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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 15 décembre 1978 - Vol. 20 N° 93

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. M. le ministre des Finances.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport sur l'évaluation des actions de l'Asbestos Corporation

M. Parizeau: M. le Président, permettez-moi de déposer le rapport de la Société Kidder, Peabody au sujet de l'évaluation des actions de l'Asbestos Corporation. J'ai fait enlever, cependant, la section comportant la liste des actionnaires minoritaires qui, si nous l'avions laissée dans ce document, aurait contrevenu à l'article 21 de la Loi sur la corporation commerciale canadienne.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre d'Etat au développement économique.

Deux documents de l'OPDQ

M. Landry: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer deux documents, le premier étant intitulé Les sièges sociaux et l'emploi au Québec et le second étant intitulé La rémunération des cadres, une application aux sièges sociaux.

Le Président: Documents déposés. M. le ministre des Terres et Forêts.

Rapport du ministère des Terres et Forêts

M. Bérubé: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport annuel du ministère des Terres et Forêts pour l'année 1977-1978. (10 h 10)

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues. Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article f) du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 31 Première lecture

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales propose la première lecture du projet de loi no 31 Loi sur la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris bénéficiaires de la Convention de la baie James.

M. le ministre des Affaires sociales.

M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, je pense qu'il s'agit d'un projet de loi qui ne suscitera aucune contestation, qui n'amènera probablement pas de demande de tenue d'une commission parlementaire. C'est un projet de loi qui est déposé ce matin dans des circonstances heureuses puisque, comme vous le savez, le gouvernement est en discussion d'amitié avec les Indiens du Québec.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Ce projet de loi, M. le Président, a pour objet de mettre en application le chapitre 30 de la Convention de la baie James et du Nord québécois signée le 11 novembre 1975 et entrée en vigueur dans son entier le 11 octobre 1977. Le projet de loi crée un programme de sécurité du revenu fournissant aux piégeurs et chasseurs cris, une garantie de revenu et d'autres mesures d'incitation à se consacrer aux activités d'exploitation comme mode de vie. Des prestations seront versées à des unités de bénéficiaires qui seront admissibles dépendamment entre autre condition du temp passé à chasser, pêcher et piéger de façon traditionnelle et à exercer des activités accessoires. Le projet de loi crée aussi un organisme appelé Office de la sécurité du revenu des chasseurs, des pêcheurs et des piégeurs cris.

L'office finalement se composera de six membres dont trois seront nommés et rémunérés par le gouvernement, et trois autres seront nommés et rémunérés par l'administration régionale crie. Le président et le vice-président seront désignés alternativement par le gouvernement et l'administration régionale crie. Cet organisme sera chargé de la gestion du programme de sécurité du revenu des chasseurs et des piégeurs cris.

Le Président: Merci. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Article m) du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 124 Première lecture

Le Président: Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières

propose la première lecture du projet de loi no 124 Loi concernant l'acquisition d'actions de certaines sociétés de prêts hypothécaires. Mme le ministre.

Mme Lise Payette

Mme Payette: M. le Président, le présent projet de loi a pour but, dans la mesure qui y est prévue, de soumettre à l'autorisation du ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières l'acquisition d'actions de certaines sociétés de prêts hypothécaires.

Le présent projet de loi prévoit une autorisation analogue pour de telles sociétés, lorsqu'elles entendent disposer de créances hypothécaires en dehors du cours normal de leurs affaires. Le présent projet de loi affecte, à compter du 6 décembre 1978, les opérations qui y sont visées.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Une Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Charron: M. le Président, je crois qu'il serait, mais très brièvement, opportun de signaler ce sur quoi les leaders parlementaires des différents partis se sont entendus, hier, concernant le projet de loi qui vient à l'instant d'être déposé. Au cours de la matinée, maintenant qu'il sera officiellement remis dans quelques secondes aux partis d'Opposition, ceux-ci prendront en considération le contenu du projet de loi et m'aviseront s'il sera nécessaire pour moi de faire motion lundi prochain afin de suspendre, selon l'article 84.2 de notre règlement, certaines dispositions de notre règlement pour adopter ce projet de loi qui a pour nous, et je pense pour bien des gens, un caractère d'urgence. Sinon, s'il n'est pas litigieux à ce point et que nous pouvons fonctionner par consentement unanime, la motion deviendra inutile. J'en avertis la Chambre, c'est dans la journée de mardi que j'entends appeler ce projet de loi, précédé d'une motion ou pas.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: Le chef parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): On comprendra que nous n'avons pas pris connaissance du projet de loi. Il est évident que nous devrons le lire et porter un jugement. C'est seulement à la suite de cela que nous pourrons donner notre réaction au leader parlementaire du gouvernement.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: M. le Président, tel que nous avons convenu hier — et c'est le député de Beauce-Sud, je pense, qui a eu la note la plus juste sur ce projet de loi — si cela concerne seulement un cas spécifique, je pense que nous n aurons pas d'objection, mais, si cela couvre tout ce qui s'appelle prêts hypotécaires ou d'autres de corporations, là ce sera différent. Nous allons le lire d'abord, et je répète ce qu'a dit hier le député de Beauce-Sud à notre réunion, que, si c'est pour couvrir un cas spécifique, nous n'aurons pas d'objection.

M. Charron: La réponse, M. le Président, les députés, comme j'ai essayé hier de leur expliquer, étant moi-même au courant du contenu du projet de loi, l'ont au paragraphe d) de l'article 1.

Le Président: Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. Charron: M. le Président, je m'excuse, au nom du gouvernement, je ne sais pas s'il serait opportun de solliciter à nouveau le consentement pour que la Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante puisse être déposée ce matin.

M. Bellemare: Je comprends, M. le Président, qu'hier il y a eu certaines objections que j'ai pu voir à la tv à 20 heures. Notre consentement pourrait être retardé à cet après-midi. 15 heures.

M. Charron: La même chose pour les collègues? Il y a consentement pour qu on le fasse plutôt à 15 heures cet après-midi?

M. Levesque (Bonaventure): Nous ferons connaître notre point de vue avant la fin de la séance.

M. Charron: Merci.

Le Président: Présentation de projets de loi au nom des députés. Période de questions orales.

M. le chef parlementaire de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Expropriation des actifs de l'Asbestos Corporation

M. Levesque (Bonaventure): Ma question s adresse à I'honorable premier ministre. Le premier ministre étant retenu ailleurs, hier soir, il est sans doute quand même au courant que le ministre des Finances a fait une déclaration ministérielle, vers 20 heures, relativement à des menaces d'expropriation d'Asbestos Corporation ou des actifs ou d'une partie des actifs d'Asbestos Corporation. La déclaration a surtout consisté en un historique des prétendues négociations entre General Dynamics et le gouvernement du Québec.

Cette société déclarait hier qu'elle n'avait pas eu de proposition ferme du gouvernement du Québec et le ministre des Finances a laissé entendre que le gouvernement déposerait ce matin, en première lecture, des amendements à la Loi de la Société nationale de l'amiante qui permettraient l'expropriation par le gouvernement des actifs de l'Asbestos Corporation. Evidemment, on ne connaît pas, avec tout cela, les intentions véritables du gouvernement. Je demande donc au chef du gouvernement de faire connaître à cette Assemblée les intentions véritables de son gouvernement.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): II y a déjà bien des mois qu'a été annoncée officiellement, et maintenue dans bon nombre de réitérations, la ferme intention du gouvernement d'entrer de plain-pied, au nom de la population québécoise, dans un secteur où c'est le Québec qui est le premier producteur au monde, mais où il n'a jamais eu de participation sauf celle qui consiste à faire des trous et, dans l'ensemble, à expédier la fibre à l'étranger.

Dans le but d'acquérir la part normale de propriété qu'un peuple doit avoir sur ses ressources, surtout dans une situation privilégiée de premier producteur au monde comme celle-là, et aussi pour multiplier le plus vite possible les emplois de transformation qui ont toujours manqué au Québec, dont on a toujours privé le Québec, il était entendu, depuis des mois, que, par voie d'acquisition négociée ou, au besoin, par voie d'expropriation des actifs, la société Asbestos entrerait dans le giron de l'économie québécoise contrôlée par les Québécois. (10 h 20)

II n'y a pas eu de négociations, peut-être, au sens où on discute de dollars et de cents directement, mais il y en a eu au sens où, après des mois et des mois dévaluation, de part et d'autre, le chiffre établi par les évaluateurs — deux maisons d'ailleurs américaines qui se faisaient face — du gouvernement du Québec s'établissait, en vue d'une acquisition, autour de $40 ou un peu plus l'action. Les journaux ont dit très clairement, répétant ce qui a déjà été dit à quelques reprises ici en rapport d'étape, que l'évaluation, à notre avis, délirante qui a été faite, paraît-il, de l'autre côté, ne permettait pas aux parties de se rapprocher pour des négociations qui auraient été détaillées à une table. Jusqu'à la dernière minute, General Dynamics, le principal actionnaire, l'actionnaire majoritaire — je pense que le ministre des Finances a évoqué un échange de messages à ce point de vue là avec un des dirigeants de General Dynamics, hier même — donc, jusqu'à la dernière minute, dis-je, General Dynamics a refusé de considérer même les chiffres qui avaient été établis de notre côté.

A partir de là, il n'y a qu'une chose à faire, c'est signifier clairement que s'il le faut, et je le répète, s'il le faut... Il n'est pas question de bulldozer le passage d'un projet de loi, mais ce projet de loi existe — avec consentement il pourrait être déposé aujourd'hui, sinon au début de la semaine — pour signifier clairement que l'intention du gouvernement n'a pas changé, que les objectifs demeurent les mêmes et que, si les parties ne doivent pas s entendre en négociations, alors, éventuellement, cela ira aux arbitrages qui doivent être prévus.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Nous avons eu droit à un autre rappel historique plus ou moins complet. Nous avons eu droit également à une sorte d'approche philosophique du premier ministre sur cette question. Mais la question que je posais était très simple: Quelles sont les intentions véritables du gouvernement et pourquoi apporter, à ce moment-ci, un tel projet de loi? Est-ce que c'est simplement pour ajouter au dossier? Le premier ministre se rend-il compte qu'on utilise le processus législatif simplement pour ajouter un autre élément à cet étapisme qui a pour principale conséquence de favoriser depuis le début une spéculation injustifiable?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dirai simplement au député de Bonaventure qu'il ne s'agit pas là d'une approche philosophique, mais qui serait — comme le laisse entendre un peu le député de Bonaventure — dans les nuages. Ce n est pas une approche philosophique, c'est une approche très, très concrète et québécoise surtout, parce qu'il faut que cela se fasse. Vous savez quand la Saskatchewan — qui est dans un contexte analogue à celui du Québec — a décidé qu'il fallait, au nom des citoyens de la province de la Saskatchewan, entrer dans le domaine de la potasse, qui est un domaine clef de leurs ressources, ils ont présenté une loi. Cette loi s'est appliquée et, aujourd'hui, la Saskatchewan profite, sur tous les plans qui lui étaient inaccessibles auparavant, de cette production de richesses naturelles. La même chose, quoi qu'il arrive, va arriver au Québec dans le domaine de l'amiante et ce n'est pas un jeu. Si par hasard les opinions changent de l'autre côté, on verra, mais si elles ne changent pas, il y aura expropriation et le Québec entrera de plain-pied, comme propriétaire et transformateur, dans le domaine de l'amiante.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, tout d'abord, je ferai remarquer au premier ministre que ce genre d'approches explique les titres qu'il y a ce matin dans le Devoir, on voit bien: Québec exproprie la Société Asbestos. Dans la Gazette: Québec to buy mining firm. Je demande au premier ministre, pourquoi — il n'a pas encore répondu à cette question très simple — pourquoi une déclaration ministérielle hier soir par le minis-

tre des Finances, à une heure qui n'était pas prévue? Quand on connaît notre règlement, les déclarations doivent avoir lieu à dix heures le matin. Est-ce qu'on aurait des remords de dernière heure sur la spéculation, alors que cela fait au-delà d'un an que le placotage gouvernemental fait passer les actions de $20 à $50? Premièrement.

Deuxièmement, pourquoi annonce-t-on le dépôt en première lecture d'un projet de l'expropriation, ce matin, alors que, d'après les paroles du premier ministre et ce que nous avons compris de la déclaration ministérielle d'hier soir, le gouvernement n'a pas l'intention, au cours de la présente session, de voir à l'adoption de ce projet de loi. Le leader parlementaire du gouvernement a demandé à l'Opposition il y a quelques instants...

Une Voix: Question.

M. Levesque (Bonaventure): N'est-il pas vrai que le leader parlementaire du gouvernement a demandé tout à l'heure le consentement unanime pour éviter d'avoir à attendre à lundi pour le dépôt en première lecture, ou l'utilisation d'une règle de procédure? Pourquoi cela? Pourquoi est-ce que l'on veut absolument déposer en première lecture un projet de loi qu'on ne veut pas avoir adopter au cours de la présente session?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): La raison est très simple, M. le Président. Pour ce qui est du projet de loi, pourvu que ce soit avant l'ajournement de la session, il faut qu'il soit déposé pour marquer la ferme intention, encore une fois, du Québec de procéder par voie d'expropriation si c'est nécessaire.

Une Voix: Ou chantage.

M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas du chantage. C'est simplement de façon à réitérer l'intention du gouvernement du Québec que si, de façon équitable, cela ne peut pas se régler, cela se réglera par les voies normales de l'expropriation. En tant que Québécois, je ne vois pas d'autres façons de procéder.

Deuxièmement, pour ce qui est de la spéculation, c'est évident que depuis des mois, puisqu'il fallait procéder laborieusement, et là encore équitablement, à des évaluations complètes, cela ne pouvait pas ne pas se savoir. Un gouvernement ne peut pas faire des "take-over" comme certains milieux financiers. Je pense que tout le monde sait cela. Alors, il y avait le risque que des gens jouent à la Bourse. Cela n'a, ni de près ni de loin — c'est le droit des citoyens qui veulent jouer à la Bourse — de relations, quelles qu'elles soient — on le voit dans les évaluations — avec le prix, encore une fois équitable, qu'on a demandé aux évalua-teurs, de notre côté, de fixer.

Maintenant, pour ce qui est du moment, ce matin ou plus tard, mais ce matin possiblement, où le projet de loi serait déposé en première lecture, il y a des raisons que peut vous donner le ministre des Finances.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, on se souviendra que la semaine dernière le député de Saint-Laurent me rappelait l'échéance qui avait déjà été annoncée que d'ici la fin de 1978 — si je me souviens bien, c'est lui-même qui me le rappelait — le gouvernement ferait le point de toute cette question et en tirerait les conséquences. Je lui avais promis que cette semaine, justement, je ferais le point de la question.

Faire le point de la question et en arriver à la conclusion à laquelle nous en sommes arrivés, normalement si on veut être corrects à l'égard de la Bourse et éviter, dans le sens de ce que disait le chef de l'Opposition officielle tout à l'heure, des spéculations inutiles, il vaut mieux faire cela quand la Bourse est fermée.

Il ne faut pas voir de sombres desseins au fait que cela a été fait à 20 heures hier soir. Cela aurait pu. je l'admets, être fait vers 17 heures de l'après-midi aussi, mais cela aurait été tout aussi différent de nos usages ou de nos habitudes.

Le Président: M. le député de DArcy McGee. M. Goldbloom: M. le Président...

M. Brochu: Question additionnelle.

Le Président: Question additionnelle. M. le député de Richmond. Dernière additionnelle là-dessus.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Une dernière question additionnelle au premier ministre à ce sujet. Il semble qu'il existe passablement de confusion autour de toute la question des négociations. A différentes reprises, le gouvernement a annoncé que ce dossier des négociations était ouvert avec l'entreprise.

Or. dans le journal Le Devoir du 15 décembre, il est indiqué ce qui suit: II n'y a eu jusqu'ici aucune offre et aucune négociation de n'importe quelle sorte, précise le communiqué. Le gouvernement québécois n'a fait aucune offre, formelle ou informelle, pour les actions Asbestos détenues par General Dynamics' . Je pense que c est une question passablement importante. J'aimerais que le premier ministre clarifie ce point-là. A un moment donné, on annonce qu'il y a négociation et on nous dit ici qu'il n'y a eu absolument aucune offre ferme, formelle ou informelle, fait de la part du gouvernement. Est-ce exact, oui ou non? Deuxièmement, si c est exact, quelle est la stratégie et quel est au juste le but que poursuit le gouvernement par un dossier aussi confus que celui-là? (10 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Le but. M. le Président, est très simple. Il ne s'agit pas, je pense, pour

nous, dans l'intérêt du Québec, de payer des prix exorbitants ni, à l'autre extrême, de payer des prix inéquitables. Formel et informel, ce sont des adjectifs relativement subjectifs. Il a été évoqué, je pense, assez clairement que les deux maisons d'évaluation ont confronté leurs chiffres, que jamais General Dynamics, tout le long du chemin, n'a signifié, ni formellement ni informellement, quelle était prête à négocier sur la base de chiffres qui nous paraissent équitables et qui sont ceux qui ont été établis par la maison Kidder, Peabody après des mois et des mois de travail. Jusqu'à la toute dernière minute, par un échange de messages que le ministre des Finances a eu avec la compagnie, il a été clairement établi quelle n'était pas prête à négocier. On voit où se trouve l'endroit pour négocier, quant à nous. Elle n était pas prête à négocier sur cette base. Alors, que reste-t-il à faire?

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

Enfouissement sanitaire à

Saint-Philippe-de-Néri

M. Goldbloom: M. le Président, j'espère que le ministre délégué à l'environnement a aiguisé ses patins ce matin parce que je vais l'amener sur un terrain glissant, lequel se situe dans le comté de Kamouraska.

Le ministre peut-il expliquer à cette Chambre les faits suivants? L'article 404c du Code municipal permet à un conseil de comté, à la demande d'au moins les deux tiers des municipalités membres, de se rendre responsable de l'élimination des déchets sur tout son territoire. Or, le conseil de comté de Kamouraska a adopté son règlement no 136 et ce règlement a été approuvé par 14 des 18 municipalités membres. Parmi les quatre qui n ont pas approuvé le règlement se trouvait Saint-Philippe-de-Néri.

Le 13 novembre, le ministre a envoyé une lettre au conseil de comté approuvant ledit règlement et, apparemment, la commission municipale du Québec a également approuvé ledit règlement. Or. 19 jours plus tard, le même ministre a envoyé une ordonnance au conseil de comté lui donnant la directive d'envoyer les déchets de tout le comté à Saint-Philippe-de-Néri. Est-ce que le ministre peut expliquer son changement d'attitude dans l'espace de 19 jours?

Le Président: M. le ministre délégué à l'environnement.

M. Léger: M. le Président, je vais simplement prendre avis de la question dans le but de donner une réponse précise, concrète qui tient compte de l'ensemble du dossier qui est assez complexe. Si le député m'avait prévenu de sa question, j'aurais pu apporter des éclaircissements précis aujourd'hui, mais, comme c'est complexe, je prends avis de la question et j'apporterai possiblement lundi une réponse claire et précise.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, quand le ministre ouvrira le dossier, pourrait-il aussi vérifier à qui appartient le terrain dans Saint-Philippe-de-Néri et quel a été le prix qui a été payé pour ce terrain? Et pourrait-il expliquer à cette Chambre pourquoi, par une ordonnance, il a placé le conseil de comté de Kamouraska à la merci d'une municipalité qui n'avait pas signé l'entente, qui n'avait pas approuvé le règlement du conseil de comté?

Le Président: M. le ministre délégué à l'environnement.

M. Léger: M. le Président, je vais simplement vérifier tous ces aspects du dossier. Le seul point que je pourrais ajouter aujourd'hui, c'est que nécessairement il y avait déjà eu, avant la réunion du conseil de comté, une ordonnance pour demander à la municipalité de Saint-Philippe-de-Néri de se préoccuper d'avoir un site d'enfouissement sanitaire pour qu'en même temps on puisse fermer les dépotoirs de la région. Il y avait déjà un geste qui avait été posé pour demander à cette municipalité de le faire. Par la suite, les événements se sont précipités. Je préfère regarder le dossier dans son entier et donner les réponses au député lundi.

Le Président: M. le député de Berthier.

M. Mercier: Est-ce que le ministre de l'environnement pourrait vérifier également par la même occasion, pour des municipalités qui ont reçu des ordonnances de fermeture de dépotoirs pour le 1er décembre 1978, les possibilités techniques de fermer les dépotoirs en hiver?

Le Président: M. le ministre délégué à l'environnement.

M. Léger: D'accord, M. le Président.

M. Bellemare: Est-ce que le ministre pourrait regarder aussi l'imbroglio qui existe au Cap-de-la-Madeleine pour le dépôt des déchets à Saint-Louis-de-France?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale!

M. Léger: M. le Président, je vais en profiter pour regarder cela, mais je tiens à dire quand même que, dans le cas du Cap-de-la-Madeleine et du site qui est possible à Saint-Louis-de-France, il faut tenir compte que la plupart, la quasi-totalité des municipalités voudraient aller à Saint-Louis-de-France, alors que Saint-Louis-de-France peut-être ne le désire pas. Nécessairement, un peu comme la chanson, tout le monde veut aller au ciel et personne ne veut mourir, tout le monde

veut se débarrasser des déchets pourvu qu'ils ne soient pas chez lui.

M. Dubois: M. le Président...

M. Charron: Le ministre des Affaires sociales et le ministre des Transports auraient des questions additionnelles.

Le Président: M. le député de Huntingdon. Présumée entente avec l'UPA

M. Dubois: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Le ministre de l'Agriculture est certainement conscient des graves accusations qui ont été portées ces jours derniers par le regroupement des cultivateurs, par l'Association des producteurs d'oeufs du Québec, par l'Office des producteurs de porcs et par l'Association des meuniers concernant des présumées tractations entre le ministre et les dirigeants de l'UPA en vue de faire accepter par l'UPA la loi 90. M. le Président, c'est la raison pour laquelle des groupes demandent la démission immédiate du ministre de l'Agriculture.

Donc, compte tenu de l'importance des groupements en cause, compte tenu du besoin de confiance absolue du monde agricole envers son ministre, je vais demander au ministre s'il peut de son siège affirmer à l'Assemblée nationale qu'il n'a pas tenté, en introduisant le projet de loi 116, d'acheter l'appui des dirigeants syndicaux de l'UPA.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, j'ai déjà fait mon discours de deuxième lecture sur le projet de loi no 116. C'est à la suite d'un jugement de la Cour suprême du 19 janvier, à la suite d'un référé de l'Ontario du 19 janvier 1978 que nous avons dû présenter ce projet de loi. Nous sommes la cinquième province au Canada à le faire, après l'Ontario qui a adopté une loi semblable, après le Nouveau-Brunswick qui l'a adoptée, la Colombie-Britannique et le Manitoba qui l'ont déposée. Le Québec en dépose un et les autres provinces sont en train d'étudier la possibilité d'adopter un projet de loi semblable, parce qu'il y a eu une décision de la Cour suprême du Canada qui a renversé la décision, à toutes fins utiles, qui était suivie depuis 1933 dans la cause Crystal Dairy, qui considérait des prélèvements comme taxes indirectes, qui, dans cette cause, change sa décision, comme je l'ai cité en me référant au jugement du juge Bora Laskin.

M. le Président, c'est une question extrêmement importante, le projet de loi no 116, et ceux qui en empêcheront son adoption avant Noël en porteront les conséquences qui pourront être terribles pour le monde agricole.

Le Président: M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Au-delà des affirmations du ministre, je voudrais lui demander s'il est conscient que le projet de loi no 116 va à l'encontre de tous les principes sacrés du syndicalisme puisqu'il fait de l'unité syndicale, l'UPA, une entreprise financière possédant d'importants pouvoirs de coercition sur ses membres. Le ministre n'est-il pas d'avis qu'en soutenant un syndicat unique en agriculture il soutient un monopole syndical avec des pouvoirs économiques exorbitants et nie ainsi tout droit à la dissidence?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, je ne fais que respecter les lois qui ont été adoptées par d'autres à l'Assemblée nationale avant moi, avant que nous siégions. La loi 64, par exemple, la Loi constituant le syndicalisme, n'a pas été adoptée par le gouvernement actuel. On respecte les lois existantes.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: M. le Président, le ministre a prononcé certains jugements contre ceux qui s'étaient opposés à la réunion des leaders, hier, pour l'adoption avant Noël de ce projet de loi. Nous avons dit au ministre hier, au leader du gouvernement, que nous n'avons pas d'objection à l'étudier, mais plus à fond, parce que c'est une loi contentieuse. Nous avons fait remarquer au leader que le jugement était sorti depuis très longtemps et que le projet de loi est arrivé juste au dernier moment, après la loi 90. Nous y avons vu de la collusion quelque part.

M. Brochu: M. le Président, une question additionnelle.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Brochu: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: II faut dire que le jugement de la Cour suprême n'est sorti que le 18 octobre. Avant que nous l'ayons reçu, que nous l'ayons étudié et présenté — regardez les dates des dépôts — à moins qu'il y ait eu collusion avec la Cour suprême en même temps...

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, question additionnelle au ministre de l'Agriculture. Il y a un volet de la question du député de Huntingdon auquel le ministre n'a pas répondu et auquel il serait important qu'il réponde pour clarifier la situation. (10 h 40)

Est-ce que, oui ou non, les rumeurs qui circulent à l'effet qu'il y aurait eu entente entre

quelques dirigeants de l'UPA et le ministre pour que, d'un côté, l'UPA ne dise pas un mot par rapport à la loi du zonage agricole et que le ministre, de son côté, adopte la loi 116 pour leur donner un monopole? Est-ce exact qu'il y a eu des tractations, des collusions ou des ententes de ce côté, oui ou non? Est-ce que le ministre peut nous dire oui ou non, de son siège de député?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Je peux vous dire de mon siège qu'il n'y a eu aucune tractation; il n'y a aucune relation entre la loi 116 et la loi 90 sur la protection du territoire agricole. Dans son jugement de la Cour suprême, le juge Laskin dit ceci, et je vais le citer en anglais parce qu'il l'a écrit en anglais. Après avoir dit qu'il y avait des dispositions, il dit: "In the result, I would hold that section 2, paragraph 2 — alinéa, je ne sais pas comment on dit cela en anglais — alinéa A of the Agricultural Products Marketing Act is ultra vires of the Parliament of Canada ".

Regardez bien ce qu'il dit après: "This result is not however catastrophic". Il dit que ce résultat n'est pas catastrophique, mais à une condition. "Because it is left to the provincial Legislature to deal with... including provision for adjustment levies in the context of their valid legislation in relation to interprovincial marketing'. Il dit en réalité: Le résultat auquel on arrive en Cour suprême n'est pas catastrophique à la condition que les provinces légifèrent. Je ne sais pas si vous comprenez. Ce n'est pas moi qui ai fait dire cela au juge Laskin, c'est là-dedans. Il a fait cela le 18 octobre; le plus rapidement possible on a préparé des lois et il y en a deux qui en ont déjà adoptées, il y en a deux qui en ont déposées et nous sommes une autre province qui le propose. Les autres provinces vont suivre. Si elles n'en ont pas déjà déposé, elles pourront les déposer à l'autre...

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Une question additionnelle au ministre. Le ministre réalise-t-il qu'en déposant son projet de loi no 116, pour soi-disant couvrir les failles ouvertes par le jugement de la Cour suprême, il accule à la faillite un grand nombre de petits producteurs agricoles québécois?

M. Bellemare: C'est vrai.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: II y a eu un plan conjoint dans le domaine des oeufs, un plan qui a été voté à plus de 90%. Des prélevés ont été fixés dans ces conditions, des gens les ont respectés, mais il y en a un petit nombre qui ne les ont pas respectés. A moins qu'on soit contre un vote à 90%, cela doit s'appliquer à l'ensemble des gens comme c'est spécifié dans les lois.

Ou bien les plans conjoints sont sérieux ou bien ils ne sont pas sérieux. S'ils sont sérieux, quand ils sont adoptés, ils doivent s'appliquer et on doit prendre les mesures pour qu'ils s'appliquent, ou bien ils ne sont pas sérieux et on abolit les plans conjoints. C'est l'un ou l'autre.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

Caisses d'épargne et de crédit

M. Roy: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à l'honorable ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Le 21 juin dernier a été adopté en troisième lecture à l'Assemblée nationale le projet de loi no 46, Loi modifiant la Loi des caisses d'épargne et de crédit et la Loi des caisses d'entraide économique. Lors de l'adoption de cette loi, j'avais exprimé certaines réserves concernant le danger qu'il y aurait de forcer un mouvement en vue de faire transférer les parts sociales des caisses populaires dans d'autres formes d'épargne à l'intérieur des caisses. J'ai été informé il y a quelque temps que le mouvement était déjà amorcé et il y a une confirmation ce matin, par la voie d'un quotidien de Québec, qu'il y a effectivement quelque chose qui se fait dans ce sens.

J'aimerais demander au ministre, étant donné que tout cela va modifier l'équilibre financier des caisses populaires, puisque la part est demeurée à $5 — même au début des années trente, la part était de $5 et elle l'est encore alors que le volume des éparnes ne se compare pas — si son ministère a évalué l'impact d'une telle situation et ce que cela pourrait avoir comme conséquences pour l'expansion, le développement et la sécurité du mouvement des caisses populaires et des caisses d'épargne et de crédit en général.

Le Président: Mme le ministre des Institutions financières.

Mme Payette: Je dois vous dire qu'au moment où nous avons présenté la loi 46, avant son adoption, nous avions passé des mois en consultation avec les différentes fédérations pour en arriver à une entente contenue à l'intérieur de la loi 46. Il y a certaines difficultés qui ont été portées à notre attention depuis l'adoption de la loi 46.

Nous continuons de discuter avec les principaux intéressés et il faut comprendre que les principaux intéressés, en l'occurrence, en ce qui concerne le ministre, sont les fédérations. Nous continuons de discuter avec ces fédérations et, s'il y a lieu, nous interviendrons le moment venu.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Question additionnelle, M. le Président. Il y a aussi un deuxième volet. Les gens qui ont souscrit du capital social dans les caisses peuvent bénéficier d'une assurance-vie, et pour bénéficier à 100% de l'assurance, il faut que le capital social soit souscrit avant l'âge de 55 ans. Pour ceux qui souscrivent après 60 ans, il y a seulement 50% qui est assuré et, après 65 ans,

25%. J'aimerais demander au ministre, considérant qu à ce moment-là il s'agit de protéger le consommateur, l'épargnant québécois, si le ministère a l'intention de prendre les dispositions qui s'imposent afin que les personnes qui bénéficiaient de cette assurance-vie, une assurance-vie très peu dispendieuse, une assurance-vie minime, fournie par le mouvement, si le ministère, dis-je, a évalué cette situation, d'abord, et s'il entend prendre les mesures qui s'imposent pour que les consommateurs épargnants assurés soient protégés.

Le Président: Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, le députe de Beauce-Sud sait parfaitement que nous nous acheminons vers une réforme complète de la Loi des caisses d'épargne et de crédit. Je pense qu à ce moment-là nous pourrons discuter de tous ces sujets.

M. Roy: M. le Président, une toute dernière question additionnelle. En attendant la réforme complète, parce que cela fait longtemps que j entends parler de réforme complète, à l'Assemblée nationale — on en a eu un échantillon hier soir, je devrais dire cette nuit, vers ce matin, et cela n'a pas été une réforme complète — il y a un problème qui se pose aujourd'hui, il y a un problème qui va se poser après le 1er janvier parce que les caisses populaires terminent leur année financière au 31 décembre. Il y aura toute une série d'assemblées générales dans les premiers mois de I année. J'aimerais demander, immédiatement, à ce moment-ci, qu'est-ce que le ministre des Institutions financières est en mesure de nous dire à ce sujet-là.

Le Président: Mme le ministre des Institutions financières.

Mme Payette: Je veux bien voir de façon immédiate s'il y a quelque chose à faire, mais le député doit reconnaître que quand je parle de réforme complète d'une loi, en général, jusqu'à maintenant, j'ai tenu mes engagements et je pense pouvoir le faire dans ce cas comme dans les autres!

Le Président: M. le député de Saint-Louis.

Demande d'achat d'immeubles appartenant à la SCHL

M. Blank: M. le Président, j'ai une question à poser au premier ministre concernant son comté. Dans son comté, il y a des groupes de locataires regroupés en coopératives qui veulent acheter une partie des immeubles de la Société centrale d'hypothèques et de logement. A cause de la loi no 96 adoptée l'an dernier, ils n'en ont pas le droit. Ils doivent acheter les immeubles en bloc, sauf qu ils ont fait des arrangements avec la Société centrale d'hypothèques et de logement pour en acheter une partie avant la fin de cette année. Ils ont communiqué avec le bureau du premier ministre, particulièrement la Coopérative des Habitations des Saules qui a envoyé un télégramme le 21 novembre et, subséquemment, le secrétaire du premier ministre, M. Christian Tétreault, a communiqué par téléphone avec ces messieurs. De plus, le 24 novembre, il a écrit une lettre et dans cette lettre il a fait la promesse formelle que la loi serait amendée avant le 31 décembre de cette année pour donner l'occasion à ces gens d acheter ces immeubles. Le projet de loi 113 a été déposé et il n'y a aucun article de cette loi qui donne raison à ces gens. Est-ce que le premier ministre va tenir sa parole de la lettre du 24 novembre pour donner suite a la demande de ces gens qui veulent se former en coopérative et acheter ces immeubles dans le comté de Taillon.

Le Président: M. le député de Taillon.

M. Lévesque (Taillon): Je ne pense pas que ce soit un cas unique. Bien sûr, j'étais au courant de la démarche du 21 novembre. Celle du 24, à peine verbalement, mais de toute façon je crois que le député serait heureux, comme peut-être pas mal de citoyens qui sont dans des cas semblables, d entendre ce que le ministre des Affaires municipales peut avoir à dire là-dessus.

M. Le Moignan: M. le Président...

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président...

Le Président: Brièvement, s'il vous plaît, M. le ministre des Affaires municipales!

M. Tardif: Oui, M. le Président, mais je n'ai pas commencé à dire un mot encore! En effet, je suis au courant du cas mentionné par le député de Saint-Louis et de même, me dit-on, de quelques autres cas, étant donné la décision de la Société centrale d hypothèques et de logement de se défaire de son portefeuille immobilier au Québec, qui est de près de 20 000 logements et de le vendre, parfois, à des ensembles immobiliers, a des intérêts privés ou parfois à des coopératives mais qui ne peuvent assumer I'ensemble du projet. (70 h 50)

Or, il y a des projets qui pourraient très bien être morcelés en plus petites unités, par exemple, de 15, 20 logements, qui ne seraient pas vendues, cependant, une à une, si bien que, dans les faits, j'ai l'intention, M. le Président, de proposer à cette Chambre, lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi 113, un article qui modifierait l'article 12 de la loi 96 pour permettre, sur autorisation de la régie, ce genre de transactions entre la société centrale et des coopératives d'habitation, mais, encore une fois, sous le regard de la régie pour éviter les problèmes qu'on a connus dans des cas que le député de Saint-Louis connaît très bien.

Le Président: M. le député de Gaspé.

Appui à l'enseignement privé

M. le Moignan: Merci, M. le Président. En l'absence du ministre de l'Education, j'adresserai ma question à l'honorable premier ministre. Le premier ministre se souvient très bien qu'au printemps il a reçu au salon rouge une délégation de parents porteurs de 550 000 signatures concernant l'enseignement privé. J'avais convoqué quelques semaines plus tard une question avec débat et le ministre nous avait dit que la réponse à l'attente ou à l'inquiétude de ces parents devait se faire dans les prochains mois. Cela fait presque neuf mois et l'accouchement doit se faire bientôt. Alors, est-ce qu'on pourrait connaître la position exacte du gouvernement à ce moment? Est-ce accouchement, est-ce avortement ou est-ce encore reporté à l'an prochain?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'ai l'impression, M. le Président, qu'on s'en va probablement vers une césarienne au début de 1979. De toute façon, ce que je peux dire en l'absence du ministre de l'Education, c'est qu'on considère actuellement, au niveau du Conseil des ministres et dans l'administration publique, les retombées du livre vert, qui a fait son tour de piste depuis pas mal de mois, concernant l'ensemble du système scolaire, élémentaire et secondaire II y a aussi le livre blanc et les propositions concernant l'enseignement collégial. Il est évident que la réflexion avance dans le domaine qui concerne le député de Gaspé, c'est-à-dire en ce qui concerne l'enseignement privé. Je dois dire, cependant, que les décisions concrètes concernant le maintien tel quel de la loi ou de ses amendements n'ont pas encore été prises. La seule chose que je pourrais dire et qui devrait rassurer et le député de Gaspé et les gens concernés, c'est qu'il n'est pas question, ni de près, ni de loin, d'empêcher l'enseignement privé de fonctionner et de fonctionner le plus efficacement possible. Quand viendront les énoncés de politique, s'il y a lieu, ce sera pour améliorer la situation, mais certainement pas pour brimer des gens qui ont un droit fondamental au système d'éducation qu'ils préfèrent.

Le Président: M. le député de Gaspé.

M. le Moignan: Une question additionnelle, M. le Président. Une césarienne bien réussie, personne n'a d'objection à cela, mais le pire là-dedans, c'est que cela peut dégénérer en fausse-couche, c'est plus grave. Maintenant, le premier ministre dit que tout est à l'étude, mais il y a des écoles qui ont déjà des projets et qui voulaient commencer en septembre 1979. Alors, comment le premier ministre peut-il les rassurer? Il y a déjà des démarches qui ont été faites par Oka, par exemple, et d'autres demandes, d'ailleurs, nous ont été faites. Est-ce que ces gens vont recevoir une réponse bientôt?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, sûrement. Je pense que le député de Gaspé, comme tous les membres de l'Assemblée nationale, comprendra qu'il ne peut pas être question de précipiter des énoncés de politique dans la semaine qui nous reste. Mais une chose certaine, c'est que le plus vite possible, en 1979 et, je l'espère, à temps pour que des projets légitimes puissent se réaliser, il y aura des éclaircissements.

Le Président: M. le député de Mercier.

Politique linguistique relative aux contrôleurs aériens

M. Godin: Ne pas confondre. M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports et elle porte — j'annonce mes couleurs — sur les contrôleurs aériens québécois de Cornwall, mais j'aurais un petit préambule.

Dans le contexte du dépôt récent du document du ministre fédéral de la Justice, M. Marc Lalonde, sur les bénéfices fabuleux du fédéralisme pour le Québec, dans le domaine aérien, nous avons appris que les contrôleurs aériens étudiant à Cornwall, qui venaient du Québec, étaient l'objet de discrimination, premièrement; deuxièmement, que la majeure partie du territoire aérien du Québec est contrôlée via deux aéroports hors Québec, ce qui priverait les Québécois d'une partie des emplois qui leur est normalement destinée dans ce secteur très bénéfique pour l'économie québécoise et les diplômés québécois. Est-ce que le ministre a l'intention d'intervenir dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: M. le Président, je suis intervenu dans ce dossier le 8 décembre 1978. Je transmettais alors un télégramme, qui a été suivi d'une lettre, à M. Otto Lang dans lequel je dénonçais les politiques linguistiques fédérales puisqu'il est absolument inacceptable que des contrôleurs aériens du Québec soient formés dans un contexte unilingue anglais, d'autant plus que Transports Canada possède chez nous, à Dorval, des ressources humaines pour former ces contrôleurs aériens. Hier, M. le Président, j'avais l'occasion de dénoncer des politiques fédérales dans le secteur du transport. Je pense que les politiques linguistiques du fédéral dans le secteur du transport permettent d'exclure les francophones de secteurs bien rémunérés, comme le précisait le député.

Je voudrais au moins, en terminant, dire à M. Lalonde que s'il pense véritablement que le secteur du transport devrait devenir un lien unificateur tel qu'il le précise dans son document, il devrait au moins intervenir auprès de M. Otto Lang, son collègue, pour que les aspirants contrôleurs francophones puissent au moins recevoir leurs cours en français, et ici au Québec.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

Carbonate de soude à Port-Daniel

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai une question très courte au ministre des Richesses naturelles. Est-ce que le ministre des Richesses naturelles peut aujourd'hui faire le point sur l'implantation prochaine ou éventuelle d'une usine de carbonate de soude à Port-Daniel dans le comté de Bonaventure? Voudrait-il expliquer à cette Chambre en quoi ce projet est lié à l'exploitation et même à l'avenir des mines de sel des Iles-de-la-Madeleine?

Le Président: M. le ministre des Richesses naturelles.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je dois dire que le député de Bonaventure a sauté un peu rapidement aux conclusions en s'appropriant rapidement ce projet d'implantation d'usine de carbonate de soude puisque les études ne sont pas encore terminées, ce que pourra d'ailleurs souligner mon collègue de l'Industrie et du Commerce. Pour autant que le ministère des Richesses naturelles est concerné, il me sera simple de préciser l'étendue de nos travaux.

D'une part, nous avons effectué des forages, il y a déjà maintenant un an et demi, dans la région de Port-Daniel. Les premiers résultats s'étaient avérés plutôt négatifs, tant du point de vue volume que, particulièrement, du point de vue qualité, inférieure à 90%. Néanmoins, l'été dernier nous faisions de nouveaux forages ainsi que l'automne auparavant. Ceci nous a permis, d'une part, de découvrir environ 50 millions de tonnes avec des teneurs de l'ordre de 90% à 92%. Nous avons retrouvé également un autre 60 millions de tonnes de l'ordre de 93% à 95%, ce qui semblerait à la fois satisfaisant sur le plan de la quantité et sur le plan de la qualité. Egalement, du côté de Clemville, du côté de Westpoint, on a découvert ce qui semblerait un gisement extrêmement important de près de 150 millions de tonnes et, cette fois-ci, de qualité également acceptable. Donc, du côté de Port-Daniel, il semble bien qu'on ait découvert des volumes de calcaire en quantité et qualité suffisantes.

D'autre part, il existe également une autre possibilité, c'est celle de la rivière Madeleine. Cette fois-ci, c'est dans Gaspé-Nord et je suis convaincu que le député de Gaspé, même s'il est distrait, va tendre l'oreille. On a également découvert des gisements extrêmement importants de l'ordre de 150 millions de tonnes et, cette fois-ci, d'une qualité de l'ordre de 97%. Par conséquent, sur le plan calcaire, il y a autant de possibilités d'implanter l'usine du côté du comté de Gaspé que du côté du comté de Bonaventure, d'une part. Egalement, à l'Ile d'Anticosti, nous avons découvert un gisement qui semblerait intéressant.

Maintenant, je dois dire que, pour autant que le gisement des Iles-de-la-Madeleine est concerné, effectivement les travaux de forage ont continué. Il s'avère cependant que le coût de construction du port en particulier est extrêmement élevé. (11 heures)

II faut chercher d'autres possibilités. Egalement le coût du développement de la mine, à cause de la rampe inclinée, est très élevé pour 1 million de tonnes et, par conséquent, il faut revoir la rentabilité de ce projet. Mais il ne fait aucun doute que si nous pouvions augmenter le volume de sel exploité aux Iles-de-la-Madeleine de manière à approvisionner une usine de carbonade de soude, les études de rentabilité seraient évidemment tout autres.

Je pense que mon collègue de I Industrie et du Commerce peut maintenant vous mettre au courant de la deuxième partie.

Le Président: M. le ministre de I Industrie et du Commerce.

M. Biron: II n est pas sûr.

M. Tremblay: Brièvement, M. le Président. Comme l'a dit mon collègue des Richesses naturelles, il y a eu des tests physiques d'effectués à différents endroits. Il y a un comité d'experts qui étudie la rentabilité des différents sites. Je sais qu il y a un site qui a été choisi mais on ne m'a pas encore averti officiellement. On ne m'a averti qu officieusement et, par conséquent, je ne veux pas faire d autres commentaires à ce moment-ci.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, simplement une précisjon. Est-ce que le ministre voudrait nous dire...

Le Président: M. le député de Bonaventure.

M. Levesque (Bonaventure): Merci. M. le Président... à quel moment le gouvernement pourrait faire connaître ces renseignements qu on semble nous cacher, à ce moment-ci? Et est-ce qu il pourrait nous dire dans quel comté se trouve le site pour lequel il a une information privilégiée et officieuse?

Le Président: M. le ministre de I Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Je ne veux pas jouer à l'arbitre, avant Noël, entre Bonaventure et Gaspé. Le but du gouvernement, c'est de faire de la promotion industrielle et, après les études économiques, il sait bien qu'il faut trouver un promoteur pour le projet. Rien ne serait plus dommageable à des projets semblables que d'étaler sur la place publique toutes sortes de renseignements avant même qu'un promoteur n'ait été choisi.

Le Président: Avant de metrre un terme à la période des questions, je voudrais inviter Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières à apporter un complément de réponse à une question qui a été posée aujourd'hui.

Mme le ministre.

Mme Payette: C'est un complément de réponse à la question du député de Beauce-Sud. M. le

Président. Je n'avais pas pris connaissance, au moment où la question a été posée, de l'article auquel il faisait allusion, article que j'ai devant moi maintenant. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le titre devrait être non pas un bon tuyau mais un mauvais tuyau. Je viens de faire une vérification auprès du mouvement Desjardins, qui s'apprête à donner une conférence de presse dans ce sens.

Il y a dans la loi 46 un article, l'article 19, mais il y a aussi un article dont les dispositions transitoires laissent aux fédérations le soin de mettre en application progressive, à leur rythme, ces dispositions. Depuis plusieurs semaines, nous avons rencontré le mouvement, nous nous sommes entendus à ce sujet et j'ai confirmé le tout par écrit. Le mouvement a écrit dans le même sens à toutes les caisses et je suis persuadée que les caisses agiront dans le meilleur intérêt des épargnants.

M. Roy: Une petite question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Une question, M. le député de Beauce-Sud.

Compléments de réponses

M. Roy: Est-ce que Mme le ministre pourrait nous assurer qu'aucune personne de son ministère ne fera des pressions auprès des différentes caisses d'épargne et de crédit de façon à faire en sorte qu'on puisse agir pour qu'une partie du capital social puisse être transférée dans d'autres formes d'épargne, étant donné les dispositions pour lesquelles j'ai fait des représentations? J'ai émis des réserves, j'ai exprimé les dangers qu'il y avait dans l'application de la loi, Mme le ministre s en souviendra.

J'aimerais que Mme le ministre donne l'assurance, ce matin, qu'aucune personne, qu'aucun fonctionnaire de son ministère ne fera des pressions pour tâcher d'accélérer le mouvement.

Le Président: Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, si un fonctionnaire du ministère agissait dans ce sens, il irait à l'encontre de la volonté du ministre. Je pense qu à ce moment-là les représailles nécessaires seraient mises en marche.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, complément de réponse.

M. Garon: Dans la réponse que j'ai donnée tout à l'heure, sans doute par erreur, la décision de la Cour suprême dont je parlais, le référé de l'Ontario, c'est une décision du 19 janvier. Je vous ai parlé du 18 octobre tantôt. Je ne sais pas pourquoi. C'est une décision du 19 janvier 1978 dont j'ai envoyé copie au député de Johnson.

M. Bellemare: Je vous ai dit que c'était bien avant octobre.

M. Garon: Oui, mais lavez-vous lue? M. Bellemare: Oui.

M. Garon: Je vous souhaite bien du plaisir dedans. Vous avez vu que ce n'est pas une cause facile et même les avocats qui analysent cette cause la trouvent difficile. J'aimerais vous dire tout cela.

M. Bellemare: C'est vrai, ce que vient de dire le ministre, que c'est au mois de janvier au lieu du mois d'octobre. Nous avons pris le temps, avec notre contentieux, de l'examiner et nous prétendons que le projet de loi 116 est amené trop rapidement présentement. Pourquoi le mettre rétroactif?

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: C'est une cause difficile. Tous les avocats qui ont travaillé là-dessus trouvent cela très difficile et ils ne sont pas certains, même, si la Cour suprême a compris tout ce dont elle a parlé. Je peux vous dire, par ailleurs, que c'est une question excessivement importante une fois qu'on a compris le problème.

M. Bellemare: C'est trop important pour l'amener d'ici la fin de la session.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Nous en sommes maintenant aux motions non annoncées. M. le député d Argenteuil.

Motions non annoncées Démission de M. Zoël Saindon

M. Saindon: M. le Président, ainsi que j'ai eu I'occasion d'en informer mes concitoyens plus tôt cette semaine, je vous remets ma démission en tant que député d'Argenteuil à l'Assemblée nationale du Québec. Ce n'est pas sans émotion, vous l'imaginez bien, que je vous fais part de cette importante décision. En posant ce geste, je mets fin a près de treize ans de vie parlementaire bien remplie, au cours desquelles j'aurai connu des joies et aussi, je ne m'en cache pas, des déceptions. Je ne reprendrai pas ici tous les propos que j'ai tenus dans le comté mercredi soir et dans lesquels j'ai exposé les motifs maintenant bien connus qui m'ont incité à poser ce geste.

Je tiens cependant à souligner et à répéter que, quoi qu'en aient dit certains journalistes de la presse parlementaire, je pose ce geste de ma propre initiative. Aujourd'hui, comme au cours des treize dernières années, j'ai toujours placé les intérêts de mes concitoyens d'Argenteuil et ceux de mon parti bien au-dessus de mes intérêts personnels.

En cette dernière occasion où j'adresse la parole devant cette Assemblée, je m'en voudrais de ne pas souligner combien j'ai du respect pour les chefs sous lesquels j'ai servi. Je pense d'abord

à I honorable Jean Lesage qui était notre chef lorsque je fus élu pour la première fois en 1966. J ai toujours voué une profonde admiration à M. Lesage, un homme remarquable, un meneur d'hommes d une qualité exceptionnelle.

En 1970, le chef du Parti libéral du Québec à ce moment, M. Robert Bourassa, m'a fait aussi confiance pour représenter mes concitoyens d'Argenteuil et j'y fus réélu en 1970, en 1973 et par la suite en 1976. M. le Président, je garde de M. Bourassa le souvenir d'un homme qui aime profondément le Québec et son peuple et qui, malgré des circonstances souvent extrêmement difficiles, a résolument fait avancer le Québec sur la voie du progrès social et économique.

Depuis 1976, c'est M. Gérard D. Lévesque qui a assumé la délicate tâche de chef parlementaire et de chef du parti jusqu'au 15 avril dernier, Le député de Bonaventure est un homme dont les qualités de dignité et de gentilhommerie lui valent l'estime et le respect de tous les parlementaires à cette Assemblée. M. le Président, je tenais à lui rendre hommage aujourd'hui.

Les changements de la vie politique ont aussi été tels que j'aurai occupé mon poste des deux côtés de la Chambre de fait pour une période à peu près égale. Que ce soit du côté ministériel ou du côté de l'Opposition, j'ai assisté et aussi participé à de rudes batailles, mais je suis de ceux qui pensent qu'il est préférable que cette lutte se fasse ici plutôt que dans la rue. (11 h 10)

Je constate aussi que la vie politique est souvent éphémère. En préparant mon allocution, ce matin, j'ai jeté un coup d'oeil sur le diagramme des sièges à l'Assemblée pour constater qu'il n'y en a que treize sur les 110 députés que compte l'Assemblée nationale qu étaient ici avec moi en 1966.

Ceci dit, M. le Président, en posant le geste que je pose aujourd'hui, mon objectif fondamental est de permettre au chef du Parti libéral du Québec, M. Claude Ryan, de poser sa candidature dans le comté d'Argenteuil et de s'y faire élire comme député à l'Assemblée nationale. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire mercredi, comme des milliers de militants du Québec, de même que, j'en suis sûr, une très large portion de la population, j'estime qu'il est normal, pour ne pas dire essentiel, que celui qui dirige l'un des deux partis politiques les plus importants du Québec ait la possibilité de se faire élire à l'Assemblée nationale et de jouer son rôle dans ce forum privilégié de l'expression de la démocratie du Québec.

A ce moment-ci, je voudrais demander au premier ministre de ne pas éterniser les délais et qu'il émette des brefs d'élection le plus tôt possible. M. le Président, si le premier ministre a un sens élevé des responsabilités et s'il a un sens aigu de la démocratie, c'est sans hésitation qu'il déclenchera dans les plus brefs délais des élections partielles dans le comté d'Argenteuil pour combler la vacance provoquée par mon départ.

En terminant, M. le Président, vous me permettrez de remercier du fond de mon coeur la population du comté d'Argenteuil qui m'a fait con- fiance au cours des treize dernières années. J'ai toujours essayé de me montrer digne de sa confiance et je sais qu'elle comprend le geste que je pose aujourd'hui. En saluant une dernière fois en cette Chambre tous mes collègues et en particulier mes collègues de l'Opposition officielle, je tiens aussi à remercier le personnel qui m'a secondé au cours de ces années. Je veux remercier particulièrement Mme Rollande Chartier, ma secrétaire ici à l'Assemblée nationale, avec laquelle j'ai eu l'occasion de travailler depuis maintenant plus de dix ans.

Quant à moi, M. le Président, je retourne à une vie familiale beaucoup plus intense que le permet la vie politique, de même qu'à la pratique de ma profession, la médecine. J'entends aussi continuer, au meilleur de mes moyens, à participer à la vie publique sur une échelle plus réduite dans ma région pour promouvoir ce que j'estime être les meilleurs intérêts de ma province, le Québec, et de mon pays, le Canada. Merci beaucoup.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, c'est toujours avec regret que nous assistons au départ d'un collègue de l'Assemblée nationale et, dans le cas du député d'Argenteuil, nous le regrettons d'autant plus qu'en nous annonçant ainsi sa démission il met fin à une carrière de plus de douze ans en cette Chambre. En effet, élu en 1966, le député d'Argenteuil aura donc servi ses concitoyens six ans en tant que député ministériel et six ans en tant que député d'Opposition. Les aléas de la politique, qui font qu'il arrive que certains d'entre nous sont appelés à changer ainsi de côté de la Chambre, ne modifient cependant en rien la nature des responsabilités que nous assumons à l'endroit de ceux que nous représentons dans cette Assemblée.

Aussi quand, hier, le whip de notre parti, le député de Roberval, nous disait, à son retour de Lachute, qu'il avait été frappé par la façon extrêmement chaleureuse avec laquelle la population du comté d'Argenteuil avait rendu hommage à son député, nous qui avons été ses collègues pendant toutes ces années n'avons pas été surpris car nous avons vu à l'oeuvre le député d'Argenteuil et nous savons jusqu'à quel point il avait à coeur les intérêts de ses électeurs.

Artisan du progrès de son comté et de sa région, le député d'Argenteuil aura été aussi un témoin engagé de l'évolution du Québec au cours des douze dernières années. Tous ceux-là qui ont suivi sa carrière savent jusqu'à quel point notre collègue était et demeure un homme profondément attaché à la cause de l'unité de notre pays, le Canada, et jusqu'à quel point il était et demeure un Québécois soucieux de respecter les droits des deux grandes communautés linguistiques du Québec représentées d'ailleurs dans son comté d'Argenteuil un peu à l'image du Québec: environ 20%

d'anglophones et à peu près 80% de francophones. Nous parlons de valeurs fondamentales de la société québécoise. Le député d'Argenteuil a toujours su en témoigner avec autorité en cette Chambre dans ce langage franc, direct et honnête qui l'a toujours caractérisé.

Le député d'Argenteuil, enfin, a toujours été un homme loyal à son parti et il a su, à quatre reprises, faire triompher la cause libérale dans le comté d'Argenteuil. A Lachute, mercredi, notre collègue a expliqué sa décision de quitter son poste, comme il l'a fait d'ailleurs ce matin, en disant qu'il voulait offrir au chef du Parti libéral du Québec l'occasion d'assumer la plénitude de ses responsabilités en venant ici, siéger à l'Assemblée nationale. Cette décision de notre collègue fournit une preuve additionnelle de son sens élevé des responsabilités. En effet, au moment où le Québec est sur le point de décider de son avenir, il est tout à fait impérieux que le chef de l'une des grandes formations politiques du Québec soit ici, en cette Chambre. C'est là d'ailleurs une nécessité reconnue et affirmée par tous les Québécois, sans égard à leur opinion politique. Dans ce sens, la décision de notre collègue d'Argenteuil fait appel au sens des responsabilités du premier ministre qui n'a maintenant absolument pas le droit de se défiler en se retranchant derrière des prétextes pour retarder le déclenchement d'une élection partielle dans le comté d'Argenteuil.

Des considérations de stratégie partisane ne peuvent absolument pas supplanter l'intérêt supérieur du Québec et le respect élémentaire des droits démocratiques des citoyens d'Argenteuil. Le 27 avril 1978, le premier ministre, lors d'une conférence de presse, se disait, et je le cite, "foncièrement convaincu que les citoyens de Notre-Dame-de-Grâce ou de n'importe quel comté ont le droit, dans les délais les plus raisonnables possibles, d'être représentés à l'Assemblée nationale ". L'élection de Notre-Dame-de-Grâce a été déclenchée dans des délais raisonnables; il ne saurait en être autrement dans le cas d'Argenteuil. Si on voulait parler d'élection l'hiver, je tiendrais simplement à rappeler au premier ministre que nous avons connu des élections l'hiver, le 18 janvier 1965, dans Saint-Maurice et Terrebonne, le 4 décembre 1968 dans Bagot et Notre-Dame-de-Grâce, le 3 mars 1969 dans Dorion, le 8 février 1971 dans Chambly. Ce ne sont que quelques exemples que je voulais laisser pour la méditation du premier ministre.

D'une certaine manière, nous comprenons les hésitations présentes du premier ministre qui, en tant que chef de parti, envisage sans doute avec une certaine appréhension une deuxième défaite électorale consécutive du Parti québécois. Mais la question qui se pose à lui n'est aucunement de cet ordre. La démission de notre collègue d'Argenteuil pose tout simplement la question de savoir si le premier ministre est capable de mettre de côté ses intérêts partisans pour servir les intérêts supérieurs du Québec et des citoyens d'Argenteuil. (17 h 20)

Je termine, M. le Président, en disant une nouvelle fois notre amitié à notre collègue d'Argenteuil, on peut commencer à dire le Dr Zoël Sainson, ce n'est pas selon la procédure parlementaire, mais c'est comme cela qu'on va connaître Zoël dans quelques heures. Je voudrais, en terminant, lui dire notre amitié, encore une fois, et lui souhaiter, ainsi qu'à son épouse qui est avec nous ce matin et que je salue affectueusement, le plus grand succès dans cette carrière médicale qu'il s'apprête à reprendre, se remettant ainsi de nouveau au service de ses concitoyens comme il l'a fait, comme maire de Lachute, de 1964 à 1975 et, en tant que député, de 1966 à 1978. Alors, M. le le Président, je voulais tout simplement, au nom de l'Opposition officielle, en particulier, et j'imagine que c'est au nom de tous nos collègues de l'Assemblée nationale, formuler ces voeux à l'endroit de notre excellent ami et collègue, le Dr Zoël Saindon.

Le Président: M. le premier ministre.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): Inutile de dire que j'ai été pris par surprise... Je n'ai pas vraiment eu le temps de me préparer et j'avoue que j'ai un peu le vertige en ce moment parce que, après les deux interventions que je viens d'entendre, j'ai l'impression qu'il y a une campagne électorale qui serait déjà déclenchée quelque part et qui aurait été décidée par l'Opposition. Ce sont de vieux comportements qu'on ne quitte pas facilement! Enfin! J'entendais avec plaisir le chef de l'Opposition dire que dans Notre-Dame-de-Grâce, enfin on nous rend justice, les délais avaient été raisonnables. Ce n'est pas tout à fait ce que j'entendais à la fin de juin dernier. Mais mieux vaut tard que jamais! On avoue que, à ce moment-là, les délais étaient démocratiquement raisonnables. Mais avant d'entrer très brièvement dans ce sujet qu'on nous impose, comme cela, sans avertissement, je voudrais dire, quand même, au nom de tous ces collègues de ce côté-ci de la Chambre, j'en suis sûr, à l'ex-député d'Argenteuil, l'estime que nous a toujours inspirée son comportement discret et modéré, qui contrastait d'ailleurs avec l'esprit de décision rapide qui inspirait à certains moments son allocution de tout à l'heure.

Je comprends — inutile de dire — et je suis prêt à partager beaucoup des sentiments qu'il a exprimés à partir de lassez longue expérience parlementaire qu'il a vécue. Maintenant que son aspiration et peut-être des mains secourables ont aidé notre collègue d'Argenteuil à décider de quitter son fauteuil, la veille de Noël, je suis sûr, je voudrais croire, vu l'esprit de réforme démocratique qui souffle sur le Parti libéral du Québec, qu'il y aura d'abord une convention pour le choix définitif d'un candidat, et non pas un parachutage, sans autre forme de procès! Il y a eu une convention dans chacun des comtés où, peu importent les résultats, j'ai eu l'honneur, M. le Président, de me présenter! Il peut arriver, parfois, qu'on

attende plus longtemps que des éclairages d'ailleurs pourraient le faire croire! Par conséquent, de toute façon, vu que, bien sûr, la réforme démocratique, chez nos amis d'en face, exige une procédure comme celle-là, je crois qu'il faut attendre un peu, quand même, pour que la démocratie interne dans l'Opposition fasse ses preuves.

A part cela, il y a une chose. On nous laisse entendre que ce n'est peut-être pas le dernier événement du genre auquel on assisterait avant même la fin de l'année. Je pense que très sérieusement tout cela exige au moins jusqu'après les Fêtes pour qu'on puisse démêler les implications et prendre les décisions qui s'imposent.

Entre-temps, je puis assurer l'Opposition qu'on va continuer à méditer les commentaires dont les uns disent qu'il ne faut pas infliger de scrutin aux citoyens en plein coeur de l'hiver et dont les autres nous presseraient plutôt de les faire voter dès le jour de Noël dans un vrai climat messianique.

Une Voix: II est né le divin enfant...

M. Lévesque (Taillon): On admettra que c'est un dilemme un peu cornélien auquel je suis obligé d'ajouter les pressions insistantes du député d'Argenteuil et du chef de l'Opposition. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'y aura pas de délai indu, ni de précipitation du même genre. Il n'est pas question de retarder un scrutin ou des scrutins de façon qui serait odieuse. Il n'est pas question, non plus, de laisser l'Opposition — parlementaire ou extra-parlementaire — fixer la date à notre place, pas même pour des candidats potentiels qu'on proclame déjà élus, ce qui reste à voir.

De toute façon, qu'on me permette deux hommages personnels en terminant. Dans l'intervention qu'il a faite, j'ai bien reconnu l'esprit de désintéressement proprement évangelique du chef de l'Opposition officielle. C'est ce qui nous le ferait — je parle au conditionnel, jusqu'à nouvel ordre — regretter vivement s'il fallait un jour le voir quitter ses fonctions actuelles, sauf évidemment à certains moments de la session, mais tellement rares. C'est là un exemple d'abnégation qu'on pourrait sûrement proposer à d'autres.

En terminant, M. le Président, je voudrais réitérer, encore une fois, au nom de tous ses collègues de ce côté-ci de la Chambre, le bon souvenir que nous garderons tous de la présence parmi nous du Dr Saindon et aussi le bon souvenir que nous garderons de presque toute son intervention de tout à l'heure.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, comme doyen de cette Assemblée nationale, je dois vous dire qu'après avoir vu passer dans cette Assemblée nationale au-delà de 900 membres qui sont tous... écoutez... je reste comme un vieux chêne qui à travers les tempêtes est resté avec des racines solides, bien plantées. Je veux dire d'avance à l'honorable premier ministre et à ceux qui me voudraient voir disparaître que, contrairement à tout ce qu'on peut souhaiter, je me représenterai à la prochaine élection dans mon comté. Etre le doyen, député pendant 40 années, c'est un championnat que je voudrais conserver. M. le Président, je voudrais dire à l'ex-député d'Argenteuil, le Dr Saindon, que nos relations entre nous, et particulièrement entre les sessions, ont été très cordiales. Je le prie de croire qu'en politique il faut déjà beaucoup de culture pour se contenter des fois d'explications qui sont simples. Je pense que dans son cas, en particulier, il a donné sa version, mais nous sommes obligés aussi d'aller à d'autres versions qui nous ont fait voir le grand sacrifié des temps. Je le félicite de ces 13 années qu'il a passées parmi nous et je suis assuré d'avance qu'il regrettera lui-même de ne pas avoir terminé son mandat.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, je voudrais également dire quelques mots pour souligner que je regrette personnellement le départ de notre collègue d Argenteuil, qui est l'un des vétérans de cette Assemblée, après y avoir passé 13 ans. Même s il représente un autre parti que le mien, je dois reconnaître que sur le plan personnel, humain, social, le Dr Saindon est une personne qui, à mon sens, a su gagner l'amitié de tous ses collègues en cette Assemblée. C'est avec plaisir, M. le Président, que je me considère comme l'un de ses amis. (11 h 30)

Les raisons qu'a invoquées le député d'Argenteuil m'apparaissent comme un geste noble de sa part voulant ouvrir son comté afin de permettre au chef de son parti de s'y faire élire et de venir siéger en cette Chambre. M. le Président, ce n'est pas, bien sûr, à nous de décider si le chef du Parti libéral doit maintenant entrer en cette Chambre ou non, mais il semble que le chef du parti a manifesté ce désir. Le député d'Argenteuil nous l'a clairement indiqué tantôt. A partir du moment où c'est une manifestation qui nous paraît claire, je considère qu'il serait normal que, dans les circonstances, une élection soit déclenchée dans les plus brefs délais possible. Peut-être pourrais-je suggérer à l'honorable premier ministre, entre autres exemples qu'il cite souvent, d'utiliser l'exemple qu'a donné le premier ministre de la Colombie-Britannique, M. Bill Bennett. A la suite des dernières élections générales législatives dans sa province où le chef du parti néo-démocrate, l'ancien premier ministre, Dave Barrett avait été défait dans son propre comté, il a ouvert un comté et il a même favorisé l'élection de l'ex-premier ministre Dave Barrett pour lui permettre de réinté-

grer son siège à l'Assemblée législative et, de reprendre la tête des troupes de l'Opposition officielle en Colombie-Britannique.

C'est peut-être un exemple qu'il serait bon de suivre dans les circonstances, car il me semble, M. le Président, que le chef de l'Opposition officielle devrait normalement, avec toute la déférence et l'amitié que j'ai pour l'actuel chef parlementaire, bien sûr, être en cette Chambre et y siéger comme député. Je termine, M. le Président, en souhaitant bonne chance au docteur Saindon dans ses futures occupations.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud. M. Fabien Roy

M. Roy: Très brièvement, M. le Président, je veux me joindre à mes collègues pour rendre hommage au docteur Zoël Saindon ce matin, ainsi qu'à son épouse. Des événements de ce genre ne sont pas sans nous rappeler qu'au-delà des frontières partisanes il se dégage des liens d'amitié entre les membres d'une Assemblée, entre les membres d'un Parlement. Une personne comme le docteur Saindon ne peut pas traverser quatre campagnes électorales sans avoir l'estime et la confiance de ses concitoyens. Je pense qu'il faut lui rendre un hommage mérité. Lorsqu'il nous disait, tout à l'heure, qu'il n'y avait que treize députés de l'équipe de 1966 ici à l'Assemblée nationale, cela m'a fait me rappeler — d'ailleurs, j'ai eu l'occasion de faire sa connaissance en 1970, puisque je fais partie de l'équipe de 1970 — que, de cette équipe de 1970, nous restons moins de 25. Il y en a qui faisaient partie de l'équipe de 1970 et qui sont partis depuis longtemps déjà. Il y en a qui sont venus en 1973 et qui sont déjà partis, ce qui nous fait dire qu'il n'y a pas de permanence dans la vie publique. Et on nous dit qu'il y en a d'autres qui sont à la veille de partir. Alors, je ne nomme personne, M. le Président, mais la politique, quand on ne la quitte pas, c'est elle qui nous quitte. Cela a été vrai pour plusieurs.

Sans plus de préambule, je veux lui offrir mes meilleurs voeux dans l'exercice de sa profession, des jours et des années heureuses dans sa famille et parmi ses concitoyens.

Le Président: Docteur Saindon, vous avez la parole.

M. Zoël Saindon

M. Saindon: M. le Président, je voudrais remercier mes anciens collègues — je devrais dire — des deux côtés de la Chambre de leurs bons voeux et les remercier aussi de leurs bons égards à mon intention.

Je voudrais remercier spécialement M. Gé-rard-D. Levesque, chef de l'Opposition officielle, des propos qu'il a tenus à mon égard. Je n'en attendais pas autant et soyez assurés que je le remercie bien sincèrement. Je veux aussi remer- cier tous les autres représentants de partis et spécialement le premier ministre. J'ai apprécié certaines de ses remarques. Par contre, les dernières de son intervention ont plutôt pris une certaine tangente. J'aurais préféré m'en passer.

Quant au leader de l'Union Nationale, je voudrais tout simplement vous dire que j'ai entendu ses propos. Je remercie le député de Beauce-Sud et le député de Rouyn-Noranda. Merci beaucoup.

Le Président: Toujours aux motions non annoncées.

M. Samson: J'aurais une motion non annoncées.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda, aux motions non annoncées.

Demande d'intervention du fédéral

relative aux étudiants contrôleurs

aériens du Québec

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, j'aurais une motion non annoncée qui, si elle recevait l'assen-tiement de cette Chambre, se lirait comme suit. C'est très bref: Que cette Chambre est d'avis que le gouvernement fédéral devrait intervenir sans délai afin de permettre aux seize étudiants aspirants contrôleurs du Québec qui vont actuellement à l'Institut de formation de transport Canada, à Cornwall, en Ontario, de poursuivre leurs études au Québec.

Le Président: Est-ce qu'il y a un consentement à la représentation de cette motion?

M. Lavoie: Oui, consentement.

M. Samson: M. le Président, j'aurais quelques mots à ajouter, sur cette motion. Je pense qu'il est important que cette Assemblée fasse l'unanimité, dans des circonstances telles que celle que nous avons connue par la voix des media d'information, à savoir que seize étudiants québécois francophones subissent en quelque sorte préjudice dans un institut unilingue à Cornwall. Nous avons tous reconnu en cette Chambre, il y a déjà de cela plusieurs années — et je me rappelle de motions non annoncées qui avaient fait l'unanimité de la Chambre sous l'ancien gouvernement — qu'il doit être permis aux pilotes et aux contrôleurs aériens du Québec de s'exprimer dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada.

L'on rapporte, dans un journal de ce matin, que ces étudiants, à Cornwall, subissent un traitement qui est qualifié par le journal de discriminatoire. Ils se diraient victimes de certaines choses: premièrement, leur nom est entouré en rouge, sur les diagrammes et les feuilles de résultats d'examens; qu'ils trouvent sur leurs pupitres, en arrivant là-bas, la lettre Q inscrite en rouge; deuxièmement, il leur est fortement conseillé de

ne pas devenir membres de l'Association bilingue des gens de l'air du Québec; troisièmement, ils sont tenus de répondre uniquement en anglais aux questions d'examens; quatrièmement, on leur interdit de parler français entre eux dans les locaux de simulation et en présence d'instructeurs unilingues, cela va de soi, qui s'efforcent ainsi de savoir tout ce qu'ils pensent dans une autre langue que celle de l'administration fédérale. Cinquièmement, aucun instructeur bilingue n'est disponible.

L'article se termine comme suit: "Alors que l'on condamnait les seize aspirants du Québec à retourner à Cornwall dès lundi, le 11 décembre, sous peine de renvoi pur et simple dans les sept jours suivants". Il me semble qu'une situation comme celle-là ne devrait pas exister pour aucune considération. (11 h 40)

II y a à Dorval — j'ai entendu, ce matin, le ministre des Transports nous le dire — une institution capable de donner ses cours à ses étudiants et capable de les donner dans leur langue. M. le Président, il est important de le rappeler, je ne veux pas dire que tout le contrôle aérien, tout ce qui se passe doit se faire uniquement dans une langue qui est le français. Mais je pense que nous avons reconnu à l'Assemblée nationale, et de façon unanime, il y a plusieurs années, que cette Assemblée désirait que les deux langues officielles du Canada puissent être utilisées sans discrimination envers nos représentants qui oeuvrent dans ce secteur qui sont en provenance du Québec ou en provenance d'ailleurs, mais qui peuvent être des francophones.

C'est donc pourquoi, M. le Président, sans faire un long débat, j'imagine, cette Assemblée a ce matin une magnifique occasion de demander directement, sans détour, au gouvernement fédéral d'intervenir comme gouvernement dans cette question et de rétablir la justice, car actuellement il y a manifestement injustice. M. le Président, ceci pourrait se faire pour le bien de tous. Il y a là je pense une magnifique occasion, pour le gouvernement fédéral, de faire la preuve de la bonne foi que nous voulons bien lui reconnaître, mais à la condition qu'il la fasse, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Transports, sur la motion.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, il me fait plaisir aujourd'hui d'appuyer la motion du député de Rouyn-Noranda, d'autant plus que j'avais eu l'intention au cours de la semaine dernière de présenter une motion semblable qui se lisait comme suit: Que cette Chambre vote une motion d'appui au groupe des seize aspirants contrôleurs québécois de la circulation aérienne qui exigent d'être traités sur un même pied que leurs confrères anglophones et qui demandent d'être formés au Québec. M. le Président, depuis déjà plusieurs années, les

Québécois, par l'intermédiaire surtout des Gens de l'air, ont tenté de revendiquer certains droits essentiels qui devraient leur être reconnus à l'intérieur du Canada, d'autant plus que la Loi des langues officielles reconnaît ces droits.

Malheureusement, à chaque fois, nous avons reçu des réponses négatives du gouvernement fédéral. Même plus, M. le Président, le ministre des Transports, M. Otto Lang, est allé jusqu'à émettre une directive pour empêcher les pilotes québécois de parler leur langue, de parler la langue française dans le transport aérien. M. le Président, nous avons encore depuis quelques jours une démonstration évidente que les Québécois n'ont pas de place dans le secteur aérien, à la suite des décisions du gouvernement fédéral. Nous avons, comme on le disait tout à l'heure, comme je l'ai dit ce matin, actuellement au Québec toutes les ressources humaines nécessaires pour que ces contrôleurs québécois puissent suivre des cours dans leur langue et des cours au Québec. Malheureusement, ce gouvernement fédéral ne veut pas intervenir. Le ministre Lalonde déposait il y a quelques jours un document sur lequel j'ai eu l'occasion de faire un certain nombre de commentaires hier, un document intitulé: Les transports, un lien unificateur. M. le Président, s'il est un secteur où le gouvernement du Québec a à dénoncer les politiques du gouvernement fédéral, c'est bien le secteur du transport et, particulièrement, le secteur aérien, où nous avons été complètement oubliés.

Dans le secteur aérien, le Québec a toujours fait figure de parent pauvre. Non seulement des régions isolées ne sont-elles pas reliées aux grands centres par un réseau aérien adéquat, mais la majorité des aéroports sont sous-équipés. Lorsque ce n'est pas le cas, à Mirabel, par exemple, on ne prend pas les mesures nécessaires pour rentabiliser, et ici, à Québec, on est obligé de se battre pour avoir un aéroport correspondant à la capacité de la capitale du Québec.

M. le Président, si M. Lalonde croit véritablement que les transports puissent devenir un lien unificateur pour l'ensemble du Canada, il devrait au moins avoir comme minimum de décence d'intervenir auprès de son collègue, M. Otto Lang, pour faire en sorte que la situation que nous dénonçons, et que le député de Rouyn-Noranda dénonce ce matin par une motion, soit corrigée dans les plus brefs délais. Nous devons, je pense, en même temps, nous associer pour féliciter les seize aspirants contrôleurs aériens du Québec qui n'ont pas hésité à risquer même leur carrière, je dis bien, pour dénoncer une chose qui est absolument inacceptable actuellement. Je pense que, quelles que soient nos positions ici à l'Assemblée nationale, quel que soit notre parti politique, nous devrions faire preuve de solidarité, nous devrions nous associer pour, d'abord, empêcher que ces Québécois ne puissent continuer leur carrière et en même temps faire en sorte qu'ils puissent recevoir l'instruction, leurs cours dans leur langue. Il faut souligner qu'actuellement, plusieurs de ces professeurs qui donnent des cours à l'institut sont

des professeurs qui font partie des quelque 80 instructeurs aériens anglophones qui ont quitté le Québec depuis 1975, pour protester contre les timides tentatives d'implantation du bilinguisme dans le secteur aérien au Québec, à la suite des luttes des gens de l'air.

Ces Québécois subissent de la discrimination, actuellement. Ces Québécois n'ont même pas le droit de parler entre eux leur langue, de parler entre eux la langue française. M. le Président, ce sont là des preuves qui s'accumulent de plus en plus; des preuves qui démontrent que le Québec n'a plus sa place dans le Canada, que les Québécois ne sont pas respectés par l'ensemble des Canadiens. C'est dans ce sens que la seule solution qui nous permettra, non seulement de contrôler le secteur aérien, mais de trouver du travail pour nos jeunes Québécois qui, actuellement, suivent des cours, soit au CEGEP de Chicoutimi soit au CEGEP Saint-Hubert, dans leur secteur, dans leur métier, ce sera celle du Parti québécois, la souveraineté-association.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Vice-Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je désire, au nom de mon parti, appuyer la motion du député de Rouyn-Noranda. Je suis d'accord sur ce qu'il a avancé à savoir qu'il me paraît vraiment assez extraordinaire de penser que le gouvernement fédéral ou enfin le ministère des Transports soit encore insensible, ou inconscient que de telles situations puissent se produire, surtout quand on parle d'étudiants qui sont en stage à l'Institut de formation de Transports Canada à Cornwall. (11 h 50)

Le député de Rouyn-Noranda, dans sa motion, indique qu'il requiert que ces étudiants puissent poursuivre leurs études au Québec. Je ne ferai pas d'amendement — peut-être que le député de Rouyn-Noranda pourra me répondre plus tard — mais je pense que sa préoccupation fondamentale est qu'ils puissent poursuivre leurs études en français. Je le préférerais de beaucoup, mais, comme je le disais, je ne ferai pas de motion à cet effet. Il devrait être possible de poursuivre des études, même si c'est dans le transport aérien, dans les deux langues officielles du pays non seulement au Québec, mais également dans d'autres provinces du Canada. Dans cette forme, je pense que cette motion aurait probablement un effet plus important et attirerait peut-être l'attention des autres provinces pour appuyer un geste dans ce sens.

Vous vous souviendrez, M. le Président, que nous avons été longtemps à partager une table au moment de l'étude de la loi 101 et qu'alors que je me suis fait le protecteur des intérêts des groupes minoritaires au Québec, j'avais à maintes occasions répété que, lorsque des situations analogues se présenteraient à l'égard des groupes francophones dans les autres provinces, dans d'autres parties du Canada, je montrerais la même énergie et le même intérêt pour faire valoir qu'il ne faut pas réduire, si je peux me servir de cette expression, l'utilisation du français dans l'apprentissage, dans la formation ou dans l'enseignement, dans l'éducation uniquement au Québec, mais que ceci devrait se retrouver ailleurs au Canada. C'est vraiment étonnant que cela arrive à proximité du Québec. Evidemment, la tentation, l'inclination est de penser que ces étudiants pourraient venir au Québec. Ce serait déjà respecter ces étudiants, mais je pense qu'on respecterait davantage la population francophone de l'ensemble du pays si des mesures semblables pouvaient être étendues ou développées ailleurs qu'au Québec pour répondre aussi aux besoins des francophones qui se trouvent à l'extérieur du Québec.

Je pense qu'on ne s'étonnera pas du tout que nous appuyions cette motion du député de Rouyn-Noranda et je le félicite d'en avoir pris l'initiative parce que plusieurs se souviendront que le Parti libéral avait également appuyé, au moment du conflit des contrôleurs aériens, des débats linguistiques qui ont eu lieu à ce moment-là, les contrôleurs aériens de langue française. C'est dans cette même ligne de pensée que nous appuyons sans aucune restriction aujourd'hui la motion du député de Rouyn-Noranda. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Je voudrais parler quelques minutes pour appuyer la motion de mon collègue, le député de Rouyn-Noranda, qui demande que ces seize étudiants, aspirants contrôleurs aériens du Québec, puissent poursuivre leurs cours de formation en transport ici, au Québec, et surtout dans leur langue. Je crois que cette motion ne fait que reconnaître, encore une fois, ce que tous les Québécois ou la très grande majorité des Québécois veulent, en fait et en pratique, soit l'égalité de traitement pour les francophones et les anglophones au Canada. Ce n'est pas l'apanage du Parti québécois de demander la protection des francophones au Canada. Tous les partis politiques de cette Chambre veulent justement l'égalité des francophones et des anglophones au Canada. Là-dessus, il faudrait peut-être arrêter de charrier en disant que seul le Parti québécois prend la défense du fait français, que seul le Parti québécois peut apporter des solutions définitives à ce problème. Chacun des partis politiques représentés au Québec a des solutions, bien sûr différentes, à présenter à la population du Québec et du Canada dans ce sens.

J'entendais, tout à l'heure, le ministre des Transports nous dire que la seule solution à tous ces problèmes était la séparation ou l'indépendance du Québec. C'est complètement faux, c'est archifaux. Il faudrait continuer quand même, peu

importe le régime dans lequel on sera au Québec, que ce soit la séparation complète, l'indépendance ou la souveraineté-association ou le trait d'union, une fois que vous aurez défini ce que c'est, le fédéralisme renouvelé ou le statu quo, il faudra toujours que les francophones d'Amérique se battent constamment pour conserver leur égalité. C'est l'héritage qu'on a reçu de nos ancêtres, c est l'héritage que nos pères nous ont laissé en nous disant: Vous êtes six millions dé francophones sur cette terre d'Amérique, et il y a 250 millions d'anglophones autour de nous; il faudra toujours se battre, peu importe le régime politique dans lequel nous vivrons. Il faudra arrêter de charrier et de dire que l'indépendance politique du Québec va tout régler et que le français est assuré de survivre si on est indépendant ou séparé. C'est complètement faux. On sera seul à l'époque pour se battre alors qu'aujourd'hui, au moins, on a quelques-uns de nos compatriotes, une grande partie de nos compatriotes anglophones qui sont prêts à reconnaître l'égalité entre les francophones et les anglophones au Canada.

M. Bellemare: Très bien!

M. Biron: M. le Président, si nous voulons appuyer cette motion du député de Rouyn-Noranda pour faire avancer d'un autre pas cette cause de I égalité, cette bataille de l'égalité qui a traîné depuis trop longtemps, malheureusement. C'est le temps, aujourd'hui, d'apporter des solutions complètes et pratiques. Ces solutions pratiques, la motion du député de Rouyn-Noranda, bien sûr, n'y fait pas allusion parce qu'elle est très courte, mais c'est tout simplement qu'on donne une chance égale aux francophones et aux anglophones. Pour cela, il faut que le gouvernement du Québec se mouille quelque part, dans le système d éducation en particulier. Qu'il donne une chance égale aux francophones et aux anglophones. Qu'il soit conscient de cette réalité nord-américaine dans laquelle nous vivons.

C est sûr qu'on est souvent obligé de faire instruire nos enfants, comme c'est le cas présentement, en Ontario, à Cornwall, pour apprendre le contrôle aérien, en anglais. Mais le contrôle aérien ne regarde pas tout simplement le Québec. Cela regarde aussi partout à travers le Canada, l'Amérique du Nord et le monde. Le contrôle aérien fait en sorte que ceux qui veulent travailler dans ce métier, comme dans tous les autres métiers et toutes les autres professions, il faudra, au Québec, vivre en français, apprendre le français, étudier en français, essentiellement en français. Cela ne veut pas dire qu'il faut étudier exclusivement en français. Il faut donner l'occasion à tous nos jeunes francophones, à tous nos jeunes anglophones du Québec d'apprendre la langue seconde. C'est ce qui manque à notre gouvernement à l'heure actuelle.

On charrie, on fait de la petite politique avec le fait français, quand on ne peut pas apporter des solutions et qu'on ne met même pas sur la table nos solutions de souveraineté-association. On charrie de toutes les façons possibles, mais on n'apporte pas de solutions réalistes aux problèmes d'aujourd'hui. Faites le tour de la province. M. le Président, allez voir les pères et les mères de famille et posez leur des questions concernant l'éducation de leurs enfants. Ils vont répondre en grande majorité qu'ils veulent que leurs enfants étudient en français, apprennent le français, mais un bon français dans toutes les écoles du Québec, mais ils veulent aussi, en même temps, que leurs enfants puissent apprendre l'anglais comme langue seconde. Cela a été promis à l'occasion de I étude de la loi 101. Et ceux de mes collègues d'en face, ceux qui sont à ma droite ou ceux de I'Union Nationale qui étaient à la commission sur la loi 101 savent que cela a été promis par le gouvernement du Québec. Nous vous promettons d'enseigner un anglais de bonne qualité, et en quantité, comme langue seconde, dans toutes les écoles françaises, et le français comme langue seconde dans toutes les écoles anglaises. On nous a promis cela.

M. Dussault: La pertinence!

M. Biron: Depuis ce temps-là, on n a absolument rien fait, de sorte que les étudiants sont poignes avec le système actuel. C'est cela le problème. La plupart des parents du Québec voudraient que leurs enfants puissent apprendre les deux langues officielles de leur pays. Ils vont continuer à vivre au Québec essentiellement en français mais, au moins, ils pourront avoir une formation convenable, une formation que les parents veulent donner à leurs enfants. Cela fait partie de l'histoire politique du Québec et du Canada et de la réalité nord-américaine.

En appuyant cette motion du député de Rouyn-Noranda aujourd'hui, nous voulons justement faire avancer la cause de l'égalité. Nous voulons permettre aux francophones d'être traités avec égalité ici dans ce pays qu'est le Canada. Nous ne voulons pas briser le Canada et nous ne voulons pas non plus apporter des solutions fausses aux vrais problèmes des francophones. Nous voulons faire en sorte que nos jeunes puissent vivre, au Québec, essentiellement en français, en apprenant aussi l'anglais comme langue seconde. (12 heures)

M. le Président, nous voulons faire avancer la cause de l'égalité au Canada et nous voulons, aussi, faire comprendre sérieusement et honnêtement à la population du Québec que le défi de l'excellence, cela va toujours exister pour nous. Qu'on arrête de dire aux gens: L'indépendance va tout régler, vous allez vous asseoir sur vos fauteuils et tout va être réglé. Que l'on soit honnête avec la population du Québec et qu'on dise aux Québécois, qu'on dise aux jeunes Québécois: Préparez-vous à vous battre, préparez-vous à être meilleurs que les autres, il faut que vous soyez meilleurs que les autres si vous voulez conserver votre langue française, votre culture française en Amérique. Préparez-vous à faire face au défi nord-américain. Qu'on ne dise pas aux jeunes de se

préparer à ne pas se battre. Qu'on ne dise pas aux jeunes de s'asseoir sur leur fauteuil et de ne rien faire, mais qu'on dise la réalité. Qu'on dise ce que nos parents ont fait; qu'ils se sont battus constamment pour conserver leur langue, leur culture. Nous autres aussi on se bat à l'heure actuelle, nos enfants continueront à se battre. C'est la réalité nord-américaine, c'est l'héritage qu'on a reçu de nos parents. Qu'on soit honnête de ce côté, qu'on continue à se battre, qu'on soit meilleur que les autres. Le défi de l'excellence cela va toujours exister pour nous, la bataille de l'égalité on l'a menée dans le passé, on la mène encore aujourd'hui et on continuera de la mener dans l'avenir. C'est pour cela que nous appuierons la motion du député de Rouyn-Noranda.

Le Vice-Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, je vais tenter d'être bref, malgré que j'en aurais pour au moins une heure à parler.

Le Vice-Président: Le règlement ne le permet pas.

M. Roy: Je sais que le règlement ne le permet pas, mais cela n'empêche pas que j'en aurais au moins pour une heure quand même.

Des Voix: Consentement.

M. Roy: M. le Président, je remercie mes collègues du consentement, mais quand on a travaillé, qu'on a siégé jusqu'à 2 h 30 du matin...

M. Charron: M. le Président, il n'y a pas consentement.

M. Roy: II n'y a pas consentement? Peut-être que cette fois l'honorable leader du gouvernement serait d'accord avec le député de Beauce-Sud. M. le Président, le moins que l'on puisse dire, c'est un autre dossier noir. Un autre dossier noir du gouvernement fédéral à l'endroit des francophones. Qu'on ne vienne pas me dire ce matin que ce sont les Québécois qui sabotent l'unité canadienne, quand on constate l'existence d'une telle école, qui n'a quand même pas été construite par le gouvernement de l'Ontario, une école qui a coûté $60 millions aux Canadiens et qu'on n'a même pas prévu qu'elle puisse dispenser un enseignement bilingue. Je devine l'attitude de la majorité de ceux qui nous représentent à Ottawa et ceux qui sont leurs délégués ici à l'Assemblée nationale, peut-être pas leurs délégués, je devrais dire ceux qui leur sont affiliés. Quelle est leur attitude? J'appuierai la motion de l'honorable député de Rouyn-Noranda, M. le Président, c'est le moins que l'on puisse faire ce matin. J'entendais le chef de l'Union Nationale dire qu'il fallait se battre et qu'il faudrait toujours se battre; c'est vrai que nous avons une réputation de batailleurs, parce qu'il a fallu nous battre pour garder le peu que nous avons.

Il y en a qui se battent toute leur vie, mais il y en a aussi qui se font battre toute leur vie. Pour se battre, il faut avoir des espoirs de gagner de temps en temps. Il faut avoir des moyens de gagner de temps en temps. Il ne faut pas toujours se battre à poings nus. Il faut avoir des outils. Pour cela, il faut se placer, à un moment donné, sur un pied d'égalité, d'égal à égal.

Des Voix: Bravo.

M. Roy: M. le Président, ne pensons jamais que nous pourrons réussir à obtenir des gains vraiment significatifs si nous ne faisons pas en sorte de faire l'unité québécoise. Il va falloir faire l'unité du Québec, l'unité québécoise. Il n'y a pas d'autre condition. C'est la raison fondamentale pour laquelle j'ai déposé un projet de loi à l'Assemblée nationale, qui porte le no 194, mais on ne peut pas, à cause des règlements, à cause d'une fin de session, le discuter à ce moment-ci. J'en profite ce matin pour dire que ce projet de loi sera réinscrit au feuilleton de l'Assemblée nationale dès la reprise de la session. Comme j'aurai droit à mes journées du mercredi, durant la première partie, je peux prédire que je vais faire en sorte que ce projet de loi puisse être discuté, débattu et voté ici à l'Assemblée nationale.

Je compte sur l'unanimité de l'Assemblée nationale pour que ce projet de loi soit adopté pour qu'enfin on se donne des outils, pour que, lorsque nous serons dans l'obligation de nous battre, nous ayons des outils pour nous battre d'égal à égal.

Le Vice-Président: M. le député de Maguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas prendre beaucoup de temps. Je sais que le leader du gouvernement a un menu à nous offrir aujourd'hui. Mais je ne peux pas laisser passer cette occasion sans insister sur le fait qu'on ne doit pas être surpris si on trouve l'unanimité des parlementaires ici derrière la motion du député de Rouyn-Noranda.

En effet, la motion remet dans l'actualité toute la question du français dans le transport aérien, question qu'on a, à bon droit, je crois, appelée l'affaire des gens de l'air. Déjà, depuis quelques années, cette Assemblée et le gouvernement québécois précédent avaient eu à s'impliquer dans cette question. J'avais personnellement dirigé une délégation des gens de l'air composée de représentants de l'Association des gens de l'air dont faisait partie celui qui, maintenant, est président de l'Assemblée nationale et qui, à ce moment-là, était Me Clément Richard. Lui-même pourrait témoigner, M. le Président — mais il ne le peut pas étant donné qu'il ne peut participer à nos débats — des

efforts que nous avons faits à ce moment-là pour faire rendre justice à la cause du français dans le transport aérien.

Cette Assemblée avait appuyé unanimement une motion que j'avais faite plus tard pour condamner l'entente qui avait été conclue entre M. Otto Lang et la CALPA. Ceux qui étaient ici, à ce moment-là, se souviennent que l'Assemblée nationale n'avait pas non plus eu de difficulté à trouver son unanimité pour condamner un geste qui mettait en péril la cause du français.

Le ministre des Transports a cru bon devoir profiter de la situation pour tenter de faire avancer la cause du désespoir, la solution de la frustration angoissée et tiraillée. C'est son choix, M. le Président. On saura plus tard quel sort sera réservé par la population québécoise à la solution du tiraillement et de la frustration. Si l'on en juge par le succès que l'indépendance et le séparatisme ont eu depuis dix ans, ici au Québec, je pense que le ministre des Transports aurait dû choisir une autre solution à proposer devant le problème très réel qui a été souligné par la motion du député de Rouyn-Noranda.

Quant à nous, nous ne sommes pas gênés — mais pas du tout — de réitérer notre appui à la cause du français, en particulier dans la question qui a été soulevée par la motion du député de Rouyn-Noranda. Mais ce n'est pas dans le désespoir. Nous savons que nous devrons nous battre constamment. Nous allons le faire encore une fois en appuyant la motion du député de Rouyn-Noranda. C'est visière levée, c'est non pas en proposant la frustration, la fermeture hermétique de la souveraineté-association — ou enfin ce que cela veut dire, on ne le sait pas au juste, personne le sait — ce n'est pas dans la solution tiraillée du Parti québécois que nous allons le faire. Nous allons le faire en nous défendant quotidiennement, comme nous allons devoir le faire quel que soit le régime dans lequel nous vivrons dans l'avenir. C'est pour cette raison et cette raison seulement que nous appuierons que, personnellement, j'appuie la motion du député de Rouyn-Noranda.

Le Vice-Président: M. le député de Rouyn-Noranda, votre réplique.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Vice-Président: Je m'excuse. Je ne vous avais pas vu.

M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'appuie la motion du député de Rouyn-Noranda et je crois que le problème va beaucoup plus loin que le problème de ces seize étudiants qui font l'objet de la motion du député de Rouyn-Noranda.

M. le Président, je crois que c'est important non seulement pour nous ici de faire vraiment des représentations au gouvernement fédéral, mais je crois que c'est important pour la communauté an- glophone du Canada de comprendre vraiment les implications de certaines décisions qui ont été prises dans le passé et qui continuent à être prises maintenant. (12 h 10)

Mr President, I think that it is very important for the English-speaking community of Canada, not only of Québec but of all Canada, to understand what is at stake in the principle of this motion. When we speak of minority rights in one province, we cannot have two different standards of minority rights. I have fought this government on bill 101 because I have thought that it was restrictive and discriminatory. However, the principles of justice, in terms of discrimination, apply throughout all of Canada, and the difficulties that we have here in defending minority rights are worsened by the attitudes that are taken by some groups and some people in the rest of Canada.

To be the victim of discrimination is a personally sad experience for the individuals that are involved but, when it is practiced, even symbolically or otherwise on a national scale, whether it is involuntary or whether it is in the name of national security, I think it can be tragic for this country.

During the course of the next few months and perhaps the next few years, we will be debating some very important problems having very important consequences for the future of this country, and it will be unfortunate if the rest of Canada does not understand what is going on here and will render more difficult the solution of maintaining Canadian unity. I wonder how many other Canadians outside of Québec, if this debate were televised, would understand the representations made by the member from Rouyn-Noranda. How many would understand the plea that was made by my colleague, le député de L'Acadie? Because that is what it is going to be all about, we are going to have to communicate and understand the problems that exist here. And I would go so far as to say that the future of Québec within Canada will not depend only on the decisions that are taken by the population in Québec; they will be taken by the reactions and the decisions taken in the rest of Canada. So that this motion of the member from Rouyn-Noranda is well founded. It reflects "un malaise" that exists, a lack of understanding, and I would like to appeal not only to the federal government, as the motion does, but I would like to appeal to the rest of Canada to understand what is going on in Québec and ask for their support because only by that kind of understanding and by that kind of support will we be able to keep this country together.

It is more than just an appeal for sympathy. It is an appeal for a recognition of human rights, of minority rights. Minority rights not only exist in Québec. Minority rights exist across the country and it is not enough to ask the government of Québec to recognize human rights, individual rights and minority rights. It must be done not only by the federal government but it must be done by each individual province of this country. And if we

can begin with this particular problem, we will have served a lesson to this government in front of us, to the PQ government. It will be a perfect lesson that you do not have to separate this province from Canada to protect your rights and to advance culturally and politically. It can be done within the terms and within the liberties that Canada offers.

Le Vice-Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, je serai très bref, comme le député de Marguerite-Bourgeoys en parlant sur la motion, le député de Rouyn-Noranda s'est référé à ce qu'on est convenu d'appeler maintenant l'affaire des gens de l'air. J'ai eu l'occasion d'agir comme coordonnateur de la campagne de sensibilisation et de mobilisation de la population autour du problème des gens de l'air, à l'époque, avec plusieurs membres, d'ailleurs, de l'Assemblée nationale qui se retrouvent ici aujourd'hui. Après un vote unanime de l'Assemblée nationale d'appui, il est bien évident, M. le Président, qu'on ne peut être en désaccord avec cette motion. Mais si on essayait cependant de retrouver le climat qu'il y avait à l'Assemblée nationale à l'époque où l'Assemblée nationale avait appuyé de façon unanime les gens de l'air, et si on analysait les interventions d'aujourd'hui pour appuyer la motion du député de Rouyn-Noranda, on sentirait une nette différence.

Il me semble que l'appui est nettement plus politisé maintenant qu'il l'était à l'époque. Et si, à l'époque, la mobilisation et la sensibilisation de la politique étaient possibles, c'est parce qu'aucun parti politique n'avait utilisé à des fins partisanes la cause des gens de l'air. Personne, à l'époque, d'aucun parti, n'avait mis en cause le programme politique d'un parti, ses orientations et son idéologie. Quand je parle d'idéologie, je parle de séparation dont on vient de parler tantôt. Personne à l'époque n'a, non plus, parlé de l'enseignement de la langue. On parlait d'autre chose. On parlait à l'époque et on parle encore toujours — cela n'apparaît pas dans la motion, mais c'est cela le fond du problème — de Québécois qu'on empêche entre eux de parler français. Les seize francophones qui étudient en Ontario, le fait qu'ils étudient en Ontario, cela peut être grave, mais ce qui est plus grave encore, c'est qu'on leur interdise de parler français entre eux.

Si cela n'est pas être sectaire, je ne sais pas ce que c'est. Depuis la campagne de sensibilisation des gens de l'air, depuis l'appui unanime de l'Assemblée nationale, depuis cette grande mobilisation qu'il y avait eue au Québec, rien n'a été réglé. Les contrôleurs ont perdu leur cause au niveau syndical, dans leur désir de se retirer du syndicat canadien. On ne leur a pas permis de faire leur propre syndicat au Québec. On n'a pas non plus réglé la question de l'espace aérien québécois. On n'a pas non plus indiqué aux Québécois que le vrai problème en arrière de la question de la langue dans l'espace aérien, dans le contrôle aérien, le vrai problème est économique et que si on empêche des francophones, soit contrôleurs, soit pilotes, de parler en français entre eux, c'est parce qu'on veut empêcher que les francophones se partagent les emplois intéressants dans le monde de l'aéronautique. Le vrai problème est économique. Le macaron publicitaire de la campagne d'il y a un an, c'était: II y a du français dans l'air. Je voudrais rappeler à l'Assemblée nationale que, peu de temps après, des journalistes venus de l'étranger avaient aussi reproduit le macaron en disant: II y a de l'argent dans l'air. C'est parce qu'il y a de l'argent dans l'air que les Québécois ne seront jamais capables de parler français entre eux à ce niveau.

Le Vice-Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: Très brièvement, M. le Président. Il paraît évident que l'unanimité se fait autour de la motion de l'honorable député de Rouyn-Noranda, même si elle ne se fait pas autour de la conclusion du ministre des Transports. C'est une question qui est grave et importante. Il me semble qu'il y a des vérités simples qui doivent être dites.

M. Speaker, we have in this country two official languages and we cannot say to those who speak French: You cannot become an air traffic controller. We cannot say to those who speak French: You cannot become a pilot because you will not be able to communicate with the ground in French, when French is your language. (12 h 20)

Mr Speaker, at this moment when Air Canada is about to cancel some 30 daily flights because there is a shortage of pilots, it is time that we re-examine the whole question of who becomes a pilot and who becomes an air traffic controller in this country. It is for that reason that I support the motion put forward by the Member for Rouyn-Noranda.

Le Vice-Président: M. le député de Rouyn-Noranda, votre réplique.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, je désire remercier les députés qui ont participé à ce débat qui n'a pas été un long débat et que j'espérais ne pas être un long débat, compte tenu des circonstances de la fin de session et du travail que nous avons. Cela explique d'ailleurs, M. le Président, pourquoi ma motion n'était pas plus large. S'il avait fallu que j'inclue dans la motion d'autres choses que j'avais le coeur d'inclure, nous aurions eu besoin d'un débat beaucoup plus long. Evidemment, les circonstances ne s'y prêtant pas, j'ai donc tenté de procéder par une motion qui couvrait une situation d'urgence.

Les étudiants de Cornwall, les seize étudiants francophones, ont demandé, par la voie du journal

ce matin, aux élus du Québec d'intervenir d'urgence pour que ces jeunes puissent poursuivre leur formation à Dorval. C'est donc à partir de cette demande que j'ai formulé ma motion pour couvrir cette situation que je considère comme urgente, parce que, si dans les sept jours ils ne réintègrent pas Cornwall, ils sont, à toutes fins utiles, exclus de ces cours. C'est pourquoi j'ai fait ma motion pour viser spécifiquement ce cas ce matin, tout en étant très conscient qu'il y a lieu de revenir à la charge, à l'occasion d'un débat plus long qui nous permettra d'aller plus en profondeur dans cette question.

Mme le député de L'Acadie, je suis d'accord sur ce qu'elle a dit, mais, pour le moment, je pense qu'elle va considérer avec moi que, l'institut de Dorval étant actuellement un institut bilingue, c'est la seule façon immédiate de régler le problème de ces étudiants et d'éviter ce qui a été considéré par la presse comme de la discrimination. Je me reporte à ce qu'on dit dans les journaux, si le rapport est absolu, ce serait de la discrimination, ce que nous n'acceptons pas.

Le conflit des gens de l'air qui a débuté il y a quelques années n'est pas encore terminé et il ne le sera pas demain, j'ai l'impression. Mais il reste une chose, c'est qu'il est de notre devoir, en tant qu'élus du peuple responsables, d'intervenir à chaque fois que l'occasion se présente pour démontrer, non pas — et je n'ai pas parlé dans ma motion ni dans ma présentation de séparation ou de besoin de détruire le pays, d'aucune façon.

Ma motion et mon intervention se veulent une intervention qui permette à d'autres Canadiens ailleurs qui ne sont pas nécessairement francophones de compendre que c'est l'intention des Québécois de continuer à se tenir debout. Cela ne veut pas dire que nous déclarons la guerre, mais cela veut dire qu'il y a des choses qui ne se font pas et qu'on ne le permettra pas.

Ma motion, M. le Président, et mon intervention voudraient plutôt se baser sur le gros bon sens, sur la compréhension et sur le fait que l'intolérance des uns ne justifiera jamais l'intolérance des autres. Au contraire, c'est la compréhension et la tolérance des deux groupes fondateurs, des deux groupes linguistiques qui vont faire que ce pays va tenir ensemble et va tenir ensemble dans l'harmonie. Si on ne tient pas ensemble dans l'harmonie, il se divisera sous une autre forme que personne de nous n'espérerait voir.

Vivre en société, c'est un peu comme la vie elle-même, c'est un combat de tous les jours. Il n'y a pas de solution magique qui fera que nous n'aurons jamais à revenir sur des sujets comme cela, ce n'est pas vrai. Rien ne pourra empêcher qu'il y ait, un autre jour, une autre forme de problèmes. Rien ne pourra empêcher non plus qu'un autre jour l'autre forme de problèmes provienne d'un autre gouvernement que le gouvernement fédéral. Donc, il ne s'agit pas — ma motion ne s'est pas voulue ainsi — de lancer des pierres à qui que ce soit pour dire "les mauvais çi, les mauvais ça". Non!

Il y a une injustice dans ce secteur, c est un cas qu'il faut corriger. Nous n'avons pas peur de faire face à la musique, l'unanimité de l'Assemblée nationale est là pour le prouver. Comme comparaison, que dirait-on si, par exemple, dans le domaine de la justice, quand un juge doit condamner un criminel parce qu'il a commis un méfait ou un forfait, que dirait-on si, parce qu'il y a une personne qui a commis un méfait, le juge condamnait toute la société? Ma motion se veut une motion qui vise ce cas particulièrement. Dans un autre temps, s'il y a un autre cas qui fait qu'on doive faire l'unanimité, je n'hésiterai jamais à proposer ou à appuyer des motions qui feraient l'unanimité. Quand il y aura des cas précis où on considérera qu'il y a injustice envers notre population ou une partie de notre population, envers les francophones du Québec, et même envers les anglophones du Québec, je serai le premier à me lever. Je considère que les droits des citoyens, les droits de la collectivité sont intimement reliés à la tolérance et au respect des droits de toutes les minorités.

Je veux terminer en soulignant que ma motion, que mon intervention, à mon sens, s'inscrit dans la foulée des nombreuses interventions d'un ex-premier ministre du Québec pour qui, je n hésite pas à le dire, j'ai eu beaucoup d'admiration, l'honorable Maurice Duplessis, qui disait souvent, et qui le faisait: On va chercher notre butin! Dans un cas comme celui-là, je pense qu'on peut faire la comparaison. Notre intervention s'inscrit dans cette foulée. On va chercher notre butin, mais cela ne veut pas dire que pour aller chercher notre butin on est obligé de détruire celui des autres. C'est pourquoi je ne suis pas gêné d'avoir présenté cette motion ni de la débattre. Je ne suis pas gêné non plus de voir — cela me fait plaisir même — qu'il y a unanimité de l'Assemblée. Cela prouve une chose, c'est que nos droits, les droits que nous défendons honnêtement, que cette défense des droits n'est justement pas l'apanage de quelqu'un en particulier ou d'un groupe en particulier, mais que tout le monde ici, en cette Assemblée, a le même profond sentiment de cette défense de nos droits et chacun à sa façon les défend suivant des optiques qui peuvent différer. (12 h 30)

Mais, quant à l'objectif général et principal, tout le monde se rejoint là-dessus et je pense que le gouvernement fédéral, dans les circonstances, se devra de tenir compte de cette unanimité de l'Assemblée nationale. C'est l'autorité fédérale qui est capable de régler le cas rapidement. Nous avons déjà eu d'autres motions, que je considère comme des précédents très heureux. Il y a deux ou trois ans, quelqu'un, au gouvernement fédéral, avait refusé l'utilisation des plaines d'Abraham pour les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste. Par une motion unanime de l'Assemblée, le gouvernement fédéral est intervenu et a réglé le problème rapidement. Cela peut se faire. C'est pour cette raison que j'ai fait ma motion; je veux que ce problème soit réglé. Si j'avais voulu faire de la propagande, je l'aurais faite autrement, ma motion. Ce que je

veux, ce n'est pas faire de la propagande; c'est qu'on règle le problème qui est devant nous ce matin au plus coupant.

Mon collègue de Sainte-Marie a dit avec beaucoup d'à-propos que, dans la campagne des gens de l'air il y a quelque temps, le slogan était: "II y a du français dans l'air." Je dis qu'ils avaient raison, mais peut-être pourrions-nous en profiter pour ajouter qu'il doit aussi y avoir du français sur terre et, pour cela, il faut garder les deux pieds sur terre.

Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Charron: Adopté.

M. Bellemare: M. le Président, en vertu de l'article 34, je voudrais simplement...

Le Vice-Président: Un instant! Il n'y a pas d'autres motions non annoncées?

Retrait de motions inscrites au feuilleton

M. Bellemare: C'est une motion non annoncée. Me servant de l'article 85: "Tant qu'une motion n'a pas été mise en délibération, elle peut être retirée avec la permission du député qui l'a présentée," après avoir consulté les quatre députés qui avaient des motions en vertu de l'article 174-A, je voudrais demander au leader, de bien vouloir les rayer du feuilleton maintenant. Il s'agit de la motion de Claude Dubois, de Huntingdon, sur le programme de stimulation; de la motion de Rodrigue Biron, de Lotbinière, sur la place des sociétés d'Etat; de la motion de Fernand Grenier, de Mégantic-Compton, sur l'opération gestion faune; la motion de M. Le Moignan, de Gaspé, sur la dilapidation des biens culturels.

Le Vice-Président: C'est accordé?

M. Charron: Oui, M. le Président, il n'a qu'à avertir le secrétaire général.

Le Vice-Président: Accordé. Ce sera rayé du feuilleton.

Oui, M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: II en est de même pour une question avec débat inscrite le 22 mars par le député de Gatineau à l'adresse du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur le sujet du placement étudiant. Etant donné qu'il n'y aura plus de questions avec débat d'ici à la fin de la session et par mesure d'économie pour la réimpression du feuilleton, nous demandons au secrétaire général de retirer cet article.

Le Vice-Président: Accordé? M. Charron: Oui.

Le Vice-Président: Je vous en remercie, messieurs, au nom de la présidence.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Travaux parlementaires

M. Charron: II n'y a pas d'enregistrement des votes? J'en suis aux avis, M. le Président. Juste avant d'appeler les affaires du jour, je voudrais informer immédiatement la Chambre de ceci. La Chambre, lorsqu'elle s'ajournera ce soir, proposera une motion d'ajournement à lundi 14 heures et non pas à 10 heures comme je l'avais dit. Lundi matin, trois commissions parlementaires se réuniront de 10 heures à 12 h 30. Ce sera la commission de l'agriculture pour la Loi sur la protection du territoire agricole, la commission du revenu pour entamer l'étude des projets de loi qui lui ont été déférés hier et la commission du travail et de la main-d'oeuvre afin de faire l'étude article par article de la loi 114 qui a été adoptée hier soir et de la loi 110 qui devrait être adoptée en deuxième lecture dans le courant de la journée, avant minuit ce soir, et lui être déférée du même souffle. Salon rouge, agriculture; salle 91, revenu; salle 81-A, travail et main-d'oeuvre. Lundi matin, les commissions à 10 heures et la Chambre se réunira à nouveau à 14 heures lundi. Cela altère donc un peu l'ordre...

Lundi matin, les commissions à 10 heures et la Chambre se réunira à nouveau à 14 heures lundi après-midi. Donc, cela altère un peu l'ordre de la Chambre du débat prévilégié de 15 heures à 17 heures. Il faudrait plutôt entendre 15 h 30 à 17 h 30, parce que cela suivrait la période de questions, mais je ne pense pas qu'il y ait là de quoi faire un drame. C'est le seul avis que j'ai à donner à la Chambre, peut-être en indiquant le menu de la journée de lundi. Après que nous aurons disposé de la motion en indiquant le menu de la journée de lundi. Après que nous aurons disposé de la motion de blâme, nous entamerons l'étude du projet de loi sur la Société générale de financement. Par la suite, nous achèverons — si elle est déjà entamée — l'étude du projet de loi sur la conservation de la faune. Notre soirée de lundi devrait se terminer par le débat sur le projet de loi 105, créant la Société de développement des industries culturelles. C'est le menu pour lundi, M. le Président.

Le Vice-Président: Vos motions pour aujourd'hui, s'il vous plaît.

M. Charron: S'il n'y a pas d'autres questions en vertu de 34, M. le Président?

M. Bellemare: Aujourd'hui, oui. M. Charron: II y en a?

M. Bellemare: Voici, vous nous aviez dit que la commission parlementaire de l'Assemblée nationale aurait à se réunir pour deux choses hier, pour d'abord prendre connaissance des change-

merits qui sont apportés dans la régie interne de la présidence. Cela n'a pas siégé. L'autre a siégé. Est-ce que cela a siégé?

M. Charron: J'informe tout de suite le député M. le Président, que de toute façon la commission de l'Assemblée nationale va être appelée, à un moment de la semaine prochaine, à se réunir pour faire l'étude article par article du projet de loi 120 qui a été adopté en deuxième lecture et qui est à mon nom. C'est à cette occasion que l'on fera également l'étude de la réorganisation administrative de l'Assemblée qui n'a pu être faite hier.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, je ne puis officiellement vous dire ce qui s'est produit, mais ne pouvant pas me diviser, je vais vous informer qu'il y a eu une première séance sur la question des sociétés d'Etat, sans faire rapport.

M. Charron: Si j'avais le consentement, M. le Président, avant de faire la motion, j'inviterais nos collègues de la commission de l'agriculture, qui doivent travailler aujourd'hui jusqu'à minuit ce soir, à se réunir à 14 h 30 plutôt que 15 heures cet après-midi, puisque je n'ai pas l'intention de les faire siéger pour les 25 minutes qu'il reste actuellement. S'il y a consentement, étant donné que c'est le travail le plus urgent, 14 h 30, cela va?

Le Vice-Président: Motion adoptée? M. Lavoie: Oui, nous sommes d'accord. Le Vice-Président: Motion adoptée.

M. Charron: II n'y a évidemment pas de commission qui va siéger ce matin. Cet après-midi, de 14 h 30, comme je viens d'avoir le consentement jusqu'à 18 heures, et ce soir de 20 heures à 24 heures, la commission de l'agriculture. La commission des affaires sociales, elle, se réunira quand l'étude en deuxième lecture de 84 aura été achevée pour, tout de suite après, entamer l'étude article par article de ce projet de loi et, en même temps, finir l'étude article par article du projet de loi 103 sur lequel elle a déjà travaillé. Donc, je fais motion pour que, quand l'étude 84 sera achevée en deuxième lecture cet après-midi, cette commission des affaires sociales se réunisse pour la fin de la séance cet après-midi et ce soir à la salle 81-A.

Le Vice-Président: Cette motion conditionnelle, sera-t-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Une très courte question à titre d'information au leader parlementaire du gouvernement. Lorsqu'on jette un coup d'oeil sur le feuilleton, avec une trentaine de lois, j'imagine, à adopter, d'ici jeudi prochain, je voudrais savoir, de la part du leader parlementaire du gouvernement, combien il y a de jours dans la semaine prochaine?

M. Charron: Combien il y a de jours? Oui, vous me donnez l'occasion de faire le point. Il y en a quatre la semaine prochaine. Entre nous — parce que nous avons assez de métier dans le corps pour pouvoir se le dire clairement — il serait bien malheureux que la rumeur circule à l'effet que 30 projets de loi qui n'auraient même pas été pris en considération seraient appelés à être adoptés, à la vapeur la semaine prochaine. Nous savons tous, par exemple, que les 12 premiers articles sur les 30 constituent des troisième lectures qui, à mon avis, à moins de... Il y a toujours possibilité de représentation, mais nous savons tous, M. le Président, qu'il ne s'agit pas là de débats majeurs, puisque létude en deuxième lecture ayant eu lieu, I étude article par article ayant eu lieu, la prise en considération ayant eu lieu, ces projets de loi demandent ni plus ni moins que la ratification de I Assemblée nationale. En ce sens, d'ailleurs, M. le Président, le tout premier article que je vais appeler est précisément une troisième lecture qui nous permettrait de libérer mon collègue, le ministre d Etat à la réforme électorale et parlementaire: c'est celui qui figure à l'article 12 de votre feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président. (12 h 40)

Le Vice-Président: M. le leader...

M. Lavoie: Sur ce propos, M. le Président, très brièvement et sans soulever de débat.

Le Vice-Président: ... certainement. J'appellerai l'article ensuite.

M. Lavoie: Je n'ai pas voulu laisser entendre — je ne peux pas le permettre également au leader parlementaire du gouvernement devant tous nos collègues — qu'il ne reste que des troisièmes lectures. Il reste au moins une quinzaine de projets de loi en deuxième lecture, des lois très importantes qui ne sont pas abordées encore.

M. Charron: Oui, mais vous savez que pour sept, huit et peut-être même dix de ces projets de loi — je vous l'ai indiqué non seulement hier, mais il y a déjà quelque temps, à vous et à notre collègue de Johnson — ce n'est pas l'intention du gouvernement de les appeler. C'est bien sûr que je ne peux pas les enlever du feuilleton parce que je vous ai dit cela. Mais, réellement appelables en deuxième lecture au cours de la semaine prochaine, à l'étape de la deuxième lecture au cours de la semaine prochaine, je pourrai faire le décompte si on veut le chiffre exact, mais à l'oeil, je dirais qu'il y en a une dizaine au maximum.

M. Lavoie: En deuxième lecture. M. Charron: C'est cela.

Projet de loi no 123 Troisième lecture

Le Vice-Président: D'accord, messieurs. Si vous voulez vous rappeler des souvenirs du temps passé, vous pourrez compter ce que nous avons déjà fait. M. le leader parlementaire du gouvernement m'a demandé d'appeler l'article 12). C'est donc M. le ministre d'Etat à la réforme électorale et parlementaire qui propose que soit lu une troisième fois le projet de loi 123, Loi modifiant la Loi électorale.

M. le ministre d'Etat.

M. Robert Burns

M. Burns: M. le Président, le discours sera très bref. Je pense que nous avons eu une commission plénière qui a apporté des résultats positifs. Je remercie d'ailleurs tous nos collègues, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, qui nous ont fait des suggestions. Nous avons apporté des amendements au projet de loi, en particulier à l'article 13a de la Loi électorale, où nous avons exclu, de façon spécifique, les renseignements que le directeur général des élections pourrait obtenir de la part du ministère du Revenu, du ministère de la Justice ou de la Sûreté du Québec, avec dans les derniers cas — le ministère de la Justice et la Sûreté du Québec — une possibilité d'exclure ce type de mise à part à cause du droit de vote des détenus. Je pense que cet amendement a été largement discuté en commission plénière, a été adopté par tout le monde.

Nous avons également, toujours à l'égard de cet article 13a, précisé le type de renseignements pertinents que le directeur général des élections devait pouvoir requérir des ministères et des organismes gouvernementaux. Je pense, en tout cas, du moins c'est ce que j'ai compris l'autre soir lorsque nous avons terminé l'étude article par article en commission plénière de ce projet de loi, que nous avons obtenu une forme de consensus de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire de remarques plus longtemps à ce sujet. Je pense qu'on pourrait facilement adopter la troisième lecture du projet de loi sans difficulté.

M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: M. le Président, sur cette motion de troisième lecture du projet de loi 123, Loi modifiant la Loi électorale, je dois remarquer que le ministre responsable de la réforme électorale a collaboré avec les différentes oppositions et il a accepté de bon gré, avec beaucoup d'ouverture, certains amendements proposés par l'Opposition libérale et appuyés par les autres oppositions. Notamment, il l'a mentionné lui-même, dans l'exclusion des organismes et des ministères de qui le directeur général des élections peut requérir des renseignements en vue de la confection d'une liste permanente unique, une liste stable, qu'on pourra réviser régulièrement, qui permettra de faire disparaître ce recensement annuel qui est — moi, je dirais — un peu, peut-être, une formule désuète qui fait qu'à chaque mois de septembre ou octobre il faut nommer près de 40 000 énumérateurs à l'échelle du Québec, avec les bureaux de révision, avec les commissions de révision.

Je pense qu'il était temps — j'en félicite le ministre et nous l'avons appuyé dans cette mesure — de prendre des moyens modernes, grâce à la technologie moderne, les ordinateurs et tout. Avec tous les renseignements que les ministères et les organismes possèdent, il est souhaitable et réalisable que ce registre permette de mettre en place la confection d'une liste le plus complète possible de tous les citoyens du Québec qui ont à exercer un droit de vote lors des élections provinciales, lors d'un référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec — que nous souhaitons le plus rapide possible — liste qui pourrait également servir éventuellement aux élections scolaires, aux élections municipales. C'est une mesure d'économie qu'il nous fait plaisir d'appuyer.

Il y a un autre amendement qui a été agréé par cette Chambre, à savoir que les renseignements pertinents que le directeur général des élections doit aller cueillir dans les ministères et les organismes soient limités aux nom, prénom, adresse, occupation, sexe, citoyenneté, numéro de carte d'assurance-maladie. Nous remercions le ministre d'avoir accepté cette suggestion de la part de l'Opposition.

Enfin, nous regrettons que le ministre n'ait pas accepté une modification à l'article 13c) de la Loi électorale qui permet au directeur général des élections d'embaucher librement, jusqu'au 1er août 1979, tout le personnel dont il a besoin sans suivre le processus normal de la fonction publique. Ces personnes qui seront en poste, le 1er août 1979 — si je comprends bien l'article — pourront être incluses automatiquement dans la fonction publique sans autre formalité, sans concours, sans examen ou quoi que ce soit.

Je crois que de telles mesures ne sont pas souhaitables. Mon propos, aujourd'hui, est à l'adresse du directeur général des élections qui aura l'occasion de prendre connaissance des débats qui se déroulent actuellement. C'est un conseil que je me permets de lui adresser. Etant donné que ce bureau ou cette officine gouvernementale dirigée par le directeur général des élections doit être au-dessus de tout soupçon, qu'il doit y avoir là le plus d'objectivité, le plus de garanties d'honnêteté possible, je voudrais bien que le directeur général des élections soit très prudent dans l'engagement de son personnel. On nous a dit en commission qu'il aura besoin pour confectionner ce registre de 40 à 60 personnes qui seront engagées sans aucune formalité, suivant "les normes, effectifs et barèmes établis par le directeur général des élections et approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil" et que ces personnes entreront automatiquement dans la fonction publique, sans concours, le 1er août 1979. il faudrait être très prudent, surtout de la part

du directeur général des élections, pour que ce personnel ne soit pas un personnel partisan de quelque parti que ce soit. Nous surveillerons, en ce qui nous concerne, pour que le directeur général des élections ait toutes les garanties voulues quant à ce personnel qui oeuvrera non seulement d'une manière temporaire, mais d'une manière permanente dans le mécanisme de l'exercice de la démocratie au Québec, dans l'exercice du droit de vote, du déroulement du référendum et des élections. Je tiens et nous tenons à ce que cette garantie d'honnêteté, de probité, de non-partisanerie politique soit respectée à l'égard de ce futur personnel qui verra au mécanisme de l'exercice du droit de vote. Je termine, M. le Président, en disant que nous allons nécessairement voter en faveur de cette troisième lecture du projet de loi no 123. (12 h 50)

Le Président suppléant (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Mes propos seront assez brefs étant donné que je partage la grande majorité des arguments qui ont été invoqués par le député de Laval et leader de l'Opposition officielle. Je voudrais vous dire que je suis, bien sûr, heureux que le ministre ait consenti à accepter certains amendements qui rendent la loi qu'il nous propose, je pourrais dire, moins pire que ce qu'elle était. Je suis heureux également de voir que les concombres qu'on était en deuxième lecture lui ont ouvert les yeux. Je pense qu'on ne les lui a pas assez ouverts, par exemple. Nous demeurons toujours sceptiques face à l'adoption de cette loi, surtout à cause de l'utilisation qu'on va faire de la carte de l'assurance-maladie et des dossiers de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, aussi à cause de l'article 13c qu'on a mentionné tout à l'heure qui permettrait au directeur général des élections d'engager du personnel — on nous a dit de 40 à 60 personnes — sans concours, sans aucune des formalités qu'on suit habituellement en passant par la Commission de la fonction publique.

Non pas que je doute de la probité du directeur général des élections, loin de là, mais je pense qu'on doit se poser des questions quant à l'opportunité de faire une exception dans un tel cas, parce que c'est un endroit où on devrait avoir un personnel qui doit être tout à fait juste, non partisan. Je me demande pourquoi on fait une procédure d'exception dans un tel cas, alors que ce devrait être l'endroit où on est le plus chatouilleux, où on devrait faire le plus attention pour ne pas engager de personnel qui pourrait être contesté, tant de la part des partis d'Opposition que même de la part du parti ministériel.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, bien que le ministre ait accepté certaines modifications qui rendent sa loi moins pire qu'elle ne l'était, nous continuerons à prétendre, en troisième lecture, que ce projet de loi ne devrait pas être sanctionné par l'Assemblée nationale.

M. Samson: M. le Président.

Le Président suppléant (M. Clair): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: Très rapidement, j'avais dit au ministre, en deuxième lecture, que j'avais beaucoup de réserves quant à son projet de loi, et j'avais espéré qu'on aurait pu avoir des amendements susceptibles d'enlever toutes ces réserves. Il y a eu des amendements, j'en conviens, et je conviens que le ministre a fait un effort. Cependant, cela ne m'a pas donné entièrement satisfaction. Je conserve encore cette appréhension du fait que ce projet de loi, directement ou indirectement, peut mener vers des intrusions dans la vie privée des citoyens québécois, de sorte que cela me paraît, même après la commission plénière, encore comme un cheval de Troie. Même si le cheval est beau, ce qu'il y a dedans ne m'intéresse pas et est dangereux.

Je ne suis pas de ceux qui vont aller chercher le cheval de Troie, je n'achèterai pas ce projet de loi en troisième lecture, j'ai encore beaucoup trop d inquétudes. Je risquerais de me faire des reproches, dans un avenir plus ou moins rapproché, plutôt que d'avoir voté pour ce projet de loi. On se ferait probablement dire: Vous avez des griefs, mais n'oubliez pas que ce projet de loi a été voté à I unanimité de l'Assemblée, comme cela a été le cas pour la loi 2. Nous avons, de toute bonne foi, pour la loi 2, voté à l'unanimité, mais il y avait des lacunes là-dedans, on a eu des problèmes, par la suite, et cela venait souvent, cette histoire de se faire dire: N'oubliez pas que vous avez voté à l'unanimité.

Donc, je ne laisserai pas au gouvernement le plaisir de me lancer en pleine figure, à tout moment donné, que cette loi a été votée à l'unanimité et que, si elle apporte des effets mauvais, nous devrons les accepter parce qu'on a voté à l'unanimité. J'ai donc encore des inquiétudes et, aussi longtemps qu'on ne m'aura pas convaincu que je n'ai pas raison d'être inquiet, je ne peux pas appuyer cette loi.

J'espère, dans les lois qui viendront vers le printemps dans cette réforme globale, qu'on aura eu le temps de prendre connaissance de l'application, de voir comment cela ira. Je n'hésite pas à dire que si on a fait la preuve, à ma satisfaction, d'ici ce temps que je n'ai pas raison aujourd'hui, je retiendrai cette considération pour les prochaines lois. Pour le moment, je conserverai ma réserve et je ne voterai pas, en troisième lecture, pour cette loi.

Le Vice-Président: Cela étant dit, est-ce que cette motion de troisième lecture...

M. Burns: M. le Président, très brièvement...

Le Vice-Président: M. le ministre, vous avez un droit de réplique.

M. Burns: En réplique...

M. Lavoie: Est-ce que le ministre me permettrait une courte question?

M. Burns: Certainement.

M. Lavoie: II pourra peut-être me répondre dans sa réplique. Y aurait-il eu des dépenses déjà engagées au bureau du directeur général des élections en vue de la préparation de ce registre et que ce projet de loi ratifierait ces dépenses?

M. Burns: Les seules dépenses qui ont pu être faites sont à l'intérieur du budget du directeur général des élections, de sorte qu'il n'y a pas de débordement, si vous voulez, par rapport à ce qui a pu être prévu relativement à cette loi. D'ailleurs, je mentionne tout de suite qu'uniquement par prudence, lorsque j'ai présenté le projet de loi en deuxième lecture, j'ai dit que le lieutenant-gouverneur avait pris connaissance du projet de loi — la formule consacrée — et qu'il en recommandait l'adoption à l'Assemblée nationale. Je ne suis pas certain que cette loi cause des dépenses plus larges, je n'en suis pas convaincu.

M. Lavoie: Le personnel qui sera engagé?

M. Burns: II est possible que le personnel qui sera engagé le soit à l'intérieur du budget du directeur général des élections, mais par prudence j'ai fait cette déclaration traditionnelle au cas où, à un moment donné, on devrait demander à l'Assemblée nationale un budget additionnel pour ces dépenses.

Le Vice-Président: M. le ministre d'Etat, à moins qu'il y ait consentement, il faudrait être très bref.

M. Robert Burns

M. Burns: Je serai très bref. Mon intervention va durer à peu près une minute. Je suis d'accord sur les réserves qu'a exprimées le député de Laval relativement au fait que ce n'est pas normal de procéder, en vertu de l'article 13c à la nomination de personnel sans passer par la commission de la fonction publique. Je suis entièrement d'accord avec lui.

M. Lavoie: ... du député de Maisonneuve.

M. Burns: Je pense que mon collègue, le ministre de la Fonction publique, est particulièrement d'accord avec moi là-dessus. Ce n'est que parce que nous voulons, à un moment donné, arriver à un élément positif qui sera en mesure d'être soumis à l'Assemblée nationale dans un bref délai qu'on donne ce pouvoir — à la demande d'ailleurs du directeur général des élections — d'engager de 40 à 60 personnes. C'est bien sûr que c'est un accroc, mais c'est un accroc qui a existé lorsqu'on a mis en place la Régie de l'assurance automobile. Je l'ai mentionné l'autre soir en commission plénière. C'est bien sûr que ce n'est pas souhaitable de faire cela régulièrement, mais si on doit arriver à quelque chose de précis... Là-dessus je pense que mon collègue, le ministre de la Fonction publique, va admettre avec moi que si on doit passer à travers toutes les procédures habituelles de nominations, de préparation de listes d'éligibilité, etc., dans ce domaine-là, le directeur général des élections ne pourra pas remplir le mandat que nous lui donnons par le projet de loi no 123. C'est uniquement comme cela. Je le regrette, je le dis. Je l'ai dit l'autre soir en commission plénière.

Je regrette qu'on soit obligé de passer par ces méthodes, mais c'est pour une bonne efficacité, une meilleure efficacité, dans ce cas-ci, étant donné les délais précis, étant donné le fait que, éventuellement, l'ensemble de l'Assemblée nationale aura à se prononcer non pas sur une loi, comme je le disais l'autre soir également, parcellaire, mais pourra se prononcer sur le fond d'une loi concernant le registre des électeurs et l'identification des électeurs. (13 heures)

A ce moment-là, on pourra ouvrir le débat complètement et cela me fera plaisir d'en discuter complètement et entièrement sans aucune réserve. Je peux vous assurer que, dans la loi elle-même, qui sera la loi déterminante concernant le registre et l'identification des électeurs, évidemment, de telles dispositions n'existeront pas. Je ne me suis pas caché pour vous dire qu'il s'agissait là d'une loi spéciale qui habilite le directeur général des élections concernant un mandat très précis, que nous espérons voir réaliser d'ici le 15 mai. La date du 15 mai, évidemment, est celle qui nous motive à présenter l'article 13c qui passe à côté des règles normales d'embauchage, c'est-à-dire qui passe à côté de la Commission de la fonction publique.

Je vous le dis bien honnêtement: Je regrette cette mesure, mais elle est nécessaire actuellement.

Le Vice-Président: Messieurs, est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Adoptée sur division.

M. Samson: Est-ce qu'on pourrait enregistrer ma dissidence?

Le Vice-Président: Vous me posez une question de règlement. Je peux enregistrer votre dissidence.

M. Charron: On peut le remettre à lundi, si vous voulez un vote enregistré.

Le Vice-Président: Je m'excuse, j'aurais beaucoup de difficulté à le faire en vertu du règlement.

M. Charron: Que l'on vote tout de suite, si on veut un vote enregistré, parce que le ministre ne sera pas ici lundi.

Le Vice-Président: Adopté sur division.

M. Bellemare: Nous aussi, sur division.

Le Vice-Président: Adopté sur division, avec une dissidence précise du député de Rouyn-Noranda et des députés de l'Union Nationale. Cela vous convient? Il faudrait que je les nomme, quand même: M. le député de Johnson, M. le député de Mégantic-Compton, M. le député de Brome-Missisquoi.

Attention, s'il vous plaît, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale. Vous êtes tellement expérimenté que vous savez que ce n'est pas le vote du caucus qui compte à cette Assemblée, c'est le vote des personnes présentes. Je continue. Il y a donc les députés de Bellechasse, de Richmond, de Nicolet-Yamaska et de Saint-Hyacinthe.

Les travaux de cette Assemblée sont suspendus pour ce qui est de la Chambre jusqu'à cet après-midi 15 heures.

Fin de la séance à 13 h 1

Reprise de la séance à 15 h 10

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader parlementaire.

Projet de loi no 121

Requête relative à son dépôt

M. Gérard-D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente...

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): ... le gouvernement avait, par la voix du leader parlementaire, demandé aux partis d'Opposition si nous étions d'accord pour le dépôt du projet de loi définissant ou décrétant l'expropriation de la compagnie Asbestos Corporation. Nous avions dit que nous donnerions notre réponse en Chambre, soit à l'ajournement ou, de toute façon, avant 15 heures. Alors, pour tenir notre parole, je ne sais pas cependant, Mme la Présidente, si c'est le leader parlementaire adjoint qui va recevoir le message, après consultation de notre caucus, je voudrais en deux minutes dire notre position.

Sur l'objectif d'une plus prande transformation de la ressource amiante au Québec en vue de développer le secteur secondaire de notre économie et en vue de créer des emplois additionnels, nous avons dit et nous disons notre accord.

Sur le moyen choisi par le gouvernement d'acquérir l'Asbestos Corporation, parce que cette acquisition nous semble inutile et risquée, parce que cela ne semble pas vouloir créer d emplois additionnels et parce que cela coûtera très cher aux contribuables, nous avons dit et nous redisons notre désaccord total.

Sur la conduite du gouvernement dans ce dossier parce que toute l'affaire est fondamentalement une affaire politique, parce que la décision a été prise sans avoir effectué les études préalables nécessaires, parce que la manoeuvre est, depuis le début, tout à fait improvisée et parce que cela a favorisé une spéculation assez inqualifiable, nous réaffirmons notre désaccord.

Sur le dépôt en première lecture du projet de loi, parce qu'il s'agit là manifestement d'un geste purement politique fait pour la galerie, parce que ce geste est tout à fait inutile dans la mesure où le gouvernement a déjà indiqué son intention de ne pas faire adopter ce projet de loi par l'Assemblée nationale avant l'ajournement de la session, parce que, dès le 21 décembre prochain, ce projet de loi deviendra caduc avec la fin de la session, il s'agit d'un projet de loi mort-né, nous disons qu'en agissant de la sorte, le gouvernement a abusé ou abuse de l'Assemblée nationale en utilisant le prestige de l'Assemblée à des fins partisanes.

Nous disons qu'en agissant de la sorte le gouvernement viole les droits fondamentaux des élus du peuple en leur présentant un projet de loi en n ayant aucune intention d'en discuter et de l'étudier, si bien que seul le point de vue du gouvernement sera connu — c'est ce que le projet de loi contient — et que le point de vue des partis d'Opposition ne pourra absolument pas être exprimé en cette Chambre, puisque le projet de loi ne sera même pas discuté. C'est là, sur le plan du respect des droits des élus du peuple, des droits de l'Opposition, des droits de l'Assemblée nationale, une situation tout à fait inacceptable. C'est un abus du processus législatif.

Alors, une fois ces préliminaires établis, je veux informer cette Chambre. L'Opposition officielle ne s'oppose pas à donner son consentement pour le dépôt du projet de loi lorsque le gouvernement jugera à propos de le faire et, s'il le fait aujourd'hui, cela prend ce consentement. Mais je dois en même temps annoncer à cette Chambre que, pour les raisons que j'ai données, nous voterons contre ce projet de loi et, évidemment, nous n'avons pas le choix de voter ni en deuxième ni en troisième lecture, vu les intentions manifestes du gouvernement. Nous nous contenterons de voter contre ce projet de loi dans la seule lecture que nous aurons, c'est-à-dire la première lecture.

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Mme la Présidente, à la suite des remarques faites par le chef parlementaire de l'Opposition officielle, nous aussi, de l'Union Nationale, si on s'en souvient, à l'occasion du débat sur la loi 70 qui créait la Société nationale de I'amiante, nous nous étions prononcés, comme

d'ailleurs la très grande majorité de nos concitoyens du Québec, pour l'objectif de transformer davantage au Québec les fibres d'amiante, donc, d'avoir de plus en plus d'industries de transformation des fibres d'amiante au Québec.

Nous nous étions prononcés contre la nationalisation d'une compagnie d'amiante, vous vous en souvenez, parce que nous disions que le gouvernement du Québec, les citoyens du Québec n'avaient pas besoin de s'endetter de $250 millions pour produire davantage d'amiante. Au contraire, ils n'avaient qu'à prendre les dispositions nécessaires pour garantir des fibres d'amiante en quantité suffisante pour fournir les usines dans lesquelles nous pourrions investir ces $250 millions. Nous avions donc dit oui à l'objectif de la transformation de l'amiante au Québec mais dit non au moyen employé par le gouvernement de nationaliser une compagnie d'amiante pour atteindre ces objectifs.

Aujourd'hui, Mme la Présidente, notre philosophie n'a pas changé. Je rejoins en cela exactement la philosophie du chef parlementaire de l'Opposition officielle, mais puisque, hier, j'avais quand même, donné mon accord au ministre des Finances pour le dépôt de son projet de loi en première lecture aujourd'hui... Je comprends que c'est important pour les gens de la Bourse de Montréal, ou de Toronto ou de New York de savoir exactement où veut aller le gouvernement à plus long terme — surtout lorsqu'il est question d'exproprier des biens d'une entreprise privée québécoise — de connaître quelle est la façon qu'on veut prendre pour exproprier ces biens. Cela pourrait donner peut-être, au cours de la fin de semaine, le temps nécessaire aux gens des Bourses, aux investisseurs pour analyser ce qu'il y a dans le projet de loi, la philosophie ou la présentation de la part du gouvernement.

Moi aussi, comme d'ailleurs de nombreux Québécois, d'autres hommes politiques québécois, je crois que le dépôt en première lecture aujourd'hui ou lundi prochain, cela ne change pas grand-chose parce que le 21 décembre, le projet va devenir caduc, mais c'est tout simplement une forme de chantage que le gouvernement veut faire vis-à-vis de la compagnie Asbestos Corporation, la Société Asbestos. Quand même, c'est la décision du gouvernement de déposer son projet de loi avant la fin de la présente session. Nous ne nous y opposerons pas parce que, hier, j'avais dit au ministre des Finances que nous ne nous opposerions pas au dépôt en première lecture, mais comme mes collègues et amis de droite, de l'Opposition officielle, nous aussi de l'Union Nationale voterons contre le dépôt en première lecture parce que nous n'avons pas besoin, au Québec, d'exproprier une compagnie privée pour pouvoir créer des emplois, surtout exproprier pour créer une dette additionnelle sur le dos des payeurs de taxes québécois.

Mme le Vice-Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Mme la Présidente, à la suite, évidemment, des discussions qui ont eu lieu hier entre les différents représentants des partis politiques présents à l'Assemblée nationale, je ne voudrais pas par mon seul vote empêcher l'accélération d'un processus sur le plan de la stratégie parlementaire, c'est-à-dire empêcher le dépôt d'un projet de loi et le retarder d'un jour. Cependant, Mme la Présidente, je tiens à réitérer une position que j'ai maintes fois manifestée ici en cette Chambre, à savoir que — à la suite de ce que mes collègues viennent de dire et des propos que j'ai tenus également — je me suis toujours opposé à la nationalisation, l'étatisation ou l'expropriation d'une compagnie d'amiante au Québec. Cependant, j'ai toujours appuyé depuis fort longtemps des mesures qui auraient pour objet de favoriser la transformation de l'amiante au Québec. Extraire de l'amiante, c'est une chose, transformer de l'amiante, cela en est une autre. Il ne faut pas mêler les deux.

Si le gouvernement du Québec nous avait fait la preuve qu'il était impossible de se procurer des fibres d'amiante pour en faire la transformation, nous pourrions réviser notre position et nous pourrions examiner le dossier beaucoup plus profondément. Mais la preuve n'a jamais été faite qu'il serait impossible de se procureur de la fibre pour faire la transformation de l'amiante.

Or, par cette décision, le gouvernement va s'obliger lui-même à emprunter ou à investir $150 millions à $200 millions pour tout simplement changer les titres dans ce qui existe, sans créer un seul emploi nouveau et sans créer un seul marché additionnel, alors qu'avec $25 millions ou $50 millions il aurait peut-être été possible de créer deux industries nouvelles au Québec pour transformer chez nous cet important produit, cette matière première dont nous sommes largement pourvus, puisque nous avons un quasi-monopole mondial, et dont il est possible d'avoir les approvisionnements nécessaires des entreprises existantes. (15 h 20)

Si on veut créer des emplois, qu'on procède à créer des emplois, nous en sommes et nous allons appuyer ces mesures. Mais, si on veut simplement déplacer des titres de propriété, nous n'en sommes pas, parce que nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de le faire, même dans l'intérêt du Québec, à ce moment-ci. A la suite de mes collègues — ce sera un front uni de l'Opposition — je voterai contre le projet de loi.

Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, nous prenons note de l'acceptation de l'Opposition officielle pour le dépôt, de même que de l'Union Nationale, de même du chef du Parti national populaire. Nous vous remercions de collaborer avec le gou-

vernement pour cette étape. Dans le fond, c'est une étape passablement technique puisqu'elle suppose que le débat aura lieu quand même un jour ou l'autre, mais c'était important aux yeux du gouvernement que ce geste puisse être posé aujourd'hui. Alors, je demanderais, Mme le Président, s'il y aurait consentement, dans les circonstances, pour que l'adjoint parlementaire du ministre des Richesses naturelles puisse déposer au nom du ministre ce projet de loi, étant donné qu'il est le député, en même temps, de la Région de l'amiante. Est-ce que l'Opposition y consentirait?

M. Bellemare: Non, M. le Président. M. Bertrand: Non, d'accord.

M. Lavoie: II faudrait que ce soit un ministre qui le dépose.

M. Levesque (Bonaventure): Le vice-premier ministre peut le faire.

M. Lavoie: Le vice-premier ministre.

M. Bertrand: Oui, d'accord. Comment appelle-t-on cela? Je pense qu'il y a une expression en anglais.

Une Voix: Aller à la pêche.

M. Bertrand: C'est une tentative de profonde réforme du parlementarisme! Mais je pense qu'effectivement vous vous en tenez à notre règlement.

M. Bellemare: D'ailleurs, à l'article 117) c'est bien précis quant aux dépôts en première lecture: pas de débat, pas de vote non plus.

M. Bertrand: Pour cela, d'accord. Des Voix: Oui, il y a un vote.

M. Bellemare: Oui, il peut y avoir un vote, oui, vous avez raison, mais pas de débat.

M. Bertrand: Oui, d'accord; on parlait de dépôt, on ne parlait pas de débat.

M. Bellemare: Ni dépôt ni rien.

Mme le Vice-Président: A l'ordre! A I ordre!

M. Bertrand: Dans les circonstances, je demanderais au vice-premier ministre de déposer, au nom du ministre des Richesses naturelles, le projet de loi no 121.

Mme le Vice-Président: S'il vous plaît, un moment. Je veux vérifier, j'ai cru entendre des choses. Avons-nous bien le consentement unani- me de cette Assemblée?

Des Voix: Oui.

Mme le Vice-Président: Voilà. M. le vice-premier ministre.

Première lecture M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): Au nom du ministre des Richesses naturelles, permettez-moi de déposer le projet de loi no 121 modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante.

Ce projet de loi modifie la Loi constituant la Société nationale de l'amiante pour permettre au gouvernement d'exproprier, au nom de la société nationale, les biens qui sont utiles à la poursuite des objets de cette société et qui appartiennent à la société Asbestos Limitée ou à lune de ses filiales. Il prévoit que si la Société nationale de I amiante et l'expropriée ne peuvent s'entendre sur l'indemnité payable en cas d'expropriation, cette indemnité sera fixée par un conseil d'arbitrage composé de trois membres. Un membre du conseil d arbitrage sera nommé par la Société nationale de l'amiante, un autre par le propriétaire antérieur et le troisième membre, qui en sera le président, sera nommé par le gouvernement sur la recommandation conjointe...

Des Voix: Oh!

M. Morin (Sauvé): ... des deux premiers. Il sera choisi parmi les juges de la Cour provinciale qui siègent au Tribunal d'expropriation.

Enfin, le projet stipule que l'indemnité sera calculée par le conseil d'arbitrage selon la juste valeur marchande des biens expropriés établie en fonction de leur exploitation continue au moment où la Société nationale de l'amiante en est devenue propriétaire. Merci, Mme le Président.

M. Bellemare: Vote enregistré, s'il vous plaît!

Mme le Vice-Président: Cette motion du ministre de l'Education...

M. Bellemare: Vote enregistré, Mme le Président.

M. Lavoie: Vote enregistré, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président:... au nom du ministre des Richesses naturelles, proposant la première lecture de ce projet de loi no 121, Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de I amiante, est-elle adoptée? J'ai déjà entendu qu'on demandait le vote. Qu'on appelle les députés!

Suspension à 15 h 26

Reprise à 15 h 45

Mise aux voix de la motion

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député d'Arthabaska, s'il vous plaît!

Maintenant que le calme est revenu, c'est le moment de la mise aux voix de la première lecture du projet de loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante. Que ceux qui sont pour ce projet de loi veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Cardinal, Burns, Laurin, Morin (Sauvé), Léonard, Mme Ouellette, MM. O'Neill, de Belleval, Johnson, Proulx, Lazure, Tardif, Garon, Vaugeois, Martel, Vaillancourt (Jonquière), Marcoux, Chevrette, Bertrand, Fallu, Mi-chaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Bisaillon, de Bellefeuille, Gendron, Mercier, Alfred, Marquis, Ouellette, Perron, Clair, Dussault, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Gravel, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet.

Mme le Vice-Président: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie, Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Forget, Mailloux, Goldbloom, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Blank, Caron, O'Gallagher, Picotte, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Biron, Belle-mare, Grenier, Russell, Goulet, Fontaine, Dubois, Le Moignan, Roy.

Mme le Vice-Président: Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

M. Marchand: Mme le Président, question de directive.

Des Voix: Un instant! Le vote n'est pas fini.

Mme le Vice-Président: A moins que vous n'ayez quelques remarques quant au vote, M. le député de Laurier.

Le Secrétaire: Pour: 45 — Contre: 30 — Abstentions: 0

Mme le Vice-Président: Motion de première lecture adoptée. Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Lavoie: Sur une question de règlement.

Le Vice-Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Je voudrais rappeler à l'attention de cette Assemblée la teneur de l'article 107 du règlement, deuxième alinéa, qui est du droit nou- veau qui existe déjà depuis 1973 à cette Assemblée. Il ne s'agit plus comme auparavant de l'initiative des whips. Auparavant quand un whip — il y avait une tradition — était debout le vote ne pouvait pas être appelé. En 1973, il a eu du droit nouveau dans notre règlement et il est dit au deuxième alinéa: "Lorsque le président juge — le président, j'ai bien dit — que le délai d'appel a été suffisant, il met la motion aux voix en suivant les prescriptions de l'article 109." Je voudrais protester, Mme la Présidente, au nom de l'Opposition officielle, sur le déroulement de ce vote. A ma connaissance, c'est la première fois que la présidence a autant retardé un vote. Je ne sais pas si c'est parce que c'est le vendredi après-midi, mais le rôle du whip anciennement de vérifier si les troupes gouvernementales étaient assez nombreuses, n'a pas été remplacé par la présidence de l'Assemblée, Mme la Présidente. (15 h 50)

Le Vice-Président: M. le leader...

M. Bellemare: Sur la question de règlement, Mme la Présidente, je voudrais vous dire que c'est surtout-Une Voix: Le bâillon?

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Prenez votre temps, vous venez d'avoir une frousse! Mme le Président, en vertu de l'article 107, c'est sûr que le vote aurait dû être appelé dans des délais... Parce qu'on reproche à l'Opposition souvent de faire perdre le temps de la Chambre. Regardez, cela a pris au-delà de 25 minutes pour appeler le vote. Cela ne s'est jamais produit dans cette Assemblée. Je dis, Mme le Président, quand il y a un projet de loi aussi important, aussi crucial que celui-là et qu'il manque 15 ministres qui n'ont pas voté, même le ministre des Richesses naturelles, même le leader parlementaire du gouvernement n'est pas là, ni le premier ministre, que c'est révoltant, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Caron: Mme la Présidente...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verdun, j'ai déjà donné la parole au leader parlementaire du gouvernement. Je vous l'accorderai si vous avez toujours l'intention de me demander la parole ensuite.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Caron: Mme la Présidente... M. Bertrand: Mme la Présidente...

M. Caron: ... je pense que c'est à mon tour de parler, je m'excuse. Question de règlement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, on est déjà sur une question de règlement.

Mme le Vice-Président: D'accord, M. le député. Je comprends que vous voulez intervenir sur une question de règlement, mais j'avais donné la parole au leader du gouvernement pensant qu'il intervenait sur la question de règlement aussi. Alors, j'entends M. le leader parlementaire du gouvernement et je vous entendrai ensuite, M. le député, comme je vous l'ai promis.

M. Bertrand: Ce n'était pas, non plus, Mme la Présidente, mon intention d'empêcher le député de Verdun de parler, mais, puisqu'on est déjà sur une question de règlement, il semblait normal qu'après avoir entendu les partis d'Opposition on puisse faire connaître notre point de vue sur l'article 107. Moi aussi, je suis prêt, avec le leader parlementaire de l'Opposition officielle, à reconnaître qu'il est très explicite et qu'il dit précisément au paragraphe 2: "Lorsque le président juge que le délai d'appel a été suffisant ". Dans les circonstances présentes, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'a certainement pas empêché la présidence de jouer son rôle. On ne contrevient pas à l'article. Nous avons, nous aussi, accepté que le vote soit pris au moment où la présidence a demandé que le vote soit pris. Nous n'avons pas contrevenu à l'article 107.

Je veux ajouter ceci sur la question de règlement pour relever les propos du député de Johnson, Mme la Présidente. Le député a dit: Quand un vote aussi important, sur un projet de loi aussi important est pris et qu'on constate ceci ou cela... Justement, si un vote est aussi important, je pense que l'Opposition aurait pu être, dans les circonstances, un peu plus compréhensive et collaborer, quand on sait qu'il n'aurait suffi que de quinze secondes de plus pour permettre au ministre des Richesses naturelles d'être présent, au ministre d'Etat au développement économique...

Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement. A l'ordre, s'il vous plaît! Le calme revenait, ce qui nous a permis d'entendre des choses que nous aurions moins voulu entendre.

M. le député de Verdun.

M. Caron: Mme la Présidente, je voulais souligner le fait que le parrain du projet de loi n'était même pas ici pour voter. Je pense que la population du Québec qui nous regarde doit le savoir.

M. Bérubé: Mme la Présidente...

Mme le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le ministre.

M. Bérubé: ... le parrain du projet de loi était présent en cette Chambre. Si nous sommes aux prises avec un imbroglio procédurier, c'est tout simplement que l'Opposition est incapable de se faire une idée, à savoir si on avait le droit de déposer un projet de loi, oui ou non, premiè- rement. Deuxièmement, Mme la Présidente, je ferai humblement remarquer à l'Opposition qu'il est bien indiqué "lorsque le président juge". C'est à vous de juger et non à eux.

M. Gratton: Bravo! Brillant, brillant!

Mme le Vice-Président: Vous y tenez, M. le député? A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Sainte-Marie, à l'ordre, s'il vous plaît! Bon, j'admets, avec les membres de cette Assemblée, que c'est au président de décider à quel moment nous prenons le vote; quand il juge que les délais sont suffisants. Je vous ferai simplement remarquer que les deux dernières personnes qui sont entrées ici juste avant le vote sont deux personnes de l'Opposition officielle et que, même si le whip n'était pas encore assis, j'ai quand même décidé que nous allions prendre le vote à ce moment-là.

M. le leader parlementaire. Sur la question de règlement, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je me sens quelque peu visé, Mme le Président, puisque je suis un des deux députés de l'Opposition qui sont entrés à la dernière minute. Je suis sûr que vous n'avez pas voulu, par vos remarques, juger de l'opportunité, de l'heure où nous sommes entrés et je serais prêt, très volontiers, à dire à cette Chambre les raisons qui m'ont retenu à l'extérieur de la Chambre. Vous ne le souhaitez pas? Non? D'accord.

Mme le Vice-Président: Que vous ayez des raisons ou que vous n'en ayez pas, je pense que je n'ai pas besoin de savoir pourquoi certaines personnes ont été retardées.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bérubé: Question de privilège, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Sur une question de privilège.

M. Bérubé: Je sens mon privilège de député lésé dans la mesure où également j'ai dû partir du 200, Chemin Sainte-Foy, pour me rendre à l'Assemblée nationale de toute urgence.

Mme le Vice-Président: Maintenant que les uns et les autres ont eu l'occasion de s'exprimer, est-ce que je pourrais demander votre collaboration pour que le leader du gouvernement puisse appeler le prochain article de nos travaux de cet après-midi?

M. le leader.

M. Bertrand: Avec plaisir, Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 37).

Projet de loi no 22

Prise en considération du rapport de la commission

Mme le Vice-Président: A l'article 37) du feuilleton d'aujourd'hui... Je demanderais aux gens qui

se dirigent maintenant vers leur bureau ou vers les commissions parlementaires de faire rapidement, s'il vous plaît, pour que nous puissions travailler ou, à tout le moins, de baisser le ton, si vous avez des interventions. S'il vous plaît!

A l'article 37) du feuilleton d'aujourd'hui, il s'agit de la prise en considération du rapport de la commission permanente des travaux publics et approvisionnement qui a étudié le projet de loi no 22, Loi modifiant la Loi des travaux publics. Je demanderais qu'on me fournisse les amendements, s'il vous plaît!

M. Bertrand: Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Nous avons des amendements juste avant la prise en considération du rapport, M. le leader du gouvernement. (76 heures)

M. Bertrand: Mme la Présidente, c'est simplement pour vous permettre, en même temps qu'aux députés de l'Assemblée nationale, de comprendre un peu ce qui se passe dans la présentation de ces amendements avant que vous ne les appeliez. L'Assemblée nationale, tel que le stipule notre règlement à l'article 123, a été informée le jour même du dépôt du rapport de la commission parlementaire, qu'il y aurait des amendements présentés par l'Opposition officielle, en l'occurrence par le député de Gatineau et par le député de L'Acadie. Ces amendements ont été reçus par le secrétaire général, le 17 novembre 1977. Par la suite, le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement a présenté un amendement au rapport de la commission parlementaire, mais en dehors du temps prévu normalement par l'article 123. A ce moment-ci, j'aurais besoin de demander le consentement des membres de l'Assemblée nationale pour que cet amendement présenté par le ministre puisse être reçu.

Je voudrais indiquer immédiatement que le ministre s'apprête à accepter les amendements qui ont été apportés par l'Opposition officielle. Dans les circonstances, je me demande si cela ne serait pas tout à fait bienvenu de leur part de considérer que l'amendement apporté par le ministre, même s'il déroge à l'article 123 du règlement, puisse aussi être considéré dans l'étude du rapport de la commission parlementaire.

Mme le Vice-Président: Y a-t-il consentement...

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Sur la question de règlement, Mme le Président. Je pense que nous avons déjà convenu avec le ministre des Travaux publics que nous donnerions le consentement que sollicite présentement le leader adjoint du gouvernement. Sauf qu'en vertu des dispositions de l'article 123, quatrièmement, Mme le Président, le président décide de la recevabilité des amendements et les choisit pour en éviter la répétition. J'aimerais d'abord savoir — et c'est une demande de directive que je vous soumets, Mme la Présidente — si les amendements que mon collègue de L'Acadie et que moi-même avons présentés dans les délais requis par le règlement ont été jugés recevables par la présidence, étant donné que ces amendements sont toujours là et n'ont pas encore été appelés en délibération. Il s'agira, je suppose, à ce moment, que le député de L'Acadie et moi-même nous acceptions de faire motion de retrait des motions d'amendement.

Mais, avant de faire cette motion de retrait, j'aimerais savoir de la présidence si les amendements soumis par le député de L'Acadie ainsi que par moi-même, au moment du dépôt du rapport, ont été jugés par le président comme recevables.

Mme le Vice-Président: Les amendements avaient déjà été considérés comme recevables, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Pardon?

Mme le Vice-Président: Les amendements avaient déjà été considérés comme recevables, en effet.

M. Gratton: Je vous remercie, Mme la Présidente, et je pense qu'il est utile de rappeler que ces mêmes amendements que nous avons soumis au moment du dépôt du rapport, c'est-à-dire le 17 novembre 1977, il y a de cela plus d'un an, avaient été jugés irrecevables par le président de la commission qui avait étudié le projet de loi no 22, article par article. Loin de moi de vouloir faire une guerre de procédure, mais je pense qu'il y aurait lieu de souligner à l'attention de cette Chambre que, le 15 novembre 1977, alors que la commission permanente des travaux publics avait reçu le mandat d'étudier le projet de loi no 22 article par article, moi-même et le député de L'Acadie avions présenté des motions d'amendement qui sont exactement celles que nous avons présentées au moment du dépôt du rapport à l'Assemblée nationale. Si vous me le permettez, Mme la Présidente, je citerai la transcription, au no 479-B, de la commission en date du 15 novembre 1977; c'était alors le député de Châteauguay qui présidait les travaux de la commission. "Dans un projet de loi qui amende un autre projet de loi, quand l'Assemblée nationale statue clairement sur le fait d'abroger des articles de loi, l'Assemblée nationale, à ce moment-là, fait voir clairement une volonté ferme de changer fondamentalement ce qui existait dans le projet de loi. J'irais même jusqu'à dire change du tout au tout ce qui est écrit dans le projet de loi aux articles concernés. J'ai un doute très grand à savoir que ce que l'on propose comme amendement soit une très petite exception à ce que prévoit le projet de loi no 22 à l'article 1. J'ai même une très grande certitude que l'amendement proposé par Mme le député de L'Acadie contredit fondamentalement le principe qui a été avancé par l'Assemblée nationale à l'article 1 et, pour cette raison, je déclare cet amendement non recevable".

Je voulais, Mme la Présidente faire état de cette décision du député de Châteauguay à titre

de président de la commission, parce que nous l'avions très vigoureusement contestée, mais respectueux comme nous le sommes toujours des décisions d'un président de commission, nous avions, bien entendu cru de notre devoir de nous y conformer. J'accepte volontiers, Mme la Présidente, et avec beaucoup de plaisir la décision que vous venez de rendre, à savoir que ces amendements étaient tout à fait recevables. Compte tenu que nous y proposions, le député de L'Acadie et moi, non pas d'abroger les articles 8 et 9 de la Loi des travaux publics, comme le proposait le projet de loi no 22, mais bien de simplement les amender et qu'après quand même un an, le ministre semble s'être rendu compte du bien-fondé de nos représentations, c'est avec plaisir que, quant à moi, je fais motion pour retirer l'amendement que j'avais proposé au moment du dépôt du rapport, c'est-à-dire un amendement à l'article 4 qui — je pense qu'il serait dans l'ordre, Mme la Présidente, que j'en fasse lecture — se lisait comme suit: "Que l'article 4 du projet de loi no 22 soit modifié en ajoutant à la fin ce qui suit: A l'exception de l'article 1 qui entrera en vigueur à la date où sera sanctionnée une loi qui modifiera la Loi de l'administration financière dont l'objet sera de consacrer le principe à l'effet que d'une façon générale, les contrats du gouvernement sont octroyés par voie de soumissions publiques sous réserve des conditions et des limites prescrites par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Donc en vertu de l'article 85 de notre règlement, puisque cette motion d'amendement que j'avais présentée n'a pas été appelée en délibération à cette Assemblée, je fais motion pour la retirer, de façon à permettre à Mme le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement de présenter l'amendement dont elle nous a déjà donné avis, il y a quelque temps. Je suppose que Mme le député de L'Acadie pourra possiblement vouloir faire de même quant à l'amendement qu'elle avait elle-même présenté au moment du dépôt de ce rapport de la commission permanente des travaux publics.

Mme le Vice-Président: Cette motion du retrait de l'amendement du député de Gatineau est-elle adoptée?

M. Bertrand: Mme la Présidente...

Mme le Vice-Président: Vous voulez intervenir sur...

M. Bertrand: Avant que vous n'appeliez aux voix, puisque l'article 85 effectivement dit que nous devons procéder à la mise aux voix d'une telle motion, mais qu'il peut quand même y avoir intervention des formations sur les motifs qui entourent la motion du député de Gatineau, à ce moment-ci, avant que vous ne mettiez aux voix, je pense qu'il serait tout à fait normal que Mme le ministre, là-dessus, spécifiquement sur ce que vient de dire le député de Gatineau, puisse expliquer dans quelles circonstances, à ce moment, au niveau de la commission parlementaire, il y avait eu débat du côté ministériel concernant la non-recevabilité de la motion d'amendement, et pourquoi, aujourd'hui, il serait possible à l'Assemblée nationale de juger recevables les motions d'amendement proposées par le député de Gatineau. Je pense qu'il serait normal que vous permettiez au ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement d'expliquer exactement qu'est-ce qui s'est passé et pourquoi est acceptable aujourd'hui ce qui ne l'était pas à l'époque.

M. Bellemare: Mme le Président, justement parce que le règlement pourvoit à ce détail, tel qu'il vient d'être dit, le député de L'Acadie aurait elle aussi dans le même sens, puisque le ministre devra répondre, à retirer un autre amendement en vertu des mêmes raisons que vient de faire valoir le député de Gatineau. (15 h 10)

Pourquoi ne pas procéder dans l'ordre afin de ne pas faire un "filibuster " pour rien et de ne pas étirer pour rien des séances qui sont tellement courtes maintenant parce que nous achevons? Nous avons des projets pour encore un mois si nous continuons cette procédure.

M. Bertrand: Entièrement d'accord.

Mme le Vice-Président: Je comprends votre intention, M. le leader. Une motion à la fois serait suffisante. Maintenant, nous avons déjà entendu les interventions et nous savons que Mme le député de L'Acadie voudra, elle aussi, faire une motion de retrait. Nous pourrons probablement disposer de la motion d'amendement et nous comprendrons que Mme le ministre avait probablement — elle le dira probablement, d'ailleurs — l'intention de faire une intervention. Disons que c'est sur une seule motion d'amendement, mais que nous comprendrons que ce sera sur les deux. Mme le ministre.

Des Voix: Non, non.

M. Gratton: Je pense que le député de L'Acadie se réserve la possibilité d'expliquer pourquoi elle fera une motion de retrait.

Mme le Vice-Président: De toute façon, Mme le député de L'Acadie ne m'avait pas demandé la parole avant que Mme le ministre ait l'intention de se lever. Si Mme le député de L'Acadie a l'intention de dire quelque chose sur la question de règlement, je le recevrai avec plaisir; sinon, nous verrons.

Mme le ministre des Travaux publics.

Mme Ouellette: Vous vous souviendrez, Mme le Président, qu'initialement, dans le projet de loi, il s'agissait d'abolir les articles 8 et 9 de la Loi des Travaux publics. Les administrateurs et les juristes du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement voulaient rendre plus concordantes les lois des Travaux publics et de l'administration financière.

M. Bellemare: A l'ordre! A l'ordre! Pas de collusion!

Mme Ouellette: Voyons! Est-ce que j'ai la parole? Merci.

M. Bellemare: On voit les manoeuvres. M. Bertrand: Bien voyons donc!

Mme le Vice-Président: Mme le ministre des Travaux publics, c'est vous qui avez la parole.

M. O'Neill: II est un peu fatigué.

Mme Ouellette: Je disais donc, Mme la Présidente, que nous envisagions initialement l'abolition des articles 8 et 9 tenant compte du fait que les juristes et les administrateurs du ministère des Travaux publics, voulant rendre plus concordantes la Loi des Travaux publics et celle de l'administration financière, se demandaient pourquoi on répétait, selon eux, inutilement, cette obligation faite aux Travaux publics. A cette époque, l'Opposition, représentée par Mme le député de L'Acadie, par MM. les députés de Gatineau et de Huntingdon, ne voyait pas la chose aussi simplement et on s'était entendu en commission parlementaire pour voir à la possibilité d'apporter une modification à la Loi de l'administration financière. Après plusieurs rencontres des juristes du ministère des Travaux publics et du ministère des Finances, il a paru plus pratique de les garder, à toutes fins pratiques, pour faire plaisir à l'Opposition — encore une fois, je suis persuadée que la Loi de l'administration financière oblige le ministère des Travaux publics à procéder par soumissions publiques — qui souhaitait que cela ne fasse pas partie d'une réglementation, mais bel et bien d'une loi. C'est à cet égard que j'ai accepté les propositions de l'Opposition officielle et de l'Opposition de l'Union Nationale.

Cela n'enlève absolument rien, à mon avis. Cela continue à obliger, dans la Loi des Travaux publics, le ministre des Travaux publics à procéder par soumissions publiques. Je vais faire lecture des amendements ou de l'amendement. "L'article 8 de la Loi des Travaux publics, Statuts refondus 1964...

Mme le Vice-Président: Mme le ministre, avez-vous l'intention de lire votre amendement maintenant? Nous en sommes à la motion de retrait.

Mme Ouellette: Oui, d'accord.

Mme le Vice-Président: J'attendais simplement votre explication.

Cette motion de retrait de l'amendement de M. le député de Gatineau est-elle adoptée?

M. Gratton: Mme le Président, j'aimerais quand même, en vertu de l'article — je ne sais pas lequel — 85, dire que, lorsque le ministre des

Travaux publics prétend que l'amendement qu'elle proposera tantôt est, à toutes fins utiles, la même chose que ce que le projet de loi no 22 proposait, je me dois de m'inscrire en faux.

Si j'ai fait une motion de retrait de la motion d'amendement que j'avais présentée au moment de la présentation du rapport de la commission ici à l'Assemblée nationale, c'est que j'avais la certitude que le ministre présenterait la motion d'amendement qu'elle nous présentera tantôt et dont j'ai le texte. Je présume que ce sera le texte qu'elle nous a soumis il y a environ un mois.

Mme la Présidente, ce n'était pas strictement pour faire de la procédure que nous, de l'Opposition, avons insisté pour amender les articles 8 et 9 de la Loi des travaux publics plutôt que de les abroger, comme proposait de le faire le projet de loi no 22. Je ne veux pas reprendre tout le débat de deuxième lecture et tout le débat qu'on a fait en commission parlementaire, non seulement l'Opposition libérale mais l'Opposition de l'Union Nationale, indiquant la différence très grande entre le contrôle que peut exercer l'Assemblée nationale sur l'adjudication de contrats par soumissions publiques, par rapport à ce que nous proposait de faire le projet de loi no 22, c'est-à-dire de régir cette adjudication de contrats par une simple réglementation.

Je n'ai sûrement pas besoin, Mme la Présidente, de vous expliquer très longuement que lorsque l'on parle des articles 8 et 9 de la Loi des travaux publics, on parle d'un contrôle du Parlement, du contrôle absolu que les législateurs de tous les partis politiques peuvent avoir sur l'administration de deniers publics en matière de travaux publics. Ce que nous proposait le projet de loi no 22, en abrogeant les articles 8 et 9, c'était de limiter l'obligation qu'a le ministre des Travaux publics d'aller en soumission publique dans certaines conditions, de limiter cette obligation à une simple réglementation qui, elle, n'est pas soumise à l'attention de l'Assemblée nationale qui relève strictement du cabinet des ministres, des membres, donc, d'un seul parti politique, en l'occurrence le Parti québécois qui est présentement au pouvoir. Il y a une différence fondamentale, ce sont deux mondes complètement différents.

Mme Ouellette: Mme la Présidente. Je me demande si on va reprendre toute la discussion que nous avons eue en commission parlementaire. J'ai une modification à apporter, je vais la lire tantôt et vous allez voir que je me suis rendue à vos propositions.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, et j'en suis très heureux. Il faut quand même dire que cela a pris un an au ministre des Travaux publics pour se rendre à nos demandes. Tantôt, il y a à peine quelques minutes, elle a essayé de faire croire à cette Assemblée que c'étaient des caprices de l'Opposition auxquels elle se pliait volontiers parce que, dans le fond, il n'y avait rien là. Mme la Présidente, ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'il y avait effectivement quelque

chose là. Et si nous, de l'Opposition, avons tellement insisté, c'est qu'il s'agissait d'un principe très important, qui est peut-être beaucoup plus important pour les membres de l'Opposition, et j'en conviens, que pour les ministériels. Je suis membre de l'Opposition et j'ai l'intention de faire mon devoir jusqu'au bout. Je veux que la population sache — et j'invite le député de L'Acadie, lorsqu'elle fera une motion pour retirer son propre amendement, à insister là-dessus; je sais qu'elle le fera parce qu'elle est très au courant, pour avoir oeuvré dans le domaine scolaire sur l'île de Montréal — toutes les possibilités qui peuvent s'ouvrir à un parti politique, à un gouvernement, au moment où, au lieu de soumettre à l'Assemblée nationale, où il y a des représentants de chacun des partis politiques, de soumettre, dis-je, les exigences quant à l'adjudication de contrats de travaux publics, au lieu de faire cela, on dit tout simplement: II n'y a pas de problème, on va faire cela par réglementation.

Mme la Présidente, il y a une différence énorme entre ce que le gouvernement et le Conseil des ministres peut faire en catimini, par ordre en conseil, et ce que l'Assemblée nationale doit faire au moment où une disposition est incluse dans une loi plutôt que dans une réglementation. C'est pour cela que nous avons argumenté, que nous avons même subi une mauvaise décision du président de la commission, vous l'avez vous-même établi, Mme la Présidente, en disant que nos motions d'amendement étaient recevables. Si nos motions d'amendement sont recevables aujourd'hui, elles l'étaient autant le 11 novembre 1977, au moment où le député de Châteauguay, président de la commission parlementaire, les a jugées irrecevables. (16 h 20)

Mme le Président, je dis donc que si nous acceptons et si, particulièrement, moi, j'accepte de retirer la motion d'amendement que j'avais faite en bonne et due forme le 11 novembre dernier au moment du dépôt du rapport, c'est uniquement parce que le ministre des Travaux publics nous a donné avis d'une motion d'amendement qu'elle entend nous présenter tantôt. Mme le Président, je lui ferai remarquer, en temps opportun, que sa motion d'amendement dont elle nous a donné avis n'est pas complète et ne réglera pas le problème qu'elle désire régler par son projet de loi no 22, aussi bien que par l'amendement qu'elle nous apportera tantôt.

Je pense, Mme la Présidente, que cela prouvera une fois pour toutes que, lorsque l'Opposition dit des choses au sujet d'un projet de loi, ce n'est pas nécessairement strictement pour faire mal paraître le gouvernement et faire en sorte de l'embouteiller, mais qu'à l'occasion, plus souvent qu'autrement, c'est pour bonifier les projets de loi. Si on avait des ministres de l'autre côté qui de temps en temps se débouchaient les oreilles, on perdrait bien moins de temps en cette Chambre.

Si on s'impatiente de l'autre côté, j'en ai encore beaucoup à dire et j'ai encore un droit de parole en vertu de l'article 85. Alors, qu'on ne s'impatiente pas de l'autre côté, je n'ai pas fini.

M. Bertrand: Dix minutes.

Mme le Vice-Président: Votre réplique sur la motion de retrait est-elle terminée?

M. Gratton: Oui. Je dis en terminant, Mme la Présidente, que c'est volontiers qu'on veut offrir notre collaboration au gouvernement, en acceptant de retirer nos motions d'amendement. Vous savez que, si nous n'acceptions pas aujourd'hui de faire ces motions de retrait, on devrait reprendre tout le processus à partir de la première lecture, Mme le Président. Nous voulons donc que le projet de loi no 22 soit voté avec l'amendement que propose de présenter le ministre des Travaux publics. Mais nous n'accepterons pas que le ministre des Travaux publics essaie de faire croire à la population et à cette Chambre que c'est simplement pour faire plaisir à l'Opposition, pour des raisons tout à fait mineures qu'elle présente son amendement.

Si elle n'a pas la franchise de nous dire cet après-midi qu'effectivement...

M. Bertrand: Question de règlement. Mme la Présidente, je veux faire remarquer au député de Gatineau que je veux bien qu'il fasse les commentaires qu'il fait, mais il y a un autre débat qui s'en vient sur le rapport de la commission parlementaire. On est sur la motion de retrait d'un amendement. Parlez là-dessus et seulement là-dessus. Vous avez un droit de parole de dix minutes, tel que prévu au deuxième paragraphe de 85, mais n'embarquez pas sur le débat qui va avoir lieu tantôt pour le rapport de la commission parlementaire.

M. Gratton: Mme la Présidente, le pee-wee n'a rien compris encore.

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau, je vous ferai remarquer que le temps de votre réplique est déjà écoulé, que vous disposerez du temps pour parler sur la motion tantôt. Je vous demanderais d'en terminer là. Vous pourrez intervenir sur la motion d'amendement tout à l'heure.

M. Gratton: Avec plaisir, Mme le Président, sauf que vous me permettrez sûrement, comme le règlement me le permet, d'intervenir sur la question de règlement qu'a soulevée le député de Vanier. Si je dis que j'exige du ministre qu'elle ne justifie pas la présentation de son amendement comme étant pour satisfaire un caprice de l'Opposition, je pense que c'est bel et bien pertinent à la motion de retrait de l'amendement que j'ai proposé le 11 novembre dernier. C'est seulement dans ces conditions que j'ai accepté de retirer mon amendement. Il ne faudrait quand même pas donner l'impression, Mme le Président, que le gouvernement nous fait une faveur. Car, en définitive, c'est l'Opposition qui sort le gouvernement d'un pétrin où il s'est embourbé depuis 20 mois que ce projet de loi est au feuilleton.

Mme le Vice-Président: Cette motion de retrait est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Mme le Vice-Président: Adopté. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, pour les mêmes raisons qui ont été invoquées par mon collègue de Gatineau, je voudrais aussi faire motion pour que l'amendement que j'avais proposé soit retiré, mais, avant de le faire, je voudrais également, très brièvement, essayer de peut-être pas rétablir les faits, mais au moins les établir. Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue de Gatineau quand il fait valoir que si aujourd'hui nous obtenons de la part du gouvernement un changement d'attitude, c'est-à-dire qu'au lieu de retirer de la loi l'obligation d'aller en soumissions pour l'adjudication des contrats et procéder par réglementation on se rend, finalement, à la raison dans le sens qu'on maintient dans la loi cette obligation. C'est véritablement dû aux efforts que l'Opposition officielle a déployés au moment de l'étude en commission parlementaire du projet de loi 22.

Si j'étais intervenue à ce moment-là sur ce projet de loi, c'était justement parce que je trouvais que les principes qui étaient en jeu étaient extrêmement importants. Comme le mentionnait mon collègue de Gatineau, j'avais eu une certaine expérience dans l'administration publique et je trouvais que les articles 8 et 9 de la Loi des travaux publics constituaient, en somme, la pierre angulaire du contrôle du Parlement sur l'administration des fonds publics et que retirer cette obligation de la loi pour simplement agir par réglementation, par règlements qui peuvent être modifiés au bon gré d'un arrêté ministériel, je trouvais que c'était extrêmement dangereux. Au contraire, si on voulait apporter des modifications à la Loi des travaux publics touchant les soumissions, nous aurions dû aller dans un sens beaucoup plus restrictif même que celui que la loi prévoit.

Alors, Mme la Présidente, je donne simplement ces explications. Ce débat se fait aujourd'hui en présence de la population alors qu'il s'est fait en commission parlementaire il y a déjà plus d'un an. Je pense que c'est important que la population saisisse qu'il ne s'agit pas d'un caprice, mais qu'à ce moment-ci, on fait vraiment valoir les intérêts de la population. Ce qu'on veut protéger, c'est que les biens publics soient dépensés avec toute la transparence possible et qu'on ne permet pas que des ouvertures ou une souplesse qui pourrait être trop grande nous amènent à faire des erreurs, et ceci est dans l'intérêt du gouvernement.

Je dois me réjouir aujourd'hui d'abord que vous ayez accepté que les motions que nous faisions à ce moment-là soient devenues recevables alors qu'elles avaient été jugées irrecevables au moment de la commission parlementaire. Je suis prête à retirer cette motion et je dois me réjouir également que le gouvernement se soit rendu à nos arguments. Je pense que les gens comprendront l'importance de ceci. L'obligation d'aller en soumissions, surtout dans le domaine des travaux publics plus que, probablement, dans aucun autre ministère, est extrêmement importante. Il était extrêmement imprudent de la sortir de la loi pour la confier simplement à un pouvoir de réglementation qui, somme toute, demeure un pouvoir discrétionnaire — je pense que Mme la ministre en conviendra — du lieutenant-gouverneur en conseil.

A ce moment-ci, je pense que c'est le règlement — je ne sais pas — que c'est peut-être mieux de lire la motion que je retire. Je pense que pour les fins du journal des Débats, c'est plus clair.

Mme le Vice-Président: Vous avez le loisir de le faire, Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je fais motion pour retirer l'amendement que je proposais à la séance du 15 novembre 1977 voulant ce qui suit: "Que l'article 1 soit amendé en remplaçant le mot "abrogé" par le mot "amende", en ajoutant un deuxième alinéa à l'article 8 disant: "Le premier alinéa ne s'applique pas dans les cas de travaux d'aménagement à l'intérieur d'un édifice propriété de Sa Majesté ou loué par cette dernière; et qu'à l'article 9 soient insérés, à la troisième ligne, après le mot "entreprise", les mots "après demande de soumissions par annonce publique" et en ajoutant un deuxième alinéa: "Le ministre peut toutefois, dans les cas d'extrême urgence, autoriser le commencement de l'ouvrage avant que le contrat ne soit signé par les parties".

Alors, Mme la Présidente, nous avions quand même tenté de cerner le problème et de laisser une certaine souplesse au ministre pour qu'elle n'ait pas vraiment les mains liées; pour que, dans les cas d'urgence, dans le cas de location par le gouvernement d'immeubles, elle puisse quand même agir assez facilement. Nous avions au moins admis cette possibilité. Je fais motion pour que cet amendement soit retiré.

Mme le Vice-Président: Simplement une petite remarque, Mme le député de L'Acadie. J'aimerais, pour que nous soyons bien dans les règles, que nous corrigions — si vous le permettez, je pense qu'il va falloir le faire — le fait que vous avez parlé d'un amendement qui a été déposé au moment du dépôt du rapport. Merci, madame. (16 h 30)

M. Bellemare: Est-ce que vous me permettriez de rappeler le quorum, s'il vous plaît, Mme le Président?

Mme le Vice-Président: Nous vérifions le quorum immédiatement. Je ne pensais pas... Un moment. Il manque une personne pour le quorum. M. le leader, vous aviez raison. Alors, c'est cela. La personne manquante est arrivée à trois. Nous avons quorum. Alors, cette motion de retrait de l'amendement de Mme le député de L'Acadie est-elle adoptée?

M. Bertrand: Adopté.

Mme le Vice-Président: Adopté. Il s'agit maintenant de la motion d'amendement de Mme le ministre des Travaux publics. Mme le ministre, je vous laisse le soin de lire votre motion d'amendement ou aimez-vous mieux que je la lise?

Mme Ouellette: Non, je vais la lire. En fait, je voulais au début souligner, Mme le Président, que ce n'était aucunement l'intention du ministère des Travaux publics de se soustraire à son obligation de procéder par soumissions publiques quant à l'octroi de contrats. Si vous me le permettez, pour répondre au député de Gatineau, c'étaient des juristes finalement qui m'indiquaient que la Loi de l'administration financière voulait dire exactement la même chose. Ne voulant pas verser dans les avocasseries et tenant compte du fait également que je suis tout à fait disposée...

M. Gratton: Reconnaissez donc que vous ne saviez pas ce que vous faisiez.

Mme Ouellette: ... depuis le début, d'ailleurs, et tant que je serai ministre des Travaux publis, à procéder par soumissions publiques, il m'a fait grandement plaisir de recevoir les propositions de Mme le député de L'Acadie et de M. le député de Gatineau. J'en fais donc lecture. "L'article 8 de la Loi des Travaux publics, Statuts refondus 1964, chapitre 138, est remplacé par le suivant: II est du devoir du ministre de demander des soumissions par annonces publiques pour l'exécution de tous les travaux faits à l'entreprise et dont le coût estimatif dépasse $65 000, sauf a) dans les cas d'urgence, lorsque la sécurité des personnes et des biens est compromise et que tout délai est préjudiciable à l'intérêt public; b) dans les cas de travaux dont l'exécution est confiée à une entreprise d'utilité publique; c) dans les cas de travaux dont l'exécution est confiée à une corporation municipale ou à une communauté urbaine ou régionale; d) dans les cas de travaux d'aménagement ou de réaménagement d'immeubles ou de parties d'immeubles loués par le ministre et dont l'exécution est confiée au propriétaire de l'immeuble; et e) dans les cas de travaux de restauration ou de rénovation, lorsque l'architecture et l'état de l'immeuble ne permettent pas d'identifier et de décrire les travaux avec précision. Au niveau des articles d) et e), je pense que la modification rencontre pleinement les propositions de Mme le député de L'Acadie.

M. Gratton: M. et/ou Mme le ou la Présidente...

Le Vice-Président: C'est monsieur maintenant, M. le député de Gatineau. Comme vous le savez, il faut parler sur les amendements de Mme le ministre ou sur le rapport.

M. Gratton: Oui. En fait, M. le Président, il s'agit d'un amendement qui, à toutes fins prati- ques, reprend les amendements que nous avions proposés à la commission parlementaire au moment de l'étude article par article et qui, malheureusement, à cause de je ne sais quoi avaient été jugés irrecevables par le président de la commission, le député de Châteauguay.

J'aimerais quand même rétablir certains faits. Lorsque le ministre des Travaux publics parle d'avocasseries et des conseils que ses légistes lui ont donnés, je m'inscris en faux. Il ne s'agit pas d'avocasseries de prétendre, comme nous l'avons fait ici dans l'Opposition, que l'obligation pour le ministre des Travaux publics de procéder par soumissions publiques avec tout ce que cela comporte, dans le cas de travaux qui ne sont pas exclus par la loi ou par l'amendement que nous propose le ministre, que soumettre tout cela à l'Assemblée nationale est fort différent du fait que si cela ne relève que du Conseil des ministres

Le ministre des Travaux publics disait tantôt: II n'y a pas de problème, ce qu'on proposait, c'était que cela relève de la Loi de l'administration financière; que cela relève de cette loi ou de la Loi des travaux publics, c'est la même chose. M. le Président, ce n'est pas du tout la même chose parce qu'en vertu de la Loi de l'administration financière, je pense que c'est l'article 41, ce n'est pas inscrit dans la loi, cette nécessité pour le ministre des Travaux publics de procéder par soumissions publiques, c'est inscrit dans les règlements qui découlent de la loi.

Vous qui êtes un éminent juriste, M. le Président, vous savez fort bien qu'il y a toute une différence entre un règlement adopté par le cabinet des ministres et un article de loi, comme c'est le cas de l'article 8 et de l'article 9 de la Loi des travaux publics que le projet de loi no 22 voulait abroger. On a passé je ne sais pas combien de temps en deuxième lecture, avec mon collègue de Huntingdon, en commission parlementaire, mon collègue de Brome-Missisquoi, ici, à tâcher de faire comprendre au ministre des Travaux publics cette différence qu'il y a entre une réglementation qui relève strictement du cabinet des ministres et une loi qui relève de l'ensemble de l'Assemblée nationale.

M. le Président, au moment où le ministre des Travaux publics a donné la réplique à nos interventions, je vous citerai ce qu'elle disait, c'était le 18 octobre 1977. Ce n'est pas tout à fait hier, mais quand même. A la page 3518 du journal des Débats: "Tout ce que j'ai constaté, c'est assez clair, c'est qu'on a alimenté un débat stérile où, finalement, on n'a fait que jouer sur les mots en maquillant finalement nos intentions les plus claires". C'était le ministre des Travaux publics qui s'exprimait ainsi pour qualifier les propos que nous avions tenus en deuxième lecture, M. le Président. C'est curieux que ce débat stérile sur les intentions si claires du gouvernement, il y a un an, nous amène aujourd'hui à étudier une proposition d'amendement du même ministre des Travaux publics qui trouvait nos arguments stériles, qui trouvait nos paroles inutiles. Aujourd'hui, elle nous présente l'amendement qu'on lui avait

proposé de présenter, à quelques mots près, M. le Président. Il faut croire que, le temps aidant, certaines personnes — si ce n'est le ministre, ce sont du moins les juristes qui la conseillent — ont finalement compris qu'il y avait une différence entre les règlements découlant de la Loi de l'administration financière et l'article 8 et l'article 9 de la Loi des travaux publics.

Quant à l'amendement lui-même, M. le Président, je pense que nous pouvons l'accepter car ce que nous avions suggéré, c'était que si le ministère des Travaux publics voulait s'éviter les nombreux problèmes que lui occasionne le texte actuel de la Loi des travaux publics, surtout lorsqu'il s'agit d'effectuer les travaux dans les édifices loués par le gouvernement — on sait que la coutume veut que, lorsque le gouvernement loue un édifice pour des bureaux et qu'il y a des améliorations ou des modifications à faire à l'intérieur de cet édifice, c'est tout à fait normal qu'on confie ces travaux au propriétaire de l'édifice — qu'il ne demande pas des soumissions publiques à des gens qui ne seront pas intéressés à en fournir, de toute façon.

C'est ce que nous suggérions depuis le début: que plutôt d'abroger l'article 8, on le modifie pour faire les exclusions pour préciser dans quel cas le ministre ne serait pas obligé légalement de procéder par soumissions publiques. C'est ce que le ministre fait cet après-midi en présentant son amendement. Elle exclut les travaux effectués dans les édifices loués par le gouvernement. Elle va même plus loin et exclut les travaux dont l'exécution est confiée à une corporation municipale ou une communauté urbaine régionale. Nous sommes d'accord, M. le Président, pas de problème là. (16 h 40)

On exclut également les cas d'urgence — ils l'étaient déjà de toute façon dans l'article 8 — mais par une nouvelle formulation cela vient se préciser. On exclut également les travaux de restauration ou de rénovation; on pense, par exemple, à des projets comme la Place Royale. Et on est assez raisonnables pour comprendre qu'il est presque impossible à l'occasion d'obtenir des prix forfaitaires pour l'exécution de ces travaux.

Là où nous sommes moins d'accord sur l'amendement que nous propose le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement, c'est lorsqu'elle modifie le seuil de $25 000 qui est présentement dans la Loi des travaux publics, seuil au-dessus duquel il est nécessaire et obligatoire de procéder par soumissions publiques. L'amendement propose que ce seuil de $25 000 passe à $65 000. J'ai bien l'impression qu'on nous expliquera qu'il s'agit de l'inflation, qu'il s'agit des coûts, qui vont en augmentant depuis un certain nombre d'années dans la construction, mais je ne suis pas très sûr — et je laisserai le député de L'Acadie, si elle le veut bien, élaborer sur ce thème — que $65 000, ce soit exactement ce dont a besoin le ministre des Travaux publics pour se décharger de ses obligations convenablement.

Mais je reprends ici ce que je disais tantôt à l'attention du ministre des Travaux publics, son amendement n'est pas complet, parce qu'en nous proposant d'amender l'article 8 et en ne touchant pas l'article 9 elle devra, dès la prochaine session, nous présenter un autre projet de loi pour modifier la Loi des Travaux publics.

Mme Ouellette: On verra cela dans le temps.

M. Gratton: Le ministre me fait signe, pas de problème, deux lois, envoyez donc, surtout au rythme où on a voté celle-là; cela fait 21 mois qu'elle est déposée. Peut-être que dans encore 21 mois on aura enfin réglé le problème après quatre ans, un problème pourtant fort simple. Je m'explique, même si le ministre risque de ne pas vouloir me comprendre; les exclusions qu'elle nous propose en amendement à l'article 8 doivent l'être également à l'article 9. L'article 9 vise l'obligation qu'a le ministre d'obtenir les cautionnements, la caution en faveur de Sa Majesté pour l'exécution régulière de ces travaux, en se restreignant dans les limites des dépenses et du temps spécifié pour leur achèvement. On spécifie même qu'aucune somme de deniers ne doit être payée à un entrepreneur sur un contrat quelconque et aucun ouvrage ne doit être commencé avant que ce contrat soit signé par les parties y dénommées.

C'est donc dire que même avec l'amendement et l'adoption du projet de loi no 22, incluant l'amendement que nous présente le ministre des Travaux publics cet après-midi, elle ne pourra quand même pas payer ceux qui feront des contrats dans le cas des exclusions. Je pense aux corporations municipales, par exemple; elle devra légalement exiger le cautionnement. Elle devra s'abstenir de leur verser la rémunération tant et aussi longtemps qu'un contrat ne sera pas signé, même dans les cas d'urgence. Je suis sûr que ce n'est pas ce que le ministre des Travaux publics vise à faire avec son projet de loi no 22. Je m'adresse donc aux juristes qui la conseillent, qu'ils se penchent sur cela. Il est encore temps, au moment de l'étude en troisième lecture, de faire les écritures pour retourner en commission plé-nière. Je formule même le texte de l'amendement qui sera nécessaire à l'article 9...

Le Vice-Président: Ce n'est pas une motion, c'est une suggestion.

M. Gratton: Non, non, je n'ai pas le droit de faire une motion d'amendement, mais je donne avis de ce que le ministre pourra vouloir faire comme motion d'amendement pour se sortir du guêpier où elle s'est incrustée avec son amendement. Je lui suggère qu'à l'article 9, à la troisième ligne, on ajoute après le mot "l'entreprise" les mots suivants: "Après demande de soumissions par annonce publique". Cela ferait en sorte que le cautionnement ne soit exigible que lorsqu'il y a adjudication d'un contrat par soumission publique. Les cas exclus de la nécessité de procéder par soumissions publiques, les cas qui sont contenus dans l'amendement que le ministre nous présente cet après-midi, n'auront pas, eux, à être assujettis à cette disposition. Je lui suggère

d'ajouter un deuxième alinéa à l'article 9, qui se lirait comme suit: "Le ministre peut toutefois, dans le cas d'extrême urgence, autoriser le commencement de l'ouvrage avant que le contrat ne soit signé par les parties." Cela lui permettra, dans le cas par exemple d'un édifice loué par le gouvernement, où le gouvernement se propose maintenant avec cet amendement de ne pas devoir aller requérir des soumissions publiques.

Si on n'amende pas l'article 9 comme je le suggère, on ne pourra pas verser le dédommagement au propriétaire de l'édifice; on devra exiger de lui un cautionnement pour effectuer des travaux dans un édifice dont il est le propriétaire. C'est complètement ridicule. Les juristes, qui pourront possiblement prendre connaissance des suggestions que l'Opposition libérale fait cet après-midi et qui, j'en suis sûr, sont appuyées par mes collègues de l'Union Nationale, ont trop d'expérience dans l'administration publique pour ne pas reconnaître le bien-fondé des suggestions que je fais moi-même.

Avec l'amendement proposé par le ministre, que j'accepte volontiers, si ce n'est du seuil de $65 000, que le député de L'Acadie voudra sûrement commenter, je dis qu'il y aurait lieu de compléter cela pour qu'enfin ce projet de loi no 22, qui est devant cette Assemblée depuis 21 mois, finisse par être adopté, mais dans une forme qui sera applicable, ce qui n'est pas le cas présentement avec la motion que nous avons devant nous.

Le Vice-Président: Je m'excuse, je vous donne la parole immédiatement après, M. le député de Brome-Missisquoi. Pour la bonne compréhension de nos travaux, je pense avoir bien saisi la suggestion de M. le député de Gatineau. C'est une suggestion au ministre qui pourrait venir en troisième lecture. Au moment où nous en sommes, il n'est plus possible d'amender, nous en sommes à la prise en considération du rapport. Ce n'est purement qu'une suggestion. On sait qu'en troisième lecture on peut tout reprendre.

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: De façon très brève, je voudrais ajouter quelques paroles à ce qu'a dit le député de Gatineau qui a exposé de façon très claire son idée sur l'amendement actuel à la Loi des travaux publics. Il y a déjà quelques mois, je devrais dire plusieurs mois, lorsque cette loi a été déposée, nous l'avons non pas critiquée, mais nous avons dit clairement ce que nous en pensions, qu'il y avait une différence énorme entre enlever le pouvoir à l'Assemblée nationale ou plutôt l'enlever au législatif et le donner à l'exécutif. On sait que dans l'administration l'exécutif peut, hebdomadairement s'il le veut, changer la réglementation concernant la demande de soumissions publiques. Nous trouvions que c'était un peu arbitraire, surtout venant d'un gouvernement — je ne dis pas par un ministre, mais bien un gouvernement — qui, par le passé, s'était exprimé de façon très claire sur sa clairvoyance et la façon dont il voulait être le plus transparent possible dans l'adjudication de tous ses contrats.

Je ne veux pas chicaner le ministre là-dessus. Je sais qu'elle a, de bonne foi, présenté cet amendement à la Loi des travaux publics à la suggestion de ses fonctionnaires qui, eux, voyaient peut-être un peu d'embêtements à certains moments. Cela pouvait les embêter et ils ont demandé au ministre — c'est normal, j'ai été dans le même cas et on m'a fait des suggestions semblables dans le passé — de présenter cette motion. Lorsque cette loi est venue devant nous, nous avons dit que nous ne pouvions pas accepter que ce pouvoir soit changé aussi facilement que cela car nous croyons qu'il était de notre devoir d'indiquer clairement au ministre le sens des responsabilités qu'impliquait cet amendement.

Nous croyons que c'est notre devoir — et je crois que c'était notre devoir dans le temps — comme membres de l'Opposition, comme membres de l'Assemblée nationale, de faire en sorte que le ministre ait une loi qui l'aide à se protéger contre cette masse de fonctionnaires dans un ministère aussi difficile que peut l'être celui des Travaux publics. Ce n'est pas facile, je suis au courant du fonctionnarisme qui existe dans ce domaine. Dans les circonstances, nous avons essayé de travailler très objectivement. Je sais que le député de Huntingdon a travaillé avec le député de Gatineau et avec le député de L'Acadie dans toutes les propositions qui ont été faites lors de l'étude de la loi en commission. Je suis heureux de voir cet après-midi que le ministre, après mûre réflexion et considération, ne s'est pas pliée mais a jugé bon de corriger la loi en nous présentant cet amendement.

Je ne voudrais pas entrer dans les détails, le député de Gatineau a fait des suggestions valables. Elle devrait peut-être demander à ses juristes de regarder effectivement l'article 9 parce que cela pourrait créer ceraines complications. Je ne veux pas faire d'avocasseries, comme le disait le ministre tout à l'heure, je ne suis pas membre de ce Barreau, je ne suis pas au courant des détails juridiques, mais j'aimerais simplement dire qu'il faudrait peut-être qu'on le regarde objectivement et, s'il n'y a rien là, on l'acceptera comme tel. L'objectif principal de nos arguments a été atteint. (16 h 50)

Mme le ministre n'a pas expliqué pourquoi c'était $65 000, pourquoi pas $50 000, pourquoi pas $80 000. Je trouvais que $25 000, même s'il y a eu l'inflation, même si les prix ont augmenté... Je voudrais avoir une explication que je n'ai pas encore eue. Comment est-on arrivé à ce chiffre de $65 000? Je voudrais savoir lequel de ses fonctionnaires a fait ce savant calcul pour demander au ministre de mettre $65 000. Je ne veux pas m'opposer à ce montant et je serai heureux d'avoir des explications. D'ailleurs, ce n'est pas pour moi, mais pour la population que je représente qui serait heureuse de savoir pourquoi le ministre veut avoir $65 000 pour être plus à l'aise.

En ce qui concerne les autres amendements, nous sommes d'accord. Je sais que les amendements qui sont apportés ici sont nécessaires et qu'ils facilitent le fonctionnement du ministère. J'espère qu'elle va surveiller pour que ses fonc-

tionnaires n'abusent pas des amendements que nous apportons à cette loi. Après toutes ces remarques, je peux vous dire, M. le Président, que nous sommes d'accord pour appuyer cet amendement que nous présente le ministre cet après-midi.

Le Vice-Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je serai très brève. Je réalise fort bien que l'amendement proposé par le ministre des Travaux publics est dans l'esprit des échanges que nous avons eus à la commission parlementaire qui s'est penchée sur la loi 22 en novembre 1977. Nous sommes d'accord avec l'esprit. Il y a quelques questions que j'aimerais poser. Il y a, évidemment, la question des $65 000, le bond de $25 000 à $65 000. Je pourrais dire que j'ai l'explication sur la feuille qui est annexée disant que ceci correspond aux limites établies. "L'amendement proposé, dit-on, porte de $25 000 à $65 000 les limites établies, somme qui se rapproche du seuil de $75 000, valeur indexée de $25 000, selon l'indice Canada-ta." Cela semble, à première vue, un argument tout à fait rationnel et sur lequel on ne devrait pas poser de question ou d'objection.

Je voudrais simplement demander ceci au ministre des Travaux publics. Il semble que les municipalités sont venues ici, en commission parlementaire, et ont demandé une élévation des limites qui leur étaient imposées pour aller en soumissions publiques, par exemple, d'aller de $3000 à $10 000. Je comprends que le ministre n'est peut-être pas au courant. On leur aurait permis, selon mes informations, maintenant d'augmenter de $3000 à $5000 l'exemption de base pour ne pas aller en soumissions publiques. Il y a sans aucun doute des raisons sérieuses pour lesquelles le ministère des Affaires municipales en a décidé ainsi. Je serais portée, peut-être, à faire valoir des arguments de même nature que ceux que le ministre des Affaires municipales a émis. Il est vrai que l'indexation monterait de $25 000 à $75 000 le seuil prévu, mais c'est quand même un bond considérable. Je pense que Mme le ministre est toujours au courant que, plus le montant est considérable, plus il y a risque de division des soumissions. A moins qu'on ne fasse un travail presque quotidien et très strict de vérification, finalement il y a bien des travaux qui, somme toute, peuvent être octroyés sans soumissions. Peut-être, que ce contrôle très rigoureux existe à votre ministère. Si tel est le cas, ma question est moins pertinente, mais je pense qu'il faut quand même vous la poser, car c'est une augmentation considérable de passer de $25 000 à $65 000.

C'était la remarque principale que je voulais faire. Peut-être que vous pourrez nous rassurer dans le sens que ceci ne présente pas véritablement de danger. Mais, pour ma part, j'aurais préféré qu'on limite le montant. L'augmenter de $25 000 à $40 000 m'aurait semblé un bond raisonnable, mais là on fait plus que le doubler et j'ai de la difficulté à me rallier uniquement à l'argument de l'indexation prévue par l'indice Canada.

Le Vice-Président: Mme le ministre des Transports. Pardon, des Travaux publics.

M. Bellemare: Avez-vous annoncé un remaniement ministériel?

Le Vice-Président: Ce n'est pas à moi de le faire. C'est purement un lapsus. Vous connaissez le latin, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale?

M. Bellemare: On ne vous a pas averti de quelque chose?

Le Vice-Président: Tant sur l'amendement que sur le rapport, et cela pourrait terminer le débat.

Mme Ouellette: D'abord, je voudrais souligner à M. le Président que le ton de la critique du député de L'Acadie est beaucoup plus agréable et beaucoup plus positif que le ton du député de Gatineau. Tenant compte du fait, également, que j'ai pris pour acquis maintenant, compte tenu du style du député de Gatineau, de ne jamais me laisser entraîner dans des vulgaires batailles de ruelles, je pense que les Québécois méritent mieux que cela.

Ceci étant dit, pour répondre à la question posée par M. le député de l'Union Nationale et Mme le député de L'Acadie, je vais vous expliquer pourquoi — vous en avez parlé quelque peu tantôt — effectivement, nous avons décidé d'indexer. C'est que le seuil de $25 000 a été porté à $65 000, compte tenu de la différence ou des différents indices auxquels l'on recourt généralement dans le domaine des coûts de construction. Je vais vous donner un exemple, et nous avons tiré ces données de Statistique Canada. Alors, cela devrait être bon, je pense.

Une Voix: Ce n'est pas sûr!

Mme Ouellette: En 1964, la moyenne annuelle — selon vous généralement, alors j'ai l'impression que vous allez me croire — la moyenne annuelle, en 1964, était de 63,2, alors qu'en 1977 la moyenne annuelle était de 193,7, ce qui fait que, de 1964 à 1977, l'indice a marqué une augmentation de 206,4%, ce qui amène le seuil, à toutes fins pratiques, à $76 600. L'indice des prix, par ailleurs, de la construction non résidentielle — tiré toujours des données de Statistique Canada — pour la moyenne annuelle, en 1966, était de 71,4%, alors qu'en 1977 elle était 178,8%. Donc de 1966 à 1977, l'indice a marqué une augmentation de 150,4%, ce qui amène le seuil à $62 600. Nous avons fait une moyenne et nous avons porté l'indexation à $65 000.

Il va sans dire, M. le Président, que l'attribution des contrats en deça de $65 000 ne se fera pas de façon arbitraire. Elle se fera pas l'utilisation du fichier des fournisseurs en respectant le principe de régionalisation et toujours selon le mode aléatoire du fichier central. Je voudrais également vous indiquer que ces montants ne s'appliquent

qu'aux travaux d'entreprises. On avait indiqué, quand j'avais distribué aux 110 députés de l'Assemblée nationale la réglementation du fichier central, qu'on aurait à apporter ces modifications et, donc, à indexer les coûts.

Cela touche simplement les travaux d'entreprises. Cela ne touche nullement les mécanismes pour le choix des professionnels et des entreprises de services auxiliaires, telles que la sécurité, par exemple, et l'entretien. De sorte qu'un des critères que nous retrouvions dans le fichier central des fournisseurs, à savoir la régionalisation, pour nous c'était fort important. Je pense que surtout les députés en région comprendront que des entreprises qui doivent fournir des services au gouvernement en bas de $25 000 ne vont pas très loin. Mais, en deça de $65 000, cela permet aux entreprises en région de ne pas continuer — si je puis dire, selon leur expression — à se faire manger par les grosses firmes. On s'est dit qu'il y avait des contrôles suffisants pour que ce ne soit pas dépensé à tort et à travers et donné de façon arbitraire mais que, par ailleurs, cela aidait les petites entreprises en région à essayer de se maintenir dans une position meilleure qu'elle ne l'était auparavant. Je pense que cela répond à peu près aux questions qui m'ont été posées par les deux députés. (17 heures)

Le Vice-Président: Dans ce cas, est-ce que cette Assemblée est disposée à voter sur l'amendement proposé par Mme le ministre des Travaux publics?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Motion adoptée?

M. Gratton: Sur division.

Le Vice-Président: Motion adoptée sur division.

M. Gratton: Tant qu'il n'y aura pas d'amendement à l'article 9.

Le Vice-Président: Prise en considération du rapport. Rapport adopté?

M. Gratton: Sur division, M. le Président.

Le Vice-Président: Rapport adopté sur division.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, s'il y avait...

Le Vice-Président: Si vous me le permettez, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, il y a eu un petit incident cet après-midi en Chambre. Comme cela affecte la présidence et la présidence des commissions parlementaires, je voudrais souligner que personne ne doit être blâmé de cette situation et qu'il peut arriver qu'entre une commission parlementaire et l'Assemblée nationale il y ait une marge de jeu qui puisse s'exercer. Je voudrais personnellement souligner l'excellent travail de M. le député de Châteauguay.

M. Bellemare: Sur cette mise au point que vous venez de faire...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

M. Bellemare: ... la reconnaissance du bien-fondé de l'expérience et surtout de la bonne conduite du député de Châteauguay, je voudrais vous rappeler que ce n'est pas le seul incident qui puisse s'être produit un jour. Un président d'une commission publique avait rendu une décision qui semblait contraire à l'intérêt public et M. Duplessis, en Chambre, l'avait repris. C'est l'Orateur, M. Taché, qui lui avait dit qu'il n'avait pas le droit. C'est pour vous montrer qu'il y avait, même dans ce temps-là, un président qui avait dit à M. Duplessis que ce n'était pas à lui de régler un problème comme celui-là.

Le Vice-Président: D'accord. Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Question de directive.

Le Vice-Président: II n'y a aucun blâme envers vous; vous le comprenez.

M. Gratton: J'ai bien compris, M. le Président, et je suis loin de vouloir adresser un blâme au député de Châteauguay ou à qui que ce soit. Je voudrais bien comprendre le sens des remarques que vous venez de faire.

Le Vice-Président: D'accord.

M. Gratton: On sait que le député de Châteauguay, au moment où il présidait la commission des travaux publics, a déclaré irrecevables des motions d'amendement que le député de L'Acadie et moi-même avions présentées, en vertu d'une interprétation du règlement que nous avons dû respecter même si nous ne partagions pas son bien-fondé. La vice-présidente, qui occupait le fauteuil avant vous, a rendu une décision à l'inverse. Je voudrais bien savoir, M. le Président, si l'interprétation de nos règlements doit varier d'une façon quelconque selon que nous discutons en commission parlementaire ou ici à l'Assemblée nationale. Il me semble que le principe d'un projet de loi qui est mis en cause par une motion d'amendement ne devrait pas subir d'interprétation, que ce soit en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale. Je vous demande, M. le Président, si c'est bien ce que vous venez de nous dire, qu'il peut y avoir une différente interprétation selon qu'on est dans un endroit ou dans un autre.

Le Vice-Président: J'ai couru après et je vais répondre. Dans ce que je vais dire, il n'y a

personne qui puisse recevoir une sorte de jugement. En commission parlementaire, les règles pour juger de la recevabilité de certains amendements ne sont pas nécessairement les mêmes qu'à l'Assemblée nationale. Attention! Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Les membres qui ont une certaine expérience en cette Assemblée le savent. Ce que je viens de dire, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale en est une preuve. Le mandat en commission est plus strict. La commission a un mandat qui lui est donné par l'Assemblée. En Assemblée, c'est selon la plus large interprétation et en même temps la plus stricte. Tout assemblée générale — et surtout l'Assemblée nationale — est maîtresse de ses travaux et de ses décisions. Je voudrais bien que l'on croie que la présidence — je parle du président et des deux vice-présidents — ne constitue pas une cour d'appel des présidents de commission et qu'aujourd'hui, en vertu de nos nouveaux règlements, contrairement au passé, l'Assemblée ne peut en appeler d'une décision rendue.

C'est tout ce que j'ai voulu dire. Est-ce que vous êtes d'accord quand même? C'est pourquoi je me suis permis cette intervention.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, comme le contentement règne autour de l'interprétation que le président de l'Assemblée vient de donner, je suis convaincu que cela va remettre le député de Gatineau dans une telle bonne humeur que, maintenant, il sera sans doute tout à fait disposé à ce qu'on puisse adopter immédiatement le projet de loi no 22 en troisième lecture.

M. Gratton: M. le Président, volontiers, à condition que, de la part du ministre des Travaux publics... J'ai l'impression souvent qu'on parle dans le vide ici. Il me semble avoir dit très clairement que l'amendement proposé par le ministre des Travaux publics ne réglait pas le problème que le projet de loi no 22 veut régler. Parce que le règlement m'empêche — c'est vous-même qui me l'avez signalé — de faire une motion d'amendement au moment de la prise en considération du rapport, j'ai donc fait des suggestions très spécifiques en citant le texte des amendements que pourrait vouloir proposer le ministre des Travaux publics au moment de la troisième lecture. Si le ministre des Travaux publics nous dit tout de suite, au moment où on nous demande le consentement de procéder à la troisième lecture, qu'elle accepte les suggestions que nous lui avons faites, à ce moment-là, volontiers, nous accordons notre consentement. Ce n'est pas dans le but de faire de la procédure, c'est juste faire en sorte qu'on n'aura pas à présenter un nouveau projet de loi pour amender la Loi des travaux publics au printemps puisque, à mon humble avis, c'est exactement ce qui sera nécessaire, compte tenu que l'amendement proposé par le ministre des Travaux publics cet après-midi n'est pas complet et ne lui donnera pas satisfaction dans l'adjudication et l'administration des travaux publics au cours de la prochaine année.

Le Vice-Président: Si je comprends, M. le député de Gatineau, c'est un consentement conditionnel.

M. Gratton: Tout à fait, M. le Président. On ne peut rien vous cacher.

M. Bellemare: M. le Président...

Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare:... je m'oppose, avec tout le respect que j'ai pour madame, à cette troisième lecture parce qu'en vertu de notre règlement on ne peut pas accepter un rapport dans la même journée, surtout quand il y a eu des retraits. On ne peut pas faire cela. C'est contre la procédure normale. Non, parce que, dans le feuilleton d'aujourd'hui, il apparaît douze projets de loi en troisième lecture qui sont d'une grande importance, qui n'ont pas été appelés. Non, je ne passerai pas devant comme ça pour satisfaire des caprices du député qui voudrait, lui, nous imposer... Non. Il y a un règlement, suivons-le.

M. Duhaime: M. le Président. Le Vice-Président: Pardon?

M. Duhaime: Si vous me le permettez, une seconde seulement. Selon ce que je peux comprendre, le député de Gatineau serait prêt à donner son consentement pour qu'on puisse procéder à l'adoption de ce projet de loi en troisième lecture aujourd'hui. Je voudrais souligner au député de Johnson que nous faisons couramment ce genre de motion de consentement et que si nous ne pouvons procéder à l'adoption en troisième lecture, c'est que le leader parlementaire de l'Union Nationale ne veut pas donner son consentement.

M. Bellemare: Non, je ne le donne pas parce que c'est une fin de session et il y a déjà douze projets de loi en troisième lecture qui n'ont pas été appelés ce matin...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Les messages ne passent même pas, le président est debout. Je constate que je n'ai pas consentement.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

Le Secrétaire adjoint: Troisième lecture du projet de loi.

Le Vice-Président: Alors, quand même, troisième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Bertrand: M. le Président, on avait tous, je pense, très bien compris. Ce n'est pas que le règlement empêchait, c'est que le consentement n'était pas là. Le député de Johnson ne le donnant pas, effectivement, on passera la prochaine fois. On a tous compris cela.

M. le Président, je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 33).

Projet de loi no 84 Deuxième lecture

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires sociales propose que le projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives, soit lue une deuxième fois.

M. le ministre des Affaires sociales. (17 h 10)

M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a lu effectivement le projet de loi et il en recommande l'adoption. M. le Président, ce projet de loi qui amende principalement la Loi de l'assurance-maladie a trois objectifs principaux. D'abord, de rendre encore plus efficaces la gestion et l'administration de la Régie de l'assurance-maladie. Cela n'est pas un objectif négligeable quand on se rend compte que cette régie, cette année, va débourser environ $700 millions simplement en honoraires pour les professionnels de la santé. Le deuxième objectif vise à obtenir une meilleure répartition géographique des professionnels de la santé par le truchement de ce que nous appelons dans le projet de loi des primes d'encouragement, c'est-à-dire que ce projet de loi permettra de fournir à des professionnels de la santé, dentistes, médecins et autres professionnels, un supplément de revenus à la condition qu'ils ou elles consentent à oeuvrer dans des régions éloignées où il y a actuellement insuffisance de personnel, par exemple, la Côte-Nord, le Nord-Ouest québécois, la Gaspésie, en particulier. Le troisième objectif, consiste à ajouter un certain nombre de services assurés, de services gratuits, par exemple, les aides auditives, et aussi à introduire dans ce Régime d'assurance-maladie les services dentaires aux bénéficiaires de l'aide sociale.

Comme tout le monde le sait, nous avons tenu au début de cette semaine, lundi, une commission parlementaire où nous avons pu entendre un certain nombre d'associations professionnelles de la santé et les corporations professionnelles de la santé. Je me permettrai, M. le Président, de dire quelques extraits de l'éditorial du journal Le Soleil au lendemain de cette commission parlementaire, un éditorial signé par Mme Monique Payeur qui n'est pas précisément une militante du Parti québécois. Cet éditorial est titré: Un resserrement administratif nécessaire. J'en cite un paragraphe qui dit: "En termes simples, le projet de loi no 84 constitue en fait un ajustement des mécanismes administratifs de contrôle du Régime d'assurance- maladie du Québec huit ans après sa mise en oeuvre et la comptabilisation des excès qu'il a entraînés."

Un autre paragraphe: "L'Etat n'aurait pas rempli son devoir d'administrateur responsable des fonds publics s'il avait passé l'éponge sur des fissures à la Loi de l'assurance-maladie, tel un versement de $50 millions annuellement à des bénéficiaires inconnus, non identifiables dans le fichier de la régie et dont on ne sait même pas s'ils sont Québécois, ou sur des remboursements d'honoraires, pour des actes professionnels accomplis en un temps humainement impossible." Dernière citation de cet excellent éditorial par Monique Payeur: "Que les professionnels de la santé se plaignent des mesures coercitives de la loi 84 à leur égard est assez normal, mais qu'ils les trouvent injustifiées étonne pour le moins."

A la commission parlementaire, nous avons convenu d'apporter à ce projet de loi certaines modifications, qui d'ailleurs, de façon normale, si vous voulez, sont souvent apportées lorsque nous faisons l'étude en commission d'un projet de loi article par article.

Je veux d'abord parler de la fameuse carte-soleil. Il faut se rendre compte que le Québec est la seule province du Canada où, pour recevoir des soins médicaux, des soins de santé assurés, c'est la seule province où il n'est pas nécessaire que le citoyen ou la citoyenne s'inscrive au fichier de la régie.

Deuxième anomalie, c'est aussi le seul endroit au Canada où il n'est pas nécessaire de présenter une pièce d'identité qui attesterait de son inscription. Dans ce projet de loi, nous demandons que dorénavant chaque citoyen, chaque citoyenne s'inscrive à la Régie de l'assurance-maladie.

Deuxièmement, nous demandons qu'à chaque fois qu'une personne s'adresse soit à un bureau de médecin ou à un hôpital pour recevoir des services, que la personne présente la carte de l'assurance-maladie. Nous avions annoncé, il y a déjà longtemps, que nous ferions des exceptions au moment des règlements. Donc, il s'agissait là un peu, comme le député de Saint-Laurent l'a dit, au cours de la commission parlementaire, d'une tempête dans un verre d'eau quant aux oppositions à la présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie, puisque déjà nous avions dit, par exemple, que les enfants très jeunes ou les personnes âgées ou les accidentés, les cas d'urgence ou certaines personnes en institution n'auraient pas à présenter la carte d'assurance-maladie.

Alors, je veux répéter aujourd'hui que les règlements vont faire preuve de souplesse. Il ne s'agit pas évidemment d'obliger, par exemple, le médecin qui fera des visites a domicile — et Dieu sait qu'il n'y en a pas tellement, il n'y en a probablement pas assez qui font des visites à domicile — il n'est pas question d'obliger le médecin à apporter, en plus de sa trousse médicale, son appareil à Chargex ou à Castonguette. Donc, je pense que, de ce côté, nous avons apaisé toutes les craintes qui avaient été soulevées par certains groupements.

Nous demandons aussi, dans ce projet de loi, que le professionnel de la santé signe dorénavant son relevé d'honoraires. Nous pensons qu'il s'agit là d'une mesure tout à fait normale. Quiconque, dans les transactions normales de la société, a un compte à expédier à quelqu'un doit habituellement signer lui-même le relevé. Il s'est trouvé ici que, depuis 1970, 1971, notre Loi de l'assurance-maladie n'obligeait pas le professionnel à signer son relevé, si bien que dans certaines causes de fraude, la régie ne pouvait pas, devant les tribunaux, aller bien loin, puisque le professionnel, au fond, se réfugiait derrière la signature d'une secrétaire ou d'une infirmière qui n'engageait pas la responsabilité du professionnel.

Nous avons, en commission parlementaire, discuté de cette question, conscients que nous étions qu'appliquer de façon trop rigide cette disposition entraînerait des complications, spécialement dans le cas des pharmaciens propriétaires. Nous avons proposé, ce qui a été accepté d'ailleurs par les groupements, que si le professionnel en question s'engage à devenir responsable de la signature de la personne qu'il mandate, qu'il s'agisse d'une infirmière ou d'une secrétaire, nous allons apporter un amendement, et devant l'engagement du professionnel à se tenir aussi responsable, que ce soit lui qui signe, ou que ce soit sa secrétaire. Je pense que, là aussi, nous avons satisfait à certaines appréhensions.

Il existe dans la loi actuelle un mécanisme prévu pour faire l'étude de certains profils de pratique qui peuvent sembler aberrants, qui peuvent sembler sortir de l'ordinaire. Ce mécanisme se déroule, si vous voulez, par le truchement des comités de révision. Chaque groupe de professionnels, lié par une entente à la Loi de la régie de l'assurance-maladie, se voit constitué, par le lieutenant-gouverneur en conseil, un comité de révision qui, essentiellement, est composé de ses pairs. (17 h 20)

Dans le cas des médecins, par exemple, il s'agit d'un comité de révision formé de cinq médecins neutres qui ont une crédibilité et qui ne sont pas sous la juridiction de la régie. Je répète, le comité est nommé par le lieutenant-gouverneur, sur la recommandation du ministre des Affaires sociales. Nous proposons d'y ajouter une sixième personne, un avocat désigné par l'Office des professions. Nous proposons aussi que les membres de ce comité de révision aient dorénavant une immunité; c'est à la demande des comités de révision, et je pense qu'en leur donnant l'immunité ces gens pourront faire un travail en toute quiétude, en toute sécurité.

Dans le cas où le comité de révision fait la démonstration à la Régie de l'assurance-maladie qu'il y a eu un relevé d'honoraires pour des services non rendus ou encore des services rendus de façon abusive ou encore des services qui ne sont pas couverts par la régie, nous avons précisé le mode de compensation de la régie. Nous prévoyons que la régie pourra se compenser si elle suit la recommandation faite par le comité de révision. A ce moment-là, le fardeau de la preuve, en appel, sera sur les épaules du professionnel de la santé. D'autre part, si la régie conteste la décision, la recommandation du comité de révision, le fardeau de la preuve, cette fois-ci, irait sur les épaules de la régie.

Il y a un certain nombre de situations qu'on peut qualifier d'abus. Je m'empresse de dire que c'est certainement le fait d'une minorité de médecins, une minorité de professionnels de la santé. A titre d'exemple, y a cette situation où un certain nombre de médecins, durant une année, avaient présenté des comptes pour une somme de $208 000 pour les actes qui étaient déjà facturés à la Commission des accidents du travail. Donc, double facturation. Une autre sorte d'abus que nous avons décelés avec l'expérience de ces quelques années: II est arrivé à plusieurs reprises que des services aient été facturés par des professionnels de la santé pour des individus qui étaient décédés. D'autres situations, qui frisent la fraude si elles n'en sont pas carrément, sont des relevés d'honoraires pour des personnes âgées en centres d'accueil à des dates où on constate que les personnes avaient quitté les centres d'accueil.

Enfin, comme dernier exemple d'abus qui sont surveillés par ces comités de révision, et pour lesquels la régie doit se compenser pécuniairement, il s'agit, par exemple, de médecins qui réclament pour 200 examens réalisés en une seule journée, un tiers de ces 200 examens étant des examens complets majeurs. Quand on sait qu'un examen complet majeur, de par la convention avec les médecins, doit requérir45 minutes d'examen, on voit tout de suite le genre d'abus flagrants, d'excès qui doivent être contrôlés par des mécanismes plus rigoureux. C'est un des objectifs de ce projet de loi, de donner aux membres des comités de révision une latitude, une liberté d'action plus grande par cette immunité, en toute sécurité. En même temps nous croyons qu'il est légitime que, si la régie endosse ces recommandations, le professionnel puisse faire la preuve contraire. Et, si la régie n'endosse pas, c'est à elle de faire la preuve contraire.

Dans ce projet, nous introduisons aussi, comme je l'ai dit dans mon préambule, des primes d'encouragement qui permettront dorénavant à la régie, puisque, actuellement, cette notion n'apparaît pas dans la loi de la régie, d'accorder à des professionnels, non seulement aux médecins mais à tous les professionnels de la santé, certaines bourses, des primes d'encouragement, de façon qu'on puisse rapidement mobiliser. C'est arrivé dans le passé que certaines régions complètes soient dépourvues de médecins. Cette prime d'encouragement nous permettra de mobiliser rapidement un ou des professionnels qui consentiront, selon les modalités prévues à l'entente avec les professionnels, à aller exercer dans une région éloignée.

M. le Président, je veux aussi faire ressortir l'injustice sociale qui découle du fait que, dans plusieurs régions, la Côte-Nord, le Nord-Ouest québécois, la Gaspésie, nous avons quatre fois

moins de médecins par population que dans les grands centres urbains comme Montréal et Québec. La situation est encore plus dramatique, évidemment, quand il s'agit de spécialistes. Nous croyons — puisque l'expérience a été faite en Ontario depuis quelques années, avec beaucoup de succès — que cette nouvelle mesure va être de nature à augmenter le nombre des professionnels dans les régions qui en sont dépourvues.

L'article 24 du projet de loi précise les mesures qu'un gouvernement pourra prendre dans des situations exceptionnelles où un trop grand nombre de professionnels deviennent non participants au régime et privent, de cette façon, toute une région ou l'ensemble du territoire de services auxquels cette population a droit puisque ce sont des services assurés. Le nouvel article 24, sur le fond, retient l'article 24 qui existe déjà dans la loi. Il ne fait que préciser les modalités de ce que le lieutenant-gouverneur pourra faire à ce moment-là. Essentiellement, ce qu'il pourra faire, ce sera d'abord de publier un avis dans la Gazette officielle et, deuxièmement, de permettre, concernant les non-participants, quand ils sont sortis en masse, en groupe important du régime, après un délai normal, délai au cours duquel on se rend compte que la population est privée de services et que la santé publique peut être en jeu de réintégrer ces professionnels dans le régime.

Il y a aussi un corollaire à cet article, c'est celui qui nous permet, dans le cas des événements que nous avons connus récemment, en rapport avec les négociations avec les dentistes, de rembourser les parents qui ont dû payer directement les dentistes durant la non-participation des dentistes, qui a duré plusieurs semaines.

M. le Président, je veux revenir brièvement sur cette question de présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie, de la carte soleil, sauf, encore une fois, pour un certain nombre d'exceptions qui seront prévues dans le règlement. J'ai parlé tantôt de la somme d'argent importante que la régie dépense chaque année, environ $700 millions, pour les professionnels de la santé. De ces $700 millions, $50 millions par année vont à des honoraires réclamés par des professionnels qui ont soigné des personnes dont on n'a pas les noms dans le fichier de l'assurance-maladie. Je me réfère, par exemple, à un article de la Presse du 13 septembre 1978, article de Nicole Beauchemin, qui titrait: "$50 millions vont à des inconnus." Je pense que même si, à première vue, $50 millions sur $700 millions est un pourcentage relativement modeste, il est quand même inadmissible, comme le disait d'ailleurs l'éditorialiste du Soleil, qu'on ne resserre pas les contrôles quand on ne peut pas rendre compte d'une somme aussi importante que $50 millions. (17 h 30)

Bien sûr, un grand nombre de ceux qui ont reçu ces soins sans être inscrits au fichier sont des citoyens, des citoyennes du Québec, mais il y a aussi un nombre important — inconnu jusqu'ici parce que la régie n'avait pas par sa loi créé l'obligation aux gens de s'inscrire — de personnes qui viennent au Québec d'outre-frontières, qui viennent des Etats-Unis, en particulier dans les régions frontalières de la Nouvelle-Angleterre ou de l'Etat de New York, qui se présentent chez le médecin, qui se présentent dans un hôpital avec, parfois, un faux nom et une fausse adresse. Ces personnes actuellement, nous n'avons aucun moyen pour les relocaliser et pour leur réclamer un paiement. Nous recevons à la régie actuellement 220 000 de ces réclamations par mois pour lesquelles les noms n'apparaissent pas au fichier.

Mme la Présidente, je sais que le député de Saint-Laurent va parler d'abondance sur ce projet de loi, comme il le fait d'habitude. Je vais, par économie de temps, m'en tenir à ces remarques. Je résume, encore une fois, les objectifs de ce projet de loi qui a rallié la très grande majorité des associations médicales. Ce projet de loi, en somme, ne fait qu'étendre des services assurés, tout en réduisant des abus extrêmement coûteux, les $50 millions en question, et il va aussi faciliter la venue de professionnels de la santé dans des régions éloignées du Québec.

Donc, en résumé, il s'agit d'un projet de loi à portée sociale, à l'avantage des populations des régions éloignées et, en même temps, d'un projet de loi à portée économique, puisqu'il va donner à la Régie de l'assurance-maladie un meilleur contrôle sur des dépenses très importantes de l'Etat. J'espère, Mme la Présidente, que ce projet de loi, surtout avec les modifications que nous apportons à la suite de la commission parlementaire, va obtenir l'unanimité de cette Assemblée. Merci.

Des Voix: Bravo!

Mme le Vice-Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je déroge, bien sûr, à la règle en demandant le consentement, si cela était possible, pour intervenir avant le représentant de l'Opposition officielle, étant donné que je dois quitter pour une réunion à Montréal, à 7 heures ce soir, réunion référendaire pour le Comité pro-Canada.

M. Forget: Je donne mon consentement avec plaisir, Mme le Président. Je demanderais peut-être non pas en retour, mais en considération de l'heure, si le député de Mégantic-Compton termine quelques minutes avant 18 heures, qu'on suspende nos travaux jusqu'à 20 heures, de manière à ne pas commencer seulement les premières phrases de mon exposé pour être interrompu aussitôt.

Mme le Vice-Président: M. le député.

M. Duhaime: Mme le Président, il me fait plaisir de donner mon consentement au député de Mégantic-Compton et de contribuer à ce qu'il ait son droit de parole, en espérant...

M. Proulx: Qu'il s'occupe de Marcel Masse.

M. Duhaime:... que le leader parlementaire de l'Union Nationale pourra retenir que, de temps à

autre, un bon consentement bien placé arrange bien les choses.

M. Bellemare: Ce n'est pas la leçon dont on a besoin de l'adjoint...

M. Duhaime: Je remercie...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous avions tous déjà compris que M. le député de Saint-Laurent cède, à ce moment-ci, ce qu'on pourrait appeler la préséance.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Merci, Mme la Présidente.

M. Gratton: Mme la Présidente, question de règlement.

Mme le Vice-Président: Sur une question de règlement.

M. Grenier: Je veux remercier le député de Saint-Laurent...

M. Gratton: Très brièvement, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Gratton: Avant que le député de Mégantic-Compton remercie ceux qui lui accordent ce consentement, je voudrais que tout le monde sache bien que parmi ceux qui seront remerciés ne se retrouvera pas le député de Saint-Maurice parce qu'il n'a pas...

Mme le Vice-Président: Votre question de...

M. Gratton: ... à donner son consentement. C'est strictement l'Opposition officielle qui cède son droit de parole et non le...

Mme le Vice-Président: M. le député, je pensais que l'incident était clos. M. le député de Mégantic-Compton, j'espère que vous allez pouvoir maintenant parler. Allez donc!

M. Fernand Grenier

M. Grenier: Avant de distribuer mes remerciements, Mme le Président, à tout le monde, — je pense bien que je devrai dire que cela raccourcit mon temps — je voudrais informer cette Chambre que je terminerai, bien sûr, quelques minutes avant 18 heures pour permettre au député de Saint-Laurent de demander l'ajournement, qui a eu l'amabilité de me laisser intervenir avant 18 heures ce soir.

Mme le Président, j'entendais le ministre tout à l'heure nous parler avec abondance de sa loi 84, mais j'ai l'impression qu'il n'a pas lu la même loi que nous. J'ai bien l'impression qu'il avait l'air de trouver que tout allait très bien et qu'il n'y a absolument rien qui accroche; cela va parfaitement. Cette loi a été demandée; tout le monde soupirait après cette loi. Pourtant, on sait qu'il y avait un taux de satisfaction, ce qui est très rare dans le domaine des services de santé — dans ce secteur-là principalement qui est concerné par la loi — un taux de satisfaction qui dépasse 80%, madame. Je pense que vous êtes en mesure de comprendre que ce ne sont pas tous les secteurs de la société où la satisfaction est aussi grande. Avant la venue de ce projet de loi, après enquête, au-delà de 80% de la population du Québec sont satisfaits des services offerts dans ce secteur. Donc, il ne faudrait pas dire qu'elle était toute urgente et qu'il faut la faire adopter à toute vapeur pour venir régler des situations alarmantes. Il n'y a pas de situations alarmantes, il n'y a pas de feu à la bâtisse.

En commandant une commission parlementaire pour entendre les personnes qui sont concernées par cette loi, après beaucoup d'insistance, de concert avec l'Opposition officielle, nous avons réussi à obtenir une commission parlementaire qui n'a duré qu'une journée. Mais combien efficace. Combien elle a été éclairante, cette commission parlementaire. Elle était composée de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, de l'Association professionnelle des optométristes du Québec, de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec qui ont présenté un mémoire commun. Dans le peu de temps qui leur a été donné, personnellement je peux vous dire que cela a été une source de lumière, une source de points qui n'avaient pas été portés à ma connaissance, mais qui a été fort pertinente pour l'Opposition.

Par la suite, nous avons rencontré, dans la même journée, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, l'Ordre des dentistes, l'Ordre des optométristes et l'Ordre des pharmaciens. Bien sûr, nous aurions voulu avoir plus de temps pour discuter et dialoguer parce qu'on découvrait, à chaque quart d'heure, des choses fort surprenantes, et cela nous permettait de mettre le doigt et de constater que pas mal de ces gens-là étaient loin d'être d'accord avec la loi que nous nous apprêtons à voter.

Je voudrais officiellement remercier ces groupes qui ont accepté — qui représentent tout près d'une dizaine de milliers de professionnels du Québec — de venir devant la commission parlementaire. A leur demande, nous avons transporté ici en Chambre leur requête et nous avons obtenu cette commission. Je voudrais les remercier d'être venus devant nous et d'avoir apporté la lumière sur ce projet de loi.

Ce projet de loi, Mme le Président, comporte trois points importants. Il est antisyndical, il est antiprofessionnel et il est antibénéficiaire. Je m'explique. Ce projet de loi que nous avons devant nous méritera, en commission parlementaire, passablement de changements. Dans le contexte actuel, du côté syndical, on a vécu dans la province, depuis quelques mois, des mouvements

de désengagements de la part de certains groupes de professionnels, désengagements qui correspondaient à du mécontentement face aux exigences du ministère. On nous assurait quand même des services. La population était quand même assurée de services et n'était quand même pas trop perturbée, puisque c'était surtout le ministère qui avait des difficultés avec les professionnels de son secteur, mais la population continuait quand même d'avoir des services. Le ministre lui-même disait: Que la population ne craigne pas, le gouvernement, une fois que les choses seront réglées, pourra compenser pour l'argent qui pourrait être déboursé par des familles, par des personnes dans le besoin.

Cela posait des problèmes quand même majeurs mais cela donnait à ces professionnels une façon de contester certaines décisions de la régie ou du ministère, encore une fois tout à fait dans l'ordre. Mais, là, c'est un droit qu'on leur enlève. Il n'y aura plus de désengagements. Cela n'existera plus. Et le ministre leur a répondu: Oui, vous avez des façons. Faites la grève ou bien fermez vos bureaux. Et voilà des solutions pour des professionnels de la santé! On leur a conseillé de fermer leurs bureaux ou bien de faire la grève. C'est cela, les recours qu'ils ont, dans le moment. (17 h 40)

Ce gouvernement se veut transparent et veut assurer les services aux petits Québécois, aux gagne-petit, ceux qui veulent toujours être protégés par ce gouvernement, qui a fait sa campagne là-dessus. Encore une fois, j'y reviens parce que c'était tellement évident pendant la campagne électorale que nous, les partis d'Opposition, on est les gens du gros monde. On n'est pas les gens du petit peuple. C'était eux autres, cela, pendant la campagne électorale. Mais, là, on se rend compte qu'une fois les élections passées, ce n'est plus important, le monde. Ce qui est important, c'est d'écraser à gauche et à droite, et c'est ce qu'on a. Fermez vos bureaux! C'est dans le journal des Débats en commission parlementaire. Vous savez que fermer les bureaux, cela veut dire qu'il n'y a plus de services médicaux de donnés, plus de services dentaires de donnés. Savez-vous que c'est important, cela? Quand on entend cela de la bouche du ministre, c'est fort surprenant. Ce n'est pas un fonctionnaire qui a parlé, là. C'est le ministre qui a dit cela.

Mme le Vice-Président: Sur une question de privilège, M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Puisque le député de Mégantic-Compton y revient à deux reprises, il n'est pas exact que le ministre des Affaires sociales ait dit aux professionnels de la santé, en commission parlementaire: Faites la grève! C'est tout à fait exact. Ce sont les professionnels de la santé qui ont conclu que leur seul recours, dorénavant, serait la grève. Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation des professionnels de la santé. Alors, je voulais rétablir les faits, Mme le Président.

M. Grenier: C'est très juste, Mme le Président. Il n'a pas dit cela. Il a seulement dit: Fermez vos bureaux! Savez-vous que des bureaux fermés, cela ressemble pas mal à une grève? Quand on se frappe sur un bureau de médecin fermé par la grève ou fermé parce qu'on ne veut pas répondre, j'ai l'impression que c'est pas mal proche de la grève. Ce sont des services qu'on ne donne plus à la population. C'est la conclusion qu'ont donnée les médecins ou les professionnels qui étaient là. Ce sont des choses qui se ressemblent. Quand le service n'est plus assuré à une population on peut demander aux gens qui s'attendent à des services des professionnels: Quelle différence y a-t-il entre une grève et des bureaux fermés? Cela va être assez mince comme différence. Alors, c'est antisyndical et cette loi nous jette là-dedans.

Il n'y en a plus de possibilité à partir de maintenant d'avoir le désengagement comme on le connaissait. C'est une mesure draconienne. Ce projet de loi est également antiprofessionnel. Au départ, le professionnel va être considéré comme coupable. On l'a signalé. Il devra faire la preuve de sa non culpabilité quand il sera poursuivi dans son travail, pas uniquement professionnel, mais dans ses comptes avec la régie. Il devra faire la preuve, ce qui est contraire à l'esprit de notre Code pénal ici au Québec. Le professionnel est d'abord considéré comme coupable, et cette tactique a été dénoncée par le Barreau. Elle a été également dénoncée par la conférence des juges et dans d'autres secteurs. Elle le sera bien sûr aussi dans ce secteur maintenant que c'est dans un projet de loi ici.

Je pense que là on aurait dû donner à ces gens le même traitement qu'on donne aux autres secteurs de la société c'est-à-dire que la régie doit d'abord faire la preuve avant de commencer à accuser des gens. C'est dans la loi et j'espère qu'il y aura des modifications qui seront apportées. D'ailleurs, la commission parlementaire nous a déjà donné un éclairage assez important là-dessus. Cette loi est également antibénéficiaire. On nous a annoncé que la carte-soleil deviendra de plus en plus obligatoire. La carte de l'assurance-maladie. Les gens devront la posséder; ils devront maintenant présenter leur carte d'assurance-maladie. On va faire certaines exceptions, comme le ministre disait, pour les enfants de six mois et moins, qui ont de la misère à traîner leur carte. Il y aura aussi les personnes âgées, il y aura également les accidentés, les personnes qui sont sans connaissance. C'est plus difficile de montrer sa carte, il y a plus de difficulté quand il arrive un accident. Il y aura certaines exceptions.

On veut davantage imposer la carte. On a démasqué cette semaine à l'occasion d'une autre loi le pourquoi de cela, quand on a étudié la loi de la réforme électorale, la loi 123. Ce port de la carte dans les Affaires sociales constitue les prémisses de la carte d'identité qui a été si largement combattue par le PQ quand on était ici dans l'Opposition. C'est la carte soleil qui commence à être la nouvelle carte d'identité, capable d'aller fouiller dans la vie privée des citoyens. C'est surtout là-dessus.

Une Voix: ...

M. Bellemare: Lisez...

M. Grenier: Vous n'avez même pas suivi les commissions. Vous ne savez même pas de quoi je parle.

M. Bellemare: Lisez l'article 13c de la loi 123.

M. Grenier: Madame, je demanderais à ceux qui voudraient contester, les députés PQ en face de moi, qu'on aille voir ce qu'est dans la Loi électorale la nouvelle carte qu'on veut apporter. Qu'on aille vérifier ce que c'est. Mme le Président, vrai comme je suis ici, dans deux ans vous irez voir et il y aura une carte d'identité. Au train où on va là il y aura une carte avant les prochaines élections et on en aura probablement une avant le référendum. Elle s'appellera peut-être la carte soleil cette carte. Pourtant, elle a été si largement combattue par le PQ. On l'aura cette carte, et c'est cela le commencement d'une carte d'identité. C'est cela entrer dans la vie des gens. C'est cela l'étatisation dans tous les secteurs. C'est vers cela qu'on s'en va avec le gouvernement. On nous amène tranquillement, mais on glisse bien plus vite qu'on ne pense là-dedans.

Nous serons contre et contre à plein, j'aime mieux vous le dire. On n'acceptera pas cette carte soleil dans le secteur des affaires sociales, pas plus d'ailleurs qu'on acceptera, dans le secteur de la loi 123, cet article qui porte sur l'ajustement de cette carte avec tous les détails qu'on veut lui donner maintenant. Les médecins nous en ont largement témoigné devant la commission également. Ils nous en ont largement parlé de cette carte soleil qu'on veut amener pour chacune de ces personnes qui aura droit maintenant d'intervenir dans le dossier pour différentes raisons.

On a parlé d'un amendement. Ces personnes qui auraient oublié leur carte chez eux, on va leur demander de se rappeler seulement le numéro. Savez-vous que j'aime quasiment autant penser apporter ma carte que de me rappeler mon numéro une fois que je suis rendu à la pharmacie. Ce sont des numéros, on se contentera du numéro.

Une excellente formule a été proposée ici qui a attiré l'attention de la commission — elle a été proposée par les omnipraticiens, si je ne fais erreur — quant à ce qui pourrait remplacer la carte soleil. J'aimerais que le ministre se penche davantage sur le document qui a été déposé, qui pourrait avantageusement remplacer cette carte d'assurance-maladie au lieu de la rendre obligatoire, comme on est en train de le faire. On la rencontre au niveau de deux projets de loi dans le moment.

Ce qu'il y a de drôle là-dedans, c'est que ce sont eux, les six péquistes, qui ont tellement combattu le Parti libéral dans le temps, pour qu'on n'arrive pas avec une carte d'identité. Cela est étrange. C'est là qu'on se rend compte qu'entre le programme du Parti québécois et les réalisations du Parti québécois, il y a une marge; il y a une grosse différence entre les deux. C'est cela qui est décevant, c'est cela qui déçoit le public présentement, nous arriver avec des lois comme ça, alors qu'on a prêché une autre religion pendant qu'on était ici dans l'Opposition. C'est assez étrange. Cette carte soleil permet également d'ouvrir des dossiers. Les médecins se plaignent de la confidentialité des dossiers.

Si vous lisez le projet de loi à l'article 56...

M. Michaud: On ne lit pas un article en deuxième lecture.

M. Grenier: J'en ai entendu citer plein ma tête tout à l'heure par ceux de l'autre côté: Je pense avoir le droit d'en lire un ici. J'ai droit de référer à un article à l'occasion et d'en lire un si besoin il y a. A l'article 56, on dit: "La régie peut, avec l'autorisation...

M. Michaud: Mme le Président, question de règlement. Hier, à peu près à la même heure, son voisin de droite m'a empêché de citer un article en deuxième lecture.

Mme le Vice-Président: M. le député, est-ce que je peux vous demander de ne pas le lire l'article, mais peut-être de vous y référer? S'il vous plaît, M. le député de Mégantic-Compton, pour nous en tenir au règlement.

M. Grenier: Mon leader parlementaire me signale que je n'ai pas le droit de le lire; j'ai le droit de le résumer. Alors, je le résume. Lui, il a l'expérience parlementaire.

Mme le Vice-Président: Vous devez parler du bien-fondé et de l'à-propos du projet de loi.

M. Grenier: A défaut d'une telle autorisation, la régie peut, par requête sommaire, s'adresser à un juge de la Cour supérieure pour obtenir cette autorisation d'avoir le dossier. C'est le résumé de l'article.

Mme le Vice-Président: Est-ce que je peux vous rappeler que nous sommes en deuxième lecture, M. le député de Mégantic-Compton?

M. Grenier: Oui, d'accord. C'est ce que j'ai à vous dire sur le dossier confidentiel. On a le droit, quand on ne veut pas le donner, par une autorisation du juge, d'aller fouiller dans le dossier. On nous dit que c'est pour des choses bien techniques, que ce n'est pas tellement important d'aller fouiller dans les dossiers. Mais, à même ces dossiers où on a le droit d'aller maintenant avec ce nouveau pouvoir que la régie va avoir, on peut faire des enquêtes téléphoniques, par exemple, pour savoir si telle personne a bien reçu des services à telle date. Vous comprenez comme moi que, si on fait des enquêtes téléphoniques, cela veut donc dire que des personnes vont aller voir dans les dossiers. Le président de la régie nous a répondu qu'il n'appellera pas telle personne qui

aurait des choses à cacher, par exemple, dans son dossier et qu'il ne faudrait pas divulguer. Mais, pour savoir cela, il faut qu'il regarde dans le dossier et il va y en avoir combien de personnes qui vont regarder avant! Cela ne doit pas se produire.

Ces enquêtes téléphoniques doivent être dénoncées aussi. N'importe qui peut en faire à partir de là et quand est-ce que la personne va savoir si c'est vraiment une personne de la régie qui appelle ou si ce n'est pas quelqu'un qui appelle pour avoir une information qu'elle n'est pas obligée de donner?

M. Lazure: Question de privilège. Je m'excuse auprès du député de Mégantic-Compton.

Mme le Vice-Président: M. le ministre.

M. Lazure: Etant donné que ces débats sont télévisés, je pense qu'il ne faut pas permettre que la Chambre et la population soient induites en erreur. Je m'explique. (17 h 50)

Une Voix: Ce n'est pas une question de privilège.

M. Lazure: Oui, c'est une question de privilège parce qu'on déforme...

M. Fontaine: Question de règlement, Mme le Président.

M. Lazure: II ne s'agit pas d'enquêtes téléphoniques.

Mme le Vice-Président: M. le ministre. Dans cette Assemblée, nous pouvons considérer que les membres ont le droit de faire leurs interventions, ce que d'autres membres de l'Assemblée peuvent considérer comme des interprétations, des demi-vérités. Je pense qu'ils ont quand même droit à leur opinion. Nous savons, M. le ministre, que vous aurez une intervention à faire à la suite de l'intervention de M. le député de Mégantic-Compton au moment de votre réplique et nous en tenons compte.

M. le député.

M. Grenier: D'ailleurs, je suis sur le point de terminer. J'aurais eu bien d'autres choses, je suis limité dans le temps et vous le comprenez. Au sujet de ces enquêtes, le ministre pourra répondre lors de son droit de réplique. On l'a dans la loi et il le sait. Cela a été dit en commission parlementaire. Les groupes qu'on a reçus en commission parlementaire nous ont demandé de faire pression pour que ce soit retiré. A l'occasion, qu'on fasse certains sondages écrits, cela peut encore être acceptable, mais on est allé plus loin que cela, même dans les sondages écrits. C'est là qu'il est important d'avoir une commission parlementaire pour entendre ces gens-là. On a fait des contre-interrogatoires aux gens en plus de cela, juste pour voir si la personne, tellement habituée de répondre pour faire plaisir à son médecin, n'aurait pas accepté de dire un autre "oui" à la question de savoir si elle avait visité ou pas son médecin à telle date, à une date ultérieure alors qu'elle n'y était pas allée. C'était une seconde enquête qu'on faisait. C'est absolument inacceptable.

Les personnes qui veulent exercer des contrôles à la régie se donnent trop de pouvoirs. Je pense que le ministre a en main tout ce qu'il faut pour faire ses enquêtes, ce doit être suffisant. Que la régie veuille avoir un système d'enquêtes perfectionné dans les détails, cela la concerne, mais le ministre ne doit pas céder à de trop forts moyens de pression sur la population pour avoir des données dont il n'a absolument pas besoin, dont il ne se servira pas. Il appartient au ministre de pondérer là-dedans, de ne pas en venir à prouver une politique de ce genre. C'est lui qui est le patron aux Affaires sociales, c'est lui qui doit dire non à de telles demandes qui pourraient venir de la régie du ministère. Se donner tant de pouvoirs, comme on le dit communément, c'est vouloir tuer une mouche avec un "batte" de baseball. Il y en a des problèmes, on est conscient de cela, on est au courant des problèmes du Maine et du Vermont, du New Hampshire et de l'Etat de New York qui viennent profiter de nos lois. Qu'on fasse des suivis plus sévères dans ces régions. Il y a ces gens qui viennent s'installer un pied-à-terre au Québec, sur une terre quelque part et qui ne le disent pas, qui donnent une adresse au Québec et bénéficient d'une carte-soleil. Bien sûr, c'est possible.

Mais est-ce qu'il y a une loi où personne ne passe à côté? Je l'ai déjà dénoncé, dans ce même ministère, on a découvert une famille à Québec qui avait fait baptiser son petit treize fois le même dimanche pour avoir treize chèques. Il n'y en a pas de lois où les gens ne trouvent pas de failles. Doit-on pénaliser toute une population et imposer une espèce de carte d'identité à la population pour protéger un certain secteur de la province, les gens en bordure des lignes américaines? Est-ce normal? Je compends que les gens de la régie demandent cela, mais que le ministre accepte! C'est inacceptable et c'est notre rôle de le dénoncer.

Je termine et je demande au ministre de modérer ces gens qui veulent se donner trop de pouvoirs à son ministère. Il y a deux lois.

L'autre ce n'est pas l'endroit pour en parler, la loi no 103; elle reviendra et nous aurons des amendements fort sérieux à y apporter. On demande au ministre d'être modéré dans cette loi no 84 que nous avons devant nous et qui ira en commission parlementaire dès ce soir. Il est capable de faire des concessions, il en a fait jusqu'à présent. Comme je l'ai déjà dit, je le répète, ce n'est pas le meilleur des ministres, mais c'est le moins pire! On s'entend bien avec lui, il est capable de nous apporter des amendements favorables à la population. Les gens qui suivent ces données savent que nous sommes capables d'obtenir des concessions qui peuvent intéresser l'ensemble des Québécois. Je vous remercie.

M. Forget: Mme la Présidente, je demande la suspension du débat.

Mme le Vice-Président: Cette motion de suspension du débat du député est-elle adoptée?

M. Duhaime: Adopté.

Mme le Vice-Président: Cette Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 17 h 55

Reprise de la séance à 20 h 10

Mme le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs! Veuillez vous asseoir.

C'est maintenant la reprise du débat sur la motion de M. le ministre des Affaires sociales proposant la deuxième lecture du projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives. C'est M. le député de Saint-Laurent qui avait demandé la suspension du débat.

M. le député.

M. Gratton: Mme le Président, pourrais-je obtenir votre permission pour poser une question au leader parlementaire au sujet d'une chose qui vient de survenir? Je suis informé que le secrétariat des commissions a communiqué avec la ville de Beauport pour la convoquer à une commission parlementaire lundi à 10 heures, commission parlementaire qui, essentiellement, étudierait le projet de loi privé qui vise à modifier la charte de la ville de Beauport.

Or, on sait que dans les avis que nous a donnés le leader du gouvernement aujourd'hui, la commission, à ma connaissance, ne doit pas siéger. Le leader adjoint pourrait-il nous informer si c'est l'information qu'on a eue en Chambre qui est véridique ou celle qui voudrait que la ville de Beauport soit appelée à témoigner en commission parlementaire lundi pour l'étude du projet de loi privé?

Mme le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Duhaime: Mme le Président, peut-être êtes-vous victime d'un canular, M. le député de Gatineau. Suivant ce qui a été annoncé par mon collègue le député de Saint-Jacques, les trois commissions qui siégeront lundi matin sont: la commission permanente de l'agriculture, la commission permanente du travail, la commission permanente du revenu. A ce que je sache, personne n'a avisé ni le bureau du leader, ni moi-même, qu'il y ait des possibilités que des gens de Beauport soient convoqués pour se présenter devant la commission permanente des affaires municipales. Je peux demander qu'on le vérifie tout de suite. Quant à moi, c'est la première nouvelle que j'en ai. Je puis vous assurer que la commission des affaires municipales ne siège pas lundi matin à 10 heures.

M. Gratton: Mme le Président, fort de cette information, pourrais-je demander au leader adjoint du gouvernement de s'assurer que les autorités de la ville de Beauport seront informées en conséquence, de façon qu'elles ne se présentent pas pour rien lundi?

Mme le Vice-Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: Merci, Mme le Président. Je commence mon exposé relativement à la loi 84 en notant que le ministre brille par son absence lors de ce débat de deuxième lecture sur la loi qu'il parraine.

Le leader adjoint du gouvernement me dit que le ministre est en train de prendre son dîner, comme s'il était différent des autres membres de cette Assemblée. Je ne peux faire autrement, Mme le Président, que de déplorer l'absence du ministre responsable qui pourra, dans quelques heures ou un peu plus tard, plaider qu'il n'a pas entendu mon intervention. Je vous demanderais de suspendre nos travaux tant que le ministre n'est pas ici pour participer à ce débat de deuxième lecture.

Mme le Vice-Président: Sur la question de règlement.

M. Duhaime: Mme la Présidente, si vous me le permettez, pour l'information de l'honorable député, je voudrais dire que je viens tout juste de parler à mon collègue, le ministre des Affaires sociales, qui a été ici à l'Assemblée nationale avec nous jusqu'à 18 heures. Il avait des affaires urgentes à voir à son ministère, qui n'est pas le plus petit de l'administration publique, et qu'il vient à peine de rentrer. Le voilà justement. Je pense que cela répond à vos préoccupations. Il est tout oreilles à vos propos.

M. Forget: II est normal, Mme le Président, que le ministre soit présent lors d'un débat de deuxième lecture. Je pense que c'est au moins aussi important que l'administration courante de son ministère.

Alors, Mme le Président, nous avons entendu successivement le ministre et le porte-parole de l'Union Nationale dans de débat de deuxième lecture exagérer l'un et l'autre sur la portée réelle de ce projet de loi. Le ministre, pour en minimiser l'importance, nous a pratiquement présenté ce projet comme une série de mesures administratives nécessaires pour épargner de l'argent aux contribuables, mais n'ayant aucune espèce d'implication au-delà de cette considération; l'autre a fait une dénonciation virulente d'un projet où il voit une menace directe à nos libertés démocratiques et a dressé un spectre qui a de quoi effrayer la plupart des citoyens.

Je crois qu'il est dommage que ce projet ne reçoive pas une attention plus sérieuse et plus vraie à la fois de la part de son parrain ou de la part du porte-parole de l'Union Nationale parce qu'il y a dans ce projet des éléments qui sont suffisamment importants pour intéresser l'opinion publique et des éléments qui sont suffisamment controversés pour avoir motivé quatre associations professionnelles de médecins omnipraticiens, de pharmaciens, de dentistes et d'optométristes à former un front commun pour protester publiquement contre certaines dispositions de ce projet de loi.

J'ai donc l'intention, durant la période de temps qui m'est impartie, de dégager un certain nombre de considérations qui méritent, à mon avis, l'attention du public non pas parce qu'elles menacent, comme l'a dit le député de Mégantic-Compton, les assises mêmes de notre société, mais parce qu'elles constituent des orientations importantes pour comprendre ce qui va se passer dans le domaine de la santé au cours des prochains mois et des prochaines années.

Il y a là des sujets qui méritent en effet l'attention d'autres que simplement les premiers intéressés, les professionnels de la santé, puisque tout ce qui affecte le fonctionnement du régime est susceptible, tôt ou tard, d'avoir des effets sur le consommateur lui-même; le malade, tout citoyen qui a recours aux services de santé.

Mes remarques se diviseront en quatre parties, puisqu'il y a quatre aspects à ce projet de loi qui méritent notre attention. Je parlerai successivement, en premier lieu, de l'usage que l'on fait de la carte d'assurance-maladie, du nouvel usage qu'on lui destine; deuxièmement, je parlerai de ce qui a fait l'objet des protestations d'un certain groupe de professionnels de la santé, des modifications unilatérales que le ministre introduit dans les conditions du régime d'assurance-maladie, conditions qui, autrement, sont sujettes à la négociation entre le gouvernement, d'une part, et les différents organismes qui regroupent ces professionnels de la santé, qu'il s'agisse des médecins, des dentistes, des pharmaciens ou des optométristes.

En deuxième lieu, Mme le Président, je parlerai des pouvoirs excessifs que le gouvernement octroie à la régie dans ce projet de loi sous le couvert d'une meilleure administration. Il donne véritablement une dimension nouvelle au mot "bureaucratie", aux mots "pouvoir démocratique" et ceci, sans respecter un sain équilibre qui devrait exister dans les relations de l'administration publique avec les citoyens, quels qu'ils soient, même lorsqu'il s'agit de médecins ou de professionnels de la santé d'autres catégories. Et enfin — et c'est peut-être ce qu'il y a de plus important, étant donné les prétentions du ministre d'améliorer le fonctionnement et l'administration du régime et de prévenir les abus — je vous entretiendrai du problème de la nécessité médicale, du jugement que seront maintenant autorisés à porter la régie et particulièrement les comités de révision sur la nécessité médicale de certains actes comme préa- lable au paiement de ces actes.

En premier lieu, Mme le Président, il y a cette modification de la Loi de l'assurance-maladie qui a pour effet de rendre obligatoire l'utilisation de la carte soleil, de la carte d'assurance-maladie, comme moyen de paiement et non plus simplement comme instrument d'identification du bénéficiaire des services de santé. Il n'y a, dans une innovation comme celle-là, rien de bien nouveau dans notre société puisqu'à peu près tout le monde est habitué désormais à utiliser des cartes de crédit, soit pour se procurer de l'essence pour mettre dans sa voiture, soit pour faire des achats divers.

C'est devenu un moyen de paiement fort accepté dans notre société, qui s'est ajouté à la monnaie, qui s'est ajouté aux chèques; on utilise maintenant très largement la carte de crédit, c'est commode, c'est pratique, cela permet beaucoup de souplesse dans l'administration de son buget. Il n'est que normal probablement — et c'est d'ailleurs ma conviction — qu'un régime public comme celui de l'assurance-maladie, qui permet de payer le coût des services de santé, utilise aussi ce moyen de paiement qu'est la carte de crédit. Essentiellement, il s'agit de cela, de faire de la carte de l'assurance-maladie un instrument de paiement, une carte de crédit. (20 h 20)

Devant le professionnel de la santé, le patient aura le choix soit de payer comptant, ou par chèque, ou de fournir sa carte, sauf un certain nombre d'exceptions bien entendu. Cet élément qui est nouveau dans la loi, mais qui n'est pas nouveau dans nos moeurs économiques, est introduit aujourd'hui alors que depuis deux ans déjà un projet de loi incorporant cet élément est sur le bureau du ministre des Affaires sociales et qu'il n'attend que son approbation et son appui pour être acheminé jusque chez nous. En effet, à l'automne 1976, toutes les préconditions d'une telle mesure étaient déjà mises en place; la nouvelle carte soleil avait été introduite par le gouvernement précédent, en 1975, précisément avec cet objectif en tête.

Lorsque, aujourd'hui, le ministre citant des articles de journaux nous dit, avec raison d'ailleurs, qu'il y a quelque $50 millions par année qui sont payés par le gouvernement, essentiellement par la Régie de l'assurance-maladie, pour des bénéficiaires qui sont inconnus, qui peuvent très bien ne pas être des Québécois, ne pas être, donc, admissibles aux bénéfices de l'assurance-maladie et que peut-être une certaine partie de cette somme est versée sans droit, il a raison de s'inquiéter mais je lui dis à ce moment-là: Pourquoi avoir attendu deux ans pour introduire une mesure qui est censée — et qui le sera sans aucun doute — épargner aux contribuables québécois quelques millions de dollars par année? Toutes les conditions étaient réunies; pourquoi n'a-t-on pas agi plus vite?

Il y a, bien sûr, du côté des professionnels, relativement à ce nouvel usage de la carte d'assurance-maladie, un certain nombre de réticences. Les professionnels se disent: Devant un malade

qui nous rapporte sa carte, nous aurons deux choix: soit fournir les services et s'en remettre à sa bonne volonté quant au paiement, soit exiger comme condition essentielle qu'il nous paie sur le champ. Dans certains cas, disent-ils, il pourra arriver que l'on doive fournir des services pour des raisons humanitaires, ne pas exiger un paiement immédiat, soit parce que les gens n'ont pas leur carte et qu'ils n'ont pas les moyens de défrayer le coût des services.

Je dois dire tout de suite, comme le ministre l'a affirmé, que la réglementation devra prévoir un certain nombre d'exceptions. Le ministre nous a donné sa parole là-dessus. Je sais que la régie est disposée à prévoir ces exceptions dans sa réglementation. Il s'agit, bien sûr, du malade qui arrive à l'urgence, de l'accidenté; on ne saurait exiger sa carte à une telle personne. Il s'agit de l'enfant nouveau-né qui n'a pas sa carte et dont on ne pourrait exiger une carte. Il s'agit également d'un certain nombre de problèmes de services de santé que l'on dispense à des mineurs, en certaines circonstances. Enfin d'un certain nombre de cas qui sont faciles à identifier et qu'il sera possible d'excepter, d'enlever de l'application de cette loi. Pour les autres, les adultes consentants, si l'on veut, et capables normalement de payer ou de fournir la carte, il est vrai, que les professionnels de la santé, les médecins, les dentistes, les pharmaciens seront en face d'un problème à l'occasion de mauvaises créances. Il est entendu qu'ils devraient, dans tous les cas où il est impératif de fournir des services de santé — ce ne sont pas tous les cas, mais c'est un certain nombre de cas — fournir les services, même s'il y a un risque qu'ils ne soient pas payés.

Mme le Président, je dois immédiatement souligner que les ententes que j'ai signées moi-même avec les professionnels, au moins deux catégories de professionnels de la santé, dès 1976, faisaient déjà place pour ce risque. Cela faisait partie de l'ensemble des offres et des contre-offres qui ont été acceptées, à ce moment, et ce risque de mauvaises créances il a été assumé par les professionnels de la santé en pleine connaissance de cause. Ils ont accepté d'inscrire dans les ententes qu'ils acceptaient d'avance une modification à la loi qui aurait l'effet qu'on veut lui donner aujourd'hui. Il ne s'agit donc plus de revenir en arrière. Cette question a été réglée sur le plan des relations du gouvernement avec les professionnels. C'est avec impatience d'ailleurs que, depuis deux ans, j'ai demandé au ministre des Affaires sociales ce qu'il attendait pour donner suite à ces ententes et pour donner suite aux préparatifs qu'avait faits la régie dans l'émission d'une nouvelle carte pour enfin en exiger la présentation lors de la prestation d'un service.

Un dernier aspect relativement à ce nouveau rôle de la carte d'assurance-maladie, c'est l'utilisation que l'on veut faire du registre des bénéficiaires de l'assurance-maladie — et à toutes fins utiles il s'agit de la presque totalité de la population du Québec — pour des fins autres que le paiement des services médicaux, dentaires, phar- maceutiques et optométriques. Je fais allusion ici à la loi qui a été discutée en deuxième lecture, cette semaine même, qui autorise le président des élections à tenir un registre des électeurs. Il me paraît qu'il est tout à fait légitime d'utiliser la source de renseignements absolument complète que constitue le registre des bénéficiaires de l'assurance-maladie pour les fins du registre électoral.

En effet, ceci épargne une somme très considérable aux contribuables en évitant la multiplication des recensements ad hoc pour chacune des élections provinciales et municipales. Il y a donc un très grand avantage à utiliser ce registre pour cette autre fin. C'est, d'ailieurs, ce que l'Assemblée nationale a décidé en approuvant en deuxième lecture le projet de loi no 123 qui prévoit la préparation d'un tel registre des électeurs.

Cependant, il ne faudrait pas, parce qu'on a une utilisation légitime et valable du registre de l'assurance-maladie, accorder trop libéralement, trop largement un pouvoir non circonscrit, non limité à la Régie de l'assurance-maladie de communiquer à peu près à n'importe qui, selon la bonne volonté et le bon vouloir du ministre en place, les renseignements, qui ont, malgré tout, une valeur assez privilégiée que contient le registre des bénéficiaires de l'assurance-maladie. Il me semble que des précautions devraient être prises de manière à s'assurer que n'est autorisé dans la communication d'informations à partir du registre de l'assurance-maladie que strictement ce que l'Assemblée nationale elle-même, par une loi spécifique, a autorisé de transmettre. Je crois qu'il serait préférable de voir dans la loi 84, dans la Loi de l'assurance-maladie une autorisation spécifique de transmettre le nom, l'adresse et l'âge des bénéficiaires au directeur général des élections plutôt que de voir formuler une autorisation générale de communiquer à n'importe quel organisme du gouvernement, sur simple décision du Conseil des ministres par arrêté en conseil, n'importe quel renseignement à n'importe qui à l'intérieur de l'administration publique.

C'est une restriction, un resserrement de cette possibilité de communiquer qui est essentiel de nos jours puisqu'on a, dans une certaine mesure à juste titre, évoqué le spectre d'un Etat omniscient, omnipotent qui constitue un gigantesque fichier couvrant tous les aspects de la vie publique et privée de tous les citoyens et qui devient une espèce de monstre administratif, une espèce de "big brother" de style orwellien qui menace les citoyens dans leur autonomie, dans leurs facilités, dans leur faculté de conduire leur vie sans être sous l'oeil scrutateur constant de l'Etat.

Si on fait cette restriction, je crois que cette nouvelle utilisation de la carte effectivement aura pour effet, dans le cas du Régime de l'assurance-maladie, de faire épargner un certain nombre de millions et, dans le cadre de la loi décrétant le registre électoral permanent, de faire également, là aussi, économiser à l'Etat et aux contribuables un certain nombre de millions. Pourvu qu'il y ait quelques garanties, je crois que c'est un développement souhaitable qui, d'ailleurs, se fait attendre

depuis au moins deux ans et qui devrait donc être effectué le plus rapidement possible et pour lequel les professionnels de la santé visés ont déjà reçu, dans le cadre des ententes actuellement en vigueur, les considérations, les compensations appropriées.

J'en viens, maintenant, Mme le Président, au deuxième point que je désire aborder. Il s'agit des modifications de toutes sortes que le ministre a décidé d'introduire, de façon unilatérale, dans le cadre légal que constitue la Loi de l'assurance-maladie, modifications qui, si elles n'étaient pas contenues dans la loi, seraient déjà traitées, ou pourraient l'être, par la voie d'ententes avec les professionnels qui transigent quotidiennement avec la Régie de l'assurance-maladie.

Il y a toute une liste de ces pouvoirs que le ministre veut déterminer de façon unilatérale qui appartiennent à cette catégorie. Je vais me permettre d'en faire rapidement une certaine énumération.

Il y a d'abord les articles qui sont relatifs à l'établissement de primes d'encouragement pour inciter les médecins et autres professionnels de la santé à s'établir dans des régions éloignées dont l'attrait naturel est moindre et qui, pour cette raison, souffrent d'une pénurie relative de professionnels de la santé. C'est un objectif valable et j'aurais d'autant moins raison de m'y opposer que cet objectif a déjà fait l'objet d'une entente avec les professionnels de la santé, en particulier les médecins spécialistes et les médecins omnipraticiens, entente qui est incorporée dans les ententes de 1973 et qu'il n'est nullement besoin, pour le gouvernement, à l'heure actuelle, de prévoir ces dispositions dans une loi. Ceci est déjà acquis, c'est signé, c'est accepté de part et d'autre, les mécanismes d'application sont déjà en place et utilisés. La seule raison qui peut pousser le ministre à l'introduire dans la loi — et c'est une raison qui n'est pas à l'abri de toute critique — c'est de vouloir donner un appui légal à l'utilisation de fonds publics pour exécuter ces ententes. (20 h 30)

Or, Mme le Président, cet objectif est superflu puisque, déjà, la Loi de la Régie de l'assurance-maladie prévoit que la régie est tenue d'exécuter les ententes signées par le ministre et que les ententes prévoient les primes d'encouragement, prévoient tous ces mécanismes. Il s'agit donc, dans la forme actuelle, d'une tentative de légiférer ce qui a fait l'objet d'ententes, ce qui a fait l'objet de conventions collectives. Je dois dire que le ministre lui-même l'a reconnu en commission parlementaire puisqu'il a dit que, effectivement, il retirait cinq des six articles prévus dans la loi puisqu'ils sont superflus, nous reviendrons sur ce point.

Le deuxième pouvoir unilatéral que le ministre se donne, c'est celui d'interdire aux professionnels de la santé de se faire payer pour des frais accessoires à la prestation de certains services. Par exemple, il peut arriver qu'un médecin, dans son cabinet privé, reçoive un malade pour un traitement, soit l'exérèse d'un hyste ou une intervention très mineure, changement d'un pansement, points de suture, etc., ce genre de chirurgie très mineure. Il s'est trouvé dans le passé des médecins qui disaient à leur patient: Je suis payé pour mes services professionnels, mais j'ai dû utiliser du matériel, j'ai dû utiliser une mini-salle d'opération attenante à mon cabinet, j'ai dû utiliser un plateau chirurgical; pour cela, on exige un montant additionnel de $25, $40, $50 ou $75.

Ceci est interdit par la loi, mais il entre là toute la question de savoir s'il s'agit de frais accessoires pour un service déjà couvert par la régie ou d'une interprétation quelconque. De toute façon, conscient de l'existence de ce problème, les ententes que j'ai conclues avec les fédérations médicales en 1976 prévoient explicitement les frais additionnels qui ne doivent pas être facturés aux patients et j'ai donc introduit dans les ententes un mécanisme de contrôle de ces comportements. Il n'y a plus eu, depuis 1976, suite à l'application de ces ententes, quelque plainte que ce soit, à ma connaissance, qui indiquerait la nécessité de légiférer sur ces points, étant donné que les ententes en traitent déjà.

C'est un point sur lequel le ministre a voulu ajouter, à ce qui est contenu dans les contrats des pouvoirs législatifs qu'il peut utiliser unilatéralement.

Troisièmement, le ministre prévoit dans la loi que des sanctions pénales puissent être imposées non seulement pour des gestes posés par des professionnels de la santé en contravention de la loi et des règlements — ce qui est tout à fait légitime — mais qu'une amende puisse être imposée à un professionnel de la santé pour ne pas avoir respecté l'entente. Or, quand une entente n'est pas respectée, il y a des mécanismes d'arbitrage qui peuvent être utilisés par l'une ou par l'autre des parties et il est tout à fait inhabituel pour le gouvernement d'imposer des amendes pour le non-respect d'un contrat collectif. Qu'on imagine un peu ce que cela donnerait vis-à-vis des salariés dans le milieu de la santé.

En outre, parmi les autres pouvoirs qui sont modifiés unilatéralement par le ministre, il y a le processus de nomination des membres du conseil d'administration de la Régie de l'assurance-maladie. Dans la loi actuelle, les membres qui sont censés représenter les groupes professionnels de la santé, les médecins omnipraticiens, les médecins spécialistes, les pharmaciens, les optométristes et les dentistes, sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, par le gouvernement, sur recommandation de ces organismes. Dans le projet de loi, ils ne sont plus nommés sur recommandation, ils sont nommés après consultation. Pour le grand public, l'utilisation des deux mots peut sembler bonnet blanc, blanc bonnet, mais il y a une très grande différence entre les deux mots, et ce n'est pas sans raison qu'on utilise l'un ou l'autre.

Lorsqu'on dit: Par recommandation, on indique très clairement que l'initiative de la désignation d'un nom, d'un candidat appartient au groupe

qui sera représenté au conseil d'administration, même si l'acte formel de nomination appartient au gouvernement. Lorsqu'on dit: Après consultation, on suggère au contraire que l'initiative de désigner la personne appartienne au ministre et qu'il n'a tout au plus que le devoir de demander à l'organisme qui est censé être représenté s'il est d'accord ou non, mais qu'il peut de toute manière, puisqu'il ne s'agit pas d'une consultation, nommer la personne qu'il a choisie. C'est donc un renversement de pouvoirs à l'intérieur du processus de nomination.

Mme le Président, il y a enfin une autre modalité qui est changée unilatéralement. C'est la possibilité que le ministre donne à la régie de changer les mécanismes de réclamation d'honoraires par les professionnels de la santé, et ceci sans consultation, sans qu'il y ait eu d'entente à ce sujet, ce qui peut permettre à la régie et au ministre d'imposer des coûts nouveaux et plus considérables aux professionnels de la santé pour s'adapter à de nouvelles exigences de paiement de la part de la régie.

On me dira que ce sont des questions de détail, et je suis tout à fait d'accord. On dira également — le ministre sûrement dans sa réplique voudra le faire — qu'il s'agit de points sur lesquels en commission parlementaire, face aux protestations des groupes professionnels impliqués, il a indiqué qu'il était prêt à faire certains changements. Fort bien. Mais il reste quand même deux questions qui sont d'intérêt public.

Il reste d'abord la question de savoir si le ministre est justifié de penser que le moral des professionnels de la santé, leur volonté de collaborer avec la Régie de l'assurance-maladie dans la prestation des services de santé à la population, c'est une chose qu'on peut mettre de côté entièrement pour satisfaire quelque ambition administrative de mettre de l'ordre. Ce que je veux dire par là, Mme le Président, c'est qu'il est important pour le public que les relations entre le ministre et les professionnels de la santé soient les plus harmonieuses possible. Lorsque le ministre intervient dans tous ces domaines — qui sont des domaines de détail, mais qui sont des domaines importants pour les professionnels impliqués parce qu'ils touchent leur activité quotidienne — de façon unilatérale pour se donner dans la loi des pouvoirs qu'il pourrait exercer plutôt de façon contractuelle par entente avec les professionnels impliqués, ce qu'il fait, c'est qu'il met en jeu tout le climat des relations entre le gouvernement et les professionnels de la santé à peine six mois avant l'échéance d'un certain nombre d'ententes avec ces professionnels puisque, vers le milieu de 1979, les ententes conclues en 1976 viendront à expiration.

C'est un risque calculé ou non calculé que le ministre prend de détériorer ce climat et de nous précipiter, de précipiter toute la population du Québec avec lui, dans un conflit, dans des rancoeurs, dans des récriminations qui sont tout à fait évitables, puisqu'il n'y a rien dans tout ce que j'ai énuméré qui corresponde à une notion quelconque de l'intérêt public. Il s'agit de questions secondaires à caractère administratif auxquelles, cependant, les professionnels de la santé tiennent beaucoup. Si on veut les trancher arbitrairement alors que jusqu'ici on les a tranchées par voie d'ententes, on risque — je ne sais pas si on se rend bien compte du risque que l'on prend — d'envenimer le climat, de rendre plus difficile l'entente et, finalement, de voir la population souffrir de cette détérioration de climat.

La deuxième considération qui se dégage de tout cela, c'est que le ministre, après avoir entendu les protestations d'un front commun spontanément organisé après le dépôt de ce projet de loi, a, sur un certain nombre de ces points — comme je l'ai indiqué à l'occasion — indiqué qu'il faisait marche arrière, qu'il aurait des modifications à introduire et que véritablement il ne tenait pas à le faire de telle ou telle façon, qu'il ferait des concessions. A ce moment-là, Mme le Président, on peut s'interroger sur la qualité de la préparation de cette partie du projet de loi puisqu'on semble, aussitôt qu'on voit un obstacle quelconque, ne pas avoir de raison véritable pour le faire; on semble ne pas avoir anticipé ces objections; on semble ne pas avoir vraiment compris leurs implications. Est-ce que c'est vraiment avec ce genre d'expertise au niveau du ministère, parmi les adjoints du ministre, chez le ministre lui-même, que l'on peut envisager avec confiance le déroulement des négociations et l'administration de tout le régime?

Mme le Président, il n'y a pas de vérité absolue dans le domaine des relations entre les professionnels de la santé et le gouvernement. On peut envisager toutes sortes de régimes. Ce que j'ai voulu indiquer relativement à ce deuxième point, c'est que le ministre prend des risques. Je ne suis pas sûr qu'il comprenne lui-même jusqu'à quel point il prend des risques, mais ce que la population doit savoir, c'est que le ministre prend des risques de détériorer gravement ces relations. On devra juger, aux résultats, après un certain temps, si les risques en valaient la peine, si ce danger d'envenimer des relations pourtant importantes à la qualité même des services de santé en valait la chandelle. (20 h 40)

Le troisième aspect, Mme le Président, que je veux aborder est relatif aux pouvoirs excessifs que le ministre désire attribuer à la Régie de l'assurance-maladie. Ces pouvoirs excessifs sont entièrement relatifs au mécanisme de paiement des honoraires qui sont dus aux professionnels de la santé par la Régie de l'assurance-maladie. Je ne dirai pas que les efforts que fait le ministre sont entièrement dénués de raison. La situation actuelle n'est pas entièrement satisfaisante et, dans cette mesure, il aurait raison de chercher à y apporter un certain nombre d'améliorations. Cependant, ce qui est frappant dans les remèdes que le ministre cherche à apporter, c'est qu'ils renforcent de façon déraisonnable le pouvoir bureaucratique face à des individus qui, même s'ils sont des médecins, même s'ils sont des professionnels de la santé, sont, malgré tout, des individus face à

l'immense appareil de l'Etat, avec tout ce que cela comporte d'inégalités inévitables. Dans ce genre de relations, un individu seul qui cherche à obtenir la reconnaissance de ses droits — puisqu'en somme le professionnel de la santé a le droit d'obtenir le paiement pour les actes qu'il a posés — se retrouve en face d'un appareil, qui est l'Etat, infiniment équipé en experts, en avocats, en ressources et en temps, alors que lui, il n'est qu'un individu qui cherche à obtenir ce qu'il croit être son dû. Il y a donc une nécessité, qui est évidente, d'un certain équilibre.

Le déséquilibre dans une certaine mesure existe actuellement un peu au désavantage de la Régie de l'assurance-maladie qui, quels que soient les doutes qu'elle puisse entretenir sur la validité d'une réclamation, est tenue par la loi de l'honorer, de payer et, seulement après, de poser des questions. Je crois que cette situation est déraisonnable et qu'elle pourrait être corrigée. Mais le ministre va beaucoup plus loin que cela. En effet, en premier lieu, le ministre, par l'article 18 b, donne à la régie le pouvoir de refuser le paiement, ce qui est bon, pour des services et, donc, des réclamations de paiement courantes — là-dessus, pas tellement d'objections — mais également pour des honoraires qu'elle a déjà versés pour des services antérieurement fournis et au sujet desquels elle se pose tout à coup la question: Est-ce que nous n'avons pas payé par erreur? La loi par cet article 18 b, autorise la régie non seulement à refuser le paiement pour les services courants, mais à se rembourser elle-même rétroactivement pour des services qu'elle a déjà payés et cela, aussi loin dans le passé qu'elle le désire. Même si des services ont été payés il y a cinq ans ou six ans, la régie peut dire: Ah! A bien y réfléchir, ces services n'étaient pas véritablement dus et nous allons maintenant, à même les réclamations courantes que nous recevons du même professionnel, déduire la somme que nous jugeons avoir payée en trop. C'est là un pouvoir extrêmement important. Qu'on s'imagine un peu le contribuable devant l'administration des impôts qui serait placé devant la même situation. C'est clairement abusif.

Deuxièmement, Mme le Président, la régie, pour utiliser ce pouvoir, doit évidemment avoir des motifs raisonnables; du moins, c'est ce que la loi dit: Si la régie a des motifs raisonnables, elle peut faire cela. Cependant, elle n'est pas obligée de révéler ses motifs, ni même d'avertir le professionnet impliqué de sa décision et de ses motifs. Cependant, si le professionnel veut réclamer, malgré tout, un paiement pour ses actes, on devra bien, au moins, lui donner les raisons pour lesquelles on s'est payé soi-même, pour lesquelles la régie s'est compensée. Etant donné qu'il a le fardeau de prouver qu'il avait raison de faire cette réclamation, à moins que la régie ne lui donne les raisons de son refus, il sera assez mal pris pour surmonter ce fardeau de la preuve.

En troisième lieu, Mme le Président, les motifs que la régie peut alléguer pour refuser de payer des services sont essentiellement au nombre de trois. Le premier, c'est que la régie croit que le service n'a pas été fourni; le deuxième, c'est que le service réclamé a été faussement décrit, autrement dit, on a posé un acte mais on en a réclamé un autre, sous une autre dénomination et qui, présumément, vaut plus cher; ou alors, qu'il y a des services qui ont été réclamés et qui, véritablement, ne sont pas des services assurés. Ce sont, semble-t-il, des raisons fort claires, mais l'expérience a démontré, et même un certain nombre de décisions rendues par des instances qui sont appelées à trancher ce genre de litige, que chacune de ces raisons ne sont pas des simples questions de faits mais des questions d'appréciation et de jugement. Ce qui fait que le fardeau de démontrer que la régie s'est trompée est un fardeau réel et considérable, dans certains cas, et que la régie, dans l'application de ce pouvoir exceptionnel de se payer elle-même, de se faire justice à elle-même, dans le fond, agit sur la base d'une appréciation qui peut être fort bien subjective et contestable; il ne s'agit pas d'un fait incontestable et qui est évident à sa face même, dans bien des cas.

Quatrièmement, Mme le Président, toujours dans ce mécanisme de paiement où les dés sont pipés en faveur de la bureaucratie de l'Etat, la Régie de l'assurance-maladie bénéficierait, désormais, d'un délai de prescription de six mois. C'est-à-dire qu'un médecin, ou un dentiste, qui aurait omis, soit par maladie de sa secrétaire ou de son comptable, soit par surcharge de travail ou autrement, de facturer un acte qu'il aurait rendu et qui s'en rendrait compte six mois après la prestation du service en question, découvrirait qu'il est désormais trop tard pour le réclamer, alors que, de son côté, la régie jouit à son avantage d'un délai de prescription beaucoup plus généreux. C'est là une situation qui apparaît déraisonnable parce que six mois c'est un délai bien court de nos jours, Mme le Président, pour s'assurer qu'on est en face d'une situation irrévocable et finale.

En dernier lieu, la régie a convaincu le ministre d'inclure dans ce projet de loi une disposition qui, à certains égards, est véritablement odieuse puisque tout médecin ou tout professionnel de la santé qui aurait été condamné, d'une offense criminelle ou pénale, pour avoir fraudé la Régie de l'assurance-maladie en réclamant des actes manifestement non rendus ou faussement décrits, non seulement devrait faire face aux pénalités de la loi, aux pénalités même du Code criminel, mais il serait automatiquement, quelle que soit la gravité de l'offense, condamné à être exclu du régime pour une période forfaitaire de six mois ou d'un an, selon qu'il s'agit d'une première offense ou d'une deuxième offense.

Sans aucun doute, Mme le Président, la fraude est un acte condamnable; cependant, la question se pose véritablement s'il faut, pour une offense, cumuler les pénalités. Si on décide que, malgré tout, il faut cumuler les pénalités — et cet argument peut, à la limite, être plausible — on peut se demander, si une pénalité est absolument rigidement déterminée pour tous les cas — que quelqu'un ait fraudé pour $1000 ou pour $120 000,

il fera face à la même pénalité — on peut se demander où est la justice dans tout cela et si, effectivement, l'objectif poursuivi n'est pas véritablement un objectif de justice, mais un objectif de vindicte, vindicte qui a été exprimée à l'occasion par certains députés ministériels et qu'il serait assez indécent de voir reprendre à son compte officiellement par le gouvernement.

Il y a bien sûr, dans les cas de fraude, des pénalités sévères qui doivent être appliquées. La Loi de l'assurance-maladie, le Code criminel les prévoient. Qu'on applique ces pénalités et, si l'on veut qu'on aille jusqu'au point de réclamer que ce même médecin qui a fraudé le régime ne puisse pas bénéficier, pendant un certain temps, de ce régime pour accroître ses gains, cela, non pas de façon arbitraire et mathématique, mais en tenant compte des circonstances et en permettant un jugement nuancé selon la gravité du délit commis. (20 h 50)

Mme la Présidente, quant à cette troisième partie de mon exposé, ce que j'ai voulu faire ressortir, c'est que, dans ce projet de loi qui prétend intervenir pour assainir l'administration publique, on obtiendra en définitive bien peu de choses sur le plan d'une économie de ressources publiques, à cause de l'application de ces règles, mais on obtient un régime qui fait du pouvoir bureaucratique, du pouvoir étatique une force absolument sans commune mesure, sans comparaison avec le pouvoir de l'individu. Si on le fait pour les médecins, pourquoi ne le ferait-on pas pour d'autres? C'est une conception du rôle de l'Etat, une conception du mode de fonctionnement de l'administration publique qui est proprement odieuse. Il y a des resserrements qui doivent intervenir. Nous aurons des propositions à faire lors de l'étude article par article du projet de loi. Mais faut-il à ce point "débalancer" l'équilibre entre l'Etat et le citoyen que ce dernier n'a effectivement plus aucun droit devant l'administration publique? Je crois que ce principe est suffisamment important. Quelle que soit l'opinion qu'on peut entretenir sur les professionnels de la santé et les revenus soi-disant exorbitants qu'ils gagnent, il reste que, comme citoyens du Québec, ils ont droit à une certaine conception de la justice qui leur soit appliquée avec le même degré de raison et de "fairplay" que n'importe quelle autre catégorie sociale.

Mme le Président, j'en viens maintenant au quatrième aspect que je voulais toucher et qui, à certains égards, est le plus important. C'est toute cette question qui touche l'assurace-maladie et tout ce problème de savoir si, au moment où la Régie de l'assurance-maladie effectue un paiement à un professionnel de la santé, cette Régie de l'assurance-maladie peut légitimement se poser la question à savoir si l'acte médical, pharmaceutique, optométrique ou dentaire pour lequel on réclame un paiement est un acte qui est professionnellement justifié et nécessaire.

Je crois que cette question est centrale, qu'elle n'a pas été jusqu'à maintenant adéquatement tranchée ni par la pratique, ni par la loi, pour toute une série de raisons sur lesquelles je n'ai pas l'intention de m'étendre mais qui tiennent généralement au contexte psychologique et politique dans lequel un régime public d'assurance-maladie a été introduit au Québec, comme dans le reste des provinces canadiennes. La poussière a un peu tombé sur tous ces conflits, sur toutes ces contestations, et le moment est sans doute venu maintenant pour qu'on se pose plus franchement, plus carrément que jamais cette question fondamentale: Est-ce que l'Etat, les Québécois, les contribuables québécois ont créé un régime d'assurance-maladie qui doit aveuglément payer toutes les réclamations qui leur sont présentées par les professionnels de la santé, sans poser quelque jugement que ce soit sur l'opportunité professionnelle des gestes qui sont posés ou alors est-ce qu'il est approprié, pourvu que certaines conditions, certaines précautions soient prises, que l'on se pose des questions sur l'opportunité des gestes posés?

Mme le Président, le ministre, dans la présentation de son projet de loi, dans le libellé des articles qu'il introduit, donne évidemment une réponse affirmative à cette question, et sur le plan des principes, au moins, je suis d'accord avec lui, II est inconcevable que le contribuable qui paie les services d'assurance-maladie paie aveuglément n'importe quoi pour la simple raison que M. le docteur Untel réclame le paiement. C'est un mécanisme qui conduirait, si on le poussait à sa logique extrême, à une situation inacceptable, à la faillite, à la banqueroute du système. Tous les régimes d'assurance-maladie, même les régimes privés lorsqu'ils sont administrés par des assurances privées, ont posé et continuent de poser cette question: Est-ce que ces réclamations sont raisonnables ou son déraisonnables? Pas d'un point de vue comptable, pas d'un point de vue fiscal, mais d'un point de vue professionnel.

Ce problème a été perçu depuis plusieurs années. Des tentatives ont été faites pour la résoudre. En 1973, l'Assemblée nationale approuvait un projet de loi amendant l'assurance-maladie qui instituait des comités de révision. Les comités de révision sont essentiellement des comités constitués de professionnels de la santé appartenant à chacune des catégories (médecins, dentistes, etc.) qui sont appelés à passer en jugement, en quelque sorte, les réclamations qui paraissent à première vue à la régie comme étant excessives ou abusives.

Malheureusement, ces comités de révision ont été largement frustrés dans l'atteinte de cet objectif pour une série de raisons. Il y a d'abord eu, chez les membres qui les constituent, la crainte de poursuites en dommages et intérêts s'ils faisaient des recommandations ou en arrivaient à des conclusions qui avaient pour effet de réduire substantiellement le revenu des membres d'un des groupes concernés, puisque le médecin, le dentiste, le pharmacien ou l'optométriste qui se voyait l'objet d'une décision adverse d'un de ces comités aurait théoriquement pu, en droit, intenter des poursuites en dommages et intérêts à chacun des

membres de ces comités de révision pour le dommage qu'il lui avait causé. Cette crainte était en partie illusoire puisqu'il n'y a pas eu beaucoup de ces réclamations et que dans les cas où il y en a eu, le gouvernement a bien sûr pris fait et cause pour les membres des comités de révision, assumant les frais judiciaires qu'ils avaient à assumer.

Malgré tout, le projet de loi actuel accorde législativement l'immunité aux membres des comités de révision, de manière qu'à l'avenir ils ne pourront pas être poursuivis en dommages et intérêts. C'est un principe qui est important et qui implique cependant un certain nombre de choses. Si on donne l'immunité aux membres d'un organisme officiel, il faut être bien sûr que cet organisme a une juridiction claire et qu'il aura effectivement le pouvoir d'appliquer des décisions puisque, autrement, on ferait une exception à la règle générale voulant que chacun est responsable de ses actes, sans grand profit pour la collectivité. De toute façon, la loi reconnaît cette immunité désormais dans le projet de loi et c'est un pas en avant.

Deuxièmement, sur l'avis de certains conseillers juridiques, les comités ont jugé que lorsque la régie leur présentait des réclamations de professionnels de la santé pour des actes qui semblaient abusifs posés avec une fréquence déraisonnable, ces comités perdaient leur juridiction puisque la loi, dans une autre de ses parties, déclare que pour être des services assurés, les services de santé doivent être médicalement nécessaires. Or, lorsque la régie alléguait qu'il s'agissait d'actes faits en nombre déraisonnable et de façon abusive, les comités ont choisi de dire que puisque c'était abusif, ce n'étaient plus des services assurés et puisque ce n'étaient plus des services assurés, le comité n'avait plus juridiction. Ils se sont élégamment débarrassés du problème de cette façon, et cela rend nécessaire de clarifier un certain nombre de concepts.

En outre et troisièmement, les comités de révision n'ont pas fonctionné efficacement parce que dans la loi, à l'article 19a — et ceci remonte aux controverses entourant la création du Régime de l'assurance-maladie — on dit que la Régie de l'assurance-maladie ne peut pas refuser de payer un acte à cause de la fréquence avec laquelle un acte est posé. On voulait à ce moment-là, soi-disant du côté des groupes professionnels, prendre toutes sortes de précautions pour éviter les abus de l'administration publique. Ce qu'on a fait, c'est effectivement rendre impossible la démonstration de l'abus par l'utilisation de méthodes statistiques et on a forcé la Régie de l'assurance-maladie qui voulait faire la démonstration d'un abus à prouver qu'il y avait abus dans chacun des cas. (21 heures}

Si par exemple, un médecin avait donné 125 injections antisclérosantes à un même malade sur une période d'un mois, il n'était pas suffisant de faire la preuve qu'il avait posé un nombre d'actes assez déraisonnable, mais il fallait dans chacun des cas, pour chacune des injections, faire la preuve que cette injection était de trop et cela 125 fois pour prouver un cas d'abus. C'était, évidemment, rendre inefficace et impossible, dans bien des cas, la démonstration de l'abus.

Devant les problèmes rencontrés par les comités de révision, il était nécessaire et il continue d'être nécessaire d'apporter un certain nombre de clarifications. A mon avis, Mme la Présidente, la solution à l'impasse actuelle repose sur les éléments suivants. En premier lieu, il est nécessaire, qu'il y ait une reconnaissance dans la loi du droit de la Régie de l'assurance-maladie de mettre en doute la nécessité médicale, optométrique, pharmaceutique ou dentaire — j'abrégerai l'expression à l'avenir en disant la nécessité médicale — de services pour lesquels elle reçoit une demande de paiement.

C'est ce que le ministre entend faire par les amendements à l'article 34, encore que, quant à la formulation, je crois qu'il y a des ambiguïtés qui demeurent. Ce droit, contrairement à ce que prétendent les corporations professionnelles, n'implique aucun conflit de juridictions avec les ordres professionnels. On sait qu'il existe une corporation professionnelle des médecins, des dentistes, une corporation professionnelle des pharmaciens, une autre pour les optométristes qui ont le devoir de protéger l'intérêt public en s'assurant que les actes posés par leurs membres soient des actes de qualité. Donc, ils doivent également juger de l'opportunité professionnelle de certains actes.

Cependant, lorsqu'une corporation professionnelle pose une telle question, le souci qui l'anime est de savoir si l'acte dont on se plaint, puisqu'elle n'agit que sur plainte, a pu nuire à un patient déterminé. Il s'agit donc, dans tous les cas, d'une démonstration sur un cas isolé où on se demande: Cet acte est-il néfaste? D'autre part, lorsque la Régie de l'assurance-maladie, face à des demandes de paiement, pose la question de l'opportunité sur un plan professionnel d'un acte posé, elle ne se demande pas si un acte en particulier a nui au malade; elle se demande, au contraire, si les actes pour lesquels on demande paiement n'ont pas été posés en quantité déraisonnable et supérieure aux besoins stricts de cette personne. C'est la question de nécessité, du caractère nécessaire de l'acte que la régie pose, alors que la corporation professionnelle n'est pas intéressée par la question de nécessité. Elle est intéressée par le caractère néfaste ou non de l'acte. Ce sont deux questions entièrement différentes qui obéissent à des objectifs entièrement distincts, même si les deux supposent un jugement de caractère professionnel.

Certaines personnes, Mme la Présidente, voudraient que la régie se contente de preuves arithmétiques. Elles semblent suggérer que la régie pourrait se contenter de définir des normes quantitatives, qu'il ne faut pas plus que tant de visites prénatales; s'il en faut dix, que la onzième est superflue, etc. On se rend compte que ce genre de réglementation qui serait utilisée par la régie pour refuser le paiement serait une espèce de lit de Procuste, serait une normalisation abso-

lument inacceptable parce que les circonstances diffèrent.

Bien sûr, la régie peut s'aider de normes statistiques pour faire ressortir certaines pratiques apparemment abusives, mais il doit toujours y avoir, au bout du mécanisme de paiement, la possibilité d'apprécier les circonstances pour dire que, même si apparemment il y a abus, compte tenu des circonstances, l'abus n'existe pas et qu'il faudra donc payer malgré tout.

C'est donc une nécessité absolue, à mon avis, qu'il y ait un élément d'évaluation professionnelle et il est tout à fait possible, pourvu que les textes de loi soient clairement rédigés, de distinguer l'objectif fiscal, en quelque sorte, qui anime la Régie de l'assurance-maladie en posant la question de la nécessité, de l'objectif du maintien de la qualité que l'organisme professionnel se pose quand il essaie de déterminer si un acte en particulier est néfaste ou non à un malade qui se plaint d'avoir été maltraité.

Cette distinction entre la corporation professionnelle et les comités de révision n'est pas une distinction qui porte sur la matière qui doit être examinée, mais sur les objectifs qui animent les organismes respectifs quand ils examinent la même matière professionnelle. Cette même matière professionnelle, on peut la voir et l'examiner avec des objectifs différents, et c'est à ce niveau que la distinction doit être introduite.

Deuxièmement, la reconnaissance de la légitimité de méthodes statistiques pour établir un début de preuve doit être reconnue si on veut que la régie puisse, de façon efficace, établir un début de démonstration du caractère abusif de certaines pratiques. Comme on le sait, si nous allons, à l'heure actuelle, devant des tribunaux ordinaires — et éventuellement, il est toujours possible d'y aller puisqu'il existe un droit d'appel des comités de révision à la commission des affaires sociales et même probablement à la Cour supérieure — il devient irrecevable de faire une preuve statistique puisque les tribunaux ordinaires, comme d'ailleurs les corporations professionnelles, ne jugent que le cas par cas et refusent d'admettre des preuves qui sont basées sur une démonstration statistique.

Bien sûr, ces démonstrations statistiques ne peuvent pas être l'essence même de la démonstration; elles n'établissent qu'un début de preuve qui doit être complétée par une évaluation professionnelle. Il est cependant essentiel que la loi soit amendée, ce que ne prévoit pas le projet de loi 84, pour permettre l'utilisation de méthodes statistiques dans la présentation au comité de révision de certains cas d'abus. Si on ne fait pas cela, rien de ce que le ministre a voulu faire, rien des objectifs que le ministre prétend vouloir poursuivre dans l'adoption de ce projet de loi ne sera atteint, on légifère pour rien, on se retrouvera d'ici un an ou deux devant l'Assemblée nationale avec les mêmes problèmes sans solution.

Enfin, il faut absolument renforcer le rôle des comités de révision pour en faire, quant à la question de la nécessité médicale, un forum de décisions sans appel. Les appels sur le fond ne peuvent pas, en effet, être envisagés valablement puisqu'ils font sortir la question de la nécessité médicale du seul forum approprié pour en discuter, qui est le comité de révision composé non pas de juges, mais de professionnels compétents dans le domaine qui fait l'objet de la contestation. Si on sort de ce forum, on soumet à l'évaluation d'un juge, d'un jursite une question qu'il appartient essentiellement à des professionnels de trancher et qui. donc, ne pourrait l'être de façon compétente.

Cependant, les tribunaux ordinaires doivent continuer de pouvoir réviser des décisions des comités de révision s'ils s'écartent manifestement des règles normales de procédure et en viennent à commettre des dénis de justice, soit en refusant d'entendre les parties, soit en arrivant à des conclusions qui sont manifestement étrangères à la nature de la preuve qui leur est soumise, soit par la régie, soit par le professionnel qui s'en plaint. (21 h 10)

M. le Président, ces trois bases d'une saine redéfinition des responsabilités dans le domaine de la contestation des demandes de paiement constituent des éléments absolument essentiels à leur efficacité. Les études sur lesquelles on peut baser ces conclusions sont disponibles depuis longtemps. Il devient maintenant impérieux qu'on leur donne suite non pas de la façon hésitante, largement incohérente avec laquelle le projet de loi leur donne suite, mais de façon à vraiment s'assurer que les abus qui existent, même s'ils sont en nombre limité, soient effectivement corrigés. Tout le reste, M. le Président, risque de créer un immense écran de fumée, risque de faire perdre un temps précieux dans la révision des règles de fonctionnement du régime d'assurance-maladie et de nous mettre, dans un an ou deux, encore plus loin d'une solution que nous ne le sommes actuellement.

M, le Président, cette loi 84 amendant le régime d'assurance-maladie — j'ai essayé de le faire ressortir — contient du bon et du mauvais. Le bon est malheureusement trop peu présent. Il se limite presque essentiellement aux dispositions nouvelles touchant l'utilisation de la carte d'assurance-maladie et encore, dans ce domaine-là, il y manque des précicions, il y manque des sauvegardes de manière à éviter qu'on se trouve en face d'un abus possible, de la part de l'administration publique, d'une capacité inouïe des ordinateurs modernes de cumuler, de transiger l'information sur les citoyens.

Pour ce qui est du reste, le ministre prend une série de risques calculés dans ses relations avec les professionnels de la santé, six ou neuf mois avant d'entreprendre de nouveau avec eux une nouvelle ronde de négociations pour le renouvellement des ententes. Ce risque, il est important que le public en soit saisi puisque c'est un des éléments qu'il devra connaître pour évaluer justement la responsabilité de la détérioration du climat qui risque de s'ensuivre.

Pour ce qui est de la façon de modifier les pouvoirs de I'assurance-maladie face aux professionnels de la santé individuels, on va décidément beaucoup beaucoup trop loin. On introduit un déséquilibre fâcheux entre l'administration publique et le professionnel de la santé, un déséquilibre qui risque de créer un précédent qu'on voudrait étendre dans d'autres secteurs — même si on ne l'étendait pas — qui est regrettable en soi et qui ne peut pas aider tellement les intérêts du public et du contribuable.

Pour ce qui est de la dernière question, M. le Président, relative à la juridiction des comités de révision, j'aurai, en commission parlementaire, un bon nombre de propositions d'amendement aux dispositions que suggère le ministre de manière à ce que les principes que j'ai tenté d'expliquer et qui doivent constituer la solution à ce problème se retrouvent dans la Loi de l'assurance-maladie, telle qu'amendée, alors que, si le projet est adopté sans ces amendements, nous n'aurons aucune amélioration dans ces mécanismes et nous nous retrouverons dans le même état de frustration, quant à leur fonctionnement, que celui dans lequel nous nous retrouvons actuellement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Richelieu. M. Maurice Martel

M. Martel: M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous a pour but de modifier la Loi de l'assurance-maladie qui, elle, est appliquée par une régie d'Etat qui s'appelle la Régie de l'assurance-maladie. Cette loi, de même que l'application de cette loi remontent à au-delà de huit ans. Les buts visés par cette future loi sont de permettre aux citoyens québécois qui en ont besoin d'élargir le champ d'application de ces mesures sociales et de les rendre à leur portée. Lorsque le député de Saint-Laurent parle des risques que le ministre des Affaires sociales prend, je lui réponds: Ce ne sont pas des risques, mais bien une responsabilité qu'il assume en tant que ministre responsable de ce secteur.

Si l'ancien ministre des Affaires sociales avait pris ses responsabilités dans le temps, nous ne serions peut-être pas obligés ce soir d'avoir des moyens aussi coercitifs dans le but d'assurer une saine et efficace gestion à la Régie de l'assurance-maladie. Est-ce que c'est refuser de prendre ses responsabilités que de permettre aux handicapés visuels d'avoir des aides visuelles? De permettre aux handicapés auditifs de se procurer des aides auditives? Est-ce que c'est une mesure dérisoire de permettre à 480 000 citoyens du Québec, âgées de 65 ans et plus, d'avoir des médicaments gratuits? Comme l'a souligné le député de Saint-Laurent: Ah! M. le Président, je me souviens d'une intervention de la semaine dernière. Cette mesure d'assurer les médicaments comme le disait le député d'Outremont, des "peanuts"! Des "peanuts", mais qui s'adressent à 495 000 citoyens du Québec. Des "peanuts" qui s'adressent à la classe de gens qui ont le plus besoin d'avoir ces mêmes médicaments et qui représentent pour l'Etat une somme d'au-delà de $35 millions annuellement, ce qui porte notre assurance-médicaments à un budget d'au-delà de $61 millions et qui couvre maintenant au-delà d'un million de Québécois. Est-ce que c'est prendre ses responsabilités, cela, ou bien si c'est prendre des risques?

Je crois qu'un gouvernement se doit, envers les plus démunis de la société, d'apporter des correctifs nécessaires, surtout à une législation qui remonte à huit ans, à une législation qui pénalisait, par exemple, les assistés sociaux, qui ne pouvaient pas se prévaloir de soins dentaires gratuits. Ce sont des correctifs apportés dans cette présente législation. Une législation qui ne permettait pas aux enfants de douze à quartorze ans de bénéficier de soins dentaires gratuits. Maintenant, c'est acquis. C'est un élargissement de nos mesures sociales vis-à-vis de nos citoyens québécois qui en ont le plus besoin. Devant les sommes astronomiques que coûtent ces mesures — vous savez que la Régie de l'assurance-maladie est rendue avec un budget d'au-delà de $700 millions — je crois que c'est prendre ses responsabilités que d'essayer de doter cet organisme qui relève du ministre des Affaires sociales de mécanismes de gestion modernes, comme ceux dont toute entreprise de notre temps se dote. Est-ce que c'est là ne pas prendre ses responsabilités et plutôt prendre des risques? Je pense que devant des sommes aussi importantes, sommes nécessaires à au-delà d'un million de nos citoyens au Québec, il faut se doter de mécanismes administratifs modernes de façon que ces soins atteignent le plus de gens possible au meilleur coût possible.

J'écoutais les interventions tout à l'heure du député de Mégantic-Compton, également celle du député de Saint-Laurent concernant les modifications que nous apportons vis-à-vis de la gestion de l'assurance-maladie. On parlait tout à l'heure presque d'un Etat policier lorsqu'on veut se servir de la carte soleil, de la carte d'assurance-maladie. C'est de la haute démagogie que d'essayer de faire croire aux gens qu'on veut les contrôler. Il est tout à fait logique, il est tout à fait normal, pour un gouvernement responsable des deniers publics, lorsque l'on constate que $50 millions, annuellement, allaient à des services pour des personnes non inscrites à la Régie de l'assurance-maladie. (21 h 20)

A ce moment-là, M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que cela représente 15% de la population qui recourent à ces soins de nos professionnels par cette entreprise payeuse qui est la Régie de l'assurance-maladie. Est-ce que c'est prendre des risques d'exiger cette carte soleil pour pouvoir contrôler, pour pouvoir s'assurer que ce sont véritablement les "payeurs de taxes' québécois qui bénéficient réellement de cette assurance-maladie? M. le Président, je dis que c'est de la haute démagogie. L'ancien ministre des Affaires sociales et le député de Mégantic-Compton savent très bien que nous sommes la seule province au Canada à ne pas avoir l'obligation de

s'inscrire à un régime d'assurance-maladie. Nous sommes la seule province à ne pas obliger ses citoyens à cela. Si toutes les autres provinces ont adopté ce système, c'est parce que cela a été prouvé que c'était un système efficace de contrôle. Sur 220 000 actes mensuels qui sont soumis pour paiement à l'attention de la Régie de l'assurance-maladie, on est obligé de fouiller, on est obligé de dépenser au-delà de $4 150 000 et on n'est pas certain que ces gens sont des Québécois. On a prouvé qu'il y avait des gens d'autres provinces, qu'il y a des gens même des Etats-Unis qui viennent se faire soigner aux frais des Québécois. Je pense que c'est une juste mesure de gestion d'exiger, d'abord, que les Québécois s'inscrivent et, deuxièmement, que les Québécois présentent aux professionnels de la santé cette carte soleil qui leur permet de s'identifier. C'est tout à fait logique cela existe partout, M. le Président.

Evidemment, il y a des exceptions et nous avons prévu ces exceptions. Tous les bébés de six mois et moins, c'est une exception. Les personnes âgées dans les centres d'accueil et dans les centres hospitaliers pour malades chroniques sont d'autres exceptions. Lorsque le médecin va faire des visites à domicile, il n'a pas besoin d'apporter sa "castonguette"; lorsque le pharmacien délivre des médicaments aux personnes âgées à leur domicile, il n'a pas besoin de se promener avec cette "castonguette". Nous avons compris qu'il y avait des modifications à apporter et, après consultation, après une commission parlementaire où on nous a souligné certaines lacunes de cette loi, nous avons apporté des modifications, M. le Président.

Egalement, nous voulons que, dans la mesure du possible, la Régie de l'assurance-maladie puisse contrôler les actes qui lui sont facturés par les professionnels de la santé dans le but d'être payés. C'est normal que la régie contrôle ces demandes de paiement comme, également, c'est fort logique que les gens soient, à l'occasion, questionnés pour savoir si véritablement ces services donnés par les professionnels de la santé ont bel et bien été rendus à la population. C'est également logique d'inclure dans ce projet de loi une mesure qui va permettre à chaque Québécois de recevoir, d'une façon annuelle, un relevé de ce que l'Etat a payé pour lui dans le domaine de l'assurance-maladie. Je pense que c'est logique de faire prendre conscience aux "payeurs de taxes", à la population du Québec que ces services de santé que l'assurance-maladie leur paie sont des services qui, effectivement, sont payés à même leurs taxes. C'est une saine mesure de gestion, une saine mesure d'administration d'appliquer un tel système.

On nous reprochait tout à l'heure d'avoir des mesures dures vis-à-vis des corps professionnels qui donnent ces services. Je pense, M. le Président, que ce n'est pas exorbitant, que ce ne sont pas des mesures draconiennes d'assurer à tous les Québécois, par exemple, le droit aux services de santé.

Nous essayons, dans ce projet de loi, de minimiser les effets que les moyens de pression exercés par les professionnels de la santé peuvent avoir sur les bénéficiaires de ces soins. Je pense que dans une société humaine, M. le Président, l'Etat se doit de s'assurer que les Québécois qui ont besoin de services de santé ne servent pas de cobayes, de moyens de pression lorsque arrivent les négociations entre les professionnels et l'Etat.

M. le Président, toujours dans un souci de répondre à des besoins de services sur l'immense territoire du Québec, nous avons établi une prime d'éloignement qui va permettre à ces professionnels d'aller s'établir dans des zones reculées où actuellement la population est privée de ces professionnels, c'est-à-dire de ces services de santé. Et encore là, c'est une responsabilité de l'Etat que de permettre à chaque citoyen non seulement de ne pas servir d'otages dans le cas de négociations de convention collective avec les professionnels, mais également de s'assurer et de faciliter l'établissement de ces professionnels de la santé dans différents coins du Québec. Est-ce que ce sont là des risques que l'Etat prend, des risques que le ministre des Affaires sociales prend en déposant une modification sur une loi qui existe depuis huit ans, qui a été touchée quelquefois, mais dont l'essentiel n'avait pas été touché d'une façon aussi substantielle qu'elle l'est ce soir?

Cela ne s'est pas fait d'une façon unilatérale. Il y a eu des consultations avec les corps professionnels. Nous savons fort bien, M. le Président, que ces médecins, ces dentistes, ces optométris-tes, ces pharmaciens, oeuvrant dans les services de santé, sont des personnes indispensables pour assurer des bons services à l'ensemble des Québécois et nous voulons créer un climat, un bon climat entre ces professionnels et nous. Nous les avons reçus démocratiquement à maintes reprises au ministère des Affaires sociales. Nous les avons reçus devant la commission parlementaire des affaires sociales pour écouter les revendications qu'ils avaient, que chaque corporation avait vis-à-vis de ce projet de loi. A la suite de ces remarques venant des ordres concernés, que ce soit des omnipraticiens, des médecins spécialistes, des dentistes ou des pharmaciens ou des optométristes, nous avons apporté des modifications que je mentionnais tout à l'heure concernant la carte soleil, nous avons apporté une attention spéciale aux recommandations qu'ils nous ont faites, que les pharmaciens, que les omnipraticiens nous ont faites concernant certains inconvénients que cette mesure qu'ils admettaient bien légitime de la part de l'Etat pouvait leur occasionner.

Nous avons apporté ces modifications, comme nous avons apporté d'autres modifications concernant, par exemple, la signature de chaque acte professionnel lorsqu'ils réclament à la Régie de l'assurance-maladie. C'est normal que nous ayons un contrôle, également, s'il s'agit de payer des factures. Il faut que ce soient des gens responsables qui fassent les réclamations à l'Etat,

parce que l'Etat c'est nous, c'est chaque Québécois. Et nous avons permis certains allégements de cet article de la loi que nous proposons ce soir. C'est-à-dire que dorénavant, un secrétaire, un confrère pharmacien pourra signer pour réclamer ensuite à la régie, en autant, cependant, que celui qui sera payé se porte responsable de cette signature. (21 h 30)

Ce sont encore des mesures qui ont pour but d'assurer une saine gestion à la Régie de l'assurance-maladie. Lorsqu'une entreprise traite des réclamations pour un montant d'au-delà de $700 millions par année, ces mesures s'imposent et s'imposaient même depuis longtemps. Je ne comprends pas que le député de Saint-Laurent, l'ancien ministre des Affaires sociales, n'ait pas songé à appliquer ces mêmes mesures qui sont la base même d'une saine administration. Il n'y a pas une entreprise qui fonctionne aujourd'hui qui n'applique pas ces saines méthodes de gestion. Je ne comprends pas que cela n'ait pas été appliqué avant.

Au lieu de parler de risques, comme il l'a fait tout à l'heure, il aurait été mieux, dans le temps, d'assumer ses responsabilités. Ce projet, qui a pour but de modifier cette Loi de l'assurance-maladie, est très clair, ce n'est pas une assurance-salaire pour les professionnels de la santé. Nous ne désirons pas assurer des salaires à ces professionnels de la santé, ils sont très bien payés, mais nous désirons assurer à la population du Québec le plus large champ possible de soins médicaux et paramédicaux auxquels elle est en droit de s'attendre et cela, à des coûts les plus raisonnables possibles. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Inutile de vous rappeler que l'Opposition officielle reconnaît au point de départ la nécessité pour un gouvernement, quel qu'il soit, de modifier des lois lorsqu'à l'exercice certaines dispositions que ces lois contiennent ne semblent pas satisfaisantes ou qu'encore elles ne semblent plus répondre d'une façon adéquate à des besoins nouveaux ou qu'elles sont mal adaptées à des situations qui ont évolué. Il y a des lois qui ont évidemment des répercussions plus grandes que d'autres. Ainsi, un projet de loi touchant une modification à la Loi des travaux publics aura des conséquences beaucoup plus limitées qu'un projet de loi pour les services de santé et les services sociaux ou encore un projet de loi visant à modifier la Loi de l'assurance-maladie comme dans le cas de la loi 84 qui fait présentement l'objet de ce débat de deuxième lecture.

On peut également apporter des amendements mineurs, qui ont, par exemple, pour objet d'assurer la concordance avec d'autres lois, de clarifier, mais qui ne modifient pas de façon significative les principes sous-jacents à la loi, de même qu'ils n'affectent pas d'une façon différente les personnes ou les institutions touchées par la loi. Par contre, un projet de loi peut modifier d'une façon importante une loi. Ainsi, dans le cas du projet de loi no 84, les modifications proposées à la Loi de l'assurance-maladie ont plusieurs effets touchant, d'une part, les professionnels de la santé, qui ont dénoncé les pouvoirs nouveaux, entre autres, qui sont conférés à la Régie de l'assurance-maladie, et, d'autre part, les bénéficiaires, qui, désormais, devront présenter la carte d'assurance-maladie, la fameuse carte-soleil, comme on la désigne, lorsqu'ils se présenteront chez le médecin ou dans un établissement de santé pour y recevoir des services assurés.

On peut comprendre alors facilement pourquoi les professionnels de la santé ont réclamé une commission parlementaire pour y faire des représentations. Il est heureux que le ministre des Affaires sociales, qui avait d'abord indiqué qu'il ne voyait pas la nécessité d'une telle commission parlementaire, se soit enfin ravisé. Il est vrai que le forum de la commission parlementaire est souvent l'endroit privilégié de l'expression des critiques que les députés de cette Chambre ou l'opinion publique ont à adresser à l'endroit des politiques et attitudes gouvernementales. Je n'en pense pas moins qu'un gouvernement attaché aux valeurs de la démocratie et du parlementarisme ne devrait pas craindre de donner un peu plus d'espace à l'expression de l'opinion de la population.

D'ailleurs, on peut se poser des questions sur la valeur qu'attache le ministre à l'expression ouverte de l'opinion des autres, quand on voit qu'il dépose à la sauvette — pour utiliser une expression qui a été utilisée l'autre jour par la Confédération des syndicats nationaux — en fin de session, plusieurs projets de loi qui ont des retombées importantes sur la population. Parmi ces lois se trouve le projet 118, modifiant la Loi de l'aide sociale, qui est maintenant rendu en troisième lecture. La CSN disait hier qu'il lui apparaissait indécent de profiter des fins de session pour faire adopter à la vapeur de telles lois. Il y a le projet de loi 103, au sujet duquel de nombreuses associations professionnelles et établissements de santé et de bien-être ont manifesté des inquiétudes. Ils s'exprimaient ainsi: Nous comprenons mal les raisons obscures pour lesquelles certains projets de loi apparaissent à la dernière seconde sans l'étiquette de l'urgence, alors qu'au fond il n'en est rien et au sujet desquels le ministre s'entête à ne pas convoquer de commission parlementaire.

Finalement, pour le projet de loi 84, devant la levée de boucliers des quelque 10 000 professionnels touchés et également à la suite des pressions de l'Opposition, le ministre a cédé, mais a néanmoins pris soin de préciser que cette commission aurait un cadre réduit. C'est-à-dire qu'elle n'entendrait que les quatre groupes du front commun, auxquels il accepta ensuite d'ajouter les corporations professionnelles concernées. Ceci peut être un avertissement à la population. Quand on veut se faire entendre du ministre des Affaires sociales,

i! semble important de former un front commun; il les aimera peut-être un peu moins plus tard.

Le ministre, à plusieurs reprises, nous a répliqué qu'il n'est pas possible, pour chaque projet, de mettre sur pied une commission parlementaire. Nous sommes d'accord avec lui sur ce point. Mais peut-être devrions-nous, M. le Président, nous entendre sur certains critères objectifs pour décider de la tenue ou non d'une commission parlementaire et ne pas laisser uniquement à la volonté du prince la décision d'en tenir une ou pas.

M. le Président, si je fais cette parenthèse, c'est qu'au sujet des projets de loi touchant les affaires sociales qui ont été déposés dans les derniers 15 jours, il y a eu beaucoup de discussion à savoir si des commissions parlementaires devaient être tenues ou pas. C'est pourquoi je profite de cette occasion pour donner quelques éléments touchant ces commissions parlementaires. Il est évident qu'aujourd'hui, après plusieurs années d'expérience, le temps serait venu de songer à améliorer l'organisation et le fonctionnement de nos commissions parlementaires, en particulier en ce qui concerne le calendrier proprement dit de ces commissions et surtout les moyens et les ressources qui sont mis à la disposition des députés pour les aider à faire leur travail au sein de ces commissions. Je sais que même du côté ministériel, nombreux sont les collègues qui veulent aussi voir renforcé le rôle des commissions parlementaires dans la vie de notre parlementarisme.

Si, d'une part, le ministre est certainement réticent à entendre l'opinion publique par le truchement d'une commission parlementaire, il est encore plus inquiétant de voir qu'il n'hésite pas à s'arroger lui-même ou à accorder à des services gouvernementaux — comme, dans le cas de la loi 84, à la Régie de l'assurance-maladie — des pouvoirs toujours plus grands. Cette observation s'applique aux lois 84 et 103; nous y reviendrons.

Dans la loi 84, il semble que le ministre poursuive deux objectifs principaux, le premier étant de régler un problème spécifique, le conflit des dentistes. Il choisit de le faire dans le cadre d'une loi générale — il faut dire qu'entre-temps cette disposition de la loi est devenue caduque, mais enfin! — qui pourrait être utilisée dans un autre conflit, toujours possible lorsque, l'an prochain, une nouvelle entente sera négociée entre le gouvernement et les professionnels de la santé: médecins, dentistes, optométristes ou pharmaciens.

Le deuxième objectif poursuivi est celui de mieux contrôler les coûts de l'assurance-maladie dont certains seraient liés à des abus que l'on attribue tantôt à la fraude de la part des bénéficiaires, tantôt aux abus de la part de certains professionnels. (21 h 40)

II faut bien reconnaître qu'il ne s'agit pas là de problèmes sans fondement. La question est de savoir si les solutions proposées par le ministre dans son projet de loi sont proportionnelles aux situations qu'on veut corriger ou si elles sont exagérées. Egalement, sont-elles efficaces et corrigeront-elles vraiment les problèmes constatés?

Il est évident que, par ce projet de loi, on essaie de restreindre les moyens de pression que peuvent exercer les professionnels de la santé dans une situation conflictuelle avec leur employeur, le gouvernement. De fait, un mouvement concerté de non-participation peut être annulé par un arrêté en conseil. Le professionnel redevenu désengagé ne pourrait plus alors réclamer le paiement du bénéficiaire, comme il pouvait le faire jusqu'à maintenant lorsqu'il était désengagé. L'article 24 dit: Ce dernier ne peut exiger, ni recevoir du bénéficiaire paiement d'aucuns honoraires pour des services assurés avant que le bénéficiaire ait été remboursé par la régie. Il y avait, jusqu'à maintenant, une contrainte pour le bénéficiaire de réclamer lui-même de la régie les frais encourus dans un cabinet de professionnel de la santé.

Je réalise bien qu'on veut protéger celui qui reçoit les services, mais en même temps — pour utiliser l'expression qu'ont utilisée les professionnels qui étaient devant nous lundi dernier — on atténue jusqu'à leur portion infinitésimale les moyens de pression que peuvent utiliser ces professionnels de la santé lorsqu'ils négocient une entente avec le gouvernement. D'une part, ce sont les bénéficiaires qu'on veut protéger et c'est fort légitime; d'autre part, ce sont des associations professionnelles à qui on demande de négocier des ententes avec le gouvernement, mais on modifie les règles du jeu qui sous-tendent normalement de telles discussions.

Ce problème qui est soulevé à l'occasion du débat sur le projet de loi 84 illustre bien que l'équilibre à conserver dans les relations employeur-employés et leurs répercussions sur la population dans le secteur public et parapublic, particulièrement dans les établissements de santé, est toujours très difficile à établir et demeure délicat et précaire. Le débat de fond sur cette question n'a d'ailleurs pas encore été complété, même avec la remise du rapport Martin-Bouchard. En effet, si on en juge par les suites que le gouvernement a données à ce rapport concrétisées par l'adoption de la loi 59 en juin dernier, laquelle prévoit de nouveaux mécanismes pour définir les services essentiels dans les établissements de santé, et qu'on constate que ces services n'ont pas encore été définis à quinze jours de l'échéance prévue dans le projet de loi en ce qui a trait aux prochaines négociations qui débuteront en 1979 dans les services public et parapublic, on voit qu'il n'est pas facile de concilier les intérêts des associations ou des syndicats avec ceux de la population au service de laquelle ils se trouvent.

On pouvait lire dans les quotidiens de la semaine dernière, la Presse, le Soleil et le Devoir, qu'à trois semaines de l'échéance on pouvait difficilement s'attendre à des résultats positifs sur les négociations devant conduire à la désignation des services essentiels. A tout événement, si la santé du public exige qu'on limite au maximum les moyens de pression des professionnels de la santé

touchés par le projet de loi 84, dans quelle mesure le gouvernement sera-t-il prêt à établir des restrictions aussi grandes aux autres professionnels et syndiqués de la santé qui oeuvrent dans les centres hospitaliers?

Je fais ces réflexions non pas pour blâmer le gouvernement, mais pour indiquer comme il est difficile d'atteindre cet équilibre à rechercher dans les relations de travail — je les appellerai comme ceci, même s'il s'agit d'ententes — et qu'il ne faudrait pas tomber dans le piège de finalement soustraire tous les moyens de pression. Ou encore la question se repose: Est-ce que le droit de grève dans les établissements de santé est un droit qu'il faut conserver?

Qu'en est-il des moyens pris par le ministre pour contrer les abus que la Régie de l'assurance-maladie déplore dans l'utilisation des fonds publics. Les groupes que nous avons entendus en commission parlementaire ont parlé de pouvoirs exorbitants accordés à la régie pour contrôler les réclamations abusives de certains médecins. Le grief le plus sérieux que les associations et les corporations ont formulé à cet égard touche l'article 18b où le projet de loi remet à la régie, à la suite d'une enquête, le droit de refuser le paiement réclamé ou, encore, lorsque le paiement a été effectué, de se rembourser par compensation ou autrement pour des services présumément non assurés ou non fournis en conformité avec la loi.

Si le professionnel de la santé veut contester la décision de la régie, le fardeau de la preuve lui incombe. En d'autres termes, le fardeau de la preuve est renversé. Ceci est contraire aux règles habituelles suivies devant les tribunaux.

Le ministre nous a déjà dit, à la commission parlementaire, qu'il limitera quand même les objets où le professionnel de la santé devra établir ou faire le fardeau de la preuve et il imposera ce fardeau de la preuve uniquement pour les services assurés et pour les services non fournis. Il n'en demeure pas moins vrai que l'accroc aux règles habituelles de responsabilité d'établir la preuve demeurera entière.

L'autre problème soulevé est la transformation du rôle des comités de révision prévus dans la loi actuelle et auxquels on n'accorde plus qu'un pouvoir de recommandation alors que le pouvoir de décision est remis à la régie. Mon collègue, le député de Saint-Laurent, a largement développé le rôle des comités de révision et, je pense, indiqué la nécessité qu'en commission parlementaire on se penche sérieusement sur cette nouvelle articulation ou ces responsabilités que l'on veut partager différemment entre les comités de révision et la Régie de l'assurance-maladie.

Les professionnels s'inquiètent à juste titre de l'introduction de la notion du médicament requis, compte tenu que ceci, en dernier ressort, sera établi par la Régie de l'assurance-maladie. A cause de ces pouvoirs de la régie, les professionnels s'inquiètent que les normes d'exercice professionnel ne soient axées davantage sur les préoccupations d'ordre économique. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la régie, par les nouveaux pouvoirs que la loi 84 lui confère, se substitue en quelque sorte aux corporations, aux comités de révision, se fait enquêteur et même se fait juge et partie lorsque ses décisions sont contestées.

M. le Président, le temps court. Je voudrais simplement aborder brièvement quelques aspects qui n'ont pas été touchés par mon collègue de Saint-Laurent et dire un mot, par exemple, sur les sondages qui sont prévus dans le projet de loi 84.

La question que je poserais au ministre à ce sujet est la suivante: Quel est le motif ou quelles sont les raisons qu'il invoque pour que, désormais, les sondages soient en quelque sorte institutionnalisés? Evidemment, il est normal que, dans la régie interne d'un organisme comme l'assurance-maladie, l'on ait certains outils de contrôle. Mais ce qui préoccupe les professionnels de la santé et qui préoccupera à bon droit la population, c'est qu'une fois ces sondages institutionnalisés, ils ouvrent la porte à différentes méthodes de sondage et qu'on puisse en faire un usage abusif.

D'autres problèmes ont été soulevés au sujet de la confidentialité des dossiers, aux articles 55 et 57 qui donnent à la régie accès aux documents du dossier médical pour établir des preuves de la nécessité des actes posés. Là également, M. le Président, je pense qu'il faudra très attentivement examiner ce que ceci implique et quels sont les critères ou la façon dont le ministre prévoit que la régie pourra utiliser ce pouvoir. (21 h 50)

On a également largement parlé des abus commis par les bénéficiaires. C'est là une des carences que le ministre veut corriger par son projet de loi. Il n'y a aucun doute qu'il y a eu des abus des bénéficiaires. J'entendais le député de Richelieu tout à l'heure lancer à tout vent: II y a eu des pertes subies par le trésor public de l'ordre de $50 millions. Je voudrais quand même que le ministre en fasse la ventilation. D'une part, on sait fort bien que des délais occasionnés par la régie ou des erreurs administratives ou de fonctionnement font qu'un certain nombre d'individus ne reçoivent que très tardivement leur carte ou même ne la reçoivent pas. Ces $50 millions comprennent aussi le pourcentage d'individus qui sont inscrits à la Régie de l'assurance-maladie, mais qui se présentent dans les hôpitaux, dans les établissements de santé ou auprès des cabinets privés des médecins sans avoir en main leur carte. Il ne faudrait pas dire qu'il s'agit de $50 millions qui ont été enlevés par des abus des bénéficiaires. Par contre, je dois dire au ministre que je suis d'accord que chacun s'inscrive ou soit inscrit à la Régie de l'assurance-maladie et qu'également la présentation de la carte devienne obligatoire, compte tenu des tempéraments que le ministre a apportés à cette obligation et qu'il nous a donnés lors de la commission parlementaire. Devraient-ils être étendus à d'autres cas? Nous aurons locca-sion de l'examiner.

J'entendais le député du comté de Richelieu faire grand état de cette disposition de la loi qui prévoit maintenant la fourniture d'appareils auditifs, rajustement des appareils visuels, etc. Il

semblait annoncer cela comme une grande nouvelle à la population. Je voudrais plus modestement lui rappeler que la loi actuelle prévoit déjà la fourniture de prothèses ou d'orthèses. Je pense qu'il faut quand même remettre les choses dans un contexte un peu plus réaliste. Vous pouvez me poser une question si on ne la compte pas sur mon temps.

M. Martel: Je désire simplement vous demander si vous êtes au courant que les aides auditives sont payées seulement depuis le 1er décembre 1978 pour les personnes de 18 à 35 ans. C'est la nouvelle qu'on annonçait. Pour les aides visuelles, alors qu'avant elles n'étaient payées que jusqu'à 18 ans, depuis le 1er décembre 1978 — je pense que c'est une nouvelle qu'on peut annoncer à la population — les aides visuelles sont maintenant gratuites pour les gens qui en ont besoin.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne m'en tiendrez pas grief, M. le Président.

Le Président: Mme le député de L'Acadie, vous pouvez poursuivre. M. le député de Richelieu, il faut demander la permission de poser une question à l'opinant.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II s'est arrogé la permission. Je ne lui en veux pas, M. le Président.

Le Président: II avait présumé qu'il l'obtiendrait, compte tenu de votre générosité habituelle.

Mme Lavoie-Roux: Bon! M. le Président, je pense qu'on peut dire, après cette très brève analyse d'un projet de loi qui contient de nombreuses dispositions et qui touche à la population et aux professionnels de la santé d'une façon importante, qu'il semble que les moyens prévus sont exagérés. Par exemple, si on pense aux moyens de pression laissés aux professionnels de la santé lors de la négociation des ententes avec le gouvernement, dans le cas des sondages qui vont au-delà d'une technique administrative qui pouvait fort facilement rester en dehors de la loi, quand on pense à l'accès aux dossiers, mais seront-ils efficaces? Je pense au cas, par exemple, de la présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie. On ne pourra quand même pas contrer tous les abus et les duplications de carte, mais je pense que c'est une amélioration. Là encore, si on parle de $50 millions, il y aurait peut-être eu moins de $50 millions de perdus si on s'était empressé, déjà depuis deux ans, de mettre cette disposition en application. En conclusion, M. le Président...

Le Président: Vous présumez également de la générosité de la présidence.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Raynauld: Consentement, M. le Président.

Des Voix: Consentement.

Le Président: J'ai un faible — et tout le monde le sait, il est de notoriété publique — pour le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est une vraie déclaration publique, M. le Président.

M. Pagé: Une déclaration présidentielle.

M. Lamontagne: Vous êtes au courant que vous êtes télévisés ici.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cela me fait plaisir de vous dire que c'est réciproque.

M. Pagé: Oh! Est-ce qu'on vous dérange? Non?

Mme Lavoie-Roux: En terminant, M. le Président, je dois, à regret, déplorer que pour justifier ou vendre son projet de loi, le ministre se permette d'énumérer une série de fraudes commises tant par les médecins que les bénéficiaires. Je ne peux malheureusement pas mettre en doute cette énumération et, comme je le disais, elle a des fondements.

J'aurais souhaité que le ministre y apporte quelques nuances. Il est évident que ces dénonciations visent des actes commis par quelques professionnels de la santé alors que la majorité font un travail consciencieux et je suis convaincue que la population témoignerait dans ce sens. D'ailleurs, 80% de la population, à la suite d'une étude sur le sujet, s'est dite satisfaite des services de santé.

J'aimerais mettre en garde le ministre contre sa tendance à invoquer des arguments à saveur un peu démagogique lorsqu'il veut faire prévaloir son point de vue dans des situations conflictuelles ou lorsqu'il sent que des groupes contestent des projets de loi qu'il présente. Quand on entend l'argumentation du ministre, on a l'impression que l'amélioration à apporter aux services de santé se résume d'abord et avant tout à des considérations d'ordre administratif. Je pourrais dire la même chose du député de Richelieu si on se rappelle son intervention d'il y a quelques instants. Sans doute l'efficacité administrative doit être une préoccupation du ministre et du gouvernement, mais toute réforme ne saurait porter des fruits que si elle se fait en collaboration avec et non contre ceux qui en assument la responsabilité. Ceci vaut non seulement pour les professionnels de la santé dont on parle mais pour tous ceux qui oeuvrent dans le domaine de la santé.

On se rappellera que, dans le monde de l'enseignement, des blâmes trop facilement adressés à l'ensemble des enseignants, alors qu'ils auraient dû s'adresser à quelques-uns d'entre eux, a été un facteur très important de leur démoralisation. Il ne faudrait pas répéter la même erreur avec les professionnels de la santé, M. le Président.

Je voudrais, en toute dernière conclusion cette fois-ci, M. le Président, dire que compte tenu des dispositions importantes qui sont contenues dans ce projet de loi et qui pourraient avoir des répercussions considérables tant sur le moral des établissements de santé que sur la population elle-même, nous voterons contre le projet de loi en deuxième lecture. Ceci ne préjuge en rien du vote que nous apporterons en troisième lecture. Si, à la suite d'une collaboration efficace que nous assurons d'apporter au ministre et des nombreux amendements que nous ferons valoir, des modifications importantes sont apportées et corrigent les erreurs que le député de Saint-Laurent et moi-même avons signalées, nous serons heureux de concourir de façon positive à l'amélioration du régime de l'assurance-maladie qui, au bout de la ligne, est quand même à l'avantage et au service de l'ensemble de la population. Merci, M. le Président.

M. Bellemare: M. le Président, je voudrais, avant que l'honorable député prenne la parole...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: ... Vous faire remarquer qu'on n'a pas quorum, vous demander l'ajournement de la Chambre ou bien que vous appeliez le quorum. On l'a? Je l'ai compté et je ne l'ai pas.

Le Président: II y a maintenant quorum, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Duhaime: Comme d'habitude, vous êtes seul de votre côté, cela fait donc de la peine, la veille de Noël...

M. Bellemare: La qualité vaut bien la quantité. M. Duhaime: La vieille garde. M. Goldbloom: M. le Président... Le Président: M. le député de D'Arcy McGee. M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: ... il m'est déjà arrivé, dans diverses interventions que j'ai faites devant cette Chambre, de faire mention du cheminement qui m'a amené ici. A partir de 1949, janvier 1949, à temps partiel, et à partir de juillet 1950, à temps complet, j'ai été gouverneur de ce que l'on appelait à l'époque le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec et qui s'appelle aujourd'hui la Corporation professionnelle des médecins du Québec. (22 heures)

Je mentionne ces états de services, M. le Président, parce que je voudrais me livrer à des commentaires sur l'assurance-maladie. J'ai vécu l'évolution de l'assurance-maladie, j'ai vécu sa naissance, son implantation et son développement. En 1963, à titre de gouverneur et de troisième vice-président du Collège des médecins et chirurgiens, j'ai été parmi les signataires d'un document qui, je pense, pour la première fois au Québec, a été une expression d'opinion, de la part d'un organisme de la profession médicale, que l'assurance-maladie était non seulement inévitable, mais nécessaire et cela, moins de deux ans après le conflit qui, on se le rappelle, a eu lieu en Saskatchewan avec tant d'amertume et tant de malheurs pour tous les intéressés.

Si je fais certaines critiques de ce que le ministre nous propose, ce n'est pas par opposition à cette notion d'assurance-maladie, à ce régime qui existe, qui a fait ses preuves et qui a rendu de fiers services aux Québécois. Au cours d'un autre débat, il n'y a pas longtemps, M. le Président, j'ai dit: Les principaux intéressés ne sont pas les législateurs, ne sont pas les médecins ou les autres professionnels de la santé; ce sont les malades qui doivent bénéficier de ce régime au premier titre.

Ce qui me préoccupe et m'inquiète au sujet de ce projet de loi, c'est ce que je dois appeler une bureaucratisation progressive. Je ne veux pas exagérer. Le ministre me répondrait facilement — et sûrement qu'il le fera quand nous examinerons les articles un par un — que ce sont des mesures anodines, qui sont conçues pour rendre le fonctionnement du régime plus efficace et plus juste que dans le moment. Je suis prêt à accepter cette motivation comme étant valide, comme étant honorable. Mais, quand même, un des dangers qui existent dans un système d assurance-maladie, c'est que par de petits morceaux on gruge avec le temps la flexibilité, l'humanité du système. C'est ce que l'on est en train de faire.

Quand je parle de bureaucratisation progressive, je ne parle pas seulement des mesures administratives qui peuvent être proposées, qui peuvent être ajoutées à ce qui se fait maintenant dans la gestion de ce régime. Je parle aussi d'un fait plus fondamental que cela; je parle d'un défaut inhérent à un tel système. Je répète, M. le Président: Si je parle d'un défaut inhérent, je ne parle pas contre le système. Je ne dis pas que l'on devrait faire un retour en arrière et modifier radicalement le système qui existe. Je vous fais, quand même, remarquer ceci au sujet du système d assurance-maladie, et il en est de même dans les autres provinces canadiennes et dans les autres pays qui ont de tels régimes:

Inévitablement, ces régimes sont conçus afin de fournir des honoraires moyens à un médecin moyen qui fournit un service moyen à un malade moyen, c'est-à-dire à un malade atteint d'une manifestation moyenne de la maladie en question. Ce service étant fourni dans un laps de temps moyen. Tout cela diminue l'élasticité de l'application d'un système qui devrait idéalement pouvoir reconnaître le fait que les médecins ne sont pas tous égaux, que les manifestations d'une maladie peuvent varier énormément d'une personne à l'autre, que les services doivent donc varier quant à leur importance, quant à leur durée, et que tout

cela peut faire en sorte que des injustices peuvent être créées à l'égard du médecin et possiblement aussi à l'égard du malade.

Cela veut dire que quand on parle de fautes, d'irrégularités — utilisons un mot légèrement exagéré, mais seulement légèrement — de crimes commis par des professionnels de la santé, crimes qui rendent nécessaires des mesures additionnelles que nous propose le ministre par ce projet de loi, nous devons nous rendre à l'évidence, ces fautes, ces crimes sont le fait de quelques professionnels seulement, d'une minorité parmi l'ensemble qui soigne la population. On doit se demander jusqu'où il faut aller pour réprimer des abus si cette répression a des répercussions sur l'ensemble de la profession. Je ne veux pas dramatiser et je ne veux pas parler de répercussions tragiques, de désaffectations, de départs ou de quoi que ce soit, mais un fait demeure, c'est que, dans l'intérêt des malades, il est important que les professionnels de la santé soient contents de leur sort. C'est aussi simple que cela.

Une personne, quelle que soit sa profession, quel que soit son métier, qui n'est pas contente de son sort, qui n'est pas heureuse d'entreprendre chaque jour ses activités professionnelles, cette personne ne rendra pas des services d'une aussi bonne qualité à sa clientèle que celle qui envisage chaque jour avec enthousiasme. Or, les rapports entre le ministre, porte-parole du gouvernement, et les professions de la santé sont délicats et ils le sont à cet égard justement. Quand le ministre, comme l'a souligné mon collègue de Saint-Laurent, propose de se donner des pouvoirs au lieu de poursuivre des négociations pour arriver à des ententes mutuellement satisfaisantes sur diverses considérations, il prend, à mon sens, un risque qui est trop grand par rapport à l'intérêt de la collectivité, à l'intérêt des malades qui doivent se faire soigner par les professionnels de la santé en question.

Il est vrai qu'il y a des médecins qui commettent des abus comme il y a des avocats, des députés, des caissières de banque ou n'importe quels professionnels qui commettent des abus. Il est également vrai qu'il y a, dans chacun de ces groupes, une très grande majorité qui essaie consciencieusement de faire son travail et de rendre service.

M. le Président, j'ai lu, parce que j'ai été empêché d'être présent, la transcription d'un débat qui a eu lieu en commission parlementaire il y a quelques jours. Je sais que le règlement m'empêche de refaire un débat qui a eu lieu en commission parlementaire; je veux simplement relever une chose qu'a dite le ministre au cours de ce débat. Il a dit, en quelque sorte: Les plaintes que le travail bureaucratique est pesant, qu'il y a beaucoup de paperasses qui sont imposées aux médecins et aux autres professionnels de la santé, ce ne sont pas vraiment des plaintes très importantes. Je ne veux pas déformer ses paroles, c'est le sens que j'ai extrait de ce que j'ai lu sur les feuillets de transcription.

M. le Président, il y a un fait qui demeure et qui est important, c'est que le temps que le médecin ou l'autre professionnel de la santé est obligé de consacrer à la parerasse est du temps qu'il n'est pas capable de consacrer aux soins des malades. Si, par surcroît, il accumule de la fatigue, il devient de mauvaise humeur, qui va en souffrir? Ce n'est pas le ministre, c'est le malade, sauf si le ministre est malade, ce qui va lui arriver un jour, comme cela va arriver à chacun de nous. Mais, parfois, quand on est ministre, on oublie cela et l'on oublie de prévoir les relations que l'on aura un jour fatalement — je m'excuse de ce choix de mot, M. le Président, disons inévitablement — avec des professionnels de la santé.

J'irai plus loin, M. le Président, je voudrais parler de deux autres sujets. Je voudrais parler des fameux registres, qui ne sont plus écrits de nos jours, ce sont des registres qui alimentent des ordinateurs, des cervaux électroniques. M. le Président, une chose est de plus en plus frappante et inquiétante dans le monde moderne, c'est qu'il devient de plus en plus difficile de protéger la nature confidentielle des renseignements dont les ordinateurs sont alimentés. Nous avons assisté, au cours des dernières années, à des fraudes massives dont ont été victimes des banques et d'autres institutions semblables en Amérique du Nord et, je pense, ailleurs dans le monde.

M. le Président, je crois comprendre — et je ne veux pas agir contre les intérêts de toutes les personnes impliquées — que les responsables de ces institutions bancaires et autres essaient de minimiser l'impact de ces faits sur l'opinion publique, justement pour ne pas encourager la multiplication de telles interventions. Si c'est possible dans le domaine bancaire, si des gens peuvent prendre le code de l'ordinateur et pénétrer dans la banque de données et sortir de l'argent, il est certainement possible de sortir le dossier médical de quelqu'un.

M. le Président, je pense que nous devrions, avant d'aller plus loin dans ce domaine, nous arrêter à ce problème et chercher des moyens de protection plus étanches que ceux que nous avons dans le moment. M. le Président, il y a de moins en moins de choses qui sont sacrées dans notre vie moderne et, s'il y a une chose qui devrait demeurer sacrée, c'est bien la feuille de route de chaque personne par rapport à sa santé.

Il y a des choses qui nous arrivent dont nous n'aimons pas parler, sauf que nous aimons pouvoir nous adresser à un professionnel de la santé, que ce soit un médecin, un travailleur social, un psychologue, et en parler, vider notre sac, parler du coeur, laisser sortir nos émotions et parler, dans l'intimité, des choses les plus intimes de notre personne. Si nous commençons à avoir peur, à être réticents à cet égard, nous aurons perdu quelque chose de précieux dans une société démocratique.

Ce n'est pas pour rien que nous, du Parti libéral du Québec, nous nous inquiétons de certains aspects de ce projet de loi, au point de nous sentir obligés de voter contre le projet de loi, même si nous voulons de toute évidence améliorer, bonifier le fonctionnement du régime de l'assurance-maladie.

Je voudrais, en dernier lieu, dire un mot des primes d'encouragement, des primes d'éloignement, comme on peut les appeler, qui, suivant le projet de loi, pourraient être consenties afin d'attirer des professionnels de la santé vers des régions excentriques, éloignées de notre province. C'est un objectif auquel nous devons tous souscrire, cela va sans dire.

M. le Président, j'en connais quelque chose, non seulement parce qu'à un moment donné, j'ai présidé un comité qui s'est penché sur le problème et qui cherchait des solutions à cette difficulté qu'on connaît depuis très longtemps d'attirer des professionnels de la santé vers des régions éloignées, mais aussi parce que, comme député et comme ministre, j'ai eu l'avantage de parcourir la province, d'en visiter presque tous les coins et d'y rencontrer des confrères médecins, infirmières, confrères de toutes les professions de la santé, et d'échanger avec eux des propos sur la vie professionnelle qu'ils connaissent dans ces régions.

Je pense que nous nous trompons si nous nous limitons à des primes d'éloignement ou d'encouragement parce qu'il y a plus que cela. Vous savez, c'est moins difficile d'attirer le médecin vers une région éloignée que d'attirer sa famille, son épouse, ses enfants parce que le médecin — je prends cet exemple parce que j'en suis un — passe sa journée à travailler, à recevoir ou à visiter ses malades, à être de garde à l'hôpital, mais que fait son épouse pendant ce temps? Quelles activités culturelles a-t-elle? Quelles institutions d'enseignement sont à la disposition de ses enfants? On peut lire, ces jours-ci, des commentaires sur la vie sur la Basse-Côte-Nord, pour ne prendre qu'un seul exemple, et il y en a d'autres.

Je pense que le ministre des Affaires sociales, s'il veut faire un travail utile en ce domaine, s'il veut vraiment attirer des professionnels de la santé vers des régions éloignées... Je constate une concordance entre le projet de loi no 103 qui permettrait au ministre de faire un contingentement dans les hôpitaux et ce qui est proposé ici. (22 h 20)

L'objectif, il me semble, implique les deux éléments et je les mets ensemble pour les fins de ce débat. Mais, M. le Président, je pense que le ministre devrait en même temps se tourner, par exemple, vers son collègue des Affaires culturelles et envisager avec lui des moyens d'enrichir la vie culturelle dans les régions éloignées de cette province. Il y a d'autres mesures aussi qui impliquent le ministre de l'Education et d'autres des collègues du ministre des Affaires sociales.

M. le Président, je crois comprendre que mon temps tire à sa fin. Je voudrais insister encore une fois, en terminant, sur l'importance des relations harmonieuses entre le ministre et les professionnels de la santé, pas dans l'intérêt de ces professionnels, mais dans l'intérêt supérieur de toute la population. En effet, tôt ou tard, de temps en temps — aussi peu souvent que possible avec les mesures préventives que nous essayons d'instaurer comme régime dans nos activités de la protec- tion de la santé — nous devons tous faire appel aux professionnels de la santé et nous devons tous pouvoir compter sur leur présence, leur disponibilité, leurs bonnes dispositions, leur bon état d'esprit, parce que nous allons bénéficier de façon incalculable de ce bon état d'esprit. Regret-tablement, M. le Président, nous craignons que les mesures proposées par le ministre pourraient porter atteinte à cet état d'esprit. C'est pour cette raison que nous ne nous sentons pas en mesure d'appuyer le ministre dans sa proposition de la deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales pour votre droit de réplique.

M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, je veux d'abord remercier tous ceux qui ont participé au débat, en particulier mon collègue du comté de Richelieu.

Il y a une constante qui ressort des interventions des membres de l'Opposition, à savoir que le ministre des Affaires sociales n'a pas suffisamment consulté avant de présenter ce projet de loi. Je pense qu'il est de bonne guerre d'essayer de développer cette ligne d'attaque, si vous voulez, en laissant croire aux gens qu'il s'agit d'un ministre qui ne veut pas écouter les gens. Je rappelle au député de L'Acadie et au député de Saint-Laurent en particulier que, depuis avril dernier, les pourparlers, les rencontres, les consultations ont été amorcés. Je rappelle aussi que lundi dernier, au moment où nous avions cette mini-commission parlementaire, se tenait à Montréal, en même temps, une conférence de presse de la Fédération des médecins spécialistes et de l'Association des conseils de médecins dentistes de tous les hôpitaux du Québec. Ces deux groupements appuyaient publiquement le projet de loi 84.

Je pense, M. le Président, qu'il ne faut pas que la population se laisse induire en erreur quand les représentants de l'Opposition prétendent qu'il n'y a pas eu de consultations ou prétendent qu'il y a eu un front commun. Ce fameux front commun, il s'agissait évidemment de la moitié des médecins — puisque tous les spécialistes constituent l'autre moitié de l'ensemble des médecins du Québec — donc, les omnipraticiens, d'une part, qui, avec les dentistes principalement, avaient des raisons particulières de s'inquiéter de certains articles. Nous les avons entendus en commission parlementaire. Nous allons continuer d'entendre et de recevoir favorablement toutes les suggestions constructi-ves qui seront faites.

La vie privée des gens. Les députés de l'Opposition ont laissé entendre que cette loi menaçait la vie privée. Je pense qu'encore là il y a exagération grossière, M. le Président. Le texte de loi, quand il s'agit en particulier de sondages, est très clair. D'abord, il ne s'agit pas de sondages téléphoniques comme le député de Mégantic-Compton le disait cet après-midi.

Le texte dit: "La régie est tenue de faire périodiquement des sondages par voie d'échantil-

lonnage aux fins de vérifier si les services assurés dont elle a à assumer le coût ont été effectivement rendus." Il s'agit non pas de sondages téléphoniques, mais de sondages par correspondance, un simple questionnaire par lequel on demande aux personnes si, oui ou non, elles ont reçu, en date du 2 août 1978, un service de la part du docteur X avec des honoraires au montant de Y. Si c'est cela entrer dans la vie privée des gens, je pense que, depuis très longtemps, toutes nos lois sont entrées dans la vie privée. Il s'agit là d'une mesure tout à fait normale. D'ailleurs, le député de L'Acadie devrait savoir que sous l'ancien gouvernement, alors que le député de Saint-Laurent était ministre des Affaires sociales, ces sondages par correspondance se faisaient déjà au rythme de 7000 lettres par mois. Il ne s'agit pas d'une nouvelle mesure.

Quant au dossier lui-même, l'article dit très bien que l'accès au dossier est permis avec le consentement écrit du malade ou une autorisation de la Cour supérieure. Il ne s'agit pas là d'une carte blanche donnée à la Régie de l'assurance-maladie. Ce sont quelques exemples d'exagérations qui ont été véhiculées dans le public depuis quelques semaines par les porte-parole de l'Opposition et qui ont contribué à créer de l'inquiétude chez certains groupements. Une fois qu'on rencontre ces groupements, comme je l'ai fait depuis une couple de semaines et en particulier cette semaine, je peux vous assurer que tous, sans être totalement emballés par ce projet de loi, se disent capables de vivre de façon relativement confortable avec un tel projet de loi.

On a parlé des ordres professionnels, d'un certain empiétement sur le champ de juridiction des ordres professionnels, corporation des médecins, des dentistes, etc. Il n'en est rien. Ce projet de loi ne touche en rien la juridiction, la compétence, le champ d'action des ordres professionnels. Les ordres professionnels sont là pour protéger le public, pour s'assurer que la qualité des soins dispensés par un médecin ou par un dentiste ne va pas à l'encontre du bien public et fournit au citoyen la meilleure qualité possible dans l'état actuel des connaissances scientifiques. Ce projet de loi, je le répète, ne touche en rien le champ de juridiction des ordres professionnels.

Un dernier point, les professionnels eux-mêmes. On a dit, surtout le député de D'Arcy McGee, que la bureaucratie envahit encore plus la vie des pauvres professionnels. Ils seront de mauvaise humeur, donc, ils traiteront moins bien leurs patients. Je pense que là aussi, c'est vraiment simplifier à l'extrême. Un éditorial du Soleil — et je vous encourage à relire cet éditorial du Soleil qui parlait d'un resserrement administratif nécessaire par la loi 84 — du mardi 12 décembre, disait justement: "Chaque citoyen ordinaire doit vivre avec une série de formules, avec une bureaucratie, si on veut employer le terme, de plus en plus envahissante. C'est un phénomène normal, qu'on l'aime ou pas, du XXe siècle." Je pense que les professionnels de la santé, quand on leur parle de façon tout à fait sereine et calme, admettent rapidement et tout bonnement qu'il s'agit là d'une contrainte nécessaire qui n'affecte pas de façon majeure leur humeur, M. le député de D'Arcy McGee. Le système actuel de paiement prévu par la Régie de l'assurance-maladie et les ententes signées entre les ministres des Affaires sociales du passé et les fédérations de médecins, si ce qui en découle semble un peu compliqué, c'est dû en grande partie au mode de paiement d'honoraires, au mode de rémunération qui a été privilégié par les médecins et par les gouvernements antérieurs, c'est à dire le mode de rémunération à l'acte. (22 h 30)

II existe, bien sûr, dans les conventions, les deux autres modes de rémunération: le salariat et le mode de rémunération à la vacation, à la session, essentiellement l'équivalent du tarif horaire. Cependant, la plupart des professionnels, et avec une espèce d'encouragement tacite des gouvernements antérieurs, ont choisi de privilégier la pratique à l'acte, c'est-à-dire qu'on retrouve dans ces conventions collectives qui sont extrêmement épaisses des centaines et des centaines d'actes médicaux et chirurgicaux qui sont classifiés et tarifiés de façon extrêmement complexe, si bien que chaque acte posé par un médecin dans son cabinet ou à l'hôpital fait l'objet d'une réclamation particulière.

Je dis, M. le Président, que ceux qui accusent actuellement ce gouvernement et ce ministre des Affaires sociales de vouloir leur compliquer l'existence sont précisément ceux — j'inclus les professionnels et les anciens ministres des Affaires sociales, dont le député de Saint-Laurent — qui ont voulu, par ce mode de rémunération qu'ils favorisaient et qu'ils favorisent encore, s'infliger, s'imposer à eux-mêmes une paperasse carrément inutile si le médecin — comme c'est le cas pour 10% des médecins — veut travailler à salaire. Dans le cas du salariat, la paperasse est réduite à sa plus simple expression, M. le Président.

On a failli pleurer sur le sort des professionnels qui voyaient leur pouvoir de négociation saboté. Je pense qu'il y a là aussi une exagération excessive. A ma connaissance, il y a très peu de groupements, professionnels ou non professionnels, qui jouissent d'un pouvoir de négociation permanente avec le gouvernement. Je pense que peu de gens se rendent compte que les professionnels ont ce privilège d'une négociation ouverte, constante, par le biais d'amendements qui peuvent être négociés entre les fédérations et le ministre des Affaires sociales, tout au long de la durée des conventions collectives.

Je pense qu'il n'y a pas à s'inquiéter, le pouvoir de négociation des médecins est très large, le pouvoir de pression des médecins dans notre société québécoise est très fort et ce projet de loi, de toute façon, n'essaie aucunement de diminuer les pouvoirs de négociation des professionnels de la santé.

De toute façon, M. le Président, je dénote une contradiction un peu flagrante. Quand le député de L'Acadie s'afflige et s'inquiète de cette soi-disant diminution du pouvoir de négociation, je

vois une certaine contradiction entre ses paroles et celles de son chef qui, lors de la course à la chefferie, se disait prêt volontiers à abolir le droit de grève dans notre société. Comment peut-on concilier cette volonté ou ce voeu d'abolir le droit de grève, dans l'ensemble du front commun, par exemple, pour les syndiqués de la fonction publique et parapublique, et, en même temps, venir pleurer sur une soi-disant diminution du pouvoir de négociation des professionnels?

Mme Lavoie-Roux: Question de privilège. Le Président: Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je regrette mais je pense que ou le ministre était distrait, ou il ne comprenait rien. Ce que j'ai dit c'est que l'équilibre, dans un problème de négociation, entre les droits des travailleurs et les droits de l'employeur était toujours difficile à établir et que ceci, dans le domaine de la santé, est encore plus important, compte tenu que c'était la population qui devenait la victime et qui en faisait les frais. Alors, à ce moment-là, il fallait peut-être même remettre en question ce droit de grève dans les établissements de santé. Le ministre des Affaires sociales vient de donner une interprétation tout à fait fausse de ce que j'ai dit, et je tiens à le dire, M. le Président.

M. Lazure: M. le Président...

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: ... il faudra faire la vérification au journal des Débats. J'ai bien compris, comme plusieurs autres dans cette Assemblée, que le député de L'Acadie, mon collègue de Saint-Maurice a bien compris, mon collègue de Terrebonne aussi, en tout cas ils ont bien compris que le député de L'Acadie semblait s'inquiéter de cette soi-disant diminution de pouvoir de négociation, tout comme le député de Saint-Laurent. J'ai bien hâte de relire le journal des Débats.

A tout événement, c'est une critique qui a été faite à la commission parlementaire par les porte-parole du Parti libéral, le parti de l'Opposition officielle. A propos des professionnels de la santé, des médecins en particulier, je veux vous rappeler un titre de journal, il y a quelques mois, qui disait littéralement: Les médecins du Québec, les plus heureux au Canada. C'était à la suite d'un sondage scientifique commandé par le collège de pratique générale, le Collège de médecine général du Canada, un sondage sérieux, scientifique. Là aussi, quand le député de D'Arcy McGee essaie de nous attendrir, non seulement sur la mauvaise humeur des médecins, mais...

Mme Lavoie-Roux: ... un autre bientôt.

M. Lazure: ... sur une dépression appréhendée, un état dépressif appréhendé chez les médecins, je pense que cela ne fait pas très sérieux. Les médecins du Québec, dans l'ensemble, sont heureux. Il est vrai que, dans l'ensemble, leurs services sont très bons. Il est vrai que, dans l'ensemble, la population est très satisfaite.

M. le Président, une dernière remarque.

Mme Lavoie-Roux: ... si tout est si beau.

M. Lazure: Nous avons, au cours de la préparation de ce projet de loi, je le répète, été à l'écoute de plusieurs groupements. Je pense que ce gouvernement-ci n'a aucune leçon à recevoir du parti de l'Opposition officielle en ce qui touche le contact avec la population, en ce qui concerne prêter une oreille attentive aux gens. Je pense qu'on a une certaine expérience de cette technique, et je crois que, depuis deux ans, nous avons tenu beaucoup plus de commissions parlementaires, comme gouvernement, qu'il ne s'en est tenues dans n'importe quelle période de deux ans dans le passé. Je pense que les groupements le reconnaissent. On n'a qu'à se rappeler le sondage des 51% de degré de satisfaction de la population envers ce gouvernement.

En somme, il s'agit d'un projet de loi qui est relativement modeste, qui s'imposait pour pouvoir donner une plus grande efficacité administrative à la régie. Nous avons déjà indiqué qu'il y aurait des changements, il y en aura d'autres au cours de l'étude article par article en commission parlementaire. En somme, il s'agit d'un projet de loi modeste à la mesure d'un bon gouvernement. Merci.

Le Président: Est-ce que cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Vote enregistré.

M. Goldbloom: Vote enregistré.

Le Président: II y a la demande d'un vote enregistré, alors je demande qu'on appelle les députés.

M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse. Je vous demanderais de reporter ce vote enregistré à lundi. Lors de nos travaux de lundi après-midi, nous pourrons procéder à ce vote enregistré et ce soir la commission des affaires sociales pourrait se réunir immédiatement pour continuer ses travaux sur le projet de loi no 103.

M. Bellemare: M. le Président, je vous ferai remarquer qu'il faudrait amender notre règlement, parce qu'il n'est pas marqué que c'est le leader adjoint. Dans notre règlement seul le leader du gouvernement a le droit de reporter le vote. Il n'est pas question du leader adjoint dans le règlement. Je regrette beaucoup que le leader ne soit pas ici.

Je ne suis pas capable d'accepter une chose comme celle-là. Vote enregistré.

Des Voix: Vote enregistré.

M. Duhaime: M. le Président, sur la question de règlement que vient d'évoquer le leader parlementaire de l'Union Nationale, je comprends que Noël s'en vient, le Père Noël aussi, mais c'est une tradition en cette Assemblée, depuis les premiers jours de notre première session comme gouvernement, je pense que c'est aussi la tradition de l'ancien gouvernement, et possiblement celle d'un gouvernement d'Union Nationale, que le leader parlementaire adjoint du gouvernement ou encore l'adjoint de l'adjoint au leader parlementaire du gouvernement peut toujours demander le report d'un vote enregistré. (22 h 40)

M. Bellemare: Ce n'est ni dans notre règlement, ni dans la constitution de l'Assemblée nationale. Le règlement n'a pas été changé et c'est le leader du gouvernement qui doit faire cette demande. Je demande un vote enregistré.

M. Clair: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président: Oui, M. le député de Drummond.

M. Clair: Simplement pour vous signifier qu'à l'article 15 de notre règlement il est indiqué que "lorsque le leader parlementaire du gouvernement n'est pas en Chambre, il peut être remplacé, sauf dans le cas du premier paragraphe de l'article 140, par un des membres du Conseil exécutif qu'il a désigné au président". Or, il est de commune renommée, M. le Président, que vous avez toujours reconnu le député de Saint-Maurice comme leader adjoint du gouvernement qui remplace, à toutes fins utiles, à toutes fins que de droit le leader du gouvernement en Chambre à ce moment-ci et je pense que le député de Johnson est absolument mal fondé en droit.

Des Voix: Bravo!

M. Bellemare: M. le Président, je fais appel à votre connaissance parlementaire; l'article 106 est explicite.

Le Président: Le député de Drummond a exprimé exactement l'opinion que j'allais exprimer. M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, la tentative était fort belle, toutefois, mais je vous réfère à l'article 15 de notre règlement qui est très explicite. Il n'y a que l'article 140 de notre règlement qui souffre une exception et qui n'autorise pas un leader adjoint à formuler une demande, à remplacer le leader parlementaire du gouvernement. Dans tous les autres cas, le leader parlementaire adjoint peut remplacer — et d'ailleurs c'est là son rôle essentiel — le leader du gouvernement en vertu des dispositions de l'article 15.

M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, vous êtes de bonne humeur? Tout le monde était de bonne humeur. Je voudrais simplement vous dire qu'il n'y a pas de raison d'exiger ce soir une lettre pour une nomination qui a été faite depuis assez longtemps et qui a été reconnue. Dans ces conditions, nous allons reporter le vote — un instant, s'il vous plaît, M. le député de Verdun — sur le projet de loi no 84 à lundi, après les affaires courantes, à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens.

M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, cette semaine — si ma mémoire est bonne, je pense que c'est mercredi — j'ai eu à m'absenter à un certain moment et j'ai demandé aux gens des deux côtés de la Chambre si on voterait. Je pense que c'était sur le salaire des députés. On a voté vers cette heure-ci et je ne vois pas pourquoi, parce que c'est vendredi soir, on ne vote pas.

Le Président: M. le député de Verdun, j'ai accepté la demande à l'heure qu'il est. Je pense que le règlement a été conçu essentiellement pour les circonstances que nous connaissons ce soir, c'est-à-dire pour ne pas déranger tout le monde en commission parlementaire.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. le Président. Je rappelle simplement que la commission parlementaire des affaires sociales peut maintenant siéger immédiatement et poursuivre ses travaux sur le projet de loi no 103.

M. Caron: M. le Président, question de règlement. Je pense que c'est votre rôle ici, en tant que président de l'Assemblée nationale, d'être juste. Pourquoi deux poids deux mesures?

Des Voix: A l'ordre! A l'ordre! M. Johnson: A l'ordre!

M. Caron: M. le Président, ce n'est pas le ministre du Travail qui va m'énerver. Qu'il trouve donc du travail pour les gens qui manquent de travail au Québec, c'est bien plus important!

M. Clair: Question de règlement.

M. Caron: Je lui parlerai sur son projet de loi, tout à l'heure.

M. Clair: J'invoque le règlement.

Le Président: M. le député de Verdun, je connais votre gentilhommerie habituelle; ce n'est pas votre habitude de contester les décisions de la présidence, vous êtes un parlementaire expérimenté; je compte sur votre collaboration, M. le

député de Verdun, pour accepter la décision qui a été rendue. C'est une décision tout à fait conforme, non seulement à la lettre, mais à l'esprit du règlement, vous le savez mieux que quiconque, M. le député de Verdun.

Nous poursuivons, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Duhaime: M. le Président, je vous demanderais de...

M. Lamontagne: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: On nous a avisés ce matin que la commission parlementaire étudierait, article par article, le projet de loi 84. Comment pouvons-nous l'étudier article par article si...

Le Président: M. le député de Roberval, le point que vous touchez avait également attiré mon attention tout à l'heure, sauf que, si j'ai bien entendu le leader parlementaire adjoint du gouvernement, il a déféré le projet de loi 103, et non pas 84, à la commission des affaires sociales. Alors, si la motion qui a été adoptée cet après-midi —et c'est la question que j'allais vous poser, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement — concernait le projet de loi 84, cela poserait un problème tout à fait différent.

M. Duhaime: M. le Président, si vous me le permettez...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais tout simplement, à titre de renseignement — et peut-être pour rafraîchir notre mémoire —vous poser la question suivante: — je vois que vous êtes présentement occupé à d'autres fonctions, alors je vais attendre...

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, pour rafraîchir notre mémoire collective, n'est-il pas exact que lorsqu'il y a eu motion... Premièrement, est-ce qu'il y a eu motion pour que nous puissions étudier 103 et 84 en commission parlementaire et n'est-il pas vrai que cette motion comportait la condition que et 103 et 84 soient adoptés en deuxième lecture avant que la commission parlementaire puisse être convoquée à cette fin?

M. Duhaime: Si vous me permettez un éclaircissement qui va peut-être dissiper les doutes qui semblent se dessiner dans l'esprit du député de Roberval et dans l'esprit du chef de l'Opposition officielle. Il y a eu une motion qui a été conditionnelle quant à la loi 84 et j'étais présent en Chambre; je pense que le mot à mot du journal des Débats peut être facilement vérifié. La Chambre a donné ordre à la commission des affaires sociales de continuer ses travaux sur le projet de loi no 103 et ensuite sur 84, si nous disposions, en cours de journée, de cette loi 84 en deuxième lecture.

Je vous demanderais donc, M. le Président, à moins qu'on ne veuille discuter sur ce point... Quant à moi, cela m'apparaît très clair.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous n'avons pas l'intention d'en discuter. Seulement, le leader parlementaire adjoint n'a pas touché le point que j'ai soulevé et j'aimerais bien, M. le Président, que vous puissiez vérifier le libellé de la motion. Ensuite, cela prendra le consentement, évidemment; nous verrons, à ce moment, si nous devons le donner. Mais je pense que, si la motion était conditionnelle, elle devrait être reformulée à ce moment-ci.

M. Duhaime: M. le Président, il y a quand même des limites. M. le chef de l'Opposition officielle, je me demande où vous vous voulez aller; il est 10 h 45, si vous ne voulez pas travailler, vous nous le dites. La commission des affaires sociales...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je soulève une question de privilège.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Je ne laisserai pas le leader parlementaire adjoint s'amuser à nos dépens et nous prêter des motifs qui ne sont pas les nôtres. Nous avons prouvé, par notre assiduité, notre ponctualité, que nous étions intéressés à poursuivre les travaux et cela même à des heures indues de la nuit. Jamais une Opposition n'a été aussi désireuse de collaborer et n'a manifesté, par ses gestes, son désir de servir l'intérêt public. Je ne laisserai pas le leader parlementaire adjoint parler comme il vient de le faire. Je vous ai posé une question, M. le Président, j'attends la réponse.

M. Duhaime: Je ne vois pas dans quelle espèce de grande marmite... le chef de l'Opposition veut peut-être nous entraîner dans un vain débat. (22 h 50)

M. Levesque (Bonaventure): Je pose une question, M. le Président.

M. Duhaime: Je lui dis que j'étais présent en Chambre et que la motion donnait ordre à la commission des affaires sociales d'étudier le projet de loi no 103 et ensuite, si le projet de loi 84 était adopté en deuxième lecture... C'est possible de le vérifier, la motion était conditionnelle pour une raison très simple, la seule condition qu'on devait nécessairement inclure à la motion, c'est que le projet de loi 84 était toujours en deuxième lecture. Cela m apparaît clair comme de l'eau de roche.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: Juste un instant! Il est bien entendu pour tout le monde qu'il ne peut être question, ce soir, que la commission des affaires sociales aborde l'étude article par article du projet de loi no 84; cela est clair. Il reste à savoir si la commission des affaires sociales peut se réunir immédiatement en vertu des dispositions de la motion qui a été adoptée cet après-midi ou si vous devrez, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, formuler une nouvelle motion qui serait également conforme au règlement.

Pour le décider, vous comprendrez que j'ai absolument besoin de revoir le libellé de la motion. Pour cela, je me dois de suspendre quelques minutes, à moins que vous ne choisissiez, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, de formuler une nouvelle motion, ce qui simplifierait tout.

Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Duhaime: M. le Président, on va clarifier les choses. Je pense qu'on pourrait faire travailler les greffiers pour relever le mot-à-mot de la motion qui a été faite; trop fort casse pas, je fais motion pour que se réunisse immédiatement la commission des affaires sociales pour continuer l'étude article par article du projet de loi no 103.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Bellemare: Non! Le vote, comme on a fait...

Le Président: Qu'on appelle maintenant les députés.

Suspension de la séance à 22 h 52

Reprise à 23 h 4

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ... nous voudrions faire savoir au gouvernement que, dans le but d'accélérer les travaux, maintenant que le vote est à la veille d'être demandé, nous serions d'accord pour donner notre consentement, bien que le vote ait été déféré pour le projet de loi 84 afin de permettre aux membres de la commission d'y aller pour les deux projets de loi, pour que le vote ait lieu également sur le projet de loi 84.

M. Bellemare: M. le Président, je n'ai pas voulu...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: ... contredire votre décision, mais cela revient à ce que j'ai dit, le leader adjoint n'a pas le droit de le demander. Là, on a le droit. Si vous me le permettez, on va voter pour le projet de loi 84 tout de suite et les deux projets de loi...

Le Président: Bon! Alors, s'il y a consentement, mais en toute déférence pour le doyen de l'Assemblée nationale, cela ne contredit en rien la décision que j'ai rendue tout à l'heure, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, je voudrais savoir si vous consentez, puisqu'un consentement est offert, à ce qu'il y ait un vote sur le projet de loi 84. Suivant les règles, il serait plus normal de procéder d'abord au vote de deuxième lecture du projet de loi 84.

M. Duhaime: M. le Président, il y a devant la Chambre une motion pour faire siéger la commission permanente des affaires sociales, pour continuer d'étudier article par article le projet de loi 103. J'ai demandé tout à l'heure qu'on reporte à lundi le vote sur la motion de deuxième lecture du projet de loi 84 et nous voterons lundi sur le projet de loi 84.

M. Levesque (Bonaventure): Sur une question de privilège.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne veux pas poursuivre ce débat, mais, à la suite des remarques qui ont été faites il y a quelques minutes voulant que la seule raison de reporter le vote soit pour ne pas déranger les gens en commission parlementaire, je trouve étrange l'attitude du gouvernement, alors que nous offrons notre collaboration, que nous permettons aux deux projets de loi d'être déférés en même temps et que nous sommes tous ici pour voter. Réellement, M. le Président, je n'y comprends absolument rien et notre consentement demeure si jamais le gouvernement en a besoin.

M. Bellemare: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, s'il n'y a pas consentement, c'est inutile d'engager le débat là-dessus.

M. Bellemare:... je voudrais vous faire remarquer qu'il faudrait commencer par retirer la première motion qui a été faite cet après-midi...

Une Voix: Ce matin.

M. Bellemare: ... ce matin pour faire siéger la commission sur les deux projets de loi. Il faudrait qu'elle soit retirée avant de voter l'autre.

Le Président: C'est un bon point, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, sauf que, si vous remarquez bien, maintenant que j'ai pu la voir, le libellé de la motion de cet après-midi et si

vous remarquez aussi le libellé de l'acceptation par la présidence — c'était le vice-président qui était au fauteuil à ce moment-là — il s'agissait d'une motion conditionnelle. Comme la condition n'a pas été remplie, il n'est pas nécessaire, à mon humble avis, de retirer cette motion. En conséquence, j'appelle immédiatement le vote sur la motion de M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement...

Une Voix: Très bien.

Le Président: ... visant à faire siéger la commission des affaires sociales pour l'étude article par article du projet de loi no 103. Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Cardinal, O'Neill, Mme Cuerrier, MM. de Belleval, Johnson, Proulx, Duhaime, Lazure, Garon, Vaugeois, Martel, Marcoux, Fallu, Rancourt, Laberge, Lefebvre, de Belle-feuille, Mercier, Alfred, Ouellette, Perron, Gosselin, Clair, Dussault, Boucher, Beauséjour, Baril, Lé-vesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet, Levesque (Bonaventure), Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Forget, Goldbloom, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Caron, Picotte, Gratton, Pagé, Verreault, Bellemare, Goulet, Fontaine, Dubois, Le Moignan, Roy.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion de renvoi veuillent bien se lever, s'il vous plaît! Les abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 50 — Contre: 0 — Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée et la commission des affaires sociales peut maintenant siéger. (23 h 10)

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Duhaime: ... je voudrais vous demander une directive. Je voudrais savoir s'il est bien certain que la commission des affaires sociales peut maintenant poursuivre ses travaux pour étudier le projet de loi no 103. Est-ce vraiment certain? Oui. Merci bien. Je tiens également à remercier...

Une Voix: A quel endroit?

M. Duhaime: A la salle 81-A, M. le Président. Je tiens à remercier également l'Opposition pour sa collaboration. C'était justement le report du vote sur la motion de deuxième lecture du projet de loi no 84; si j'ai demandé le report à lundi, c'est justement pour ne pas déranger les travaux de la commission permanente de l'agriculture. De toute façon, les choses étant ce qu'elles sont, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 29).

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous me permettrez simplement de rappeler au leader parlementaire adjoint du gouvernement la seule raison possible qu'on puisse imaginer pour le geste qu'il vient de poser, c'est qu'il manque tellement de ministériels qu'il ne veut pas avoir le vote.

Projet de loi no 110 Deuxième lecture

Le Président: J'appelle maintenant la motion de deuxième lecture du projet de loi no 110, Loi modifiant la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction et d'autres dispositions législatives.

M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, le projet de loi no 110 que vous avez devant vous apporte, encore une fois, des modifications à certaines lois de la construction et s'inscrit dans le cadre d'une série de gestes positifs que le gouvernement a décidé de poser afin d'assainir le climat social, de restaurer le climat des relations de travail et de permettre une amorce de la stabilisation économique de cet important secteur d'activité qu'est l'industrie de la construction au Québec.

Ce n'est donc pas par hasard que nous soumettons à cette Assemblée des amendements à pas moins de cinq lois concernant le monde de la construction. Il est bien évident qu'à cause de son importance, le monde de la construction doit préoccuper particulièrement le gouvernement québécois; cependant, cette relative importance ne doit quand même pas nous amener à considérer outre mesure cette industrie comme un monde à part. Bien que toute une série de mesures spéciales aient été prises à l'égard du monde de la construction, bien que des milliers de salariés et d'employeurs de ce secteur ne soient pas sous l'empire du Code du travail, et, à un moment ou à un autre, que l'industrie de la construction nous amène, dans la mesure du possible, à la normalité, je pense qu'il faut, une fois pour toutes, que certaines choses soient réglées.

Justement, en tant que gouvernement responsable, nous avons pris cet engagement de ramener l'industrie de la construction dans un univers qui soit le plus normal possible. Depuis deux ans, nous avons, en nous inspirant largement des recommandations du rapport Cliche, adopté une série de mesures à cet effet. Nous avons, entre autres, raffermi plusieurs lois et nous en avons adopté d'autres. Ainsi, après avoir amendé les lois des tutelles avec, la Loi 69, pour les rendre plus

efficaces, nous sommes parvenus à atteindre, dans une large mesure, les objectifs qui étaient prévus. Après avoir amendé la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction avec la Loi 52, nous en sommes arrivés enfin, au Québec, à une campagne dite de maraudage qui s'est faite sans brutalité et sans animosité. Après avoir mis en place un comité spécial chargé d'établir le calendrier des projets gouvernementaux et para-gouvernementaux dans l'industrie de la construction, nous nous assurons maintenant d'une plus grande stabilité économique pour les travailleurs et les entreprises de la construction.

Nous croyons qu'avec le projet de loi no 110, nous mettons en place des mécanismes qui permettront une saine négociation du prochain décret et nous apportons des modifications nécessaires aux structures de l'Office de la construction qui permettront aux travailleurs comme aux employeurs de reprendre confiance en cet organisme; nous donnons à l'artisan la place qui lui revient au soleil et nous assurons au consommateur une meilleure protection, quans il se porte acquéreur d'une maison neuve. Nous croyons que le projet de loi no 110 constitue donc une des dernières étapes, sinon la dernière, qui permette à cette industrie de réintégrer un univers normal.

Je voudrais maintenant...

M. Gratton: M le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: ... je regrette de devoir interrompre le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, mais nous n'avons pas quorum.

Le Vice-Président: Quelle question?

M. Pagé: Nous n'avons pas quorum, M. le Président, cela démontre l'intérêt pour le ministre.

Le Vice-Président: II n'y a pas quorum, je m'excuse, qu'on appelle les députés.

M. le leader parlementaire du gouvernement, il faut que j'attende qu'on appelle les députés, je m'excuse, il fallait que je le fasse. Cela fait partie de mon rôle.

Je constate qu'il y a quorum et je constate aussi que M. le ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre a la parole.

M. Johnson: Merci, M. le Président. Je parlerai mainenant brièvement de quelques-unes des modifications que nous entendons apporter à la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs en construction. Il faudrait d'abord se rappeler que cette loi, on s'en souviendra, a été adoptée en juin 1975, suite à des recommandations de la commission Cliche qui estimait alors qu'une telle loi devenait nécessaire. Le législateur a retenu la quasi-totalité de ses recommandations et il est maintenant temps de parfaire, au niveau de l'administration, cette loi et également d'étendre certaines dispositions pour une meilleure protection des consommateurs.

Ainsi, afin de ne pas priver la régie de l'expérience de certains représentants essentiels dans l'industrie, nous sommes amenés à faire en sorte que les représentants de toutes les associations du secteur puissent siéger à cette régie.

En second lieu, nous désirons rendre plus sévères les règles permettant d'émettre une licence à une personne qui a déjà participé à une faillite. Troisièmement, comme je l'ai déjà dit, cette régie qui a un but de protection d'intérêt public du consommateur, dans le secteur de l'habitation où les consommateurs ont un grand besoin d'être protégés, cette régie verra donc à adopter enfin, suite aux interventions de la Société centrales d'hypothèques et de logement fédérale, pour l'ensemble des Québécois des plans de garantie sur les maisons neuves.

En dernier lieu, les autres modifications à la loi viennent surtout corriger certaines failles au niveau administratif. Quant au statut de l'artisan, M. le Président, ce statut juridique pose un sérieux problème. Il faut se dire, je pense, que les artisans ont leur droit au soleil, ont leur droit de travailler au Québec. Il faut également cependant tenir compte du fait que, dans l'industrie de la construction, les artisans sont parfois des menaces pour ceux qui sont des salariés. Pour ces fins, nous proposerons de faire adopter une série de mesures qui, d'une part, visent à donner leur place au soleil à ces artisans, particulièrement dans les régions périphériques et, d'autre part, des dispositions qui tiennent compte de la réalité, celle des salariés dans l'industrie de la construction et, particulièrement, dans la construction qui n'implique pas le consommateur directement.

Quant aux modifications du champ d'application de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, il s'agira essentiellement, au niveau de l'Office de la construction, de faire en sorte qu'enfin, une fois pour toutes, dans un cadre de réaménagement de la structure supérieure de l'Office de la construction, on puisse redonner cette confiance nécessaire à tout ce secteur, tant au niveau des entrepreneurs que des salariés. (23 h 10)

II va sans dire que ces modifications à la loi permettront d'alléger de façon substantielle le fardeau financier et administratif des organismes dans les rapports qu'ils ont avec les employés qui sont régis par des conventions collectives quand nous parlons du champ d'application de la loi dans le cas des commissions scolaires et des hôpitaux.

Finalement, les modifications, qui impliquent l'Association des entrepreneurs en construction du Québec et qui ont fait couler jusqu'à maintenant beaucoup d'encre, sont, en fait, un pouvoir réglementaire pour le gouvernement parce que l'Association des entrepreneurs en construction du Québec n'a pas réussi, avec les autres associations sectorielles, malgré mes demandes répétées pendant des mois, à trouver une formule adéquate de représentation patronale. Nous devrons, par la loi, fixer les statuts de cette association patronale.

II faut cependant être bien conscient que j'aurai à apporter certaines modifications au projet de loi et je peux les énumérer immédiatement. En ce qui a trait à l'artisan, nous ferons en sorte que l'artisan, dans le secteur non domiciliaire, c'est-à-dire quand il devient un entrepreneur qui doit travailler seul, soit payé au taux du décret afin de ne pas être un coupe-gorge pour les salariés.

Dans le cas de l'exclusion des commissions scolaires, nous restreindrons cette exclusion aux salariés permanents des commissions scolaires et des hôpitaux. Dans le cas des statuts de l'AEQ, j'apporterai des dispositions qui nous permettront enfin de mettre fin à la possibilité pour le gouvernement, d'intervenir au niveau des statuts en rendant caduques les premières dispositions et en nous habilitant à établir, une fois pour toutes, les statuts.

Finalement, au niveau de l'Office de la construction du Québec, j'aurai l'occasion d'apporter un amendement qui fera en sorte que le comité mixte, où siègent paritairement les représentants des salariés et des employeurs, puisse effectivement avoir un rôle dynamique et actif quant aux orientations, quant à la réglementation qui touche l'Office de la construction du Québec.

Pour l'ensemble de ces raisons, je pense que cette loi, malgré la période tardive de l'année 1978 où nous en sommes saisis, contient des dispositions essentielles au meilleur fonctionnement possible de cette industrie vitale pour le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Portneuf. M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Vous me permettrez tout d'abord de regretter tout comme hier soir, alors que l'Assemblée nationale a eu à étudier le projet de loi no 114 qui affecte particulièrement les activités de la Commission des accidents du travail et les accidentés du travail, qu'on soit obligé d'étudier ces projets de loi à des heures tardives, un peu rapidement, à des heures indues, presque en plein milieu de la nuit.

Le projet de loi no 110, à prime abord, peut paraître assez anodin. C'est un projet de loi qui contient 28 articles, qui amende cinq lois qui sont déjà en application mais qui contient beaucoup. J'ai déjà eu l'occasion de le qualifier de catalogue législatif de fin de session du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, le député d'Anjou. Un projet de loi présenté à l'approche des Fêtes, un projet de loi sur lequel le ministre fonde probablement des espoirs bien certains, à savoir que cela pourra passer en douce, la période des Fêtes aidant... Etant donné qu'on a plusieurs lois à étudier, qu'on a un règlement sessionnel qui prévoit que nos travaux devraient normalement se terminer le 21 décembre prochain, qu'on sait qu'on a encore une quarantaine de lois à étudier, le ministre du Travail aurait dû présumer ou devrait croire que le débat sur ce projet de loi sera certainement plus long qu'il peut l'imaginer et ce, compte tenu de l'im- pact, compte tenu de l'effet de ce projet de loi sur l'entreprise, sur l'industrie de la construction et sur les différents groupes ou les différentes sociétés affectées.

Je ne reprendrai pas les énoncés du ministre dans la présentation de son projet de loi pour ce qui est de la stabilisation économique. La stabilisation était un objectif visé par ce projet de loi. On pourra en discuter lundi parce que je n'aurai pas le temps de finir ce soir, cette Assemblée devant ajourner...

Le Vice-Président: Représentez-vous officiellement votre parti?

M. Gratton: Probablement, M. le Président.

M. Pagé: Oui.

Le Vice-Président: On verra.

M. Gratton: Qui vivra verra!

M. Pagé: M. le Président, avant que vous me posiez cette question, vous savez que je représente le parti, vous savez que je représente l'Opposition officielle, le Parti libéral, dans toutes les questions qui sont relatives au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

J'en étais à dire, M. le Président, que le ministre a allégué que ce projet de loi pourrait contribuer éventuellement à améliorer la paix sociale. On aura l'occasion de discuter avec lui de ce qu'il veut améliorer. Il y a des secteurs où cela allait très bien jusqu'à maintenant. Il y a des secteurs où on a eu l'occasion, depuis la négociation du dernier décret, de constater que cela allait pas mal mieux que cela avait déjà été. Le ministre vise une paix sociale, vise de meilleures relations, ce sera approuvé; ce sera à lui à le démontrer et à nous dire pourquoi et en quoi la paix sociale, dans le secteur de la construction, sera améliorée avec son projet de loi 110.

M. le Président, le projet de loi 110 est encore du cru du gouvernement du Parti québécois; c'est un projet de loi qui permet, dans un premier temps, un pouvoir réglementaire très large, un projet de loi qui permet et qui fait en sorte que le ministre du Travail, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra intervenir, en vertu de ce projet de loi, dans plusieurs secteurs d'activités et, somme toute, un peu partout dans la vie de tout le monde qui est concerné par le secteur de la construction.

Le ministre a énoncé et ce, très brièvement; je m'attendais à peut-être plus de commentaires de sa part sur toute cette question qui entoure les artisans... Pratiquement pas un mot dans sa déclaration. Le ministre s'est limité à nous dire, sur ce sujet, que ce serait une mesure qui serait plus juste, qui amènerait et qui impliquerait peut-être plus d'équité auprès de ce groupe de travailleurs de l'industrie de la construction que sont les artisans. Le ministre nous a aussi fait part de l'amendement qu'il entendait apporter à ce chapitre.

M. le Président, si le ministre du Travail n'a pas été trop volubile sur ce sujet, je le comprends et cela s'explique et je suis convaincu que vous, M. le Président, comme député de Prévost, êtes en mesure de saisir la dimension bien exacte des problèmes auxquels ont est confronté tous les jours dans le secteur de la construction et particulièrement, M. le Président, depuis le 1er juillet dernier. Vous n'êtes pas sans savoir que le 1er juillet dernier, le lieutenant-gouverneur en conseil a adopté, sur proposition du député d'Anjou, ministre du Travail, un règlement de placement dans l'industrie de la construction.

M. Johnson: Pertinence.

M. Pagé: M. le Président, que le ministre soulève la pertinence, qu'il écoute et vous allez voir tantôt.

M. le Président, le ministre a fait adopter son règlement de placement qui impliquait que les travailleurs devaient être classés; en plus de détenir un certificat de qualification, ces gens devaient aussi détenir un certificat de classification. Cela a passé assez facilement, cela s'est limité au Conseil des ministres, cela n'a pas été discuté ici à l'Assemblée nationale. Les députés n'ont eu ni l'occasion ni la chance de faire valoir leur point de vue sur cette question. Mais il y en a qui se sont réveillés — particulièrement du côté ministériel — une couple de semaines après, voyant les résultats de ces règlements, voyant ce que cela pouvait impliquer, ce que cela pouvait comporter pour les travailleurs de la construction. Les gens étant classés A, B et C. il y avait évidemment un privilège d'embauche pour les gens classés A, à l'intérieur d'une région; cela impliquait que des travailleurs classés "B", classés "C" ne pouvaient avoir un job, même si ce job leur était offert et qu'ils avaient la volonté bien arrêtée de travailler et de gagner leur pain.

Je ne reprendrai pas ce sur quoi on a bataillé ferme, nous du Parti libéral, dans la motion présentée le 5 octobre dernier par l'Opposition officielle.

Le ministre vient de constater, après quelques mois d'exercice de son règlement de placement, que c'est un échec. Le ministre vient probablement de donner suite à des représentations qui lui ont été formulées par des députés de la majorité ministérielle et d'autres. Le ministre vient de confirmer qu'on aura maintenant un secteur particulier qui aura à évoluer dans le secteur de la construction, un groupe imposant, un groupe important de travailleurs parallèles non syndiqués, un groupe à part; ce sont les artisans.

Ce projet de loi apporte des modifications — remarquez que c'est peut-être un peu technique — à la définition de "salarié" — le ministre en a dit quelques mots tout à l'heure — concernant l'artisan, de façon à l'exclure du champ d'application de la loi, sauf pour les fins d'avantages sociaux. (23 h 30)

Cela veut donc dire qu'au moment où on se parle — parce que la loi n'est pas encore adop- tée — le travailleur de la construction est un salarié qui est régi par une loi, il est soumis à des règlements, à des contrôles de l'Office de la construction du Québec.

Une fois la loi 110 adoptée, l'artisan ne sera plus un salarié au sens de cette loi. L'Office n'aura donc aucune juridiction sur l'entrepreneur artisan parce qu'avec la loi 110, l'artisan devient un entrepreneur — on y reviendra un peu plus loin — il aura notamment l'obligation de détenir une licence de la Régie des entrepreneurs en construction du Québec, il devra travailler seul, etc.

L'Office de la construction qui, jusqu'à maintenant, avait juridiction sur l'entrepreneur artisan, avait juridiction sur cet individu qui oeuvrait dans le secteur de la construction, perd toute sa juridiction, sauf pour la question des avantages sociaux. L'artisan peut cependant participer et contribuer au Régime complémentaire d'avantages sociaux pour un maximum de 40 heures par semaine. En conséquence, il assume alors les obligations prévues au décret quant à la cotisation et à la contribution à ce régime. Pour ce faire, l'Office de la construction est habilité, en vertu de la loi, à établir les différents mécanismes de contrôle absolu.

Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président, pour quelqu'un qui n'est pas bien au fait de ces réglementations et de ces lois? Cela veut dire qu'on prend un travailleur qui est qualifié, qui a une carte de compétence, donc un certificat de qualification, qui est peut-être menuisier depuis une dizaine ou une quinzaine d'années ou peut-être même depuis 20 ans, qui a toujours été un salarié; on dit clairement dans cette loi que cette personne ne sera plus salariée, qu'elle ne sera plus régie par l'Office de la construction du Québec, sauf pour la question des avantages sociaux.

M. le Président, j'ai évidemment plusieurs commentaires à formuler sur cet aspect. Cela implique donc que tout salarié qui exerce un métier ou une profession tel que défini à la Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre pourra éventuellement s'inscrire comme artisan, pourvu qu'il possède cette carte de compétence. N'étant plus assujetti à la loi, il n'est plus soumis aux règlements édictés en vertu de la loi 290, soit par l'Office de la construction ou par le lieutenant-gouverneur en conseil. Les seuls règlements auxquels il sera soumis devant l'OCQ, seront ceux qui ont trait aux avantages sociaux. C'est-à-dire qu'à l'exception des régimes complémentaires d'avantages sociaux, l'artisan est exclu du règlement no 1 relatif au champ d'application de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction.

Le fait de créer une nouvelle classe à part, un groupe de travailleurs non syndiqués et parallèles a plusieurs effets. Comment cela va-t-il aller dans nos régions, dans votre comté? Il est explicable qu'il sera normal — on est en droit de le présumer, à ce moment-ci — que le travailleur qui est classé "C" en vertu du règlement de placement, qui

constate depuis le 1er juillet dernier qu'il ne peut occuper un emploi dans le secteur de la construction dans sa région parce qu'il y a des travailleurs classés "A" disponibles, que va-t-il faire? On n'aura pas besoin de lui faire de dessin très longtemps, il va prendre sa carte, il va s'enregistrer, prendre sa licence auprès de la Régie des entrepreneurs en construction du Québec.

J'ai bien hâte et j'anticipe avec beaucoup d'intérêt la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre qui se tiendra d'ici le mois de mars prochain pour analyser les effets du règlement de placement. On sait que mercredi, il y a quinze jours ou trois semaines, le gouvernement, la majorité ministérielle acceptait, suite à un amendement, de voter en faveur de la motion que je présentais ici à l'Assemblée nationale afin de convoquer la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pour analyser en Chambre, à la lumière de l'expérience qu'on a dans chacun de nos comtés, ce fameux règlement de placement.

Je suis persuadé que les données auxquelles se réfèrait le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre lors de la motion de blâme du 5 octobre dernier quand celui-ci nous disait: Vous savez, il y a tant de milliers de travailleurs, au Québec, qui sont classés "A", il y a tant de milliers de travailleurs, au Québec, qui sont classés "B", des milliers d'autres sont classés "C", on aura certainement des chiffres fort différents parce qu'à ce moment-là, un grand pourcentage de ceux qui ne sont pas classés "A" actuellement, se seront enregistrés auprès de la Régie des entrepreneurs en construction.

Pour certains de mes collègues, le fait que cet artisan ne soit plus salarié, au sens de la loi, n'a peut-être pas beaucoup d'impact à prime abord. Un des impacts importants, M. le Président, c'est qu'en n'étant plus un salarié il n'est pas couvert par le décret. Cela veut donc dire qu'au lendemain de l'adoption de la loi la personne qui est enregistrée comme travailleur artisan et qui a sa licence peut aller travailler chez vous, chez nous, chez toute personne, faire son travail, soit à la suite d'une entente pour un contrat à forfait ou encore à un taux de salaire qu'elle pourra négocier avec elle.

Cela peut paraître assez attrayant à prime abord et ce, dans un souci d'équité et de justice et aussi lorsqu'on constate que les taux de la construction sont assez élevés. Je conviens que cela est difficile pour la personne qui gagne le salaire minimum, pour la personne qui est en chômage — Dieu sait s'il y en a particulièrement depuis le 15 novembre 1976 — pour la personne qui vit d'aide sociale. Lorsqu'elle aura des réparations à faire, elle va être obligée de payer des taux de salaire qui sont quand même assez appréciables. Mais c'est le décret, c'est la loi et cela impliquera qu'à l'avenir le travailleur artisan pourra aller rencontrer une personne qui est intéressée à faire construire sa maison, sa résidence ou finir son sous-sol, comme on dit, et dire: Ecoute! Moi, je viens travailler chez toi et je suis disposé à vendre mes services à $8, à $7, à $6, à $5 l'heure. Il n'y a absolument personne ni aucune loi qui vont l'interdire.

J'entends un de mes collègues, probablement de la majorité ministérielle, qui crie bravo. M. le Président... De l'Opposition? J'espère que mon bon collègue de Nicolet-Yamaska pourra intervenir, peut-être pas ce soir, mais lundi, sur cet aspect de la question. M. le Président, vous avez probablement pris connaissance du rapport annuel et des rapports trimestriels de l'Office de la construction du Québec; d'ailleurs, il en a été question à plusieurs reprises ici à l'Assemblée nationale. La construction a baissé de 11% au minimum par rapport à l'année dernière et, tout récemment, l'Office de la construction énonçait que ce serait probablement 17%. Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président, une baisse dans la construction? Cela veut dire une main-d'oeuvre disponible, cela veut dire plus de gens qui sont disposés à travailler. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, dans son règlement de placement, avait d'ailleurs allégué — il nous avait dit, on se le rappellera: On a 160 000, 170 000 travailleurs dans le secteur de la construction. Il nous a parlé de sécurité d'emploi, il a essayé de nous vendre le principe d'une certaine sécurité d'emploi pour ces gens-là en nous disant: II faut un règlement de placement. Aujourd'hui, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre vient saborder cet aspect du règlement de placement en créant ce secteur parallèle.

Une baisse de la construction va impliquer une main-d'oeuvre disponible. Vous savez, le secteur de la construction, ce ne sont pas toujours des gros projets comme la baie James, comme le Collège militaire de Saint-Jean actuellement, comme le chantier olympique il y a quelques années. Vous savez que, dans nos régions, la construction, à certaines périodes de l'année, est à la baisse. Je serais surpris de voir le nombre de constructions résidentielles, début de constructions résidentielles, dans la ville de Rimouski au mois de janvier, dans la ville de Rivière-du-Loup ou encore dans ma ville, à Donnacona, c'est-à-dire une ville de mon comté, le comté de Portneuf. Qu'est-ce qu'il arrivera, M. le Président? Je crains — je pense que cela est tout à fait justifié et fondé — que cette mesure va entraîner un "bargaining power", un marchandage à rabais d'une main-d'oeuvre qui est spécialisée et qualifiée.

M. le Président, plusieurs députés ou peut-être que des députés de la majorité ministérielle diront: C'est rendre service à l'ensemble des Québécois et c'est rendre service aux travailleurs. Ce n'est pas leur rendre service. J'espère que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre pourra répondre à certaines de mes questions dans sa réplique. J'aimerais savoir du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre qui va s'occuper, pour les travailleurs artisans qui vont effectuer soit un travail à forfait à $4 ou $5 l'heure ou à $8 ou $10, peu importe, de la sécurité pour ces travailleurs lorsqu'ils seront dans la construction d'une résidence. Anciennement, M. le Président, ces gens-là

étant des salariés, l'OCQ s'en occupait et contribuait à ces fonds-là, etc. L'OCQ, l'Office de la construction du Québec, ne sera plus habilité à s'occuper de la sécurité. C'est l'interprétation que je donne au texte et au libellé du projet de loi 110. (23 h 40)

Qui va s'en occuper? Qu'arrivera-t-il, M. le Président, et sur quelle base de salaire ces employés pourront-ils contribuer à la Commission des accidents du travail? On sait qu'hier on a étudié le projet de loi 114 qui permettra éventuellement à ces travailleurs d'être couverts par la Commission des accidents du travail. Sur quelle base de salaire le gouvernement ou ses organismes pourront-ils déterminer un taux applicable?

Je conviens que la Commission des accidents du travail a tous les services, tout le capital humain, l'expérience, mais comment tout cela se fera-t-il? Je pense que c'est justifié de poser à ce moment-ci, de soulever cette question. Les taux imputés ou chargés aux travailleurs seront-ils variables d'une semaine à l'autre, parce que le prix ou le salaire exigé pourrait être variable d'une semaine à l'autre?

La question des avantages sociaux. Le projet de loi indique que ce travailleur, cet individu qui sera maintenant artisan, qui ne sera plus un salarié, sera régi par l'Office de la construction; tout simplement et uniquement pour la question des avantages sociaux, encore là, la participation à ces bénéfices sociaux sera déterminée par l'Office de la construction du Québec, puisque c'est l'organisme qui est habilité à le faire.

On sait qu'actuellement, pour toute cette question des bénéfices sociaux, l'OCQ consulte les parties, les groupes en présence. On consulte les associations syndicales, les associations patronales. On a le comité mixte, etc. Quel sera l'organisme qui sera habilité à être consulté pour et au nom des artisans devant l'OCQ ou à la table de l'OCQ lorsqu'on fera état et qu'on discutera des bénéfices sociaux? Est-ce que ce sera une association patronale? Probablement pas. Est-ce que ce seraient les associations syndicales? Cela me surprendrait. Est-ce que le ministre croit ou prétend qu'on aura éventuellement une association de travailleurs artisans? Il pourra nous l'indiquer tout à l'heure dans sa réplique.

M. le Président, ces gens seront régis par la Régie des entrepreneurs en construction du Québec. Ils auront évidemment l'obligation de détenir un permis. Ils auront l'obligation évidemment de se soumettre à certaines normes réglementaires, de caution, etc., et le seul organisme, la seule entité juridique qui, dans la loi actuelle, est habilité à exercer quelque contrôle que ce soit sur ce groupe de travailleurs, c'est la Régie des entrepreneurs en construction. J'aimerais bien que le ministre du Travail dans sa réplique — je fais là le sens d'une autre question — nous dise comment la Régie des entrepreneurs en construction pourra vraiment assumer l'obligation qui lui est faite avec huit inspecteurs. C'est ce qu'ils sont dans le moment ou à peu près. Ce n'est pas beaucoup plus que cela. On se rappellera les problèmes invoqués à plusieurs reprises par l'Office de la construction du Québec, lequel soutenait qu'avec une batterie d'une centaine de personnes, il n'était pas capable de contrôler tout cela, qu'il lui en échappait. Il y avait des braconniers de la construction. On a déjà entendu ces termes. Pourtant, M. le Président, l'Office de la construction du Québec est un organisme quand même bien pourvu en termes financiers. C'est un organisme qui a sa batterie d'inspecteurs, et Dieu sait qu'il y en a. Comment cela se passera-t-il? Comment cela se déroulera-t-il? Comment cela ira-t-il lorsque ces gens, lorsque les artisans seront régis uniquement par la Régie des entrepreneurs en construction?

Il y a un autre aspect, M. le Président, eu égard aux artisans, que je voudrais soulever ici. Les articles 26 et 27 du projet de loi no 110 obligent l'artisan à obtenir un certificat de qualification pour exercer un métier ou une profession déterminée comme artisan. C'est bien beau; je l'ai dit au début que maintenant la seule obligation qui était faite au travailleur artisan, c'était de détenir un certificat de qualification; il n'est plus un salarié mais on l'oblige quand même à détenir ce certificat de qualification. Avant cela, M. le Président, l'organisme qui était habilité — je ne sais pas si vous avez vu cela dans la loi — à juger, à voir, constater et vérifier si ce travailleur détenait vraiment son certificat de qualification, c'était l'Office de la construction du Québec. Qui, à l'avenir — je voudrais que le ministre en prenne bonne note — pourra déterminer la qualification du travailleur artisan? Il n'est pas un salarié, il n'est pas régi par l'OCQ sauf pour ses avantages sociaux; est-ce que la Régie des entrepreneurs en construction qui est, somme toute, un organisme de contrôle, surtout pour l'octroi du permis, le cautionnement, tout cela, sera habilitée à juger, vérifier et voir si tout est conforme en ce qui regarde la qualification de ce travailleur? C'est possiblement un oubli dans le projet de loi no 110, mais je me dis que c'est tellement grossier, c'est tellement évident, M. le Président, que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre ou ses collaborateurs auraient dû en tenir compte.

M. le Président, j'ai abordé l'aspect du travailleur artisan dans sa relation directe avec le consommateur, celui qui veut faire faire des travaux ou des ouvrages à sa résidence ou autres. Aussi surprenant que cela puisse paraître, M. le Président, ce travailleur artisan — je suis d'accord, d'ailleurs je vous ferai des suggestions, je vous les transmettrai à vous en espérant et en formulant le voeu que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre puisse les entendre, parce qu'il sera toujours temps d'amender, de modifier ce projet de loi; vous savez, on n'est pas sorti d'ici; Noël, c'est le 25, mais il reste encore plusieurs jours d'ici le 25 décembre et, entre parenthèses, on peut présumer que plusieurs jours de la semaine prochaine seront consacrés à l'étude de ce projet de loi 110.

M. le Président, j'en étais à vous dire que je souscris au principe voulant que le travailleur artisan... Qu'il y ait une classe de travailleurs artisans et que ceux-ci puissent travailler directement auprès du consommateur. Mais là, où j'ai

non seulement des hésitations, non seulement beaucoup de réserves, mais où je me pose de sérieuses interrogations, c'est lorsque le gouvernement, le ministre du Travail, nous dit dans un premier temps: Ce travailleur ne sera plus un salarié; ce travailleur, on en fait un groupe, une entité distincte de l'entité syndicale du secteur de la construction; ce n'est pas un salarié. Jusque-là, on peut le suivre. Ce n'est peut-être pas acceptable mais on peut le suivre. Mais là où la surprise arrive, c'est lorsqu'on permet au travailleur artisan d'aller travailler pour autrui pour un employeur professionnel.

Cela veut donc dire que le travailleur artisan pourra, au lendemain de l'adoption de la loi, aller passer quatre ou cinq mois dans la construction résidentielle ou commerciale, à titre individuel, suite à un contrat à forfait ou à un taux de salaire négocié à rabais. Je dis à rabais et j'insiste bien là-dessus. Je vous disais tout à l'heure, M. le député de Prévost, M. le Président, qu'il y a un danger de travail à rabais. Qu'arrivera-t-il quand une personne dans une petite ville voudra se construire une maison et qu'il aura en disponibilité dix travailleurs artisans? Qu'arrivera-t-il lorsque cette même personne en aura besoin seulement de trois? Elle va négocier et elle va dire: C'est bien dommage, un demande $5 l'heure, l'autre va le négocier à $4.25. Ce n'est pas, quant à moi, ce qui peut amener la paix sociale à laquelle le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre faisait référence tout à l'heure. Mais, après ces trois ou quatre mois passés dans un contrat ou une entente avec un individu, ce travailleur pourra aller travailler pour un employeur professionnel. Première question qu'on doit se poser: Comment le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre peut-il justifier son règlement de placement, encore une fois, pour ce travailleur? Quand j'ai vu cela, je me suis dit: Comment va-t-il faire compte tenu de l'application du règlement de placement? On va demander à ce travailleur, parce qu'il s'en va travailler pour un employeur professionnel, d'avoir des heures, d'avoir une classification? Mais non, lorsque l'artisan ira travailler pour un entrepreneur en construction, pour un employeur professionnel, il n'est pas encore un salarié et puis il n'est pas soumis au règlement de placement. Il ne sera pas soumis au règlement de placement. (23 h 50)

Cela veut donc dire que le règlement de placement n'est pas seulement mis à l'écart; il est mis au rancart purement et simplement. Vous pouvez présumer que tout le monde va devenir artisan, tous les "B" et tous les "C", d'ici quelques mois. Il y a plusieurs travailleurs du Québec, qui sont actuellement classés A sur leur certificat de classification émis par l'OCQ depuis le 1er juillet dernier, qui seront, même s'ils sont "A" cette année, artisans l'année prochaine et ce, pour plusieurs motifs; il y a plusieurs posibilités qui peuvent expliquer cet énoncé. Dans un premier temps, il y a plusieurs travailleurs classés "A" actuellement qui n'auront pas accumulé les 1000 heures exigées pour le maintien de leur classification "A".

Il y en a, M. le Président, et ce sont des véritables travailleurs de la construction notamment, pour utiliser un terme qu'on utilisait antérieurement, mais qui semble être mis de côté dans le langage du ministre du Travail. Il y a des gens qui étaient A puis cette année; ils sont revenus de chantiers aussi importants que la baie James avec 750 ou 800 heures et, l'année prochaine, ils seront classés "B". Quel sera leur choix, à ce moment? Il est bien simple, c'est gros comme la lune, ils vont partir et vont s'en aller s'inscrire à la Régie des entrepreneurs en construction, pour grossir le nombre des artisans, lequel pourra négocier le taux de leur salaire le coût de cette main-d'oeuvre, une vente à rabais soit à l'égard d'un individu ou encore pour un employeur professionnel.

Là, M. le Président, si vous le pouviez, vous me poseriez la question suivante: Lorsque l'artisan travaillera pour un employeur professionnel, comment sera-t-il rémunéré? Il sera rémunéré au taux du décret dans ce cas spécifique. Oui, il y a aussi un autre élément que je voulais vous signaler. Quand le ministre me parle de la paix sociale, je me demande jusqu'où il peut être à même de voir, d'appréhender ou de présumer l'application de ce projet de loi.

Qu'est-ce qui arrivera dans le cas de certains employeurs professionnels qui se verront offrir d'embaucher deux travailleurs classés "A" tous les deux? C'est directement sous l'égide de la loi de la paix sociale si chère au ministre du Travail. Si cet employeur professionnel n'est pas intéressé, comme cela peut arriver dans certains cas et ce pour plusieurs motifs, s'il n'est pas intéressé à avoir un travailleur affilié à une centrale syndicale donnée — cela s'est déjà vu et cela peut arriver — qu'est-ce que l'employeur professionnel va faire? Il va se retourner de bord et il va dire non aux personnes qui sont pourtant classées "A", qui sont pourtant de véritables travailleurs de la construction, selon le minnistre du Travail, et il va embaucher des artisans.

J'en étais à vous dire que ce travailleur...

M. Duhaime: M. le Président...

Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire adjoint.

M. Duhaime: ... je voudrais m'excuser auprès de mon collègue de Portneuf, mais dans un souci de collaboration, nous serions prêts à offrir tout de suite notre consentement — puisqu'il lui reste 22 minutes ou 27 minutes à parler — pour...

Des Voix: Non, non, non.

M. Pagé: Ce n'est pas le cas, il ne me reste pas 27 minutes, il m'en reste 33.

M. Duhaime: M. le Président, si vous me le permettez, je vais terminer ma question de règlement.

M. Pagé: C'était mon commentaire. Le deuxième commentaire est que j'accepte volontiers de demander la suspension du débat...

M. Duhaime: Si vous le permettez, M. le Président...

Le Vice-Président: Je dois constater, en toute impartialité, qu'il n'y a pas consentement pour dépasser... Il a été refusé.

M. Johnson: M. le Président, sur cette question. En fait, mon collègue, le leader, étant donné que nous approchons de minuit — on a déjà siégé jusqu'à 3 heures — offrait le consentement du gouvernement au député de Portneuf pour qu'il puisse, dans les 27 minutres qui lui restent, dépasser minuit.

Des Voix: Non, non!

M. Bellemare: Pour aucune considération, M. le Président, en vertu du règlement, c'est minuit samedi matin.

M. Johnson: ... mais, si je comprends bien, c'est le député de Portneuf qui refuse le consentement, qui ne veut pas continuer ce soir; c'est dommage.

Le Président: M. le leader parlementaire adjoint, M. le député de Roberval, un moment s'il vous plaît!

J'avais prévu le problème qui pourrait se poser et je vous dis qu'à minuit, de toute manière, s'il n'y a pas consentement, nous sommes obligés d'ajourner les travaux de la Chambre.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Avant de demander la suspension du débat, j'aimerais que vous confirmiez effectivement... Je comprends que le ministre du Travail peut être nerveux, désireux que cela passe; mais le ministre du Travail à ma connaissance... Et là, c'est sur une question de règlement, ce n'était pas dans mon temps, j'aimerais que vous me disiez combien il me restait de temps avant d'être interrompu de façon aussi cavalière par le député de Saint-Maurice.

Le Président: On m'informe, M. le député de Portneuf, que vous avez commencé à 11 h 22.

M. Pagé: Si vous me permettez, je ne veux pas en faire une question de débat, on est à une minute de l'ajournement.

L'un des éléments qui m'ont un peu dérangé dans mon intervention de ce soir, c'est que l'horloge semblait se promener. Vous avez été conscient vous aussi que l'horloge s'est arrêtée à 10 h 45, a marqué 11 h 10, a reculé à 11 h 5 et a recommencé à 11 h 7. Pendant mon intervention, M. le Président, j'ai l'impression qu'il y a eu un problème d'horloge et, selon ma montre, c'est 33 minutes qu'il me reste.

Le Président: M. le député de Portneuf, j'ai le sentiment que, de temps en temps, vous vous croyez au forum de Montréal. L'horloge, durant votre intervention, s'est promenée, c'est vrai, mais de façon très régulière.

Je prends note que vous avez demandé l'ajournement du débat. M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Duhaime: Avant l'ajournement, M. le Président, je veux tout simplement rappeler à mes collègues qu'il est dommage qu'on ait refusé notre proposition, cela aurait pu être le deuxième film du vendredi soir. Simplement pour rappeler que, lundi matin — je ne fais pas de motion, je donne un rappel tout simplement, par courtoisie pour mes collègues — au salon rouge, la commission de l'agriculture, à 10 heures; au 81-A, la commission travaille sur le projet de loi 114, et la commission permanente du revenu pour étudier la série de lois adoptées cette semaine, dont, entre autres, 67, 51 et 65, et je souhaite à tous mes collègues une bonne nuit.

Le Président: M. le leader parlementaire. M. Duhaime: ... les travaux à lundi, 14 heures.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux à lundi, 14 heures. Pas seulement bonne nuit, mais bonne fin de semaine.

Fin de la séance à 23 h 59

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