladie. C'est de la haute
démagogie que d'essayer de faire croire aux gens qu'on veut les
contrôler. Il est tout à fait logique, il est tout à fait
normal, pour un gouvernement responsable des deniers publics, lorsque l'on
constate que $50 millions, annuellement, allaient à des services pour
des personnes non inscrites à la Régie de l'assurance-maladie.
(21 h 20)
A ce moment-là, M. le Président, je n'ai pas besoin de
vous dire que cela représente 15% de la population qui recourent
à ces soins de nos professionnels par cette entreprise payeuse qui est
la Régie de l'assurance-maladie. Est-ce que c'est prendre des risques
d'exiger cette carte soleil pour pouvoir contrôler, pour pouvoir
s'assurer que ce sont véritablement les "payeurs de taxes'
québécois qui bénéficient réellement de
cette assurance-maladie? M. le Président, je dis que c'est de la haute
démagogie. L'ancien ministre des Affaires sociales et le
député de Mégantic-Compton savent très bien que
nous sommes la seule province au Canada à ne pas avoir l'obligation
de
s'inscrire à un régime d'assurance-maladie. Nous sommes la
seule province à ne pas obliger ses citoyens à cela. Si toutes
les autres provinces ont adopté ce système, c'est parce que cela
a été prouvé que c'était un système efficace
de contrôle. Sur 220 000 actes mensuels qui sont soumis pour paiement
à l'attention de la Régie de l'assurance-maladie, on est
obligé de fouiller, on est obligé de dépenser
au-delà de $4 150 000 et on n'est pas certain que ces gens sont des
Québécois. On a prouvé qu'il y avait des gens d'autres
provinces, qu'il y a des gens même des Etats-Unis qui viennent se faire
soigner aux frais des Québécois. Je pense que c'est une juste
mesure de gestion d'exiger, d'abord, que les Québécois
s'inscrivent et, deuxièmement, que les Québécois
présentent aux professionnels de la santé cette carte soleil qui
leur permet de s'identifier. C'est tout à fait logique cela existe
partout, M. le Président.
Evidemment, il y a des exceptions et nous avons prévu ces
exceptions. Tous les bébés de six mois et moins, c'est une
exception. Les personnes âgées dans les centres d'accueil et dans
les centres hospitaliers pour malades chroniques sont d'autres exceptions.
Lorsque le médecin va faire des visites à domicile, il n'a pas
besoin d'apporter sa "castonguette"; lorsque le pharmacien délivre des
médicaments aux personnes âgées à leur domicile, il
n'a pas besoin de se promener avec cette "castonguette". Nous avons compris
qu'il y avait des modifications à apporter et, après
consultation, après une commission parlementaire où on nous a
souligné certaines lacunes de cette loi, nous avons apporté des
modifications, M. le Président.
Egalement, nous voulons que, dans la mesure du possible, la Régie
de l'assurance-maladie puisse contrôler les actes qui lui sont
facturés par les professionnels de la santé dans le but
d'être payés. C'est normal que la régie contrôle ces
demandes de paiement comme, également, c'est fort logique que les gens
soient, à l'occasion, questionnés pour savoir si
véritablement ces services donnés par les professionnels de la
santé ont bel et bien été rendus à la population.
C'est également logique d'inclure dans ce projet de loi une mesure qui
va permettre à chaque Québécois de recevoir, d'une
façon annuelle, un relevé de ce que l'Etat a payé pour lui
dans le domaine de l'assurance-maladie. Je pense que c'est logique de faire
prendre conscience aux "payeurs de taxes", à la population du
Québec que ces services de santé que l'assurance-maladie leur
paie sont des services qui, effectivement, sont payés à
même leurs taxes. C'est une saine mesure de gestion, une saine mesure
d'administration d'appliquer un tel système.
On nous reprochait tout à l'heure d'avoir des mesures dures
vis-à-vis des corps professionnels qui donnent ces services. Je pense,
M. le Président, que ce n'est pas exorbitant, que ce ne sont pas des
mesures draconiennes d'assurer à tous les Québécois, par
exemple, le droit aux services de santé.
Nous essayons, dans ce projet de loi, de minimiser les effets que les
moyens de pression exercés par les professionnels de la santé
peuvent avoir sur les bénéficiaires de ces soins. Je pense que
dans une société humaine, M. le Président, l'Etat se doit
de s'assurer que les Québécois qui ont besoin de services de
santé ne servent pas de cobayes, de moyens de pression lorsque arrivent
les négociations entre les professionnels et l'Etat.
M. le Président, toujours dans un souci de répondre
à des besoins de services sur l'immense territoire du Québec,
nous avons établi une prime d'éloignement qui va permettre
à ces professionnels d'aller s'établir dans des zones
reculées où actuellement la population est privée de ces
professionnels, c'est-à-dire de ces services de santé. Et encore
là, c'est une responsabilité de l'Etat que de permettre à
chaque citoyen non seulement de ne pas servir d'otages dans le cas de
négociations de convention collective avec les professionnels, mais
également de s'assurer et de faciliter l'établissement de ces
professionnels de la santé dans différents coins du
Québec. Est-ce que ce sont là des risques que l'Etat prend, des
risques que le ministre des Affaires sociales prend en déposant une
modification sur une loi qui existe depuis huit ans, qui a été
touchée quelquefois, mais dont l'essentiel n'avait pas été
touché d'une façon aussi substantielle qu'elle l'est ce soir?
Cela ne s'est pas fait d'une façon unilatérale. Il y a eu
des consultations avec les corps professionnels. Nous savons fort bien, M. le
Président, que ces médecins, ces dentistes, ces
optométris-tes, ces pharmaciens, oeuvrant dans les services de
santé, sont des personnes indispensables pour assurer des bons services
à l'ensemble des Québécois et nous voulons créer un
climat, un bon climat entre ces professionnels et nous. Nous les avons
reçus démocratiquement à maintes reprises au
ministère des Affaires sociales. Nous les avons reçus devant la
commission parlementaire des affaires sociales pour écouter les
revendications qu'ils avaient, que chaque corporation avait vis-à-vis de
ce projet de loi. A la suite de ces remarques venant des ordres
concernés, que ce soit des omnipraticiens, des médecins
spécialistes, des dentistes ou des pharmaciens ou des
optométristes, nous avons apporté des modifications que je
mentionnais tout à l'heure concernant la carte soleil, nous avons
apporté une attention spéciale aux recommandations qu'ils nous
ont faites, que les pharmaciens, que les omnipraticiens nous ont faites
concernant certains inconvénients que cette mesure qu'ils admettaient
bien légitime de la part de l'Etat pouvait leur occasionner.
Nous avons apporté ces modifications, comme nous avons
apporté d'autres modifications concernant, par exemple, la signature de
chaque acte professionnel lorsqu'ils réclament à la Régie
de l'assurance-maladie. C'est normal que nous ayons un contrôle,
également, s'il s'agit de payer des factures. Il faut que ce soient des
gens responsables qui fassent les réclamations à l'Etat,
parce que l'Etat c'est nous, c'est chaque Québécois. Et
nous avons permis certains allégements de cet article de la loi que nous
proposons ce soir. C'est-à-dire que dorénavant, un
secrétaire, un confrère pharmacien pourra signer pour
réclamer ensuite à la régie, en autant, cependant, que
celui qui sera payé se porte responsable de cette signature. (21 h
30)
Ce sont encore des mesures qui ont pour but d'assurer une saine gestion
à la Régie de l'assurance-maladie. Lorsqu'une entreprise traite
des réclamations pour un montant d'au-delà de $700 millions par
année, ces mesures s'imposent et s'imposaient même depuis
longtemps. Je ne comprends pas que le député de Saint-Laurent,
l'ancien ministre des Affaires sociales, n'ait pas songé à
appliquer ces mêmes mesures qui sont la base même d'une saine
administration. Il n'y a pas une entreprise qui fonctionne aujourd'hui qui
n'applique pas ces saines méthodes de gestion. Je ne comprends pas que
cela n'ait pas été appliqué avant.
Au lieu de parler de risques, comme il l'a fait tout à l'heure,
il aurait été mieux, dans le temps, d'assumer ses
responsabilités. Ce projet, qui a pour but de modifier cette Loi de
l'assurance-maladie, est très clair, ce n'est pas une assurance-salaire
pour les professionnels de la santé. Nous ne désirons pas assurer
des salaires à ces professionnels de la santé, ils sont
très bien payés, mais nous désirons assurer à la
population du Québec le plus large champ possible de soins
médicaux et paramédicaux auxquels elle est en droit de s'attendre
et cela, à des coûts les plus raisonnables possibles. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Mme le député de
L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Inutile de vous rappeler que l'Opposition
officielle reconnaît au point de départ la nécessité
pour un gouvernement, quel qu'il soit, de modifier des lois lorsqu'à
l'exercice certaines dispositions que ces lois contiennent ne semblent pas
satisfaisantes ou qu'encore elles ne semblent plus répondre d'une
façon adéquate à des besoins nouveaux ou qu'elles sont mal
adaptées à des situations qui ont évolué. Il y a
des lois qui ont évidemment des répercussions plus grandes que
d'autres. Ainsi, un projet de loi touchant une modification à la Loi des
travaux publics aura des conséquences beaucoup plus limitées
qu'un projet de loi pour les services de santé et les services sociaux
ou encore un projet de loi visant à modifier la Loi de
l'assurance-maladie comme dans le cas de la loi 84 qui fait présentement
l'objet de ce débat de deuxième lecture.
On peut également apporter des amendements mineurs, qui ont, par
exemple, pour objet d'assurer la concordance avec d'autres lois, de clarifier,
mais qui ne modifient pas de façon significative les principes
sous-jacents à la loi, de même qu'ils n'affectent pas d'une
façon différente les personnes ou les institutions
touchées par la loi. Par contre, un projet de loi peut modifier d'une
façon importante une loi. Ainsi, dans le cas du projet de loi no 84, les
modifications proposées à la Loi de l'assurance-maladie ont
plusieurs effets touchant, d'une part, les professionnels de la santé,
qui ont dénoncé les pouvoirs nouveaux, entre autres, qui sont
conférés à la Régie de l'assurance-maladie, et,
d'autre part, les bénéficiaires, qui, désormais, devront
présenter la carte d'assurance-maladie, la fameuse carte-soleil, comme
on la désigne, lorsqu'ils se présenteront chez le médecin
ou dans un établissement de santé pour y recevoir des services
assurés.
On peut comprendre alors facilement pourquoi les professionnels de la
santé ont réclamé une commission parlementaire pour y
faire des représentations. Il est heureux que le ministre des Affaires
sociales, qui avait d'abord indiqué qu'il ne voyait pas la
nécessité d'une telle commission parlementaire, se soit enfin
ravisé. Il est vrai que le forum de la commission parlementaire est
souvent l'endroit privilégié de l'expression des critiques que
les députés de cette Chambre ou l'opinion publique ont à
adresser à l'endroit des politiques et attitudes gouvernementales. Je
n'en pense pas moins qu'un gouvernement attaché aux valeurs de la
démocratie et du parlementarisme ne devrait pas craindre de donner un
peu plus d'espace à l'expression de l'opinion de la population.
D'ailleurs, on peut se poser des questions sur la valeur qu'attache le
ministre à l'expression ouverte de l'opinion des autres, quand on voit
qu'il dépose à la sauvette pour utiliser une expression
qui a été utilisée l'autre jour par la
Confédération des syndicats nationaux en fin de session,
plusieurs projets de loi qui ont des retombées importantes sur la
population. Parmi ces lois se trouve le projet 118, modifiant la Loi de l'aide
sociale, qui est maintenant rendu en troisième lecture. La CSN disait
hier qu'il lui apparaissait indécent de profiter des fins de session
pour faire adopter à la vapeur de telles lois. Il y a le projet de loi
103, au sujet duquel de nombreuses associations professionnelles et
établissements de santé et de bien-être ont
manifesté des inquiétudes. Ils s'exprimaient ainsi: Nous
comprenons mal les raisons obscures pour lesquelles certains projets de loi
apparaissent à la dernière seconde sans l'étiquette de
l'urgence, alors qu'au fond il n'en est rien et au sujet desquels le ministre
s'entête à ne pas convoquer de commission parlementaire.
Finalement, pour le projet de loi 84, devant la levée de
boucliers des quelque 10 000 professionnels touchés et également
à la suite des pressions de l'Opposition, le ministre a
cédé, mais a néanmoins pris soin de préciser que
cette commission aurait un cadre réduit. C'est-à-dire qu'elle
n'entendrait que les quatre groupes du front commun, auxquels il accepta
ensuite d'ajouter les corporations professionnelles concernées. Ceci
peut être un avertissement à la population. Quand on veut se faire
entendre du ministre des Affaires sociales,
i! semble important de former un front commun; il les aimera
peut-être un peu moins plus tard.
Le ministre, à plusieurs reprises, nous a répliqué
qu'il n'est pas possible, pour chaque projet, de mettre sur pied une commission
parlementaire. Nous sommes d'accord avec lui sur ce point. Mais peut-être
devrions-nous, M. le Président, nous entendre sur certains
critères objectifs pour décider de la tenue ou non d'une
commission parlementaire et ne pas laisser uniquement à la
volonté du prince la décision d'en tenir une ou pas.
M. le Président, si je fais cette parenthèse, c'est qu'au
sujet des projets de loi touchant les affaires sociales qui ont
été déposés dans les derniers 15 jours, il y a eu
beaucoup de discussion à savoir si des commissions parlementaires
devaient être tenues ou pas. C'est pourquoi je profite de cette occasion
pour donner quelques éléments touchant ces commissions
parlementaires. Il est évident qu'aujourd'hui, après plusieurs
années d'expérience, le temps serait venu de songer à
améliorer l'organisation et le fonctionnement de nos commissions
parlementaires, en particulier en ce qui concerne le calendrier proprement dit
de ces commissions et surtout les moyens et les ressources qui sont mis
à la disposition des députés pour les aider à faire
leur travail au sein de ces commissions. Je sais que même du
côté ministériel, nombreux sont les collègues qui
veulent aussi voir renforcé le rôle des commissions parlementaires
dans la vie de notre parlementarisme.
Si, d'une part, le ministre est certainement réticent à
entendre l'opinion publique par le truchement d'une commission parlementaire,
il est encore plus inquiétant de voir qu'il n'hésite pas à
s'arroger lui-même ou à accorder à des services
gouvernementaux comme, dans le cas de la loi 84, à la
Régie de l'assurance-maladie des pouvoirs toujours plus grands.
Cette observation s'applique aux lois 84 et 103; nous y reviendrons.
Dans la loi 84, il semble que le ministre poursuive deux objectifs
principaux, le premier étant de régler un problème
spécifique, le conflit des dentistes. Il choisit de le faire dans le
cadre d'une loi générale il faut dire qu'entre-temps cette
disposition de la loi est devenue caduque, mais enfin! qui pourrait
être utilisée dans un autre conflit, toujours possible lorsque,
l'an prochain, une nouvelle entente sera négociée entre le
gouvernement et les professionnels de la santé: médecins,
dentistes, optométristes ou pharmaciens.
Le deuxième objectif poursuivi est celui de mieux contrôler
les coûts de l'assurance-maladie dont certains seraient liés
à des abus que l'on attribue tantôt à la fraude de la part
des bénéficiaires, tantôt aux abus de la part de certains
professionnels. (21 h 40)
II faut bien reconnaître qu'il ne s'agit pas là de
problèmes sans fondement. La question est de savoir si les solutions
proposées par le ministre dans son projet de loi sont proportionnelles
aux situations qu'on veut corriger ou si elles sont exagérées.
Egalement, sont-elles efficaces et corrigeront-elles vraiment les
problèmes constatés?
Il est évident que, par ce projet de loi, on essaie de
restreindre les moyens de pression que peuvent exercer les professionnels de la
santé dans une situation conflictuelle avec leur employeur, le
gouvernement. De fait, un mouvement concerté de non-participation peut
être annulé par un arrêté en conseil. Le
professionnel redevenu désengagé ne pourrait plus alors
réclamer le paiement du bénéficiaire, comme il pouvait le
faire jusqu'à maintenant lorsqu'il était désengagé.
L'article 24 dit: Ce dernier ne peut exiger, ni recevoir du
bénéficiaire paiement d'aucuns honoraires pour des services
assurés avant que le bénéficiaire ait été
remboursé par la régie. Il y avait, jusqu'à maintenant,
une contrainte pour le bénéficiaire de réclamer
lui-même de la régie les frais encourus dans un cabinet de
professionnel de la santé.
Je réalise bien qu'on veut protéger celui qui
reçoit les services, mais en même temps pour utiliser
l'expression qu'ont utilisée les professionnels qui étaient
devant nous lundi dernier on atténue jusqu'à leur portion
infinitésimale les moyens de pression que peuvent utiliser ces
professionnels de la santé lorsqu'ils négocient une entente avec
le gouvernement. D'une part, ce sont les bénéficiaires qu'on veut
protéger et c'est fort légitime; d'autre part, ce sont des
associations professionnelles à qui on demande de négocier des
ententes avec le gouvernement, mais on modifie les règles du jeu qui
sous-tendent normalement de telles discussions.
Ce problème qui est soulevé à l'occasion du
débat sur le projet de loi 84 illustre bien que l'équilibre
à conserver dans les relations employeur-employés et leurs
répercussions sur la population dans le secteur public et parapublic,
particulièrement dans les établissements de santé, est
toujours très difficile à établir et demeure
délicat et précaire. Le débat de fond sur cette question
n'a d'ailleurs pas encore été complété, même
avec la remise du rapport Martin-Bouchard. En effet, si on en juge par les
suites que le gouvernement a données à ce rapport
concrétisées par l'adoption de la loi 59 en juin dernier,
laquelle prévoit de nouveaux mécanismes pour définir les
services essentiels dans les établissements de santé, et qu'on
constate que ces services n'ont pas encore été définis
à quinze jours de l'échéance prévue dans le projet
de loi en ce qui a trait aux prochaines négociations qui
débuteront en 1979 dans les services public et parapublic, on voit qu'il
n'est pas facile de concilier les intérêts des associations ou des
syndicats avec ceux de la population au service de laquelle ils se
trouvent.
On pouvait lire dans les quotidiens de la semaine dernière, la
Presse, le Soleil et le Devoir, qu'à trois semaines de
l'échéance on pouvait difficilement s'attendre à des
résultats positifs sur les négociations devant conduire à
la désignation des services essentiels. A tout événement,
si la santé du public exige qu'on limite au maximum les moyens de
pression des professionnels de la santé
touchés par le projet de loi 84, dans quelle mesure le
gouvernement sera-t-il prêt à établir des restrictions
aussi grandes aux autres professionnels et syndiqués de la santé
qui oeuvrent dans les centres hospitaliers?
Je fais ces réflexions non pas pour blâmer le gouvernement,
mais pour indiquer comme il est difficile d'atteindre cet équilibre
à rechercher dans les relations de travail je les appellerai
comme ceci, même s'il s'agit d'ententes et qu'il ne faudrait pas
tomber dans le piège de finalement soustraire tous les moyens de
pression. Ou encore la question se repose: Est-ce que le droit de grève
dans les établissements de santé est un droit qu'il faut
conserver?
Qu'en est-il des moyens pris par le ministre pour contrer les abus que
la Régie de l'assurance-maladie déplore dans l'utilisation des
fonds publics. Les groupes que nous avons entendus en commission parlementaire
ont parlé de pouvoirs exorbitants accordés à la
régie pour contrôler les réclamations abusives de certains
médecins. Le grief le plus sérieux que les associations et les
corporations ont formulé à cet égard touche l'article 18b
où le projet de loi remet à la régie, à la suite
d'une enquête, le droit de refuser le paiement réclamé ou,
encore, lorsque le paiement a été effectué, de se
rembourser par compensation ou autrement pour des services
présumément non assurés ou non fournis en
conformité avec la loi.
Si le professionnel de la santé veut contester la décision
de la régie, le fardeau de la preuve lui incombe. En d'autres termes, le
fardeau de la preuve est renversé. Ceci est contraire aux règles
habituelles suivies devant les tribunaux.
Le ministre nous a déjà dit, à la commission
parlementaire, qu'il limitera quand même les objets où le
professionnel de la santé devra établir ou faire le fardeau de la
preuve et il imposera ce fardeau de la preuve uniquement pour les services
assurés et pour les services non fournis. Il n'en demeure pas moins vrai
que l'accroc aux règles habituelles de responsabilité
d'établir la preuve demeurera entière.
L'autre problème soulevé est la transformation du
rôle des comités de révision prévus dans la loi
actuelle et auxquels on n'accorde plus qu'un pouvoir de recommandation alors
que le pouvoir de décision est remis à la régie. Mon
collègue, le député de Saint-Laurent, a largement
développé le rôle des comités de révision et,
je pense, indiqué la nécessité qu'en commission
parlementaire on se penche sérieusement sur cette nouvelle articulation
ou ces responsabilités que l'on veut partager différemment entre
les comités de révision et la Régie de
l'assurance-maladie.
Les professionnels s'inquiètent à juste titre de
l'introduction de la notion du médicament requis, compte tenu que ceci,
en dernier ressort, sera établi par la Régie de
l'assurance-maladie. A cause de ces pouvoirs de la régie, les
professionnels s'inquiètent que les normes d'exercice professionnel ne
soient axées davantage sur les préoccupations d'ordre
économique. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la régie, par
les nouveaux pouvoirs que la loi 84 lui confère, se substitue en quelque
sorte aux corporations, aux comités de révision, se fait
enquêteur et même se fait juge et partie lorsque ses
décisions sont contestées.
M. le Président, le temps court. Je voudrais simplement aborder
brièvement quelques aspects qui n'ont pas été
touchés par mon collègue de Saint-Laurent et dire un mot, par
exemple, sur les sondages qui sont prévus dans le projet de loi 84.
La question que je poserais au ministre à ce sujet est la
suivante: Quel est le motif ou quelles sont les raisons qu'il invoque pour que,
désormais, les sondages soient en quelque sorte
institutionnalisés? Evidemment, il est normal que, dans la régie
interne d'un organisme comme l'assurance-maladie, l'on ait certains outils de
contrôle. Mais ce qui préoccupe les professionnels de la
santé et qui préoccupera à bon droit la population, c'est
qu'une fois ces sondages institutionnalisés, ils ouvrent la porte
à différentes méthodes de sondage et qu'on puisse en faire
un usage abusif.
D'autres problèmes ont été soulevés au sujet
de la confidentialité des dossiers, aux articles 55 et 57 qui donnent
à la régie accès aux documents du dossier médical
pour établir des preuves de la nécessité des actes
posés. Là également, M. le Président, je pense
qu'il faudra très attentivement examiner ce que ceci implique et quels
sont les critères ou la façon dont le ministre prévoit que
la régie pourra utiliser ce pouvoir. (21 h 50)
On a également largement parlé des abus commis par les
bénéficiaires. C'est là une des carences que le ministre
veut corriger par son projet de loi. Il n'y a aucun doute qu'il y a eu des abus
des bénéficiaires. J'entendais le député de
Richelieu tout à l'heure lancer à tout vent: II y a eu des pertes
subies par le trésor public de l'ordre de $50 millions. Je voudrais
quand même que le ministre en fasse la ventilation. D'une part, on sait
fort bien que des délais occasionnés par la régie ou des
erreurs administratives ou de fonctionnement font qu'un certain nombre
d'individus ne reçoivent que très tardivement leur carte ou
même ne la reçoivent pas. Ces $50 millions comprennent aussi le
pourcentage d'individus qui sont inscrits à la Régie de
l'assurance-maladie, mais qui se présentent dans les hôpitaux,
dans les établissements de santé ou auprès des cabinets
privés des médecins sans avoir en main leur carte. Il ne faudrait
pas dire qu'il s'agit de $50 millions qui ont été enlevés
par des abus des bénéficiaires. Par contre, je dois dire au
ministre que je suis d'accord que chacun s'inscrive ou soit inscrit à la
Régie de l'assurance-maladie et qu'également la
présentation de la carte devienne obligatoire, compte tenu des
tempéraments que le ministre a apportés à cette obligation
et qu'il nous a donnés lors de la commission parlementaire.
Devraient-ils être étendus à d'autres cas? Nous aurons
locca-sion de l'examiner.
J'entendais le député du comté de Richelieu faire
grand état de cette disposition de la loi qui prévoit maintenant
la fourniture d'appareils auditifs, rajustement des appareils visuels, etc.
Il
semblait annoncer cela comme une grande nouvelle à la population.
Je voudrais plus modestement lui rappeler que la loi actuelle prévoit
déjà la fourniture de prothèses ou d'orthèses. Je
pense qu'il faut quand même remettre les choses dans un contexte un peu
plus réaliste. Vous pouvez me poser une question si on ne la compte pas
sur mon temps.
M. Martel: Je désire simplement vous demander si vous
êtes au courant que les aides auditives sont payées seulement
depuis le 1er décembre 1978 pour les personnes de 18 à 35 ans.
C'est la nouvelle qu'on annonçait. Pour les aides visuelles, alors
qu'avant elles n'étaient payées que jusqu'à 18 ans, depuis
le 1er décembre 1978 je pense que c'est une nouvelle qu'on peut
annoncer à la population les aides visuelles sont maintenant
gratuites pour les gens qui en ont besoin.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne m'en tiendrez pas grief, M. le
Président.
Le Président: Mme le député de L'Acadie,
vous pouvez poursuivre. M. le député de Richelieu, il faut
demander la permission de poser une question à l'opinant.
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II s'est arrogé la permission. Je ne lui
en veux pas, M. le Président.
Le Président: II avait présumé qu'il
l'obtiendrait, compte tenu de votre générosité
habituelle.
Mme Lavoie-Roux: Bon! M. le Président, je pense qu'on peut
dire, après cette très brève analyse d'un projet de loi
qui contient de nombreuses dispositions et qui touche à la population et
aux professionnels de la santé d'une façon importante, qu'il
semble que les moyens prévus sont exagérés. Par exemple,
si on pense aux moyens de pression laissés aux professionnels de la
santé lors de la négociation des ententes avec le gouvernement,
dans le cas des sondages qui vont au-delà d'une technique administrative
qui pouvait fort facilement rester en dehors de la loi, quand on pense à
l'accès aux dossiers, mais seront-ils efficaces? Je pense au cas, par
exemple, de la présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie.
On ne pourra quand même pas contrer tous les abus et les duplications de
carte, mais je pense que c'est une amélioration. Là encore, si on
parle de $50 millions, il y aurait peut-être eu moins de $50 millions de
perdus si on s'était empressé, déjà depuis deux
ans, de mettre cette disposition en application. En conclusion, M. le
Président...
Le Président: Vous présumez également de la
générosité de la présidence.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Raynauld: Consentement, M. le Président.
Des Voix: Consentement.
Le Président: J'ai un faible et tout le monde le
sait, il est de notoriété publique pour le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: C'est une vraie déclaration publique, M.
le Président.
M. Pagé: Une déclaration présidentielle.
M. Lamontagne: Vous êtes au courant que vous êtes
télévisés ici.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cela me fait plaisir de
vous dire que c'est réciproque.
M. Pagé: Oh! Est-ce qu'on vous dérange? Non?
Mme Lavoie-Roux: En terminant, M. le Président, je dois,
à regret, déplorer que pour justifier ou vendre son projet de
loi, le ministre se permette d'énumérer une série de
fraudes commises tant par les médecins que les
bénéficiaires. Je ne peux malheureusement pas mettre en doute
cette énumération et, comme je le disais, elle a des
fondements.
J'aurais souhaité que le ministre y apporte quelques nuances. Il
est évident que ces dénonciations visent des actes commis par
quelques professionnels de la santé alors que la majorité font un
travail consciencieux et je suis convaincue que la population
témoignerait dans ce sens. D'ailleurs, 80% de la population, à la
suite d'une étude sur le sujet, s'est dite satisfaite des services de
santé.
J'aimerais mettre en garde le ministre contre sa tendance à
invoquer des arguments à saveur un peu démagogique lorsqu'il veut
faire prévaloir son point de vue dans des situations conflictuelles ou
lorsqu'il sent que des groupes contestent des projets de loi qu'il
présente. Quand on entend l'argumentation du ministre, on a l'impression
que l'amélioration à apporter aux services de santé se
résume d'abord et avant tout à des considérations d'ordre
administratif. Je pourrais dire la même chose du député de
Richelieu si on se rappelle son intervention d'il y a quelques instants. Sans
doute l'efficacité administrative doit être une
préoccupation du ministre et du gouvernement, mais toute réforme
ne saurait porter des fruits que si elle se fait en collaboration avec et non
contre ceux qui en assument la responsabilité. Ceci vaut non seulement
pour les professionnels de la santé dont on parle mais pour tous ceux
qui oeuvrent dans le domaine de la santé.
On se rappellera que, dans le monde de l'enseignement, des blâmes
trop facilement adressés à l'ensemble des enseignants, alors
qu'ils auraient dû s'adresser à quelques-uns d'entre eux, a
été un facteur très important de leur
démoralisation. Il ne faudrait pas répéter la même
erreur avec les professionnels de la santé, M. le Président.
Je voudrais, en toute dernière conclusion cette fois-ci, M. le
Président, dire que compte tenu des dispositions importantes qui sont
contenues dans ce projet de loi et qui pourraient avoir des
répercussions considérables tant sur le moral des
établissements de santé que sur la population elle-même,
nous voterons contre le projet de loi en deuxième lecture. Ceci ne
préjuge en rien du vote que nous apporterons en troisième
lecture. Si, à la suite d'une collaboration efficace que nous assurons
d'apporter au ministre et des nombreux amendements que nous ferons valoir, des
modifications importantes sont apportées et corrigent les erreurs que le
député de Saint-Laurent et moi-même avons signalées,
nous serons heureux de concourir de façon positive à
l'amélioration du régime de l'assurance-maladie qui, au bout de
la ligne, est quand même à l'avantage et au service de l'ensemble
de la population. Merci, M. le Président.
M. Bellemare: M. le Président, je voudrais, avant que
l'honorable député prenne la parole...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: ... Vous faire remarquer qu'on n'a pas quorum, vous
demander l'ajournement de la Chambre ou bien que vous appeliez le quorum. On
l'a? Je l'ai compté et je ne l'ai pas.
Le Président: II y a maintenant quorum, M. le leader
parlementaire de l'Union Nationale.
M. Duhaime: Comme d'habitude, vous êtes seul de votre
côté, cela fait donc de la peine, la veille de Noël...
M. Bellemare: La qualité vaut bien la quantité.
M. Duhaime: La vieille garde. M. Goldbloom: M. le Président...
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee. M.
Victor Goldbloom
M. Goldbloom: ... il m'est déjà arrivé, dans
diverses interventions que j'ai faites devant cette Chambre, de faire mention
du cheminement qui m'a amené ici. A partir de 1949, janvier 1949,
à temps partiel, et à partir de juillet 1950, à temps
complet, j'ai été gouverneur de ce que l'on appelait à
l'époque le Collège des médecins et chirurgiens de la
province de Québec et qui s'appelle aujourd'hui la Corporation
professionnelle des médecins du Québec. (22 heures)
Je mentionne ces états de services, M. le Président, parce
que je voudrais me livrer à des commentaires sur l'assurance-maladie.
J'ai vécu l'évolution de l'assurance-maladie, j'ai vécu sa
naissance, son implantation et son développement. En 1963, à
titre de gouverneur et de troisième vice-président du
Collège des médecins et chirurgiens, j'ai été parmi
les signataires d'un document qui, je pense, pour la première fois au
Québec, a été une expression d'opinion, de la part d'un
organisme de la profession médicale, que l'assurance-maladie
était non seulement inévitable, mais nécessaire et cela,
moins de deux ans après le conflit qui, on se le rappelle, a eu lieu en
Saskatchewan avec tant d'amertume et tant de malheurs pour tous les
intéressés.
Si je fais certaines critiques de ce que le ministre nous propose, ce
n'est pas par opposition à cette notion d'assurance-maladie, à ce
régime qui existe, qui a fait ses preuves et qui a rendu de fiers
services aux Québécois. Au cours d'un autre débat, il n'y
a pas longtemps, M. le Président, j'ai dit: Les principaux
intéressés ne sont pas les législateurs, ne sont pas les
médecins ou les autres professionnels de la santé; ce sont les
malades qui doivent bénéficier de ce régime au premier
titre.
Ce qui me préoccupe et m'inquiète au sujet de ce projet de
loi, c'est ce que je dois appeler une bureaucratisation progressive. Je ne veux
pas exagérer. Le ministre me répondrait facilement et
sûrement qu'il le fera quand nous examinerons les articles un par un
que ce sont des mesures anodines, qui sont conçues pour rendre le
fonctionnement du régime plus efficace et plus juste que dans le moment.
Je suis prêt à accepter cette motivation comme étant
valide, comme étant honorable. Mais, quand même, un des dangers
qui existent dans un système d assurance-maladie, c'est que par de
petits morceaux on gruge avec le temps la flexibilité, l'humanité
du système. C'est ce que l'on est en train de faire.
Quand je parle de bureaucratisation progressive, je ne parle pas
seulement des mesures administratives qui peuvent être proposées,
qui peuvent être ajoutées à ce qui se fait maintenant dans
la gestion de ce régime. Je parle aussi d'un fait plus fondamental que
cela; je parle d'un défaut inhérent à un tel
système. Je répète, M. le Président: Si je parle
d'un défaut inhérent, je ne parle pas contre le système.
Je ne dis pas que l'on devrait faire un retour en arrière et modifier
radicalement le système qui existe. Je vous fais, quand même,
remarquer ceci au sujet du système d assurance-maladie, et il en est de
même dans les autres provinces canadiennes et dans les autres pays qui
ont de tels régimes:
Inévitablement, ces régimes sont conçus afin de
fournir des honoraires moyens à un médecin moyen qui fournit un
service moyen à un malade moyen, c'est-à-dire à un malade
atteint d'une manifestation moyenne de la maladie en question. Ce service
étant fourni dans un laps de temps moyen. Tout cela diminue
l'élasticité de l'application d'un système qui devrait
idéalement pouvoir reconnaître le fait que les médecins ne
sont pas tous égaux, que les manifestations d'une maladie peuvent varier
énormément d'une personne à l'autre, que les services
doivent donc varier quant à leur importance, quant à leur
durée, et que tout
cela peut faire en sorte que des injustices peuvent être
créées à l'égard du médecin et possiblement
aussi à l'égard du malade.
Cela veut dire que quand on parle de fautes,
d'irrégularités utilisons un mot légèrement
exagéré, mais seulement légèrement de crimes
commis par des professionnels de la santé, crimes qui rendent
nécessaires des mesures additionnelles que nous propose le ministre par
ce projet de loi, nous devons nous rendre à l'évidence, ces
fautes, ces crimes sont le fait de quelques professionnels seulement, d'une
minorité parmi l'ensemble qui soigne la population. On doit se demander
jusqu'où il faut aller pour réprimer des abus si cette
répression a des répercussions sur l'ensemble de la profession.
Je ne veux pas dramatiser et je ne veux pas parler de répercussions
tragiques, de désaffectations, de départs ou de quoi que ce soit,
mais un fait demeure, c'est que, dans l'intérêt des malades, il
est important que les professionnels de la santé soient contents de leur
sort. C'est aussi simple que cela.
Une personne, quelle que soit sa profession, quel que soit son
métier, qui n'est pas contente de son sort, qui n'est pas heureuse
d'entreprendre chaque jour ses activités professionnelles, cette
personne ne rendra pas des services d'une aussi bonne qualité à
sa clientèle que celle qui envisage chaque jour avec enthousiasme. Or,
les rapports entre le ministre, porte-parole du gouvernement, et les
professions de la santé sont délicats et ils le sont à cet
égard justement. Quand le ministre, comme l'a souligné mon
collègue de Saint-Laurent, propose de se donner des pouvoirs au lieu de
poursuivre des négociations pour arriver à des ententes
mutuellement satisfaisantes sur diverses considérations, il prend,
à mon sens, un risque qui est trop grand par rapport à
l'intérêt de la collectivité, à
l'intérêt des malades qui doivent se faire soigner par les
professionnels de la santé en question.
Il est vrai qu'il y a des médecins qui commettent des abus comme
il y a des avocats, des députés, des caissières de banque
ou n'importe quels professionnels qui commettent des abus. Il est
également vrai qu'il y a, dans chacun de ces groupes, une très
grande majorité qui essaie consciencieusement de faire son travail et de
rendre service.
M. le Président, j'ai lu, parce que j'ai été
empêché d'être présent, la transcription d'un
débat qui a eu lieu en commission parlementaire il y a quelques jours.
Je sais que le règlement m'empêche de refaire un débat qui
a eu lieu en commission parlementaire; je veux simplement relever une chose
qu'a dite le ministre au cours de ce débat. Il a dit, en quelque sorte:
Les plaintes que le travail bureaucratique est pesant, qu'il y a beaucoup de
paperasses qui sont imposées aux médecins et aux autres
professionnels de la santé, ce ne sont pas vraiment des plaintes
très importantes. Je ne veux pas déformer ses paroles, c'est le
sens que j'ai extrait de ce que j'ai lu sur les feuillets de transcription.
M. le Président, il y a un fait qui demeure et qui est important,
c'est que le temps que le médecin ou l'autre professionnel de la
santé est obligé de consacrer à la parerasse est du temps
qu'il n'est pas capable de consacrer aux soins des malades. Si, par
surcroît, il accumule de la fatigue, il devient de mauvaise humeur, qui
va en souffrir? Ce n'est pas le ministre, c'est le malade, sauf si le ministre
est malade, ce qui va lui arriver un jour, comme cela va arriver à
chacun de nous. Mais, parfois, quand on est ministre, on oublie cela et l'on
oublie de prévoir les relations que l'on aura un jour fatalement
je m'excuse de ce choix de mot, M. le Président, disons
inévitablement avec des professionnels de la santé.
J'irai plus loin, M. le Président, je voudrais parler de deux
autres sujets. Je voudrais parler des fameux registres, qui ne sont plus
écrits de nos jours, ce sont des registres qui alimentent des
ordinateurs, des cervaux électroniques. M. le Président, une
chose est de plus en plus frappante et inquiétante dans le monde
moderne, c'est qu'il devient de plus en plus difficile de protéger la
nature confidentielle des renseignements dont les ordinateurs sont
alimentés. Nous avons assisté, au cours des dernières
années, à des fraudes massives dont ont été
victimes des banques et d'autres institutions semblables en Amérique du
Nord et, je pense, ailleurs dans le monde.
M. le Président, je crois comprendre et je ne veux pas
agir contre les intérêts de toutes les personnes impliquées
que les responsables de ces institutions bancaires et autres essaient de
minimiser l'impact de ces faits sur l'opinion publique, justement pour ne pas
encourager la multiplication de telles interventions. Si c'est possible dans le
domaine bancaire, si des gens peuvent prendre le code de l'ordinateur et
pénétrer dans la banque de données et sortir de l'argent,
il est certainement possible de sortir le dossier médical de
quelqu'un.
M. le Président, je pense que nous devrions, avant d'aller plus
loin dans ce domaine, nous arrêter à ce problème et
chercher des moyens de protection plus étanches que ceux que nous avons
dans le moment. M. le Président, il y a de moins en moins de choses qui
sont sacrées dans notre vie moderne et, s'il y a une chose qui devrait
demeurer sacrée, c'est bien la feuille de route de chaque personne par
rapport à sa santé.
Il y a des choses qui nous arrivent dont nous n'aimons pas parler, sauf
que nous aimons pouvoir nous adresser à un professionnel de la
santé, que ce soit un médecin, un travailleur social, un
psychologue, et en parler, vider notre sac, parler du coeur, laisser sortir nos
émotions et parler, dans l'intimité, des choses les plus intimes
de notre personne. Si nous commençons à avoir peur, à
être réticents à cet égard, nous aurons perdu
quelque chose de précieux dans une société
démocratique.
Ce n'est pas pour rien que nous, du Parti libéral du
Québec, nous nous inquiétons de certains aspects de ce projet de
loi, au point de nous sentir obligés de voter contre le projet de loi,
même si nous voulons de toute évidence améliorer, bonifier
le fonctionnement du régime de l'assurance-maladie.
Je voudrais, en dernier lieu, dire un mot des primes d'encouragement,
des primes d'éloignement, comme on peut les appeler, qui, suivant le
projet de loi, pourraient être consenties afin d'attirer des
professionnels de la santé vers des régions excentriques,
éloignées de notre province. C'est un objectif auquel nous devons
tous souscrire, cela va sans dire.
M. le Président, j'en connais quelque chose, non seulement parce
qu'à un moment donné, j'ai présidé un comité
qui s'est penché sur le problème et qui cherchait des solutions
à cette difficulté qu'on connaît depuis très
longtemps d'attirer des professionnels de la santé vers des
régions éloignées, mais aussi parce que, comme
député et comme ministre, j'ai eu l'avantage de parcourir la
province, d'en visiter presque tous les coins et d'y rencontrer des
confrères médecins, infirmières, confrères de
toutes les professions de la santé, et d'échanger avec eux des
propos sur la vie professionnelle qu'ils connaissent dans ces
régions.
Je pense que nous nous trompons si nous nous limitons à des
primes d'éloignement ou d'encouragement parce qu'il y a plus que cela.
Vous savez, c'est moins difficile d'attirer le médecin vers une
région éloignée que d'attirer sa famille, son
épouse, ses enfants parce que le médecin je prends cet
exemple parce que j'en suis un passe sa journée à
travailler, à recevoir ou à visiter ses malades, à
être de garde à l'hôpital, mais que fait son épouse
pendant ce temps? Quelles activités culturelles a-t-elle? Quelles
institutions d'enseignement sont à la disposition de ses enfants? On
peut lire, ces jours-ci, des commentaires sur la vie sur la
Basse-Côte-Nord, pour ne prendre qu'un seul exemple, et il y en a
d'autres.
Je pense que le ministre des Affaires sociales, s'il veut faire un
travail utile en ce domaine, s'il veut vraiment attirer des professionnels de
la santé vers des régions éloignées... Je constate
une concordance entre le projet de loi no 103 qui permettrait au ministre de
faire un contingentement dans les hôpitaux et ce qui est proposé
ici. (22 h 20)
L'objectif, il me semble, implique les deux éléments et je
les mets ensemble pour les fins de ce débat. Mais, M. le
Président, je pense que le ministre devrait en même temps se
tourner, par exemple, vers son collègue des Affaires culturelles et
envisager avec lui des moyens d'enrichir la vie culturelle dans les
régions éloignées de cette province. Il y a d'autres
mesures aussi qui impliquent le ministre de l'Education et d'autres des
collègues du ministre des Affaires sociales.
M. le Président, je crois comprendre que mon temps tire à
sa fin. Je voudrais insister encore une fois, en terminant, sur l'importance
des relations harmonieuses entre le ministre et les professionnels de la
santé, pas dans l'intérêt de ces professionnels, mais dans
l'intérêt supérieur de toute la population. En effet,
tôt ou tard, de temps en temps aussi peu souvent que possible avec
les mesures préventives que nous essayons d'instaurer comme
régime dans nos activités de la protec- tion de la santé
nous devons tous faire appel aux professionnels de la santé et
nous devons tous pouvoir compter sur leur présence, leur
disponibilité, leurs bonnes dispositions, leur bon état d'esprit,
parce que nous allons bénéficier de façon incalculable de
ce bon état d'esprit. Regret-tablement, M. le Président, nous
craignons que les mesures proposées par le ministre pourraient porter
atteinte à cet état d'esprit. C'est pour cette raison que nous ne
nous sentons pas en mesure d'appuyer le ministre dans sa proposition de la
deuxième lecture de ce projet de loi.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales pour
votre droit de réplique.
M. Denis Lazure
M. Lazure: M. le Président, je veux d'abord remercier tous
ceux qui ont participé au débat, en particulier mon
collègue du comté de Richelieu.
Il y a une constante qui ressort des interventions des membres de
l'Opposition, à savoir que le ministre des Affaires sociales n'a pas
suffisamment consulté avant de présenter ce projet de loi. Je
pense qu'il est de bonne guerre d'essayer de développer cette ligne
d'attaque, si vous voulez, en laissant croire aux gens qu'il s'agit d'un
ministre qui ne veut pas écouter les gens. Je rappelle au
député de L'Acadie et au député de Saint-Laurent en
particulier que, depuis avril dernier, les pourparlers, les rencontres, les
consultations ont été amorcés. Je rappelle aussi que lundi
dernier, au moment où nous avions cette mini-commission parlementaire,
se tenait à Montréal, en même temps, une conférence
de presse de la Fédération des médecins
spécialistes et de l'Association des conseils de médecins
dentistes de tous les hôpitaux du Québec. Ces deux groupements
appuyaient publiquement le projet de loi 84.
Je pense, M. le Président, qu'il ne faut pas que la population se
laisse induire en erreur quand les représentants de l'Opposition
prétendent qu'il n'y a pas eu de consultations ou prétendent
qu'il y a eu un front commun. Ce fameux front commun, il s'agissait
évidemment de la moitié des médecins puisque tous
les spécialistes constituent l'autre moitié de l'ensemble des
médecins du Québec donc, les omnipraticiens, d'une part,
qui, avec les dentistes principalement, avaient des raisons
particulières de s'inquiéter de certains articles. Nous les avons
entendus en commission parlementaire. Nous allons continuer d'entendre et de
recevoir favorablement toutes les suggestions constructi-ves qui seront
faites.
La vie privée des gens. Les députés de l'Opposition
ont laissé entendre que cette loi menaçait la vie privée.
Je pense qu'encore là il y a exagération grossière, M. le
Président. Le texte de loi, quand il s'agit en particulier de sondages,
est très clair. D'abord, il ne s'agit pas de sondages
téléphoniques comme le député de
Mégantic-Compton le disait cet après-midi.
Le texte dit: "La régie est tenue de faire périodiquement
des sondages par voie d'échantil-
lonnage aux fins de vérifier si les services assurés dont
elle a à assumer le coût ont été effectivement
rendus." Il s'agit non pas de sondages téléphoniques, mais de
sondages par correspondance, un simple questionnaire par lequel on demande aux
personnes si, oui ou non, elles ont reçu, en date du 2 août 1978,
un service de la part du docteur X avec des honoraires au montant de Y. Si
c'est cela entrer dans la vie privée des gens, je pense que, depuis
très longtemps, toutes nos lois sont entrées dans la vie
privée. Il s'agit là d'une mesure tout à fait normale.
D'ailleurs, le député de L'Acadie devrait savoir que sous
l'ancien gouvernement, alors que le député de Saint-Laurent
était ministre des Affaires sociales, ces sondages par correspondance se
faisaient déjà au rythme de 7000 lettres par mois. Il ne s'agit
pas d'une nouvelle mesure.
Quant au dossier lui-même, l'article dit très bien que
l'accès au dossier est permis avec le consentement écrit du
malade ou une autorisation de la Cour supérieure. Il ne s'agit pas
là d'une carte blanche donnée à la Régie de
l'assurance-maladie. Ce sont quelques exemples d'exagérations qui ont
été véhiculées dans le public depuis quelques
semaines par les porte-parole de l'Opposition et qui ont contribué
à créer de l'inquiétude chez certains groupements. Une
fois qu'on rencontre ces groupements, comme je l'ai fait depuis une couple de
semaines et en particulier cette semaine, je peux vous assurer que tous, sans
être totalement emballés par ce projet de loi, se disent capables
de vivre de façon relativement confortable avec un tel projet de
loi.
On a parlé des ordres professionnels, d'un certain
empiétement sur le champ de juridiction des ordres professionnels,
corporation des médecins, des dentistes, etc. Il n'en est rien. Ce
projet de loi ne touche en rien la juridiction, la compétence, le champ
d'action des ordres professionnels. Les ordres professionnels sont là
pour protéger le public, pour s'assurer que la qualité des soins
dispensés par un médecin ou par un dentiste ne va pas à
l'encontre du bien public et fournit au citoyen la meilleure qualité
possible dans l'état actuel des connaissances scientifiques. Ce projet
de loi, je le répète, ne touche en rien le champ de juridiction
des ordres professionnels.
Un dernier point, les professionnels eux-mêmes. On a dit, surtout
le député de D'Arcy McGee, que la bureaucratie envahit encore
plus la vie des pauvres professionnels. Ils seront de mauvaise humeur, donc,
ils traiteront moins bien leurs patients. Je pense que là aussi, c'est
vraiment simplifier à l'extrême. Un éditorial du Soleil
et je vous encourage à relire cet éditorial du Soleil qui
parlait d'un resserrement administratif nécessaire par la loi 84
du mardi 12 décembre, disait justement: "Chaque citoyen ordinaire doit
vivre avec une série de formules, avec une bureaucratie, si on veut
employer le terme, de plus en plus envahissante. C'est un
phénomène normal, qu'on l'aime ou pas, du XXe siècle." Je
pense que les professionnels de la santé, quand on leur parle de
façon tout à fait sereine et calme, admettent rapidement et tout
bonnement qu'il s'agit là d'une contrainte nécessaire qui
n'affecte pas de façon majeure leur humeur, M. le député
de D'Arcy McGee. Le système actuel de paiement prévu par la
Régie de l'assurance-maladie et les ententes signées entre les
ministres des Affaires sociales du passé et les
fédérations de médecins, si ce qui en découle
semble un peu compliqué, c'est dû en grande partie au mode de
paiement d'honoraires, au mode de rémunération qui a
été privilégié par les médecins et par les
gouvernements antérieurs, c'est à dire le mode de
rémunération à l'acte. (22 h 30)
II existe, bien sûr, dans les conventions, les deux autres modes
de rémunération: le salariat et le mode de
rémunération à la vacation, à la session,
essentiellement l'équivalent du tarif horaire. Cependant, la plupart des
professionnels, et avec une espèce d'encouragement tacite des
gouvernements antérieurs, ont choisi de privilégier la pratique
à l'acte, c'est-à-dire qu'on retrouve dans ces conventions
collectives qui sont extrêmement épaisses des centaines et des
centaines d'actes médicaux et chirurgicaux qui sont classifiés et
tarifiés de façon extrêmement complexe, si bien que chaque
acte posé par un médecin dans son cabinet ou à
l'hôpital fait l'objet d'une réclamation particulière.
Je dis, M. le Président, que ceux qui accusent actuellement ce
gouvernement et ce ministre des Affaires sociales de vouloir leur compliquer
l'existence sont précisément ceux j'inclus les
professionnels et les anciens ministres des Affaires sociales, dont le
député de Saint-Laurent qui ont voulu, par ce mode de
rémunération qu'ils favorisaient et qu'ils favorisent encore,
s'infliger, s'imposer à eux-mêmes une paperasse carrément
inutile si le médecin comme c'est le cas pour 10% des
médecins veut travailler à salaire. Dans le cas du
salariat, la paperasse est réduite à sa plus simple expression,
M. le Président.
On a failli pleurer sur le sort des professionnels qui voyaient leur
pouvoir de négociation saboté. Je pense qu'il y a là aussi
une exagération excessive. A ma connaissance, il y a très peu de
groupements, professionnels ou non professionnels, qui jouissent d'un pouvoir
de négociation permanente avec le gouvernement. Je pense que peu de gens
se rendent compte que les professionnels ont ce privilège d'une
négociation ouverte, constante, par le biais d'amendements qui peuvent
être négociés entre les fédérations et le
ministre des Affaires sociales, tout au long de la durée des conventions
collectives.
Je pense qu'il n'y a pas à s'inquiéter, le pouvoir de
négociation des médecins est très large, le pouvoir de
pression des médecins dans notre société
québécoise est très fort et ce projet de loi, de toute
façon, n'essaie aucunement de diminuer les pouvoirs de
négociation des professionnels de la santé.
De toute façon, M. le Président, je dénote une
contradiction un peu flagrante. Quand le député de L'Acadie
s'afflige et s'inquiète de cette soi-disant diminution du pouvoir de
négociation, je
vois une certaine contradiction entre ses paroles et celles de son chef
qui, lors de la course à la chefferie, se disait prêt volontiers
à abolir le droit de grève dans notre société.
Comment peut-on concilier cette volonté ou ce voeu d'abolir le droit de
grève, dans l'ensemble du front commun, par exemple, pour les
syndiqués de la fonction publique et parapublique, et, en même
temps, venir pleurer sur une soi-disant diminution du pouvoir de
négociation des professionnels?
Mme Lavoie-Roux: Question de privilège. Le
Président: Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je regrette mais je pense que ou le ministre
était distrait, ou il ne comprenait rien. Ce que j'ai dit c'est que
l'équilibre, dans un problème de négociation, entre les
droits des travailleurs et les droits de l'employeur était toujours
difficile à établir et que ceci, dans le domaine de la
santé, est encore plus important, compte tenu que c'était la
population qui devenait la victime et qui en faisait les frais. Alors, à
ce moment-là, il fallait peut-être même remettre en question
ce droit de grève dans les établissements de santé. Le
ministre des Affaires sociales vient de donner une interprétation tout
à fait fausse de ce que j'ai dit, et je tiens à le dire, M. le
Président.
M. Lazure: M. le Président...
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: ... il faudra faire la vérification au journal
des Débats. J'ai bien compris, comme plusieurs autres dans cette
Assemblée, que le député de L'Acadie, mon collègue
de Saint-Maurice a bien compris, mon collègue de Terrebonne aussi, en
tout cas ils ont bien compris que le député de L'Acadie semblait
s'inquiéter de cette soi-disant diminution de pouvoir de
négociation, tout comme le député de Saint-Laurent. J'ai
bien hâte de relire le journal des Débats.
A tout événement, c'est une critique qui a
été faite à la commission parlementaire par les
porte-parole du Parti libéral, le parti de l'Opposition officielle. A
propos des professionnels de la santé, des médecins en
particulier, je veux vous rappeler un titre de journal, il y a quelques mois,
qui disait littéralement: Les médecins du Québec, les plus
heureux au Canada. C'était à la suite d'un sondage scientifique
commandé par le collège de pratique générale, le
Collège de médecine général du Canada, un sondage
sérieux, scientifique. Là aussi, quand le député de
D'Arcy McGee essaie de nous attendrir, non seulement sur la mauvaise humeur des
médecins, mais...
Mme Lavoie-Roux: ... un autre bientôt.
M. Lazure: ... sur une dépression
appréhendée, un état dépressif
appréhendé chez les médecins, je pense que cela ne fait
pas très sérieux. Les médecins du Québec, dans
l'ensemble, sont heureux. Il est vrai que, dans l'ensemble, leurs services sont
très bons. Il est vrai que, dans l'ensemble, la population est
très satisfaite.
M. le Président, une dernière remarque.
Mme Lavoie-Roux: ... si tout est si beau.
M. Lazure: Nous avons, au cours de la préparation de ce
projet de loi, je le répète, été à
l'écoute de plusieurs groupements. Je pense que ce gouvernement-ci n'a
aucune leçon à recevoir du parti de l'Opposition officielle en ce
qui touche le contact avec la population, en ce qui concerne prêter une
oreille attentive aux gens. Je pense qu'on a une certaine expérience de
cette technique, et je crois que, depuis deux ans, nous avons tenu beaucoup
plus de commissions parlementaires, comme gouvernement, qu'il ne s'en est
tenues dans n'importe quelle période de deux ans dans le passé.
Je pense que les groupements le reconnaissent. On n'a qu'à se rappeler
le sondage des 51% de degré de satisfaction de la population envers ce
gouvernement.
En somme, il s'agit d'un projet de loi qui est relativement modeste, qui
s'imposait pour pouvoir donner une plus grande efficacité administrative
à la régie. Nous avons déjà indiqué qu'il y
aurait des changements, il y en aura d'autres au cours de l'étude
article par article en commission parlementaire. En somme, il s'agit d'un
projet de loi modeste à la mesure d'un bon gouvernement. Merci.
Le Président: Est-ce que cette motion de deuxième
lecture du projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie et
d'autres dispositions législatives sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Mme Lavoie-Roux: Vote enregistré.
M. Goldbloom: Vote enregistré.
Le Président: II y a la demande d'un vote
enregistré, alors je demande qu'on appelle les
députés.
M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse. Je vous
demanderais de reporter ce vote enregistré à lundi. Lors de nos
travaux de lundi après-midi, nous pourrons procéder à ce
vote enregistré et ce soir la commission des affaires sociales pourrait
se réunir immédiatement pour continuer ses travaux sur le projet
de loi no 103.
M. Bellemare: M. le Président, je vous ferai remarquer
qu'il faudrait amender notre règlement, parce qu'il n'est pas
marqué que c'est le leader adjoint. Dans notre règlement seul le
leader du gouvernement a le droit de reporter le vote. Il n'est pas question du
leader adjoint dans le règlement. Je regrette beaucoup que le leader ne
soit pas ici.
Je ne suis pas capable d'accepter une chose comme celle-là. Vote
enregistré.
Des Voix: Vote enregistré.
M. Duhaime: M. le Président, sur la question de
règlement que vient d'évoquer le leader parlementaire de l'Union
Nationale, je comprends que Noël s'en vient, le Père Noël
aussi, mais c'est une tradition en cette Assemblée, depuis les premiers
jours de notre première session comme gouvernement, je pense que c'est
aussi la tradition de l'ancien gouvernement, et possiblement celle d'un
gouvernement d'Union Nationale, que le leader parlementaire adjoint du
gouvernement ou encore l'adjoint de l'adjoint au leader parlementaire du
gouvernement peut toujours demander le report d'un vote enregistré. (22
h 40)
M. Bellemare: Ce n'est ni dans notre règlement, ni dans la
constitution de l'Assemblée nationale. Le règlement n'a pas
été changé et c'est le leader du gouvernement qui doit
faire cette demande. Je demande un vote enregistré.
M. Clair: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président: Oui, M. le député de
Drummond.
M. Clair: Simplement pour vous signifier qu'à l'article 15
de notre règlement il est indiqué que "lorsque le leader
parlementaire du gouvernement n'est pas en Chambre, il peut être
remplacé, sauf dans le cas du premier paragraphe de l'article 140, par
un des membres du Conseil exécutif qu'il a désigné au
président". Or, il est de commune renommée, M. le
Président, que vous avez toujours reconnu le député de
Saint-Maurice comme leader adjoint du gouvernement qui remplace, à
toutes fins utiles, à toutes fins que de droit le leader du gouvernement
en Chambre à ce moment-ci et je pense que le député de
Johnson est absolument mal fondé en droit.
Des Voix: Bravo!
M. Bellemare: M. le Président, je fais appel à
votre connaissance parlementaire; l'article 106 est explicite.
Le Président: Le député de Drummond a
exprimé exactement l'opinion que j'allais exprimer. M. le leader
parlementaire de l'Union Nationale, la tentative était fort belle,
toutefois, mais je vous réfère à l'article 15 de notre
règlement qui est très explicite. Il n'y a que l'article 140 de
notre règlement qui souffre une exception et qui n'autorise pas un
leader adjoint à formuler une demande, à remplacer le leader
parlementaire du gouvernement. Dans tous les autres cas, le leader
parlementaire adjoint peut remplacer et d'ailleurs c'est là son
rôle essentiel le leader du gouvernement en vertu des dispositions
de l'article 15.
M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, vous êtes de
bonne humeur? Tout le monde était de bonne humeur. Je voudrais
simplement vous dire qu'il n'y a pas de raison d'exiger ce soir une lettre pour
une nomination qui a été faite depuis assez longtemps et qui a
été reconnue. Dans ces conditions, nous allons reporter le vote
un instant, s'il vous plaît, M. le député de Verdun
sur le projet de loi no 84 à lundi, après les affaires
courantes, à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens.
M. le député de Verdun.
M. Caron: M. le Président, cette semaine si ma
mémoire est bonne, je pense que c'est mercredi j'ai eu à
m'absenter à un certain moment et j'ai demandé aux gens des deux
côtés de la Chambre si on voterait. Je pense que c'était
sur le salaire des députés. On a voté vers cette heure-ci
et je ne vois pas pourquoi, parce que c'est vendredi soir, on ne vote pas.
Le Président: M. le député de Verdun, j'ai
accepté la demande à l'heure qu'il est. Je pense que le
règlement a été conçu essentiellement pour les
circonstances que nous connaissons ce soir, c'est-à-dire pour ne pas
déranger tout le monde en commission parlementaire.
M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. le Président. Je rappelle
simplement que la commission parlementaire des affaires sociales peut
maintenant siéger immédiatement et poursuivre ses travaux sur le
projet de loi no 103.
M. Caron: M. le Président, question de règlement.
Je pense que c'est votre rôle ici, en tant que président de
l'Assemblée nationale, d'être juste. Pourquoi deux poids deux
mesures?
Des Voix: A l'ordre! A l'ordre! M. Johnson: A l'ordre!
M. Caron: M. le Président, ce n'est pas le ministre du
Travail qui va m'énerver. Qu'il trouve donc du travail pour les gens qui
manquent de travail au Québec, c'est bien plus important!
M. Clair: Question de règlement.
M. Caron: Je lui parlerai sur son projet de loi, tout à
l'heure.
M. Clair: J'invoque le règlement.
Le Président: M. le député de Verdun, je
connais votre gentilhommerie habituelle; ce n'est pas votre habitude de
contester les décisions de la présidence, vous êtes un
parlementaire expérimenté; je compte sur votre collaboration, M.
le
député de Verdun, pour accepter la décision qui a
été rendue. C'est une décision tout à fait
conforme, non seulement à la lettre, mais à l'esprit du
règlement, vous le savez mieux que quiconque, M. le député
de Verdun.
Nous poursuivons, M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Duhaime: M. le Président, je vous demanderais de...
M. Lamontagne: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le député de Roberval.
M. Lamontagne: On nous a avisés ce matin que la commission
parlementaire étudierait, article par article, le projet de loi 84.
Comment pouvons-nous l'étudier article par article si...
Le Président: M. le député de Roberval, le
point que vous touchez avait également attiré mon attention tout
à l'heure, sauf que, si j'ai bien entendu le leader parlementaire
adjoint du gouvernement, il a déféré le projet de loi 103,
et non pas 84, à la commission des affaires sociales. Alors, si la
motion qui a été adoptée cet après-midi et
c'est la question que j'allais vous poser, M. le leader parlementaire adjoint
du gouvernement concernait le projet de loi 84, cela poserait un
problème tout à fait différent.
M. Duhaime: M. le Président, si vous me le
permettez...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais
tout simplement, à titre de renseignement et peut-être pour
rafraîchir notre mémoire vous poser la question suivante:
je vois que vous êtes présentement occupé à
d'autres fonctions, alors je vais attendre...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, pour
rafraîchir notre mémoire collective, n'est-il pas exact que
lorsqu'il y a eu motion... Premièrement, est-ce qu'il y a eu motion pour
que nous puissions étudier 103 et 84 en commission parlementaire et
n'est-il pas vrai que cette motion comportait la condition que et 103 et 84
soient adoptés en deuxième lecture avant que la commission
parlementaire puisse être convoquée à cette fin?
M. Duhaime: Si vous me permettez un éclaircissement qui va
peut-être dissiper les doutes qui semblent se dessiner dans l'esprit du
député de Roberval et dans l'esprit du chef de l'Opposition
officielle. Il y a eu une motion qui a été conditionnelle quant
à la loi 84 et j'étais présent en Chambre; je pense que le
mot à mot du journal des Débats peut être facilement
vérifié. La Chambre a donné ordre à la commission
des affaires sociales de continuer ses travaux sur le projet de loi no 103 et
ensuite sur 84, si nous disposions, en cours de journée, de cette loi 84
en deuxième lecture.
Je vous demanderais donc, M. le Président, à moins qu'on
ne veuille discuter sur ce point... Quant à moi, cela m'apparaît
très clair.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous n'avons
pas l'intention d'en discuter. Seulement, le leader parlementaire adjoint n'a
pas touché le point que j'ai soulevé et j'aimerais bien, M. le
Président, que vous puissiez vérifier le libellé de la
motion. Ensuite, cela prendra le consentement, évidemment; nous verrons,
à ce moment, si nous devons le donner. Mais je pense que, si la motion
était conditionnelle, elle devrait être reformulée à
ce moment-ci.
M. Duhaime: M. le Président, il y a quand même des
limites. M. le chef de l'Opposition officielle, je me demande où vous
vous voulez aller; il est 10 h 45, si vous ne voulez pas travailler, vous nous
le dites. La commission des affaires sociales...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je
soulève une question de privilège.
Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne laisserai pas le leader
parlementaire adjoint s'amuser à nos dépens et nous prêter
des motifs qui ne sont pas les nôtres. Nous avons prouvé, par
notre assiduité, notre ponctualité, que nous étions
intéressés à poursuivre les travaux et cela même
à des heures indues de la nuit. Jamais une Opposition n'a
été aussi désireuse de collaborer et n'a manifesté,
par ses gestes, son désir de servir l'intérêt public. Je ne
laisserai pas le leader parlementaire adjoint parler comme il vient de le
faire. Je vous ai posé une question, M. le Président, j'attends
la réponse.
M. Duhaime: Je ne vois pas dans quelle espèce de grande
marmite... le chef de l'Opposition veut peut-être nous entraîner
dans un vain débat. (22 h 50)
M. Levesque (Bonaventure): Je pose une question, M. le
Président.
M. Duhaime: Je lui dis que j'étais présent en
Chambre et que la motion donnait ordre à la commission des affaires
sociales d'étudier le projet de loi no 103 et ensuite, si le projet de
loi 84 était adopté en deuxième lecture... C'est possible
de le vérifier, la motion était conditionnelle pour une raison
très simple, la seule condition qu'on devait nécessairement
inclure à la motion, c'est que le projet de loi 84 était toujours
en deuxième lecture. Cela m apparaît clair comme de l'eau de
roche.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: Juste un instant! Il est bien entendu pour
tout le monde qu'il ne peut être question, ce soir, que la commission des
affaires sociales aborde l'étude article par article du projet de loi no
84; cela est clair. Il reste à savoir si la commission des affaires
sociales peut se réunir immédiatement en vertu des dispositions
de la motion qui a été adoptée cet après-midi ou si
vous devrez, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, formuler une
nouvelle motion qui serait également conforme au règlement.
Pour le décider, vous comprendrez que j'ai absolument besoin de
revoir le libellé de la motion. Pour cela, je me dois de suspendre
quelques minutes, à moins que vous ne choisissiez, M. le leader
parlementaire adjoint du gouvernement, de formuler une nouvelle motion, ce qui
simplifierait tout.
Renvoi à la commission des affaires
sociales
M. Duhaime: M. le Président, on va clarifier les choses.
Je pense qu'on pourrait faire travailler les greffiers pour relever le
mot-à-mot de la motion qui a été faite; trop fort casse
pas, je fais motion pour que se réunisse immédiatement la
commission des affaires sociales pour continuer l'étude article par
article du projet de loi no 103.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Bellemare: Non! Le vote, comme on a fait...
Le Président: Qu'on appelle maintenant les
députés.
Suspension de la séance à 22 h 52
Reprise à 23 h 4
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): ... nous voudrions faire savoir au
gouvernement que, dans le but d'accélérer les travaux, maintenant
que le vote est à la veille d'être demandé, nous serions
d'accord pour donner notre consentement, bien que le vote ait été
déféré pour le projet de loi 84 afin de permettre aux
membres de la commission d'y aller pour les deux projets de loi, pour que le
vote ait lieu également sur le projet de loi 84.
M. Bellemare: M. le Président, je n'ai pas voulu...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Bellemare: ... contredire votre décision, mais cela
revient à ce que j'ai dit, le leader adjoint n'a pas le droit de le
demander. Là, on a le droit. Si vous me le permettez, on va voter pour
le projet de loi 84 tout de suite et les deux projets de loi...
Le Président: Bon! Alors, s'il y a consentement, mais en
toute déférence pour le doyen de l'Assemblée nationale,
cela ne contredit en rien la décision que j'ai rendue tout à
l'heure, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.
M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, je voudrais savoir
si vous consentez, puisqu'un consentement est offert, à ce qu'il y ait
un vote sur le projet de loi 84. Suivant les règles, il serait plus
normal de procéder d'abord au vote de deuxième lecture du projet
de loi 84.
M. Duhaime: M. le Président, il y a devant la Chambre une
motion pour faire siéger la commission permanente des affaires sociales,
pour continuer d'étudier article par article le projet de loi 103. J'ai
demandé tout à l'heure qu'on reporte à lundi le vote sur
la motion de deuxième lecture du projet de loi 84 et nous voterons lundi
sur le projet de loi 84.
M. Levesque (Bonaventure): Sur une question de
privilège.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne veux pas
poursuivre ce débat, mais, à la suite des remarques qui ont
été faites il y a quelques minutes voulant que la seule raison de
reporter le vote soit pour ne pas déranger les gens en commission
parlementaire, je trouve étrange l'attitude du gouvernement, alors que
nous offrons notre collaboration, que nous permettons aux deux projets de loi
d'être déférés en même temps et que nous
sommes tous ici pour voter. Réellement, M. le Président, je n'y
comprends absolument rien et notre consentement demeure si jamais le
gouvernement en a besoin.
M. Bellemare: M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, s'il n'y a pas consentement, c'est inutile d'engager le débat
là-dessus.
M. Bellemare:... je voudrais vous faire remarquer qu'il faudrait
commencer par retirer la première motion qui a été faite
cet après-midi...
Une Voix: Ce matin.
M. Bellemare: ... ce matin pour faire siéger la commission
sur les deux projets de loi. Il faudrait qu'elle soit retirée avant de
voter l'autre.
Le Président: C'est un bon point, M. le leader
parlementaire de l'Union Nationale, sauf que, si vous remarquez bien,
maintenant que j'ai pu la voir, le libellé de la motion de cet
après-midi et si
vous remarquez aussi le libellé de l'acceptation par la
présidence c'était le vice-président qui
était au fauteuil à ce moment-là il s'agissait
d'une motion conditionnelle. Comme la condition n'a pas été
remplie, il n'est pas nécessaire, à mon humble avis, de retirer
cette motion. En conséquence, j'appelle immédiatement le vote sur
la motion de M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement...
Une Voix: Très bien.
Le Président: ... visant à faire siéger la
commission des affaires sociales pour l'étude article par article du
projet de loi no 103. Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Cardinal, O'Neill, Mme
Cuerrier, MM. de Belleval, Johnson, Proulx, Duhaime, Lazure, Garon, Vaugeois,
Martel, Marcoux, Fallu, Rancourt, Laberge, Lefebvre, de Belle-feuille, Mercier,
Alfred, Ouellette, Perron, Gosselin, Clair, Dussault, Boucher,
Beauséjour, Baril, Lé-vesque (Kamouraska-Témiscouata),
Lacoste, Jolivet, Levesque (Bonaventure), Saint-Germain, Vaillancourt (Orford),
Forget, Goldbloom, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Caron,
Picotte, Gratton, Pagé, Verreault, Bellemare, Goulet, Fontaine, Dubois,
Le Moignan, Roy.
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion de renvoi veuillent bien se lever, s'il vous plaît! Les
abstentions?
Le Secrétaire: Pour: 50 Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion est adoptée et la
commission des affaires sociales peut maintenant siéger. (23 h 10)
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire adjoint du
gouvernement.
M. Duhaime: ... je voudrais vous demander une directive. Je
voudrais savoir s'il est bien certain que la commission des affaires sociales
peut maintenant poursuivre ses travaux pour étudier le projet de loi no
103. Est-ce vraiment certain? Oui. Merci bien. Je tiens également
à remercier...
Une Voix: A quel endroit?
M. Duhaime: A la salle 81-A, M. le Président. Je tiens
à remercier également l'Opposition pour sa collaboration.
C'était justement le report du vote sur la motion de deuxième
lecture du projet de loi no 84; si j'ai demandé le report à
lundi, c'est justement pour ne pas déranger les travaux de la commission
permanente de l'agriculture. De toute façon, les choses étant ce
qu'elles sont, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article
29).
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous me
permettrez simplement de rappeler au leader parlementaire adjoint du
gouvernement la seule raison possible qu'on puisse imaginer pour le geste qu'il
vient de poser, c'est qu'il manque tellement de ministériels qu'il ne
veut pas avoir le vote.
Projet de loi no 110 Deuxième lecture
Le Président: J'appelle maintenant la motion de
deuxième lecture du projet de loi no 110, Loi modifiant la Loi sur la
qualification professionnelle des entrepreneurs de construction et d'autres
dispositions législatives.
M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, le projet de loi no 110 que
vous avez devant vous apporte, encore une fois, des modifications à
certaines lois de la construction et s'inscrit dans le cadre d'une série
de gestes positifs que le gouvernement a décidé de poser afin
d'assainir le climat social, de restaurer le climat des relations de travail et
de permettre une amorce de la stabilisation économique de cet important
secteur d'activité qu'est l'industrie de la construction au
Québec.
Ce n'est donc pas par hasard que nous soumettons à cette
Assemblée des amendements à pas moins de cinq lois concernant le
monde de la construction. Il est bien évident qu'à cause de son
importance, le monde de la construction doit préoccuper
particulièrement le gouvernement québécois; cependant,
cette relative importance ne doit quand même pas nous amener à
considérer outre mesure cette industrie comme un monde à part.
Bien que toute une série de mesures spéciales aient
été prises à l'égard du monde de la construction,
bien que des milliers de salariés et d'employeurs de ce secteur ne
soient pas sous l'empire du Code du travail, et, à un moment ou à
un autre, que l'industrie de la construction nous amène, dans la mesure
du possible, à la normalité, je pense qu'il faut, une fois pour
toutes, que certaines choses soient réglées.
Justement, en tant que gouvernement responsable, nous avons pris cet
engagement de ramener l'industrie de la construction dans un univers qui soit
le plus normal possible. Depuis deux ans, nous avons, en nous inspirant
largement des recommandations du rapport Cliche, adopté une série
de mesures à cet effet. Nous avons, entre autres, raffermi plusieurs
lois et nous en avons adopté d'autres. Ainsi, après avoir
amendé les lois des tutelles avec, la Loi 69, pour les rendre plus
efficaces, nous sommes parvenus à atteindre, dans une large
mesure, les objectifs qui étaient prévus. Après avoir
amendé la Loi des relations de travail dans l'industrie de la
construction avec la Loi 52, nous en sommes arrivés enfin, au
Québec, à une campagne dite de maraudage qui s'est faite sans
brutalité et sans animosité. Après avoir mis en place un
comité spécial chargé d'établir le calendrier des
projets gouvernementaux et para-gouvernementaux dans l'industrie de la
construction, nous nous assurons maintenant d'une plus grande stabilité
économique pour les travailleurs et les entreprises de la
construction.
Nous croyons qu'avec le projet de loi no 110, nous mettons en place des
mécanismes qui permettront une saine négociation du prochain
décret et nous apportons des modifications nécessaires aux
structures de l'Office de la construction qui permettront aux travailleurs
comme aux employeurs de reprendre confiance en cet organisme; nous donnons
à l'artisan la place qui lui revient au soleil et nous assurons au
consommateur une meilleure protection, quans il se porte acquéreur d'une
maison neuve. Nous croyons que le projet de loi no 110 constitue donc une des
dernières étapes, sinon la dernière, qui permette à
cette industrie de réintégrer un univers normal.
Je voudrais maintenant...
M. Gratton: M le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: ... je regrette de devoir interrompre le ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, mais nous n'avons pas quorum.
Le Vice-Président: Quelle question?
M. Pagé: Nous n'avons pas quorum, M. le Président,
cela démontre l'intérêt pour le ministre.
Le Vice-Président: II n'y a pas quorum, je m'excuse, qu'on
appelle les députés.
M. le leader parlementaire du gouvernement, il faut que j'attende qu'on
appelle les députés, je m'excuse, il fallait que je le fasse.
Cela fait partie de mon rôle.
Je constate qu'il y a quorum et je constate aussi que M. le ministre du
Travail et de la Main-d'oeuvre a la parole.
M. Johnson: Merci, M. le Président. Je parlerai mainenant
brièvement de quelques-unes des modifications que nous entendons
apporter à la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs
en construction. Il faudrait d'abord se rappeler que cette loi, on s'en
souviendra, a été adoptée en juin 1975, suite à des
recommandations de la commission Cliche qui estimait alors qu'une telle loi
devenait nécessaire. Le législateur a retenu la
quasi-totalité de ses recommandations et il est maintenant temps de
parfaire, au niveau de l'administration, cette loi et également
d'étendre certaines dispositions pour une meilleure protection des
consommateurs.
Ainsi, afin de ne pas priver la régie de l'expérience de
certains représentants essentiels dans l'industrie, nous sommes
amenés à faire en sorte que les représentants de toutes
les associations du secteur puissent siéger à cette
régie.
En second lieu, nous désirons rendre plus sévères
les règles permettant d'émettre une licence à une personne
qui a déjà participé à une faillite.
Troisièmement, comme je l'ai déjà dit, cette régie
qui a un but de protection d'intérêt public du consommateur, dans
le secteur de l'habitation où les consommateurs ont un grand besoin
d'être protégés, cette régie verra donc à
adopter enfin, suite aux interventions de la Société centrales
d'hypothèques et de logement fédérale, pour l'ensemble des
Québécois des plans de garantie sur les maisons neuves.
En dernier lieu, les autres modifications à la loi viennent
surtout corriger certaines failles au niveau administratif. Quant au statut de
l'artisan, M. le Président, ce statut juridique pose un sérieux
problème. Il faut se dire, je pense, que les artisans ont leur droit au
soleil, ont leur droit de travailler au Québec. Il faut également
cependant tenir compte du fait que, dans l'industrie de la construction, les
artisans sont parfois des menaces pour ceux qui sont des salariés. Pour
ces fins, nous proposerons de faire adopter une série de mesures qui,
d'une part, visent à donner leur place au soleil à ces artisans,
particulièrement dans les régions périphériques et,
d'autre part, des dispositions qui tiennent compte de la réalité,
celle des salariés dans l'industrie de la construction et,
particulièrement, dans la construction qui n'implique pas le
consommateur directement.
Quant aux modifications du champ d'application de la Loi sur les
relations de travail dans l'industrie de la construction, il s'agira
essentiellement, au niveau de l'Office de la construction, de faire en sorte
qu'enfin, une fois pour toutes, dans un cadre de réaménagement de
la structure supérieure de l'Office de la construction, on puisse
redonner cette confiance nécessaire à tout ce secteur, tant au
niveau des entrepreneurs que des salariés. (23 h 10)
II va sans dire que ces modifications à la loi permettront
d'alléger de façon substantielle le fardeau financier et
administratif des organismes dans les rapports qu'ils ont avec les
employés qui sont régis par des conventions collectives quand
nous parlons du champ d'application de la loi dans le cas des commissions
scolaires et des hôpitaux.
Finalement, les modifications, qui impliquent l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec et qui ont fait couler
jusqu'à maintenant beaucoup d'encre, sont, en fait, un pouvoir
réglementaire pour le gouvernement parce que l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec n'a pas réussi, avec les
autres associations sectorielles, malgré mes demandes
répétées pendant des mois, à trouver une formule
adéquate de représentation patronale. Nous devrons, par la loi,
fixer les statuts de cette association patronale.
II faut cependant être bien conscient que j'aurai à
apporter certaines modifications au projet de loi et je peux les
énumérer immédiatement. En ce qui a trait à
l'artisan, nous ferons en sorte que l'artisan, dans le secteur non
domiciliaire, c'est-à-dire quand il devient un entrepreneur qui doit
travailler seul, soit payé au taux du décret afin de ne pas
être un coupe-gorge pour les salariés.
Dans le cas de l'exclusion des commissions scolaires, nous restreindrons
cette exclusion aux salariés permanents des commissions scolaires et des
hôpitaux. Dans le cas des statuts de l'AEQ, j'apporterai des dispositions
qui nous permettront enfin de mettre fin à la possibilité pour le
gouvernement, d'intervenir au niveau des statuts en rendant caduques les
premières dispositions et en nous habilitant à établir,
une fois pour toutes, les statuts.
Finalement, au niveau de l'Office de la construction du Québec,
j'aurai l'occasion d'apporter un amendement qui fera en sorte que le
comité mixte, où siègent paritairement les
représentants des salariés et des employeurs, puisse
effectivement avoir un rôle dynamique et actif quant aux orientations,
quant à la réglementation qui touche l'Office de la construction
du Québec.
Pour l'ensemble de ces raisons, je pense que cette loi, malgré la
période tardive de l'année 1978 où nous en sommes saisis,
contient des dispositions essentielles au meilleur fonctionnement possible de
cette industrie vitale pour le Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
tout d'abord de regretter tout comme hier soir, alors que l'Assemblée
nationale a eu à étudier le projet de loi no 114 qui affecte
particulièrement les activités de la Commission des accidents du
travail et les accidentés du travail, qu'on soit obligé
d'étudier ces projets de loi à des heures tardives, un peu
rapidement, à des heures indues, presque en plein milieu de la nuit.
Le projet de loi no 110, à prime abord, peut paraître assez
anodin. C'est un projet de loi qui contient 28 articles, qui amende cinq lois
qui sont déjà en application mais qui contient beaucoup. J'ai
déjà eu l'occasion de le qualifier de catalogue législatif
de fin de session du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, le
député d'Anjou. Un projet de loi présenté à
l'approche des Fêtes, un projet de loi sur lequel le ministre fonde
probablement des espoirs bien certains, à savoir que cela pourra passer
en douce, la période des Fêtes aidant... Etant donné qu'on
a plusieurs lois à étudier, qu'on a un règlement
sessionnel qui prévoit que nos travaux devraient normalement se terminer
le 21 décembre prochain, qu'on sait qu'on a encore une quarantaine de
lois à étudier, le ministre du Travail aurait dû
présumer ou devrait croire que le débat sur ce projet de loi sera
certainement plus long qu'il peut l'imaginer et ce, compte tenu de l'im- pact,
compte tenu de l'effet de ce projet de loi sur l'entreprise, sur l'industrie de
la construction et sur les différents groupes ou les différentes
sociétés affectées.
Je ne reprendrai pas les énoncés du ministre dans la
présentation de son projet de loi pour ce qui est de la stabilisation
économique. La stabilisation était un objectif visé par ce
projet de loi. On pourra en discuter lundi parce que je n'aurai pas le temps de
finir ce soir, cette Assemblée devant ajourner...
Le Vice-Président: Représentez-vous officiellement
votre parti?
M. Gratton: Probablement, M. le Président.
M. Pagé: Oui.
Le Vice-Président: On verra.
M. Gratton: Qui vivra verra!
M. Pagé: M. le Président, avant que vous me posiez
cette question, vous savez que je représente le parti, vous savez que je
représente l'Opposition officielle, le Parti libéral, dans toutes
les questions qui sont relatives au ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
J'en étais à dire, M. le Président, que le ministre
a allégué que ce projet de loi pourrait contribuer
éventuellement à améliorer la paix sociale. On aura
l'occasion de discuter avec lui de ce qu'il veut améliorer. Il y a des
secteurs où cela allait très bien jusqu'à maintenant. Il y
a des secteurs où on a eu l'occasion, depuis la négociation du
dernier décret, de constater que cela allait pas mal mieux que cela
avait déjà été. Le ministre vise une paix sociale,
vise de meilleures relations, ce sera approuvé; ce sera à lui
à le démontrer et à nous dire pourquoi et en quoi la paix
sociale, dans le secteur de la construction, sera améliorée avec
son projet de loi 110.
M. le Président, le projet de loi 110 est encore du cru du
gouvernement du Parti québécois; c'est un projet de loi qui
permet, dans un premier temps, un pouvoir réglementaire très
large, un projet de loi qui permet et qui fait en sorte que le ministre du
Travail, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra intervenir, en vertu de ce
projet de loi, dans plusieurs secteurs d'activités et, somme toute, un
peu partout dans la vie de tout le monde qui est concerné par le secteur
de la construction.
Le ministre a énoncé et ce, très brièvement;
je m'attendais à peut-être plus de commentaires de sa part sur
toute cette question qui entoure les artisans... Pratiquement pas un mot dans
sa déclaration. Le ministre s'est limité à nous dire, sur
ce sujet, que ce serait une mesure qui serait plus juste, qui amènerait
et qui impliquerait peut-être plus d'équité auprès
de ce groupe de travailleurs de l'industrie de la construction que sont les
artisans. Le ministre nous a aussi fait part de l'amendement qu'il entendait
apporter à ce chapitre.
M. le Président, si le ministre du Travail n'a pas
été trop volubile sur ce sujet, je le comprends et cela
s'explique et je suis convaincu que vous, M. le Président, comme
député de Prévost, êtes en mesure de saisir la
dimension bien exacte des problèmes auxquels ont est confronté
tous les jours dans le secteur de la construction et particulièrement,
M. le Président, depuis le 1er juillet dernier. Vous n'êtes pas
sans savoir que le 1er juillet dernier, le lieutenant-gouverneur en conseil a
adopté, sur proposition du député d'Anjou, ministre du
Travail, un règlement de placement dans l'industrie de la
construction.
M. Johnson: Pertinence.
M. Pagé: M. le Président, que le ministre
soulève la pertinence, qu'il écoute et vous allez voir
tantôt.
M. le Président, le ministre a fait adopter son règlement
de placement qui impliquait que les travailleurs devaient être
classés; en plus de détenir un certificat de qualification, ces
gens devaient aussi détenir un certificat de classification. Cela a
passé assez facilement, cela s'est limité au Conseil des
ministres, cela n'a pas été discuté ici à
l'Assemblée nationale. Les députés n'ont eu ni l'occasion
ni la chance de faire valoir leur point de vue sur cette question. Mais il y en
a qui se sont réveillés particulièrement du
côté ministériel une couple de semaines
après, voyant les résultats de ces règlements, voyant ce
que cela pouvait impliquer, ce que cela pouvait comporter pour les travailleurs
de la construction. Les gens étant classés A, B et C. il y avait
évidemment un privilège d'embauche pour les gens classés
A, à l'intérieur d'une région; cela impliquait que des
travailleurs classés "B", classés "C" ne pouvaient avoir un job,
même si ce job leur était offert et qu'ils avaient la
volonté bien arrêtée de travailler et de gagner leur
pain.
Je ne reprendrai pas ce sur quoi on a bataillé ferme, nous du
Parti libéral, dans la motion présentée le 5 octobre
dernier par l'Opposition officielle.
Le ministre vient de constater, après quelques mois d'exercice de
son règlement de placement, que c'est un échec. Le ministre vient
probablement de donner suite à des représentations qui lui ont
été formulées par des députés de la
majorité ministérielle et d'autres. Le ministre vient de
confirmer qu'on aura maintenant un secteur particulier qui aura à
évoluer dans le secteur de la construction, un groupe imposant, un
groupe important de travailleurs parallèles non syndiqués, un
groupe à part; ce sont les artisans.
Ce projet de loi apporte des modifications remarquez que c'est
peut-être un peu technique à la définition de
"salarié" le ministre en a dit quelques mots tout à
l'heure concernant l'artisan, de façon à l'exclure du
champ d'application de la loi, sauf pour les fins d'avantages sociaux. (23 h
30)
Cela veut donc dire qu'au moment où on se parle parce que
la loi n'est pas encore adop- tée le travailleur de la
construction est un salarié qui est régi par une loi, il est
soumis à des règlements, à des contrôles de l'Office
de la construction du Québec.
Une fois la loi 110 adoptée, l'artisan ne sera plus un
salarié au sens de cette loi. L'Office n'aura donc aucune juridiction
sur l'entrepreneur artisan parce qu'avec la loi 110, l'artisan devient un
entrepreneur on y reviendra un peu plus loin il aura notamment
l'obligation de détenir une licence de la Régie des entrepreneurs
en construction du Québec, il devra travailler seul, etc.
L'Office de la construction qui, jusqu'à maintenant, avait
juridiction sur l'entrepreneur artisan, avait juridiction sur cet individu qui
oeuvrait dans le secteur de la construction, perd toute sa juridiction, sauf
pour la question des avantages sociaux. L'artisan peut cependant participer et
contribuer au Régime complémentaire d'avantages sociaux pour un
maximum de 40 heures par semaine. En conséquence, il assume alors les
obligations prévues au décret quant à la cotisation et
à la contribution à ce régime. Pour ce faire, l'Office de
la construction est habilité, en vertu de la loi, à
établir les différents mécanismes de contrôle
absolu.
Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président, pour quelqu'un qui
n'est pas bien au fait de ces réglementations et de ces lois? Cela veut
dire qu'on prend un travailleur qui est qualifié, qui a une carte de
compétence, donc un certificat de qualification, qui est peut-être
menuisier depuis une dizaine ou une quinzaine d'années ou
peut-être même depuis 20 ans, qui a toujours été un
salarié; on dit clairement dans cette loi que cette personne ne sera
plus salariée, qu'elle ne sera plus régie par l'Office de la
construction du Québec, sauf pour la question des avantages sociaux.
M. le Président, j'ai évidemment plusieurs commentaires
à formuler sur cet aspect. Cela implique donc que tout salarié
qui exerce un métier ou une profession tel que défini à la
Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre
pourra éventuellement s'inscrire comme artisan, pourvu qu'il
possède cette carte de compétence. N'étant plus assujetti
à la loi, il n'est plus soumis aux règlements
édictés en vertu de la loi 290, soit par l'Office de la
construction ou par le lieutenant-gouverneur en conseil. Les seuls
règlements auxquels il sera soumis devant l'OCQ, seront ceux qui ont
trait aux avantages sociaux. C'est-à-dire qu'à l'exception des
régimes complémentaires d'avantages sociaux, l'artisan est exclu
du règlement no 1 relatif au champ d'application de la Loi sur les
relations de travail dans l'industrie de la construction.
Le fait de créer une nouvelle classe à part, un groupe de
travailleurs non syndiqués et parallèles a plusieurs effets.
Comment cela va-t-il aller dans nos régions, dans votre comté? Il
est explicable qu'il sera normal on est en droit de le présumer,
à ce moment-ci que le travailleur qui est classé "C" en
vertu du règlement de placement, qui
constate depuis le 1er juillet dernier qu'il ne peut occuper un emploi
dans le secteur de la construction dans sa région parce qu'il y a des
travailleurs classés "A" disponibles, que va-t-il faire? On n'aura pas
besoin de lui faire de dessin très longtemps, il va prendre sa carte, il
va s'enregistrer, prendre sa licence auprès de la Régie des
entrepreneurs en construction du Québec.
J'ai bien hâte et j'anticipe avec beaucoup d'intérêt
la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre qui se tiendra
d'ici le mois de mars prochain pour analyser les effets du règlement de
placement. On sait que mercredi, il y a quinze jours ou trois semaines, le
gouvernement, la majorité ministérielle acceptait, suite à
un amendement, de voter en faveur de la motion que je présentais ici
à l'Assemblée nationale afin de convoquer la commission
parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pour analyser en Chambre,
à la lumière de l'expérience qu'on a dans chacun de nos
comtés, ce fameux règlement de placement.
Je suis persuadé que les données auxquelles se
réfèrait le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre lors de la
motion de blâme du 5 octobre dernier quand celui-ci nous disait: Vous
savez, il y a tant de milliers de travailleurs, au Québec, qui sont
classés "A", il y a tant de milliers de travailleurs, au Québec,
qui sont classés "B", des milliers d'autres sont classés "C", on
aura certainement des chiffres fort différents parce qu'à ce
moment-là, un grand pourcentage de ceux qui ne sont pas classés
"A" actuellement, se seront enregistrés auprès de la Régie
des entrepreneurs en construction.
Pour certains de mes collègues, le fait que cet artisan ne soit
plus salarié, au sens de la loi, n'a peut-être pas beaucoup
d'impact à prime abord. Un des impacts importants, M. le
Président, c'est qu'en n'étant plus un salarié il n'est
pas couvert par le décret. Cela veut donc dire qu'au lendemain de
l'adoption de la loi la personne qui est enregistrée comme travailleur
artisan et qui a sa licence peut aller travailler chez vous, chez nous, chez
toute personne, faire son travail, soit à la suite d'une entente pour un
contrat à forfait ou encore à un taux de salaire qu'elle pourra
négocier avec elle.
Cela peut paraître assez attrayant à prime abord et ce,
dans un souci d'équité et de justice et aussi lorsqu'on constate
que les taux de la construction sont assez élevés. Je conviens
que cela est difficile pour la personne qui gagne le salaire minimum, pour la
personne qui est en chômage Dieu sait s'il y en a
particulièrement depuis le 15 novembre 1976 pour la personne qui
vit d'aide sociale. Lorsqu'elle aura des réparations à faire,
elle va être obligée de payer des taux de salaire qui sont quand
même assez appréciables. Mais c'est le décret, c'est la loi
et cela impliquera qu'à l'avenir le travailleur artisan pourra aller
rencontrer une personne qui est intéressée à faire
construire sa maison, sa résidence ou finir son sous-sol, comme on dit,
et dire: Ecoute! Moi, je viens travailler chez toi et je suis disposé
à vendre mes services à $8, à $7, à $6, à $5
l'heure. Il n'y a absolument personne ni aucune loi qui vont l'interdire.
J'entends un de mes collègues, probablement de la majorité
ministérielle, qui crie bravo. M. le Président... De
l'Opposition? J'espère que mon bon collègue de Nicolet-Yamaska
pourra intervenir, peut-être pas ce soir, mais lundi, sur cet aspect de
la question. M. le Président, vous avez probablement pris connaissance
du rapport annuel et des rapports trimestriels de l'Office de la construction
du Québec; d'ailleurs, il en a été question à
plusieurs reprises ici à l'Assemblée nationale. La construction a
baissé de 11% au minimum par rapport à l'année
dernière et, tout récemment, l'Office de la construction
énonçait que ce serait probablement 17%. Qu'est-ce que cela veut
dire, M. le Président, une baisse dans la construction? Cela veut dire
une main-d'oeuvre disponible, cela veut dire plus de gens qui sont
disposés à travailler. Le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, dans son règlement de placement, avait d'ailleurs
allégué il nous avait dit, on se le rappellera: On a 160
000, 170 000 travailleurs dans le secteur de la construction. Il nous a
parlé de sécurité d'emploi, il a essayé de nous
vendre le principe d'une certaine sécurité d'emploi pour ces
gens-là en nous disant: II faut un règlement de placement.
Aujourd'hui, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre vient saborder cet
aspect du règlement de placement en créant ce secteur
parallèle.
Une baisse de la construction va impliquer une main-d'oeuvre disponible.
Vous savez, le secteur de la construction, ce ne sont pas toujours des gros
projets comme la baie James, comme le Collège militaire de Saint-Jean
actuellement, comme le chantier olympique il y a quelques années. Vous
savez que, dans nos régions, la construction, à certaines
périodes de l'année, est à la baisse. Je serais surpris de
voir le nombre de constructions résidentielles, début de
constructions résidentielles, dans la ville de Rimouski au mois de
janvier, dans la ville de Rivière-du-Loup ou encore dans ma ville,
à Donnacona, c'est-à-dire une ville de mon comté, le
comté de Portneuf. Qu'est-ce qu'il arrivera, M. le Président? Je
crains je pense que cela est tout à fait justifié et
fondé que cette mesure va entraîner un "bargaining power",
un marchandage à rabais d'une main-d'oeuvre qui est
spécialisée et qualifiée.
M. le Président, plusieurs députés ou
peut-être que des députés de la majorité
ministérielle diront: C'est rendre service à l'ensemble des
Québécois et c'est rendre service aux travailleurs. Ce n'est pas
leur rendre service. J'espère que le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre pourra répondre à certaines de mes questions dans
sa réplique. J'aimerais savoir du ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre qui va s'occuper, pour les travailleurs artisans qui vont
effectuer soit un travail à forfait à $4 ou $5 l'heure ou
à $8 ou $10, peu importe, de la sécurité pour ces
travailleurs lorsqu'ils seront dans la construction d'une résidence.
Anciennement, M. le Président, ces gens-là
étant des salariés, l'OCQ s'en occupait et contribuait
à ces fonds-là, etc. L'OCQ, l'Office de la construction du
Québec, ne sera plus habilité à s'occuper de la
sécurité. C'est l'interprétation que je donne au texte et
au libellé du projet de loi 110. (23 h 40)
Qui va s'en occuper? Qu'arrivera-t-il, M. le Président, et sur
quelle base de salaire ces employés pourront-ils contribuer à la
Commission des accidents du travail? On sait qu'hier on a étudié
le projet de loi 114 qui permettra éventuellement à ces
travailleurs d'être couverts par la Commission des accidents du travail.
Sur quelle base de salaire le gouvernement ou ses organismes pourront-ils
déterminer un taux applicable?
Je conviens que la Commission des accidents du travail a tous les
services, tout le capital humain, l'expérience, mais comment tout cela
se fera-t-il? Je pense que c'est justifié de poser à ce
moment-ci, de soulever cette question. Les taux imputés ou
chargés aux travailleurs seront-ils variables d'une semaine à
l'autre, parce que le prix ou le salaire exigé pourrait être
variable d'une semaine à l'autre?
La question des avantages sociaux. Le projet de loi indique que ce
travailleur, cet individu qui sera maintenant artisan, qui ne sera plus un
salarié, sera régi par l'Office de la construction; tout
simplement et uniquement pour la question des avantages sociaux, encore
là, la participation à ces bénéfices sociaux sera
déterminée par l'Office de la construction du Québec,
puisque c'est l'organisme qui est habilité à le faire.
On sait qu'actuellement, pour toute cette question des
bénéfices sociaux, l'OCQ consulte les parties, les groupes en
présence. On consulte les associations syndicales, les associations
patronales. On a le comité mixte, etc. Quel sera l'organisme qui sera
habilité à être consulté pour et au nom des artisans
devant l'OCQ ou à la table de l'OCQ lorsqu'on fera état et qu'on
discutera des bénéfices sociaux? Est-ce que ce sera une
association patronale? Probablement pas. Est-ce que ce seraient les
associations syndicales? Cela me surprendrait. Est-ce que le ministre croit ou
prétend qu'on aura éventuellement une association de travailleurs
artisans? Il pourra nous l'indiquer tout à l'heure dans sa
réplique.
M. le Président, ces gens seront régis par la Régie
des entrepreneurs en construction du Québec. Ils auront
évidemment l'obligation de détenir un permis. Ils auront
l'obligation évidemment de se soumettre à certaines normes
réglementaires, de caution, etc., et le seul organisme, la seule
entité juridique qui, dans la loi actuelle, est habilité à
exercer quelque contrôle que ce soit sur ce groupe de travailleurs, c'est
la Régie des entrepreneurs en construction. J'aimerais bien que le
ministre du Travail dans sa réplique je fais là le sens
d'une autre question nous dise comment la Régie des entrepreneurs
en construction pourra vraiment assumer l'obligation qui lui est faite avec
huit inspecteurs. C'est ce qu'ils sont dans le moment ou à peu
près. Ce n'est pas beaucoup plus que cela. On se rappellera les
problèmes invoqués à plusieurs reprises par l'Office de la
construction du Québec, lequel soutenait qu'avec une batterie d'une
centaine de personnes, il n'était pas capable de contrôler tout
cela, qu'il lui en échappait. Il y avait des braconniers de la
construction. On a déjà entendu ces termes. Pourtant, M. le
Président, l'Office de la construction du Québec est un organisme
quand même bien pourvu en termes financiers. C'est un organisme qui a sa
batterie d'inspecteurs, et Dieu sait qu'il y en a. Comment cela se
passera-t-il? Comment cela se déroulera-t-il? Comment cela ira-t-il
lorsque ces gens, lorsque les artisans seront régis uniquement par la
Régie des entrepreneurs en construction?
Il y a un autre aspect, M. le Président, eu égard aux
artisans, que je voudrais soulever ici. Les articles 26 et 27 du projet de loi
no 110 obligent l'artisan à obtenir un certificat de qualification pour
exercer un métier ou une profession déterminée comme
artisan. C'est bien beau; je l'ai dit au début que maintenant la seule
obligation qui était faite au travailleur artisan, c'était de
détenir un certificat de qualification; il n'est plus un salarié
mais on l'oblige quand même à détenir ce certificat de
qualification. Avant cela, M. le Président, l'organisme qui était
habilité je ne sais pas si vous avez vu cela dans la loi
à juger, à voir, constater et vérifier si ce travailleur
détenait vraiment son certificat de qualification, c'était
l'Office de la construction du Québec. Qui, à l'avenir je
voudrais que le ministre en prenne bonne note pourra déterminer
la qualification du travailleur artisan? Il n'est pas un salarié, il
n'est pas régi par l'OCQ sauf pour ses avantages sociaux; est-ce que la
Régie des entrepreneurs en construction qui est, somme toute, un
organisme de contrôle, surtout pour l'octroi du permis, le cautionnement,
tout cela, sera habilitée à juger, vérifier et voir si
tout est conforme en ce qui regarde la qualification de ce travailleur? C'est
possiblement un oubli dans le projet de loi no 110, mais je me dis que c'est
tellement grossier, c'est tellement évident, M. le Président, que
le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre ou ses collaborateurs auraient
dû en tenir compte.
M. le Président, j'ai abordé l'aspect du travailleur
artisan dans sa relation directe avec le consommateur, celui qui veut faire
faire des travaux ou des ouvrages à sa résidence ou autres. Aussi
surprenant que cela puisse paraître, M. le Président, ce
travailleur artisan je suis d'accord, d'ailleurs je vous ferai des
suggestions, je vous les transmettrai à vous en espérant et en
formulant le voeu que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre puisse les
entendre, parce qu'il sera toujours temps d'amender, de modifier ce projet de
loi; vous savez, on n'est pas sorti d'ici; Noël, c'est le 25, mais il
reste encore plusieurs jours d'ici le 25 décembre et, entre
parenthèses, on peut présumer que plusieurs jours de la semaine
prochaine seront consacrés à l'étude de ce projet de loi
110.
M. le Président, j'en étais à vous dire que je
souscris au principe voulant que le travailleur artisan... Qu'il y ait une
classe de travailleurs artisans et que ceux-ci puissent travailler directement
auprès du consommateur. Mais là, où j'ai
non seulement des hésitations, non seulement beaucoup de
réserves, mais où je me pose de sérieuses interrogations,
c'est lorsque le gouvernement, le ministre du Travail, nous dit dans un premier
temps: Ce travailleur ne sera plus un salarié; ce travailleur, on en
fait un groupe, une entité distincte de l'entité syndicale du
secteur de la construction; ce n'est pas un salarié. Jusque-là,
on peut le suivre. Ce n'est peut-être pas acceptable mais on peut le
suivre. Mais là où la surprise arrive, c'est lorsqu'on permet au
travailleur artisan d'aller travailler pour autrui pour un employeur
professionnel.
Cela veut donc dire que le travailleur artisan pourra, au lendemain de
l'adoption de la loi, aller passer quatre ou cinq mois dans la construction
résidentielle ou commerciale, à titre individuel, suite à
un contrat à forfait ou à un taux de salaire
négocié à rabais. Je dis à rabais et j'insiste bien
là-dessus. Je vous disais tout à l'heure, M. le
député de Prévost, M. le Président, qu'il y a un
danger de travail à rabais. Qu'arrivera-t-il quand une personne dans une
petite ville voudra se construire une maison et qu'il aura en
disponibilité dix travailleurs artisans? Qu'arrivera-t-il lorsque cette
même personne en aura besoin seulement de trois? Elle va négocier
et elle va dire: C'est bien dommage, un demande $5 l'heure, l'autre va le
négocier à $4.25. Ce n'est pas, quant à moi, ce qui peut
amener la paix sociale à laquelle le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre faisait référence tout à l'heure. Mais,
après ces trois ou quatre mois passés dans un contrat ou une
entente avec un individu, ce travailleur pourra aller travailler pour un
employeur professionnel. Première question qu'on doit se poser: Comment
le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre peut-il justifier son
règlement de placement, encore une fois, pour ce travailleur? Quand j'ai
vu cela, je me suis dit: Comment va-t-il faire compte tenu de l'application du
règlement de placement? On va demander à ce travailleur, parce
qu'il s'en va travailler pour un employeur professionnel, d'avoir des heures,
d'avoir une classification? Mais non, lorsque l'artisan ira travailler pour un
entrepreneur en construction, pour un employeur professionnel, il n'est pas
encore un salarié et puis il n'est pas soumis au règlement de
placement. Il ne sera pas soumis au règlement de placement. (23 h
50)
Cela veut donc dire que le règlement de placement n'est pas
seulement mis à l'écart; il est mis au rancart purement et
simplement. Vous pouvez présumer que tout le monde va devenir artisan,
tous les "B" et tous les "C", d'ici quelques mois. Il y a plusieurs
travailleurs du Québec, qui sont actuellement classés A sur leur
certificat de classification émis par l'OCQ depuis le 1er juillet
dernier, qui seront, même s'ils sont "A" cette année, artisans
l'année prochaine et ce, pour plusieurs motifs; il y a plusieurs
posibilités qui peuvent expliquer cet énoncé. Dans un
premier temps, il y a plusieurs travailleurs classés "A" actuellement
qui n'auront pas accumulé les 1000 heures exigées pour le
maintien de leur classification "A".
Il y en a, M. le Président, et ce sont des véritables
travailleurs de la construction notamment, pour utiliser un terme qu'on
utilisait antérieurement, mais qui semble être mis de
côté dans le langage du ministre du Travail. Il y a des gens qui
étaient A puis cette année; ils sont revenus de chantiers aussi
importants que la baie James avec 750 ou 800 heures et, l'année
prochaine, ils seront classés "B". Quel sera leur choix, à ce
moment? Il est bien simple, c'est gros comme la lune, ils vont partir et vont
s'en aller s'inscrire à la Régie des entrepreneurs en
construction, pour grossir le nombre des artisans, lequel pourra
négocier le taux de leur salaire le coût de cette main-d'oeuvre,
une vente à rabais soit à l'égard d'un individu ou encore
pour un employeur professionnel.
Là, M. le Président, si vous le pouviez, vous me poseriez
la question suivante: Lorsque l'artisan travaillera pour un employeur
professionnel, comment sera-t-il rémunéré? Il sera
rémunéré au taux du décret dans ce cas
spécifique. Oui, il y a aussi un autre élément que je
voulais vous signaler. Quand le ministre me parle de la paix sociale, je me
demande jusqu'où il peut être à même de voir,
d'appréhender ou de présumer l'application de ce projet de
loi.
Qu'est-ce qui arrivera dans le cas de certains employeurs professionnels
qui se verront offrir d'embaucher deux travailleurs classés "A" tous les
deux? C'est directement sous l'égide de la loi de la paix sociale si
chère au ministre du Travail. Si cet employeur professionnel n'est pas
intéressé, comme cela peut arriver dans certains cas et ce pour
plusieurs motifs, s'il n'est pas intéressé à avoir un
travailleur affilié à une centrale syndicale donnée
cela s'est déjà vu et cela peut arriver qu'est-ce que
l'employeur professionnel va faire? Il va se retourner de bord et il va dire
non aux personnes qui sont pourtant classées "A", qui sont pourtant de
véritables travailleurs de la construction, selon le minnistre du
Travail, et il va embaucher des artisans.
J'en étais à vous dire que ce travailleur...
M. Duhaime: M. le Président...
Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire
adjoint.
M. Duhaime: ... je voudrais m'excuser auprès de mon
collègue de Portneuf, mais dans un souci de collaboration, nous serions
prêts à offrir tout de suite notre consentement puisqu'il
lui reste 22 minutes ou 27 minutes à parler pour...
Des Voix: Non, non, non.
M. Pagé: Ce n'est pas le cas, il ne me reste pas 27
minutes, il m'en reste 33.
M. Duhaime: M. le Président, si vous me le permettez, je
vais terminer ma question de règlement.
M. Pagé: C'était mon commentaire. Le
deuxième commentaire est que j'accepte volontiers de demander la
suspension du débat...
M. Duhaime: Si vous le permettez, M. le Président...
Le Vice-Président: Je dois constater, en toute
impartialité, qu'il n'y a pas consentement pour dépasser... Il a
été refusé.
M. Johnson: M. le Président, sur cette question. En fait,
mon collègue, le leader, étant donné que nous approchons
de minuit on a déjà siégé jusqu'à 3
heures offrait le consentement du gouvernement au député
de Portneuf pour qu'il puisse, dans les 27 minutres qui lui restent,
dépasser minuit.
Des Voix: Non, non!
M. Bellemare: Pour aucune considération, M. le
Président, en vertu du règlement, c'est minuit samedi matin.
M. Johnson: ... mais, si je comprends bien, c'est le
député de Portneuf qui refuse le consentement, qui ne veut pas
continuer ce soir; c'est dommage.
Le Président: M. le leader parlementaire adjoint, M. le
député de Roberval, un moment s'il vous plaît!
J'avais prévu le problème qui pourrait se poser et je vous
dis qu'à minuit, de toute manière, s'il n'y a pas consentement,
nous sommes obligés d'ajourner les travaux de la Chambre.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Avant de demander la suspension du débat,
j'aimerais que vous confirmiez effectivement... Je comprends que le ministre du
Travail peut être nerveux, désireux que cela passe; mais le
ministre du Travail à ma connaissance... Et là, c'est sur une
question de règlement, ce n'était pas dans mon temps, j'aimerais
que vous me disiez combien il me restait de temps avant d'être interrompu
de façon aussi cavalière par le député de
Saint-Maurice.
Le Président: On m'informe, M. le député de
Portneuf, que vous avez commencé à 11 h 22.
M. Pagé: Si vous me permettez, je ne veux pas en faire une
question de débat, on est à une minute de l'ajournement.
L'un des éléments qui m'ont un peu dérangé
dans mon intervention de ce soir, c'est que l'horloge semblait se promener.
Vous avez été conscient vous aussi que l'horloge s'est
arrêtée à 10 h 45, a marqué 11 h 10, a reculé
à 11 h 5 et a recommencé à 11 h 7. Pendant mon
intervention, M. le Président, j'ai l'impression qu'il y a eu un
problème d'horloge et, selon ma montre, c'est 33 minutes qu'il me
reste.
Le Président: M. le député de Portneuf, j'ai
le sentiment que, de temps en temps, vous vous croyez au forum de
Montréal. L'horloge, durant votre intervention, s'est promenée,
c'est vrai, mais de façon très régulière.
Je prends note que vous avez demandé l'ajournement du
débat. M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.
M. Duhaime: Avant l'ajournement, M. le Président, je veux
tout simplement rappeler à mes collègues qu'il est dommage qu'on
ait refusé notre proposition, cela aurait pu être le
deuxième film du vendredi soir. Simplement pour rappeler que, lundi
matin je ne fais pas de motion, je donne un rappel tout simplement, par
courtoisie pour mes collègues au salon rouge, la commission de
l'agriculture, à 10 heures; au 81-A, la commission travaille sur le
projet de loi 114, et la commission permanente du revenu pour étudier la
série de lois adoptées cette semaine, dont, entre autres, 67, 51
et 65, et je souhaite à tous mes collègues une bonne nuit.
Le Président: M. le leader parlementaire. M. Duhaime:
... les travaux à lundi, 14 heures.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux
à lundi, 14 heures. Pas seulement bonne nuit, mais bonne fin de
semaine.
Fin de la séance à 23 h 59